Le Commissariat Aux Comptes [PDF]

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Zitiervorschau

Université Sidi Mohammed Ben Abdellah Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales -Fès Département : Droit Privé

Master : Juriste d’affaires

Module : Droit des sociétés approfondi

LE COMMISSARIAT AUX COMPTES Enseignant : Mme NFISSI Réalisé par : ABDELKHALEK Hicham AININE Mohamed DHIMENE Maha EL MALKI Mohammed KARTOU Amina

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INTRODUCTION Première Partie: Le statut du commissaire aux comptes Chapitre 1 : La nomination des commissaires aux comptes Section 1 : Le mode de désignation Section 2 : Les qualités requises chez le commissaire aux comptes Section 3 : La nomination entre choix et obligations Section 4 : Les obstacles à la nomination

Chapitre II : La cessation des fonctions du commissaire aux comptes Section 1 : La cessation normale de la fonction du commissaire aux comptes Section 2 : La cessation des fonctions provoquée par la mise en cause de la personne du commissaire aux comptes

Partie 2 : les missions et responsabilités du CAC Chapitre 1 : les missions des commissaires aux comptes Section 1 : les missions générales des commissaires aux comptes Section 2 : les missions spéciales des commissaires aux comptes

Chapitre II : La responsabilité du commissaire aux comptes : Section 1 : La responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes Section2 : La responsabilité civile du commissaire aux comptes Section 3 : La responsabilité pénale du commissaire aux comptes

CONCLUSION Bibliographie 2

Introduction Le développement des sociétés commerciales et des marchés financiers a entraîné une prolifération des opérations économiques (commerciales, financières..) réalisées par ces entreprises avec leurs partenaires. Cette tendance a eu un impact sur le système d’information comptable qui devient de plus en plus complexe. Au XIX siècle les sociétés commerciales ont soumis leurs comptes à la vérification d’expert étrangers à l’entreprise, le premier pays qui a connu l’application de vérification des sociétés commerciales est la Grande Bretagne, ensuite les Etats Unis d’Amérique, l’Allemagne, puis la France. L’entreprise marocaine est enfermée dans un réseau de relations solides et donc potentiellement dangereus, ainsi les actionnaires, les créanciers, les clients et les collaborateurs exigent du manager un travail de gestion réussi c'est-à-dire sans faute, et une communication sincère sur la situation générale de l’entité dirigée. Par conséquent, il est fondamentale de disposer de sources d’informations et de conseil fiable au-delà de la tenue d’une comptabilité régulière. C’est dans ce souci que le commissariat aux comptes a été institué pour objectif de préserver la production et la publication d'informations fiables et pour protéger les tiers en relation avec l'entreprise.1 Généralement, un "contrôle" est une opération par laquelle, une autorité, une juridiction ou un expert judiciaire vérifie l'existence d'un fait, apprécie l'opportunité d'une décision prise ou d'un acte accompli par la personne contrôlée, ou encore, s'assure de la conformité d'une situation à une règle juridique, par exemple à un texte de loi ou à un règlement administratif. Ainsi la conformité des comptes d'une société aux écritures portées au bilan est confiée à un ou à des contrôleurs désignés sous l'appellation « de Commissaires aux comptes »2. En effet, Le commissaire aux comptes recouvre, dans les faits un concept assez large. Il consiste; d’une manière générale; en un examen mené par un observateur sur la matière dont est exercé une activité par rapport à des critères spécifiques à cette activités.

1

-Malika Taleb, Michel Pabeun; le droit Marocain des sociétés commerciales ; G2Id - gestion ingénierie informatique et développement, 1997,Maroc –p. 37 2 ALAINE, M., les audits financiers : comprendre les mécanismes du contrôle légal, édition d’organisation; 1999 ,Paris – p.57

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Cependant, la reconnaissance du commissaire aux comptes au Maroc3 est récente, elle remonte à la loi 15/89 du 8 janvier 1993. Donc en très peu de temps, un défi audacieux devrait être relevé avec succès. Il fallait briser une tradition de «secret des affaires» et de méfiance à l'égard du contrôle comptable – la comptabilité elle-même traînant une image d'instrument du fisc –, contraindre les entreprises à porter attention aux techniques comptables les plus avancées dans la perspective de la libre concurrence. Il fallait construire un corps de professionnels apte à remplir la mission et notamment à soutenir les besoins d'un pays en pleine croissance sur les plans institutionnel et économique, surtout que quelques grands réseaux internationaux prenaient de toute façon une part prépondérante d'un marché devenu mondial. Le manuel des normes d’audit légal marocain précise que « le commissaire aux comptes est une mission d’audit à caractère légal dans la mesure où elle est imposée par les lois sur le commissaire aux comptes ,nommé par l’assemblée des associés ,et en cas de carence, par voie de justice, a pour mission permanente de vérifier les comptes de la société , en vue d’émettre son avis sur leur régularité, sincérité et image fidèle .Il est également chargé par la loi de certaines vérifications spécifiques et de certaines missions connexes. Le commissaire aux comptes a ainsi une mission d’information, de prévention et de protection. Son rapport est d’une diffusion très large. De ce fait, sa mission est d’intérêt public ».4 Le commissariat aux comptes a connu au cours de ces dernières années un développement considérable. Son importance dans la gestion des entreprises ne cesse de s'accroître. Le législateur en instituant le commissariat aux comptes et en l’'imposant systématiquement au monde des affaires, qui naturellement est un monde où règne la loi du plus fort et du plus habile5. La profession du commissaire aux comptes n’est plus considérée comme une contrainte imposée par le législateur, mais comme un moyen économique nécessaire pour maîtriser la gestion comptable et financière des sociétés contrôlées. De ce fait, elle permet aux entreprises de : • Connaître leurs forces et faiblesses ; • Améliorer les performances des outils comptables tout en maintenant les états ; • financiers conforme aux lois et réglementations en vigueur ; • Réduire le risque de malversation et de manipulation frauduleuse de l’information ;

3

Dahir n° 1-92-139 du 14 rejeb 1413 (8 janvier 1993) portant promulgation de la loi n° 15-89 réglementant la profession d'expert comptable et instituant un ordre des experts comptables 4

Bernard Colasse; Encyclopédie de comptabilité, contrôle de gestion et audit, Nature d’une mission de commissariat aux comptes, page 3, Economica, 2000 – p.218 5 YVES Guyon ;Droit des affaires Tome 1 ;Delta ;12 eme édition ;1994,Paris- p.306

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• Améliorer le niveau de qualification de leur personnel ; • Assurer l’égalité entre les actionnaires. Le commissaire aux comptes est le garant du respect de la réglementation portant sur les actes de gestion, qui à travers sa mission, chargé d’une tâche volumineuse. En premier envers les acteurs de l’entreprise, et en second envers l’environnement économique. Le commissaire aux comptes certifie la régularité, la sincérité et l’image fidèle des comptes des entreprises, cette certification aide les agents économiques (investisseurs, fournisseurs, clients, banques, administrations, salariés, donateurs...) de se faire une opinion sur la situation financière de l’entreprise ou de l’association, auxquelles ils ont à faire6. Quel que soit le contexte dans lequel est exercée la fonction du commissaire aux comptes, celui-ci vise à atteindre les mêmes objectifs généraux, l’atteinte de ces objectifs passe par l’application de méthodes spécifiques et l’utilisation de techniques particulières7. Les résultats du commissaire aux comptes se concrétisent par des rapports dont la forme, pour en faciliter l’utilisation; a fait l’objet d’efforts importants de standardisation par les organisations professionnelles. La correcte compréhension de ces rapports permet de mieux comprendre la finalité, l’utilité et les limites du commissariat aux comptes. Ceci étant dit, certaines questions se posent dans ce cadre : qu’elles sont les conditions encadrant l’accès à cette fonction ? Et une fois nommé dans une société, qu’elles sont les missions du commissaire aux comptes et les pouvoir dont il dispose et qui lui permettent de bien mener ses missions ? Et enfin quelles sont les responsabilités incombant à ce dernier en vertu de son statut ? En vue de fournir quelques éléments de réponse a ces questions, nous allons traiter le statut du commissaire aux comptes (partie I) avant de s’intéresser aux missions et responsabilités qui lui incombent d’observer (partie II).

6Alain

Sayag « Le commissariat aux comptes », Volume 1 et 2, L'Harmattan, 2007 – p.92

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Première Partie: Le statut du commissaire aux comptes Le commissaire aux comptes a pour rôle de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société, de contrôler la conformité de la comptabilité aux règles en vigueur et de vérifier la concordance avec les comptes annuels et la sincérité des informations données dans le rapport de gestion du conseil d’administration (ou du directoire) et dans les documents adressés aux actionnaires sur la situation financière et les comptes de la société. De plus, le commissaire aux comptes certifie que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donne une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoule et de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice. Personnage clé dans le contrôle de la gestion et de surveillance des comptes Le commissaire aux comptes est un organe de contrôle qui tout en étant nommé par l’assemblée générale n’est pas un mandataire des actionnaires, ce chiffre passe à deux lorsque la société fait public à l’épargne ou qu’il s’agit de société de banque, de crédit, d’investissement, d’assurance, de capitalisation et d’épargne. L’inobservation de ces dispositions légales est pénalement punissable8. Mais avant de développer ces points, nous allons voir les modalités de sa nomination puis la cessation de son mandat.

Chapitre 1 : La nomination des commissaires aux comptes Ce chapitre sera scindé en quatre sections afin de cerner les modalités de la nomination ; Ainsi nous verrons successivement le mode de désignation, puis les qualités requises avant de voir la nomination entre choix et obligation puis finalement les obstacles à sa nomination.

