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Recherche et Applications en Marketing, vol. 18, n° 2/2003
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations Rubén Chumpitaz Caceres Professeur associé Institut d’économie scientifique et de gestion - IESEG
Joëlle Vanhamme Professeur assistant Erasmus University Rotterdam - ERIM Laboratoire d'analyse du comportement du consommateur (LABACC)
RÉSUMÉ Le but de cet article est, d’une part, d’offrir une définition conceptuelle – assortie de multiples illustrations – de ce que sont les variables médiatrices et modératrices ; et d’autre part, d’expliciter la manière dont ces variables doivent être traitées au plan statistique. Des exemples concrets de chaque cas envisagé théoriquement sont également repris dans l’article. Mots clés : Modérateur, médiateur, modération médiatisée, médiation modérée, analyse statistique.
SOMMAIRE I – INTRODUCTION II – LES MODÉRATEURS 2.1. Aspects conceptuels 2.2. Aspects analytiques et illustrations 2.2.1. Régression multiple 2.2.2. Régression multiple avec variables muettes 2.2.3. Régression multiple par sous-groupes 2.2.4. ANOVA Les noms des auteurs sont listés par ordre alphabétique ; ils ont contribué de manière égale à la rédaction du présent article. Ils peuvent être contactés aux adresses suivantes : Rubén Chumpitaz Caceres, IESEG, 3, rue de la Digue, 59800 Lille, France ; Joëlle Vanhamme, Erasmus University Rotterdam ; Department of Marketing ; PO Box 1738, 3000 DR-Rotterdam, Pays-Bas, e-mail: [email protected]. Les auteurs remercient E. Dor pour ses commentaires et son aide logistique ainsi que C. Pinson, V. des Garets et les quatre lecteurs anonymes pour leurs commentaires et suggestions concernant cet article.
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Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
III – LES MÉDIATEURS 3.1. Aspects conceptuels 3.2. Aspects analytiques et illustrations 3.2.1. Régressions successives – les conditions de médiation de Baron et Kenny (1986) 3.2.2. L’analyse de l’effet de médiation par régressions multiples avec des variables muettes 3.2.3. Test du caractère significatif de l’effet indirect 3.2.4. Note sur le cas de la suppression IV – MODÉRATEURS VERSUS MÉDIATEURS : QUAND CHOISIR QUOI ? V – LES MODÉRATEURS MÉDIATISÉS 5.1. Aspects conceptuels 5.2. Aspects analytiques et illustrations VI – LES MÉDIATEURS MODÉRÉS 6.1. Aspects conceptuels 6.2. Aspects analytiques et illustrations VII – CONCLUSIONS
I. INTRODUCTION
De nombreux travaux en marketing ont pour objet de démontrer l'existence de processus modérateurs intervenant dans le cadre de relations liant une variable X à une variable Y. Une variable modératrice (ou modulatrice) est une variable qui module l’effet de la variable indépendante X sur la variable dépendante Y (Brauer, 2000). En d’autres termes, le sens et/ou la force de l'influence de X sur Y varie(nt) selon les niveaux de la variable modératrice (Baron et Kenny, 1986 ; Sharma, Durand et Gur-Arie, 1981). Par exemple, Verhoef, Frances et Hoekstra (2002) montrent que l'ancienneté de la relation entre un fournisseur et un acheteur est un modérateur de l'influence positive de la satisfaction de l'acheteur par rapport à sa relation vis-à-vis du fournisseur sur le nombre de services achetés : plus la relation d'affaires est longue, plus l'effet positif de la satisfaction vis-à-vis de la relation sur le nombre de services achetés est fort (cf. figure 1, cas 1). Un autre exemple est celui de Dahl, Manchanda et Argo (2001). Ces auteurs montrent que la familiarité d'achat avec le produit est un modérateur de l'influence de la présence sociale sur l'embarras éprouvé vis-à-vis de l'achat d'un produit embarrassant (exemple : préservatifs) : lorsque les consommateurs n'ont qu'un
nombre restreint d'expériences d'achat avec le produit (c’est-à-dire une faible familiarité d'achat avec le produit), la conscience d'une présence sociale accroît l'embarras ressenti par le consommateur alors que lorsque le consommateur a une familiarité d'achat élevée, la conscience d'une présence sociale n'affecte guère l'embarras ressenti (cf. figure 1, cas 2). Enfin, l'étude de Schaninger et Buss (1984) offre également une bonne illustration d'effets modérateurs liés à la personnalité cognitive des consommateurs. Ces auteurs montrent que – pour les consommateurs qui ont une « capacité cognitive » forte (c’est-à-dire des individus ayant une forte tolérance à l'ambiguïté, qui recherchent des informations complémentaires en vue de comprendre, qui ont une forte estime de soi) – plus la décision d'achat est perçue comme complexe et risquée, plus grande est la quantité d'informations qu'ils traitent. Et, cette relation est inversée pour les consommateurs qui ont une capacité cognitive faible (plus la décision d'achat est perçue comme complexe et risquée, moins grande est la quantité d'informations qu'ils traitent) (cf. figure 1, cas 3). Un effet inversé est également mis en évidence dans l’étude de Lichtlé (2002) portant sur la couleur des annonces publicitaires : pour les annonces concernant des chaussures, les couleurs les plus lumineuses sont les plus stimulantes alors que pour les annonces concernant les parfums, les couleurs les moins lumineuses sont les plus stimulantes.
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
CAS 2
Relation de 15 ans
Relation de 5 ans
Satisfaction vis-à-vis de la relation client-fournisseur
CAS 3 Faible familiarité d'achat avec le produit embarrassant Forte familiarité d'achat avec le produit embarrassant
Capacité cognitive forte
Quantité d'informations traitées
Nombre de services achetés au fournisseur
Relation de 25 ans
Embarras éprouvé vis-à-vis de l'achat d'un produit embarrassant
CAS 1
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Conscience d'une présence sociale
Capacité cognitive faible Complexité et risque liés à la décision d'achat
Figure 1. – Représentation graphique des effets modérateurs
Qualité perçue
Médiateur : Satisfaction
Fidélité
Figure 2. – Illustrations d’un processus médiateur
L'étude des modérateurs succède généralement à des études qui ont eu pour objet la vérification de la relation empirique X-Y simple et ont conclu à l'existence d'une relation de force différente, voire à des résultats contradictoires (relation positive dans certaines études et négative dans d'autres ou absence de relation dans certaines études). Ce genre de phénomène indique typiquement l'existence probable de processus modérateurs. À côté des modérateurs, la littérature comprend également nombre d’études visant à identifier les processus médiateurs qui interviennent entre une variable X et une variable Y. Un médiateur est une variable qui représente un mécanisme par lequel la variable X influence la variable Y : la variable X exerce une influence sur le médiateur et ce dernier influence à son tour la variable Y (Baron et Kenny, 1986 ; Brauer, 2000 ; Kenny, Kashi et Bolger, 1998). Par exemple, l'étude de Ahluwalia, Burnkrant et Unnava (2000) met en évidence que – lorsqu'ils sont exposés à un message contenant des informations contre-attitudinales au sujet d'une marque X – les
consommateurs ayant un attachement fort à cette marque (brand commitment) tendent à s'engager dans un processus de traitement biaisé de ces informations (c’est-à-dire qu'ils tendent à évacuer les informations contre-attitudinales au profit des informations proattitudinales). C'est donc ce processus de traitement biaisé qui représente le mécanisme – ou processus médiateur – par lequel la valence du message exerce une influence sur le changement d'attitude. Dans le domaine publicitaire, Lichtlé (2002) rapporte également l’existence d’une variable médiatrice des effets de la couleur dominante d’une annonce sur le plaisir ressenti en présence de l’annonce ; cette variable étant la capacité de la couleur à renforcer le sens du message. Enfin, une autre illustration d'un effet de médiation est reprise dans l'étude d’Olsen (2002). Cet auteur montre que la qualité perçue a un impact sur la fidélité du client de par son influence sur la satisfaction de ce dernier (cf. figure 2). La variable médiatrice est donc un « transmetteur » par lequel l'influence de X sur Y transite.
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Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
Bien que l'analyse des processus modérateurs et celle des processus médiateurs portent toutes les deux sur l’exploration du rôle joué par une troisième variable dans la relation X-Y, ces processus sont fondamentalement différents, tant au plan conceptuel qu'analytique. Même si cela apparaît parfois dans certains articles, les termes modérateurs et médiateurs ne peuvent guère être utilisés de manière interchangeable. De même, l'identification de chacun de ces deux processus relève d'analyses statistiques totalement différentes. Le but de cet article est donc de clarifier la distinction qui existe entre les deux processus au plan conceptuel et de mettre en exergue – en les illustrant par des exemples chiffrés complets – les différences que cette distinction implique au plan des analyses statistiques. Il nous faut souligner que les aspects propres aux tests de modération et médiation dans le cadre des modèles d'équations structurelles avec variables latentes – méthodes connaissant une popularité croissante dans la recherche en marketing – ne seront pas abordés dans cet article. Ces modèles entraînent un certain nombre de complexités additionnelles (par exemple, les problèmes d'identification des modèles, de convergence, critères propres d’évaluation de la qualité des modèles) qui dépassent le cadre du présent article 1.
II. MODÉRATEUR
2.1. Aspects conceptuels Comme nous l’avons mentionné précédemment, une variable modératrice est une variable qui module le sens et/ou la force de l'effet de X sur Y (Baron et Kenny, 1986 ; James et Brett, 1984). En d'autres termes, la relation X-Y peut être négative pour un groupe de consommateurs caractérisé par un certain
1. Pour plus de détails au sujet de ces méthodes, le lecteur est renvoyé à l’ouvrage de Roussel et alii (2002).
niveau de la variable modératrice et positive pour un autre groupe de consommateurs ; ou encore, elle peut être fort prononcée dans un groupe et faible, voire inexistante, dans un autre. Les processus modérateurs répondent donc à la question « quand, dans quelles circonstances » l'effet X-Y se produit. Le terme « modération » renvoie à ce qui, dans la terminologie statistique, désigne un « effet d'interaction ». Un effet de modération pourra se remarquer dans les tableaux de corrélations simples (exemple : la corrélation entre X et Y semble plus forte pour les hommes que les femmes ou la corrélation est positive pour les hommes et négative pour les femmes) ou les résultats d'analyses par régression (exemple : le coefficient de régression de la variable X dans les régressions de Y sur X pour les deux sexes diffèrent) ou, encore, par la présence d'un effet d'interaction significatif dans une analyse de variance (exemple : interaction entre le facteur « sexe » et X). La représentation conventionnelle d'un effet de modération est illustrée à la figure 3. Remarquons que déceler la présence d'un effet modérateur peut être crucial dans certains cas. En effet, il se peut que – pour la population totale – la relation entre X et Y soit non significative alors que dans les différents sous-groupes de cette dernière, la relation soit systématiquement significative. Cette situation pourra, par exemple, se présenter lorsque les relations X-Y sont de sens opposés (cf. figure 4). Ne pas identifier la présence d'un modérateur peut, dès lors, conduire à conclure erronément à l'absence d'influence de la variable X sur la variable Y. Aucune contrainte ne pèse sur la nature des variables modératrices, elles peuvent être qualitatives (exemple : le sexe du répondant) ou quantitatives (exemple : l'attitude envers l'annonce), nominale ou ordinale, etc. La nature de la variable modératrice et de la variable indépendante va en revanche déterminer le type d'analyse statistique permis. Remarquons que si Z est modérateur de la relation X-Y, d'un point de vue purement statistique, il est également correct de dire que X est modérateur de la relation Z-Y. Ce n'est que le cadre conceptuel et les justifications du modèle théorique a priori qui déterminent laquelle de X ou de Z est la variable modératrice ; au plan statistique il n'est guère possible de faire cette distinction (X et Z sont toutes deux des variables indépendantes, elles sont au même niveau) (James et Brett, 1984 ; Sharma, Durand et Gur-Arie, 1981).
