37 0 134KB
L’analyse du discours conversationnel 1) La définition du discours Le mot « discours » a plusieurs significations. Le trésor de la langue française informatisé1 donne la suivante définition : « développement oratoire sur un thème déterminé, conduit d’une manière méthodique, adressé à un auditoire ». La problématique du discours a été étudiée par nombreux linguistes. Mariana Tuţescu2 définit le discours comme : « le concept clé de la linguistique discursive et textuelle, dernière née des sciences du langage. Ce concept entraîne une perspective interdisciplinaire des faits de langue, où logique, sociologie, psychologie, philosophie du langage, théorie de la communication se rejoignent pour se compléter réciproquement. ». Toujours Mariana Tuţescu3 présente le discours du point de vue de E. Benveniste vue comme : « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » et aussi l’acception du discours pour Z. Harris et les tenants de son école. Il est défini comme une unité transphrastique, l’ensemble des règles d’enchaînement des suites de phrases composant un énoncé. Ousmane Barry4
présente dans son article « Les outils théoriques en analyse du
discours » l’opinion du L. Guespin, a propos du discours : « c’est ce qui s’oppose à l’énoncé ; c’est-à-dire que l’énoncé c’est la suite des phrases émises entre deux blancs sémantiques, deux arrêts de la communication ; le discours c’est l’énoncé considéré du point de vue du mécanisme discursif qui le conditionne ». Toujours Ousmane présente l’opinion du Michel Arrivé concernant le discours : « le discours peut être conçu comme une extension de la linguistique ou comme symptôme d’une difficulté interne de la linguistique (particulièrement dans le domaine du sens), rendant nécessaire le recours à d’autres disciplines ». Selon Dominique Maingueneau
5
« tout discours peut-être défini
comme un ensemble de stratégies d’un sujet dont le produit sera une conversation 1
http://atilf.atilf.fr/tlf.htm Tuţescu, Mariana, L’Argumentation, Introduction à l’étude du discours, editura Universitatii Bucuresti, 2005, p 50 3 Tuţescu, Mariana, Précis de sémantique française, EDP, Bucuresti, 1974, p.23. 4 http://laseldi.univfcomte.fr/utilisateur/abarry/f_activite.htm 2
5
http://pagesperso-orange.fr/dominique.maingueneau/conclusion2.html#_ftnref1
1
caractérisée par des acteurs, des objets, des propriétés, des événements sur lesquels, il s’opère » Teodora Cristea
6
présente au moins deux acceptions du terme du discours. Une
première acception fait de ce terme un synonyme de « texte », mais avec le temps une nouvelle acception s’est précisée : le discours est non seulement une unité de rang supérieur mais aussi un texte considéré du point de vue des conditions dans lesquelles il est produit, du point de vue des rapports qui s’établissent entre le sujet d’énonciation et l’énoncé. Le fonctionnement réel du discours (l’activité discursive) ne peut pas être compris sans faire appel à des notions telles que deixis et connotation. Le deixis désigne l’ensemble des éléments de référence à la situation communicative : pôles de la communication (locuteur et interlocuteur), temps et lieu de la communication. On peut conclure que le discours n’est pas une notion stable. Il englobe plusieurs acceptations et une variabilité de discours : discours politique, scientifique, poétique, didactique ou argumentatif, explicatif, narratif ou objectif, subjectif, référentiel ou direct, indirect, indirect libre.
