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´ MATHEMATIQUES DE L’ASSURANCE NON-VIE Tome I: Principes Fondamentaux de Th´ eorie du Risque Michel Denuit & Arthur Charpentier 31 mars 2004
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Pr´ eface L’aversion au risque, la “risquophobie”, est aujourd’hui ´erig´ee en vertu comme en t´emoigne les d´ebats autour du principe de pr´ecaution. Norme abstraite au contenu mal d´efini, il a vocation a` int´egrer le pr´eambule de notre Constitution au risque de produire des effets dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Dans ce contexte d’incertitude, il est particuli`erement r´econfortant de revenir aux sources, aux fondamentaux, c’est-`a-dire aux math´ematiques et de rappeler que le risque naˆıt de l’al´ea et s’appr´ehende grˆace aux d´eveloppements les plus avanc´es du calcul des probabilit´es. C’est ce que rappelle justement l’ouvrage de Michel Denuit et Arthur Charpentier “Math´ematiques de l’assurance non-vie”, dont le lecteur appr´eciera la pr´esentation rigoureuse, claire et p´edagogique des outils modernes d’analyse de risque. L’assureur que je suis a ´et´e particuli`erement sensible a` l’introduction a` la th´eorie des copules qui permet de mod´eliser la d´ependance entre les diff´erents risques auxquels sont confront´es les gestionnaires au sein de nos entreprises. Car c’est une ´evidence, lorsque les catastrophes surviennent les sinistres ne sont pas ind´ependants. Cet ouvrage constituera, j’en suis sˆ ur, une r´ef´erence incontournable pour les actuaires. Mais au-del`a du secteur restreint de l’assurance, compte tenu de la place de plus en plus importante occup´ee par l’id´ee de “risque” dans nos soci´et´es, l’enseignement du calcul des probabilit´es dans nos formations sup´erieures d’ing´enieurs, nos ´ecoles de commerce et de gestion - et mˆeme en sciences politiques ! -, gagnerait a` aborder des probl`emes concrets de gestion du risque emprunt´ee a` l’actuariat. Cet ouvrage, en proposant les outils th´eoriques ad´equats, leur en offre la possibilit´e.
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iv Les futurs responsables et d´ecideurs seraient ainsi mieux a` mˆeme d’int´egrer dans leur d´emarche le fait que le risque, bien quantifi´e et appr´eci´e, constitue aussi, sinon davantage, une opportunit´e d’innovation, une source de cr´eation de richesse, donc de progr`es pour nos soci´et´es. Claude B´ eb´ ear, 31 mars 2003.
Liminaires RISQUE [risk] -1663, 1578. Italien risco, bas latin risicus ou riscus. —— 1 . Danger ´eventuel plus ou moins pr´evisible, danger, hasard, p´eril. —— 2 . Eventualit´e d’un ´ev`enement futur, incertain ou d’un terme ind´etermin´e, ne d´ependant pas exclusivement de la volont´e des parties et pouvant causer la perte d’un objet, ou tout autre dommage. En mati`ere d’assurance le terme d´esigne souvent l’´ev´enement contre la survenance duquel on s’assure. —— 3 . “Le risque est le hasard d’encourir un mal, avec esp´erance, si nous ´echappons, d’obtenir un bien” (Condillac, in Foulqui ´ e, Dictionnaire langue philos.)
Ojectifs et contexte Cet ouvrage traite des math´ematiques du risque, au sens o` u l’entendent Hans B¨ uhlmann dans Mathematical Methods in Risk Theory (paru en 1970) ou Hans Gerber dans An Introduction to Mathematical Risk Theory (paru en 1979). Afin d’´eviter toute confusion avec les math´ematiques financi`eres, nous l’avons intitul´e “Math´ematiques de l’assurance non-vie”. Ces math´ematiques correspondent a` ce que les anglo-saxons appellent aussi math´ematiques actuarielles (actuarial mathematics). A partir de nos notes de cours remises en forme, nous avons souhait´e proposer aux ´etudiants en sciences actuarielles (mais aussi, plus g´en´eralement, en math´ematiques appliqu´ees), un ouvrage pr´esentant les outils math´ematiques utilis´es en assurance non-vie, sans pour autant avoir la pr´etention d’ˆetre un trait´e exhaustif des techniques actuarielles, loin s’en faut! L’ouvrage vise plutˆot a` fournir une m´ethode moderne d’analyse et de gestion des risques. Con¸cu comme support des cours d’assurances dommages (`a l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique, et a` l’Institut des Sciences Actuarielles de Louvain-la-Neuve), il semble tout indiqu´e pour serv
vi vir de base a` des enseignements semblables dans d’autres institutions. Ainsi, de larges parties de cet ouvrage ont ´et´e utilis´ees dans le cadre d’enseignements a` l’Universit´e Paris 9 Dauphine, a` l’Institut de Science Financi`ere et d’Assurance (ISFA) de l’Universit´e de Lyon 1, a` l’Institut National d’Economie et de Statistique Appliqu´ee (INSEA) de Rabat, a` l’Ecole Nationale Sup´erieure de Statistique et d’Economie Appliqu´ee (ENSEA) d’Abidjan, a` l’Universit´e de Varsovie et a` l’Universit´e de Bucarest. En outre, l’expos´e a ´et´e con¸cu pour permettre une lecture par des ´etudiants, chercheurs ou enseignants en math´ematiques qui d´esireraient s’initier aux sciences actuarielles. L’ouvrage se veut accessible aux diff´erents types de lecteurs. La plupart des notions techniques sont ainsi bri`evement rappel´ees, si bien qu’un lecteur peut aborder l’ouvrage avec un minimum de connaissances en math´ematiques et en th´eorie des probabilit´es. Jules Dubourdieu notait en 1958 dans la pr´eface de sa Th´eorie Math´ematique des Assurances, que “l’enseignement de l’actuariat apparaˆıt ainsi comme fig´e dans une terminologie, sinon dans des m´ethodes d´epass´ees, et il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que les applications aux probl`emes de l’assurance apparaissent a ` la plupart des probabilistes comme peu instructives, et peu dignes de retenir l’attention du math´ematicien”. Pour faire une comparaison, si les math´ematiques financi`eres ont su franchir ce cap, il faut noter que les math´ematiques de l’assurance n’ont pas tellement ´evolu´e depuis cette d´eclaration. Pour continuer le parall`ele, si les march´es financiers se sont mis a` manipuler des concepts math´ematiques de plus en plus ´evolu´es, les math´ematiques du risque ont souvent inspir´e du scepticisme au sein des compagnies d’assurance. L’assurance non-vie a souvent repos´e sur du bon sens, et sur une perception quelque peu subjective du risque. Mais comme le notait Borel au sujet des compagnies d’assurance, “nous partons ainsi d’une base pratique assez solide pour que nous ayons dans la th´eorie la confiance qui est n´ecessaire pour ne pas avoir a ` tenir compte du scepticisme qui peut toujours ˆetre oppos´e a ` toute tentative d’explication rationnelle”. De la mˆeme fa¸con, nous pensons que la th´eorie math´ematique de l’assurance n’est pas seulement une application s´eduisante du calcul des probabilit´es: nous sommes persuad´es qu’elle peut contribuer a` promouvoir le d´eveloppement de m´ethodes plus rationelles dans la gestion des risques. Et les difficult´es qui vont n´ecessairement de
vii pair font que l’actuaire “doit unir a ` une solide formation th´eorique l’esprit critique et la prudence qu’exige toute activit´e qui ne se cantonne pas sur le plan de la sp´eculation pure et qui entend dominer les faits.” C’est pour cela que nous pensons que cet ouvrage est ´egalement destin´e aux professionnels du risque. L’ouvrage traite surtout les risques de masse, c’est-`a-dire la couverture d’un grand nombre de risques semblables au moyen de contrats dont les conditions sont standardis´ees. L’expos´e se focalise donc sur de grands portefeuilles d’assurance; ceci permettra de faire appel aux r´esultats asymptotiques du calcul des probabilit´es, comme la loi des grands nombres et le th´eor`eme central-limite. L’ouvrage se concentre sur les assurances de choses et les assurances de responsabilit´e. Dans le premier cas, l’assureur s’engage a` indemniser l’assur´e des dommages subis par ses biens (assurance incendie, vol, dommages mat´eriels aux v´ehicules, ...). Dans le second cas, l’assureur s’engage a` indemniser a` la place de l’assur´e les tiers victimes de dommages mat´eriels ou corporels dont l’assur´e est responsable (assurance de responsabilit´e civile automobile, familiale, ...). “But the age of chivalry is gone; that of sophisters, economists, and calculators has succeeded [...] ” Edmond Burke, Reflections on the Revolution in France (1791).
Tome 1 - Principes fondamentaux de th´ eorie du risque Le premier tome entend jeter les bases th´eoriques n´ecessaires a` la compr´ehension et a` la r´esolution des probl`emes qui se posent en assurance non-vie. Il est consacr´e aux principes fondamentaux de la th´eorie math´ematique du risque, th´eorie dans laquelle les sciences actuarielles sont profond´ement ancr´ees. Le premier chapitre introduira les concepts de base de l’assurance non-vie, de mani`ere relativement informelle. Avant d’entamer l’´etude des techniques assurantielles proprement dites, il nous a en effet paru essentiel de fournir au lecteur une introduction aux notions qui seront utilis´ees abondamment dans la suite de l’ouvrage. Cette introduction s’av`erera particuli`erement utile aux nonactuaires, qui pourront ainsi mieux appr´ehender le cadre ´economique dans lequel se placent les d´eveloppements des chapitres suivants.
viii Historiquement, les math´ematiques actuarielles sont n´ees avec les tables de mortalit´e, et le calcul de rentes actualis´ees, c’est-`adire une conception d´eterministe du risque. Toutefois, la plupart des ´el´ements utilis´es dans l’approche moderne des math´ematiques de l’assurance reposent sur les outils d´evelopp´es dans la branche de th´eorie des probabilit´es : la survenance d’un sinistre est un ´ev`enement al´eatoire, ainsi que, bien souvent, son coˆ ut. Comme le notait Dubourdieu, “il serait vain de chercher a ` aborder et a ` traiter ces probl`emes [de “th´eorie du risque”] d’une mani`ere tant soit peu approfondie, sans faire appel aux m´ethodes modernes de la th´eorie des probabilit´es”. Le deuxi`eme chapitre introduit la mod´elisation probabiliste du risque, qui sera utilis´ee dans toute la suite de l’ouvrage. La taille de ce chapitre peut paraˆıtre impressionnante au premier regard. Toutefois, ceci permettra aux chapitres suivant d’ˆetre consid´eralement all´eg´es, puisque la plupart des r´esultats de th´eorie du risque peuvent ˆetre vus comme des applications de r´esultats probabilistes. Le second chapitre introduira les outils probabilistes utilis´es en mod´elisation des risques, de fa¸con abordable pour un public d’´economistes, et int´eressant, on l’esp`ere, pour les math´ematiciens. Les mod`eles classiques pour le nombre et le coˆ ut (individuel) des sinistres y seront pr´esent´es. Le troisi`eme chapitre sera enti`erement consacr´e au concept de la prime pure : il s’agira de l´egitimer, sous certaines conditions, l’usage de l’esp´erance math´ematique pour calculer le prix du risque. Le principe de mutualisation des risques repose, d’un point de vue math´ematique, sur l’utilisation de la loi des grands nombres. On suppose alors g´en´eralement que les risques sont assez nombreux et assez homog`enes pour ˆetre “justifiables de la loi math´ematiques des probabilit´es” selon l’Encyclopedia Universalis. “Cela explique que certains risques catastrophiques soient actuellement inassurables. Mais le champ des risques assurables s’´elargit sans cesse grˆ ace aux ´etudes des th´eoriciens...” Nous insisterons toutefois (lourdement peut-ˆetre) sur les situations o` u le calcul de la prime pure au moyen de l’esp´erance math´ematique n’est pas pertinent. Nous verrons ´egalement qu’une tarification bas´ee uniquement sur la prime pure conduit a` une ruine certaine (quel que soit le niveau des fonds propres dont la compagnie dispose). Cette approche a` l’aide de la prime pure permet d’obtenir un
ix ´equilibre ´economique en moyenne. Ce qui signifie que pour des risques analogues et ind´ependants, et pour un portefeuille suffisamment grand, la loi des grands nombres peut s’appliquer. Le quatri`eme chapitre montrera comment, et pourquoi l’actuaire ne se contente pas de la prime pure mais lui ajoute un chargement de s´ecurit´e. Cette composante peut ˆetre particuli`erement importante, en particulier si le risque est susceptible de subir, d’une ann´ee a` l’autre des fluctuations importantes, ou si le risque est insuffisamment connu. Dans les ann´ees 80, sur les march´es financiers, l’hypoth`ese de risques gaussiens s’est av´er´ee insuffisante pour mesurer correctement les risques: comment comparer du risque de faillite a` du risque de variation de taux de change, en utilisant comme seul indicateur la volatilit´e (l’´ecart-type)? La mesure de risque retenue a ´et´e la Valueat-Risk (ou VaR), correspondant a` un quantile de la distribution de perte. Il s’agit alors, a` probabilit´e donn´ee, du pire cas probable. Nous verrons dans le cinqui`eme chapitre ce qu’est une mesure de risque, et quelles propri´et´es souhaitables elle doit v´erifier. Nous ´evoquerons plus particuli`erement deux mesures de risque utilis´ees en assurance non-vie: la Value-at-Risk, ainsi que la Tail VaR (esp´erance au-del`a de la VaR). Nous pr´esenterons ´egalement une classe relativement vaste de mesures de risque, d´efinies a` l’aide d’op´erateurs de distorsion. Enfin, nous nous servirons de ces mesures de risque pour comparer les risques en pr´esence. Dans les contrats d’assurance-vie, historiquement centre de pr´edilection des actuaires, le risque ´etait individuel. En assurance non-vie, sous l’impulsion de l’´ecole scandinave (Filip Lundberg d`es 1909 puis Harald Cram´er en 1926), les actuaires se sont int´eress´es a` l’approche du risque du point de vue de la compagnie d’assurance : le mod`ele collectif ´etait n´e. Le sixi`eme chapitre sera ainsi consacr´e au mod`ele collectif. Comme le notait Hans Gerber dans l’introduction de An Introduction to Mathematical Risk Theory, l’obtention de la loi de probabilit´e de la charge totale des sinistres a toujours ´et´e l’objet d’un chapitre central dans les ouvrages de th´eorie du risque. Nous ´etudierons en particulier dans cette partie les m´ethodes num´eriques permettant d’obtenir la loi de la somme cumul´ee de sinistre (notamment a` l’aide du c´el`ebre algorithme de Panjer). Le septi`eme chapitre sera centr´e sur l’´equilibre a` long terme des r´esultats de la compagnie, correspondant a` la notion math´ematique
x de probabilit´e de ruine. Le lien entre processus stochastiques et th´eorie du risque a ´et´e ´etabli au d´ebut du vingti`eme si`ecle par Filip Lundberg et Harald Cram´er. Ce probl`eme de la ruine d’une compagnie d’assurance a toutefois ´et´e relanc´e en 1963, suite a` l’intervention de Bruno de Finetti au colloque ASTIN a` Trieste, sur “La th´eorie des plus grandes valeurs et son application aux probl`emes de l’assurance”. Nous mettrons l’accent dans cette partie sur les ´equations exactes (´equations int´egro-diff´erentielles ou relations a` l’aide de transform´ees de Laplace, par exemple), en pr´esentant quelques cas particuliers permettant d’obtenir des formules explicites pour la probabilit´e de ruine (en particulier dans le cas poissonien, lorsque les coˆ uts individuels suivent une loi exponentielle n´egative), mais aussi des approximations ou des majorations de la probabilit´e de ruine. En retenant l’approche de Seal, nous ´etudierons de fa¸con g´en´erale la probabilit´e de ruine a` horizon donn´e (parfois infini), en fonction du montant de r´eserves initiales. Le huiti`eme et dernier chapitre du premier tome abordera le cas des risques multiples. En effet, en gestion des risques, une des notions fondamentales est celle d’agr´egation des risques : un portefeuille de compagnie d’assurance non-vie comporte ainsi des contrats automobile, habitation, incendie, etc. Par facilit´e, on suppose g´en´eralement tous ces risques ind´ependants, y compris quand une compagnie commence a` proposer des contrats (dits multi-branches) couvrant l’ensemble des risques pour un mˆeme client. Comme le rappelait d’ailleurs Hans B¨ uhlmann 1 en 1963, “the independence hypothesis is so common to be made that many authors forget to mention it”. Mais les tempˆetes de 1999 par exemple ont montr´e clairement que lorsque des catastrophes surviennent, plusieurs garanties sont touch´ees en mˆeme temps: les risques ne sont pas ind´ependants. Une fois cette constatation faite, il convient de proposer des mod`eles permettant de prendre en compte cette non-ind´ependance entre les risques. Apr`es des rappels sur les vecteurs al´eatoires, nous ´evoquerons la notion de d´ependance positive, de relation d’ordre entre vecteurs al´eatoires, ainsi que la notion de mesure de d´ependance. La section suivante abordera alors la notion fondamentale de fonction copule, permettant de s´eparer un vecteur de risques, en un comportement marginal d’une part, et une structure de d´ependance d’autre part. Mais si 1. On notera d’ailleurs l’apport de Hans B¨ uhlmann sur ce sujet (en particulier sur l’´etude des variables ´echangeables) dans Austauschbare stochastische Variabeln und ihre Grenzwertsatze (1960).
