Management Transversal de La Marque [PDF]

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Zitiervorschau

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© Dunod, Paris, 2013 Conseiller éditorial : Christian Pinson

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ISBN 978-2-10-059967-7

Remerciements

Mes premiers remerciements vont aux dix-huit auteurs de cet ouvrage avec qui les échanges, les discussions et le partage d’idées ont été d’une richesse remarquable. Je tiens également à remercier plus largement toute l’équipe de la Chaire « Marques & Valeurs » de l’IAE de Paris (université Paris I Panthéon-Sorbonne) et tous ses membres affiliés pour sa dynamique de groupe stimulante. Un grand merci tout particulier à Jean-Pierre Helfer qui a su m’apporter ses meilleurs conseils.

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Enfin, je remercie chaleureusement les entreprises partenaires de la Chaire « Marques & Valeurs » et plus généralement toutes les entreprises qui nous ouvrent leurs portes, nous donnant accès à des terrains de recherche féconds qui nourrissent nos réflexions.

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Un grand merci à Christian Pinson qui m’a éclairée dans l’écriture de cet ouvrage, et enfin mille mercis à Marie-Ève Laporte et Rania Kthiri qui ont été d’une aide attentionnée, précieuse et efficace, pour la finalisation de cet ouvrage.

Les auteurs

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Sylvie Benoliel-Claux, avocat au barreau de Paris, est spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, et exerce sa profession dans un cabinet de niche dédié au contentieux du droit des marques, des dessins et modèles et des brevets d’invention. Sylvie Benoliel-Claux assiste et conseille des entreprises confrontées à des problématiques de contrefaçon. Diplômée du CEIPI (Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle), de l’ESCP (mastère de Juriste d’affaires internationales) et d’un Master de Propriété intellectuelle, elle dirige au sein de l’APRAM (Association des Praticiens du droit des marques et des modèles) une commission dédiée aux marques, et elle est également l’auteur d’articles sur le sujet dans des revues spécialisées.

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Fabienne Berger-Remy a exercé des responsabilités en marketing et en management en grande consommation chez Miko et SCA Hygiene Products en France et à l’étranger. Elle est aujourd’hui maître de conférences associée à l’IAE de Paris et chercheur au sein de la chaire « Marques & Valeurs ». Ses recherches portent sur les pratiques opérationnelles et managériales de la gestion des marques et sur le concept d’identité de marque. Elle enseigne la gestion et la communication de marque en master, et intervient également en formation continue auprès de cadres en activité. Édouard Chastenet, expert de justice auprès de la cour d’appel de Lyon, professeur associé à l’IAE de Lyon, université Jean-Moulin de Lyon 3, il exerce le métier d’expert en évaluation d’entreprises et de marques. Il publie régulièrement des articles consacrés à cette pratique. Ses recherches portent sur les méthodes d’évaluation d’entreprises et de marques et l’utilité des données comptables du point de vue de l’évaluation. Il enseigne la comptabilité, la communication et l’évaluation financières en master, et intervient également dans le cadre de programmes de formation continue. Delphine Dion est maître de conférences à l’IAE de Paris, université Paris 1 - Panthéon Sorbonne où elle dirige le master Marketing et pratiques commerciales en apprentissage. Ses recherches portent sur la culture de consommation. Elle étudie notamment les stratégies des marques régionales et les marques de luxe. Delphine Dion a publié plusieurs ouvrages, chapitres d’ouvrage et articles scientifiques dans des revues nationales et internationales. Ses recherches ont été primées à plusieurs reprises. Elle a notamment reçu le prix du meilleur ouvrage de marketing de l’Académie des sciences commerciales pour « À la recherche du consommateur ».

Anne-Laure Farjaudon, maître de conférences à l’université Paris Dauphine, ses travaux portent notamment sur le contrôle de gestion de l’immatériel et en particulier le pilotage des marques. Elle a récemment publié un article sur « Les enjeux de la valorisation des marques », dans L’État des entreprises 2013. Elle a également publié différents articles traitant du cas des marques dans les revues nationales et internationales. Nathalie Fleck est professeur à l’université du Maine. Après avoir exercé des responsabilités marketing en entreprise, elle s’intéresse à la gestion et à la communication de la marque. Nathalie Fleck a publié de nombreux articles dans des revues internationales. Elle a également adapté en français l’ouvrage Management Stratégique de la Marque de K. L. Keller. Elle enseigne le comportement du consommateur et la communication en master et dans des programmes spécialisés.

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Bastien Gave a une grande expérience commerciale et marketing dans le secteur des médias audiovisuels. Il a notamment, au sein du groupe audiovisuel Telfrance, dirigé le département de Branded Content en charge des politiques de licence de marques et de placement de produits. Diplômé du Master Recherche de l’I.A.E. de Paris et du MBA « Management Communication Sociétés » du CELSA, il suit le programme doctoral de l’IAE de Paris depuis 2011. Ses recherches portent sur les comportements de défense des salariés.

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Margaret Josion-Portail, après avoir participé à la création du premier panel distributeurs scannérisé français, InfoScan, a exercé des fonctions conseil marketing/vente auprès de grandes marques du secteur de la grande consommation chez SymphonyIRI, en France et à l’international. Depuis 2009, elle s’est tournée vers l’enseignement et la recherche, et enseigne le marketing en école de commerce et à l’université. Ses travaux portent sur la consommation familiale, l’enfant consommateur, et la transmission intergénérationnelle des pratiques de consommation. Elle est diplômée de l’EDHEC et du M.S. Marketing Management de l’ESSEC. Éric Julienne est maître de conférences à l’université d’Évry-Val-d’Essone, et ancien cadre de Hewlett-Packard, ses travaux portent sur la relation entre le consommateur et la marque, et plus spécifiquement sur les questions de la fidélité et des stratégies de fidélisation. Il a publié plusieurs articles dans des revues et congrès internationaux et contribué à l’ouvrage collectif Stratégie Clients. Marie-Ève Laporte est attachée de recherche auprès de la Chaire « Marques & Valeurs » à l’IAE de Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Après une carrière dans l’industrie agroalimentaire dont 11 ans comme directrice internationale marketing et qualité, Marie-Ève Laporte a choisi de se consacrer à l’enseignement et à la recherche. Ses travaux concernent la perception de risque alimentaire, la responsabilité des marques dans l’alimentation des consommateurs, la gestion des marques dans l’entreprise. Elle enseigne le marketing en école de commerce et d’ingénieur ainsi qu’à l’université.

Christophe Lelieur, avocat, titulaire d’un DESS de Juriste d’affaires, d’un DEA de droit comparé et diplômé du Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle, conseille et assiste les agences et les entreprises dans la création de nouvelles marques, notamment pour l’acquisition des droits et leur défense au niveau international. Christophe Lelieur a travaillé auparavant en tant que juriste au département des marques de Sanofi et de Nestlé en charge de la gestion de portefeuilles mondiaux de marques et du conseil des business units. Michaela Merk a occupé pendant 15 ans des postes de direction chez L’Oréal, Marionnaud/AS Watson et Estée Lauder. Elle dirige aujourd’hui l’agence de conseil en stratégie marketing et retailing, Merk Vision & Partners. Michaela Merk est docteur en sciences de gestion de l’IAE de Paris. Ses travaux portent sur les relations entre vendeurs et marques dans l’industrie du luxe et des environnements de distribution multimarque. Elle enseigne le marketing international, la stratégie de distribution multicanale et le marketing des marques de luxe dans de nombreux programmes en France et à l’étranger. Elle a contribué à la publication des livres Marketing Management International Perspectives et Les Fondamentaux du management.

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Géraldine Michel, professeur en marketing à l’IAE de Paris, université Paris1 PanthéonSorbonne, est directrice de la chaire « Marques & Valeurs ». Spécialiste depuis plus de 15 ans, elle intervient auprès des entreprises sur les problématiques de marques et enseigne le management de la marque en France et à l’étranger. Auteur de deux ouvrages sur la marque dont Au cœur de la marque aux éditions Dunod, Géraldine Michel a également publié de nombreux articles dans des revues internationales. Ses recherches ont été primées à plusieurs reprises. Elle a notamment reçu le prix du meilleur article de marketing de Syntec Conseil en Management. Éric Pezet, professeur de gestion des ressources humaines et de théorie des organisations à l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense, est directeur du Master de Gestion stratégique des ressources humaines, directeur du Centre d’études et de recherche sur les organisations et la stratégie (CEROS), membre du directoire de Paris Research in Norms Management and Law (PRIMAL). Ses travaux portent sur le gouvernement des organisations. Il a dirigé l’ouvrage Management et conduite de soi. Enquête sur les ascèses de la performance. Anne Pignault est maître de conférences en psychologie du travail à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense et membre du groupe de recherche PRIMAL. Elle conduit des études sur les outils d’aide à l’analyse de l’expérience, la construction et l’évolution des carrières et trajectoires professionnelles et le transfert de compétences. Elle réalise également différentes recherches sur l’impact du travail ou du chômage sur la santé et s’intéresse aussi aux « nouvelles » valeurs de travail. Divers articles, chapitres d’ouvrages ou actes de colloques internationaux ont été publiés sur ces travaux. Fanny Poujol est maître de conférences à l’ISEM de l’université Montpellier 1 et chercheuse

associée à l’INSEEC Paris. Elle travaille sur la gestion des ressources humaines commerciales et la gestion de la relation client. Elle s’intéresse à la qualité du service du point de vue interne. Ses recherches ont été publiées dans de nombreuses revues internationales. Elle est également auteur d’un chapitre sur le recrutement dans l’ouvrage Sales Management - A multinational perspective. Elle enseigne le management commercial, le marketing et le management de la marque. Sophie Rieunier est maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l’IAE de Paris, université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Ses recherches portent sur l’impact des émotions en marketing. Spécialiste de marketing sensoriel, elle a coordonné l’ouvrage « Le marketing sensoriel du point de vente » aux éditions Dunod (4eme édition parue en 2013) et a publié de nombreux articles sur ce sujet.

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Nathalie Veg Sala, Maître de conférences à l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense, consacre ses recherches à la gestion de la marque et plus particulièrement à l’étude du potentiel d’extension des marques et à la gestion des marques de luxe. Ses travaux ont donné lieu à des publications d’articles dans des revues internationales. Responsable d’une Licence Professionnelle, Nathalie Veg-Sala enseigne le marketing stratégique et opérationnel et dispense un cours de gestion de la marque à des formations spécialisées.

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Élisabeth Walliser est maître de conférences à l’université de Montpellier I. Ses travaux portent sur différents aspects du capital immatériel, et des marques en particulier. Ses recherches se consacrent également au processus de normalisation comptable sur le plan national et international. Elles ont donné lieu à des publications dans des revues académiques et professionnelles. Elisabeth Walliser est également l’auteur d’un ouvrage « La mesure comptable des marques » et a récemment co-dirigé un ouvrage collectif « Le capital immatériel : un défi pour les comptables et les managers ». Ses travaux ont été primés, elle a notamment obtenu le prix de thèse de l’Association Francophone de Comptabilité.

Preface

L’économie du social et du relationnel qui se structure au niveau mondial et sur tous les marchés impose la réflexion et le remaniement des modèles de marque : le concept même de gestion BtoC de la marque ou de management unilatéral « stimulus-réponse » de la marque devient quelque peu dépassé. Les stratégies de customer centricity s’installent. Plutôt que de pousser une marque sur le marché, elles consistent à générer un univers d’expériences de vie entre le consommateur et la marque, qui créent des relations plus fortes, durables, de la loyauté, de la customer lifetime value, porteuse de valeur à moyen terme.

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Cet ouvrage prend naturellement sa place dans la formation de ce changement profond des modèles de marque, tant sur le plan de la gestion que de la stratégie d’entreprise et de l’organisation. La transversalité des modèles de marque qui y est développée est clef dans cette nouvelle vision : l’articulation de la marque entre les clients, les salariés, les citoyens présente un point commun : l’humain (human centricity) qui je pense reflète une vision avancée du « nouveau » marketing. Voici donc un ouvrage qui permet à tous de cadrer la pensée et l’action sur la marque dans le sens de la valeur humaine. Un ouvrage moderne, pratique et stratégique, orienté vers le futur. Helen Zeitoun Directrice Monde chez GfK de la SBU « Brand and Customer Experience » La banque, industrie de service, est confrontée à la question du management de la marque bien autant si ce n’est davantage que de nombreux autres secteurs. La prospection d’abord, la fidélisation ensuite, des clients repose sur la confiance. Celle-ci se nourrit de l’ensemble des énergies déployées par toutes les équipes, du front office au back office, et bien évidemment elle s’enracine dans les efforts consacrés à la marque. Si l’on imagine – de nombreuses banques ont connu ce mouvement – que les fusions, récentes comme anciennes, ont fait florès dans le milieu bancaire, on comprend encore mieux pourquoi la marque ou les marques et leur architecture au sein d’un même groupe, sont à l’heure actuelle au cœur des problématiques marketing. De ce fait la marque est tout à la fois le résultat des décisions antérieures et un formidable levier

de changement pour le futur. Nombreuses sont les actions faisant de la marque un accélérateur du succès : se donner l’ambition de faire évoluer sa position dans l’esprit des clients, vouloir mobiliser les personnels en interne autour de valeurs fortes, devenir un acteur essentiel dans l’univers de coopération/compétition au sein d’un même groupe. On l’aura compris, dans « management transversal de la marque » c’est le terme magique « transversal » qui procure toute l’originalité à cet ouvrage. Constellation aux milles étoiles, guirlandes aux centaines de feux, la marque apporte aujourd’hui aux marketeurs, aux consultants, aux juristes, aux financiers, aux gestionnaires des ressources humaines, aux stratèges son appui décisif. C’est cette conviction, cette vision élargie de la marque que revendique cet ouvrage de la chaire « Marques & Valeurs » de l’IAE de Paris. Cédric Mignon Directeur communication, image et sponsoring de la Caisse d’Epargne

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Le marketing doit être envisagé comme un dialogue structuré et outillé entre une entreprise (ses produits, ses services, ses projets, ses compétences…) et ses clients (actuels ou futurs), ses salariés et toutes les parties prenantes. La richesse, là comme ailleurs, viendra de l’échange. La marque y joue un rôle essentiel en codifiant ce dialogue. Elle véhicule les signes de l’entreprise. Votre marque parle pour l’entreprise avant que vos clients n’aient testé vos produits ou vos services. Comprendre ce que votre marque raconte au client est donc absolument essentiel. S’assurer qu’il n’y a aucune dissonance entre les symboles portés par votre marque et l’histoire que vous souhaitez partager avec vos clients est au cœur des questions marketing. Construire ou modifier la notoriété et la personnalité des marques est un enjeu de moyen-terme pour tous les directeurs marketing. Premier instrument du dialogue, la marque doit contribuer à définir, structurer l’action de l’entreprise. À ce titre, elle doit être portée par l’ensemble des acteurs et, au final, guider l’action. C’est pour cela que le management de la marque ne peut être que transversal. En ce sens, ce livre est précieux. Il évite en effet les deux écueils classiques : le jargon académique peu opérant, d’une part, et les conseils simplistes décontextualisés, d’autre part. En multipliant les angles d’approche, il aborde de façon globale ce thème souvent morcelé. Au fond, il met en évidence, en ces temps de crise, le levier puissant que constitue la marque, au-delà même des sphères de l’entreprise. Sébastien Jumel Directeur marketing du marché des particuliers d’EDF Pour l’agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE), les marques des entités publiques sont des actifs précieux qui peuvent utilement contribuer à la performance de l’action publique. L’agence

promeut ainsi de nouvelles approches adaptées à l’environnement, aux missions et aux valeurs du secteur public. Or, se pencher sur l’utilité de la marque dans la sphère publique invite à dépasser la vision marchande de la « marque-qui-fait-vendre » pour mieux redécouvrir la « marque-qui-donne-sens ». Cette fonction primordiale de la marque est au cœur de cet ouvrage très complet qui propose une approche renouvelée et met en exergue l’apport structurant de la marque au sein des organisations. Il offre en cela une perspective qui intéresse aussi bien la sphère privée que la sphère publique. Il rejoint les travaux de l’APIE, qui conçoivent la marque comme un levier de pilotage au service de l’action publique : la marque place l’usager au cœur des préoccupations, inspire de nouveaux services, rend la communication plus lisible et motive les personnels, contribuant ainsi à la modernisation de l’État Danielle Bourlange Directrice générale de l’APIE (Agence du patrimoine immatériel de l’État)

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Au sein de l’univers des produits de grande consommation, l’association Prodimarques promeut depuis son origine en 1987, les valeurs et engagements des Grandes Marques de fabricants, leurs fonctions économiques, sociales, culturelles et leur contribution à la collectivité. Souvent annoncée, la disparition de la marque ne s’est néanmoins pas produite ; plus encore, la marque n’a probablement jamais été aussi présente qu’aujourd’hui dans la société civile. Dans l’esprit de certains, tout serait même devenu marque : une ville, une région, un monument, une personnalité politique, artistique ou sportive. Les Grandes Marques de fabricants incarnent, aux yeux des consommateurs, savoir-faire, qualité supérieure, plaisir et attachement émotionnel, et surtout innovation, le vrai moteur de développement des marchés. Depuis toujours, La Revue des Marques, éditée par Prodimarques, s’est attachée à rappeler la nécessité d’une gestion multidimensionnelle de la marque avec une réflexion élargie qui intègre les différents aspects de la marque : stratégie, études, marketing, communication, design, finances, ressources humaines, juridique. Cet ouvrage collectif montre donc de façon utile et pertinente l’évolution actuelle vers une plus grande transversalité dans le management de la marque : la marque doit être considérée aujourd’hui comme la synthèse des compétences de l’entreprise. Gilles Pacault Vice-président délégué de Prodimarques

Introduction

Repetto, sept petites lettres qui sont associées à une entreprise de 300 salariés et 70 millions

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d’euros de chiffres d’affaires, mais représentent aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, la marque des meilleurs chaussons de danse au monde. Pourtant, en 1999 l’entreprise était au bord de la faillite et la marque n’évoquait pas grand-chose pour les consommateurs. Que s’est-il donc passé ? En une dizaine d’années, un homme, Jean-Marc Gaucher, s’est donné le défi de transformer Repetto en une marque mondiale, tout en continuant à fabriquer les meilleurs chaussons de danse au monde. Comme beaucoup de repreneurs d’entreprises en difficulté, il a tout d’abord cédé les activités non rentables, comme d’autres encore, il a investi en communication pour faire découvrir les produits et faire connaître la marque. Mais à la différence de beaucoup d’autres, il a placé la marque Repetto et toutes ses valeurs au cœur de la stratégie de l’entreprise. Totalement ancrée dans la tradition de la danse, la Maison Repetto inaugure son école de formation en Dordogne. L’objectif est d’intégrer la formation de l’ensemble des salariés des ateliers Repetto ainsi que celle des 150 nouveaux salariés sur les métiers du cuir afin de transmettre un savoir-faire unique celui de la confection d’une ballerine en « cousu retourné » dans son intégralité. En même temps, Repetto s’associe avec l’Université Technologique de Compiègne afin d’élaborer un chausson « révolutionnaire ». L’alchimie du succès s’appuie sur cette alliance entre l’authenticité et le renouveau. On voit bien ici comment l’idéologie de la marque imprègne l’entreprise tout entière en devenant un guide stratégique qui permet de développer de nouvelles collections. Sacs, ballerines, chaussures à talons, vêtements et parfums totalement inspirés du monde de la danse font, aujourd’hui, vivre la Maison Repetto. Exalter ses origines tout en se rénovant en permanence n’est possible que si la marque est placée au cœur de l’entreprise. C’est-à-dire lorsque la marque n’est pas uniquement considérée comme un outil commercial tourné vers les clients mais comme un outil stratégique porteur de sens qui permet de mobiliser les collaborateurs de l’entreprise et permet de positionner les projets autour de valeurs communes. Cette approche d’un management transversal de la marque, le groupe Légo l’a également mis en application depuis 2004, lorsque Jorgen Vig Knudstorp, premier dirigeant à ne pas être membre de la famille danoise, est devenu directeur général de l’entreprise. En grande difficulté à la fin des années 1990, à cause d’une diversification ratée, le groupe est revenu à l’idéologie initiale de la marque Lego « inciter les enfants à explorer et développer leur potentiel

créatif ». Son produit emblématique, la brique née en 1958, est remis à l’honneur. Encore une fois, la formation des salariés est mise au premier plan, construite autour des métiers clés qui traduisent au mieux les valeurs de créativité et de jeu de la marque. L’alchimie entre l’idéologie de la marque et le renouveau continu des produits est une grande réussite. Les séries Star Wars, Lego City, Indiana Jones et aujourd’hui la collection Lego Friends, destinée aux filles, sont de francs succès. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, la marque fédère et inspire une large communauté. L’association « FreeLUG » transmet toute la passion, des fans de Légo, pour l’assemblage de briques et pour cet univers de construction qui séduit petits et grands. Grâce à ce management transverse autour des valeurs communes de la marque, on comprend comment la marque fait sens et donne corps aux projets en interne et donne du sens à l’externe en proposant tout un univers de créativité.

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Ces exemples mettent en lumière la fonction stratégique et le rôle transversal de la marque dans l’organisation. La marque est ici un objet symbolique qui permet de positionner les projets autour de valeurs partagées. Malgré leur statut de capital immatériel essentiel à l’entreprise, les marques sont adulées par certains et décriées par d’autres. Elles sont anges et démons à la fois[1]. Pourquoi tant d’émotions contradictoires associées aux marques ? On ne peut pas rester indifférent à cet objet idéologique. Pour rentrer au cœur de ce symbole des sociétés contemporaines, un détour linguistique et historique s’avère nécessaire.

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En anglais, brand prend son origine dans le vieux français brandon, désignant une torche de paille destinée à éclairer ou mettre le feu. Ce mot a donné naissance au terme branding, qui signifie « marquer le bétail au fer rouge » pour identifier et différencier les différents élevages d’animaux. « C’est remarquable », « savoir se démarquer », « marquer son époque », autant d’expressions dans le langage commun qui sont construites à partir du même radical « marque » et qui font référence à cette capacité d’identifier et de différencier les choses. Les sceaux ou les signes lapidaires[2] utilisés au Moyen Âge jouaient un rôle d’authentification des objets, fort utile pour garantir l’origine du produit. Cette fonction est celle de la marque au XIVe siècle, alors signe de propriété (« c’est à moi »). Au XVIIe siècle, l’apparition des armoiries qui signent graphiquement un territoire constitue l’ébauche des premiers logos de marques. Vers le XIXe siècle, la marque est devenue un outil de clarification par rapport à la vente des produits en vrac. C’est la naissance des premières marques que nous connaissons aujourd’hui. Ainsi, Meunier est la première marque de chocolat à avoir emballé le chocolat en tablette. Au XXe siècle, les marques deviennent des outils de différenciation pour se démarquer des concurrents et pour mieux parler à sa cible (« c’est pour vous »). Les marques prennent leur envol et deviennent les symboles au cœur de la société de consommation[3]. Enfin, les marques telles que nous les connaissons aujourd’hui dépassent le marketing[4]. La marque du XXIe siècle, en tant qu’objet socialement construit et partagé par l’organisation et ses parties prenantes, devient un objet symbolique qui

donne du sens à une multitude d’acteurs (consommateurs, citoyens, collaborateurs, distributeurs, etc.). Elle donne du sens, car elle donne une vision (une direction), une signification (du contenu) et des sensations (des émotions), en un mot la marque fait – moralement, psychologiquement, physiquement – ressentir les choses[5]. Les entreprises qui se contenteraient de penser la marque comme un outil commercial sans la traduire et la faire vivre dans les différents départements de l’organisation prennent le risque d’étioler l’imaginaire collectif de la marque et d’amoindrir son pouvoir de conviction. Que penser de nombreuses marques qui adulées par leurs clients sont décriées par leur salariés ? Sont-elles pensées, gérées sur des logiques de croissance pérenne ? Comment, par exemple, évoluera la marque Nespresso qui certes est plébiscitée sur le marché du café haut gamme, depuis des décennies, mais dont les salariés diffusent des remarques négatives sur Internet, concernant leur méthode de management ?

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Ce livre est donc consacré à une nouvelle vision de la marque, plus globale, plus intégrée, plus transversale. Cet ouvrage cherche à explorer la marque sous toutes ses facettes pour mieux appréhender ce guide stratégique qui concerne tous les départements de l’entreprise bien au-delà du marketing.

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■ Pourquoi avoir écrit ce livre ?

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Qu’on le veuille ou non, la marque se positionne aujourd’hui au-delà de l’outil commercial dans la société contemporaine et dans les organisations. Il existe des marques plus ou moins utiles, mais les critères pour évaluer l’utilité des marques ne sont pas uniquement ceux des parts de marchés, de la notoriété, des niveaux de marges obtenus. Au-delà des critères quantitatifs, ce qui nous intéresse ici, c’est bien la capacité de la marque à faire avancer et rendre pérenne tout type d’organisation, en donnant du sens aux différents acteurs qui la constituent, c’est-à-dire à la fois à l’interne et à l’externe. C’est quand la marque est au cœur de l’entreprise ou de l’organisation qu’elle peut apporter un sens à l’action, une vision à long terme et des sensations qui permettent de fédérer les individus autour d’un même objectif. La marque, en devenant un fil rouge dans l’organisation, favorise cette capacité à penser à long terme et devient un levier de l’innovation. Car bien que l’innovation se fonde sur la diversité et la gestion des talents, il est également essentiel d’inscrire l’innovation autour d’un sens commun qui guide à long terme les acteurs d’une organisation. Cet ouvrage a été pensé dans une volonté de décloisonner le management de la marque dans les organisations, car cela favorise l’innovation et donc la pérennité des entreprises. ■ À qui s’adresse ce livre ?

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Ce livre s’adresse aux étudiants de niveau master et aux professionnels en activité dans l’entreprise : Pour les étudiants, cet ouvrage apporte une vision complète et accessible du management de la marque. C’est une somme de connaissances appliquées et inédites pour mieux comprendre pourquoi une vision transverse de la marque est essentielle pour assurer la pérennité des organisations. Les étudiants trouveront de nombreuses applications et exemples dans des secteurs très variés qui leur permettront d’assimiler au mieux ces nouvelles connaissances. Pour les professionnels, cet ouvrage permet d’intégrer les différentes facettes de la marque dans les différents départements de l’entreprise. Tout au long de la lecture, les professionnels trouveront les leviers du management transversal de la marque qui intègrent la vision stratégique, le management des hommes, les politiques marketing, l’évaluation des performances financières de la marque et enfin les protections juridiques de la marque. Ce livre apporte aux professionnels une nouvelle approche de la marque qui leur permettra de construire des marques utiles. C’est-à-dire des marques qui font sens et donnent sens aussi bien en interne qu’en externe, parce qu’elles portent des valeurs qui s’impriment dans l’imaginaire collectif et sont susceptibles de guider les organisations petites et grandes – un brandon qui éclaire… Ce livre est donc différent des autres ouvrages sur la marque car ici le lecteur trouvera les principaux éléments pour gérer la marque de façon plus intégrée et plus globale. Au fur et à mesure de sa lecture, le lecteur découvrira comment la marque créatrice de valeur pour le consommateur est également un outil créateur de valeur pour le salarié et finalement pour l’entreprise. Cet ouvrage offre également l’opportunité aux lecteurs d’établir des passerelles entre les différents départements d’une organisation et entre ses différents acteurs qui doivent tous être en lien avec la marque à tous les niveaux de l’organisation. ■ Comment ce livre est-il construit ?

Dans l’objectif de présenter des outils inédits pour le diagnostic, le développement et le décloisonnement de la marque dans les organisations, cet ouvrage respecte quatre grands principes : Diffusion de nouvelles connaissances sur la marque en présentant des études inédites. Pédagogie en clarifiant les concepts, en présentant des outils pour les décideurs. Multidisciplinarité en croisant différents points de vue d’experts en stratégie, marketing, ressources humaines, contrôle de gestion, finance ou droit, en vue de constituer un carrefour d’idées sur la marque et son management. Diversité en analysant des marques de différents secteurs d’activité B to C ou B to B[6], à forte notoriété ou plus confidentielles. Ce livre s’articule autour de cinq parties. La première partie « Fabriquer la marque dans les organisations » s’attache à présenter les ingrédients essentiels à la construction de marques, tels que l’identité de marque et le processus de légitimation des marques. Puis cette partie montre l’importance des processus de fabrication

formels et informels dans les organisations. Il permet d’identifier des acteurs internes spécifiques dans le développement des marques, tels que les brand champions. La deuxième partie « Manager les hommes par la marque » montre comment la marque crée de la valeur pour les salariés, tout d’abord en analysant les relations qui se tissent entre le salarié, l’entreprise et la marque corporate. La richesse de ces liens est ensuite éclairée par la stratégie de marque employeur, qui au-delà de sa mission d’attractivité pour les salariés se construit autour de la relation au travail. Enfin, le cas spécifique de la relation qui se noue entre les vendeurs et la marque de l’entreprise met en lumière le rôle déterminant de cette relation dans la motivation des équipes commerciales.

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La troisième partie « Faire vivre la marque auprès des consommateurs » explique comment la marque crée de la valeur pour les consommateurs, en décryptant les différents modes d’expression de la marque puis en présentant les outils les plus pertinents pour mesurer l’image de marque. Le concept de capital-marque est ici développé, ainsi que la relation consommateur – marque (Consumer Brand Relationship). Enfin, cette partie montre comment les stratégies de marque les plus utilisées aujourd’hui, telles que l’extension de marque et le co-branding, trouvent leurs raisons dans l’identité de marque mais aussi dans la meilleure compréhension du vécu du consommateur avec les marques.

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La quatrième partie « Évaluer la marque » montre comment la marque crée de la valeur pour l’entreprise et explique les méthodes d’évaluation les plus pertinentes. Cette partie s’attache tout d’abord à présenter la marque dans les comptes de l’entreprise en expliquant les principales règles de cette comptabilisation. Les différentes méthodes d’évaluation financière des marques sont alors développées pour ensuite montrer l’influence de cette évaluation sur le pilotage des marques dans les organisations. La cinquième partie « Protéger et défendre la marque » révèle comment les outils juridiques permettent de protéger et défendre ce capital immatériel, qui comme on l’a vu crée de la valeur pour le salarié, le consommateur et l’entreprise. Cette partie clarifie tout d’abord la spécificité du droit des marques par rapport aux autres droits de propriété intellectuelle et explique comment déposer une marque. Dans un second temps, cette partie permet de mieux comprendre comment une entreprise peut protéger d’autres signes distinctifs comme les couleurs, les formes et les slogans. Cette partie s’achève par la question de la contrefaçon, afin d’avoir en main les principaux outils de protection et de défense de la marque face à ce non-respect du droit des marques. Bonne lecture ! Géraldine Michel Professeur à l’IAE de Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Directeur de la chaire de recherche « Marques & Valeurs » [1]

Gilles Déléris et Denis Gancel, Ecce logo, 2011

[2]

Le Signe de Tâcheron est le signe distinctif que chaque tailleur de pierres devait graver sur une des faces de la pierre taillée afin que le chef de chantier put vérifier la qualité de son travail et dénombrer la quantité de pierres équarries pour le payer en conséquence. [3]

Baudrillard, Le Système des objets : la consommation des signes, éd. Gallimard, 1968.

[4]

Kapferer, Réinventer les marques, éd. Eyrolles, 2013.

[5]

Delastic A., Une approche philosophique du sens des valeurs. Se transformer soi-même pour transformer le monde ? , Qualitique n°238, Novembre 2012

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Business to Consumer ou Business to Business

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[6]

Partie

1

Fabriquer la marque

Chapitre 1 L’identité de la marque Chapitre 2 La légitimité et légitimation des marques

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Chapitre 3 La marque, levier stratégique de l’entreprise

Dans la plupart des ouvrages qui lui sont consacrés, la marque est généralement abordée par le

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biais de l’identité de marque puis étudiée comme un objet commercial dont les effets sur les marchés et les consommateurs sont disséqués. La première partie de cet ouvrage a pour ambition de remonter le temps et d’étudier de façon beaucoup plus approfondie comment les marques sont fabriquées et en quoi la marque détient un rôle stratégique dans les organisations. Le premier chapitre est consacré au concept d’identité de marque qui représente le contenu de la marque défini comme tel par l’organisation. L’originalité de ce travail est de revisiter les outils classiques d’identité de marque, pour structurer ce concept autour de quatre dimensions inédites : Idéologie, Personnalité, Signes, Emblème (IPSE). Fort de ce cadre structurant le chapitre propose un mode d’emploi opérationnel. Le chapitre suivant s’attache à montrer que la définition de l’identité de marque n’est pas suffisante pour véritablement asseoir la légitimité de la marque sur les marchés. L’idée d’action est centrale dans la construction de l’identité de marque et de sa légitimité. La légitimité va au-delà de la notion de preuve de l’identité : elle est aussi là pour forger l’identité. Ce chapitre montre que l’élément clé de cette construction identitaire de la marque est l’action, c’est-à-dire la façon dont la marque acquiert du pouvoir et de l’autorité sur les marchés. Le troisième chapitre dévoile en quoi la marque est un véritable levier stratégique de l’organisation en représentant un élément moteur de l’innovation et en jouant un filtre stratégique dans la décision. On comprend ici l’importance des processus informels et le rôle déterminant de

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certains acteurs comme les brand champions dans la construction de la marque. Mais surtout ce chapitre révèle la façon dont la marque peut être positionnée au cœur de l’organisation afin d’inscrire cette dernière sur le long terme avec une vision structurante fondée sur l’idéologie de la marque.

Chapitre

1

L’identité de la marque Fabienne BERGER-REMY

OBJECTIFS

SOMMAIRE

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Qu’est-ce que l’identité d’une marque ?

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Clarifier et approfondir le concept d’identité appliqué aux marques. Savoir utiliser les différents modèles utilisés pour représenter l’identité de la marque. Proposer un mode d’emploi opérationnel de la construction de l’identité de marque.

Comment formaliser l’identité des marques ?

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Comment opérationnaliser l’identité de marque ?

Une bonne gestion des marques implique en premier lieu une compréhension fine de ce qu’est la marque et de ce qu’elle peut dire et faire. Le jargon de métier est prolixe à ce sujet : on parle d’essence, d’ADN, de plate-forme, ou de fondamentaux de marque, pour désigner un ensemble de questionnements que l’on peut regrouper sous la notion d’identité de marque. La première partie de ce chapitre est consacrée à une clarification et un approfondissement du concept d’identité appliqué aux marques. La deuxième section passe en revue les différents modèles utilisés pour représenter l’identité de la marque. Enfin, la troisième section est consacrée à l’utilité du concept pour l’entreprise, et à une proposition de mode d’emploi opérationnel.

Section 1

QU’EST-CE QUE L’IDENTITÉ D’UNE MARQUE ?

L’identité est un concept fondamental des sciences sociales. L’identité d’un individu, c’est une réponse complexe à la question : qui suis-je ? Par anthropomorphisme, et puisque l’on prête à la marque une condition quasi humaine – elles sont dotées d’une personnalité, d’un physique, etc. – la notion d’identité s’est étendue aux marques pour mieux comprendre leur caractère unique et permanent dans le temps.

1 Les fondements de l’identité…

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L’identité est une notion centrale en philosophie qui fait l’objet de nombreux débats depuis l’Antiquité et le « Connais-toi toi-même » de Socrate. Les fondements du concept d’identité sont à rechercher chez les philosophes grecs de l’Antiquité, Aristote, Platon et Parménide, qui posent l’identité comme un principe de logique qui veut qu’un individu est distinct d’un autre, et reste le même au cours du temps.

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D’autres auteurs vont définir l’identité comme une fiction, une construction de l’imagination rendue possible par des perceptions constantes et cohérentes. L’identité serait une fiction produite par l’homme – donc, pour Hume [10][1], une illusion. Ricœur [18, 19] va aller au-delà des oppositions entre logique et fiction, en posant que l’identité est une narration, et en séparant dans la notion d’identité ce qui est de l’ordre du même (quelque chose de statique, un ensemble de caractéristiques, un « noyau dur » qui résiste au temps) de ce qui est de l’ordre du soi (un être en devenir, une promesse, une ouverture au changement, à l’autre).

Focus 1.1 Identité n’est pas unicité : la métaphore du bateau de Thésée Si on se limite à décrire les différences entre deux objets, on est dans l’unicité, le caractère de ce qui est unique, qui n’est pas encore l’identité. On touche là toute la complexité de la notion : si l’on compare les caractéristiques (physiques, intellectuelles…) d’un homme à différentes étapes de sa vie, elles sont a priori très différentes entre le moment où il est un nouveau-né et celui où il est un vieillard. Et pourtant, il s’agit bien de la même personne, distincte des autres.

Paradoxe de l’identité, qui est toute entière dans la célèbre métaphore du bateau de Thésée. Le navire en question, très sollicité, a souvent besoin d’être réparé. Au fur et à mesure, chaque planche endommagée est remplacée par une autre, neuve. À la fin, il ne reste plus aucune planche d’origine. Est-ce toujours le bateau de Thésée ? Au XIXe siècle, les psychologues sociaux vont replacer l’identité dans le cadre du social. L’identité est mue par deux forces contraires : la recherche d’une place spécifique dans l’espace collectif, qui permet à l’individu de se singulariser, de se différencier, et en même temps la signification de son appartenance à un groupe social. Ce conflit est nécessaire et fécond : il permet à la fois l’ajustement à une situation donnée dans le présent, et la transformation du futur. Autrement dit, il permet à l’individu de s’adapter aux changements sans y perdre son âme. Ces deux dimensions sont tout à fait structurantes pour mieux comprendre le fonctionnement de l’identité des marques. La marque est à la fois « je » sujet – les attributs de la marque, la vision de la marque – et « moi » objet social – le produit des interactions avec les différentes audiences de la marque.

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Le marketing s’est ensuite emparé du concept d’identité, en empruntant un chemin différent car tourné vers la perception de l’organisation par les publics externes (clients, consommateurs et leaders d’opinion). Un premier courant de recherche aborde les problématiques de visibilité des entreprises, à travers l’identité visuelle et la perception des symboles et des logos. D’autres recherches connues sous le nom de Corporate Identity Management donnent une grande importance à la communication et aux médias, comme principaux véhicules d’expression de l’identité [3, 5, 24], et mettent en avant l’importance de la cohérence des messages émis vis-à-vis des différentes cibles, la nécessaire implication des dirigeants, et les différences entre communication institutionnelle et communication sur le produit et les services. Les réflexions sur l’identité comme concept utile au management des marques restent aujourd’hui influencées par ces approches centrées sur la communication.

Focus 1.2 Identité et culture La distinction entre identité et culture n’est pas simple, et parfois l’un et l’autre concept sont indifféremment employés. Pour certains, la culture est synonyme de la production symbolique. Elle n’est donc qu’une des dimensions de l’identité de marque, la plus évidente, celle que l’organisation donne à voir [17]. Pour d’autres [9, 20], la culture est un contexte large dans lequel l’identité de la marque va s’insérer. Enfin, la culture peut aussi être considérée comme les racines, l’histoire, l’héritage qui va être une des sources de l’identité de la marque [24].

2 D’une description statique… On trouve trois conceptions de l’identité de marque : l’identité de marque limitée aux signes visibles ; l’identité de marque confondue avec la nature du produit ; l’identité de la marque comme une fonction d’émetteur dans la communication de la marque. 2.1 L’identité de marque limitée aux signes visibles

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En droit, une marque est un signe (nom ou dessin) enregistré et protégé, distinct des autres signes déposés. Cette définition est courante, elle a largement inspiré la façon dont l’AMA[2] définissait les marques jusqu’en 1988 (« a sign.... »). Dans cette vision de l’identité de marque qui met l’accent sur les signes et leur signification, le travail sur la marque consiste à trouver un nom facile à mémoriser et à déposer et à lui donner une forme. La marque est à la fois label (nom) et logo (dessin). Le travail d’une organisation sur l’identité de marque est alors circonscrit à la recherche de nom, au développement d’un logo et au dépôt de la marque, et ceci à un moment particulier de la vie de la marque : la création. Certes, l’identité de marque évolue légèrement (rafraîchissement du logo, renouvellement du dépôt de la marque), mais cette définition de l’identité reste assez limitative.

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2.2 L’identité de marque confondue avec la nature du produit On retrouve là encore l’influence de la définition juridique d’une marque : lorsqu’une organisation dépose une marque, elle est tenue d’associer cette marque à une ou plusieurs catégories de produits ou de services. Et de fait, beaucoup de marques sont à l’origine des marques-produits. Ceci explique la confusion, ou la superposition possible, entre une marque et un produit : Ariel et la lessive, Société Générale et la banque, Petit Navire et le thon en conserve… Si l’on s’en tient à cette définition, le travail des entreprises sur leur marque se confond avec celui réalisé sur le développement du produit. C’est encore très souvent le cas, l’organisation du service marketing par produit étant encore largement répandue. C’est oublier le formidable levier que peut être la marque pour innover ou aborder de nouveaux marchés. Avec une définition plus large de l’identité de la marque, peut-être qu’Ariel serait aussi une marque de franchise de pressing, que la Société Générale n’aurait pas tant de mal à faire comprendre à ses clients qu’elle vend aussi de l’assurance, et que Petit Navire serait devenu une agence de voyage spécialisée dans l’exploration des fonds marins – le grand large… Cette définition présente aussi l’inconvénient d’être peu opérante dans des situations concurrentielles. Prenons la lessive : si Ariel se confond avec le produit, c’est aussi le cas pour

Super Croix, ou pour Skip, les principales marques concurrentes. Cette vision étroite conduit Procter & Gamble, Unilever et Henkel à se battre sur d’autres éléments du mix marketing, comme la qualité produit ou le prix, dans une cacophonie de moins en moins audible pour le consommateur, qui a du mal à percevoir la valeur ajoutée et se tourne vers les marques de distributeurs. 2.3 L’identité de la marque, un rôle d’émetteur dans la communication de la marque avec les consommateurs L’identité de la marque peut être comprise comme l’ensemble des messages émis par une organisation à travers sa marque. Cette définition [12, 13, 14] est la plus largement répandue aujourd’hui et fait référence dans la plupart des ouvrages sur la marque. Elle repose sur les principes d’un système de communication classique, avec d’une part un principe d’émission centré sur l’organisation (identité de marque) et d’autre part un principe de réception (perçu par les cibles) reliés par des canaux de communication.

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Cette approche permet une clarification entre les concepts d’identité de marque et d’image de marque. L’identité de la marque est centrée sur l’organisation, elle repose sur l’offre de produits et de services, l’expression physique et émotionnelle de la marque à travers le logo, la publicité, les actions des collaborateurs dès lors qu’ils sont en relation avec les consommateurs, et jusqu’à la vision et aux missions déléguées par l’entreprise. Tandis que l’image de marque se situerait au niveau du public et se traduirait par un ensemble de perceptions et d’attitudes [8, 16]. La marque se construirait alors par stratifications successives, dans un mouvement continuel d’émission – réception. Figure 1.1 L’identité de la marque, d’après Kapferer [11]

Cette construction est en partie contrôlée par l’organisation émettrice via des processus de construction de la marque, mais en partie seulement. Nombreux sont en effet les facteurs qui viennent brouiller, diluer ou tordre les messages émis en échappant au contrôle de l’organisation ; ce peut être l’attitude des employés, les actions des concurrents, ou une interprétation des

consommateurs autre que ce qui avait été prévu. Aaker donne une autre définition assez proche de l’identité de la marque. L’identité de marque serait un groupe d’associations sélectionnées par l’entreprise émettrice en vue d’être développées. Et opérer une sélection d’associations favorable aux buts poursuivis par l’organisation est l’activité essentielle, constitutive de la stratégie de marque [1].

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Ces définitions présentent l’inconvénient de donner un poids important aux aspects de communication et de réception par la cible. Le risque est alors de ne nourrir la marque que des attentes et des projections des consommateurs au gré de l’interprétation des signaux envoyés par les clients. Or, les marques à forte identité ne recherchent pas nécessairement l’approbation de tout le monde ; elles sont, tout simplement, elles séduisent ceux qui se reconnaissent dans ce schéma identitaire et se soucient peu des autres. Disney est Disney, soit on est « Disney family », soit on ne l’est pas, et la marque Disney ne se préoccupe ni d’écouter, ni de faire changer d’avis les nonadeptes. Chez Hermès on fait de l’artisanat de luxe, bien fait, depuis toujours, et c’est la cliente qui vient à la marque. Ceci requiert une définition plus large de l’identité des marques.

3 ...à un récit dynamique de l’identité de marque

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Définir l’identité d’une marque nécessite d’aller au-delà d’une liste de caractéristiques tangibles et intangibles. En effet, les approches descriptives et donc statiques peinent à rendre compte du caractère dynamique et plastique de l’identité de la marque et de la manière dont elle change et évolue au cours du temps. Au-delà de la description de ce qu’est la marque, on peut voir l’identité de la marque comme un récit. Ceci présente l’avantage, par rapport à une simple liste d’attributs, de donner du sens (au sens de signification) et d’orchestrer les différents attributs en un tout cohérent. Il ne s’agit pas là de considérer l’identité de la marque comme une pure fiction, une belle histoire à raconter. Ce serait alors une simple affaire de communication, de storytelling pour employer un mot à la mode. Donner du sens ne peut d’ailleurs se résumer à la signification. Donner du sens, c’est aussi donner une direction, et il n’y a création de sens que lorsque signification et direction se répondent. Cette direction, que l’on retrouve dans les entreprises sous la forme d’un manifeste, d’une vision, d’une mission ou d’une perspective, fait passer l’identité de la description statique à une volonté manifeste d’agir et de modifier le futur. Dans l’identité de la marque, il y a cette capacité transformative, cette part de créativité que la marque apporte au monde et qui permet de le changer. Si l’identité de la marque est un récit, c’est un récit performatif [4] au sens où il ne se borne pas à lister ou décrire des faits, mais il fait lui-même quelque chose, il est agissant[3] On ne peut répondre

à la question de départ posée par l’identité de la marque – ce qu’elle est - que par rapport à ses relations à autrui, et à son engagement. L’identité vue comme un récit engage la marque, et est indissociable des actions passées, présentes et futures. Nous proposons une nouvelle définition de l’identité de marque [6] qui va au-delà de la description purement statique et rend mieux compte de la richesse de l’identité de la marque et de sa valeur comme capacité de transformer le futur.

Définition L’identité de la marque est un récit performatif qui dit ce qu’est la marque, comment elle se comporte et ce qui l’engage.

Conseil

Section 2

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Sur le plan pratique, envisager l’identité de la marque de cette manière conduit à travailler l’identité de la marque à travers l’engagement envers les différentes parties prenantes, comme une réponse à la question : « Qu’est-ce que la marque peut faire pour moi ? ».

COMMENT FORMALISER L’IDENTITÉ DES MARQUES ?

Au nombre des bonnes pratiques de gestion de la marque, la capacité à formaliser l’identité de la marque pour que puissent s’en emparer aussi bien les collaborateurs en interne que des prestataires externes tels les agences de design et de communication apparaît comme fondamentale pour garantir la clarté et la cohérence des actions de gestion de la marque. Ce travail aboutit à un document communément appelé plateforme de marque ; il peut être facilité par l’utilisation de modèles et d’outils de représentation décrits dans cette section.

1 Le prisme de Kapferer, la marque-émetteur Le prisme d’identité de Kapferer [11,12] est un modèle descriptif en 6 dimensions : la personnalité, la culture, la mentalisation, le reflet, la relation et le physique.

Figure 1.2 Le prisme d’identité de la marque selon Kapferer

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Chacune des facettes représente une dimension de la marque : Le physique est ce que la marque donne physiquement à voir d’elle-même ; on y trouve donc des éléments symboliques comme le logo (le crocodile de Lacoste) mais également des produits (le polo Lacoste). La personnalité fait référence à des traits de caractère ; ainsi Dim est extravertie, séductrice et pleine d’humour. La relation caractérise le type de lien que la marque entretient avec ses publics, par exemple La Vache qui Rit se comporte comme une tante proche et affectueuse. La culture est assimilable à un droit d’inventaire qui précise ce que l’on garde des racines et de l’héritage de la marque. Lacoste est ainsi héritière de l’aristocratie française des années folles, dans un contexte historique de montée des individualismes et de naissance d’un sport. Les deux dernières dimensions, le reflet et la mentalisation, tiennent compte des échanges avec les consommateurs en reprenant les associations à la marque dans l’esprit du public. Le reflet est ainsi une description de la manière dont les utilisateurs de la marque vont être perçus, par exemple les clients de Mercedes sont des personnes qui aiment le luxe, mais qui restent très classiques, bourgeoises, des personnes avec beaucoup d’ego. La mentalisation est une réponse à la question : comment je me sens, qu’est-ce que je projette de moi-même du fait de l’utilisation de cette marque ? Par exemple, si je porte Lacoste, je me sens élégant mais discret, toujours chic mais décontracté. Ce qui sera très différent de la mentalisation de Dim : je suis libre, je peux être moi-même, et jouer à être une star si je veux. Figure 1.3 Le prisme d’identité de la marque Lacoste

Ces dimensions ne sont pas unilatérales, de l’entreprise vers son public ; au moins deux d’entre elles, le reflet et la mentalisation, tiennent compte des échanges permanents avec les consommateurs (« destinataire construit ») ; on pourrait y ajouter une troisième dimension, la relation.

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Une autre lecture permet de considérer ce qui est visible et exposé (les trois dimensions d’« extériorisation » : physique, relation, reflet) par rapport à ce qui est latent, non exprimé (les trois dimensions d’« intériorisation » : personnalité, culture, mentalisation).

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Le prisme de Kapferer présente l’avantage de formaliser l’identité de la marque dans un nombre réduit de dimensions et par un schéma très visuel, ce qui facilite la diffusion et la compréhension. Le principal inconvénient est qu’il est centré sur les échanges entre la marque et le consommateur. Il prend peu en compte les relations entre la marque et l’entreprise, ou entre la marque et les collaborateurs, ce qui peut limiter son usage dans les marques de service. Il est aussi difficile à transposer aux marques B to B sur certaines des dimensions. Enfin, il reste essentiellement descriptif. Exemple 1.1 – L’utilisation du prisme chez Dim dans une perspective de reconstruction historique de l’identité [7]

Une analyse des communications publicitaires et des lancements de produits de la marque Dim depuis 1968 avec l’aide du prisme d’identité montre comment l’identité de la marque Dim a évolué sur trois décennies, et a réussi à changer et à aborder de nouveaux marchés (des collants à la lingerie et aux vêtements) et de nouveaux consommateurs (les femmes, puis les hommes) tout en restant elle-même. L’identité de Dim peut être représentée par différents prismes, correspondant à différentes époques, ce qui permet de retracer l’évolution. Ceci donne des pistes sur la manière d’utiliser le prisme. Il ne s’agit pas de produire une représentation figée qui serait valable ad vitam aeternam, mais bien d’autoriser des représentations successives dans le temps, hier, aujourd’hui, et demain.

2 Le système d’identité d’Aaker, centré sur le couple marque-produit Dans son système d’identité de marque (brand identity system), Aaker [2] considère 12

dimensions au total, qu’il regroupe en quatre catégories qui fonctionnent comme autant de comparaisons : la marque comme un produit, la marque comme une organisation, la marque comme une personne et la marque comme un symbole. Ces dimensions de l’identité nourrissent l’imaginaire de la marque de façon centrale (core) et périphérique (extended), terminologie qui trouve un écho dans la théorie du noyau central pour comprendre la nature et la force des associations à la marque [15].

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Figure 1.4 Le système d’identité de la marque selon Aaker

Le modèle d’Aaker insiste sur le couple marque-produit (6 dimensions sur les 12 proposées). Pour utiliser correctement le modèle sans limiter la marque et les possibilités d’extension, il faut aller au-delà de l’aspect physique, fonctionnel des produits pour s’attacher plus aux évocations. Par exemple, le territoire n’est pas la catégorie de produit, mais plutôt un univers mental : l’univers de Bonne Maman, c’est la gourmandise, alors que celui d’Andros, ce serait le fruit. Les attributs produits et services peuvent être fonctionnels (Samsonite = résistant) et/ou émotionnels (Nike = Just do it). Le rapport qualité/prix fait référence à la place de la marque dans une échelle de valeur ; on peut ainsi classer Renault en milieu de gamme, par rapport à Dacia (bas de gamme) et Mercedes (haut de gamme). L’usage est le contexte d’utilisation de la marque, comme le sport et la compétition pour Gatorade, et l’utilisateur caractérise la cible principale – pour Weight Watchers, les personnes qui se définissent en surpoids. Le pays d’origine peut être aussi une dimension importante de l’identité de la marque, comme Neutrogena et la Norvège, Levi’s et les États-Unis. La catégorie « marque et organisation » ne compte que deux dimensions, la vocation mondiale ou

locale de la marque, et les attributs de l’entreprise : sa culture, ses activités, son savoir-faire unique. Impossible de décrire la marque Post-It sans faire référence à la culture de l’innovation de 3M. De même Hermès est inséparable de la tradition sellière. On retrouve dans le modèle d’Aaker les dimensions de personnalité et de relation dans la catégorie « la marque comme une personne ». Comme chez Kapferer, la personnalité se réfère aux traits de caractère de la marque ; ainsi Apple est décontracté, non conventionnel, créatif, tandis que Michelin est fort et plein d’énergie. La relation est le type de lien entre la marque et ses clients ; par exemple, Ariel a une relation de mère autoritaire avec ses consommateurs. La dernière catégorie regroupe les éléments symboliques de la marque, tangibles (Ronald, l’arche et les lettres jaunes dorées pour Mc Donald’s) et intangibles (la conquête de l’Ouest pour Marlboro).

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Figure 1.5 Le système d’identité de la marque UHU

L’avantage du modèle d’Aaker est qu’il offre des possibilités de descriptions très complètes et assez concrètes de l’identité de la marque ; ce qui facilite l’appropriation de l’identité de marque par des non-experts. L’inconvénient majeur est qu’il s’appuie fortement sur le couple marque – produit, ce qui limite son utilisation dans le cas de marques expérientielles, comme Disney ou Apple, ou dans le cas de marques ayant pratiqué les extensions avec succès, comme Bic.

3 Le modèle IPSE, construit autour de l’idéologie Dans le modèle IPSE pour Idéologie – Personnalité – Signes – Emblèmes, l’identité des marques est représentée sous quatre dimensions, de la plus invisible et abstraite à la plus tangible et concrète [6]. Figure 1.6 Le modèle IPSE [6]

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(1) Idéologie : toutes les marques fortes s’appuient sur une idéologie. Une idéologie est un système d’idées fondé sur des croyances et des valeurs, elles-mêmes assises sur des mythes et des tabous. L’identité de la marque L’Oréal tient dans une croyance profonde, une conviction qui est que la beauté des femmes est fabriquée et culturelle ; système d’idée qui s’oppose à celui de Nivea, pour qui la femme est naturellement belle, la cosmétique ne faisant que la révéler à elle-même. Le mythe de Psyché est présent dans la marque Hermès, le tabou de la dépendance et de la fin de vie dans la marque Tena. Ce système d’idées est généralement inconscient, il est pourtant l’élément socle de l’identité de la marque, celui duquel dérivent tous les autres. (2) Personnalité : présenter la marque en faisant une analogie avec une personne humaine est un moyen efficace non seulement de la représenter, mais aussi de la rendre plus incarnée et ainsi permettre un type de relation. Cette dimension peut être enrichie au-delà de la liste d’adjectifs qualifiant des traits de caractère, et inclure les aptitudes relationnelles de la marque, le ton qu’elle emploie, et son style. Plus la description de la personnalité est riche et imagée, plus il est facile pour un grand nombre de parties prenantes de se l’approprier et donc de s’exprimer en son nom. (3) Signes : il s’agit de l’expression physique de la marque, sous la forme d’objets porteurs de signification. Ces objets peuvent être des mots (des noms, chiffres ou lettres, le nom de la marque, le slogan) ou des signes plastiques (formes, couleurs, textures présentes à travers le logo, ou le personnage de marque : le bonhomme Michelin, la vache rouge de La Vache qui Rit) ou sonores (la musique d’annonce de la SNCF). Cette dimension est assez proche de la définition juridique de la marque, et correspond aux éléments qui peuvent être protégés par le dépôt de marque. (4) Emblèmes : les emblèmes sont des produits, ou des services élevés au rang de symbole. Il ne s’agit pas nécessairement du produit le plus vendu, mais de celui qui est devenu un symbole de la marque au fil du temps. La boîte bleue Nivea, dont on a fêté les 100 ans en 2011, est indissociable

de la marque Nivea. Bien que l’essentiel des ventes se fasse en cannettes, Coca-Cola continue à communiquer sur son emblématique bouteille en verre ; la camionnette de livraison jaune, bleue et rouge est dans la marque Darty comme symbole du service. L’emblème est donc en quelque sorte la quintessence du savoir-faire unique de la marque. Cette dimension est celle qui permet de ne pas occulter totalement la dimension produit de l’identité de la marque, mais sans l’enfermer nécessairement dans une technologie ou un savoir-faire spécifique – sauf si cela fait vraiment partie de l’identité.

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Figure 1.7 La marque Bleu Ciel d’EDF représentée par le modèle IPSE

Pour pouvoir utiliser correctement le modèle, il convient d’intégrer qu’il ne s’agit pas de quatre dimensions complémentaires sans lien particulier entre elles, mais de quatre dimensions agencées, enchâssées de manière à constituer les briques d’un récit cohérent. L’idéologie constitue le socle du récit, la personnalité, les signes et les emblèmes viennent graduellement illustrer et enrichir le récit avec la force des symboles. Ce modèle présente par rapport aux deux autres l’avantage d’un nombre réduit de dimensions, ce qui en facilite l’opérationnalisation. Il s’affranchit davantage de l’offre marquée, le produit n’étant dans la marque que s’il a valeur de symbole, ce qui facilite l’extension de la marque. Ensuite, il permet une liaison, un agencement entre les différentes dimensions qui ne sont pas indépendantes les unes des autres, mais construisent le récit. Il apporte enfin à travers la dimension « idéologie » un socle identitaire de nature à provoquer l’engagement réciproque de la marque et de ses parties prenantes, sur la base de croyances et de valeurs partagées.

Section 3

COMMENT OPÉRATIONNALISER L’IDENTITÉ DE MARQUE ?

La représentation de l’identité des marques a un double intérêt pour une meilleure gestion des marques : en tant qu’outil, il permet la structure et la diffusion du récit, et devient un guide pour l’action, et en tant que processus, il peut être un support à la co-création.

1 L’identité de marque, pièce maîtresse de la stratégie

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L’identité de la marque est avant tout un élément de stratégie d’entreprise, qui lorsque correctement utilisé va avoir une double fonction de guide des actions mises en œuvre par les membres de l’organisation, et de filtre des innovations de produits ou de services.

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L’identité de la marque opère comme un guide pour l’action, à plusieurs niveaux : celui de la décision et celui des modalités d’exécution. L’identité de la marque est un élément sur lequel peuvent s’appuyer les collaborateurs pour décider s’il faut faire, ou ne pas faire telle action, comme une promotion des ventes. L’identité de marque indique la manière dont l’action doit être exécutée, par exemple de quelle façon les employés du service client doivent répondre au téléphone. Les actions pour lesquelles l’identité de la marque a valeur de guide ont un spectre très large, qui dépasse le cadre des actions marketing et embrasse toutes les tâches liées à la relation client et à la communication interne et externe, ainsi que certaines tâches dévolues aux ressources humaines et à d’autres services pourtant très éloignés du management des marques. D’une certaine manière, l’employé de la comptabilité représente lui aussi la marque, lorsqu’il répond au téléphone ou qu’il émet des factures portant le logo de la marque. L’autre fonction de l’identité de la marque a trait aux innovations de produits ou de services. L’identité de la marque peut être utilisée soit comme une source d’inspiration pour de nouvelles idées, soit comme un filtre, un facteur de tri des idées, selon que « c’est (ou ce n’est pas) dans la marque ». L’identité de la marque a aujourd’hui une utilité stratégique dans l’entreprise, au sens où elle permet l’allocation des ressources en éclairant les prises de décision, elle fournit un mode d’exécution pour les actions, et elle inspire et filtre les innovations de produits et de services. Encore faut-il la représenter de manière à favoriser l’appropriation et la diffusion du contenu identitaire auprès de toutes les parties prenantes.

2 Des méthodes pour révéler l’identité de marque La difficulté de l’opérationnalisation de l’identité des marques tient dans le caractère intangible et immatériel du concept. La qualité de la représentation qui en est faite est donc fondamentale pour que toutes les parties prenantes s’en emparent, des collaborateurs en interne aux agences de communication et de design et aux instituts d’étude. Chez EDF, la formalisation de l’identité de la marque représentée par le modèle IPSE a servi de cadre pour préparer les séminaires de lancement en région de la nouvelle identité de marque Bleu Ciel, en s’attachant à la création de sens pour les salariés au contact des clients. Or, c’est l’une des critiques récurrentes faites aux modèles de représentation que d’occulter le modus operandi, donnant par là-même l’impression que l’exercice peut être fait « dans une discussion sur un coin de table ». Les identités riches sont aussi complexes ; adopter une méthode plus rigoureuse et systématique de recueil de données peut aider à représenter l’identité dans toute cette complexité, et par là-même éviter des représentations plates et sans aspérités aucunes.

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Il n’existe pas une seule et même méthode qui conviendrait pour l’ensemble du récit identitaire ; par contre, chacune des briques peut être approchée par un ensemble de méthodes appropriées.

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Tableau 1.1 Les méthodes de recueil de données utiles pour révéler l’identité d’une marque

L’idéologie est la partie la plus immatérielle, intangible et inconsciente de l’identité de la marque. Il convient ici d’utiliser des méthodes interprétatives, qui permettent de révéler le « pourquoi » derrière les comportements observables dans l’organisation : observations longues non participantes, réunions de groupe avec des salariés mobilisant des techniques projectives, entretiens en face à face en profondeur avec les acteurs sur un mode introspectif. La psychanalyse peut à cet égard se révéler d’un précieux secours [21, 22, 23]. L’approche historique peut également être utilement mobilisée.

Focus 1.3 L’ubiquité du temps par Jean Watin-Augouard[4]

« L’histoire, c’est du passé », dit-on. Si le mot « histoire » rebute, optons pour celui de « patrimoine », patrimonium ou héritage du père. Tout responsable de marque doit se poser quatre questions essentielles : où est cet héritage, dans quel état est-il, comment le protéger, comment le faire fructifier pour rendre la marque éternelle. CQFD : l’histoire, c’est l’éternité. La marque est un chef-d’œuvre. Hier, le chef/créateur relève un défi - King Gillette invente le rasoir, Louis Renault, la prise directe, Dunlop, le pneu, Henri Nestlé, la farine lactée, Gabrielle Chanel, le n° 5, le baron Bich, le… bic ! James Dyson, l’aspirateur sans sac… etc. -, et ce défi, devenu destin, se prolonge aujourd’hui dans l’œuvre. C’est dans le trait d’union qui unit le chef, hier, à l’œuvre, aujourd’hui, que résident le capital matériel et immatériel de la marque, la sédimentation du savoir-faire des hommes, d’hier à demain. Chaque marque est unique et sa pérennité repose sur l’alliance alchimique de quatre savoirs, fondement de son identité : le savoir être ou la vision du créateur, le savoir-faire ou l’expertise de la marque, le savoir offrir ou la valeur ajoutée du produit et, le savoir-faire ou le langage propriétaire de la marque qui exprime les trois premiers fondamentaux. C’est dans l’histoire de la marque que résident les racines de sa singularité, de sa longévité et de sa pérennité. Sortir de son sillon, créé par l’histoire, c’est risquer la mort.

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La personnalité de la marque est assez aisément accessible en mobilisant des tests projectifs comme le portrait chinois, les tests d’association ou les exercices de collages. Pour mieux comprendre la signification de chacun des signes, les méthodes d’association libre ou l’analyse sémiologique peuvent être d’un précieux secours. Enfin, les emblèmes, qui sont la partie la plus visible, la plus tangible de l’identité de la marque, sont aussi la partie la plus facile à identifier car ce sont en général les premiers symboles qui font surface lors d’exercices d’association libre, en réponse à la question « quelle est la première image/le premier objet qui vous vient à l’esprit si je vous dis marque X?» Outre le résultat, le processus en lui-même, à travers les personnes intégrées à la réflexion, et la teneur des discussions, est en lui-même important car il oriente la manière dont l’identité de la marque va être représentée, dans l’équilibre entre image perçue, identité vécue et identité professée (cf. chapitre 4). Intégrer des collaborateurs non-experts de la communication et du marketing dans le processus est majeur en termes d’apport, dans la mesure où cela rééquilibre la représentation vers l’intérieur (l’organisation, le vécu professionnel, les pratiques et les métiers), et rend la représentation plus juste, peut-être moins idéalisée, mais par là-même plus efficace en termes de différenciation, et de capacité à toucher émotionnellement les clients. Or souvent, les représentations de l’identité de marque sont conçues par des communicants sur un mode favorable. Notons que cela pose un premier problème, celui de l’uniformisation et du mimétisme, les valeurs et attributs identitaires d’une marque ayant tendance à converger vers l’idéal fantasmé de la catégorie de produits ou de services, ce qui joue à rebours du caractère distinct de l’identité. De plus, sur des marchés saturés d’offre et avec des clients de plus en plus

avertis, l’engagement des marques pourrait de plus en plus l’emporter sur la séduction. De quoi nuancer le propos, et recommander de travailler et représenter l’identité des marques au plus près de ce qu’elles sont réellement, en intégrant les collaborateurs non-experts dans la réflexion.

L’essentiel

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L’identité d’une marque va bien au-delà d’une description statique sous forme d’une liste d’attributs. Comme l’identité d’un individu, l’identité d’une marque a une nature profondément dynamique et vivante ; elle évolue constamment, tout en restant reconnaissable. Loin de se limiter à des aspects visibles et extérieurs, elle comprend aussi un système d’actions et d’idées, des croyances et des valeurs qui forment le socle identitaire. Bien comprendre l’identité de sa marque, y compris dans les profondeurs de son inconscient, est une activité clef de la gestion des marques. C’est en effet la source de l’engagement réciproque de la marque et de ses parties prenantes, et cela guide et oriente les actions qui peuvent être entreprises sur la marque. L’envisager comme un travail entre le marketing et l’agence de communication serait aujourd’hui trop limitatif ; révéler et comprendre l’identité de la marque est un travail qui requiert de nouvelles méthodes plus participatives et la coopération d’un grand nombre de parties prenantes, au premier chef duquel les collaborateurs.

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Réflexions

1 ■ Quel est l’apport du concept d’identité de marque à la gestion des marques ? 2 ■ Quels sont les avantages et les inconvénients des modèles de représentation de l’identité des marques ? 3 ■ Doit-on représenter l’identité de la marque telle qu’elle est (identité vécue), ou telle que l’on voudrait qu’elle soit (identité projetée) ? 4 ■ Par quelles méthodes peut-on révéler l’identité d’une marque ?

Section 4

BIBLIOGRAPHIE

[1] AAKER, D. A., Building Strong Brands,The Free Press, 1996. [2] AAKER, D. A., Brand Portfolio Strategy : Creating Relevance, Differentiation, Energy,

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[7]DARPY, D. et GOMY, P., « Le prisme d’identité de marque, outil pour l’analyse historique des publicités - 30 ans de Dim », Cahiers du centre de recherche DMSP Dauphine Marketing Stratégie Prospective, n°269, 1999. [8]DE CHERNATONY, L., « Brand Management Through Narrowing the Gap between Brand Identity and Brand Reputation », Journal of Marketing Management, 15(1-3), 157-179, 1999.

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[9]HATCH, M. J. et SCHULTZ, M., « Relations between Organizational Culture, Identity and Image », European Journal of Marketing, 31(5/6), 356, 1997.

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[17]REITTER, R., « Culture et identité ». in Y. Simon et P. Joffre (coord.), Encyclopédie de Gestion, Economica, 1989. [18]RICOEUR, P., Temps et récits III, Le temps raconté, Éditions du Seuil, 1985. [19]RICOEUR, P., Soi-même comme un autre, Éditions du Seuil, 1990. [20]SCHEIN , E. H., Organizational Culture and Leadership (2e ed.), San Francisco Jossey-Bass, 1992. [21]TOMASELLA, S., Vers une psychanalyse de la marque et de ses expressions, thèse, IAE de Nice, université de Nice-Sophia Antipolis, 2002. [22]TOUSSAINT, D., Renault ou l’inconscient d’une entreprise, L’Harmattan, 2004. [23]TOUSSAINT, D., L’inconscient de la FNAC : l’addiction à la culture, Bourin éditeur, 2006. [24]VAN RIEL, C. B. M. et BALMER, J. M. T., « Corporate Identity : the Concept, its Measurement and Management », European Journal of Marketing, 31(5/6), 340-355, 1997. Tout au long de cet ouvrage, les nombres entre crochets renvoient à la bibliographie de fin de chapitre.

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American Marketing Association, une association professionnelle américaine de référence, fondée en 1937 et qui compte environ 30 000 membres, professionnels du marketing, chercheurs ou enseignants. L’AMA propose en 1960 de définir la marque comme : “A name, term, sign, symbol, or design, or combination of these, intended to identify the goods or services of one seller or group of sellers and to differentiate them from those of competitors.”

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La théorie de la performativité développée par le linguiste et philosophe John Austin peut apporter un éclairage sur la nature du récit. Pour Austin, il existe deux formes d’énoncés : ceux qui se bornent à décrire un fait ou une situation (énoncés constatatifs), et ceux qui produisent l’action par le fait même de les formuler (énoncés performatifs). Nous remercions Jean Watin-Augouard, conseil en culture de marque, rédacteur en chef de la Revue des marques et auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire des marques, d’avoir contribué à ce chapitre en donnant son point de vue sur l’approche historique des marques.

Chapitre

2

La légitimité et légitimation des marques Delphine DION

OBJECTIFS

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Comprendre le concept de légitimité de marque et les modes de légitimation des marques. Expliquer les processus utilisés par les marques pour construire, démontrer et protéger leur légitimité.

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SOMMAIRE Qu’est-ce que la légitimité de marque ?

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Comment construire la légitimité d’une marque ?

Lorsque Fleury Michon a lancé une gamme de jambon de volaille halal sous sa propre marque, le responsable marketing charcuterie de Fleury Michon a expliqué que « Fleury Michon avait toute la légitimité pour se lancer sur ce nouveau segment » (Le quotidien du marché). Toutefois, on peut s’interroger sur la réalité de cette légitimité. En quoi Fleury Michon, marque spécialisée dans la transformation et la commercialisation du porc, est-elle légitime pour commercialiser des produits halal ? D’ailleurs, les nombreux appels au boycott de la marque au sein de la communauté musulmane montrent bien l’importance et la complexité de la question de la légitimité des marques. Si les marques concentrent leurs efforts sur l’identité (chapitre 1) et l’image (chapitre 8), la légitimité de marque est un thème encore peu abordé. Toutefois, c’est un élément central pour mettre en place une bonne stratégie de marque [7]. Dans ce chapitre, nous définirons le concept de légitimité de marque et nous présenterons les modes de légitimation des marques, à savoir les processus utilisés par les marques pour construire, démontrer et protéger leur légitimité.

Section 1

QU’EST-CE QUE LA LÉGITIMITÉ DE MARQUE ?

Dans cette première section, nous définirons le concept de légitimité de marque. En nous appuyant sur la sociologie de Max Weber, nous montrerons l’importance de ce concept, puis nous ferons le lien avec les concepts d’identité et d’image qui sont plus fréquemment utilisés en marketing.

1 Les fondements sociologiques de la légitimité

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Pour définir la légitimité, nous nous appuyons sur les réflexions du sociologue Max Weber (18641920) dont les écrits ont inspiré de nombreuses recherches et analyses dans plusieurs disciplines : la sociologie bien sûr, mais aussi l’histoire, la science politique, la philosophie, et la gestion. Un élément clé de la sociologie de Max Weber est la différence entre le pouvoir coercitif et la domination. Alors que le pouvoir repose sur l’obligation, la domination repose sur l’adhésion volontaire. D’un côté l’individu agit car il est obligé de le faire et d’un autre parce qu’il est volontaire pour le faire [9]. Ces analyses concernent tout type de domination, y compris celle des organisations. Les organisations cherchent à influencer les conduites qu’il s’agisse des conduites en interne ou en externe. Pour assurer leur domination, elles doivent acquérir une légitimité qui leur permet de développer une autorité naturelle et une adhésion volontaire des individus (clients, salariés et partenaires). Ils se plient naturellement et volontairement à l’autorité de l’organisation seulement si cette autorité est perçue comme légitime. Toute organisation doit donc développer et cultiver sa légitimité pour continuer à exister [8]. Nous proposons d’étendre le concept de légitimité aux marques. Comme les organisations, les marques ont besoin de l’adhésion naturelle et du soutien des individus (clients mais aussi salariés, partenaires et public en général). Elles mettent en place des processus de légitimation pour justifier leur spécificité et leur existence. Ces processus permettent aux marques de construire, démontrer et protéger leur autorité sur les marchés. Dans la mesure où la légitimité peut sembler proche du concept d’identité de marque, il est important de bien les différencier.

2 Les différences et les complémentarités entre la légitimité et l’identité L’identité de marque permet de définir les caractéristiques d’une marque. Elle détermine ce qu’est la marque [6]. Elle est créée en interne par les équipes marketing et est gérée à partir d’un ensemble d’outils qui permettent de formaliser ses dimensions Elle correspond à l’être de la marque (cf. chapitre 1). Le concept de légitimité de marque complète celui d’identité car il représente la capacité à être et à agir de la marque (cf. tableau 3.1).

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Pour qu’une marque ait un poids sur les marchés et continue à exister, son identité doit être légitime. Si une marque apparaît comme légitime, elle possède alors une autorité naturelle à agir sur les marchés. Par exemple, une marque peut se définir comme écologique mais ne pas être légitime dans ce domaine. Elle n’a donc aucune autorité sur cette question et n’est pas suivie par les consommateurs. Par exemple, lorsque E.Leclerc a voulu se présenter comme un acteur de la protection de l’environnement en voulant interdire les sacs en plastique jetables en sortie de caisse, la marque n’est pas apparue comme légitime par rapport à la question de l’environnement et cette action a été perçue comme une action détournée de la marque pour faire des économies [1].

