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les principaux apports de la loi 49-16 relative aux baux commerciaux
Préparé par : Karim WAHBI Nizar ZELLOU Kamal JGHALEF Sanae TANOUT Faiza BERKCHI UNIVERSITE MOHAMED V RABAT-AGDAL 0
INTRODUCTION Le Dahir n°1-16-99 du 18 juillet 2016 portant promulgation de la loi n°49-16 relative aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel et artisanal, a été publié au Bulletin Officiel n°6490 du 11 août 2016 et est entré en vigueur 6 mois plus tard en février 2017. En effet, le présent Dahir avec ses 38 articles a abrogé les dispositions du Dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel et artisanal, ainsi que les dispositions de l’article 112 de la loi n° 15-95 formant code de commerce. La dernière législation relative aux baux commerciaux date de 1955. Depuis sa promulgation, elle n’ a subi aucune modification, seule l’adoption de la Loi N° 07-03 du 30 Novembre 2007 relative à la révision du montant du loyer des locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel, commercial, industriel ou artisanal est venue la compléter. Justifiée dans son principe et pratiquement rendue nécessaire par les abus constatés, la nouvelle loi comporte des dispositions destinées à prévenir les conflits, à les régler et à indemniser les locataires évincés sans motif légitime, le propriétaire pouvant toujours exercer, sous réserve de payer éventuellement l'indemnité d'éviction, le droit de disposer des lieux loués une fois le bail expiré. Le bail commercial est donc un bail dont la finalité se veut très protectrice. Plus clairement, la nouvelle loi vise à éclaircir les rapports entre bailleurs et locataires et à protéger les locataires contre les évictions abusives des bailleurs et de ce fait, protéger l’entreprise et assurer la stabilité des activités commerciales, industrielles et artisanales.
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PROBLEMATIQUE Dans quelle mesure cette nouvelle loi répond aux impératifs de sécurité juridique entre le bailleur et le locataire ? Est-ce que cette loi garantit la satisfaction du besoin de transparence et de clarté contractuelle ? Peut-on dire que ce nouveau statut des beaux commerciaux assure une protection efficace et équilibrée entre les intérêts des parties ? Est-ce que cette réforme assure une flexibilité et une adaptabilité tout en respectant la particularité de l’activité commerciale ? Peut-on enfin prétendre que les apports de cette loi assurent aux commerçants une protection réelle, qui répond aux besoins d’une économie moderne et d’un marché concurrentiel ?
PLAN I - le statut du bail commercial dans la nouvelle loi 49-16 2
A- Champ d’application de la loi B- Conditions relatives au contrat de bail
II- Le terme du contrat de bail commercial A – Le droit au renouvellement et les effets d'éviction B- La sous location et la cession
I.
Le statut du bail commercial dans la loi 49-16 A- Champ d’application de la loi:
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Les dispositions de ce dahir sont applicables aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité, que ce fond appartienne à un commerçant, à un industriel ou à un artisan. Cela veut dire que le caractère commercial de la location ne dépend ni de l'usage des locaux ni de l'activité exercée. Le caractère commercial du bail ne peut résulter que du bail lui-même. Sont régis par la nouvelle loi : Les baux d’immeubles ou locaux dans lesquels est commerçant, artisan ou industriel et les baux d'immeubles ou de locaux accessoires au lieu où est exploité le fonds de commerce. L’article premier de la loi 49/16 dans son troisième alinéa inclut les baux de terrains nus sur lesquels ont été édifiés avant ou après la location, des constructions pour l’exploitation d’un fonds de commerce sous réserve de l’acceptation du propriétaire. Dans ce cas, on s’interroge sur l’intérêt de parler de « terrains nus »si des constructions y ont été déjà été édifiées avant la location ? Les baux d’immeubles ou locaux à usage commercial, industriel, artisanal appartenant au domaine privé de l’Etat, aux collectivités territoriales ou aux établissements publics. Les baux d’immeubles loués par les établissements d’enseignement privé, les cliniques… La problématique qui se pose dans ce cas est relative au devenir des écoliers/patients en cas d’éviction.
