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LES DROITS REELS PRINCIPAUX, LES SURETES ET LA PUBLICITE FONCIERE Introduction générale : La notion de patrimoine présente plusieurs intérêts : - Le patrimoine est l’enveloppe dans laquelle viennent se ranger les droits patrimoniaux ; - Le patrimoine est aussi l’enveloppe dont le contenu est influencé en cas de violation de droits extrapatrimoniaux. C’est donc dire à quel point le patrimoine est important pour une personne juridique. Une personne ne peut ni prêter, ni emprunter, par exemple, quand elle n’a pas de biens . C’est pourquoi ceux ci retiendrons notre attention dans une première partie avant de nous intéresser , dans une deuxième partie, aux sûretés , qui peuvent les affecter et dans une troisième partie à la publicité foncière qui conditionne, en principe, l’existence des droits réels immobiliers . PREMIERE PARTIE : LES BIENS Les biens sont généralement définis comme étant des choses ayant une valeur estimable ; ainsi les biens impliquent une expression patrimoniale. En effet cette approche est inexacte dans la mesure où elle pousse à considérer comme biens non seulement des droits réels (pouvoirs exercés par une personne sur une chose) mais aussi des droits personnels (pouvoirs exercés par une personne à l’encontre d’une autre personne). Or il semble difficile à priori de considérer une créance comme un bien car l’aspect personnel, en dépit de l’expression patrimoniale, ne permet pas d’envisager l’obligation comme une véritable chose. En réalité la notion de bien est ambiguë car elle se trouve influencée par des aspects économiques et physiques. 1. Aspect économique : (...) 2-Aspect physique : Les choses du monde extérieur sont physiquement hétérogènes .Le Droit prend en considération cette hétérogénéité A cet égard on distingue deux catégories de classifications, l’une fondamentale, les autres secondaires. a - La classification fondamentale ; immeubles et meubles : Les choses sont meubles quand elles sont susceptibles de déplacement, elles sont immeubles lorsqu’elles ne sont pas susceptibles d’être déplacées (un fonds de terre, un bâtiment, des plantations non séparées du sol) Cette distinction est fondamentale car très schématiquement les immeubles sont beaucoup plus protégés que les meubles ; l’acquisition de leur propriété obéit à des règles plus strictes que celles des meubles. - Les immeubles : Le critère physique, pour déterminer des biens immeubles, ne tient qu’une place peu importante si l’on se réfère à l’article 5 du Dahir du 2juin 1915 : « les biens sont immeubles ou pour leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auxquels ils s ‘appliquent. » * Les immeubles par nature :
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Il s’agit de choses réellement immeubles, c’est à dire non déplaçables au moment où on les considère .La catégorie des immeubles par nature bien qu’elle paraisse homogène ne l’est pas en réalité, car elle englobe le sol qui est un immeuble par excellence par sa nature originelle. Le caractère immobilier des constructions n’est donc pas permanent. Dès que le rapport avec le sol est anéanti ; il disparaît : on dit que les constructions ne sont immeubles que par accessoire. Cette immobilisation par accessoire permet de mieux comprendre la notion de meubles par anticipation qui par l’effet d’un contrat sont destinés à être séparés du sol. * Les immeubles par destination . Ce sont des meubles par nature auxquels la loi attache fictivement un caractère immobilier, parce qu’ils sont économiquement l’accessoire d’un immeuble. Pour que l’immobilisation par destination soit réalisée, deux conditions doivent être réunies : il faut que la personne qui l’opère soit à la fois propriétaire du meuble et de l’immeuble et il faut que le meuble soit affecté au service de l’immeuble. *Les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent : L’art. 8 du Dahir du 2juin 1915 vise un certain nombre de droits ayant pour objet des immeubles ; le Dahir de 1915 applique un critère physique à des droits, c’est à dire des biens incorporels n’ayant pas de matérialité. Selon la législation marocaine, les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent se répartissent en deux catégories : Les droits réels immobiliers à savoir la propriété des biens immeubles, l’usufruit des mêmes biens , le habous , les droits d’usage et d’habitation, l’emphytéose, le droit de superficie, l’antichrèse, les servitudes et services fonciers, les privilèges et hypothèques, les droits coutumiers musulmans et les actions qui tendent à revendiquer un immeuble. Deux remarques méritent d’être faites : 1er L’art. 8 du Dahir 1915 fait figurer le droit de propriété parmi les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent, alors que le droit de propriété, se confondant avec la chose sur laquelle il porte, ne peut être qu’un immeuble pour nature. 2ème : Alors que le droit français ne considère comme droit des biens que les seules règles juridiques régissant les droits réels principaux, le droit marocain estime que même les règles juridiques intéressant les droits réels accessoires font partie du droit des biens, ne serait ce que parce qu’il énumère l’antichrèse ,l’hypothèque t le privilège immobilier parmi les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent.
- Les meubles : A priori le critère de la nature physique devrait s’appliquer : est meuble toute chose susceptible de se déplacer ou d’être déplacée. Cette règle ne peut pas être toujours tenue pour valable car certaines choses doivent être considérées comme meubles bien que le critère de la nature physique ne soit pas suffisante pour caractériser une chose ; il y a lieu donc de faire le départ entre les meubles par nature et les meubles qui ne sont meubles que parce qu’il est impossible de les ranger dans la catégorie des immeubles . * Les meubles par nature : Le critère physique joue ici à plein ; c’est la possibilité de déplacement qui est fondamentale, même si le déplacement est exceptionnel, même si ce déplacement est retardé dans le temps . La catégorie des meubles par nature est hétérogène : de l’aiguille au paquebot les différences sont sensibles, mais il s’agit de meubles, de même le gaz , le courant électrique doivent être considérés comme des meubles. * Les choses qui sont meubles parce qu’elles ne peuvent être rangées dans la catégorie des immeuble :
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Toutes les choses qui ne se trouvent pas visées par les articles 6, 7 et 8 du Dahir du 2 juin 1915 ne peuvent être considérées que comme meubles bien que le critère de la nature physique déjà dégagé ne puisse leur être appliqué. Ainsi sont biens meubles, les droits réels portant sur des choses mobilières et les actions en justice relatives à des meubles ; de même sont biens meubles, les parts de sociétés, la propriété incorporelle (propriété littéraire et artistique ; la propriété des brevets , des manques de fabrique, des dessins et modèles ) et la propriété du fonds de commerce (universalité mobilière).
b- Les classifications secondaires : Dans cette deuxième perspective le critère fondé sur l’aspect physique va être pur, encore que les catégorisations ne soient pas absolues .Ils est néanmoins incontestable que la nature des choses va ici directement influencer l’aménagement juridique des droits qui vont les avoir pour support .Les classifications secondaires permettent d’opposer les choses consomptibles aux choses non consomptibles et les choses fongibles aux choses non fongibles. - Les choses consomptibles et non consomptibles . On ne peut se servir des choses consomptibles qu’en les détruisant .Par conséquent pour ces choses l’usus se confond avec l’abusus ; une seule utilisation est possible puiqu’elle provoque la destruction matérielle ou juridique ; ainsi en est-il par exemple des denrées alimentaires, de l’argent. Par contre les choses non consomptibles pourront faire l’objet de plusieurs usages même si leur dégradation est rapide ; pour elles l’usus ne se confond pas avec l’abusus : ainsi une maison, un vêtement sont des choses non consomptibles, même si dans ces deux exemples la durée d’utilisation est très variable. L’intérêt de la distinction résulte de la confusion ou de la non confusion de l’usus et de l’abusus : Lorsque l’usufruit porte sur des choses consomptibles , l’usufruitier devra rendre des choses pareilles .D’où l’idée que l’usufruitier devra devenir propriétaire de ces choses puisqu’il ne peut se servir de ces choses qu’en les détruisant ; on parle alors de quasi usufruit. Le D.O .C envisage à côté du prêt à usage , le prêt de consommation .Dans ce dernier cas, le prêt portant sur des choses consomptibles , l’emprunteur doit nécessairement devenir propriétaire de la chose puisque l’usus se confond avec l’abusus ; ainsi en est il par exemple du prêt le plus important sur le plus économique, le prêt de sommes d’argent.
Dans ces deux cas la nature physique de la chose influe considérablement sur la technique juridique :dans l’usufruit et le prêt à usage portant sur des choses non consomptibles on remettra la détention de la chose ; dans le quasi usufruit et le prêt de consommation on transférera la propriété de la chose.
- Les choses fongibles et non fongibles . Sont fongibles toutes les choses qui n’ont pas d’individualité propre .Ils s’agit des choses qui se comptent , qui se pèsent ou qui se mesurent . Sont non fongibles toutes les choses qui ont une individualité propre . Ils s’agit des corps certains. En générale il y a une coïncidence entre consomptibilité et fongibilité. Cette coïncidence n’est pas toujours vraie ; une automobile neuve de telle marque et de tel type est fongible avec un véhicule neuf de la même marque et du même type , elle n’est pas consomptible ; les morceaux de viande exposés chez un boucher sont consomptibles, ils ne sont pas fongibles entre eux . Lorsqu’il n’y a pas de coïncidence entre consomptibilité et fongibilité, ce dernier
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caractère n’est pas nécessairement permanent ; ainsi deux automobiles de la même marque, du même type, de même couleur sont fongibles entre elles lorsqu’elles sont neuve ; lorsqu’elles auront été utilisées pendant un certain temps elles ne le seront plus du fait de leur usage par deux personnes différentes . La distinction des choses de genre et des corps certains présente un intérêt important en matière de transfert de propriété. Pour les corps certains le principe est que le transfert se réalise par le seul accord de volonté des parties .Au contraire , pour les choses de genre, la convention ne peut être suffisante si la chose n’est pas déterminée au moment de la rencontre des consentements . Ils faudra donc attendre la détermination pour que la translation de la propriété puisse se réaliser ; en pratique la tradition , c’est à dire la remise matérielle de la chose, permettra la détermination et donc le transfert
TITRE I : LE DROIT DE PROPRIETE
Aux termes de l’art . 9 du dahir du 2 juin 1915 : « La propriété immobilière est le droit de jouir et de disposer d’un immeuble par nature ou par destination de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements .» A priori la définition que donne l’art. 9 du droit de propriété immobilière, qui peut être étendue au droit de propriété mobilière, semble être incomplète : Elle indique que le propriétaire peut jouir de la chose ( fructus ou jus fruendi) , qu’il peut en disposer (abusus ou jus abutendi) mais ne prévoit pas la faculté d’usage (usus ou jus utenti). Or il est incontestable que le propriétaire bénéficie de ces trois prérogatives . Pourquoi donc cette position ? Le législation marocain a certainement voulu se rapprocher de la réalité, car dans le fait l’usage et la jouissance ne sont pas séparables en généra . Il résulte de la définition du droit de propriété que ce dernier présente trois caractères : il est absolu, exclusif et perpétuel. -Le droit de propriété est un droit absolu : Ce caractère demande à être précisé . Il implique à première vue que le droit de propriété est opposable à tous ; mais ce n’est pas là un caractère spécifique, car bien d’autres droits sont opposables à tous . Aussi ce premier caractère marque t-il que le droit de propriété est le plus complet qui soit, ce qui n’empêche qu’il comportera malgré tout des restrictions annoncées d’ailleurs par la formule finale de l’art. 9 du dahir du 2 juin 1915.
- Le droit de propriété est un droit exclusif : Ce caractère signifie que seul le propriétaire peut bénéficier des prérogatives qui sont reconnues par la loi à toute personne titulaire d’un droit de propriété ; sur la chose objet de son droit le propriétaire n’est en concours avec personne : d’où la confusion entre le droit et la chose support du droit . D’où également la distinction entre la propriété et les autres droits réels ; ceux ci supposent un concours de deux titulaires de droits différents sur la même chose (par exemple nu propriétaire et usufruitier).
- Le droit de propriété est un droit perpétuel : La confusion entre le droit de propriété et la chose sur laquelle il porte suppose le caractère perpétuel du droit de propriété ; il ne disparaît pas par le non usage , il subsistera tant que le propriétaire aura la volonté d’en bénéficier.
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En conséquence on peut parfaitement concevoir des mutations du droit, non sa disparition indépendante de la disparition de la chose, si ce n’est par l’effet de la volonté (l’exemple type en serait fourni par le cas de l’abandon). L’examen de ces caractéristiques ne saurait donner une idée exacte de la propriété . Certes elle est étendue , mais son exclusivité peut être modifiée par une indivision de même son absolutisme connaît des limites.
CHAPITRE I : L’ETENDUE DU DROIT DE PROPRIETE Le droit étant réel , il va nécessairement s’appliquer à une chose corporelle. A l’heure actuelle le terme de propriété est utilisé dans de nombreuses hypothèses ; ainsi on parle de propriété artistique, littéraire, industrielle, commerciale par exemple ; il s’agit en réalité d’un abus de langage, justifié sans doute par l’exclusivité que ces droits confèrent à leur titulaire. Ils n’en reste pas moins que le droit réel de propriété porte sur une chose du monde matériel et que seul ce droit peut véritablement être qualifié de propriété. Mais la propriété ne porte pas seulement sur la chose elle même .Elle s’étend d’abord aux productions de la chose ; la propriétaire a droit aux fruits et aux produits . Autrement dit toutes les productions de la chose appartiennent au propriétaire ; ce ne sera pas le cas pour l’usufruitier. Egalement la propriété s’étendra au dessus et au dessous du sol, à ce qui d’incorporera à la chose.