Section 1 : Le mode de désignation Lors de la constitution de la société, les premiers commissaires sont désignés soit par les statuts, soit dans un acte séparé mais faisant corps avec les statuts et signés dans les mêmes conditions. Leur prise de fonction est effective à compter de l’immatriculation de la société au registre de commerce (article 20). Cette désignation s’effectue parmi les experts comptables inscrits aux ordres des experts comptables. L’article 160 de la loi 17-95 concrétise cette donne en énonçant 8

Article 403 de la loi 20-05 sur les sociétés anonymes « Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 10.000 à 50.000 dirhams, ou de l'une de ces deux peines seulement, les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion d'une société anonyme qui n'auront pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqués à toute assemblée d'actionnaires »

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que « Nul ne peut exercer les fonctions de commissaire aux comptes s'il n'est inscrit au tableau de l'ordre des experts-comptables9 . » Par conséquent la condition sine qua non pour être commissaire aux comptes est l’inscription à l’ordre des experts comptable ; cet ordre d’expert comptable est règlemente par la loi 15-89 qui définie dans son 1er article l’expert comptable : « Est expert comptable celui qui fait profession habituelle de réviser, d'apprécier et d'organiser les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. Il est seul habilité à: attester la régularité et la - sincérité des bilans, des comptes de résultats et des états comptables et financiers; délivrer toute autre attestation donnant - une opinion sur un ou plusieurs comptes des entreprises ou des organismes; exercer la mission de commissaire aux comptes. - Il peut aussi: exercer les fonctions de - commissaire aux apports; analyser et organiser les systèmes comptables; - ouvrir, tenir, redresser, centraliser, su - ivre et arrêter les comptabilités; donner des conseils et avis et entreprendre des - travaux d'ordre juridique, fiscal, économique, financier et organisationnel se rapportant à la vie des entreprises et des organismes. » L’inscription à cette institution d’ordre d’expert comptable doit satisfaire certaines conditions impératives énumère par l’article 20 de la loi 15-89 déjà précité : « Nul ne peut être inscrit à l'Ordre s'il ne remplit les conditions suivantes: • Etre de nationalité marocaine ou ressortissant - d'un Etat ayant conclu avec le Maroc une convention autorisant les ressortissants de chaque Etat à exercer sur le territoire de l'autre la profession d'expert comptable; • Etre âgé de 20 ans révolus et - jouir de ses droits civils; • Etre en situation régulière aux vu des lois - relatives aux services civil et militaire; • Etre titulaire du diplôme national d'expert - comptable ou d'un diplôme reconnu équivalent par l'administration; • Ne pas avoir été condamné à une peine privative de liberté pour des faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs. » A défaut de désignation le président du tribunal procède à la désignation 10. Dans tous les cas, l’acte de la nomination fait l’objet d’une publicité par insertion dans un

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Article 160 de la loi 17-95 modifiée et complétée par la loi 20-05 sur la société anonyme. A défaut de désignation d'un commissaire aux comptes par l'assemblée générale de la société, le président du tribunal du lieu de situation du siège social de celle-ci est compétent pour procéder à cette désignation. Ordonnance du TPI, Fès, 17/4/1985,244/85,378 en arabe ; non publié, consulté sur le site du cabinet Bassamat le 12-12-2018 10

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journal d’annonces légales, dépôt au greffe du tribunal du siège social ; inscription au registre de commerce et insertion au bulletin officiel.

Section 2 : Les qualités requises chez le commissaire aux comptes Les commissaires désignés sont des personnes indépendantes vis-à-vis du conseil d’administration dont elles sont chargées de vérifier les opérations, d’une moralité ne prêtent à aucun doute, et compétentes en matière de gestion d’affaires.

L’indépendance : L’obligation d’indépendance du commissaire peut résulter d’un ensemble de dispositions générales. Celles-ci sont prévues pour éviter au commissaire d’être placé dans des conditions qui risqueraient de porter atteinte à son indépendance ou pour assurer un contrôle de ses paires sur son activité professionnelle, c’est ainsi que par exemple en France. • La loi sur les sociétés peut sanctionner pénalement les dirigeants de société qui auront sciemment mis obstacle à l’exercice de la mission des commissaires. • La loi prévoit l’inscription obligatoire du commissaire sur la liste établie par chaque cour d’appel dans son ressort.

La moralité Les qualités morales exigées du commissaire aux comptes peuvent résulter d’une part de l’organisation de la profession elle-même et d’autre part de diverses dispositions générales. Ainsi, tout fait contraire à la probité ou à l’honneur commis par un commissaire aux comptes, personne physique ou société, même ne se rattachant pas à l’exercice de la profession, peut constituer une faute disciplinaire

La compétence La compétence du commissaire aux comptes devrait être assurée par l’exigence d’un niveau de formation supérieure attesté par un diplôme d’enseignement supérieure et par une compétence professionnelle prouvée.

Section 3 : La nomination entre choix et obligations Statut juridique de Nomination du CAC la société SARL (article • Facultative : 80)

Mode de désignation le président du tribunal statuant en référé peut désigner un CAC à la 8

demande d'un ou plusieurs associés représentant au moins le ¼ du capital social.



Obligatoire : dépassement du seuil de 50 millions de DH HT du chiffre d’affaires de la société

Les associés représentant les ¾ du capital social peuvent nommer un ou plusieurs CAC. AGO.

Obligatoire : Pour les sociétés anonymes faisant appel public à l'épargne, les sociétés de banques, de crédit, Société d'investissement, d'assurance, de anonyme (SA capitalisation et d’épargne : article 159)11 nomination de 2 CAC au moins

Les premiers CAC sont désignés soit dans les statuts soit dans un acte faisant corps avec les statuts et la durée de leur mandat ne peut excéder un exercice social.

Au cours de la vie social, le CAC est Pour les SA ne faisant pas appel désigné par AGO pour 3 exercices. public à l'épargne : nomination d'un CAC au moins Société anonyme simplifiée (SAS) Société en commandite par actions (SCA)

Société en nom collectif (SNC)

Obligatoire : la nomination d’un CAC au moins

Application des dispositions relatives aux SA article 425 aliéna 4

Obligatoire

Désignation d'un ou plusieurs CAC par assemblée générale ordinaire article 34 de la loi 5-96

Obligatoire : désignation d'un CAC au moins, quand le Chiffre d'affaires de la société, à la clôture de l'exercice social, dépasse 50 millions de DH HT.

Les associés peuvent nommer à la majorité des associés un ou plusieurs commissaires aux comptes. 11

Les dirigeants qui s’abstient de désigné un commissaire aux comptes sont puni par une amende de 10000 à 50000 dirhams, le délit appartient à la catégorie des infractions d’abstention, la responsabilité du dirigeant de la société ne résulte pas, cependant, de la seule absence de désignation d’un commissaire aux comptes. Le texte exige, en effet, davantage, à savoir qu’il n’ait pas « provoqué » cette désignation. On comprend sans peine cette limite, qui résulte tout simplement de l’absence de responsabilité pénale du fait d’autrui : il ne saurait être question de réprimer le dirigeant pour une carence qui n’est pas la sienne, l’assemblée générale compétente pouvant refuser de le suivre comme l’a souligné un arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 12 octobre 2010.

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Facultative :

La nomination d'un ou plusieurs commissaires aux comptes peut être demandée par un associé au président du tribunal, statuant en référé Article 12 loi 5-96.

Société en commandite simple (SCS)

Groupement d’intérêt économique

Article 21 loi 5-96. Article 39 loi 13-97 Le contrôle des comptes du groupement peut être assuré par un ou plusieurs commissaires aux comptes, nommés par décision collective des membres, dans les conditions fixées par le contrat. Toutefois, le groupement est tenu de désigner un ou plusieurs commissaires aux comptes lorsqu'il émet des obligations dans les conditions prévues au 4e alinéa de l'article 3 ci dessus. A défaut de nomination dans le cas où le contrat prévoit le contrôle des comptes par un ou plusieurs commissaires aux comptes ou dans le cas prévu à l'alinéa précédent, il y est procédé par ordonnance du président du tribunal, statuant en référé, à la requête de tout membre, les administrateurs dûment appelés.

Obligatoire

Section 4 : Les obstacles à la nomination En général, on distingue les incompatibilités générales interdisant l’exercice de la profession de commissaire à certaines personnes, par opposition aux incompatibilités spéciales conduisant à l’interdiction de l’exercice de la fonction de commissaire dans une société déterminée.

Paragraphe 1 : Les incompatibilités d’exercice de la profession Il s’agit la d’incompatibilité générales avec la profession de commissaire aux comptes selon lesquelles il ne peut être investi de certaines fonctions dans les sociétés. Il ne peut être président du conseil d’administration, membre du directoire ou directeur général d’une société anonyme, ni gérant d’une société en commandité par action ou d’une société à responsabilité limitée. Il n’y a pas d’incompatibilité entre la profession de commissaire et la fonction de simple administrateur. 10

En France, la fonction de commissaires aux comptes rendue depuis 1977 incompatible avec toute activité commerciale et avec tout emploi salarié sauf pour le commissaire qui dispense un enseignement se rattachant ou qui est salarié d’un autre commissaire12.

Paragraphe 2 : Les incompatibilités de fonction Il s’agit d’incompatibilités spéciales, d’incompatibilités temporaires, c’est-à-dire ayant trait à l’existence de la fonction de commissaire aux comptes dans une société déterminée.

A) Incompatibilités spéciales : Un régime sévère d’incompatibilité limite le choix des sociétés. Par conséquent, ne peuvent être désignés comme commissaire aux comptes en vertu de l’article 161 : Ne peuvent être désignés comme commissaires aux comptes : 1) les fondateurs, apporteurs en nature, bénéficiaires d'avantages particuliers ainsi que les administrateurs, les membres du conseil de surveillance ou du directoire de la société ou de l'une de ses filiales ; 2) les conjoints, ascendants et descendants parents et alliés jusqu'au 2e degré inclusivement des personnes visées au paragraphe précédent ; 3) ceux qui assurent pour les personnes reçoivent des personnes visées au paragraphe 1 ci-dessus, pour la société ou pour ses filiales des fonctions de la société ou de ses filiales, une rémunération quelconque à raison de fonctions susceptibles de porter atteinte à leur indépendance ou reçoivent de l’une d’elles une rémunération pour des fonctions autres que celles prévues par la présente loi; 4) les sociétés d'experts-comptables dont l'un des associés se trouve dans l'une des situations prévues aux paragraphes précédents, ainsi que l’expert-comptable associé dans une société d’experts-comptables lorsque celle-ci se trouve dans l’une desdites situations. Ne peuvent être commissaires aux comptes d’une même société, deux ou plusieurs experts comptables qui font partie à quelque titre que ce soit de la même société d’experts comptables ou d’un même cabinet. Si l'une des causes d'incompatibilité ci-dessus indiquées survient en cours de mandat, l'intéressé doit cesser immédiatement d'exercer ses fonctions et en informer le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, au plus tard quinze jours après la survenance de cette incompatibilité.

B) Incompatibilités temporaires : 12

Juris, classeur périodique du 26 janvier 1977 N 4.

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En ces sens, il est interdit aux personnes qui ont été administrateurs, directeurs généraux, membres du directoire, de devenir commissaire aux comptes de cette société ou d’une société qui possède 10 pour cent de son capital moins de cinq années après la cessation de leur fonction. Cette interdiction concerne également leur nomination, en tant qu’administrateurs, directeurs généraux ou membre directoire, dans la société qu’ils contrôlent ou qui détient 10 pour cent ou plus du capital de la société qu’ils contrôlent (article 162 de la loi 20-05).

Chapitre II : La cessation des fonctions du commissaire aux comptes Le mandat des commissaires aux comptes n’étant pas de nature conventionnelle, leurs fonctions prennent fin par la survenance d’événements que la loi énonce spécialement ou qui relèvent de « la nature des choses ». Cela dits, plusieurs raisons peuvent causer la cessation des fonctions du commissaire aux comptes. La cessation de cet organe peut intervenir de façon normale (section 1). Elle peut également être provoquée par la mise en cause de la personne exerçant les fonctions du commissaire aux comptes (section 2).

