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THÉORIES GENERALES SUR L’APPRENTISSAGE ET L’ACQUISITION D’UNE LANGUE ÉTRANGÈRE. LE CONCEPT D’INTERLANGUE. LE TRAITEMENT DE L’ERREUR
1. INTRODUCTION 2. THÉORIES GENERALES SUR L’APPRENTISSAGE ET L’ACQUISITION D’UNE LANGUE ÉTRANGÈRE 2.1. L’acquisition et l’apprentissage 2.2. Deux questions clefs : les processus psycholinguistiques et cognitifs qui sous-tendent l'acquisition et les conditions optimales pour l'apprentissage 2.3. L’acquisition d’une langue étrangère : théories 2.4. Les phases du processus d'enseignement-apprentissage des langues étrangères 2.5. La nature et les moments de l'apprentissage 2. LE CONCEPT D’INTERLANGUE. LE TRAITEMENT DE L’ERREUR 2.1. Le concept d'interlangue 2.1.1. L'idée générale contenue dans le terme d'interlangue 2.1.2. L'interlangue dans le processus d'acquisition d'une langue étrangère 2.1.3. Le caractère évolutif de l’interlangue. La fossilisation 2.1.4. La proximité avec la langue maternelle et les interférences 2.2. Le traitement de l’erreur 2.2.1. La valeur de l’erreur 2.2.2. Les types de production erronée 2.2.3. L'analyse des erreurs 2.2.4. Statut et traitement de l'erreur dans la classe de langue 3. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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THÉORIES GENERALES SUR L’APPRENTISSAGE ET L’ACQUISITION D’UNE LANGUE ÉTRANGÈRE. LE CONCEPT D’INTERLANGUE. LE TRAITEMENT DE L’ERREUR
1. INTRODUCTION Dans ce thème nous allons à aborder deux grands blocs liés entre eux : 1. Les théories générales sur l’apprentissage et l’acquisition d’une langue étrangère 2. Le concept d’interlangue et le traitement de l’erreur. Dans le premier bloc nous allons à exposer : la dichotomie entre acquisition et apprentissage ; les processus psycholinguistiques et cognitifs qui sous-tendent l'acquisition et les conditions optimales pour l'apprentissage ; la nature, les moments et les phases du processus d’enseignement-apprentissage des langues étrangères ; Dans le deuxième bloc nous allons à envisager : l’interlangue dans le processus d’acquisition d’une langue étrangère, et son caractère évolutif et les interférences ; la valeur et l’analyse des erreurs ; le statut et traitement de l’erreur dans la classe de langue.
2. THÉORIES GENERALES SUR L’APPRENTISSAGE ET L’ACQUISITION D’UNE LANGUE ÉTRANGÈRE 2.1. L’acquisition et l’apprentissage On sait qu'existent deux voies d'arrivée à la connaissance des langues : l'entourage (le milieu naturel) et l'école (avec les moyens du bord). Si on regarde attentivement, on voit que l'entourage et l'école disposent des moyens très différents d'influencer l'individu; et à cause de cela il y a deux conceptions méthodologiques opposées. ― Les méthodes indirectes : Nommées méthodes traditionnelles, que par l'intermédiaire de la langue maternelle et de la traduction pouvaient accéder au sens étranger de la nouvelle langue. Ce sont les méthodes scolaires par excellence, qui demandent l'utilisation de la grammaire explicite et en font des exercices sur la langue pour finalement la posséder. ― Les méthodes directes : Comme leur nom indique, laissent de côté la langue maternelle, mais tentent de reconstituer, par la langue étrangère, les conditions
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d'entrée à la langue maternelle. Les méthodes directes préconisent une grammaire implicite, qui permet de faire le minimum d'exercices indispensables au fonctionnement de l'institution scolaire. Mais, entre ces deux notions (ou deux voies d'arrivée à la connaissance des langues) il y a une dichotomie ferme entre acquisition et apprentissage. ― L'acquisition est un processus subconscient (l'intériorisation des régularités se fait à l'insu de l'apprenant), implicite (l'apprenant n'acquiers pas un savoir sur la langue), et orienté vers la signification plus que vers les formes qui la véhiculent. L'acquisition se développe, en contexte naturel ou institutionnel, à travers de multiples interactions verbales, et donne à l'apprenant un certain sentiment de ce qui est grammaticalement acceptable et de ce qui ne l'est pas dans la langue. Ce processus, qui aboutit à une intuition grammaticale comparable à celle d'un natif, existe chez tout être humain, quels que soient son âge, sa classe ou sa race, mais il est plus particulièrement observable chez les jeunes enfants qui s'approprient la (ou les) langue(s) de leur entourage immédiat. ― L'apprentissage, à l'opposé est conscient, il suppose chez l'apprenant une connaissance réflexive de ce qu'il faut ; explicite, en ce qu'il fait appel à des savoirs constitués sur la langue ou ses emplois ; et plus orienté vers les formes que vers les significations qu'elles véhiculent ou qu'elles permettent de reconstruire. L'apprentissage développe une capacité de jugement grammatical par référence à des règles enseignées par le professeur ou élaborées par l'apprenant lui-même. Ce qui lui permet d'exercer un contrôle plus ou moins normatif sur ses productions verbales et sur celles de ses partenaires. C'est ce mécanisme correctif appris, ce contrôle linguistique conscient, lequel s'enclenche évidemment, plus aisément à l'écrit qu'à l'oral. Ce processus s'observe surtout chez les adolescents et les adultes qui s'efforcent de s'approprier une langue dans un cadre institutionnel. On retrouve aisément sous cette dichotomie les deux convictions antagonistes anciennes de la didactique des langues, l'acquisition relevant d'un enseignement/apprentissage aussi naturel que possible, l'apprentissage d'un enseignement/apprentissage plus artificiel. Ces deux processus, distincts, peuvent coexister, à des moments différents chez l'adolescent ou l'adulte, même si l'apprentissage ne joue qu'un rôle relativement marginal et intermittent par rapport à l'acquisition. Parmi les linguistes français, les définitions de Krashen n'ont pas eu l'unanimité : – Il y en a ceux qui considèrent que l'acquisition est uniquement naturelle et l'apprentissage est une forme d'acquisition dans un milieu institutionnel. – Il y en a d'autres qui parlent d'apprentissage si celui-ci se fait par immersion sociale et d'apprentissage guidé s'il se fait dans un milieu institutionnel. Nous parlons d'acquisition, plutôt que d'apprentissage, pour mettre en relief le caractère naturel du processus, qui le distingue de l'apprentissage organisé du milieu
