Réflexsion Didactique [PDF]

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Zitiervorschau

G. POUILLART, UEREPS Paris X. NANTERRE.

POUR UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE Ce texte surprendra peut-être par sa forme abstraite qui, nous en sommes bien conscients, ne facilite pas toujours la lecture. Cela est dû, selon nous, à une nécessité et à des limitations. Nécessité, celle de décoller de l'ici et maintenant, non pour l'oublier ou le nier, mais pour l'étudier avec le recul indispensable à toute réflexion organisée ; limitations, celles de l'auteur, qui n'a su à la fois communiquer et illustrer cette réflexion dans un texte d'une longueur acceptable pour une revue. Ce qui est tenté ici, c'est une proposition, encore incomplète et insuffisamment cohérente, de formalisation des problèmes de la production didactique. Nous entendons par là l'activité qui, à partir de contenus-matière, aboutit à la fabrication d'objets didactiques utilisables. Les contenus-matière consistent pour nous en savoirs, savoir-faire (et éventuellement savoir-être associés aux premiers), socialement existants dans des pratiques, des oeuvres, des corps de connaissances, et qui ont été choisis comme devant être acquis par des apprenants. Les objets didactiques combinent des formes particulières prises par ces savoirs et savoir-faire, ou leur manifestation, ou encore leur utilisation, en tâches et séquences de tâches proposées/ imposées aux apprenants ; en dispositifs à l'intérieur desquels ces tâches seront accomplies ; en moyens d'évaluation de l'activité déployée et/ou des résultats obtenus par les apprenants, pour y déceler la présence des savoirs et savoir-faire visés. Le même personnage, l'enseignant, assure trois niveaux d'action, où passent presque toujours inaperçues la conception et la fabrication des objets didactiques : - la responsabilité du projet éducatif, basé sur des valeurs en cours dans le milieu social, défendues par l'institution, et/ou choisies par l'enseignant, et orienté vers les buts à atteindre dans les limites (temporelles en particulier) de l'enseignement qui les mettra en oeuvre. - la préparation des séquences d'enseignement, qui combine une analyse des contenus à faire acquérir, un complexe d'informations de sources et de niveaux divers à propos du groupe d'apprenants auxquels sont destinées ces séquences, d'autres informations sur les ressources et contraintes qui permettent et limitent l'action envisagée, une technologie de l'action d'enseignement rassemblant des outils de fabrication des séquences et des décisions à propos de la démarche éducative : - l'intervention elle-même, qui utilise les deux premiers niveaux, dans un processus souvent difficile à suivre d'auto-guidage comportant des décisions de terrain et des négociations (avec le milieu. l'institution, les apprenants) parfois mal identifiables parce que non explicites. A l'évidence, chacun de ces trois niveaux gouverne la conception des objets didactiques : il faut en assurer la cohérence avec le projet éducatif, du double point de vue de l'orientation vers les finalités et de la pertinence aux buts d'apprentissage ; leur fabrication ou leur remaniement sont un des moments de la préparation des séquences d'enseignement ; ils constituent la matière, et, d'un certain point de vue, l'objectif de

l'intervention Mais ils sont rarement pensés comme tels, et le plus souvent vus comme «connaissances», ou «techniques», dont l'existence serait indépendante de l'action d'enseignement, qui se sont constituées hors de celle-ci, et qui pourraient s'y insérer sans mise en oeuvre particulière. Si l'on ajoute que beaucoup d’enseignants, et surtout ceux qui sont institutionnellement polyvalents (instituteurs, professeurs d'E-P-S-, par exemple), sont des consommateurs d'objets didactiques préfabriqués, qu'ils utilisent plus ou moins tels quels, en réglant ou non la question de leur adéquation à leur projet éducatif, à leurs conditions de terrain, et à leurs particularités en tant qu'intervenants, l'on mesure à quel point la production didactique, comme processus, est mal connue de ceux-là mêmes qui l'emploient quotidiennement. La première étape de formalisation des tâches didactiques, de leurs interrelations avec les autres tâches d'enseignement, et des problèmes rencontrés dans ce domaine, que nous allons ici présenter, est le résultat de notre effort pour rationaliser notre action sur le terrain, et aussi pour construire des outils de lecture critique des produits didactiques accessibles, soit dans des publications, soit au travers de l'observation de situations concrètes d'enseignement. Nous commencerons, à l'inverse de la démarche suivie dans la réalité, par exposer le niveau le plus général de la problématique, celui qui nous permet aujourd'hui de nous expliquer à nous-mêmes comment nous fonctionnons en tant qu'enseignant. Explication difficile pour chacun de ceux qui sont confrontés à cette responsabilité d'enseigner, parce que les tâches à assumer sont vécues comme un tout, et effectuées non seulement sur le mode empirique, mais encore le plus souvent sans avoir été identifiées. Et pourtant, dès que l'on s'attache à les examiner, ces tâches apparaissent multiples, diverses et interreliées de façon extrêmement complexe.