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Les coopératives à objet commercial, les pharmacies, les laboratoires privés d’analyses biologiques médicales et des cabinets d’examen radiologique. En vertu des nouvelles dispositions de la loi 49/16, le locataire bénéficie du droit au renouvellement du contrat de bail à condition que la durée de l’occupation soit d’au moins deux années consécutives. Cette condition n’est pas requise s’il a payé un montant en contrepartie du droit au bail.1 Cependant, l’article 61 de la loi n° 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie précise que par dérogation aux dispositions de l’ancien article 5 du dahir de 1955 abrogé, le bénéfice du renouvellement du bail s'applique dès l'ouverture de l’officine. Une modification donc s’impose pour adapter l’article à la nouvelle. Sont exclus du champ d’application de la nouvelle loi : Les baux relatifs aux locaux situés dans des centres commerciaux. La nouvelle loi exclut donc de son champ les locaux loués au sein de centres commerciaux. Ceux-ci sont désormais régis par le Dahir des obligations et contrat, tel que le précise l’article 37 du nouveau cadre. Autrement dit, la loi qui prévaut pour les locaux au niveau des centres commerciaux est celle des parties La question qui se pose dans ce cas est la suivante : Quelle est la raison qui a poussé le législateur à exclure explicitement les locaux situés dans les centres commerciaux ?
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C’est ce qu’on appelle le « pas de porte », pratique codifiée pour la première fois au Maroc par la loi 49/16
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Cette disposition s’explique par le fait que le législateur estime que lorsque le client se dirige vers un mall (Morrocomall à titre d’exemple), ce dernier ne vise pas un fonds de commerce se situant dans l’enceinte du mall (Adidas par exemple), mais le mall tout entier. Une autre question relative aux délais de procédure reste en suspens. Pour les litiges concernant les locaux en centre commercial, il faudra faire appel aux principes généraux de droit en référé pour toute action en justice, notamment pour récupérer un local en cas de non-paiement. On ne sait pas encore comment les magistrats vont réagir à cette nouvelle disposition qui bascule les malls vers un régime très ancien (DOC de 1913) qui n’a pas été appliqué aux baux depuis un siècle environ. Les baux relatifs aux immeubles ou locaux entrant dans le domainepublic de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ; Les baux d’immeubles ou locaux à usage commercial, industriel, artisanal appartenant au domaine privé de l’Etat, aux collectivités territoriales ou aux établissements publics, si ces biens sont affectés à l’intérêt général ; Les baux relatifs aux immeubles ou locaux entrant dans le cadre des Habous ; Les baux résultant d’une décision judiciaire ; Les baux relatifs aux immeubles ou locaux situés dans les espaces réservés aux projets d’entreprises exerçant leurs activités dans les secteurs de l’industrie et des technologies de l’information (réalisés 6
par l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics ou les entreprises détenues par l’Etat ou une personne de droit public ; Les baux emphytéotiques ; Les contrats de crédit-bail. La loi 49/16 dans le temps : L’article 38 de la loi 49/16 prévoit que les dispositions de cette dernière entrent en vigueur 6 mois à compter de la publication de la loi au bulletin officiel (en février dernier). Toujours en application de l’article 38, les dispositions de la loi 49-16 s’appliquent même aux baux commerciaux conclus avant l’entrée en vigueur de la loi. Plus encore, le législateur est allé jusqu’à élargir le champ l’application de la loi 49/16 aux instances en cours de traitement au jour de l’entrée en vigueur de la loi. Au regard des différences entre les droits et obligations des parties au contrat de bail entre le dahir de 1955 et la loi 49/16, l’inclusion des contrats en cours dans le champ d’application de la nouvelle loi porte atteinte à la stabilité juridique. Ainsi, cette disposition entre en contradiction avec la finalité affichée par le législateur à l’occasion de l’élaboration de la loi 49/16, à savoir la garantie de la sécurité juridique qui tend à la protection équitable des intérêts des parties. Rappel :
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Les baux exclus du champ d’application de la nouvelle loi sont régis, pour l’essentiel, par les articles 627 à 699 du Dahir du 12 août 1913 formant Code des obligations et des contrats (DOC) sauf lois spéciales qui prévaudraient (cas de l’occupation temporaire du domaine public ou du crédit-bail, notamment) ou stipulations contractuelles dérogatoires dans tous les cas où cela est permis. B- Les conditions relatives au contrat de bail :
La nouvelle loi 49-16 a fixé l’exigence d’une forme écrite du bail mais aussi elle a déterminé la durée deux ans minimum pour que le locataire puisse avoir un droit au renouvellement du bail sur l’immeuble. Est ce que sont deux conditions cumulatives ou bien seulement l’écrit suffit ? a. L’obligation d’une forme écrite
