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MASTER CONTENTIEUX DES AFFAIRES La fraude et l'évasion fiscale
Professeur AZEDDINE HANNOUN Réalisé par : Chiheb Hamza Bouderar Farah Qassioui Soundouss Abir Razouk Année Universitaire: 2022/2023
A l’instar de nombreux pays en voie de développement, la fraude fiscale et l'évasion fiscale au Maroc sont des phénomènes très présents. La fraude se caractérise par la complexité de ses causes. La panoplie des facteurs engendrant ce fléau est très étendue. La fraude fiscale apparaissant comme une limite au pouvoir d’imposer et contrariant la collecte des ressources étatiques, constitue un sujet d’inquiétude pour les gouvernements à divers niveaux : - Sur un niveau financier, la fraude génère une perte de ressources pour le budget général de l’état, et grève les capacités des gouvernements à faire face à leurs dépenses ; - Sur un niveau de justice et d’équité, la fraude fiscale contrarie la répartition équitable du fardeau du financement public entre les contribuables en accroissant la charge de ceux qui demeurent honnêtes ; - Sur un niveau politique, la fraude fiscale contrarie en quelque sorte la légitimité du pouvoir par le refus de l’impôt. Quant à L’évasion fiscale, celle-ci correspond aux moyens légaux mis en œuvre par un contribuable, professionnel ou particulier, visant à éviter ou réduire l’impôt dont il est redevable. Cela consiste à transférer son patrimoine ou ses revenus dans un autre pays, plus attractif fiscalement, que celui au sein duquel ce patrimoine et ces bénéfices doivent être, en principe, soumis. Ainsi, grâce à l’évasion fiscale les actifs du contribuable sont soumis à un autre Etat d’imposition. Cependant, il ne faut pas confondre évasion fiscale et fraude fiscale. En effet, via l’évasion fiscale le contribuable utilise des moyens légaux pour réduire ou éviter une imposition. A l’inverse, la fraude fiscale consiste à utiliser des moyens illégaux. Afin de mieux comprendre les phénomènes de la fraude et l'évasion fiscale , nous nous intéresserons dans un premier lieu aux éléments de définition de la fraude fiscale et l'évasion ainsi leur caractéristiques (Section 1), pour ensuite entamer le volet de la répression et de contrôle (Section 2)
I - La fraude et l'évasion fiscale: terminologie, causes, procédés et conséquences:
A- La fraude et l'évasion fiscale : Notions et éléments constitutifs: a - Notion: 1- la fraude fiscale
Etymologiquement, le terme fraude vient du mot latin «fraus» qui signifie «action faite de mauvaise foi au préjudice de quelqu'un. » La notion de fraude fiscale désigne du point de vue juridique « un acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral, indu ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'exécution des lois. »1 Certain auteurs définissent la notion de fraude fiscale comme étant « un délit complexe qui, par certains côtés, rappelle le schéma de l'escroquerie, le recours à divers procédés afin de se soustraire à l'établissement ou au paiement des impôts évoquant une remise de la chose en négatif» 2 Il s'agit donc du fait de dissimuler de manière illégale tout ou partie de la matière imposable, de sorte à ce que le montant dû aux impôts en soit réduit. Concrètement, cela consiste à déclarer un revenu ou un bénéfice inférieur à celui réellement réalisé ou perçu. L'OCDE ( l’organisation de coopération et de développement économique), mentionne qu’il est estimé comme fraude fiscale « toute action du contribuable qui implique une violation de la loi, lorsqu'on peut prouver que l'intéressé a agi dans le dessein délibéré d'échapper à l'impôt » 3
Le droit marocain ne définit pas expressément la notion de fraude fiscale. Cependant, le code général des impôts y fait référence dans son article 187 destiné à la sanction pour fraude ou complicité de fraude. Celui-ci dispose qu' « Une amende égale à 100% du montant de l'impôt éludé est applicable à toute personne ayant participé aux manœuvres destinées à éluder le paiement de l'impôt, assisté ou conseillé le contribuable dans l'exécution desdites manoeuvres, indépendamment de l'action disciplinaire si elle exerce une fonction publique. » 2- L’évasion fiscale
Concernant l'évasion fiscale, celle-ci se définit comme étant « tout acte établi par le contribuable qui tend à réduire ou à supprimer volontairement la charge fiscale en utilisant son habilité pour abuser des droits et possibilités offertes par la loi». Le contribuable n’utilise pas des manœuvres frauduleuses pour échapper à l’impôt mais il use de l’abus de droit. Reste que l’Etat n’apprécie pas l’excès d’habiliter dans la manipulation des dispositions légales 4. Les formes de l'évasion fiscale sont multiples:
1
http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/fraude.php Delmas Marty, Droit pénal des affaires, édition PUF, 1990, p.432 3 https://www.oecd.org/fr/ 4 Mémoire en vue de l’obtention du MASTER SPÉCIALISÉ EN DROIT DE L’ENTREPRISE : http://mca.ma/medias/Le%20contentieux%20fiscal.PDF.pdf 2
➢ Evasion fiscale interne En se référant aux différentes définitions, on constate que l’évasion fiscale interne est celui qui se déroule à l’intérieur des frontières du territoire national et prend deux formes : ●
Exploiter les lacunes du système fiscal: il considéré parmi les méthodes qui ne sont pas punissables par la loi, car le contribuable évite de payer l’impôt sans commettre une erreur punissable, c’est aussi le législateur qui met ces lacunes en cohérence avec la politique fiscale, c’est ce que les spécialistes de la finance ont appelé l’évasion fiscale légitime.