xi cette notion est particuli`erement utile pour les lois continues, nous verrons que son int´erˆet est tr`es limit´e pour les lois discr`etes. Enfin, nous aborderons le probl`eme fondamental de l’´etude d’une somme de variables non-ind´ependantes.
Tome 2 - Tarification et provisionnement Le second tome initiera le lecteur a` diff´erentes techniques abondamment utilis´ees en mati`ere de tarification et de provisionnement en assurance non-vie. Le neuvi`eme chapitre sera consacr´e a` la tarification a priori des contrats d’assurance. Nous verrons pourquoi l’actuaire d´esire segmenter le portefeuille et comment il peut s’y prendre. Nous concentrerons notre propos sur les mod`eles de r´egression de type GLM et nous verrons que cette approche permet en g´en´eral une analyse fine de la sinistralit´e observ´ee pour un portefeuille. Les deux chapitres suivants seront ax´es sur la tarification a posteriori des contrats. En assurance automobile par exemple, un certain nombre de variables exog`enes permettent d’obtenir une tarification a priori, en tenant compte du sexe, de l’age, du type d’utilisation du v´ehicule. L’approche propos´ee dans ce dixi`eme chapitre permet d’affiner l’´evaluation a priori du risque en tenant compte du pass´e sinistre de l’assur´e. Ce chapitre proposera l’approche par la th´eorie de la cr´edibilit´e. Notons que la notion mˆeme de cr´edibilit´e est ´etroitement li´ee a` la perception que l’on peut avoir du risque (comme le note Savage (1954), la “personalistic view of probability”): les individus accordent une cr´edibilit´e diff´erente a` la r´ealisation de tel ou tel ´etat de la nature. Savage parle de degr´e de conviction. Cette notion est ´etroitement li´ee a` celle introduite par Thomas Bayes en 1763. Mais si ce concept a trouv´e son nom au milieu du vingti`eme si`ecle, d`es 1910, les employ´es de General Motors qui ´etaient assur´es contre les accidents du travail, b´en´eficiaient d’une prime calcul´ee sur ce principe, formalis´e en 1914 par Mowbray et repris en 1918 par Withney: “the problem of experience rating arises out the necessity [...] of striking a balance between class-experience on the one hand and risk-experience on the other ”. Notons qu’avant de s’imposer avec la contribution de Hans B¨ uhlmann en 1967, cette approche utilisant la r`egle de Bayes fut forte-
xii ment critiqu´ee 2 . Le onzi`eme chapitre, dans la continuit´e du pr´ec´edent, pr´esentera les mod`eles permettant d’allouer des surprimes (d’infliger un malus) si l’assur´e a des sinistres, et des r´ecompenses pour les assur´es n’ayant pas eu de sinistre (via l’octroi d’un bonus) a` l’aide de syst`emes bonus-malus. La th´eorie du bonus (ou “une m´ethode pour calculer une ristourne ad´equate pour ann´ees sans sinistres” pour reprendre le titre d’un article de Bichsel) a ´et´e introduite par Maurice Fr´echet d`es 1938 dans son ouvrage intitul´e “Recherches th´eoriques modernes sur le calcul des probabilit´es”. En particulier, il a ´emis l’id´ee d’utiliser les chaˆınes de Markov (id´ee que nous d´evelopperons en d´etails dans ce chapitre). Ces mod`eles existent dans la plupart des pays d´evelopp´es, sous le nom de no-claim bonus, ou syst`eme bonus-malus (en Su`ede d`es 1952, en Belgique en 1971, en France en 1976 - obligatoire depuis 1991, au Qu´ebec en 1978, etc.). Le douzi`eme chapitre abordera l’´etude micro-´economique de l’assurance. La th´eorie micro´economique de l’assurance est n´ee au milieu des ann´ees soixante de la rencontre entre un actuaire, Karl Borch, et un ´economiste (futur Prix Nobel), Kenneth Arrow. Karl Borch voulait fournir un fondement th´eorique satisfaisant aux pratiques des assureurs. Kenneth Arrow cherchait un champ d’application a` l’´economie de l’incertain, th´eorie ´economique qu’il avait contribu´e a` faire naˆıtre. Depuis Arrow et Borch, le rapprochement entre l’actuariat et la th´eorie micro´economique n’a cess´e d’ˆetre fructueux, tant et si bien que la th´eorie de l’utilit´e est devenue aujourd’hui un des piliers m´ethodologiques des sciences actuarielles. La th´eorie de la d´ecision en environnement incertain permet de prendre en compte, de fa¸con relativement simple, la vari´et´e des comportement des agents ´economiques face au risque. On peut ainsi donner un sens pr´ecis aux concepts de prime de risque, d’aversion pour le risque et mod´eliser le choix des investisseurs. La th´eorie de l’utilit´e vise essentiellement a` rationaliser les choix des agents ´economiques confront´es a` des situations risqu´ees. Le treizi`eme chapitre pr´esente les m´ethodes stochastiques de provisionnement, et plus particuli`erement des provisions pour sinistres a` payer. Cette notion de claims reserving, dans la terminologie anglo-saxonne, est d’ailleurs fondamentale en actuariat non-vie. 2. On retiendra la critique de Fischer, en 1919, reprise par Bailey en 1950, qui reprochait a ` Withney (et a ` Bayes) de supposer que toutes les valeurs possibles ´etaient ´equiprobables (“assumption of equal distribution of ignorance”).
xiii Cette prise en compte de la dimension temporelle dans la gestion des sinistres est difficile et technique : pour une p´eriode de couverture donn´ee, les sinistres (´eventuels) peuvent ˆetre d´eclar´es relativement tardivement, avec en plus parfois des temps d’expertise ou de tractation, avant d’arriver a` un coˆ ut final, plus ou moins ´eloign´e des estimations initiales. Compte tenu de cette dynamique temporelle observ´ee dans le pass´e, le but est alors d’estimer au mieux la charge totale de sinistres pour une ann´ee de survenance donn´ee, afin d’allouer le montant de r´eserves ad´equat. La m´ethode la plus simple est celle dite de chain-ladder, qui sera pr´esent´ee dans un premier temps, ainsi que des variantes d´eterministes. En retenant le pr´ecepte de William Feller, “the naive appproach may be the most sophisticated one”, nous allons voir dans ce chapitre comment cette m´ethode (correspondant finalement a` une r`egle de trois), couramment utilis´ee par les compagnies d’assurance peut ˆetre l´egitim´ee par une approche stochastique. Nous verrons d’ailleurs comment am´eliorer ce mod`ele souvent trop simpliste, en pr´esentant plusieurs mod`eles, datant des vingt derni`eres ann´ees. Nous montrerons enfin comment unifier toutes ces approches a` l’aide des mod`eles lin´eaires g´en´eralis´es (GLM). Plusieurs autres approches seront ´egalement ´evoqu´ees (utilisation du bootstrap, des filtres de type Kalman...). Le quatorzi`eme chapitre pr´esentera quelques outils th´eoriques permettant de mod´eliser et de quantifier les risques extrˆemes. La tarification a priori ne traite en effet que les sinistres “standards” et ce chapitre montrera comment g´erer les sinistres graves. Nous ´evoquerons ainsi les principaux r´esultats de la th´eorie des valeurs extrˆemes, comme la loi du sinistre maximum (th´eor`eme dit de FisherTippett), ou l’´etude proprement dite de la queue (distribution audel`a d’un seuil). Nous ´evoquerons ´egalement deux probl`emes plus complexes : le cas o` u les observations ne sont plus ind´ependantes, et la notion d’extrˆeme dans un cadre multivari´e (la notion d’extrˆeme ´etant li´ee a` une notion d’ordre, le probl`eme se complexifie pour des risques multiples puisqu’il n’y a plus une unique fa¸con d’ordonner les sinistres). Cette ´etude des extrˆemes est ´etroitement li´ee a` la notion de r´eassurance, que nous n’aborderons pas dans le d´etail dans cet ouvrage. Le quinzi`eme chapitre pr´esente un certain nombre de m´ethodes num´eriques, avec des applications en assurance non-vie (mˆeme si les m´ethodes peuvent largement ˆetre utilis´ees pour traiter d’autres probl´ematiques). Les premi`eres sections de ce chapitre seront orient´ees
xiv vers les m´ethodes num´eriques (et non pas stochastiques, contrairement aux sections suivantes), et plus particuli`erement vers la transform´ee de Fourier rapide (Fast Fourier Transform), ou plus g´en´eralement les m´ethodes d’ondelettes (ou wavelets). Ces m´ethodes permettent par exemple d’approcher les lois de Poisson compos´ees. Toutes les sections suivantes sont bas´ees sur des m´ethodes stochastiques de simulation. Il existe tant de m´ethodes (´egalement appel´ees m´ethodes de Monte Carlo) qu’´ecrire un unique chapitre sur le sujet est forc´ement r´educteur. L’objectif est donc de pr´esenter, de fa¸con introductive, et claire, les notions les plus utilis´ees, sans n´ecessairement pr´esenter les m´ethodes les plus modernes. La notion centrale est celle de la vitesse de convergence : il s’agit d’obtenir, avec un minimum de calculs, ou un minimum de temps, le r´esultat le plus proche possible de la r´ealit´e. C’est pour cela que nous insisterons dans ce chapitre sur les m´ethodes de r´eduction de variance de l’estimateur, tout en pr´esentant ´egalement les m´ethodes dites de quasi Monte Carlo (liant les m´ethodes d´eterministes et les m´ethodes stochastiques de simulation). Nous ´evoquerons aussi bri`evement la notion de Monte Carlo par chaˆınes de Markov (ou MCMC), de simulation de vecteurs al´eatoires, ou de processus stochastiques. Diff´erentes applications en sciences actuarielles viendront illustrer les m´ethodes pr´esent´ees. Enfin, le seizi`eme et dernier chapitre traitera des limites de l’assurabilit´e, et donc du cadre d’application des m´ethodes d´ecrites dans les Tomes 1 et 2.
Remerciements Avant de conclure cette pr´eface, nos plus sinc`eres remerciements vont a` nos coll`egues, qui ont accept´e de porter un regard critique et constructif sur ce texte, a` diff´erents stades de son ´evolution. Nous voudrions ainsi remercier Anne-C´ecile Goderniaux, H´el`ene Gu´erin, Alkis Tsimaratos et Jean-Fran¸cois Walhin. Nous souhaitons ´egalement exprimer notre gratitude envers le professeur Christian Gouri´eroux pour ses nombreux commentaires et suggestions, qui ont permis de corriger et d’am´eliorer sensiblement le texte, mais aussi pour avoir accept´e de nous publier dans cette prestigieuse collection. Les nombreux ´etudiants a` qui les auteurs ont eu le grand plaisir d’inculquer les sciences actuarielles, ont largement contribu´e a` am´eliorer la pr´esentation de l’expos´e. Nous tenons ici a` nous excu-
1 ser de nous ˆetre servis d’eux comme autant de cobayes involontaires. Notre gratitude leur est acquise. Merci ´egalement aux demandes insistantes d’un certain nombre de professionnels de l’assurance souhaitant que leur soient expos´ees de fa¸con claire des m´ethodes r´ecentes afin de traiter des risques de plus en plus complexes. Sans eux, cet ouvrage n’aurait probablement jamais vu le jour. Qu’ils en soient remerci´es. Enfin, last but not least, nous tenons a` remercier nos employeurs respectifs, pour le cadre de travail agr´eable et les moyens qu’ils mettent a` notre disposition, afin de d´evelopper un travail scientifique de qualit´e.
