0 - Cours Master GFCF 2021-2022 (3057) [PDF]

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Zitiervorschau

UNIVERSITE MOHAMMED V – RABAT FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES AGDAL

MASTER S1 GFCF COURS DE DROIT DE L'ENTREPRISE PROFESSEUR Chakib EL OUFIR

ANNEE UNIVERSITAIRE 2021 - 2022

Professeur Chakib EL OUFIR

2021-2022

INTRODUCTION Alors que l’économie est la science d’observation des phénomènes du monde des richesses (modes de production et de circulation des richesses), le droit est la discipline qui le réglemente. Le droit est directement lié aux sciences économiques, car les activités économiques ne peuvent s’exercer dans le désordre, il faut qu’elles soient réglementées. Le droit va établir des règles qui vont régir les activités économiques. Il sera au service des économistes puisqu’il va réglementer tout ce qui concerne la production et la circulation des richesses. Ce qui nous interesse directement de ces règles, ce sont celles qui concernent la production et la circulation des richesses, les règles qui régissent le monde économique, celui de la spéculation, de la recherche du profit. L’ensemble de ces règles forme le droit commercial. Qu’est ce que le droit commercial ? Quelles sont ses particularités ? Quelles sont ses sources ? Et quelles en sont les juridictions compétentes ?

I - DEFINITION ET PARTICULARITES DU DROIT COMMERCIAL C’est un droit qui fait partie du droit privé qui régit les opérations de production et de circulation des richesses effectuées par les commerçants soit dans leurs relations entre eux, soit dans leurs rapports avec leurs clients. Vu la nature du monde des affaires, le droit commercial se distingue du droit civil tantôt par un certain formalisme, tantôt par une certaine souplesse. A - LE FORMALISME DU DROIT COMMERCIAL Ce formalisme est en effet très utile pour assurer la sécurité du crédit dans les opérations commerciales. Le crédit constitue le noyau de toutes les relations commerciales. Pour cela, il doit être entouré d’un formalisme plus rigoureux que celui éxigé par le droit civil. C’est ce qui explique le formalisme des institutions du droit commercial : celui des effets de commerce, de la vente et du nantissement du fonds de commerce, de la faillite, le formalisme rigoureux pour la constitution des sociétés commerciales, etc.

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B - LA SOUPLESSE DU DROIT COMMERCIAL Elle s’explique, quant à elle, par la rapidité que nécessite la réalisation des opérations commerciales. Ainsi, et contrairement aux règles rigides du droit civil, en droit commercial on admet le principe de la liberté de la preuve entre les commerçants. C’est ce qui permet à ces derniers de conclure leurs contrats par les moyens les plus rapides (téléphone, fax ou même verbalement) sans avoir à se soucier, au préalable, du formalisme des écritures qu’exige le droit civil.

II - LES SOURCES DU DROIT COMMERCIAL Avec la rapidité de l’évolution du monde des affaires, on ne peut se permettre de compter uniquement sur les sources écrites ; c’est pourquoi les sources non écrites y jouent un rôle fondamental. A- LES SOURCES ECRITES Dans cette catégorie il existe des sources nationales et d’autres internationales. A - LES SOURCES NATIONALES

1/ Le code de commerce et la refonte du droit des affaires Depuis le protectorat, la zone française du Maroc était régie par le code de commerce du 12 août 1913. Après l'indépendance il a été généralisé à tout le Royaume. Ce code était largement inspiré du code de commerce français de 1807. Il fut enfin remplacé par un nouveau code de commerce par un dahir n° 1-96-83 du 1er août 1996 portant promulgation de la loi 15/95 formant code de commerce1. Le droit des affaires a connu une refonte dans son ensemble durant ces dernières années, elle a concerné notamment : la comptabilité commerciale2, le

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B.O. n° 4418, du 3 octobre 1996, pp. 568-634. Dahir 25/12/1992 portant promulgation de la loi 9/88 relative aux obligations comptables des commerçants (B.O. n° 4183 du 30/12/1992, p.623). 2

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domaine bancaire3, la bourse des valeurs4, le domaine des investissements5, les sociétés anonymes6, les autres sociétés commerciales7, les tribunaux de commerce8, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence9, la loi relative à la protection de la propriété industrielle10, etc. 2/ Le D.O.C. : Le D.O.C. est notre code civil (Dahir formant code des obligations et contrats également du 12 août 1913). En tant que code de droit privé marocain, le D.O.C. constitue ce qu'on appelle le droit commun. Par conséquent, en cas de lacune des règles commerciales, ce sont ses règles qui s’appliquent. À ce propos, le nouveau code de commerce stipule dans son article 2 : « il est statué en matière commerciale, conformément aux lois, coutumes et usages du commerce ou au droit civil, dans la mesure où il ne contredit pas les principes fondamentaux du droit commercial ». Même les lois relatives aux sociétés renvoient à l'application des règles du DOC lorsqu'elles ne sont pas contradictoires avec elles. B- LES SOURCES INTERNATIONALES

Il s’agit des conventions internationales qui constituent une source fondamentale du droit commercial.

Dahir portant loi 1/93 du 6/7/1993 relatif à l’exercice de l’activité des établissements de crédit et de leur contrôle, appelée « loi bancaire » (B.O. n°4210 du 7/7/1993, p.333). 4 Dahir portant loi n° 1-93-211 du 21 septembre 1993 relatif à la Bourse des valeurs (B.O. n° 4223 du 6/10/1993, p. 513). 5 La loi cadre n° 18/95 formant charte de l’investissement, dahir du 8/11/1995 (B.O. n° 4336 du 6/12/1995). 6 Ddahir n° 1-96-124 du 30 août 1996 portant promulgation de la loi 17/95 relative aux sociétés anonymes (B.O. n° 4422, du 17 octobre 1996, pp. 661-704). 7 Dahir n° 1-97-49 du 13 février 1997 portant promulgation de la loi 5/96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation (B.O. n° 4478 du 1er mai 1997, p. 482). 8 Dahir n° 1-97-65 du 12 février 1997 portant promulgation de la loi 53/95 instituant des juridictions de commerce (B.O. 15 mai 1997, n° 4482, p. 520). 9 Loi n° 06-99 promulguée par Dahir n° 1-00-225 du 5 juin 2000, Bulletin Officiel n° 4810 du Jeudi 6 Juillet 2000. 10 Loi n°17-97 promulguée par Dahir N° 1-00-19 du 15 Février 2000. 3

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Ces conventions peuvent être bilatérales se limitant à régler certaines questions entre deux États signataires ou entre un État et un groupement économique régional (par exemple l’accord d’association entre le Maroc et la CE). Il existe aussi des conventions internationales, par exemple les traités internationaux ratifiés par le Maroc tels que ceux sur les transports maritimes, ferroviaire, routier et aérien ; les accords du GATT ; les conventions internationales portant lois uniformes (les conventions de Genève du 7 juin 1930 sur la lettre de change et le billet à ordre et du 19 mars 1931 sur le chèque). Le droit commercial n’a pas que des sources écrites, il en a d’autres importants, mêmes non écrites. B- LES SOURCES NON ECRITES Il s’agit des usages et de la jurisprudence. A- LES USAGES COMMERCIAUX

Bien que le droit commercial soit codifié, les usages commerciaux continuent d’en constituer une source fondamentale ; car la législation, avec sa lenteur, est incapable de suivre l’évolution rapide du monde des affaires. Les usages sont des règles générales non écrites issues de pratiques professionnelles constantes et tacitement acceptées par les commerçants à l’occasion des négociations ou de l’exécution de leurs opérations commerciales. Ce sont les pratiques qui créent des règles par la force de l’habitude professionnelle. C’est à l’occasion de la conclusion des contrats et de leur exécution que le rôle des usages intervient, par exemple, en matière de ventes commerciales ce sont les usages de chaque profession qui fixent les délais, les modalités et les modes de paiement, les délais de livraison, la charge de la livraison et ses frais, la charge des frais de courtage et leur taux, les risques des défauts des marchandises, etc. Les usages peuvent réglementer toute une institution nouvellement créée, par exemple le leasing était, avant le nouveau code, presque exclusivement régis par les usages. B - LA JURISPRUDENCE

C’est la solution donnée par un ensemble de décisions concordantes rendues par les juridictions sur une question de droit. 5

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Ce sont les précédents judiciaires qui servent de guide aux décisions des juridictions à travers la pyramide judiciaire, l’unification de la jurisprudence se réalise d’ailleurs par le biais des voies de recours. Il n’est pas besoin d’insister sur le rôle de la jurisprudence en matière commerciale ; c’est aux tribunaux qu’il revient d’interpréter les lois et les contrats conclus entre commerçants, de fixer les usages auxquels ils se réfèrent, de déterminer le statut des institutions nouvelles créées par la pratique.

III– LES JURIDICTIONS DE COMMERCE Il n’existait pas au Maroc de juridictions spécialisées en matière commerciale ; ce sont les juridictions de droit commun qui connaissaient des affaires commerciales. Les juridictions de commerce n’ont été instituées que récemment par le dahir du 12 février 1997 portant promulgation de la loi 53/95 ; il s’agit des tribunaux de commerce et des cours d’appel de commerce. A – LES TRIBUNAUX DE COMMERCE 11 A – COMPOSITION

A la différence de la France, où les juges des tribunaux de commerce sont élus parmi les commerçants, le Maroc a opté pour des magistrats de carrière. Le tribunal de commerce tient ses audiences et rend ses jugements par trois magistrats, un président et deux assesseurs, le parquet y est représenté. B – COMPETENCE

Les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des actions relatives aux contrats commerciaux, des actions entre commerçants à l’occasion de leurs activités commerciales, des actions relatives aux effets de commerce, des différends entre associés d’une société commerciale et des différends à raison de fonds de commerce. Dans sa rédaction initiale, l'article 6 de la loi relative aux tribunaux de commerce prévoyait que les tribunaux de commerce connaissent en premier et dernier ressort des demandes dont le principal ne dépasse pas la valeur de 9

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Il existe actuellement 8 tribunaux de première instance de commerce: Agadir, Marrakech, Meknes, Fes, Oujda, Tanger, Rabat et Casablanca.

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000 dhs et en premier ressort de toutes les demandes d’une valeur supérieure à ce montant. Cet article a été modifié par une loi n° 18-02 promulguée par dahir du 13/6/200212. Désormais, cet article est ainsi formulé : "les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des demandes dont le principal excède la valeur de 20 000 dirhams…". B – Les cours d’appel de commerce 13 A – COMPOSITION

La cour d’appel de commerce comprend un premier président, des présidents de chambres et des conseillers, un ministère public composé d’un procureur général du roi et de ses substituts, un greffe et un secrétariat du ministère public. Elle tient ses audiences et rend ses arrêts par un président de chambre et deux conseillers, assistés d’un greffier. B – COMPETENCE

La cour d’appel de commerce connaît des appels contre les jugements rendus par le tribunal de commerce. L’appel doit être formé dans un délai de 15 jours à compter de la date de la notification du jugement du tribunal de commerce.

Plan du cour :

Première partie : La matière du droit commerciale Deuxième partie : Les instruments du commerce

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(B.O. n° 5030 du 15/8/2002) Il existe actuellement trois cours d'appel de commerce: Casablanca, Fes et Agadir

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PREMIERE PARTIE : LA MATIERE DU DROIT COMMERCIAL Quelle est la matière du droit commercial ? Est-ce le commerçant ou l’acte de commerce ? Autrement dit, que régit le droit commercial, le commerçant ou les actes de commerce ? C’est que nous sommes en présence de deux conceptions du droit commercial : l’une subjective, l’autre objective. Le système subjectif : Dans ce système, le droit commercial est le droit des commerçants ; l’acte de commerce se définit par l’activité commerciale de son auteur. Autrement dit,

c’est le commerçant qui donne la qualification

commerciale aux actes accomplis par lui. Par exemple, lorsqu’un acte est effectué par un commerçant, c’est un acte de commerce ; si le même acte est exercé par un non-commerçant, il est civil. Les actes de commerce sont donc, dans ce système, strictement l’œuvre des commerçants et nul ne peut accomplir un acte de commerce s’il n’exerce pas une profession commerciale. Le système objectif : Dans ce système c’est l’inverse qui se produit, c’est l’acte de commerce qui donne la qualité commerciale à celui qui l’exerce. Le droit commercial est le droit des actes de commerce et non celui des commerçants, on parle du code de commerce et non du code des commerçants ; lorsque la loi qualifie un acte de commercial, toute personne, même un non commerçant, qui accomplirait un tel acte serait assujettie au droit commercial. Ce système repose exclusivement sur l’acte effectué, indépendamment de la personne de son auteur. La position du législateur : Le code de commerce de 1913, à l’instar du code français de 1807, se voulait adopter les deux systèmes. Le nouveau code de commerce de 1996 annonce la même position en disposant dans son article 1er que «la présente loi régit les commerçants et les actes de commerce ». Mais malgré cette apparence qui laisse entendre que notre code adopte les deux systèmes, il ressort des diverses dispositions de ce dernier que la tendance objective y a le maître mot.

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Néanmoins, quelque soit le système adopté, nous pouvons considérer que la matière du droit commercial est double : ce sont les activités commerciales et les actes du commerce qui en constituent l’objet et le commerçant le sujet. Plan de la première partie : Chapitre I – L'objet du droit commercial Chapitre II – Le sujet du droit commercial

CHAPITRE 1 - L’OBJET DU DROIT COMMERCIAL Le législateur de 1996 a énormément élargi le champ commercial. Il a, d’abord, consacré légalement certaines activités économiques que la jurisprudence avait commercialisé comme le secteur des assurances, l’exploitation des entrepôts et des magasins généraux, l’imprimerie et l’édition, etc. Il a même envahi les domaines sacrés du droit civil, à savoir les immeubles et l’artisanat. L’article 6 parle actuellement d’activités commerciales (section 1), qui se distinguent de ce que le code de commerce appelle les actes de commerce (section 2).

Section I - LES ACTIVITES COMMERCIALES L’article 6 du nouveau code a énuméré un grand nombre d'activités commerciales que nous pouvons ranger dans trois secteurs : - les activités de production - les activités de distribution ; - et les activités de services. § 1 - LES ACTIVITES DE PRODUCTION Ce sont des activités dont l’exploitation n’est pas précédées d’une circulation antérieure, autrement dit les exploitants ne vendent que leur propre production et ne spéculent pas sur des produits qu’ils achètent. Actuellement, les seules activités de production de caractère commercial, sont la recherche et l’exploitation des mines et des carrières (art. 6-4°), c’est à dire les industries extractives.

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La recherche et l’exploitation des mines sont commerciales depuis le dahir 16 avril 1951, alors que la recherche et l’exploitation des carrières ne le sont que depuis le code de 199614. On remarquera que l’agriculture15 et la pêche, qui sont aussi des activités de production, sont restées dans le domaine civil. Il en est de même bien entendu de la production intellectuelle (les créations de l’esprit). Restent donc encore régis par le droit civil les auteurs d’ouvrages, les créateurs de nouvelles inventions (les inventeurs de nouveaux logiciels par exemple), le compositeur d’une œuvre musicale, l’artiste peintre qui vendent les produits de leur création. § 2 – LES ACTIVITES DE DISTRIBUTION La distribution est l’ensemble des opérations par lesquelles les produits sont répartis entre les consommateurs. Deux activités de distributions peuvent se dégager de l'art. 6 : l’achat pour revente et la fourniture. A - L’ACHAT POUR REVENDRE L'achat pour revendre peut avoir pour objet aussi bien les meubles (corporels ou incorporels) ou les immeubles16. Cet achat doit avoir lieu avec l'intention de revendre et quel que soit, en l’état ou après transformation, c'est-à-dire qu'il s'agisse de meubles ou d'immeubles,

la

revente

constitue

une

activité

commerciale

qu'ils

soient revendus tels qu'ils ont été achetés ou après les avoir travaillés. Ainsi, nous pouvons intégrer dans ce secteur non seulement les industries de transformation, mais aussi certaines petites entreprises comme la menuiserie, la boulangerie ou la pâtisserie.

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- Exemples des mines : fer, cuivre et tous les métaux, phosphate, charbon, etc. Les carrières sont de sable, de marbre, de pierres, d’ardoise, d’argile, etc. 15 - Il ne peut s’agir bien entendu que des exploitations agricoles traditionnelles ; les cultivateurs et les éleveurs traditionnels ne sont pas des commerçants même s’ils achètent leurs produits comme les semences, les engrais ou les animaux qu’ils revendent ; par contre, les exploitations agricoles modernes (d’agroalimentaire ou d’élevage industriel) ne peuvent être exclues du domaine commercial. 16 Par contre, la location des immeubles reste civile.

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Mais si le contrat de vente est un contrat à exécution instantanée, le contrat de fourniture est un contrat à exécution successive. B - LA FOURNITURE C’est le contrat par lequel le fournisseur s’engage, moyennant un prix, à délivrer des produits qu’il se procure (achète) préalablement aux livraisons ou à effectuer des services à ses clients, de manière périodique ou continue. C’est pourquoi le contrat de fourniture est un contrat à exécution successive. Par conséquent, la fourniture peut concerner aussi bien les biens que les services. Par «produits» il faut entendre les denrées et les marchandises (produits alimentaires ou industriels), mais aussi actuellement l’eau, l’électricité et le gaz. La fourniture peut également concerner les services. Les services dont il est question ici sont ceux qui sont fournis de manière périodique et régulière ; exemples : les services d’entretien et de réparations des appareils, machines, véhicules…ou le service de gardiennage. Et, dans le cadre de la politique d’extension de la commercialité de certains services publics, le législateur de 1996 a intégré dans les activités commerciales même

les services rendus en

matière

de

postes et

télécommunications (art. 6-18°). § 3 - LES ACTIVITES DE SERVICES Il s’agit d’activités qui consistent à exécuter un travail au profit des clients ou de mettre à leur disposition l’usage temporaire de certains biens. Trois catégories d’activités de services se dégagent de l’art. 6. A - LES SERVICES DE L’INTERMEDIATION L’objet de ces activités réside seulement dans l’information, le conseil et l’assistance aux tiers cocontractants. a - Le courtage C’est l’activité par laquelle une personne (le courtier) met deux personnes en relation en vue de la conclusion d’un contrat. Par conséquent, le courtier n’intervient d’aucune manière dans le contrat conclu entre les personnes qu’il rapproche.

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b - La commission Le contrat de commission est une variété de mandat en vertu duquel le commissionnaire s’engage à réaliser des opérations tels que des achats ou des ventes pour le compte du commettant, mais en son nom personnel. À la différence du simple mandataire qui traite au nom de son mandant, le commissionnaire contracte avec les tiers en son nom personnel. Les tiers (les cocontractants) ne connaissent que le commissionnaire. Dans la pratique, les commissionnaires sont désignés par des dénominations techniques suivant leurs domaines de spécialisation : les intermédiaires de la bourse (ou agents de change en France), les commissionnaires de transport, les transitaires de douane, les mandataires des halles, etc. c - Les bureaux et agences d’affaires Ce sont des activités qui consistent à administrer les affaires des autres et à gérer leurs biens, moyennant rémunération. Les agences d’affaires peuvent même être spécialisées dans certains domaines ; ces spécialités ont même été prises en considération par le nouveau code qui cite expressément les agences de voyages, les agences de publicité17 et les agences d’information18. B - LES SERVICES FINANCIERS C’est l’ensemble des activités qui ont pour objet la spéculation sur l’argent. L’alinéa 7 de l’article 6 mentionne la banque, le crédit et les transactions financières, mais il faut aussi ajouter les assurances (al. 8) qui visent d’ailleurs la spéculation sur l’argent (les primes d’assurance). Que veut-on dire par activités de banque, de crédit et de finance ?

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- Ce sont toutes les agences de publicité qui interviennent entre les annonceurs et les médias (télévision, radio, journaux…) 18 - Les agences d’information sont appelées en pratique les agences de renseignements commerciaux ; elles sont spécialisées dans l’ingénierie financière, le marketing et tous les services destinés à faciliter la création et le développement des entreprises. On ne peut bien entendu exclure du domaine commercial les agences de presse ou les organes de presse (journaux et périodiques autres que les journaux d’opinion) dans la mesure où l’information est devenue une véritable industrie avec des moyens financiers et techniques considérables à visée commerciale incontestée.

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Les définitions sont désormais données par la loi bancaire19. 1 - La banque D’après la loi bancaire, les principales activités bancaires sont : - la réception de fonds du public ; - la distribution de crédits ; - et la mise à la disposition de la clientèle de tous moyens de paiement ou leur gestion. 2 - Le crédit Il consiste, d’après l’article 3 de la loi bancaire, en trois opérations, qui doivent toutes être effectuées à titre onéreux20. Ces opérations sont : - met ou s'oblige de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne, à charge pour celle-ci de les rembourser ; - ou prend dans l'intérêt d'une autre personne, un engagement par signature sous forme d'aval, de cautionnement ou de toute autre garantie. 3 - Les transactions financières Il s’agit en fait de l’activité des sociétés de financements telles que définies par l’article 10, al.3 de la loi bancaire, comme les sociétés de crédit à la consommation. C’est donc pour ce genre d’établissements que l’article 6 du code de commerce a réservé ce concept de transactions financières qu’il a délibérément séparé des autres concepts de la banque et du crédit. 4 - L’assurance Le code de 1996 parle des opérations d’assurances «à primes fixes », c'est-à-dire les assurances du secteur commercial, pour les distinguer des assurances mutuelles21.

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- Dahir n° 1-05-178 du 14 février 2006 portant promulgation de la loi n° 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés. B.O. n° 5400 du 2 mars 2006 p. 298. 20 - C’est une condition essentielle, car les prêts concédés à titre gratuit ne sont pas considérés du crédit. 21 Telles que la M.A.E.M. (Mutuelle d’Assurances des Enseignants du Maroc), et la M.A.M.D.A. (Mutuelle Agricole Marocaine d’Assurance) et des organismes de prévoyance sociale telles que la M.G.P.A.P.M. (Mutuelle Générale du Personnel des Administrations Publiques du Maroc), la M.G.E.N. (la mutuelle générale de l’éducation nationale et les organismes à caractère social telles que la CNSS (caisse nationale de la sécurité sociale) et la CIMR (caisse interprofessionnelle marocaine de retraite).

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C - LES AUTRES SERVICES Quatre activités prévues par l'article 6 peuvent être rangées dans ce cadre. 1 – L'activité industrielle L’art. 6-5° parle d’activité industrielle. Il s’agit de toute activité qui consiste à effectuer des travaux sur des biens meubles22 ou immeubles. Mais à la différence avec l'achat pour revente après transformation où il y a achat de la matière première qui sera transformée pour être revendue, l'article 6 désigne par activités industrielles celles où les produits ou matières premières sont fournis à l'industriel par ses clients à charges pour lui de les leur restituer après transformation. Mentionnons enfin dans le cadre des autres services, l'extension de la commercialité pour la première fois à l’artisanat23, l’imprimerie et l’édition, le bâtiment et les travaux publics. L’activité industrielle peut également avoir pour objet les immeubles (les entreprises ayant pour objet d’effectuer des travaux sur des immeubles tels que le nivellement et le terrassement et qu’on appelait les manufactures immobilières). 2 - La location de meubles La location est une activité de service en vertu de laquelle le bailleur met à la disposition de son locataire la jouissance temporaire de certains biens. En vertu de l’art 6 - 1° et 2° toute location des biens meubles corporels (voitures, machines, bijoux,…) ou incorporels (des films) est une activité commerciale quelle que soit l’origine de ces biens, qu’ils soient achetés ou seulement loués. Le législateur de 1996 est resté muet sur les opérations de location des immeubles. L’achat d’immeubles en vue de leur location demeure donc une activité civile.

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- Certaines activités telles que la blanchisserie peuvent entrer dans cette catégorie. - Ce qui inclue aujourd’hui tous les petits artisans comme le coiffeur, le tailleur, le plombier, l’électricien, le maçon ; actuellement même les chauffeurs de taxis indépendants, qui étaient jadis assimilés aux artisans, n’échappent pas au droit commercial. 23

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3 - L’exploitation de locaux à usage public Au sein de l’article 6 on dénombre quatre sortes de ces établissements. - La vente aux enchères publiques : Il s’agit de l’exploitation de salles de ventes aux enchères publiques des marchandises. - L’exploitation de magasins généraux : ce sont des entrepôts dans lesquels les marchandises sont déposées contre remise de titres négociables, appelés récépissés - warrants, qui permettent la vente ou le nantissement de ces marchandises sans leur déplacement. - L’exploitation des entrepôts publics : ce sont également des locaux de dépôt de marchandises mais, avec remise de simples reçus qui ne bénéficient pas des vertus des récépissés - warrants. Exemple : les entrepôts des ports ou des aéroports, les entrepôts frigorifiques, les garde-meubles, les garages de voitures, etc. - L’organisation de spectacles publics : il s’agit de l’organisation de spectacles offerts au public dans des salles ou locaux destinés à cet effet dans un but lucratif (théâtre, cinéma, salles de conférences et lieux des manifestations sportives professionnelles). Quant à l’industrie hôtelière (l’hôtellerie et la restauration), on ne peut soutenir qu’il s’agit d’une activité civile. 4 - Le transport La commercialité du transport se base sur le fait qu’il participe à la circulation des richesses, qu’il s’agisse du transport des personnes ou des marchandises et quel que soit le mode de transport. 5 – La domiciliation L'article premier de la loi 89-17 du 9 janvier 201924 a ajouté à l'article 6 du code de commerce un alinéa 19 par lequel il a ajouté la domiciliation. La domiciliation est donc devenue une activité commerciale à part entière. D'après l'article 544-1 du code de commerce "la domiciliation de l'entreprise est le contrat par lequel une personne physique ou morale,

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B.O. n° 6788 du 20/6/2019.

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dénommée domiciliataire, met le siège de son entreprise ou son siège social à la disposition d'une autre personne physique ou morale, dénommée domiciliée pour y établir le siège de son entreprise ou son siège social, selon le cas". Autrement dit le siège de l'entreprise d'une personne physique ou le siège sociale d'une personne morale (le domiciliataire) va servir de siège d'une autre entreprise personne physique ou de siège sociale d'une autre personne morale (le domicilié). Le domiciliataire est donc devenu commerçant dont le siège est désormais appelé "centre d'affaires".25

Section II - LES ACTES DE COMMERCE Les actes de commerce sont ceux qui ne peuvent être exercés à titre professionnel, et leur pratique, même habituelle, ne confère pas la qualité de commerçant à celui qui en fait usage, néanmoins elle donne lieu à l’application des règles du droit commercial. Rentrent dans cette catégorie les actes de commerce par la forme (art.9), les actes de commerce par accessoire (art.10) et les actes mixtes (art.4). § I - LES ACTES DE COMMERCE PAR LA FORME Les actes de commerce par la forme sont des actes qui sont toujours commerciaux quelle que soit la qualité des parties (commerçants ou non commerçants) et quel que soit l’objet de l’opération qui leur donne naissance (commerciale ou civile). Ces actes sont la lettre de change et les sociétés commerciales.

25

V. à ce sujet EL OUFIR (Ch), "la domiciliation d'entreprises : une réglementation au service

de l'administration", REMALD, n° 153, juillet-août 2020, pp.109 -115.

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A - LA LETTRE DE CHANGE Du fait que la lettre de change est un acte de commerce par la forme, il en résulte les conséquences suivantes : 1°/ Les personnes qui s’obligent par lettre de change sont soumises aux règles du droit commercial. 2°/ La lettre de change est commerciale quelle que soit la cause pour laquelle elle a été signée (civile ou commerciale). Ceci distingue la lettre de change notamment du chèque dont la nature dépend de la nature civile ou commerciale de la créance sous-jacente. B - LES SOCIETES COMMERCIALES En principe, les sociétés devraient, comme les personnes physiques, obéir aux mêmes critères de la commercialité, c’est-à-dire qu’une société serait civile ou commerciale suivant l’objet de son activité. Cependant, la SA, la société en commandite par actions et la SARL, même ayant un objet civil, sont devenues des sociétés commerciales par la forme depuis la législation du protectorat. De son côté, la loi 5/96 a rendu commerciales par la forme même la société en nom collectif et et la société en commandite simple. § II - LES ACTES DE COMMERCE PAR ACCESSOIRE L’article 10 du nouveau code stipule : « sont également réputés actes de commerce, les faits et actes accomplis par le commerçant à l’occasion de son commerce » ; ce sont donc les actes de commerce par accessoire. Ces actes sont en réalité de nature civile et, lorsqu’ils sont effectués par un commerçant pour les besoins de son commerce, ils acquièrent la qualité d’actes de commerce. Exemple, le commerçant qui achète un camion pour livrer ses marchandises, ou du mobilier pour son agence d’affaires ou des machines pour son usine, etc.26

26

- On peut encore citer les crédits que le commerçant contracte pour le développement de son entreprise, les contrats d’assurance relatifs aux opérations commerciales (les assurances contractées en vue de l’obtention de crédits bancaires, les assurances relatives aux transports des marchandises ou du personnel), les contrats d’assurance relatifs aux biens de l’entreprise (assurance incendie des magasins, entrepôts), les contrats de travail conclus entre le

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Ces actes ne constituent pas l’objet du commerce du commerçant ou son activité, il n’y a pas l’idée d’achat pour revendre. Donc, l’acte d’achat est en luimême un acte civil, mais qui devient commercial par accessoire à l’activité commerciale du commerçant, on dit qu’il est commercial par accessoire. Signalons enfin que l’article 9 de la loi 53/95 a attribué au tribunal de commerce la compétence pour connaître de l’ensemble du litige commercial qui comporte un objet civil et, donc, des actes de commerce par accessoire. § III - LES ACTES MIXTES Ce sont des actes qui sont commerciaux pour une partie et civils pour l’autre. Exemple : un consommateur qui achète des produits ou de la marchandise chez un commerçant ; cet acte a une double qualité : il est civil pour le consommateur et commercial pour le commerçant. C’est le cas pour toutes les ventes au détail ou ventes à la consommation : l’acte est commercial pour le vendeur et civil pour le consommateur. Devant le silence du code de 1913, c’est la jurisprudence qui a toujours décidé des règles à appliquer aux actes mixtes avant que le code de 1996 ne les consacre légalement. Son article 4 dispose en effet que «lorsque l’acte est commercial pour un contractant et civil pour l’autre, les règles du droit commercial s’appliquent à la partie pour qui l’acte est commercial ; elles ne peuvent être opposées à la partie pour qui l’acte est civil sauf disposition spéciale contraire ». Par conséquent, les solutions consacrées précédemment par la doctrine et la jurisprudence en matière des actes mixtes resteront toujours applicables : 1 - La compétence judiciaire Actuellement, avec la création des tribunaux de commerce, la loi a confié au commerçant de convenir avec le non commerçant d’attribuer la compétence au tribunal de commerce pour connaître des litiges pouvant les opposer à l’occasion de l’exercice de l’activité du commerçant. 2 - La preuve

commerçant et ses employés, l’achat ou la location d’immeubles pour l’exercice du commerce, etc.

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La jurisprudence a appliqué le principe suivant lequel le régime des preuves s’apprécie en fonction de la personne contre laquelle la preuve doit être faite. Par conséquent, dans un acte mixte : - le commerçant ne peut invoquer la liberté de la preuve contre le non commerçant, il ne peut établir la preuve à l’égard de ce dernier qu’en se conformant aux règles du droit civil (nécessité d'un écrit lorsque l’opération excède 250 dhs). - inversement, lorsque le non commerçant doit fournir la preuve contre le commerçant, la preuve sera libre pour lui (c’est-à-dire même par témoins). 3 - La prescription # Avant le code de 1996 il était fait application des règles du D.O.C. qui prévoyait deux prescriptions : - une prescription de 5 ans, s’agissant d’obligations contractées entre commerçants pour les besoins de leur commerce ; - la prescription en matière civile de 15 ans. # Actuellement, avec le nouveau code, lorsqu’il s’agit des actes mixtes, cette prescription est unifiée ; l’article 5 a prévu désormais une seule prescription de 5 ans, qu’il s’agisse de relations entre commerçants à l’occasion de leur commerce ou de relations entre commerçants et non commerçants.

CHAPITRE II - LE SUJET DU DROIT COMMERCIAL Si les activités commerciales et les actes de commerce constituent l’objet du droit commercial, le commerçant reste le sujet de ce droit.

Section I - DEFINITION DU COMMERÇANT La définition du commerçant résulte expressément de l’article 6 du nouveau code qui stipule que la qualité de commerçant s’acquiert par l’exercice habituel ou professionnel des activités commerciales. Toutefois cette condition est insuffisante pour définir le commerçant, une autre condition s’impose, à savoir l’exercice des activités commerciales pour son propre compte.

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§ I - L’EXERCICE HABITUEL OU PROFESSIONNEL DES ACTIVITÉS COMMERCIALES Nous avons déjà eu l’occasion de voir que le commerçant est celui qui exerce

les

activités

commerciales,

mais

de

manière

habituelle

ou

professionnelle. Qu’est-ce que l’habitude et qu'est-ce que la profession ? - L’habitude : veut dire une répétition régulière de l’activité commerciale, autrement dit, l’exercice par entreprise des activités de l’article 6 ; en conséquence, l’exercice occasionnel de ces activités ne peut plus qualifier un commerçant. D’ailleurs, il ne faut pas oublier la condition supplémentaire de l’article 6 concernant la publicité au registre du commerce. - La profession : doit consister dans l’exercice d’une activité qui procure le moyen de satisfaire aux besoins de l’existence de celui qui l’exerce. Celui qui exerce une activité commerciale de manière habituelle doit tirer de cet exercice tout ou une partie importante de ses moyens d’existence. Encore faut-il qu’il le fasse pour son propre compte. § II - L’EXERCICE POUR SON PROPRE COMPTE Il s’agit là d’une règle qui connaît néanmoins des exceptions. A – LA RÈGLE La qualité de commerçant s’acquiert en définitif par l’exercice habituel ou professionnel des activités commerciales, mais pour son propre compte. Autrement dit, la règle en la matière est la suivante : celui qui exerce des activités commerciales, même s’il en fait sa profession habituelle, n’est pas un commerçant tant qu’il le fait pour le compte d’autrui. Le commerce suppose une indépendance totale dans l’exercice de la profession. Il suppose aussi un certain risque : le commerçant peut faire des bénéfices mais il peut aussi subir des pertes ; d’où la règle : tous ceux qui exercent le commerce pour le compte d’une autre personne et ne subissent pas de risque ne sont pas des commerçants. Rentrent dans cette catégorie les employés, dans la mesure où ils sont subordonnés à leurs employeurs par un contrat de travail et restent indifférents aux risques du commerce, et les mandataires qui ne font que représenter leurs mandants dans le commerce (exemples les représentants de commerce et les administrateurs des sociétés commerciales). 20

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B - LES EXCEPTIONS Certaines personnes, bien qu’elles agissent pour le compte d’autrui, sont considérées des commerçants alors qu’elles ne remplissent pas la condition d’indépendance corrélative au risque. a - Les commissionnaires Nous avons déjà eu l’occasion de voir que le contrat de commission est une sorte de mandat ; à ce titre, le commissionnaire ne devrait pas, en principe, être considéré commerçant puisqu’il est un simple mandataire qui traite pour le compte d’autrui, son commettant. Nous avons vu aussi que le commissionnaire, à la différence du mandataire, traite en son propre nom. Cependant, ce n’est pas pour cette raison que le commissionnaire est un commerçant, mais parce qu’il exerce une activité commerciale à part entière prévue par l’article 6-9° : la commission. b - Les prête-noms Le prête-nom est celui qui prête son nom dans des actes où le véritable cocontractant ne peut ou ne veut pas voir figurer le sien. C’est donc en apparence seulement que le prête-nom exerce le commerce, c’est en apparence qu’il contracte avec les tiers en son nom et pour son compte alors qu’en réalité, il le fait pour le compte d’autrui ; à ce titre, il ne devrait pas être considéré commerçant. Pourtant, vu l’importance accordée en droit commercial à la théorie de l’apparence, le prête-nom est, sans hésitation, qualifié commerçant.

Section II - LA CONDITION JURIDIQUE DU COMMERCANT Un commerçant doit satisfaire à des conditions relatives à la capacité commerciale et à des conditions ayant trait aux restrictions à l’exercice du commerce. § I - LA CAPACITE COMMERCIALE Désormais, en vertu de nos textes, l’incapacité d’exercer le commerce frappe seulement le mineur et le majeur interdit, quant à la femme mariée, elle

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ne fait plus partie des incapables27, l'article 17 du code de commerce prévoit en effet que "la femme mariée peut exercer le commerce sans autorisation de son mari. Toute convention contraire est réputée nulle". Le mineur est celui qui n’a pas atteint l’âge de la majorité qui est actuellement fixé à 18 années grégoriennes révolues28 29, Bien que l’article 218 du code de la famille prévoit que le mineur qui a atteint l’âge de 16 ans puisse être émancipé par le tribunal, cette émancipation ne lui permet de gérer ses biens que dans le domaine civil ; pour pouvoir exercer le commerce, le code de commerce exige, en plus, une autorisation spéciale de son tuteur. § II - LES RESTRICTIONS A LA LIBERTE DU COMMERCE La liberté du commerce est un principe fondamental de notre droit, consacré désormais par la constitution30. Toutefois, cette liberté du commerce est limitée par certaines restrictions. Le non-respect de ces restrictions est puni, suivant les cas, par des sanctions disciplinaires ou administratives et même, le cas échéant, pénales. En outre, les opérations commerciales effectuées par le contrevenant sont considérés valables et peuvent le soumettre aux règles du droit commercial, notamment celles relatives aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires. Cette règle est maintenant consacrée expressément par l’article 11 du code de commerce qui dispose que «toute personne qui, en dépit d’une interdiction, d’une déchéance ou d’une incompatibilité, exerce habituellement une activité commerciale, est réputé commerçant ».

- V. à ce sujet notre article paru dans le journal L’opinion du 21 mars 1996, p. 1, intitulé : «La restauration du droit de la femme mariée à la liberté d’exercer le commerce». 28 Sous le dahir du 14 mars 1938, l'âge de la majorité était fixé à 25 ans, sous le dahir du 25 janvier 1958 formant CSP il est passé à 21 ans, ensuite à 20 ans par dahir du 11 juin 1992. 29 Depuis la modification de l’ancien code de statut personnel par le dahir du 24 mars 2003 (B.O .n° 5096 du Jeudi 3 Avril 2003) prévu actuellement par l’article 209 du nouveau Code de la famille. 30 - L’article 15 de la constitution dispose que le droit d’entreprendre demeure garanti. 27

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A - LES INCOMPATIBILITÉS Il arrive que certaines personnes exercent certaines professions, et cela ne les empêche pas d’exercer le commerce en parallèle. Mais cette faculté n’est pas toujours possible, car le législateur estime, pour différentes raisons, que certaines professions sont incompatibles avec l’exercice du commerce, par exemple les médecins, les avocats, les adouls, les notaires, les fonctionnaires, etc. B - LES DÉCHÉANCES Il s’agit d’une autre restriction à l’exercice du commerce qui vise les commerçants ou les postulants au commerce, c’est-à-dire les personnes qui ont fait l’objet de certaines condamnations pénales (pour vol, escroquerie, abus de confiance, émission de chèque sans provision, infractions fiscales ou douanières, banqueroute, etc.) ou d’une liquidation judiciaire. En outre, la déchéance commerciale emporte interdiction de diriger, toute entreprise ayant une activité économique (art 711 code de commerce). Ces déchéances résultent de divers textes législatifs spéciaux31 (ce sont des déchéances de plein droit) mais, dans certains cas, elles doivent être prononcées par jugement. C - LES INTERDICTIONS Au titre de cette restriction, le commerçant n’a pas le droit de postuler à l’exercice de certaines activités commerciales : - lorsque ces activités sont interdites par le législateur : par exemple l’interdiction du commerce de la fausse monnaie (art. 335 C.P.), l’interdiction du commerce lié aux jeux de hasard (art. 282 C.P.), l’interdiction du commerce des objets et images contraires aux mœurs (art. 59 dahir 15/11/1958 formant code de la presse), le commerce des stupéfiants ;

- Par exemple la loi bancaire du 6/7/1993 (art 31), la profession d’agent d’affaires : dahir du 12/1/1945, les agences de voyages : dahir portant loi du 8/10/1977, les pharmaciens : dahir du 19/2/1960, les intermédiaires d’assurances : dahir portant loi du 9/10/1977, etc. 31

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- ou lorsque ces activités constituent un monopole de l’Etat : par exemple la recherche du pétrole et du gaz, l’exploitation et le commerce des phosphates, le transport ferroviaire, etc. D - LES AUTORISATIONS Il s’agit de l’interdiction d’exercer certaines activités commerciales sans autorisation préalable des autorités administratives. En effet, dans certains cas, une autorisation administrative, sous forme d’agrément ou de licence, est nécessaire avant l’ouverture du commerce ou l’exercice de certaines activités commerciales, par exemple : - la vente des boissons alcooliques (qui est soumise, suivant le cas, à une licence ou à une autorisation), - les activités cinématographiques (notamment les clubs vidéo soumis à une autorisation du C.C.M.), - les agences de voyages (qui doivent être autorisées par le ministère du tourisme), - le transport public des personnes (soumis à des agréments du ministère du transport), etc. Dans d’autres cas l’existence de ces autorisations s’explique par des exigences de la profession, par exemple l’ouverture d’une pharmacie nécessite d’être titulaire d’un diplôme de pharmacien, les banques et les sociétés d’assurances doivent être inscrites sur les listes de ces professions, etc. Il faut ajouter que certaines activités ne peuvent être exercées que par des personnes morales, par exemple les activités bancaires.

