Intelligence Que Au Maroc [PDF]

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Zitiervorschau

Économie

L'intelligence économique au Maroc : innover dans le développement Philippe Clerc*

(1) Fawzi « Pour

Britel,

affiunter

la

globalisation

mondialede ['économie:

la

culturede l'intelligence économique

»,

4 .122002, eColiecte

Centre

Nationalde Développement, (hltp://doc.abhatoo.n etmaIdoc/article.ph p3?id_ article=350).

(2) Mohamed Benabid, Dossier Intelligence économique, L'Économiste, 12 août 2004.

D

epuis plusieurs années, les décideurs marocains, les chefsd'entreprises,lesanimateursdel'appuiéconomique et lesuniversitairessesontprogressivementappropriés l'intelligence économique, comme démarche de maîtrise de l'informationstratégiqueutileaudéveloppementdesentreprises, desorganisationspubliques,maisaussideprojetsetdeterritoires. Lesexpertset lesuniversitairesontconsidéréladémarchecomme « l'atout-maître» dans la bataille économique et la gestion des rapports de force internationaux (1). Les chroniqueurs se sont émus de la lenteur de la diffusion de la démarche et plus encore de la culture de l'intelligence économique (2). Ennovembre2004,lesRencontresinternationalesdeTétouan (3)ontmarqué,selonnous,deuxgrandesévolutions:ladécision au plus haut niveau de l'État de doter le Maroc d'institutions permettantdestructurerprogressivementunepolitiquepublique d'intelligence économique,à l'échelle nationaleet territoriale. *Philippe Clerc est directeur de l'intelligence économique, de l'innovation et des TIC Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, président de l'Association française pour le développement de l'intelligence économique (AFDIE). 111

Les Cahiers de l'Orient

Le passage d'une politique de transcription/imitationdes concepts de l'intelligence économiquepratiqués dans lespays

du Nord (anglo-saxonsou francophone- France,Canada,

Une économie prometteuse

Association

(3) Rencon1res internationales

de

Tétouan

« Intelligence ProvinceduQuébec)à unepolitiqued'innovationversuneintel- économique et ligenceéconomiqueet stratégiqueadaptéeà laréalitééconomique veille s1ratégique, défis et s1ratégies et sociale des pays émergents, mais avant tout du Maroc. pour les économies Cesévolutionsontété confirméesà l'occasion d'un colloque émergentes », sur le thème « Veillestratégiqueet compétitivité» organisépar Tétouan, 25-27/1112004, l'association R&D Maroc en mars 2005 (4). souslehaut L'importancegéostratégiquedu sujetn'est pas desmoindres. patronage du roi et En effet, les luttes d'influence redoublent.La politiqued'intel- à l'initiative de ligence économiquedu Maroc, sa volontépour ainsi dire de se Rachid Talbi El ministre des doter d'une capacité d'agir « en stratégie et en influence », AIimi, Aflàires devientun enjeuentrel'Europe,plusprécisémentpour laFrance économiques et et les États-Unis: USaid a très tôt proposé de financerleprojet générales, maire de d'observatoire d'étude de l'intelligence économique, dont Tétouan;de l'inspiration est maroco-française.Notre tentative de dresser Mohammed MbaIki, waIi de iciunepremièremonographiedudispositifmarocaind'intelligence Tétouan en 2004, économiquenouspermettrad'entrevoirl'originalitéoul'absence aujourd'hui général d'originalité de la culture de l'intelligence économique au Directeur de l'Agence du Maroc.Existe-t-ilunmodèlemarocain(culture,pratiqueetorgani- développement des sation, objectifs et politique) ou le modèle se construira-t-il à provinces orientales; partirdel'apprentissageoudansl'imitationd'un modèlefrançais Driss GuernIoui, Wliversité de Rabat, ou américain ? et Xavier Richet, Comme toute nation dotée d'une économie émergente, le Sorbonne NouveUe. les Actes in Marocestpréoccupépar lapérennisationdesondéveloppement, Voir dirXavier Richetet voire par sa survie, par la préservation de son identité entre Driss GuernIoui, Europe et Afrique et la recherche de nouvelles capacités de Intelligence puissance économique et culturelle (accord de libre-échange économique et stratégique. avec lesÉtats-Unis,avecl'Union européenne,aveclaTurquie). veille Défis et stratégies L'offensive commercialechinoise déstabilisedes pans entiers pour les économies del'activitééconomiquemarocaine.Ellecondamnelesdécideurs émergentes. Economica, Paris marocains au sursaut prospectif et stratégique. 2006. Aussi,lesstratègesmarocainsconjuguent-ilsenpermanence la tension entre la nécessaire interaction avec les dynamiques (4) Semaine de hyperconcUlTentielles delamondialisation,larechercheobsédante l'innovation, Casablanca, 7-8 du rattrapage économique et technologique et la conception mars 2005, R&D d'un modèle de développementplus solidaire,plus coopératif Maroc,

112

marocaine pour la recherchedéveloppement. www.rdmaroc.or g. Organisateur Mohamed Smani, directeur général de R&D Maroc.

(5) Driss Guerraoui: communication « Intelligence économique

et

raccourcis technologiques: quels enseignements

pour les économies émergentes

? »

Rencontres internationales

de

Tétouan,

25-26-27

novembre

2004.

(6) Extrait de l'allocution Rachid

de

Talbi El

AIirni, Rencontres internationales

de

Tétouan,

25-26-27

novembre

2004

et durable:un autremodededéveloppementvalorisantl'identité et l'histoire culturelle marocaine comme levier d'influence et « d'avantage compétitif ». Cette réalité rend d'autant plus nécessairelaconstructiond'un véritablesystèmedeconnaissance des enjeux, des potentiels, des menaces de l'environnement mondialisé permettant d'irriguer les systèmes de décision des stratèges, d'enrichir leurs visions, de lire le futur, de gérer les rapports de force et les négociations essentielles,par exemple les accords de libre-échange. À défaut, chacun ne pOUlTaque constater le recul des capacités de développement et la multiplication des risques de dépendance stratégique dans les secteurs essentiels de l'économie marocaine. La captation des cerveaux par les grands réseaux de domination technologiqueet du savoird'économies émergentesou développées constitue l'un des facteurs préoccupant de l'affaiblissement des capacités de R&D et de management du Maroc (5). La perception de l'intelligence économique par les décideursillustrecettetension. M. Rachid Talbi El Alimi, ministre des Affaires économiques et générales, maire de Tétouan, ne conçoit pas l'intelligence économique comme un effet de mode, mais bien comme « un outil de performance économique, unfacteur de compétitivité et de consolidation du rayonnement du Maroc au sein du concert des nations modernes », un outil d'influence. « La mise enplace de dispositifs de surveillanceJournissant des informations fiables, permettant de scruter les concurrents, les opportunités d'affaires, les technologies et les nouveaux procédés ne cèdent aucunement à un effet de mode, mais correspond bien à un impératif depremier plan pour les acteurs exposés à la compétition mondiale» (6). À la question qu'il

pose - comment anticiper,décider les meilleurschoix, adapter les capacités et gagner la bataille du développement durable? - M. Mohammed Mbarki, wali de Tétouan en 2004, répond que « l'intelligence économique représente un arsenal pour faire gagner la bataille du développement face ou dans le nouveau système mondial de domination, une méthode indispensable

aux entreprises, aux gouvernants,

aux développeurs

».