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Chapitre 1
Le risque et sa couverture contractuelle 1.1 1.1.1
Le risque Vous avez dit risque?
L’immense majorit´e des activit´es humaines comporte des risques, ce qui fait d’ailleurs tout le piment de l’existence. Si vous avez pr´evu un barbecue en famille un dimanche d’´et´e, vous risquez d’essuyer une averse. Si vous avez r´eserv´e un billet d’avion pour partir en vacances sur une ˆıle paradisiaque, votre vol risque d’ˆetre annul´e. Si vous invitez une jolie femme (ou un bel homme, c’est selon) a` dˆıner, vous risquez de voir votre invitation d´eclin´ee poliment. Si les trois exemples ci-dessus n’occasionneront au plus qu’un dimanche gˆach´e, une attente suppl´ementaire avant de fouler les plages de sable blanc ou une (grosse?) d´eception, beaucoup de risques auxquels nous sommes confront´es au quotidien peuvent avoir des cons´equences dramatiques (la mort d’un proche, un accident de la circulation, un incendie, ...). En plus du chagrin et de la souffrance occasionn´es a` la victime et a` sa famille, ces ´ev´enements n´efastes, que nous appellerons d´esormais risques, ont souvent des cons´equences ´economiques susceptibles d’ˆetre ´evalu´ees objectivement (en recourant aux services d’un sp´ecialiste, par exemple). Ainsi, a` supposer que votre maison parte en fum´ee, un expert peut d´eterminer combien il en coˆ utera pour la reconstruire, et partant le pr´ejudice que vous avez subi. Le risque naˆıt donc de l’al´ea: il y a risque d`es lors que l’individu n’est pas en mesure de pr´evoir avec certitude l’´etat futur de son patrimoine. En pratique, on se sert souvent du terme “risque” pour d´esigner a` la fois la cause du risque, l’objet du risque ou encore les 3
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
cons´equences du sinistre. Ainsi, le risque d’incendie est la raison de l’assurance et un risque incendie repr´esente a` la fois le bˆatiment qui pourrait ˆetre la proie des flammes et la d´epense a` laquelle s’expose la compagnie qui accorderait sa garantie au propri´etaire. Parfois, le terme p´eril est utilis´e pour d´esigner la cause du risque; on parle ainsi du p´eril incendie. Techniquement, on confond donc souvent risque et prestation de l’assureur. S’agissant de cons´equences ´economiques exprimables en termes mon´etaires, celles-ci peuvent ˆetre prises en charge par un organisme tiers, mutuelle ou soci´et´e commerciale. Au fil des si`ecles se sont ainsi d´evelopp´es des m´ecanismes de transfert des cons´equences ´economiques des risques qui p`esent sur les individus. Un secteur d’activit´es a vu le jour: l’assurance.
1.1.2
La raison de l’assurance: la risquophobie
Tous les agents ´economiques (les particuliers comme les entreprises) sont soumis a` des al´eas (incendie, accident, d´ec`es, maladie, faillite, chˆomage, . . . ), dont les cons´equences financi`eres pourraient menacer leur patrimoine. Dans certains cas, leurs fortunes personnelles (ou fonds propres) ne suffiraient mˆeme pas a` y faire face. Certains agents ´economiques ont conscience de ces risques et cherchent a` s’en pr´eserver en les transf´erant, en tout ou en partie, a` d’autres agents. Cette crainte spontan´ee de l’al´ea est appel´ee aversion au risque, ou risquophobie. Elle est la raison mˆeme de l’assurance. Grosso modo, toute d´ecision d’un agent risquophobe fera intervenir deux consid´erations: le rendement et le risque. A rendement comparable, c’est toujours la solution la moins risqu´ee qui aura sa pr´ef´erence. Il n’acceptera de courir un risque ´elev´e que si, en compensation, ce choix lui procure un b´en´efice suffisant. Bien entendu, le comportement d’aversion au risque d´epend de nombreux crit`eres: un agent risquophobe peut tr`es bien acheter un billet de loterie dans la mesure o` u la perte financi`ere (le prix du billet) est insignifiante et o` u le plaisir procur´e par la participation au tirage le compense largement. Il est a` noter que certains agents pourraient avoir un comportement plus insouciant, consid´erant que les ´ev´enements dommageables sont si peu probables (tels qu’ils les per¸coivent tout au moins 1 ) 1. Il est int´eressant de distinguer la vision du risque par l’assur´e, souvent subjective et pollu´ee par son degr´e d’aversion au danger, et la vision plus objective du risque que peut avoir l’assureur. Nous ne ferons pas cette distinction dans le suite de cet ouvrage, et supposerons que les deux parties ont une connaissance
1.1. Le risque
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qu’il n’est pas n´ecessaire de s’en prot´eger. Des tiers concern´es par leur situation financi`ere, comme un organisme prˆeteur par exemple, pourraient n´eanmoins exiger d’eux des garanties de solvabilit´e, les obligeant a` transf´erer tout ou partie des risques auxquels ils sont soumis. L’Etat peut ´egalement estimer que les troubles sociaux qui r´esulteraient de l’insolvabilit´e de certains citoyens seraient a` ce point dommageables pour la collectivit´e qu’il convient d’instaurer une obligation de garantie. L’exemple le plus connu est certainement l’obligation impos´ee aux automobilistes d’ˆetre assur´es en responsabilit´e civile. Ainsi, les dommages qu’ils pourraient occasionner aux autres usagers de la route sont pris en charge par un organisme solvable.
1.1.3
M´ ethodes de gestion du risque
La risquophobie, combinant recherche de s´ecurit´e et crainte de l’al´ea, semble ˆetre une caract´eristique largement partag´ee par les ˆetres humains. Il existe d`es lors de nombreux syst`emes de gestion du risque, qui ont vari´e selon les ´epoques et les r´egions. On distingue principalement les m´ecanismes suivants de gestion des risques: Pr´ ecaution et auto-assurance C’est bien ´evidemment la mani`ere la plus ´evidente de r´eduire le risque: il “suffit” d’ˆetre prudent. Tr`es succinctement, les agents adopteront des attitudes visant a` diminuer les risques qu’ils courent. Cela explique par exemple la diminution de la consommation des m´enages et l’augmentation corollaire du volume de l’´epargne en p´eriode de r´ecession ´economique. Parmi les techniques applicables a` la gestion individuelle, il y en a une qui est caract´eristique de la risquophobie: la diversification. Un agent risquophobe pr´ef´erera toujours porter plusieurs petits risques ind´ependants qu’un risque unique tr`es important. Il s’agit de la transcription technique du dicton populaire selon lequel “il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le mˆeme panier”. Mutualisation des risques Beaucoup de p´erils (accidents, vols, maladies, etc.) menacent un grand nombre d’individus, mais ne touchent finalement qu’un petit exacte du risque transf´er´e.
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
nombre d’entre eux. On dit dans ce cas que les risques sont suffisamment dispers´es. De plus, il y a souvent une certaine ind´ependance entre ces risques: le fait que mon voisin cause un accident de la route ne modifie en g´en´eral pas le risque que j’en cause un de mon cˆot´e. Ceci diff´erencie donc sensiblement les risques en question des catastrophes naturelles, qui affectent simultan´ement un grand nombre d’individus. Ces deux propri´et´es (dispersion et ind´ependance) sont a` la base d’une technique fondamentale de gestion des risques: la mutualisation. Celle-ci consiste a` regrouper un grand nombre de risques ind´ependants au sein d’une structure commune. Nous verrons en d´etail dans les chapitres suivants que, pour reprendre l’expression de Maurice Allais, Prix Nobel d’Economie, le risque est “globalement ´eliminable” dans ces conditions: il est important au niveau individuel, mais se dissout au niveau collectif. La mutualisation op`ere souvent comme un substitut a` l’autoassurance: plus l’individu est couvert de fa¸con externe, moins il lui sera n´ecessaire de privil´egier la prudence dans ses choix. La gestion collective du risque r´eduit donc les contraintes au niveau individuel et permet aux agents de profiter d’opportunit´es int´eressantes sans ˆetre paralys´es par des imp´eratifs de risque minimal. L’absence de couverture pour certains risques freinerait l’innovation. Le danger que comporte une garantie trop pouss´ee est que la couverture externe n’incite plus a` la prudence, d´ecourageant la pr´evention et accroissant finalement le risque global. C’est le ph´enom`ene de l’al´ea moral, que nous ´evoquerons dans la suite. Partage des risques La mutualisation r´eduit consid´erablement les risques individuels, pour autant que ceux-ci soient de petite taille, nombreux et suffisamment ind´ependants. Tous les al´eas ne satisfont cependant pas a` ces conditions, loin s’en faut. Certains risques sont, par essence, d’importance majeure (pensez a` la couverture des risques industriels). D’autres, mˆeme s’ils se traduisent par des dommages individuels mod´er´es, affectent un grand nombre d’individus, rendant illusoire toute id´ee de compensation des al´eas individuels par la gestion collective (pensez aux catastrophes naturelles, telles qu’inondation, tremblement de terre, tornade, etc.). Face a` de tels risques, c’est dans la division (et non plus dans l’agr´egation) que se trouve la solution. L’id´ee est de r´epartir la charge des sinistres entre un grand nombre d’agents, de fa¸con a` ce
1.1. Le risque
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que chacun ne supporte qu’une faible part du risque initial. La couverture des gros risques (catastrophes diverses, lancement de satellites, complexes industriels, etc.) s’effectue par des “pools” rassemblant plusieurs assureurs, eux-mˆemes couverts par des r´eassureurs. Une forme extrˆeme de r´epartition consiste a` r´epartir les risques sur quelques dizaines de millions d’agents, les contribuables. Les Etats peuvent ainsi couvrir des risques importants. Une autre forme r´ecente de partage de risques consiste a` les titriser et a` les c´eder sur les march´es financiers. L’assurance des catastrophes naturelles peut par exemple emprunter ce type de v´ehicule (cat-bonds). Transfert de risques entre agents Il est souvent possible de transf´erer le risque entre agents, de fa¸con mutuellement avantageuse. Outre le transfert organis´e dans le contrat d’assurance pass´e entre un individu et une compagnie, de nombreux autres contrats comportent ´egalement une dimension de transfert de risque. Le contrat de travail par exemple pr´ecise sous quelles conditions l’al´ea que subit l’employeur (chute des commandes, par exemple) peut ˆetre r´epercut´e sur les employ´es (baisse de salaire, chˆomage ´economique, etc.). Les instruments financiers fournissent ´egalement d’excellents exemples de tels transferts, comme nous le verrons plus loin. Remarque 1.1.1. Avant de poursuivre, il est bon de noter que les principes d´etaill´es ci-dessus ne sont nullement exclusifs mais bien compl´ementaires. Ainsi, une soci´et´e d’assurance recourt a ` la fois a ` - l’auto-assurance par la diversification de son portefeuille et la constitution de provisions techniques importantes - la mutualisation en couvrant un grand nombre de risques individuels - le partage en transf´erant une partie de ses risques aux r´eassureurs. Ceci lui permet d’avoir une risquophobie faible et donc d’accepter les risques que les individus d´esirent lui transf´erer.
1.1.4
V´ ehicules de gestion des risques
Les diff´erents principes de gestion des risques ´evoqu´es ci-dessus ont ´et´e mis en oeuvre au travers de tr`es nombreuses institutions plus ou moins sp´ecifiques, au nombre desquelles on retrouve
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
La famille Les formes les plus anciennes de partage de risque ont eu pour cadre la famille, nucl´eaire ou ´elargie. A l’heure actuelle, la famille permet encore une gestion du risque efficace dans bien des cas. Ce n’est que r´ecemment que la couverture de certains risques (chˆomage, maladie, vieillesse, etc.) a ´et´e organis´ee par les Etats des pays industrialis´es. A l’heure actuelle, ces risques sont d’ailleurs encore du ressort quasi-exclusif de la cellule familiale dans la plupart des pays en d´eveloppement. Les march´ es financiers Les march´es financiers constituent un m´ecanisme simple, mais robuste et souvent tr`es efficace, de partage de risque. Il s’agit avant tout d’un lieu de rencontre entre agents subissant des risques diff´erents, avec des aversions diff´erentes vis-`a-vis de ces risques. Leur objet est de permettre le transfert de risque mutuellement avantageux. Pour s’en convaincre, prenons un exemple simple: un entrepreneur europ´een conclut un important contrat avec un homologue am´ericain. Le paiement s’effectuera a` la livraison, dans 6 mois, disons, pour un montant sp´ecifi´e lors de la commande, en dollars US. Si la monnaie am´ericaine d´evalue entretemps, l’entrepreneur europ´een aura perdu une bonne partie de son b´en´efice. Pour couvrir ce risque, il peut, sur le march´e a` terme du dollar, conclure un contrat de vente, par lequel il s’engage a` ´echanger a` cette date ses dollars contre une somme fixe en euros. Il annihile ainsi tout le risque, puisqu’il connaˆıt d`es a` pr´esent le b´en´efice qu’il r´ealisera. On peut bien entendu s’interroger quant a` la faisabilit´e de l’op´eration: la contrepartie pourrait tout simplement ˆetre un exportateur am´ericain devant ˆetre pay´e en euros, ou tout autre agent ´economique assumant un risque de hausse du dollar. Les compagnies d’assurance Classiquement, le risque pour le grand public reste du ressort des compagnies d’assurances. Ces compagnies peuvent prendre la forme de soci´et´es commerciales ou de mutuelles. Ces deux formes partagent bon nombre de caract´eristiques mais se distinguent par les traits fondamentaux suivants: - les cotisations (appellation des primes pour les soci´et´es mutuelles) sont variables pour les mutuelles, qui pourront proc´eder a` un rappel en cas de sinistralit´e particuli`erement d´efavorable
1.1. Le risque
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ou, au contraire, reverser une part des sommes per¸cues en cas de sinistralit´e avantageuse. La soci´et´e commerciale travaille quant a` elle avec des primes fixes. - la mutuelle est la propri´et´e commune de ses assur´es, appel´es mutualistes, et n’a donc pas d’actionnariat a` r´emun´erer (au contraire de la soci´et´e commerciale). Ceci peut expliquer pourquoi les mutuelles sont souvent mues par des consid´erations plus sociales. Les m´ecanismes de gestion des risques par les compagnies d’assurance sont largement d´ecrits dans la suite de cet ouvrage. L’Etat Au sein de l’Union europ´eenne, l’assureur le plus important reste l’Etat, soit directement soit via des organismes sp´ecialis´es (relevant par exemple de la s´ecurit´e sociale). C’est l’Etat qui couvre les risques les plus fondamentaux, comme la maladie, la vieillesse et le chˆomage, le secteur priv´e ne jouant qu’un rˆole de compl´ement. Dans une large part, la logique pr´evalant a` la gestion de ces r´egimes publics est la solidarit´e et la redistribution des revenus.