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Les équipes marketing doivent définir non seulement l’identité de marque mais aussi s’interroger sur la légitimité de la marque à se définir ainsi et mettre en place un processus de légitimation de la marque pour justifier l’identité. Ainsi, la question se déplace d’une question identitaire (ce qu’est la marque) à une justification agissante (pourquoi la marque est légitime à se définir ainsi). Lorsque l’identité est légitime, la marque acquiert une autorité naturelle sur les marchés. La légitimité ne se décrète pas. Elle se construit dans la durée, à travers les actions et les réalisations de la marque. Il ne suffit pas de communiquer sur son identité pour légitimer son identité. La légitimation de l’identité passe aussi par les actions au quotidien avec les tiers (clients, fournisseurs, partenaires, collectivités territoriales, etc.). Il peut s’agir d’actions hors du territoire d’action traditionnel de la marque et concerner la sphère publique. Par exemple, Carrefour comme E.Leclerc se définissent comme une enseigne qui propose des prix bas. Chez Carrefour, on promet « le prix bas, la confiance en plus » et chez E.Leclerc on explique que « vous savez que vous achetez moins cher ». Alors que Carrefour se contente d’affirmer cela à travers ses actions de communication et ses actions en magasin, E.Leclerc légitime son propos à travers de nombreuses actions : lobbying, tribune dans les médias, actions en justice, comparateur de prix quiestlemoinscher.com (cf. tableau 2.1). Le fait d’agir dans la sphère publique et non de se contenter de communiquer positionne E.Leclerc comme un acteur légitime de la défense du pouvoir d’achat. Ces actions permettent de justifier les caractéristiques de l’identité de la marque et de lui donner une autorité naturelle sur le marché. La légitimité se construit également à travers les actions des tiers par rapport à la marque :

journalistes, bloggeurs, concurrents, clients, etc. À travers leurs actions (récompenses et reconnaissances décernées, bouche à oreilles, boycotts, articles de presse, etc.), ils confirment ou infirment la légitimité de la marque. Ils sont en quelque sorte des certificateurs de la légitimité de la marque. Ainsi la légitimité est le fruit des actions de la marque mais aussi des actions des tiers certifiant la capacité de la marque à être et à agir.

Définition La légitimité de la marque correspond à la capacité d’une marque à être et à agir. Elle permet d’acquérir une autorité naturelle sur le marché. La légitimité se construit dans l’action qu’il s’agisse des actions de la marque ou de celles des tiers. L’attention se déplace donc du résultat (la légitimité) à la légitimation, à savoir le processus de construction de cette légitimité.

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Tableau 2.1 Légitimité, identité et image de marque

Section 2

COMMENT CONSTRUIRE LA LÉGITIMITÉ D’UNE MARQUE ?

Max Weber distingue trois systèmes de légitimation. la légitimation traditionnelle basée sur la tradition et la coutume, la légitimation rationnelle-légale basée sur les lois et les règles, la légitimation charismatique basée sur le charisme d’un leader. Dans un premier temps, nous passerons en revue les trois systèmes de légitimation. Puis, nous montrerons comment il est possible de mixer ces différents systèmes.

1 La légitimation traditionnelle La légitimation traditionnelle est ancrée dans l’habitude, la coutume et la tradition. L’autorité se

transmet par héritage, elle se reproduit naturellement. Elle repose sur la volonté des individus à respecter la tradition et les leaders traditionnels. Elle est acceptée ou du moins elle n’est pas remise en cause. Cette forme de légitimation est importante pour les marques qui cherchent à s’ancrer dans une tradition, qu’il s’agisse d’un savoir-faire ou d’un terroir. De nombreuses marques appuient la légitimité de leur marque sur un savoir-faire traditionnel. C’est notamment le cas dans l’alimentaire ou dans le luxe. Dans cette perspective, les marques mettent en avant une recette traditionnelle, des matériaux ou ingrédients traditionnels, un mode de fabrication traditionnel ou encore des savoir-faire traditionnels. Dans le luxe, Hermès est sûrement l’une des marques les plus emblématiques de cette démarche. La légitimité de la marque s’inscrit dans le savoir-faire des artisans qu’elle met en scène sur les points de vente ou dans les supports de communication. Par exemple, le site « les mains d’Hermès » montre les artisans en action, leur donne la parole, met en scène la transmission des savoir-faire et l’histoire de la maison (www.lesmainsdhermes.com). Cet extraordinaire savoir-faire donne à la marque une autorité naturelle sur le marché (cf. Figure X du cahier central).

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La légitimation traditionnelle est aussi importante pour les marques qui cherchent à ancrer leur légitimité dans un terroir (cf. Exemple 2.1). C’est notamment le cas des marques régionales telles que Pietra, la « biera corsa » ou Breizh Cola, le « Cola du Phare Ouest » [4]. Les marques régionales peuvent légitimer leur origine régionale en s’appuyant sur les codes traditionnels de la naturalisation et à travers leurs actions au quotidien. Comme les individus, elles définissent leur origine à partir de leur lieu d’origine et de leur implantation. À côté de ses codes traditionnels de la naturalisation, il est possible de lier la marque aux activités régionales traditionnelles et légitimes [5]. Par exemple, la marque de cirés Cotten légitime son origine bretonne à partir du lieu de fabrication (Trégunc, dans le Finistère) mais surtout à partir de ses utilisateurs. Cotten est la marque de ciré des pêcheurs et des navigateurs. C’est parce qu’elle participe à des activités régionales les plus typiques de la Bretagne que la marque légitime son identité bretonne. Elle est bretonne par le biais de l’expérience de la pêche et de la voile. Cela se retrouve dans sa signature de marque : « l’abri du marin ». Le processus de légitimation est renforcé par les médias, notamment l’émission consacrée à la mer Thalassa. Quasiment à chaque fois qu’on y voit un marin ou un navigateur, il porte un ciré Cotten (cf. Figure V du cahier central). Exemple 2.1 – Le Chameau, la nature en héritage Maître bottier depuis 1927, Le Chameau propose des bottes, chaussures et vêtements destinés aux passionnés de chasse, de pêche et d’équitation et aux amoureux de la nature. La marque s’appuie sur une légitimation traditionnelle qui est organisée autour de deux axes : un enracinement dans le terroir français et un processus de fabrication traditionnel. Pour s’enraciner dans le terroir français, Le Chameau met en avant son ancienneté et son ancrage géographique. Son ancrage historique apparaît à travers la signature de marque « Le chameau, 1927 » et en mettant en avant Monsieur Chamot le fondateur de la marque. La marque est profondément ancrée dans la Normandie : les bottes sont fabriquées depuis 1939 sur le site du Pont d’Ouilly (Calvados). On y trouve aussi un manoir qui, avant de devenir un musée Le Chameau, était la demeure de Claude Chamot. Même si Le Chameau fabrique également une partie de ses modèles de bottes dans une unité de production au Maroc,

la marque spécifie que « l’usine a été créée en 1949 par Monsieur Chamot lui-même », et que « le mode de fabrication est perpétué à l’identique de la France dans le souci de l’artisanat et du travail bien fait ». Le savoir-faire est le deuxième axe de légitimation de la marque. Les bottes sont confectionnées à la main, dans le respect des techniques traditionnelles et de façon artisanale. Chaque paire est unique et le mode de fabrication est perpétué depuis la création de la marque. La marque utilise des matériaux « nobles » et traditionnels : du caoutchouc naturel récolté de façon artisanale en Thaïlande et en Indonésie, du cuir vachette française pleine fleur et du jersey. Cette légitimation traditionnelle s’appuie aussi sur des reconnaissances institutionnelles. En mai 2010, Le Chameau a obtenu le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). Décerné par le Ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, il récompense des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence.

Source : www.lechameau.fr

2 La légitimation rationnelle-légale La légitimation rationnelle-légale s’appuie sur les règles et les lois. Si l’on transpose cette forme de légitimation à la marque, l’autorité de la marque provient de la capacité de la marque à s’approprier les règles et à imposer des règles sur le marché.

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Cette forme de légitimation est extrêmement importante pour les marques à dimension technologique (télécoms, high-tech, etc.). La légitimation passe par les investissements en recherche et développement, la taille des équipes de recherche, le nombre de brevets déposés, les prix et récompenses gagnés. C’est par exemple, le système de légitimation utilisé par L’Oréal, Dyson ou Essilor (cf. Exemple 2.2).

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La légitimation rationnelle-légale passe aussi par la capacité de l’entreprise à se défendre et à attaquer les concurrents sur le plan juridique. Au-delà du bien-fondé juridique de ces attaques, la médiatisation de ces affaires permet de renforcer la légitimation rationnelle-légale de la marque. On voit par exemple cela à travers les luttes juridiques entre Samsung et Apple, chacun accusant l’autre de plagiat et de non-respect de brevet. La situation est plus difficile lorsque le litige porte sur des éléments particuliers de la marque tels qu’une couleur, un son ou une odeur (cf. Chapitre 15). On se souvient, par exemple, des procès entre Saint Laurent et Louboutin aux États-Unis concernant les escarpins à semelle rouge. Christian Louboutin, le créateur français de talons aiguilles, a poursuivi Saint Laurent pour concurrence déloyale et violation de marque commerciale, après avoir vu apparaître dans les boutiques newyorkaises de son rival des chaussures aux semelles rouges, « signature » de la maison Louboutin. La justice américaine a reconnu que les célèbres semelles pouvaient être une marque déposée. Exemple 2.2 – Nanoptix TM, SynchronEyes TM, etc. : le bouclier d’Essilor Essilor est le numéro un mondial des verres correcteurs. De la conception à la fabrication, le groupe élabore de larges gammes de verres pour corriger et protéger la vue. Présent dans plus de 100 pays, le groupe tire sa réussite d’une stratégie dont l’innovation est le moteur depuis plus de 160 ans. Le groupe s’appuie sur une légitimation rationnelle-légale organisée autour des brevets. La légitimation passe par l’activité recherche et développement du groupe : plus de 150 millions d’euros consacrés aux investissements de recherche et développement (en 2010) ; 550 chercheurs à travers le monde travaillant dans trois Centres

Innovation et Technologie situés en France, aux États-Unis et en Asie ; un réseau de partenariats créés avec des universités, des groupes industriels et des PME innovantes (ex : CNRS en France, Université de Shanghai, l’université de Montréal). La légitimation rationnelle-légale des marques du groupe Essilor s’appuie également sur l’innovation des produits. La marque lance plusieurs produits chaque année et la moitié du chiffre d’affaires est généré par des produits développés depuis moins de trois ans. Les produits s’appuient sur des brevets, des explications très techniques et des tests cliniques. Voici, par exemple, la présentation du dernier verre commercialisé par Essilor, le Varilux S Series : « Notre solution consiste en un système intégré qui associe simultanément les possibilités des faces avant et arrière des deux verres. Notre innovation NanoptixTM fragmente le verre en milliers de micro-éléments, calculés individuellement pour corriger la vision en réduisant l’effet de tangage. SynchronEyesTM est une nouvelle technologie permettant de concevoir un verre prenant en compte les deux yeux comme un seul système visuel pour une vision véritablement binoculaire avec un champ de vision jusqu’à 50 % plus large. Nous avons testé ces solutions sur les porteurs très en amont dans notre centre d’essai virtuel et avec des « verres réels ». Les résultats positifs enregistrés nous ont encouragés à poursuivre dans cette voie, évaluée de manière très positive lors des tests finaux d’utilisation ». La légitimation de la marque passe également par des reconnaissances institutionnelles : récompenses des professionnels de l’optique (ex : SILMO d’or 2012 du salon mondial de l’optique) et de la presse économique (ex : classement par le magazine américain Forbes des 30 sociétés les plus innovantes du monde, World’s most innovative companies). Ces récompenses renforcent la légitimation rationnelle-légale en certifiant le système technique développé par la marque.

Source : www.essilor.com

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3 La légitimation charismatique

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La légitimation charismatique s’appuie sur le charisme d’un leader. Selon Max Weber, le charisme est défini comme une qualité attachée à une personne (peu importe que cette qualité soit réelle, supposée ou prétendue) qui lui confère une autorité à laquelle les autres se soumettent. Ainsi, l’autorité charismatique apparaît comme une domination à laquelle les hommes se plient en vertu de la croyance de qualité attachée à une personne en particulier. Il peut s’agir d’un magicien, d’un prophète, d’un chef de guerre, d’un artiste, etc. La légitimité de leur domination repose sur la croyance et l’abandon à l’extraordinaire. Un extraordinaire qui dépasse les qualités humaines normales et qui pour cela même se trouve valorisé [2]. C’est par exemple le cas de la croyance en la magie, en une révélation ou encore en un héros. C’est dans cette logique que plusieurs marques ont choisi d’inscrire leur légitimité. La légitimité charismatique est centrale sur de nombreux marchés, et notamment sur les marchés à dominante artistique comme le luxe, l’architecture ou le design. L’autorité de la marque s’appuie sur le charisme d’un créateur. Par exemple, la légitimité de Vuitton est ancrée à la fois sur des savoir-faire traditionnels mais aussi sur la sensibilité artistique de son directeur artistique, Marc Jacobs [2]. La légitimité charismatique est également importante lorsque la marque est portée par un dirigeant charismatique comme Paul Ricard, Alain Afflelou ou Michel-Edouard Leclerc. Ses marques appuient leur légitimité sur la personnalité de leur dirigeant (cf. Exemple 2.3). La légitimité charismatique peut être fragile car elle est associée à la personnalité d’un leader. Or ce leader peut disparaître, quitter l’entreprise ou devenir incontrôlable (ex : décès de Steve Jobs,

suicide d’Alexander McQueen, licenciement de John Galliano suite à ses propos antisémites, etc.). Pour éviter, la disparition de la légitimité charismatique liée au départ du leader sur lequel repose la légitimité de la marque, il est recommandé de mettre en place une filiation entre les leaders pour permettre à la légitimité charismatique de perdurer [3]. Par exemple, Sarah Burton, la nouvelle directrice artistique de Alexander McQueen est présentée comme la fille spirituelle du créateur. Elle a su réinterpréter le style de McQueen et ainsi faire perdurer la marque au-delà de son créateur. Il y a un lignage artistique qui s’instaure et qui permet à la légitimité charismatique de se maintenir. Lorsque la légitimité charismatique de la marque est menacée, il est aussi possible de faire évoluer les systèmes de légitimation de la marque (cf. paragraphe suivant sur les panachages des systèmes de légitimation). Exemple 2.3 – Michel-Edouard Leclerc, le militant Avec 18 % de parts de marché sur l’ensemble des produits, l’enseigne E.Leclerc est leader de la grande distribution en France (Kantar World Panel 2011). Le chiffre d’affaires des centres E.Leclerc en 2011 a progressé de +5,5 % (hors carburant) pour atteindre 30,2 milliards d’euros (37,8 milliards avec carburants) en France et 32,5 milliards en intégrant l’international.

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« Depuis 60 ans, l’enseigne E.Leclerc poursuit un objectif : démocratiser la consommation et permettre au plus grand nombre d’accéder à tous les produits et services. L’accessibilité est d’abord une question de prix. Des prix qui doivent rester les moins chers, quel que soit le produit. » Cet engagement s’est traduit par un ensemble de combats pour briser des monopoles et ainsi pouvoir vendre en grande distribution à prix plus faible. Ces combats sont incarnés par le fondateur de l’enseigne Edouard Leclerc puis par son fils Michel-Edouard Leclerc. Michel-Edouard Leclerc devient ainsi dans le paysage français du pouvoir d’achat des Français. Il engage un bras de fer contre la loi Lang, qui fixe le prix unique du livre et interdit les remises de plus de 5 % sur le prix éditeur. Il combat pour la libération des prix du carburant, la vente de bijoux (1986), de voyages (1987) puis de produits de parapharmacie (1988). Il s’engage aussi pour la protection de l’environnement (1996, suppression des sacs de caisse jetables ; 1998, lancement de l’opération « Nettoyons la campagne », etc.). Aujourd’hui, Michel-Edouard Leclerc initie un nouveau combat pour la consommation responsable. Pour construire son image de « rebelle et bâtisseur », Michel-Edouard Leclerc multiplie les interventions dans les médias. Il ne cesse de prendre la parole sur les sujets qui ont fait la renommée du Mouvement E.Leclerc, comme les prix ou le pouvoir d’achat. Depuis 2005, il anime un blog « De quoi je me M.E.L » qui lui permet de communiquer sur ses cinq engagements : promouvoir le développement durable, militer pour la libre concurrence, défendre le pouvoir d’achat, préserver la qualité et la sécurité, et faciliter l’accès à la culture. Cet engagement personnel de Michel-Edouard Leclerc qui en a fait une figure de proue de la défense du pouvoir d’achat est un élément clé de la légitimité de l’enseigne. Il rend l’enseigne légitime par rapport au positionnement prix de l’enseigne.

Sources : www.mouvement-leclerc.com ; www.michel-edouard-leclerc.com

4 Panacher les systèmes de légitimation La marque peut puiser dans les trois systèmes de légitimation qui permettent à la marque de justifier son identité et de lui conférer une autorité sur les marchés. Chaque système s’appuie sur des éléments et des modes de fonctionnement différents (cf. Tableau 2.2). Les formes de légitimation ne sont pas exclusives les unes des autres. Les marques peuvent panacher les systèmes de légitimation pour créer un système propre et faire évoluer ce système de légitimation selon l’actualité de la marque où les évolutions de l’identité de la marque.

La plupart des marques utilisent simultanément plusieurs systèmes de légitimation. Toutefois, elles utilisent le plus souvent une légitimation principale et une légitimation secondaire. Par exemple, E.Leclerc s’appuie à la fois sur une légitimation charismatique portée par MichelEdouard Leclerc et une légitimation rationnelle-légale à travers l’action juridique de l’enseigne pour faire évoluer les lois et régulations (cf. Focus 2.3).

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Tableau 2.2 Systèmes de légitimation

Les marques peuvent faire évoluer leurs systèmes de légitimation selon l’actualité de la marque. Par exemple, lorsque John Galliano était directeur artistique de Dior et qu’il était adulé par les journalistes et bloggeurs, la marque avait mis l’accent sur la légitimation charismatique. Puis, lorsque Galliano a été licencié, la marque s’est tournée vers une légitimation traditionnelle. Elle a remis en avant le savoir-faire et les artisans. Un évènement emblématique de ce changement a été de faire saluer les « petites mains » de la maison à la fin du défilé de haute-couture. Parallèlement, la marque a orienté sa communication autour du savoir-faire de la marque en réalisant une série de reportages au sein des ateliers pour mettre en évidence l’extraordinaire savoir–faire de la maison. Dior a également remis en avant Christian Dior, le créateur fondateur de la marque. Depuis l’arrivée de Ralph Simons aux commandes de la création de Dior, la marque joue simultanément sur une légitimation traditionnelle et charismatique. Elle met à la fois en avant les savoir-faire de la maison (pièces iconiques de la maison, ateliers, artisans) et le génie de Raph Simons (créations de Raph Simons, défilés de haute-couture).

L’essentiel

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Même si la légitimité de marque est un concept (encore) peu développé, il est amené à prendre une place centrale dans les réflexions sur la marque car il est complémentaire du concept d’identité de marque. Alors que l’identité de marque permet de définir l’être de la marque, la légitimité de la marque correspond à la capacité de la marque à être et à agir. Si une marque apparaît comme légitime, elle possède alors une autorité naturelle à agir sur les marchés. La légitimité se construit à travers les actions de la marque et les interactions avec les tiers (clients, partenaires, journalistes, salariés, etc.). Par conséquent, la question se déplace d’une question identitaire (« ce qu’est la marque ») à une justification agissante (« les actions de la marque qui justifient que la marque soit définie ainsi »). Il s’agit d’une justification de l’identité de marque à travers les actions et réalisations de la marque. L’attention se déplace donc du résultat (la légitimité) à la légitimation, à savoir le processus de construction de cette légitimité. Une marque peut s’appuyer sur trois systèmes de légitimation : la légitimation rationnelle-légale fondée sur les lois et les règles, la légitimation traditionnelle ancrée sur la tradition et la coutume et la légitimation charismatique basée sur le charisme d’un leader. Ces systèmes de légitimation ne sont pas exclusifs les unes des autres. Les marques peuvent panacher les systèmes de légitimation pour créer un système propre et faire évoluer ce système de légitimation selon l’actualité de la marque où les évolutions de l’identité de la marque.

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Réflexions

1 ■ En quoi le concept de légitimité permet-il de compléter le concept d’identité ? 2 ■ Comment construire la légitimité d’une marque ? 3 ■ Quel est le rôle de Marc Jacob dans la légitimation de la marque Louis Vuitton ? 4 ■ Pourquoi panacher les systèmes de légitimité ?

Section 3

BIBLIOGRAPHIE

[1]CAPELLI, S. ET SABADIE, W., « La Légitimité d’une communication sociétale : le rôle de l’annonceur », Recherche et Applications en Marketing, 20, 4, 53-70, 2005. [2]DION D.

ET

ARNOULD E., « Building the Legitimacy of a Brand Through Charisma : The

Magic of Luxury », Journal of Retailing, 87, 4, p. 502-520, 2011. [3]DION D. ET DE BOISSIEU E., « Construction et mise en scène d’un lignage : le cas des chefs dans la haute cuisine », Décisions Marketing, 70, 25-42, 2013. [4]DION, D., REMY, E. et SITZ, L., « Le Sentiment régional comme levier d’action marketing », Décisions Marketing, 58, 15-26, 2010. [5]DION, D. et SITZ, L. ET REMY E., « Ethnicité réflexive : légitimité et authenticité des affiliations ethniques », Recherche et Applications Marketing, 27, 1, p. 59-77, 2012. [6]KAPFERER, The New Strategic Brand Management – Advanced insights & strategic thinking, Londres, Kogan Page Limited, 2012. [7]LAUFER, R., « Marque, marketing et légitimité », dans La Marque, J. C. Thoenig, J. N. KAPFERER (Eds.), McGraw-Hill, 1990. [8]SUCHMAN, M.C., « Managing Legitimacy : Strategic and Institutional Approaches », Academy of Management Journal, 20, 3, p. 571-610, 1995.

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[9]WÆRAAS, A., « The Re-enchantment of Social Institutions : Max Weber and Public Relations », Public Relations Review, 33, p. 281-6, 2007.

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[10]WEBER, M., Économie des Sociétés, T2, « L’Organisation et les puissances de la société dans leur rapport avec l’économie », Paris, Pocket.

Chapitre

3

La marque, levier stratégique de l’entreprise Fabienne BERGER-REMY et Marie-Ève LAPORTE

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Montrer la fonction stratégique de la marque. Mettre en évidence les deux aspects formel et informel du management de la marque. Expliquer comment répondre aux défis organisationnels posés par la gestion des marques dans un environnement complexe, mondialisé et numérique.

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Comment la marque peut-elle guider la stratégie de l’entreprise ? Qui manage la marque dans l’entreprise ?

Comment organiser l’entreprise autour de la marque ?

Avec le travail en réseau, le décloisonnement hiérarchique et la priorité donnée au client, la marque se retrouve aujourd’hui au centre d’un vaste jeu d’acteurs dans lequel chacun peut être amené à prendre la parole en son nom. Dès lors, quels sont les rôles des différents acteurs dans et en dehors de l’entreprise par rapport à la marque ? Quelles relations entretiennent-ils avec elle ? Ce chapitre propose des réponses à ces questions. Il rappelle dans un premier temps la fonction stratégique de la marque. Il analyse ensuite les deux aspects formel et informel du management de la marque. Enfin, il souligne les défis organisationnels posés par la gestion des marques dans un environnement complexe, mondialisé et numérique.

Section 1

COMMENT LA MARQUE PEUT-ELLE GUIDER LA STRATÉGIE DE L’ENTREPRISE ?

Les activités de gestion de la marque sont souvent confondues avec le département marketing. La proximité trompeuse des sonorités y contribue sans doute en France. Pourtant, la dimension de la marque est beaucoup plus large, elle est au cœur de la stratégie de l’organisation.

1 La dilution du rôle stratégique de la marque, un effet pervers du brand management system

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Jusqu’à la première guerre mondiale, le développement et la gestion des marques s’effectuent au plus haut niveau, celui du dirigeant, et seules des tâches mineures d’exécution sont déléguées. En effet, le dirigeant souvent fondateur se sent engagé par la marque, véritable signature. « En mettant leur marque sur leurs produits, les industriels en prenaient la responsabilité » [1].

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Tableau 3.1 Quelques exemples de marques patronymiques

De 1915 à 1929, le modèle économique de référence repose sur la force des marques, entraînant une prise en charge plus technique et systématique de leur gestion. Comme parallèlement, les entreprises se structurent en départements fonctionnels, cela consacre la naissance du service marketing, avec des salariés spécialisés. De nouvelles fonctions d’encadrement apparaissent : directeur des ventes, directeur de la publicité… L’intuition cède le pas à la technique, reposant sur des outils encore largement utilisés aujourd’hui, comme la copy strategy publicitaire, les études de marché ou les prévisions de vente. Cependant, la coordination de tâches de plus en plus techniques et parcellisées est difficile. De plus, les responsabilités sont diluées. C’est en réponse à ces faiblesses que naît le brand management system dans les années 1930, « type de structure organisationnelle dans lequel des marques ou produits sont assignés à des managers qui ont en charge sa performance » [10]. L’idée est alors de réinsuffler un esprit entrepreneurial. Mais face à la réalité organisationnelle et à la résistance des managers en place, le concept perd de sa force en se généralisant à partir des années 1950. Les chefs de marque, généralement jeunes et guère expérimentés, restent peu de temps en place sur un poste considéré

comme un accélérateur de carrière. Ils coordonnent mais n’ont pas l’autorité pour décider. Malgré de nombreuses critiques [3, 7], le brand management system s’impose comme modèle dominant dans les années 1970 et 1980. Ainsi, en 1975, 85 % des entreprises de grande consommation américaines l’ont adopté [2]. Cette gestion de la marque par des chefs de produit est encore utilisée sous des formes hybrides dans de nombreuses organisations de nos jours. Elle participe fortement à l’association dans les esprits de la marque et du marketing évoquée plus haut. Happés par leur rôle de coordination interne, les brand managers sont aujourd’hui accusés de pratiquer une bureaucratie de marque [8] au détriment de l’innovation, alors qu’il s’agit d’une fonction stratégique essentielle de la marque.

2 La marque, un filtre stratégique pour l’action

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Le brand management system a pu faire oublier combien la marque est centrale et transversale dans la politique générale de l’entreprise. L’évolution récente de l’environnement oblige à reconsidérer la question. D’une part, la valorisation financière des marques et la rationalisation des portefeuilles conduit au développement de marques d’envergure souvent internationale, nécessitant une plus grande expertise. D’autre part, les consommateurs de plus en plus éclairés et critiques rendent toute décision liée à la marque plus risquée pour l’ensemble de l’organisation. Enfin, la progression des marques de service et le développement d’internet font sortir la marque du service marketing : tout salarié et tout consommateur peuvent intervenir au nom de la marque.

Focus 3.1

La naissance du brand management system : « The McElroy Memo » [10] Les historiens s’accordent sur la date de naissance du brand management system ou système de gestion de la marque par des chefs de produit : le 13 mai 1931, une recommandation concernant l’organisation du marketing, retenue par l’histoire comme « the McElroy memo », est approuvée par le président de Procter & Gamble USA Richard Deupree. Cette recommandation pose les principes du brand management system : chaque marque doit avoir ses propres managers et assistants dédiés à la communication publicitaire et à l’ensemble des activités marketing concernant cette marque. Neil McElroy a tiré les leçons de son expérience lorsqu’il était responsable de la publicité de Camay. Le savon Camay est lancé par Procter & Gamble en 1926 en concurrence directe avec Ivory, l’autre marque de savon du groupe. Le produit peine à être lancé en interne, ce que le comité de direction attribue à « un système de pensée trop Ivory ». Il est alors décidé de faire appel à une deuxième agence de publicité et de gérer le lancement de Camay de façon séparée de la marque Ivory.

La fonction première de la marque est donc stratégique. Elle comporte la capacité d’orienter l’action de chacun des acteurs de l’entreprise, en leur fournissant une vision. Elle est à la fois un guide et un filtre pour l’action. Elle permet d’imprimer la direction stratégique, mais aussi de faire le tri entre les différentes options qui se manifestent. Cette dimension dynamique de l’identité de la marque (voir chapitre 1) permet à l’organisation d’avancer, selon un fil conducteur qui assure la cohérence de ses actions. En particulier, la marque inspire l’innovation. En effet, une organisation gérant des marques se doit constamment d’évoluer et proposer de nouvelles solutions aux clients pour justifier le premium demandé. Elle a une obligation de recherche-développement et de créativité. Cela conduit toute l’organisation à régulièrement se remettre en question et lui insuffle un esprit entrepreneurial.

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Par ailleurs, la détention d’une marque conduit l’entreprise à s’inscrire dans un temps plus long, rempart contre les aléas d’un marché centré sur le court terme. La marque peut même échapper à l’organisation, et souvent lui survivre, quand elle devient un patrimoine culturel, c’est-à-dire un bien commun à protéger et à sauvegarder (au sens de la définition proposée par l’UNESCO dans la convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel). Pour y accéder, elle doit remplir deux conditions : elle doit faire partie du quotidien d’une nation ou d’un groupe social au-delà de la consommation des produits ; elle doit constituer un repère que la génération veuille transmettre à la suivante.

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L’organisation n’est alors que le simple dépositaire de la marque, responsable de sa transmission aux générations futures. Exemple 3.1 – Premier Foods, un groupe agroalimentaire leader au Royaume-Uni bâti à partir de vieilles marques locales anglaises fortes délaissées par les multinationales

Parmi elles, Ambrosia est emblématique. Cette marque de custard (crème anglaise) et de rice pudding (riz au lait), centenaire connue de tous les Anglais, est vendue par Unilever à Premier Foods en 2001. Aux yeux de la multinationale, elle n’a pas de potentiel global car elle est trop anglaise. Mais elle constitue aujourd’hui un fleuron de Premier Foods, qui a compris que pour les consommateurs anglais, elle constitue un véritable patrimoine culturel.

Ces deux points – l’innovation d’une part, le long terme d’autre part – peuvent sembler à première vue contradictoires. Pourtant, il n’en est rien, car la marque patrimoine culturel comporte une grande valeur, y compris financière. Sa longévité sécurise l’activité de l’entreprise en étant un

facteur de pérennité. Ricard l’a bien compris quand il communique sur… le non-changement de sa recette ! Son statut de patrimoine culturel a d’ailleurs été consacré par une exposition au musée des Arts Décoratifs (cf. figure VII du cahier central). La marque permet donc à l’organisation de s’ancrer dans une histoire, mais elle détient aussi les clés de son futur. Dès lors, la bonne gestion de la marque est elle-même stratégique pour l’entreprise.

Section 2

QUI MANAGE LA MARQUE DANS L’ENTREPRISE ?

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On pourrait définir le management des marques comme la volonté délibérée d’acteurs au sein d’une organisation de se constituer en porte-parole de la marque et d’exercer une influence sur l’identité de la marque. Ces procédés peuvent être formels – il existe alors une structure organisée de gestion de la marque autour de la fonction de brand manager –, ou informels, sous la forme de l’émergence spontanée d’un ou plusieurs brand champion(s), ou champion(s) de la marque. Ces structures formelles et informelles coexistent en général dans les entreprises.

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1 Le brand manager, un rôle pivot et formel L’émanation la plus visible du brand manager system a été la création de la fonction de brand manager. Notons que souvent, les termes de brand manager et de chef de produit sont utilisés indifféremment, entretenant par là même la confusion entre marque et produit. La gestion des marques recouvre cependant un ensemble de tâches, de rôles et de responsabilités qu’il faut distinguer de celles traditionnellement allouées à la fonction de chef de produit. Trois rôles principaux caractérisent la fonction de brand manager : un rôle technique ; un rôle de contrôle ; un rôle de coordination et d’influence. Figure 3.1 Les rôles du brand manager

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Le rôle technique recouvre des tâches d’organisation et de formalisation de l’identité de la marque. Le brand manager produit des outils de forme – par exemple, le modèle qui doit être utilisé pour représenter la marque, ou le modèle de brief aux agences ; ces outils vont ensuite être utilisés par les autres départements fonctionnels dès lors qu’ils vont être amenés à travailler sur la marque. Il produit également des outils de fond sous la forme de plate-forme de marque, ou bible de marque (dite aussi brand book) qui rendent explicites l’identité de la marque sous la forme de descriptions d’attributs, de personnalité, de style et de système de valeurs (cf. chapitre 1). Ces documents sont destinés à diffuser l’identité de la marque à travers l’organisation et à assurer la cohérence des interprétations. Très souvent, le brand manager est aussi en charge de la mise en place et de l’évaluation des activités de communication de la marque. Il est toutefois de moins en moins maître d’œuvre de la totalité des communications émises, tant les points de contact se multiplient entre la marque et ses différents publics. Dans sa partie technique, le rôle de brand manager demande aujourd’hui davantage des compétences sur la production d’éléments de forme et de fond permettant à un grand nombre de parties prenantes de travailler avec la marque, plutôt qu’un savoir-faire technique en communication. Exemple 3.2 – Comment Nestlé verrouille les expressions de la marque par le contrôle Le groupe Nestlé est caractérisé par une culture de décentralisation, avec une myriade de marques alimentaires locales. Comment, dès lors, garantir une certaine homogénéité de l’expression des marques ? La gestion des grandes marques est centralisée à Vevey au sein des Strategic Business Units (SBU). Une équipe support à Vevey a travaillé avec une agence de communication sur un processus propre au groupe baptisé Brand Key Process et propose aux équipes locales des outils prédéterminés, avec une méthode à suivre et des formats-types de documents et de briefs, ainsi qu’un accompagnement par des consultants internes formés à la méthode. Les agences locales, les chefs de produit, les chefs de groupes et les directeurs marketing travaillent obligatoirement avec cet outil. Les procédures internes commandent qu’à certaines étapes du processus, il y ait une signature formelle de la SBU et des dirigeants des filiales locales. Ces procédures formelles garantissent une cohérence d’ensemble pour les marques des 6 SBU du groupe.

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Le rôle de contrôle s’appuie sur une autorité rendue légitime par le pilotage des outils de mesure de la performance de la marque. En effet, c’est en général le brand manager qui pilote et coordonne les études de notoriété et d’image, ce qui le rend souverain en matière de recommandation et lui confère une responsabilité naturelle sur la marque. Cette autorité permet le contrôle, soit de façon formelle, soit de façon informelle. Quand le contrôle sur les éléments de communication de la marque est institutionnalisé par des procédures formelles (comme dans l’exemple de Nestlé ci-dessus), le brand manager endosse un rôle de censeur. Cette façon de faire, bien que présente dans nombre d’organisations, s’avère difficile à opérer à l’ère des réseaux sociaux et d’une exigence de plus en plus prégnante de réactivité face aux événements de marché. Dans d’autres cas plus informels, le brand manager est reconnu plutôt comme le gardien du temple : il est là comme référent, pour aiguiller les membres de l’organisation en cas de doute, et il rappelle régulièrement les principes. Cette approche exige de la part du brand manager de consacrer beaucoup de temps et d’énergie à l’acculturation en amont, afin que les collaborateurs soient suffisamment imprégnés de la marque pour pouvoir la représenter de manière autonome. C’est pour ces raisons que le rôle de coordination et d’influence du brand manager prend de plus en plus d’importance. Le brand manager agit comme une courroie de transmission entre la marque, le marché et les collaborateurs ; il doit s’assurer que l’information est fluide et partagée. Au-delà de la simple transmission des informations, le brand manager doit être capable, en travaillant en mode projet avec un grand nombre d’acteurs, d’animer, d’influencer et d’agrandir un réseau de compétences autour de la marque. Doté d’un véritable pouvoir de conviction, il se comporte enfin comme un lobbyiste auprès des instances de décision, pour obtenir d’inscrire la marque aux agendas des comités de direction.

Focus 3.2 Performance de la marque et rémunération des brand managers [6] Faut-il octroyer des primes et autres rémunérations variables aux brand managers par rapport à des critères de performance des marques dont ils ont la charge ? Une grande majorité des brand managers sont évalués par rapport à des objectifs de vente (83 %), de rentabilité financière (74 %) ou de part de marché (57 %) des lignes de produits ou de service. Ces indicateurs posent problème, car ils sont multifactoriels, liés à l’offre et ne reflètent pas uniquement les actions entreprises sur la marque. Ce sont en outre des indicateurs à court terme, alors que la performance d’une marque se mesure sur un temps plus long. Une minorité de brand managers sont évalués sur

des critères de notoriété de la marque (19 %) ou sur des items d’image, ce qui est une mesure plus intéressante des compétences techniques et de contrôle des brand managers. En revanche, la capacité à créer et entretenir une culture de la marque à travers l’organisation par des activités de coordination et d’influence n’est pas, à notre connaissance, une compétence reconnue et évaluée en tant que telle. Le brand manager reste une fonction centrale dans la gestion des marques. Cependant, le rôle, les tâches et les responsabilités du brand manager sont en train d’évoluer, pour passer d’une fonction technique et tournée vers la communication à une fonction plus large dont les contours ne cessent d’être redéfinis à mesure que la marque sort du marketing pour irriguer l’organisation tout entière.

2 Le brand champion, un porte-parole informel et charismatique de la marque La marque, élément intangible et immatériel, ne peut s’exprimer qu’à travers des porte-parole. Dans la plupart des organisations, on trouve une ou plusieurs personnes qui vont endosser de façon informelle ce rôle de brand champion, ou porte-parole de la marque.

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Pour David Aaker [1], le dirigeant de l’entreprise doit être le brand champion. Cette situation, idéale car elle permettrait de donner à la marque tout son rôle stratégique, n’est avérée que lorsque le dirigeant est le fondateur. Lorsque le profil du dirigeant est celui d’un gestionnaire, dans les faits ni lui ni son comité exécutif ne vont s’emparer des questions de marque, qui vont être considérées comme des questions techniques. D’autres auteurs [11] vont considérer que potentiellement, et sous certaines conditions liées au style de management et à la culture de l’entreprise, tous les employés au contact du client peuvent devenir des porte-parole de la marque.

Focus 3.3 L’influence des styles de management sur la propension des employés à devenir des porte-parole de la marque Selon une étude réalisée sur un échantillon de 270 employés et managers de sociétés de service [11], certains styles de management sont plus propices que d’autres à l’émergence de comportements qui servent la construction de la marque. La solution la plus simple, et la plus répandue, consiste à éditer un code de bonne conduite, formaliser les discours des employés sous forme de scripts, exercer des contrôles et récompenser les performances. Ce n’est cependant pas la méthode la plus efficace, car elle conduit à une forme de passivité et de désengagement perceptible par les clients. Les résultats les plus impressionnants en termes de construction de la marque sont obtenus par des managers qui expriment et partagent la vision de la marque, qui

inspirent leurs collaborateurs par l’exemple en agissant conformément aux valeurs de la marque tout en laissant à chacun la liberté d’interpréter leur rôle, et qui se conduisent en coach et mentor. Ainsi, les collaborateurs se sentent solidaires, autonomes et compétents dans leur rôle de représentant de la marque, ce qui se traduit par l’engagement, la sincérité et la proactivité qui caractérisent un brand champion. D’autres études empiriques montrent que de fait, les orientations prises par les marques dépendent beaucoup d’hommes providentiels, qui se sont d’une certaine façon « autoproclamés » champions de la marque, sans que cela soit nécessairement dans leur définition de fonction. Ces brand champions informels sont passionnés et considèrent cette tâche comme une quête. Le vocabulaire utilisé par les brand champions est d’ailleurs bien peu managérial : ils parlent volontiers de credo, de voyage initiatique ou d’évangélisation pour décrire leur rôle.

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Le brand champion ne s’identifie pas lui-même comme tel ; ce sont les autres membres de l’organisation qui le désignent et lui reconnaissent une autorité sur la gestion de la marque. On le retrouve à un niveau intermédiaire de management, et il est généralement proche des techniciens de la marque. Lorsque l’on parle d’« autoproclamation », c’est que les activités qu’il conduit au nom de la marque ne sont pas définies dans une fiche de poste, ou une quelconque feuille de route. Comme la fonction de brand champion est informelle, on ne le trouvera pas systématiquement au même endroit dans les organigrammes.

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Le brand champion présente tous les traits du leader charismatique selon Weber [12] : il est reconnu par un groupe de « fidèles » ; ceux qui n’adhèrent pas sont rejetés par le groupe ; il a une prescience de ce qu’est, et de ce que doit être la marque, sans nécessairement pouvoir le justifier ; il se sent dévoué à une cause qui le dépasse. Le brand champion a une relation particulière à la marque à l’intérieur de l’organisation. La relation qu’il entretient avec la marque est proche de celle décrite par Fournier [5] pour caractériser la relation entre la marque et ses consommateurs, comme le montre le tableau cidessous : Tableau 3.2 La relation du brand champion à la marque

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La contribution des brand champions à la formation de l’identité de la marque est clef. Tout d’abord ils réduisent les dysfonctionnements dus au fonctionnement en silo des entreprises. Tout à leur passion de la marque, ils n’hésitent pas en effet à franchir les frontières (entre départements par exemple) pour aller « porter la bonne parole ». Ils sont donc déterminants dans la dissémination de l’identité de la marque à travers l’organisation.

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Ensuite, les brand champions rééquilibrent le système d’identité de la marque du côté des consommateurs par le fait de partager le même type de relation avec la marque, c’est-à-dire une relation essentiellement affective. Ils laissent de l’espace pour la création d’une identité riche, complexe, qui ne se résume pas aux signes tangibles. Dans l’organisation, ce sont ceux qui ont probablement accès au niveau le plus profond de l’identité de la marque, celui des croyances et des convictions. Pour toutes ces raisons, les organisations ont tout intérêt à repérer et valoriser ces champions de la marque autoproclamés, et à leur laisser l’espace d’autonomie nécessaire. Bien que la figure du brand champion soit clef dans le développement de l’identité des marques, son comportement d’électron libre peut aussi conduire à une certaine instabilité organisationnelle. Le brand champion est difficile à contrôler, et peut être imprévisible. Se pose également la question de la durée de vie du brand champion : que se passe-t-il lorsque, pour une raison ou pour une autre, il disparaît ? Il est possible d’institutionnaliser le charisme sous certaines conditions : la légitimité charismatique passe alors de l’homme à la fonction. Deux actions concrètes permettent d’institutionnaliser ce charisme : sortir la marque du département marketing et créer une fonction de responsable de la marque qui soit transversale à tous les métiers de l’organisation – cette forme organisationnelle est présentée dans la section suivante ; mettre en place un certain nombre de dispositifs d’acculturation des employés à la marque afin de créer, ou de favoriser une « culture de la marque » qui dépasse largement le cadre du service marketing et imprègne l’organisation tout entière (voir dernière section de ce chapitre).

Dès lors, si tout salarié, également consommateur et citoyen, est potentiellement appelé à être porte-parole de la marque, qui doit la gérer dans l’organisation ? Où la situer dans l’organigramme ? Les évolutions récentes de la marque, devenue transversale et non plus fonctionnelle, posent de véritables défis organisationnels.

Section 3

COMMENT ORGANISER L’ENTREPRISE AUTOUR DE LA MARQUE ?

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1 Conserver la mémoire des marques

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Compte tenu du rôle stratégique des marques et de leur périmètre élargi, leur gestion s’est donc fortement complexifiée. Cela soulève des difficultés organisationnelles majeures, pour notamment : conserver la mémoire des marques ; lutter contre une bureaucratisation excessive ; adopter une approche de co-création ; mobiliser les salariés.

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Avoir des marques fortes est un véritable atout stratégique, mais cela implique de respecter leur identité et donc de connaître leurs racines et leur histoire. La marque a une mémoire, qui se manifeste sous la forme de rémanences auprès d’acteurs souvent inconscients de ce processus. Or, la gestion des marques est dévolue à des brand managers qui restent peu de temps sur le poste. Dès lors, comment conserver leur mémoire dans l’organisation, quand les personnes en charge de la marque se succèdent rapidement les unes aux autres ? Il semble fondamental de garder et d’ordonner toutes ses manifestations. Cela nécessite de mettre en place un véritable système d’archivage, physique et numérique, sorte de musée interne de la marque. Pour cela, une personne doit endosser le rôle de conservateur. Mais cela ne suffit pas. Pour que cela perdure, il importe que chacun ait compris l’intérêt d’une telle démarche. Il faut donc acculturer l’ensemble des salariés à la marque. Le rôle du conservateur est aussi celui de « brand culture officer » [8]. Exemple 3.3 – Le Lactopôle du groupe Lactalis

Le groupe Lactalis a créé un musée, le Lactopôle André Besnier (fondateur de l’entreprise, père du précédent et grand-père du PDG actuel). Le « plus grand musée laitier et fromager du monde » est situé à Laval, sur le site historique et siège social de l’entreprise. Il montre la collecte du lait et l’évolution du groupe de l’artisanat vers une des plus grandes entreprises laitières au

monde. Mais en même temps, il permet de conserver la mémoire de ses marques et de leurs différentes expressions. Il présente notamment de nombreuses étiquettes de camemberts issues de l’immense collection du fondateur, grand « tyrosémiophile ».

Focus 3.4 Le point de vue l’historien : pour un Louvre des marques

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Jean Watin-Augouard, historien des marques, défend l’intérêt de replacer la marque dans un contexte historique. A priori, la marque semble relever du commerce, de l’intérêt particulier. Pourtant, de même que l’on expose aujourd’hui dans les musées les amphores grecques – qui ne sont autres que les ancêtres des produits marqués –, on pourrait bien d’ici quelques siècles approcher l’Histoire de la France et de la société française à travers les marques et ce qu’elles disent de nos modes de vie. Jean Watin-Augouard rêve d’un Louvre des marques, qui permettrait la conservation des signes et autres éléments liés aux marques. En effet, sans une volonté active de conservation, une grande partie du patrimoine lié aux marques risque fort de disparaître, perdu dans les boîtes à archives des entreprises, ou pire, abîmé ou détruit.

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2 Éviter la bureaucratisation de la gestion des marques

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Un autre écueil du brand management system tient au poids croissant de la coordination, au détriment de la créativité. Le risque est encore plus élevé dans les grandes organisations, car la structure formelle du management de la marque, illustrée dans la figure 3.2, est généralement répliquée à plusieurs niveaux, géographiques et/ou thématiques. Ce fonctionnement pyramidal est rendu de plus en plus complexe, avec une multiplication des étages de décision selon le niveau central ou local. Figure 3.2

On peut alors aboutir à une véritable bureaucratisation, au sens où l’entend Weber [12]. En effet, l’instauration de procédures, de contrôle, de standardisation permet certes une gestion cohérente de

la marque à travers l’entreprise quelles que soient la région ou la catégorie. Mais ce faisant, elle tend à uniformiser et ôter du sens.

Focus 3.5 La bureaucratisation de la gestion des marques [8]

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L’instauration de règles et mesures permet de réduire la complexité. Mais en même temps, elle est réductrice et éloigne de la réalité. De même, les procédures standardisées facilitent certes la cohérence et le contrôle. Mais elles uniformisent la gestion des marques et l’isolent du contexte (géographique, catégoriel…). Quant à l’approche scientifique et quantitative du management, destinée à augmenter l’efficacité, elle entraîne une hyperspécialisation et une parcellisation des tâches. L’entreprise fait alors appel à des experts, réseau de compétences achetées en dehors de l’organisation (agences de conseil en communication, agences de design, instituts d’études…). Mais le risque est grand de perdre la vision d’ensemble, et de déshumaniser à la fois le management et la marque.

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Pour lutter contre la bureaucratisation, certaines organisations ont mis en place des directions de la marque et/ou de communication à portée plus transversale, indépendantes du marketing. La direction du développement durable et de la Responsabilité Sociale et Environnementale de l’entreprise joue aussi parfois ce rôle de pont entre les marques et le reste de l’organisation. Figure 3.3

Mais la nécessaire « transversalisation » de la marque soulève à son tour des difficultés majeures, celles de la prise de décision et des luttes de pouvoir dans l’organisation. Qui tranche ? La solution réside dans la prise en compte de la marque au niveau du comité de direction. En effet, la marque est d’autant plus forte qu’elle est inscrite dans la stratégie de l’entreprise, initiée et contrôlée par le comité de direction et déployée à travers toute l’organisation. Les dirigeants retrouvent ici un rôle clé par rapport à la marque, comparable à celui qu’avaient les fondateurs avant la première guerre mondiale. Exemple 3.4 – Lactalis : le poids des dirigeants dans la gestion des marques

La marque Président a été créée en 1968 par Michel Besnier lui-même alors qu’il était président du groupe éponyme devenu Lactalis. Du vivant de Michel Besnier, les équipes marketing affirmaient que c’était lui le chef de produit du camembert Président. Le flambeau a été repris par son fils, qui incarne toujours la marque aux yeux des salariés.

Désormais, c’est bien au niveau du comité de direction que devraient se prendre les décisions stratégiques sur la marque (cf. chapitre 10). Or, les dirigeants avec un profil gestionnaire sont rarement conscients de l’importance stratégique de la gestion de la marque, et considèrent trop souvent la marque comme un sujet technique de marketing ou de communication.

3 Co-créer avec les acteurs externes à l’organisation

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De façon croissante, la marque met en jeu des acteurs du marché externes à l’organisation : les fournisseurs ; les distributeurs et intermédiaires marchands ; les consommateurs.

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Ces acteurs externes influencent indirectement mais profondément la gestion de la marque. En amont, les fournisseurs jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de l’innovation. En aval, les distributeurs et intermédiaires marchands sont parties prenantes dans la relation commerciale : la marque constitue une partie de leur chiffre d’affaires et de leur marge, et ils estiment avoir leur mot à dire. Comme le brand manager est accusé de dédié un temps insuffisant à la connaissance du client, les multinationales de produits de grande consommation ont créé une nouvelle structure, le category management, sur l’exemple de Procter & Gamble en 1987. Cette structure hybride entre marketing et commercial travaille de concert avec les distributeurs, à qui elle dévoile des informations internes clés. Le category manager devait initialement chapeauter les brands managers d’une même catégorie de produits, afin de réduire les effets néfastes de la compétition interne entre marques et de remettre le client au cœur des préoccupations managériales. Dans les faits, vingt ans après, les deux structures coexistent en parallèle. Enfin, les consommateurs veulent maximiser l’utilité fonctionnelle et émotionnelle retirée de la marque. Le développement des réseaux sociaux permet désormais une interaction en temps réel, qui peut être mise en œuvre pour « déléguer » une partie des tâches de gestion de la marque au consommateur, comme la génération d’idées de développements. Exemple 3.5 – Aroma-Zone se passe du département marketing

Cette PME d’aromathérapie se dispense de service marketing et commercial. Elle co-crée avec ses clients. Elle communique en direct avec eux, via son blog et des forums de fan. Des bloggeuses assurent les tests des produits avant leur lancement et leur promotion.

L’entreprise ne peut donc plus gérer sa marque seule depuis sa tour d’ivoire, en ignorant les parties prenantes. La co-création constitue une réponse source de valeur pour les uns et les autres. Mais elle suppose une grande capacité d’adaptation et de la réactivité, à l’encontre des principes du brand management system. Elle nécessite donc un changement de fonctionnement profond de l’organisation, qui doit accepter de perdre du contrôle, ouvrir ses portes et laisser l’accès à des données jusqu’alors considérés comme confidentielles.

4 Mobiliser les salariés

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Surtout, les évolutions récentes de la place de la marque dans l’organisation font des salariés dans leur ensemble des relais internes de la marque (cf. chapitre 4). En effet, la marque concerne aussi bien les ressources humaines, que les commerciaux, la logistique ou la production par exemple. Ce lien entre la marque et les salariés est généralement sous-estimé par les dirigeants et les brand managers, dont les préoccupations sont quasi-exclusivement centrées sur des campagnes de communication. Reconnu et correctement exploité, il est pourtant une source importante de l’identité de la marque, et un gisement potentiel d’actions en faveur du développement des marques [9]. Exemple 3.6 – Chez Disney, le boss, c’est Mickey !

Chey Disneyland Paris, les salariés parlent de la marque comme si c’était une personne agissante. Ils l’expriment clairement : « notre boss, c’est Mickey ! » Ils entretiennent avec la marque une relation qui est à la fois fonctionnelle – la marque est un allié pour aider à mieux faire son travail –, et affective – on s’est habitué à cette marque, on éprouve de l’affection pour elle. Il s’agit presque d’une relation de travail, comme avec un collègue de bureau expérimenté en qui l’on aurait confiance.

Aux deux critères classiques de mesure du capital-marque (FBBE – Firm-Based Brand Equity – et CBBE – Customer-Based Brand Equity), pourrait s’ajouter un troisième, l’EBBE (EmployeeBased Brand Equity). En effet, la marque est un facteur de motivation et d’inspiration, et donc in fine de performance des organisations.

Focus 3.6 Un nouvel outil de mesure du capital-marque ? Aux deux axes classiquement utilisés pour mesurer la valeur d’une marque, le FBBE et le CBBE, pourrait s’ajouter l’EBBE : 11. Le FBBE (Firm-Based Brand Equity) ou capital-marque d’un point de vue financier, selon la valeur d’actif au bilan et les leviers de rentabilité (cf. chapitre 12 12. Le CBBE (Customer-Based Brand Equity) ou capital-marque du point de vue du consommateur, selon sa valeur de garantie, son univers propre voire son accession au statut de patrimoine culturel(cf. chapitre 8).

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13. L’EBBE [2] (Employee-Based Brand Equity) ou capital-marque du point de vue des salariés, caractérisé par un lien entre la marque et le salarié qui donne : du sens au travail, de la reconnaissance, de la cohésion et un sentiment d’appartenance à un groupe, de la sécurité.

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Il est donc essentiel d’intéresser les salariés au développement de la marque, bien au-delà du seul département marketing. En parodiant Clémenceau, on pourrait dire que « la marque est une chose trop grave pour la confier à des brand managers »[1]. Cela pose certes des difficultés organisationnelles. Mais la marque représente en même temps un formidable levier stratégique pouvant intéresser toute l’organisation. Exemple 3.7 – Les gardiens de la marque chez Petit Navire Deux catégories de salariés sont plus particulièrement attachées à la marque chez Petit Navire. D’une part, les vendeurs car ils ont pendant des années physiquement mis en avant les produits dans les magasins de façon spectaculaire, sous la forme de bateaux ou de phares bretons. D’autre part et de façon plus inattendue, les opérateurs sur ligne de l’usine de Douarnenez, berceau de Petit Navire. Ils sont la mémoire de la marque, comme en témoignent leurs locaux industriels, véritable musée informel et insolite de la marque, en contraste avec le siège parisien aseptisé qui pourrait être celui de n’importe quelle société.

Focus 3.7 L’acculturation des salariés à la marque

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En construisant la marque « entre experts », les brand managers se privent d’une ressource essentielle. En effet, faire participer des salariés « non-experts » aux réflexions sur la marque permet de rééquilibrer la représentation de la marque vers l’intérieur : le vécu professionnel, les pratiques et les métiers. Ce qui rend cette représentation plus juste, peut-être moins idéalisée, mais par là même plus efficace en termes de différenciation, et de capacité à toucher émotionnellement les salariés… et les clients. Ensuite, plusieurs dispositifs d’acculturation à la marque peuvent être mis en place pour renforcer le lien entre la marque et les salariés. Il s’agit d’abord de fournir un effort important de pédagogie pour augmenter le niveau de connaissance de la marque, sous la forme de formations internes, de centre de documentation sur la marque et d’actions de sensibilisation. Au-delà du partage des connaissances, l’organisation d’événements internes et la mise à disposition d’objets transactionnels et de mascottes permettent de créer ou renforcer l’affection pour la marque sous la forme d’éléments tangibles et de création d’une mémoire collective [4]. Ainsi, chez Lacoste, beaucoup d’employés ont un objet en forme de crocodile sur leur bureau – une action au départ spontanée, mais qui contribue au renforcement du lien avec la marque.

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L’essentiel

Historiquement[2], pour l’entreprise, la marque servait à garantir l’origine et à défendre la propriété : elle désignait « ma » poterie dans le four commun, « ma » vache dans le troupeau. Avec la révolution industrielle et la fin des produits vendus en vrac, on est passé du « c’est à moi » au « c’est pour vous » : c’est la naissance de la marque commerciale. Dans les années 1920, la marque devient progressivement un repère mental sur un marché. Puis, dans les années 1970, les entreprises commencent à prendre conscience de sa valeur en tant qu’actif incorporel générant du revenu. Aujourd’hui, la marque est un enjeu stratégique majeur pour l’entreprise. Elle devient réciproque : à travers sa marque, l’organisation s’engage, mais elle engage aussi toutes les parties prenantes envers sa marque, en interne (l’ensemble des salariés), et en externe (les clients, les distributeurs et les fournisseurs). Ces nouveaux rôles de la marque nécessitent des changements profonds des modes de gestion, qui la feront probablement sortir du giron « technique » du marketing. La gestion de la marque doit être pilotée au plus haut niveau dans l’entreprise. Elle doit ensuite être déléguée à des directions autonomes et transversales. Leurs missions essentielles seront l’enrôlement et l’acculturation des multiples parties prenantes en leur donnant pleine conscience de leur rôle et de leurs responsabilités envers la marque. Ainsi, ces directions de marque pourront repérer, soutenir et encourager les brand champions autoproclamés.

Question de réflexion 1 ■ Quelles sont aujourd’hui les compétences nécessaires à l’exercice de la fonction de brand manager ? 2 ■ Comment peut-on susciter des vocations de brand champion dans l’entreprise ? 3 ■ Faut-il gérer la marque en local, au plus près des marchés, ou bien centraliser la gestion de la marque de manière à garantir la cohérence des actions et à faire des économies d’échelle ? 4 ■ Comment peut-on rendre autonome les collaborateurs de manière à ce qu’ils puissent prendre la parole au nom de la marque ?

BIBLIOGRAPHIE

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Section 4

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[1]AAKER, D. A., & JOACHIMSTHALER, E., « The Lure of Global Branding », Harvard Business Review, 137-144, 1999.

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[2]BERGER-REMY, F. et MICHEL, G., « Comment la marque crée de la valeur à travers le lien avec les salariés », 29e Congrès de l’Association Française du Marketing (AFM), La Rochelle, 2013. [3]BUELL, V. P., « The Changing Role of the Product Manager in Consumer Goods Companies », Journal of Marketing, 39(3), 3-11. [4]CAYLA, J., « Brand mascots as Organisational Totems », Journal of Marketing Management, (à paraître), 1-19, 2013. [5]FOURNIER, S., « Consumers and Their Brands : Developing Relationship Theory in Consumer Research », Journal of Consumer Research, 24(4), 343-373, 1998. [6]HANKINSON, G. et COWKING, P., « Branding in Practice : The Profile and Role of Brand Managers in the UK », Journal of Marketing Management, 13(4), 239-264, 1997. [7]HISE, R. T. et KELLY, J. P., « Product Management on Trial », Journal of Marketing, 42(4), 28-33, 1978. [8]HOLT, D. et CAMERON, D., Cultural Strategy : Using Innovative Ideologies to Build Breakthrough Brands, Oxford University Press, 2010.

[9]IND, N., Living the Brand : How to Transform Every Member of Your Organization into a Brand Champion, London : Kogan Page, 2007. [10]LOW, G. S. et FULLERTON, R. A., « Brands, Brand Management, and the Brand Manager System : A Critical-Historical Evaluation », Journal of Marketing Research, 31(2), 173-190, 1994. [11]MORHART, F. M., HERZOG, W. et TOMCZAK, T., « Brand-Specific Leadership : Turning Employees into Brand Champions », Journal of Marketing, 73(5), 122-142, 2009. [12]WEBER, M., Économie et Société (t. f. 1971, Trans.), Plon, 1921. [1]

« La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires », une boutade célèbre de G. Clémenceau (1886), rapportée par G. Suarez. [2]

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D’après les propos de Jean Watin-Augouard, historien des marques, lors de l’introduction de la conférence de la chaire « Marques & Valeurs » sur les marques publiques.

Partie

2

Manager les hommes par la marque

Chapitre 4 Les relations des salariés à l’entreprise et à la marque Chapitre 5 Management de la marque employeur

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Chapitre 6 Appréhender la relation marque-vendeur comme un facteur de motivation

C’est parce que la marque est à la fois multiple et unique, fonctionnelle et émotionnelle, qu’elle

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constitue un puissant levier de management pour l’entreprise. Comment la marque peut-elle être un outil de motivation des équipes ? Plus particulièrement comment la marque permet-elle de fédérer les énergies pour délivrer la promesse faite aux clients ? La marque, porteuse de sens, semble devenir un outil symbolique important pour communiquer en interne les valeurs et la vision de l’entreprise. Comment développer un management des hommes par la marque ? Comment développer une marque employeur ? Cette partie s’articule autour de trois chapitres qui s’attachent à répondre à ces questions. Le premier chapitre éclaire la dynamique qui se met en place entre le salarié, l’entreprise et les marques. Différents cas de figures permettent de montrer en quoi la marque est une clé de voûte dans l’identification du salarié à l’organisation. Ce chapitre décrypte alors les relations que les salariés tissent avec la marque et contribue à définir le capital-marque du point de vue du salarié. Celui-ci est ici présenté comme une nouvelle dimension du capital marque du point de vue de l’entreprise. Enfin, le chapitre révèle que les éléments déterminants du management des hommes par la marque s’appuient sur la cohérence intégrée entre les valeurs de la marque, les valeurs du salarié et l’identité organisationnelle. Le chapitre 5 apporte une vision originale sur la marque employeur. Sur la base d’une relation évolutive entre le salarié et la marque « l’amour ne dure que trois ans », ce chapitre montre que la marque employeur ne doit pas se limiter à sa mission d’attractivité. En effet, pour maintenir une

relation forte entre les salariés et la marque, la marque employeur doit s’appuyer sur l’expérience au travail qui représente un élément central dans la construction d’une marque employeur pérenne.

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Le dernier chapitre propose une grille d’analyse pour mieux comprendre les relations entre les vendeurs et les marques qui sont susceptibles de vendre et promouvoir auprès des clients. Ce chapitre montre qu’au-delà des éléments extrinsèques et intrinsèques déjà bien connus dans le management de la force de vente, la relation vendeur-marque devient un élément déterminant dans la motivation des vendeurs et de leur engagement vis-à-vis de l’organisation. Des cas concrets sont alors décryptés afin d’identifier les leviers d’une relation vendeur-marque forte.

Chapitre

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Les relations des salariés à l’entreprise et à la marque Bastien GAVE

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Comprendre en quoi la marque devient un élément clé dans la relation des salariés avec leur entreprise. Analyser les différentes facettes de la relation qu’un salarié peut entretenir avec la marque de l’entreprise. Expliquer comment mettre en place un management des Hommes par la marque.

Quelles dynamiques entre le salarié, l’entreprise et ses marques ? Quelles sont les relations des salariés à la marque ? Comment développer un management par la marque ?

Les

entreprises fabriquent, achètent des marques et ont souvent en leur sein plusieurs

« marques » à gérer. Schématiquement, on discerne deux grandes familles de marque. D’une part, les marques commerciales qui s’adressent aux consommateurs (Citroën, Skip, Nespresso,…), d’autre part, les marques entreprises – ou « marques corporate » – (PSA, Unilever, Nestlé, etc.) qui s’adressent aussi bien aux investisseurs, aux pouvoirs publics, aux médias, aux salariés, aux actionnaires, etc. Chacune de ces marques a en théorie des cibles bien déterminées. Cependant il serait illusoire de croire que le salarié n’est soumis qu’à la marque et aux messages qui sont supposés lui être destinés. Les cibles de communication sont devenues poreuses, la communication des entreprises s’envisage dorénavant de manière globale [17]. Le salarié est au cœur de cette multi-dimensionnalité de la communication : tour à tour employé, consommateur, individu soumis

au jugement d’autrui, voire actionnaire, il envisage la marque comme le nom de son employeur mais aussi comme une marque pour laquelle l’opinion publique peut avoir un jugement. Les interactions sont multiples, les relations complexes. Le salarié est à la fois en relation avec l’entreprise et la marque qui en est le symbole. Alors comment interagissent ces trois acteurs : salarié, entreprise et marque ? La marque influence-t-elle le comportement du salarié ? Quelles relations se nouent entre les salariés et les marques de l’entreprise ? Ce chapitre a pour ambition de répondre à ces interrogations. Nous détaillerons, de prime abord, les dynamiques existantes entre le salarié, l’entreprise et la marque en montrant en quoi la marque corporate complexifie la relation du salarié à son entreprise. Fort de cette analyse, nous aborderons dans la seconde section, les différentes facettes de la relation que peut nourrir un salarié envers la marque corporate de son entreprise. Enfin, nous ferrons un état des conditions nécessaires pour envisager un management des salariés par la marque.

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QUELLES DYNAMIQUES ENTRE LE SALARIÉ, L’ENTREPRISE ET SES MARQUES ?

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1 L’identification au cœur de la relation salarié-entreprise L’entreprise occupe une place prépondérante dans la vie du salarié. Ne serait-ce que d’un point de vue temporel : en moyenne 39 h 20[1] par semaine pendant plus de 40 ans ! Une telle relation ne peut se dérouler dans l’indifférence : l’entreprise et le salarié s’observent, interagissent, réagissent. 1.1 Salarié et entreprise, l’engagement réciproque « Je suis embauché par Accenture » ; « Il a été engagé par la Société Générale ». Des déclarations claires, concises, factuelles, sans véritable signification. Et pourtant, si c’est bien l’entreprise qui recrute le salarié… c’est bien le salarié qui se retrouve engagé à l’organisation ! Cet engagement prend trois formes [15] : Un engagement affectif. Le salarié aime ce que l’entreprise représente, ses produits, son imaginaire, ses actions, l’image qu’elle (lui) donne en externe. Ainsi, un individu féru de sport sera a priori satisfait et fier de travailler pour Adidas qui renforcera auprès de ses proches sa propre image de « sportif ». Un engagement dit normatif. Le salarié se sent redevable envers l’organisation qui l’a embauché, qui lui a fait confiance. Ici l’engagement est moral, « partir de l’entreprise, c’est trahir ».

Un engagement de continuité. Le salarié se sent lié à son entreprise dans la mesure où tout changement d’employeurs engendre un coût rédhibitoire : « repartir à zéro… de nouveaux collègues, refaire ses preuves, une période d’essai… » Autant d’acquis qui lient le salarié à l’entreprise qui l’engage. Ces trois composantes sont souvent présentes de manière diffuse dans la déclaration des salariés « J’étais convaincue de changer mais je me plais tellement dans cette boîte que ce serait vraiment difficile de bouger maintenant[2] » (mélange d’engagement affectif et de continuité). 1.2 L’entreprise comme vecteur d’identification pour le salarié L’engagement affectif du salarié envers son employeur entraîne un phénomène d’implication, voire d’identification. Analysons ensemble comment cette identification se crée et comment cela se traduit pour l’entreprise et le salarié.

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Travailler pour une entreprise équivaut à être associé à un « groupe ». Ainsi les L’Oréal, les Accenture ou les Total, salariés ou ex-salariés, nourrissent un vrai lien tribal avec leur entreprise. C’est un groupe, une communauté, avec ses propres références, un socle sémantique commun et une culture qui leur est propre. Une caste que l’on ne peut appréhender de l’externe. Cette catégorisation sociale devient un outil de définition de soi, elle définit la place de l’individu dans la société [20]. Cela se traduit dans les discours de tout un chacun par des expressions du type : « C’est un SOCGEN » (pour Société Générale) ou encore « C’est un L’Oréal ».

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Il faut toutefois bien distinguer deux types de salariés, les impliqués et les identifiés. Les impliqués internalisent les valeurs de l’organisation comme guide (« je crois »). Les identifiés correspondent davantage à une incarnation intrinsèque (« je suis »). Si l’identification amène à de l’internalisation, on ne peut pas pour autant mélanger ces concepts bien distincts (voir Approfondissement).

Focus 4.1 Salarié impliqué ou identifié ? Il existe une importante confusion entre les notions d’identification à l’organisation (organisational identity) et d’implication dans l’organisation (organisational commitment). Pourtant, il existe une différence fondamentale entre ces deux concepts [12] : la notion de « destinée commune » entre l’individu et son organisation. En effet, alors que l’impliqué et l’identifié sont à la fois motivés et satisfaits par leur travail, le salarié identifié vit de manière très personnelle les succès et les échecs de son entreprise (destinée commune), alors que le salarié impliqué aura un comportement opportuniste si une autre entreprise lui offrait de meilleures conditions.

Le salarié impliqué profite de ce qu’apporte globalement l’appartenance à une entreprise (salaire, statut, réalisation de soi, prestige, etc.) et peut éventuellement la quitter si le prestige de celle-ci venait à faillir ou si l’appartenance à une entreprise tierce lui permettait d’accroître encore plus son bien-être. À l’inverse, le salarié identifié va partager les succès et les échecs de son entreprise, va la défendre comme il va se défendre. Il est inexorablement lié à son entreprise. Les principales raisons expliquant qu’un salarié tend à s’identifier à son entreprise sont [2] : Mon entreprise est unique ! Chaque entreprise a des valeurs et des pratiques distinctes des autres entreprises. Il existe des entreprises comparables mais pas identiques. « Tu ne peux pas comparer Mc Donald’s et Burger King : Ca n’a rien à voir ! » Mon entreprise jouit d’un certain prestige ! Cela flatte le salarié et renforce l’estime qu’il a de lui-même. « Il travaille chez Adidas ? C’est cool ! » Mon entreprise c’est tout une ambiance ! « Pour moi, l’entreprise c’est d’abord les collègues, des amis… » Mon entreprise c’est mon histoire personnelle ! « Mon père travaillait dans cette usine ».

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Ce mélange d’agora identitaire et de points d’achoppements individuels rend état de la complexité des mécanismes d’identification qui se jouent. Malgré cette diversité des motivations, l’identification des salariés à l’entreprise se mesure et l’approfondissement ci-dessous en présente la mesure adaptée au monde de l’entreprise.

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Focus 4.2

L’identification des salariés à l’entreprise, ça se mesure ? [13] Pouvez-vous indiquer dans quelle mesure vous êtes d’accord avec les affirmations suivantes (sur une échelle allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ») ? 1. 2. 3. 4. 5.

Quand quelqu’un critique (nom de l’entreprise), je ressens cela comme une insulte. Je suis très intéressé parce que les autres pensent de (nom de l’entreprise). Quand je parle de cette entreprise, je dis plutôt « nous » plutôt qu’« ils ». Je considère que les succès de cette entreprise sont aussi les miens. Quand quelqu’un complimente cette entreprise, je perçois cela presque comme un compliment personnel. 6. Si les médias critiquaient (nom de l’entreprise), je serais embarrassé(e).

La question qui peut se poser maintenant est : hormis la relation salarié–entreprise largement étudiée en ressources humaines, comment la marque s’intègre dans cette relation que le salarié peut vivre avec l’entreprise ? Cette question fera l’objet du second point de cette section.

2 Le salarié pris en étau entre l’identité organisationnelle et l’image de la marque à l’externe L’entreprise peut avoir à gérer un certain nombre de marques commerciales. Ces marques commerciales s’adressent aux consommateurs. La marque corporate correspond à la marque entreprise, elle s’adresse aux différentes parties prenantes (salariés, pouvoirs publics, médias, etc.). Depuis le début des années 1990, on observe un recentrage d’attention sur les marques corporate, qui deviennent des outils stratégiques de l’entreprise [3,16]. De nombreuses marques hégémoniques ont émergé. C’est le cas de la marque Virgin, une entreprise qui réunit un opérateur télécoms, un soda, une compagnie aérienne, une chaîne de magasin, des hôtels, un label de musique et une société de tourisme spatial. Prouesse réussie grâce à une marque corporate qui porte les éléments communs à tous ces produits qui sont l’innovation, la liberté et l’impertinence. Dans la suite de ce chapitre, nous consacrerons notre réflexion à la relation que les salariés entretiennent avec la marque corporate.

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2.1 La marque corporate au cœur du processus d’identification du salarié

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L’individu, en tant que salarié cherche à affirmer son identité envers un groupe de référence qui lui est propre (sa famille, ses pairs, ses camarades…) Ainsi, pour un consultant, le fait d’intégrer le club fermé des grands cabinets anglo-saxons de stratégie[3], par opposition aux nombreux cabinets de conseils existants, correspond à une conquête du Graal pour ses pairs consultants et autres alumni de Grandes Ecoles. Pour un autre salarié, le fait de travailler, par exemple, pour TF1 – que tout le monde connaît et qui est dans le milieu attirant des médias – constitue une source de fierté. Figure 4.1 Les groupes de références

La marque de l’entreprise joue ici un rôle prédominant. Pour le salarié, la marque corporate

correspond très souvent au nom de l’entreprise. C’est cette dénomination qu’il va utiliser pour parler de son employeur, « Je travaille chez General Electric ». Plus la marque est forte, puissante, plus les groupes de références peuvent s’y référer. Ainsi, la stratégie d’Intel – fabricant de puces électroniques BtoB – n’était-elle pas incroyablement visionnaire à cet égard ? Une très large part de la population connaît Intel. Beaucoup d’entre nous avons demandé « Intel inside » sans jamais avoir vraiment saisi ce qu’il en était, ou avons été rassuré à l’idée que Intel était justement « inside » l’ordinateur que l’on était prêt à acheter. Non seulement cette stratégie de marque BtoB a permis le succès commercial que l’on connaît mais elle a également porté la fierté des salariés qui trouvent à travers cette marque corporate sécurité, reconnaissance et approbation.