Section I : La propriété du dessus et du dessous du sol : Aux termes de l’art. 15 du Dahir du 2 juin1915 : « le propriétaire du sol peut faire au dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre IX du présent dahir et aux dahirs et règlements spéciaux concernant les alignements, les plans d’extension des villes et la voirie en général. Il peut faire au dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir sauf les restrictions résultant des dahirs et règlements relatifs aux mines, aux objets d’art et d’antiquité et des dahirs et règlements de police. »
Paragraphe 1 : la propriété du dessus : L’existence de cette propriété ne peut être mise en doute ; mais ses limites ne sont pas moins évidentes. A - l’existence de la propriété du dessus. Que doit-on entendre par la propriété du dessus ?. pour répondre à cette question Mr Piedelievre précise que : « de manière idéale la propriété du sol n’est pas seulement la propriété d’une surface , mais d’un volume déterminé par la surface, coupe horizontale de ce volume . C’est là ce qu’indique l’article 552 al. 1 : « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ». Il est en effet difficile de concevoir le sol séparément de l’intérieur et de la superficie. ». Cette conception emprunté par Mr Piedelievre à Mr Savatier ne nous paraît pas apte à recevoir application en droit marocain, car lorsque nous nous référons au dahir du 2 juin 1915 nous y repérons une disposition qui ne semble reconnaître au propriétaire qu’un droit d’usage sur le volume surplombant son sol. Autrement dit en utilisant une formule non pas aussi absolue que celle utilisée par le législateur Français dans l’art.552 al.1 du code civil, le législateur marocain semble adopter une conception matérielle de l’immeuble, c’est à
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dire considérer l’immeuble comme étant une chose corporelle et le droit de propriété comme étant un droit ne s’étendant qu’aux choses corporelles. D’aucuns pourraient avancer que notre raisonnement ne saurait être tenu pour exact, car aux termes de l’art.483 du D.O.C : «Est valable la vente d’une partie déterminée de l’espace libre ou colonne d’air qui s’élève au dessus de l’édifice déjà construit et l’acquéreur peut y construire, pourvu que la nature et les dimensions de la construction aient été déterminée ; mais l’acquéreur n’a pas le droit de vendre l’espace au dessus de lui sans le consentement du vendeur primitif » Certes on pourrait croire qu’étant donné que cette disposition permet la vente de l’espace libre on colonne d’air, l’espace libre ou colonne d’air , chose incorporelle, serait immeuble par nature,susceptible de faire l’objet d’une appropriation. Pourrait-on adopter une telle conception par référence à l’art. 483 du D.O.C ? Nous ne le pensons pas, car bien que l’art. 483 du D.O.C fasse usage du terme vente, l’opération dont il s’agit ne peut être qu’une cession d’un droit d’usage portant sur la surface de la construction. Si l’opération en question était une véritable vente, l’espace libre ou colonne d’air aurait été un immeuble par nature , ce qui est inexact pour deux raisons : - D’abord l’art . 99 du Dahir 1915 considère indirectement l’immeuble par nature comme étant une matière, car il précise que le droit de superficie disparaît lorsque les plantations, les constructions ou les ouvrages appartenant au superficiaire disparaissent . Par conséquent, si l’immeuble n’était pas matériel, le droit de superficie aurait survécu à la disparition des constructions, des plantations et des ouvrages du superficiaire ; . - Ensuite en remontant aux origines du droit de Haoua prévu par l’art. 483 du D.O.C, nous constatons qu’l avait été exercé à l’origine sur des terrains nus habousés : si le droit de Houa supposait une vente portant sur un espace libre , celui ci aurait été un immeuble accessoire au terrain habousé donc inaliénable et le droit de HAOUA n’aurait jamais connu une existence juridique . Ainsi l’immeuble par nature ne pouvant être en droit marocain qu’une chose corporelle , la propriété du dessus signifie que : a - le propriétaire du sol peut faire sur celui-ci les plantations et les constructions qu’il désire ; b - il peut contraindre son voisin à couper les branches qui surplombent pour héritage ( art .135 du Dahir du 2 juin 1915). c- il recueillira les fruits tombés naturellement des branches d’arbres appartenant à ses voisins, sur son fonds (l’art.135 du même Dahir). d - il a la possibilité de disposer des constructions, plantations et ouvrages érigés sur son fonds . Il confère ainsi à son ayant cause le droit de superficie ; le superficiaire deviendra alors propriétaire des constructions, des plantations ou ouvrages ainsi élevés.
B- Les limitations à la propriété du dessus :
La propriété du sol s’étend certes à toutes les choses corporelles qui surplombent ce sol . Toutefois cette règle connaît quelques exceptions prévues par la loi ; parmi ces exceptions, nous pouvons citer à titre d’exemple, le cas des servitudes de passage des lignes à haute tension.
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Paragraphe 2 : La propriété du dessous . Les droits du propriétaires sur le tréfonds sont précisés par l’art .15 du Dahir de 1915. Ainsi le propriétaire a le droit de faire au dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos . Ils peut même directement couper les racines des plantations de son voisin à la limie séparative (art. 135 de 2du Dahir 1915). Mais le problème essentiel réside dans le fait de savoir si le propriétaire du sol a la possibilité de s’approprier les substances :Les mines ou les eaux qu’il peut trouver dans le dessous . Les mines et les eaux étant des choses appartenant au domaine publique de l’état, elles ne peuvent être la propriété du propriétaire du sol qui les comptes. Section II : La propriété de ce qui s’incorpore à la chose. Le principe est donné par l’art .11 du Dahir du 2 juin 1915 qui énonce que : « La propriété d’un immeuble donne droit sur tout ce qu’il produit et sur ce qui s’y unit et s’incorpore accessoirement , soit naturellement, soit artificiellement. » Ils s’agit là de l’application d’une règle du droit romain accessorium sequitur principale, l’accessoire suit le principal . Ce droit d’accession , selon l’art.11du D1915, peut se produire de manière naturelle (sans intervention de l’homme) ou artificielle (avec intervention de l’homme) . Malgré la réglementation très complète du Dahir de 1915, la matière est d’une importance médiocre , si ce n’est pour l’accession immobilière artificielle. Paragraphe I : L’accession immobilière artificielle . L’accession d’immeuble à immeuble résulte d’une action humaine . Selon l’art.16 du Dahir du 2 juin 1915 : « toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses fais et lui appartenir si le contraire n’est prouvé. ». D’après ce texte le sol doit donc être considéré comme la chose principale ; tout ce qui vient s’adjoindre au sol est, sauf convention contraire , la propriété du propriétaire du sol .Tel est donc le principe général ; mais le Dahir de 1915 a dû prévoir trois hypothèses particulières : celle où un tiers a cultivé un champ ne lui appartenant pas, celle où le propriétaire d’un fonds a fait des plantations , des constructions ou ouvrages avec des matériaux ne lui appartenant pas et celle où un tiers érige des constructions, plantations ou ouvrages sur un fonds qui n’est pas sa propriété. A - L’hypothèse où le tiers cultive un champs ne lui appartenant pas : A ce propos, l’art. 13 du Dahir de 1915 distingue deux situations différentes en partant de la bonne on mauvaise foi du tiers . - Si le tiers a cultivé de mauvaise foi , ou la saison des semailles a passé et dans ce cas le propriétaire du champ n’a droit qu’au loyer de son champ ; ou la saison des semailles n’a pas a pris fin et dans ce cas le propriétaire du champ a droit à la récolte sans rembourser aucun frais . - Si le tiers a cultivé de bonne foi ou la saison des semailles a passé et dans ce cas le propriétaire du champ ne peut rien lui réclamer ; ou la saison des semailles n’a pas pris fin et dans ce cas le propriétaire n’a droit qu’au loyer. B- L’hypothèse où le propriétaire du sol érige sur son sol des constructions, plantations ou ouvrages avec les
matériaux d’autrui.
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A cet égard, L’art . 17 du Dahir de 1915 dispose que le propriétaire du sol devient en ce cas propriétaire des matériaux utilisés pour réaliser l’ouvrage . Ce texte appelle quelques observations : - Le propriétaire doit payer la valeur des matériaux, estimée au jour de leur utilisation , sans préjudice de tous dommages et intérêts si le remboursement des matériaux ne suffit pas à réparer le préjudice subi par l’expropriétaire de ceux-ci. - L’accession est définitive. Ainsi si l’ouvrage venait à être détruit le propriétaire du sol resterait propriétaire des matériaux. - Il n’y a pas à distinguer suivant que le propriétaire constructeur est de bonne ou de mauvaise foi, c’est à dire s’il savait ou s’il ignorait que les matériaux appartenaient à autrui. Cependant il est à noter que le texte s’appliquera le plus souvent en cas de mauvaise foi du constructeur. Ils ne jouerait en effet pour le constructeur de bonne foi que si les matériaux avaient été perdus ou volés par leur propriétaire originaire : sinon il les aurait acquis non par l’effet de l’accession mais par la possession en vente de L’art. 456 du D.O. C. C - L’hypothèse où le tiers érige des constructions, plantations ou ouvrages sur le sol d’autrui avec ses propres matériaux. A ce propos l’art.18 du Dahir 1915 fait une distinction selon que le tiers était de bonne ou de mauvaise foi. Si le tiers était de bonne foi (au moment de l’exécution des travaux il croyait être propriétaire du sol.) il ne peut être contraint à supprimer les constructions , et le vrai propriétaire du sol en deviendra propriétaire, sons réserve d’indemnisation. Celle ci, au choix de ce dernier, remboursera la valeur des matériaux et du prix de la main d’œuvre , au jour de l’exécution des travaux, ou une somme égale à la plus- value apportée à l’immeuble. Si le tiers était de mauvaise foi ( au moment de l’exécution des travaux il savait que le terrain ne lui appartenait pas .), une alternative existe pour le propriétaire du sol : soit faire démolir les constructions, les plantations ou les ouvrages aux frais du constructeur, soit conserver l’ouvrage en versant une indemnisation équivalente à la valeur des matériaux. Paragraphe II : les cas secondaires d’accession . Ces situations concernent essentiellement les cas d’accession de meubles à meubles. L’accession de meuble à meuble peut se réaliser soit par l’adjonction, soit par le mélange, soit par la spécification. Il est donc nécessaire de procéder à l’exposé de ces trois opérations avant d’étudier la position du législateur marocain en la matière . A- Exposé des opérations par lesquelles se réalise l’accession de meubles à meubles : Ces opérations sont l’adjonction , le mélange et la spécification : a) L’adjonction : L’adjonction suppose que les deux choses sont unies , mais restent reconnaissables .Ainsi le tableau et le cadre. b) Le mélange : Le mélange résulte de l’union de deux choses qui perdent leur individualité .Ainsi de l’or et de l’argent sont fondus ensemble.
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c) La spécification : La spécification est l’union d’une chose et d’un travail .
B- position du législateur marocain : Il est à noter que le législation marocaine ne réglemente que la 3 ème opération c’est à dire la spécification . En effet aux termes de l’art.104 du D.O.C :« si le possesseur même de mauvaise foi, d’une chose mobilière a, par son travail, transformé la chose de manière à lui donner une plus-value considérable par rapport à la matière première, il peut retenir la chose à charge de rembourser :
1° - La valeur de la matière première ; 2°- Une indemnité à arbitrer par le tribunal, lequel doit tenir compte de tout intérêt légitime du possesseur primitif et même de la valeur d’affection que la chose aurait pour lui. Cependant le possesseur primitif a la faculté de prendre la chose transformée en remboursant au possesseur la plusvalue qu’il a donnée à la chose . Dans les deux cas, il a privilège sur tout autre créancier. » Qu’en est il alors en cas d’adjonction ou de mélange, à défaut de règles particulières en droit Marocain ? En cas d’adjonction , il appartient au propriétaire de la chose adjointe de la revendiquer en vertu du droit de suite dont il dispose en tant que titulaire d’un droit réel, le droit de propriété, sur la chose adjointe . En cas de mélange , rien n’empêche d’appliquer la règle générale. Si l’auteur du mélange est de mauvaise foi, il est nécessaire de permettre au propriétaire du bien mélangé de le récupérer, à condition qu’il soit possible, notamment chimiquement, de procéder à la séparation des deux biens. Si l’auteur du mélange , est de bonne foi, il devient propriétaire du bien mélangé , en vertu du principe en fait de meubles la possession vaut titre. Pourquoi est ce que le législateur marocain ne s’est pas intéressé à l’adjonction et au mélange ? Si le législateur marocain ne s’est pas préoccupé du cas d’adjonction et du cas de mélange, c’est parce qu’il a estimé que ces hypothèses ont peu d’intérêt . D’abord parce que les conflits auquels l’adjonction et le mélange donnent lieu ne peuvent se produire qu’ à défaut de convention, ce qui est assez rare .
CHAPITRE II : LA PROPRIETE INDIVISE. Lorsque plusieurs personnes se trouvent en même temps propriétaires d’une même chose (ou d’un ensemble de choses ) elles sont dans l’indivision :
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Elles se trouvent , en effet , avoir un droit semblable sur la totalité de la chose. Il ne faut pas confondre l’indivision avec les démembrements de la propriété ; dans ceux-ci en effet des personnes différentes auront des droits sur une même chose, mais ce seront des droits différents . Il ne faut pas non plus assimiler l’indivision classique à la personnalité morale ; chacun des copropriétaires est directement propriétaire d’une quote-part sur la totalité de la chose .
Section 1 : L’indivision classique : Deux situations très distinctes sont envisagées, l’indivision ordinaire qui prendra moralement fin par un partage et l’indivision forcée qui restera un état permanent . Paragraphe 1 : L’indivision ordinaire : L’indivision ordinaire se trouve organisée par les art. 960 et suivants du D.O.C. Elle est considérée comme un état transitoire ; « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et chacun des communistes peut toujours provoquer le partage. Toute clause contraire est sans effets. » L’indivision ordinaire est gouvernée par trois principes : A - LE DROIT DE CHAQUE INDIVISAIRE : L’indivisaire n’a pas de droit sur une partie indivise de la chose, mais un droit abstrait , une quote-part, portant sur la totalité de la chose. Par conséquent, s’il n’est pas possible à l’indivisaire d’aliéner la chose en totalité ou en partie, il pourra néanmoins céder sa quote-part , l’acquéreur prenant alors sa place dans l’indivision sous réserve de l’exercice du droit de retrait dans les conditions prévues par les art. 974 , 975 et 976 du D.O.C. ou encore dans les conditions fixées par les art.31 et 32 du D. du 2 juin 1915 . Donc par le biais de la notion de quote-part on retrouve la notion de propriété individuelle sur celle ci. B - LA GESTION DE L INDIVISION : Il y a lieu de faire le départ entre les actes ne nécessitant que la majorité et les actes ne pouvant être décidés qu’à l’unanimité . a - Les actes ne nécessitant que la majorité : Pour les actes ayant trait à l’administration et à la jouissance de la chose commune ,les délibérations de la majorité des trois quarts des intérêts qui forment l’objet de la communauté obligent la minorité. Lorsque la majorité n’atteint pas les trois quarts, les communistes peuvent recourir au juge, lequel décide dans le sens le plus conforme à l’intérêt général de la communauté . Il peut même nommer un administrateur , si le cas l’exige , ou ordonner le partage de la communauté . b - Les actes qui ne peuvent être décidés qu’à l’unanimité : L’unanimité est seule compétente : - Lorsqu’il s’agit d’actes de disposition, et même d’actes d’administration qui atteignent directement la propriété ; - Lorsqu’il s’agit d’innover au contrat social ou à la chose commune ; - Dans les cas où il s’agit de contracter des obligations nouvelles.