2) Les types du discours Mariana Tutescu7 identifie les types textuels suivantes du discours prenant pour point de départ la typologie du Jean-Michel Adam : le récit, la description, l’explication, l’argumentation, l’injonction, la prédiction, la conversation et le dialogue, le discours figuratif. Le récit (le discours narratif) se manifeste par une suite ordonnée et cohérente se séquences textuelles narratives. Pour devenir récit, il est nécessaire qu’un événement contienne au moins deux propositions temporellement ordonnées et formant une histoire. La description (le discours descriptif)
est en rapport avec le discours
lexicographique et la compétence lexicale des usagers de la langue. L’explication (le discours explicatif) est basée sur l’acte d’expliquer ou de faire comprendre quelque chose à quelqu’un. Par exemple le discours didactique et le discours scientifique appartiennent au discours explicatif. Ce type du discours est marqué par les connecteurs parce que, puisque et car. 6
Cristea, Teodora, Grammaire structurale du français contemporain, EDP, Bucuresti, 1979, p. 451 7 http://ebooks.unibuc.ro/lls/MarianaTutescu-Argumentation/index.htm
2
L’argumentation est basée sur l’acte de convaincre, de persuader l’interlocuteur, le destinataire du discours. Ce type de discours apparaît surtout dans le discours de propagande, politique, juridique, publicitaire etc. L’injonction est basée sur l’acte d’ordonner, d’inciter à faire quelque chose. Ce type de discours est utilisé surtout dans la recette de cuisine, le mode d’emploi, la notice de montage, les consignes en général. La prédiction est basée sur l’acte de prédiction c’est-à-dire quelque chose qui va ou doit se produire. Par exemple les prophéties, le bulletin météorologique, l’horoscope. Le discours figuratif englobe selon J.-M Adam le poème, la prose poétique, la chanson mais aussi le proverbe, le dicton, le slogan, la locution. La conversation et le dialogue englobent le type du discours conversationnel. Ce type du discours est l’objet de l’analyse conversationnelle. L’école suisse a parlé pour la première fois de l’analyse de discours. Ce type du discours se matérialise dans l’interview, le dialogue, le débat, les transactions, l’entretien et le face-à-face. Le dialogue est le type du discours qui demande au moins deux énonciateurs qui occupent successivement, le rôle de destinataire. Dans l’acte dialogal, l’énonciateur doit avoir une conduite verbale en mesure de confirmer, par les autres participants, le caractère dialogal de la situation. Mariana Tutescu parle
dans « L’argumentation » des principales
hypothèses de la pragmatique conversationnelle : - les constituants conversationnels décrivent ce que font les locuteurs (ou énonciateur) ; à chaque intervention est associée une fonction illocutoire ; - l’interprétation pragmatique des constituants conversationnels est fonction des actes d’argumentation réalisés par les constituants internes aux interventions des locuteurs ; ce type est associé à la fonction interactive ; - l’interprétation pragmatique des constituants conversationnels est fonction de leur complétude/vs/ incomplétude, fait qui entraîne la clôture ou la poursuite du constituant en question ; - l’interprétation d’un énoncé en conversation est fonction de sa place dans la structure conversationnelle résultant les notions d’interventions initiatives/vs/ réactives, d’acte directeur/vs/subordonné.
3) Opinions concernant l’analyse du discours 3
Francine Mazière8 énumère quelques principes concernant l’analyse du discours : - toute analyse du discours tient compte de la langue en tant qu’objet construit du linguiste et des langues particulières en tant que situées dans un espace-temps ; - toute analyse du discours a une relation double aux héritages descriptifs des langues. Elle prend en compte la grammaire, les syntaxes et vocabulaires de langues particulières, contre une syntaxe logique universelle. - elle configure les énoncés à analyser en corpus construits, souvent hétérogènes, selon un savoir assumé, linguistique, historique, politique et philosophique ; - elle propose des interprétations qu’elle construit en tenant compte des données de langue et d’histoire, en prenant en compte les capacités linguistiques réflexives des sujets parlants, mais aussi en refusant de poser à la source de l’énoncer un sujet énonciateur individuel qui serait « maître chez lui ». Il parle aussi des types du discours. L’analyse du discours a voulu imposer le discours comme concept, contre les discours, avec la défense du syntagme « analyse du (et non de/des) discours ». En fonctions de finalités ou de types de communication on oppose le discours didactique au discours polémique. A son tour, le discours didactique pourra être de type philosophique ou rhétorique, tandis que le discours scientifique s’inscrira dans le discours polémique. F. Mazière dit que l’analyse « harrissienne » en analyse du discours emprunte bien à Harris la segmentation et les transformations. Mais toute l’histoire de l’analyse du discours montre qu’elle lâche la structure. Textuelle visée par Harris pour l’analyse du sens. Il existe plusieurs centres spécialisés qui parlent de l’analyse du discours. Parmi eux: CEDITEC, CEDISCOR, CAD, l’École Française. L’institution dont l’objet central des recherches est l’analyse du discours s’appelle CEDITEC (Centre d’Etude des Discours, Images, Textes, Ecrits, Communications) et est dirigé par Simone Bonnafous. Les recherches
