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Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw
Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise Tome 1 :
Le sens d’un engagement
Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise Tome 1 Le sens d’un engagement
Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw Forces armées sénégalaises Gendarmerie nationale
Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise Tome 1 Le sens d’un engagement
Du même auteur chez le même éditeur Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise. Tome 2 : La mise à mort d’un officier, 2014.
Nous sommes conscients que quelques scories subsistent dans cet ouvrage. Vu l’utilité du contenu, nous prenons le risque de l’éditer ainsi et comptons sur votre compréhension
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] ISBN : 978-2-343-01592-7 EAN : 9782343015927
Je dédie ce livre À ma mère Khady Birame Senghene NDIAYE, femme d’honneur et de vertu qui refuse que je rase les murs et veille sur mon bien être et ma démarche. À mon oncle Doudou NDIAYE Bachir ; ceux qui le connaissent le surnomment NDIAYE ANGLAIS, tant tout dans son comportement et sa vie est Honneur Rigueur et Intégrité ; Au Général Abdoulaye FALL, Chef d’Etat Major Général des Armées qui a fait tout ce qui était en son pouvoir pour m’aider et me soutenir. Son soutien financier m’a permis de maintenir mon niveau de vie, loger ma famille et assurer mes engagements familiaux ; À tous mes subordonnés, Officiers, Sous-officiers et Gendarmes auxiliaires qui continuent de croire que les Remparts de la Cité sont des Hommes et non des pierres
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Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw 1/ DISTINCTIONS HONORIFIQUES Commandeur de l'Ordre National du Lion Commandeur de l'Ordre National du Mérite Médaille d'Honneur de la Gendarmerie Croix de la Valeur Militaire 3 citations dont 2 avec étoiles d’argent Officier de l'Ordre National du Mérite de France Médaille Commémorative de la Libération du Koweït Médaille de L'organisation de l'Union Africaine pour le Tchad Médaille de l'ECOMOG pour le Libéria Médaille des Nations Unies pour la Bosnie Herzogovine 2/ FONCTIONS DE POUVOIRS Commandant d'unités d'instruction Gendarmerie Directeur de Centres d'instruction Commandant d'Unites de Gendarmerie Mobiles Commandant de Contingent Opérations Extérieures Directeur du Département Juridique des Forces Armées Chef de l'Etat Major Gendarmerie Sous Directeur de la Justice Militaire 3/ FONCTIONS D INFLUENCE Chef de la Division Justice Militaire de la DJM Chef de la Division Situation Synthèse de la DDSE Directeur de la Lutte contre la Subversion et le Terrorisme du CENCAR Conseiller Juridique du Ministre des Forces Armées DIRCEL Conseiller référendaire du Conseil d'Etat CONSEIL D'ETAT Haut Commandant en Second ou Major Général de la Gendarmerie 4/ FONCTIONS INTERNATIONALES Prévôt de grandes unités d'opérations extérieures Policier International UNMIBH Président du comité des experts de l'ANAD Président de la Commission Nationale anti mines Président de la Commission Nationale ALPC Secrétaire Exécutif de la Commission Nationale NBC Attache Militaire en Guinée et en Italie 7
Avant-propos Beaucoup de gendarmes, notamment des sous-officiers ont cru en mon action et en mon engagement. Ils ont été surpris et anéantis de me voir quitter le commandement. Des choses très graves leur ont été dites pour justifier mon limogeage de la fonction de Haut Commandant en Second de la Gendarmerie Nationale. La plupart d’entre eux n’ont jamais cru à tous ces mensonges, manipulations et fourberies pour justifier ma mise à mort. Jamais occasion ne m’a été donnée de pouvoir m’expliquer et me justifier. On m’a accusé d’avoir détourné deux milliards de nos pauvres francs dans des marchés nébuleux. On m’a accusé d’avoir voulu isoler le Général et de manquer de loyauté envers mon chef et la Gendarmerie. On m’a accusé d’avoir fait du népotisme en donnant des marchés militaires à mon épouse et à ma sœur. On m’a accusé d’intempérance, d’enrichissement illicite, d’adultère. Ces accusations ont été répétées aux gouvernements qui se sont succédés et toutes les décisions me concernant sont marquées et diligentées sur la base de telles informations et manipulations. Depuis tout avancement, toute décoration m’ont été refusés par le gouvernement de la République et la gêne que je constitue pour tous les Ministres des Forces Armées, semble donner à la longue, raison à ceux qui ont décidé de m’anéantir. Je n’ai nul besoin de m’expliquer face à des chefs manipulés et qui refusent de voir plus loin que ce qu’on leur a dit de moi. J’ai saisi ces chefs et autorités par des lettres officielles pour demander l’ouverture d’une enquête même administrative, pour faire la lumière sur mon cas. 9
Je ne pense pas que ces personnes s’intéressent encore à moi aujourd’hui, elles préfèrent certainement me gérer dans mon exil « doré » le temps qu‘ arrive ma retraite. Cette gestion ne me dérange pas. Cependant, le regard de mes subordonnés m’oblige à leur parler pour rétablir la vérité. Beaucoup la connaissent, certains la devinent, d’autres en ont fait un combat dans la plupart des forums internet et n’ont jamais hésité à me défendre et à dire ce qu’ils pensent de moi. Pour eux et pour mes enfants, j’ai décidé d’écrire ce livre. Les manipulateurs l’analyseront comme un acte d’indiscipline. Les puristes de la chose militaire y verront un déballage inutile et malsain. Les mis en cause penseront à un acte de jalousie et pire, à des attaques pour me venger ou nuire. Je me soucie très peu de ce qu’ils pensent et de qu’ils feront. J’ai besoin de dormir et de regarder mes interlocuteurs en face. J’ai besoin de savoir que personne, aujourd’hui, demain et dans mille ans, ne dira à ma lignée, votre ascendant a fait ceci ou n’a pas fait cela. Ce besoin est plus fort que la discipline, mon honneur est en jeu. Autant j’ai risqué ma vie pour la défense des intérêts nationaux, autant je défendrai avec toute l’énergie requise mon honneur et mon nom. Je suis un homme propre, je suis un homme digne et je suis un homme fier. Ceux qui ont voulu me salir et me déshonorer auraient dû trouver d’autres failles et d’autres méthodes. Je n’ai aucune prétention, encore moins de la rancœur. Ce livre n’a d’autre but et d’autre prétention que de sauvegarder ce que mon père et ma mère m’ont transmis et que j’entends transmettre intact à mes enfants. Cet article d'un compatriote m'a fait prendre conscience de mon devoir de faire face à des personnes sans foi ni loi pour défendre le peu de dignité qui pouvait me rester. Une banale affaire de mœurs a conduit le Cabinet d'un Ministre d'Etat, ministre de la République devant les juridictions pénales du pays. Le Ministre est resté en poste comme si de rien n'était et comme s'il n'était pas concerné par cette affaire dont 10
non seulement il etait le principal instigateur mais encore plus grave, le principal acteur. Les autres acteurs qui sont ses agents comme la victime ne sont pas investis de charges publiques. Ce ministre, comme moi, est un ancien enfant de troupe, soit un homme formé aux frais du contribuable pour savoir et ainsi mieux servir. Je reprends ici sans y changer une seule virgule l'article d’un journaliste pour mieux camper les enjeux de ce fait divers, parce que je fus moi-même l'objet d'un fait divers qui m'a poussé à douter de mon choix irrévocable de servir la Nation, l'Etat et mes concitoyens. La lettre d'Aliou NDIAYE aurait certainement satisfait mon épouse et mes grands enfants. "Au nom de la Nation entière, je me permets de vous présenter des excuses. Les hommes de ce pays sont de grands pécheurs. Ceux qui ont jeté cette pierre à Monsieur Diombass Diaw, votre époux, ne sont pas des saints. Ni moi d’ailleurs, je vous l’avoue. Cette fragilité ne tient pas lieu d’excuse valable. L’explication est trop faible pour effacer votre douleur et sécher vos larmes. Toutes les femmes de ce pays m’en voudront certainement de verser dans les lieux communs. Les excuses bidon du mâle incapable de contrôler ses pulsions animales vous enragent à juste titre. Mais, croyez-moi, je suis sincère ! Sous nos dehors de durs à cuire, d’hommes de principe et d’armoires à glace, se cachent un caractère faible et un corps inflammable. L’orgueil nous empêche souvent de verser les larmes de tout notre corps. Je vous fais, à vous et à toutes, l’aveu de notre faiblesse fondamentale. Pardonnez-nous de n’être que des hommes ! Car, comme le dit si justement un chanteur français : c’est la peine maximale. Le procès voulu par votre mari sera une longue torture. Le film de son corps dénudé devrait être projeté dans la salle des audiences du palais. Une salle de cinéma comme les autres. Ne vous attendez surtout pas à du respect, au minimum de respect. Des hommes vont se donner la répartie dans ce spectacle honteux. Ils auront à cœur de remplir leurs rôles, de mériter leurs honoraires et leurs réputations de bêtes médiatiques. 11
Présumés innocents, les prévenus afficheront un semblant de sérénité qui vous choquera. Le ministre d’État sera présent dans la distribution, mais absent de la scène. Vous verrez ! Ceux qui ont tiré sur vos enfants useront de simples stratagèmes. La bonne vieille théorie du complot et du bouc émissaire a servi et servira. Vous serez en colère contre ces monstres et leurs monstruosités, mais Madame, qui s’intéresse à vos états d’âme ? Nos princes de hasard et leurs hommes requins ? Après les débats d’audience orageux, les plaidoiries et les réquisitions, une peine avec sursis pourrait sanctionner un crime. Je ne suis pas un devin, mais dans l’esprit de bon nombre de concitoyens, la nature de la sentence ne fait pas l’ombre d’un doute. Il se pourrait même que la cadreuse paye pour les réalisateurs et le producteur. A ce moment précis, vous prendrez votre malheur pour une exclusivité. Détrompez-vous ! Dans ce pays, les hommes ont perdu l’usage de leurs poings. Les lions sont devenus des toutous. Ils ne protègent plus les femmes et abandonnent les enfants au premier agresseur. Nous sommes des lâches. Sans ce silence complice et cette désinvolture couarde, ces coupeurs de route n’auraient jamais osé attaquer votre famille. En plein jour ! Quant à votre mari, ce pauvre bougre mérite bien plus qu’une réprimande. Faites-en ce que bon vous semblera, mais laissez-le caresser la tête de ses enfants ! Pour soutenir le temple, dit le poète, il suffit d'un pilier. Une Sénégalaise, c'est le Sénégal. Une Foutanké contient du Fouta. Ce qui brise un peuple peut avorter aux pieds d'une femme. Une Femme de Nder, de surcroît. Sincèrement, votre compatriote Aliou Ndiaye.
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Un officier engagé Je ne serai jamais Général de gendarmerie. Dieu en a décidé ainsi et le Khalife Général des Mourides, Serigne Sidy Mocktar MBACKE à qui ma famille a demandé une intervention pour me réconcilier avec le Président WADE, a répondu que mon père, qu’il a connu, qu’il a respecté et qui était un des plus solides piliers de sa famille, n’aurait jamais sollicité une telle intervention. Toute ma carrière, je me suis battu pour rester le meilleur de ma catégorie, dans l’engagement, la compétence, l’éthique et le service des autres. J’ai commis des fautes comme tout militaire qui se respecte. J’ai parfois fait preuve d’indiscipline notoire. J’ai souvent été puni pour des divergences de point de vue, ou d’appréciation, mais jamais, je n’ai commis de faute contre l’honneur ; jamais je n’ai commis de faute qui puisse entacher les trois mots qui guident mon engagement : HONNEUR, GLOIRE et FIERTE. J’ai occupé des fonctions stratégiques, des fonctions importantes. J’ai eu très peu de fonctions de pouvoirs, j’ai eu des fonctions d’influence qui m’ont permis d’influer le cours de l’histoire et de marquer de façon indélébile mon action. Des hommes politiques, des religieux et des chefs militaires de grande valeur, m’ont fait confiance, et dans le secret des dieux, j’ai pu les amener à prendre des décisions stratégiques, déterminantes pour l’avenir du pays et le succès des Forces Armées. Être Général aurait consacré une carrière exceptionnelle, un engagement sans faille et une compétence certaine. Ma famille en aurait été comblée et aurait compris les sacrifices consentis, les absences répétées, mais surtout la rigueur d’une vie qui exclut corruption, népotisme et concussion. Je suis un officier honoré, respecté, mais aussi un officier pauvre, obligé de compter ses sous et qui peut connaître des fins 13
du mois difficiles. Je n’ai jamais cru devoir me servir. Je ne suis pas riche, je connais des fins de mois difficiles comme la plupart des camarades qui ont fait un choix comme le mien. J’ai servi dans le respect scrupuleux des deniers de l’Etat, loin des salons feutrés, et loin des lumières de la République. Servir pour moi est un devoir, une obligation, une volonté de donner au service public, à l’Etat et aux citoyens en mettant ma vie, mon intelligence et ma foi au profit des autres. Pourtant j’ai une richesse de vie que beaucoup me jalousent. J’ai voyagé à travers le monde, j’ai partout des amis exceptionnels, j’ai été aimé plus que de raison par des multitudes de femmes belles, courageuses et vertueuses. J’ai été à la table de grands seigneurs qui m’ont honoré et respecté. J’ai participé à de grandes conférences internationales, à des sommets et contribué largement dans la marche du monde. Je ne serai ni le premier, encore moins le dernier Colonel déçu de ne pas être Général alors que toutes les Forces Armées s’y attendaient. Des officiers, plus illustres, plus intelligents, plus méritants sont partis à la retraite avec le grade de Colonel. Ils ont été et demeurent une gêne pour beaucoup d’officiers généraux moins méritants et moins engagés. Je citerai le colonel Makha KEITA, le plus brillant de sa promotion et qui sera le seul à ne pas être Général. Makha est un brillant enfant de troupe qui figurerait dans le palmarès des 80 ans du prytanée en termes de prix et de notes. Makha est un brillant sportif, Makha est un officier du génie exceptionnel, les officiers du génie de sa trempe sont tous des Généraux. Makha KEITA est un officier handicapé, blessé de guerre, le seul en service comme le Général DELEAUNAYcommandant de Saumur dans les années 70. Makha a exercé des fonctions civiles et militaires très importantes. Il est parti à la retraite Colonel en 2001 et dix après, il continue de servir les Forces Armées. Le Colonel Mbaye FAYE est aussi un officier de la trempe de Makha KEITA par son intelligence, son engagement et sa compétence. Mbaye FAYE est un des officiers d’état-major les plus respectés, tant sa conception est un art inné, qui fait de lui un artiste indispensable de la chose militaire. 14
Mbaye FAYE a conduit de grandes études, il a conçu de grands principes et imposé des choix déterminants dans la stratégie générale des Forces Armées sénégalaises. Mbaye FAYE est un organisateur hors pair. Sa capacité de travail et l’amour du métier dont il fait preuve en font un moteur de recherches. Colonel à 44 ans, il est un des rares Sous-chef d’Etat-major à ne pas être Général. Je citerai aussi Yoro KONE, une autre légende des Forces Armées sénégalaises, un homme de pouvoir exceptionnel et qui a eu un destin exceptionnel. Yoro KONE est connu comme le meilleur commandant de théâtre d’opérations. Il est un chef de grande envergure et des grandes opérations militaires. Yoro KONE est le seul officier à se voir doter du commandement du corps de bataille sénégalais, plus de 6000 hommes, unités territoriales comme unités de réserve générale réunies. Il a bétonné la Casamance et y interdit tout sanctuaire du MFDC pendant plus de cinq ans, il s’est’implanté dans Bissau et s’est opposé sans perte aux attaques du Général rebelle Ansoumana MANE. Yoro KONE a conduit des opérations de guerre qui auraient dû le faire nommer Général. Si de tels hommes, avec un parcours aussi exceptionnel, n’ont pas été nommés Généraux, pourquoi, moi, moins brillant, moins intelligent, et moins méritant, devrai-je prétendre à cette nomination. Ce serait faire preuve de manque de modestie mais surtout de manque de foi. Dieu n’a pas voulu que ces hommes exceptionnels portent des étoiles, il ne veut pas non plus que moi-même, j’en porte. Je remercie Dieu de cette attention, et de sa générosité, pour déterminer que ce grade ne m’aurait apporté que des malheurs et peut- être des méfaits sur moi et ma famille. Je suis un croyant et j’entends le demeurer. En tout état de cause, au moment où j’écris ces lignes, je suis le doyen des Colonels sénégalais toutes forces et tous services réunis. J’ose même avancer que je suis le dernier colonel nommé par le Président Abdou DIOUF encore en service dans les Forces Armées et pour trois ans encoe, les autres sont Généraux ou ils sont à la retraite ou enfin décédés. Je ne dois rien à per15
sonne, surtout au Président Wade, dont le régime a plombé une carrière pourtant très prometteuse. Deux fois de suite, ce régime s’est trouvé des prétextes pour m’exiler loin des centres de décision, loin du territoire national. Je peux ainsi encore affirmer une autre certitude, je suis le seul officier sénégalais nommé Attaché militaire, naval et de l’air dans deux pays différents. Ces nominations à des postes certes convoités sont une preuve intangible de ma qualité intrinsèque d’officier, mais en fait un enterrement de première classe pour un officier de grande valeur. Ce chapitre du généralat clos, il convient de poser des actes humains et de répondre humainement, de s’expliquer comme un homme face à des choix, à des engagements, à des faits qui interpellent l’officier que je suis, et après moi, ma famille et surtout mes enfants. Il n’est pas bon que la presse jette l’opprobre sur un homme. J’ai fait les choux gras de la presse, elle m’a accusé et des personnes méchantes en ont profité pour m’insulter ; des accusations graves ont été portées contre ma personne. Des hommes m’ont jugé et condamné. Mon statut et mon métier ne me donnaient ni le droit de répondre, ni le droit de saisir les tribunaux. L’État que je servais et qui me devait protection, en a profité pour m’exiler et m’enterrer. Ma famille et surtout ma mère en a beaucoup souffert. J’aurai dû démissionner pour recouvrer ma liberté de parole et de mouvement. Deux choses m’en ont empêché, je suis un officier, et dans mon entendement, un officier ne démissionne pas ; en outre, j’ai besoin de ma solde pour faire vivre mes enfants et ma famille. La seule solution que j’ai trouvée est d’écrire ce livre. Ce livre a deux buts, participer à la construction nationale en étant témoin de l’histoire dans les Forces Armées de mon pays, mais aussi dénoncer des réseaux mafieux et quelques conduites qui sont en train de détruire et détruiront l’idéal militaire.
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Chapitre 1 Enfant de troupe Je suis un enfant de troupe. Le 28 septembre 1968, j'ai rejoint le camp de Dakar Bango à Saint-Louis pour effectuer pendant sept longues années une scolarité secondaire avec une centaine de jeunes de mon âge, de tous les horizons, de toutes les villes du Sénégal, de villages jusque là inconnus, d’autres pays africains comme le Niger. Je me rappellerai toujours du « thiaya » firdou de Loumbol SY, des "paname ndiakher" d’El hadj Thiam et de beaucoup d'autres souvenirs qui ont cimenté mon adolescence. Je suis fier de me définir comme un enfant de troupe, un enfant d'origine quelconque. Certains avaient des parents très riches, d'autres très pauvres, certains intellectuels, d'autres analphabètes ; tous avaient en commun d'être des enfants brillants, qui avaient réussi un examen difficile et sans complaisance. Il ne pouvait être question de magouilles, ni de népotisme et encore moins de favoritisme. Tous à la même enseigne, nous avons été « bleuis » par nos anciens, initiation à la case de l'homme, qui nous a fait oublier nos origines et nos divergences pour nous souder dans une promotion 1968 qui a produit de bons citoyens. Nous avons ainsi pu trouver une voie professionnelle remarquée et remarquable aussi bien au Sénégal qu'à travers tous les pays de l'Afrique francophone. Très jeune, j'ai choisi de prendre en charge ma destinée, prise en charge dictée par mes origines, par des conflits internes à ma famille, un père mouride engagé, une mère très près de ses enfants et un oncle très à cheval sur les principes. Ma famille maternelle descend des plus grandes lignées, Sérère, Sarakolé et Toucouleur. Je suis un descendant direct du marabout résistant Mamadou Lamine DRAME
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Mon père est un tièdo dont le père, un noble du Djollof, a été converti à l'islam par Serigne Touba. Celui-ci l'envoya défricher une zone dans les environs de Thiès Mbour Ngekhok appelée Khabane. Khabane est connue aujourd'hui pour abriter les champs de Serigne Saliou et ses daaras. Mon grand-père, Wengue Kairé NDAO à qui Serigne Touba donna le nom d'Ismaël, fait partie des rares Sénégalais qui ont rejoint Serine Touba en Mauritanie et qui y ont vécu son exil. Mon père, son fils ainé fut confié dès son jeune âge à Serigne Mouhamadou Lamine Bara, troisième fils de Serigne Touba. Mon père reçut son éducation de Serigne Bara et partagea tout, les daaras, les travaux champêtres et toutes les vicissitudes de la vie de talibé avec les fils de Serigne Bara notamment Serigne Modou Bara et Serigne Abdoul Aziz dont je porte le nom. Mon père fut un mouride indiscutable dont la vie etait commandée par le Coran et les khassaides de Serigne Touba. Il fut choisi par Serigne Modou Moustapha, le premier Khalife avec cinq autres jeunes comme lui, formatés par le mouridisme pour convoyer du ciment et du fer à Diourbel puis à Touba. Ces matériaux étaient destinés à la construction de la grande mosquée et étaient placés sous la responsabilité d'un grand représentant de Serigne Touba à Dakar laissé là lors du départ en exil. Mame Birame NIANE fit de mon père ce qu'il est devenu, un grand représentant du mouridisme à Dakar et surtout un homme d'affaires prospère spécialiste des affaires liées à la construction immobilière, ciment et fer. A ce titre, mon père eut l'honneur de recevoir dans sa maison à la Gueule Tapée tous les dignitaires du mouridisme de passage à Dakar pour une raison ou une autre. Notre maison fut un chemin de passage obligé pour les fils et les petits fils de Serigne Touba en attendant qu'ils acquièrent après l'indépendance leurs propres maisons à Dakar. Je suis né dans ce milieu et ma naissance fut un évènement du fait que ce jour, Dieu fit revenir de la Mecque un fils de Serigne Touba et Serigne Abdoul Aziz.
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Mon père dut les recevoir avant de les convoyer vers Touba et j'eus l'honneur de recevoir un nom de baptême par le fils de Serigne Touba. Celui ci me donna pour nom le nom de son neveu et ami avec qui il revenait de la Mecque. La joie de mon père sera égale à sa décision de faire de moi, un disciple inconditionnel du mouridisme. Cette décision eut pour incidence que je serai toute ma vie à la disposition de Serigne Touba et que je ne connaîtrai rien d'autre que cette vie de talibé, soumis et inconditionnel du mouridisme. A trois ans, tenant compte de ma destinée, on me fit prendre les chemins des daaras et surtout du daara de Touba Niani, Dans cette locakité située à cent kilomètres à l'intérieur des terres, et loin du bourg de Koupentoum dans le profond Sénégal Oriental, il fait généralement plus de 40 degrés à l'ombre. J'y ai passé 4 années pour apprendre à lire et écrire le Coran. De temps à autre, je faisais partie de la délégation du marabout, privilège dû certainement à mon père pour sillonner le Sénégal de daara en daara, de village en village, de ville en ville. Pendant que le marabout recevait les dahiras et les talibés, je devais, honneur suprême et sublime, réciter à haute et intelligible voix le Coran que j'avais déjà mémorisé. Lors des passages du marabout à Dakar, j'étais la fierté de mon père et mes frères et sœurs me jalousaient pour les dons que je recevais. Ma mère n'accepta jamais cette vie et était encouragée en cela par sa propre famille. Elle était très jeune par rapport à mon père, peut-être bien 30 ans de différence d'âge. Toute sa famille était tidjane, son père avait été à l'école et travaillait comme administratif dans le port de Dakar ; son grand frère était déjà à l'époque premier comptable noir de la société Mobil Oil. Ses parents ne pouvaient admettre la décision de mon père de ne pas m'envoyer à l'école. Ma mère subissait quotidiennement les assauts de sa famille qui ne trouvait d’issue que dans l'école. Tous les enfants de mon père, même les filles étaient à l'école. Mon oncle estimait que ma mère ne devait pas accepter sans rien dire la situation et qu'un jour, elle regretterait amèrement cette irresponsabilité. 19
La pression fit son effet et ma mère lutta de toutes ses forces contre mon père. Elle remit en cause son mariage si on ne lui ramenait pas son fils. Le conflit fut tel que mes parents durent se séparer. Quelqu'un proche de mon père rapporta le conflit au marabout en lui expliquant la vision inconciliable des deux parties, mon père qui donnait en sacrifice son fils à la volonté de Serigne Touba et de sa famille et ma mère qui exigeait que son fils reçoive la même éducation que les autres enfants de mon père. Serigne Abdou Aziz Bara me ramena à Dakar, fit chercher ma mère, la retourna chez mon père et en lui disant de me faire mettre à l'école et que j'en avais fini avec les daaras et que j'avais effectué ma mission auprès de lui. Cette décision fut profitable à un autre disciple du marabout, dont les parents, autant mourides que mon père avaient fait don de sa personne au marabout. Il fut mis lui aussi à l'école française à la différence de son grand frère qui est encore et pour toujours « beukhe neek » des fils de Serigne Bara. Ousseynou GOUMBALA est encore au moment où j'écris ces lignes un haut fonctionnaire, ancien Directeur des bourses du Sénégal et grand responsable politique à Kaolack. Mon retour ne fut pas facile. La volonté de mon père était trahie et il décida de ne plus jamais s'occuper de moi en tant que fils. Il me laissa aux décisions de ma mère et de sa famille et si je veux bien me souvenir, je ne lui dois ni cahier, ni crayon, encore moins habits et culottes. Il me laissait sous la responsabilité de ma mère et cette dernière dut recourir à son grand frère qui me prit en charge totalement. Il fit de moi un homme, m'acheta les fournitures scolaires et les habits qu'il achetait à ses propres fils qui avaient le même âge que moi. Je commençais à avoir des problèmes dans la maison familiale et mes demi-frères, souvent plus âgés me battaient à longueur de journée. Pour m’assurer une vie paisible, ma mère me conduisait chez son frère où je pris mes habitudes. Je trouvais un lit et beaucoup d'autres choses auxquels je n'avais plus droit. Je me 20
sentais bien dans cette maison sans pour autant en faire la mienne. Il y avait trop de rigueur, trop de punitions et souvent je fuguais pour retourner chez mes parents. Ma mère me battait alors et me retournait de force chez son frère. Ma vie se passait entre l'école d’un côté où j'étais brillant, -je reçus plusieurs prix à la maison de Mamadou DIA comme on disait à cette époque- ; mes fugues de l’autre côté pour flâner à Soumbédioune, à quatre cents mètres de la maison de mon père, et fuir quelque peu la rigueur de la maison de mon oncle à la Sicap ou souvent, on m'a battu pour indiscipline. Un évènement auquel je ne comprenais rien m'avait marqué. Ma mère ne pouvait jamais me laisser seul. Elle était obligée de me traîner avec elle pour m'éviter les combats fratricides avec mes demi-frères plus âgés. Je l'accompagnais partout et même au marché où elle se rendait tous les jours. Le matin, c’était le marché Gueule Tapée et le soir le marché Tilène. Ce jour, j'eus le choc de ma vie en voyant pour la première fois les parachutistes en tenue camouflée, bien bardés, prendre possession de la maison de Mamadou DIA. Il devait être 16 heures ou 17 heures. En tout cas c'était l'après-midi. Ils sautaient des véhicules, roulaient par terre et se levaient de façon superbe pour prendre possession de la rue. Ils se positionnaient tout autour de la grande villa, sur les arbres et abris de fortune, l'arme en joue. J'échappais à ma mère et sans aucune peur les suivais comme beaucoup d'autres enfants de mon âge, pour une, deux ou trois heures. Le temps ne comptait plus, pour la première fois de ma vie, quelque chose m'avait impressionné et me plaisait. Je venais de trouver mon destin et ma destinée ; je voulais être parachutiste et rien d'autre. Les gens fuyaient dans tous les sens. Ma mère devait me chercher partout. Elle me battrait certainement, mais je m'en balançais. J'étais là, témoin comme beaucoup d'autres enfants d'un drame superbe, auquel je ne comprenais rien, j’étais seulement subjugué par le superbe des parachutistes. Je ne quittai Tilène que vers 22 heures, anéanti par le sommeil et bouleversé par un spectacle sublime qui émerveillera toute ma vie. 21
Je ne pouvais plus me passer de parades militaires. Je fuguais souvent de chez mon oncle pour entendre le clairon du camp Claudel à Fann, ou pour voir les militaires Français parader au loin, monté sur l’un des manguiers du vieux Kéba, Le vieux KEBA possédait un verger célèbre dans Fann où tous les jeunes de la Médina ont volé des mangues. Je n'ai jamais chapardé dans le verger du vieux Kéba. Il poursuivait toute la journée les intrus venus voler ses mangues et dut m’attraper une bonne dizaine de fois, il m'enfermait dans sa cabane. Et je lui expliquais toujours que je n'en voulais pas à ses mangues, mais que je voulais juste monter le plus haut possible pour voir les militaires du camp Claudel. Il me comprit et j'eus la permission de monter des heures et des heures pour suivre les activités des militaires. J'entendais les chants que je commençais à répéter par cœur. Je marchais au pas, j'apprenais beaucoup d'autres choses de la vie militaire. J'osais petit à petit m'approcher de la caserne. Je mangeais parfois avec d'autres enfants les restes de repas, la « graille » on disait. Je lavais les gamelles et j'avais même quelques amis soldats avec qui je parlais un français parfait. Plus ils en étaient surpris, plus ils m'offraient des bonbons et des cadeaux, que je cachais. La vie militaire m'enchantait et berçait mes rêves de jeunesse. J'eus la chance de trouver dans la chambre d'une des épouses de mon père mon premier livre de guerre. Le livre était un hommage de l'auteur aux poilus de la Première Guerre Mondiale. Ce livre contribua largement à ma maîtrise du français, de l'orthographe, de la grammaire et des syntaxes, comme avec le Coran. J'eus beaucoup de facilités à lire ce livre que cette tante avait eu de son père, poilu de la Première Guerre Mondiale. Toute l'histoire de cette guerre était illustrée dans ce livre, avec les commentaires adéquats, le nom des grands officiers, des champs de bataille, des photos d'illustration, des pages de journaux d'époque et tout ce qui a marqué la Grande Guerre. Le livre pesait autant que moi, je le déplaçais difficilement. Je fuguais pour le dévorer. J'en connaissais par cœur toutes les 22
pages, tous les commentaires, toutes les photos. Je ne comprenais pas tout, aucun adulte ne pouvait m'en expliquer les commentaires. Je dus m'investir moi-même et en classe cela payait avec les phrases que je formulais, les exemples que je trouvais et les explications que je donnais. Mon vocabulaire s'en élevait et je trouvais toujours les bons mots et les exemples qu'il fallait pour illustrer mes propos. Mes enseignants Cyrille DERNEVILLE, Anna NDIAYE, Mamadou NIANG et Malick FALL de l'école Fann Gueule Tapée en ont toujours été impressionnés. Le 3 avril 1967, les parachutistes avaient sauté sur la baie de Soumbédioune, tous les enseignants abandonnèrent leurs classes pour voir les sauts. La surveillance fut confiée au premier de la classe. Ce deuxième trimestre comme les autres fois, je partageais la première place avec le jeune Kemal aussi brillant sinon plus brillant que moi. Sa mère était institutrice et plus tard devint un écrivain de renommée internationale. Plus âgé que Kémal, j'eus la surveillance de mes camarades. Pour la première fois à l'école je fus en contact avec "yamatogne" le bâton du Monsieur Malick FALL, le Directeur de l’école. Toutes les filles de la classe avaient eu l'autorisation de sortir juste après un baiser sur ma joue. C'était bien rigolo ; une première m'avait fait cette proposition que je trouvais merveilleuse et toutes en avaient profité pour filer à l'anglaise et assister au saut des parachutistes. Les garçons de la classe me dénoncèrent dès le retour du maitre et pour la première fois, je sentis la lanière de monsieur Fall sur mes fesses nues, tenu par quatre gaillards, humiliation suprême. Le Lendemain, j'eus droit sur la route des puits, aujourd'hui boulevard Bourguiba à mon premier défilé du 4 avril. Je vis les enfants de troupe, des enfants de mon âge, en tenue militaire, avec leur musique, leur drapeau comme des militaires, autant que des militaires, plus que des militaires, ouvrir le défilé.
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Un jeune qui avait ma taille défilait en tête avec son bâton de tambour major. Les autres par groupes, par paquets, au pas et en musique défilaient devant tout le peuple. Les applaudissements vrombissaient de partout. Je sautais de mon arbre et suivis pas à pas le défilé des enfants de troupe. Les cravaches des policiers, leur hargne et leurs cris ne pouvaient m'arrêter. Je suivis les enfants de troupe jusqu'à l'éclatement, Je leur posais la seule question possible, comment faire pour être enfant de troupe. Je suivis leur camion, je courus derrière leurs camions. Je réussis à monter à bord et mes questions continuèrent jusqu'au camp Lat Dior où tout le monde débarqua. Je n'étais pas le seul enfant à les avoir suivis. Les grands militaires nous firent sortir, mais je m'accrochai et un caporal qui deviendra mon premier contact dans l'armée m'expliqua ce qu'il fallait faire. Oui, le caporal Seydou Nourou ADJ, adjoint Chef de poste, ce jour-là m'expliqua tout ce qu'il fallait savoir sur les enfants de troupe, la candidature, les papiers à fournir, l'examen à passer, en fait tout ce que je devais faire pour remplir les conditions requises. Je courus vers ma mère qui ne pouvait comprendre grandchose. Pour elle, la vie militaire se résumait à sa fuite de Dakar avec sa mère malade pour rejoindre Rufisque pendant le bombardement de Dakar par la France libre du Général de Gaulle. Mon père ne voulait pas entendre parler ni de moi ni de l'école. Il avait décidé que ce n'était plus son problème. Je n'osais pas solliciter mon oncle trop sévère à mon goût. Pourtant il fallait bien qu'un adulte de ma famille me signe mes papiers. Mon grand frère, l'aîné de ma famille, agent sanitaire qui revenait juste de Bobo Dioulasso, jeune fonctionnaire le fit sans problème. Il me signa tous les documents que je lui présentais. Je fis part de mon projet à mon Directeur et maître. Il me prit en charge et prépara aussi Kémal pour le concours avec la bénédiction des parents de ce dernier , intellectuels et enseignants euxmemes.
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Cette année là, il n'y eut que l'examen de l'école militaire préparatoire. Mai 68 était passé par là. Je fus admis avec les honneurs comme 99 autres jeunes dont Kemal. Le 28 septembre 1968, j’ intégrai l'école militaire préparatoire de Saint-Louis avec 98 bleus répartis en trois classes de 33 élèves. Ces camarades sont mes frères de sang, mes compagnons de jeunesse, mes camarades de jeux, avec qui j'ai partagé des histoires. Je me rappellerais toujours du bleuissage de la Sixième, des combats au bord du fleuve de la Cinquième, de la première cigarette dès la Quatrième, du mouvement obligé le long du pont Faidherbe et des nihilistes de la Troisième, mouvance inventée par SOW Seydi Ababacar SOW et que le Commandant KIRSH baptisera “le néant”. Je me rappellerai pour la Seconde du premier bal des frères jumeaux Assane et Ousseynou MBAYE, de la première fille à Kaolack lors des jeux inter-écoles militaires en Première. En Terminale, arrivèrent les rendez-vous galants avec les filles du Lycée Ameth FALL conquises à Dakar pendant les Semaines de la jeunesse. Je voudrais repartager avec toute la promotion ces moments sublimes qui montrent l'évolution de l'enfant de troupe et la prise en charge de son adolescence. Plusieurs de mes camarades, ne sont plus de ce monde. Certains sont très malades, mais chacun a inscrit, d’une encre indélébile, un évènement dans les annales du prytanée. Cette écriture est notre histoire. Elle nous interpelle pour rester ce que nous ne devons jamais oublier, des hommes forgés dans le service des autres. 1975, année du bac. Je n'étais ni le premier de la classe, ni le dernier. J’ai suivi une scolarité normale au prytanée. Chaque fois quelques prix qui récompensaient une culture générale solide et me permettaient de ne pas baisser les yeux devant les cracks qui finiront à sept comme d'habitude en Terminale C. Je faisais partie du groupe des partisans du moindre effort assurant en premier cycle une moyenne de quatorze à toutes les compositions et une de douze en second cycle. Ce manque d'ef-
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fort a eu pour conséquence qu’on m’oriente en seconde A après pourtant un brevet exceptionnel du prytanée 100%. Je perdis l’estime des chefs de classe qui m'ont toujours porté une attention spéciale, pari lesquels mon chef de classe de la seconde A, le sergent Rosa DASYLVA, tombé au champ d'honneur pendant la guerre de libération de Guinée Bissau. Je leur dois avec Arnaud Ousseynou DIOP, qui finira Adjudantchef, d’avoir fait la première D avec un effort particulier en mathématiques et sciences physiques. Je fis "Makha Toubé", village près de la caserne, comme tous les élèves du second cycle. Je ne me rappelle plus de la raison. J’étais un des délégués de ma classe. Je fus l'objet d'un interrogatoire musclé et humiliant de la gendarmerie dont un MDL/C que je n'oublierai jamais, nous prit par traîtrise. Son capitaine ne put lire correctement ses ordres face à notre détermination. Il vint à nous comme ami et envoyé spécial de la Présidence et qui voulait entendre quelques représentants pour faire son rapport. Les jeeps de la gendarmerie, la brigade de Saint-Louis et les coups pour faire cesser la grève, voilà mon premier contact et mon dégoût de la torture. Je ne sais pas comment la grève cessa. Tout les enfants de troupe furent renvoyés pour quinze jours et nos parents durent nous ramener. Certains dont deux de mes meilleurs camarades Alassane NGOM de Sud Informatique et Amadou Kane DIALLO du COSEC, des amis et surtout tout le groupe de la gendarmerie ne revinrent jamais. Mon oncle chef de classe, le futur commandant Pape Kandé NDIAYE, alors sergent retira mon nom pendant la confection des listes d'élèves à exclure. Je me présentais au Bac très serein et très confiant. Je travaillais mieux et fournissais les efforts constants sans plonger dans le cosmos (veillée) comme les camarades de la Terminale C. Ma mère avait profité de mon passage à Dakar pendant l'examen d'entrée à l'IUT pour me conduire chez le marabout de Touba Yeumbeul, Serigne Abo Madyanah MBACKE.
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Devant plus de deux cents personnes, ce marabout après mon allégeance et « djebellou », me dévoila ma destinée. J'aurai le bac avec la mention, je serai admis pour l'examen que je venais de faire, j'obtiendrai sept bourses d'Etat pour faire mes études en Europe. Je serai admis à tous les examens militaires. L'assistance tombait en transe. Les témoins connaissaient et avaient confiance en ce marabout qui était selon eux infaillible parce que fils de Serigne Bara et béni de façon exceptionnelle par Serigne Touba qui lui avait donné le nom d'un grand religieux originaire de la Mauritanie. Le marabout, d'un revers de la main, fit taire tout le monde et continua ses révélations. Il me dicta de faire la Gendarmerie, arme où mon chemin serait selon lui difficile, tortueux mais salutaire. J'eus mon bac avec facilité, 19 en maths et 17 en sciences physiques. Les sciences naturelles limitèrent la portée de la mention pour une confusion impardonnable entre, cellule animale et cellule végétale. Mon professeur de maths, Monsieur Crouzet vint jusqu'à Dakar chez mes parents pour me féliciter. Les bourses suivirent comme prédit par le marabout, quatre bourses pour la France, une pour la Roumanie, une pour la Russie et une pour la Pologne. Je fus admis à l'Ecole Militaire de Santé avec trois autres camarades Falou DIAGNE, le brillant Thierno Seydou Nourou LY et Mouhamadou MBACKE dont je n'aurai plus jamais de nouvelles. Entre-temps, un Lieutenant de gendarmerie était passé au prytanée organiser un concours. Ce fut après l'exposé d'un commandant exceptionnel que je retrouverai plus tard, toujours égal à lui-même, intelligent, raffiné, posé et élégant, loin des brutes de Makha Toubé. L'impression que cet Officier de la gendarmerie fit sur moi me dicta à jamais ma conduite dans la gendarmerie. Je pense que le Général DIEYE, mon seul et unique promotionnaire du prytanée et de la Gendarmerie ne me démentira pas. Il adopta même la démarche de ce commandant, notre premier commandant d'école et qui fut un Général exceptionnel et mémorable de la Gendarmerie, Mame Bounama FALL. 27
Chapitre 2 EOA et sous-lieutenant de gendarmerie En août 1975, je fis part à ma famille avec la complicité et les bénédictions de ma mère de mon intention de rejoindre la gendarmerie. Pour la première fois depuis peut-être très longtemps, mon père s'opposa net à ma décision. Il fallut un nouveau conseil de guerre pour le choix de mon avenir. Mon père voulait que je rejoigne l'Ecole Militaire de Santé pour être médecin militaire, un métier noble et très utile aux populations ou au moins que j'aille en Roumanie faire des études d'ingénieur agronome. Mon oncle, plus intellectuel voulait que je prenne la bourse de l’Institut National de Sciences Appliquées (INSA). J'excluais d'emblée une vie civile, je voulais être militaire et rien que militaire. En définitive, je ne retenais que deux choix possibles, gendarmerie ou santé militaire avec une option inavouée pour la gendarmerie, option sur laquelle ma mère s’arcboutait comme la surveillance d'un lait sur le feu. Un ami de mon père, le vieux Matar DIOKHANE, appelé à la rescousse certainement par ma mère eut l'idée enchanteresse de me permettre de choisir. Santé militaire je connaissais, j'aimais et les médecins militaires côtoyés durant ma scolarité au prytanée, surtout le mari du professeur d'anglais d'origine américaine, le lieutenant médecin DIOP, médecin de la garnison, avait fortement impressionné les enfants de troupe, les médecins militaires étaient respectés. N'eût été le diktat du marabout, j'aurai choisi d'être médecin militaire et j'ai continué à hésiter malgré mon choix et ma décision finale n'interviendra qu'avec l'insistance du Capitaine Sylimane SARR alors Chef de la division Instruction Documentation de la Gendarmerie.