Section III - LES OBLIGATIONS DU COMMERCANT En plus des obligations communes à toutes les entreprises économiques (les obligations sociales, les obligations fiscales…), le commerçant est soumis à des obligations spéciales, les unes nouvelles, les autres traditionnelles. §1 – LES OBLIGATIONS NOUVELLES En effet, dans le but d’assurer un meilleur contrôle fiscal, le code de 1996 a institué de nouvelles obligations à la charge des commerçants, il s’agit de : - l’obligation pour le commerçant, pour les besoins de son commerce, d’ouvrir un compte dans un établissement bancaire ou dans Al Barid Bank qui est une filiale du groupe Poste Maroc depuis le 8 juin 2010. (art.18) ; 24

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- et l’obligation de payer par chèque barré ou par virement bancaire, toute opération entre commerçants pour faits de commerce d’une valeur supérieure à 10 000 dhs. L’inobservation de cette règle est passible d’une amende qui ne peut être inférieure à 6% de la valeur payée autrement que par chèque ou virement bancaire ; les deux commerçants, c’est-à-dire le créancier et le débiteur, sont responsables solidairement du paiement de cette amende. Mais ici surgissent 2 problèmes pratiques: Le 1er : Chèque barré Le 2ème : Le fractionnement des factures  Comment le 1er problème a été réglé? C'est en se basant sur l'article 311 al. 2 du code de commerce que, depuis le 1er février 2011 un règlement interbancaire (du GPBM) a instauré l'obligation des chèques pré-barrés et non endossables pour les clients patentés des banques (les personnes morales, les entreprises individuelles et les professions libérales). L'article 311 dispose que: "Tout établissement bancaire… peut délivrer des formules de chèques barrés d'avance et rendues, par une mention expresse de l'établissement bancaire, non transmissibles par voie d'endossement, sauf au profit d'un établissement bancaire ou d'un établissement assimilé"  Comment le 2ème problème a été réglé? L’article 11 II CGI relatif aux charges non déductibles prévoit actuellement (Articles 8 et 7 des lois de finances n° 70-15 et 80-18 pour les années budgétaires 2016 et 2019) « Ne sont déductibles du résultat fiscal que dans la limite de 5 000 dhs par jour et par fournisseur sans dépasser 50 000 dirhams par mois et par fournisseur, les dépenses afférentes aux charges visées à l’article 10 dont le règlement n’est pas justifié par chèque barré non endossable, effet de commerce, moyen magnétique de paiement, virement bancaire, procédé électronique ou par compensation avec une créance à l’égard d’une même personne… ». Avant la loi de finances de 2016 l'article 11 II prévoyait : " Ne sont déductibles du résultat fiscal qu'à concurrence de 50% de leur montant les dépenses afférentes aux charges visées à l'article 10…"

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La loi de finances de 2016 quant à elle avait prévu une limite de 10 000 dirhams par jour et par fournisseur mais sans prévoir de limite mensuelle par fournisseur. Cette modification de l'article 11 a eu pour objectif, de limiter les fraudes fiscales, notamment aux opérations réglées en espèces.

Cette modification a eu aussi, et surtout, pour objectif de lutter contre les fausses factures. En effet, certains commerçants, pour éviter le payement du montant total exigible en matière de l'IS ou de l'IR, cherchent à gonfler leurs charges pour diminuer la base imposable des impôts (base imposable ou résultat fiscal = Produit – Charges). Ainsi, pour faire baisser le résultat fiscal, ces commerçants achètent des factures, pour les utiliser comme preuve, chez des commerçants (souvent fictifs sinon non déclarés) dont les transactions sont fictives et qui pratiquent ce genre de fraude pour des modiques sommes (par exemple 200 dirhams par facture de 9 900 dirhams chaque jour et en plusieurs factures). Donc cette modification de l'article 11 vise au moins à réduire ces pratiques en limitant les transactions en espèces par jour et par fournisseur32 Avant LF de 2021, toute personne qui, en vue de se soustraire à sa qualité de contribuable ou au paiement de l'impôt ou en vue d'obtenir des déductions ou remboursements indus, utilise l'un des moyens suivants: - délivrance ou production de factures fictives ; - production d'écritures comptables fausses ou fictives ; - vente sans factures de manière répétitive ; - soustraction ou destruction de pièces comptables légalement exigibles ; - dissimulation de tout ou partie de l'actif de la société ou augmentation frauduleuse de son passif en vue d'organiser son insolvabilité. Etait passible, en plus des sanctions fiscales édictées par le CGI, d'une amende de 5 000 DH à 50 000 DH.

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V. le travail réalisé par KHOURASSO Mouad, Master GFCF 2015/2016, FSJES AGDAL RABAT

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En cas de récidive, avant l'expiration d'un délai de 5 ans qui suit un jugement de condamnation à l'amende précitée, ayant acquis l'autorité de la chose jugée, le contrevenant était puni, outre de l'amende susvisée, d'une peine d'emprisonnement de 1 à 3 mois. La LF 2021 a : - étendu ces sanctions aux personnes qui permettent à autrui de se soustraire à sa qualité de contribuable ou au paiement de l'impôt ou en vue d'obtenir des déductions ou remboursements indus. - abrogé la condition de récidive des actes dans le délai de 5 ans. Ainsi, en plus de l’amende susvisée, le contrevenant est puni d’une peine d’emprisonnement de 1 à 3 mois. Réf : article 192-I du CGI. §2 – LA PUBLICITE AU REGISTRE DE COMMERCE Le R.C. a pour rôle de faire connaître les commerçants, son objectif est d’organiser une publicité juridique (non commerciale) sur le commerçant ; il fournit aux tiers, qui sont en relation avec le commerçant, des informations relatives à sa situation juridique et à ses activités commerciales. C’est pour cette raison que le code de commerce a fait du R.C. un document public ; toute personne peut se faire délivrer une copie ou un extrait certifié des inscriptions qui y sont portées ou un certificat attestant l’inexistence d’une inscription ou qu’une inscription a été rayée. A - LE FONCTIONNEMENT DU R.C. Comment est-il organisé ? Quelles sont les personnes assujetties à l'immatriculation ? Et quelles sont les différentes inscriptions ? a - L’organisation du R.C. Le R.C. est constitué par des registres locaux et un registre central : Les registres locaux sont actuellement institués auprès de chaque tribunal de commerce ou de première instance le cas échéant ; ils sont tenus par le secrétariat-greffe et leur fonctionnement est surveillé par le président du tribunal ou par un juge désigné par lui. Le registre central du commerce est tenu à l’office de la propriété industrielle à Casablanca. Il a pour but :

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- de centraliser toutes les déclarations contenues dans les registres locaux que lui transmettent les secrétaires greffiers des tribunaux ; - et de délivrer les certificats relatifs aux inscriptions portées sur le registre. b - Les personnes assujetties Toutes les personnes physiques et morales (sociétés commerciales, GIE), de droit privé ou de droit public, marocaines ou étrangères exerçant une activité commerciale sur le territoire marocain sont tenues de se faire immatriculer au R.C. du tribunal où est situé leur siège. L’immatriculation est également obligatoire lors de l’ouverture d’une succursale ou d’une agence d’entreprise marocaine ou étrangère. c - Les inscriptions au R.C. Ces inscriptions sont au nombre de trois : 1 - Les immatriculations Il existe trois sortes d’immatriculations. 1°/ L’immatriculation principale Tout commerçant, personne physique ou morale, doit se faire immatriculer au R.C.; la demande d’immatriculation doit avoir lieu dans les 3 mois de l’ouverture de l’établissement commercial ou de l’acquisition du fonds de commerce pour les personnes physiques, et dans les trois mois de leur constitution pour les personnes morales. Mais il ne peut y avoir qu’une seule immatriculation. Il s’agit de la première immatriculation au R.C. qu’on appelle immatriculation principale. Ainsi, un commerçant (personne physique ou personne morale) ne peut avoir qu’un seul numéro d’immatriculation à titre principal car, l’immatriculation a un caractère personnel, c’est-à-dire qu’elle est rattachée au commerçant, non à son activité commerciale ou à ses établissements de commerce. S’il est établi qu’un commerçant possède des immatriculations principales dans plusieurs registres locaux ou dans un même registre local sous plusieurs numéros, il peut être sanctionné et le juge peut procéder d’office aux radiations nécessaires. 2°/ Les inscriptions complémentaires Si le nouvel établissement se trouve dans le ressort du tribunal où la personne assujettie a son immatriculation principale, il y a lieu seulement à

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inscription complémentaire, il ne s’agit pas d’une immatriculation mais uniquement d’une inscription modificative. 3°/ Les immatriculations secondaires Si le nouvel établissement se situe dans le ressort d’un autre tribunal que celui de l’immatriculation principale, il y a lieu à demander une immatriculation secondaire au tribunal du lieu de la succursale ou de l’agence ou de la création de la nouvelle activité, avec indication de l’immatriculation principale. Dans ce cas, une inscription modificative doit également être portée au R.C. de l’immatriculation principale. Ces inscriptions sont nécessaires à l’occasion, et dans les 3 mois, de l’ouverture des succursales ou agences ou de la création d’une nouvelle activité par le commerçant déjà immatriculé au R.C., c’est-à-dire ayant au préalable une immatriculation principale. Quant à la succursale, agence de sociétés commerciales ou de commerçants dont le siège social ou l’établissement principal se trouve à l’étranger, et la représentation commerciale ou agence commerciale de collectivités ou établissements publics étrangers, elles doivent requérir une immatriculation principale au R.C. du tribunal du lieu où le fonds de commerce est exploité (Art. 41) dans les 3 mois de leur ouverture (Art. 75). En cas de pluralité de fonds exploités, il est procédé suivant le cas, à inscription complémentaire ou à immatriculation secondaire (Art. 41). 2 - Les inscriptions modificatives Tout changement ou modification concernant les mentions qui figurent sur le R.C. doit faire l’objet d’une demande d’inscription modificative (art. 50) dans le mois suivant le changement. Par exemple, pour les personnes morales les décisions modifiant les statuts de la société (l’augmentation ou la diminution du capital social, la forme juridique de la société, la dénomination sociale), la nomination de nouveaux gérants, des membres des organes d’administration, etc.

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3 - Les radiations La radiation est le fait de rayer l’immatriculation du commerçant du R.C. par exemple en cas de cessation totale de l’activité commerciale, en cas de décès du commerçant, en cas de dissolution d’une société, etc. 33 Les radiations peuvent être requises par les intéressés eux-mêmes, soit opérées d'office par ordonnance du président du tribunal. B - LES EFFETS DE L’IMMATRICULATION a - Les effets à l'égard des personnes physiques L’absence d’effets de l’immatriculation en vertu du dahir du 1 er septembre 1926 avait poussé la jurisprudence à juger que «la seule inscription au R.C. ne suffit pas pour donner à la personne inscrite la qualité de commerçant »34. L’immatriculation au R.C. ne constituait nullement une présomption d’être commerçant. 1 - La présomption de commercialité Désormais, avec le nouveau code de commerce, toute personne immatriculée au R.C. est présumée avoir la qualité de commerçant. Néanmoins, il faut souligner que le nouveau code ne s’est pas «aventuré » jusqu’à donner à l’immatriculation l’effet d’une présomption irréfragable (ou absolue), il s’est contenté de lui accorder une présomption simple, c’est-à-dire susceptible de preuve contraire. Ce qui veut dire que, sous l'ancien code, il appartenait au commerçant de prouver qu'il est commerçant ; actuellement, c'est à l'adversaire de démontrer qu'il n'est pas commerçant. 2 - Les effets du défaut d’immatriculation En vertu de la politique du nouveau code de commerce, lorsque le commerçant n'est pas immatriculé au registre de commerce : - d’une part, il se voit privé de tous les droits dont bénéficient les commerçants, par exemples : il ne peut produire ses documents comptables en

33

- V. art. 51 à 57 code de commerce. - TPI d’Oujda, 24 mai 1961, Revue Marocaine de Droit du 1/11/1961, pp. 415 - 417.

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justice pour faire preuve, ni invoquer la prescription quinquennale à l’égard des non commerçants, ni revendiquer le droit à la propriété commerciale, etc. - d’autre part, il se trouve soumis à toutes les obligations des commerçants, par exemple, quand c’est dans son intérêt, il ne peut invoquer le défaut d’immatriculation pour se soustraire aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaires qui sont spéciales aux commerçants. Enfin, le code de commerce sanctionne d’une amende de 1 000 à 5 000 dhs : 1°/ Tout commerçant, gérant ou membre des organes d’administration, de direction ou de gestion d’une société commerciale, tout directeur d’une succursale ou d’une agence d’un établissement ou d’une société commerciale, tenu de se faire immatriculer au R.C. qui ne requiert pas dans les délais prescrits les inscriptions obligatoires. Cette amende concerne toutes les mesures d’inscription : le défaut d’immatriculations, d’inscriptions complémentaires ou modificatives et le défaut de radiation. 2°/ La même amende est encourue lorsque l’assujetti prend plusieurs immatriculations principales. 3°/ Elle frappe aussi tout manquement à l’obligation de mentionner le numéro et le lieu de l’immatriculation au R.C. dans les documents de commerce (factures, lettres, bons de commandes…). b - Les effets à l’égard des personnes morales Dans notre ancienne législation, l’immatriculation au R.C. n’était pas une condition pour l’acquisition de la personnalité morale, une société commerciale jouissait de la personnalité morale dès sa constitution, indépendamment de l’immatriculation au R.C. Actuellement, avec les nouvelles lois relatives aux sociétés, celles-ci ne jouissent de la personnalité morale qu’à partir de leur immatriculation au R.C. § 3 - LA TENUE D’UNE COMPTABILITE L’utilité de la comptabilité n’est plus aujourd’hui à démontrer, tant dans l’intérêt du commerçant (bonne gestion et moyen de preuve) que de celui des tiers (informations sur la situation du commerçant) ou de l’Etat (contrôle des déclarations fiscales).

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La tenue des livres de commerce était réglementée par le code de commerce de 1913, cette réglementation s’est révélée dépassée par l’évolution des pratiques commerciales et comptables. Pour se mettre à jour par rapport à cette évolution, le législateur a du intervenir par la loi 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants, promulguée par dahir du 25 décembre 199235. A - LES LIVRES ET DOCUMENTS COMPTABLES Désormais, notre législation actuelle ne dispense plus aucun commerçant, aussi modeste que soit son commerce, de la tenue de la comptabilité commerciale. L’article 1er de la loi 9-88 impose en effet à toute personne, physique ou morale, ayant la qualité de commerçant de tenir une comptabilité dans les formes qu’elle prescrit. Dans ce but trois livres comptables sont obligatoires pour tous les commerçants, à savoir : -

le

livre

journal

:

C’est

un

registre



sont

enregistrées

chronologiquement opération par opération et jour par jour les mouvements affectant les actifs et les passifs de l’entreprise. On y enregistre par exemple toutes les ventes et tous les achats de la journée, les factures payées, les salaires versés… - le grand livre : C’est un livre où sont reportées les écritures du livre journal ; il a pour objet de récapituler et d’enregistrer ces écritures suivant le plan de comptes du commerçant. Il s’agit en quelque sorte d’un recueil de tous les comptes ouverts par l’entreprise commerciale. - et le livre d'inventaire : L’art. 5 de la loi impose aux commerçants de dresser un inventaire des éléments actifs et passifs de l’entreprise au moins une fois par exercice ; à cette fin, le commerçant doit tenir un livre d’inventaire sur lequel il doit transcrire le bilan et le C.P.C. (compte des produits et charges) de chaque exercice.

- B.O. 30/12/1992, n° 4183 bis, p. 623.

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En outre, elle oblige les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10.000.000 dhs36 d’établir un certain nombre de documents comptables supplémentaires tels que le manuel, l’état des soldes de gestion (l’E.S.G.),

le

tableau

de

financement, l’état

des

informations

complémentaires (ETIC) et les états de synthèse annuels (ES). B - LES REGLES RELATIVES À LA TENUE DE LA COMPTABILITE ET LEURS SANCTIONS Analysons d’abord ces règles, ensuite leurs sanctions. a - Les règles Afin de veiller sur l’authenticité des écritures comptables et la sincérité des opérations effectuées par les commerçants, l’article 22 de la loi exige que les documents comptables soient établis «sans blanc ni altération d’aucune sorte », c’est-à-dire qu’il est interdit de laisser des blancs susceptibles d’être remplis en cas de besoin ou de biffer des écritures, celles-ci doivent, le cas échéant, tout simplement être rectifiées par d’autres écritures en sens inverse, autrement dit procéder à la contre-passation. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que l’article 8 dispose que le livre journal et le livre d’inventaire sont cotés et paraphés sans frais par le greffier du tribunal du siège de l’entreprise. Chaque livre reçoit un numéro répertorié par le greffier sur un registre spécial. Ne sont pas tenues à cette obligation les personnes physiques dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas deux millions de dirhams (2.000.000 DH), à l'exception des agents d'assurances37. Par ailleurs, l’article 22 exige des commerçants de conserver leurs documents comptables et leurs pièces justificatives pendant 10 ans. L’article 26 du code de commerce les oblige, de son côté, de classer et conserver pendant 10 ans, à partir de leur date, les originaux des correspondances reçues et les copies de celles envoyées.

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Article 4 de la loi modifié par l'article 1er de la loi n° 44-03 promulguée par le dahir n° 1-05-211du 14 février 2006 ; B.O. n° 5404 du 16 mars 2006 37

Loi n° 44-03

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➢ Pourquoi la conservation de 10 ans ?38 Ce délai s’explique par le fait que pour effectuer un contrôle fiscal, l’administration peut souvent remonter au-delà de 4 ans pour vérifier les justificatifs concernant un crédit de TVA, un déficit fiscal ou encore la variation de stocks car il y a toujours un lien entre les exercices . ➢ Que faut-il garder? ▪

Les doubles des factures de vente ou des tickets de caisse



Les pièces justificatives des dépenses et des investissements



Les fiches des clients et des fournisseurs, ainsi que tout autre document prévu



par la législation ou la réglementation en vigueur

Tout document nécessaire au contrôle fiscal ou peut servir comme preuve commerciale. ➢ Où les garder? Les documents comptables doivent être gardés au siège social pour les

personnes morales ou le domicile fiscal pour les personnes physiques. ➢ La perte des documents comptables : En cas de perte des documents comptables, pour quelque cause que ce soit, les contribuables doivent en informer l'inspecteur des impôts, selon le cas, de leur domicile fiscal, de leur siège social ou de leur principal établissement, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les quinze (15) jours suivant la date à laquelle ils ont constaté ladite perte. Ce délai est porté à trente (30) jours, en cas de force majeure (Art 211 du CGI).

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Cette partie a été mise à jour grâce à la généreuse contribution de madame BOUYCHI NOURA (fonctionnaire à la DGI Direction Générale des Impôts Rabat) dans le cadre du séminaire du master S1 GFCF comptant pour l'année universitaire 2018/2019), avec mes remerciements à cette valeureuse dame du terrain.

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a-1 Compatibilité entre l’application des règles comptabilité informatisée :

juridiques et la

➢ Tenue d’une comptabilité électronique : Selon l’article 145 du CGI, les contribuables doivent tenir leur comptabilité sous format électronique selon les critères fixés par voie réglementaire. Ainsi, Ils sont tenus de délivrer à leurs acheteurs ou clients des factures ou mémoires prénumérotés et tirés d’une série continue ou édités par un système informatique selon une série continue. Les contribuables soumis à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu au titre des revenus professionnels déterminés selon le régime du résultat net réel ou du résultat net simplifié ainsi que ceux assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent se doter d’un système informatique de facturation qui répond aux critères techniques déterminés par l’administration. Les contribuables soumis à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu, au titre des revenus professionnels déterminés selon le régime du résultat net réel ou du résultat net simplifié ainsi que ceux assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent détenir une adresse électronique auprès d’un prestataire de service de certification électronique, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, permettant l’échange électronique entre l’administration fiscale et les contribuables.

a-2 Présentation et conservation des documents comptables sous format électronique En cas de tenue de comptabilité par procédé électronique conformément aux dispositions de l’article 145-I du CGI, les contribuables doivent conserver les documents comptables précités sur support électronique. Cette obligation est applicable essentiellement en cas de contrôle fiscal. Elle concerne les contribuables qui tenaient déjà leur comptabilité sous format électronique avant le 1er janvier 2018, de même que les contribuables assujettis à cette mesure en 2018 35

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Les documents comptables à présenter sur support électronique sont ceux nécessaires au contrôle fiscal - visés à l'article 211 du CGI, le grand livre, le livre d'inventaire, les inventaires détaillés non recopiés intégralement sur ce livre, le livre-journal et les fiches des clients ainsi que des fournisseurs, aux côtés de tout autre document prévu par la législation ou la réglementation en vigueur. Soulignons que, par support électronique, la Direction Générale des Impôts entend tout dispositif de stockage de données numérisées: CD, clé USB,…

a-3 La tenue des livres côtés et paraphés est elle nécessaire à l’ère informatisé? Donc, après la généralisation des télé-procédures depuis 2017 et l’obligation de tenir une comptabilité informatisée, le livre coté et paraphé devrait être logiquement supprimé pour être remplacé par une application informatique en ligne qui assure le même niveau de sécurité et d’authentification que la télédéclaration.

b - Les sanctions Les sanctions de ces formalités sont d’ordre fiscal et pénal. 1 - Les sanctions fiscales Comme les documents comptables servent de base à l’établissement des déclarations fiscales, ils peuvent faire l’objet de vérification de la part des inspecteurs des impôts. Aussi, lorsque ces documents ne respectent pas les normes prescrites par la loi 9-88, l’article 23 de cette dernière laisse la faculté à l’administration des impôts de les rejeter et d’établir une imposition forfaitaire. Elle peut même appliquer, le cas échéant, des sanctions pécuniaires (majorations, indemnités de retard, etc.) ➢ Amendes fiscales : Est punie d’une amende de 5000dhs à 50000dhs, toute personne qui utilise l’un des moyens suivants : •

Délivrance ou production de factures fictives,



Production d’écritures comptables fausses ou fictives,



Vente sans facture de manière répétitive, 36

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Soustraction ou destruction de pièces comptables légalement exigibles,



Dissimulation de tout ou partie de l’actif de la société, ou augmentation d’une manière frauduleuse de son passif en vue d’organiser son insolvabilité.

En cas de récidive : •

Avant l’expiration d’un délai de 5 ans, qui suit un jugement de condamnation à l’amende précitée, ayant acquis l’autorité de la chose jugée, le contrevenant est puni, outre de l’amende ci-dessus d’une peine d’emprisonnement de (1) à (3) mois. ➢ Rejet de comptabilité L’administration fiscale peut rejeter les comptabilités qui ne sont pas

tenues dans les formes prescrites par la loi, Article 23 de la loi 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants. ➢ Sanctions pour fraude ou complicité de fraude Une amende égale à 100% du montant de l'impôt éludé est applicable à toute personne ayant participé aux manœuvres destinées à éluder le paiement de l’impôt, assisté ou conseillé le contribuable dans l’exécution desdites manœuvres, indépendamment de l’action disciplinaire si elle exerce une fonction publique. ➢ Sanctions pour infractions aux dispositions relatives à la présentation des documents comptables sur support électronique Une amende égale à 50 000 dhs, par exercice, est applicable aux contribuables, qui tiennent une comptabilité par procédé électronique, et qui ne présentent pas les documents comptables sur support électronique, dans le cadre du contrôle fiscal (Art 191 bis du CGI)

2 - Les sanctions pénales S’il s’avère que le commerçant a falsifié les livres et documents comptables, il peut être poursuivi pour banqueroute ou pour fraude fiscale ou pour faux en écriture du commerce. D’un autre côté, en cas d’ouverture d’une procédure de traitement, les dirigeants d’une entreprise individuelle ou à forme collective risquent d’être

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poursuivis pour banqueroute39 lorsqu’il se révèle qu’ils ont tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la société ou s’ils se sont abstenus de tenir toute comptabilité prescrite par la loi. Par ailleurs, la loi de finances 1996-1997 a, pour la première fois, incriminé la fraude fiscale ; cette loi prévoit cinq faits qui peuvent constituer la fraude fiscale, parmi lesquels la production d’une comptabilité fausse ou fictive et la soustraction ou la destruction des documents comptables40.

C - LA PREUVE PAR LES DOCUMENTS COMPTABLES L’un des intérêts de la tenue de la comptabilité pour le commerçant, et non des moins importants, est qu’elle peut lui servir de preuve à l’égard des autres commerçants. Si les principes techniques de la comptabilité ont été réglementés par la loi 9-88, les règles relatives à la preuve sont demeurées prévues par le code de commerce dans ses articles 19 à 26. Deux sortes de questions se posent à ce sujet : l’une relative à la force probante des documents comptables, l’autre concerne les modes de production de ces documents en justice. a - La force probante des documents comptables En ce qui concerne la preuve, il y a lieu de distinguer deux hypothèses, suivant que les documents comptables sont invoqués contre le commerçant qui les tient ou qu’ils sont invoqués par lui contre les tiers.

- La sanction encourue est l’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 10 000 à 100000 dhs ou l’une de ces deux peines seulement. Ces peines sont portées au double lorsque le banqueroutier est dirigeant d’une société dont les actions sont cotées en bourse. 40 - La sanction prévue est l’amende de 5 000 à 50 000 dhs qu’il s’agisse de l’IS, de l’IGR ou de la TVA (Art. 12, 13 et14 LF) ; en cas de récidive, le contrevenant est passible, en plus de cette amende, d’un emprisonnement de 1 à 3 mois. (Il faut rappeler que l’emprisonnement ne peut être prononcé que contre les personnes physiques, s’il s’agit d’une personne morale, il s’appliquera à ses dirigeants). Ajoutons que ces infractions doivent être constatées par deux inspecteurs des finances par procès-verbal. 39

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1 - Les documents comptables sont invoqués comme preuve contre le commerçant qui les tient Cette hypothèse se présente de la manière suivante : un détaillant achète de la marchandise de chez son fournisseur mais il prétend ne pas l’avoir reçue, pourtant, dans les livres de ce détaillant, il est fait mention de sa réception. Dans ce cas, le fournisseur peut-il invoquer les livres du détaillant comme preuve contre ce dernier d’avoir reçu la marchandise ? En réalité, ces écritures constituent un aveu du commerçant. C’est pourquoi l’article 20 du nouveau code de commerce a prévu expressément que les tiers peuvent opposer au commerçant le contenu de sa comptabilité ; mieux encore, cette comptabilité peut servir de preuve contre lui alors même qu’elle soit « irrégulièrement tenue ». 2 - Les documents comptables invoqués comme preuve par le commerçant qui les tient L’un des intérêts de la tenue de la comptabilité pour le commerçant, et non des moins importants, est qu’elle peut lui servir de preuve à l’égard des tiers. Néanmoins, il convient de distinguer, suivant que le tiers est un commerçant ou un non-commerçant. 2-1/ La preuve est dirigée contre un commerçant Des dispositions de l’article 438 DOC41 on a déduit une règle générale suivant laquelle nul ne peut se constituer une preuve à soi-même. L’article 19 du code de commerce déroge cependant à cette règle en admettant qu’une comptabilité régulièrement tenue est admise par le juge pour faire preuve entre les commerçants à raison des faits de commerce. Par conséquent, en cas de litige entre commerçants à propos de leurs affaires commerciales, chacun peut invoquer ses propres documents comptables pour faire preuve contre l’autre, à condition qu’ils soient régulièrement tenus. 2-2/ La preuve est dirigée contre un non commerçant Contrairement à l’hypothèse précédente où les commerçants se trouvent à égalité des preuves, les documents comptables d’un commerçant ne peuvent,

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- V. art. 433 et suiv. D.O.C.

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en principe, revêtir une force probante à l’égard d’un non-commerçant. En plus du fait que ce dernier n’a pas de moyens de défense pour faire face aux documents du commerçant, il faut rappeler qu’en matière d’actes mixtes les règles du droit commercial, notamment celle de la liberté de la preuve, ne peuvent être opposées au non-commerçant (art. 4) ; ceci sans oublier que les documents du commerçant sont des preuves de sa propre création. Néanmoins, on peut trouver une atténuation à ce principe dans la disposition de l’article 433 DOC qui a été reprise par l’article 21 du code 1996 suivant laquelle « lorsque les documents comptables correspondent à un double qui se trouve entre les mains de la partie adverse, ils constituent pleine preuve contre elle et en sa faveur ». Il faut déduire de cet article qu’il suffit que le non-commerçant détienne une copie de ces documents, pour que celle-ci constitue une preuve contre lui ou en sa faveur42. La question se pose en pratique à propos des relevés de comptes établis par les banques à l’intention de leurs clients non commerçants. La jurisprudence tantôt leur refuse la force probante, tantôt y puise un commencement de preuve, tantôt enfin elle leur reconnaît une force probante 43. Mais le législateur, par principe, n’a pas fait d’exception à la règle de l’art. 4 relative aux actes mixtes ; bien au contraire, il a adopté une position explicite à ce sujet en décidant que les relevés de comptes établis par les établissements de crédit ne sont admis comme moyens de preuve qu’entre eux et leurs clients commerçants. b - Les modes de production en justice Les documents comptables peuvent donc être invoqués en justice comme preuve de leurs allégations soit par le commerçant qui les tient, dans ce cas il les

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- Rappelons cependant que les tiers, commerçants ou non, peuvent invoquer en leur faveur la comptabilité d’un commerçant sans avoir à en détenir un double (art. 20 code de commerce). 43 - V. dans ce dernier sens, à titre d’exemple, TPI Casablanca, section commerciale, du 15/10/1987, aff. BCM c/ Barich Omar, n° 2547, RMD, 1987, n° 15, p. 306 qui a jugé que dans la mesure où le relevé de compte établi par la banque est extrait de ses livres et registres régulièrement tenus, sa contestation non appuyée par des moyens de preuve est insuffisante à lui retirer sa valeur probante.

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mettra de sa propre volonté entre les mains de la justice, soit par les tiers, et la loi met à leur disposition deux procédés : la communication et la représentation. Mais le juge peut ordonner d’office l’un ou l’autre de ces procédés, c’est-à-dire sans que ce soit requis par les parties. 1 - La communication « La communication est la production intégrale des documents comptables ». Elle consiste donc pour le commerçant de mettre toute sa comptabilité à la disposition de la partie adverse. L’article 24 laisse toutefois aux parties de décider de la manière dont la communication doit être établie notamment la remise des documents à un expert - et à défaut d’accord, de les déposer au secrétariat-greffe du tribunal. C’est dire le danger que présente la communication pour le commerçant qui verra tous les secrets de son commerce dévoilés à son adversaire. C’est pourquoi l’article 24 du code de 1996 a prévu des cas exceptionnels où la communication peut être ordonnée en justice, à savoir « les affaires de succession, de partage, de redressement ou de liquidation judiciaire et dans les autres cas où ces documents sont communs aux parties ». On remarquera donc que la communication se justifie dans ces affaires par deux raisons : soit que les adversaires ont le même droit sur ces documents (succession, partage de société, etc.), soit par la cessation de l’activité du commerçant (redressement ou liquidation judiciaire, le commerçant ne courant plus aucun danger à dévoiler sa comptabilité). 2 - La représentation « La représentation consiste à extraire de la comptabilité les seules écritures qui intéressent les litiges soumis au tribunal » (art. 23 code commerce). Aussi, la représentation se distingue-t-elle de la communication en ce que : - seules les parties de la comptabilité qui concernent le litige en question sont produites en justice ; - les documents sont examinés par le juge lui-même ou par un expert nommé par lui afin d’y extraire les écritures concernant le procès, ils ne peuvent donc être confiés à l’adversaire ; - enfin, et par conséquent, la représentation n’est pas limitée aux situations énumérées par l’article 24. 41

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Il reste à signaler que si le commerçant refuse, sur injonction du juge, de produire sa comptabilité, ou s’il déclare ne pas avoir de comptabilité, le juge peut déférer le serment à l’autre partie pour appuyer ses prétentions (art. 25). Si cette dernière prête ce serment dit supplétoire44, elle sera alors crue sur sa parole et gagnera son procès au détriment du commerçant qui a refusé de produire sa comptabilité ou qui a déclaré ne pas en avoir.

Une nouvelle catégorie de commerçants est désormais dispensée de l'obligation de tenir une comptabilité et de l'obligation de s'inscrire au registre de commerce, ce sont les nouveaux auto–entrepreneurs.

Section IV – L'auto-entrepreneur La loi 114/1345 a instauré un nouveau statut des auto-entrepreneurs. Son objectif est de lutter contre l'informel pour deux raisons: limiter la concurrence livrée par l'informel et surtout élargir l'assiette fiscale. Au sens de la loi, l'auto-entrepreneur est toute personne physique exerçant, à titre individuel, une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ou prestataire de services, dont le chiffre d'affaires annuel encaissé ne dépasse pas : • 2.000.000 dirhams (au lieu de 500.000 dirhams initialement) pour les activités industrielles, commerciales et artisanales ; • et 500.000 dirhams (au lieu de 200.000 dirhams initialement) pour les prestations de services.46

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- Ce serment est appelé ainsi dans la mesure où il supplée à la production de preuve en faveur de celui auquel il est déféré ; autrement dit, en cas d’absence de preuve, le serment lui est déféré. 45 - Dahir n°1-15-06 du 29 rabii II 143 6 (19 février 2015) portant promulgation de la loi n° 114-13 relative au statut de l'auto-entrepreneur. B.O. n° 6344 du 19 mars 2015.V. aussi le décret n°2-15-257 du 10 avril 2015 fixant la composition et les modalités de fonctionnement du conseil national de l'auto-entrepreneur; le décret n°2-15-258 du 10 avril 2015 pris en application des articles 5, 6 et 8 de la loi n°114-13 relative au statut de l'auto-entrepreneur fixant les modalités d'inscription au registre des auto-entrepreneurs et le décret n°2-15-263 du 10 avril 2015 relatif à l'exclusion des contribuables exerçant certaines professions, activités et prestations de service du bénéfice du régime fiscal applicable à l'auto-entrepreneur, B.O. n°6358 du 7/5/2015. 46 Loi de finances 2021. "S’agissant du relèvement des plafonds du régime de l’autoentrepreneur (500 000 DH pour les prestations de services et 2 000 000 DH pour les activités commerciales et

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La liste des activités industrielles, commerciales et artisanales et la liste des prestations de services sont fixées par voie réglementaire. Plusieurs avantages sont associés à ce régime, notamment: -

du côté social, la population concernée devrait bénéficier d'une couverture sociale;

-

du point de vue formel, un allègement est prévu concernant la contrainte de la domiciliation, puisque les auto-entrepreneurs peuvent exercer leurs activités dans leur propre lieu de résidence ou dans un local partagé entre plusieurs entreprises;

-

sur le plan comptable, l'auto-entrepreneur est dispensé des lourdes obligations comptables classiques, il est seulement tenu à une comptabilité simplifiée de caisse, càd de tenir un registre des achats et des ventes qui doit être visé par le responsable du service d'assiette du lieu de son domicile fiscale47 ;

-

sous l'angle fiscal, déjà la loi de finances de 2014, càd avant l'adoption du projet de loi par le parlement, a prévu un taux de taxation très allégé48 (depuis la loi de finances de 2019 le taux a été réduit de 1% à

industrielles), il s’agit d’une disposition extrêmement importante qui encourage à l’entrepreneuriat et à l’institutionnalisation des microentreprises à court et moyen terme. Le relèvement des plafonds de chiffres d’affaires, de 200.000 DH à 500.000 DH pour les prestations de service et de 500.000 DH à 2.000.000 DH pour les activités commerciales et industrielles, constitue en effet une occasion propice pour encourager les porteurs de projets, les juniors entrepreneurs et les professionnels à intégrer ledit régime, en l’occurrence un « système préliminaire d’intégration au secteur formel ». Cette mesure est en effet une étape cruciale pour concrétiser la lutte contre l’économie informelle, et qui pèse plus de 20% du Produit Intérieur Brut du Pays. Pour cela, les déclarations sur encaissements de chiffre d’affaires se font de manière spontanée et après chaque trimestre d’exercice, moyennant 1% d’impôt sur les ventes trimestriels déclarés. De ce fait, il s’agit d’un régime fiscal simplifié qui encourage à entreprendre dans le cadre des plafonds autorisés par la Loi de Finances 2021." Youssef Guerraoui Filali, Directeur du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management. https://www.ecoactu.ma/dispositions-loi-de-finances-2021. 47

- V. la circulaire de la direction générale des impôts concernant le régime fiscal 2014 appliqué aux auto-entrepreneurs, L'ECONOMISTE du 30 janvier 2014, P. 16 48 L’auto-entrepreneur paie l’impôt sur le revenu, de manière trimestrielle, sur la base du chiffre d’affaire déclaré : 0,5% pour les activités industrielles, commerciales et artisanales et 1% pour les prestations de services. L’auto-entrepreneur est également soumis à la taxe

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0,5% du chiffre d'affaires pour le commerce, l'industrie et l'artisanat et de 2% à 1% pour les prestations de services)49; -

du point de vue juridique l'auto-entrepreneur est désormais dispensé de l'obligation d'immatriculation au registre de commerce, ce dernier est remplacé par un registre national des auto-entrepreneurs; la gestion de ce registre est confiée à Barid Al Maghrib pour le compte de l'Etat. Poste Maroc est chargée des inscriptions mais aussi de la réception des déclarations du chiffre d'affaires, de collecter les impôts et les cotisations sociales50. ➢ On constatera cependant que le texte n'évoque nulle part les effets juridiques de l'inscription au registre national des autoentrepreneurs à l'instar du code de commerce concernant le registre de commerce ! La question reste, faute d'inscription au registre de commerce est-ce que l'auto-entrepreneur est quand même un commerçant ? En tout cas puisqu'aucune réponse à cette question ne figure dans le texte, légalement parlant, l'autoentrepreneur ne peut guère prétendre au statut de commerçant. ➢ cependant, en cas de dettes liées à son activité, tous ses biens meubles et immeubles peuvent faire l'objet d'une saisie à l'exception de sa résidence principale.

La radiation de l'auto-entrepreneur doit être opérée dès le dépassement des seuils fixés par la loi51 durant deux exercices. Dans ce cas, l'auto-entrepreneur devra muter en entreprise individuelle ou en S.A.R.L. à associé unique avec toutes les contraintes que cela comporte.

professionnelle après l’expiration de l’exonération pendant les 5 premières années. L’auto-entrepreneur doit également s’acquitter de toute taxe liée à son activité. L’auto-entrepreneur est hors champs de la TVA.V. http://ae.gov.ma/je-suis-autoentrepreneur/fiscalite/ 49 - Il convient de noter que c'est un impôt libératoire de l'impôt sur le revenu. 50 V. L'ECONOMISTE du 23 janvier 2015, p.2 51 - 500.000 dirhams pour les activités industrielles, commerciales et artisanales et 200.000 dirhams pour les prestations de services.

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Un observateur nous fait remarquer que "certains seront tentés de faire en sorte de revenir au plafond pour continuer à payer des taux réduits, on poussera encore les gens vers le noir"52

Une fois tous les actes de commerce et les activités commerciales étudiés en tant qu’objet du croit commercial et la question relative au sujet du droit commercial élucidée, une interrogation se pose automatiquement dans notre esprit : pourquoi distinguer le domaine commercial du domaine civil ? C’est toute la question de leur régime juridique.