Ebauche de problématique de la production didactique L'enseignement fait l'objet de recherches scientifiques depuis assez peu d'années. Il semble, en outre, qu'il soit plus souvent choisi comme terrain de recherches par des disciplines déjà constituées, qu'à l'origine de savoirs spécifiques, dont le statut resterait d'ailleurs à définir (1). Champ d'action et enjeu de luttes, mais non objet de science, l'enseignement demeure dépendant de choix éthiques, politiques, déontologiques, dont on ne voit pas bien comment ils pourraient être évacués (2). Il faut remarquer, par ailleurs, que l'enseignement des A-P-S- est, plus lourdement encore que d'autres, tributaire du choix de valeurs, les unes proclamées, certaines plus clandestines. En effet, les A-P-S- sont avant tout des pratiques, ou des systèmes de pratiques, et non des savoirs (3) ; à ce titre, elles sont aussi champ d'action et enjeu de luttes, point n'est besoin de tenter de le démontrer. Les obstacles à l'élaboration de connaissances scientifiques dans l'enseignement des A-P-S - se présentent donc, pour ainsi dire, à deux niveaux. S'ensuit-il pour autant que tout effort pour repérer, formaliser, faire naître des savoirs en provenance des pratiques, et non pas de sciences établies qui les éliraient comme terrain d'investigation, soit vain ? Même au cas où ces savoirs s'établiraient à un niveau

de technologie plus ou moins empirique, et ne pourraient dans un premier temps être reliés à des théories génératrices d'hypothèses falsifiables, nous pensons que leur existence, leur accroissement, leur amélioration présentent un double intérêt. Tout d'abord, celui de faciliter les actions d'enseignement ; et, peut-être moins aperçu, celui de constituer éventuellement les premiers matériaux d'une «protoscience» (4). Voilà sur quelles bases nous avons essayé de réfléchir à la construction de savoirs didactiques dans le domaine des A.P.S. ; réflexion bien modeste, dont la voie n'est pas encore nettement tracée, mais nécessaire, parce que les pratiques engendrent des besoins, et parce que, de plus en plus, les enseignants s'interrogent, et ne se satisfont plus de recettes qui les soumettent par trop à la routine, ou aux surprises de la trouvaille inexpliquée. l. Comment se présente la question des tâches didactiques ? Tout d'abord, levons une ambiguïté, fort répandue dans la littérature des sciences de l'éducation, où le vocabulaire n'est pas encore bien fixé, et où l'on emploie volontiers indifféremment enseignement, éducation, ou encore didactique, pédagogie l'un pour l'autre, ou successivement dans le même sens. A la suite de divers auteurs, nous placerons sous le terme «didactique» tout ce qui, dans l'enseignement, a trait aux contenus (5) ; ainsi, nous éviterons d'introduire dans notre propos une complexité supplémentaire. Non pas que le choix, l'élaboration, l'évaluation des contenus d'enseignement puissent s'opérer sans tenir compte des décisions qui les orientent, ni des interventions qui les mettent en oeuvre et permettent d'en éprouver les qualités ; mais parce qu'ainsi, il nous est possible de distinguer un niveau des tâches d'enseignement, justiciable en quelque sorte d'un «bureau d'études», et qui peut dès lors faire l'objet d'une technologisation, voire d'une théorisation, fût-elle partielle. C'est ainsi que le tableau I présente une modélisation des tâches d'enseignement qui montre un secteur didactique, non pas autonome, mais discernable, et pourvu d'une certaine spécificité. l.l. les trois «étages» correspondent respectivement à ce que nous pourrions appeler l'amont de la production didactique, à cette production elle-même, et à l'aval. l.l.l. L'amont, c'est le niveau des décisions les plus générales concernant l'enseignement : modèle d'homme, modèle de société auxquels l'on choisit de se référer, ou que l'on accepte ; buts poursuivis par l'action d'enseignement, à échéance non immédiate (année scolaire ou saison sportive, au moins ; à la limite, scolarité ou même vie entière d'un individu ou d'une génération) ; stratégies qui doivent intégrer les premiers et les seconds ; bilans et nouvelles décisions à l'échelle de temps déjà évoquée. Ce niveau est fondamentalement «politique» ou «philosophique», et commande tout le reste, plus ou moins explicitement, et avec une cohérence et une efficacité qui dépendent de rapports de forces, et d'un réseau plus ou moins riche de rétroactions : informations «remontant» vers ce niveau, guidage, directives en émanant.