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J'avais signé tous les papiers de l'Ecole Militaire de Santé pour rejoindre de nouveau Bango pour 45 jours. Mais le capitaine Sylimane SARR et ma mère maintinrent la pression sur moi et je rejoignis la gendarmerie le 5 aout 1975 juste 3 jours avant l'ouverture de l'Ecole Militaire de Santé. Mon père me dicta alors ses conditions pour que je puisse réussir à la gendarmerie. Il avait une très mauvaise perception de la gendarmerie. Deux choses le préoccupaient, la corruption et la torture. Son sermon fut très clair : "être gendarme oui et à condition que tout ce que tu manges soit le fruit exclusif de ton travail ; en outre ne jamais faire souffrir quelqu'un par usage abusif du pouvoir de la loi". Mon père, commerçant, a toujours été sollicité pour un oui ou un non par des membres des forces de l'ordre, gendarmes, policiers comme douaniers qui faisaient du trafic d'influence et monnayaient à mon père des services, mon père avait un mépris retentissant envers cette catégorie spéciale de citoyens qui ne vivaient que de corruption, concussion, prévarication. Les forces de l'ordre de cette époque avaient une composante très brutale qui n'hésitait pas à user abusivement de la force pour faire respecter leurs lois et non les lois de la république. Jeune lieutenant en reconnaissance dans le Fatick pour la visite officielle du Président DIOUF dans le Sine Saloum, je me souviendrai toujours d’une gifle infligée à un vieux Sérère qui s'était permis de faire de l'autostop au véhicule de la gendarmerie, le pauvre ne savait même pas avoir affaire à la gendarmerie et au commandant de brigade. Fort de ces deux contraintes, j'intégrai l'Ecole de Formation et d'Application de la Gendarmerie avec un autre enfant de troupe Alioune DIEYE. Sur place, nous trouvâmes trois autres anciens enfants de troupe qui avaient constitué la première promotion de la section des GAEO, « gendarmes auxiliaires élèves officiers », nom très bizarre qu'un esprit tordu avait prétendu trouver à notre statut pour bien nous différencier du statut normal des personnels de la gendarmerie qui ne nous était pas applicable. 30
Beaucoup de cadres de la gendarmerie nous observaient avec méfiance et même mépris, estimant que les faveurs à nous accordées pour accéder à l'épaulette étaient dangereuses pour l'avenir du corps de la gendarmerie et surtout pour la discipline militaire. La première promotion des GAEO, trois anciens enfants de troupe, subit de plein fouet ce sentiment d'usurpateur. Un seul put réussir à suivre son cycle normal avec la poursuite de ses études en France. Le second notamment Badiane, fut autorisé à redoubler sa deuxième année alors que le troisième Mbaye, pourtant un brillant littéraire était exclu et reversé dans le corps des sous-officiers de gendarmerie avec le grade de MDL. Ces résultats plus que désastreux et même décevants eurent un effet bénéfique sur Dièye et moi. Nous comprimes très vite que nous n'étions pas les bienvenus dans la gendarmerie et que rien ne nous serait pardonné. Nous devions faire tous les efforts imaginables pour obtenir trois séries de diplômes qui sanctionnaient nos études. En premier lieu, nous devions obtenir des diplômes militaires sanctionnant en deux ans notre capacité à commander un groupe de combat et être Adjoint Chef de section d'infanterie, copie conforme du programme de l'Ecole Nationale des Sousofficiers de Kaolack avec l'obtention en première année du CAT2 infanterie et en deuxième année du CIA. En second lieu, les GAEO devaient suivre la formation professionnelle de la gendarmerie, sanctionnée au bout de deux ans par le diplôme de titularisation MDL et le diplôme d'officier de police judiciaire (OPJ). Enfin les GAEO devaient obtenir le DEUG sanctionnant l'obtention du diplôme de premier cycle de la faculté de droit de l'université de Dakar La formation militaire fut dispensée par cinq militaires prestigieux, instructeurs à l'EFAG notamment le MDL/C DIENE dénommé MONGOL à cause de ses moustaches Mongoles. Excellant en armement et en topographie. Il me donna l’amour de ces deux matières que je continue parfaitement de maîtriser.
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Le MDL Pape NDIAYE marqua la formation des élèves gendarmes et maréchaux de logis de cette époque d une encre indélébile son passage à l’école. Trois moniteurs auront un parcours atypique dans la Gendarmerie, NDAO Foulée finira Lieutenant-colonel de Gendarmerie ; Soumaré, un guerrier fera des conneries dans la première ébauche du GIGN. Johnson sera révoqué pour faute grave contre l'honneur et la discipline. Ces deux instructeurs et trois moniteurs encadrèrent les deux GAEO de la deuxième promotion et profitèrent de toutes les heures libres pour nous inculquer une formation militaire solide et dans toutes les matières du CAT2 et du CIA. Quelques jeunes officiers, issus des académies militaires, notamment les lieutenants Bamalick NDIOUR et POUYE se chargeront de la formation Combat programmée tous les jeudis de sept heures à treize heures. La formation professionnelle fut l'œuvre d'assistants techniques Français sous la conduite du Commandant CHARVET. Les rudiments professionnels comme les méthodes et techniques, la procédure pénale pratique, la dactylographie, la police de la route, le maintien de l'ordre et beaucoup d'autres matières qui font la technicité des gendarmes seront passées en revue et maitrisées avec l'aide infernale toutefois inconditionnelle des instructeurs. Les assistants techniques Français feront preuve de compétence et de dévouement pour former les grandes promotions de trois cents élèves gendarmes , soixante élèves maréchaux de logis avec très peu de moyens. Ils feront eux-mêmes les fiches d'instruction qui continuent de meubler la bibliothèque du Commandement des Ecoles et Centres de formation de la Gendarmerie. Ils appuieront avec beaucoup d'efficacité les officiers en charge de la formation du regroupement OPJ, notamment en procédure pénale pratique. L'Université était autre chose et représentait une dimension dans notre formation, plus exigeante et plus compétitive. En première année de droit, mille trois cents étudiants tenaient difficilement dans l'amphithéâtre 5001. En deuxième année, 32
moins de deux cents étudiants prenaient leurs cours à la Faculté des Sciences Juridiques et Economiques. De grands professeurs nous ont permis de comprendre et maitriser une partie de la science du droit. Les professeurs TRAORE, Kader BOYE, DESNEUF, KOUASSIGAN, Birame NDIAYE, MICHELET, les doyens FALL et BOCKEL donneront un enseignement de qualité et permettront à des étudiants de cette époque de briller dans toutes les composantes de la vie nationale. Je citerai dans ce cadre et entre autres étudiants de cette époque, les professeurs agrégés AMSATOU SOW SIDIBE et El Hadj MBODJ, le magistrat Demba KANDJI, le colonel des douanes THIOUNE, le notaire Aissatou Gueye DIAGNE, la banquière Henriette MENDY et beaucoup d'amis magistrats, avocats ou banquiers qui font la loi en termes de respect des droits de l'homme. La sélection était certes sévère, mais la formation était de qualité et les assistants de l'époque, les NGEREKATA, SYLLA, SIDIME et LO, avaient de la trempe et étaient tous dévoués aux étudiants. J'enviais souvent mes anciens camarades enfants de troupe qui étaient dans les académies militaires ou en corniche. Ils n'avaient pas autant de matières que nous, ni autant d'examens à passer pour accéder aux épaulettes. Nous avions une correspondance postale suivie et ils nous expliquaient leurs vies qui étaient très différentes de la nôtre. Nous partagions la Faculté de Droit avec beaucoup d'autres camardes issus de la Terminale A du prytanée notamment Sow Seydi Ababacar, Adama KANE et Abou DIOP. Ce dernier qui rejoindra la Police Nationale après sa licence de droit. Les premiers effectuaient une formation militaire pure et dure sanctionnée par le diplôme de chef de section d'infanterie. Les autres préparaient leur licence en droit sans autre contrainte que la condition difficile et précaire de l'étudiant. DIEYE et moi par contre, et souvent dans un milieu très hostile, devions faire face aux trois formations très exigeantes et conditions sine qua non de la poursuite de nos études en France 33
Notre sort très peu enviable a pourtant suscité dans la Gendarmerie un nouvel élan et une course effrénée aux diplômes universitaires. Les GAEO ont réconcilié le corps de la Gendarmerie avec l'Université et beaucoup d'officiers de tous grades ont profité de notre présence pour retrouver les études universitaires. Certains purent faire un parcours universitaire exceptionnel en partant de la capacité en droit pour se hisser au niveau de la maîtrise voire du doctorat d'Etat. Je peux citer dans ce cadre les Colonels Samba NDIAYE, Cheikhou NDIAYE, le Commandant Souleymane NDIAYE avec qui j'aurai l'honneur d’écrire le nouveau Code de Justice Militaire. Ces personnages brillants, honnêtes et patriotes marqueront la Gendarmerie des années 90, feront des carrières exemplaires et significatives en permettant de rehausser le niveau intellectuel des centres de décision de la Gendarmerie. Au-delà de la Gendarmerie et dans d'autres sphères, ils apporteront leur aide à l'édification de la démocratie sénégalaise. Avec brio, DIEYE et moi passions sans gros problème les différentes étapes de notre formation, accumulant pendant les deux premières années différents diplômes : le CAT2 en novembre 1975, le CIA en mai 1976, le diplôme de MDL en septembre 1976, le DEUG en juin 77 et l'OPJ en juillet 77. Ces différents diplômes nous ouvraient la voie des études en France dans la prestigieuse Ecole des Officiers de la Gendarmerie de Melun. Il fallait au préalable un passage d’un an dans le centre d'instruction de Fontainebleau pour y effectuer le nouveau cours préparatoire des élèves officiers ; centre qui avait pris la suite de Saint- Maixent. Le premier juillet 1977, la Gendarmerie connut un changement de commandement qui allait remettre en cause toute la suite logique de la formation des élèves officiers. Il était question à ce moment là de six personnes, DIEYE et moi en deuxième année, et Madjimby, Gueyefaye, Sellé et le défunt et inoubliable Assane NDAO en première année. J'étais en vacances chez mes parents attendant sagement ma nomination au grade d'aspirant, ma mise en route pour la France, 34
quand je fus convoqué d'urgence par la prévôté à l'école de Gendarmerie. A l'Ecole, je retrouvais tous mes camarades élèves officiers, des sous-officiers de Gendarmerie titulaires du bac et des sousofficiers de l'armée nationale. Je m'entendis expliquer par le commandant CHARVET, Directeur des Etudes, les décisions du nouveau Directeur de la Gendarmerie. La Gendarmerie, selon ses explications manquait cruellement de cadres officiers. Les armées, pour des raisons évidentes de déficit à leur niveau ne pouvaient satisfaire les demandes de la Gendarmerie. En conséquence le nouveau commandement avait décidé de prendre à partir de ce regroupement spécial, un certain nombre de mesures : instituer un stage accéléré de deux mois, chercher auprès des pays amis des places de stages et y envoyer, au fur et à mesure des offres les stagiaires qui auront obtenu les meilleures notes. Je ne pouvais ni comprendre, ni entendre, encore moins accepter une telle décision qui remettait en cause tout mon agenda et mes sacrifices de ces deux dernières années. Je fis comprendre, sans me soucier ni de la discipline ni de la contrainte militaire, que je refusais de participer à un tel stage. Le Commandant de l’école en rendit compte à l'échelon supérieur et là, on décida de me mettre aux arrêts aussitôt. Je connus ainsi la prison du camp Pol Lapeyre, les moustiques, les douches infectées, le manque d'hygiène, les bruits de la circulation de la route de Ouakam. Après vingt-quatre heures de taule, on me conduisit au Commandant de l'école qui m’assura qu’il comprenait bien ma situation et mes explications. Il promit de me faire envoyer en premier sur la liste, mais que je devais impérativement conformément aux ordres rejoindre le nouveau stage des élèves officiers. Je ne voulus rien entendre et on me reconduisit en prison. Vers seize heures, il décida de me sortir de prison et il me fut ordonné le port de la tenue 3B (veste, chemise et cravate).
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Tout le groupe des élèves officiers (GAEO, sous-officiers de Gendarmerie et sergents issu des Armées) fut conduit par bus, bien encadrés devant le Général, le grand Général Wally FAYE. Pour la première fois, je rencontrais cet homme courtois, posé, multidimensionnel et très impressionnant qui tiendra entre ses mains et pendant les treize années qui suivront les destinées de la Gendarmerie, donc ma destinée. Les officiers qui nous avaient conduits avaient manifestement peur de lui. Ils étaient subjugués et n'osaient dire mot. La séance était électrique et on entendrait les mouches voler. La voix du Général s'éleva courtoise et ferme : "Je ne me répéterai pas. Je vous donne la chance de votre vie : faire de vous des Officiers de Gendarmerie. Suivez tous le stage et je ne veux rien entendre d’autre, alors ne nous posez pas de problèmes inutiles, j'ai autre chose à faire. Vous pouvez disposer." Mes camarades saluaient un an à un et sortaient du bureau sans vraiment oser regarder le Général. Quand ce fut mon tour, je le fixai d'un regard que lui-même qualifiera de défi plus tard, saluant avec peut-être trop de désinvolture de tellement qu'il me stoppa et me demanda si je n'étais pas content. Ma rage sortit et je m'entendis répondre : « non, mon Général, vous n'avez rien compris. » Les Officiers sursautèrent et je les vis commencer à trembler. Posément, le Général fit revenir tout le groupe et me donna la parole. Avec rage, je lui expliquai l'illégalité de sa décision, ma situation et la base légale de mon statut que sa décision violait, mes attentes notamment ma nomination au grade d'aspirant et ma mise en route en septembre sur la France pour aller continuer mes études à l'EOGN. Il me posa quelques questions, demanda si un autre était dans mon cas et questionna quelques Officiers sur les différentes composantes du groupe. Il éclata de colère contre ces Officiers qui ne lui avaient pas fait une situation claire de chaque membre du groupe. Il s'emporta particulièrement contre le Chef de la DLPM la Division de la Logistique, du Personnel et Mobilisation, le Capitaine Mendy. 36
Etonnamment, il me donna raison en me rappelant une règle essentielle de l’Armée : "la réclamation n'est permise au subordonné que lorsqu'il a obéi". Avec le général Wally FAYE, j'avais gagné une manche, il s'était fait une idée de moi et pendant les 13 ans qu'il aura l'insigne honneur de commander la Gendarmerie, jamais il ne m'acceptera comme un Officier de Gendarmerie. Il verra toujours en moi un intellectuel à la limite de la discipline militaire et difficile à commander. J’arrivais en France en octobre 1977. En effet les grèves n'avaient permis la tenue de la session de juin qu'en octobre pour des questions de volume horaire. Je rejoignis le cours des élèves officiers étrangers où je me suis trouvé avec 15 camarades de toute l'Afrique francophone, exception faite de la Cote d'Ivoire, du Niger et du Congo. Dieye et moi étions les plus jeunes. La plupart provenait du corps des sous-officiers, avec au moins le grade de sergent-chef ou maréchal des logis chef. Je fus rapidement intégré par le groupe des Gabonais dont le camarade LINZONZO me permit de faire le point des cours dispensés depuis la rentée de septembre. Les Zaïrois dont MWEMBA m'initièrent aux sorties nocturnes après l'extinction des feux; les Togolais me présentèrent ma première copine pendant les vacances de Noël, une béninoise que Dieye me piqua suite à une hospitalisation pour fuir les rigueurs de l'hiver. La consolation vint de l'ancien Badiane, officier stagiaire à Melun qui m'introduisit auprès d'une fille de Danmarie les Lys. La ville de Fontainebleau était charmante mais je n'en connaissais rien. La semaine se passait à l'école sous la surveillance constante du vorace Peugeot. Le week-end, je courrais à Melun où grâce à deux Sénégalais exceptionnels, Birame et Ibrahima NDIAYE Driver, je pouvais en toute tranquillité découvrir l'amour La Seine et Marne, où se trouvent le Centre d'Instruction de Fontainebleau et l'EOGN de Melun, m' impressionna beaucoup. C’est là que je fis l'apprentissage de mon métier d'officier de Gendarmerie. Les deux années passèrent très vite, avec la ri37
gueur des instructeurs français qui nous inculquèrent plus de leur expérience qu'un savoir-faire. La première année fut consacrée à une meilleure maîtrise de la science militaire, armement, instruction sur le tir, transmission, topographie et orientation, NBC, combat dans le bois rond. La deuxième année à Melun fut plus professionnelle et constitua le cours d'application de la Gendarmerie avec des effectifs plus importants et de diverses origines. Trois grandes composantes dominaient les cours, les différentes polices (administrative, judiciaire et militaire), le maintien de l'ordre, la criminalistique et le commandement du service de la Gendarmerie. Des universitaires venaient chaque semaine faire des conférences hebdomadaires pour l’acquisition des notions élémentaires de droit pénal général et spécial, de procédure pénale et de droit administratif. Le sport créait une ambiance bon enfant pour souder toute la promotion baptisée Lieutenant MORICET lors d'une grande cérémonie. La scolarité se déroula très facilement. Ma préparation à Dakar, surtout l'Université me prédisposait à comprendre aisément le contenu des cours. Ma présence obligatoire aux cours aussi bien à Fontainebleau qu'à Melun me suffisait pour obtenir des notes exceptionnelles pendant les différents contrôles programmés ou inopinés. Cela me donnait beaucoup de temps pour découvrir la France, voyager. En même temps cela me permit de me faire beaucoup de camarades français à qui je réexpliquai souvent certains cours. Dans ces écoles, j'ai connu les sentiments des hommes, notamment le sens de l'amitié magnifié par DOTTO, un camarade togolais, qui même, Directeur la gendarmerie, me téléphona au moins quatre fois dans l'année. Le français Jean Marie GRANDRY m'initia à la vie française des Ardennes et que je continue de le fréquenter chaque été, invité de marque de son épouse Marie Odile qui m'a tissé mes premiers bas de laine pendant l'hiver 77. J'ai connu aussi la mesquinerie, surtout de camarades Sénégalais qui n'ont pas hésité à faire des fiches sur moi à l'Etat38
major Gendarmerie de Dakar. Je rentrai au Sénégal en juillet 79 avec de très bonnes notes, cependant les fiches avaient fait leurs effets. L'Adjudant-chef MBENGUE, Chef secrétaire du Directeur de la Gendarmerie prit en partie son neveu Sellé DIOP, Souslieutenant comme moi pour le conseiller à partir de mon cas. Le Général Wally FAYE qui nous recevait pour la première présentation ne put s'empêcher de me faire des remarques et surtout de me demander s'il ne m'était pas préférable de choisir les parachutistes. Tous mes camarades furent affectés à la Légion de Gendarmerie d'Intervention, le fer de lance de la Gendarmerie et moi à l'école, comme Officier instructeur. J'en eus ma première frustration, chacun d'eux se retrouvait avec un logement à la Légion de Gendarmerie d'Intervention et une Méhari alors que moi, je me retrouvai dans mon ancienne caserne, abandonné à moi-même. Ma jeunesse prit le dessus et une lettre de Jean Marie à qui les mesquins avaient raconté ma destination et mes frustrations, m'ouvrit les yeux et me fit comprendre la chance que j'avais. Je décidai de révolutionner la formation. Les Officiers instructeurs étaient la plupart du temps les Officiers dont le Commandement ne voulait pas en commençant par le Commandant de l'école. L’Officier relevé de ses fonctions à juste titre parce qu’il avait fauté comme, l'officier dont la tête ne revenait pas au Commandement ou encore pire celui qui était l'objet de fumisterie était affecté et surtout oublié dans l'école et laissé à lui-même. Les Officiers de l’école n'avaient pas un bon logement. Ils n'avaient pas de voiture de fonction et ils n'étaient pas commandés. Leur situation ne changeait que parce qu’un cas plus grave se présentait au Commandement qui était obligé de pouvoir le poste. Je retrouvai dans l'école des mal-aimés de la Gendarmerie, le Commandant Sylimane SARR, le Capitaine Cardiguez Coulibaly, le Capitaine Ciré SY et le père des Gendarmes-auxiliaires, le Lieutenant Dabo sans oublier mon aîné du Prytanée Moctar Badiane. 39
J’eus la chance de recevoir en octobre 79 une promotion, 4 élèves officiers, 60 élèves MDL et 300 élèves gendarmes répartis dans un peloton d'élèves officiers, une compagnie d'élèves gradés et 2 compagnies d'élèves gendarmes. Le Commandant d'école mit la première compagnie des élèves gendarmes sous mon commandement. J'avais 24 ans et on venait de me confier les destinées de 150 hommes plus âgés que moi. Je décidai d'en faire les meilleurs gendarmes que la Gendarmerie ait connus depuis sa création. Je fis très vite la différence avec la deuxième compagnie en m'impliquant personnellement dans la formation, dans le sport et dans les activités de cohésion. Mon équipe et moi avec l'aide précieuse de l'Adjudant-chef Billy qui finira sa carrière à la tête de la prestigieuse brigade de Thionck, Sembène Diakhaté qui finira Commandant de brigade de Darou Mousty, Mamadou Moustapha NDAO et Cheikh Saadibou NIANG qui finiront Lieutenant-colonel , transformâmes l'école par notre engagement et notre sens de la responsabilité d'instructeur. Comme un poisson dans l'eau, je trouvais une voie dans l'instruction et plus je m'engageais, plus je découvrais les rudiments de la pédagogie. Mes 150 gus m’adoraient et me le montraient en étant toujours premiers partout. Le 4 avril 1980, je connus la consécration sur la Place de l'Obélisque à la tête de ma compagnie alors que tous mes coreligionnaires de Melun défilaient dans les rangs de la LGI. Mes commandements de ma position juste après la garde présidentielle, le chant de mon unité pour rejoindre l'axe de défilé me procurèrent une joie immense qui balaya à jamais toute la frustration que j'avais pu ressentir de ma première affectation. Les commandants d'école sur qui rejaillissait tout mon engouement de l'instruction me prirent sous leur protection et me permirent de rayonner face à toutes les composantes de l'école. Je pris en main la formation militaire des élèves officiers et je suis fier de les avoir tous vus colonels sous mes ordres dans les structures de la nouvelle gendarmerie. 40
Je pris en main aussi la formation professionnelle des élèves maréchaux de logis. Je leur dispensais des cours que leur octroyaient jusqu'ici des gradés. Je vécus au même rythme que mes élèves gendarmes et leur commandement m'apporta une grande satisfaction morale et intellectuelle. Le maintien de l'ordre, de temps à autre en appoint de la LGI, me démontra les capacités de mon unité qui souvent fit preuve de plus de cohésion, savoir-faire et engagement que les unités professionnelles de la Légion. Les regroupements OPJ pour préparer l'examen final de ce diplôme qui conditionne la carrière des gradés de Gendarmerie, me donnèrent une autre dimension. Pour la première fois, les cours n'étaient plus dispensés par les instructeurs Français, mais par un instructeur Officier Sénégalais de l'école. Ces cours, surtout OPJ me donnèrent une dimension nationale et dans toute la Gendarmerie. De Bignona à Podor, de Kédougou à Ouakam, les stagiaires avaient propagé mon nom et décrit ma compétence, mon engagement. On m'écrivait pour répondre à des questions de cours mal maitrisées ou trouver des solutions à des cas concrets.
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Chapitre 3 Errements d’un lieutenant Pour la première fois depuis des lustres, je m'en foutais royalement de ce que le Commandement pouvait penser de moi. Je me savais exclu du système par des jugements hâtifs, alimentés souvent par des camarades envieux et jaloux. J'étais heureux de servir dans l'école, auréolé et admiré par les élèves qui me vouaient un culte sincère et loyal. Je faisais mes cours sans difficulté et avec une aisance surprenante. Le week-end, je conduisais ma troupe au stade Demba DIOP pour alléger la charge de travail de la LGI. J'avais malgré tout ça beaucoup de temps libre que je pouvais consacrer à l'Université et à des distractions de mon âge. J'aimais bien aller en boîte de nuit où chantait mon ami d'enfance du Number One, Doudou SOW. La Gendarmerie ne pouvait comprendre que j'aille en boîte de nuit. Inconcevable pour un Officier et souvent la prévôté qui n'avait peut-être rien d'autre à faire, me suivait sur ordre et rendait compte à l'autorité de mes allées et venues. Le Commandant de l'école recevait souvent l'ordre de me sanctionner, mais jamais il n'a pu le faire parce que n'ayant jamais eu une opportunité quelconque de trouver une seule faille malgré les ragots. Je travaillais de sept heures à dix sept heures. Je dormais de dix huit heures à une heure et je sortais en boîte de deux heures à cinq heures du matin. Plusieurs fois, je fus convoqué dans le bureau du Général pour me faire engueuler sur mes sorties. Je sortais pour exprimer ma révolte et mon dégoût de la façon dont on voulait me voir, et chaque fois je défiais le Commandement de trouver une quelconque faute à ma conduite. Souvent, un Officier de l'Etat-major était désigné pour venir inspecter mon cours et trouver la faille qui pouvait entraîner ma 43
punition. Des camarades Officiers instructeurs en faisaient parfois les frais comme Badiane et Sonko qui virent rapidement leurs dossiers rougir de libellés de punition. Ces deux Officiers pouvaient s'abstenir de dispenser leurs cours programmés comme avaient pu pouvaient le faire certains Officiers de l'école avant moi. Mais jamais durant toutes les années de corvée passées à l'école, je n’ai été absent à un seul cours. Il arrivait même qu'au pied levé, je remplace un instructeur absent ou empêché quelle que soit la matière. Je pus empêcher les contrôles intempestifs des Officiers de l'Etat-major en les collant systématiquement sur des questions pratiques que je faisais poser par les élèves. Je donnais à quelques-uns de mes chers complices comme El Hadj NDAO des questions de cours très difficiles et je leur demandais de me les poser pendant que l'Officier désigné pour m'anéantir faisait sa drôle d'inspection. Je répondais à la première question, hésitais sur la deuxième avant de répondre et faisais semblant de buter sur la troisième. Je demandais prudemment la rescousse de l'Officier en question, sachant pertinemment qu'il ne pouvait y apporter une répondre. Nous le voyions se décomposer, perdre son élan et très vite ramasser ses godillots pour ne plus jamais se présenter dans une de mes salles de cours. Souvent, il allait me dénoncer auprès du Commandant de l'école qui me convoquait sur le champ. La plupart du temps, il s’entendit répondre devant l'Officier en question et de surcroît Chef de Division : « si le Capitaine ne sait rien de ce dont je parle durant mon cours, qu'il s’abstienne de venir inspecter le cours; il doit faire un minimum de préparation pour inspecter un instructeur dans un domaine précis ». Dès lors, le Commandement m'abandonna à mon sort et je pus conduire la formation de mes élèves en toute responsabilité. 80% de mes élèves de l'époque ont pu être gradés de Gendarmerie ; tous mes élèves MDL ont pu être Commandants de brigades ou sont tombés les armes à la main dans les missions de la Gendarmerie. 44
Mes prestations en qualité d'instructeur à l'Ecole de Gendarmerie, et surtout l'aura que j'en tirais à travers le respect des différents stagiaires qui évoluaient dans l'école, ne pouvaient laisser le Commandement indifférent. Beaucoup de jeunes Officiers sortant de Melun et des autres écoles supérieures de gendarmerie rejoignaient les rangs et la politique initiée par le Général Daouda NIANG de recruter des enfants de troupe bacheliers commença à produire ses effets. Le Général Wally Faye ajouta sa marque en intégrant des gendarmes et des sergents bacheliers ; et en trois ans, plus de vingt officiers avaient fortement rajeuni le Corps des Officiers et relevé le niveau général et le commandement des unités. La mobilité des très jeunes Officiers pouvait être assurée. Une nouvelle politique fut mise en place avec l'affectation automatique des sortants d'école à l'école de gendarmerie pour un an. Après, ils rejoignent la LGI pour deux ans, d’abord comme deuxième lieutenant puis premier lieutenant, alors que les officiers issus des corps de troupe plus anciens et souvent proposables capitaine prenaient le commandement des escadrons pour deux ans au plus. Les Officiers issus du prytanée passaient un an à l'école, deux ans à la LGI, deux ans comme adjoints avant d'être nommés capitaines et de prendre le commandement d'un escadron. Je n'eus pas cette destinée et connus des chemins plus tortueux et plus atypiques. Le Commandement profita d'une mésentente entre le Commandant du contingent SENBATCHAD et du Chef de la prévôté de cette unité pour m'envoyer selon le terme du message en doublure de l'Officier de Gendarmerie qui avait fait preuve d'indiscipline notoire en refusant de se déployer à l'intérieur du Tchad. Un avion militaire français me déposa lors d'une liaison à N’Djamena et après deux jours d'explications avec le Capitaine de Gendarmerie, je rejoignis le gros du bataillon à Mongo les Bains, une bourgade sinistre et obscure à six cents km de la
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capitale tchadienne mais combien importants parce que contrôlant les principaux et rares axes du Tchad. Mongo était le carrefour qui permettait de contrôler aussi bien l'accès de Faya Largau, de Ndjamena que du sud du Tchad. Le Sénégal y déploya trois compagnies de combat bien outillées dans le cadre de la Force Interafricaine déployée par l'OUA. J'avais la responsabilité de la discipline du bataillon en même temps que la police générale des hommes. En outre, je devais veiller à l'observation sans faille aussi bien du droit sénégalais que du droit tchadien par les militaires Sénégalais. Je pris très vite la mesure de ma mission en faisant observer par des patrouilles les consignes édictées par le Commandement. Mongo n'était pas grande et avait très peu d'infrastructures, les consignes de sécurité pouvaient se faire appliquer sans problèmes et peu de cas de difficultés furent relevés. Il en alla de même des consignes sanitaires édictées par les médecins pour protéger le bataillon de certaines maladies locales, notamment la méningite. La prévôté eut plus à faire dans la protection du moral du bataillon. Le peu de distraction envenimait la situation. Quelques incidents sans importance pouvaient à tout moment faire basculer la discipline, l'alimentation mal gérée pouvait avoir des conséquences imprévisibles et la prévôté dut appuyer les médecins pour que tous les aspects réglementaires soient sans faille. Les menaces du Commandant de bataillon, les incidents avec quelques Commandants de compagnie pour la qualité des repas furent constants. Cependant l'appui du Commandant de contingent permit de surmonter toutes les difficultés. J'eus droit en mai 1982 à ma première guerre en grandeur réelle ; l'attaque de Mongo par Idriss MBISKINE, le Lieutenant de Hissène Habré. Après la surprise, le bataillon se retrouva en posture de défense de ses quartiers et dans les trous prévus à cet effet. Je rejoignis par curiosité la première compagnie commandée par un Officier légendaire surnommé Sylla GAYNE, un héros
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de la guerre de libération de la Guinée Bissau dont tous les enfants de troupe connaissaient la légende. Il fit les choses comme à la parade et décrivit en parfaite connaissance de cause l'évolution des troupes de MBISKINE qui avaient cessé de bombarder la ville pour l'envelopper quartier par quartier. Le Capitaine Sylla me fit comprendre après quelques appels radio, que le Chef du bataillon demandait à me voir. A travers les boyaux, je rejoignis le poste de commandement pour m'entendre dire : « Essaie de trouver le Commandement des rebelles et dis-leur que nous défendrons nos positions s'ils avancent ou tirent vers nous ». Surpris et sonné par un tel ordre, j'allais refuser net quand mon chauffeur, le Gendarme Sid Mohamed DIENG me tira par la manche en me disant : « Mon Lieutenant, on y va ». Les Gendarmes qu'on avait fait venir en me cherchant firent bloc autour de moi, sous la conduite de l'Adjudant Wally NDIAYE qui me rappela mes devoirs et l'honneur de la Gendarmerie que je représentais. Je sortis très fâché contre le Commandant Harris et monta dans la jeep conduite par Sidy, escorté par l'Adjudant-chef Wally NDIAYE et un autre Gendarme. Je fis descendre l'Adjudantchef en lui disant de prendre le commandement de la prévôté s'il m'arrivait quoi que ce soit et d'en rendre compte à qui de droit. Nous nous dirigeâmes vers les lignes rebelles que j'avais situées grâce aux explications du Capitaine Sylla GAYNE. Les tirs cessaient avec une discipline incroyable au fur et à mesure que j'intégrais le dispositif rebelle. Avec diplomatie, tact mais fermeté le gendarme Dieng tout en conduisant avec extrêmement de prudence, parlait aux rebelles dans une langue que je ne comprenais pas. Un groupe rebelle nous escorta et les tirs cessèrent ; les défenses du gouvernement intérimaire de Goukouny ne se battaient plus et voyant la jeep blanche au milieu de la ville, ils se dirigèrent sans condition vers les lignes sénégalaises pour se réfugier.
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Les rebelles me conduisirent à leur Chef, Idriss MBISKINE à qui de façon sèche et ferme, je répétai les instructions du Commandement sénégalais. Il se montra très heureux, me fit comprendre que le combat était fini, qu'il allait ordonner le cessez-le-feu immédiatement. Il m'offrit une tasse de thé chai et me demanda mon grade et mon âge. Il me fit remarquer le courage dont j'avais fait preuve en traversant la ville et qu'il respectait les armées sénégalaises dont il connaissait la réputation. Il souhaitait rencontrer très vite le commandement sénégalais pour faire le point et échanger sur la sécurité de la ville qu'il venait de conquérir. Je le remerciai et lui fis part de la discipline de ses hommes qui avaient respecté les forces internationales et lui proposai de le conduire auprès de mes chefs. Il voulut que je monte dans sa Toyota de commandement, je lui parlai de la neutralité des forces de l'OUA et l'invitai plutôt dans ma jeep. Il accepta sans problème ; quatre Toyota l'escortèrent à notre poste de commandement. Je rentrai dans le cantonnement gonflé à bloc, sous le regard fier de la quinzaine d'hommes que je commandais. L'Adjudant-chef Wally NDIAYE vint inviter le groupe rebelle à descendre et nous conduisit auprès du Commandant du bataillon qui se remettait de ses émotions. L'instant était magique. Visiblement, il était heureux d'un tel dénouement de la situation sans avoir eu à tirer un seul coup de feu. Autant il voulait rendre compte à N’Djamena, autant il voulait faire bonne impression face aux deux groupes de Tchadiens. Il ne savait visiblement par quoi commencer, entouré de ses jeunes Officiers aussi inexpérimentés que moi. L'Adjudant Wally NDIAYE fit asseoir tout le monde après avoir fait venir des chaises et résuma très vite la situation au Colonel Harris. «Mon colonel, je vous présente le groupe des soldats de Goukouny que j'ai fait désarmer avant leur entrée dans notre cantonnement. Je vous présente aussi les hommes de Habré que le Lieutenant a pu convaincre de venir discuter avec vous. La Gendarmerie attend vos ordres». Puis se retournant 48
vers moi et avec un clin d'œil complice « Avec votre permission mon Lieutenant ». La Gendarmerie venait de marquer des points importants grâce au courage, au dévouement et à l'engagement de sousofficiers exemplaires. Ces sous-officiers, cheville ouvrière de la Gendarmerie, me montrèrent par l'exemple, le mérite et la foi dont ils faisaient preuve en toute circonstance, les chemins de l'honneur, de la gloire et de la fierté. J’eus droit aux félicitations exceptionnelles du Commandant de bataillon qui rendit fidèlement compte des évènements et de la conduite des gendarmes à l'échelon supérieur qui fit de même vers Dakar. Du coup, le regard des militaires changea envers les gendarmes qu'ils avaient toujours regardés en chiens de faïence uand ils ne les prenaient pas pour des cerbères immondes. La route de Ndjamena ouverte, Hissée Habré y fit son entrée sans coup de feu, un mois après Mongo. Notre présence ne se justifiait plus à Mongo et nous retournâmes à Ndjamena. On s'y éclatait comme à Koussèry, ville camerounaise séparée de N’Djamena par le lac Tchad. J'eus droit à un accueil charmant et élogieux du Commandant de contingent le Colonel Thierno NDIAYE. Fin juin 82, le bataillon retourna vers le pays et fut disloqué après une cérémonie émouvante au camp du front de terre excamp Leclerc. Je fus décoré de la Médaille de la Valeur Militaire pour acte de bravoure par le Ministre des Forces Armées, le Docteur Daouda SOW. Le Général Idrissa FALL, Chef d'Etat-major général des Armées me félicita durant le pot d’honneur. L'Adjudant-chef Wally NDIAYE et le gendarme Sidy Mohamed DIENG furent décorés en même temps que moi, cependant la Gendarmerie fut choquée du fait que le Capitaine chef de détachement ne l’eut pas été. Certains mesquins plus gradés me firent comprendre que je ne devais pas être décoré sans que le Capitaine le soit et que ce fait avait permis aux Armées d'écraser une fois de plus la Gen49
darmerie. J'épinglais avec fierté ma médaille et toutes les émotions "du vieux nègre et la médaille" remontaient à la surface et étaient devenues miennes. Je savais ce que je devais à mes sous-officiers du Tchad. Je comprenais aussi que je devais la même chose à mes anciens sous-officiers et moniteurs de l'école de gendarmerie. Ma confiance dans le corps des sous-officiers de gendarmerie date de ces moments magiques de symbiose entre un officier et ses hommes. Je fus mis en congé en attendant une affectation que je voulais plus digne. Le prétexte vint de Diourbel dont le Commandant de compagnie, un brillant Officier que j'avais connu à l'école pendant un moment de traversée du désert, venait de faire un accident de la route et s'était cassé les deux jambes. Je fus nommé contre toute attente, deuxième adjoint alors que le premier adjoint, un oncle du Général assurait l'intérim. Les premiers six mois, mois que le capitaine passa à l'hôpital furent plein de travail et d'initiative. Je m'impliquai entièrement dans le travail de la Compagnie, apprenant avec merveille le travail des unités grâce à deux Adjudants chefs, Moussa NDOYE à Diourbel, Kairé à Linguère. James THORPE de Bambey me fascinait par ses coups tordus qui échappaient à tout contrôle des Officiers. Comme il m'aimait bien, il me montrait comment empêcher les commandants de brigade de me tromper dans le service. J'appris avec ces trois personnages le métier de commandant d'unités territoriales. Ils m'apprirent comment mener une enquête criminelle, comment lutter contre la fraude et surtout comment mener les sous-officiers de gendarmerie. J'eus mon premier incident à Touba à cause d'un conflit interne entre deux grandes composantes de la grande communauté des mourides. Le Khalife, Serigne Abdou Lakhat avait interdit l'alcool et les cigarettes dans toute la ville de Touba et avait mis en place des unités de vigilance pour arrêter et bastonner les coupables.
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Un personnage important de la communauté, ivre mort fut bastonné sans autre forme de procès par les hommes du « beukhe neekh » Mor SECK, homme de main du Khalife. La réaction de la communauté de cet homme ne se fit pas attendre. En effet, ses hommes attaquèrent le poste de Touba et une bataille rangée de grande envergure entre les deux communautés se déroula sous les yeux impuissants des populations. Alerté, je mis en branlebas de combat toutes les huit unités de la compagnie et fonçai sur Touba, où à coup de grenades lacrymogènes, j'eus le dessus sur les antagonistes. Je fis arrêter plus de 160 personnes à qui plusieurs infractions pouvaient être reprochées, notamment port d'armes et attroupement armé. Je rendis compte fidèlement à l'Officier de permanence qui fit réveiller le Général. Il me posa des questions sur l'ampleur des évènements et les mesures prises. Il me félicita pour l'opération et me fixa rendez-vous pour les détails au lendemain matin. Tout fier du travail accompli, je faisais faire durant toute la nuit et avec les renforts, les procès-verbaux en vue de déférer les personnes arrêtées au parquet de Diourbel dans les délais impartis. Le Commandant de brigade de Mbacké, profita de notre engagement pour se rendre à Dakar rencontrer le Khalife, invité chez le milliardaire Ndiouga KEBE. Il lui rapporta à sa manière les faits, s'excluant de toute action, argua de l'absence du Commandant de compagnie pour mettre toute la responsabilité de l'action sur ma modeste personne. A sept heures, tout avait basculé. J'eus droit aux engueulades du Général, au refus du parquet de voir déférer les mis en cause. Le Commandant de brigade était revenu sagement prendre sa place comme si de rien n'était. Je le voyais discuter avec des personnages qui jouaient à l'important. Vers dix heures, je reçus l'ordre de l'Etat-major de Gendarmerie de libérer les hommes du Khalife, une soixantaine de personnes et de déférer les autres. Un responsable de la maison du Khalife les fit sortir avec l'aide du Commandant de brigade.