Section V – LE REGIME JURIDIQUE DU DOMAINE COMMERCIAL Étudier le régime juridique des activités commerciales revient à relever leurs particularités par rapport aux activités civiles. § I - LES PARTICULARITES DES REGLES DE FOND Les particularités des règles de droit commercial dans ce domaine sont diverses. A ce niveau de notre étude, on dégagera seulement certaines règles générales, à titre d'exemple, du droit commercial qui se distinguent foncièrement de celles du droit civil. 1°/ La capacité Les règles de la capacité en matière commerciale se distinguent fondamentalement de celles du droit civil. Pour exercer le commerce, le mineur ne doit pas seulement être émancipé, mais aussi être autorisé à faire le commerce. 2°/ La solidarité Il y a solidarité entre les débiteurs lorsque chacun d’eux est personnellement tenu de la totalité de la dette. Face à plusieurs débiteurs d’une même dette, le créancier a le choix de réclamer à chacun d’eux, individuellement ou collectivement, le paiement de la totalité de la dette.

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- L'ECONOMISTE du 23 janvier 2015, p.2.

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En droit commun, c’est-à-dire dans les contrats civils «la solidarité entre les débiteurs ne se présume pas » (art. 164 D.O.C.), elle doit être expressément stipulée dans le contrat. Mais en matière commerciale la solidarité est de droit : l’article 335 du code 1996 dispose : « en matière commerciale la solidarité se présume » (V. aussi art. 165 D.O.C.). Par conséquent, et contrairement au droit civil, pour écarter l’application de la solidarité entre les commerçants une clause spéciale doit être stipulée dans le contrat. § II - LES PARTICULARITES DES REGLES DE FORME Les règles de forme sont celles qui gouvernent l’organisation judiciaire, le fonctionnement de la justice, les actes de procédure, le déroulement du procès, la preuve, les décisions judiciaires, les recours, etc. Les règles du droit commercial se distinguent aussi dans ce domaine par rapport à celles du droit civil à bien des égards. 1°/ La compétence judiciaire La compétence judiciaire en matière commerciale appartient désormais aux tribunaux de commerce53. 2°/ La preuve En droit civil, la règle en matière de preuve est clairement exprimée par l’article 443 D.O.C. qui exige la preuve par écrit pour toute demande en justice qui dépasse la somme de 250 dhs. En droit commercial, le principe est la liberté de la preuve. C’est-à-dire que dans les affaires qui opposent les commerçants, il n’est pas nécessaire d’établir la preuve par écrit (article 334 du code 1996). Cependant, si une disposition législative ou une clause conventionnelle l’exige, la preuve doit être rapportée par écrit, par exemple la loi exige un écrit en matières de vente et de nantissement du fonds de commerce, des contrats de sociétés commerciales, des effets de commerce, etc.

53

V. Introduction les juridictions de commerce.

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3°/ Le redressement et la liquidation judiciaires Ces procédures sont particulières au droit commercial. Elles ont remplacé la procédure de la faillite prévue par l'ancien code de commerce. Elles constituent une garantie qui a pour but de protéger les créanciers contre leurs débiteurs commerçants défaillants. Lorsque la cessation de paiement du commerçant est dûment constatée, ses créanciers doivent engager à son égard une procédure collective ; ils ne peuvent poursuivre le débiteur de manière individuelle. Ils doivent se grouper dans leur action et se faire représenter par un syndic. Tout d’abord, une procédure de redressement est tentée et, en cas d’échec, il est procédé soit à la cession (vente de l’entreprise), soit à la liquidation des biens du commerçant. Par contre, un non commerçant qui refuse de payer ses dettes, ne peut être assujetti à ces procédures collectives, il est déclaré en état de déconfiture. Chaque créancier exerce son action de manière individuelle. Celui qui l’assignera en paiement le premier, sera payé en priorité, après avoir exercé ses droits sur le patrimoine du débiteur (c’est pourquoi on parle dans ce domaine du prix de la course).

4° / La prescription Dans le domaine civil, le délai de prescription est de 15 ans. Mais en matière commerciale ce délai n’est que de 5 ans. Ce court délai s’explique : - d’une part, par l’application du principe de la liberté de la preuve entre les commerçants ; - d’autre part, par le fait que, par la tenue de leur comptabilité, les commerçants sont en mesure de se rendre compte de l’état de leurs créances. Par conséquent, le délai de 5 ans est largement suffisant pour pouvoir les réclamer.

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DEUXIEME PARTIE : LES INSTRUMENTS DU COMMERCE Il s'agit des effets de commerce et du fonds de commerce.

CHAPITRE 1 – LES EFFETS DE COMMERCE Il s’agit de la lettre de change, du billet à ordre et du chèque.

Section 1 – LA LETTRE DE CHANGE La lettre de change (ou traite) est un écrit par lequel une personne (tireur) donne l’ordre à l’un de ses débiteurs (tiré) de payer une certaine somme à une date donnée à une troisième personne (bénéficiaire) ou à son ordre (c’est-à-dire à une personne qu’elle désignera ultérieurement). A l’origine, la lettre de change était un moyen de change, c’est-à-dire un instrument de transport d’argent dans le commerce international54. Elle devient ensuite un instrument de paiement par lequel les débiteurs payaient leurs créanciers ; mais elle n’est pas une monnaie car elle n’est libératoire que si elle est effectivement payée. Actuellement, la lettre de change est devenue un instrument de crédit car le tireur peut l’escompter, c’est-à-dire la céder à un banquier qui lui en versera par anticipation le montant principal sous déduction d’une retenue correspondant à la commission (prix du service) et aux intérêts restant à courir jusqu’à encaissement du titre. L’escompte est un des moyens que les commerçants utilisent pour renflouer leur trésorerie en évitant l’attente du paiement à terme. Contrairement au chèque et au billet à ordre, la lettre de change est un acte de commerce par la forme, c’est-à-dire qu’elle est commerciale quelles que

- C’est le cas d’un commerçant qui veut se rendre à l’étranger pour conclure des opérations commerciales ; il va fournir les fonds nécessaires à son banquier (en monnaie locale) contre lesquels il lui remet une lettre adressée à son banquier correspondant dans le pays où le commerçant compte se rendre. Une fois sur place, ce dernier présente la lettre à la banque destinataire pour se faire payer la somme mentionnée dans la monnaie de ce pays. D’où le nom de lettre de change. 54

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soient les personnes qui l’utilisent (commerçants ou non) et quel que soit l’objet de la créance pour laquelle elle a été émise (civile ou commerciale). La lettre de change est actuellement réglementée par les articles 159 à 231 du code de commerce de 1996. Nous étudierons successivement l’émission de la lettre de change, l’acceptation, les garanties de paiement, la circulation, le paiement, les obstacles au paiement, enfin les recours faute de paiement. § 1 – L’EMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE Pour émettre une lettre de change, il faut respecter ses conditions de validité qui sont soumises à des sanctions. A – CONDITIONS DE VALIDITE a – La capacité La faculté de souscrire une lettre de change est soumise à une condition de fond : tout signataire doit avoir la capacité de faire le commerce car, en vertu de l’article 9 du code de commerce, la lettre de change est toujours un acte de commerce. b – Les mentions obligatoires Titre solennel, la lettre de change n’est valable comme telle que si elle contient un certain nombre de mentions obligatoires : - La dénomination «lettre de change» insérée dans le texte, - Le mandat pur et simple de payer une somme d’argent : « Payez », - L’indication de la date et du lieu où la lettre est créée, - La signature du tireur, - Le montant à payer, - L'échéance, - Le nom du tiré, - Le lieu de paiement, - et le nom du bénéficiaire. Signalons que la domiciliation n’est qu’une mention facultative qui rend la traite payable au domicile d’un tiers et qui permet de faire effectuer le paiement des échéances d’un prêt, d’un achat à crédit ou même les factures périodiques par la banque.

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B – SANCTION DE LA VALIDITÉ DE LA LETTRE DE CHANGE a – Les omissions dans les mentions obligatoires A défaut de contenir les mentions obligatoires, le titre est nul (article 160) et ne vaut que comme un engagement ordinaire (telle qu’une cession de créance ou une reconnaissance de dette s’il en remplit les conditions). Le porteur de bonne foi perd ainsi toutes ses garanties cambiaires de paiement. b – L’incapacité L’article 164 code de commerce prévoit que «la lettre de change souscrite par un mineur non commerçant est nulle à son égard, sauf les droits des parties conformément au droit commun», c’est-à-dire le droit de le poursuivre civilement dans la mesure où il reste tenu de son enrichissement. Mais la signature du mineur sur une lettre de change ne porte pas atteinte à la validité des autres signatures en raison du principe de l’indépendance des signatures. § 2 – L’ACCEPTATION A – FORMES ET MODALITES L’acceptation est l’engagement du tiré donné sur la lettre par signature de payer son montant à l’échéance à la personne qui en sera le porteur légitime auquel il ne pourra opposer aucune exception (par exemple défaut de provision, compensation55 à l’égard du tireur ou d’un précédent porteur, etc.). L’acceptation est exprimée par le mot « acceptée » et la signature du tiré au recto, mais souvent elle résulte de sa simple signature. En principe, la présentation de la lettre de change à l’acceptation n’est pas obligatoire ; cependant, une lettre sans acceptation est difficilement négociable car le tiré pourrait refuser de payer. Le plus souvent, elle est présentée à l’acceptation par le tireur lui-même pour pouvoir la négocier facilement puisque, à l’égard du porteur, elle constitue une garantie d’être payé à l’échéance.

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- La compensation est l’extinction réciproque de deux dettes.

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B – CONSEQUENCES DE L’ACCEPTATION a – Provision et valeur fournie 1 – Constitution de la provision La créance du tireur sur le tiré s’appelle la provision. La provision est une créance en somme d’argent ou en marchandises que le tireur détient sur le tiré. Celui-ci est débiteur de la provision dès son acceptation (sa signature). L’absence de provision ne frappe pas le titre de nullité, mais le rend inopérant. Dans la pratique, c’est l’existence de la provision qui détermine l’acceptation du tiré. 2 – Propriété de la provision La remise du titre par le tireur au porteur confère à ce dernier la propriété de la provision, laquelle peut être à nouveau transmise par endossement à un nouveau bénéficiaire, et ainsi de suite, jusqu’à présentation de l’effet pour escompte ou encaissement. 3 – La valeur fournie Si le tireur a émis la traite au profit du bénéficiaire, c’est que ce dernier a une créance chez le premier ; autrement dit, le tireur est débiteur du bénéficiaire, celui-ci a du lui fournir une valeur en échange de laquelle le tireur lui a remis la traite. Cette créance s’appelle «la valeur fournie». b – Inopposabilité des exceptions du tiré au porteur Le tiré accepteur ne peut pas opposer au porteur les exceptions que luimême aurait pu opposer au tireur ou aux porteurs précédents (article 171). Exemples : - l’exception de compensation à l’égard du tireur ou d’un porteur antérieur, - l’exception basée sur l’absence de cause (inexécution de l’obligation du tireur), etc. Dans tous les cas, le porteur ne peut se prévaloir de l’inopposabilité des exceptions que si le tiré a accepté la traite. c – Les exceptions opposables au porteur Cette règle de l’inopposabilité des exceptions n’est cependant pas absolue ; autrement dit, il existe bien des exceptions que le tiré peut opposer au porteur. Tels sont les cas lorsque :

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- le tiré a une exception personnelle contre le porteur (compensation par exemple) ; - le tiré prouve que le porteur « a agi sciemment » à son détriment ; par exemple, sachant que le tiré lui opposerait une exception de compensation, le tireur, en connivence avec un tiers, endosse la traite au profit de ce dernier, ce nouveau porteur serait de mauvaise foi, car il aurait agi sciemment au détriment du tiré ; - le tiré découvre des exceptions résultant du droit cambiaire (défaut d’une mention obligatoire, une incapacité, etc.). d – Les effets de complaisance et de cavalerie Cette règle suivant laquelle la provision n’est indispensable qu’à l’échéance a donné naissance à des pratiques contraires au but recherché par le législateur. Une première pratique consiste en ce qu’on appelle «les tirages en l’air» : c’est le fait de tirer des lettres de changes sur des personnes imaginaires, c’est une pratique susceptible de sanctions pénales. Mais la pratique la plus répandue pendant les périodes de crises financières est celle des effets de complaisance et de cavalerie. La pratique de la traite de complaisance se résume de la manière suivante : un commerçant qui a un besoin urgent de liquidités tire une lettre de change et la présente à un ami commerçant, le tiré qui est insolvable mais qui accepte da la signer « par complaisance » bien qu’il n’ait aucune dette à son égard. Aussitôt, le tireur la fait escompter par son banquier et bénéficie ainsi d’un crédit à court terme. A l’échéance, aucun problème ne se poserait si le tireur verse au tiré les fonds nécessaires, ou si le tiré solvable paie la traite en consentant ainsi un crédit au tireur. Dans ces cas la traite de complaisance est tout à fait licite, c’est ce qu’on peut appeler les «bons effets de complaisance». Mais la situation risque de se compliquer si, à l’échéance, le tireur ne dispose pas de fonds à verser au tiré. Dans ce cas, il tire une autre lettre qu’il fait accepter par le même tiré ou par un autre commerçant et la fait escompter pour obtenir les fonds à fournir au premier tiré et ainsi de suite... Par ce

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chevauchement, ces effets de complaisance deviennent ce qu’on appelle « des effets de cavalerie ». Le plus souvent, durant les périodes de difficultés économiques, ces tirages se font de manière réciproque, c’est-à-dire que les commerçants tirent indéfiniment les uns sur les autres ; on est alors en présence de ce qu’on appelle « les tirages croisés ». § 3 – LES GARANTIES DE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE Pour une efficacité nécessaire au paiement du titre, le législateur prévoit des mesures de garantie qui font tout l’intérêt de la lettre de change ; il s’agit du principe du transfert de la propriété de la provision, de la solidarité et de l’aval. A – LE TRANSFERT DE LA PROPIETE DE LA PROVISION «La propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs de la lettre de change» dit l’article 166 alinéa 4. C’est le fameux principe de «la propriété de la provision» qui constitue une garantie solide de paiement. Il résulte en effet de ce principe qu’une fois la lettre émise, le tiré (qui en a connaissance par l’acceptation) ne peut plus valablement payer le tireur (son créancier) ; sinon, il sera tenu à l’échéance de payer, une seconde fois, le porteur. En outre, en vertu de ce principe : - le décès ou l’incapacité du tireur après l’émission sont sans influence sur le droit du porteur sur la propriété de la provision ; - le redressement ou la liquidation judiciaire du tireur n’ont pas d’effet sur le droit du porteur de la lettre de change qui devient créancier direct du tiré ; - les créanciers du tireur ne peuvent former une saisie-arrêt entre les mains du tiré sur la somme de la lettre de change ; - enfin, le tireur ne peut former opposition au paiement de la lettre qu’en cas de perte ou de vol de celle-ci ou de redressement ou de liquidation judiciaire du porteur (article 189). B – LA SOLIDARITE C’est un principe général du droit commercial qui s’applique à la garantie de paiement de la lettre de change. Tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change, c’est-à-dire tous les signataires, sont solidairement

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tenus de son paiement envers le dernier porteur qui, suivant ce principe légal, peut réclamer à l’un ou plusieurs d’entre eux son montant total. Le signataire poursuivi ne peut opposer au porteur les exceptions fondées sur ses rapports avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs . Ce même droit (la solidarité) appartiendra à celui qui a remboursé la lettre de change. C – L’AVAL Le donneur d’aval (avaliseur ou avaliste) est celui qui se porte caution de la créance. Il garantit personnellement le paiement de tout ou partie de la lettre de change. L’aval est donné sur la lettre avec la mention «bon pour aval» et la signature ; il peut être donné aussi sur une allonge ou par un acte séparé. L’avaliseur est la caution solidaire du signataire en faveur duquel il s’est engagé (l’avalisé). Il doit préciser pour quel signataire il s’engage, à défaut il est réputé donné au tireur (article 180). S’il a payé pour l’avalisé défaillant, il a un droit de recours non seulement contre lui, mais contre tout autre signataire de la lettre en vertu du principe cambiaire de la solidarité. § 4 – LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE En tant que titre à ordre, la lettre de change est un effet destiné à circuler en permettant la circulation de capitaux sans risque. Cette circulation s’opère par la technique de l’endossement, c’est-à-dire par une mention écrite portée au dos du titre et la signature. Mais l’endossement ne permet pas seulement de transférer la propriété de la lettre, il peut servir aussi pour donner la traite en garantie ou la remettre pour encaissement par procuration. A – L’ENDOSSEMENT TRANSLATIF DE PRORIETE Cet endossement a pour effet de transférer la propriété de la lettre de change de l’endosseur à l’endossataire (créancier de l’endosseur). Il se fait par simple signature au dos. L’endossement peut être : - nominatif : il porte la mention « payez à l’ordre de X », le nom du bénéficiaire est alors précisé ; - ou en blanc : il résulte de la simple signature au dos du titre, sans indication du bénéficiaire et permet le transfert par tradition manuelle, 54

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c’est-à-dire par simple remise matérielle du titre. Le porteur peut remplir le blanc en y inscrivant son propre nom ou celui d’un nouveau bénéficiaire (souvent le banquier) ; - ou encore au porteur : il vaut comme un endossement en blanc56. Cependant, il convient de préciser que le tireur a la possibilité d’exprimer sa volonté de ne pas transmettre la lettre ; il lui suffit d’insérer dans la traite les mots : « non à ordre » ou « non endossable », auquel cas le titre ne peut se transmettre que par cession de créance selon l’article 195 DOC, il sera alors dépourvu des effets du droit cambiaire. Comme l’endosseur est aussi garant de l’acceptation et du paiement, il peut également interdire un nouvel endossement. B – L’ENDOSSEMENT PAR PROCURATION Il résulte de l’endossement accompagné de la mention «valeur en recouvrement» ou «pour encaissement» ou «par procuration». Il donne mandat à l’endossataire, qui est le plus souvent un banquier, de recouvrer le montant de l’effet. Il laisse subsister les exceptions opposables à l’endosseur. Il faut bien distinguer l’encaissement de l’escompte. A l’encaissement, la banque ne paie le porteur qu’après avoir encaissé l’effet, alors qu’à l’escompte la banque crédite le porteur avant échéance du titre. Dans le premier cas, il s’agit d’un encaissement sans risque pour le banquier et dans le second cas, il s’agit d’un crédit qu’il consent au bénéficiaire. C – L’ENDOSSEMENT PIGNORATIF On le reconnaît à la mention «valeur en garantie» ou «en gage» suivie de la signature. Il permet de donner la lettre au porteur, à titre de gage, c’est-à-dire en garantie de la créance. L’endossataire n’est que le possesseur du titre, il ne peut l’endosser car il n’en a pas la propriété, et s’il le fait, il ne sera considéré que comme un endossement à titre de procuration (article 172 al. 4). D’un autre côté, selon l’article 172, l’endossataire peut exercer tous les droits dérivant de la lettre de change, ce qui veut dire que si son débiteur

- Rappelons que s’il est possible d’endosser une lettre de change au porteur, il est interdit de l’émettre au porteur. 56

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(l’endosseur) ne lui règle pas la dette à son terme, il peut présenter la lettre au tiré à l’échéance pour se faire payer de sa créance. Le tiré ne peut lui opposer les exceptions de l’endosseur. § 5 – LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE A – L’ECHEANCE L’échéance est la date de paiement de la lettre de change. Celle-ci peut être tirée : - «à vue» ou sans indication d’échéance : la traite est payable à la présentation, c’est-à-dire dès le jour de son émission ; dans ce cas, elle doit être présentée au paiement dans le délai d’un an à partir de sa date, le tireur peut abréger ce délai ou en stipuler un plus long, quant aux endosseurs, ils ne peuvent que l’abréger (article 182). - A un délai de vue : elle est payable après un délai préfixé qui court de l’acceptation, par exemple : dans 5 jours, 2 semaines, 2 mois, etc. de l’acceptation par le tiré. - A un délai de date : le délai court de la date d’émission de l’effet, par exemple : payez dans 20 jours. - A jour fixe : elle est payable à la date indiquée. Le juge ne peut accorder de délais de grâce (article 231). B – LA PRESENTATION AU PAIEMENT a – Lieu et date de la présentation La présentation doit être effectuée au lieu désigné, au jour de l’échéance ou l’un des 5 jours ouvrables qui suivent. Sans mention particulière de lieu, c’est le domicile du tiré qui détermine le lieu de paiement. La mention de domiciliation, très fréquente, permet de fixer le lieu de paiement à un endroit convenu, autre que celui du tiré. Dans la pratique, il s’agit le plus souvent du domicile de la banque, celle-ci n’acceptant l’escompte que lorsque le titre est domicilié. b – La perception du montant de la créance Tout porteur en apparence régulier peut se présenter pour obtenir paiement de la lettre de change. Corrélativement, il suffit que le payeur soit de bonne foi pour qu’il soit libéré. Le tiré doit simplement s’assurer de la régularité

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des endossements en leur forme sans qu’il soit contraint de vérifier les signatures (article 186). § 6 – LES OBSTACLES AU PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE A – L’OPPOSITION AU PAIEMENT La loi interdit l’opposition, sauf dans trois cas : perte ou vol de la traite et la situation de règlement judiciaire du porteur (article 189). Il appartient au porteur ayant perdu le titre de faire opposition auprès du tiré afin d’empêcher le paiement du titre à tout porteur illégitime : celui qui aura trouvé le titre. Le paiement à qui de droit ne pourra alors se faire que : - sur autorisation du président du tribunal, - après avoir fait opposition aux mains du tiré, - donné caution, - et justifié de sa propriété de la lettre de change (article 192). Dans le deuxième cas, le syndic du porteur en règlement judiciaire pourra faire opposition au tiré et se faire payer à lui-même pour intégrer la créance dans l’actif de la procédure collective. B – LE REFUS DE PAIEMENT En cas de refus de paiement du tiré, le porteur qui bénéficie de garanties étendues peut exercer un recours contre tous les signataires de la lettre de change tenus à en garantir le paiement. Il doit faire dresser un protêt «faute de paiement». a – Le protêt C’est un acte authentique dressé par un agent du greffe du tribunal qui constate officiellement le refus de paiement et les motifs du refus. Le protêt doit contenir la transcription littérale de la lettre de change, de l’acceptation, des endossements et des recommandations qui y sont indiquées, la sommation de payer le montant de la lettre, les motifs du refus de paiement et indiquer la présence ou l’absence de celui qui doit payer. Celui qui a fait dresser protêt avise également son endosseur dans les 6 jours, lequel avise à son tour son endosseur dans les 3 jours et ainsi de suite jusqu’au tireur. Aucun formalisme n’est requis pour l’avis. De son côté, l’agent notificateur doit, dans les 3 jours qui suivent le protêt, prévenir le tireur par la poste et par lettre recommandée.

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b – Le cas de dispense du protêt Cependant, si la lettre porte la mention «retour sans frais» ou «sans protêt», le porteur est dispensé de la procédure du protêt. S’il le fait quand même, il en supporte les frais. Cette clause évite au porteur les lenteurs et les coûts non négligeables de cette procédure. § 7 – LES RECOURS Il convient de distinguer le porteur diligent du porteur négligent. Le premier est celui qui présente la lettre de change dans les délais légaux et fait dresser à temps un protêt en cas de non-paiement ; le second est celui qui n’a pas observé ces prescriptions. A – LES RECOURS DU PORTEUR DILIGENT A l’échéance, le porteur diligent, qui a présenté la traite et fait dresser protêt, peut obtenir remboursement du montant de la lettre, des intérêts, des frais de protêt et des avis en actionnant les signataires ou l’un d’eux devant le tribunal ; le même droit de recours appartient à tout signataire qui a remboursé le porteur ; B – LES DECHEANCES DU PORTEUR NEGLIGENT Le porteur négligent perd tous les recours cambiaires contre tous les signataires de la traite (article 206), sauf : - contre le tireur qui n’a pas fourni provision : la déchéance à son égard n’aura lieu que s’il justifie avoir constitué provision ; - contre le tiré accepteur car, ayant reçu provision, il ne peut se dérober de son engagement sous prétexte de la négligence du porteur ; - enfin, contre l’avaliste qui a donné aval pour le compte du tiré car, sans cette précision, il est censé l’avoir donné pour le compte du tireur. C – LES PRESCRIPTIONS DES RECOURS Ce sont des délais très brefs fixés par le législateur en dehors desquels aucune action cambiaire ne peut plus être exercée ; on dit qu’elle est prescrite. En matière de lettre de change : - l’action cambiaire contre le tiré accepteur se prescrit par 3 ans à compter de l’échéance, - celle du porteur contre les endosseurs et contre le tireur par 1 an à dater du protêt, - enfin les actions des endosseurs entre eux et contre le tireur se prescrivent par 6 mois à dater du jour du paiement de la lettre. 58

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Section 2 – LE BILLET A ORDRE § 1 – SPECIFICITES A – DEFINITION Le billet à ordre est un titre par lequel une personne, le souscripteur, s’engage à payer à une certaine date une somme déterminée à une autre personne, le bénéficiaire, ou à son ordre. À la différence de la lettre de change, le billet à ordre met en rapport seulement deux personnes : le souscripteur et le bénéficiaire. Le souscripteur est en même temps tireur et tiré dans la mesure où il se donne l’ordre à lui-même de payer le bénéficiaire à l’échéance. La spécificité du billet à ordre découle des conséquences qui résultent de cette différence fondamentale. Le billet à ordre est également un moyen de paiement et de crédit dont le régime s’apparente à celui de la lettre de change, mais il est beaucoup moins utilisé dans le commerce. B – NATURE DU BILLET A ORDRE L’article 9 du code de commerce dispose dans ce sens que : « Indépendamment des dispositions des articles 6 et 7, sont réputés actes de commerce : - la lettre de change ; - le billet à ordre signé même par un non-commerçant, lorsqu’il résulte d’une transaction commerciale ». De la sorte, le législateur laisse entendre que le billet à ordre est un acte de commerce par la forme. Ce qui aurait été vrai si la phrase avait pris fin au niveau de «même s’il est signé par un non commerçant», mais le même article d’ajouter «lorsqu’il résulte d’une transaction commerciale». Par conséquent, le B.O ne sera commercial que si la dette à l’occasion de laquelle il est souscrit est commerciale ; par a contrario, le B.O sera civil si l’opération est civile. Par l’insertion de cette condition, toute la théorie de la commercialité du B.O par la forme a été détruite. Sa nature commerciale ou civile continuera de dépendre de la nature de l’opération en vertu de laquelle il est souscrit ; donc, le droit applicable au B.O restera, comme par le passé, déterminé en fonction de sa nature civile ou commerciale. 59

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C – REGIME CAMBIAIRE La plupart des règles de la lettre de change sont applicables au billet à ordre, notamment en ce qui concerne l’endossement, le paiement, le recours faute de paiement, le protêt, les prescriptions, etc. C’est pourquoi le billet à ordre, régi par les articles 232 à 238 du nouveau code de commerce, ne comporte que peu de dispositions qui lui sont propres. Le code, en ses articles 234 à 236, renvoie pour les règles communes aux dispositions de la lettre de change. § 2 – CONDITIONS DE VALIDITE Elles sont pratiquement les mêmes que celles de la lettre de change, sauf pour quelques originalités qu’il convient de signaler. A – LES CONDITIONS DE FORME Comme pour la lettre de change, pour être valable le billet à ordre doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires : les date et lieu de souscription, la clause à ordre, le lieu de paiement, le nom du bénéficiaire, la signature du souscripteur, etc. Le billet à ordre se distingue cependant par : a – La dénomination «billet à ordre» Alors que la lettre de change doit comporter la dénomination «lettre de change», qui implique automatiquement la clause à ordre, le billet à ordre doit contenir au choix : soit la dénomination «billet à ordre», soit tout simplement «la clause à ordre» insérée dan le texte du titre (je paierai à l’ordre de M. X.) b – La promesse pure et simple de payer Comme dans le billet à ordre il n’y a pas un mandat de payer donné à un tiers (le tiré), cette promesse de payer (je paierai...) remplace le mandat de la lettre de change. B – LES CONDITIONS DE FOND C’est à ce niveau que nous rencontrons le plus de différences par rapport à la lettre de change dues à la nature du billet à ordre et à l’absence du tiré. a – La capacité La capacité de faire des actes de commerce n’est requise que lorsque l’acte est commercial. Dans le cas contraire, si le mineur contracte une affaire civile (et c’est là que le billet à ordre n’est pas commercial par sa forme), le billet sera civil et le 60

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mineur devra seulement être émancipé, sans avoir à être autorisé à faire le commerce. (Sa signature sur le billet à ordre ne sera pas nulle puisqu’il s’agit d’un acte civil qui nécessite seulement l’émancipation du mineur). b – Absence de la notion de provision En matière de billet à ordre, il ne peut être question de provision qui est normalement une créance du tireur sur le tiré ; alors que dans le billet à ordre le souscripteur cumule ces deux qualités. Partant, la théorie de la provision ne peut être appliquée au billet à ordre. Il n’y a donc pas de provision, qui est une créance du tireur sur le tiré, pour que le souscripteur du billet à ordre puisse en transmettre la propriété au bénéficiaire. Il lui transmet seulement la valeur fournie qui demeure la propriété du premier bénéficiaire. La conséquence de cette différence de régime juridique avec la lettre de change est que le porteur négligent conserve ses recours cambiaires contre le souscripteur (alors qu’il perd ce droit en matière de lettre de change lorsque le tireur prouve avoir fourni provision). c – Absence de la notion d’acceptation L’acceptation n’a pas de raison d’être en matière de billet à ordre puisque le souscripteur, par sa signature à l’émission, s’engage juridiquement à payer à l’échéance entre les mains du bénéficiaire ou à son ordre ; c’est pourquoi l’article 237 précise que «le souscripteur d’un billet à ordre s’engage de la même manière que l’accepteur d’une lettre de change». Cependant, la présentation du billet à ordre au souscripteur pour visa est nécessaire lorsque le titre est payable à un certain délai de vue, ce délai court de la date du visa signé du souscripteur (article 238).

Section 3 – LE CHÈQUE Nous envisagerons d’abord, les aspects techniques, ensuite, les systèmes de protection du chèque.

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§ 1 – LES ASPECTS TECHNIQUES A – NATURE ET FONCTION DU CHÈQUE Le chèque est un effet par lequel le tireur dispose de ses fonds déposés chez le tiré (qui est obligatoirement une banque), en effectuant des retraits à vue, soit à l’ordre de lui-même, soit à l’ordre du bénéficiaire. Obligatoirement tiré sur un banquier, il est payable à vue (dès sa présentation) et à ce titre il ne peut comporter une mention d’échéance de paiement. Néanmoins, le chèque n’est pas une monnaie ; sa remise n’est pas libératoire tant qu’il n’est pas encaissé et n’opère pas novation de la créance57. Par ailleurs, contrairement à la lettre de change, il n’est pas commercial par la forme ; il est commercial ou civil suivant la nature de l’opération en exécution de laquelle il a été émis. B – LES CONDITIONS FORMELLES Pour être valable, le chèque doit remplir des conditions de forme exigées par la loi (voir spécimen suivant). a – Les mentions obligatoires Les mentions obligatoires que doit comporter le chèque sont : - la dénomination de «chèque» ; - l’ordre de paiement pur et simple (payez) ; - la somme à payer en chiffres et en lettres ; - le nom du tiré (la banque) ; - le lieu du paiement (adresse de l’agence bancaire) ; - le lieu et la date de création ; - le nom et la signature du tireur. Suivant l’article 240 est nul le chèque qui ne correspond pas aux formules délivrées par les banques ou dans lequel l’une des mentions obligatoires fait

- Le chèque n’est pas novatoire (art 305 code 1996), c’est à dire que la remise d’un chèque en paiement d’une dette ne remplace pas l’obligation qui lui a donné naissance ; celle-ci subsiste avec toutes ses garanties jusqu’à ce que le chèque soit payé. 57

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défaut, mais il peut être considéré comme un titre ordinaire pour servir de preuve à une créance lorsqu’il réunit les conditions de ce titre. b – Les mentions facultatives Ce sont les mentions que les parties demeurent libres de porter sur le chèque : - Le nom du bénéficiaire : Contrairement à la lettre de change, il n’est pas obligatoire de mentionner le nom du bénéficiaire sur le chèque (article 243), car le chèque peut être émis au porteur ou en blanc, sans aucune indication, il est alors considéré émis au porteur ; il peut aussi être stipulé payable à personne dénommée ou à son ordre (chèque nominatif), dans ce cas le bénéficiaire ne peut le transmettre que par endossement ; - La clause non endossable ou non à ordre : Cette clause ne peut être utile que lorsque le chèque est nominatif ; puisque le chèque au porteur ou à blanc est transmissible par simple tradition. Le chèque qui porte la mention non endossable ne peut être transmis que comme un titre civil ; - Le barrement : Il consiste à tracer sur le recto du chèque deux barres parallèles, il ne sera alors payé qu’à un banquier ou à un client du banquier. Ainsi, le porteur d’un tel chèque ne pourra se faire payer qu’en l’endossant par procuration à son banquier qui approvisionnera son compte du montant du chèque encaissé par ledit banquier. Les banques effectuent entre elles les paiements des chèques en procédant à leur compensation et donc par monnaie scripturale, ce qui évite les mouvements numéraires. Comme il ne peut être payé qu’à une banque, le chèque barré a été conçu pour éviter les risques de perte ou de vol des chèques ; mais l’effet de cette technique reste limité puisqu’il est possible d’endosser le chèque barré au profit d’un bénéficiaire de bonne foi. Le barrement est général lorsqu’il ne comporte aucune mention entre les deux barre, il est spécial, se le nom d’une banque y est mentionné. - La certification : (le chèque certifié) Elle remplace l’acceptation en matière de lettre de change. Comme le chèque est payable à vue, il n’a pas besoin d’être accepté ; l’article 242 interdit expressément l’acceptation du chèque. La certification est faite par la banque tirée qui porte au recto du chèque la mention « certifié » et sa signature. Elle doit alors bloquer la provision

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correspondant au montant du chèque au profit du porteur, mais seulement jusqu’au terme du délai de présentation qui est de 20 jours suivant l’article 268 du nouveau code. C – LE CHÈQUE, INSTRUMENT DE PAIEMENT FACULTATIF Malgré l’usage répandu du chèque qui constitue, au Maroc, le second moyen de paiement après les espèces, le droit n’oblige nullement l’acceptation du chèque comme mode de paiement, à l’exception de certains cas très rares dans notre législation. Tout commerçant ou particulier peut fort bien le refuser et exiger la monnaie officielle ayant cours légal. En effet, par dérogation au principe de l’usage facultatif du chèque, l’article 306 du nouveau code de commerce a rendu obligatoire le paiement par chèque barré ou par virement bancaire toute opération entre commerçants pour faits de commerce d’une valeur supérieure à 10 000 dhs C’est pourquoi d’ailleurs, le législateur a fait obligation aux commerçants d’ouvrir un compte chèques (article 18). D – LA PROVISION DU CHÈQUE La provision est une somme d’argent mise à la disposition du tireur chez le tiré au moment de la création du chèque. a - Le contenu de la provision La provision du chèque peut être constituée par le dépôt de fonds chez la banque (c’est-à-dire par le versement de sommes d’argent), la remise d’effets de commerce à l’encaissement, elle peut aussi résulter d’une ouverture de crédit. b - Le moment de l’existence de la provision Contrairement à la lettre de change dont la provision n’est exigible qu’à l’échéance, suivant les termes de l’article 241 le chèque doit avoir provision dès le moment de la création du titre. Or, cette disposition exigeant l’existence de la provision au moment de la création du chèque se trouve être, sinon en contradiction, du moins dépassée par la nouvelle tendance de la politique pénale du même code de commerce qui ne requiert la constitution de la provision qu’au moment de la présentation du chèque au paiement (art. 316). Par conséquent, la loi n’exige plus une provision préalable à l’émission du chèque.

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c- Le transfert de la propriété de la provision L’émission du chèque a pour effet de transférer la propriété de la provision détenue par le banquier au bénéficiaire du chèque. Cette propriété passera ensuite à tout nouveau porteur, que ce soit par tradition ou par endossement. L’article 256 dispose en effet que l’endossement transmet tous les droits résultant du chèque et notamment, la propriété de la provision. E – JUSTIFICATION D’IDENTITE L’article 251 a consacré officiellement l’obligation pour toute personne qui « remet » un chèque en paiement de justifier de son identité au moyen d’un document officiel portant sa photographie. Comme le texte parle de « toute personne » qui remet un chèque en paiement, il serait judicieux de savoir de quelle personne il s’agit ? S’agit-il du tireur, qui doit justifier de son identité, lorsqu’il remet le chèque en paiement à son créancier ? Ou est-ce qu’il s’agit du porteur lorsqu’il présente le chèque à la banque pour recouvrement ? Nous pensons qu’il ne peut s’agir que du tireur pour les raisons suivantes : - d’une part, parce que le texte parle de la personne qui « remet » le chèque en paiement dans le sens de l’émission car, si le législateur avait l’intention de viser le bénéficiaire, il aurait parlé de « toute personne qui présente un chèque au paiement » ; - d’autre part, ce qui conforte encore cette position, c’est que l’article 251 figure parmi les dispositions du chapitre I relatif à la création du chèque et non pas dans le chapitre IV relatif à la présentation et au paiement du chèque. F – LA CIRCULATION DU CHÈQUE Rappelons que le chèque au porteur ou à blanc se transmet par tradition. S’il est nominatif, il convient de distinguer : + s’il est non à ordre ou non endossable, il ne peut se transmettre que par cession de créance ; + s’il est à ordre, il est transmissible par endossement : - soit par endossement translatif de propriété : dans ce cas l’endosseur a le choix de l’endosser au porteur ou à blanc (auquel cas il peut circuler par tradition) ou même nominatif. 65

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- soit par endossement à titre de procuration, exactement comme pour la lettre de change (en pratique, en cas de remise à l’encaissement par la banque). Mais l’endossement du chèque ne peut jamais être fait en garantie (à titre pignoratif). § 2 – LES SYSTEMES DE PROTECTION DU CHEQUE En tant qu’effet de commerce, le chèque bénéficie naturellement de la protection du système cambiaire, mais il se distingue en outre par une protection traditionnelle et spéciale d’un système pénal auquel s’est greffé récemment un autre système, mais bancaire cette fois. A – LE SYSTEME CAMBIAIRE Le porteur impayé peut en effet exercer ses recours cambiaires contre tous les signataires du chèque (e) ; mais pour cela il doit se montrer diligent et accomplir certaines obligations de vigilance que la loi lui impose, à savoir présenter le chèque au paiement (a) et, à défaut de paiement, faire dresser protêt (b), donner les avis (c) tout en respectant les délais de prescription (d). a – La présentation au paiement Elle peut se faire dès le jour de l’émission puisque le chèque est payable à vue. Le porteur dispose néanmoins d’un certain délai pendant lequel il doit présenter le chèque au paiement sous peine de perdre son droit au recours cambiaire. Les délais sont actuellement de 20 jours de l’émission pour les chèques émis au Maroc, et de 60 jours pour les chèques émis à l’étranger (article 268). Après l’expiration du délai de présentation, s’il a provision, le tiré est tenu quand même de payer (article 271) sous peine d’une amende de 5000 à 50 000 dhs (article 319). Les peines étant délictuelles, la prescription d’une telle infraction est donc délictuelle (5 ans). Si la provision est insuffisante, le tiré a désormais l’obligation de proposer au porteur le paiement jusqu’à concurrence de la provision disponible ; dans ce cas, ce dernier ne peut pas refuser ce paiement et doit délivrer une quittance au tiré et mention de ce paiement partiel doit être faite sur le chèque (art. 273). Il faut dire qu’actuellement dans la pratique, les banques refusent tout paiement, même s’il ne s’agit que d’une insuffisance dérisoire. Et comme cette

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obligation, à la différence de la précédente, est dépourvue de sanction, elle n’a pas beaucoup de chance d’être appliquée. b – Le protêt A défaut de paiement, le porteur doit faire dresser protêt, comme en matière de lettre de change, pour pouvoir exercer son recours cambiaire. Le protêt doit être fait avant l’expiration du délai de présentation ; et si celle-ci a lieu le dernier jour du délai, il peut être établi le premier jour ouvrable suivant. c – Les avis Le porteur a ensuite un délai de 8 jours ouvrables qui suivent le jour du protêt pour donner avis du défaut de paiement à son endosseur et au tireur. En cas de clause de retour sans protêt, ce délai court du jour de la présentation. Chaque endosseur doit aviser son endosseur dans les 4 jours ouvrables qui suivent la réception de l’avis en remontant jusqu’au tireur. De son côté, le secrétariat – greffe du tribunal est tenu de prévenir le tireur des motifs du refus de paiement par lettre recommandée dans les 4 jours du protêt, à condition, dit le texte, que le chèque contienne le nom et l’adresse du tireur58 ! d – Les délais de prescription Il s’agit de la prescription des recours cambiaires qui est une prescription extinctive ou libératoire, c’est-à-dire qui éteint l’action cambiaire qui résulte de l’engagement par chèque. L’article 295 a prévu trois délais de prescription en fonction des parties en présence : - Pour les actions du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés la prescription est de 6 mois à partir de l’expiration du délai de présentation.