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c - Le droit de demander le partage. Tout indivisaire a le droit de mettre fin à l’indivision en provoquant le partage .C’est noter le caractère essentiellement précaire de cet état. Ce droit cependant serait paralysé si l’on est en présence d’un maintien dans l’indivision volontaire ou forcé. En effet aux termes de l’art.979 du D.O.C : « on peut convenir , néanmoins, qu’aucun des intéressés ne pourra demander le partage pendant un délai déterminé, ou avant d’avoir donné avis préalable... » De même aux termes de l’art .980 du D.O.C : « le partage ne peut être demandé , lorsque la communauté a pour objet des choses qui, en se partageant, cesseraient de servir à l’usage auquel elles sont destinées. » Paragraphe 2 :L’indivision forcée . Dans ce cas le partage n’est pas possible .Le Dahir du 2 juin 1915 organise la gestion de la chose indivise pour permettre à chaque indivisaire d’en user librement sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires. Ces principes s’appliquent à l’indivision des clôtures et des fossés. Mais l’hypothèse la plus intéressante est celle de la mitoyenneté des murs . A - Preuve de la mitoyenneté : Aux termes de l’art. 116 du D.2 juin 1915 : « Dans les villes et les compagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l’héritage, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs , est présumé mitoyen , s’il n’y a titre ou marque de contraire. » Cette solution est normale, le mur présente autant d’intérêt pour l’un que pour l’autre . Cette présomption peut être écartée de deux manières : Tout d’abord par titre indiquant que le mur appartient privativement à l’un des propriétaires . Ensuite par marques de non mitoyenneté .Il y a trois marques matérielles de non mitoyenneté : a - Sommité du mur incliné d’un côté de manière à rejeter l’égout des eaux sur l’un des fonds ; le propriétaire de ce fonds sera censé propriétaire privatif du mur .
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La sommité du mur est inclinée vers A , donc le mur est présumé appartenir à A . b - Existence d’un chaperon ou de filet d’un seul côté ; le propriétaire du fonds du côté duquel se trouve le chaperon ou filet est considéré comme propriétaire privatif du mur.
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c - Existence de corbeaux d’un seul côté du mur ; le mur est considéré comme privatif pour le propriétaire du fonds du côté duquel se trouvent les corbeaux : il peut en effet se servir de ceux ci s’il veut réaliser des appuis. B - L’acquisition de la mitoyenneté : L’acquisition de la mitoyenneté peut bien entendu s’effectuer selon le droit commun. Mais bien que la mitoyenneté présente une importance pratique considérable, le législateur marocain ne permet pas au propriétaire jouxtant un mur privatif de contraindre le propriétaire de celui ci à lui céder la mitoyenneté . En effet aux termes de l’art.125 du Dahir du 2 juin 1915 : « nul n’est tenu de céder à son voisin la mitoyenneté de son mur ..... » De même on ne peut contraindre son voisin à se porter acquéreur de la mitoyenneté d’un mur actuellement privatif ; en fait ceci est possible dans l’hypothèse où le voisin s’est servi du mur pour une construction : sous menace de faire démolir la construction on pourra l’obliger à acquérir la mitoyenneté.
C - Les rapports entre propriétaires mitoyens : a - Les droits : Chacun peut se servir du mur à condition de ne pas empiéter sur le droit de son voisin ; les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers , de chaque côté du mur séparatif , sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance , mais ils ne pourront dépasser la crête du mur . De même chacun peut procéder à un exhaussement à condition d’en payer seul la dépense ; cet exhaussement aura le caractère privatif, mais il pourra faire l’objet d’une cession forcée car en vertu de l’art . 125 du Dahir du 2 juin 1915 : « .... dans le cas d’exhaussement d’un mur mitoyen ,le voisin qui n’y a pas contribué peut en acquérir la mitoyenneté en payant la moitié de la dépense qu’a coûté l’exhaussement et la valeur de la moitié du sol fourni pour l’excédent d’épaisseur s’il y en a. » . b - Les obligations : Chacun doit entretenir le mur à frais communs proportionnellement à ses droits respectifs . Cette obligation pouvant être lourde pour l’un des propriétaires il aura la faculté de s’en décharger en abandonnant la mitoyenneté pourvu que le mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment lui appartenant . Cette possibilité d’abandon s’explique par le fait qu’il n’est tenu que parce qu’il est propriétaire ; l’obligation propter rem disparaît si l’on n’est plus propriétaire de la chose. Section II : L’indivision moderne : La copropriété par appartements : La copropriété par appartements est régie, en droit marocain par le Dahir du 16 novembre 1946 qui est fortement inspiré par la loi française du 28 juin 1938 , abrogée par la loi du 10 juillet1965 . A cet égard deux points sont essentiels , la description de la copropriété et l ‘organisation de la copropriété.
Paragraphe 1 : La description de la copropriété.
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Etre copropriétaire , c’est incontestablement avoir des droits et des obligations . Reste encore à les préciser car la matière n’est pas homogène ; dans cette optique le règlement de copropriété peut être de quelque utilité.
A-
Les droits des copropriétaires :
Ils portent à la fois sur les parties communes et les parties privatives ; le Dahir du 16 novembre 1946 précise dans son art. 5 que : « lorsque différents étages ou appartements d’un immeuble appartiennent divisément à divers propriétaires , ceux-ci à défaut de titres contraires, sont présumés être copropriétaires du sol et de toutes les parties du bâtiment qui ne sont pas affectées à l’usage exclusif de l’un d’eux .... » Cette indication ne permet pas de rendre compte avec précision du droit de chaque copropriétaire. a - Les parties communes : Elles sont affectées à l’usage de tous les copropriétaires ou de certains d’entre eux . Ainsi sont réputées parties communes le sol, les cours, jardins , voies d’accès .... etc. Ces parties communes font l’objet d’une propriété indivise ; comme telles elles peuvent être utilisées par l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux . Mais comme elles doivent corrélativement pouvoir être utilisées par la collectivité des copropriétaires , elles ne peuvent faire l’objet d’une appropriation individuelle . b - Les parties privatives : Elles sont ou contraire la propriété exclusive de chaque propriétaire , car elles sont réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé .Mais pour trouver l’objet de l’appropriation privée on ne peut guère citer que les cloisons ( encore certaines d’entre elles sont-elles mitoyennes.), les éléments d’équipement sanitaire , les fenêtres ; il s’agit plus d’un droit à un espace géométrique qu’à des éléments matériels précis : L’appartement n’a pas en lui même une existence propre. c - La nature du droit du copropriétaire. A priori le caractère dualiste de ce droit semble être affirmé par le législateur ; exclusivité pour les parties privatives, indivision pour les parties communes . En réalité l’analyse n’est pas convaincante . Certes il y a un droit à un appartement , certes il y a des parties communes, mais ce droit à l’appartement s’insère nécessairement dans un ensemble collectif, l’immeuble . Et c’est la notion même de cette collectivité qui sous- entend une organisation de ce droit ; cependant , juridiquement et psychologiquement , c’est le droit à l’appartement qui est fondamental. Peut être faut il penser que la réalité du droit du copropriétaire est nécessairement assortie de rapports personnels ; malgré tout le droit subjectif du copropriétaire doit être considéré comme une entité. Ceci explique d’ailleurs un certain nombre de conséquences .En premier lieu l’unité du droit rend impossible la séparation entre parties communes et parties privatives. En second lieu cette unité permet de concevoir un véritable droit de copropriété sur un ensemble matériel, l’immeuble , d’où évidemment la possibilité de transmission, de constitution de droits réels sur ce droit exclusif .
B - Les obligations des copropriétaires : Elles sont relatives aux charges de l’immeuble .Chaque copropriétaire doit y participer .Mais il faut déterminer les systèmes de répartition des charges et le moyen de garantir leur paiement. a - La répartition des charges :
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A la différence de loi française de 1965, le Dahir du 16 novembre 1946 ne fait pas de distinction entre les charges résultant des services collectifs et des éléments d’équipement commun et les charges résultant de la conservation , de l’entretien et de l’administration des parties communes. Il précise dans l’alinéa 2 de l’art.6 que : « chacun d’eux (les copropriétaires ) est tenu de participer aux charges de la conservation, de l’entretien et de l’administration des parties communes. » Les charges de copropriété se répartissent , en vertu de l’alinéa 3 de l’art. 6 du Dahir de 1946 , proportionnellement aux valeur respectives des fractions divises de l’immeuble, eu égard à leur étendue et à leur situation. Toutefois, cette règle de répartition des charges n’est pas d’ordre public en ce sens qu’elle ne reçoit application qu’a défaut d’une clause contraire insérée dans le règlement de copropriété. La modification de la répartition des charges ne peut résulter que d’une décision unanime des copropriétaires . b - La garanties du paiement des charges : Le syndicat des copropriétaires doit être prémuni contre le risque d’insolvabilité de l’un des copropriétaires . C’est ainsi que le Dahir du 16 novembre 1946 prévoit une hypothèque forcée au profit du syndicat pour garantir le paiement : 1° De la part contributive des copropriétaires aux frais annuels de gérance, de concierge , d’éclairage, de chauffage , d’entretien , de réparations courantes, d’assurances, d’impôts on taxes diverses incombant au syndicat . 2° De toute part contributive pouvant être ultérieurement fixée par le syndicat , à la double majorité prévue par l’alinéa 2 de l’art. 9 ,pour dépenses et frais exceptionnels (grosses réparations, etc...) Cette hypothèque porte sur la part divise et indivise de chaque copropriétaire dans l’immeuble.
C - Le règlement de copropriété : Bien que le règlement de copropriété ne soit pas obligatoire en doit Marocain , il est généralement établi soit par le promoteur , soit par les copropriétaires . Il s’agit d’un contrat comportant essentiellement des clauses relatives à la destination des parties communes et privatives, aux conditions de leur jouissance et à l’administration de la copropriété . Le règlement de copropriété doit être déposé à la conservation de la propriété foncière pour produire tous ses effets entre les parties et être rendu opposable aux tiers. Paragraphe 2 : L’organisation de la copropriété . Le but essentiel du Dahir du 16 novembre 1946 a été d’organiser l’indivision des parties communes .Le système général est le suivant : tous les copropriétaires sont nécessairement assemblés dans un syndicat jouissant de la personnalité morale . Certes le syndicat n’est pas propriétaire de l’immeuble , mais il a néanmoins un patrimoine, l’actif de celui ci étant essentiellement constitué par les créances, des charges , le passif pour les différents dépenses inhérentes à l’immeuble. Très classiquement ont été distingués l’organe de décision et l’organe d’exécution. A - L’assemblée des copropriétaires : Dans cette assemblée délibérante chacun des copropriétaires dispose d’un nombre de voix proportionnel à l’importance de son appartement .
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Les décisions de l’assemblée peuvent être prises sur la base de la majorité des voix de tous les copropriétaires (décisions intéressant l’administration ), sur la base de la double majorité prévue à l’alinéa 2 de l’art 9 (décisions modifient le règlement de copropriété) et sur la base de l’unanimité (décisions relatives aux actes de disposition portant sur les parties communes.)
B - Le syndic : Le syndic est normalement chargé d’exécuter les décisions de l’assemblée ,au besoin ,de pourvoir de sa propre initiative à la conversation , à la garde et à l’entretien en bon état de propreté et de réparation de toutes les parties communes , ainsi que de contraindre chacun des intéressés à l’exécution de ses obligations.
CHAPITRE III : LES LIMITES AU DROIT DE PROPRIETE La propriété est le droit le plus étendu , le plus complet que l’on puisse avoir sur une chose. Mais il ne s’agit pas d’un pouvoir indéfini ; certes le droit de propriété est absolu , mais « pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ». Le droit du propriétaire doit donc subir toutes les limitations qui lui sont imposées . Les limitations sont soit d’intérêt privé , soit d’intérêt public. Section I : Les limitations d’intérêt privé : Ils s’agit en effet de restrictions à son exercice pouvant s’analyser en obligations. Les unes vont lui imposer une abstention , les autres résulteront de la mise en jeu du principe général de la responsabilité civile.
Paragraphe 1 : Les limitations imposant une observation au propriétaires : Cette première catégorie est assez facilement concevable , débiteur d’une obligation de ne pas faire, le propriétaire ne semble pas trop affecté dans la maîtrise de son immeuble . Ces limitations peuvent résulter de la volonté ou de la loi. A - Limitations résultant de la volonté : L’hypothèse type est celle des clauses d’inaliénabilité imposée par l’ancien au nouveau propriétaire . Imposées car elles se trouvent essentiellement dans les libéralités : Le bénéficiaire retirant un avantage gratuit ne s’opposera pas aux restrictions voulues par le disposant .L’existence et l’efficacité de ces clauses subissent des restrictions ; d’un part elles sont contraires au principe juridique de libre disposition , d’autre part, provoquant un blocage entre les mains du propriétaire, elles sont incompatibles avec le principe économique de la libre circulation des biens . 1- Validité :
Celle ci ne fait pas de doute lorsque la loi elle même édicte l’inaliénabilité . On peut citer l’exemple des biens de famille : cette restriction a été récemment supprimée. Le problème est plus délicat à l’égard des clauses d’inaliénabilité non prévues par le législateur . On admet généralement leur validé mais à deux conditions . Tout d’abord elles doivent être temporaires : une inaliénabilité perpétuelle serait nulle (ainsi de l’inaliénabilité pour la vie du propriétaire ), de même si elle était d’une durée
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anormalement longue ( mais la détermination d’une telle durée est une question de fait ) .Ensuite elles doivent être justifiées par un intérêt sérieux soit du disposant , soit de l’acquéreur soit d’un tiers .
2 - Efficacité : Toute aliénation est désormais interdite au propriétaire , toute saisie est désormais interdite aux créanciers ( la saisie se résolvant en une vente forcée ) . Si donc une aliénation était consentie au profit d’un tiers acquéreur celle ci serait annulable . Mais il convient ici de distinguer : Si l’inaliénabilité frappe un immeuble immatriculé, elle est efficace dans la mesure où elle aura été inscrite sur le titre foncier conformément à l’art 69 -5°du Dahir du 12 Août 1913 qui dispose que : « Toute personne requérant une inscription doit déposer entre les mains du conservateur un bordereau contenant : ... L’indication , s’il y a lieu , des causes de résolution ,restriction au droit de disposer ou mention spéciale, dont l’inscription est requise en même temps que celle du droit principal , le tout avec indication de l’état civil des bénéficiaires. » , sinon elle n’aura pas d’effet entre les parties et ne sera pas opposable aux tiers . Pour les meubles corporels au contraire elle ne sera pas efficace si le tiers acquéreur est de bonne foi, car il sera protégé par l’art .456 du D.O.C ; par sa seule possession il sera devenu propriétaire.
