Carnets Assemblee 1 [PDF]

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Zitiervorschau

SOMMAIRE

edito

"It's Alive !"

encres inspirations, littérature L’IMAGINAIRE POUR COMPAGNE : essai. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 LA MICRO-EDITION AU SECOURS DU JEU DE RÔLES ?. . . . . . . . . . . . . . . . . .8 MASTICATION : blood, gore & rock n’ roll . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9

escales reportages, manifestations, conventions, etc... ASMODAY : escapade lilloise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9 LE SALON DU JEU 2007. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10

dossier belle époque LA BELLE EPOQUE : évocation d’une France moderne et romantique . . . . . . . . .12

encres inspirations, littérature BIBLIOGRAPHIE : bien commencer dans le passé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 FROMENTAL ET L’ANDROGYNE : quand tuer devient l’un des beaux arts. . . . 23 LES CHAMPS DE FEU : nouvelle de Florent Martin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 THE LODGER : un métrage de John Brahm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

à l’épreuve

previews, tests et découvertes

MALEFICES VS. CRIMES : la Belle Epoque à feu et à sang. . . . . . . . . . . . . . . . . . .29 LES ECURIES D’AUGIAS : interview des criminels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36 LONDON 1888 : aux trousses de Jack . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39

boussoles aides de jeu & scénarii SOUS LE PLUS HORRIBLE CHAPITEAU DU MONDE : murder circus. . . . . . . . 40 DE RUINES ET D’ILLUSIONS : scénario Crimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 LA FIN DES TSARS : scénario Maléfices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

En à peine quatre mois, le bébé a pris du poids; de 40, il est passé à 72 pages. S'il continue à ce rythme, il dévastera bientôt des cités entières de ses pieds maladroits. Aurions-nous accouché d'un monstre ?

Des monstres de toutes sortes, ce n'est pas ce qui manque dans ce numéro, entre les détraqués, les démons, les sorciers et les freaks, on se demande ce que la Belle Epoque avait fait pour mériter cette appellation ! D'ailleurs, même les deux jeux emblématiques que sont Maléfices (le vénérable Maître) et Crimes (l'élève ambitieux) rivalisent de Ténèbres pour mieux nous éclairer, suivis de près par nombre d'autres rejetons prêts à renverser l'ordre établi.

C'est aussi ça, la Belle Epoque, la crasse derrière le clinquant, une menace au-delà d'un sourire du locataire du dessus. Un Ange sous les traits d'une tapineuse. Nos rubriques "traditionnelles" ne sont pas en reste, avec un petit tour dans l'espace (TCE12008), ou un menu qui nous donne l'eau à la bouche (Mastication). Ce numéro un se place également sous le signe de la participation : plusieurs personnes ont accepté de nous fournir quelques articles et ceci ouvre la voie, nous l’espérons, à un fanzine plus collaboratif, et nous permettra surtout de nous reposer un peu ! Toutefois cet accouchement ne s'est pas fait sans douleur, La période de gestation de 4 mois est un peu difficile à gérer et sera peut être soumise à une prolongation, il ne faudrait pas que notre bébé soit un prématuré ! Son format aussi, la difficulté et le coût d'impression ne nous permettront peut-être pas de poursuivre "l'aventure papier", ce problème n'est pas inhérent à notre fanzine mais bien à l'ensemble de la microédition. En tout cas le numéro un sera imprimé et même plus "largement" diffusé en boutique, outre Rocambole (à Lille), l'Antre du Jouet (à Boulogne-sur-mer) s'est également proposé pour héberger notre bébé, un grand merci à eux deux. En tout cas un grand merci à tout ce qui ont participé à cet accouchement; le bébé se porte bien et les parents sont fiers de lui !

les carnets de l’assemblée numéro un rédacteur en chef : Julien De Jaeger

à l’épreuve

previews, tests et découvertes

TRINITES : dans les coulisses des XII Singes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63 TORTUGA : tohu bohu sur l’île des tortues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 TE DEUM POUR UN MASSACRE : petits massacres entre amis . . . . . . . . . . . . .66 MANA : saurez-vous contrer son influence ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .68 POKER D’ENFER : un flingue sur la table et un as dans la manche . . . . . . . . . . . . 68

boussoles aides de jeu & scénarii TCE12008 : bienvenue à l’autre bout de l’univers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

rédacteurs : Stéphane “Dedjet” De Geiter, Diego “Escrivio” D’Oliveira Granja, Olivier “Dr_Zombie” Camus, Christophe "Erron Flyll" Girard, Sébastien "Aznar Akeba" Torchy, Maggaie, Andy Taker, Florent Martin, Michael Moslonka, Christophe Coquelet couverture : Julien De Jaeger (photo & design) illustrations : Julien De Jaeger, Stéphane Poinsot, Sophie Pruvost, Olivier Camus maquette : Julien De Jaeger responsable relectures & corrections : Sébastien Torchy responsable publicité : Diego D’Oliveira Granja responsable d'édition : Stéphane De Geiter vente & diffusion : Olivier Camus trésorier : Pascal Caillet remerciements : Les XII Singes, les Ecuries d'Augias, Les Editions du club Pythagore, Rocambole, l'Antre du Jouet, La Librairie des Quatre Chemins, Florent Martin, Michael Moslonka, Andy Taker, Stéphane Poinsot, Claude Torchy

L’ASSEMBLEE association loi 1901 14, avenue du bois 62820 LIBERCOURT 03.62.90.80.08 http://www.lassemblee.org [email protected]

L’éditeur et la rédaction ne sont pas responsables des articles, qui n’engagent que leur auteur. Toutes les illustrations contenues dans ce fanzine sont la propriété pleine et entière de leurs auteurs et éditeurs respectifs. Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, est interdite, sauf accord écrit de l’éditeur. Si vous êtes éditeur, auteur, distributeur, studio de création, et que vous voulez voir vos productions chroniquées dans nos pages, n'hésitez pas à nous faire parvenir vos réalisations (sous format physique ou électronique) à l'adresse de la rédaction, ou à prendre contact avec nous par e-mail à [email protected] Les exemplaires promotionnels ainsi réceptionnés ne seront pas retournés.

3 les carnets de l’assemblée #1

INSPIRATIONS, LITTERATURE

encres

L’Imaginaire pour Compagne Michaël Moslonka est éducateur de profession. Il a travaillé auprès d’un public en difficulté sociale et familiale. Actuellement il encadre et accompagne dans le quotidien des enfants et des adolescents atteints d’autisme. Ecrivain de passion, il est l’auteur de nombreuses nouvelles publiées dans divers supports littéraires français et québécois. Son univers est celui du fantastique et du romantisme mais aussi de l’imaginaire et du rêve. Il est l’auteur de deux livres : le Masque de l’Archange (un roman sombre mariant à la fois prose, poésie et théâtre) en janvier 2005 et L’Enfant du Placard et la Méchante Sorcière de l’Est de la Rue du Masque (un conte moderne pour la jeunesse) en novembre 2006. De Janvier 2005 à Avril 2007 Michaël Moslonka a également signé l’édito trimestriel du webzine Reflets d’Ombres, fanzine de littérature romantique sombre et fantastique diffusé sur internet. Son site : http://perso.orange.fr/enfantduplacard/

Un coeur saigne

« Pour tous le rêve existait, Marlène Dietrich, Mistinguett, mais il restait le rêve » André MALRAUX

Tout au fatalisme zéro, qu’en est-il de la victime ? Des soins apportés pour que psychologiquement elle puisse se remettre de ce qu’elle a subi ou de ce dont elle a été témoin. Comment fera-t-elle pour reprendre une vie dite “normale” ? Aide-toi et le Ciel t’aidera ? Délaissons le Ciel, ses actes en la matière et sa bonne foi, pour nous intéresser au début de cette maxime judéo-chrétienne.

Un arbre tombe Ne nous voilons pas la face, le monde est difficile à vivre. Individuellement ou collectivement la dure réalité ne nous épargne pas. Malgré la volonté politique d’atteindre le zéro absolu dans tous les actes et les pensées qui vont dangereusement à l’encontre de la personne et de l’état, cet objectif décomplexé ne pourra jamais être atteint. Pourquoi ? Car la fatalité n’a de coupable qu’elle-même. Prenons pour triste exemple cette femme, en août dernier, tranquillement assise à la terrasse d’un café, qu’un frêne centenaire a écrasé en lui tombant subitement dessus. Qui est le coupable ? Le frêne ? Les experts qui ont examiné cet arbre et l’ont jugé en parfaite santé de pousser en cet endroit fréquenté de l’espèce bipède douée de raison ? Le cabaretier (devinez donc pourquoi) ? Le maire, responsable en toute circonstance ? Pas le vent d’après les premières informations, car absent à ce moment (la météo était certes pourrie mais le bougre avait un bon alibi). Bref, l’enquête et la justice détermineront le coupable avec sagesse et objectivité. Mais il faut se demander s’il y a un juge qui désignera du doigt Dame Fatalité ? Je ne pense pas, nous avons tous besoin d’un coupable à nos maux, à nos accidents ou à nos ennuis. Difficile de prendre ses propres responsabilités dans une histoire de culpabilité, encore plus difficile de se dire que c’est la faute à pas d’chance. Alors comme solution ? Car il faut prendre des mesures. Pour chaque accident, une mesure est prise en fonction du degré de popularité médiatique de l’événement. Je vous propose donc de couper tous les arbres et de vous faire signer une décharge le jour où vous irez vous promener en forêt. A moins que ne soit créée une Police de la Fatalité. Dans les deux cas, nous souffririons de ces mesures : d’un point de vue écologique et esthétique dans le premier et dans le second parce que l’absence de fatalité nécessite un coupable « humain », une personne, nous en l’occurrence. Bienvenue dans la dure réalité du quotidien d’une société. La boucle est donc bouclée, nous pouvons entrer dans le vif du sujet.

Boris Cyrulnick neuropsychiatre et éthologue français, s’est penché dans nombre de ses ouvrages sur un phénomène emprunté à la métallurgie : la résilience. D’un point de vue humain, il s’agit de la capacité à se remettre des chocs, des blessures et/ ou des traumatismes subis. Chez l’enfant, pour que cette résilience ait lieu, celui-ci a besoin d’un tuteur de résilience. En l’occurrence d’une personne adulte qui lui permettra de surmonter l’événement traumatique subi. Cette notion de résilience va s’appliquer également à l’adulte qui, dans son quotidien, comme expliqué au tout début, subit de plein fouet la dureté impitoyable du présent, les incertitudes du futur et qui reste parfois encore – je dirai même bien souvent – sous le choc d’évènements passés datant d’hier pour certains et pour beaucoup… de l’enfance. Et oui, malgré nos manières de grandes personnes et nos corps d’adultes nous restons des enfants. Des enfants épanouis pour certains, des enfants abandonnés et désavoués pour d’autres ( “moi, un enfant ? Non mais, vous m’insultez !“ ) ou des enfants apeurés. Voilà pourquoi, à mon sens, le tuteur de résilience n’a pas seulement pour corps et pour définition la présence d’un humain à nos côtés. Il peut être autre et revêtir les formes controversées du Rêve et de l’Imaginaire.

Les mal-aimés Pourquoi “controversées” ? Pour répondre à cette question rien ne vaut un petit détour dans le Dictionnaire, reflet des pensées de notre société décomplexée et altruiste passée et en devenir. Dans Le Larousse, la rêverie est définie par ces mots : “délire, folie”, “idée vaine et chimérique”, “invention due à l’imagination, pensée”, “faire une rêverie, méditer, avoir une idée étrange”. A l’inverse, le rêveur (celui qui rêve donc) est désigné comme « celui qui réfléchit, qui médite ». Il serait un “savant”. Bonheur, des louanges ! Mais des louanges vite complétées de leur inconditionnel pendant péjoratif : “extravagant”. Fort heureuse-

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INSPIRATIONS, LITTERATURE

encres

ment Antoine Furetiere1 redonne à ce rêveur ses lettres de noblesse : “Il n’y a que les rêveurs qui réussissent à l’invention des machines, à la résolution des problèmes”. Mais le retour de bâton n’est pas loin. Car le rêveur a la malencontreuse idée de rêver. “D’Imaginer des choses déraisonnables” ! Voilà toute la subtilité de la rêverie balayée et brisée par la Déraison, entité maligne et fourbe. Alors chagriné, je tourne d’autres pages jusqu’aux mots imaginaire et imagination. A quelle péjoration les académiciens les ont-ils exposés ? Tout de suite des synonymes se bousculent devant mes yeux qui témoignent de mon anxiété : “illusion”, “chimères”, “absurdité”, “folie” ! L’imagination se fait alors inimaginable elle-même définie par “incroyable”, “extraordinaire” puis inexorablement “impensable”, “inconcevable”. Une citation de François-René de Chateaubriand sonne ensuite le glas “une imaginative trop vive étouffe le raisonnement et le jugement”. Inimaginable !

Oui mais… “Ce n’est pas facile de faire le départ entre une véritable possibilité et un rêve” écrivit la philosophe et écrivaine française Simone de Beauvoir. A l’heure actuelle, qui peut nous faire avaler que la réalité est plus rassurante que le rêve ? Et plus réalisable ? Parce qu’intangible par définition, le rêve n’aurait pas de légitimité et verrait sa concrétisation inimaginable et de son côté l’imagination serait “chimère”, “rêve”, “fable”, “invention” ou encore “pure imagination” selon Le Robert ? Ou alors parce que paradoxe, rêve et réalité s’entremêlent de nos jours: les plus beaux exemples étant “la télé-réalité” et cette question “Tu travailles dans quoi ?” Il fut un temps où on vous aurait demandé quelle profession vous exerciez, à présent compte seulement d’avoir un travail. Exercer une profession est devenu du domaine de l’imaginaire. Les visages se font catastrophés si vous souhaitez un “travail” correspondant à vos attentes, à vos désirs. A votre rêve d’enfant.

La réalité d’un rêve

Pourquoi une telle levée de boucliers face au rêve et à l’imaginaire ? Peut-être parce qu’ils échappent au monde réel et donc à toute rationalité. Et l’irrationalité fait peur. Elle apeure par l’anormalité qu’elle sous-entend. Bon nombre de personnes croient faire partie de la norme. Ce sont les autres qui sont anormales ou qui ne “vont” pas, point elles. Pareillement, ces personnes ne réaliseront jamais leurs aspirations car ce sont toujours ces mêmes autres qui réussissent. Pas elles, commun des mortels, appartenant à la norme. Celle qui a bien les pieds sur terre. Et à la question “pourquoi pas ?” la réponse appelle toujours un “oui, mais…” implacable. Pas défaitiste, non. Car finalement les bipèdes aux pieds ancrés sur terre, à la tête qui se baisse au passage des nuages, de leur propre propos sont heureux. L’écrivain français Albert Camus décrit très bien cette situation dans son célèbre livre L’Etranger2: “Il s’était marié assez tard. Dans sa jeunesse, il avait eu envie de faire du théâtre : au régiment il jouait dans les vaudevilles militaires. Mais finalement, il était entré dans les chemins de fer et il ne le regrettait pas, parce que maintenant il avait une petite retraite. Il n’avait pas été heureux avec sa femme, mais dans l’ensemble il s’était bien habitué à elle.” L’habitude trompe effectivement son monde et nous fait croire au bonheur, elle nous fait avaler la pilule d’avoir laissé derrière nous nos rêves inimaginables.

Chagriné, attristé mais point surpris. Quand, toujours plongé dans les pages de mon Larousse, je découvre, pour rêver l’exemple suivant “au lieu d’écouter en classe, cet élève ne fait que rêver”, je repense à une directrice d’école. Je l’ai rencontrée lors de mes voyages d’écrivain dans le milieu de l’éducation nationale. Et ses mots ressemblaient à ceux-là : “On ne laisse plus le temps aux élèves de regarder dehors, de rêver”. Après les notions de Bien et de Mal, l’apprentissage du bouc émissaire, une autre maxime insidieuse tend à vouloir guider notre évolution : le monde va vite, prendre le temps de rêver ce n’est plus possible. C’est un luxe. Presque un péché. l’obligation (et la bonne tenue de surcroît !) est de se situer dans la réalité. Avoir les pieds sur terre et sortir la tête des nuages. Alors bien vite en classe, il nous faut nous intéresser aux problèmes de tuyauterie (ce célèbre robinet qui fuit dans la baignoire !) et de logistique ferroviaire (ces trains qui partent pour l’un à l’heure et pour l’autre en retard, quand se croiseront-ils ? Alors ? Quand ? ). La logique de l’arithmétique, des mathématiques, des formes géométriques ne laisse pas la place à la rêverie, ni à l’imaginaire. Impossible de se voir aux commandes de l’un de ces TGV poussé à sa vitesse maximale. De s’imaginer à la place de ce chauffeur qui récemment a battu le record de vitesse de l’engin. Impossible de donner comme réponse l’âge du capitaine car sinon la note sera salée et pour le passage au collège ce sera râpé.

Fantômes L’individu sacrifie ses rêves inimaginables. Il refuse l’imaginaire parce que la vie d’adulte ne le permettrait pas et que le monde ne fonctionne pas ainsi. Pour affronter sa dure existence, beaucoup vous diront qu’il vaut mieux avoir les pieds sur terre plutôt que la tête dans les nuages. “Beaucoup” ? La norme plus précisément. Selon le philosophe allemand Max Stirner3, les idées ne sont que des produits de la faculté d’abstraction et de généralisation de l’individu. De ce fait, elles sont ses propres créatures. Créatures placées sous son autorité. Malheureusement, une fois constituées ces idées lui sont enlevées artificiellement pour être placées au-dessus de leur créateur. Séparées de sa personne elles sont des fantômes qui deviennent alors sacrés et dominateurs. Dieu, l’Humanité, le Bien et le Mal, la Vérité parmi tant d’autres, et en ce qui nous concerne la Vie d’Adulte et la Rationalité sont sacralisées, normalisées. Toute digression devient horsnorme et se trouve qualifiée de déviante. Quant au sacrifice pour ces causes, il se trouve être légitime. Soyons clair, nous ne nous sacrifions pas pour nos rêves. Nous ne nous laissons pas dominer par notre imagination. Car nos aspirations sont les nôtres. En luttant pour elles, c’est pour nous-même que nous menons le combat. Nous ne nous battons pas pour une cause extérieure à laquelle il faudrait s’abandonner. Tout comme le personnage de Camus qui délaisse le théâtre qui lui plaisait tant pour la vie ferroviaire qui finira par lui plaire. Bon nombre de personnes laissent de côté leurs aspirations enfantines – car tout part généralement de là – parce qu’ils auraient évolué et seraient devenus des Grands. Des Adultes.

Pourtant… Paradoxalement… Imaginaire est également un nom féminin daté de 1741 (toujours d’après mon Larousse) et désigne une “expression algébrique où figure la racine carrée d’un nombre négatif” ! La science à la logique inexorable s’invente une compagne dans l’univers de l’irréel. Plus en avant dans ses pages et plus en arrière dans le temps, le dictionnaire me fait part d’une définition datant de 1460 où Imaginer signifie : “trouver un nouveau moyen, inventer quelque chose de nouveau” avec pour exemples : “Imaginer un mécanisme plus simple et plus efficace”, “Imaginer un roman policier”. Un sens, des exemples dont la crédibilité disparaît face au Bon Sens et à sa grande soeur, la Morale. Essayons pour voir : Dîtes à vos proches que vous avez décidé de devenir écrivain ou chanteur. Que vous répondraient-ils ? Un truc du genre : “Non mais, comme vrai métier que veux-tu faire ?”. Observez l’enfant qui passe ses temps libres à dessiner, à jouer ou à lire puis portez une oreille attentive aux propos de ses parents. N’entendez-vous pas déjà des “il reste enfermé pendant des heures à lire, ce n’est pas normal” ou encore des “va plutôt aider ton père à réparer la voiture ça sera plus utile que de passer ton temps à dessiner !” ou même “arrête de jouer à ça tu es grand maintenant !” Il faut dire que la réalité dans l’imaginaire collectif est plus rassurante que le rêve qui n’est qu’une fable, une invention. Une pure imagination !

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INSPIRATIONS, LITTERATURE

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Pourtant bon nombre d’entre eux iront faire la guerre en Irak au nom de la Liberté, pour se battre contre le Mal. Ou seront prêts à faire mourir leur enfant ou ceux des autres pour leur Dieu. Des idées sacrées qui contrairement aux apparences n’ont rien à voir avec le rêve.

L’art à notre secours Mon imaginaire reste toujours tourné vers le Tina’s Cafe. Imaginez, un lieu qui tient du songe et où vous pouvez en toute quiétude rêver éveillé…

Finalement, tous ces rêveurs à la force de leur imaginaire sont des artistes en devenir. Ils ont en eux un don, une faculté, qu’ils peuvent développer à force de passion et d’investissement. Malheureusement pour les raisons citées ci-dessus, ils ne le mèneront jamais jusqu’au bout ou ne se jetteront tout bonnement jamais à l’eau, sacrifiant leur talent pour le laisser entre les mains des truands de tout poil (bien au courant de ce qu’un rêve préfabriqué ou ce qu’un talent détourné peut rapporter en terme de richesse financière et de pouvoir) ou leur place aux vantards comme le démontre Boris Rodensky, l’un des personnages mis en scène par l’écrivain Valéry G. Coquant dans son livre intitulé Tous les Possibles4: « – (…) Je pensais à ton coup de crayon… Ce fut à Kolin de pousser un long soupir… Le dessin… Il ne l’avait jamais vu sous cet angle. En faire une activité professionnelle… – C’est juste un passe temps – Attention Alexandre ! Trop d’humilité tue le talent. Les génies timides laissent leur place aux médiocres qui se vantent. »

Steeve Davy s’avance vers la scène. Vieux bonhomme au corps raide, à la démarche bien plus raide encore, au visage fermé et aux sillons rudes, un regard à l’expression lointaine, le dos voûté par l’âge ou par autre chose ? Chemisette sobre à rayures verticales, pantalon de tissu aux bords relevés. Les pieds nus dans ses claquettes d’été. Arrivé sur scène, l’artiste se transforme. Il se redresse. Ses yeux s’animent et pétillent. Sa voix s’élève pleine de force et de jeunesse. Ses doigts courent sur le manche de sa guitare et les accords défilent pour offrir aux clients du café, entre autre, Sunny ou Sweet Little Sixteen. Derrière moi, deux jeunes adolescents se sont échappés des années Beatles pour venir s’asseoir à l’une des tables de l’endroit. Derrière eux, un couple s’est levé pour danser un rock énergique. Une serveuse aux cheveux de feu, à la silhouette envoûtante, les rejoint et se déhanche avec le garçon du bar. Quand son cavalier la laisse pour rejoindre son comptoir, elle continue de danser avant de retourner à son service. Notre imaginaire alors ne peut s’empêcher de prendre le relais pour bouger avec elle, au son vivifiant de la guitare électrique de Steeve Davy. Dehors le vent fait bouger les murs de toile plastique, la nuit englobe Terre et Mer, et la normalité attend notre retour là haut, tout en haut des escaliers, où, avec la pluie, elles rendent maussade la civilisation. Ce havre de songes éveillés est l’expression vivante de cette rêverie qui nous aide à surmonter la dure réalité. Il en possède toutes les facettes. Et l’imaginaire atteint son summum avec l’art. Toute forme d’art, du simple amateur à l’élitiste professionnel : la peinture, la sculpture, l’écriture, la musique et bien d’autres encore. Quant aux rêves, ils se forgent dans le feu de la passion. Ensemble, art et passion viennent à notre secours d’êtres humains meurtris, blessés ou défigurés. Pour s’en rendre compte, allons faire un tour sur une Terre sans lendemain. Envahie par des extra-terrestres qui s’accaparent l’enveloppe humaine. Ils se glissent dans nos corps pour exister physiquement et exit notre identité ! Restent pourtant quelques individus immunisés à l’envahisseur. Tous sont regroupés en communauté, vivant leur existence de survivants en se tenant à carreau de ces créatures intouchables et de leurs représailles destructrices. Dans ce monde brimé, brisé, ces réfractaires, ne pouvant rien contre leurs envahisseurs, font ce que l’être humain sait faire de mieux : s’en prendre à lui-même. Un monde de chaos, de haine, d’horreurs et de violence, donc. Sans échappatoire possible. Sans échappatoire ? Vraiment ? Jess Kaan, écrivain contemporain et auteur de ce récit de science-fiction, en a imaginé un. Et Jérémy Pelletier, son personnage principal, à l’identité préservée puisqu’il est réfractaire à l’invasion intime, ira à sa rencontre. Cet homme est le Shérif de sa communauté et se déteste tout autant qu’il est haï par les siens. Et ce dégoût augmente un peu plus le jour où il se voit obligé d’enquêter pour le compte des Stybiax, nos voleurs de corps et d’identité, sur la destruction de deux des leurs. Acte au demeurant impossible. Un assassinat qui a eu lieu… au Musée des Beaux Arts de Dunkerque ! Nous y voilà ! L’art – et par extension la rêverie – au secours de l’insoutenable réalité. Et Jess Kaan ne s’y trompe pas. Le temps de chercher des indices, Jérémy Pelletier voit s’estomper le monde d’horreur et de dégoût dans lequel il trempe quotidiennement : “Les toiles me happèrent et j’en oubliai mes idées noires. Ici le monde n’appartenait plus à des envahisseurs méprisants (…) Y errer aujourd’hui, ne serait-ce que pour ma mission, constituait un début de liberté. Sept ans sans culture et mes yeux se prenaient à rêver, à aller audelà du cadre des toiles, dans les territoires infinis de l’imagination. Le génie des peintres, leur souci du détail, leur façon de restituer la lourdeur d’un ciel ou le faciès d’un personnage bourru me touchaient droit au coeur.”

Le sens des rêves et de l’imaginaire Même si le fait de les réaliser importe beaucoup, celui de les vivre intérieurement importe encore plus. Car les rêves ont une valeur essentielle. Malheureusement souvent étouffée dans l’oeuf avant même de naître (“regardez le tableau au lieu d’avoir le nez dehors !”) au nom de la sacro-sainte Rationalité, de l’allégeance envers le Réel du moment. Et ce qui incombe, ne se trouve pas dans le sens donné à ces mots par tel ou tel dictionnaire. L’importance réside dans ce qu’ils nous apportent et ce qu’ils sous-entendent. Boris Cyrulnick nous l’explique très clairement dans son livre au titre tellement évocateur Un Merveilleux Malheur5. Ouvrage tourné vers la résilience : “Quand le réel est terrifiant, la rêverie donne un espoir fou”. Oui, l’imaginaire nous aide à affronter nos peurs et nos angoisses les plus profondes. Les traumatismes les plus horribles de cette réalité auxquels certains sont tant attachés. Ils nous soutiennent dans le microcosme personnel où nous essayons de vivre bien malgré le mal ambiant et le macrocosme collectif auquel nous essayons tant bien que mal de survivre. Rêverie et par extension Imaginaire sont nos tuteurs de résilience. Il y a plusieurs mois, une nuit, dans l’entrelacs des rues d’une cité balnéaire traditionnelle, alors que la pluie et le vent battaient froid notre été national tant espéré ensoleillé, j’ai découvert le long de la côte en Charente-Maritime un escalier qui descendait dans l’obscurité. Tout en bas de cette longue descente, deux lampions indiquaient au voyageur égaré où s’arrêter. J’y découvrais un café, empli de monde où la bonne ambiance et la chaleur m’accueillait sitôt mon entrée. Sur la scène Tina faisait son show parlant simplement de choses simples : “Mais qu’importe comment on commence, l’important est comment on finit”, “il faut vivre ses rêves”, “la plupart des gens emportent leurs rêves dans leur tombe”. Avec son accent américain, elle revenait sur sa vision du monde et sur ce qui l’avait amenée là dans ce café. Son café. Le Tina’s Cafe6. J’ai découvert une femme déjantée n’ayant pas peur des maux qu’elle livrait aux clients ni des mots qu’elle chantait guitare à la main. Les paroles sont simples, candides, portées par sa spiritualité personnelle, par l’envie d’un bonheur qu’elle souhaite communicatif et par un sacré talent de guitariste ! Puis cette chanteuse de blues, originaire de Chicago et, je la cite, “au passé glauque”, passe la main à Steeve Davy pour s’en retourner en cuisine, continuer de préparer de bons petits plats pour ses clients. Voilà treize années consécutives que Tina ouvre les portes de son café sur la Plage des Nonnes. Treize ans où elle vit son rêve, où elle fait en sorte de le partager avec d’autres. Treize saisons où elle offre sa scène aux artistes de passage.

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INSPIRATIONS, LITTERATURE

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Bien entendu il y a toujours des “réfractaires” à l’imaginaire. Ici, en la personne du Stybiax. Et face à son insensible incompréhension, Jérémy Pelletier s’emporte : “Ouvrez donc vos yeux. Vous ne trouvez pas que ces toiles sont superbes, toutes à leur manière ? Vous ne créez donc jamais ?” La réponse sera sans appel : “Pour quoi faire ? La science seule permet d’agir sur le monde, c’est grâce à elle que nous vous avons pris votre planète. L’art n’y est pour rien.” Pour rien ? Pas sûr peut-être. L’espoir renaît quand Jérémy Pelletier rencontre ensuite un ancien conservateur de musée (nous y revoilà !) et amoureux de l’art, qui malgré la prise de son corps par une entité Stybiax a conservé l’ensemble de sa personnalité, toujours vivante et bien indépendante : “Ma passion m’a sauvé, concéda l’ex-conservateur. Sans elle, j’aurais sombré.”

Un peu de réalisme… Soyons réalistes s’il vous plaît : il n’est pas vrai que “quand l’on veut l’on peut”. Je m’inscris en faux vis-à-vis de cette maxime qui ne possède en elle pas l’ombre d’un sentiment altruiste et encore moins empathique. Cette hypocrite n’est autre que ce fantôme dominateur et accusateur ayant pour nomination et sacerdoce (les deux en une !) Morale. Quand “nous voulons” nous n’obtenons pas forcément ce que nous attendions. L’incertitude existe quant à la finalité de notre but, de notre rêve. Par contre, aucun doute n’est possible : si on ne fait rien, rien ne viendra. Une certitude très rassurante. Certitude ? Rassurante ? Pas vraiment. Nous nous en convainquons avec cette facilité déconcertante que possède notre cortex à nous voiler la face mais en fait le doute est bel et bien là. Il nous questionne, nous ronge, rendant aigries nos rumeurs. Et cette unique question nous taraude : et si ? “Que se serait-il passé si... ?” ou “Que serais-je devenu si...?” et encore “Y serais-je parvenu si...?” Des questions qui trouvent comme réponse : “mais finalement la vie ferroviaire j’en suis heureux, non ?” Bref, nous ne saurons jamais si c’était possible et le doute rendra certaines de nos nuits ou quelques-uns de nos moments de solitude difficiles à vivre.

Alors, science et rationalité destructrice contre l’art et son imaginaire sauveteurs de nos existences mises à mal ? Science fiction ? Imaginaire réel ? La réponse se trouve dans la réalité. Notre réalité.

Tuez la peau de l’ours avant 11 juillet 1956, trois jours avant sa mort, Henri Calet8 écrivait toujours. “Mourir sans savoir ce qu’est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà. Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes.” furent ses dernières phrases. Ce journal dans lequel sont griffonnées ces lignes d’une poignante lucidité était destiné à son ultime ouvrage. En effet l’ensemble de ses notes, commencées plusieurs années plus tôt, se trouvait à son chevet dans une pochette. Un dossier intitulé Peau d’Ours9 pour lequel il dira “Oui, j’ai vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué…”. Peau d’Ours est un rêve d’écrivain. De passionné. Malgré la maladie qui le rongeait, l’homme continuait à prendre des notes s’inspirant de son vécu. Et “c’est dans les moments où son être, particulièrement vulnérable, était le plus débordé par la passion ou l’angoisse que son regard d’écrivain se faisait le plus aigu.” 10 Oui, cet homme était très lucide, une lucidité qui bien souvent laissait des cendres. Sa vision de l’existence sonnait au mot juste : “La vie est un verre d’eau dans lequel on se noie, la vie est un mur de prison sur lequel on écrit avec ses ongles, la vie est une poêle dans laquelle on frit”. Et il mariait cette lucidité au rêve et à l’imaginaire dont il avait très bien compris le sens et la force même s’il pensait ne pas en posséder. Le 2 janvier 1951, Henri Calet l’exprimait clairement dans un courrier d’adieu inattendu adressé à Franz Hellens11 où il disait prendre congé de la littérature : “j’ai parlé trop longuement de moi. Avant de finir, je tiens à vous remercier de tout ce que vous m’avez donné en fait de joies. J’ai trouvé dans vos livres comme une seconde jeunesse, il me semble que j’étais né pour ce monde de brouillard, frais, un peu froid, merveilleux. Le merveilleux, c’est ce qui m’a peut-être le plus manqué. Mais plus tard, vous m’en avez donné ma part. Ah ! j’ai bien rêvé, grâce à vous !”

Se prendre à rêver c’est réaliser parfois que nos aspirations sont inaccessibles et que la chute peut se révéler parfois douloureuse. Mais dans tous les cas plus belle sera l’aventure ! Car la finalité importe peu en soi, le rêve nous aura aidé à surmonter les épreuves du quotidien, à les traverser la tête dans les nuages et les pieds ancrés au sol. Et à chaque rêve se superpose une autre aspiration car le chemin de l’imaginaire est infini. Et les possibilités énormes. Quoiqu’il en soit, il me semble important de garder toujours à l’esprit dans notre quête que le “rêve est la réalisation d’un désir” (Freud). De nos désirs et non pas de ceux des autres…

De la poésie pour conclure Et perdu dans les méandres du réel actuel, afin de réaliser notre désir pourquoi pas un peu de poésie ? Je me souviens de ce que Pierre Autin-Grenier me disait il y a quelques années de cela. Pour lui la poésie existe en chaque écrivain. Il a raison et même bien plus. Passion et Art forment le rêve, forgent l’imaginaire. Et tous deux épousent Dame Poésie. Elle se retrouve consciemment ou inconsciemment chez tous les rêveurs. En chaque passionné. Dans chaque art. Dans le tout imaginaire. Ainsi que dans la pire des réalités pour mieux s’en affranchir et permettre à l’individu de survivre par le corps ou par l’esprit : “A Auschwitz ou lors de la guerre du Pacifique le surhomme était un poète”…12

par Michaël Moslonka (éducateur – écrivain)

Lucidité et rêve ne sont pas incompatibles. Bien au contraire, ils s’emboîtent l’un à l’autre et forment ces passionnés prêts à se rendre jusqu’aux dernières limites de leur imaginaire. Et quand celui-ci se termine ou s’écroule, un autre rêve prend la relève et un autre but naît qui s’affranchit des contraintes du temps réel. Qui affranchit l’individu des fantômes idéologiques, des dogmes de toute engeance et du sacré.

1 (1619 – 1688), homme d'église, poète, fabuliste, romancier et lexicographe français. 2 Editions Gallimard, 1957. 3 (1806 – 1856), de son vrai nom Johann Kaspar SCHMIDT. 4 Editions Saint-Martin, 2004 5 Editions Odile Jacob, 1999 6 http://www.tinascafe.fr 7 Editions Eons Futurs, 2007. 8 (1904 – 1956), Raymond Théodore Barthelmess de son vrai nom. Ecrivain et journaliste Français. 9 Editions Gallimard, collection L’Imaginaire, 1958 10 Avant-Propos de Peau d’Ours 11 ( 1881 – 1972), de son vrai nom Frédéric Van Ermengem. Romancier, poète, essayiste et critique d'art belge. 12 Boris CYRULNIK, un merveilleux malheur

Une alchimie et une liberté de ton que l’on retrouve chez l’écrivain et poète Pierre Autin-Grenier, dont les titres de ses ouvrages en sont l’exemple littéraire vivant : Je ne suis pas un héros, L’éternité est inutile ou encore Toute une vie bien ratée.

7 les carnets de l’assemblée #1

INSPIRATIONS, LITTERATURE

encres

La micro-édition au secours du JdR ? Après l’arrêt des sorties JdR chez Asmodée, c’est désormais le vénérable dinosaure Hexagonal qui agonise gueule ouverte, devant stopper temporairement son planning de sorties. La cause ? Un coût de production de l’édition devenu bien trop élevé pour un marché (devenu ?) si petit…

L'avis de Franck Plasse (Auteur du JdR Trinités) sur la micro-édition : A priori, pour un JdR qui marche – même dans le contexte de marché très réduit actuel –, ce n’est pas très intéressant. Il est tout à fait possible de trouver en imprimerie classique des solutions financières correctes. En quelques mois, tu atteins des masses qui fonctionnent. Et puis, être en magasin, c’est quand même un bon moyen pour un jeu d’exister ! Toutefois, il faut garder ces possibilités alternatives en tête pour voir comment les utiliser pour dynamiser ou créer une gamme. C’est ce que nous avons fait avec Trinités, qui n’aura eu « que » quatre publications papier la première année, le cinquième supplément (la campagne Codex Da Vinci) ayant été distribué gratuitement en PDF sous forme d’un « feuilleton » mensuel. C’est un exemple alternatif d’utilisation du PDF autrement qu’en le vendant directement en ligne.

De quoi s’inquiéter sévèrement du côté des éditeurs encore en selle et des petits indépendants qui se lancent à peine dans la course. Quelle solution alors ? La survie de l’édition JdR semble de plus en plus se profiler vers une édition à la demande, P.O.D « print-on-demand » (ou micro-édition). Un nom semble surgir de plus en plus souvent sur les forums et parmi certains éditeurs avant-gardistes : Lulu ! Dernière invention de Bob Young (fondateur de Linux RedHat), le site lulu.com offre un tout nouveau concept d’auto-publication gratuite (brochures, livres, CDs…). Le but : l’auteur vise directement son public sans avoir à passer par un éditeur. De plus, aucun contrat de droits de diffusion ne lie l’auteur à Lulu.

Chez les XII Singes, comment gérez-vous les coûts de l'impression ? Nous travaillons avec un imprimeur français qui a notre confiance et avec lequel nous cherchons les meilleures solutions – et qui parfois nous fait 10 devis pour 10 versions d’un même produit ! Ensuite, l’important c’est les stocks : là c’est un numéro d’équilibriste, car il faut éviter de réimprimer trop vite et faire baisser notre prix unitaire tout en n’immobilisant pas trop d’argent et en évitant d’avoir un seuil de rentabilité trop lointain ! Nous essayons également d’imprimer plusieurs produits en même temps pour réduire les frais de transport.