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On sait que, en pratique, à la rigueur certains commerçants marquent le numéro de la carte d'identité nationale et le numéro de téléphone du tireur sur le dos du chèque, mais jamais l'adresse de ce dernier n'est marquée ni par la banque, ni par les commerçants.

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- Pour les actions des divers obligés les uns contre les autres la prescription est également de 6 mois à partir du jour où l’obligé a remboursé ou du jour où il a lui-même été actionné en justice. - Enfin, pour l’action du porteur contre le tiré le délai de prescription est devenu d’1 un à partir de l’expiration du délai de présentation (au lieu de 3 ans précédemment prévu par le dahir de 1939). e – Les recours cambiaires Lorsque le porteur aura accompli ses obligations de vigilance, il peut alors exercer ses recours cambiaires contre toutes les personnes obligées en vertu du chèque. Celles-ci sont en effet tenues solidairement envers le porteur (art. 287). Ce dernier peut agir contre ces signataires individuellement ou collectivement et sans avoir à respecter l’ordre dans lequel ils se sont obligés. Cependant, en cas de déchéance, le porteur négligent ne perd pas tous ses droits, il conserve : - une action de droit commun contre les différents obligés ; - une action cambiaire contre le tiré qui a provision ; - une action cambiaire contre le tireur qui n’a pas fait provision. Or, celuici reste passible du pénal. Mais il convient de signaler que ces règles ne s’appliquent que pour l’exercice de l’action cambiaire car, pour l’exercice de l’action pénale : - le porteur n’a pas besoin de faire dresser protêt ; - et l’action publique ne s’éteint pas par les délais de prescription de l’action cambiaire. Étant donné que nous sommes dans le domaine délictuel, l’infraction ne s’éteindra que par la prescription correctionnelle de 5 ans. En pratique, tous les porteurs de chèques sans provision préfèrent recourir au pénal vu son caractère répressif par rapport au système cambiaire, mais actuellement le système bancaire s’est imposé préalablement au système pénal. B – LE SYSTEME BANCAIRE Ce système s’est désormais greffé sur le système pénal avant sa consécration officielle par le législateur. Il est appliqué au Maroc depuis le 1 er juin 1990, date de la mise en vigueur de la fameuse convention interbancaire du 29

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novembre 1989. Les différences techniques et répressives mises à part, l’esprit du code de 1996 ne se distingue guère de celui de la convention interbancaire. a – Les obligations des banques 1 – Lors de l’ouverture des comptes Nos textes actuels obligent désormais les banques, préalablement à l’ouverture des comptes, de vérifier l’identité des postulants (personnes physiques ou morales) par le moyen de documents officiels. L’établissement bancaire doit ensuite, et préalablement à la délivrance du premier chéquier, consulter Bank Al-Maghrib (B.M.) sur les antécédents bancaires du postulant (les incidents de paiement et leurs suites). 2 – Lors des incidents de paiement En cas d’incident de paiement, c’est-à-dire de refus de paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante, la banque tirée doit adresser une lettre d’injonction au tireur par laquelle, elle l’invite : - à lui restituer, ainsi qu’à toutes les banques dont il est le client, les formules de chèques en sa possession et en celle de ses mandataires ; - et de ne plus émettre pendant 10 ans des chèques autres que les chèques de retrait et les chèques certifiés. La banque doit aussi en informer les mandataires du titulaire du compte et, s’il s’agit d’un compte collectif, les autres titulaires du compte ; car ces derniers subissent aussi, de plein droit les mêmes mesures tant en ce qui concerne le compte objet de l’incident qu’en ce qui concerne les autres comptes collectifs (art. 315). Le tiré qui a refusé le paiement doit alors déclarer l’incident à B.M. L’article 309 al. 1 oblige les banques, lorsqu’elles refusent de payer un chèque, de délivrer au porteur un certificat de refus de paiement. b – La réparation de l’incident La loi permet au titulaire du compte qui reçoit l’injonction de retrouver la faculté d’émission des chèques à condition de régulariser l’incident et de payer une amende forfaitaire. 1 – La régularisation Pour recouvrer sa faculté d’émission, le tireur a le choix entre deux procédés de régularisation : 69

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- soit la régularisation directe : c’est-à-dire le règlement du montant du chèque impayé entre les mains du porteur, il doit alors présenter le chèque acquitté au tiré ; - soit la régularisation indirecte : en constituant une provision suffisante et disponible pour le règlement du chèque par les soins du tiré. 2 – L’amende forfaitaire Après la régularisation, le tireur doit s’acquitter d’une amende forfaitaire dont le taux dépend du nombre de répétition des incidents de paiement : (art. 314) - à la 1ère injonction, le taux de l’amende est de 5 % du montant du chèque impayé. - à la 2nde injonction, ce taux est de 10 %. - et, à partir de la 3ème injonction, il est de 20% 59

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Mais, la régularisation n’empêchera pas le tireur d’être poursuivi pénalement. Néanmoins, pour assurer le respect de ce système bancaire, le législateur a assujetti les banques à un véritable système de responsabilité. c – La responsabilité des banques Cette responsabilité est assortie de deux sortes de sanctions, des sanctions pénales et des sanctions de garantie.

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- V. arrêté du ministre de l'économie et des finances du 12 août 1998 fixant les modalités d'acquittement de cette amende. (B.O. n° 4618 du 3/9/1998, p. 497). Suivant ce texte, l'amende forfaitaire doit être acquittée par l'intéressé à la perception de son choix au vu de l'injonction à lui faite par la banque tirée. Cette injonction tient lieu de bulletin de versement, elle doit comporter un certain nombre de mentions notamment le rang de l'injonction. Cette dernière doit être établie en double exemplaire dont l'original est destiné à justifier la recette réalisée et le second exemplaire est remis à l'intéressé après paiement pour justifier l'acquittement de l'amende auprès de la banque. 60 La loi de finances 2020 avait instauré une contribution libératoire au titre de ces amendes forfaitaires relatives aux incidents de paiement, quels que soient leurs classements, et qui n'ont pas été régularisées, concernant les chèques présentés au paiement au maximum au 31 décembre 2019. Le plafond de la contribution était établi à un maximum de 10.000 dirhams pour les personnes physiques et 50.000 dirhams pour les personnes morales et ce, peu importe le nombre d'incidents non régularisés, à condition que la contribution soit payée à la TGR durant l’année 2020. Le paiement de la contribution avait pour effet de dispenser les personnes concernées du paiement des amendes pécuniaires liées aux incidents de paiement pour régulariser leur situation.

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1 – Les sanctions pénales Les violations des obligations bancaires sont érigées en infractions passibles d’une amende de 5000 à 50 000 dhs, notamment : - le défaut de déclaration à B.M. des incidents de paiement et des émissions au mépris de l’interdiction ; - le refus de délivrer le certificat de refus de paiement ; - la délivrance de formules de chèques à un interdit bancaire ou judiciaire ou à son mandataire ; - le défaut d’adresser une injonction en cas d’incident de paiement invitant son auteur à restituer les formules de chèques et de ne plus émettre de chèques pendant 10 ans. Il appartient alors à B.M. de centraliser les renseignements concernant ces infractions commises par les banques et de les communiquer au procureur du Roi. 2 – Les sanctions de garantie A défaut pour le banquier de respecter ses obligations, il devient garant des émissions sans provision. Il doit payer jusqu’à concurrence de 10 000 dhs par chèque malgré l’absence ou l’insuffisance ou l’indisponibilité de la provision : - tout chèque qu’il a délivré à un interdit bancaire ou judiciaire, ou à un nouveau client avant d’avoir consulté B.M. ; - et tout chèque dont il n’a pas réclamé la restitution suite à un incident. Le banquier tiré qui a payé le chèque est alors subrogé dans les droits du porteur à concurrence de la somme avancée. d – Le rôle de Bank Al-Maghrib Elle exerce son rôle par une sorte de « casier bancaire » (à l’instar du casier judiciaire) détenu par le Service Central des Incidents de Paiement (le S.C.I.P.). Car, en vertu de l’article 322, les banques sont tenues de déclarer à B.M. tous les incidents de paiement survenus dans leurs agences. Il en est de même pour les tribunaux lorsqu’ils prononcent une interdiction d’émettre des chèques. Ainsi, le S.C.I.P. centralise tous les antécédents des clients ayant fait l’objet d’une déclaration et se charge de les communiquer aux banques.

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Ce service détient d’ailleurs aussi tous les renseignements sur les violations par les banques de leurs obligations de contrôle et de leurs obligations de sanction. C – LE SYSTEME PENAL a – Les infractions en matière de chèque 1 – L’omission de constituer ou de maintenir la provision Il s’agit de la fameuse émission de chèque sans provision du dahir de 1939 qui est l’infraction la plus courante en matière de chèque. Par sa nouvelle formule, le législateur de 1996 a complètement modifié la physionomie de cette infraction. Alors que les articles 70 dahir de 1939 et 543 du code pénal sanctionnaient celui qui, de mauvaise foi, a émis un chèque sans provision préalable et disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque, l’article 316-1° du nouveau code incrimine le tireur qui a omis de constituer ou de maintenir la provision du chèque en vue de son paiement à présentation. 2 – L’opposition irrégulière L’opposition est l’acte par lequel le tireur fait défense au tiré de payer un chèque qu’il a émis. Sous le dahir de 1939, l’opposition était permise dans seulement deux cas : la perte du chèque et la faillite du porteur. L’article 271 du code de 1996 a ajouté trois autres cas légaux d’opposition : le vol, l’utilisation frauduleuse et la falsification du chèque. Par conséquent, celui qui fait opposition en dehors des cas prévus par le législateur encourt les mêmes peines de l’émission sans provision. 3- L’acceptation et l’endossement des chèques de garantie L’article 316-6°/ sanctionne «toute personne qui, en connaissance de cause accepte de recevoir ou d’endosser un chèque à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement et qu’il soit conservé à titre de garantie». On notera enfin que pour faire respecter les interdictions bancaire et judiciaire par les titulaires de comptes interdits, le code de 1996 a incriminé l’émission de chèque au mépris d’une interdiction d’un emprisonnement d’un mois à 2 ans et d’une amende de 1.000 à 10. 000 dhs malgré l’existence de la

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provision. Et si la provision fait défaut, ces peines sont portées au double (art. 318). b – Les sanctions pénales L’article 316 prévoit des sanctions communes à toutes les infractions en matière de chèque à savoir, l’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2.000 à 10.000 dhs sans qu’elle puisse être inférieure à 25% du montant du chèque ou de l’insuffisance de la provision. En outre, le tribunal peut prononcer une interdiction d’émission de chèque de 5 ans avec injonction de restituer les formules de chèques au banquier (art. 317). Il peut aussi ordonner, aux frais du condamné, la publication des extraits de la décision d’interdiction dans les journaux. En ce qui concerne la récidive, toutes les infractions en matière de chèque sont considérées comme constituant un même délit (art. 323). Le sursis ne peut être accordé que pour les peines d’emprisonnement (art. 324), il n’est donc pas applicable à l’amende. Le tireur d’un chèque sans provision ne peut bénéficier des circonstances atténuantes que s’il constitue ou complète la provision dans les 20 jours de la présentation.

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CHAPITRE II - LE FONDS DE COMMERCE Le fonds de commerce (F.C.) est désormais défini par l’art. 79 du code de commerce de 1996 comme étant « un bien meuble incorporel constitué par l’ensemble des biens mobiliers affectés à l’exercice d’une ou de plusieurs activités commerciales ». Nous examinerons, d’abord, les éléments du F.C., ensuite les contrats qui portent sur le F.C. et les règles destinées à le protéger.

Section I - LES ELEMENTS DU F.C. Ces éléments sont traditionnellement divisés en deux catégories, suivant leur nature, en éléments corporels et d’autres incorporels. § I - LES ELEMENTS CORPORELS Il s’agit du mobilier commercial, des marchandises et du matériel et l’outillage. 1 - Le mobilier commercial : c’est-à-dire tous les objets mobiliers comme les bureaux, les fauteuils, les chaises, les salons de réception, les comptoirs … 2 - Les marchandises : C’est l’objet même du commerce, il s’agit de tous les produits et objets destinés à la vente. Mais, en cas de vente du F.C., les marchandises font normalement l’objet d’un inventaire et leur prix est fixé séparément. 3 - Le matériel et l’outillage : Ces deux termes sont synonymes, ils désignent tous les biens meubles, autres que le mobilier commercial, qui servent à l’exploitation du fonds, exemple : les appareils et machines, les moyens de transport… Il faut noter cependant que ces éléments corporels n’ont pas toujours une importance dans un F.C., sauf par exemple les appareils et machines dans l’industrie, le mobilier dans l’hôtellerie ou les véhicules de transport (bus et cars) dans le commerce de transport… Par conséquent, bien que ces éléments corporels fassent partie du F.C. : - le vendeur du fonds reste libre de les exclure de la vente et les vendre à une autre personne ; - de son côté, l’acquéreur du F.C. peut parfaitement se passer du matériel, outillage et mobiliers anciens. 74

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Par ailleurs, il existe bien des F.C. qui n’ont pas de marchandises tels que les fonds des courtiers et agents d’affaires… Il reste que, ce sont les éléments incorporels qui confèrent son importance au F.C. § II - LES ELEMENTS INCORPORELS Ce sont les éléments les plus divers du F.C. et les plus importants. 1 - La clientèle : C’est l’élément le plus important du F.C. ; d’ailleurs, en vertu de l’art. 80 du code de commerce, la clientèle est devenue un élément obligatoire du F.C.. Ce dernier ne peut en effet exister sans la clientèle. La clientèle est la faculté de grouper les clients habituels au commerce. Il ne s’agit donc pas de l’ensemble des clients d’un commerce, car le commerçant ne possède pas la clientèle, il n’en a pas le monopole et il suffit d’une mauvaise gestion pour la perdre. Cependant, bien que la clientèle soit l’élément le plus important du F.C., cet élément reste insuffisant pour constituer à lui seul un F.C. ; la clientèle elle même n’existe que parce qu’elle est attachée à certains éléments du F.C., ce sont ces éléments qui servent de support à la clientèle, ce sont eux qui sont en mesure de grouper la clientèle. Ces éléments vont varier suivant le type de commerce. 2 - Le nom commercial : C’est l’appellation empruntée par le commerçant pour l’exercice de son commerce. # Il peut s’agir du nom patronymique du commerçant (ou nom civil), exp. Établissement Ben Chekroun61, ou d’un pseudonyme, exp. Garage El Bahja, ou d’un nom de fantaisie, exp. Hôtel Yasmine. # En ce qui concerne les sociétés commerciales, le nom commercial est dit dénomination sociale qui est généralement désignée par l’objet de l’activité de l’entreprise62.

- Le nom patronymique est hors du commerce, c’est-à-dire ne peut être cédé. - La nouvelle loi sur les sociétés commerciales a supprimé la raison sociale, en ce qui concerne les sociétés de personnes, qui était désignée, non par l’objet social, mais par le ou les noms d’associés. 61 62

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Cependant, en cas de cession du F.C., le vendeur peut, par une clause expresse, interdire à l’acquéreur d’user de son nom commercial, cette clause aura pour effet d’exclure la cession du nom commercial avec le F.C., dans ce cas, le vendeur n’a plus le droit de céder l’usage du nom à un autre commerçant, sous peine de concurrence déloyale. # Le nom commercial fait par ailleurs l’objet d’une protection particulière par le législateur. 3 - L’enseigne : C’est un signe distinctif qui sert à individualiser un établissement commercial. - L’enseigne peut prendre la forme d’un emblème figuratif, exp. la coquille de Shell, le petit homme de neige de Michelin… - Ca peut être une dénomination de fantaisie, exp. Hôtel au Lion d’Or, 1000 chemises, Au Rabais…, ou un nom d’une personne exp. Chez Bahaa’, Chez Smaïl… ou le nom du quartier de l’emplacement du commerce, exp. Café des Oudayas, Hôtel de la Tour Hassan… - Souvent l’enseigne reprend le nom commercial présenté sous une forme graphique originale, exp. le signe graphique de la CTM … L’usage d’une enseigne semblable à celle d’un commerçant du même lieu et faisant le commerce de produits semblables de manière à détourner sa clientèle constitue une concurrence déloyale qui peut donner lieu à une action en dommages-intérêts (Art. 84-2° DOC). 4 - Les licences : L’art. 80 parle des licences, mais il s’agit aussi des autorisations et des agréments. Elles sont accordées par les autorités administratives concernées pour l’exploitation de certains F.C., suivant le domaine d’activité : tourisme, transport, hôtellerie, restauration, cinéma, vidéo, boissons alcooliques… 5 - Le droit au bail : Ce droit n’a d’intérêt que dans le cas où le commerçant n’est pas propriétaire du local dans lequel il exerce son commerce. Il est désigné dans la pratique par l’expression de « propriété commerciale », ce qui exprime la protection accordée par le législateur aux locataires de locaux à usage commercial contre les éventuels abus des propriétaires des murs qui pourraient avoir des conséquences néfastes sur le commerçant. De plus, il est difficile de concevoir une vente d’un F.C. sans local.

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Le droit au bail est demeuré réglementé par le dahir du 24 mai 1955, ses règles assurent au commerçant le droit au renouvellement du bail et, à défaut, le droit à une indemnité. 6 - Les droits de propriété industrielle : L’art. 80 dresse toute une énumération de ces droits ; il s’agit des brevets d’invention, des licences, des marques de fabrique, de commerce et de service, des dessins et modèles industriels « et, généralement, conclue cet article, tous droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés ». Ces droits continuent à être protégés par des textes spéciaux : les droits de propriété industrielle sont réglementés par le dahir du 23 juin 1916 63, quant aux droits de la propriété littéraire et artistique, qui sont assimilés aux droits industriels, ils restent régis par le dahir du 29 juillet 197064. Ces droits constituent un monopole du commerçant dans son exploitation commerciale et, comme ils font partie du F.C., ils peuvent être cédés avec ce dernier, mais pour les exclure il faut prévoir une clause expresse dans le contrat de vente du F.C..

Section II - LES CONTRATS PORTANT SUR LE FONDS DE COMMERCE Le F.C., en tant qu’une universalité, c’est-à-dire de nature distincte des éléments qui le composent, peut être vendu (§ I), affecté en nantissement (§ II), des règles communes ont cependant pour but la protection des droits du vendeur et du créancier nanti (§ III), enfin le FC peut être mis en location (§ IV). § I - LA VENTE DU FONDS DE COMMERCE La vente du F.C., à l’instar de tout contrat, est d’abord soumise aux règles générales du DOC et surtout à celles relatives au contrat de vente prévues par ses articles 478 à 584.

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- B.O. du 10/7/1916, p. 690. - B.O. du 7/10/1970, p. 1378.

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Vu ses particularités commerciales, la vente du F.C. a fait l’objet d’une réglementation spéciale qui fut contenue dans le dahir du 31 décembre 1914 65. Cette réglementation a été reprise par le code de 1996 dans ses articles 81 à 103 tout en subissant des modifications substantielles. Elle prévoit en effet des conditions particulières au contrat de vente du F.C. et partant, des effets spéciaux. A - LES CONDITIONS DE LA VENTE La vente du F.C. est soumise à des conditions de fond et de forme. a - Les conditions de fond Comme tout contrat, la vente du F.C. doit obéir aux règles générales en la matière : le consentement des parties (protection contre les vices tels que l’erreur, le dol et la violence), la capacité commerciale (les opérations portant sur le FC étant des actes de commerce), l’objet de la vente (les éléments du FC) et le prix de la vente. b - Les conditions de forme Afin de protéger l’acquéreur, l’article 81 code de commerce oblige le vendeur d’insérer certains renseignements dans l’acte même de vente. Par conséquent, la rédaction d’un écrit s’impose d’autant plus que l’omission de ces mentions rend l’acte annulable. Mais l’écrit ne doit pas prendre obligatoirement la forme authentique, il peut être seulement sous seing privé. B - LES EFFETS DE LA VENTE Si la vente du F.C. fait l’objet d’une réglementation spéciale, c’est parce qu’elle produit des effets particuliers en dehors des effets généraux de toute vente. Cette réglementation a justement pour effet de protéger tous les intérêts en présence ; les droits de l’acquéreur, ceux du vendeur qui consent une vente à crédit et ceux des tiers, en l’occurrence les créanciers du vendeur.

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- B.O. du 11/1/1915, p. 14.

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a - Les règles protectrices des droits de l’acquéreur En dehors des règles générales à toute vente, l’acquéreur du F.C. bénéficie d’une protection spéciale par le code de commerce. 1 - Les règles générales Il s’agit des règles de droit commun de la vente qui posent certaines obligations à la charge du vendeur. - Tout d’abord, celui-ci s’oblige à transférer la propriété du F.C. à l’acheteur. - Ensuite, le vendeur est obligé, comme dans toute vente, de garantir l’acheteur contre les vices cachés du F.C. - Enfin, le vendeur est tenu envers l’acquéreur de l’obligation de non concurrence. 2 - Les règles spéciales Désormais, le code de 1996 a institué d’autres règles de nature formelle, spécialement destinées à la protection de l’acquéreur. L’art. 81 a, en effet, prescrit des mentions obligatoires à la charge du vendeur. L’acte doit donc obligatoirement mentionner : le nom du vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition, le prix de cette acquisition en spécifiant distinctement les prix des éléments incorporels, des marchandises et du matériel ; l’état des inscriptions des privilèges et nantissements pris sur le fonds ; s’il y a lieu, le bail, sa date, sa durée, le montant du loyer actuel, le nom et l’adresse du bailleur ; l’origine de la propriété du fonds de commerce66. b - Les règles protectrices des droits du vendeur En tant que meuble, le FC obéit normalement aux règles de droit commun relatives à la vente des biens meubles; à ce titre, l’acheteur du FC a pour obligation principale le paiement du prix convenu.

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- C'est-à-dire les propriétaires successifs du fonds de commerce.

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Devant l’importance de l’investissement, un crédit est souvent consenti par le vendeur à l’acquéreur du FC ; aussi, le législateur offre des garanties légales au vendeur du FC : le privilège du vendeur (Art. 91 et 92 c. com.) et l’action résolutoire (Art. 99 à 103 c. com.). Le vendeur peut même opter pour leur cumul. 1 - Le privilège du vendeur Pour pouvoir bénéficier de ce privilège, le vendeur doit l’inscrire au RC. Le vendeur doit, à peine de nullité, procéder à cette inscription dans les 15 jours de la date de l’acte de vente. Cette inscription n’a pas besoin de publication dans les journaux. L’inscription de ce privilège fera alors bénéficier le vendeur d’un droit de suite et d’un droit de préférence (V. infra § III). 2 - L’action résolutoire Au moment de l’inscription de son privilège67, le vendeur peut, en plus, opter pour l’action résolutoire dans la perspective de récupérer son FC dans le cas où il y verrait un intérêt. A défaut de paiement, elle lui permettra d’obtenir l’effacement rétroactif du contrat de vente du FC pour inexécution par l’acquéreur de son obligation de payer le prix. Pour pouvoir exercer cette action, le vendeur doit la mentionner et la réserver expressément lors de l’inscription de son privilège. c - Les règles protectrices des droits des créanciers du vendeur Lors de l’exercice de son activité, il est naturel que le commerçant soit amené à recourir au crédit, que ce soit dans ses relations avec ses fournisseurs ou avec les établissements de crédit. Il est donc normal qu’il doit procéder, préalablement à la vente de son FC, à l’apurement de sa situation vis- à- vis de ses créanciers ; ce qui n’est pas toujours le cas. C’est en prévision de certaines pratiques malhonnêtes que le législateur a instauré des règles pour protéger ces créanciers. Ces règles sont normalement destinées à sauvegarder les intérêts des créanciers chirographaires, mais rien n’empêche, en droit, les créanciers

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- C'est-à-dire dans les 15 jours de l'acte.

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gagistes de s’en prévaloir ; alors que leur protection est assurée par le droit de suite, il leur est inutile de recourir à l’application de ces règles68. Dans le but de protéger les droits des créanciers, trois mécanismes complémentaires sont mis au point par le législateur : la publicité de la vente du FC, l’opposition et la surenchère. 1 - La publicité - Dépôt : Pour que les créanciers soient mis au courant de l’opération de vente du FC, l’art. 83 du nouveau code impose tout d’abord, une fois l’acte de vente enregistré, de déposer une expédition de l’acte notarié ou un exemplaire de l’acte sous seing privé dans les 15 jours de sa date au secrétariat-greffe du tribunal dans le ressort duquel est exploité le fonds ou le principal établissement du fonds si la vente comprend des succursales. - Publication au RC : Ensuite, un extrait de cet acte doit être publié au RC. - Publications au BO et journaux d’annonces légales. : Enfin, une double publication doit être entreprise : * Une première publication de tout l’extrait inscrit au RC est effectuée sans délai par le secrétaire-greffier au BO et dans un journal d’annonces légales aux frais des parties. * Cette publication doit être renouvelée par l’acquéreur entre le 8ème et le 15ème jours après la première insertion. - La sanction : Etant destinés aux créanciers, le défaut de dépôt et de publicité a pour conséquence que la vente du FC leur est inopposable et l’acheteur reste tenu des dettes du vendeur (Art. 89). La jurisprudence est claire à ce sujet, elle considère que l’acquéreur du fonds « n’est pas libéré vis-à-vis des tiers créanciers. Il demeure susceptible d’être actionné par les créanciers du vendeur »69. En outre, il reste redevable même à l’égard de l’administration fiscale.

68 69

- Cass. civ. 21 décembre 1937, D.H. 1938, p. 65. - Trib. Casablanca, 27 février 1937, G.T.M. 10/4/1937, p. 111.

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2 - L’opposition Une fois la seconde publicité accomplie, les créanciers du vendeur, même si leur dette n’est pas encore exigible, ont un délai de 15 jours pour former opposition au tribunal. Il ne s’agit pas d’une opposition à la vente du FC, mais au paiement de son prix au vendeur. Par conséquent, le prix de vente doit rester consigné entre les mains de l’acheteur pendant le délai de l’opposition et même après ce délai au cas où des oppositions seraient formées; s’il passe outre cette consignation et paie quand même le vendeur, il ne sera guère libéré vis-à-vis des tiers (Art . 89). Afin de remédier à cette situation de blocage du prix de vente, l’art. 85 permet au vendeur, après l’écoulement d’un délai de 10 jours de l’expiration du délai des oppositions, de saisir en référé le président du tribunal afin de l’autoriser à percevoir son prix à condition de verser à la caisse du tribunal une somme suffisante, fixée par le président, pour désintéresser les créanciers opposants. 3 - La surenchère Tout créancier, qui se rend compte que le prix de vente déclaré est insuffisant pour désintéresser les créanciers opposants ou inscrits, a la possibilité de formuler son désir d’acheter lui-même le FC en se déclarant surenchérisseur70 et proposer de payer le prix déclaré majoré d’un sixième du prix des éléments incorporels. Lors de la surenchère, à défaut d’un plus fort enchérisseur, le fonds est adjugé au créancier surenchérisseur du sixième. § II - LE NANTISSEMENT DU FC Le code de commerce réglemente le nantissement du FC sans déposséder le commerçant qui continue de l’exploiter. Du reste, pour que le nantissement du FC puisse produire pleinement ses effets, ses conditions (A) et ses formalités (B) doivent être rigoureusement respectées.

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- En réalité, cette procédure a pour objectif de lutter contre les pratiques de dissimulation du prix réel de la vente.

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A - LES CONDITIONS Tous les éléments du FC énumérés à l’art. 80 sont susceptibles d’être compris dans le nantissement à l’exclusion des marchandises, le législateur entend garder cet élément du fonds aux créanciers ordinaires. B - LES FORMALITES

Exactement comme pour l’acte de vente, le nantissement du FC doit être dressé par un acte authentique ou sous seing privé et déposé au tribunal dans lequel le fonds est inscrit dans les 15 jours de sa date. Ce dépôt sera suivi de l’inscription d’un extrait de l’acte au RC, mais aucune publication dans le BO ou les journaux n’est exigée. Cette inscription du nantissement au RC doit, à peine de nullité, être prise à la diligence du créancier gagiste dans les 15 jours de l’acte constitutif, autrement dit, à défaut de cette inscription, le nantissement sera purement et simplement inopposable aux autres créanciers du propriétaire du FC. Cette inscription conserve le privilège pendant 5 ans et doit être renouvelée à l’expiration de ce délai, sinon son effet prend fin et il est procédé à sa radiation d’office par le greffier (Art. 137). § III - LES REGLES COMMUNES A LA VENTE ET AU NANTISSEMENT DU FC En dehors de l’action résolutoire qui est propre au vendeur du FC, le législateur a institué des règles communes à la vente et au nantissement qui ont pour effet de protéger les droits du vendeur et du créancier nanti ; il s’agit en l’occurrence du droit de suite et du droit de préférence. A - LE DROIT DE SUITE En vertu du premier alinéa de l’art. 122 c.com. « les privilèges du vendeur et du créancier gagiste suivent le fonds en quelques mains qu’il passe ». Il s’agit donc de ce droit qui permet aux créanciers privilégiés inscrits et non payés de saisir le FC entre les mains de n’importe quelle personne et à quelque titre que ce soit, qu’il s’agisse du propriétaire ou d’un nouvel acquéreur en vue de le faire vendre aux enchères publiques. B - LE DROIT DE PREFERENCE Ce droit permet aux créanciers privilégiés, suite à la vente du FC aux enchères publiques, de se faire payer sur le prix de la vente par priorité sur les autres créanciers. 83

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§ IV - LA GERANCE LIBRE La gérance libre (ou gérance location) permet au propriétaire de donner la gérance du fonds à une personne en vertu d’un contrat de location moyennant un loyer qui peut prendre parfois la forme d’une participation aux bénéfices. Dans ce cas, le gérant locataire bénéficie de la qualité de commerçant et assume seul les risques de l’exploitation. Le code de commerce de 1996 a réglementé pour la première fois la gérance libre (articles 152 à 158) ; cette réglementation traite de la publicité du contrat tout en veillant à la protection de tous les intérêts en présence. A - LES REGLES RELATIVES À LA PUBLICITE Ayant la qualité de commerçant, le gérant libre doit bien entendu satisfaire à toutes les obligations du commerçant et notamment se faire immatriculer au RC (art. 153 al. 1 c. com.). Mais la publicité dont il est question au chapitre relatif à la gérance libre est de toute autre nature, elle a pour objectif de faire connaître aux tiers que la propriété du fonds n’appartient pas au gérant. Pour ce faire, le législateur prévoit trois procédés de publicité : # Tout d’abord, un extrait du contrat de gérance libre doit être publié dans les 15 jours de sa date au BO et dans un journal d’annonces légales. Il reste qu’il est dans l’intérêt du bailleur du fonds d’effectuer cette publicité dans la mesure où il demeure, jusqu’à la publication et pendant les 6 mois qui suivent, responsable solidairement avec le gérant des dettes contractées par ce dernier à l’occasion de l’exploitation du fonds (art. 155). # Il appartient, en outre, au bailleur du fonds de procéder aux formalités relatives au RC ; il a le choix entre deux inscriptions : - soit demander sa radiation du RC ; - soit requérir la modification de son inscription personnelle avec la mention expresse de la mise en gérance libre. Autrement, le bailleur reste solidairement responsable des dettes de son locataire tant qu’il n’a pas requis ces inscriptions (art. 60 et 155). # Enfin, quant au gérant, il doit indiquer sur tous ses documents commerciaux ainsi que sur toutes les pièces signées par lui ou en son nom, son numéro d’immatriculation au RC avec mention du tribunal où il est inscrit et sa qualité de gérant libre du fonds sous peine d’une amende de 2 000 à 10 000 dhs.

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B - LES EFFETS DE LA LOCATION-GERANCE Il s’agit en l’espèce, des effets du contrat de location qui mettent certaines mesures à la charge du locataire et du bailleur. - Le premier doit payer le loyer qui peut consister en une participation aux bénéfices, exploiter le fonds dans les meilleures conditions, ne pas en changer la destination, c’est-à-dire continuer le même commerce que le bailleur. En outre, n’étant pas propriétaire du fonds, le gérant ne peut le vendre ni le donner en nantissement ; il ne peut non plus en sous louer la gestion sans le consentement du bailleur étant donnée la nature intuitu personae du contrat. - En contrepartie, le bailleur a pour obligation de mettre tous les éléments du fonds à la disposition du gérant et ne doit pas en troubler la jouissance, notamment par la concurrence…

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3EME PARTIE – LES SOCIETES COMMERCIALES Il n'est pas de doute que les commerçants, personnes physiques, jouent un rôle considérable dans notre vie économique, mais le pouvoir économique des entreprises individuelles reste très limité en comparaison avec celui des sociétés qui puisent leur force de la réunion des associés et de leurs capitaux, avec des projets économiques plus ambitieux et des bénéfices souvent plus avantageux. Les sociétés commerciales sont non seulement plus puissantes dans le commerce et l'industrie, mais des secteurs d'activités des plus importants ne peuvent être exploités que par des sociétés anonymes, tels que la banque et les assurances du secteur commercial. II – LÉGISLATION Notre législation des sociétés commerciales est désormais contenue dans deux lois : - la loi n° 17/95 relative aux SA, promulguée par dahir du 30 août 199671 ; - et la loi n° 5/96 relative aux autres sociétés, promulguée par dahir du 13 février 199772.

71

- BO n° 4422 du 17/10/1996, p.661. Cette loi a été modifiée par la loi 20-05 promulguée par dahir n° 1-08-18 du 23 mai 2008, B.O. n°5640 du19/06/2008 ; la loi 21/05 promulguée par dahir du 14 février 2006 modifiant la loi 5/96, B.O. n° 5400, du 2 mars 2006 et son article 19 a été modifié par la loi 23-01 promulguée par dahir n°1-04-17 du 21/4/2004 modifiant la loi relative au CDVM du 21/9/1993, B.O. du 6/5/2004. 72 - BO n° 4478 du 1/5/1997, p. 482.Cette loi a été modifiée par la loi 21-05 du 14/2/2006 BO n° 5400 du 2/3/2006 et par la loi 24-10 du 2 juin 2011 BO n° 5956 bis du 30/6/2011.

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CHAPITRE 1 - LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ Section 1 – LES CONDITIONS DE FORMATION DES SOCIÉTÉS § 1 – LES CONDITIONS DE FOND En vertu de l’article 982 «la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail, ou tous les deux à la fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter». Il se dégage de cet article que le contrat de société est soumis à trois conditions de fond qui concernent les associés, les apports, le partage des bénéfices. A – LES ASSOCIES S'agissant d'un contrat, les associés doivent d'abord remplir les conditions relatives à la capacité avant de s'intéresser au nombre d'associés exigé par la loi. a - La capacité Il s’agit bien entendu de la capacité de s’obliger, à savoir l’aptitude à contracter société. Pour la souscription ou l'acquisition des parts ou actions de sociétés, les mineurs incapables73 doivent être représentés par leur tuteur légal (père ou mère) ou, après autorisation du juge, par leur tuteur testamentaire ou datif, puisque l'acte de société est considéré par le D.O.C. comme un acte de disposition (art. 11 al. 2). A l'âge de 16 ans, le mineur émancipé peut être actionnaire d'une SA ou d'une commandite par actions, commanditaire dans une commandite simple, ou associé d'une SARL. Cependant, dans les sociétés de personnes qui nécessitent la qualité de commerçant, l’entrée d’un mineur, même émancipé, est subordonnée aux

73

Qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité légale qui est actuellement de 18 années grégoriennes révolues.

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conditions spéciales du droit commercial. Le mineur ne peut donc être associé dans une société en nom collectif, ou commandité dans une société en commandite simple ou par actions que s'il est autorisé à faire le commerce. b – Le nombre d'associés Selon le principe posé par l'article 982 D.O.C. une société peut être constituée au moins par deux associés. Quant aux sociétés commerciales, le nombre minimal d’associés varie selon le type de société : 5 pour la SA, 3 commanditaires au moins et un ou plusieurs commandités pour la société en commandite par actions, deux pour la SARL et un seul pour la SARL à associé unique et ce, et deux associés pour la SNC. B – LES APPORTS On distingue trois types d’apports. a. Les apports en numéraire Ce sont les espèces (argent) apportées par les associés pour constituer la société. Chaque associé remet aux fondateurs sa quote-part financière lors de la constitution de la société. b. Les apports en nature Ils sont constitués par différents types de biens, autres que le numéraire, susceptibles d’être capitalisés. Ces apports peuvent prendre la forme d’immeubles (bâtiments, terrains, etc.) ou de meubles corporels (ordinateurs, bureaux, machines, véhicules, etc.), ou incorporels (brevets, fonds de commerce, logiciels, etc.) Ces apports doivent faire l’objet d’une évaluation. Pour cela les associés doivent, dans les sociétés autres que les sociétés de personnes, faire appel à des commissaires aux apports chargés de donner, sous leur responsabilité, une valeur à ces apports. c. Les apports en industrie Ils sont constitués par le savoir-faire de certains associés et ne sont possibles que dans les sociétés de personnes et, dans certaines conditions, dans les SARL. N’étant pas saisissables, ils n’entrent pas dans la constitution du capital social (ce sont des apports non capitalisés).

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En revanche, ils donnent droit à une part des bénéfices et rendent leur titulaire responsable des dettes de la société à concurrence de l’évaluation de la valeur de son apport. C – LE PARTAGE DES BENEFICES La société est constituée dans le but de faire des bénéfices ou de profiter d’une économie. Ainsi, chaque associé recevra une part des bénéfices au prorata de ses apports. Ces règles s’appliquent également à la contribution des associés aux pertes. § 2 – LES CONDITIONS DE FORME Pour exister, une société doit remplir des conditions de forme particulières ; elles sont identiques, à peu de chose près, pour toutes les sociétés. A – LES STATUTS C’est l’acte fondateur de la société ; il consiste dans la rédaction et la signature des statuts. En principe, en vertu de l’article 987 D.O.C., le contrat de société est simplement consensuel, c'est-à-dire que seul le consentement des parties est nécessaire pour constituer une société ; cependant, s'agissant des sociétés commerciales, il est obligatoire que les statuts soient établis par écrit. Les statuts peuvent prendre la forme d’acte sous seing privé ou d’acte authentique. Ils contiennent des indications sur : - l’identité de la société (forme, objet social, siège social, durée, capital social, etc.), - celle des associés apporteurs (nom, domicile, types d’apport, montant, etc.), - ainsi que les règles de fonctionnement qui la régissent (gérance, tenue des assemblées, partage des bénéfices, etc.). B - SOUSCRIPTION DU CAPITAL ET LIBERATION DES APPORTS Une société ne peut être constituée que si tous les titres émis sont souscrits par les associés. a - La libération des apports en numéraire La libération est l’exécution de la souscription par la réalisation de l’apport promis, soit en numéraire, soit en nature.