Avant la loi 49-16 le contrat de bail commercial était parmi les actes consensuels qui pouvaient être prouvés par tous les moyens de preuves, mais selon les dispositions de l’article 3 de la nouvelle loi 49-16 régissant le statut des baux commerciaux, le bail commercial devient un contrat réel ou (solennel) qui nécessite en plus d’un consentement, un certain formalisme obligatoire comme l’écrit. En effet, à titre de nouveauté, l’article 3 de la nouvelle loi dispose que Le bail commercial doit faire l’objet d’un contrat écrit ayant date certaine, avec l’obligation de réaliser un état descriptif des lieux loués (les parties à un bail verbal peuvent convenir à tout moment de conclure un 8
contrat conforme à la loi). Comme on la verra, L’existence d’un bail écrit est déterminante pour déclencher l’application de ce régime. Donc, le législateur dans l’article 3 le la loi 49-16 impose deux conditions indispensables : l’acte doit être sous forme écrite et avec une date certaine bien fixée. Contrairement à l’ancien Dahir de 1955, qui n’imposait pas le caractère écrit pour le bail commercial, la nouvelle loi dispose dans son article 3 que « les actes des baux d’immeubles ou locaux loués à usage commercial ou artisanal doivent être rédigé obligatoirement par un acte écrit ayant une date certaine ... ». Certes, cette exigence d’un écrit est un pas en avant, qui renforce la sécurité
et la transparence dans la relation contractuelle entre les deux
parties (bailleur-locataire). Aussi, l’écrit constitue un moyen de preuve indiscutable avec une force probante et qui épargne au juge l’effort d’interpréter la volonté des parties en cas d’un litige survenu. Cependant, les termes de la loi soulèvent plusieurs interrogations, qu’entend le législateur par « acte écrit ». Est-ce qu’un acte authentique rédigé par un professionnel habilité par la loi ? Ou uniquement sous seing privé ? Et en cas de non respect de cette disposition, quelle serait éventuellement la sanction envisageable ? est-ce que l’écrit un élément de validité pour un bail commercial ou non ?
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Mais, par ailleurs, il y a une autre question qui tombe à l’esprit, quelle est l’utilité législative derrière la détermination de la nature juridique de cet acte écrit ? Et pourquoi doit-on se demander si la loi exige un écrit sous une forme authentique ou une forme sous seing privé ? La question de déterminer la nature juridique de cet acte écrit présente un intérêt très important : puisqu’un bail commercial sans une forme écrite ayant une date certaine même dans son champ d’application conformément aux
conditions requises par l’article 1 et 2, entraine
automatiquement l’exclusion des parties (locataire-bailleur) de bénéficier de ces dispositions législatives et qui présente un préjudice notamment pour le locataire d’être privé
de ces dispositions protectrices et
appropriées à sa situation imposées par le statut des baux commerciaux (à titre d’exemple, le locataire ne disposera pas un droit au renouvellement du bail, et le bailleur propriétaire de l’immeuble peut mettre fin au bail sans indemniser le locataire selon les modalité tracées dans cette loi.). Mais s’il arrive que les parties n’aient pas établi le contrat de bail par écrit, quelles seraient éventuellement les conséquences juridiques sur la validité de ce contrat de bail commercial ? Si le statut des Baux commerciaux ne reçoit pas l’application, quel régime donc serait applicable ? Pour répondre à ces questions la nouvelle loi 49-16 dans son article 37 dispose clairement que « pour les contrats de bail qui ne répondent pas aux conditions requises par le premier chapitre de la 10
présente loi, sont régis par les dispositions du code des obligations et des contrats, à moins qu’ils ne sont pas soumis à des dispositions spéciales. » donc les conditions exigées par les articles 1 à l’article 4 de la loi 49-16. Et suivant l’hypothèse où l’écrit est absent entre le bailleur et le locataire, le locataire a la possibilité d’intenter une action en justice pour 2
établir l’existence du contrat de bail, et ce selon les règles de droit commun aussi bien au fond qu’on en procédure, mais qu’après une décision favorable il doit attendre deux ans de jouissance effective et consécutive pour qu’il puisse bénéficier de ces dispositions de la présente loi 49-16, à moins qu’il ne paie une somme d’argent appelée aussi « pas de porte » comme contrepartie au droit au bail . 3
Par ailleurs, pour assurer une transparence contractuelle, le deuxième alinéa de l’article 3 dispose que « au moment du transfert du local, il faut établir un état des lieux comme preuve entre les parties ». Selon les termes de cet article, le législateur dispose clairement « il faut un état des lieux » et dans la logique législative, et le discours juridique des textes législatives « il faut ou il doit », ce sont deux expressions qui énoncent une disposition d’ordre impérative dont la valeur juridique est qualifiée souvent d’ordre public, qui doit être assortie selon le raisonnement juridique d’une sanction en cas de non respect. Alors, une question reste posée quelle est la sanction envisageable en cas de non
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Mais devant le tribunal de première instance et non pas devant le tribunal de commerce Voir la loi 49-16, article 3, alinéa 2.