1.1.2. L'aval, c'est le niveau de l'action d'enseignement proprement dite, le «terrain». Ici, il est nécessaire, sans cesser d'agir, de prendre une série de décisions tactiques, orientées par les stratégies définies en amont, et prenant forme au vu des informations collectées au fur et à mesure dans une situation concrète complexe et changeante. Mais ces décisions sont de divers types. Les modulations des interventions prévues, dans leur nombre, leur «style», leurs destinataires, le réaménagement des tâches ou des dispositifs, se placent durant l'action d'enseignement elle-même. Au contraire, la production d'hypothèses d'action éducative si elle demeure liée au terrain, a lieu hors des séquences. Nous appellerons hypothèse d'action éducative une décision tactique qui rassemble les éléments suivants : - référence à là stratégie (amont) - référence aux caractéristiques circonstancielles du terrain (aval) - référence à un objectif intermédiaire - choix subséquent d'un mode d'influence sur les apprenants (style d'intervention, structures et formes des tâches à proposer) - pari sur les comportements des apprenants qui apparaîtront dans ces conditions (jugés avantageux dans leur ensemble, et au regard de l'objectif intermédiaire, et à celui de l'orientation générale). 1.1.3. Le niveau des tâches didactiques se situe entre l'amont et l'aval. C'est en amont et en aval que nous situons les responsabilités (d'orientation, de réussite de l'action concrète). Les tâches didactiques apparaissent ainsi comme plutôt technologiques, ou, plus ambitieusement, d'«ingéniérie» (6). Cependant, l'on voit bien que le caractère apparemment «neutre» de ce secteur ne l'empêche pas de demeurer sous la dépendance, et de l'amont (directives sur les valeurs éducatives et les contenus à faire acquérir) et de l'aval (commande par l'intermédiaire d'hypothèses d'action éducative). C'est ainsi que l'analyse critique permet de déceler, dans des ouvrages «techniques» sur les A-P-S-, des prises de position idéologiques, des décisions de terrain, dissimulées derrière un discours «matter-of-fact». En particulier, est souvent oublié le fait que les modes d'acquisition et d'utilisation des savoirs et savoir-faire peut se révéler plus important que leur possession elle-même pour l'apprenant, en ce qui concerne leur efficacité immédiate (dans le décours de l'action d'enseignement) et future (réinvestissement dans le milieu social large). C'est pourquoi il semble intéressant de distinguer, dans l'étude des phénomènes d'enseignement, les tâches technologiques relatives à la mise en forme des contenus, des guidages par l'amont et par l'aval qui leur donnent sens.

1.2. Cette spécificité des tâches didactiques suggère l'idée de méthodes, d'outils qui doivent déjà exister, de façon plus ou moins définie, et être utilisés de façon plus ou moins délibérée, plus ou moins rationnelle. L'un des objectifs de notre réflexion devra être d'identifier ces rudiments, d'en rechercher les conditions d'élaboration et d'emploi, de les relier à une problématique des tâches didactiques. C'est ce type d'analyse que contribuent à mettre en place G. VIGARELLO et J. VIVES