●
Le refus de paiement des impôts directs: lorsque le contribuable refuse de payer l’impôt en ne soumettant pas de déclarations à l’administration fiscale, ou s'exerce à une activité sans registre du commerce pour éviter de payer l’impôt.
➢ Evasion fiscale internationale L’évasion fiscale internationale est un phénomène très ancien dont l’émergence a coïncidé avec le développement du commerce et la création des paradis fiscaux. La concurrence entre les entreprises pousse les gens à optimiser à tout prix, de manière agressive et abusive, leur traitement fiscal, basculant de l’optimisation légale à l’évasion illégale. L’évasion fiscale internationale va se développer avec la jurisprudence des tribunaux britanniques, fixant les critères de détermination du lieu d’imposition des entreprises, à l’occasion des affaires Calcutta Jute Mills et Cesena Sulphur Mines, jurisprudences confirmées par la décision De Beers (1906). Il résulte de ces décisions que les entreprises sont imposées au lieu du contrôle effectif de leurs actifs, bien que les activités de productions soient localisées à l’étranger1. L’évasion fiscale internationale moderne a pris forme à la fin du XIXème siècle, à travers l’instauration de la libre concurrence fiscale interétatique aux Etats-Unis. De nombreux auteurs se sont penchés sur les contours de la notion d’évasion fiscale, sans pour autant qu’une définition claire puisse être dégagée, de l’aveu même des auteurs pour qui « le concept demeure difficile à définir5 ».
L’évasion fiscale : définition, types et comportements, https://wikimemoires.net/2022/03/levasionfiscale-definition-types-et-comportements/ 5
L’évasion fiscale est techniquement définie comme l’ensemble des comportements du contribuable qui visent à réduire le montant des prélèvements dont il doit normalement s'acquitter. Fondée sur le transfert du patrimoine vers un autre pays au régime fiscal plus avantageux. En ce qui est des types d’évasion, deux types peuvent être distingués : ➢ L’évasion partielle C’est l’évasion partielle du fardeau fiscal par le contribuable. Cette évasion est réalisée par de multiples moyens et formes, y compris la dissimulation partielle d’activité, afin que la partie restante n’exprime pas la réalité de son activité réelle, ce qui conduit à l’imposition de l’impôt moins qu’elle aurait dû être estimée, et une évasion partielle se produit dans la fourchette frontière internes et externes de l’Etat. ➢ L’évasion totale L’évasion fiscale totale, ou la dissimulation totale d’activité, cela signifie que le contribuable peut se débarrasser complètement de l’impôt dû qu’il doit, en utilisant divers moyens de fraude. Il existe plusieurs moyens que le contribuable utilise pour se débarrasser complètement du fardeau fiscal, notamment en cachant à l’administration fiscale, tous les revenus gagnés dans une période donnée6.
b - Les éléments constitutifs : La fraude fiscale et l’évasion fiscale sont des phénomènes de grande ampleur sur l’économie nationale. Elles comportent un élément matériel et un élément intentionnel et de ce fait diffèrent de l’erreur qui est un simple oubli de bonne foi.
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l’élément légal:
La fraude fiscale est un acte de mauvaise foi qui s’exerce à l’encontre d’un objet en l’occurrence la loi, et n’existe que s‘il ya une règle obligatoire à laquelle on tente de se soustraire. La loi constitue donc l’élément légal. L’élément légal est une nécessité évidente. Le principe de la légalité des incriminations offre au contribuable une garantie contre les abus toujours possibles de l’Etat, puisque la répression n’est possible que sur la base d’un texte législatif d’incrimination. En droit marocain, bien que le législateur marocain n’invoque pas expressément la fraude fiscale, nous pouvons dire que les articles 186 et 187 du Code Général des Impôts marocain constituent l’élément légal. L’évasion quand a elle n’est pas prohibée par la loi et donc cette dernière ne dispose pas d’un élément légal.
L’évasion fiscale : définition, types et comportements, https://wikimemoires.net/2022/03/levasionfiscale-definition-types-et-comportements/ 6
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l’élément matériel:
Dans le cas d'espèce de fraude l'élément matériel est constatée dès lors qu'un fait imputable au contribuable permet d'établir l'existence d'une manœuvre frauduleuse ou non permettant de tromper l'administration fiscale, le délit de fraude est constaté.
Ce dernier peut résulter de l'omission volontaire des déclarations chaque fois que celles-ci doivent être souscrites par le contribuable. En effet, le système fiscal marocain étant déclaratif, le contribuable se trouve tenter d'éluder l'impôt en s'abstenant de les déclarer ou en déclarant seulement une partie. L'omission volontaire des déclarations constitue de ce fait le moyen de fraude le plus souvent relevé, dans la mesure où il est le plus évident, et simple à mettre en œuvre. La fraude fiscale peut également résulter dans la dissimulation des sommes sujettes à l' impôt. Une telle manœuvre suppose de la part du fraudeur un mensonge ou une réticence dolosive sans pour autant passer à l'acte et établir une manœuvre frauduleuse. L’élément matériel de la fraude fiscale réside également dans l'exploitation des particularités techniques de la loi fiscale pour aboutir à la soustraction, à l'établissement et au paiement de l'impôt. L’élément matériel de l’évasion fiscale est représenté dans les actes suivants :
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Délivrance ou production de factures fictives ;
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Production d’écritures comptables fausses ou fictives ;
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Vente sans factures de manière répétitive ;
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Soustraction ou destruction de pièces comptables légalement exigibles ;
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Dissimulation de tout ou partie de l’actif de la société ou augmentation frauduleuse de son passif en vue d’organiser son insolvabilité.