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En principe, la libération des apports se fait en totalité dès la constitution des sociétés. Cependant, les actions en numéraire des S.A. et les parts en numéraire des SARL (si capital il y a) doivent être libérées lors de la souscription au moins du quart de leur valeur nominale, mais il peut être prévu que la libération doit être intégrale dès la souscription. Sinon, s'agissant de la S.A., la libération des 3/4 restants doit intervenir en une ou même en plusieurs fois suivant la décision du conseil d’administration ou du directoire dans un délai qui ne peut dépasser 3 ans à compter de l’immatriculation de la S.A. au RC. Et pour la SARL, la libération du surplus peut intervenir en une ou plusieurs fois sur décision du gérant dans un délai qui ne peut excéder 5 ans à compter de la date d’immatriculation. b - La libération des apports en nature Les apports en nature doivent être intégralement libérés lors de la constitution de toute sorte de société commerciale. Ces apports doivent être transférés à la société en formation, mais après avoir été vérifiés. S'agissant des S.A., les fondateurs désignent un ou plusieurs commissaires aux apports qui établissent un rapport sur l'évaluation des apports en nature. S'agissant de la SARL les commissaires aux apports sont obligatoires: - quand la valeur d’un des apports dépasse 100 000 dh; - et si le total des apports en nature est supérieur à la valeur de la moitié du capital social (article 53). Concernant les sociétés de personnes, l'évaluation des apports ne pose pas de problème vu la responsabilité illimitée des associés. C - LE DEPÔT DES FONDS EN BANQUE Cette formalité n'est prévue que pour les sociétés qui exigent un capital minimum, notamment la S.A. (art. 22) ; la SARL n’est actuellement soumise à cette formalité que lorsque le capital prévu par les associés dépasse 100 000 dhs selon la loi 24-10) (art. 51). Cette formalité a pour objectif d’éviter la création de sociétés à capitaux fictifs.

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En effet, les fonds provenant des souscriptions en numéraire doivent être obligatoirement déposés par les fondateurs au nom de la société en formation, dans les 8 jours de leur réception, dans un compte bancaire bloqué avec la liste des souscripteurs indiquant les sommes versées par chacun d’eux. D - LA DECLARATION DE SOUSCRIPTION ET DE VERSEMENT Cette formalité ne concerne que les S.A. Lorsque le capital est intégralement souscrit et les versements exigés sont effectués de manière régulière, les fondateurs doivent établir une déclaration constatant ces opérations soit par acte notarié, soit par acte sous seing privé ; dans ce dernier cas, l’acte doit être déposé au greffe du tribunal du lieu du siège social74. E – LES FORMALITES DE DEPÔT AU TRIBUNAL Les fondateurs de la société doivent déposer au tribunal du lieu du siège social un certain nombre de pièces notamment : - deux copies ou deux exemplaires des statuts certifiés conformes par le représentant de la société ; - les actes de nomination des premiers dirigeants, - le cas échéant, le rapport du commissaire aux apports etc. F – LA PUBLICITE DE LA CONSTITUTION Afin d’assurer une plus grande transparence de la vie des sociétés et de protéger leurs partenaires commerciaux, des conditions de publicité ont été rendues obligatoires. Après le dépôt des statuts et autres pièces au tribunal, les fondateurs doivent faire une demande d’immatriculation au registre du commerce qui permettra à la société d’acquérir la personnalité morale. Ensuite, dans les 30 jours de l'immatriculation de la société au registre du commerce, les fondateurs doivent faire publier un extrait des statuts dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel. Cet extrait doit mentionner les renseignements essentiels sur la constitution de la nouvelle société (forme,

- On constatera que, contrairement à l’article 1 alinéa 9 de la loi de 1922, la DSV n’est plus obligatoirement notariée. 74

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dénomination, siège social, durée, montant du capital, etc.) ; il doit également contenir le numéro de l'immatriculation de la société au registre de commerce75.

Section 2 – ATTRIBUTS DES SOCIÉTÉS Il s’agit d’étudier successivement les caractéristiques de la société. § 1 – LA DENOMINATION SOCIALE Comme toutes les personnes juridiques, les sociétés s’identifient par un nom ; c’est la dénomination sociale, qui peut être choisie sans limitation de possibilités. Certaines sociétés ont une raison sociale telles que les sociétés civiles. Il s’agit d’une identification qui comprend tout ou partie des noms des associés suivis de «et compagnie», exemple : société BENCHEKROUN, BENJELLOUN et compagnie. Actuellement les sociétés de personnes ne sont plus obligées d'adopter une raison sociale ; quant aux autres sociétés commerciales, elles doivent, obligatoirement, avoir une dénomination sociale. §2 – LE SIEGE SOCIAL ET LA NATIONALITE L'intérêt de la question est double : au niveau national et au niveau international. A – AU NIVEAU NATIONAL

Le siège social, qui doit être mentionné dans les statuts, représente le domicile de la société : - il permet de la localiser pour accomplir certaines opérations (correspondances, impôts, etc.), - les actions en justice contre la société doivent être intentées devant le tribunal de son siège social, - il permet aussi de déterminer le lieu des formalités de dépôt et de publicité.

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Loi 21/05 promulguée par dahir du 14 février 2006 modifiant la loi 5/96, B.O. n° 5400, du 2 mars 2006 et loi 20/05 concernant la S.A.

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- il détermine en outre la nationalité de la société qui est celle du pays où se situe son siège social. L’importance de la nationalité est considérable puisqu’elle définit les lois applicables à la société (formation, fonctionnement, etc.). B

– SUR

LE PLAN INTERNATIONAL

:

SOCIETES INTERNATIONALES ET SOCIETES

multinationales Il existe cependant des sociétés qui ne sont régies par aucune loi nationale, il s'agit des sociétés internationales qui sont comparées par certains auteurs aux personnes physiques apatrides, avec cette différence qu'elles sont créées par des conventions internationales (entre Etats) et régies par leurs seuls statuts sans être rattachées à une loi nationale. On peut citer comme exemples le S.A.S. (Scandinavian Air Lines System), la S.F.I. (Société financière Internationale) etc. A la différence des sociétés internationales, les sociétés multinationales ont plusieurs nationalités. Ce sont des sociétés qui forment un groupe (comprenant une société mère et des filiales76) implanté sur le territoire de plusieurs Etats et chaque unité du groupe bénéficie d'une autonomie juridique. Il s'agit en fait d'une seule personne morale à laquelle les différents États attribuent la nationalité. En réalité, malgré ces différentes nationalités, presque toutes les multinationales sont des sociétés qui n'ont qu'une seule nationalité, celle de la société dominante dont les dirigeants possèdent le pouvoir réel de décision ; c'est le groupe (composé de toutes les unités) qui est qualifié de "multinationale". On citera comme exemples General motors, I.B.M., Nestlé, Air Afrique, etc. §3 – LE PATRIMOINE Le patrimoine de la société se compose de l’actif, constitué par les apports en numéraire et en nature des associés et par les biens acquis par elle à l’occasion de son activité (meubles et immeubles), ainsi que du passif, qui

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Alors qu'une filiale n'a pas de personnalité morale distincte de la société, une succursale est une annexe de l'entreprise gérée par la société mais qui a une personnalité morale propre.

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comprend l’ensemble des dettes de la société (les emprunts, les créances des fournisseurs, les impôts, etc.)77 La société a un patrimoine qui lui est propre. On parle d'autonomie du patrimoine, car il ne se confond pas avec celui des associés. Ainsi, l’actif de la société n’appartient pas aux associés qui sont seulement titulaires de droits pécuniaires et non pécuniaires envers la société par la possession de parts ou d’actions. Les créanciers personnels des associés ne pourront en aucun cas saisir le patrimoine social pour éteindre leurs créances. D’autre part, le passif de la société ne peut être imputé sur le patrimoine des associés à l’exception des sociétés de personnes dans lesquelles la responsabilité des associés est indéfinie.

Section 4 – CLASSIFICATION DES SOCIÉTÉS DE DROIT PRIVE La classification des sociétés de droit privé nécessite de nombreuses distinctions. Outre la distinction entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales, au sein de ces dernières s'opposent les sociétés de personnes aux sociétés de capitaux ; et les SARL y occupent une place particulière. § 1 – SOCIÉTÉS CIVILES ET SOCIÉTÉS COMMERCIALES Les sociétés sont civiles ou commerciales selon la nature de leur activité. Sont civiles, les sociétés dont l’activité est de nature civile (agriculture, pêche etc.) et commerciales, celles qui exercent l’une des activités commerciales prévues par l’article 6 du code de commerce. Toutefois, le législateur a décidé que toutes les sociétés qui prendraient une des formes juridiques suivantes seraient considérées des sociétés commerciales quel que soit leur objet : SA, SARL, Société en Nom Collectif

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- Il ne faut pas confondre patrimoine social et capital social. Alors que le premier comprend et l’actif et le passif de la société, le capital social représente le montant des apports effectués par les associés au profit de la société, il peut être augmenté par de nouveaux apports ou par incorporation de réserves, il peut même parfois être réduit.

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(SNC), Société en Commandite Simple (SCS) ou par actions (SCA). On dit qu’elles sont commerciales par la forme. § 2 – SOCIÉTÉS DE PERSONNES ET SOCIÉTÉS DE CAPITAUX A – LES SOCIETES DE PERSONNES (SNC ET SCS) Ce sont des sociétés qui se caractérisent par : - la prédominance du facteur personnel (l’intuitu personae) dans leur constitution et leur fonctionnement ; - l’engagement des associés au-delà de leurs apports, leur responsabilité sera illimitée, c'est-à-dire solidaire et indéfinie ; - en contrepartie de leur apport, les associés reçoivent des parts d’intérêts ou parts sociales, qui sont des valeurs non négociables, c'est-à-dire qu’elles ne sont cessibles que par la voie civile. B – LES SOCIETES DE CAPITAUX OU PAR ACTIONS (SA ET SCA) Dans ce type de sociétés : - la considération de la personne est indifférente, la somme des apports individuels compte plus que la personne des apporteurs ; - chaque associé n’est tenu que jusqu’à concurrence de son apport ; - les associés reçoivent des actions qui sont négociables. § 3 – LA SARL C’est une société à mi-chemin entre les deux groupes précédents : - comme dans les sociétés de capitaux, les associés ne sont engagés que jusqu’à concurrence de leurs apports ; - comme dans les sociétés de personnes, les associés se connaissent (intuitu personae) ; - et les parts sociales ne sont pas négociables.

TABLEAU COMPARATIF DES CARACTERISTIQUES DES SOCIETES COMMERCIALES LES SOCIETES DE PERSONNES

LES SOCIETES DE LA SARL

S.N.C. + SCS

CAPITAUX S.A + SCA

Intuitu personae

Intuitu personae

Les apports (capital)

Responsabilité illimitée

Responsabilité limitée

Responsabilité limitée

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Parts sociales

Parts sociables

Actions

(non négociables)

(non négociables)

(négociables)

§ 4 – LES SOCIÉTÉS SANS PERSONNALITE Dépourvues de la personnalité juridique, ces sociétés ont la qualité civile lorsqu’elles ont pour objet une activité civile, mais lorsqu’il est commercial, elles sont régies par les dispositions relatives à la SNC. Il s’agit de la société en participation et de la société créée de fait qu'il ne faut pas confondre avec la société de fait. A – LA SOCIETE EN PARTICIPATION Réglementée par la loi 5/96 (articles 88 à 91), la société en participation est la plus simple des sociétés dans la mesure où la loi n’exige pour sa constitution aucune condition de forme, ni de publicité ; de plus, elle n’a pas de personnalité morale puisqu’elle n’est pas soumise à l’immatriculation (art 88), elle est donc dépourvue de dénomination ou raison sociale, de siège social et de patrimoine social. La société en participation n'est pas destinée à être connue des tiers, elle n'a d'existence que dans les rapports entre associés. Elle peut être créée de fait78. L'intérêt de cette société est grand pour les personnes qui ne désirent pas dévoiler leur société. La société en participation peut être utilisée de manières très diverses, allant de l'achat d'un objet déterminé (coûteux) jusqu'à l'association entre des sociétés industrielles très puissantes (par exemple pour la réalisation d'un projet commun nécessitant des fonds très importants); cette structure est utilisée même par les banques pour former un pool entre elles afin de financer une transaction sollicitant des fonds considérables.

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C'est-à-dire sans avoir l'intention de créer une société en participation.

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"La pratique montre bien que la société en participation est essentiellement utilisée sur des projets à durée déterminée sur une courte période ou limités à une opération spécifique"79. Selon l'article 89 de la loi 5/96, l'objet, les droits et les obligations des associés et les conditions de gérance de la société sont convenus librement par les associés, à condition de respecter les dispositions de contrat de société prévues par le D.O.C. Les apports des associés, qui sont censés rester la propriété des apporteurs, ne deviennent pas la propriété de la société, ils sont simplement remis au gérant, de même les bénéfices tombent dans le patrimoine du gérant qui devient le débiteur des associés. Le gérant traite les affaires de la société en son nom personnel ; toutefois, la société peut être connue des tiers (ostensible) et dans le cas contraire, elle est occulte80. Étant donné le caractère occulte de la société, les associés ne peuvent pas tous assurer la gérance de la société, ils ne peuvent accomplir que des actes de gestion interne. Le gérant, étant censé agir en son nom personnel, il est seul engagé à l'égard des tiers. Mais si les associés agissent en leur qualité d'associés avec les tiers, ils révèlent ainsi leur société (par exemple ouvrir un compte au nom de la société ou faire révéler un nom social sur les documents de la société, etc.), la société devient alors ostensible. Dans ce cas, si l'objet social est commercial, la société en participation se transforme en société en nom collectif avec la responsabilité indéfinie et solidaire des associés ; sinon, elle est civile. Les associés sont donc liés par un contrat de société qu’ils doivent respecter de la même façon que dans les autres sociétés.

79

Mamouni D. thèse précitée, n° 40. - C’est pourquoi le législateur n’en exige aucune formalité de publicité. Ce caractère occulte ne joue qu’à l’égard des tiers et non pas vis-à-vis de l’administration fiscale ; la société doit se faire déclarer. En effet, les bénéfices réalisés sont soumis à l’impôt sur les sociétés si un seul associé est une personne morale, et à l’impôt sur le revenu si tous les participants sont des personnes physiques; néanmoins ces derniers peuvent décider de soumettre leur société à l’impôt sur les sociétés. 80

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B –SOCIETE CREEE DE FAIT / SOCIETE DE FAIT - La société de fait est une société dont les associés ont voulu agir en tant qu’associés, mais dont la société a continué de fonctionner tout en étant entachée d’un vice de constitution, par exemple défaut d’un élément constitutif essentiel qui entraîne l’annulation du contrat de société. Avant sa nullité cette société a pu prendre une des formes des sociétés (par exemple une SA, une SARL, etc.), elle a pu être immatriculée au registre de commerce et partant avoir déjà acquis la personnalité juridique. Cette nullité n'a cependant d'effet que sur l'avenir, les actes antérieurement effectués sont valables, cette nullité étant inopposable aux tiers. Cette théorie jurisprudentielle qui a pour utilité de valider les actes antérieurement accomplis par la société81, a perdu tout son intérêt depuis la loi 17/95 relatives aux S.A. qui dispose dans son article 346 que "lorsque la nullité de la société est prononcée celle-ci se trouve de plein droit dissoute sans rétroactivité". (Cet article est applicable à toutes les autres sociétés par renvoi de l'article 1 de la loi 5/96) - La société créée de fait est une société dont les associés se sont comportés, en fait, comme des associés sans qu’ils en soient conscients, c'està-dire sans avoir voulu créer une société. C’est une société dont tous les éléments fondamentaux du contrat de société sont réunis mais, contrairement à la société de fait, elle n'a jamais acquis la personnalité morale. "Si la preuve de l’existence d’une société créée de fait peut se faire par tous les moyens conformément à l’alinéa troisième de l’article 88 de la loi 5-96, dans la pratique, cette fiction ne trouve d’intérêt à être percée à jour, que dans deux situations. En premier lieu lorsque la relation entre les partenaires devient conflictuelle et que l’un d’entre eux a intérêt à prouver l’existence d’une société créée de fait pour en obtenir la liquidation et le partage du boni qui en résultera.

81

Voir cour d'appel de Casablanca 10-XIII- 1985, GTM, N;S;, 1986, n°45, p. 422 qui avait jugé que "l'une des conséquences de ce jugement (prononçant la nullité) est qu'il en fait une société de fait"

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Dans ce cas, le partenaire doit prouver l'existence de toutes les conditions constitutives de la société.

En second lieu lorsque la demande vient de la part d’un créancier qui souhaitant être désintéressé recourt à cette technique de la société créée de fait qui « entraine une véritable responsabilité collective » des partenaires se retrouvant ainsi solidairement tenus aux dettes sociales"82. La jurisprudence a estimé en effet que " Si l’existence effective d’une société de fait exige la réunion des trois éléments constitutifs de toute société (existence d’apports, intention des parties de s’associer, vocation des parties à participer aux bénéfices et aux pertes), l’apparence d’une société de fait s’apprécie globalement, indépendamment de l’existence apparente de chacun de ces éléments83 ». Après sa découverte, cette société sera considérée comme société de droit commun, mais si elle exerce une activité commerciale, elle sera considérée comme une société en nom collectif entraînant la responsabilité indéfinie et solidaire des associés.

CHAPITRE 2 – LES SOCIÉTÉS DE PERSONNES Il s'agit de la société en nom collectif et de la société en commandite simple.

Section 1 – LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF La SNC est régie par les articles 3 à 18 de la loi 5/96.

82

Mamouni D. La liberté contractuelle en droit des sociétés", Thèse de doctorat, Université Mohammed V, FSJES Rabat 83

Civ. 1ère, 13 nov. 1980, D. 1981. 541, note Calais-Auloy, Com. 3 nov. 1988, Bull. civ. IV, no 289.

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§ 1 – LES CARACTERES GENERAUX A – LE CAPITAL ET LA RESPONSABILITÉ Elle ne nécessite pas de capital minimal. Les apports peuvent être faits en numéraire, en nature ou en industrie ; ils donnent droit à l’attribution de parts sociales d’égale valeur choisie par les associés. Toutefois, la responsabilité des associés constitue une contrepartie à la faiblesse de ce capital ; en effet, ces derniers sont responsables indéfiniment et solidairement des dettes de la société. B – LA CAPACITÉ DES ASSOCIÉS L’article 3 de la loi 5/96 considère que tous les associés de la SNC ont la qualité de commerçant. Partant, la capacité commerciale est requise des associés. De fait, certaines catégories de personnes ne peuvent être associées dans la SNC ; ce sont : - les mineurs, même émancipés, s’ils ne sont pas autorisés à faire le commerce ; - les majeurs interdits ; - les personnes dont la profession n’est pas compatible avec la qualité de commerçant (avocat, fonctionnaire, etc.) ; - les personnes dont l’activité commerciale se trouve interdite à raison d’une incapacité ou d’une déchéance. § 2 – LA GESTION DES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF A – LES CONDITIONS DE LA GERANCE Le fonctionnement de la société est assuré par un ou plusieurs gérants nommés dans les statuts (gérant statutaire) ou par acte ultérieur. Sans stipulation des statuts, tous les associés sont gérants84. Si le gérant est associé, sa nomination requiert l’unanimité ; dans le cas contraire, les statuts fixent librement les conditions de sa nomination.

84

Il faut par exemple mentionner dans les statuts que "la société sera dirigée par un ou deux ou trois…gérants nommés par assemblée générale…" ; à défaut d'une disposition de ce genre, tous les associés seront considérés des gérants.

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Le gérant peut être une personne physique ou morale, dans ce dernier cas, la personne morale doit désigner son représentant qui sera responsable de la même manière que les personnes physiques. Le gérant doit avoir la capacité de faire le commerce, qu'il soit associé ou non ; mais n’est pas obligatoirement commerçant dans le cas où il ne ferait pas partie de la société (il n'est dans ce cas que mandataire). Il lui est possible de cumuler plusieurs mandats de gérant dans plusieurs sociétés ; mais il lui est interdit d'exercer une activité similaire à celle de la société, sauf s'il est autorisé par les associés. Sa rémunération est fixée par les statuts ou par décision ultérieure des associés. B – LES POUVOIRS DU GERANT Il est habituel de distinguer les pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les associés et dans ses rapports avec les tiers. a - Les pouvoirs du gérant face à ses associés Dans les rapports avec les associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société ; toutefois, les statuts prévoient souvent une limitation de ses pouvoirs en soumettant certains actes à l’autorisation préalable des associés (vente d’immeubles, dépenses excessives, constitutions de sûretés, etc.). b - Les pouvoirs du gérant face aux tiers Dans ses rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes qui entrent dans le cadre de l’objet social, par conséquent, et contrairement à la SARL, la société n'est pas tenue par les actes du gérant qui dépassent l'objet social. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers. § 3 - LES REGLES CONERNANT LES ASSOCIÉS A – LA CESSION DES PARTS L’associé qui veut vendre ses parts sociales doit obtenir l’autorisation de tous les autres associés. En effet, dans les sociétés de personnes où

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associés sont peu nombreux, ces derniers doivent se protéger contre l’intrusion de personnes indésirables dans la mesure où «l’intuitu personae» est très fort.

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Lorsque l’agrément est refusé, l’associé doit rester dans la société ou provoquer sa dissolution par une décision de justice pour "justes motifs". B - LA RESPONSABILITÉ DES ASSOCIÉS En cas de non-paiement des dettes par la société et 8 jours85 après la mise en demeure de celle – ci par acte extrajudiciaire86, les créanciers peuvent poursuivre les associés en paiement de l’intégralité du passif. La responsabilité étant solidaire et indéfinie, les associés peuvent être tenus de payer l’ensemble des dettes sur leurs biens personnels et un associé risque, s’il est solvable, de payer les dettes des autres associés insolvables (c'est-à-dire toute la dette sociale). Il aura toutefois par la suite la possibilité de se retourner contre eux pour récupérer les sommes payées indûment (action récursoire).

Section 2 - LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE La société en commandite simple est réglementée par les articles 19 à 30 de la loi 5/96 et par certaines dispositions qui régissent la SNC. § 1 - LES CARACTERES GENERAUX A- LES ASSOCIÉS La société en commandite simple (ou société par intérêt) est une société de personnes qui se caractérise par la coexistence de deux catégories d'associés : •

des commandités qui ont le statut d'associés en nom collectif



et des commanditaires qui ne répondent des dettes sociales qu'à concurrence du montant de leur apport et qui n'ont pas, à ce titre, la qualité de commerçant (article 20 loi 5/96).

Pour être valablement constituée, elle doit comprendre au moins deux associés : un commandité et un commanditaire. Pour être commanditaire, il suffit donc d'avoir la capacité civile.

85

- Ce délai peut être prolongé par ordonnance du président du tribunal, statuant en référé, une seule fois et pour la même durée (article 3 alinéa 2). 86 - Il s’agit d’un acte dressé par un auxiliaire de justice (avocat, huissier de justice, etc.) en dehors de toute procédure, c'est - à - dire avant toute action en justice.

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B - LES APPORTS ET LE CAPITAL Les commandités ont la possibilité de réaliser toute sorte d'apport, y compris en industrie ; par contre, il est interdit aux commanditaires de faire des apports en industrie. La société en commandite simple ne nécessite pas non plus de capital minimum puisque les commandités sont responsables solidairement et indéfiniment ; ce qui constitue une garantie suffisante pour les créanciers sociaux. § 2 - LA GESTION DE LA SCS En ce qui concerne la gestion, ce sont les mêmes règles de la société en nom collectif qui s'appliquent à la société en commandite simple87. Dans la mesure où les commandités sont les seuls à être responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales, seuls leurs noms peuvent figurer dans la dénomination sociale et ils sont les seuls à pouvoir s'occuper de la gestion de la société. Quant aux commanditaires, ils ne peuvent jamais être chargés de la gestion puisqu'aux termes de l'article 25 "l'associé commanditaire ne peut faire aucun acte de gestion engageant la société vis-à-vis des tiers, même en vertu d'une procuration" sous peine de répondre solidairement et indéfiniment avec les commandités des dettes sociales qui résultent des actes prohibés ou même de l'ensemble des dettes si ces actes sont nombreux ou importants. Leur pouvoir se limite donc aux décisions collectives.

87

Y compris la question relative au dépassement de l'objet social et des limites statutaires.

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CHAPITRE 3 – LA S A R L Actuellement, elle est régie par les articles 44 à 87 de la loi 5/96. La SARL est considérée comme une société hybride dans la mesure où elle possède certaines caractéristiques des sociétés de personnes et d’autres des sociétés de capitaux. Depuis la loi 5/96, il est devenu possible de créer une SARL à «associé unique».

Section 1 – CARACTERES GENERAUX § 1 – CAPITAL ET RESPONSABILITE A – LE CAPITAL ET LES APPORTS Fixé par la loi 5/96 à 100 000 dh, le capital minimum de la SARL a été réduit à 10 000 dhs en 200688 "afin de lutter contre l’informel". Malgré la modicité de ce capital, la loi 24-10 a estimé qu’il « constitue une barrière à l’entrée pour les entrepreneurs qui souhaitent formaliser leur activité sous la forme sociétale », C'est pour cette raison qu'elle a carrément supprimé le capital social minimum. "Le capital de la société à responsabilité limitée est librement fixé par les associés dans les statuts", prévoit le nouvel art. 46. Et la note de présentation de la loi 24-10 de préciser que "la présente loi vient confirmer la volonté du gouvernement de faciliter et simplifier la création de la société à responsabilité limitée en supprimant l’exigence d’un capital minimum". L’absence d’un capital social minimal va purement et simplement pousser dans la pratique les créanciers à réclamer plus de garanties sur les biens personnels des associés ou des gérants. De toutes les manières, en pratique, le capital social ne constitue en rien la garantie des créanciers sociaux puisque « les apports effectués pour constituer le capital peuvent être librement utilisés et être entièrement dépensés ou investis juste après la constitution » relève la note de présentation de la nouvelle loi.

88

Depuis la loi 21/05 promulguée par dahir du 14 février 2006, B.O. n° 5400 du 2 mars 2006.

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Mais alors que la valeur nominale des parts sociales était fixée initialement à 100 dh, ensuite à 10 dh, la loi 24-10 prévoit seulement que le capital social est divisé en parts sociales à valeur nominale égale, ce qui veut dire qu’il appartiendra désormais aux associés de déterminer la valeur nominale en risquant, éventuellement, de se retrouver avec des SARL à capital dérisoire (soit même 1 dirham) et avec une responsabilité limitée. La société ne peut donc pas avoir un capital nul. Mais les associés peuvent constituer un capital avec une somme symbolique89. Par ailleurs, en considérant la responsabilité limitée des associés, les apports en industrie sont interdits dans la SARL (Art. 51 al. 2). Tout en supprimant le capital social minimum, la loi 24-10 continue quand même à interdire les apports en industrie dans la SARL (Art. 51 al. 3) 90. Toutefois, une exception à cette interdiction avait été introduite en droit français par la loi du 10 juillet 1982 afin de permettre la constitution de SARL entre époux91, elle concerne les conjoints de commerçants et d'artisans qui travaillent dans l'entreprise familiale. Bien que les entreprises conjugales ne sont pas de tradition au Maroc, contrairement à la France où elles sont très courantes, la loi 5/96 a quand même, à toute fin utile, adopté cette exception qui est d'ailleurs assorties d'un certain nombre de conditions : 1° l'apport en industrie ne peut être effectué que si la SARL a pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce ou d'une entreprise artisanale92: * soit que ce fonds ou cette entreprise artisanale aient été apportés à la société en nature ;

89

Néanmoins en pratique le capital souscrit doit au moins couvrir les premières charges de la société. 90 Signalons qu'en France depuis la loi du 15/5/2001 le capital de la SARL peut être composé d'apports en industrie. 91 - Rappelons que depuis la loi du 23/12/1985, il est permis de constituer société entre époux en France. 92 - Ce qui exclue les sociétés exerçant une activité agricole ou libérale, V. MERLE (Ph), Droit commercial, Sociétés commerciales, 3ème édition, Paris, Précis Dalloz, 1992, n° 181 et de JUGLART (M) et IPPOLITO (B), Cours de droit commercial, Les sociétés commerciales, 2ème volume, 8ème édition, Paris, MONTCHRESTIEN, 1988, p. 682.

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* soit qu'ils aient été créés par la société à partir d'éléments corporels ou incorporels qui sont apportés en nature à la SARL93 ; 2° seul l'apporteur94 du fonds ou de l'entreprise artisanale ou de certains éléments seulement, dans le cas où le fonds est créé par la société, peut apporter son industrie ; 3° à la condition que l'activité principale de cet apporteur (ou de son conjoint) soit liée à la réalisation de l'objet social (c'est-à-dire du fonds de commerce ou de l'entreprise artisanale)95. B – LA RESPONSABILITE DES ASSOCIES L’avantage de ce type de société consiste dans la responsabilité des associés qui est limitée au montant de leurs apports. En cas de difficultés, leur patrimoine personnel ne sera pas mis en cause comme dans les SNC. Cependant, en pratique, cette limitation de responsabilité est souvent mise en échec par le mécanisme du cautionnement bancaire demandé aux associés, qui subordonne les prêts octroyés aux entreprises à la mise en œuvre d’une telle garantie. En outre cette limitation de responsabilité peut être écartée en cas de faute de faute de gestion du gérant en cas de redressement et de liquidation judiciaire de la société. § 2 – CAPACITE ET OBJET SOCIAL A – LA CAPACITÉ DES ASSOCIÉS Le nombre d’associés est limité à 50 ; au-delà de ce seuil, la SARL doit se transformer en SA. À défaut de régularisation dans les deux ans, la SARL sera dissoute de plein droit. Pour devenir associé, la capacité civile suffit, contrairement à la SNC dans laquelle la qualité de commerçant est indispensable.

93

- Ce qui exclue les apports en nature lorsque la société achète un fonds de commerce ou lorsqu'elle le crée en constituant tous ses éléments elle-même, c'est-à-dire sans recevoir en apport aucun élément ni corporel, ni incorporel par un apporteur. 94 - Ou son conjoint, bien entendu, puisque c'est là le but de l'introduction en France de cette exception à la règle. 95 - C'est à juste titre que G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité élémentaire de droit commercial, T.I, 14ème éd., Paris, L.G.D.J., 1991 n° 924, considèrent que les parts, représentatives d'un apport lié à l'activité professionnelle de l'apporteur, sont incessibles et intransmissibles, et doivent être annulées lorsque leur titulaire quitte la société.

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B – L'OBJET SOCIAL Certaines activités sont interdites à la SARL, l'article 44 al. 2 de la loi dispose à ce sujet que les sociétés notamment de banque, du crédit, de l’assurance, etc. ne peuvent adopter la forme de la SARL. Cette dérogation au principe libéral s'explique par une certaine crainte du législateur quant au crédit et à la solvabilité d'une telle société.

Section 2 – LA GESTION DE LA S.A.R.L. § 1 – LE GERANT A – LES CONDITIONS DE LA GÉRANCE La SARL est dirigée par un ou plusieurs gérants, qui est obligatoirement une personne physique96, associé ou non97. D’autre part, certaines professions sont incompatibles avec la fonction de gérant (les fonctionnaires par exemple). Le cumul de mandats de gérant dans deux ou plusieurs SARL est possible. Mais il est interdit au gérant d'exercer une activité similaire à celle de la société, à moins qu'il ne soit autorisé par les associés. La durée des fonctions de gérant relève des statuts ou de l’acte de nomination, à défaut, elle est légalement fixée à 3 ans. Sa rémunération est fixée par les statuts ou par décision ultérieure des associés. B – LA CESSATION DES FONCTIONS DE GÉRANT Le gérant de la SARL a la possibilité de démissionner et les associés peuvent le révoquer par décision représentant au moins trois quarts des parts sociales (art. 69). § 2 – POUVOIRS DES GERANTS Ils sont identiques à ceux des gérants de la SNC (v. art. 63).

96

- On verra plus loin qu'il en est de même en ce qui concerne les SA pour le président du conseil d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président et le viceprésident du conseil de surveillance ainsi que pour les membres du directoire. 97 - Cette possibilité de nommer un gérant étranger est très utile lorsque tous les associés sont des personnes morales.

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Il existe toutefois une différence quant à l’engagement de la société vis-àvis des tiers. En effet, si pour la SNC la société est engagée dans la limite de l’objet social, la SARL se trouve tenue de tous les actes de gestion du gérant même s’ils dépassent l’objet social. Les limites statutaires des pouvoirs du gérant sont inopposables aux tiers.

Section 3 – LA SITUATION DES ASSOCIÉS § 2 – LES POUVOIRS DES ASSOCIÉS A l’occasion des assemblées générales, les associés vont pouvoir pleinement exercer leur pouvoir. En effet, leur vote permettra d’orienter l’activité de la société comme ils le souhaitent. Il existe deux types d’assemblées (ordinaire et extraordinaire). A – L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE ANNUELLE Elle doit se tenir dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice. L’assemblée est convoquée soit par le gérant, soit par un commissaire aux comptes en cas de problème. Elle a pour fonction principale l’approbation des comptes annuels, mais de nombreuses autres décisions peuvent être prises par les associés à cette occasion (nomination et révocation du gérant, etc.). Le nombre de voix dont bénéficie chaque associé est équivalent au nombre de parts détenues98 et les décisions sont prises par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales. B – L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE Ce deuxième type d’assemblée permet de modifier les statuts. L’assemblée générale extraordinaire concerne toutes les décisions importantes qui doivent être prises à une forte majorité. Toute modification des statuts sera décidée par les associés représentant au moins les trois quarts du capital social (article 75).

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C'est-à-dire que chaque associé dispose d'un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu'il détient.

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Cette majorité est nécessaire car les décisions prises peuvent entraîner des conséquences graves pour la société, et par conséquent pour les intérêts des associés (changement de dénomination, de siège social, fusion, dissolution, etc.). § 3 – LA RESPONSABILITE DES ASSOCIÉS Contrairement à la SNC, la responsabilité des associés est limitée à leurs apports. Dans ces conditions, le montant de leurs pertes ne peut dépasser ce qu’ils ont engagé dans la société. Dans la pratique, les dettes étant reportées chaque année sur l’exercice suivant, cette responsabilité ne sera réellement mise en jeu qu’à la dissolution de la société ou après le paiement des dettes (l’apurement du passif social) ; chaque associé retrouvera alors tout ou partie de son apport (ou même quelque fois rien), mesurant ainsi l’étendue de sa responsabilité.

CHAPITRE 4 – LA SOCIETE ANONYME La SA représente l’archétype des sociétés de capitaux. Apparue au XIXème siècle à une époque d’expansion économique due à la révolution industrielle, où la recherche et la mise en commun de capitaux importants étaient indispensables afin de créer des entreprises de grande taille rendues obligatoires par les avancées technologiques générées par le progrès scientifique. Actuellement nous disposons d’une loi spéciale consacrée à la seule SA, il s’agit de la loi n°17-95 promulguée par dahir n° 1-96-124 du 30 août 199699.

Section 1 – LES CARCTERES GENERAUX Comme pour toute société, la S.A. obéit pour sa constitution à des conditions de forme (V. pour ces dernières, chapitre 1) et des conditions de fond. 1 – La qualité d’associés : Le nombre des associés d’une SA doit être au minimum de 5 ; il n’existe pas de maximum comme pour la SARL. La capacité civile suffit : de fait, toute personne physique ou morale, marocaine ou étrangère peut acquérir des actions d’une SA.

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- B.O. n° 4422 du 17/10/1996, p. 661.

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2 – Le capital social : Le montant des apports doit être au moins égal à 300 000 dh lorsque la société ne fait pas appel public à l’épargne et à 3 millions de dh lorsqu’elle fait appel public à l’épargne, c'est-à-dire quand les fondateurs utilisent des moyens publicitaires pour inciter des personnes à devenir leurs associés. Le capital social est divisé en actions dont le montant nominal ne peut être inférieur à 50 dh, et à 10 dh pour les sociétés dont les titres sont cotés en bourse (art. 246 al. 3 modifié par la loi 20/05). Alors que la valeur nominale était de 100 dh, les pouvoirs publics ont expliqué cette baisse par le fait de rendre les S.A. accessibles à un large éventail d'épargnants et donc de redynamiser le marché boursier marocain. Or, dans la réalité, le droit de souscription aux sociétés nouvellement introduites à la cote de Casablanca n'a jamais atteint ce niveau de prix (10 dh) ! 3 – Les apports : Les associés qu’on nomme des actionnaires peuvent faire des apports en numéraire et en nature100, les apports en industrie étant interdits. La contrepartie des apports est représentée par des titres négociables qu’on appelle des actions ; ces dernières peuvent être cotées en bourse. Par conséquent, toute personne peut acheter ou céder librement les actions qu’elle détient sur ce marché par l’intermédiaire des sociétés de bourse101. 4 – L’objet social : La forme de la SA est imposée pour certaines activités économiques : l’activité

bancaire, les entreprises d’investissement, les

entreprises de crédit immobilier.

Section 2 – LA GESTION DE LA SA La nouvelle loi offre désormais un choix entre deux types de gestion de la SA : un mode traditionnel avec un conseil d’administration et son président, et un type nouveau, avec un directoire et un conseil de surveillance, repris sur la législation française elle-même inspirée du droit allemand.

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V. introduction La loi 20/05 a interdit de soumettre la négociabilité des actions cotées en bourse à l'agrément des actionnaires (art.255). 101

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En introduisant ce nouveau type de gestion, le législateur français avait pour but de faire introduire dans le directoire (qui est - contrairement au conseil d’administration ouvert aux non – actionnaires) les salariés de l’entreprise et plus particulièrement les hauts cadres. Il est cependant étonnant qu’en France plus de 99% des SA utilisent le mode traditionnel d’administration et moins de 1% ont recours au nouveau système avec directoire et conseil de surveillance. Les SA ont le libre choix entre ces deux modes de gestion. Nous envisagerons donc dans cette section d’abord, le type traditionnel d’administration, ensuite, le type moderne. §1

- LA SA AVEC CONSEIL D’ADMINISTRATION

A- LE CONSEIL D’ADMINISTRATION a – Composition Le nombre des membres qui composent le conseil d’administration est fixé entre 3 et 12 administrateurs ; toutefois, dans les sociétés dont les actions sont inscrites à la cote de la bourse des valeurs, ce maximum est porté à 15 administrateurs. Les membres du conseil font partie de la société, ce sont donc des actionnaires. Ils doivent posséder la capacité civile sans avoir la qualité de commerçant ; néanmoins, comme pour les gérants, d’autres conditions sont à respecter. Ce sont des personnes physiques ou morales qui, dans ce cas, doivent se faire représenter par un représentant permanent; il n’est pas obligé que les administrateurs soient de nationalité marocaine ; ils peuvent cumuler, sans limite, plusieurs mandats d’administrateur. Un salarié de la société peut être nommé administrateur, à condition que son contrat de travail, stipule l’article 43, corresponde à un emploi effectif 102 sous

- C’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un lien de subordination entre le salarié et la société et, suivant la jurisprudence française, le contrat de travail doit être « sérieux et sincère ». Mais, comme le législateur n’a pas exigé un délai minimum d’ancienneté du contrat de travail, rien 102

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peine de nullité de sa nomination, d’autant plus qu’il ne doit pas perdre les bénéfices de son contrat de travail, autrement dit, il doit continuer à percevoir son salaire, d’acquérir l’ancienneté. Mais le nombre des administrateurs salariés de la société, en vertu d’un contrat de travail, ne peut toutefois pas dépasser le 1/3 des membres du conseil d’administration ; on remarquera cependant que la loi ne prévoit pas de sanction en cas de dépassement ! Il y a lieu de penser que les nominations excédentaires peuvent être frappées de nullité. b – Les pouvoirs du conseil d’administration Actuellement, le conseil d'administration se contente de : -

déterminer les orientations de l'activité de la société et veiller à leur application ;

-

régler, par ses délibérations, les affaires de la société ;

-

et procéder aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns.

-

peut se saisir de toute question intéressant la bonne marche de la société. Il est actuellement possible pour les administrateurs de participer à

distance aux réunions du conseil d'administration par les moyens de visioconférence103 et même de prendre part au vote de certaines décisions (art. 50)104. B – LA DIRECTION GENERALE DE LA SOCIETE : LE PDG OU LE DG Dans sa nouvelle rédaction l'article 67 laisse le choix au conseil d'administration, et dans les conditions fixées dans les statuts 105, de confier la direction générale de la société soit au président du conseil d'administration

n’interdit à l’intéressé de décrocher de la société un contrat de travail juste avant sa nomination au poste d’administrateur. 103 Surtout pour les sociétés qui ont plusieurs filiales. 104 En effet, certaines décisions importantes ne peuvent être prises par voie de visioconférence, telles que l'élection du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, la nomination du directeur général et des directeurs généraux délégués ou du directoire ainsi que leur révocation, l'établissement du rapport annuel de gestion. 105 - En cas de silence des statuts, stipule l'article 67dans sa nouvelle rédaction, la direction générale est assurée par le président du conseil d'administration.

