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Odontologie pédiatrique clinique Dir. Chantal NaulinIfi
Avec la collaboration de Annie Berthet, Caroline DelfosseVerlyck, Vianney Descroix, Dominique DesprezDroz, Hervé Foray, Lucile Goupy, Muriel de La DureMolla, MarieCécile Manière, Charles Micheau, Michèle MullerBolla, Amélie Reibel, JeanLouis Sixou, Corinne Tardieu, Arabelle WanderzwalmGouvernaire
ISBN : 9782843613005 © Editions CdP, Coll. "JPIO" Initiatives Santé, 2015
5 Endodontie pédiatrique C. TARDIEU, C. NAULINIFI
I Complexe dentinopulpaire des dents temporaires et des dents permanentes immatures A Complexe dentinopulpaire des dents temporaires B Le complexe dentinopulpaire des dents permanentes immatures
II Diagnostic de l’état pulpaire III Formes cliniques A Syndrome du septum B Inflammation pulpaire des dents temporaires 1 Réversible 2 Irréversible
C Nécrose pulpaire sans complications parodontales D Nécrose pulpaire avec complications parodontales E Atteinte de la furcation de la dent temporaire
IV Thérapeutiques pulpaires A Dents temporaires
1 Coiffage pulpaire indirect 2 Coiffage pulpaire direct 3 Pulpotomie partielle 4 Pulpotomie cervicale 5 Pulpectomie et obturation radiculaire
B Dents permanentes immatures 1 Coiffage indirect
2 Coiffage direct 3 Thérapeutiques endodontiques de la dent permanente immature vivante 4 Thérapeutiques endodontiques de la dent permanente immature nécrosée
V Conclusion L’endodontie pédiatrique est un véritable défi. Le diagnostic pulpaire chez le jeune patient est incertain, les symptômes cliniques ne sont pas toujours corrélés avec l’état du tissu pulpaire ; de plus, l’âge et le comportement peuvent compromettre le pronostic des traitements. Lorsqu’ils sont réalisables, les traitements pulpaires des dents temporaires visent à conserver la ou les dents sur l’arcade jusqu’à leur chute. Pour la dent permanente, ils ont pour objectif, le maintien du développement radiculaire et la conservation de la fonction.
Même si le pronostic d’une dent temporaire est mauvais, il est parfois nécessaire de la conserver avant de décider de son avulsion, la perte prématurée de ce type de dent entraînant des séquelles importantes (voir chapitre 8). Essentiel : le diagnostic, avant toute thérapeutique endodontique chez l’enfant, doit comprendre une anamnèse médicale, un historique dentaire, une évaluation radiographique et des tests cliniques (voir chapitre 2).
I Complexe dentinopulpaire des dents temporaires et des dents permanentes immatures A Complexe dentinopulpaire des dents temporaires (fig. 5.1) De par leurs caractéristiques morphologiques et physiologiques, les dents temporaires sont particulièrement sensibles à la carie dentaire et à ses complications. Du point de vue morphologique : l’épaisseur des tissus durs (émail, dentine) est faible, rendant le volume pulpaire proportionnellement large ; le diamètre important des tubuli dentinaires favorise la pénétration bactérienne ; les cornes pulpaires sont longues et effilées, donc proches de la surface amélaire. Les implications pulpaires dues aux agressions carieuses ou traumatiques sont donc fréquentes et rapides. De plus, le risque d’effraction pulpaire lors de l’excision de la lésion carieuse est élevé ; le plancher pulpaire présente de nombreux canaux pulpoparodontaux communiquant avec l’espace interradiculaire, favorisant rapidement des atteintes de la furcation ;
Figure 5.1 Anatomie canalaire complexe de la dent temporaire (CA). ▼
l’anatomie canalaire est complexe, les nombreux canaux accessoires rendent impossible l’élimination totale du parenchyme pulpaire infecté et des débris nécrosés, cause des échecs des traitements endodontiques. Les perforations radiculaires pendant l’instrumentation sont également possibles ; les racines divergentes, la finesse de leur apex et la résorption radiculaire physiologique asymétrique rendent aléatoire la détermination de la longueur de travail et accentuent la difficulté de la mise en forme canalaire et de l’obturation. Du point de vue physiologique : le tissu pulpaire des dents temporaires est semblable à celui des dents permanentes. C’est un tissu conjonctif jeune, fortement vascularisé, à forte activité enzymatique et odontoblastique. Cela permet d’expliquer ses réactions hyperplasiques (Torneck, 1985) ; l’innervation n’est pas aussi dense que pour les dents permanentes, expliquant pourquoi les dents temporaires paraissent moins sensibles qu’elles (Rapp et al., 1968). Cet axiome peut également être dû à la résorption physiologique qui aurait pour conséquence une dégénérescence nerveuse. Néanmoins, il n’est aucunement prouvé que la dent temporaire soit moins sensible que la dent permanente et tout traitement pulpaire indique l’utilisation de l’anesthésie ; la physiopathologie de la dent temporaire paraît évoluer en fonction des différents stades (tabl. 5.1), mais cette opinion est controversée. Tableau 5.1 Physiopathologie de la dent temporaire (d’après Fortier et DemarsFremault, 1987) ▼
B Le complexe dentinopulpaire des dents permanentes immatures (fig. 5.2) La dent permanente est considérée comme immature lorsque sa racine est en cours de développement et que la fermeture apicale n’est pas complète. L’apposition de dentine secondaire dans la chambre pulpaire et le long de la racine est un processus continu physiologique. Sa faible épaisseur lorsque la dent est immature confronte le praticien à un volume pulpaire important qui explique le comportement très sensible aux agressions de la dent jeune (Smith, 2002).
Lorsque les dents font leur éruption, les racines sont immatures (édification aux deux tiers) et il faut environ 3 ans pour qu’elles atteignent la maturité. Durant toute cette période, les racines sont courtes, les apex largement ouverts, la dentine radiculaire et coronaire est de faible épaisseur et les tubuli dentinaires, très larges, facilitent une invasion bactérienne rapide. En revanche, le diamètre apical large permet une parfaite vascularisation et confère un excellent potentiel de réparation. Important ! Les thérapeutiques doivent être tournées vers la préservation de la vitalité pulpaire afin de permettre une fermeture physiologique de l’apex, ou « apexogenèse ».