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respect de cette disposition imposant la rédaction d’un un état des lieux ? 4
Le législateur n’a pas apporté une réponse! Notre seconde réflexion consiste à s’interroger sur la nature juridique de cet état des lieux. Vu que le législateur a déclaré l’obligation de rédiger l’état des lieux au moment du transfert du local. Est-ce qu’il s’agit d’une formalité nécessaire à la validité du bail lui-même ou non ? A partir une analyse du second alinéa de l’article 3 « au moment du transfert du local, il faut établir un état des lieux comme preuve entre les parties » on constate que le législateur a considéré l’état des lieux comme moyen de preuve entre les parties, par conséquent on peut conclure que le législateur considère la nature juridique de l’état des lieux non pas comme une condition impérative qui détermine la validité du bail, mais reste uniquement une disposition supplétive laissée à l’appréciation des parties pour établir un moyen de preuve avec une force probante et indiscutable en cas d’un litige. de même, si en matière commerciale la preuve reste libre à moins que la loi ou la convention exigent une forme écrite5. suivant le même raisonnement, il nous semble que le législateur en cas d’un litige sur l’état précis du local au moment de la conclusion ou de la fin du bail, ne pourrait être prouvé devant les tribunaux compétents que par un constat écrit qui décrit l’état précis du local au moment de son transfert sous la responsabilité du locataire, et toute autre preuve sera irrecevable. L'état des lieux est un constat qui décrit l'état précis d'un local donné en bail à l'entrée et à la sortie du locataire. C'est un document important du contrat de bail en général : son contenu peut avoir de grandes conséquences tant sur le plan juridique que financier. 5 Article 334 du code de commerce 4
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b- La condition relative à la durée du bail
Sous l’ancien régime du Dahir de 1955, la question de la durée a été abordée6 par (l’article 5), en disposant que la durée du droit au renouvellement est quatre ans pour les actes conclus oralement et deux ans pour les baux rédigés par écrit, donc l’ancien Dahir faisait distinction, selon qu’il s’agit d’un bail rédigé oralement ou sous une forme écrite. Du moment où l’écrit est devenu obligatoire après la réforme, La nouvelle loi 49-16 a unifié la question relative à la durée en disposant dans son article 4 que le droit au renouvellement du bail ne pourrait être demandé par le locataire qu’après avoir prouvé sa jouissance consécutive du local au moins pour une durée de 2 ans consécutives. De plus, selon les termes de l’article 4, qui imposent une jouissance non uniquement consécutive mais aussi effective, il convient de conclure que cette durée de deux ans commence donc non pas à partir de la date de rédaction du bail, mais à partir le commencement de la jouissance par le locataire. Toutefois, le locataire peut s’exonérer de cette condition relative à la durée de 2 ans de jouissance s’il a donné une avance au bailleur connue aussi par les professionnels sous le non du « pas de porte » comme contrepartie au droit au bail. Ainsi, dans le sens de la sécurité juridique et de la transparence contractuelle, la nouvelle loi subordonne la reconnaissance de cette somme avancée à la condition de la consigner par écrit dans le contrat de bail ou dans un acte séparé (donne droit au bail automatique). 6
Mais non comme une condition d’application du Dahir de 1955.
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Donc, à partir de l’article 4 de la nouvelle loi 49-16, il y a deux observations à souligner : que le droit au bail n’est acquis qu’avec l’écoulement de deux ans à partir le commencement de la jouissance et non pas à partir la date de rédaction de l’acte et la deuxième observation, c’est que l’article 4 de la loi 49-16 a reconnu et a réglementé la pratique courante du pas de porte en le considérant comme une contrepartie au droit au bail. Ainsi, il faut distinguer entre deux notions dans le statut des baux commerciaux : Le droit au renouvellement du bail et le droit au bail, le premier n’est acquis qu’après au moins la durée de deux ans de jouissance effective et consécutive et qui donne au locataire un droit au renouvellement de son bail, vis-à-vis de son bailleur, ce dernier qui doit payer une indemnité d’éviction à son locataire en cas de non respect de ce droit. En revanche, le droit au bail, devient un droit dès la conclusion du contrat du bail, ce dernier ne donne pas forcément un droit au renouvellement du bail, puisque ce droit reste conditionné par une durée de deux ans de jouissance. Néanmoins, il convient de souligner que le locataire a la possibilité d’obtenir ce droit au renouvellement du bail sans être lié par la durée de deux ans, s’il a donné un pas de porte en contrepartie du droit au bail. Mais, à partir notre lecture de cette condition relative à la durée de deux ans au moins de jouissance effective et consécutive, nous amène à poser la question suivante : supposant qu’avant l’écoulement de cette période de deux ans, même avec un bail écrit, il y avait un litige entre le 14