B - Les limitations résultant de la loi : Elles sont qualifiées par le Dahir du 2 juin 1915 de servitudes naturelles ou légales, on peut en signaler quatre catégories : a - Les limitations relatives aux régime des eaux : Elles ne s’appliquent pas aux maisons, cours , jardins et enclos attenant aux habitations . Le propriétaire du fonds inférieur est tenu de recevoir les eaux qui s’écoulent du fonds supérieur lorsque cet écoulent est naturel (art 110 du Dahir 1915) ; il ne peut s’opposer à ce ruissellement en établissant par exemple une digue .
b - Les limitations relatives aux vues et aux jours : - Les jours sont des fenêtres qui procurent la lumière sans donner passage à l’air . Selon l’art 138 alinéa 2 du Dahir 1915 ,ils doivent être garnis d’un treillis de fer et d’un chassis à verre dormant ,(ouverture impossible ) . Les jours sont les seules fenêtres que l’on puisse établir dans un mur situé à la limité du fonds voisin . Si le mur est mitoyen , aucun jour ne peut être établi si ce n’est du consentement du voisin . Par contre si le mur est privatif , des jours peuvent être réalisés, mais à 2,60 m si l’on est au rez de chaussée , à 1,90 m si l’on est à l’étage . - Les vues permettent à la fois le passage de l’air et de la lumière .Elles ne sont possibles que dans les murs placés en retrait de la limite séparative des deux fonds : Il faut cependant distinguer les vues droites ( mur parallèle à la limite séparative ) ne sont possibles que si le mur est à 1,90 m au moins de la limite . Les vues obliques ( mur approximativement perpendiculaire à la limite séparative ) peuvent être établies à 0,60 m de la limite . Ces règles relatives aux vues ne reçoivent pas application lorsqu’il s’agit de terrasses et de vues ouvertes sur la voie publique.
c - Servitudes relatives aux plantations et constructions : - En principe , les constructions peuvent être établies à la limite des propriétés .Mais l’art . 136 du Dahir 1915 prévoit que pour certaines constructions gênantes (puits, fosse d’aisances, cheminées, forges, fours , étables.....)le
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constructeur est obligé de laisser la distance prescrite par les règlements et usages particuliers pour éviter de nuire au voisin. - Pour les plantations il convient de distinguer selon l’art.133 du Dahir de1915. On peut d’abord planter des arbres en espalier contre le mur séparatif (d’un seul côté s’il est privatif , des deux s’il est mitoyen) .Mais d’autre part on ne peut avoir des arbres en tige le long d’une limite séparative ; à défaut de règlement particulier ou d’usage les distances sont les suivantes : en partant de la limite séparative , dans la zone de 0 à 0,50 m aucune plantation ; de 0,50 m à 2 m arbres ne dépassant pas 2m ; au delà les plantations sont libres. Il faut noter que le titre de propriété ou l’inscription contraire permettrait d’écarter ces règles , sinon le voisin pourrait faire arracher ou réduire les plantations . d - La servitude de passage en cas d’enclave : Le fonds qui n’a pas d’accès à la voie publique ou qui n’a qu’un accès insuffisant pour l’exploitation soit agricole , soit industrielle se trouve enclavé .Dans une telle hypothèse l’art .142 du Dahir 1915 oblige les voisins à supporter le passage, moyennant indemnisation proportionnelle au préjudice subi. Le passage doit être établi dans l’endroit le moins dommageable pour le propriétaire du fonds qui le supporte. Paragraphe 2 : Les limitations résultant de l’application du principe de la responsabilité civile : Très schématiquement on peut dire que le principe de la responsabilité civile jouera entre voisins , mais avec quelques particularités qu’il convient de signaler brièvement : - D’abord il faut signaler la possibilité de l’abus de droit de propriété ; un propriétaire use de son droit pour nuire à son voisin , sans intérêt pour lui même ; il en est ainsi de la construction d’une fausse cheminée pour priver son voisin de la vue .Dans ce cas une indemnisation pourra être obtenue en raison de la présence d’une faute dans l’exercice du droit . - Ensuite le propriétaire peut être déclaré responsable lorsqu’il dépasse les inconvénients ordinaires du voisinage. Il s’agit d’une responsabilité objective manifestant de façon certaine une restriction à l’exercice de son droit dans l’intérêt du voisin : il faut respecter l’égalité des citoyens devant les charges résultent de la communauté sociale .
Section II : Les limitations d’intérêt public : Prévues dès 1915 « pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » (l’art. 9du Dahir du 1915) . Mais relativement peu importantes au début du 20ème siècle, elles sont devenues à l’heure actuelle extrêmement nombreuses . L’effet de ces restrictions dénote peut être une tendance consciente ou non vers un phénomène de destruction de la propriété privée , ou plutôt peut être de la propriété individuelle. S’agissant de questions relatives essentiellement au droit public on se bornera à donner quelques exemples de ces limitations .Généralement elles sont relatives à l’exercice , parfois à l’existence du droit de propriété.
Paragraphe 1 : Les restrictions relatives à l’exercice du droit de la propriété :
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C’est sans doute dans ce domaine que les restrictions sont les plus nombreuses et les plus importantes . On distinguera les restrictions de pur intérêt public et les restrictions d’intérêt public ayant pour but la protection d’intérêts privés. A - Les restrictions de pur intérêt public : Elles sont à l’heure actuelle tout à fait considérables. Elles ne suppriment certes pas le droit de propriété mais se contentent de restreindre son exercice . Parmi ces restrictions on peut citer :
a - La réquisition des véhicules automobiles prévue par le Dahir du 2 décembre 1929 : Aux termes de l’art .8 du Dahir du .2 décembre 1929 :«Les propriétaires dont les véhicules ont été reconnus aptes aux besoins de l’armée , sont avisées en temps utile par un ordre de convocation émanant de l’autorité militaire , des conditions dans lesquelles ils devront les faire conduire à un centre de réquisition… » Lorsque la réquisition est faite à titre temporaire , une commission mixte de réquisition fixe l’indemnité représentative de location à payer au propriétaire, suivant qu’il s’agit d’une réquisition en vue d’un trajet déterminé, ou d’une réquisition à la journée. b - La réquisition à effectuer pour le maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques. Cette réquisition s’applique à toutes les prestations nécessaires pour assurer le maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques dans les circonstances exceptionnelles d’accidents , tumultes , naufrages , inondations , incendies , épidémies ou autres calamités, ainsi que dans les cas de brigandages, pillages , flagrants délits, clameur publique , etc .. . Aux termes de l’art. 2 du Dahir. du 11mai 1931 : « sont exigibles par voie de réquisition les services personnels des particuliers et l’utilisation des objets mobiliers leur appartenant. » Toute prestation par réquisition donne lieu à une indemnité représentative de sa valeur . c - Les restrictions justifiées pour l’utilisation du domaine public : - Il ne peut être édifié aucune construction de quelque nature qu’elle soit, ni installé aucune haie vive , ni érigé aucune plantation d’arbres ou d’arbustes dans la zone commençant aux limites de la place de guerre , de l’ouvrage militaire on de l’établissement militaire destinés au stockage des matières explosives dangereuses ou inflammables est s’étendant à une distance de deux cent cinquante mètres vers l’extérieur. Autrement dit des propriétaires des propriétés comprises dans cette zone se trouvent privés de la possibilité de construire , planter ou installer des baies vives car leurs propriétés sont grevées de servitudes défensives profitant aux places d’armes, ouvrages militaires et établissements militaires en vertu du Dahir. du 7 Août 1934 relatif aux servitudes militaires . - Aux termes de l’art . 1 du Dahir du 29 Avril 1938 : « trois zones de trente mètres (30m), soixante dix mètres (70m) à partir de la première, et deux cents mètres (200 m) à compter de la deuxième, sont créees autour des cimetières recevant des sépultures et des cimetières désaffectés depuis moins de cinq ans . » Dans la première zone ,il est interdit de procéder au forage de puits ou à l’édification de constructions .
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Dans la 2ème zone l’interdiction s’appliquant à la première zone reçoit application . Toutefois il peut être dérogé , à titre exceptionnel, à cette interdiction par une autorisation accordée par l’autorité locale , après enquête hydrogéologique faite par le service des mines et avis de la commission d’hygiène compétente . Dans la 3éme zone , le forage de puits pourra être interdit après enquête hydrogéologique . Il est à noter que les constructions déjà existantes dans les deux premières zones ne pourront être restaurées, ni agrandies sans une autorisation de l’autorité locale et les puits qui y sont déjà creusés pourront, après visite contradictoire d’experts, être comblés sur la demande de l’autorité locale . d - Les restrictions relatives à l’hygiène et à la sécurité publique : Aux termes de l’art .1 du Dahir du 8 juillet 1938 relatif à l’assainissement des villes et des centres urbaines : « les habitations , îlots, quartiers , et (bidonvilles ) existant à la date de la promulgation du présent dahir et déclarés insalubres par les commissions ou services d’hygiène compétents , peuvent à tout moment, faire l’objet d’un arrêté de nos pachas et caïds ordonnant, avec ou sans délai leur démolitions ou leur arasement, au besoin par les services administratifs qualifiés, et dans tous les cas aux frais des propriétaires. » La démolition ou l’arasement des habitations isolées ou groupées qui seraient édifiées en infraction aux prescriptions du Dahir 8 juillet 1938 sera ordonné dans les conditions de l’art.1 précité .
e- Les restrictions imposées par l’intérêt urbaniste : La réglementation est ici considérable et très restrictive des droits du propriétaire .Il s’agit essentiellement des restrictions résultent du plan d’aménagement urbain, de l’alignement , de la réglementation des lotissements et du permis de construire. B - Les restrictions d’intérêt public ayant pour but la protection d’intérêts privés. Dans cette hypothèse , il s’agit de restreindre les droits du propriétaire pour protéger de manière apparemment immédiate un intérêt privé, en réalité de manière médiate un intérêt général formé par l’accumulation de ces intérêts privés . Le meilleur exemple en est donné par la législation spéciale des baux : a - Les baux à usage d’habitation Le Dahir du 25 décembre 1980 sur les baux à usage d’habitation ou à usage professionnel permet au locataire de rester en place tant qu’aucun congé n’a été validé par le juge. Cette règle est prévue expressément par l’art .18 du dahir de 1980 qui dispose que « A défaut de congé, ou si le congé n’est pas validé, le bail qu’il ait été à l’origine à durée déterminée ou indéterminée , se poursuit sans détermination de durée au profit du locataire. » . Ainsi l’intérêt social du locataire permet de faire échec aux prérogatives de logement.
b-les baux commerciaux. L’exploitant considéré comme plus utile économiquement que le propriétaire sera spécialement protégé par son droit au renouvellement. Il y a un véritable droit au bail qui réduit singulièrement les prérogatives du propriétaire de l’immeuble ; à tel point que l’on peut parler de la juxtaposition d’une « propriété » commerciale et de la « véritable propriété. » .
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Paragraphe 2 : les restrictions à l’existence même du droit de propriété : Ces restrictions auront pour but de priver le titulaire du droit de sa propriété . Elles sont en fait relativement peu dangereuses car moins fréquentes que les limitation à l’exercice du droit. Parmi ces restrictions, on peut citer : l’expropriation pour cause d’utilité publique et le remembrement. A - l’expropriation pour cause d’utilité publique. Aux termes de L’art.10 du Dahir du 2juin 1915 : « nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et conformément aux dahirs en vigueur sur les expropriations ». En effet, la puissance publique peut, en vertu de l’art.3 du dahir du 6mai 1982, exiger le sacrifice d’une propriété privée mais à deux conditions : Il faut en premier lieu une cause d’utilité publique ; celle-ci est actuellement entendu de manière large. En second lieu l’expropriation doit, aux termes de l’art18 du dahir de 1982 déposer auprès du tribunal de 1 ere instance dans le ressort duquel est situé l’immeuble une requête tendant à faire prononcer le transfert de propriété et fixer les indemnités.
B - le remembrement. IL s’agit d’un échange forcé, d’une redistribution des terres par voie autoritaire en vue de permettre une meilleure exploitation en palliant l’éparpillement des parcelles. Certes le propriétaire recevra une parcelle équivalente à celle dont il a été privé ; mais il ne peut s’opposer à l’opération, même s’il désire conserver son bien..
TITRE II : LES DEMEMBREMENTS DU DROIT DE PROPRIETE. Le droit de propriété confère à son titulaire une plénitude sur la chose : il s’en sert , il en perçoit des fruits , il en dispose . Le propriétaire a la maîtrise entière de son bien car il est le seul à pouvoir en tirer l’utilité économique . Mais à la suite de certains événements l’unité de la maîtrise sur la chose peut se trouver scindée . Le propriétaire rentrera alors en concours avec un autre titulaire de droit réel sur la même chose qui n’aura que certains des attributions du droit de propriété .On parlera généralement de droits démembrés de la propriété qu’on peut classer en deux catégorie : les droits réels de jouissance et les servitudes.
CHAPITRE I : LES DROITS DE JOUISSANCE. Les droits de jouissance seront détachés pour être attribués à une autre personne : Les titulaires de ces droits pourront jouir d’un bien appartenant à une autre personne. Sur le plan juridique le propriétaire verra ses prérogatives diminuées par le droit de son concurrent ; sur le plan pratique il sera dépossédé, car la jouissance implique l’appréhension matérielle. Mais le degré juridique de cette utilisation de la chose d’autrui est variable selon les droits démembrés : à cet égard il convient de distinguer l’usufruit , l’usage et l’habitation , les baux réels. Section I : L’usufruit
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Aux termes de l’art.35 du Dahir du 2 juin 1915 : « L’usufruit est un droit réel de jouissance sur un immeuble appartenant à autrui et qui s’éteint nécessairement à la mort de l’usufruitier . » Quelles sont les caractéristiques de l’usufruit ? Quelles sont les droits et les obligations de l’usufruitier ?
Paragraphe I :Les caractéristiques de l’usufruit. L’usufruit est un droit réel, temporaire qui ne porte que sur certains biens . A - L’usufruit est un droit réel. L’usufruit a un droit indépendant de toute relation avec la personne du propriétaire, il n’est pas besoin de faire intervenir une autre personne pour utiliser le droit . C’est là d’ailleurs la différence essentielle entre la situation de l’usufruitier et celle du locataire : Ce dernier , titulaire d’un droit personnel , doit faire intervenir le propriétaire pour pouvoir se servir de son droit. En conséquence l’usufruitier et le nu-propriétaire , chacun titulaire d’un droit réel, sont indépendants l’un de l’autre. B - L’usufruit est un droit temporaire : Le caractère temporaire de l’usufruit résulte de l’art. 66 du Dahir du 2 juin 1915 qui prévoit un certain nombre de causes d’extinction . Parmi celles-ci deux sont intéressantes . Tout d’abord la mort de l’usufruitier. En second lieu l’usufruit s’éteindra par l’échéance du terme quand le constituant ou la loi en a indiqué un .