s’organisent selon trois axes 9: « les
instruments pour une recherche interdisciplinaire », « communication et discours politique et social » et « la construction des savoirs : genres de discours et institutions ». 8 9
Mazière, Francine, L’analyse du discours, PUF, 2005, p.5 Ibidem, p.99
4
Ce centre confie systématiquement la responsabilité de chaque axe de recherche à un spécialiste des sciences du langage et à un spécialiste des sciences de la communication. L’analyse du discours est présentée comme un lieu
fédérateur 10: « L’analyse du
discours, apparue dans les années 1960, constitue une excellente base de travail pour les recherches du CEDITEC. Comme il s’agit d’une discipline récente, elle s’accompagne inévitablement d’une réflexion sur ses propres possibilités et ses frontières ; en outre, elle mobilise des chercheurs venus d’horions différents des sciences humaines et sociales qui sont constamment confrontes à la question du langage. » Il y a en second lieu le CEDISCOR (Centre de Recherche sur les discours ordinaires et spécialisés), crée en 1989 à l’Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III sur un projet de Sophie Moirand. Il axe ses recherches en analyse du discours à la fois sur les occurrences de discours produits dans des espaces institutionnels et sur les concepts linguistique, argumentatif, rhétoriques pris comme outils de l’analyse. Le centre s’intéresse à l’analyse de discours en fonction d’expertise face à des demandes sociales fort diverses : processus de négociations en entreprise, amélioration de collections scientifique éditées dans différentes langues, signalement de la maltraitance de l’enfant et son traitement institutionnel par exemple. Un autre centre s’appelle le CAD (Centre d’Analyse du Discours) de l’Université Paris XIII fonde et dirige par P. Charaudeau, pratique une analyse sémiotique des discours sociaux en convoquant les sciences du langage, la psychosociologie, les sciences de l’information et de la communication. Il y a aussi l’École Française qui étudie l’analyse du discours. L’École s’appui sur les recherches de lexicologie menées dans les années 60 par J. Dubois et par L. Guilbert à partir de la problématique de Harris. Toujours F. Mazière
observe que l’analyse du discours de Charaudeau est
interventionniste sur la scène politico-sociale. L’auteur montre que les sciences humaines et sociales ne peuvent pas décrire et interpréter le monde parce que chaque discipline enrichit son point de vue de celui de l’autre. Grâce à cela l’approche est par essence pluridisciplinaire ou transdisciplinaire. D’où sa revendication d’un domaine spécifique pour l’analyse du discours. 10
Ibidem, p.101
5
Autre analyste, Jacques Cortes11 parle de l’analyse du discours du point de vue de Z. S Harris qui entend par discours toute forme d’énoncé suivi, écrit ou oral, de dimension supérieure à la phrase. Harris veut compléter en abordant l’analyse du texte suivi, la démarche menée par la linguistique descriptive. Par cette linguistique descriptive, Harris passe à la l’analyse du texte. Il ne s’intéresse pas
au sens des
morphèmes, ni des autres unités qu’elle rencontre. Sa méthode d’analyse du discours ne s’intéresse pas à ce que dit le texte, mais à comment le texte dit ce qu’il dit. Si on veut analyser selon la méthode de Harris, il est nécessaire de faire intervenir des transformations qui consistent à régulariser le corpus en fonction de connaissances générales sur les règles de la langue. Par exemple le texte suivant : « l’homme que tu as rencontré hier est revenu me voir ; il m’a dit que (..) ; je lui ai répondu (..) » Il et lui pourront être remplacés par l’homme que tu as rencontré hier. A ce point de son raisonnement, Harris indique quelques transformations dont il lui semble important que le descripteur d’un texte anglais puisse disposer. Pour Harris, les transformations sont de simples manipulations, fondées sur des régularités d’équivalence constatées en langue. L’essentiel est qu’elle fournisse, du texte, une version plus riche en équivalences. J. Cortes dit que les transformations proposées par Harris sont essentiellement indicatives et ne sauraient constituer un outil ni suffisant, ni nécessaire à la description de tout texte. Émile Genouvrier et Jean Peytard12 font une distinction entre parole, discours et langue. La parole est la manière propre à chacun d’énoncer graphiquement ou oralement des faits de discours ; font par exemple partie de la parole les troubles de la graphie ou de l’articulation, les « accents » régionaux, etc. Le discours est l’ensemble des réalisations orales ou écrites telles qu’elles peuvent se présenter dans un livre, un journal, à la radio, etc. La langue est le matériau linguistique propre à une communauté. Dans l’enseignement d’une langue étrangère, les élèves13 attendent de leur maître qu’il leur enseigne d’abord la langue qu’ils ont à parler et à comprendre, à lire et à écrire, c’est-à-dire le français contemporain. Le pédagogue doit donc tenir compte des travaux de linguistique générale, qui le renseignent sur le fonctionnement des langues, de ceux 11