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L'élément intentionnel:
La fraude fiscale requiert que le contribuable ait volontairement omis de faire sa déclaration, ou ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt. L'auteur de l'infraction doit donc avoir l'intention de frauder et être animé par une volonté de fraude.
Une fois que l 'intention est caractérisée, l'infraction ne peut être écartée. L'existence du délit repose donc dans la preuve apportée que le contribuable a effectivement eu connaissance qu'il accomplissait un acte illicite et prohibé par la loi. La bonne ou mauvaise foi du contribuable est cependant prise en considération dans la mesure où la bonne foi de ce dernier qui ignorait l'interdiction peut être alors opposée.
L'intention peut résulter de l'établissement de fausses factures, du défaut de tenue de comptabilité, de l’importance des sommes omises... Le caractère répétitif de ces actes empêche de les considérer comme de simples inattentions et négligences. L’évasion fiscale, elle aussi, exige la présence d’un élément moral représenté dans l’intention d’induire en erreur pour atteindre un objectif illégal. Cet objectif est représenté dans le sens de l’intention du fraudeur de se débarrasser complètement ou partiellement de la taxe qui lui est imposée légalement.
c - la distinction entre la fraude fiscale et l’évasion fiscale : La fraude fiscale et l'évasion fiscale sont deux notions qui prêtent souvent à confusion. Le grand public ne fait pas la différence entre ces deux pratiques : la fraude fiscale implique une tromperie, une escroquerie, une falsification, une malversation, elle consiste donc en un détournement du système pour ne pas acquitter l'impôt c'est une infraction et elle est illégale; L’évasion représente elle, une délivrance, une échappatoire, une sortie pour trouver protection ou profit, elle consiste donc dans un évitement institutionnalisé de l'impôt, celle-ci contrairement à la première est licite.7 L'expression fraude légale, qui reste empreinte d'un certain paradoxe, à une double signification. Elle désigne, d’une part, la sous-estimation de la matière imposable que permettent certains régimes fiscaux de faveur, d'autre part, les procédés juridiques qui permettent d'échapper à l'impôt sans contrevenir à la loi. En outre, la fraude légale se situe alors aux frontières de la légalité, fondée sur l'habileté. L'expression est alors synonyme d'évasion fiscale. La fraude illégale, désigne au contraire la violation ouverte de la loi fiscale. Le terme est employé en symétrique par rapport à l'expression : fraude légale
On peut échapper à l'impôt en violant des lois; c'est la fraude. On peut aussi y échapper en s'appuyant sur les lois ; il s'agit dans ce cas de l'évasion légale.
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Les points de convergences et points de divergence :
En effet, la fraude fiscale et l’évasion fiscale se rencontrent quant à certaines de leurs caractéristiques. Tout d’abord, toutes les deux reposent sur une motivation financière et donc consistent à procurer un gain au contribuable puisqu’il s’agit d’une économie par rapport à la dette fiscale initiale. Outre, la fraude comme l’évasion fiscale découlent toutes les deux de l’existence de l’intention préméditée d’éluder l’impôt. Sauf que la première consiste en un acte isolé intervenant à posteriori, alors que la seconde suppose une action organisée à priori consistant en une fuite.
7
Eric Vernier, « Fraude fiscale et Paradis fiscaux décrypter les pratiques pour mieux les combattre ») DUNOD, P.15
Les divergences entre la fraude fiscale et l’évasion fiscale seront analysées essentiellement par le plan juridique. Sur ce, la légalité de l’acte constitue un critère de séparation. La fraude est illégale du fait qu’elle constitue une transgression des dispositions fiscales, alors que l’évasion fiscale n’enfreint pas la loi aux regards de la législation, elle est donc légale autant qu'habillé. Ce qui implique qu’au niveau de la sanction, ce n’est que la fraude fiscale qui est susceptible de sanctions soit fiscale, ou pénale. Alors que l’évasion fiscale ne fait pas l’objet de répression. Ainsi pour conclure l’évasion serait une variante de la fraude, puisque chercher à éluder l’impôt par quelque moyen que ce soit revient à frauder.8
B - causes, conséquences et procédés de la fraude et l'évasion fiscale: a - Les causes: Les causes de la fraude fiscale et de l’évasion fiscale sont diverses et multiples, leur connaissance facilite aux autorités publiques d’en connaître les symptômes et de mettre en place les stratégies nécessaires. On pourra mentionner « l’inadaptation du système fiscal, le refus des contraintes, l’idéologie, les mentalités, le goût du risque, la pression fiscale, ou encore l’appât du gain » 9. Certaines causes sont facilement déterminées, d’autres ne sont pas cernées d’une façon évidente, en tout cas, la pluralité des causes est exposée par des données législatives, techniques, conjoncturelles ou économiques, avec des changements dépendants aux environnements différents. Les causes de ces deux phénomènes peuvent être classifiées en deux catégories : celles imputables aux contribuables et celles non imputables au contribuable.