bailleur et le locataire. Quel régime donc serait applicable ? Peut-on dire que l’écrit à lui seule suffit pour déclencher ce nouveau régime relatif aux statuts des baux commerciaux ? Ou bien il faut nécessairement satisfaire ce minimum de deux ans de jouissance comme une seconde condition pour que ce régime reçoive l’application entre le propriétaire de l’immeuble et le locataire? Généralement, en plus le respect du champ d’application, la nouvelle loi 49-16 exige également deux conditions cumulatives7 : l’obligation d’un bail écrit ayant une date certaine et l’obligation relative à la durée. Donc, si le bail n’a pas dépassé la durée prescrite par l’article 4 le statut des baux commerciaux de la loi 49-16 ne reçoit pas l’application. Avant, sous l’ancien régime du Dahir de 1955, il y avait une divergence doctrinale et jurisprudentielle concernant le régime juridique applicable sur un bail qui n’a pas atteint la durée légale fixée par loi8. Après 2016, La nouvelle loi a mis fin à cette divergence en disposant clairement dans son article 37 que « pour les contrats de bail qui ne répondent pas aux conditions requises par le premier chapitre de la présente loi, sont régis par les dispositions du code des obligations et des contrats, à moins qu’ils ne soient pas soumis à des dispositions spéciales. » Enfin, l’un des principaux apports de la loi sur les baux commerciaux concerne l’officialisation du principe du « pas de porte », en reconnaissant non pas uniquement la pratique du pas de porte, mais aussi l’obligation de le consigné par écrit. C’est une disposition Voir les articles 3 et 4 de la loi 49-16. BUNJA Mustapha, le bail commercial entre le Dahir de 1955 et la loi 49-16 (en langue arabe), Tanger, première édition, imprimerie lithographe, 2016, p. 35. 7 8
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importante, car elle permettra de calculer l’indemnité due en cas d’éviction d’un locataire sans le respect de son droit au renouvellement du bail. De plus, selon notre lecture, en cas du paiement d’un pas de porte en contrepartie du bail, il convient de s’interroger sur la nature juridique de cette avance par rapport au contrat de bail. Revenant à l’article 4, l’alinéa 2, le législateur dispose que « le locataire est exonéré de cette condition de la durée s’il a payé une somme d’argent en contrepartie du droit au bail, il faut consigner ladite somme payée par écrit dans le contrat de bail ou dans un acte séparé ». Ainsi, encore une fois, le législateur a énoncé l’expression « il faut » (voir, supra) sans pour autant préciser quelle sanction en cas de non respect de cette disposition. Est-ce qui il s’agit d’une formalité impérative qui entraine la nullité du bail ? Ou bien, peut-on dire qu’il s’agit uniquement qu’un moyen de preuve9 qui ne conditionne point la validité du bail ? Si on part de l’idée que le « pas de porte » est une somme exonérant le locataire de la condition de passer deux ans de jouissance effective et consécutive pour avoir un droit au bail, et que le législateur a assorti d’une autre part cette exonération par l’expression « il faut » de l’obligation de consigner ce montant par écrit, on peut dire suivant la même logique que l’objectif du législateur n’est pas de faire un pas de porte écrit, une formalité qui conditionne la validité du bail. Mais, en cas d’un litige entre le bailleur et le locataire avant la durée de deux ans requise par la loi, le locataire ne pourrait bénéficier de la protection de 9
A l’image d’état des lieux (voir supra).
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ces dispositions de cette présente loi qu’en apportant la preuve écrite de ladite somme et toute autre preuve sera non admise devant le tribunal. De même, les allégations des parties dans un litige portant sur le paiement de ce montant ou sur la reconnaissance de sa valeur exacte ne seront prises en considération par la justice que s’ils sont apportés sous une forme écrite. II- Le terme du contrat de bail commercial
Durant tout le cycle de vie du bail commercial, on assiste à la confrontation entre deux formes de propriété, la propriété immobilière et la propriété commerciale. La loi 49-16 vient réguler ces aspects, elle trouve son origine dans la volonté de protéger le fonds de commerce, vise à éclaircir les rapports entre bailleurs et locataires, à protéger ces derniers contre les pratiques abusives, et à réaliser un équilibre contractuel dans ce type de contrat ;un équilibre qui permet de protéger l’entreprise et d’assurer la stabilité des activités commerciales, industrielles et artisanales. C’est dans
ce sens qu’elle met en place à travers ses
dispositions une armada de règles régissant de plus prés tous les aspects de cette relation et les particularités qu’elle présente, des aspects en vertu desquels l’ancien dahir était muet ou ambigu. Bien que cette loi traduise un pas important du législateur vers un statut des baux commerciaux, mettant ainsi fin à toutes les incertitudes et au manque de prévisibilité qui l'ont marqué, elle continue de présenter un certain nombre de failles. 17