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Une heure plus tard, un gendarme me rendit compte de la visite d'un grand dignitaire mouride que mon propre père vénérait comme dieu sur terre. Ce dernier, responsable moral de l'autre camp sollicitait mon intervention pour faire libérer les autres. Je le fis avec cœur et certitude en me disant que c'était la seule solution juste du conflit. J'eus droit, vers treize heures à une autre engueulade du Général et je fus aussitôt relevé de mes fonctions avec ordre immédiat de quitter la brigade de Mbacké. Je fus soulagé de cet ordre et revint chez moi préparer mes bagages et rejoindre Dakar où je devais attendre une nouvelle affectation. Vers dix sept heures, le gendarme de permanence me rendit compte de la présence du commandant GT, le Colonel Mamadou DIOP et du Commandant TABANE, un fervent mouride qui vait commandé la compagnie pendant plus de dix ans. Ils me prirent à bord de leur véhicule pour Touba où sur instruction du Général, ils devaient présenter des excuses au Khalife. Le Commandant de brigade de Mbacké nous accompagnait. Les deux Officiers mirent tous les évènements sur mon inexpérience et mes attitudes peu en rapport avec les méthodes de la gendarmerie. Le Khalife accepta les excuses et en profita pour féliciter le Commandant de brigade qui avait toute sa confiance. Il réitéra ses interdictions à Touba et se tourna vers moi pour me questionner sur mon âge et mes responsabilités. Il reprocha à la Gendarmerie de ne pas avoir mis le Commandant de brigade à ma place. Je vis dès lors rouge et sans retenue explosai. Je fis un rapport détaillé des évènements au Khalife et de la qualité de mon intervention qui venait d'éviter un bain de sang. Le Khalife fut surpris de cet exposé qui lui permit de mesurer les faits et les mensonges qui avaient dicté sa conduite. Il me demanda ce qui pouvait être fait pour appliquer les règles religieuses qu'il avait édictées pour la sauvegarde de la ville de son père. Je lui donnai les solutions. Il appela aussitôt le Président de la République pour faire sa requête. Dix minutes 52
plus tard, le Général en personne me demandait ce dont j'avais besoin pour régler les problèmes. Je demandai la mutation du Commandant de brigade et deux pelotons de renfort pour tenir Touba et y interdire drogue, alcool et cigarettes. Pour la première fois, un service de l'Etat prenait pied à Touba et je fus heureux que ce fût une unité de gendarmerie sous mes ordres. Cette décision que le Khalife venait de prendre sous mon instigation me permit de continuer mon travail à la compagnie mais aussi me créa une multitude d'ennemis car elle attaquait de front les lobbies de la fraude sucrière de la ville. Les lobbies eurent raison de ma détermination et un ultime complot organisé par le Commandant de compagnie par intérim me fit affecter à la légion de Gendarmerie d’Intervention en qualité d'adjoint du capitaine commandant le quatrième escadron porté. Je fis beaucoup de maintien de l'ordre à Dakar et vers Thiès dans le secteur des phosphates : quarante cinq jours de consignes dans une usine, puis deux mois dans une autre. Cette routine eut raison de ma discipline et une envie folle de retrouver la vie et mes amies me conduisit en boîte de nuit comme beaucoup de mes camarades qui profitaient de leur état d'officier pour sortir le soir. Je fus pris et envoyé directement aux arrêts pour trente jours. La difficulté à trouver un lieutenant disponible pour Popenguine, le palais secondaire du Président de la République, poussa le Colonel Gomis à me proposer de faire Popenguine à la place des arrêts. J'acceptai sans hésiter. Je passais quatre semaines à Popenguine avec différents pelotons qui se relevaient chaque samedi et j'en profitais pour relire et me ressourcer sur mon engagement. Le retour dans mon unité fut très difficile ; toute la Légion savait que j'avais été puni pour abandon de poste et j'avais réellement honte. Mon premier service de jalonnement m'apporta la solution et je remerciais Dieu de m'avoir sauvé d'une situation difficile et peu honorable.
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Chapitre 4 L’instructeur des écoles ENOA, EFOG et CIGG
Devant le salon d'honneur de l'aéroport Léopold Sédar SENGHOR, le Général Waly FAYE me demanda si j'avais envie de me faire affecter à l'ENOA, Ecole Nationale des Officiers d'Active en qualité d'instructeur. Le Capitaine Bamalick NDIOUR qui occupait le poste depuis six mois avait conseillé mon affectation dans cette institution prestigieuse où l'Etat sénégalais avait décidé de former ses propres Officiers de l'Armée de terre, de la Gendarmerie et des Sapeurs-pompiers. Je retrouvais dans cette institution la crème de l'armée nationale, notamment des Officiers de grande valeur au plan mental, au plan physique et au plan intellectuel et dont la probité morale était sans faille. La plupart des Officiers plus anciens que moi et que j'ai rencontrés dans cette école comme instructeurs sont devenus des généraux de grande valeur et des colonels ayant exercé les plus hautes responsabilités dans les armées. Leur compagnonnage renforça mon éthique, ma compétence et surtout mon engagement au service exclusif de l'Etat et de la Nation. J'ai beaucoup appris de ces Officiers qui m'ont permis, par leurs exigences de parfaire mes connaissances, mes méthodes d'enseignement et surtout mon comportement général d'Officier. Ce fut la période la plus faste de mon existence et surtout la plus satisfaisante. Mon engagement dans l'école fut total et je peux affirmer que vingt ans après moi, aucun gendarme n'a eu les mêmes honneurs et possibilités : Instructeur TAM, Commandant de la compagnie Support, Officier Traditions et Officier social. Je 55
permis à la Gendarmerie de se faire un nom dans cette institution et d'y recruter des Officiers qui rejoindront la Gendarmerie en toute connaissance de cause. Dans cette école, je dus reprendre ma propre formation militaire en participant à toutes les activités de formation des élèves. Ma curiosité fut totale et, l'atmosphère aidant, je fis avec les commandos le dur apprentissage du parcours du risque. Je fis mon brevet parachutiste alors que je n'avais qu'un brevet prémilitaire obtenu en classe de seconde au prytanée. Je revis les moments exaltants des cours de combat avec des directeurs de promotion exemplaires dans la pédagogie comme dans la maîtrise des actions de combat. Je pus parfaire mon éducation technique en suivant les cours dispensés par les assistants techniques français. Instructeur Armement et Tir, je dus prendre des leçons la nuit et payer de ma personne pour être à la hauteur. J'ai dû enseigner des armes que je n'avais jamais rencontrées dans ma formation de gendarme. Comment en effet, enseigner la 12,7 alors que je n'avais jamais vu cette arme. Il a alors fallu faire preuve de beaucoup d'humilité et apprendre moi-même les armes. J'eus la chance d'avoir deux adjudants chefs, les meilleurs dans leur domaine respectif, Oumar DIOP pour l'armement, Diakham pour l'instruction sur le tir. Ils m'ont appris et ils m'ont aidé à être à la hauteur et à transmettre un savoir maîtrisé aux élèves officiers de la deuxième, de la troisième et de la quatrième promotions. Le Colonel Keita et le Commandant Babacar GAYE m'ont appris la rigueur et la responsabilité. Le Colonel m'a donné des exemples en payant de sa personne les erreurs ou les négligences de commandement qu'il ne cessait de constater. Un jour, les élèves de première année avaient oublié de bien nettoyer la statue du Jambaar ce qui est un acte de traditions à faire par les élèves et qui doit être vérifié par l'officier traditions chaque mercredi après midi.
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Ce mercredi là les élèves n'avaient pas bien astiqué la statue et je dois reconnaitre que je n'avais rien vérifié. Vers seize heures, le Colonel me fit appeler devant la statue pour constater de visu la faute. Je décidai aussitôt de larguer les élèves pour une marche de 50 km. Je fis préparer à cet effet deux camions UNIMOG. Chaque élève devait prendre son arme et un sac rempli de 10 kg pour effectuer la marche. Je fixai le rendez-vous devant AMBOFOR 1 à dix sept heures. Je fis un saut chez moi pour leur laisser le temps de prendre les armes et préparer leur sac. Je me présentais au rassemblement en tenue de sport. J'eus la surprise de ma vie, en trouvant le Colonel en tenue de largage, son sac sur le dos et son fusil en bandoulière. J'avais honte de moi et j'eus beaucoup de mal à balbutier des excuses. Je repartis chez moi pour me mettre dans les mêmes conditions que le Colonel. A mon retour, le Colonel avait disparu et comme si de rien n'était, je me suis tapé avec mes élèves les 50 km. Jamais plus la statue ne cessa d'être astiquée, à l'heure et sous mon contrôle. Babacar GAYE m'apprit le respect des moyens de l'Etat et leur utilisation exclusive dans les conditions prévues par la réglementation militaire. Ma voiture personnelle, une SIMCA Horizon fatiguée, était tombée en panne, vers le poste de police. Chef des moyens généraux, je pris une jeep de la compagnie école pour remorquer mon véhicule et le conduire chez un garagiste. Je suis tombé sur le Commandant Gaye qui rentrait avec son épouse de courses en ville. Son engueulade, ses sermons exprimés avec tant de mépris eurent raison de ma volonté de lui tenir tête. Il me fit comprendre le besoin d'exemplarité, et l'exemple que je devais être pour les élèves. Il me demanda de trouver n'importe quelle solution pour ma voiture mais qu'il était inadmissible que je prenne les moyens de l'Etat pour mes besoins personnels. Il assimilait littéralement mon acte à un détournement de deniers publics.
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Officier traditions, j'ai dû côtoyer de grands intellectuels comme entre autres le Professeur Iba Der THIAM et Mbaye Gana Kébé pour réviser l'histoire militaire du Sénégal. Je dus faire appel à de grands griots pour retrouver et traduire en termes militaires les faits d'armes des rois du Sénégal. Nous réécrivîmes l'histoire militaire du Sénégal en mettant en tableau des faits d'armes méconnus et des victoires de tièdos sur les Officiers français. L'Ecole organisa deux conférences sur des batailles historiques en mettant en exergue la stratégie et la tactique des guerriers qui se sont opposés à la pénétration coloniale. Ainsi Ngol Ngol et Paos koto ont désormais une signification profonde pour nos élèves. Après deux ans dans cette prestigieuse Ecole, je fus nommé Directeur des études de l'Ecole de Gendarmerie. Le poste n'était pas un poste de choix et souvent, il était destiné aux Capitaines démontés des unités territoriales, aux Capitaines rebelles ou encore aux enfants de Soweto dont le commandement ne savait que faire. La plupart du temps, se sentant oubliés, les officiers se laissaient aller ou faisaient leurs affaires personnelles sans aucune attention de l'Etat-major gendarmerie. Je trouvai après une ENOA prestigieuse, une école morne, sans âme, laissée à ellemême et aux assistants techniques Français. Je décidai de révolutionner cette situation et de transformer l'école en un lieu de savoir et d'acquisition du métier de gendarme. Comme l'instruction n'intéressait personne, je pris toutes les responsabilités et fis mettre en place des méthodes d'enseignement que j'avais importésavec moi de l'ENOA. J'eus l'avantage de pouvoir compter à cette époque sur des sous-officiers de valeurs qui appliquèrent sans faille les nouvelles méthodes que je ramenai des écoles de l'Armée. Je citerai entre autres mes anciens collaborateurs, l’Adjudant Sembene DIAKHATE, le Major Abba DIOP, le Lieutenant-colonel Mamadou Moustapha NDAO, le Lieutenant-colonel Cheikh Sadibou NIANG, le Major Massamba GUEYE et bien d'autres sousofficiers comme Aly BANEL et Amadou Lamine DIOP qui ont tous fait honneur à la Gendarmerie. 58
Je pus compter sur le nouveau Commandant de l'Ecole qui venait d'obtenir son premier grand commandement, après avoir longtemps servi à l'Etat-major comme Chef de la Division des Opérations. Il n’était pas satisfait des conditions de son avancement ; il venait d’être éjecté de l'Etat-major et désigné pour remplacer le Colonel SARR qui lui avait bénéficié de l'effet domino pour se retrouver en Gambie. Le Lieutenant-colonel Charles Dièdhiou n'était pas très enchanté de prendre le commandement de l'école alors que son « bazar », subitement devenu son chef prenait le Commandement de la Gendarmerie mobile. Il ruminait sa colère en décidant de couper les ponts avec le Haut Commandement. La situation ténébreuse de ces années difficiles avec l'ajustement structurel et l'apparition d'une multitude d'évènements néfastes à la quiétude républicaine changea la donne, le parcours et le programme de l’Ecole Je pris part à deux évènements majeurs de la République où l'action de l'Ecole de gendarmerie, l'impulsion du Lieutenantcolonel Charles César DIEDHIOU et mon commandement direct ont été déterminants et ont assuré à jamais la stabilité de la jeune République. Beaucoup vont juger de tels propos prétentieux, mais j'affirme que l'école de gendarmerie dans les deux cas avait sauvé la République. Avril 1987, la révolte des unités de police fut stoppée nette par des unités écoles placées à côté des unités professionnelles de maintien de l'ordre de la LGI. Le dispositif Gendarmerie sur l'avenue Roume avec, en premier échelon, le Premier Escadron Porté de Koly Ndiaye CISSE et le Quatrième escadron Porté de Bécaye DIOP, a été enfoncé à hauteur de l'ancienne BNDS par les grévistes de la police. Les gendarmes mobiles perdirent quatre fusils HK 33. Deux officiers dont le Capitaine, officier adjoint au Commandant de compagnie de Dakar furent blessés. Le Général Mamadou Mansour SECK, Chef d'Etat-major particulier dut venir engueuler les Officiers supérieurs de Gendarmerie. La débandade du premier échelon ne put être évitée que par une intervention énergique de la compagnie des élèves gradés 59
de l'Ecole sous mon commandement. En effet, ces élèves, genou à terre et en position du tireur, dissuadèrent les policiers et permirent au premier échelon de reformer ses rangs. Cette position ferme et déterminée fut maintenue jusqu'à dix huit heures ou le second lieutenant de la compagnie de Dakar, le Lieutenant Balla BEYE, sollicita une intervention pour défendre THIONCK. Un peloton d'élèves gradés fut détaché à la compagnie de Dakar avec des ordres de défense ferme. Les quelques policiers qui voulaient attaquer Thionck pour libérer deux des leurs arrêtés sur la rue Félix Faure par les gendarmes furent tellement impressionnés qu'ils coururent vers le Commissariat central pour se réfugier. Le Lieutenant Balla BEYE exploita rapidement la situation et engagea les élèves gradés sur le Commissariat. Préjugeant de la dangerosité de la situation qui pouvait aboutir à un échange de coups de feu, je courus avec le Capitaine Abdoulaye FALL, premier adjoint de Thionck, déjà blessé le matin par les policiers, vers le Commissariat central, Nous y arrivâmes bien avant le peloton que Balla BEYE manœuvrait en sûreté, le Commissaire central KANE commença aussitôt à négocier avec nous et surtout avec le Capitaine FALL qu'il connaissait mieux. Ce dernier lui exigea de tenir les policiers loin des unités de Gendarmerie et surtout dans le Commissariat et que la Gendarmerie réprimerait toute manifestation sans hésiter, ce que le Commissaire, homme de bon sens, accepta sans difficulté. J'en profitai pour exiger la restitution des quatre fusils HK 33 pris le matin aux unités de la LGI. Invités par le Commissaire, nous rentrâmes dans le poste et après avoir récupéré les armes de la LGI, nous fîmes, de concert avec le Commissaire fermer le magasin d'armes du Commissariat. Le Commissaire voulut remettre les clefs au Capitaine FALL, nous lui conseillons de ne pas le faire et que nous n'avions pas de telles instructions et qu'il devait continuer à assumer son rôle de Commissaire central de Dakar en attendant la suite des évènements. 60
Dès lors, tout se déroula dans le calme et la sérénité jusqu'à vingt heures, heure à laquelle, le gouvernement décida de radier tous les policiers. L'ordre nous fut donné avec la LGI de faire évacuer tous les commissariats, de les prendre en compte et d'y installer des postes de Gendarmerie avant le quinze avril, cinq heures du matin. J'eus la responsabilité avec mes élèves de prendre en charge le secteur du Plateau et notamment de faire évacuer le Ministère de l'Intérieur, la Direction des passeports et titres de voyages, le Commissariat Central, le Premier Arrondissement, Bel Air et la police de Reubeuss. A cinq heures du matin, tous ces endroits étaient sous le contrôle des unités de l'école et à sept heures, les brigades de Dakar avaient détaché des personnels pour exercer les charges de la police nationale. Le service public de la sûreté nationale fut transféré à la Gendarmerie qui multiplia les ardeurs et les ingéniosités pour remplir correctement la mission. Nonobstant la garde et la sécurité générale des commissariats, mes unités reçurent la mission de police de la route et de facilitation du trafic, sans oublier les patrouilles de sécurisation et les rafles de nuit. Sous les ordres du Capitaine Alassane Diallo, nommé Commandant du Corps urbain de Dakar, nous assurames les missions de ce grand service de la police pendant six mois. « Boy Fass », je profitai de ces évènements pour nettoyer la ville des grands trafiquants de drogue qui sévissaient entre la Gueule Tapée, Fass et Colobane avec un accent particulier sur le cinéma El Mansour. La saisie de plus de trois tonnes de "lopito" dans une maison de Grand Dakar, faillit me coûter cher avec l'accusation qui fut faite à la Gendarmerie d'avoir volé de l'or et des devises durant l'opération. Le photographe officiel du Président de la République me tira de cette affaire par sa présence dans toutes les opérations nocturnes. Parce qu’écœuré que mes Chefs aient un seul moment preté foi aux dires d’un criminel, trafiquant de drogues notoire, qui 61
m'accusait, je ne retrouvai l'Ecole que six mois après ces évènements. Ce fut pour prendre en charge le recrutement spécial de plus de 500 gendarmes, appelé recrutement police, et à former en six mois. Ce recrutement me permit de me fixer un autre objectif plus facile à conduire face à la volonté affichée de beaucoup d'Officiers supérieurs de me casser. Directeur des études, je mis en place un programme et une organisation pour faire face à cette demande spéciale du Commandement. Un deuxième évènement plus grave vint perturber le déroulement normal des cours et stages et remit l'Ecole de Gendarmerie dans la rue pour une autre période presqu’aussi longue. Les élections de 1988 me donnèrent une nouvelle fois l'opportunité de faire évoluer les unités Ecole dans Dakar avec des résultats qui feront ma fierté et m'apporteront à jamais le respect des personnels placés sous mes ordres. Pour les élections de 1988, l'Ecole fit mettre en marche douze escadrons composés de cadres, d'EMDL, d'élèves gendarmes et de gendarmes auxiliaires, soit un officier, dix gradés, huit EMDL, soixante élèves gendarmes et cinquante auxiliaires par escadron. Je me retrouvai investi Commandant de ce détachement et envoyé pour les besoins de la sécurité des élections dans les régions de Ziguinchor et de Kolda. Nous fûmes mis en route vers ces deux régions le 25 février sans difficulté. Nous remplîmes la mission de même sans grosse difficulté et reprîmes la route de Dakar le 28 février. Le 1er mars, vers onze heures à hauteur de Kaolack, nous fûmes pressés par le Commandant des forces de gendarmerie, le Colonel Pathé SECK de redoubler d'efforts pour rejoindre Dakar le plus rapidement possible. Une escorte motorisée nous prit en charge à Diamnadio et vers quinze heures, nous étions effectivement dans la caserne Pol Lapeyre, notre caserne. Le Commandant de l'Ecole, le Lieutenant-colonel Charles DIEDHIOU nous fit le point, non seulement la situation sur 62
Dakar aux mains des manifestants, mais aussi l'incapacité des unités de reprendre en main la situation, ce qui signifiait qu’à tout moment, l'Etat pouvait faire intervenir la troupe pour garder la main sur la situation. Il sortit sa carte de Dakar et montra comment tenir la ville et venir à bout des petits commandos qui semaient le bordel et allumaient des incendies un peu partout. Il était désolé d'être tenu par le Haut Commandement loin des affaires alors qu'il avait les solutions. Le Commandement ne voulait pas gêner le Lieutenantcolonel Pathé SECK, Commandant de la gendarmerie mobile et qui avait été nommé Commandant des Forces. Directeur des études et adjoint direct du Colonel DIEDHIOU, celui-ci me montra comment tenir tête au commandement et exiger de mettre en marche le plan qu'il avait conçu pour contrôler la situation. Je dirigeai les unités école vers la caserne Samba Dièry DIALLO, convaincu de la justesse du plan DIEDHIOU, et décidé à l'offrir au colonel SECK pour qui j'avais beaucoup de respect et de considération. Je n’étais pourtant que capitaine, face aux Officiers de l'Etat-major Gendarmerie, aux Officiers supérieurs de la LGI et aux Commandants d'escadron dont la plupart étaient plus anciens que moi dans le grade. Je trouvai un Etat-major désolé et perdu dans ses recherches de solutions, Deux journées d'émeute avaient eu raison des 6 escadrons de la LGI dont les hommes épuisés et défaits dormaient sur le terrain de sport sans âme. Les Officiers semblaient tout droit sortis de cavernes tellement ils avaient l'air peu fiers. Je reçus immédiatement sans aucune explication l'ordre d'engager trois de mes unités pour relever deux escadrons de la LGI qui patrouillaient dans le secteur Gendarmerie et qui étaient à court de grenades lacrymogènes. Je m'entendis rétorquer au Commandant POUYE qui dirigeait en ce moment les opérations, que ça ne servirait à rien et que dans deux heures, j'aurai épuisé mes hommes et mes munitions et qu'il fallait faire autre chose.
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Désespérés, les Officiers supérieurs voulurent relever l'indiscipline, mais le Colonel SECK, homme de consensus et peu gendarme mobile, me demanda comment je voyais la situation. Je lui fis un exposé du plan DIEDHIOU que j'avais fait mien pour ne pas heurter sa sensibilité. Il accepta ce plan sans hésitation et j'en profitai pour lui poser mes conditions. Un, je ne dépendais que de lui. Deux, la LGI devait servir de réserve et être regroupée avec toutes ses unités à la Médina et n'intervenir qu'à ma demande et à mon profit. Trois, on me laissait libre de prendre les initiatives sur le terrain. Enfin quatre je faisais du stade Demba DIOP ma base et la base de mes unités. Je pris possession de Dakar et notamment du secteur gendarmerie et le lendemain deux mars 1988, les incidents avaient baissé à quatre vingt pour cent et plus de cent cinquante personnes casseurs de tous bords, étudiants et badauds avaient été arrêtés et mis à la disposition des unités territoriales. Les bus de la SOTRAC avaient repris leur trafic normal. Les véhicules du gouvernement pouvaient circuler et les boutiques recommençaient à s'ouvrir. Les carrefours principaux de Dakar étaient tenus, les stations d'Essence surveillées et on ne pouvait se déplacer cinq cents mètres sans tomber sur un poste Gendarmerie. Les hommes faisaient un service de 24 heures, se reposaient à Demba DIOP 24 heures et bénéficiaient à mon initiative personnelle d'une journée entière chez eux pour reprendre la forme. La LGI était consignée et en alerte Gaindé à la caserne Samba Diery DIALLO vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui énervait beaucoup les hommes. Pendant six mois, capitaine très combatif, avec mes lieutenants Balla Beye, Diongue, Loumbol SY et Cheikh Saadibou NIANG, je fis régner l'ordre à Dakar sous la conduite et l'assistance directes du Colonel Charles César Emmanuel DIEDHIOU, boy Dakar et Officier de très grande valeur. Au mois de septembre 1988 je dus rejoindre la Gambie ou j'avais été affecté depuis janvier 1988 toujours par effet domino, C’était pour remplacer un de mes anciens le Capitaine Thierno LO qui devait aller faire son brevet d'état-major en France. 64
Cette affectation me replongeait dans l'univers de l'enseignement et je me retrouvai à Banjul avec deux fonctions ; Adjoint au Commandant de la Gendarmerie Confédérale et Commandant de Gambian Gendarmerie Training School. La première fonction me prenait tout mon temps et je délaissai la seconde à mon adjoint le Lieutenant Wagane FAYE qui y fit un excellent travail. Je profitais de la situation pour tisser un ensemble de relations avec beaucoup d'officiers Gambiens avec qui j'avais à la différence des officiers Sénégalais qui les méprisaient d'excellentes relations. Ces relations sincères ont pu se poursuivre après la confédération et encore servir le restant de ma carrière et dans certaines de mes fonctions. Le colonel CHONGAN, célèbre opposant au coup d'état du seize juillet a été le point focal de ses relations et gagné par la force des choses, le respect, l'estime et l'amitié. J’ai partagé avec lui ses honneurs, ses désillusions, ses déboires comme un frère. Je lui dois beaucoup notamment dans l'entretien de mes enfants en Europe. Il me doit avec certains officiers de renseignement occidentaux sa survie dans les geôles de JAMMEH. Yaya JAMMEH était en fonction dans mon secrétariat en qualité de planton, fonction qu'il détestait par-dessus tout, Il était particulièrement indiscipliné et discourtois. Cette attitude s'expliquait à travers des échignements qui me poussaient à souvent le provoquer. Chaque matin, dès ma descente de véhicule, mon premier geste était de lui tendre un billet de cinq dalasis, monnaie gambinne, pour aller m'acheter un paquet de Dunhill à la boutique du coin. Sa fierté en était toujours heurtée. Il ne pouvait pas ne pas le faire et toujours par des haussements d'épaule, des gloussements, il m'insultait en diola ou socé avant d'aller acheter les cigarettes. J'en étais heurté et je voyais les autres Gambiens en rire sans jamais prendre la moindre sanction. Je voulais attendre le bon moment pour me le farcir pour de bon. Ce moment arriva un jour où ses gloussements furent plus compréhensibles. Je le convoquai sur le champ à l'intérieur de 65
mon bureau pour le sermonner. Il justifia son comportement par la discrimination que les Sénégalais faisaient entre les militaires gambiens. Il estimait que les wolofs étaient privilégiés face aux autres ethnies et que c’est chez eux que le corps des officiers se formait et se recrutait. Il me montra ses diplômes et je dus admettre l'évidence et décidai de le nommer automatiquement élève officier avec rang d'aspirant. Erreur ou justice, je ne voudrais jamais répondre à cette question.
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Chapitre 5 Le commandant d’escadron mobile 1987, 1988, 1990 Je revins à Dakar à la suite de l'éclatement de la Confédération Sénégambie. Le Président Diawara croyait avoir stabilisé son régime ; il dénonça les accords de Kaur, fit éclater la Sénégambie. Le Président DIOUF, plus qu'énervé, nous donna 48 heures pour quitter le territoire gambien. Contre la volonté des militaires et même de l'opinion publique, il démontra en grand seigneur que le Sénégal n'avait aucune volonté d'annexer la Gambie. Les troupes y étaient à la demande des autorités gambiennes et avec leur consentement. Cette présence de mille cinq cents gendarmes, soldats, marins aviateurs et sapeurs de tout grade n'était bénéfique qu'à la Gambie et coûtait très cher au budget national. Cette aventure de la Confédération fut très mal vécue par les troupes confédérales entièrement équipées avec des matériels sénégalais sans aucune contrepartie de l'Etat gambien. Les militaires Sénégalais avaient leur solde du Sénégal, sans prime ni aucun avantage lié à leur expatriation dans un pays tiers. Les militaires gambiens comme leurs fonctionnaires de la confédération voyaient leur salaire multiplié par dix. En quarante-huit heures et démontrant un professionnalisme sans faille, les forces sénégalaises avaient rejoint Dakar pour la Gendarmerie et Bignona pour l'Armée de terre. Je me retrouvai ainsi Commandant du 2ème Escadron Porté de la Légion de Gendarmerie d'Intervention. Je retrouvai rapidement le train-train quotidien des unités mobiles, instruction, jalonnements, services d'ordre et maintien de l'ordre. Le Deuxième Escadron Porté me donna toutes les satisfactions que je pouvais attendre d'un commandement direct sur 67
plus d'une centaine d'hommes. Il comptait deux Officiers, une vingtaine de gradés et cent très jeunes gendarmes qui se préparaient au DAP, diplôme d'aptitude professionnelle indispensable pour une carrière honorable en Gendarmerie. Dès lors, je fis de l'instruction de mon unité une priorité absolue pour préparer gradés et gendarmes aux concours professionnels, La plupart du temps, je dispensais la plupart du temps les cours avec l'appui constant et apprécié de mes Lieutenants, Ismaila Sarr et Emile NTAB. Le Lieutenant Lamine MBAYE, Commandant du Troisième Escadron Porté fit le même effort en mutualisant nos compétences. Cet effort soutenu, aussi bien dans notre base de Leclerc que dans les nombreux déplacements en Casamance, nous permit d'obtenir dans le groupe d'escadrons des taux de réussite exceptionnels. Ainsi, la plupart des gendarmes du deuxième voire du troisième porté commandé à l'époque par cet officier de valeur sont des gradés et commandants de brigades qui ont écrit de belles pages dans l'évolution finale de la Gendarmerie. J’avais créé un vivier de gendarmes compétents, engagés et fiers qui ont permis à l'unité de se distinguer dans les missions ordonnées par le Haut Commandement et dans toutes les prestations planifiées par les Forces Armées. Cette unité a brillamment défendu la centrale électrique de Boutoute. Il s’agissait de la première attaque d'envergure des rebelles sur Ziguinchor depuis les évènements de Diabir qui avaient déclenché l’insurrection en Casamance. Un peloton du Deuxième Porté aux ordres du Lieutenant Ismaila SARR a fait un carton mémorable à Kamaracounda sur une colonne rebelle, permettant au Général Gouverneur de présenter pour la première fois des rebelles morts aux médias. Ismaila SARR d’initiative, et en bon fantassin, a cueilli les rebelles qui avaient harcelé Boutoute toute la nuit. La capacité et l'engagement de mes deux adjoints me permirent de préparer mon DAGOS et de le réussir brillamment avec une moyenne très honorable. Je sortis major du DAGOS toutes les forces armées avec plus de seize de moyenne, le deuxième ayant eu un peu plus de douze. 68
Je fus très déçu du tableau d'avancement qui suivit ce DAGOS, non seulement du fait de mes notes exceptionnelles du DAGOS, mais surtout pour le travail accompli pendant six mois en Casamance avec deux unités et en l'absence de tout Officier supérieur J'avais apporté une certaine quiétude aux populations grâce à un emploi correct des unités de Gendarmerie, une collaboration sans faille avec le Commandant Tamsir DIOUF patron du GMI et un appui constant de la zone militaire. Les différents corps de sécurité, pour une fois, ne rechignaient pas à la tâche et remplissaient la mission avec ferveur et imagination sous le regard compétent et bienveillant du Général Amadou Abdoulaye DIENG, Gouverneur. Je fus très découragé par le choix du Commandement qui avait préféré nommer d'autres officiers sur d’autres critères. Le Major du DAGOS, dans le cadre des traditions, était toujours nommé Chef d’escadrons ou de bataillon, selon son arme, le premier juillet de l’année qui suit l’examen. La question ne relevait ni du mérite, encore moins de l’emploi, mais d’une tradition jusque-là respectée. Des problèmes d'argent et de PGA, prime globale d'alimentation m'opposèrent au Commandement. Au retour de la mission et une fois à notre base, j'avais fait réaliser beaucoup de matériels pour l'unité, des matériels de loisirs comme des télévisions et vidéos, des matériels de cuisine pour faciliter les déplacements et surtout des batteries de véhicules pour nos SM8 ; il fallait souvent pousser pour les faire démarrer. Le reste des fonds alloués comme PGA, fut géré de façon transparente par une commission élue par les sous-officiers pour régler les cas sociaux de l'unité. Cette façon de procéder fut décriée par les autres Officiers de la LGI qui disposaient des fonds restants de la PGA comme ils l’entendaient. Ils s'en servaient souvent pour se faire construire des maisons ou offrir des cadeaux somptueux à leurs Chefs dans le but de pérenniser leur séjour en zone sud.
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Ne pouvant me punir ou encore moins entreprendre une quelconque action contre moi, et en prétextant mon DAGOS, on me nomma Chef de la Division Justice Militaire à l'Etat-major Gendarmerie. Il n'y avait même pas de bureau pour cette Division, qui dans l'entendement du Commandement n'avait pas d'importance. Généralement, un Chef de Division important comme la DEOOS prenait en charge cette Division. Tout était à créer. En commençant par retrouver les textes épars pratiquement dans toutes les divisions ou la justice militaire était plantée selon les humeurs et décisions du Général. Je devais me trouver du personnel et surtout donner de l'importance à ce Service. J'étais le seul Capitaine Chef de division et souvent je me retrouvai à faire la corvée de l'Etat-major Gendarmerie ou j'étais taillable et corvéable à merci. . Je finis par donner de l'envergure à ma division en faisant un travail remarqué par les magistrats et l'Etat-major général, ce qui permit de mettre à jour les dossiers et en rendant les jugements attendus à la satisfaction de tout le monde.
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Chapitre 6 Libéria forever La décision de l'Etat d'envoyer des troupes au Libéria dans le cadre de l'ECOMOG fut une nouvelle donne. La Gendarmerie, tenant compte du TED Tableau d'Effectif et de Dotation devait fournir un détachement de cinquante hommes dont un Lieutenant-colonel, un chef d'escadron et trois Capitaines. Les quarante-cinq autres éléments devaient être des sous-officiers de tous grades. Le Colonel Bamalick NDIOUR, un grand guerrier fut chargé de mettre sur pied cette unité prévôtale spéciale sur la base de volontariat. Un message de Commandement fut pris à cet effet et beaucoup de sous-officiers se portèrent volontaires. Mais il n'y eut que le Colonel NDIOUR comme Officier volontaire. Le Commandement entama des discussions avec l'Etatmajor Général des Armées pour revoir à la baisse le quota des Officiers de Gendarmerie. L'EMGA préféra un Commandant pour diriger la section Gendarmerie à la place d'un Lieutenant-colonel. En effet, pour respecter le TED du Bataillon de Commandement et des Services commandé par un chef de bataillon, tous les chefs de service devaient avoir le rang de commandant. Le Général GOMIS convoqua un à un la plupart des Commandants de Gendarmerie pour leur octroyer le commandement de la prévôté du Libéria. Chacun trouva un prétexte pour refuser ce cadeau empoisonné. Personne ne voulait aller se faire tuer au Libéria, surtout que rien n'était défini en termes de primes ou avantages. Après trois jours de rencontres infructueuses, le Colonel Sylimane SARR, Haut Commandant en Second, lui suggéra de faire appel à moi pour diriger la prévôté du Libéria. Il me convoqua et sans discussion préalable, il me tint le langage que 71
voici : « Tout le monde me dit que tu es un guerrier, l'Honneur de la Gendarmerie est entre tes mains, je te désigne pour aller au Libéria ». Je lui répondis que la note exigeait un Commandant pour conduire l'unité. Il me répondit : « Tu as le DAGOS et je te fais commandant électronique ». Je lui exprimai mon refus d'être « électronisé », c'est-à-dire porter le grade à titre temporaire. Il me promit de me faire garder les galons, que je n'aurais pas à les enlever et qu'il m'inscrirait d'office dans le prochain tableau d’avancement. Tout fier, je lui répondis que je suis un militaire et que, s'il me désigne pour cette mission, j'obéirai, mais que je tenais à rester capitaine, ce que j’étais et dont j’étais très fier. Il n'avait aucune autre solution. Il appela le Commandant de contingent, le Colonel Mountaga DIALLO, pour lui faire part de la situation : il n'avait qu'un Capitaine pour diriger la prévôté. A l'impossible nul n'etant tenu, je pris sans amertume ce commandement, fit faire mes "deubba deubb" avec ma très chère et irremplaçable mère et confia mon destin à Dieu. Je préparai l'unité dont je connaissais la plupart des sousofficiers qui avaient été formés quelques années plutôt à l'Ecole de Gendarmerie. Ils me connaissaient et la plupart avaient une confiance aveugle en moi. Ils furent excellents dans une mission difficile. Ils se comportèrent avec confiance, détermination et courage et firent respecter la loi souvent dans des conditions extrêmes. Je payai de ma personne pour que la flamme de la Gendarmerie brille, et participe à une des belles épopées des Forces Armées sénégalaises. Nous étions partis en soldats de la paix apporter notre aide et notre soutien à un peuple frère et martyrisé par une guerre civile folle, sauvage et incontrôlable. On nous imposa une guerre à laquelle nous n'étions pas moralement préparés. Nous vécûmes des monstruosités insoupçonnables sur terre.
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Je me rappelle de notre arrivée à Ramroad, camp militaire au temps de la splendeur du Président Samuel DOE. Cette caserne, construite par Samuel DOE devait abriter, vu sa configuration, une unité blindée ou mécanisée de la défunte armée nationale libérienne. L'ECOMOG nous assigna cette caserne comme base du régiment sénégalais du Libéria. Nous étions une cinquantaine d'hommes officiers d'Etatmajor, sous-officiers logistiques et hommes du génie, à constituer la première vague qui avait embarqué pour Monrovia à bord d'un C 130 américain. Nous avions quitté Dakar à six heures pour atterrir à Monrovia vers onze sous la conduite de l'Adjoint Chef de corps du bataillon des commandos, Balla KEITA. On attendait deux autres vagues qui devaient atterrir à intervalle régulier de trois heures, soit au total cent cinquante hommes le 21 octobre 1991 pour préparer l'arrivée du régiment, mille sept cents en deux mois. Des camions du contingent Nigérian nous déposèrent en face de Ramroad. Bizarrement le capitaine Nigérian, Chef de la rame et du convoi nous indiqua juste le camp, sans vouloir y pénétrer avec nous. Balla KEITA demanda au Capitaine Ansoumana SARR de mettre en ordre les hommes et m'invita, avec les deux autres officiers qui faisaient partie de la vague, à inspecter Ramroad sous le regard moqueur et ironique des Nigérians qui nous enviaient pourtant nos uniformes US, une première en Afrique. Ramroad était juste un immense champ de ruines abandonné depuis plus de cinq ans, après des combats très meurtriers dont on voyait sur les murs les traces de balles et les effets destructeurs des tirs de mortiers et de canons. Ramroad n'avait plus ni toitures, ni portes ni fenêtres. De hautes herbes avaient envahi tant la cour que les hangars et il était inimaginable que l'Etat-major de la force de l'ECOMOG nous ait assigné une telle résidence. Les populations locales environnantes, deux centaines, voire un millier commen-
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cèrent à s'approcher de notre colonne et semblaient nous défier de prendre Ramroad. On ne pouvait comprendre les sentiments de ces personnes envers nous, leurs visages exprimaient autant la compassion que l'étonnement, autant la surprise que la défiance. Ils semblaient nous demander « soldats sénégalais, que valez-vous ? ». Les Nigérians dans un anglais argotique riaient sous cape. Sans répit et de façon très professionnelle, Balla KEITA continua de diriger l'inspection et la prise en compte de Ramroad . Nous découvrîmes l'horreur, des squelettes d'hommes, de femmes et d'enfants qui après cinq ans de décomposition s'étaient collés au sol dans des postures indescriptibles. On comprenait juste que des familles, certainement les familles des militaires qui occupaient Ramroad, avaient été massacrées et abandonnées là, à se décomposer sans enterrement ni autre forme de sépulture. Il n'y avait plus d'odeur de cadavre, non rien que des squelettes encastrés dans le parquet. Les cinq officiers que nous étions, Balla KEITA le commando, Farba SARR le marin, Pape Demba DIOP le fantassin, Ansoumana SARR l’artilleur, et moi le gendarme ne pûmes rien exprimer, nos regards étaient perdus, nos voix éteintes et je pense que c’est notre responsabilité de chef qui dut nous conduire à rester dignes. Comme dans un film, nous sortîmes de Ramroad meurtris mais dignes et fiers. Dès lors, Balla Keita donna les seuls ordres qu'il pouvait donner. Il ordonna au génie de creuser une très grande fosse et demanda aux Nigérians de nous fournir du gasoil et de l'essence. Nos hommes firent mettre les armes en faisceaux sous la garde de deux commandos de l'équipe de protection et commencèrent à ramasser les restes humains pour les enterrer dans la grande fosse que creusait le Génie. Combien de squelettes avait on ramassés, je ne saurais le dire. Je préférai assister au montage des moyens de transmission et je me proposai pour contacter Dakar et exprimer les
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besoins urgents surtout en produits de désinfection à rapporter par la troisième vague. Les populations libériennes, qui comprirent vite notre décision de prendre possession de Ramroad, comme un seul homme, vinrent sans explications nous aider à rassembler les squelettes, désherber et mettre en ordre la caserne. Ramroad, après cinq ans de tragédies, reprenait vie sous la conduite d'un commandant sénégalais qui venait de gagner la meilleure des batailles, la bataille des cœurs. Les populations environnantes nous avaient adoptés pour notre courage, notre dignité et notre professionnalisme. Les enfants nous demandaient si nous étions des Américains. Plusieurs contingents de l'ECOMAG n’avaient pas voulu de Ramroad et les populations les avaient défiés de prendre possession de ce lieu plus que hanté. Trois jours après cet épisode, quatre cents militaires Sénégalais fiers et chantants avaient pris pleine possession d'un des lieux les plus symptomatiques de la capitale libérienne. Des mosquées se dressèrent devant les hangars comme pour faire fuir Satan qui s'était élu dans ce lieu de massacre. Je me rappelle de Vahun, symbole de la trahison et du déshonneur du National Patriotic Front of Liberia de Charles TAYLOR. Après maintes réunions et discussions, Charles TAYLOR avait fini par accepter le déploiement de l'ECOMOG dans sa zone pour conduire le désarmement des rebelles. Le Régiment Sénégalais reçut la mission de prendre le contrôle du Lofa et de Cape Mount. Nous venions de passer neuf mois de villégiature à Monrovia et étions pressés et heureux de faire la mission pour laquelle nous avions quitté le Sénégal. J'accompagnais le Commandant de contingent, le Chef de l'Etat-major et le Chef de corps dans une opération de reconnaissance du Lofa que devait contrôler le bataillon des commandos. Cette région du Libéria était presque vierge, sauvage, très difficile d'accès, peu habitée et située en pleine zone forestière. 75
Quarante huit heures étaient nécessaires pour parcourir les sept cents km qui séparent Foya, la capitale régionale de Monrovia. Le premier codo avec Mbar Faye s'installa à Foya et le second avec Daouda NIANG s'installa à Vahun. Le Chef de corps avec son état-major s'installa avec le premier codo, Balla Keita préféra rester avec le second codo installé à Vahun distante de 45 km. Dieu seul sait pourquoi, Balla KEITA resta avec le deuxième codo, Décision prémonitoire du Commandant de contingent, hasard ou enfin baraka de cet officier, guerrier dans l'âme et professionnel indiscutable de la guerre. Il écrivit en lettres d'or une des plus belles pages de l'histoire des forces armées sénégalaises à Vahun, page qui lui vaudra à jamais l'admiration et le respect des hommes de VAHUN. Dix jours après son installation, le deuxième commando subit l'attaque de plus de trois cent rebelles dans un combat en trois phases. En premier lieu, le Commandant NPFL fit provoquer un incident contre les hommes chargés de faire le marché quotidien de la compagnie, trois hommes non équipés, escortés par une équipe de combat de six hommes. Ces hommes furent encerclés et désarmés sans autre forme de dialogue. En second lieu, face à cet incident, le Capitaine Niang avec quelques hommes se porta au secours de son équipe. Il fut fait prisonnier et enfermé. Il y eut quelques échanges de coups de feu entre l'escorte du Capitaine et les rebelles du NPFL. Enfin, face à cette situation qui commençait à prendre des dimensions incontrôlables, Balla Keita fit renforcer le cantonnement en mettant en garde deux sections sous les ordres du Lieutenant WADE et prit la section restante pour se porter au niveau du marché et s'enquérir de la situation. Malgré toutes les mesures de sécurité prises, il tomba avec la section dans une embuscade aux environs du marché. Sans refuge et avec une discipline de feu inimaginable, la section commando fit face à plus de trois cents rebelles de dix heure et trente minutes à vingt heures sans blessés ni pertes.