(7), lorsqu'ils s'attachent à repérer «les sources du savoir» et à montrer «le fonctionnement du discours technique». Il s'agit bien là des contenus des A-P.S. : savoirs et savoir-faire présents dans les pratiques et, au-delà, de contenus d'enseignement, puisque le but essentiel du discours technique n'est pas de comprendre ou d'expliquer, mais de transmettre, de «faire faire», selon le mot des auteurs. Il apparaît d'autant plus indispensable de poursuivre et d'intensifier cet effort que, comme le font encore remarquer VIGARELLO et VIVES, «les études sur la pensée technique en A.P.S. sont rarissimes», et que, si l'on dispose d'une abondance de produits finis, les modes de production n'en sont jamais dévoilés... 1.3. Et puis, ce secteur des contenus d'enseignement des A.P.S. est si vaste (et il s'étend chaque jour davantage), si varié, si éclaté en multiples «spécialités» dont chacune tend à constituer un univers à part, si livré à l'empirisme, qu'il est très sensible à la colonisation par des disciplines plus sûres de leur objet et de leurs méthodes, et qui s'y imposent du dehors. Ce trait, si lourd qu'il a pu servir de fil directeur à une histoire de l'Education Physique, entraîne deux conséquences : - la réduction des pratiques d'A-P-S- et des savoirs et savoir-faire qui y apparaissent et y sont utilisés, à l'aspect justiciable du regard de la discipline «colonisatrice». Et cette réduction, indispensable à l'établissement de savoirs objectivés, paraît fort nuisible du point de vue de l'enseignement qui, étant action, doit conjoindre tous les angles d'approche. - le retard de constitution d'instruments de pensée propres au domaine des A.P.S. ; les praticiens et les techniciens sont contraints de se satisfaire d'un ensemble de savoirs importés, combinés de façon peu claire avec des éléments de recettes empiriques visà-vis desquelles ils prennent peu de distance. (8) 1.4. Etudier et tenter d'organiser, le niveau didactique des tâches d'enseignement ne signifie pas toutefois oublier que ce niveau reçoit de l'amont des directives et des influences, et de l'aval des commandes et des retours critiques : il s'agit bel et bien de production d'objets «pour agir» sur des êtres humains, qui reçoivent leur sens d'une stratégie, et leurs caractéristiques de décisions tactiques. Cela implique qu'il est nécessaire, simultanément : - d'élucider les relations avec l'amont et l'aval, ainsi que les influences qu'elles peuvent avoir, au-delà de la production elle-même, sur les conditions de cette production, les méthodes, instruments et opérations en cause, les matériaux utilisés. - d'identifier le domaine d'autonomie relative du travail didactique et ceci, de deux points de vue. D'abord, celui de ce que l'on pourrait nommer, au prix d'un néologisme, la «didactologie» : une sorte de réflexion épistémologique sur la didactique elle-même. Ensuite, mais sans qu'il y ait là de priorités chronologiques, celui de ce que nous appellerons, après G. BROUSSEAU (9), l'«ingénierie didactique», c'est-à-dire une technologie se dotant d'une rationalité interne, et en prise sur des savoirs de statuts divers, mais identifiés et intégrés aux exigences propres du travail en cause.

2. Le fonctionnement didactique Le tableau II est une tentative pour formaliser de façon encore un peu tâtonnante ce fonctionnement de la didactique, et un certain nombre des problèmes que pose ce fonctionnement. Il reprend la topologie du secteur didactique, entre l'amont et l'aval, que l'on avait vue dans le tableau I ; mais, au-delà, il essaie de mettre en évidence des questions, dont certaines ont été jusqu'ici peu évoquées.

Tableau 1 : LES TACHES D’ENSEIGNEMENT (en relation avec la didactique)

2.1. Une certaine «distanciation» du secteur théorique, indispensable au statut théorique lui-même, est ici suggérée. Seule, l'ingénierie est directement en prise sur les activités d'enseignement «de terrain». Ce «pas de côté» sera facilité par le caractère des tâches à mener à bien : - l'étude des manifestations de savoirs et de savoir-faire dans le champ des pratiques d'A.P.S. - l'étude des situations de constitution de ces savoirs et savoir-faire - l'examen des facteurs de cohérence interne de la méthodologie didactique - la réflexion sur les conditions d'élaboration et de validité de connaissances spécifiques à la didactique, etc. 2.2. Une organisation et une mise à plat du secteur de production. Ici, nous utilisons une suggestion de N. TALYZINA (10), qui propose de distinguer, à l'intérieur d'une production donnée : le résultat recherché, les matériaux employés, les tâches à accomplir, les instruments qui serviront, les opérations effectuées à l'ai e de ces instruments. Dans le cas de l’ingénierie didactique, les résultats, les produits, ce sont des objets didactiques, c'est-à-dire des tâches proposées aux apprenants dans des dispositifs construits et/ou décrits, et dont l'accomplissement est considéré comme menant à l'acquisition (à la consolidation, à l'extension, etc.) de savoirs ou savoir-faire déterminés. Ces objets didactiques doivent être adéquats à leur emploi au cours d'interventions orientées et spécifiées. Orientées, c'est-à-dire situées dans un projet éducatif. Spécifiées, c'est-à-dire : - menées par un ou des intervenants définis, - dans des conditions (institutionnelles, matérielles, circonstancielles, etc.) définies, - sur un groupe d'apprenants défini, - pertinent à une ou des hypothèses d'action éducative (cf. supra, sur le sens donné à cette expression). Les matériaux, ce sont ici les savoirs ou savoir-faire, présents ou potentiels dans les pratiques sociales, et dont il s'agit de faciliter l'acquisition et l'utilisation par les apprenants. Les tâches sont celles de collectage de ces matériaux, et de mise en oeuvre à un premier stade : classement, puis analyse (repérage de statuts, formes; niveaux, domaines d'utilisation, significations, etc.). Ensuite, vient la transformation de ces «contenus-matière» en «contenus d'enseignement» (savoirs ou savoir-faire en isomorphisme partiel ou total avec les savoirs ou savoir-faire sociaux correspondants ; chemins ou réseaux d'acquisition/utilisation de ces savoirs ou savoir-faire ; mise en interrelation avec d'autres savoirs ou savoir-faire, mais aussi «savoir-être», qui peut aboutir à la formulation de «savoir-apprendre», etc.). Enfin, se place la transformation des contenus d'enseignement en objets didactiques directement utilisables dans des interventions de terrain. Au-delà, l'effectuation de ces tâches suppose l'élaboration et l'emploi de procédures et d'outils adéquats, que nous ne préciserons pas davantage pour le moment. (11)