Le principe : L’auteur envoi son contenu au format numérique (PDF) sur son compte Lulu. Il renseigne les paramètres du produit fini (couverture rigide ou souple, format papier, etc). Le centre de production local du réseau lulu.com (pour la France, il s'agit d'un imprimeur espagnol) se charge alors d’imprimer et d’expédier les ouvrages selon les commandes passées online. Le prix de vente public est encaissé par Lulu.com - ce dernier y prélève ses charges et sa commission - reste la marge, fixée librement par l’auteur, qui lui est reversée mensuellement. Les néo-zélandais de RedBrick profitent déjà de ce réseau et vendent depuis leur site web la dernière mouture de la gamme Earthdawn Classic. Résultat : aucun stock à gérer, une livraison internationale directe chez le client final, une boutique virtuelle rassemblant les différents ouvrages, une comptabilité mensuelle autogérée. La solution a aussi été adoptée par nombres d’auteurs de JdRA (Jeux de Rôles Amateurs) et on y retrouve aussi les titres suivants : Nightprowler et Tigres Volants (2d Sans Faces), Reign (de Greg Stolze), Usagi Yojimbo RPG, Panty Explosion, Rêve de Dragon, Whispering Vault… Espérons que ce génialissime concept se propage rapidement et crée un réveil salvateur chez nos imprimeurs.

L’avis de Camille Guirou, des éditions Caravelle : Afin d'être rentable, nous avons fait plusieurs choix d'édition qui ont payé : d'abord, la souscription et la précommande nous permettent de disposer de fonds importants pour lancer le projet. La vente en direct est bien plus rentable, ce qui rend ce système doublement intéressant. De plus, nous avons optimisé le nombre de tirages et le format de nos livres, en calculant le seuil de rentabilité précisément. Enfin, nous avons eu la chance de trouver un imprimeur aux tarifs plus que compétitifs et au savoir-faire très intéressant. Tous ces facteurs cumulés nous ont permis de faire de Crimes un jeu incontestablement rentable financièrement.

par Olivier Camus Propos recueillis par Dedjet & Aznar Akeba Plus d’infos : www.lulu.com Interview de Bob Young sur 01.net http://www.01net.com/article/319860.html

8 les carnets de l’assemblée #1

INSPIRATIONS, LITTERATURE

encres

(I Can’t Get No)

MASTICATION de Jean-Luc Bizien Club Van Helsing / Baleine

note On connaissait Jean-Luc Bizien pour son implication rôlistique passée sur Hurlements, INS/MV et surtout Chimères (récompensé par Casus Belli en 1994) dont il fut l’auteur. Devenu depuis romancier pour la jeunesse (Wendy et les Mutants), le polar (La mort en prime time) et la fantasy (Les Chroniques de la lune de sang), il revient faire saigner sa plume du côté du Club Van Helsing avec le redoutable « Mastication ». Ultra-violent, glauque et acide, ce roman à la lecture rapide, directe et sans détour nous présente Vuk, un vétéran Serbe, désormais engagé par le descendant de Van Helsing pour buter du vampire dans l’underground gothic-punk du Paris by Night. Tout pourrait se passer comme un bon vieux titre de heavy-metal, les bastos volent autant que les têtes des Nosferatus, lorsqu’une anicroche survient : capturé par une meute de Loups-Garous en costard, il devient leur débiteur, contraint d’oeuvrer pour l’ennemi s’il ne veut pas voir le virus lycanthrope finir de le ronger de l’intérieur... Bien sûr, les rôlistes chevronnés y reconnaîtront le décor du Monde des Ténèbres de White Wolf (Vampire & Loup-Garou), mais aussi tout une flopée de références « dark ». Imaginez un Blade ou un UnderWorld amoral, saupoudré de sexe, de drogue et de hard-rock. Jean-Luc Bizien écrit ici comme son personnage parle ou plutôt insulte, avec son lot de clins d’oeil d’humour corrosif. Explicit content advisory ! Le côté enquêteur au bout du rouleau nous ramène aux ombres du Sin City de Frank Miller ou au personnage du Punisher de la Marvel. Un roman qui se veut également ponctué d’une bande-son avec l’omniprésence de références musicales gothic et metal. On sent bien que l’auteur a voulu se déchaîner dans un tout autre style, un défouloir ultime, et l’essai est plus que transformé. Pouvons-nous espérer une suite_? En tout cas, on reprendra bien une part de steak saignant ! par Olivier Camus

escales Asmoday Lille Dimanche 7 Octobre 2007 Salle Descamps – palais de la Bourse L’Asmoday à l’heure du petit quinquin ! Pour la seconde fois, l’éditeur Asmodée s’installait dans la capitale nordiste pour une journée de découvertes ludiques. Au programme : des tournois (Hell Dorado, championnat de France Dungeon Twister, Colons de Catane et BattleLore) et des démos (Bonne Question, Cash’N’Guns Yakuza, Hero I.K., Soleil Levant…). On pouvait y croiser des auteurs : Emmanuel Beltrando, Christophe Boelinger, Matthieu d'Epenoux (Cocktail Games) et Thomas Provoost (Repos Prod) ; et d’autres éditeurs tels que Neko Corp, Cocktail Games, Repos Prod, Filosofia, La Haute Roche, Days of Wonder, Take On You. Par rapport à l’an dernier, très peu de nouveautés sont à signaler : le jeu de plateau Renaissance (successeur du jeu Montjoie), l’extension russe pour Tannhäuser, et la version de voyage de Cash’N’Guns « live ». Asmodée semble avoir mobilisé toutes ses forces sur le blockbuster Hell Dorado durant les derniers mois écoulés. Une gamme qui s’est donc très rapidement développée. A noter que pour cette dernière, on pouvait admirer de superbes tapis de décor en 2D, l’accessoire qui s’est vite rendu indispensable durant le tournoi. Tous les joueurs l’attendent déjà en boutique. Un public toujours aussi présent grâce au partenariat indéfectible de la boutique Rocambole, composé aussi bien de curieux que d’acharnés des tournois. http://www.asmoday.fr par Olivier Camus retrouvez notre reportage photo complet sur notre site www.lassemblee.org

9 les carnets de l’assemblée #1

REPORTAGES, MANIFESTATIONS, ETC...

escales

Salon du Jeu 2007 12-13-14 Octobre 2007 Porte de Versailles (Paris) Après la GenCon, le Salon du Jeu était pour nous l’autre rendez-vous incontournable à ne pas manquer cette année. Voici un résumé de notre pèlerinage dans ses allées.

Au rayon éditeurs… On savait Hexagonal à l’agonie, mais là, une fois le stand atteint, c’est le coup de grâce : braderie totale sur le stock des JdR V.O. (2 et 5 euros) et sur le stock V.F. avec des prix plafonds à moins de 15 euros. Tout en remplissant avidement notre caddie, on sentait bien comme une odeur de sapin dans l’air… Quel sera alors l’avenir des gammes de ce Grand Ancien du marché français ? La question reste en flottement. La résurrection d’Oriflam se faisait, pour l’occasion du salon, avec la sortie de la version 3 de Cyberpunk, et de son écran en français, certifiée sans big-jim à l’intérieur ! Un éditeur, qui de son propre aveu, revient de loin et qui proposait lui aussi des prix intéressants sur ses anciennes gammes JdR. Aux admissions chirurgicales de John Doe RPG, on fêtait la naissance du fanzine Body Bag. Mais surtout, on pouvait y découvrir les premiers visuels de Hellywood, très marqués par les ombres de Frank Miller et le Hollywood noir de James Ellroy. Les Ludopathes étaient aussi présents avec leur fer de lance : Talislanta. Ils partageaient leur stand avec les éditions Caravelle et l’équipe des Ecuries d’Augias. Crimes s’étoffant ce week-end là de son nouveau supplément : « Mon Meilleur Ennemi ». Dans le même giron, les Editions du Club Pythagore, avec pour ambassadeur en chef Daniel Dugourd, arboraient fièrement le tant attendu « Catéschisme » pour Maléfices, contenant à la fois le nouvel écran, le tarot revu et corrigé et un livret de 32 pages décrivant le spiritisme et les aspects occultes de la Belle Epoque.

Comme à l’accoutumée, Le 7ème Cercle générait une certaine effervescence avec la sortie du second épisode de sa campagne pour Qin, son premier supplément pour Kuro et le gros pavé de Capharnaüm développé par le Studio DeadCrows, également présent sur le salon. La queue était aussi de mise du côté des séances de dédicaces. L’annonce de la sortie pour 2008 de Trail of Cthulhu finissait de nous allécher. Les dynamiques activistes du Grimoire présentaient l’écran officiel pour Loup Solitaire. Tandis que Le Matagot étalait sa désormais impressionnante gamme Te Deum pour un Massacre devant l’énorme panneau de présentation d’Utopia, nouveau jeu de plateau stratégique.

Au rayon associatif… Présence indéfectible des différentes Fédérations de Grandeur Nature, des Jeux d’Histoire et des Jeux de Rôles bien sûr. Dans le carré du Grog, toujours autant d’affluence et d’activités, avec encore cette fois-ci des tables de JdR amateurs en test. Les fans du Monde des Ténèbres pouvaient se retrouver autour du stand de la toujours aussi passionnée association Tenebrae. Et une bonne nouvelle du côté des Héritiers de Babel qui se voient contraints d’effectuer un retirage de leur soirée enquête pour Nephilim, très vite épuisée.

Chez les autres… Les inévitables démonstrations du géant de la figurine Games Workshop (Warhammer & W40K) avec notamment une mention spéciale pour l’immense diorama de l’assaut des gobelins sur la cité naine par la mer. Plus loin, encore de l’émerveillement pour les yeux avec l’atelier peinture de la désormais connue Team Toulouse. Kraken Editions venait nous présenter en démonstration son jeu d’escarmouche, Alkemy. Un concurrent sérieux pour Confrontation et Hell Dorado. Force est de constater que les jeux de cartes à collectionner ont toujours la côte, notamment parmi les jeunes joueurs. Le stand Magic reste toujours aussi fourni en concurrence avec celui de World of Warcraft. Wizards of the Coast essaie tout de même d’innover avec The Eye of Judgment, un JCC ayant pour extension ni plus ni moins que la Playstation 3 et le jeu vidéo du même nom. Très peu de jeux de plateau par contre, absence flagrante d’Asmodée et de ses partenaires oblige, si ce n’est le catalogue intéressant de PlayFactory (Robot Rally, Guillotine, Le Jeu des Dragons, …) qui est également l’actuel éditeur du magazine Lotus Noir. En passant, souhaitons bonne chance à la toute jeune maison d’édition de littérature fantastique Cinquième Saison, découverte sur ce salon, qui éditait déjà le webzine Solstice, et qui désormais se lance dans l’aventure de la publication de romans.

En conclusion… L’ex-Monde du Jeu survit toujours et encore, grâce à ses exposants passionnés et son public fidèle, mais aussi grâce à son pluralisme dans ses sujets présentés (notamment, certains auront pu le déplorer, avec l’adjonction du salon « Manga Days »). http://www.salondujeu.fr par Escrivio & Olivier Camus retrouvez notre reportage photo complet sur notre site www.lassemblee.org

10 les carnets de l’assemblée #1

La Belle Epoque EVOCATION D’UNE FRANCE MODERNE ET ROMANTIQUE

« Les paradoxes d'aujourd'hui sont les préjugés de demain ». Marcel Proust

L'intérêt en cette aube de 21ème siècle pour les prémices du siècle précédent n'est-il pas chose singulière? La réponse appartient à chacun, éprouvant de façon sensible la sensation d'une nostalgie pour cette époque jamais vécue. Car cette période suscite une imagerie fortement imprégnée dans l'inconscient et l'imaginaire collectif, synonyme d'insouciance, au style de vie bourgeois, aux magnifiques toilettes et élégants chapeaux. Une ère paisible où le faste mondain n'a d'égal que l'apparition de divertissements sensationnels et de nouvelles prouesses technologiques. L'imagerie populaire de cette Belle Époque laisse donc planer romantisme et mystère, nourrissant une incroyable richesse au niveau des cultures de l'imaginaire. Par les faits, l'appellation flatteuse de Belle Époque, engendrée à l'issue de la Grande Guerre par le public et par la presse, évoque la nostalgie d'une époque révolue. Expression de regret des heures heureuses de l'avantguerre, enjolivées par la traumatisante réalité succédant au sanglant conflit; cette époque apparaît comme un idéal passé, où la vitalité culturelle et sociale, privilégiant le bonheur, et l'émergence des Arts s'avéraient cependant manifestes. Par ailleurs, cette époque, si magnifiée en esprit, alimente des discussions quant à la genèse de sa borne chronologique. Correspondrait-elle à l'assise stable de la IIIème République ou à la conjoncture de nouveau propice de 1896, ou alors au symbole de 1900, avènement du nouveau siècle et de l'exposition universelle de Paris? Époque de tous les contraires et d'une infinité de possibles, l'année 1914 apparaît néanmoins comme un épilogue désespérément inéluctable...

PROSPERITE ET SUPREMATIE L'insuffisance voire l'absence d'abondantes matières premières et en ressources naturelles a condamné la France au marasme du protectionnisme, et comme le pays ne souffrait d'aucune concurrence, la croissance se poursuivait au ralenti et la stagnation économique était inévitable. Désormais, cette époque entérine la fin du retard de l'industrie française comparativement aux autres grandes puissances mondiales. En 1896, cette grande dépression s'achève avec la deuxième révolution industrielle qui stimule le développement de la production de masse avec comme corollaires le rendement et la productivité. Le pays entre dans une période de croissance prospère, synonyme d'une véritable mutation tant cette Belle Époque est avide de nouveautés. D'importants progrès vont être réalisés dans la sidérurgie, la chimie, dans l'électricité et la succession d'innovations comme la photographie, la percée de l'automobile et de l'aéronautique, le réseau ferroviaire accru (notamment dès 1883 avec le mythique Orient Express), ainsi qu'avec le cinématographe, dénoteront un fort esprit d'entreprise et d'initiative et vont modifier les modes de vie. Car les hommes à l'époque vont vouer un fabuleux espoir en la technologie, capable désormais d'accomplir l'impossible d'antan. Mais si le dynamisme de l'économie et la forte croissance de 1896 à 1913 encourage l'expression de Belle Époque, la France, alors une des premières puissances industrielles, accuse cependant une modernisation inachevée de son économie. « L'enthousiasme en France est un danger public et permanent. C'est lui qui nous jette à toutes les sottises ». Guy de Maupassant Au début du Xxème siècle, l'agriculture se modernise lentement et une grande partie de la population active y travaille encore. La gestion des entreprises mise sur les profits réguliers et non sur la prise de risques. De 1890 à 1913, l'autofinancement prime : l'industrie n'est donc pas assujettie à l'emprise des banques. L'épargne croît, mais la thésaurisation personnelle est un gage de sûreté et la recherche d'un profit rapide l'emporte souvent sur les intérêts de l'économie nationale. La richesse est en quelque sorte mal employée. Néanmoins en 1914, la France est un pays riche dont le revenu national a doublé en 40 ans. Pays de forts contrastes, la France est alors entraînée dans une industrialisation effrénée nourrissant l'idée de déperdition concomitante de la décadence et du progrès. En dépit de la reprise économique, de la hausse du niveau de vie et de l'apparition de la première législation sociale et notamment avec les inspections du Travail, cette époque s'avère encore incertaine pour la protection sociale des travailleurs, mais beaucoup moins pour les rentiers grâce à la stabilité du franc germinal, symbole concret de la prospérité (sa valeur reste inchangée depuis 1803). Les difficultés du monde ouvrier et rural, l'âpreté des conflits

12 les carnets de l’assemblée #1

sociaux, l'inégalité des régions, le déficit démographique révèlent cependant une vision plus contrastée de l'essor économique pour la période de 1900 à 1914. Ce constat positif sur la Belle Époque doit donc être nuancé puisque l'on observe en France un « retard » économique indéniable dû à des problèmes d'ordre démographique (faible natalité) et structurels. En effet, la prédominance de la petite entreprise, le trop peu de salariés et un artisanat très attaché à la tradition ralentissent la production. Le vaste empire colonial établi suscite des débats en cette fin de XIXème siècle, mais la politique d'expansion des colonies a créé du patriotisme, et le colonialisme - entérinant la suprématie de l'homme blanc - est accepté comme instrument d'une politique puissante, oeuvre civilisatrice et économique. Une autre prééminence va également s'affirmer à cette époque, celle de l'information avec l'essor de la presse et de l'édition. Le développement des moyens de communication comme le télégraphe apparu en 1865, puis le téléphone arrivé en France en 1879 contribuent à la diffusion de l'information, mais c'est le triomphe du journal qui va établir la suprématie de l'information par la presse. Ainsi à la fin du XIXème siècle, les progrès de l'alphabétisation et les remous des débats publics vont faire connaître une ascension sans précédent de la presse. La liberté de la presse acquise le 29 juillet 1881 sera en outre le plus grand facteur de son succès: des formalités administratives réduites pour une création de journal, et toute opinion a le droit d'être exprimée dans le respect des bonnes moeurs, en excluant le diffamatoire et l'offense aux gouvernants. Les grands impacts de la Presse sont ceux concernant l'affaire Dreyfus, avec sa « médiatisation » à outrance et le lancement de l'Humanité créé par Jaurès le 18 avril 1904. Le progrès des techniques est un autre facteur décisif avec l'évolution des machines à composer (linotype de 1890) et une impression accélérée au fil du perfectionnement des différents modèles de rotatives. La photographie succède aux croquis, et le procédé d'héliogravure permettra d'imprimer trois ou quatre couleurs. Entité vivante, parfois vénale, la presse devra se défendre des accusations concernant certaines rédactions hâtives et sources de documentation. Le terme journaliste devient dès lors péjoratif. En réponse, les membres de la profession élaborent une charte de déontologie, et des manuels expliquant comment devenir journaliste. La réhabilitation du journalisme s'effectue grâce à l'image du grand reporter, aux qualités morales et intellectuelles indéniables, figure popularisée par le personnage de Joseph Rouletabille créé par Gaston Leroux dans « Le mystère de la chambre jaune » en 1907. Hormis la parution de journaux, l'époque s'enrichit de la naissance de grandes revues de culture générale (« La revue de Paris », « La revue des deux mondes », ou de littérature (« La revue blanche », « Le Mercure de France »). L'édition se développe grâce à l'alphabétisation de la population et le marché du livre connaît une expansion, notamment les manuels scolaires avec Hachette, Larousse, Colin, Nathan et Hatier. Arthème Fayard lance en 1904 la « moderne bibliothèque », une collection de romans assurant une large diffusion d'auteurs. Quant à Ernest Flammarion, après ses débuts en librairie, il devient un des plus importants éditeurs d'avant-guerre. Sa spécialité qui a établi sa réussite, Flammarion la doit aux ouvrages de vulgarisation et aux manuels pratiques (sur des domaines variés comme l'hygiène, la cuisine, etc...). Néanmoins, la concurrence des journaux est sévère car ceux-ci, en plus d'être bon marché, vont plaire au lectorat par le suspense entretenu avec les feuilletons et leur traitement des faits-divers.

UN SENS DE VIE BOURGEOIS L'éclat de la vie mondaine à la Belle Époque est conféré par les riches bourgeois et notables, le souci de paraître régissant la vie quotidienne. Une conception bourgeoise de l'existence imprègne une large part de la société française. Cette société bourgeoise existe au travers d’un système de valeurs, de modèles, un style de vie, et surtout par une psycho-

logie collective. En effet, l'unité des bourgeois va être établie par l'existence de conscience de classe. « Les bourgeois honnêtes ne comprennent pas qu'on puisse être honnête autrement qu'eux ». André Gide Cette bourgeoisie se répartit en strates dont les indicateurs sont le capital économique (fortune), le capital social (naissance), le capital culturel (études) et la profession (naissance du statut de fonctionnaire). Ces éléments établissent une hiérarchie de types de bourgeoisies. Ainsi, au sommet de cette société, une grande bourgeoisie, essentiellement parisienne, se considère comme une élite pour qui la fortune va de pair avec une manière de vivre : le sens des convenances, une éducation sanctionnée par le baccalauréat pour les garçons, le passage par des institutions privées pour les filles. Ses membres jouissent d'un vaste patrimoine où oisiveté et domesticité nombreuse leur sont acquises, et cette société restreinte et fermée est constituée de propriétaires, de familles riches et d'hommes d'affaires. Cette grande bourgeoisie préfigure une société de loisirs pratiquant la bicyclette (en vogue depuis 1890) et des sports (le tennis, l'alpinisme, l'escrime, le golf) et bénéficie de la récente mode des stations balnéaires ainsi que de la villégiature en résidence secondaire. A ce groupe, se juxtapose la bonne bourgeoisie, dont les membres président de grandes fonctions, se muant en véritables dynasties au sein de la haute administration: médecins et avocats renommés, officiers supérieurs, hommes politiques, magistrats et hauts fonctionnaires. En ce sens, conservant une emprise sur la vie économique, cette bourgeoisie régule l'intervention de l'État à un seuil minime. La moyenne bourgeoisie, quant à elle, peuple Paris mais aussi la province. Ses nombreux membres qu'ils soient négociants, ingénieurs, médecins, ou fonctionnaires, mènent une existence souvent guindée. Crispée sur elle-même et prônant l'anti-capitalisme et l'anti-socialisme, elle véhicule une idéologie de la nostalgie, la défense des valeurs traditionnelles, mais aussi la peur de l'avenir. Alimentant l'antisémitisme, cette bourgeoisie, selon la mythologie nationaliste de la fin du XIXème siècle, considère afin d'apaiser ses maux que les juifs seraient occupés à l’appauvrir. Enfin, la bourgeoisie populaire constituée de boutiquiers, de patrons-artisans, d'employés et de petits fonctionnaires est fortement influencée par la notion d'ascension sociale. Le sens du travail et de l'épargne, l'importance de l'instruction caractérisent ce milieu, frontière entre la bourgeoisie et les classes populaires. En dehors des paysans et de la population agricole, la classe ouvrière représente un monde à part, notamment par la diversité des conditions de travail et des métiers qui couvrent une grande variété de salaires. Ainsi les ouvriers qualifiées bénéficiant du progrès dans la grande industrie ont leur niveau de vie en hausse alors que les travailleurs non qualifiés sont cantonnés dans la misère. Néanmoins, la condition ouvrière progresse et c'est la possibilité de grimper dans l'échelle sociale qui va intensifier les revendications sociales. Mais la relative faiblesse du mouvement ouvrier tient à la séparation entre socialisme et syndicalisme. La Section Française de l'Internationale Ouvrière (SFIO) va se constituer en 1905 en dehors d'une base syndicale, et la Confédération Générale du Travail (CGT) a vu le jour en 1895, clamant un syndicalisme révolutionnaire et affirmant son indépendance par rapport aux partis politiques. Au sein de la CGT, un farouche esprit ouvrier se méfie des intellectuels et stigmatise bien la déréliction d'une classe peinant à obtenir sa place dans la société. De nouvelles conventions vestimentaires définissent la Belle Époque. La mode vestimentaire devient un investissement social et traduit symboliquement le mode de vie. Le costume noir, un col empesé, une cravate sobre et un gilet sont de rigueur pour ces messieurs car l'apparence doit signifier leur dignité et leurs responsabilités. L'aristocrate oisif peut, lui, se distinguer par son dandysme élaboré voire outrancier. La femme quant à elle est vouée à l'élégance, son rôle est de plaire, d'être aimable et entretenue avec fort bon goût. La mode est lancée par les actrices et les demi-mondaines, les bourgeoises se devant tout naturellement de la

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suivre. Le couvre-chef, obligatoire pour les deux sexes, affiche un ultime enjeu social car la casquette ouvrière fait alors face au chapeau bourgeois.

MUTATIONS SOCIALES Les comportements face à l'espace se modifient étant donné l'essor de l'automobile et des chemins de fer, mais aussi dans la perception du temps avec les horaires des trains, la ponctualité nécessaire à l'école entraînant la prolifération des montres et des horloges publiques. Bientôt, l'augmentation du revenu entraîne l'accroissement du pouvoir d'achat et l'amélioration de la vie quotidienne avec comme corollaire une société plus prospère. « Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule, mais d'élever la foule vers l'élite ». Gustave Le Bon La question sociale s'avère cruciale et une assurance solidaire de tous les citoyens contre l’ensemble des risques de la vie commune (maladies, accidents, chômage involontaire, invalidité ,vieillesse) apparaît comme l'objet essentiel du devoir social. Le Président du Conseil, Georges Clémenceau, crée en 1906 le Ministère du Travail afin d'intégrer la classe ouvrière au reste de la société. Des lois sociales contribuent à améliorer les conditions de vie des ouvriers, qui restent néanmoins difficiles. De plus, la France accuse un retard dans la législation sociale comparativement à d'autres pays européens. Sous l'impulsion du syndicalisme révolutionnaire, des grèves spectaculaires s'organisèrent de 1906 à 1911. Clémenceau se chargera de briser ces grèves et s'opposera à Jaurès qui, bien que n'approuvant pas leurs méthodes, soutient les grévistes. Le poids des luttes sociales est plus que jamais mis en évidence. De surcroît, la France souffre de préoccupations démographiques: sa population est stagnante depuis le XIXème siècle. Cette démographie ralentie est due à la baisse de la natalité conséquemment à l'élévation du niveau de vie, le souci d'ascension sociale, et une déchristianisation. En parallèle, la chute du taux de mortalité grâce à l'amélioration de la vie quotidienne, le contrôle de l'industrie alimentaire, les vaccinations (les découvertes de Pasteur vont être décisives dans le cadre de l'immunologie), les progrès de l'hygiène et de l'asepsie, le développement de la médecine qui permettent ainsi de faire baisser la mortalité infantile et d'augmenter l'espérance de vie. Cette époque alimente également des débats publics sur la fécondité et sur les avorteuses. Mais ce taux de natalité qui décroît régulièrement, synonyme d'un déclin de la croissance démographique, provoque un vieillissement de la population. Ce qui explicite le fait que la France soit, à la fin du XIXème siècle, le seul pays d'immigration en Europe. Sa faible vitalité démographique sera encore plus aggravée à l'issue de la Grande Guerre. « Le mariage est une chose impossible et pourtant la seule solution ». Alain-Fournier La vie de famille est un idéal bourgeois. Elle est l'entité conservatrice des traditions, veillant à l'observation des rites et à l'apprentissage du code social. Le mariage représente un enjeu tout à la fois social et familial. Il est le plus souvent un arrangement par alliance, où le choix du conjoint se doit de renforcer la position sociale des familles. Les partis veillent donc à l'intégrité du rang social, à une dot conséquente et à la même appartenance politique et religieuse. Le mari est censé travailler et l'épouse n'a pas de profession, elle est assimilée à son mari et n'a en quelque sorte pas d'existence propre, cantonnée dans la sphère privée. La famille va se réduire au couple et à ses enfants, peu nombreux pour éviter l'éparpillement des héritages. Ainsi, le nombre d'enfants ayant diminué, ces derniers sont plus choyés et poussés, car sur eux reposent les projets d'ascension sociale de la famille.

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L'indignation de la société bien-pensante, respectueuse de l'enseignement catholique du mariage avec la virginité féminine, entretient la mascarade d'une époque qui, peu avant la révolution freudienne, est hantée par la question du sexe. A cette époque, la sexualité constitue donc le sujet tabou par excellence, et bien qu'il soit toléré plus d'hédonisme pour les hommes, les amours avant le mariage ou adultères sont proscrits pour les femmes. « Émanciper la femme, c'est excellent; mais il faudrait encore lui enseigner l'usage de la liberté ». Émile Zola La société est patriarcale, établie sur la domination des hommes par le pouvoir politique et économique, mais également par l'influence culturelle, intellectuelle et idéologique. La liberté de pensée des hommes contraste également dans le domaine religieux avec la piété et la pratique des femmes. Néanmoins, la condition féminine est en passe d'évoluer et le début de l'émancipation des femmes est marqué par les premiers congés-maternité en 1909 et par leur accès à l'éducation. En effet, les jeunes filles depuis les lois scolaires de 1880 ont désormais suivi un enseignement primaire. Certaines poursuivent dans l'enseignement secondaire, mais la philosophie ne leur est pas inculquée. Alors que l'éducation pour les garçons se poursuit avec l'apprentissage du latin et le passage du baccalauréat, les filles apprennent à tenir une maison et à savoir converser avec leurs époux et invités, afin d'être prêtes à devenir les gardiennes du foyer familial. Mais certaines d'entre elles connaîtront de brillantes carrières universitaires. Le féminisme français germe à cette époque ouvrant une brèche vers toutes les futures émancipations, qu'elles soient d'ordre sexuel, économique, social ou intellectuel. L'évolution de la condition féminine est donc en marche, une révolution lente, intériorisée par les femmes, mais qui prendra plus d'ampleur après les pertes de la Grande Guerre.

MYTHOLOGIE URBAINE Le brassage des populations venues des campagnes vers la ville bouleverse la société, et bien que l'impact de la ruralité soit encore considérable en France, le modèle social est désormais urbain. Mais les luttes sociales deviennent vivaces dans le pays et les traditions de la ruralité s'opposent à la vie urbaine. L'industrie accentue la suprématie de la capitale par la concentration des richesses et de la population, et son importante masse de travail ouvrière ; mais l'économie française fonctionne selon deux régimes, celui de l'urbanité grandissante du nord et de l'est opposée à la ruralité des campagnes du sud et l'ouest. Car la France est un pays encore semiagraire, beaucoup moins industrialisé que les États-Unis ou d'autres grandes puissances européennes. Cet essor rapide mais disproportionné provoque la naissance de contrecourants à la mythologie urbaine. L'opposition des lumières malsaines de la ville face aux vertus rustiques de la vie rurale. Le contraste entre les luxueux boulevards et les grands immeubles parisiens face à une masse de population manifestante et miséreuse. Cependant l'affrontement de l'idyllisme rural contre un industrialisme noir va être contrebalancé par des arguments en faveur d'une vie citadine face à une paysannerie acculturée. Ainsi jusqu'en 1914, le maintien d'une paysannerie forte et le poids du rural affaiblit la France, notamment comparée à son voisin allemand, et l'importance de cette population représente un facteur de stagnation et d'inadaptation aux progrès du marché. Mais cette pesanteur s'accompagne en même temps d'une vitalité républicaine de ces masses paysannes, et la ruralité à la Belle Époque se trouve alors au coeur de cette République qui va s'installer progressivement par la conquête de cette paysannerie.

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APOGEE DE LA IIIème REPUBLIQUE La troisième République va s'étendre sur la période de 1871 à 1914. Les partisans républicains ne constituent pas un groupe homogène: parmi les fervents supports du régime, Clémenceau animant les radicaux, veut agir avec fermeté contre les adversaires de la République, à savoir l'Église et la droite monarchiste; alors que les opportunistes, constitués autour de Jules Ferry sont résolus à asseoir le régime sans violents changements. « Si l'État est fort, il nous écrase. S'il est faible nous périssons ». Paul Valéry Les républicains, malgré des divergences politiques, jettent les bases d'une législation durable, renforcée par la Constitution de 1875 et ses lois sur le Sénat, sur l'organisation des pouvoirs publics, et sur les rapports des pouvoirs publics entre eux. Aux élections législatives de 1876, le triomphe des républicains assure alors l'implantation de la base républicaine en France. Sans vouloir séparer l'Église de l'État comme les radicaux le préconisent, les «opportunistes» engagent une politique anticléricale, et dès 1880, le gouvernement ferme les écoles et couvents dépendant de congrégations religieuses non autorisées en France comme les jésuites. Bientôt, les lois de 1881 accentuent les libertés publiques de réunion et de la presse. Les lois scolaires de Jules Ferry votées en 1881-1882 établissent l'obligation de l'école primaire publique, sa gratuité et la laïcité. Ainsi, le développement de l'enseignement ne peut que contribuer et au progrès de la démocratie et à l'émancipation du citoyen. La laïcité étant destinée à amoindrir l'influence de l'Église sur la société. Cet anticléricalisme naissant va alors être renforcé par les dogmes du Positivisme et du Scientisme, appuyant un gouvernement rationaliste et voué à en découdre avec un catholicisme traditionnel taxé d'obscurantisme. « Il faut s'attendre à tout en politique, tout est permis, sauf de se laisser surprendre ». Charles Maurras La République des opportunistes doit se défendre des attaques convergentes des monarchistes, des radicaux dénonçant la politique colonialiste de Jules Ferry et de la ligue des Patriotes, fondée en 1882 qui reproche au gouvernement sa négligence dans la préparation à la guerre de revanche contre l'Allemagne. Mais bientôt, la crise boulangiste (1886-1889) va frapper la République des opportunistes. Ce mouvement, coalisant les ferveurs nationalistes, séduit tous les déçus du régime: monarchistes, bonapartistes, nationalistes, ouvriers, catholiques. Ces oppositions se cristallisent autour du général Boulanger, ministre de la guerre en 1886-1887, qui offre l'image d'un officier patriote et républicain - alors que les cadres de l'armée sont monarchistes - prônant la neutralité de l'armée dans les conflits sociaux. Ainsi, cet homme populaire et providentiel a rallié les courants les plus contradictoires. Ces factions nombreuses attendent un coup d'état. Boulanger hésite mais ne fera rien. Le gouvernement réagit alors et le condamne. Ses partisans s'effondrent et lors des élections législatives de 1889, une large majorité républicaine l'emporte. L'exposition universelle cette année-là achève de détourner l'attention et entérine la validité de la République. L'échec du «boulangisme» porte un coup aux monarchistes. En revanche, un courant nationaliste associé à l'anti-parlementarisme s'installe durablement dans la vie politique. Mais la République est sauve... Le boulangisme a ouvert la voie à la République des modérés emportée par Raymond Poincaré. L'idéologie républicaine, reprenant une tradition du patriotisme populaire, est également imprégnée d'un esprit rationaliste d'inspiration positiviste. Les républicains veulent concilier ordre social et progrès humain. Le modèle Républicain, dont les mamelles sont la raison et le progrès, établit ainsi les fondements d'une morale naturelle basée sur l'universalité

des exigences de la conscience, séparée de la foi religieuse, et d'une société pacifiste au sein de laquelle prime l'individu par rapport à la société (la Ligue des droits de l'Homme sera alors créée en juin 1898). Cependant, l'affaire Dreyfus va provoquer une crise politique majeure, doublée d'une véritable crise de la conscience nationale. «L'Affaire», ainsi dénommée par la presse, est d'abord militaire et judiciaire en 1894, avant de devenir politique et idéologique à partir de 1897. Le Capitaine Dreyfus, d'origine israélite, est accusé d'espionnage pour l'Allemagne et va être condamné au bagne par un tribunal militaire. La presse, violemment antisémite, sera contrée par les interventions d'Emile Zola en 1898, qui par ses brûlots et sa ténacité démantèle la mécanique du procès constitué de nombreux faux documents, révélant ainsi l'erreur judiciaire. La France se scinde alors en deux fractions jusqu'à la révision du procès en 1899 : les anti-dreyfusards - regroupant les nationalistes, les antisémites et de nombreux catholiques - évoquant l'honneur de l'armée qui ne saurait être entaché - contre les dreyfusards, appuyés par des socialistes à l'instar de Jaurès et des radicaux comme Clémenceau - militant pour le droit et la justice et défendant l'individu face à la raison d'état. Sans être pleinement innocenté, Dreyfus ne sera réhabilité qu'en 1906, mais ce maelström fait rebondir l'antagonisme entre la droite et la gauche. « Il ne peut y avoir révolution que là où il y a conscience ». Jean Jaurès Depuis 1877, le Grand Orient de France, pénétré de démocratie et de rationalisme, a supprimé dans ses statuts toute référence à la religiosité et à Dieu. La franc-maçonnerie apporte alors son soutien à la République en s'engageant dans les luttes politiques et anticléricales. A la veille du 14 juillet 1900, le Grand Orient de France, met en place une ligue d'action républicaine dont le but est d'unir tous les républicains contre les nationalistes. Des catholiques considéreront même que la République n'est autre que l’oeuvre de la franc-maçonnerie. Les radicaux quant à eux constituent alors le parti radical en 1901, premier parti politique moderne qui rassemble une importante part de l'Assemblée Nationale. Les républicains modérés se regroupent de leur côté au sein de l'Alliance démocratique menée par Raymond Poincaré. Les radicaux alliés aux socialistes accentuent la radicalisation de la République et leur Bloc des Gauches l'emporte aux élections de 1902. Désormais, la question sociale va s'affirmer de plus en plus prépondérante à mesure de la montée en puissance du socialisme de 1900 à 1914, et ce à travers ses deux courants: le socialisme politique et le syndicalisme révolutionnaire, dont l'extrême tendance accouchera de l'anarcho-syndicalisme. S'ensuivra le nouvel essor de la CGT en 1902 et la création de la SFIO en 1905, dont l'organe officiel est « L'Humanité » - le journal de Jaurès - qui fédère les socialistes. « Il n'y a que deux grands courants dans l'histoire de l'humanité: la bassesse qui fait les conservateurs et l'envie qui fait les révolutionnaires ». Edmond et Jules de Goncourt Le suffrage universel destitue l'omnipotence de la classe bourgeoise dans la décision des affaires de la Nation, et l'amène à transiger avec les autres classes sociales. La vie politique, alors brillante, instaure un ciment réunissant le peuple français autour de valeurs telles que l'éducation, la valorisation de la promotion sociale, l'amélioration du niveau de la vie et l'accès à la culture et aux loisirs. Néanmoins, le parti républicain radical et radical-socialiste restant une fédération assez floue de comités, de sociétés de pensée, de loges maçonniques, de journaux, d'élus, la République va souffrir durant cette période d'ennemis vivaces. Les conservateurs fidèles au principe monarchique constituent la Droite et établissent le mouvement du « nationalisme » au début du Xxème siècle, prônant la victoire contre l'ennemi intérieur. Cependant, le nationalisme ne formera lui non plus jamais une unité et, après le boulangisme, il se constitue en différentes ligues (Ligue des

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patriotes en 1882, Ligue antisémitique en 1889 et Ligue de la patrie française qui regroupe l'élite intellectuelle du mouvement nationaliste). L'opposition à la République va connaître un renouveau de 1905 à 1914 avec son pire ennemi, « L'Action Française ». Cette ligue dynamique fondée en 1889, dont les membres sont surtout des catholiques, deviendra également un journal et sous-tend un choix monarchique exclusif. En 1899, « L'Action Française » voudra désormais unir monarchisme et nationalisme, sous l'égide d'un Charles Maurras, qui soutient que la démocratie et les étrangers plongeront la France dans la décadence.