Iltraduitl'intelligenceéconomiquedanssadimensionterritoriale et n'hésite pas à parler de l'ardente obligationqui doit animer 113

Une économie prometteuse

Les Cahiers de l'Orient

économiques, Amérique du Nord, Japon, Europe, n'est suffisant

ces derniers pour soutenir et porter la compétitivité des territoires,

la vraie mesure - selon lui - de la compétitivitéde demain. Pour Driss Guerraoui,professeur à l'université de RabbatAgdal, conseiller du Premier ministre, « le rôle vital» de l'intelligenceéconomiquepourunpaysémergent,enl'occurrence pour le Maroc, réside dans les méthodes qu'elle fournit aux entreprises et aux développeurs pour accéder à la maîtrise de technologies dans une stratégie de recherche de raccourcis technologiques. Elle contribue à la « promotion du génie national, commeavantage stratégique» et nourrit le processus de «transformation d'inégalités en égalités de production ». Un événementessentiel à cet égardest survenu au début de l'année 2006. Il est pourtant resté sans grand écho. De quoi s'agit-il? De la réunion à Skhirate,près de Rabat, les 27 et 28 janvier 2006, du premier Forum de coopération décentralisée entre le Maroc et la France. Plutôt que de négocier et conclure des accords et projets de coopération au niveau des États et de leurs administrations centrales,sesontentenduspourréunirlesdécideursetanimateurs qui sur le terrain pilotent des politiques de développement économique, social et culturel. Ainsi, se sont rencontrés des. maires, des présidents d'associations, de collectivités locales, d'universités, des animateurs deprogrammes de coopération, issus des deux côtés de la Méditerranée afin de conclure des accords de coopération. Cette rencontre marque, selon nous, les débuts d'une approche nouvelle nécessitant de part et d'autre, France et Maroc, une démarche d'intelligence économique et sociale pour piloter des coopérations dans lesquelleschacunpuise performances économique, technologique et sociale. Dès 2002, RachidBenmokhtar,présidentde l'université Al Akhawayn d'Ifi-aneen appelait au changement de paradigme de croissance,pour résoudre l'équation marocaine, s'agissant d'articuler libéralisationet entrée dans la mondialisationavec réduction de la ftacture sociale et technologique: « Se focaliser sur le rôle dévolu aux organisations qui symbolisent le nouvel ordre économique (OMC, Banque mondiale,FMI..) ousur lerôlespécifiquedesgrands ensembles 114

ni pour évaluer les risques de leurs politiques, ni pour appréhender des options nouvelles plus porteuses d'avenir. Une réflexion profonde sur la théorie de la croissance économique

(7)« La mondialisation vue à partir d'un pays en voie de développement» Rachid Benmokhtar,

est indispensable et un changement radical des paradigmes économiques est nécessaire. Comment réfléchir à une approche intégrée de l'économie qui associe l'économie, la technologie, le social et l'environnement. » (7) Revenons un instant sur la définition de l'intelligence économique,en prenant en compte cettetension entrecompétitivité accrue et développement durable.

ex-

ministre de l'Education nationale du Maroc, est aujourd'hui président de l'université AI Akhawayn d'lfTane. (8) Association fTançaise pour le développement de l'intelligence économique Philippe Clerc, « Intelligence et développement ou la créativité de Stevan Dedijer », Hommage à Stevan Dedijer, Cahier de l' Afdie n02, in Regard sur l'IE, septembre/octobre

2004.Voir www.afdie.org.

Intelligence économique et développement: définition Depuis 1975,ilexisteuneécoledel'intelligenceéconomique appliquéeaux pays en développementou émergents.Elle a été développéepar StevanDedijer,professeurà l'universitédeLund enSuèdeet sepoursuitenFranceàtraverslestravauxdel'AFDIE (8) le réseau du cabinet Sopel International, partenaire des Rencontres internationalesde Tétouan et qui pilote le Forum intelligenceéconomiqueet développement(FIED). StevanDedijera trèstôt introduitla démarched'intelligence socialecommel'approchelamieuxadaptéepour« faireémerger» lessystèmesd'intelligencenationaux,voirepourlespaysenvoie de développement, les créer. Il définit l'intelligence sociale comme « l'ensemble des activités d'une société, reliées à l'intelligence, lacapacité à s'adapter, répondreà des circonstances

changeantes, afin de réaliser des objectifs de développement décidés ».' L'intelligencesocialedès lorsfournitlesoutilspour« piloter» en connaissance de cause, c'est-à-dire en disposant de la connaissance nécessaire à la réalisation des objectifs des différents systèmes sociaux composant une nation. Stevan Dedijer avait l'habitude d'interpeler la capacitéd'intelligence d'une nationde son« QIcollectif».L'efficacitéde l'intelligence sociale,beaucoupparlent aujourd'hui d'intelligence collective d'un pays, repose sur la taille et le dynamisme des activitésde production et de développementde la connaissance,ainsi que sur la densité et la qualité de ses réseaux d'information et 115