En cas de nécrose pulpaire, la conservation de la dent peut être réalisée en effectuant des thérapeutiques d’« apexification », mais la fragilité des parois radiculaires en diminue le pronostic de conservation. Toutefois, maintenir la dent le plus longtemps possible permet de garder l’intégrité de la longueur d’arcade et le développement de l’os alvéolaire pendant la période de croissance. Figure 5.2 Complexe dentinopulpaire de la dent permanente immature (CT). ▼
La progression très rapide de la carie sur les dents permanentes immatures s’explique par les caractéristiques histomorphologiques de l’organe dentaire jeune. Au moment de l’éruption dans la cavité buccale, la dent est dite immature. L’amélogenèse est terminée, mais la surface et les couches de subsurfaces de l’émail postéruptif sont poreuses et irrégulières, et donc hautement sensibles aux agressions chimicobactériennes du milieu buccal. La maturation amélaire s’achève au cours des années par incorporation, en surface, de substances minérales contenues dans l’alimentation et la salive. Cette maturation postéruptive se fera progressivement, conférant à la surface dentaire une résistance au processus carieux. Si une première molaire fait son éruption dans une bouche présentant de nombreuses caries, elle sera confrontée immédiatement à un environnement bactérien cariogène.
II Diagnostic de l’état pulpaire Le diagnostic de l’état pulpaire est déterminant pour le choix d’un traitement approprié et, donc, pour un bon pronostic (tabl. 5.2). Ce diagnostic repose sur l’examen clinique, l’histoire de la symptomatologie et la réponse à
différents tests (voir chapitre 2) nécessitant non seulement une bonne coopération mais également la compréhension de l’enfant ; or, le très jeune enfant a souvent beaucoup de difficultés à exprimer ce qu’il ressent par manque de vocabulaire (Delbos et al., 2010). La douleur exprimée par l’enfant aide le praticien dans l’interprétation des signes de vitalité ou de nécrose. La recherche d’une réponse douloureuse à un test chez un jeune patient doit être, au préalable, bien expliquée et faite avec le plus de bienveillance possible. Elle doit permettre d’avoir une réponse la moins émotive possible et éviter toute perte de coopération (voir chapitre 3). L’examen radiographique permet d’apprécier le stade physiologique, de visualiser la morphologie radiculaire et la proximité du germe sousjacent et, enfin, d’objectiver les résorptions internes ou les atteintes périapicales ou de la furcation.
Tableau 5.2 Signes cliniques et radiographiques permettant de diagnostiquer la vitalité ou la nécrose des dents temporaires ou permanentes immatures ▼
Le diagnostic sera confirmé seulement en peropératoire : la présence et les caractéristiques du saignement incontrôlable lors de l’effraction pulpaire indiquent une inflammation pulpaire non réversible. Remarque : les critères de diagnostic sont, en général, similaires pour les dents temporaires et pour les dents permanentes immatures. Essentiel Conditions pulpaires des dents temporaires et permanentes immatures : la pulpe est saine après exposition traumatique ou accidentelle pendant une préparation cavitaire. Elle peut être conservée vivante si elle est traitée correctement ; la pulpe exposée par une lésion carieuse présente toujours une inflammation chronique partielle ou totale ou une nécrose ; une nécrose pulpaire partielle ou totale peut être la conséquence de caries non traitées, ou d’une exposition pulpaire traumatique. Une nécrose pulpaire peut se développer après un traumatisme de luxation quand la circulation pulpaire a été interrompue.
III Formes cliniques A Syndrome du septum (fig. 5.3) Fréquente chez l’enfant, cette pathologie est une complication des caries touchant les faces proximales des premières et secondes molaires temporaires (caries jumelles). Elle est associée à l’effondrement des crêtes marginales.
L’enfant se plaint de douleurs vives, spontanées, rythmées par les repas et liées à un tassement alimentaire dû à l’effondrement des crêtes marginales créant ainsi un point de contact défectueux. La papille gingivale interdentaire, irritée par la compression des résidus alimentaires, est œdématiée, inflammatoire, et on peut parfois observer une destruction de l’os marginal (Molla et al., 2010). Le syndrome du septum peut être le point de départ d’une desmodontite (Morrier et al., 1998). La pulpe des dents concernées peut être vitale ou montrer des signes d’inflammation réversible ou irréversible. Le traitement consiste à restaurer les contacts interproximaux et le volume coronaire. Le traitement pulpaire est effectué en fonction de la profondeur de la lésion et du stade physiologique de la dent (Delbos et al., 2010). Figure 5.3 Syndrome du septum (CT). ▼
B Inflammation pulpaire des dents temporaires 1 Réversible C’est une inflammation chronique due à une carie profonde. Elle reste confinée à la chambre pulpaire. La thérapeutique de choix est la pulpotomie cervicale. Si l’hémorragie pulpaire est incontrôlable, il s’agit dans ce cas d’une inflammation irréversible (fig. 5.4). 2 Irréversible Une douleur spontanée, aiguë, réveillant l’enfant la nuit est le signe pathognomonique d’une pulpe présentant une inflammation irréversible. Elle est le plus souvent de courte durée en denture temporaire et cède aux antalgiques. Le traitement est adapté au stade physiologique
de la dent : pulpectomie si la dent temporaire est au stade 1 ou 2, ou avulsion si la résorption radiculaire est supérieure à la moitié radiculaire. Figure 5.4 Hémorragie incontrôlable (CNI). ▼
C Nécrose pulpaire sans complications parodontales Important ! C’est la pathologie la plus fréquente d’une dent temporaire cariée non traitée précocement.
Le plus souvent indolore, la nécrose pulpaire peut intéresser tout ou partie de la pulpe radiculaire et être responsable d’une pathologie mixte associant des signes d’inflammation pulpaire et de nécrose (Fortier et DemarsFremault, 1987 ; Morrier et al., 1998 ; Molla et al., 2010). S’il n’existe pas de signe associé au niveau du parodonte et que la radiographie ne montre pas de résorption radiculaire, il convient de réaliser une pulpectomie suivie d’une restauration coronaire étanche. S’il existe des résorptions internes ou externes avancées avec résorption osseuse, l’avulsion est préconisée.
D Nécrose pulpaire avec complications parodontales Important ! C’est la complication la plus complexe et la plus grave du fait de ses répercussions possibles sur l’état général et le germe sousjacent de la dent permanente.
La forme aiguë (fig. 5.5) est, le plus souvent, observée au niveau de la dent temporaire mature (stade 2). Les signes cliniques sont les mêmes que ceux des dents permanentes : douleur et altération de l’état général pouvant être associées à une cellulite. L’examen radiographique, qui n’est pas toujours en rapport avec le tableau clinique, permet d’apprécier l’importance de la destruction osseuse des zones interradiculaires et périapicales.