ANTAGONISMES IDEOLOGIQUES ET SPIRITUELS La science, grâce aux récentes découvertes et aux innovations, est-elle en passe de supplanter la religion, voire d'être consacrée comme une nouvelle religion ? A la Belle Époque, émerge donc un courant de pensée, le Scientisme, lui même plus ou moins dérivé du Positivisme, traduisant la fascination du grand public ainsi qu'une véritable foi dans la science. Une science oeuvrant au bien-être de tous. « Si la science un jour règne seule, les hommes crédules n'auront plus que des crédulités scientifiques ». Anatole France Ce Scientisme, apparu au XIXème siècle, considère que la connaissance scientifique combat l'ignorance et développe l'idée que la science porte en elle toutes les solutions aux souffrances de l'humanité. Ce courant de pensée soutient que la science pourrait se substituer à la philosophie, et qu'elle devrait être appliquée aux sciences humaines et sociales afin de solutionner les grands questionnements moraux et éthiques. Le Positivisme quant à lui, affirme que l'esprit scientifique de l'homme constamment aiguisé par l'inexorable progrès va tendre à remplacer les croyances théologiques et les explications métaphysiques. La notion du «Comment» prévaut sur celle du «Pourquoi» et l'influence de ce courant s'étalera de la Belle Époque jusqu'à la seconde guerre mondiale. Mais en ce début de Xxème siècle, deux visions se confrontent toujours, celle rationaliste fondée sur l'évolution des sciences et celle religieuse, reposant sur les traditions. La restauration de la musique et du chant grégorien lors des cérémonies cultuelles permet de rendre plus attrayant la liturgie. Le développement de cette piété, par ailleurs plus empreinte de sentimentalisme, va alors rapprocher les fidèles de la religion. La Foi connaît également une vitalité nouvelle par le biais des pèlerinages, des patronages et des missions d'évangélisation dans les colonies d'outre-mer. « Si l'athéisme se propageait, il deviendrait une religion aussi intolérable que les anciennes ». Gustave Le Bon L'antagonisme éthique et social le plus vif à la Belle Époque est celui né entre l'Église et l'État. En effet, l'influence de l'Église, amenuisée dans un cadre républicain, va être remise en cause par la philosophie et les sciences nouvelles (telles que la biologie et l'archéologie). Désormais, dans les villes, le développement de l'incroyance touche les professions libérales et la montée de l'anticléricalisme, renforcé par l'essor du syndicalisme - phénomènes essentiellement ouvriers - s'explique par le fait qu'en quittant les zones rurales pour travailler, les ouvriers se sont éloignés de l'église. Projet des républicains depuis 1881, la rupture des liens diplomatiques avec le Vatican à l'arrivée en 1903 du Pape Pie X, la loi de Séparation de l’Église et de l'État est promulguée en décembre 1905. Dorénavant, la république ne salarie ni ne subventionne plus aucun culte mais garantit le libre exercice de toutes les religions. Cet acte de sécularisation va

marquer le début du conflit ouvert entre les républicains et les catholiques. Ces derniers voient dans cette loi un complot anti-chrétien. En outre, la vie urbaine, la démocratie politique, la mobilité sociale et la scolarisation sont autant de facteurs qui relativisent voire réfutent les vérités de la foi catholique. De plus, la communauté scientifique au vu des évolutions nouvelles, tend à juger incompatibles la science et la foi. Les sociétés de libre-pensée telle que la Franc-Maçonnerie se sont décuplées et devinrent des pépinières de républicains et de véritables contreéglises efficaces. Cela n'est point surprenant, notamment au sein de la Franc-Maçonnerie, car nombre de ses membres sont des socialistes et des radicaux. Nostalgique des belles heures de la chrétienté où Foi s'accordait avec société politique et civile, l'Église, semblant alors dépassée par la modernité de ces courants de pensée, se défend par la batterie des condamnations, des punitions, des mises à l'Index, et se retranche dans un intégrisme qui la sépare davantage encore du monde intellectuel. Le catholicisme anti-moderne et anti-libéral doit également faire face aux libres-penseurs et aux protestants. Il est comme pris dans un étau jusqu'à l'orée de la Grande Guerre. Un vieil anti-judaïsme catholique, rehaussé par un anti-capitalisme des socialistes et des populistes et la propagation des courants de pensée anti-religieux vont accroître un antisémitisme dès les débuts de 1880. Le racisme va ainsi se répandre, encouragé par des attaques de certains journaux de presse comme «Le Pèlerin» et «La Croix». Vers les années 1900, de multiples personnalités juives s'illustrent cependant dans la vie intellectuelle et artistique révélant par là leur intégration réussie. Cette crise d'antisémitisme déclinera après 1906 à l'issue de l'affaire Dreyfus. En 1906, l'inventaire des objets des lieux de culte fit croire à une confiscation et provoqua des troubles graves dans plusieurs régions. La finalité qui en résulta fut que l'Église de France subit de lourdes pertes matérielles mais devint indépendante de l'État.

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DÉCADENCE ET INTERDITS Une société avide de transgressions se développe. Car les ouvriers incorporés dans la fureur de la ville ont rompu avec la civilité paysanne mais restent étrangers à l'urbanité bourgeoise. Confrontés à un environnement âpre, dur et avilissant, les moeurs ouvrières adoptent un caractère plus violent (litiges concernant les logements, les loyers impayés, l'insolvabilité des clients), l'alcoolisme devient une maladie sociale, cause et conséquence du malheur ouvrier, composant à la fois une forme d'évasion et un rite de passage. « Avec qui l'homme se consolerait-il d'une déchéance, sinon avec ce qui l'a déchu ? » André Gide La période des grèves nombreuses entre 1906 et 1910, se solde dans la violence dans un Paris quadrillé par les hommes du préfet de police Lépine, sous les directives d'un Clémenceau « Briseur de grèves » ; où des manifestants subiront arrestations massives et charges par les Dragons. La naissance de la psychiatrie, le progressif développement de la psychanalyse vont permettre de traiter les déviances. Ainsi, nouvellement caractérisée, l'hystérie n'est plus qu'une exagération du caractère de la femme et du tempérament féminin mais suscite un réel questionnement: serait-ce l'homme qui par sa force aurait opprimé et dévoyé la femme? Son influence aurait-elle pu en faire un être inférieur à ce qu'elle peut devenir?... A partir de telles considérations, certaines pathologies pourraient trouver leur justification non pas dans la nature féminine mais plutôt dans la condition des femmes... « Les prostituées sont souvent, après les religieuses, nos meilleures patriotes ». Paul Morand Des jeunes femmes des classes populaires vont fournir une offre croissante de prostituées afin de satisfaire la demande d'hommes de classes bourgeoises, et bientôt la prostitution devient un phénomène social qui ne peut être ignoré. Une hiérarchie s'établit alors chez les prostituées, s'échelonnant de la fille de café à la domestique sans emploi suite à une naissance hors mariage, jusqu'à la « cocotte » de luxe entretenue par des hommes fortunés.

dénoncer la ville souillée, celle qui corrompt; et alimentent les fantasmes de la dégénérescence jusqu’au sein même d’oeuvres littéraires. La cité va être présentée comme le lieu où se concentrent toutes les tares et les vices de la nation, et Paris, désignée comme l'épicentre de la décomposition morale, de la dégénérescence physique de toute une société. Là encore, les bienfaits de la vie rurale vont s'opposer à la cité corruptrice. Le discours médical uni au discours moral rendent compte de cette complainte d'observations cliniques: le manque d'air, les pestilences, les contagions, l'immoralité, les grèves, les menaces de révolution. Tout un versant de la pensée française - et dans une plus large mesure, occidentale - va rejeter les bouleversements de l'industrialisation et de l'urbanisation souvent associés aux idées de décadence, notamment à cause des chutes de la fécondité et des maladies incurables.

Afin de bannir le racolage, les autorités politiques, médicales, policières tolèrent, voire défendent les maisons closes, car la prostitution sauvage est une pratique obscène et dangereuse où les filles non soumises à la réglementation peuvent transmettre des maladies vénériennes dont la syphilis, syndrome d'une nation dégénérescente. Méprisées, les prostituées vont néanmoins être admises comme un rouage du système social, une soupape nécessaire protégeant jeunes filles et femmes vertueuses.

Les progrès de la médecine qui influence l'hygiène, la salubrité publique, l'alimentation, ont amoindri l'emprise de la mort, mais de ce fait cela en a renforcé la peur. Cette peur moderne de la mort a entraîné en 1907 la fermeture de la morgue au public, auparavant lieu de promenade familiale... Mais la première grande peur contemporaine de la mort réside bientôt dans la vision du cadavre, sa présence étant devenue obscène. Cela se traduit par l'exclusion des corps du champ visuel des vivants, de la mort cachée, honnie qui va profondément marquer le Xxème siècle. La mort devient alors Tabou.

« Peut-être quand nous mourrons, peut-être la mort seule nous donnera la clef et la suite et la fin de cette aventure manquée ». Alain-Fournier

« Les raisons qui font que l'on s'abstient des crimes sont plus honteuses, plus secrètes que les crimes ». Paul Valéry

La Belle Époque entretient des rapports ambigus avec la mort et le sexe, deux notions suscitant tout à la fois la fascination et la répulsion. Son attrait pour la morbidité s'affiche notamment par le biais de la presse. La presse de l'époque a donc cette propension au morbide, se complaisant dans un bilan de l'horreur détaillée, et s'étale en précisions anatomiques et descriptions insoutenables. Se réclamant de la science et de l'information, la presse devient racoleuse, fétichiste et nécrophile.

L'imaginaire collectif perpétue possiblement que la Belle Époque est une période privilégiée dans l'histoire du crime. Cela est en partie dû à tout un pan de la littérature qui va immortaliser cette impression, notamment avec le roman-feuilleton, puisant dans le crime des histoires dramatiques qui vont colorer l'image de cette époque. La presse populaire, avec des journaux tels que «Le Petit Journal», «Le Petit Parisien», «L'Excelsior», va quant à elle rendre le crime horrible et fascinant, avant que l'imaginaire ne s'empare de cette tendance avec les personnages de Fantômas ou de Zigomar.

Cette époque va également être gangrenée par deux fléaux infectant aussi bien le corps que l'âme, la chair physique tout autant que la probité morale: Tuberculose et Syphilis. Nourrissant un discours moralisateur, la tuberculose et la syphilis vont

Il est vrai que les honnêtes gens assistent à la progression d'une criminalité violente (assassinats, meurtres). La recrudescence de la délinquance abreuve les journaux, et bientôt des bandes de voyous des faubourgs,

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bandes dites organisées - les Apaches - font trembler la société. Ces organisations se constituent en contre-société ritualisée possédant ses règles propres, bientôt relayées par une presse qui va amplifier leur légende. A l'instar des crimes des femmes: ces odieux infanticides et des vitriolages d'amants les ayant éconduites. Cependant à l'aube de ce siècle, se mue une criminalité nouvelle, avec un banditisme en automobile, des meurtres commis en pleine journée. Une autre tendance, celle de l'illégalisme, consiste à reprendre à la société les richesses des prolétaires qu'elle a dépossédés en les exploitant. Elle aura comme plus romanesques représentants Alexandre Jacob, future inspiration de Maurice Leblanc pour Arsène Lupin, ou encore la bande à Bonnot. Jules Bonnot, le tendre anarchiste, usera donc de cette criminalité automobile pour parvenir à ses fins. Les facteurs contribuant à cette criminalité sont l'urbanisation croissante, le gonflement de l'agglomération parisienne avec l'augmentation de la population et la naissance des banlieues. Par ailleurs, le duel, pratique officiellement interdite, est toléré et permet le recours à la vengeance privée. L'accession de Célestin Hennion à la tête de la Sûreté Générale en 1907, contribuera énormément à la modernisation de la police afin de contrer ces formes nouvelles de criminalité. Cette époque, essentielle dans l'histoire de la police, voit la création de la brigade mondaine, de la police criminelle, des brigades mobiles (les fameuses Brigades du Tigre), des fichiers de police et de l'identité judiciaire. En dépit de ces progrès, la vengeance publique conserve un certain engouement et les exécutions capitales reprennent dès 1909.

UN RAYONNEMENT CULTUREL ET ARTISTIQUE Durant la Belle Époque, un choc culturel s'affiche entre une culture populaire, traditionnelle et folklorique, fortement rurale qui est fondée sur l'oralité, et une culture dite savante, rationnelle, basée sur l'écriture et l'instruction. Cette distinction est importante car la culture écrite va connaître un essor crucial grâce à l'école primaire obligatoire qui va, à l'issue de deux générations, offrir cette culture écrite à la disposition du plus grand nombre. La meilleure alphabétisation contribue au développement de la presse, qui, avec l'amélioration des moyens de communication, favorise l'apparition d'une culture de masse succédant à la culture orale. Au sein de cette nouvelle culture, la culture de l'élite reste indissociable des études, notamment avec l'apprentissage du latin, formateur des esprits, et l'extension de l'enseignement supérieur avec la création des universités dues à la loi de 1896. L'importance des diplômes devient alors de mise.

Cultures et Littératures La littérature va également muer et de nouvelles mouvances, oscillant entre tradition et modernité, vont apparaître. Des écrivains de romans d'idées vont alors exalter le retour aux racines, l'anti-intellectualisme, tandis que d'autres insistent sur la défense des valeurs familiales et religieuses, alors que certaines plumes ne cessent de vanter les mérites de la modernité aux balbutiements d'une civilisation nouvelle. « L'histoire est un roman qui a été, le roman est de l'histoire qui aurait pu être ». Edmond et Jules de Goncourt René Bazin et de manière plus représentative, Maurice Barrès, militant nationaliste, sont les têtes de file de la littérature anti-moderne, qui revendique, comme matrice de l'identité française, le catholicisme contre la récente décadence de la société. La bourgeoisie traditionaliste est défendue par Paul Bourget, homme de lettres de première place à la Belle Époque littéraire par le tirage de ses

romans et son autorité morale. Bourget, en fier conservateur, prône la défense de la famille, de la religion et bien sûr de la classe aux véritables valeurs qu'est la bourgeoisie. Il affirme que toute civilisation européenne souffre d'une dégénérescence, et Bourget oeuvre afin d'imprégner les esprits tout en fournissant les ressources morales et spirituelles nécessaires à la solution monarchiste. A l'opposé, Anatole France - écrivain officiel de la gauche - engagé pour les espérances humanitaires et l'anticléricalisme, lutte contre l'antisémitisme. Néanmoins, la complexité littéraire de l'époque n'apparaît pas uniquement au sein des romans d'idées opposant la tradition à la modernité. Refusant ainsi l'alternative ancrée entre conservatisme et avant-gardisme, un nouveau classicisme en littérature affirme une modernité intégrant une certaine tradition. Des écrivains comme André Gide, Paul Valéry, Jules Renard, Paul Claudel et Paul Fort rejettent la littérature bien-pensante. Ils se revendiquent d'une littérature pure, hors de tout alignement politique, et prônent l'indépendance d'esprit et l'individualisme afin de dissocier littérature et idéologie. Avatar de ce courant, la NRF (Nouvelle Revue Française) est créée en 1909. Elle publiera les meilleurs écrivains de la Belle Époque. En 1911, la revue deviendra une maison d'édition gérée par Gaston Gallimard : « Les éditions de la Nouvelle Revue Française ». Marcel Proust, jeune auteur d'alors, se contentera quant à lui de bouleverser le monde du roman. Ailleurs, de nombreuses personnes vont se retrouver dans la formule populaire « ni dieu, ni maître ». Ce seront les anarchistes décidés à rejeter l'État oppresseur et la religion, mais aussi encourageant l'individu à se libérer des aliénations subies afin de s'approprier sa propre liberté. Cette vague d'anarchisme militant va donc éveiller la conscience révolutionnaire des futurs socialistes et attire une partie des intellectuels. Certaines idées vont alors imprégner écrivains et artistes comme George Darien et Laurent Tailhade pour donner naissance à une littérature anarchiste. Une revue anarchisante « L'en dehors » verra même le jour en 1891, abritant en ses pages Octave Mirbeau, Tristan Bernard et Louise Michel ; suivie par la célèbre revue « L'assiette au beurre » en 1901, qui fustigera l'État et le colonialisme. Après l'impact du roman naturaliste, ce début de XXème siècle correspond à l'émergence de nouveaux genres de romans (roman policier, science-fiction). Le roman populaire quant à lui se démocratisera dès 1905. Ces livres coûtant 65 centimes, de nombreux auteurs de cette littérature noble vont être lus parmi lesquels Alexandre Dumas (« Les Trois Mousquetaires »), Eugène Sue (« Les Mystères de Paris ») et Jules Verne. Le succès de genres antérieurs tels que le roman d'aventures ou le roman de la victime se prolonge cependant. Romans de « pauvre littérature », aux titres stéréotypés, un lectorat féminin plébiscite toujours le roman de la victime, au sein duquel le personnage principal féminin pourra se libérer de ses tourments grâce à l'amour, la grandeur d'âme d'un personnage masculin, et cela rien qu'à l'issue de plusieurs milliers de pages... Le roman populaire rencontre de plus en plus de lecteurs avec des titres comme « Rocambole » (Ponson du Terrail), « Rouletabille » (Gaston Leroux) ou encore « Pardaillan » (Michel Zévaco), augurant le futur succès des romans-feuilletons. Ainsi, en marge des héros romantiques, des personnages champions du Bien ( « Arsène Lupin » de Maurice Leblanc, « Chéri-Bibi » de Gaston Leroux) ou génies du Mal ( « Fantômas » de Marcel Allain et Pierre Souvestre, « Zigomar » de Léon Sazie) verront leurs aventures déclinées en série. Dans ce genre, le lecteur se passionne pour des hommes extraordinaires, dénotant une certaine ambiguïté au vu de l'époque, limitrophe de la société mais en utilisant les innovations modernes. Lupin, gentleman cambrioleur, apparu en 1908, semble même dérivé de l'influence d'idées anarchistes. A la fois mélange d'énigmes, d'aventures, de suspense et d'intrigues frénétiques, ce genre connaîtra les faveurs du public et d'énormes tirages quotidiens jusqu'à sa quasi-disparition en 1914.

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Cette Belle Époque est donc riche en littérature, où le roman devient le genre le plus prisé du public alors que la poésie semble plus confinée à la discrétion de cercles intellectuels. Des poètes comme Blaise Cendrars ou encore Guillaume Apollinaire, avec son recueil « Alcools » - sorte de mise en abîme poétique de la vie moderne - marquent néanmoins cette époque de leurs plumes. Pour preuve de la richesse et du foisonnement littéraire de la période, le 19 janvier 1903, l'académie Goncourt est reconnue d'utilité publique. Edmond de Goncourt a souhaité créer une société littéraire afin de décerner un prix annuel récompensant originalité et nouvelles tentatives d'une oeuvre en prose. Afin de ne point être distancée, Hachette lancera dès 1904 son « Prix de la vie heureuse » qui deviendra le « Prix Femina », amorçant ainsi la création d'une flopée de prix qui après guerre seront synonymes de succès.

Beaux Arts et Art du beau La production artistique dans le domaine des Beaux-Arts va connaître un engouement vivace rehaussé par une extraordinaire qualité. A cette époque, le Nabisme, le Fauvisme, le Cubisme et l'Art Nouveau vont être les quatre courants picturaux majeurs à faire leur apparition. Dans les années 1880, le style impressionniste en peinture se désagrège et les recherches picturales évoluant rapidement à la Belle Époque, un art libéré de la réalité visuelle va ainsi naître. Ce nouvel art moderne est représenté par des peintres comme Cézanne, Monet ou Gauguin. Au début des années 1890, un groupe de jeunes peintres, les Nabis, aspire lui à retrouver la pureté originelle de l'art, et briser la frontière qui sépare l'art décoratif de l’oeuvre picturale classique, dans le souhait de restituer à l'art (peinture, affiches, estampes) sa fonction décorative. Un autre courant, le fauvisme, revendiquera l'exaltation de couleurs vives et des perspectives simplifiées, réunissant des artistes tels que Matisse, Vlaminck, Dufy et Braque. Picasso bouleversera à son tour la peinture en mêlant les influences du fauvisme, des arts primitifs et de l'art nègre, s'affranchissant de la tradition séculaire de la peinture imitative. Peint en 1907, « Les Demoiselles d'Avignon » va constituer l'impact esthétique faisant basculer la peinture dans le XXème siècle, la naissance du cubisme et les prémices de l'Art moderne. « Si l'on sait exactement ce qu'on va faire, à quoi bon le faire? » Pablo Picasso Dans le domaine des arts décoratifs et de l'architecture, l'apogée de l'Art Nouveau est également à saluer. En effet, certains artistes conscients des métamorphoses innovantes de l'époque vont concevoir un art destiné au plus grand nombre, l'Art Nouveau. Cette tentative apparaît comme l'envie de concilier les réalisations dues à l'ère industrielle avec un héritage artistique passé. Concrètement cette vogue s'appliquera dans les objets (verrerie, céramique, bijoux), les meubles, mais aussi les édifices. Le maître d’oeuvre symbolique de cette tendance est Hector Guimard, apposant son style dans un Paris de la Belle Époque par la sculpture aérienne des entrées de stations du métropolitain, aux boucliers écussonnés de M, et aux candélabres arborescents de fonte verte. Bientôt cet Art Nouveau se propage dans les grandes villes où fonte, fer forgé, bronze et acier composent de nouvelles architectures, même s’il ne s'imposera jamais dans les monuments ou les édifices publics majeurs. Des formes glissantes, ondulantes, s'affichent dans les graphismes au sein de la presse et de l'édition, mais aussi sur les affiches de Toulouse-Lautrec et d’Alphonse Mucha ; cet art de la ligne courbe demeurera le symbole de la Belle Époque. La France voue aussi une sorte de culte à la musique, et le piano en est l'instrument fétiche contribuant à diffuser de nombreuses oeuvres. Le rôle de la musique à l'exposition universelle de 1900 sera à nul autre pareil. Une esthétique musicale nouvelle se développe avec Claude Debussy, Maurice Ravel, Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré et Erik Satie.

Révélant le faste et la magie, le spectacle vivant de la Belle Époque connaît bien des honneurs. La romance de l'Opéra séduit toujours le public, là où Jules Massenet triomphe avec Sapho (1897), Cendrillon (1899) et le Jongleur de Notre-Dame (1902). Le théâtre a un grand nombre d'adeptes entre 1860 et 1913, où comédies et drames cernent les turpitudes de la vie privée, fort bien illustrées par le théâtre de boulevard. Le théâtre du Grand Guignol, ouvert en 1897 à Montmartre, propose sous la direction d'Oscar Méténier, des spectacles originaux courts et osés, des farces macabres, sanguinolentes et sexuelles mettant en scène des histoires de vengeance, de souffrance et de folie. « L'art est fait pour troubler. La science rassure ». Georges Braque Cette modernité artistique est conditionnée par des facteurs divers comme l'électricité, les progrès de la technique, le glas d'une tutelle religieuse accompagnant une émancipation morale, et une urbanisation source d'échange et de stimulation. Elle va être glorifiée par l'audace des bouleversements picturaux, l'Art Nouveau exprimant la ville comme un somptueux décor, et l'exposition universelle de 1900, vitrine de toutes les innovations. L'appréciation de l'Art se partage entre les adeptes du repli élitiste, démarquant le sublime de l'Art face au commun, et d'autres, partisans de l'Art Nouveau, qui souhaitent le démocratiser. Les réactions artistiques face à cette modernité suscitent alors de nouveaux questionnements: la création du Beau peut-elle s'accommoder de l'appétit de la foule urbaine? L'ère des masses ayant dorénavant commencé en politique, mais aussi par le biais de la presse, les raisons commerciales attisent le désir de servir à ce vaste public de l'émotion, du merveilleux, du sensationnel: les succès notamment du roman-feuilleton et du roman populaire reposent sur ces procédés. Le cinématographe, bientôt contracté en cinéma, s'avérera quant à lui être l'art des foules par excellence. La Belle Époque, par la multiplicité de ses courants et la vivacité de ses styles amorce une mutation intellectuelle et artistique. La culture fraîchement émancipée par la démocratie, semble esquisser déjà sa vulgarisation, et un marché culturel vient de naître, voué à générer dans l'avenir, une culture dite de masse.

LA CAPITALE DE LA MODERNITE La Belle Époque évoque en esprit une attention particulière pour Paris. Alexandrie des temps modernes, phare illuminant le monde entier lors des expositions universelles de 1889 et 1900, la capitale est un épicentre artistique, littéraire, à l'éminent rayonnement culturel. Avec le troisième peuplement urbain mondial après New York et Londres, Paris jouit de surcroît d'un renom intellectuel, économique, mais aussi de son modernisme. La Ville-Lumière de cette Belle Époque contribue beaucoup à la gloire de la France. Ville prestigieuse de cafés animés, de cabarets (le Moulin Rouge, les Folies-Bergères), le faste de sa vie mondaine, sa brillante vie culturelle et artistique lui octroie du poids dans la culture mondiale, et ce Paris de bohème devient l'étape obligatoire des artistes mondiaux. Cette école de Paris rassemble alors des peintres étrangers tels qu’Amédéo Modigliani ou Marc Chagall. La capitale acquiert la réputation de dégager une ambiance favorable à l'épanouissement du talent, et sera alors reconnue comme la capitale mondiale de la peinture. Des affiches en couleur exécutées par Alfred Chéret et Toulouse-Lautrec envahissent les murs de la cité, annonçant spectacles de café-concert et de music-hall. Les dessins et ambiances de ces affiches seront autant de témoignages d'une imagerie caractéristique d'alors avec ses situations de fêtes et carnavalesques, des femmes aux courbes ondulées, ces impressions de luxe mêlé d'érotisme. A l'époque, suscitant de vives controverses, car pouvant éroder la fibre morale de la nation, cet « art

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dégénéré » restitue dans l'imaginaire collectif d'aujourd'hui une sorte de quintessence de la Belle Époque. « Ce que les hommes appellent civilisation, c'est l'état actuel des moeurs et ce qu'ils appellent barbarie, ce sont les états antérieurs ». Anatole France L'exposition universelle de 1900 vante une civilisation urbaine et technique qui se développera sans cesse durant le siècle qui lui succédera. Symbole de la Belle Époque, la précédente exposition universelle parisienne en 1889 couronnait la merveilleuse Tour Eiffel; celle de 1900, présidée par l'amitié diplomatique franco-russe consacrera le métropolitain, la fée électricité et le cinématographe. Ouverte en avril 1900 pour une durée de 200 jours, l'exposition attire 50 millions d'invités de toutes les nations du monde entier. Car les autres nations peuvent ainsi comparer les progrès de leur industrie. Le palais de l'électricité (illuminé par plus de 10.000 lampes) suscite une large admiration ainsi que le palais sur les colonies. La grandeur de l'exposition témoigne de la puissance industrielle, technologique, culturelle et coloniale de la France. Cette imagerie fertile de Paris en fête et d'un pays incontestablement puissant et riche en investissements persistera de manière embellie dans la France d'après-guerre. La première ligne du métropolitain sera donc ouverte le 19 juillet 1900 dans le cadre de l'exposition, et triomphera totalement en 1913. L'électricité transformant la ville, bientôt la vie urbaine offre un spectacle sans cesse renouvelé. L'exposition universelle accordera une place très importante au cinématographe, invention dont le brevet a été déposé par les Frères Lumière en 1895. Les premières projections publiques du cinématographe datent de cette année-là avec « La sortie des usines Lumière », « L'arroseur arrosé », puis « L'arrivée du train en gare de La Ciotat » en 1896. Un des spectateurs les plus enthousiastes, Georges Méliès tourne dès 1899 plus d'une trentaine de ses propres films. A la différence des Frères Lumière, capturant le naturel par la monstration de la réalité, Méliès lui réalise des films de cinéma lorgnant vers l'imaginaire, dont les trucages et l'audace l'imposent en artiste. Ces deux versants coexisteront par ailleurs tout au long de l'histoire du cinéma. Méliès, originellement le créateur de la mise en scène, réalise ainsi des films dramatiques, fantastiques, féeriques et de science-fiction, l'un des plus célèbre étant « Le voyage dans la lune » en 1902. En 1900, le cinématographe n'est encore qu'une attraction de foire, une curiosité. Cependant la géniale invention ayant bientôt démontré ses performances, va devenir dès 1902 en France une industrie dominée par Charles Pathé et Léon Gaumont, avant d'être consacrée en Art. La production des films de cette année là compte alors 350 films réalisés. La plus grande salle de cinéma au monde, le Gaumont-Palace, comportera 3400 places à sa construction en 1911. Le cinéma connaît désormais le succès car il est devenu narratif. En plus des histoires divertissantes, il est source d'information grâce aux actualités diffusées au début des séances. Louis Feuillade s'imposera après Georges Méliès, juste avant la guerre, avec la série des « Fantômas » puis des « Vampires », fortifiant la maison Gaumont, plus ancienne société de cinéma au monde. Le cinéma français, élevé au rang d'Art, régnera sans partage jusqu'en 1908. « Si la France est diverse au point de vue ethnographique, au point de vue géographique, elle est unie et indivisible, et les conseils de rupture sont infiniment moins puissants pour elle que les nécessités de la concentration ». Paul Claudel La Belle Époque accouche d'une société nouvelle affirmée par sa puissance économique, coloniale, diplomatique et la stabilité de la République. L'éclat de la vie culturelle et artistique, sans omettre le progrès et la grâce économique, scintille par le prisme de la Ville Lumière entraînant dans son firmament une constellation d'illusions de paix et d'unicité entre les peuples.

Le début du Xxème siècle apparaît comme l'aube d'un nouvel âge, mais cet idyllisme se trouve assombri par les inégalités féroces qui subsistent encore. Mais, dès 1905, un Kaiser inquiétant, nommé Guillaume II, obscurcit l'horizon du pays par la perspective d'un conflit avec l'Allemagne. Les brumes nébuleuses de la multiplicité des courants, des différentes croyances et des tendances divergentes vont s'estomper afin que cette société éparpillée et sans âme commune s'unifie par delà les clivages. Bientôt songeuse d'une revanche contre l'Allemagne, la France est galvanisée en profondeur par un puissant patriotisme. Cette sensation d'appartenance à une même nation n'aura jamais été si forte en France qu'à l'aube de l'affrontement. Ultime résultante après les foudres de la guerre: l'Europe est dévastée, la France est exsangue, et, ironie, verse dans la nostalgie de cet aprèsguerre reconnaissant volontiers qu'auparavant, c'était une belle époque... Paradoxale, cette époque progressiste et conservatrice, contemple à la fois le passé et s'impatiente de l'avenir. Telle est l'essence de la dichotomie de cette époque... D'une ère matinée de romantisme et éprise de modernité.

par Erron Flyll

Sources bibliographiques : • J. Bouillon, F. Brunel, A.M. Sohn, F. Autrand, M. Bordet, Le XIXème Siècle et ses racines, Éditions Bordas, 1981. • Michel Winock, La Belle Époque, la France de 1900 à 1914, Collection Tempus, Éditions Perrin, 2003. • Elisabeth Lenormand, Le XIXème Siècle, in revue Clartés, Éditions Techniques • Les idées qui ont changé le monde; les hommes, les concepts, les faits, sous la direction de Robert Stewart, Éditions Solar, 1998. • Le grand livre de l'histoire du monde, sous la direction de Pierre VidalNaquet, Éditions France Loisirs-Hachette,1986. • Dictionnaire des citations françaises, Éditions Larousse, 1992. • Wikipédia, Encyclopédie en Ligne, www.wikipédia.org

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INSPIRATIONS, LITTERATURE

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BIBLIOGRAPHIE BELLE EPOQUE bien débuter dans le passé ...

Cette courte bibliographie, qui n’a bien sûr aucune velléité d’exhaustivité, a pour but de vous permettre de découvrir la Belle Epoque à travers une littérature qui sort un peu des sentiers battus ... Les plus beaux Contes des Années Folles 1920-1930 éditions Archives et culture, illustrations noir et blanc, 28€ Ce recueil propose des contes publiés dans la presse enfantine des années 20 et sélectionnés par des enfants.

Paris, les Années Folles: au temps de Colette Marc Gaillard éditions Presse du village, 40€ Cet ouvrage retrace l'histoire des années d'après guerre qui connurent un renouveau sociétal, littéraire et artistique peu commun.

Un fleuve de Ténèbre Rennie Airth éditions Lgf, 6€

Les aventures d'Harry Dickson Jean Ray éditions Le Cri, 6,50€ (une vingtaine de titres en réédition) Les morceaux choisis par cet éditeur qui présente les aventures du détective de l'étrange..

1921. En Angleterre, les débuts difficiles d'un jeune policier autour d'une affaire d'homicide.. une remarquable peinture des relations entre les différentes classes sociales de l'époque doublée d'un excellent polar.

Les Enchantements d’Ambremer

Les enquêtes de Victor Legris

Pierre Pevel éditions Lgf, 6€

Claude Izner éditions 10-18, environ 7€ Une série de 6 enquêtes policières dans le Paris des années 1890-1900. Un écrit très agréable associé à une solide documentation entraîneront le lecteur en un autre temps.

Découvrez le Paris fantastique des années 1900, un Paris dans lequel les chats parlent et les mages ont pignon sur rue. Une trame policière mêlée de fantasy.

par Christophe Coquelet de la Librairie des Quatre Chemins rue de la Clef, 59000 Lille

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INSPIRATIONS, LITTERATURE

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Fromental et l'androgyne Mystères de fin de siècle

Quand assassiner son prochain devient un des beaux-arts...

Deux amateurs de mystères et de littérature (de la fin du XIXe siècle, en particulier) se sont associés pour bâtir une histoire où l'énigmatique le dispute au plaisir d'une réflexion sur l'art et ses vertiges, dans un Paris « fin de siècle » dont les interrogations ne sont pas sans similitudes avec les nôtres.

Paris, 1892. Le jeune Georis Fromental retrouve son ami d'enfance Abel Cyprien, devenu inspecteur à la Sûreté générale. Le policier propose à l'écrivain de l'associer à la résolution d'une suite énigmatique de meurtres mis en scène « comme des beaux-arts ». Des personnalités du monde artistique - collectionneur, esthète décadent, peintre, marchand de tableaux - sont retrouvées assassinées dans d'étranges circonstances tandis que des attentats anarchistes plongent la capitale dans l'angoisse. Et qui est cette mystérieuse Hyacinthe à la beauté singulière ? Elle semble incarner cet Androgyne idéal dont rêvent les adeptes de certaines sociétés secrètes que notre jeune écrivain va côtoyer. L'aventure ne serait-elle pas aussi amoureuse ? Voire initiatique ? Voilà bien tout ce qu'il faut à Fromental pour apprendre le métier de détective tout en se lançant dans l'écriture d'un nouveau type de roman - que l'époque appelle « judiciaire » et qu'on rebaptisera bientôt « policier ».

Alain Demouzon a obtenu par deux fois le Prix Mystère de la critique. Les Enquêtes du commissaire Bouclard (Bayard) ont exploité son goût pour les énigmes, tandis que de Mouche (1976) à Melchior (le 5ème est paru en 2006), ses romans noirs ont développé la riche diversité de son oeuvre. Jean-Pierre Croquet est professeur de lettres. Anthologiste pour les éditions Julliard, Le Masque ou Hoëbeke, il est aussi nouvelliste, auteur de pièces radiophoniques et scénariste de BD (Les Nouvelles aventures de Sherlock Holmes).