Section 1 : La cessation normale de la fonction du commissaire aux comptes Le mandant du commissaire aux comptes prend fin soit à l'expiration de celui-ci ou (paragraphe 1), soit avec son décès ou sa démission (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’expiration du mandat L’expiration du mandat du commissaire aux comptes s’opère à deux niveaux d’une part dans les sociétés par action (A) et d’autre part, dans les sociétés à responsabilité limité (B). A- Dans les sociétés par action : (société anonymes et en commandite par

actions) Lorsque le commissaire est nommé par l’assemblée générale ordinaire, cette durée est de trois exercices, et ce conformément aux dispositions de l’article 163 Alinéa 1 de la loi 17-95 : « Le ou les commissaires aux comptes sont nommés pour trois exercices par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires ». Or en cas de désignation du commissaire aux comptes par les statuts, sa mission, ne peut excéder un exercice (Article 163 de la loi 17-95).

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De surcroits, le commissaire nommé par l’assemblée en remplacement d’un autre ne demeure en fonction que jusqu’à l’expiration du mandat de son prédécesseur (article 163, alinéa 3 de la loi 17-95)13. Ainsi, le mandat du commissaire désigné par le président du tribunal, lorsque l’assemblée n’en a pas nommé un, prend fin dès l’assemblée générale pourvoit à son remplacement14. On y ajoute aussi que lorsqu'à l'expiration des fonctions d'un commissaire aux comptes, il est proposé à l'assemblée de ne pas les renouveler, le commissaire aux comptes doit être, s'il le demande, entendu par l'assemblée. B- Dans les Sociétés à responsabilité limitée et les G.I.E : Il faut débuter par le fait que l’article 83 de la loi 5-96, transpose les dispositions de la loi 17-95 ; cela signifie que les commissaires aux comptes sont désignés pour une durée de 3 exercices seulement. Il en va de même dans les groupements d’intérêt économique qui émettent des obligations et en vertu de l’article 40 de loi 13-97 : « Lorsque le contrôle de leurs comptes est assuré par un ou plusieurs commissaires aux comptes, les dispositions de la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes relatives aux conditions de nomination des commissaires aux comptes, notamment en matière d'incompatibilités, à leurs pouvoirs, à leurs obligations, à leur responsabilité, à leur suppléance, à leur récusation, à leur révocation et à leur rémunération sont applicables aux G.I.E., sous réserve des règles propres auxdits groupements . La durée légale des fonctions du commissaire lorsque la désignation ait été faire par les statuts est un exercice, par l’assemblée générale 3 exercices. » C'est-à-dire que la durée légale des fonctions du commissaire lorsque la désignation ait été effectué par les statuts est d’un seul exercice, alors qu’en cas de désignation par l’assemblée générale celle-ci s’étend jusqu'à 3 exercices.

Paragraphe 2 : Décès et démission du CAC Le décès met évidemment fin aux fonctions du commissaire aux comptes, il en va de même de la dissolution lorsque le commissaire est une société. Les fonctions peuvent également cesser avant le terme par suite d’une démission, le commissaire doit démissionner lorsqu’il se trouve empêché d’accomplir sa tâche soit pour une raison d’ordre juridique (survenance d’incompatibilité, interdiction) soit pour un motif d’ordre matériel (maladie). Or, le simple fait de se heurter à la mauvaise volonté des dirigeants ne justifie pas une démission immédiate. Le commissaire peut aussi donner sa démission pour convenance personnelle, à condition de ne pas agir de mauvaise foi, ou à contretemps, causant ainsi un dommage à la société, la démission du commissaire ne parait devenir définitive qu’après son acceptation par l’assemblée générale ordinaire, jusque-là, l’intéressé pourrait donc se rétracter15. 13

La loi 20-05 modifiant et complétant la loi n°17-95 relatives aux sociétés anonymes. Article 156, alinéa 2 de la loi 20-05 modifiant et complétant la loi n°17-95 relatives aux sociétés anonymes. 15- Cour de cassation Française, chambre commerciale ; com. du 13 janvier 1969. 14

13

Il faut ajouter qu’en cas de démission, le commissaire aux comptes doit établir un document soumis au conseil d’administration, ou au conseil de surveillance et à la prochaine assemblée générale, dans lequel il expose, de manière explicite les motifs de sa démission. Pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, ledit document est transmis, immédiatement après la démission, à l’autorité marocaine du marché des capitaux.16 -Evénements affectant la personne morale contrôlée : • L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire : est sans effet sur la mission du commissaire, cette procédure doit aboutir à un concordat et à une reprise d’activité de la société, il paraît donc logique de décider que le commissaire demeure en fonctions, et que, en cas de continuation d’activité avant la prise d’effet du concordat, ses honoraires sont des dettes de la masse. • Dissolution sans liquidation : Le principe est que la dissolution ne met pas fin au mandat du commissaire, toutefois, les statuts pourraient, semble-t-il, stipuler une solution différente, à condition de prévoir la désignation de nouveaux commissaires, les fonctions cessent avec la clôture de la liquidation. • En cas de transformation : Il est évident que dès la transformation d’une société astreinte au contrôle légal en une société d’une autre forme entraînerait automatiquement la cessation des fonctions du commissaire en place et la nomination d’un nouveau commissaire selon les règles propres à la nouvelle forme sociale. En revanche, la solution est discutée lorsqu’il y a continuité des règles : le mandat se poursuivrait17, il est néanmoins conseillé de faire confirmer ou renouveler les fonctions.

Section 2 : La cessation des fonctions provoquée par la mise en cause de la personne du commissaire aux comptes En dehors des causes de cessation dites normales, les fonctions du commissaire aux comptes peuvent prendre fin par la mise en cause de sa personne. Il peut, par conséquent, se voir récusé (paragraphe 1) ; ou encore faire l'objet d'une révocation (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La récusation du commissaire aux comptes :

16

Article 179 bis. De la loi 20-05 modifiant et complétant la loi n°17-95 relatives aux sociétés anonymes. Jacques Mestre, Lamy sociétés commerciales, édition 2004 (26 avril 2004)

17-

14

La récusation est la procédure par laquelle une personne demande qu'une autre s'abstienne d'occuper des fonctions, parce qu'il a des raisons de suspecter sa partialité à son égard18. Cela dits, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social peuvent demander la récusation pour justes motifs au président du tribunal statuant en référé, du ou des commissaires aux comptes désignés par l'assemblée générale et demander la désignation d'un ou plusieurs commissaires qui exerceront leurs fonctions en leurs lieu et place.19 Toutefois, pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, cette demande peut également être présentée par le l’autorité marocaine du marché des capitaux. En effet, « le juste motif » de récusation relève d’une appréciation souveraine des juges saisi ; le président est saisi, sous peine d'irrecevabilité, par demande motivée présentée dans le délai de trente jours à compter de la désignation contestée. Si la récusation est prononcée, ce qui, en pratique, paraît exceptionnel, un nouveau commissaire est désigné en justice, qui demeurera en fonction jusqu’à la nomination d’un commissaire par l’assemblée générale et ce conformément aux dispositions de l’article 164 alinéa 3 qui prévoit : « S'il est fait droit à la demande, le ou les commissaires aux comptes désignés par le président du tribunal demeurent en fonction jusqu'à la nomination du ou des nouveaux commissaires par l'assemblée générale. »

Paragraphe 2 : La révocation La révocation désigne le fait, pour une personne, de retirer les pouvoirs accordés à une autre20. En fait l’article 179 de la loi 20-05 prévoit : « En cas de faute ou d'empêchement pour quelque cause que ce soit, un ou plusieurs commissaires aux comptes peuvent, à la demande du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, d'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5%du capital social ou de l'assemblée générale dans tous les cas, être relevés de leurs fonctions par le président du tribunal, statuant en référé, avant l'expiration normale de celles-ci. » On y ajoute aussi que les commissaires aux comptes peuvent également être relevés de leurs fonctions à la demande de l’autorité marocaine du marché des capitaux, pour les sociétés faisant appel public à l’épargne. Il en résulte alors que la révocation peut être demandé par : -

Le conseil d’administration. Le conseil de surveillance.

18

Cf. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12éme édition, p.443. Article 164 de la loi 20-05 modifiant et complétant la loi n°17-95 relatives aux sociétés anonymes. 20 Cf. Lexique des termes juridiques, op. cit. p.469. 19

15

-

Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social, ou de l’assemblée générale. l’autorité marocaine du marché des capitaux, pour les sociétés faisant appel public à l’épargne.

La révocation a généré une abondante jurisprudence, il en ressort plusieurs enseignements : - La faute justifiant le relèvement s’entend généralement d’une inexécution ou d’une mauvaise exécution de ses obligations professionnelles par le commissaire, contrairement à ce qui a parfois été soutenu21, il ne paraît pas que cette faute diffère de celle fondée une action en responsabilité, par avantage qu’elle ne suppose en principe que soit prouvée la mauvaise foi du commissaire22. La preuve de la mauvaise foi n’est pas nécessaire dans le cas général où sont reprochée au commissaire l’inexécution d’une obligation légale23, des carences fautives, des négligences dans l’accomplissement de sa mission: Dans un groupe d’entreprises où un commissaire serait chargé d’une mission de contrôle auprès de la mère et de filiales, le prononcé du relèvement pour l’une des missions ne saurait être étendu à l’ensemble des entreprises contrôlées, toutefois, s’il était avéré que le commissaire en cause a manqué à son devoir d’indépendance et d’impartialité s’il s’est immiscée dans la gestion du groupe, le relèvement pourrait être prononcé in globo (entièrement)24. L’empêchement peut être physique (maladie, éloignement) ou juridique (survenance d’une incompatibilité), en ce dernier cas, le commissaire devrait remettre sa démission à défaut, il pourrait être relevé25. Le commissaire qui serait victime d’une action en relèvement abusive, intentée comme mesure de rétorsion à son encontre, est en droit de solliciter réparation du préjudice qui lui est occasionné26.

21-

Cour de cassation Com. du 6 février 1990 : Revue société 1990, p. 433. Cour de Cass.com du 28 janvier 1992, Bull, Joly, 1992, p. 412, p. 727. 23- Pour défaut de dépôt en temps utile de ses rapports : cass. Com, 22 octobre 1991,Bull. p.46. 24- Cour d’appel Paris, 24 juin 1992, Bull Joly, 1992, p. 1195. 25- TGI, Paris, ,16 février 1993, préc, sur d’autres éléments de faits : CA Paris, 22 novembre 1994 : Ball, Joly, 1995, p. 323, s 102, note J-F, Barbièri. 26 ADAMOU Madjé Robil ; LE COMMISSARIAT AUX COMPTES DANS LA SOCIETE ANONYME, thèse à UNIVERSITE SAINT THOMAS D'AQUIN de BURKINA FASO,2010. 22-

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Deuxième partie : les missions et responsabilités du CAC Dans le cadre de la deuxième partie, nous verrons successivement dans un premier chapitre les missions du commissaire aux comptes, et en deuxième chapitre les responsabilités de ce dernier.

Chapitre 1 : les missions des commissaires aux comptes Les missions des commissaires aux comptes ont, à l’époque contemporaine, connu un élargissement considérable, lié à l’évolution de la fonction elle même. Le commissaire aux comptes a cessé d’être un simple mandataire des associés chargé dans l’intérêt de ceux –ci, de vérifier les comptes présentés par les dirigeants. Il incarne désormais beaucoup plus largement, les intérêts de l’entreprise et de ses salariés, voir l’intérêt général.27 De ce fait, nous allons dispatché ce chapitre en deux sections, la première s’intéresse aux missions générales dites permanentes et la deuxième aux missions particuliers ou spéciale.