La suite de cet ouvrage est consacr´ee aux m´ecanismes de gestion des risques par mutualisation par des soci´et´es d’assurance.
1.1.5
Risques pris en charge par les assureurs
Responsabilit´ e Sur une bonne partie du globe pr´evaut le syst`eme de la responsabilit´e. Tr`es succinctement, si un individu commet une faute et qu’un tiers subit de ce fait un dommage, il voit sa responsabilit´e engag´ee et doit alors r´eparer le pr´ejudice encouru par le tiers l´es´e. Le r´egime de la responsabilit´e requiert donc que trois conditions soient simultan´ement remplies: une faute, un pr´ejudice et un lien causal entre la faute et le pr´ejudice. Ce syst`eme paraˆıt socialement d´esirable: il entend en effet garantir que chacun se comporte prudemment, ´evitant de causer un pr´ejudice a` son prochain, de peur de voir sa responsabilit´e engag´ee. Dans les assurances de responsabilit´e, l’assureur s’engage a` indemniser a` la place de l’assur´e le tiers l´es´e par sa faute. Il prot`ege ainsi le patrimoine de l’assur´e contre une action en responsabilit´e
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
intent´ee contre lui par ce tiers. En plus de l’indemnisation proprement dite, l’assureur assiste son assur´e, en organisant sa d´efense devant les cours et tribunaux, par exemple. Dans une soci´et´e o` u pr´evaut le syst`eme de responsabilit´e, l’assurance est ainsi devenue la compagne invisible de chacun au quotidien, discr`ete mais omnipr´esente. L’avion d´ecolle, donc il est assur´e. Le malade est op´er´e, donc le chirurgien et l’hˆopital sont assur´es. L’automobiliste prend la route, donc lui et les autres conducteurs sont assur´es. Biens mat´ eriels En plus de sa responsabilit´e, l’assur´e peut ´egalement couvrir ses biens contre des p´erils les mena¸cant. Il peut ainsi assurer son v´ehicule contre le vol, son domicile contre l’incendie, ses bagages contre leur perte, etc. On parle souvent dans ce cas d’assurances dommages, car elles servent a` indemniser le pr´ejudice r´esultant d’une atteinte aux biens de l’assur´e, et donc de r´eparer le dommage qui en r´esulte. L’assurance dommages a profond´ement transform´e notre relation au malheur et a` l’adversit´e. Dans le pass´e, la destruction de la maison familiale par les flammes ´etait synonyme de catastrophe pour le paysan et sa famille. De nos jours, le pater familias est certes ennuy´e, voire pein´e de constater la destruction de l’immeuble qui a abrit´e sa famille durant de longues ann´ees, mais il est lib´er´e de toute crainte ´economique, sachant que l’assureur parera aux cons´equences mat´erielles de la trag´edie. L’assurance permet ainsi a` l’homme moderne de se concentrer sur les aspects humains des risques qu’il court, en transf´erant aux assureurs le soin d’en r´eparer les cons´equences ´economiques. Personnes Enfin, l’assur´e peut couvrir un capital humain: sa sant´e et celle de ses proches. Dans ce cas, l’assureur s’engage a` intervenir financi`erement dans les frais d’hospitalisation, les honoraires des m´edecins, les d´epenses de m´edicament, etc. L’assureur peut ´egalement s’engager a` garantir un revenu de remplacement a` l’assur´e au cas ou celui-ci se voit priv´e de travail. Il peut couvrir les d´epenses relatives a` l’aide d’une tierce personne si l’assur´e n’est plus en mesure d’effectuer lui-mˆeme les actes de la vie quotidienne (assurance d´ependance). Il s’agit des assurances de personnes que nous n’aborderons pas dans le cadre de cet ouvrage, pas plus que nous n’aborderons les assurances sur la
1.1. Le risque
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vie. Afin de se faire une id´ee de l’importance relative des diff´erentes branches, le Tableau 1.1 reprend les prestations vers´ees et dotations aux provisions pour sinistres en assurance de bien et responsabilit´e. Automobile Dommage aux biens Particulier Professionels Transports Responsabilit´e Civile G´en´erale Construction Catastrophes Naturelles Divers Total
2002 13,8
proportion 48,8%
3,7 3,8 1,0 2,1 1,5 0,8 1,6 28,3
13,1% 13,4% 3,5% 7,4% 5,3% 2,8% 5,7% 100,0%
Tab. 1.1 – Prestations vers´ees et dotations aux provisions pour sinistres en assurance de bien et responsabilit´e (source: L’assurance Fran¸caise en 2002), en milliards d’euros.
Risques inassurables La couverture de certains risques est exclue. Il en va ainsi du risque de se voir appliquer une sanction p´enale p´ecuniaire qui ne peut pas ˆetre couvert par une assurance, sans quoi la peine se trouverait priv´ee de l’effet dissuasif qu’on attend d’elle. Il en est de mˆeme pour l’assurance sur la vie d’enfants en bas aˆge, une prestation en cas de d´ec`es de jeunes enfants pouvant donner lieu a` des sp´eculations de parents indignes ou de personnes sans scrupules qui, par d´efaut de soins, provoqueraient le d´ec`es de l’enfant en vue de percevoir le capital assur´e.
1.1.6
Gestion des risques par l’assureur
Transfert des risques L’op´eration d’assurance a pour effet le transfert de tout ou partie des cons´equences financi`eres du risque pesant sur l’assur´e vers une soci´et´e d’assurance, dans des conditions et circonstances pr´ecis´ees dans un contrat. Les d´epenses prises en charge par la soci´et´e peuvent correspondre soit a` des indemnit´es a` verser a` des tiers, au titre de
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
la responsabilit´e (civile, professionnelle, ou autre) de l’assur´e, soit a` la r´eparation des dommages subis par ce dernier. On pr´esente bien souvent l’assurance comme une op´eration permettant de substituer un montant d´eterministe (la prime d’assurance) a` une perte financi`ere al´eatoire (le pr´ejudice que subira l’assur´e, ou un tiers l´es´e par lui). En r´ealit´e, la situation est bien plus complexe. En effet, pour des raisons que nous d´etaillerons dans la suite, l’assureur n’accorde le plus souvent qu’une garantie partielle: il limite son intervention par des clauses de franchise, de plafond d’indemnisation, de d´ecouvert obligatoire, etc. L’assurance permet donc a` l’assur´e de r´eduire fortement l’impact du risque sur son patrimoine, mais pas de l’´eliminer totalement. En pratique, l’op´eration d’assurance consiste a` substituer a` un risque initial un autre, plus avantageux pour l’assur´e, moyennant le paiement d’une prime. L’assur´e supporte ´egalement le risque de d´efaut de l’assureur: si la soci´et´e qui a accord´e sa garantie a` l’assur´e fait faillite, elle ne sera plus en mesure d’indemniser les pr´ejudices subis. Afin de limiter au maximum le risque de d´efaut, les Etats ont institu´e un contrˆole des entreprises d’assurance. On ne s’improvise donc pas assureur! Ne peuvent exercer cette activit´e que des entreprises sp´ecialis´ees pr´esentant des garanties suffisantes et ayant obtenu l’agr´ement de la part des autorit´es. Ceci distingue clairement l’op´eration d’assurance d’un pari entre deux individus ou d’une sp´eculation financi`ere occasionnelle. Compensation des risques Il est l´egitime de s’interroger sur la faisabilit´e de l’op´eration d’assurance: comment l’assureur est-il en mesure de g´erer les risques qu’il souscrit? La compensation des risques, a` la base des techniques actuarielles classiques, consiste a` indemniser les sinistres au moyen de l’ensemble des primes encaiss´ees relativement a` un mˆeme risque. Ceci peut ais´ement se comprendre intuitivement. Si la compagnie n’´emettait qu’un seul contrat (couvrant l’incendie par exemple), elle r´ealiserait un b´en´efice modeste avec une probabilit´e ´elev´ee (si l’incendie ne ravage pas le bien assur´e), mais s’exposerait a` une perte consid´erable si un sinistre survenait. Dans ce cas de figure, la situation de la compagnie est identique a` celle de l’assur´e. Par contre, si la compagnie souscrit de nombreux contrats couvrant des immeubles semblables contre l’incendie, et si un sinistre affectant l’un des contrats n’a aucune influence sur les autres risques en portefeuille, on sent bien intuitivement que la compagnie devrait pouvoir
1.1. Le risque
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compenser les risques, c’est-`a-dire d´edommager les sinistres touchant un petit nombre de polices a` l’aide des primes relatives a` l’ensemble des contrats. L’assureur proc`ede donc par compensation: en groupant un grand nombre de risques semblables ne s’influen¸cant pas mutuellement au sein de son portefeuille, il sera en mesure d’utiliser les primes relatives aux contrats pour d´edommager les sinistres frappant les assur´es malchanceux. Ce principe de gestion des risques par leur mise en commun est parfaitement r´esum´e dans la devise de Lloyd’s: “The contributions of the many to the misfortunes of the few” 2 . Les cataclysmes naturels, tels les tremblements de terre, sont des risques qui ne sont pas suffisamment dispers´es et qui ´echappent au principe de la compensation. Traditionnellement, les risques catastrophiques ´etaient exclus de l’assurance, mais actuellement, l’assurabilit´e de tels risques est de plus en plus admise. La coassurance et la r´eassurance permettent notamment de couvrir les risques catastrophiques, en assurant une dispersion des risques a` plus grande ´echelle. La titrisation des risques (qui permet aux compagnies d’assurances de faire appel au march´e financier pour la couverture des risques qu’elles ont souscrits) et, plus g´en´eralement, les techniques dites d’Alternative Risk Transfer devraient a` cet ´egard permettre d’importants progr`es, en faisant reculer les fronti`eres de l’assurabilit´e. Le calcul des probabilit´ es S’agissant d’´ev´enements incertains, l’assurance est la fille du calcul des probabilit´es et n’a pu vraiment se d´evelopper que lorsque les outils math´ematiques furent disponibles. La notion de probabilit´e sourd d`es l’Antiquit´e. Mais il fallut attendre que le Chevalier de M´er´e soumette a` Blaise Pascal le probl`eme de la r´epartition des mises entre deux joueurs en cours de partie pour que l’on assiste a` l’´emergence de la th´eorie de la d´ecision en univers incertain. Pour que naisse l’assurance telle que nous l’entendons aujourd’hui, il aura fallu que se d´eveloppent les bases scientifiques de la gestion des risques par les compagnies d’assurance, qui devinrent la science 2. Pour ceux des lecteurs qui ne seraient pas familiers avec cet acteur mythique du secteur de l’assurance, l’histoire commence en 1687, dans la taverne tenue par Edward Lloyd a ` Tower Street, Londres. Cet ´etablissement, fr´equent´e par des armateurs, des gens de mer et des n´egociants, devint peu a ` peu une sorte de bourse aux assurances qui finit par devenir le centre mondial de l’assurance des navires et des cargaisons. Une charte royale de 1720 consacra le succ`es de l’entreprise en reconnaissant le Lloyd’s comme une corporation d’assurance.
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
actuarielle. Les bases de cette derni`ere sont contenues dans le premier trait´e d’actuariat, oeuvre de Richard Price, au milieu du 18`eme si`ecle.
1.1.7
Risques assurantiels et risques financiers
Point commun: le risque Le contrat d’assurance n’est pas le seul a` offrir des compensations conditionnelles a` certains ´ev´enements. De nombreux instruments financiers comportent ´egalement une dimension de transfert de risque. En ´emettant des actions pour financer ses investissements, le propri´etaire d’une entreprise transf`ere effectivement une part de ses risques au prorata de la mise de fonds des nouveaux actionnaires. Le d´etenteur d’une action peut a` son tour se pr´emunir contre une baisse du cours de celle-ci en acqu´erant une option de vente (titre lui conf´erant le droit de vendre l’action a` un prix d´etermin´e et a` un instant fix´e).
La diff´ erence: la mani` ere de g´ erer le risque Il y a cependant une diff´erence essentielle entre risques assurantiels et financiers. Afin de s’en convaincre, prenons l’exemple de l’option de vente, qui conf`ere a` son d´etenteur le droit de vendre le titre a` un prix d´etermin´e (quel qu’en soit le cours effectif sur le march´e). L’´emetteur de l’option de vente ne pourra pas r´eduire son risque en vendant plus de titres. Au contraire, si le cours de l’action chute, l’´emetteur s’expose a` d’autant plus de pertes qu’il a vendu d’options. En d’autres termes, tous les “sinistres” ont lieu simultan´ement pour l’´emetteur de l’option, puisque toutes les actions d’une soci´et´e ´evoluent de la mˆeme mani`ere. Alors que la compagnie d’assurances g`ere ses risques par compensation apr`es agr´egation au sein de grands portefeuilles, le financier travaille par r´eplication (pour autant que le march´e le permette). Le principe de r´eplication consiste a` constituer un portefeuille d’actifs dont la valeur sera a` tout instant identique a` celle de l’instrument financier consid´er´e. Cette strat´egie est difficilement imaginable pour l’assureur: aucun portefeuille financier classique ne pourrait r´epliquer le coˆ ut d’un sinistre automobile, par exemple.
1.1. Le risque
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Tendance a ` l’int´ egration On observe actuellement une tendance a` l’unification des approches des financiers et des actuaires. Il s’agit sans doute l`a de la r´evolution de l’actuariat du troisi`eme mill´enaire. Ceci s’explique essentiellement par deux tendances lourdes observ´ees dans les pays industrialis´es: 1. tout d’abord l’int´egration des compagnies d’assurance et des banques dans des holdings fournissant des services financiers, et l’´emergence de produits d’assurance dont le volet ´epargne est tr`es important, parfois li´es a` des fonds d’investissement. 2. ensuite les risques de dommages ont chang´e de nature. On est ainsi pass´e du monde des accidents a` celui des catastrophes (naturelles, technologiques, environnementales, terroristes, . . . ) qui se prˆetent moins bien au principe de compensation et ´epuisent les capacit´es des r´eassureurs, obligeant par l`a les assureurs a` se tourner vers les march´es financiers.