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scolaire. L'acquisition du langage est un phénomène social. L'apprentissage d'une langue étrangère n'est pas un processus naturel. Dans les deux situations, dans l'acquisition de la langue maternelle et dans l'apprentissage d'une langue étrangère, nous trouvons deux données qui sont communes : la nature du langage et la nature humaine. 2.2. Deux questions clefs Dans le domaine des théories d’acquisition du langage deux questions clefs se posent: a) quels sont les processus psycholinguistiques et cognitifs qui sous-tendent l'acquisition du langage en général, et l'acquisition d'une langue étrangère en particulier, et b) quelles sont les conditions optimales pour l'apprentissage?. ― Le modèle béhavioriste, avec le schéma comportementaliste de base, de type « stimulus-réponse », tente de démontrer que l'acquisition en général, et l'acquisition linguistique en particulier, dépend d'un processus de stimulus et de réponse, suivi d'un renforcement positif ou négatif. Le stimulus impulse une réponse sous la forme d'un comportement, langagier par exemple. Ce comportement est ensuite renforcé par une réaction positive, ou inhibé par une réaction négative. La relation entre le stimulus, la réponse et le renforcement est maintenue par la répétition (appelée aussi entraînement). Dans la classe de langue, l'essentiel est donc de créer des habitudes et des automatismes linguistiques. L'élève est perçu comme un simple récepteur de données et son rôle semble relativement passif. Cette théorie, alliée au structuralisme linguistique, est à l'origine des exercices structuraux que nous utilisons encore dans nos classes, sous une forme édulcorée. Ce point de vue, associé au structuralisme linguistique, donne naissance aux méthodes audio-orales et audio-visuelles, où l'acquisition passe toujours par une phase importante de répétition, suivie d'exercices structuraux soigneusement triés et gradués pour la fixation. On a cependant tendance aujourd'hui à favoriser une théorie d'acquisition qui attribue un rôle nettement plus actif à celui qui apprend. ― Sur le plan théorique, Noam Chomsky lance en 1957 son attaque, désormais célèbre, sur la linguistique structuraliste et sur le béhaviorisme. Il soutenait que l'acquisition en langue ne pouvait pas être une simple question de stimulus-réponse-fixation, car nous créons en permanence des phrases que nous n'avons jamais entendues ni dites jusqu'alors, et cette capacité créatrice témoigne de l'existence de règles syntaxiques intériorisées. La théorie de Chomsky posa donc que la grammaire n'est pas apprise par imitation ni répétition, mais générée à partir d'une compétence interne, et qui permet d'affirmer que toutes les langues naturelles, en dépit de leur très grande variété, obéissent à des principes sémantiques, syntaxiques et phonologiques qui leur sont communs. ― Le modèle cognitif pose que toute information, ou input, est reconstruite avant d'être assimilé, et que le processus d'acquisition implique bien autre chose que le
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simple enregistrement des données. L'élève est devenu apprenant ou sujet apprenant, responsable cognitif et moral de son apprentissage. L'apprenant est perçu comme un système actif qui traite des information acquises implicitement ou explicitement. Dans tous les cas, les cognitivistes revendiquent l'idée selon laquelle 1'apprentissage se fait en structurant mentalement les informations traitées, et 1'acquisition de nouvelles informations amène une restructuration. Dans cette perspective, l'eleve est profondément actif, contrairement à la vision traditionnelle qui le campait comme nécessairement passif. L'objet d'étude du cognitivisme est l'ensemble des processus mentaux qui interviennent dans toute l'activite humaine. Dans le mouvement Cognitif se sont développés, à des moments différents, plusieurs courants. On peut citer : a) le courant gestaltiste, il est à l’origine de la théorie de la forme qui postule que le tout est plus important que les parties qui le constitue ; ce postulat appliqué à la didactique des langues étrangères a favorisé l’approche globale et l’approche structuro-globale ainsi que l’avènement des méthodes audiovisuelles (dans une synthèse avec certains aspects behavioristes) ; b) le courant chomskyen avec l’hypothèse que l’acquisition du langage consiste en la formation progressive de règles internes, il pose donc que la grammaire n’est pas apprise par imitation ni répétition, mais générée à partir d’une compétence interne. Selon Noam Chomsky, le sujet humain présente une émergence de structures linguistiques biologiquement programmées. Pour lui, les facteurs internes ont un rôle déterminant dans le développement. Chomsky a aussi distingué la compétence de la performance : la compétence est un savoir implicite alors que la performance est la mise en oeuvre de cette compétence dans des situations concrètes. c) la mouvance piagétienne : l’apprentissage est le résultat de la combinaison de stade de développement et de processus opératoires, c’est ainsi que le fait d’apprendre s’inscrit dans une perspective constructiviste. Pour Piaget, la connaissance ne se transmet pas verbalement, elle doit être nécessairement construite et reconstruite par celui qui apprend. Elle se construit grâce au processus d'équilibration des structures cognitives, en réponse aux sollicitations et aux contraintes de l'environnement. Ceci indique que les connaissances se construisent, se génèrent mentalement. En outre, Piaget évoque des stades de développement. Ces stades sont caractérisés par des représentations du monde très dépendantes de l’age du sujet, et ainsi les connaissances de l'individu sont liées à son age. Contrairement à Chomsky, dans l'optique piagétienne, le développement cognitif du sujet humain se présente comme un processus constructif. d) et pour le socioconstruvisme, l'apprentissage est toujours un phénomène lie au contexte social et opère dans les interactions sociales. Chaque individu construit ses représentations du réel, certes dans un contexte social particulier, mais aussi à partir d'un rapport au savoir qui lui est propre. Ce serait à partir de leurs propres