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Le Lieutenant WADE avec ses mortiers cassa tous les assauts rebelles sur les directives adéquates de son Commandant. Il fit de même face à tous les assauts menés contre le cantonnement par des hordes droguées et hurlantes. Vers dix sept heures, conscients de l'impossibilité de prendre le cantonnement, les rebelles s'acharnèrent contre la section bloquée au marché et conduite par Balla KEITA qui dans la confusion, put récupérer le Capitaine et son escorte. La quarantaine d'hommes put tenir en respect et à distance les hordes du NPFL jusqu'au-delà de vingt heures. C’est ainsi que Balla KEITA, profitant de l'obscurité et des diversions amorcées par les mortiers du Lieutenant WADE, put réussir une exfiltration du marché vers le cantonnement avec quatre blessés graves. Il regagna le cantonnement avec ses hommes au nez et à la barbe des rebelles. Vers minuit, le Commandant de contingent, le Colonel Mountaga, put obtenir un cessez-le-feu auprès de Charles TAYLOR lui-même, par l'intermédiaire de l’Officier de liaison ECOMOG, le Colonel air Aboubakrine DIEYE. Du compte rendu de Balla KEITA, il avait quatre blessés graves et six disparus. Les six hommes constituaient l'équipe de protection des trois hommes désignés pour faire le marché. Les blessés avaient besoin d'une évacuation immédiate mais le NPFL refusait tout survol de son territoire par des aéronefs, même sanitaires, Le Commandant de contingent n'avait d'autre solution que l'envoi d'un groupe avec des ambulances médicalisées pour évacuer les quatre blessés. J'étais le seul Officier de l'Etat-major du régiment à connaître VAHUN pour avoir participé à la reconnaissance conduite par le Colonel dix jours plutôt. Avec deux ambulances, ma jeep escortée par un groupe du 3ème commando de Bailla WONE, je pris la direction de VAHUN avec obligation de passer à MBanga, fief de Taylor, pour avoir son autorisation écrite. De façon tortueuse et sans halte, si ce n’est pour nous ravitailler en carburant, nous pûmes rallier FOYA où nous man77
geâmes vers vingt et une heures. L'impraticabilité du chemin la nuit surtout avec des ponts de fortune, nous obligeait à passer la nuit avec le premier codo et le CDC du bataillon. Mes hommes et moi pûmes nous reposer et reprîmes la route de VAHUN vers cinq heures du matin toujours sous le regard tendu et sanguinaire des rebelles qui jalonnaient la route comme pour parer à toute initiative des Sénégalais. Je ralliais en toute vitesse et en trois heures VAHUN où je retrouvai le deuxième commando, ivre de sa victoire sur les rebelles, les yeux perdus et hagards après avoir compris toute la situation vécue l'avant-veille. Ces hommes n'avaient pas fermé l’œil depuis plus de soixante douze heures et pourtant ils tenaient à se montrer dignes et fiers devant le secours que nous représentions. Je fis part à Balla KEITA du dispositif rebelle qui les encerclait et de la montée en puissance qui se dessinait. Après quelques conseils de l'infirmier, je récupérai les quatre blessés et repris le chemin de Foya où j'arrivai vers quatorze heures. Le médecin du bataillon, le Lieutenant DIAW, fit les premières interventions sur les blessés, en ouvrant certaines plaies, refaisant des pansements et m'apprenant comment faire des piqûres de morphine pour alléger les souffrances de mes quatre hommes. Le NPFL refusa la sortie du Lofa aux militaires qui y étaient déployés et même au médecin qui était indispensable pour conduire l'évacuation sanitaire. Je repris la route avec les mêmes hommes qui m'accompagnaient depuis Monrovia. Nous nous arrêtâmes à ZORZOR où nous retrouvâmes avec bonheur le Capitaine Farba Yaya WONE, une autre légende du commando qui conduisait la colonne de ravitaillement du bataillon. Il m'aida à faire les piqûres à mes blessés et je repris la route vers M’Banga où nous arrivâmes vers minuit. Les chauffeurs Ghanéens des ambulances me firent comprendre qu'ils n'en pouvaient plus et qu'on devait camper dans cette ville et attendre le lendemain pour rallier Monrovia.
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Je comprenais leurs besoins mais moralement je ne pouvais attendre plus longtemps sans mettre en péril la vie des blessés. En accord avec le Colonel DIEYE, je mis les blessés dans une seule ambulance et avec pour seule arme contre le sommeil, un pot de Nescafé offert par le Colonel, je ralliai Monrovia par Karkatar. Sans chauffeur ni escorte, j’arrivai à Monrovia, quartier général de SINKOR à onze heures du matin. J'étais fier de ce que je venais de faire. Le regard des hommes du BCAS qui entouraient l'ambulance et surtout la fierté de mes gendarmes, me payaient de tous les efforts déployés au nom de l'engagement et du devoir. Je me rappelle de SINKOR, en ce mois d'octobre 1992 qui avait vu le régiment s'ériger en réserve générale de l'ECOMOG. Le déploiement de l’ECOMOG à l'intérieur du Libéria avait été un échec suite aux évènements de VAHUN, évènements voulus et planifiés par TAYLOR pour rester maître du jeu dans sa zone qui représentait quatre vingt dix pour cent du territoire libérien. L'ECOMOG s'était de nouveau emmuré dans Monrovia avec le gouvernement provisoire qui ne contrôlait rien et l'aide internationale qui faisait survivre les habitants. Les boîtes de nuit fonctionnaient grâce aux royalties des soldats de l'ECOMOG. Ceux-ci profitaient volontiers de la culture américanisée des Libériens. Ces derniers avaient fortement évolué vers plus de libertés mieux ou pire que les autres peuples africains malgré la guerre et la violence qu'ils vivaient. Monrovia by night valait tous les sacrifices et chacun de nous se plaisait dans cette torpeur nocturne, inconnue dans nos pays. Le Black Sugar, la boîte conquise par les Sénégalais, dansait au rythme du Mbalack de Youssou Ndour et d'Omar PENE et du Rimbakh Papakh de Thio MBaye. ZONDEL, la propriétaire qui connaissait Dakar, nous livra sa boîte et prit nos dollars avec beaucoup de finesse. Je fêtai dans cette boîte ma nomination tardive au grade de Chef d'escadron, mes quatre galons et mon entrée dans le souscorps prestigieux des Officiers supérieurs. 79
Ma joie fut de courte de durée car le quatre octobre 1992, Charles décida d'en finir avec l'ECOMOG. Il attaqua Monrovia par le Mont Barclay jusqu'au lieu-dit des "Red Light", uniques feux rouges de Monrovia. Je me rappelle du PIPELINE qui reliait les "Red Light" au Freeport de Monrovia, situé à quatre km au nord de Ramroad, la base de nos unités combattantes. L'attaque surprise du National Patriotic Front of Liberia NPFL plongea Monrovia dans des scènes de panique indescriptibles. Après cinq années d'une accalmie précaire et le contrôle de la ville par l'ECOMOG malgré la présence discrète des restes de l'armée du défunt Président DOE aux ordres du fringuant Général BOWEN, la ville était de nouveau soumise aux attaques sanguinaires des hordes du NPFL. L'attaque fut stoppée au niveau de Mont Barclay par le troisième codo aux ordres de Super Duper, le Capitaine Bailla DIONE. Il mourra quelques années plus tard, en 2002, dans le Joola après avoir extrait du bateau plusieurs personnes. Il était un Officier exceptionnel, réel marine américain, engagé, volontaire et doté d'un courage sans faille. Lors de cette heure de gloire, il était secondé par le lieutenant, Camara autre légende du commando, qui tomba à la tête du COSRI à Madina Mancagne en septembre 1997. A la tète d’une unité d’élite et des hommes de valeur, ces deux Officiers, stoppèrent la ruée rebelle et la fuite éhontée du Léobatt et du deuxième régiment nigérian. Comme des fauves assoiffés et voulant venger l'assassinat par TAYLOR des six disparus de VAHUN, les commandos décimèrent en trois jours de combat les premières vagues, empêchant TAYLOR d'imposer une prise éclair de Monrovia. L'escadron blindé du régiment sénégalais aux ordres du Capitaine Ada Koundoul relança la contre-attaque de l'ECOMOG avec l'appui de l'artillerie guinéenne. Le troisième bataillon sénégalais aux ordres du Lieutenant-colonel Pierre Anou NDIAYE remit en place tout le dispositif éventré de l'ECOMOG 80
Je me rappelle du Consulat honoraire du Sénégal près du fleuve qui traverse Monrovia. La communauté sénégalaise de la ville y avait trouvé refuge pour fuir les combats de la périphérie de la ville sous la protection d'un peloton VLRA de l'escadron blindé du régiment. Les populations libériennes y conduisirent un espion rebelle infiltré pour reconnaitre les positions de l’ECOMOG. C'est au moment où je venais cueillir cet espion que le NPFL avec des pirogues tentait de constituer une tête de pont sur la berge et de s'ouvrir la route du port. Seul Officier présent, je manœuvrai le peloton pour fixer les assaillants sur la berge. Les 12,7 sur véhicule firent la différence et nous permirent de prendre le dessus à l’issue de deux heures de combat. Une défense ferme rejeta le NPFL dans le fleuve. L'arrivée du lieutenant Racine et de ses hommes du premier commando mit fin à toute tentative nouvelle des rebelles et sans perte amie. Cette action me valut ma deuxième citation à l'Ordre des Armées avec une étoile d'argent. Les Sénégalais de Monrovia formèrent une chaîne humaine pour applaudir leurs sauveurs et le téléphone arabe fonctionna jusqu'à Dakar ou ma mère fut félicitée pour mon courage. Je me rappelle l'Etat-major de l'ECOMOG attaqué par un commando NPFL qui avait décidé d'assassiner la plupart des Officiers. La défense fut tellement hasardeuse que le Commandant de contingent décida de se faire exfiltrer par notre unité de protection. Le Colonel Mbaye FAYE, une autre légende par sa finesse, son intelligence, sa rigueur et sa maîtrise de la chose militaire, me désigna pour extraire le Colonel DIALLO. Avec deux AML et une section commando, je fonçai sur l'Etat-major où la vue de ma colonne fit réfléchir à deux fois les combattants du NPFL qui rebroussèrent chemin en cessant toute action de combat. Avec fierté et rigueur, le Colonel DIALLO sortit de l'Etatmajor avec un regard long qui exprimait tout son mépris quant à à la défaillance du système de sécurité et de protection de l'ECOMOG. Il ne remit plus les pieds dans son bureau de 81
l'ECOMOG et ne participa aux réunions qu'escorté par une unité de protection fortement armée et soutenue par des AML. Cette unité permettait à l'Etat-major ECOMOG, rassuré, de tenir ses réunions quasi quotidiennes. Les soldats Nigérians montraient un respect sans pareil aux soldats Sénégalais. Ceuxci en profitaient pour marquer leur territoire et conquérir davantage de Monroviennes. Malgré la guerre et la rigueur du travail, le repos du guerrier était assuré et bien assuré. Je me rappelle du camp de Prince Johnson. L'ECOMOG revigoré par les différentes opérations gagnées grâce à l'artillerie guinéenne, aux fantassins et cavaliers Sénégalais, se définit une aire de sécurité plus large. Il fut décidé de prendre possession de la base de Prince Johnson qui avait fait preuve de complicité avec TAYLOR. Les Nigérians délogèrent Prince JONSHON de sa base en novembre ou décembre 1992 avec l'appui de notre batterie d'artillerie qui fit merveille à chaque coup avec le capitaine SARR. Croyant que tout était fini, l'Etat-major de l'ECOMOG décida de faire visiter ce camp aux journalistes internationaux qui voulaient se faire une idée exacte des combats de Monrovia. Sous la houlette de Jean Karim FALL de RFI, qui sollicita exclusivement une escorte sénégalaise, je devais conduire cette visite d’une trentaine de journalistes venus de tous les continents. Avec une escorte du premier commando, j'entamai cette mission que je mettais dans le cadre de la routine. En plein milieu du camp de Prince JOHNSON, la colonne de journalistes tomba dans une embuscade tendue par des restes d'unités du NPFL et de Prince JOHNSON. Une fois de plus, malgré l'affolement, les pleurs, les cris des journalistes, et surtout quelques femmes présentes qui croyaient descendre en enfer, les commandos firent face et nous protégèrent les journalistes et moi. Je me rappellerai toujours du soldat TOP qui me cloua au sol en tirant pour me protéger alors que je voulais aller vers l'avant. Couché sur moi, il continua à tirer avec professionnalisme et maîtrise jusqu'à ce que le combat cesse faute de combattants. 82
Les journalistes en avaient à raconter et effectivement pendant une semaine, Jean Karim FALL fit l'éloge de l'armée sénégalaise dans RFI. Oui, jamais je n'oublierai le Libéria, j'y ai fêté mes galons de Commandant le premier octobre 1992 dans un tableau complémentaire, on m'avait oublié dans le tableau normal. J'y reçus le béret commando devant l’ensemble du Régiment et je pense être le seul gendarme à l’avoir reçu dans de telles conditions. Nous avions été rassemblés dans le stade de Monrovia pour nous voir décerner la médaille de l'ECOMOG. Le Commandant de contingent, le Colonel Mountaga DIALLO, un chef plus qu'exceptionnel, venait de gagner à lui seul et avec la seule aide de son parent Guinéen Kerfalla CAMARA, la guerre de Monrovia. Réserve générale de l'Ecomog, le contingent sénégalais a stoppé l'attaque du NPFL, détruit la logistique du NPFL de Charles TAYLOR avec ses commandos et bouté loin de Monrovia les cohortes rebelles. Pour ça, les commandos très fiers de leurs traditions lui dérobèrent son béret noir pour lui mettre le béret marron des commandos. J'eus droit à ma grande surprise aux mêmes honneurs, et en reconnaissance des services que j'ai rendus à Vahun, sur le Pipeline et à Paynesville, je dus enlever mon béret bleu pour un béret commando. Ces moments inoubliables furent gravés dans l'amitié avec les Officiers commandos de cette époque, Officiers qui sont devenus mes meilleurs amis et même des frères. Je citerai Balla Keita avec qui j'ai tout partagé ; Daouda NIANG qui reste lié à moi au-delà des Armées ; Super Dupper Baila DIONE qui vint m'annoncer qu'il est très fier de prendre le commandement du commando et qui mourut dans le Joola après avoir pris les consignes à Ziguinchor, et encore le Capitaine Camara qui disparut à Madina Mancagne après avoir déjeuné avec moi dans mon repère de Ziguinchor quelques heures plus tôt. 83
Comment pourrais-je oublier le Chef de Corps du commando au Libéria, Khalil qui, après tous ces évènements que nous avions vécus ensemble au Libéria ne se séparera plus de moi,. Des Officiers de valeur ont partagé avec moi l'Etat-major du régiment avec moi sous la conduite intelligente d’un des plus efficaces officiers des Forces Armées, Mbaye FAYE. Ils, ont été soudés par des évènements impensables, inimaginables qui ont à jamais marqué leur vie. Je peux citer Farba SARR, Aboubakrine DIEYE, Pape Demba DIOP et Ansoumana "Kady" Sarr. Ces Officiers dans les grandes composantes d'un Etat-major inter-armées ont pu manœuvrer les deux unités de combat et les conduire à la victoire. Des ordres clairs et sans équivoque aux bataillons, un soutien génie et un appui artillerie bien maîtrisés ont été des moments d'instruction pour l'Officier de Gendarmerie que je suis. Ce que j'ai vécu, ce que j'ai vu et ce que j'ai fait feront que, plus jamais, je ne pourrai être un gendarme normal. Mon destin était tout tracé et je ne pouvais plus quitter cette vie de soudard et mes amis du Libéria. Je redoutais le train-train de la Gendarmerie où j'avais beaucoup de difficultés à m'insérer dans le système. Je reçus une décoration dans l'Ordre National du Lion devant le front des troupes, en présence du Président de la République dans la cour d'honneur du camp Dial Diop. Je suis peutêtre le seul gendarme où en tout cas, un des rares gendarmes à avoir été honoré dans ce lieu pour fait de guerre et avec une citation à l'ordre des Armées à l'appui. Cette seule décoration vaut pour moi plus que toutes les décorations du quatre avril qui sanctionnent certes des mérites mais peu de faits de guerre. Je me fichais pas mal de l'absence de primes, des fiches de renseignement contre les Officiers du régiment qui réclamaient leurs primes. J'étais fier, heureux et honoré d'avoir fait partie des militaires du régiment sénégalais du Libéria qui ont écrit l’une des plus belles pages de l'histoire militaire du Sénégal indépendant sous le commandement d’un officier prestigieux, glorieux et humble, 84
le colonel Mountaga DIALLO. Il sera le premier général Sénégalais, Commandant en Chef d’une force des Nations Unies.. Ce régiment m'ouvrit plusieurs portes et des perspectives dès mon retour au pays avec des fonctions interarmées dans tous les domaines, mais surtout me valut la confiance de grands chefs militaires qui voulurent partager avec moi leur commandement.
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Chapitre 7 Le retour à la division Justice militaire et les débuts à la DDSE Je suis revenu à Dakar fier et heureux de faire partie des quelques rares Officiers qui ont eu l'honneur de faire une légende vivante des jambars, nom de guerre dont venaient de se doter les soldats Sénégalais avec la guerre du Golfe. Contre toute attente, je fus réaffecté à la Division Justice Militaire d'où j'étais parti pour le Libéria dix huit mois plutôt. Je n'étais pas du tout enchanté de cette affectation, ni non plus par mon bureau, une ancienne maisonnette abandonnée qui n'avait que des meubles rudimentaires. Je n'étais pas dans la maison bleue, Etat-major de la Gendarmerie. Une fois de plus et malgré toute ma gloire du Libéria, je me sentais exclu des centres de décision de la Gendarmerie. J'étais rarement convoqué aux réunions de l'Etat-major malgré mes fonctions de Chef de Division. Je traitais mon courrier souvent en toute indépendance et sans aucune coordination avec les autres Chefs de Division. Il pouvait arriver que sur un même dossier, nos conclusions soient diamétralement opposées, du fait qu'eux avaient reçu des instructions du Haut Commandant, du Second ou du Chef de l'Etat-major sans que ce fut mon cas. Un incident de ce genre me fit renvoyer de l'Etat-major après trois mois de présence. Un jour de juin 1993, je reçus un dossier, objet d'une enquête de la brigade prévôtale qui avait compétence pour exercer la police générale et la police judiciaire sur les personnels militaires de la Gendarmerie, des Armées et des Sapeurs-Pompiers. La famille d'un gendarme décédé, notamment ses deux veuves, avait porté plainte au niveau de la Prévôté contre un gendarme de l'Etat-major. II avait abusé de leur confiance en
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détournant le produit de l'assurance décès de feu leur mari, un gendarme de la même promotion et ami du mis en cause. A la suite du décès de son collègue, le mis en cause prit en charge les affaires du défunt et entreprit au nom de la famille et avec toutes les procurations nécessaires, de traiter avec les organismes comme les assurances et les banques, au nom des veuves et enfants du défunt. Fort de tout cela, il se mit à percevoir des fonds, les plaça à son nom et commença à en profiter, jetant de temps à temps quelques miettes aux réels bénéficiaires. Il fallut la tabaski pour qu'une des veuves se révolte et fasse intervenir son frère. Ce dernier mena une petite enquête et découvrit le pot aux roses. La famille porta plainte au niveau de la prévôté. L'enquête de la prévôté fit grand bruit à la caserne Samba Dièry DIALLO. Elle fut l'objet de deux dossiers, un dossier disciplinaire traité par la Division des Personnels et de l'Administration et un dossier justice traité par la Division Justice Militaire. Le Général Haut Commandant dans sa bonté et sa foi décida de faire prélever sur les émoluments du gendarme fautif une somme mensuelle à reverser aux veuves et ce pendant plus de vingt ans. Cette solution ne couvrait même pas la moitié du préjudice. Cependant il décida de faire classer le dossier au plan disciplinaire. Il estimait ainsi avoir sauvegardé les intérêts de la famille du défunt et aussi celle du gendarme fautif. Ce dernier aurait dû selon toutes les normes et traditions de la Gendarmerie passer en commission d'enquête et se voir révoqué pour faute grave contre l'honneur. C'est sûr qu'on était loin de la discipline de fer du commandement du Général Wally FAYE qui révoquait un Officier par an et au moins deux sous-officiers par mois. Le laxisme et le paternalisme avaient apparemment remplacé une discipline au-delà des normes qui avait permis à la Gendarmerie de faire des résultats probants et permis de tenir loin
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de ses rangs les problèmes de corruption, de concussion ou de prévarication. Des officiers très jeunes et sans expérience de la vie, à vingt six ans et même des fois moins avaient été révoqués pour des fautes minimes. A plusieurs reprises, j'avais moi-même failli être victime de cette justice expéditive. Cependant je n'étais pas d'accord avec la nouvelle forme de discipline qui commençait à corrompre les rangs. C'est donc en toute conscience et dans le but de sanctionner le gendarme coupable que ma fiche distingua bien les faits et conclut qu’ils constituaient un abus de confiance aux termes du code pénal. Les faits n'avaient aucun lien avec le service et devaient conduire l'intéressé à répondre de ses actes devant les juridictions de droit commun. C'est le lieu de souligner que l'absence d'Etat-major au sens strict du terme et la confiance du Général envers les Chefs de Division faisaient qu'il signait mécaniquement les documents. Il signa ma fiche et les décisions qui la soutenaient dont le principal acte était de saisir le Procureur de la République à des fins de poursuite devant les juridictions de droit commun. Deux semaines après cette décision, le gendarme fautif était convoqué au Parquet et placé sous mandat de dépôt. Cet évènement fit grand bruit dans l'Etat-major et les patrons de la Gendarmerie en furent si choqués qu'une réunion fut décidée sur le champ. Le Général passa un savon à tout le monde et chercha le coupable qui avait outrepassé ses décisions. La DPA montra sa décision de classer sans suite le dossier alors que j'exhibais la décision de poursuivre le fautif, signée par le Général. J'eus droit à toutes les insultes devant mes collègues avec entre autres une accusation de déloyauté et de manigances contre le Commandement. Je fus en conséquence relevé de mes fonctions et envoyé commander un groupe d'escadrons de la LGI. La voiture de fonction me fut retirée et je disposais de vingt quatre heures pour rejoindre ma nouvelle affectation.
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Je n’eus pas le temps de rejoindre ma nouvelle affectation, le Colonel Pape Khalil Fall venait de se voir confier le poste de Directeur de la Documentation et de la Sécurité Extérieure. Le même jour et son décret en poche, il se présenta au Général Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la Justice Militaire pour solliciter mon détachement dans son Service. Le Général, je pense, fut très heureux de se débarrasser de moi, surtout avec les incidents que nous avions vécus le matin. Il fit annuler ma mutation à la LGI et me convoqua sans délai à l'audience du Colonel. Il dit au Colonel : « Vous pouvez le prendre sur-le-champ et il est à votre disposition dès que vous sortirez ensemble de mon bureau ». Nous sortîmes et le Colonel me demanda de le rejoindre dans les bureaux de la DDSE au Quartier Dial DIOP. Je me rendis à Dial Diop en taxi, ne disposant plus de véhicule de service et mon épouse ayant pris notre véhicule pour se rendre à son travail d’enseignante. L'audience avec le Colonel dura trente minutes pendant lesquelles il m'expliqua ce qu'il attendait de moi en qualité d'adjoint et de coordinateur du Service. Il me montra mon bureau qu'il dit provisoire et me demanda de l'accompagner au Cap Manuel, où il voulait ériger le nouveau Service. Il fut surpris de me voir sans véhicule et dit à un caporal de se mettre à ma disposition. Le Caporal s’avança dans une R21 toute neuve. Le Colonel me fit comprendre que cette voiture m’était affectée et une autre Peugeot 505 serait aussi à ma disposition. Les Commandants de la gendarmerie mobile et de la gendarmerie territoriale, de grands Colonels roulaient en Peugeot 405 alors que je venais de disposer de deux véhicules de service de haute gamme, une Renault 21 Nevada et une Peugeot 505. Pour la première fois, j’entrais dans la cour des grands. L’entrée dans la cour des grands se fit avec une aisance particulière. Le Colonel Fall connaissait son affaire et était le meilleur spécialiste dans son domaine. Il était particulièrement intelligent, avait les relations politiques, diplomatiques et professionnelles indispensables dans le Renseignement. 90
Il rassembla dans ce Service des hommes qui pendant deux années avaient partagé des moments durs, des moments héroïques mais aussi des moments héroïques, des moments durs, mais aussi des moments d'exaltation de l'état militaire. Le noyau dur de la DDSE était composé des officiers et des sous-officiers du Libéria, tous les hommes de troupe venaient en effet du bataillon commando que le Colonel y avait conduit avec tant de faits d'armes. Le Colonel fit preuve d'une capacité d'organisation sans commune mesure. Il démontra de telles qualités d'instructeur que chacun de nous conscient de sa responsabilité, donna tout l'engagement, tout le zèle et tout le dévouement dont il était capable, pour remplir avec cœur et fierté l'ensemble des missions dévolues à notre Organisme. Le Colonel se fit octroyer des moyens de travail, mobilité, informatique et finances qui facilitèrent la mission. La confiance personnelle née au cœur des méandres de la guerre du Libéria nous libéra et nous fit donner toute notre énergie. Une famille soudée, engagée et volontaire prenait en mains la fourniture de renseignements fiables aux autorités politiques et militaires du pays. Des résultats probants sur lesquels je ne donnerai que quelques exemples peuvent être inscrits au tableau d'honneur de la DDSE de cette époque et personnellement, de par ma qualité de gendarme ou d'ancien de la Gendarmerie, facilitèrent les choses. La première affaire où mes talents de nouveau barbouze m'interpellent est l'affaire Maître SEYE, du nom de ce magistrat du Conseil Constitutionnel, lâchement assassiné en juin ou juillet 1993. A l’époque de l’assassinat de Maître SEYE, j'étais Chef de la Division Justice Militaire et détaché à l'Etat-major mixte du Ministère de l'Intérieur en charge de la coordination des opérations de maintien de l'ordre entre toutes les forces de sécurité. Je fus le premier gendarme au courant de l'assassinat de Me SEYE, je ne voulus pas en rendre compte à la Gendarmerie par 91
radio mais le fis par téléphone au Commandant des forces de Gendarmeries en opérations. C’est le Directeur Général de la Sûreté Nationale qui annonça la nouvelle au Haut Commandement de Gendarmerie. Une demie heure après c drame, je pus fournir, des premières informations recueillies par la police et notamment la description du véhicule des assaillants Je rappelle que la gendarmerie et les forces de police au moment des faits étaient en opération de maintien de l'ordre pour les besoins de la proclamation des résultats des élections. Les forces mobiles occupaient les points stratégiques de la capitale. J’étais fort de mon expérience des années 88 où avec le Colonel Charles DIEDHIOU, l'école de gendarmerie, nous sauvâmes le régime des assauts de la jeunesse sopiste,En effet , avec son encadrement, ses élèves maréchaux de logis, ses élèves gendarmes et 600 gendarmes auxiliaires nou avions pris en mains le quadrillage de Dakar pendant six longs mois. Le dispositif mis en place par le Colonel Diedhiou et que je commandais avait produit des résultats rapides. En 48 heures, il avait ôté toute initiative aux manifestants et permis avec l'état d'urgence de gérer politiquement la crise. La police avait ainsi pu resserrer son dispositif et protéger les bâtiments administratifs dans Dakar intramuros. Cette expérience me poussa à recommander d'établir des barrages filtrants dans tout le territoire national pour rechercher et arrêter les criminels qui avaient perpétré leur acte dans une Peugeot 505 de couleur sombre grise ou marron. Ce conseil donné par radio au nom « de soleil », indicatif de l'Etat-major mixte ne fut pas suivi et deux heures après les faits, la Gendarmerie nationale était désignée pour mener l'enquête. Présent en plein milieu policier, je sentis toute la révolte et toute la colère des policiers, surtout de grands responsables. Ils ne comprenaient pas qu'une enquête de cette envergure puisse être confiée à la Gendarmerie et non à la police, qui selon eux, était dix fois plus outillée dans cette affaire. 92
La réunion au sommet de la hiérarchie policière, dont je pus bénéficier de primeur des informations, se tint dans le bureau du Ministre de l'Intérieur à quelques pas de la salle de réunion Soleil, permit d'arrondir les angles. Le Ministre Madieng Khary DIENG, malgré la révolte et l'indignation des responsables de la police permit la collaboration entre les deux forces. La police prit en mains cette affaire et ma position de Soleil, me permit de suivre l'évolution des données. Elle me permet de témoigner des bonds vertigineux de l'enquête, grâce aux informations fournies par la police. Convaincue et engagée, elle apporta toute sa collaboration, toute sa compétence et tous ses moyens pour parvenir à des résultats. Chance ou malchance, le Colonel Diedhiou, Commandant de la Gendarmerie territoriale voulut de moi dans son équipe pour prendre en charge les aspects procéduriers, mais le Commandement n'accéda pas à sa demande et moi-même je ne me sentais pas dans son équipe pour diverses raisons. C'est durant cette enquête que je fus affecté à la DDSE.
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Chapitre 8 Le barbouze et l’affaire Maître Seye Un an s'était écoulé depuis la disparition de Me SEYE quand le Haut Commandant en Second, le Général Mamadou DIOP fit appel à moi. Il me sollicitait pour donner suite à une plainte émise contre les enquêteurs de l'affaire pour actes de tortures contre certaines personnes gardées à vue puis placées sous mandat de dépôt. Une procédure spéciale était mise en œuvre pour prendre en compte cet aspect de l'enquête et donner suite à la volonté du Procureur Général près de la Cour d'Appel de se faire une idée. Je désignai le Capitaine Sidya Diedhiou, un de mes anciens élèves, bon officier de police judiciaire pour me seconder. Ma fonction DDSE me permit de mieux situer le contexte de l'enquête et de fixer moi-même les limites de mon action. Je connaissais la plupart des magistrats et des avocats en charge du dossier pour avoir partagé avec eux les amphithéâtres de la Faculté de Droit. Ils me respectaient par mes résultats. En réalité, cette enquête devait établir en toute indépendance s'il y avait eu ou non actes de tortures sur certaines personnes qui accusaient de prétendus commanditaires. Ces accusations obligeaient le juge d'instruction à maintenir en détention certains responsables du PDS. Ces personnes étaient les liens les plus probants entre le PDS et les prétendus auteurs des faits. Le premier, le député libéral des Sénégalais de l'extérieur, Mody SY, avait été désigné comme complice des auteurs du crime pour avoir remis la somme qui avait permis l'achat des armes. Son procès-verbal d'audition établi par les hommes du Colonel DIEDHIOU établissait de fait cette complicité et il reconnaissait avoir participé sur instruction du leader de son parti à la
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fourniture de moyens notamment par la remise de fonds qui avaient servi à l'achat des armes. A quatre reprises et pendant plus de trois heures à chaque fois, j'ai interrogé Mody Sy en présence du Capitaine DIEDHIOU qui transcrivait l'audition. Je l'ai fait examiner par un ensemble d'experts. J'affirme sans regret qu'il fut torturé et bien torturé dans les locaux de la gendarmerie de Thionck. Ces tortures ont laissé des séquelles inguérissables et humainement il n'a pas pu tenir sous ces tortures. Toutes les déclarations par lui faites au Colonel et à son équipe n'ont aucune valeur juridique. Je ne le disculpe pas, et Dieu m'est témoin. Je ne peux dire s'il a fait ou non ce qu'on lui reproche. Les conditions de son interrogatoire sont des actes de non-droit et enlèvent toute crédibilité à ses déclarations. Il en va de même des déclarations de la petite amie de DIAKHATE, un des prétendus tireurs de la bande à Clédor. Cette femme du nom de Rama, habitante de Pout, avait été arrêtée et interrogée par les enquêteurs du Colonel DIEDHIOU. Elle aurait mis à la disposition des prétendus assassins et des commanditaires, le verger de son père sis à Pout. Ces personnes ont pu s’y réunir et préparer l'attentat contre Maître SEYE. Cette femme donna aux enquêteurs plusieurs détails et des noms, ce qui laisse supposer sa participation effective et la véracité des faits qu'elle signa sous serment. Devant le Juge d'instruction, elle nia tous les faits et fit état des tortures et sévices qui l'auraient poussé à déclarer tout ce que voulaient entendre les gendarmes. Je l'ai interrogée en présence du Capitaine DIEDHIOU qui transcrivait. Je peux affirmer avec des experts requis qu'elle a été effectivement torturée. Au plus dur de ces moments, une bouteille de coca cola dans son sexe a servi à lui faire avouer beaucoup de choses. Je ne peux ni affirmer ni infirmer la tenue de la réunion entre les commanditaires et les prétendus assassins dans le verger en question car toutes ces informations ont été obtenues au moyen 96
de coups et sévices interdits par la loi et les conventions internationales. J'ai entendu tous les gendarmes enquêteurs qui entre autres choses ont nié lusage d'actes de tortures pour obtenir les renseignements fournis à la justice. Ils affirment qu’en leur âme et conscience avoir respecté toutes les conditions d'exercice de la police judiciaire et même accusent le pouvoir politique de vouloir s'entendre sur leur dos. Ils m'ont pour la plupart accusé de faire le jeu des politiciens et que mon nouvel état de barbouze en était la pleuve la plus éclatante. Ils demeuraient convaincus que les personnes arrêtées et déférées devant les tribunaux étaient auteurs des faits tels que décrits par les procès-verbaux. Ils disent regretter les accusations à eux faites et qui entachent leur honneur alors que depuis un an, ils avaient tout fait pour établir la matérialité des faits remis à la justice. Ils fondent leur alibi sur le fait qu’aucun des prétendus auteurs, Clédor, Assane DIOP et Diakhaté ne peut prétendre avoir été torturé. Samuel SARR non plus, accusé d'avoir financé l’opération ne peut non plus faire état de tortures. Alors pourquoi justement les deux autres qui sont le lien le plus établi entre auteurs et commanditaires. Je fis un rapport en deux exemplaires, un au parquet général de la cour d'appel, l'autre au Haut Commandant de la Gendarmerie. Ce rapport établit sans équivoque et de façon formelle que Mody SY et Ramata, la petite amie de Diakhaté ont été torturés par la Gendarmerie. Il y était joint une planche photographique et les avis des experts pour prouver les sévices et les coups portés qui ont laissé des lésions sur les deux personnes des fois inguérissables et des fois qui mettront du temps à disparaitre. Ce rapport exploité par la justice permit de faire annuler certains procès-verbaux. Ces annulations conduisirent à lâcher, à tort ou à raison la piste du PDS. Les enquêteurs de la Gendarmerie me reprocheront toujours d'avoir pour des raisons politiques sauvé le PDS et d'avoir per97
mis l'entente DIOUF WADE dans le but de faire table rase de l'affaire Maître SEYE. Je ne doute pas du résultat de mon enquête qui a effectivement abouti à annuler des pièces essentielles du dossier. Mais j'affirme avec toute ma conscience, tout mon honneur et ma foi que la torture a été un instrument pour obtenir certaines informations. Ma conviction d'officier et de légaliste m'interdit d'accepter la torture comme preuve quels que soient les faits. Les enquêteurs ont fait des actes de torture et de barbarie que rien ne peut justifier. Ces actes ont permis peut être à des commanditaires d'échapper à la justice. Le barbouze n'a rien à voir avec les décisions du Juge d’instruction.
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Chapitre 9 Officier de renseignement Le coup d'État de Gambie des quinze et seize juillet 1994 est un autre moment de faits d'armes de la DDSE. Une bonne prise en compte de la Gambie par moi-même, du fait de liens particuliers avec ce pays, me donna des atouts certains dans la gestion de ce pays. Avec l'aide d'amis gambiens qui avaient servi sous mes ordres au temps de la Confédération, je pus mettre un dispositif de recherche assez probant. La collaboration sur place avec des services étrangers comme la DGSE ou l'Intelligence Service qui avaient besoin de mes amis gambiens, l'appui précieux du Conseiller économique de l'Ambassade, un Officier des Douanes très conscient des enjeux et surtout le courage et le flegme d'une audacieuse Sénégambienne du nom de Yacine, permirent de mettre en place un outil performant. La révolte de jeunes officiers et leur mise aux arrêts nous est rapportées le quinze juillet vers vingt et une heures par Yacine, présente à l'aéroport de Yundum pour le retour de du président Diawara. Elle nous permit de mettre en alerte toutes nos antennes dans la nuit du 15 au 16 juillet. Le début du coup d'État par la libération de force des Officiers et les combats dès cinq heures du matin entre les mutins et les forces loyalistes firent l'objet d'une fiche d'informations déposée sur la table du Président Diouf dès huit heures. Un agent de la DDSE, notamment le Chef de la Division Extérieure est mis en route sur la Gambie dès neuf heures pour coordonner l’action de nos agents sur place. Avec le Capitaine Farba Yaya Wone, je pus mettre sur planche les évènements qui se déroulaient depuis la veille avec des renseignements forts précis. Toutes nos forces furent ainsi
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mises en alerte avant une réunion extraordinaire du Conseil de Sécurité convoquée par le Président de la République. Cette réunion fut suspendue sur demande du Chef d'Etatmajor Général des Armées, qui fort des informations de la DDSE, voulait que le conseil soit briefé par cette agence. Appelé en urgence au Palais Présidentiel, le Colonel Fall fit comprendre que le mieux était de faire faire la situation par la division Situation Synthèse. Cette idée du Colonel avait deux buts, d'une part montrer aux autorités la maîtrise de l’outil sous sa responsabilité depuis seulement une année, et d’autre part de nous lancer devant les personnages les plus importants de la République. Le Président Diouf accéda à cette demande et attendit patiemment l'arrivée des prétendus experts. L'anecdote de cette rencontre est la déception du Haut Commandant de la Gendarmerie qui me reprocha ma tenue et mes cheveux assez longs, il m'intima l'ordre de ne pas me présenter comme Officier de gendarmerie. Nous fîmes au conseil un reportage quasi journalistique de ce qui se passait en Gambie. Nous parlâmes des forces en présence, du déroulement des évènements et des possibilités offertes à chaque partie. Les dépêches instantanées de l'Ambassadeur confirmaient au fur et à mesure notre prise en compte de la situation. Le Président DIOUF posa une série de questions sur les évènements, sur l'état des forces en présence, sur les forces nigérianes qui avaient remplacé les sénégalais depuis 1989. Il posa des questions aux grands Commandements sur nos propres forces. Les Ministres comme les Généraux firent de même et au moment où le Président, fort de toutes les informations mises à la disposition du Conseil posa la question fatidique « que faiton ? », on entendait les mouches volées. Personne ne répondit ou ne voulut répondre, le moment était solennel et grave et méritait réflexion. Farba Yaya WONE était en train de ranger ses planches estimant que lui et moi en avions
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fini quand le Président me demanda tout de go quel était mon avis sur ce qu'on devait ou pouvait faire. Je m’entendis lui répondre « rien » et lui en donner l'explication par la présence d'un navire de guerre américain dans le port de Banjul et que cette présence en aucun cas ne pouvait être neutre. Il posait des questions sur le navire et ses capacités quand son aide de camp vint lui souffler que l'Ambassadeur des ÉtatsUnis sollicitait en toute urgence et séance tenante une audience et qu'il se trouvait déjà dans le Palais. Le Président suspendit notre séance en nous demandant d’attendre. Dès sa sortie, la discussion tourna sur la qualité et la précision des renseignements fournis par la DDSE et la nécessité d'accroître les moyens du Service. Le Président revint au bout de dix minutes et nous fit part des sollicitations américaines qui confirmaient point par point les informations que nous avions fournies au Conseil. Il félicita chaleureusement le Général KEITA, Chef d'Etatmajor Général pour la qualité des Officiers qui répondaient en toute chose aux besoins de l'Etat et notamment l'engagement et la compétence dont je venais de faire preuve. Le Général GOMIS ne put se retenir et répondit au Président qu'en fait, il y avait erreur et que l'Officier devant lui était de la Gendarmerie et que c'est lui qui l'avait mis à la disposition des Armées. Pour la première fois de ma vie, le patron de la Gendarmerie m'acceptait comme gendarme et affirmait devant la plus haute autorité de l'Etat sa fierté d'avoir un Officier comme moi dans la Gendarmerie. Il en fit part à tout l'Etat-major Gendarmerie en alerte pour les évènements de Gambie. Après la Gambie, la DDSE s'intéressa à la Mauritanie pour contrer la politique de beydanisation entreprise depuis les barrages sur le fleuve Sénégal dont le paroxysme fut atteint avec les évènements de 1989.