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Le salarié s’inscrit dans un cadre où il imagine ce que les autres pensent de son entreprise. S’il pense que les autres ont une évaluation positive de l’entreprise pour laquelle il travaille, il s’en trouvera valorisé indirectement aux yeux des tiers. Comme nous l’avons vu précédemment, le prestige de l’entreprise dans laquelle le salarié travaille influe sur sa propension à s’identifier à son employeur notamment via un accroissement de l’estime de soi. Inversement, travailler pour une entreprise qui n’aurait pas une bonne réputation au niveau du grand public est une donnée complexe à gérer pour le salarié qui devra trouver d’autres facteurs pour motiver le fait de rester dans l’entreprise (arbitrage classique du salarié impliqué comme nous l’avons vu précédemment). À titre d’exemple, il ne devait pas être facile de travailler à la Société Générale alors que la crise des subprimes éclatait sur la scène publique et que les projecteurs se braquaient sur un de ses traders tenu pour responsable de pertes abyssales ; la Société Générale cristallisait alors les peurs et la colère de tout un chacun. De travaux scientifiques [7] ont précisément traité de l’influence de l’image de l’entreprise sur l’identification de ses membres en distinguant : la perception de l’identité de l’entreprise par le salarié (ce que le salarié perçoit comme distinctif, central et pérenne dans son entreprise) ; l’image que le salarié pense que l’externe partage ; cette image que le salarié pense que les autres ont est appelée, dans la littérature anglo-saxonne, « Perceived External Image » ou encore « Construed External Image ». 2.2 Les différentes combinaisons entre identité de l’entreprise et image de marque perçue à l’externe Le salarié a une perception bien spécifique de la marque corporate car il intègre à la fois l’image interne et l’image externe du nom de son entreprise. On a bien à faire à deux entités que le salarié met en relation. On peut alors identifier trois combinaisons : Cas 1. Pour le salarié, l’identité de l’entreprise et l’image de marque externe se confondent. Ce que vit le salarié est cohérent avec ce que la marque véhicule en externe. Cas 2. Pour le salarié, l’identité organisationnelle et l’image de marque externe

s’entrecroisent, il existe certains points de concordance. Cas 3. Pour le salarié, l’identité organisationnelle est vécue de façon « décorrélée » de l’image de la marque corporate.

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Figure 4.2 Les différentes combinaisons entre l’identité de l’entreprise et l’image de marque à l’externe

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Par exemple, si un individu est commercial dans une société dont la marque véhicule en externe des valeurs d’innovation et de hautes technologies, et si les outils informatiques mis à sa disposition pour exercer son travail étaient « standards » le salarié serait dans le Cas 2. En revanche, s’il avait à sa disposition les meilleurs outils informatiques du marché et que – par exemple – l’esprit d’innovation individuel était pris en compte, d’une manière ou d’une autre, dans la partie variable de sa rémunération, le salarié serait dans le Cas 1. Dans un cas extrême (ici le Cas 3), le salarié peut percevoir aucune cohérence entre l’identité de l’entreprise et l’image perçue de la marque, c’est le cas des salariés de la célèbre entreprise horlogère Lip qui à la fois ont fustigé le management de l’entreprise et ont revendiqué leur marque lors de l’éviction du fils du fondateur du conseil d’administration. Ils ne reconnaissaient plus les valeurs de la marque Lip qu’ils portaient depuis 150 ans dans le nouveau management de leur entreprise [14]. Cet exemple montre combien les salariés peuvent s’inscrire dans l’histoire de leur entreprise et montré un affect important avec leur entreprise, ils sont fiers de leur nom, de leur histoire, de leur héritage [6]. Comme cela est illustré dans la figure 4.2, il faut souligner que, contrairement au salarié, l’individu extérieur à l’entreprise n’a pas à gérer cette double perception car il ne connaît de l’entreprise que ce qu’elle veut bien lui communiquer : l’image de marque externe.

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La relation entre l’identité de l’entreprise et l’image de la marque s’inscrit dans un temps limité, ainsi le salarié peut passer d’un état de type Cas 1 à un état de type Cas 3 et inversement. Que penser des salariés de Exxon lors du naufrage de l’Exxon Valdez ou de ceux de Total lors du naufrage du pétrolier Erika ? Pour les salariés de ces grands groupes industriels, travailler pour ces entreprises était synonyme d’excellence industrielle et de protection tant les possibilités de faire carrière et la pérennité de l’emploi étaient assurées. Et c’est justement sur ces deux attributs de l’excellence et de la protection que ces groupes – et donc indirectement les salariés – vont se retrouver en porte à faux. Quid des auditeurs d’Arthur Andersen lors du scandale Enron ? Alors que ces auditeurs incarnaient littéralement l’entreprise et ses valeurs de droiture, d’intégrité et de rigueur, comment gérer que leur employeur ait pu cautionner un des plus gros scandales financiers de ces vingt dernières années ? Face à de telles crises de réputation, qui entraînent le désamour des employés, la baisse de l’attractivité employeur et cet embarras source de discrédit pour chaque collaborateur, les entreprises vont notamment travailler sur leur image de marque corporate. C’est ainsi que Total mène aujourd’hui une importante politique de Responsabilité Sociale des Entreprises. D’autres entreprises ont décidé de changer de nom, comme Andersen Consulting qui est devenu Accenture, ou encore Le Crédit Lyonnais qui a transformé son nom en LCL.

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Mais du point de vue du salarié, comment sa relation à la marque évolue-t-elle ? Afin de mieux comprendre comment le salarié tisse des liens avec une marque corporate dont l’image est quelquefois mise à mal, il convient désormais d’explorer les différentes dimensions de cette relation salarié-marque.

Section 2

QUELLES SONT LES RELATIONS DES SALARIÉS À LA MARQUE ?

Le salarié et la marque corporate de l’entreprise sont soumis à de multiples interactions quelle que soit sa fonction dans l’entreprise. S’il est évident que chaque salarié a une perception de la marque corporate de son entreprise, on peut affirmer que le salarié nourrit une relation avec cette dernière. Cette section s’attache à comprendre les différentes formes relationnelles qui peuvent se créer entre le salarié et la marque corporate de l’entreprise. Figure 4.3 Les différentes composantes de la relation entre la marque corporate et les salariés

1 La marque apporte un sentiment de sécurité Pour un salarié ou un candidat à l’embauche, la marque apporte un sentiment de sécurité. Il est plus sécurisant de travailler pour une entreprise connue qu’une entreprise anonyme. Si l’entreprise est connue, elle s’engage vis-à-vis du public. Une marque forte, c’est l’assurance psychologique pour un salarié d’une certaine pérennité.

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De plus, les salariés attendent de l’entreprise qu’elle soit un espace de réalisation de soi, de développement personnel. En un mot, qu’elle soit un guide et fasse preuve de bienveillance. Un parent, en quelque sorte.

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Focus 4.3

Témoignages[4] : la relation salarié-marque

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1. La marque corporate synonyme de sécurité de l’emploi Sandra B., parlant de la perception d’un de ses sous-traitants qui veut intégrer le groupe Renault dans lequel elle travaille : « Quand tu dis Renault, ça fait boite solide qui ne risque pas de s’arrêter, de licencier l’ensemble de ses salariés ». 2. La marque corporate comme image rassurante Pour Jérôme O., salarié dans le groupe d’assurance AXA, la notoriété de la marque rend l’entreprise rassurante « Je pense que c’est rassurant, autant que ça l’est pour les clients, c’est rassurant aussi quand tu y travailles ». Il y détecte une certaine « aura », à la fois protectrice et réfléchit. 3. La marque corporate comme caution de sécurité « Bon, tu vois par exemple, il y a dix ans quand on a fait un prêt pour notre appartement, le fait de dire que je travaillais chez PSA, mine de rien, cela a été quand même impactant pour l’octroi du prêt. Je pense plus que si je venais d’une boîte un peu moins connue ». Audrey F. Cette relation de sécurité peut donc aussi se traduire via des perceptions liées à une certaine filiation[5] : L’entreprise est perçue comme « humaniste ». Elle n’est pas une machine, elle est humaine. Elle va naturellement me protéger et assurer mon bien-être. L’entreprise est fortement incarnée pour un dirigeant charismatique. Steve Jobs chez Apple ou

Jack Welch chez General Electric en sont des exemples représentatifs. L’entreprise est historiquement une entreprise familiale. On intègre alors une famille, une tribu. Le salarié est en quelque sorte « adopté » par cette famille. Le salarié n’est qu’un lointain cousin mais la filiation existe. Le fondateur est omniprésent car il « est » la marque. Marcel Bic, Louis Renault, Yves Saint-Laurent, Coco Chanel, René Lacoste, Marcel Dassault, etc.

2 La marque apporte de la reconnaissance

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La marque corporate apporte une certaine reconnaissance aux salariés à deux niveaux : sentiment d’appartenance à un groupe et sentiment de fierté autour de l’utilité sociale qu’elle véhicule. La marque est chargée de sens et participe à la construction identitaire des individus qui se sentent appartenir à un groupe [18]. La marque corporate s’inscrit parfaitement dans un processus communautaire : les « Air France », les « Accenture », les « L’Oréal » constituent des groupes de salariés (ou ex salariés) qui partagent une culture, un vocable, une aventure commune. La marque corporate confère également un statut social au salarié indépendamment de la fonction exercée. Ainsi, un vendeur de l’enseigne d’habillement haut de gamme Agnès B n’est pas comparable, en terme de statut social, à un vendeur d’une boutique de prêt à porter Etam. Pourtant la fiche de poste est identique (accueillir et conseiller les clients).

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Focus 4.4

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Témoignages[6] : La marque corporate et l’estime de soi 1. La marque corporate comme affirmation de capacité « C’est une image d’excellence et je me dis que si je travaille pour un groupe comme ça, ça veut dire que j’ai des capacités. » Louise M. 2. La marque corporate comme instrument de valorisation « Le fait qu’elle soit connue sur la place publique, c’est aussi valorisant » « Il y a malgré tout un côté valorisant à travailler dans cette « grande maison » ! » Cécile P. À la question de ce qu’elle attend en échange de sa force de travail, elle répond « Qu’elle continue à être reconnue et qu’elle soit claire sur ses activités et sa stratégie ». On a donc ici une représentation de la dualité des attentes envers son entreprise : d’une part que l’entreprise via sa marque continue à rayonner en externe et être reconnue (estime de soi) et, d’autre part, que l’entreprise soit claire avec elle dans sa stratégie (relation employeur – employée). 3. La marque corporate comme attestation morale Pour Claire « c’est assez valorisant en fait parce que c’est une marque forte et une marque éthique […] c’est pas des pompes funèbres, c’est pas du tabac, donc ça c’est un côté qui me plaît » Les marques corporate, de par leur prise de parole dans l’espace public, établissent un contrat aspirationnel [11] avec la société tout entière. Ces engagements qui reposent sur des grandes

aspirations sociétales, sont souvent repris dans leur communication (l’innovation et le progrès, la confiance en l’avenir, le partage et la générosité, le rêve…). Le salarié se retrouve associé à un contrat aspirationnel sociétal : « Nous vous devons plus que la lumière » nous disait EDF, « Bienvenue dans un monde meilleur » nous assurait Rhône Poulenc. Les salariés sont de plus en plus sensibles à cet engagement de la marque « à donner du sens ». « Le sens » rentre dans les éléments d’arbitrage du candidat à l’embauche, tout comme le salaire ou les perspectives de carrière. Les entreprises ont pris conscience de cette demande de sens et ont axé leur communication sur de la « preuve de sens ». Le mécénat (sportif ou culturel) et, plus récemment, la responsabilité sociale des entreprises en sont des exemples tangibles. Areva est par exemple sponsor du Meeting Areva qui est une rencontre internationale d’athlétisme de premier plan et qui a lieu chaque année au Stade de France. Une opportunité pour les salariés de voir le nom de leur employeur associé à des valeurs de dépassement de soi par association à la discipline reine de l’olympisme.

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3 La marque apporte une dimension affective

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La relation affective que les salariés partagent avec la marque corporate se manifeste sous la forme d’un attachement, comme celui identifié par de nombreuses études entre les consommateurs et la marque commerciale [10]. La marque corporate est d’abord le nom de l’entreprise au sein de laquelle le salarié passe une grande partie de sa vie. Un nom, une dénomination, qui fait partie du quotidien, un repère sémantique. Outre son nom, la marque est aussi représentée par ses attributs : logo, code couleurs, forme. Ces différents repères visuels et auditifs instaurent une familiarité avec la marque qui peut générer de l’attachement. Parce que la marque est perçue comme attachante pour le salarié, ce dernier nourrit envers elle une relation affective. La marque corporate est le garant d’une histoire commune – réelle ou imaginaire – entre les collaborateurs. On peut aimer une marque parce qu’elle évoque certains produits, une image industrielle, un art de vivre, un côté tangible, un état d’esprit, une mentalité, etc. Autant d’appréciations subjectives, de petites histoires individuelles, qui font que l’on aime cette marque.

Focus 4.5 Témoignages : La marque corporate et l’affect 1. « J’aime ce que représente la marque Air France, je suis fier et même attendri quand je la vois » Fabien B. 2. « Quand on me parle de McDonald’s, oui ça me fait quelque chose. J’y ai quand même travaillé 4 ans. J’ai une affection particulière pour cette marque, c’est parce que je suis

nostalgique ! »[7] Marianne R. 3. « C’est une marque moi que je trouve personnellement très attachante, parce que c’est une marque populaire, accessible et qui touche quand même une large population de gens. » Claire M. Fort des interactions existantes entre le salarié, l’entreprise et sa marque, et de la relation que peut nourrir le salarié envers la marque dans leur entreprise, on ne peut qu’attester que la marque a une aura fédératrice. Certaines entreprises ont pris le parti d’utiliser la marque comme clé de voûte de leur management. La prochaine section va exposer les principales conditions nécessaires pour mettre en place un management par la marque.

COMMENT DÉVELOPPER UN MANAGEMENT PAR LA MARQUE ?

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Section 3

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Décider de manager par la marque n’est pas une décision marketing mais bien une décision de management. La marque devient l’outil transversal qui meut l’entreprise et se décline en objectifs opérationnels pour toutes les entités, tous les services, tous les salariés. Un des préalables à l’utilisation de la marque comme instrument central de management est un besoin évident de cohérence entre les différentes prises de parole – directes ou indirectes de l’entreprise - et les valeurs propres du salarié. Cette congruence des identités (Global Identity Fit) est maximale quand il existe une cohérence entre trois éléments [19] : l’image véhiculée en externe ; ce que le public perçoit, l’identité organisationnelle interne ; ce que vit le salarié, et les valeurs propres du salarié : ce en quoi le salarié croit. Nous pouvons donc regrouper les cinq facettes de l’identité organisationnelle définies par Soenen et Moingeon autour de ces trois pôles. Figure 4.4 La congruence globale des identités (Global Identity Fit)

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L’image véhiculée en externe est la combinaison de deux éléments, l’identité professée et l’identité projetée [1]. L’identité professée est celle qui émane de la prise de parole des dirigeants de l’entreprise. Cette identité est fondatrice car elle représente la raison d’être de l’entreprise. Ce discours va porter sur les caractéristiques centrales, distinctives et stables de l’entreprise. L’identité projetée, basée le plus souvent sur l’identité professée, correspond à ce que l’entreprise va choisir de communiquer vers ses publics (la communication corporate). Elle va engendrer une identité attribuée, soit une « image » de l’entreprise par ces récepteurs, puis « une réputation ». L’identité organisationnelle correspond à ce que vit le salarié. C’est sans doute la notion la plus difficile à appréhender. On parle communément de culture d’entreprise. Nous allons préférer au concept de culture d’entreprise, les concepts d’identité vécue et d’identité manifestée. L’identité vécue correspond à un ressenti – perception et affect – collectif, basé sur l’expérience qu’ont les salariés de leur entreprise. L’identité vécue est envisagée comme une forme locale de représentation collective de l’entreprise [9]. Elle joue un rôle important dans l’orientation de la conduite de ses membres [8]. Il est à noter que l’identité attribuée va influencer l’identité vécue par les salariés. L’identité manifestée correspond à l’identité historique de l’entreprise. Les fonctionnements, les compétences, les rites, les routines, les us et coutumes stables dans le temps. Les valeurs propres du salarié sont assimilées aux valeurs auxquelles croit le salarié et qui lui donnent du sens.

1 Travailler la cohérence entre l’identité organisationnelle et l’image véhiculée La cohérence entre l’image véhiculée et l’identité organisationnelle de l’entreprise est un des éléments déterminants du management par la marque. Si comme Air France, votre engagement est de faire du ciel le plus bel endroit de la terre, toute l’entreprise devrait être focalisée sur cet

objectif expérientiel pour le passager. Les services commerciaux, marketing, maintenance, relations fournisseurs, communication, tous doivent être managés, évalués et récompensés au travers ce même objectif.

Focus 4.6 Quand la congruence entre l’image et l’identité organisationnelle n’est pas au rendez-vous…

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Philippe L. travaille dans une société de conseil depuis dix ans. Il déclare « Je n’ai pas d’attachement particulier à ma société, celle-ci ou une autre, c’est pareil ». En creusant plus avant la relation entretenue avec sa société, Philippe se confie : « Ma société véhicule dans la presse et dans sa communication des valeurs d’ouverture, de partage, d’égalité, etc. Un jour – comme la société nous y invite – j’ai recommandé le CV d’une personne très compétente. N’ayant pas de nouvelles, j’ai relancé les ressources humaines et on m’a déclaré que les CV de personnes de plus de 50 ans, on ne les lisait même pas ». Pour lui, la marque de son entreprise est devenue « mensongère ».

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2 Chercher la cohérence entre les valeurs du salarié et l’image véhiculée

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Nous retrouvons ici les mécanismes classiques de l’identification exposés précédemment. Si l’image véhiculée par l’entreprise est cohérente avec les valeurs du salarié, l’estime de soi de ce dernier ne s’en trouvera que plus renforcée. Il sera en accord avec lui même, avec les valeurs qu’il porte et qu’il revendique, et celles perçues de l’entreprise à laquelle il est de facto associé. A contrario, en cas de non cohérence, le salarié sera trouvera dans une situation dissonante et subira l’image de son employeur. Soit il entrera dans une sorte d’abnégation de soi, soit il critiquera son employeur pour s’en démarquer : en tous les cas, nous serons loin d’être dans une situation optimale pour la mise en place d’un management par la marque.

3 Favoriser la cohérence entre les valeurs du salarié et l’identité organisationnelle La cohérence entre l’identité organisationnelle et les valeurs du salarié est également un levier important dans le management des hommes par la marque. En effet, la compréhension, l’intégration, la traduction en comportement de l’identité de la marque par les salariés seront d’autant plus forte que les salariés partagent des valeurs communes avec l’entreprise et ses membres. L’adéquation entre les valeurs d’une organisation et de ses salariés est un élément déterminant [21]. Un écart entre ces deux identités peut conduire le salarié à minimiser son identification, son attachement à

son organisation. Progressivement le salarié délaisse l’entreprise jusqu’à la quitter au moment où il trouve une offre de travail plus impliquante en termes de valeurs communes.

L’essentiel

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La marque corporate peut être envisagée comme élément central du management tant elle constitue la clé de voûte de toutes les prises de paroles directes ou indirectes, interne ou externe, de l’entreprise. Dans le cadre de l’instauration d’une politique de management par la marque, il est important que l’entreprise décline tous ses outils de pilotage (tableau de bord et indicateurs de gestion, évaluation et objectifs des collaborateurs, etc.) de manière très cohérente par rapport à l’identité de la marque corporate. La marque corporate est un bel outil de management des hommes mais attention : avoir une marque forte n’est pas un acquis. Deux recommandations s’imposent. La première, incontournable, est de bien veiller à la cohérence entre ce qui est véhiculé par la marque à l’extérieur et ce qui est vécu par les salariés. Une attention particulière sera aussi portée aux profils recrutés et aux formations des salariés existant afin de s’assurer qu’ils soient toujours en phase avec ce qu’attend l’entreprise d’eux. Deuxièmement, nul n’est à l’abri d’une crise réputationnelle, et il convient de se préparer à l’éventualité d’un tel scénario. Compte tenu de la puissance du médias internet et des médias sociaux, ce risque est de plus en plus présent. Dans ce contexte de crise, les salariés mobilisés autour des valeurs de la marque et qui s’identifient à la marque peuvent devenir des ambassadeurs, voire des défenseurs de l’entreprise.

Questions de réflexion 1 ■ Un salarié ambassadeur de la marque est-il aussi automatiquement un défenseur de cette marque ? 2 ■ Outre le salaire, comment retenir ses salariés quand l’image de l’entreprise devient « mauvaise » ? 3 ■ Management par la marque : quelle place pour les responsables qualité ? 4 ■ Compte tenue de la dynamique vertueuse dans laquelle s’inscrit un management par la marque pour les salariés (rétention, satisfaction, productivité, etc.), comment bâtir un indicateur de performance pour les investissements relatifs à la marque corporate et la communication afférente ?

Section 4

BIBLIOGRAPHIE

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[4] BROWN, T. et al., « Identity, Intended Image, Construed Image and Reputation : An Interdisciplinary Framework and Suggested Terminology », Journal of the Academy of Marketing Science, 34(2), 99-106, 2005.

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[5] COUMAU, J.-B., GAGNE, J. F. et JOSSERAND, E., Manager par la marque, Éditions d’Organisation, 2004.

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[6] DELÉRIS, G. et GANCEL, D., ECCE LOGO - Les Marques, anges et démons du XXIe siècle, LOCO/WetCie, 2011. [7] DUTTON, J.E., DUKERICH, J.M. et HARQUAIL, C.V., « Organizational Images and Member Identification », Administrative Science Quarterly, 39(2), 239-263, 1994. [8] ELSBACH, K.D. et KRAMER, R.M., « Members’ Responses to Organizational Identity Threats : Encountering and Countering the Business Week Rankings », Administrative Science Quarterly, 41(3), 442-476, 1996. [9] JODELET, D. et MOSCOVICI, S., « Représentation sociale : phénomènes, concept et théorie », Psychologie sociale, PUF, 1984. [10] LACOEUILHE, J., « L’attachement à la marque : proposition d’une échelle de mesure », Recherche et Applications Marketing, 15(4), 2000. [11] LEWI, G. et al., 2007. Branding management : La marque, de l’idée à l’action, 2e éd., Pearson Education. [12] MAEL F., Organizational Identification : Construct Redefinition and a Field Application With Organizational Alumni, Unpublished doctoral dissertation, Detroit : Wayne State University, 1998.

[13] MAEL F. et ASHFORTH, B.E., 1992. « Alumni and Their Alma Mater : A Partial Test of the Reformulated Model of Organizational Identification », Journal of Organizational Behavior, 13(2), 103-123. [14] MAINGOT E., « La mesure du temps, montres et horloges », Miroir de l’histoire, 65-79, 1970. [15] MEYER J. et ALLEN N., « A Three-Component Conceptualization of Organizational Commitment », Human Ressource Management Review, 1(1), 61-89, 1991. [16] MITCHELL A., Brand Strategies in the Information Age, London : Financial Times Business Limited, 1977. [17] SCHULTZ M., HATCH M.J. et LARSEN M.H., « The Expressive organization : Linking Identity, Reputation and the Corporate Brand », Oxford University Press, 2000. [18] SEMPRINI, 1995. Le Marketing de la marque : approche semiotique, Liaisons, 1995.

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[19] SOENEN G.B. et MOINGEON B., 2002. « The Five Facets OF Collective Identities : Integrating Corporate and Organizational Identity », Corporate and organizational identities : Integrating Strategy, Marketing, Communication, and Organizational Perspectives, Londres : Routledge, 13-34.

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[20] TAJFEL H. ET MOSCOVICI S., « La catégorisation sociale », Introduction à la psychologie sociale, Larousse, 1972.

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[21] THÉVENET, M., L’implication au travail, Éditions Vuibert, 2002. [1]

Insee, Enquêtes Emploi, 2009, www.insee.fr

[2]

Entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre de recherches doctorales.

[3]

Généralement Arthur D. Little, Mc Kinsey & Co, The Boston Consulting Group, Bain & Company, A.T. Kearney, Mars & Co, Booz Allen & Hamilton… [4]

Entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre de recherches de la chaire « Marques & Valeur ».

[5]

Entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre de recherches de la chaire « Marques & Valeurs »

[6]

Entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre de recherches de la chaire « Marques & Valeurs ».

[7]

Entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre de recherches de la chaire « Marques & Valeurs ».

Chapitre

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Management de la marque employeur Eric PEZET, Fanny POUJOL et Anne PIGNAULT

OBJECTIFS

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Expliquer quels sont les enjeux de la marque employeur Comprendre comment développer une marque employeur pérenne Montrer en quoi l’expérience au travail est un élément central dans le développement d’une marque employeur

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SOMMAIRE

Quels sont les enjeux de la marque employeur ?

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Quels sont les principes du management de la marque employeur ?

Le chapitre précédent a mis en lumière la dynamique relationnelle entre salariés, entreprise et marque. Ce chapitre se focalise sur le management de la marque employeur qui s’adresse aux salariés et aux candidats potentiels. Quels sont les enjeux de la marque employeur ? Peut-on limiter la marque employeur à un rôle d’attractivité ? Comment développer une marque employeur pérenne ? Ce chapitre répond à ces questions en révélant notamment le rôle déterminant de l’expérience au travail dans la motivation des salariés et leur attachement à l’organisation.

Section 1

QUELS SONT LES ENJEUX DE LA MARQUE EMPLOYEUR ?

La marque employeur est bien souvent appréhendée selon son niveau d’attractivité, c’est-à-dire cette capacité à attirer de nouveaux salariés. À ce titre, le classement Universum France, basé sur un échantillon de plus de 30 000 répondants, identifie les employeurs préférés des étudiants des grandes écoles et des universités françaises (2012). En tête figurent les entreprises LVMH, L’Oréal, Danone ou encore Apple. Google, L’Oréal, Ernst & Young, Procter & Gamble, KPMG ou BMW apparaissent, quant à eux, au classement européen (85000 étudiants). À partir de cette notion d’attractivité, et en comparant les politiques et les pratiques des services des ressources humaines, les entreprises peuvent obtenir un label comme celui de Top Employeurs qui certifie les organisations les plus attentives à leurs collaborateurs. On peut identifier deux dimensions autour desquelles se construit la marque employeur : l’attractivité et l’expérience du travail.

1 Créer de l’attractivité

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Le concept de marque employeur fait référence à l’ensemble des avantages fonctionnels, économiques et psychologiques fournis par l’employeur. La marque employeur fait aussi référence aux avantages potentiels perçus de travailler pour l’entreprise qui cherche à rendre attractive son entreprise aux yeux des salariés et des candidats potentiels [2]. Ces avantages donnent une attractivité à la marque employeur [4]. Le management de la marque employeur correspond ainsi aux efforts accomplis par l’entreprise pour se rendre attractive (« il fait bon travailler chez… ») auprès des salariés et des candidats (Charbonnier-Voirin et Vignolles, 2010). Pour créer cette attractivité, deux principales techniques sont mobilisées. Mettre en avant les valeurs de l’entreprise, l’héritage, que constituent la culture, les valeurs et la vision de l’entreprise sont les éléments essentiels pour rendre une entreprise attractive aux yeux de candidats potentiels. Par exemple, l’entreprise Google communique historiquement sur le non conformisme, la créativité et l’innovation, et sa mission affichée est de rendre l’information accessible à tous (« Don’t be evil »). Cette expression claire de la vision d’entreprise permet un processus d’identification qui va guider le choix des salariés et des candidats potentiels. De même, le groupe LVMH fonde son attractivité sur l’image et le rayonnement de leurs marques, pour la plupart ancrées dans le patrimoine culturel français, et qui allient savoir-faire et innovation. Le groupe communique de façon à préserver l’identité de chacune de ses 60 maisons, tout en partageant des valeurs communes « d’excellence, de créativité et d’esprit entrepreneurial, pour favoriser le développement des talents et les mobilités entre les maisons, les métiers, les pays. »[1] Quand la raison d’être de l’entreprise est clairement exprimée, la marque employeur peut apporter du sens et elle devient un véritable outil d’attractivité mais aussi un moyen de retenir les employés à plus long terme. Transformer les salariés en ambassadeurs, les salariés de l’entreprise peuvent être mis à contribution en représentant l’entreprise et en devenant les « ambassadeurs » de la marque. Les salariés d’IBM, par exemple, sont impliqués dans différentes vidéos corporate pour convaincre de nouveaux candidats en leur expliquant les raisons pour lesquelles ils sont venus

chez IBM[2]. Cela peut aussi se faire avec un système de cooptation mais aussi plus simplement, lorsque les salariés sont satisfaits de leur entreprise, ils en sont alors naturellement les représentants. Les recruteurs, tentent ainsi de susciter une identification à la marque employeur pour mieux retenir et attirer les talents. La marque employeur est aussi influencée par le statut de l’employeur, privé ou public. En France, la fonction publique d’État peut s’appuyer sur une image employeur forte pour recruter. Une marque employeur d’État qui repose sur la sécurité de l’emploi, mais également sur l’intérêt des métiers que l’on peut y exercer (cf. Exemple 5.1).

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Exemple 5.1 – Des secteurs d’activités inégaux en termes d’attractivité Les organisations ne sont pas égales en termes d’attractivité. Si l’ONU attire naturellement des candidats sensibles aux droits de l’homme, d’autres entreprises spécialisées dans le sport ou la mode attirent les passionnés de ces domaines. Il est plus difficile pour les organisations de secteurs moins évocateurs de valeurs attrayantes de se faire une place. La RATP a ainsi lancé une campagne pour renforcer l’attractivité de sa marque employeur avec le slogan : « Quelle que soit votre passion, à la RATP, il y a un métier qui lui correspond ». De plus en plus d’entreprises communiquent et développent des sites internet pour valoriser leur attractivité en termes de marque employeur. C’est par exemple le cas d’EDF[3] qui s’attache à développer sa « promesse employeur » et à offrir à tous les collaborateurs qui rejoignent le groupe la possibilité de développer leurs compétences dans la durée. Le groupe EDF communique largement sur cette thématique (cf. figure VIII du cahier central) et offre des perspectives importantes pour le salarié autour de 240 métiers dans 15 pays, et consacre en outre chaque année 8 % de sa masse salariale à la formation. De même Vinci consacre une large place à sa marque employeur en communicant sur les métiers, les conditions de travail proposés par le groupe (cf. figure IX du cahier central). Cet ancrage de la communication sur le vécu du travail est un élément clé du management de la marque employeur, que Vinci a traduit auprès des collaborateurs avec le slogan « les vraies réussites sont celles que l’on partage ».

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Manager la marque employeur c’est certes attirer des candidats mais c’est aussi penser à leur expérience dans l’entreprise. En effet, la relation d’un collaborateur à la marque employeur n’est pas uniquement de l’ordre de la décision de candidater à une offre d’emploi contrairement à ce que suggère le concept d’attractivité. Le rapport d’un collaborateur à l’organisation s’inscrit dans la durée et il est de l’ordre de l’expérience construite autour de la relation au travail avec un groupe humain [14].

2 Au-delà de l’attractivité, l’expérience du travail Dans l’entreprise, les expériences du travail sont différentes selon les individus, notamment dû à des trajectoires professionnelles spécifiques et qui évoluent. Une étude récente, sur le choix de carrières (cheminement professionnel) de jeunes salariés [11], montre la façon dont ils vivent leur travail et leur expérience dans l’entreprise. Différentes raisons peuvent expliquer leur choix de carrière et la sélection des entreprises dans lesquelles ils souhaitent travailler. Ces éléments sont ici décrits par des verbatim issus de l’enquête. 2.1 Le plaisir Le travail est d’abord apprécié à l’aune du plaisir qu’il procure. Faire ce que l’on aime et vivre

des expériences stimulantes est avant tout valorisé : « Moi, c’est vraiment l’envie enfin, je veux dire, le matin je me lève pour quelque chose qui me passionne et qui m’intéresse vraiment ». L’absence de ce plaisir de travailler peut être une raison pour quitter l’entreprise : « Mon objectif, je pensais que c’était d’être recruteur. Alors je tendais vers cette mission, je faisais tout pour y tendre. Donc j’ai fait un peu de recrutement et ça me plaisait pas du tout alors, j’ai arrêté, et j’ai monté ma société ». Cette dimension hédonique du travail semble ainsi fondamentale dans le management de la marque employeur. 2.2 Le dépassement de soi

2.3 La variété et la richesse du travail

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Le dépassement de soi est aussi une source de stimulation importante : « je me suis mis en situation de défis au début pour à la fois… pour faire mon trou parce que forcément il y avait une arrière-pensée très personnelle du développement de carrière et puis aussi le surplus d’excitations que ça peut apporter d’accepter un défi à relever ». Cette dimension associée au défi est très importante en termes de motivation du personnel.

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Les personnes interrogées insistent sur la variété et la richesse du travail : « je voulais faire des choses intéressantes qui moi me semblaient vraiment intéressantes, qui puissent avoir un scope assez large et de pouvoir un peu toucher à tout ». L’indépendance et les possibles marges de manœuvre dans l’activité sont aussi largement évoquées : « j’ai une autonomie énorme ». L’aspect strictement financier n’apparaît pas toujours comme une source de rétention des individus : « on a des boulots qui nous passionnent donc l’aspect financier, il est, il est moins important. Il est important quand même, c’est de la reconnaissance mais finalement… ». Il est de fait essentiel de mettre en avant les facettes du travail qui peuvent être des sources de motivation intrinsèques. 2.4 L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle Bien que les jeunes participants accordent une place importante aux possibilités d’apprentissage par le travail et à la mise en application des compétences, la perception d’un déséquilibre entre les sphères « travail » et « hors travail » est un facteur important de départ de l’entreprise : « En plus on nous demandait de s’investir en dehors du travail en plus… là c’était pas possible. Il y avait sans arrêt des pots le soir, sans arrêt des séminaires, beaucoup de temps à consacrer là-bas et je me rendais compte que tous mes collègues, finalement, ils n’avaient plus de vie sociale, plus de vie en dehors du travail, leur vie c’était le travail et tous leurs amis, leurs conjoints c’était des personnes du travail, enfin c’était… je me suis dit « non c’est pas possible ». L’équilibre vie professionnel/vie privée est apparu comme un élément déterminant pour les différents répondants. 2.5 L’autonomie et l’indépendance

Le fait d’avoir un équilibre et du temps pour soi semble essentiel. L’ultime ambition est, pour les jeunes salariés, de se mettre à leur propre compte : « Et j’ai fait ce projet, et je me suis dit bon je vais faire quelques années de recrutement et après… j’allais faire ce truc à mon compte », « bon j’espère que je vais évoluer quand même, mon projet final c’est d’être à mon compte ». Cela peut être mis en lien avec les valeurs d’autonomie et d’indépendance précédemment décrites. L’employeur doit aujourd’hui répondre à ces exigences en termes à la fois d’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle et en termes d’autonomie demandée. 2.6 Un travail qui donne du sens

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La dimension spirituelle et la capacité à produire du sens au travail sont d’autres aspects importants soulignés par les salariés : « La reconnaissance, je pense… quelque part d’être satisfait déjà de son travail, de ce qu’on produit de savoir pourquoi on le fait, de voir les bénéfices de ce qu’on fait, comment on travaille sur l’humain et les bénéfices que ça peut apporter aux gens et… Quand les gens, ils me disent merci, vous m’avez vraiment aidé et là je peux avancer, là je ne peux pas demander mieux ». Cette capacité à donner du sens s’appuie sur le socle de valeurs de l’entreprise et le fait d’être en accord avec ces valeurs : « J’ai regardé le directeur commercial en train de faire son speech et je me suis demandée ce que je faisais là. Je me suis dit « C’est pas possible quoi, je ne peux pas rester dans cette boîte… » Non seulement c’est un monde qui ne me plaît pas, avec des requins, c’est exactement le terme, mais en plus je n’apprends plus rien et j’ai même l’impression de perdre mes connaissances donc là, à mon âge en plus, c’était mal parti quoi… J’ai préféré partir, sans filet de sécurité, parce que je n’avais pas d’emploi derrière, donc c’était un peu le risque que j’ai pris, et je ne regrette pas du tout ». Ces différentes facettes de l’expérience du travail sont des sources de motivation qui viennent compléter les facettes de la motivation connues et largement exploitées par les entreprises – telles que la nature du travail, le sens du travail, les relations entretenues avec les collègues, la rémunération, les opportunités d’avancement - mais qui ne font pas expressément référence à la dimension expérientielle du travail, or c’est l’expérience possible au travail qui fait la marque employeur.

Section 2

QUELS SONT LES PRINCIPES DU MANAGEMENT DE LA MARQUE EMPLOYEUR ?

Dans la durée, la façon dont les salariés sont traités peut avoir des conséquences sur la

perception de l’entreprise et de la marque employeur. Lorsque le grand public apprend que la marque Nike fait fabriquer ses chaussures de sport par des enfants, les consommateurs la sanctionnent sur le marché. Aujourd’hui, face à cette interaction entre marque commerciale et marque employeur, Nike communique sur le bien-être des salariés de Niketown afin de redorer son image de marque employeur. À l’inverse, même « en Prada », l’employée qui subit la tyrannie d’une rédactrice en chef finit par quitter une prestigieuse entreprise [13]. Nous présenterons donc maintenant les deux leviers sur lesquels s’appuie le management de la marque employeur, le noyau de la marque employeur et le salarié expérientiel.

1 Construire une marque employeur autour du noyau central de chaque expérience métier

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Les collaborateurs perçoivent la marque employeur essentiellement autour du travail. Dès lors, quelle approche mettre en place pour définir un management de la marque employeur ? L’expérience du travail est celle de la découverte des caractéristiques du travail et parfois de la découverte, pour les personnes, de leurs propres valeurs. Afin d’identifier les éléments essentiels de cette expérience du travail, l’approche de la théorie du noyau central, déjà appliquée à la marque [9], est tout à fait pertinente pour construire une marque employeur pérenne.

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Le travail constitue la pierre angulaire de la construction de la marque employeur, c’est pourquoi il est important de comprendre quelle est la représentation que les individus ont de leur travail, de leur métier. Les tâches demandées et des missions confiées aux collaborateurs sont vécues différemment selon les individus. Il est alors essentiel d’identifier, malgré leur expérience spécifique, les dimensions du travail qui sont communes aux différents collaborateurs et considérées comme indissociables de leur travail. Afin de définir la représentation sociale du travail pour un groupe d’individus il faut identifier le noyau central et le système périphérique. L’identification du noyau central du travail dans chaque département de l’entreprise permettra de communiquer sur des dimensions qui font sens pour une majorité de collaborateurs. Par exemple, pour les artisans travaillant dans une maison de luxe, le noyau central de leur travail sera construit autour de la passion, l’attention pour les détails, la précision et le travail manuel. Tandis que le noyau central du métier de designer dans cette même maison de luxe s’articulera autour de l’usage, la créativité, la connaissance client (cf. Figure 5.1). Quant au système périphérique, il intègre les dimensions singulières à chaque individu selon leur âge, leur ancienneté, leur qualification, leur projet de vie. Il intègre des éléments moins essentiels à la définition du travail mais qui dépendent d’une expérience singulière par rapport au travail fourni et demandé (cf. Figure 5.1). Figure 5.1 Représentation du métier d’artisan et de designer dans une même maison de luxe

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Le management de la marque employeur se construit autour du noyau central des différents métiers et fonctions de l’entreprise. Le succès de la marque employeur réside dans la capacité à intégrer avec cohérence et pertinence les différentes représentations de chaque métier. Par exemple, pour une entreprise exerçant dans le domaine de l’hôtellerie, la notion de service est au cœur de la marque employeur. Tous les collaborateurs, et en particulier le personnel en contact, doivent être à l’écoute du client et fournir un service de qualité. L’académie du service crée par le groupe Accor forme à cette culture du service[4].

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La conception du management de la marque employeur présentée ici met l’expérience du travail au cœur de la marque employeur. Nous étudierons maintenant la façon dont les collaborateurs coconstruisent et intègre cette expérience travail.

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2 Considérer le salarié comme un acteur de l’expérience du travail On considère le salarié expérientiel comme une personne qui évalue son rapport au travail en fonction des expériences qu’il lui procure. La typologie des valeurs expérientielles d’Holbrook [7], développée dans le domaine de la consommation, peut être adaptée à l’étude de la valeur expérientielle que le collaborateur retire de son travail (cf. Focus 5.1). Les collaborateurs ne sont pas considérés comme passifs mais comme acteurs absorbés par l’expérience qu’ils sont en train de vivre. Par exemple, ils peuvent piloter un projet et être ainsi amenés à expérimenter leurs compétences en management. Ils vont pourvoir aussi se mesurer à des objectifs, à des pairs. Le travail est ainsi le moyen d’expérimenter, de vivre ces expériences. L’expérience est co-construite et cette co-construction du noyau de la marque employeur est au centre du management de la marque. Le travail n’existe pas indépendamment de l’individu, comme tout service, il est par définition co-construit. L’expérience est ici comprise comme une mise en scène de l’individu où l’accent est mis sur l’importance du vécu et les sensations qui s’opèrent dans un contexte collectif, tribal.

Focus 5.1 Les valeurs d’Holbrook transposées au travail

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Jeu → Plaisir, satisfaction, expériences stimulantes, défis, nouveauté, changements, aventure, risque, loisirs, faire des choses agréables. Esthétique → Créativité, originalité, imagination, adéquation avec la nature, beauté de la nature et des arts. Efficience → Richesse, biens matériels, argent, indépendance, ne pas être malade physiquement et mentalement. Excellence → Ambition, travaillant dur, volontaire, compétent : capable et efficace, orienté vers la réussite. Éthique → Autodiscipline : résistance aux tentations, honnêteté, responsabilité et sens du devoir, justice sociale (corriger les injustices), réciprocité des services rendus. Spirituel → Harmonie intérieure, sens de la vie, sagesse, protection de la nature, secourable : travaillant en vue du bien-être d’autrui. Statut → Pouvoir social, reconnaissance sociale, influence : exercer un impact sur les gens et les événements, image publique. Estime → Sentiment de ne pas être isolé, que les autres se soucient de vous, respect de soi : croyance en sa propre valeur.

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Sur la base des valeurs d’Holbrook, l’étude (menée par A. Pignault et al. [11]) a permis de mettre en évidence les dimensions de l’expérience du travail qui sont à prendre en compte lorsque l’on souhaite développer une marque employeur forte. Le tableau suivant présente les différentes dimensions ainsi que les verbatim qui les illustrent. Tableau 5.1 Les dimensions de l’expérience du travail

À travers cette grille d’analyse, l’étude montre les dimensions expérientielles du travail sur lesquelles la marque employeur peut communiquer. Toutefois, au-delà de cette dimension

expérientielle, la marque employeur revêt une dimension spirituelle et identitaire [4]. Le fait de trouver un travail qui corresponde à ses propres valeurs montre à nouveau l’importance de la notion d’identification à l’entreprise. Maintenant que le travail peut être considéré comme une expérience, quelles sont les implications pour l’entreprise qui souhaite construire une marque employeur forte ? Cette approche expérientielle amène à considérer le travail non plus selon une approche basée sur les motivations internes et externes mais comme une expérience de consommation du travail qui participe à l’identité du salarié. Il ne s’agit plus uniquement d’identifier le « travail idéal » pour les candidats et les salariés, puis, de le communiquer sur le marché du travail.

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À partir de cette grille d’analyse, trois grands principes peuvent être avancés pour mieux comprendre la relation expérientielle entre le collaborateur et le travail. Manager la marque employeur, c’est comprendre la représentation sociale du travail construite autour d’un noyau central. C’est-à-dire, qu’il est essentiel d’identifier les caractéristiques indissociables du travail proposé par l’entreprise. Manager la marque employeur, c’est manager le salarié expérientiel qui est capable d’influencer un projet en construction et qui s’affirme au fil de l’expérience acquise dans l’entreprise. Le salarié est ici envisagé comme acteur du travail proposé et vécu par l’entreprise. Manager une marque employeur, c’est communiquer sur les valeurs centrales du travail et développer des éléments plus contextuels qui lui permettent de continuer de s’inscrire dans des circonstances concrètes. Il faut, par exemple, valoriser le salarié expérientiel qui se nourrit de son expérience au travail grâce aux dimensions éthique et ludique, qui lui donnent du sens car elles sont en adéquation avec ses valeurs. Pour conclure, la conception de la marque employeur avancée dans ce chapitre permet d’aller audelà de sa dimension identitaire et d’intégrer la dimension expérientielle. Cette approche reconnait ainsi le rôle des collaborateurs dans la construction de l’expérience au travail et du développement de la marque employeur.

L’essentiel L’attractivité de la marque employeur est essentielle pour le recrutement mais cette approche de la marque employeur est incomplète. Elle ne porte que sur un aspect du rapport à la marque employeur qui est celui du choix de l’entreprise où candidater. Or la relation entre l’entreprise s’inscrit dans la durée et, au fil du temps, la marque employeur est « mise à l’épreuve ». Dans ce cadre, la marque employeur apparaît comme une promesse d’expérience du travail qui peut être appréhendée comme l’élément fédérateur aux différentes représentations de chaque métier. Le management de la marque employeur suppose alors le management d’un salarié qui fait de son travail un contexte d’expériences. Il devient alors très pertinent d’évaluer la force de la marque

employeur selon les expériences possibles que l’entreprise propose.

Questions de réflexion

BIBLIOGRAPHIE

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Section 3

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1 ■ Quelles sont les valeurs qui sont mises en avant dans votre entreprise ? Comment l’entreprise communique sur ses valeurs ? Quelles sont celles qui vous ont attiré(e) quand vous être rentré(e) dans cette entreprise ? Quelles sont les valeurs au travail qui vous paraissent aujourd’hui importantes ? Les trouvez-vous dans votre entreprise ? 2 ■ Vos collègues de travail vous paraissent-ils partager des valeurs avec vous ? Y a-t-il eu dans votre entreprise des événements et/ou des comportements qui vous semblent contraires aux valeurs par lesquelles le management prétend être animé ? Si oui quels effets cela a-t-il produit sur vous et vos collègues ?

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[1] ABRIC, J-C., « Les représentations sociales : aspects théoriques », dans JC. Abric, Pratiques sociales et représentations, Paris, Presses Universitaires de France, p. 11-36, 1994. [2] AMBLER, T. et BARROW, S., « The Employer Brand ». The Journal of Brand Management, 4, 185-206, 1996. [3] BADOT, O. et BERNARD, C., « Communauté et consommation : prospective pour un marketing tribal », Revue Française du Marketing, 151, 5-19, 1995. [4] BERTHON, P., EWING, M. et HAH, L.L., Captivating company : dimensions of attractiveness in employer branding. International Journal of Advertising, 24, 2, 151-172, 2005. [5] CARÙ A. et COVA B., « Expériences de consommation marketing expérientiel », Revue française de gestion, 3, 162, 99-113, 2006. [6] CHARBONNIER-VOIRIN A. et VIGNOLLES A., « Proposition d’un modèle intégrateur de la marque employeur », 28e Congrès de l’Association française de marketing, Le Mans, 2010. [7] HOLBROOK M.B., « Consumer Value - A framework for Analysis and Research », Routledge (London and New York). [8] JULIEN A., « Construire une marque employeur attractive », Revue Banque, 687, 38- 40,

2007. [9] MICHEL, G., L’évolution des marques : approche par la théorie du noyau central. Recherche et Applications en Marketing, 14, 4, 33-53, 1999. [10] PEZET E, ABOUADI B., « Gouvernement motivationnel versus gouvernement disciplinaire », in Allouche J. (dir.), Encyclopédie de la GRH, Éditions Vuibert, 937-941, 2012. [11] PIGNAULT, A., RIOUX, L., PEZET, E., POUJOL, F., (2011), « New Attitudes To Work and Work Values », The 12th European Congress of Psychology, Istanbul. [12] SCHNEIDER, B., « The people make the place », Personnel Psychology, 40, 3, 437-453, 1987. [13] WEISBERGER L., Le Diable s’habille en Prada, Fleuve Noir, 2005. [14] ZASK J., « Situation ou contexte ? Une lecture de Dewey », Revue internationale de philosophie, n° 245, 313 à 328, 2005. Entretiens DRH groupe LVMH « La marque employeur, un enjeu stratégique pour l’entreprise », L’Express, 16/03/2012.

[2]

IBM employment videos : “Why I’m an IBMer » http://www-03.ibm.com/employment/

http://www.academieduservice.com/fr

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[4]

http://www.edf.com/le-groupe-edf-3.html

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Chapitre

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Appréhender la relation marquevendeur comme un facteur de motivation Michaela MERK

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Expliquer les limites des outils classiques pour motiver la force de vente. Comprendre les différentes facettes de la relation que les vendeurs entretiennent avec les marques qu’ils vendent. Analyser en quoi la relation vendeur-marque influence l’engagement des vendeurs à leur entreprise.

Pourquoi les leviers traditionnels de la motivation de la force de vente montrent-ils aujourd’hui leurs limites ? Comment les liens entre la force de vente et la marque renforcent-ils la motivation ?

Nous venons d’étudier comment, au-delà de la valeur créée pour le client et l’entreprise, la marque en crée aussi pour les salariés. Pour poursuivre cette analyse du capital-marque du point de vue des collaborateurs, ce chapitre s’intéresse plus particulièrement à une population bien spécifique, celle des vendeurs. Favoriser la motivation de la force de vente représente l’un des critères essentiel pour améliorer leurs performances et renforcer leur engagement à l’entreprise. Or, aujourd’hui, on sait peu de chose sur le rôle des marques dans le processus de motivation des vendeurs. Quand des vendeurs sont fortement liés à leurs marques, cela augmente-t-il en même temps leur motivation à les vendre ? Comment caractériser les relations marques – vendeurs ? Enfin, quels sont les leviers pour créer une relation entre les vendeurs et les marques qu’ils

vendent ? Pour répondre à ces questions, nous examinons dans la première section deux critères traditionnellement pris en compte pour expliquer la motivation de la force de vente : le style managérial des responsables et le système de contrôle des ventes en place. Dans la deuxième section, sur la base d’une étude menée dans le secteur de la distribution cosmétique, nous définissons la relation marque – vendeur et exposons l’influence de cette relation sur les motivations et l’engagement à l’organisation.

Section 1

POURQUOI LES LEVIERS TRADITIONNELS DE LA MOTIVATION DE LA FORCE DE VENTE MONTRENT-ILS AUJOURD’HUI LEURS LIMITES ?

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Cette section fait référence aux stratégies dominantes de motivation de la force de vente, identifiées dans de nombreuses études et lors d’observations sur le terrain. Il existe en effet un lien direct entre la motivation à vendre et la performance. Les deux leviers classiques principaux sont détaillés ci-dessous. Le premier vise à accroître le soutien managérial de l’équipe de vente, et le second, à mettre en place un système de contrôle des ventes adapté.

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1 Intérêts et limites du style managérial pour motiver la force de vente De nombreuses recherches ont montré le rôle primordial du management pour stimuler la motivation de la force de vente. Les actions et les instructions des managers sont scrutées en permanence. La force de vente attend des directives claires avec des objectifs précis fixant leur ligne de conduite. Le responsable de la force de vente a un rôle de soutien essentiel auprès de ses équipes : il doit les encourager à réaliser leurs objectifs commerciaux. C’est crucial lorsqu’il s’agit de nouvelles marques. Ainsi, dans le secteur cosmétique, des centaines de marques arrivent chaque année sur le marché. Elles mobilisent beaucoup d’efforts de la part des vendeurs multimarques qui doivent intégrer un nombre élevé d’informations : les données concernant les produits, les formules, les arguments de vente… Dès lors, le management doit être très présent, à travers des encouragements constants et une supervision de proximité. Il s’agit de maintenir sur la durée la motivation à vendre ces nouvelles marques, alors même qu’elles requièrent plus de temps et d’effort que les marques nationales déjà bien connues des clients. Le management des ventes correspond donc au degré de considération du manager direct envers

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ses subordonnés. Pour garder le niveau de motivation d’une équipe de vente élevé, quatre facteurs managériaux sont déterminants [13] : la clarté des objectifs ; le marketing interne de la marque ; le retour d’information ou feedback managérial ; la formation. La clarté des objectifs est essentielle car les vendeurs ont besoin de connaître précisément les attentes du management : quelles marques vendre en priorité, quelle approche de vente adopter en fonction de la typologie du client, quels objectifs atteindre en fin de journée. Lorsque les subordonnés ont des doutes sur ces attentes, la force de vente est déstabilisée et démotivée. Au contraire, une communication intelligible des objectifs a un effet positif sur les ventes [11]. Le « marketing interne », effectué par les responsables de vente envers la force de vente, est un second facteur clé de motivation [3]. Il s’agit de relayer clairement les décisions stratégiques de l’entreprise auprès de la force de vente, pour qu’elle comprenne la voie indiquée par le management. Par exemple, il est important de lui expliquer les raisons stratégiques conduisant à lancer une nouvelle marque ou un nouveau produit en plus du portefeuille existant. Ce marketing interne du manager vers l’employé améliore aussi le climat de travail et renforce l’esprit d’équipe, ce qui en retour motive la force de vente [7]. Le feedback managérial régulier du manager envers ses équipes est lui aussi fondamental. Ce mécanisme permet de contrôler la performance de la force de vente [19]. Les vendeurs accordent une grande importance à des mots d’encouragement comme « bravo ! », « vous avez dépassé les objectifs de la journée », « continuez comme ça ! », ou « félicitations pour la belle vente de tout à l’heure ». En plus de ces petits feedbacks quotidiens, il est indispensable d’organiser un retour annuel. Ainsi, les entretiens de fin d’année sont l’occasion de faire le point sur le positif comme sur le négatif, dans un souci d’amélioration constant. Ils contribuent ainsi à la motivation des vendeurs. Enfin, le soutien des managers se manifeste à travers la formation qu’ils consentent. Comme l’ont montré de précédentes études [19], la formation exerce une forte influence sur la motivation de la force de vente, sa fidélisation à l’entreprise et son acceptation des objectifs de management. D’ailleurs, les sociétés qui limitent les dépenses de formation auprès de la force de vente obtiennent des taux d’adhésion moindres à la marque [2]. Ce soutien par la formation est particulièrement important dans les secteurs requérant expertise et bonne compréhension des produits, par exemple les secteurs technologiques, cosmétiques ou pharmaceutiques. Pourtant, il arrive souvent que ces produits soient lancés sans formation préalable suffisante de la force de vente. Cela est fortement anxiogène pour les vendeurs. Quand ils ne se sentent pas suffisamment formés, ils ressentent un mélange de honte, de peur et d’insécurité. Ils craignent de ne pas pouvoir argumenter et de ne peut-être pas conseiller le bon produit au client. Le style managérial apparaît donc décisif pour motiver la force de vente. On l’a vu, il passe par des objectifs clairs, un marketing interne de la marque, un feedback managérial régulier, et de la formation aux nouveaux produits. Toutefois, ces conditions nécessaires ne sont pas suffisantes. Car

sans système de contrôle des ventes adapté, les équipes de ventes risquent d’être frustrées.

2 Intérêts et limites des systèmes de contrôle des ventes pour motiver la force de vente Pour motiver la force de vente, il faut aussi prendre en compte le système de contrôle des ventes, « ensemble de procédures pour surveiller, diriger, évaluer et récompenser ses employés » [1]. Les équipes de vente ont besoin d’objectifs chiffrés pour être motivés. « Nos équipes adorent les défis. Elles aiment montrer qu’elles sont capables de dépasser les objectifs que je leur ai fixés pour le mois en cours, par exemple ». « Les objectifs mensuels sont répartis pour chaque jour, voire chaque heure. Grâce à ça, toute mon équipe peut en permanence comparer la performance réelle à l’objectif fixé. Ça permet de leur donner un cadre, de les guider, et finalement de les motiver. »

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On peut distinguer deux systèmes de contrôle des ventes, selon qu’ils reposent sur le résultat ou sur l’attitude. Le système de contrôle basé sur le résultat met en place des mesures simples de performance, comme la valeur, le volume, les marges ou la rentabilité [4]. Il ne s’intéresse pas aux méthodes et techniques mobilisées par le vendeur pour atteindre ces résultats. Dans ce type de système de contrôle, le management est peu présent auprès de la force de vente. Au contraire, le système de contrôle basé sur l’attitude prend en compte comment la force de vente obtient ces résultats : les connaissances, la présentation, le service, la fréquence de contacts avec les clients, le nombre de comptes actifs ou encore les stratégies de vente utilisées [10]. La complexité de ces critères nécessite une forte implication du management, contrairement au système de contrôle basé sur le résultat. Historiquement, c’était le système de contrôle basé sur le résultat qui primait. Aujourd’hui, le système de contrôle basé sur l’attitude domine, malgré sa complexité de mise en œuvre. En effet, il se révèle plus adapté lorsque les ventes sont incertaines et difficiles à quantifier, ou quand les produits nécessitent de l’expertise. Plus ils sont haut de gamme, plus le système de contrôle basé sur l’attitude est approprié. En particulier dans le cas des marques de luxe, les vendeurs ne devraient pas être évalués uniquement sur le chiffre d’affaires atteint, mais aussi sur la qualité du service dispensé. Les clients sont-ils satisfaits du conseil prodigué ? Le vendeur réussit-il à les fidéliser ? Connaît-il de nombreux retours de produits de la part de clients insatisfaits ? De même pour les nouvelles marques : le système de contrôle basé sur l’attitude leur correspond mieux car les entreprises manquent d’expérience pour prévoir les ventes. Enfin, il faut prendre en compte le niveau d’innovation de la marque : plus il est élevé, plus le système de contrôle de l’attitude s’avère efficace. Certes nécessaires, ces deux leviers – le style managérial et le système de contrôle des ventes – ne suffisent pas à expliquer la motivation des équipes. Ainsi, de nombreux vendeurs parmi ceux

interrogés déclarent « ne vouloir changer de marque pour rien au monde », alors qu’ils sont payés au SMIC. C’est particulièrement vrai dans le secteur de luxe, où un lien émotionnel fort se tisse entre le vendeur et la marque. Dans la section suivante nous explorons donc la nature de cette relation vendeur–marque et son influence sur la motivation à vendre.

Section 2

COMMENT LES LIENS ENTRE LA FORCE DE VENTE ET LA MARQUE RENFORCENT-ILS LA MOTIVATION ?

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La section précédente mettait l’accent sur les stratégies de motivation des vendeurs les plus usuelles pour améliorer leurs performances : le style de management et le système de contrôle des ventes. Nous développons ici une approche complémentaire de motivation de la force de vente, sur la base de recherches menées plusieurs années durant auprès de forces de vente et de responsables commerciaux. Des centaines d’interviews et d’études qualitatives conduites parmi des équipes commerciales dans les secteurs du luxe et des cosmétiques permettent d’affirmer que la motivation de la force de vente peut être fortement stimulée grâce à un resserrement de sa relation avec la marque vendue.

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Figure 6.1 Facteurs de motivation

Cette section présente les relations qu’un vendeur multimarque peut développer avec les marques propres du distributeur. Ces dernières prennent une importance stratégique considérable dans les différents environnements de distribution, que ce soit dans les cosmétiques (Sephora, Marionnaud, Douglas), l’alimentaire (Carrefour, Monoprix), l’électronique (Darty, Fnac), le sport (Décathlon, Go Sport) ou la mode (Printemps, Galeries Lafayette). Dans tous ces cas, la force de vente doit vendre de nombreuses marques différentes. Nous désignerons donc ce type de canaux par « environnement retail multimarque ».

1 Caractéristiques de la relation entre la force de vente et la marque

La nature de l’interaction entre la force de vente et les marques rappelle celle entre les êtres humains, faite de beaucoup d’émotion et d’affection. C’est particulièrement vrai lorsque les marques reposent sur les personnalités fortes de leurs créateurs, comme Chanel, Prada, Armani ou Fendi. « Fendi a une grande histoire. C’est encore une des rares marques où on a quelqu’un qui s’appelle Fendi qui travaille avec nous. Notre directrice maroquinerie s’appelle Sylvia Fendi, c’est l’arrière-arrière-petite-fille des créateurs. Son histoire devient notre histoire. Ainsi, vendre la marque devient presque personnel et fait plus de sens » [1]. De la même façon, un directeur général charismatique ou un porte-parole de la marque peut lui aussi donner une vraie personnalité à la marque aux yeux de la force de vente. La visite des Grands Magasins effectuée presque tous les samedis par Bernard Arnaud, président du groupe LVMH, insuffle à la marque Louis Vuitton une âme. Cela donne à chaque vendeur un sentiment fort de valeur, d’importance, de reconnaissance et de fierté. Cela développe ainsi un lien personnel et émotionnel entre le dirigeant et ses vendeurs.

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Mais à partir de quand peut-on réellement parler de « relations » ? Pour ce faire, les liens doivent respecter quatre conditions centrales. Ces caractéristiques sont issues d’études menées sur les relations entre personnes [9], mais s’appliquent aussi aux relations entre vendeurs et marques : Un échange volontaire, interdépendant et réciproque. Les marques deviennent alors des partenaires personnifiés avec lesquels on entretient des relations régulières, comme avec des humains. Selon la théorie de l’animisme [8], anthropomorphiser les objets répond au besoin de faciliter les interactions avec le monde non matériel. Un engagement déterminé des partenaires. Les relations ajoutent du sens et structurent la vie des individus [5]. Elles forgent ainsi leur personnalité et leur caractère. Le sens peut reposer sur des raisons psychologiques, socioculturelles ou relationnelles, ce qui influence encore la signification de la relation pour le partenaire impliqué [12]. Les formes multidimensionnelles et les bénéfices. Les relations se distinguent selon les bénéfices apportés à chaque partie : la sécurité, l’assistance, le soutien social ou l’identification psychosociale. Ces bénéfices peuvent être apportés volontairement ou par nécessité, et reposent sur différents niveaux d’émotion. L’évolution et les modifications à travers le temps. Les relations sont dynamiques et doivent être perçues comme une série d’échanges répétés entre les deux parties, en fonction du contexte externe et des interactions. Par ailleurs, trois traits principaux caractérisent la relation entre force de vente et marque : L’affect ressenti par la force de vente pour la marque vendue. « Notre marque propre, c’est mon bébé. J’ai appris à connaître cette marque au fil des années. J’ai grandi avec elle dans l’entreprise, et aujourd’hui, je la défends comme une mère défend son enfant. Je me sens totalement en symbiose avec cette marque »[2]. La confiance particulière établie avec cette marque. « Je me sens fortement liée à notre marque propre car je peux avoir confiance en ses produits, en termes de qualité et de service ». « Vous ne voudriez pas perdre la face devant un client en proposant un produit qui n’est pas à la hauteur de ses attentes. Je ne peux pas établir une relation avec une marque en laquelle je n’aie

pas totalement confiance ». La reconnaissance obtenue du client en lui conseillant cette marque spécifique. « Notre marque propre me permet d’avoir de la reconnaissance des clients en tant que vendeur, grâce à mon expertise de cette marque, la connaissance que j’en ai et mes conseils. Du coup je me sens plus proche d’elle que de n’importe quelle autre marque vendue ». Tous ces critères varient en intensité. Ainsi, l’affect peut aller de la simple appréciation à l’amour, la passion voire l’addiction pour la marque. Plus ce lien est personnel, plus il devient humain et fort, tout particulièrement pour des marques de luxe.

2 Mesure de la qualité de la relation entre la force de vente et la marque Mesurer l’intensité de la relation entre la force de vente et la marque vendue aux clients finaux requiert d’utiliser des échelles adaptées, passant d’abord par une clarification des termes étudiés.

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Focus 6.1 Mesure de l’affect à la marque[3]

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Pouvez-vous indiquer dans quelle mesure vous êtes d’accord avec les affirmations suivantes ? (sur une échelle allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord »)

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1. Je suis heureuse quand je vends la marque. 2. Je sens que ma relation avec la marque est unique. 3. J’ai des sentiments forts pour la marque. Mesure de la confiance en la marque[4] Pouvez-vous indiquer dans quelle mesure vous êtes d’accord avec les affirmations suivantes ? (sur une échelle allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ») 1. J’ai confiance dans la marque. 2. La marque est fiable. 3. La marque est sûre. Mesure de la reconnaissance de l’expertise marque du vendeur[5] Pouvez-vous indiquer dans quelle mesure vous êtes d’accord avec les affirmations suivantes ? (sur une échelle allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ») Je me sens reconnu(e) quand mes clients appré​cient ma contribution dans la découverte de la marque. Je me sens reconnu(e) quand mes clients expriment que mes conseils sur la marque sont utiles.

Je me sens reconnu(e) quand, grâce à mes conseils, les clients sont contents d’avoir pu découvrir la marque. Je me sens valorisé(e) quand, suite à mon conseil, les clients sont satisfaits de la marque Je suis fier(e) quand je peux fidéliser les clients à la marque.

3 Influence de la relation entre la force de vente et la marque sur la motivation et l’engagement à l’entreprise Le développement d’une forte relation entre la force de vente et la marque est très utile car il augmente la motivation à vendre [19]. Comme souligné en début de chapitre, ceci constitue un facteur essentiel de performance de vente. Car en particulier, la motivation permet de maintenir l’effort de vente dans la durée [13].

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Les études montrent de telles relations, très fortes, entre les vendeurs et les marques – celles de luxe, mais aussi les marques propres [14]. Dans ce dernier cas, la relation est quasi-maternelle : la marque propre, c’est un peu le « bébé » de ces vendeurs. Ils la nourrissent, la chouchoutent et la protègent soigneusement. Cette proximité à la marque semble stimuler non seulement leur motivation à la vendre, mais aussi leur engagement à l’entreprise tout entière[6]. Ce dernier élément est capital, car il contribue à fidéliser les employés. Or, parmi eux, les vendeurs occupent un rôle clé, et les garder engagés constitue un défi de taille [2]. Si les entreprises parviennent à renforcer la relation à la marque chez leurs vendeurs, cela s’avérera donc particulièrement bénéfique pour elles. Dès lors, comment stimuler la relation à la marque des vendeurs ? Comme souligné dans la section 1 de ce chapitre, il est nécessaire de conjuguer une communication managériale claire, régulière et dynamique, à des systèmes de contrôles justes et attractifs. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut aussi un concept de marque fort et unique susceptible de générer des relations fortes entre les vendeurs et leur marque, mêlant affect, confiance et reconnaissance du client. Ainsi, les entreprises pourront s’appuyer sur une équipe commerciale motivée à vendre et engagée envers l’entreprise. Figure 6.2 Modèle simplifié de la « Relation vendeur – marque

L’essentiel

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La littérature managériale existante a largement montré combien il est important de motiver la force de vente pour améliorer ses performances. Deux stratégies, développées dans la section 1, font aujourd’hui référence : L’adoption d’un style managérial donnant des objectifs clairs, de la communication, un feedback régulier et de la formation ; La mise en place de systèmes de contrôles des ventes adaptés, basés sur l’attitude de vente plutôt que sur les seuls résultats. À ces deux leviers, nous ajoutons une nouvelle stratégie de motivation des vendeurs, présentée dans la section 2 : le renforcement du lien entre le vendeur et sa marque. Cette relation, mesurable, repose sur trois piliers : l’affect éprouvé par le vendeur envers la marque, la confiance qu’il lui accorde, et la reconnaissance qu’il obtient de la part du client à conseiller cette marque. Les études[7] le montrent, une relation forte entre les commerciaux et les marques vendues augmente non seulement la motivation à vendre, mais aussi l’engagement à l’entreprise. Ces deux aspects peuvent aider les entreprises à relever deux défis majeurs, celui de la performance commerciale, et celui de la fidélisation de la force de vente.

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Questions de réflexion

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1 ■ Les relations à la marque correspondent-elles à un phénomène naturel ou à un processus construit ? 2 ■ Quels aspects renforcent-ils la relation entre le vendeur et la marque ? 3 ■ Quels facteurs peuvent-ils rompre les relations entre vendeurs et marques ? 4 ■ Comment construire des marques qui créent un potentiel relationnel fort avec les vendeurs ?

Section 3

BIBLIOGRAPHIE

[1] ANDERSON, E., OLIVER, R.L., « Perspectives on Behavior-Based versus Outcome-Based Sales Force Control Systems », Journal of Marketing, 51 (4), 76-88, 1987. [2] ANDERSON, E. and ROBERTSON, T.S., « Inducing Multiline Salespeople to Adopt House Brands », Journal of Marketing, Vol.59, April, 16-31, 1995. [3] ATUAHENE-GIMA, K., « Adoption of New Products by the Sales Force : The Construct,

Research Propositions and Managerial Implications », Journal of Product Innovation Management, 14 (6), 498-514, 1997. [4] BEHRMAN, D.N., PERREAULT, W.D., « Measuring the Performance of Industrial Salespersons », Journal of Business Research, 10 (September), 355-370, 1982. [5] BERSCHEID, E, PEPLAU, L.A., « The Emerging Science of Relationships », in : Kelley, H.H. et al., Close Relationships, New York : W.H. Freeman, 1-19, 1983. [6] CHAUDHURI, A., HOLBROOK, M., « Product-Class Effects on Brand commitment and Brand Outcomes : The Role of Brand Trust and Brand Affect », Brand Management, Vol. 10, No.1, 33-58, 2002. [7] DUBINSKY, A.J., HOWELL, R.D., INGRAM, T.N, BELLENGER, D.N – « Sales Force Socialization », Journal of Marketing, 50 (October), 192-207, 1986. [8] GILMORE, G.W. – Animism, Marshall Jones ; McDougall, W., Body and Mind : A History and Defense of Animism, Macmillan, 1911.

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[9] HINDE, R.A., « A suggested structure for a science of relationships », Personal Relationships, 2, March 1-15, 1995.

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[11] JAWORSKI, B., KOHLI, A., « Supervisory Feedback : Alternative Types and Their Impact on Salespeople’s Performance and Satisfaction », Journal of Marketing Research, Vol 28, 191-201, 1991. [12] KELLEY, H. H., « Personal Relationships : Their Nature and Significance », in : Gilmour, R. Duck, S., The Emerging Filed of Personal Relationships, Hillsdale, NJ : Erlbaum, 3-19, 1986. [13] LOCKE, E. A., LATHAM, G.P., « What Should We Do About Motivation Theory ? Six Recommendations for the Twenty-First Century », Academy of Management Review, Vol 29, N°3, 388-403, 2004. [14] MERK, M., « Strengthening Sales Forces – Private Brand Relationships : A New Management Theory for Retailers », Thèse de l’IAE de Paris, Université Paris I PanthéonSorbonne. [15] MICHAELS, C.E., SPECTOR, P.E., « Causes of Employee Turnover. Test of the Mobley, Griffeth, Hand and Melingo Model », Journal of Applied Psychology, 67 (February), 53-39, 1982. [16] MOORMAN, C., DESHPANDÉ, R., ZALTMAN, G., « Factors Affecting Trust in Market Research Relationships », Journal of Marketing, 57 (January), 81-101 ; Walker, O.C., Churchill,

G.A., Ford, N.M., « Motivation and Performance in Industrial Selling : Present Knowledge and Needed Research », Journal of Marketing Research, 14 (2), 156-168, 1993. [17] SUJAN, H., WEITZ, B.A., KUMAR, N., « Learning Orientation, Working Smart, and Effective Selling », Journal of Marketing, 58 (July), 39-52, 1994. [18] STANTON, W.J., BUSKIRK, R.H., SPIRO, R., Management of a Sales Force, Boston : Irwin, 1991. [19] WALKER, O.C., CHURCHILL, G.A., FORD, N.M., « Motivation and Performance in industrial selling : Present Knowledge and Needed Research », Journal of Marketing Research, 14 (2), 156-168, 1977. [1]

Verbatim d’une vendeuse de la marque Fendi.

[2]

Verbatim des vendeurs multimarques interrogés sur leurs relations aux marques propres qu’ils vendent.

[3]

Échelle adaptée de Chaudhuri & Holbrook [6].

[4]

Échelle adaptée de Chaudhuri & Holbrook [6].

[5]

Études menées d’une part sur des marques de luxe, d’autre part sur des marques propres en environnement retail multimarques.

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[7]

Comme nous avons pu en particulier l’observer chez Sephora.

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[6]

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Nous avons développé cette échelle à partir des nombreux entretiens menés avec les vendeurs. En effet, les échelles existantes sur la reconnaissance mesurent si le vendeur se sent reconnu par son manager, non par le client.

Partie

3

Faire vivre la marque sur les marchés

Chapitre 7 Les modes d’expression de la marque Chapitre 8 De l’image au capital-marque du point de vue des consommateurs Chapitre 9 Les relations entre les consommateurs et les marques

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Chapitre 10 Les stratégies de développement de la marque

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Les marques « vivent » en ce sens où elles sont en revendication et action continuelles. Elles

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proposent des produits, parlent, communiquent, conversent et instaurent certaines relations avec les consommateurs et en particulier leurs clients. Cette partie expose les fondamentaux sur la perception et la relation des consommateurs vis-à-vis des marques. Comment les marques expriment-elles et communiquent-elles leur identité sur les marchés ? Comment la mesure de l’image de marque devient-elle un outil stratégique du management des marques ? Quelles sont les différentes relations que les individus entretiennent avec les marques ? En quoi les stratégies d’extension de marque et de co-branding sont-elles construites autour de cette perception de la marque ? Chacun des trois chapitres qui constituent cette partie apporte des réponses à ces questions. Le premier chapitre présente les différents modes d’expression de la marque. Il expose les clés de réussite et les écueils à éviter dans l’utilisation de cette boîte à outils communicationnelle. L’apport original de ce chapitre est de montrer que la clé d’une expression forte de la marque réside dans la cohérence et la pertinence des actions, destinées à mettre en valeur la mission de la marque sur les marchés. À ce stade, ce chapitre met également en lumière l’importance des magasins, qui au-delà de l’image, permettent aux consommateurs de vivre une véritable expérience avec la marque. Le chapitre suivant s’attache à présenter les différentes approches utilisées pour identifier la

perception des marques. L’analyse montre la complémentarité entre la mesure de l’image de marque, la personnalité de la marque et les valeurs de la marque. La contribution originale de ce chapitre est de présenter une mesure dynamique de l’image de marque autour du noyau central et du système périphérique. Ce dernier concept est central dans la définition du territoire potentiel de la marque. Enfin, ce chapitre apporte une clarification de la mesure du capital-marque comme concept essentiel dans l’évaluation de la force de la marque dans l’esprit des individus. Le chapitre 9 montre l’importance d’une vision relationnelle de la marque, qui s’intéresse aux liens tissés par le consommateur avec une marque au fil du temps. La relation entre le consommateur et la marque s’appuie sur un travail de personnification et d’humanisation de la marque qui permet la construction d’une relation. La contribution inédite de ce chapitre est de montrer que cette relation ne dépend pas uniquement des actions de la marque mais aussi des dispositions des consommateurs qui ont une orientation relationnelle ou fonctionnelle. La confiance et l’attachement deviennent alors les leviers de ce management relationnel de la marque.

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Enfin, le chapitre 10 a pour ambition de montrer que le succès du développement des marques sur les marchés s’appuie sur cette connaissance pointue de la perception et de la relation que les consommateurs ont de/avec la marque. Après avoir présenté les enjeux de la gestion des portefeuilles de marques, ce chapitre expose donc les facteurs clés de succès des stratégies d’extension de marques et de co-branding. L’analyse révèle que les éléments déterminants de ces stratégies résident sur la cohérence entre les valeurs centrales de la marque et les nouvelles actions menées ainsi que sur cette capacité à créer l’inattendu face à l’encombrement des marchés.