Les Cahiers de l'Orient

d'expertise. Le Forum de partenariat ftanco-marocain sur la coopérationdécentraliséedejanvier 2006aparfaitementillustré cette approche. Il a retenu dans ses conclusions la nécessité de développerune approched'intelligence socialepour piloter plus efficacement les différents projets de coopération « au service des populations et des territoires ». En France, l'intelligence économique s'entend à la fois comme une politique publique de compétitivité industrielle fondée sur la maîtrise de l'information utile et comme une démarched'appui à la décisionstratégique.Il s'agit alorsd'une pratique légalede renseignementéconomique, d'organisation et de protection des savoir-faire, d'analyse et d'interprétation de la dynamique des marchés et des acteurspar des entreprises ou des organisations,dansuneperspectivededéploiementcommercial, technologique ou culturel. L'intelligence économique se présente alors comme la capacité à comprendre et interpréter en dynamique, de façon permanenteetsystématique,lesenjeuxet les« signauxprécoces d'alerte» enprovenancedel'environnementdetouteorganisation

ou territoire,pourun pilotageplusefficient- en connaissance de cause - des stratégiesde développement.La démarche procureunvéritableapprentissagedelaperception,parl'utilisation de savoir-faired'analyse stratégique,de sécurité économique, dedétectiondessignauxfaibleset« avant-coureurs» (mouvement de concurrents,dedonneursd'ordre clés,risquede dépendance

stratégique- compétences,technologiesclés -, mutations industrielles...). Elle sert alors le faible comme le fort, chacun en fonctionde la puissance de son industriede la connaissance et de la performance du capital social (identité culturelle, compétences, savoir-faire de gestion de crise, de partage d'information, culture du réseau et de la confiance...) dans sa stratégie de développement. L'intelligence économique est hybride: stratégie du court terme, chasse aux mouvementsdes concurrents,elle s'articule

avec le temps long de l'anticipationet de la prospectiveplanifier le futur. Les deux temps se complètent. Le temps synchrone de la surveillance permanente pour détecter et identifier les mouvements stratégiques d'entreprises sur le 116

Une économie prometteuse

territoire ou les mouvements stratégiques de pays ou de territoires

(9)Philippe Clerc, « Intelligenc~ économique: Québec, Royaume-Uni, Suède, France:culture et pratiques comparée» février

2005 sur

le site www.infoguerre. corn

concurreijtsou partenaires. Et puis, le temps asynchronede la planification stratégique à long terme, dont l'objectif est bien de « partager une vision, créerun ciment», pour structurerensuitel'action. On imagine aisémentl'intelligence organisationnelle,dont il fautalorsfaire preuve, de l'agilité aussi: créerles organisationsd'observation systématiques et de diagnostic permanents des mouvements perturbants et susceptibles d'influencer les stratégies, tout en construisant un futur. Désormais on parle volontiers de véritables systèmes d'intelligence économique, dont les acteurs et les pilotes construisent les finalités sont déclinables selon plusieurs axes à l'échelle nationale comme à l'échelle des territoires (9) : Production de connaissances adaptées aux enjeux de la mondialisation et utiles aux stratégies individuelles et collectives. Développement d'organisations mettant en œuvre les capacités collectivesd'analyses sur des cibles stratégiques et définies en concertation entre l'État, les collectivités territoriales et les entreprises. Définition d'une doctrine de sécurité globale pour la protection « offensive » des secteurs clés essentiels de l'économie. · Élaborationet mise en œuvre de stratégiesd'influence par lapromotiondumodèleculturel,économique,socialnational et européen (actions d'influence). Partant de cette grille de lecture, nous tenterons de cerner le systèmed'intelligence économique et sociale marocain. En premier lieu, nous décrypterons les éléments constitutifs du dispositifd'intelligenceéconomiquemarocain(lesentreprises, l'économie de la connaissance,la maîtrisedes technologiesde l'information, les premièresformationsà l'intelligence économique, les réseaux de développement et l'influence). Nous identifierons des fteins au développement de l'intelligence économique et plus globalement, nous tenterons ici de faire apparaître des éléments de la culture stratégique marocaine. En second lieu,nous nous interrogeronssurlesprémices d'une

· ·

·

117

Les Cahiers de l'Orient

politique publique d'intelligence économique au Maroc à travers les récentes annonces de décideurs marocains.

Une économie prometteuse

tiques qui permettent d' envisager un apprentissage aisé des modes (10) Mohamed Benabid, Dossier Intelligence économique, L'Économiste, 12 août 2004.

Décryptage des éléments constitutifs du dispositif d'intelligence économique au Maroc Interrogé(10)surl'état deslieuxdel'intelligenceéconomique au Maroc, leprofesseurDrissAlaouiMdaghri,ancienministre, (II) Colloque décrivait « les efforts disparates» de plusieurs administrations « Veille ou organisations disposant d'« entités de veille » qu'elles stratégique et ». n'exploitaient pas systématiquement. L'un des vecteurs de compétitivité Semaine de l'intensificationdespratiquespasse,selonlui,parl'usage intensif l'innovation, des technologiesde l'information et la « formationurgente et Casablanca, mars 2005, en nombre dedata-miners(expertsen logicielsde recherchede 7-8 R&D Maroc, données)et despécialistesde laveillesurinternet». Cettevision association très empreinted'une approchetechniciste,par les outils et les marocaine technologiesdel'informationn'épuisecertainementpaslechamp pour la recherchedelapratiquedelaveillestratégiqueetdel'intelligenceéconomique, développement. www.rdmaroc.org plus riche, et qui se structureprogressivement(11). Les témoignages Les entreprises marocaines Le Maroc compteà peine dix mille entreprisesindustrielles de plus de dix salariés. Le tissu productif est à plus de 90 % composédePMEetdeTPE,pourcentagesommetouteclassique, retrouvé dans une très large mesure en Europe. Au Maroc, les PME réalisent plus de 40 % du chifITed'affaires du secteur industriel et emploient plus de 50 % de la main-d'œuvre. Les experts marocains voient en elles et leurs réseaux de PME « le supportd'une diversificationéconomiquenouvelle» permettant de « répondre à une multitude de marchés nouveaux (12) ». Ils voient dans la PME la source de « stratégies nouvelles de croissance et de développement » pour le Maroc. Elles portent les avantages de l'agilité: «dimension maîtrisabledu capital, autonomie de la décision, possibilité de porter des expérimentations économiques et sociales, flexibilité de la gestion, capacité d'adaptation avec l'environnement, faculté d'innovation, facultés d'anticipation et de restructuration à moindrescoûtssociauxet financiers(13)», autantdecaractéris118

(14) Observatoire

de la compétitivité internationale

de

l'économie marocaine (OCIEM), étude 2002.

(15) Présentée à l'occasion du

d'experts en charge de la veille stratégique dans les institutions et les

colloque « Veille stratégique et compétitivité ».

entreprises ont

Semaine de

montré la prise de conscience et

Casablanca,

les pratiques diversifiées.

7-8 mars 2005, R&D Maroc.