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expériences sociales que les apprenants donnent un sens aux activités d'apprentissage et au savoir. Dans une classe de langue, la communication prend une place primordiale car l'individu n'apprend jamais seul mais en interagissant, en agissant avec d'autres personnes. Ceci est d'ailleurs le premier centre d'intérêt du professeur de langue. ― Aujourd'hui, la neurologie et la neurolinguistique nous enseignent qu'en réalité l'apprenant joue un rôle beaucoup plus actif dans son apprentissage. La recherche suggère même qu'il reconstruit l'information qu'il reçoit avant de pouvoir se l'approprier. L'enseigné est donc devenu un apprenant actif, d'où la démarche constructiviste des pratiques actuelles, avec par exemple la quasi-disparition des phases de répétition et l'importance accordée à l'inférence ou à la vérification d'hypothèses. La classe s'est orientée davantage vers les élèves, pour devenir élèvecentré plutôt que professeur-centré. Enfin, l'enseignement s'est fixé comme objectif de faciliter le travail de construction interne de la langue, par le biais d'activités basées sur fournir information (l'information gap) ou le résoudre-problème (problem-solving). Bien que l'approche communicative ne se réclame pas d'une théorie d'acquisition précise, comme c’est le cas pour les méthodes structuralistes, on voit aisément que c'est dans la sphère de la pensée cognitive qu'elle se place. C'est dans cette même sphère qu’il faut s'efforcer de mettre en oeuvre une pédagogie de la découverte par l'élève lui-même de ce qu'on souhaite qu'il apprenne. Le professeur ne peut plus être celui qui instruit de façon très directive sans trop se préoccuper de ce qui pourra finalement être assimilé. Il est avant tout un facilitateur d'apprentissage. Cela signifie qu'il s'efforcera de responsabiliser ses élèves en leur donnant d'abord l'initiative dans l'accomplissement des tâches motivantes clairement définies, avec autant que possible un problème à résoudre. ― En ce qui concerne les conditions optimales pour l'apprentissage, la psychologie a amplement démontré qu'un bon climat affectif et une réelle motivation sont primordiaux. L'enseignement en cette fin de siècle se doit donc de créer et de soutenir le plus possible la motivation, grâce à un contenu adapté et intéressant, et à des tâches actives et variées. 2.3. L’acquisition d’une langue étrangère : théories L’étude de l’acquisition d’une seconde langue implique nécessairement l’exploration de plusieurs disciplines, telles que la psycholinguistique (appliquée), la sociolinguistique et la psychologie cognitive. Appel et Vermeer (1994) classifient les théories de l’acquisition d’une seconde langue selon trois types : linguistique, cognitive et interactionniste. Théories linguistiques Les théories linguistiques nous proposent l’hypothèse suivante : le processus d’acquisition d’une seconde langue subit l’influence de la structure linguistique de la
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seconde langue, mais aussi celle de la langue maternelle de l’élève. Il en résulte que les difficultés et les erreurs rencontrées lors de l’apprentissage des deux langues sont identiques et de nature dite de croissance. Ce genre d’erreurs provient ordinairement de la tendance fréquente de l’élève à vouloir généraliser ou simplifier les structures du langage, que ce soit dans sa première ou deuxième langue. Ces théories suggèrent ainsi que l’acquisition de la seconde langue doit être identique à celle de la première. Un autre aspect remarquable du modèle constructiviste, c'est le rôle joué par le sujet dans le processus d'acquisition-apprentissage d'une L2. L'élève a un rôle actif dans les processus d'enseignement-apprentissage. Pour l'acquisition d'une L2, il devra mettre en action des stratégies et des processus intermédiaires comparables à ceux qu'il a utilisés pour l'acquisition de sa L1. Les procédés seront les responsables de l'activation et apprentissage de stratégies qui amèneront l'élève à apprendre les concepts et à progresser dans son processus d'apprentissage de manière autonome; en définitive : à apprendre à apprendre. Théories cognitives Krashen affirme que deux processus coexistent sans pour autant être liés : l’acquisition naturelle et l’apprentissage conscient. Il reconnaît que l’apprentissage conscient des règles permet d’aider la personne qui parle à contrôler le langage qu’elle produit, pour juger par exemple s’il est grammaticalement correct ou adapté à l’environnement social ; cependant, il soutient que ce système appris n’est d’aucun usage lors d’une communication spontanée, là où seul agit le système acquis naturellement. Faerch et Kasper (1983) ont émis l’hypothèse selon laquelle, acquisition et apprentissage pouvaient être complémentaires à travers les deux processus de prise de conscience d’une part, et de développement automatique de l’usage du langage d’autre part. Pour résumer la situation, ils fonctionnent de paire : les règles acquises consciemment deviennent automatiques et inconscientes dans leur application par le biais de la pratique, lentement au début ; puis, le processus s’accélère et les règles acquises inconsciemment sont élevée au niveau conscient. Théories interactionnistes Les recherches mentionnées précédemment coïncident et font partie d’une nouvelle approche d’acquisition de seconde langue appelée l’approche fondée sur la tâche. Cette approche, entre autres, est fondée sur les théories dites interactionnistes, qui prennent en considération l’activité mentale de la personne apprenant une seconde langue. Ainsi, la force motrice pour acquérir la langue en question est vue comme une interaction. Dans un contexte scolaire, un tel apprentissage peut avoir lieu si et seulement si les données de langage fournies sont suffisantes, ce qui est parfaitement compréhensible car cela doit être en même temps un défi pour l’élève. Une autre caractéristique de l'hypothèse cognitive, c'est qu'à la base de n'importe quel apprentissage linguistique réside une motivation de type sémantique. Si l'on accepte