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Il était temps de prendre les taureaux par les cornes et de donner au Gouvernement une étude prospective sur les relations entre les deux pays et établir une stratégie de sortie de crise. Mon ami et frère Pape Farba SARR, patron de la Division Etudes et Prospectives, grâce à l'appui de tous les Services et sous mon impulsion fit produire un excellent document qui aboutira à la reprise maîtrisée des relations diplomatiques entre le Sénégal et la Mauritanie. Cette étude nous permit de contrer à temps la politique d'aide et de soutien à la rébellion casamançaise entamée par le gouvernement mauritanien pour nous déstabiliser. Je fis faire quelques coups de main par les réfugiés Mauritaniens et organiser quelques razzias de bétail qui firent comprendre aux interlocuteurs que ce sera coup pour coup. Dès lors, les deux Services prirent langue au Mali et purent faire des échanges fructueux qui permirent aux deux Ministères des Affaires étrangères de renouer le fil du dialogue et de rétablir les relations diplomatiques. La Division Documentation conduite par les mains expertes du Commandant Harris NDOYE, un ancien de la boîte et un de mes anciens du prytanée fit des merveilles dans la prise en compte des problèmes intérieurs. Deux forces très déstabilisatrices, le MFDC et le mouvement des Mourstarchines de Moustapha SY nous préoccupaient . Plus que le ministère de l'Intérieur, notre connaissance du mouvement de Moustapha SY était en parfaite harmonie avec leurs capacités. Nos tentatives d'infiltration avaient toutes échoué, cependant grâce à des percées périphériques, nous étions en mesure de suivre toutes les activités du mouvement. Nos alertes prirent de l'ampleur après la démonstration de la violence lors des évènements de castors en décembre de l’année d’avant. Ce sont ces évènements qui seront la répétition et la préparation de ceux du seize février avec la mort de quatre policiers et des blessés parmi les forces de l'ordre. 102
Nous fûmes contraints de porter des coups décisifs au mouvement, d'une part, d’abord en cassant sa tête par des arrestations ciblées mais aussi en menant une campagne médiatique pour salir le comportement play-boy de certains de ses dirigeants. En opérant dans l’ombre, nous réussimes à discréditer le mouvement et à donner au Gouvernement les moyens de discuter avec le guide spirituel Cheikh Tidjane SY. Les actions contre le MFDC bien que commencées à la DDSE, se concrétisèrent au niveau du CENCAR, Centre National de Coordination et d'Animation du Renseignement que le Colonel FALL venait de pousser le Gouvernement à créer pour parfaire l'outil renseignement. Avec cet organisme, le Gouvernement venait de doter le pays, d’un outil que les puissances occidentales recherchaient depuis des années, sans avoir la possibilité intellectuelle ou organique de le mettre en place. Le CENCAR est un organisme qui coiffe toute la communauté du Renseignement sans pour autant en être le patron. C’est un organe de direction, un organe exerçant un pouvoir hiérarchique et de décision certain. Avant de se lancer dans une telle aventure, oui, le CENCAR fut une grande aventure malgré toute l'importance de la DDSE où, pendant un an, j’eus à traiter de dossiers extrêmement sensibles. Je citerai entre autres l'enquête sur la conduite d’un Colonel des Forces Armées qui faisait l'objet d'une fiche du BSPR, Bureau de Sécurité de la Présidence de la République. Cette fiche, établie par l'antenne BSPR de Paris faisait état d'une infiltration des Forces Armées par le Parti Démocratique Sénégalais dont une des femmes les plus influentes sortait avec le Colonel. Leur liaison était établie et décrite sans faille par les policiers qui les avaient vus et photographiés à Paris lors d'un passage du Colonel. La femme était venue spécialement de Dakar et avait passé quelques temps avec l'Officier en question. 103
Les autorités délibérèrent sur cette fiche et sa teneur qu'une réunion du Conseil de sécurité estima comme extrêmement grave. En attendant toute inculpation ou mesure, il fut décidé sur recommandation d’un des Généraux présents de neutraliser l'Officier en le mettant hors cadre et en même temps de l'avoir à l'œil en l’éloignant des centres de décision. Le fait d'être saint-cyrien et bien vu dans les hautes sphères des Armées atténua les recommandations et le Ministre sur conseil des Généraux, tous saint-cyriens, décida de faire vérifier les informations du BSPR avant toute décision. L'enquête fut confiée à la DDSE et notamment à son Directeur saint syrien. Le Colonel FALL mis devant un grand dilemme le solutionna en me confiant l'enquête avec un ordre de mission pour aller sur Paris reprendre tous les éléments du dossier à charge et à décharge. Je ne croyais pas pouvoir arriver à un résultat déterminant en me rendant en France. Je ne voyais d'autres issues que de faire suivre les deux personnes mises en cause et d'enquêter sur place à Dakar pour essayer de déterminer la nature des relations entre le Colonel et la dame. Dix jours de surveillance n'avaient pas permis d'établir la relation et je commençais à trouver « dégueulasse » de surveiller des de cette manière la et à leur insu. Je décidai de prendre langue avec le Colonel et de l'entendre comme un Officier de police judiciaire le ferait sur les graves accusations portées contre lui par le BSPR qui voyait en lui un agent du Parti démocratique sénégalais. Je le priai de passer à mon bureau pour affaire le concernant. Il avait des doutes sur des complots qui se préparaient contre lui pour l'éloigner des centres de décisions. Il avait été couvé comme un fils par un très haut gradé alors que le nouveau Commandement ne semblait pas le tenir en grande estime. C'était la première fois de sa vie qu'il doutait et pensait que ses ennemis pouvaient l'avoir. Je lui remis le dossier établi à son encontre. Je lui expliquai l'objet de mon enquête et le besoin que j'avais d'établir la vérité 104
des faits et répondre à la volonté des autorités de faire la lumière sur cette affaire. Il se prit la tête et montra toute sa désolation. Il resta silencieux pendant plus de dix minutes et ne trouva pas les mots pour expliquer quoi que ce soit. Il restait muet, les yeux rougis par les différentes émotions qui le tenaillaient. Pour la première fois depuis que je le connaissais, il avait perdu de sa superbe et de sa grandeur. Abattu, il reconnut que de temps en temps, il avait eu des relations avec cette dame qui lui courait après, qu'ils étaient amis et qu'effectivement, ils avaient été ensemble dans Paris où ils avaient passé quelques jours. Il rejeta énergiquement tout lien avec le PDS et assura que durant leur rencontre, la politique ou les affaires de l'Etat n'avaient pas de place. Il avait certes des liens avec cette dame mais cela n'avait aucune connotation politique. Il mesurait cependant la gravité et les suppositions qu'une telle relation pouvait créer sans pour autant reconnaître une faute quelconque contre l'honneur ou la discipline. Et qu'en tout état de cause et pour éviter toute autre supputation, il mettait fin dès ce jour à toute forme de relation avec la dame. Je posai quelques autres questions pour avoir les moyens d'étayer mon rapport en parfaite indépendance et en toute transparence. Je promis au Colonel de décrire en toute honnêteté ce qui s'était passé et ses états d'âme au moment des faits. Je rendis compte verbalement au Colonel FALL du déroulement de l'enquête et des conclusions que je m'en faisais. Il en était très soulagé et demandait aussitôt le rendez-vous du Ministre Médoune FALL. Ce dernier pour la petite histoire, demandait depuis un moment au Président de le décharger des fardeaux du Ministère. Le ministre profita de cette aubaine pour expliquer les tenants et les aboutissants de l’ affaire dont le but principal était de casser un Officier plein d'avenir et sur qui il plaçait beaucoup d'espoir. 105
Nous n'eûmes pas besoin de rédiger un rapport circonstancié, le Président DIOUF et toute la hiérarchie militaire étaient satisfaits du résultat de l'enquête de la DDSE. Le Colonel dut recevoir de ma part et de la part du Colonel FALL de multiples explications pour comprendre qu'on le protégeait et le couvait en l'affectant dans le cimetière des éléphants. C'était le nom de l'Inspection Générale des Forces Armées où ne servaient que les vieux Colonels en fin de potentiel et sans aucune perspective. Le Colonel voulut mal vivre ce qu'il considérait comme une épreuve alors que le bon Dieu lui ouvrait les portes du paradis et du salut. Les missions de la DDSE étaient passionnantes, prenantes et très utiles pour donner des informations claires et fiables aux décideurs politiques. Le réseau des honorables correspondants qui travaillaient comme des agents des fois rétribués, mais souvent aidés sur de menus services, fonctionnait à merveille. La base s'élargissait en ciblant tous les secteurs. Le soutien de la DDSE facilitait le travail d'un député dans sa circonscription, un syndicaliste recevait le bon tuyau pour clouer le bec ses ennemis ou concurrents, certains autres, arrivaient à obtenir le rendez-vous politique recherché depuis des lustres. Une équipe, menée par le principal SIDIBE, permettait de conduire de grands dossiers à la satisfaction des autorités. La DDSE n'avait pas de grands moyens et pourtant elle arrivait à des résultats dignes des grands services spéciaux. Deux atouts justifiaient ces résultats, le patron dont la compétence spéciale est d'un grand apport, l'équipe des sousofficiers, officiers de recherche qui était excellente, sans oublier bien sûr, les moyens techniques issus de la coopération internationale.
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Pour réussir à l'extérieur de nos frontières, deux voies furent privilégiées. Il y eut d’une part les moyens techniques dirigés par le Commandant Mor SENE, Officier pilote de l'Armée de l'air. Il fera des merveilles dans l'utilisation des moyens techniques et eut des résultats plus que tangibles dans l'acquisition des informations indispensables à la politique militaire avec nos voisins. A ces moyens techniques, j'ai pris l'initiative d'ajouter des moyens humains en mettant en place un groupe de recherche à base de femmes. Le Service put financer un ensemble de femmes qui sous prétexte de faire du commerce et avec le soutien bienveillant des Services douaniers, infiltrèrent certains pays et nous apportèrent les informations indispensables. Ces femmes voyageaient beaucoup vers les capitales frontalières et ont purent nouer grâce à leur tact et beauté des relations, sources d'information de valeur absolue. Beaucoup de ces femmes, qui méritent la reconnaissance de la nation, sont devenues de grandes commerçantes.. Ces résultats ont souvent intéressé des grands pays qui n'hésitaient pas à nous solliciter pour prendre en charge certains aspects de leur recherche. Les Français avaient une confiance totale en la DDSE et partageaient grâce à leur Officier de liaison des échanges quasi permanents et dans tous les domaines. Ces échanges permettaient de vérifier les informations avec les différentes sources. Pour les Américains, les échanges étaient plus ciblés et portaient souvent sur de potentielles activités terroristes. On n’était pas encore au temps de Ben Laden et pourtant les Américains comme les Israéliens exerçaient une surveillance constante sur certaines personnes, notamment des LibanoSyriens qui s’adonnaient à quelques trafics qu'aujourd'hui, on qualifierait de du blanchiment. Cette surveillance nous permit de découvrir la vraie première affaire de blanchiment sous nos cieux. Les Américains avaient fourni une information de valeur absolue qu'un ou des Libanais transportaient chaque samedi par le vol Aéroflot ou 107
Swissair une mallette contenant une somme importante de devises et que la dite somme était destinée au financement des activités du Hezbollah libanais. Ils voulaient que la DDSE surveille l'activité au Sénégal et renseigne sur les personnes qui s'adonnaient au trafic sans entreprendre aucune action. Cette surveillance fut exercée pendant de très longs mois avec une efficacité totale. Cette surveillance permit de découvrir qu'effectivement les porteurs de valise partaient de Dakar, mais aussi que ces porteurs avaient des complicités très importantes dans l'aéroport et dans la plupart des services. D'après notre système de surveillance, une somme de cinquante millions de francs CFA était distribuée chaque samedi à des agents de l'Etat pour couvrir les opérations jusque dans l'avion. Une fiche d'information fut adressée aux Américains pour leur décrire dans toutes ces composantes, le modus operandi des personnes qui faisaient le trafic. La même fiche fu également envoyée aux Services présidentiels pour informer la plus haute autorité de la surveillance menée et des résultats obtenus. Il y était surtout de la corruption qui avait cours dans les différents Services de l'aéroport, et l'association de malfaiteurs qui permettait de coordonner cette prévarication. Il fut cependant recommandé de ne prendre aucune initiative ou action afin de permettre la conclusion de cette opération spéciale avec le démantèlement international du réseau. Le renseignement manipulé par des mains inexpertes mit la puce à l'oreille des experts de la corruption ou encore plus grave du protecteur de ces corrompus. L'Officier adjoint de la Compagnie de Gendarmerie de l'Air fut manipulé et reçut d'un honorable correspondant l'information comme quoi, un Libanais essayait de sortir d'importantes sommes d’argent en devises étrangères. Il interpella lui-même le Libanais et le trouva effectivement porteur d'une mallette contenant en devises neuf cent soixante millions de Francs CFA. Une opération spéciale de plus d'un an, menée avec la confiance des services américains venait d’échouer. 108
Chapitre 10 La Casamance pour le MFDC Heureusement, les études pour créer le Centre National de Coordination et d'Animation du Renseignement CENCAR étaient terminées. J'avais été proposé pour diriger malgré mon grade un des services, notamment la cellule subversionterrorisme. Le Colonel GAYE qui venait de remplacer le Colonel FALL à la tête de la DDSE me proposa de continuer l'aventure mais il m'était difficile d'accepter du fait de la promotion que je recevais en devenant Chef de cellule au CENCAR. Je suivis six mois de formation avec un agent de la DDSE, puis deux mois de stage en France dans la caserne Mortier et enfin un mois de perfectionnement avec le MOSSAD. Le Général qui conduisait la formation du le Mossad, me prit sous son aile et m'enseigna les ficelles pour arriver à des résultats tangibles. Ces moments de formation me permirent de perfectionner mes compétences d'officier de renseignement et me donna surtout des capacités certaines d'analyste. J'acquis la faculté de me départir de la lecture des journaux pour garder une capacité d'analyse sans influence. C'est sur ces entrefaites que la situation en Casamance se détériora de nouveau et que les accords de paix établis par le Général NIANG avec DIAMACOUNE et Sidy BADJI furent remis en cause. Le drame fut accentué par la disparition de deux couples de Français. Malgré toutes les recherches et toutes les enquêtes, ils avaient bel et bien disparu de la Casamance. La DDSE succéda aux Services de Police et de Gendarmerie pour continuer les recherches, mais il n'eut pas de résultat. Une équipe spéciale vint alors de France pour effectuer les recherches. Cette équipe fouilla la voiture des Français disparus et 109
y découvrit un index humain, qui était intact. Comme un trophée, ce reste humain fut porté à l'Ambassadeur de France qui vint le présenter au Président DIOUF. Le Président très indigné, posa la question de savoir pourquoi, nos enquêteurs n'avaient rien vu, démontrant ainsi une incompétence notoire. Le Général WANE, CEMPART ET CENCAR me convoqua en ma qualité d'Officier de Gendarmerie pour avoir une réponse sur cette négligence impardonnable. J'eus honte pour la Gendarmerie et pour la première fois de ma vie, je mentis à mon chef en lui disant avoir donné les ordres pour qu’on n’ouvre pas le véhicule en attendant la venue d'experts Français, plus outillés pour conduire l'investigation de la voiture des disparus. Il servit cette explication au Président de la République qui s'en contenta. Je fonçais alors dans le bureau du Haut Commandant pour lui rendre compte de la bêtise des gendarmes, lui donner les explications que j'avais fournies et lui montrer la nécessité de relever pour faute lourde, aussi bien le Commandant de légion que le Commandant de compagnie, seule sortie honorable de la Gendarmerie dans cette affaire. Le Général WANE qui n'était pas né de la dernière pluie, décida de prendre lui-même en mains la conduite des recherches en Casamance et créa l'antenne CENCAR de Ziguinchor. Le Capitaine de frégate KOMBO puis le Lieutenant-colonel Bakary SECK furent tour à tour désignés pour des périodes de trois mois. Ces trois mois avaient pour but d'aller dans la capitale de la région sud, de coordonner toutes les activités de renseignement et surtout de veiller qu'au sommet des différents Services de l'Etat, on parle le même langage et collabore de façon étroite et loyale. Chargé de mission du Président de la République, le Chef de l'antenne du CENCAR prit automatiquement de l'importance dans l'échiquier régional tant par sa fonction que par ses moyens. Cependant, il nageait en eaux troubles face à des hommes expérimentés et sectaires qui entendaient ne en rien remettre en 110
cause de leur personnelle et légale autorité ni surtout les directives de leur autorité propre à Dakar. La mission qui semblait couler de source n'était pas aussi facile et de temps à autre, un clash survenait et alors le CENCAR reculait pour mieux sauter. C’est dans cette atmosphère de conflit permanent que je fus désigné pour assurer la troisième relève. Mon grade de Chef d'escadron diminuait en valeur ma représentative face aux autres représentants tous plus gradés que moi en valeur relative, tant par l’âge que par le nombre d'années au service de l'Etat et pour les militaires en valeur absolue. Le moins gradé des militaires responsables était Lieutenantcolonel. Marié mais non accompagné, je logeais à l'antenne CENCAR mais prenais mes repas chez le Commandant de légion de gendarmerie, un de ma promotion qui m'invitait gentiment à sa table. Pendant six mois, je me permis, tenant compte de mon expérience DDSE que les autres représentants du CENCAR n'avaient pas, de ne m'occuper que de coordination des Services. Je mis ma compétence à la disposition des responsables de la région. Le Gouverneur Birame SARR, un Administrateur Civil engagé, compétent et très efficace, fut un allié dont le concours reste inestimable. Les autres responsables durent coopérer notamment le Préfet de Département du nom de DIOUM, très courtois et très disponible. Le Commandant de zone, le Colonel Yoro KONE, compétent mais solitaire et méfiant, restait une énigme. Le Commandant de légion Madjimby, ami personnel, était disponible et complice. Le Commissaire CAMARA, Chef de la sécurité régionale, fut coopératif mais sectaire. Le Commissaire SEYE, bien que compétent, s'estimait rival de mon service, surtout avec la mise à ma disposition de son adjoint, l'Officier de Police « TANGO », un des plus dangereux Officiers de renseignement du Sénégal, restait un bon camarade.
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Les différentes autorités de la région ont la dure mission de combattre par tous les moyens le MFDC. Je compris très vite qu'il fallait composer avec chacune et avec tact pour faire une place au CENCAR. Personne ne voulait de l'Antenne, estimant qu’elle profitait de sa présence pour soit voler le résultat de leur travail, soit leur causer des torts en rendant compte à la plus haute autorité de leur insuffisance. Pendant les six premiers mois, je fis profil bas. Je ne pris aucune initiative sans en référer aux autorités régionales comme si je leur demandais la permission de faire ou ne pas faire telle ou telle chose. Je pris soin de ne pas rendre compte directement à Dakar et de leur donner la primeur des informations qui pouvaient me parvenir. Je privilégiais les solutions locales en demandant au Gouverneur de convoquer le plus souvent possible des réunions spéciales pour partager les informations ou décider ensemble d'une chose importante. Je rendais compte journellement au Commandant de Zone comme s'il était mon chef direct. Cela l'obligeait à m'ouvrir son bureau où je pris l'habitude de prendre le café et plus tard d'être admis au briefing matinal. Je laissais « TANGO » à la disposition des policiers qui dès lors jouèrent franc jeu avec moi. Pendant que chaque Service croyait me maîtriser grâce à mon humilité et à ma disponibilité, je profitai de mon état de gendarme et de la complicité du Commandant de légion pour donner une dimension régionale au CENCAR. La couverture directe de la Gendarmerie me permit de prendre langue avec les autres composantes de la situation. D’abord, les notables de la région, notabilités politiques, religieuses et coutumières permirent de discuter sans façon avec les autorités reconnues de la rébellion. Sidy BADJI, l'abbé DIAMACOUNE, les patrons du Front Nord, Kamougué DIATTA, Abdoulaye DIEDHIOU et beaucoup d'autres combattants, purent être contactés grâce aux intermédiaires. Avec le front sud, l'abbé Alain et l'abbé BASSE 112
purent nouer des contacts. Les Services spéciaux gambiens et de Guinée Bissau, les services français, toujours à la recherche des quatre disparus furent mis à contribution. Le contact direct avec toutes ces personnalités et même la mise en place du groupe de contact mené par les deux BOISSY, le Colonel et Monsieur BOISSY, permirent de se donner une idée très précise de la mission de l'antenne et de la façon la plus idoine de créer les conditions d'implantation positive dans les deux régions sud. Après avoir bien huilé mon affaire, je mis la pression sur Dakar pour me faire relever par un autre Officier du CENCAR. Le Lieutenant-colonel SECK fit trois mois de présence très conflictuels avec le commandant de zone. Le Commissaire FALL, mon adjoint de CST (cellule subversion terrorisme) y eut toutes les difficultés du monde. Tous les services régionaux se plaignaient des agissements de l'Antenne et se faisaient un point d'honneur de la liquider par les plaintes faites auprès des autorités nationales. Ces services regrettaient ma présence et réclamaient mon retour en Casamance pour une collaboration franche et loyale. Ils faisaient état des résultats obtenus avec moi alors qu'ils ne trouvaient que des difficultés avec les autres chefs d'antenne qui se prenaient pour le représentant du Président de la République. Ils proclamaient haut et fort qu'ils étaient disposés à collaborer avec moi parce que j'étais le seul à comprendre ma mission. Fort de ce soutien et plébiscité par les Services, je retournai cette fois-ci à Ziguinchor avec mon épouse et notre bébé de neuf mois pour conduire les affaires du CENCAR en toute indépendance et grâce à l'appui du nouveau Commandant de Légion de Gendarmerie, le Lieutenant-colonel Abdoulaye FALL et de l'adjoint opérations de la zone, un autre Abdoulaye FALL avec qui pour des raisons de sécurité, je décidai de partager le même logement. Moi-même, je venais d'être nommé Lieutenant-colonel, ce qui facilitait les rapports avec les deux Abdoulaye FALL, ins113
taurant d'emblée le tutoiement et autres artifices entre Officiers du même grade quelle que soit l'ancienneté. Avec le gendarme, je pus conduire à l'aise mes affaires en m'appuyant sur son dispositif et le système Gendarmerie. Avec le militaire, je pus bénéficier du soutien de l'intelligence dans la démarche, de la rigueur dans l'action, de la compétence dans la décision et d'un compagnonnage fraternel à tout instant. Les conseils du militaire et l'appui du gendarme donnèrent une dimension sans pareil à l’Antenne. Elle était maîtresse du jeu. Bonneval, le Français sous couverture du CARITAS fut aussi d’un autre apport. Il nous mit directement en liaison avec les combattants armés avec qui grâce à lui et aux Services de Bissau, il était possible de discuter. Il nous amena Bertrand DIAMACOUNE, le frère de l'abbé DIAMACOUNE. Du seul fait de son nom, ce frère de l’abbé fut très secoué par une patrouille militaire qui l'avait arrêté à GOURAFFE. Grâce à la Gendarmerie je le fis hospitaliser, ce qui le sauva d'une mort certaine. A sa sortie d’hopital, je le logeai avec sa famille dans Ziguinchor sous ma responsabilité et mon appui financier. Bertrand DIAMACOUNE fut pour moi d'un apport inestimable dans la gestion de l’abbé DIAMACOUNE. Maîtrisé, il joua le jeu et prit du grade dans le mouvement politique. Son nom le légitimait et son franc-parler me servait de porte-parole. Il tint des vérités à toutes les composantes du MFDC, à l'abbé dont il était le frère, à Sidy BADJI qui était juste un peu plus âgé que lui, aux repentis qu'il accusait d'avoir été achetés et surtout aux combattants à qui il apportait les lettres de son frère. Par Bonneval, les abbés BASSE et Alain, Bertrand, DIAMACOUNE, Abdoulaye DIEDHIOU, Kamougué DIATTA, l'Officier de police « TANGO », Malang NDIAYE le cinéaste de Bignona, les Services Gambiens et de Bissau, je pris langue malgré les violences, avec le MFDC qui menait des attaques jusque dans la périphérie de Ziguinchor. 114
Jeanne GALLION, représentante de RFI qui voulut trop profiter de ces liaisons, et qui eut la chance d’interviewer Salif SADIO sans respecter ses engagements se fera expulser du Sénégal. Le Commandant de zone faillit être assassiné à un moment de son sport matinal. Les rebelles qui l'avaient repéré me prièrent gentiment de lui faire changer d'itinéraire de sport car il n'était pas leur cible. Mon compte rendu ne l'ébranla point et il décida de nettoyer son itinéraire de sport sans pour autant y retourner. J'eus des échanges de de bons procédés avec le MFDC que je tenais en dehors de la ville en acceptant de lui fournir les moyens de passer la période de soudure. Les attaques de boutiques à la périphérie de Ziguinchor cessèrent moyennant la mise à disposition de moyens de survie grâce aux services de l'Eglise et de Caritas.
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Chapitre 11 Le désastre de Mandina Mancagne Les discussions avec le MFDC ne purent aboutir malgré la confiance entre l'Antenne et le MFDC, du fait de certains facteurs qui mal maîtrisés ont conduit à un réel désastre nommé Madina Mancagne. L'Officier de police « TANGO », un homme intelligent, polyglotte (cinq à six langues européennes), une maîtrise parfaite des moyens humains du renseignement, mais dont la vie dissolue et les besoins financiers constituaient le plus grand handicap, commença à prendre le contrepied de toutes mes actions en Casamance. Il parvint à capter la confiance du Général WANE qui lui donna raison plusieurs fois face à moi. Le général le soutint contre mes décisions de le sortir des affaires du MFDC. « TANGO » manipula le Général jusqu'à la déraison. Le Général mettait de côté mes informations en attendant leur confirmation ou infirmation par cet agent. T »TANGO » manipulait avec ses informations les autorités nationales et étrangères. Cette situation fit perdre beaucoup de crédibilité à l'Antenne. Le Commandant de zone croyait tenir le MFDC, il avait les meilleurs renforts possibles et un corps de bataille de la valeur d'une brigade (cinq hommes) entraînés et aptes au combat. Jamais dans l'histoire militaire du Sénégal, un Officier n'avait reçu autant de moyens entre ses mains pour conduire une opération. , le Colonel KONE était un partisan des méthodes anti guérilla du Général SALAN, et un très bon officier dans la défensive. Après une étude minutieuse du terrain, il enterra le corps de bataille par section dans toute la région de Ziguinchor. A la satisfaction des autorités, il n'y eut plus de mort dans les rangs militaires, mais ce qui faisait l'âme du soldat sénégalais, à 117
savoir la recherche et le choc disparut. Il n'y eut plus de combat, le MFDC se contentant de contourner les postes et d'éviter les hérissons de l'armée. L'Etat-major à Dakar se satisfaisait des résultats grâce au bilan quotidien de zéro mort. La seule vulnérabilité se notait lors des convois logistiques de ravitaillement. La présence des commandos en escorte amoindrissait les risques. La guerre impitoyable à Dakar entre les généraux qui entouraient le Président DIOUF amena aussi des problèmes dans la coordination de Ziguinchor. Fort des fausses informations fabriquées par « TANGO » que le Général WANE mettait sur la table comme vérités absolues de Ziguinchor, le Général CEMGA n'hésitait jamais à le démentir durant les réunions du Conseil de sécurité. Le Général CEMGA voulut ma tête comme étant auteur de ces faux renseignements. Il n'hésita pas à porter des accusations très graves contre moi devant l'Etat-major et en faire part à mes Chefs de la Gendarmerie. Il me fit éliminer de façon arbitraire à l'examen de l’École de guerre malgré l'insistance du Haut Commandant de la Gendarmerie et du Sous-chef d'Etat-major Général des Armées, en leur disant que je n'avais qu'à me faire envoyer en stage par le Général WANE. La discipline de fer de la Gendarmerie eut enfin raison de moi par le salut militaire rendu par un gendarme à l'aéroport de Ziguinchor au moment où je faisais tout pour passer inaperçu. Malgré mon insistance et mes mises en garde, le Général WANE tenait à ce que j'accompagne et accueille un ancien Ambassadeur de FRANCE qui venait jouer les bons offices et devait rencontrer plusieurs notabilités du MFDC. L’évènement très médiatisé par les Français eux-mêmes était couvert par plusieurs organes de presse français et sénégalais. Le Gouverneur de région était la personne la plus indiquée pour représenter le Sénégal.
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Au moment où je passais, le gendarme cria « garde à vous » et tout ce qui était forces de défense et de sécurité se figea de façon réglementaire. Un journaliste posa la question et on lui répondit « Colonel Abdoulaye Aziz NDAW, Chargé de mission à la Présidence ». J'eus droit à un article de Sud et par Madior FALL. En termes de renseignement, j'étais grillé et largement grillé. Je dus faire plus attention à des multitudes d'ennemis de la paix qui voyaient en moi une cible identifiée. Les rebelles qui avaient profité des hérissons de KONE pour s'infiltrer à portée de mortier des faubourgs de Ziguinchor constituaient une menace plus que par le passé. Plusieurs patrouilles de l'Armée et même de la Gendarmerie voire du GMI avaient eu des incidents avec eux, m'obligeant à intervenir auprès de mes interlocuteurs pour parlementer avec eux. Les rebelles, d'après mes agents étaient sur une ligne Ziguinchor Guidel Babadinka, ligne que je jugeai inacceptable. Je ne leur laissai pas d'autres choix que de se retirer de cette ligne audelà de Babadinka ou de lâcher les commandos pour les détruire. Les facilitateurs de la paix comme le Colonel Georges BOISSY me donnèrent des idées précises et Sidy BADJI et moi dessinâmes une carte discutâmes du retrait et du respect sans conditions du sanctuaire national. Il fut décidé et avec l'accord du CENCAR mère qu'un accord militaire était possible et que la nomination de Jean Marie François BIAGUI comme Secrétaire général du MFDC. Sa présence auprès de l'abbé DIAMACOUNE, pouvait en effet garantir cet accord et déboucher sur un accord plus général et définitif. Les pourparlers aussi bien en Gambie, à Bissau comme sur le terrain préjugeaient de lendemains meilleurs pour clore le dossier. Nkrumah SANE était pour la première fois, isolé et avait perdu toute main mise sur le MFDC. Jean Marie que j'avais pu faire infiltrer avec d'autres intellectuels du MFDC présentait des garanties solides. L'aide précieuse de Bertrand Diamacoune fit 119
effet. L'intervention énergique du nouvel Evêque de Ziguinchor Monseigneur Maixent COLY avait mis la pression de l'Eglise sur l'Abbé par une mission conduite par l'Evêque de Saint Louis, Monseigneur SAGNA. La neutralisation des quatre émissaires qui ne pouvaient plus entrer en contact avec l'Abbé, et les actions de Jean Marie BIAGUI, tout cela donc bien coordonné avait permis de mettre le MFDC face à ses responsabilités. Cette situation l’obligeait à parler un langage direct et pour une fois constructif pour la paix. A part les pillages épisodiques de boutiques pour trouver à manger quand le ravitaillement du CARITAS arrivait tard à cause des précautions, il n'y avait plus de combat. J'étalai toutes ces informations devant le Comzone en lui demandant avec un plan précis de tenir ses troupes en attendant l'accord en vue dans maximum quelques mois. Toutes ces informations laissèrent l'Etat-major en marbre, pour contrer le Général WANE qui se glorifiait déjà en haut lieu de trouver dans les semaines à venir un accord de paix avec le MFDC. Il fut décidé dans l'immédiat de détruire les forces rebelles par une offensive rapide et éclair. Les paras et les commandos marins furent rapidement conduits à Ziguinchor avec une unité d'élite, le COSRI qui était en formation. , le Lieutenant-colonel Abdoulaye FALL, officier opérations de la Zone, qui partageait avec moi le même logement, bizarrement, est éloigné de cette opération, en l'envoyant avec l'IGFA inspecter le 6° bataillon d'infanterie. Je ne sus ce qui se tramait que parce qu'un Officier du COSRI, le Capitaine CAMARA tint souvenir du Libéria à passer me saluer et parloter de notre séjour libérien. L'artillerie de la zone, ce jour-là à 16 heures me fit comprendre que ça se passait très mal pour nous. Je me rendis aussitôt au poste de Commandement de la zone, en compagnie du Commandant de Légion Gendarmerie pour ne pas me faire renvoyer. On m’apprit qu'on avait perdu tout contact avec le COSRI. Deux heures après, le Lieutenant WILSON, médecin du COSRI, 120
un des rares rescapés de Mandina MANCAGNE, nous expliquait la destruction de l'unité par l'arrière-garde du MFDC. Le Capitaine CAMARA mourut mort héroïquement à la tête de ses hommes, son Chef, je ne sais par quel miracle avait pu échapper avec le médecin. Le COSRI laissa sur ce champ de batailles trente trois morts sur les trente six militaires engagés ainsi que tout son matériel américain qui était de pointe avec des GPS et des moyens radio ultramodernes. Deux bataillons d'élite appuyés de blindés furent nécessaires pour reprendre les corps et lancer la chasse aux rebelles. Les rebelles étaient loin et s'étaient repliés vers la frontière Bissau guinéenne. Je rentrai à Dakar trahi, et secoué. Je refusai de faire les rapports quémandés par le Général qui voulait faire ouvrir une enquête pour châtier ceux qui avaient à ses yeux saboté la mission que le Président lui avait confiée. Je profitai de la fin de commandement du Général DIOP qui devait aller à la retraite en fin d'année pour demander mon retour à la Gendarmerie. J’aspirais plus que tout à mon retour à une vie normale d'Officier avec un commandement. Je demandai le commandement de l'Ecole de Gendarmerie ou de la LGI, mais la puissance du Général CENCAR qui ne voulait pas me lâcher, parce qu’arme contre les autres, fit qu'il fallut me proposer une mission à l'étranger. Je fus inscrit dans les tests UN de fin d'année et me vis proposer le contingent en partance pour la Bosnie dans cinq mois. J'abandonnai l'Antenne à « TANGO » qui en profita pour renforcer ses magouilles et semer la zizanie entre la plupart des autorités. Je profitai de mon séjour dans la Capitale pour faire le point des dossiers de ma cellule de lutte contre la subversion et le terrorisme. J'eus un entretien très courtois avec le Général qui promit tout pour me garder. Je tins bon et le Général Pathé SECK qui venait de prendre le commandement en janvier 2007, poulain du Général CEMGA, qui ne voulait plus de moi à côté en Casamance, entérina 121
mon envoi en Bosnie comme Commandant de contingent CIVPOL. Mon père mourut pendant les tests onusiens, je reçus un hommage de la part de toutes les Forces Armées. La plupart des Généraux vinrent à la levée de corps ainsi que plusieurs Ministres. Le Premier Ministre dont statutairement, j'étais un conseiller technique me présenta personnellement ses condoléances et mon père eut droit à une escorte exceptionnelle jusqu'à Touba où il est enterré. Cette mort sonna le glas définitif de mes relations avec les Services de renseignement. Le vingt sept mars 1998, je conduisais le quatrième contingent sénégalais en Bosnie Herzégovine.
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Chapitre 12 Le policier international en Bosnie-Herzégovine 1998 Pour la troisième fois, je me retrouvai dans la configuration du maintien de la paix internationale sous l'égide des Nations Unies. Au Tchad, la mission relevait de l'organisation de l'Union Africaine et était épaulée par la France qui avait apporté son soutien à l'organisation, tenant compte de ses propres intérêts dans ce pays. Au Libéria, la force ECOMOG avait été mise en œuvre par la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest, d'abord sous l'égide du Nigéria, puissance sous-régionale et puis des ÉtatsUnis qui avaient fourni tout l'équipement, par exemple au Régiment Sénégalais du Libéria. Nous étions de la tête aux pieds habillés comme des rangers et tous nos moyens du génie aux transmissions étaient US et estampillés comme tels. La mission du Libéria avait été bien négociée par le CEMGA d'alors, le Général d'Aviation Mamadou Mansour SECK qui en avait profité pour réellement équiper les Armées. Les Américains respectèrent à la lettre les tableaux de dotation établis par le Sénégal et multiplièrent même par deux les dotations demandées. Une bonne partie des matériels resta au Sénégal et après la mission, l'autre moitié revint au pays grâce encore à l'appui américain. Le seul hic avait été le sacrifice des droits du personnel qui ne reçut aucune prime de cette mission, ce qui affecta énormément le moral des jambarts du Libéria. Je pense que le choix fait alors par le CEMGA de privilégier les matériels aux finances était au plan national très judicieux et très profitable à toute la nation. A ce titre, estimant qu'il était de
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bonne foi et mû seulement par l'intérêt national, je lui pardonne ma prime du Libéria. Avec les Nations Unies, le système est bien différent et trois types d'engagement sont mis en œuvre. Ces engagements peuvent se combiner sur le terrain et dépendent la plupart du temps de la nature de la mission. Pour la Bosnie, l'ONU intervint d'abord seule et avec les difficultés, elle dut accepter la participation de l'OTAN , Organisation du Traité Atlantique Nord sous forme de SFOR (force d'interposition) et de l'OSCDE, Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe OSCDE. L'ONU s'etait bornée à fournir une police internationale sous forme d'IPTF “International Police Task Force”. Sa principale mission est de surveiller, contrôler et instruire la police locale. Cette police était croate dans les zones contrôlées par les Croates, Serbe dans la République serbe de Bosnie et enfin bosniaque dans les territoires musulmans. L'absurde a été atteint dans cette guerre de Bosnie. Je me rendis très vite compte de l'absurdité de cette guerre et des atrocités commises. Le premier mois de présence servit à la formation du contingent pour une maîtrise parfaite de la mission. Le principal but est d'amener les trois polices locales à respecter le minimum de standards internationaux et les Droits de l’Homme afin d’assurer la protection et la sécurité de toutes les personnes et communautés. Toutes les actions de police nécessitaient la présence de deux IPTF de nationalités différentes et vingt quatre heures sur vingt quatre, les IPTF organisées en brigades sont sur la police locale en raison d'un service de huit heures par jour et par homme. Je fus affecté avec deux autres Sénégalais à la station de Kula qui à ma grande surprise était commandée par un Sergent Anglais. Nous les trois Sénégalais étions respectivement un du grade de Lieutenant-colonel, l'autre du grade de Chef d'esca-
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dron et le dernier un Commissaire de police divisionnaire de classe exceptionnelle. Devant mes récriminations, on me fit comprendre qu'il n'y avait pas de grade. Je pouvais postuler et passer une interview pour avoir des responsabilités. Je postulai pour être Commandant de brigade, Commandant de région ou Chef de bureau. Après l'interview, je vis que le système était assez pourri et que toutes les responsabilités étaient réservées aux Européens et qu’il y avait beaucoup de discriminations. Le système assez vicié privilégiait effectivement les Européens qui avaient certainement des intérêts de puissance et se répartissaient les postes sans tenir compte ni des compétences, et encore moins de la respectabilité des gens. Je ne pouvais accepter d’être victime d'une telle discrimination. Je le fis savoir en très haut lieu surtout qu'un de mes Capitaines plus à cheval sur les principes, qui avait concouru à Mostar avec un gendarme français, avait vu le gendarme l'emporter et lui sous ordre. Révolté et incapable d'accepter l'injustice, il refusa tout bonnement d’obéir au gendarme. Ceci envenima la situation de la brigade et même conduire le gendarme à rédiger un rapport contre le Capitaine. Le Capitaine fut renvoyé à Sarajevo en attendant la fin de l'enquête qui devait aboutir à son rapatriement pour nonconformité aux règles du système des Nations Unies. Je profitai de cet incident pour créer un scandale tel, que tout le système fut secoué. Le Commandant de contingent français qui voulut s'opposer à mes prétentions fut tenu en public de présenter des excuses pour certains mots avancés par ses gendarmes car je remettais purement et simplement en cause l'enseignement de Melun. Mon passage aux États-Unis et les compétences acquises tant au FBI que dans la DIA m'apportèrent le soutien des policiers Américains qui eux aussi, en avaient marre de la volonté 125
des Européens de dominer tout. On nous fit quelques faveurs et la plupart des IPTF Sénégalais qui voulaient bien prendre des responsabilités en eurent surtout dans l'instruction des forces de police locale. Pour ma part, je fus mis dans une équipe mixte IPTF et OSCDE pour la protection des Droits de l'Homme avec deux principales missions, d'une part protéger des prisonniers politiques et d’autre part enquêter sur les fosses communes. Je pris en charge le prisonnier VASIC en attendant son jugement. Il aurait assassiné le premier Ministre bosniaque devant les troupes du Général Morillon, attentat qui avait changé beaucoup de données en Bosnie et fait redéfinir les missions des principales organisations qui y concouraient pour la paix. Je devais rendre visite VASIC trois fois par semaine, m’assurer de ses conditions de détention et assurer sa sécurité personnelle en tenant compte des droits de la défense. Il me parlait souvent de ses convictions, de son engagement et surtout de ce qu'il avait fait et de ce qu’on lui reprochait. J'accompagnais les veuves des trois côtés pour visiter les sépultures de leurs proches en toute sécurité en zone ennemie. Il n’y eut pas du tout d'incident. C'était même des moments de retrouvailles, d'échanges et surtout l’occasion de repas bien arrosés et de rakis, un alcool local plus fort que tous les alcools écossais. Les familles étaient transportées en bus et escortées par les seuls IPTF pour aller honorer leurs morts. Ils en profitaient pour regarder de loin leurs anciennes maisons maintenant occupées par une autre communauté. Ces gens-là se faisaient discrets le temps de la visite et sur recommandation de la police locale orientée à cet effet. A l'issue de la visite, la vie reprenait son cours car les autres aussi allaient devoir faire la même chose et eux aussi profiter de l'escorte IPTF pour rendre visite à leurs morts et apercevoir de loin leurs anciennes maisons. Je disais tantôt que cette guerre était plus que toutes les guerres que j'ai connues la plus absurde. Le ramadan me permit 126
de comprendre certaines choses impensables. En bon musulman, je voulus aller faire mes prières à la mosquée du quartier ou j’habitais. Je logeais chez une dame serbe. Elle n'avait pas voulu déménager et abandonner sa maison. Vivre avec des IPTF lui assurait des revenus réguliers et était en même temps gage de sécurité. A la mosquée, je fus très surpris de ce que l'Imam ne connaissait rien de l'Islam alors que la mosquée était pleine. Son Fatiha était douteux et il mélangeait tout. L’'essentiel était de faire semblant de prier. Il n'avait aucune formation religieuse et toutes les personnes derrière lui n'en savaient pas plus que lui. J'en fis part à ma logeuse qui était Serbe. Elle m'expliqua que c'était la guerre qui les avait poussés à cette quête absolue d'identité pour comprendre pourquoi on avait tué leurs parents et amis comme musulmans. Elle m'expliqua également que le nom déterminait la foi religieuse, les personnes qui avaient un nom catholique étaient croates, les personnes avec un nom orthodoxe étaient serbes et ceux qui avaient un nom à consonance ou d'origine musulmane, étaient musulmans. En fait, il s'agissait d’un même peuple et au fil de l'histoire, ce peuple a subi trois influences et selon le marquage de cette influence, souvent exprimé par le nom, on était Croate, Serbe ou Bosniaque. La guerre et les exterminations ont été faites sur la seule base du nom. Les Bosniaques massacrés et exterminés cherchèrent une identité musulmane en construisant des mosquées et en les fréquentant avec assiduité. Ma logeuse fit part de mes observations à ses amies Bosniaques qu'elle avait gardées malgré la guerre et avec qui elle partageait tout, surtout les nommées Hitba et Rabbia, deux femmes exceptionnelles qui nous assistèrent beaucoup quand elles surent que nous étions des musulmans.