(12) Driss Guerraoui, « Les défis de l'entreprise» Entretien avec Issam Najati à l'occasion de la publication de son ouvrage Économies et émergences,

2002. (13) Idem précité.

l'innovation,

d' orgat\isationset desméthodologiesdeveilleet d'intelligence économique. Il va de soi que ces derniers ne rempliront leur office de performance qu'à condition que l'esprit d'entreprise et les environnementsadministratif,juridique, financier,mais aussila luttecontrelacorruptions'améliorentconsidérablement, au même titre que l'instruction et la formation.N'oublions pas, aumomentoù nousnouspenchonssurl'identificationdesavoirfaireenmatièred'intelligenceéconomique,queletauxd'illettrisme au Maroc reste encore très élevé (50%) (14) L'accroissement de la réactivité des PME aux changementsdes marchés et de leurenvironnementdevientégalementuneconditionimportante de développement. Les techniques de veille et d'intelligence économique y participent grandement, et cela aux différents stades de leur maîtrise. L'Institut marocain de l'information scientifique et technique a effectué ce qui est peut-être la premièreenquêtedestinéeà identifierlesbesoinseninformation scientifique et technique et en veille des entreprises de cinq secteursdes industriesdetransformation(15).Dans l'entreprise marocaine, il apparaît clairement que l'apprentissage de l'intelligence économique passe et passera encore longtemps par la pratique de veille (réglementaire,commerciale,concurrentielle,technologique)commec'est lecas enEurope.L'étude élaboréeà partir d'un faibletaux deréponsesmontrecependant que les responsablesde PMI ont conscienceque l'information est un déterminant désormais clé pour le développement de l'entrepriseet quelapratiquedelaveilledevientincontournable. Mais, l'information demeure non structuréeet lespratiques de laveillealéatoires,peu formalisées.Lesmoyens,l'organisation et les outils font défaut. Les avancées semblentplus significativesdans les grandes structures, notamment du secteur bancaire. Le groupe ONA conduitunedémarched'introductiondel'intelligenceéconomique dansl'entreprises'appuyantsurunedynamiquedemanagement des compétences;chezBaridAl-Maghrib(laposte)ladémarche de veille stratégiqueest pilotée à partir des orientationsduplan stratégique 2003-2008. La Banque marocaine du commerce extérieur(BMCE)entendsedoterd'un départementd'intelligence 119

Les Cahiers de l'Orient

économique, dont la vocation est clairement l'analyse des concurrentset l'anticipation des risques. La Caisse des dépôts marocaine s'est doté d'un institut en charge de la prospective et de la veille. L'ouverture à la mondialisation pousse les entreprisesà lapratiquede l'intelligence économique. L'entrée de la RAM (Royal Air Maroc) dans l'accord Open Sky a déterminé l'engagement de la direction, confrontée à la concurrence internationale,à organiserun dispositif de veille et d'analyse. L'enjeu a été clairement défini: passer de l'organisation de la veille orientéevers l'accès à l'information à l'organisation renforçantla capacitéà la traiter en tempsréel. Les experts de la RAM ont défini trois veilles : la veille réglementaire (règleset normespour l'exportation des avions, tarifs, échanges, interlignes...), les veilles technologique et commerciale.Cettedernièresedéclineenniveaux: lesmarchés (remontée d'informations des représentantsvers les fonctions pricing)etpilotageausiège: calculévolutiondespartsdemarché et de tarifs (16). Des dispositifs d'appui et de remise à niveau empreints de l'esprit de veille et d'intelligence économique

L'un des freinsà l'animation économiqueauMarocpourrait' bien être la faiblesse des réseaux d'appui territorialisés au développement, dont on sait aujourd'hui combien ils sont essentiels pour organiser l'approvisionnement des bassins d'activités et des réseaux d'entreprises en ressources: informations, veilles,innovation,financement,conseil,transfertde technologie. Ce sont ces structures, telles que les centres techniques, les chambres de commerce et d'industrie, les réseaux de diffusion technologiques, qui devront être mis en capacité d'agir et de se densifier par les institutions telles que les ministères de l'Industrie, de la Recherche, du Commerce extérieur. Mais, plus précisément encore, l'intelligence économique nécessaire aux stratégies de développement des PME et des territoires doit être coproduite par les entreprises, les professions, les collectivités locales et les centres de ressources au sein de véritables clusters à organiser. Le BIPE (Bureaud'informationetdeprévisionéconomique)définit« les 120

Une économie prometteuse

(16) Mohamed Benabid, « À propos de la RAM », L'Économiste, 17 avril 2006,

(17) Présentation à l'occasion du séminaire d'initiation à la veille industrielle, organisé dans le cadre d'un partenariat maroco-

français

entre les ministère de l'Industrie des deux pays, 23-26

mai 2004,

Rabat.

clusters comme des réseaux d'entreprises et d'institutions proches g~ographiquementet interdépendantes,liéespar des métiers, des technologies, des savoir-faire communs ». Cela signifie un changement de paradigme, le passage de politiques d'appui traditionnellesd'allocation de ressources à des politiques basées sur la coproduction des ressources et notamment de l'intelligence économique. Deux décisions et la création des organisationsqui les ont accompagnées,ontouvertlavoieversplusd'efficacité:lacréation en 2002, de 16Centresrégionauxd' investissement(CRI)pour l'aide à lacréation,auxinvestisseursetà lapromotiondesrégions auprès des investisseurs et la création de l'agence nationale pour la promotion de la PME (ANPME).Les responsablesdes CRI ont été formés aux techniques de veille et d'intelligence économiquegrâceà un modulecréé auseinde l'institut ISCAE (Institut du commerce et d'administration des entreprises) et piloté par l'ancien ministre M. Driss Alaoui Mdaghri. L'ANPME, de création récente (fin 2002), développe des programmes de soutien à la mise à niveau des PME (17). Les priorités concernantles investissementsimmatérielsillustrent les priorités de développement des petites entreprises, qui au mieux devront accompagner la mise en place de stratégie de veille: améliorerle systèmed'informationcomptable,renforcer la maîtrisedescoûts,introduiredenouvellestechniquesdeproductionbaséessurlatechnologie,l'innovation,inciterà introduire les technologies de l'information. Dans le cadre d'actions de soutienauxstructuresd'appui,l'Agencedéveloppeenparticulier «des systèmesde veille ». Elle proposeune panoplie complète deprestationsimpliquantlesexperts-consultants privés,lesorganisations professionnelles et les réseaux d'appui (diffusion technologique, chambres de commerce...) : observatoires, étudesstratégiquesdefilières(étudesdepotentielsurlaconserve végétale,letraitementdesmétaux,l'imprimerie-édition...),études d'opportunité de création de zones industrielles. Ces services constituentlesbasesd'un dispositifdediagnosticetd'intelligence ~tratégiquefort utile à la politique d'intelligence territoriale, dont les contours furent esquissés lors des Rencontres internationales de Tétouan. 121