Figure 5.5 Forme aiguë de la nécrose pulpaire avec cellulite génienne (CNI). ▼
La forme chronique est plus fréquente lorsque la dent temporaire est au stade 3. Au niveau de la gencive, on peut observer une rougeur, un œdème, un abcès (fig. 5.6) ou une fistule. La palpation du vestibule objective la présence d’une dépression, signe d’une résorption de l’os alvéolaire. L’avulsion de la dent est indiquée. La nécrose pulpaire peut se compliquer d’une cellulite. Les deuxièmes molaires temporaires sont plus fréquemment en cause que les premières. On note un état fébrile, une asthénie et l’existence d’adénopathies. Un traitement systémique préalable par antibiothérapie est nécessaire avant tout traitement local. Le geste thérapeutique d’urgence consiste en l’ouverture de la chambre pulpaire et la mise en sous occlusion de la dent causale. Lorsque les signes cliniques ont disparu, on réalise l’avulsion de la dent incriminée.
E Atteinte de la furcation de la dent temporaire La faible épaisseur du plancher de la chambre pulpaire et la multitude des canaux pulpo parodontaux ont pour conséquence une atteinte très fréquente de la zone interradiculaire qui est progressivement détruite (fig. 5.7a). Cette zone est en rapport direct avec le germe de la dent successionnelle en cours d’évolution. Cette pathologie constitue un véritable dilemme dans le choix des thérapeutiques : pulpectomie ou avulsion. Au stade avancé, l’apparition d’une parulie en est le signe clinique (fig. 5.7b).
IV Thérapeutiques pulpaires
Les thérapeutiques pulpaires comprennent les techniques permettant de stimuler le potentiel de réparation dentinopulpaire (coiffage), celles maintenant la pulpe radiculaire saine (pulpotomie) et celles remplaçant la pulpe par un matériau intracanalaire (pulpectomie) (Portier et al., 1997).
Figure 5.6 Abcès parodontal causé par la nécrose pulpaire de la deuxième molaire inférieure droite (CNI). ▼
Figure 5.7 a. Radiographie retroalveolaire montrant une atteinte de la furcation. b. Parulie. Signe clinique d’une atteinte de la furcation (CNI). ▼
Le pronostic dépend de l’état pulpaire et de la bonne mise en œuvre des traitements pulpaires et restaurateurs. L’échec des traitements pulpaires conservateurs est souvent lié à la perte d’étanchéité des restaurations coronaires alors que la dentine est très perméable. Avant de décider de la nonconservation d’une dent temporaire, il faut tenir compte du fait que sa perte prématurée peut entraîner des séquelles importantes telles que : perte de la longueur d’arcade ; perte d’espace pour l’éruption de la dent permanente ; éruption ectopique ou inclusion des prémolaires ; dérive mésiale de la première molaire ; extrusion de la dent antagoniste ; déviation de la ligne interincisive ; apparition de parafonctions. Malgré la difficulté d’établir un bon diagnostic pulpaire, certains critères physiopathologiques vont aider le praticien dans son choix thérapeutique.
A Dents temporaires Différents traitements ont été recommandés pour les dents temporaires. L’indication d’un traitement est généralement liée à l’étendue de la lésion carieuse ou traumatique et à la proximité pulpaire de l’atteinte.
Cependant, pour les dents temporaires, quelques particularités peuvent modifier l’indication : l’état physiopathologique de résorption des racines, indicateur d’une modification du potentiel de cicatrisation de la pulpe, est à prendre en compte. Par exemple, le diagnostic d’une nécrose pulpaire au stade 3 contreindique la pulpectomie et l’avulsion doit être préférée ; la coopération de l’enfant pour des actes longs et délicats. Ainsi, le diagnostic d’une nécrose pulpaire sur une première molaire de stade 2 chez un enfant de 4 ans non coopérant oriente le traitement vers l’avulsion ; le contexte médical et/ou local, comme les polycaries, entraîne des traitements moins conservateurs. l’agénésie de la dent successionnelle repousse les indications de pulpectomie afin de maintenir l’espace et la fonction masticatoire jusqu’à la période de denture permanente stable. La réévaluation de la situation pourra alors indiquer l’avulsion de la dent temporaire. 1 Coiffage pulpaire indirect Le coiffage pulpaire indirect est recommandé pour les dents présentant une lésion carieuse profonde, à proximité de la pulpe et sans signe d’inflammation irréversible ni de nécrose. L’objectif d’un coiffage pulpaire indirect est de maintenir la vitalité pulpaire en : arrêtant l’évolution carieuse ; préservant la dentine sclérotique ; stimulant la formation de dentine tertiaire ; reminéralisant la dentine cariée.
La dentine cariée est éliminée sans effraction pulpaire. La dentine pariétale, proche de la jonction avec l’émail, doit être totalement éliminée pour satisfaire aux critères d’étanchéité du matériau de restauration choisi (fig. 5.8). La difficulté réside dans la détermination de l’épaisseur résiduelle de dentine du plancher de la cavité. Plusieurs techniques d’élimination de la dentine ont été décrites : avec une fraise boule sur contreangle réducteur ; avec un excavateur seul ou avec une aide chimique comme le Carisolv®. La technique chimiomécanique est la plus conservatrice de dentine saine. De plus, dans le cas d’un manque de coopération de l’enfant à l’anesthésie locale, le coiffage pulpaire indirect peut se faire correctement sans anesthésie par infiltration. Après élimination de la dentine cariée, plusieurs matériaux de coiffage ont été recommandés. Le ciment à l’oxyde de zinceugénol (OZnE) et la pâte d’hydroxyde de calcium sont les plus couramment utilisés. Cependant, ils nécessitent une réintervention entre 3 et 6 mois après, pouvant faire courir le risque d’une effraction pulpaire si la dentine tertiaire n’est pas suffisante. Les ciments verre ionomère, de par leurs propriétés antimicrobiennes, créent des conditions de reminéralisation satisfaisantes. Ils sont indiqués comme base de coiffage pulpaire indirect depuis une vingtaine d’années et ne nécessitent pas de réintervention en raison de leur adhésion à la dentine.
Figure 5.8 a et b. Coiffage indirect sur la première molaire temporaire (CNI). ▼
Les résines composites ne donnent pas de bons résultats d’adhésion sur la dentine cariée résiduelle et ne sont pas indiquées en raison du risque non négligeable de reprise de carie sous le matériau. Le taux de succès du coiffage indirect varie de 74 à 99 %. Cette différence dans les résultats s’explique par l’hétérogénéité des méthodologies (Camp et Fuks 2006).