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qu'il existe une disposition naturelle de l'esprit envers la production de signifiés, il semble logique de penser que l'apprentissage d'une nouvelle langue n'aura pas lieu sans cette motivation. Aussi, le rôle de la grammaire se subordonnera à la nécessité de l'élève pour obtenir des signifiés, ou bien les exprimer. 2.4. Les phases du processus d'enseignement-apprentissage des langues étrangères Le processus d'acquisition d'une L2 aurait trois phases qualitativement différentes : • Dans une première phase, phase de silence ou de réponse non linguistique, l'apprenant centrerait son attention d'une manière consciente sur le type de modèles de L2 qu'on lui présente. Cette phase, dénommée d'élaboration cognitive, se caractérise par son envisagement envers la compréhension et/ou le rappel des différents aspects des modèles présentés, sans qu'on demande de l'apprenant une production linguistique immédiate : l'apprenant est engage dans une phase active consciente de recherche sémantique vis-à-vis de la nouvelle langue. Il s'agit de la phase cognitive. • Dans une deuxième phase, phase d’interlangue, appelée associative, l'apprenant commence à faire des hypothèses à propos de caractéristiques les plus remarquables d'input reçu, de même que de son organisation et de son structuration, en le contrastant avec ses connaissances antérieures (en L2 ou en L1), ou en mettant à l'épreuve lesdites hypothèses au moyen de la production ou exemplification de ces modèles dans des contextes similaires. Cette phase correspond à l'étape dite d'inter langue que nous étudierons plus tard : l'apprenant établit des connexions, des liens entre les différents éléments qu'il possède. Pour cela il met en oeuvre un raisonnement hypothético-déductif. Cette phase associative favorise l'émergence de l'interlangue. • Dans une troisième phase, phase d'autonomie, les connaissances acquises pendant les deux phases antérieures sont disponibles pour être employées d'une manière spontanée au service de la communication. Cette automatisation peut être menée à bien moyennant la pratique de L2, d'une manière réceptive ou productive, dans une variété de situations et avec des intentions différentes. Ainsi, l'apprenant acquiert enfin une autonomie d'usage qui lui permet de se hisser progressivement au niveau des natifs. Il s'agit de la phase d'autonomisation. L'apprentissage suit alors un cours personnel comme dans la langue maternelle. 2.5. La nature et les moments de l'apprentissage Dans le contexte scolaire, la nature de l'apprentissage d'une langue étrangère (et sa relation positive ou négative avec la langue maternelle) dépend de comment celle-ci est acquise et à quel degré elle est maîtrisée. Cet apprentissage dépend aussi du bagage de métalangage et de métacognition acquis. On peut profiter aussi des
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habitudes et des capacités d'apprentissage en LM, ou en LE 1, pour les développer en LE 2 et éveiller, si elle n'existe pas encore, la conscientisation de l'apprentissage, c'està-dire, être capable de reconnaître le sens des différentes activités dans le processus, être capable d'anticiper les moments de l'apprentissage, ainsi que la façon personnelle de les utiliser de la manière la plus rentable pour devenir autonome. Par exemple, utiliser des sources d'information, savoir enregistrer, savoir quelles sont les stratégies personnelles de mémorisation... Les phases de l'apprentissage doivent tenir compte des développements conceptuels, comportementaux et de résolution des conflits cognitifs en accord avec les hypothèses de l'apprentissage significatif, et avec les aspects cognitifs, instrumentaux et affectifs qui sont mobilisés lors de l'apprentissage. Ces phases pourraient être : ▪ Motivation – prérequis : Pour que la motivation évoque des images mentales significatives, les aspects socio-affectifs (famille, amis, goûts, et réactions instinctives) des élèves doivent être impliqués. On doit analyser ensuite les connaissances préalables, c'est-à-dire les concepts, les stratégies, les techniques, les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les savoir-devenir qui sont nécessaires pour comprendre et pour intégrer les nouvelles données de la langue étrangère dans le système en construction : l'interlangue. ▪ Sensibilisation - réception – fixation : Pendant cette phase, les apprenants entrent en contact avec les connaissances nouvelles par des activités de compréhension orale et écrite qui servent à développer les capacités d'inférence du sens. Puis, on commence l'ancrage de ces savoirs et de ces savoir-faire pour qu'ils soient acquis à travers l'expression orale et écrite. Ce sont des activités d'énumération, d'identification, de reconnaissance, de contraste, de répétition, de description et de mémorisation. ▪ Conceptualisation - assimilation – acquisition : Puis, lorsque ce qui était nouveau est devenu familier, c'est le moment pour l'apprenant de l'incorporer à son propre système de langue étrangère, au moyen de l'intériorisation et de la reconstruction de ses connaissances. Ainsi, il doit continuer à analyser, à classifier et apprendre à discriminer, à refuser ce qu'il considère incorrect et à corriger les énoncés qui ne correspondent pas aux structures, aux fonctions et aux contextes, c'est-à-dire, être conscient de ses erreurs, et de ceux de ses camarades, et les analyser. Cette activité c'est la conceptualisation, sans laquelle il n' y a pas de bonne mémorisation à long terme et de véritable apprentissage. Elle ouvre le passage à la véritable autonomisation. ▪ Production - transfert – variation : Les activités de production apparaissent dans n'importe laquelle des phases de l'apprentissage, adaptées au niveau de connaissances ; mais l'expression qui ne paraphrase pas, qui élabore des variations avec les acquis et qui réutilise les connaissances nouvelles dans des situations de