Titrisation des risques assurantiels Les catastrophes sont des risques dont la probabilit´e de survenance est tr`es faible mais dont les cons´equences financi`eres sont tr`es importantes. Les tremblements de terre qui secouent la Californie en sont une illustration parfaite. Une nouvelle forme de transfert de risque est apparue pour permettre la couverture de tels ´ev´enements, n’empruntant plus le v´ehicule traditionnel de la soci´et´e d’assurance: il s’agit de la technique de la titrisation du risque sur les march´es financiers. Ainsi, des obligations index´ees sur la survenance d’une catastrophe naturelle ont ´et´e ´emises sur le march´e am´ericain (catbonds). Ces obligations sont caract´eris´ees par le fait que leurs coupons et/ou leur principal peuvent disparaˆıtre si une catastrophe naturelle d’une certaine ampleur survient. Un rendement ´elev´e est pr´evu afin d’indemniser le prˆeteur de l’´eventuelle perte des flux li´es a` son prˆet. Le prˆeteur joue donc le rˆole d’une soci´et´e d’assurance: il assure l’emprunteur contre le dommage caus´e par la survenance d’une catastrophe naturelle. L’int´erˆet des march´es financiers pour ce type d’instruments se justifie par leur faible corr´elation, voire leur d´ependance n´egative avec les rendements procur´es par les autres titres disponibles (actions, obligations, etc.).
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1.2 1.2.1
Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
Alea iacta est... Insolvabilit´ e de l’assureur
Supposons a` pr´esent que l’assureur a franchi le Rubicon: il a souscrit une s´erie de contrats d’assurance. Il s’agit a` pr´esent de les g´erer au mieux. Les engagements de l’assureur vis-`a-vis de ses clients sont incertains et conditionnels car ils d´ependent de la survenance al´eatoire des sinistres. D`es lors, la soci´et´e d’assurance, en accumulant les risques qu’elle a souscrits, court elle-mˆeme un danger d’insolvabilit´e. Afin d’´eviter tout risque de faillite dont les cons´equences sociales seraient fˆacheuses (pour le tiers victime d’un accident comme pour l’assur´e lui-mˆeme), la plupart des Etats ont mis en place des organismes contrˆolant l’activit´e des soci´et´es d’assurance op´erant sur leur territoire. L’exercice de l’activit´e d’assurance est ainsi subordonn´e a` l’obtention pr´ealable d’une autorisation administrative d´elivr´ee par les pouvoirs publics (appel´ee agr´ement). Un organisme institu´e par l’Etat v´erifie que les entreprises d’assurance restent en mesure d’honorer les engagements qu’elles ont pris envers les assur´es. Ces v´erifications portent notamment sur l’appr´eciation du caract`ere suffisant des provisions techniques (´evaluation comptable des engagements envers les assur´es), de la qualit´e des actifs (placements) qui les repr´esentent et enfin de l’existence d’une marge de solvabilit´e permettant de faire face a` d’´eventuelles pertes futures. L’agr´ement peut ˆetre retir´e d`es lors que l’´evolution probable de la situation financi`ere future de l’entreprise ferait craindre un mauvais d´eroulement des garanties d´elivr´ees.
1.2.2
Cadences de r´ eglement
Si beaucoup de sinistres b´enins peuvent ˆetre r´egl´es en quelques mois, les sinistres plus graves n´ecessitent souvent des d´elais de r`eglement beaucoup plus longs. Songeons par exemple a` un accident de la route ayant entraˆın´e des l´esions corporelles: il faudra attendre que l’´etat de la victime se soit stabilis´e avant de pouvoir ´evaluer le pr´ejudice qu’elle a subi. Les assurances de responsabilit´e sont r´eput´ees a` cadence de r`eglement longue, les assurances de choses donnant souvent lieu a` des r`eglements plus rapides. En assurance automobile, les sinistres sont pay´es en moyenne deux a` trois ans apr`es leur surve-
1.2. Alea iacta est...
17
nance 3 . Pour avoir une id´ee de la longueur des d´elais, on peut citer l’exemple de l’indemnisation des victimes de la pollution provoqu´ee par le naufrage de l’Amoco Cadiz survenu en 1978, pour lequel le jugement final est intervenu en 1992! Les cadences de r`eglement parfois tr`es longues dans certaines branches d’assurance de responsabilit´e obligent bien souvent a` distinguer l’exercice de survenance d’un sinistre, ann´ee o` u le sinistre a eu lieu, de l’exercice de d´eclaration du sinistre, ann´ee o` u l’assur´e a signal´e l’existence du sinistre a` l’assureur, et de l’exercice de r`eglement du sinistre, ann´ee o` u le sinistre a ´et´e d´efinitivement r´egl´e par l’assureur. Les exercices s´eparant l’exercice de survenance et l’exercice de r`eglement sont appel´es exercices de d´eveloppement.
1.2.3
N´ ecessit´ e du provisionnement
Les soci´et´es d’assurance ´evoluent dans un cadre concurrentiel. Par cons´equent, les portefeuilles des compagnies sont ouverts: certains assur´es quittent la compagnie en r´esiliant leur police tandis que de nouvelles affaires font leur entr´ee. Du fait des r´esiliations, l’assureur ne peut donc pas compter sur des primes futures pour honorer ses engagements actuels. Il fonctionne donc en capitalisation: les primes encaiss´ees au cours d’un exercice donn´e doivent permettre de payer les sinistres survenus au cours du mˆeme exercice. Le r´egime pr´evalant a` l’heure actuelle est en effet celui de l’exercice de survenance: c’est a` l’assureur qui couvrait le risque au moment de la survenance du sinistre qu’il incombe d’en supporter le coˆ ut, mˆeme si l’assur´e a entretemps chang´e de compagnie. Comme l’exercice de paiement des sinistres peut diff´erer de quelques ann´ees de celui de l’encaissement des primes, cela oblige les compagnies a` constituer des r´eserves ou provisions techniques a` l’aide des primes relatives a` un exercice, afin de r´egler les sinistres survenus au cours de cet exercice une fois que leurs montants seront connus. A tout instant, l’assureur doit disposer de provisions suffisantes pour lui permettre, a` supposer que la souscription s’arrˆete a` cet instant, d’indemniser int´egralement les sinistres ayant affect´e ou devant affecter les contrats souscrits jusqu’alors, frais de gestion inclus. Nous reviendrons dans le Tome II sur les mod`eles actuariels permettant d’´evaluer le montant a` r´eserver chaque ann´ee. 3. Pour avoir une id´ee assez pr´ecise de la cadence de r`eglement moyenne des sinistres d’une branche, il suffit de faire le rapport entre le montant total des provisions constitu´ees par les compagnies op´erant sur un march´e et l’encaissement annuel total de ces assureurs.
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
Le fonctionnement en capitalisation pure est l’une des diff´erences existant entre les assureurs priv´es et les organismes relevant de la S´ecurit´e Sociale. Ces derniers peuvent en effet fonctionner en r´epartition, c’est-`a-dire utiliser les primes encaiss´ees dans l’ann´ee, voire dans le mois, pour r´egler les sinistres devant ˆetre ˆetre pay´es durant la mˆeme p´eriode, mˆeme si ces sinistres se rapportent a` des p´eriodes de garantie ant´erieures. La p´erennit´e de ces syst`emes est garantie par l’affiliation obligatoire de la population.
1.2.4
Inversion du cycle de production
Principe La charge financi`ere occasionn´ee par une police du portefeuille est inconnue au d´ebut de la p´eriode d’assurance, alors que la prime a d´ej`a ´et´e r´eclam´ee. La prime elle-mˆeme est d´etermin´ee sur base de statistiques historiques et rien ne garantit qu’elle soit appropri´ee aux affaires auxquelles elle est appliqu´ee. Il subsiste donc une r´eelle incertitude quant a` l’ad´equation de la prime au risque que la police repr´esente. Cette simple constatation am`ene quelques commentaires. Dans l’industrie, lorsqu’un nouveau produit est mis sur le march´e, on connaˆıt avec pr´ecision le montant consacr´e a` sa mise au point et, partant, son prix de revient. Par contre, le chiffre d’affaire de l’entreprise est a priori inconnu, car il d´epend de la capacit´e de celle-ci a` vendre ses produits. Au contraire, lorsque l’assureur fixe la prime, il ne connaˆıt pas le montant des sinistres ni les frais de gestion occasionn´es par ceux-ci. Sa situation est donc toute diff´erente des autres industries, puisque l’assureur connaˆıt a priori son chiffre d’affaire (le volume des primes encaiss´ees), mais pas le prix de revient des produits qu’il commercialise (i.e. ses charges futures). Il s’agit du principe de l’inversion du cycle de production. Il faut parfois de longues ann´ees avant que la compagnie ne soit en mesure d’´evaluer exactement le profit engendr´e par un produit d’assurance du fait des cadences de r`eglement tr`es lentes des sinistres dans certaines branches. Ce principe fondamental est a` la base de la plupart des techniques actuarielles. Pi` ege de l’annualit´ e Le versement a priori des primes ne doit pas faire oublier aux assureurs le “pi`ege de l’annualit´e”. Il s’agit de la tentation de faire du chiffre et le report sur les exercices ult´erieurs de la sinistralit´e (en
1.2. Alea iacta est...
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sous-´evaluant les provisions techniques a` constituer). Dans certains cas, un chiffre d’affaires important peut masquer une faillite virtuelle d`es lors que les primes ont ´et´e sous-estim´ees. L’´emission de chaque police est alors synonyme d’une perte future.
1.2.5
Le passif: reflet de l’activit´ e de l’assureur
Le passif d’une soci´ et´ e d’assurances Le passif regroupe sept rubriques majeures: 1. capitaux propres; 2. passifs subordonn´es: cette rubrique concerne des droits attach´es a` des dettes, repr´esent´es ou non par des titres qui, en cas de liquidation ou de faillite, ne doivent s’exercer qu’apr`es ceux des autres cr´eanciers; 3. provisions techniques: il s’agit de provisions aff´erentes a` l’activit´e d’assurance inscrites en brut de r´eassurance; 4. provisions pour risques et charges; 5. dettes pour d´epˆots en esp`eces re¸cus des cessionnaires; 6. autres dettes: il s’agit notamment des autres dettes financi`eres (titres de cr´eance n´egociable ´emis par l’entreprise, emprunt pour fonds d’´etablissement), et des comptes de tiers (personnel, ´etat, organismes sociaux, cr´eanciers divers); 7. comptes de r´egularisation: il s’agit des produits a` r´epartir sur plusieurs exercices (l’amortissement des diff´erences sur prix de remboursement des obligations par exemple). L’actif d’une soci´ et´ e d’assurances L’actif regroupe ´egalement sept rubriques majeures: 1. capital souscrit non appel´e; 2. actifs incorporels: frais d’´etablissement et valeur d’acquisition du fonds commercial; 3. placements: tous les placements, qu’il s’agisse des terrains et constructions, des placements dans les entreprises li´ees ou avec lien de participation, des autres placements (financiers) et des cr´eances pour esp`eces d´epos´ees chez les c´edantes; 4. part des r´eassureurs dans les provisions techniques: il s’agit de la part des provisions techniques a` charge des r´eassureurs; 5. cr´eances;
20
Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle 6. autres actifs: il s’agit des actifs corporels d’exploitation, des avoirs dans les banques et des actions propres; 7. comptes de r´egularisation: il s’agit des charges a` r´epartir sur plusieurs exercices, des int´erˆets et loyers acquis et non ´echus, les frais d’acquisition report´es.
Impact de l’inversion du cycle de production sur le bilan des compagnies d’assurance Le principe de l’inversion du cycle de production a un impact important sur le bilan d’une soci´et´e d’assurances. Le bilan montre que les primes sont encaiss´ees avant que les prestations correspondantes ne soient pay´ees. Il explique comment les engagements envers les assur´es (mat´erialis´es par les provisions techniques) sont couverts par les placements effectu´es par l’assureur. La comptabilit´e des entreprises d’assurances fonctionne sur base de droits constat´es: elle doit enregistrer d`es leur naissance les engagements donn´es, voire anticiper la d´eclaration tardive de sinistres survenus au cours de l’exercice. On enregistre le coˆ ut total d’un sinistre dans l’exercice de survenance, mˆeme si ce coˆ ut total n’est qu’estim´e et le sinistre r´egl´e sur plusieurs exercices ult´erieurs. Dans la plupart des entreprises, l’essentiel de l’activit´e se retrouve dans l’actif du bilan, dans les stocks, les bˆatiments d’usine, les brevets, ... On peut donc lire le bilan de gauche a` droite: le bilan montre comment l’actif a ´et´e financ´e par le passif. Dans une soci´et´e d’assurance, au contraire, l’activit´e conduit a` un passif repr´esentant les engagements contract´es par la compagnie envers les assur´es. L’activit´e de la soci´et´e s’illustre surtout dans son passif et le bilan se lit de droite a` gauche: il montre comment le passif a ´et´e plac´e. Provisions techniques En ´echange des primes per¸cues, l’assureur inscrit au passif de son bilan un engagement, une dette. Les provisions techniques figurant au passif du bilan repr´esentent les engagements de la compagnie porteuse du risque vis-`a-vis des assur´es ou des tiers l´es´es. On distingue notamment 1. la provision pour prime non acquise (PPNA) calcul´ee pro rata temporis, reprenant la part des primes ´emises se rapportant a` l’exercice comptable suivant. Cette provision naˆıt du fait que la plupart des contrats d’assurance non-vie pr´evoient une dur´ee de garantie d’un an, et la prime est pay´ee d’avance. Chaque