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(sous le titre de président directeur général), soit à une personne physique : le directeur général106. a – Le directeur général et ses directeurs généraux délégués 1. Statut Le directeur général est une personne physique nommée par le conseil d'administration parmi les actionnaires ou à l’extérieur de la société. Il peut donc être un salarié de la société. La durée de sa fonction et sa rémunération sont fixées par le conseil107. Le directeur général peut se faire assister d'un ou plusieurs directeurs généraux

délégués

(personnes

physiques)

mandatés

par

le

conseil

d'administration. La révocation du directeur général ou du directeur général délégué peut intervenir à tout moment, mais elle peut donner lieur à des dommages intérêts si elle est décidée sans juste motif. Cependant, cette révocation ne donne pas lieu à la résiliation de leur contrat de travail s'ils sont en même temps salariés de la société. 2 - Pouvoirs Le directeur général assume sous sa responsabilité la direction générale de la société. Il la représente dans ses rapports avec les tiers. Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société. Il engage la société même pour les actes qui dépassent l’objet social. Les limites statutaires ou celles fixées par le conseil d'administration sont inopposables aux tiers. L'étendue et la durée des pouvoirs des directeurs généraux délégués vis-à-vis de la société sont déterminées par le conseil d'administration sur proposition du directeur général. Mais à l'égard des tiers, ils disposent des mêmes pouvoirs que le directeur général.

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- Une fois le choix fait, le conseil d'administration doit en informer la prochaine assemblée générale et procéder aux formalités de dépôt, de publicité et d'inscription au registre de commerce. 107 - Si le directeur général est un administrateur, la durée de ses fonctions ne peut pas excéder celle de son mandant.

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b – Le président du conseil d'administration 1. Statut L’article 63 exige que le président soit élu par le conseil d’administration exclusivement en son sein ; il doit donc obligatoirement, à peine de nullité de sa nomination, être un administrateur de la société et être une personne physique ; la durée de sa présidence ne peut excéder celle de son mandat d’administrateur, mais il est rééligible108. Il peut également être révoqué "ad nutum" par le conseil d'administration. Comme il est administrateur, il peut aussi être révoqué en tant que tel par l'assemblée générale et il sera indirectement mis fin à sa fonction de président. La révocation ou la cessation de fonction du président, pour être opposable aux tiers, doit faire l'objet d'une inscription au registre de commerce. 2. Pouvoirs Le président du conseil d'administration, s'il n'est pas en même temps PDG, il n'est plus investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, il ne représente plus la société dans ses rapports avec les tiers ; il se contente désormais de : -

représenter le conseil d'administration ;

-

organiser et diriger ses travaux, et en rendre compte à l'assemblée générale ;

-

veiller au bon fonctionnement des organes de la société et de s'assurer que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission. Ce n'est que dans le cas où les statuts gardent le silence sur le choix laissé

au conseil d'administration relatif à la formule de gestion, c'est-à-dire le recours à la nomination d'un directeur général, que le président se charge de la direction générale de la société, mais dans ce cas, sous le nom de Président Directeur Général (PDG).

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- A la différence de la loi française qui fixe à 2 le nombre de mandats que le président peut exercer simultanément dans des SA, la loi 17/95 n’interdit guère le cumul de mandats, elle ne prévoit non plus aucune limite d’âge, alors qu’en France cette limite est de 65 ans à défaut de disposition statutaire.

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Et lorsque le président assure la direction générale de la société, ce sont alors les mêmes dispositions concernant les pouvoirs du directeur général qui s'appliquent. § 2 – LA S.A AVEC DIRECTOIRE ET CONSEIL DE SURVEILLANCE A – LE DIRECTOIRE a – Conditions Le directoire ne peut comprendre plus de 5 membres appelés directeurs, 7 si les actions de la société sont cotées à la bourse, mais lorsque le capital ne dépasse pas 1 500 000 dh, les fonctions du directoire peuvent être exercées par un directeur unique. Ils sont nommés par le conseil de surveillance pour une durée de 4 ans à défaut de dispositions statutaires (art. 81). Ce sont obligatoirement des personnes physiques (sous peine de nullité de leur nomination) qui, à la différence des administrateurs, peuvent être choisies en dehors des actionnaires. Ils peuvent donc être choisis parmi les salariés de la société, c'est d'ailleurs l'essence même de ce mode d'administration. Afin d’assurer l’indépendance du directoire par rapport au conseil de surveillance, une règle est posée par la loi sur les SA : le non-cumul de fonctions dans les deux organes. L’article 86 interdit formellement, en effet, aux membres de ce dernier de siéger au directoire et s’il arrive qu’un membre du conseil de surveillance soit désigné au directoire, sa nomination ne serait pas nulle, mais il serait simplement et automatiquement mis fin à son mandat au sein du conseil de surveillance dès son entrée en fonction. Et, lorsqu'une personne morale membre du conseil de surveillance est représentée par une personne physique, il est interdit à cette dernière de faire partie du directoire. C’est l’acte de nomination établi par le conseil de surveillance qui fixe le montant et le mode de rémunération de chacun des membres du directoire. Lorsqu’un salarié devient membre du directoire, il ne perd pas le bénéfice de son contrat de travail, par conséquent, rien n’empêche à ce qu’il perçoive un salaire en plus de sa rémunération en tant que membre du directoire.

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b – Cessation des fonctions Par dérogation à la règle du parallélisme des pouvoirs, les membres du directoire, qui sont nommés par le conseil de surveillance sont révoqués par l’assemblée ordinaire des actionnaires ; ils ne peuvent cependant être révoqués par le conseil de surveillance que si les statuts le prévoient. Contrairement encore aux administrateurs, qui peuvent être révoqués ad nutum, la révocation des membres du directoire donne lieu à des dommages intérêts si elle n’intervient pas pour justes motifs. c – Pouvoirs du directoire Ils sont identiques à ceux du directeur général (étendue, dépassement de l’objet social, engagement de la société, limitations statutaires). La société est représentée par un président du directoire nommé et révoqué en tant que tel par le conseil de surveillance. B – LE CONSEIL DE SURVEILLANCE a – Conditions Les mêmes règles gouvernent le conseil d'administration et le conseil de surveillance en ce qui concerne la capacité, la rémunération, le nombre minimal et maximal de conseillers (entre 3 et 12), les conditions de nomination, la durée de leur mandat, la tenue des réunions… Comme les administrateurs, les membres du conseil de surveillance peuvent être révoqués à tout moment par l’assemblée générale ordinaire. Ils ont aussi le droit de démissionner dans les mêmes conditions. Les membres du conseil de surveillance peuvent être des personnes morales, à condition d'être représentées par une personne physique. b – Pouvoirs La fonction principale du conseil de surveillance réside dans le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire (art. 104). Il peut, à toute époque de l’année, demander communication et copie de tous les documents qu’il juge utiles afin de les consulter ou de les vérifier. Il reçoit un rapport trimestriel et des documents annuels (notamment l'état de synthèse) du directoire et possède des pouvoirs spécifiques (autorisations spéciales, nominations des membres du directoire, répartition des jetons de présence, etc.). 116

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Section 3 - LA SITUATION DES ASSOCIÉS § 1 – LES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES Afin de lutter contre l'absentéisme lors des assemblées générales et de surmonter les problèmes de l'éloignement géographique, la loi a prévu la possibilité pour les statuts de considérer présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les actionnaires qui participent aux assemblées générales par visioconférence. Mais il n'empêche qu'il est possible pour tout actionnaire de se faire représenter par un autre actionnaire, par son conjoint ou par un ascendant ou un descendant. D'un autre côté, il est désormais possible de prévoir dans les statuts que les actionnaires puissent voter par correspondance. A - L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE a – Convocation Elle se tient, comme pour toutes les sociétés, dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice. Les conditions de quorum sont de un quart des actions sur première convocation ; lorsque l’assemblée ne peut valablement délibérer, il doit être procédé à une deuxième convocation, auquel cas, aucun quorum n’est requis. b – Déroulement Les décisions sont prises à la majorité des voix (la moitié plus une). Tout associé peut participer aux assemblées, mais quelque fois les statuts exigent un minimum d’actions qui ne peut être supérieur à 10. c – Attributions Les attributions de l’assemblée générale ordinaire sont importantes. Elles concernent notamment l’approbation des comptes, le partage des bénéfices, la nomination et la révocation du conseil d'administration et du conseil de surveillance, éventuellement la révocation du directoire, etc. B – LES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES EXTRAORDINAIRES a – Principales attributions Elles ont pour objet la modification des statuts, ce qui concerne aussi bien: • l’identité de la société (dénomination, siège social),

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• que les règles de son fonctionnement (pouvoirs des dirigeants, tenues des conseils, des assemblées, etc.), • ou encore ses possibilités de transformation (augmentation ou réduction du capital, fusion, scission, etc.), • voire même sa dissolution. b - Quorum et majorité Il est de la moitié des actions ayant droit de vote sur première convocation et du quart sur deuxième convocation ; sinon, comme la loi ne permet pas de réduire ce quorum, cette deuxième assemblée est reportée à une date qui ne peut dépasser les deux mois de celle à laquelle elle avait été convoquée. La majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires est nécessaire pour prendre une décision. Enfin, comme pour les SARL, la responsabilité des associés est limitée aux apports et ne devient effective qu’à la dissolution de la société. § 2 - LES TITRES EMIS PAR LES SA Ce sont les valeurs mobilières ; elles sont en principe négociables, c'està-dire qu’elles peuvent être cédées librement et sans formalités particulières, sauf exceptions prévues par les statuts109. On distingue essentiellement les actions et les obligations, sans oublier les nouveaux certificats d'investissement. A - LES ACTIONS Ce sont des titres qui permettent à l’actionnaire d’être titulaire de droits pécuniaires (dividendes, boni de liquidation) et non pécuniaires (droit de vote, de communication, d’information, etc.). On distingue plusieurs catégories d’actions telles que : - les actions à vote double : qui confèrent à leurs titulaires le double des voix accordées aux actions ordinaires, ces actions ont pour but de récompenser les actionnaires fidèles, c'est-à-dire dont les actions sont entièrement libérées et pour lesquelles il est justifié d'une inscription nominative depuis deux ans au

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Rappelons que les statuts ne peuvent soumettre les actions cotées en bourse à l'agrément de la société.

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moins au nom du même actionnaire. Ce droit de vote double est attribué soit par les statuts, soit par une assemblée générale extraordinaire (art. 257); - les actions à dividende prioritaire sans droit de vote : dont les titulaires ont une priorité par rapport aux titulaires d’actions ordinaires pour la distribution d’un premier dividende110 et, en contrepartie, ils sont privés du droit de participer aux assemblées générales et d’y voter ; - les actions d’apports : c'est-à-dire des apports en nature ; etc. B - LES OBLIGATIONS Ce sont des titres négociables qui représentent une créance à long terme sur la société et donnent droit à la perception d’intérêts (alors que les actionnaires ne sont pas assurés de toucher un dividende annuel). La valeur nominale des obligations ne peut être inférieure à 50 dh, et à 10 dh pour les sociétés dont les titres sont cotés en bourse (art.292 al.2)111. Leurs titulaires ne disposent pas du droit de vote. Les sommes obtenues par la société au moyen de cette technique particulière de crédit, lui permettent d’investir. L’obligation joue donc un rôle important dans la vie financière des sociétés ; c’est pourquoi, afin d’attirer des capitaux, les sociétés ont été conduites à créer des types d’obligations donnant droit à des avantages spécifiques. Ainsi, certaines obligations ne donnent droit qu’à un intérêt fixe, d’autres offrent, en plus, une participation aux bénéfices (obligations participantes), de même qu’il existe des obligations convertibles en actions et des obligations avec bons de souscription d’actions, qui permettent à leur titulaire de devenir actionnaires de la société émettrice112.

- Il s’agit d’un dividende qui est prélevé sur le bénéfice distribuable de l’exercice avant toute autre affectation. Ce dividende se situe donc au 4ème rang après les prélèvements de frais de constitution, l'augmentation du capital, la réserve légale et les pertes des exercices antérieurs. 111 Le même argument des pouvoirs publics vu supra à propos de la valeur nominale actuelle des actions vaut pour les obligations, surtout concernant les obligations convertibles en actions, nous dit la note de présentation du projet de loi. 112 - Ces nouvelles obligations, bien que non réglementées par la loi, elles sont susceptibles de connaître un grand essor en pratique. 110

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- Les obligations convertibles en actions (OCA) : ce sont des obligations qui permettent à leurs titulaires de demander, à tout moment ou à certaines périodes déterminées fixées par le contrat d'émission, à les convertir en actions. C'est la raison pour laquelle leur taux d'intérêt est plus faible que celui des obligations ordinaires. - Les obligations à bons de souscription d'actions (OBSA) : ce sont des obligations auxquelles, lors de leur émission, sont attachés des bons qui donnent droit à la souscription à un certain nombre d'actions, dans des conditions et des délais fixés préalablement. Le bon de souscription a une autonomie par rapport à l'obligation ; il peut non seulement permettre la souscription d'actions, mais il peut être cédé à un tiers. Leur taux est également inférieur à celui des obligations ordinaires. À la différence des obligations convertibles, les titulaires des OBSA ne sont pas obligés, à l'arrivée des délais de libération des actions, d'opter entre la conservation de leur situation d'obligataire et l'acquisition de la qualité d'actionnaire. Autrement dit, les OBSA ne prennent pas fin avec la libération des actions objet des bons de souscription ; dans les délais fixés, le titulaire des OBSA reste obligataire même après avoir acquis la qualité d'actionnaire en cumulant ainsi les deux qualités jusqu'à la fin du délai de remboursement des obligations. Dans les deux cas (OCA ou OBSA), il y a augmentation du capital, la valeur des actions étant celle de la date des libérations, elle est généralement prévue dans le contrat d'émission. C - LES CERTIFICATS D’INVESTISSEMENT De nos jours, on trouve sur le marché de nombreux titres utilisés par les sociétés afin de se procurer des capitaux ; parmi ces titres on peut citer les certificats d’investissement. Ce sont des actions démembrées qui ont pour fonction de procurer des dividendes à de nouveaux actionnaires qui ne possèdent pas de droit de vote, ce dernier étant représenté par des certificats de vote, ils sont répartis entre les anciens actionnaires pour éviter des changements de majorité.

Section 4 - LES MOYENS DE CONCENTRATION

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Ces opérations intéressent tous les types de société ; néanmoins, étant pratiquées essentiellement dans les SA, nous les traiterons dans ce chapitre. Elles concernent l’ensemble des techniques de concentration utilisées par les sociétés dans le but d’améliorer leur capacité de production. Il existe essentiellement trois : * La fusion : constitue un des moyens le plus utilisé ; on distingue deux procédés : - la fusion pure et simple qui consiste pour deux sociétés à associer leurs actifs pour se fondre juridiquement dans une nouvelle société, - et la fusion - absorption qui permet à une société de s’approprier le capital d’une autre société qui disparaît juridiquement (il s’agit du cas le plus fréquent). * La fusion - scission : c’est lorsqu’une société se scinde en deux ou plusieurs autres sociétés nouvelles. * L’apport partiel d’actifs : c’est une technique, enfin, qui consiste pour une société à apporter une partie de son patrimoine à une autre société tout en conservant sa structure juridique d’origine. Remarque sur la dissolution des S.A.: Outre les causes communes à toutes les sociétés, les SA doivent être dissoutes : - si le nombre des actionnaires devient inférieur à 5 pendant plus d’un an, - lorsque le capital devient inférieur au minimum légal, - ou enfin si les capitaux propres deviennent inférieurs au quart du capital social et qu’ils ne sont pas constitués dans les deux ans à hauteur au moins du quart du capital social (article 357).

ANNEXE 1 LE CONTROLE DES COMPTES SOCIAUX : LES COMMISSAIRES AUX COMPTES Les dernières réformes des sociétés commerciales ont considérablement accru le rôle des commissaires aux comptes.

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Elles ont non seulement élargi leur domaine d'intervention, puisqu'ils interviennent dans toutes les sociétés commerciales d'une certaine importance économique (I), mais elles ont énormément développé leurs missions au sein de ces sociétés (II), ce qui ne pouvait ne pas être accompagné d'une lourde responsabilité (III).

I – PRESENCE DES COMISSAIRES AUX COMPTES DANS LES SOCIÉTÉS COMMERCIALES En effet, grâce aux textes actuels (B), la présence des commissaires aux comptes est devenue bien plus étendue dans les sociétés commerciales que dans le passé (A), avec de nouvelles conditions de nomination (C).

A – UNE PRESENCE ETENDUE Jadis, la présence du commissaire aux comptes n'était obligatoire que dans les SA. Actuellement,

leur

présence

obligatoire

dépend

de

l'importance

économique de la société commerciale. On peut dire aujourd'hui qu'il s'agit d'un organe que l'on rencontre dans toutes les formes de sociétés commerciales. La désignation est désormais obligatoire dans : * la société en nom collectif, la société en commandite simple et la SARL : si le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de dh hors taxe. Et, même si ce seuil n'est pas atteint, un commissaire aux comptes peut être nommé : - dans la société en nom collectif et la société en commandite simple : # soit à la majorité des associés ; # soit à la demande d'un associé faite au président du tribunal statuant en référé. - dans la SARL : # soit à la majorité des associés représentant les 3/4 du capital social ; # soit à la demande faite au président du tribunal par un ou plusieurs associés représentant au moins le 1/4 du capital social. * la SA : un commissaire aux comptes titulaire est obligatoire. 122

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Dans le cas des SA faisant appel à l'épargne public, des sociétés de banque, de crédit, d'investissement, d'assurance, de capitalisation et d'épargne : deux commissaires aux comptes titulaires obligatoires. * la société en commandite par actions : un commissaire aux comptes titulaire est obligatoire.

B – LES TEXTES APPLICABLES * Société en nom collectif : art. 12 + art. 13 qui renvoie à l'application des dispositions de la loi 17/95 sur la SA relatives : - aux conditions de nomination des commissaires aux comptes, notamment en matière d'incompatibilité ; - à leurs pouvoirs ; - à leurs obligations ; - à leur responsabilité ; - à leur suppléance ; - à leur récusation ; - à leur révocation ; - et à leur rémunération. * société en commandite simple : art. 21 renvoie à l'application des dispositions relatives à la société en nom collectif compatibles avec la société en commandite simple et notamment les art. 12 et 13 (règles de la SA). * SARL : art. 80 + art. 83 qui renvoie à l'art. 13 (règles de la SA), en plus de quelques dispositions contenues dans certains articles dont les plus importants : art. 71, 79, 81, 82 al.3. * société en commandite par actions : art. 34 qui prévoit la désignation obligatoire du commissaire aux comptes par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires et renvoie à l'application de l'art. 13 (règles de la SA). Donc, les dispositions relatives à la SA concernant les commissaires aux comptes sont applicables à toutes ces sociétés. En outre, même l'art. 104 al.1 de la loi 5/96 relatif aux infractions et sanctions applicables aux commissaires aux comptes, renvoie à l'application des art. 404 et 405 de la loi sur les SA.

C – CONDITIONS DE NOMINATION 123

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a - Sous les dispositions de la législation ancienne relatives à la SA Les premiers commissaires aux comptes étaient désignés par l'assemblée constitutive (art. 25). Ensuite, les renouvellements de leurs mandats et les nominations ultérieures sont faits par l'assemblée générale annuelle (art. 32). La durée de leur mandat : un an renouvelable. En vertu de l'article 32 al.3, à défaut de nomination des commissaires aux comptes par l'assemblée générale, ou en cas d'empêchement ou de refus d'un ou de plusieurs des commissaires nommés, il est procédé à leur nomination ou à leur remplacement par ordonnance du président du tribunal, à la requête de tout intéressé, les administrateurs dûment appelés. La nomination des commissaires aux comptes n'était soumise à aucune condition de compétence, il n'était requis des commissaires aux comptes aucune exigence d'inscription sur une liste d'experts-comptables ou d'experts agrées. b – Actuellement 1. STATUT ET INCOMPATIBILITES L'art.160 dispose que "Nul ne peut exercer les fonctions de commissaire aux comptes s'il n'est inscrit au tableau de l'ordre des experts-comptables" De plus, la nouvelle réforme a tout mis en œuvre pour assurer l'indépendance des commissaires aux comptes et éviter de faire dépendre le contrôle des sociétés aux relations familiales ou amicales. Aussi, l'art. 161 énumère un grand nombre de cas d'incompatibilité avec l'exercice de la fonction de commissaire aux comptes en disposant : " Ne peuvent être désignés comme commissaires aux comptes : 1. Les fondateurs, apporteurs en nature, bénéficiaires d'avantages particuliers ainsi que les administrateurs, les membres du conseil de surveillance ou du directoire de la société ou de l'une de ses filiales ; 2. Les conjoints, parents et alliés jusqu'au 2ème degré inclusivement des personnes visées au paragraphe précédent ; 3. Ceux qui reçoivent des personnes visées au §1 ci-dessus, de la société ou de ses filiales, une rémunération quelconque à raison de fonctions susceptibles de porter atteinte à leur indépendance ; 4. Les sociétés d'experts-comptables dont l'un des associés se trouve dans l'une des situations prévues aux § précédants.

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Si l'une des causes d'incompatibilité ci-dessus indiquées survient en cours de mandat, l'intéressé doit cesser immédiatement d'exercer ses fonctions et en informer le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, au plus tard 15 jours après la survenance de cette incompatibilité" De son côté, l'art. 162 ajoute toute une série d'interdictions à l'exercice de cette mission en stipulant que " les commissaires aux comptes ne peuvent être désignés comme administrateurs, directeurs généraux ou membres du directoire des sociétés qu'ils contrôlent qu'après un délai minimum de 5 ans à compter de la fin de leurs fonctions. Ils ne peuvent, dans ce même délai, exercer lesdites fonctions dans une société détenant 10 % ou plus du capital de la société dont ils contrôlent les comptes. " Les personnes ayant été administrateurs, directeurs généraux, membres du directoire d'une SA ne peuvent être désignés commissaires aux comptes de cette société dans les 5 années au moins après la cessation de leurs fonctions. Elles ne peuvent, dans ce même délai, être désignées commissaires aux comptes dans les sociétés détenant 10 % ou plus du capital de la société dans laquelle elles exerçaient lesdites fonctions". 2. RECUSATION En outre, les actionnaires minoritaires (représentant au moins le 1/10 du capital social) peuvent, lorsqu'ils justifient de justes motifs, requérir du président du tribunal la récusation du ou des commissaires aux comptes désignés par l'assemblée générale et demander la désignation d'autres commissaires qui exerceront leurs fonctions en leurs lieu et place (art. 164). Si la société conteste cette désignation, elle dispose alors d'un délai de 30 jours de cette désignation pour saisir le président ; sa demande doit alors être motivée. S'il y est fait droit, les commissaires aux comptes désignés par le président restent en fonction jusqu'à la nomination des nouveaux commissaires par l'assemblée générale. 3. NOMINATION Comme il n'existe plus d'assemblée constitutive, les

premiers

commissaires aux comptes sont désignés soit par les statuts, soit par acte séparé faisant corps avec les statuts ; dans ces cas, leur mandat ne peut excéder un exercice. Durant la vie de la société, ils sont nommés par l'assemblée générale ordinaire pour trois exercices. 125

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À défaut de nomination des commissaires aux comptes par l'assemblée générale, il est procédé à leur nomination par ordonnance du président du tribunal, statuant en référé, à la demande de tout actionnaire, les administrateurs dûment entendus (art. 165).

II – LES MISSIONS DU COMMISSAIRE AUX COMPTES Rappelons que la présence des commissaires aux comptes n'était obligatoire que dans les SA en application des dispositions du dahir du 11 août 1922 qui a rendu applicable au Maroc la loi française du24 juillet 1867. Sous cette législation, la mission du commissaire aux comptes était limitée et dans le temps et dans son contenu. Il avait deux fonctions principales : - la préparation d'un rapport destiné à l'assemblée annuelle sur la situation de la société sur la base du bilan et des comptes qui lui sont présentés par les administrateurs relatifs à l'exercice écoulé ; - Ses pouvoirs d'investigation étaient non permanents : ils étaient limités au trimestre précédant l'assemblée générale annuelle pendant lequel, s'il le juge utile dans l'intérêt social, il prend communication des livres et examine les opérations de la société et, en cas d'urgence, il pouvait toujours convoquer l'assemblée générale (art. 33). Ce n'est que 40 jours avant l'assemblée générale que le commissaire aux comptes pouvait prendre communication de l'inventaire, du bilan et du compte des profits et pertes. Désormais, on peut affirmer actuellement que le commissaire aux comptes est investi de deux sortes de missions, une mission de vérification permanente, et d'autres missions spéciales.

A – MISSION DE VERIFICATION PARMANENTE La mission du commissaire aux comptes est en effet devenue permanente, mais elle se limite à la vérification qui a des conséquences très importantes sur le plan de la vie sociale.

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a – Mission permanente La permanence de la mission du commissaire aux comptes est soulignée à deux reprises. Le législateur ne s'est pas contenté de prévoir dans l'art. 166 que la mission des commissaires aux comptes est permanente, il y a insisté dans son art. 167 en précisant que : "à toute époque de l'année, le ou les commissaires aux comptes opèrent toutes vérifications et tous contrôles…" Ces textes nous invitent à comprendre : - que le contrôle des commissaires aux comptes s'étend tout au long de l'exercice, il ne se limite pas à une vérification annuelle ; - le rôle du commissaire aux comptes ne consiste guère à refaire la comptabilité de la société, mais à contrôler les comptes sociaux de l'exercice afin de fournir aux associés une information fiable sur la situation comptable de la société, indépendamment des informations rassurantes des dirigeants sociaux ; - le contrôle du commissaire aux comptes doit s'exercer à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion : ce qui veut dire qu'il n'a pas à apprécier les décisions de gestion ou de porter un jugement de valeur sur la politique poursuivie par les organes de gestion. - le commissaire aux comptes doit s'assurer du respect de l'égalité entre les associés (art. 166 al.2) : notamment vérifier si tous les associés bénéficient des mêmes droits (la répartition des dividendes, le droit de vote etc.) Donc, le commissaire aux comptes a principalement pour rôle la vérification. b – Mission de vérification La mission du commissaire aux comptes est une mission de vérification ; mais en quoi consiste cette vérification113 ? 1. Elle consiste tout d'abord, non pas à vérifier l'exactitude des comptes114 (ce qui est exclu de sa mission vu la complexité de cet exercice), mais à vérifier la régularité ou la conformité de la comptabilité aux règles en vigueur ; il vérifie

113

- Comme on le verra plus loin, cette notion de vérification consiste pour le commissaire aux comptes à certifier et à attester les documents qu'il a pour mission de consulter. 114 - V. JEANTIN (M.), Droit des sociétés, Paris, MONTCHRESTIEN, 2ème éd., 1992, n° 278.

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si les comptes sont établis conformément aux règles définies par la loi (notamment la loi 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants, promulguée par dahir du 25 décembre 1992 115 et le plan comptable). 2. Elle consiste, ensuite, à vérifier si les comptes sont sincères : c'està-dire que les comptes sont établis de manière claire, avec loyauté et bonne foi116. 3. Le commissaire doit, en outre, vérifier la concordance, avec les états de synthèses, des informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration ou du directoire et dans les documents adressés aux associés sur le patrimoine de la société, sa situation financière et ses résultats. 4. Enfin, le commissaire doit vérifier si les comptes sociaux donnent une image fidèle de la société : il s'agit là d'une notion qui renforce les critères de la régularité et de la sincérité, elle a été introduite dans notre droit par la loi 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants et reprise par l'art. 175-1° de la loi sur la SA. Elle a été définie comme étant le résultat concret de l'ensemble des chiffres constituant le bilan, le compte de résultat et l'annexe".117 Ces investigations du commissaire aux comptes peuvent être accomplies tant auprès de la société que des sociétés mères ou filiales. Elles peuvent être étendues même aux tiers qui ont effectué des opérations pour le compte de la société afin de recueillir des informations utiles à l'exercice de sa mission. Mais pour se faire communiquer les pièces, contrats et documents détenus par les tiers, que s'il y est autorisé par le président du tribunal statuant en référé. Pour accomplir sa mission, le commissaire aux comptes peut, sous sa responsabilité, se faire assister par des experts ou des collaborateurs de son choix, à condition de les présenter à la société. c – Les conséquences de la vérification Le but de ces vérifications est double : la certification et l'information.

115

- B.O. 30/12/1992, n° 4183 bis, p. 623. - V. GUYON (Y.), "L'information prévisionnelle", JCP 1985, éd. E, 14608, n° 380. 117 - Rapport COB, in Le commissariat aux comptes : renforcement ou dérive, ouvrage collectif, CREDA, Litec, 1989, p. 104, cité par EL HAJJAMI (A.), "Regard sur les nouvelles missions du commissaire aux comptes", RMDED, p. 159. 116

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1. LA CERTIFICATION Après la vérification, dans son rapport à l'assemblée générale, le commissaire aux comptes a le choix entre trois solutions : - soit de certifier que les comptes sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ; il importe de préciser, note un auteur, que la certification ne garantie pas l'exactitude des documents vérifiés. Il s'agit tout simplement de l'opinion d'un professionnel sur la qualité de l'information comptable et financière résultant des documents produits118; - soit de certifier les comptes mais assortir sa certification de réserves ; - soit tout simplement de refuser la certification. Dans ces deux derniers cas il doit préciser les motifs de ses réserves ou de son refus afin d'informer et d'éclairer les associés sur les décisions à prendre. Le commissaire doit également dans ce rapport faire état de ses observations sur la sincérité et la concordance avec les états de synthèse des informations : - données dans le rapport de gestion de l'exercice ; - et dans les documents adressés aux associés sur la situation financière de la société ainsi que sur son patrimoine et ses résultats. Il faut noter enfin que, en cas de pluralité de commissaires aux comptes, ils peuvent remplir séparément leur mission, mais ils établissent un rapport commun. En cas de désaccord entre eux, le rapport indique les différentes opinions exprimées (art. 171). 2. L'INFORMATION L'objectif de la mission du commissaire aux comptes est justement d'informer de ses investigations les dirigeants et les associés. 1.1/ Tout d'abord, le commissaire doit informer les dirigeants sociaux aussi souvent que nécessaire sur (art. 169) :

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- Id. p. 160.

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- les contrôles et vérifications auxquels ils ont procédé et les différents sondages auxquels ils se sont livrés ; - les postes des états de synthèse auxquels des modifications leur paraissent devoir être apportées, en faisant toutes observations utiles sur les méthodes d'évaluation utilisées pour l'établissement de ces états ; - les irrégularités et les inexactitudes qu'ils auraient découvertes ; - les conclusions auxquelles conduisent les observations et rectifications ci-dessus sur les résultats de l'exercice comparés à ceux du précédent exercice; - tous faits leur apparaissant délictueux, dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur mission. Il convient de noter que le législateur a supprimé de la loi sur la SA la disposition qui figurait dans le projet suivant laquelle le commissaire aux comptes doit révéler au procureur du roi les faits délictueux119. Cette disposition s'expliquait fort bien puisque le commissaire aux comptes est le mieux placé pour connaître les infractions commises. Actuellement, au lieu de révéler ces infractions au procureur du roi, le commissaire doit en informer pourrait-on dire les propres auteurs de ces infractions ! 1.2/ Le commissaire aux comptes est tenu de présenter de nombreux rapports aux associés sur ses investigations : - art. 115 a.2 : lors de l'assemblée générale annuelle, il doit relater dans son rapport l'accomplissement de sa mission et faire part de ses conclusions ; - art. 172 al.1 : le commissaire aux comptes établit un rapport dans lequel il rend compte à l'assemblée générale de l'exécution de la mission qu'elle lui a confiée ; Notons que pour toutes les sociétés commerciales les rapports du commissaire aux comptes doivent être communiqués aux associés au moins 15 jours avant la date de l'assemblée120. - art. 175 : dans son rapport à l'assemblée générale le commissaire aux comptes soit certifie, soit émet des réserves, soit refuse la certification…

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- Cette disposition avait été prise de l'art. L. 233 al.2 de la loi française où elle figure toujours. - SA art. 140, société en nom collectif : art. 10 al 2, société en commandite simple : art. 26, société en commandite par actions : art. 31 qui renvoie à la loi sur la SA, la SARL : art. 70 al.2. 120

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De la sorte, le commissaire aux comptes doit donc informer les associés de la situation comptable et financière de la société afin de prendre leurs décisions lors des assemblées générales en connaissance de cause.

B – LES MISSIONS SPECIALES À côté de sa mission permanente de contrôle, le commissaire aux comptes est investi de deux sortes de missions spéciales : le contrôle de la régularité juridique et le devoir d'alerte. a – Contrôle de la régularité juridique et financière Le contrôle de la régularité juridique et financière de la vie sociale nécessite l'intervention du commissaire aux comptes à de multiples occasions notamment : 1. LA DETENTION DES ACTIONS DE GARANTIE En vertu des art. 47 et 85 le commissaire aux comptes doit veiller, sous sa responsabilité à l'observation des dispositions statutaires relatives à la détention par les dirigeants des actions de garantie121. En l'occurrence, il doit dénoncer toute violation à ces dispositions dans son rapport à l'assemblée générale ordinaire. 2. LA CONVOCATION DE L'ASSEMBLEE GENERALE S'agissant de la SARL, la convocation à l'assemblée générale est faite par le gérant ou, à défaut, par le commissaire aux comptes, le cas échéant (art. 71 loi 5/96) Quant à la loi sur les SA, elle prévoit que le commissaire aux comptes peut convoquer l'assemblée générale dans deux cas : - En cas de défaillance des dirigeants, c'est-à-dire de refus ou d'omission de convoquer l'assemblée générale annuelle (art. 116) ; dans ce cas, il ne peut convoquer l'assemblée, qu'après avoir vainement requis sa convocation par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance (art. 116 al.2); - ou toujours en cas d'urgence (art. 176).

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- art. 44, 45 et 84.

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Dans les deux cas les dispositions de l'alinéa 3 de l'art. 116 doivent être respectées, c'est-à-dire, en cas de pluralité de commissaires aux comptes, ils agissent d'accord entre eux et fixent l'ordre du jour. Mais s'ils sont en désaccord sur l'opportunité de convoquer l'assemblée, l'un d'eux peut demander au président du tribunal, statuant en référé, l'autorisation de procéder à cette convocation, les autres commissaires et le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance dûment appelés. Dans le cas où il est donné droit au commissaire concerné, le président du tribunal fixe l'ordre du jour et son ordonnance n'est susceptible d'aucun recours. En outre, les commissaires aux comptes doivent être convoqués à toutes les assemblées d'actionnaires et aux réunions du conseil d'administration ou du directoire qui ont pour objet d'arrêter les comptes de l'exercice écoulé ; et, s'il y a lieu, ils doivent être convoqués aux autres réunions du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (art. 170). 3. EN CAS DE CONVENTIONS CONCLUES ENTRE LES DIRIGEANTS ET LA SOCIETE Dans ce cas le président du conseil d'administration (art. 58) ou le président du conseil de surveillance (art. 97) doivent en aviser le commissaire aux comptes qui doit présenter un rapport spécial sur ces conventions à l'assemblée générale qui statue sur ce rapport. (V. pour la SARL art. 64 de la loi 5/96) 4. EN CAS DE MODIFICATION DU CAPITAL En cas d'augmentation du capital, le commissaire aux comptes doit indiquer dans son rapport à l'assemblée générale extraordinaire si les bases de calcul retenues par le conseil d'administration ou le directoire lui paraissent exactes et sincères (art. 194). En cas de réduction du capital, le rapport du commissaire aux comptes doit faire connaître à l'assemblée ses appréciations sur les causes et les conditions de la réduction (art. 211 loi sur la SA et 79 loi 5/96 à propos de la SARL). 5. EN CAS DE TRANSFORMATION DE LA SOCIETE Toute décision de transformation de la SA en une société d'une autre forme, précise l'art. 219, ne peut être prise que sur rapport du commissaire aux comptes attestant que la situation nette est au moins égale au capital social. 132

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6. EN CAS DE FUSION Les dirigeants de chacune des sociétés participant à l'opération de fusion doivent en communiquer le projet au commissaire aux comptes au moins 45 jours avant la date de l'assemblée générale qui doit décider de la fusion. Il peut alors obtenir auprès de chaque société communication de tous les documents utiles et procéder à toutes vérifications nécessaires. Il vérifie que la valeur relative attribuée aux actions des sociétés à fusionner est pertinente et que le rapport d'échange est équitable. Son rapport doit alors indiquer la ou les méthodes suivies pour la détermination du rapport d'échange proposé, si elles sont adéquates en l'espèce, et les difficultés particulières à l'évaluation s'il en existe. Il vérifie notamment si le montant de l'actif entreprise apporté par les sociétés absorbées est au moins égal au montant de l'augmentation de capital de la société absorbante ou au montant du capital de la société nouvelle issue de la fusion. La même vérification est faite en ce qui concerne le capital des sociétés bénéficiaires de la scission. b – Le devoir d'alerte La mission d'alerte est confiée au commissaire aux comptes non en vertu de la loi sur la SA, mais par le code de commerce dans le livre V relatif aux difficultés de l'entreprise (art. 546 et suiv.). Cette procédure passe par plusieurs étapes : La première étape : Le commissaire aux comptes, s'il en existe, sinon tout associé, informe le chef de l'entreprise des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation dans un délai de 8 jours de la découverte des faits par lettre recommandée avec accusé de réception, l'invitant à redresser la situation. La seconde étape : - En l'absence d'exécution par le chef d'entreprise, qui a pour ce faire un délai de 15 jours de la réception de la lettre ; - ou s'il n'arrive pas personnellement ou après délibération du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, selon le cas, à un résultat positif ; → le chef d'entreprise est alors tenu de faire délibérer la prochaine assemblée générale pour statuer à ce sujet sur rapport du commissaire aux comptes. 133

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La troisième étape : - En l'absence d'une délibération de l'assemblée générale à ce sujet ; - ou s'il a été constaté que malgré les décisions prises par cette assemblée, la continuité de l'exploitation reste compromise, → le commissaire aux comptes ou le chef d'entreprise en informe le président du tribunal (art. 547). Par ailleurs, l'art. 81 de la loi 5/96 prévoit un genre spécial de droit d'alerte au profit des associés non gérants d'une SARL ; ces derniers ont le droit, deux fois par exercice, de poser des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. Dans ce cas, la réponse du gérant doit être communiquée au commissaire aux comptes, le cas échéant, lequel, nous estimons, doit entamer la procédure d'alerte. De son côté, l'art. 82 de la même loi qui donne le droit aux associés représentant le 1/4 du capital de demander au président du tribunal de désigner un expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, ce même article exige que ce rapport soit adressé au commissaire aux comptes.

III – LA RESPONSABILITE DU COMMISSAIRE AUX COMPTES Les nouvelles réformes ont considérablement alourdi la responsabilité du commissaire aux comptes, aussi bien dans le domaine civil que dans le domaine pénal.

A – RESPONSABILITE CIVILE Les commissaires aux comptes sont responsables, selon les cas, à l'égard de la société ou des tiers, des dommages qui ont eu pour cause une faute ou une négligence des commissaires à l'occasion de l'exercice de leurs missions (art. 180 al.1). Par contre, leur responsabilité civile n'est pas engagée à l'occasion des infractions commises par les dirigeants sociaux, sauf si, en ayant eu connaissance à l'occasion de l'exercice de leur mission, ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l'assemblée générale.

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Les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent par 5 ans.