C - l’usufruit est un droit qui ne porte que sur certains biens : Aux termes de l’art. 37 du Dahir le juin 1915 : « Il est établi 1° - Sur la propriété immobilière ; 2° - Sur l’emphytéose pour le temps de sa durée ; 3° - Sur la superficie ; 4° - Sur l’antichrèse ; 5° - Sur les hypothèques ; 6° - Sur les droits réels énumérés dans l’alinéa 10 de l’art.8 du présent Dahir( les droits coutumiers musulman) ». Le droit d’usufruit , en droit Marocain , permet de faire deux remarques : 1° - L’hypothèque ne peut faire l’objet d’un usufruit : L’hypothèque n’étant pas un droit de jouissance , son titulaire ne peut consentir un usufruit . 2° - Le droit Marocain n’a pas prévu des règles générales relatives à l’usufruit des meubles bien qu’il n’ait pas omis de traiter de certains cas d’usufruit mobilier : par exemple l’art.41 du Dahir du 2 juin 1915 énonce que : « si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, l’usufruitier a le droit de s’en servir , mais à la charge d’en rendre de pareille quantité, qualité et valeur , ou leur estimation à la fin de l’usufruit. »
Paragraphe II : Les droits de l’usufruitier
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Que l’usufruit ait été constitué par la loi ( par exemple l’art.201 du statut personnel : « lorsqu’une personne fait un legs en faveur d’un enfant à naître et décède , ses héritiers ont l’usufruit de la chose léguée jusqu’au ce que l’enfant naisse vivant : il recueille alors le legs . » ) ou par la volonté ( contrat , testament ) les droits de l’usufruitier sont identiques . Il peut jouir de la chose , c’est à dire qu’il aura le droit d’usage et le droit aux fruits . Aux termes de l’art.48 du Dahir du 2 juin 1915 : « l’usufruitier peut jouir par lui même , donner à ferme dans les conditions du Dahir formant code des obligations et des contrats, ou même vendre ou céder son droit à titre gratuit. » A - Le droit d’usage : a - Usage personnel : « L’usufruitier peut jouir par lui même » c’est à dire utiliser, pour son profit personnel , le bien objet de son droit . Il faut ici rappeler qu’il s’agit d’un droit direct; le titulaire n’est pas un créancier du propriétaire comme l’est par exemple le locataire ; son droit est indépendant . Dans l’hypothèse où des créances seraient comprises dans l’usufruit, comme le permet l’art.41 du Dahir de 1915, le droit de se servir de la créance entraîne celui de recevoir le paiement ; il devra évidement restituer l’argent perçu en fin d’usufruit . Enfin , toujours dans l’optique de l’indépendance de son droit, l’usufruitier peut défendre directement son droit par les actions possessoires ou même l’action pétitoire . b - La possibilité de donner la chose en location : L’art.48 du Dahir du 2 juin 1915 précise que l’usufruitier peut « donner à ferme dans les conditions du Dahir formant code des obligations et des contrats. » Autrement dit l’usufruitier peut consentir des baux à ferme . Est ce que cela veut dire qu’étant donné la formule restrictive utilisée par l’art. 48 du Dahir de 1915, l’usufruitier ne peut conclure un bail à usage d’habitation ou professionnel ou un bail à usage commercial ou industriel ? A s’en tenir à la formule restrictive de l’art.48 du Dahir de 1915, on ne peut que soutenir que l’usufruitier ne peut jamais consentir un bail à usage d’habitation ou professionnel ou un bail à usage commercial ou industriel en raison des prérogatives exorbitantes qu’octroient ces baux aux locataires . c - La possibilité de céder son usufruit : Il est possible de vendre ou de donner non pas la chose , mais le droit sur la chose . En ce cas les droits de l’acquéreur seront identiques aux droits du cédant ; la cession de l’usufruit ne saurait porter atteinte aux droits du nu-propriétaire . De même , et dans les mêmes limites , l’usufruitier pourrait constituer un usufruit sur son usufruit .
B - Le droit aux fruits : Aux termes de l’art.38 du Dahir du 1915 : « L’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’immeuble dont il a l’usufruit » Autrement dit l’usufruitier a le droit de jouir de tous les fruits, mais quels sont les fruits, et comment seront-ils perçus ?
a - La notion de fruits : Elle est semble-t-il , assez simple ; les fruits sont les productions de la chose qui se renouvellent et par conséquent n’épuisent pas la substance de la chose. Par contre les produits altérant la substance de la chose ne profiteront pas à
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l’usufruitier mais appartiennent au nu-propriétaire . Cependant la volonté du propriétaire a pu aménager l’exploitation de ces produits avec périodicité de telle manière qu’on puisse les assimiler à des fruits ; on parlera alors de fruits par destination . Ainsi en est-il d’arbres de futaie mis en coupe réglée, de carrières régulièrement ouvertes ; l’usufruitier pourra continuer l’exploitation organisée par le propriétaire , de la même manière que celui ci. b - La perception des fruits : Selon l’art .39 du Dahir de 2 juin 1915 les fruits naturels et industriels s’acquièrent par la perception , les fruits civile , selon l’art.40 du même Dahir, s’acquièrent par jour . 1 - Les fruits naturels ou industriels : Ce sont les fruits donnés spontanément par la chose (exemple : l’herbe sauvage) ou donnés par la chose après intervention de l’activité humaine (exemple : récoltes) . L’usufruitier les percevra même s’il n’était pas titulaire du droit au moment où leur élaboration a débuté : « les fruits pendants par branches ou par racines au moment où l’usufruit est ouvert, appartiennent à l’usufruitier »,il récoltera ce qu’il n’a pas semé .A l’inverse , à la fin de l’usufruit , le propriétaire bénéficie des fruits dont l’usufruitier aura pu commencer la production , s’ils ne sont pas parvenus à maturité.
2 - Les fruits civils : Ils résultent de l’aménagement donné à la chose par un contrat (en général un bail) ; le principe est qu’ils sont réputés s’acquérir jour par jour . Donc l’usufruitier gardera une somme de fruits proportionnée au temps de sa jouissance . La différence par rapport aux fruits naturels ou industriels s’explique par le fait que le calcul pourra se réaliser facilement par une proportion , tandis que la ventilation aurait été difficile sinon impossible dans le cas précédent. Paragraphe III : Les obligations de l’usufruitier : L’usufruitier doit restituer la chose objet de son droit puisque celui ci est temporaire .Les obligations de l’usufruitier vont donc tendre à assurer correctement cette obligation de restituer . A - Les obligations au début de l’usufruit. Aux termes de l’art .53 du Dahir de 2 juin , l’usufruitier doit prendre les immeubles dans l’état où ils sont, car titulaire d’un droit réel il jouit directement de la chose .Mais puisque précisément son droit est direct et immédiat l’usufruitier devra respecter deux obligations au début de l’usufruit qui permettront d’assurer la restitution ultérieure. a - L’inventaire ou l’état des immeubles : l’état , dressé en présence du propriétaire ou lui dûment appelé, doit constater la situation matérielle de l’immeuble ; ce qui doit permettre de reconnaître , à l’extinction de l’usufruit, s’il y a eu ou non, dégradation .Le défaut d’état donne la possibilité pour le nu-propriétaire de refuser la délivrance , puisqu’aux termes de l’art.53 du Dahir du 2 juin 1915 : « l’usufruitier ne peut entrer en jouissance qu’après en avoir dressé l’état. » . Toutefois si l’art. 53 du Dahir du 2 juin 1915 exige expressément que l’état des immeubles soit dressé , aucune disposition du Dahir du 1915 ne prévoit l’établissement de l’inventaire des meubles .Est ce que cela veut dire que cet inventaire n’a pas à être fait ?
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En effet l’inventaire des biens meubles faisant l’objet d’un usufruit doit être établi bien qu’il ne soit pas expressément exigé par le législateur Marocain ne serait ce que parce que l’art.41 du Dahir du 2juin 1915 précise que lorsque l’objet de l’usufruit consiste dans des biens dont on ne peut user sans les consommer, l’usufruitier a l’obligation d’en rendre de pareille quantité, qualité et valeur ou leur estimation à la fin de l’usufruit. Or comment est ce que cette quantité , qualité, valeur ou estimation seront elles connues si aucun inventaire n’a été établi dès l’entrée en jouissance de l’usufruitier de sorte qu’on peut même dire qu’à défaut d’inventaire fait dès l’entrée en jouissance , le nu-propriétaire peut refuser la délivrance des biens meubles de peur d’être lésé.(voir art.77 du D . 2 Juin1915).
b - La caution : Sauf dispense volontaire (du nu-propriétaire) ou légale (usufruit des père et mère , usufruit du vendeur ou donateur , art.54), l’usufruitier doit fournir une caution au nu-propriétaire , c’est à dire une personne qui s’engage à payer au nu-propriétaire les sommes dont lui serait redevable l’usufruitier si ce dernier était défaillant. Le retard de donner caution ne prive pas l’usufruitier des fruits auxquels , il peut avoir droit, il lui sont dus du moment où l’usufruit a été ouvert , sous réserve, le cas échéant , de l’inscription de l’usufruit sur le titre foncier. Si l’usufruitier ne trouve pas de caution les immeubles sont donnés à ferme ou mis sous séquestre . Le prix des fermes appartient en ce cas à l’usufruitier. B - Les obligations en cours d’usufruit : Trois obligations sont mises à la charge de l’usufruitier pendant cette période ; elles seront évidemment sanctionnées.
a - Le respect de la destination donnée à la chose : L’obligation est indiquée par la fin de l’art .50 du Dahir de 2 juin 1915 qui dispose que : « il jouit (l’usufruitier ) des droits de servitude de passage et généralement de tous les droits dont le propriétaire peut jouir et il en jouit comme le propriétaire lui-même. » En conséquence si l’usufruitier dispose des mêmes prérogatives que le propriétaire (mis à part le droit le disposer) , il doit respecter le mode de jouissance déterminé par le propriétaire .N’est ce pas en complément à cette obligation que le législateur Marocain prévoit, dans les arts.43 et 44 du Dahir de 1915, que l’usufruitier doit se conformer « à l’usage constant des propriétaires » ou encore « à l’usage des anciens propriétaires . »
b- La jouissance en bon père de famille : La formule est employée par l’art 54 du Dahir de 2 juin 1915 . Elle indique la mesure dans laquelle serait appréciée la responsabilité de l’usufruitier, par rapport à la conduite qu’aurait eu un type abstrait d’homme prudent et diligent placé dans une situation identique . Ceci implique que l’usufruitier est tout d’abord tenu d’entretenir la chose de façon à ne pas abuser de la jouissance .Mais également l’usufruitier est tenu de conserver la chose ; une application intéressante de cette idée est indiquée par l’art.65 du Dahir de 2 juin 1915 ; si un tiers, pendant la durée atteinte doit être dénoncé à celui ci par l’usufruitier, sinon la responsabilité de ce dernier pourrait être engagée. c - L’entretien de la chose. L’expression doit être prise dans un sens large , il s’agit non seulement des dépenses d’entretien , mais aussi des charges de la chose .L’usufruitier doit effectuer les dépenses d’entretien car un bon père de famille les engagerait .Par contre il n’est pas en principe tenu des grosses réparations car celles ci en général se payent sur le capital et seront donc à la charge du nu-propriétaire.
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d- La sanction des obligations de l’usufruitier. En vertu de l’art .67 , si l’usufruitier abuse dans sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant périr faute d’entretien , les juges peuvent , suivant la gravité des circonstances , ou prononcer l’extinction absolue de l’usufruit ou n’ordonner la rentrée du propriétaire dans la jouissance de l’objet qui en est grevé , que sous la charge de payer annuellement à l’usufruitier ou à ses ayants -cause , une somme déterminée jusqu'à l’instant où l’usufruit aurait dû cesser . A noter que les créanciers de l’usufruitier peuvent intervenir dans les contestations pour la conservation de leurs droits, ils peuvent offrir la réparation des dégradations commises et des garanties pour l’avenir.
C - Les obligations en fin d’usufruit : Apparaît évidemment essentiellement la nécessite de restituer la ou les choses objets de l’usufruit ; mais également un compte entre l’usufruitier et le nu-propriétaire peut s’avérer nécessaire .
a - Choses à restituer : En principe doivent être restituées les choses mêmes qui ont été reçues, sauf si les choses avaient péri par la faute de l’usufruitier. la restitution se ferait alors par versement d’une somme d’argent ; à titre de dommages intérêt .Dans le cas du quasi usufruit il faudrait restituer des choses du même genre , de la même qualité et dans la même quantité. b- Etablissement d’un compte . La coexistence de deux droits mêmes étrangers peut faire apparaître des créances réciproques à la fin de l’usufruit. Entreront ainsi en compte les fruits civils( pour la dernière année ils sont perçus jour par jour .) , les dégradations imputables à l’usufruitier , le capital des charges imposées sur la propriété et avancées par l’usufruitier . En principe les améliorations apportées par l’usufruitier n’entreront pas en compte.
Section II : L’usage et l’habitation : Ces droits sont également attachés à la personne de leur titulaire , et par conséquent seront au maximum viagers . Le démembrement est encore plus accentué que dans l’usufruit , les prérogatives du titulaire seront relativement restreintes, mais il ne s’en agit pas moins de droits réels .Ces droits, malgré la formule de l’art.76 du Dahir du 2 juin 1915 : « Les droits d’usage et d’habitation s’établissent et se perdent de la même manière que l’usufruit. » , ne peuvent s’établir que par la volonté ; le législateur n’a pas en effet crée de droits d’usage ou d’habitation alors qu’il a prévu des droits d’usufruit. Paragraphe I : Le droit d’usage : L’idée générale est que l’usager doit se comporter de la même manière que l’usufruitier. Mais il n’a pas les mêmes prérogatives de jouissance , et son droit est incessible A - Les prérogatives de l’usager :
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A défaut de titre, ces prérogatives sont indiquées par l’art .81 du Dahir du 2 juin 1915 ; elles sont limitées aux besoins de l’usager et de sa famille.
a- La portion des fruits appartenant à l’usager : C’est celle que réclament ses besoins personnels et les besoins de sa famille . b- L’appréhension des fruits : Si les besoins de l’usager égalent la production du fonds sur lequel porte son droit, il se comportera comme un véritable usufruitier. Par contre , s’il n’a droit qu’à une partie des fruits , il est normal que l’exploitation reste au propriétaire qui percevra le surplus disponible ; dans ces conditions l’usager devra demander les fruits qui lui sont nécessaires au propriétaire et contribuer aux dépenses au prorata de ce dont il jouit. B - L’incessibilité du droit de l’usager : Elle est indiquée par l’art.84 du Dahir 2 juin 1915 , et c’est là une différence importante entre l’usufruit et l’usage .La solution est normale ; l’usage étant proportionné aux besoins de l’usager et de sa famille toute cession est impossible car un nouvel usager aurait des besoins différents. Ainsi le droit ne peut être cédé , ni loué ; de même il ne peut être hypothéqué car il est inaliénable . Paragraphe II : Le droit d’habitation Ce droit est analogue à l’usage , mais encore plus limité, c’est un usage restreint . La nature est identique dans les deux cas, et l’aménagement identique .Le droit d’habitation confère en effet à son titulaire et à sa famille l’usage d’une maison d’habitation (l’art.83 D .1915 ) .Il ne faut pas confondre cette situation avec celle créee par le bail ; ne serait ce que parce que le titulaire n’a pas d’obligation contractuelle envers le propriétaire , en particulier n’a pas à verser de loyers.