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communication différentes ne peut être faite en principe qu'après une bonne conceptualisation. ▪ Evaluation : L'évaluation formative et formatrice, résultat de l'observation de la progression et de la résolution des problèmes trouvés tout au long du processus d'enseignement / apprentissage, analysés au moyen de la pédagogie de la faute, permet aux apprenants d'atteindre les objectifs prévus. Ce processus d'enseignement/apprentissage des langues étrangères a un objectif fondamental : la compétence/performance de communication des langues et des cultures. Du point de vue de la pédagogie différenciée, il est nécessaire de tenir compte de ses sous-compétences : linguistique, pragmatico-discursive, référentielle, socioculturelle, stratégique. Sous-compétences de la compétence/performance de communication et de culture Linguistique Éléments grammaticaux Éléments syntaxiques Éléments phonétiques Éléments gestuels Pragmatico-Discursive Actes d'énonciation, actes de parole Typologies textuelles, typologies discursives Articulation, cohérence et cohésion des textes Progression sémantique Référentielle Éléments notionnels/thématiques Éléments sociaux Socioculturelle Éléments personnels Éléments culturels (actualité, art, histoire, etc.) Stratégique De conduite de classe − Individuelle − En groupes − En paires De résolution de problèmes (cognitifs, affectifs, sociaux), de discussion De recherche de données, d'information d'apprentissage de métastratégies de classe − D'application du métadiscours de classe (structuration de la conceptualisation, argumentation, reformulation) − De mémorisation et d'étude − De compréhension, d'inférence et d'anticipation − D'application et de réflexion − D'analyse − De synthèse − De créativité, de production D'évaluation
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3. LE CONCEPT D’INTERLANGUE. LE TRAITEMENT DE L’ERREUR 3.1. Le concept d'interlangue 3.1.1. L'idée générale contenue dans le terme d'interlangue Lorsqu'un apprenant entame son apprentissage d'une langue vivante, sa connaissance initiale est quasiment nulle. Peu à peu, il va acquérir des connaissances dans les aspects formels comme par exemple des données lexicologiques, syntaxiques, grammaticales, de conjugaison (ou morphologie verbale), phonétiques, et des aspects d'usage comme par exemple 1'inflexion, les registres de langue. Ces connaissances ne lui permettent pas encore d'utiliser avec maîtrise le nouveau code linguistique, mais de s'exprimer partiellement, d'utiliser des parcelles de cette langue. Ceci est l'interlangue : un état de connaissance intermédiaire dans le processus d'acquisition d'une langue, une construction d'un système intermédiaire qui tend à se rapprocher de la langue ciblée. C’est la langue d'un apprenant à un certain moment de son parcours d'acquisition : elle représente un état, à un moment donné, dans l'apprentissage d'une langue seconde par un individu. 3.1.2. L'interlangue dans le processus d'acquisition d'une langue étrangère Dans la constitution de l'interlangue entrent la langue maternelle, éventuellement d'autres langues étrangères préalablement acquises, et la langue-cible. » (Vogel, 1995 : 19). La langue cible c’est la langue dont l'acquisition est visée. L'apprenant d'une L2 crée un système linguistique personnel et ce qu'il crée, et va continuer à créer tout le temps, c'est une "langue" autant dans le sens formel que dans le sens fonctionnel. Les règles que l'élève formule n'ont rien à voir, parfois, avec les règles établies par la grammaire et il est possible qu'elles aient été développées, en s'appuyant sur ses schémas de connaissance soit en L1 soit en L2. Les productions linguistes des élèves mettront en évidence à quel stade de son processus d'apprentissage se trouve cet élève : son "système"intermédiaire entre L1 et L2 ou interlangue. On a déjà vu que le processus d'acquisition d'une L2 aurait trois phases qualitativement différentes. La phase dite associative correspond à l'étape dite d'interlangue : une étape temporelle dans laquelle l'apprenant ne fait pas encore un emploi tout à fait correct de sa L2 et qui se caractérise par une correction graduelle de ses erreurs au fur et à mesure qu'il vérifie ces erreurs en confrontant ses hypothèses aux modèles qu'il rencontre. Le concept-valise d'interlangue recouvre toutes les étapes qui permettent à un apprenant de passer d'un état initial de langue étrangère -proche de sa langue maternelle- à un état final de cette même langue -état voisin de la langue d'un natif. L'interlangue
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est non seulement une reconstruction permanente, mais une succession d'états conditionnés par les stratégies d'apprentissage mises en oeuvre, donc variables d'un sujet à un autre. Les systèmes transitoires qu'il construit et déconstruit ne sont pas de réductions ou des miniaturisations du système visé, mais ce que certains appellent des systèmes approximatifs de communication. L’interlangue est une stratégie de résolution de problèmes pour combler les carences expressives dans la langue étudiée. Et la résolution de problèmes suit essentiellement deux axes : 1'axe structural et 1'axe lexical. 3.1.3. Le caractère évolutif de l’interlangue. La fossilisation Le terme même d'interlangue suggère la présence d'un système (une langue) sousjacent autonome et relativement cohérent. L'interlangue se signale par des caractéristiques tout à fait spécifiques, « liées notamment à son caractère évolutif rapide (simplification, perméabilité, instabilité, fossilisation, régression). » (V. Castellotti, 2001 : 72). L'interlangue est par essence perfectible et évolutive. L'acquisition d'une L2 passe par divers états d'interlangue : la compétence en L2 se caractérise donc par la présence probable de traces de différents niveaux d'interlangue. Pour progresser l'apprenant compare sa performance à la perception subjective qu'il se fait de la langue cible (d'une variété) ; la distance par rapport à la langue cible est donc relative : un apprenant peut parfaitement se satisfaire d'un état de langue basique, on parlera de fossilisation car le développement semble bloqué (W. Klein, 1989). Le phénomène de fossilisation s’agit d’un mécanisme par lequel le locuteur tend à conserver dans son interlangue certains éléments, certaines règles et sous-systèmes linguistiques de sa langue maternelle par rapport à la langue d’apprentissage. La fossilisation [(se) fossiliser] est un état d'une acquisition qui stagne à un certain niveau. Pour des raisons diverses (affectives, intellectuelles...), l'apprenant s'est construit une fausse représentation d'une ou de plusieurs notions, qu'il ne met plus en question. Il se contente de ses acquis ce qui l'empêche de progresser. Permettre mais corriger les erreurs évite la fossilisation. Permettre et corriger les erreurs favorisent la construction, chez l’élève, d’une interlangue, en constante (re)construction. 3.1.4. La proximité avec la langue maternelle et les interférences Au cours de 1'apprentissage d'une nouvelle langue, dans un premier temps, l'eleve fait le parallèle avec sa langue maternelle, et aussi, si le cas est donne, avec les autres langues étrangères déjà apprises. Il s'agit d'un phénomène automatique. Ces comparaisons varient selon que la langue étudiée et la langue maternelle fassent partie ou non de la même famille de langues. Ainsi, les comparaisons ne seront pas du