Chapitre

7

Les modes d’expression de la marque Nathalie FLECK, Géraldine MICHEL et Sophie RIEUNIER

OBJECTIFS

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Faire le point sur les différents modes d’expression de la marque qui lui permettent d’asseoir son identité. Comprendre comment les marques concilient aujourd’hui la communication médias et digitale. Expliquer comment les points de vente mettent en avant les marques et comment les enseignes deviennent elles-mêmes des marques.

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SOMMAIRE

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Comment la marque s’exprime-t-elle à travers ses attributs spécifiques ? En quoi la marque concilie-t-elle communication et conversation ? Comment la marque définit-elle son mode d’expression dans ses points de vente ?

Lacoste, Danone, Louis Vuitton, Peugeot, Rossignol, Club Med, Accor, Caisse d’Epargne, La Poste, la RATP, le Louvre… Autant de grandes marques qui partagent un dénominateur commun : ce sont toutes des marques fortes qui ont su exprimer clairement leur positionnement et détiennent donc une place singulière dans l’esprit des consommateurs. En effet, il ne suffit pas à l’entreprise de décréter son identité. Encore faut-il l’exprimer clairement et fortement sur le marché, face aux discours des marques concurrentes, afin que l’image perçue par le consommateur coïncide avec l’identité voulue par l’entreprise. La marque dispose d’un nombre considérable d’outils et approches qui lui permettent d’exprimer cette identité, depuis ses produits, son nom ou son logo, jusqu’à ses modes de communication, en passant par la mise en œuvre du marketing sensoriel. Comment chaque outil contribue- t-il à l’expression identitaire de la marque ? Comment les marques concilient-elles aujourd’hui la communication médias et digitale ? Comment les points de

vente mettent-ils en avant les marques et comment les enseignes deviennent-elles elles-mêmes des marques ? Dans le cadre de la construction d’une marque forte aux yeux des différentes cibles, l’objectif de ce chapitre est de faire le point sur les différents modes d’expression de la marque qui lui permettent d’asseoir son identité. Les moyens d’expression de la marque sont multiples et complémentaires. La figure 1 présente huit facettes d’expression de la marque, étudiées dans ce chapitre. Figure 7.1 Les modes d’expression de la marque

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Section 1

COMMENT LA MARQUE S’EXPRIME-T-ELLE À TRAVERS SES ATTRIBUTS SPÉCIFIQUES ?

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1 Les produits en tant qu’emblèmes de la marque À l’origine d’une marque forte se trouve souvent un produit ou un service à forte valeur ajoutée au moment de son lancement : la bouteille de gaz de Butagaz, la crème Nivea, le polo Lacoste en sont autant d’exemples. La marque trouve tout son sens à travers ses produits qui expriment de façon concrète sa culture et son physique (cf. Chapitre 1). Dans le domaine du luxe, les montres Bell & Ross sont la meilleure représentation de la culture de la marque qui se fonde sur la technologie, le design, la fonctionnalité et la précision. Elles sont symboliquement portées par des pilotes, plongeurs, navigateurs et astronautes dans la communication de la marque, pour mettre en avant cette culture. Tous les produits de l’entreprise 3M sont reliés par une valeur indissociable de l’entreprise : l’innovation pratique. Le scotch, les post-it et les éponges Scotch-Brite sont l’illustration de cette philosophie. Certes, au fil du temps, des activités comme la fabrication de photocopieurs ou de cassettes vidéo ont été abandonnées et certains virages ont été manqués, mais le produit est ici au centre de la stratégie de l’entreprise. Le produit est le meilleur ambassadeur de la marque, il concrétise la culture de la marque. Par exemple, Moulinex, marque d’électroménager, s’est donné pour mission de libérer la femme, et ce depuis les années 50. Ses produits, tels que le presse-purée,

le moulin à café électrique, l’aspirateur au début de l’histoire de la marque, ou le robot, le four à micro-ondes, la machine à pain de nos jours, marient ingéniosité et modernité et permettent de gagner du temps pour soi, se rattachant ainsi à la philosophie du mieux vivre.

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Les marques s’appuient sur le lancement de nouveaux produits pour s’enrichir, nourrir leur culture mais aussi pour évoluer. C’est ainsi par exemple que la gamme Dry de Schweppes, constituée d’eaux gazeuses sans quinine pour éviter la sensation d’amertume, a attiré de nouveaux consommateurs plus jeunes et peu amateurs de cette saveur vers la marque Schweppes et a rajeuni la marque qui commençait à vieillir. Bien que le produit doive nourrir la marque, il ne doit pas la surpasser pour autant, car la marque deviendrait dépendante de ce seul produit sans pouvoir facilement évoluer. C’est pourtant le cas de la marque Aigle qui a été victime du succès de son modèle Copeland et qui a aujourd’hui dû trouver d’autres terrains d’évolution pour faire vivre sa marque. En effet, Copeland, la veste robuste et confortable qui protège de la pluie et du vent, initialement vendue dans les magasins spécialisés pour les marins, est vite devenue un vêtement d’automne incontournable. Cette veste de la marque Aigle, conférant à celui qui la porte une allure de navigateur bon chic bon genre, a trouvé un public très différent de son cœur de cible initial. Le danger d’un tel succès est la banalisation du produit mais aussi un essoufflement de la marque. Pour ne pas limiter la marque à un seul produit, une des issues a été l’innovation produit qui a permis de préserver l’identité d’Aigle, marque sportive, spécialiste du loisir actif de plein air, autour d’une gamme complète de bottes et vêtements « outdoor ». De la même façon, Lacoste, dont le produit emblématique reste le fameux polo en piqué de coton siglé d’un crocodile, a mis des années à faire accepter la capacité de la marque à développer une gamme complète de vêtements.

2 Le nom et le logo de marque en tant que symboles de la marque 2.1 Le nom, signe distinctif de la marque Le choix du nom est d’une importance cruciale dans la vie d’une marque. Le nom clarifie l’offre de la marque, la structure et positionne le produit. Que fait une entreprise en donnant un nom à un produit ? Elle lui reconnaît une spécificité, un sens et une mission par rapport aux produits concurrents. Elle affirme que ce produit détient une valeur spécifique sur ce marché. Tous les noms de marque ne sont évidemment pas égaux dans leur aptitude à créer cette différenciation. Il faut non seulement que le nom soit nouveau, mais aussi distinctif des autres produits équivalents du marché. Le nom du produit peut ouvrir de nouveaux territoires à la marque. Ainsi, le nom Bio a davantage ancré Danone dans la valeur santé[1], valeur qui s’impose aujourd’hui comme l’un des points forts du groupe, comme en attestent les lancements de Danone Kid croissance ou Actimel ou encore la création de l’Institut Danone. Grâce à sa nouvelle stratégie

d’appellation de ses différents modèles de voiture, Renault donne un positionnement clair et bien différencié à chacun de ses modèles et enrichit en même temps la marque institutionnelle Renault. Ainsi, la marque Kangoo découlant du mot « kangourou » souhaite évoquer spontanément l’agilité, le rythme, la nature, la sympathie et l’esprit de famille. Cette appellation positionne parfaitement le véhicule dans des dimensions de fonctionnalités associées à un style décontracté : Kangoo la voiture toujours prête pour les loisirs, en famille ou entre amis.

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Depuis quelques années, les entreprises se rebaptisent avec des noms à forte symbolique. La Générale des eaux est devenue Vivendi, Hoechst-Rhône Poulenc s’est transformé en Aventis, la Seita a choisi Altadis, le groupe André se nomme désormais Vivarte, le Crédit National de France devient Dexia. Dans le secteur public également, de nouveaux noms sont apparus comme Universciences, né en 2010 du rapprochement de la Cité des Sciences et du Palais de la découverte, ou l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC), à l’occasion de la nouvelle définition du périmètre des universités qui regroupe désormais différents campus dont celui de Jussieu depuis 2009. Le nom ne sert pas uniquement à désigner l’activité mais à développer un imaginaire autour de l’offre. C’est ainsi que pour se glisser dans une histoire, des valeurs ou encore un mythe, les entreprises adoptent le patronyme d’un personnage célèbre ou celui d’un lieu connu. Thomson-CSF a pris le nom de Thales, savant et philosophe grec, Vodaphone-France a choisi le physicien Coriolis. L’ex-SGE, numéro un de la construction et exploitant de parkings souterrains se dénomme dorénavant Vinci et entend ainsi incarner des valeurs de créativité, de générosité et des racines européennes. Mais, ces valeurs correspondent-elles à l’identité de la marque ? Ces stratégies de nom visent certes à interpeller la sensibilité du consommateur, à susciter sa sympathie en cherchant à engendrer un lien émotionnel avec la marque. Toutefois, elles ont leurs limites. L’identité de marque doit nourrir le nom et inversement le nom doit servir l’identité de marque. Aujourd’hui, il arrive qu’une entreprise veuille changer de nom suite à une situation critique, pour retrouver une certaine virginité aux yeux des consommateurs. Le Crédit Lyonnais, par exemple, est devenu LCL en 2005, suite à un procès largement médiatisé et perdu. Il n’est cependant pas suffisant de changer de nom pour modifier l’identité en profondeur. Quel que soit le secteur d’activité, un nom à forte symbolique séduit les consommateurs uniquement s’il est cohérent avec l’identité et l’ensemble des expressions de la marque. 2.2 Le logo, symbole de la marque Le logo représente l’élément physique indissociable des produits et de la communication de la marque [5]. Il symbolise la marque par une forme, comme le carré d’Orange ou par des objets comme la pomme d’Apple ou l’arbre de Bull. Les raisons d’être du logo sont multiples. Le logo apporte notamment un signe de reconnaissance à la marque ; il donne également du sens à la marque en lui transférant sa signification symbolique. Le logo de France Télécom sous forme d’esperluette

exprime ainsi la nouvelle réalité de l’entreprise. Il ne reflète ni une technique, ni un outil, ni une activité particulière de l’entreprise. Il cherche à fédérer l’ensemble des activités de France Télécom. Ce symbole « & » a pour but de traduire toutes les possibilités de communication qui permettent à chacun d’être en contact avec le monde. Sa calligraphie lui confère une réelle originalité dans le paysage concurrentiel. Le nom de marque perd ses majuscules, France Télécom s’efforce de devenir plus accessible et plus proche. Les couleurs évoluent également et s’animent de nuances chaleureuses. L’identité visuelle de France Télécom adopte le rouge et l’orange, lumineux et gais, tout en conservant le bleu, qui cherche à faire le lien avec l’histoire de l’entreprise. Ici le logo s’attache à traduire l’évolution de l’identité de la marque de France Télécom. Dans certains cas, il arrive que le logo soit si profondément ancré dans la mémoire des consommateurs que la marque puisse se passer de son nom lorsqu’elle communique : ainsi, le swoosh de Nike, le cavalier de Ralph Lauren ou le « tartan » de Burberry sont immédiatement reconnaissables et évoquent instantanément tout l’univers de la marque, même lorsque le nom de celle-ci n’apparaît pas.

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Le capital de certaines marques est tel qu’elles réussissent à définir leur identité visuelle au-delà des couleurs et des formes mais en préservant un certain graphisme. C’est le cas de la marque Google qui change son logo au gré des saisons, des pays et des événements culturels. Dans ces jeux de création, les lettres du nom de la marque n’apparaissent souvent qu’en filigrane et pourtant, aucun doute pour les internautes, il s’agit bien de la marque Google qui exprime ainsi sa notoriété, son dynamisme et sa force (cf. Figure VI du cahier central).

3 Le packaging en tant qu’élément de reconnaissance Du point de vue de l’entreprise, la fonction identitaire du packaging est fondamentale puisqu’elle doit lui permettre de signer et d’authentifier ses produits, de se démarquer des concurrents et d’éviter la confusion avec d’autres marques. En particulier, l’expression des signes distinctifs de la marque sur le packaging doit être suffisamment claire et spécifique pour pallier les problèmes de copies et contrefaçons. Par ailleurs, le packaging, en tant qu’identité visuelle de la marque, joue un rôle de reconnaissance. Il permet, devant le linéaire ou dans un catalogue, de reconnaître instantanément une marque. Les couleurs, la typographie et la forme de la bouteille signent la marque Coca-Cola et aident à sa reconnaissance dans les linéaires. De même, dans un centre commercial, les boutiques Sephora, par exemple, sont facilement reconnaissables par leurs couleurs rouge et noir qui prédominent et par l’agencement des produits. Ces éléments revendiquent les valeurs de luxe de la marque et engendrent également un sentiment de familiarité auprès des individus qui reconnaissent la marque sans forcément voir le nom de l’enseigne. Le packaging est un outil important pour exprimer l’identité de la marque. Les flacons en forme

de feuille pour le parfum d’été de Kenzo ou de tige de fleur pour Kenzo Flower, permettent d’inscrire la marque dans des valeurs d’enracinement et de nature. Les matériaux bruts à partir de terre, de carton ou de bois permettent aux marques de refléter des valeurs de naturalité. C’est le cas de la marque The Body Shop qui vend ses produits sous conditionnements recyclables et revendique ainsi encore plus fort son respect de la nature. Les pots de yaourts en verre de La Laitière ou les pots façon moules en cuivre des desserts Charles Gervais expriment, quant à eux, la culture traditionnelle des marques. Le choix des couleurs a également une signification. La couleur noire véhicule l’idée de qualité intemporelle et elle est largement utilisée dans les produits haut de gamme ou de luxe depuis toujours. Les produits de la marque Krups, marque haut de gamme du petit électroménager, utilisent la couleur noire et des matériaux nobles tels que l’inox afin de revendiquer un certain prestige. À l’inverse, les couleurs vives expriment la modernité. Le fuschia ou le vert des produits Moulinex revendiquent cet aspect nouveau, moderne, de la marque qui développe des produits d’un design avant-gardiste.

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4 Les personnages, un moyen d’humaniser les marques

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Dans l’objectif de personnifier et d’humaniser les marques les entreprises utilisent trois types de personnages : le personnage publicitaire ; le personnage de marque ; les égéries. Le personnage publicitaire cherche à apporter une touche humaine à la marque. Cette humanisation, qui rend la marque plus proche, est d’autant plus intéressante que le produit vendu est abstrait, comme c’est le cas pour l’assureur Groupama, incarné par Cerise, jeune femme souriante à la robe à pois verts. Toutefois, de nombreuses marques se sont séparées de leur personnage fétiche. On a vu ainsi disparaître « Monsieur Marie », emblème de la marque de plats préparés « Marie », toujours là pour conseiller les ménagères dans la préparation de leur repas. La disparition des personnages publicitaires au cours de la vie de la marque peut s’expliquer par un phénomène de saturation de la part des consommateurs qui se lassent du personnage. Des études ont ainsi montré que M. Marie devait se faire plus discret dans les publicités. Par ailleurs, bien que ces différentes personnalités revendiquent avec force les valeurs de la marque, il arrive un moment où le personnage cannibalise la marque. Le danger du personnage publicitaire est qu’il immobilise la marque dans une caricature et l’empêche d’évoluer. Ainsi, Free a décidé d’arrêter de mettre en scène le personnage décalé de Rodolphe dans ses publicités (« il a Free, il a tout compris ») dans la mesure où les offres de la marque sont moins décalées qu’auparavant et où la marque souhaite adopter un discours plus sérieux.

À la différence des personnages publicitaires, les personnages de marque font partie intégrante du produit ou du service. Ils peuvent s’appuyer sur des symboles animaliers (comme Ernie, le hérisson de Spontex ou Georges, le yéti de Tic Tac) ou être totalement imaginés (les personnages de synthèse de Kiss Cool). Depuis déjà plus de 30 ans, l’ours en peluche symbolise la douceur de l’adoucissant Cajoline. La vache de « la Vache qui rit » incarne le bon lait du fromage. Mais depuis quelques années, ces symboles sont de plus en plus mis en avant. Les marques M&M’s et Kiss Cool utilisent des artefacts techniques pour fabriquer des personnages qui revendiquent pour l’une la gourmandise, pour l’autre l’humour décalé. La marque Monsieur Propre met également au premier plan son personnage de marque en lui consacrant un site Internet. Monsieur Propre « maniaque du ménage » incarne la marque du groupe Procter & Gamble. Le personnage, repensé, est aujourd’hui, plus jeune, plus svelte mais toujours aussi musclé. De même, le Bibendum de Michelin, qui a su continuellement évoluer, conserve sa capacité de séduction auprès des nouvelles générations. Personnage sympathique, mondialement connu, le Bibendum cherche surtout à apporter proximité et chaleur à la marque.

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Outre ces personnages créés par et pour la marque, il est à noter que la publicité met aussi souvent en scène des personnes réelles. Celles-ci peuvent être externes à l’entreprise, comme les célébrités porte-parole (par exemple George Clooney pour Nespresso ou Penelope Cruz pour Nintendo) ou comme des experts venant apporter leur point de vue sur les performances d’un produit (dentiste témoignant de l’efficacité d’un dentifrice, par exemple). Des personnes internes à l’entreprise interviennent également : ce sont parfois les fondateurs et/ou dirigeants, qui viennent partager leur vision de l’entreprise et du marché (Richard Branson pour Virgin ou James Dyson pour les aspirateurs éponymes). Ce peut être des artisans travaillant pour la marque et mettant en avant son savoir-faire, sa maîtrise et ses compétences (comme la couseuse, l’artisan au pinceau ou la jeune femme et les petits plis, mis en avant dans la campagne publicitaire pour Hermès en 2010). Ce sont aussi parfois de simples employés témoignant sur l’état d’esprit de l’entreprise (comme dans les campagnes pour EDF, voir feuillet couleur central). Ces différents « endosseurs » fonctionnent selon des processus très différents, entre cognitif et affectif, réalisme et vraisemblance, ou encore admiration et empathie [4].

Section 2

EN QUOI LA MARQUE CONCILIE-T-ELLE COMMUNICATION ET CONVERSATION ?

1 Un message publicitaire distinctif et constant La dimension imaginaire représente aujourd’hui une composante essentielle des marques et la communication publicitaire constitue le principal outil pour construire et renforcer cette dimension. Par ailleurs, la marque cherche également à revendiquer sa différenciation. Pour atteindre ces deux objectifs, la stratégie de communication doit être distinctive et constante.

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Pour mettre en avant les valeurs uniques de la marque, il est important de communiquer différemment. Quand la plupart des fabricants de café vendent leur produit comme une simple boisson, Carte Noire a joué sur l’idée de la sensualité du moment de la consommation de son produit. La marque a construit une véritable saga publicitaire autour de l’accroche « un café nommé désir » entre 1984 et 2010, avec un thème musical récurrent et fortement associé à la marque (« Try to remember »). Également dans le secteur alimentaire, Bonne Maman délivre un discours unique sur le plaisir des recettes de grand-mère (confitures, gâteaux, yaourts et desserts). Et ses annonces presses, avec photos couleurs en gros grains, expriment de façon très cohérente la dimension traditionnelle de la marque avec le tissu vichy comme fort élément visuel de reconnaissance. Les messages publicitaires de la marque Yop ont su également jouer la différence. Alors que jusque-là les campagnes de produits laitiers avaient pour objectif de rassurer les parents, les films publicitaires de Yop ne cherchaient pas à imposer un modèle de jeunesse idéalisée. Une bande de jeunes banlieusards tente vainement de voler la bouteille de Yop d’un autre adolescent quand celui réplique « J’ai craché dans mon Yop » : un scénario qui a marqué une génération d’adolescents. Exemple 7.1 – Évolution de la campagne publicitaire de la Caisse d’Epargne

Dans le milieu bancaire, la Caisse d’Epargne a également su aller à l’opposé des codes usuels de la communication du secteur et du ton habituellement sobre et rassurant des messages des banques. La Caisse d’Epargne a en effet mis en scène une famille de suricates dans une saga animalière improbable, avec beaucoup d’humour (cf. Figure XI du cahier central). Cette campagne a ainsi renforcé l’image de proximité, de sympathie et de confiance auprès des particuliers. À partir de 2011 pourtant, la communication de la Caisse d’Epargne connaît un virage remarqué avec l’objectif de toucher de nouvelles cibles, notamment professionnelles. La banque a lancé une affiche sous le signe de la page blanche. En effet, au lieu de tomber dans une forme de surenchère, la banque a préféré faire le vide pour recréer des conditions d’écoute. La campagne d’affichage enlève l’exubérance des signes, des décors, des grands spectacles, et enlève également les dialogues. En partant d’une page blanche et d’une nouvelle signature publicitaire, « La banque, nouvelle définition », la Caisse d’Epargne affirme avec clarté son statut de banque mutualiste à part entière, qui s’engage dans une relation sincère et simple pour répondre aux attentes de ses clients particuliers comme professionnels. Les clients sont séduits et en quelques mois, la Caisse d’Epargne voit son image s’améliorer en termes de modernité et de dynamisme. Ces campagnes de publicité non conventionnelles ont également permis de mobiliser les collaborateurs du réseau des caisses d’épargne. Car l’intention de la communication n’est pas seulement de séduire les consommateurs mais aussi de motiver ceux qui sont chargés d’être en contact avec le client.

Afin de renforcer les valeurs de la marque, il est important de définir un message publicitaire

constant dans le temps. Ainsi, la marque Louis Vuitton communique depuis des années sur le thème du voyage, en référence à son produit phare, la malle en toile décorée du célèbre monogramme LV. Cette communication s’est longtemps appuyée sur des annonces presse présentant des paysages lointains particulièrement esthétiques, puis ces annonces ont mis en scène des célébrités parcourant le monde, depuis les acteurs Catherine Deneuve, Sean Connery et Angelina Jolie, les sportifs André Agassi et Steffi Graf jusqu’à des personnalités beaucoup plus étonnantes comme l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev. La marque vient de lancer fin 2012 son premier film publicitaire intitulé « l’invitation au voyage ».

2 Une communication qualitative et qui fait l’événement grâce à Internet

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Comparativement à la communication publicitaire classique, Internet permet de fournir davantage d’informations grâce aux sites de marques, avec une plus grande interactivité à travers les forums et en créant l’événement de façon qualitative grâce à des messages aux formats non classiques. Ainsi, Dior crée l’événement fin 2011 en mettant en scène son sac Lady Dior (renommé pour l’occasion L.A.dy Dior) dans un véritable court-métrage inspiré de Richard Avedon et tourné à Hollywood par le cinéaste John Cameron Mitchell avec Marion Cotillard, égérie de la marque. Ce film fait suite à plusieurs autres courts-métrages tournés depuis 2009 par l’actrice, sous la direction de John Cameron Mitchell (Lady Grey London) ou d’autres célèbres réalisateurs comme Olivier Dahan (The Lady Noire Affair), Jonas Akerlung (The Lady Rouge Affair) ou David Lynch (Lady Blue Shangai). À chaque fois, ces films ainsi que leurs « making of » sont exclusivement mis en ligne sur internet et créent ainsi le buzz, suscitant plusieurs millions de visites. Pour Sydney Toledano, PDG de Christian Dior, l’« objectif stratégique est de faire rêver en racontant de belles histoires » [2]. Ce procédé entre publicité et cinéma, parfois appelé « advertainment » (publicité divertissante), a été inauguré par BMW en 2001 et 2002. Le constructeur automobile a fait appel à huit réalisateurs renommés (dont Wong Kar-Wai, Ang Lee, John Woo, Alejandro Inarritu, Tony Scott ou encore Guy Ritchie) pour tourner 8 courts-métrages mettant en valeur ses modèles. Cette série, appelée « The Hire », figurait exclusivement sur internet et a fait l’objet d’un DVD offert aux clients. Ces exemples montrent que la communication de marques sur internet engendre de nouveaux récits de marque, sous forme de divertissement, dessinant des relations plus expérientielles entre consommateurs et marque.

3 La conversation de marque sur le digital, où en est-on vraiment ? Avec le développement des médias sociaux apparaît un nouveau phénomène : les marques prennent part aux conversations des internautes. En utilisant les mêmes outils que les individus, elles se font interpeller et répondent publiquement. Par ailleurs, elles gèrent des espaces

communautaires en ligne où elles cherchent à regrouper les individus autour de leurs centres d’intérêt et d’elles-mêmes. On parle de conversation de marque [1] lorsqu’il y a échange de propos avec authentification claire du locuteur représentant la marque (ce qui n’est pas toujours le cas dans les techniques de marketing viral où la présence d’agents affiliés à la marque n’est pas toujours dévoilée). L’objectif est avant tout de créer et entretenir une relation avec des consommateurs et de rendre la marque « plus proche ». Dans ce contexte, Facebook est aujourd’hui un outil prisé par les marques. Canon, par exemple, a créé une page sur ce site à la période de Noël en proposant des conseils rédigés par leurs experts pour réussir de belles photos de famille. Le succès fut énorme, avec 45 000 nouveaux fans en une journée. Depuis, la marque organise régulièrement des concours pour valoriser ses fans et permettre à chacun d’exploiter sa créativité, qui correspond à la valeur phare de la marque[3].

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Toutefois, on peut s’interroger sur le contenu de ses conversations sur internet. De quoi parle-ton ? Quels messages engendrent des conversations de qualité ? Une récente étude montre que la prise de parole des marques sur les médias sociaux est généralement verticale et ne s’apparente pas à une conversation où marque et internautes seraient au même niveau. Les marques sur les médias sociaux cherchent à plaire, et se cachent derrière une spontanéité totalement contrôlée. Pour véritable converser, les marques pourraient envisager la création de différents espaces conversationnels en fonction des motivations et des implications des participants. Des espaces plus privatifs, réservés aux consommateurs les plus impliqués, peuvent ainsi générer des conversations de qualité. Par ailleurs, le nombre de « fans » ne peut pas être le seul indicateur de l’efficacité des marques sur les médias sociaux. Nombre d’individus inscrits sur les pages Facebook sont finalement très passifs et suivent des marques avant tout pour « bénéficier de bons plans, de réductions », selon l’Observatoire des réseaux sociaux.

Section 3

COMMENT LA MARQUE DÉFINIT-ELLE SON MODE D’EXPRESSION DANS SES POINTS DE VENTE ?

Les modes d’expression de la marque étant multiples et complémentaires, nous complétons la liste en y ajoutant un dernier élément : la communication et la mise en scène de la marque sur le point de vente. À ce niveau, nous pouvons distinguer deux démarches différentes selon le point de vue d’une « marque – produit », ou d’une « marque – enseigne ». Dans le cas du produit, la marque va devoir définir la manière de se mettre en avant dans un univers très concurrentiel, en affirmant son identité. Dans le cas de la « marque enseigne », c’est l’ensemble du magasin qui va être

travaillé au profit de l’identité de marque. Nous distinguerons donc les deux approches dans les lignes qui suivent.

1 Mise en scène et théâtralisation de la « marque produit » dans les points de vente Lorsqu’on souhaite travailler la mise en scène du produit sur le point de vente, il est nécessaire de revenir à sa dimension sensorielle : quels sont les sens sur lesquels la marque est particulièrement distinctive ? Beaucoup de produits vendus en grande distribution ont une caractéristique sensorielle spécifique. On peut ainsi citer les marques Nivea, Haribo, Nutella, Orangina, Dim, Bonne Maman, Evian pour leurs identités gustatives, visuelles, olfactives et sonores spécifiques, qui au-delà de la part de linéaire, attirent l’attention sur leurs produits.

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Exemple 7.2 – La théâtralisation de la marque-produit chez Nivea

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Nivea a développé avec la société Scentys, spécialisée dans la diffusion d’odeurs, une mise en scène olfactive de la marque permettant aux consommateurs de sentir l’odeur du produit en appuyant sur un bouton situé dans le rayon. Le client n’a ainsi pas besoin d’ouvrir le produit pour se remémorer tous les souvenirs liés à cette crème qu’il a sans doute utilisée lorsqu’il était petit. La dimension nostalgique et affective de la marque passe ici totalement à travers l’odeur du produit. Nivea travaille également sur ses autres dimensions sensorielles : le toucher du packaging, la texture de la crème lorsqu’on l’applique, le bruit que fait le pot lorsqu’on l’ouvre ou le ferme et bien entendu, les couleurs bleues et blanches si caractéristiques de la marque. L’expression de l’identité de Nivea passe par les cinq sens.

La marque Hollywood a fait l’expérience d’odoriser le rayon confiserie avec le parfum menthe, très typique de la marque, et a pu constater une augmentation de 10 à 20 % de son chiffre d’affaires au cours de cette opération. Les recherches montrent en effet que l’odeur a une fonction d’alerte chez l’individu, qui lui permet de diriger son attention sur tel ou tel produit et de rappeler instantanément en mémoire les évocations liées au produit [2]. L’odeur d’Hollywood menthe étant presque devenue un logo « olfactif », focalisant l’attention des clients parcourant le rayon et augmentant significativement leur probabilité d’acheter le chewing-gum. Ces opérations se focalisent sur l’expression de la marque dans le rayon qui lui est attribué, il est toutefois important de souligner ici la pertinence des actions transversales mises en place au sein des magasins. On peut ainsi imaginer, pour la chandeleur, que plusieurs marques s’associent pour animer le magasin autour de la confection de crêpes : Nutella, le Sucre Daddy, les poêles Tefal, le

beurre Président… L’intérêt de ce type d’opération est de permettre aux marques de communiquer en dehors de leur rayon. Par ailleurs, la complémentarité des marques mises en scène lors de cet évènement favorise la relation expérientielle avec les consommateurs.

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Hormis la dimension olfactive, il ne faudrait pas que la marque occulte la dimension tactile, utile au processus de choix de l’individu en magasin. Swatch l’a bien compris en mettant en « libre toucher » toutes ses montres dans les Swatch Store. Le libre toucher de ce type de produits pose de gros problèmes de sécurité mais Swatch a inventé un système qui permet au client de toucher et tester les montres alors que celles-ci restent attachées au présentoir. Sous un autre angle, Sephora, il y a presque 20 ans, a totalement bouleversé l’approche de la parfumerie en supprimant le comptoir qui séparait le consommateur des produits. Le « libre toucher » s’est révélé totalement pertinent pour ce secteur. Plus récemment, Apple Store fonctionne également totalement sur le « libre toucher ». Les vendeurs sont même formés à présenter les ordinateurs inclinés à 70 degrés pour obliger les clients à les toucher pour visualiser les informations à l’écran. Cependant, si les recherches montrent que le toucher permet au consommateur de s’approprier le produit plus rapidement, il peut aussi agir en défaveur de l’achat au travers de la « théorie de la contagion » [7]. Cette théorie psychologique met en effet en évidence le fait que l’individu pense qu’un produit qui a été touché par un autre client est quelque part « contaminé » par cette personne. Des expériences réalisées dans des magasins de vêtements montrent en effet que les clients ont tendance à moins acheter lorsqu’on leur dit que le produit qu’ils viennent d’essayer a été essayé par un autre client que lorsqu’ils le prennent en rayon sans en avoir connaissance. Il est donc important que la manipulation des produits ne laisse pas de trace visible sur le produit.

2 Les « marques-enseignes : le magasin comme expression de leur identité Une autre problématique liée à l’expression de la marque sur le point de vente repose sur la traduction de l’identité de marque pour les « marques-enseignes ». Ici, il est fondamental pour le distributeur d’investir dans ses magasins en termes sensoriels et expérientiels puisque le point de vente est le premier média de la marque. Comme l’affirme Gérard Caron, designer et fondateur du site « admirabledesign.com » : « le magasin est le seul média en 3D dans lequel le client entre. ». Il suffit de voir le succès d’Abercrombie & Fitch et la force de cette marque pour s’en convaincre. Ici, l’odeur, la musique, les lumières et le toucher sont travaillés pour faire entrer le client dans une ambiance de boîte de nuit, très caractéristique de la marque positionnée autour de la jeunesse et de la mode. Le personnel de vente fait totalement partie de l’image de marque : beau, jeune, et souvent, assez dénudé. Tout comme sur les multiples affiches qui communiquent sur la marque au sein du magasin. La marque est tellement forte d’un point de vue iconique et sensoriel qu’on peut oser une comparaison avec un lieu de culte : on y va comme en pèlerinage et on en ressort avec la preuve

qu’on y est bien allé, à savoir, avec un tee-shirt portant la marque Abercrombie et Fitch inscrit de façon très visible. Cet exemple suit parfaitement une démarche de marketing expérientiel qui peut se définir comme le fait de travailler autour de cinq actions : surprendre, proposer de l’extraordinaire, créer du lien, utiliser la marque au service de l’expérientiel et stimuler les cinq sens [6]. Ainsi, le marketing expérientiel ne repose pas uniquement sur les sensations mais également sur l’histoire qui est racontée à travers le point de vente. Comme dans toute histoire, il y a un décor, une intrigue (les produits et l’histoire de l’entreprise) et des personnages (les vendeurs et les clients) [8]. Ces trois dimensions sont fondamentales pour créer de l’expérience. Si l’on prend, par exemple, le cas de Repetto, nous avons tout à fait ces trois dimensions. En revanche, il suffit qu’une dimension ne soit pas au rendez-vous pour que le marketing expérientiel échoue. Combien de points de vente proposent un décor magnifique sans aucune intrigue ou avec des vendeurs peu formés ?

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Exemple 7.3 – Les magasins Repetto

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Les magasins Repetto suivent totalement une démarche de marketing expérientiel orchestrée autour de la valorisation de la marque mythique. Repetto est une marque née en 1947 de la volonté de Rose Repetto, mère du danseur Roland Petit, de créer des chaussons de danse qui ne fassent pas mal aux pieds. La marque est donc fortement ancrée dans l’univers de la danse : élégance, tradition et confort. Mais, la marque crée en 1956 une paire de ballerine pour Brigitte Bardot, puis une autre paire de chaussures en 1970 pour Serge Gainsbourg, qui devient ambassadeur de la marque. Repetto commence ainsi une extension de marque dans l’univers de la mode. Menacée de faillite, la marque est reprise par JeanMarc Gaucher en 1999. Manager visionnaire, il définit la mission de la marque ainsi : « être une marque globale de luxe en restant dans l’univers de la danse ». Les boutiques Repetto sont ainsi totalement revues dans ce sens. L’univers de la danse y est totalement présent : de grands rideaux de velours rouge viennent envelopper le client dans les cabines d’essayages, les produits sont présentés sur des barres de travail, tous les produits sont exposés de manière poétique dans une ambiance poudrée, ponctuée par une musique classique, des lustres en cristal, un parquet en bois et la mise en avant de différentes formes de tutus en tulle. De grands miroirs viennent également faire un clin d’œil aux danseurs habitués à l’architecture des salles de danse tout en agrandissant l’espace de vente. Le personnel fait également entièrement partie du concept : un portier accueille le public dans le magasin et tous les vendeurs sont recrutés pour leur expertise des produits. C’est donc une expérience unique que de rentrer dans une boutique Repetto. On a quelque part l’impression de pénétrer dans une annexe de l’Opéra Garnier, qui travaille d’ailleurs en collaboration avec la marque pour équiper ses danseurs. Tout ceci apporte un univers imaginaire très fort à la marque qui lui permet de réaliser des extensions de marque vers les chaussures, les sacs et le prêt à porter pensés autour de l’univers de la danse classique.

Au-delà de l’expression du positionnement de la marque, le point de vente est un élément central dans le processus de sacralisation de la marque. La scénographie du magasin et les discours des vendeurs permettent de mettre en scène l’histoire de la marque : ses fondateurs, son savoir-faire, ses créateurs, ses pièces iconiques, ses clients mythiques, etc. Par exemple, le magasin Chanel de la place Vendôme permet de faire entrer les visiteurs au cœur de l’expérience de la marque. Chaque détail fait référence à Coco Chanel : ses fleurs préférées, les camélias blancs qui sont disposés à l’entrée du magasin ; les éléments de décoration inspirés de la décoration de son appartement

(paravents laqués, luminaires, canapés, etc.) ; son portrait au-dessus de la cheminée. On y présente également quelques archives de la maison (esquisses de Coco Chanel et pièces iconiques). On fait référence à des clients mythiques de la maison. Ainsi, au-delà du bijou, on achète une expérience de la marque [3]. Cette section montre comment le travail d’expression de la marque sur le point de vente permet, certes d’orienter le consommateur vers l’achat du produit, mais permet surtout à la marque de provoquer des émotions, d’affirmer sa personnalité et de faire vivre des expériences au consommateur.

L’essentiel

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La construction de l’identité d’une marque forte passe par l’utilisation cohérente de nombreux moyens d’expression, à commencer par le produit, le nom, le logo, le packaging, les personnages associés ou diverses égéries. Le nom comme le logo sont avant tout des signes distinctifs qui symbolisent tout l’univers de la marque. Les personnages publicitaires, de marque ou les égéries personnifient et humanisent la marque et permettent ainsi aux consommateurs de rentrer en relation avec la marque. Par ailleurs, les moyens de communication évoluent. Si la publicité gagne à proposer un message distinctif et constant dans le temps, d’autres moyens de communication plus événementiels émergent grâce à Internet. Ces nouvelles communications prennent l’allure de conversation des marques qui font apparaître de nouvelles relations entre consommateurs et marques. Au final, les points de vente constituent le moyen ultime de mettre la marque en scène et de la théâtraliser. Ils participent à la création de mythes autour des marques.

Questions de réflexion 1 ■ Hormis les raisons financières, quelles peuvent être les raisons, pour lesquelles certaines marques font le choix de ne jamais communiquer dans les grands médias (ex : The Body Shop) ? 2 ■ En quoi Internet modifie-t-il la communication des marques ? Quels en sont les avantages et les limites ? 3 ■ Comment la marque peut-elle s’y prendre pour être légitime lorsqu’elle s’immisce dans les conversations des consommateurs sur Internet ? Quelles sont les conditions pour qu’elle ne soit pas rejetée ? 4 ■ Toutes les marques peuvent-elles être théâtralisées dans les points de vente ?

Section 4

BIBLIOGRAPHIE

[1] ANDRIUZZI, A., « La conversation de marque : de quoi parle-t-on ? Conditions d’émergence et conséquences sur le bouche-à-oreille », Parole d’expert n°12, 2012, Chaire « Marques & Valeurs », IAE de Paris, Paris 1 Panthéon-Sorbonne : http://chaire.marquesetvaleurs.org/Laconversation-de-marque [2] DAUCÉ, B. « Comment gérer les senteurs d’ambiance ? », Le Marketing Sensoriel du Point de Vente, coordonné par Sophie Rieunier, Dunod, Paris, 2013.

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[3] DION, D. et ARNOULD, E., « Building the Legitimacy of a Brand Through Charisma : The Magic of Luxury, Journal of Retailing », 87, 4, 502-520, 2011.

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[4] FLECK, N., MICHEL, G. et ZEITOUN, V., « Brand Personification Through the Use of Spokepeople : An exploratory Study on Ordinary Employees, CEO’s and Celebrities Featured in Advertising », Psychology & Marketing, à paraître.

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[5] HEILBRUNN, B., Le Logo, Collection « Que sais-je » ?, Presses Universitaires de France, Paris, 2e éd., 2006. [6] HETZEL, P. Planète Conso, Éditions d’Organisations, (2002), 392 pages. [7] MAILLE, V. et SIEKIERSKI, E. « Comment gérer les sensations tactiles », Le Marketing sensoriel du point de vente, coordonné par Sophie Rieunier, Dunod, Paris, 2013. [8] ROEDERER, C., Marketing et Consommation expérientiels, Éditions EMS, collection « Management et sociétés », 2012. [1]

Même si le produit lancé en 1987 a du changer de nom en 2005 puisqu’il n’était pas issu de l’agriculture biologique, le terme « Bio » pouvant induire le consommateur en erreur. Le produit s’appelle depuis lors Activia, nom également ancré dans l’imaginaire de la santé active. [2]

www.strategies.fr/actualites/marques/116982w/dior.vide.son.sac.html

[3]

Interview d’Anthony Cheylan, Canon France, Com’Ent n° 29, novembre 2012, p. 33.

Chapitre

8

De l’image au capital-marque du point de vue des consommateurs Géraldine MICHEL et Nathalie VEG-SALA

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Comprendre les différentes dimensions de la perception de la marque et leurs outils de mesure. Montrer en quoi l’identification du noyau central de la marque est essentielle pour comprendre la dynamique de l’image de marque. Clarifier en quoi la marque apporte de la valeur du point de vue du consommateur et comment mesurer ce capital-marque.

Comment évaluer l’image de marque à travers ses associations fortes, positives et uniques ? En quoi le noyau central est-il déterminant dans la compréhension de la dynamique de l’image de marque ? Quelles différences entre la personnalité et les valeurs perçues de la marque ? En quoi l’image de marque contribue-t-elle à la création du capital-marque pour les consommateurs ?

Le management de la marque s’appuie fondamentalement sur la construction de son identité (chapitre 1), en collaboration avec les salariés (chapitre 3) mais aussi en relation avec les consommateurs via les expressions de la marque (chapitre 7) qui engendrent une certaine perception de celle-ci. Comment la marque est-elle perçue ? Comment cette image évolue-t-elle au fil du temps ? Comment évaluer la valeur ajoutée que les consommateurs perçoivent de la marque ? Ce chapitre explique les différentes facettes de l’image de marque (les associations, la

représentation sociale, la personnalité, le territoire perceptuel) et met en perspective les différents outils de sa mesure. Ce chapitre se consacre également à l’étude du capital-marque du point de vue du consommateur et à sa mesure.

Section 1

COMMENT ÉVALUER L’IMAGE DE MARQUE À TRAVERS SES ASSOCIATIONS FORTES, POSITIVES ET UNIQUES ?

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La perception d’une marque se présente, dans la mémoire des individus, comme un ensemble d’associations représentant les connaissances liées à la marque. Le nombre des associations susceptibles d’être activées à la mention de cette marque dépendent de l’intensité des liens qui relient la marque aux associations qui lui sont rattachées. Ainsi, bien que la marque Bic commercialise des stylos, briquets, rasoirs et planches à voile, une personne associera à cette marque les notions de produits plastiques et jetables sans faire de lien avec les planches à voile dans la mesure où ce produit est trop faiblement associé à Bic pour une majorité d’individus.

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L’analyse de l’image de marque repose sur l’identification et la compréhension de toutes ses associations qui lui sont attribuées par la cible visée (clients et non clients). Pour cela, les études d’image s’appuient tout d’abord sur des analyses qualitatives suivies de l’analyse des associations selon trois caractéristiques [6] : la force des associations ; la valence des associations (positive ou négative) ; l’unicité des associations par rapport aux marques concurrentes.

1 L’identification des associations par l’approche qualitative L’identification des associations de la marque s’appuie sur des études qualitatives sous forme de Focus groupe en utilisant le plus généralement des méthodes d’associations libres (tout ce qui vient à l’esprit quand l’individu pense à la marque) et des méthodes projectives explorant la personnalité de la marque selon différents angles de comparaison (si la marque était une ville, un membre de la famille, un animal, etc.). Cette approche identifie les images attribuées à la marque en leur donnant une signification contextualisée au sein d’un discours cohérent des individus. En effet, ces exercices projectifs permettent, à la fois, de dépasser les jugements rationnels premiers mais aussi de nuancer les propos. Seule l’approche qualitative peut préciser le contenu des associations. Cette étape est donc essentielle pour comprendre le contenu de la marque et la façon dont elle s’inscrit dans le vécu des individus. Après avoir recueilli le contenu de marque (fonds de marque®[1]), il est

indispensable de lisser l’ensemble des associations en éliminant les associations redondantes (en regroupant les synonymes) afin d’éviter d’accroître l’importance accordée à un aspect spécifique de la marque. Le tableau 8.1 montre un extrait des associations rattachées aux marques Hermès et Louis Vuitton. Tableau 8.1 Extrait des associations attribuées aux marques Hermès et Louis Vuitton

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Parmi les associations identifiées, on peut distinguer les associations fonctionnelles, symboliques et expérientielles. Les associations fonctionnelles sont des associations tangibles, vérifiables, et correspondent généralement aux caractéristiques objectives des produits. Les associations symboliques sont intangibles et correspondent aux perceptions subjectives de la marque (trait de personnalité, valeurs, etc.). Enfin les associations expérientielles sont reliées au vécu avec la marque à la fois dans les lieux commerciaux mais aussi dans l’usage du produit ou du service (adjectifs décrivant une fonction, un état ou un sentiment). Cette première étape de génération des associations correspond à l’identification du contenu de l’image de marque. Et afin de mieux comprendre la force de l’image de marque, il est essentiel d’étudier la nature de ces associations en identifiant les associations fortes, positives et uniques.

2 La mesure des associations fortes La force des associations s’évalue selon l’intensité avec laquelle les consommateurs les rattachent à la marque. Il existe des associations plus fortement liées à la marque que d’autres. La Fnac est, par exemple, fortement rattachée au concept « d’agitateur d’idées » qui lui permet de rester dans l’esprit des individus comme un grand « spécialiste des produits culturels » accessible au plus grand nombre. La marque de téléphonie Orange est fortement associée à la nouveauté, au dynamisme et à l’aspect jovial qui lui donne une place de choix sur un marché fortement concurrencé. Les associations fortes permettent à la marque de se positionner clairement sur le marché. Sont considérées comme associations fortes les associations qui ont un score d’intensité significativement plus élevé que la moyenne sur une échelle de Likert (Pas du tout d’accord à Tout à

fait d’accord). Par exemple, l’association peut être dite forte si la moyenne arithmétique est supérieure ou égale à cinq sur une échelle en sept points (cf. Focus 8.1).

Focus 8.1 Mesure de la force de l’association Pouvez-vous dire dans quelle mesure chacun des mots suivants est fortement associé ou au contraire faiblement associé à l’image que vous avez de cette marque ? « Jeunesse » (1) très faiblement associé.......................................(7) fortement associé « Tendance » (1) très faiblement associé.......................................(7) fortement associé

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Figure 8.1 La force des associations des marques Zara et Diesel [3]

On ne peut se contenter d’identifier la force des associations de la marque. Il faut également étudier leur rôle dans la signification et l’évaluation de la marque notamment à travers leur sens positif ou négatif qu’elle apporte à la marque.

3 La mesure des associations positives Les associations peuvent être liées à un jugement positif ou négatif envers la marque. Une marque comme Mercedes est rattachée aux notions de fiabilité, haut de gamme qui représentent des associations positives et la placent comme un symbole de réussite. De même, l’image de la marque La Laitière est construite autour des notions d’authenticité et de savoir-faire qui sont, dans le domaine alimentaire, des images positives. En revanche, des marques comme McDonald’s ou Coca-Cola, ont en France certaines associations négatives rattachées à l’impérialisme américain et à la mauvaise alimentation. La mesure de la valence de l’association consiste à demander directement aux individus le caractère positif ou négatif de chacune des associations qu’ils attribuent à la marque. L’association

est dite positive si la moyenne arithmétique est supérieure à zéro.

Focus 8.2 Mesure de la valence de l’association Pouvez-vous dire si, pour vous, c’est plutôt positif, neutre ou plutôt négatif pour la [marque] d’avoir cette image ? Pour vous, cette image de [marque] est : [association] –2 –1 0 +1 +2 négative → neutre → positive

4 La mesure des associations uniques

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Une association est dite unique si elle est attachée à la marque mais n’est pas ou n’est que faiblement attribuée aux marques concurrentes. L’intérêt des associations uniques est bien sûr de permettre à la marque de se différencier en lui donnant des caractéristiques spécifiques par rapport aux autres marques. La marque Apple a su développer l’image « du produit design » qui lui permet de se distinguer sur ce marché très concurrentiel. De même la marque Activia de Danone, en argumentant les bénéfices du bifidus actif, s’est dotée d’une association distinctive par rapport à la concurrence. En revanche dans le domaine bancaire, les marques ont du mal à développer une image différenciée. Le Crédit Agricole et la Banque Populaire ont, par exemple, des images relativement proches. Elles sont toutes les deux fortement associées à la proximité et la solidarité. L’étude des associations fortes, positives et uniques est très pertinente afin d’évaluer la force de l’image de marque dans l’univers concurrentiel. Toutefois cette approche est relativement statique pour appréhender l’évolution de l’image de marque dans la mémoire collective des individus. Pour cette raison, nous introduisons l’approche des représentations sociales qui permet d’identifier les associations centrales et périphériques et prend en compte la dynamique de l’image de marque et son potentiel d’extension.

Section 2

EN QUOI LE NOYAU CENTRAL EST-IL DÉTERMINANT DANS LA COMPRÉHENSION DE LA DYNAMIQUE DE L’IMAGE DE MARQUE ?

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1 Le noyau central de la marque

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L’image de marque n’est pas un concept statique. Elle connaît des modifications selon les évolutions de ses pratiques commerciales et marketing. Par exemple, depuis que Bonne Maman, marque de confiture à l’origine, propose des biscuits et des desserts au rayon frais, elle renforce l’image de produits « fait maison » avec des recettes authentiques. Comment la marque Bonne Maman peut-elle évoluer tout en renforçant certaines de ses associations ? Comment s’opère un changement d’image de marque dans la mémoire des individus ? Certaines associations ne jouentelles pas une fonction spécifique dans le processus d’évolution de la marque ? Cette section se propose d’éclairer ces questions sur la base des représentations sociales et notamment de la théorie du noyau central, qui distingue les associations centrales et périphériques de la marque [2, 10].

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Le noyau central est l’élément fondamental de la marque [8]. Il regroupe les associations qui sont perçues par une majorité de consommateurs comme indissociables de la marque. En ce sens, le noyau central regroupe les éléments de définition de la marque, c’est-à-dire les attributs nécessaires et suffisants pour que les consommateurs la reconnaissent. Le noyau représente l’élément le plus stable de la marque, celui qui assure sa pérennité (fonction organisatrice). La marque Nivea est, par exemple, perçue autour de quatre principales associations centrales : soin de la peau, naturel, simple, accessible. Le noyau donne la signification aux autres associations de la marque (fonction génératrice). Ainsi, bien que deux marques soient, par exemple, rattachées à l’association « innovante », celles-ci n’auront pas le même sens selon que le noyau de la marque reflète une image moderne ou traditionnelle. Une association centrale donne sa signification à l’image de marque. On peut ainsi parfaitement concevoir deux associations dont l’importance est identique et très forte, c’est-à-dire qu’elles apparaissent toutes les deux très fréquemment dans le discours des individus, mais une seule se trouve dans le noyau central car elle donne sa signification à la marque. Par exemple, les associations « enfants » et « magique » sont fortement associées à la marque Disney mais seule l’association « magique » représente une association centrale de la marque, en lui apportant toute

son essence. Exemple 8.1 – Comparaisons des associations centrales des marques Yves Rocher et The Body Shop Les marques de cosmétiques Yves Rocher et The Body Shop présentent des codes de communications très proches. Les deux marques sont associées à la nature, au respect de l’environnement et utilisent la couleur verte comme signe de reconnaissance. Toutefois, le noyau des deux marques est différent. La marque Yves Rocher est essentiellement fondée sur la beauté au naturel (« on n’a jamais autant respecté la nature des femmes ») alors que The Body Shop parle du bien-être de la personne. La marque Yves Rocher s’organise autour du savoir-faire des plantes pour la beauté des femmes. Quant à la marque The Body Shop, elle s’articule autour de revendications de bien-être, de commerce équitable et de citoyenneté (cf. Figure 8.2).

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Figure 8.2 Associations centrales et périphériques des marques Yves Rocher et The Body Shop

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2 Le système périphérique de la marque

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Le système périphérique, quant à lui, regroupe les associations conditionnelles au sens où elles sont fréquemment, mais non nécessairement, associées à la marque [7]. Dépendantes du contexte, les associations périphériques assurent une fonction de concrétisation et d’adaptation. En effet, les premières évolutions de l’image de marque apparaissent dans le système périphérique. Le système périphérique joue une fonction défensive. Il intègre de nouvelles informations directement liées aux réalités de la marque ou induit de nouvelles interprétations quand, par exemple, des pratiques marketing sont incohérentes avec des associations centrales de la marque. La marque Lacoste voit, par exemple, son système périphérique évoluer à la suite de sa campagne de communication Unconventional Chic. Des associations de modernité décalée s’intègrent dans le système périphérique de la marque sans toucher à ce qui fait la singularité de Lacoste (l’élégance casual indémodable).

3 La dynamique des associations centrales et périphériques La théorie du noyau central permet non seulement de mieux comprendre l’organisation de la marque dans la mémoire des individus. Elle apporte également des éléments pertinents pour

l’analyse de son processus d’évolution. Le caractère indissociable conféré au noyau central lui apporte un rôle spécifique dans l’évolution de l’image de marque. En effet, dans la mesure où le noyau est caractérisé par une grande autonomie, il évolue de façon très lente [8]. Par ailleurs, les pratiques de la marque seront d’autant plus perçues comme incohérentes lorsqu’elles ne respectent pas les associations centrales de la marque. À l’inverse, les associations périphériques ne sont pas au cœur de la signification de la marque. Leur remise en cause a donc beaucoup moins d’impact sur le changement d’attitude envers la marque. L’incohérence entre les pratiques de la marque et ses associations périphériques conduit à des changements d’image beaucoup plus lents qui permettent de faire évoluer la marque sans modifier sa signification. Lorsque les pratiques marketing ne sont pas en contradiction avec le noyau central, la transformation de la marque est ainsi progressive.

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Notons également que les associations centrales, éléments organisateurs de la marque, évoluent uniquement si les associations périphériques sont modifiées. L’analyse du système périphérique constitue donc un élément essentiel dans le repérage des transformations en cours. Il constitue un indicateur très fort des modifications futures, et un symptôme indiscutable lors de l’évolution de l’image de marque.

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4 La mesure des associations centrales et périphériques

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L’identification du système périphérique et du noyau central de la marque implique tout d’abord l’identification des associations fortes (voir section 1) qui sont les seules à pouvoir intégrer la représentation sociale de la marque. Parmi les associations identifiées comme fortes, certaines seront alors considérées comme centrales ou périphériques. La mesure des associations centrales, fondée sur la méthode de « réfutation », consiste à remettre en cause les associations de la marque et à analyser la réaction des consommateurs face à cette remise en cause [9]. Si la remise en cause d’une association amène une majorité significative d’individus à rejeter la marque cela signifie que cette association appartient au noyau de la marque. Dans le cas contraire, si une majorité d’individus considèrent la négation de l’association comme probable, cela signifie que l’élément remis en cause n’est pas une association fondamentale de la marque, mais qu’il s’agit d’une association périphérique.

Focus 8.3 Mesure du noyau central Il s’agit de remettre en cause chaque association de la marque, selon la question suivante :

« À votre avis, les produits suivants peuvent-ils être de la marque Andros ? » « Si le produit n’est pas naturel, peut-il être de la marque Andros ? » Peu probablement (1)……………………………………………… (7) Très probablement Exemple 8.2 – Le noyau et le système périphérique de la marque Malibu Considérons ici l’exemple de l’association cocktail de la marque Malibu (cf. Figure 8.3). Cette association est-elle dans le noyau central de la marque ? La question posée aux consommateurs est la suivante : « Si le produit n’est pas un cocktail peut-il être de la marque Malibu ? »

Le noyau et le système périphérique de la marque Malibu auprès des étudiants

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Les individus doivent répondre sur une échelle en sept points : (1) peu probablement ... (7) très probablement. Si une majorité significative de personnes répond entre 1 ou 2 ou 3, cela signifie que l’association Cocktail est une valeur centrale de la marque Malibu (c’est le cas ici). À l’inverse, si la majorité des personnes répond 4 ou 5 ou 6 ou 7, cela signifie que l’association Cocktail est une association périphérique de la marque Malibu (c’est le cas ici).

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L’identification du noyau central et du système périphérique de la marque apporte un outil précieux pour le management des marques car cette approche permet d’identifier son territoire de légitimité qui va permettre de guider les stratégies de développement de produits de la marque.

5 Le territoire perceptuel de la marque Le noyau central définit la marque aux yeux des individus, et par conséquent son territoire de légitimité qui s’exprime en termes d’associations et de produits. Ainsi, le territoire de la marque Milka se définit autour du chocolat-plaisir et gourmand qui l’autorise à développer des pâtes à tartiner et des barres chocolatées. Selon cette notion d’espace perceptuel, les marques ont des frontières au-delà desquelles le développement de produits ou des changements d’axe de communication ne sont pas perçus comme possibles. Ainsi, bien que la marque Clinique ne commercialise pas de crème amincissante, ce produit est perçu comme un produit légitime et logique par rapport à l’image de soin corporel cosmétique de Clinique [4]. À l’inverse, le dentifrice n’est pas perçu comme un produit possible de la marque Nivea qui est défini essentiellement par des produits pour le soin de la peau. Toutefois ce n’est pas le produit en tant que tel qui appartient ou non au territoire de marque mais le produit muni d’un positionnement basé sur les associations de la marque. Si l’on prend l’exemple d’une montre Lacoste, la question à se poser est : quelles doivent être les caractéristiques de cette

montre pour faire partie du territoire de Lacoste ? Une montre évoquant le sport, la modernité fait probablement partie du territoire de la marque alors qu’une montre au design classique est certainement en dehors du territoire de marque.

Section 3

QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE LA PERSONNALITÉ ET LES VALEURS PERÇUES DE LA MARQUE ?

L’image de marque, comme nous l’avons vu, est appréhendée par les associations de la marque, mais elle peut également s’exprimer sous la forme de personnalité et de valeurs perçues de la marque.

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1 Personnalité et valeurs perçues de la marque 1.1 La personnalité de la marque

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La personnalité de la marque se définit comme l’ensemble des caractéristiques humaines associées à la marque. Ici, nous étudions comment les individus perçoivent cette facette personnifiée de la marque à travers l’étude de la personnalité de la marque. À la différence de l’image de marque, qui correspond à l’ensemble des images que le consommateur a de la marque, la personnalité de la marque se définit uniquement à partir des traits utilisés pour caractériser l’individu et qui se mesure à partir du modèle Océan ou Big Five Model regroupant cinq dimensions principales : l’ouverture aux expériences nouvelles, le caractère consciencieux, l’extraversion, l’amabilité et le neurotisme. Plusieurs échelles sont aujourd’hui disponibles pour mesurer la personnalité de la marque du point de vue du consommateur, quatre sont présentées dans la figure 8.4. Ces échelles développées dans un contexte français diffèrent selon la catégorie de produits étudiée et le type de marque [14]. Pour identifier la personnalité perçue d’une marque, on propose généralement aux individus d’imaginer la marque comme une personne. « Si la marque était une personne, la marque serait… » (1 : Pas du tout d’accord……………………………………………5 : Tout à fait d’accord) Figure 8.4 Quelques échelles de mesure de la personnalité de marque [14]

SI M AS BY Par opposition aux attributs produits qui tendent à remplir une fonction utilitaire pour les consommateurs, la personnalité de marque tend à jouer une fonction symbolique et expressive de soi. Elle permet au consommateur de s’identifier à la marque et de valoriser la relation qu’il entretient avec elle. 1.2 Les valeurs perçues de la marque La marque met en avant des valeurs qui représentent les aspects fondamentaux de son identité, son idéologie (cf. Chapitre 1). La marque Levi’s s’approprie ainsi, à travers son identité, le récit autour

des valeurs de l’américanité et de la conquête de l’Ouest. La perception de la marque peut alors s’exprimer à travers les valeurs que lui attribuent les individus. Les valeurs, à la différence de la personnalité, sont directement liées aux besoins changeants des individus et sont donc par définition moins stables que les traits de personnalité qui, eux, évoluent peu. Les valeurs guident les choix et permettent l’évaluation de comportements envers des personnes et des événements [12].

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Transposées dans le contexte de la marque, les valeurs sont donc à la fois considérées comme un concept de diffusion et de perception. La définition des valeurs de la marque vise à refléter l’idéologie de la marque (cf. Chapitre 1). Elles sont alors perçues, ressenties, vécues par les individus. L’identification des valeurs attribuées à la marque, par les individus, peut se baser sur les 10 domaines motivationnels de Schwartz : Autonomie, Stimulation, Hédonisme, Réussite, Pouvoir, Sécurité, Conformité, Tradition, Bienveillance, Universalité [13]. En partant de ce cadre théorique, les consommateurs sont sollicités afin d’évaluer la force avec laquelle ces valeurs sont rattachées à la marque (cf. Tableau 8.2). À partir de cette grille d’analyse on peut décrypter les valeurs de la marque Dove inscrites autour de l’autonomie et l’hédonisme. Sa vision de la beauté se construit contre les dictats véhiculées par les magazines féminins et la marque prône à la fois avec fraîcheur et militantisme la vraie beauté des femmes « Don’t manipulate our perceptions of real beauty » (campagne de communication 2013).

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Tableau 8.2 Les valeurs de la marque d’après Odin, Vinais et Valette-Florence (1996) [2] (adapté des valeurs de Schwartz)

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Exemple 8.3 – L’image de marque dans le secteur public[3] Parce que la satisfaction de l’usager devient une priorité pour les services publics, les administrations sont amenées à se penser de plus en plus comme des marques. La notion de marque publique, qui peut sembler paradoxale au premier abord, est dans cette optique d’une grande utilité. En s’interrogeant sur les attentes de ceux qu’on appelle désormais des usagers-clients, et sur ce qui génère leur satisfaction, les administrations s’intéressent à la façon dont elles sont perçues, autrement dit à leur image de marque. Elles sont donc de plus en plus nombreuses aujourd’hui à définir sous un angle nouveau ce qui fonde leur identité et à formuler leur mission sous forme d’une promesse qui engage, comme l’Insee, avec sa nouvelle signature « Mesurer pour comprendre » (cf. Figure III du cahier central). Par ailleurs, en fédérant les personnels autour de valeurs et d’objectifs communs, les marques publiques ont une incidence sur la qualité du service rendu, et par voie de conséquence, sur la satisfaction des usagers. Ainsi, en prenant en compte la question de leur image, les marques publiques développent des stratégies tournées vers la qualité de service et l’usager ce qui constitue un véritable vecteur de modernisation et d’amélioration de la performance des entités publiques. Ainsi par exemple, le château de Versailles (cf. Figure IV du cahier central) a su habilement exploiter son image de raffinement pour élargir son offre (spectacles, produits dérivés, etc.). Dans un autre registre, la création de la marque Paris Université Paris-Sorbonne a ainsi permis de mettre en valeur un nouveau pôle universitaire d’envergure internationale (cf. Figure II du cahier central).

Section 4

EN QUOI L’IMAGE DE MARQUE CONTRIBUE-T-ELLE À LA CRÉATION DU CAPITAL-MARQUE POUR LES CONSOMMATEURS ?

Le capital-marque (brand-equity en anglais) se définit comme la valeur ajoutée qu’une marque

apporte à un produit. Le produit ou le service offre un bénéfice fonctionnel tandis que la marque, par son nom, ses symboles, son image, contribue à augmenter la valeur de l’offre au-delà de ses fonctionnalités. En d’autres termes, le capital-marque représente une performance supplémentaire que la marque apporte au produit marqué et perçue comme telle par les individus. Comment évaluer la valeur ajoutée apportée par la marque ? Toute la difficulté est d’arriver à dissocier la marque et le produit. Le produit est ce que l’entreprise fabrique, la marque est ce que le client achète. Si l’on prend, par exemple, le cas de l’industrie du luxe, il est évident que c’est la marque, et non le produit, qui génère une grande partie de la valeur de Chanel, Louis Vuitton ou Burberry.

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Le capital-marque a la particularité d’être un construit qui n’est pas directement observable. Il n’est donc mesurable qu’à travers ses manifestations. Deux méthodes de mesure peuvent être distinguées [11]. La première méthode, qualifiée d’indirecte, privilégie les dimensions perceptuelles telles que l’attention portée à la marque et l’évaluation de son image. La seconde méthode compare comparer directement la préférence du consommateur entre plusieurs marques.

1 La mesure indirecte du capital-marque pour le consommateur

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Pour évaluer la valeur ajoutée qu’une marque apporte aux yeux des individus, il faut identifier la place qu’elle occupe dans l’esprit des consommateurs. Pour cela, trois points sont étudiés [1] : l’image de marque ; la fidélité à la marque ; la notoriété de la marque. L’étude de l’image de marque inclue toutes les associations qui sont liées mentalement à la marque (sections 1 et 2). Ces associations représentent le fondement de la différenciation de la marque. Elles créent des sentiments positifs ou négatifs à l’égard de la marque et sont à la base du potentiel d’extension de la marque. Une enquête exclusive Capital-BVA-Leo Burnett sur la cote de 101 marques grand public montre ainsi que les marques préférées des Français en 2011 sont Google puis Microsoft, tous les deux champions de l’Internet et symbole de l’ère de l’immatérialité. Ikea arrive en troisième position, avec ses valeurs du bien logé design pas cher. En revanche, les grands perdants de ce sondage sont Cofidis, Sofinco et Mediatis, incarnant une image de profiteurs des situations financières les plus difficiles des particuliers. La fidélité à la marque donne une idée de la force de la marque. En effet, la fidélité de la clientèle donne un certain répit à l’entreprise pour répondre aux attaques de la concurrence car les consommateurs, satisfaits par une marque, sont peu réceptifs aux propositions alternatives. La notoriété de la marque est aussi étudiée car elle reflète la force de la marque dans un univers produits bien déterminé et symbolise une relation familière avec la marque.

Ces trois critères d’image, de fidélité et de notoriété permettent d’évaluer la place de la marque dans l’esprit des consommateurs. Les marques qui obtiennent un score élevé sur ces différents critères regroupent un ensemble d’avantages concurrentiels actuels et potentiels : elles fidélisent des consommateurs ; elles résistent mieux à la concurrence ; elles représentent une force face aux distributeurs ; elles détiennent un potentiel d’extension.

2 Les mesures directes du capital-marque Il existe deux approches pour mesurer directement le capital-marque du point de vue du consommateur : la mesure de force de la marque face à ces concurrents ; la mesure de la différence entre la préférence globale pour le produit marqué (nom de marque identifié) et la préférence fondée sur les attributs du produit (nom de marque non identifié).

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Pour mesurer de force de la marque face à ses concurrents, on utilise une échelle de mesure de quatre items, administrée auprès de la cible visée. L’idée principale est d’étudier l’intention d’achat et l’attitude vis-à-vis de la marque comparée à une marque fictive proposant des produits similaires.

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Tableau 8.3 Mesure directe du capital-marque [15]

D’après Yoo et Donthu, 2001. La seconde mesure directe du capital-marque se fonde sur l’idée que « la différence entre la préférence globale pour le produit marqué et la préférence fondée sur les attributs du produit est calculée à l’aide d’un modèle multi-attributs » [5]. La modélisation décompose ce capital-marque en deux composantes, notées respectivement aij et nij. La première (aij ), appelée « effet de halo » mesure l’impact de la perception de la marque sur l’évaluation des caractéristiques du produit. La seconde composante (nij ) capture l’effet résiduel de la marque sur la préférence globale, appelée « effet heuristique ». C’est la part de préférence non expliquée par l’évaluation du produit. Dans ce cas, le consommateur s’appuie sur la symbolique de la marque pour justifier sa préférence vis-à-vis

du produit. L’équation fondamentale suivante est alors formulée : eij = aij + nij eij : capital-marque de la marque j pour l’individu i ; aij : capital-marque de la marque j pour l’individu i relié aux attributs du produit ; nij : capital-marque de la marque j pour l’individu i non relié aux attributs du produit. Cette méthode a le mérite de valoriser séparément les deux contributions de la marque à la formation de l’attitude vis-à-vis du produit marqué. Toutefois, considérant la marque comme une information susceptible d’altérer la préférence objective que le consommateur porte au produit, une séparation plus nette est opérée entre le concept et sa mesure en formulant la définition suivante : « le capital marque est la différence entre la préférence subjective et la préférence objective vis-àvis du produit ». La mesure du capital-marque s’opère donc selon la formule :

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eij = u(s)ij – u(o)ij eij : capital-marque de la marque j pour l’individu i ; u(s)ij : utilité globale lorsque l’individu i a connaissance de la marque j ; u(o)ij : utilité globale lorsque la marque j est occultée à l’individu i.

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Cette mesure permet une évaluation individuelle du capital-marque par un plan d’expérience à mesures répétées (marque absente ou marque présente) sur un même individu. Le tableau 8.4 présente le résultat de la mesure du capital marque de différentes marques. Ces résultats montrent les différences de capital-marque selon les catégories de produits. Ainsi dans le domaine informatique, les marques détiennent un capital-marque plus élevé que sur le marché du chocolat. Par ailleurs, à l’intérieur d’une même catégorie de produits, il apparaît de fortes différences de capital-marque comme, par exemple, dans le domaine bancaire où Visa International apporte une plus forte valeur ajoutée au produit que la marque Eurocard/Mastercard. Tableau 8.4 Mesure du capital-marque dans quatre catégories de produit

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D’après Jourdan et Jolibert, 2000.

L’essentiel

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Après avoir été créées, façonnées par les managers, autour de multiples modes d’expression, les marques sont adulées, critiquées, achetées, consommées, boycottées par les individus qui s’en font une image bien spécifique. L’image de marque est une dimension fondamentale pour le management des marques car, au-delà de l’identité de marque et de son expression sur le marché, il est essentiel d’étudier comment les consommateurs perçoivent la marque afin non seulement de mieux évaluer sa valeur auprès des individus (notamment grâce au capital- marque), mais aussi de mieux la gérer et la développer (cf. Chapitre 10). Ce chapitre se consacre ainsi au concept d’image, à sa définition et à sa mesure. Dans son approche statique, la mesure de l’image de marque repose sur l’identification et la compréhension de toutes ses associations qui lui sont attribuées. Ces associations sont étudiées selon trois critères : la force (l’intensité avec laquelle les consommateurs les rattachent à la marque), la valence (le jugement positif ou négatif des associations envers la marque) et l’unicité (le rattachement des associations à la marque et non à ses concurrents). Dans son approche dynamique, la mesure de l’image de marque distingue les associations centrales des associations périphériques. Les associations centrales de la marque, situées dans le noyau central, correspondent aux éléments les plus stables de la marque. Elles représentent les associations perçues par une majorité de consommateurs comme indissociables de la marque et représentant son territoire de légitimité (ou territoire de marque). Quant aux associations périphériques de la marque, situées dans le système périphérique, elles évoluent selon les modifications du contexte, assurant une fonction d’adaptation. Le système périphérique fait ainsi apparaître les premières évolutions de l’image de marque.

Questions de réflexion 1 ■ Comment les marques qui ont des associations négatives peuvent-elles agir pour plaire et continuer de plaire aux consommateurs ? 2 ■ L’image de la marque perçue par les salariés peut-elle être mesurée avec les mêmes méthodes que l’image de marque perçue par les consommateurs ? 3 ■ La mesure de l’image de marque peut-elle se définir uniquement sur la base d’une approche qualitative ? 4 ■ Comment les marques publiques orientées vers les citoyens, les entreprises, les collectivités peuvent-elles évaluer leur capital-marque ?

BIBLIOGRAPHIE

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Section 5

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[1] AAKER, D.A., Managing Brand Equity, New York : The Free Press, 1991.

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[2] ABRIC, J-C., Les Représentations sociales : aspects théoriques, dans JC. ABRIC, Pratiques sociales et Représentations, Presses Universitaires de France, 11-36, 1994. [3] AMBROISE, L., MICHEL G. et VALETTE-FLORENCE P., « Measurement of Brand Central Core and Brand Personality : Comparison of First Results on Predictive Validity Towards Brand Engagement and Buying Intention », Consumer Personality and Research Conference, Dubrovnick, Croatia, September 2005. [4] CHANGEUR,S. et CHANDON, J.L., « Le territoire produit : étude et frontière cognitives de la marque », Recherche et Applications en Marketing, 10, 2, 31-50, 1995. [5] JOURDAN, P. et JOLIBERT, A., « Mesure du capital-marque : proposition d’une amélioration conceptuelle et méthodologique », Actes du Congrès de l’Association Française du Marketing, Montréal, 2000. [6] KELLER, K.L., « Conceptualizing, Measuring and Managing Customer-Based Equity », Journal of marketing, 57 (January), 1-22, 1993. [7] MICHEL, G., Au cœur de la marque, Dunod, 2009. [8] MICHEL, G., « Évolution des marques : Approche par la théorie du noyau central », Recherche et Applications en marketing, 14, 4, 33-53, 1999.

[9] MOLINER, P., « Validation expérimentale de l’hypothèse du noyau central des représentations sociales », Bulletin de psychologie, 387, 758-762, 1988. [10] MOSCOVICI, S., La Psychanalyse, son image, son public, Presses Universitaires de France, 2e éd., 1976. [11] PARK, C.S et SRINIVASAN, V., « A Surved-based Method for Measuring and Understanding Brand Equity and its Extentibility », Journal of Marketing Research, 31, 2, 271-288, 1994. [12] SCHWARTZ, S., Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications, traduction HAMMER B. et WACH M., Revue française de sociologie, 4, 47, 929-968, 2006. [13] SCHWARTZ, S., SHALOM H. ; BILSKY, WOLFGANG, « Toward a universal psychological structure of human values, Journal of Personality and Social Psychology », 53, 3, 550-562, 1987. [14] VERNETTE, E., « Les Atouts et les pièges de la personnalité de marque », Décisions Marketing, 49, 1, 19-31, 2008.

[2]

Cette méthode a été appliquée par SORGEM à plus de 200 marques dans le monde.

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[1]

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[15] YOO, B. et DONTHU, N., « Developping and Validating a multidimensional ConsumerBased Brand Equity Scale », Journal of Business Research, 52, 1-14, 2001.

[3]

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Analyse confirmatoire des domaines motivationnels de Schwartz : Une application au domaine des médias. Actes du congrès de l’AFM, université de Poitiers, 12, 125-138. APIE, Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat créée en 2007 au sein du ministère de l’Économie et des finances est unique au monde. Elle a pour mission de faire émerger une culture, des stratégies et des instruments de valorisation des actifs immatériels détenus et produits par les administrations et les opérateurs de l’État. Nous remercions l’APIE d’avoir contribué à ce chapitre en donnant son point de vue sur les marques publiques.

Chapitre

9

Les relations entre les consommateurs et les marques Margaret JOSION-PORTAIL et Éric JULIENNE

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Comprendre pourquoi les marques cherchent à établir des relations avec les consommateurs. Analyser quelles sont les relations qui se tissent entre les consommateurs et les marques. Expliquer comment les gestionnaires des marques peuvent agir pour contribuer à créer du lien entre les marques et les consommateurs.