Section III : Les baux réels : le bail emphytéotique Le bail emphytéotique a pour but de permettre au preneur un aménagement de longue durée du fonds ; ce bail n’a pas été à l’instar des baux réglementés par le D.O.C ,mais par le Dahir du2 juin 1915. Il s’agit d’un bail à longue durée (18 ans minimum , 99 ans maximum , renouvelable par volonté expresse ) , ne pouvant porter que sur des immeubles. La situation du bailleur est simple , il est libéré de toutes les charges de l’immeuble et perçoit une redevance modeste. L’emphytéote a, lui, des droits étendus ; sous réserve de ne pas diminuer la valeur du fonds il peut opérer toutes transformations , toutes modifications de destination .Il peut céder son droit , l’hypothéquer , constituer des servitudes , ce pour la durée du bail. Corrélativement il est tenu à toutes les contributions et charges , ainsi qu’aux grosses réparations.
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A la cessation du bail (expiration , résolution pour inexécution des clauses du bail) les améliorations et constructions réalisés par l’emphytéote reviennent au propriétaire sans indemnité à verser à celui là.
CHAPITRE II : LES SERVITUDES Aux termes de l’art.108 du Dahir du 2 juin 1915 : « Une servitude est une charge imposée sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un immeuble appartenant à un autre propriétaire ». Bien que cette définition soit à priori peu compréhensible, car on ne conçoit pas ,en effet , un droit résultant d’un rapport entre deux fonds .En réalité cette définition ne peut être comprise que dans une perspective historique ; les rédacteurs du Dahir du 2juin 1915 n’ont pas voulu que par le biais de servitudes personnelles puissent revivre les pratiques du droit féodal . Donc il faut considérer que l’art.108 du Dahir de 1915 analyse la servitude comme un droit propter rem ( appartenant à tout propriétaire du fonds dominant ) engendrant en conséquence une obligation propter rem ( s’imposant à tout propriétaire du fonds servant ) . Quelles sont les caractéristiques de la servitude ? Comment se fait son aménagement ?
Section I : Les caractéristiques de la servitude Avant d’analyser les caractéristiques de la servitude ,il importe de mettre en exergue la classification générale des servitudes .
Paragraphe I : La classification générale des servitudes Suivant l’ article 109 du Dahir du 2 juin 1915 trois catégories de servitudes seraient à envisager : dérivant de la situation des lieux, établies par la loi, établies par le fait de l’homme. Le classement est tout à fait discutable, à la limite inexact. Il y aurait en effet deux classes de servitudes ; l’une établie indirectement ou directement par la loi ( dérivant de la situation des lieux ou établies par la loi), l’autre par la volonté de l’homme. La première catégorie ne peut porter le nom de servitude ; toute obligation imposée par la loi, soit à raison de la situation des lieux, soit pour toute raison n’est pas véritablement servitude : celle-ci n’est pas une charge générale et indéterminée, mais seulement une charge exceptionnelle. Donc la première classe s’analyse en restrictions du droit de propriété ; seules les servitudes établies par le fait de l’homme constituent de véritables servitudes. Paragraphe II : L’analyse de la servitude Aux termes de l’art.108 du Dahir du 2 juin 1915 : « Une servitude est une charge imposée sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un immeuble appartenant à un autre propriétaire. » Il en résulte que la servitude est un rapport entre deux fonds, elle ne peut être personnelle. A - la servitude est un rapport entre deux fonds :
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la servitude est une charge imposée à un héritage. Bien entendu ce n’est pas le fonds qui la supportera, mais le
propriétaire du fonds en tant que tel ; ainsi, si le fonds servant est vendu, l’acquéreur supportera la servitude, car il sera devenu propriétaire. Autrement dit la servitude va constituer une obligation propter rem, pesant sur le propriétaire en tant que titulaire du droit sur le bien. la servitude est une charge imposée au profit d’un autre fonds. Là encore, ce n’est pas le fonds dominant qui
profite de la servitude, mais son propriétaire en sa qualité de titulaire du droit sur le bien ; si le fonds dominant est vendu, l’acquéreur devenu propriétaire bénéficiera de la servitude. Deux conséquences peuvent être dégagées : tout d’abord la servitude est un droit réel immobilier , en principe perpétuel puisqu’il résulte du rapport deux immeubles .Ensuite il s’agit d’un droit indissociable du fonds dont il est l’accessoire.
B - La servitude ne peut être personnelle : Selon l’art.145 du Dahir du 2 juin 1915 la servitude ne peut être imposée à la personne, ni en faveur de la personne . Par conséquent la servitude se caractérisera non seulement par un rapport entre deux fonds, mais aussi comme un rapport à la charge de l’un des fonds au profil de l’autre , faisant abstraction de la personne même des propriétaires respectifs . Section II : L’aménagement des servitudes A cet égard, trois questions méritent de retenir l’attention la constitution des servitudes, leur exercice et leur disparition.
Paragraphe I : La constitution des servitudes Les servitudes ne peuvent s’établir que par titre , et l’usage et l’entendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les établit. Il est à noter que les servitudes doivent être inscrites sur le titre foncier du fonds servant pour produire leurs effets entre les parties et être opposables aux tiers. Paragraphe II : L’exercice des servitudes Le titre établissant la servitude en précisera généralement les conditions d’exercice .Si les conditions ne sont pas précisées , les règles du Dahir du 2juin 1915 vont s’appliquer . A - L’obligation de subir la servitude : Selon l’art.151 du Dahir du 2 juin1915 le propriétaire du fonds servant ne peut rien faire qui tende à diminuer l’usage de la servitude ou à la rendre plus incommode . Il doit donc supporter la servitude telle qu’elle existe ; il n’a pas en principe la possibilité de la modifier . Cependant l’alinéa 3 de ce texte introduit un tempérament à cette règle : dans l’hypothèse où l’état primitif devient plus onéreux pour le propriétaire du fonds servant , ou s’il l’empêche de faire des réparations avantageuses , il pourra offrir au propriétaire du fonds dominant un endroit aussi commode pour l’exercice de ses droits . Ainsi si la servitude de passage empêche de construire , on pourra offrir un autre passage au titulaire de la servitude .
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B - La possibilité d’usage de la servitude : Le propriétaire du fonds dominant peut se servir de la servitude et faire à ses frais les travaux nécessaires à son exercice. Mais il ne peut faire aucun changement qui aggraverait la condition du fonds servant . Ainsi il serait impossible, sous prétexte d’entretenir le chemin permettant le passage, de l’élargir . Mais il faut ici considérer que le changement interdit est celui qui se ferait en dehors de l’étendue de la servitude ; une aggravation dans les limites de la servitude serait possible : ainsi une servitude de vue permettrait le percement successif de plusieurs fenêtres.
Paragraphe III : La disparition des servitudes La servitude est en principe perpétuelle puisqu’elle résulte d’un rapport entre deux fonds. Mais dans certains cas elle disparaîtra lorsque les choses de trouvent dans un état tel qu’on ne peut plus en user .
PARTIE II : LES SURETES Les sûretés sont des garanties conférées aux créanciers par la loi ou la convention, contre les risques d’insolvabilité du débiteur, pour garantir le paiement de sa créance. Cette insolvabilité peut être provoquée par le débiteur lui même, et ce, par le recours à deux moyens : Le débiteur peut diminuer son actif en disposant d’une partie ou de la totalité de ses biens ; Le débiteur peut augmenter son passif en contractant de nouvelles dettes : Le créancier risque de concourir avec d’autres créanciers et de n’être payé qu’au prorata du montant de sa créance. A cet égard l’article 1241 du DOC énonce que : « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait encore entre les créanciers des causes légitimes de préférence » Seuls donc échappent au risque d’insolvabilité du débiteur et à la procédure de distribution par contribution les créanciers titulaires de sûretés. En d’autres termes, les sûretés confèrent aux obligations leur efficacité. Elles peuvent être classés selon leurs sources et leurs objets : 1. La classification des sûretés basée sur leurs sources : On distingue à cet égard les sûretés légales et les sûretés conventionnelles. Les sûretés légales sont accordées par la loi à certains créanciers dont les créances sont dignes d’une protection particulière. Ce sont des privilèges. Les sûretés conventionnelles naissent d’un accord de volonté. Il s’agit de l’hypothèque, du gage et de l’antichrèse 2. La classification des sûretés basée sur leur objet :
On distingue à cet égard les sûretés personnelles qui consistent en l’adjonction d’un codébiteur ; c’est à dire d’un tiers qui se propose de garantir le paiement de sorte que le gage du créancier porte sur le patrimoine de deux débiteurs et les sûretés réelles qui consistent dans l’affectation d’un ou plusieurs biens du débiteur au paiement d’une créance déterminée. Le créancier se verra accorder un véritable droit réel qui lui permettra de se faire payer
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par préférence aux autres créanciers et de saisir le ou les biens affectés au paiement de sa créance en quelque main qu’ils se trouvent. C’est cette dernière distinction qui nous servira de plan pour étudier les sûretés en droit marocain.
TITRE PREMIER : LES SURETES PERSONNELLES :LE CAUTIONNEMENT. Il n’existe qu’une sûreté personnelle qui est le cautionnement. Toutefois certaines institutions accordent aux créanciers une garantie aussi importante que celle accordée par le cautionnement. Il s’agit principalement de la solidarité passive, qui nécessite l’existence de plusieurs débiteurs et permet au créancier de s’adresser à l’un quelconque de ses débiteurs pour lui réclamer le remboursement de la totalité de sa créance. Le cautionnement doit être distingué de la solidarité, car dans le second cas les débiteurs procèdent au paiement une dette qui leur est propre alors que dans le premier cas la caution garantit la dette d’autrui . Il en résulte que : L’engagement de la caution est accessoire par rapport à l’engagement du débiteur principal. Qu’il est tout à fait logique de traiter moins sévèrement la caution. Le mot cautionnement est utilisé, de nos jours, dans une double acception : 1. Dans une première acception, le cautionnement signifie le dépôt d’une somme d’argent ou de valeurs destinés à garantir la bonne exécution des devoirs de sa profession et de réparer les conséquences des fautes éventuelles. Ainsi les comptables des deniers publics sont tenus, dès leur entrée en fonction, de verser un cautionnement qui est affecté au paiement des condamnations qu’ils pourraient encourir. Dans cette acception , Le mot cautionnement est synonyme de gage ; 2. Dans une seconde acception, « Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s’oblige envers le
créancier à satisfaire à l’obligation du débiteur, si celui ci n’y satisfait pas lui même. » Art 1117 du DOC. Il résulte de cette définition que le cautionnement revêt deux caractère : Le cautionnement est un contrat. Le cautionnement est un contrat accessoire.
CHAPITRE 1 : Les caractères du cautionnement :
Section 1 : Le cautionnement est un contrat : Le cautionnement est un contrat consensuel : Il n’est soumis à aucune force particulière, le droit commun lui est applicable quant à la preuve. Cependant, l’article 1123 du DOC énonce que : « L’engagement de la caution doit être exprès et ne se présume point ». Cette exigence se comprend aisément. Le cautionnement est un acte grave. Qui cautionne paye, est un vieux proverbe. L’intention du cocontractant doit être exprimée d’une façon équivoque, mais l’engagement de la caution peut être pris en termes quelconques et en dehors de toute forme sacramentelle. Du principe qu’il prévoit, l’article 1123 du DOC déduit cette conséquence qu’on ne peut pas étendre le cautionnement au delà des limites dans lesquelles il a été contacté. Il doit être interprété restrictivement.
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Le cautionnement est un contrat unilatéral : seule la caution s’oblige, le créancier n’assume aucune obligation. Si le créancier s’obligeait à payer une somme déterminée à la caution à titre de rémunération du service rendu, le contrat cesserait d’être un cautionnement et serait considéré comme une assurance du créancier contre l’insolvabilité de son débiteur : C’est l’assurance - crédit. Le cautionnement est un contrat gratuit. Aux termes de l’article 1131 du DOC « Le cautionnement est essentiellement gratuit. Toute stipulation de rétribution est nulle et rend nul le cautionnement comme tel. Cette règle reçoit exception entre commerçants pour affaire de commerce, s’il y a coutume en ce sens. »
Section 2 : Le cautionnement est un contrat accessoire : Le cautionnement nécessite l’existence d’une dette principale à cautionner. De ce caractère accessoire découlent plusieurs conséquences : 1. Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. Une obligation nulle n’est pas susceptible d’être cautionnée ; 2. Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur. En revanche, il peut être contracté pour une partie de la dette seulement ; 3. Le cautionnement suit en principe le sort de l’obligation principale.
CHAPITRE II : Les effets du cautionnement : Le cautionnement engendre trois séries de rapports : entre le créancier et la caution, entre la caution et le débiteur et entre les cautions, lorsqu’il existe plusieurs cautions. Il est nécessaire de faire le départ entre le cautionnement simple et le cautionnement solidaire. Section 1 : Les rapports entre la caution et le créancier : Paragraphe 1 - Le cautionnement simple Il y a cautionnement simple : Lorsque la caution ne s’est pas engagée solidairement avec le débiteur. Lorsque le cautionnement ne constitue pas un acte de commerce de la part de la caution. La caution simple est obligée personnellement, mais son obligation est accessoire à l’obligation du débiteur. a) L’engagement de la caution est un engagement personnel :
Le créancier peut poursuivre directement la caution à condition que le débiteur principal soit mis en demeure d’honorer son engagement. Toutefois, la caution ou ses ayants cause ne peuvent être poursuivies, avant l’échéance, que dans deux cas : 1. Si la caution meurt avant l’échéance, le créancier a le droit d’agir contre sa succession, sans attendre l’échéance. 2. Si l’insolvabilité de la caution est déclarée, le créancier est en droit de se soumettre aux règles en matière de redressement et de liquidation judiciaires même avant l’échéance principale.