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
Variable X
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Variable Y (*)
Modérateur Z (*) Un effet « simple » du modérateur Z sur Y peut exister mais n'est pas une condition nécessaire à l'existence d'un effet de modération (voir note 2). Remarque : Il est possible que le modérateur influence également la variable X. Cet élément n’intervient cependant pas dans le test de modération de l’effet de X sur Y repris dans cet article. L’étude simultanée de relations interdépendantes requiert des techniques d’estimation plus complexes que les régressions simples et multiples, l’ANOVA, etc., telles que les méthodes d’équations structurelles (Hair et alii, 1998).
Figure 3. – Représentation conventionnelle d’un effet de modération
A. Représentation graphique Y
Hommes
Femmes
Population totale
Y
Y
Hommes Population totale Femmes
X
X
X
B. Exemple chiffré Les trois cas de figure représentés graphiquement sont présentés ci-dessous de manière analytique. Il apparaît clairement que, dans la population féminine, il existe une relation significative (p = 0,004) négative entre la variable X et la variable Y. De même, dans la population masculine, la relation entre ces deux variables est significative (p = 0,000), mais de sens opposé. En revanche, lorsque les deux populations sont agrégées, la relation entre la variable X et Y n’apparaît plus (p = 0,435). Figure 4. – Non-identification d’une relation entre deux variables – dans la population totale – en raison de la non-prise en compte d’un effet modérateur
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Population des femmes (N = 100) Équation de régression : Y = 5,431 – 0,156 X (R2 = 0,082; R2 ajusté = 0,073) Variable B Erreur Standard B standardisé t (ou écart type) Constante 5,431 0,389 13,98 – 0,156 – 2,96 X 0,053 – 0,286
p 0,000 – 0,004
Population des hommes (N = 100) Équation de régression : Y = 3,616 + 0,221X (R2 = 0,164; R2 ajusté = 0,155) Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 3,616 0,371 9,75 X 0,221 0,050 0,404 4,38
p 0,000 0,000
Population totale (N = 200) Équation de régression : Y = 4,523 + 0,032X (R2 = 0,003; R2 ajusté = -0,002) Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 4,523 0,303 14,93 X 0,032 0,041 0,055 0,78
p 0,000 0,435
Figure 4. – Suite 2.2. Aspects analytiques et illustrations Un effet modérateur de Z sur la relation X-Y se caractérise par un effet d'interaction X × Z significatif. En d'autres termes, dans le cadre d'une relation X-Y linéaire, le coefficient c de l'équation (a) est significatif. Notons que la linéarité de la relation X-Y n'est supposée qu'afin de faciliter l'exposé. L'équation (a) représente la forme générale de l'analyse d'effets d'interaction (Sharma, Durand et Gur-Arie, 1981). Les coefficients b et d représentent, respectivement, les effets « simples » de X et de Z sur Y (Irwin et McClelland, 2001). Remarquons qu'il peut y avoir un effet « simple » de la variable X et de la variable modératrice sur Y, mais ce n'est pas nécessaire à l'identification de l'effet modérateur 2. Y = a + bX + dZ + cXZ + erreur
(a)
Différentes techniques statistiques peuvent être utilisées afin de tester l’effet d’interaction : la régression multiple, la régression multiple avec variables muettes, la régression multiple par sous-groupes et l’ANOVA. Le choix du type d’analyse statistique à mettre en œuvre dépendra de la manière dont les variables ont été mesurées (voir figure 5). Nous distinguons deux grandes catégories de mesures, les échelles « au moins intervalle » et les échelles « moins qu’intervalle ». La première catégorie renvoie aux mesures métriques, c’est-à-dire aux échelles « intervalle » (ou cardinales faibles) et de ratio (ou cardinales fortes) ; la seconde renvoie aux mesures nominales et ordinales (Evrard, Pras et Roux, 1993 ; Lambin, 1994). Les différentes techniques d’analyse des effets de modération sont reprises aux sections suivantes et illustrées par un exemple.
2. Sharma, Durand et Gur-Arie (1981) distinguent deux types de modérateurs – les modérateurs purs et les quasi-modérateurs – ainsi que ce que ces auteurs appellent les homologizers. Les modérateurs purs renvoient à la définition purement psychométrique de la notion de modération, selon laquelle un modérateur est une variable qui interagit avec la ou les variable(s) indépendantes mais n'est associée avec la variable dépendante tout au plus que de manière négligeable. Il n'y a donc pas d'effet « simple » du modérateur sur Y dans l'équation Y = a + bX + c(A × Z ) + erreur. Cette dernière condition n'est pas exigée pour les quasi-modérateurs. Un homologizer influence également la force d'une relation, mais il n'interagit pas avec la variable indépendante (X) et n'est pas significativement associé à la variable dépendante (Y). C'est le terme d'erreur qui est une fonction du modérateur (Y = a + bX + c(Z × erreur)) . Cette troisième catégorie de modérateurs n'est pas considérée dans le présent article dans la mesure où elle ne correspond pas à la définition d'un processus modérateur habituellement adoptée dans la littérature.
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
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Les variables indépendantes sontelles « au moins intervalle » ?
NON, X est au moins intervalle mais pas Z
Procéder à : • une analyse de régression multiple avec variables muettes OU • une analyse de régression par sousgroupes
NON, Z est au moins intervalle mais pas X
Procéder à : • une analyse de régression multiple avec variables muettes
NON, X et Z sont moins qu'intervalle
Procéder à : • une analyse de régression multiple avec variables muettes OU • une ANOVA
OUI
Procéder à : • une analyse de régression multiple
Figure 5. – Techniques d’analyse de l’effet de modération en fonction des propriétés de mesure des variables indépendantes
Avant de détailler ces dernières, il est important de souligner que les tests de modération peuvent être influencés par la colinéarité entre variables indépendantes (cette dernière accroît l’imprécision des coefficients de régression des variables en cause et, ainsi, augmente le risque de considérer à tort ces coefficients comme non significativement différents de zéro (Lambin, 1994)). Il s'agit donc de vérifier l'existence éventuelle de colinéarité entre variables lorsque l'on procède à ce genre d’analyse. Le lecteur est renvoyé à des ouvrages comme ceux de Hair et alii (1998, pp. 189-193) ou de Gujarati (2003), qui décrivent les méthodes permettant d’identifier les éventuels problèmes de colinéarité.
2.2.1. Régression multiple Lorsque les variables X, Y et Z sont « au moins intervalle », l’équation (a) est ajustée comme telle par le biais d’une analyse de régression multiple. Un exemple chiffré complet de ce type d'analyse est repris à la figure 6.
Il faut souligner que, même si l’analyste n’est intéressé que par le caractère significatif ou non de l’interaction entre les variables X et Z, il n’est pas correct de régresser la variable dépendante uniquement sur le produit des deux variables. Il faut toujours également inclure les deux variables X et Z dans le modèle de régression, sans quoi l’effet de l’interaction sur la variable dépendante sera confondu avec l’effet simple des deux variables (ce qui accroît – à tort – sa probabilité d’être significatif) (Irwin et McClelland, 2001). De plus, pour les régressions pas à pas (stepwise), il faut toujours veiller à entrer le produit des deux variables (effet d’interaction) après les deux variables et ne jamais enlever les deux variables du modèle final même si les coefficients de ces variables ne sont pas significatifs (Irwin et McClelland, 2001). Ces recommandations sont également valables pour la régression multiple avec variables muettes et par sousgroupes (les variables X et Z sont automatiquement prises en compte dans l'option ANOVA des logiciels statistiques).
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2.2.2. Régression multiple avec variables muettes
En effet, pour représenter 3 niveaux, il suffit de créer deux variables binaires : Z 1 et Z 2 (Z 1 = 0 et Z 2 = 0 est la base de référence, par exemple « faible implication » ; Z 1 = 1 et Z 2 = 0 représente l'implication modérée et Z 1 = 0 et Z 2 = 1 représente l'implication forte). Si c1 et/ou c2 sont significatifs, la variable Z est un modérateur de l'influence de X sur Y. Un exemple chiffré de ce type d'analyse est repris à la figure 7 (section 1).
Si les variables indépendantes X et/ou Z ne sont pas mesurées au moyen d’échelles « au moins intervalle » (exemple : variables nominales, ordinales), les effets de modération peuvent être analysés par le biais de régressions multiples avec variables muettes (dummy). Par exemple, si Z est une variable discrète à 3 niveaux (exemple : implication forte, modérée et faible), il convient d’ajuster le modèle (b) : Y = a+bX+d1 Z1 +d2 Z2 +c1 XZ1 +c2 XZ2 +erreur (b)
L’exemple chiffré repris ci-dessous porte sur la relation existant entre la fidélité au point de vente (Y) et la satisfaction des consommateurs vis-à-vis du point de vente (X). Un effet modérateur de la propension avec laquelle le consommateur éprouve une aversion au risque (Z) est postulé : plus le consommateur éprouve une aversion au risque, plus la relation entre la satisfaction et la fidélité sera forte. Toutes ces variables étaient mesurées sur des échelles au moins intervalle. Pour tester ce modèle, la fidélité a été régressée sur l'aversion au risque et sur la satisfaction ainsi que sur le produit de ces deux variables (XZ). Les résultats indiquent la présence d’un effet simple de la satisfaction (pX = 0,011) et de l'aversion au risque (pZ = 0,023), ainsi que d’un effet d’interaction de ces deux variables (pXZ = 0,013).
Équation de régression: Y= 1,564 + 0,303 Z + 0,256 X + 0,055 XZ (N=100; R2=0,833 ; R2 ajusté = 0,828) t Variable B Erreur Standard B standardisé Constante 1,564 0,528 2,96 X 0,098 0,256 0,280 2,61 Z 0,303 0,131 0,274 2,31 XZ 0,051 0,022 0,453 2,54
p 0,004 0,011 0,023 0,013
L’équation de régression met clairement en évidence l’effet d’interaction : si l'aversion au risque (Z) est égale à 1, l’équation est Y = 1,867 + 0,311 X ; si l'aversion au risque (Z) est égale à 5, l’équation est Y = 3,079 + 0,531 X ; si l'aversion au risque (Z) est égale à 10, l’équation est Y = 4,594 + 0,806 X. Il apparaît clairement que la pente de la droite s’accroît au fur et à mesure que l'aversion au risque augmente.