D – RESPONSABILITE PENALE Il s'agit des infractions relatives au contrôle telles que prévues par les art. 403 à 406 de la loi sur la SA. D'ailleurs ces dispositions sont applicables même aux autres sociétés commerciales en vertu de la loi 5/96, le cas échéant. Parmi ces infractions, les unes sont imputables aux commissaires aux comptes, les autres aux dirigeants. a – Les infractions imputables aux commissaires aux comptes Il s'agit des art. 404 et 405 : * L'art. 404 prévoit une peine d'emprisonnement de 1 à 6 mois et une amende de 8 000 à 40 000 dh pour toute personne qui, soit en son nom personnel, soit au titre d'associé dans une société de commissaires aux comptes, a intentionnellement : - accepté, - exercé, - ou conservé les fonctions de commissaires aux comptes en dépit des incompatibilités légales. * De son côté, l'art. 405 sanctionne d'un emprisonnement de 6 mois à 2 ans et / ou d'une amende de 10 000 à 100 000 dh tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel, soit au titre d'associé dans une société de commissaires aux comptes, a intentionnellement : - donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société ; - ou n'a pas révélé aux organes d'administration, de direction ou de gestion les faits lui apparaissant délictueux dont il aura eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. D'un autre côté, si les commissaires aux comptes et leurs collaborateurs sont astreints au secret professionnel pour tous les faits, actes et renseignements dont ils sont pu avoir connaissance à l'occasion de leurs missions (art. 176), l'art. 405 al.2 déclare les dispositions de l'art. 446 du code pénal applicables aux commissaires aux comptes. Il s'agit des sanctions

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applicables en cas de violation du secret professionnel (emprisonnement de 1 à 6 mois et une amende de 120 à 1 000 dh). b – Les infractions imputables aux dirigeants * D'une part, l'art. 403 sanctionne d'un emprisonnement de 1 à 6 mois et / ou d'une amende de 10 000 à 50 000 dh les dirigeants qui : - n'ont pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ; - ou ne les ont pas convoqués à toute assemblée d'associés. * D'autre part, l'art. 406 sanctionne d'un emprisonnement de 1 à 6 mois et/ou d'une amende de 6 000 à 30 000 dh les dirigeants qui ont intentionnellement : - mis obstacle aux vérifications

ou contrôles des experts ou des

commissaires aux comptes ; - ou qui leur ont refusé la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de leur mission, et notamment de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.

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ANNEXE 2 LES DIFFICULTES DE L’ENTREPRISE Dans l’Economiste du 28 mars 2018 on peut lire: "En 9 ans, le nombre de défaillances a plus que triplé. Entre 2009 et aujourd’hui, les faillites ont progressé de 16% en moyenne chaque année. "En 2017, quelque 8.020 sociétés défaillantes ont été enregistrées, soit 12% en un an selon les données d’Inforisk. "90% de ces cas sont des mises en liquidation, et 10% des redressements judiciaires. L’écrasante majorité de ces défaillances se trouve dans des secteurs comme notamment le commerce et l’immobilier."

Le livre V du code de commerce de 1996 a été abrogé par la loi 7317 promulguée par dahir du 19 avril 2018 (B.O. n° 6667 du 23 avril 2018). Cette loi porte sur la refonte de 247 articles du Code de Commerce Le traitement des difficultés de l’entreprise passe tout d’abord par une phase de prévention, qui consiste en une prévention des difficultés que pourra rencontrer l’entreprise, puis leur traitement si possible, par les moyens propres de l’entreprise à travers ses organes. Ce n’est qu’en cas d’échec de ces deux procédures de prévention interne puis externe, que le chef de l’entreprise se verra dans l’obligation de déposer bilan auprès du président du tribunal de commerce afin que son entreprise soit soumise à une procédure de traitement des difficultés. Entre ces deux étapes, une procédure de sauvegarde de l’entreprise ‫مسطرة‬ ‫ اإلنقاذ‬a été instituée par la nouvelle loi 17/73 de 2018. D’après la nouvelle réforme du livre V :  Il appartient désormais au débiteur, personne physique ou morale, de demander au tribunal l’ouverture de l’une de ces procédures (art 545)

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 Comme il est devenu possible d’accomplir toutes les démarches concernant ces procédures par voie informatique conformément à un décret d’application.

Par ailleurs, le nouvel article 546 a pris le soin de définir les notions de ces procédures au sens du livre V: 

ainsi il a défini l’entreprise comme étant la personne physique commerçante ou la société commerciale

 il entend par chef d'entreprise , la personne physique débitrice ou le représentant légal de la personne morale débitrice.

Section

I

– PRÉVENTION

DES

DIFFICULTÉS

DE

L’ENTREPRISE Le code de commerce, à travers son livre V, distingue entre deux types de prévention, à savoir entre, en premier lieu, une prévention interne et, en second lieu, une prévention externe, qu’on étudiera successivement dans cette première section. §I- LA PREVENTION INTERNE La prévention interne est une sorte d’auto-prévention, elle a lieu par les organes de l’entreprise et n’a pas besoin de recourir à l’autorité judiciaire afin de régler la situation défaillante ou difficile dont est sujette l’entreprise. La prévention par l’information ou alerte renferme en effet un double aspect, tout d’abord elle permet un dépistage des difficultés puis leur révélation au chef d’entreprise, afin de permettre à ce dernier de réagir à temps. Une fois une menace de quelque nature qu’elle soit ou tout faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation détecté, le commissaire aux comptes, s’il en existe, ou tout associé dans la société doit en informer le chef de l’entreprise.

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Cette information doit se faire dans un délai de 8 jours de la découverte des faits par lettre recommandée avec accusé de réception, invitant le chef de l’entreprise à redresser la situation122. Dans le cas où le chef d’entreprise n’intervient pas pour remédier à cette situation dans un délai de 15 jours de la réception de la lettre, ou s’il n’arrive pas personnellement ou après délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance à un résultat positif, il est tenu de faire délibérer la prochaine assemblée générale dans un délai de 15 jours pour statuer à ce sujet, après avoir entendu le rapport du commissaire aux comptes s’il existe123. À défaut de délibération de l’assemblée générale à ce propos, ou s’il a été constaté que malgré les décisions prises par cette assemblée, la continuité de l’exploitation demeure compromise, le président du tribunal doit être informé par le commissaire aux compte ou par le chef de l’entreprise ou par tout associé. Remarquons enfin que l’alerte préventive demeure, en pratique, très souvent d’un effet utopique en raison de l’optimisme exagéré ou de l’acharnement illusoire des dirigeants d’entreprise sur une amélioration future124. §II - LA PREVENTION EXTERNE La prévention externe intervient après que le recours à la méthode de prévention interne est épuisé sans pouvoir aboutir à quelques résultats. Cette deuxième étape de prévention se caractérise également par sa nature non conflictuelle ou non contentieuse. Elle constitue, en effet, une procédure judiciaire dénuée des pouvoirs naturels du juge de dire le droit et de prononcer des sanctions. A. Déclenchement de la procédure de prévention externe Lorsque l’assemblée des actionnaires ne réussit pas à prendre une décision permettant de redresser la situation ou en cas d’échec des mesures prises lors de la procédure de prévention interne, la continuité de l’exploitation

122

V. article 547 nouveau de la loi 73-17. Article 547, alinéa 2 de la loi 73-17. 124 DRISSI ALAMI MACHICHI (M.), Droit commercial fondamental au Maroc, Imprimerie de Fédala, 2006, p. 533. 123

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demeure compromise, le commissaire aux comptes ou le chef de l’entreprise ou tout associé est tenu d’informerle président du tribunal de la situation. L’article 549 de la loi 73-17 ajoute une précision à ce propos selon laquelle la procédure de prévention externe n’est ouverte contre l’entreprise que si celleci n’est pas en état de cessation des paiements. Cette procédure est ouverte contre l’entreprise qui éprouve des difficultés de nature juridique, économique, financière ou sociale ou qui a des besoins qui ne peuvent être couverts par un financement adapté à ses possibilités. Il convient de noter, à cet égard, qu’aucun délai de saisine n’est prévu pour la saisine du président du tribunal. Il est possible d’en déduire, compte tenu de l’urgence censée caractériser ces situations, que cette saisine doit être faite immédiatement et sans délai125. Une fois saisi, le président du tribunal convoque le chef de l’entreprise pour envisager des mesures propre à redresser la situation. À l’issue de cet entretien, le président du tribunal peut obtenir communication des renseignements susceptibles de l’informer sur la situation économique et financière de l’entreprise débitrice. Et ceci à travers le commissaire aux comptes, les administrations (Impôts, Douanes..), organismes publics (CNSS, Bank Al Maghrib,..), par le représentant du personnel ou par toute autre personne. Soulignons enfin que le président du tribunal est seul compétent pour déclencher la procédure de prévention externe, soit sur saisine du chef de l’entreprise ou d’office. B. Désignation d’un mandataire spécial Si le président du tribunal juge que les difficultés de l’entreprise peuvent être aplanies grâce à l’intervention d’un tiers pouvant réduire les oppositions éventuelles des partenaires habituels de l’entreprise, il désigne, d’office ledit tiers

EL HAMMOUMI (A.), Droit des difficultés de l’entreprise : La prévention des difficultés, le redressement judiciaire, la liquidation judiciaire, Librairie Dar Assalam, 3e éd., Rabat, 2008, p. 30. 125

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en qualité de mandataire spécial et lui assigne une mission et un délai pour l’accomplir126. En cas d’échec du mandataire spécial dans sa mission, ce dernier doit immédiatement présenter un rapport à ce propos au président du tribunal. Toutefois, s’il apparaît à ce dernier, sur la base du rapport du mandataire spécial, que la réussite de la mission est liée soit à l’extension du délai de son accomplissement ou au changement du mandataire, il procède à cela après accord du chef de l’entreprise.

Il convient de remarquer en ce sens que la loi ne prévoit aucune mesure de publicité pour la désignation du mandataire spécial. Ce qui se justifie probablement par la volonté du législateur de maintenir l’information sur les difficultés de l’entreprise dans un cercle fermé, de manière à préserver les chances de sa sauvegarde127. L’article 549 de la loi 73-17, dans son dernier alinéa, confirme ce fait en soulignant la nécessité de garder le secret de déroulement de la procédure de prévention externe avec toutes ses formalités.

C. La procédure de conciliation (ex règlement amiable) La procédure de conciliation

a remplacé terminologiquement « le

règlement à l’amiable » afin d’éviter la confusion en arabe entre la procédure de redressement judiciaire et le règlement à l’amiable: ‫التسوية القضائية والتسوية الودية‬ On a remplacé le « le règlement à l’amiable » par la procédure de conciliation“‫“المصالحة‬ La procédure de règlement amiable tend à permettre au débiteur de négocier avec ses principaux créanciers, sous les auspices d’un conciliateur désigné par le président du tribunal de commerce, afin d’assurer la mise en

126 127

Cf. article 550 de la loi 73-17. EL HAMMOUMI (A.), op. cit., p. 33.

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œuvre des mesures de redressement aptes à remédier à la situation compromise de l’entreprise. 1. Ouverture de la procédure de conciliation

La procédure de règlement amiable est ouverte à toute entreprise qui, sans être en cessation des paiements128, éprouve une difficulté juridique, économique ou financière, ou des besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté à ses possibilités129. L’article 575 new du code de commerce décide qu’une entreprise est réputée être en état de cessation des paiements, si cette dernière n’arrive pas à acquitter son passif exigible avec son actif disponible y compris les dettes résultant des engagements conclus dans le cadre de l’accord amiable. Le chef d’entreprise doit en ce sens adresser une requête au président du tribunal où il expose sa situation financière, économique et sociale, les besoins de financement de l’entreprise ainsi que les mesures de règlement qu’il envisage, les délais de paiement ou les remises de dettes* qu’il estime nécessaires pour ce redressement (acte par lequel un créancier accorde une réduction totale ou partielle de la dette à son débiteur). Dès réception de la requête, le président du tribunal fait convoquer dans son cabinet, par le greffier, le chef de l’entreprise pour recueillir ses explications.

128

Soulignons que la loi 73-17, contrairement aux dispositions antérieures du livre V du code de commerce, a réussi à donner une définition de l’état de cessation des paiements (notion). En effet, selon les termes de l’article 575, alinéa 2 : « L’état de cessation des paiements si il se limite à fixer sa date, contrairement au code de commerce français qui la définie expressément, dans son article L. 631-1 comme suit « Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L.631-2 ou L.631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.». Le même article dans sa rédaction nouvelle depuis le 15 février 2009 ordonnance n° 2008-1345 ajoute «... Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. » 129 V. article 551, alinéa 1 de la loi 73-17.

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Le président du tribunal peut, à cet effet, en sus des pouvoirs qui lui sont conférés de par les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 552, charger un expert d’établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière de l’entreprise. Il peut aussi obtenir tout renseignement, de la part des établissements bancaires ou financiers

de nature à donner une exacte

information sur la situation économique et financière de l’entreprise. Ce droit de communication peut être exercé nonobstant toute disposition législative contraire, de sorte qu’aucune des personnes ou organismes énumérés ci- dessus ne peut opposer le secret professionnel à l’enquête du président. Cela implique aussi que le fisc sera appelé à déclarer sa créance qui entre en ligne de compte dans le cadre de cette procédure130. Ainsi, s’il apparaît d’après l’enquête menée par le présidentou les propositions du chef de l’entreprise joint à la demande d’ouverture de la procédure de règlement amiable sont de nature à favoriser le redressement de l’entreprise, le président du tribunal ouvre le règlement amiable. Il désigne, à cet effet, un conciliateur et le charge de cette mission pour une période qui ne peut dépasser 3 mois, passible d’une prorogation une seule fois à la demande de ce dernier. 2. Accord conclu entre le débiteur et ses créanciers

En application des dispositions de l’art. 554, le rôle du conciliateur sera de favoriser le fonctionnement de l’entreprise et de rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers. Le président du tribunal communique au conciliateur les renseignements dont il dispose et, le cas échéant, le rapport d’expertise visé dans l’art. 552. Le conciliateur peut en ce sens saisir le président du tribunal s’il estime qu’une suspension provisoire des poursuites serait de nature à faciliter la conclusion dudit accord. Après avoir recueilli l’avis des principaux créanciers, le

130

CHERKAOUI (H.), Droit commercial, Imprimerie Najah Al Jadida, 3 e éd., 2010, p. 274.

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président du tribunal rend une ordonnance131 fixant la suspension pour une durée n’excédant pas le terme de la mission du conciliateur. Si un accord est conclu avec tous les créanciers, il est homologué par le président du tribunal et déposé au greffe. Au cas où il y aurait un accord conclu avec les principaux créanciers, le président du tribunal peut également l’homologuer et accorder au débiteur les délais de paiement prévus par les textes en vigueur pour les créances non incluses dans l’accord. L’accord entre le chef de l’entreprise et les créanciers est constaté dans un écrit signé par les parties et le conciliateur. Il est déposé au greffe.

3. Effets de la conciliation

L’accord suspend pendant la durée de son exécution, toute action en justice, toute poursuite individuelle tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet. Il suspend également les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents à ces créanciers. Le nouvel art 559 prévoit que la signature de l’accord suspend les poursuites même contre les cautions du débiteur Si l’accord n’est pas exécuté, le tribunal prononce sa résolution ainsi que la déchéance de tout délai de paiement accordé. D. La procédure de sauvegarde (Art 560 à 574 new) C’est une nouvelle procédure introduite par le nouveau livre V de la loi de 2018.

L’ordonnance rendue par le président du tribunal suspend et interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement à ladite décision et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Elle arrête et interdit également toute voie d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. 131

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C’est une procédure qui peut avoir lieu avant le traitement judiciaire. Elle se situe donc à mi-chemin entre les procédures préventives et celle du redressement judiciaire. Elle suppose que l’entreprise souffre de difficultés économiques ou financières mais sans être en état de cessation de paiement, sinon elle serait sujette à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Cette procédure est destinée à permettre à l'entreprise: 

la poursuite de l'activité économique,



le maintien de l'emploi

 et l'apurement du passif. La procédure de sauvegarde a donc essentiellement pour but la détection anticipée des difficultés. Ce qui permettra à l’entreprise et au tribunal de prendre les mesures adéquates en temps utile, alors que l’ouverture de la procédure du redressement judiciaire n’est envisageable qu’en cas de cessation de paiement déclarée. La procédure de sauvegarde se particularise par le fait qu’elle est facultative, Ce qui veut dire qu’il appartient au chef d’entreprise de décider de sa mise en œuvre suivant les impératifs de l’entreprise. En outre elle lui offre l’avantage de continuer à exercer ses attributions et ses pouvoirs. La procédure est ouverte à la demande de toute entreprise qui, sans être en état de cessation de paiement, souffre de difficultés qu’elle est incapable de surmonter et qui sont susceptibles de la conduire dans un proche avenir à la cessation de paiement La demande est déposée par le chef d’entreprise au greffe du tribunal exposant les difficultés susceptibles de compromettre la continuité de l’entreprise et en y joignant les documents visés à l’art 577. Un projet de plan de sauvegarde doit également être déposé par le chef d’entreprise

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Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure, après avoir entendu en chambre du conseil le débiteur ‫ غرفة المشورة‬dans le délai de 15 jours du dépôt de la demande. Le tribunal peut, avant de statuer par jugement, demander des informations concernant la situation financière, économique et sociale de l’entreprise et peut même, le cas échéant recourir aux services d’un expert. Ce droit peut être exercé par le tribunal nonobstant toute disposition contraire, de sorte que nul ne peut lui opposer le secret professionnel. S’il apparait, après l’ouverture de la procédure de sauvegarde, que l’entreprise était en état de cessation de paiement à la date du jugement d’ouverture de cette procédure, le tribunal constate la situation de cessation et fixe sa date en vertu des dispositions de l’art 713 new Ce qui veut dire que cette date ne doit pas dépasser 18 mois avant l’ouverture de la procédure. Dans ce cas, le tribunal doit transformer la procédure de sauvegarde en règlement judiciaire ou en liquidation judiciaire. Les dettes exigibles sont légalement payées après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, qu’il s’agisse de celles relatives au déroulement de cette procédure ou de l’activité de l’entreprise et ce durant la période de préparation de la solution, à leurs dates d’échéance et selon les dispositions législatives à ce propos (en respectant les privilèges, les sûretés, etc.) (art 565 new) E . Les pouvoirs du chef d’entreprise et du syndic

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Le chef d’entreprise reste compétent pour toutes les opérations de gestion, mais pour les actes de disposition et l’exécution du plan de sauvegarde il agit sous le contrôle du syndic qui doit soumettre un rapport à leur propos au juge commissaire. Dès l’ouverture de la procédure de sauvegarde, le chef d’entreprise doit préparer l’inventaire des biens de l’entreprise ainsi que les sûretés les grevant qu’il doit mettre à la disposition du juge commissaire et du syndic. F. La préparation de la solution Le syndic doit préparer un rapport sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise en collaboration avec le chef de l’entreprise en vertu duquel il propose au tribunal:  Soit d’homologuer le plan de sauvegarde  Soit sa modification  Soit la mise de l’entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire.

G. Le choix de la solution Sur la base du rapport du syndic, et après avoir entendu le chef d’entreprise et des contrôleurs, le tribunal décide alors d’homologuer le plan de sauvegarde s’il lui apparait qu’il existe des possibilités sérieuses de sauvegarder l’entreprise. Le tribunal fixe un délai pour l’exécution du plan qui ne peut dépasser 5 ans Si l’entreprise exécute le plan de sauvegarde, le tribunal décide alors la clôture de la procédure, mais si elle n’exécute pas ses engagements prévus dans le plan de sauvegarde, et après avoir entendu le chef d’entreprise et le syndic, le tribunal peut décider d’office, ou à la demande d’un des créanciers, de résoudre le plan de sauvegarde et de décider , en conséquence, le redressement ou la liquidation judiciaire de l’entreprise. Dans le cas où il est décidé de transformer la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, les créanciers soumis au plan doivent déclarer leurs créances et sûretés telles qu’indiquées dans le plan après avoir déduit les sommes perçues.

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Et, dans le cas où il est décidé de transformer la procédure de sauvegarde en liquidation judiciaire, les créanciers soumis au plan doivent déclarer toutes leurs créances et sûretés (càd non seulement celles indiquées dans le plan) après avoir déduit les sommes perçues.

Section II - TRAITEMENT JUDICIAIRE DES DIFFICULTES DE L’ENTREPRISE Au cas où les procédures de prévention s’avéreraient infructueuses, le chef de l’entreprise se verra dans ce cas dans l’obligation de demander l’ouverture d’une procédure de traitement des difficultés auprès du président du tribunal de commerce. Les procédures de traitement des difficultés se déroulent en deux phases. Tout d’abord une période d’observation s’impose afin d’établir un diagnostic sur la situation de l’entreprise, puis celle-ci est suivie de l’exécution soit d’un plan de redressement sous forme de continuation ou de cession, soit de la liquidation judiciaire de l’entreprise. § I -Ouverture des procédures D’après les dispositions de l’art. 575 nouveau du code de commerce « les procédures de traitement des difficultés de l’entreprise sont applicables à tout commerçant, à tout artisan et à toute société commerciale, qui n’est pas en mesure de payer à l’échéance ses dettes exigibles, y compris celles qui sont nées de ses engagements conclus dans le cadre de l’accord amiable. » A. Les conditions d’ouverture des procédures Ces procédures de traitement qui sont le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire, obéissent à des conditions de fond (a) et à des conditions de forme (b). a) Conditions de fond d’ouverture des procédures Les conditions de fond se rapportent au débiteur et à l’entreprise personne morale débitrice en tant que tel. Elles se rapportent également au constat de l’état de cessation des paiements.

1. Le débiteur 148

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D'après l'art 575 new totalement modifié, les procédures de traitement des difficultés sont ouvertes contre : •

toute entreprise dont il est établie qu’elle est en état de cessation de paiement



et aussi à l’encontre du commerçant qui a mis fin à son activité ou qui est décédé en état de cessation des paiements (Art 579) 132.

L’ouverture de la procédure est demandée dans ce cas dans l’année de la retraite ou dans les 6 mois du décès du commerçant lorsque la cessation de paiement est antérieure au décès ou de la retraite. Le code nous informe que la procédure peut être de même ouverte contre l’associé en nom qui s’est retiré de la société en nom collectif dont la cessation des paiements est antérieur à cette retraire. Soulignons que dans le cas du commerçant qui n’est pas inscrit au registre du commerce, la situation de ce dernier ne l’empêchera pas d’encourir une procédure de redressement ou de liquidation, sous prétexte qu’il exerce le commerce sans être inscrit. En effet, les tiers peuvent se prévaloir contre lui de sa qualité. Les sociétés commerciales forment quant à elle le champ d’application principal des procédures de traitement133. 2. L’état de cessation des paiements Les procédures de traitement ne sont ouvertes qu’à l’encontre des entreprises qui ne sont pas en mesure de payer à l’échéance leurs dettes exigibles. L’article 575 de la loi 73-17 précise, en ce sens, qu’une entreprise est réputée être en état de cessation des paiements, si cette dernière n’arrive pas à

Dans le cas de société membre d’un groupe, le principe de l’indépendance juridique des filiales, à l’égard de la société mère et dans les rapports des filiales entre elles, impose que des procédures distinctes soient ouvertes. Les groupements d’intérêt économique (GIE), qu’ils soient civils ou commerciaux, sont également soumis à un régime identique à celui des sociétés commerciales. V. à ce propos CHERKAOUI (H.), Op.cit., p. 280. 133 Cf. CHERKAOUI (H.), op.cit., p. 278 et s. 132

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acquitter son passif exigible avec son actif disponible. La cessation des paiements ne doit toutefois pas être confondue avec l’insolvabilité134. La loi précise, en outre, que la procédure peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier "quelle que soit la nature de sa créance". Le défaut de paiement d’une créance civile ou commerciale, quel que soit sa nature,permet donc de déclencher les procédures. Un autre caractère de la créance, fixé par la jurisprudence, veut que l’état de cessation des paiements ne puisse être déclaré que si le commerçant ne paie pas une dette certaine, liquide et exigible. Précisons enfin que la cessation des paiements doit être prouvée par le créancier qui demande l’ouverture de la procédure. La preuve135 peut être faite par tous les moyens quand il s’agit d’une créance commerciale. S’il s’agit d’une créance civile, la preuve est faite dans ce cas suivant les règles du D.O.C. L’arrêt matériel des paiements peut être établi par tous les moyens car il s’agit de questions de fait. b) Conditions de forme d’ouverture des procédures Les conditions de formes quant à elles sont relatives à la saisine du tribunal (2) et à la détermination de celui compétent (1) pour connaître de l’ouverture de la procédure de traitement. Elles se rapportent également au jugement d’ouverture (3) et à son contenu.

1. Tribunal compétent

La cessation de paiements se distingue de l’insolvabilité. En effet, l’insolvable est le débiteur qui ne paie pas, sous-entendu qu’il ne peut pas payer car son passif dépasse son actif. Au contraire, le commerçant ou la société peut être solvable en ce sens que son actif est supérieur à son passif. 135 Soulignons qu’en pratique, comme le défaut de paiement ne peut être relevé que pour des dettes certaines, liquides et exigibles, les preuves apportées sont toujours les mêmes : protêt des effets de commerce, impossibilité de payer les dettes des emprunts obligataires, disparition du commerçant et fermeture de ses magasins...etc. ; Cf. CHERKAOUI (H.), Op.cit., p. 282. 134

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L’article précise que le tribunal compétent est celui du lieu du principal établissement du commerçant ou du siège social de la société. Soulignons cependant que cette disposition légale remonte à une date antérieure à la promulgation de la loi sur les tribunaux de commerce de 1997136. C’est pourquoi elle ne précise pas qu’actuellement le tribunal compétent en matière de difficultés d’entreprise est le tribunal de commerce137. Ce même tribunal qui a ouvert la procédure reste également compétent pour toutes les actions qui s’y rattachent. S’il se révèle que la procédure doit être étendue à une ou plusieurs autres entreprises par suite de confusion de leurs patrimoines, le tribunal initialement saisi reste compétent138. 2. Saisine du tribunal Le tribunal peut être saisi par le débiteur ou sur assignation d’un créancier, comme il peut se saisir d’office ou sur requête du ministère public ou de celle du président du tribunal.

*La déclaration du débiteur Le chef de l’entreprise qui se retrouve dans l’état de cessation des paiements doit demander l’ouverture d’une procédure de traitement par écrit au greffe du tribunal dans le délai de 30 jours après le constat de cet état de cessation139. Cette demande qui énonce les causes de la cessation des paiements doit, en outre, être accompagnée de certains documents énumérés dans l’article 577 de la loi 73-17. La déclaration de l’état de cessation des paiements incombe aux dirigeants de droit140, ou de fait, ainsi qu’aux représentants permanents des personnes morales dirigeantes. Ces personnes s’exposent à la déchéance

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Dahir n° 1-97-65 du 4 chaoual 1417 (12 février 1997) portant promulgation de la loi n° 53-95 instituant des juridictions de commerce, B.O n° 4482 du 15/05/1997, p. 520. 137 DRISSI ALAMI MACHICHI (M.), op.cit., p. 550. 138 Article 570 du C.com. 139 V. article 576 de la loi 73-17. 140 Il s’agit des présidents (PDG), administrateurs, membres du directoire, directeurs généraux et des gérants.

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commerciale141 au cas où elles auraient omis de faire la déclaration dans le délai prescrit142. *L’assignation des créanciers : Tout créancier de l’entreprise a le droit de demander l’ouverture des procédures quelle que soit la nature de sa créance, compte tenu des dispositions de l’article 578 du code de commerce. Ainsi, le défaut de paiement d’une dette civile soit elle ou commerciale permet dans les deux cas de déclencher les procédures de traitement. L’action du créancier revêt un caractère particulier, elle tend au fait à constater l’état de cessation des paiements du débiteur. Le créancier n’a donc pas besoin d’un titre exécutoire. Le créancier qui agit ne peut prouver cet état que par voie d’assignation, son action n’est enfermée dans aucun délai. Elle peut donc être exercée tant que cette situation d’insolvabilité dure. *La saisine d’office du tribunal : L’article 578 dispose dans son deuxième alinéa que le tribunal peut aussi se saisir d’office ou sur requête du ministère public, ou du président du tribunal dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées par la prévention externe. Le tribunal doit entendre le débiteur avant de statuer sur l’ouverture de la procédure. Ce droit reconnu au tribunal d’ouvrir d’office une procédure de traitement ne signifie pas que le tribunal ne doit pas entendre le débiteur avant de statuer. En effet, le législateur, à travers l’article 582, a posé une règle selon laquelle le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure après avoir entendu ou dûment appeler le chef de l’entreprise en chambre du conseil. Comme il peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.

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V. articles 711 à 720 du C.com. Remarquons, qu’outre leur exposition à la déchéance commerciale, les dirigeants de l’entreprise peuvent se voir ouvrir à leur encontre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. C’est ce qu’on appelle l’extension des procédures aux dirigeants. Comme ils peuvent encourir dans les cas les plus graves les peines de banqueroute qui arrivent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement en plus d’une amende. V. articles 721 à 723 du C.com. 142

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Cette réserve posée par l’article 582 peut être également comprise dans un sens d’éviter qu’une décision soit rendue à la suite d’une information insuffisante143. 3. Le jugement d’ouverture Le jugement d’ouverture de la procédure fixe la date de cessation des paiements (a).Dans le même jugement, le tribunal désigne (b) le syndic et le jugecommissaire. Ce dernier se chargera de nommer un à trois contrôleurs parmi les créanciers de l’entreprise. Ce jugement qui ouvre la procédure doit être publié (c) dans un délai fixé par la loi, et peut faire l’objet de recours (d).

a) La fixation de la date de cessation des paiements L’article 713 nouveau nous informe que la date de cessation des paiements est fixée par le jugement d’ouverture de la procédure. Elle ne peut être antérieure de plus de 18 mois à la date d’ouverture de la procédure. Le même article ajoute que dans le cas où le jugement ne détermine pas la date de cessation des paiements, cette dernière sera réputée être intervenue à la date du jugement même. Cette date peut être reportée une ou plusieurs fois à la demande du syndic. La demande de modification de date devant être présentée au tribunal avant l’expiration du délai de 15 jours à partir du jugement qui arrête le plan de continuation ou de cession, ou, dans le cas de liquidation judiciaire, après le dépôt de l’état des créances. b) Les organes de la procédure *Le juge-commissaire : C’est un juge du tribunal. Il est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence. Dans ce cadre, il statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations

143

MOTIK (M.), Droit commercial marocain, Imprimerie El Maarif Al Jadida, Rabat, 2001, p. 249.

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formulées contre les actes du syndic. Ses ordonnances sont immédiatement déposées au greffe. Elles font l’objet d’un recours devant la Cour d’appel144. Il a, en outre, le pouvoir d’ordonner ou d’autoriser un grand nombre d’actes qui dépassent la compétence du syndic ou du débiteur. Pour permettre au juge-commissaire de remplir sa mission, la loi prévoit également que le procureur du Roi lui communique, sur sa demande ou d’office, tous les renseignements qu’il détient et qui peuvent être utiles à la procédure. *Le syndic : La fonction de syndic est exercée par le greffier. Toutefois, le tribunal peut, le cas échéant, la confier à un tiers 145.Il est chargé de mener les opérations de redressement ou de liquidation judiciaire à partir du jugement d’ouverture jusqu’à la clôture de la procédure. Compte tenu des dispositions de l’article 675 nouveau, le syndic a seul la qualité pour agir au nom et dans l’intérêt des créanciers. À l’égard du débiteur, le rôle du syndic varie suivant la nature de la procédure. Dans le redressement judiciaire, l’article 592 précise que le jugement qui désigne le syndic, le charge de : - soit surveiller les opérations de gestion ; - soit d’assister le chef de l’entreprise pour tous les actes concernant la gestion ou certains d’entre eux ; - soit d’assurer seul, entièrement ou en partie, la gestion de l’entreprise. Dans la liquidation judiciaire, le débiteur est représenté par le syndic du fait du dessaisissement qui l’empêche d’accomplir un acte juridique de quelque nature qui soit opposable aux créanciers. À tout moment, le tribunal peut modifier la mission du syndic à sa demande ou d’office. Il peut même le remplacer à la demande du juge-commissaire, soit d’office, soit sur réclamation du débiteur ou d’un créancier. *Les contrôleurs146 : Le juge-commissaire désigne un à trois contrôleurs parmi les créanciers qui lui en font la demande, dont au moins un parmi les

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V. article 672 new du C.com. V. article 568, al. 3 du C.com. 146 En pratique, la fonction de contrôleur est assurée par le chef de fil des créanciers qui est généralement une banque qui détient la créance la plus importante à l’encontre de l’entreprise débitrice. Remarquons également dans le même sens que les fonctions de 145

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créanciers titulaires de sûretés et un autre parmi les créanciers chirographaires. Ils peuvent être des personnes physiques ou morales. Dans le cas du redressement judiciaire, les contrôleurs assistent le syndic dans ses fonctions et le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l’administration de l’entreprise. Dans la liquidation judiciaire, leur mission se limite au contrôle des opérations de liquidation. Les contrôleurs peuvent prendre connaissance de tous les documents transmis

au

syndic.

Ils

rendent

compte

aux

autres

créanciers

de

l’accomplissement de leur mission à chaque étape de la procédure. Ils peuvent être révoqués d’office par le tribunal, sans qu’une proposition lui soit faite dans ce cadre par le juge-commissaire ou le syndic. *L’assemblée des créanciers : Elle est constituée quand une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’encontre d’une entreprise soumise à l’obligation de désignation d’un commissaire aux comptes conformément aux textes législatifs en vigueur, ou lorsque son chiffre d’affaires annuel dépasse cinquante (50) millions de dirhams, et qui emploie pas moins de cinquante (50) salariés, durant l’année qui précède l’ouverture de la procédure147. Le tribunal peut, sur demande du syndic et sur la base d’un jugement, constituer une assemblée des créanciers même en l’absence des conditions indiquées dans l’alinéa précédent… » c) Publicité du jugement d’ouverture Le jugement d’ouverture prend effet à partir de sa date, il est mentionné dès son prononcé au registre du commerce local et central de l’entreprise contre laquelle la procédure est ouverte148.

contrôleur sont gratuites. Le contrôleur peut se faire représenter par l’un de ses préposés ou par un avocat. Cf. EL HAMMOUMI (A.), op.cit., p. 77 et s. 147 V. art. 606 de la loi 73-17. 148 Art. 584 de la loi 73-17.

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De plus, dans les 8 jours de son prononcé, un avis de la décision est publié par les soins du secrétaire greffier dans un JAL et au BO. Cet avis invite les créanciers à déclarer leurs créances au syndic désigné. Il est affiché par les soins du greffier dès son prononcé au panneau réservé à cet effet au tribunal. La décision doit être également indiquée dans les livres tenus par la conservation foncière ou dans les registres propres à l’immatriculation des navires et aéronefs, ou dans tout autre registre pour la même raison, selon le cas. Il convient de noter en ce sens que le texte de loi ne décide point de notification du jugement à tout créancier demandeur, conformément à la règle de droit commun149. Il ne prévoit cependant cette mesure qu’à l’égard de l’entreprise soumise à la procédure à laquelle le greffier notifie le jugement sans délai150.

d) Les voies de recours Les jugements et ordonnances rendues en matière de procédures de traitement des difficultés et de liquidation sont exécutoires de plein droit151, ce qui écarte l’effet suspensif qui est attaché, selon le droit commun, à l’appel. L’opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de redressement et de liquidation et de déchéance commerciale par déclaration au greffe du tribunal dans le délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision ou de sa publication au BO si cette publication est prescrite.

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DRISSI ALAMI MACHICHI (M.), op.cit., p. 558. V. article 569, al. 3 C.com. 151 Soulignons à cet égard que l’effet exécutoire du jugement d’ouverture de la procédure se justifie par la nécessité de prendre d’urgence, dans l’intérêt des créanciers, des mesures qui empêchent le débiteur de compromettre ou de faire disparaître ce qui reste de son actif. Cf. CHERKAOUI (H.), Op.cit., p. 289. 150

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Ces mêmes décisions sont susceptibles d’appel et de pourvoi en cassation, et ceci dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision ou de l’arrêt152. Ces recours peuvent être exercés par le débiteur ou l’un des créanciers et même par le ministère public si ce dernier est partie principale153 à la procédure. § II -La période d’observation La période d’observation est une période d’immobilité où l’entreprise bénéficie d’une suspension des poursuites susceptibles d’être intentées contre elle, c'est-à-dire d’une sorte de moratoire général. Il s’agit, en effet, d’une période préparatoire pendant laquelle l’exploitation continue, et au cours de laquelle le syndic commence par établir un rapport sur la situation de l’entreprise, d’après lequel le tribunal décidera soit un plan de redressement, soit la liquidation judiciaire. A. Préparation de la solution Le syndic avec le concours du chef de l’entreprise et éventuellement l’assistance d’un ou plusieurs experts dresse dans un rapport le bilan financier, économique et social de l’entreprise. Sur la base de ce rapport, le syndic proposera soit un plan de redressement sous la forme de continuation de l’entreprise ou sa cession à un tiers, soit sa liquidation judiciaire154. Ces propositions sont remises par le syndic au juge-commissaire à l’expiration d’un délai maximum de 4 mois à compter de la date du jugement d’ouverture de la procédure. Ce délai peut, le cas échéant, être renouvelé par le tribunal à la demande du syndic une seule fois. Force est de souligner que la loi n° 73-17 a prévu une nouveauté far qui vient renforcer la participation des créanciers dans la procédure. Il s’agit en l’occurrence de l’institution d’une assemblée des créanciers. En effet, la nouvelle loi associe désormais les créanciers dans la préparation du projet de plan de redressement, qui n’est plus le monopole du syndic.

152

V. articles 728 à 732 du C.com. V. article 6 du code de procédure civile. 154 Cf. article 595 de la loi 73-17. 153

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L’art. 607 de cette loi nous enseigne, à cet effet, que « L’assemblée se réunie en vue de délibérer à propos du : -

Projet de plan de redressement pour continuation de l’exploitation de l’entreprise indiqué dans l’art. 595 ci-dessus ;

-

Projet de plan de redressement pour continuation de l’exploitation de l’entreprise proposé par les créanciers conformément aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 615 ci-dessous ;

-

Changement dans les moyens et objectifs du plan de redressement pour continuation de l’exploitation de l’entreprise en cas d’application des dispositions de l’article 629 ci-dessous… » L’art. 615 nous informe, en sus, dans le cas de proposition du projet de

plan de redressement par le syndic que seulement : « Si l’assemblée est d’accord sur le projet de plan de redressement proposé par le syndic, ce dernier remet, dans l’ordre du jour qui suit la date de réunion de l’assemblée, le projet cité au tribunal… » D’autant plus qu’il est précisé au dernier alinéa du même article que : « Le syndic, quand il envisage de remettre le projet de plan de continuation au tribunal pour homologation, il doit lui joindre les procès-verbaux des réunions de l’assemblée. »155 B. Plan de la solution Le tribunal décide156, sur la base du rapport du syndic et après avoir entendu le chef de l’entreprise, les contrôleurs et les délégués du personnel, soit la continuation de l’entreprise, soit sa cession, soit sa liquidation judiciaire. Remarquons à cet égard que le tribunal dispose d’un pouvoir souverain. Il peut en effet approuver ou rejeter les conclusions du rapport du syndic, qui peut lui-même proposer un redressement ou une liquidation.

155

article 595 de la loi 73-17. La décision fixant le sort de l’entreprise est prise par le tribunal seul, mais afin de respecter le principe du contradictoire, le tribunal ne peut statuer qu’après avoir entendu ou dûment appeler ces organes. V. à ce propos GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 2 : Entreprises en difficultés, redressement judiciaire – faillite, ECONOMICA DELTA, 9 e éd., Paris, 2003, p. 210 et s. 156

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Le tribunal peut également, quand le syndic propose une liquidation, décider la prolongation de la période d’observation si celle-ci n’est pas expirée, afin de permettre l’établissement d’un plan de continuation. Le tribunal peut, en outre, subordonner l’adoption du plan au remplacement des dirigeants ou ordonner la cession des parts dont ils sont propriétaires157. New: Il doit en outre prendre en considération l’avis de l’association des créanciers (art 606 et svt new) La décision du tribunal donne au plan un caractère définitif. Il ne faut, toutefois, pas confondre le jugement qui a arrêté le plan ou prononcé la liquidation judiciaire, avec celui qui a ouvert la procédure. Les décisions prises dans le jugement qui arrête le plan sont en effet irréversibles. Précisons enfin, que les personnes qui exécuteront le plan, même à titre d’associé, ne peuvent pas se voir imposer des charges autres que les engagements qu’ils ont souscrits au cours de sa préparation158.

§ III - Modalités du traitement Compte tenu des dispositions de l’art. 583, le redressement judiciaire est prononcé (A) s’il apparaît que la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise. Dans le cas contraire, la liquidation judiciaire sera prononcée (B). A. Le redressement judiciaire de l’entreprise Sur la base du rapport établi par le syndic, le tribunal décide soit la continuation de l’entreprise (a) s’il existe de fortes chances de redressement, soit sa cession (b) à un tiers. a) Le redressement par la continuation La continuation de l’entreprise est prononcée lorsqu’il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif.

157 158

V.Articles 583, 584 du C.com. V. article 591 du C.com.