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Elles voulurent apprendre les grands principes et la bonne conduite d'une femme musulmane, elles cessèrent de boire, de manger du porc et apprirent à prier correctement. Elles firent part à l'Imam de nos observations et c'est sans surprise que l'Imam vint m'inviter à diriger la prière surtout pendant le mois béni de ramadan. Bien que borgne, je ne pouvais moralement m'ériger en roi chez ces aveugles. Je demandai la permission aux Nations Unies et désignai le Capitaine pour conduire la prière pendant le ramadan. En khoutba, je lui demandai d’insister sur le pardon et la tolérance dans l’Islam. Je parlais parfaitement bosanski, qui est la langue des Bosniaques. Aucune différence avec le serbe ou le croate, c'est la même langue dans toute l'ancienne fédération de Yougoslavie. Les Bosniaques n'étaient pas racistes au sens européen du terme, ils avaient connu avec Tito des vagues d'immigration et d'étudiants noirs qui étaient partis avec la guerre. Ils nous trouvaient différents de ces autres Africains et nous prenaient plutôt pour des Américains. Ils ne pouvaient pas non plus faire de différence entre l'ONU, l'OTAN et l'OSCDE. Avec l'histoire de la mosquée, ils comprirent que des Africains étaient parmi les IPTF et il y eut des discussions et des échanges très fructueux entre eux et nous. Une collaboration très étroite s'installa et je reçus des informations primordiales que les gens cachaient aux autres européens qui les méprisaient et s'amusaient beaucoup, sans tenir compte de la misère qui les entourait. J'eus à beaucoup rigoler d'un incident survenu entre un marchand et moi dans l marché de mon quartier. Je devais aller en permission au Maroc pour retrouver mon épouse et ma fille. Je profitai donc du marché hebdomadaire de cette semaine la pour acheter des cadeaux à mon épouse en choisissant de très belles robes et tailleurs.
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En bosanski, le marchand passa le mot à tout le monde en disant : « Venez voir le nègre s'acheter des habits de femmes pensant pouvoir les porter. Il est fou vraiment.». Je me vis entouré par une cinquantaine de personnes qui rigolaient de plus en plus. Je ne me laissai pas décontenancer, je continuai mes emplettes en choisissant davantage de robes. Après avoir choisi, je lui demandai en bon serbe combien cela coutait. Hébété il eut beaucoup de difficultés à faire le point. Je lui dis alors et toujours en serbe : « Le nègre est certainement fou de s'acheter des habits de femme, mais c'est un fou qui a beaucoup d'argent ». A la différence des autres missions qui étaient plus dures et plus risquées, dans l'UNMIBH (United Mission In Bosnia Herzégovina), je me faisais beaucoup d'argent. Je m'étais très peu intéressé par tout l’argent gagné au cours de cette mission. Contrairement à plusieurs de mes camarades, qui pensaient être, je n’étais la que pour fuir les Services spéciaux. Je voulais en effet les vomir à cause de la bassesse de certaines personnes et du manque de loyauté envers les institutions. Je vénérais, certes, mon Chef direct le Colonel FALL, mais j'avais découvert des choses qui m'écœuraient au plus profond de moi. Je me fis beaucoup d'amis dans les contingents occidentaux et avec eux je fis beaucoup de voyages à travers l'Europe pendants mes six jours de repos mensuels. En voiture, je sillonnais avec mon équipe la plupart des pays européens. Je garde un souvenir chaleureux de John l'Américain, Arto le Norvégien, Annette la Suédoise, Bernie l'Anglaise et Yannick le Français. Un message de la Gendarmerie vint arrêter tout ça. De Paris, je reçus d'une amie un coup de fil me demandant d'appeler d'urgence le Général qui insistait pour me parler.
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A cette époque il était impossible au départ de Dakar d'avoir la Bosnie au téléphone. Nous pouvions appeler mais il était impossible de nous appeler. J'appelai donc le Général Pathé SECK, Haut Commandant de la Gendarmerie. Il souhaitait que je vienne en urgence prendre la direction du Département des Affaires Juridiques du Ministère. Le Colonel Cheikhou NDIAYE venait de prendre sa retraite et le Ministre voulait que le seul poste du Ministère occupé par un gendarme soit occupé sans délai ou il le donnait aux Armées. Le Général tenait lui à ce que j'occupe ce poste qui est un des postes les plus stratégiques des Forces Armées. Je promis au Général d'être à Dakar une semaine plus tard pour prendre le poste.
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Chapitre 13 Le juriste DIRCEL, Conseil d’État, armes légères, mines, Droits de l’Homme, anciens combattants, EMGA 1998-2003 Je vins d'abord fin octobre pour prendre les consignes et je m'installais en décembre à la tête de la Direction de Contrôle Études et Législation du Ministère des Forces Armées. Je remplaçais à ce poste des Colonels prestigieux, compétents et très respectés dans toutes les Forces Armées tant par leur âge, leur expérience et leur très forte personnalité. L'Intendant Lat DIOUF avait créé le poste. Il est au moment où je prends la direction, membre du Conseil Constitutionnel. Le Colonel Samba est une sommité de la Gendarmerie et finira principal conseiller du Général NIANG, Ministre de l'Intérieur. Le Colonel Cheikhou NDIAYE que je remplace est une forte tête et une personnalité hors du commun, expérimenté, compétent et cultivé. Le cadeau qui m'était fait n'était pas une mince affaire et je mesurais à leur juste valeur les nouvelles responsabilités qui m’étaient données. Je me fis aussitôt le serment de tenir très haut et avec prestige le flambeau. Je pris exemple sur le Colonel FALL à sa prise de commandement à la DDSE en apportant des initiatives nouvelles telles l'informatisation du service. Je décide moi-même tenant compte de mon expérience dans les services spéciaux d'informatiser le service, de former les agents à la bureautique et de reprendre la plupart des textes en y apportant la mise à jour adéquate. Le Ministre m'apporta tout l'appui en faisant doubler mon budget. L'Intendant DIAGNE de la DAAEB fit changer tout le mobilier et augmenta le budget. Il fit réaliser un véhicule neuf 131
dans le cadre d’un plan de dotation du Ministère en véhicules. La Gendarmerie renforça le personnel sous-officier et l'Etatmajor mit en place un personnel officier plus motivé et mieux outillé. Je dus cependant m'opposer à certains pans du Ministère et à des militaires qui voulurent profiter de mon grade et du changement pour réduire les compétences de la DIRCEL en lui enlevant beaucoup de ses prérogatives. Cette bataille fut dure et âpre et je ne pus la remporter qu'avec l'aide et la confiance du Ministre Cheikh Hamidou KANE qui avait une très haute idée de la DIRCEL. La DIRCEL avait une compétence générale alors que les autres directions avaient plutôt des compétences d'attribution. Toute chose égale par ailleurs, toutes les affaires traitées au niveau du Ministère avaient un aspect juridique et emportaient le sceau de la DIRCEL pour le respect de la légalité. Le contrôle de la légalité des actes donnait un pouvoir immense à la DIRCEL qui pouvait au nom du Ministre s'opposer à n'importe quelle décision prise en dehors de la légalité. Les commandements avaient tendance à vouloir ignorer les principes de légalité et prendre des décisions qu'ils jugeaient conformes aux besoins du commandement. Je ne saurais compter le nombre de fois où je fus convoqué par un des généraux pour m'entendre engueuler sur mes prétentions à m'opposer à des actes de commandement. Prenons l'exemple du Général qui décide d'une signature de libérer tous les sergents âgés de plus de 36 ans et non titulaires du Certificat Interarmes. Les rapports de la DIRCEL avec les commandements sont la plupart du temps conflictuels et la personnalité du Ministre est très importante dans la résolution des affaires. Faire appliquer le principe de la légalité est une difficile mission face à des généraux qui se croient dotés d’un pouvoir absolu.
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J'eus la chance à mes débuts dans cette direction de tomber sur un ministre expérimenté, courageux et très près de ses hommes. Il m'apporta l'appui, le soutien et me prêta une oreille attentive. Il me permit de poser les premiers actes et principes face un Etat-major puissant et qui tient à imposer ses normes, quelles que soient les conditions de légalité. Toute grande étude de l'armée ou de la gendarmerie était finalisée par la DIRCEL qui en faisait une loi ou un règlement suivant la nature. Les commandements tenaient souvent à ce que leur projet soit entériné par le Ministère sans y apporter une seule virgule et je ne pouvais accepter cet état de fait. Ils ignoraient les procédures mises en place par l'Etat pour veiller au respect des normes. Moi-même, je me retrouvai conseiller référendaire au niveau du Conseil d'Etat qui se réunissait chaque mercredi pour prendre des décisions sur tous les textes soumis par les ministères. Outre ses compétences contentieuses, le Conseil d’Etat devait conseiller le gouvernement sur la forme, le fond et l'opportunité des projets. La présence du Commissaire du gouvernement en la personne du secrétaire général est obligatoire, un des conseillers référendaires étant rapporteur du projet. Je me suis trouvé souvent rapporteur des projets du Ministère de l'Intérieur. Cette participation dans le travail du Conseil d'Etat fut salutaire pour moi et m'apporta au plan rédactionnel et juridique une meilleure appréciation de mes compétences. Les hommes de qualité qui se côtoyaient au Conseil d'Etat, sous la présidence de Monsieur Ousmane Camara et le Commissariat du Gouvernement par Monsieur Ousmane NDIAYE ont permis au Sénégal d'avoir des textes sans failles, transparents et clairs qui créent un ordonnancement juridique de dimension internationale. La satisfaction du Ministre et du Général Haut Commandant de la Gendarmerie me fit proposer au grade de Colonel alors que je venais juste de remplir les conditions de grade.
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De ma position de DIRCEL, je pus être au courant des propositions de la Gendarmerie dont six lieutenants colonels remplissaient les conditions. J'étais retenu alors que j'étais le moins gradé du groupe, deux ans et quelques mois alors que les 5 autres avaient tous plus de 4 ans. Très conscient que personne ne me pardonnerait cet avancement plus qu'exceptionnel, je fis part au Général SECK et au Ministre de ma gêne de devoir passer colonel avant certains camarades plus gradés et autant, sinon plus méritants que moi. Trois étaient laissés en rade par les propositions et ce fait était à mon avis, plus néfaste que profitable à cause de l'accusation qui me serait faite d'avoir profité de mes fonctions et de mes relations avec le Général. Je tins si bon que le Ministre et le Général décidèrent de nous faire passer tous les six. Pour la première fois, un tableau d'avancement gendarmerie voyait six colonels passer en même temps. J'eus un grand problème avec le Général Chef d'Etat-major Général des Armées. Gestionnaire du bureau des officiers généraux, la DIRCEL devait assurer le suivi de la situation de ces officiers au jour le jour pour renseigner le Ministre sur tous les aspects de leur administration. Durant une des vérifications, je trouvai dans le dossier du CEMGA deux actes de naissance dont l'un le faisait naître un 22 mars 1942 et l'autre vers 1942. Cette situation posait problème car je devais préparer l'acte qui devait verser le Général dans la deuxième section des officiers généraux qui devait intervenir le premier jour qui suivait ses 58 ans effectifs. Les élections présidentielles étaient prévues le 26 février 2000. Je fis une fiche au Ministre pour expliquer le problème, définir les enjeux et proposer d'appliquer au Général la date la plus favorable et qui en même temps, permettait d'aller aux élections sans soucis de chef pour l'Armée.
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Le Ministre accepta ainsi ma proposition d'appliquer au Général la date du 1er janvier 2001 pour sa retraite. Pour me couvrir, je suis allé expliquer de vive voix l'objet de ma fiche et la proposition que le Ministre avait retenue. En outre je proposais pour me couvrir de demander officiellement au général de produire un acte de naissance et que cet acte ferait foi dans son cas. A ma grande surprise, je me trouvai un matin de bonne heure convoqué par le CEMGA devant son staff particulier et ses hommes de main et me voir accuser de comploter avec un groupe d'officiers enfants de troupe pour l'évincer de son commandement. Il a fallu que je lui présente séance tenante par mon adjoint le Chef d’escadrons NDOYE, l'ensemble de son dossier dont chaque pièce est authentifiée par le Directeur de l'Intendance. Conscient de toute la gymnastique que j'avais faite pour l'aider à rester jusqu'à la fin de l'année, il se leva précipitamment pour faire ses ablutions, faire deux rakaas et me présenter ses excuses. Il rappela à son monde les liens d'alliance que nous avions par nos femmes. Il soutint avoir donné son appui pour me faire passer colonel à la première proposition. C'est au moment de mon passage au grade de colonel que l'alternance intervint. J'en étais heureux comme la plupart des Sénégalais sans pour autant rien en attendre de précis. Rien de mal ne pouvait m'arriver, j'avais 45 ans, je faisais partie des deux ou trois plus jeunes colonels des Forces Armées, j'avais une fonction très importante. Je n'étais entaché par aucune faute contre l'honneur ou la discipline. Je venais de recevoir les félicitations du Commandement pour avoir organisé le premier séminaire du Centre d'études stratégiques de l'Afrique à la satisfaction des gouvernements sénégalais et américains. Depuis plus d'un an, j'avais maintenu très haut le prestige de la DIRCEL, bénéficiant des conseils discrets de l'Intendant Lat DIOUF du Conseil Constitutionnel.
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Je faisais des conférences au profit de certains établissements, de certaines Organisations Non Gouvernementales, au CEDS et même à l'université avec le polémiste Babacar Justin NDIAYE. Je voyais la vie en rose, je voyageai beaucoup en qualité d'expert militaire du Ministère des Affaires Etrangères pour négocier les accords et conventions à caractère militaire. J'eus une seconde chance en étant le premier militaire à entrer en contact avec le premier des ministres des Forces Armées de l’alternance, Monsieur Youba SAMBOU. Nommé le 3 avril 2000 à 20 heures dans le premier gouvernement de l'alternance, le nouveau ministre devait prendre part au 4 avril le lendemain, fête de l'Indépendance. L'Etat-major Général requit la Gendarmerie pour avoir des nouvelles du Ministre. Le Général Pathé SECK me confia la mission. La légion sud où le nouveau ministre était proviseur à Bignona me trouva son adresse à Kourounar dans Pikine. Je pus trouver le ministre chez un de ses parents vers 23 heures et je fis appel à son aide de camp, le Capitaine MBODJ et ensemble, nous lui expliquâmes ce que l'on attendait de lui durant la cérémonie. Nous lui trouvâmes avec efficacité tout ce dont il avait besoin pour participer dignement à la solennité de la cérémonie. Il nous trouva très disponibles et très efficaces et dira aux généraux toute sa satisfaction de l'assistance qu'il eut cette nuit-là. Le courant passa ainsi entre nous, comme lettre à la poste. Le Ministre Youba Sambou me faisait totale confiance et moimême je lui faisais totale confiance. Je fus pendant deux ans son principal conseiller en tout et il me consultait avant de signer la plupart des dossiers du Département. Sa courtoisie, sa finesse et sa prudence en font un grand ministre. Il protégea efficacement les Forces Armées en se faisant un avocat dévoué en face d'un Président qui souvent prenait des mesures sans respect de quoi que ce soit.
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Les explications que je lui donnais pour s'opposer à telle mesure illégale ou inopportune étaient relayées avec tact au Président qui avait beaucoup de respect pour lui. Youba SAMBOU était assez libre. Il était rigoureux. Il suffisait de le convaincre avec de bons arguments pour l'amener à défendre sans hésitation l'intérêt des Forces Armées.
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Chapitre 14 Les difficultés de la DIRCEL Le premier choc eut lieu avec la décision du Président de la République de nommer quatre calots bleus dont Lamine FAYE, capitaines de gendarmerie et de les intégrer dans sa garde rapprochée. Le Ministre qui avait reçu les instructions me demanda de préparer la mesure et le projet y afférent. Il fut très déçu de m'entendre lui dire ce n'était pas possible. Il insista et je lui demande alors de m'enlever de la DIRCEL avant la prise d'une telle mesure. Je lui présentai sur l'heure l'ensemble des textes s'opposant à de tels actes et qu'il était de son devoir d'exposer à la plus haute autorité. Il le fit avec beaucoup d'élan et d'enthousiasme lors d'un conseil de sécurité alors que les généraux qui ne pensaient qu'à leur survie, ne pipaient mot. Seul le général NIANG alors Ministre de l'Intérieur, vint à son secours en acceptant de commissionner les calots bleus dans la Police Nationale. Mes ennemis plus tard s'acoquineront avec Lamine FAYE pour me faire payer mon opposition à leur entrée dans la Gendarmerie. Le deuxième fut la volonté de Madame WADE de se débarrasser de la garde présidentielle qu'elle passera son temps à critiquer sur beaucoup de choses. Tantôt, elle décriait la vieillesse de la garde, ce qui était en grande partie vrai, tantôt elle la trouvait avachie et sans prétention. On pouvait expliquer la désaffection des gendarmes qui avaient trop duré à la garde. Elle trouvait aussi les gendarmes sales avec les cafards et autres qu'ils apportaient dans le palais. 139
Enfin, elle ne pouvait à juste titre, supporter les bols que les familles faisaient venir aux heures de repas de la caserne de Front de terre. Tous ces problèmes avaient conduit le Président à demander au Colonel Gouverneur une étude approfondie pour apporter des changements. Madame Wade, de son côté avait commandité à de soi-disant sociétés de sécurité européennes un audit pour changer la garde. Les Armées étaient preneur et préparait déjà un bataillon dit d'honneur à la place de la Compagnie d'honneur, la Police de même voulait prendre la place de la Gendarmerie avec le GMI. Le Gouverneur prit à la légère la volonté du Président et sous les pressions de Madame WADE, il sortit de ses archives toutes les propositions déjà faites au Président Diouf pour améliorer les conditions de la garde. Le Président WADE les lui jeta à la figure et lui ferma pour toujours ses portes. Il confia le travail au Capitaine DIALLO, Chef de la sécurité rapprochée qui vint me voir pour l'aider à faire des propositions. Je fis avec mes adjoints les Commandants DIOUF et NDOYE (anciens de la garde), les Capitaines DIENG et Ousmane BA, une étude exhaustive que je remis au Général SECK comme proposition de la Gendarmerie pour la mise en place d'une garde présidentielle aux normes. Je convainquis le Capitaine de s'effacer comme moi de cette étude pour le bien de la Gendarmerie et pour faire abdiquer les sociétés de Madame Wade, les armées et la police. Le Président donna son aval et montra toute sa satisfaction et demanda le changement du Gouverneur. Le Général SECK me témoigna sa satisfaction et me proposa le poste de Gouverneur que je refusai pour plusieurs raisons. En premier lieu, j'avais très longtemps servi en qualité d'officier de renseignement et le Président WADE, dès sa prise de fonction a pris la décision de dissoudre le CENCAR avec une volonté de le rayer et de rayer les hommes qui y ont servi.
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En second lieu, je me sais libre et indépendant dans mes fonctions et dans ma vie, je ne suis pas un casanier enfermé dans le Palais attendant que quelque chose se passe. Je bouge, Je sors et J'ai envie de vivre. Enfin en toute honnêteté, je n'ai pas la gueule de l'emploi, ni la discipline physique, je suis trop libre par rapport à ça. Je conseillai au Général de voir du côté de DIEYE qui a la gueule de l'emploi ou au moins d’Abdoulaye FALL, certes plus lourd mais qui devait en toute logique pouvoir le faire. Tenant compte de beaucoup de problème que le Général avait avec DIEYE depuis le refus de ce dernier de diriger son Cabinet, le poste échut à Abdoulaye FALL. Le Général me demanda de tâter le terrain pour voir s'il était intéressé. Je lui fis rejoindre Dakar dans la semaine et prendre le poste. Le Colonel Djiby Diop, Gouverneur, vint m'insulter devant le building m'accusant d'être trop pressé et de vouloir les enterrer. Sa relève du poste de Gouverneur et sa déception de voir un de ses jeunes être nommé HCS l’avait conduit à m’accuser. Dieu seul m’est témoin, j’ai participé de par ma position à trois faits où ma conscience est tranquille, mais où des histoires de maraboutages ne sont pas à exclure. Un banal accident de voiture a failli me tuer sur l’autoroute, les devins consultés par ma famille ont mis cet évènement sur un des quatre dossiers que j’avais fait enfermé dans mon coffre, un était le poste de HCS, les deux autres concernaient des détournements dans des organismes d’intérêt privé, coopérative et mutuelle. J'eus quelques problèmes avec le nouveau CEMGA, le Général GAYE, un officier dont je fis ma référence depuis l'ENOA. Le Général GAYE est un officier au-dessus du lot, je le respecte comme Mansour NIANG dont il est promotionnaire pour trois choses. Il est engagé plus que tout autre officier dans son idéal de soldat et le vit au quotidien, il a été le seul colonel qui avec son 141
grade a combattre à la tête de son bataillon en Casamance sans rechigner ni crier à l'injustice. Le Général GAYE est rigoureux en préparant avec tout le nécessaire, la plus petite tâche à lui confiée, faisant preuve d'une modestie intellectuelle qui lui a toujours donné les moyens de réussir avec brio les missions. Enfin, le Général GAYE est un homme de foi dont la référence première est le Coran. Sa foi explique qu'il fait les choses avec un engagement hors du commun, ce qui peut rendre explosif toute erreur de sa part. Ses démêlés avec le Colonel Khalil FALL de l'ANAD, qui a pu me manipuler pour se faire nommer général, me placeront parmi ses ennemis. Il doutera de ma bonne foi et fera tout son possible pour m’éjecter de la DIRCEL. Mes relations intangibles, fraternelles et complexes avec le Colonel FALL, Secrétaire Général de l'ANAD, me feront perdre la confiance du CEMGA alors que j'appuyais des quatre fers la politique d'orthodoxie mise en place depuis mai 2000. Le Président malien Alpha Omar Konaré a fait le vœu d'intégrer l'ANAD au mécanisme de la paix de la CEDEAO. A cet effet, il a mis à la disposition de la CEDEAO, le Général DIARRA qu'il vient de nommer. Je reçois un compte rendu du Secrétaire Général de l'ANAD qui fait état de la nomination de son adjoint au grade de général de brigade alors que lui-même est colonel. Le compte rendu est repris par la DIRCEL, signé par le Ministre qui demande la nomination du Secrétaire Général de l'ANAD au grade de Général de Brigade pour ne pas se laisser évincer par les Maliens à la CEDEAO. De bonne foi, croyant me battre pour des intérêts nationaux, j'ai fait nommer par ma fiche Khalil Général de brigade. Je suis convaincu qu'il méritait le grade, qu'en tout état de cause, il aurait été nommé, cependant sa manipulation plus que grotesque a facilité les choses.
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La nomination obtenue, le Général FALL n'avait plus rien à faire de l'ANAD. Il le saborde, le crucifie en ne lui laissant aucune chance d’intégration à la CEDEAO. Il profite de la faiblesse des institutions ivoiriennes pour convaincre en deux audiences le Président Wade de l'inutilité de l'ANAD qui pesait lourd sur les finances sénégalaises depuis la crise ivoirienne. J'essaie de sauver l'organisation en convoquant à Dakar une session ministérielle extraordinaire. Je convainquis même un nouvel Etat, le Bénin, d'adhérer à l'ANAD. Je fis prendre les mesures pour renflouer les caisses. Je prétextai que la Mauritanie ne pouvait rejoindre le mécanisme de la CEDEAO, rien n'y fit. Le Président WADE ne voulait plus, sur recommandation du Secrétaire Général, entendre parler de l'ANAD. Le Ministre Youba SAMBOU reçut pour instruction de conduire une mission d'urgence pour exprimer aux autres la volonté du Sénégal de faire dissoudre l'ANAD. La messe était dite. En ma qualité de Président du Comité des experts, je fis dissoudre l'organisation. Les finances que je venais d'obtenir pour relancer l'organisation, permirent de faire la liquidation juridique. Le Général FALL revint à Dakar et se vit nommer Inspecteur Général des Forces Armées. Les assauts de l'EMGA n’eurent aucun effet sur moi. Je pus garder, malgré bon gré, mon poste de la DIRCEL en conduisant les affaires selon ma conscience et en conformité avec les lois. Je voyageais beaucoup dans le cadre de trois dossiers très importants, la liquidation de l'ANAD, la mise en œuvre de la convention d'Ottawa sur les mines anti personnelles et enfin la conférence des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre. Le Général Abdoulaye FALL le Chef d'Etat-major particulier me servait de tampon avec le Général GAYE. Il m'écoutait et portait ma bonne foi avec son épouse, auprès du CEMGA que je gênais selon ses dires. Mon travail était assez prenant pour que j'eusse le temps de m'occuper des états d'âme des officiers généraux. 143
Je prenais cependant quelque distance avec le Général FALL qui avait pris, dès lors un autre cheval, en l'occurrence le Colonel Abdoulaye FALL, mon ami, le Gouverneur militaire du Palais de la République, à qui je venais de faire un deuxième cadeau encore plus juteux. L'Alternance avec la suppression du CENCAR et la mise au placard du Général WANE ont fait capoter toutes les relations avec le MFDC. Les relations entre l'État et le MFDC sont coupées et aucune voix ne semble s'ouvrir entre les deux entités. Je ne sais pourquoi, mais le MFDC me contacta en m'envoyant une délégation conduite par Bountoum BADJI. Edmond BORA selon ses dires, s'était porté garant de ma bonne foi. Je les reçus à la DIRCEL et promis de les mettre en contact avec l'Etat. J'exposai leur volonté au Ministre Youba SAMBOU qui responsable politique de la Casamance, préférait ne pas prendre en charge le dossier. Je fis appel à mon ami et complice Abdoulaye FALL, le Colonel Gouverneur. Il accepta de conduire la délégation devant le Président de la République. Abdoulaye FALL déclara au Président être le contact du MFDC pour les avoir côtoyé durant son commandement de la Légion sud et bénéficier de la confiance des combattants. Fort de toutes ses affirmations, Wade déclara se donner cent jours pour régler le dossier Casamance et nomma Abdoulaye FALL, le gendarme et gouverneur, Monsieur Casamance. Wade était de bonne foi, mais son Monsieur Casamance était de mauvaise foi. Le Gouverneur militaire du Palais ne savait du dossier que ce que je pouvais lui en dire. Je lui fis par fiche le point de ce que je savais du MFDC, le mit en contact avec des éléments clefs.
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Chapitre 15 Le commissionnaire Joola 2002 Septembre 2002 me vit m'envoler vers Genève pour la quatrième conférence des états parties de la convention d'Ottawa avec le Colonel NDIAYE DIONE, conseiller défense du premier Ministre et Abdou Salam Diallo Directeur des organisations internationales du Ministère des Affaires étrangères. Après la conférence, je profitai de mon séjour en Europe pour prendre quelques jours de vacances auprès d'une de mes amies, avocat à Rodez. Je m'étais volontairement coupé du pays pour bénéficier le plus possible des vacances. Je ne sus absolument rien de l'accident du Joola jusqu'à ce qu’un coup de fil à trois heures du matin vienne interrompre mes vacances. Le Ministre Youba SAMBOU me demandait de tout faire pour être à Dakar le même jour par l'avion d'Air France qui quittait Paris à 16 H40. Toutes les dispositions étaient prises pour mon billet. Je retrouvai le Colonel NDIAYE DIONE à Roissy. Il était aussi rappelé par le premier Ministre. Il me fit un rapide point de situation. Les Français qui voyageaient avec nous venaient aux nouvelles qui de ses enfants, de ses parents, tous concernés par le naufrage. A ma descente d'avion, mon chauffeur était sur le tarmac avec ordre de me conduire directement au Palais. Là, je reçus la mission de conduire une enquête pour déterminer un, les conditions du naufrage et deux, les mesures des secours. Il m'était donné 24 heures par le Président de la République pour établir un rapport circonstancié d'enquête. J'ai exigé un délai supplémentaire et on me donna 48 heures en tout et pour tout. Tous les moyens nationaux furent mis à ma disposition pour comprendre ce qui s'était passé du 26 sep-
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tembre 2002 à partir de 22 heures au 29 septembre 01 heure du matin, moment où j'ai conscience de toute l'ampleur de la tâche. Je décidai de réunir sur le champ un ensemble de personnel des Armées et de la Gendarmerie que je jugeais compétent et libre pour être membres de ma commission d'enquête. Un bon dosage des compétences et des expertises est ainsi mis en œuvre pour enquêter et répondre aux attentes du Président de la République. Dès 06 heures, la commission rejoignait Ziguinchor par Fokker puis Carabane et revenait sur Dakar vers 16 heures avec des éléments d'enquête. Je décidai d'entendre les Armées concernées quand le Général GAYE me posa des problèmes d'ancienneté. Il voulait refuser l'audition des Chefs d'Etat-major de la Marine et de l'Armée de l'Air, sous prétexte qu'ils étaient plus anciens que moi. Je fis non seulement appel du Code de justice militaire et de ma qualité d'officier de Police judiciaire mais encore, pour éviter tout incident, je fis désigner des gradés de gendarmerie, officier de police judiciaire pour assurer le greffe de la commission. L'Etat-major baissa la garde devant ma détermination. La commission put accéder dans tous les endroits jugés utiles à la manifestation de la vérité, saisir toutes les pièces et matériels indispensables à la manifestation de la vérité et enfin entendre toutes les personnes en cause, quel que soit le grade. Nous entendîmes de même les forces françaises du Cap Vert et la plupart des bénévoles comme les plongeurs qui mirent à notre disposition leurs films. Une enquête exhaustive ne pouvait se faire dans les conditions de temps et d'expertise. Cela nous amène à produire un pré rapport qui détermine les conditions du naufrage et les conditions de mise en œuvre des secours. Le Président de la République semble se satisfaire de ce premier jet que je demande de parfaire et de vérifier en faisant preuve de plus d'expertise. Il marqua son accord sur tous les points, en décidant de publier aussitôt le rapport sur Internet. Il fit limoger le Chef d'Etat-major de la Marine qui voulait démis-
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sionner après son audition et la prise de conscience des fautes commises par ses subordonnés. Moi-même, je lui dis qu'il n'avait pas à démissionner, qu'il était un officier et surtout un enfant de troupe. Il n'avait qu'à attendre une sanction, dans son cas normale, mais qu'en aucun cas, il n'avait pas à démissionner, c'était contraire au devoir et à son état d'officier. Nos liens d'ancien enfant de troupe, notre passage ensemble au CENCAR et le respect que je lui vouais, firent qu'il m'écouta, me remercia même des conditions de l'enquête. Il attendit sagement les décisions de la République. Le Ministre démissionna pour assumer la responsabilité politique. Le Président désigna l'inspection générale des Forces Armées pour continuer l'enquête, et bien après, une commission nationale présidée par le Professeur Seydou Madang SY. Cette commission nationale adopta mon rapport et en fit une annexe du rapport général de la commission. Il n'y eut pas d'autre sanction et la vie normale du Ministère reprit son cours avec le premier Ministre Mame Madior BOYE, assurant l'intérim du Ministère des Forces Armées. Juriste, je n'eus aucun problème avec elle, elle dirigea le Ministère jusqu'au 11 novembre, date de la nomination d’Idrissa SECK comme premier Ministre. Le lendemain, le maléfique Bécaye DIOP se voyait nommer Ministre de la défense. Encore une fois, je m'élevai contre une telle décision, faisant une fiche au nouveau Ministre pour lui faire part de l'illégalité de cette nomination et lui en donner les raisons. Abdoulaye FALL, le gendarme, fut mis à contribution pour donner la fiche au Président qui conscient de la gravité de son erreur, fit rapporter le décret et nomma Bécaye, Ministre des Forces Armées. Les évènements de 1962 avaient créé un ordonnancement juridique qui excluait la création d'un Ministère de la Défense. La Défense en tant que telle était confiée au seul Président de la République et plusieurs Ministères avaient des prérogatives de 147
défense qui excluait sa concentration dans les mains d'un seul Ministre. Le Ministre des Forces Armées avait la charge et pour seule mission la préparation des forces à leur participation à la défense nationale. Fort de ça et pour me faire payer ma liberté d'action en tant que DIRCEL, mais surtout les résultats de l'enquête du Joola, l'Etat-major réclama ma tête au nouveau Ministre. Becaye ne se fit pas prier, il me chercha des poux sur la tête. Il voulut m'engueuler pour un oui ou un non. Il s'enquit de mes horaires de travail, il me refusa certains dossiers urgents et importants. De guerre lasse, il me renvoya du Ministère, un mois après sa prise de fonction. Après 4 ans de DIRCEL, je me retrouvai sans affectation, une première dans les Forces Armées, un officier d'active sans emploi. Le Colonel Ndiaye Dione mit du temps à avaliser le numérotage du décret qui mettait fin à mes fonctions, alors que le Ministère l'attendait en extrême urgence. Le Secrétaire Général du gouvernement, après explication vint voir Bécaye pour lui demander pourquoi il m'avait fait relever d'un poste si important alors qu'il venait juste d'arriver dans le Ministère. Il ne put faire arrêter la mesure mais il avait montré au Ministre la bêtise qu'il venait de commettre en enlevant son rempart face au commandement et surtout en me faisant remplacer par mon adjoint du grade de commandant. Le Général Pathé SECK, qui n'avait rien fait pour me protéger, voulut pour se racheter, me nommer Commandant de la Gendarmerie Territoriale en remplacement du Colonel Mbaye Cheikh Tidjane. Je ne voulus pas prendre la place de cet ancien qui était en première au prytanée quand j'étais en sixième. J'étais bel et bien au chômage quand le Ministre me fit convoquer par son Directeur de Cabinet, un ami depuis, Youba SAMBOU. 148
Il m'expliqua avoir dû me protéger en m'enlevant de la DIRCEL car tout le monde m'en voulait pour les accusations que j'avais formulées contre le corps des officiers dans l'enquête du Joola. Il m'avait désigné comme Attaché militaire en Gambie où il avait besoin de moi, tenant compte de mes compétences en renseignement. J'étais très heureux de ce choix et fonçai vers le Général SECK pour lui faire part de la nouvelle. Le Général ne voulut rien entendre et me fit comprendre que je ne pouvais pas être Attaché militaire. Le Ministre n'avait aucun droit pour me désigner à ce poste. Je ne comprenais plus rien, 24 heures avant, il me proposait tous les postes de Colonel de Gendarmerie. Maintenant il était dans tous ses états pour le poste que le Ministre, conscient de sa faute, tenait à réparer l'injustice. Le Président de la République, sur mon étude, avait décidé d'ouvrir des missions militaires dans les pays limitrophes pour établir des rapports de confiance entre les Armées, trois postes, Banjul, Nouakchott et Bamako. Le Général SECK avait quémandé à Gaye un des postes pour y caser le Colonel Mansour NIANG qui après 3 ans de promenade obligatoire dans les missions onusiennes, avait demandé à occuper un emploi normal de son grade. Ne voulant pas de lui dans son dispositif, le patron des gendarmes avait comploté pour l'envoyer à Banjul comme Attaché militaire. Les deux grands commandements présentèrent ensemble au Ministre le projet de donner un des postes à un officier de la Gendarmerie. Comme j'étais le seul gendarme chômeur, le Ministre crut bien faire de me donner le poste. Le Général alla demander l'arbitrage du Président en me désignant comme un de ses meilleurs officiers dont il avait besoin pour un commandement important. Le Président fit bloquer par l'EMPART mon affectation. On désigna Mansour NIANG pour aller en Mauritanie et on envoya feu GUINESS en Gambie pour éviter toute interprétation.
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Dès la sortie des décrets, le Général SECK me désigna pour être observateur au Congo dans le cadre de la MONUC. Je lui mis sous le nez la lettre faite au Président pour m'enlever mon poste d'Attaché militaire et refusais tout simplement cette mise à la disposition des Nations Unies que je trouvais injuste. Il se disait avec ses nouveaux conseillers que l'argent à gagner justifiait la mesure et que j'allais sauter dessus comme un affamé. Il me déclara la guerre et on me mit les bâtons dans les roues pour me faire plier. Il rassembla son Etat-major pour me trouver un motif de punition, il me fit couper les vivres, il me laissa sans véhicule, sans carburant. La guerre fut totale et il me déclara paria de la gendarmerie, les officiers me fuirent et je n'eus plus droit aux égards de mon grade, mais je ne pliais pas, Gueye FAYE prit la place du Congo et je restai au chômage. J'en profitai pour donner des conférences au profit du CEDS et au profit du MALAO (Mouvement contre les armes légères en Afrique de l'Ouest). Madame AGBOTON que j'avais aidé à monter son ONG, me tendit la perche et me donna une occupation d'expert et de conseil. Je vis cette situation jusqu'au limogeage du CEMGA et son remplacement par Khalil. On me chercha une solution et on m'envoya à partir de Janvier 2004 comme Attaché militaire en Guinée Conakry. Entretemps, Khalil m'avait proposé des postes de responsabilités dans l'Etat-major Général des Armées, poste que je ne pouvais ou ne voulais occuper du fait de mon statut de gendarme. J'avais eu une grande déception face à la lâcheté des hommes qui avaient des responsabilités et les exerçaient à leur seul profit et contre les intérêts de la communauté.