Variable Y
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Z = 10
20 15
Z=5 Z=1
10 5
19
17
15
13
11
9
7
5
3
1
0
Variable X
Figure 6. – Exemple d’analyse de processus modérateur dans le cas de variables « au moins intervalles »
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Section 1 : analyse par le biais des variables muettes L’exemple chiffré repris ci-dessous porte sur la relation existant entre l’attitude envers l’annonce (Y) et les émotions positives suscitées par l’annonce (X). Un effet modérateur de l’implication des individus est postulé : plus l’implication est forte, plus la relation entre les émotions positives et l’attitude envers l’annonce sera forte. L'attitude et les émotions positives sont mesurées sur des échelles au moins intervalle. Par contre, l'implication est une mesure ordinale comprenant trois niveaux: implication faible, implication modérée et implication forte. Cette variable a donc été transformée en variable muette (Z1 et Z2) comme suit : Z1 = 0 et Z2 = 0 : faible implication Z1 = 1 et Z2 = 0 : implication modérée Z1 = 0 et Z2 = 1 : implication forte Pour tester le modèle d’interaction, Y a donc été régressée sur les variables X, Z1 et Z2, ainsi que sur les produits de X avec Z1 et Z2 (c’est-à-dire XZ1 et XZ2). Les résultats indiquent la présence d’un effet simple des émotions positives (pX = 0,000) et de l’implication (pZ1 = 0,000 ; pZ2 = 0,001), ainsi que d’un effet d’interaction de ces deux variables (pXZ1 = 0,002 ; pXZ2 = 0,000). Équation de régression : Y= 1,833 + 0,228 X + 1,831 Z1 + 1,59 Z2 + 0,19 XZ1 + 0,243 XZ2 (N=600; R2 = 0,698 ; R2 ajusté = 0,696) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 1,833 0,305 6,01 0,000 X 0,228 0,044 0,206 5,23 0,000 Z1 1,831 0,428 0,417 4,28 0,000 Z2 1,590 0,460 0,362 3,46 0,001 XZ1 0,190 0,061 0,309 3,12 0,002 XZ2 0,243 0,063 0,427 3,87 0,000 Somme des carrés résiduelle (SCR) = 778,057; Carré moyen résiduel (CMR) = 1,310
Variable Y
L’équation de régression met clairement en évidence l’effet d’interaction : lorsque l’implication est faible (c’est-à-dire Z1 et Z2 = 0), l’équation est Y = 1,833 + 0,228 X ; lorsque l’implication est modérée (c’est-à-dire Z1 = 1 et Z2 = 0), l’équation est Y = 3,664 + 0,418 X ; et lorsque l’implication est forte (c’est-à-dire Z1 = 0 et Z2 = 1), l’équation est Y = 3,423 + 0,471 X. Il apparaît clairement que la pente de la droite s’accroît au fur et à mesure que l’implication de l’individu augmente. 16 14 12 10 8 6
Implication faible Implication modérée Implication forte
25
22
19
16
13
10
7
4
1
4 2 0 Variable X
Figure 7. – Exemple d’analyse de processus modérateur lorsque la variable modératrice supposée est moins qu’intervalle
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Section 2 : analyse par sous-groupes Dans cette seconde section, nous avons reproduit l’analyse de la section 1 en procédant sousgroupe par sous-groupe plutôt qu’en utilisant les variables muettes. Les trois sous-groupes analysés sont donc : 1) l’implication faible (N = 200) ; 2) l’implication modérée (N = 200) et 3) l’implication forte (N = 200). Avant de procéder à cette analyse, nous nous sommes toutefois assurés que l’hypothèse d’homogénéité des variances pour les différents niveaux de la variable modératrice était bien respectée (H0 : σ21 = σ22 = σ23 ; H1 : σ21 ou σ22 ou σ23 pas égale(s) ; statistique de Levene = 0,310 : p = 0,734 > 0,05). Les analyses par sous-groupes montrent qu’il existe, pour chacun des sous-groupes, une relation significative entre les émotions positives et l’attitude envers l’annonce (implication faible : pX = 0,000 ; implication modérée : pX = 0,000 ; implication forte : pX = 0,000). Par ailleurs, le calcul des tests en t d’après les formules (c) et (c’) établit que deux des trois différences deux à deux sont significatives (cf. le point 4, a) et b)). Il y a donc effet de modération.
RÉSULTATS ANALYTIQUES DU SOUS - GROUPE 1 –
IMPLICATION FAIBLE
Équation de régression : Y = 1,833 + 0,228 X (N=200 ; R2 = 0,110 ; R2 ajusté = 0,105) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 1,833 0,323 5,68 0,000 X 0,228 0,046 0,331 4,94 0,000 SCR = 290,747; k = 1 ; CMR = 1,468
RÉSULTATS ANALYTIQUES DU SOUS -GROUPE 2 –
IMPLICATION MODÉRÉE
Équation de régression : Y = 3,664 + 0,418 X (N=200 ; R2 = 0,384 ; R2 ajusté = 0,381) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 3,664 0,264 13,87 0,000 X 0,418 0,038 0,620 11,11 0,000 SCR = 200,768 ; k = 1 ; CMR = 1,014
RÉSULTATS ANALYTIQUES DU SOUS -GROUPE 3 – IMPLICATION FORTE Équation de régression : Y = 3,423 + 0,471 X (N=200 ; R2 = 0,331; R2 ajusté = 0,328) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 3,423 0,362 9,44 0,000 X 0,471 0,048 0,575 9,90 0,000 SCR = 286,542 ; k = 1 ; CMR = 1,447
COMPARAISONS DES COEFFICIENTS DEUX À DEUX SELON (C) ET (C') a) Implication faible versus modérée S2 agrégé = [(200-1-1) × 1,4682 + (200-1-1) × 1,0142] / [400 – (1+1+2)] = 1,59161 t = [0,228-0,418] /[1,59161 × (0,0462/1,4682 + 0,0382/1,0142)1/2 ] = -2,444 (p < 0,05) b) Implication faible versus forte S2 agrégé = [(200-1-1) × 1,4682 + (200-1-1) × 1,4472] / [400 – (1+1+2)] = 2,12442 t = [0,228-0,471] /[2,12442 × (0,0462/1,4682 + 0,0482/1,4472)1/2 ] = -2,507 (p < 0,05)
Figure 7. – Suite
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
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c) Implication modérée versus forte S2 agrégé = [(200 –1–1) × 1,0142 + (200 –1–1) × 1,4472] / [400 – (1+1+2)] = 1,561 t = [0,418 – 0,471] /[1,561 × (0,0382/1,0142 + 0,0482/1,4472)1/2 ] = – 0,678 (p > 0,05) Remarque : calculs relatifs à la note 3 (section 2.2.3) Le F test de la note 3 indique – à l’instar des tests précédents – l’existence d’un effet d’interaction (voir section 1 pour les données du modèle complet) : Équation de régression – modèle réduit : Y= 0,871 + 0,370 X + 3,116 Z1 + 3,296 Z2 (N=600; R2 = 0,690; R2 ajusté = 0,688) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 0,871 0,191 4,55 0,000 X 0,370 0,026 0,335 14,46 0,000 Z1 3,116 0,116 0,709 26,89 0,000 Z2 3,296 0,117 0,750 28,15 0,000 SCR = 800,184 ; CMR = 1,343
(SCR (réduit) – SCR ( complet)) (c – r )
=
(800,184 – 778,057 )
CMR (complet)
(5 – 3) = 8,445 > F (2, 594) 1,310
Figure 7. – Suite
Lorsque la variable modératrice et la variable indépendante X sont toutes les deux « moins qu'intervalle », des variables muettes peuvent être utilisées pour les deux variables. Par exemple, si Z est une variable à 3 niveaux (exemple : implication forte, modérée et faible) et X une variable à deux niveaux (exemple : bonne humeur versus mauvaise humeur), le même modèle que le modèle (b) sera ajusté mais l'interprétation de la variable X sera différente. Il s'agira d'une variable binaire. Elle sera égale à 0 si l'on est de mauvaise humeur (niveau de référence) et égale à 1 si l'on est de bonne humeur. Si, par contre, la variable indépendante X a trois niveaux, il conviendra d’ajuster le modèle (d) : Y = a + b1 X1 + b2 X2 + d1 Z1 + d2 Z2 + c1 X1 Z1 +c2 X1 Z2 + c3 X2 Z1 + c4 X2 Z2 + erreur
(d)
Si l'un ou plusieurs des ci est significatif, la variable Z est un modérateur de l'influence de X sur Y (cf. exemple de ce type d’analyse à la figure 8, section 1).
Il est à souligner que la manière dont les variables muettes sont créées influence les résultats des analyses de régression modérée (c’est-à-dire modèle avec terme multiplicatif). En effet, Irwin et McClelland (2001) mettent en évidence que coder les variables de manière binaire (0, 1) ou en utilisant des contrastes (– 1, 1) a un impact sur les coefficients des variables dans la régression ainsi que sur les coefficients de corrélation entre variables dans le modèle de régression modérée. Remarquons que changer l’origine d’une variable dépendante en lui ajoutant ou en lui soustrayant une constante (comme c’est, par exemple, le cas lorsque les données sont centrées) ; standardiser les données ou leur appliquer une transformation linéaire produit également ce type d’effet (Irwin et McClelland, 2001). Il est donc important de toujours bien indiquer la manière dont les variables ont été codées et/ou transformées et de choisir le type de codage et/ou transformation de données de telle sorte qu’il mette en évidence les aspects qui ont le plus grand intérêt pratique et/ou théorique.
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Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
Section 1 : Application avec l’utilisation des régressions multiples avec variables muettes L’exemple chiffré repris ci-dessous porte sur la relation existant entre la satisfaction des consommateurs (Y) et l’humeur de ces derniers. Il est postulé que cette relation varie selon que l’implication de l’individu est faible, modérée ou forte. La satisfaction est mesurée sur une échelle au moins intervalle. En revanche, l'humeur et l'implication sont des variables ordinales ; la variable humeur comprend trois niveaux (humeur négative, humeur neutre, humeur positive) et la variable implication, trois niveaux (faible, modérée ou forte). Elles ont donc été transformées en variables muettes (X1 et X2 pour l’humeur et Z1 et Z2 pour l’implication) comme suit : X1 = 0 et X2 = 0 : humeur négative X1 = 1 et X2 = 0 : humeur neutre X1 = 0 et X2 = 1: humeur positive Z1 = 0 et Z2 = 0 : faible implication Z1 = 1 et Z2 = 0 : implication modérée Z1 = 0 et Z2 = 1 : implication forte Pour tester le modèle d’interaction, la variable « Y » a été donc été régressée sur les variables X1, X2, Z1 et Z2, ainsi que sur les produits Xi × Zi de ces quatre variables (c’est-àdire X1Z1, X1Z2, X2Z1 et X2Z2). Les résultats indiquent la présence d’un effet simple de l’humeur (pX1 = 0,000 ; pX2 = 0,000) et de l’implication (pZ1 = 0,000 ; pZ2 = 0,001), ainsi que d’un effet d’interaction de ces deux variables (pX1Z1 = 0,000 ; pX1Z2 = 0,000 ; pX2Z1 = 0,883 ; pX2Z2 = 0,304).
Équation de régression : Y = 2,364 + 3,424 X1 + 3,606 X2 + 1,636 Z1 + 3,152 Z2 – 1,818 X1Z1 – 2,879 X1Z2 – 0,061 X2Z1 – 0,424 X2Z2 (N=297 ; R2 = 0,686; R2 ajusté = 0,677) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 2,364 0,206 11,48 0,000 X1 3,424 0,291 0,777 11,75 0,000 X2 3,606 0,291 0,818 12,38 0,000 Z1 1,636 0,291 0,371 5,62 0,000 Z2 3,152 0,291 0,715 10,82 0,000 X1Z1 – 1,818 0,412 – 4,41 0,000 – 0,275 X1Z2 – 2,879 0,412 – 6,99 0,000 – 0,435 X2Z1 – 0,061 0,412 – 0,147 0,883 – 0,009 X2Z2 – 0,424 0,412 0,304 – 0,064 –1,03
Figure 8. – Exemple d’analyse de processus modérateur lorsque la variable modératrice et la variable X sont moins qu’intervalle
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
Section 2 : application avec le test d’ANOVA Lorsque les données correspondent à la situation décrite à la section 1, il est plus aisé de procéder à une analyse ANOVA traditionnelle. Cette dernière est reproduite ci-dessous. Les résultats montrent également un effet simple de l’humeur (p = 0,000) et de l’implication (p = 0,000) ainsi qu’un effet d’interaction significatif (p = 0,000).