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même ordre entre le castillan et le français qui font partie des langues indoeuropéenne de branche romane, que pour une langue africaine et une langue asiatique par exemple. Ainsi la proximité entre les langues va conditionner le type d'interlangue développé par les apprenants. Mais les proximités peuvent s'instaurer selon plusieurs critères. En outre, l'interlangue met en place un système d'interférences de la langue maternelle sur la langue cible. Ces interférences sont de nature variable, elles peuvent être : grammaticales, morphologiques, syntaxiques, lexicales, phonétiques ou encore sémantiques avec ce que l’on appelle les faux amis par exemple. Ainsi un hispanophone qui apprend le français pourra dire Je vois a ma mère en partant de sa langue maternelle veo a mi madre, au lieu de dire je vois ma mère. De même, un francophone qui apprend 1'espagnol pourra dire veo mi madre en partant de sa langue maternelle. 3.2. Le traitement de l’erreur 3.2.1. La valeur de l’erreur On considère erreur la faute que fait l'apprenant d'une manière systématique et qui est due à son niveau de connaissances de la langue étudiée, c'est-à-dire elle répond à son système d'interlangue. L’approche communicative de l’apprentissage d’une langue qui, dès les premiers pas, préconise la communication et, partant, incite l’élève à prendre des risques, favorise la probabilité d’un accroissement des erreurs ; or, contrairement à une opinion très répandue, l’erreur n’est pas toujours négative et ne nuit pas nécessairement à la communication. Au contraire, l’acceptation et la prise en charge de l’erreur, du moins à l’exception de l’erreur occasionnelle, ont des effets positifs sur le processus d’apprentissage : ― d’une part, l’élève n'est plus inhibé par la crainte de la sanction du professeur ; ― d’autre part, l’erreur peut éclairer le professeur sur le processus d’acquisition de l’élève (problèmes de l’interlangue, de la fossilisation des erreurs,…). Ce mode de fonctionnement exige pourtant de l’enseignant une autre attitude face à l’erreur : il ne s’agit plus de sanctionner l’élève qui se trompe, mais d’essayer de comprendre quel mécanisme (linguistique, psychologique, sociologique ou culturel) est à la source de l’erreur, d’amener l’élève à en prendre conscience, et de lui donner les moyens d’améliorer ses compétences et ses performances. Accorder à l’élève le droit à l’erreur ne signifie donc nullement lui accorder le droit à l’inconscience et à l’absence de correction (a fortiori s’il n’est pas mis en contact permanent avec la langue-cible). Dans une perspective constructiviste, où l'acquisition apparaît comme une maîtrise progressive du système de la langue cible, l'erreur s'intègre comme l'une des composantes indispensables du processus. L'élève
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est alors perçu comme un récepteur actif qui organise, structure et interprète les données, et l'erreur est accueillie comme le reflet de l'acquisition en cours. Alors que 1'erreur révèle que l'élève est en train de construire, de mettre en relation les nouveaux contenus avec ceux qu'il maîtrisait déjà, la diminution des erreurs est le signe d’une meilleure maîtrise du domaine de connaissances. Ainsi, l'erreur fait partie du processus normal d'apprentissage, et elle constitue un facteur de progrès non négligeable et une excellente filière d'information pédagogique, puisqu'elle permet : — À l'apprenant de vérifier la résistance des hypothèses qu'il forme sur le système de la langue et d'en avancer d'autres. — À l'enseignant : • De comprendre la stratégie de l'apprenant. • De déterminer son niveau de connaissances. • De mesurer les difficultés qu'il rencontre (et que d'autres peuvent également rencontrer. • De mettre en oeuvre une pédagogie appropriée aux problèmes qui se posent vraiment. En définitive : — À comprendre l'erreur (au lieu de la refuser). — À l'intégrer à l'acte éducatif (pour en faire un allié stratégique). 3.2.2. Les types de production erronée Il est à noter que des différences s'apprécient entre les termes d'erreur, de lapsus et de faute. Et au regard de l’apprentissage, l'attitude de l'enseignant ne peut pas être la même dans les trois domaines d'aberration. En effet, l'erreur est issue d’une mise en relation, mal maîtrisée en raison du niveau de connaissance uniquement, nécessaire et obligatoire entre la langue maternelle et la langue étudiée. C'est alors pour l'enseignant une matière brute à modeler, et donc celui-ci est tolérant vis-à-vis de ces erreurs logiques. Le terme de lapsus ne se rattache pas à 1'apprentissage d’une langue ni au niveau de connaissance de l'élève. Il se rattache à des paramètres psychologiques comme les multiples préoccupations, la saturation de la mémoire de travail par exemple, ou bien à des paramètres physiques comme la fatigue ou encore à des paramètres environnementaux qui causent un stress ou des interférences (des bruits de communication). Dans ce secteur de productions verbales erronées, l'enseignant ne peut être qu'indulgent et compréhensif. Dans la littérature didactique actuelle, erreur et faute ne sont pas synonymes. La faute dénote l'accident de parcours et ne se rattache à aucun système. Elle résulte d'un lapsus, d'une inattention, ou encore d'un travail insuffisant, et constitue tout simplement un écart par rapport à la norme.