Cortes, Jacques et al. , Une introduction à la recherche scientifique en didactique des langues, p. 98 12 Genouvrier, Emile, Peytard, Jean, Linguistique et enseignement du français, Librairie Larousse, Paris, 1970, p.93 13 Ibidem p.95
6
de linguistique du français, qui, partant des réalisations du discours pour découvrir l’organisation de la langue, permettent d’avoir de son système une vue plus claire. Dans le processus d’enseignement on distingue langue et discours, c’est-à-dire distinguer la multitude de réalisations individuelles (orales ou écrites) des lois générales qui leur permettent d’exister ; c’est passer d’une réalité concrète mais désordonnée à une entité virtuelle (la langue) mais organisée. Un autre linguiste qui parle du discours s’appelle Oswald Ducrot. Il a observé dans le discours des Portugais et des Brésiliens l’utilisation de l’expression « X trouve que.. » pour exprimer leur opinion sur le temps qu’il va faire : « Je trouve que qu’il fera beau demain ». Cette expression ne viendrait jamais à l’esprit d’un francophone – au moins dans une conversation banale où il s’agit seulement de donner un avis personnel et subjectif. Pour expliquer ce phénomène, il émet deux possibles hypothèses. L’une consiste à soutenir que l’expression « X trouve que… » est dérivée sémantiquement à partir de « Je trouve que.. : X trouve que… = X dit « Je trouve que.. ». La seconde hypothèse est à préciser la notion d’un acte de parole de « prédiction ». Comme la plupart des actes de jugement, il consiste à contribuer à un fait ou à un objet
certaines
caractéristiques conceptuelles. Il présente la contribution comme constitutive, comme originelle et non pas comme le rappel d’une subsomption déjà accomplie.
4) L’analyse du discours conversationnel Mariana Tutescu parle de cinq niveaux de l’analyse du discours conversationnelle. Ils sont : l’interaction, la séquence, l’échange, l’intervention et l’acte de langage. L’interaction14 est nommée incursion, événement de communication et par fois rencontre. Il y a une distinction entre le phénomène général de l’interaction et l’interaction particulière qui implique la présence des participants déterminés. C. Kerbrat Orecchioni établie quelques critères pour différencie le phénomène de la même interaction et celui de deux unités distinctes : le schéma participationnel, l’unité de temps et de lieu, le critère thématique et l’existence des séquences limitatives à fonction d’ouverture et de clôture qui encadrent l’interaction proprement dite. Concernant le premier critère, une interaction est délimitée par la rencontre et la séparation des deux 14
Valcu, Angelica, Introduction à la théorie des interactions verbales, editura Universitatea Dunarea de Jos, Galati. 2005, p.35
7
interlocuteurs. Quand on observe que la modification du nombre ou de la nature des participants engagés dans l’acte communicatif, on assiste à une nouvelle interaction. Dans le cas de deuxième critère, il y a des situations où il n’est pas respecté (la conversation téléphonique, par exemple). Le critère thématique, n’est pas une condition nécessaire dans une interaction.
Angelica Valcu explique ce critère : « Ce qui est
essentiel ce n’est pas le thème qui reste inchangé, mais que les différents participants poursuivent ensemble et se déplacent en même temps avec la trajectoire thématique, souvent très sensible. » Le dernier critère n’est pas toujours respecté et il se définit à partir du rapport de places dominant dans l’espace interactif. La séquence est nommée transaction par les représentants de l’École de Genève, épisode par D. André - Larochebouvy, phase par Weil Edmonson, section par A. Owen et unité sérielle par Gail Jefferson. La séquence est l’étape intermédiaire entre l’interaction et l’échange. L’échange est la plus petite unité dialogale composant l’interaction. L’échange est composé d’au moins deux tours de parole de locuteurs différents en résultant que l’échange est un constituant complexe. Un échange ne comprenant que deux tours de parole est un échange minimal. L’ensemble des interventions, de la rupture au rétablissement de l’équilibre, constitue un échange. Mariana Tutescu15 présente les deux types d’échanges établis par E.Roulet et Goffman : - les échanges confirmatifs, qui visent à entretenir ou à confirmer une relation établie. L’exemple le plus courant est l’échange de salutations : Ex : A : Bonjour, Marc. B : Bonjour, Paul. - les échanges réparateurs, qui visent à neutraliser les effets potentiellement menaçants d’une intervention pour la face de l’interlocuteur. Ce type d’échange comprend trois constituants : une intervention de requête, une intervention de l’interlocuteur visant à satisfaire cette requête et une nouvelle intervention du locuteur visant à évaluer la manière dont sa requête est satisfaite. Par exemple : A : Peux-tu m’aider faire le devoir ? B : Bien sûr. 15
Tuţescu, Mariana, L’Argumentation, Introduction à l’étude du discours, editura Universitatii Bucuresti, 2005, p 63
8
C : Merci. L’échange réparateur a pour fonction de rétablir l’équilibre interactionnel entre les participants de l’échange. Mariana Tutesc trouve chez Goffman la structure de l’échange réparateur en termes des cycles réparateurs. Par exemple : -
un cycle réparateur : (1) / A pousse par erreur B/ A : - Excuse-moi ! B : - Pas de quoi !