Variables indépendantes HUMEUR IMPLICATION HUMEUR × IMPLICATION
ddl 2 2 4
p 0,000 0,000 0,000
F 210,14 74,32 14,82
SCR = 403,273 ; ddl = 288 ; CMR = 1,400 ; N = 297
Ces résultats peuvent aisément être représentés graphiquement, en représentant les 9 points du tableau ci-dessous et en reliant les points correspondant à un même niveau d’implication (certains logiciels d’analyse statistique, comme SPSS, disposent d’une option qui permet de réaliser ce genre de graphique automatiquement) : faible implication
8 6
implication modérée
4
forte implication
2 0 bonne humeur
humeur neutre
mauvaise humeur
Moyennes de satisfaction :
Implication
Satisfaction
10
Humeur BONNE NEUTRE MAUVAISE
FAIBLE
5,96
5,78
2,36
MODÉRÉE
7,54
5,60
4,00
FORTE
8,69
6,06
5,51
Figure 8. – Suite
79
80
Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
L’analyse de régression avec variables muettes est une première option lorsque l’une des deux variables indépendantes (X et Z), voire les deux, ne sont pas mesurées au moyen d’échelles « au moins intervalle ». D’autres techniques peuvent, cependant, également être utilisées dans deux cas spécifiques : lorsque la variable modératrice Z est « moins qu'intervalle » et lorsque les deux variables X et Z sont « moins qu'intervalle ». L’analyse de régression par sous-groupes (section 2.2.3) pourra être envisagée dans le premier cas ; l’ANOVA (section 2.2.4), dans le second. 2.2.3. Régression multiple par sous-groupes Lorsque la variable modératrice supposée est « moins qu'intervalle » et la variable indépendante X est « au moins intervalle », il est envisageable d’effectuer une analyse par sous-groupes, c'est-à-dire régresser Y sur X pour chacun des sous-groupes, plutôt que de traiter les données par une analyse de régression avec variables muettes. Les résultats mèneront à des conclusions tout à fait identiques. La différence réside simplement dans la manière de réaliser le test (ou de donner des instructions au logiciel d’analyse). Les sous-groupes sont les différentes modalités de la variable modératrice supposée (exemple : hommes versus femmes). Il s'agit ensuite de tester l'existence d'une différence significative au plan des coefficients de régression (non standardisés) des groupes (Baron et Kenny, 1986). En d'autres termes, il faut tester le caractère significatif du test t suivant (Hardy, 1993, p. 52) : bsous−groupe 1 − bsous−groupe 2 t= (c) s2bsous−groupe 1 s2bsous−groupe 2 sagr´eg´e + s21 s22 Où bsous−groupe 1 et bsous−groupe 2 sont les estimations des coefficients de régression de la variable X, pour les sous-groupes 1 (exemple : hommes) et 2 (exemple : femmes) ; s2bsous−groupe 1 et s2bsous−groupe 2 la variance de ces coefficients ; s21 et s22, le SCR/n-k-1 pour chaque groupe (SCR est la somme des carrés résiduelle et SCR/n-k-1 correspond au carré moyen résiduel) et k le nombre de variables indépendantes. Le s2agr´eg´e correspond à l’équation (c’). (n1 − k1 − 1)s21 + (n2 − k2 − 1)s22 N − (k1 + k2 + 2) où N = n 1 + n 2
(c’)
S’il y a plus de deux sous-groupes différents comme dans le cas de l’implication faible/modérée/ forte, il s’agit de calculer l’équation (c) pour chaque groupe comparé deux à deux (implication faible versus modérée ; implication faible versus forte ; implication modérée versus forte), et montrer que le résultat de cette dernière est significatif dans un cas au moins (cf. figure 7, section 2 pour une application de cette méthode à l’exemple de la figure 7, section 1) 3.
3. Il est à noter que certains tests, comme le test de Chow (1960), permettent de tester l’égalité entre deux (ou plusieurs) équations (par exemple, l’équation de la population des hommes versus l’équation de la population des femmes). Le test de Chow requiert : 1) d’estimer le modèle de régression pour chaque sous-population – pour les hommes et pour les femmes, par exemple – ce qui permet d’obtenir la somme des carrés résiduelle pour chaque régression (SCR1 et SCR2) et 2) d’estimer le modèle de régression pour la population totale, ce qui permet d’obtenir la somme des carrés résiduelle pour cet échantillon agrégé (SCRagrégé). Le F (avec k + 1, n 1 + n 2 − 2k − 2 degrés de liberté) test à réaliser est (Gujarati, 2003, p. 276 ; Hardy, 1993, p. 87) : SCRagr´eg´e − [SCR1 + SCR2 ]/(k + 1) , [SCR1 + SCR2 ]/(n 1 + n 2 − 2k − 2) où k représente le nombre de variables du modèle de régression et n 1 + n 2 , le nombre d’observations dans les sous-populations. Cependant, ce test – lorsqu’il est significatif – ne fournit pas d’indication quant à l’endroit où la différence se situe. Il peut s’agir de la pente de la droite de régression, de la constante ou encore des deux (seuls les deux derniers cas reflètent un cas de modération). Afin de localiser la source de la différence (c’est-à-dire pente ou constante), il est nécessaire d’utiliser les variables muettes (Gujarati, 2003, pp. 277 et 306-309 ; Hardy, 1993). La procédure suivante peut alors être adoptée : 1) estimation de la régression de Y sur les variables dépendantes X et Z (variable muette ; par exemple, homme versus femme) et, ainsi, de la somme des carrés résiduelle (SCR(réduit)) ; 2) estimation de la régression de Y sur les variables dépendantes X, Z et le produit des deux (c’est-à-dire X Z ) et, ainsi, de la somme des carrés résiduelle (SCR(complet)) et le carré moyen résiduel (CMR(complet)). Le test F(c−r,N −c−1) devient (Kleinbaum et alii, 1998) : (SCR(r´eduit) − SCR(complet) )/(c − r) , CMR(complet) où r représente le nombre de variables du modèle de régression réduit et c le nombre de variables du modèle de régression complet. Ce test fournit exactement la même information que si l’on teste le caractère significativement différent de ‘0’ du coefficient de régression de X Z de l’équation (a) (voir la procédure décrite au point 2.2.2.) ou l’égalité des deux coefficients de régression des deux sous-groupes (voir la procédure décrite au point 2.2.3). Il a cependant l’avantage de tester le caractère significatif de l’interaction de manière collective (Kleinbaum et alii, 1998).
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
Avant d'effectuer ce type d'analyse par sousgroupes, il s’agit toutefois de s'assurer au préalable que les conditions sous-jacentes aux tests statistiques utilisés – telles que l'homogénéité de la variance pour les différents niveaux de la variable modératrice – sont respectées (si ces conditions ne sont pas respectées, un biais risque d’être introduit dans les résultats). 2.2.4. ANOVA Lorsque la variable modératrice Z et la variable indépendante X sont toutes les deux « moins qu'intervalle », il est plus simple et plus direct de procéder à une analyse ANOVA plutôt que de transformer manuellement les variables en variables muettes et de les traiter par une analyse de régression avec variables muettes. À nouveau, il faut souligner que les résultats conduiront à des conclusions identiques quelle que soit la technique d’analyse choisie. Le cas traité à la figure 8 reflète typiquement le genre de cas qui peut être traité par le biais d’une analyse ANOVA 3 × 3 (voir section 2 de la figure 8 pour une application de l’analyse ANOVA à l’exemple de la section 1 – traité par régression avec variables muettes). Ce genre d’analyse se rencontre très fréquemment dans le cadre des études faisant appel à des plans expérimentaux avec manipulation de variables. Soulignons également l’existence, dans la littérature, de certains travaux qui – afin de retomber dans le cas « simple » de l'analyse ANOVA – transforment les variables « au moins intervalle » en variables catégoriques. Il existe différentes techniques pour ce faire, mais elles sont généralement très arbitraires et conduisent systématiquement à une perte de finesse dans l'information (par exemple, découper l'échantillon selon la médiane (median-split)). Ce genre de pratique n’est guère conseillé (Irwin et McClelland, 2001).
III. MÉDIATEUR
3.1. Aspects conceptuels Comme nous l’avons mentionné en introduction, un médiateur est une variable qui permet d'expliquer la manière, le processus par lequel la variable X influence la variable Y. Les processus médiateurs
81
répondent donc à la question « comment, pourquoi » l'effet X-Y existe. Contrairement à une variable modératrice, le médiateur et la variable X ne se situent pas au même niveau de causalité au plan conceptuel : X est un antécédent de la variable médiatrice et cette dernière est un antécédent de Y. La variable médiatrice revêt donc le statut de variable dépendante ou de variable indépendante selon l'angle sous lequel elle est observée (un modérateur, en revanche, reste systématiquement une variable indépendante quel que soit l'angle d'analyse, cf. figure 3 versus figure 2). Lorsqu'une variable est médiateur de la relation X-Y, on dit que la variable X a un effet indirect sur la variable Y. En d'autres termes, une partie au moins de l'influence de X sur Y passe par la variable médiatrice. Dès lors, si l'influence de la variable médiatrice est contrôlée statistiquement, la relation X-Y disparaît ou est atténuée (Baron et Kenny, 1986 ; Brauer, 2000 ; James et Brett, 1984 ; Kenny, Kashy et Bolger, 1998). Il faut souligner, à ce stade, que si l'influence de X sur Y disparaît totalement en présence de la variable supposée médiatrice, on se situe dans un cas de médiation dite complète. Lorsque l'influence de X sur Y est simplement réduite mais ne disparaît pas totalement, lorsque l'influence du médiateur potentiel est contrôlée, on se retrouve dans un cas dit de médiation partielle (voir figure 9, cas 1) (Baron et Kenny, 1986 ; Brauer, 2000 ; Kenny, Kashy et Bolger, 1998). Dans les cas de médiation partielle, seule une partie de l'effet de X sur Y s'exerce à travers la variable médiatrice et l'autre partie de cet effet s'exerce directement sur la variable Y ou, éventuellement, via une autre variable non prise en compte dans le modèle (si l'influence de X sur Y est médiatisée par M et M et que M n’est pas mesurée, les analyses de médiation concluront à la médiation partielle de X-Y par M, voir figure 9, cas 2). Une fois encore, c'est le modèle théorique qui permettra de déterminer s’il y a médiation partielle effective ou si la médiation est complète mais passe par plusieurs variables médiatrices (Brauer, 2000). Tout comme dans le cas de l'analyse de modération, il faut souligner que l'analyse de médiation ne permet pas de vérifier si la séquence causale postulée est exacte (seule une manipulation expérimentale permet de réellement tester la causalité). Elle vérifie uniquement si, compte tenu d'un modèle théorique causal défini a priori, la variable supposée jouer le
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Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
rôle de variable médiatrice remplit bien les conditions de médiation. À cet égard, il faut également souligner que des analyses de médiation peuvent conduire à des conclusions différentes et susciter une avancée au plan des modèles théoriques. Supposons, d'une part, qu'une étude teste – arguments théoriques à l'appui – le
modèle « non-confirmation des attentes ⇒ attitude envers la marque ⇒ fidélité à la marque » et montre que les conditions de médiation sont respectées. Elle conclut, dès lors, que l'attitude envers la marque médiatise la relation existant entre la non-confirmation des attentes et la fidélité à la marque (cf. figure 10, cas 1). Supposons, d'autre part, que – sur la base
Cas 1. Représentation conventionnelle d'une médiation partielle Variable médiatrice M
Variable X
Variable Y
Cas 2. Médiation par deux variables Variable médiatrice M
Variable X
Variable Y
Variable médiatrice M’ non mesurée
Cas 3. Représentation d'une association fallacieuse (ou fausse association) Variable M
Variable X
Variable Y
Figure 9. – Cas de médiation partielle et d’association fallacieuse (ou fausse association)
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
Section 1. Représentation graphique CAS 1 Non-confirmation
Attitude vis-à-vis de la marque
Fidélité à la marque
Non-confirmation
Fidélité à la marque
Attitude vis-à-vis de la marque
CAS 2
CAS 3
Attitude vis-à-vis de la marque Non-confirmation
Satisfaction vis-à-vis de la marque Fidélité à la marque
Tests des conditions de médiation
CAS 1
Fidélité = f (non-confirmation) => pvalue non-confirmation < 0,05 Attitude = f (non-confirmation) => pvalue non-confirmation < 0,05
CAS 2
CAS 3
ü ü
ü ü ü
ü ü
Satisfaction = f (non-confirmation) => pvalue non-confirmation < 0,05 Fidélité = f (non-confirmation, attitude) => pvalue attitude < 0,05 Attitude = f (non-confirmation, fidélité) => pvalue
fidélité
pvalue satisfaction < 0,05 Attitude = f (non-confirmation, satisfaction) => pvalue satisfaction < 0,05
ü
ü ü
Section 2. Exemple chiffré Cette section reprend un exemple chiffré pour chacun des trois cas envisagés graphiquement à la section 1. Pour le cas 1, les résultats indiquent : 1) une influence significative de la non-confirmation sur la fidélité (pX = 0,029 ; condition 1) ; 2) une influence significative de la non-confirmation sur l’attitude (pX = 0,014 ; condition 2), et 3) une influence significative de l’attitude sur la fidélité (pM = 0,000 ; condition 3) alors que l’influence de la non-confirmation sur cette variable devient non significative (pX = 0,228 ; condition 4).
