Dissertation: La Responsabilité Administrative [PDF]

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Zitiervorschau

de Villèle Raphaël

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DISSERTATION DE DROIT ADMINISTRATIF Dans quelle mesure la responsabilité administrative est-elle une responsabilité pour faute ?

Si Marcel Proust écrivait que « L'irresponsabilité aggrave les fautes », le Conseil d’Etat en avait conscience. C’est là la raison du miracle qu’est le Droit Administratif. Jusqu'à la fin du XIXe siècle l'irresponsabilité de la puissance publique était le principe, les hypothèses de responsabilité administrative se limitant aux seuls cas où une loi en décidait expressément ainsi (c'était par exemple le cas des dommages causés aux bâtiments par les travaux publics). Il était en effet considéré, dans la lignée de l'adage le roi ne peut mal faire, que les actes de la souveraineté nationale ne pouvaient être jugés par un tribunal. Cependant, en 1873 le Tribunal des conflits reconnaît la responsabilité de l’administration. Il existe des conditions à l’engagement de la responsabilité de la puissance publique : Une personne s’estime victime d’une faute, d’un comportement de l’administration, de la personne publique. Avant de saisir le juge administratif, la personne victime devra lier le contentieux c’est à dire présenter sa demande d’indemnisation d’abord devant la personne publique responsable et ce n’est, que si celle-ci refuse d’indemniser, que la victime pourra saisir le juge administratif. La victime d’un fait de l’administration doit établir qu’elle a subit un préjudice du fait d’une action de l’administration (il peut être futur, par exemple une perte de revenu qui se prolonge dans l'avenir), mais en aucun cas éventuel ; et elle doit par ailleurs établir qu’il y a un lien de causalité entre ce fait et le préjudice subit. Enfin, le préjudice doit en plus être spécial et anormal dans les hypothèses de responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques. La théorie générale de la responsabilité de l’Administration, qui provient essentiellement de la jurisprudence du Conseil d’Etat forme un ensemble complexe. Partant d’une irresponsabilité quasi totale ; il a fallu déterminer quel genre de fait était dommageable, concilier les divers intérêts en jeu, et aménager les rapports entre l’administration et ses agents. Deux grandes difficultés se sont posées pour l’aménagement d’un régime de responsabilité. La première difficulté rencontrée concerne l’imputabilité du dommage et la détermination du lien d’icelui avec les fonctions de l’agent. Départager les responsabilités est important dans un but de moralisation de la fonction publique. Depuis l'arrêt du Conseil d'Etat "Blanco", de 1873, la responsabilité de l'administration peut être engagée en cas de dommages causés aux usagers du service public ou aux tiers en revanche, elle ne peut "être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil pour les rapports de particuliers à particuliers" : la responsabilité administrative doit être spécifique.

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Seulement, les évolutions de ces dernières décennies tendent à remettre en question cette responsabilité, et à l’heure où le gouvernement prévoit de grande réforme du service public, on peut se demander dans quelle mesure la responsabilité de l’administration est une responsabilité pour faute ? La responsabilité de l'administration ou de ses agents peut être engagée de deux manières différentes. L’hypothèse classique de la responsabilité pour faute est aujourd’hui malmenée (I), surtout par le développement de la responsabilité sans faute à connu, particulièrement ces dernières années (II).

I.

L’hypothèse classique de la responsabilité pour faute A. Le recul de la faute lourde au profit des administrés

La conception d’une responsabilité fondée sur l’existence d’une faute a longtemps eu pour effet de soustraire au domaine de la responsabilité des activités pour lesquelles aucune faute ne pouvait être admise. Ainsi, la fonction de souveraineté à laquelle est attachée la police a justifié jusqu’en 1905 l’irresponsabilité de la puissance publique. En ce domaine, comme en d’autres, à l’irresponsabilité a succédé la responsabilité pour faute. La faute lourde recule depuis les années 1990, à tel point qu’il est aujourd’hui des cas dans lesquels une faute simple suffit pour engager la responsabilité des établissement hospitaliers en cas de dommages résultant de l’organisation et du fonctionnement de leurs services d’aide médicale d’urgence. L’administration pénitentiaire depuis l’arrêt Chabba , admet la responsabilité du fait d’un suicide d’un détenu sans la nécessité de prouver une faute simple. C’est le cas aussi par exemple en matière de responsabilité hospitalière. En matière de responsabilité médicale c’est dans un arrêt du 10 avril 1992, Epoux V, que le Conseil d’Etat a abandonné la faute lourde. Avant 1992, le Conseil d’Etat exigeait une faute lourde pour engager la responsabilité de l’hôpital public qui est un établissement public dès lors que la faute a été commise dans la réalisation d’un acte médical. Ainsi permet une protection accrue des administrés le passage au régime de la faute simple d’activités pour lesquelles seule une faute lourde permettait d’engager la responsabilité administrative. Il s’agit de certaines activités de police ou de l’administration fiscale qui ne présentent pas de difficultés ou encore, de manière notable, toutes les activités médicales et chirurgicales. L’exigence même d’une faute peut être assouplie par le fait que la victime n’a pas nécessairement à en apporter la preuve.

