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LEGEAY Charlotte Groupe 1
Dissertation : Le juge administratif, juge constitutionnel ? Le juge administratif et la Constitution ont pendant longtemps entretenu des rapports distants et ce constat n’est que le reflet de l’histoire juridique française. En effet, les révolutionnaires, face à l’absolutisme royal et la concentration des pouvoirs au sein d’un même organe, ont voulu mettre en place un système de séparation des pouvoirs entre les deux ordres juridictionnels, ce qui a abouti notamment à la loi des 16 et 24 août 1790 et au décret du 16 fructidor, visant notamment à ce que le pouvoir judiciaire ne puisse empiéter sur les compétences du pouvoir administratif. Cette séparation des pouvoirs –quoiqu’ancienne- est aujourd’hui encore garantie au sein de la Constitution actuelle et se reflète notamment à travers la répartition des pouvoirs des différents organes. Dès l’origine, la Constitution a quelque peu ignoré le juge administratif dans la mesure où peu de règles constitutionnelles le concernaient à proprement parler. En effet, seuls les articles 37 à 39 de la Constitution mentionnaient que le Conseil d’Etat avait un rôle d’organe consultatif dans la procédure parlementaire mais non en tant que juge administratif. D’un autre côté, cette norme a largement consacré la figure du Conseil constitutionnel qui apparaissait face aux régimes de dérive passée, un véritable organe garantissant entre autre un contrôle de constitutionnalité des lois par rapport à la Constitution. Progressivement, ces rapports entre juge constitutionnel et juge administratif ont profondément évolué et se sont largement intensifiées. Cette interaction est liée à deux phénomènes majeurs : la constitutionnalisation et l’internationalisation. Le phénomène de constitutionnalisation concerne aujourd’hui toutes les branches du droit. Il a pu se faire tant d’une manière directe par l’enrichissement et la modification de textes constitutionnels ; que de manière indirecte à travers la jurisprudence du Conseil constitutionnel et des juridictions ordinaires qui, par un travail d’interprétation, ont largement participé de ce phénomène. Ces interactions de plus en plus croissantes entre ces deux organes amènent à s’interroger afin de savoir si le juge administratif n’aurait-il pas tendance à exercer des fonctions semblables à celles du juge constitutionnel. La consécration par la Constitution d’une séparation entre les compétences du juge administratif et du juge constitutionnel est encore présente dans divers (I). Toutefois, le phénomène croissant de constitutionnalisation a tendance à mettre de plus en plus en exergue le rôle constitutionnel du juge administratif qui s’est vu reconnaitre un véritable rôle et devient le garant de la Constitution (II). I.
Une séparation initiale des compétences entre juge administratif et juge constitutionnel : facteur d’un refus d’un contrôle de constitutionnalité de la part du juge administratif
Le principe de séparation des pouvoirs garanti par la Constitution de 1958, a prévu un partage des compétences entre le juge administratif et
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le juge constitutionnel, marquant un certain effacement du juge administratif quant au contrôle de constitutionnalité (A). La théorie de loi écran en offre une illustration de ce principe (B). A) Une conception originelle de la Constitution prévoyant des compétences distinctes entre le juge administratif et le juge constitutionnel
Originellement, la Constitution de 1958 ne prévoyait que peu de règles constitutionnelles concernant à proprement parler le juge administratif : o Article 37 à 39 de la Constitution : Le Conseil d’Etat a un rôle d’organe consultatif dans la procédure parlementaire mais non en tant que juge administratif alors que l’autorité judiciaire était considérée dès l’origine comme « la gardienne de la liberté individuelle » (Article 66 de la Constitution).
Face aux dérives de la IIIème et IVème République marquée par un régime d’Assemblée et une instabilité gouvernementale, la Constitution de 1958 a également consacré l’existence d’un véritable Conseil constitutionnel chargé de vérifier si les lois sont conformes à la Constitution. Jusqu’à 2008 avec l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), seul un contrôle à priori était envisageable qui avait lieu entre l’adoption et la promulgation de la loi (Article 61 de la Constitution). Cette décision de contrôle exclusivement dédiée au Président de la République, au Premier Ministre, au Président de l’une des deux chambres parlementaires (1958) s’est par la suite étendue aux 60 députés ou 60 Sénateurs (1974). De ce fait, le juge administratif ne pouvait participer de la censure d’une loi contraire à la Constitution. Cette répartition des compétences prévues par la Constitution (A) se retrouve notamment à travers la théorie de la loi écran qui marque une illustration de l’impossibilité du contrôle de constitutionnalité par le juge administratif (B). B) La théorie de la loi-écran : reflet de d’immixtion du juge administratif constitutionnelle
l’impossibilité en matière
La théorie de la loi écran est le fait que le juge administratif refuse de contrôler certains actes du fait qu’ils résultent directement de l’application d’une loi. Cette théorie qui a été abandonnée en matière de traités internationaux (CE, 20 octobre 1989, Nicolo), est encore consacrée lorsqu’il s’agit de contrôler la conformité d’un tel acte à la Constitution (CE, 6 novembre 1936, Arrighi).