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L'erreur a un intérêt théorique beaucoup plus grand, car elle reflète le niveau de compétence atteint par l'apprenant à un moment donné de son parcours. Ce niveau de compétence, appelé aussi interlangue, est une grammaire provisoire et évolutive qui diffère plus ou moins de la langue de référence, la langue cible. Le processus de construction des règles internes par l'élève n'étant pas directement observable, la parole (la performance) est notre seule voie d'accès à cette interlangue, et les erreurs constituent des traces qui nous renseignent sur le stade d'appropriation atteint. Il en découle qu'un apprenant peut rectifier lui-même une faute, mais pas une erreur, dans la mesure où cette dernière émane d'une grammaire interne transitoire insuffisamment développée pour permettre l'autocorrection. 3.2.3. L'analyse des erreurs Les erreurs doivent être vues comme les traces d'une interlangue, et il faut les analyser, les classer et les interpréter afin d'éclairer les processus cognitifs, mais aussi pour pouvoir mieux aider les élèves en classe de langue étrangère. En effet, des erreurs telles que *Je ne veux pas rien ou *Elle n’a pas que quinze ans montrent que l'enfant n'apprend pas seulement par imitation. Au contraire, ces productions témoignent de l'existence d'une grammaire provisoire, autrement dit, d'une interlangue : les enfants ont intégré les règles de négation entre le sujet et le verbe, mais surgénéralisent encore leur application. On a très longtemps cru que la principale source d'erreurs pour les apprenants d'une langue étrangère était l'interférence de la langue maternelle. Des travaux de recherche plus récents ont cependant fait apparaître qu'en plus des erreurs dues aux phénomènes d'interférence, les apprenants d'une langue étrangère sont susceptibles de commettre les mêmes erreurs que les enfants natifs, c'est-à-dire, des erreurs internes à la langue cible, imputables à l'assimilation partielle des règles de formation de celle-ci. En d'autres termes, la source des erreurs peut aussi bien être intralinguistique que interlinguistique. Malgré tout, l'origine d'une erreur peut être interlinguistique, intralinguistique (généralisation ou simplification excessives), ou extralinguistique (sociale ou communicative). Encore, d'autres travaux sur l'erreur indiquent qu'il y a des étapes universelles d'acquisition hiérarchiquement supérieures aux langues individuelles. Chaque apprenant, enfant ou adulte, natif ou étranger, passerait obligatoirement par toutes ces étapes. La seule chose qui diffère serait la rapidité et l'aisance avec lesquelles l'élève progresse. Par exemple, pour s'approprier la négation en français, les données empiriques montrent que tous les sujets suivent le même cheminement. Type d’erreur Interlingual Interferénce
L’analyse des erreurs Exemple Explication *est le livre de mon ami L’omission du pronom sujet doit C’est… être à l’interférence espagnole
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Intralingual
*Je veux savoir où allez Le parleur a surgénéralisé, peutvous être, la Surgénéralization …vous allez règle de l’inversion du sujet-verb et appliqué ici incorrectement à une interrogation indirecte Simplification *J’ai étudié le français pen- L’omission de la marque du pluriel dans le nom « année » peut être (Reduction de dant deux année, …années quaredondance) lifié (traité) de réduction de redondance, puisque aucun information a été perdu. i.e. le nombre cardinal marque déjà la pluralité Communication *L’apprenant emploie « à L’apprenant nomme (basé) la incorrectement un maison de » par « chez » objet mais il communique un concept désiré (souhaité) avec succès Erreurs induits *‘Elle crie comme si la petit Le professeur a donné à l’apprenant fille crie’, par « Elle crie une définition de ‘comme si’ comme une petit fille » signifiant ‘comme’ sans expliquer le change structural nécessaire En plus, les raisons de se tromper sont multiples ; on distinguera ainsi les suivants types d’erreurs : ― les erreurs de performance, occasionnelles, dues à l’inattention, la fatigue, le stress, etc.; ― les erreurs de compétence répétées, dues à la méconnaissance des règles linguistiques, discursives, sociolinguistiques et socioculturelles; ― les erreurs de compétence occasionnelles, dues à une restructuration dans l’esprit de l’élève de son interlangue par apport de connaissances nouvelles. Les erreurs peuvent alors se classifier en accord avec leur nature, et nous pouvons trouver par exemple, les catégories suivantes : les erreurs à 1' oral, les erreurs grammaticales, les erreurs de morphosyntaxe, les erreurs lexicales, les erreurs au niveau du discours. 3.2.4. Statut et traitement de l'erreur dans la classe de langue L'erreur doit être considérée un élément du processus d'apprentissage et dont il en fait partie. C'est pourquoi la correction systématique et mécanique de l'erreur ne paraît pas recommandable. Il est inutile de corriger ces erreurs si le fait d'assimiler la forme correcte surpasse les possibilités de l'élève. Par contre, il vaut la peine de mettre l'accent sur la correction de ces erreurs qui sont à sa portée. En tout cas, pour
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corriger on ne doit pas interrompre la communication orale, mais elle aura lieu une fois la communication terminée et ne concernant que les aspects considérés les plus importants et les plus accessibles. Faut-il favoriser la communication même si elle ne va pas être absolument correcte ? Nous pensons qu'il faut essayer d'en avoir un équilibre entre les deux. Et c'est là la tâche la plus délicate pour le professeur. Il s'agit, dans la correction de l'erreur d'accorder la priorité aux éléments essentiels à la communication. Quelles qu’elles soient, l’enseignant corrigera obligatoirement les erreurs qui font obstacle à la communication. Par contre, il se montrera plus souple envers les erreurs et les maladresses qui n’entravent pas la communication, qu’elles relèvent des compétences linguistiques, discursives, sociolinguistiques ou socioculturelles. Mais il sera intransigeant à propos des erreurs relatives aux objectifs prioritaires de l’apprentissage en cours ou réalisé. Dans la réalité, les choses sont cependant moins nettes. En fonction du type d'erreur – phonologique, syntaxique, lexicale -, des objectifs de la séquence en cours, et de l'élève en question, l'enseignant modulera