- deux cycles réparateurs : (2) A : - Peux-tu lire pour moi ? / RÉPARATION / premier B : - Certes. / SATISFACTION/ cycle A2 : - Merci beaucoup. / APPRÉCIATION / deuxième B2 : - Pas de quoi. / MINIMISATION / cycle - des constituants de deux cycles : (3) A : - Quel est le de devoir ? / RÉPARATION / premier B : - Voila. / SATISFACTION / cycle A2 : - Merci beaucoup. / APPRÉCIATION / deuxième cycle Toujours Mariana Tutescu trouve chez Moeschler la structure basique de l’échange réparateur. RÉPARATION + SATISFACTION + APPRÉCIATION. Il existe aussi des échangées enchâssées. On démontre avec le suivant exemple : A1 : - Où est notre salle de classe ? B1 : - Tu n’as pas le programme ? – A2 : Non. B2 : - C’est la salle numéro 15. A3 : - Merci. L’intervention est la plus grande unité monologale composant l’échange. Une intervention est composée, en principe, d’actes de langage, mais peut se
9
réduire à un seul acte de langage. J. Moeschler16 distingue l’intervention simple et l’intervention complexe (composée de plus d’un acte de langage). Aussi l’intervention peut être composée d’acte de langage, d’intervention(s) et/ ou d’échange(s). La structure de l’intervention fait intervenir des constituants en rapport hiérarchique, ou, plus précisément un constituant directeur et un ou plusieurs constituants subordonnés. Le constituant directeur est l’acte de langage donnant le sens général de l’intervention, c’est-à-dire sa force illocutoire. L’acte directeur est le constituant non supprimable de l’intervention. Les constituants subordonnés sont les actes de langage qui viennent appuyer, justifier, argumenter en faveur, etc. de l’acte directeur. Une intervention ne contient qu’un acte directeur, mais elle peut contenir plus d’un acte subordonné. Un constituant à fonction interactive n’a de sens qu’en rapport avec le constituant avec lequel il interagit la suppression de ce rapport modifiant son sens. Pour l’analyse conversationnelle, l’école genevoise distingue deux types de fonctions illocutoires en les rapportant à l’intervention : les fonctions illocutoires initiatives et les fonctions illocutoires réactives. Les fonctions illocutoires initiatives sont assignées aux interventions imposant des droits et des obligations à l’interlocuteur. Parmi les fonctions illocutoires initiatives, on signalera les fonctions suivantes : la demande d’information, la demande de confirmation, la requête, l’offre, l’invitation, l’assertion, l’ordre. En utilisant ces fonctions on doit créer des obligations de répondre, de confirmer, d’agir, d’accepter, d’évaluer, d’obéir. Les fonctions illocutoires réactives sont assignées aux interventions réactives par rapport aux interventions à fonctions illocutoires initiatives. Selon J.Moeschler, elles se divisent en deux grands groupes : 1)
les fonctions illocutoires réactives positives
(marquant l’accord de l’interlocuteur). 16
Tutescu, Mariana , cit. Apud J. Moeschler, Argumentation et conversation. Éléments pour une analyse pragmatique du discours, Hatier - Crédif, 1985 ;
10
2)
les fonctions illocutoires réactives négatives
(marquant le désaccord de l’interlocuteur). À l’aide des notions de fonction illocutoire et de fonction interactive, J. Moeschler établit le principe de composition fonctionnelle suivant (PCF) : « Les constituants de rang ÉCHANGE sont composés de constituants entretenant entre eux
des
fonctions
INTERVENTION
illocutoires,
alors
sont composés
que
les
constituants
de
rang
de constituants entretenant entre eux des
