Dissertation Sur La Santé [PDF]

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Zitiervorschau

Les sociétés contemporaines sont-elles en bonne santé ? → plan détaillé de dissert, 16/20, sous-parties pas assez organisées

Dans le Discours de la méthode (1637), Descartes spéculait sur les progrès scientifiques futurs et ses conséquences vertueuses sur la santé de nos sociétés : « On se pourrait exempter d'une infinité de maladies, tant du corps que de l'esprit, et même aussi peut-être de l'affaiblissement de la vieillesse ». Ses hypothèses se révèlent être vraies aujourd’hui, et on remarque que la thèse de Descartes structure encore notre conception contemporaine de la « bonne santé » : le progrès scientifique et technique sont le vecteur principal de la santé. La santé est une vertu cardinale de l’homme moderne, elle est devenue une norme sociale de qualité de vie que l’Etat se doit de garantir par l’imposition d’un modèle de « santé globale ». L’OMS rappelle que la bonne santé est tant un idéal de vie que de société, on pourrait donc également définir la bonne santé comme un équilibre global permettant d’assurer le juste et bon fonctionnement de nos sociétés contemporaines Le progrès scientifique ainsi que les progrès de l’Etat social ont permi des avancées spectaculaires en matière de santé des individus et de soins. Cependant, comme l’illustre la notion de « pharmakon » liée à la technique, le progrès qui ne cesse d’accroitre les conditions objectives sanitaires et de « qualité de vie » (ou plutôt de confort de vie) des individus possède aussi un pendant : non seulement un remède, il est aussi un poison puissant pour l’équilibre global de nos sociétés comme la crise sanitaire le démontre parfaitement. En outre, la notion de « bonne santé » est floue est invite a priori à développer une approche historique comparative en constatant les progrès sanitaires. Néanmoins, le postulat d’une société de bonne santé se complique à mesure que les indicateurs se font de plus en plus précis, tendent à pathologiser un nombre grandissant de troubles, tandis que les maladies liées à la modernité se font toujours plus nombreuses. Ainsi, la santé ne se définit plus seulement comme une absence de trouble mais selon l’OMS comme « concept très large influencé de manière complexe par la santé physique du sujet son état psychologique, son niveau d'indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son environnement ». On voit dès lors que la bonne santé n’est pas encore un acquis de nos sociétés contemporaines en cela qu’elle ne cesse de grandir en exigence et que parallèlement, ses composantes subissent aussi les progrès de nos époques contemporaines. Pourquoi les progrès sanitaires, s’ils sont indéniables, n’impliquent pas mécaniquement la bonne santé de nos sociétés contemporaines ? En quoi, la notion de « bonne santé » implique-t-elle de déconstruire nos approches classiques et normatives de la santé (comme fruit du progrès) ? I.

Le progrès de nos sociétés en matière de santé révèlent paradoxalement des insuffisances sanitaires A- La santé des individus ne cessent de s’accroitre -

Santé des individus : tous les indicateurs indiquent un progrès sanitaire, des sociétés globalement en bonne santé : allongement espérance de vie qui a doublé en un siècle en France, l’annonce de Descartes de l’affaiblissement du vieillissement semble s’être réalisé grâce au progrès, disparition de certaines maladies, ..

La notion de bonne santé repose sur nos conceptions et valeurs contemporaines : -

Foi humaniste pour le progrès scientifique : Descartes, Discours de la méthode (1637) cet homme « maitre et possesseur de la nature » assure le « progrès scientifique » au nom de la santé soit le « premier bien et fondement de tous les autres biens de cette vie », domination de