Fromental et l'androgyne Alain Demouzon et Jean-Pierre Croquet Editions Fayard 290 pages Date de parution: 10 Octobre 2007

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INSPIRATIONS, LITTERATURE

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les champs de feu une nouvelle de Florent Martin Issu des Charentes, Florent Martin a 29 ans. Il publie actuellement son premier roman, Mort ou Vif ?, sur lequel il a travaillé depuis près de 10 ans. Livre retenu en 2006 parmi les 5 lauréats du concours d’écriture annuel des éditions Publibook. En matière de jeux de rôles, il collabore à Crimes depuis 2005. Il assure principalement la tâche de relecteur/correcteur sur la gamme et, occasionnellement, de co-auteur sur certains suppléments. Il a également participé à l’un des bréviaires de Trinités au nom des Écuries d’Augias en rédigeant un scénario dans le cadre d’une campagne confiée à divers studios de conception rôliste. Plus anecdotique, il a écrit un scénario sur le thème de l’Asie (Onnagata !) qui a remporté un concours organisé par le site Cerbere.org. Il travaille actuellement à l’écriture de son second roman, situé dans l’univers des jeux télévisés. http://www.lulu.com/florent_martin1 http://perso.insomnia.free.fr

L’enfer n’est pas un champ de feu. C’est un désert gris et froid, un territoire lugubre où la pluie tombe éternellement. Rien ne peut y brûler, aucun amour, aucune passion. L’enfer, c’est la ville. C’est Paris. Ma prison, mon supplice, ma pénitence. Ses limites sont nettes, infranchissables, tracées avec le sang de ses habitants sacrifiés : une ligne écarlate délimite ses frontières. Je vis dans ce pôle maléfique, ce cercle polaire au sein duquel la chaleur humaine est une faiblesse. Dans cet enfer gelé vivent des millions d’acteurs incarnant malgré eux le rôle de leur vie. Des enfants perdus regroupés en bandes aux adultes en quête du compagnon fantasmé, tous sont à la recherche d’une famille pour les aider à fuir la mâchoire acérée d’une civilisation qui ne cesse de les mordre. Pourtant, certains hommes ont choisi de rester seuls, préférant s’isoler plutôt que de rejoindre la meute des loups. Dans cet enfer se côtoient policiers corrompus et malfrats repentis, bourgeoises perverses et catins touchées par la grâce. Souvent, il s’en est fallu de peu pour que leur destin chavire. Il est tard, enfin seul… Ma porte est fermée à double tour. Enfin, le silence. Je n’entends plus que le roulement des fiacres sur le pavé, dehors. Voici enfin venu cet instant exquis, entre chien et loup, cette parenthèse magique où le jour cède lentement la place à la nuit, où le soleil fuit la lune quand le crépuscule recouvre la capitale de sa large cape. Les brises apaisantes du soir pénètrent dans ma chambre par la fenêtre ouverte, effleurant le fin tissu dansant d’un rideau malmené. Une masse de nuages gris pèse sur la capitale, couvercle fermé sur le bouillon effervescent de cette marmite chauffée au rouge. La venue de la pluie ne tardera pas, ce soir. Tant mieux. Il ne m’est pas plus pénible torture que ces rayons chauds et aveuglants qui, partout, provoquent la joie chez mes congénères, sans raison apparente, si ce n’est l’illusoire bonheur de quelque journée illuminée. Que l’averse incite donc toutes ces bonnes gens à se réfugier dans leur doux foyer, et à se laisser enivrer par la délicieuse obscurité… Le soleil n’est pas leur ami ! S’ils l’embrassaient, il les brûlerait. Et la Terre toute entière deviendrait comme un immense brasier. Mais qu’avons-nous à craindre d’un orage ? S’il nous frappe aveuglément, ses victimes demeurent bien rares. Pourquoi haïr ainsi la pluie ? Elle qui lave les péchés de nos villes et fait verdoyer nos douces campagnes... Les fins de journée pluvieuses m’évoquent les poètes, détestés et évités pour leur apparente morosité. Nos chairs sont pâles, nos paroles rares, notre sourire une légende oubliée, nous qui ne souhaitons pourtant rien d’autre que le bien de l’humanité. Mais voilà que les souvenirs ressurgissent sans crier gare. Tout cela me rappelle le soir où je l’ai rencontrée ; Fée Verte, Fée Grise, j’ai oublié jusqu’au nom du poison qui parcourait alors mes veines, comme le prénom envolé de ces femmes lubriques d’un soir. Je n’avais plus faim, je n’avais plus soif, je ne désirais plus rien. Il me semblait que mon corps tout entier s’enfonçait dans un matelas d’aiguilles, lentement vidé de son sang par de démoniaques et vicieuses harpies liguées dans l’unique but d’épuiser ma vigueur. Quel supplice, quel soulagement, quelle extase ! Je me souviens de cette voix cristalline échappée des faubourgs enfumés, fuyant la rue crasseuse pour s’évaporer jusqu’à mon nid étroit… Comment pourrais-je l’oublier ? Je ne résistai pas à l’envie de voir le visage irrémédiablement angélique de cette sirène. Me levant avec peine, je délogeai délicatement de son sanctuaire le paresseux chaton endormi sur mes genoux. Je me penchai à la fenêtre. Elle leva immédiatement les yeux vers la lucarne ouverte sur mon toit, et m’adressa un regard enjôleur. Perché telle une chouette, je me surpris à reculer d’un pas, honteux de m’être ainsi laissé dévoiler tel un voyeur pris sur le fait. Mes intentions étaient pourtant des plus pures. Petite rouquine aux yeux d’azur, l’ingénue me sembla plus jolie encore que je ne l’avais imaginée. Ses guêtres trahissaient une vie misérable, davantage que la mienne dont l’antre autorisait malgré tout un sommeil chaleureux. Elle releva et plia sa robe pour dévoiler ses cuisses, puis incisa l’extrémité de son index pour colorer de rouge ses lèvres et ses joues. A n’en pas douter, la drôlesse profitait de la tombée de la nuit pour s’adonner à son second métier, une deuxième vie nocturne des plus sordides. Et elle tenait à me le faire savoir. Une colère froide m’envahit en imaginant ces sauvages, ces rustres, poser leurs mains sales sur cette peau laiteuse si délicate… Aucunement influencé par le moindre esprit de charité chrétienne, cette forme de pitié insultante que j’abhorre par-dessus tout, je décidai de l’inviter à séjourner chez moi. Mon ire chassa les derniers résidus fantasmatiques de mon esprit ; j’aggripai ma redingote et me dirigeai vers la porte, avant qu’un passant ou un policier ne s’adresse à ma beauté. La descente des escaliers s’avéra périlleuse, mais je parvins néanmoins à rejoindre la rue.

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Dehors, la petite n’était plus là. Je tournai sur moi-même, inspectant les environs aussi sottement qu’une poule à la recherche d’un ver, puis finis par l’apercevoir au loin : elle m’observait avec ce regard qui m’irritait autant qu’il m’attirait, pendant qu’un homme gras à la carrure de docker et aux traits masqués par une casquette posait la main sur elle, menaçant les parties les plus intimes de son corps pubère. A peine la lune était-elle apparue dans le ciel que, déjà, un prédateur se ruait sur l’innocente. C’était l’heure où les fauves épient les gazelles venues s’abreuver au point d’eau, le temps où les démons déploient leurs ailes abominables pour recouvrir les anges de leur ombre. C’est là qu’une vision m’apparut. Le doux poison parcourait-il encore mes veines ? Tous mes sens, réunis en un choeur hurlant, m’avertissaient d’un danger imminent. La brise qui soufflait sur ma peau devint un souffle ardent, une bourrasque, puis une tempête en l’espace de quelques secondes. Les nuages s’enflammèrent, la nuit s’illumina. Je vis alors la vérité. La ville se transformait en un champ de feu, une fournaise battue par les flammes où les passants étaient des squelettes et les chevaux des carcasses en état de décomposition. Paris abandonnait ses frippes grisonnantes pour révéler son véritable visage: celui d’un enfer de flammes, de soufre et de passions. Je me pris soudainement à redouter la venue d’une l’averse ; à n’en pas douter, la pluie se révèlerait acide comme la chaux. Les linges dressés sur les fils ressemblaient à des membres humains telles des perles alignées sur le fil d’un collier, et la lune à un visage démoniaque défiguré par une grimace railleuse. Quelle ironie, pour un mécréant, de se voir ainsi plongé en enfer ! Il me sembla que mon coeur s’arrêta de battre un instant. C’était comme de mourir à chaque seconde. Mon âme s’engouffrait dans les abîmes du spleen. Je n’y voyais qu’un seul réconfort : si l’enfer existait, il en était forcément de même pour le paradis. Mon ange se tenait toujours là, rayonnante, sa robe brûlée et désormais nue, bientôt dévorée par cet homme qui prenait maintenant l’apparence d’un démon aux dents acérées. Elle n’offrit aucune résistance quand il se délecta de son corps. – Démon, laisse cette enfant ! – Le poète veut-il sa part ? Prosterne-toi, et je te la laisserai toute entière ! Je courus vers eux ; mes semelles brûlaient sur la braise. Le poing levé, je sommai le démon de lâcher prise. Le tableau se métamorphosa subitement, reprenant les teintes grisâtres de la ville. Un homme gisait à mes pieds, les derniers passants m’observaient d’un regard intrigué. J’avais violemment frappé le client de cette fille, au point de lui faire perdre connaissance. Sa main si douce s’empara de la mienne. – Viens. Elle se mit à courir en m’entraînant avec elle. J’eus l’impression d’avoir à nouveau vingt… non, quinze ans ! Nous empruntâmes les ruelles seulement connues des égorgeurs et des filles de joie pour finalement ralentir le pas près de la Seine, dont la surface exposée au clair de lune reflétait le ciel et ses étoiles comme un miroir déformant. – Pourquoi t’as fait ça ? Tu m’as fait perdre un client ! – Je… Il vous faisait du mal… – Je lui faisais du bien, plutôt, oui ! – Donnez-moi votre nom. – Gabrielle. Je m’appelle Gabrielle. Dis-moi « tu ». – Quel âge as-tu, Gabrielle ? Elle resta muette. – Vous avez l’air si jeune, mon Dieu... – Laisse Dieu là où il est. Et j’ai l’âge qu’on me donne. Tu m’as fait perdre un client, alors tu me dois une passe. Je fouillai mes poches. – Tu me dois pas que de l’argent. Notre course avait eu raison des ficelles qui retenaient sa robe sur ses épaules nues, et elles laissaient maintenant paraître l’un de ces jeunes seins. Je détournai le regard. Elle saisit ma gêne et s’en amusa, puis me dévoila entièrement sa jeune poitrine. Je m’efforçai de la regarder dans les yeux. – Écoute, je… Quand je t’ai vue, de là-haut, j’ai voulu te faire venir. – Ah ! Je m’en doutais. – Non ! Pas pour cela. Pour te venir en aide. – Les poètes n’ont donc pas ce genre de besoin ? Vous auriez dû vous faire curé ! – Mon père l’était, mais je n’ai pas suivi la même voie. Je suis d’ailleurs bien plus prude qu’il ne l’était... Dieu a abandonné les poètes, comme les filles de rue. Ce n’est pas un Samaritain qui t’invite, pas plus qu’un barbare. Juste un homme seul à la recherche d’un ange. Elle m’observa longuement, d’un air perplexe. Je ne pouvais lui en faire le reproche : quel fou se conduirait de la sorte, sinon un poète ? – Moi, un ange ? Est-ce que j’ai l’air d’une bourgeoise ? – Non, heureusement pour toi ! Elle étendit les bras, me présentant ses pieds nus de misérable salis par la poussière. – En tout cas, vous avez l’air d’un fou. – Le monde entier est fou, seul le poète est lucide. Nous seuls voyons les choses telles qu’elles sont. – J’ai rien contre les fous. Et vous m’avez pas l’air bien dangereux, sauf pour vous-même. Et elle me suivit. Je ne lui dis rien sur mes visions, sur ma faculté de percevoir la réalité derrière le masque des apparences. Cette malédiction démasque à mes yeux l’enfer urbain peuplé de démons qui incitent chaque jour et chaque nuit mes concitoyens à égorger, éventrer, violer et exploiter leur prochain. Était-ce dû à la mort de Dieu ou bien à l’avènement de l’ère industrielle, je ne le saurai jamais, mais les visions s’accentuaient depuis peu, au même rythme que la recrudescence des démons. Elle ne me quitta plus. Passées cinq années de pur bonheur nous nous fiançâmes, pour ne plus jamais nous quitter. Elle était un ange, et elle ne le savait même pas.

« Messieurs, ne crachez pas de jurons ni d’ordure Au visage fardé de cette pauvre impure Que déesse Famine a par un soir d’hiver, Contrainte à relever ses jupons en plein air. » Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

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THE LODGER un film de John Brahm

« Un homme peut détruire ce qu'il hait, et aimer ce qu'il détruit... » « Dans le mal, il y a la beauté, si l'on retranche le mal reste la beauté » - Slade The Lodger a été réalisé en 1943 et constitue la troisième adaptation du livre éponyme de Marie Belloc Lowndes. Publié en 1913, c'est la première nouvelle à offrir une solution à l'énigme des meurtres de Jack l'Eventreur. Le postulat de départ réside évidemment dans les meurtres de prostituées, actes commis par un dément se faisant appeler « The Avenger » - le vengeur - dans un Londres de fin de 19éme siècle. Le thème de la nouvelle présente le locataire - « The Lodger »comme un jeune homme étrange et un peu reclus qui finira par être suspecté d'être l'éventreur, artisan de l'horreur au sein du quartier de Whitechapel, rôle qu'il finira par endosser... Dès 1926, Alfred Hitchcock, débutant et non novice, adapte la nouvelle en réalisant « The Lodger: A story of the London fog » où l'attraction psychologique pour les meurtres et la sexualité apparaissent alors déjà comme des obsessions du cinéaste. La version de 1932, réalisée par Maurice Elvey qui est en quelque sorte le premier remake sonore et parlant du film constitue une transition préparatoire au définitif Lodger de Brahm sorti en 1944. Le cinéaste dirige ici George Sanders et Merle Oberon, ainsi que l'impressionnant Laird Cregar. Ce métrage n'est pas à proprement parler un remake mais une nouvelle adaptation, et fut un tel succès que la production de « Hangover Square », toujours de Brahm, débuta dans la continuité. Dans ce film, Sanders est confronté à Cregar y incarnant le rôle d'un tueur au début du 20éme siècle, dans une temporalité et une ambiance proches de celles du Lodger, probablement dûes au travail d'écriture du même scénariste Barré Lyndon. En outre, « Man in the Attic », une autre nouvelle de Lowndes, chérissant le thème du tueur résidant dans un grenier sera adapté au cinéma par Hugo Fregonese en 1953. John Brahm, le réalisateur d'origine allemande né à Hamburg, est également connu pour ses mises en scène de théâtre à Berlin et Vienne. A l'instar d'autres réalisateurs européens, Brahm amène une sensibilité différente, une touche allemande où certaines images réminiscentes d'un cinéma expressionniste allemand contrastent avec l'ambiance frivole du music hall, et où le flirt amoureux entre Kitty et l'inspecteur de Scotland Yard contrebalance l'atmosphère pesante de terreur du film. The Lodger constitue une oeuvre de terreur psychologique comme le fut M le maudit réalisé par un autre allemand, Fritz Lang, émigré aux Etats-Unis à une époque pour fuir une ombre s'étendant en Europe. 1888. Le Londres de l'Angleterre Victorienne abrite un assassin insaisissable mutilant ses victimes, des femmes, toutes actrices ou l'ayant été. De leur côté, les Burton, un couple de gens respectables, ont décidé de louer une chambre dans leur demeure. Le soir du troisième meurtre, un personnage mystérieux émerge alors du brouillard en réponse à l'annonce de logement et loue la chambre à un tarif confor-

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table pour le couple. Slade, dont une coïncidence troublante fait qu'il porte le même nom qu'une rue du quartier, se révèle être un homme inhabituel et détaché de même qu'un étrange locataire. Pathologiste de profession menant de curieuses expériences, Slade s'absente la nuit, rentrant parfois à l'aube proche. Sa courtoisie, sa politesse et ses manières de gentleman intrigueront Kitty, la nièce des Burton, actrice à l'affiche d'un music hall. Lors de l'une de ses éclipses nocturnes, un meurtre est à nouveau commis et le locataire, au rythme de vie étrange et à la discrétion maladive, attire alors sur lui de plus en plus de suspicions... Long-métrage réalisé à Hollywood, The Lodger possède néanmoins une atmosphère très britannique grâce au travail remarquable en studio. L'ambiance ainsi créée et l'utilisation abondante d'un fog londonien artificiel permettent d'établir l'impression d'époque et de lieu. La terreur est ici effectivement psychologique puisqu'elle a lieu hors champ et nulle scène de meurtre n'est montrée. De plus à cette époque la censure étant de mise, ceci explicite le fait que pour satisfaire les exigences du studio (la Fox), les victimes du tueur sont devenues des actrices locales (ratées, reconverties ou célébrités du moment comme miss Kitty) afin d'éviter de brosser un réel portrait de prostituées. Ainsi, lors de la première séquence, la caméra suit la « chanteuse » ivre, future victime d'un tragique destin croisé au détour d'une porte cochère, puis la laisse s'éloigner offrant alors un point de vue distancié. Ce n'est qu'après l'agression perçue mais invisible au spectateur qu'un travelling avant est réalisé sur la bouteille brisée, tout comme la vie de cette femme, d'où un épais vin se répand.

Slade émergeant en haut de l'escalier par l'embrasure de la porte d'où s'exhale une épaisse fumée; tel un diable surgissant de l'enfer, un enfer personnel dans lequel il s'enferme... Une force indicible semble également animer le tueur qui lors de sa fuite résistera à de nombreux coups de feu tirés sur lui. La mise en scène place parfois habilement le spectateur aux côtés de Slade. En effet, dans la scène où l'inspecteur rend compte à Kitty de l'avancée de l'enquête, Slade descend et les rejoint. Kitty demande à l'inspecteur ses hypothèses, le locataire écoutant tout au premier plan. La composition du plan positionne alors le spectateur juste au côté de Slade, presque en posture de complice probable, comme s’il en savait déjà plus que l'inspecteur et la jeune femme. De même, lorsque Slade ouvre la porte de la chambre de Kitty et lui fait face, un plan cadre par dessous son bras s'appuyant sur la porte, place le spectateur juste derrière lui à nouveau comme un complice muet.

Selon ses intentions, Brahm a réalisé de nombreux storyboards pour chaque plan et pour chaque angle de caméra avant que le tournage ne débute, considérant qu'il pouvait ainsi limiter les risques d'erreurs, et se dotant par ce biais d'un matériau de travail solide. Par ailleurs, certaines innovations techniques telles que des angles de caméra et certains mouvements d'appareil révèlent une étonnante modernité par rapport à d'autres films tournés à cette époque. Des cadrages novateurs affluent lorsque Slade, blessé s'échappe du théâtre par des échelles ou des coursives et fonce, transpirant la menace, vers un spectateur impuissant. Le personnage ambigu de Slade est incarné par Laird Cregar, dont la carrière trop courte de 5 ans est scellée par la mort en 1944. Acteur d'une relative jeunesse, puisqu'il semble prématurément vieilli et marqué alors qu'il n'est âgé que de 26 ans à l'époque de The Lodger ; son physique gigantesque, contrastant avec sa voix posée au timbre détaché et froid ont conféré toute la dimension de Slade. Cregar débute sa carrière en 1940, mais sa présence et son aura n'auront jamais impressionné plus vivement l'écran que dans The Lodger puis dans Hanover Square sorti en 1945 à titre posthume ; dans ces métrages où l'Angleterre victorienne apparaît si savoureusement brumeuse et sinistre. Portrait et visage de tueurs intimes. N'acceptant pas son physique, luttant contre son propre corps, il entame un régime drastique afin de pouvoir changer son image, mais en mourra suite à une attaque cardiaque. A 28 ans, sa disparition des oeuvres sur pellicule sera désespérément définitive. Le caractère de la mise en scène longe parfois la lisière du fantastique. Dès le début, un témoin disant avoir vu une ombre noire s'enfuir dans l'obscurité, ajoutera en voyant le cadavre que le tueur a sévi juste sous le nez des policiers; ceci attribuant d'entrée une faculté surnaturelle à l'assassin, spectre dans de sombres ruelles envahies de brouillard. Le meurtre de Jenny est filmé selon la vision subjective du tueur face à sa pauvre victime, aphone de terreur et paralysée. Le corps est découvert rapidement, et l'alerte donnée, policiers et civils s'exténuent en recherches. De nombreux plans en plongée induisent alors une vision détachée de la masse grouillante et cafardeuse des quartiers, officiant comme un regard divin qui contemplerait l’oeuvre de son fléau. Puis un coup de sifflet retentit et l'annonce d'un autre meurtre confère une sensation de vélocité surnaturelle d'un tueur s'étant faufilé entre les mailles du filet. De même lorsque la logeuse apportant nourriture à son locataire, et attirée par une odeur de brûlé à l'étage sera stoppée par les invectives d'un

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The Lodger constitue d'une certaine manière une sombre romance où se greffe l'accoutumé triangle amoureux: l'inspecteur convoite Kitty, Slade veut la préserver et Kitty est intriguée par Slade. Cependant la scène où l'inspecteur de Scotland Yard (George Sanders) montre à Mr. Burton la manière dont le tueur a pu frapper, mimant ses gestes et ses postures selon des hypothèses de latéralisation, met un instant en abîme une direction que le film aurait pu emprunter : celle de l'enquête et du détective de Scotland Yard, en héros affirmé, évoluant et découvrant au même rythme que le spectateur la pénible horreur et la trouble vérité. Ici, il s'agit plus de l'étude psychologique du personnage de Slade et de sa découverte progressive; celle d'un pathologiste qui oeuvre sur des recherches inconnues et dangereuses ainsi que son intérêt pour la Bible. Laird Cregar domine The Lodger, effectuant une incroyable performance dans le rôle du locataire tourmenté qui pourrait s'avérer être l'éventreur... Les plans en contre-plongée accentuent encore plus l'imposante stature de Slade et jouent avec l'ombre et la lumière sur son visage; car là où éclate la lumière, se trouve forcément un versant d'ombre. En effet, le visage de Slade éclairé lors de gros plans comporte toujours une part d'ombre, comme attestant visuellement l'idée que le personnage serait à la fois un locataire discret et un tueur sanguinaire. Représentation expressionniste d'une certaine dichotomie de la nature humaine. Dans ce film le travail sur la lumière est remarquable, à la fois afin de restituer l'ambiance et l'imagerie victorienne, mais également comme substance et matériau propre. Ainsi torches et bougies éclairant les pièces ou portées par les personnages permettent la révélation d'un obscur...

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Jack l'éventreur n'est certes pas le premier tueur, mais celui qui oeuvre initialement au sein d'une grande métropole. Le caractère innommable et horrible de ses mutilations meurtrières a forgé sa popularité mais bien moins que le fait que son identité soit demeurée inconnue. La légende de l'éventreur était née, se vouant en mythe au fil du temps, et ne cessera dès lors de déchaîner l'imagination d'écrivains et de cinéastes.

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Certains éclairages sont claustrophobiques, comme si la lumière ne provenait pas d'une source distincte. Comme si, se suffisant à elle-même, elle diffusait juste un halo morne de clarté glacée. Une illumination malveillante éclaire Slade, à n'en point douter dans la pure tradition de films expressionnistes. Un exemple manifeste figure durant le spectacle de Kitty (Merle Oberon), où les yeux subtilement cerclés de maquillage noir, Slade semble affronter ses terreurs.

Réalisateur : John Brahm Scénaristes : Marie Belloc Lowdes (Roman) Barré Lyndon Année : 1944 Durée : 84 min Avec: Laird Cregar – Slade Merle Oberon – Kitty Langly Georges Sanders – John Warwick Cedric Hardwicke – Robert Burton

Slade est différent des autres et intrigue son entourage. Retournant les portraits d'actrices de sa chambre, il se plaint de l'étrangeté de ces tableaux et a l'impression que ces femmes le suivaient du regard. L'évocation manifeste d'une certaine culpabilité ou alors d'un malaise d'un autre genre qui pourrait prendre source dans la mésaventure de son frère. Car Slade nourrit une aversion pour les femmes, surtout les actrices, poudrées, maquillées, sublimation de la féminité devant un public. Il s'interroge sur le statut de femmes s'exposant pour attirer les hommes. A sa logeuse, il exhibera le portrait du frère qu'il vénère. D'habitude si avare de paroles, là les mots se bousculent et il ne tarit pas d'éloges sur un frère que l'on devine prématurément disparu. Il insiste sur la clarté de son regard, la sensibilité de la bouche. Cet amour traduiraitil une homosexualité refoulée où la perte de l'objet d'affection exacerberait sa névrose?

par Erron Flyll

La perception des gens étaye alors les suspicions, fortifiées par le fait qu'une personne apparaisse mystérieuse et différente. Slade est-il l'éventreur ou ses problèmes comportementaux laissent à croire qu'il pourrait s'agir de lui, qu'il souffre des mêmes maux... voire qu'il endosse un rôle que les autres, le grand Autre ont déterminés? Lorsque la logeuse lui apportera un grog afin de récupérer des empreintes, Slade n'apparaît alors plus que comme une silhouette sur le mur de sa chambre, cette fois pleinement invisible et signifiant à la vieille dame que son travail est bientôt terminé... Cette scène entérine la désincarnation de l'homme public, du chercheur au profit de sa conversion manifeste en forme d'ombre. A la fin du métrage, la part obscure de Slade ayant pris le dessus, il a la possibilité de surgir du coin d'une rue, de frapper n'importe où, inquiétante silhouette dans les ténèbres. La lumière braquée sur son visage souligne une forme d'animalité dans son regard, mais oscillant à la fois entre la prédation et la bête traquée. Pris au piège, armé d'un couteau, tel un animal acculé, la musique se stoppera brutalement installant le silence et le cadre se resserrera sur le visage de Slade. La cohorte de policiers s'approche, seule est audible la respiration de Slade qui s'amplifie de plus en plus. Au mouvement des autorités pour s'emparer de lui, il se jette à travers une fenêtre et tombe dans la Tamise... Une Tamise qui nettoie la ville aux dires de l'inspecteur. A la fin, une forme sombre flotte dans l'eau noire, cela ne peut être que Slade ; un léger doute qui accapare également la logeuse en pensant, à propos de l'assassin : « Espérons que c'était lui »...

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Fox Horror Classics A terrifying trilogy of terror edition coffret DVD: The Lodger + Hangover Square + The Undying Monster

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à l’épreuve

le revival de la Belle Epoque dans le JdR Plus qu’une évidence, le retour à l’avant-scène de la période Belle Epoque dans les jeux de rôles français nous a convaincus de mettre sur pied ce premier dossier spécial. La qualité et le succès des jeux que sont Crimes et Maléfices dans ce contexte historique sont aujourd’hui indéniables. Voici un petit panorama de ces principaux jeux…

Une gamme déjà fournie

MALÉFICES Le contexte Le postulat de Maléfices est de mettre en avant la résurgence, telle une mode, des rites païens, diabolistes, occultes, hermétiques et spirites alors même que l’époque, qui donne son cadre au contexte, est celle de toutes les révolutions à la fois technologiques, philosophiques, politiques et religieuses. La période historique utilisée s’étend de 1870 (La Commune) à 1914 (début de la Guerre), le jeu est axé principalement sur la France, mais permet aussi un libre dépaysement vers d’autres contrées. A l’arrivée, Maléfices se situe à la croisée de deux chemins : un regard passionné sur l’Histoire avec un grand H, et un attrait pour les inépuisables sources romanesques de l’époque (Sherlock Holmes, Arsène Lupin, Jules Verne etc…).

Le système La partie technique repose sur un système de règles épuré, en très peu de pages, précurseur avant l’heure du roleplaying avancé. Toutes les résolutions d’actions se font sur un tableau unique, symbolisant plusieurs paliers de réussite ou d’échec. Chaque personnage possède deux caractéristiques originales : l’Ouverture d’Esprit et la Spiritualité qui lui permettent d’appréhender psychologiquement le monde rationnel et les croyances religieuses. La magie repose sur trois domaines : magie blanche, magie noire et spiritisme. Les combats et les évènements surnaturels (sorts, créatures et santé mentale) sont régis par un jet de confrontation.

La première série de suppléments initiée en 1984 par Michel Gaudo & Guillaume Rohmer, publiée chez Descartes Editeur, est désormais épuisée (une boîte de base, deux suppléments de règles, dix scénarios, une campagne). Cette gamme fait aujourd’hui l’objet d’une bataille acharnée parmi les collectionneurs qui s’arrachent ces ouvrages à prix d’or sur le marché de l’occasion et des ventes aux enchères. Parmi les incontournables de la seconde édition, citons tout de même : Le mythique La Musique adoucit les meurtres qui demeure l’un des meilleurs scénarios français publiés dans les années 80, tous JdR confondus. L’original Délivrez-nous du mal dans lequel les joueurs interprètent exclusivement des moines reclus, dans un huis-clos étouffant. La légendaire campagne Le Voile de Kali ayant pour fil rouge le trajet de l’Orient-Express. La trépidante enquête de Danse Macabre qui redonna un nouveau souffle au jeu.

La IIIème édition Descartes ayant abandonné l’édition JdR, c’est l’éditeur associatif Les Editions du Club Pythagore qui ressuscite le jeu en 2004 après 10 ans de hiatus. Sous l’impulsion de Jean-Philippe Palanchini, Michel Gaudo et Daniel Dugourd reprennent du service à la tête d’un collectif d’auteurs passionnés. Danse Macabre, La Cornemuse du Vieux Jérémiah sont deux scénarios qui confirment la nécessité de relancer la gamme. La IIIème édition, refonte des règles, se fait donc tout naturellement pressentir et paraît fin 2006.

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PREVIEWS, TESTS & DECOUVERTES

à l’épreuve

Les plus

Dernière minute !

• Une description historique détaillée de la période qui ravira les MJ tatillons. • Un système de règles épuré, optimisé, rapide, laissant la part belle au roleplaying. • Son tarot unique, le Grand Jeu de la Connaissance, spécialement dédié à la création des personnages et à l’étoffement de leurs destins, il définit également leurs affinités au domaine magique. • Souvent mis en concurrence avec L’Appel de Cthulhu à ses débuts, avec lequel il n’a que très peu de points communs, Maléfices a su garder jusqu’à ce jour ses fans de la première heure. Par l’audace de son choix de background, son atmosphère, Maléfices est devenu plus qu’un classique, une référence !

CatéSchisme Type : supplément pour Maléfices Auteurs : Michel Gaudo, Daniel Dugourd, … Editeur : Les Editions du Club Pythagore www.malefices.com

note « … Le magicien dispose d’une force qu’il connaît, le sorcier s’efforce d’abuser de ce qu’il ignore. » Tout chaud sorti pour le Salon du Jeu 2007, le premier supplément tant attendu pour Maléfices – IIIème édition est enfin là ! CatéSchisme comprend l’écran, le tarot et un livret de 32 pages. Le nouveau paravent du MJ (4 volets en couleur), plus coloré, succède à la célèbre gargouille crépusculaire des toits de Paris. C'est Gilles Lautussier qui signe de nouveau l'artwork. Le nouveau visuel met en avant une scène particulière dans laquelle la tablée des joueurs est spectatrice d'un illusionniste de théâtre. Beau ou mauvais, ambiance ou pas ambiance, le débat est ouvert et fait déjà rage parmi les fans du jeu à propos de cette illustration. En tout cas, les nouvelles tables de règles sont bien résumées du côté MJ. Le tarot, ou Grand Jeu de la Connaissance, est enfin corrigé de son bug dissymétrique (le dos des cartes est enfin réversible). Les lames passent également du nombre de 20 à 22 avec l'ajout des figures du Médium et de l’Archiviste. Les illustrations demeurent identiques à celles de la seconde édition. Quand au livret de 32 pages, bénéficiant d'une vraie couverture couleur, intitulé "CatéSchisme", il met en avant un concept de présentation original : trois intervenants fictifs de l'histoire ésotérique se penchent sur un aspect particulier du côté sulfureux de Maléfices. Le spiritisme est mis à l’épreuve par un abbé peu superstitieux des diableries et par un professeur revenu des loges spirites parisiennes ; l’occultisme et la magie sont racontés par un Supérieur Inconnu au travers d’une vraie fausse interview écrite. En encart de ces textes narratifs, le reste des informations plus techniques se trouve disséminé au fil des pages. On y retrouve les principaux (pas l'intégralité malheureusement) actes magiques repris et révisés du recueil "A La Lisière de la Nuit". On y découvre aussi des conseils sur l'utilisation de la magie dans les scénarios, et le background complet des personnages auteurs des trois chapitres pouvant être ainsi adaptés en PNJ. Au final, le nouvel écran et le tarot corrigé s'avoueront indispensables à tout MJ de la IIIème édition. Par contre, le livret pour lequel nous fondions plein d'espoir ne comble pas complètement le manque d'informations sur tous les aspects de l'ésotérisme de la Belle Epoque. La prose de CatéSchisme pourra aussi sembler trop hermétique aux MJ ne pratiquant que très peu les JdR basés sur le thème de l'occulte, ou si ces derniers n'ont pas un minimum de culture ésotérique. Difficile alors, dans cette configuration, d'utiliser les idées de ce guide pour ses propres scénarios, en tout cas pas sans une documentation annexe. Saluons tout de même le travail titanesque de la petite structure des Editions du Club Pythagore, qui nous livre ici du beau matériel sur trois types de supports différents. La gamme devrait se poursuivre avec, en priorité, un scénario signé Michel Gaudo. par Olivier Camus

Les moins •Maléfices laisse un goût de JdR destiné à être joué en one-shot. Difficile d’articuler les scénarios de l’éditeur dans une campagne cohérente. • On aurait aimé voir le pavé des règles rempli des informations cruciales, aujourd’hui indisponibles du fait de la non réédition des suppléments A la lisière de la nuit (recueil de magie) et le Bestiaire. • Difficile également aux MJ débutants de s’investir dans Maléfices, IIIème édition sans quelques idées d’aventures ou d’accroches d’intrigues qu’ils pourraient développer. Même chose pour le manque constaté d’aides de jeu génériques donnant lieu à ces mêmes idées, comme un descriptif toujours absent du Paris de la Belle Epoque, décor privilégié par nombre de MJ. • La IIIème édition n’offre que huit maigres pages de description sur le contexte ésotérique de l’époque : un manque paradoxal de développement sur ce qui donne son nom au jeu ! La Belle Epoque est le berceau qui donna naissance aux plus nombreuses et « prestigieuses » sociétés secrètes occultes et ésotériques de France et de Navarre. Thème malheureusement que trop négligé dans les suppléments présentés. Ceci confirme aussi la difficile justification à donner à l’existence de PJ sorciers et tout simplement l’accès des joueurs aux arcanes magiques.

La suite Espérons que le supplément CatéSchisme comblera le manque cruel de descriptions et de sources sur le côté primordial de Maléfices : le mystère et le fantastique. Cette parution sera accompagnée d’un nouvel écran (avec illustration inédite) et du tarot de 22 lames revu et corrigé. Et le planning des sorties (principalement des scénarios) est chargé pour les quelques années à venir, à un rythme taillé à la dimension de son éditeur. par Olivier Camus pour plus d’infos : site des Editions du Club Pythagore www.malefices.com

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Cthulhu by Gaslight Type : supplément background pour L’Appel de Cthulhu Système : BaSIC Année : 1986/1988 Auteurs : William A. Barton Editeur : Chaosium/Descartes Editeur Paru tout d’abord sous la forme d’une boîte, puis deux ans plus tard, réédité en recueil, ce supplément présentait le contexte nécessaire pour adapter L’Appel de Cthulhu aux années 1890, principalement axées sur le Londres aux ruelles embrumées de Jack l'éventreur et de Sherlock Holmes. Au sommaire : Bibliographie, nouvelles professions (aventurière, aristocrate, ecclésiastique, détective, militaire retiré, explorateur, inventeur, policier, malfaiteur, "street arab"), classes sociales, équipement et technologie de la période 18901920. Suivent l’inévitable chronologie étoffée couvrant 1880 à 1901, les biographies de célébrités (Richard Francis Burton, Arthur Conan Doyle, H.G. Wells, Oscar Wilde). La capitale anglaise y est détaillée: quartiers, lieux emblématiques, voyages, médias, criminalité, gouvernement, gotha, société secrètes (Francs-maçons, Golden Dawn, spirites), … Le voyage temporel est débattu dans un chapitre à part entière, et sous trois vecteurs : machine à voyager dans le temps, portail et projection mentale (un bon moyen de recycler les PJ des années 20). Et pour clôturer, des synopsis de scénarios incluant une chronologie des affaires de Sherlock Holmes et les caractéristiques des créatures de H.G. Wells (les morlocks et les martiens). "Les horreurs du Yorkshire" est une longue intrigue dans laquelle les joueurs viendront porter main forte à Holmes dans une affaire troublante. par Olivier Camus

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CRIMES "From hell. Mr Lusk, Sor I send you half the Kidne I took from one women prasarved it for you tother piece I fried and ate it was very nise. I may send you the bloody knif that took it out if you only wate a whil longer signed Catch me when you can Mishter Lusk" Jack the Ripper

sique (assez proche d'un Vampire, par exemple). Là où les règles prennent toute leur mesure, c'est avec le "dossier psychologique" du personnage, définissant ses passions, ses tabous et ses inclinaisons psychologiques. Ces éléments vont certes influer sur le roleplaying du personnage (donnant des "pistes" au joueur pour l'interprétation), mais aussi sur les jets de dés. En effet, il va pouvoir les utiliser en tant que "moteur de dépassement". Il est a noter aussi la présence de points d'Angoisse, de Psychose et de Névrose qui servent de "jauges" psychologiques au personnage.

L'univers Sans le côté "policé" du monde de Maléfices et sans le poids du mythe de Cthulhu, Crimes relève le défi de nous embarquer dans un univers sombre, angoissant, psychologique et torturé. Les personnages y sont soumis aux pires déviances de l'âme humaine et découvrent très vite que leur salut ne tient qu'à un fil. Ils vont être pris dans le feu de leur passion et devront parfois laisser libre court à leurs instincts. Ne voulant point dévoiler les arcanes du jeu (la découverte de certains mystères humains y est une des grandes sources de surprises pour les joueurs), je tairais donc certains points du background... Mais sachez que la frontière entre interpréter un Docteur Jekyll et dévier vers un Mister Hyde y est très ténue.

La gamme La gamme n'est pour le moment que peu fournie mais elle privilégie la qualité à la quantité. Disponible : Crimes Se présente sous la forme d'un livre de 300 pages avec une couverture cartonnée à rabats. Rédigé à la manière d'un roman, les pages de règles s'y intercalent avec l’intrigue développée. L'écran Se compose de l'écran, et d'un livre en noir et blanc : "La fabrique de l'horreur" décrivant quelques "ficelles" du monde horrifique. Les Apôtres du Mal Un excellent scénario téléchargeable gratuitement.

Les plus • • • •

Le contexte Crimes nous plonge au plus profond des méandres de la psychologie humaine. L'homme en cette "belle époque" est tiraillé entre technologie, quête du soi et religion. Les joueurs vont devoir affronter cette société stigmatisée par une révolution industrielle effrénée.

Le système Le système de règles est assez simple. Il s'agit de lancer plusieurs dés 10 en retenant toutes les réussites et les échecs critiques. Le nombre de dés et les seuils de réussites sont déterminés à partir de vos compétences et caractéristiques (au nombre de 3). A l’arrivée, rien que du clas-

L'horreur mise au premier plan, L’utilisation des méandres de la psychologie humaine, Un roleplaying fortement développé, Le concept de "roman-jeu" très agréable à lire.

Les moins • Difficile d’accès pour les néophytes, le jeu demande un gros investissement de la part des joueurs, • Le concept de "roman-jeu" rend délicat la relecture des règles et leur bonne compréhension. Un index est présent afin de retrouver les différentes parties du système mais reste difficile à utiliser en cours de jeu, • Une gamme de scénarios riche en qualité mais pauvre en quantité, ce qui pourra rebuter les adeptes du "prêt à jouer".

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par Aznar Akeba

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histoire officielle et officieuse, et comporte un grand nombre de pistes d'aventures.

Suppléments à paraître pour Crimes Mon Meilleur Ennemi

(date de parution : 30 octobre 2007)

Il s'agit d'un très gros scénario, représentant de nombreuses heures de jeu en perspective, qui nous plonge dans les méandres de la psychologie humaine. Ce scénario très dense, complexe et mêlant plusieurs intrigues nous emmène à la découverte du "buveur d'âme", un assassin. Ne voulant pas trop dévoiler l'intrigue, je vous dirai simplement que j'ai vraiment apprécié la lecture de ce supplément ; à mon sens, il représente vraiment l'esprit de Crimes. Excellente lecture pour un maître de jeu souhaitant mieux appréhender l'univers, très bonne aventure pour un groupe de joueurs ayant un peu d'expérience.