2.3. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le secteur de production peut cesser de fonctionner en «boîte noire», ainsi que le déplorent VIGARELLO et VIVES (article cité). La reconnaissance du caractère «extérieur» des hypothèses d'action éducative qui commandent la production didactique, mais ne la constituent pas ; l'élucidation de la chaîne résultats attendus, tâches, matériaux, outils, opérations, résultats effectifs, permettent d'étudier les produits déjà élaborés en reconstituant les différents stades de leur fabrication, et aussi d'entreprendre des fabrications nouvelles avec un souci de rationalisation qui trouvera mieux à se satisfaire. De plus, cet effort peut fournir, à son tour, les matériaux indispensables au travail du secteur théorique, lequel, en retour, peut aider la production en lui fournissant études critiques et constructions théoriques «fertiles. 2.4. Notre tableau II propose quatre «départements de l'ingénierie didactique (à gauche du schéma). La simple lecture de ce qui y figure indique bien que, pour chacun d'entre eux, il peut être fait appel à des savoirs variés par leur provenance, leur niveau, leur statut. L'on va d'ailleurs y retrouver, entre autres, les sources habituelles du travail didactique. Par exemple, dans l'analyse des conditions d'intervention, sous la rubrique «apprenants», se placeront les connaissances physiologiques, psychologiques, sociologiques, etc. auxquelles se réfèrent bien souvent les productions didactiques. Cependant, la construction même du schéma suggère que, loin de s'imposer de l'extérieur au didacticien, ces savoirs peuvent être utilisés comme simple information, remodelés à partir de cadres de référence proprement didactiques, et ceci, sous la surveillance de la réflexion épistémologique.

Tableau II : UNE FORMALISATION DU FONCTIONNEMENT DIDACTIQUE

3. Où en est-on aujourd'hui ? Dans les limites d'un texte aussi court, il n'est pas possible de poursuivre l'exposé des développements envisageables du travail didactique, non plus que d'examiner dans le détail les productions existantes. Nous nous bornerons donc à indiquer quelques traits, selon nous remarquables, de la situation de la production d'objets d'enseignement en A-P-S3.l. La production est abondante (12), mais peu maîtresse de ses cadres conceptuels et de ses outils méthodologiques et technologiques. Force nous est de citer une nouvelle fois l'article de VIGARELLO et VIVES, qui eut dû faire l'effet d'une bombe dans le monde des A-P-S- A notre connaissance, tel n'a pas été le cas, et la quasi-totalité des productions didactiques continue d'être marquée par un empirisme souvent ingénieux, mais confus et d'une terrible myopie. D'autre part, les travaux de réflexion sur la didactique sont toujours aussi rares... et pratiquement absents dans le domaine qui est le nôtre. (13) 3.2. Une profusion de matériaux, une mise en oeuvre à peine entamée : les A-P-Sne cessent de s'étendre, de se diversifier, de progresser dans leurs moyens matériels et les performances auxquelles elles donnent lieu (14) ; les savoirs sur ou à propos des A-P-S. s'accumulent conjointement. La prise en compte de ces contenus-matière potentiels ne s'effectue que partiellement et avec retard ; en outre, il est rare que soit dépassée la simple description des objets ou équipements, des structures d'activité et des gestes effectués. Au-delà, et malgré des travaux solides et de plus en plus nombreux d'histoire des A-P-S-, de sociologie des A-P-S-, l'histoire sociale des A.P.S. construite dans et pour la didactique reste balbutiante. (15) 3.3. Des phénomènes de confusion, de contamination, à des niveaux divers : - entre orientation et didactique : c'est avec raison que D. HAMELINE (16) dénonce l'erreur qui consiste à confondre un programme d'enseignement (têtes de chapitres, notions à étudier) avec une programmation didactique. Le domaine des A-P-S- n'est pas exempt de cela ; - entre didactique et intervention : un trait souvent rencontré est la prescription (parfois clandestine) de modes d'intervention par un auteur, dans le décours d'un exposé «technique». Il semble pourtant clair que le seul maître du mode d'intervention doive être l'homme de terrain, le «clinicien», tributaire et informé des particularités de son cadre d'action ; le didacticien n'est là que pour satisfaire la «commande». Mais, bien souvent, didacticien et intervenant sont le même homme, accomplissant à des moments différents des tâches différentes, sans que cela soit toujours bien clair pour lui. - entre savoirs importés, savoirs empiriques, savoirs spécifiques : fréquemment, la source et le statut des savoirs utilisés ne sont pas pris en compte pour moduler les manières dont, justement, on les utilise. Ceci, tant à cause du mode de justification à posteriori des formes prises par les pratiques, et une fois encore, il faut rendre justice à VIGARELLO et VIVES, qui signalent aussi ce trait, que, plus fondamentalement, du