Figure 10. – Exemple de variable médiatrice non mesurée à l’origine
83
84
Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
Cas 1 : Non-confirmation (X)
à Attitude vis-à-vis de la marque (M) à Fidélité à la marque (Y)
CONDITION 1 Équation de régression : Y = 7,667 + 0,096 X (N = 414 ; R2= 0,011; R2 ajusté = 0,009) Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 7,667 0,329 23,31 X 0,096 0,044 0,107 2,19
p 0,000 0,029
CONDITION 2 Équation de régression : M = 8,830 + 0,061 X (N = 445 ; R2= 0,013 ; R2 ajusté = 0,011) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 8,830 0,187 47,31 0,000 X 0,061 0,025 0,116 2,46 0,014
CONDITION 3 Équation de régression : Y= 1,786 + 0,049 X + 0,672 M (N=411; R2 = 0,167 ; R2 ajusté = 0,163) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 1,786 0,741 2,41 0,000 X 0,049 0,041 0,055 1,21 0,228 M 0,672 0,077 0,398 8,74 0,000
b4 = 0,672
tb4 = 8,744
signification = 0,000
à b ≠0
tb3 = 1,207
signification = 0,228
à b non significativement ≠ 0
CONDITION 4 b3 = 0,0489
4
3
CONCLUSION : L’attitude vis-à-vis de la marque est un médiateur complet de l’influence de la nonconfirmation sur la fidélité à la marque. Les données du cas 1 sont cependant également compatibles avec le cas 2 (ci-dessous). En effet, la condition 1 du cas 1 permet de vérifier la condition 2 du cas 2 et la condition 2 du cas 1 vérifie la condition 1 du cas 2. Par ailleurs, les résultats indiquent une influence significative de la fidélité sur l’attitude (pM = 0,000 ; condition 3) alors que l’influence de la non-confirmation sur cette variable devient non significative pour un niveau de signification de 5 % (pX = 0,083 ; condition 4). Cas 2 : Non-confirmation (X)
à Fidélité à la marque (M) à Attitude vis-à-vis de la marque (Y)
CONDITIONS 1 et 2 : voir respectivement les conditions 2 et 1 du cas 1.
CONDITION 3 Équation de régression : Y = 7 + 0,042 X + 0,235 M (N= 411 ; R2 = 0,170 ; R2 ajusté = 0,166) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 7,000 0,273 25,63 0,000 X 0,042 0,024 0,079 1,74 0,083 M 0,235 0,027 0,397 8,74 0,000
b4 = 0,235
tb4 = 8,744
signification = 0,000 Figure 10. – Suite
à b ≠0 4
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
CONDITION 4 b3 = 0,0416
tb3 = 1,739
signification = 0,083
à b3 non significativement ≠ 0
CONCLUSION : La fidélité à la marque est un médiateur complet de l’influence de la non-confirmation sur l’attitude vis-à-vis de la marque. Le test du cas 3 indique que cette situation correspond à un cas de médiation totale par une quatrième variable – la satisfaction des consommateurs – de l’influence de la non-confirmation sur la fidélité ET l’attitude envers la marque. Cas 3 : Non-confirmation (X) Non-confirmation (X) marque (Y’)
à Satisfaction vis-à-vis de la marque (M) à à Satisfaction vis-à-vis de la marque (M) à
Fidélité à la marque (Y) Attitude vis-à-vis de la
Les conditions 1 et 2 des cas 1 et 2 permettent de vérifier la condition 1 de ce nouveau modèle de médiation. Par ailleurs, les résultats repris ci-dessous montrent que les conditions 2, 3 et 4 sont également satisfaites : la non-confirmation a une influence significative sur la satisfaction (pX = 0,000 ; condition 2), et cette dernière a également une influence significative sur l’attitude (pM = 0,000 ; condition 3) et sur la fidélité (pM = 0,000 ; condition 3) alors que l’influence de la non-confirmation sur ces variables devient non significative (pour l’attitude : pX = 0,724 ; pour la fidélité : pX = 0,747 ; condition 4).
CONDITIONS 1 et 2 : voir les conditions 2 et 1 des cas 1 et 2. CONDITION 2 Équation de régression : M = 7,950 + 0,124 X (N = 408 ; R2 = 0,031 ; R2 ajusté = 0,028) Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 7,950 0,260 30,58 X 0,124 0,035 0,175 3,58
p 0,000 0,000
CONDITIONS 3 ET 4 Équation de régression : Y’= 5,699 + 0,008 X + 0,399 M (N = 411 ; R2 = 0,290 ; R2 ajusté = 0,287) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 5,699 0,303 18,79 0,000 X 0,008 0,023 0,015 0,35 0,724 M 0,399 0,032 0,536 12,52 0,000 Équation de régression : Y= 2,221 + 0,013 X + 0,682 M (N = 390 ; R2 = 0,287 ; R2 ajusté = 0,283) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 2,221 0,531 4,18 0,000 X 0,013 0,040 0,014 0,32 0,747 M 0,682 0,056 0,533 12,21 0,000
Figure 10. – Suite
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d'autres arguments théoriques – d’autres chercheurs testent le modèle « non-confirmation des attentes ⇒ fidélité à la marque ⇒ attitude envers la marque » et concluent à la médiatisation complète – par la fidélité à la marque – de la relation « non-confirmation des attentes – attitude vis-à-vis de la marque » (cf. figure 10, cas 2). Ces deux résultats – qui peuvent sembler contradictoires de prime abord – indiquent en réalité l'existence probable d'une variable médiatrice non mesurée et non prise en compte dans les deux modèles théoriques concurrents (Brauer, 2000). Cette variable médiatiserait à la fois la relation « nonconfirmation des attentes – attitude vis-à-vis de la marque » et « non-confirmation des attentes – fidélité à la marque ». Cette variable pourrait, par exemple, être la « satisfaction vis-à-vis de la marque » (cf. figure 10, cas 3). 3.2. Aspects analytiques et illustrations La méthode habituellement utilisée, dans les travaux en marketing, afin de vérifier l’existence d’un effet médiateur complet ou partiel est la méthode des régressions (simples et multiples) successives proposée par Baron et Kenny (1986) (section 3.2.1) 4. Si l’ensemble des variables considérées n’est pas de nature au moins intervalle, des régressions (simples et multiples) avec variables muettes seront utilisées (section 3.2.2). Enfin, si le but du chercheur est de tester l’existence d’un effet médiateur au moins partiel, sans distinguer si l’effet de médiation est partiel ou complet, le test du caractère significatif de l’effet indirect pourra être envisagé (section 3.2.3). Avant de détailler ces différentes méthodes, il est important de souligner que – tout comme pour les analyses de modération – les tests de médiation peuvent être influencés par la colinéarité entre variables indépendantes (notons qu'une manière de contourner les problèmes liés à la colinéarité est de disposer d'un échantillon suffisamment grand (Kenny, Kashy et Bolger, 1998)) 5.
4. Nous tenons à souligner qu'il existe des travaux au sujet de la médiation antérieurs à ceux de Baron et Kenny (1986) comme ceux, par exemple, de Maccorquodale et Meehl (1948), Rozeboom (1956), Durkheim (1960) ou Boudon (1970). 5. En effet, plus M médiatise une large part de l’influence de X sur Y, plus M et X seront corrélés (c’est-à-dire que X expliquera une large partie de la variance de M ) et plus la puissance du test des
3.2.1. Régressions successives – les conditions de médiation de Baron et Kenny (1986) Afin de vérifier un effet médiateur complet de M dans le cadre de la relation X-Y, Baron et Kenny (1986) ont proposé de tester quatre conditions : Condition 1 : La variable X doit avoir un impact significatif sur la variable Y. Il s'agit donc de régresser Y sur X et de montrer que le coefficient b1 dans l'équation de régression (e) est significatif. Y = a1 + b1 X + erreur1
(e)
Le coefficient b1 représente l'effet total de X sur Y. Lorsque X varie d'une unité, Y varie de b1 unités. Cet effet total est égal à la somme des effets direct et indirect (c’est-à-dire médiatisé) (Kenny, Kashy et Bolger, 1986 ; Mac Donald, 2001). Il est à noter que Shrout et Bolger (2002) recommandent de passer directement à la condition 2, sans vérifier la première condition de médiation, lorsque le modèle théorique postule une relation X-Y faible et que les tailles d'échantillons (pas assez grandes) ne permettent pas aux tests d'avoir la puissance requise pour détecter un effet significatif (voir, par exemple, Cohen (1988) pour plus de détails). Dans de tels cas, un effet de médiation peut être valablement détecté alors que les tests indiquent l'absence d'effet total (par manque de puissance). Condition 2 : La variable X doit avoir un effet significatif sur M (c’est-à-dire la variable médiatrice supposée). Il s'agit donc de régresser M sur X et de montrer que le coefficient b2 dans la régression (f) est significatif. M = a2 + b2 X + erreur2
(f)
Condition 3 : La variable médiatrice supposée M doit significativement influencer la variable Y, lorsque l'influence de la variable X sur Y est contrôlée. Il s'agit donc de
coefficients b3 et b4 de l’équation (g ) sera faible (en d’autres termes, la probabilité que ces tests conduisent à des résultats significatifs sera faible). Cependant, plus la taille d’un échantillon est grande, plus la puissance est élevée (Hair et alii, 1998). Dès lors, si X et M sont fortement corrélés (= colinéarité), une taille d’échantillon plus grande est nécessaire afin d’obtenir une puissance équivalente à une situation où X et M ne seraient pas fortement associés.
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
régresser Y sur X et M et de montrer – dans l'équation (g) – que le coefficient b4 est significatif (une simple régression de Y sur M, sans contrôler X, pourrait se révéler significative en raison de l'existence d'une association significative entre X et Y et entre X et M, c'est pourquoi il est nécessaire de régresser Y sur X et M). Y = a3 + b3 X + b4 M + erreur3
(g)
Les coefficients b2 de l'équation (f) et b4 de l'équation (g) permettent d'évaluer l'effet indirect de X sur Y, c’est-à-dire l'influence de X qui est transmise par M. Cet effet indirect est égal à b2 × b4 (Kenny, Kashy et Bolger, 1986 ; Mac Donald, 2001 ; Shrout et Bolger, 2002). Lorsque X varie d'une unité, M varie de b1 unités. Et, lorsque M varie d'une unité et que X est maintenu constant, Y varie de b4 unités (b4 indique le changement au niveau de Y associé à M et indépendant de l'effet direct de X sur Y). Condition 4 : L'influence significative de la variable X sur Y doit disparaître lorsque l'effet de M sur Y est contrôlé statistiquement. Il s'agit donc de régresser Y sur X et M (cf. équation de régression (g)) et de montrer que le coefficient b3 est non significatif (c’est-à-dire non significativement différent de « 0 »). Le coefficient b3 rend compte de l'effet direct de X sur Y. Lorsqu'il y a médiation complète, l'effet total de X sur Y est entièrement produit de manière indirecte. En effet, puisque l'effet total (b1) est égal à la somme des effets direct (b3) et indirect (b2 × b4 ) et que b3 est non significativement différent de « 0 » : b1 = b3 + b2 × b4 ⇔ b1 = b2 × b4 (Shrout et Bolger, 2002). Un exemple chiffré d'analyse de médiation complète est repris à la figure 11, section 1 (voir également la figure 10 pour d'autres exemples). Si toutes les conditions sont rencontrées à l'exception de la condition 4, il y a médiation partielle, c’est-à-dire que l'effet de X sur Y se produit à la fois de manière directe et de manière indirecte. L'exemple de la figure 11 a été adapté afin de montrer un effet de médiation partielle (cf. figure 12, section 1). Remarquons que si, lors des analyses, les conditions 1 et 2 sont satisfaites mais que, pour les conditions 3 et 4, un effet significatif de X et un effet non significatif de M sont obtenus, cela signifie que Y et M sont
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deux effets indépendants de la variable X. La variable M n'est donc ni médiateur partiel ni médiateur complet de la relation X-Y. L'association entre M et Y était uniquement due à l'existence de X. On dira qu’il s’agit d’une « association fallacieuse » ou « fausse association » (spurious association, voir cas 3, figure 9).