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Pourquoi les marques développent-elles des relations avec les consommateurs ? Comment les relations sont-elles vécues par les consommateurs ? Pourquoi la confiance et l’attachement sont-ils les deux moteurs de la relation ?

La marque est dotée d’une image et d’une personnalité spécifiques (chapitre 8), c’est pourquoi le consommateur tisse parfois une relation avec elle. Il nourrit des attentes et des anticipations quant aux dimensions fonctionnelles et symboliques de l’échange. Au-delà de la première rencontre, l’échange s’établit parfois dans la durée. Pourquoi les marques cherchent-elles à établir des relations avec les consommateurs ? Inversement, tous les consommateurs souhaitent-ils nouer des relations avec leurs marques ? Peut-on parler de la relation consommateur-marque au sens général, ou serait-il plus exact de souligner la pluralité des relations ? Quels sont les rôles de la confiance et de l’attachement dans la construction de ce lien ? Ce chapitre vise à expliquer pourquoi des relations se créent, quelles formes elles prennent, quelles dimensions elles revêtent, quelles en sont les limites, et comment les gestionnaires des marques peuvent agir pour contribuer à créer du lien avec les consommateurs.

Section 1

POURQUOI LES MARQUES DÉVELOPPENT-ELLES DES RELATIONS AVEC LES CONSOMMATEURS ?

1 Une relation forte accroît la valeur du capital client

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Pendant longtemps, les responsables marketing se sont focalisés sur le processus de choix du consommateur : dans quels contextes, selon quels critères, quelles croyances ou quelles heuristiques le consommateur choisit-il une marque plutôt qu’une autre ? Dans cette approche, l’attention est portée sur la transaction, sur l’instant du choix et sur les paramètres qui le déterminent, sans se préoccuper de la dimension temporelle, c’est-à-dire de ce qui s’est passé avant et ce qui se passera après la transaction. Une autre perspective, probablement plus réaliste pour de nombreux produits de grande consommation, consiste à considérer que le consommateur ne réitère pas le processus de choix à chaque occasion d’achat. Cette optique est celle du marketing relationnel [3]. Lorsque le consommateur choisit une marque, il se tient en général à son choix pour une certaine durée. Une relation se construit. Le consommateur est d’autant plus fidèle à la marque que la relation est riche. Le concept de relation à la marque se distingue donc de l’image de marque, car une marque peut avoir une image forte auprès d’un consommateur sans qu’il y ait de relation. La relation suppose une communication régulière entre deux partenaires : des achats bien sûr, mais aussi une appartenance à une communauté de marque, des visites sur le site Internet, des courriers, des mails et des appels téléphoniques, qui prennent appui sur les systèmes de gestion de la relation client (GRC). Pour les marques, l’enjeu est financier, car les flux monétaires générés par la récurrence des achats sont par nature plus importants que ceux dégagés lors d’une transaction unique. Le capital client résulte ainsi de l’agrégation des revenus nets générés par les clients pendant toute la durée de vie de la relation. Les marques fortes sont capables de susciter des relations durables avec les consommateurs. Cette fidélité garantit aux firmes des revenus nets plus élevés, parce que les consommateurs acceptent de payer un prix plus élevé (price premium), pendant une durée plus longue, et dans des volumes plus importants.

2 Une relation forte favorise l’engagement à la marque Toutefois, sous l’apparence d’une relation durable peut se cacher une inertie d’achat, une habitude ou une routine qui n’a rien à voir avec une « véritable » fidélité. Il suffit alors que la marque soit en rupture de stock dans le magasin habituel ou qu’un concurrent fasse une offre

promotionnelle pour que le consommateur reporte son choix sur une autre marque. C’est pourquoi une relation forte est associée à un engagement du consommateur. L’engagement désigne la volonté de maintenir et développer une relation à long terme avec la marque. L’engagement revêt une dimension affective, qui recouvre l’ensemble des affects positifs ressentis par le consommateur envers la marque. Il contient également une dimension calculée, dans la mesure où il résulte d’un arbitrage rationnel entre les bénéfices à poursuivre la relation et les différents coûts associés au changement de marque. Par exemple, le changement de banque nécessite dans certains cas de payer des frais de clôture de compte, de chercher un nouvel établissement bancaire, de compléter un nouveau dossier client, de communiquer ses coordonnées bancaires aux différents partenaires (employeur, organismes sociaux…), de transférer ses produits d’épargne, etc. Toutes ces démarches sont longues et fastidieuses, et peuvent constituer de véritables freins au changement de banque. Dans un contexte hautement concurrentiel, l’engagement des consommateurs est un rempart contre l’action des concurrents, et devient synonyme de fidélité relationnelle[1].

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Exemple 9.1 – Exemples d’engagement envers la marque Engagement affectif. En 2010, la direction de GAP décide de changer de logo, en remplaçant le carré bleu Denim inchangé pendant 20 ans par une nouvelle signature dans une police Helvetica. Le tollé des fans sur la page Facebook de la marque est immédiat, et contraint la direction de GAP à revenir à l’ancien logo une semaine simplement après son abandon. L’engagement affectif des fans était tel qu’il semblait impossible de toucher au logo emblématique de la marque…

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Engagement calculé. Les opérateurs de téléphonie mobile proposent des contrats avec engagement de durée aux consommateurs, en contrepartie d’un avantage spécifique (une réduction de prix sur le renouvellement d’un téléphone portable ou sur le forfait mensuel). Cet engagement est assorti de pénalités dissuasives en cas de rupture anticipée du contrat.

Focus 9.1

Mesure de l’engagement dans le secteur bancaire [11] Engagement affectif. « En adhérant à cette banque, je me suis volontairement associé à son avenir pour longtemps » « Je me préoccupe de l’avenir de ma banque » Engagement calculé. « Le transfert total de mes comptes de cette banque vers une banque concurrente me procurerait beaucoup trop de tracas, de soucis et d’ennuis » « Je continue ma relation avec la banque parce que la quitter supposerait des sacrifices considérables » (1) Tout à fait d’accord……………………………………………. (5) Pas du tout d’accord

Section 2

COMMENT LES RELATIONS SONT-ELLES VÉCUES PAR LES CONSOMMATEURS ?

Pour les consommateurs, les marques peuvent être des partenaires relationnels. Mais les relations prennent des formes variées, tantôt distantes, tantôt intimes. De plus, si la plupart des marques tentent de nouer des relations avec les consommateurs, ceux-ci n’en veulent pas toujours.

1 Les marques comme partenaires relationnels

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La marque peut être considérée comme un partenaire relationnel par les consommateurs. En effet, certains consommateurs entretiennent avec les marques une relation qui s’apparente à celles qu’ils développent avec d’autres personnes. Ils peuvent exprimer l’amour qu’ils éprouvent pour une marque, une volonté d’engagement avec elle dans une relation de long terme. Ou encore ils peuvent développer des déceptions, suggérant une analogie forte avec les relations humaines. Le concept de relation consommateur-marque (consumer-brand relationship) permet de rendre compte de ce phénomène, par lequel la marque devient un partenaire pour le consommateur [2].

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Pour que la relation existe, il est nécessaire que la marque soit perçue non pas comme un objet marchand, passif, mais comme un partenaire actif. Les théories de l’animisme permettent d’expliquer la façon dont la marque peut se personnifier, acquérant ainsi un statut particulier permettant à la relation de s’engager. L’utilisation des personnalités dans les publicités est l’une des façons par lesquelles des caractéristiques humaines sont transférées aux marques ; ainsi, le glamour et la performance de la joueuse de tennis Maria Sharapova peuvent rejaillir sur la marque de montres de luxe Tag Heuer, dont elle est l’ambassadrice. Un personnage imaginaire aux qualités humaines peut également être utilisé ; par anthropomorphisme, les qualités attribuées au personnage seront transférées à la marque. Ainsi, Mr Propre, homme athlétique au T-shirt immaculé et au crâne brillant, véhicule l’idée de force et de propreté. Comme le consommateur, la marque joue un rôle dans le maintien et le développement de la relation ; ainsi, les décisions prises en matière de mix marketing seront assimilées à des comportements, qui renforceront ou fragiliseront le lien développé par les consommateurs. Des travaux récents [7] suggèrent que ceux-ci évaluent les marques sur leurs intentions perçues (cette marque est-elle bien ou mal intentionnée ?), ainsi que sur leurs capacités techniques à tenir leurs promesses. Selon les évaluations développées sur ces deux dimensions, les consommateurs pourront éprouver des émotions différentes vis-à-vis des marques. Une marque jugée bienveillante et capable pourra susciter l’admiration, alors qu’une

marque jugée malveillante mais peu capable suscitera le mépris. L’intention bienveillante ou malveillante prêtée à une marque semble également avoir une influence sur l’intention d’achat des consommateurs, et donc sur le succès commercial de la marque.

Focus 9.2 Les six facettes de la relation consommateur-marque (Susan Fournier)

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L’amour/la passion : cette facette renvoie à l’amour porté par les consommateurs à leur marque préférée, dont l’absence peut provoquer un état de manque. La connexion au concept de soi : cette facette renvoie à la façon dont la marque permet au consommateur d’exprimer son identité. L’interdépendance : cette facette renvoie à la fréquence et à la nature des interactions développées par un consommateur avec une marque ; elle met en avant l’importance des rituels de consommation dans la création de cette interdépendance. L’engagement : les relations fortes sont caractérisées par un niveau élevé d’engagement envers la marque, qui favorise la continuité de la relation. L’intimité : les relations fortes sont souvent caractérisées par un niveau d’intimité avec la marque élevé. La qualité de la marque comme partenaire : cette facette renvoie à la façon dont le consommateur perçoit la marque comme partenaire relationnel (considération de la marque pour le consommateur, fiabilité de la marque dans la relation, etc.).

2 La diversité des relations consommateurs-marques Toutes les relations développées avec les marques ne se ressemblent pas ; même chez les consommateurs communément qualifiés de fidèles à une marque, de très grandes disparités peuvent être observées. Ainsi, si certaines relations sont le fruit d’une construction active, souhaitée par le consommateur, et s’apparentent à un partenariat de long terme, d’autres sont subies, et peuvent être comparées à un mariage arrangé, voire à de l’esclavage quand la fidélité est simplement la résultante d’une absence de choix ; par exemple, une consommatrice pourra se sentir contrainte de fréquenter tous les ans le même club de vacances, qui est le seul à offrir des activités que les membres de sa famille souhaitent pratiquer. Certaines relations aux marques peuvent également résulter d’un héritage familial, lorsque les consommateurs adoptent des produits utilisés par leurs parents ; dans ce cas, la relation à la marque est analogue à un lien de parenté, non choisi. Dans d’autres cas, l’ancrage d’une marque dans l’enfance du consommateur lui confère un caractère sécurisant ; une consommatrice pourra ainsi acheter un parfum Estée Lauder parce qu’il lui rappelle l’odeur rassurante de celui porté par sa mère. La relation à la marque est alors proche d’une amitié

d’enfance. Exemple 9.2 – Trois relations différentes aux marques de café [5]

1. Wendy entretient avec sa marque de café une relation fidèle de longue durée, qui s’apparente à un engagement marital ; boire cette marque de café fait partie d’une routine quotidienne, et elle exprime un engagement à la marque pour l’avenir. 2. Pamela entretient une relation moins exclusive avec sa marque de café préférée ; si elle y est très liée affectivement, elle n’exclut pas cependant d’avoir recours à d’autres marques ; sa relation à cette marque est analogue à une relation amoureuse qui n’implique pas forcément d’engagement pour l’avenir. 3. Sara entretient avec sa marque de café préférée une relation qui peut être comparée à une forte amitié ; à un tournant de son histoire personnelle, elle trouve dans la consommation de cette marque haut de gamme un réconfort et un moyen de développer son estime de soi.

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Pour prendre en compte la diversité des relations consommateurs-marques, l’institut GfK a développé un outil novateur, CBR, qui s’inscrit dans un processus de diagnostic (études ad hoc) comme dans une logique de suivi de marque (études tracking).

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Focus 9.3

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Affiner sa stratégie de marque grâce à la solution CBR (Consumer-Brand Relationships) – une innovation de l’institut GfK L’institut GfK a développé une nouvelle approche du management de la marque fondée sur les travaux universitaires menés par le professeur Susan Fournier. La métaphore des relations interpersonnelles permet d’enrichir considérablement le diagnostic des relations entre les consommateurs et les marques. Par exemple, lorsque l’on utilise les indicateurs de performance habituels, les marques Puma et Nike affichent des scores très voisins (cf. Figure 9.1). Toutefois, la solution CBR montre que chacune a tissé des liens différents avec les consommateurs (cf. Figure 9.2). Puma est davantage considérée comme une « ex-amie », alors que Nike appartient au cercle plus étroit des « amies proches et de la famille ». En bref, leurs « performances relationnelles » sont différentes, et ceci pourrait expliquer pourquoi la part de marché de Nike est supérieure à celle de Puma. Figure 9.1 Performances comparées des marques avec les indicateurs classiques

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Figure 9.2 Performances relationnelles des marques avec la solution CBR

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Les marques peuvent donc affiner leur réflexion stratégique concernant les objectifs à privilégier et les leviers à mettre en œuvre pour les atteindre. Par exemple, une marque considérée comme une ex-amie pourra chercher à insuffler une nouvelle dynamique relationnelle et retrouver auprès des consommateurs la proximité perdue. La nature de la relation doit également être prise en compte dans les plans opérationnels, en matière de produit ou de communication notamment. Un consommateur sera flatté de recevoir des nouvelles d’une marque « gourou », et s’intéressera aux informations reçues à propos d’une « amie proche », mais rejettera probablement cette même information de la part d’une marque « étrangère ».

3 Orientation transactionnelle et orientation relationnelle du consommateur envers la marque Certains clients souhaitent construire une relation avec leur marque (orientation relationnelle), mais d’autres ne le veulent pas (orientation transactionnelle). Exemple 9.3 – Orientation relationnelle et transactionnelle dans le secteur bancaire

1. Orientation relationnelle « C’est mon caractère de choisir l’attitude de coopération » « En cas de problème, je parle avec mon conseiller pour trouver une solution » 2. Orientation transactionnelle « Je préfère avoir le moins de contacts possibles avec mon conseiller bancaire » « Je n’hésite pas à saisir les opportunités qui se présentent à l’extérieur lorsque c’est mon intérêt »

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Le concept d’orientation relationnelle du consommateur permet ainsi d’évaluer le degré auquel celui-ci est enclin à entrer dans une relation avec une marque. Le consommateur transactionnel est orienté à court terme, son intention d’achat ne concerne qu’un futur immédiat. Au contraire, le consommateur relationnel est orienté à long terme et n’imagine pas se passer un jour de la marque. On peut aujourd’hui dégager trois types de facteurs qui déterminent l’orientation relationnelle des consommateurs : le niveau d’implication du consommateur dans la catégorie de produit à laquelle appartient la marque ; la personnalité de l’individu ; des facteurs liés spécifiquement à la relation à la marque (bénéfices économiques, statutaires, etc.…).

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Dans la pratique, le concept d’orientation relationnelle permet de segmenter la clientèle. Les programmes marketing visant à créer une relation avec les consommateurs (communautés de clients, cartes de fidélité, etc.) coûtent fort cher, et il apparaît inutile de vouloir à tout prix créer des relations avec les consommateurs qui n’en veulent pas.

4 La résistance des consommateurs à la relation Les techniques de marketing relationnel, censées favoriser l’engagement avec la marque, peuvent aboutir aux effets inverses de ceux recherchés. Des comportements de résistance [15] peuvent être observés chez certains consommateurs, les conduisant à s’opposer à des pratiques qu’ils jugent inacceptables. Par exemple, le démarchage téléphonique à domicile ou l’exposition répétée à des messages marketing non souhaités peut engendrer des émotions négatives. Sous l’effet d’une hypersollicitation, les consommateurs peuvent simplement ignorer les messages, ou développer des comportements opportunistes en sélectionnant à chaque fois la meilleure proposition commerciale sans développer de relation réelle avec la marque émettrice. La collecte fréquente de données personnelles peut apparaître inutile, voire intrusive. Pour certains consommateurs fidèles, les programmes relationnels peuvent même être source de frustration, puisque les avantages accordés à des nouveaux clients, ou à des clients plus intéressants du point de vue de l’entreprise, peuvent leur apparaître supérieurs à ceux qui leur sont octroyés en remerciement de leur fidélité ; ainsi, certains opérateurs de téléphonie mobile ont pu être accusés de faire profiter leurs nouveaux clients de

forfaits plus avantageux que ceux souscrits par leurs clients fidèles, déjà engagés. À ces inconvénients majeurs s’ajoutent les effets négatifs liés à l’hyper-segmentation des marchés. Dans leur tentative de développer le produit idéal pour chaque consommateur, les marques construisent des offres souvent pléthoriques qui compliquent fortement le choix [4]. Certains consommateurs développent donc des comportements de résistance face à ces nouveaux mécanismes marketing, rejetant totalement ou partiellement les offres qui leur sont proposées (comme par exemple l’adhésion au programme de fidélité d’une enseigne de la grande distribution). Les marques ont donc tout intérêt à agir avec discernement. Elles auraient tort de vouloir forcer la relation avec les consommateurs lorsque ceux-ci n’en veulent pas. Mais lorsque le principe de la relation est accepté, elles ont tout intérêt à réfléchir aux facteurs qui déterminent la qualité de la relation (brand quality relationship), afin de parvenir à un véritable engagement relationnel de leurs clients (relationship commitment). Leur capacité à susciter la confiance et l’attachement sont les deux principaux moteurs d’une relation forte.

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Section 3

POURQUOI LA CONFIANCE ET L’ATTACHEMENT SONT-ILS LES DEUX MOTEURS DE LA RELATION ?

1 La confiance, pièce maîtresse de la relation De même que la confiance est essentielle dans le développement d’une relation entre individus, la confiance dans la marque est nécessaire au succès des programmes de marketing relationnel. Elle influence en effet l’engagement des partenaires dans une relation commerciale [9]. Mais qu’est-ce que la confiance ? 1.1 Les dimensions de la confiance dans la marque Les travaux menés en psychologie sociale ont permis d’établir qu’un élément important de la confiance entre individus consiste en l’attribution à autrui de caractéristiques et d’intentions spécifiques. La confiance est influencée par trois facteurs [14] : la prévisibilité (observation du comportement de l’autre et stabilité de l’environnement social) ; la fiabilité perçue du partenaire ; la foi en l’autre (sentiment de bienveillance du partenaire). Dans le domaine des relations entre entreprises, l’importance d’éléments comme la fiabilité et

l’intégrité du partenaire de l’échange a également été soulignée [9]. En comportement du consommateur, Gurviez et Korchia (2002) proposent de définir la confiance dans la marque comme une variable psychologique reflétant des présomptions accumulées relatives à trois dimensions [6] : La crédibilité renvoie à l’évaluation des capacités de la marque à remplir les performances attendues par le consommateur (comme par exemple rendre le linge propre, pour une marque de lessive). L’intégrité fait référence à l’honnêteté, à la loyauté de la marque (une marque intègre tient ses promesses). La bienveillance renvoie à l’évaluation de la capacité de la marque à prendre en compte les intérêts du consommateur, avant même l’intérêt à court terme de la marque (une marque bienveillante améliore son offre pour le bien du consommateur).

Focus 9.4 Mesurer la confiance du consommateur dans la marque [6]

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Le consommateur indique son degré d’accord avec les affirmations suivantes, par exemple sur une échelle en 6 points (de 1 « pas du tout d’accord » à 6 « tout à fait d’accord »).

1.2 Développer la confiance du consommateur Compte tenu de l’importance de la confiance pour favoriser l’engagement des consommateurs, les marques ont intérêt à mettre en œuvre des moyens permettant de développer leur crédibilité, leur intégrité et leur bienveillance perçues. Ces actions peuvent être développées au niveau de marquesproduits (voir exemples ci-après), ou au niveau corporate. Notamment, l’entreprise peut influencer positivement la confiance des consommateurs en communiquant sur sa politique de responsabilité sociétale (RSE) qui influence à la fois la crédibilité et l’intégrité perçues. [16] Exemple 9.4 – Crédibilité, intégrité et bienveillance

Crédibilité. En développant une gamme de jambons Label Rouge, Fleury Michon offre au consommateur des garanties qui renforcent la crédibilité de la marque.

Intégrité. En affichant le pourcentage de composants d’origine naturelle et d’origine biologique présents dans ses produits, la marque de cosmétiques Une adopte une démarche transparente qui peut convaincre les consommateurs de son intégrité. Bienveillance. Lorsque l’enseigne Système U communique sur la suppression de l’aspartame, substance controversée, de ses sodas U light, elle témoigne de son engagement bienveillant à l’égard du consommateur final. Au-delà de la confiance, la relation consommateur-marque se caractérise également par le lien affectif tissé au cours du temps.

2 L’attachement, la dimension affective de la relation 2.1 L’attachement est un lien émotionnel entre le consommateur et la marque

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Un individu s’attache à ses parents, à ses enfants, à l’être aimé, à ses amis… Mais des études récentes ont montré que l’on peut aussi s’attacher à des objets et des possessions matérielles, y compris à des marques [1]. Seul un petit nombre d’entre elles parvient à susciter un tel état émotionnel chez les consommateurs. L’attachement est alors associé à des sentiments de connexion, d’affection, d’amour et de passion, qui les poussent à rechercher la proximité avec leur marque.

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Exemple 9.5 – Attachement, amour et proximité Apple est une marque qui déchaîne les passions. Certains fans d’Apple sont prêts à tout pour témoigner de leur amour pour la marque. Il existe un site de rencontres pour les fans d’Apple (« Cupidtino », contraction de Cupidon et Cupertino, le siège d’Apple). Il existe même des savons ayant la forme de produits Apple, qui témoignent de la proximité intime de la marque avec ses fans.

Exemple 9.6 – Attachement et amitié Jean-Pierre, lecteur du Monde Diplomatique : « L’attachement que j’ai pour ce journal, c’est une histoire d’amitié. Je me suis attaché au Monde Diplomatique, aux plumes qu’il y a dedans et à l’idée qu’il défend. Et je me tiens à le lire ».

L’attachement est beaucoup plus qu’une simple attitude favorable envers la marque [17]. Il se développe dans la durée, au cours des interactions qui donnent du sens à la relation et suscitent des émotions fortes. L’attachement est ainsi indissociable de l’expérience de consommation et des souvenirs chargés émotionnellement qui sont mémorisés par le consommateur [10]. Il se manifeste par le sentiment que l’objet est irremplaçable. En conséquence, la perspective d’une séparation est facteur de stress. Le consommateur ne développe un attachement que pour les objets qui ont un caractère central dans sa vie, et qui peuvent susciter une connexion au concept de soi - voire dans les cas les plus forts une extension du concept de soi. Exemple 9.7 – Attachement et expérience de consommation

Claire, lectrice de Trek Magazine : « Quand je dis que je ne laisserai pas tomber Trek Magazine, c’est quand je repense à toutes ces heures que j’ai passées dessus, à tous ces rêves que j’ai faits par rapport à eux, à plein de trucs, quoi. Ça fait 6 ans que je suis avec, et j’ai pas envie de laisser tomber, justement parce qu’il y a cet effet de tradition qui est entrée maintenant dans ma vie. »

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L’attachement est un concept important pour le responsable de la marque, parce qu’il a une incidence directe sur les comportements d’achat qui dynamisent la profitabilité des marques et accroissent la valeur à vie du consommateur. Il favorise l’intention d’achat, l’acceptation de payer un prix plus élevé, le bouche à oreille positif et le pardon. Lorsqu’un consommateur est attaché à une marque, il lui consacre davantage de ressources personnelles, en termes de sacrifice financier, de temps alloué et d’énergie. Il est moins sensible au prix, il remet à plus tard son achat lorsque la marque n’est pas disponible, il participe activement aux communautés de marque. Fournier soutient ainsi que l’attachement est « au cœur de toutes les relations fortes avec la marque » [2]. C’est pourquoi les marques ont intérêt à mesurer le niveau d’attachement de leurs clients.

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Focus 9.5

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La mesure de l’attachement [8]

Le consommateur répond aux questions suivantes en indiquant son degré d’accord sur une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 6 (tout à fait d’accord) : 1. 2. 3. 4. 5.

« « « « «

J’ai beaucoup d’affection pour cette marque ». L’achat de cette marque me procure beaucoup de joie, de plaisir ». Je trouve un certain réconfort à acheter ou posséder cette marque ». Je suis très lié à cette marque ». Je suis très attiré par cette marque ».

2.2 Les facteurs d’attachement Compte tenu du rôle décisif de l’attachement dans la construction du lien avec la marque, des études ont été menées sur les facteurs qui favorisent son émergence. Il en existe quatre principaux [13] : Les émotions esthétiques et hédoniques ressenties lors de l’expérience de consommation, à travers les différents registres sensoriels (la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odeur…). Le plaisir de dégustation des chocolats de Neuville, les sensations éprouvées lors d’une visite au

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Parc Astérix, l’atmosphère et les parfums des magasins Nature et Découvertes, développent l’attachement à ces marques. Le souvenir nostalgique. Les marques servent d’ancrage à la construction de souvenirs et à la représentation symbolique lié au concept du soi passé. Elles fournissent à l’individu des points de repère sécurisants sur son origine et son histoire. Dominique explique ainsi son attachement à Arome Maggi : « Quand j’étais enfant, Maman utilisait à la maison Arome Maggi pour assaisonner de nombreux plats. » L’identification à la marque, qui est un vecteur d’expression du concept de soi. La marque est un moyen de construire sa propre identité, réelle ou idéalisée, actuelle ou future, et d’exprimer symboliquement son individualité aux personnes de son entourage. La connexion au concept de soi est stimulée par le positionnement de certaines marques : Harley Davidson évoque la liberté, MAIF inscrit la responsabilité sociétale dans ses valeurs fondamentales, Adidas exalte les valeurs de performance. L’internalisation des valeurs de la marque renforce le lien d’attachement. La confiance dans la marque, et plus spécifiquement dans sa capacité à réaliser les performances techniques attendues. La marque renforce ainsi le contrôle de l’individu sur son environnement, elle contribue au sentiment d’efficacité personnelle qui permet à l’individu de faire face aux problèmes quotidiens. Elle suscite ainsi l’attachement, parce qu’elle enrichit et renforce le concept de soi. L’attachement des internautes à Wikipedia s’explique par le fait que cette encyclopédie en ligne permet aux utilisateurs de développer la compréhension du monde qui les entoure (meilleure maîtrise de l’environnement).

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La relation d’attachement constitue probablement l’objectif ultime d’une marque, car elle aboutit à une véritable dépendance psychologique du consommateur. Elle pose toutefois un problème éthique, car elle déplace la relation sur des fondements qui biaisent la capacité de jugement. C’est pourquoi les marques doivent s’interroger sur leurs pratiques, sur la nature des liens qu’elles veulent instaurer, et sur les limites qu’elles décideront de ne pas franchir. Lorsqu’un consommateur décide de consacrer une part déraisonnable de son budget à l’achat des marques dont il est « fan » (le téléphone mobile dernier cri, les baskets à la mode), aux dépens de produits de première nécessité, la relation de dépendance n’est-elle pas excessive ?

L’essentiel Pour les responsables marketing, la question des relations que les consommateurs entretiennent avec leurs marques est devenue centrale. Nous sommes passés d’une approche focalisée sur le processus de choix du consommateur au moment de l’acte d’achat à une vision relationnelle, qui s’intéresse aux liens tissés par le consommateur avec une marque au fil du temps. Une relation forte développée avec une marque est en effet associée à un engagement du consommateur envers cette dernière. Pour que la relation entre la marque et le consommateur se développe, il est nécessaire que ce

dernier considère la marque comme un partenaire. La marque doit pour cela pouvoir être dotée de aractéristiques humaines. Grâce à l’utilisation de célébrités ou de personnages imaginaires dans les communications publicitaires, les marques se personnifient et les relations peuvent se développer dans des formes variées. Si les actions menées par la marque peuvent favoriser le développement de la relation, certaines caractéristiques intrinsèques aux consommateurs (orientation transactionnelle ou relationnelle) jouent également un rôle. Tous les consommateurs ne souhaitent cependant pas s’engager dans la relation avec une marque : des comportements de résistance peuvent être observés, face à des programmes de marketing relationnel pouvant être perçus comme inutiles ou intrusifs. Il est donc important pour les marques de développer leur capacité à susciter à la fois la confiance et l’attachement des consommateurs, principaux moteurs d’une relation forte. La confiance dans la marque, tout d’abord, peut être développée en travaillant sur ses trois dimensions : la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance. L’attachement peut être développé en suscitant des émotions lors de l’expérience de consommation, en favorisant le souvenir nostalgique chez le consommateur, en développant la confiance, ainsi que l’identification du consommateur à la marque.

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Questions de réflexion

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1 ■ Imaginez les principales différences entre un plan de communication ciblant des consommateurs à orientation transactionnelle et un plan de communication visant des consommateurs à orientation relationnelle. 2 ■ La sollicitation trop fréquente et/ou non désirée des consommateurs via le système de gestion de la relation client (GRC) peut-elle nuire à la qualité de la relation ? Comment faire de la GRC un véritable outil au service de la relation ? 3 ■ Relaxez-vous, fermez les yeux, et revivez une expérience de consommation agréable avec votre marque préférée. Que ressentez-vous ? Éprouvez-vous une sorte d’affection pour votre marque ? Comment la qualifieriez-vous ? 4 ■ Pensez à une marque que vous aimez. Quelles actions mène-t-elle pour développer votre perception de sa crédibilité ? De son intégrité ? De sa bienveillance ? 5 ■ Comment expliquez-vous qu’un consommateur est plus enclin à s’attacher à sa marque de téléphone portable qu’à son opérateur de téléphonie mobile ?

Section 4

BIBLIOGRAPHIE

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Olivier [12] définit la fidélité comme « l’engagement indéfectible de racheter avec constance dans le futur le produit ou le service préféré […] en dépit d’influences situationnelles et d’actions marketing pouvant induire un changement ».

Chapitre

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Les stratégies de développement de la marque Géraldine MICHEL et Nathalie FLECK

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Clarifier les différents statuts de marques et comprendre comment les entreprises gèrent aujourd’hui leur portefeuille de marques. Analyser les leviers pour expliquer le succès des stratégies d’extension de marques et de cobranding.

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En quoi l’architecture de marque détermine-t-elle le management des marques ? Comment mener une stratégie d’extension de gamme ? Comment mener une stratégie d’extension de marque ? Comment mener une stratégie de co-branding ?

Nous avons vu dans cette troisième partie la façon dont la marque était perçue, vécue par les consommateurs. À la lumière des liens entre consommateurs et marques, nous étudierons ici comment la marque se développe sur les marchés et comment elle évolue à travers ses différentes stratégies. Tout d’abord, il est important de clarifier les différents statuts de marques et de comprendre comment les entreprises gèrent aujourd’hui leur portefeuille de marques. Puis, face à l’essor des stratégies d’extension de marques et de co-branding qui deviennent aujourd’hui des pratiques courantes, des questions subsistent. Y a-t-il des marques plus aptes à s’étendre sur de nouveau marché que d’autres ? Quelles sont les raisons du succès des stratégies d’extension et de co-

branding ? Quelles sont les limites de ces pratiques qui aujourd’hui laissent apparaître des marques à très large spectre ? Ce chapitre s’attache à répondre à ces questions.

Section 1

EN QUOI L’ARCHITECTURE DE MARQUE DÉTERMINE-T-ELLE LE MANAGEMENT DES MARQUES ?

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1 La marque-produit

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L’architecture d’un portefeuille de marques détermine la façon dont une organisation différencie, structure et pilote ses marques les unes par rapport aux autres. En pratique, les architectures de portefeuilles de marques ont gagné en complexité, en raison notamment des fusions, acquisitions et extensions des entreprises vers de nouveaux marchés. Les décisions de stratégie de marques sont, en effet, autant d’opportunités de renouveler l’architecture de marque en introduisant ou en supprimant certaines d’entre elles. Il apparaît essentiel de préciser que les marques d’un portefeuille doivent, à la fois, avoir des rôles clairs et prédéfinis, et suivre un objectif commun qui est donné par l’entreprise.

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La marque-produit représente une marque qui ne signe qu’un seul produit. Ce type de marque est de fait de plus en plus rare dans la mesure où les entreprises capitalisent sur leurs marques fortes et développent plusieurs produits sous chaque marque. Bonux est une marque-produit sur le marché de la lessive. Elle appartient au portefeuille de marques de Procter & Gamble, qui gère également les marques Ariel et Vizir sur le même marché. La marque-produit a pour avantage d’avoir un positionnement clair et précis et de ne pas lier le destin de l’entreprise à l’image et à la réputation d’une seule marque. Toutefois, le développement de ce type de marque soumet l’entreprise à des dépenses importantes.

2 La marque-gamme La marque-gamme regroupe plusieurs produits, qui proposent une même promesse. La marque Coca-Cola est l’exemple d’une marque-gamme qui couvre un ensemble d’articles (Coca light, Coca light lemon, Coca diet, Coca vanille) situés dans un même marché (la boisson cola). La marquegamme permet la construction d’une image de marque cohérente et le développement rapide de produits nouveaux, dû notamment aux coûts limités des lancements de produits qui s’appuient sur la notoriété et l’identité de la marque.

3 La marque-ombrelle La marque-ombrelle commercialise des produits qui, à la fois, partagent l’identité de la marque et sont associés à différentes promesses sur différents marchés. La marque ombrelle est inscrite dans la stratégie d’extension de marque qui implique l’identification d’un dénominateur commun à tous ses produits malgré leur hétérogénéité. C’est notamment le cas de la marque Caterpillar qui revendique robustesse et fiabilité des produits à la fois sur le marché des engins pour travaux publics et sur les marchés de la chaussure et des vêtements.

4 La marque-caution

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La marque-caution regroupe plusieurs produits qui s’articulent eux-mêmes autour de marques filles. La marque Renault cautionne, par exemple, l’ensemble de ses modèles de voitures qui sont par ailleurs identifiés par des marques filles Twingo, Clio, Kangoo, Megane, Scenic, Koleos, Laguna, Latitude, Espace, etc. La marque-caution assure la cohésion et l’authentification de l’ensemble des marques filles qui détiennent chacune une promesse spécifique. La marque-caution est généralement utilisée pour que le consommateur puisse facilement faire le lien entre les différents produits et la marque-mère en tant qu’empreinte de l’entreprise. La marque Lu authentifie ainsi l’ensemble de ses biscuits commercialisés sous des marques-filles comme Paille d’Or, Prince, Granola ou Pim’s. L’intérêt de cette architecture de marque est de développer des dénominations spécifiques (marques filles) qui soulignent un bénéfice produit. Ces marques filles s’approprient ainsi un univers d’évocation autre que celui de la marque-caution, tout en profitant de sa réputation.

5 La marque entreprise ou corporate brand La marque entreprise, également appelée marque « corporate », correspond au nom de l’entreprise positionnée et promu en tant que marque (Bic, Toyota, Yamaha, BNP-Paribas, EDF). Avant le développement du concept de marque entreprise, certaines grandes entreprises qui possédaient un portefeuille de marques-produits utilisaient une dénomination sociale parfois peut visible qui n’était pas promue en tant que marque. L’exemple français le plus symptomatique est celui du groupe BSN. Cette dénomination dénote une logique industrielle puisqu’à l’origine, en 1966, le groupe résulte de la fusion des glaces Boussois et de la verrerie Souchon-Neuvesel. Puis il devient BSN-Gervais-Danone suite à une nouvelle fusion. En 1994 enfin, le groupe devient Danone dans une logique de marque entreprise. L’usage d’une marque entreprise permet de dégager des synergies dans les actions de communication qui ciblent à la fois consommateurs, collaborateurs et actionnaires.

Chaque type d’architecture présente bien entendu des avantages et des inconvénients. Une marque-mère apporte une réelle clarté et permet des synergies entre les différentes marques du même groupe. Dans le même esprit, la marque entreprise légitime autour d’une même vision les actions des différentes marques de l’organisation. L’idée centrale de la gestion du portefeuille de marques est de trouver un équilibre entre les synergies à construire entre les marques et les indépendances de chacune d’elles pour développer leur propre identité, garantie de leur différenciation.

Section 2

COMMENT MENER UNE STRATÉGIE D’EXTENSION DE GAMME ?

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À chaque lancement de produit, les entreprises sont confrontées à la question de savoir s’il faut créer une nouvelle marque ou s’il faut signer le nouveau produit avec une marque existante. Dans l’objectif de nourrir le capital de leurs marques, les entreprises ont aujourd’hui tendance à construire des marques larges voire transversales, qui couvrent différents marchés. Le groupe Beiersdorf a ainsi lancé la marque Nivea, initialement crème de soin, sur le marché du maquillage sous le nom Nivea Beauté. Quelles relations la marque peut-elle entretenir avec sa gamme de produits étendue sur différents marchés ? Quelles sont les raisons du succès d’une telle stratégie ? Quel est l’impact de ces pratiques d’extension sur l’image de marque ? Nous répondrons à ces questions dans cette section dédiée aux stratégies d’extension. Nous traiterons tout particulièrement les extensions de la marque selon leur proximité avec les produits initiaux de la marque en distinguant les extensions de gamme (horizontale et verticale) et les extensions de marque.

1 Les différentes formes d’extension de gamme L’extension de gamme consiste à utiliser le même nom de marque pour lancer de nouvelles versions d’un produit sur le même marché. On distingue deux types d’extension de gamme : les extensions horizontale et verticale. 1.1 L’extension de gamme horizontale Lors d’une extension de gamme horizontale, le nouveau produit est comparable aux autres produits de la marque en termes de positionnement et de prix. Hewlett-Packard, par exemple, a étendu sa marque d’imprimantes à jet d’encre (InKJet) aux imprimantes laser (LaserJet).

1.2 L’extension de gamme verticale

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L’extension de gamme verticale consiste à proposer, dans la même catégorie, un produit de qualité et de prix significativement différent du produit ou de la gamme de produits existante [10]. Le prix et la qualité de l’extension peuvent alors être significativement plus faibles (extension vers le bas) ou plus élevés (extension vers le haut). L’extension verticale vers le haut se fonde sur la supériorité des caractéristiques du produit qui implique une augmentation significative du prix par rapport à la gamme existant sous la marque. L’augmentation du prix symbolise une valeur ajoutée par rapport aux autres produits de la gamme. Par exemple, la ligne de coloration Couleur Experte de L’Oréal, vendue 40 % plus chère que la gamme Excellence Crème de L’Oréal, offre une palette de couleurs plus riches, plus profondes et est associée à une technique de coloration multi-tons plus sophistiquée. L’extension de gamme verticale vers le bas implique une baisse de prix par rapport à la gamme de produits existant sous la marque, ce qui traduit une moindre qualité en termes de service associé, ou en termes de caractéristiques intrinsèques du produit [12]. Par exemple, la marque Jaguar, tout en restant fidèle à « l’art de la performance », bouscule la tradition de l’automobile de luxe en proposant la X-type un produit haute finition à un prix compétitif (39 000 €) sur le marché des voitures haut de gamme.

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2 Les enjeux de l’extension de gamme verticale

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L’extension verticale permet de toucher de nouveaux consommateurs, et de créer de nouvelles occasions d’achat. L’extension vers le haut tente de toucher une cible plus sélective. La marque d’automobiles Kia a ainsi lancé le modèle Opirus avec comme ambition de conquérir un nouveau segment de marché, celui du luxe, dans lequel la marque n’était pas présente. L’objectif spécifique de l’extension verticale vers le bas est de développer la marque sur des segments de marché où les volumes de ventes sont importants. C’est le cas de la marque Apple qui a lancé, sur le marché des MP3, trois produits avec des niveaux de prix différents : Ipod, Ipod Nano, Ipod Schuffle. Malgré leurs bénéfices, les extensions verticales montrent certains risques comme la cannibalisation entre les produits de la marque ou encore la dilution de l’image de marque. Ce fut le cas de la marque Holiday Inn qui cautionna sa chaîne hôtelière de luxe en la nommant Crowne Plaza Holiday Inn. L’image simple et familiale de la marque, confrontée au code du luxe, fut diluée. L’entreprise a dû retirer la caution Holiday Inn pour créer une marque à part entière, Crowne Plaza, destinée au marché du luxe.

3 Les raisons du succès de l’extension verticale Pour pouvoir bénéficier des principaux avantages de cette stratégie et tenter de limiter ses risques, l’extension verticale doit se différencier au maximum de l’offre initiale de la marque. Pour

cela, trois principales options sont proposées : différenciation en termes de caractéristiques intrinsèques du produit, en termes linguistique et de distribution. Ces techniques permettent aux consommateurs de mieux comprendre la cohérence de l’offre globale de la marque.

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Figure 10.1 Les raisons du succès de l’extension de gamme verticale

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Différenciation produit. La différenciation des attributs intrinsèques du produit est essentielle dans le succès de l’extension verticale car elle permet de justifier la baisse ou la hausse de prix. Différenciation linguistique. L’association de la marque-mère à un nom spécifique, pour lancer l’extension verticale, permet de créer une identité propre au produit tout en profitant de la caution de la marque-mère. C’est le cas de la marque Giorgio Armani qui a décliné vers le bas plusieurs gammes de vêtements avec les noms Emporio Armani, Armani Exchange et Armani Jeans. Ces différentes marques-filles sont bien différenciées d’un point de vue identitaire. Différenciation de la distribution. L’adjonction d’un nouveau réseau de distribution permet également de dissocier clairement les différentes offres d’une même marque. En 2012, par exemple, Karl Lagerfeld a lancé sa collection « Karl » exclusivement sur Internet. Cette ligne féminine et stylée est beaucoup plus abordable que la ligne Karl Lagerfeld ou la collection Chanel, également dessinées par le styliste.

Focus 10.1 Comment les distributeurs tentent d’offrir une gamme de produits plus haut de gamme sans dénaturer leur image accessible Au lieu de mener une stratégie d’extension verticale vers le haut, certaines enseignes ont pris le pari de donner carte blanche à des créateurs de renom afin de signer une ligne de produit plus haut de gamme que leur offre originale. Ainsi, la Redoute a confié à Jean-Paul Gaultier le soin de signer une vingtaine de modèles basiques de son catalogue printemps-été. Cette opération a

COMMENT MENER UNE STRATÉGIE D’EXTENSION DE MARQUE ?

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permis à la Redoute d’augmenter rapidement ses ventes et de jouer la carte de la démocratisation de la mode haute-couture. Ce type d’opération est renouvelé à chaque saison, La Redoute s’étant plus récemment associé à Christian Lacroix, Azzaro, Courrèges ou encore Vanessa Bruno, Anthony Vaccarello ou Delphine Manivet. L’intérêt de ces partenariats entre un distributeur et un créateur est que paradoxalement, ils permettent à la fois une montée en gamme de l’offre du distributeur tout en permettant la démocratisation de l’offre du créateur. En effet, d’une part le distributeur monte en gamme en souplesse en utilisant le principe de série limitée. La ligne de produit signée par le créateur est en général 30 % plus cher que le prix moyen d’un produit de base du distributeur. Ces séries limitées favorisent les ventes en un temps record et permettent de donner une image plus moderne au distributeur. Quant au créateur, il voit dans ce mariage un moyen de rendre accessibles ses produits de luxe. Le phénomène a également été admirablement orchestré par H&M, qui s’est associé, entre autres, aux créateurs de mode Karl Lagerfeld, Sonia Rykiel, Versace, mais aussi à Stella Mc Cartney, Roberto Cavalli, et plus récemment à Martin Margiela.

La stratégie d’extension de marque consiste, pour une entreprise, à utiliser une marque existant dans son portefeuille pour lancer un produit sur un nouveau marché. C’est l’exemple, de la marque Xerox qui après un franc succès sur le marché des photocopieurs a lancé des imprimantes puis des écrans pour ordinateurs. Quels sont les enjeux de la stratégie d’extension de marque ? Quelles sont les raisons du succès de cette stratégie de marque ?

1 Les enjeux de l’extension de marque Le fait d’utiliser une marque existante induit que le lancement du nouveau produit s’appuie sur le capital de la marque en termes d’image, de savoir-faire et de notoriété. La marque La Laitière a ainsi profité de sa réputation sur le marché des yaourts frais pour lancer des desserts lactés et des glaces aux recettes traditionnelles. Les extensions de marque démontrent et confortent le savoirfaire de la marque mais peuvent également modifier l’image de la marque. La SNCF a ainsi élargi son offre en lançant son portail de voyages sur Internet (www.voyages-sncf.com). Les internautes

peuvent acheter leurs billets de train ou d’avion, réserver leur hôtel et louer une voiture. Cette diversification permet à la SNCF d’offrir une gamme complémentaire de services à ses clients et d’étendre son savoir-faire dans le domaine des voyages au sens large du terme. L’extension de marque modifie l’image de la marque mère et peut ainsi élargir son territoire produit.

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Mais à force de s’implanter dans un nombre croissant de marchés, les grandes marques ne risquent-elles pas de saturer le public ? Il peut être risqué pour des marques fortes de devenir omniprésentes. Quand elles ne sont plus un choix mais un passage obligé, elles peuvent provoquer un phénomène de rejet. Le développement de la marque Apple sur différents produits électroniques (ordinateur, MP3, téléphone, tablette) ou encore au travers sa plateforme de téléchargement de musiques (itunes) peut provoquer auprès de certaines personnes un sentiment d’envahissement qui se traduit par des attaques publiques envers la marque sur les médias sociaux. Par ailleurs, les extensions peuvent perturber, diluer l’image de la marque. Un accident sur un produit peut venir ternir l’image de la marque. C’est le cas de la marque Calvin Klein qui a étendu sa marque sur différents marchés (sous-vêtement, parfum, montre) sans se soucier de la cohérence avec ses valeurs qui en avaient fait son succès. Enfin, ne perdons pas de vue qu’une extension de marque peut empêcher une entreprise d’établir une nouvelle marque forte, qui pourrait avoir son propre potentiel d’extension.

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Les enjeux de l’extension de marque montrent que les retombées de cette stratégie sur la marque doivent être évaluées avec soin. Pour inscrire cette stratégie dans une démarche à long terme et dans un souci de pérennité de la marque, nous présentons maintenant les raisons du succès et les écueils à éviter.

2 Les raisons du succès de l’extension de marque L’extension de marque a une probabilité plus forte d’être acceptée et appréciée des consommateurs d’une part si elle est en cohérence avec les associations centrales de la marque [9], d’autre part si les associations centrales de la marque sont légitimes dans la nouvelle catégorie de produits [7], et enfin si elle est perçue comme apportant une valeur ajoutée par rapport à l’offre concurrente. L’évaluation et la mesure de ces différentes dimensions clés sont présentées dans les points suivants. Figure 10.2 Les raisons du succès de l’extension de marque

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La légitimité de la marque dans la nouvelle catégorie de produits fait référence à la notion de raison d’être. Qu’est qui justifie le fait que la marque puisse proposer une offre sur ce nouveau marché ? Cette notion de légitimité questionne la crédibilité de la marque sur ce nouveau marché. Si Vittel et Évian réussissent dans le secteur des produits de beauté, ce n’est certes pas du fait que ces entreprises ont une maîtrise technique de la cosmétique, mais parce qu’elles ont communiqué pendant plusieurs années sur la pureté, le bien-être et la beauté. Ces dimensions leur donnent ainsi une légitimité aux yeux des consommateurs dans le secteur du soin et de la beauté. La cohérence entre l’extension et l’image de la marque est un élément essentiel pour que le nouveau produit en extension soit accepté par les consommateurs [11]. La marque Bonne Maman, leader sur le marché des confitures, s’est peu à peu lancée sur le marché des biscuits et pâtisseries en 2000, puis des desserts laitiers à partir de 2008 jusqu’à lancer des glaces en 2011. Tous ces produits s’inscrivent dans les valeurs de la marque (produits authentiques, gourmands, proches du fait maison), qui préserve ainsi la cohérence globale de l’ensemble de ses gammes (cf. figure XIII du cahier central). La valeur ajoutée du produit en extension par rapport aux concurrents est le troisième élément important pour expliquer le succès de la stratégie d’extension. La valeur ajoutée de l’extension de marque correspond à une évaluation globale du produit comparée aux produits concurrents. Dans le secteur de l’électroménager, Dyson, la première marque d’aspirateur sans sac, a joué sur l’innovation technologique du produit dont la qualité d’aspiration est constante dans le temps. Aujourd’hui, pour rester cohérente avec ses valeurs, la marque Dyson propose toujours un vrai plus technologique et offre des produits hors du commun à une clientèle rare et aisée. C’est en suivant ce principe que la marque a lancé en 2000 le premier lave-linge à deux tambours permettant de laver plus de linge, plus vite, de façon plus efficace et toujours avec un design avant-gardiste. Les raisons du succès du nouveau produit ont été ici détaillées, mais il faut bien prendre conscience qu’avant d’étendre la marque sur de nouveaux marchés, une des questions essentielles est de savoir ce que l’extension apporte à la marque mère [8] ? L’extension de marque enrichira-telle la marque ou bien existe-t-il un risque de dilution ? La stratégie d’extension de marque ne doit pas être uniquement l’exploitation d’un capital-marque, elle doit surtout être intégrée dans une stratégie de pérennisation et d’enrichissement de la marque.

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COMMENT MENER UNE STRATÉGIE DE CO-BRANDING ?

Menacées par les marques de distributeurs, en quête d’innovations et à la recherche de nouvelles relations à établir avec les consommateurs, les fabricants se sont lancés depuis quelques années dans la stratégie de co-branding qui se traduit par une variété de formes, selon les objectifs et la nature de la collaboration entre les marques. L’objet de cette section est de présenter les différents types de co-branding et d’identifier les dimensions clés du succès.

1 Les différentes formes de co-branding

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Le co-branding est à distinguer de deux autres types d’alliances de marques : Le co-développement associe leur compétence mais la dénomination du nouveau produit issu de cette collaboration ne fait pas référence aux marques partenaires. C’est le cas des compléments nutritionnels de beauté Inneov issus de la collaboration entre Nestlé et L’Oréal. Les deux groupes ont, en effet, mis en commun leurs compétences dans les domaines respectifs de la nutrition et de la beauté pour créer des alicaments vendus en pharmacie. Les deux marques s’installent ainsi sur ce circuit et tirent profit de l’image innovante de cette nouvelle marque Inneov. La co-communication associe des marques pour développer une action de communication qui se caractérise par la signature identifiée des marques partenaires. On peut citer la campagne d’affichage, co-signée Eurostar et Burger King, et lancée en janvier 2013, autour de l’idée que le « Double Whopper » est disponible « à deux pas d’ici ». Eurostar rappelle ainsi que Londres n’est qu’à 2 h 15 de Paris. Cette campagne « clin d’œil » joue sur la rumeur d’un retour de l’enseigne de fast-food en France qui a ouvert un point de vente à l’aéroport de Marseille pour le plus grand plaisir de ses afficionados. À la différence des autres alliances, le co-marquage (co-branding) est une collaboration entre deux ou plusieurs marques fondée sur la co-définition du produit au plan fonctionnel et/ou symbolique et sur la co-signature du produit par les marques partenaires. Les deux marques figurent ainsi de façon permanente sur les produits. Cette stratégie implique la distinction de la marque « accueil » (marque originaire de la catégorie de produits où le produit co-marqué est lancé) et de la marque « invitée ». On peut distinguer deux types de co-branding : Le co-branding fonctionnel implique que la marque invitée intervienne (sous forme d’ingrédient ou de savoir-faire) dans la conception du produit. C’est ainsi que Mercedes s’associe avec Swarovski pour proposer des clés ornées de cristaux ou encore que l’hôtel

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Meurice accède à un savoir-faire « soin » en choisissant Valmont, spécialiste suisse de cosmétiques haut de gamme, pour son spa. La caution de la marque invitée est un élément important dans le succès d’un co-marquage fonctionnel car elle participe à la définition des caractéristiques intrinsèques du produit. Dans le domaine alimentaire, les marques font de plus en plus appel à la caution d’un chef cuisinier renommé pour valoriser leurs produits. Par exemple, le fabricant de surgelés Boncolac a fait appel à Michel Bras, chef d’un restaurant trois étoiles, pour signer une gamme de pâtisserie. Le co-branding symbolique, pour sa part, vise essentiellement à transférer l’image de la marque invitée sur la marque accueil. Ce type d’alliance est très utilisé dans le secteur automobile où un même modèle de véhicule peut, tour à tour, faire évoluer son positionnement et son image au gré des marques qui lui sont associées (Twingo/Perrier, Twingo/Kenzo, Twingo/Miss Sixty, Twingo/Mauboussin). Les alliances de marques fleurissent également dans le domaine vestimentaire. Les marques de baskets, désormais davantage portées en ville que dans les stades, s’allient avec des grands noms de la mode. Le couturier japonais Yamamoto a ainsi conçu une collection de chaussures prénommée Y3 avec la marque Adidas, tandis que le Britannique Paul Smith s’est associé à Reebok pour signer une série limitée vendue dans ses boutiques. Le co-marquage symbolique cherche à construire un positionnement spécifique fondé sur des attributs symboliques additionnels.

2 Les enjeux du co-branding

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Les produits co-marqués deviennent la nouvelle arme pour résister aux cycles de vie des produits et des services qui raccourcissent : les Mikado à la saveur Daim, la série limitée Twingo Miss Sixty épousant le style « glam’rock » de la marque en proposant les couleurs rose bohème ou noir nacré, la collection Lanvin pour H&M ou encore les bouteilles Coca-cola Light imaginées par Karl Lagerfeld. En associant les identités et les compétences de marques initialement engagées dans des marchés différents, les produits et services co-marqués peuvent se distinguer de leurs concurrents et s’attirer la préférence des consommateurs [1]. Face à la diversité des formules, quels sont les différents types de partenariats sous-jacents à cette stratégie ? Quels sont les bénéfices recherchés par les marques partenaires ? Et finalement, quelles sont les conditions de succès de ces collaborations entre marques ? 2.1 Des marques d’accueil à la recherche de nouvelles cibles Le co-branding permet au fabricant d’élargir la cible de son produit, en s’orientant vers de nouveaux consommateurs. C’est l’exemple des ordinateurs Dell/Opi qui en proposant une large gamme de couleurs inspirées du vernis à ongle Opi, s’adressent à une cible plus féminine. Dans un autre registre les collections H&M/Sonia Rykiel ou H&M/Karl Lagerfeld cherchent à attirer une cible plus haut de gamme vers l’enseigne H&M qui est initialement positionnée en entrée de gamme. Enfin, le téléphone portable Virgin Mobile/Bensimon permet à l’opérateur de toucher la

cible des adolescents. À travers ces exemples on comprend que le co-branding devient une des stratégies les plus utilisées par les entreprises pour élargir leur cible [3]. 2.2 Des marques invitées à la recherche de nouveaux territoires

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Une opération de co-branding permet à la marque invitée d’accéder à de nouveaux marchés sur lesquels elle peut ensuite développer de nouveaux produits, grâce au capital-marque acquis à travers cette association. Citons l’exemple de la marque Nivea qui a pu utiliser son association avec les rasoirs Philips (rasoirs Philips/Nivea) pour développer de nouveaux produits dédiés au rasage masculins et féminins. De même, la marque Taillefine n’aurait également jamais pu se lancer sur le marché des biscuits si elle ne s’était pas préalablement associée à la marque Lu. Ces exemples d’extension de territoire confirment les résultats d’études qui montrent que l’extension de marque est mieux accueillie lorsque le produit est associé à une autre marque déjà présente dans la nouvelle catégorie de produits, ce qui lui permet de gagner en crédibilité plus facilement dans cette nouvelle catégorie [4].

Focus 10.2

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Les marques ingrédients raflent la mise

Les marques ingrédients ont la particularité d’être des marques B to B qui s’associent avec des marques B to C pour intégrer leurs propres composants dans les produits finis. C’est ainsi que la marque LYCRA® en capitalisant sur la qualité et l’innovation offre des collants lissants, modelants et sculptants sous les marques Implicite, Empreinte ou encore La Perla. Ces nouveaux produits s’appuient sur l’innovation technique de LYCRA® avec notamment « LYCRA® BEAUTY ». Dans un registre encore plus pointu, LYCRA® propose un procédé gainant sous le

label « LYCRA® XCEPTIONELLE » pour répondre aux attentes des femmes XXL. En tant que marque B to B LYCRA® a su, grâce à ces innovations et sa communication « Bougez en beauté », acquérir une reconnaissance auprès du client final et créer une demande importante de la part des marques d’articles finis. Cet exemple montre que certaines marques ingrédients détiennent ainsi un pouvoir considérable car, en devenant une référence sur le marché, elles deviennent incontournables pour les fabricants. Toutefois, les multiples partenariats que les marques ingrédients nouent avec des marques concurrentes peuvent limiter le pouvoir de différenciation qu’elles apportent aux marques B to C. À la conquête de nouvelles cibles, de nouveaux territoires et de légitimité, les marques partenaires peuvent jouer sur différents leviers stratégiques pour atteindre ces objectifs.

3 Les raisons du succès du co-branding

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La stratégie de co-branding peut apporter d’importants bénéfices aux marques partenaires à condition de prendre en considération quatre principaux leviers mis en évidence par les recherches sur le sujet [3].

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Figure 10.3 Les leviers stratégiques d’une stratégie de co-branding

3.1 La complémentarité des marques en termes d’image et de savoir-faire Pour être acceptée par le consommateur, la collaboration entre les deux marques doit être perçue comme complémentaire, c’est-à-dire faire sens. Pour jouer cette carte, le partenariat doit s’appuyer sur la complémentarité des marques soit en termes d’image (dans le cas du co-branding symbolique) soit en termes de savoir-faire (dans le cas du co-branding fonctionnel) [2]. La complémentarité des marques est un élément essentiel pour assurer l’équation 1+1 > 2. En effet, dans le contexte du co-branding le proverbe « qui se ressemble s’assemble » n’est pas de mise. La mise en commun des valeurs et compétences des marques permettra d’assurer la supériorité du produit issu de la collaboration uniquement si le mariage exploite de façon équitable l’identité et les atouts de chaque marque. Par exemple, le succès des biscuits Lu/Taillefine s’est fondé sur cette complémentarité entre le goût et la gourmandise de la marque Lu et le caractère diététique et léger

en calories des produits de la marque Taillefine. D’un point de vue plus symbolique, l’exemple de la coopération entre Adidas et Stella McCartney a permis de proposer des vêtements sportswear chic, associant performance et style. Ces succès montrent que le fait d’associer les bénéfices spécifiques de chaque marque plutôt que de les fusionner, permet de proposer des produits qui se différencient de la concurrence. Mais la complémentarité entre les marques n’est pas toujours suffisante, les consommateurs sont également en attente de surprise et d’inattendu. 3.2 Un mariage inattendu

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Le mariage inattendu représente également un élément important dans le succès du co-branding. Le bénéfice de la surprise est de faire rentrer le consommateur dans un processus cognitif impliquant car il va chercher à comprendre pourquoi les deux marques collaborent [5]. L’effet de surprise est alors bénéfique quand le consommateur comprend le clin d’œil de l’association des marques et rentre en complicité avec elles. La maison de couture Irié n’a par exemple pas craint d’aller voir Procter & Gamble pour proposer d’associer son nom et celui de sa ligne Irié Wash, lavable en machine, à Ariel Essential. Ce type de co-branding a permis d’affirmer la présence de la marque de luxe mais aussi de lui donner une image accessible au-delà du milieu de la mode. De son côté, le lessivier Ariel a trouvé l’occasion de figurer dans des journaux de mode, comme « Vogue » et de montrer que la marque de lessive grand public est également utilisée par les grands noms du luxe.

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3.3 Un niveau de qualité et de notoriété équivalent

Le choix du partenaire ne s’arrête pas au niveau de complémentarité et à l’effet de surprise produit, il doit également prendre en compte les niveaux de qualité et de notoriété des marques. Il est en effet important de s’assurer qu’aucune des marques ne risque d’être « contaminée » par une image de moindre qualité. Le niveau de notoriété des deux marques est également essentiel car face à une marque peu connue, le consommateur peut percevoir le partenariat comme une simple nouvelle dénomination du produit sans réaliser qu’il s’agit de deux marques différentes. Ainsi, dans les années 1990, lorsque la marque de rhum Bacardi, alors peu connue, a lancé une campagne de communication qui incitait à consommer son produit avec du Coca-Cola, la marque a en effet gagné en notoriété mais beaucoup de consommateurs ont cru qu’il s’agissait d’une nouvelle boisson lancée par Coca-Cola. 3.4 Un produit à valeur ajoutée pour le consommateur La stratégie de co-branding ne peut être raisonnablement envisagée que si elle rapporte un avantage substantiel pour les consommateurs qui sont en quête d’avantages produits en termes d’utilité. Le bénéfice client est à son comble quand, par exemple, l’association d’un grand traiteur

(LeNôtre) avec une marque d’épicerie dans la grande distribution (Brossard) permet de proposer une gamme de pâtisseries surgelées respectant la recette LeNôtre à un prix accessible. Dans un autre registre, la valeur ajoutée, en termes de design et de différenciation d’image, explique le succès des alliances entre les marques de téléphones mobiles et celles de l’industrie du Luxe (LG/Prada ; Samsung/Cerruti). Comment apporter cette plus-value ? La valeur ajoutée du produit co-marqué émane notamment du niveau de complémentarité que les consommateurs peuvent percevoir entre les deux marques. Si celle-ci n’est pas au rendez-vous, le produit peut faire un flop. C’est le cas des lunettes Ray Ban/Roland Garros, associant deux marques connectées simultanément à l’univers du sport et du prestige, qui apportent peu de valeur ajoutée pour le consommateur.

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Bien que les leviers stratégiques soient aujourd’hui identifiés, il faut être prudent dans la multiplication des alliances de marques qui entraînent ces marques dans des territoires disparates. La marque Roland Garros a depuis quelques années rationalisé son portefeuille de partenaires car elle s’était égarée dans des produits-licences divers et variés (téléphones portables Ericsson/Roland Garros, chaussures Adidas/Roland Garros, panamas et cravates Lanvin/Roland Garros, gamme de bagages Longchamp/Roland Garros) et aujourd’hui l’on peut voir que la sélection de ses partenaires s’opère selon trois critères : la complémentarité entre les marques, le niveau de qualité et de notoriété la recherche d’un bénéfice client.

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En revanche, l’inattendu de la collaboration reste dans la plupart des cas, la cerise sur le gâteau. Les marques peuvent encore jouer de leur imagination pour créer cet effet de surprise et ainsi tirer profit au maximum de la stratégie de co-branding.

Focus 10.3 Expérimentation sur 8 cas de co-branding Une étude réalisée en 2011 [6] sur 8 cas fictifs de co-branding (les chaussures anti-dérapantes Adidas/Michelin, Adidas/Bic, Geox/Michelin, Geox/Bic et les shampooings à la pomme Klorane/Andros, Fructis/Andros, Klorane/ChupaChups, Fructis/ChupaChups) montre que le produit co-marqué est d’autant mieux évalué et engendre de meilleures intentions d’achat lorsque la promesse du produit est perçue comme crédible et innovante. Comment alors assurer ce niveau de crédibilité et de nouveauté perçue ? L’enquête révèle que la plus-value de la marque invitée dans la définition du produit est déterminante dans la perception de la crédibilité du bénéfice produit. Gare donc à la tentation de la collaboration superficielle qui s’apparente à un léger lifting du produit ! D’autre part, la dimension inattendue de la collaboration est essentielle dans la perception de nouveauté du produit, mais son influence n’est significative que si elle est couplée à

la pertinence de la collaboration. Attention, donc, à la surprise « gratuite », qui ne fait pas sens aux yeux des consommateurs !

L’essentiel

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Une entreprise structure son portefeuille de marques selon une architecture qui organise les relations des marques les unes par rapport aux autres (marque-produit, marque-gamme, marqueombrelle, marque-caution ou marque-entreprise). L’idée centrale de la gestion du portefeuille de marques est de trouver un équilibre entre les synergies à construire entre les marques et l’indépendance de chacune d’elles pour développer sa propre identité et rendre possible sa différenciation. Une marque peut étendre son territoire en procédant à des extensions de gamme ou de marque. L’enjeu de ces stratégies est à la fois de capitaliser sur des marques fortes, d’élargir la cible de la marque et en même temps de ne pas dénaturer le contenu de la marque. Cela suppose de vérifier la légitimité de la marque sur le nouveau marché investi, la cohérence du nouveau produit avec l’image et l’identité de la marque et enfin de bien s’assurer de la valeur ajoutée du produit sur le nouveau marché. Enfin, la stratégie de co-branding constitue une autre alternative pour élargir le territoire de marque. Cette stratégie consiste à associer des marques pour concevoir un nouveau produit signé par les marques partenaires. La collaboration entre les marques peut se limiter au transfert d’image (au niveau symbolique) ou bien impliquer une collaboration plus étroite dans la conception du produit (au niveau fonctionnel). Cette stratégie rencontre du succès et bénéficie aux deux marques si celles-ci sont complémentaires en termes d’image et de savoir-faire, d’un niveau de qualité et de notoriété équivalent, si leur association apporte une vraie valeur ajoutée au produit et qu’elle est un tant soit peu inattendue.

Questions de réflexion 1 ■ Toutes les marques ont-elles le même potentiel d’extension ? 2 ■ Pourquoi est-il si rare de trouver des exemples d’extension de marques pour les marques de service ? 3 ■ Comment aujourd’hui une marque peut-elle à la fois détenir un positionnement prix clair et proposer sur une même catégorie de produits des offres avec des niveaux de prix différents ?

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BIBLIOGRAPHIE

[1] BLACKETT, T. et BOAD, B, Co-Branding, the Science of Alliance, New York : St. Martin’s Press, 1999. [2] CEGARRA, J.J. et MICHEL, G., « Co-branding : clarification du concept », Recherche et Applications en Marketing, 16, 4, 57-69, 2001. [3] CEGARRA, J.J. et MERUNKA, D., « Les Extensions de marque : concepts et modèles », Recherche et Applications en marketing, 8, 1, 53-76, 1993.

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[4] DESAI, K.K et KELLER, K.L, « The Effects of Ingredient Branding Strategies on Host Brand Extendibility », Journal of Marketing, 66, 1, 73-93, 2002.

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[5] FLECK, N. et MAILLE, V., « 30 ans de travaux contradictoires sur l’influence de la congruence perçue par le consommateur : synthèse, limites et voies de recherche », Recherche et Applications en Marketing, 25, 4, 69-92, 2010.

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[6] FLECK, N. et MICHEL, G., « Co-branding success : A Subtle Balance Between Perceived Credibility and Novelty influenced by Brand Relevancy and Expectancy », 41th annual Conference of European Marketing Academy, Lisbonne, Mai 2012. [7] LADWEIN, R., « Le jugement de typicalité dans l’évaluation de l’extension de marque », Recherche et Applications en Marketing, 9, 2, 1-18, 1994. [8] LANE V. & JACOBSON R., « The Reciprocal Impact of Brand Leveraging, Feedback Effects from Brand Extension », Marketing Letters, 8, 3, 261-271, 1997. [9] MICHEL, G., Au Cœur de la marque, Dunod, 2009. [10] MICHEL, G. et SALHA, B., « L’Extension de gamme verticale : clarification du concept », Recherche et Applications en Marketing, 20, 10, 66-78, 2005. [11] PARK, C.W., MILBERG, S. et LAWSON, R., « Evaluation of Brand Extensions : The Role of Product Feature Similarity and Brand Concept Consistency », Journal of Consumer Research, 18, september, 185-193, 1991. [12] TAFANI, E., MICHEL, G. et ROSA E., « Stratégie d’extension de gamme verticale : analyse de l’effet de halo de la marque selon les niveaux de gamme », Recherche et Applications en Marketing, 24, 2, 73-89, 2009.

Partie

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Évaluer la marque et ses performances

Chapitre 11 La marque dans les comptes de l’entreprise Chapitre 12 Les méthodes d’évaluation financière des marques

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Chapitre 13 L’influence de l’évaluation sur le pilotage des marques

Aujourd’hui les analystes financiers considèrent le capital-marque comme l’un des principaux

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actifs de l’entreprise. Mais des questions subsistent. Qu’est-ce que la juste valeur d’une marque ? Comment les comptes d’entreprise font-ils aujourd’hui apparaître les marques ? Quels sont les flux financiers engendrés par les marques et comment estimer leur valeur financière ? Quel est l’impact de cette évaluation financière sur le management des marques ? Chacun des chapitres contribue à répondre à ces différentes questions. Tout d’abord, le chapitre 11 analyse les conditions permettant aux marques d’apparaître dans les comptes de l’entreprise. Il montre que seules les marques acquises peuvent figurer à l’actif du bilan. À l’inverse, les marques créées en interne ne peuvent pas figurer dans les états financiers. Mais toute la problématique de la comptabilisation des marques réside dans la possibilité de les identifier distinctement du « goodwill » (survaleur) et dans le choix du mode de dépréciation privilégié. Ce chapitre illustre le défi que représente la comptabilisation des marques et permet de mieux comprendre la notion de « juste valeur » des marques. Le chapitre suivant montre en quoi il est aujourd’hui de plus en plus important d’identifier la contribution des marques aux résultats générés par les entreprises. Que ce soit pour déterminer la juste valeur ou le prix de transaction d’une marque, la détermination des flux de revenus est un préalable à toute évaluation de la marque et trois méthodes complémentaires sont aujourd’hui proposées. Face à la multiplicité des approches d’évaluation, il faut retenir que la valeur financière d’une marque doit essentiellement rendre compte de son rôle dans la création de valeur de

l’entreprise. Pour prendre tout son sens, cette évaluation doit s’effectuer par rapport aux autres marques du marché.

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Le chapitre 13 est consacré à une analyse de l’impact de l’évaluation des marques sur leur pilotage. Le chapitre montre, tout d’abord, que le processus de valorisation d’une marque constitue un véritable outil de pilotage qui permet de repositionner la marque sur un horizon à plus long terme. L’évaluation financière de la marque la positionne désormais sous le feu des projecteurs, il apparaît clairement que cela incite contrôleurs de gestion et responsables du marketing à davantage travailler ensemble pour s’assurer d’accroître la valeur des marques. Par ailleurs, le chapitre met en lumière le fait que cette forte visibilité de la performance financière des marques, auprès des parties prenantes aussi bien externes qu’internes, suppose une grande prudence dans la justification stratégique de la dépréciation de valeur de la marque.

Chapitre

11

La marque dans les comptes de l’entreprise Elisabeth WALLISER

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Comprendre comment se présente l’information relative aux marques dans les états financiers. Analyser les normes qui régulent la reconnaissance des marques dans les états financiers des entreprises françaises. Expliquer les règles en matière de dépréciation des marques et clarifier la notion de juste valeur.

Comment l’information relative aux marques est-elle présentée dans les comptes de l’entreprise ? Comment reconnaître une marque à l’actif du bilan ? Quel est le traitement comptable de la marque reconnue dans les états financiers ?

On peut trouver des marques dans les comptes de l’entreprise (états financiers) de l’entreprise, mais seulement sous certaines conditions. Précisément, quelles sont les conditions qui permettent à l’entreprise de faire figurer des marques dans son bilan ? À quel endroit se trouvent-elles ? Existet-il des marques détenues par l’entreprise qui n’apparaissent pas dans son bilan ? Pourquoi ? Que doit-on faire une fois la marque reconnue au bilan ? Ce chapitre s’attache à répondre à ces différentes questions et rappelle les obligations nationales et internationales en la matière. Une première section permet d’exposer comment se présente l’information relative aux marques dans les états financiers, à partir d’extraits de rapports annuels. Une deuxième section explicite les normes qui régulent la reconnaissance des marques dans les états financiers des entreprises françaises. Enfin, la dernière section expose les règles en matière de dépréciation des marques, ce

qui amène à développer la notion de juste valeur.

Section 1

COMMENT L’INFORMATION RELATIVE AUX MARQUES EST-ELLE PRÉSENTÉE DANS LES COMPTES DE L’ENTREPRISE ?

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Toutes les entreprises ne présentent pas les informations relatives aux marques de la même façon. Le degré de détail apporté aux marques dans les états financiers dépend bien souvent de l’importance qu’elles représentent au sein de l’entreprise mais aussi de la manière dont elles ont été obtenues. Si elles figurent dans les états financiers, il faut les chercher à l’actif. Le plus souvent, des informations clés à leur sujet sont également données dans les annexes des comptes. Enfin, inutile de chercher les marques créées par l’entreprise, elles sont les grandes absentes des états financiers.

1 Les marques à l’actif du bilan

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L’actif du bilan indique tout ce que l’entreprise possède, par opposition au passif qui indique ce que l’entreprise doit (à ses associés, à ses banquiers, à ses fournisseurs). On trouve donc des marques en haut du bilan, parmi les actifs non courants (ou immobilisés), constitués par des éléments destinés à rester durablement dans l’entreprise, par opposition aux actifs courants (ou circulants), dans lesquels figurent les stocks par exemple. Les marques figurent généralement dans la rubrique intitulée « immobilisations incorporelles ». Elles s’opposent aux immobilisations corporelles (terrains, immeubles, matériel…) ainsi qu’aux immobilisations financières (titres de participation, titres de placement, prêts…). Exemple 11.1 – La présentation des marques dans les comptes consolidés du groupe Danone Prenons le groupe Danone par exemple, les marques figurent à différents endroits dans son bilan consolidé (bilan de la société mère et de ses filiales). Compte tenu de l’importance que le groupe accorde à ses marques, la ligne « Immobilisations incorporelles » est renseignée dans le corps de l’actif, alors même que pour la plupart des entreprises, cette information n’est fournie qu’en annexe. La ligne « Marques » figure sur une ligne distincte de 4 258 millions d’Euros, représentant ainsi plus de 26 % des immobilisations incorporelles du groupe fin 2011. On y trouve également une rubrique « Autres immobilisations incorporelles » ainsi qu’une ligne « Goodwill ».

Tableau 11.1 Extrait du bilan consolidé du groupe Danone

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Source : Document de référence Danone 2011.

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Pour autant, si des marques ne figurent pas distinctement sur une ligne de l’actif, cela ne signifie pas que l’entreprise n’en possède pas. En effet, celles-ci sont peut-être présentes dans la rubrique « Autres immobilisations incorporelles » ou encore englobées dans le goodwill. Pour le savoir, il faut vérifier l’information dans l’annexe aux comptes.