2 Coiffage pulpaire direct La technique consiste à poser un biomatériau de coiffage directement sur le tissu pulpaire et fait appel à une réaction de défense pulpaire et à la formation de dentine réactionnelle. Le coiffage pulpaire direct d’une dent temporaire reste une technique exceptionnelle et est indiqué seulement pour une dent saine dont la pulpe est exposée accidentellement de façon très ponctuelle. Il est contreindiqué sur les dents temporaires cariées. Le biomatériau (hydroxyde de calcium ou MTA®) est déposé sur l’exposition pulpaire de petit diamètre et saine, afin de stimuler la formation de dentine. Le pronostic est conditionné par l’étanchéité de la restauration coronaire et une bonne asepsie (champ opératoire). Malgré ces précautions, le pronostic du coiffage pulpaire direct d’une dent temporaire est peu favorable. Cela s’explique par le fait que les cellules mésenchymateuses se différencient en odontoclastes aboutissant à des résorptions internes (Kennedy et Kapala, 1985). Le coiffage direct est de moins en moins utilisé depuis que la pulpotomie partielle montre un meilleur pronostic. 3 Pulpotomie partielle (fig. 5.9) C’est la thérapeutique de choix pour les dents temporaires présentant une pulpe saine ou partiellement enflammée.
Cette technique permet de ménager une place suffisante pour le matériau de coiffage et d’effectuer une obturation étanche. Une petite brèche est faite avec une fraise diamantée au niveau de l’exposition pulpaire sous irrigation. Le biomatériau est déposé comme précédemment, puis une obturation coronaire étanche est réalisée. 4 Pulpotomie cervicale (fig. 5.10) La pulpotomie est fondée sur l’hypothèse que la pulpe radiculaire d’une molaire cariée peut être saine alors que la pulpe coronaire est inflammatoire ou infectée. C’est le traitement pulpaire le plus courant pour les molaires temporaires. La pulpotomie cervicale consiste en l’extirpation de toute la pulpe camérale suivie du coiffage avec un biomatériau de la pulpe radiculaire considérée comme saine. Le pansement pulpaire
appliqué sur les filets radiculaires peut avoir trois objectifs (Delbos et al., 2010) : fixation tissulaire partielle ou totale ; préservation de la vitalité de la pulpe radiculaire ; induction à l’entrée des canaux d’un tissu calcifié. Figure 5.9 a. Exposition pulpaire après un traumatisme sur une incisive temporaire immature. ▼
Figure 5.10 Pulpotomie. a. Vue clinique initiale. b. Exposition pulpaire. c. Extirpation de la pulpe camerale. d. Obturation pulpaire (MTAR). e. Obturation au verre ionomere. f. Preparation pour la reconstitution. g. Reconstitutions composites (CNI). ▼
Cette technique n’est qu’exceptionnellement indiquée pour les dents monoradiculées. Elle est seulement préconisée en cas de meulage interceptif de canine saine ou de fracture coronaire récente avec exposition pulpaire large. Le succès permet de stabiliser la dent sur l’arcade, généralement pour une période maximale d’environ 4 ans. La restauration coronaire étanche conditionne fortement le pronostic de cet acte.
a Indications et contreindications
Elles sont résumées dans le tableau 5.3. Tableau 5.3 Indications et contre indications de la pulpotomie cervicale pour dent temporaire ▼
b Protocole opératoire (fig. 5.11)
Figure 5.11 Pulpotomie cervicale : protocole opératoire. ▼
c Matériaux de coiffage
Un biomatériau ne doit pas induire de complications sur le tissu pulpaire, ni sur les tissus parodontaux, et ne pas avoir d’action au niveau du germe sousjacent. Le formocrésol et l’hydroxyde de calcium ont longtemps été les matériaux de référence. Depuis quelques années, deux autres matériaux ont été utilisés : le sulfate ferrique et le mineral trioxide aggregate (MTA®). 1 Formocrésol (fig. 5.12)
Le matériau le plus communément utilisé dans le monde, à l’exception des pays scandinaves et du Japon, est le formocrésol. Introduit en 1904 par Buckley, il a été largement diffusé en 1932 par Sweet qui préconisait la fixation des filets radiculaires pendant 5 minutes puis l’obturation de la chambre pulpaire avec de l’oxyde de zinceugénol additionné de formocrésol. Des solutions diluées à 20 % de la formule de Buckley (19 % de formaldéhyde et 35 % de crésol dans une solution de 5 % de glycérine et d’eau) ont présenté des
propriétés comparables tout en étant moins toxiques. L’efficacité du formocrésol a été abondamment étudiée avec des succès cliniques entre 70 et 100 %. Important ! Depuis de nombreuses années, l’utilisation de cette technique a été remise en cause, le formocrésol étant hautement toxique, allergénique et mutagène (Milnes, 2008). Toutefois, une métaanalyse n’a pas prouvé sa nocivité chez l’homme (Nadin et al., 2003).
Figure 5.12 Aspect clinique du tissu pulpaire après fixation avec le formocrésol (formule de Buckley) (CNI). ▼
En 2004, l’IARC (International Agency for Research on Cancer) concluait qu’une exposition chronique à doses élevées de formaldéhyde provoquait des cancers nasopharyngés chez l’humain. En France, un avis paru au Journal officiel le 31 octobre 2007 interdit désormais le formol dans les préparations bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Néanmoins, les produits employés en dentisterie échappent à cette législation car ils ne sont pas soumis à une AMM. Le formocrésol est appliqué dans la chambre pulpaire, avec une boulette de coton bien essorée, pendant 3 à 5 minutes après l’hémostase en évitant de placer la boulette sur le plancher pulpaire. Il ne doit jamais être utilisé lors du saignement pulpaire. Depuis une vingtaine d’années, de nombreux articles évoquent le remplacement des formaldéhydes par des aldéhydes, tels que le glutaraldéhyde (aldéhyde de faible poids moléculaire) préconisé depuis de nombreuses années également comme agent fixateur. L’utilisation d’une solution de glutaraldéhyde à 2 % montre des résultats comparables à ceux du formocrésol (Fuks et al., 1990 ; GarciaGodoy, 1986). Ses potentiels toxiques, carcinologiques et allergéniques, quoique moins importants, ne sont pas nuls. Le protocole opératoire est identique à celui du formocrésol. Remarque : la fixation de la pulpe radiculaire est encore largement discutée de nos jours et il n’existe pas de consensus sur la réelle nécessité de cette phase.