1.2. Alea iacta est...
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prime est donc r´epartie entre les exercices comptables au cours desquels elle donne droit a` couverture. Un assur´e qui s’acquitte de sa prime annuelle le 1er mars donnera lieu au report de 2/12 du montant de la prime sur l’exercice suivant, sous la forme d’une PPNA. Seule la quote-part des primes aff´erente a` l’exercice en cours apparaˆıt dans les primes acquises. 2. le provision pour risque en cours (PREC) qui a pour objet de pallier une ´eventuelle insuffisance des tarifs. Il s’agit ici de se pr´emunir contre un risque de mod`ele: si le mod`ele retenu par l’actuaire s’av`ere erronn´e, ou s’il apparaˆıt que des risques inconnus lors de la tarification, tombent sous le coup de la garantie, l’assureur s’expose a` des pertes syst´ematiques, qu’il refl`ete dans son bilan sous la forme d’une PREC. 3. la provision pour sinistres a` payer (PSAP) qui concerne les sinistres d´ej`a survenus a` la date d’inventaire mais qui ne sont pas encore r´egl´es. Deux types de PSAP doivent ˆetre distingu´ees: celles qui concernent des garanties en cours pour lesquelles les sinistres ne sont pas encor´e r´ev´el´es, et la provision correspondant a` des sinistres survenus, mais non encore pay´es. On distingue ainsi (a) les sinistres r´egl´es mais non encore pay´es: le montant du sinistre est d´etermin´e, mais le paiement correspondant n’est pas encore (totalement) effectu´e; (b) les sinistres non encore r´egl´es: i. soit le sinistre est d´eclar´e et il reste a` en ´evaluer le montant final; ii. soit il est survenu mais pas encore d´eclar´e et il faut estimer le nombre et le coˆ ut de tels sinistres (d´eclar´es tardifs ou IBNR pour l’anglais “Incurred But Not Reported”). Le cas typique d’un sinistre IBNR est l’incendie touchant un hˆotel abritant de joyeux fˆetards le soir de la Saint-Sylvestre. S’il survient avant les douze coups de minuit, ce sinistre doit ˆetre imput´e a` l’ann´ee qui s’ach`eve, mˆeme s’il ne sera d´eclar´e qu’au d´ebut de l’ann´ee suivante. La nature al´eatoire des engagements de l’assureur et les cadences de r`eglement parfois tr`es longues rendent les ´evaluations comptables difficiles: s’il est ais´e d’enregistrer un paiement effectu´e, il est beaucoup plus ardu de pr´evoir des paiements futurs dont les montants sont al´eatoires. Dans certains cas, l’´evaluation des provisions tient plus de l’art que de la science exacte. Bien ´evidemment, ces provi-
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
sions pourront ˆetre par la suite r´e´evalu´ees a` la hausse ou a` la baisse pour tenir compte d’informations compl´ementaires. Les paiements effectu´es seront imput´es aux provisions constitu´ees a` cet effet.
1.2.6
Primes ´ emises, primes acquises
On peut repr´esenter de mani`ere simplifi´ee le compte d’exploitation d’une branche d’assurance pour l’ann´ee t comme suit: Recettes Primes ´emises durant l’ann´ee t
Charges R´eserve de primes au 31/12 de l’ann´ee t
R´eserve de primes au 1/1 de l’ann´ee t
R´eserve de sinistres au 31/12 de l’ann´ee t
R´eserve pour sinistres au 1/1 de l’ann´ee t
Sinistres pay´es au cours de l’ann´ee t
Int´erˆets
Commissions et autres charges d’exploitation
Expliquons bri`evement ce tableau. Les primes encaiss´ees au cours de l’ann´ee t ne peuvent pas ˆetre enti`erement comptabilis´ees en recettes. En effet, une prime annuelle vers´ee le premier mai de l’ann´ee t servira ´egalement a` couvrir le risque assur´e durant les mois de janvier a` avril de l’ann´ee t + 1. La compagnie porte donc en r´eserve les primes encaiss´ees se rapportant a` l’exercice suivant. En g´en´eral, la r´epartition du montant des primes se fait pro rata temporis. Ceci am`ene a` d´efinir les primes acquises pour l’ann´ee t comme suit: primes acquises de l’ann´ee t = primes ´emises durant l’ann´ee t +r´eserve de prime au 1/1 de l’ann´ee t −r´eserve de prime au 31/12 de l’ann´ee t. En g´en´eral, les primes ´emises au cours d’un exercice ne co¨ıncident pas avec les primes acquises (ce ne serait le cas que si l’encaissement restait constant au cours du temps, ce qui est peu probable). Pour les sinistres survenus au cours de l’ann´ee t, mais non encore clˆotur´es fin d´ecembre, la compagnie porte en charge pour l’ann´ee t la valeur estim´ee des d´epenses futures relatives a` ces sinistres; il s’agit de la r´eserve pour sinistre a` r´egler au 31 d´ecembre de l’ann´ee t. En
1.2. Alea iacta est...
23
recette, on retrouve ´egalement la r´eserve pour sinistres a` r´egler de l’ann´ee pr´ec´edente. On a donc sinistres acquis pour l’ann´ee t = sinistres pay´es durant l’ann´ee t +r´eserve pour sinistres a` r´egler du 31/12 de l’ann´ee t −r´eserve pour sinistre a` r´egler du 1/1 de l’ann´ee t. Pour le reste, les charges d’exploitation sont les frais g´en´eraux relatifs a` la branche d’assurances consid´er´ee et les int´erˆets sont ceux produits par les r´eserves et les primes. Le solde du compte d’exploitation donnera le b´en´efice (ou la perte) d’exploitation. Afin d’avoir une id´ee de l’importance relative des diff´erents postes, les r´esultats en 2001 des compagnies d’assurance non-vie fran¸caises sont repris au Tableau 1.2. Ressources Primes, cotisations Dotations au provisions de cotisations Produits de placements allou´es Autres produits techniques Charges Charges de sinistres Charges de provisions techniques Frais d’acquisition et d’administration Autres charges techniques R´ esultat technique avant reassurance Part des r´eassureurs dans les charges Cotisations c´ed´ees aux r´eassureurs R´ esultat technique apr` es reassurance Produits de placements Autres ´el´ements non-techniques R´ esultat net comptable
47,4 -0,7 4,5 0,5 35,3 3,7 9,8 1,6 1,3 9,1 9,0 1,4 1,3 -0,7 2,0
Tab. 1.2 – R´esultats (en milliards d’euros) des compagnies d’assurance non-vie fran¸caises en 2001.
1.2.7
Les assureurs, investisseurs institutionnels
Depuis la seconde guerre mondiale, la hausse du niveau de vie, l’accroissement de la valeur des biens assur´es traditionnels (immeubles,
24
Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
automobiles, etc.) et, plus encore, l’augmentation du prix de la vie humaine (obtenu en actualisant la moyenne des revenus perdus en cas d’invalidit´e permanente ou de d´ec`es) ont largement contribu´e a` l’essor du march´e de l’assurance. Dans le mˆeme temps, les Etats ont rendu obligatoires de nombreux contrats d’assurance couvrant la responsabilit´e de certaines cat´egories de la population (automobilistes, par exemple). Ceci explique pourquoi l’assurance p`ese de plus en plus lourd dans l’´economie. Le m´ecanisme de capitalisation auquel sont soumises les compagnies d’assurance explique pourquoi celles-ci sont des investisseurs institutionnels: les montants importants mis en r´eserve en pr´evision du r`eglement futur des sinistres survenus lors de chaque exercice sont plac´es selon diff´erentes formules (prˆets octroy´es a` des particuliers ou des entreprises, obligations, actions, immobilier, ...). La gestion financi`ere est donc au coeur du m´etier de l’assureur. Il s’agit pour l’assureur de placer au mieux les sommes colossales constitu´ees par les provisions techniques, tout en respectant des imp´eratifs de prudence. Les placements de l’assureur sont en effet le gage que celui-ci sera a` mˆeme de tenir ses promesses. C’est pourquoi ils sont soumis a` des r`egles prudentielles strictes. De plus, les pouvoirs publics imposent souvent que les placements des compagnies d’assurance s’effectuent dans le sens de l’int´erˆet g´en´eral et du d´eveloppement ´economique (tout en r´epondant aux imp´eratifs de prudence).
1.2.8
Gestion actif-passif
La gestion dynamique de l’actif et du passif a ´egalement contribu´e a` rapprocher l’actuariat et la finance. Les actifs accumul´es pour faire face aux sinistres futurs sont d’un tel poids que leur gestion et leur rendement deviennent un ´el´ement essentiel dans la formation des r´esultats des compagnies d’assurance. Ainsi, il n’est pas rare qu’un d´eficit technique (i.e. des primes ne suffisant pas a` d´edommager les sinistres) soit ´epong´e par des rendements financiers suffisants. Un aspect strat´egique de la gestion des compagnies d’assurance non-vie consiste a` placer ad´equatement les provisions techniques tout en respectant les prescrits l´egaux et r´eglementaires. Ces provisions servant a` d´edommager les sinistres, il faut donc que les placements qui les repr´esentent arrivent a` ´ech´eance lorsque les indemnit´es doivent ˆetre vers´ees. Cette gestion dynamique de l’actif et du passif de la compagnie par des techniques ALM (pour l’anglais Asset and Liability Management) permet de maximiser les rendements finan-
1.3. Le contrat d’assurance
25
ciers g´en´er´es par les provisions techniques, et de diminuer d’autant les primes. Tr`es succinctement, les techniques ALM tendent a` faire correspondre les maturit´es de l’actif et du passif. La strat´egie consistant a` conserver liquide la totalit´e des primes encaiss´ees ´etant loin d’ˆetre optimale, il s’agit donc de s´electionner des placements dont les ´ech´eances permettront de faire face aux obligations futures. Notez que les sinistres les plus coˆ uteux n´ecessitant en g´en´eral des d´elais importants de r`eglement, les assureurs non-vie font ´egalement des placements a` long terme.
1.3 1.3.1
Le contrat d’assurance Les origines: le contrat d’assurance maritime
Depuis la nuit des temps, les hommes parcourent les mers du globe. La navigation ´etait p´erilleuse aux origines, ce qui explique pourquoi l’assurance est n´ee de la mer. Les premiers contrats d’assurance ont ´et´e retrouv´es dans les archives des grands ports de Catalogne et d’Italie: Barcelone, Gˆenes et Venise. Les racines de l’assurance plongent donc dans le commerce maritime, ce qui explique pourquoi cette branche d’assurance a eu une influence consid´erable sur le d´eveloppement du secteur. L’assurance maritime ne fut vraiment pratiqu´ee qu’`a partir du 14`eme si`ecle. Auparavant, d’autres formules ´etaient utilis´ees pour se prot´eger contre les dangers de la navigation. Ainsi, les Grecs et les Romains pratiquaient-ils le contrat a` la grosse aventure. Il s’agissait d’un emprunt, gag´e sur un lot de marchandises destin´ees a` ˆetre exp´edi´ees au loin. Si les marchandises n’arrivaient pas a` destination, le prˆeteur perdait tout droit au remboursement de la somme prˆet´ee. Par contre, en cas de retour a` bon port du navire, le prˆeteur ´etait rembours´e de son avance major´ee d’importants int´erˆets. Lors d’un transport par mer de marchandises, le marchand att´enuait ainsi les risques du voyage en se faisant prˆeter tout ou partie de la valeur de la cargaison. Il s’agissait donc d’une op´eration financi`ere aux termes de laquelle le prˆeteur “aventurait” son argent au-del`a des mers. L’emprunteur payait un int´erˆet ´elev´e (dit int´erˆet de grosse) compensant l’ins´ecurit´e permanente des voyages en mer (il s’agit du prix du risque), mais cet int´erˆet n’´etait vers´e, et le capital rendu, qu’en cas de bonne arriv´ee du navire. Si on analyse de plus pr`es le contrat a` la grosse aventure, on constate qu’il s’agit en r´ealit´e d’une op´eration de cr´edit, comportant pour le prˆeteur un risque sp´ecial de perte totale de la somme
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
prˆet´ee. A la diff´erence de la prime, l’int´erˆet stipul´e n’´etait pas en rapport avec les chances de r´ealisation du risque (il n’est donc pas proportionn´e au risque). N´eanmoins, il se d´egage du contrat a` la grosse aventure une formule consciente de protection et de transfert contre les risques de la navigation. L’int´erˆet souvent fort ´elev´e fix´e arbitrairement par le prˆeteur en tenant compte du b´en´efice important escompt´e par le marchand encourut les foudres du droit canon. En 1234, a` la suite de l’interdiction du pape Gr´egoire IX prohibant l’usure et tout prˆet a` gros int´erˆet subordonn´e a` des transferts par mer ou par terre, le recours au contrat a` la grosse aventure a ´et´e pratiquement supprim´e. La forme de pari qu’avait pris le contrat a` la grosse aventure a pu justifier l’ordonnance papale de 1234. En effet, il ´etait devenu possible en de nombreux endroits de recevoir de l’argent sur la seule chance qu’avait un navire d´etermin´e d’arriver a` bon port. Dans ce cas, le prˆet ´etait rembours´e, augment´e de confortables int´erˆets. Dans le cas contraire, tout ´etait perdu pour le prˆeteur. Il s’agissait en fait d’un vulgaire pari. En vue de soustraire le contrat a` la grosse aventure a` l’interdiction papale, les intellectuels de l’´epoque s’employ`erent a` l’analyser et a` le d´ecomposer. Ils propos`erent de distinguer dans le contrat a` la grosse aventure deux conventions distinctes: 1. l’une consistant en un prˆet, en vertu de laquelle le donneur remettait une somme 2. l’autre dite susceptio periculi par laquelle le donneur moyennant une somme convenue prenait sur lui les risques susceptibles d’atteindre la somme prˆet´ee. Ils eurent ainsi l’habilet´e d’ˆoter du contrat a` la grosse aventure la partie prˆet pour ne conserver que la convention relative aux p´erils de la navigation. Le contrat d’assurance maritime ´etait n´e!
1.3.2
La naissance de l’assurance terrestre: le grand incendie de Londres
Les villes moyen-ˆageuses ´etaient form´ees de bˆatiments faits de bois (mis a` part quelques ´edifices importants, comme l’´eglise, le donjon ou des maisons de pierre abritant les notables). Faute de place, les rues ´etaient ´etroites et les maisons, bˆaties cˆote a` cˆote et comportant souvent deux a` trois ´etages, constituaient une proie rˆev´ee pour les flammes. L’assurance incendie naˆıt en Grande-Bretagne, apr`es le grand incendie de Londres en 1666. Le 2 septembre de cette ann´ee-l`a,
1.3. Le contrat d’assurance
27
vers une heure du matin, le feu qui avait d´ebut´e dans une boulangerie s’´etendit avec une telle rapidit´e qu’il fallut 7 jours pour le maˆıtriser. La population de Londres fut oblig´ee de quitter la ville par les routes et par le fleuve. Quelque 13 000 maisons et 90 ´eglises (dont la Cath´edrale Saint-Paul) furent totalement d´etruites. Frapp´e par ce d´esastre national, le gouvernement anglais favorisa la cr´eation des compagnies d’assurance contre l’incendie. Celles-ci organis`erent leurs propres corps de secours en leur donnant comme instruction, en cas d’incendie, d’intervenir en priorit´e en faveur des immeubles dont les propri´etaires ´etaient assur´es chez elles (ils ´etaient reconnaissables aux fire marks, plaques m´etalliques appos´ees sur la fa¸cade et mentionnant le nom de la soci´et´e qui couvrait le bˆatiment).