son attitude et son comportement. En effet, il est clair que notre manière de traiter l'erreur sera différente selon que nous mettons en place une structure, ou que nous menons une activité d'expression libérée. – Dans le premier cas, c'est l'exactitude qui nous intéresse, parce que sans une base sûre l'élève ne pourra pas construire sa grammaire interne. – Dans le deuxième cas nous aurons d'autres priorités, et en particulier de ne pas interrompre nos élèves pour les corriger à chaque instant, sous peine de tarir le flot de paroles. Du moment que le message passe, que le discours est compréhensible, que la communication peut avoir lieu, nous nous tairons, car c'est la parole en continu, autrement dit la fluidité, que nous privilégions. On constate donc que le statut de l'erreur est déterminé par la conception qu'a l'enseignant du rôle de l'erreur dans le processus d'apprentissage, mais aussi par l'élève qui la commet, par sa nature et par le moment où elle survient, dans le cycle scolaire, dans l'année, et dans le cours. De la même manière, les techniques de correction dépendent de plusieurs variables. Ainsi, dans l'esprit d'une pédagogie centrée sur l'apprenant, la correction peut être sollicitée de manière non verbale (geste, mimique, onomatopée) par le professeur, et donnée, soit par l'élève qui a fait la faute, soit par l'un de ses camarades. Par ailleurs, des erreurs qui relèvent d'une mauvaise compréhension du système morphosyntaxique peuvent faire l'objet, à la fin de la séance ou ultérieurement, d'une réflexion linguistique. Disons, tout de même, que ces corrections sont en général administrées discrètement, en répétant tout simplement la phrase de l'élève, mais sans l'erreur. Un bon modèle est ainsi fourni, sans l'inconvénient de casser le rythme des échanges ou de gêner
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l'élève qui a commis la faute. Nous pensons que le professeur peut souffler discrètement la forme correcte dans l'instant où l'élève vient de produire un énoncé, de manière que l'erreur et sa correction n'apparaisse pas comme une censure, mais comme le rappel d'un élément oublié. Il nous parait très important que le professeur ne soit pas le seul à corriger l'erreur dans la classe. Dès que cela sera possible il devra encourager la classe à corriger, les erreurs commises, de façon collective. Il ne fait pas de doute que l'erreur repérée et rectifiée par l'élève qui l'a commise ou par ses camarades a bien plus de chances d'être intégrée que celle qui est corrigée ex cathedra par le professeur, même si cette correction est suivie d'une répétition. C'est en tout cas ce principe que nous devrions garder à l'esprit lorsque nous corrigeons nos élèves à leur place. Mais dans les débuts de l'apprentissage, les élèves ont encore peu de références pour s'autocorriger. On distinguera la correction différée de la correction immédiate, jugeant de leur adéquation en fonction du type d’activité dans laquelle l’élève sera engagé. La correction immédiate, qui se doit d’être discrète, implique l’interruption de l’activité en cours, mais non la rupture de la communication. Elle peut consister à : – formuler une question sur ce qui vient d’être dit, mais dans une forme correcte ; – faire la sourde oreille, en demandant une reformulation (dans ce cas, l’élève se corrigera – si ses moyens le lui permettent – ou aura recours à sa compétence stratégique). Ce type de correction ne peut être efficace qu’en cas d’erreur de performance due à l’inattention, à la fatigue, ou en cas d’erreur occasionnelle ; elle est totalement à proscrire en cas d’erreur due à l’ignorance d’une notion non encore enseignée. La correction différée consiste en une véritable activité d’apprentissage, organisée à la suite de l’activité de communication concernée par la correction; elle sera centrée sur les erreurs communes à l’ensemble du groupe. Elle comprendra généralement les phases suivantes : – repérage des erreurs ; – identification et analyse des erreurs (activité métalinguistique pouvant déboucher sur une véritable séquence) ; – exercices de systématisation ; – réemploi en situation de communication; – présentation de contextes linguistiques riches et variés susceptibles de permettre à l’élève d’en extraire des constatations grâce auxquelles il pourra construire et affermir ses hypothèses. Ajoutons que toutes les erreurs ne doivent pas nécessairement faire l’objet d’un travail de correction semblable ; on peut corriger soi-même ou remettre à plus tard la correction d’une erreur signalée, de façon à ne pas décourager l’élève et à faire de la tâche de correction un travail agréable et constructif à la fois.
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De plus, si, en début d’apprentissage, l’accent doit être mis sur le signifié plus que sur le signifiant, arrive un moment où l’affinement des formes linguistiques s’impose ; on évitera ainsi à l’apprenant la stagnation dans une langue pauvre, voire même rudimentaire, la fossilisation d’erreurs et le risque de produire, à la longue, un effet négatif sur un interlocuteur natif.
3. CONCLUSION L’acquisition (processus naturel, phénomène social) et l’apprentissage (contrôle linguistique conscient dans un cadre institutionnel) sont deux voies d’arrivée à la connaissance des langues. Mais, ces deux processus, l’un, de développement automatique de l’usage de la langue, et l’autre, de prise de conscience de cet usage peuvent être complémentaires. Dans ce cadre, il faut faire deux distinctions : — l’apprenant joue un rôle actif dans la création des habitudes et des automatismes linguistiques dans le développement d’une compétence interne, et dans la construction et reconstruction mental des connaissances. — et la phase associative, ou d’interlangue (système d’interférences) constitue une reconstruction permanente, et une succession d’états conditionnés par les stratégies d’apprentissage mises en ouvre. La nature d’interlangue est perfectible et évolutive, où l’erreur reflète le niveau de compétence atteint par l’apprenant à un moment donné de son parcours. Ainsi, il faut analyser, classer et interpréter les erreurs afin d’éclairer les processus cognitifs et pour pouvoir mieux aider les élèves en classe de langue étrangère. Où le traitement de l’erreur sera différente, en fonction du type d’erreur des objectifs de la séquence en cours et de l’élève en question.
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