2 Hydroxyde de calcium
Les préparations à base d’hydroxyde de calcium ont été utilisées pour leurs effets biologiques. De par son pH à 12, l’hydroxyde de calcium induit une blessure chimique sur le tissu pulpaire vivant avec une zone de nécrose superficielle. Néanmoins, les résultats sont peu concluants pour les dents temporaires sur lesquelles des résorptions internes sont fréquentes. Le taux de succès rapporté après une pulpotomie avec l’hydroxyde de calcium varie de 31 à 59 %. Ces résultats peuvent s’expliquer par le caillot sanguin entre le matériau
et le tissu pulpaire (Mejàre, 2003). 3 Sulfate ferrique (fig. 5.13)
Le sulfate ferrique est initialement un agent hémostatique. Il est utilisé dans les pulpotomies comme aide à l’hémostase. Il réagit avec le tissu pulpaire pour former une couche protectrice de complexe ferriqueprotéine. La technique non fixatrice, utilisant le sulfate ferrique, permettrait la cicatrisation de la pulpe radiculaire. La solution de sulfate ferrique à 15,5 % est appliquée avec une microbrosse ou une boulette de coton pendant 15 secondes, puis rincée et séchée. En cas de saignement non contrôlable (signe d’une inflammation pulpaire généralisée), une pulpectomie est alors indiquée. Cette technique a montré un bon pronostic à moyen terme (entre 74 et 99 %), mais pas supérieur à long terme à celui du formocrésol (Fuks et al., 1997 ; Mejàre 2003).
4 MTA® (fig. 5.10)
Depuis les années 2000, le MTA®, matériau très utilisé pour l’apexification des dents permanentes immatures, a été testé dans cette nouvelle indication sur les dents temporaires. Les résultats montrent moins d’inflammation et de nécrose qu’avec le formocrésol (Agami et al., 2004) et sont supérieurs à ceux obtenus avec le sulfate ferrique et le coiffage avec un matériau sans eugénol (Cimpat) (Doyle et al., 2010). Le MTA® est mélangé avec de l’eau bidistillée dans la proportion 3/1 pour obtenir un gel colloïde d’un pH de 13. Le matériau est déposé sur les cornes pulpaires avec une épaisseur de 2 à 3 mm à l’aide d’un MTA Gun® quand l’hémostase est obtenue, puis est recouvert par un matériau de restauration (ciment verre ionomère). Des travaux récents s’orientent vers la mise au point d’un matériau dérivé du MTA® : la Biodentine® (Septodont). Il présente un temps de prise plus court que le MTA® (environ 12 minutes), une résistance à la compression plus élevée et des propriétés intrinsèques d’adhésion (Machtou, 2010). Il peut être déposé sur la pulpe radiculaire tout en permettant une obturation coronaire étanche (fig. 5.14). 5 Les autres méthodes Remarque : d’autres techniques comme l’électrocoagulation ou le laser, qui ont pour but de coaguler la surface de la pulpe radiculaire, paraissent donner de bons résultats, mais peu d’études ont démontré leur efficacité à long terme.
Après la pose du matériau de coiffage, la chambre pulpaire est obturée avec un eugénate à prise rapide (IRM®, Caulk ; Kalsogen®, Detrey) ou un ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine. La dent est ensuite reconstituée par une restauration étanche (résine composite ou coiffe préformée). Le contrôle radiographique se fait immédiatement après le traitement, puis au bout de 1 mois, pour rechercher l’absence de signes de nécrose. Des radiographies tous les 6 mois peuvent mettre en évidence les échecs : résorptions internes, oblitérations canalaires ou résorptions radiculaires. Les images radiographiques sont comparées et l’absence de complication est contrôlée.
Figure 5.13 Pulpectomie. a. Vue clinique initiale. b. Nettoyage des lesions carieuses. c. Exposition pulpaire. d. Extirpation de la pulpe camerale. e. Gel de sulfate ferrique. f. Application d’une boulette de coton pendant 15 secondes. g. Aspect clinique du tissue pulpaire. h. Obturation de la cavite coronaire avec de la Biodentine®. i. Reconstitution a l’aide d’une couronne preformee. j. Radiographie postoperatoire (CNI). ▼
Figure 5.14 Pulpotomie avec Biodentine®. a. Vue initiale clinique. b. Extirpation de la pulpe camerale. c et d. Application de Biodentine® sur le tissu pulpaire et obturation de la chambre pulpaire avec le meme materiau (LG). ▼
5 Pulpectomie et obturation radiculaire Il s’agit de l’éviction de tout le parenchyme pulpaire et de l’obturation du système endodontique. L’objectif de la pulpectomie est de maintenir la dent sur l’arcade jusqu’à la date physiologique de sa chute. La pulpectomie est indiquée lorsque la pulpe présente une inflammation irréversible ou une nécrose. Cependant, l’indication de cette technique n’est pas consensuelle en raison des difficultés de prédiction d’un pronostic favorable (Schröder, 2009). Difficultés rencontrées : la morphologie des canaux ovales et très coniques ne permet pas un nettoyage mécanique suffisant (Couderc, 2005) ; la résorption physiologique rend plus difficile la détermination de la longueur radiculaire (fig. 5.15) ; la présence de la dent successionnelle, à proximité de l’apex, suscite des inquiétudes au moment non seulement du nettoyage mécanique et chimique mais aussi de l’obturation canalaire avec une pâte à vitesse de résorption non contrôlable.
Figure 5.15 a et b. La résorption radiculaire de la dent temporaire rend plus difficile la détermination de la longueur radiculaire (CT). ▼
La solution de remplacement à la pulpectomie est alors l’avulsion et la pose d’un mainteneur
d’espace (voir chapitre 8). Cette situation est particulièrement délicate lorsqu’une deuxième molaire temporaire est concernée alors que la première molaire permanente n’a pas fait son éruption et risque de se mésialer. Le respect d’un protocole opératoire de pulpectomie obturation peut être déterminant dans le maintien de la dent temporaire sur l’arcade. Le protocole opératoire est le suivant (fig. 5.16). Figure 5.16 Pulpectomie de la dent temporaire. a. Predetermination de la longueur radiculaire. b. Rincage abondant avec de l’hypochlorite. c. Sechage des canaux. d. Obturation avec une pate oxyde de zinceugenol. e. Radiographie de controle (CNI). ▼
La désinfection chimique par irrigation des canaux avec une solution d’hypochlorite de sodium à 5,5 % est à privilégier par rapport à l’alésage mécanique. Lorsque la désinfection a été réalisée, le praticien peut préférer, en fonction de la coopération de l’enfant et si le séchage des canaux est impossible, proposer une séance intermédiaire.