Une économie prometteuse

Les Cahiers de l'Orient

Le savoir-fairedesconseillersde l'Agence a-t-ilététransmis au CTTH (Centre technique du textile et de l'habillement) ? Les documents que ses représentantsproduisent et présentent (18) Présentation en matière de veille et d'intelligence économique (18) sont à l'occasion du d'une grande qualité et attestent de leur maîtrise des concepts, séminaire des enjeux et des méthodes, mais le fossé n'est-il pas encore d'initiation grand entre cette maîtrise et sa mise en œuvre dans les précité, indispensables stratégies d'anticipation vis-à-vis des ruptures à l' œuvre sur lesmarchésmondiauxdu textile,enparticulierle désarmementdouanieractueletsesconséquencesconcUITentielles. Il convient ici de rappeler l'intérêt que portent les experts marocains au développement local, au développement (19) Claude Courlet, lREPD, endogène,ainsiqu'aux nouvellesdynamiquesde compétitivité université de des territoires portées par les grappes industrielles et les Grenoble, avec cluster. En 2001, des économistes français ont réalisé une Nacer Elkadiri, étude sur « les conditions de développement des systèmes Ali Fejjal, Améziane productifs localisés au Maroc (19) » et ont validé l'intérêt FERGUENE, de cette forme d'organisation pour un pays émergent comme Michel Hollard, le Maroc. Nul doute que cette étude et l'investissement quelle Larbi Jaïdi, Jennane, a représenté serviront de base aux créateurs de la politique Lahsen Mohamed d'intelligence territoriale qui se profilent au Maroc. Il est Souissi, Larbi intéressant de constater qu'en Indonésie des expériences de' Zagdouni. ce type ont été lancées avec succès et se poursuivent grâce (20) Philippe au professeur Henri Dou de l'université Paul Cézanne àAix- Clerc et Henri en-Provence (20). Dou, Au final, se dessinent des briques de savoir-faire et de « Intelligence en pratiquesnon négligeablesenmatièredeveilleetd'intelligence économique Indonésie », économiqueauniveauessentieldesorganismesd'intermédiation Regards sur l'lE, n06 et n07, 2004 entre marché et entreprises, entre État et entreprises.

· ·

et 2005,

Économie de la connaissance: laproduction et la diffusion du savoir au cœur du système d'intelligence économique À l'occasion des rencontres de Tétouan, le directeur du Centre national de planificationde la recherche scientifiqueet technique a dressé un état des lieux exhaustif de l'économie du savoir au Maroc (21). Nous retiendrons quelques données caractérisantles fondementsde l'économie de la connaissance marocame. 122

(21) Said Belcadi, « L'économie du savoir au Maroc: état des lieux et perspecti ves d'avenir », Communication, Tétouan, 2004,

La populationdes personnelsscientifiqueset techniquesest évaluée à~nviron 17 000 et se répartit ainsi : 39 % dans les sciencesexactes,28 % dansles sciencesde l'ingénieur et 25 % dans le secteur des sciences humaines et sociales. Les établissementspublics de recherche se situent dans les secteurstraditionnels(INRA,agro-alimentaire, IPM,InstitutPasteur marocain.. .), mais aussidans les secteursde haute technologie (CRTS : centre royal de télédétectionspatial). Plusieurs des 14universités marocainesparticipent aux 17 pôles de compétencesdéveloppéssur le territoire,associanten réseaulescentresderechercheetlesentreprises(biotechnologies, chimie, technologies de l'information et de la communication (TIC),sciencesde lamer. ..) L'Institutmarocaind'informations scientifiques et techniques (IMIST) a vocation à irriguer ce dispositifderecherche et de développementgrâce à sonréseau de veille produisant : Une lettre d'information signalant les opportunités scientifiquesettechnologiquesnationaleset internationales intéressantles acteursdu développementéconomiqueet de la recherche du Maroc. Unbulletinde l'informationtechnologique (BIT)ouveille collective qui permet à des groupes de développeurs ayant des préoccupations communes de suivre les évolutions technologiques et économiques internationales dans leur domaine d'activité. · Des veilles personnalisées sur demande d'une entreprise privée ou d'un organismepublic. La grande question et la grande urgence résident dans l'articulation de ce premier dispositifde veille aux besoins des réseaux de recherche et des entreprises. Le dispositif de production et de diffusionde connaissance du Maroc, dont nous avons retenu quelques éléments permet au pays de se classer troisième producteur scientifique en Afrique, après l'Afrique du Sud et l'Égypte. Toutefois, le rapport de l'université Al Akhawayn sur les enjeuxde l'économie de la connaissanceau Maroc (22)pointe « l'absence de capitalisation du savoir et le manque de vision à long terme ». Les publications scientifiques annuelles sont

(22) « Le Maroc paie cher son

manque de leaders », L'Economiste,

mai 2004,

21

123

Les Cahiers de l'Orient

jugées peu nombreuses et le rapport relève que trois quarts d'entre elles sont des publications conjointes, notamment présentées avec des partenaires français. Le rapport poursuit sur le nombre insuffisant de chercheurs et la désaffection des filières scientifiques(chute de40 % des inscriptions)en faveur des filières de management et d'économie. Ces analyses sont corroborées par un rapport de la Banque mondiale sur les systèmes nationaux d'innovation (23), qui explique le retard marocain dans le domaine scientifique et technique par le choix qu'ont fait les décideurs de dessiner une croissance tirée par le marché et une industrialisation financéepar lesinvestissementsétrangers.Entermedepolitique de rattrapage, aujourd'hui, le rôle structurant que jouent par exempleleCNRST(Centrenationalde larecherchescientifique et technique) et l'association R&D Maroc, l'organisme de promotion de l'innovation, est un atout majeur. Mais, l'intensification de l'appui aux PME des secteurs clés de l'économie marocaine et le développement de c/uster piloté par des systèmes de veille et d'intelligence économique constituent la voie centrale vers une capacité d'innovation et de création de richesses.

Une économie prometteuse

une représentation biaisée du consensus vécu comme une non-déci~ion, enfin une difficulté à appréhender la gestion des conflits par manque d'instrument de résolution.

(23) Abdelkader Djeflat, « National systems of innovation in the MENA region », Banque mondiale, juillet 2002.