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B. L’apparition d’une présomption de faute Dans des conclusions célèbres de 1877, le commissaire du gouvernement Laferrière, opposait à la faute personnelle révélant « l’homme avec ses faiblesses ses passions, ses imprudences », à la faute de service qui existe si « l’acte dommageable est impersonnel, s’il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur ». Cette faute peut être commise soit de façon anonyme, soit par un ou plusieurs agents identifiés. La responsabilité pour faute est donc en principe une responsabilité pour faute prouvée. Cela signifie que la preuve de la faute incombe à la victime, conformément aux règles générales de la procédure administrative contentieuse qui font peser la charge de la preuve sur le demandeur. Mais, par exception à ce principe, il arrive que des présomptions de faute soient instituées par la jurisprudence. Dans ce cas, la charge de la preuve est renversée : ce n'est plus au demandeur de prouver la faute, mais au défendeur de prouver qu'il n'a pas commis de faute. Le mécanisme de la présomption fautive est ainsi utilisé dans le cas des dommages causés aux usagers des ouvrages publics ainsi qu'à ceux du service public hospitalier. Dans ce dernier cas, l'article L. 1142-1 (al. 2) du code de la santé publique prévoit même que les établissements de santé sont « responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère », ce qui est très difficile en pratique. Il y a donc une présomption de causalité, mécanisme très proche d'une responsabilité sans faute.

II.

L’essor de la responsabilité sans faute

Si la responsabilité pour faute constitue le droit commun de la responsabilité, il existe, dans certains cas, une responsabilité sans faute. Cette responsabilité peut se fonder tant sur le risque (A), que sur l’égalité des citoyens devant la charge publique (B). A. La responsabilité fondée sur le risque Dans cette hypothèse l’administration prend des risques, qui seront couverts sans qu’il soit besoin de mettre en évidence une faute, évitant ainsi de porter un jugement de valeur sur l’activité administrative. cette responsabilité couvre tout d’abord les dommages de travaux publics, c’est à dire à la fois les travaux publics (la construction d’une route par exemple) et l’ouvrage qui résulte de ces travaux (la route une fois réalisée) ; elle concerne ensuite les dommages liés à des ouvrages, activités ou armes dangereuses, et c’est à ce titre que la responsabilité sans faute est apparue récemment dans le domaine médical, notamment à propos des interventions médicales qui présentent un risque certes connu, mais exceptionnel, susceptible d’entraîner un préjudice d’une extrême gravité (Conseil d’État, 9 avril 1993, Bianchi), quand bien même l’acte médical est pratiqué lors d’une intervention

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dépourvue de fins thérapeutiques (par exemple s’agissant d’une circoncision rituelle, Conseil d’État, 3 novembre 1997, Hôpital J. Imbert d’Arles). Cependant, cette modalité de responsabilité sans faute se double d’un autre fondement, plus de l’ordre social celui-ci, concernant l’égalité devant les taxes. B. La responsabilité fondée sur l’égalité devant les charges publique La collectivité publique agit dans l’intérêt général. Dans l’intérêt général les collectivités publiques prennent des dispositions administratives légales (règlements, lois, traités). Il arrive que la poursuite de l’intérêt général cause une charge au détriment d’une ou plusieurs personnes, c'est-à-dire un préjudice grave, spécial. Or cette charge créé une rupture de l’égalité de tous les citoyens devant les charges publiques, au détriment de la personne victime de la charge. Le raisonnement du juge est simple : il est inévitable de sacrifier l’intérêt d’une ou plusieurs personnes pour l’intérêt général, sans indemnité. Le juge va rétablir l’équilibre en engageant la responsabilité sans faute de la collectivité publique qui a créé la charge anormale au détriment d’un administré. C’est en 1933 que le Conseil tiendra un raisonnement analogue en se basant sur la loi, pour engager la responsabilité sans faute de l’Etat, ainsi, si une loi cause un dommage spécial et anormal à un particulier, celui-ci a droit à une indemnité. Cette responsabilité de l’Etat connaît aujourd’hui d’importants développements avec la reconnaissance de la primauté des traités sur les lois, et il a été jugé que l’adoption d’une loi qui méconnaîtrait les stipulations d’une convention internationale engage la responsabilité de l’État (Conseil d’État, 28 février 1992, Sociétés Rothmans International et Philip Morris). Le mécanisme de la responsabilité du fait des lois a été étendu aux traités internationaux et aux décisions administratives régulières, qu’elles soient réglementaires ou individuelles.