la nature et ampleur du progrès s’incarne avant tout dans les avancées spectaculaires de la médecine - Ex : Premier vaccin Pasteur en 1885 - Conception matérialiste et puissance de la réalisation individuelle : Nietzsche conception de la santé comme la satisfaction des désirs - Le progrès matériel, scientifique semble donc avoir a priori consacré la bonne santé de nos sociétés contemporaines. - De plus, la santé de tous est devenu un droit fondamental et inaliénable dans toutes sociétés : «la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain» (Constitution de l’OMS) - Olivier Rey, L’idolâtrie de la vie, culte de la vie à tout prix, la bonne santé et sa protection sont devenues une exigence morale et politique intarissable dans nos sociétés - Système abouti de protection sociale depuis sa création en France en 1945 puis reprise par DUDH en 1948 ; aussi « Rapport beveridge » et welfare state avec universalisation du droit à la santé - Il repose lui-même sur l’emploi comme pilier de la santé en donnant concrètement les ressources pour se soigner et se prémunir des maladies, de plus facteur de santé aussi « sociale » : lieu de sociabilisation permettant d’acquérir un certain nombre de droits, une reconnaissance  Si le progrès de la santé d’un point de vue global et statistique est indéniable, la notion de bonne santé n’est pas un état statique mais évolutif qui ne cesse d’accroitre ses exigences. En outre, l’idée de bonne santé de nos sociétés implique un état généralisé commun à tous les citoyens, pourtant la bonne santé est encore loin d’être une vertu universelle. B- Une notion de « bonne santé » floue, qui n’est pas toujours évidente ni commune à toutes nos sociétés -

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Le droit fondamental à la santé n’est pas également assuré tant dans nos sociétés occidentales D’une part, malgré les acquis de la protection sociale, la bonne santé reste en France une vertu encore très liée à la « classe dominante » : elle se dégrade avec la pénibilité du travail, les comportements à risque, la tendance à avoir un recours moins fréquent aux systèmes de soin etc → cf Bourdieu, La misère du monde ; également le point de vue des sociologues Maud Gelly et Laure Pitti qui ont travaillé sur les inégalités d’accès au système de soin pour montrer que le facteur de classe restait prégnant → loi de 2016 sur la santé en prend d’ailleurs conscience de la nécessité de combattre «  les injustices et les inégalités de santé et d’accès au système de soins » Ex : les cadres vivent environ dix ans de plus que les ouvriers (cf Francoscopie, François Mermet) D’autre part, à l’échelle mondiale les inégalités entre le Sud et le Nord sont criantes : selon l’Observatoire des inégalités, accès à la médecine encore très inégalement répartie comme le montre densité des médecins par pays : selon l’OMS en 2015, Autiche comptait par exemple 52 médecins pour 10 000 habitants tendis que l’Ouganda ou encore le Rwanda n’en compatit un seul Résurgence des pandémies, zoonoses : on rentrerait aujourd’hui dans « l’ère des pandémies » → comme l’avertit un rapport d’octobre 2020 l’atelier IPBES avertissant les risques d’épidémies futures, apparaissant plus souvent, se propageant plus rapidement, tuant plus de personnes que la Covid-19 → lien notamment entre dégradation de la nature et accroissement des risques pandémiques → Ce cas illustre en outre les « revers » du progrès sur la santé de nos sociétés

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De plus, la définition de la santé progresse également et prend en compte des dimensions toujours plus larges : Didier Fassin parle de « nouvelles frontières de la santé » (2003) Santé mentale qui ne cesse de s’éroder : pathologisation d’un nombre grandissant de troubles (deuil..), par exemple, milieu du travail est violent, lieu d’abus dans nos sociétés contemporaines : imposition d’un rythme enlevé, managérialisation, rupture du lien d’intégration sociale (chômage de masse, télétravail, ..) précarisation de l’emploi etc.. → cf affaire des suicides : France télécom, Renault Contre la pensée Nietzschéenne de satisfaction des plaisirs comme vecteur de bonne santé, de bonheur, la pensée de Schopenhauer Aphorismes sur la sagesse dans la vie, nous enseigne en quoi le jeunisme de nos sociétés, le culte des valeurs de la jeunesse révèlent d’une pathologie mentale et sociétale → absence de sagesse liée à cette âge de la vie qu’on cherche à prolonger, face à une vieillesse dévalorisée mais qui est en réalité pour Schopenhauer, l’âge de la santé, de la sagesse acquise grâce à l’expérience de vie Parallèlement le cas du transhumanisme nous montre comment la « bonne santé » prend la forme d’un dessein inatteignable, un horizon indépassable, la foi dans le progrès scientifique trouve son dernier avatar dans cette doctrine qui n’est qu’un leurre et qui révèle l’impossibilité d’une bonne santé « totale » ou immuable : Olivier Rey, Leurre et malheur du transhumanisme