3.2.2. L’analyse de l’effet de médiation par régressions multiples avec variables muettes À l'instar des variables modératrices, aucune contrainte ne pèse sur la nature de la variable médiatrice, elle peut être qualitative ou quantitative, catégorique ou non. Il suffit de transformer les variables qui ne sont pas « au moins intervalle » en variables muettes. Les analyses de médiation ne sont donc pas l'apanage des enquêtes et autres études de nature corrélationnelle ; elles sont également faisables dans le cadre d'études expérimentales (voir figure 13 pour un exemple chiffré).
3.2.3. Test du caractère significatif de l’effet indirect À côté des conditions de régression, Baron et Kenny (1986) proposent, également, un test qui permet de tester directement l’existence d’une médiation au moins partielle de l’effet de X sur Y. La part de l'effet de X sur Y qui est médiatisé par M – c’est-à-dire l'effet indirect – correspond à b1-b3 (ou encore à la réduction de l'effet initial de X sur Y). Et cette différence de coefficients est exactement égale au produit de l'influence de X sur M et de l'influence de M sur Y, c’est-à-dire b2 × b4 (Kenny, Kashy et Bolger, 1986 ; Mac Donald, 2001). Lorsque l'effet de X sur Y est au moins partiellement médiatisé, b2 × b4 est significativement différent de 0. Le test qui permet de vérifier directement que l'effet indirect de X sur Y via M – c’est-à-dire b2 × b4 – est significativement différent de 0 est repris ci-dessous (Baron et Kenny (1986), p. 1177 et Kenny, Kashy et Bolger (1998), p. 260) : H0 : b2 × b4 = 0 H1 : b2 × b4 = 0
(absence de médiation) (présence de médiation au moins partielle)
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Section 1 Cette section reprend un exemple chiffré de médiatisation complète – par l'attitude envers l'annonce (M) – de l'influence des réactions affectives positives (X) sur l'attitude envers la marque (Y). Dans cet exemple, toutes les variables sont au moins de type intervalle. Les tableaux ci-dessous montrent que les quatre conditions de médiation sont respectées : les réactions affectives positives ont une influence significative sur l’attitude envers la marque (pX = 0,038 ; condition 1) et sur l’attitude envers l’annonce (pX = 0,015 ; condition 2), mais leur influence devient non significative lorsque l’attitude envers l’annonce est également intégrée comme variable explicative de l’attitude envers la marque (pX = 0,228 ; condition 4). L’influence de l’attitude envers l’annonce est, par contre, significative (pM = 0,000 ; condition 3).
CONDITION 1 Équation de régression : Y = 7,707 + 0,091 X (N = 411 ; R2 = 0,011; R2 ajusté = 0,009) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 7,707 0,328 23,48 0,000 X 0,0916 0,044 0,103 2,08 0,038
CONDITION 2 Équation de régression : M = 8,809 + 0,063 X (N = 411 ; R2 = 0,014 ; R2 ajusté = 0,012) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 8,809 0,194 45,41 0,000 X 0,063 0,026 0,120 2,44 0,015
CONDITION 3 Équation de régression : Y = 1,786 +0,049 X + 0,672 M (N = 411 ; R2 = 0,167 ; R2 ajusté = 0,163) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 1,786 0,741 2,41 0,016 X 0,049 0,041 0,055 1,21 0,228 M 0,672 0,077 0,398 8,74 0,000
b4 = 0,672 tb4 = 8,744
signification = 0,000
à b4 ≠ 0
signification = 0,228
à b3 non significativement ≠ 0
CONDITION 4 b3 = 0,049 tb3 = 1,207
Figure 11. – Exemple de médiation complète
6. Ce coefficient peu élevé est compatible avec un modèle théorique postulant une faible relation entre les réactions affectives X – et l’attitude envers la marque – Y– (cela pourrait être le cas, par exemple, pour une annonce à haut caractère informatif). Lorsque la relation à tester est supposée faible, seuls des échantillons d’assez grande taille permettent de mettre en lumière les relations significatives. Si le modèle théorique postulait une forte relation, les résultats du tableau devraient, par contre, être considérés avec précaution et d’autres critères que la significativité statistique utilisés (avec des échantillons de 1 000 observations ou plus, presque toute relation devient significative (Hair et alii, 1998)).
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
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Section 2 : vérification de la présence de médiation au moins partielle En appliquant la formule (h) à l’exemple ci-dessus, il est possible de tester l'existence d'un effet de médiation au moins partielle. Comme h > 1,96, nous rejetons H0. Il y a donc présence de médiation au moins partielle. b2 = 0,06305 ; b4 = 0,672 ; s2 = 0,026 ; s4 = 0,077 b4 × s2 + b2 × s4 + s2 × s4 = 2
2
2
2
2
2
0,000332848 = 0,018244
⇒ h= 2,322
Section 3 : vérification de la présence de médiation au moins partielle par bootstrap Nous avons effectué un bootstrap (sur base de 400 échantillons aléatoires de 411 observations). L’histogramme est repris ci-dessous. L’intervalle de confiance à 95 % est [0,0112; 0,0795]. Puisque « 0 » n’appartient pas à l’intervalle, il y a au moins médiation partielle. 60 50 40 30 20 10
Std. Dev = ,02 Mean = ,042 N = 400,00
0 5 10 0, 5 09 0, 5 08 0, 5 07 0, 5 06 0, 5 05 0, 5 04 0, 5 03 0, 5 02 0, 5 01 0, 5 00 0, 05 0 0,
—
B2xB4
Figure 11. – Suite Où: s2 : écart type (ou erreur standard) de b2 (ce qui est équivalent à b2 /t2 ; t2 étant le t du test de significativité du coefficient de b2) ; s4 : écart type de b4 (ce qui est équivalent à b4 /t4 ; t4 étant le t du test de significativité du coefficient de b4) ; L'écart type de b2 × b4 est approximativement égal à la racine carrée de (b42 × s22 + b22 × s42 + s22 × s42 ) et sous H0 , l'équation (h) est supposée distribuée approximativement comme une loi normale. Il suffit donc de calculer la valeur de (h) et de vérifier si cette valeur est inférieure à 1,96, pour un niveau de signification de 5 % (la section 2 des figures 11 et 12 reprend une application de ce test sur les exemples de la section 1). b2 × b4 (h) 2 2 b4 × s2 + b22 × s24 + s22 × s24
Plusieurs travaux indiquent cependant que – pour des échantillons de moins de 400 observations – la distribution de l'équation (h) est asymétrique (voir Shrout et Bolger (2002) pour une synthèse). De ce fait, tout intervalle de confiance construit de manière symétrique autour de b2 × b4 est trop large en direction de l'hypothèse H0 et trop étroit en direction de l'hypothèse alternative (Shrout et Bolger, 2002). En d'autres termes, le test de l'effet indirect exposé ci-dessus souffre d'un manque de puissance (β) pour rejeter l'hypothèse nulle (c’est-à-dire pour détecter un effet de médiation). C'est pourquoi Shrout et Bolger (2002) proposent la construction d'un intervalle de confiance asymétrique autour de b2 × b4 par une approche bootstrap. L'approche bootstrap permet de construire les distributions de variables de manière empirique. Pour calculer un intervalle de confiance de (1 − α) × 100 %, il suffit d'exclure (α/2) × 100 %
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Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
Section 1 : Cette section reprend un exemple chiffré de médiatisation partielle – par l'attitude envers l'annonce (M) – de l'influence des réactions affectives positives (X ) sur l'attitude envers la marque (Y). Dans cet exemple, toutes les variables sont au moins de type intervalle. Les tableaux ci-dessous montrent que seules les trois premières conditions de médiation sont respectées : les réactions affectives positives ont une influence significative sur l’attitude envers la marque (pX = 0,000 ; condition 1) et sur l’attitude envers l’annonce (pX = 0,000 ; condition 2), et leur influence reste significative lorsque l’attitude envers l’annonce est également intégrée comme variable explicative de l’attitude envers la marque (pX = 0,000 ; condition 4 non vérifiée). L’influence de l’attitude envers l’annonce est également significative (pM = 0,000 ; condition 3).
CONDITION 1 Équation de régression : Y = 6,181+ 0,328 X (N = 453) ; R2 = 0,171 ; R2 ajusté = 0,169) Variable B Erreur Standard B standardisé t P Constante 6,181 0,300 20,59 0,000 X 0,328 0,034 0,414 9,648 0,000
CONDITION 2 Équation de régression : M = 6,791 + 0,296 X (N = 453 ; R2 = 0,139 ; R2 ajusté= 0,137) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 6,791 0,306 22,19 0,000 X 0,296 0,035 0,373 8,537 0,000
CONDITION 3 Équation de régression : Y= 4,336 + 0,247 X + 0,272 M (N = 453 ; R2 =0,235 ; R2 ajusté = 0,231) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 4,336 0,418 10,38 0,000 X 0,247 0,035 0,312 7,03 0,000 M 0,272 0,044 0,272 6,11 0,000
b 4 = 0,272
t b4 = 6,113
signification = 0,000
à
b4 ≠ 0
t b3 = 7,026
signification = 0,000
à
b3 ≠ 0
CONDITION 4 b 3 = 0,247
Section 2 : vérification de la présence de médiation au moins partielle Comme h > 1,96, nous rejetons H0. Il y a donc présence de médiation au moins partielle. b2 = 0,296 ; b4 = 0,272 ; s2 = 0,035 ; s4 = 0,044 b4 × s2 + b2 × s4 + s2 × s4 2
2
2
2
2
2
=
0,00154 = 0,03924
⇒ h = 2,05
Figure 12. – Exemple de médiation partielle
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
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Section 3 : vérification de la présence de médiation au moins partielle par bootstrap Nous avons effectué un bootstrap (sur base de 450 échantillons aléatoires de 453 observations). L’histogramme est repris ci-dessous. L’intervalle de confiance à 95 % est [0,0504 ; 0,1204]. Puisque « 0 » n’appartient pas à l’intervalle, il y a au moins médiation partielle.
60
50
40
30
20
10
Std. Dev = 0,02 Mean = 0,081 N = 450,00
0 0 14 0, 0 13 0, 0 12 0, 0 11 0, 0 10 0, 0 09 0, 0 08 0, 0 07 0, 0 06 0, 0 05 0, 0 04 0, 0 03
0,
B2xB4
Figure 12. – Suite
des valeurs à chaque extrême de la distribution empirique (Shrout et Bolger, 2002). La méthode consiste à créer : 1) J nouveaux échantillons (par exemple, 1 000) de N observations sur base de l'échantillon de taille N observé, en tirant N observations de manière aléatoire dans ce dernier ; les données tirées sont à chaque fois replacées dans l'échantillon de départ (c’est-à-dire tirage avec remise, voir exemple ci-dessous) ; 2) procéder à l'estimation des paramètres b2 et b4 et calculer b2 × b4 pour chaque nouvel échantillon ; et 3) calculer – sur base de la distribution des valeurs de b2 × b4 obtenue à l'étape précédente – l'intervalle de confiance (1 − α) × 100 %. Ce dernier comprend l'ensemble des valeurs se situant entre le pour-centile (α/2) × 100 et le pour-centile (1 − α/2) × 100 de la distribution empirique. Pour que l'effet de X sur Y soit au moins partiellement médiatisé, il faut que cet intervalle de confiance ne comprenne pas la valeur « 0 » (voir figures 11 et 12, section 3 pour une application de la méthode bootstrap).