Freins socioculturels au déploiement de l'intelligence économique

L'analyse du fonctionnement de la société du savoir et de la connaissance au Maroc a permis d'identifier des freins socio-culturels (24), que nous estimons susceptibles de bloquer la large diffusion de la culture d'intelligence économique au sein des entreprises comme au sein de l'administration et des organismes d'appui. Au-delà des facteurshabituellementmis en avant,telle que la bureaucratie, les analyses font ressortir, en particulier, une difficulté à appréhender les faits objectifs de situations, un manque d'initiative dans la relation au pouvoir et à l'autorité qui provoque line relative marginalisation des contre-pouvoirs, un manque de responsabilité, un déficit de responsabilisation et de prise d'initiatives dans les relations au travail, une représentation faussée de l' entreprenariat et du succès vécu comme un privilège et non le résultat d'un investissement, 124

(24) AI Akhawayn University, « Knowledge for Development the case of Morocco », Knowledge for Economic Development Team, Institute of Economic Analysis and Prospective Studies, Marseille, 9-12 septembre 2002

(25) « Piratage infonnatique

: le

site marocain,

un

terrain d'entraînement» la Lettre de l'Arche, 28 septembre

2004

(www.clubarche-med.org)

La maîtrise des technologies de l'information Deux questions sont posées: d'abord celle de la diffusion et de l'appropriation des technologies de l'information, celle des usages dans un pays émergent en expansion,ensuite celle de la sécurité des échanges et de la confiance. Les PME marocaines utilisent peu de technologies de l'information. Le réseau public marocain de télécommunication est numérisé. Il offrelaquasi-totalitédes servicesdebase.Mais,lesentreprises ne fontquepeu appelà cesservicesqui leursontspécifiquement destinés. On a noté par ailleurs que les grandes entreprises utilisent encore des réseaux privés étendus, dont les coûts d'exploitation sont élevés. Par ailleurs, le taux d'acquisition d'ordinateurs par la population était de 14pour 1000en 2003. Le gouvernementetnotammentRachidTalbiElAlimi,ministre des Affaires économiques et générales, poursuivent une politique d'équipement et d'organisation de la gouvernance des échanges en ligne : récemment une loi a été promulguée pour organiser la confiance et régir par exemple le droit de signature électronique. Paradoxalement, la progression lente de l'appropriation des technologies de l'information s'accompagne d'un nombre trèsimportantd'attaquesinformatiquescontrelessitesnationaux, « dénotant une grande réactivité aux systèmes de défense et une ingéniosité hors pair de la part des pirates» (25). Les ingénieurs en sécuritémarocains,expatriés aux États-Unis,en France ou enAllemagne, ont créé un club, le Chaos Computer Club Morocco (CCC) en 2003, afin d'optimiser la sécurité dessitesmarocains.« L'extrêmevulnérabilité»del'infrastructure et des réseaux de l'administration marocaine sont d'origine organisationnelle et technique. Face à cette menace, le Club suggère la création d'un observatoire. Le cybercafé, lieu privilégié de l'apprentissage et de la pratique d'internet pour les jeunes et une grande partie de la population, est aussi le siège des pirates informatiques marocains. 125

Les Cahiers de l'Orient

Desformations à l'intelligence économique Ladiffusionetl'apprentissagedestechnologiesdel'infonnation commenouveauvecteurde compétitivité,mais surtoutd'accès au savoir est l'objet d'une grande attentiondans lesuniversités marocaines, et des projets avancés, y compris de coopération internationale, voient le jour. L'École des sciences de l'information (ESI) dispense des cours(26)surlaveilleinformationnelle,quiincluentl'approche (26) Sous la de la fonction de veille informationnelle stratégique, l'étude direction de Madame des comportements informationnels dans les organisations, Benslimane. des stratégies et des cultures organisationnelles, ainsi que de l'éthique. Le coursresitue bien la veille informationnelledans la chaîne de valeur constituée par les documentalistes, de plus en plus affûtés à la maîtrise des outils de recueil et de traitement d'information sur internet jusqu'au spécialiste de l'intelligence organisationnelle. L'orientation du cours sur les techniques d'interprétation (sense making) et de création de connaissance nous apparaît tout à fait innovant. L'École des sciences de l'information (ESI) a été dès 2000, l'une des « Eléments toutes premières organisations d'enseignement à publier des (27) d'une stratégie mémoiresd'étudiants sur laveille et aujourd'hui l'intelligence d'intelligence économique(27).L'Écoledéveloppeparailleursun programme' économique: cas de la Délégation en ligne. Le programme FORCIIR (Formation continue en Provinciale du information informatisée en réseau), financé par le ministère Tourisme de des Affaires étrangères français. Tanger » L'ancien ministreDrissAlaoui Mdaghri(28)conduitdepuis Zouheir Mahmoudi, 2004 un projet de coopération international avec l'Italie. Le Rencontres de projet consiste dans la création au Maroc d'un centre de Tétouan, compétence lié à l'économie du savoir, en coopération avec novembre 2004. e-BMS (e-management Business School) à l'université de (28) Interview Lecce au sud de l'Italie. Il s'agit de créer un réseau reliant les par Mohamed institutionsdes deuxrivesde la Méditerranée,qui s'intéressent Benabid, Dossier à la formation,larecherche appliquéeet l'incubation d'activité Intelligence économique, dans le domaine de l'économie du savoir. L'intelligence L'Economiste, économique est la démarche structurante du projet Medi1.net, 12 août 2004. à lafoispourlacréationdesréseaux(identification,caractérisation, évaluation des liens, analyse des contextes...), et pour piloter la stratégie de mise en place des centres de compétence. 126

Une économie prometteuse

Au nord et au sud de la Méditerranée

(29) Perspective

textiles 01 janvier

2005.

esithcis@ hotrnail.tT

(30) Actes colloque Maroc

du

Une inÎlôvationestdéveloppéeactuellementpar leprofesseur Joseph Chaines et ses étudiants de 1'ESITH (Ecole supérieure des industries du textile et de l'habillement). Ils ont créé un club de veille dénommé « Competitive Intelligence Service» quicoproduitunbulletindeveilleinformationnelle« Perspectives Textiles », dont l'ambition est d'ouvrir des perspectives aux entreprisesdu secteurtextile,considérécommedétenteurd'« un fantastique potentiel d'innovation et de développement pour le Maroc ». Leur conception de l'intelligence économique se traduitpar l'explicationqu'ils endonneici: « Le renseignement au sens guerrier du terme, s'il ne fait pas gagner la guerre directement sur le champ de bataille, est un élément majeur de la victoire, car il permet d'anticiper les mouvements de l'adversaire et de préparer les stratégies gagnantes (29) » Elle est aussi inspirée par la démarche de prospective technologique qui, selon leur professeur, doit permettre d'innover en « connaissance de cause », c'est-à-dire à partir de l'identification des technologies clés que l'industrie textile marocaine doit maîtriser, si elle veut dépasser la crise actuelle et de l'identification de nouvelles niches technologiques (30).

de R&D précité.