1- Les causes imputables au contribuable -
Les causes d’ordre psychologique :
Elles résident principalement au niveau de la mentalité du contribuable influencée sous l’effet de divers facteurs: -
Le contribuable ressent à l’égard de l’obligation du paiement de l'impôt une certaine répugnance.
-
Au regard des contribuables, la commission de fautes réprimées par la loi et la morale est réputée être plus grave que de soustraire au fisc la matière imposable.
-
La conscience collective entraîne une certaine tolérance vis-à-vis de la soustraction frauduleuse d’un bien appartenant à autrui. En s’appuyant sur des sondages, le délit en matière fiscale est
8
THESE PROFESSIONNELLE : LA FRAUDE FISCALE AU MAROC, Travail réalisé par : Melle Aïcha BELMANÇOUR Encadré par : Mr Mohamed AFREKOUS, page 20 9
BOUVIER : introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt L.G.D.J.2004 P.154
considéré comme un coup réussi par un commerçant débrouillard et non pas une violation de la loi 10.
2- Les causes non imputables au contribuable : L’impôt crée chez les contribuables un réflexe habituel provenant du sentiment de la sur imposition, de ce fait, la fraude est conçue comme un moyen efficace de défense contre la pression fiscale résultant de l’amplification des dépenses publiques. 11 Les causes non imputables au contribuable s’attachent à son environnement politique, économique et juridique.
- Les causes économiques :
Le contribuable peut renoncer au paiement de l'impôt à cause de: -
La situation économique défaillante ou faible du contribuable.
-
L’aggravation de l’état économique, préalablement faible, du contribuable.
-
Le changement de la conjoncture économique. 12
- Les causes juridiques et politiques :
-
Le paiement de l'impôt est un choix pur et simple des gouverneurs non soumis au consentement préalable des contribuables. (L’article 77 de la Const).
-
L’impact des inégalités établies par la loi fiscale: les salariés sont facilement tracés à partir des déclarations faites par leurs employeurs, alors que les professions libérales, commerciales et industrielles peuvent facilement soustraire une partie de leurs activités à l'impôt.
A titre d'exemple, la principale raison de l’évasion fiscale en France est le fort taux d’imposition applicable. À titre d’exemple, l’impôt sur le revenu en France est calculé en fonction d’un barème progressif. Ainsi, les revenus d’un contribuable peuvent être taxés jusqu’à 45 % lorsqu’ils dépassent 156.244 euros. A l’inverse, l’impôt sur le revenu n’est pas taxé à Dubaï. En Bulgarie, le taux d’imposition sur le revenu est de 10 %. Il est de 15 % en moyenne sur l’Ile Maurice.
10
SCHMOLDERS : Psychologie des finances et de l’impôt. Coll. Sup.P.U. F
CHOTIN.R : Le fisc, la petite entreprise et l’expert-comptable : jeux d’acteurs et stratégies judicieuses. LGDJ 1994 P.165 12 EL ABDAIMI.M : Maroc : pays émergent ? BERIPIE, 2001, P.8 11
b - les conséquences: La fraude et l’évasion sont des facteurs de dysfonctionnement des structures économiques et fiscales, et constituent un blocage sérieux à l’amélioration des ressources de l’Etat, quant aux dépenses publiques, elles subissent énormément d’effets, certains s’observent dans le temps, tandis que d’autres apparaissent sur le champ.
-
Les conséquences sur le plan national et international
En premier lieu, on note la diminution du rendement ; les pertes touchent le niveau d’endettement du gouvernement et la capacité d’offrir des services qui répondent aux besoins de la société en fonction de son évolution. La fraude et l'évasion fiscale sont des freins, qui compromettent l’équilibre budgétaire. En second lieu, l’atteinte à la justice sociale se présente à travers les contribuables qui respectent la loi, cependant, leur charge fiscale est alourdie par le devoir de compensation pour les auteurs . En ajoutant le non-respect du principe de l’égalité devant l’impôt, la pression touche ceux qui paient l’impôt. En troisième lieu, elles favorisent l’atteinte au libre jeu de la concurrence, ainsi, des entreprises subissent une concurrence déloyale. En dernier lieu, on cite l’institution d’une mentalité assistée, d’une manière concrète, la fraude et l’évasion fiscale rendent les gens paresseux, ils ne veulent plus fournir des efforts pour savoir qu’ils seront aidés demain. On s’intéresse aux procédés de réalisation de la fraude et de l’évasion fiscale , puisque en mettant en place les différents moyens et procédés, on pourra bien évidemment, cerner les actes et prévoir les moyens de lutte contre ces phénomènes
c - les procédés de la fraude fiscale et de l'évasion fiscale: La fraude fiscale s’analyse comme une dissimulation de la matière imposable. Lorsqu’on parle de fraude fiscale, on fait allusion à certains actes qui rendent leur commettant fraudeur à la loi fiscale : ne pas déclarer dans les délais, cacher des biens ou revenus soumis à l‘impôt, ou se rendre insolvable avec une mauvaise foi. Divers sont les moyens concrétisant l’intention du contribuable de soustraire au fisc une partie des recettes, ces actes sont constatés lors des vérifications des comptabilités. La dissimulation peut être matérielle, comptable ou juridique et ce sera la première classification traitée dans ce sujet l’évasion fiscale consiste souvent à se tourner vers les paradis fiscaux, là où la fiscalité est très avantageuse voire nulle , on citera quelques procédés spécifiques à cette dernière