L’obturation canalaire de tous les canaux de la dent avec une pâte résorbable est alors réalisée. Le matériau d’obturation idéal d’une dent temporaire est un ciment dont la résorbabilité est comparable à celle de la dentine, non irritant pour les tissus périapicaux et le germe de la dent successionnelle, antiseptique, étanche, possédant une bonne adhésion aux parois radiculaires, radioopaque, n’entraînant pas de décoloration de la dent et facile à mettre en place et à retirer si nécessaire. Hélas, aucun matériau n’a toutes ces qualités. Les matériaux les plus utilisés sont les pâtes d’oxyde de zinceugénol auxquelles on peut ajouter entre 20 et 50 % d’iodoforme favorisant la résorbabilité. La pâte OZnE de consistance crémeuse (« vaseline ») est placée : pour les molaires, avec un lentulo (bourrepâte), puis l’obturation est complétée, pour les canaux larges, avec une pâte plus consistante foulée avec des fouloirs manuels. L’inconvénient de la pâte OZnE est qu’elle se résorbe plus lentement que la racine de la dent. La pâte d’hydroxyde de calcium se résorbe parfois très vite en présence d’une inflammation apicale ; pour les monoradiculées (fig. 5.17), la pâte d’obturation peut être placée à l’aide d’une seringue prête à l’emploi (Pulpdent®) puis condensée aux entrées canalaires avec une boulette de coton. Les pâtes iodoforme ou à l’hydroxyde de calcium peuvent être mises en place de la même
manière. La restauration coronaire étanche doit être faite immédiatement. Les ciments provisoires en interséance sont à proscrire. Ils ne seront pas étanches en cas de décalage du rendezvous de la restauration coronaire. La pose d’une coiffe préformée est généralement indiquée. Les rendezvous de suivi se font au bout de 1 mois puis tous les 3 ou 6 mois selon le risque carieux du patient. Les examens clinique et radiologique rechercheront d’éventuelles complications : résorption pathologique accélérée, résorption osseuse avec des symptômes cliniques, persistants ou nouveaux comme des douleurs à la pression ou à la palpation. Les indications des différents traitements de la dent temporaire sont résumées dans le tableau 5.4. Figure 5.17 Figure 5.17 Traitement endodontique d’une incisive temporaire traumatisée. a. Vue clinique du traumatisme. b. Un mois après le traumatisme, la 51 présente une nécrose pulpaire cathétérisme du canal. c. Séchage. d. Mise en place du produit d’obturation à l’aide de la seringue (Pulpdent® Corp.). e. Le matériau d’oburation est « poussé » à l’apex avec un fouloir endodontique. f. Radiographie postopératoire (CNI). ▼
Tableau 5.4 Indications des différents traitements de la dent temporaire ▼
B Dents permanentes immatures Différents traitements ont été décrits pour les dents permanentes immatures. Cependant, la difficulté du choix réside dans la détermination de l’état pulpaire et, notamment, du potentiel de cicatrisation qui est physiologiquement très important. L’absence de fermeture apicale et de parois radiculaires constituées fait privilégier les traitements conservateurs de la vitalité pulpaire, garante de l’achèvement de la rhyzagenèse et de la dentinogenèse. 1 Coiffage indirect (fig. 5.18) L’objectif du traitement est le maintien de la vitalité pulpaire lors d’une atteinte inflammatoire réversible de la pulpe. Le potentiel réparateur de l’organe pulpodentinaire est stimulé et une dentine tertiaire est élaborée. Le dépôt de sclérodentine (péritubulaire) dans la zone atteinte diminue la perméabilité de la dentine, favorisant le maintien de la vitalité. Figure 5.18 Coiffage indirect. a. Vue clinique d’une volumineuse lésion carieuse présentant un risque d’exposition pulpaire. b. Mise en place d’un hydroxyde de calcium. c. Reconstitution coronaire étanche au moyen d’un verre ionomère (CNI). ▼
La procédure de ce traitement comprend le nettoyage de la lésion et son recouvrement par un matériau stimulant la dentinogenèse. Le protocole opératoire est identique à celui de la dent temporaire. Le nettoyage de la lésion peut se faire avec une fraise boule, un excavateur manuel seul ou avec l’aide d’un agent chimique (Carisolv®). La dentine pariétale doit être totalement éliminée. La difficulté réside dans l’élimination de la dentine infectée du plancher de la cavité tout en évitant l’effraction pulpaire. Des moyens optiques du type laser, pour lequel le recul est encore insuffisant, permettraient de mesurer le degré de déminéralisation de la dentine et pourraient aider le praticien dans la détermination de la profondeur du nettoyage dentinaire. Remarque : les produits utilisés dans le coiffage indirect sont essentiellement l’hydroxyde de calcium, l’oxyde de zinceugénol et le verre ionomère. Après la mise en place de ces produits, une restauration étanche doit être effectuée. Actuellement, le principe de réintervention est de plus en plus abandonné si aucun signe de souffrance pulpaire ou de perte d’étanchéité de la restauration n’est visible (Ricketts et al., 2006).
2 Coiffage direct L’objectif de ce traitement est de maintenir la vitalité pulpaire d’une dent dont la pulpe a été exposée (fig. 5.19) en stimulant la réaction pulpodentinaire et la formation d’une nouvelle barrière calcifiée dénommée « pont dentinaire ». Cliniquement, la dent est asymptomatique. Le diagnostic de l’état pulpaire est validé après l’effraction : le saignement doit être présent (signe d’absence de nécrose) et arrêté (signe d’inflammation limitée). En effet, l’absence de symptôme douloureux spontané sur une dent immature n’est pas prédictive de l’état de santé pulpaire. Dans la situation particulière d’une exposition traumatique, le pronostic est amélioré si le coiffage est immédiat, limitant la contamination bactérienne et l’agression tissulaire. La désinfection de la cavité doit être assurée avec une solution d’hypochlorite de sodium à 2,5 %. Si le saignement persiste, l’hémostase est recherchée en réalisant une pression avec une boulette de coton imprégnée de solution saline. Si le saignement persiste encore, le
coiffage direct n’est alors plus indiqué. Actuellement, deux matériaux sont indiqués : l’hydroxyde de calcium et le MTA®.