fonctions interactives. » 17 L’acte de langage est la plus petite unité monologale constituant l’intervention. L’acte de langage vise à modifier un état des choses existant. On peut classifier18 les actes de langage en deux catégories : les actes institutionnels et les actes de langage ordinaires. Les actes institutionnels sont accomplis dans le cadre d’une institution (religieuse : (1) Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. ; judiciaire : (2) Je déclare de dire toute la vérité, rien que la vérité. etc.) et ne sont pas réalisés effectivement que s’ils sont reconnus par elle. Le locuteur doit être autorisé par l’institution pour que sa parole ait force d’acte. La langue ne se suffit donc pas à elle-même pour accomplir un acte institutionnel. Aussi est-elle souvent accompagnée de gestes ritualisés : le témoin, au tribunal doit lever la main droite (2), le prêtre doit accomplir les gestes rituels du baptême (1). Dans ce type de situation sociale, la langue joue un rôle auxiliaire, explicitant l’acte qu’un geste, à la limite, suffirait à indiquer. Les actes de langage ordinaires ne s’effectuent pas dans un cadre institutionnel, mais ils ne sont pas indépendants de toute détermination sociale. On peut dresser une liste d’actes de langage ordinaires possibles a partir d’une série de verbes d’action qui dénotent ces actes : ordonner, interroger, exprimer un souhait, suggérer, avertir, remercier, critiquer, accuser, affirmer, supplier, menacer, promettre, insulter, s’excuser, avancer une hypothèse, jurer, autoriser, déclarer. 17 18
Idem Riegel, Martin, Pellat, J-C, Rioul, Rene, Grammaire méthodique du français, PUF, 1994, p.583
11
Les actes de langages ont les caractéristiques suivantes 19 : - l’acte de langage repose sur une convention sociale implicite qui associe, dans une communauté donnée, telle expression linguistique a la réalisation de tel acte de langage particulier. Les verbes utilisait dans l’acte de langage ont la propriété de réaliser tel acte de langage qu’il décrit : promettre sert a réaliser un acte de promesse, féliciter un acte de félicitation, interdire un acte d’interdiction, etc. Des termes comme idiot, crétin, imbécile servent à réaliser, dans certaines conditions, un acte d’injure. - l’acte de langage définit des droits et des devoirs. En l’accomplissant, le locuteur se donne un certain rôle et assigne un rôle a l’allocutaire, conformément au scénario conventionnel qui régit l’acte de langage. Le locuteur et l’interlocuteur ont des droits dans l’acte de langage. Quand il donne un ordre, le locuteur pose son droit d’imposer un certain comportement à son partenaire. Quand il pose une question, le locuteur établit de même son droit d’interroger et le devoir de l’interlocuteur de répondre. L’assignation des rôles ne préjuge pas du succès ou de l’échec de l’acte concerné. L’allocutaire peut refuser le rôle qui lui est impose par l’injonction ou par la question et le locuteur peut mentir en affirmant une croyance. - toute énoncé s’affiche et s’interprète comme réalisant directement ou indirectement un acte de langage. On ne peut pas donner un ordre à quelqu’un s’il ne comprend pas l’intention d’agir sur son comportement. La reconnaissance de l’intention du locuteur n’est pas toujours assurée, notamment en cas d’acte de langage indirect. - un acte de langage possède une force illocutoire. Un acte de langage se décompose en : acte locutionnaire ou locutoire, acte illocutionnaire ou illocutoire et acte perlocutionnaire ou perlocutoire. L’acte locutionnaire c’est l’acte de production d’un énoncé qui a comme résultat une phrase, pourvue d’une signification. L’acte illocutionnaire c’est l’acte de langage proprement dit, ce que le locuteur fait en parlant : poser une question, donner un ordre, faire une promesse. L’acte perlocutoire c’est l’effet produit par l’acte illocutionnaire sur l’allocutaire. L’acte permet d’évaluer la réussite ou l’échec de l’acte illocutionnaire suivant les réactions de l’allocutaire. Par exemple une promesse peut susciter chez l’allocutaire la joie, la tristesse, l’indifférence, la moquerie etc. 19
Ibidem pp.584 -585
12