2 Les marques dans les informations détaillées de l’annexe Les informations détaillées sur la constitution des rubriques composant le bilan se trouvent dans l’annexe. L’annexe fait partie intégrante des comptes, et permet de détailler des informations qui alourdiraient la présentation du bilan et du compte de résultat. Concernant les marques, on trouve généralement les informations dans la note explicitant les principes comptables utilisés par la société et en particulier ceux relatifs aux immobilisations incorporelles, ainsi que dans la note qui figure en face des rubriques « Marques », « Autres immobilisations incorporelles » et « Goodwill ». Exemple 11.2 – Le détail relatif aux marques dans l’annexe aux comptes consolidés du groupe Danone La note 1 relative aux principes comptables du groupe Danone indique que l’entreprise fait figurer dans la rubrique « Marques » « les marques acquises, individualisables, de valeur significative, soutenues par des dépenses de publicité et dont la durée de vie est considérée comme indéterminée ». Dans la note 12 du document de référence 2011, qui explicite la rubrique « Marques », il est précisé que les marques figurant dans cette rubrique correspondent à des marques non amorties reconnues dans le cadre de

regroupements d’entreprises depuis 1989. Les autres marques acquises, ne remplissant pas les caractéristiques énoncées plus haut, se retrouvent donc dans la rubrique « Autres immobilisations incorporelles ».

Focus 11.1 Le goodwill

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Lorsqu’une entreprise prend le contrôle d’une autre entreprise, elle prend des parts dans cette société contre une somme représentant le prix payé pour ces titres. L’acquéreur va ventiler une partie de ce prix entre les différents actifs et passifs qu’il a acquis, et qu’il évalue à leur juste valeur (cf. section 3). L’écart entre ce prix et la quote-part du groupe dans la juste valeur des actifs et passifs identifiés représente le goodwill. Il est mis à l’actif du bilan sous « Normes internationales ». Sous « Normes Internationales », il ne doit pas être amorti, mais fait l’objet d’un test de dépréciation (cf. section 3). Sous « Normes françaises », le goodwill continue à être amorti. Le goodwill représente donc le paiement effectué par un acquéreur en prévision d’avantages économiques futurs générés par des actifs qui ne peuvent pas être identifiés individuellement et comptabilisés séparément. C’est donc une « survaleur » qui intègre la valeur du capital immatériel de la cible. On le trouve sous le terme d’écart d’acquisition dans la terminologie française. Par exemple, dans les comptes du groupe Danone, le goodwill représente une valeur de 11 289 millions d’euros, soit près de 51 % de l’actif immobilisé et 40 % de l’actif, fin 2011.

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Inutile de chercher où peuvent se cacher les marques créées par l’entreprise. Les dépenses relatives à la recherche et au développement des marques sont systématiquement passées en charges.

3 L’absence des marques générées en interne Lors de son entrée en bourse en mai 2012, la capitalisation boursière de Facebook était estimée à plus de 100 milliards de dollars alors que ce site a été créé il y a moins de 10 ans. L’entreprise de réseaux sociaux devrait par ailleurs franchir bientôt le cap du milliard d’utilisateurs. Pour autant, il n’est pas possible de relier cette évolution à celle d’une quelconque marque au bilan. Même situation pour Apple, devenue première capitalisation boursière au monde. Comment cela est-il possible ? La raison est toute simple : ces marques, « faites maison » ne peuvent pas apparaître à l’actif du bilan, en raison d’une interdiction très stricte des normes comptables (cf. section 2), aussi bien sur le plan national que sur le plan international, de faire apparaître des marques créées dans les états financiers. Il y a là une volonté des organismes de normalisation à ne faire apparaître au bilan que des éléments contrôlables, identifiables et pouvant être évalués avec précision. Précisément, la section qui suit explicite les dispositions des textes de droit comptable qui

régulent les conditions de reconnaissance des marques dans les états financiers de l’entreprise.

Section 2

COMMENT RECONNAÎTRE UNE MARQUE À L’ACTIF DU BILAN ?

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L’actuel cadre de référence relatif à la comptabilisation des marques et à leur traitement comptable présente une convergence des règles françaises avec les normes internationales IAS/IFRS (International Accounting Standards/International Financial Reporting Standards), ellesmêmes influencées par des dispositions inscrites dans les normes comptables américaines (US GAAP). Il ne subsiste donc plus réellement de différences entre les normes internationales et le droit comptable français à propos des marques. Après avoir expliqué l’évolution de la réglementation sur les marques, nous détaillons, dans une partie plus technique, les dispositions en matière de reconnaissance des marques dans les états financiers de l’entreprise.

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1 L’évolution de la réglementation sur les marques

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Étant donné qu’il n’existe pas de règlement ou norme spécifique à la marque, l’analyse du cadre comptable des marques passe donc par une interprétation des règles relatives aux immobilisations incorporelles en général. Pour les comptes consolidés des entreprises cotées sur un marché réglementé, il faut se référer aux normes internationales (IAS/IFRS) et en particulier à la norme IAS 38 « Immobilisations incorporelles » [5], complétée par les normes IFRS 3 « Regroupement d’entreprises » et IFRS 13 « Évaluation à la juste valeur » [7,8]. Pour les autres sociétés commerciales et entreprises publiques publiant des comptes consolidés, c’est le règlement français 99-02 du Comité de Réglementation Comptable (CRC) qui s’applique [2]. Pour les comptes sociaux (comptes individuels) c’est le Plan Comptable Général (PCG) qui fait référence [3]. Sous sa forme actuelle, la norme IAS 38 est le fruit de nombreuses années de réflexion. Il est intéressant de noter que le retard pris dans l’élaboration définitive de la norme s’explique, en grande partie, par des points de divergence sur le traitement comptable des marques. Fallait-il autoriser à inscrire des marques générées en interne, comme le souhaitait la France (CNC, 1992) [1] ? Fallait-il autoriser une durée de vie illimitée pour certaines marques ? La figure 11.1 illustre la diversité des pratiques des entreprises européennes avant l’harmonisation comptable internationale instaurée en 2005. À cette date, les normes IFRS sont

devenues obligatoires pour les comptes consolidés des sociétés européennes cotées sur un marché réglementé.

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Figure 11.1 La diversité des pratiques des entreprises européennes, avant 2005, en matière de traitement des marques dans les états financiers

Source : Walliser [10, 11].

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La diversité observée dans ces pratiques résultait de l’incapacité des directives européennes à harmoniser les règles comptables des pays européens, compte tenu, notamment, de nombreuses options proposées. Depuis le 1er janvier 2005, le droit comptable des pays européens s’est aligné sur les positions des normes internationales en matière de reconnaissance et de traitement comptable des marques.

2 Les conditions de reconnaissance des marques à l’actif du bilan D’après les normes comptables, qu’elles soient françaises ou internationales, une marque peut figurer à l’actif du bilan d’une entreprise en respectant deux étapes de reconnaissance : satisfaire à la fois à la définition d’une immobilisation incorporelle et aux critères de comptabilisation. 2.1. La définition d’une immobilisation incorporelle en comptabilité Une immobilisation incorporelle est définie comme un « actif non monétaire identifiable sans substance physique ». La notion d’actif est définie comme une « ressource contrôlée par une entité du fait d’événements passés et à partir de laquelle on s’attend à ce que des avantages économiques futurs bénéficient à l’entité » (IAS 38 §8, PCG, art. 211.1). Pour préciser sous quelles conditions

une marque peut être considérée comme un actif, il faut donc expliciter deux termes clés : la notion d’avantages économiques futurs et la notion de contrôle.

Focus 11.2 Le contrôle des avantages économiques futurs de la marque

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« Les avantages économiques futurs peuvent résulter, à la fois, d’un accroissement de revenus et d’économies dans les coûts de production par exemple (IAS 38 §17 ; PCG, art. 211.2). L’avantage économique futur étant défini dans le cadre conceptuel de l’IASB (§49) comme « le potentiel qu’a cet actif de contribuer, directement ou indirectement, à des flux positifs de liquidités ou d’équivalents de liquidités au bénéfice de l’entreprise ». Cette précision dans la définition semble favorable à la prise en compte des marques. Les avantages économiques futurs induits par celles-ci sont fréquemment mis en avant par les partisans de leur activation et justifient le prix élevé payé pour certaines marques. » [9] Exemple : en février 2012, la marque Pringles appartenant au groupe Procter et Gamble est cédée au groupe Kellogg’s pour 2,7 milliards d’euros, alors que son chiffre d’affaires s’élevait à environ 1.5 milliards d’euros [4]. Le prix payé correspond aux avantages économiques attendus de la marque Pringles. « C’est la notion de contrôle qui pose problème. En particulier, il est précisé (IAS 38 §13) que « l’entité contrôle l’actif si elle a le pouvoir d’obtenir des avantages économiques futurs découlant de la ressource sous-jacente et si elle peut également restreindre l’accès des tiers à ces avantages ». Il est alors fait référence aux droits légaux détenus par l’entité qu’elle peut faire appliquer par un tribunal pour prouver sa capacité à contrôler les avantages économiques futurs découlant d’une immobilisation incorporelle. La notion de droit légal ne doit toutefois pas être confondue avec la notion de contrôle. Le droit légal est une condition suffisante mais non nécessaire pour affirmer que l’entreprise dispose d’un contrôle sur les revenus futurs de l’actif car elle peut, théoriquement, disposer d’un contrôle d’une autre façon. Simplement, en l’absence de ce droit légal, la démonstration du contrôle sera plus difficile. » [9] Exemple : Si une entreprise possède une marque, elle ne la contrôle pas forcément si elle ne fait pas en sorte de bénéficier de ses revenus de manière exclusive. Pour cela, elle devra notamment veiller à la protéger juridiquement (dépôt de la marque à l’INPI) et à engager systématiquement des actions contre les contrefaçons. Ce droit légal (la marque déposée) rend la preuve du contrôle suffisante. Si la marque satisfait à la définition de l’actif, elle doit également être identifiable, autre condition indispensable qui permet à la marque d’être considérée comme une immobilisation incorporelle.

Focus 11.3 Le caractère identifiable de la marque

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« L’IASB exprime par identifiable le fait que l’on puisse distinguer l’actif séparément du goodwill (IAS 38 §11). Cette condition se justifie par le fait que le caractère non physique des actifs immatériels accroît la difficulté d’identifier la ressource qui leur est attribuable. La marque satisfait aux critères d’identifiabilité lorsque (IAS 38 §12 et PCG, art. §211-3) : elle est séparable, c’est-à-dire qu’elle peut être séparée de l’entité et être vendue, transférée, concédée par une licence, louée ou échangée, soit de façon individuelle, soit dans le cadre d’un contrat, avec un actif ou un passif lié ; elle résulte de droits contractuels ou autres droits légaux, que ces droits soient cessibles ou séparables de l’entité ou d’autres droits et obligations. Il résulte de cette définition que la séparabilité n’est pas une condition nécessaire pour identifier une marque car l’identification est possible par d’autres moyens ; c’est toutefois une condition suffisante. » [9] Exemple : une marque qui fait l’objet de redevances (marque enseigne par exemple) est en quelque sorte louée. Elle va donc être considérée comme séparable. Le contrat de redevance fournit une condition suffisante pour identifier une marque, ce n’est néanmoins pas une condition nécessaire. On peut aussi identifier une marque dans l’entreprise si elle a tout simplement été déposée.

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Dans le cas d’une marque acquise de manière isolée, il n’y a pas de problème d’identification. C’est dans le cas des marques créées et des marques acquises dans le cadre d’un regroupement d’entreprises qu’il faut pouvoir isoler les avantages économiques futurs que l’on peut attribuer à la marque sans ambiguïté. À ce stade, il peut y avoir des marques, considérées comme des actifs, qui ne peuvent pas figurer au bilan distinctement. En effet, pour cela, la marque doit encore satisfaire aux critères de comptabilisation, deuxième étape dont toutes les conditions doivent également être systématiquement remplies. 2.2. Les critères de comptabilisation de la marque Ce qui importe ici, c’est de pouvoir mesurer le coût de la marque de manière fiable. En effet, c’est généralement la difficulté à remplir cette condition qui empêchera l’entreprise d’inscrire une marque à l’actif du bilan. Or, cette condition est satisfaite plus ou moins facilement suivant le mode d’obtention de la marque, la qualité de mesure du coût de la marque pouvant différer d’un cas à l’autre. Autant il est facile d’obtenir une valeur pour une marque acquise de manière isolée, autant il est difficile de mesurer sa « juste valeur » en cas d’acquisition conjointe avec d’autres actifs et le

problème se complique encore en cas de création d’une marque. Il est donc nécessaire d’opérer une distinction des marques selon leur mode d’obtention : la marque acquise séparément ; la marque acquise dans le cadre d’un regroupement d’entreprises ; la marque générée en interne par l’entreprise. ■ La marque acquise séparément Le coût de la marque acquise séparément peut être évalué de façon fiable, puisqu’il résulte d’une transaction. La marque acquise de manière isolée remplit donc les conditions classiques d’un actif au même titre qu’une immobilisation corporelle et peut être inscrite à l’actif du bilan dans le poste « 205 - Concessions et droits similaires, brevets, licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires » à son coût d’acquisition. ■ La marque acquise dans le cadre d’un regroupement d’entreprises

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Dans le cas d’un regroupement d’entreprises, la marque va bien souvent être acquise de façon conjointe avec d’autres éléments d’actifs corporels ou incorporels. Toute la difficulté réside dans la possibilité de l’isoler de ces éléments.

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Focus 11.4

Comptabiliser les marques acquises dans le cadre d’un regroupement d’entreprises « Dans les comptes individuels, lorsque les actifs sont acquis conjointement, ou sont produits de façon conjointe et indissociable, pour un coût global d’acquisition, le coût d’entrée de chacun des actifs est ventilé à proportion de la valeur attribuable à chacun d’eux. À défaut de pouvoir évaluer directement chacun d’eux, le coût d’un ou de plusieurs des actifs acquis est évalué par référence à un prix de marché, ou forfaitairement s’il n’en existe pas. Le cas de la marque ne semble pas exclu (PCG, art. 321-8). Le coût des autres actifs s’établira par différence entre le coût d’entrée global et le coût déjà attribué. Le fonds commercial acquis est alors constitué par la différence entre le prix total d’achat du fonds de commerce et les éléments identifiés. Dans les comptes consolidés, lors de la première consolidation, les actifs identifiables acquis sont inscrits au bilan consolidé en fonction de l’usage prévu par l’entreprise consolidante (biens destinés ou non à l’exploitation) séparément du goodwill (règlement n°99-02, art. 211-21, IFRS 3 § 10). Les biens destinés à l’exploitation sont évalués à leur valeur d’utilité (ou juste valeur IFRS 3 § 18) pour l’entreprise consolidante. » [9] Dans ces deux cas de figure, les marques identifiées doivent être évaluées à leur juste valeur (cf. section 3). C’est le prix auquel les intervenants du marché aboutiraient, que ce prix soit observable ou qu’il résulte d’une technique de valorisation. Les informations à fournir sont précisées par la norme IFRS 13 « évaluation à la juste valeur » (IASB, 2012).

Exemple 11.3 – Les marques acquises dans le cadre d’une acquisition des sociétés du groupe Unimilk par Danone [1] Le 30 novembre 2010, Danone a signé avec le groupe Unimilk un accord portant sur la mise en commun des activités « Produits Laitiers Frais » des deux groupes en Russie, Ukraine, Kazakhstan et Biélorussie. À l’issue de cette opération, le groupe Danone contrôle le nouvel ensemble, dénommé Dairy JV CIS Holdings dans lequel il détient un intérêt économique de 50,9 %. Parmi les actifs identifiés à leur juste valeur, figurent les marques Prostokvashino, Tema et Biobalance. La première est amortissable sur 60 ans compte tenu de sa durée de protection juridique ; les deux suivantes ont une durée de vie indéfinie. Le groupe explique que le goodwill résiduel représente principalement les synergies attendues en termes d’activité commerciale et industrielle et de réduction des coûts, la couverture géographique et le capital humain.

■ La marque générée en interne

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Deux remarques importantes découlent de l’analyse des textes comptables : Lors d’un regroupement d’entreprises, une marque doit donc être comptabilisée en tant qu’actif, séparément du goodwill, dès lors qu’elle répond aux conditions de définition et de comptabilisation des actifs (cf. section 2). Elle doit alors être comptabilisée à sa juste valeur, même si elle n’était pas inscrite dans les comptes sociaux de l’entité consolidée. Autrement dit, alors même que Facebook n’identifie pas sa propre marque dans son bilan, si elle était, par exemple, rachetée par LinkedIn, cette dernière ferait figurer la marque « Facebook » à l’actif de son bilan pour son prix d’achat. Il faut également noter que la norme IAS 38 prévoit le cas où une immobilisation incorporelle est considérée séparable mais uniquement conjointement avec une immobilisation corporelle ou une immobilisation incorporelle liée (§35). Le cas de la marque de fabrique d’eau et de sa source naturelle est cité explicitement, tout comme l’exemple du titre de journal et de sa base d’abonnés.

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Une dépense, qui ne peut être distinguée du coût du développement de l’activité dans son ensemble, ne peut être comptabilisée en tant qu’immobilisation incorporelle (IAS 38 §64 et PCG, art. 313-3-3). Le cas des marques créées est cité explicitement. Il en est de même pour les coûts engagés ultérieurement relatifs à ces dépenses internes, comme pour les frais de dépôt des marques développées en interne. Les dépenses réalisées pour la création, le développement et l’entretien de ces marques doivent donc être passées en charges. Exemple 11.4 – Les marques créées par le groupe LVMH[2] Ne figurent pas à l’actif du bilan du groupe LVMH les marques qui ont été développées en interne, notamment Hennessy, les champagnes Moët & Chandon, Dom Perignon, Mercier et Ruinart, ainsi que l’enseigne de joaillerie De Beers Diamond Jewellers développée en joint-venture avec le groupe De Beers. À l’inverse, y figurent, sans que cette liste puisse être considérée comme exhaustive, les marques Louis Vuitton, Veuve Clicquot et Parfums Christian Dior, ou encore l’enseigne Sephora.

Seules les marques acquises peuvent donc figurer au bilan d’entreprise. Il reste ensuite à fixer leur mode de dépréciation.

Section 3

QUEL EST LE TRAITEMENT COMPTABLE DE LA MARQUE RECONNUE DANS LES ÉTATS FINANCIERS ?

Une fois la marque reconnue dans les états financiers de l’entreprise, il faut décider de son traitement comptable : Faut-il amortir la marque ou seulement la déprécier ? Comment procéder à la vérification de sa valeur ? On explicitera le test de dépréciation (impairment test) ? Qu’entend-on par « juste valeur » ?

1 Le choix du mode de dépréciation de la marque

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Dans les textes actuels, la notion de durée de vie a fait place à la durée d’utilité. Cette utilisation se mesure par la consommation des avantages économiques futurs attendus de la marque, sans indication d’une limite prévisible.

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La durée d’utilité de la marque est déterminée lorsqu’on peut la limiter dans le temps, du fait de l’usure physique, de l’évolution technique ou encore de sa période de protection légale ou contractuelle (PCG, art. 322-1). Les marques ayant une durée d’utilité finie (ou déterminée) sont amorties. Les normes ne fournissent pas d’indications dans le cas où la marque est, au contraire, considérée comme ayant une utilisation indéterminée. On considère néanmoins, que les marques dites « entretenues » peuvent avoir une durée d’utilisation indéterminée. Pour cela, elles devront notamment être régulièrement protégées et défendues en cas de contrefaçon. Les marques entretenues ne sont pas amorties. Elles devront néanmoins faire l’objet d’un test de dépréciation (impairment test). Exemple 11.5 – Le traitement comptable des marques de LVMH[3] Les marques, enseignes et autres immobilisations incorporelles à durée de vie définie sont amorties sur la durée estimée de leur utilisation. Le classement d’une marque ou enseigne en actifs à durée d’utilisation définie ou indéfinie résulte en particulier de l’application des critères suivants :

positionnement global de la marque ou enseigne sur son marché en termes de volume d’activité, de présence internationale, de notoriété ; perspectives de rentabilité à long terme ; degré d’exposition aux aléas conjoncturels ; événement majeur intervenu dans le secteur d’activité et susceptible de peser sur le futur de la

marque ou enseigne ; ancienneté de la marque ou enseigne. Les marques dont la durée d’utilisation est définie sont amorties sur une période comprise entre 15 et 40 ans, fonction de l’estimation de la durée de leur utilisation.

2 Le test de dépréciation de la marque Si les marques ne sont pas amorties, elles doivent pouvoir être dépréciées. Le test de dépréciation s’effectue en comparant sa valeur recouvrable (ou valeur actuelle dans la terminologie française) à sa valeur nette comptable, annuellement, et à chaque fois qu’il y a une indication que la marque peut s’être dépréciée (IAS 36 §108, PCG, art. 322 -5) [6]. Ce test se pratique également sur une marque amortie de manière à juger si elle n’a pas perdu notablement sa valeur.

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Focus 11.5 Plusieurs notions de valeurs : valeur nette comptable, valeur d’usage, valeur actuelle, valeur vénale (*)

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La valeur brute (VB) d’une marque est sa valeur d’origine, c’est-à-dire celle qui est notée à l’entrée de la marque dans le bilan de l’entreprise La valeur nette comptable (VNC) d’une marque est sa valeur brute à laquelle on soustrait l’ensemble des amortissements et dépréciations cumulés. La valeur actuelle (ou valeur recouvrable) d’une marque est définie comme la valeur la plus élevée de sa valeur vénale et de sa valeur d’usage La valeur vénale (ou mark to market ou valeur de marché) d’une marque correspond au montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d’un actif lors d’une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie. Elle n’existe pas dans le cas de la marque, puisqu’il n’est pas possible de considérer de marché actif (cf. §3 supra) La valeur d’usage (ou valeur d’utilité ou mark to model) d’une marque correspond à la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de son éventuelle sortie. Dans la généralité des cas, elle est déterminée en fonction des flux nets de trésorerie attendus. Exemple : Une marque est achetée 200 le 1er janvier de l’année N. On considère qu’elle va être utilisée pendant 10 ans. Elle sera donc amortie de 200/10 = 20 par an. On estime qu’elle va générer des flux de trésorerie (calculés par exemple à partir de redevances que génère la marque) de 40 par an sur ces dix ans. On considère un taux d’actualisation de 5 %. On se place fin N +4 (il reste 5 années à courir). La valeur brute de la marque est de 100 La valeur actuelle nette comptable de la marque est de 200 - (5 × 20) = 100

Sa valeur d’usage est de : 40 + 40/(1 + 0.05)1 + (40/(1 + 0.05)2 + 40/(1 + 0.05)3 + 40/(1 + 0.05)4 = 181.84 Étant donné que la valeur d’usage est supérieure à la valeur actuelle nette de la marque, il est inutile de la déprécier. (*) Les termes « valeur actuelle », « valeur d’usage » et « valeur vénale » utilisés par le PCG correspondent, respectivement, aux termes « valeur recouvrable », « valeur d’utilité » et « juste valeur » utilisés par la norme IAS 36. Dans le cas où la marque ne générerait pas de flux de trésorerie indépendants des entrées de trésorerie d’autres actifs, il est possible de la regrouper avec l’unité génératrice de trésorerie (UGT) à laquelle elle appartient. Une UGT est le plus petit groupe identifiable d’actifs qui génère des entrées de trésorerie indépendantes des entrées de trésorerie générées par d’autres actifs ou groupes d’actifs. On peut alors très bien ne pas déprécier la marque si l’ensemble n’a pas perdu de sa valeur.

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C’est ainsi que Danone calcule la valeur d’utilité sur la base des flux de trésorerie prévisionnels actualisés de l’UGT (ou du groupe d’UGT) à laquelle se rattachent les marques testées. Ces UGT représentent des filiales qui appartiennent à un même pôle d’activité et qui génèrent des flux de trésorerie nettement indépendants de ceux générés par d’autres UGT. Le tableau ci-dessous indique que Danone a retenu des UGT pour les pôles « Produits laitiers frais », « Eaux », « Nutrition infantile » et « Nutrition médicale ». La valeur recouvrable est déterminée, soit sur la base de multiples de résultats observés dans le secteur, soit sur la base de flux de trésorerie prévisionnels actualisés pour l’UGT considérée. Tableau 11.2 Groupe d’UGT définis par le groupe Danone pour suivre la valeur des goodwill et marques à durée de vie indéterminée

(1) L’UGT Danone CIS comprend principalement la Russie et l’Ukraine. (2) L’UGT Europe du Sud comprend l’Espagne, l’Italie, le Portugal et les Canaries. (3) Plus de 20 UGT dont les principales sont les UGT États-Unis et Afrique du Sud dont la valeur des goodwill et des immobilisations incorporelles à durée de vie indéterminée s’élève respectivement à 89 et 118 millions d’euros au 31 décembre 2011. (4) Comprend notamment l’UGT Eaux Asie pour 144 millions d’euros. (5) Ces multiples sont obtenus sur la base de la moyenne des transactions du secteur concerné observées depuis 2005. (6) Pour les UGT dont la valeur recouvrable est déterminée sur la base de la valeur d’utilité. Source : Document de référence Danone 2011.

3 La « juste valeur » de la marque

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Appliquer un test de dépréciation amène à se poser des questions sur la « juste valeur » de la marque. Nous nous attacherons, dans ce dernier point, à expliciter cette notion.

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Qu’est-ce que la « juste valeur » d’une marque ? C’est bien là toute la difficulté… Son développement repose sur une définition de l’actif ne s’appuyant plus seulement sur le droit de propriété, mais sur le potentiel de richesse de l’entreprise. Plus précisément, deux types de valeur co-existent sous le terme « juste valeur » : la valeur de marché (mark to market), censée être une valeur « objective » observée ; la valeur estimée (mark to model) résultant d’un calcul comptable, sur la base d’une actualisation de flux de revenus. Figure 11.2 Les deux faces de la juste valeur

Selon le référentiel international (IAS 38), la juste valeur peut être mesurée de manière fiable s’il existe un prix de marché fourni par référence à un marché actif. Pour qu’un marché soit considéré comme actif, il doit satisfaire trois conditions : c’est un marché sur lequel les éléments négociés sont homogènes ; des acheteurs et des vendeurs consentants peuvent être trouvés à tout moment ; les prix sont disponibles au public (IAS 38, §8).

Il n’existe toutefois pas de marché actif pour les marques du fait de leur spécificité. En effet, les transactions ne sont ni fréquentes, ni comparables. Par ailleurs, les éléments clés de la négociation ne sont généralement pas communiqués.

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Exemple 11.6 – L’estimation de la juste valeur des marques de Belvédère : Sobieski Marie Bizard et William Peel

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Au cours l’année 2012, Belvédère, en redressement judiciaire, avait envisagé de céder l’une de ses trois marques phares : Sobieski (N°1 de la vodka en Pologne), les liqueurs Marie Brizard, ou encore William Peel, (le Scotch Whisky N°1 en France). Créée il y a une quinzaine d’années, Sobieski a réussi à se hisser au 7e rang des vodkas de haute gamme au niveau mondial. Elle est également la plus vendue en Pologne. Sobieski, marque créée par l’entreprise, ne figure dans les états financiers du groupe Belvédère. Pour autant Belvédère espérait en retirer des centaines de millions alors même que le montant de son dernier chiffre d’affaires connu s’élevait à 56.6 millions d’euros (source : Les Échos 27/02/2012). Cette valeur de vente estimée représente précisément la juste valeur de la marque. L’offre maximale n’a finalement été que de 40 millions d’euros pour la marque Sobieski, de 80 millions d’Euros pour la marque William Peel et a oscillé entre entre 80 et 93 millions d’Euros pour le périmètre Marie Brizard (source interne, document remis à la presse). Ces offres sont apparues fortement décotées, ne reflétant pas la valeur réelle de marché des goodwills et des marques, leur juste valeur en l’occurrence. La direction a jugé, en effet, qu’elles ne correspondaient pas à des offres qui auraient pu être présentées dans le cadre d’un processus classique de cession (p. 56 du document de référence 2012). Cette position a été confirmée par le tribunal de commerce de Dijon, qui les a, à ce titre, rejetées. Finalement, compte tenu de la faible valeur proposée pour ces trois marques, aucune n’a été cédée.

Le prix de marché n’existant pas pour une marque, sa valeur doit se fonder sur la meilleure estimation possible du prix que l’entreprise aurait payé pour l’actif. Ce prix doit alors refléter une transaction entre un acheteur et un vendeur bien informés, consentants et agissant dans des conditions de concurrence normale (arm’s length transaction). La méthode des cash-flows actualisés (ou flux nets de trésorerie futurs) générés par l’actif est une des méthodes préconisées. De nombreux groupes affirment également s’aider de consultants spécialisés dans l’évaluation des marques. Une fois les marques reconnues au bilan d’une entreprise, il faut régulièrement suivre leur valeur dans le temps. L’évaluation d’une marque (cf. Chapitre 12) et le contrôle interne de cette valeur

(Chapitre 13) sont donc des étapes primordiales, indissociables de sa reconnaissance dans les états financiers de l’entreprise. Elles sont explicitées dans les chapitres qui suivent.

L’essentiel

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Les marques peuvent figurer dans les états financiers sous certaines conditions. On peut trouver leur trace à l’actif du bilan ou encore dans les informations fournies par l’annexe des comptes. Généralement, ces marques figurent dans les états financiers dans une rubrique générale englobant d’autres immobilisations incorporelles. Seules les marques acquises peuvent figurer à l’actif et à la double condition d’être considérées comme des actifs distinctement du goodwill et que leur valeur puisse être évaluée de manière fiable. Une fois ces marques reconnues, il s’agit de savoir si elles doivent être amorties sur une durée d’utilisation finie ou si, au contraire, elles ont une durée de vie indéterminée, ce qui nécessite un test de dépréciation annuel en cas de perte de valeur. Toute la difficulté consiste à déterminer leur « juste valeur ».

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Questions de réflexion

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1 ■ Comment distinguer les marques à durée d’utilisation finie des marques à durée d’utilisation indéterminée ? 2 ■ Comment appréhender la valeur extra-comptable des marques, celle qui ne peut pas figurer dans les comptes de l’entreprise ? 3 ■ Où faire figurer les informations sur les marques ? Devraient-elles figurer dans un rapport à part au même titre que les rapports « développement durable » ?

Section 4

BIBLIOGRAPHIE

[1] Conseil national de la comptabilité, « Les marques, un actif pour l’entreprise ? », Rapport de synthèse sur la comptabilisation et l’évaluation des marques développées de manière interne, doc n °94, ministère de l’économie et des finances, 1992. [2] Comité de réglementation comptable, « Règlement n° 99-02 relatif aux comptes consolidés

des sociétés commerciales et entreprises publiques », avril 1999. La version actualisée se trouve sur le site de l’Autorité des Normes Comptables. http://www.anc.gouv.fr/sections/normes_privees/reglements/reglements_1999/reg1999_02_modifie/d nocache=1319638434.32

[3] Comité de réglementation comptable, « Règlement n° 99-03 relatif au Plan Comptable Général », avril 1999. La version actualisée se trouve sur le site de l’Autorité des Normes Comptables http://www.anc.gouv.fr/sections/normes_privees/plans_comptables/plan_comptable/downloadFile/fil nocache=1256807128.81 [4] FARJAUDON A. L., « Les enjeux de la valorisation des marques », dans Dauphine Recherche en Management (dir), L’État des entreprises 2013, 77-88, 2012. [5] International Accounting Standards Board, « IAS 38 Immobilisations incorporelles », décembre 2004.

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[6] International Accounting Standards Board, « IAS 36 Dépréciations d’actifs », décembre 2004. [7] International Accounting Standards Board, « IFRS 3 Regroupements d’entreprises », juin 2009.

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[8] International Accounting Standards Board, « IFRS 13 Evaluation de la juste valeur », décembre 2012.

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[9] WALLISER E., « Comptabilité des marques », dans B. Colasse (dir.), Encyclopédie de Comptabilité, Contrôle de gestion et Audit, Economica, 321-332, 2009. [10] WALLISER E., « La Mesure comptable des marques à l’heure de l’intégration européenne », Comptabilité-Contrôle-Audit, tome 5, vol. 2, 47-60, 1999. [11] WALLISER E., La mesure comptable des marques, Vuibert, Paris, 2001. [1]

Document de référence 2011, p. 85 .

[2]

Document de référence 2011, p. 131.

[3]

Document de référence 2011, p. 122.

Chapitre

12

Les méthodes d’évaluation financière des marques Edouard CHASTENET

OBJECTIFS

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Expliquer dans quel contexte les entreprises doivent évaluer leurs marques. Comprendre le lien entre marques et performance financière au travers des méthodes qui permettent de mesurer leur contribution aux résultats générés par les entreprises. Clarifier les approches susceptibles d’être mises en œuvre pour déterminer la valeur financière d’une marque en tant qu’actif séparable de l’entreprise.

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SOMMAIRE Pourquoi évaluer une marque ?

Comment déterminer les flux de revenus attribuables à une marque ? Comment déterminer la valeur financière d’une marque ?

Le concept de capital marque (ou brand equity, selon la terminologie anglo-saxonne) a été développé à partir des années 1980 alors que dirigeants d’entreprises et actionnaires prennent de plus en plus conscience que la notoriété et l’image des marques sont devenues des actifs stratégiques générateurs d’avantages économiques futurs. La valeur du capital marque se mesure dès lors autant du point de vue des consommateurs (cf. Chapitre 8) que du point de vue des entreprises. Indissociables des biens ou des services dont elles constituent le signe distinctif les marques contribuent ainsi de manière croissante aux résultats générés par les entreprises et leur évaluation apparaît nécessaire dans de nombreux contextes. Pourquoi évaluer une marque ? Comment déterminer les flux de revenus attribuables à une marque ? Comment déterminer la valeur financière d’une marque ? Ce chapitre a pour objectif

d’expliciter le lien entre marques et performance financière au travers des méthodes applicables pour déterminer les flux de revenus qui leur sont attribuables. Ce chapitre présente par ailleurs les approches susceptibles d’être mises en œuvre pour déterminer la valeur financière d’une marque en tant qu’actif séparable de l’entreprise.

Section 1

POURQUOI ÉVALUER UNE MARQUE ?

1 Les marques, sources d’avantages économiques

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Dans sa norme consacrée aux méthodes d’évaluation des marques, l’ISO [3] définit la marque comme un « actif incorporel de nature mercatique (marketing) qui regroupe notamment les noms, les termes, les signes, les symboles, les logos, le design, ou une combinaison de ces éléments, dans le but d’identifier des biens, des services ou des entités, ou une combinaison de ceux-ci, en créant des images et associations qui les distinguent de façon qu’ils soient ancrés dans l’esprit des parties prenantes[1], générant ainsi des avantages économiques/de la valeur ».

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Cette définition permet de faire le lien entre le droit de propriété intellectuelle que constitue la marque (cf. Chapitre 14), son rôle du point de vue des consommateurs (cf. Chapitre 8) et sa valeur financière, objet du présent chapitre. Cette valeur est la résultante des avantages économiques générés par la marque au bénéfice de l’entreprise qui l’exploite ou qui la contrôle. La norme ISO précise que ces avantages économiques « doivent correspondre à la différence entre les flux de trésorerie générés par l’entreprise qui détient la marque à évaluer et les flux de trésorerie générés par une entreprise ne détenant pas la marque ». Dans cette perspective, les méthodes d’évaluation financière des marques ont pour objectif de mesurer ces avantages économiques.

Focus 12.1 La norme ISO sur les méthodes d’évaluation financière des marques La norme « ISO 10668 - Évaluation d’une marque – Exigences pour l’évaluation monétaire d’une marque » trouve son origine dans les besoins croissants exprimés en matière d’évaluation et une certaine hétérogénéité observée dans les pratiques. Publiée en 2010, son ambition est de proposer un référentiel commun applicable dans la plupart des contextes d’évaluation, transactionnel, comptable, managérial ou fiscal.

La norme propose ainsi un cadre méthodologique complet pour l’évaluation des marques comprenant : la définition des objectifs et des termes utiles pour l’évaluation ; la description des approches et des méthodes applicables ; la présentation des données nécessaires à la mise en oeuvre de ces méthodes ; la description des éléments devant être contenus dans un rapport d’évaluation.

2 L’évaluation des marques dans différents contextes

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Compte tenu de leur contribution économique croissante aux résultats générés par les entreprises, l’évaluation financière des marques apparaît aujourd’hui nécessaire dans différents contextes souvent liés entre eux : Transactionnel. Les marques font l’objet de transactions de plus en plus fréquentes, par le biais de contrats de licence ou d’opérations de fusions et acquisitions dont elles peuvent constituer la principale motivation stratégique. Des marques sous-exploitées peuvent par exemple constituer des opportunités de valorisation pour les cédants et de croissance externe pour les acquéreurs ; Comptable. Selon les normes comptables françaises et IFRS applicables aux comptes consolidés[2], les marques acquises dans le cadre de ces opérations de rapprochement d’entreprise [2] doivent être comptabilisées à leur juste valeur, séparément du goodwill, en tant qu’actifs incorporels séparables. Une fois comptabilisées, les marques acquises doivent ensuite faire l’objet de tests de dépréciation [1] réguliers afin de s’assurer qu’elles n’ont pas perdu de valeur (cf. Chapitre 11). Managérial. Du point de vue de leur pilotage, le rôle de plus en plus important des marques dans la création de valeur, qu’elles aient été acquises ou générées en interne, rend nécessaire la mise en œuvre d’outils de pilotage nécessairement fondés sur des indicateurs de mesure de leur performance financière (cf. Chapitre 13) ; Fiscal. Pour les groupes ayant un développement international, la localisation de leurs actifs incorporels devient de plus en plus structurante pour leur organisation et la définition de leur politique de prix de transfert. Sont ainsi concernés les cessions ou les contrats de licence de marques intragroupe. Dans ce cadre fiscal, les méthodes d’évaluation doivent exprimer le principe de pleine concurrence, standard international retenu par l’OCDE [5] et par la plupart des administrations fiscales, selon lequel une transaction intragroupe doit avoir lieu dans les mêmes conditions de prix ou de taux que celles qui auraient prévalu si les deux parties à la transaction avaient été indépendantes. Figure 12.1 Contextes d’évaluation financière des marques

Quel que soit le contexte et que ce soit pour déterminer la valeur d’utilité, la juste valeur ou le prix de transaction d’une marque ou encore le taux de redevances qui lui serait applicable dans le cadre d’un contrat de licence, la détermination des flux de revenus qui sont attribuables à la marque est un préalable à toute évaluation.

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Section 2

COMMENT DÉTERMINER LES FLUX DE REVENUS ATTRIBUABLES À UNE MARQUE ?

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Dans la pratique il existe trois méthodes applicables pour déterminer les flux de revenus attribuables à une marque : la méthode des différentiels de marge, fondée sur la mesure directe des avantages économiques procurés par la marque ; la méthode des surprofits, fondée sur l’analyse de la contribution de la marque aux résultats générés par l’entreprise qui l’exploite ; la méthode des redevances, fondée sur la comparaison avec les taux de redevances qui sont pratiqués sur le marché pour des marques comparables. Dès lors que ces méthodes ou ces techniques peuvent présenter des limites, notamment en ce qui concerne la disponibilité ou la fiabilité des données nécessaires à leur mise en œuvre, il est en général recommandé d’en appliquer au moins deux afin de s’assurer de la cohérence des résultats obtenus.

1 La mesure directe des avantages économiques procurés par la marque L’objectif est ici d’identifier et de mesurer le plus directement possible les avantages économiques procurés par la marque et, en particulier, le différentiel de prix ou de volume dont peut bénéficier une entreprise sur la vente des biens ou des services qu’elle commercialise sous sa propre marque, par comparaison avec des biens ou des services similaires mais commercialisés sans marque. Ce différentiel est susceptible d’être observé dès lors que les consommateurs expriment une

disposition à payer un prix plus élevé[3] ou une préférence pour les produits de la marque, par ailleurs confirmée par leur comportement d’achat. La méthode des différentiels de marge fondée sur la technique de la prime de prix net (ou price premium) peut être appliquée dès lors que l’entreprise commercialise elle-même des produits avec et sans marque. C’est le cas par exemple pour les biens de grande consommation où un producteur peut à la fois fournir des produits commercialisés sans marque – destinés aux « premiers prix » ou aux « marques de distributeur » – et des produits commercialisés sous sa propre marque. L’entreprise est alors capable de mesurer le différentiel de prix de vente dont elle bénéficie du fait de la marque par comparaison entre ces deux catégories de produits.

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Pour déterminer les flux de revenus attribuables à la marque à partir de cette technique, la comparaison des prix de vente doit toutefois s’effectuer après déduction d’un certain nombre de coûts : l’ensemble des rabais, remises et ristournes qui viennent grever le prix de vente net de ces produits (dit « triple net ») ; le différentiel de coût de revient entre ces produits (lié à leur packaging, à leur qualité ou à leur volume de conditionnement) ; les frais de promotion spécifiques (marketing et publicité) de la marque qui peuvent représenter des montants très significatifs.

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Si sa comptabilité analytique le permet, l’entreprise peut directement mesurer ce différentiel de prix net sous la forme d’un différentiel de marge nette, en comparant la marge de ses activités « premiers prix », « marques de distributeurs » et « marque propre » [4] : Différentiel de marge nette attribuable à la marque = différentiel de prix de vente (après rabais, remises et ristourne) – différentiel de coût de revient (packaging, qualité, volume) – frais de promotion spécifiques de la marque Exemple 12.1 – Application de la méthode des différentiels de marge pour déterminer les flux de revenus attribuables à la marque X La marque X désigne des produits alimentaires élaborés, fabriqués par l’entreprise Y et commercialisés en GMS (grandes et moyennes surfaces). La comptabilité analytique de l’entreprise Y fait ressortir :

un différentiel de prix de vente « triple net » d’environ 0,84 €/kg entre les produits qu’elle commercialise sans marque (soit un prix moyen de 2,76 €/kg) et ceux qu’elle commercialise sous sa propre marque (soit un prix moyen de 3,60 €/kg) [5] ; un différentiel de coût de revient de 0,53 €/kg entre ces deux catégories de produits (celui-ci s’explique notamment par des surcoûts liés au packaging, à la qualité et au volume de conditionnement des produits de la marque). Le différentiel de prix de vente net attribuable à la marque, après déduction de ce différentiel de coût de revient, s’établirait dès lors à 0,31 €/kg (0,84 – 0,53 = 0,31 €/kg), représentant ainsi environ 8,5 % du prix de vente des produits que l’entreprise

commercialise sous sa propre marque (0,31 / 3,60 = 8,5 %). Les frais de promotion spécifiques à la marque représentent par ailleurs 5 % du chiffre d’affaires réalisés sur ces produits (ces frais sont inexistants sur le périmètre des produits sans marque).

Les techniques fondées sur la mesure directe des avantages économiques procurés par la marque sont souvent difficiles à mettre en œuvre car elles supposent l’existence de biens ou services réellement comparables mais néanmoins commercialisés sans marque.

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Tableau 12.1 Détermination des flux de revenus attribuables à la marque par la méthode des différentiels de marge

(*) Prix de vente / Chiffre d’affaires - marque propre

Selon la méthode des différentiels de marge fondée sur la technique de la prime de prix net, les flux de revenus attribuables à la marque X s’établiraient ainsi à 3,5 % du chiffre d’affaires de la marque (8,5 % – 5 % = 3,5 %).

2 L’analyse de la contribution de la marque aux résultats générés par l’entreprise L’objectif est ici d’analyser la contribution de la marque aux résultats générés par l’entreprise. Dans cette perspective il convient de mesurer dans un premier temps les surprofits générés par l’entreprise, soit la part de son résultat opérationnel courant qui excède le coût des capitaux permanents nécessaires à son exploitation. Pour qu’il y ait création de valeur, cet excédent doit être positif. Les surprofits correspondent alors aux flux de revenus attribuables à l’ensemble des actifs immatériels déployés par l’entreprise pour réaliser ses activités et qui, pour la plupart, ne sont pas comptabilisés (en particulier ses marques, ses brevets et son savoir-faire…). Pour déterminer les

surprofits de la marque, l’entreprise doit disposer d’une comptabilité analytique lui permettant de reconstituer un compte d’exploitation complet (compte de résultat et bilan) pour ses activités réalisées sous la marque (en dissociant, par exemple, ses activités « premiers prix », « marques de distributeurs » et « marque propre »).

Focus 12.2 La mesure des surprofits de la marque

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Les surprofits après impôts de la marque (SP) peuvent être calculés à partir des états financiers de l’entreprise ou de sa comptabilité analytique selon la formule suivante : SP = ROC × (1 – t %) – c % × CPNE avec : SP = Surprofits après impôts ROC = Résultat opérationnel courant correspondant au périmètre de la marque t % = Taux d’impôt sur les sociétés CPNE = Capitaux permanents nécessaires à l’exploitation de la marque (soit le total de ses immobilisations corporelles et de son besoin en fonds de roulement) c % = Coût moyen pondéré du capital[6] Les surprofits avant impôts de la marque (SP’) peuvent être calculés à partir d’une formule dérivée de la précédente : SP’ = ROC – c % / (1 – t %) × CPNE Il convient ensuite de déterminer une technique de répartition des surprofits entre ceux qui sont attribuables à la marque et ceux qui sont attribuables aux autres actifs immatériels déployés par l’entreprise en fonction de leur poids relatif dans la création de valeur. La méthode des surprofits fondée sur la technique des surprofits partagés (ou profit split) peut être appliquée selon deux approches complémentaires : La première se focalise sur les critères de décision des consommateurs en répartissant les surprofits attribués à la marque en fonction de l’importance relative de la notoriété et de l’image de la marque par rapport au prix, aux fonctionnalités ou à la qualité réelle des produits. Cette approche nécessite la réalisation d’études marketing quantitatives afin d’apprécier le poids relatif de ces différents critères dans la décision d’achat des individus ; La deuxième se focalise sur les facteurs clés de succès de l’entreprise en affectant à chacun d’eux une part des surprofits en fonction de leur contribution aux résultats générés par celle-ci. Cette approche nécessite la réalisation d’analyses fonctionnelles permettant d’identifier et de mesurer le poids relatif des actifs immatériels déployés par l’entreprise afin de satisfaire aux attentes du marché (ses marques, ses brevets, son savoir-faire…). Exemple 12.2 – Application de la méthode des surprofits pour déterminer les flux de revenus attribuables à la marque

X Pour le périmètre des produits commercialisés sous sa propre marque X, l’entreprise Y anticipe un résultat opérationnel courant de 10 m€ pour un chiffre d’affaires de 100 m€ au 31 décembre de l’exercice N +1 (soit une profitabilité de 10 % en légère amélioration par rapport à l’exercice N). Le résultat opérationnel de la marque s’établirait ainsi à 6,6 m€ après impôts, soit : 10 m€ × (1-34 %). Les capitaux permanents nécessaires à son exploitation représentent environ 20 m€ (soit le total des immobilisations et du besoin en fonds de roulement d’exploitation correspondant au périmètre de la marque). Le coût de ces capitaux s’établirait dès lors à 2 m€ après impôts, soit 2 m€ × 10 % (ce taux correspond au coût moyen pondéré du capital de l’entreprise). Les surprofits après impôts de la marque s’élèveraient ainsi à 4,6 m€, soit 6,6 m€ – 2 m€. Calculés avant impôts ces surprofits représenteraient 7 m€, soit 4,6 m€ / (1-34 %). Dès lors que les produits concernés sont des biens alimentaires élaborés pour lesquels la marque correspond à l’un des principaux critères de décision d’achat des consommateurs et l’un des principaux facteurs de succès de l’entreprise sur son segment de marché, il n’est pas incohérent de considérer qu’environ 50 % de ces surprofits seraient attribuables à la marque, soit environ 3,5 m€ (50 % × 7 m€).

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Tableau 12.2 Détermination des flux de revenus attribuables à la marque par la méthode des surprofits

Selon la méthode des surprofits, les flux de revenus attribuables à la marque X s’établiraient ainsi à 3,5 % du chiffre d’affaires de la marque (3,5 / 100 m€).

3 La comparaison avec les taux de redevances pratiqués sur le marché pour des marques comparables L’objectif est ici d’identifier des contrats de licences portant sur des marques comparables, c’està-dire désignant des biens ou des services similaires, et dont les taux de redevance ont été rendus publics. La méthode des redevances (ou relief from royalty) repose sur le principe selon lequel les flux de revenus attribuables à la marque correspondent aux redevances auxquelles celle-ci pourrait prétendre si celle-ci était concédée sous licence à un tiers.

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Il existe deux techniques pour identifier des contrats de redevances portant sur des marques comparables : L’entreprise peut elle-même concéder sa marque sous licence à des tiers et dispose dès lors de taux de redevances directement exploitables. Il est possible de consulter des bases de données spécialisées dans la collecte d’informations externes relatives aux caractéristiques de contrats de licence conclus entre des parties indépendantes et dont le taux de redevances ont été rendus publics[7].

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Exemple 12.3 – Application de la méthode des redevances pour déterminer les flux de revenus attribuables à la marque X L’entreprise Y consulte une base de données spécialisée afin de se procurer les références de contrats de licence portant sur des marques comparables à la marque X – c’est-à-dire désignant des produits alimentaires élaborés et commercialisés en GMS. Cette base de données archive les principales caractéristiques de contrats de licence qui ont été rendus publics et en particulier : le nom de la marque et la catégorie de produits qu’elle désigne, le nom et le secteur d’activités des parties au contrat, les taux de redevance appliqués. Dans les contrats identifiés, les licenciés assument en général la promotion locale des produits qu’ils fabriquent et donc de la marque. Les taux de redevances sont appliqués au chiffre d’affaires réalisé par ces producteurs avec leurs distributeurs. Les taux de redevances des contrats de licence ainsi identifiés sont compris entre 2 et 5 % du chiffre d’affaires, autour d’un taux médian de 3,5 %.

Tableau 12.3 Détermination des flux de revenus attribuables à la marque par la méthode des redevances

(*) RoyaltySource®

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Selon la méthode des redevances, les flux de revenus attribuables à la marque X s’établiraient ainsi à 3,5 % du chiffre d’affaires de la marque.

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Les taux de redevances pratiqués sur le marché sont généralement compris dans une échelle allant de 1 % à 10 % selon la catégorie des biens ou services concernés [6]. Ces taux sont en général plus élevés dans le luxe et le très haut de gamme - c’est-à-dire généralement supérieurs à 5 % - et plus faibles pour les marques de biens de grande consommation - c’est-à-dire généralement inférieurs à 5 %. Les taux de redevances appliqués pour les biens d’équipement de la personne ou de la maison ainsi que les biens alimentaires les plus élaborés s’établissent pour leur part à des niveaux intermédiaires. Ces taux sont relativement homogènes au sein d’un secteur mais demeurent variables selon la notoriété de la marque X, le niveau de rentabilité des entreprises qui les exploitent, et le niveau de gamme des produits. Les flux de revenus attribuables à la marque, déterminés par application des différentes méthodes ou techniques décrites dans cette section sont généralement exprimés en pourcentage du chiffre d’affaires de la marque afin de les rendre comparables. Si les taux ainsi obtenus apparaissent cohérents, c’est-à-dire compris dans une fourchette raisonnable, ils peuvent être ensuite utilisés comme référence pour déterminer le taux de redevances qui lui serait applicable si la marque devait être concédée sous licence.

Section 3

COMMENT DÉTERMINER LA VALEUR FINANCIÈRE D’UNE MARQUE ?

1 Les différentes approches possibles pour évaluer une marque

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Il est généralement admis qu’il existe trois approches possibles pour évaluer un actif incorporel séparable de l’entreprise [4, 7] et en particulier une marque [3] : L’approche par les coûts fait référence aux coûts historiques engagés pour le développement et la promotion de la marque ou à ceux qui devraient l’être pour recréer une marque comparable (avec la même notoriété et la même image). Mise à part pour des marques très récentes, il est cependant difficile d’apprécier le juste rapport entre les coûts engagés ou à engager et la valeur d’une marque. L’approche par les revenus consiste à déterminer puis actualiser les avantages économiques attendus de l’exploitation de la marque sur sa durée de vie économique attendue, en d’autres termes les flux de revenus qui lui sont raisonnablement attribuables. L’approche par les références du marché nécessite l’identification de transactions récentes portant sur des marques réellement comparables et dont le prix a été rendu public. Faute de transactions suffisamment nombreuses portant sur des marques isolées, cette approche est rarement mise en œuvre pour l’évaluation de marques. L’approche par les revenus étant de loin la plus répandue, celle-ci fait l’objet d’un développement particulier dans cette section. Selon cette approche, et à l’instar de tout actif, la valeur d’une marque est par définition égale à la valeur actuelle des flux de revenus futurs qui lui sont attribuables. Figure 12.1 Approches et méthodes d’évaluation financière des marques

2 Les paramètres nécessaires pour l’évaluation d’une marque

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Des lors que les flux de revenus attribuables à la marque ont été déterminés et exprimés en pourcentage du chiffre d’affaires de la marque, il convient d’estimer les autres paramètres nécessaires à son évaluation : Le chiffre d’affaires prévisionnel de la marque, permettant la projection des flux de revenus qui lui sont attribuables sur un horizon généralement décomposé en deux périodes de 3 à 5 ans : la première correspond à celle du plan d’affaires de la marque, établi en fonction de ses perspectives de développement spécifique (cf. Chapitre 13), la seconde correspond à celle des projections complémentaires qui sont réalisées afin de tenir compte de son potentiel de croissance ultime sur le marché. Le taux d’impôt applicable à la marque, dès lors que les flux de revenus qui lui sont attribuables sont imposés au même titre que l’ensemble des bénéfices générés par l’entreprise (dans certains pays les redevances de marques peuvent néanmoins bénéficier d’un taux d’impôt réduit). La durée de vie économique attendue de la marque, permettant de définir l’horizon de projection de ces flux de revenus : cet horizon est souvent considéré comme infini, les marques ayant en général une durée de vie illimitée, sauf si elles désignent des biens ou des services en fin de cycle ou ayant par nature une durée de vie limitée. Le taux de croissance à long terme de la marque, devant être considéré au-delà de l’horizon de projection des flux de revenus qui lui sont attribuables, c’est-à-dire à l’infini si de sa durée de vie économique est illimitée : ce taux est en général limité aux perspectives de croissance de l’économie ou au taux d’inflation à long terme. Le taux d’actualisation applicable à la marque, qui correspond au taux de rendement exigé sur le marché pour un placement réalisé dans un actif présentant des perspectives de rendement et un risque similaire à la marque. Ce taux est en général proche du coût moyen pondéré du capital de l’entreprise qui l’exploite.

3 L’évaluation financière d’une marque par capitalisation des flux de revenus qui lui sont attribuables Dès lors que la durée de vie économique d’une marque est illimitée (ce qui signifie des perspectives à l’infini) et que le taux d’impôt, le taux de croissance à long terme et le taux d’actualisation sont déterminés, la valeur actuelle des flux de revenus futurs attribuables à la marque peut être obtenue directement par capitalisation de ces flux. Cette technique s’applique si l’entreprise ne dispose pas de plan d’affaires traduisant des perspectives de développement spécifiques pour la marque.

Focus 12.3 L’évaluation financière d’une marque par capitalisation

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Selon la méthode des flux de trésorerie actualisés, la valeur d’une marque est égale à la valeur actuelle des flux de revenus futurs qui lui sont attribuables. Dès lors que la durée de vie d’une marque est illimitée, autrement dit que ses perspectives de revenus sont infinies, cette valeur peut être calculée par application de la formule suivante : VM = CA x r % × (1 – t %) × M avec : VM = valeur de la marque à la fin de l’exercice N (soit la valeur actuelle des flux de revenus futurs attendus de la marque) CA = chiffre d’affaires de la marque anticipé à la fin de l’exercice N +1 r % = flux de revenus attribuables à la marque exprimés en % du chiffre d’affaires de la marque t % = taux d’impôt sur les sociétés M = facteur de capitalisation correspondant à la valeur actuelle d’un flux de revenus croissant au taux constant g % à l’infini pour un taux d’actualisation de k % correspondant au coût moyen pondéré du capital de l’entreprise qui exploite la marque. Le facteur de capitalisation à l’infini est donné par la formule suivante : M = 1 / (k % – g %)

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Exemple 12.4 – Évaluation financière de la marque X par capitalisation des flux de revenus qui lui sont attribuables L’évaluation financière de la marque X est fondée sur les données et paramètres suivants : A) Détermination des flux de revenus attribuables à la marque

Flux de revenus attribuables à la marque en % du chiffre d’affaires : 3,5 % (ce taux moyen résulte de l’application de trois méthodes différentes – cf. section 2). Chiffre d’affaires anticipé de la marque : 100 m€ au 31 décembre de l’exercice N +1. Taux d’impôt sur les sociétés : 34 %. Compte tenu de ces trois paramètres, les flux de revenus attribuables à la marque s’établiraient à 3,5 m€ avant impôts, soit 3,5 % × 100 m€, et à 2,3 m€ après impôts, soit 3,5 m€ × (1 – 34 %). B) Détermination des autres paramètres de l’évaluation

Taux de croissance anticipé du chiffre d’affaires de la marque : 2 % par an (soit des perspectives limitées au taux d’inflation à long terme en l’absence de plan de développement spécifique). Taux d’actualisation des flux de revenus attribuables à la marque : 10 % (ce taux a été estimé par application de la formule du coût moyen pondéré du capital). Compte tenu de ces deux paramètres, le facteur de capitalisation applicable aux flux de revenus attribuables à la marque s’établirait à 12,5 × soit 1 / (10% – 2%). C) Détermination de la valeur de la marque La valeur de la marque correspond à la valeur actuelle des flux de revenus futurs attribuables à la marque. Si la marque a une durée de vie illimitée sa valeur (VM) peut être obtenue par capitalisation à l’infini des flux de revenus futurs qui lui sont attribuables, par application de la formule suivante :

VM = 3,5% × 100 m€ × (1 – 34 %) / (10% − 2%) = 2,3 m€ × 12,5 = 28,9 m€. Dans cette formule le montant de 2,3 m€ correspond aux flux de revenus attribuables à la marque (après impôts), le multiple de 12,5 x correspond au facteur de capitalisation de ces flux. Compte tenu des paramètres retenus, la valeur de la marque X s’établirait ainsi à environ 29 m€ au 31 décembre de l’exercice N. D) Analyse de sensibilité de la valeur de la marque aux principaux paramètres de l’évaluation Le tableau ci-dessous permet d’apprécier la sensibilité de cette valeur aux paramètres de l’évaluation présentant le plus d’incertitude : le niveau des flux de revenus attribuables à la marque exprimé en % du chiffre d’affaires (compris entre 3 % et 4 % selon les différentes méthodes mises en œuvre) et le facteur d’actualisation (compris entre 12,0 x et 13,0 x selon le coût moyen pondéré du capital et le taux de croissance attendu de ces flux).

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Analyse de sensibilité de la valeur de la marque aux flux de revenus qui lui sont attribuables et au facteur de capitalisation

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E) Conclusion sur la valeur de la marque En définitive, il est possible de conclure que la valeur de la marque X serait raisonnablement comprise entre 24 et 34 m€, autour d’une valeur centrale arrondie à 29 m€.

4 L’évaluation financière d’une marque par actualisation des flux de revenus futurs qui lui sont attribuables Une deuxième technique consiste à fonder l’évaluation de la marque sur son plan d’affaires afin de tenir compte de ses perspectives de développement spécifiques : les flux de trésorerie futurs attribuables à la marque sont alors déterminés à partir des prévisions de chiffre d’affaires et de résultats traduisant les meilleures estimations de l’entreprise quant aux perspectives de la marque sur son marché (développement de son réseau de distribution, de ses gammes de produits ou de sa présence à l’international). Les flux de revenus attribuables à la marque sont alors actualisés sur l’horizon de prévision du plan d’affaires éventuellement prolongé suivant des projections traduisant au mieux les perspectives à plus long terme de la marque[8].

Focus 12.4 Les modèles d’évaluation dits « propriétaires »

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De nombreuses sociétés de conseil ont développé leur propre modèle d’évaluation, en général fondé sur l’approche par les revenus [8]. Celle-ci consiste à estimer les flux de revenus attribuables à la marque puis à déterminer les paramètres applicables pour calculer leur valeur actuelle. Le plus souvent fondés sur la technique des surprofits partagés, les modèles proposés par ces sociétés de conseil ont pour objectif de sélectionner les critères les plus pertinents : pour estimer la part des surprofits attribuables à la marque. Ils s’appuient dans ce cas sur des indicateurs de mesure du rôle de la marque, apprécié du point de vue des consommateurs ou de l’entreprise ; pour déterminer le facteur de capitalisation le plus adéquat compte tenu des perspectives de développement et des risques spécifiques de la marque. Ils s’appuient dans ce cas sur des indicateurs de mesure de la force de la marque, appréciée par comparaison aux autres marques du marché (en particulier la notoriété et l’image de la marque ou sa part de marché). Certaines de ces sociétés, telles que Interbrand, Brand Finance, Millward Brown publient annuellement leur classement international des valeurs de marques estimées par application de leur modèle.

L’essentiel

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L’évaluation financière des marques, en tant qu’actifs séparables de l’entreprise, apparaît nécessaire dans de nombreux contextes : transactionnel, comptable, managérial et fiscal. Que ce soit pour déterminer la juste valeur ou le prix de transaction d’une marque ou encore le taux de redevance qui lui serait applicable dans le cadre d’un contrat de licence, la détermination des flux de revenus qui lui sont attribuables est un préalable à toute évaluation. Trois méthodes complémentaires peuvent être appliquées pour déterminer ces flux : La méthode des différentiels de marge a pour objectif de mesurer le plus directement possible les avantages économiques procurés par la marque, sous la forme d’un différentiel de prix, de volume ou de coût favorable à l’entreprise. La méthode des surprofits a pour objectif d’apprécier la contribution de la marque aux résultats générés pas l’entreprise, dès lors que celle-ci constitue à la fois l’un de ses facteurs clé de succès et l’un des critères de décision influençant les consommateurs dans leur décision d’achat. La méthode des redevances a pour objectif d’identifier des contrats de licence portant sur des marques comparables et permettant la comparaison avec les taux de redevances qui sont pratiqués sur le marché. Dès lors que ces méthodes ou ces techniques peuvent présenter des limites, il est en général recommandé d’en appliquer au moins deux afin de s’assurer de la cohérence des résultats obtenus. Selon le contexte de l’évaluation, certaines de ces méthodes sont souvent privilégiées (à l’instar de la méthode des redevances en fiscalité ou de la méthode des surprofits en management) et doivent, le cas échéant, être adaptées au cas par cas. La valeur financière d’une marque peut ensuite être déterminée par actualisation des flux de

revenus qui lui sont attribuables sur sa durée sa durée de vie économique. Cette valeur doit en définitive rendre compte de son rôle dans la création de valeur, mesurée tant du point de vue des consommateurs, au travers de sa notoriété et de son image, que du point de vue de l’entreprise, au travers de sa part de marché et de sa contribution aux résultats générés par celle-ci.

Questions de réflexion

BIBLIOGRAPHIE

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Section 4

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1 ■ Comment évaluer une marque désignant des biens d’équipement industriels (ex. Vallourec) ou des services destinés aux entreprises (ex. : Altran) ? 2 ■ Comment évaluer une marque entreprise (ex. : Danone) ? 3 ■ Comment mesurer l’impact d’une augmentation de la notoriété ou de l’image d’une marque sur les flux de revenus qui lui sont attribuables et par conséquent sur sa valeur financière ? 4 ■ Comment intégrer les paramètres utilisés pour déterminer les flux de revenus qui lui sont attribuables dans un tableau de bord à destination du responsable de la marque ?

[1] International Accounting Standards Board (IASB), « IAS 36 – Dépréciations d’actifs », 2005. [2] International Accounting Standards Board (IASB), « IFRS 3 Révisée – Regroupements d’entreprises », 2008. [3] International Organization for Standardization (ISO), « ISO 10668 – Évaluation d’une marque – Exigences pour l’évaluation monétaire d’une marque », 2010. [4] International Valuation Standards Council (IVSC), « Guidance Note No 4 – Valuation of Intangible Assets », 2010. [5] Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), « Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales », 2010. [6] PLASSERAUD Y., DEHAUT M., PLASSERAUD C., Marques – Création, valorisation, protection, Éditions Francis Lefèbvre, 1994. [7] REILLY R.F., SCHWEIHS R.P., Valuing Intangible Assets, McGraw Hill, 1999.

[8] SALINAS G., The International Brand Valuation Manual, Wiley, 2009. [9] THAUVRON A., Évaluation d’entreprise, Economica, 2005. [1]

La norme désigne par partie prenante « toute personne (physique ou morale) dont le processus de décision peut être influencé par la marque », étant précisé que « le consommateur est généralement considéré comme une partie prenante de même que les fournisseurs, les employés, les employés potentiels, les leaders d’opinion, les actionnaires et les investisseurs ». [2]

Cf. IASB (2005, 2008).

[3]

Une bouteille de 70 cl de vodka de grande marque est commercialisée au prix moyen de 15 € (ex. Smirnoff), à comparer au prix de vente moyen d’une bouteille de vodka de marque de distributeur, de l’ordre de 10 € (ex. Dworakoff). Les consommateurs sont donc disposés à payer un différentiel de prix de 5 € pour une vodka de grande marque. [4]

Selon cette approche, il serait également possible de comparer la marge nette de l’entreprise exploitant la marque à celle d’entreprises concurrentes mais ne disposant pas de marque pour mesurer ce différentiel. [5]

Il est précisé qu’il s’agit de prix de vente du producteur aux distributeurs et non de prix de vente du distributeur aux consommateurs finals. [6]

Le coût moyen pondéré du capital correspond au taux de rendement moyen pondéré exigé par les actionnaires et créanciers financiers sur les fonds qu’ils ont investis dans l’entreprise [9]. [7]

Cf. www.royaltysource.com par exemple.

[8]

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La valeur actuelle des flux de revenus attribuables à la marque à l’issue de cette période de projections complémentaires, soit la valeur terminale de la marque, est obtenue par application d’un facteur de capitalisation à l’infini (cf. Focus 12.3).

Chapitre

13

L’influence de l’évaluation sur le pilotage des marques Anne-Laure FARJAUDON

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Comprendre les implications de la comptabilisation d’une marque sur son pilotage. Expliquer en quoi la comptabilisation des marques bouscule les relations entre marketing et contrôle de gestion. Identifier les limites de la comptabilisation des marques dans les états financiers.

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Quels sont les enjeux de la comptabilisation d’une marque dans les états financiers ? Quels sont les intérêts d’évaluer une marque ? Quelles sont les limites de la comptabilisation des marques ?

En mars 2011, le groupe LVMH acquiert le joaillier de luxe Bulgari pour 4,3 milliards d’euros, ce qui correspond à quatre fois le chiffre d’affaires de Bulgari ou 86 fois le résultat net de la société en 2010 [4]. Cet exemple parmi d’autres atteste du poids considérable des marques dans les opérations de fusions et d’acquisitions qui se sont accélérées depuis le début des années 2000. La différence entre la valeur comptable et le montant de la transaction s’explique par l’importance de l’immatériel et notamment des marques, souvent absentes des états financiers [5]. Les montants considérables pour lesquels les marques s’échangent sont venus renforcer l’intérêt porté à la valeur financière des marques qui étaient jusque-là une préoccupation qui relevait davantage des spécialistes du marketing. Les normes IFRS, en application depuis 2005, autorisant dans certains cas la comptabilisation des marques dans les états financiers (cf. Chapitre 11) ont également accéléré cette prise de

conscience de l’importance des marques du point de vue de la finance, d’autant que désormais toutes les marques qu’elles soient inscrites ou non au bilan peuvent faire l’objet d’une évaluation pertinente et fiable (cf. Chapitre 12). Quelles sont les implications managériales sur le pilotage des marques qui sont comptabilisées ? Faut-il un suivi spécifique de ces marques ? Quelles sont les conséquences auprès des parties prenantes externes ? Autant de questions que soulève la comptabilisation des marques et plus largement la valorisation financière des marques. Ces questions sont d’autant plus pertinentes que l’entreprise détient un important portefeuille de marques. Ce chapitre présente dans un premier temps les implications de la comptabilisation d’une marque sur son pilotage, puis il étudie le cas des marques qui ne seraient pas au bilan. Enfin, la troisième section développe les limites de la comptabilisation des marques dans les états financiers.

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Section 1

QUELS SONT LES ENJEUX DE LA COMPTABILISATION D’UNE MARQUE DANS LES ÉTATS FINANCIERS ?

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Selon la norme IAS 38 relative aux immobilisations incorporelles, certaines conditions peuvent amener les entreprises à comptabiliser les marques au bilan, en particulier lors de l’acquisition d’une marque de façon isolée (ce qui est rarement le cas) ou lors d’un regroupement d’entreprises : les marques doivent être source d’avantages économiques futurs et leur coût doit être estimé de manière fiable (cf. Chapitre 11). Si ces conditions sont remplies, la marque sera inscrite dans le poste « immobilisations incorporelles » à l’actif du bilan de l’entreprise. Dans ce cas, la norme IAS 36 impose un suivi régulier de la part de l’entreprise qui devra s’assurer que la marque ne se déprécie pas en pratiquant un test de dépréciation. L’inscription d’une marque au bilan a donc pour conséquences de rendre visibles les marques comptabilisées auprès des parties prenantes et impose de nouveaux outils de suivi par la définition d’un business plan lors de l’acquisition et la mise en place de tests de dépréciation.

1 Une visibilité accrue des marques inscrites au bilan La comptabilisation de marques, de façon distincte de l’écart d’acquisition, notamment lors d’opérations de fusions ou d’acquisitions, permet d’améliorer la pertinence des états financiers en réduisant le montant de l’écart d’acquisition. En comptabilisant de nouvelles immobilisations incorporelles, les entreprises peuvent par ce biais réduire les ratios d’endettement et maximiser leur résultat [1]. En effet, l’inscription d’une marque au bilan a pour effet d’accroître le montant des

actifs incorporels, l’endettement étant calculé par le ratio dettes/actif, la hausse de l’actif vient mécaniquement réduire le montant de ce ratio. La comptabilisation d’une marque dans les états financiers améliore la qualité de l’information comptable diffusée aux parties prenantes externes (actionnaires, analystes financiers, investisseurs ou concurrents). Ces dernières peuvent ainsi identifier plus aisément dans le bilan le poids des actifs incorporels de la société. En pratique, cet aspect reste malgré tout limité en raison de la confidentialité liée aux informations relatives aux marques. Exemple 13.1 – Le cas Pinault-Printemps-Redoute

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Le document de référence 2011 de PPR[1] détaille largement les cessions et acquisitions de marques réalisées par le groupe. Le bilan consolidé de PPR renseigne ainsi sur la valeur de l’ensemble des marques comptabilisées et autres immobilisations incorporelles du groupe, soit 10 331,1 millions d’euros à comparer aux 24 953,8 millions d’euros du bilan consolidé, donc les marques capitalisées et autres immobilisations incorporelles représentent plus de 40 % du bilan du groupe PPR. Il n’est donc pas possible à la seule lecture du bilan consolidé de connaître la valeur de chacune des marques inscrites au bilan, cette information étant stratégique et confidentielle. En lisant le document de façon plus détaillée, il est toutefois possible d’en savoir un peu plus : à titre d’exemple, l’acquisition récente de la marque d’habillement et d’accessoires d’« action sport » Volcom qui puise ses racines dans le skateboard, le surf et le snowboard est mentionnée de nombreuses fois dans le rapport. Cette marque est complémentaire à la marque de sport Puma acquise par le groupe en 2007. Le document indique que cette marque a été acquise le 1er juillet 2011 pour une valeur de 607,5 millions de dollars (valeur des capitaux propres). De plus, les « faits marquants » de l’exercice précisent que le « prix d’acquisition a fait l’objet d’une allocation préliminaire au cours du second semestre 2011 », qui a notamment conduit à reconnaître les marques Volcom et Electric pour 328 millions de dollars, le solde résiduel étant comptabilisé en goodwill. Electric est une marque de lunettes de soleil, masques de ski et accessoires qui a rejoint la famille Volcom en 2008. Une analyse plus approfondie du document de référence éclaire donc un peu plus sur la valeur de la marque acquise par le groupe.

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Même si les informations relatives aux marques sont généralement délivrées de façon globale en raison des enjeux stratégiques et une volonté de confidentialité, une lecture plus approfondie des rapports annuels et notamment de l’annexe permet d’accéder à des informations relativement détaillées. Lorsqu’une marque est inscrite dans les états financiers, l’entreprise doit élaborer un business plan au moment de son acquisition et suivre sa valeur financière dans le temps.

2 La définition d’un business plan Lors de l’acquisition d’une marque, comme pour tout projet d’investissement, l’entreprise est amenée à rédiger un business plan qui vient formaliser les objectifs et stratégies envisagées par l’entreprise. En tant que document prévisionnel, plusieurs scenarii (optimiste, réaliste, pessimiste) sont établis. Le document explicite les moyens et actions qui seront engagés afin de mettre en œuvre la stratégie retenue tout en tenant compte des risques associés au projet. Le business plan peut être utile pour trouver des partenariats financiers, mais peut également être utilisé en tant qu’outil de communication et de pilotage interne.

Focus 13.1 Le business plan

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Le business plan est un document dont la taille varie en moyenne entre 20 et 50 pages selon le degré de précision apporté au document. Il permet de synthétiser en plusieurs points les objectifs d’un projet et de détailler les moyens pour les atteindre. Si la forme d’un business plan change d’une entreprise à l’autre et en fonction des projets, on retrouve généralement les éléments suivants [10] : le résumé du projet (originalité du projet, rentabilité future et risque associé) ; la description du projet ; l’analyse de marché (environnement, distribution, concurrence, etc.) ; le plan opérationnel (les moyens marketing, commerciaux et de production à mettre en oeuvre) ; les données financières à court, moyen •• et long terme en envisageant différentes hypothèses ; les perspectives d’avenir (prévisions à 3 ou 5 ans).