Section 1 : les missions générales des commissaires aux comptes. Un des devoirs essentiels des commissaires aux comptes est de s’assurer que légalité a été respectée entre actionnaires (art 166) et garantir les petits porteurs et les minoritaires contre la position forte des majoritaires. La mission générale des commissaires aux comptes alors est en premier lieu une mission de contrôle sur la situation comptable et financière de la société. Grâce aux renseignements recueillis dans l'exercice de leur mission de contrôle, les commissaires remplissent ensuite une mission d'information.

Paragraphe 1 : mission de contrôle Cette mission se subdivise en plusieurs missions qu’on peut les incarner sous la mission principale du contrôle.

Le contrôle des comptes : Aux termes de l’art 166 de la loi n° 20-05 : « Le ou les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l’ exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier, les valeurs et les livres, les documents comptables de la société et de vérifier la conformité de sa comptabilité, aux règles en vigueur… » 27

Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy. « Droit des sociétés », 19eme édition, page 68.

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De ce fait, la révision des comptes constitue la mission première du commissaire celle qui justifie son appellation de reviseur légal des comptes ; les commissaires aux comptes n’ont pas à contrôler l’opportunité des décisions et toute immixtion dans la gestion est interdite. Vérification des documents et valeurs : Le commissaire aux comptes doit vérifier les livres tenus par la Société anonyme contrôlée, dont il examine la conformité aux exigences légales et réglementaires. Ces documents intéressent, plus particulièrement les « les livres comptables», à savoir, le livre journal, le grand livre , et le livre d’inventaire, ainsi que les états de synthèse, qui comprennent le bilan, le compte de produits et charges, l’état des soldes de gestion, le tableau de financement et l’état des informations complémentaires. Ensuite, la vérification par le commissaire aux comptes porte aussi sur tous les documents établis par la société anonyme, et dans cette optique, il sera conduit à examiner le registre des délibérations, ainsi que les feuilles de présence des assemblés générales, et le livre de paye pour s’assurer que ces documents sont régulièrement établis. La vérification des valeurs s’entend d’un contrôle de tous les éléments, d’actif et passifs, composant le patrimoine de la personne morale. Le commissaire n’a pas à effectuer lui-même les évaluations mais il doit contrôler que les évaluations des éléments patrimoniaux sont conformes aux règles en vigueurs.28 Certification des comptes : La finalité du contrôle comptable est la certification de la régularité, la sincérité et l’image fidèle des documents comptables. Cette certification tourne autour deux grandes idées, d’abord la certification des états financières de synthèse ensuite la certification de la situation financière et du patrimoine de la société. Cette certification s'appuie sur des notions fondamentales à savoir : La régularité : La conformité des comptes aux lois et aux règles de la technique comptable. La sincérité : le reflet clair de la situation sociale sans déguisement ni détour, l’établissement des comptes avec loyauté et bonne foi. L’image fidèle : l’image réelle des résultats de l’exercice écoulé. La certification est un acte très important pour le commissaire aux comptes, puisque les tiers, auront, à priori, confiance dans la décision du commissaire.

28

Yves Guyon, «Droit des affaires ,Tome1,Droit commercial général et société» ;12eme édition ;page412.

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L'absence de certification des comptes par le commissaire aux comptes d'une société anonyme établi que la comptabilité n'est pas régulièrement tenue et engage la responsabilité des administrateurs.29 Réserves et refus de certification Les commissaires ont également la faculté d’assortir de certification de réserves, ou de refuser la certification des comptes.il doivent en ces cas préciser les motifs de leurs réserves ou de leur refus. Le commissaire peut alors refuser de certifier s’il découvre des irrégularités, un défaut de sincérité des comptes par exemple. Ce refus de certification suppose que des vices graves conduisent à douter de la sincérité des comptes et donc de la bonne foi des dirigeants et de la fidélité de l’image qu’ils donnent des résultats, de la situation financière et du patrimoine de la société, ou certifier avec réserves dans le cas ou le commissaire aux comptes a constaté des erreurs, des irrégularités, des anomalies ou des incertitudes affectant les comptes, mais dans l’importance ne justifient pas un refus de certification.30

Paragraphe 2 : Mission d'information : Dans le cadre de sa mission permanente, commissaire aux comptes doit vérifier la sincérité des informations comptables et financières, donnée dans le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire, ainsi que leur concordance avec les états de synthèses. En effet, les actionnaires ont le droit de prendre connaissance de certaines information, y compris les états de synthèses, le rapport de gestion et le rapport du commissaire aux comptes (art 141 de la loi 17-95 relative aux SA). Le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire, doit contenir tous les éléments d’informations utiles aux actionnaires, notamment les opérations réalisées, les perspectives d’avenir, l’état des filiales et leur contribution au résultat social… (Art 142) …etc. Le commissaire aux comptes doit s’assurer que le contenu de tous documents adresser aux associés, est rédigé conformément aux livres comptables (art 166). Seulement, le commissaire aux comptes peut ne pas être au courant de certaines communications (surtout que la loi ne précise par le nombre de la nature des documents qui doivent être vérifié par le professionnel), et dans ce cas, il ne peut en être responsable.

29 30

Arrêt de 16/05/2011, tribunal de commerce de Casablanca, décision N°76/2011, Numéro de dossier:117/25/2010. Moustapha OUHANOU, «le commissariat aux compte», édition 2010. p 114.

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Le commissaire aux comptes doit avoir la communication de ces documents, avant qu’ils soient adressés aux actionnaires, afin qu’il puisse effectuer les vérifications nécessaires et faire procéder aux vérifications éventuelles. Or, si les documents contenant des informations relatives à la situation financière de la société, sont distribués aux actionnaires au cour de l’assemblée générale, sans que le commissaire aux comptes soit informé de leur contenu, celui-ci doit également veiller à leur régularité et s’assurer de leur sincérité, en faisant des observations en séance s’il est en mesure de porter immédiatement une appréciation, sinon, il pourra faire ses remarques ultérieurement, celle-ci seront consignées ou annexées au procès verbal. Il est à signaler que les commissaires aux comptes portent à la connaissance du conseil d’administration ou du directoire et du conseil de surveillance, aussi souvent que nécessaire (art 169) : - Les contrôles et vérifications auxquels ils ont procédé et les différents sondages auxquels ils se sont livrés ; - Leurs observations sur les postes du bilan et autre documents comptables auxquels des modifications leurs apparaissaient devoir être apportées, en faisant toutes observation utiles sur les méthodes d’évaluation utilisées pour l’établissement de ces états de synthèse ; - Les irrégularités et inexactitudes qu’ils auraient découvertes. - Les conclusions auxquelles conduisent les observations et vérification cidessus sur les résultats de l’exercice comparé à ceux de l’exercice précédent. Le commissaire aux comptes doit posséder les connaissances théoriques et pratiques nécessaire à l’exercice de sa mission. Il maintient un niveau élevé de compétence, notamment pour la mise à jour régulière de ses connaissances et la participation à des actions de formation.

Section 2 : les missions spéciales des commissaires aux comptes Au cours de la vie sociale, la société anonyme peut avoir recours à certaines opérations particulières pour des raisons diverses : ces opérations qui peuvent être soit des modifications du capital soit des restructurations de la société anonyme risquant de se répercuter négativement sur les droits des actionnaires ou contenir des situations de rupture de l’égalité ou des pratiques constitutives d’abus de majorité. Aussi le commissaire aux comptes a une mission d'intervention préventive en cas de difficultés d’entreprise.

Paragraphe 1 : La mission du commissaire aux comptes en cas des modifications statutaires 20

A : Le contrôle des variations du capital : Il arrive très souvent dans la pratique que le capital social initial de la société anonyme subisse des modifications en cours de la vie sociale dans l’objectif d’assurer un refinancement et une recapitalisation de la société. Le plus souvent il s’agit d’une augmentation de capital, plus rarement d’une réduction. Le commissaire aux comptes intervient également dans la répartition du capital.31 Le commissaire aux comptes doit intervenir systématiquement à chaque fois que la société anonyme procède à ces trois opérations. ➢ Le contrôle de l’augmentation du capital Le capital social peut être augmenté en une ou plusieurs fois soit par émission d’action nouvelles, soit par majoration de la valeur nominale des actions existantes (art 182). En outre, l’augmentation du capital par appel public à l’épargne réalisé moins de deux ans après la constitution d’une société doit être précédé d’une vérification par le commissaire aux comptes de la société de l’actif et du passif (art 187). Par ailleurs, l’émission d’obligation convertible en actions est soumise à l’autorisation préalable de l’assemblée générale extraordinaire qui en décide sur rapport spécial des commissaires aux comptes relatif aux bases de conversion proposées (art 200). ➢ Le contrôle de la réduction du capital La société anonyme peut être amenée à réduire son capital soit pour résorber les pertes accumulées et sauvegarder son intérêt social, soit par ce qu’elle se trouve avec un capital très abondant compte tenu de ses besoins réels et de son activité. Le projet de réduction du capital est communiqué au commissaire aux comptes 45 jours au moins avant la réunion de l’assemblée générale extraordinaire appelée à approuver cette opération. A cette occasion le commissaire aux comptes rédige un rapport spécial dans lequel il fait connaître son appréciation sur les causes et les conditions de la réduction proposée. L’objectif du commissaire aux comptes est de s’assurer que cette opération sur le capital ne soit pas un moyen d’évincer les actionnaires minoritaires et donc ne constitue pas un abus de majorité. Le commissaire aux comptes veille à ce que la réduction du capital ne porte en aucun cas atteinte au principe de l’égalité des actionnaires.

31

Malika Taleb, Michel Pabeun ,«Le droit Marocain des sociétés commerciales» ;1997 ;page234.

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➢ le Contrôle de la répartition du capital Emission de certificat d’investissement Dans le cas d’émission par la société anonyme de certificat d’investissement, le CAC intervient au préalable par un rapport spécial sur la question. Effectivement, aux termes de l’article 282 : « L’assemblée générale extraordinaire d’une société anonyme peut décider, sur le rapport du conseil d’administration ou du directoire et sur celui des commissaires aux comptes, la création, dans une proportion qui ne peut être supérieure au ¼ du capital social, de certificat d’investissement…… ». Emission d’obligations avec bons de souscription d’actions Aux termes de l’article 194 : « Dans les cas visés aux articles 192 et 193 le ou les commissaire aux comptes doivent indiquer dans leur rapport, si les bases de calcul retenues par le conseil d’administration ou le directoire leur paraissent exactes et sincères ». Emission d’obligations convertibles L’émission d’obligations convertibles doit être autorisée par l’assemblée générale extraordinaires des actionnaires (art 317 al.1 L SA). Cependant, selon l’article 319 alinéa3 : « Les commissaire aux comptes présentent à l’assemblée des actionnaires un rapport spécial sur les propositions qui lui sont soumises en ce qui concerne les bases de conversion ».