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1. Le plan de continuation159 Le plan de continuation arrêté par le tribunal indique les conditions et les moyens de la continuation. Il indique ainsi, le cas échéant, les modifications apportées à la gestion de l’entreprise selon les modalités d’apurement du passif. Le tribunal peut arrêter le plan même si la vérification des créances n’est pas encore terminée, en raison des contestations portées devant la justice. La durée du plan est fixée par le tribunal sans pouvoir excéder 10 ans. Le plan mentionne également les modifications des statuts nécessaires à la continuation de l’entreprise. Le syndic convoque à cet effet l’assemblée compétente pour les mettre en œuvre. Aussi, la continuation est accompagnée, s’il y a lieu, de l’arrêt, de l’adjonction, ou de la cession de certaines branches d’activité. Remarquons ici que l’adjonction reste peu probable car l’entreprise se trouve déjà en difficulté, sauf dans le cas où certaines branches peuvent constituer un complément nécessaire et avantageux pour celles déjà existantes160. Lorsque l’entreprise a fait l’objet d’une interdiction d’émettre des chèques en raison de faits antérieurs au jugement d’ouverture, le tribunal peut prononcer la suspension des effets de cette mesure pendant la durée d’exécution du plan et du règlement du passif. Le tribunal peut, par ailleurs, dans le jugement qui arrête le plan ou le modifie décider que les biens qu’il estime indispensables à la continuation de l’entreprise ne pourront

être aliénés, pour une durée qu’il fixe, sans son

autorisation. L’inaliénabilité est inscrite au registre du commerce de l’entreprise. Tout acte passé en violation de cette inaliénabilité sera annulé à la demande de tout intéressé présentée dans le délai de 3 ans à compter de la conclusion de l’acte ou de sa publication161.

159

Dans la pratique française, la continuation reste la solution retenue par un peu plus de la moitié des plans de continuation, ce qui ne représente toutefois que 3 % des procédures, puisque la plupart des temps celles-ci se terminent par une liquidation ; Cf.GUYON (Y.), op.cit., note 7, p. 294 ; Infostat Justice n° 19, janv. 1991. 160 Cf. CHERKAOUI (H.), Op.cit., p. 314. 161 Article 595 du C.com.

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Précisons enfin, qu’une quelconque modification dans les objectifs et les moyens du plan ne pourra intervenir que par décision du tribunal à la demande du chef de l’entreprise et sur rapport du syndic. 2. Apurement du passif Le tribunal donne acte des délais et remises accordés par les créanciers au cours de la consultation menée par le syndic 162. Le cas échéant, le tribunal pourra réduire ces délais et remises afin de rapprocher les sacrifices consentis par les créanciers. Les créanciers qui n’ont pas acceptés ni délai ni remises ne pourront, pour leur part, se voir imposer par le tribunal de remise contre leur gré. En revanche, le tribunal peut imposer à tous les créanciers qu’ils soient privilégiés ou chirographaires des délais uniformes de paiement, sous réserve pour les créances à termes, des délais supérieurs stipulés par les parties avant l’ouverture des procédures. Ces délais peuvent même excéder la durée du plan. Le premier paiement doit intervenir dans le délai d’un an163. En cas de vente d’un bien grevé d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d’un privilège général, sont payés sur le prix après le paiement des créanciers qui les priment. Ce paiement anticipé s’impute sur le principal des premiers dividendes à échoir et les intérêts y afférent sont remis de plein droit. b) La cession de l’entreprise La cession a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif. Elle peut être totale ou partielle. La cession est opérée suivant certaines modalités (1) fixées par la loi. Elle produit des effets (2) tant bien à l’égard du cessionnaire qu’à l’égard des créanciers.

162 163

V. à cet effet articles 585 à 589 du C.com. V. article 598 du C.com.

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1. Modalités de la cession Les offres de cession sont communiquées au syndic dans le délai qu’il a fixé. Il en informe les contrôleurs. Toute offre doit indiquer : 1° les prévisions d’activité de financement ; 2° le prix de cession et ses modalités de règlement ; 3° la date de réalisation de la cession ; 4° le niveau et les perspectives d’emploi justifiés par l’activité considérée ; 5° les garanties souscrites en vue d’assurer l’exécution de l’offre ; 6° les prévisions de vente d’actifs au cours des deux années suivant la cession164. Le juge peut à cet égard demander des explications complémentaires. Le syndic donne au tribunal tout élément qui permet de vérifier le caractère sérieux de l’offre. Le tribunal retient, par la suite, l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé et le paiement des créanciers. Le syndic exécute le plan de cession arrêté par le tribunal, sa mission dure jusqu’à la clôture de la procédure. Lorsque le paiement du prix de cession est effectué et le montant réparti entre les créanciers, le tribunal prononce la clôture de la procédure.

2. Effets de la cession La cession produit bien des effets tant à l’égard du cessionnaire qu’à l’égard des créanciers de l’entreprise. L’article 642 nouveau dispose en effet que tant que le prix de cession n’est pas intégralement payé, le cessionnaire ne pourra, à l’exception des stocks, aliéner, donner en garantie ou donner en location gérance les biens corporels ou incorporels qu’il a acquis. Tout acte passé en violation de l’interdiction est annulé à la demande de tout intéressé présentée dans le délai de 3 ans à compter de la conclusion de l’acte ou de sa publication. Le cessionnaire rend compte au syndic de l’exécution des dispositions arrêtées par le plan de cession. Au cas où le cessionnaire n’exécute pas ses

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Article 604 du C.com.

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engagements, le tribunal pourra, d’office ou à la demande du syndic ou d’un créancier, prononcer la résolution du plan (Art 645 nouveau). Quant au sort des créanciers dans la cession, l’article 615 décide que le prix de cession est réparti par le syndic entre les créanciers suivant leur rang. Le jugement qui arrête le plan de cession totale de l’entreprise rend exigible les dettes non échues. Lorsque la cession porte sur des biens grevés d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque, une quote-part du prix est affectée par le tribunal à chacun de ces biens pour la répartition du prix et l’exercice du droit de préférence. Les créanciers titulaires de sûretés ne pourront également exercer leur droit de suite contre le cessionnaire. Jusqu’au paiement complet du prix qui emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession, les créanciers bénéficiaires d’un droit de suite ne pourront l’exercer qu’en cas d’aliénation du bien cédé par le cessionnaire165.

B. La liquidation judiciaire166 de l’entreprise La liquidation judiciaire est prononcée lorsque la situation de l’entreprise est irrémédiablement compromise, c'est-à-dire qu’il n’existe plus de chances de redressement. Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte dessaisissement pour le débiteur (1) de l’administration et de la disposition de ses biens. La procédure de liquidation judiciaire consistera en la réalisation de l’actif disponible (2) en vue d’apurer le passif exigible (3).

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V. article 617 du C.com. Remarquons que plus de 90 % des procédures se terminent par une liquidation et les chirographaires (créanciers ordinaires) touchent rarement plus de 5 % du montant de leur créance. V. GUYON (Y.), Op.cit., note 1, p. 329 ; Infostat Justice n° 19, janv. 1991. 166

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a) Dessaisissement du débiteur Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens, voire même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation par le syndic. La loi permet cependant au débiteur d’exercer les actions purement personnelles concernant la paternité, la nationalité ou le divorce. Il peut aussi se constituer partie civile dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur d’une infraction pénale dont il serait victime, sans qu’il puisse toutefois encaisser les dommages-intérêts et indemnités. Celles-ci bénéficieront en effet à la liquidation167. b) Réalisation de l’actif Les ventes d’immeubles ont lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière. Après avoir recueilli les observations des contrôleurs, le débiteur et le syndic entendus ou dûment appelés, le juge-commissaire détermine la mise à prix, les conditions essentielles de la vente et les modalités de la publicité. En outre, dans les mêmes conditions, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues permettent d’envisager une cession amiable plus avantageuse, celle-ci peut être autorisée par le juge-commissaire, soit sous forme d’adjudication amiable sur la mise à prix qu’il fixe, soit même de gré à gré aux prix et modalités qu’il détermine. Il convient de noter, par ailleurs, que des unités de production composées de tout ou partie de l’actif mobilier ou immobilier peuvent faire l’objet d’une cession globale. Le syndic suscite à cet effet des offres d’acquisition et fixe le délai pendant lequel elles sont reçues. Le juge-commissaire choisi l’offre la plus sérieuse permettant d’assurer l’emploi et le paiement des créanciers. Quant aux

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DRISSI ALAMI MACHICHI (M.), Op.cit., p. 592.

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autres biens de l’entreprise, le juge-commissaire ordonne leur vente aux enchères publiques ou de gré à gré après avoir entendu le chef de l’entreprise et recueilli les observations des contrôleurs. c) Apurement du passif Dans le cas où plusieurs distributions de sommes précèdent la répartition du prix des immeubles, les créanciers privilégiés et hypothécaires admis concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances totales. Après la vente des immeubles et le règlement définitif de l’ordre entre les créanciers hypothécaires et privilégiés, ceux d’entre eux qui viennent en rang utile sur le prix des immeubles pour la totalité de leur créance ne perçoivent le montant de leur collocation hypothécaire que sous la déduction des sommes par eux reçues. Les sommes ainsi déduites profitent aux créanciers chirographaires. Les créanciers privilégiés ou hypothécaires, non remplis sur le prix des immeubles, concourent avec les créanciers chirographaires pour ce qui leur reste dû. Enfin, le montant d’actif, distraction faite des frais et dépens de la procédure, des subsides accordés par le juge-commissaire au chef de l’entreprise ou aux dirigeants ou à leur famille et des sommes payées aux créanciers privilégiés, est réparti entre tous les créanciers au marc le franc de leurs créances admises. La part correspondant aux créances sur l’admission desquelles il n’aurait pas été statué définitivement et, notamment, les rémunérations des dirigeants sociaux tant qu’il n’aura pas été statué sur leur cas, est mise en réserve. Enfin, à tout moment, le tribunal peut prononcer, même d’office, le chef d’entreprise appelé sur rapport du juge-commissaire, la clôture de la liquidation judiciaire lorsqu’il n’existe plus de passif exigible ou que le syndic dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou encore lorsque la poursuite des opérations de liquidation devient impossible du fait de l’insuffisance d’actif.

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BIBLIOGRAPHIE LES DIFFICULTES DE L’ENTREPRISE CHERKAOUI (H.), Droit commercial, Imprimerie Najah Al Jadida, 3ème éd., 2010

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MOTIK (M.), Droit commercial marocain, Imprimerie El Maârif Al Jadida, Rabat, 2001

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BIBLIOGRAPHIE I – THEORIE GENERALE DE DROIT COMMERCIAL A – DROIT MAROCAIN - CHOUKRI SOUBAI (A), Traité de droit commercial marocain et comparé, Rabat, Imprimerie Al Maarif Al Jadida, (en arabe) : * T I, Théorie générale de l'évolution du commerce et du droit commercial et les actes de commerce par nature, 4ème éd., 1994, * T III, Les entreprises commerciales, les actes de commerce maritimes, les actes de commerce par accessoire, les actes mixtes, le commerçant individuel ses obligations et ses droits, 1993, - DECROUX (P), Les sociétés en droit marocain, Rabat, Éditions LA PORTE, 3ème éd., 1987. - DRISSI ALAMI MACHICHI (M), Droit commercial, Cour polycopié, Faculté de droit de Rabat, 1974. - MARTIN (D), Droit civil et commercial marocain, Casablanca, Al Madariss, 3 ème éd. 1985. - MOTIK (M), Droit commercial marocain, Rabat, Imp. AL MAARIF AL JADIDA, 2001. - ZEROUAL (A.), Droit commercial, Cour policop. 3 ème année de licence droit public, Faculté de droit, Rabat, sans date. B – DROIT FRANCAIS - GUYON (Y), Droit des affaires, T 1, Droit commercial général et sociétés, 6 ème éd., Economica, 1990. - HAMEL (J), LAGARDE (G), et JAUFFRET (A), Droit commercial, 2 ème éd., T I, Volume I, Paris, Dalloz, 1980. - de JUGLART (M) et IPPOLITO (B), Cours de droit commercial, Volume I, 9ème éd., Montchrestien, 1988. - LE GALL (JP), Droit commercial, 12ème éd. Paris, Dalloz,1998, Coll. Mémentos Dalloz. - LUCAS (F.X), Droit commercial : actes de commerce, commerçant, fonds de commerce, Paris, Montchrestien, 1998, Coll. Focus droit.

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IV – LES SOCIETES COMMERCIALES I – DROIT MAROCAIN - BAHNINI (B), La SA en droit marocain, Analyse et explications, Casablanca, Headline, 1998. - CHERKAOUI (H.), La société anonyme, Casablanca, Najah Al Jadida, 1997. - COUR SUPREME, Arrêts de la cour suprême en matière commerciale de 1970 à 1997, Rabat, Al Maarif Al Jadida, 1997. - DECROUX (P), Les sociétés en droit marocain, Rabat, Éditions LA PORTE, 5ème éd., 1988. - DRISSI ALAMI MACHICHI (M), Cours de droit commercial, cours polycopié, Faculté de droit, Rabat, 1974. -

FCULTE DES

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LE CANNU P. et DONDERO B., Droit des sociétés, 4e éd., 2011, Précis Domat, Montchrestien, Lextenso éditions.

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MAGNIER V., Droit des sociétés, 2011, 5e éd., Cours Dalloz.

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Mémento pratique Francis LEFEBVRE, Droit des affaires. Sociétés commerciales 2013, oct. 2012, éd. Francis Lefebvre.

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MESTRE J. (avec le concours de VELARDOCCHIO D. et BLANCHARDMERLE Ph. (avec la collaboration de A. FAUCHON), Droit commercial. Sociétés commerciales, 15e éd., 2012, Précis Dalloz.

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TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ............................................................................................................. 2 I - DEFINITION ET PARTICULARITES DU DROIT COMMERCIAL ................................ 2 A - LE FORMALISME DU DROIT COMMERCIAL ................................................................. 2 B - LA SOUPLESSE DU DROIT COMMERCIAL ..................................................................... 3

II - LES SOURCES DU DROIT COMMERCIAL.................................................................... 3 A- LES SOURCES ECRITES ............................................................................................ 3 a - Les sources nationales .............................................................................................................. 3 1/ Le code de commerce et la refonte du droit des affaires..................................................... 3 2/ Le D.O.C. : .......................................................................................................................... 4 b- Les sources internationales ....................................................................................................... 4

B- LES SOURCES NON ECRITES .................................................................................. 5 a- Les usages commerciaux ........................................................................................................... 5 b - La jurisprudence ....................................................................................................................... 5

III– LES JURIDICTIONS DE COMMERCE ........................................................................... 6 A – LES TRIBUNAUX DE COMMERCE ........................................................................ 6 a – Composition ............................................................................................................................. 6 b – Compétence ............................................................................................................................. 6

B – Les cours d’appel de commerce ................................................................................ 7 a – Composition ............................................................................................................................. 7 b – Compétence ............................................................................................................................. 7

PREMIERE PARTIE : ................................................................................................................ 8 LA MATIERE DU DROIT COMMERCIAL ........................................................................... 8 CHAPITRE 1 - L’OBJET DU DROIT COMMERCIAL......................................................... 9 SECTION I - LES ACTIVITES COMMERCIALES .................................................................. 9 § 1 - LES ACTIVITES DE PRODUCTION ...................................................................... 9 § 2 – LES ACTIVITES DE DISTRIBUTION .................................................................. 10 A - L’ACHAT POUR REVENDRE ........................................................................................... 10 B - LA FOURNITURE ............................................................................................................... 11

§ 3 - LES ACTIVITES DE SERVICES ............................................................................ 11 A - LES SERVICES DE L’INTERMEDIATION ...................................................................... 11 a - Le courtage ....................................................................................................................... 11 b - La commission ................................................................................................................. 12 c - Les bureaux et agences d’affaires .................................................................................... 12 B - LES SERVICES FINANCIERS............................................................................................ 12 1 - La banque................................................................................................................... 13 2 - Le crédit ..................................................................................................................... 13 3 - Les transactions financières ....................................................................................... 13 4 - L’assurance ................................................................................................................ 13 C - LES AUTRES SERVICES.................................................................................................... 14

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1 – L'activité industrielle ................................................................................................. 14 2 - La location de meubles .............................................................................................. 14 3 - L’exploitation de locaux à usage public .................................................................... 15 4 - Le transport ................................................................................................................ 15 5 – La domiciliation ........................................................................................................ 15

SECTION II - LES ACTES DE COMMERCE .......................................................................... 16 § I - LES ACTES DE COMMERCE PAR LA FORME ................................................... 16 A - LA LETTRE DE CHANGE .................................................................................................. 17 B - LES SOCIETES COMMERCIALES.................................................................................... 17

§ II - LES ACTES DE COMMERCE PAR ACCESSOIRE ............................................. 17 § III - LES ACTES MIXTES .......................................................................................... 18 CHAPITRE II - LE SUJET DU DROIT COMMERCIAL .................................................... 19 SECTION I - DEFINITION DU COMMERÇANT ................................................................... 19 § I - L’EXERCICE HABITUEL OU PROFESSIONNEL DES ACTIVITÉS COMMERCIALES ........................................................................................................................ 20 § II - L’EXERCICE POUR SON PROPRE COMPTE ................................................... 20 A – LA RÈGLE ........................................................................................................................... 20 B - LES EXCEPTIONS............................................................................................................... 21 a - Les commissionnaires ...................................................................................................... 21 b - Les prête-noms ................................................................................................................. 21

SECTION II - LA CONDITION JURIDIQUE DU COMMERCANT ...................................... 21 § I - LA CAPACITE COMMERCIALE ........................................................................... 21 § II - LES RESTRICTIONS A LA LIBERTE DU COMMERCE ..................................... 22 A - LES INCOMPATIBILITÉS .................................................................................................. 23 B - LES DÉCHÉANCES............................................................................................................. 23 C - LES INTERDICTIONS......................................................................................................... 23 D - LES AUTORISATIONS ....................................................................................................... 24

SECTION III - LES OBLIGATIONS DU COMMERCANT .................................................... 24 §1 – LES OBLIGATIONS NOUVELLES ........................................................................ 24 §2 – LA PUBLICITE AU REGISTRE DE COMMERCE ............................................... 27 A - LE FONCTIONNEMENT DU R.C. ..................................................................................... 27 a - L’organisation du R.C. ..................................................................................................... 27 b - Les personnes assujetties ................................................................................................. 28 c - Les inscriptions au R.C. ................................................................................................... 28 1 - Les immatriculations ................................................................................................. 28 1°/ L’immatriculation principale .............................................................................. 28 2°/ Les inscriptions complémentaires ....................................................................... 28 3°/ Les immatriculations secondaires ....................................................................... 29 2 - Les inscriptions modificatives ................................................................................... 29 3 - Les radiations ............................................................................................................. 30 B - LES EFFETS DE L’IMMATRICULATION ........................................................................ 30 a - Les effets à l'égard des personnes physiques ................................................................... 30

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1 - La présomption de commercialité ............................................................................. 30 2 - Les effets du défaut d’immatriculation ...................................................................... 30 b - Les effets à l’égard des personnes morales ...................................................................... 31

§ 3 - LA TENUE D’UNE COMPTABILITE ................................................................... 31 A - LES LIVRES ET DOCUMENTS COMPTABLES.............................................................. 32 B - LES REGLES RELATIVES À LA TENUE DE LA COMPTABILITE ET LEURS SANCTIONS ............................................................................................................................................... 33 a - Les règles ......................................................................................................................... 33 b - Les sanctions .................................................................................................................... 36 1 - Les sanctions fiscales ................................................................................................. 36 2 - Les sanctions pénales ................................................................................................. 37 C - LA PREUVE PAR LES DOCUMENTS COMPTABLES ................................................... 38 a - La force probante des documents comptables ................................................................. 38 1 - Les documents comptables sont invoqués comme preuve contre le commerçant qui les tient ............................................................................................................................................ 39 2 - Les documents comptables invoqués comme preuve par le commerçant qui les tient ......................................................................................................................................................... 39 2-1/ La preuve est dirigée contre un commerçant..................................................... 39 2-2/ La preuve est dirigée contre un non commerçant.............................................. 39 b - Les modes de production en justice ................................................................................. 40 1 - La communication ..................................................................................................... 41 2 - La représentation ....................................................................................................... 41

SECTION IV – L'AUTO-ENTREPRENEUR.................................................................................... 42 SECTION V – LE REGIME JURIDIQUE DU DOMAINE COMMERCIAL .......................... 45 § I - LES PARTICULARITES DES REGLES DE FOND .............................................. 45 1°/ La capacité ................................................................................................................. 45 2°/ La solidarité ............................................................................................................... 45

§ II - LES PARTICULARITES DES REGLES DE FORME ........................................... 46 1°/ La compétence judiciaire........................................................................................... 46 2°/ La preuve ................................................................................................................... 46 3°/ Le redressement et la liquidation judiciaires ............................................................. 47

DEUXIEME PARTIE : .............................................................................................................. 48 LES INSTRUMENTS DU COMMERCE ................................................................................ 48 CHAPITRE 1 – LES EFFETS DE COMMERCE .................................................................. 48 SECTION 1 – LA LETTRE DE CHANGE................................................................................ 48 § 1 – L’EMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE ....................................................... 49 A – CONDITIONS DE VALIDITE ............................................................................................ 49 a – La capacité ....................................................................................................................... 49 b – Les mentions obligatoires................................................................................................ 49 B – SANCTION DE LA VALIDITÉ DE LA LETTRE DE CHANGE ..................................... 50 a – Les omissions dans les mentions obligatoires ................................................................. 50 b – L’incapacité ..................................................................................................................... 50

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§ 2 – L’ACCEPTATION ................................................................................................. 50 A – FORMES ET MODALITES ................................................................................................ 50 B – CONSEQUENCES DE L’ACCEPTATION ........................................................................ 51 a – Provision et valeur fournie .............................................................................................. 51 1 – Constitution de la provision ...................................................................................... 51 2 – Propriété de la provision ........................................................................................... 51 3 – La valeur fournie ....................................................................................................... 51 b – Inopposabilité des exceptions du tiré au porteur ............................................................. 51 c – Les exceptions opposables au porteur ............................................................................. 51 d – Les effets de complaisance et de cavalerie...................................................................... 52

§ 3 – LES GARANTIES DE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE ..................... 53 A – LE TRANSFERT DE LA PROPIETE DE LA PROVISION .............................................. 53 B – LA SOLIDARITE................................................................................................................. 53 C – L’AVAL................................................................................................................................ 54

§ 4 – LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE ............................................. 54 A – L’ENDOSSEMENT TRANSLATIF DE PRORIETE ......................................................... 54 B – L’ENDOSSEMENT PAR PROCURATION ....................................................................... 55 C – L’ENDOSSEMENT PIGNORATIF..................................................................................... 55

§ 5 – LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE .................................................... 56 A – L’ECHEANCE ..................................................................................................................... 56 B – LA PRESENTATION AU PAIEMENT .............................................................................. 56 a – Lieu et date de la présentation ......................................................................................... 56 b – La perception du montant de la créance .......................................................................... 56

§ 6 – LES OBSTACLES AU PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE ..................... 57 A – L’OPPOSITION AU PAIEMENT ....................................................................................... 57 B – LE REFUS DE PAIEMENT................................................................................................. 57 a – Le protêt........................................................................................................................... 57 b – Le cas de dispense du protêt ............................................................................................ 58

§ 7 – LES RECOURS...................................................................................................... 58 A – LES RECOURS DU PORTEUR DILIGENT ...................................................................... 58 B – LES DECHEANCES DU PORTEUR NEGLIGENT .......................................................... 58 C – LES PRESCRIPTIONS DES RECOURS ............................................................................ 58

SECTION 2 – LE BILLET A ORDRE....................................................................................... 59 § 1 – SPECIFICITES ...................................................................................................... 59 A – Définition .............................................................................................................................. 59 B – Nature du billet à ordre ......................................................................................................... 59 C – Régime cambiaire ................................................................................................................. 60

§ 2 – CONDITIONS DE VALIDITE ............................................................................... 60 A – LES CONDITIONS DE FORME......................................................................................... 60 a – La dénomination «billet à ordre» .................................................................................... 60 b – La promesse pure et simple de payer .............................................................................. 60 B – LES CONDITIONS DE FOND ............................................................................................ 60 a – La capacité ....................................................................................................................... 60 b – Absence de la notion de provision .................................................................................. 61

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c – Absence de la notion d’acceptation ................................................................................. 61

SECTION 3 – LE CHÈQUE ...................................................................................................... 61 § 1 – LES ASPECTS TECHNIQUES .............................................................................. 62 A – NATURE ET FONCTION DU CHÈQUE ........................................................................... 62 B – LES CONDITIONS FORMELLES...................................................................................... 62 a – Les mentions obligatoires ................................................................................................ 62 b – Les mentions facultatives ................................................................................................ 63 C – LE CHÈQUE, INSTRUMENT DE PAIEMENT FACULTATIF........................................ 64 D – LA PROVISION DU CHÈQUE........................................................................................... 64 a - Le contenu de la provision ............................................................................................... 64 b - Le moment de l’existence de la provision ....................................................................... 64 c- Le transfert de la propriété de la provision ....................................................................... 65 E – JUSTIFICATION D’IDENTITE .......................................................................................... 65 F – LA CIRCULATION DU CHÈQUE ..................................................................................... 65

§ 2 – LES SYSTEMES DE PROTECTION DU CHEQUE ............................................. 66 A – LE SYSTEME CAMBIAIRE ............................................................................................... 66 a – La présentation au paiement ............................................................................................ 66 b – Le protêt .......................................................................................................................... 67 c – Les avis ............................................................................................................................ 67 d – Les délais de prescription ................................................................................................ 67 e – Les recours cambiaires .................................................................................................... 68 B – LE SYSTEME BANCAIRE ................................................................................................. 68 a – Les obligations des banques ............................................................................................ 69 1 – Lors de l’ouverture des comptes ............................................................................... 69 2 – Lors des incidents de paiement ................................................................................. 69 b – La réparation de l’incident .............................................................................................. 69 1 – La régularisation ....................................................................................................... 69 2 – L’amende forfaitaire ................................................................................................. 70 c – La responsabilité des banques ......................................................................................... 70 1 – Les sanctions pénales ................................................................................................ 71 2 – Les sanctions de garantie .......................................................................................... 71 d – Le rôle de Bank Al-Maghrib ........................................................................................... 71 C – LE SYSTEME PENAL ........................................................................................................ 72 a – Les infractions en matière de chèque .............................................................................. 72 1 – L’omission de constituer ou de maintenir la provision ............................................. 72 2 – L’opposition irrégulière ............................................................................................ 72 3- L’acceptation et l’endossement des chèques de garantie ........................................... 72 b – Les sanctions pénales ...................................................................................................... 73

CHAPITRE II - LE FONDS DE COMMERCE ..................................................................... 74 SECTION I - LES ELEMENTS DU F.C. .................................................................................. 74 § I - LES ELEMENTS CORPORELS ............................................................................. 74 § II - LES ELEMENTS INCORPORELS ........................................................................ 75 SECTION II - LES CONTRATS PORTANT SUR LE FONDS DE COMMERCE .................. 77

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§ I - LA VENTE DU FONDS DE COMMERCE ............................................................ 77 A - LES CONDITIONS DE LA VENTE.................................................................................... 78 a - Les conditions de fond ..................................................................................................... 78 b - Les conditions de forme ................................................................................................... 78 B - LES EFFETS DE LA VENTE .............................................................................................. 78 a - Les règles protectrices des droits de l’acquéreur ............................................................. 79 1 - Les règles générales ................................................................................................... 79 2 - Les règles spéciales.................................................................................................... 79 b - Les règles protectrices des droits du vendeur .................................................................. 79 1 - Le privilège du vendeur ............................................................................................. 80 2 - L’action résolutoire .................................................................................................... 80 c - Les règles protectrices des droits des créanciers du vendeur ........................................... 80 1 - La publicité ................................................................................................................ 81 2 - L’opposition............................................................................................................... 82 3 - La surenchère ............................................................................................................. 82

§ II - LE NANTISSEMENT DU FC ................................................................................ 82 A - LES CONDITIONS .............................................................................................................. 83 b - Les formalités ......................................................................................................................... 83

§ III - LES REGLES COMMUNES A LA VENTE ET AU NANTISSEMENT DU FC .... 83 A - Le droit de suite ..................................................................................................................... 83 B - Le droit de préférence ............................................................................................................ 83

§ IV - LA GERANCE LIBRE .......................................................................................... 84 A - LES REGLES RELATIVES À LA PUBLICITE ................................................................. 84 B - LES EFFETS DE LA LOCATION-GERANCE................................................................... 85

3EME PARTIE – LES SOCIETES COMMERCIALES........................................................... 86 II – LÉGISLATION ........................................................................................................ 86

CHAPITRE 1 - LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ ....................................................................... 87 SECTION 1 – LES CONDITIONS DE FORMATION DES SOCIÉTÉS ................................. 87 § 1 – LES CONDITIONS DE FOND.............................................................................. 87 A – LES ASSOCIES ................................................................................................................... 87 a - La capacité ....................................................................................................................... 87 b – Le nombre d'associés ....................................................................................................... 88 B – LES APPORTS ..................................................................................................................... 88 a. Les apports en numéraire................................................................................................... 88 b. Les apports en nature......................................................................................................... 88 c. Les apports en industrie ..................................................................................................... 88 C – LE PARTAGE DES BENEFICES ....................................................................................... 89

§ 2 – LES CONDITIONS DE FORME ........................................................................... 89 A – LES STATUTS..................................................................................................................... 89 B - SOUSCRIPTION DU CAPITAL ET LIBERATION DES APPORTS ................................ 89 a - La libération des apports en numéraire ............................................................................ 89 b - La libération des apports en nature .................................................................................. 90

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C - LE DEPÔT DES FONDS EN BANQUE .............................................................................. 90 D - LA DECLARATION DE SOUSCRIPTION ET DE VERSEMENT ................................... 91 E – LES FORMALITES DE DEPÔT AU TRIBUNAL ............................................................. 91 F – LA PUBLICITE DE LA CONSTITUTION ......................................................................... 91

SECTION 2 – ATTRIBUTS DES SOCIÉTÉS .......................................................................... 92 § 1 – LA DENOMINATION SOCIALE........................................................................... 92 §2 – LE SIEGE SOCIAL ET LA NATIONALITE ........................................................... 92 a – au niveau national .................................................................................................................. 92 B – SUR LE PLAN INTERNATIONAL : SOCIETES INTERNATIONALES ET SOCIETES

multinationales93

§3 – LE PATRIMOINE ................................................................................................... 93 SECTION 4 – CLASSIFICATION DES SOCIÉTÉS DE DROIT PRIVE ................................ 94 § 1 – SOCIÉTÉS CIVILES ET SOCIÉTÉS COMMERCIALES ...................................... 94 § 2 – SOCIÉTÉS DE PERSONNES ET SOCIÉTÉS DE CAPITAUX ............................. 95 A – LES SOCIETES DE PERSONNES (SNC ET SCS) ........................................................... 95 B – LES SOCIETES DE CAPITAUX OU PAR ACTIONS (SA ET SCA) ............................... 95

§ 3 – LA SARL ................................................................................................................ 95 § 4 – LES SOCIÉTÉS SANS PERSONNALITE .............................................................. 96 A – LA SOCIETE EN PARTICIPATION .................................................................................. 96 B –SOCIETE CREEE DE FAIT / SOCIETE DE FAIT ............................................................. 98

CHAPITRE 2 – LES SOCIÉTÉS DE PERSONNES .............................................................. 99 SECTION 1 – LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF ............................................................... 99 § 1 – LES CARACTERES GENERAUX ....................................................................... 100 A – LE CAPITAL ET LA RESPONSABILITÉ ....................................................................... 100 B – LA CAPACITÉ DES ASSOCIÉS ...................................................................................... 100

§ 2 – LA GESTION DES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF ..................................... 100 A – LES CONDITIONS DE LA GERANCE ........................................................................... 100 B – LES POUVOIRS DU GERANT ........................................................................................ 101 a - Les pouvoirs du gérant face à ses associés..................................................................... 101 b - Les pouvoirs du gérant face aux tiers ............................................................................ 101

§ 3 - LES REGLES CONERNANT LES ASSOCIÉS ..................................................... 101 A – LA CESSION DES PARTS ............................................................................................... 101 B - LA RESPONSABILITÉ DES ASSOCIÉS ........................................................................ 102

SECTION 2 - LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE ................................................... 102 § 1 - LES CARACTERES GENERAUX ........................................................................ 102 A- LES ASSOCIÉS ................................................................................................................... 102 B - LES APPORTS ET LE CAPITAL ...................................................................................... 103

§ 2 - LA GESTION DE LA SCS .................................................................................... 103 CHAPITRE 3 – LA S A R L .................................................................................................. 104 SECTION 1 – CARACTERES GENERAUX ......................................................................... 104 § 1 – CAPITAL ET RESPONSABILITE ....................................................................... 104 A – Le capital et les apports ...................................................................................................... 104

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B – La responsabilité des associés............................................................................................. 106

§ 2 – CAPACITE ET OBJET SOCIAL ........................................................................ 106 A – LA CAPACITÉ DES ASSOCIÉS ...................................................................................... 106 B – L'OBJET SOCIAL .............................................................................................................. 107

SECTION 2 – LA GESTION DE LA S.A.R.L. ........................................................................ 107 § 1 – LE GERANT ........................................................................................................ 107 A – LES CONDITIONS DE LA GÉRANCE ........................................................................... 107 B – LA CESSATION DES FONCTIONS DE GÉRANT......................................................... 107

§ 2 – POUVOIRS DES GERANTS ............................................................................... 107 SECTION 3 – LA SITUATION DES ASSOCIÉS ................................................................... 108 § 2 – LES POUVOIRS DES ASSOCIÉS ....................................................................... 108 A – L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE ANNUELLE .............................................. 108 B – L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE ....................................................... 108

§ 3 – LA RESPONSABILITE DES ASSOCIÉS ............................................................. 109 CHAPITRE 4 – LA SOCIETE ANONYME.......................................................................... 109 SECTION 1 – LES CARCTERES GENERAUX .................................................................... 109 SECTION 2 – LA GESTION DE LA SA ................................................................................. 110 § 1 - LA SA AVEC CONSEIL D’ADMINISTRATION .................................................. 111 A- LE CONSEIL D’ADMINISTRATION ............................................................................... 111 a – Composition .................................................................................................................. 111 b – Les pouvoirs du conseil d’administration ..................................................................... 112 B – LA DIRECTION GENERALE DE LA SOCIETE : le pdg ou le dg ................................. 112 a – Le directeur général et ses directeurs généraux délégués .............................................. 113 1. Statut ......................................................................................................................... 113 2 - Pouvoirs ................................................................................................................... 113 b – Le président du conseil d'administration ....................................................................... 114 1. Statut ......................................................................................................................... 114 2...................................................................................................... Pouvoirs ....................................................................................................................................................... 114

§ 2 – LA S.A AVEC DIRECTOIRE ET CONSEIL DE SURVEILLANCE .................... 115 A – LE DIRECTOIRE............................................................................................................... 115 a – Conditions...................................................................................................................... 115 b – Cessation des fonctions ................................................................................................. 116 c – Pouvoirs du directoire.................................................................................................... 116 B – LE CONSEIL DE SURVEILLANCE ................................................................................ 116 a – Conditions...................................................................................................................... 116 b – Pouvoirs ......................................................................................................................... 116

SECTION 3 - LA SITUATION DES ASSOCIÉS ................................................................... 117 § 1 – LES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES....................................................................... 117 A - L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE ..................................................................... 117 a – Convocation ................................................................................................................... 117 b – Déroulement .................................................................................................................. 117 c – Attributions .................................................................................................................... 117

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B – LES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES EXTRAORDINAIRES ............................................ 117 a – Principales attributions .................................................................................................. 117 b - Quorum et majorité ........................................................................................................ 118

§ 2 - LES TITRES EMIS PAR LES SA .......................................................................... 118 A - LES ACTIONS ................................................................................................................... 118 B - LES OBLIGATIONS .......................................................................................................... 119 C - LES CERTIFICATS D’INVESTISSEMENT ..................................................................... 120

SECTION 4 - LES MOYENS DE CONCENTRATION ......................................................... 120 ANNEXE 1 ................................................................................................................................ 121 LE CONTROLE DES COMPTES SOCIAUX : LES COMMISSAIRES AUX COMPTES .......................... 121

I – PRESENCE DES COMISSAIRES AUX COMPTES DANS LES SOCIÉTÉS COMMERCIALES................................................................................................................................. 122 A – UNE PRESENCE ETENDUE ........................................................................................ 122 B – LES TEXTES APPLICABLES ...................................................................................... 123 C – CONDITIONS DE NOMINATION ............................................................................... 123 a - Sous les dispositions de la législation ancienne relatives à la SA .......................... 124 b – Actuellement ........................................................................................................... 124 1. statut et incompatibilités ........................................................................................................ 124 2. Récusation ............................................................................................................................. 125 3. Nomination ............................................................................................................................ 125

II – LES MISSIONS DU COMMISSAIRE AUX COMPTES ............................................. 126 A – MISSION DE VERIFICATION PARMANENTE......................................................... 126 a – Mission permanente ............................................................................................... 127 b – Mission de vérification ........................................................................................... 127 c – Les conséquences de la vérification ....................................................................... 128 1. La certification....................................................................................................................... 129 2. L'information ......................................................................................................................... 129

B – LES MISSIONS SPECIALES ........................................................................................ 131 a – Contrôle de la régularité juridique et financière ................................................... 131 1. La détention des actions de garantie ...................................................................................... 131 2. La convocation de l'assemblée générale ................................................................................ 131 3. En cas de conventions conclues entre les dirigeants et la société ......................................... 132 4. En cas de modification du capital .......................................................................................... 132 5. En cas de transformation de la société .................................................................................. 132 6. En cas de fusion ..................................................................................................................... 133

b – Le devoir d'alerte.................................................................................................... 133 III – LA RESPONSABILITE DU COMMISSAIRE AUX COMPTES .............................. 134 A – RESPONSABILITE CIVILE ......................................................................................... 134 D – RESPONSABILITE PENALE ....................................................................................... 135

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a – Les infractions imputables aux commissaires aux comptes ................................... 135 b – Les infractions imputables aux dirigeants.............................................................. 136 ANNEXE 2 ................................................................................................................................ 137 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 167 I – THEORIE GENERALE DE DROIT COMMERCIAL .................................... 167

IV – LES SOCIETES COMMERCIALES ............................................................................ 170 I – DROIT MAROCAIN.......................................................................................................... 170 -

BONNARD J., Droit des sociétés, Les Fondamentaux, 9e éd., 2012, Hachette. 170

-

CONSTANTIN A., Droit des sociétés, des groupes et des marchés financiers, 5e

éd., 2012, Mémento Dalloz. ........................................................................................................ 171 -

COZIAN M (†), VIANDIER A. et DEBOISSY Fl., Droit des sociétés, 25e éd.,

2012, Lexis-Nexis, coll. Les Manuels. ........................................................................................ 171 -

DONDERO B., Droit des sociétés, 2ème éd., 2011, Hypercours, Dalloz. ........ 171

-

GIBIRILA D., Droit des sociétés, Ellipses, 2010............................................... 171

-

LE CANNU P. et DONDERO B., Droit des sociétés, 4e éd., 2011, Précis Domat,

Montchrestien, Lextenso éditions. .............................................................................................. 171 -

MAGNIER V., Droit des sociétés, 2011, 5e éd., Cours Dalloz.......................... 171

-

Mémento pratique Francis LEFEBVRE, Droit des affaires. Sociétés

commerciales 2013, oct. 2012, éd. Francis Lefebvre. ................................................................ 171 -

MESTRE J. (avec le concours de VELARDOCCHIO D. et BLANCHARD-

MERLE Ph. (avec la collaboration de A. FAUCHON), Droit commercial. Sociétés commerciales, 15e éd., 2012, Précis Dalloz............................................................................... 171 -

SEBASTIEN C.), Sociétés commerciales, Lamy, 2012. ..................................... 172

- VALLANSAN (J) et DESMORIEUX (E), Société en participation et société créée de fait, aspects juridiques et fiscaux, Paris, éd. GLN JOLY, 1996. ................................................ 172 -

VIDAL D., Droit des sociétés, 7e éd. 2010. LGDJ Manuel. .............................. 172

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