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La caution peut opposer au créancier toutes exceptions personnelles et réelles qui appartiennent au débiteur même si ce dernier s’y oppose ou y renonce. La caution peut agir contre le créancier, afin d’être déchargée de la dette, si le créancier diffère à réclamer l’exécution de l’obligation aussitôt qu’elle est devenue exigible. b) L’engagement de la caution a un caractère subsidiaire :
La caution a le droit d’exciper du bénéfice de discussion : A l’échéance de la dette, le créancier n’est pas obligé de poursuivre le débiteur principal. Il a le droit de s’adresser directement à la caution. Mais la loi permet à celle ci d’arrêter le poursuivant en lui opposant le bénéfice de discussion ; c’est à dire le contraindre à s’adresser d’abord au débiteur. Le bénéfice de discussion traduit le caractère subsidiaire de l’engagement de la caution. Pour mettre en œuvre le bénéfice de discussion deux conditions doivent être réunies : 1. La caution doit indiquer au créancier les biens du débiteur susceptibles d’exécution ; 2. Les biens indiqués doivent être situés sur le territoire marocain. La mise en œuvre du bénéfice de discussion suspend les poursuites contre la caution, mais le créancier est autorisé à prendre toutes les mesures conservatoires contre elle. Si la discussion des biens n’a procuré au créancier qu’un paiement partiel, la caution n’est pas libérée que jusqu'à concurrence de ce paiement. Le créancier pourra reprendre ses poursuites contre la caution pour le reliquat. La caution perd le bénéfice de discussion dans les cas qui suivent : En cas de renonciation formelle au principe de discussion, notamment lorsque la caution s’est engagé solidairement avec le débiteur principal ; Lorsque les poursuites et l’exécution contre le débiteur sont devenues très difficiles ; En cas de déconfiture notoire ou d’insolvabilité déclarée du débiteur principal ; Lorsque les biens du débiteur, susceptibles d’être discutés sont soit litigieux, soit grevés d’hypothèques qui absorbent la majeure partie de leur valeur, soit insuffisant pour régler le créancier ; Lorsque le débiteur a un droit résoluble sur ses biens. Paragraphe 2 - Le cautionnement solidaire. Le cautionnement est solidaire : Lorsque la caution s’est expressément obligée solidairement avec le débiteur. Lorsque le cautionnement constitue un acte de commerce de la part de la caution. Dans ses rapports avec les créanciers, la caution doit être assimilée à un débiteur solidaire d’ou par exemple les conséquences suivantes : 1. La caution ne peut pas arguer du bénéfice de discussion ( article 1137) ; 2. La caution peut opposer les exceptions qui lui sont personnelles, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal ; 3. la demeure du créancier à l’égard du débiteur principal produit ses effets à l’égard des cautions solidaires. Section 2 : Les rapports entre le débiteur et la caution Le DOC distingue dans ses articles 1141 et 1143 deux hypothèses : A – L’hypothèse où la caution a payé la dette.
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B- L’hypothèse où la caution n’as pas encore payé la dette.
Paragraphe 1 - La caution a payé la dette : Lorsqu’elle a payé la dette, la caution a , en principe, un recours contre le débiteur principal pour être complètement indemnisée de toutes les conséquences dommageables que le paiement à entraîné pour elle. Ce recours découle de la notion même du cautionnement : Si le créancier a dû mettre en œuvre cette sûreté, la caution, jouant un rôle de garant et n’ayant pas d’intérêt dans l’opération, peut recourir contre le débiteur principal qui doit assumer effectivement la charge de l’obligation. Le recours de la caution est exclu dans les rares hypothèses où le cautionnement est intervenue avec une intention libérale envers le débiteur principal, la caution renonçant par avance, ou à posteriori, à exercer son recours contre le débiteur garanti ; Où la dette est au fond une dette personnelle ; Où le cautionnement a été contracté malgré l’opposition du débiteur ; Où la caution a payé ou s’est laissée condamner en dernier ressort sans avertir le débiteur, si le débiteur prouve qu’il a déjà réglé la dette ou qu’il est capable d’en prouver la nullité ou l’extinction.
a) Objet du recours : L’article 1143 du DOC dispose que : « La caution qui a valablement éteint l’obligation principale a son recours, pour tout ce qu’elle a payé, contre le débiteur même si le cautionnement a été donné à l’insu de ce dernier. Elle a recours également pour les frais et dommages qui ont été la conséquence légitime et nécessaire du cautionnement. » 1. La caution est en droit de se faire rembourser tout ce qu’elle a payé pour le compte du débiteur : Le capital de la dette, les intérêts éventuellement dus au créancier et les frais engagés par celui ci dans la mesure où il peut les réclamer à la caution ; 2. La caution peut réclamer le remboursement des frais exposés par elle ; 3. La caution a le droit de demander des dommages-intérêts, si elle a subi un préjudice : Les dommages intérêts ne pourront être réclamés que si les sommes obtenues sous les chefs précédents laissent subsister un préjudice distinct de celui découlant du fait d’avoir eu à avancer certaines sommes : par exemple, la caution subit un dommage lorsqu’elle n’a pas pu payer elle même une dette personnelle et a été condamnée en conséquence à des dommages intérêts, ou encore ses biens ont été saisis et mis en vente par ses créanciers ; ou bien la caution a dû elle même emprunter à des conditions rigoureuses pour exécuter son obligation. Le débiteur principal doit indemniser la caution de ces divers préjudices.
b) Les actions de la caution : Pour recouvrer les différentes sommes, la caution a deux actions : Une action personnelle, et une action subrogatoire. Ces deux actions comportent, chacune des avantages et des inconvénients. 1.
L’action personnelle de la caution :
L’action personnelle de la caution est fondée sur le « mandat » quand la caution s’est engagée à la demande du débiteur et sur la gestion d’affaires lorsque la caution a agi spontanément. Cette action personnelle permet à la caution de demander des dommages - intérêts, alors que l’action subrogatoire permet à la caution de réclamer au débiteur ce que le créancier lui même était en droit d’ exiger du débiteur.
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2. L’action subrogatoire : La caution est subrogée, en vertu de l’article 214 à tous les droits et actions du créancier désintéressé. La caution peut donc exercer les privilèges, hypothèques et autres garanties attachées à la créance par elle acquittée. L’exercice par voie de subrogation de l’action du créancier peut être très avantageux pour la caution : Le recours le recours fondé sur la subrogation, s’il exclut les avantages que comporte l’action personnelle, fait, en revanche, bénéficier la caution des sûretés dont la créance payée pourrait être assortie. Paragraphe 2 - L a caution n’as pas encore payé la dette. Bien que la caution n’ait pas encore payé la dette, la loi lui donne cependant, dans certains cas exceptionnelles, le droit d’intenter un recours à l’avance. Il en est ainsi dans trois cas : a) Lorsque la caution est poursuivie en justice pour le paiement, et même avant toutes poursuites, dès que le
débiteur est en demeure d’exécuter l’obligation ; b) Lorsque le débiteur s’est obligé à lui rapporter la décharge du créancier dans un délai déterminé, si ce terme est échu ; c) Lorsque les poursuites contre le débiteur sont devenues notablement plus difficiles par suite du changement de résidence ou de domicile du débiteur, ou de son établissement industriel. Section 3 : Les rapports entre les cautions ( Les cofidéjusseurs) A supposer que plusieurs cautions aient garanti un même débiteur pour une même dette, chacune des cautions ne sera tenue envers les autres que pour sa part et portion, et ce, qu’elle soit solidaire avec les autres cautions ou non. Cependant lorsque la caution est solidaire avec d’autres cautions, elle doit à la caution qui a payé pour elle sa part et doit supporter en partie la charge de l’insolvabilité de certains des cofidéjusseurs. CHAPITRE III: L’extinction du cautionnement L’engagement de la caution est à la fois accessoire et personnel. En tant qu’engagement accessoire, il s’éteint lorsque l’obligation du débiteur disparaît. C’est l’extinction par voie accessoire. En tant qu’engagement personnel, il s’éteint par les modes d’extinction par voie principale. Section 1: L’extinction par voie principale. Aux termes de l’article 1151 du DOC : « L’obligation qui résulte du cautionnement, s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations, même indépendamment de l’obligation principale. » Il résulte de cette disposition que l’obligation de la caution peut s’éteindre alors que la dette du débiteur subsiste. Section 2: L’extinction par voie accessoire. Selon l’article 1150 du D.O.C : « Toutes les causes qui produisent la nullité ou l’extinction de l’obligation principale éteignent le cautionnement . »
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Ainsi l’engagement de la caution disparaît par la disparition de l’engagement principal.
TITRE II : LES SÛRETES REELLES : Les sûretés réelles peuvent être des sûretés réelles mobilières et des sûretés réelles immobilières. Chapitre I : Les sûretés réelles mobilières Les sûretés réelles mobilières peuvent être des sûretés conventionnelles ou des sûretés légales. Section 1 : les sûretés conventionnelles : le gage Les sûretés conventionnelles sont des sûretés consistant dans l’affectation d’un bien meuble à la garantie du paiement d’une créance. La forme la plus connue demeure le gage. -
Comment le gage se constitue t-il ? Quels sont les droits et obligations qu’il crée ? Quelles sont les causes de son extinction ?
Paragraphe 1 : La constitution du gage :
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Le gage est un contrat réel qui nécessite, pour sa formation, outre les conditions de formation ordinaires, la remise du bien objet du gage. Les modalités de cette remise diffèrent selon l’objet du gage.
Paragraphe 2 : Les droits et les obligations du créancier gagiste La loi confère au créancier gagiste des droits et lui fait assumer des obligations.
A- Les droits du créancier gagiste : Ces droits sont essentiellement au nombre de trois : a)
le droit de retenir l’objet du gage : L’objet du gage est retenu par le créancier gagiste ou le tiers convenu jusqu’au règlement de ce qui est dû .
b- Le droit de faire vendre l’objet du gage par voie judiciaire : Aux termes de l’article 1218 du D. O. C : « En cas d’inexécution même partielle de l’obligation, le créancier dont la créance est exigible à la faculté, sept jours après une simple signification faite au débiteur et au tiers bailleur du gage, s’il y en a un, de faire procéder à la vente publique des objets donnés en gage......... » Le débiteur peut dans le délai de sept jours faire opposition et arrêter la vente en saisissant le tribunal. A défaut d’opposition dans le délai prescrit ou si l’opposition est rejetée par le tribunal, la vente judiciaire de la chose engagée est ordonnée. La situation du créancier gagiste est meilleure que celle d’un créancier chirographaire : le gagiste n’est pas astreint à suivre les formes de la saisie - exécution, puisqu’étant nanti, ayant la chose en sa possession, il n’a pas à craindre le détournement par débiteur. Il suffit que le gagiste s’adresse au tribunal pour lui demander d’ordonner la vente du bien engagé. Il est à noter que le pacte commissaire, c’est à dire la stipulation qui autoriserait le créancier, faute de paiement, à s’approprier le gage ou à en disposer sans les formalités prescrites par la loi est prohibé. De même est nulle la clause de voie parée : toute stipulation au contrat qui autoriserait le tiers dépositaire à défaut de paiement par le débiteur à liquider le gage et à payer le créancier sans respecter les formalités prévues par la loi. La liquidation du gage ne peut résulter que d’une vente aux enchères publiques.
c- Le droit de préférence sur le prix : Au cas où il fait vendre le meuble, le créancier jouit du droit de préférence sur le prix. Il est donc payé sur cette valeur avant tous les créanciers. Mais le créancier gagiste peut se heurter à d’autres créanciers disposant aussi d’une sûreté réelle. La solution de ce conflit relève du problème plus général du classement des sûretés. Il y a lieu de distinguer selon la nature des sûretés en conflit. S’il y a plusieurs créanciers gagistes successifs pour un même objet ( ce qui suppose que la chose a été remise entre les mains d’un tiers convenu), l’ordre de préférence se détermine d’après la date des constitutions du gage, en vertu de la règle Prior tempore, potior jure.
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Si un créancier gagiste se trouve en concours avec des créanciers privilégiés, la préférence est donnée dans ce cas au créancier gagiste sauf si ce dernier se trouve en concours avec un créancier titulaire du privilège de conservation qui a exposé des frais postérieurement à la constitution du gage.
B- Les obligations nées du contrat de gage : Le contrat de gage est un contrat unilatéral. Il ne fait naître par lui même d’obligations qu’a la charge du créancier. Les obligations sont aux nombres de trois : L’obligation de veiller sur la chose en bon père de famille, l’obligation de ne pas se servir de la chose pour son usage personnel et l’obligation de restituer la chose après extinction de la créance.
a) L’obligation de conserver la chose : Le créancier nanti est tenu de conserver la chose en bon état. Si pour les besoins d’une telle conservation, il a fait des dépenses nécessaires, le débiteur devra lui en tenir compte ( article 1216 du D.O.C ) ; Si la chose vient à périr ou à se détériorer par le fait ou la faute du créancier (ou par le fait et la faute des personnes dont il est responsable) , le créancier est tenu de réparer la perte subie par le débiteur. Si le créancier ne veille pas à la conservation de la chose objet du gage, le débiteur a, aux termes de l’article 1208 du DOC, le choix entre : 1. demander que le gage soit remis entre les mains d’un tiers dépositaire, sauf son recours en dommages contre le créancier ; 2. contraindre le créancier à remettre les choses en l’état où elles se trouvaient au moment où le gage a été constitué ; 3. exiger la restitution du gage en remboursant la dette, encore que l’échéance ne soit pas arrivée.
b- L’obligation de ne pas se servir de la chose : Le créancier gagiste n’a pas la jouissance de la chose engagée. L’article 1209 formule cette règle en disposant que : « dès que le contrat de nantissement est éteint, le créancier est tenu de restituer le gage avec tous ses accessoires et de faire raison des fruits qu’il a perçus, soit au débiteur, soit au bailleur du gage. » Le créancier gagiste doit, par conséquent, conserver les fruits ou les revenus à titre d’accessoires de la chose et il en est comptable envers le constituant du gage. Le créancier gagiste n’a pas davantage l’usage de la chose. En cas de contravention, il répond même du cas fortuit, sans préjudice des dommages intérêts du constituant du gage et s’expose au choix réservé au débiteur par l’article 1208 du DOC. Le créancier gagiste n’a pas en principe le droit de disposer de l’objet du gage :
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S’il n’y a pas de péril en la demeure et si la chose menace de se détériorer ou de périr, le créancier doit se contenter d’en avertir aussitôt le débiteur afin de lui permettre de retirer la gage et lui en restituer un autre d’égale valeur. S’il y a péril en la demeure, le créancier est tenu de se faire autoriser par le tribunal à vendre le gage, dans ce cas le produit de la vente remplace le gage.
c- Restitution de la chose après le paiement : Lorsque la dette a été totalement acquittée, tant en principal qu’en intérêts et frais, le créancier doit restituer le gage avec tous ses accessoires. Le constituant du gage ne peut réclamer la restitution que lorsque le créancier a été totalement désintéressé. Cela tient au fait que le gage, comme toutes les sûretés réelles, est indivisible. Tant que la créance garantie n’est pas totalement éteinte le gage subsiste dans son intégralité. Paragraphe 3 : L’extinction du gage : Le gage peut s’éteindre soit à titre accessoire, soit par voie principale : 1. Le gage prend fin dès lors que la créance qu’il garantissait et dont il constituait l’accessoire a disparu pour une cause quelconque ( par exemple, paiement, compensation, nullité, résolution). A noter qu’une créance garantie par un gage est imprescriptible tant que le gage reste entre les mains du créancier, car le fait pour le débiteur de laisser la chose entre les mains du créancier constitue de sa part une reconnaissance permanente de sa dette. C’est d’ailleurs ce que prescrit l’article 377 du DOC qui dispose que : « La prescription n’a pas lieu, lorsque l’obligation est garantie par un gage ou une hypothèque. » 2. Le gage peut s’éteindre par voie principale, pour des causes qui lui sont propres. Il en est ainsi dans les cas qui
suivent: La renonciation du créancier au gage, c’est le cas lorsque le créancier se dessaisit volontairement de la chose entre les mains du débiteur. La destruction ou la perte totale de la chose engagée, c’est le cas lorsque la chose périt à la suite d’un incendie. Le créancier a cependant le droit sur les indemnités qui pourraient être dues par le tiers responsable ou par l’assureur par application de la subrogation réelle. La résolution du droit du constituant. Le gage constitué par celui qui n’aurait sur la chose qu’un droit résoluble s’éteint par cette résolution. La confusion, c’est à dire lorsque le droit du gage et le droit de propriété se trouvent réunis sur la tête d’une même personne. L’expiration du terme ou la réalisation de la condition résolutoire sans laquelle le gage a été constitué. La cession de le dette sans le gage. La vente du gage régulièrement faite par le créancier antérieur en date par application de la règle prior tempore potior jure.