B : Le contrôle des opérations de structurelles : Les restructurations constituent un phénomène contemporain primordial elles ont un rôle important dans le développement et la croissance des sociétés elles sont dotées de la volonté d’adapter l’entreprise avec la conjoncture économique. Lorsque la société anonyme procède à une modification quelconque de sa structure, que ce soit une transformation de la forme sociale ou bien d’une fusion ou une scission, le commissaire aux comptes de cette société se trouve chargé d’une mission particulière de contrôler le caractère régulier et légal de ces opérations et l’absence de tout déséquilibre dans les droits des actionnaires. ➢ Le contrôle de la transformation de la société anonyme : La société anonyme ne peut se transformer en une société d’une autre forme que si au moment de la transformation, elle a au moins un an d’existence et si elle a établi et fait approuver par les actionnaires les états de synthèse de l’exercice (art 216 loi 2005). 22

La décision de transformation est prise sur le rapport du ou des commissaires aux comptes. Le rapport atteste que la situation nette est au moins égale au capital social.32 ➢ Le contrôle de fusion En cas de fusion des sociétés anonymes, les commissaires aux comptes peuvent obtenir auprès de chaque société participante à ces opérations communication de tous les documents utiles pour procéder à toutes les vérifications nécessaires. Ils vérifient que la valeur relative attribuée aux actions des sociétés participantes à la scission ou à la fusion est pertinente, et que le rapport d’échange entre l’actif apporté et les actions attribuées en contrepartie est équitable. Ils vérifient notamment si le montant de l’actif net apporté par la société absorbée ou scindée est au moins égal au montant de l’augmentation du capital de la société absorbante ou de la société bénéficiaire de la scission.

Paragraphe 2 : La mission du commissaire aux comptes en cas de dysfonctionnement A: la mission en cas des conventions réglementées Les conventions passées entre les sociétés et un administrateur, un directeur général, un membre du directoire ou du conseil de surveillance doivent être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration. La rédaction et la présentation du rapport spécial relève des missions des commissaires aux comptes dans ce cas le président du conseil d’administration avise le commissaire aux comptes de toutes ces conventions dans un délai de 30 jours à compter de la date de leur conclusion et soumet celles-ci à l’approbation de la prochaine assemblée générale ordinaire qui statue sur le rapport spécial (art 56 et 58).

B : la mission liée à la prévention des difficultés Introduite par le code de commerce, la prévention constitue une seconde chance pour le chef de l’entreprise. Cette mesure place le commissaire aux comptes au cœur du processus désormais, il doit être vigilant et détecter les moindres difficultés de l’entreprise pour ensuite déclencher la procédure d’alerte. Dans cette nouvelle mission des commissaires aux comptes, toute la difficulté est de déclencher l’alarme au bon moment. 32

L’article 219 de la loi 20-05 : « la décision de transformation est prise sur le rapport du ou des CAC de la société. Le rapport atteste que la situation nette est au moins égale au capital social ; La transformation est soumise, le cas échéant, à l’approbation des assemblées d’obligataires » .

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Donc un devoir de vigilance incombe au commissaire aux comptes pour fonder le jugement sur la situation financière et économique de la société, et procéder par la suite au déclenchement de la procédure d’alerte.33 Au cœur du processus de traitement des difficultés de l’entreprise, le commissaire aux comptes déclenche la procédure d’alerte La procédure d’alerte découle comme suit : ❖ Cette procédure commence par l’information par le du chef d’entreprise, des faits de nature à compromettre la continuité d’exploitation et ce dans un délai de 8 jours de la découverte de ces faits. ❖ Faute d’exécution par le chef d’entreprise, le commissaire aux comptes invite le président du conseil à convoquer l’organe collégial pour le faire délibérer sur les faits relevés. ❖ Lorsque la délibération de l’organe collégial n’a pas pu régler les problèmes existants, le commissaire aux comptes passe à la troisième étape en avertissant l’assemblée générale de la situation préoccupante de la société anonyme. ❖ Faute d’une délibération par l’assemblée à ce sujet ou si malgré les décisions prises par elle, la continuité de l’exploitation demeure compromise, le commissaire aux comptes passe enfin à la dernière étape en divulguant sa procédure d’alerte par l’information du président du tribunal de commerce. Cette procédure d’alerte du commissaire aux comptes constitue la prévention interne des difficultés. Si elle n’arrive pas à restaurer l’équilibre financier de la société anonyme, une procédure de règlement amiable est ouverte par le président du tribunal de commerce.34

Chapitre II : La responsabilité du commissaire aux comptes : La société peut être le vecteur de nombreux agissements fautifs35. Or, après que la société a été régulièrement constituée, il est essentiel d'assurer son fonctionnement normal. Le droit des sociétés va donc avoir pour objet de protéger tous ceux qu'une 33

Hassania CHERKAOUI, « Droit commercial», 2emeChapitre, 3eme édition, pages272et273. Les articles 546 à 559 de la Loi n° 15-95 formant le Code de commerce (promulguée par Dahir n° 1-96-83 du 15 rabbi 1417 (1 août 1996). 34

35

R. Salomon : l’originalité de la responsabilité disciplinaire des commissaires aux comptes, droit des sociétés, avril 2002 p.4

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gestion trop imprudente ou frauduleuse mettrait en danger : associés, actionnaires, créanciers… A cette fin, l'organe de contrôle essentiel est le commissaire aux comptes, professionnel chargé non seulement de contrôler la comptabilité de la société et de la vérifier, mais aussi de s'assurer que la vie sociale se déroule de façon régulière. Dans l’exercice de ses fonctions, le commissaire aux comptes peut engager sa responsabilité disciplinaire (section 1), civile (section 2) ou encore pénal (section 3).

Section 1 : La responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes Au Maroc, l’Ordre des experts comptables dispose d’un dispositif législatif, réglementaire et professionnel permettant l’encadrement des membres, leur mise à niveau permanent, leur contrôle et éventuellement leur sanction. Le dispositif disciplinaire est régi par la loi 15-89 réglementant la profession d’expert-comptable, par le code des devoirs professionnels (Conforme Au Code Déontologique de L’IFAC 2009). Il importe de noter à ce propos que depuis août 2004, l’Ordre des Experts Comptables est devenu membre de la Fédération Internationale des Comptables (IFAC), (regroupant 173 organisations professionnelles représentant 129 pays) dont la mission est notamment, de servir l’intérêt général et, de poursuivre le renforcement de la profession comptable au niveau mondiale. Le Code de l’IFAC 2009 a été adopté par le conseil national de l’OEC (Ordre des experts comptables) du Maroc lors de sa séance tenue le 12 novembre 2013. Une fois envisagées les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes (1), il est nécessaire d’examiner les sanctions qui accompagnent sa mise en œuvre (2).

Paragraphe 1 : Les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire Les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes peuvent être découvertes à travers l’étude du fondement juridique de cette responsabilité (a). Cela conduira à donner quelques précisions sur la notion de faute disciplinaire (b), ainsi que sur l’auteur de ces infractions (c).

a – Le fondement juridique de la responsabilité disciplinaire

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Le renforcement du rôle du commissaire aux comptes dans le contrôle des sociétés et l’amélioration de l’organisation de cette profession ont contribué à la mise en place d’une véritable responsabilité disciplinaire. C’est ainsi que le dahir n° 1-92-139 du 14 Rajeb 1413 (8 janvier 1993) portant promulgation de la loi n° 15-89 réglementant la profession d’expert comptable et instituant un Ordre des experts comptables comporte un « chapitre VII » consacré à la discipline. Ce texte présente quelques-uns des aspects relatifs aux juridictions et à la procédure disciplinaire, précise les peines encourues et leur exécution et donne des indications sur la notion de faute disciplinaire. Il faut préciser ici que l’article 1er de la loi 15-89 dispose « Est expert-comptable celui qui fait profession habituelle de réviser, d’apprécier et d’organiser les comptabilités des entreprises et des organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail. Il est seule habilité à … exercer la mission de commissaire aux comptes ». L’action disciplinaire et les actions judiciaires sont autonomes. Cela signifie, d’une part, qu’un même manquement peut servir de base aux deux sortes de poursuites, et d’autre part, qu’un acquittement ou une relaxe prononcée par une juridiction pénale peuvent laisser subsister une faute disciplinaire. Il faut souligner, cependant, que l’appréciation des faits par le juge répressif garde autorité de la chose jugée et lie le juge disciplinaire, mais celui-ci qualifie librement par rapport aux règles déontologiques.

b – La faute disciplinaire La définition de la faute disciplinaire est énoncée par l’article 66 de la loi 15-89 qui dispose : « Les conseils régionaux et le conseil national, par voie d'appel, exercent à l'égard des experts comptables et de leurs sociétés le pouvoir disciplinaire ordinal pour toute faute professionnelle ou toute contravention aux dispositions législatives et réglementaires auxquelles l'expert-comptable est soumis dans l'exercice de sa profession, notamment : - violation des règles professionnelles, manquement aux règles de l'honneur, de la probité et de la dignité dans l'exercice de la profession, telles qu’elles sont notamment édictées dans le code des devoirs professionnels ; - non-respect des lois et règlements applicables à l'expert-comptable dans l'exercice de sa profession ; - atteinte aux règles ou règlements édictés par l'Ordre, à la considération ou au respect dus aux institutions ordinales ».

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La notion de faute disciplinaire est donc bien différente de la faute civile et de la faute pénale. L’approche retenue par les rédacteurs de cette loi est relativement large et permet d’appréhender un grand nombre de comportements. Il semble que cela soit habituel en matière de déontologie professionnelle et il est admis que le droit disciplinaire ne respecte pas le principe de la légalité des délits et des peines « la maxime nullum crimen, nulla poena, sin lege ». Il s’agit, en fait, de veiller à la protection des clients, des tiers et de la profession elle-même. Or, la valorisation de cette dernière passe par le maintien de la qualité morale et des compétences techniques de ses membres. En effet, le bon renom de la profession exige que celle-ci ne conserve dans son rang que des personnes irréprochables, même pour des faits ne se rattachant pas à l’exercice de la profession. L’indépendance du commissaire aux comptes est également une des préoccupations importantes des autorités professionnelles. Ceci explique, que l’immixtion dans la gestion, si elle est caractérisée, et la violation de la réglementation des incompatibilités fassent l’objet de poursuites disciplinaires. En effet, l’organisation professionnelle intervient dans ce domaine comme garant du sérieux de ses membres. Les manquements aux règles de l’honneur, de la probité et de la dignité dans l’exercice de la profession visés par la loi 15-89, ont élargi le champ d’intervention des autorités disciplinaires. Il est ainsi, possible de sanctionner des comportements des membres de l’Ordre intervenant aussi bien dans l’exercice de la profession qu’en dehors de celle-ci. Les manquements à l’honneur sont traditionnellement considérés comme des fautes disciplinaires.