Les actes de langage peuvent être directs et indirects20. Les actes de langages directs sont accomplis au moyen de la forme linguistique qui leur est associée par convention. Ils se réalisent dans deux sortes des énoncés : les énoncés performatifs explicites et les énoncés performatifs primaires. Les énoncés performatifs explicites contiennent un verbe performatif qui indique l’acte de langage accompli (Je vous promettre de venir.). Un énoncé performatif doit être employé à la première personne du présent de l’indicatif et représente la plus grande explicitation possible d’un acte illocutoire : l’énonciation de la phrase réalise l’acte que le verbe performatif décrit. Cependant, tous les actes de langage ne sont pas réalises par des verbes performatifs. Ainsi, on ne peut pas dire explicitement « Je t’injurie » pour accomplir un acte d’injure. Les énoncés performatifs primaires correspondent aux trois types de phrases déclaratives, interrogatives et impératives. L’acte de langage n’est pas accompli au moyen d’un verbe performatif explicite, mais par l’emploie même du type de phrase associé par convention à un type d’acte spécifique. La phrase déclarative (Toute langue n’est en somme qu’un langage, ce qui implique nécessairement qu’elle se compose de sons… - Ionesco) correspond à un acte d’assertion, la phrase interrogative (Andromaque : - Aimes-tu la guerre ? Hector : - Pourquoi cette question ? – Giraudoux) à un acte de questionnement et la phrase impérative (Dessine-moi un mouton. – Saint-Exupéry) à un acte d’injonction. Les actes de langages indirects sont accomplis au moyen d’un énoncé contenant une forme associée conventionnellement à un autre acte que celui qu’ils visent à accomplir. Dans le cas d’un acte indirect, l’allocutaire peut très bien ne pas reconnaître ou faire semblant d’ignorer l’intention du locuteur. Inversement, celui-ci peut très bien nier son intention illocutionnaire, puisqu’elle n’est pas associée par convention avec l’énoncé utilisé. Il y a deux types d’actes de langage indirects : la « dérivation allusive » et « le trope illocutoire ». Par exemple, les énoncés suivantes pour la « dérivation allusive » : (1) Il fait froid ici ! , (2) Cette choucroute est délicieuse. , (3) Il se fait tard. Ces trois énoncés peuvent être utilisés pour formuler des demandes : « Fermez la fenêtre ou la porte » (1), « Servez-moi encore de la 20
Ibidem, pp 588-589
13
choucroute » (2), « Rentrez chez vous » (3). Le dernier peut aussi exprimer un refus : « Je ne veux pas sortir ». Dans tous les cas, le sens littéral de l’énoncé n’est pas annule par l’acte indirect. Le « trope illocutoire » comme par exemple : « Avez-vous l’heure ? », « Pouvez–vous fermer la fenêtre ? », Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec ! (Stendhal). La valeur littérale directe de la phrase est remplacée par la valeur dérivée indirecte. L’appellation de « trope illocutoire » se fonde sur le mécanisme des tropes comme la métaphore qui, en rhétorique, remplace le sens littéral par le sen figuré. Les énoncés qui servent à accomplir des actes indirects ne fonctionnent pas de la même façon : certains sont figés, voire lexicalisés (Pouvez-vous me passer le sel ? – compris comme une demande de faire l’action indiquée) et d’autre qui ont une valeur indirecte qui n’est pas inscrite en langue, mais elle est identifiée en situation. Ainsi, les actes de langage indirects sont interprétés à l’aide des données de la situation d’énonciation. Leur mise en relation avec les formes linguistiques apparaît comme aléatoire et imprévisible, à l’exception des tropes illocutoires figés ou lexicalisés, marqués par des indices plus ou moins codifiés. Ces unités conversationnelles constituent une échelle de rang, c’est-à-dire elles entrent en relation hiérarchique : l’échange est composé
d’interventions,
l’intervention d’actes de langage. Selon
M.Tutescu21
tous
ces
constituants
et
principes
de
l’analyse
conversationnelle ont conduit à l’établissement d’un nombre de règles à même de définir la bonne formation du texte conversationnel et dialogué. Ces règles de bonne formation ont été établit par J.Moeschler. Elles sont les suivantes : 1)
la condition thématique, qui impose à B d’avoir le même thème que l’acte
initiatif A. Cette règle permet en outre de rendre compte des relations référentielles et anaphoriques entre énoncés. 2)
la condition de contenu propositionnel, qui spécifie que le contenu de B doit
entretenir une relation sémantique précise (du type implication, antonyme, paraphrase, etc.) avec le contenu propositionnel de A.