Exemple de création d'échantillons bootstrap : Afin de simplifier l’illustration des étapes du bootstrap, cet exemple porte sur un petit échantillon de 10 observations pour lequel seule une variable – X – est mesurée : – J = 4 ; N = 10 ; valeurs observées pour la variable X = {1,2,7,1,8,9,10,2,10,5} . – Échantillons bootstrap: {1, 2, 7, 5, 8, 10, 10, 2, 10, 5}; {1, 1, 7, 1, 7, 9, 10, 2, 10, 5}; {1, 2, 7, 2, 8, 9, 5, 2, 8, 5}; {1, 2, 9, 1, 8, 9, 10, 8, 10, 10}. 3.2.4. Note sur le cas de la suppression Nous avons analysé jusqu'ici les cas de médiation. Cependant, à côté de ces derniers, il existe également des cas dits de suppression. Il y a suppression lorsque b3 est de signe opposé à b2 × b4 (Baron,
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Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme
Kashy et Bolger, 1998 ; Shrout et Bolger, 2002). Prenons l'exemple des cadeaux que les entreprises offrent à leurs clients (par exemple, points bonus, pourcentages de réduction, tickets de cinéma). Plus une entreprise offre des cadeaux à ses clients, plus ces derniers seront – en principe – satisfaits et, par conséquent, plus les revenus de l'entreprise devraient être élevés (c’est-à-dire b2 > 0 ; b4 > 0 ; b2 × b4 > 0). L'impact indirect de la quantité de cadeaux offerts sur les revenus est donc positif.
Cependant, la quantité de cadeaux offerts a vraisemblablement un impact négatif direct sur les revenus de l'entreprise (b3 < 0). Si l'effet direct et l’effet indirect sont de la même taille (en valeur absolue), l'effet total de X sur Y sera non significativement différent de « 0 ». Dans ce cas de figure, la condition 1 de l'analyse de médiation ne sera pas vérifiée alors que les conditions 2 et 3 le seront. Dans les cas de suppression, l'effet (total) de la variable indépendante sur la variable dépendante est
Cette section reprend un exemple chiffré de médiatisation partielle – par la satisfaction (M ) – de l'influence de la qualité du produit (X ) sur les intentions de réachat (Y ). Dans cet exemple, la satisfaction et les intentions de réachat sont au moins de type intervalle. La qualité du produit est par contre une variable catégorique à deux niveaux : bonne qualité (X = 1) ou mauvaise qualité (X = 0). Les tableaux ci-dessous montrent que les trois conditions de médiation partielle sont respectées : la qualité du produit influence significativement les intentions de réachat (pX = 0,000 ; condition 1) et la satisfaction (pX = 0,000 ; condition 2) ; et cette dernière influence également significativement les intentions de réachat lorsque l’influence de la qualité du produit est contrôlée (pM = 0,000 ; condition 3). La qualité, quant à elle, conserve toujours son impact significatif sur les intentions de réachat, ce qui indique une médiation partielle (pX = 0,000 ; condition 4).
CONDITION 1 Équation de régression : Y = 7,436 + 1,969 X (N = 412 ; R2 = 0,413 ; R2 ajusté = 0,411) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 7,436 0,094 78,89 0,000 X 1,969 0,116 0,642 16,97 0,000
CONDITION 2 Équation de régression : M = 8,021 + 1,357 X (N = 413 ; R2 = 0,214 ; R2 ajusté = 0,212) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 8,021 0,104 77,12 0,000 X 1,357 0,128 0,463 10,59 0,000
CONDITION 3 Équation de régression : Y = 5,291 +1,596 X + 0,268 M (N = 408 ; R2 = 0,460 ; R2 ajusté = 0,457) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 5,291 0,356 14,86 0,000 X 1,596 0,126 0,520 12,65 0,000 M 0,268 0,043 0,257 6,25 0,000
b4 = 0,268
t b4 = 6,248
signification = 0,000
à b significativement ≠ 0
t b3 = 12,651
signification = 0,000
à b significativement ≠ 0
CONDITION 4 b3 = 1,596
4
3
Il s’agit donc d’un cas de médiation partielle Figure 13. – La médiation avec variables moins qu’intervalle
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
réduit, voire camouflé, « annulé » par la présence de la variable suppressive. L'influence de la variable indépendante sur la variable dépendante peut, dès lors, n'apparaître que lorsque l'on contrôle l'influence de la variable suppressive (Brauer, 2000 ; Kenny, Kashy et Bolger, 1998). Pour les cas de suppression, les mêmes conditions doivent être vérifiées que pour la médiation, à l'exception de la première condition (Shrout et Bolger, 2002). Soulignons qu'à l'instar des cas de médiation, c'est le modèle théorique qui doit déterminer s'il est pertinent de postuler un modèle de suppression (Shrout et Bolger, 2002).
IV. MODÉRATEURS VERSUS MÉDIATEURS : QUAND CHOISIR QUOI ?
Comme cela a clairement été mis en évidence plus haut, c'est le cadre conceptuel et théorique qui va définir le statut de telle ou telle variable en tant que modérateur ou médiateur. Les processus modérateurs et médiateurs ne sont pas déduits du type de variable utilisée (exemple : variable socio-démographique, variable manipulée), ni du type de collecte de données (exemple : plan expérimental, enquête). Un modérateur sera typiquement introduit dans un modèle lorsque de faibles corrélations entre la variable indépendante et la variable dépendante, voire des relations non constantes (exemple : parfois négatives, parfois positives), sont suspectées. Inversement, un médiateur sera généralement introduit dans un modèle lorsque de fortes relations entre les variables d'intérêt sont attendues (Baron et Kenny, 1986). L'identification de modérateurs et de médiateurs peut également dépendre du niveau de connaissance dont on dispose à propos du phénomène étudié. Lorsqu’un phénomène complexe n’est pas encore bien connu – c’est-à-dire dans les premières phases de la recherche dans le domaine – il s'agit souvent de délimiter les circonstances lors desquelles l'effet apparaît entre les variables et, donc, de définir des modérateurs potentiels. Une fois le phénomène mieux circonscrit, l'on tentera alors de définir les processus, mécanismes par lesquels l'effet se produit, c’est-à-
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dire de définir les médiateurs potentiels. Dans ce cas de figure, l'identification des modérateurs – délimitant les circonstances dans lesquelles l'effet se manifeste ainsi que le sens et l'intensité de ce dernier – facilite l'identification de médiateurs dans une phase ultérieure. Cet aspect devrait donc être gardé en tête lors du choix des modérateurs. Préférence devra être donnée aux modérateurs qui, de par leur nature, pourront aider à la définition des processus médiateurs (Baron et Kenny, 1986). Si un médiateur est identifié, à côté des processus modérateurs, l'existence d'une modération médiatisée (mediated moderation) pourra également être envisagée (cf. infra). Remarquons également que la connaissance d'un médiateur peut aussi aider à la découverte de modérateurs potentiels (Baron et Kenny, 1986). En effet, l'on peut, par exemple, tenter de déterminer s'il existe des circonstances lors desquelles l'effet de médiation est plus fort (le cas échéant, l'on aura affaire à un médiateur modéré (moderated mediator, cf. infra). Enfin, il peut sembler – en examinant les équations respectives à tester dans les cas de modération et de médiation – que ce qui différencie la relation de médiation de la modération est la forme du modèle postulé : la médiation serait représentée par un modèle simplement additif alors que la modération serait représentée par un modèle multiplicatif. Ce n'est toutefois pas nécessairement toujours le cas. En effet, il existe des cas plus complexes tels que celui de la modération médiatisée (mediated moderation) ou de la médiation modérée (moderated mediation). Ces deux cas seront traités dans les deux sections suivantes.
V. LA MODÉRATION MÉDIATISÉE
5.1. Aspects conceptuels Le processus de modération médiatisée reflète le fait que l'effet interactif de la variable dépendante X avec le modérateur Z sur la variable dépendante Y est médiatisé par une quatrième variable (M). Illustrons un cas de modération médiatisée en reprenant l'exemple du cas 1 de la figure 1. Cet exemple montre que l'influence de la satisfaction vis-à-vis de la relation que l'acheteur a par rapport au fournisseur (X) sur le
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nombre de services achetés (Y) dépend de l'ancienneté de la relation entre le fournisseur et l'acheteur (modérateur Z) : plus la relation d'affaires est longue, plus l'effet positif de la satisfaction vis-à-vis de la relation sur le nombre de services achetés est fort. L'on pourrait, dès lors, se demander si l'effet interactif de la longueur de la relation d'affaires avec la satisfaction (X × Z) sur le nombre d'achat (Y) est médiatisé par l'attachement affectif que le client éprouve vis-à-vis du fournisseur (M). Le cas échéant, l'ancienneté de la relation joue le rôle de modérateur médiatisé (voir également Handleman et Arnold (1999) ainsi que Williams et Aaker
(2002) pour d'autres exemples de modération médiatisée). La figure 14 reprend la représentation conventionnelle d’une modération médiatisée.
5.2. Aspects analytiques et illustrations Afin de tester une modération médiatisée, il faut effectuer les trois régressions et tests suivants – directement transposés de l'analyse de médiation simple – (Brauer, 2000 ; Handelmann et Arnold, 1999) :
Modération médiatisée (mediated moderation) Modérateur : Z (*) (*)
X
Y
Médiateur : M
Médiation modérée (moderated mediation) Modérateur : Z (*) (*) X
Médiateur : M
Y
(*) Un effet direct du modérateur Z sur M et/ou Y peut exister mais n'est pas une condition nécessaire à la modération Remarque : La modération médiatisée et la médiation modérée peuvent également être partielles.
Figure 14. – Représentation conventionnelle de la modération médiatisée (mediated moderation) et la médiation modérée (moderated mediation)
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
VI. LA MÉDIATION MODÉRÉE
Condition 1 : L'interaction X × Z entre la variable indépendante et la variable modératrice supposée doit avoir un impact significatif sur la variable dépendante Y, c’est-à-dire que le coefficient b3 dans l'équation de régression (i) est significatif ; Y = a1 + b1 X + b2 Z + b3 (X × Z) + erreur1 (i) Condition 2 : L'interaction X × Z doit avoir un impact significatif sur la variable médiatrice supposée M, c’est-à-dire que le coefficient b6 dans l'équation de régression (j) est significatif ; M = a2 + b4 X + b5 Z + b6 (X × Z) + erreur2 (j) Condition 3 : La variable médiatrice supposée M doit significativement influencer la variable Y, lorsque l'influence de (X × Z) est contrôlée, c’est-à-dire que le coefficient b7 de l'équation (k) est significatif ; Y = a3 + b7 M + b8 X + b9 Z + b10 (X × Z) + erreur3
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(k)
Condition 4 : Pour une médiation complète, l'influence significative de X × Z doit disparaître lorsque l'effet de M sur Y est contrôlé statistiquement, c’est-à-dire que le coefficient b10 de l'équation (j) est non significatif. Le cas échéant, la variable Z est un modérateur complètement médiatisé. Remarquons que le médiateur M pourrait également à la fois médiatiser l'effet simple de la variable indépendante X, en plus de l'effet de (X × Z), sur Y (cf. Baron et Kenny, 1986). Par ailleurs, tout comme pour la médiation partielle, il peut exister des cas de modération médiatisée partielle. Le cas échéant, la quatrième condition ne doit pas être satisfaite (cf. supra). Un exemple chiffré complet d'analyse de modération médiatisée est repris à la figure 15.