manque de la distanciation qu'imposerait une réflexion théorique et épistémologique sur la construction didactique, dont l'absence se fait cruellement sentir. 3.4. Des obstacles à la rationalisation de la production didactique dont l'origine nous semble devoir être recherchée dans deux directions principales : - une mauvaise perception des frontières entre contenus-matière et contenus d'enseignement. La majorité des auteurs, et, il faut le dire avec regret, la majorité des intervenants, confondent encore trop souvent les savoirs et savoir-faire qui sont les «cibles» de l'action d'enseignement, et les contenus de cette action, qui concernent, au-delà de ces savoirs et savoir-faire, leurs conditions d'élaboration et d'utilisation. Ceci, tant en ce qui concerne le milieu d'apprentissage, que le milieu social large. Non que les discours bien intentionnés manquent là-dessus, mais la mise en oeuvre reste très incertaine de ses moyens et de son évaluation. - un deuxième obstacle serait la délimitation souvent trop fragile des responsabilités de conception, de production, d'utilisation des objets didactiques. Le fait, déjà évoqué plus haut, que beaucoup d'agents sociaux impliqués dans l'enseignement des A-P-S- cumulent dans notre pays ces trois responsabilités, n'est sans doute pas étranger à cette confusion. Le poids, également, d'une pratique personnelle, présente ou passée, mais vis-à-vis de laquelle on n'a pas pris assez de recul renforce ce phénomène.

4. Que proposer pour avancer ? L'état quelque peu retardataire de la didactique des A-P-S- dont nous venons d'évoquer quelques aspects, et les exigences que l'on peut percevoir, en provenance de sources variées (17), suggèrent des efforts pour avancer sans attendre que soient réglés des problèmes comme celui du statut scientifique ou non de notre travail. 4.1. Entreprendre une analyse critique des produits didactiques existants, même s'il faut pour cela construire au fur et à mesure des cadres de référence remis en cause par la suite. (18) Les produits didactiques en matière d'A-P-S- présentent-ils des traits communs ? Peuton en ébaucher une typologie ? Est-il possible d'en mettre au jour les mécanismes d'élaboration ? Autant de questions, parmi bien d'autres, auxquelles il serait important de consacrer des efforts. De même, l'étude comparée de produits didactiques, en A. PS- et en provenance d'autres secteurs, serait certainement fructueuse (19). L'on peut espérer qu'à partir de ce genre de travaux, une avancée pourrait être rendue plus facile au niveau de la partie théorique de la didactique des A. P-S4.2. S'efforcer de produire dans des conditions de plus en plus explicites. C'est-àdire identifier préalablement la «commande» (hypothèse d'action éducative, en particulier) ; puis, à chaque fois que l'on élabore ou modifie un objet d'enseignement, consigner avec précision la démarche suivie, les diverses étapes de la réalisation ; ensuite, revenir sur ces éléments pour tâcher d'en déceler la logique interne et les