1 . les procédés de la fraude ➢ La dissimulation matérielle : On mentionne ici l’exemple du contrebandier qui cache la marchandise qu’il ne souhaite pas déclarer, ou tel est le cas du travail au noir exécuté sans facture, en se cachant de tout paiement d’impôt ou de taxe. Un autre acte qui concrétise l’omission et celui de l’oubli volontaire de déclaration d’un revenu imposable, cet acte entraînera la commission d’un type de fraude plus complexe et qui est la dissimulation comptable ➢ La dissimulation comptable : Elle est généralement concrétisée en jouant sur des différentes qualifications comptables, ainsi, le contribuable fraudeur tire un bénéfice ou un avantage fiscal, et toute dépense personnelle du commerçant sera qualifiée de professionnelle, c’est le cas pour le contribuable personne physique. Quant à la société, une partie de ses bénéfices, pourra être transformée en amortissement 13, les réserves de l’entreprise seront transformées en provisions. Dans ce cadre, il sera important de mentionner d’autres actes qui se qualifient de fraude fiscale, telle est la double comptabilité : à travers laquelle, le contribuable tient deux sortes de comptabilité : une comptabilité fiscale et une comptabilité commerciale réelle. Le but recherché est d’augmenter les frais, la facturation des recettes inférieures à la réalité, ainsi que la vente sans facture pour éviter la taxe sur la valeur ajoutée…Le contribuable souhaite aussi réduire ses recettes en mettant en œuvre les actes susmentionnés.
Il sera utile de citer la technique des sociétés écrans : par laquelle une société mère vend moins cher ses prestations à une filiale installée dans un pays fiscalement plus avantageux, cette dernière revend les prestations au prix normal. ➢ La dissimulation juridique : Elle peut prendre la forme d’une opération fictive ou une fausse qualification. -L’opération fictive 16 : C’est le cas des fausses factures, étudiées d’un point de vue juridique, retracent des opérations qui n’ont jamais existé, ils sont émis pour le but de retirer un bénéfice fiscal non fondé sur une prestation ou opération réelle. - La fausse qualification : Ainsi, une situation juridique est transformée en une autre qui est fiscalement plus avantageuse ou intéressante. Le contribuable de mauvaise foi attribue improprement une qualification juridique à une situation de fait. Comme il pourra présenter une opération à titre gratuit
C’est la constatation comptable et annuelle de la perte de valeur des actifs d’une entreprise subit de fait de l’usure, du temps ou l’obsolescence 13
comme une mutation à titre onéreux, sans que l’administration fiscale ait une intervention sur la qualification juridique erronée. Il en existe d’autres procédés on cite : -
Les fraudes sur l’impôt, sur les bénéfices et la TVA,
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La fraude sur les travaux en cours,
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Les fraudes sur les comptes du bilan,
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Les anomalies et irrégularités de l’actif,
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Les anomalies et irrégularités du passif,
➢ Autres formes de fraude :
La simulation : appelée aussi la dissimulation du véritable caractère du contrat, elle consiste à présenter une convention sous les apparences de stipulations, ainsi permet l’obtention des droits moins élevés. Exemple : donation déguisant une vente, cession d’un fonds de commerce dissimulé sous forme d’un apport suivi de la cession des parts sociales. L’indication inexacte du degré de parenté : Indication inexacte d’un acte de donation entre vifs ou d’inventaire après décès du lien ou de degré de parenté entre donateur et le donataire ou entre défunt et ses héritiers. 2. les procédés de l’évasion fiscale: Les procédés de l’évasion sont multiples, on cite à titre d'exemple : -
Conserver de l'espèce en dehors des circuits bancaires.
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Délocaliser son entreprise dans un paradis fiscal.
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Ouvrir un compte bancaire à l’étranger.
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L’or en lingots, ne laissant pas de trace de transaction ;
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Changer de nationalité en prenant celle d’un pays fiscalement attrayant comme le Canada, Belize, Malte, Andorre, Saint-Christophe-et-Niévès ;
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L’assurance-vie, les comptes bancaires et les investissements étant détenus au nom de la compagnie d’assurance, ce qui libère le contractant de l’obligation de déclarer le compte, tout en lui permettant de contrôler les actifs et les placements ;
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La fiducie (trust) fonctionne selon le principe du paravent, via un don d’un constituant (settlor) qui se défait de sa fortune au profit de mandataire (trustee) qui la gère pour les bénéficiaires, par exemple des organismes de charité.