1.3.3
De la solidarit´ e informelle ` a l’assurance
La solidarit´e consiste en la prise en charge par une collectivit´e des sinistres subis par certains de ses membres. La p´erennit´e d’une telle organisation exige un groupe social coh´erent, o` u s’applique la r´eciprocit´e: en aidant les sinistr´es d’aujourd’hui, chacun sait qu’il pourra compter lui-mˆeme dans l’avenir, le cas ´ech´eant, sur une contribution semblable des autres. L’assurance est la digne h´eriti`ere de la solidarit´e informelle constituant le ciment de tous les groupes sociaux. Les formes primitives de transfert de risque se distinguent par deux traits: 1. les b´en´eficiaires des garanties ont un lien social entre eux, ce qui rend inutile le formalisme contractuel; 2. il n’y a pas versement pr´ealable d’une prime pour financer la r´eparation des sinistres, mais la solidarit´e se manifeste par le versement a posteriori d’une somme r´eparant le pr´ejudice dˆ u au sinistre. Ces syst`emes informels ont prouv´e leur efficacit´e en fonctionnant durant plusieurs si`ecles. N´eanmoins, avec le d´eveloppement des activit´es humaines (industrie et commerce) et la cr´eation des cit´es, le besoin d’un syst`eme plus ´elabor´e s’accompagnant d’un plus grand formalisme s’est fait sentir. Suite a` l’urbanisation rapide, les communaut´es d’autrefois se sont disloqu´ees. D`es lors, il est devenu impensable de faire uniquement appel a` la solidarit´e pour contrer les mauvais coups du sort. La solidarit´e de jadis a naturellement fait place a` l’assurance mutuelle, puis a` l’assurance commerciale: la mise en commun des risques est organis´ee par des soci´et´es et la communaut´e d’autrefois fait place a` un ensemble d’assur´es qui n’ont plus de liens sociaux particuliers entre eux.
28
1.3.4
Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
Contrat et police
Le contrat d’assurance est un accord pass´e entre une compagnie d’assurance et un souscripteur ou preneur d’assurance fixant a` l’avance et pour une p´eriode d´etermin´ee des ´echanges financiers en fonction d’un ensemble bien d´efini d’´ev´enements al´eatoires. La police (du latin polliceor signifiant promesse) est l’´ecrit qui constate la formation d’un contrat d’assurance. La police d’assurance comprend des conditions g´en´erales non personnalis´ees et des conditions particuli`eres qui pr´ecisent notamment la date de prise d’effet du contrat, la dur´ee de la garantie, les caract´eristiques du risque assur´e, le montant des versements a` effectuer par le souscripteur, et le mode de d´etermination des prestations de l’assureur. Remarquons que le contrat d’assurance a comme caract´eristique que tous les engagements des parties ne sont pas fix´es dans la police. En ce qui concerne l’assur´e, seul le mode de calcul de la prime peut ˆetre d´ecrit dans le contrat (qui peut pr´evoir un m´ecanisme de type bonus-malus, par exemple). La prestation de l’assureur est ´evidemment inconnue en d´ebut de p´eriode, mais la police doit pr´evoir les modalit´es de sa d´etermination. C’est en ce sens que le contrat d’assurance est un contrat al´eatoire.
1.3.5
Assur´ e, preneur d’assurance et b´ en´ eficiaire
L’assur´e se confond tr`es souvent avec le preneur d’assurance, redevable des primes, mais il peut ˆetre distinct. Il s’agit pr´ecis´ement soit de celui qui est propri´etaire des biens assur´es dans une assurance de choses, soit de celui dont la responsabilit´e est couverte dans une assurance de responsabilit´e, soit enfin de la personne dont le sort futur engendre le risque (en assurance sur la vie ou en assurance accidents). Enfin, le contrat d’assurance peut ˆetre stipul´e pour autrui. Le b´en´eficiaire est une personne pouvant pr´etendre aux garanties offertes par l’assureur du fait de la police souscrite par le preneur d’assurance. Dor´enavant, nous ne parlerons que d’assur´e, ce terme d´esignant la personne dont le sort engendre le risque.
1.3.6
Et la technique dans tout c ¸a?
Comme le fait remarquer Borch (1990), un risque peut ˆetre couvert mˆeme si aucune statistique n’est disponible a` son sujet, voire mˆeme si aucune analyse th´eorique ne semble s’y appliquer, comme en t´emoigne l’anecdote suivante. En 1971, la distillerie de whisky Cutty Sark offrit une r´ecompense d’un million de livres sterling a`
1.3. Le contrat d’assurance
29
celui qui capturerait Nessie, le c´el`ebre monstre suppos´e hanter les eaux du Loch Ness en Ecosse. Apparemment, les dirigeants de l’entreprise eurent en bons p`eres de famille (un tantinet cr´edules cependant) quelques frayeurs a` l’id´ee de devoir d´ebourser une telle somme. Ils contact`erent alors les c´el`ebres Lloyd’s de Londres. Comme toujours, les Lloyd’s accept`erent de couvrir le risque de devoir verser la r´ecompense promise, contre une prime de 2 500 livres sterling. Une police en bonne et due forme fut mˆeme ´etablie, stipulant que le risque ne serait couvert que si le monstre ´etait captur´e vivant entre le premier janvier 1971 et le 30 avril 1972, pour autant que la taille de celui-ci exc`ede 20 pieds de long (environ sept m`etres) et que les conservateurs du Natural History Museum de Londres y reconnaissent Nessie. Les Lloyd’s n’omirent pas de pr´eciser, comme de coutume en assurance maritime, que le monstre deviendrait leur propri´et´e s’ils versaient la r´ecompense (ce qui rendait le contrat sans risque pour eux, du fait des revenus consid´erables g´en´er´es par l’exhibition d’un hypoth´etique monstre tel que Nessie). Dans un autre domaine, des contrats d’assurance atypiques sont ´episodiquement utilis´es par le monde du spectacle, qui esp`ere profiter de l’effet d’annonce qu’ils causeront dans le public. Ainsi, un c´el`ebre th´eaˆtre londonien programmant un vaudeville a` l’occasion des fˆetes de fin d’ann´ee souscrivit (toujours aupr`es des Lloyd’s) une police couvrant le risque de d´ec`es d’un spectateur suite a` un fou-rire. Plus s´erieusement, les satellites envoy´es dans l’espace sont couverts contre toute une s´erie de risques alors que les statistiques sinistres sont quasiment inexistantes dans le domaine. Il est clair que l’avis des experts joue a` cet ´egard un rˆole tout a` fait pr´epond´erant. Les principes d´ecrits dans cet ouvrage ont une port´ee relativement g´en´erale et s’adaptent aux polices plus exotiques (domaine de pr´edilection des Lloyd’s), o` u l’actuaire n’a souvent a` sa disposition que son bon sens et l’avis plus ou moins ´eclair´e d’experts.
1.3.7
Prestations des parties
Assur´ e Les sommes vers´ees par le preneur d’assurance (ou souscripteur) pour avoir droit a` la garantie de l’assureur sont appel´ees primes (ou parfois cotisations). Ce terme, consacr´e par la l´egislation, correspond a` l’anglais “premium”, qui en rappelle le paiement anticipatif: le preneur s’acquitte de la prime au d´ebut du contrat pour avoir droit a` la couverture de l’assureur une fois le sinistre survenu pendant la
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
p´eriode de garantie. On attend ´egalement du preneur qu’il prenne toutes les pr´ecautions raisonnables pour ´eviter la survenance de sinistres, et une fois le sinistre survenu, qu’il prenne toutes les mesures n´ecessaires pour en att´enuer les cons´equences.
Assureur La prestation de l’assureur a pour objet principalement une somme d’argent, mais elle peut aussi consister en un service a` fournir. La prestation mon´etaire n’appelle pas de commentaires particuliers. En assurance dommages ou responsabilit´e, on partira d’une ´evaluation des dommages subis lors du sinistre ou des r´eclamations des tiers ayant subi un pr´ejudice, apr`es une phase contradictoire qui se terminera par une transaction a` l’amiable ou l’intervention d’un jugement. Le r`eglement final de l’assureur (le montant du sinistre) sera ´egal a` l’estimation dont il est question ci-dessus, ´eventuellement diminu´ee par application d’une limite sup´erieure de garantie ou par d´efalcation d’une franchise. De plus en plus souvent, les compagnies proposent aux assur´es des conditions de r`eglement des sinistres avantageuses (notamment, le r`eglement direct par la compagnie des frais aux r´eparateurs) pour autant que l’assur´e se conforme a` leurs instructions. Typiquement, l’assur´e est tenu choisir un r´eparateur au sein d’un r´eseau agr´e´e par la compagnie. Ceci permet aux assureurs de maˆıtriser les coˆ uts de r´eparation en s’attachant les services d’artisans honnˆetes et consciencieux. Lorsque la prestation ne consiste pas en une somme d’argent, l’assureur peut promettre des services personnels. Dans les assurances de responsabilit´e, il se r´eserve la direction du proc`es contre le tiers l´es´e. Dans les assurances de frais de justice, l’assureur promet a` l’assur´e de l’assister de ses conseils dans des cas d´etermin´es. Dans les contrats d’assistance, l’assureur peut organiser le d´eplacement d’un membre de la famille pour lui permettre de se rendre au chevet de l’assur´e. La plupart des assurances automobiles pr´evoient d´esormais la mise a` disposition d’un v´ehicule de remplacement, si le v´ehicule couvert devait se trouver immobilis´e suite a` un sinistre tombant sous la garantie.
1.3. Le contrat d’assurance
31
R´ eparation indemnitaire ou forfait Lorsque la r´eparation consiste en une somme d’argent, on distingue habituellement entre r´eparation indemnitaire et r´eparation forfaitaire: lorsqu’un sinistre survient, l’assureur, suivant le cas, verse 1. une indemnit´e dont le montant r´epare le pr´ejudice subi par l’assur´e ou le tiers l´es´e (qui ne peuvent en aucun cas tirer profit du sinistre survenu). En cas de r´eparation indemnitaire, le montant vers´e par l’assureur est donc inconnu a priori. La plupart des polices pr´evoient en outre le mode d’´evaluation du dommage. En assurance de choses, on distingue ainsi l’indemnisation en valeur a` neuf, en valeur d’usage, etc. 2. un forfait dont le montant est pr´evu au contrat. L’´etendue du sinistre et le pr´ejudice subi par l’assur´e n’entrent pas en ligne de compte pour la fixation du montant vers´e. En cas de r´eparation forfaitaire, il n’y a donc aucun al´ea concernant la d´epense de l’assureur en cas de sinistre. Il en est ainsi de certaines polices couvrant la perte ou le vol des bagages, ou de l’assurance couvrant la perte de revenus de l’assur´e, par exemple. Certaines formes d’assurance comprennent a` la fois un volet forfaitaire et un autre indemnitaire. Il en est ainsi par exemple des assurances soins de sant´e couvrant les frais d’hˆopital, les achats de m´edicaments, etc. (volet indemnitaire) et pr´evoyant un forfait par jour d’hospitalisation. Limitation de l’intervention de l’assureur Le plus souvent, le risque support´e par l’assur´e n’est que partiellement pris en charge par l’assureur, mˆeme en cas de r´eparation indemnitaire. Il est en effet fr´equent que l’assureur stipule dans la police des clauses de franchise, de d´ecouvert obligatoire, de limite de garantie (plafond d’intervention), etc. La franchise et le d´ecouvert obligatoire, consistent a` laisser a` charge de l’assur´e une partie du dommage. Le but poursuivi est la bonne gestion financi`ere de la mutualit´e: on ´elimine de la garantie les sinistres de faible importance afin de diminuer les frais g´en´eraux. De plus, on incite l’assur´e a` faire preuve de vigilance en vue d’´eviter la survenance des sinistres. La plupart du temps, la compagnie pr´evoiera un montant maximum d’intervention (sauf lorsque la loi le lui interdit), par sinistre ou par p´eriode. La partie des sinistres exc´edant cette limite sera a`
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Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
charge de l’assur´e. Enfin, dans les assurances o` u le comportement de l’assur´e peut influencer le montant des sinistres, il est parfois utile de pr´evoir un d´ecouvert obligatoire exprim´e comme un pourcentage de l’indemnit´e vers´ee par la compagnie. Somme assur´ ee La somme assur´ee revˆet une importance consid´erable dans les calculs de l’actuaire. En aucun cas, les indemnit´es pay´ees par la compagnie en ex´ecution du contrat ne peuvent d´epasser la somme assur´ee. Il s’agit soit de la valeur attribu´ee au bien assur´e, soit du montant a` concurrence duquel l’assur´e entend pr´eserver son patrimoine contre une action en responsabilit´e. En vertu du principe indemnitaire, la prestation de l’assureur est fonction de la somme assur´ee et du pr´ejudice subi par l’assur´e ou par le b´en´eficiaire de l’assurance cons´ecutivement a` la r´ealisation du risque. R` egle proportionnelle La prime doit ˆetre proportionn´ee au risque et a` la somme assur´ee, non seulement lors de la conclusion du contrat, mais pendant toute la dur´ee de celui-ci. La l´egislation fait de nombreuses applications de ce principe, parmi lesquelles figure la r`egle proportionnelle. Si la prime a ´et´e calcul´ee sur base d’une valeur inf´erieure a` la valeur r´eelle du bien assur´e, l’indemnit´e doit, en cas de sinistre, ˆetre r´eduite dans la proportion existant entre la valeur assur´ee et la valeur assurable (c’est la c´el`ebre r`egle proportionnelle). Ainsi, si v d est la valeur d´eclar´ee du bien et vr sa valeur r´eelle, il y a sous-assurance lorsque vd < vr . Cette sous-assurance n’est le plus souvent d´etect´ee qu’`a l’occasion de la survenance d’un sinistre (car une v´erification syst´ematique des d´eclarations des assur´es a` la souscription de la police serait trop coˆ uteuse). Dans ce cas, si x est le montant du sinistre, l’indemnit´e est r´eduite a` x × v d /vr en application de la r`egle proportionnelle. Cette r`egle met donc l’assureur a` l’abri d’une sous-tarification r´esultant de fausses d´eclarations de l’assur´e. Dans le but de prot´eger les consommateurs, les compagnies proposent divers m´ecanismes afin d’´eviter l’application de la r`egle proportionnelle. Ainsi, en assurance incendie, la plupart d’entre elles remettent un formulaire d’´evaluation de la valeur du bien au candidat preneur. Si celui-ci le compl`ete de bonne foi, la prime sera d´etermin´ee sur base de la valeur d´eduite des r´eponses aux diff´erentes
1.4. Notes bibliographiques
33
questions (telles que nombre de chambres, mat´eriaux de construction, etc.) et la compagnie ne pourra pas faire jouer la clause de la r`egle proportionnelle mˆeme si elle d´ecouvre apr`es sinistre que la valeur du bien a ´et´e sous-´evalu´ee. Il est a` noter qu’il existe une exception importante a` la r`egle proportionnelle: l’assurance au premier risque. Dans cette formule, l’assureur s’oblige a` couvrir la partie du dommage n’exc´edant pas un seuil d´etermin´e, quelle que soit la valeur du bien. Rares sont cependant les assureurs a` offrir encore ce type de couverture.