outils. Une phase plus avancée consisterait à produire à partir d'un ensemble méthodologique et technologique pré-établi et complètement recensé. Il y a là un travail extrêmement difficile à entreprendre et à faire progresser, pour une multitude de raisons, mais qui se révélera, nous en sommes convaincus, particulièrement fécond et formateur. 4.3. Commencer à «théoriser» à partir du terrain, sans prétention ni inhibition excessives. Il s'agit de chercher à faire naître des notions, et plus tard des concepts et des constructions systématisées, spécifiques, non empruntés à des corps de connaissance déjà constitués. L'amorce d'un tel travail existe, quoique de façon très dispersée, dans beaucoup de documents, dont certains ne portent pas le sigle «S.T.A.P.S.» (20). Par ailleurs, certaines disciplines, comme les mathématiques ou les sciences biologiques, ont commencé à produire sur leur propre didactique : il conviendra d'étudier leur démarche, de voir comment elles rencontrent des difficultés et comment elles parviennent à progresser. C'est un vaste travail qui se présente ainsi à tous ceux qu'intéressent la production et la réflexion didactiques, et plus encore peut-être dans notre domaine des A-P-S- que dans d'autres. Puisse-t-il se voir entrepris et poursuivi avec les moyens qu'il exige ; souhaitons l'apparition, dans peu d'années, d'un nouveau spécialiste, le didacticien en A-P-S- Ses compétences : la production d'objets didactiques pertinents à des contenus donnés, satisfaisant à des orientations définies, adaptables à des conditions et à des styles d'intervention particuliers, d'une part ; et, d'autre part, le perfectionnement et le renouvellement d'une technologie cohérente et explicite, et donc accessible à l'intervenant ; tout cela, éclairé et impulsé par une réflexion théorique et critique alimentée à partir de la production elle-même.

5. Conclusion toute provisoire Actuellement, de multiples indices poussent à estimer que les problèmes liés à la réflexion et la production dactiques sont de mieux en mieux perçus, en particulier dans le domaine de l'enseignement des A-P-S- (cf. note 13). Des propositions comme celles que nous avons esquissées ci-dessus ne se situent donc pas hors du champ des préoccupations des responsables de la formation des enseignants ; quant aux chances de les voir appuyées avec plus de force au niveau des décisions institutionnelles, la question reste ouverte. Quoiqu'il en soit, nous avons la conviction que le travail didactique est entré dans une période de maturation, et que ses avancées ne peuvent être que bénéfiques à l'efficacité des enseignants, et favorables à l'accroissement de leur autonomie vraie. En effet, si traditionnellement les choix de finalités et de styles de relations enseignantenseignés sont largement ouverts dans notre pays pour chaque maître, cette liberté apparaît en réalité plus ou moins hypothéquée. Le retard de la construction théorique et de la formation des enseignants en didactique les livre aux pièges de l'utilisation d'objets (programmes, progressions, exercices, situations pédagogiques) dont les modes de fabrication et les rapports avec des orientations et des démarches éducatives

restent le plus souvent cachés. D'où la routine qui pousse chaque enseignant à reproduire dans son activité les formes et procédés qu'il a connus en tant qu'élève ; d'où la confusion, si fréquente, entre un savoir-faire corporel tel qu'il peut être observé, et les procédures qui permettent de l'acquérir et de l'employer avec efficacité, qui amène l'emploi non pertinent d'ouvrages techniques comme produits didactiques. Des enseignants plus au fait de la problématique didactique, une production didactique plus explicite sur ses sources, ses outils, ses méthodes, voilà qui peut contribuer à repousser ces limitations de la liberté et du pouvoir d'enseigner.

Notes (1) Le pluriel qui affecte les «sciences de l'éducation» en dit long là-dessus ; et nous le retrouvons dans notre sigle «S.T.A.P.S-», aggravé, pourrait-on dire, par le voisinage moins «noble» des «techniques». (2) Il devient classique de citer à ce propos G. DE LANDSHEERE (in «Définir les objectifs de l'éducation», Paris, P-U-F-, 1977, p. 5) : «... éduquer, c'est conduire, donc guider vers un but. Conduire et nulle part s'excluent mutuellement. Mais conduire quelque part ne suffit pas : la destination de l'éducation est par essence positive. On éduque au vrai, en bien, au beau, et non au faux, au mal, au laid». (3) Si l'on y repère des savoirs, il s'agit le plus souvent de savoirs sur les pratiques, ou plutôt à propos des pratiques, et encore très inclus dans les pratiques elles-mêmes, lorsqu'ils ne sont pas importés tout construits de l'extérieur. A l'opposé, la mathématique, par exemple, comporte des champs de pratiques et un domaine de savoir bien délimité, structuré, relativement indépendant des premiers. (4) Au sens où G. BROUSSEAU, citant C VALLARD (1980), emploie le mot «protomathématique», «statut d'un concept entre sa première mise en oeuvre et son identification comme objet d'étude, et sa dénomination» (doc. cité). (5) Voir, entre autres, F. HALBWACHS (Revue française de pédagogie, 1975, pp. 5-6) : «au sein de l'ensemble assez vaste des sciences de l'éducation, qui font l'objet aujourd'hui d'une quantité rapidement croissante d'activités et de recherches, la didactique se concentre sur le domaine de l'enseignement- Encore dans ce domaine faut-il la distinguer de la pédagogie qui se centre sur les aspects relationnels généraux de l'enseignement, sans avoir beaucoup d'égard au contenu même de l'enseignement. La didactique, à l'inverse, fait porter sa réflexion sur la matière enseignée, éventuellement d'une manière détaillée». (6) Terme employé par G. BROUSSEAU. doc. cité. (7) G. VIGARELLO et J. VIVES, «Technique corporelle et discours techniques», E-P-S. n° 184, nov-déc. 1983, pp. 40-47. (8) Cet aspect également a fort bien été aperçu par VIGARELLO et VIVES. (9) Doc. déjà cité. (10) N-F- TALYZINA, sous la direction de «De l'enseignement programmé à la programmation de la connaisance», Presses Universitaires de Lille, LILLE III, 1980. (11) Un deuxième article, intitulé «Vers une production didactique plus organisée»,