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II - Contrôle et répression de la fraude et de l’évasion fiscale: Comme dit l’adage romain « la fraude vicie tout » : « fraus omina corrumpit » qu’il va falloir la combattre avec toute la fermeté́ requise pour préserver les deniers de l’Etat.14 Cela nous amène à poser deux questions majeures : quels sont les moyens de lutte contre l'évasion et la fraude fiscale ? et dans quelle mesure la législation fiscale marocaine est- elle ferme dans la répression de la fraude fiscale ? Pour pouvoir répondre nous exposerons les différ entes sanctions fiscales et civiles prévues par la législation marocaine, ce qui nous permettra après de juger de leur force dissuasive et de leur capacité à radier un mal dont la réputation est d’être suffisamment enraciné dans la société pour en être extirper par la seule dissuasion. l'évasion fiscale est l'utilisation légale de failles du système fiscal afin de réduire le montant de l'imposition. Elle se rapproche de la fraude fiscale, mais, force est de constater qu’elle s'en distingue par le fait qu'elle est légale , pour cette raison aucune définition n’est précisée pour l’évasion fiscale .
A - Les moyens de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale: La lutte contre l’évasion et la fraude fiscale est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics et à ce titre constitue une priorité de l'action publique. L'objectif d'amélioration de l'efficacité de la lutte contre la fraude s’appuie sur la détection des comportements frauduleux et le ciblage de plus en plus précis des opérations de contrôle, le renforcement de l’approche judiciaire des fraudes, le développement des moyens consacrés à la lutte contre certaines formes de fraude, et l’amélioration du recouvrement suite à contrôle fiscal.
a - Le contrôle de la fraude fiscale: Le Royaume du Maroc a prévu toute une armada de mesures pour lutter contre la fraude fiscale. Le Code Général des Impôts en a fait notamment cas dans plusieurs de ses articles. Cependant, les moyens de lutte contre la fraude ne sont pas que législatifs. L’exécutif, de concert avec les partenaires sociaux a organisé le 3 et le 4 Mai 2019, les Assises de la fiscalité qui se sont tenues à Skhirat-Rabat autour du thème « L’équité fiscale ».
Cette conférence avait pour but de vulgariser les fondamentaux de la fiscalité marocaine en vue de la préparation du projet de loi-cadre relatif à la réforme fiscale du Maroc qui était censé entré en vigueur avec la Loi des finances 2020 mais a connu un retard quant à sa matérialisation.
14
COSSON.J op.cit. P 195
En tout état de cause, les Assises fiscales ont fait des recommandations importantes en matière de lutte contre la fraude fiscale. Elles préconisent entre autres, l’élargissement de l’assiette permettant une réduction de la pression fiscale et la mise en place d’un impôt lié à la faculté contributive de chacun15. Les modalités de contrôle et de l’audit fiscal ont été endurcies et élargies afin d’anticiper la fraude. Pour les personnes morales telles que les entreprises, sociétés ou groupement d’intérêt économique, l’audit fiscal permet de faire ressortir une estimation chiffrée des risques fiscaux de l’entreprise sur la période ouverte à contrôle d’une part et de mettre la lumière sur ses mauvaises pratiques fiscales d’autre part. Il s’agit autrement dit d’un contrôle fiscal « blanc » permettant à l’entreprise de connaitre son exposition en termes de risques fiscaux et de mettre en place d’éventuelles actions correctives 16.
b - Le contrôle de l’évasion fiscale: Le contrôle de l’évasion fiscale au Maroc relève de la compétence de la Trésorerie générale du royaume (TGR) qui est chargée du recouvrement des finances publiques, qui porte entre autres sur l'impôt sur le revenu. Ensuite, c'est la Direction générale des impôts (DGI) qui est chargée de repérer les actes de fraude et d'évasion fiscale. Environ 16 % des effectifs de la direction sont affectés à ce contrôle, parmi lesquels 77 % des personnes sont des inspecteurs vérificateurs, soit 630 agents (chiffres de 2006). Bien sûr, pour lutter contre un phénomène, la répression ne suffit pas toujours. Ainsi, dans ce cas là, les économistes d'inspiration libérale réclament une baisse des impôts au Maroc, évoquant la « pression fiscale » du pays. Ils supposent ainsi que s'il y avait moins d'impôts, les Marocains déposeraient moins leurs revenus à l’étranger. Ainsi, indirectement, l'Office des changes est aussi chargé de lutter contre l'évasion. L'institution pilote un projet de libéralisation des changes, censé inciter les Marocains à placer leurs capitaux au Maroc 17. L'ampleur de ce phénomène ne cesse de s’accroître au Maroc , en vue de son ouverture économique et de la présence de plusieurs sociétés internationales sur son territoire qui usent de mécanismes d'optimisation pour payer le moins d'impôts. d’autant plus que , pour l'instant, nous ne disposons pas d'une évaluation nationale du manque à gagner généré par ces pratiques d'évasion des sociétés multinationales. Pour mettre fin à ces pratiques au niveau mondial, l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) avait entamé dès 2013 une réflexion autour d'un nouveau cadre inclusif sur 15
https://www.leconomiste.com/article/1041281-3es-assises-nationales-sur-la-fiscalite-retablir-laconfiance-d-abordconsulté le 27 Mars 2020 16 https://wecount.ma/fr/controle-fiscal-au-maroc-quels-sont-les-facteurs-susceptibles-de-declencherune- verification-comment-la-prevenir-ou-tout-du-moins-en-limiter-les-consequences-6consulté le 27 Mars 2020 PAULIN, “Que ait le maroc pour lutter contre l’évasion fiscale”, https://telquel.ma/2015/12/29/faitmaroc-lutter-contre-levasion-fiscale_1475623 17