La diaspora marocaine: des réseaux d'influence L'associationR&DMarocinscritl'intelligenceéconomique au cœur de ses missions en se donnant pour objectif de créer un lieu opérationnel entre l'association et les chercheurs nationaUX: d'une part, avec les Marocains à l'étranger d'autre part. Il est envisagé la création de réseaux constitués de clubs de recherche et de développement. Cette orientationnous apparaîtessentielleet constituel'une des réponses prometteuses aux faiblesses que nous avons décritesplushaut.Il s'agit de lacapacitédela sociétémarocaine, etplusprécisémentdelacommunautéuniversitaire,scientifique et des affaires, à créer de la valeur grâce aux diasporas. Les réunionsannuellesdeR&DMarocsontl'occasionderencontrer les membres de ces diasporas.Ainsi en est-il de l'association basée en France et dénommée Savoir et développement qui 127

Les Cahiers de l'Orient

constitue un réseau informel d'enseignants et d'hommes d'affaires de la diaspora marocaine dans ce pays. On y retrouve des enseignants dans les universités technologiques, ainsi que des dirigeants,souventjeunes, d'entreprises de hautes technologies. C'est dans cet esprit qu'a été créé le FINCOME, le Forum international des compétences marocaines à l'étranger. Rencontrant les fondamentaux d'une stratégie d'intelligence économique, leForum incame la stratégienationalede mobilisation des compétences marocaines résidant à l'étranger, selon plusieurs objectifs : le soutien à la recherche, au développement et à la formation, le transfert de technologie et de savoir-faire, l'aide à l'expertise, à l'élaboration de stratégies sectorielles de développement et à l'évaluation des projets et programmes de recherche, l'attraction de l'investissement et du partenariat d'affaires.

La nouvelle volonté politique : vers une politique publique d'intelligence économique? L'engagement des pouvoirs publics dans une politique d'intelligence économiquese lit dans la définitionprogressive d'un corps de doctrine en la matière. Ils semblent pour cela s'appuyer sur l'université qui joue un rôle moteur et visible, mais aussi sur les réseaux de chefs d'entreprise plus discrets, plus informels, mais opérationnelsà travers la diaspora et les associationsprofessionnelles et patronales Par ailleurs, plusieurs faits et plusieurs actions engagées illustrentlavolontédugouvernementetdesautoritésmarocaines de conduire une politique d'intelligence économique et de se doter des instruments et des organisations qui l'enrichiront. À bien observer les actions de ces dernières années, on distingue les lignes de force d'une stratégie à moyen terme, accompagnée des premiers systèmes d'informations et d'intelligence. Pour élaborer et piloter l'économie marocaine, confrontée à l'accélération des cycles de la concurrenceet de l'innovation, et'pour entrer de façonplus offensivedans la mondialisation, l'Etat,pourl'ensembledesacteursdudéveloppementéconomique, a entamé des actions essentiellespour structurerune politique d'intelligence économique. Il s'agit de: 128

Une économie prometteuse

·etdéte~iner lepérimètredesactifsindustrielsclésà défendre à promouvoir. Le plan Hassan II pour le développement (31) Présenté par M. Jamal Eddine El Jamaci, directeur de la production industrielle au ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l'économie, à l'occasion du. Forum de partenariat franco-marocain. La coopération décentralisée au service des populations et des territoires. Skhirate, janvier

27 et 28 2006.

économiqueet socialdéfinitdes secteurstraditionnels(cuir, textile), mais aussi des secteurs de pointe (électronique, mécanique de précision) et innovants (préservation de l'environnement) ; plus récemment, le programme « Émergence» définit la stratégie de développement des nouveaux métiers mondiaux du Maroc (31). L'objet du programme

est de déterminer des filières industrielles stratégiques (textile/cuir, agroalimentaire et automobile)permettant de faireduMarocuneplateformedeproductionetd'exportation privilégiée dans la région du bassin méditerranéen; suivreles marchés émergentspour évaluerl'évolution des performancesmarocaines.L'observatoiredelacompétitivité internationalede l'économie marocaine évalue le potentiel compétitifduMarocencomparaisonavecdespaysémergents ou de même niveau de développement.Mettre en place, au sein du ministère de l'Industrie, un systèmed'information, comprenantun dispositifstatistiqueetd'analyseéconomique, un réseau national d'information industrielle,ainsi qu'une documentation.

·

Deux innovationsdans le dispositifd'intelligence économique en émergence Les briquesque nous venons de présentersont les prémices d'un système « d'intelligence permanente », permettant de suivre en temps réelles tendances de marché, les tendances technologiques et les risques de rupture (modification des structuresdemarché,changementdeparadigmesd'organisation, scienceset techniques,financement),afin demieux déciderles orientations des politiques. Par ailleurs, l'organisation marocaine se densifie. Deux innovationsparaissent fondamentalespour le futur : celle liée au nouveau dispositif institutionnel de gouvemance de la politique publique d'intelligence économique et celle de la naissance d'une doctrine d'intelligence territoriale. Les annonces faites à Tétouan en novembre 2004 sont un signalfort.PourDrissGuerraoui,conseillerduPremierministre, 129