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L’article 1234 du D.O.C omet de mentionner une autre cause d’extinction du gage : Il s’agit de la déchéance du créancier dans tous les cas où ce dernier abuse de la chose, la néglige ou la met en péril.
Section 2 : Les sûretés légales : Les privilèges mobiliers Aux termes de l’articles 1243 : « Le privilège est un droit de préférence que la loi accorde sur les biens du débiteur à raison de la cause de la créance » Il en résulte : 1. Que le privilège est une faveur accordée par la loi. Le privilège ne peut exister qu’autant qu’il a été formellement crée par le législateur : il n’y a pas de privilège sans texte. 2. Que pour concéder un privilège, la loi prend en considération la qualité de la créance et non la personne du créancier. 3. Que le créancier titulaire d’un privilège est préféré à tous les autres créanciers. Lorsqu’il y a un conflit entre plusieurs créanciers privilégiés, la préférence se règle par les différentes qualités des privilégiés. 4. Les privilèges qui grèvent les biens d’un débiteur peuvent être soit généraux, soit spéciaux.
Paragraphe1 : Les privilèges mobiliers généraux : Les privilèges mobiliers généraux portent sur la totalité des meubles appartenant au débiteur. Le fondement de ces privilèges peut être recherché dans plusieurs directions : Pour certains privilèges, la loi prend en considération la situation particulière de certains créanciers : c’est le cas des salariés . D’autres privilèges se justifient par l’intérêt général : c’est le cas du privilège du fisc et de la sécurité sociale. Les privilèges généraux peuvent être répartis en deux grandes catégories :les privilèges du droit civil, et les privilège fiscaux.
A - Les privilèges du droit civil : Les privilèges généraux sur les meubles sont énumérés par l’article 1248 du DOC. Ces privilèges s’exercent selon l’ordre dans lequel ils sont énumérés. Les privilèges du même rang concourent à égalité. Ils sont au nombre de huit :
a) Le privilège des frais funéraires : Ce privilège repose sur des raisons de décence et de salubrité publique : Il garantit au débiteur insolvable une sépulture convenable en assurant aux créanciers le remboursement des frais qu’ils ont avancés à cette fin. L’expression « frais funéraires » comprend toutes les dépenses de lotion du cadavre, de transport, d’ensevelissement et de pompes funèbres. Dans la fixation des dépenses privilégiées, l’article 1248 du DOC tient compte de la condition sociale du défunt ; il n’admet les frais funéraires comme privilègés que dans la mesure où elles sont nécessaires, les frais étant fixés à un minimum d’usage.
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En d’autres termes, ni les frais d’érection d’un monument sur la tombe du défunt, ni le prix d’acquisition d’une concession de terrain dans une cimetière, ni les dépenses de deuil du conjoint ne peuvent être considérés comme frais funéraires.
b) Le privilège des frais quelconques de la dernière maladie : Ce privilège a un fondement alimentaire dans la mesure où il tient compte du service rendu au débiteur dans la sauvegarde de la santé. En même temps, il tend à encourager ceux qui donnent des soins à des malades peu fortunés. Les privilèges des frais de la dernière maladie s’applique à tous les frais que nécessite la maladie : honoraires du médecin ou du chirurgien, prix des médicaments, sommes dues aux cliniques, hôpitaux, établissements de cure, asiles psychiatrique dans lesquels l’intéressé a été soigné. Ces frais privilégiés sont ceux afférents à la dernière maladie. Il s’agit de la dernière maladie qui a précédé de six mois le décès, la déconfiture ou la faillite.
c) Le privilège des frais de justice : Le fondement de ce privilège est facile à comprendre. Il ne faut pas que le créancier qui a fait l’avance des frais relatifs aux biens du débiteur sur lesquels les autres créanciers seront payés, soit exposé, pour le remboursement de ces frais, à subir la loi du concours. Ces frais ont été exposés dans l’intérêt commun des créanciers, il est juste que tous en supportent la charge. Le privilège des frais de justice couvre des frais comme ceux de scellés, d’inventaire, de ventes, et d’autres indispensables à la conservation et à la réalisation du gage commun.
d) Le privilège des salaires et créances assimilées : Ce privilège trouve sa justification dans deux considérations : Il est indispensable que la créance procédant du travail bénéficie d’un rang privilégié lorsque le débiteur du salaire n’est plus en mesure de faire face moralement à ses obligations. Le salarié a besoin de son salaire pour assurer sa propre subsistance et celle de sa famille. Ce privilège intéresse tous les salariés ; c’est à dire tous ceux qui louent leurs services pour les six mois de salaire qui ont précédé le décès ou la faillite. L’article 1248 du D.O.C assimile aux salaires, les indemnités dues pour inobservation des délais de congés appelés préavis, les indemnités de congé payés, les dommages intérêts relatifs à la résiliation abusive du contrat de travail ou à la rupture anticipé d’un contrat de travail à durée déterminé. En outre, l’article 1248 du D.O.C reconnaît aux salariés un superprivilège qui garantit le paiement de la tranche insaisissable des salaires.
d) (bis) : Le privilège des fournitures de subsistances faits au débiteur ou à sa famille : Ce privilège est institué plus dans l’intérêt du débiteur que dans celui du créancier : Il faut que le débiteur le plus pauvre puisse obtenir du crédit chez les fournisseurs auxquels il s’adresse pour se procurer les choses indispensables à sa subsistance.
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L’expression de fourniture de subsistance comprend toutes les choses nécessaires pour l’existence journalière, c’est à dire non seulement les fournitures de denrées alimentaires mais aussi celle d’éclairage, de blanchissage et de vêtements. Lorsque les fournitures correspondent aux subsistances ainsi définies, il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement si elles présentent le caractère de nécessité requis pour que la créance soit privilégiée. Ce privilège s’applique non seulement aux fournitures faites pour les besoins du débiteur, mais encore à celles faits pour les besoins de sa famille. Le privilège des fournitures de subsistance ne couvre que les frais contractés pendant les six derniers mois.
e) Le privilège de la caisse nationale de sécurité sociale : Ce privilège est reconnu par l’article 28 du dahir du 27 juillet 1972 relatif au régime de la sécurité sociale. Il concerne les cotisations et les majorations de cotisations dues à la C.N.S.S. Il s’exerce pendant un délai de 4 ans à compter de la notification au redevable après le retard intervenu dans le versement des cotisations.
f) Le privilège des victimes des accidents de travail : Ce privilège garantit la créance de la victime d’un accident de travail ou de ses ayants droit relative aux frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et funéraires, ainsi qu’aux indemnités allouées suite à l’incapacité temporaire de travail.
g) Le privilège des allocations : Ce privilège garantit les allocations versées aux ouvriers et employés, soit par la caisse nationale de sécurité sociale ou par toute autre institution assurant le service des allocations familiales à l’égard de leurs affiliés, soit par les employeurs assurant directement le service desdites allocations à leur personnel.
B - Les privilèges fiscaux : Bien que leur étude relèvent du droit fiscal, les privilèges fiscaux doivent être signalés à l’occasion de l’étude des privilèges du droit civil et ce pour deux raisons : Parce que les privilèges fiscaux garantissent des créances importantes. Parce que les privilèges fiscaux sont susceptibles d’entrer en conflit avec les privilèges du droit civil. Les privilèges fiscaux sont aux nombre de deux : Le privilège garantissant les impôts directs et les taxes assimilées et la privilège garantissant les droits d’enregistrement.
Paragraphe 2 : Les privilèges mobiliers spéciaux : A la différence des privilèges généraux, les privilèges spéciaux ne portent que sur certains meubles du débiteur. Les raisons qui en déterminent la création varient suivant les cas. On peut, à ce propos, classer ces privilèges en trois groupes :
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Les privilèges qui repose sur l’idée du gage tacite, les privilèges tenant à la mise d’une valeur dans le patrimoine du débiteur et enfin les privilèges tenant à la conservation de la chose.
A - Les privilèges qui se fondent sur l’idée du gage tacite : En réalité, le fondement de ces privilèges se trouve dans le lien de connexité qui existe entre L’ objet du privilège et le contrat qui a fait naître la créance garantie. Peuvent être rangés dans cette catégorie :
1. Le privilège qui garantit les sommes dues au commissionnaire sur la valeur des marchandises à lui expédiées ; 2. Le privilège qui couvre les sommes dues au voiturier pour le prix du transport et pour les frais faits, sur les choses transportées, tant qu’elles sont en sa possession ; 3. Le privilège qui garantit les créances des aubergistes et hôteliers, pour leurs fournitures et avances, sur les choses et effets du voyageur qui se trouvent encore dans l’auberge ou l’hôtel. 4. Le privilège qui garantit les fermages et loyers des immeubles et les redevances dues au crédirentier, en cas de cession de jouissance moyennant une rente.
a) A qui appartient le privilège du bailleur ? Le privilège appartient au bailleur d’immeuble, c’est à dire à la personne qui concède pour son propre compte une location portant sur un immeuble. Le privilège suppose un contrat présentant les caractères d’un véritable louage d’immeuble, mais la nature du bail est indifférente : il importe peu, pour l’existence du privilège, que le bail soit bail d’habitation ou à usage professionnelle, un bail commercial ou un bail à ferme L’Etat peut lui même conclure un bail sur son domaine privé et bénéficier ainsi du privilège, peu importe par ailleurs, que le bail soit écrit ou verbal. Lorsque le propriétaire loue en garni, peut-il exercer le privilège du bailleur sur les objets que le locataire apporte occasionnellement dans les lieux loués ? Deux réponses doctrinales ont été avancées à ce sujet : Selon la première opinion doctrinale, il n’est pas possible d’envisager en pareil cas un gage tacite car au moment de la conclusion du contrat le bailleur ne peut pas prendre en considération les meubles que le locataire introduira rarement dans les locaux loués ( tribunal civil - Seine, 17 janvier 1910, D P .1910, 5, 30 - colin et CAPITANT) Selon une seconde opinion doctrinale, le gage tacite existe car le bailleur en garni a la qualité de bailleur et par conséquent doit bénéficier du privilège du bailleur ?
b) Quelle est l’assiette du privilège du bailleur ?
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Il résulte de l’alinéa 2 de l’article 1250 du D.O.C que le privilège du bailleur s’exerce « sur les fruits de la récolte de l’année, sur les produits provenant du fonds qui se trouvent dans les lieux et bâtiments loués, et sur ce qui sert à l’exploitation de la ferme comme à garnir les lieux loués . 1. Les produits de la récolte de l’année et les produits du fonds qui se trouvent dans les lieus et bâtiments loués. Pour les récoltes de l’année, ce n’est pas l’idée du gage qui explique le droit du bailleur, mais l’idée d’une valeur mise par lui dans le patrimoine du fermier ; c’est ainsi qu’il faut considérer que le privilège peut s’exercer même si la récolte a été engrangée par le locataire hors des lieux loués. D’ailleurs la formule utilisée par l’alinéa 2 de l’article 1250 est très éloquente à ce sujet. Elle précise que le privilège du bailleur s’exerce « sur les fruits de la récolte de l’année » sans limiter ce privilège aux fruits se trouvant dans les lieux loués. En revanche pour les produits du fonds qui se trouvent dans les lieux du bâtiment loués, il n’existe aucun doute, le privilège du bailleur est fondé sur l’idée du gage tacite. Il en résulte que même les récoltes des années précédentes sont affectées au privilège du loueur. Tant qu’elles demeurent dans les lieux loués, elles restent son gage en tant qu’objet garnissant la ferme. 2. Les produits servant à l’exploitation de la ferme :
Sont également affectés au privilège en vertu de l’alinéa 2 de l’article 1250 tous les objets qui servent à l’exploitation de la ferme. Il s’agit des instruments agricoles et des animaux attachés à la culture. Cette disposition ne fait pas double emploi avec la précédente car elle permet d’admettre que le privilège portent sur les instruments et animaux servant à l’exploitation de la ferme même s’ils ne demeurent pas dans les lieux loués, c’est à dire ne garnissent pas les lieux loués. 3. Les objets qui garnissent les lieux loués :
La soumission de ces biens au privilège correspond parfaitement au fondement de celui ci, car ce sont des biens dont le bailleur à la possession indirecte par l’immeuble et qu’on peut considérer comme ayant été tacitement affecté au règlement des sommes dues par le preneur. Il s’agit des meubles apportés par le locataire pour demeurer dans les locaux loués tels que les meubles meublants, tableaux, la vaisselles etc ........... [ Pas de valeurs mobilières, pas d’argent ] Il est à noter que le privilège du bailleur sur les biens déjà cités ne peut s’exercer que si certaines conditions sont réunies : Le privilège du bailleur ne peut porter que sur des biens appartenant au locataire sauf possibilité pour le bailleur d’arguer de sa bonne foi en vertu de l’article 456 du DOC. c) Les créances garanties par le privilège :
Sont créances privilégiées, les loyers, les fermages et les rentes échus au jour de la déconfiture ou du redressement ou liquidation judiciaire du débiteur.
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