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Ce business plan servira de référence lors du calcul d’une éventuelle perte de valeur de la marque. Les informations contenues dans ce document incluent des données financières telles que des prévisions financières (chiffre d’affaires et résultat d’exploitation, par exemple), mais aussi des données marketing telles que les innovations prévues et les moyens publi-promotionnels envisagés. Le business plan évalue également les cash-flows actualisés attendus à partir des données prévisionnelles internes, tout en tenant compte des évolutions attendues du marché sur lequel se positionne la marque. Ces données prévisionnelles tiennent compte des risques associés au marché sur lequel la marque est présente. Ainsi, le business plan est un outil qui permet de définir les contours de la marque nouvellement acquise en synthétisant les données financières, marketing et juridique. Dans la plupart des cas, les business plans sont définis sur un horizon de 3 à 5 ans. Ils peuvent être révisés dans le temps, dans l’hypothèse où d’importantes variations seraient constatées par rapport aux paramètres initiaux. Au-delà de l’exercice formel, l’établissement d’un business plan permet de fournir une prévision globale de l’avenir permettant de s’assurer que les objectifs envisagés seront réellement réalisés. Ainsi, si une innovation majeure (lancement d’un nouveau produit par exemple) n’a pas été lancée à la date initialement prévue, il peut y avoir des conséquences sur les résultats financiers prévisionnels. Dès lors, le contrôleur de gestion va devoir s’assurer que ce retard dans le lancement d’une innovation n’aura pas de conséquence sur la valeur de la marque en réalisant un test de dépréciation s’il le juge nécessaire. Le business plan constitue donc une base de calcul utile

pour définir s’il y a éventuellement lieu de déprécier la marque.

3 La mise en œuvre d’un test de dépréciation

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Lorsqu’une marque a fait l’objet d’une cession de façon isolée ou dans le cas d’un regroupement d’entreprises, celle-ci peut être enregistrée à l’actif du bilan si les conditions requises sont réunies. Au préalable, la marque doit faire l’objet d’une évaluation financière grâce à une méthode pertinente (approche par le marché, par les revenus ou par les coûts, cf. Chapitre 12). En tant qu’actif à durée de vie indéfinie, chaque année et en cas d’indices de pertes de valeur, la marque capitalisée devra faire l’objet d’un test de dépréciation conformément à la norme IAS 36 « Dépréciation d’actif » (cf. Chapitre 11). Les indices de pertes de valeur peuvent provenir d’informations externes (issues de l’environnement légal, technologique ou financier) ou internes (issues par exemple du système d’information). Ainsi, une baisse significative du chiffre d’affaires, de la part de marché ou encore un scandale sanitaire affectant la marque (cas de la viande de cheval retrouvée dans des lasagnes, supposées être 100 % pur bœuf, par exemple) constitue autant de cas possibles susceptibles d’avoir un impact sur la valeur de la marque et nécessitant la réalisation d’un test de dépréciation.

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La mise en œuvre d’un test de dépréciation, réalisée par les contrôleurs de gestion, consiste à comparer la Valeur Nette Comptable (VNC) de la marque à sa valeur recouvrable. Cette dernière correspond à la valeur la plus élevée entre la valeur de marché et sa valeur d’utilité (évaluée par la somme des cash-flows futurs attendus). Généralement, la valeur d’utilité est privilégiée (cf. Chapitre 11). Si la VNC est supérieure à sa valeur recouvrable, il faut enregistrer une perte de valeur de l’actif, ce qui aura pour effet de réduire le résultat de l’entreprise. La dépréciation enregistrée correspond à la différence obtenue entre la VNC et la valeur recouvrable. Si la VNC est inférieure à sa valeur recouvrable, l’actif ne sera pas réévalué, il n’y aura aucune écriture comptable à enregistrer. La mise en place de tests de dépréciation oblige les contrôleurs de gestion à suivre de façon régulière et systématique la santé financière des marques concernées. Leur pilotage régulier permet à ces derniers de s’assurer à tout moment que la valeur de la marque inscrite dans les états financiers n’est pas surévaluée. La mise en œuvre des normes IFRS offre donc aux entreprises la possibilité d’aligner les données de reporting externe sur les données de reporting interne [2]. Les contrôleurs de gestion sont donc amenés à définir en partenariat avec les équipes marketing des critères de suivi de la santé financière des marques (cf. section 2). Par exemple, si tous les indicateurs marketing liés à la notoriété, la part de marché ou des actions promotionnelles sont satisfaisants, et que les indicateurs de chiffre d’affaires ou de marge opérationnelle sont conformes

aux objectifs fixés, il n’y a pas lieu de réaliser de test de dépréciation. L’inscription d’une marque dans les comptes d’une société a pour conséquence d’intéresser les financiers (contrôleurs de gestion, directeur du contrôle de gestion, responsables de la comptabilité ou encore les auditeurs internes) à la valeur des marques. Ces derniers vont naturellement regarder de plus près les marques qui sont enregistrées au bilan, notamment en raison des risques accrus en cas de dépréciation de la marque (cf. section 3). Toutefois, toutes les marques peuvent être évaluées, même si celles-ci ne sont pas comptabilisées dans les comptes de la société. Or, attribuer une valeur financière aux marques permet d’en améliorer leur pilotage.

Section 2

QUELS SONT LES INTÉRÊTS D’ÉVALUER UNE MARQUE ?

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La section 1 a montré que l’inscription des marques au bilan leur offre une nouvelle visibilité en obligeant les entreprises à les évaluer et mettre en place des outils spécifiques (business plan et test de dépréciation). Or, une entreprise a la possibilité d’évaluer ses marques, même quand aucune obligation légale ne l’y oblige. Rappelons ici que les normes IFRS comme françaises interdisent la comptabilisation des marques créées en interne. D’ailleurs, dans les entreprises disposant d’un important portefeuille de marques, il n’est pas rare que la plupart des marques du groupe soit des marques « historiques », présente depuis longtemps dans le portefeuille du groupe et donc absentes du bilan. Exemple 13.2 – Le cas Unilever Le groupe Unilever détient un important portefeuille de marques (plus de 400 marques). La majorité d’entre elles ne figure pas au bilan car elles ont été créées en interne. La marque Skip a ainsi été créée en 1959, c’est également le cas de la marque Domestos inventée en 1978, de Dove créée en 1957 ou encore de Sunsilk lancée en Grande Bretagne en 1954 avant de devenir une marque mondiale[2]. Parallèlement, certaines marques ont été inscrites dans les états financiers suite à leur acquisition. C’est le cas de la marque Knorr acquise en 2000 lors du rachat de l’entreprise Bestfoods, ainsi que des marques Amora, Maille, Slim Fast ou encore Ben & Jerry’s achetées par le groupe dans les années 2000.

Ainsi, le bilan d’Unilever recense un nombre limité de marques tandis que la plupart des marques n’y figurent pas puisque créées en interne. Les entreprises ont toutefois la possibilité d’évaluer leurs marques en l’absence d’obligations légales. Dans ce cas, ces dernières ne vont pas communiquer sur la valeur attribuée à la marque, cette information étant confidentielle et stratégique. Le choix d’attribuer une valeur à des marques créées en interne vient notamment de l’intérêt du processus de valorisation des marques. En effet, ce processus présente d’une part,

l’intérêt de renforcer les liens entre contrôleurs de gestion et marketeurs, et d’autre part de repositionner la marque sur un horizon stratégique.

1 L’intérêt du processus de valorisation au-delà des obligations comptables Les entreprises ont la possibilité d’évaluer leurs marques sans pour autant que leur valeur financière apparaisse au bilan. Valoriser une marque permet d’en améliorer son pilotage par les questions que l’entreprise va se poser lors du processus d’évaluation. Le principal enjeu est de déterminer si les investissements réalisés auprès des marques ont été efficaces et ont permis d’accroître leur valeur. Il s’agit donc d’analyser le poids des marques sur leur marché pour définir si le retour sur investissement des actions réalisées correspond aux ambitions souhaitées. En effectuant son suivi de façon régulière, l’évaluation financière des marques peut être utilisée en tant qu’outil de pilotage. Évaluer une marque permet en effet aux gestionnaires de marques d’aller audelà des outils marketing traditionnels de brand equity et d’ajouter une dimension financière en termes de cash-flows prévisionnels dégagés par la marque.

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Pour certaines marques, il peut être intéressant ponctuellement, de se poser la question de leur valeur financière dans l’hypothèse d’une éventuelle cession ou à des fins de comparaisons de marques au sein d’un même portefeuille. Certains groupes présents sur de nombreux marchés peuvent en effet faire le choix de se recentrer sur certaines activités jugées plus stratégiques. Le groupe Procter & Gamble a ainsi décidé de se focaliser en priorité sur les produits cosmétiques et les produits d’hygiène beauté. À ce titre, le géant américain s’est séparé de la marque Pringle’s en la cédant en février 2012 au groupe Kellogg’s pour 2,7 milliards de dollars [11]. Pour les entreprises détenant un important portefeuille de marques, tels que les groupes Unilever, Procter et Gamble ou encore LVMH, la valorisation de l’ensemble des marques du groupe, qu’elles soient inscrites au bilan ou non peut notamment servir pour décider quelle marque privilégier en matière d’innovation ou d’investissements marketing. L’évaluation des marques peut être également utilisée pour justifier des investissements réalisés. Par exemple, si la valeur de la marque s’accroît, c’est le signe que les investissements réalisés ont été efficaces. Chacun peut ainsi s’assurer que les actions mises en œuvre ont eu pour effet de renforcer la valeur de la marque.

Focus 13.2 La rentabilité des investissements immatériels : le ROII [3] Mesurer la rentabilité d’un investissement immatériel comme une campagne commerciale est délicat. Grâce au ROII (Return On Intangible Investments), il est désormais possible de la

déterminer. Le calcul s’appuie sur les données provenant de la comptabilité et du contrôle de gestion. Cependant, les outils traditionnels ne permettant pas toujours d’assurer la traçabilité entre les gains enregistrés et les coûts supportés par un investissement immatériel, il est généralement utile de recourir à des données extracomptables grâce notamment à la méthodologie des coûtsperformance cachés. La rentabilité des investissements immatériels se mesure par le rapport entre le gain complet engendré par l’investissement immatériel et le coût complet sur la période considérée. Les mesures de ROII font souvent état de rentabilités de ce type d’investissement largement supérieures aux rentabilités d’investissements matériels classiques. Le processus d’évaluation de la marque peut être d’autant plus utile que le calcul du retour sur investissement des investissements publicitaires et promotionnels n’est pas simple à réaliser.

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Certains auteurs [8] ont développé un cadre d’analyse des implications managériales du processus d’évaluation d’une marque et de l’utilisation de la valeur qui lui a été attribuée. Ce n’est pas tant le chiffre défini par la méthode de valorisation retenue (cf. Chapitre 12) qui est intéressant, mais le processus de valorisation qui a conduit à attribuer une valeur à la marque. C’est ce que montre le modèle proposé par Guilding et Pike (1994).

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Figure 13.1 Le modèle de Guilding et Pike [8]

Source : D’après Guilding et Pike [8]. Le modèle propose un parallèle entre le processus budgétaire et le processus de valorisation d’une marque. À partir d’une synthèse des rôles managériaux identifiés dans la littérature et attribués au processus budgétaire, tels que l’évaluation des performances, la coordination ou la

motivation, il est possible d’en déduire des implications sur la valorisation des marques à long terme. Par exemple, si les responsables de marque sont davantage impliqués dans le processus budgétaire, les informations transmises aux contrôleurs de gestion afin de définir les prévisions seront plus précises, la marque sera donc mieux gérée, ce qui va avoir pour effet d’accroître sa valeur. À l’inverse, si les responsables de marque perçoivent la valeur de la marque comme incomplète, il peut y avoir des dysfonctionnements pouvant à long terme diminuer sa valeur financière. La mise en œuvre de ce processus suppose une interaction croissante entre contrôleurs de gestion et marketeurs. Les contrôleurs de gestion vont en effet s’appuyer sur les données fournies par les équipes marketing pour déterminer la valeur financière des marques et la suivre dans le temps. Inversement, les responsables marketing vont pouvoir demander aux contrôleurs de gestion quelles sont les conséquences de leurs actions sur la valorisation des marques dont ils sont responsables.

2 Des liens plus étroits entre les fonctions finance et marketing

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Le pilotage des marques repose sur des outils marketing traditionnels (études continues ou études ad hoc). Ces données marketing vont être utiles aux contrôleurs de gestion pour établir leur diagnostic financier. L’application des normes IFRS renforce les liens entre les fonctions finance et marketing à deux niveaux : Les responsables marketing sont plus sensibilisés à la problématique de la valeur financière des marques. Ils prennent davantage consciences de l’impact de leurs actions sur la valeur des marques. Les contrôleurs de gestion se rapprochent des équipes marketing pour obtenir les informations nécessaires pour l’établissement de business plans pertinents, mais aussi pour le suivi des marques, notamment lors de la mise en œuvre d’un test de dépréciation. La mise en œuvre du test de dépréciation nécessite d’identifier les cash-flows futurs générés par la marque, à partir notamment du chiffre d’affaires prévisionnel. Cette prévision est définie par le contrôleur de gestion qui va s’appuyer notamment sur des données fournies par les équipes marketing et commerciales. D’autres critères entrent en compte, par exemple, l’analyse de l’évolution du marché du point de vue des consommateurs ou de la concurrence, mais aussi des innovations prévues. Dans une entreprise multinationale du secteur de l’agroalimentaire, le responsable du contrôle de gestion d’une business unit explique ainsi que « Pour faire un impairment test [test de dépréciation], c’est un travail sur lequel on a besoin d’avoir de véritables échanges avec les équipes marketing et les équipes ventes en particulier […]. On regarde en détail avec les marketeurs quelle est la position des marchés, […] la dimension de la distribution, des marchés, de l’innovation, quelles sont les innovations qu’on a dans notre portefeuille à un an, deux ans, trois ans, est-ce qu’on va rentrer dans de nouvelles catégories de produits ? Ça nous permet

d’avoir une idée du développement en termes de volume de produits et de masse de chiffre d’affaires ». Le contrôleur de gestion devient alors un acteur central et incontournable en tant que garant de la valeur de la marque inscrite au bilan. Il est en effet responsable des tests de dépréciations réalisés sur les marques inscrites dans les états financiers à partir d’informations transmises par les équipes marketing. Si cet exercice est obligatoire pour les marques inscrites dans les états financiers, rien n’empêche les entreprises de réaliser ce même procédé pour l’ensemble de leurs marques afin de s’assurer de leur santé financière. Le suivi de la valeur financière des marques constitue donc un véritable outil de management des marques mis en œuvre conjointement par les contrôleurs de gestion et marketeurs. Ce processus permet également de repositionner les marques sur un horizon stratégique.

3 Le pilotage des marques orienté vers le long terme

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En incitant les entreprises à comptabiliser les marques de façon distincte de l’écart d’acquisition lors d’opérations de fusions ou d’acquisitions, les normes IFRS ont eu pour conséquence d’orienter la gestion des marques davantage vers le long terme.

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3.1 Les dépenses liées à la marque, charges versus investissements

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Quand les marques ne sont pas comptabilisées dans les états financiers, l’ensemble des dépenses liées à leur développement est comptabilisé en charges, ce qui diminue directement le résultat de l’entreprise. Au contraire, l’inscription des marques à l’actif du bilan de l’entreprise incite les entreprises à les suivre comme un investissement, donc l’horizon change : d’une vision orientée vers le compte de résultat à court terme, les normes IFRS mettent l’accent sur le bilan, donc le moyen et le long terme deviennent les horizons de référence. 3.2 La suppression des marques : réaliser des économies versus potentiel d’extension Avant l’introduction des normes IFRS, certaines marques étaient gérées grâce à des indicateurs très basiques tels que la part de marché, la notoriété, la marge d’exploitation ou encore le chiffre d’affaires. Pour décider d’abandonner une marque ou fusionner deux marques, l’arbitrage pouvait se faire en comparant, par exemple, les comptes de résultats des deux marques sans se préoccuper des enjeux stratégiques ou commerciaux [6], comme l’explique un directeur financier d’un grand groupe de l’agroalimentaire : « avant 2000, la valorisation de la marque était l’indice P&L [le compte de résultat]. […] Les stratégies éventuelles de migration des différentes marques, étaient plus vues sur des ancrages très simplifiés. Pour être rapide, quand deux marques devaient migrer ensemble, on regardait quelles économies on allait faire sur les emballages. Au lieu de faire deux

emballages, j’en fais plus qu’un, donc quand certaines marques migraient, c’était magique, on avait toujours un meilleur compte de résultat, en raison des économies d’échelle ! » Or, une analyse plus approfondie des deux marques en termes de potentiel de développement, d’extension ou d’innovation, aurait peut-être pu conduire à un choix différent, plus pertinent sur un horizon stratégique. Valoriser la marque du point de vue financier va donc inciter le responsable de marque à positionner la marque sur le long terme, par la prise en compte des cash-flows futurs qu’elle est susceptible de générer. À titre d’exemple, la mise en place d’actions promotionnelles va généralement avoir pour conséquence d’accroître le profit à court terme. Dans le même temps, ce type d’action peut avoir des effets négatifs sur la perception de la marque par les consommateurs et à plus long terme, la fidélité à la marque peut être affectée, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur la valeur financière de la marque. Cette sensibilité accrue aux impacts des actions marketing sur la rentabilité à long terme de la marque permet d’améliorer le diagnostic stratégique et d’optimiser l’allocation des ressources entre les différentes marques d’un même portefeuille.

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En allant plus loin, il est possible d’envisager l’évaluation des marques en tant qu’outil d’évaluation individuelle des performances du responsable de marque [12]. L’évaluation d’une marque pourrait ainsi être utilisée en tant qu’indicateur de la bonne ou de la mauvaise gestion du responsable de marque. À notre connaissance, peu d’entreprises couplent officiellement évaluation financière des marques et mesure de la performance du responsable de marque.

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L’évaluation financière des marques synthétise au sein d’un indicateur simple, unique et comparable la santé des marques. Toutefois, l’inscription d’une marque au bilan soulève un certain nombre de limites que nous soulignons dans la prochaine section.

Section 3

QUELLES SONT LES LIMITES DE LA COMPTABILISATION DES MARQUES ?

La comptabilisation d’une marque implique un suivi dans le temps par la mise en œuvre régulière de test de dépréciation pour s’assurer que la marque n’a pas perdu de valeur (section 1). Dans cette hypothèse, les entreprises doivent prendre conscience des répercussions possibles auprès des parties prenantes externes ainsi qu’auprès des responsables de marque de la comptabilisation d’une importante dépréciation.

1 Une mauvaise image auprès des parties prenantes externes

Si valoriser une marque a des effets positifs sur son pilotage (section 2), il faut souligner que l’inscription d’une marque au bilan peut porter préjudice à l’entreprise dès lors que sa valeur est dépréciée. En effet, tant que la marque est en croissance continue et que sa valeur comptable ne diminue pas, sa visibilité dans les états financiers envoie un signal positif auprès des parties prenantes externes – actionnaires, investisseurs et concurrents –. Ces dernières peuvent par ce biais statuer rapidement sur la santé financière des marques. En revanche, la comptabilisation d’une importante provision pour dépréciation est perçue négativement auprès des parties prenantes externes, mais peut également avoir des répercussions en interne. Exemple 13.3 – Le cas Slim Fast Dans son rapport annuel de 2004, le groupe Unilever explicite largement les mauvaises performances enregistrées sous une de ses marques : la marque Slim Fast acquise en 2000 et inscrite à ce titre dans ses états financiers.

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En 2004, une importante provision pour dépréciation d’un montant de 650 millions d’euros a été comptabilisée pour la marque Slim Fast[3]. Le montant du bilan s’élevant à 19 305 millions d’euros, la provision enregistrée représente donc près de 3,5 % du bilan consolidé. Cette baisse fait l’objet de nombreuses justifications dans le rapport du groupe. Slim Fast est citée 35 fois sur les 192 pages que compte le rapport, ce qui atteste bien de l’importance donnée à cet événement. Le document explique cette dépréciation en raison du déclin significatif des produits minceur aux États-Unis à cette période et par les changements de goût des consommateurs en matière de produits diététiques. Selon les données du rapport, le chiffre d’affaires de la catégorie des produits minceur a d’ailleurs diminué de 21 %, cette baisse ayant été particulièrement marquée sur le marché américain, marché principal des produits de la marque Slim Fast. Pour Unilever, l’enregistrement d’éventuelles dépréciations est reconnu comme un risque financier majeur pour le groupe. Les nombreuses explications détaillées dans le rapport montrent bien que le groupe cherche à rassurer ses parties prenantes externes en justifiant l’origine de la dépréciation.

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Cet exemple illustre que l’enregistrement d’une provision pour dépréciation n’est pas sans conséquence, d’autant que le montant comptabilisé est important. La dépréciation vient en effet directement dégrader les états financiers du groupe en réduisant le résultat de l’exercice. L’application des normes IFRS en mettant en évidence les pertes de valeur sur les marques inscrites au bilan envoie un signal négatif auprès marché. Il existe alors un risque que les parties prenantes externes (actionnaires ou analystes financiers notamment) se focalisent en priorité sur les marques inscrites dans les états financiers, au détriment des autres. Lorsqu’une importante dépréciation est enregistrée, la société doit justifier les causes de perte de valeur de la marque concernée, ce qui peut impliquer une focalisation excessive sur cette marque, alors que dans l’ensemble, la situation de l’entreprise est saine. C’est ce qu’explique le directeur financier d’une entreprise de l’agroalimentaire : « Vu de l’extérieur, par contre, le fait d’avoir des marques qui sont au bilan et des marques qui n’y sont pas, c’est un vrai inconvénient, dans la mesure où ça peut fausser certains indicateurs. […] on pourrait imaginer que l’acquisition de [la marque X] soit quelque chose d’horrible, c’est-à-dire qu’on l’a achetée très chère et qu’on n’ait rien fait de bien. Du coup, vous êtes obligés de commenter votre impairment [dépréciation]. Ça risque de porter un point d’attention très particulier sur ça, qui peut être dans un contexte où, à part ça, tout le reste irait formidablement bien sauf qu’il n’y a pas grand-chose à dire d’autre ».

À l’inverse, les autres marques créées en interne et donc absentes des états financiers sont épargnées par cette menace que constitue la comptabilisation d’une dépréciation. La différence de traitement entre les marques acquises et les marques non acquises crée donc un déséquilibre, notamment pour l’évaluation de l’entreprise [9]. Au-delà des conséquences auprès des parties prenantes externes, il existe des conséquences auprès des parties prenantes internes, notamment pour les responsables de marques. L’inscription d’une marque au bilan introduit en effet une pression supplémentaire sur les responsables marketing, en particulier dans le cas où la marque subirait une importante dépréciation.

2 Une pression supplémentaire sur les responsables de marques

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Les mauvaises performances d’une marque comptabilisées au bilan engagent la société auprès de ses actionnaires. Parallèlement, en interne, tant que la marque croît régulièrement, la mise en œuvre d’un test de dépréciation peut se résumer à un exercice financier formel. En revanche, dès que les prévisions, notamment en termes de résultat ou de chiffre d’affaires ne sont pas réalisées, le test de dépréciation va, d’une certaine façon, formaliser que la gestion de la marque n’a pas été à la hauteur des objectifs escomptés [7]. Pour ces raisons, la pression devient alors plus forte pour les responsables marketing d’une marque inscrite à l’actif du bilan, par rapport à des responsables dont la marque ne figure pas dans le bilan de la société. Le responsable du contrôle de gestion d’une business unit dans une entreprise de l’agroalimentaire explique ainsi : « On a passé un gros impairment sur [la marque Y], je ne serais pas surpris que quelques têtes tombent chez Y, alors évidemment, à un niveau très élevé. Le patron mondial ou le patron européen. Mais, il y aura quelque chose pour l’exemple, enfin, je veux dire, c’est normal ». Dans cet exemple, l’importante dépréciation enregistrée sur l’une des marques du groupe a pour conséquence des sanctions directes pour les responsables marketing concernés. Même si peu d’entreprises couplent les résultats d’un test de dépréciation aux rémunérations individuelles de performance des responsables de marques, la comptabilisation d’une importante dépréciation traduit notamment soit une mauvaise gestion de la marque, soit une mauvaise anticipation des résultats futurs. Cette analyse montre que la comptabilisation des marques, hormis les bénéfices d’une gestion de la marque à plus long terme, met sous le feu des projecteurs, et notamment auprès des actionnaires, les marques qui subissent des dépréciations.

L’essentiel Dans le cadre de la comptabilisation des marques à l’actif du bilan, les entreprises doivent mettre

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en oeuvre de façon régulière des tests de dépréciation. À cette occasion, les entreprises sont amenées à définir un business plan au moment de l’acquisition et sont obligées de suivre quotidiennement les indicateurs permettant la mise en oeuvre d’un test de dépréciation. Les entreprises ont également la possibilité d’évaluer leurs marques sans forcément inscrire leur valeur au bilan. Le processus de valorisation d’une marque constitue en effet un véritable outil de pilotage qui permet de repositionner la marque sur un horizon à plus long terme. De plus, évaluer les marques incite contrôleurs de gestion et responsables du marketing à davantage travailler ensemble sur les bases d’un langage commun dans le but de s’assurer que les actions mises en oeuvre permettent d’accroître la valeur des marques. La comptabilisation de marques dans les états financiers engendre une plus forte visibilité à la fois auprès des parties prenantes externes (investisseurs, actionnaires, analystes financiers et concurrents) et internes. D’un côté, tant que la santé financière de la marque est bonne, son inscription au bilan vient traduire les bonnes performances de la marque sur son marché et améliore la valeur de l’entreprise en augmentant son patrimoine. À l’inverse, une marque qui enregistre une importante provision pour dépréciation envoie directement un signal négatif aux parties prenantes externes. La provision enregistrée traduit directement dans les comptes de la société les mauvaises performances de la marque. En interne, une importante dépréciation peut être considérée comme le signe d’une mauvaise gestion de la part des responsables de la marque, véritable garant de la santé de la marque. Il reste encore à développer des indicateurs pertinents et des outils de mesure performants afin d’améliorer le pilotage des marques.

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Questions de réflexion 1 ■ Quels sont les enjeux de la valorisation des marques ? 2 ■ Faut-il encourager les entreprises à évaluer leurs marques ? Pourquoi ? 3 ■ Le débat sur la comptabilisation des marques doit-il évoluer ? 4 ■ Les informations relatives aux marques diffusées dans les états financiers sont-elles suffisantes ? Comment améliorer l’information diffusée tout en respectant les impératifs de confidentialité ?

Section 4

BIBLIOGRAPHIE

[1] BOUDEN, I., « L’identification des incorporels acquis lors de regroupements d’entreprises », Revue Française de Gestion, VOL. 36, N°307, OCTOBRE, 111-123, 2010.

[2] BOUQUIN, H., Les fondements du contrôle de gestion, PUF, 4ÈME ÉDITION, 2011. [3] CAPPELLETTI, L., Le contrôle de gestion de l’immatériel : une nouvelle approche du capital humain, DUNOD, 2012. [4] CHAPUIS, D., « LVMH s’offre Bulgari pour entrer dans le trio de tête de la joaillerie mondiale », Les Echos, n°20885 du 8 mars, p. 19, 2011. [5] CHRAIBI, R., « Valeur comptable, valeur réelle, juste valeur », La revue des marques, n°77, janvier, p. 49-54, 2012. [6] FARJAUDON, A-L., « De la comptabilisation au pilotage : le cas des marques », Journée de Recherche sur le Capital Immatériel : État des lieux et perspectives, Montpellier, 18 juin, 2010. [7] FARJAUDON, A-L., « Les implications managériales de la comptabilisation des marques : le nouveau rôle du contrôleur de gestion », in Le capital immatériel de l’entreprise, Un défi pour les comptables et managers, coordonné par E. Walliser et C. Bessieux-Ollier, Éditions EMS, 79-96, 2011.

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[8] GUILDING, C. ET PIKE, R., « Brand Evaluation : A Model and Empirical Study of Organisational Implications », Accounting and Business Research, vol. 24, 241-253, 1994.

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[9] HABIB, L., La force de l’immatériel – Pour transformer l’économie, PUF, 2012. [10] LÉGER-JARNIOU, C. ET KALOUSIS, G., Construire son Business Plan, Dunod, 2006.

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[11] LENTSCHNER, K., « Kellogg’s achète les chips Pringles à Procter & Gamble », Le Figaro, 16 février 2012. [12] NUSSENBAUM, M. et JACQUOT, G., « L’évolution des normes comptables d’évaluation des marques : contraintes ou opportunités pour le marketing ? », Revue Française de Marketing, n° 176, 97-108, 2000. [1]

http://www.ppr.com/sites/default/files/publications/PPR_DDR2011_0.jpg

[2]

Pour connaître l’histoire des marques du groupe, voir www.unilever.com

[3]

http://www.unilever.com/images/ir_2005_Annual_Report_English%20amended_tcm13-35722.jpg

Partie

5

Protéger et défendre la marque

Chapitre 14 Le droit de marque, l’acquisition et le maintien de ce droit Chapitre 15 Le défi de la protection : des formes, des couleurs et des slogans par le droit des marques

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Chapitre 16 La contrefacon de marque

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Les quatre parties précédentes se sont surtout attachées à comprendre le développement des

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marques dans les organisations d’un point de vue stratégique, financier, management des hommes, et ont exploré les influences sociales, psychologiques et relationnelles de la marque sur les individus. Cette dernière partie a pour objectif particulier d’explorer la dimension juridique de la marque qui accompagne toutes les étapes de son développement. De nombreuses questions juridiques surgissent à chaque nouvelle utilisation des marques. Comment se définit juridiquement la marque ? Comment déposer une marque ? Quels sont les éléments distinctifs qui peuvent être protégés par le droit des marques ? Comment se protéger et se défendre contre la contrefaçon ? Les trois chapitres de cette partie s’attachent à répondre à ces différentes questions. Le chapitre 14 éclaire la dimension juridique des marques qui s’appuie sur les principes de territorialité et de spécialité et montre la spécificité du droit de marque comme étant le seul droit potentiellement perpétuel. Le droit de marque est ici bien défini comme le droit qui protège la fonction des marques, comme signe distinctif, dans le milieu des affaires. Par ailleurs ce chapitre constitue un véritable guide pour le dépôt de marque tout en argumentant que d’autres signes que la marque et d’autres droits de la propriété intellectuelle peuvent protéger, mais de façon plus temporaire, les productions originales d’une organisation. Le chapitre 15 fait référence à la notion de défi, et l’on comprend, à la lumière des différents cas présentés, que ces signes atypiques que sont les formes, les couleurs ou les slogans sont souvent de

véritables enjeux stratégiques pour les entreprises qui en font de véritables signes de différenciation. Ils nécessitent d’être envisagés dans toute leur complexité avant d’être déposés en tant que marque.

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Le dernier chapitre se consacre à la question de la contrefaçon. Dans l’objectif de mieux défendre la marque, ce chapitre permet de comprendre quels sont les actes interdits et de bien distinguer la contrefaçon par reproduction de celle par imitation. Enfin, dans l’objectif de protéger la marque, ce chapitre nous donne les clés de la protection des marques de renommée. En conclusion, ce dernier chapitre permet d’avoir en main les principaux outils de protection et de défense de la marque face au non respect du droit des marques.

Chapitre

14

Le droit de marque, l’acquisition et le maintien de ce droit Christophe LELIEUR

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Expliquer comment se définit une marque juridiquement. Comprendre comment le droit des marques permet aux entreprises de protéger les investissements de communication et de publicité effectués sur la marque. Offrir un guide pour déposer une marque juridiquement.

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Comment se définit juridiquement la marque ?

Comment déposer une marque ? L’acquisition du droit de marque Quels sont les autres signes distinctifs et les autres droits de propriété intellectuelle ?

Comme cela a été souligné dans les précédents chapitres, il est aujourd’hui admis que les marques sont aujourd’hui considérées comme un capital immatériel très important dans les entreprises. Mais comment le droit protège cet actif incorporel ? Quelles sont les actions ou les mesures à prendre afin d’assurer une protection et une défense de la marque créée et développée au sein de l’entreprise ? Ces questions dévoilent le défi des entreprises pour protéger les investissements de communication et de publicité effectués sur la marque. Ce chapitre répond à ces principales interrogations.

Section 1

COMMENT SE DÉFINIT JURIDIQUEMENT LA MARQUE ?

La notion de marque est appréhendée de manière différente par le marketing et le droit. Le marketing utilise le terme de marque pour désigner un ensemble de caractéristiques qui délimitent l’univers de la marque. Le juriste se réfère au mot marque pour désigner : un signe distinctif ; utilisé dans le monde des affaires ; protégé par la loi pour garantir les fonctions de la marque.

1 La marque, un signe distinctif

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La marque peut être constituée par tout signe distinctif susceptible de représentation graphique[1]. Cette définition est très large, un mot, un dessin, une couleur, une musique, un bruit (par exemple un rugissement[2]) et même une odeur peuvent en théorie être acceptés à titre de marque.

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La marque ne peut être constituée d’un signe descriptif, usuel ou nécessaire pour désigner les produits ou services en cause. Une marque composée du signe verbal « voiture » pour désigner des voitures ne saurait être valablement enregistrée comme marque car il s’agit d’un signe tout à la fois descriptif, usuel et nécessaire pour ces produits. Cependant, une marque peut être évocatrice du produit ou service, par exemple la marque Volvo, « je roule » en latin peut être valablement acceptée comme marque pour désigner des véhicules. Le caractère distinctif de la marque est évalué à l’égard des produits ou services en cause. Il n’est donc pas obligatoire que le nom soit en lui-même nouveau ou résulte d’une création. Le Tribunal de première instance de l’Union européenne rappelle de façon constante dans sa jurisprudence qu’une marque « ne procède pas nécessairement d’une création et ne se fonde pas sur un élément d’originalité ou d’imagination, mais sur la capacité d’individualiser des produits ou des services[3] ». C’est pourquoi il est possible de détourner un mot existant de son sens descriptif pour l’utiliser de manière arbitraire afin de désigner d’autres produits et services. C’est le cas par exemple pour le mot « diesel » qui ne saurait être enregistré à titre de marque pour désigner un carburant mais peut être valablement enregistré pour désigner par exemple des vêtements, des accessoires de mode, des parfums ou des cosmétiques. Il n’en demeure pas moins qu’un mot inventé, par exemple Google qui a pour origine le terme mathématique « googol » ou gogol en français, qui désigne le chiffre 10100 (1 suivi de 100 zéros),

possédera un caractère distinctif plus fort dès qu’il sera utilisé à titre de marque pour distinguer les produits et/ou les services de son titulaire par rapport aux produits et/ou services concurrents. La marque Google, créée en 1997, fait désormais partie des marques les plus connues dans le monde. Le mot est inventé, c’est une simplification involontaire ou volontaire du terme « googol » (en fait le site googol.com était pris depuis 1995), mais il n’en possède pas moins un caractère évocateur du nombre considérable de données que le moteur de recherche s’est fixé comme objectif de pouvoir traiter.

2 La marque, un signe utilisé dans la vie des affaires Cette notion sera traitée de manière plus détaillée dans le chapitre 16 sur la contrefaçon. Nous mentionnons seulement à ce stade que dans l’arrêt Arsenal[4] la Cour de justice a indiqué qu’un usage relève de la vie des affaires « dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé. »

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3 La marque protégée par la loi pour garantir ses fonctions

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Le droit de marque est un monopole sur un signe distinctif, il s’agit d’un droit privatif reconnu à son propriétaire en raison des fonctions spécifiques de la marque qui seront détaillées au chapitre 16 sur la contrefaçon.

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Pour conclure sur la définition juridique de la marque, tout signe distinctif susceptible de représentation graphique peut faire l’objet d’un droit de marque. Ce droit permet de sanctionner un usage non autorisé de la marque dans la vie des affaires, afin de garantir les fonctions de la marque. Cependant l’acquisition du droit de marque est soumise à la formalité du dépôt que nous allons détaillée maintenant.

Section 2

COMMENT DÉPOSER UNE MARQUE ? L’ACQUISITION DU DROIT DE MARQUE

Deux principes fondamentaux régissent la matière, le principe de territorialité et le principe de spécialité.

1 Le principe de territorialité Les droits sur la marque ne sont détenus que pour les territoires dans lesquels celle-ci est

enregistrée. Il n’existe pas de système de dépôt et d’enregistrement mondial de la marque. Pour disposer du droit de marque sur un signe il faut que celui-ci soit déposé et enregistré dans chaque territoire pour lequel un droit est revendiqué. Le droit sur la marque s’obtient par le dépôt et l’enregistrement du signe sur les registres des marques tenus par les organismes compétents tels que : l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour une marque française ; l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) pour une marque communautaire valable dans les 27 pays de l’Union européenne ; l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) pour une marque internationale visant les pays ayant adhéré soit à l’Arrangement soit au Protocole de Madrid ; les organismes nationaux compétents pour chaque pays (Deutsche Patent und Markenamt en Allemagne, Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle en Suisse, United States Patent and Trademark Office aux États-Unis, etc.).

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De ce point de vue il n’existe pas de marque « mondiale ». Une marque n’existe juridiquement que pour le ou les territoires dans lesquels elle est enregistrée. Une marque enregistrée dans toutes les juridictions pourrait se prévaloir d’une protection mondiale, mais il s’agit en fait d’une juxtaposition de droits nationaux.

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Focus 14.1

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Le délai de priorité

Afin de permettre aux titulaires d’effectuer les dépôts de leur marque dans tous les pays dans lesquels ils souhaitent l’utiliser, la Convention d’Union de Paris du 20 mars 1883, dans son article 4, leur reconnaît un délai de 6 mois pour déposer dans les autres pays en revendiquant la date du premier dépôt. Cette disposition est essentielle car en matière de marque c’est le premier déposant qui l’emporte, ce délai de 6 mois permet au titulaire de déposer sa marque à l’étranger de façon ordonnée sans craindre des dépôts « pirates » par des tiers. La seule exception au principe de territorialité concerne la marque notoire (article 6 bis de la Convention d’Union de Paris[5]) qui est protégée même en l’absence d’enregistrement. En vertu de cette disposition les pays peuvent refuser à l’enregistrement, annuler ou interdire l’usage d’une marque qui porterait atteinte à une marque notoire. La notoriété d’une marque se mesure à l’aune de différents facteurs tels que le degré de connaissance de la marque dans le secteur concerné, la durée et l’étendue de son usage ou de sa promotion, il est également tenu compte des enregistrements de marque dans les autres pays ainsi que de la valeur de la marque. En pratique il est plus simple de déposer sa marque dans tous les territoires pour lesquels existe

un intérêt commercial (si possible dans le délai de priorité de 6 mois) ce qui permet de se constituer un titre directement opposable plutôt que d’invoquer la notoriété qui suppose une démonstration et des moyens de preuves importants.

2 Le principe de spécialité Les droits sur la marque ne valent que pour les produits et/ou services désignés dans l’enregistrement. Il existe une classification internationale des produits et services dite « Classification de Nice », qui est périodiquement remise à jour par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle qui regroupe les produits et services les plus communément admis dans 45 classes. Les classes 1 à 34 concernent les produits, les classes 35 à 45, les services. Chaque classe comporte un titre qui énonce les différentes catégories de produits ou services qu’elle regroupe, suivie d’une liste alphabétique de chacun des produits ou services qui y figurent.

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Exemple 14.1– Un même nom pour deux marques

En vertu du principe de spécialité, un même signe peut être utilisé par deux entreprises pour désigner des produits ou des services différents. Ainsi la dénomination Mont Blanc est utilisée et enregistrée à titre de marque par une entreprise pour désigner des instruments d’écriture appartenant à la classe 16 et par une autre entreprise pour désigner des crèmes dessert en classe 30. En vertu du principe de spécialité, une marque n’est protégée que pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle a été enregistrée. La seule exception concerne la marque de renommée[6]. La marque de renommée, du fait de sa connaissance par une large frange du public, possède un pouvoir distinctif qui s’étend au-delà des produits et services désignés dans son enregistrement lui permettant de s’affranchir du principe de spécialité.

Lors de la description des produits et des services désignés par la marque, le principe de clarté et précision doit être respecté. Le déposant doit ainsi reprendre dans son libellé la liste alphabétique des produits ou services de la classe concernée, qui permet de satisfaire aux exigences de clarté et de précision requises[7]. Par ailleurs, afin de pouvoir assurer un développement à la marque il convient de revendiquer également dans le dépôt les produits ou services pour lesquels la marque pourrait être utilisée dans le futur et anticiper ainsi les extensions de la marque à des produits ou services voisins.

3 Le dépôt et l’examen des motifs absolus de refus

En France, le droit sur la marque s’obtient par le dépôt et l’enregistrement du signe distinctif sur le registre des marques pour désigner certains produits et/ou services. L’enregistrement de la marque est constitutif de droit. Le dépôt est suivi d’un examen par les administrations compétentes pour déterminer si la marque répond aux conditions légales suivantes[8] : la marque ne doit pas être descriptive ; la marque doit être distinctive ; la marque doit respecter les bonnes mœurs ; la marque ne doit pas être trompeuse ; la marque doit être disponible. Les conditions de l’exigence du caractère distinctif et de l’absence de caractère descriptif se chevauchent mais ne se mélangent pas, elles doivent faire l’objet d’un examen séparé et d’une motivation distincte en cas de refus. Ce n’est pas parce qu’une marque est non descriptive qu’elle sera automatiquement considérée comme distinctive. 3.1 La marque ne doit pas être descriptive

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Un signe que l’on dépose à titre de marque peut faire l’objet d’un refus en raison de son caractère descriptif par rapport aux caractéristiques des produits et services désignés dans le dépôt. Il y a un intérêt général sous-jacent à refuser l’enregistrement des termes descriptifs afin que ceux-ci restent disponibles pour tous les concurrents et qu’aucun ne puisse obtenir un avantage illégitime.

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Les signes descriptifs sont ceux qui se limitent à fournir des informations sur les produits ou les services en cause (espèce, qualité, quantité, destination, valeur, provenance géographique, époque de production), il peut s’agir également des abréviations courantes ou des termes descriptifs de droit, c’est le cas des indications géographiques enregistrées (AOP) et des dénominations communes internationales (DCI) enregistrées par l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’identification des substances et molécules pharmaceutiques. Certains signes ne sont pas disponibles pour des motifs absolus en vertu de lois ou de traités internationaux, c’est notamment le cas des armoiries, drapeaux et autres emblèmes d’Etats ou d’organisations internationales intergouvernementales, signes et poinçons officiels de garantie et de contrôle (article 6 ter de la Convention de Paris du 20 mars 1883). Pour être enregistrée comme marque, une dénomination peut être complètement inventée ou évocatrice mais en aucun cas descriptive. 3.2 La marque doit être distinctive La marque, dont la fonction essentielle est d’indiquer l’origine des produits ou services d’une entreprise, se doit pour remplir son rôle d’être perçue et reconnue par le public pertinent, à savoir les consommateurs, comme arbitraire par rapport aux produits et services désignés. Il ne peut en

aucun cas s’agir d’un signe générique ou d’un descripteur. Les marques inventées sont les plus efficaces par rapport à la fonction d’indication d’origine, mais elles peuvent parfois nécessiter des investissements plus importants pour être appréhendées par le public. Les marques évocatrices sont acceptées mais elles ne bénéficient souvent que d’un faible pouvoir distinctif. La marque peut être distinctive par elle-même de façon inhérente ou bien dans certains cas le caractère distinctif de la marque peut être acquis par l’usage de celle-ci.

Focus 14.2 Le caractère distinctif acquis par l’usage

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Une marque qui ne jouirait pas intrinsèquement d’une force distinctive suffisante pourrait néanmoins être acceptée par le biais du caractère distinctif acquis par l’usage. C’est le cas lorsqu’un signe, par l’usage qui en a été fait à titre de marque, a pris une nouvelle signification dans l’esprit du public qui lui permet d’identifier les produits ou services comme provenant d’une entreprise déterminée et ainsi de les distinguer de ceux des autres entreprises. La Cour de justice de l’Union européenne considère que, pour apprécier l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, l’autorité compétente doit prendre en considération tous les éléments pertinents et notamment l’intensité, la durée et l’étendue géographique de l’usage, la part de marché détenue par la marque, l’importance des investissements publicitaires réalisés, la proportion des consommateurs qui par la marque identifie l’origine des produits et services comme provenant d’une entreprise déterminée (sondages d’opinion). Les Américains parlent de « secondary meaning » quand un signe initialement non distinctif acquiert par son usage une nouvelle fonction d’indicateur d’origine des produits et ou services et devient une marque. Dans certains pays de common law, le droit sur la marque s’obtient par l’usage, c’est notamment le cas aux États-Unis où le simple usage à titre de marque d’un signe distinctif pour désigner des produits ou des services dans la vie des affaires est suffisant pour obtenir un droit de marque. Dans ce cas on utilise les symboles « ™ » pour « trademark » et « SM » pour « service mark » pour porter à la connaissance du public que ces signes sont utilisés à titre de marque dans le commerce. Il existe aux États-Unis un registre des marques fédérales, mais pour être enregistrée la marque doit être utilisée. Si la marque est utilisée avant le dépôt, le déposant signe une déclaration « of actual use » qui mentionne la date de premier usage (date of first use). Si la marque n’est pas encore utilisée, il est possible de faire un dépôt sous le régime de l’intention d’usage. Il existe un régime spécial (section 44 of the Trademark Act) permettant d’enregistrer une marque aux ÉtatsUnis sur la base d’un enregistrement obtenu à l’étranger. Les marques enregistrées portent la mention « ® » pour « registered » lorsqu’elles sont utilisées aux États-Unis.

3.3 La marque doit respecter les bonnes mœurs Les demandes de marques contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs sont refusées. Cela exclut les marques ayant un contenu raciste ou discriminatoire ainsi que les marques pouvant constituer une incitation directe à commettre des actes criminels ou à soutenir des organisations terroristes. 3.4 La marque ne doit pas être trompeuse Sont également refusées les marques trompeuses. Pour être refusée, la demande de marque doit contenir une indication objective sur les caractéristiques des produits ou services qui contraste clairement avec la réalité. C’est le cas notamment si le signe fait référence à une provenance géographique ou une qualité qu’il n’a pas. Par exemple, il y a eu refus d’enregistrement de la demande de marque Swiss Terroir par une société d’Afrique du sud pour désigner des boissons en classes 32 et 33[9].

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3.5 La marque doit être disponible

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Enfin, le signe choisi à titre de marque doit être disponible, ce qui suppose, et cela relève de la responsabilité de chaque déposant, de faire des recherches d’antériorités afin de s’assurer que le signe envisagé ne rentre pas en conflit avec des droits antérieurs qu’il s’agisse d’une marque, d’un nom commercial, d’une dénomination sociale ou d’une enseigne.

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4 La publication et les motifs relatifs de refus La demande de marque est publiée pour permettre aux tiers d’éventuellement faire valoir leurs droits antérieurs au cours d’une procédure d’opposition. Une fois le dépôt de la marque publié, tout tiers intéressé peut faire opposition : dans le délai de 2 mois contre une demande d’enregistrement de marque française en invoquant une marque antérieure identique ou similaire ; dans le délai de 3 mois contre une marque communautaire en invoquant un droit antérieur. L’opposition est une procédure contradictoire conduite devant l’organe administratif en charge de l’enregistrement de la demande de marque. Le refus de la demande, suite à une opposition d’un tiers, se justifie pour empêcher l’acquisition d’un droit sur un signe identique ou similaire pour lequel existe un risque de confusion avec la marque antérieure. Le risque de confusion est à comprendre comme étant le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à Canon[10]. Si les signes ainsi que les produits et services sont strictement identiques, il n’y a pas lieu de

démontrer le risque de confusion, celui-ci est présumé (article 16 des accords ADPIC). En revanche si les signes en présence et les produits et services désignés ne se recoupent pas intégralement, il convient de démontrer la similitude entre les signes et entre les produits et les services ainsi que le risque de confusion qui pourrait en découler. L’appréciation du risque de confusion s’effectue selon deux principes : L’appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce, à savoir les ressemblances visuelles, phonétiques et conceptuelles. L’appréciation en tenant compte de l’interdépendance entre les signes et les produits et services, c’est-à-dire qu’une grande similitude entre les signes peut contrebalancer une certaine distance entre les produits et les services désignés et inversement. Ces deux principes s’appliquent en matière d’opposition comme en matière de contrefaçon et feront l’objet d’une étude plus approfondie dans le chapitre 16.

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Exemple 14.2 – La protection des marques publiques [11] Certains attributs de l’État jouissent d’une protection particulière : il en est ainsi du drapeau et des emblèmes de la France, protégés au titre de l’article 6 ter de la Convention d’Union de Paris, ou encore, dans une certaine mesure, du nom des collectivités territoriales, auquel les marques ne doivent pas porter atteinte (CPI, article L. 711-4, h). Notamment, une marque peut être annulée si elle engendre une confusion avec les attributions d’une collectivité territoriale. Par exemple, décision du tribunal de grande instance de Paris, 6 juillet 2007, Ville de Paris contre l’Association Paris Sans Fil : la marque « Paris sans fil » engendrait un risque de confusion avec les attributions de la ville de Paris en matière de développement du haut débit et du wifi. Au-delà, les dénominations, logos, labels et autres signes développés par la puissance publiques peuvent faire l’objet d’un dépôt de marque pour être correctement protégés, à l’instar des marques des personnes privées. Cette protection est fondamentale afin de se prémunir contre d’éventuelles usurpations ou imitations de signes publics, susceptibles d’induire le citoyen en erreur sur l’origine des produits et services. De même, les noms de domaine liés à ces marques doivent être réservés afin de lutter contre le cybersquatting (journal-officiel.fr par exemple). L’Agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE) sensibilise les administrations sur la nécessaire protection de leurs marques et les accompagne dans la stratégie de dépôt, l’accomplissement des formalités et la défense de leurs droits.

5 Le maintien des droits de la marque Une fois la marque enregistrée il convient de mettre en place une surveillance afin de pouvoir s’opposer en temps utile à l’enregistrement de marques postérieures identiques ou similaires qui pourraient créer un risque de confusion. Cette surveillance est indispensable pour entreprendre, dans les délais requis, les actions permettant de maintenir la force distinctive de la marque contre le risque de dilution et surtout éviter les risques de confusion. Il convient de combattre également le risque d’association, à savoir : le dépôt d’une marque d’un tiers dont on pourrait penser qu’elle appartient également au titulaire de la marque première parce qu’elle ferait partie de la même famille de marques par exemple (easyJet, easyHotel, easyCar, etc.). La confusion entraîne des conséquences pour les ventes des produits ou services identifiés par la marque antérieure mais constitue également une atteinte à la marque antérieure par la dilution engendrée de la force

distinctive de celle-ci.

Focus 14.3 Risque de dégénérescence Au-delà de la dilution de sa force distinctive, la marque est également exposée au risque de dégénérescence. Ce risque s’accroît fortement lorsque la marque devient très populaire. Si la marque venait à se confondre avec le produit ou service qu’elle est censée identifier, son propriétaire en perdrait le monopole et celle-ci tomberait dans le domaine public. Si une marque passe dans le langage courant et est utilisée comme un terme générique pour désigner un produit ou un service, cela remet en cause le monopole du titulaire sur sa marque. Par exemple la marque Walkman de Sony est devenue un terme générique dans certains pays (voir décision en Autriche). De même, Laguiole est devenu un nom générique pour désigner des couteaux.

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L’enregistrement de la marque est effectué pour 10 ans. Pour maintenir les droits il convient de renouveler l’enregistrement de la marque dans le délai légal. En France le renouvellement doit intervenir avant l’expiration de l’enregistrement. Passé ce délai il est encore possible de renouveler la marque dans les 6 mois qui suivent. Cette période est désignée sous l’appellation de délai de grâce. À défaut de renouvellement dans le délai imparti les droits sont perdus. La seule possibilité pour réacquérir des droits consiste à effectuer un nouveau dépôt. L’enregistrement de la marque peut être renouvelé à l’infini, ce qui fait du droit de marque un droit potentiellement perpétuel, ce qui le différencie des autres droits de propriété intellectuelle : droit d’auteur, dessins, modèles et brevet (voir section 4).

Section 3

QUELS SONT LES AUTRES SIGNES DISTINCTIFS ET LES AUTRES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ?

Pour protéger leurs autres signes distinctifs, leurs créations originales, la nouveauté de l’aspect de leurs produits ou packaging et leurs inventions, les entreprises peuvent faire appel à d’autres droits de propriété intellectuelle. Cette section s’attache ici à montrer ces autres options et leurs différences avec le droit des marques.

1 Au-delà de la marque, quatre autres signes distinctifs

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On peut distinguer quatre autres signes distinctifs : la dénomination sociale ; le nom commercial ; l’enseigne ; le nom de domaine. La dénomination sociale est le nom qui identifie la personne morale considérée dans l’ensemble de son existence et de ses activités, comme le patronyme individualise la personne physique[12]. C’est un élément essentiel de la société. L’article 1835 du Code Civil[13] dispose que les statuts de chaque société doivent mentionner l’appellation de la société ainsi que ses autres éléments constitutifs (apports, forme, objet, siège, capital, durée et modalités de fonctionnement). La personne morale acquiert le droit sur le nom qui la désigne en adoptant ce nom à titre de dénomination sociale, c’est celui qui figure dans ses statuts. Il s’agit d’un droit de propriété sur un signe qui ne peut cependant être valablement opposé aux tiers que s’il présente un caractère distinctif suffisant et s’il existe un risque de confusion tant sur les signes que les produits ou services couverts par la marque et ceux effectivement exploités sous la dénomination sociale revendiquée. Le nom commercial identifie une entreprise et le fonds de commerce qu’elle exploite. L’enseigne désigne un lieu d’exploitation du fonds de commerce. La dénomination sociale, le nom commercial et l’enseigne sont des signes distinctifs de l’entreprise qui peuvent dans certains cas faire obstacle à l’adoption d’une marque postérieure identique ou similaire prêtant à confusion par un tiers. Il convient notamment que le signe antérieur invoqué soit connu sur l’ensemble du territoire national. Une enseigne purement locale ne peut être valablement opposée à une marque postérieure. Le nom de domaine constitue l’adresse d’un site internet. Comme la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne, le droit naît d’un usage dans la vie des affaires. Le simple enregistrement d’un nom de domaine n’est pas suffisant pour faire naître un droit opposable sur un nom. Seul un nom de domaine utilisé comme adresse d’un site actif peut, selon la jurisprudence, constituer une antériorité opposable à une marque postérieure. Une partie de la doctrine considère que le nom de domaine se rapproche de l’enseigne, il s’agit selon cette analyse d’un élément du fonds de commerce électronique ou numérique que constitue le site qui se trouve à l’adresse du nom de domaine. Cette analyse se conçoit lorsque nous sommes en présence de sites Internet marchands sur lesquels des opérations commerciales d’achat et de vente de biens ou services sont possibles en ligne. La qualification d’élément du fonds de commerce se trouve également justifiée quand on sait que certains noms de domaines ont fait l’objet de transactions pour des montants qui s’élèvent à plusieurs millions de dollars[14]. Comme pour la dénomination sociale, le nom commercial et l’enseigne, il faut que le nom de domaine soit connu sur l’ensemble du territoire pour constituer une antériorité opposable à une marque. Un nom de domaine utilisé comme adresse d’un site purement local risquerait de ne pas satisfaire la condition de la connaissance sur l’ensemble du territoire national. De la même façon un nom de domaine utilisé pour un site internet qui ne viserait pas le public français ne constituerait

pas une antériorité pour une demande de marque française. Le fait que les noms de domaine et les sites internet correspondants soient accessibles depuis le monde entier n’est pas un critère pertinent. Les tribunaux évaluent si le public français est visé, selon différents critères comme par exemple la langue utilisée et la possibilité de passer commande depuis le territoire national. Dans la pratique, la dénomination sociale, le nom commercial, l’enseigne et la marque sont constitués le plus souvent par la même dénomination, rien cependant ne s’oppose à ce qu’une entreprise utilise plusieurs noms commerciaux, un pour chaque secteur d’activité par exemple, ou plusieurs marques pour désigner différents produits et services.

2 Au-delà du droit des marques, trois autres droits de propriété intellectuelle

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On distingue trois autres droits de propriété intellectuelle : le droit d’auteur ; le droit des dessins et modèles ; le droit de brevet. Le droit d’auteur est le droit dont bénéficie automatiquement chaque auteur d’une œuvre de l’esprit. C’est une construction juridique, historique et sociale née en Europe dont le degré de protection s’adapte au fil des évolutions technologiques. Le droit d’auteur s’applique aux bases de données, logiciels et programmes d’ordinateurs, tout en subissant des remises en cause par le développement de l’internet et l’émergence de concept « libre » du type « creative commons ». Le droit d’auteur préserve les droits de l’auteur sur son œuvre. Il se divise entre : d’une part le droit moral, qui reconnaît à l’auteur la paternité de l’œuvre et qui vise aussi le respect de l’intégrité de l’œuvre ; le droit moral est imprescriptible et incessible, et d’autre part les droits patrimoniaux de l’auteur qui lui confèrent ainsi qu’à ses ayants droit un monopole d’exploitation économique sur son œuvre consistant en un droit de représentation, reproduction, traduction ou d’adaptation. Ces droits patrimoniaux peuvent être cédés, ils sont cependant limités dans le temps et passent dans le domaine public 70 ans après le décès de l’auteur. Le droit des dessins et modèles : L’apparence d’un objet peut être protégée par un dessin ou modèle, soit en deux dimensions quand il s’agit d’un graphisme ou d’un dessin ou en trois dimensions pour un modèle. La protection du dessin et modèle peut être obtenue par un dépôt auprès de l’administration compétente et le paiement des taxes correspondantes. La protection est octroyée pour une durée de 5 années et peut être renouvelée quatre fois pour un total de 25 années de protection maximum. Les critères de la protection sont la nouveauté et l’existence d’un caractère propre du dessin ou de l’objet en trois dimensions. Les dessins ou modèles peuvent être déposés au niveau national à l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) ou au niveau communautaire à l’OHMI (Office pour l’Harmonisation du Marché Intérieur). Le droit communautaire a également instauré un régime de protection des dessins et modèles non enregistrés pendant une durée de trois années à compter de leur première divulgation dans le territoire de l’Union européenne.

Le droit de brevet protège une invention, il s’agit d’un produit ou d’un procédé qui apporte une solution technique à un problème donné. La protection par brevet est soumise à un dépôt et à un examen des conditions de brevetabilité de l’invention. Les idées ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation, selon l’expression du Professeur Henri Desbois, « les idées sont de libre parcours ». Il n’est donc pas possible de protéger une idée en tant que telle, ni un genre, un concept ou un style. La protection suppose un degré de formalisation, de réalisation ou de transcription pour donner prise à un droit d’auteur, à un dépôt de dessin ou modèle, à une demande de brevet ou éventuellement un dépôt de marque. Ne rentrant dans aucune de ces catégories juridiques, les idées ne peuvent être protégées que par le secret. Si l’idée que l’on souhaite protéger devait être partagée par d’autres, un accord de confidentialité peut permettre d’engager la responsabilité contractuelle de celui qui aurait divulgué l’idée de manière intempestive ou l’aurait reprise à son compte.

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L’essentiel

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L’acquisition des droits sur la marque est un élément essentiel dans la stratégie des entreprises, car le droit des marques : constitue un monopole sur un signe distinctif ; permet à l’entreprise d’être vue et reconnue sur un marché concurrentiel ; constitue pour le consommateur une garantie sur l’origine des produits ou services ; permet de sécuriser les investissements publicitaires qui ont été consentis pour faire connaître les produits. Les conditions légales d’acquisition des droits sur la marque ne doivent pas être négligées. La marque doit être constituée par un signe distinctif. Il faut éviter les termes génériques ou les descripteurs et choisir, autant que possible, des mots inventés qui offriront un périmètre de protection plus large face aux imitations. Des marques évocatrices sont néanmoins possibles. Il convient également de conduire systématiquement des recherches de disponibilité approfondies afin de s’assurer que l’on n’est pas en train d’investir sur une marque indisponible ou à la disponibilité incertaine et qu’il faudrait avoir à changer suite à la demande amiable ou judiciaire d’un titulaire de droit antérieur. Les stratégies de dépôt de la marque sont également fondamentales. Il convient de déposer sa marque et de s’assurer de son enregistrement avant tout usage. Le dépôt doit couvrir tous les produits et services pour lesquels la marque pourra être utilisée à court, moyen et long terme, enfin la marque devra être déposée dans tous les territoires dans lesquels elle sera utilisée, si possible dans les 6 mois du premier dépôt, afin de bénéficier du délai de priorité. Le titulaire de la marque devra également mettre en place une veille afin de pouvoir faire opposition à temps contre tout dépôt de marque identique ou similaire pouvant prêter à confusion et diluer ainsi la force distinctive de sa marque. C’est seulement dans le respect de ces principes que le titulaire de la marque pourra acquérir et

maintenir dans le temps la valeur de sa marque.

Questions de réflexion 1 ■ Comment bien déposer sa marque ? Quel signe dois-je déposer ? Est-il suffisant de déposer le nom de ma marque ? Le logo ? Le slogan peut-il faire l’objet d’un dépôt séparé ? 2 ■ Pourquoi est-il nécessaire de surveiller les dépôts de marque effectués par les tiers ? 3 ■ Les marques tombent-elles dans le domaine public ?

BIBLIOGRAPHIE

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Section 4

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[1] PAUL MATHÉLY, « Le droit français des signes distinctifs », Journal des Notaires et des Avocats,1984.

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[2] JÉRÔME PASSA, Droit de la propriété industrielle, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2009. [3] CÉDRIC MANARA, Le droit des noms de domaine, LexisNexis 2012. [1]

Article 2 DIRECTIVE 2008/95/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques. « Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ». [2]

La MGM a enregistré le rugissement d’un lion comme marque pour désigner des services de divertissement, production et diffusion de films voir notamment au Canada marque numéro LMC828890 enregistrée le 31 juillet 2012 après 20 années de procédure et en Europe marque numéro 5170113 enregistrée le 4 mars 2008. [3]

TPI 15 sept. 2005, Live Richly, Rec. p. II-3411 (point 91), TPI 31 janvier 2001 Cine Action Rec p II-379, TPI 5 avril 2001 Easybank, Rec. P II-1259. [4]

CJCE Affaire C-206/01 du 12 novembre 2002.

[5]

Article 6 bis de la Convention d’Union de Paris du 20 mars 1883, marques notoirement connues :

(1) Les pays de l’Union s’engagent, soit d’office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction. (2) Un délai minimum de cinq années à compter de la date de l’enregistrement devra être accordé pour réclamer la radiation d’une telle marque. Les pays de l’Union ont la faculté de prévoir un délai dans lequel l’interdiction d’usage devra être réclamée. (3) Il ne sera pas fixé de délai pour réclamer la radiation ou l’interdiction d’usage des marques enregistrées ou utilisées de mauvaise

foi. [6]

Article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle : « La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée ». [7]

Communiqué du Directeur Général de l’INPI du 28 décembre 2012 relatif au libellé des produits et services des demandes d’enregistrement de marques au regard de l’arrêt de la CJUE du 19 juin 2012 (affaire IP Translator). [8]

Conditions figurant aux articles L 711- 2 et L 711- 3.

[9]

Refus de demande de marque communautaire numéro 2815132.

[10]

CJCE arrêt du 29 septembre 1998 affaire C 39/97 « Canon » au point 17 : « L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement ». [11]

Nous remercions l’APIE d’avoir contribué à ce chapitre en donnant son point de vue sur la protection des marques publiques.

[12]

Paul Mathély, Le droit français des signes distinctifs [1]

[13]

Article 1835 du Code Civil : « Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement ». [14]

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9,5 millions de dollars US pour porn.com en 2007, 10 millions de dollars pour fund.com en 2009, 13 millions de dollars pour sex.com en 2010 et 30 millions de dollars pour privatejet.com en 2012.

Chapitre

15

Le défi de la protection des formes, des couleurs et des slogans par le droit des marques Sylvie BENOLIEL-CLAUX

OBJECTIFS

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SOMMAIRE

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Comprendre en quoi les formes, les couleurs et les slogans peuvent constituer des marques à part entière et devenir des signes d’identification des entreprises. Analyser si ces signes atypiques sont plus difficiles à protéger par une marque qu’une simple dénomination.

Quels sont les critères de protection des formes par le droit des marques ? Les couleurs peuvent-elles être des marques valables ? Les slogans peuvent-ils être des marques valables ?

Les marques verbales, constituées d’un mot de fantaisie voire d’un terme emprunté au langage courant, sont des signes dits « traditionnels ». Les entreprises s’efforcent de les protéger en priorité, avant tout autre signe, dès lors qu’elles individualisent le mieux et le plus simplement leurs produits ou leurs activités (les marques Levi’s, GAP dans le domaine vestimentaire, Monoprix, Picard dans l’alimentaire, etc.). Lorsqu’elles sont enregistrées à titre de marque, elles confèrent un monopole à leur titulaire, comme cela a été exposé dans le chapitre précédent, sous réserve principalement d’être distinctives. Ce chapitre examine les signes « non traditionnels » pouvant constituer des marques sous certaines conditions ; il s’agit en premier lieu des formes (section 1) puis des couleurs (section 2). Moins connus que les signes verbaux et plus difficiles à cerner, ces

signes atypiques demeurent pourtant fort recherchés par certains opérateurs pour se démarquer des concurrents. Les entreprises du secteur de la parfumerie, par exemple, cherchent à protéger les formes de leurs bouteilles de parfums et l’obtention d’une marque sur telle forme leur permet d’obtenir un monopole, potentiellement à durée indéterminée. Dans d’autres secteurs aussi variés que la téléphonie (Orange), l’alimentaire (Nestlé pour le chocolat Milka), la mode (Louboutin), les entreprises tentent de revendiquer une ou plusieurs couleurs, par exemple de l’orange, du violet ou du rouge, pour s’identifier aux yeux des consommateurs. Ces signes peuvent, en principe, être enregistrés à titre de marque[1]. À la différence des marques verbales, ils ne se prononcent, ni ne se lisent puisque par définition, les formes ou les couleurs sont enregistrées sous leur forme « nue » (sans aucune inscription) et c’est en cela que nous pouvons les classer parmi les signes non traditionnels.

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Nous évoquerons en dernier lieu les marques pouvant être constituées de slogans (section 3). Ce sont à notre sens des signes hybrides. D’un certain point de vue traditionnels puisqu’ils sont composés de mots comme les marques verbales, ils demeurent toutefois singuliers dans la mesure où le consommateur n’a pas pour habitude de désigner un produit ou un service par un slogan et à identifier tel ou tel opérateur grâce à celui-ci.

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Dans quelles conditions de telles formes, de tels couleurs et slogans peuvent-ils constituer des marques valables et devenir des signes d’identification des entreprises ? Ces signes atypiques sontils plus difficiles à protéger par une marque qu’une simple dénomination ?

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Section 1

QUELS SONT LES CRITÈRES DE PROTECTION DES FORMES PAR LE DROIT DES MARQUES ?

1 Définition d’une forme au sens du droit des marques Les formes qui peuvent être enregistrées à titre de marque et auxquelles nous nous référons ici sont de nature très variée, quel que soit le secteur considéré. Ce sont avant tout des formes tridimensionnelles ou bidimensionnelles (autrement appelées formes en 3D ou 2D) constituées de la forme intégrale du produit[2]. Il existe par exemple, dans le domaine de l’alimentaire ou du parfum, des marques enregistrées qui sont constituées de la forme d’un gâteau ou de celle d’une bouteille, par exemple le gâteau BN (de forme générale carrée avec deux yeux et une bouche) ou la bouteille de parfum « Le Mâle » de Jean-Paul Gaultier (cf. Figure XVI du cahier central). Ce peut être également des signes en trois ou deux dimensions constitués d’une forme qui correspond à une

partie seulement du produit, hypothèse à laquelle on pense moins immédiatement mais qui est pourtant fréquente. Sont ainsi enregistrés à titre de marque, en particulier par les industries du luxe et de la mode, des motifs ornementaux représentant le décor d’une partie du produit, par exemple le motif de surpiqûres « cannage » de la maison Christian Dior pour désigner des articles de maroquinerie (cf. Figure 15.1) ou la représentation d’un fermoir Louis Vuitton pour des bijoux (cf. Figure 15.2).

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Figure 15.1 Motif « cannage » déposé comme marque par la société Christian Dior Couture

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Figure 15.2 Forme de fermoir déposée comme marque par la société Louis Vuitton Malletier

Dans d’autres industries plus technologiques, sont également enregistrées des formes très diverses telles que la représentation stylisée d’un rasoir à trois têtes (cf. Figure 15.3) ou de celle d’un manche de couteau (cf. Figure 15.4) Figure 15.3 Forme de tête de rasoir déposée comme marque

Figure 15.4 Forme de tête de couteau déposée comme marque

2 Impossibilité d’enregistrer certaines formes à titre de marque

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La « forme du produit ou de son conditionnement » peut constituer une marque sous réserve qu’elle soit susceptible de « représentation graphique » et apte « à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises » [3]. Il n’est pas difficile d’imaginer spontanément qu’une forme de bouteille aussi connue que celle du parfum « Le Mâle » de Jean-Paul Gaultier (cf. Figure XVI du cahier central) puisse être enregistrée pour désigner les parfums et tel est bien le cas aujourd’hui. Cette forme est assurément distinctive pour un parfum puisqu’elle identifie sans peine l’origine du produit désigné. Les registres de marques comportent divers exemples de formes de produits, de leurs conditionnements, de certaines parties de ces produits ainsi enregistrés à titre de marque, sans aucune inscription graphique. On emploie souvent l’expression de formes « nues ». Il ressort toutefois de la loi, comme de la jurisprudence, française et communautaire, que ces formes nues sont envisagées de manière restrictive par le droit des marques. Un examen du registre tenu par l’INPI révèle d’ailleurs que si les exemples sont variés – la bouteille de CocaCola, la bouteille Perrier, le rocher de chocolat Ferrero sont enregistrés à titre de marque sous leur forme nue – ils ne sont pas non plus légion. Il est donc important de comprendre que toute forme ne peut devenir une marque. Même si elle le devient grâce à son enregistrement par un office de marques (qui ne se livre pas toujours à un examen approfondi de la validité du signe), un tiers peut toujours la contester et chercher à en obtenir l’annulation. Selon la directive communautaire sur les marques, la protection est ainsi refusée aux signes qui sont constitués exclusivement : par la forme imposée par la nature même du produit ; par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ; par la forme qui donne une valeur substantielle au produit[4]. Sont ici énoncés les trois motifs absolus de refus d’enregistrement ou de nullité. Ces motifs de refus sont spécifiques aux signes de forme : ils ne s’appliquent qu’à ces derniers et en aucun cas aux signes traditionnels tels que les mots, les lettres, les chiffres. Si la forme envisagée ne peut être protégée comme marque en raison de l’un de ces motifs, l’interdiction ne souffre pas d’exception : il importe peu que cette forme soit distinctive, il importe peu qu’elle ait fait l’objet d’un usage

intensif l’ayant rendue arbitraire avec le temps. Chacune de ces trois catégories de formes interdites que l’on peut désigner, pour simplifier, comme les formes exclusivement naturelles, fonctionnelles ou ornementales mérite d’être envisagée successivement. 2.1 La forme dite naturelle Une telle forme ne peut être enregistrée comme marque, ou si elle l’est, est susceptible d’être annulée. Il s’agit ici de prévenir le cas d’un opérateur qui chercherait à s’octroyer un monopole sur la forme « naturelle » que prend habituellement un produit, ce qui empêcherait ses concurrents de l’utiliser. Cette forme doit être radicalement exclue de toute possibilitsé de protection, que ce soit par le droit des marques ou par tout autre droit de propriété intellectuelle (tel que droit de brevet, droit d’auteur ou droit des dessins et modèles), chaque concurrent du secteur concerné devant pouvoir l’utiliser librement.

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Ainsi paraît-il parfaitement légitime qu’un savon décoratif en forme classique de cube ne puisse constituer une marque valable dès lors que la forme adoptée n’est que la forme naturelle de ce type de produits (cf. Figure 15.5). Celle-ci doit rester à la libre disposition de tous : conformément au principe dit d’intérêt général, dégagé notamment par la jurisprudence communautaire[5], il convient, dans le domaine du droit des marques, de ne pas restreindre indûment la disponibilité de telles formes pour les autres opérateurs offrant des produits de même type.

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Figure 15.5 Forme naturelle d’un savon

De même, à propos d’une semelle de chaussure de couleur rouge ayant fait l’objet d’un enregistrement de marque par la société Christian Louboutin (cf. Figure XVIII du cahier central), la Cour d’appel de Paris a jugé que cette marque devait être annulée, considérant en particulier que sa forme est imposée par sa nature « […], dans la mesure où la partie supérieure, plus large, peut s’analyser comme correspondant à l’avant du pied et la zone inférieure, rétrécie, s’interpréter comme la base d’un talon haut [...]. » [6] Exemple 15.1 – La tong Havaianas

Marque communautaire n° 9039892 de la société São Paulo Alpargatas S.A.

2.2 La forme fonctionnelle

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Une société dite Alpartagas a déposé une marque constituée de la représentation d’une tong photographiée sous différents angles. Peut-on dire que cette marque est valable ? Par un jugement du 31 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Paris a répondu par la négative (ce jugement n’est pas définitif) et a donc annulé cette marque, considérant que la forme revendiquée pour désigner des chaussures et sandales (classe 25) « est l’objet lui-même, à savoir une tong dans sa forme la plus banale et que ce signe est manifestement, à l’exclusion de la marque Havaianas qui y est insérée, un signe constitué exclusivement par la forme imposée par la nature même du produit ».