c – L’auteur de l’infraction L’article 66 de la loi 15-89 indique que les experts comptables, personnes physiques, ainsi que leurs sociétés peuvent faire l’objet de poursuites disciplinaires. Les textes sont clairs à ce sujet. Il en ressort qu’une société d’experts comptables est passible de poursuites disciplinaires ; ceci indépendamment de celles intentées contre ses actionnaires ou associés. De cette formulation, il est possible de déduire, d’une part, que la responsabilité disciplinaire d’une société d’experts comptables n’exclut pas la responsabilité disciplinaire de ses membres et, d’autre part, que les poursuites disciplinaires engagées contre ces derniers n’entraînent pas systématiquement l’exercice de poursuites contre la société. Cette hypothèse est d’ailleurs prévue par le législateur qui envisage certains aspects des relations entre l’expert-comptable sanctionné disciplinairement et la société à laquelle il appartient36. 36

Les articles 74, 75 et 76 de la loi 15-89

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Paragraphe 2 – Les sanctions disciplinaires Diverses sanctions disciplinaires ont été prévues pour les experts comptables. Elles peuvent, parfois être renforcées par des mesures de publicité. C’est le cas de la peine disciplinaire de la suspension ou de la radiation du tableau devenue définitive. L’article 68 de la loi 15-89 énumère les différentes sanctions disciplinaires. Il prévoit, tout d’abord, l’avertissement et le blâme qui ont une portée relativement limitée. Le texte envisage ensuite la suspension pour une durée de six mois au maximum. Cette mesure plus grave, est prise en cas d’atteinte sérieuse à l’honneur et à la probité de la profession. Enfin, la radiation du tableau peut être prononcée à l’encontre d’un expertcomptable qui a eu un comportement particulièrement répréhensible, souvent sanctionnée pénalement, ou qui se révèle réellement incompétent. Il faut rappeler que selon l’article 80 de la loi 15-89, la suspension et la radiation se traduisent par une interdiction d’exercer la profession, soit pour une durée déterminée dans le premier cas, soit définitivement dans le second cas. Les personnes suspendues ou radiées ne peuvent donc faire état de la qualité d’expert-comptable. Ces décisions sont publiées au Bulletin Officiel et dans un journal d’annonces légales diffusé dans la localité où l’intéressé exerçait sa profession.

Section 2 : La responsabilité civile du commissaire aux comptes : La responsabilité civile des commissaires aux comptes trouve son fondement dans l’article 180 et 181 de la loi 17- 95 relative aux sociétés anonymes tel qu’elle a été modifiée et complétée par la loi 20-05 qui dispose que : « Le ou les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions. Ils ne sont pas civilement responsables des infractions commises par les administrateurs ou les membres du directoire ou du conseil de surveillance sauf si, en ayant eu connaissance lors de l’exécution de leur mission, ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l’assemblée générale ». À l’origine, la doctrine s’est interrogée sur la nature contractuelle ou délictuelle de la responsabilité civile du commissaire aux comptes, moins vis-à-vis des tiers

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(créanciers), pour lesquels il n’est pas douteux que la responsabilité est délictuelle, que vis-à-vis de la société et des associés. A l’égard de la société qu’il contrôle et des associés, le commissaire est-il tenu d’une responsabilité contractuelle ou délictuelle ? Le dahir du 11 août 1922 relatif aux sociétés par action, édictait dans son article 43 que l’étendue et les effets de la responsabilité des commissaires aux comptes envers la société sont déterminés par les règles générales du mandat. La situation du commissaire aux comptes était alors analysée comme celle d’un mandataire. Il ne faisait aucun doute qu’à l’égard de la société et des associés, sa responsabilité ne pouvait être que contractuelle. Dans la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes modifiée et complétée par la loi 20-05, toute référence au mandat ou à la responsabilité du mandataire a disparu. La question de la nature juridique de la responsabilité civile du commissaire aux comptes ne suscite plus le débat. Nommés par les actionnaires, qu’ils ne représentent cependant pas, les commissaires aux comptes ont une mission légale de surveillance. Le commissaire aux comptes est désormais chargé d’une véritable mission d’intérêt général. Ses prérogatives ne sont pas contractualisables. Il les tient de la loi, et ce, même dans les groupements où son office n’est pas obligatoire. En effet, la responsabilité du commissaire aux comptes résulte de l’inexécution des obligations fixées par la loi et non pas de celles qui auraient été stipulées dans un contrat. C’est parce qu’il n’a pas respecté les normes professionnelles, c’est-à-dire effectué les diligences requises du professionnel normalement consciencieux et prudent que le commissaire aux comptes engage sa responsabilité à l’égard de ceux qui ont subi un dommage en relation avec le manquement constaté. On ne saurait tirer argument en sens contraire du fait qu’il est nommé par l’assemblée générale et que le commissaire aux comptes et les dirigeants de la société ou de l’organisme fixent conventionnellement l’échéancier de déroulement du travail et le montant des honoraires. Les conditions dans lesquelles le commissaire aux comptes engage sa responsabilité à l’égard de la personne morale contrôlée, des actionnaires, associés, sociétaires ou membres ou encore à l’égard des tiers sont celles du droit commun de la responsabilité civile. Elles sont, on le verra, particulièrement délicates à établir car, sauf cas particulier établi clairement par la loi, la faute du commissaire aux comptes est celle de l’homme de l’art, du prestataire de services, et les difficultés que l’on rencontre ailleurs sont présentes ici. La responsabilité civile du commissaire aux comptes exige, comme toute responsabilité civile, la réunion de trois éléments, une faute (1), un préjudice (2) et un 29

lien de causalité (3) entre le fait générateur de responsabilité et le dommage. La condamnation suppose en outre que le commissaire aux comptes n’ait pas pu s’exonérer de sa responsabilité (4). L’obligation de contracter une assurance pour couvrir le risque de responsabilité civile professionnelle est un moyen posé par la loi pour pouvoir faire face à la mise en cause de cette responsabilité (5).

Paragraphe 1 – La faute : La faute qu’engage la responsabilité du commissaire aux compte peut lui être personnelle(a) ou au contraire venant d’autrui(b)

a) La faute personnelle : La faute susceptible d’engager la responsabilité du commissaire aux comptes doit être une faute personnelle constitutive d’un manquement aux obligations professionnelles. Les fautes et les négligences peuvent être variées, tantôt il s’agira d’un défaut ou d’une insuffisance de contrôle dû à une négligence ou à une incompétence technique ; tantôt d’appréciations ou d’approbations inexactes ou injustifiés concernant les comptes et les renseignements donnés par les dirigeants aux associés sur la situation de la société. La faute du commissaire aux comptes résulte de l’inexécution de l’obligation que la loi et les normes professionnelles lui imposent. En raison de la diversité des obligations, il convient de dissocier, selon la distinction traditionnelle, les obligations de résultat des obligations de moyens qui pèsent sur le commissaire aux comptes. Il s’agit de savoir si, comme tous les prestataires de services et hommes de l’art, le commissaire aux comptes a une obligation de moyens ou s’il est tenu d’une obligation de résultat. *Le principe : Le commissaire aux comptes n’est tenu que d’une obligation de moyens La doctrine est unanime pour considérer que le commissaire aux comptes n’est tenu en règle générale que d’une simple obligation de moyens 37. Cette solution s’appuie sur plusieurs arguments tenant à l’étendue de la mission du commissaire aux comptes, on en cite, l’article 175 alinéa 1er de la loi 20-05, texte capital sur le rôle du contrôleur légal, qui lui impose de certifier non pas l’exactitude des comptes, mais seulement leur régularité et leur sincérité. Quant à la permanence de la mission du commissaire aux comptes, on sait qu’elle signifie que celui-ci a un

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MEMENTO LEFEBVRE Sociétés commerciales n° 13020

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pouvoir permanent de contrôle, mais qu’il n’est pas chargé du contrôle permanent de la comptabilité. Cette limite irréductible à l’exercice de la mission du commissaire aux comptes laisse nécessairement subsister une part d’aléa quant aux résultats de ses travaux, aléa qui est le critère habituellement utilisé pour distinguer l’obligation de moyens de l’obligation de résultat. La conséquence de cette analyse de la mission du commissaire aux comptes en une obligation de moyens est capitale sur le terrain de la preuve puisqu’il en résulte que c’est au demandeur qu’il appartient de prouver la faute ou la négligence du professionnel. À défaut, la responsabilité civile de ce dernier ne pourrait pas être retenue. En l’absence de cas de jurisprudence au Maroc, nous citons le cas français où les juges de fond se sont ralliés assez vite à cette position doctrinale. La position de la Cour de Cassation a été plus lente à se dégager. Dans ses premiers arrêts, la Chambre commerciale a pu retenir la responsabilité civile d’un commissaire aux comptes sans décider si l’intéresser était lié par une obligation de moyens ou une obligation de résultat38 Mais la Haute juridiction, sans employer l’expression, s’est nettement prononcée en faveur de l’obligation de moyens, en exigeant que la preuve de la faute du commissaire aux comptes soit rapportée par le demandeur. * L’exception : L’obligation de résultat Si, en principe, le commissaire aux comptes n’est tenu que d’une obligation de moyens, à l’occasion de certaines missions, il est exceptionnellement tenu d’une obligation de résultat39. Ainsi en va-t-il pour : –La vérification des règles relatives aux actions dont doivent être propriétaires les administrateurs et les membres du conseil de surveillance (art. 47 et 85 de la loi 2005); – Le fait de devoir présenter un rapport spécial sur les conventions entre la société et ses dirigeants, qui ont été portées à sa connaissance (art. 174 de la loi 20-05), alors que la charge de découvrir les conventions qui ne lui ont pas été signalées n’est pour lui qu’une obligation de moyens. 38

Com. 2 juillet 1973, Rev. Sociétés 1973, 662, E. du PONTAVICE ; D. 1973, 674, Y. GUYON

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Sbaa.Tarik,« La Responsabilité Civile, Pénale et Disciplinaire du Commissaire Aux Comptes et le Comportement à adopter en cas de sa mise en cause » Mémoire, ISCAE, Novembre 2007.