21
Tuţescu, Mariana , L’Argumentation, Introduction à l’étude du discours, editura Universitatii Bucuresti, 2005, p.66
14
3)
la condition illocutoire, qui indique quel type d’acte illocutoire est compatible
avec l’acte initiatif pour constituer une séquence bien formée du point de vue pragmatique. Denis Vernant22 présente les lignes d’évolution du discours au profit d’une approche actionnelle de la pratique langagière. Ainsi, il parle du discours de la représentation comme oubli du langage du point de vue des thèses représentationalistes. Les thèses sont réduites à quatre présupposés : 1)
le primat de la pensée. Selon la conception dualiste cartésienne, le monde
se compose de deux types d’entités : les choses étendues et les choses pensantes, c’est-àdire les corps et les âmes. Et il revient à la chose pensante de se penser elle-même et de penser le monde à l’aide de ses idées. Ces idées ne doivent rien aux corps ni même au langage en tant qu’il est une manifestation corporelle subtile. 2)
le fondement subjectif de la connaissance. Comme vérité des idées, la
connaissance trouve sa source dans l’expérience première que la pensée fait de son propre exercice de pensée. Un accès direct à la source de connaissance est la possibilité de toute représentation qui se fonde sur une présentation. 3)
la fonction représentative des idées. Les idées sont capables de représenter
les choses du monde. A la différence de la métaphysique traditionnelle qui se définissait comme ontologie première, la philosophie classique se déploie alors essentiellement comme théorie de la connaissance chargée de fonder toute vérité. 4)
le langage est relégué à un rôle second, secondaire. Second, parce qu’il
s’avère un simple mode de représentation des idées qui, seules, représentent directement le monde. Expression des idées, il est représentation de représentations. Secondaire, car le langage relève du corps par l’ « institution de nature ». Francine Mazière 23 présente l’opinion du linguiste américain Z.S. Harris a propos de l’analyse du discours : « L’analyse du discours donne une foule de renseignements sur la structure d’un texte ou d’un type de texte, ou sur le rôle de chaque élément dans cette structure. La linguistique descriptive ne décrit que le rôle de chaque élément dans la structure de la phrase qui le contient. L’analyse du discours nous apprend 22
Vernant, Denis, Du discours à l’action, édition Presses Universitaire de France, 1997, pp.6-7 23 Mazière, Francine, Apud Z.S Harris, Discours analysis : A sample texte, p. 3
15
de plus comment un discours peut être bâti pour satisfaire à diverses spécifications, exactement comme la linguistique descriptive construit des raisonnements raffinés sur les façons dont les systèmes linguistique peuvent être bâtis pour satisfaire à diverses spécifications. Pour conclure, l’analyse du discours prend pour objet le texte comme articulation de productions verbales effectives à un extérieur social, l’un n’existant pas sans l’autre. Dans tout discours il faut qu’on distingue la forme du discours de sa fonction. Un discours conversationnel peut être caractérisé comme une suite de contributions de locuteurs distincts s’assimilant à un même énonciateur. Le discours conversationnel implique un échange des questions et des réponses tenant compte de l’âge du locuteur, du vocabulaire et de son niveau culturel. Dans la classe quand on veut communiquer quelques choses aux élèves on doit savoir poser les questions. Ils aiment aborder leurs propres sujets, poser leurs propres questions et exprimer leurs sentiments. Ils ont la difficulté à répondre seulement aux questions qui leur sont posées et ils n’aiment pas attendre leur tour pour parler. Dans cette situation, le rôle du professeur est d’utiliser un discours conversationnel accessible et en même intéressant pour susciter leur intérêt. Analysant le discours de l’interlocuteur du point de vue de cinq niveaux de l’analyse on peut rendre compte de son état (troublé, décontracté, incertain etc.), de ses intentions, de son niveau de culture, de ses aspirations, de son comportement etc. Aussi l’analyse du discours est basée sur les éléments de la théorie de la communication et a comme unité fondamentale l’acte de langage. Le but de l’analyse du discours est de trouver une représentation de l’état psychique de l’utilisateur parmi l’identification des connaissances employées par l’utilisateur dans l’intérieur du dialogue.
16