Une économie prometteuse

Les Cahiers de l'Orient

la création d'une cellule d'analyse et de réflexion stratégique devraitapporterl'instance d'orientationnécessaireaudispositif enconstruction.Onimagineaisémentsonefficacitédansl'appui à lastratégied' attractivitédu Maroc.La réactivitédes décideurs marocainsaétésansfaille.En2006,leCentredeveillestratégique est opérationnel.Rattaché à la Pirmature, le CVS est intégré à la directiondesInvestissementsextérieurs.L'équipe estanimée parM. SaadSalhi,fondateurduCentreavecM. KarimBenjelloun. Elle comporte une dizaine dejeunes diplômés de haut niveau chargés de la veilleet de l'analyse. Leur missionprincipaleest de fournir des informationspertinentesau gouvernementpour améliorer la compétitivité des exportations marocaines et l'attractivité du Maroc (IDE). Pour y parvenir, ils observent l'évolution des IDE dans le monde en les rapportant à l'environnement et à la situationdu Maroc.Ils se focalisentsur des secteurs et des pays cibles, mais aussi sur des activités niches. Le CVS assure également un suivi de l'activité des entreprises internationalesdéjà installéesau Maroc. Il produit de l'information pour les entreprisesmarocainesvia un portail (32) Lire Rachid Hallaouy, et diffuse des méthodologiesde veille au sein de l'entreprise. L'Économiste, À moyen terme, il est prévu que le CVS accompagne les. 17 avril 2006. entreprises dans leur processus décisonnel par la fourniture d'outils de veille liés à la prise de décision(32). (33) « La structure MohammedMbarki,walideTétouanen2004,en annonçant aura pour mission la création d'un observatoire d'étude et de recherche sur de faire connaître l'intelligenceéconomique(33)baséàTétouan,a désignél'organisme l'état d'avancement projets qui devrait être le garant du développement d'une conception des structurants, la marocaine de la démarche, en intégrant en particulier, la recherche, richesse du socle culturel marocain, comme avantage culturel l'innovation, les et defaitconcurrentiel.À cepropos,MohammedMbarkirappelle nouvelles publications, les la richesse que constitue la rencontre au Maroc, des cultures expériences arabo-musulmane, latino-andalouse, africaine et française. novatrices, les pratiques Cette première innovation n'est pas seulement organi- bonnes dans les diverses sationnelle,ellerésideaussi dansla formulationd'une doctrine dimensions du élaboréedel'intelligenceéconomique.L'intelligenceéconomique développement et apporte une forme de « gouvernance nouvelle », articulant économique social.» compétitivité, développement culturel et social et sécurité Mohamed économique, c'est-à-dire «prenant en compte la sécurité des Assouali. 130

(34) Philippe

Clerc, « Territorial Intelligence: lessons ftom experiences

»,

Symposium Competitive Intelligence

and

Technology Watch :strategic stakes for the development

h1

the 21 st Century, Competitive

Intelligence Worldwide, Jakarta, 25-26/06/2004

(35) Le titre

était: « Intelligence économique et développement régional, quelle stratégie pour la région Tanger

Tétouan? »

(36) Présentée à Casablanca au colloque de R&D Maroc, les 7-8 mars 2005. En ligne sur le site www. rdmaroc.org

citoyens, des entreprises,des informations,des institutions ». Ceprojet'ç1evraitêtreplacéaurang depriorité,afindepermettre au Maroc de disposer d'un think tank sur le sujet, susceptible de lui donner une « avance stratégique » dans l'organisation de l'espace économique, social et culturel méditerranéen. La secondeinnovationdel'approche marocainerésidedans la volonté de mettre en place une politique d'intelligence territoriale. Son objet est simple (34) : il s'agit d'organiser à l'échelle des territoires, des bassins d'activités, la capacité collectiveà bâtir les dynamiquesde développement: identifier lessavoir-faire,lesexpertises,coordonnerlesactions,organiser les réseaux de recueil de connaissancesnouvellespour mieux servir les stratégies innovantes. La première ou l'une des toutes premières formulationsde l'intelligence territoriale appliquée à un territoire au Maroc a été proposéepar MohamedAssouali,viceprésidentde la commune urbaine de Tétouan, le 26 novembre 2004 (35) : « L'intelligence économique permet au territoire et aux organisationsd'agir ejjicacementsur l'environnement, d'anticiper

lesgrandestendancesetopportunités,d'alertersur lesmenaces deperte d'attractivité, de compétitivité ou d'information. » L'observatoire dont nous avons parlé précédemmentdevra prendreencompte,voireredynamiserleprojetdemiseenplace, par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la mise à niveau d'un réseau de veille industrielle sur l'ensemble du territoire, suite au séminaire d'initiation qui s'est tenu en mai 2004 à Rabat.Une opérationpilote d'évaluation est en train de semettreenplacesurun secteurd'activitéavantsagénéralisation. Pourapporterplusdegouvernanceetcommepourmarquerl'entrée du Maroc dans le club des pays innovantsen matière de veille et d'intelligence économique, le Ministère de l'Industrie et l'associationR&DMarocontélaboréun avant-projetde«norme pourlaveillestratégiqueenmatièred'industrieetdecommerce» dont l'intérêt sera de définirun corpus terminologiquepour le Maroc,incluantl'intelligenceéconomiqueet surtoutd'organiser le marché et la qualitédes prestationde veille stratégique(36). Nous avons tenté de décrypter les briques constitutives de la culture d'intelligence économique marocaine, car, que cela 131

Les Cahiers de l'Orient

soit entendu, chaque pays qu'il soit émergent ou développé, possède une intelligence économique, composée de savoirfaire tacites ou formels de gestion de crise, de pratique du réseau par la solidarité, d'esprit de vigilance et de veille, de mutualisation, de partage de connaissance et d'information. Il s'agissait dans notre approche de recomposer cette « intelligence », cette capacité à connaître l'environnement, à gérer les rapports de force, à ruser dans la relation du faible au fort. Il s'agissait de commencer à lire les ingrédients de « cette capacité d'intelligence» et d'identifier ses freins et ses originalités pour contribuer humblement à éclairer le chemin d'une nouvelle efficacité, d'un autre mode de développemententrehyperconcurrenceet coopérationdurable. Car, l'intelligence économique, par l'état d'esprit et le mode d'action qu'elle porte s'impose dansle champdes instruments porteursd'innovation enmatièredegouvemancedespolitiques publiquescommedestratégiesd'entreprise.Ouvrirleshorizons, délier les crispations stratégiques des décideurs, bousculer (37) E. Morin, les rites décisionnels établis, mais surtout tenter d'associer le Les septs savoirs à plus grand nombre à la résolution de l'équation suivante pour nécessaires l'éducation du avancer sur la route obsédante du développement: futur, Seuil, « La connaissancedes problèmes clés du monde doit être. Paris, 2000. tentée sous peine d'infirmité cognitive: comment acquérir (38) Colloque l'accès aux informationssur le monde et comment acquérir la Francepossibilitéde lesarticuler,de lesorganiser?Commentpercevoir Amérique latine: et concevoir le Contexte, le Global, le Multidimensionnel, le concurrence et coopération? Complexe? » (37) Assemblée des Ainsi dans ce cheminementplein d'urgence, le Maroc doit- Chambres il comme chaque nation fonder et nourrir une communauté françaises de Commerce et d'intelligence économiquepour répondreaux défisqui lui sont d'Industrie avec propres. Et si la France qui vient d'organiser la première le minsitère des rencontreFrance-Amérique(38)surl'intelligence économique Affaires et de est pionnière en la matière, elle ne possède qu'un privilège: étrangères la Maison celuidepouvoiranalyserseserreurset sesaveuglements,avant d'Amérique latine. d'autres et le partager avec eux pour mieux coopérer. P.c.

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