 L’idée de bonne santé est contestable, d’autant plus qu’elle est encore aujourd’hui théorisée comme le fruit d’un progrès technique qui peut aussi s’avérer comme nuisible à l’équilibre du fonctionnement de nos sociétés et donc à leur santé. II-

Néanmoins le progrès a son pendant pathologique pour nos sociétés contemporaines

A- Des déséquilibres grandissants qui mettent à mal la santé de nos sociétés et de leur fonctionnement -

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Au sein même des hôpitaux, le progrès dévoile ses vices, progrès système de santé avec notamment la technocratisation de l’hôpital conduisant à déshumaniser la santé publique → Stéphane Velut, L’Hôpital, nouvelle industrie D’un point de vue purement économique, la pathologie du siècle serait le vieillissement générationnel en conséquence des progrès médicaux, entrainant des pans toujours plus larges de la société dépendants des actifs Dépendance de nos sociétés à un système de santé et donc la santé globale subit aussi les fluctuations des ressources de la sécurité sociale → déséquilibres croissants, diminuant la marge de manœuvre en matière de prise en charge de santé de la population par l’Etat social → Crise de l’Etat-providence, Rosanvallon : « crise budgétaire » (manque de ressources liée à l’accroissement de l’espérance de vie, augmentation du chômage,..) « crise d’efficacité » (incapacité à assurer une bone santé globale) « crise de légitimité » (tendance des individus à vouloir se soigner seul) La santé de nos sociétés est tellement devenue une obsession qu’elle peut aboutir à des privations, des dysfonctionnements dans l’équilibre de nos institutions et donc dans la santé de nos sociétés contemporaines. Le progrès de la santé est bien un « Pharmakon » → il peut être notamment un poison pour nos sociétés politiques démocratiques → Le culte de l’urgence : la société malade de Nicolas Aubert ; serait source d’un contrat social revisité comme le soutient Olivier Rey, avec abdication de nos libertés au profit de notre bonne santé

 Ainsi n’est-il pas nécessaire d’intégrer dans notre définition de la santé, les équilibres de nos sociétés et également de se détacher de nos conceptions techniques et progressistes de la santé ? B- Redéfinir la notion de « bonne santé » ? -

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Cette notion subit un biais premier que Lucien Sfez a si bien déconstruit (1997) : la notion de santé parfaite selon laquelle l’homme pourrait jouir d’une emprise technico-scientifique absolue sur le corps La santé qu’on a rapproché de la sécurité est aujourd’hui un devoir de l’Etat traité d’un point de vue rationnel, cad par le prisme de la notion de « santé globale », un modèle d’universalité, de rationalité, de technicité La notion de « grande santé » de Nietzsche est en ce sens intéressante notamment pour la santé au sens des équilibres dans une société : « Il n’y a pas de santé en soi (…) Il existe d’innombrables santés de la chair ; et plus on permet à nouveau à l’individuel et à l’incomparable de lever la tête, plus on se défait du dogme de l’"égalité des hommes", et plus il faut que nos médecins se débarrassent du concept de santé normale, et en outre de régime normal, du cours normal de la maladie... » → une définition qui relève bien les limites de la santé globale Mais ce discours ne doit pas nourrir les discours libertaires qui refusent la protection de la santé au nom de la liberté et qui se sont développées dans les mouvements anti-masques, contre une « dictature sanitaire » → Le confinement a été nécessaire dans tous les pays, il est une mesure juste car elle répond à une exigence étatique de protéger la vie des citoyens Néanmoins : Démocratie sanitaire, et mobiliser concept de la liberté au sens de Rousseau, notre santé politique n’est pas incompatible avec la santé globale, la santé doit progresser en harmonie avec l’équilibre de nos sociétés politiques notamment → Vincent Matigny, article de 2021 « Vers une démocratie sanitaire » qui montrait cette nécessité, en contexte de crise sanitaire enjeu de mettre en place une démocratie sanitaire, par la délibération collective, favoriser la décision collective comme le soutient Didier Tabuteau qu’il définit comme le fait de tendre vers une organisation de la société reconnaissant la capacité de chacun à connaître, décider et agir pour sa santé et la politique de santé »