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Chapitre 16 Le diplomate Guinée 2004-2005 Je rejoignis la Guinée de Lansana KONTE en mars 2004 après avoir effectué une reconnaissance des lieux entre décembre et janvier. Je dus mettre tout en œuvre pour ouvrir une mission militaire. L'Ambassade était très petite et ne pouvait en aucun cas contenir une mission militaire. Le budget alloué de 9 500 000 FCFA était très modeste pour permettre la location de bureaux corrects. Je résolus ainsi d'abriter la mission dans mon propre logement. J'avais pu louer à une somme dérisoire une très grande villa sur deux niveaux. Je fis du premier niveau mes bureaux et du deuxième niveau mon logement. Le budget d'équipement mis en place avait été escamoté par le Ministère qui avait décidé de nous équiper et ainsi passer un marché qui faisait honte. Le mobilier convoyé depuis Dakar et amené par bateau était dérisoire, peu fiable en termes de qualité et très insuffisant. La facture qui m'avait été présentée pour décharge fut rejetée et j'y joignis un rapport assez salé qui fit sortir le Ministre de ses gonds. Ce rapport l'obligea à me prendre au sérieux, il fit doubler mon budget et ainsi permit d'améliorer mes équipements et accessoires. Le mobilier ne pouvait en aucun cas emporter mon adhésion et démontra les honteuses magouilles qui se mettaient en place dans le Ministère et qui avaient pour beaucoup amené des problèmes entre le Ministre et le Général GAYE. Le Général Gaye talonnait le Ministère et n'hésitait jamais à taper sur les services du Ministère pour dénoncer la gabegie, les magouilles et autres artifices au détriment du bienêtre de la troupe. Le départ du Général GAYE fut la porte ouverte à des dérives qui ont détruit à jamais la rigueur budgétaire. Nous 151
n'étions pas des amis mais il faut reconnaître que les dérives se mettent en place avec son départ et des officiers comme le Ministre installent un système de prédation dont les marchés des missions militaires sont des cas insignifiants. Sur le milliard prévu en 2004 pour équiper les missions militaires, la moitié est détournée à des fins personnelles qui auront des répercussions très négatives sur l'équipement des missions militaires. J'eus beaucoup de difficultés pour asseoir la mission militaire, toutes les demandes d'audience effectuées en vue de rencontrer les autorités militaires du pays d'accueil, sont restées sans réponse. L'aide des attachés français et américains n'y changea rien et mon Ambassadeur lui-même, courait depuis des mois pour obtenir une audience du Ministre des Affaires Etrangères. Je dus me rabattre sur un jeune activiste du parti présidentiel, Président de la Commission Nationale de lutte contre les armes légères et Secrétaire Général de la fondation Lansana CONTE pour rencontrer des sous-fifres et commencer un semblant d'existence. Aucun responsable d'envergure ne voulut me rencontrer et je me morfondais dans un désespoir total. La vie n'était pas chère à cause du franc guinéen et je m'embourgeoisais, en attendant des jours meilleurs. Je fis venir ma famille pour éviter le "gnamdiodo", de très belles femmes peules qui s'offraient à longueur de journée. Je me rabattis sur la communauté sénégalaise où j'avais beaucoup de parents par alliance et la communauté mouride que dirigeait le mari de ma nièce. Je reçus une aide inestimable de la communauté sénégalaise. Cette communauté très organisée et assez influente déploya une série d'effort pour me trouver des solutions. La venue d'une délégation du bureau des enfants de troupe, conduite par le Président SY en compagnie d'ancêtres des années 50 et 60 me permit de prendre langue avec le Président CONTE lui-même. Sy que je fréquentais depuis Dakar m'invita 152
chez lui à déjeuner, il avait une femme guinéenne, restauratrice et femme d'affaires. Il profitait de ses séjours pour rendre visite au Président CONTE, lui-même ancien de Saint Louis, promotion 53. Le vieux BOIRO, enfant de troupe de la même promotion voulait profiter pour présenter ses respects au Général Président. J'ai profité de cette invitation pour demander à l'ancien SY d'intercéder à ma faveur pour avoir une audience avec le Chef d'Etat-major Général Kerfalla CAMARA que je connaissais pourtant très bien pour avoir été officier de liaison près de lui au Libéria. Sy présenta ma requête au Général Président en avançant que j'étais un enfant de troupe de Saint Louis et que je voulais présenter mes respects au très grand ancien. Le lendemain, je fus convoqué par le Colonel Kandé TOURE, Directeur de Cabinet du Ministre de la Défense, le Général Lansana CONTEH. Le colonel me reçut avec beaucoup de courtoisie, beaucoup d'attention, m'expliqua le calendrier trop chargé qui avait reculé mes audiences. Il me dit que le Président lui-même me recevrait en grande pompe, le jeudi matin à 10 heures et que cet honneur m'était fait en qualité d'enfant de troupe. Effectivement, le Général Président me reçut comme un Chef d'Etat avec musique et honneurs militaires. Je passais en revue un détachement de sa garde personnelle et fut introduit dans une salle de banquet où étaient réunis tous les généraux et colonels que comptait la Guinée. Ma présentation déplut au Général alors que dans un garde à vous impeccable, je saluai et me présentai en disant : « Colonel Abdoulaye Aziz NDAW, Attaché militaire Naval et de l'Air, mes devoirs Monsieur le Président de la République ». Avec fermeté il me répondit : « Je m'en fous d'être Président, appelez-moi mon Général ». Tous les officiers se mirent à rigoler et l'atmosphère se détendit.
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Le Général Président me fit asseoir à côté de lui et me présenta à l'assistance avec des mots de soudard. Il me fit lever, me demanda mon âge, 49 ans, et fit lever un Colonel du nom de DIALLO, âgé de plus de 70 ans et qui selon toute vraisemblance lui était très proche. Lansana CONTEH lui dit : « Tu vois Diallo, voilà la différence entre toi et moi, ce jeune Colonel sort de la même école que moi, il présente bien, il est très bien formé et il est intelligent ». Il s’adressa ensuite à toute l'assistance pour dire : « Dorénavant, c'est mon fils, vous lui apporterez en toutes circonstances l'appui et le soutien que vous m'apportez à moi-même ». Il me demanda de passer aussi souvent que possible le voir même dans son champ et que toute la Guinée était à ma disposition pour faciliter ma mission. Il ne me laissa pas exposer les objectifs de ma mission en GUINÉE, ni non plus les enjeux de la coopération entre les deux pays. L'enthousiasme était tombé, l'essentiel avait été dit et le Général Président était retombé dans une léthargie et semblait beaucoup souffrir. Il ne s'était pas levé, la rumeur disait qu'il avait une plaie à la jambe inguérissable du fait de son diabète. Il marchait difficilement et ne se levait jamais devant ses visiteurs. Vrai ou pas, le Président semblait beaucoup souffrir. Le Général KERFALLAH CEMGA, l'officier le plus gradé s'était levé dans un soupir et il m'invita à le suivre et à aller continuer la discussion à l'Etat-major des Forces Armées guinéennes au camp Samory TOURE. Je le suivis, suivi de la cohorte d'officiers qui m'en voulaient de perturber le repos du Général. Le Général Président semblait beaucoup souffrir, ne se levait plus et était toujours aperçu à l'intérieur de sa voiture pour rallier son bureau ou son champ, une cigarette au bec à tout moment. Nous le laissâmes à sa méditation et rejoignîmes le camp Samory où se trouvait l'essentiel des organes de commandement de l'Armée guinéenne, notamment le Ministère tenu par le Di154
recteur de Cabinet, le charmant Colonel Kandé TOURE, l'Etatmajor Général, l'Etat-major de l'Armée de terre avec le Général BALDE et les divers commandements logistiques. Seuls l'Etat-major de la Marine aux ordres du Capitaine de vaisseau DAFFE et l'Etat-major de l'Armée de l'Air aux ordres du Colonel SYLLA étaient implantés respectivement à la base navale et à la base aérienne. Je pus ainsi démarrer ma mission d'Attaché militaire, naval et de l'Air près des Forces Armées guinéennes. Je découvris une armée puissante, fière de ses faits d'armes, disparate dans sa composition, médiocre dans sa formation, indisciplinée dans sa tenue, dans ses rangs et une armée très affairiste. Le grade est souvent lié à un souci d'équilibre aussi bien ethnique que régional. Chaque général ou chaque colonel et Dieu sait qu'ils sont nombreux les officiers supérieurs, représente un lieu déterminé de la Guinée où il apparaît comme un "apparatchik", responsable devant le gouvernement national et surtout devant le Général Président comme le seul et unique responsable du bon ordre et de la bonne marche des affaires. Responsable militaire, ayant une grande responsabilité dans la capitale, il est responsable politique, économique et social de sa région. Il a la haute main sur les destinées de sa contrée et les autorités administratives, politiques et sociales lui vouent un respect immense. C'est à ce prix que se construisent l'équilibre et la paix en Guinée. Je pus réussir quelques objectifs avec la Guinée, notamment la visite du Général Chef d'Etat-major des Armées qui eut un succès retentissant pour les deux pays. Je peux vous garantir qu'avec la survenue de l'alternance, c'est la seule visite d'état qu'autorisa le Général Président envers le Sénégal dont il se méfie pour diverses raisons. Je pus obtenir des escales de bateau pour nos navires de ravitaillement du contingent sénégalais de la Mission des Nations Unies au Libéria ; je profitais de ses escales pour donner des cocktails qui permirent d'améliorer ma carte de visite.
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Je pus établir un accord médical entre les deux armées en vue de permettre de soigner certains militaires guinéens dans les hôpitaux militaires sénégalais, notamment HPD Hôpital Principal de Dakar et Infirmerie Hôpital de Ouata IHO. Enfin, je pus organiser un accord transfrontalier entre les forces de sécurité et de défense sur la frontière entre les deux pays. Les componés 4 (Tambacounda) et 5 (Kolda) firent une visite mémorable à la zone de défense de Labé qui fait face au Sénégal. L'opposition guinéenne avait fait des démarches spectaculaires auprès du Président WADE pour solliciter son intermédiation auprès du Général Président Lantana. Une telle démarche était nécessaire pour instaurer un dialogue entre les différents acteurs de la politique guinéenne. Le Président WADE sollicitait depuis un bon bout de temps une entrevue et voulait rendre une visite d'amitié et de travail au Président CONTE. Le Ministère des Affaires Etrangères du Sénégal faisait des pressions journalières sur l'Ambassade pour obtenir ce rendezvous et le Président menaçait de relever l'Ambassadeur s'il ne pouvait obtenir le rendez-vous. Les Guinéens avaient fermé sur instruction toutes les portes et possibilités à l'Ambassade du Sénégal. L'Ambassadeur ne pouvait obtenir aucun rendez-vous et le pauvre, entre le marteau et l'enclume sollicita la mission militaire pour obtenir au moins un rendez-vous avec le Ministre des Affaires Etrangères. Je fis part au Général KERFALLA, Chef d'Etat-major Général des demandes du Sénégal, il me fit comprendre la difficulté où il se trouvait d'avoir à intervenir dans une histoire entre deux présidents. Je lui mis la pression en lui précisant toute la puissance qu'il représentait et toute la confiance placée en lui, raison qui l'avait conduit à présider devant le premier Ministre et toutes les autorités, les festivités de l'Indépendance en sa qualité de représentant exclusif du Chef de l'Etat.
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Il me conseilla de me rendre moi-même au verger du Président sous forme de visite de courtoisie et en qualité de fils, de profiter de la situation pour exposer la demande sénégalaise. J'en fis part à l'Ambassadeur qui ne trouva pas une autre solution pour remplir sa mission Je profitai d'un dimanche ensoleillé pour me rendre au verger domicile du Général Président Lansana CONTEH. Je fus reçu par l'officier de service, qui était déjà présent à l'audience que le Général Président m'avait accordée devant toutes les Forces Armées guinéennes. Il ne fit aucune difficulté pour me recevoir, mais me demanda de patienter au moins deux à trois heures, le temps que le Président finisse de se reposer. En attendant, il me proposa la visite de la ferme du Président. Cette visite prit les trois heures et me donna très vite les sujets de discussion qui intéresseraient forcément le Général CONTEH. Effectivement, je lui fis part de mon émerveillement devant sa réalisation, ce qui était totalement vrai, le Général Président avait créé une ferme qui produisait tout et tout sur des hectares et des hectares. La visite avait permis de constater les connaissances et la passion du Général pour l'agriculture et l'élevage sans oublier l'aviculture et la pisciculture. Le Général CONTEH me fit comprendre que c'est la même passion qu'il avait pour la Guinée que Dieu avait dotée de tout, mais que, malheureusement, le Guinéen n'avait aucune ambition et ne travaillait pas. Nous discutâmes en long et en large de sa politique, de ses envies, de ses souhaits pour le peuple de Guinée. Il se voulait un bon père de la nation et finit par me dire : « Je n'ai tué personne, personne n'est en prison, la presse est libre et les Guinéens mangent à leur faim. J'assure la paix et le bon ordre, qu'est-ce qu'il a à m'emmerder ton Président, pourquoi il veut me voir. Qu'est-ce qu'il peut apporter à la Guinée, nous n'avons pas besoin de lui, le Sénégal a plus de problèmes que la Guinée ».
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Le Général KERFALLA avait bien rendu compte et je fus surpris par la tournure de l'entretien, je ne m'étais pas sérieusement préparé à une telle attaque, directe et sincère. Le silence s'installa entre nous et il devenait impoli de ma part de placer une demande quelconque. Je me faisais raison de l'échec de ma démarche et surtout de ma prétention démesurée en voulant profiter de l'amabilité paternaliste envers ma personne. Sans aucune possibilité, je continuai d'acquiescer de la tête comme si le Général avait continué son argumentaire. Il vint à mon secours en me proposant de me donner un champ vers Foya pour moi-même établir une ferme pilote, c'est ce qu'il avait fait au profit de tous les officiers supérieurs qui ainsi travaillaient la terre mais encore développaient économiquement leurs contrées. Je lui fis savoir, qu'en ma qualité d'officier des Forces Armées sénégalaises, je ne pouvais accepter cette offre sans trahir mon serment et qu'à ma retraite, je songerai à son offre et reviendrait la lui rappeler. Il me demanda alors ce qu'il pouvait faire pour moi et qui m'apporterait la satisfaction de la demande du Président WADE. Il m'entendit lui répondre « rien » sinon la satisfaction personnelle d'avoir rempli ma mission. Il me demanda alors de lui passer le Président WADE par téléphone. Je mis du temps à comprendre sa suggestion, je déployais aussitôt un effort considérable de mémoire pour me rappeler un numéro de la Présidence et de mon portable, je demandais à entrer en contact en extrême urgence avec le Capitaine de vaisseau aide de camp. J'eus des difficultés pour l'avoir et au moment où je lui explique la situation, mon portable n'avait plus de crédit. Patient et en rigolant comme un soudard de la situation, le Président CONTEH me permit d'utiliser son portable pour expliquer la situation.
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La Présidence rappela aussitôt sur mon portable et le Président WADE put s'expliquer pendant dix minutes avec le Président CONTEH. Je n'entendais pas ce que le Président des sénégalais argumentait, je suivais la réponse négative du Guinéen à toutes les possibles suggestions ou demandes. Le Président CONTEH resta courtois et ferme, rigola des Sénégalais qui n'avaient même pas assez de crédit dans leur téléphone et qui voulait être partout et nulle part. Il dit diplomatiquement au Président WADE que sa venue en Guinée ne dépendait que de lui, qu'il le recevrait en ami et frère mais qu'actuellement, il était malade et qu'il devait aller se soigner et qu'à son retour, il le recevrait avec plaisir. Il lui suggérait dans l'urgence de lui envoyer une délégation ministérielle que le gouvernement guinéen recevra avec tous les honneurs. Il rigola avec moi de cet entretien qui le détendit et je pus le quitter fier d'avoir au moins rempli ma mission. Le Président WADE, pour ne pas décevoir l'opposition guinéenne, envoya une délégation ministérielle conduite par le Ministre des Forces Armées Bécaye DIOP accompagné d’Aziz SOW du NEPAD. Le Général CONTEH reçut lui-même la délégation que je lui conduisis, il ne voulait pas de l'Ambassadeur dans la délégation. Je dus comploter avec ce dernier pour le sortir de l'impasse. L'audience était fixée à 9H30 à la Présidence de la République. Je fis comprendre aux deux ministres que l'audience était fixée à 10H30 mais qu'il fallait être prêt à partir vers 8 heures parce que le Président pouvait changer à tout moment le lieu de rendez-vous. Vers 9 heures, je les conduisais vers le palais en leur faisant savoir qu'on ne pouvait attendre l'Ambassadeur sans perdre le rendez-vous. En tout état de cause, tenant compte des problèmes de réseau, l'Ambassadeur était injoignable. C'est ainsi que nous nous rendîmes au palais sans ambassadeur. Le Président CONTEH nous reçut immédiatement.
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Le Ministre Bécaye DIOP se présenta comme Ministre des Forces Armées. Il présenta Aziz SOW comme le ministre en charge du NEPAD. Il tendit la lettre du Président WADE. Le président CONTEH prit la lettre et dit merci. La salle plongea dans un silence abasourdissant. Bécaye ne faisait pas le poids et il n'accrochait pas non plus. Aziz SOW ne pouvait en aucun cas dire quoi que ce soit. Le Président CONTEH se moquait visiblement de cette délégation si minable. Je dus une fois de plus me résoudre à sauver la situation en parlant des expériences de l'Armée guinéenne en termes de coopératives agricoles et de la volonté du Sénégal de copier ce savoir-faire initié par le Général Président. Le Président CONTEH s'enflamma alors, exposa son système et montra toute sa disponibilité de partager avec le Sénégal une telle expérience. Le ministre Aziz SOW, plus cultivé que Bécaye dans ce domaine put échanger avec le Président CONTEH et entre autres, prolonger la discussion sur les données du NEPAD, de l'OMVS, de l'UEMOA et beaucoup d'autres sujets intéressants. L'audience put durer une heure pleine, avec des échanges intéressants entre le Général Président et le Ministre Aziz SOW. Bécaye n'était pas du tout à sa place mais c'était ça aussi le régime de l'alternance, l'incompétence comme système de gouvernement. J'étais heureux en Guinée. Quelques mesquineries au sein de l'Ambassade n'arrivaient pas à me faire perdre ma bonne humeur habituelle. Par internet, je travaillais beaucoup sur des projets que me soumettait mon ami le Général Abdoulaye FALL, Chef d'Etat-major particulier et Monsieur " Casamance" du Président de la République. Grâce à lui et avec le Lieutenant-colonel TINE que je lui avais suggéré à ma place quand il a voulu faire de moi un Chef de cabinet, je n'étais pas très coupé du Sénégal. J'avais le temps de faire les études et projets qu'il me demandait et je le faisais avec tout mon cœur et tout mon enga160
gement. Ces projets intéressaient tous les domaines de la vie militaire, la Casamance, notamment l'organisation de Foudiougne 1 et 2, mais surtout la Gendarmerie qui nécessitait des réformes immenses. Et c'est sans surprise que le 15 juillet 2005, il me proposa de venir l'aider dans la prise du Haut Commandement de la Gendarmerie. Le président WADE venait de lui confier ce très important commandement. A ce titre, j'étais nommé Haut Commandant en Second de la Gendarmerie, fonction équivalente au Major Général de la Gendarmerie Nationale française.
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Chapitre 17 Le haut commandant en second et programme de relance de la gendarmerie 2005-2007 La proximité du Général avec le Président et les services présidentiels pouvait nous servir à développer la Gendarmerie et la moderniser pour répondre aux défis du troisième millénaire. Cette vérité et la confiance placée en moi m'ont donné des ailes pour entreprendre la conception et la définition d’un plan de développement à très court terme HORIZON 2006 -2011. Je venais de réaliser un rêve immense, un rêve fou. Je revenais dans la Gendarmerie par la grande porte après 16 ans d'absence. Pendant 16 ans, depuis pratiquement depuis 1989, je n'occupais que des fonctions interarmées, des fonctions importantes, des fonctions prestigieuses. Ces fonctions n'avaient rien à voir avec ma formation, mon arme et ma spécialité, j'étais gendarme et comme le dit l'adage, avant de construire à l'étranger, construis chez toi. Pour moi, ce poste représentait ma consécration, témoignait de la justesse de mon engagement, de la reconnaissance de ma compétence, de ma loyauté et de la qualité de mon dévouement envers l'état et les institutions de la République. Je me retrouvai avec la devise qui m'a vu grandir et accepter mon état d'officier "SAVOIR POUR MIEUX SERVIR". Beaucoup de mes amis voulurent me donner des conseils pratiques sur l'évolution future de ma carrière, notamment des garanties fermes et irréversibles du Haut commandement des Forces Armées pour au moins me faire nommer Général de brigade avant de rejoindre le poste.
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Khalil FALL était CEMGA et Abdoulaye FALL Haut COMGEND. Mes conseillers tenaient à ce que je fasse de cette nomination une exigence parce que d'un, le poste était un poste de Général, et en second lieu, mes deux amis qui me devaient chacun quelque chose étaient aux commandes et enfin mes conseillers doutaient de leur loyauté envers moi. Des camarades officiers de gendarmerie qui pensaient connaitre le Haut Commandant de la Gendarmerie, me firent un tableau très sombre de l'homme. Ils me firent comprendre que l'adhésion des hommes et des officiers ne pouvait se faire qu'à travers ma personne. En aucun cas et selon la plupart de ces camarades, le Général FALL, ne pouvait les commander ou interdire quoi que ce soit, du fait qu'il est entaché par une série de scandales qui le lient à jamais. En outre, beaucoup de colonels plus anciens que lui ne pouvaient accepter la nouvelle situation que sa nomination et la mienne entraînaient pour eux. La seule protection que je pouvais faire prévaloir était une nomination dans les mêmes conditions que lui. Sur demande du Général FALL, je constituais une équipe à même de prendre les destinées de la Gendarmerie. Comme je n'avais aucun préjugé vis-à-vis d'un quelconque officier, trois critères furent mis en exergue pour répartir les rôles entre les différentes catégories d'officier, l'ancienneté par rapport à moi, la compétence et l'engagement dans les missions de l'institution. En ce qui concerne l'ancienneté, je posai dès le départ le postulat que comme j'étais Colonel avec 6 ans de grade, tous les Colonels plus anciens que moi devaient se retrouver dans des fonctions en dehors de la Gendarmerie et loin de mes responsabilités. Je les fis convoquer devant le Général et suivant leur ancienneté, le Général leur proposa des postes importants et très bien rémunérés. Le plus ancien, MBAYE Cheikh Tidjane, choisit de rester à la Direction de l'Administration pénitentiaire, Djibril BA était déjà Attaché militaire au Mali, POUYE se vit affecter en Mauritanie, Thierno LO devait me remplacer en Guinée. 164
Diouf prit la DIRCEL et DIAKHITE restait à la disposition des Nations Unies en Côte d'Ivoire. Dieye et moi avions la même ancienneté dans le grade et dans le service. Il occupait les fonctions de Secrétaire Général de la Haute Autorité de l'Aéroport Léopold Sédar SENGHOR. Je ne pense pas avoir lésé un seul dans la distribution des rôles. Je pouvais comprendre la déception de certains anciens de perdre aussi bien le poste de Hautcomgend que de HCS. Je n'y avais aucune responsabilité du moment que le choix était politique et de la responsabilité exclusive du Président de la République. Il y eut effectivement beaucoup de frustrations et mêmes des paroles malheureuses de certains. Cependant l'Etat en nommant Abdoulaye FALL contre toute attente, d'abord Général en 2003, ensuite Hautcomgend en 2005, avait fait le choix d'enterrer la génération plus ancienne qui effectivement, avait ses prétentions et ses espoirs. Je ne faisais pas d'état d'âme du seul fait que j'avais la même ancienneté de grade que le Général FALL au grade de Colonel. Je disposais de tous les atouts physiques, moraux et intellectuels pour exercer en toute liberté la fonction de Haut Commandant en Second de la Gendarmerie. Mon expérience dans des postes de haute responsabilité dépassait de loin celle de tous mes anciens qui n'étaient jamais sortis des arcanes de la Gendarmerie et souvent n'étaient que de très bons exécutants. Pour les plus jeunes en grade, le choix fut dicté par la compétence et l'engagement dans la Gendarmerie. J'eus de la part du Général la liberté de choix pour constituer un Etat-major digne de ce nom, un cabinet bien outillé et des commandements représentatifs. Les Colonels les plus anciens assumèrent la responsabilité des grands commandements et des légions de Gendarmerie. L'Etat-major fut pour la première fois de l'histoire de la Gendarmerie bien fournie en officiers de valeur, tous titulaires au
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moins du brevet d'Etat-major, si ce n'est purement et simplement le diplôme de l'Ecole de guerre. Vingt-cinq officiers des grades de Colonel à Chef d'escadrons furent affectés durant le dernier semestre de 2005 à l'Etatmajor comme Chef de chaîne ou Chef de division. Le cabinet reçut cinq officiers entre le grade de Lieutenant-colonel et Chef d'escadron. Au départ, la plupart de ces officiers étaient réticents à servir en Etat-major, d'abord parce que très peu ont fait du travail d'Etat-major et enfin, ils avaient peur de perdre les moyens de commandement dont ils disposaient dans les unités. Avec le Colonel TINE et le colonel Cheikh SENE, j'entrepris la grande réforme de la Gendarmerie. La plupart des idées avaient été concoctées depuis la Guinée et avaient fait l'objet de plusieurs échanges mails entre le Général FALL, alors CEMPART, et le Lieutenant-colonel TINE qui servait déjà sur ma recommandation auprès du Général. Le colonel TINE reste le témoin privilégié entre Abdoulaye FALL et moi sur tous les projets que nous avons mis en œuvre dans la Gendarmerie. Le statut d'observateur que mes années en dehors de l'arme m'ont octroyé, la confrontation avec d'autres forces comme les armées ou même la police, l'engagement prospectif et libre du Colonel TINE et la confiance totale du Général, ont permis d'entreprendre un chantier de réformes et de redynamisation de la Gendarmerie. L'expérience du Colonel Cheikh SENE, très au courant des problèmes de commandement du fait de sa fonction de Chef des moyens généraux a permis de surmonter beaucoup d'obstacles et de répondre aux réserves des officiers qui ne voulaient pas que les choses bougent. Un programme de commandement en dix points fut soumis aux officiers de gendarmerie et adopté sans réserve par la plupart des commandements. Le plan fut discuté de long en large, dans un esprit critique et de façon ouverte sans a priori ni directives formelles. 166
De jeunes officiers furent désignés en qualité de rapporteurs des différentes commissions d'études. Ces rapports furent soumis à toutes les critiques et leurs auteurs à toutes les questions usuelles et non usuelles pour une bonne maîtrise du sujet. Tous les domaines de commandement furent audités et visités pour que le plan soit le plus complet possible. Beaucoup crièrent à une militarisation plus poussée de la Gendarmerie. Certains n'hésitèrent pas à m'accuser de méconnaissance des règles de commandement de la Gendarmerie. La plupart tenaient à conserver des privilèges liés à la corruption et au trafic d'influence. La répartition équilibrée des fonctions de commandement, d'administration était l'enjeu de ces réformes. L'exercice de la responsabilité était en jeu. Le compte rendu vers le haut de tout évènement ne pouvait plus libérer le Chef gendarme. En cas d'accident grave de la circulation, le Commandant de brigade rend compte au commandant de compagnie ou compagend, ce dernier au commandant de légion ou comlégion qui à son tour rend compte au Commandant de gendarmerie, qui me rend compte et je rends compte au Général. Le tour est joué, tout le monde est content. Pendant des décennies, la Gendarmerie a fonctionné comme ça et le Chef est dérangé à longueur de journée par des histoires de chiens écrasés. Chacun cherche à rendre compte le plus fidèlement possible de tout évènement et n'apporte rien de plus à la chaîne de commandement. Le Général est dérangé à longueur de journée par ces comptes rendus dont il ne sait que faire. Chacun est content d'avoir gagné sa journée parce que le Général a été mis au courant de l'évènement dans les 5 mn et ce, quelle que soit l'heure. Le commandement ne pouvait entamer une réflexion sérieuse ou entamer une étude, le rôle des officiers se bornait à rendre compte à l'échelon supérieur. Cela me choquait et me dérangeait. Je ne pouvais comprendre me faire réveiller à 03 heures pour des chiens écrasés. 167
On me rendait compte et moi je me rendormais, la tête lourde et sans réaction possible. En six mois, et avec le Colonel TINE et la bénédiction du Général, la grande réforme aboutit avec une refonte totale de l'organisation, la départementalisation et la redynamisation des unités. La Gendarmerie se voyait dotée d'un Etat-major, de quatre grands commandements, de sept légions terre, de trois légions mobiles, de deux centres logistiques et de plusieurs unités spéciales. Un programme complet de redéfinition des ressources humaines avec un nouveau statut fut mis en place et enfin des moyens pour l'infrastructure et la remotorisation furent budgétisés. L'informatisation devait couronner toute cette entreprise et projeter amplement la Gendarmerie dans le troisième millénaire. Le Président de la République fut convié à soutenir le plan de redynamisation. Il mit à notre disposition des moyens d'envergure pour répondre davantage aux besoins de sécurité des populations. Une très bonne équipe fut placée entre mes mains et celles du Général pour faire jouer pleinement son rôle à la Gendarmerie dans la protection des personnes et des biens. Je pris cette mission très à cœur et mon équipe avec moi. Je vécus deux ans d'engagement total, deux ans de réformes, deux ans de combats qui permirent la création d’un dispositif efficient. Un Etat-major responsable et instructif est entre mes mains et mon commandement direct. Un Centre Opérationnel que le Colonel Ismaïla SARR dirigea avec expérience et courage est la réponse adaptée aux évènements. Une inspection interne aux ordres du colonel Moussa COULOUBALY devient un outil indispensable d'audit interne et d'action forte sur la discipline. Une légion Hors Rang permit de gérer au mieux les personnels d'Etat-major et les missionnaires à l'étranger. La légion de sécurité et de protection fut mise en place pour prendre en charge les autorités étatiques et les bâtiments administratifs. La LGI retrouva son TED normal et eut des effectifs de neuf cents militaires dont trois officiers par escadron. La légion de 168
garde présidentielle ou garde rouge trouva un sens dans son appellation et dans son accoutrement à la dimension de la Garde républicaine de Paris. La départementalisation de la Gendarmerie territoriale fut entreprise avec la création de plus de dix compagnies nouvelles et plus de vingt brigades territoriales. Deux centres furent chargés de la logistique, le centre administratif et le centre technique. La coordination effective de toutes ces nouvelles activités, le traitement quotidien du courrier gendarmerie, les séminaires de commandement pour pallier au déficit de formation, les réunions mensuelles de grands commandements, les chantiers ouverts, les visites aux unités, les inspections d'envergure ne me laissèrent pas le temps de comploter ou de penser à moi-même. Mon engagement demandait des sacrifices énormes. Je tenais à réussir le commandement du Général Abdoulaye FALL, mon ami, en plein accord avec lui. Je ne pris aucune initiative qu'il n'accepta pas ou dont il n'eut pas connaissance. Nous avions lui et moi trois réunions quotidiennes, une à 08H30 où je lui faisais le point des grandes décisions de l'Etatmajor, une vers 13 heures juste avant sa pause déjeuner où il me donnait souvent des directives suivant les directives politiques qu'il avait reçues et enfin vers 18 heures. Je lui faisais le point des décisions internes que j'avais signées à son nom et des signatures qu'il devait effectuer pour le courrier externe de la Gendarmerie. J'avais au moins sept parapheurs à signer à son nom et lui en signait deux ou trois qui étaient le courrier destiné aux Ministères et institutions de la République. J'avais une confiance totale au Général Abdoulaye FALL, le gendarme. J'avais toujours supposé qu'il avait totale confiance en moi. J'étais son ami et ce mot avait un sens total pour moi. A son nom et pour lui, j'avais engagé dans son commandement et dans l'oubli total de ma propre personne, mon HONNEUR, ma GLOIRE et ma FIERTE.
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Chapitre 18 Mon ambition pour la gendarmerie Cette ambition s'est traduite dans ma volonté de doter la Gendarmerie de structures de commandement à l'échelle des défis nouveaux auxquels elle doit faire face dans des délais plus exigeants et à l'heure d'internet. Dans ce cadre des réformes de structures, une réorganisation d'envergure est entamée dès octobre 2005 pour doter la Gendarmerie de structures modernes et adaptées à l'ensemble de ses missions. Cette réforme a été soumise au gouvernement et a fait l'objet d'un décret en janvier 2006. Elle a un triple rôle, décentraliser, déconcentrer et se doter des outils modernes de gestion et d'audit pour rendre plus lisible donc plus réalisable les missions de l'Etat-major. Sous la responsabilité directe du Haut commandant en Second, la Gendarmerie, pour la première fois depuis l'Indépendance se dote d'un Etat-major digne de son institution avec toutes les composantes modernes d'un Etat-major. Il s'est agi de mettre en place un outil performant de conception, d'analyse et de décision à même de donner au Haut Commandant les moyens intellectuels, physiques et moraux de commandement. Outre un Centre Opérationnel de la Gendarmerie, centre opérationnel moderne qui répond au défi de réponse à temps aux attentes des populations, l'Etat-major trois présente trois composantes qui s'articulent de la façon suivante : L'Adjoint Opérations grâce à ses quatre divisions (Renseignement, Statistiques, Emploi et Prospectives) donne au commandement les réponses appropriées aux opérations des unités de terrain.
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L’Adjoint logistique permet de concevoir l'acquisition, la gestion et le contrôle des moyens mis à la disposition des unités. Il a aussi quatre divisions dont la division administrative et financière, la division soutien matériel, la division des infrastructures et de l'immobilier et enfin la division informatique transmission. L'adjoint Ressources Humaines a en charge la gestion rigoureuse des différents personnels de la Gendarmerie. Il a sous ses ordres la division gestion des personnels, la division de l'administration, la division de l'instruction et de la formation, la division de la chancellerie et du contentieux. Le Cabinet du Haut Commandant de la gendarmerie avec trois divisions prend en charge surtout la gestion de l'emploi du temps du Général, la gestion médiatique de la Gendarmerie et la Coopération internationale sans oublier la fonction sociale. La division communication est le moyen le plus adéquat pour répondre au phénomène des médias et répondre aux besoins d'information. L'ouverture à l'international est un acte de prédisposition pour entretenir des relations privilégiées avec certaines polices à travers le monde, participer à la construction de la paix internationale, et un cadre propice d'échanges d'information sur certaines méthodes et activités criminelles. La gestion des problèmes sociaux des gendarmes, des veuves et orphelins est une question essentielle de commandement. Il est créé une Inspection de la Gendarmerie à considérer plus comme un service d'audit pour la traçabilité des différentes actions de la Gendarmerie et leur conformité au code de déontologie de la Gendarmerie. Cet outil d'inspection interne prend en charge la mission de contrôle permanent des unités que le Général doit exercer en toutes circonstances et en tous lieux sur les unités et les différents responsables de la Gendarmerie. C'est un organe de lutte contre la corruption, la mauvaise gestion et la gabegie. L'Inspecteur de la Gendarmerie, troisième personnage de l'institution a quatre adjoints en charge de : 172
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L’Inspection de la Gendarmerie Territoriale L’Inspection de la Gendarmerie Mobile L’Inspection de la Logistique L’Inspection des Affaires Administratives et Financières -
La mission du Commandant des écoles est mieux définie, plus maîtrisée et mieux outillée pour prendre en charge les besoins en formation de toutes les composantes de la Gendarmerie, notamment la formation initiale, la formation continue avec aussi bien des écoles de formation comme, - L’Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale - L’Ecole de Formation de la Gendarmerie Nationale Et des écoles de perfectionnement comme : - Centre d’Instruction de la Gendarmerie Nationale - Centre de Perfectionnement de la Gendarmerie Mobile -
Dans le cadre des missions de la Gendarmerie Territoriale, la départementalisation de la Gendarmerie est entreprise avec la prise en compte totale de la réforme administrative de 1972 et des réformes qui suivent. Outre la mise en place effective de sept légions territoriales (deux à trois régions par légion sauf Dakar), l'objectif est de mettre en place une compagnie départementale par département et une brigade territoriale par arrondissement, voire communauté rurale. Chaque légion se voit doter d'un escadron territorial pour apporter dans les délais les capacités d'intervention et de surveillance indispensable et beaucoup soulager les unités mobiles. Sept légions territoriales sont implantées suivant la répartition que voici : Légion Ouest à Dakar, Légion Centre Ouest à Thiès, Légion Centre à Kaolack, Légion Sud à Ziguinchor, Légion Sud Est à Kolda, Légion Est à Tambacounda et Légion Nord à Saint Louis. Trois légions mobiles, bien distinctes ont été mises en place pour mieux spécialiser chaque légion selon une mission spécifique de la Gendarmerie Mobile. La LGI ou Légion de Gendarmerie d’Intervention, reste dans le cadre de ses missions traditionnelles définies par son décret de création, à savoir une unité spéciale de maintien et de réta173
blissement de l’ordre, elle est capable de participer à des opérations militaires comme unité de réserve générale. La LGP ou Légion de Garde Présidentielle, prend en charge totalement et exclusivement les charges de sécurité et d'escorte du Président de la République. Elle dispose de trois escadrons à pied, d’un escadron moto et d’un escadron à cheval. Unité d’honneur et de tradition de la Gendarmerie Nationale, elle constitue la Garde Rouge avec sa tenue d’apparat rouge. Enfin, la nouvelle LSP ou Légion de Sécurité et de Protection, assure la protection et la sécurité de toutes les autres institutions de l'Etat, Gouvernement, Parlement et Cours de Justice. Unité de garde et de sécurité, elle a une forte composante d’appelés du contingent, en service dans la Gendarmerie. Les Services Techniques et Administratifs : Le GMG de l'époque, lourd et nébuleux est cassé en deux organes bien distincts, l'un prend en compte les aspects administratifs et financiers, notamment la gestion financière du budget général gendarmerie et l'autre le CTGN assure le soutien du matériel et de l'immobilier : - Centre Administratif de la Gendarmerie Nationale - Centre Technique de la Gendarmerie Nationale -
Unités Spéciales de La Gendarmerie Nationale : des unités spéciales qui existaient bien avant la réforme sont enlevées des grands commandements GT comme GM pour voler de leurs propres ailes et dépendre directement du Général et de son Etatmajor pour suivi et décisions. Cette décision fut discutée de façon démocratique entre le Général, le Colonel Tine et moi. Le Général souhaitait une liberté de manœuvre totale et une indépendance de ces unités par rapport aux grands commandements. Je tenais à les rattacher à la nouvelle légion Hors Rang surtout pour le commandement organique, alors que le Colonel TINE exigeait leur rattachement organique aux deux grands commandements que sont la GT et la GM. Cette discussion ne trouva pas de solution dans le cadre de la réforme et en fait, rien ne fut sérieusement décidé. Chacun des trois avait cru avoir convaincu les deux autres, ce qui fera en 174
définitive que l’interprétation du Général l’emportera. Les trois unités dépendront en tout et pour tout exclusivement du Général. Personne d’autre n’aura la main mise sur les trois unités, surtout la Section de Recherches qui aura une indépendance totale, inimaginable dans une structure militaire. Cette unité ne sera plus commandée. Ses activités échapperont au commandement structurel pour se renforcer sous l’emploi exclusif du Général. - Section de Recherche - Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale CYNOGROUPE
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Chapitre 19 Plan d’équipement de la gendarmerie Le plan d'équipement est aussi lancé au début de l'année 2006 après la visite à la Gendarmerie du Président de la République. Les problèmes de la Gendarmerie et la politique budgétaire à mettre en œuvre pour la moderniser et répondre aux attentes des populations ont fait l’objet d’une étude exhaustive de l’Etatmajor gendarmerie. Dans cette perspective, huit domaines prioritaires sont identifiés et constituent une épine dorsale du programme d’équipement de la Gendarmerie : les ressources humaines, la mobilité, l’immobilier, l’habillement, l’armement, le matériel de maintien de l’ordre, les équipements spéciaux et les systèmes d’information. Ce programme propose la répartition des efforts budgétaires principaux hors dépenses de personnel sur deux plans triennaux d’investissement. Au titre du budget d’investissement, le plan 2006-2008 devait se chiffre à 26.240.000.000 Francs CFA alors que pour 2009-201, il devait être d’un montant 24.175.000.000 Francs CFA. Au titre du budget de fonctionnement, le montant de 1.800.000.000 Francs CFA étaitt une projection relative aux seuls domaines traités ici. Cette enveloppe était destinée à assurer le soutien, l’entretien et le renouvellement des équipements majeurs pendant l'année budgétaire. Les ressources humaines Le but poursuivi consiste à se doter en personnels de qualité afin de permettre à la Gendarmerie de combler les départs de personnels à la retraite et de pourvoir les nouvelles créations de ressources humaines nécessaires à leur fonctionnement. 177
Il s’est agi de poursuivre la politique de recrutement pour maintenir les acquis et initier un déploiement des unités plus conforme aux nécessités de sécurité sur l’ensemble du territoire national. Dans cette perspective, il est recherché d’implanter dans chaque arrondissement une brigade de gendarmerie et ainsi créer 28 nouvelles brigades d’ici 2010. Dans le même temps, chaque légion territoriale disposera d’un escadron d’intervention destiné à donner plus d’impulsion à la prévention et raccourcir les délais de projection lors d’évènements nécessitant la mise en place de forces d’appoint : accidents graves, risques naturels, mouvements sociaux… Le gouvernement a fait des efforts pour une remise à niveau des effectifs qui se stabilisaient en fin 2005 à 4 718 militaires tous grades confondus. Le recrutement de 1300 élèves gendarmes ne pouvait et ne saurait satisfaire les effectifs car il avait suffi juste à compenser les départs à la retraite prévus entre 1999 et 2005. 1201 militaires sont programmés pour la retraite entre 2005 et 2010. Pour atteindre un effectif de 6 000 militaires en 2010, il faudrait donc en recruter 2 500 pour, d’une part, compenser la perte des 1201 et, d’autre part, prendre en compte le besoin des formations à mettre en place. L'objectif arrêté est de maintenir le recrutement actuel de 500 militaires par an et porter ainsi les effectifs à 6 000 militaires en 2010 et 7 500 en 2015. La création d’une école d'officiers, pour à l'horizon 2015 stabiliser les effectifs d'officiers autour de 225 cadres est envisagée. Le niveau de recrutement qui s'est élevé avec la présence de plus de 200 bacheliers par recrutement d'élèves gendarmes donne des candidats potentiels à l'épaulette parmi les meilleurs sous-officiers. Une réforme du corps des sous-officiers est aussi à envisager avec pour finalité la suppression du grade de MDL et donc de la formation des élèves MDL.