6.1. Aspects conceptuels L'existence d'un médiateur modéré reflète le fait que le processus de médiation dépend du niveau d'une quatrième variable (le modérateur). Par exemple, des travaux ont montré que, pour un échantillon d'adultes, l'influence des réactions affectives sur l'attitude envers la marque était médiatisée par l'attitude envers l'annonce (Batra et Ray, 1986). L'étude de Derbaix et Brée (1997), réalisée sur des enfants, semble cependant conclure à la non-médiation de l'influence des réactions affectives sur l'attitude envers la marque. En d'autres termes, le processus de médiation dépendrait du fait d'appartenir à la classe des adultes ou des enfants. La figure 14 reprend la représentation conventionnelle d’une médiation modérée.
6.2. Aspects analytiques et illustrations Afin de tester l’existence d’une médiation modérée, il suffit d'effectuer une régression supplémentaire par rapport au cas de modération médiatisée, qui incorpore le terme d'interaction entre le médiateur (M) et le modérateur (Z) (voir équation l), et de tester si cet effet d'interaction est significatif. Le cas échéant, on est en présence d'une médiation modérée. Par contre, si l'effet X × Z sur Y reste inchangé (c’est-à-dire non significatif) et que le coefficient b15 est non significatif, on peut dire que le rôle joué par M en tant que médiateur ne varie pas en fonction du niveau du modérateur Z. Autrement dit, M n'est pas un médiateur modéré (Handelmann et Arnold, 1999). Un exemple chiffré complet d'analyse de médiation modérée est repris à la figure 16. Y = a4 + b11 M + b12 X + b13 Z +b14 (X × Z) + b15 (M × Z) + erreur4
(l)
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L’exemple chiffré repris ci-dessous illustre un cas de modération médiatisée (partielle) : l’effet interactif de la satisfaction vis-à-vis de la relation que le client entretient avec le fournisseur (X ) et de l’ancienneté de cette relation (Z ) sur le nombre de services achetés (Y ) est partiellement médiatisé par l’attachement affectif du client au fournisseur (M ). Dans cet exemple, toutes les variables sont au moins de type intervalle. Les tableaux ci-dessous montrent que les trois conditions de médiation partielle sont respectées : l’effet interactif de la satisfaction et de la durée de la relation sur le nombre de services achetés est significatif (pXZ = 0,032 ; condition 1) ; l’effet interactif de la satisfaction et de la durée de la relation sur l’attachement affectif au fournisseur est également significatif (pXZ = 0,000 ; condition 2) ; et l’influence de l’attachement affectif sur le nombre de services achetés est également significative une fois l’effet interactif de la satisfaction et de la durée de la relation contrôlé (pM = 0,000 ; condition 3). (Cet effet interactif reste significatif, c’est pourquoi il s’agit d’un cas de modération médiatisée PARTIELLE).
CONDITION 1 Équation de régression : Y = – 0,823 + 0,437 X + 0,881 Z – 0,027 XZ (N = 377 ; R2 = 0,731; R2 ajusté = 0,729) Variable B Erreur Standard B standardisé t P Constante – 0,823 0,738 –1,11 0,266 X 0,437 0,097 0,399 4,51 0,000 Z 0,881 0,101 0,941 8,71 0,000 XZ – 0,027 0,012 – 0,353 – 2,15 0,032
CONDITION 2 Équation de régression : M = 11,603 – 0,384 X – 0,413 Z + 0,062 XZ (N = 379 ; R2 = 0,087; R2 ajusté = 0,0080) Variable B Erreur Standard B standardisé t P Constante 11,603 0,819 14,17 0,000 X – 0,384 0,107 – 0,583 – 3,57 0,000 – 3,69 Z – 0,413 0,112 – 0,732 0,000 XZ 0,062 0,014 1,359 4,49 0,000
CONDITION 3 Équation de régression : Y= -2,204 + 0119 M +0,481 X +0,930 Z – 0,034 XZ (N=377; R2 = 0,736; R2 ajusté = 0,733) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante – 2,204 0,911 – 2,42 0,016 M 0,119 0,047 0,071 2,56 0,011 X 0,481 0,098 0,440 4,92 0,000 Z 0,930 0,102 0,993 9,10 0,000 – 0,034 – 0,449 XZ 0,013 – 2,68 0,008 b7 = 0,119 tb7 = 2,555 signification = 0,011 b7 significativement ≠ 0
à
CONDITION 4 Comme b10 = – 0,0339 tb10 = – 2,682 signification = 0,008 Il s’agit d’une modération médiatisée partielle.
à b10 significativement ≠ 0 ;
Figure 15. – Exemple de modération médiatisée
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
Ce dernier exemple chiffré illustre un cas de médiation modérée. Il montre que le statut de l’attitude envers l’annonce (M ) en tant que médiateur de l'influence des réactions affectives (X ) sur l'attitude envers la marque (Y ) varie en fonction du type de population considéré (Z ). Toutes les variables étaient au moins intervalle sauf la population (Z ) qui était une variable nominale (adultes : Z = 1; enfants : Z = 0). Les tableaux ci-dessous montrent que les trois conditions de médiation partielle sont respectées : l’effet interactif des réactions affectives et du type de population sur l’attitude envers la marque est significatif (pXZ = 0,020 ; condition 1) ; l’effet interactif des réactions affectives et du type de population sur l’attitude envers l’annonce est également significatif (pXZ = 0,005 ; condition 2) ; et l’influence de l’attitude envers l’annonce sur l’attitude envers la marque est également significative une fois l’effet interactif des réactions affectives et du type de population contrôlé (pM = 0,000 ; condition 3). Cet effet interactif devient, quant à lui, non significatif (pXZ = 0,241; condition 4) (jusqu’ici les quatre conditions de modération complètement médiatisée sont satisfaites). Enfin, lorsque le terme d'interaction entre le médiateur (attitude envers l’annonce) et le modérateur (adulte versus enfant) est incorporé, celui-ci est significatif (pMZ = 0,000 ; condition 5). Par ailleurs, l'effet (X × Z ) sur Y redevient également significatif (pXZ = 0,008 ; condition 5). Le rôle joué par M en tant que médiateur varie donc en fonction du niveau du modérateur Z. Autrement dit, M est un médiateur modéré.
CONDITION 1 Équation de régression : Y = 5,782 + 0,260 X + 2,359 Z – 0,162 XZ (N = 825 ; R2 = 0,074; R2 ajusté = 0,070) Variable B Erreur Standard B standardisé t P Constante 5,782 0,584 9,89 0,000 X 0,260 0,062 0,368 4,18 0,000 Z 2,359 0,630 0,770 3,74 0,000 XZ – 0,162 0,069 – 0,416 – 2,33 0,020
CONDITION 2 Équation de régression : M= 5,074 + 0,380 X + 2,257 Z – 0,217 XZ (N=797; R2 = 0,069 ; R2 ajusté = 0,066) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 5,074 0,653 7,77 0,000 X 0,380 0,070 0,531 5,47 0,000 Z 2,257 0,695 0,715 3,25 0,001 XZ – 0,217 0,076 – 0,542 – 2,84 0,005
CONDITION 3 ET 4 Équation de régression : Y = 4,807 + 0,242 M + 0,145 X +1,538 Z – 0,082 XZ (N = 755 ; R2 = 0,131; R2 ajusté = 0,127) Variable B Erreur Standard B standardisé t p Constante 4,807 0,613 7,85 0,000 M 0,242 0,033 0,255 7,24 0,000 X 0,145 0,064 0,213 2,26 0,024 Z 1,538 0,636 0,519 2,42 0,016 XZ – 0,082 0,070 – 0,218 – 1,17 0,241
Figure 16. – Exemple de médiation modérée
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CONDITION 5 Équation de régression : Y = 5,724 + 0,059 M+ 0,215 X – 1,067 Z – 0,187 XZ + 0,410 MZ (N = 755 ; R2 = 0,174 ; R2 ajusté = 0,169) p Variable B Erreur Standard B standardisé t Constante 5,724 0,615 9,303 0,000 M 0,059 0,044 0,063 1,356 0,175 X 0,215 0,063 0,317 3,390 0,001 Z –1,067 0,748 – 0,360 –1,428 0,154 XZ – 0,187 0,070 – 0,498 – 2,668 0,008 MZ 0,410 0,066 1,211 6,250 0,000
Dans la condition 1 : b3 est significativement ≠ 0 Dans la condition 2 : b6 est significativement ≠ 0 Dans la condition 3 : b7 est significativement ≠ 0 Dans la condition 4 : b10 n’est pas significativement ≠ 0 (donc médiation complète) Dans la condition 5 : b15 est significativement ≠ 0 et b14 redevient significativement ≠ 0 Nous sommes donc dans le cas d’une médiation modérée Figure 16. – Suite VII. CONCLUSIONS
Tout au long de cet article nous avons montré la distinction – tant conceptuelle qu’analytique (statistique) – existant entre les modérateurs et les médiateurs. Un modérateur module le sens et/ou la force de l’influence de la variable indépendante X sur la variable dépendante Y alors qu’un médiateur représente le mécanisme par lequel X influence Y. Si ces processus sont fondamentalement différents, leur identification dépend avant tout du modèle théorique postulé par le chercheur (le type de variable – par exemple, socio-démographique ou manipulée – et d'étude – par exemple, enquête, expérimentation – n'importent guère à ce niveau). En effet, sans modèle théorique de départ qui postule le sens et la forme des relations entre variables, ce genre de processus ne peut pas être valablement identifié. Le modèle théorique est (et restera toujours) le point de départ, et aucun test statistique ne pourra éliminer l’importance
de cette première étape théorique. Nous avons, cependant, également souligné que seule une manipulation expérimentale permet de réellement tester la causalité. En l'absence d'un tel plan, les tests de médiation et de modération vérifient uniquement si, compte tenu du modèle théorique causal défini a priori, la variable supposée jouer le rôle de variable médiatrice ou modératrice remplit bien les conditions de médiation ou de modération. Par ailleurs, la non-identification d’un processus médiateur a également d’autres conséquences que la non-identification d’un processus modérateur. Ne pas soupçonner l’existence d’un médiateur – complet ou partiel – conduit à conclure que X a un effet direct sur Y alors qu’en réalité l’effet de X sur Y peut n’être que partiellement direct (en cas de médiateur partiel) ou totalement indirect (en cas de médiateur complet). En d’autres termes, une partie ou la totalité de l’effet sur Y provenant de la variable médiatrice est erronément attribuée à la variable X. Cependant, même si elle est totalement médiatisée, la relation X-Y existe. Ne pas identifier l’existence de la variable médiatrice revient donc à perdre de la précision dans la connais-
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ?
sance de la manière dont les différentes variables agissent les unes sur les autres. Dans le cas d’une modération, la non-identification d’une variable modératrice peut, par contre, conduire à ne pas s’apercevoir de l’existence d’une relation entre X et Y. Ici, le coût de la non-identification peut donc s’avérer considérable puisque le risque de passer carrément à côté d’une relation entre deux variables est élevé. Notons que ne pas identifier l'existence d'une suppression peut également conduire à ne pas s’apercevoir de l'existence de la relation X-Y. Ceci souligne une fois encore l’importance d’une mûre réflexion – au plan théorique – sur l’existence possible de modérateurs et/ou médiateurs (ou encore variables suppressives) pouvant intervenir dans la relation X-Y étudiée. Enfin, avant de conclure, il nous faut souligner que les cas analysés dans le présent article portaient sur les relations existant entre une variable dépendante et une ou plusieurs variables indépendantes. Lorsque le chercheur désire investiguer simultanément plusieurs relations interdépendantes, le recours à des techniques d’analyses plus élaborées – telles que les modèles d’équations structurelles – s’impose (Hair et alii, 1998).
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