Paris, Ombres et Lumières (date de parution : Hiver 2007/2008) Enfin un guide sur le Paris de la Belle Epoque ! Comme mon ami MJ de Maléfices l'a fait remarquer, c'est un supplément dont on déplorait l'absence. Les Ecuries d'Augias nous comblent avec "Paris, Ombres et Lumières". Il se découpe en deux grands thèmes ; l'un tourné vers le Paris public destiné à toute personne souhaitant découvrir la capitale, l'autre réservé aux MJs. La première partie nous emmène donc à la découverte du tout Paris. Elle nous fait visiter les différents quartiers, au travers d'une courte description et d'une liste des restaurants que l'on peut y trouver (à la manière d'un guide touristique). Elle nous décrit également les différents pouvoirs et cercles d'influence qui régissent la capitale ainsi que les enjeux politiques, économiques, religieux... Enfin une chronologie assure une cohérence à l'ensemble. La seconde partie est un véritable vivier d'intrigues pour les meujeux. Tout d'abord les factions : j'ai trouvé cette partie très intéressante, elle permet de connaître les différents groupuscules présents dans Paris et leurs liens entre eux. Une chronologie différente de la première permet de situer tout un ensemble d'évènements et surtout de trouver quelques bonnes inspirations. Un gros scénario où s'entrecroisent plusieurs intrigues et beaucoup d'éléments mis en valeur dans ce guide. Une dernière partie, qui est à mon sens une des plus impressionnantes au niveau du "matériel" de jeu, nous décrit une dizaine de lieux emblématiques de la capitale (comme le cimetière du Père Lachaise). Elle nous présente ces lieux, leur

Pour conclure, ce supplément est de très bonne facture. La présentation de Paris, bien que courte, est très intéressante pour les personnes qui connaissent mal la capitale. Les lieux emblématiques, les factions, les luttes de pouvoirs donnent corps à un univers cohérent. On pourrait tout de même regretter un manque d'approfondissement de certaines sociétés secrètes bien connues ; comme les Rose+Croix ou la Franc-maçonnerie, citées dans l'ouvrage mais non présentées (un peu difficile à appréhender pour les néophytes).

Chicago

(date de parution : nc)

Voilà le supplément historique de Crimes : en effet il s'agît du premier écrit, même s’il ne fut pas le premier édité (il date de la version amateur du jeu). Le concept est intéressant et permet de renouveler votre environnement de jeu ainsi que de chambouler vos joueurs. Le changement complet d'environnement, loin des "classiques" Londres et Paris est très rafraîchissant. Une présentation de Chicago, des différents trafics qui ont cours au sein de la ville, ainsi que des groupes d'influence permettent de se faire une idée rapide du contexte. Tout cela est enrichi par un dossier sur la mafia, loin des clichés véhiculés par le parrain (personnellement je pense tout de suite au film : "Les sentiers de la perdition"). Il nous présente les origines, les activités principales, les figures emblématiques de la mafia. Comme dans le supplément sur Paris, nous avons une description de quelques lieux, de la police et des transports. Une chronologie permet d'ancrer ces évènements de manière cohérente. On regrettera néanmoins l'absence d'une présentation des différents quartiers de la ville ainsi que des exemples de bandes locales. par Aznar Akeba

Hex Type : JdR Système : Persona Année : 2006 Auteurs : Christian André et Aurélien Baconat Editeur : Studio Mammouth www.studiomammouth.com

Hex est un jeu de mystères situé dans la deuxième moitié du XIXe siècle, héritier direct de Maléfices. Plus « pulp » dans l’esprit et très influencé par La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, c’est une variante de notre Histoire où la science devient la religion de l’homme moderne. La barrière entre raison et superstition est vaporeuse et les causes de la plupart des mystères sont ouvertes à interprétation. A la différence de Maléfices et de Crimes, les personnages de romans comme Arsène Lupin, Philéas Fogg, Dorian Gray et le capitaine Némo y existent réellement, tout comme les auteurs (Jules Verne) qui racontent leurs épopées sur les cinq continents. Hex met en avant une certaine utopie de la Belle Epoque, où même l’impossible semblait probable. Le surnaturel et la science s’y côtoient donc pour leurs facettes extraordinaires. Ce JdR utilise le système Persona propre à la gamme des jeux de l’éditeur québécois, Studio Mammouth. par Olivier Camus

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Vampire : Victorian Age Type : supplément de background pour Vampire Système : Monde des Ténèbres Année : 2002 Auteurs : Justin Achilli, Kraig Blackwelder, Brian Campbell, Will Hindmarch, Ari Marmell Editeur : White Wolf/Hexagonal

Le supplément « London by Night » décrit la capitale britannique à l’époque Victorienne. Le supplément obéit aux règles des « by night » : une brève introduction, deux chapitres évoquant l’histoire et la géographie de la ville de Mithras, la description des personnages de la cité (avec historiques, portraits et caractéristiques). Enfin, deux chapitres orientent le conteur en analysant l’ambiance de la ville et en proposant des amorces d’intrigues. Un autre supplément n’existe que dans la langue de Shakespeare, contrairement aux précédents ouvrages, qui ont été, eux, traduits en Français : « Victorian Age Companion ». Ce supplément complète le Victorian Age : ainsi, vous obtenez des renseignements sur les lignées, les villes américaines, les sociétés secrètes…

Mort ultime Vous le savez sans doute, White Wolf a mis fin au Monde des Ténèbres par diverses Géhenne, Apocalypse ou Ascension. Le résultat est que Victorian Age s’avère très peu fournie. De plus, il est difficile de trouver les livres chez votre revendeur préféré. L’autre critique que l’on peut faire de cette gamme (ou sous-gamme) est le peu d’utilité du livre de base : il ne comporte pas de règles et n’apporte que des éléments de background, qui font double emploi avec le « London by Night ». Toutefois, l’opportunité de jouer un vampire à l’époque du Dracula de Bram Stoker ne peut que susciter l’intérêt des fans de Vampire la Mascarade et Vampire Dark Ages. Les possibilités de jeu, d’ambiances et d’intrigues sont multiples. Vous pouvez incorporer ces dernières dans une longue campagne qui part de l’époque médiévale à aujourd’hui ou réaliser toute votre campagne sous le règne de l’Impératrice Victoria. A moins que vous ne préfériez faire jouer des flashbacks à vos joueurs ? Bref ! Si vous êtes amateurs d’immortels rêvant de faire le tour du monde en 80 jours en buvant le sang d’un pauvre innocent dans une théière, Victorian Age est fait pour vous. par Andy Taker

Devenez Bram Stocker… Vampire : Victorian Age reprend le principe qui a fait le succès des deux autres jeux de la gamme Vampire. Le joueur incarne un vampire avec ses forces et ses faiblesses, dans un univers proche du monde réel mais en plus sombre (oui, c’est possible !) : Le Monde des Ténèbres. L’originalité du jeu est de faire évoluer son personnage dans le monde feutré et subtil de l’époque victorienne. Conteurs et joueurs retrouvent certains éléments de Vampire la Mascarade : l’existence de la Camarilla et du Sabbat, la hiérarchie traditionnelle et la « culture » propres aux deux sectes. De plus, le dépaysement temporel est assuré, tout comme dans Dark Ages. De ce fait, l’ambiance de Victorian Age a sa particularité. Même si tout est possible, le joueur qui aime interpréter un « personnage orienté action » (traduisez « le joueur qui joue grosbill mais qui ne veut pas le reconnaître ») a des chances de s’ennuyer dans cet univers où les caractéristiques sociales d’un PJ priment largement sur le potentiel physique.

Une « gamme » peu fournie D’ailleurs parlons-nous d’une gamme ? En fait, Victorian Age initialement présentée comme une gamme indépendante fait plutôt office d’une série de suppléments pour Vampire la Mascarade. De ce fait, le livre de base n’est pas un livre de règles. Il décrit le monde et les clans à cette époque. Un paragraphe explique les modifications à apporter aux règles de création proposées dans la Mascarade et Dark Ages. Une section propose une boîte à outils pour le conteur (inspirations, archétypes, ambiance…).

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EtherScope Type : JdR Système : OGL/d20 Année : 2005 Auteurs : Christopher F. Allen, Chris Durham, Ben Redmond, Nigel McClelland, Mark Charke, David Schwartz Editeur : Goodman Games http://www.goodman-games.com Uniquement disponible en anglais, EtherScope est un nouvel univers décalé mélangeant les styles Belle Epoque, Steampunk et Cyberpunk ! Tout se passe en 1984… Un 1984 alternatif découlant d’une découverte extraordinaire faite en 1876. Un certain Harold Wallace, poursuivant les recherches de Faraday, confirme alors l’existence de l’Ether : le stade ultime de la matière ouvrant sur une dimension parallèle. Un siècle plus tard, les moeurs, la mode et la société n’ont pas changé, les grandes puissances sont encore celles de l’époque Victorienne, mais la technologie et la génétique ont évolué. Les PJ peuvent ainsi y interpréter différents stades de l’évolution humaine dans six vocations : gredin, inventeur, occultiste, mercenaire, broker ou savant. De plus, chacun peut évoluer dans l’EtherSpace (sorte de Matrice) grâce à un avatar. Mais que dissimule cette dimension étrange et ses occupants effroyables ? Cette gamme est déjà bien étendue, avec 5 suppléments, dont un présentant la ville qui sert de décor au jeu, The Great Metropolis (Liverpool-Manchester). Dommage que ce petit bijou repose sur le moteur d20, il aurait bien mérité son propre système de règles pour être plus répandu et accessible. par Olivier Camus

Aventures Extraordinaires et Machinations Infernales Type : JdR Système : Simulacres Année : 1990 Auteurs : Tristan Lhomme & Pierre Rosenthal Editeur : Casus Belli/Jeux Descartes Elaboré à l’instar de Capitaine Vaudou, Cyber-Age ou encore SangDragon, cet univers est destiné au système de règles Simulacres créé par Casus Belli. Le contexte, s’étendant sur la période 1850-1880, très ancré dans les romans de Jules Verne, propose explorations, aventures, surnaturel, savants fous et projets délirants. L’ère de l’électricité vient concurrencer celle de la vapeur sur fond de conspirations en tout genre. Ce background à la fois historique et fantasmé est détaillé dans l’énorme chapitre "Le Monde tel qu'il est". Paris y est choisi comme point d’orgue, mais on a aussi droit à une description des colonies et des principales puissances mondiales, vastes territoires d’aventures. On n’échappe pas à la traditionnelle chronologie scolaire, doublée de son pendant Vernien. Mais, on s’émerveille devant deux chapitres originaux : "L’Aventure" et "Le Surnaturel" qui permettent d’orienter clairement le MJ vers des thématiques de campagnes possibles. Ce livret de 68 pages nous propose, en plus d’un écran et d’une fiche de personnage, un résumé des règles Simulacres, 2 pages de nouvelles professions et talents, 6 PJ pré-tirés et un énorme scénario de 24 pages en trois chapitres (Paris, Varsovie, Sibérie) intitulé "Les reflets de la Comtesse". Notons ici le haut niveau des illustrations, autant par leur qualité que par leur quantité. Dommage qu’on ne puisse quasiment plus le trouver, car Aventures Extraordinaires et Machinations Infernales fait un excellent complément à Hex ou Maléfices. par Olivier Camus

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à l’épreuve LES ÉCURIES D’AUGIAS

interview des criminels Yann Lefebvre & Christophe Chaudier

Déjà qui êtes vous ? YL : Yann Lefebvre, 31 ans, arrivé depuis peu à Montbéliard pour tyranniser de nouveaux collégiens. Rôliste itinérant depuis près de vingt ans… CC : Christophe Chaudier, 30 ans Stéphanois pur souche, j’assure le bon fonctionnement des applications centrales de Monoprix/Casino. Rôliste sédentaire depuis plus de quinze ans.

Pourquoi en êtes vous venu à écrire un JDR ?

Issu du monde de l'amateurisme, Crimes est devenu un jeu "professionnel" après quelques années d’existence. Derrière lui se cachent les Ecuries d'Augias, jeune studio d'édition. Au détour d'une ruelle sombre j'ai pu croiser les deux fondateurs Yann Lefebvre et Christophe Chaudier, fraîchement sortis de leur retraite...

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YL : C’est une lente dérive… Passé rapidement du statut de joueur à celui de meneur de jeu, j’ai souvent improvisé des parties sur le pouce à l’université. Les scénarios et les concepts d’alors ne remplissaient pas un ticket de métro. Je les écrivais le jour en cours d’histoire et de latin pour me tenir éveillé. De fil en aiguille, en fréquentant les milieux de la création amateur, la porte vers la publication s’est ouverte. Il ne fallait pas la rater et je m’y suis engouffré. CC : J’ai un parcours assez éclectique, j’ai toujours été passionné de cinéma. Comme je voulais vivre et faire vivre des histoires, je suis tombé dans le jdr. Je me suis mis à maîtriser Brain soda (la première version électronique amateur), ce qui m’a permis de faire mes premières armes dans l’écriture, on trouve d’ailleurs encore deux de mes écrits sur le site du jeu, et surtout de recycler tous les films de séries Z ou B que j’ai pu voir dans ma vie. A bien y réfléchir il en reste encore… L’esprit communautaire du milieu amateur m’ayant contaminé, j’ai décidé de m’impliquer un peu plus en devenant webmaster de Jeux d’Ombres, j’ai pris le poste de rédacteur en chef du numéro 2 au 6. C’est à cette époque que j’ai rencontré Yann et où nous commencé à travailler ensemble. En fait,

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écrire est une manière pour moi d’explorer de nouvelles voies dans le jdr et de concevoir ce que je n’ai jamais trouvé dans d’autres jeux.

combat), un système fluide, fun et mortel. Enfin une imbrication forte de la psychologie. Et après, il a fallu travailler dur !

Pourquoi Crimes et pas une reprise d'un autre JDR ?

Pourquoi faire un jeu sur la "Belle Epoque" ?

YL : Crimes a très longuement évolué. A la base, le concept était un jeu d’horreur réaliste sur les enquêtes de meurtres en série. L’influence de Jack l’éventreur et le legs de la fac d’histoire ont fait le reste pour le choix de l’époque. Le jeu a évolué et a intégré ce que je trouvais difficilement ailleurs : une rigueur historique et un ton très littéraire, pour épouser les romans noirs que j’affectionne beaucoup. On a finalement abouti à un pavé qui est une peinture de l’esprit « fin de siècle » qui taraude le XIXème moribond. Je ne connaissais pas les autres JDR sur cette époque ou sur ces thématiques, ce qui fait que Crimes a pu se construire une identité propre sans emprunter aux autres modèles.

YL : C’est un hasard. Etant médiéviste, c’est une époque qui m’était complètement inconnue. Mais elle renfermait les racines de notre thème, les tueurs en série et les grandes affaires criminelles. Etant donné qu’elle recèle cette atmosphère mélancolique qui préside à toutes les fins de siècle, la « Belle Epoque » était un choix tout indiqué. Surtout qu’on pouvait jouer sur le contraste entre la façade (progrès, enrichissement, colonialisme) et l’envers du décor (crime, pauvreté, injustices sociales).

CC : Pourquoi reprendre un autre JdR ? Vivre dans le passé n’est pas ce qui me motive ; j’aime créer, refaire le travail d’un autre, ce n’est pas pour moi. Yann et moi espérons pouvoir insuffler une certaine nouveauté et un petit grain de folie dans le milieu qui a parfois tendance à être conservateur. Crimes représentait pour moi tout ce que j’avais envie de faire dans le JdR : horreur et ambiance pesante, un jeu conséquent mais une mécanique simple et fluide en corrélation avec les thèmes développés. Quelles ont été vos sources d'inspiration ? YL : Elles sont très variées. Le roman graphique From Hell (Alan Moore) a imposé l’époque et le thème. Mais ce sont surtout les sources littéraires qui ont posé le ton et l’ambiance : les romans noirs révolutionnaires (Melmoth, Vathek, le château d’Otrante…), les contes de Maupassant ou de Poe et toutes les archives de police et de criminologie qui recèlent des trésors d’inspiration. Aujourd’hui, la Belle Epoque a le vent en poupe et nous recensons des centaines d’inspirations romans, essais, BD ou ciné, que nous dévorons à loisir. CC : Yann est le littéraire, moi je suis le cinéphile (phage ?). Mes inspirations sont beaucoup plus cinématographiques. Mes références étaient les films de la Hammer et de la Amicusn, les films gothiques italiens des années 60/70 (Argento, Bava, Fulci etc) mais aussi les romans gothiques comme Frankenstein ou Dracula. Au niveau JdR et personnel, je pense que Kult a inspiré Crimes, que ce soit de manière consciente ou non. L’édition de Ludis était d’ailleurs notre mètre-étalon au niveau maquette. Au niveau système, je me suis inspiré du roll and keep et du storytelling system mais au final ça n’a presque plus rien à voir. Et si je vous confiais que mes cauchemars m’ont aussi inspiré, vous penserez que je suis fou ?

CC : Je suis arrivé sur le projet après, donc Crimes était déjà ancré dans la Belle Epoque, néanmoins cette époque possède une ambiance toute particulière et se prête vraiment bien à l’enquête horrifique. Lorsque vous avez écrit "Crimes" pourquoi l'avoir fait sous forme de roman/jeu ? YL : La littérature et le cinéma ont été nos inspirations majeures. Nous ne voulions pas donner qu’une toile de fond, nous voulions aussi installer une ambiance. Sinon, autant se coltiner des bouquins d’Histoire… Le côté romanesque est là pour immerger le lecteur dans l’univers. C’est une façon pratique pour qu’il en apprenne les codes et qu’il se sente concerné par ses enjeux. CC : Le plus gros travers des jeux d’ambiances ou horrifiques, c’est que la note d’intention est là, mais le lecteur a du mal à rentrer dans l’ambiance. Nous avons donc choisi cette forme pour immerger le lecteur dans l’ambiance si particulière de Crimes. La version amateur avait d’ailleurs cette approche romanesque. Nous avons tout de même longuement hésité avant de choisir cette forme car à l’époque (2004), cela ne se faisait pas du tout. Nous savions tout de même que cela dérangerait pas mal de rôlistes attachés au côté encyclopédique des jeux de rôles et nous ne nous sommes pas trompés. Et puis entre nous, ne trouvez-vous pas une partie des livres de jeux de rôles terriblement pénibles à lire ? Moi si, il y a tout de même quelques exceptions comme "Exil" ou "Patient 13". Quelles seront les prochaines sorties des écuries d'Augias ? YL : Pour la gamme de Crimes, après le livre de base et l’écran, nous avons deux suites de scénarios et un supplément de contexte. "Mon meilleur ennemi" devrait être sorti, puis ce sera le tour d’une présentation

Le système de règles reste très classique mais pas la gestion psychologique, comment en êtes-vous arrivés là ? YL : Résolument portés sur l’ambiance et l’incarnation des personnages, nous voulions un système qui transcrive leurs émotions et leurs égarements. Nous avons écarté l’aspect « héroïque » pour un côté très dramatique, poussant les héros vers l’abîme. Nous nous sommes renseignés sur les théories psychologiques d’alors pour les appliquer à la gestion des PJ. La psychologie est devenue un facteur limitant (à cause de la prise de risque), une cause (de déchéance ou de folie) et un objectif (garder l’équilibre) pour les joueurs. CC : Classique ? C’est une provocation ? En fait il n’est pas si classique qu’on pourrait le croire, tout est imbriqué, tout est cohérent et a été pensé dans l’ensemble dès le départ. Ce n’est pas un bête système de résolution sur lequel on a collé des rustines (combat, psychologie, magie etc.). En fait on en est arrivé à ce système grâce a un travail intensif et surtout des mois de tests (quatre versions majeures, et au moins une trentaine de versions mineures). Dans un premier temps, il a fallu identifier ce qu’on voulait pour le système : pas de cas particulier (donc pas de règles spécifiques pour le

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à l’épreuve

de Paris à la sauce Crimes, un énorme guide pour vivre et survivre dans la capitale. Il complétera le panorama à peine ébauché du livre de base. Le supplément suivant parlera de la Commune de Paris vue sous les yeux d’enfants des rues. On élargit donc les périodes abordées (1900 et 1870) et l’on tente des approches différentes de celle du « roman-jeu ». A noter que des scénarios isolés paraissent gratuitement en PDF sur notre site. Les premiers lecteurs de Crimes deviennent d’ailleurs auteurs à part entière, ce qui nous comble d’aise ! CC : Pour Crimes, je n’en dirai pas plus car les autres livres sont tellement lointains que ce n’est pas encore la peine d’en parler. Nous avons aussi remis en projet deux de mes jeux mais comme nous n’avons pas de date, je n’en dirai rien. Quelles sont pour vous les grandes sorties JDR ou même JDP du moment ? YL : J’ai du mal à sortir la tête hors de l’eau et je suis très éloigné de mes boutiques favorites. Même si j’apprécie encore certaines sorties old school (du type Loup Solitaire), je suis de plus en plus séduit par la nouvelle génération qu’incarnent les éditions John Doe, et les valeurs sûres du 7ème cercle. J’ai l’impression que nous vivons une époque charnière du JDR, et que le futur de cette activité se joue ici et maintenant. Pour les JDP, je me déclare indubitablement incompétent ! CC : Il y a un an, j’aurais dit Qin mais celui-ci arrive en fin de carrière. Et pour le moment je ne vois pas de grande sortie, si l’on excepte les deux mastodontes méd-fan que tout le monde connaît. Je dirais bien Shadowrun 4 mais je ne l’ai toujours pas testé. Pour moi les JdR courts sont agréables et intéressants mais n’apportent pas le même plaisir que les gros jeux et j’ai du mal à les considérer comme des grandes sorties (je sens déjà les regards accusateurs dans mon dos…). Sinon j’attends Apokryph en ce moment. Au niveau jeux de plateau je n’en ai plus acheté depuis un an, mais je louche de plus en plus vers "Tannhauser". Récemment j'ai eu l'occasion de voir qu'Hexagonal avait pas mal de soucis d'édition, comment vous êtes vous débrouillés ? YL : C’est d’ailleurs impressionnant de voir à quel point les pointures éprouvent des difficultés de rentabilité. Nous avons la chance d’être petits et très souples. Crimes s’est bâti sur la base du volontariat et les collaborateurs n’ont été payés qu’une fois le seuil de rentabilité atteint. L’équipe intègre de plus en plus d’auteurs et d’illustrateurs qui viennent faire leurs armes et acceptent nos maigres rémunérations. Avec l’expérience, nous devenons de plus en plus autonomes et prenons nousmêmes en charge certains travaux (écriture, maquette, gestion des sites). Nous sommes aussi poussés par des lecteurs très dynamiques que nous associons à chacun de nos projets, chose essentielle pour les relectures critiques. En définitive, c’est en renonçant à tout salaire digne de ce nom que nous nous en sortons. CC : Nous nous somme lancés grâce à la souscription, cela a même aidé Caravelle à se créer. Cela a permis de payer l’impression du livre mais tout n’est pas non plus tout rose chez l’éditeur, car il faut tout de même vendre les suppléments. Comme il y a deux structures, le coût d’un livre est supporté par les deux entités, les Ecuries assurent la production et la publication des livres et Caravelle assure l’édition, la publicité et la distribution. Cela permet à l’éditeur d’avoir moins d’argent à sortir d’un coup. Pour les Ecuries d’Augias, l’argent que nous avons pu gagner sur Crimes nous permet de revoir à la hausse le paiement des illustrateurs, cela reste tout de même dérisoire. Nous pouvons aussi payer les auteurs de manière acceptable. Yann et moi ne touchons presque rien, puisque tout est réinvesti, puis il faut aussi payer les déplacements en convention. Je pense qu’il serait intéressant d’avoir l’avis de Caravelle sur cette dernière question. propos recueillis par Aznar Akeba

38 les carnets de l’assemblée #1

PREVIEWS, TESTS & DECOUVERTES

à l’épreuve

London 1888 Dans notre dossier sur la Belle Epoque, nous ne pouvions pas manquer de chroniquer un des plus anciens (toute proportion gardée) jeu de plateau qui hante les étagères de votre crèmerie et ayant pour thème le célèbre tueur en série de Whitechapel, j'ai nommé London, 1888. Conçu par le studio Work In Progress et distribué sous le label Nekocorp de l'éditeur 7ème Cercle, ce jeu se déroule peu après les deux premiers meurtres de l'Eventreur et invite quatre joueurs (huit au maximum) à incarner l'un des sombres acteurs de cette tragédie, car ce cher Jack a encore du pain sur la planche: 5 meurtres avant de raccrocher le scalpel sur la cheminée. Le jeu peut comprendre jusqu'à 20 tours au maximum, sachant qu'au début de chacun, un Evènement vient changer la donne et modifier l'environnement de jeu. Du cocher Netley au Prince Albert Victor, en passant par le médecin de la Reine Sir William Gull ou l'inspecteur Abberline, tous les personnages sont susceptibles d'être l'assassin ; le but du jeu pour l'ensemble des joueurs - excepté celui qui incarne Jack bien entendu - est d'empêcher que le cinquième meurtre n'ait lieu par tous les moyens. Il faudra ainsi démasquer Jack et mettre fin à ses agissements, soit en l'arrêtant pour les membres de la maréchaussée, soit en l'abattant pour les civils. Si Jack est démasqué, il peut cependant toujours remporter la partie, en rentrant à son domicile et en se suicidant. Certains personnages seront susceptibles de l'aider à atteindre son but. Chaque joueur dispose de plusieurs cartes Identité : l'une d'entre elles révèle son identité véritable, une autre le rendra suspect aux yeux des personnes susceptibles de l'interroger et enfin, les trois dernières feront office de fausse piste et seront défaussées afin de retarder la "Révélation" (NDA : "Non, The Ju, nous ne parlons pas de Nephilim ;-)").

Règles optionnelles maison Voici quelques idées pimenter vos parties :

pour

- Permettre à Jack de défier ouvertement les joueurs à partir du douzième tour en leur révélant son identité relancerait assurément le rythme et donnerait un coup de pied dans la fourmilière : certes, l'on s'écarterait de la "réalité" historique, mais le jeu prendrait un tour plus "fun", à mon humble avis. - Ne pas agencer les évènements "Meurtres" de manière totalement aléatoire mais de manière périodique (toutes les trois cartes évènements, par exemple). - Si l'on désire faire une partie "courte", réduire le nombre de cartes Identité "Fausse piste" à une au lieu de trois.

Le grand plateau de jeu représente les différents quartiers de Londres, coupée en deux par la Tamise. Les joueurs commencent la partie dans leur demeure londonienne ou leur lieu de travail, dans lesquels ils peuvent se munir de différentes choses très utiles au quotidien comme de l'argent ou surtout des armes, sachant qu'ils pourront en trouver ailleurs, au cours de leur périple. A chaque tour, les joueurs pourront également se doter de cartes leur permettant d'effectuer différentes Actions. Le principe de jeu est relativement simple à comprendre et à mettre en oeuvre, assez proche de celui de "La Chasse au Vampire", un très vieux jeu de société de Miro Meccano, le sablier en moins. Pourtant, à la différence de cet aïeul (NDA : "Ciel, 1982 !"), le jeu peut apparaître un peu "poussif" à la pratique. Le découpage du plateau en cases parfois microscopiques a tendance à beaucoup ralentir l'évolution des personnages dans Londres, même munis d'un fiacre. Ajoutez à cela des phases de jeu bien remplies dans leur déroulement pour chaque joueur et l'on peut comprendre aisément qu'une partie prenne au minimum deux heures, surtout que les dites étapes peuvent être parfois très répétitives et que le nombre de tours de jeu possibles est conséquent et aléatoire : tout dépend de l'agencement des meurtres dans la pile des cartes Evènements. En outre, la proportion d'Armes véritablement utiles est minime : l'on peut se sentir très vite démunis et dans ses petits souliers. Même si cela rajoute un facteur stress indéniable, la course-poursuite peut devenir franchement déséquilibrée. De plus, la galerie de personnages sinistres aux mines contrefaites - très bien rendues par les illustrations de Stéphan Kot, soit dit en passant - peut sembler riche en possibilités : cependant, quatre d'entre eux sont obligatoires sur le plateau de jeu et malgré la variété des actions possibles, il n'est pas rare de voir se reproduire des schémas identiques. Enfin, j'ai personnellement ressenti une impression de flou à la lecture des règles, non pas par leur complexité - nous sommes très loin d'Horreur à Arkham, c'est sûr - mais par leur organisation. Certains points sont abordés au détour d'une phrase mais pas mis en valeur : par exemple, je n'avais guère retenu le fait que TOUT le monde peut tuer à sa guise dès lors que Jack est démasqué, c'est à dire que l'on peut abattre ses éventuels alliés si on le désire. Après plusieurs parties, il est toujours dommage de se rendre compte de ce genre de choses. Malgré le soin apporté à sa conception (recherche documentaire, illustrations, variété des actions pouvant être réalisées) et un thème savoureux, London, 1888 se révèle tout de même être une petite déception. L'auteur a pensé à tous les éléments d'ambiance possibles, mais la mécanique un peu pesante fait progressivement retomber la tension. Le jeu prend effectivement tout son intérêt quand l'on compose une grande tablée (6 à 8 joueurs), mais nécessiterait cependant un équilibrage sur un certain nombre d'aspects : peut-être cette fluidité recherchée fera-t-elle son apparition dans l'extension que nous annonce l'éditeur et qui s'intitule "Whitechapel". En attendant, je reste un peu sur ma faim, même si je ne regrette pas mon acquisition. par Escrivio

39 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

sous le plus horrible

chapiteau

du monde

Histoire La principale caractéristique des spectacles de la Belle Epoque est la recherche du sensationnel, de l'extraordinaire et du bizarre. Plusieurs formes de divertissements, comme le cirque et le music-hall, bénéficient de cet engouement. Traditionnellement, le cirque en France est un spectacle équestre. Peu à peu, d'autres numéros sont ajoutés : acrobaties, domptage de lions, trapèzes, jonglage, monstres de foire,... Peu après la guerre de 1870, Ernest Lafeuille, un escroc plutôt doué, va faire le choix d'exploiter cet engouement pour monter une lucrative organisation criminelle. Il investit ses derniers maigres capitaux, dans une roulotte et un petit chapiteau. Puis, Ernesto le Magnifique - c'est ainsi qu'il se fera appeler désormais - prend la route. Sillonnant pendant de longues années les routes de France et de Navarre, le cirque prend de l'ampleur, recrutant çà et là les pires crapules en échange de la couverture qu'offre la troupe itinérante. Il y a 2 ans, Ernesto rencontre Pauline Delfosse, une jeune prostituée, dont il tombe immédiatement amoureux. Il lui propose donc de rejoindre la troupe et quelques mois plus tard ils se marient pour le meilleur et surtout pour le pire.

Structure En véritable patriarche de la troupe, Ernesto en est un directeur et un Monsieur Loyal tout désigné. Il considère les artistes de son cirque comme sa famille et à quelques exceptions près, ils le lui rendent tous bien. Cette ambiance favorise la solidarité entre les membres de la troupe, mais en apparence seulement. Autant le cirque fait corps contre l'adversité et les tracasseries extérieures, autant il est rongé par les jalousies et l'esprit de compétition. Ernesto en est conscient et profite de ce fait pour mieux régner sur tout ce petit monde. De ce fait, il n'y a pas officiellement de hiérarchie dans le cirque. Chaque artiste ne rend de compte qu'à Ernesto et à lui seul, exception faite de Pauline dont le statut particulier permet à ses sympathisants de jouir de certains privilèges. Les artistes bénéficient en plus du gîte et du couvert de la protection du

cirque pour couvrir leurs agissements malhonnêtes. En échange de quoi, ils se sont engagés à reverser les fruits de leurs rapines à Ernesto, qui, une fois les frais de fonctionnement et sa commission prélevés, redistribue, plus ou moins équitablement, les restes du butin. Il appelle d'ailleurs cela, ironiquement, la "redistribution des bénéfices". Pauline a une part plus que confortable et influence son époux quant aux petits bonus accordés à certains.

Galerie de portraits Ernest Lafeuille - Autoproclamé Ernesto le Magnifique Cet homme, d'une cinquantaine d'années, en impose. Grand et malgré quelques kilos de trop, plutôt bel homme, il est toujours bien habillé, de manière classique. Charismatique et éloquent, il impose facilement sa façon de penser à son oratoire. Il a longtemps exercé ses talents pour arnaquer les petites gens. Puis l'appât du gain, le besoin de pouvoir et de contrôle sur ses semblables, l'ont poussé à monter la troupe. Fou amoureux de Pauline, il n'en reste pas moins lucide sur les réelles motivations de la jeune femme. Il tolère les infidélités uniquement parce que cela lui donne du pouvoir sur les multiples prétendants de son épouse. Ferme et juste, il est respecté par ses artistes. Il sait que certains veulent sa place, d'autres sa femme, mais il les manipule judicieusement. Jusqu'à présent, il n'a eu à souffrir d'aucune rébellion parmi ses troupes.

Pauline Delfosse A peine 20 ans, cette magnifique jeune femme, d'origine plus que misérable, à déjà tout compris sur la façon d'utiliser les hommes. Quand Ernesto la rencontre à Nantes, elle se prostitue déjà depuis de nombreuses années, autant par vice que par besoin. Elle se fait un moment prier pour rejoindre la troupe ambulante et finit par accepter, bien consciente du potentiel d'une telle organisation. Quand, quelques mois plus tard Ernesto lui demande sa main, elle accepte immédiatement et assoit ainsi sa position au sein du cirque. Mais la belle n'est pas fidèle, et

40 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

plusieurs hommes de la troupe tombent dans ses filets. Elle entretient d'ailleurs une cour de prétendants à qui elle accorde certains privilèges, notamment en matière de "redistribution des bénéfices" du cirque. Cette situation crée encore plus de jalousie entre les artistes. C'est pourquoi Ernesto laisse faire pour le moment. Sa souplesse, sa grâce et son petit gabarit font d'elle une écuyère hors pair.

Marius a une passion pour les belles jeunes femmes. Malheureusement, il s'y prend, souvent, assez mal avec elles et doit les « forcer un peu ». Ce passe-temps détestable oblige parfois le cirque à plier bagage plus tôt que prévu et à quitter rapidement la région. Comme de nombreux hommes, Marius est, lui aussi, tombé sous le charme de Pauline qui repousse ses avances avec véhémence. Çà le met dans une rage folle et la jeune femme doit, pour le moment, la vie sauve à son statut d’épouse du patron.

Casimir dit le manchot Les Frères Volants Abandonné bébé à cause de son handicap, Casimir - c'est le prénom que les soeurs, qui l'ont recueilli, lui ont donné - souffre d'une atrophie des deux mains. Très vite il a appris à utiliser ses pieds, jusqu'à les rendre complètement préhensibles, pour pallier à son manque de dextérité. Casimir est aussi extrêmement complexé. Le regard des autres le gêne et l'évocation de son surnom le plonge dans des crises de folie meurtrière. Pour lui faire intégrer le cirque, Ernesto lui a fait confectionner des prothèses rudimentaires constituées de crochets acérés comme des rasoirs. Il ne porte jamais de chaussures pour garder les pieds toujours libres. Casimir présente un numéro où il fait montre de son habilité, jongle, peint, joue aux cartes avec les pieds.

Victoria - La femme à barbe De son vrai nom Victor Ledziq, ce jeune homme androgyne utilisait son ambiguïté pour séduire des hommes et les détrousser. Sur le point d'être arrêté, il est en cavale quand il croise la route du cirque. Ernesto l'accueille et le cache. Il lui propose ensuite un stratagème pour se mettre quelques temps au vert. En se laissant pousser la barbe et en portant une fausse poitrine, Victor joue les fausses femmes à barbe le temps que son affaire se tasse. Alors qu'il ne devait rester que quelques mois, l'arrivée de Pauline change la donne et le jeune homme a rapidement une aventure avec la femme d'Ernesto. Il a donc décidé de prolonger un peu son engagement avec le Cirque. Rêvant secrètement de remplacer Ernesto dans le lit conjugal mais aussi à la tête de la troupe, il ourdit des plans machiavéliques en attendant son heure.

Isabella - Voyante et cartomancienne Habile escroc, folle mystique ou douée d'un véritable don, personne ne sait vraiment qui est cette femme, la quarantaine, d'origine slave. Ernesto la rencontre sur un marché où elle ruine quelques pigeons au bonneteau. Sa technique est tout simplement incroyable. Elle agit sans complice et ses manipulations sont indétectables. On jurerait qu'elle voit à travers les cartes. Il n'en faut pas plus au directeur du cirque pour l'enrôler comme assistante pour ses tours d’illusionniste. Après quelques temps avec la troupe, Isabella révèle d'autres facettes de son talent. Elle semble capable de deviner les pensées les moins avouables des gens avec qui elle s'entretient. Un soir, après une violente transe - dont elle devient de plus en plus coutumière - elle prédit un évènement qui se réalise quelques jours plus tard. Ernesto est un sceptique et ne croit qu'en la science. Malgré tout, il équipe une roulotte en cabinet de voyance et c'est le succès immédiat. Il renonce donc à percer le secret d'Isabella, qu'elle ne s'explique pas elle-même. Pour lui, seul le résultat compte et sa voyante lui rapporte beaucoup d'argent.

Ghislain et Firmin Giraldini sont des monte-en-l'air réputés. Malheureusement, la célébrité n'est pas toujours un atout dans ce genre d'activité discrète et les deux frères doivent souvent changer de secteur afin d'éviter d'attirer l'attention des autorités. C'est donc tout naturellement qu'ils ont rejoint le cirque, qui leur offre la logistique indispensable à leurs périlleux cambriolages. Ernesto leur a proposé un numéro de trapèze et de voltige aérienne qui correspond admirablement à leurs talents. Occasionnellement, ils font aussi les clowns acrobates avec Pedro. Toujours très professionnels, les Frères Volants donnent l'image d'une complicité à toute épreuve, à la scène comme dans leurs activités criminelles. Mais dans les coulisses, il n'en est rien. Ils passent le plus clair de leurs temps à se disputer. Un des sujets les plus brûlants est bien évidemment Pauline, dont ils sont tous les deux amants. Jaloux comme des chiens, ils ne se supportent plus et se menacent même de mort depuis quelques temps. Ernesto craint que l'un des frères "n'oublie" de rattraper l'autre en pleine représentation.

Le Clown Pedro Nain et bossu, Pedro n'a pas eu une vie facile. Vivant d'aumône et de rapine, il ne se fait pas prier pour rejoindre le Cirque d'Ernesto. Devenu, par la force des choses, un champion de la dérision, il assume pleinement son rôle de clown. Il est toujours accompagné de Maurisio, un affreux petit singe dans un costume mité, qui terrorise généralement les spectateurs et occasionnellement, leur fait les poches. Les Frères Giraldini jouent parfois les faire valoir du Clown. Tout sourire pendant la représentation, Pedro change radicalement de visage une fois le maquillage enlevé. A la ville, c'est un homme taciturne et aigri. Il est insensible aux charmes de Pauline, bien conscient qu'une fille comme elle ne peut s'intéresser à lui. La seule personne avec qui il entretient un semblant de relation sociale c'est Agnès, la dresseuse.