Cette théorie marque bien le fait que le juge administratif ne peut avoir la mainmise sur tous les domaines de constitutionnalité. Ainsi, le contrôle de constitutionnalité d’un acte règlementaire pris en application d’une loi relève encore d’une tâche réservée exclusivement au Conseil constitutionnel. Pendant longtemps, la Constitution de 1958 a cherché à garantir une séparation des pouvoirs entre le juge administratif et le juge judiciaire (A). Aujourd’hui, cette frontière entre ces deux organes s’est largement
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estompée phase à un phénomène de constitutionnalisation croissant (B). II.
Un phénomène de constitutionnalisation favorisant l’empiétant du juge administratif dans le domaine constitutionnel
Face à un phénomène de constitutionnalisation croissant, le juge administratif quoique longtemps effacé, s’est vu reconnaitre un rôle constitutionnel (A). Aujourd’hui, le juge administratif se veut protecteur de la Constitution tant au regard des normes internes que des normes externes (B). A) La reconnaissance constitutionnelle du juge administratif participant de l’accroissement de son rôle en la matière
Au départ faible rôle au sein de la Constitution qui ne contenait pas de dispositions spécifiques relatives à la juridiction administrative (cf cidessus). Néanmoins, la révision constitutionnelle de 2008 procède de deux changements qui permettent d’accroitre le rôle du juge administratif : o Article 39 de la Constitution : Renforcement des pouvoirs consultatifs du Conseil d’Etat dans la procédure parlementaire o Article 61-1 de la Constitution : Rôle de filtre du Conseil d’Etat dans la procédure de QPC
C’est surtout le Conseil constitutionnel qui à travers les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) a opéré à un travail de reconnaissance en dégageant en l’occurrence deux PFRLR : o Décision du 22 juillet 1980 – Loi de validation relatif à l’indépendance des juridictions administratives et au « caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter, ni le législateur, ni le Gouvernement ». o Décision du 23 janvier 1987 – Conseil de la Concurrence : Le Conseil constitutionnel détermine un champ de compétence constitutionnelles aux mains du juge administratif qui se voit protéger de l’empiétement du domaine législatif. Si la Constitution s’est emparée du juge administratif et qu’il est aujourd’hui bien protégé par elle (A), il est également devenu son protecteur (B). B) Le juge administratif, un juge garant de la Constitution au regard des normes d’origine interne et externe.
Aujourd’hui, le juge administratif est garant de la Constitution d’une part, au regard des normes internes : Le juge administratif contrôle la légalité des actes administratifs unilatéraux à condition que la loi ne fasse pas « écran » entre l’acte et la constitution (CE, 6 novembre 1936, Arrigui). L’article 61-1 de la Constitution relatif à la QPC et surtout sa loi organique permettant de mettre en œuvre la procédure ont permis de faire du juge administratif, un auteur qui participe de manière a posteriori au contrôle de constitutionnalité des lois. Au cours d’un procès, tout requérant peut soulever devant une juridiction administrative l’inconstitutionnalité d’une loi. La juridiction concernée
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pourra transmettre l’affaire au Conseil d’Etat qui lui-même pourra saisir le Conseil constitutionnel par la suite. Le Conseil d’Etat joue un rôle de filtre, en interprétant la Constitution (même si le dernier mot revient au Conseil constitutionnel) et pour ce faire, il doit vérifier que trois conditions sont remplies : La loi doit concerner le cas d’espèce La question posée ne doit pas avoir fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité La question posée doit présenter un caractère sérieux.
Le juge administratif est également garant de la Constitution au regard des normes externes : Traités internationaux par rapport à la Constitution : Le CE a jugé qu’il ne lui appartenait pas de contrôler la Constitution au regard d’un traité international donc en cas de conflit entre traité international et Constitution, le juge administratif se charge d’appliquer la Constitution (CE Assemblée, 30 octobre 1998, Sarran et Levacher). Directive de l’UE par rapport à la Constitution : Lorsque la directive fait l’objet d’une transposition par un acte règlementaire, le juge administratif est appelé à contrôler la constitutionnalité de cet acte règlementaire.