l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices, dit BEPS. Un instrument qui a été adopté en 2016 par plus de 100 juridictions. La signature de cette convention multilatérale a eu lieu à Paris en juin 2017. L'objectif de cette démarche, selon l'OCDE, était de «se protéger contre les stratégies d'évasion fiscale, notamment de multinationals, qui utilisent de manière inappropriée les conventions fiscales pour transférer artificiellement les profits des entreprises dans des juridictions où ils seront peu ou pas imposés » Ainsi, le Maroc s'est joint à cette initiative internationale en juin 2019 par la signature de la convention multilatérale de l'OCDE et par l'adoption de ladite convention en Conseil des ministres le 19 décembre 2019. Le Dahir portant exécution de la loi 75-19 portant ratification de cette convention a été adopté le 31 décembre 2020. En le publiant, au B.O le 18 janvier 2021, le Maroc entre désormais officiellement dans le club des pays qui s'inscrivent dans la lutte contre l'évasion fiscale à l'échelle mondiale. Et se dote surtout d'un puissant arsenal juridique pour éviter l'érosion de sa base fiscale. Avec l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, le Maroc fait également d'une seule pierre deux coups : il agit contre l'érosion de sa base fiscale surtout en ce contexte de crise et de baisse des recettes fiscales. Et prépare le terrain pour sortir de manière définitive de la liste grise sur les paradis fiscaux de l'Union européenne, l'adhésion à cette convention étant une des conditions posées au Maroc pour arriver à cette fin. Ainsi, à travers l'entrée en vigueur de cette convention, le Maroc franchit la moitié du chemin dans la lutte coordonnée contre l'évasion fiscale internationale. L'autre moitié étant le démarrage effectif de l'échange de données en matière fiscale pour débusquer tout résident qui échappe à l'impôt en transférant ses avoirs à l'étranger, après la fin des amnisties fiscales et de change de 2020 18.
B - Les sanctions prévues contre la fraude fiscale: a - Les sanctions: Il est à signaler que l’évasion fiscale échappe à l’impunité du législateur marocain, ainsi, seule la fraude fiscale fait l’objet de sanction. Les sanctions prévues par la loi en cas de fraude fiscale diffèrent selon la nature de l’acte commis: ●
Une amende de 2000 dhs dans le cas d’une fraude de l’IS et de la TVA.
M.M, “Le maroc entame la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales”, https://medias24.com/2021/01/21/le-maroc-entame-la-lutte-contre-levasion-fiscale-des-multinationales/ 18
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Une amende comprise entre 500 dhs et 2000 dhs pour une fraude de l’IR.
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Une amende de 1000 dhs pour en cas de défaut de déclaration du résultat fiscal ou du chiffre d’affaires dans le délai prévu par l’article 148 du CGI.
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Une amende de 500 dhs pour la non-déclaration du transfert du siège d’une entreprise (Article 149 du CGI).
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L’article 187 du CGI prévoit également une amende de 100% du montant de l’impôt en cas de complicité de manœuvres frauduleuses ayant aidé le contribuable à ne pas s’acquitter de ses impôts
D’autres sanctions pour des cas spéciaux sont prévues par la loi. Il s’agit des sanctions : ●
Pour les ventes en tournée (article 191 du CGI).
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Le droit de contrôle des logements sociaux (article 192 du CGI).
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La présentation de certains documents électroniques (article 191 bis)
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Les sanctions pénales en plus des sanctions fiscales énumérées ci-dessus: l’article 192 du CGI
b - Institution des mesures de dissuasion: Afin d’assurer une élimination plus au moins totale de la fraude fiscale, il est recommandé de renforcer les sanctions prévues à l’égard de ce mal social. 1- Renforcement des sanctions Pour atténuer l’importance de la fraude fiscale et obliger les contribuables à ne pas se laisser emporter par le désir de fuir l’impôt, il est nécessaire de raffermir les sanctions. Ce raffermissement passe à la fois par l’augmentation, le renforcement des sanctions en vigueur et par la pénalisation des manœuvres frauduleuses. -
Les sanctions pécuniaires :
La législation ne définit pas expressément l’infraction « fraude fiscale » mais elle se contente de réprimer certaines situations qui peuvent présumer de l’existence d’une fraude. Le législateur a institutionnalisé des mesures sous forme de sanctions pécuniaires à l’encontre de toutes personnes ayant commis une action pour éluder l’impôt ou ayant assisté ou conseillé un contribuable dans manœuvres en ce sens. Toutefois, les montants de ces amendes fiscales qui se situent entre 2000 DH et 5000 DH ainsi que celui des astreintes de retard (100 DH sans dépasser un montant maximum de 1000 DH) ne paraissent pas suffisamment élevées pour être parfaitement dissuasives. Normalement, ces sanctions doivent être plus sévèr es pour obliger les contribuables à ne plus éluder l’impôt. En effet, tant qu’elles sont dérisoires, elles ne pourront pas jouer le rôle de dissuasion, au contraire elles seront l’occasion de pousser les plus honnêtes à vouloir « jouer avec le fisc ».