Marius - la Brute Une des plus anciennes recrues d'Ernesto. Véritable force de la nature, le visage tordu par un impressionnant bec de lièvre, Marius fait peur. Pourtant, c'est un gentil garçon, bien qu'un peu attardé. S’il n'avait pas croisé la route du cirque, il n'aurait peut-être pas mal tourné. Au demeurant calme et posé, il est facilement manipulable et le directeur l'emploie pour les travaux de force et les représentations où il lui fait porter plusieurs hommes du public à bout de bras ou tordre des barre de fer. D'une fidélité sans borne pour Ernesto, qu‘il appelle affectueusement « Patron », il fait aussi office de garde du corps, le cas échéant.

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AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

Ernesto

CRIMES

Ernesto est à la recherche d'un nouveau dompteur de fauves depuis que l'ancien, à force de mauvais traitement, a été tué par son Tigre. L'animal est devenu ingérable pour la troupe et le Directeur du Cirque s'est résigné à s'en séparer quand il rencontre Agnès. Cette femme, nature, semble avoir développé une empathie avec les animaux. Ernesto lui confie alors la ménagerie. En quelques mois, Agnès obtient des résultats impressionnants, notamment avec le Tigre qu'elle renomme Sultan et avec qui elle semble avoir une relation fusionnelle, à tel point qu'elle refuse le confort d'une roulotte pour dormir dans la cage du fauve. C'est elle aussi qui apprend au singe de Pedro la plupart de ses tours et qui met au point le numéro équestre de Pauline.

MALÉFICES

Agnès - La sauvageonne

Comment utiliser le Cirque d'Ernesto le Magnifique dans vos parties ?

Constitution : 15 Aptitudes physiques : 10 Culture générale : 14 Perception : 16 Habileté : 12 Spiritualité : 5 Ouverture d'esprit : 16 Fluide : séquences de combat : 2 Métier : directeur de cirque Convictions : apolitisme Dimension sociale : marié, bourgeoisie Potentiels Physique : 3 Mental : 4 Social : 5 Compétences Novice cirque, larcin Pratiquant en intriques, pratique Maître en société spécialisé en discours

Plusieurs approches sont possibles : Si vous souhaitez placer cette troupe au centre de votre campagne, les personnages peuvent en être les artistes. Vous utiliserez alors les portraits de la galerie comme personnages pré-tirés ou comme pnjs si vos joueurs souhaitent utiliser ou créer les leurs. Le Cirque peut aussi, simplement, croiser la route des pjs pour une séance ou deux. Les personnages peuvent assister à une représentation et entrevoir l'horrible réalité que cachent les feux de la rampe. Leur enquête peut les amener à suspecter un artiste de la troupe ou encore ils peuvent être mandatés pour l'infiltrer et enquêter de l'intérieur.

Pauline

Une victime de "Victoria" veut se venger. Il a retrouvé la trace de Ledziq et sait qu'il se cache parmi les artistes d'un cirque itinérant. Il confie, aux personnages, la mission d'identifier et d'enlever discrètement le jeune homme. Pour y parvenir les personnages vont devoir opérer au plus près des artistes et pourquoi pas en se faisant engager par Ernesto.

Fauché en plein vol Les personnages assistent à une représentation. Lors du numéro de trapèze, un terrible accident survient. L'un des deux artistes chute et meurt devant le public médusé. Les personnages sont amenés à enquêter sur le drame. Ils devront découvrir si l'un des frères volants a mis sa menace à exécution.

Potentiels Physique : 3 Mental : 4 Social : 5 Compétences Novice en sport, pratique Pratiquante en cirque, larcin Maître en société spécialisée en

Technique

MALÉFICES

Constitution : 12 Aptitudes physiques : 8 Culture générale : 10 Perception : 13 Habileté : 17 Spiritualité : 12 Ouverture d'esprit : 10 Fluide : séquences de combat : 2 Métier : jongleur Convictions : apolitique Dimension sociale : déraciné Potentiels Physique : 4 Mental : 4 Social : 3 Compétences Novice en pratique Pratiquant en combat et larcin Maître en Cirque spécialisé jonglage et acrobatie, sport

Ci-contre, résumées pour les systèmes de Maléfices et de Crimes, les principales caractéristiques des portraits de la galerie...

42 les carnets de l’assemblée #1

CRIMES

par Dedjet

Psychologie Passion principale : ruine Passion secondaire : perversion (nymphomanie) Tabou : honneur (sens féminin) Tempérament : passionné Tendance : maniaco-dépressive Angoisse : 1 Psychose : 2 Seuil de Névrose : 7

Casimir

Le Onzième passager Les personnages font parties de la troupe Ernesto. Par une nuit d'orage, les artistes recueillent un vagabond qui demande asile au nom de la solidarité des gens du voyage. Après quelques jours passés au cirque, l'homme a su se montrer utile et Ernesto lui propose de rester quelques temps avec la troupe. Plus tard, d'horribles meurtres vont décimer l'entourage des personnages. Le vagabond est en fait, au choix du MJ, un tueur psychopathe, un loup-garou, un démon... Toute la difficulté va être de le prendre sur le fait.

séduction

Psychologie Passion principale : ruine Perversion : la morphÏne Tabou : son handicap Tempérament : nerveux Tendance : paranoïaque Angoisse : 2 Psychose : 1 Seuil de Névrose : 6

CRIMES

Exfiltration

Métier : ancienne prostituée, écuyère Convictions : apolitique Dimension sociale : mariée, déracinée

MALÉFICES

Constitution : 10 Aptitudes physiques : 13 Culture générale : 11 Perception : 12 Habileté : 13 Spiritualité : 8 Ouverture d'esprit : 15 Fluide : séquences de combat : 2

Idées de scénario Voici quelques brèves introductions à développer :

Psychologie Passion principale : soi Passion secondaire : le pouvoir sur les autres Tabou : le code viril Tempérament : nerveux Tendance : paranoïaque Angoisse : 2 Psychose : 1 Seuil de Névrose : 6

AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

Victor / Victoria MALÉFICES CRIMES

Potentiels Physique : 3 Mental : 4 Social : 5

Psychologie Passion principale : soi Passion secondaire : pauline Tabou : l'honneur (sens masculin) Tempérament : passionné Tendance : anankastique Angoisse : 1 Psychose : 2 Seuil de Névrose : 7

CRIMES

Métier : femme à barbe, escroc Convictions : apolitique Dimension sociale : bourgeoise

Ghislain & Firmin MALÉFICES

Constitution : 13 Aptitudes physiques : 13 Culture générale : 11 Perception : 15 Habileté : 13 Spiritualité : 8 Ouverture d'esprit : 12 Fluide : séquences de combat : 2

Constitution : 13 Aptitudes physiques : 16 Culture générale : 10 Perception : 13 Habileté : 16 Spiritualité : 7 Ouverture d'esprit : 13 Fluide : séquences de combat : 3 Métier : acrobates (monte en l'air) Convictions : apolitique Dimension sociale : ouvrière Potentiels Physique : 5 Mental : 3 Social : 4 Compétences Novices en société Pratiquants en larcin Maîtres en sport spécialisés en escalade, cirque spécialisés en acrobatie

Compétences Novice en cirque Pratiquant en intriques, larcin Maître en société spécialisé en discours et société

Pedro

CRIMES

Potentiels Physique : 3 Mental : 5 Social : 4

Psychologie Passion principale : soi Passion secondaire : le confort materiel Tabou : la religion Tempérament : amorphe Tendance : dépendant Angoisse : 0 Psychose : 3 Seuil de Névrose : 8

Métier : clown Convictions : apolitique Dimension social : déraciné Potentiels Physique : 4 Mental : 4 Social : 3 Compétences Novice en société Pratiquant en pratique Maître en cirque, larcin

Compétences Novice société Pratiquante larcin et pratique Maître occultisme spécialisée en bonne aventure et spiritisme

Marius

Compétences Novice Pratiquant en pratique et traque Maître combat spécialisé en combat à mains nues, sport

MALÉFICES CRIMES

CRIMES

Potentiels Physique : 6 Mental : 2 Social : 3

Psychologie Passion principale : la ruine Passion secondaire : les femmes Tabou : ne supporte pas d'être rejeté par les femmes Tempérament : colérique Tendance : personnalité limite Angoisse : 2 Psychose : 1 Seuil de Névrose : 6

Agnès MALÉFICES

Constitution : 18 Aptitudes physiques : 16 Culture générale : 3 Perception : 10 Habileté : 7 Spiritualité : 3 Ouverture d'esprit : 12 Fluide : séquences de combat : 2

Psychologie Passion principale : ruine Passion secondaire : dérision (luimême) Tabou : son apparence Tempérament : nerveux Tendance : paranoïaque Angoisse : 2 Psychose : 1 Seuil de Névrose : 6

CRIMES

Métier : voyante et cartomancienne Convictions : apolitique Dimension sociale : déracinée

Constitution : 16 Aptitudes physiques : 8 Culture générale : 8 Perception : 14 Habileté : 12 Spiritualité : 11 Ouverture d'esprit : 9 Fluide : séquences de combat : 2

MALÉFICES

MALÉFICES

Isabella Constitution : 9 Aptitudes physiques : 10 Culture générale : 13 Perception : 14 Habileté : 16 Spiritualité : 16 Ouverture d'esprit : 14 Fluide : 7 séquences de combat : 2 Acte magique: Le Verre Spirite (SP:12 • cf. p.93 de "à la lisière de la nuit")

Métier : brute Convictions : apolitique Dimension sociale : déraciné

Psychologie Passion principale : soi Passion secondaire : Pauline Tabou : le code viril Tempérament : sanguin Tendance : personnalités limites Angoisse : 2 Psychose : 1 Seuil de Névrose : 6

Constitution : 12 Aptitudes physiques : 3 Culture générale : 7 Perception : 14 Habileté : 14 Spiritualité : 15 Ouverture d'esprit : 5 Fluide : séquences de combat : 2 Métier : dresseuse Convictions : apolitque Dimension social : bourgeoise Potentiels Physique : 4 Mental : 4 Social : 4 Compétences Novice en sport Pratiquante en société, cirque, occultimse Maître en traque, science du vivant spécialisée en sciences du

vivant spécialisée en sciences naturelles Psychologie Passion principale : l'absolu Passion secondaire : le tigre Sultan Tabou : cruauté envers les animaux Tempérament : sentimental Tendance : dépendante (envers les animaux) Angoisse : 1 Psychose : 2 Seuil de Névrose :7

43 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

DE

ruines illusions

ET D’

scénario crimes

44 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

ver le pentacle tracé sur le sol avec un liquide rouge, une bougie trônant à chacun de ses sommets ; le passage des policiers en a altéré le tracé (le pentacle était frais).

Fabula Les joueurs vont enquêter dans le milieu du spectacle et de la magie. Confrontés à 2 meurtres successifs, ils auront à faire preuve de perspicacité mais aussi d'imagination pour remonter la piste de l'assassin. Dans un monde où illusion et réalité se mélangent en permanence, il leur faudra regarder au-delà des apparences pour accepter ce qui ne devrait pas pouvoir être. Ce scénario prend place en 1900 mais peut facilement s’adapter à d'autres « époques ».

Il y a peu de traces de sang, indiquant que le meurtre n'a sans doute pas été commis sur place. Si les Pjs fouillent l'appartement, ils ne trouvent que peu d'informations, hormis dans le bureau où ils peuvent voir plusieurs affiches de spectacles retraçant ce qui semble être la carrière d'un illusionniste : « Morgan le fabuleux ». Les affiches indiquent différentes années de 1880 à 1895. Dans la pièce se trouve un secrétaire; après une fouille minutieuse les Pjs peuvent y trouver une coupure de presse relatant le dernier « exploit » de la victime (cf en annexe la coupure de presse). Les Pjs peuvent rencontrer le concierge Maurice Gonthier (ancien militaire, un peu bourru) :

Acte I

Sur la découverte du corps : « Eh bien c'est simple, c'est monsieur Togliadi qui est venu me chercher parce que monsieur Milard ne répondait pas et il s'en inquiétait. Monsieur Togliadi venait souvent le voir. Je suis monté avec un passe mais le verrou intérieur était tiré. Nous avons alors frappé avec insistance mais personne n'a répondu,. Nous nous sommes donc mis en tête de défoncer la porte Et là, nous l'avons vu, son corps étendu sur le sol en deux parties. Je vous prie de croire que j'en ai vu des choses pendant la guerre mais là, j'ai eu un choc. Monsieur Togliadi était effondré. Je lui ai dit d'aller appeler la police.

Scène 1 : Ouverture Lieu : Le bureau de Lépine. Thème : Présentation du premier meurtre. Aide de jeu : Rapport d'autopsie et procès verbal. Suite à leurs précédentes aventures, les Pjs ont pu accéder au titre controversé d'enquêteurs spéciaux auprès de la police. Lépine les a conviés afin d'investiguer sur un meurtre inexpliqué. Lépine sur les circonstances du meurtre : «Hum ! Effectivement les circonstances de ce meurtre sont étranges, nous avons retrouvé la victime dans son appartement dont les portes étaient closes. Mais plus que l'environnement, c'est la posture de la victime qui apparaît comme extravagante. En effet, nous avons découvert le cadavre coupé en deux, au centre d'un pentacle. Mais je vous laisse consulter le dossier d'autopsie afin d'obtenir de plus amples informations.» Lépine sur la victime : «Cet homme était journaliste, il se nommait Auguste Milard. Il s'était fait une spécialité du monde du spectacle, et plus particulièrement démasquait les charlatans ou les imposteurs.» Lépine sur la découverte du meurtre : «Eh bien, le cadavre a été découvert par le concierge de l'immeuble et un certain Alfredo Togliadi, il tient une boutique de magie : "Miracles à vendre", voici l'adresse.»

Scène 2 : Sur les lieux du Crime Lieu : L'appartement de la victime. Thème : Premiers pas dans le monde de la magie. Aide de jeu : Coupure de presse. Les Pjs arrivent dans un quartier chic. L'adresse (elle figure sur le PV) leur indique un immeuble quelconque dans une rue des plus passantes, l'appartement se situant au 3ème étage. Ils pénètrent dans un appartement cossu et spacieux. Notre victime est à priori une personne ayant quelques facilités pécuniaires, en contradiction avec son métier de journaliste. Au milieu du salon, ils peuvent trou-

Sur des personnes suspectes : « Si j'ai vu passer des inconnus ? Ma foi oui, beaucoup, tous vos collègues déjà. Mais plus sérieusement, une jeune femme est venu voir monsieur Milard, une journaliste, mais je ne me rappelle plus son nom. »

Scène 3 : Le charlatan Lieu : Les coulisses d'un cabaret : « Douce folie » Thème : aucun Aide de jeu : aucune Si les Pjs souhaitent rencontrer Tauro, ils devront se rendre dans une petite salle de spectacle ; l'adresse est facile à trouver s'ils ont la coupure de presse. Ils arriveront devant un bâtiment sinistre qui a connu des jours meilleurs. Les personnes peuvent s'adresser directement au guichet afin de pouvoir rencontrer le mage. A l'entrée, ils seront bousculés par une jeune femme (une journaliste du nom de Blanche Gauthier, personnage important qui reviendra dans la suite du scénario). Après s'être renseignés sur la présence de Tauro, ils seront guidés vers les coulisses de la scène. Là, ils pourront assister à une dispute entre deux hommes, l'un grand habillé de manière élégante, et l'autre trapu, un peu dégarni qui crie : « NON et non, je vous le répète : je mets fin à votre contrat ; après ce scandale c'est normal !!!!! - Comment ? Vous osez remettre en cause mon talent, moi, le grand Tauro ! J'ai rempli des salles dont vous n'auriez même pas idée ! - Cela m'importe peu, votre grandeur passée, ce qui m'intéresse maintenant c'est de remplir la salle, pas de soigner votre amour propre : pour cela vous avez votre assistante ! - Un misérable journaliste écrit des insanités, trahit mon art et vous, VOUS ! Ah ! Je devrais vous faire disparaître ! - Laissez-moi rire... Encore un de vos trucs ! - Vous verrez ce soir un tour incroyable, fantastique, un tour d'évasion surréaliste qui n'a été réalisé que par le grand Barthas !!! - Soit, c'est votre dernière chance ! Sinon dehors ! »

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Les Pjs retrouvent donc un Tauro énervé, peu enclin à discuter avec des inconnus. S'ils se présentent comme étant envoyés par Lépine, il répondra à leurs questions mais de manière succinte et abrupte. Par contre, si ils se présentent comme des journalistes ou autres "fauteurs de trouble", ils seront très mal accueillis.

manière, il a démonté le dernier tour de Tauro en en révélant tous les trucages. » D'autres personnes sont venues discuter du meurtre : « Oui une jeune femme charmante, elle a dit être journaliste et s'appeller Blanche Gauthier. Je ne l'avais jamais vue auparavant. Elle a posé de nombreuses questions sur Auguste. »

A propos d'Auguste Milard : « Ne me parlez pas de lui ! Un magicien raté qui n'a eu comme seul but dans la vie que de révéler nos tours. » A propos de leur compétition "amicale" : « Bah, il n'a jamais su se montrer à mon niveau ! J'ai toujours été le meilleur. » A propos du résultat de leur compétition : « Oui, effectivement, à l'issue du défi cet incapable a arrêté ; il a bien fait d'ailleurs. » A propos du meurtre : « Une bonne chose si vous voulez mon avis ! Mais non, je ne l'ai pas tué. Pourquoi l'aurais-je fait ? Je l'aurais ridiculisé de toute façon. »

Conclusion de l'acte I A l'issue de leurs péripéties plusieurs pistes s'offrent aux Pjs : • Enquêter sur la mort de Barthas (très important sinon ils pourraient passer à côté de la conclusion). • Enquêter sur la jeune femme (Blanche Gauthier). • Enquêter sur Tauro et son passé. • Enquêter sur d'autres personnes accusées par Auguste Milard de charlatanisme, ceci constituant une piste inutile.

A propos de son mentor : « Le grand Barthas... Oui, il m'a tout appris. Il était un des plus grands, sa fin tragique m'a attristé. Mais vous verrez, ce soir, j'exécuterai un de ses plus grands tours. »

Acte II

Scène 4 : Miracles à vendre Lieu : Une boutique de magie.

Scène 1 : La chute d'une étoile Lieu : La scène d'un cabaret : « Douce folie ».

Thème : Le monde de l'illusion.

Thème : Une mort spectaculaire et une manifestation de « vraie » magie.

Aide de jeu : aucune Si les Pjs se rendent à l'adresse de la personne qui a découvert le corps, ils arrivent dans une boutique perdue dans une petite rue. Sa façade décrépie cache en réalité une véritable boîte de Pandore : il s'agit ici d'accentuer au maximum le contraste entre les objets "magiques" disposés dans la boutique et la réalité. En effet, au milieu d'un étrange capharnaüm où trône tout un ensemble d'articles - jeux de cartes, chapeaux, baguettes, foulards, différentes « boîtes » - se trouve un homme âgé de petite taille : Alfredo Togliadi, s'exprimant avec un fort accent italien. A l'arrière de la boutique se trouve un petit atelier où il confectionne certains "accessoires magiques" ; même après une fouille minutieuse, les Pjs n'y trouveront rien concernant leur enquête. A propos d'Auguste Milard : « Oui je le connais, j'ai travaillé pour et avec lui. Nous avons commencé notre collaboration en 1885 lorsqu'il faisait encore des spectacles, puis après je l'ai aidé à trouver les « trucs » des charlatans. » A propos de la réputation d'Auguste Milard : « Bah, il n'était pas apprécié par les médiums, surtout ceux qu'il dénonçait comme charlatans. Tout le monde de la magie lui reprochait d'expliquer les trucages. Je n'ai jamais été pour, mais il faut bien vivre. » A propos de la carrière de magicien d'Auguste Milard : « Il a été un grand magicien puis il a tout arrêté en 1895, je ne l'ai jamais compris ; à l'époque, il a mené une compétition « amicale » avec un illusionniste du nom de Tauro. Ils étaient tous les 2 les élèves d'un grand illusionniste. » A propos de Tauro : « Hum ! Oui, ils étaient amis mais Tauro a gagné leur défi. L'enjeu ? La fin de la carrière du perdant ! Mais Auguste s'est vengé d'une fort belle

Aide de jeu : aucune Cette scène peut se dérouler de plusieurs manières : • Les Pjs assistent au spectacle, ils verront donc le meurtre en direct. Vous pouvez faire jouer cette scène soit en voix off, soit laisser aux Pjs la possibilité d'intervenir. Afin d'accentuer le côté dramatique du scénario, il serait plus intéressant que les Pjs participent à l'action. • Les Pjs peuvent lire le récit du meurtre dans le journal. Quelle que soit votre manière d'approcher la scène, voilà ce qui se passe : Les lumières baissent lentement dans la salle, une explosion retentit et un nuage de fumée se forme. Là, au milieu de celle-ci, vous pouvez distinguer la silhouette de Tauro : il est vêtu d'un costume noir que rehausse une cape noire doublée de rouge. Il salue le public : "Bonsoir à tous ! Vous allez voir un tour unique, un des plus grands tours d'évasion jamais réalisés. Ma charmante assistante va m'enfermer pieds et poings liés dans ceci." (La charmante assistante est Blanche Gauthier)." Il pointe du doigt un objet imposant recouvert d'une toile, que son assistante soulève, et apparaît un cube en verre rempli d'un liquide, dont la taille est suffisante pour contenir un homme. "Cette prison de verre sera fermée par un cadenas dont la clé se trouve au fond. Mes liens seront de solides chaînes. Il s'agira pour moi de me défaire des chaînes, d'ouvrir ma prison et d'en sortir en un minimum de temps. Mesdames et messieurs, je vous demande le silence afin de pouvoir me concentrer" Tauro retire sa cape et son assistante commence à l'enchaîner, puis deux hommes viennent le soulever et le plonger dans le cube, qu'ils cadenassent ensuite. Au début, tout semble se passer normalement : Tauro tire sur ses chaînes,

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il se débat afin d'augmenter l'effet dramatique. Puis l'eau commence à se colorer de rouge, et Tauro s'agite de plus en plus ; des lambeaux de peau commencent à se détacher, de ses yeux perlent des gouttes de sang qui se mélangent bientôt avec les autres fluides de son corps, sa bouche s'ouvre sur un cri inaudible et son visage et ses yeux ne reflètent plus qu'une vive douleur. Toutes les personnes présentes se voient "octroyer" un point d'angoisse. Les Pjs peuvent intervenir afin de le libérer de sa prison ; mais s'ils n'agissent pas, d'autres personnes monteront sur scène afin de le libérer. Le seul moyen d'ouvrir le cube est de fracturer le cadenas ou de le crocheter. Toute personne qui plonge ses mains dans l'eau se verra brûlée par le liquide, devra réussir un jet sous Physique pour affronter la douleur et perdra un point de vie. Lorsque le corps sans vie de Tauro se retrouve hors du cube, une silhouette apparaît au milieu de la salle ; elle est vêtue de la même manière que Tauro mais elle porte un masque qui lui cache tout le haut du visage. Les personnes près d'elle remarqueront son regard, éteint, vide : "Il m'a volé, je lui vole sa vie, ma vengeance est consommée !" Puis elle disparaît dans une explosion. Les Pjs peuvent essayer de retrouver la silhouette, ils la voient monter une échelle pour aller dans les hauteurs de la salle et de là sortir par une fenêtre sur les toits. Ils devront faire des jets de dés afin de déterminer s'ils arrivent à la suivre ou non. La poursuite doit être haletante, mais au final, le meurtrier doit réussir à s'échapper, par exemple en sautant d'un toit, les Pjs ne pouvant retrouver sa trace en bas du bâtiment.

Scène 2 : Sous les feux de la rampe Lieu : La scène d'un cabaret : « Douce folie ». Thème : Sur les traces d'un meurtrier et l'horreur de la mort. Aide de jeu : La lettre de menace La manière de gérer cette scène dépendra de la présence des Pjs sur les lieux du crime. Si les joueurs ne sont pas allés au spectacle, ils seront prévenus par un agent de police qui vient les chercher chez eux afin de les emmener sur place. Ils arriveront après l'enlèvement du corps et l'enquête préliminaire. Ils auront accès au rapport d'autopsie et au PV, l'idéal étant qu'ils constatent eux-mêmes l'état du corps. Si les Pjs arrivent sur les lieux juste après le meurtre : Là, ils peuvent voir le corps sans vie de Tauro, affreusement mutilé : des lambeaux de peau se détachent de son corps, il semble suinter du sang et d'autres liquides organiques. Ses yeux sont laiteux, sa bouche est ouverte et semble hurler une dernière fois. Si les joueurs ont sorti euxmêmes le corps, ils auront peut être eu les mains brûlées par le liquide ; si ce n'est pas eux, ils pourront voir un homme avec les mains brûlées à côté du corps, hébété. Toutes les personnes autour du cadavre sont sous le choc, tous les Pjs qui "contemplent" le cadavre prennent automatiquement un point d'angoisse (sauf s'ils sont médecins, surtout les légistes). Lorsque tous les Pjs sont présents, le corps apparemment sans vie est pris de convulsions et un cri plaintif sort de ce qui lui reste de bouche ; toutes les personnes prennent un point d'angoisse. Après ce dernier sursaut il meurt. Si les Pjs arrivent sur les lieux longtemps après le meurtre : Là, ils trouvent la salle vide avec le cube de verre trônant au milieu de la scène. S'ils n'ont pas été assez actifs pour participer au spectacle, il faut leur donner une impression de vide, comme si le lieu était mort. Il faut leur faire comprendre l'inutilité de leurs actes. Ils pourront aller voir le corps à la morgue et subiront donc les conséquences de cette visite (un point d'angoisse).

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Les Pjs peuvent relever les indices suivants sur le lieu du crime : • en inspectant la scène, ils pourront voir que le cube a été rempli à l'aide d'un petit conduit dissimulé sur le socle (Attention ! Cette indication rend le meurtre explicable ; à éviter si vous souhaitez faire douter vos personnages). • s'ils s'intéressent au liquide du cube. Un jet en chimie pourra déterminer qu'il contient sans doute de la soude ou toute autre base. • dans la loge de Tauro, dans le capharnaüm, ils pourront trouver une lettre rédigée avec ce qui semble être de l'encre rouge (voir lettre de menace), elle leur donnera la piste du maître de Tauro. S'ils s'intéressent de près à l'écriture ils pourront remarquer (après un test réussi en Graphologie) qu'elle est sans doute l'oeuvre d'une femme (c'est en fait Blanche qui a écrit la lettre).

"Paris, le 30 octobre 1880

Si les joueurs souhaitent parler avec l'assistante de Tauro, elle a disparu. Ils pourront en apprendre plus auprès du régisseur (Jean-Claude Bonvivant) ; si les Pjs lui disent qu'ils enquêtent pour le compte de la préfecture, il répondra à toutes leurs questions, sinon ils ne pourront pas obtenir l'adresse.

De nous deux un seul a le droit de détenir les secrets de notre Maître ; nous allons donc nous affronter : le perdant n'aura plus le droit de pratiquer les arts occultes"

Sur l'assistante : « Blanche ? Ou Agrippine ? Ce soir vous avez vu Blanche, c'est une nouvelle, l'autre est partie après le scandale qui a éclaboussé Tauro. » Sur son comportement : « Comment ça, partie ? Ben, j'aimerais bien vous y voir, vous à sa place. Fraîchement embauchée et son patron meurt la nuit même de la première. Et même, elle était bizarre : elle est arrivée hier et depuis n'a pas arrêté de poser des questions à tout le monde. Elle a eu un comportement étrange ». Son adresse : « Bien sûr ! La voici, je suis toujours prêt à aider les forces de l'ordre. »

Ceci est notre pacte scellé par notre sang. Nous avons assassiné notre maître, nous en gagnerons une partie de ses pouvoirs et de ses secrets, mais nous y risquerons notre damnation. Ses dernières paroles alors qu'il était dans le brasier que nous avions allumé furent pour nous maudire. Il nous a promis qu'il reviendrait de l'enfer pour nous punir ; il a ajouté que les chétifs êtres humains craindront son courroux lorsqu'il reviendra. Nous avons trahi notre mentor ; selon ses préceptes, alliés dans la trahison nous étions, ennemis dorénavant nous sommes.

La lettre est signée par deux noms, avec ce qui semble être du sang. Il s'agit de Tauro et de Morgan, alias Auguste Milard. Si les PJs regardent les dernières pages du journal, ils peuvent trouver deux indications : l'une concerne la traîtrise d'Auguste, l'autre est juste une phrase griffonnée à la hâte : "Il est revenu".

Scène 4 : Sur la piste de Blanche Lieu : Chez Blanche Thème : Un kidnapping et une course poursuite Aide de jeu : aucun

Scène 3 : Dans l'antre Lieu : Dans la maison de Tauro Thème : aucun

Là, le mieux avec Blanche sera de se montrer direct, sans cela ils auront droit à une porte fermée. Si elle accepte d'ouvrir, ils tomberont sur une jolie jeune femme d'une vingtaine d'années (ils pourront la reconnaître comme étant la personne qui les a bousculés à l'entrée du théâtre).

Aide de jeu : aucune Tauro habitait dans une maison qui a connu ses plus belles heures de gloire il y a quelques années, elle est située dans un ancien quartier de Paris, à la réputation sulfureuse. La façade de la maison est garnie de gargouilles hideuses dans des postures étranges. L'intérieur quant à lui est plus classique mais rempli d'étrangetés, tout un tas de matériel "magique" y est entassé. Les Pjs pourront facilement trouver un accès à la cave, celle-ci recèle bien des secrets. Elle se compose en fait de 2 pièces, l'une servant de façade à l'autre, accessible via un panneau pivotant actionné par un mécanisme. La première pièce présente une cave tout ce qui a de plus classique, la seconde pièce quant à elle est décorée de bas-reliefs évoquant les différents cercles des enfers et au milieu trône un pentacle tracé avec ce qui semble être du sang (plusieurs couches), des bougies trônant à chaque extrémité. Les murs sont "tapissés" de bibliothèques, où s'amoncellent de nombreux livres. Si les Pjs fouillent les étagères, ils pourront y découvrir tout un ensemble de livres sur l'alchimie, la sorcellerie, la démonologie ; après une recherche minutieuse, ils peuvent voir que nombre d'entre eux sont écrit à la main et signé "Barthas". S’ils cherchent plus particulièrement le journal de Tauro, ils le trouveront à l'écart des autres, mis en valeur sur un vieux bureau. En feuilletant le journal une feuille de papier tombe :

S’ils ont reçu l'adresse des mains du régisseur, ils arriveront devant un immeuble situé dans une rue peu passante. Sinon, à eux de se montrer inventifs. Son appartement se situe au dernier étage de l'immeuble et donne sur le toit.

C'est une femme fragile qui dans un premier temps s'enfermera dans le mensonge. Note : Ce personnage cache un lourd secret : elle est la fille de Barthas, elle vient de l'apprendre récemment au travers de recherches qu'elle a menées sous couvert d'être journaliste. Elle s'était rapprochée d'Auguste Milard afin d'en apprendre plus sur son père et sur les personnes l'ayant vu mourir. Après la mort de celui-ci, elle s'est tournée vers Tauro le dernier élève survivant. C'est elle qui a écrit la lettre de menace. Elle a réussi à savoir par Auguste que les deux disciples n'étaient pas étrangers à la mort de Barthas. Et elle a voulu lui faire peur afin qu'il lui dise la vérité. Sur les raisons de son départ après le meurtre : « J'ai eu peur, je ne savais quoi faire, alors je suis partie. » (Faux) Sur les circonstances de la mort de Tauro : « Je ne comprends pas, nous avions répété le tour et nous n'avions pas eu de soucis, tout était normal, je ne comprends pas. » (Vrai) Sur ses rapports avec Tauro : « J'étais juste son assistante. » (Faux) Sur le mécanisme : « Je ne sais pas, Tauro ne m'a pas expliqué son tour, il en conservait le secret. » (Vrai)

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Sur la lettre de menace : « Il ne m'en a pas parlé mais je sais qu'il l'a reçue le matin. Après l'avoir lue il était fou de rage, il m'a dit que ce n'était pas important mais je sais que c'est faux. » (Faux)

dans la salle au moment du meurtre de Tauro ; elle est très grande et athlétique. Dans l'appartement ils pourront remarquer que son costume paraît vieux et très défraîchi, il sent la terre humide et la mort. Le masque qu'elle porte laisse apparaître une bouche décharnée et qui semble être comme très âgée ou brûlée. Il se dégage de ce personnage une présence quasi hypnotique et les joueurs auront l'impression de se déplacer au ralenti alors que lui se déplace normalement. Il se saisit de Blanche et s'évanouit dans un nuage de fumée.

Si les joueurs arrivent à la pousser à bout ou bien s’ils se montrent réticents à la croire, elle leur dira une partie de la vérité.

Conclusion de l'acte II

Sur la personne présente dans la salle : « Je ne le connais pas, je ne l'avais jamais vue auparavant. » (Faux)

Sur la lettre de menace : « Oui, c'est moi qui l'ai écrite, je voulais qu'il me dise toute la vérité sur la mort de Barthas ! Auguste m'avait laissé entendre qu'ils n'étaient pas étrangers à sa mort. J'ai profité de la mort de celui-ci afin de faire pression sur Tauro, je ne suis pour rien dans le meurtre. » Sur Barthas : « C'est mon père, je ne l'ai appris que récemment ; je voulais mieux le connaître, et en apprendre un peu plus sur les circonstances de sa disparition. »

Les joueurs se sont retrouvés face à leur ennemi, il doit leur apparaître comme bien supérieur à eux. Cet homme a connu l'enfer au sens littéral du terme et en est revenu transformé. L'acte II s'achève sur le rapt de Blanche, les joueurs pourront entamer la poursuite dans l'acte final.

Sur la compétition entre Tauro et Auguste Milard : « Je ne sais rien, mais à priori ça n'était pas du tout amical. »

Acte III

A un moment de l'entrevue, les joueurs pourront entendre un bruit. Ils verront une personne entrer ; il s'agit de la même personne qui est apparue

Scène 1 : Course sur les toits Lieu : Les toits de Paris sous la lune Thème : Paris et ses toits Aide de jeu : aucune La scène commence directement après la dissipation du nuage de fumée, poussez vos joueurs à partir sur la poursuite de Barthas ; ils devront réussir des jets de traque afin de le suivre et faire appel à leurs capacités "d'athlètes". Votre tâche est de rendre la poursuite sur les toits la plus haletante possible, les laissant même espérer rattraper Barthas. Mais ils devront prendre de nombreux risques afin de pouvoir le suivre. Ils sauteront de toits en toits et pourront ainsi admirer Paris vu d'en haut. Alors que la partie semble être gagnée pour eux, Barthas doit réussir à s'enfuir de manière quasi surréaliste en sautant du haut d'un toit ou bien en réussissant un saut impossible. Les joueurs ayant participé à la poursuite s’ajouteront un point d'angoisse, de même que ceux qui n'y ont pas participé (bien fait pour eux).

Scène 2 : A la recherche de Barthas Lieu : Pas de lieu en particulier Thème : Une enquête Aide de jeu : aucune Le but de cette scène est de permettre à vos joueurs de retrouver leurs esprits et de remonter la piste de Barthas. Pour cela ils ont plusieurs possibilités : ils peuvent enquêter sur Barthas lui-même et en apprendre un peu plus sur sa famille. Barthas est né en 1820. Il faisait partie d'une famille noble du nom de Ravélliant qui a eu son lot de meurtres, d’empoisonnements et de sor-

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ciers. Sa famille possède une grande propriété à l'extérieur de la ville, l'architecte qui a conçu et bâti la maison est devenu fou. Aujourd'hui la demeure est en ruine, détruite par un incendie où son propriétaire trouva la mort en 1880.

cerner la forme meurtrie d'une femme, nue. Elle relève la tête et vous voyez dans son regard un éclair de folie avant qu'elle ne vous reconnaisse ; des larmes coulent sur son visage. Elle chuchote doucement : "Il est revenu".

Barthas était certes un homme de spectacle, un des plus grands prestidigitateurs de son époque, mais on ne s'exprimait sur lui qu'à demi-mot. Tout le monde avait peur de lui.

A ce moment, vos lampes s'éteignent, vous plongeant dans le nuit. Puis les bougies ornant le pentacle s'allument, et vous entendez une voie basse et sourde vous souhaiter la bienvenue. A ce moment, toutes les torches qui ornaient les colonnes s'allument en même temps. "Bonsoir à vous mortels, il me plaît d'avoir du public en ce jour. Vous allez assister à l'avènement d'une nouvelle ère, celle du diable." Vous pouvez enfin discerner la silhouette qui descend l'escalier : elle est grande, filiforme, vêtue d'un costume noir ; vous la reconnaissez tout de suite comme étant celle que vous avez aperçue pendant le spectacle, à ceci près qu'elle ne porte pas de masque. Son visage est âgé, vous voyez les os saillir sous la peau, il ne reste que quelques cheveux blancs épars sur son crâne, son visage est gangrené, des yeux froids et morts vous fixent lorsque il s'approche.

Ces informations peuvent être trouvées assez facilement auprès d'Alfredo Togliadi ou d'une autre personne appartenant au monde du spectacle. Une fois le nom de la famille obtenu, ils pourront facilement trouver l'adresse du manoir.