Alors quels sont les principaux apports de cette loi au terme du contrat de bail commercial ? La loi 49-16 a apporté des innovations très importantes au profit des paries du contrat, une refonte même du statut du bail commercial qui tendent à protéger d’avantage leurs intérêts. Les principaux apports de la nouvelle loi, à la fin du contrat, réside dans la reconnaissance au locataire du droit au renouvellement du contrat de bail, la réglementation de l’éviction et du droit d’entrée communément appelé « pas de porte », le droit au retour, la cession et enfin la sous location . A-Droit au renouvellement du contrat de bail commercial : a. Droit au renouvellement
Un bail commercial ne prend pas fin à son terme, sans se renouveler automatiquement. Le droit au renouvellement du bail commercial permet le prolongement d’exécution des dispositions contractuelles. Prévu par l’article 6 de la présente loi ;Ce droit s’exerce dans les limites des conditions fixées par l’article premier qui a délimité même le champ d’application de la loi comme cela a été développé en première partie. Ainsi le même, dans le dernier alinéa article considère que le droit au renouvellement du bail commercial est d'ordre public, c'est-à-dire qu'aucune clause ne peut s'y opposer. Pour la condition de durée, l’article 4 a gardé la même exigence du Dahir de 1955 qui prévoit au moins 2ans d’occupation consécutive. Dans ce 18
sens , la cour d’appel commerciale de Casablanca a rendu un arrêt en 2011 qui a soumis un contrat de bail commercial dont la durée d’occupation est inferieure à 2ans aux dispositions du dahir du 25/12/80 portant promulgation de la loi n° 6-79 organisant les rapports contractuels entre les bailleurs et les locataires des locaux d'habitation ou à usage professionnel et ne lui a pas appliqué l’ancien dahir relatif aux baux commerciaux . En France le droit au renouvellement de bail commercial est soumis à des conditions différentes qui se rapportent à la personne du locataire qui doit être de nationalité française sauf pour les commerçants, artisans et industriels auxquels il prévoit quelque exceptions10.D’autant plus le locataire doit être lui même propriétaire du fonds de commerce, même si ce fonds est exploité par un tiers ,et enfin la durée d’exploitation régulière est de trois ans . En effet, cette condition de la durée retenue par le législateur marocain ne sera pas requise en cas de versement, au moment de la conclusion du contrat, d’un montant en contre partie du droit au bail ; une nouvelle notion a été codifiée ; il s’agit de la pratique de pas de porte qui ne reposait sur aucun fondement juridique et relevait plutôt d'un raisonnement économique.
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Les commerçants, artisants et industriels qui ont combattu dans les armées françaises et alliées pendant les guerres de 1914 et de 1939 et ceux qui ont un enfant de nationalité française, qui sont ressortissants de l'Union européenne ou lorsqu'il existe une réciprocité législative dans leur pays d'origine
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Le pas de porte11 a toujours été une pratique largement répondu dans les transactions locatives en vertu duquel le bailleur peut exiger lors de la conclusion du bail le versement d'un «pas-de-porte» matérialisé par une somme d'argent mise à la charge du locataire. La nouvelle loi vient lui conférer un habillage juridique en lui donnant le nom de «droit au bail», sans en fixer le montant. Cette réglementation a été tant attendue par les praticiens qu’elle a constitué l’un des principaux apports de cette nouvelle loi. L’article 4 impose que le montant payé doit figurer dans le contrat ou dans un acte annexe. Néanmoins, on peut s'interroger à ce niveau sur le traitement fiscal qui sera réservé à cette opération? b. les effets de l’éviction du locataire:
*Indemnités d’éviction : Par ailleurs, l’article 7 de la nouvelle loi octroi au locataire expulsé, en dépit de son droit au renouvellement, le droit d’être indemnisé, ladite indemnité doit être égal au préjudice subi. Le même article va jusqu'à considérer comme nulle et de nul effet toute clause contractuelle qui vise à priver le locataire de ce droit ; ce qui traduit une volonté ferme du législateur de protéger le commerçant et
la stabilité des activités
commerciales. Cette indemnité doit correspondre à quatre éléments à savoir :
Pas de porte : somme d’argent, de montant très variable, versée soit par le locataire d’un bail commercial au propriétaire lors de la conclusion du contrat de bail, soit par le cessionnaire d’u bail commercial au précédent locataire lors de la cession du bail par celui-ci . 11
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-La valeur marchande du fonds de commerce établi sur la base des déclarations fiscales des quatre dernières années ; -les dépenses engagées pour l’amélioration et les modifications apportées au local objet du bail commercial ; -les éléments perdus du fond de commerce ; -les frais de déménagements ; En effet, pour la première référence de base relative aux déclarations fiscales, Cette mesure est jugée structurante en ce sens qu’elle devrait pousser les commerçants à plus de transparence dans leur comptabilité. Le législateur, par le biais de cette disposition, exerce une pression sur les commerçants en les obligeant à faire des déclarations fiscales claires et réelles , c’est une sorte
de compromis où le législateur s’engage à