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Lorsque la forme envisagée est essentiellement dictée par des impératifs techniques au regard du produit désigné, elle ne peut davantage constituer une marque valable. La validité de marques telles que la brique Lego pour désigner des jeux de construction ou les rasoirs Philips pour désigner de tels appareils a été âprement contestée pendant plusieurs années devant les Tribunaux (nationaux et communautaires), notamment au motif qu’elles ne correspondaient qu’à des formes purement fonctionnelles. Cette thèse fut accueillie avec succès dans les deux cas. De telles formes ne peuvent donc faire l’objet d’une appropriation à durée illimitée par le biais du droit des marques. La raison d’être de cette interdiction (ce que l’on appelle la « ratio legis ») est d’éviter que le droit exclusif et permanent octroyé par une marque puisse être utilisé de manière détournée, pour protéger une forme qui devrait en réalité être soumise à une réglementation alternative telle que celle des brevets, limitée dans le temps. C’est, en d’autres termes, empêcher que le droit des marques n’abrite des formes qui ne peuvent être des marques et devraient relever d’une protection soumise à des délais de péremption (un brevet d’invention confère en principe un monopole à son titulaire pendant 20 ans, durée après laquelle l’invention tombe dans le domaine public et peut être exploitée par quiconque) [7]. Exemple 15.2 – Les rasoirs Philips

S’agissant plus particulièrement des rasoirs Philips, l’une de ses marques contestées était composée de la représentation de la partie supérieure du rasoir, soit trois têtes rotatives de rasage insérées dans un triangle équilatéral renversé aux angles arrondis. La cour d’appel de Paris, après s’être livrée à un examen détaillé du signe, en a prononcé la nullité après avoir notamment constaté que :

La forme de 3 têtes de rasoir rotatives

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2.3 La forme ornementale

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le choix de trois têtes circulaires produit un résultat technique (le rasoir rase de plus près ; sa vitesse est supérieure à celle du rasoir à deux têtes) ; la forme arrondie des angles est dictée par la préoccupation constante d’éviter toute arête vive qui pourrait sinon blesser, à tout le moins rendre inconfortable le rasage ; la forme du contour extérieur est conditionnée par la configuration des trois têtes de coupe ; différents brevets antérieurs de la société Philips confirment le caractère fonctionnel du rebord en forme de trèfle, la forme revendiquée étant exclusivement asservie au résultat technique recherché, tendre la peau et éviter qu’elle ne soit irritée par une pression excessive sur les éléments de rasage[8].

Il est impossible qu’une marque puisse s’appliquer à une forme qui est intrinsèquement liée à sa valeur esthétique. Le motif du refus d’enregistrement est le même que celui qui vient d’être énoncé pour les formes fonctionnelles : « [...] l’objectif immédiat de l’interdiction d’enregistrer les formes [...] qui donnent une valeur substantielle au produit est d’éviter que le droit exclusif et permanent que confère une marque puisse servir à perpétuer d’autres droits que le législateur a voulu soumettre à des “délais de péremption” ». Les réglementations visées sont celles des dessins et modèles et du droit d’auteur[9]. Il est parfois très difficile de savoir si la forme adoptée est purement ornementale ou non, la réponse donnée à l’égard de telle ou telle forme étant nécessairement empreinte de subjectivité. L’enjeu est pourtant de taille pour les entreprises concernées car il revient à savoir si elles peuvent protéger de manière perpétuelle, grâce à une marque, un objet de design ou à vocation esthétique dont la protection n’est plus possible par un droit de modèle ou un droit d’auteur. Ce peut être par exemple un fauteuil, un objet design, mais aussi des ornementations telles que des motifs de tissu. On comprend de la jurisprudence que si la forme choisie détermine essentiellement le caractère

attractif du produit, c’est-à-dire fait l’essentiel de sa valeur marchande, si en d’autres termes elle est finalement éminemment esthétique ou ornementale, il existe de grandes chances qu’elle soit considérée comme correspondant à la valeur substantielle du produit et qu’elle ne puisse donc bénéficier d’une protection par le droit des marques. Si cette forme, en revanche, ne fait pas la substance du produit et est devenue attractive du fait seulement des investissements de son titulaire, la marque correspondante pourra être considérée comme valable.

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Exemple 15.3 – L’enceinte Bang & Olufsen La question de la validité de cette forme s’est posée. La marque en jeu avait été déposée par la société Bang & Olufsen et était constituée d’une forme d’enceinte pour désigner notamment des appareils acoustiques. Le Tribunal de l’Union européenne (TUE) retient de manière claire que « la forme pour laquelle l’enregistrement a été demandé témoigne d’un design tout particulier et la requérante admet elle-même [...] que ce design est un élément essentiel de sa stratégie de marque et qu’il augmente l’attractivité du produit en cause, c’est-à-dire sa valeur ». Le Tribunal relève encore que d’après diverses sources (sites internet de distributeurs, de vente aux enchères ou de vente de produits d’occasion), « la forme est perçue comme une sorte de sculpture pure, élancée et intemporelle, pour la reproduction de musique, ce qui en fait un élément substantiel en tant qu’argument de promotion de vente » [10].

2.4 La limitation de l’interdiction aux signes « exclusivement » naturels, fonctionnels ou ornementaux L’interdiction de protection par le droit des marques ne joue qu’à l’égard des formes « exclusivement » naturelles, fonctionnelles ou ornementales. Cet adverbe a toute son importance car il permet de délimiter la frontière entre les formes interdites et celles qui pourront être enregistrées. La jurisprudence s’est penchée sur le sens qu’il convenait de donner à ce terme, notamment à propos de la brique Lego afin de déterminer si celle-ci correspondait à une forme exclusivement fonctionnelle pour désigner des jeux de construction. Il en ressort qu’une forme exclusivement fonctionnelle sera celle dont « toutes les caractéristiques essentielles [...] répondent à la fonction technique » [11]. A la lumière de cette définition, on comprend qu’il n’est pas

nécessaire de prendre en compte toutes les caractéristiques du produit sans exception et notamment celles qui seraient de moindre importance. La présence de quelques éléments arbitraires mineurs dans un signe dont tous les éléments principaux sont dictés par un impératif technique est donc sans incidence : le signe sera considéré comme exclusivement fonctionnel et dès lors non protégeable à titre de marque[12]. Cela suppose qu’à chaque fois que l’on s’interroge sur le caractère protégeable du signe de forme revendiqué à titre de marque, celui-ci doit être en quelque sorte décortiqué : il importe d’identifier ses « éléments les plus importants » soit « par une simple analyse visuelle du signe » pris dans son ensemble, soit sur la base d’un « examen approfondi » et déterminer alors si ses caractéristiques révèlent une forme qui ne pourra pas être appropriée par le droit des marques[13].

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Exemple 15.4 – Presse-agrumes Philippe Starck

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Forme déposée comme marque (n° 4857827) pour désigner des « presse-agrumes » (classe 21). Un exemple intéressant, identifié parmi les registres de marques est celui de la marque constituée du célèbre modèle de presseagrumes Juicy Salif créé par le designer Philippe Starck pour le compte de la Maison Alessi. Cette marque a été enregistrée en 2007, dix-sept ans après le début de sa commercialisation, sur le fondement de sa distinctivité acquise par l’usage. Cette forme est très connue, et il ne fait pas de doute qu’elle est arbitraire et identifie l’origine des produits. Pour autant, cette forme ne donnet-elle pas au produit sa valeur substantielle ? Pour répondre à cette question, il convient de rechercher les caractéristiques essentielles de cette forme, ses éléments les plus importants. On est alors assez vite convaincu que le design occupe une place essentielle dans la forme de ce presse-agrumes et quiconque a déjà utilisé cet objet pour sa fonction officielle sait qu’il s’agit d’un objet très peu pratique. D’ailleurs, face aux critiques formées sur le manque de fonctionnalité de son produit, Philippe Starck aurait répondu que la véritable fonction de l’objet n’est pas de presser des citrons, mais de lancer une conversation ! À notre sens, la validité de cette marque pourrait donc être sérieusement discutée ; le produit est acheté pour sa forme exclusivement et non pour le produit lui-même. Attention toutefois, cela ne signifie pas que cet objet est libre de droits ; en effet, si cette marque était un jour annulée, il resterait sans doute possible pour son titulaire de soutenir que l’objet est original et qu’il bénéficie ainsi, à tout le moins, de la protection par le droit d’auteur.

Les motifs de refus ou de nullité en raison de la nature, de la fonction ou du caractère ornemental du produit que nous venons d’examiner constituent des obstacles fondamentaux qui empêchent que le signe soit protégé à titre de marque et ce, même si avec le temps, ce signe a fait l’objet d’une exploitation intense et qu’il a ainsi acquis un caractère distinctif par l’usage dont il a fait l’objet. De tels motifs doivent être examinés en premier chef, s’agissant selon la jurisprudence, d’« obstacles préliminaires ». Si le signe recherché passe ces premiers obstacles (ce qui parfois se

constate très rapidement, le signe n’ayant rien qui s’apparente à la nature du produit, à sa fonction ou à sa valeur substantielle), son examen n’en est pas pour autant terminé. Il ne sera déclaré valable qu’à la condition de présenter un caractère distinctif, critère que nous allons étudier dans le paragraphe suivant. 3. Nécessité d’une forme distinctive 3.1 La forme qui diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur Selon une jurisprudence bien établie, il est de principe que le caractère distinctif d’une marque signifie que celle-ci permet d’identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et de distinguer ainsi ces produits ou services de ceux issus d’autres entreprises. Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

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Il est non moins rappelé de manière constante – mais la précision donnée est de taille pour le sujet qui nous intéresse – que ce consommateur moyen n’a pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel et qu’il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit lui-même que s’agissant d’une marque verbale ou figurative consistant en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne[14]. Dans ces conditions, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé ce qui suit : « [...] plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b, du règlement n° 40/94. Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition » [15] [16]. 3.2 L’évaluation de la « distinctivité » de la forme par la jurisprudence Les juges nationaux et communautaires se sont prononcés à de nombreuses reprises sur la distinctivité de telle ou telle marque constituée d’une forme et l’on observe, depuis quelques années surtout, que leur analyse est généralement sévère si bien qu’en définitive, peu de formes nues sont considérées comme suffisamment arbitraires pour accéder à la protection illimitée offerte par le droit des marques.

Exemple 15.5 – Les cas Unilever et Nestlé

Forme de la bûche d’Unilever non reconnue comme marque

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Forme de bouteille Nesté Waters France déclarée distinctive

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Ainsi en est-il allé pour une forme de bûche glacée, enregistrée comme marque tridimensionnelle par la société Unilever en 1999. Cette marque consistait précisément en la photographie d’une forme parallélépipédique composée de trois couches superposées sinusoïdales, entrecoupées de couches plates et désignait, en classe 30, les glaces comestibles et les gâteaux glacés vendus sous la marque Vienneta. La cour d’appel de Paris, selon un arrêt définitif du 19 juin 2009[17], a jugé que « la forme déposée est un parallélépipède, très évocatrice de celle adoptée pour des cakes, vacherins ou bûches glacées ». S’agissant de la superposition de couches sinusoïdales, entrecoupées de couches plates, la Cour relève « […] que le consommateur qui n’est pas habitué à ce que la forme d’un entremet glacé lui signifie l’origine de l’entreprise qui le commercialise, ne pouvait percevoir en 1998, dans cette seule différence décorative, le signe d’une origine ». Autrement dit, le signe en cause est analysé dans toutes ses composantes afin de rechercher s’il peut être perçu par le consommateur d’attention moyenne comme une marque qui remplit sa fonction essentielle de garantie de provenance. La Cour répond par la négative et annule cette marque (dans sa partie française seulement, la marque étant internationale). D’une part, elle considère que la forme générale du produit ne se différencie pas de façon suffisamment significative pour permettre au consommateur d’y voir l’indication d’une origine déterminée. D’autre part, elle retient que les couches superposées en forme de vagues ne seront perçues que comme un élément de décor empêchant de percevoir, dans ce détail, le signe d’une origine. En revanche, le signe tridimensionnel composé d’une bouteille, déposé par la société Nestlé Waters France comprenant notamment sur le corps, dans sa partie inférieure, différentes cannelures de forme ondulatoire, et dans sa partie supérieure, des cannelures en spirale qui dessinent par transparence des losanges, a pu être enregistré à titre de marque, après quelques années de procédure devant l’OHMI (cf. Figure 15.6). Après avoir rappelé dans cette affaire que « […] pour apprécier si la forme de la bouteille en cause peut être perçue par le public comme une indication d’origine, il y a lieu d’analyser l’impression d’ensemble produite par l’apparence de ladite bouteille », le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) a considéré que la combinaison des éléments de présentation figurant sur cette bouteille « est véritablement spécifique », « l’ensemble formant un design remarquable et facilement mémorisable », permettant au public concerné de « distinguer les produits visés par la demande d’enregistrement de ceux ayant une autre origine commerciale » [18].

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L’analyse que nous venons d’effectuer sur les marques de forme nous permet de comprendre que la protection d’une forme par le droit des marques, aussi importante soit-elle pour certaines entreprises, demeure assez difficile à obtenir. Les possibilités d’empêcher son enregistrement et son existence sont nombreuses et les exemples donnés en témoignent. Pour autant, il n’est pas question de renoncer à assurer la protection d’une forme par une marque surtout lorsqu’elle représente un actif incorporel fort de la société qui souhaite la protéger efficacement. Il importe alors que l’entreprise pavienne à identifier et protéger la bonne forme pour le bon produit, celle qui permettra d’échapper à tous les motifs de refus ou de nullité que nous avons envisagés et qui pourra être revendiquée avec succès par son titulaire dans le cadre d’une action en contrefaçon (cf. Chapitre 16). Les couleurs et les slogans constituent deux autres catégories de signes atypiques qu’il importe à présent d’envisager.

Section 2

LES COULEURS PEUVENT-ELLES ÊTRE DES MARQUES VALABLES ?

1 Problématique Il est certains produits ou services que l’on associe spontanément à des couleurs. Nous nous référions en introduction au chocolat Milka, aux chaussures Louboutin ou aux services de téléphonie Orange qui, dans l’esprit des consommateurs, renvoient, a priori sans peine, respectivement aux couleurs violette, rouge ou orange. Rien n’exclut en théorie leur enregistrement à titre de marque. Le seul critère requis est que la couleur sollicitée soit distinctive, c’est-à-dire suffisamment arbitraire au regard des produits et services qui sont désignés dans le dépôt.

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L’actuelle directive communautaire sur les marques, même si elle ne dit mot des couleurs, permet ainsi l’enregistrement de « tous les signes susceptibles d’une représentation graphique », « à la condition qu’ils puissent distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises » [19]. De même, le Code de la propriété intellectuelle français envisage, parmi les signes figuratifs pouvant être une marque, « les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs » [20]. En pratique toutefois, l’enregistrement d’une marque constituée d’une couleur ou d’une combinaison de couleurs est difficile à obtenir et s’il l’est, cet enregistrement demeure assez vulnérable. On constate, d’après la consultation de registres de marques tels que celui de l’INPI, que les signes uniquement composés d’une couleur ou d’une combinaison de couleurs sont finalement peu nombreux.

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La résistance opposée à l’enregistrement de tels signes tient principalement au fait que les couleurs sont généralement et d’emblée perçues par le public comme des éléments du patrimoine commun qui doivent rester à la libre disposition de tous. Il est vrai que la palette de couleurs disponible est limitée et les pourfendeurs des marques de couleurs plaident la nécessaire liberté des entreprises à pouvoir les utiliser librement.

2 Position de la jurisprudence Dans quelles conditions par conséquent une couleur en elle-même, sans délimitation dans l’espace, est-elle susceptible d’avoir un caractère distinctif pour certains produits ou services ? La question s’est tout particulièrement posée à l’égard d’une demande d’enregistrement constituée simplement d’une surface rectangulaire de couleur orange, décrite par le déposant dans l’emplacement réservé à cet effet, par la mention « orange », sans que soit mentionné un quelconque code de couleur. Saisie de cette question, la Cour de justice de l’Union européenne a notamment dit pour droit[21] qu’une couleur en elle-même sans délimitation dans l’espace est susceptible de présenter, pour certains produits et services, un caractère distinctif, notamment sous les conditions suivantes : La couleur doit faire l’objet d’une représentation graphique qui soit claire, précise, complète,

facilement accessible, intelligible, durable et objective. Pour cela, la couleur peut être désignée par un code d’identification internationalement reconnu (par exemple, le code « pantone »). Il faut tenir compte, en outre, de l’intérêt général, c’est-à-dire ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé. La couleur en elle-même doit être « apte à identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises ». S’il ne bénéficie d’aucun usage antérieur, le signe de couleur devra donc, plus qu’un autre, suivre un parcours difficile pour accéder à la protection : répondre aux qualificatifs de clarté, précision, accessibilité pour ne citer qu’eux, grâce à un code d’identification type pantone[22] ; ne pas contrevenir à l’impératif de disponibilité ; être perçu comme un signe distinctif qui remplira sa fonction d’identification d’une origine déterminée.

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Au regard de ces exigences, on constate que la jurisprudence de ces dernières années offre plus d’exemples de marques de couleurs refusées qu’enregistrées et il en va de même à l’égard des combinaisons de couleurs[23].

LES SLOGANS PEUVENT-ILS ÊTRE DES MARQUES VALABLES ?

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Section 3

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Les slogans peuvent-ils être des marques valables ?

1 Problématique Un slogan qui se définit classiquement comme un assemblage de mots, peut constituer une marque valable, sous réserve d’être distinctif[24], tout comme les couleurs. Un tel signe, dès lors qu’il est constitué de mots, n’a pas à répondre aux critères de clarté, de précision, d’accessibilité et d’intelligibilité recherchés pour les couleurs, tels que rappelés par l’arrêt Libertel susvisé. Un slogan sera distinctif sous deux conditions : Si, selon les critères requis par les marques verbales, il ne correspond pas exclusivement à « la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service » [25] ou s’il n’est pas exclusivement descriptif d’une caractéristique du produit ou du service. S’il présente un caractère distinctif en lui-même (intrinsèquement), le fait qu’il ne soit ni

nécessaire, ni générique, ni usuel, ni descriptif ne suffisant pas à le rendre valable. Cette dernière exigence de caractère distinctif per se revient à s’interroger, selon la jurisprudence, sur la capacité de ce signe à identifier aux yeux des consommateurs concernés, l’origine des produits (ou services) visés à son enregistrement. Or, un slogan n’a pas pour vocation première de permettre aux consommateurs d’identifier une origine déterminée ; par nature en effet, un tel signe a une finalité exclusivement laudative ou promotionnelle, voire informative, mais ne permet pas – sauf exception, notamment s’il est notoire – de renvoyer à une origine.

2 Position de la jurisprudence

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La jurisprudence est abondante et l’on constate que nombre de slogans a été refusé à l’enregistrement par les instances communautaires[26]. Un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne mérite toutefois d’être relevé puisqu’il a été notamment considéré que le slogan « Vorsprung durch Technik » signifiant « avance par la technique » était distinctif en ce qu’il « nécessite un certain effort d’interprétation de la part du public ». En outre, ce slogan témoigne d’une certaine originalité et prégnance qui le rendent facilement mémorisable. Enfin, dans la mesure où il s’agit d’un slogan renommé et utilisé depuis de nombreuses années par Audi, il ne saurait être exclu que le fait que le public concerné soit habitué à établir le lien entre ce slogan et les automobiles de cette marque facilite également l’identification par ce public de l’origine commerciale des produits ou services désignés » [27].

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Les tribunaux français se sont alignés sur les principes dégagés par la jurisprudence communautaire. La cour d’appel de Paris a ainsi jugé que la marque « I LOVE MY T’s » pour désigner des produits de la classe 25 (notamment des vêtements) devait être annulée[28]. Elle a constaté tout d’abord que le consommateur concerné n’ignore pas que le signe « T’s » est couramment utilisé comme abréviation du mot « tee-shirt » et qu’il comprend aisément l’expression en cause comme signifiant « j’aime mon tee-shirt ». Elle a ensuite relevé qu’il est établi que l’expression « I Love » était utilisée de façon intensive dès avant le dépôt de la marque revendiquée en 2007, à des fins publicitaires ou promotionnelles pour toutes catégories de produits ou services, par imitation du célèbre slogan « I love New York » créé en 1975. La cour en a conclu que « l’utilisateur final, acheteur de vêtements, percevra d’emblée l’expression « I love my T’s » comme destinée à susciter en lui un sentiment d’affection à l’égard des produits désignés et par là même à l’inciter à acheter ces produits, ce qui revient à dire qu’il appréhendera la marque constituée d’une telle expression comme une formule laudative à visée promotionnelle et non pas comme un indicateur de l’origine commerciale des produits ». L’analyse sera certainement différente si le signe a acquis un fort caractère distinctif du fait de l’usage qui en est fait par son titulaire et notamment s’il est devenu notoire. Ainsi en est-il d’une

marque telle que « Just do it » qui, compte tenu de l’usage intensif dont elle bénéficie depuis plusieurs années, identifie sans peine l’origine des produits commercialisés par la société Nike[29].

L’essentiel Ce chapitre fait référence à la notion de défi et l’on comprend pourquoi, à la lumière des observations qui précèdent. Ces signes atypiques que sont les formes, les couleurs ou les slogans bien que souvent perçus par les entreprises comme de véritables enjeux stratégiques, ne peuvent pas toujours accéder à la protection à durée illimitée qu’offre le droit des marques. La jurisprudence de ces dernières années, globalement plus ciselée et plus sévère qu’auparavant à l’égard de ces signes, illustre la difficile conciliation entre la nécessaire constitution de monopoles de marque par les entreprises et la préservation indispensable de la libre concurrence.

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Questions de réflexion

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1 ■ Les marques suivantes sont-elles valables : la forme du sac « Kelly » de la société Hermès ? la forme d’une célèbre voiture de la société Ferrari, déposée sous plusieurs angles ? la tête de la poupée Barbie ? la forme du rocher au chocolat de la société Ferrero, décrite dans le dépôt de marque, comme « une sphère caractérisée par une surface extérieure irrégulière de couleur marron sur fond blanc » ? 2 ■ Une semelle de chaussure jaune portant sur l’acte de dépôt de marque la description suivante : « jaune fluorescent » peut-elle constituer une marque valable pour désigner des chaussures ? 3 ■ La marque suivante peut-elle être considérée comme valable pour désigner des vêtements (classe 25) ?

Section 4

BIBLIOGRAPHIE

[1] PASSA, J., Droit de la propriété intellectuelle, LGDJ Tome 1, 2009. [2] Revue Propriété industrielle, Lexis Nexis. [3] Revue Propriétés intellectuelles, Thomas Reuters Transactive. [1]

Directive 2008/95/CE du 22.10.2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, article 2.

[2]

Le concept de forme ne se limite pas en effet à la forme en 3D de produits ; il s’applique également aux formes en 2D, dites figuratives : voir sur ce point qui a fait débat, arrêts CJUE 22.06.2006, C25/05, point 29 STORCK ; CJUE 13.09.2011, C546/10P, point 58, HANSPETER WILFER ; TUE 8.05.2012, T331/10 et T416/10, point 25, YOSHIDA. [4]

Directive 2008/95/CE du 22.10.2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, article 2. Directive 2008-1995/CE du 22.10.2008, article 3.1 :

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[3]

« Sont refusés à l’enregistrement ou sont susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés : [...] e) les signes constitués exclusivement :

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i) par la forme imposée par la nature même du produit,

ii) par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, [5]

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iii) par la forme qui donne une valeur substantielle au produit ». CJUE 6.05.2003, C104/01, LIBERTEL.

[6]

CA PARIS (définitif), 22.06.2011, RG 09/00405, ZARA FRANCE / LOUBOUTIN et Cass. Com. 30.05.2012, n° de pourvoi 1120724. Ne pas confondre ce litige français avec celui qui fut plaidé devant la Cour d’appel de New York en 2012 qui opposait la société LOUBOUTIN à la société YVES SAINT LAURENT dans lequel la société LOUBOUTIN fondait son action sur une marque constituée d’une semelle rouge mais déposée différemment de la marque française annulée par la cour d’appel de Paris. [7]

CJUE Gde Ch. 14.09.2010, C48/09 P, LEGO ; CJUE 18.06.2002, C299/99, PHILIPS ; également TUE 8.05.2012, T331/10 et T416/10, points 25 à 27, YOSHIDA, concernant un manche de couteau, pourvoi en cours. [8]

CA PARIS 16.02.2005 (définitif), RG 03/14961 et Cass. com. 30.05.2007, n°W0516898, PHILIPS.

[9]

TUE 6.10.2011, T508/08, BANG & OLUFSEN, point 65.

[10]

Voir TUE 6.10.11 précité, BANG & OLUFSEN, points 74 et 75.

[11]

LEGO précité, point 51 ; également, YOSHIDA précité, point 26 12 Idem LEGO point 52.

[12]

Idem LEGO point 52.

[13]

Idem LEGO points 69 à 71.

[14]

CJUE 7.10.2004, C1 36/02 P, point 29 et 30, MAG INSTRUMENT Inc.

[15]

Même arrêt, point 31.

[16]

Pour un rappel récent de ces principes, CJUE 20.10.2011, C-344/10 P et C-345/10 P, points 45 à 47, FREIXENET c. OHMI, pour des bouteilles émerisées ; TUE 18.01.2013, T-1 37/1 2, FUNFACTORY c. OHMI, point 19, marque tridimensionnelle pour des

vibrateurs. [17]

Cour d’appel PARIS 19.06.2009 UNILEVER NV / ROLLAND SRL RG 07/17988 et Cass.com. 1.03.2011, inédit au bulletin, n ° 1030023, rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel ; pour un commentaire de ces deux décisions, M. Sabatier, Propriétés intellectuelles, octobre 2009 n° 33 page 421 et avril 2011 n° 39 p. 219. [18]

TUE 3.12.2003, T305/02, NESTLE WATERS FRANCE, points 39 à 41.

[19]

Directive 2008/95/CE du 22.10.2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, article 2. Il est à noter toutefois que la proposition de nouvelle Directive sur les marques du 27.03.2013 envisage désormais expressément que « les couleurs en tant que telles » peuvent constituer des marques sous réserve d’être distinctives. [20]

Code de la Propriété Intellectuelle, article L.7111, alinéa 2, c).

[21]

Arrêt LIBERTEL visé en note 5.

[22]

Cass.com. 10.05.2006, n° Pourvoi 05-16745 (MOV’IN/DECATHLON) : la marque figurative constituée d’un rectangle bleu appartenant à la société DECATHLON est jugée valable dès lors qu’il est précisé dans son dépôt qu’il s’agit de la couleur « Pantone Process Blue Quadri Cyan 100 % » ; la contrefaçon a été retenue. [23]

A titre d’exemples de marques refusées composées d’une combinaison verticale des couleurs gris et rouge : TUE 12.11.2010, T-404/09 et T-405/09, Deutsche Bahn/OHMI. [24]

Directive 2008/95/CE du 22.10.2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, article 2 ; Code de la propriété intellectuelle, article L.711-1, alinéa 2, a). [25]

Code de la propriété intellectuelle, article L.711-2, alinéa 2, a) et b).

[26]

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À titre d’exemples, les slogans « Delivering the essentials of life », « Dream it, do it », « Live richly » n’ont pas été reconnus valuables par le TUE : T-128/07 ; T-186 : 07 ; T-320/03. CJUE 29.01.2010, C-398/08 P, point 59, Audi/OHMI.

[28]

CA PARIS 30.11.2011 RG 09/25 107 ZARA/ HPP (définitif).

[29]

OHMI, 22.12.2011, opposition n° B 1 676 520, Nike International/Hermann Hanf

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[27]

Chapitre

16

La contrefacon de marque Sylvie BENOLIEL-CLAUX et Christophe LELIEUR

OBJECTIFS

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Comprendre, dans la lutte contre la contrefaçon, quels sont les actes interdits et autorisés. Identifier quelle est la protection dont bénéficient les marques et plus particulièrement les marques de renommée.

Quels sont les actes interdits ? Quels sont les actes autorisés ?

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SOMMAIRE

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Quelle est la protection dont bénéficie la marque de renommée ?

La lutte contre la contrefaçon est un objectif prioritaire, rappelé à maintes reprises par les pouvoirs publics ainsi que par les instances européennes. Il s’agit de réprimer toute atteinte portée par un tiers à un droit de propriété intellectuelle tel qu’une marque, un brevet, un dessin ou modèle ou un droit d’auteur. Quels sont les actes interdits ? Quels sont les actes autorisés ? Quelle est la protection dont bénéficie la marque de renommée ? Ce chapitre éclaire ces différentes questions.

Section 1

QUELS SONT LES ACTES INTERDITS ?

Est notamment interdite la reproduction d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement. Sont également interdits, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, la reproduction d’une marque pour des produits ou services similaires ou l’imitation d’une marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement[1]. Nous envisagerons successivement ces deux hypothèses.

1 La contrefaçon par reproduction : usage d’un signe identique pour des produits ou services identiques Il s’agit ici du cas le plus simple de contrefaçon. La marque est reproduite à l’identique par un tiers, sans le consentement du titulaire de la marque, pour désigner les mêmes produits ou les mêmes services. Il existe donc une double identité : mêmes signes, mêmes produits ou services. En pareil cas, le risque de confusion n’a nul besoin d’être démontré, il est « présumé exister » [2].

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Exemple 16.1 – Babycook et Squadra La dénomination Baby cook constitue la contrefaçon par reproduction de la marque Babycook pour le même type d’appareils de cuisine, la différence visuelle entre les signes – le premier se transcrivant en deux termes séparés, le second en un seul mot – étant peu perceptible[3]. En revanche, la dénomination « Squadra » et la marque semi-figurative Squadra ne constituent pas la contrefaçon par reproduction de la marque semi-figurative La Squadra Paris pour désigner des produits identiques de la classe 25 : les éléments figuratifs, de forme circulaire pour le signe contesté et de forme rectangulaire pour la marque invoquée produisent une impression différente ; de surcroît, les éléments verbaux de la marque antérieure se distinguent par le nombre, par l’architecture et par la police des caractères, de l’unique élément verbal[4].

Focus 16.1

Qu’est-ce qu’un signe identique à une marque ? Cette question qui appelle à première vue une réponse évidente, donna pourtant lieu à un important contentieux en France. Selon la jurisprudence antérieure, il était souvent admis qu’une reproduction partielle ou accompagnée d’une adjonction constituait un cas de contrefaçon à l’identique ne nécessitant pas la démonstration d’un risque de confusion. Cette interprétation favorable aux titulaires de marque a été modifiée par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt dit « Arthur et Félicie[5] ». La Cour de justice a en effet dit pour droit qu’ « un signe est identique à la marque lorsqu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen ». En présence de différences perceptibles, les signes ne seront donc pas considérés comme identiques et l’examen de la contrefaçon se fera seulement sous l’angle de la contrefaçon par imitation.

Il ne suffit pas d’être en présence d’un signe identique à une marque pour désigner des produits ou services identiques pour que la contrefaçon soit constituée. Encore faut-il que l’usage du signe litigieux : ait lieu dans la vie des affaires ; soit fait pour désigner des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque[6] . 1.1 Usage dans la vie des affaires

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L’usage d’un signe identique à la marque a lieu dans la vie des affaires « dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé » [7]. Un signe qui n’est pas utilisé dans la vie des affaires ne peut porter atteinte à la garantie d’identité d’origine de la marque et ne peut en conséquence constituer un acte de contrefaçon de marque. La distinction entre les actes qui relèvent d’une activité commerciale et ceux qui interviennent dans le domaine privé peut bien entendu parfois donner lieu à interprétation[8].

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C’est à propos de l’utilisation de certaines marques notoires par des associations, syndicats ou par des supports de presse, dans un style parodique, polémique ou humoristique que la question s’est plus particulièrement posée de savoir si ces marques étaient ou non utilisées dans la vie des affaires. Dans trois affaires célèbres dites Danone, Esso et Areva, la qualification de contrefaçon a été écartée dès lors que les usages litigieux relevaient « d’un usage purement polémique étranger à la vie des affaires et à la compétition entre entreprises commerciales » [9]. Exemple 16.2 – Le cas Google L’usage de marques dans un service de référencement payant sur internet tel que le service « Adwords » de Google, peut-il être qualifié d’un usage par Google dans la vie des affaires ? Ce type de service de publicité en ligne permet aux annonceurs de faire apparaître, en marge des résultats de la recherche naturelle, une annonce publicitaire et un lien renvoyant vers leur site à chaque fois qu’un internaute fait une recherche sur le motclé qui aura été choisi par l’annonceur ou proposé par Google lors de l’activation du service. Cela ne pose pas de difficulté lorsque le mot-clé est un terme générique. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une marque enregistrée, le titulaire de la marque a un intérêt évident à tenter d’en interdire l’usage à des fins publicitaires au profit de tiers non autorisés. Initialement, les juridictions françaises se prononçaient souvent en faveur des titulaires de marques, considérant que de tels agissements étaient constitutifs de contrefaçon. La société Google fut ainsi condamnée pour contrefaçon des marques Louis Vuitton, par un jugement du 4 février 2005, confirmé en appel. De façon assez surprenante, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie dans cette même affaire sur questions préjudicielles de la Cour de cassation, a considéré, par un arrêt du 23 mars 2010[10], que la société Google « qui stocke en tant que mot-clé un signe identique à une marque et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci ne fait pas un usage de ce signe » dans la vie des affaires. On aurait pu en effet considérer que l’usage de marques de tiers par Google pour vendre des services de publicité – ce qui lui procure des revenus annuels très importants – se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et répond parfaitement à la définition de l’usage dans la vie des affaires. L’usage effectué dans la vie des affaires doit en outre être fait pour désigner des produits ou services.

1.2 Usage pour des produits ou des services

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Il est possible que certains usages, même s’ils ont lieu dans la vie des affaires, échappent à la qualification de contrefaçon de marque. Le titulaire d’une marque ne peut en effet faire sanctionner un usage qu’à la condition que le signe litigieux désigne des produits ou des services. Selon l’expression consacrée, le signe incriminé doit être utilisé « à titre de marque ». On est incontestablement en présence d’un usage à titre de marque lorsque le tiers appose le signe sur les produits qu’il commercialise ou lorsqu’il utilise le signe de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe et les produits ou les services commercialisés par le tiers. La jurisprudence de ces dernières années offre un large éventail d’exemples dans lesquels l’opérateur poursuivi en contrefaçon de marque a pu échapper à toute condamnation au motif que l’usage incriminé n’est pas effectué à titre de marque. Ainsi, n’ont pas été considérés comme usage à titre de marque, les usages suivants : Usage d’un mot ou d’une expression dans son sens commun ou pour désigner une caractéristique du produit. L’enregistrement d’un mot tel que « Millenium » à titre de marque ne fait pas obstacle à l’usage de celui-ci dans son acception courante[11] ; de même, à propos du terme « Decathlon » [12] et de l’expression « Maman je t’aime » [13], respectivement employés par le tiers poursuivi en contrefaçon dans un sens commun et nécessaire. De même encore, l’expression « Double douceur » employée dans un slogan non pour se référer indûment à une marque antérieure mais seulement pour désigner une caractéristique du produit, à savoir sa douceur tenant à la fois à l’ingrédient lacté et à la pulpe qui le composent[14]. Usage d’un signe pour désigner une entreprise et non ses produits ou services. Une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n’a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, selon la jurisprudence[15], une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société, tandis qu’un nom commercial ou une enseigne a pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait pour des produits ou des services. Usage d’un signe à titre décoratif. Lorsque le signe contesté est exclusivement perçu comme une ornementation ou un simple décor, il ne peut porter atteinte à la marque antérieure à défaut d’être utilisé en tant que marque. Il n’est pas rare que la question de la perception du signe en tant que simple décor se pose notamment dans le secteur de la mode (habillement) où les opérateurs, suivant les tendances du moment, ornent leurs vêtements de signes décoratifs qui reprendront, en certains cas, des termes ou des motifs déposés à titre de marque[16] ; il a par exemple été jugé que le signe Kiss You, apposé sur des tee-shirts qui comportaient des inscriptions supplémentaires, était perçu comme un élément de décor et non comme l’indication que ces tee-shirts pouvaient provenir de la société titulaire de la marque Kiss You[17]. Usage d’un titre d’une œuvre cinématographique ou littéraire pour désigner l’œuvre ellemême. Le titre du film « Tout peut arriver » n’est pas de nature à porter atteinte à une marque

composée de cette expression car il ne fait que désigner et identifier l’œuvre cinématographique mais ne s’applique pas à un produit ou un service[18] ; il en va de même du titre du livre « Elles ont posé pour lui » qui n’est pas utilisé à titre de marque mais simplement pour désigner l’œuvre littéraire, empêchant le titulaire de la marque « Lui » d’en obtenir l’interdiction[19]. L’usage incriminé doit enfin porter atteinte aux fonctions de la marque. 1.3 Usage susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque Il est actuellement considéré que la marque remplit plusieurs fonctions et que ce sont ces dernières qui doivent être protégées contre toute atteinte qui leur est portée par un opérateur indélicat. La première de ces fonctions est certainement la plus importante. ■ Fonction de garantie d’identité d’origine

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La marque offre tout d’abord une garantie de provenance des produits ou des services sur lesquels elle est apposée. La fonction dite de garantie d’identité d’origine est la fonction essentielle attachée à la marque, consacrée à de multiples reprises : la marque doit permettre aux consommateurs ou à l’utilisateur final de distinguer, sans confusion possible, les produits ou les services désignés de ceux qui ont une autre provenance[20] et de constituer ainsi la garantie que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité[21].

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■ Fonctions de communication, de publicité et d’investissement Le titulaire d’une marque peut encore s’opposer à l’usage d’un signe identique à cette marque si celui-ci porte atteinte à l’une des autres fonctions de la marque que sont les fonctions de communication, de publicité, d’investissement. Ces nouvelles fonctions, récemment apparues[22], suscitent de nombreuses critiques tant il est difficile d’en appréhender les contours[23]. Selon l’arrêt « Google », la marque peut être utilisée « à des fins publicitaires visant à informer et à persuader le consommateur » ; l’atteinte peut donc être caractérisée lorsque l’usage reproché « porte atteinte à l’emploi de la marque, par son titulaire, en tant qu’élément de promotion des ventes ou en tant qu’instrument de stratégie commerciale » (points 91 et 92). S’agissant de la fonction d’investissement, on comprend d’après l’arrêt Interflora, que celle-ci vise à protéger non pas des investissements économiques, mais une réputation : « une marque peut également être employée par son titulaire pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs » (point 60). La jurisprudence actuelle révèle que les plaideurs font assez peu appel à ces nouvelles fonctions et se concentrent davantage sur l’atteinte à la fonction essentielle de garantie d’identité d’origine[24].

À défaut d’une identité entre les signes et les produits ou services désignés, on ne pourra parler de contrefaçon par reproduction, mais de contrefaçon par imitation laquelle suppose de démontrer l’existence d’un risque de confusion.

2 La contrefaçon par imitation : usage d’un signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires La contrefaçon par imitation nécessite, comme précédemment, d’établir l’existence d’un usage dans la vie des affaires et d’un usage à titre de marque. Elle exige en outre de démontrer, qu’en raison de l’identité ou des similitudes entre les signes et les produits ou services, il existe un risque de confusion qui porte atteinte à la fonction essentielle de garantie de l’origine des produits ou services. À la différence de la contrefaçon par reproduction, la contrefaçon par imitation nécessite donc de caractériser la similitude entre les signes et entre les produits ou services et de démontrer le risque de confusion qui pourrait en découler.

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2.1 L’appréciation de la similitude

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La similitude des signes est appréciée de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce. Il s’agit d’apprécier les ressemblances d’ensemble pouvant exister entre les signes d’un point de vue visuel, phonétique et conceptuel, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La présence de quelques différences entre la marque et le signe litigieux n’est pas de nature à écarter la similitude[25] [26]. La similitude des produits ou services désignés par les signes en présence doit être également appréciée globalement, en fonction de tous les facteurs pertinents tels que la nature des produits ou services, leur destination ou leur utilisation. S’agit-il de produits ou services interchangeables, concurrents ou complémentaires ? Les produits ou services en cause sont-ils distribués par les mêmes circuits ? Toutes ces questions doivent faire l’objet d’une analyse approfondie afin de déterminer le degré de similitude entre les produits ou services. Il est largement admis que des produits ou services appartenant à des classes différentes de la classification internationale de Nice peuvent toutefois être similaires. Ainsi a-t-il été jugé que les pneumatiques, d’une part, et les services de rechapage de ceux-ci et les automobiles, d’autre part, sont similaires : le consommateur attribue en effet la même origine aux pneus et aux services de réparation associés et les pneumatiques sont, par nature, destinés à l’équipement des véhicules[27]. 2.2 L’appréciation du risque de confusion Le risque de confusion est défini comme « le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées. » [28] Le risque de confusion entre la marque et le signe potentiellement contrefaisant doit être apprécié, là encore, globalement.

Ainsi, une simple ressemblance sémantique ne permet pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion[29]. L’appréciation de ce risque de confusion dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés (considérant 11 de la Directive sur les marques). La jurisprudence française rappelle de manière classique que la contrefaçon s’apprécie d’après les ressemblances d’ensemble et non d’après les différences. Exemple 16.3 – Risque de confusion entre Canon et Cannon En présence de deux signes phonétiquement identiques (Canon/Cannon) pour désigner des produits et des services relativement éloignés, la Cour de Justice a considéré[30] qu’il pouvait exister un risque de confusion. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement, conformément au principe désormais bien établi d’interdépendance des facteurs[31].

Focus 16.2

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Comment comprendre le risque d’association ?

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Selon la Directive sur les marques, le risque de confusion comprend le risque d’association. Cette disposition aurait pu conférer aux titulaires de marques une protection allant bien au-delà des ressemblances. Ce n’est pas ce que la Cour de justice de l’Union européenne a décidé ; dans l’arrêt Sabel/Puma du 11 novembre 19974 qui concernait deux marques représentant des félins bondissants pour identifier notamment des chaussures de sport, la Cour a dit « que la simple association entre deux marques que pourrait faire le public par le biais de la concordance de leur contenu sémantique ne suffit pas en elle-même pour conclure à l’existence d’un risque de confusion au sens de la disposition visée. »

Section 2

QUELS SONT LES ACTES AUTORISÉS ?

Il s’agit d’envisager ici les principaux actes qu’un titulaire de marque doit tolérer.

1 1 L’épuisement du droit de marque Le droit exclusif du propriétaire de la marque prend fin pour chaque produit marqué lors de la première mise sur le marché par le titulaire de la marque ou avec son consentement. Par la suite, le

produit marqué peut être librement revendu. C’est le principe d’épuisement du droit de marque[32]. L’épuisement du droit de marque est communautaire, ce qui signifie que le titulaire de la marque ne peut s’opposer à la circulation et la revente de produits marqués au sein ou entre pays membres de l’Union européenne après que le produit marqué a été mis une première fois sur ce marché par luimême ou avec son consentement. En raison de ce principe, le titulaire de la marque ne peut pas s’opposer à une modification ou altération de ses produits (par exemple, un « repackaging ») rendu objectivement nécessaire pour assurer un accès au marché de destination. Le nouveau packaging doit indiquer clairement l’identité de l’opérateur qui a procédé au reconditionnement. L’importateur doit également informer le titulaire de la marque afin que ce dernier puisse vérifier que l’on est en présence : d’un reconditionnement objectivement nécessaire ; qui ne porte pas atteinte à l’état originaire des produits ; qui ne soit pas de nature à nuire à la réputation de la marque ou de son titulaire ; qui informe le consommateur des opérations de reconditionnement.

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Toutefois, le titulaire de la marque peut retrouver un droit sur les produits marqués « s’il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue de l’état des produits ». Cette restauration du droit de marque est justifiée lorsque la modification ou l’altération des produits porte atteinte à la fonction de garantie d’identité d’origine de la marque. Dans ce cas, le consommateur ne se trouve plus en présence des produits tels qu’ils ont été mis sur le marché par le titulaire de la marque.

2 La référence nécessaire

Le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’utilisation par un tiers du même signe ou d’un signe similaire comme « référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine. Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite » [33]. Il s’infère de cette disposition qui doit être interprétée à la lumière de la Directive sur les marques[34] que l’usage de la marque d’autrui est autorisé à deux conditions : l’usage de la marque est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service ; l’usage est conforme aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale. S’agissant de la première condition, il est jugé que l’on est en présence d’un usage nécessaire « lorsqu’un tel usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination [...] » [35]. S’agissant de la seconde condition, elle « constitue en substance l’existence d’une obligation de loyauté à l’encontre des intérêts légitimes du titulaire de la marque ».

« L’usage de la marque n’est pas conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, notamment lorsque : il est fait d’une manière telle qu’il peut donner à penser qu’il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire de la marque ; il affecte la valeur de la marque en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée ; il entraîne le discrédit ou le dénigrement de ladite marque ; le tiers présente son produit comme une imitation ou une reproduction du produit revêtu de la marque dont il n’est pas le titulaire » [36]. À notre sens, d’après la jurisprudence susvisée, les conditions d’« usage nécessaire » et d’« usage honnête » ne doivent pas être appréciées de manière dissociée ; les juges semblent plutôt les examiner ensemble, en mettant l’accent sur le respect des usages honnêtes.

QUELLE EST LA PROTECTION DONT BÉNÉFICIE LA MARQUE DE RENOMMÉE ?

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Section 3

1 Notion de marque renommée ou marque notoire

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Une marque sera considérée comme renommée si elle est « connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle » [37]. La détermination de la notoriété de la marque suppose que le juge national prenne en considération « tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir » [38].

2 Protection spécifique de la marque de renommée La marque de renommée bénéficie d’une protection élargie qui permet à son titulaire d’empêcher l’usage d’un signe identique ou similaire pour désigner des produits et services non similaires, par dérogation au principe de spécialité. L’usage du signe de renommée sans juste motif sera sanctionné dès lors qu’il vise à tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou qu’il leur porte préjudice. La protection conférée par la loi à la marque de renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude tel entre la marque renommée et le signe qu’il existe dans

l’esprit du public un risque de confusion entre ceux-ci. Il suffit que le degré de similitude entre la marque de renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque[39]. L’existence de ce lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et notamment : du degré de similitude entre les marques en conflit, de la nature des produits ou des services respectifs, de l’intensité de la renommée de la marque antérieure, du degré de caractère distinctif de la marque antérieure[40]. Exemple 16.4 – Le cas Viagra À propos de la marque Viagra, enregistrée pour désigner des produits pharmaceutiques de la classe 5, et du signe Viaguara dont l’enregistrement était demandé pour des boissons des classes 32 et 33, il a été jugé d’une part que la marque antérieure Viagra possédait une renommée incontestable, d’autre part que les signes présentaient de fortes similitudes. Le Tribunal ajoute que « même à supposer que les publics visés par les marques en conflit ne se chevauchent pas complètement, les produits concernés étant différents, un rapprochement entre les marques est susceptible d’être établi[41] ».

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Une fois que le lien entre les marques est établi, il reste encore à démontrer que l’usage incriminé tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porte préjudice.

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Sans prétendre ici à une étude complète, il importe de relever que la jurisprudence de ces dernières années a considérablement durci les conditions d’appréciation de l’atteinte portée à la marque de renommée et qu’il est parfois difficile de convaincre les juges de l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque[42].

L’essentiel Lorsque l’on est en présence d’actes de contrefaçon ou d’atteintes à une marque de renommée, le titulaire peut introduire une action en justice devant les tribunaux compétents. Il dispose de différents moyens pour rapporter la preuve des actes illicites. Le moyen de preuve privilégié est la « saisie-contrefaçon » qui permet d’appréhender l’origine et l’étendue de la contrefaçon. L’action menée devant le tribunal par le titulaire du droit vise avant tout à obtenir l’interdiction des actes de contrefaçon mais aussi la réparation du préjudice subi ainsi que différentes mesures complémentaires. Ces dernières portent notamment sur le rappel des circuits commerciaux, la destruction des produits contrefaisants, la publication judiciaire. Les tribunaux apprécient souverainement le montant des dommages et intérêts en fonction des éléments de preuve qui leur sont soumis par le demandeur. Il ne s’agit pas d’allouer des dommages-intérêts punitifs, « mais de permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit tels que les frais de recherche et d’identification[43] ».

Questions de réflexion 1 ■ Peut-on commercialiser des boucles d’oreilles reproduisant ce signe sans l’autorisation de la société Nike International ltd ?

2 ■ Une revue étudiante dispose ce signe à la fin de son éditorial. S’agit-il d’un acte de contrefaçon ?

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BIBLIOGRAPHIE

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Section 4

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3 ■ Une association de défense de la vie privée crée un site à l’adresse www.jeboycottefacebook.fr. Facebook peut-il s’y opposer sur le fondement de sa marque ?

[1] PASSA, J., Droit de la propriété intellectuelle, LGDJ Tome 1, 2009. [2] Revue Propriété industrielle, LexisNexis. [3] Revue Propriétés intellectuelles, Thomas Reuters Transactive. [1]

Articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

[2]

Accord ADPIC (Accord relatif aux aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), article 16.

[3]

CA PARIS 26.09.2012, RG 09/21254, BEABA/GROUPE SEB et TEFAL.

[4]

CA PARIS 7.12.2011, RG 10/19297, M. B./SOPUYTEX.

[5]

CJUE Cour Plénière, 20.03.2003, C-291/00, Arthur et Félicie.

[6]

Ces conditions ressortent tant de la Directive 2008/95/CE du 22.10.2008 sur les marques (article 5, paragraphe 1, sous a) que de la jurisprudence de la CJUE. [7] [8]

CJUE (Cour Plénière) 12.11.2002, C-206/01, Arsenal Football Club/Matthew Reed, point 40.

Des actes de fabrication, de détention et d’exportation de produits doivent être considérés comme des actes effectués dans la vie des affaires, peu important que les produits litigieux ne soient pas en contact avec la clientèle française : voir sur ce point, affaire Nutri-Riche : CA Paris 1.06.2005,D.2005, p. 2467, note J.Passa ; Cass.com. 10.07.2007, n° de pourvoi 05-18571, Bull. n° 189, arrêt

figurant au Rapport Annuel de la Cour de cassation 2007, disponible en ligne http://www.courdecassation.fr. [9]

CA Paris 16.11.2005, PIBD 2006, 822, III, 53 ; sur le rappel de ces affaires dans leurs différentes étapes, voir Droit de la propriété industrielle, J.Passa, tome 1, LGDJ éd. 2009, p. 291. [10]

CJUE 23 mars 2010 C-236/08.

[11]

CA Paris 28.05.2003, Prop.Ind. avril 2005, p. 6.

[12]

Cass.com. 20.02.2007, PIBD N° 850- III- 273.

[13]

TGI Strasbourg 15.12.2003, PIBD N°782-III-171.

[14]

CA Paris 13.11.1996, PIBD N° 627-III-119.

[15]

CJUE (grande chambre) 11.09.2007, C-17/06.

[16]

Voir sur ce point, arrêts ADIDAS I et II CJUE 23.10.2003, C-408/01 et CJUE10.04.2008, C-102/07. Également, « La marque part-elle dans le décor ? », S. Benoliel-Claux, Prop. Ind. janvier 2012, p. 13. [17]

CA Paris 26.10.2007, RG 05/04703, Cashtex Popny/PBI Follies Diffusion You et a.

[18]

CA Paris 25.01.2006, Prop. Ind., avril 2006, p. 18.

[19]

Cass.com 12.07.2011, n° de pourvoi 10-22739 ; dans le même sens, à propos du signe « Le monde des choristes » pour identifier l’œuvre cinématographique et non un produit tel qu’un DVD : CA Paris 28.05.2008, PIBD N° 880 – III - 504. Voir not. même arrêt : Cass.com 12.07.2011, n° de pourvoi 10-22 739.

[21]

CJUE 18.06.2002, C-299/99, Koninklijke Philips Electronics/Remington, point 30.

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[20]

[22]

CJUE 23.03. 2010, C-236/08 à C-238/08 Google - CJUE 22.09.2011, C-323/09 Interflora - CJUE 18.06.2009 C-487/07 L’Oréal/Bellure. [23]

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J.Passa « Les nouvelles fonctions de la marque dans la jurisprudence de la Cour de Justice : portée ? Utilité ? » Prop.Ind. juin 2012, p. 7 et C. De Haas « La fonction d’identification de la marque, la bonne fonction essentielle qui éclipse toutes les autres » Propriétés Intellectuelles n° 46, janv. 2013, p. 4. [24]

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La nouvelle proposition de Directive sur les marques du Parlement européen et du Conseil du 27 mars 2013 considère que la consécration de ces nouvelles fonctions a engendré une situation d’insécurité juridique et préconise de ne tenir compte que de la fonction d’indication d’origine lorsqu’il s’agit de sanctionner un cas de contrefaçon par reproduction. L’avenir dira si cette préconisation sera finalement retenue. [25]

La prétendue règle des sept différences qui permettrait, selon une idée communément répandue, d’écarter la contrefaçon ne repose sur aucun fondement ; on ne doit par conséquent jamais procéder à l’analyse des signes par référence à ce concept, mais seulement appliquer la méthode de l’appréciation globale reconnue par la jurisprudence. [26]

En matière de marques pharmaceutiques, pour les aspects réglementaires concernant les autorisations de mise sur le marché, il est souvent fait référence à l’idée selon laquelle il faudrait au moins trois lettres de différences entre deux noms de médicaments pour éviter tout risque de confusion. Cette appréciation n’est pas davantage applicable en matière de contrefaçon de marque. [27]

CA Paris, 7 février 2003, PIBD 2003, n°769, III, 392.

[28]

CJUE 29.09.1998, C-39/97, Canon, point 29.

[29]

CJUE 11.11.1997, C-251/95, Sabel/Puma.

[30]

Arrêt Canon précité.

[31]

Arrêt Sabel/Puma précité.

[32]

Cet épuisement du droit de marque figure dans le Code de la propriété intellectuelle sous l’article L. 713-4.

[33]

Article L. 713-6.

[34]

Article 6 de la directive.

[35]

CJUE 17 mars 2005, C-228/03 Gillette ; voir également sur cette question CJUE 8.07.2010 C-558/08 Portakabin.

[36]

CJUE 17 mars 2005, C-228/03 Gillette.

[37]

CJUE 14.09.1999 C-375/97, General Motors c/ Yplon.

[38]

Même décision, point 27.

[39]

CJUE 23.10.2003 C-408/01 Adidas I.

[40]

CJUE 27.11.2008 C-252/07 Intel.

[41]

TUE 25.01.2012 T-332/10 Viaguara c/ OHMI points 52 et 53.

[42]

Ce durcissement tient notamment aux critères dégagés par l’arrêt Intel précité.

[43]

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Considérant 26 directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

Conclusion

Cet ouvrage apporte une vision élargie de la marque telle qu’elle se concrétise aujourd’hui dans les organisations par la mise en place d’un management transversal de la marque. Pour promouvoir et accompagner cette nouvelle approche de la marque, les principales recommandations, organisées autour des cinq parties de l’ouvrage, sont ici posées. ■ Du point de vue stratégique et organisationnel

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Au-delà de l’outil commercial, il est important de penser la marque comme un outil stratégique. La marque porte une idéologie qui lui confère une place singulière à la fois dans l’organisation et sur le marché. Ainsi, une marque utile pour l’organisation n’est pas uniquement celle qui identifie et différencie l’offre sur le marché c’est aussi celle qui permet de fédérer, de faire partager une même vision stratégique au sein de l’entreprise donc en interne. C’est d’ailleurs bien souvent la réflexion sur la marque qui initie et oriente la stratégie globale d’une organisation en provoquant une interrogation sur des concepts fondamentaux tels que le métier, les valeurs, la mission, les convictions, les territoires de marque qui orientent tout le développement de l’entreprise. Tout le travail de dissémination du contenu de la marque en interne et auprès des parties prenantes est la base d’une approche transversale de la marque. Au-delà d’une définition statique, développez l’identité de marque de façon dynamique. L’identité de marque doit être considérée comme un récit dynamique pour dépasser la simple description de ce qu’est la marque. Ceci présente l’avantage, par rapport à une simple liste d’attributs, de donner du sens et d’orchestrer les différents éléments de la marque en un tout cohérent. Le modèle IPSE (Idéologie, Personnalité, Symbole, Emblème) permet de donner du sens en apportant une vision, des missions et des perspectives. Cette approche modèle l’identité dans sa capacité à transformer le futur. Cette identité n’est pas seulement le fruit d’une personne ou d’un groupe de personnes, mais doit être co-construite par les collaborateurs et les clients. La marque au carrefour des relations entre les différentes parties prenantes de l’entreprise (collaborateurs, partenaires, clients, actionnaires, collectivités) dispose alors de cette capacité d’unifier et de donner la même direction aux acteurs de l’organisation. Au-delà du marketing, il est essentiel de mettre en place une structure transversale du management de la marque. La marque permet de positionner les projets autour de valeurs communes. Elle

favorise cette capacité à penser à long terme et devient un levier de l’innovation. Cette vision élargie de la marque, source de pérennité de l’entreprise, nous amène à promouvoir une structure transversale du management de la marque. La principale innovation de cette structure est la dissociation entre gestion de la marque et le marketing. Dans cette forme, la direction de la marque coexiste à côté d’un département marketing centré sur les offres, les produits, et les canaux de vente mais dénuée de la partie communication. La « direction marque » devient alors une fonction support de tous les autres départements et son rôle est de fournir le soutien nécessaire, à toutes les parties prenantes qui sont amenés à s’exprimer au nom de la marque. Le fait d’autonomiser la gestion de la marque tend à privilégier les tâches de coordination et d’influence ce qui convient parfaitement à la nature transversale de la marque. ■ Du point de vue des ressources humaines

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Au-delà du capital-marque du point de vue du consommateur, considérez et évaluez le capitalmarque du point de vue des collaborateurs. Cette valeur de la marque apportée par la marque ou les marques de l’organisation doit être évaluée car elle engendre des attitudes et des comportements positifs de la part des collaborateurs par rapport à une entreprise qui ne serait pas dotée de marque. La marque par le sens qu’elle véhicule et l’identité qu’elle incarne, apporte de la valeur auprès des collaborateurs. Ce capital-marque, du point de vue des collaborateurs, peut se mesurer autour de quatre dimensions (1) le sens au travail, (2) la reconnaissance, (3) l’appartenance à un groupe et (4) le sentiment de sécurité. Prendre en compte cette valeur que la marque apporte aux collaborateurs est un élément essentiel du management transversal de la marque. ■ Du point de vue du marketing

Au-delà de l’image de marque, il est important de manager les relations à la marque. L’image de marque et l’identification du noyau central de la marque resteront les éléments fondateurs du développement de la marque. Plus particulièrement, le noyau central en tant que formalisation du territoire de la marque montre sa pertinence dans la définition des stratégies de la marque. Toutefois, dans une approche transversale, la métaphore des relations interpersonnelles appliquée aux marques permet d’enrichir considérablement le diagnostic de la perception du vécu de la marque. La nature de la relation entre les consommateurs et la marque doit être prise en compte car elle permet véritablement de comprendre les comportements des consommateurs vis-àvis d’une marque au-delà de l’image et des critères d’achat habituels. Au-delà de la personnalité, communiquez sur les valeurs de la marque. La dissémination du contenu de la marque que ce soit en interne ou vers l’externe a pour objectif de faire adhérer à l’entreprise les différentes parties prenantes (collaborateurs, consommateurs, partenaires, collectivités, etc.). Pour atteindre au mieux cet objectif d’unicité autour d’une vision et pour jouer

au mieux son rôle stratégique, la marque doit inspirer. Un bon nombre d’entreprises se cantonnent à l’expression de la personnalité de la marque. Cette dimension donne une image restrictive de l’identité de marque qui consiste à décrire le « comment » de la marque. Or pour inspirer et faire adhérer, la marque doit communiquer de façon beaucoup plus profonde, elle doit communiquer sur le « pourquoi », le pourquoi de son action de sa proposition sur le marché. Pour que les différentes parties prenantes soient portées par l’idéologie de la marque, l’entreprise doit ainsi communiquer sur ses valeurs qui sont l’expression de ses croyances et de ses convictions. ■ Du point de vue comptable, financier et contrôle de gestion Au-delà de la force concurrentielle et des flux financiers engendrés par la marque, évaluez les bénéfices de la marque sur le capital-humain.

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Dans une approche transversale, le capital-marque du point de vue de l’entreprise doit dépasser les bénéfices en termes de force concurrentielle et de flux financiers additionnels apportés par la marque. Hormis ces deux contributions, la marque apporte également un bénéfice en termes de ressources humaines qui correspond à cette capacité de la marque à modifier favorablement et durablement les attitudes et les comportements des collaborateurs envers l’entreprise. Pour évaluer le pouvoir de la marque, il est donc essentiel aujourd’hui d’évaluer et d’intégrer le capital-marque du point de vue des collaborateurs et de le mettre en relation avec le capital-marque du point de vue des consommateurs et de l’entreprise.

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Au-delà de la comptabilisation d’une marque, évaluez et pilotez sa valeur par une approche transversale. S’il est acquis que la marque est un actif stratégique susceptible d’engendrer des flux de revenus pour l’entreprise, elle ne va pas pour autant apparaître systématiquement dans ses états financiers. En revanche, au-delà de certaines obligations comptables, l’évaluation de la marque s’avère nécessaire pour autoriser son pilotage à moyen et à long terme. L’évaluation de la marque nécessite alors une adhésion et une collaboration de l’ensemble des services de l’entreprise. Ainsi, le contrôleur de gestion sera amené à travailler en étroite collaboration avec les responsables marketing. Pour mesurer la valeur de la marque, des approches transversales devront être mobilisées permettant de rendre compte de ses différentes facettes. Ni purement financiers, ni purement qualitatifs, les critères retenus devront refléter la complexité et l’unicité de la marque. ■ Du point de vue juridique Au-delà du nom, il faut savoir protéger tous les signes distinctifs de la marque. La marque est un signe distinctif de l’entreprise qui est protégé par le droit des marques qui permet une protection ad vita aeternam. Les entreprises s’efforcent de protéger en priorité la forme verbale de ce signe distinctif, c’est-à-dire le nom. Toutefois, moins connus que les signes verbaux, les signes tels que les couleurs, les formes, les sons, les slogans demeurent des formes très recherchées pour se

démarquer des concurrents et peuvent constituer des marques sous certaines conditions. Dès lors que ces signes atypiques confèrent un monopole à l’entreprise, il est important pour les entreprises de dépasser la notion de nom de marque et d’enregistrer ces signes atypiques en tant que marque.

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Dans l’objectif de promouvoir une approche transversale de la marque, qui vient bousculer les idées déjà largement établies sur la marque, ces neuf recommandations ont ici pour vocation d’aider le lecteur à mettre en œuvre cette démarche dans l’organisation.

Management Sup MARKETING-COMMUNICATION 10 Cas de Marketing,, 2013 C. Garcia, J.-L. Martinez Comportements du consommateur,, 3e éd., 2012 D. Darpy, C. Pinson

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e-marketing & e-commerce,, 2011 Ouvrage collectif

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e-publicité, 2011 J.-M. Decaudin, J. Digout

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Le marketing de l’innovation, 2eéd., 2011 E. Le Nagard-Assayag, D. Manceau, C. Pinson Le Marketing participatif 2.0, 2012 R. Divard Le Marketing 3.0, 2011. S. Mayol Market, 4e éd., 2009 B. Pras, E. Roux, Y. Evrard Market-Driven Management, 2012 J.-J. Lambin, I. Schuiling Marketing, 6e, 2010 D. Lindon, F. Jallat Marketings contextuels, 2008

M. Hlady Rispal Marketing direct, 3e éd., 2005 D. Desmet Marketing Research, 2006 A. Jolibert, P. Jourdan Marketing stratégique et opérationnel, 8e édition, 2012 J.-J. Lambin, C. de Moerloose

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Marketing : 10 Cases Studies, 2013 C. Garcia, J.-L. Martinez

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FABRIQUER LES MARQUES

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MANAGER LES HOMMES PAR LA MARQUE

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FAIRE VIVRE LA MARQUE

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ÉVALUER LES MARQUES

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PROTÉGER ET DÉFENDRE LES MARQUES

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Index des marques

A 3M [1] Abercrombie & Fitch [1] Accenture [1], [2], [3], [4], [5], [6] Activia [1] Adidas [1], [2], [3], [4], [5] Afflelou [1], [2]

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Aigle [1]

Amora [1] Andersen Consulting [1] Andros [1] APIE [1]

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Ambrosia [1]

AS

Air France [1]

Apple [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8] Areva [1], [2] Ariel [1], [2], [3], [4], [5] Armani [1] Aroma-Zone [1] Arsenal [1] Arthur Andersen [1]

B Baby cook [1] Bacardi [1]

Bell & Ross [1] Belvédère [1] Ben & Jerry’s [1], [2] Bestfoods [1] Bic [1], [2] Bio [1] Biobalance [1] Bleu Ciel [1] Bonne Maman [1], [2], [3], [4] Brand Finance [1] Breizh Cola [1] Brossard [1] Bulgari [1], [2]

Calvin Klein [1] Camay [1] Canon [1], [2], [3] Carrefour [1], [2] Carte Noire [1] Cartier [1] Caterpillar [1] Chanel [1], [2] Clinique [1] Coca-Cola [1], [2] Cotten [1], [2]

D

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Caisse d’Epargne [1]

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C

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Burger King [1]

Dacia [1] Danone [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9], [10], [11], [12], [13] Darty [1], [2] De Beers Diamond Jewellers [1] Décathlon [1] Dell [1] de Neuville [1] Dim [1], [2], [3], [4] Dior [1], [2], [3], [4] Disney [1], [2], [3] Domestos [1] Dom Perignon [1] Douglas [1]

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Dove [1], [2] Dworakoff [1]

EDF [1], [2] E.Leclerc [1], [2], [3], [4], [5] Enron [1] Essilor [1], [2], [3] Esso [1] Estée Lauder [1] Eurostar [1] Évian [1] Exxon [1]

F Facebook [1], [2], [3]

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E

AS

Dyson [1], [2], [3]

Fendi [1] Ferrero [1] Fleury Michon [1], [2] Fnac [1], [2] Forme de bûche glacée [1] France Télécom [1]

G Galeries Lafayette [1] GAP [1], [2] Gatorade [1] General Electric [1], [2]

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Giorgio Armani [1] Google [1], [2], [3], [4], [5], [6]

Harley Davidson [1]

BY

H

AS

Go Sport [1]

Havaianas [1] Hennessy [1] Hermès [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7] H&M [1] Holiday Inn [1] Hollywood [1]

I IBM [1] INPI [1] Insee [1]

Intel [1], [2], [3] Interbrand[1] Interflora [1] Irié [1] Ivory [1]

J Jaguar [1] Juicy Salif [1] Just do it [1]

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K Kangoo [1]

AS

Karl Lagerfeld [1] Kellogg’s [1] Kia [1] Kiss You [1]

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Kenzo [1]

Knorr [1]

L Lacoste [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7] Lactalis [1] Laguiole [1] La Redoute [1] La Vache qui Rit [1], [2] LCL [1] Le Chameau [1], [2] Leclerc [1]

Leffe [1] Lego [1] Le Monde diplomatique [1] L’enceinte Bang & Olufsen [1] LeNôtre [1] Levi’s [1] LinkedIn [1] Lip [1], [2] Lobbying [1] L’Oréal [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7] Louboutin [1], [2] Louis Vuitton [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8] Lu [1], [2]

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Lui [1] LVMH [1], [2], [3], [4], [5]

Maggi [1] MAIF [1] Maille [1] Malibu [1] Marie Bizard [1] Marionnaud [1] Marlboro [1] McDonald’s [1], [2] McQueen [1], [2] Mercedes [1], [2] Mercier [1] Michel & Augustin [1] Michelin [1], [2], [3]

BY

M

AS

LYCRA® [1]

Mickey [1] Microsoft [1] Milka [1] Millenium [1] Millward Brown [1] Moët & Chandon [1] Monoprix [1] Mont Blanc [1] Moulinex [1] Mr Propre [1], [2]

N

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Nature et Découvertes [1] Nestlé [1], [2], [3]

Nike [1], [2] Nivea [1], [2], [3], [4], [5]

O Opi [1] Orange [1], [2]

P Parc Astérix [1] Perrier [1] Petit Navire [1], [2], [3] Philips [1] Picard [1]

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Neutrogena [1]

AS

Nestlé Waters France [1]

Pietra [1] Pinault-Printemps-Redoute [1] Post-It [1] PPR [1] Prada [1] Président [1] Pringle’s [1] Printemps [1] Procter & Gamble [1], [2], [3] Prostokvashino [1] Publicis [1] Puma [1]

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R

Renault [1], [2] Repetto [1] Rhône Poulenc [1] Ricard [1], [2], [3] Robuchon [1] Roland Garros [1] Ruinart [1]

S Sabel [1] Saint Laurent [1], [2], [3] Samsung [1], [2] Schweppes [1] Sephora [1], [2], [3]

BY

Reebok [1]

AS

RATP [1]

Shang Xia [1] Skip [1], [2], [3] Slim Fast [1], [2], [3], [4], [5] Smirnoff [1] SNCF [1], [2] Sobieski [1] Société Générale [1], [2], [3], [4] Squadra [1] Super Croix [1] Swatch [1] Système U [1]

SI M

T Tag Heuer [1]

AS

Taillefine [1], [2] Tema [1] TF1 [1] The Body Shop [1], [2]

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Tena [1]

Total [1], [2] Trek Magazine [1] Twingo [1]

U Une [1] Unilever [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7] Unimilk [1], [2] Universciences [1] Universum [1]

V Vallourec [1] Veuve Clicquot [1] Viagra [1] Vienneta [1] Vinci [1], [2] Virgin [1] Vittel [1] Volcom [1], [2] Volvo [1]

SI M

W Walkman [1]

William Peel [1]

Y Yop [1] Yves Rocher [1]

Z Zara [1]

BY

Wikipedia [1]

AS

Weight Watchers [1]

Index des notions

A Alliance de marques [1] Animisme [1] Architecture de marques [1] Artisan [1], [2], [3] Associations : centrales [1] Associations : fortes [1]

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Associations : périphériques [1], [2] Attachement [1]

BY

B

AS

Autorité [1], [2], [3], [4], [5]

Brand champion [1], [2], [3], [4], [5], [6]

Brand management system [1], [2], [3], [4], [5] Brand manager [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9] Brevet [1], [2], [3] Bureaucratisation [1], [2], [3], [4], [5] Business Plan [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8]

C Capital-marque : du point de vue de l’entreprise [1], [2] Capital-marque : du point de vue des employés [1] Capital-marque : du point de vue du consommateur [1] Caractère identifiable de la marque [1]

Cash-flows [1], [2], [3], [4], [5] Catégorisation sociale [1] Changement de nom de marque [1] Charisme [1], [2], [3] Co-branding [1] Co-création [1], [2], [3] Cohérence [1] Communication digitale [1], [2] Communication publicitaire [1] Comptabilisation de la marque [1] Concurrence déloyale [1] Confiance [1] Congruence globale des identités [1]

SI M

Contrefaçon [1] Conversation de marque [1]

AS

Couleurs [1] Crédibilité [1] Culture de l’entreprise [1]

BY

Culture de la marque [1], [2]

D Dégénérescence [1] Département marketing [1], [2], [3], [4] Dépôt de marque [1], [2] Dépréciation de la marque [1], [2] Destinée commune [1] Distinctif [1] Droit de marque [1] Droit de marque par l’usage [1]

E

Égéries [1] Emblème [1], [2] Engagement [1], [2] Engagement à l’entreprise [1] Épuisement du droit [1], [2], [3], [4] Estime de soi [1] États financiers [1] Évaluation de la marque [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9], [10], [11]

F Facteur de capitalisation [1] Flux de revenus [1], [2]

SI M

Fonctions de la marque [1] Fonds de marque [1]

Fusions et acquisitions [1]

G Goodwill [1], [2], [3]

H Histoire des marques [1], [2] Humanisation des marques [1]

I Identification [1], [2], [3] Identité [1], [2], [3], [4]

BY

Forme [1]

AS

Force de vente [1]

Identité attribuée [1] Identité de marque [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9] Identité d’origine [1] Identité olfactive [1] Identité performative [1] Identité professée [1] Identité projetée [1] Identité sonore [1] Identités organisationnelles [1] Identité tactile [1] Identité vécue [1] Identité visuelle [1], [2] image de marque [1] Image de marque [1]

J

BY

Innovation [1], [2], [3]

AS

Immobilisation incorporelle [1], [2], [3]

Juste valeur de la marque [1], [2], [3], [4], [5]

L Leader [1], [2], [3], [4] Légitimité [1] L’extension de gamme [1] Lobbying [1], [2] Logo [1], [2] Luxe [1]

M

SI M

Idéologie [1]

Management par la marque [1] Marketing expérientiel [1] Marketing interne [1] Marque accueil [1] Marque acquise de manière isolée [1] Marque caution [1] Marque corporate [1], [2], [3] Marque couleur [1] Marque déposée [1] Marque disponible [1] Marque employeur [1] Marque enseigne [1]

SI M

Marque entreprise [1] Marque entretenue [1] Marque forme [1] Marque invitée [1] Marque non trompeuse [1]

BY

Marque générée en interne [1], [2]

AS

Marque-fille [1]

Marque ombrelle [1] Marque-produit [1] Marque renommée [1] Marque respectant les bonnes mœurs [1] Marques commerciales [1] Marques publiques [1] Marques régionales [1] Mémoire des marques [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8] Méthode des différentiels de marge [1], [2], [3] Modèle IPSE [1] Marque-gamme [1]

N Nom de marque [1] Normes IAS/IFRS [1], [2], [3], [4], [5], [6]

O Orientation relationnelle [1]

P Packaging [1] Partie prenante [1], [2], [3]

SI M

Patrimoine culturel [1], [2], [3] Personnage de marque [1]

AS

Personnage publicitaire [1] Personnalité [1] Pilotage [1], [2], [3] Plagiat [1]

BY

Personnification [1]

Plan d’affaires [1] Point de vente [1] Porte-parole [1], [2], [3], [4], [5], [6] Prime de prix [1] Principe de spécialité [1] Principe de territorialité [1] Prisme d’identité [1] Prix de transfert [1] Produit [1] Plateforme de marque [1]

R

Recherche et développement [1], [2] Relation à la marque [1] Réseaux sociaux [1] Résistance [1], [2], [3], [4], [5], [6] Responsabilité sociale des entreprises [1] Risque de confusion [1]

S Salarié expérientiel [1] Savoir-faire [1], [2], [3], [4] Sécurité [1] Signe distinctif [1]

SI M

Signes [1] Slogan [1]

AS

Social Identity Theory [1] Style managérial [1]

BY

Surveillance [1] Système d’identité de marque [1] Système périphérique [1]

Systèmes de contrôle des ventes [1]

T Taux d’actualisation [1] Taux de redevances [1] Territoire de marque [1] Terroir [1], [2] Test de dépréciation [1], [2], [3], [4], [5], [6] Théâtralisation [1] Tradition [1], [2] Traitement comptable de la marque [1], [2]

U Unicité [1] Unité génératrice de trésorerie [1]

V Valeur actuelle d’une marque [1] Valeur d’usage d’une marque [1] Valeur financière [1], [2] Valeur nette comptable d’une marque [1] Valeurs de la marque [1] Valeur vénale d’une marque [1]

SI M

Valorisation [1], [2]

BY

AS

Vendeurs [1]