propose des grilles d'analyse des objets didactiques, ainsi que des instruments de classement, de transformation de ces derniers en contenus d'enseignement, et des outils de fabrication d'objets didactiques. (12) Un simple coup d'oeil sur les catalogues des collections spécialisées montre le succès et l'abondance des ouvrages «techniques» sur les A-P-S- ; leur lecture révèle l'empirisme que nous dénonçons. Et, chaque jour, les «pratiques sauvages» révèlent que chacun, ou presque, se sent assez de compétence pour s'improviser didacticien et pédagogue. (13) Cependant, dans la dernière période, un mouvement semble se dessiner : présence de plus plus fréquente dans les cursus établis par les U-E-R-E-P-S- d'U-V- ou de «blocs» de didactique ; rencontres ou colloques à propos de didactique des A-P-S-, à l'initiative de ces mêmes U-E-R- ou de l'I-N-R-P- ; apparition, dans le projet du nouveau C-A- P.E. P-S-, d'une nouvelle épreuve écrite consacrée à la didactique des A-P-S- dans le domaine d'option du candidat (et non plus seulement de sa spécialité d'option : p. ex. «athlétisme» et non «100 m plat», ou «combat» et non plus seulement «judo». (14) Le mot «performance» est pris ici au sens large : «ce que produisent, manifestent les pratiques d'A-P-S-» et non au sens restreint, compétition. (15) Nous voulons évoquer par là des études telles que «le sport, la mort, la violence» (B. JEU, Paris, Éd. Universitaires, 1972), qui évoque les significations archaïques des A. P-S-, et leurs résonances aujourd'hui dans les affects socialement informés ; ou encore des réflexions sur la logique de signification et/ou de développement de telle ou telle activité, que l'on peut rencontrer dans quelques ouvrages «techniques», etc. (16) D. HAMELINE «Formuler des objectifs pédagogiques : mode passagère ou voie d'avenir ?», Cahiers pédagogiques, n° 148-149, nov. 1976, pp. 21-45. (17) Ces exigences sont quelquefois traduites, ou masquées, par des abandons de pratique, des refus d'activité structurée, ou, plus paradoxalement, par le retour à des cadres ultra-traditionnels, de la part des utilisateurs (apprenants à divers titres) ; par des démissions de la part des intervenants, comme l'acceptation d'une action limitée au niveau d'une «animation» (sans contenu d'enseignement organisé et structuré) ou le recours à des recettes (répertoires d'exercices passe-partout) ainsi que par les discours parfois peu cohérents, souvent polysémiques, des responsables de l'orientation (il.est intéressant à cet égard d'analyser les instructions et circulaires officielles, etc.). (18) Force nous est de revenir une fois de plus sur le travail de VIGARELLO et VIVES (art. cité) qui nous paraît tout à fait exemplaire à cet égard. (19) Nous avons entrepris ce travail en ce qui concerne les activités de combat, sur un certain nombre d'ouvrages français récents (20) Est-il nécessaire de rappeler que ceux d'entre nous qui ont pu mener à bien des travaux universitaires ou des recherches dans le domaine des A-P-S- ont dû presque toujours se placer sous le patronage ou la direction de disciplines ayant «pignon sur rue» ?

BIBLIOGRAPHIE - BROUSSEAU G., «Les objets de la didactique des mathématiques», seconde école d'été de didactique des mathématiques, OLIVET. 5-17 juillet 1982, doc. polygraphié. - HALBWACHS F., Revue Française de Pédagogie, 1975. - TALYZINA N.F., sous la direction de «De l'enseignement programmé à la programmation de la connaissance», Presses Universitaires de Lille, LILLE III, 1980. - VIGARELLO G. et VIVES J., «Technique corporelle et discours technique», E-P-S. n° 184, NOV. DEC. 1983, pp. 40-47.