protéger le fond de commerce en cas d’éviction, mais cette protection est conditionnée par la transparence des déclarations fiscales qui doit en principe refléter la valeur réelle du fonds de commerce. Dans un sens cela peut justifier la durée d’hibernent de cette loi qui a duré 7ans, durant laquelle le législateur a accordé une chance aux commerçants de faire table rase avec les pratiques de fraude fiscale. Le dernier alinéa de l’article7 prévoit que le montant d’indemnité ne peut pas être inferieur à la somme versée au bailleur ; sous forme de pas de porte .Chose qui parait un peu absurde ,dans la mesure où le pas de porte constitue le prix du droit au bail auquel il avait droit ,en plus d’une
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garantie contre les augmentations des loyers . Donc le montant du pas de porte ne doit pas constituer une base dans le calcul de l'indemnité. Par ailleurs le bailleur sera exonère de payer cette indemnité d’éviction dans certains les cas énumérés par l’article 8 dont notamment le défaut de paiement du loyer dans un délai de 15jours à compter de la réception d’une mise en demeure envoyée par le bailleur, le changement d’activité du fonds de commerce ou dans des locaux sans l’accord du bailleur ,la perte de la clientèle et de la réputation du fonds en cas de cessation d’activité pendant deux ans au minimum, lorsqu’il s’agit d’un local menaçant ruine ou en cas d’effondrement d’un local, du fait de son locataire ou d’un accident. La durée de 2ans est trop longue du moment que la clientèle se perd en une durée beaucoup moins que celle prévue, le législateur aurait opté pour une durée plus courte 6mois par exemple. *La mise en demeure En plus du droit aux indemnités en cas d’expulsion, le locataire doit être notifié de la volonté du bailleur qui compte mettre fin au contrat du bail commercial, et doit être informé même du motif qui anime cette volonté, le délai de notification dépend de la cause d’éviction : -15 jours dans les cas de non payement du loyer par le locataire (3mois consécutive) ou pour les locaux en menace de ruine.
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-3mois dans les cas ou le bailleur compte récupérer son local pour utilisation personnelle, pour démolition, aménagement ou dans les cas où le locataire n’a pas respecté des dispositions contractuelles.
Droit au retour : 1 er cas : En vertu de l' article 9 de la loi 49-16, le bailleur a la faculté de délivrer congé pour démolir et reconstruire avec indemnité d'éviction au locataire, le bailleur doit être propriétaire des locaux depuis au moins 1 an et doit verser au locataire une indemnisation provisoire égale à 3 ans de loyers tout en préservant son droit au retour. Le locataire peut réclamer en sus les frais d’attente et le tribunal mettra à la charge du bailleur au moins la moitié des frais prouvés par le locataire. Le locataire aura droit à une réparation intégrale du préjudice, en vertu de l’article 7 de la loi 49-16, si son droit au retour n’est pas préservé ou s’il ne réceptionne pas un local dans les 3 ans de son expulsion. 2 ème cas : Un immeuble menaçant ruine et qui pourrait, par son effondrement compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, il n'offre pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique peut requérir la mise en œuvre d’une procédure de péril, dans ce cas le locataire n’a pas droit au retour ou à indemnisation ( Art 13 23
de la loi 49-16 ) sauf si l’immeuble est restauré ou reconstruit dans les 3 ans de l’éviction. Le locataire a droit au retour à condition d’exprimer sa volonté dans les délais prévus par ladite loi. Le président du tribunal en sa qualité de juge des référés est compétent pour connaitre des demandes d’éviction et pour déterminer l’indemnité provisoire. Si les locaux ne sont pas remis à disposition dans le délai imparti, le locataire a droit à une indemnisation complète. 3 ème cas : En cas d’expansion ou surélévation nécessitant l’éviction du locataire pendant une période maximum d’un an avec possibilité d’extension d’un an et ce en vertu de l’art 16 de la loi 4916.Dans ce cas le locataire a droit à la réparation du préjudice subi sans dépasser le montant des profits réalisés conformément à la déclaration fiscale de l’année écoulée. Les conditions d’exercice du droit de priorité en cas de reconstruction sont édictées par la l’article 14 de la loi 49-16, notamment en cas de multitude de locataires ( Le plus ancien ayant manifesté son souhait de retourner), l’existence de locaux de superficies similaires ou appropriés pour l’exercice d’activités similaires. Dans tous les cas de retour du locataire, celui-ci continuera à payer l’ancien loyer en attendant la fixation conventionnelle ou judiciaire du nouveau loyer ( Art 12 ), sans revenir à l’application de la loi 07.03 24
relative à la révision du montant du loyer des locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel, commercial, industriel ou artisanal. B-La sous location et la cession a. La sous-location