Scène 3 : Aux portes de l'enfer Lieu : Les ruines du manoir des Ravélliant Thème : La mort, la vie, le sang Aide de jeu : aucune Les joueurs arrivent au manoir sous une pluie battante, et ils peuvent voir s'élever devant eux des ruines lugubres (ils devront se rendre au manoir grâce à un fiacre, car il est situé assez loin de Paris). Voici ce qu'ils peuvent voir : Devant vous se dressent les vestiges d'une immense demeure ; les éclairs qui zèbrent le ciel vous permettent de voir quelques-unes des gargouilles qui l'ornaient autrefois. Certaines encore debout vous regardent avec leurs orbites vides, béantes, ouvertes sur un abîme sans fond. Par intermittence, vous pouvez discerner d'étranges bas-reliefs, des scènes de tortures, de sacrifices ou d'orgies. Le toit est éventré, ce qui reste de l'entrée vous contemple, tel un cyclope vous invitant à pénétrer dans la demeure. Un semblant de porte grince sur ses gonds rouillés. Lorsque vous pénétrez dans la demeure, de l'extérieur ne parvient plus que le son assourdi de la foudre. Vos recherches vous permettent de trouver un accès à la cave, seul endroit accessible. La descente s'avère périlleuse sur les marches rendues glissantes par l'humidité. Après un laps de temps interminable, vous arrivez dans une grande salle soutenue par des colonnes. Par endroit, vous pouvez encore voir les vestiges de tonneaux et autres meubles. La pièce est toute en longueur et vous ne pouvez en discerner le fond. Alors que vous avancez dans la cave, vous voyez un pentacle sur le sol, tracé avec ce qui semble être du sang frais ; à chacun des sommets vous voyez une bougie noire éteinte. Juste derrière, attachée au mur vous pouvez dis-

Barthas s'approche donc des personnages. A ce stade, sa réaction dépendra de celle des joueurs. Il s'attaquera à toute personne qui essaiera de libérer Blanche ou bien d'effacer le pentacle. Il est très fort, en contradiction avec son aspect physique. A partir de là, tout dépend de l'orientation que vous souhaitez donner à cette rencontre. Si vous sombrez dans le fantastique, Barthas doit être quasiment invincible et pourra même utiliser certains pouvoirs (se téléporter par exemple) ; dans ce cas, le seul moyen de l'empêcher de nuire sera d'effacer le pentacle. Si vous ne souhaitez pas être trop surréaliste, gérez-le comme un surhomme. Dans tous les cas, il ne saignera pas, étant desséché. Barthas aux portes de la mort essaiera d'atteindre le pentacle afin de reprendre des forces. A charge des joueurs de l'en empêcher. A la mort de Barthas, son cadavre tombera en poussière, qui sera emportée par une brise. A vous, meneur de jeu, de conclure le scénario de la manière que vous préférez : vous pouvez faire revenir les Pjs à Paris pour faire leur rapport au préfet par exemple.

Conclusion A vous de faire le choix entre réalisme ou fantastique : tout peut s'expliquer de manière plausible. Le premier meurtre peut évoquer à vos joueurs "Le mystère de la chambre jaune" de Gaston Leroux par exemple. Le scénario repose justement sur le rapport entre illusion et véritable magie. De même, le second meurtre peut tout à fait s'expliquer. Seul Barthas peut être un personnage fantastique.

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causer une scie.

Principales sources d'inspiration : Livres : "Le mystère de la chambre jaune" (1908) de Gaston Leroux Films : "Le prestige" (2006) de Christopher Nolan, "L'illusionniste" (2007) de Neil Burger, "Miracles for sale" (1939) de Tod Browning

Le corps ne révèle aucune trace au niveau des mains. Par contre au cou et aux pieds, nous avons relevé des marques circulaires sans doute provoquées par un objet en bois. Le visage de la victime est déformé par la douleur ; il a sans doute été découpé vivant.

Annexes

Le corps a perdu beaucoup de sang Docteur Valère Simon, médecin légiste.

Procès verbal du premier meurtre Paris, le 30 octobre de l'année 1900

Coupure de presse La « Douce folie » aurait-elle sombré ? par Auguste Milard

Monsieur, Le 30 octobre de l'année 1900 à 10h00 du matin, nous fûmes appelés afin de constater le décès de Monsieur Auguste Milard, résidant au 108, rue Kepler. L'appel émanait de Monsieur Alfredo Togliadi, commerçant et propriétaire de la boutique nommée "Miracles à vendre". A notre arrivée sur les lieux, nous avons pu constater que la porte d'entrée de l'appartement avait été enfoncée. Renseignements pris, cet évènement était dû à l'intervention de Messieurs Alfredo Togliadi et Maurice Gonthier, concierge de l'immeuble. En pénétrant sur la scène de crime, plus précisément dans le salon, nous avons découvert, un corps sans vie, au centre d'un étrange symbole tracé avec un liquide rouge. Ce cadavre a été identifié comme étant Monsieur Milard luimême grâce aux deux témoins. Le corps a été retrouvé coupé en deux au niveau du bassin. Malgré une fouille minutieuse, nous n'avons pas pu retrouver l'arme du crime. Nous avons également interrogé les deux témoins susnommés et relevé leurs identités. Leur présence sur les lieux est dûe à l'inquiétude de Monsieur Togliadi de ne point avoir de nouvelles de la victime. En effet, il était venu afin de s'entretenir avec la victime ; arrivé devant sa porte et n'ayant pas réponse, il est parti chercher le concierge Monsieur Gonthier afin qu'il ouvre la porte. Après plusieurs essais, n'ayant pas su l'ouvrir à l'aide du double de la clé, ils se sont résolus à l'enfoncer. A leur entrée, ils ont vu le corps, et Monsieur Gonthier s'est empressé de demander à Monsieur Togliadi de se mettre en rapport avec les forces de police.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'un "fameux" magicien du nom de Tauro se produit en ce moment tous les soirs au cabaret "Douce folie". Ma foi, cet établissement ne devrait point s'enorgueillir de pareille tête d'affiche : certes, il fut un grand nom de la magie il y a une dizaine d'années, auréolé de la réputation de son mentor, mais il n'a jamais eu la même classe. Pour preuve, son spectacle n'est que reprise des tours les plus classiques sans originalité. Cet illusionniste de pacotille essaie de nous perdre grâce à une mise en scène exubérante, en jouant sur les lumières ; certes c'est agréable à regarder mais nous y perdons la magie de l'instant. D'ailleurs, afin que vous, mes chers lecteurs, puissiez mieux appréhender ce spectacle, je vais vous expliquer certains de ses trucages, et surtout ceux du soi-disant "clou du spectacle" .... (suite en page 6)

Lettre de menace Paris, le 29 octobre 1900 Monsieur, Ou devrais-je dire assassin ? Je sais que vous avez contribué à la mort de Barthas, votre maître. N'accusez pas Auguste d'en être le seul responsable, je sais que vous y avez participé. Sachez que ce crime ne restera pas impuni. Avouez tout de suite ou vous subirez des tourments jusqu'à votre mort. Votre maître vous a maudit, je serai là pour vous le rappeler chaque jour. Avouez tout ! Sans quoi vous vivrez avec la peur au ventre. Voyez ce qu'il est advenu d'Auguste, votre comparse.

Une rapide enquête de voisinage n'a pas permis d'identifier le meurtrier.

Lettre de Tauro et d'Auguste Milard

Le corps a été emmené à la morgue afin de subir une autopsie. Paris, le 30 octobre 1880 Veuillez agréer, monsieur le préfet, mes respectueuses salutations. Inspecteur Roux

Rapport d'autopsie d'Auguste Milard Paris, le 31 octobre de l'année 1900

Ceci est notre pacte scellé par notre sang. Nous avons assassiné notre maître, nous en gagnerons une partie de ses pouvoirs et de ses secrets, mais nous y risquerons notre damnation. Ses dernières paroles alors qu'il était dans le brasier que nous avions allumé furent pour nous maudire. Il nous a promis qu'il reviendrait de l'enfer pour nous punir et il a ajouté que les chétifs êtres humains craindront son courroux lorsqu'il reviendra. Nous avons trahi notre mentor ; selon ses préceptes, alliés dans la trahison nous étions, ennemis dorénavant nous sommes.

Objet : Rapport d'autopsie de Monsieur Auguste Milard Monsieur, Nous avons effectué l'autopsie de Monsieur Milard le 30 octobre 1900. Nous avons pu déterminer que la mort était due à une perte importante de sang au niveau du thorax. Au niveau de la plaie, nous avons constaté qu'elle comportait de nombreuses entailles similaires à celles qu'aurait pu

De nous deux un seul à le droit de détenir les secrets de notre Maître, nous allons donc nous affronter ; le perdant n'aura plus le droit de pratiquer les arts occultes

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PNJs Barthas Métiers : Ancien prestidigitateur, aujourd'hui sorcier et mort-vivant Convictions : Esotérique Dimension sociale : Noble, 80 ans Potentiels: 6 Mental : 7 Social : 4 Compétences en traque, larcin Pratiquant en intrigues, combat, sport, société Maître en société, occultisme spécialisé en langage hermétique, illusion et hypnose Psychologie Passion principale : la ruine Passion secondaire : la destruction des êtres vivants Tabou : la destruction de son pentacle Tempérament : colérique Tendance : personnalité limite Angoisse : 0 Psychose : 1 Seuil de Névrose : 6 Déchéance : surhomme, invulnérable (contrepartie destruction de son pentacle), marque de Caïn Dossier Né en 1820, il fait partie d'une famille noble du nom de Ravélliant qui a eu son lot de meurtres, d’empoisonnements et de sorciers. Sa famille possède une grande propriété à l'extérieur de la ville, l'architecte qui a conçu et bâti la maison est devenu fou. Aujourd'hui la demeure est en ruine, détruite par un incendie où son propriétaire trouva la mort en 1880. Barthas a été assassiné par ses deux disciples Tauro et Morgan (alias Auguste Milard). Après l'avoir poignardé, ils ont brûlé sa demeure afin de faire disparaître sa dépouille. Alors qu'il allait mourir, il a fait un pacte avec le diable et a pu traverser son pentacle afin d'être protégé de l'incendie. Toutefois, il l'a payé cher et maintenant se trouve possédé par le Malin : la marque la plus visible sur lui est son visage complètement desséché, ainsi que son regard éteint. Son pacte lui a permis de revenir de l'enfer afin de punir les traîtres qui l'ont assassiné, mais son retour implique aussi la ruine pour les autres mortels ; il hait les êtres vivants et souhaite tous les détruire. Son passage dans les flammes, lui a permis de développer ses compétences physiques au-delà d'un homme normal, et il est capable d'utiliser les pentacles qu'il trace comme moyen de transport (c'est de cette manière qu'il a amené le corps d'Auguste dans son appartement).

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Blanche Gauthier Métier : journaliste Convictions : républicain Dimension sociale : orpheline, 20 ans Potentiels: 3 Mental : 4 Social : 5 Compétences en occultisme, sport Pratiquante en société et pratique Maître en intrigues spécialisé journalisme Psychologie Passion principale : l'intrigue Passion secondaire : la recherche de son père Tabou : donner la mort Tempérament : sentimental Tendance : maniaque dépressif Angoisse : 1 Psychose : 2 Seuil de Névrose : 7 Dossier Blanche Gauthier a été élevée par sa mère, morte quelques semaines avant les événements. Juste avant de mourir, elle lui a révélé le nom de son père : Barthas. Depuis Blanche n'a eu de cesse que de le retrouver. Elle a découvert qu'il avait péri dans l'incendie de sa demeure et enquête alors sur cet événement. C'est dans ces conditions qu'elle s'est approchée des anciens élèves du magicien, avec l'intime conviction qu'ils n'étaient pas étrangers à son décès Elle veut absolument trouver les raisons de la mort de son père et sera prête à tout pour y arriver.

retrouvez sur notre site www.lassemblee.org les aides de jeu dédiées à ce scénario

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« Je mourrai dans des souffrances atroces. Après ma mort, mon corps n'aura point de repos. Puis tu perdras ta couronne. Toi et ton fils vous serez massacrés ainsi que toute la famille. Après, le déluge terrible passera sur la Russie. Et elle tombera entre les mains du Diable. » - Raspoutine

LA FIN DES TSARS scénario maléfices

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Ce scénario embarquera vos joueurs, bien malgré eux, dans un conflit ésotérique en plein Paris. La ville lumière étant le théâtre d’un règlement de compte occulte opposant les spirites rassemblés sous l’aile de Papus, au moine fou Raspoutine, véritable marionnettiste de la cour des Tsars de Russie. En perspective : une nuit enneigée de folle coursepoursuite qui mènera le groupe jusqu’au final sur la Tour Eiffel. Idéalement jouable avec les règles de la 3ème édition (« À la lisière de la nuit » peut s’avérer utile) par un maximum de 3 joueurs, l’introduction de ces derniers sera d’autant plus facilitée s’ils font partie des forces de l’ordre, sont magistrats ou enquêteurs (policiers, soldats, diplomates, journalistes, …). Toute entorse à l’Histoire réelle, aux lieux, aux personnages, les divagations ésotériques ou certains anachronismes sont volontaires, ceci afin de privilégier l’aspect romanesque de cette aventure.

Les sources du conflit

Introduction

Automne 1905, Nicolas II, aux prises avec les troubles sociaux, fit appel à Papus au Tsarskoïe-Sélo pour lui demander conseil. L’occultiste français invoqua alors, au cours d’une opération magique, l’esprit d’Alexandre III, qui préconisa la répression et annonça une révolution de grande envergure. Papus dévoila au Tsar que cette révolution n’éclaterait pas tant que lui-même serait vivant. Le Maître Philippe de Lyon, véritable mentor de Papus, jouit, lui aussi d’une grande autorité morale auprès du Tsar, à qui il avait prédit la naissance du successeur au trône. Bref, la Rose+Croix française était devenue prophète de l’avenir des Tsars. Mais, c’était sans compter la venue soudaine à la Cour d’un certain Raspoutine qui supplanta rapidement les spirites. Nicolas II et son cousin le prince Youssoupov, un instant aveuglés par les « miracles » du moine, ont mis sous surveillance Raspoutine. Son emprise sur la Tsarine a généré une telle suspicion pour Stolypine, président du conseil, et les dirigeants du pays qu’elle s’est transformée en haine envers cet étrange personnage. L’Empereur fait alors de nouveau appel à Papus pour y voir plus clair dans cet avenir trouble…

Jeudi 6 Décembre 1906, Saint-Nicolas, par un rude hiver précoce, la famille impériale des Romanov est en visite à la capitale sur invitation du Comte de Paris, le gouvernement français n’intervenant donc pratiquement pas dans cet échange, non diplomatique et uniquement monarchique. La Tsarine Alexandra, ses filles, et son héritier, le Tsarévitch Alexis, voyagent à bord de l’Orient-Express précédant le Tsar Nicolas II. Ce dernier, retenu par des affaires urgentes au Tsarskoïe-Sélo, doit les rejoindre la semaine suivante. Les PJ attendent sur le quai d’une gare…

Vengeance occulte Ce tout récent retour en grâce de Papus auprès du Tsar a sorti Raspoutine hors de ses gonds. Son plan de domination sur la famille impériale semble être freiné par les invocations médiumniques et spirites du maître français. En aucune manière la « fin des Tsars », pour laquelle Raspoutine a diaboliquement oeuvré, ne doit être révélée. Se devant d’accompagner la Tsarine à Paris, Raspoutine envoie son âme damnée, le Dr Boris Zargo, en éclaireur afin de préparer pour lui l’ultime vengeance qui mettra un terme à l’influence de Papus sur le Tsar. Zargo a reçu pour mission d’espionner les Rose+Croix et de découvrir un de leurs secrets les mieux gardés : la clef permettant de libérer les esprits damnés des catacombes de la capitale ! Le but de Raspoutine est de provoquer, en libérant ces milliers de spectres sans repos, un bouleversement dans le monde des esprits au-dessus de Paris. Il espère que ces âmes-en-peine viendront tourmenter, hanter, voire posséder tous ceux qui osent entrer en contact avec les esprits des défunts, à savoir les adeptes du spiritisme mondain (bon nombre de rosicruciens) et leur maître, Papus. Ce type de vengeance est bien plus dévastateur et orgiaque, pour son instigateur, que la simple exécution sommaire de son concurrent. A la veille de l’arrivée du convoi russe, Zargo poursuit et assassine dans son appartement de la place Denfert-Rochereau le gardien de la clef occulte des catacombes. Il s’en sert ensuite, ouvrant ainsi le portail magique qui scellait le champ de contrition des âmes perdues. Alors que l’Orient-Express arrive en Gare, plusieurs milliers de spectres invisibles rôdent au-dessus de Paris, à la recherche de leurs propres sépultures, inexistantes. La seconde phase de ce plan consiste alors pour Raspoutine à déchaîner ces esprits sur les habitants de la ville ! Mais pour cet ultime rituel, le Staretz a besoin d’un puissant catalyseur…

Voici quelques idées d’introductions afin d’impliquer vos joueurs dans l’intrigue : •Si les PJ sont soldats, policiers ou même journalistes : Ils ont pour ordre d’escorter, pendant toute la durée de son séjour, le « médecin » de famille : un certain Père Efimovitch. •Si les PJ sont ecclésiastiques : Ils ont pour mission (ordonnée par le Saint-Siège ?) de garder un oeil sur un dangereux sectateur (peu) orthodoxe venu de Sibérie, conseiller particulier de la Tsarine. •Si les PJ sont médecins : Ils sont dépêchés officiellement auprès de l’ambassade russe afin d’aider le guérisseur de la famille impériale dans ses tâches médicales ; et/ou ils ont eu vent des « pouvoirs » de guérison du moine et comptent le suivre afin d’en savoir plus sur ses méthodes. •Si les PJ sont artisans, ouvriers ou commerçants : Ils seront affectés par leur patron à la délégation (guide, chauffeur, tailleur, …).

Scènes Gare de l’Est C’est au petit matin que l’Orient-Express fait son entrée Gare de l’Est, les wagons de queue ont été entièrement réservés à la délégation impériale. Certains policiers de la Sûreté en habit bourgeois, ainsi qu’une poignée de gendarmes armés, assurent la sécurité du quai. La Tsarine, ses filles, leurs suivantes, le Tsarévitch, leurs gardes personnels, quelques diplomates loyaux à la Cour, Raspoutine et sa garde rapprochée (les cosaques) ; tous mettent pied à terre sur le quai et se dirigent vers la sortie. Le Docteur Boris Zargo vient alors accueillir son maître. Ce dernier

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embrasse outrancièrement son ami. Zargo lui remet, sortie de sa poche, une miniature de la Tour Eiffel. Raspoutine s’émerveille en découvrant l’objet (qui pour tout parisien est une simple babiole attrape touriste).

Un valet de pied accueille les invités à l’entrée, et n’admet ces derniers qu’uniquement sur présentation du carton. C’est un Raspoutine, passablement excité, qui entre seul dans cette immense maison bourgeoise.

C’est à ce moment qu’un sac de toile atterri violemment sur le quai entre les pieds des suivantes. Ce sac semble avoir été lancé depuis le quai voisin (jet de perception). Si aucun des PJ ne réagit en ce sens, ce seront les gardes de la Tsarine qui crieront l’alerte à la bombe, mettant à l’abri les personnalités les plus importantes. Une certaine panique s’en suit. Simultanément, si les regards se portent dans sa direction (jet de perception), le « terroriste », un homme habillé d’un veston clair, d’une casquette de chasse, au visage recouvert d’un foulard rouge, prend la fuite traversant la voie ferrée vers une sortie opposée de la gare. L’arrivée transverse d’un autre train sur ce quai mettra fin à toute velléité de poursuite éventuelle.

La première partie de la soirée se déroule dans un immense salon bardé de fauteuils et de divans. Au centre trône un piano à queue. Une foule bigarrée de bourgeois ventripotents et de notables exubérants y côtoie, tout à fait bizarrement, des bohémiennes, des illuminés en toge, des oblats… L’ambiance, en plus d’être surréaliste, est bruyante, alcoolisée et enfumée. L’absinthe coule ici à flot et certaines volutes d’opium se dégagent du fond de la pièce. Laissez les personnages s’imprégner de la scène, le décadent Raspoutine nageant ici comme un poisson en eau douce.

Aucune détonation ne provient du sac lancé. Si on l’observe, l’objet semble suinter un liquide brunâtre sur le quai. Raspoutine s’approche nonchalamment du paquet et entreprend de l’ouvrir. Le contenu, qui le met en furie, est des plus macabres : le sac contient une tête de chien sanglante. Le terroriste en question n’est autre que l’agent Dimitri Pavlov, qui par cette manoeuvre est venu délivrer un message de défi, adressé non pas à la Tsarine (comme le pensera la police), mais à Raspoutine luimême. Cet attentat a pour but de détourner toute l’attention et les efforts de sécurité sur la personne de la Tsarine et d’isoler ainsi Raspoutine. La tension augmente donc ostensiblement parmi les gardes de la délégation. Les fusils sont en mains.

Ambassade de Russie L’ensemble de la délégation, répartie dans de luxueuses automobiles, arrive bientôt à l’ambassade russe, escorté par la police. Du fait des évènements de la gare, le lieu sera diplomatiquement fermé aux PJ, ils devront soit faire le pied de grue à l’extérieur de l’enceinte, soit revenir plus tard. Un journaliste prend également position devant les grilles (en fait, Dimitri Pavlov, à peine revenu de la gare). Si les personnages entament une discussion avec ce dernier (qui pourrait paraître suspect), il révèlera qu’il attend le soir car « des invitations ont été envoyées à l’ambassade ». Faisant croire aux personnages qu’il est bien établi dans le gotha mondain, il leur fournira généreusement ces mêmes invitations. Pavlov ne sachant pas quel rôle exact les personnages jouent auprès de Raspoutine, il estime qu’il vaut mieux garder ses ennemis (potentiels) à portée. Il ne se passera effectivement rien de notable jusqu’au soir, heure de l’invitation. C’est une voiture, transportant Raspoutine accompagné d’une bouteille d’alcool fort et de deux de ses cosaques, qui quitte l’ambassade pour le lieu de la soirée.

Chez Claude Debussy, hôtel particulier « Mascarade », voici le nom qu’illustre le carton d’invitation ainsi que la gravure d’un masque de théâtre. Sous la date du jour et l’adresse (laissée à votre discrétion), un texte précise les conditions de la soirée :

Monsieur Claude Debussy, « Le sauveur de la musique française », Vous accueille chez lui pour la traditionnelle Nuit des Masques Invitée spéciale pour le récital : Mademoiselle Emma Calvé Une rose stylisée finit d’illustrer l’intérieur du carton.

C’est alors que le maître compositeur, Claude Debussy, fait son entrée, suivi de la cantatrice de renommée internationale, Emma Calvé. Raspoutine, apparemment admirateur de la belle, se jette à genoux devant son passage afin de lui baiser goujatement les mains. Le récital débute, l’auditoire fait silence. Après la représentation, les domestiques viennent inviter, un à un, les différents groupes de convives à passer dans une autre pièce. Vient le tour des personnages, alors que déjà Raspoutine semble avoir disparu à la vue de tous. Une soubrette propose « Voulez-vous prendre part à la Mascarade ? ». Celle-ci les guide dans un grand vestiaire, déjà occupé par de nombreux vêtements, où là les accueille une autre soubrette (totalement nue à l’exception de son tablier, un loup recouvrant ses yeux) devant plusieurs énormes paniers à linge, desquels débordent différents masques représentant des faciès d’animaux. Les PJ sont alors invités à en choisir un et, s’ils le souhaitent, à se dénuder ici. Elle les quitte alors ouvrant une autre porte donnant sur un couloir duquel on peut apercevoir les convives, pour certains uniquement vêtus de masques, pour d’autres rhabillés de capes colorées.

Mascarade Un gramophone crache une musique funeste. Plus loin, une orgie sexuelle se déroule dans une salle à manger immense. Tout y est comme ritualisé, les convives y viennent pour se « célestifier ». Voyeurs et pervers y dévoilent leurs bas instincts primaires, toujours sous couvert des masques. L’opium est exposé ici au grand jour. Dans d’autres pièces, les invités se mettent à faire tourner les tables ou à consulter des médiums venus pour l’occasion. Si vous leur en laissez le temps, les PJ peuvent alors glaner quelques bribes de conversations parmi les spirites et médiums. Elles confirment toutes qu’une perturbation étrange semble frapper depuis la veille le monde des esprits (la libération des spectres des catacombes). C’est dans ces murs que le piège fomenté par Dimitri Pavlov et Papus va bientôt se resserrer autour de Raspoutine. L’agent russe mandate une des soubrettes afin d’inviter les personnages (soupçonnés d’alliance avec le staretz) à un spectacle particulier… Elle les entraîne dans un couloir discret attenant à ce qui semble être une grande chambre fermée d’une double porte. Elle procède alors sous leurs yeux au décrochage de

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deux tableaux de maître, ces derniers ne servant en fait qu’à dissimuler le revers de miroirs sans teint. Au travers, les simples spectateurs que deviennent les personnages découvrent un Raspoutine nu comme un ver, portant le masque du bouc, attendant seul dans cette chambre richement décorée et toute dédiée à la luxure. Un lit à baldaquin trône, surélevé, au centre de la pièce ; tout est ici clairement mis en scène pour le plaisir des voyeurs dissimulés derrière ces miroirs. Une femme dénudée fait alors son entrée dans la chambre, le visage caché par un masque d’oiseau aux plumes de paon colorées. Un jet de perception réussi permettra de reconnaître Emma Calvé, lascive sur le lit. Le russe ne pense même pas à résister une seule seconde. Il se précipite sur elle, ce cadeau offrant un parfait tribu au diable. Il entreprend alors d’hypnotiser sa victime. Se croyant à l’abri des regards, certains de ses aspects de corruption diabolique reprennent le pas sur l’humain qu’il est. Un jet d’Ouverture d’Esprit pour les spectateurs dévoilera la vision d’un Raspoutine sous la forme démoniaque d’un faune/satyre cornu. Selon le palier de réussite, les personnages pourront être simplement troublés, convaincus d’une hallucination ou tout à fait persuadés d’y avoir vu là un maléfice. C’est alors que font irruption, depuis deux petites portes situées derrière le lit, quatre hommes masqués. Ils portent tous le même masque d’oiseau (une sorte de long bec de Pélican en cuir cousu ne présentant que deux noirs orifices pour les yeux) et sont chacun armés d’une matraque. Profitant de la surprise, ils fondent sur Raspoutine, s’en saisissent et l’assomment, non sans que le moujik ait pu beugler quelques insultes en russe. Ces étranges agresseurs traînent ensuite précipitamment le moine par là où ils firent leur entrée. Aux personnages de réagir ! La double porte, bien que verrouillée, n’offre pas grande résistance à une charge d’épaule bien placée. La poursuite des agresseurs mène vers une arrière-cour à l’extérieur. Là, un fourgon aux portières ouvertes semble attendre. Trop tard pour nos héros, puisque derrière eux déboulent d’autres Pélicans. Une bagarre peut s’en suivre mais arrangez-vous pour que tous les PJ se retrouvent assommés (au pire maîtrisés puis drogués).

Place Denfert-Rochereau La nuit est noire et glaciale. Les personnages se réveillent, groggy, les mains ficelées dans le dos, à l’intérieur du fourgon stationné quelque part dans la ville. Les parisiens reconnaissent sans peine la statue du Lion de Belfort : ils sont au beau milieu de la place Denfert-Rochereau, déserte. Ils peuvent mutuellement se défaire de leurs liens, pas très élaborés. Des éclats de voix se font très vite entendre. Ils proviennent d’un petit square orné d’un minuscule bosquet. Des jurons en russe confirment le fait que Raspoutine est sur ce lieu. Lorsqu’on s’en approche, on y retrouve les quatre Pélicans, toujours masqués et armés de matraques, ainsi qu’un cinquième personnage reconnaissable : le journaliste (Pavlov) en poste devant l’ambassade. Ce dernier pointe un revolver vers la face de Raspoutine. Agenouillé, les mains ligotées ; il a été habillé dans la hâte avec une longue chemise crasseuse. D’un côté, les menaces en russe fusent, de l’autre, les insultes servent de réponse. Au milieu de cette scène, se trouve un soupirail dont la grille est ouverte. Un jet de Culture Générale peut permettre aux PJ de déterminer que tout ce beau monde se trouve à l’aplomb du principal lieu de visite souterraine des catacombes et de son ossuaire. Pavlov veut arracher des aveux sur les intentions de Raspoutine et savoir ce qu’il a fait de la clef magique. L’intimidation ne donnant rien, Pavlov loge une balle dans l’épaule du moine. Ce dernier serre les dents sous le choc, puis commence tout simplement à rire. Un rire diabolique qui accompagne une nouvelle vision de la forme démoniaque du staretz (même jet et effets que dans la chambre). Les Pélicans sont frappés d’effroi, Pavlov interloqué.

Au loin, un bruit de moteur se fait menaçant. Très vite, c’est un des énormes véhicules de l’ambassade qui déboule à tombeau ouvert sur la place. A l’intérieur et sur les marches pieds : Zargo et les cosaques armés jusqu’aux dents. A l’approche du bosquet, ils font feu sur les Pélicans et Pavlov. Ces derniers tombent comme des mouches. Les personnages sont épargnés. Tout se passe très vite : la voiture stoppe, les cosaques emmènent leur maître à l’intérieur, puis redémarre en trombe.

Un Supérieur Inconnu Un spectateur de la scène est resté jusque là silencieux et dissimulé dans l’ombre d’une porte cochère ; la porte de l’appartement du gardien rosicrucien, retrouvé assassiné. Cet inconnu n’est autre que Papus. Il se précipite, tout bouleversé à la rencontre des personnages. Il constate d’abord que certains de ses compagnons sont encore en vie, mais gravement touchés. II s’empresse alors de dévoiler aux personnages ce qu’il sait du plan de Raspoutine : la libération des âmes-en-peine, sa détermination de vengeance, l’utilisation probablement imminente de ces spectres lâchés au-dessus de Paris, etc… Le Supérieur Inconnu révèle aussi en hâte que, pour conclure son rituel maléfique, Raspoutine aura besoin d’un énorme catalyseur de fluide pour manipuler les âmes ; mais il ignore de quoi il va bien pouvoir se servir pour y parvenir. Soumettez un jet d’Ouverture d’Esprit -2 aux PJ, seuls ceux ayant obtenu une réussite de niveau A pourront faire le lien entre la miniature de la Tour Eiffel présentée à la gare et l’idée d’un catalyseur. Papus doit secourir les siens en allant chercher des secours au plus vite. Charge aux PJ de poursuivre l’immonde sorcier russe dans les rues de la ville. Pour ce faire, ils ont à leur disposition le fourgon. Dans cette nuit glacée, les rues de Paris sont désertes, les traces de pneus sont facilement lisibles dans la neige. Il n’est donc pas très ardu de rattraper la voiture de l’ambassade, ralentie par sa lourde charge. Après quelques jets d’Habileté, le personnage conducteur retrouve à l’horizon le véhicule russe. Une fois le pont Alexandre III passé, ce dernier stoppe devant le parvis du Grand Palais…

Le Grand Palais Tel un navire d’acier et de verre échoué en plein Paris, la structure fantomatique du Grand Palais surplombe les personnages. Raspoutine, Zargo et les cosaques se sont précipitamment engouffrés dans l’enceinte du bâtiment. A l’approche du lieu, nos héros croisent une affichette : « Expo aéroplanes & aérostats », son illustration présente un aéroplane, un zeppelin et l’hélicoptère de De Vinci. Le Grand Palais accueille effectivement une convention technologique de chercheurs et d’aventuriers des cieux. La porte d’entrée a été fracturée. L’enceinte, plongée dans l’obscurité, regorge de prototypes et de machines volantes en tout genre. Difficile de se mouvoir dans ce capharnaüm sous la seule lumière de la lune. Durant le trajet, le moine fou a été rééquipé par ses gardes (manteau, tunique, pistolet et poignard). Zargo a amené Raspoutine ici dans le but de subtiliser un petit zeppelin de démonstration amarré à la toiture du Grand Palais. Ils doivent donc progresser vers les niveaux supérieurs et passer par la baie vitrée pour accéder à une coursive extérieure au bout de laquelle un pylône retient le dirigeable. A vous de mettre des embûches sur le trajet des personnages jusque làhaut (embuscade de cosaques, duel dans un escalier, poursuite sur passerelles, difficulté à distinguer les silhouettes dans le noir, Raspoutine peut hypnotiser un PJ isolé et le retourner contre ses amis, …). Le tout peut se solder par un échange de tirs entre Raspoutine lui-même et les joueurs

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les plus braves (attention, son arme est ensorcelée, voir description). Quoiqu’il arrive, les PJ auront perdu bien trop de temps pour empêcher Zargo d’emmener le staretz à bord du zeppelin. Une fois leur chef dans les airs, les cosaques survivants prennent la fuite. Plantés sur la toiture du Grand Palais, il ne reste plus aux personnages que leurs méninges pour regrouper tous les indices. Soumettez un jet d’Ouverture d’Esprit aux PJ, une réussite permettra de faire le lien entre la nécessité du zeppelin, les spectres en suspension au dessus de Paris, l’idée d’un catalyseur et la miniature de la Tour Eiffel… Et oui, Raspoutine va utiliser la Grande Dame de Gustave Eiffel !

La Tour Eiffel Les PJ décident de faire route vers le Champ de Mars lorsqu’une tempête se lève. Raspoutine manipule les éléments en sa faveur. Il utilise le sort « Contrôler les éléments (tempête/incendie) » afin de précipiter son arrivée au sommet de la Tour. Il accoste directement au 3ème étage. Les personnages, ayant roulé pied au plancher, arrivent au bas de la Tour Eiffel. Il faudra ruser ou convaincre les gardiens de nuit (la Tour est toujours bien défendue contre les « culbuteurs ») afin d’emprunter les ascenseurs. C’est lors de leur ascension qu’un orage surnaturel débute. Des éclairs bleutés viennent lécher les jupes de la Grande Dame. Raspoutine est en pleine invocation, utilisant la structure de la Tour Eiffel telle une antenne catalysant son fluide vers les âmes perdues. Rendus sur la plateforme du sommet, nos héros découvrent un orage qui redouble et des dizaines, voire des centaines de spectres tournoyant sous les nuages (jet de confrontation à un évènement surnaturel). Le staretz semble être l’épicentre d’une force électrique attirant les fantômes à lui. Une nouvelle fois, le russe change de forme : le Diable refait surface en lui. Seul dernier rempart entre nos héros et le sorcier fou : Boris Zargo. Ce dernier défendra son maître jusqu’à la mort. Il utilisera en premier lieu une de ses fioles d’acide concentré afin de dissuader les PJ d’approcher. Une fois l’infâme docteur au tapis, les spectres contraints investissent par groupe le corps du staretz. Ce dernier, même s’il est sous sa forme démoniaque, semble alors dépassé par l’ampleur du phénomène. Bientôt, il absorbe les derniers ectoplasmes, totalement surchargé, les yeux révulsés, le sang aux lèvres… Il se dirige ensuite vers la rambarde dans l’espoir d’expulser les nouveaux occupants de son corps vers les rues de Paris, ultime phase finale de son rituel. Mais c’est là que le facétieux Lucifer en personne intervient. Du fait des trop nombreux abus de sorcellerie perpétrés par le russe et estimant contractuellement que ce moine fou a depuis bien trop longtemps dépassé les termes du Pacte qui le lié à lui ; le Diable abandonne tout engagement. Raspoutine se retrouve tel un simple moujik mortel et hirsute… Un mortel ne pouvant plus supporter les tourments intérieurs infligés par les nombreux spectres. La folie et la douleur s’emparent de son crâne, il chancelle et… tombe dans le vide. Il laisse les personnages seuls en haut de la Tour, ou peut-être ressentent-ils une autre présence, une présence maléfique et satisfaite de son oeuvre, s’estompant dans la brume… Le moine fou n’aura pu contrôler la fin des Tsars.

Conclusion Libre à vous désormais de donner suite immédiate à cette intrigue : Pourquoi le cadavre du sorcier ne sera jamais retrouvé sur le Champ de Mars ? Pourquoi la Tsarine tient tant à récupérer le corps du staretz ? Les spectres ont-ils été relâchés ? Quels dégâts ont-ils provoqués chez les spirites ? Que sont devenus Papus et les Rose+Croix ? Que cachent Claude Debussy, Emma Calvé et leur mascarade ? Quid des catacombes ? On ne s’étonnera pas qu’un tel sorcier, ayant contracté un Pacte avec le Diable, puisse avoir plus d’une vie… Nul doute alors qu’on reparle de lui par la suite.

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Grigori Efimovitch dit « Raspoutine », le staretz noir Historique Grigori Efimovitch dit Raspoutine est né en 1864. Il vient d’un petit village sibérien qu’il a quitté pour se consacrer à la religion, à la méditation et à l’errance. La secte des Khlysty Flagellants le séduit énormément : en effet, leur idée de vaincre le pêché par le pêché est faite pour attirer Grigori le moujik débauché. Pour les flagellants, la débauche est une sorte d'étape purificatrice sur le chemin de la rédemption. Pour obtenir de multiples pouvoirs, un Pacte avec le Diable est très vite contracté. Raspoutine s'initie, met en pratique les rites de très bon coeur et devient un vojd, un chef Klysti. Après quelques années de ces vagabondages, il acquiert une réputation de saint homme et de guérisseur, un staretz (mot russe signifiant sage, saint, moine ou ermite, considéré par le peuple comme prophète ou thaumaturge.) En 1904, il quitte la Sibérie pour se rendre à Saint-Pétersbourg et vient demander l’hospitalité à l’Académie de théologie. L’évêque Hermogène et le grand prédicateur Illiodore sont séduits par sa foi et favorisent son entrée dans la société de la capitale. Dès lors, Raspoutine commence à faire parler de lui. Il est réputé pour faire des miracles mais également pour être l’initiateur de nombreuses débauches. La Cour du Tsar Nicolas II vit alors un drame familial. Le Tsarévitch, Alexis, unique héritier de la couronne, est atteint d’hémophilie, maladie incurable. La réputation de Raspoutine est arrivée aux oreilles de la Tsarine Alexandra. Par amour pour son fils, elle convoque le moine guérisseur. Raspoutine su, à plusieurs reprises, atténuer les souffrances du garçon. Il réussit également à stopper plusieurs hémorragies qui auraient dû être fatales. L’impératrice lui voue alors une véritable vénération comme l’« homme de Dieu » destiné à sauver son fils et la Russie. Chaque fois que Raspoutine se rend au chevet de l’enfant, on assiste à une nette amélioration de son état de santé. Difficile de parler de simple coïncidence. Nul ne sait quelle technique utilise Raspoutine. Une chose est sûre, son influence sur la Tsarine et sur la Cour est de plus en plus importante. La famille impériale octroie à Raspoutine une telle amitié qu’on commence à le surnommer le « Tsar au-dessus des Tsars ». Cependant Grigori Raspoutine abuse cyniquement de bon nombre de ses admiratrices ou des solliciteuses et s’adonne de plus en plus ouvertement à des orgies. Tout en abusant des jolies filles, il leur parle de Dieu et de la rédemption. Cette vie de débauche bien connue ne l’empêche d’ailleurs nullement d’avoir autour de lui une cour féminine prête à tout pour lui. L’appartement de Raspoutine devient le lieu de passage obligé de toutes les sollicitations possibles provenant des personnages les plus importants. La haine qu’il inspire est très probablement à l’origine du mythe de l’omnipotence qu’on lui prête. Si la Tsarine est à ses ordres, hypnotisée, le Tsar ne tient en réalité pas compte de ses conseils.