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Les sanctions administratives :
A côté des sanctions pécuniaires, le législateur devrait instituer des sanctions administratives, il s’agit des mesures strictes obligeant indirectement les contribuables de s’acquitter de leurs dettes fiscales pour bénéficier de certains avantages accordés par l’Etat. Les exemples sont nombreux, on peut se contenter de citer quelques-uns tels que le bénéfice de certains services publics, l’acquisition de certaines autorisations des pouvoirs publics (l’exercice du commerce, l’acquisition d’un passeport, le départ à l’étranger etc....) -
La pénalisation de la fraude fiscale :
A côté des sanctions prévues contre la fraude fiscale, il est nécessaire de réviser les procédures et les délais du recours fiscal pour obliger les contribuables à respecter les lois fiscales en vigueur. 2- Assouplissement des procédures Le contrôle fiscal débouche dans la majorité des cas, sur des redressements que le contribuable doit verser au trésor public et sur la base desquels sont calculés les majorations et les pénalités de retard. Pour sauvegarder les intér êts des contribuables et les prévenir contre les abus de l'administration, la loi a institué les procédures de recours devant les commissions locales et nationales, puis devant les tribunaux en dernier lieu. Or, ces procédures sont longues et peuvent durer des années. Une telle situation a des effets négatifs au niveau : - Des caisses de l’Etat car une fois la procédure terminée, l’argent remboursé par le contribuable peut, sous l’effet de l’inflation être dévalué même si on applique les pénalités et les majorations de retard. - De l’agent vérificateur, car avec le temps celui-ci oublie les détails du dossier vér ifié qui a la charge de défendre devant les commissions sachant qu’il n’a pas que ce dossier et qu’entre temps il a été chargé de vérifier d'autres sociétés. D’où la nécessité de réactiver les commissions que ce soit les commissions locales de taxation ou la commission nationale du recours fiscal afin de redonner à ces institutions l’importance assignée par le législateur, car il est insoutenable de voir un dossier trainé pendant plusieurs années entre ces deux juridictions alors qu’il suffit de trois séances ou quatre au maximum pour arrêter une décision définitive. Il faut se rappeler sans cesse que c’est l’argent du Trésor qui est en jeu.
C - Quelques propositions:
Sous la pression des exigences financières de l’Etat, du poids de la fraude fiscale et du contexte interne et international favorisent le développement de la fraude. Ainsi au terme de ce constat, il semble que la lutte contre la fraude fiscale nécessite une volonté mobilisatrice des différents acteurs de la société. Cet engagement devrait se concrétiser par les actions suivantes : - La sensibilisation du contribuable face aux dangers de la fraude fiscale sur l’équilibre économique, politique et social, en créant chez ce contribuable un acquiescement fiscal volontaire ; - L’amélioration des rapports entre contribuable et administration fiscale ; - La simplification du système fiscal ; - L’élaboration d’un plan managérial de lutte contre la fraude fiscale, en agissant sur les problèmes que rencontrent l’administration fiscale en tant qu’organe préventive, aussi bien sur le plan ressources humaines que sur le plan organisationnel et information ; - Adopter une stratégie répressive adéquate pour enrayer radicalement le fléau de fraude fiscale. En ce qui concerne l’évasion, le maroc devrait entamer un débat parlementaire sur les objectifs de la lutte contre l’évasion fiscale. Comment arbitre-t-on entre les deux objectifs : – Faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État ; – Punir les fraudeurs pour renforcer le consentement à l’impôt. Le Maroc devrait également mettre en place une direction interministérielle de la lutte contre l’évasion fiscale associant les ministères des finances, de l’intérieur et de la justice. Vu l’accroissement des investissements étrangers au Maroc , et plus particulièrement les multinationales qui s'implantent à raison du traitement préférentiel que le système fiscal marocain octroie en leurs faveur , l'économie marocaine s'est enrichi avec un impact positif socio-économique important , en contrepartie le système fiscale marocain est confronté à des nouveaux défis , parmi elles l'augmentation de la criminalité financière surtout l'évasion et la fraude fiscale objet de notre étude , dans cette mesure le législateur marocain est appelé à réagir à l'instar de son homologue européen . On prend a titre d'exemple l'une des affaires les plus connues ces dernières années , les affaires LuxLeaks et Panama Papers qui ont amené la Commission à réagir et prendre des mesures contre l’évasion et l’optimisation fiscale. Après un « paquet de mesures » en 2015, une nouvelle proposition législative européenne de la Commission, déposée au Parlement européen et votée en plénière le 4 juillet 2017, vise à obliger les multinationales à publier leurs impôts payés pays par pays, comme doivent déjà les banques. En même temps, elles devraient donner les informations du nombre de salariés, de leur chiffre d’affaires et de leur résultat avant impôt dans chaque pays où elles sont présentes. Et le tout même pour leurs activités en dehors de l’Union européenne. Ce qui, en permettant de confronter l’activité réelle et l’activité déclarée, devrait permettre d’éviter la fraude et l’optimisation fiscale. Une proposition complémentaire cible aussi les intermédiaires financiers (banques, avocats, comptables, conseillers fiscaux, agents sportifs…) pour les obliger à signaler les montages transfrontaliers 19
“ Des mesures pour lutter contre l’évasion fiscale”,https://www.clesdusocial.com/des-mesures-pourlutter-contre-l-evasion-fiscale 19