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La solution est classique dès lors qu’il y a un aléa et l’on sait que, quelles que soient les diligences effectuées par le commissaire aux comptes, sa mission laisse toujours place à une incertitude. C’est donc à celui qui intente l’action en responsabilité civile de prouver l’existence de la faute. Il convient alors de préciser comment les juges doivent apprécier la faute.

b) La faute d’autrui : Logiquement, le commissaire aux comptes n’est tenu que des fautes qu’il commet personnellement. Il ne saurait être tenu, de la faute commise par d’autres. La faute d’autrui peut être celle d’un expert ou d’un collaborateur ; Elle est fréquemment celle des dirigeants sociaux. Elle peut être également commise par les salariés de la société. * Fautes d’experts ou de collaborateurs : Aux termes de l’article 167 alinéa 2 de la loi 20-05: « Pour l’accomplissement de leurs contrôles, les commissaires aux comptes peuvent, sous leur responsabilité, se faire assister ou représenter par tels experts ou collaborateurs de leur choix, qu’ils font connaître nommément à la société. » Le commissaire aux comptes est responsable des fautes commises par ses collaborateurs ou par les experts qu’il a souhaité s’adjoindre pour l’exécution de ses diligences. Dès lors, à la faute strictement personnelle, s’ajoute une responsabilité du fait des membres de son équipe et le commissaire aux comptes ne saurait invoquer pour se décharger de sa responsabilité, la délégation qu’il avait donnée à ses collaborateurs ou la confiance totale qu’il avait en eux car la faute de ces derniers est constitutive d’une faute personnelle du commissaire aux comptes. *Fautes commises par les dirigeants de la société contrôlée Selon l’article 180 alinéa 2 de la loi 20-05: Les commissaires aux comptes « ne sont pas civilement responsables des infractions commises par les administrateurs ou les membres du directoire ou du conseil de surveillance sauf si, en ayant eu connaissance lors de l’exécution de leur mission, ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l’assemblée générale. » Le texte pose le principe que les commissaires aux comptes ne sont pas responsables sur le terrain civil des infractions commises par les dirigeants et mandataires sociaux. L’expression « civilement responsable » concerne la responsabilité du fait d’autrui et le 2ème alinéa de l’article 180 de la loi 20-05 paraît signifier que le commissaire aux comptes ne répond pas des fautes des dirigeants 32

sociaux et que sa responsabilité ne peut être engagée qu’en cas de faute personnelle commise dans l’exercice de sa mission. En France, selon une jurisprudence constante, il ne suffirait pas au commissaire aux comptes d’établir qu’il n’a pas eu connaissance de l’infraction pour échapper au principe de sa responsabilité. Cette thèse, contrairement au souhait du législateur, restreindrait de façon trop importante la responsabilité du commissaire dans les cas où l’exercice normal de ses diligences lui aurait permis de découvrir l’infraction. * Fautes commises par les salariés de la société contrôlée L’interprétation a contrario de l’article 180 alinéa 2 de la loi 20-05, conduit à décider que les commissaires aux comptes ne sont pas civilement responsables des fautes ou malversations des salariés de la société, même si, en ayant eu connaissance, ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l’assemblée générale. Mais, en application du 1er alinéa de ce texte, les commissaires sont responsables, tant à l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions. Il en résulte que si les irrégularités des salariés ont été rendues possibles ou si les conséquences en ont été aggravées par la négligence prouvée du commissaire aux comptes dans l’exercice de sa mission de contrôle, il est alors responsable de sa propre faute. En France, une jurisprudence abondante s’est développée sur cette question. Il arrive en effet que le comptable, le chef comptable, voire le secrétaire général profitent de leur situation dans l’entreprise pour opérer des détournements. Lorsque les faits sont découverts, quelquefois au bout de plusieurs années, certains dirigeants de société ont tendance à se retourner contre le commissaire aux comptes et à lui reprocher de ne pas avoir exercé correctement sa mission et de rapporter la preuve de l’existence de sa faute.

Paragraphe 2 – Le préjudice : Ici les règles du droit commun retrouvent leur empire. Il faut qu’un préjudice sérieux et appréciable soit démontré pour que le juge puisse établir la condamnation du commissaire aux comptes. Nous allons le voir, cette exigence d’un dommage n’est pas présente dans le cadre des responsabilités pénale et disciplinaire. En application du droit commun de la responsabilité civile, le demandeur doit apporter la preuve du dommage que lui a causé la faute du commissaire aux comptes. Le dommage doit être certain, direct, et porter atteinte à un droit acquis. Il faut donc que le dommage ait la nature et les caractères du dommage réparable selon le droit commun, notamment, le dommage devra être direct, certain, porter 33

atteinte à un droit, et être personnel à la personne morale contrôlée ou à tout tiers victime. En pratique, il ne peut s’agir que d’un dommage matériel, c'est-à-dire la perte financière subie à raison de la faute. Le plus souvent, le dommage est un dommage matériel. Exceptionnellement, il se pourrait que le commissaire aux comptes soit cependant à l’origine d’un dommage moral. Tel serait le cas de la révélation à l’assemblée de prétendues irrégularités portant atteinte à l’honneur ou à la réputation des dirigeants de la société contrôlée. L’évaluation du dommage n’entraîne pas de difficultés particulières lorsque le préjudice résulte par exemple des détournements commis par les salariés de la société que le commissaire aux comptes a pour mission de contrôler. Les dommages-intérêts alloués en réparation du dommage sont en principe égaux au montant même de la somme détournée et ils peuvent aussi réparer le préjudice financier dont la preuve serait établie. Mais, généralement, l’évaluation du dommage est plus délicate. En effet, la faute ou la négligence du commissaire aux comptes prive le plus souvent les destinataires de l’information comptable, financière ou juridique attendue; Et c’est ce déficit d’information ou cette fausse information qui engendre un dommage matériel pour la société, les actionnaires ou les tiers. C’est ainsi que le défaut de révélation de l’infraction commise par un chef comptable n’a pas permis de mettre fin à une situation préjudiciable pour la société, qui obtient réparation de l’important dommage qu’elle subit ; ou encore, des tiers trompés par une certification erronée des comptes sociaux ont participé à l’augmentation de son capital avant de découvrir une situation endettée qui conduit à la perte de leur apport. Dans le cadre de l’évaluation du préjudice, il est classique que les juges prennent également en considération la faute de la victime qui a contribué à la réalisation du dommage. On est alors en présence non pas d’une faute commune, mais de deux fautes différentes, qui ont contribué séparément à provoquer le dommage. La prise en compte de la faute de la victime entraîne évidemment une diminution de l’indemnité qui lui est allouée. Dans certaines situations, la faute de la victime est tellement grave que les juges considèrent qu’elle absorbe la faute du commissaire aux comptes : il en résulte une rupture du lien de causalité et les conditions de la responsabilité du contrôleur légal des comptes ne sont donc pas réunies. De plus en plus nombreux sont aujourd’hui les arrêts en France qui retiennent au titre du préjudice, la perte de chance subie par la victime. C’est l’exemple classique du 34

cheval qu’un retard dans le transport empêche de courir. La faute du tiers, le transporteur, a privé le propriétaire de la chance de gagner le Prix d’Amérique ! En matière de commissariat aux comptes, la société prétendra que si le commissaire aux comptes avait déclenché la procédure d’alerte, il ne lui aurait pas fait perdre la chance de se redresser. Il sera également soutenu qu’en certifiant de façon fautive les comptes sociaux, le commissaire aux comptes « a privé la société d’une chance de mettre fin dans les meilleurs délais aux exactions de son dirigeant et d’éviter ainsi le renouvellement des détournements » 40. La perte de chance implique toujours l’existence d’un aléa. Si l’entreprise en difficulté était dans une telle situation qu’elle n’aurait pas pu être redressée, même si l’alerte avait été déclenchée plus rapidement, la perte de chance ne saurait être retenue. Si la preuve de l’existence de l’aléa est rapportée, c’est donc seulement cette perte qui sera compensée par l’allocation de dommages et intérêts et non pas la totalité de ce que la chance, si elle s’était réalisée, aurait pu permettre à la victime d’éviter de perdre. Par rapport au résultat qui pouvait être escompté, la réparation, de caractère forfaitaire, ne peut être que partielle et les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation.

Paragraphe 3 – Le lien de causalité : La responsabilité du commissaire aux comptes ne peut être retenue que si le demandeur prouve un rapport de causalité entre la faute et le dommage. Cette preuve est difficile à rapporter, car, le plus souvent, c’est une faute d’abstention qui est à l’origine du dommage. En outre, le commissaire aux comptes n’étant tenu que d’une obligation de surveillance ou de contrôle et ayant l’interdiction d’intervenir dans la gestion de la société contrôlée, il ne sera généralement pas le seul auteur du préjudice. Les juges du fond apprécient souverainement l’existence de ce lien de causalité. Le lien de causalité est jugé établi lorsque l’exécution des diligences normales auraient empêché la réalisation du dommage. Il est établi quand les inexactitudes ou les irrégularités n’auraient pas dû échapper au contrôle effectif et suffisant du commissaire aux comptes dans le cadre de son obligation générale de moyens. Le rapport de causalité tient à ce que, en l’absence d’une faute du commissaire aux comptes, le dommage ne serait pas produit. En revanche, le lien de causalité n’a pas été considéré comme établi lorsque la mauvaise exécution de la diligence est sans effet déterminant ou adéquat sur la réalisation du préjudice. Il en est ainsi du cas où une

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Paris 7 février 1997, Bull. CNCC n° 106-1997, p. 257, Ph. MERLE

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entreprise dépose son bilan, lorsque de toute façon, l’échec de la société était inéluctable. De même, les acquéreurs des titres qui connaissaient les difficultés de l’entreprise et la mauvaise tenue de la comptabilité ne sauraient imputer au commissaire aux comptes leur dommage, même si celui-ci aurait dû mentionner les défauts d’évaluation ou les anomalies dans son rapport. Jugé aussi que lorsqu’aucune présomption précise ou soupçon de détournement n’a effleuré les dirigeants, et que seul un contrôle approfondi des pièces justificatives aurait permis de déceler les détournements de l’employé, le commissaire aux comptes ne peut être tenu responsable.

Paragraphe 4 – Les causes d’exonération de la responsabilité civile Le commissaire aux comptes n’étant tenu en principe que d’une obligation de moyens, dès lors qu’il a apporté dans l’exercice de ses fonctions l’activité et la diligence requises, sa responsabilité est exclue même si l’existence d’un préjudice est alléguée par la société, un actionnaire ou un tiers. Dans l’hypothèse où des faits fautifs ont été relevés à l’encontre du commissaire aux comptes, celui-ci peut toujours essayer de prouver que d’autres faits sont de nature à atténuer voire à supprimer les conséquences normales de cette faute, par exemple la force majeure et la faute de la victime. Toutefois, ne peuvent constituer, en principe, des causes exonératoires de responsabilité du commissaire aux comptes : les obstacles rencontrés au cours de sa mission, le manque de temps, la bonne foi, l’erreur de droit. Le commissaire aux comptes ne pourrait cependant pas se prévaloir d’une clause limitante ou supprimant sa responsabilité.

Paragraphe 5 – L’assurance responsabilité civile Dans l’exercice dans son activité, le commissaire aux comptes peut engager sa responsabilité. Les conséquences financières de celle-ci peuvent être couvertes dans le cadre d’une assurance responsabilité civile professionnelle. Le but de cette assurance est de garantir les dommages que le professionnel pourrait causer à des tiers du faits d’erreurs, de fautes ou de négligences dans l’exercice de ses fonctions. Il peut s’agir des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile du fait des dommages matériels et moraux causés à la société contrôlée par le commissaire aux comptes. Ainsi, pour être membre de l’Ordre, tout expert-comptable doit être couvert par une assurance garantissant la responsabilité civile que peut encourir lors de l’exécution de ses missions, et ce conformément à l’article 14 de la loi 15-89. Est passible d’une peine de (5.000) à (10.000) dirhams toute infraction audit article. 36

Malgré le champ souvent très étendu des garanties accordées et adaptables en fonction des besoins de la profession, l’assurance responsabilité civile professionnelle ne couvre pas les actes prohibés par la profession et les dommages provenant de l’éventuelle absence de qualification du commissaire aux comptes. Cette assurance ne couvre pas non plus les conséquences pécuniaires du non-respect d’une obligation de résultat.