L’hydroxyde de calcium génère une nécrose superficielle de la pulpe exposée. Le tissu coagulé nécrosé va progressivement se calcifier et une barrière isolera la pulpe camérale (fig. 5.20). Le pH élevé et la faible solubilité de l’hydroxyde de calcium prolonge l’effet antibactérien pendant la phase de différenciation cellulaire. Cependant, ce matériau peut se dissoudre et laisser un espace vide entre la pulpe et la restauration, favorable à l’infiltration bactérienne. L’intégrité du pont dentinaire induit par l’hydroxyde de calcium n’est donc pas systématique et devra être contrôlée. Avec le MTA®, l’inflammation pulpaire est moindre et la barrière se forme au contact du matériau (Bogen et al., 2008). Un nouveau matériau de substitution dentinaire, la Biodentine®, permettrait d’effectuer le coiffage pulpaire et la restauration coronaire transitoire étanche. Figure 5.19 Exposition pulpaire après curetage d’une lésion carieuse d’une dent permanente immature. Le saignement est présent mais arrêté (CNI). ▼
Figure 5.20 Suivi radiographique. a. Volumineuse lésion carieuse sur la 46, radiographie préopératoire. b.Six mois postopératoires (PM). ▼
3 Thérapeutiques endodontiques de la dent permanente immature vivante L’objectif de la pulpotomie partielle ou cervicale est de favoriser l’apexogenèse de la dent permanente immature. Cette technique, réservée à la dent immature, est fondée sur le principe de l’élimination de la pulpe camérale inflammatoire ou en voie de dégénérescence et de réaliser un coiffage direct sur la pulpe camérale (pulpotomie partielle) ou radiculaire (pulpotomie cervicale) saine. La difficulté opératoire réside dans la détermination de l’état de santé pulpaire. La pulpotomie partielle est préférée : • au coiffage direct car elle permet : d’obtenir un meilleur contrôle de la surface exposée, d’éliminer le caillot extrapulpaire, d’obtenir une meilleure rétention du matériau de coiffage, de permettre un scellement plus efficace et, ainsi, d’empêcher l’invasion bactérienne ; • à la pulpotomie cervicale car : elle permet une diminution physiologique de la lumière de la chambre pulpaire ayant pour conséquence une augmentation de la résistance de la dent à la fracture, elle autorise cliniquement les tests de sensibilité pulpaire, elle est considérée comme traitement définitif ne nécessitant pas une réintervention par une pulpectomie sauf si un tenon intraradiculaire est indiqué pour la restauration.
Figure 5.21 a et b. Vues cliniques de l’exposition pulpaire après traumatisme (12 heures). c. Biomatériau de coiffage (MTA®). d. Recollage du fragment (CNI). ▼
Essentiel : cette thérapeutique présente un taux de succès de 95 % sur les dents traumatisées (Cvek, 1993) et entre 89 et 91 % pour les dents permanentes immatures cariées, quel que soit le stade du développement radiculaire au moment du traitement (Mejàre et Cvek, 1993). Une étude plus récente montre un taux de succès de 93 % en utilisant le MTA® (Qudeimat et al., 2007).
a Protocole opératoire de la pulpotomie partielle (fig. 5.21) Important ! Le suivi se fait à 1 et 3 mois puis tous les 6 mois, et ce pendant 4 ans.
b Pulpotomie cervicale (fig. 5.22)
Depuis l’introduction de la pulpotomie partielle, la pulpotomie cervicale est plus exceptionnelle. C’est surtout une thérapeutique qui permet l’élaboration radiculaire. Une fois celleci terminée, la pulpectomie et l’obturation classiquement compactée sont effectuées. Les biomatériaux utilisés sont : l’hydroxyde de calcium, qui doit être placé sur la pulpe sans être foulé afin d’éviter qu’il ne diffuse dans la pulpe et favorise secondairement le développement de calcifications internes ; le MTA®, indiqué plus récemment que l’hydroxyde de calcium. Cependant, il ne permet pas de réintervention comme l’instrumentation canalaire. Il est à noter que de plus en plus d’auteurs remettent en question la nécessité de réintervention par franchissement du pont dentinaire formé ou du MTA® pour réaliser une pulpectomie secondaire. Si les principes de restauration étanche sont mis en œuvre, la dent devenue mature doit simplement être régulièrement contrôlée radiologiquement.
Figure 5.22 a. Pulpotomie cervicale 2 ans postopératoires : présence d’un pont dentinaire. b. La racine étant mature et les conditions cliniques nécessitant une prothèse, le traitement endodontique est effectué (endodontie : Pr P. Machtou) (CNI). ▼
Le suivi est identique à celui de la pulpotomie partielle. La pulpotomie cervicale présente un taux de succès de 75 %. 4 Thérapeutiques endodontiques de la dent permanente immature nécrosée Lorsqu’une nécrose pulpaire intervient sur une dent permanente immature, elle provoque l’arrêt non seulement de l’édification radiculaire mais également de l’apposition de dentine sur les parois radiculaires. Cette situation a pour conséquence une absence de structures anatomiques apicales associées à un déficit de résistance radiculaire et coronaire (Beslot et Lasfargues, 2006). Le scellement étanche, au moyen d’une obturation canalaire conventionnelle, ne peut être réalisé. L’« apexification » consiste à induire au niveau apical la formation d’une barrière calcifiée autorisant une obturation apicale étanche. La condition préalable est l’élimination des micro organismes canalaires par le cathétérisme et l’application d’une médication non toxique et antimicrobienne, ainsi que l’assèchement du canal. a Protocole opératoire (fig. 5.23)
Le suivi s’effectue tous les 3 à 6 mois. Le renouvellement n’intervient que si l’hydroxyde de calcium n’apparaît plus dans le tiers apical. En général 2 ou 3 changements sont nécessaires. Lorsque, sur la radiographie, la barrière apicale semble être formée, il faut vérifier cliniquement au moyen d’une lime 25 sa réalité ainsi que l’absence de saignement et de sensibilité au niveau apical. Le taux de succès est de 95 % (Cvek, 1992) si les procédures cliniques sont respectées. La durée moyenne pour obtenir la barrière apicale est de 9 à 24 mois (Schröder, 2009).