Les articles 22 et 23 du Dahir du 24 mai 1955 règlementaient la sous-location et écartaient le principe de liberté posé par l’article 668 du DOC. Dans l’ancien Dahir le concours du bailleur à l’acte de sous-location était nécessaire pour sa validité. Une sous-location non autorisée exposait le locataire à une résiliation judiciaire du bail. Le sous-locataire était un occupant sans droit ni titre. Une interdiction qui n’était pas d’ordre public puisque le bailleur peut l’autoriser. Par ailleurs, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le bailleur pouvait exiger une augmentation correspondante du loyer principal. Ces dispositions légales vidaient la sous-location de tout intérêt économique pour le commerçant, preneur principal ; ce dernier ne conservait éventuellement la possibilité de reprendre l’usage du local à la fin de la sous-location.12 La proposition de loi de l’U.S.F.P. qui prévoit la disposition inverse : la sous-location est valable sauf stipulation contraire est adopté et constitue l’une des innovations majeures de la loi 49-16. 12
DRISSI ALAMI MACHICHI (M), Droit commercial fondamental au Maroc, Rabat, 2006, p.357.
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Contrairement aux dispositions de l’art 22 du Dahir du 24 mai 1955 et qui interdisait la sous location sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur, l’article 24 de la loi 49-16 est venu abolir cette interdiction en stipulant que La sous-location (totale ou partielle) des locaux loués est autorisée sauf stipulation expresse du bail à l’effet contraire. La nouvelle loi ne permet plus au sous locataire de prétendre à un droit au renouvellement du bail contrairement à l’article 23 du Dahir du 24 mai 1955 qui donnait cette possibilité au sous locataire si le bail du locataire principal prenait fin.
b. La cession
Le locataire a le droit de céder son droit au bail à condition de notifier le bailleur dans les conditions de fond et de forme prévues par la loi mais le bailleur a un droit de préemption pour récupérer le local au prix proposé, dans un délai de 30 jours de sa notification. Dans le droit commun, le bail est conclu en considération de la personne du locataire ( Il ne peut être céder qu’avec le consentement du bailleur). La règle est différente en droit commercial, car toute clause ou convention tendant
à interdire au locataire la cession de son bail à
l’acquéreur de son fond de commerce est frappée de nullité. Si le commerçant veut vendre son fonds de commerce, il est primordial qu’il puisse céder le bail de locaux où le fond est exploité.
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C’est le régime commun du DOC qui s’appliquait sur la base de l’article 668 du D.O.C selon lequel, la cession n’est pas conventionnellement interdite, elle est libre mais « le preneur ne peut …céder la chose pour un usage différent que celui déterminé par la convention ou par l’usage de la chose …»13 La nouvelle loi 49-16 énonce dans son Art 25 que la cession est possible même en cas de refus du bailleur et aussi même s’il y’a une clause dans le contrat qui l’interdit.
13
Voir Art 669 du DOC. 27
BIBLIOGRAPHIE
DRISSI ALAMI MACHICHI (M), Droit commercial fondamental au Maroc, Rabat, 2006, pp319-321, pp335-357 Georges Decocq, Aurélie Ballot- Léna, Droit commercial, 7eme Ed DALLOZ, Paris -2015. منشورات المركز،16-49 والقانون1955 الكراء التجاري بين ظهير،بونجة مصطفى 2016 ،المغربي اللتحكيم ومنازعات األعمال
2013 الرباط، الجزء الثالث، الوسيط في األصل التجاري،أحمد شكري السباعي
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Sommaire INTRODUCTION.........................................................................................................................1 PROBLEMATIQUE......................................................................................................................2 PLAN..........................................................................................................................................3 I.
Le statut du bail commercial dans la loi 49-16.....................................................................4 A- Champ d’application de la loi:.........................................................................................4 B- Les conditions relatives au contrat de bail :.....................................................................8 a.
L’obligation d’une forme écrite....................................................................................8
b- La condition relative à la durée du bail..........................................................................13 II- Le terme du contrat de bail commercial...............................................................................18 A-Droit au renouvellement du contrat de bail commercial :.................................................19 a.
Droit au renouvellement............................................................................................19
b.
les effets de l’éviction du locataire:............................................................................21
B-La sous location et la cession.............................................................................................25 a.
La sous-location.........................................................................................................25
b.
La cession...................................................................................................................27
BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................29
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