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Mobilité des unités Conduire un service orienté vers la prévention et le cas échéant, intervenir dans des délais raisonnables impose de doter les unités de gendarmerie des moyens automobiles indispensables à leur efficacité ainsi que du volume de carburant plus adapté aux besoins. La Gendarmerie a exclusivement en charge 95% du territoire national, essentiellement les zones rurales, périurbaines et les voies de communication. A ce titre, la mobilité de ses unités est un impératif pour assurer la surveillance générale et l’intervention. Malheureusement, la fonction de mobilité souffre de grosses faiblesses dues à l’importance des circonscriptions, aux plans de charge des unités, aux difficultés de la maintenance et à l’insuffisance des dotations carburant. Les brigades de gendarmerie comptent en moyenne un seul véhicule pour la surveillance et les interventions diverses dans une circonscription administrative moyenne de 3 202 km2 pour les unités de la seule région de Kaolack à titre d’exemple. La maintenance qu’impose le plan de charges présente elle aussi des déficiences très importantes. La dotation de 88 millions pour le soutien et la maintenance est très en deçà des besoins. Elle est en moyenne de 12 000 francs par véhicule//mois. Les dotations en carburant ont des incidences sur la mobilité. Elles sont de moins de 2 litres par véhicule et par jour. Les minima définis par la directive présidentielle pour les véhicules de l’administration à savoir 5 litres/véhicule/jour ne sont pas encore atteints. Doter les brigades de 2 véhicules dès 2006 et de 3 à partir de 2009et les unités mobiles de moyens adaptés à leur mission est un impératif de commandement. Les études de l’état major gendarmerie mettent en place un plan budgétaire qui consiste à demander à l ’Etat allouer à cet effet une dotation spéciale de 6.000.000.000 pour les périodes 2006-2007-2008 et reconductibles en 2009-2010-2011. De même la dotation en carburant devrait passer de 400 millions à 850 millions dès 2006 puis à 1.000.000.000 en 2009. 179
Infrastructures immobilières En mettant tout en œuvre pour conformer les locaux de service aux exigences modernes, mon souhait est d'améliorer la disponibilité des unités et les conditions de vie du personnel en dotant de logements par nécessité absolue de service au moins 75% du personnel d’ici à 2015. La Gendarmerie gère 94 cantonnements militaires dont la moyenne d’âge est de plus 50 ans. Ces cantonnements ne répondent plus aux normes de sécurité pour les occupants, ni aux normes de fonctionnalité, ni à l’image d’un État qui se modernise dans toutes ses composantes. Le budget d’entretien des grandes casernes s’élèverait en moyenne à 3.000.000 Francs CFA par an et par caserne. Cela représente 15.000 Francs annuels par logement pour la LGI de Mbao. De plus, ces cantonnements sont à l’heure actuelle très en deçà des besoins. Ils abritent à peine 30% des effectifs. Enfin, l’indemnité représentative du logement qui devrait être l’exception pour la Gendarmerie est devenue la règle et fait figure de dépense à perte. Elle se chiffre actuellement à 1.200.000.000 Francs par an. Avec les recrutements opérés et l’inflation, cette enveloppe devrait très bientôt connaître une hausse importante. Aussi, convient-il d’une part, dans le cadre de deux plans triennaux d’investissement, de poursuivre les programmes de réhabilitation progressive des 94 cantonnements (14 milliards) et de construction de nouveaux cantonnements (15 milliards). D’autre part, les crédits de fonctionnement nécessaires à l’entretien de ces infrastructures pourraient être portés à 1% au moins du montant global de l’investissement soit environ 300.000.000 Francs au titre du fonctionnement. Pour l’hébergement des personnels nouvellement recrutés, deux célibatériums devraient être construits respectivement à Mbao et au Front-de-terre. Il s’agit de faire face aux contraintes d’hébergement de personnels célibataires en service dans les unités d’intervention. 180
Leur nombre est sans précédent mais l’objectif est de maintenir le même volume de recrutement jusqu’en 2015 au moins. Dans la région de Dakar la brigade de la Zone franche industrielle devait être redéployée entre Petit Mbao et le village de Mbao pour la rapprocher des populations de sa circonscription. Le site est défini avec les autorités locales. L’escadron de circulation qui héritera des anciens locaux de la brigade sera ainsi plus accessible aux usagers et la Légion d’intervention moins perturbée par les mouvements de véhicules civils dans le cantonnement de Mbao. Dans la région de Kolda, Médina Yoro Foulah bénéficiera de la construction d’une brigade territoriale. Plus de 50% des programmes de l’école de formation sont constitués d’instruction militaire. Or, le terrain d’exercice d’Ouakam a été progressivement absorbé par l’urbanisation. Aujourd’hui, beaucoup d’activités d’instruction sont menées dans la région de Thiès. Cela est à l’origine de surcoûts sur le budget de fonctionnement et impacte négativement le déroulement de l’instruction. C’est pourquoi, il est envisagé d’implanter cette école dans la région de Fatick. L’unité de soutien qui lui sera adaptée participera dans le même temps à la densification du maillage territorial en capacité d’intervention. Enfin le cabinet offre peu de fonctionnalités. Peu accessible, il est en outre exigu ; des structures de l’état-major demeurent encore à la caserne Samba Diéry Diallo. Pour corriger cet état de fait préjudiciable au bon fonctionnement du service, un nouveau bâtiment sera érigé sur les dépendances de l’actuelle emprise de Zola. Habillement, campement, couchage et ameublement Des études poussées ont conduit à rechercher à améliorer le confort du service et donner à la Gendarmerie une image valorisante et moderne. L’habillement du personnel est insatisfaisant. 181
Le budget de 100.000.000 Francs pour l’acquisition et le renouvellement des effets est largement insuffisant. Il représente une dotation annuelle d’environ 22.000 Francs par militaire alors qu’il faut 180.000 Francs pour habiller un sous-officier la première fois. Pour l’habillement, un programme triennal de remise à niveau nécessiterait 300.000.000 par an. Il est décidé de doter les unités mobiles de matériels de campement et de couchage. Les besoins dans ce cadre sont estimés à 400.000.000 Francs sur trois ans. Les nouvelles unités devront être dotées d’ameublements alors que le parc actuel doit être renouvelé et modernisé. 300.000.000 Francs pourraient être mobilisés pour cela. Armement et munitions Le souci primordial est d'améliorer la sécurité des interventions, doter les unités d’un armement moderne et performant et rendre les unités plus crédibles grâce à un entraînement régulier au tir, tout en disposant en conséquence de stocks de munitions en quantité et qualité satisfaisantes périodiquement renouvelés. L’obsolescence est la principale caractéristique de l’armement. La plupart des unités ont encore des fusils MAS 36, des pistolets mitrailleurs MAT 49 et des pistolets MAC 50. Les armes d’appui de petit calibre sont pour une large part hors d’usage et en quantité très infime par rapport aux normes. Les munitions en bon état manquent. Elles ne sont pas renouvelées régulièrement et les unités s’entraînent peu, voire pas du tout au tir. Le programme vise à équiper la Gendarmerie en armement moderne et performant dans le cadre des deux prochains plans triennaux d’investissement. Il s’agira de réaliser 1 250 fusils, 500 pistolets et 100 armes d’appui par an. A cet effet, une enveloppe de 5.550.000.000 Francs soit 925.000.000 Francs par an serait mobilisée. Il faudra parallèlement, constituer un stock de munitions initial d'un milliard de francs. 182
Il est de même possible, grâce aux nouvelles réalisations, d'affecter le tiers de ce stock au service courant et à l’entraînement. Il est souhaité de dégager 300.000.000 Francs annuels destinés à renouveler les munitions utilisées pour le service et l’entraînement. Équipements de maintien de l’ordre Il s’agissait d’abord de maintenir les acquis et de développer les capacités nationales de maintien de l’ordre car le Sénégal fait autorité dans ce domaine en Afrique. Dans ce cadre, il abrite une école à vocation régionale qui accueille des stagiaires de la plupart des pays francophones du continent. Depuis quelques mois, les effectifs de la Légion d’Intervention ont été remis à niveau, ainsi que ceux de la Garde présidentielle. Dès le début de 2006, les unités chargées de la sécurité du reste des institutions et des édifices sensibles seront entièrement reconfigurées pour plus d’efficacité. Progressivement, chacune des sept légions territoriales se verra dotée d’un escadron d’intervention pour pouvoir faire face aux besoins locaux en matière de sécurité comme la lutte contre le vol de bétail, le phénomène grandissant des braquages sur les axes routiers. Les légions territoriales doivent en outre disposer d’éléments pour réagir aux urgences en cas d’évènements calamiteux d’accidents graves ou d’inondations Afin que ces unités répondent aux attentes de l’État et des populations, elles doivent être crédibles. Le volume et la qualité de leur équipement y contribuent. L'acquisition de tenues ignifugées, de boucliers, de bâtons télescopiques, de masques à gaz, de casques et d’armement non létal est une nécessité absolue pour équiper toutes ces unités en matériel spécial. Le dégagement d’une enveloppe moyenne de 300.000 Francs par homme permettrait de réaliser l’objectif d’équiper les dix escadrons en matériels spécifiques de maintien de l’ordre soit environ 500.000.000 Francs.
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Souvent, il a fallu attendre un moment de crise sociale pour penser à des équipements de maintien de l'ordre ; des ruptures de stocks de grenades lacrymogènes ont eu lieu dans le passé et pouvaient être fatales au jeu normal de la démocratie. Matériel spécial La Gendarmerie comporte quelques unités à très forte visibilité. Il s’agit d’unités de prestige comme l’escadron monté attaché aux services d’honneur de Monsieur le Président de la République et de ses hôtes de marque. Il s’agit aussi de formations dont le rôle est perçu de manière très positive par les populations : le groupe cynophile, les unités de circulation, de recherches et le groupe antiterroriste. Il convient donc de fournir à ces formations des équipements en cohérence avec les standards de performance et de représentation exigés d’elles. L’escadron monté est une unité d’honneur et de représentation emblématique du Sénégal et de sa Garde rouge. Le matériel équestre d’usage quotidien a vieilli. En plus, il lui faudrait des chevaux de compétition pour reconquérir sa place de leader des sports équestres au Sénégal. Le groupe cynophile devrait pouvoir donner la pleine mesure de ses capacités s’il disposait d’effectifs canins plus importants et plus diversifiés sur le plan des spécialités (drogue, pistes, explosifs…) et d’équipements. L’action des unités routières serait plus visible et plus performante si elles disposaient de moyens modernes de surveillance, de contrôle et d’intervention : radars, motocycles, voitures rapides, alcotest. Quant à la menace terroriste, elle est toujours présente. L’existence de dispositifs de veille et d’intervention crédibles en reste la meilleure prévention. Tout en s’appuyant sur la coopération avec le Maroc pour l’acquisition de chevaux de service courant à des conditions favorables, acheter une vingtaine de chevaux d’Europe soit 160.000.000 Francs CFA pour les compétitions ; renouveler les harnachements et les matériels équestres soit 30.000.000 CFA. 184
Tout en le renforçant, diversifier l’effectif canin, mieux équiper le groupe cynophile et lui consacrer en conséquence 20.000.000 CFA. Dans le but de mieux lutter contre l’insécurité routière, il est prévu d’acquérir des équipements modernes de police de la circulation pour un montant de 100.000.000 CFA ; de développer les capacités des formations de lutte contre le terrorisme 30.000.000 CFA. Systèmes d’information La solution serait de conduire à son terme le programme d’informatisation de la Gendarmerie en y intégrant les télécommunications. Le but ultime est de moderniser le réseau de transmissions et adapter le parc de postes radio aux besoins. Le Sénégal se distingue par son engagement à réduire la fracture numérique en démocratisant l’outil informatique. Dans le même temps, l’Administration se modernise avec l’introduction volontariste de l’informatique dans ses services. Dans ce cadre, la Gendarmerie est déjà en train de conduire son informatisation en partenariat avec l’Agence de développement de l’informatique de l’État. Mais les transmissions ne sont pas prises en compte dans ce programme. D’une part, sur le plan qualitatif, il y a un besoin de modernisation des transmissions. En effet, en raison de l’intégration de plus en plus forte entre l’informatique et les télécommunications, il va falloir ajuster les réseaux de transmissions existants avec l’organisation et le parc informatiques. D’autre part, sur le plan quantitatif, l’amélioration du maillage territorial de même que la création de nouvelles unités d’intervention rendent nécessaire la densification du parc de moyens de communication radioélectriques de la Gendarmerie. Il s’avère nécessaire de réaliser 650 postes radio VHF portatifs, 140 stations fixes et mobiles ainsi que les accessoires dans les trois ans pour un montant d’environ 525.000.000 Francs.
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Chapitre 20 Faits d’armes Non seulement la réorganisation et le plan d'équipement sont mis en place sous mon impulsion et mon engagement. Mais en plus j'ai tenu à faire face aux grands évènements en engageant ma responsabilité directe pour répondre sur le moment et souvent dans des conditions difficiles à des exigences profondes qui fondent le respect ou non de l'institution. Je peux illustrer cette prise totale de responsabilité où l'échec est souvent synonyme de rejet, par des faits précis comme la prise en compte directe de l'intervention de la Gendarmerie dans le Magal 2006, le règlement direct du cas des talibés de Serigne Modou Kara qui investissent la brigade de Darou Mousty et encore la résolution du cas de l'attaque de Béthio contre le convoi d'Idrissa SECK. Magal de Touba 2006 Piloté depuis l’Etat-major de la Gendarmerie par l'adjoint opérations le Colonel Cheikh SENE, le Magal de Touba 2006 s'est voulu l'expression première de la nouvelle Gendarmerie avec la mise en place d'un plan national d'intervention de la Gendarmerie et un objectif quantifié de zéro mort. Le plan est déroulé un mois avant le Magal avec des dispositions préventives de renforcement de la présence des unités sur le terrain et autour de Touba, une répression sans faille des infractions qui causent le plus les accidents et l'instauration d'un cadre de dialogue permanent avec les syndicats de chauffeurs de transport en commun. Je remercie au passage Gora KHOUMA qui aura beaucoup aidé à la mise en place du plan en attirant l'attention du commandement sur tel ou tel aspect et sur certaines difficultés d'application de certaines mesures prévues. 187
Après un mois de préparation des unités et un mois de mesures préventives, 9OO militaires aux ordres exclusifs du COG gendarmerie, appuyés de 75 motocyclistes sont déployés sur tous les axes qui mènent à Touba. Ces unités ont pour missions précises de ralentir la vitesse de la circulation sans la gêner, de s'opposer de façon systématique aux dépassements et de rythmer le flux des véhicules. Le jalonnement traditionnel des axes avec un militaire isolé, perdu et sans moyens tous les 500 m est abandonné au profit d'un groupe d'agents en poste à un point précis, dangereux et signalé avec tous les panneaux adéquats, et une possibilité de réguler avec la présence effective de motos. Les moyennes transmissions et l'emploi d'un hélicoptère de surveillance jouent un rôle fondamental de cohérence du dispositif et renforcent les capacités d'intervention rapide pour surmonter les bouchons, les pannes et les arrêts intempestifs de chauffeurs plus qu'indisciplinés. Cette capacité de réaction rapide a permis, en outre, de sanctionner certains chauffeurs récalcitrants en les retardant à des points précis pendant plus de deux heures. Cette disposition répressive a permis de contourner la volonté des autorités religieuses et administratives, de ne pas réprimer les infractions les jours précis du Magal. Les Commandants de Légion ont été mis à contribution et leur responsabilité sectorielle mise en œuvre pour maintenir une cohérence nationale. Chacun a déployé ses propres moyens, notamment son escadron territorial pour prendre en charge l'ensemble des missions imposées par le Magal. Cinq légions sont ainsi mobilisées, chacun dans son secteur respectif avec un aspect particulier pour la Légion centre qui a reçu le renfort des trois Légions mobiles. Les quatre premières Légions ont reçu la mission principale de réguler la circulation vers Touba avec la coordination du COG et la légion centre la mission principale de protection des personnes et des biens tout en assurant la bonne circulation des véhicules.
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Ce Magal, a atteint son objectif de zéro mort, un seul accident grave, et dû à un défaut mécanique, a été constaté avec des blessés assez graves. Le véhicule, à cause d'une défaillance mécanique, s'était renversé. Il a été cependant constaté une dizaine d'accidents matériels avec des dégâts plus ou moins importants. Le débriefing devant le Haut Commandant de la Gendarmerie a été un moment de satisfaction pour l'Etat-major Gendarmerie qui venait pour la première fois avec ses nouvelles structures de gérer à dimension réelle un évènement d'envergure nationale. Les critiques des grands Commandements et des Légions ont été très contributives malgré les réserves qui avaient été formulées au départ pour contrer l'engagement de l'Etat-major. J'avais voulu cette démonstration pour convaincre de la nécessité de réformer le système avec une capacité d'études et d'analyse qui faciliterait à tous les échelons l'exécution des missions. Affaire Darou Mousty La brigade de gendarmerie de Darou Mousty avait été attaquée un week-end par les talibés de Serigne Modou Kara qui voulait libérer deux de leurs coreligionnaires arrêtés et gardés à vue par la gendarmerie suite à des infractions commises et constatées. La brigade fut envahie et les deux gardés à vue effectivement libérés. Les gendarmes en poste ne durent leur salut que dans la fuite honteuse et humiliante. Je revenais d'un weekend de guerrier de Saly quand j'ai entendu vers 17 heures Walf FM relayer l'information. Je n'en croyais pas mes oreilles et dut réécouter une autre station pour me faire une idée de ce qui venait de se passer. Je me fis confirmer l'information par le COG gendarmerie qui m'apporta le détail des évènements. Je rendis compte et me mis en rapport avec le Général Haut Commandant de la Gendarmerie pour voir avec lui ce qu'il fallait faire. 189
Je m'entendis répondre qu'il allait rendre compte au Ministre et voir avec lui comment gérer politiquement la situation. Je lui fis savoir qu'en tout cas, au plan militaire, je prenais les dispositions pour rétablir la situation et faire retrouver à la gendarmerie la plénitude de son action et que force restera à la loi. Il me demanda de gérer la situation sans pour autant créer des situations difficiles et intenables. Je fis envoyer vers 19 heures l'escadron territorial de Saint Louis à Darou Mousty avec pour ordre de défendre et protéger la brigade, les personnels et leur famille tout en étant en mesure d'effectuer une action de présence dissuasive sur toute la ville religieuse. Je fis mettre deux escadrons de la LGI en alerte et ordre de se présenter à Darou Mousty le lundi à 05 heures avec capacité d'investir le Daara de Serigne Modou Kara sur ordre. Le GIGN reçut le même ordre avec capacité de neutraliser au besoin par les armes toute velléité de résistance. Un hélicoptère de l'armée de l'air fut demandé en renfort avec capacité d'héliportage des éléments du GIGN. Vers 23 heures je me mis en rapport avec la famille de Serigne Modou Kara qui était absent du territoire national. J'ai pu discuter en long et large de la situation avec l'épouse du marabout et qui se trouve être ma cousine, Sokhna DIENG MBACKE. Journaliste, femme de culture et du monde, elle comprit très vite la situation, parlementa pour rester dans la limite du raisonnable. Elle demanda des délais pour préparer toute la famille du marabout à une solution raisonnable et sans violence. Elle m'envoya aussitôt le frère du marabout du nom de Mame Thierno MBACKE que je reçus chez moi à la Médina vers 23 heures. Je lui fis savoir les mesures prises pour que force reste à la loi et ma détermination de venir chercher les coupables dans le daara, quelles que soient les conditions, à moins que ces derniers ne soient livrés à la gendarmerie le lundi avant 08 heures.
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Il me fit comprendre qu'il ferait tous les efforts pour arriver à une solution. Cependant il me demande de faire preuve de patience pour lui donner le temps de rendre compte à son frère devant qui il est responsable et comptable de la conduite des talibés. Je lui répondis qu'en tout état de cause, soit les coupables sont rendus à la brigade à 08 heures, soit le daara sera investi à 08 heures pour les arrêter et que toutes les dispositions sont déjà arrêtées pour une solution rapide. Je renouvelai devant lui mes ordres au Colonel Diedhiou commandant la Légion Nord avec ordre pour lui de coordonner le dispositif à Darou Mousty. A 06 heures, un dispositif impressionnant de la gendarmerie était en place à Darou Mousty avec 500 militaires super équipés et déterminés à laver l'affront. Vers 05 heures, il m'avait été rendu compte d'un accident mortel de la circulation dans nos rangs. Quelques-uns des Colonels mourides n'avaient pas hésité à exercer des pressions sur le Général pour arrêter une opération qui commençait selon eux mal avec 2 morts sans aucun engagement. Malgré le coup de fil du Général qui demandait d'attendre une négociation gouvernementale, je tins bon et exerça sur les unités engagées la pression indispensable. Le Colonel Diedhiou mit en œuvre un dispositif impressionnant comme à la guerre avec son hélicoptère qui commença à tournoyer en l'air dès 06h00. Mon téléphone sonna avec au bout Serigne Modou Kara qui me demanda exactement ce que j'attendais de lui et de son frère qui n'attendait que ses ordres pour me satisfaire. Je lui répétai sans ambages ce que j'avais dit la veille à son épouse et à son frère. Il chahuta sur mon nom de Ndawènes et me dit prendre les dispositions pour que les gens coupables sortent du Daara en rampant les 7 km qui séparaient le daara de la brigade.
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Je lui fis comprendre qu'une telle humiliation n'était pas nécessaire et que son frère n'avait qu'à les conduire à la brigade et que le dispositif serait relevé sur l'heure. Le Colonel Diedhiou m'appela vers 07 heures pour me rendre compte que les talibés qui avaient eu maille avec la brigade étaient de nouveau gardés à vue dans les locaux et qu'ils seraient déférés devant la justice pour être jugés en flagrant délit. Je lui donnai les ordres pour tenir une conférence de presse et de montrer que la gendarmerie avait retrouvé son honneur perdu hier. Le Général, inquiet depuis hier de la suite des évènements et qui avait peur des conséquences de l'intervention, et même le gouvernement qui n'avait rien dit depuis la veille malgré toutes les sollicitations du Général poussa un grand ouf de soulagement. Le Général salua ma détermination et le Ministre me félicita en me disant que c'était la conduite à avoir face à des voyous. Je présidai vers 15 heures le lever de corps des deux gendarmes morts pendant le transport. Le commandant du GIGN mit l'accident sur l'imprudence dont son unité avait fait preuve tant il avait hâte de rétablir la situation de la brigade de Darou Mousty et de laver à jamais l'affront fait à la gendarmerie entière. Le regard fier des hommes venus assister aux obsèques était éloquent sur l'engagement à défendre l'honneur de l'arme. Je pus savourer malgré la situation plus que dramatique la fierté des gendarmes qui étaient prêts à en découdre avec la milice du Général Kara. Notre détermination avait fait reculer le Général Kara dont les talibés habillés en militaires défiaient souvent les forces de l'ordre et la loi.
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Affaire Bethio Thioune – Idrissa Seck La fin de la campagne électorale de 2007 fut marquée par la confrontation des talibés de Serigne Béthio THIOUNE et des militants de Rewmi d'Idrissa SECK. De retour d'un meeting à OUAKAM YOFF, le cortège d'Idrissa SECK tombe sur une embuscade tendue par les talibés de Béthio au niveau du domicile de ce dernier, sur l'ancienne piste d'aviation. Les talibés saccagent tout sur leur passage et les militants de Rewmi ne durent leur salut que dans la fuite et le refuge dans le restaurant le REGAL. Les talibés attaquent le restaurant, pour non seulement déloger les partisans du Maire de Thiès mais aussi se servir aussi bien en repas que dans la caisse. Le propriétaire Jamal appela le Colonel DIOP, qui me rendit compte aussitôt de l'évènement. Comme on était un mercredi, je ne travaillais pas et j'étais en blue-jean chez ma mère. Non très loin des lieux, je me rendis immédiatement sur les lieux où je retrouve le Commandant de brigade de Ouakam, l'Adjudant NDOUR que je connais bien pour l'avoir eu comme IPTF en Bosnie. Il me rendit compte de la situation et me fit comprendre attendre son Commandant de compagnie qui faisait mouvement. Je demandai au Commandant de la LGI de mettre son escadron de piquet sous le pont de la VDN au niveau du carrefour de l'ancienne piste. Je demandai la mise à ma disposition d'un deuxième escadron dans les 30 mn au niveau du Régal et de rendre compte à l'issue. Je constatai avec le Commandant de la brigade que les talibés étaient armés de machettes et de gourdins, et vociféraient des menaces. Ils interdisaient totalement toute circulation sur l'axe et faisaient imposer leurs lois mêmes aux simples citoyens qui voulaient passer.
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Ils contrôlaient tout et la situation était plus qu'électrique et un attroupement illégal et armé voulait nous imposer ses points de vue. Sans hésiter et sans protection, si ce n'est la seule présence du Commandant de brigade, je décidai d'aller voir Béthio, le seul responsable de la situation. Je demandai sans a priori, aux espèces de sentinelles qui tiennent la route et vociférai à tout bout de champ de ma volonté de rencontrer leur leader. Je reçus pour toute réponse, une insulte grave et insupportable pour avoir dit : « Je veux rencontrer Béthio ». Après m'avoir bien insulté, le gars exigea de moi des excuses pour n'avoir pas dit « Serigne Béthio ». J’obtempérai et renouvelai poliment mon désir de rencontrer Serigne Béthio de la part et à ma qualité de Haut Commandant en Second de la Gendarmerie. Le gars qui semblait être le chef me fit conduire avec le Commandant de brigade NDOUR, dans la maison du leader mouride. Je ne fus nullement surpris d'y trouver des gens armés jusqu’aux dents de toutes sortes d'armes blanches, de machettes et de gourdins. Des personnes étaient en train d'en distribuer à des gens qui venaient d'arriver et certains étaient en train de définir une stratégie pour occuper et défendre le secteur que voulaient contrôler les partisans de Béthio. La situation était explosive et je me trouvai ridicule avec mon accoutrement et mon escorte par NDOUR qui tenait coûte que coûte à me protéger. Certains responsables ou Dieuwrigne le connaissaient, lui parlaient avec respect et je l'entendais dire : « Le Colonel veut ceci, le Colonel veut cela ». Grâce à son esprit de dialogue, mais aussi à son allure imposante et digne, il réussit à m'introduire dans le salon où Béthio vociférait et donnait des ordres à tout bout de champ. NDOUR lui expliqua qui j'étais et il me défia du regard et avec des paroles désobligeantes pour me montrer, selon lui son droit à se défendre contre l'agression qu'il venait de subir.
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Pour toute réponse, je l'ai invité à me recevoir au nom de la Gendarmerie et des institutions de la République et ceci en tête à tête et sans témoin. Surpris d'une telle demande, il demanda avec fermeté à ses hommes de nous laisser seuls avec le Commandant de brigade. Dès que tout le monde fut sorti, je lui décris la situation et les mesures que j’étais en train de prendre, surtout de la mise en place de deux escadrons devant ses hommes. Cette mise en place était terminée et que je lui donnais cinq pauvres minutes pour arrêter ses hommes, sinon je les ferai arrêter pour attroupement interdit. Je lui exprimai ma ferme décision d'engager les deux escadrons contre ses hommes au besoin par la force des armes pour rétablir la liberté de la circulation. Il voulut rigoler de ma prétention, mais le Commandant de brigade lui désigna son pistolet pour lui signifier qu'il serait le premier à y passer si nos vies étaient menacées de quelque manière que ce soit. Il ouvrit grande la fenêtre du salon et montra toute la force de sa voix mais aussi la parfaite maîtrise de sa troupe. Il vociféra de nouveau et contre toute attente, on pouvait entendre les mouches volées. Il fit comprendre à sa troupe que la Gendarmerie était intervenue pour lui porter secours, qu'il n'avait pas besoin de secours mais qu'il respectait la loi et qu'en conséquence, les armes devaient être rendues et tout attroupement cesser sur le champ. Comme par enchantement, toute menace disparut et la situation normale fut retrouvée dès que l'ensemble de ses ordres se transmettaient dans la profondeur du dispositif. J'ai demandé au COG de faire déployer les deux escadrons et faire rassurer les automobilistes et riverains qui avaient eu très peur des agissements possibles de la furie de Béthio. Je remerciais Béthio des dispositions prises et sortis de chez lui, soulagé d'avoir évité un bain de sang.
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J'aurais préféré perdre ma fonction de Haut Commandant en Second de la Gendarmerie en exerçant ou en commettant une erreur dans un des cadres évoqués ici. La situation politique et la sensibilité que représente la communauté mouride, auraient pu me conduire à une situation fatale, en tenant coûte que coûte à ce que force reste à la loi, tant durant le Magal où j'ai imposé malgré l'avis de plusieurs experts et les engagements de la commission d'organisation, des initiatives très personnelles pour un plan zéro mort. La façon dont j'ai conduit la réponse de la Gendarmerie face à l'invasion de la brigade de Darou Mousty et encore les injonctions faites à Béthio au nom de la légalité auraient pu conduire le gouvernement à me débarquer par opportunité politique. Les évènements auraient pu conduire à mort d'hommes et ainsi me voir opposer l'utilisation excessive de la force ou un abus d'autorité. Dans ces trois actions je n'ai senti aucune présence du Général, Abdoulaye FALL, Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la Justice Militaire. Il a préféré attendre l'issue pour apprécier dans un sens positif ou négatif selon les tendances du moment. J'aurais préféré me faire sanctionner dans cette prise de responsabilité.
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Table des matières Avant-propos .............................................................................. 9 OFFICIER ENGAGE ............................................................... 13 Chapitre 1 : Enfant de troupe .................................................... 17 Chapitre 2 : EOA et sous-lieutenant de gendarmerie ............... 29 Chapitre 3 : Errements d’un lieutenant ..................................... 43 Chapitre 4 : L’instructeur des écoles ENOA, EFOG et CIGG . 55 Chapitre 5 : Le commandant d’escadron mobile ...................... 67 Chapitre 6 : Libéria forever ...................................................... 71 Chapitre 7 : Retour à la division Justice militaire et débuts à la DDSE........................................................................................ 87 Chapitre 8 : Le barbouze et l’affaire Maître Seye .................... 95 Chapitre 9 : Officier de renseignement..................................... 99 Chapitre 10 : La Casamance pour le MFDC .......................... 109 Chapitre 11 : Le désastre de Mandina Mancagne ................... 117 Chapitre 12 : Le policier international en Bosnie-Herzégovine .......................................................... 123 Chapitre 13 : Le juriste DIRCEL ............................................ 131 Chapitre 14 : Les difficultés de la DIRCEL ........................... 139 Chapitre 15 : Le commissionnaire du Joola ........................... 145 Chapitre 16 : Le diplomate Guinée......................................... 151 Chapitre 17 : Le haut commandant en second ........................ 163 Chapitre 18 : Mon ambition pour la gendarmerie .................. 171 Chapitre 19 : Plan d’équipement de la gendarmerie .............. 177 Chapitre 20 : Faits d’armes..................................................... 187
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Le Sénégal aux éditions L’Harmattan Dernières parutions gúbaher (Le), parler baïnouck de Djibonker (Basse-Casamance, Sénégal) Éléments de description linguistique : phonologie et classes nominales
Biagui Noël Bernard - Préface de Nicolas Quint
Le gúbaher est un parler baïnouck, pratiqué au Sénégal dans le village de Djibonker (en Basse-Casamance dans la région de Ziguinchor, arrondissement de Nyassia). Il compte environ un millier de locuteurs. Cet ouvrage comporte deux parties principales : phonologie et classification nominale, complétées par un conte transcrit et traduit, ainsi que des tableaux de distribution des sons relevés. (Coll. Études africaines, 17.00 euros, 168 p.) ISBN : 978-2-336-29053-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53193-2 Radioscopie d’un système de santé africain : le Sénégal
Atchadé Félix
La bonne santé est une valeur hautement recherchée dans la société sénégalaise. Les Sénégalais sont-ils globalement en bonne santé ? Quels sont les principaux enjeux de santé pour les prochaines années ? Quelles sont les politiques sanitaires ? Quelles sont les inégalités géographiques et sociales ? Voici des pistes de réflexion pour une meilleure appropriation par les Sénégalais de leur santé. (Coll. Études africaines, 24.00 euros, 248 p.) ISBN : 978-2-343-00269-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53156-7 Une vie de combats
Diop Mbaye-Jacques
Le parcours de Mbaye-Jacques Diop au coeur de la société sénégalaise a été inspiré par de grands maîtres, dont Léopold Sédar Senghor qui fut l’initiateur de sa vocation politique. Sa forte personnalité n’a cessé d’interpeller les pouvoirs et sa meilleure légitimité, c’est auprès du peuple, dans ses missions d’élu local, qu’il a su la constituer. Toute sa vie, il n’aura cessé d’être un combattant. Depuis mars 2012, il a ressuscité son parti, le PPC. (Coll. Harmattan Sénégal, 20.00 euros, 190 p.) ISBN : 978-2-296-99553-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-53097-3 abbé (L’) Augustin Diamacoune Senghor Par lui-même et par ceux qui l’ont connu
Bassène René Capain
Cet ouvrage est le premier à être consacré à celui qui a incarné la rébellion indépendantiste casamançaise, de 1982 jusqu’à sa disparition en 2007. Les propos
de l’abbé Diamacoune Senghor soulignent les deux engagements contradictoires, mais à ses yeux indissociables : l’engagement religieux, comme prêtre catholique, qui le portait vers la paix, mais aussi la justice ici-bas et l’engagement politique, qui l’avaient amené à se retrouver porte-parole d’une rébellion armée. (21.50 euros, 216 p.) ISBN : 978-2-336-29164-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-51717-2 Ibrahima Seydou Ndaw 1890-1969 Essai d’histoire politique du Sénégal
Sow Abdoul - Préface du professeur Amadou Mahtar Mbow ; Postface du professeur Assane Seck «Parmi les hommes politiques sénégalais du XXème siècle, Ibrahima Seydou Ndaw se distingue par la longévité de son engagement, la constance de son combat contre l’injustice ainsi que par son courage dans la défense des faibles et dans le combat pour ses idées. Il a été de toutes les luttes contre l’autoritarisme et l’arbitraire pendant la période coloniale...» (Préface du professeur Amadou Mahtar Mbow) (Coll. Harmattan Sénégal, série Mémoires et biographies, 41.00 euros, 428 p.) ISBN : 978-2-296-99539-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-51551-2 De l’homme des rêves
Wone Ibrahima
Ce livre est un essai qui est au croisement de la métaphysique, de la sociologie et de la psychanalyse. L’auteur crée le concept d’»homme des rêves» qui serait un homme qui s’échappe de l’être en sommeil. C’est un mélange de biographie, d’analyse «scientifique» et d’interprétation. C’est un livre aussi sur les rêves et l’interaction qui peut exister entre le monde onirique et le monde réel. (Coll. Harmattan Sénégal, 10.00 euros, 54 p.) ISBN : 978-2-296-99540-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-53014-0 Oser – Douze propositions pour un Sénégal émergent
Atepa Pierre Goudiaby - Entretiens avec Honoré de Sumo
«Oser : ce mot-clé, dans l’entendement de l’auteur, vise à alerter les consciences comme un tocsin aux premières heures d’une bataille décisive, celle qui fera entrer l’Afrique, une Afrique nouvelle, dans le «Mainstream». L’onde de choc de ses douze propositions pour l’émergence du Sénégal vibrera à travers toute l’Afrique» (Babacar Ndiaye). (Coll. Harmattan Sénégal, 19.00 euros, 200 p.) ISBN : 978-2-336-00037-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-51315-0 Chefferie coloniale et égalitarisme diola Les difficultés de la politique indigène de la France en Basse-Casamance (Sénégal), 1828-1923
Meguelle Philippe
Le titre résume à lui seul l’antagonisme entre le système colonial français et une société africaine réfractaire à toute forme d’autorité imposée et permanente. S’appuyant sur une étude minutieuse du milieu et une reconstitution de l’histoire précoloniale, l’auteur met en lumière la singularité d’une organisation diola
fondée sur le respect des devoirs et interdits dictés par la religion ancestrale, le pouvoir collégial des anciens et une solidarité clanique. (Coll. Etudes africaines, 55.00 euros, 648 p.) ISBN : 978-2-336-29137-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51302-0 régions (Les) à l’épreuve de la régionalisation au Sénégal Etat des lieux et perspectives
Diop Djibril
C’est à partir du modèle historique combinant découpages précoloniaux et découpages initiés par le colonisateur que le territoire du Sénégal a été construit. Mais ce modèle a connu des bouleversements, avec la création des régions, structures intermédiaires entre les administrations centrales et les collectivités locales de base. Le découpage du pays en régions est-il viable et efficace pour le développement du Sénégal ? (Coll. Études africaines, 36.00 euros, 346 p.) ISBN : 978-2-296-99734-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51146-0 Réformes institutionnelles dans le secteur parapublic au Sénégal – Le cas du chemin de fer
Kébé Amadou
Ce livre souligne le rôle des différents acteurs impliqués dans les politiques économiques et leur mise en oeuvre. De la gestion publique du chemin de fer à sa mise en concession, le Rubicon d’un certain désengagement de l’Etat a été franchi. C’est un ouvrage ambitieux qui suscite un intérêt majeur de par sa reconstitution des épisodes de l’histoire du chemin de fer et qui permet d’y voir clair sur son état actuel. (Coll. Harmattan Sénégal, 23.00 euros, 228 p.) ISBN : 978-2-296-99537-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51157-6 esclave (L’), le colon et le marabout Le royaume peul du Fuladu de 1867 à 1936
Ngaïde Abderrahmane - Préface du professeur Boubacar Barry
Ce livre analyse l’histoire tumultueuse de l’esclave, du colon et du marabout. Ce tryptique qui structure les développements permet de mieux appréhender la rencontre des trois pouvoirs, les enjeux identitaires et les trajectoires sociopolitiques qui forment les contours de la lutte de positionnement et de visibilité entre les deux «classes sociales» dans l’un des segments du Sénégal postcolonial. (Coll. Etudes africaines, 28.00 euros, 262 p.) ISBN : 978-2-336-00634-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-51060-9 Y’en a marre Radioscopie d’une jeunesse insurgée au Sénégal
Vieux Savané , Sarr Baye Makébé
«Les gars, est-ce qu’on va rester les bras croisés ?» C’est par cette interrogation quasi-existentielle que le noyau dur de ce qui deviendra «Y’en a marre», a décidé de se bouger. «Y’en a marre» décide de sonner la charge contre toute forme de démission. Dans un même élan, jeunes cadres, étudiants, ouvriers, retraités,
chômeurs se sont identifiés au coup de gueule de «Y’en a marre». Un mouvement qui, à coup sûr, a contribué à bousculer le jeu politique sénégalais. (Coll. Sociétés africaines et diaspora, 12.00 euros, 96 p.) ISBN : 978-2-296-99513-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-50981-8 El Hadji Momar Sourang Un grand notable de Saint-Louis et fervent mouride
Madické Wade El Hadji
La biographie de El Hadji Momar Sourang - connu sous le nom de Mor Sourang - que dévoile El Hadji Madické Wade témoigne de ce que fut ce grand notable de la ville de Saint-Louis du Sénégal. En plus d’être un récit de vie, c’est aussi une ode à l’amitié. (Coll. Harmattan Sénégal, 13.50 euros, 126 p.) ISBN : 978-2-296-99535-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-51012-8 Sénégal (Le), quelles évolutions territoriales ?
Sous la direction de Manga Christian Thierry
Au Sénégal, territoires et sociétés sont en pleine mutation, aussi bien dans les villes que dans les territoires ruraux du littoral. Dans cette pluralité d’approches territoriales, la provincialisation apparaît comme une alternative qui peut corriger les faiblesses de la décentralisation. Le problème est comment l’aborder pour qu’elle soit cohérente ? (Coll. Etudes africaines, 32.00 euros, 308 p.) ISBN : 978-2-296-96309-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-50560-5 effectivité (L’) du droit à l’éducation au Sénégal Le cas des enfants talibés dans les écoles coraniques
D’Aoust Sophie
Quelle place occupent les écoles coraniques dans l’éducation des enfants sénégalais ? Pourquoi ces écoles subsistent-elles toujours alors qu’elles ne permettent pas de réaliser le droit à l’éducation tel que conçu par le droit international ? Quelques initiatives avancées par l’État seront étudiées : l’expansion du préscolaire, les innovations dans l’enseignement primaire, le développement d’institutions franco-arabes et la création de «daaras modernes». (Coll. Justice Internationale, 37.00 euros, 364 p.) ISBN : 978-2-296-99304-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-50573-5 Casamance (La) dans l’histoire contemporaine du Sénégal
Manga Mohamed Lamine - Préface du Pr Ousseynou Faye
L’auteur nous fait découvrir l’histoire de la classe politique casamançaise de 1946 à nos jours. Il aborde l’histoire et son instrumentalisation, la construction de l’Etatnation, les inégalités horizontales, le commandement politico-administratif, le conflit armé, le factionnalisme au sein du mouvement séparatiste, les négociations relatives à la paix. (Coll. Etudes africaines, 36.00 euros, 354 p.) ISBN : 978-2-296-99307-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-50696-1
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Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise Juin 2007 : un scandale, mon nom, la perte de mon commandement de major général de la gendarmerie... un des multiples scandales du régime dit de l’alternance. Un Président sourd à mon appel et des officiers qui usent de leur pouvoir, de leur autorité et de la gendarmerie pour me salir, m’enfoncer et me détruire. Un exil, un silence abasourdissant, le stress me retracent une carrière que j’ai voulue exemplaire, engagée et honorable. J’explique le sens de mon engagement et les principaux événements qui ont jalonné mes états de service. Abdoulaye Aziz Ndaw est colonel de la gendarmerie nationale du Sénégal. Après 40 ans de bons et loyaux services dans les structures interarmées, à la primature et dans les cabinets ministériels, son nom, son honneur, sa gloire et sa fierté sont frappés de plein fouet par le scandale dit de la gendarmerie.
Illustration de couverture : © Natalia Demidchick / J. Allain
ISBN : 978-2-343-01592-7
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