Figure 5.23 Nécrose pulpaire de la 21. a. Vue clinique. b. Radiographie préopératoire. c. Hydroxyde de calcium. d. L’apexification achevée, le traitement endodontique est effectué (endodontie : Pr P. Machtou) (CNI). ▼
b Hydroxyde de calcium
L’hydroxyde de calcium a été pendant des décennies le matériau de référence pour cette thérapeutique. Il possède des propriétés antibactériennes (Barthel et al., 1997), des capacités de dissoudre les débris pulpaires nécrotiques (Hasselgren et al., 1988) et participerait à l’induction de tissus minéralisés (Javelet et al., 1985). Remarque : actuellement, ce matériau est très controversé. La technique est longue et requiert que le patient soit coopérant et assidu. Son renouvellement peut entraîner une nécrose cellulaire au niveau du périapex, empêchant la formation de la barrière, ainsi que des modifications ultrastructurelles de la dentine des parois radiculaires, augmentant le risque de fracture (Andreasen et al., 2002).
c MTA® (fig. 5.24)
Ce matériau devient une meilleure solution de remplacement à la thérapeutique d’apexification avec l’hydroxyde de calcium. En effet, il peut permettre d’obtenir un scellement rapide et étanche de l’apex en créant une barrière mécanique d’une épaisseur de 4 mm. Du fait de la disparition des irritants bactériens intracanalaires et de ses propriétés, il induit également la formation d’une barrière de tissu minéralisé (Simon et al., 2007). Le MTA® est apporté au niveau apical à l’aide du MTA Gun® puis est condensé avec des fouloirs endodontiques. Sa manipulation est délicate, sa maîtrise demande un peu d’expérience et l’utilisation d’aides optiques est recommandée. Une boulette de coton stérile et humide est laissée dans le canal pendant au moins 4 heures. L’obturation à la gutta peut être effectuée en deux séances (voire en une), ce qui diminue l’exigence de coopération du
patient. Néanmoins, le MTA® ne peut remplacer l’hydroxyde de calcium pour la phase de désinfection canalaire ou lors du traitement préventif des résorptions après une luxation traumatique. Ces deux matériaux peuvent donc être complémentaires dans la thérapeutique d’apexification.
Figure 5.24 Nécrose pulpaire de la 21. a. Radiographie préopératoire : la dent est immature et présente une lésion périapicale. b. Phase de désinfection avec la mise en place d’hydroxyde de calcium. c. Radiographie de contrôle. Disparition de la lésion. d. Mise en place d’un bouchon de MTA®. e. À 1 an postopératoire. f. À 5 ans postopératoires (DM). ▼
Le matériau Biodentine® (fig. 5.24) a une consistance qui permettrait un scellement étanche de l’apex de manière pratique. Sa prise plus rapide que le MTA® autorise une obturation du canal en une seule séance. d Revascularisation pulpaire (fig. 5.25)
La mise en évidence de cellules souches pluripotentes dans la pulpe des dents adultes (Gronthos et al., 2000) puis temporaires (Shi et Gronthos, 2003) ainsi que dans la papille dentaire apicale des dents immatures (Sonoyama et al., 2008) est à l’origine d’une approche prometteuse mais encore à valider concernant le traitement des dents immatures nécrosées. Cette méthode fait appel au potentiel réparateur des cellules de la papille dentaire, par le biais d’une revascularisation du canal après une surinstrumentation apicale délibérée (fig. 5.26) (Machtou, 2010). Lors de la première séance, le canal est désinfecté. Lors de la
seconde visite, un saignement est créé qui envahit le canal. Le caillot sanguin est alors recouvert avec du MTA® et la cavité d’accès obturée de manière étanche. Ce traitement permet non seulement l’apexogenèse mais également l’épaississement des parois radiculaires. Figure 5.25 Revascularisation. a. Dent immature nécrosée. b. Préparation de la poudre de 3 antibiotiques qui est mélangée dans une solution de propylene glycol. c. Mise en place dans le tiers coronaire radiculaire à l’aide d’une seringue. d. Radiographie postopératoire. Obturation coronaire étanche (ciment verre ionomére). e. Trois semaines plus tard, un saignement est généré. f. Radiographie posttraitement montrant la mise en place du MTA® sur le caillot et obturation coronaire étanche. g. Au bout de 24 mois, on peut observer la disparition de la lésion ainsi que la mise en place d’un ligament à l’apex de la dent (CNI). ▼
Figure 5.26 Revascularisation pulpaire d’une dent immature (d’après Machtou, 2010). ▼
Actuellement, seuls des rapports de cas sont publiés (Iwaya et al., 2001 ; Thibodeau et Trope, 2007 ; Cotti et al., 2008 ; Shah et al., 2008 ; Reynolds et al., 2009), sans aucun consensus concernant la méthodologie. Certains auteurs utilisent une pâte triantibiotique (Rovamycine® 250 mg, minocycline 100 mg, métronidazole 500 mg mélangés avec du propylène glycol et du macrogol) laissée in situ pendant 15 jours (Simon, 2010), d’autres de la chlorhexidine et un coton de formocrésol en médication intermédiaire (Shah et al., 2008). L’utilisation d’antibiotiques et de formocrésol en application topique est un frein tangible au développement de ces thérapeutiques en France. Un cas clinique récemment publié fait mention de la revascularisation d’une prémolaire mandibulaire dont la partie coronaire avait été irriguée avec une solution d’hypochlorite à 6 %, rincée avec du sérum physiologique puis du gluconate de chlorhexidine à 2 % laissé pendant 5 minutes. Le caillot avait été coiffé avec du MTA® et la chambre pulpaire obturée hermétiquement (Shin et al., 2009). On ne connaît pas encore, à l’heure actuelle, la nature exacte du tissu néoformé. Certains parlent d’une véritable « régénération du tissu pulpaire », d’autres considèrent qu’il s’agit d’une « revascularisation du canal » par invagination d’un tissu conjonctif. Des études histologiques de dents de chiens ainsi traitées ont montré une formation intracanalaire d’os, de ligament, de cément et de dentine en ordre inversé (Wang et al., 2010 ; Simon 2010).
Le tableau 5.5 résume les différents traitements de la dent permanente immature. Tableau 5.5 Indications des différents traitements de la dent permanente immature ▼
V Conclusion Les caractéristiques morphologiques et physiologiques du tissu pulpaire des dents temporaires et permanentes immatures rendent l’endodontie pédiatrique très ardue. Si, à l’heure actuelle, les techniques cliniques utilisées donnent d’excellents résultats, elles ne sont pas pour autant fondées sur la preuve (Nadin et al., 2003). Certains matériaux, dits de référence il y a encore quelques années (formocrésol, hydroxyde de calcium), montrent leurs limites face à d’autres biomatériaux émergents. Les récentes avancées dans la bio ingénierie tissulaire permettent d’envisager une approche plus biologique des thérapeutiques pulpaires visant à régénérer les tissus pulpaires ou dentinaires altérés (Murray et al., 2007 ; Machtou, 2010).
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