Section 3 : La responsabilité pénale du commissaire aux comptes : A la différence de la responsabilité civile, la responsabilité pénale concerne uniquement les commissaires aux comptes personnes physiques. Par conséquent, lorsqu’une infraction est commise au sein d’une société de CAC, les poursuites pénales sont engagées contre l’associé qui a personnellement accompli l’acte frauduleux.

-

Le tableau suivant synthétise les délits et les sanctions pénales prévues par la loi 20-05 et la loi 15-89 à l’encontre des commissaires aux comptes qui ne respectent pas certaines dispositions : Délits

Eléments constitutifs du délit

Sanctions prévues par les textes L’article 405 de la loi 20-05 sur la SA renvoie à l’article 446 du code pénal :

Violation du secret professionnel

Divulgation du secret verbalement ou par document, mauvaise foi, en ce sens que la révélation doit avoir été connaissance de cause.

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« Toutes autres personnes dépositaires par état ou profession permanente ou temporaire des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, ont révélé ces secrets, sont punis d’emprisonnement d’un à six mois et une amende de 1200 à 20 000dh »

-Tout CAC qui accepte une mission, sans respecter les incompatibilités légales Incompatibilités dans l’exercice du commissariat aux comptes

Communication d’informations mensongères sur la situation de la société

Non révélation des faits délictueux

-Toute personne, interdite d’exercer de façon temporaire, définitive ou qui sans être inscrite au tableau de l’ordre, effectue la mission du CAC

-Emprisonnement d’1 à 6mois et/ou une amende de 8.000 à40.000DH (art404 de la loi 20-05) Emprisonnement de 3 mois à 5 ans et/ou amende de1000 à40.000dh (art 101et102de la loi 15-89)

Tout CAC qui soit, en son nom personnel, ou au titre d’associé d’une société de CAC, aura sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société

Emprisonnement de 6 mois à 2 ans et/ou une amende de 10.000à100.000dh (art 405 de la loi 20-05)

Non-respect de l’obligation de porter à la connaissance du conseil d’administration ou du directoire, et du conseil de surveillance, tous les faits qui apparaissent délictueux au CAC dans l’exercice de sa mission (Art 169 de la loi 1795)

Emprisonnement de 6 mois à 2 ans et/ou une amende de 10.000 à 100.000dh (art 405 de la loi 20-05)

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Conclusion Aux « yeux » de la justice, le commissaire aux comptes n’est pas un citoyen « ordinaire » et ne peut pas se permettre d’invoquer une quelconque ignorance de la législation et de ses obligations. Organe de contrôle de la société, il est investi d’une mission légale par ordre de la loi. A ce titre, il est « gardien du droit ». On peut conclure donc de tous ce qui’ a précédé que « ce gardien de droit » a une mission d’intérêt public, dont la réussite suppose une parfaite maitrise des réglementations et des lois comptables et fiscale en vigueur. Ainsi qu’une connaissance globale des techniques de l’audit découlant de la coutume internationale, à adapter aux réalités de l’environnement de l’exercice. En dépit de la promulgation de la Loi n° 91-08 du 27 avril 1991 qui a réalisé d’incontestables progrès en matière de contrôle des comptes des sociétés et autres organismes, donnant par là des garanties non négligeables aux actionnaires, associés, sociétaires et créanciers sociaux, des réformes demeurent souhaitables. Il faudrait, par exemple, améliorer les relations entre les commissaires aux comptes et les dirigeants, car la liaison se fait souvent mal, tant et si bien que les suggestions du commissaire aux comptes n’ont pas toujours des suites suffisantes. Les comités d’audit pourraient permettre d’atteindre ce résultat. Par ailleurs, les commissaires aux comptes devraient être incités à se regrouper en sociétés civiles professionnelles, car le contrôle des sociétés essentiel de nos jours s’avère souvent une tâche trop lourde pour un ou deux commissaires aux comptes, même assistés de collaborateurs. Enfin, une réflexion devrait être entreprise pour mieux déterminer la place qu’occupe le commissaire aux comptes au sein de la société. En effet, celui-ci est en relation avec les dirigeants, les actionnaires ou associés, le comité d’entreprise, le parquet et le cas échéant, lors d’opérations boursières, avec la Commission d’organisation et de surveillance des opérations boursières (COSOB). De nombreuses personnes, parmi elles le commissaire aux comptes lui-même, ne perçoivent pas toujours la difficulté d’appréciation du contenu exact de la lourde et importante mission du commissariat aux comptes.

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BIBLIOGRAPHIE I. OUVRAGE:

1. Ouvrages généraux : -Malika Taleb, Michel Pabeun, « Le droit Marocain des sociétés commerciales ; G2Id - gestion ingénierie informatique et développement », 1997, Maroc -501 pages. - Bernard Colasse, « Encyclopédie de comptabilité, contrôle de gestion et audit, Nature d’une mission de commissariat aux comptes », Economica, 2000 - 1317 pages. -Jacques Mestre, Lamy « sociétés commerciales », édition 2004 (26 avril 2004). -Alain Sayag « Le commissariat aux comptes », Volume 1 et 2, L'Harmattan, 2007 – 210 pages.

-YVES Guyon, « Droit des affaires Tome 1 », Delta, 12éme édition ; 1994, Paris1012 pages. -Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, « Droit des sociétés », 19eme édition.

2.Ouvrages spéciaux : -ALAINE, M., « les audits financiers : comprendre les mécanismes du contrôle légal, édition d’organisation »; 1999, Paris -198 pages -Moustapha OUHANOU, « Le commissariat aux comptes », édition 2010. -R. Salomon, « L’originalité de la responsabilité disciplinaire de commissaires aux comptes », droit des sociétés, avril 2002..

Articles de revues scientifiques: -ADAMOU Madjé Robil , « Le commissariat aux comptes dans la société anonyme », thèse à l’université saint thomas d'Aquin de Burkina Faso, 2010. 40

II.

TEXTES DE LOIS :

-La loi 20-05 modifiant et complétant la loi n°17-95 relatives aux sociétés anonymes. -Dahir n° 1-92-139 du 14 rejeb 1413 (8 janvier 1993) portant promulgation de la loi n° 15-89 réglementant la profession d'expert comptable et instituant un ordre des experts comptables -Loi n° 15-95 formant code de commerce.

III.

Jurisprudence :

-Cour de cassation Française, chambre commerciale ; com. du 13 janvier 1969. -Tribunal de grande instance, Paris, ,16 février 1993, préc, sur d’autres éléments de faits : CA Paris, 22 novembre 1994 : Ball, Joly, 1995, p. 323, s 102, note J-F, Barbieri. -Cour de Cass.com du 28 janvier 1992, Bull, Joly, 1992, p. 412, p. 727. -Arrêt de 16/05/2011, tribunal de commerce de Casablanca, décision N°76/2011, Numéro de dossier:117/25/2010. -Cour de cassation Com, 22 octobre 1991, Bull. p.46. -Cour d’appel Paris, 24 juin 1992, Bull Joly, 1992, p. 1195. -Cour de cassation Com. du 6 février 1990 : Revue société 1990, p. 433. -Tribunal de première instance, Fès, 17/4/1985,244/85,378 en arabe ; non publié, consulté sur le site du cabinet Bassamat le 12-12-2018

IV.

DIVERS

1. Dictionnaire :

-Cf. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12éme édition.

41

Sommaire : Introduction………………………………………………………….............................3 Première Partie: Le statut du commissaire aux comptes………………………………6 Chapitre I : La nomination des commissaires aux comptes …………………………6 Section 1 : Le mode de désignation ……………………………………………………6 Section 2 : Les qualités requises chez le commissaire aux comptes …………………8 Section 3 : La nomination entre choix et obligations ………………………………8 Section 4 : Les obstacles à la nomination …………………………………………..10 Paragraphe 1 : Les incompatibilités d’exercice de la profession ………………….....10 Paragraphe 2 : Les incompatibilités de fonction ……………………………………11 A) Incompatibilités spéciales………………………………………………………..12 B) Incompatibilités temporaires ………………………………………………......12 Chapitre II : La cessation des fonctions du commissaire aux comptes……………….12 Section 1 : La cessation normale de la fonction du commissaire aux comptes…….....12 Paragraphe 1 : L’expiration du mandat ………………………………………………12 A-Dans les sociétés par action : (société anonymes et en commandite par actions)…12 B-Dans les Sociétés à responsabilité limitée et les G.I.E……………………………..13 Paragraphe 2 : Décès et démission du CAC………………………………………..13 Section 2 : La cessation des fonctions provoquée par la mise en cause de la personne du commissaire aux comptes ……………………………………………………...14 Paragraphe 1 : La récusation du commissaire aux comptes …………………………15 Paragraphe 2 : La révocation……………………………………………………….15

Deuxième Partie : les missions et responsabilités du CAC…………………………17 Chapitre I : les missions des commissaires aux comptes…………………………….17 Section 1 : les missions générales des commissaires aux comptes………………...…17 Paragraphe 1 : mission de contrôle ………………………………………………….17 Paragraphe 2 : Mission d'information…………………………………………….......19 42

Section 2 : les missions spéciales des commissaires aux comptes……………………20 Paragraphe 1 : La mission du commissaire aux comptes en cas des modifications statutaires ……………………………………………………………………………20 A : Le contrôle des variations du capital ……………………………….20 B : Le contrôle des opérations de structurelles ………………………………….22 Paragraphe 2 : La mission du commissaire aux comptes en cas de dysfonctionnement …………………………………………………………………23 A: la mission en cas des conventions réglementées…………………………………23 B : la mission liée à la prévention des difficultés…………………………………….23 Chapitre II : La responsabilité du commissaire aux comptes………………………...24 Section 1 : La responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes ……....…25 Paragraphe 1 – Les conditions d’existence de la responsabilité disciplinaire…...….25 a – Le fondement juridique de la responsabilité disciplinaire …………………..……25 b – La faute disciplinaire ……………………………………………………..………26 c – L’auteur de l’infraction ………………...…………………………………………27 Paragraphe 2 – Les sanctions disciplinaires ……………………….………………. .27 Section2 : La responsabilité civile du commissaire aux comptes ……………28 Paragraphe 1 – La faute ………………………………………………….…………...29 a – La faute personnelle ……………………………………………..……………….29 b – La faute d’autrui……………………….…………………………………………31 Paragraphe 2 – Le préjudice……………..…………………………………..………..33 Paragraphe 3: Le lien de causalité…………………………………………….…..…34 Paragraphe 4 : Les causes d’exonération de la responsabilité civile ……………….35 Paragraphe 5 : L’assurance responsabilité civile ……………………………………35 Section3 : La responsabilité pénal du commissaire aux comptes……………………36 Conclusion……………………………………………………………………….........39 Bibliographie………………………………………………………………………….40 Sommaire……………………………………………………………………………...42

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