Description 42 ans. Atteignant presque les 2 mètres, un corps maigre mais aux muscles noueux. Son regard d’un bleu perçant saisit n’importe qui le croise. Une barbe et une chevelure brune hirsutes. Il porte des bottes de moujik, et arbore soit une robe de prêtre orthodoxe sombre ou une tunique à ceinture de soie d’un rouge flamboyant et une opulente redingote à fourrure. Décrivez ce sorcier comme un être hors norme, disproportionné aussi bien physiquement que mentalement.

Caractéristiques Constitution : 18 Aptitudes physiques : 12 Culture générale : 8 Perception : 12 Habileté : 11 Spiritualité : 12 Ouverture d'esprit : 15 Fluide : 18 Séquences de combat : 2 Armes : pistolet à poudre (cf. encadré), poignard recourbé Actes magiques : • Hypnose vulgaire : Seuil de pratique : 14 , spiritisme Evènement de degré 3 Uniquement grâce à un regard perçant et appuyé, sans besoin de réelle concentration. Un personnage victime de cette hypnose et voulant y résister doit procéder à un test de confrontation en Spiritualité. Le palier de réussite nécessaire pour briser le charme est de niveau A. Pour chaque heure passée sous l’emprise de l’hypnotiseur, le palier de réussite nécessaire pour contrer le charme diminue d’un niveau. Le personnage hypnotisé doit obéir à un ordre évoqué en un seul mot (tue, dors, raconte, avance, …). • Hypnose appliquée : Seuil de pratique : 18 , spiritisme Evènement de degré 5 A l’aide d’un pendentif ou d’un pendule, et dans des conditions de concentration appliquée, l’hypnotiseur insuffle son emprise sur la victime pour une durée dépendant du niveau de réussite du sort (A : 1 an, B : 1 mois, C : 1 semaine, D : 1 jour). Le personnage hypnotisé agira froidement tel un zombie, totalement dominé par les ordres de l’hypnotiseur pour la durée déterminée. Pour les sorts suivants, se référer au supplément À la lisière de la nuit : • Contrôler les éléments (tempête/incendie) : page 35 • Pacte avec le Diable : page 15

59 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

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• Evocation du démon : page 14 • Malédiction : page 48 • L’arquebusage : page 53 (sur son pistolet à poudre noire) • Provoquer des maladies : page 38 (notamment grâce à ses munitions)

Dr.Boris Zargo l’acolyte Historique

Pistolet à poudre noire Russe (arme ensorcelée) Raspoutine est armé d’un antique pistolet à poudre noire qui en réalité ne contient aucune poudre. Il utilise des munitions ensorcelées ; des graines de mandragore pervertie par la magie noire. Une fois pénétrée dans le corps, la graine distille une maladie mortelle qui cause un déclin à petit feu de la victime. Dans le même temps, la graine (ou ses résidus) édifie un lien spirite avec le porteur du pistolet, permettant à ce dernier de voir par les yeux du blessé (jet réussi de Spiritualité, niveau A). Munitions : graines de mandragore noire (provoque des maladies graves, comme le sort du même nom). Portée & Dégâts : idem qu’une arme de poing petit calibre. Raspoutine utilise aussi le sort « Arquebusage ».

Les Cosaques de Sibérie Gorky, Mikhael, Piotr, Gredenko, Vassili & Xander Historique Ce petit groupe de six cosaques venus de Sibérie constitue la garde prétorienne de Raspoutine. Bien plus que des soldats d’élite russes, ils sont asservis mentalement au pouvoir de domination permanente (hypnose appliquée) de Raspoutine. Ils agissent tels des zombies, froidement, pouvant entreprendre toute action démesurée, voire suicidaire, afin de protéger leur maître.

Il s’agit d’un médecin de St-Petersbourg, tombé en disgrâce, rejeté de l’ordre des praticiens russes pour ses études controversées. Victime dans son laboratoire d’un grave incendie, Raspoutine a su le “guérir” de ses maux et lui redonner une situation. Plus qu’un bras droit, il s’agit du chaperon veillant sur la vie du moine fou. Il parle un français approximatif.

Description Petit bonhomme engoncé dans un imperméable sombre au col toujours relevé, épaisses lunettes en cul-de-bouteille, chapeau dissimulant son visage, mains gantées. Son corps est brûlé à 50%, son visage partiellement mutilé.

Description Ils portent l’uniforme traditionnel hivernal de la garde russe impériale. L’hypnose les empêche de dormir et de cligner des paupières.

Caractéristiques Constitution : 15 Aptitudes physiques : 13 Culture générale : 7 Perception : 14 Habileté : 13 Spiritualité : 9 Ouverture d'esprit : 9

Caractéristiques Constitution : 11 Aptitudes physiques : 10 Culture générale : 14 Perception : 13 Habileté : 9 Spiritualité : 9 Ouverture d'esprit : 16 séquences de combat : 2 armes : revolver (moyen calibre), fioles d’acide concentré, scalpel

séquences de combat : 2 armes : sabre de cavalerie, poignard, fusil de guerre

60 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

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Description

Dimitri Pavlov espion du Tsar

Souvenez-vous que les Compagnons ne sont pas des soldats, loin de là. De simples spirites, déterminés à protéger leur groupe.

Historique Caractéristiques Ayant besoin de garder un oeil sur Raspoutine, Nicolas II, dans le but inavoué de tenter une action hors du territoire russe contre le sorcier, expédie l’un de ses meilleurs agents en France. Dimitri Pavlov, c’est son nom, dès son arrivée à Paris, prend contact avec Papus et ses compagnons. Ces derniers viennent à peine de découvrir l’horrible assassinat de leur gardien (un scalpel planté dans le coeur) et la disparition de la clef des catacombes. Du fait de sa venue à Paris, les soupçons se tournent tout naturellement vers le moine fou. Pour le contrer, Pavlov et les rosicruciens montent de toutes pièces un piège auquel Raspoutine ne saurait résister…

Description Blond, attirant, il est l’archétype même de l’espion russe, athlétique. Il parle un français courant sans accent. Il agit sous couverture d’un journaliste russe suivant les mouvements de la délégation impériale.

Caractéristiques

Constitution : 8 Aptitudes physiques : 10 Culture générale : 12 Perception : 11 Habileté : 10 Spiritualité : 15 Ouverture d'esprit : 9 Fluide : 7 séquences de combat : 2 armes : matraques

Références : • Raspoutine, la fin des Tsars (René Fülop-Miller, éditions J’ai Lu – L’Aventure Mystérieuse - 1952) • Le Fantôme de la Tour Eiffel (Olivier Bleys, Pocket – 2002) • Raspoutine, le moine fou (film de Don Sharp – 1966) • Les Brigades du Tigre (film de Jérôme Cornuau – 2006) • Eyes Wide Shut (film de Stanley Kubrick - 1999)

Constitution : 12 Aptitudes physiques : 13 Culture générale : 11 Perception : 14 Habileté : 13 Spiritualité : 5 Ouverture d'esprit : 15

Quelques mots de Russe

séquences de combat : 2 armes : pistolet Luger 1900 (gros calibre)

Papus Supérieur Inconnu Dr. Gérard Encausse Historique

Dabro pajalavat' : bienvenue Dasvidania : au revoir Spassiba : merci Na zdarovié ! : à la votre ! Moujik : paysan Bystro ! : Vite ! Devotchka : jeune fille Droog : ami Navesti Poriadok : il faut remédier à cela Pit : boire Pushka : fusil

voir page 219 du livre des règles.

Description Lorsque les personnages le croisent, il porte une énorme redingote à gros boutons, ainsi qu’un chapeau melon et une canne.

retrouvez sur notre site

Les Compagnons de la Rose+Croix

www.lassemblee.org Historique Les Compagnons ont été choisis parmi le noyau dur des adeptes de Papus. Notables, fonctionnaires ou simples commerçants cherchant réponses dans les arcanes de l’ésotérisme, ils ont décidé de fonder ce groupe soudé et actif sur le terrain.

les aides de jeu dédiées à ce scénario

61 les carnets de l’assemblée #1

à l’épreuve jeux de rôle | jeux de plateau | jeux de cartes | jeux de figurines | etc...

dans les coulisses ...

Franck Plasse & Claude Guéant ... des XII Singes

A l'occasion de la sortie prochaine (novembre 2007) du « Livre 3 : Les décans », pour le JDR Trinités, nous avons contacté les auteurs du jeu, Franck Plasse et Claude Guéant, pour une petite interview. Messieurs, bonjour. Commençons par les présentations : Qui êtes vous ? D'où venez vous ? Franck Plasse : Et bien, c’est une longue histoire. Au commencement, les Elohims créèrent le ciel et la terre… Bon enfin pour abréger, il y a eu après un long processus qui aboutit à moi, enfin parmi plusieurs milliards de spécimens qui marchent aujourd’hui dans les ruines du jardin d’Eden. Claude Guéant : Je fais dans l'ésotérisme de gare, pas dans la philosophie. (rires) Comment êtes vous arrivés dans le monde du JDR ? FP : Pendant des vacances en Espagne, en rencontrant un MJ d’AD&D. Comme j’étais un lecteur boulimique de fantastique, j’ai accroché tout de suite. Je n’ai pas vu la mer des vacances…

CG : J'avais 10 ans quand un copain de CM2 a ramené sa boîte L'Oeil Noir pour faire jouer « La Forêt Sans Retour » à ma soeur et moi. Donc, vous êtes avant tout des joueurs. Quels sont vos jeux favoris ? FP : J’ai beaucoup joué à Premières Légendes Celtiques, Maléfices, Bloodlust et Loup-Garou. Ensuite est venu Nephilim, mais un amour a besoin d’être entretenu donc je m’en suis peu à peu éloigné quand le jeu est mort. Aujourd’hui, je joue surtout à Trinités et j’ai eu un coup de coeur tout récent pour Patient 13 – d’une manière générale j’aime bien ce que fait John Doe. Je suis aussi amateur de jeux de cartes et de jeux de plateau. CG : Le jeu que je me suis le plus approprié est Mage l'Ascension. Je l'ai fait jouer dans ses différentes incarnations, officielles ou personnelles. Celles-ci trahissent mes intérêts ludiques du moment. La dernière mouture était basée sur Wushu, pour faciliter le jeu en temps réel à la 24h Chrono. La prochaine mixture utilisera les règles du dK System, saupoudré de GVM. J'adore faire ce genre de cuisine. J'ai cru rêver en découvrant le livre du meneur de jeu de Nephilim. J'avais l'impression de voir un Mage dans un contexte très resserré. Là où le premier jeu proposait un monde en fil de fer, Nephilim imposait par la densité de son univers un contexte d'une grande richesse. Malheureusement, avec la richesse vient la complexité et l'inertie. Le jeu est devenu difficile à faire avancer sans la direction d'un éditeur et est retourné en stase.

63 les carnets de l’assemblée #1

PREVIEWS, TESTS & DECOUVERTES

à l’épreuve

Mais comment passe-t-on de joueur à auteur de JDR ?

Comment vous est venue l'idée du jeu Trinités ?

FP : Fan de Nephilim, j’ai sympathisé avec Sébastien Célerin, le responsable éditorial. Je lui ai proposé un texte pour le prozine Hermès Trimegiste qui lui a plu : il m’a donc proposé de rejoindre son équipe – le gag c’est d’ailleurs que le texte pour HT n’est jamais sorti car le prozine s’est arrêté avant !

FP : J’étais orphelin de Nephilim. J’ai attendu et espéré, puis finalement je me suis fait une raison et je me suis tourné vers l’avenir en développant une autre vision d’un jeu occulte contemporain. Goulven – M. « Artistique » de l’aventure – et Claude se sont laissés tenter et ont rejoint le coeur de l’équipe. Et heureusement, car c’était une condition pour convaincre définitivement les financeurs.

CG : A cause d'une sale habitude : préparer par écrit sur ordinateur tout ce que je fais jouer. Du coup, il est assez naturel de proposer tout ça sur internet dans un premier temps, dans un fanzine ensuite. Et puis un jour, un projet associatif des Héritiers de Babel auquel je participais, à savoir Nephilim Initiation, a été distribué en boutique. Comment a débuté l'aventure des XII Singes ? FP : Et bien, c’est une longue histoire. Au commencement, les Elohims créèrent le ciel et la terre… OK, j’arrête. Les XII singes sont nés pour publier Trinités. Et puis, forcément, d’autres choses ont croisé – et continuent de croiser – notre chemin… CG : Franck m'a envoyé le premier chapitre de Trinités en me demandant si je voulais développer les règles et l'univers avec lui. Vous connaissez la réponse !

Trinités partage de nombreux points communs et influences avec Nephilim. Que dire aux joueurs qui auraient du mal à différencier ces deux jeux ? FP : Le socle commun est l’ésotérisme, l’histoire invisible et une vision conspirationiste du monde. Ensuite, le traitement diverge. Les points qui génèrent les principales différences sont à mes yeux une approche cosmogonique théologique pour Trinités – un monde créé par des « dieux » - alors qu’elle est rationaliste pour Nephilim - un monde athée, une dimension épique et héroïque pour Trinités – la lutte de la Lumière et des Ténèbres – alors qu’elle est plus centrée sur les préoccupations de groupes ou d’individus dans Nephilim ; une place prépondérante des PJ dans Trinités – l’avenir du monde dépend des PJ qui sont seuls, responsables et plutôt en haut de la pyramide magique et ésotérique du monde – alors que dans Nephilim, il y a des tonnes de PNJ initiés et beaucoup plus puissants et savants que les PJ. Ce qui revient souvent, c’est que Trinités est un mix réussi entre Highlander et Nephilim : ça me va bien ! Trinités essaie également d’être très accessible – j’ai essayé de prendre en compte les reproches entendus en tant qu’auteur de Nephilim – dans tous les domaines : univers assimilable, formats courts évitant le verbiage, prix le plus bas possible, beaucoup de matos gratuit dont une campagne entière « Da Vinci » sous forme de bréviaires mensuels… CG : Dans Trinités, on joue avant tout des humains, plongés de gré ou de force dans un monde plus grand qu'eux. Pour être à la hauteur, il va falloir qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Dans Nephilim, on joue d'abord des entités magiques qui prennent possession d'humains. Leurs préoccupations et leur caractère sont donc plus difficiles à appréhender - ce qui est d'ailleurs un des grands intérêts du jeu. Le Bréviaire IX est le quatrième et dernier scénario de la campagne "Da Vinci". Une nouvelle campagne est-elle prévue pour 2008 ? FP : Oui. Une nouvelle campagne de 8 Bréviaires écrits avec les studios de création de jdr français qui comptent aujourd’hui : les Deadcrows (qui ont fait Amnesya, Capharnaüm), Les Ecuries d’Augias (auteurs de Crimes) et le Scriptorium (auteurs d’Apokryph). L’ambiance tranche avec « Codex da Vinci » et montre une autre facette de Trinités, plus dark, inspirée par la BD Xoco. La diffusion commencera en février 2008. D'autres projets dans les cartons des XII Singes ? FP : Ce qui est sûr pour 2008 : 6 suppléments « Vies antérieures » pour Trinités (à chaque fois un perso célèbre est présenté comme une vie antérieure possible d’une Trinité avec des informations et des nouveaux pouvoirs pour le PJ ainsi que des révélations et un scénar pour le MJ), un livre de conte pour enfants et une extension de notre jeu de cartes Dame bleue. Sinon, on a en ligne de mire un autre jeu de rôle. Mais ceci est une autre histoire… propos recueillis par Dedjet

64 les carnets de l’assemblée #1

PREVIEWS, TESTS & DECOUVERTES

à l’épreuve

DISPONIBLE

TORTUGA

tohu-bohu sur l’île des tortues !

note

Voici un jeu facile d’accès qui ravira tous les amateurs de classiques et de parties rapides à deux. Tortuga s’apparente au classique jeu de dames ; cependant les particularités et les subtilités de ses règles, tout en restant simples, donnent à ce jeu toute son originalité. Matériellement, ce jeu attire l’oeil dans sa belle boîte en bambou sculpté. A l’intérieur, se dissimulent 16 petites tortues de bois où sont peints des motifs rappelant les îles du sud, habitat de ces tortues, ainsi qu’un plateau de jeu en tissu peint qui se déroule. Enfin, le déplacement ne se fait pas sur un damier mais sur des hexagones. Le but du jeu pour chaque équipe de 8 tortues est d’infiltrer les lignes adverses et de prendre possession du camp de base ennemi (l’hexagone le plus lointain). Les déplacements se font tout droit ou en diagonale, toujours vers l’avant. On peut également, lors d’un déplacement « prendre » un adversaire en sautant par-dessus. Cependant, contrairement au jeu de dames, la tortue ainsi prise n’est pas écartée du plateau de jeu : elle est retournée sur le dos, devenant ainsi « neutre ». Elle ne peut plus bouger et peut être récupérée par l’un ou l’autre joueur grâce à un nouveau saut : elle peut ainsi changer de camp en cours de jeu ! C’est la direction choisie par le joueur qui détermine son camp. Une tortue peut donc sauter par-dessus ses adversaires ou par-dessus ses amies (un saut pardessus des tortues de son propre camp est sans incidence sur celles-ci) et peut aussi enjamber des tortues neutres sur son parcours. Il faut donc pour les joueurs faire travailler leurs méninges et préparer leurs coups pour attaquer l’adversaire mais aussi pour se défendre, sous peine de voir très vite débarquer des envahisseurs de son côté de l’île ! Avec Tortuga, Gigamic nous livre un superbe jeu de réflexion et de stratégie qui présente l’avantage de pouvoir s’emporter partout et de se jouer rapidement (pour jouer la revanche !)

Le Jeu de rôle tiré de l'Univers des livres dont vous êtes le Héros.

par Maggaie

www.loup-solitaire.fr

Joueurs : 2 Age : 8 ans et + Durée : 10 à 20 min Editeur : Gigamic http://www.gigamic.com

65 les carnets de l’assemblée #1

PREVIEWS, TESTS & DECOUVERTES

à l’épreuve

"L'ambition, l'avarice, la cruauté, la vengeance n'ont point assez de propre et naturelle impétuosité; amorchons les et les attisons par le glorieux titre de justice et dévotion" Michel de Montaigne Essais III, XII "Rien n'est plus trompeur que la superstition, couvrant ses crimes de l'intérêt des dieux" Tite Live, XXXIX, 16

note

Triste constat que ces deux sentences émises par des hommes de lettres distants de plusieurs siècles, preuves s'il en était encore besoin que l'Histoire se répète souvent et que les leçons qu'elle narre ne sont que trop rarement apprises. Jean-Philippe Jaworski - alias "Usher" de la Cour d'Obéron - nous propose donc d'en reprendre connaissance de la meilleure manière qui soit avec "Te Deum pour un massacre" : en nous amusant. "Te Deum..." est un jeu de rôle hors norme à bien des égards : production amateur publiée initialement sur l'Internet et disponible sur nos étals depuis maintenant deux ans par les Editions du Matagot, prenant pour cadre la réalité historique des Guerres de Religions qui ont ensanglanté l'Europe du XVIème siècle, bénéficiant d'un système de règles atypique sous bien des aspects... Remontons le temps et découvrons un peu ce véritable OVNI du paysage ludique.

répondre à un questionnaire concernant leur enfance, le métier qu'ils auraient appris, l'éducation qu'ils auraient reçue et de leurs réponses découleront leurs caractéristiques (au nombre de six : savoir, sensibilité, entregent, puissance, complexion et adresse), leurs compétences et leurs éléments associés (outils, ouvrages...). Le niveau des caractéristiques sera représenté par le type de dés à employer lors du test (du D4 pour les moins bien lotis au D20 pour ceux que la Nature a avantagés le plus), tandis que les compétences sont constituées par des scores chiffrés. La combinaison du tout sera comparé à un seuil de difficulté pour juger du résultat des actions entreprises.

La gamme

Thématique

Le livre de base

"Te Deum..." permet aux joueurs de vivre des aventures très différentes dans la France des années 1562-1598, les entraînant dans moult complots, conflits et autres sournoiseries de Cour qui ont pu émailler cette époque troublée. Selon le type de scénario choisi, les personnages incarnés par les joueurs pourront appartenir à la lie de la société comme à la noblesse, sachant que leur positionnement religieux, leur éducation et leur attitude vis-à-vis des évènements seront susceptibles de leur causer bien des tracas qui ne pourront pas - une fois n'est pas coutume - être réglés à coups de boules de feu. En effet, la mécanique de jeu fait grandement appel au roleplay et les intrigues nécessitent beaucoup de ruse et de diplomatie : les arquebuses, arbalètes et autres mousquets, s'ils sont tout à fait utilisables au cours des aventures, auront parfois des effets moindres que les poisons, attitudes et calomnies.

Ou plutôt devrais-je parler des livrets de base, qui sont au nombre de quatre au format A5 en un papier d'excellente facture, réunis dans un coffret enluminé. En un mot : classieux ! Le seul regret, c'est que ces beaux objets risquent de souffrir très vite des manipulations répétées en cours de jeu. Le premier d'entre eux s'intitule "La vie en France pendant les guerres de religion" (NB : décidément, c'est une manie ces titres longs comme le bras !!) et se fait fort de vous présenter sur 70 pages un état des lieux concis de la France de cette période sur différents thèmes : les modes urbains et campagnards, la société, la guerre et bien évidemment la religion. Fort bien écrit et précis sans devenir indigeste, la lecture de cet opuscule est à mon humble avis incontournable pour tous les joueurs, pour prendre conscience de l'atmosphère dans laquelle ils vont devoir évoluer.

La création de personnage est un modèle du genre : les joueurs doivent

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PREVIEWS, TESTS & DECOUVERTES

à l’épreuve

Le second livret, "Chroniques des guerres de religion", s'avère beaucoup plus costaud en terme de contenu, même si la découverte des informations se fait toujours de manière progressive : c'est un véritable petit livre d'histoire présentant les différentes périodes couvertes par le jeu, par la description des principaux personnages / factions marquants, le tout agrémenté de petites notes permettant d'écrire des scénarii. Le troisième recueil, le plus gros des quatre (194 pages !), contient les règles proprement dites du jeu. Revenez ! Ne partez pas tout de suite ! La moitié de l'ouvrage contient les éléments de création de personnages (questionnaire, archétypes, possessions) et comme je l'ai exposé précédemment, les systèmes de résolution des actions et des combats en euxmêmes sont très simples. Figure également tout ce qu'il faut pour l'évolution du personnage, en terme d'expérience. Enfin, le dernier volume contient deux scénarii, "Galante affaire" et "Le Rimailleur ferraillé" qui était déjà présent dans l'édition amateur du jeu. L'écran et le recueil de scénarii "Trois meschantes affaires" L'écran, de petit format, réunit toutes les informations indispensables pour maîtriser de manière confortable : on lui préfèrera néanmoins une version refaite maison et agrandie, pour plus de praticité. Petit chagrin, l'écran ne fait que reprendre l'illustration originale de Rolland Barthélémy, déjà présente sur le coffret. Il est accompagné de trois scénarii d'excellente facture, très bien documentés et construits : "Cautelle corretée", "Turquerie !" et "Mais quoy, ils ne portent point de haut de chausses !". Du caviar ! Le Boutefeu imprimé n°1 Derrière ce nom se cache un supplément de règles et aides de jeu, doté de quatre scénarii : "Le Duc est dans de beaux draps", "Le temps des bleuets", "La dame à l'esteuf" et le "Siège de Leith". Ce supplément est de qualité très inégale, les sujets abordés auraient mérité d'être plus approfondis : néanmoins, ne boudons pas notre plaisir, ils sont traités, c'est déjà cela d'acquis. Quant aux scénarii, s'ils sont intéressants, ils nécessiteront d'être retravaillés pour briser certains aspects trop "linéaires". Les Deux Reines, volume 1 Il s'agit d'un supplément de contexte, qui nous entraîne sur les terres de l'Ould Alliance, l'Ecosse ; les deux Reines dont il est question étant Marie Stuart et Elisabeth d'Angleterre. Intégralement écrit et illustré par Josselin Moneyron et Sandie Levent, très bien documenté, cet ouvrage dépaysant est un petit chef-d’oeuvre qui vous permettra d'offrir de toutes autres expériences à vos joueurs. Les trois scénarii qui l'accompagnent ( "Le Roy est mort, vive le Roy", "Wyld Wykked Heland Men" et "Un Oeil de trop") en constitueront la parfaite expression.

Un miracle de la micro-édition Calembour douteux mais réalité effective, "Te Deum..." est pour moi l'une des meilleures réalisations que le secteur de la micro-édition ait pu nous offrir à ce jour : à l'instar des concepteurs de Crimes, Maléfices, Exil et Pavillon Noir, l'équipe de Jean-Philippe Jaworski a véritablement effectué un travail splendide, cultivé et original. Assumant le risque d'éditer ce singulier joyau de manière professionnelle, les Editions du Matagot confirment la validité et l'intérêt de ce nouveau mode de fonctionnement dans notre monde ludico-rôlistique. par Escrivio

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PREVIEWS, TESTS & DECOUVERTES

à l’épreuve

échecs ou des dames), mais un principe subtil - permettant par ailleurs d'éviter les situations bloquantes - fait que ce n'est pas obligatoirement la meilleure manière d'agir pour gagner. En effet, moins l'adversaire dispose de pièces pour son usage, plus il pourra pour sa part échapper au pouvoir du Mana en déplaçant la pièce qu'il souhaite ou en récupérant une pièce déjà prise, qu'il positionnera alors dans un emplacement du symbole demandé. Emplacement qui ne manquera pas de vous enquiquiner, je vous assure ("Rascal !").

MANA note Mana est un jeu de stratégie abstraite pour deux joueurs, conçu par Claude Leroy et édité par Jactalea, jeune éditeur indépendant que nous avons eu l'occasion de rencontrer lors de la GenCon de cette année. Je puis vous l'affirmer de suite et sans détour : ce jeu est une véritable perle tant ludique qu'esthétique. Précisons ce jugement que l'on pourrait qualifier de dithyrambique, ce qui ne saurait rendre honneur aux mérites réels de ce dernier (NDE: A moi, Achille Talon !)... Entièrement conçu en cuir, ce dernier comprend un tapis de jeu, douze pièces de deux couleurs différentes - rouge et ocre - et un marqueur symbolisant le Mana, cette puissance mystérieuse influant sur le mouvement de toute chose. Une feuille recto comprenant les règles (également disponible en PDF sur le site de l'éditeur) accompagne le jeu et l'enveloppe des pièces. Chaque joueur dispose de six pièces, cinq "rônins" et une grande représentant leur seigneur, le "daimyo". Le tapis de jeu comporte 36 cases : 12 portent un symbole "simple", 12 un symbole "double" et les 12 restantes un symbole "triple"; elles définissent la capacité de mouvement des pièces posées dessus. Le but du jeu est très simple : il s'agit d'éliminer le daimyo de l'adversaire, en le rejoignant sur sa case. Seulement, vos déplacements de pièces sont conditionnés par les mouvements de votre adversaire et réciproquement : si votre adversaire déplace une pièce et tombe sur une case portant un symbole "double", vous ne pourrez jouer qu'une pièce située sur une case identique. Il n'existe que trois exceptions à la manière dont vos pièces peuvent évoluer sur le tapis : pas de déplacements en diagonale et interdiction de passer au-dessus d'une case déjà occupée ou de passer deux fois sur la même case dans le même mouvement. Vous pouvez bien entendu prendre les pièces de votre adversaire (à l'instar des

Comme vous pouvez le constater, la mécanique de jeu est très facile à appréhender, ce qui permet de se lancer très rapidement dans des parties effrénées, guettant les erreurs de son adversaire et grillant quelques neurones en concevant des stratégies pour atteindre son daimyo sans mettre en danger le sien ! Outre le fait qu'il s'agit d'un jeu pour deux joueurs (suffisamment rare pour qu'on le souligne) et qu'il soit très plaisant à pratiquer, je dois reconnaître être également tombé sous le charme de l'esthétique du jeu. Il s'agit effectivement d'un bien bel objet, très élégant, construit avec un matériau noble : prenant peu de place une fois enroulé, il ne saurait jurer dans votre intérieur et agrémentera sans peine votre ludo/bibliothèque. Petit bémol, le cuir, de bonne qualité et bien travaillé, peut laisser présager une usure rapide des pièces si vous les malmenez trop. Quant au prix du jeu en lui-même (35€), c'est un débat auquel je ne me prêterai guère : les esprits chagrins et amateurs de grosses boîtes bien remplies s'ulcèreront en comparant l'incomparable, les autres comprendront qu'il s'agit d'une production artisanale, originale tout en restant simple, sobre mais élégante. par Escrivio Joueurs : 2 Age : à partir de 10 ans Durée : 20mn Editeur : Jactalea • http://www.jactalea.com

POKER D’ENFER note Ma première impression à l'ouverture de la boite: "Ben oui, c'est un jeu de poker, quoi!". En avançant dans la lecture des règles, je comprends le savant mélange entre le Poker classique, le Texas hold'em (très à la mode en ce moment) et un petit brin de folie qui n'est pas sans rappeler "Tempête sur l'Echiquier". Le jeu est composé de 40 cartes classiques (du 5 à l'As en coeur, pique, trèfle et carreau) et de 15 cartes "Mise", qui représentent les possessions que les joueurs vont pouvoir mettre en jeu. Vous pouvez jouer votre patte de lapin, votre cigare, votre flingue ou même vos cartes de tricheur. Chacune de ces

mises à un effet spécial sur la partie : chance, nuage de fumée, intimidation... Et enfin 60 jetons permettent de surenchérir. Le but du jeu va être de ramasser un maximum de cartes "Mise". Une partie dure environ une demie-heure. Le jeu est accessible à tous, mais connaître les règles du poker est un plus car l'enchaînement des phases de jeu ainsi que la valeur des combinaisons n'est pas facile à mémoriser pour un novice. Les avis sur le jeu sont partagés. Les joueurs de poker pur et dur passeront leur chemin. Les autres y trouveront une alternative sympathique au roi des jeux de cartes. A jouer surtout en famille. Vous ne risquez pas d'y perdre votre chemise. par Dedjet Genre : Jeu de cartes Joueurs : 2 à 5 Durée : 30 min Auteur: Franck Plasse Illustrateur : Fabrice Boillot Editeur : Les XII Singes

68 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

TCE12008 Quelques milliards de tonnes d’acier en orbite autour d’un planétoïde stérile, à quelques années lumières à peine d’un magnifique trou noir: Bienvenue sur TCE12008. Située très exactement en plein milieu du Trou du Cul de l’Espace, cette station service spatiale est le lieu de passage obligé pour tous ceux qui ne vont nulle part en particulier. Ici se croisent en toute impunité les pires racailles de la galaxie. Les affaires les plus louches sont conclues dans le confort coquet de salons privés. On peut acheter ou vendre tout ce qui a une quelconque valeur, voire ce qui n’en a pas.

Le Gigalax

Comment y aller ?

La devise officielle, en cours sur la station, est le Crédit Galactique. La grande dévaluation de ces derniers années a rendu difficile l’usage de cette monnaie. En effet, le prix du moindre produit de première nécessité avoisinant le milliard de Crédit Galactique, la banque centrale a trouvé judicieux de créer une nouvelle devise, le Giga Crédit Galactique, vite devenu Gigalax dans le langage courant.

Aussi bizarre que cela puisse paraître TCE12008 génère suffisamment de transit pour posséder son propre portail sub-spatial.

En navette A quelques jours de sub-espace des grandes destinations de la galaxie. Il y a des départs toutes les semaines. Il vous en coûtera une centaine de Gigalax* (Péage et frais de douanes compris) pour vous rendre sur TCE12008.

Le Temps Stellaire On ne calcule pas le temps de la même façon sur toutes les planètes. L’alternance des cycles diurnes et nocturnes ne rythme pas la vie des habitants de l’espace. Il a donc fallu trouver un système commun à toutes les espèces présentes sur la station. Le Temps Stellaire (abréviation : ts) convient donc parfaitement. 1ts correspond à peu près à 5 minutes terrestres. Une journée stellaire dure 300ts soit environ 25 heures terrestres.

Par vos propres moyens Coordonnées du portail : 0666-130-989. Tarif du péage: vaisseau privé de 9 à 17Gx; Frêt de 11 à 23Gx. Méfiez-vous de l’attraction gravitationnelle anormale engendrée par le trou noir voisin. Vous serez peut-être contraint de réaligner manuellement vos amortisseurs inertiels si vous ne disposez pas de compensateurs automatiques. Docks spatiaux adaptés à tous types de vaisseaux. Fourniture de carburant. Petites réparations. Boutiques et commodités.

Infos utiles Douanes Aucune marchandise n’entre ou ne quitte la station sans être passée par le service des douanes. Attention, les contrôles sont fréquents.

Services Administratifs Ouvert un jour sur deux de 108ts à 132ts et de 168ts à 192ts (9h-11h et 14h-16h heure terrestre)

Bureaux du personnel TCE12008 est une fourmillière où travaillent des milliers de personnes.

69 les carnets de l’assemblée #1

AIDES DE JEU & SCENARII

boussoles

L’administration de la station recherche en permanence du personnel de toute sorte: dockers, agents de maintenance, personnel médical, etc.

Où boire un verre ?

TCE TV

Bar, Casino, Cabaret. Ouvert à toute heure. C’est l’endroit idéal pour venir s’amuser seul (vous ne le resterez pas longtemps ici) ou entre amis. Le barman octopode (8 bras) fait les meilleurs cocktails de la galaxie. Comptez de 2 à 8Gx le verre. La spécialité: le Lagon Bleu (ne cherchez pas à savoir ce qu'il y a dedans) , offert à tout client, sur présentation de cette brochure.

Canaux d’informations vidéos de la station. Une vingtaine de chaînes pour tous : généralistes, actualités, divertissements, charme,…

Sécurité Assurée par une société privée. Les agents qui patrouillent notamment sur la promenade sont répressifs et corruptibles. A noter: Le pot de vin est de rigueur dans toutes les administrations de la station afin de s’épargner des formalités longues et coûteuses. On estime que la corruption représente 8% des échanges sur TCE12008. Pour quelques dizaines de Gigalax, un douanier peut oublier de visiter la soute d'un petit vaisseau de frêt. Un permis de travail, en règle en quelques minutes, coûte entre environ 200Gx.

Le Lagon Bleu

Le Cul de Sac Tout au bout de la promenade, un petit bar pittoresque. C’est le rendezvous de tous les paumés de la station. Il ne vous en coûtera qu’1 ou 2Gx le verre. Plus, si vous êtes un pied tendre. Le spectacle est assuré par de charmantes strip-teaseuses aliennes.

A voir - A faire

Où Dormir ?

La promenade

Sleep-box

Vaste galerie marchande de plusieurs kilomètres au coeur de la station. On y trouve tout ce qu’on veut et même plus. A noter l’architecture téméraire du dôme de fin cristal, qui sépare les visiteurs de la station du vide spatial.

Idéal pour les petits budgets avec ses confortables cabines de trois mètres cubes, le Sleep-box peut recevoir près d’un millier de clients pour seulement 1Gx/heure. On en trouve un peu partout sur la station.

Le Trou Noir Coquet Hôtel Restaurant d’une centaine de chambres. L’originalité de l’établissement tient dans ses hublots tous orientés en direction du trou noir voisin. Comptez 60Gx par jour pour une chambre simple en demipension. La suite se loue 10 000Gx par nuit petit déjeuner compris. En saison, pensez à réserver. Des salons privés sont à la disposition des clients pour régler leurs petites affaires en toute discrétion.

Quartiers privés Pour un long séjour, vous pouvez aussi louer une cabine privée, à la semaine, au mois, voire à l’année. Les tarifs sont variables en fonction du confort et de la durée de location. Comptez 250Gx la semaine pour un petit studio. Environ 8000Gx pour un duplex de 100m² à l’année.

Où manger ? Speed-Lunch Pour les budgets les plus modestes, ces distributeurs automatiques, disposés aux quatre coins de la station, vous régaleront de leurs substituts nutritionnels, à partir de 5Gx.

Chez zkwxq (prononcez : Zek-wox-ki): Cuisine alienne, fine et traditionnelle, cadre psychédélique et sièges inadaptés à la morphologie humaine. A recommander en priorité à ceux qui cherchent un peu d’exotisme. Repas mort ou vivant de 16 à 45Gx. Attention la viande d’humain n’est pas autorisée sur la station (Néanmoins, si vous faites du charme à la patronne, peut-être, aurez-vous la chance de goûter à ses fameux pieds d’enfants). Sympa: Un verre de Lave offert, à toute la table, sur présentation de cette brochure.

Boutique de souvenirs Shaazaf le propriétaire est un bien curieux alien, mais vous trouverez chez lui l’objet exact que vous recherchez. La plupart du temps vous repartirez avec votre trouvaille contre une simple promesse d’un service à rendre pour tout paiement.

La Galactique des Jeux Cette antenne locale encadre tous les jeux d’argent pratiqués sur la station: pari, casino, loterie, hologramme à gratter (petite carte plastifiée à 1Gx. Vous la grattez avec le doigt. Un hologramme vous annonce combien vous avez gagné. Gain de 0 à 1000Gx)…

Croisière autour du Trou Noir Approchez et admirez le plus terrifiant et magnifique phénomène spatial, c’est ce que propose ce circuit de 5 jours pour 350Gx. Vous embarquerez dans un frêle esquif pour une croisière riche en émotion. Avertissement : Approcher un trou noir n’est pas sans danger. Les accidents sont fréquents. La station se dégage de toute responsabilité. Les familles des victimes ne seront ni remboursées, ni indemnisées.

Un sport bien brutal Si vous avez la chance de visiter la station durant la saison de Dead-ball, vous pourrez assister au plus palpitant et au plus meurtrier des jeux d’équipes. Les Charognards, l’équipe de TCE12008, championne de la galaxie, est invaincue depuis 5 ans. Comptez entre 30 et 230Gx la place, en fonction des matchs et de la tribune choisie. Une place pour la finale en tribune présidentielle peut dépasser les 300Gx.

Le Trou Noir (voir plus haut: où dormir) : Dans un cadre magnifique (début XXIème siècle fidèlement restauré), avec large baie vitrée donnant sur le trou noir, vous dégusterez une cuisine sophistiquée,, en écoutant de la musique classique (AC/DC, Rolling Stones). Menus de 25 à 150Gx.

70 les carnets de l’assemblée #1

par Dedjet

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