1.4
Notes bibliographiques
Ce chapitre est bas´e essentiellement sur Chiappori (1997), Eeckhoudt & Gollier (1992), Lambert (1996) et Tosetti et al. (2000). Parmi les r´ef´erences plus culturelles et historiques sur le risque et l’assurance, les lecteurs pourront consulter Bernstein (1998) et Ewald (1996). L’ouvrage de Gallix (1985) contient de nombreuses reproductions de polices anciennes, qui valent le coup d’oeil. D’autre part, Haberman (1996) ainsi que les 10 tomes de Haberman & Sibett (1995) fourmillent de d´etails sur les origines de la profession.
34
Chapitre 1. Le risque et sa couverture contractuelle
Chapitre 2
Mod´ elisation actuarielle des risques 2.1
Introduction
S’agissant de r´eparer les cons´equences du hasard, l’activit´e d’assurance ne peut s’appr´ehender que grˆace au calcul des probabilit´es. Celui-ci puise ses fondements dans la correspondance qu’ont entretenue Blaise Pascal et le Chevalier de M´er´e, avant d’ˆetre formalis´e au d´etour de la seconde guerre mondiale par l’Ecole russe (Kolmogorov en tˆete). Le calcul des probabilit´es vise essentiellement a` fournir une m´ethode scientifique permettant de quantifier la vraisemblance de l’occurrence de certains ´ev´enements. Dans ce cadre, la notion de variable al´eatoire fait naturellement son apparition. Celle-ci repr´esentera pour l’actuaire tantˆot le coˆ ut du sinistre, tantˆot le nombre de ceux-ci. Les variables al´eatoires, et les fonctions de r´epartition associ´ees d´ecrivant leur comportement stochastique, fournissent les outils essentiels de la mod´elisation des transferts des risques entre assur´es et assureur. Ce chapitre vise a` pr´eciser quelques points de terminologie et a` rappeler les principaux concepts du calcul des probabilit´es qui seront utilis´es dans la suite de l’ouvrage. 35
36
2.2 2.2.1
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Description probabiliste du risque Ev´ enements
D´ efinition Une notion fondamentale pour la suite sera celle d’´ev´enement al´eatoire. Il s’agit d’´ev´enements dont on ne peut pr´edire avec certitude s’ils se r´ealiseront ou pas. C’est a` ce genre d’´ev´enements que sont subordonn´ees les prestations de l’assureur. Clairement, 1. les ´ev´enements consid´er´es d´ependent de la d´efinition des garanties promises par l’assureur. 2. la description des ´ev´enements doit ˆetre exhaustive, mais sans double emploi. Ev´ enements ´ el´ ementaires D´efinissons les ´ev´enements ´el´ementaires e 1 ,e2 ,e3 , . . . comme ´etant ceux satisfaisant aux deux propri´et´es suivantes: 1. deux ´ev´enements ´el´ementaires distincts e i et ej , j 6= i, sont incompatibles, c’est-`a-dire qu’ils ne peuvent se r´ealiser simultan´ement. 2. La r´eunion E = {e1 ,e2 , . . .} de tous les ´ev´enements ´el´ementaires e1 ,e2 , . . . correspond a` la certitude, c’est-`a-dire a` l’´ev´enement qui se r´ealise toujours. Associons a` pr´esent a` chaque ´ev´enement l’ensemble des r´esultats ´el´ementaires qui conduisent a` sa r´ealisation. Tout ´ev´enement E peut ainsi s’exprimer comme la r´eunion d’´ev´enements ´el´ementaires ei1 , . . . ,eik , c’est-`a-dire que E se r´ealise lorsque soit e i1 , soit ei2 , . . . , soit eik se r´ealise. Ceci se notera dor´enavant E = {e i1 , . . . ,eik }. Formalisme ensembliste Ayant identifi´e chaque ´ev´enement a` un sous-ensemble de E, le formalisme ensembliste jouera donc un rˆole important dans la suite. C’est pourquoi, ´etant donn´es deux ´ev´enements E et F , nous noterons dor´enavant E (qui se lit “non E”) l’´ev´enement qui se r´ealise lorsque E ne se r´ealise pas (E est encore appel´e compl´ementaire de E); E ∩ F (qui se lit “E et F ”) l’´ev´enement qui se r´ealise lorsque E et F se r´ealisent simultan´ement; E ∪ F (qui se lit “E ou F ”) l’´ev´enement qui se r´ealise lorsque E ou F se r´ealise;
2.2. Description probabiliste du risque
37
E r F (qui se lit “E moins F ”) l’´ev´enement qui se r´ealise lorsque E se r´ealise, mais pas F (on a donc E r F = E ∩ F ); ∅ (qui se lit “´ev´enement impossible”) l’´ev´enement qui ne se r´ealise jamais. Propri´ et´ es satisfaites par l’ensemble des ´ ev´ enements Notons A l’ensemble des ´ev´enements qui conditionnent le risque (c’est-`a-dire ceux n´ecessaires pour d´eterminer les prestations de l’assureur). Ainsi, A est une collection de sous-ensembles de E, collection a` laquelle nous imposons de satisfaire les trois conditions suivantes (qui font de A ce que les probabilistes appellent une sigma-alg`ebre ou tribu): (i) l’´ev´enement impossible ∅ ∈ A et l’´ev´enement certain E ∈ A (ii) si E1 ,E2 , . . . ∈ A alors ∪i≥1 Ei ∈ A (iii) si E ∈ A alors E ∈ A. Quels que soient les ´ev´enements E et F dans A, on peut v´erifier que les conditions impos´ees ci-dessus garantissent que E ∩ F et E r F appartiennent ´egalement a` A. Plus g´en´eralement, quelle que soit la suite d’´ev´enements E1 ,E2 , . . . dans A, ∩i≥1 Ei s’y trouve ´egalement. Les trois conditions impos´ees ci-dessus (i.e. la structure de sigmaalg`ebre) garantissent en fait la coh´erence du raisonnement, autorisant a` parler d’´ev´enements qui se produisent lorsque plusieurs se produisent simultan´ement (intersection) ou lorsqu’au moins l’un d’entre eux se produit (union).
2.2.2
Calcul des probabilit´ es et absence d’opportunit´ e d’arbitrage
La notion de probabilit´ e Combien de fois n’entend-on pas dans la vie courante des phrases du type “il va probablement pleuvoir demain”, “l’avion se posera sans doute avec 20 minutes de retard” ou “il y a de fortes chances pour qu’il soit en mesure d’assister a` cette conf´erence”. Chacune de ces phrases fait intervenir la notion de probabilit´e, mˆeme s’il peut paraˆıtre de prime abord difficile de quantifier ces id´ees. Il y a diff´erentes mani`eres d’appr´ehender le concept de probabilit´e. Dans la vision fr´equentiste, la probabilit´e apparaˆıt comme valeur limite des fr´equences relatives d’apparition de l’´ev´enement. Le principe est relativement simple. Il suppose qu’on soit autoris´e a` r´ep´eter un grand nombre de fois et sous des conditions ri-
38
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
goureusement identiques une exp´erience au cours de laquelle un certain ´ev´enement peut se produire ou non. Le rapport entre le nombre de fois o` u l’´ev´enement s’est produit et le nombre total de r´ep´etitions est appel´e fr´equence relative d’apparition de l’´ev´enement. Cette fr´equence relative tend a` se stabiliser au fur et a` mesure des r´ep´etitions, et la valeur limite est la probabilit´e de l’´ev´enement. Le d´efaut de l’approche d´ecrite ci-dessus est bien ´evidemment son applicabilit´e r´eduite. De nombreux ´ev´enements ne peuvent ˆetre r´ep´et´es ou n’ont pas encore ´et´e r´ep´et´es suffisamment souvent que pour pouvoir en d´egager une probabilit´e. On peut alors penser a` d´efinir des probabilit´es subjectives: il s’agit d’opinions d’experts quant a` la vraisemblance de tel ou tel ´ev´enement. Mˆeme si la notion de probabilit´e et leur d´etermination pose probl`eme, une fois que celles-ci sont donn´ees, le calcul des probabilit´es permet de les utiliser dans le cadre de la gestion des risques par une compagnie d’assurances. Ainsi, lors du premier vol de la fus´ee Ariane, des ing´enieurs avaient calcul´e sur base du dossier technique une probabilit´e de r´eussite du tir, qui a ´et´e utilis´ee pour fixer la prime d’assurance. L’histoire raconte que le risque d’´echec avait ´et´e largement surestim´e a` l’´epoque. Risque et incertitude L’´economiste Frank Knight a introduit dans son ouvrage intitul´e “Risk, Uncertainty and Profit”, paru en 1921, une distinction fondamentale entre les notions de risque et d’incertitude. On parle de risque lorsque la loi qui gouverne le ph´enom`ene d’int´erˆet est connue, mais que le r´esultat n’en demeure pas moins al´eatoire. Cela suppose donc que la probabilit´e associ´ee aux diff´erents ´ev´enements est connue. Ainsi, le jet d’un d´e ´equilibr´e entraˆıne un risque pour l’individu qui aurait pari´e 1 000e sur le six, mais aucune incertitude (car il est en mesure d’´evaluer la probabilit´e de tous les ´ev´enements li´es au jet de ce d´e). Au contraire, il y a incertitude lorsque, de plus, ces probabilit´es sont au moins partiellement inconnues. Si le parieur est confront´e au jet d’un d´e truqu´e, et qu’il ne connaˆıt pas la chance d’apparition des diff´erentes faces, il est en situation d’incertitude. Probabilit´ e et prime d’assurance Dor´enavant, nous supposons qu’il y a risque, mais pas incertitude. A chaque ´ev´enement E de A on souhaite associer un nombre, not´e Pr[E] et appel´e probabilit´e de E. Ce nombre mesure le degr´e
2.2. Description probabiliste du risque
39
de vraisemblance qu’on accorde a priori a` la r´ealisation de E: il est non-n´egatif, et est d’autant plus grand que l’´ev´enement est jug´e vraisemblable. Le triplet (E,A, Pr) est appel´e espace probabilis´e alors que le couple (E,A) est appel´e espace probabilisable en th´eorie des probabilit´es. Si on s’inspire de la d´efinition de Blaise Pascal, la probabilit´e Pr[E] associ´ee a` l’´ev´enement E peut s’envisager comme la prime a` payer pour recevoir 1e en cas de r´ealisation de E pourvu que le march´e de l’assurance r´eponde a` un minimum de rationnalit´e (`a savoir qu’il est impossible de faire du profit sans prendre de risque). Ainsi, si E =“il pleut sur Paris le 15 octobre”, Pr[E] est la somme a` payer pour recevoir 1e si, le 15 octobre, la pluie tombe sur la capitale fran¸caise (ce qui peut s’av´erer utile pour l’organisateur d’un ´ev´enement en plein air a` cette date). De mani`ere ´evidente, si l’assur´e ne veut plus recevoir 1e mais ce en cas de r´ealisation de l’´ev´enement E, il lui suffit de payer une prime c Pr[E]; Pr[·] s’apparente donc a` un taux de prime. Clairement, la probabilit´e de tout ´ev´enement est inf´erieure a` 1. En effet, aucun assur´e rationnel ne serait prˆet a` payer une prime sup´erieure a` l’´eventuelle indemnit´e vers´ee par l’assureur. Ainsi, quel que soit E ∈ A, Pr[E] ≤ 1. On cherche donc a` attribuer a` toute ´eventualit´e une probabilit´e, nombre compris entre 0 et 1, d’autant plus faible que la survenance de l’´ev´enement est rare. Nous supposerons dor´enavant le march´e de l’assurance complet, c’est-`a-dire qu’il est possible d’acheter ou de vendre une police garantissant le versement d’1e en cas de r´ealisation de n’importe quel ´ev´enement al´eatoire. Absence d’opportunit´ e d’arbitrage Il est bon d’insister ici sur le fait que les primes dont il est question transcendent les compagnies op´erant sur un march´e: elles existent dans l’absolu. En effet, la sinistralit´e d’un assur´e ne d´epend pas de la compagnie qui le couvre (dans l’hypoth`ese o` u les compagnies offrent le mˆeme niveau de couverture): un immeuble n’a pas plus de risque de partir en fum´ee, s’il est couvert par une compagnie plutˆot que par une autre. Tous les raisonnements qui suivent reposent sur les hypoth`eses d´esormais classiques d’absence de taxes et de coˆ uts de transaction, et d’acc`es au capital sous des conditions identiques pour tous les acteurs du march´e. Comme les financiers en ont l’habitude, on appelle opportunit´e d’arbitrage la possibilit´e de faire du profit sans risque. L’id´ee est
40
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
la suivante: si le syst`eme de prime Pr[·] adopt´e par les acteurs du march´e ne satisfait pas a` un minimum de rationnalit´e, il devient possible pour certains acteurs de r´ealiser des op´erations g´en´erant un b´en´efice certain, sans mise initiale. Une telle situation, mˆeme si elle n’est pas formellement exclue en pratique, ne pourrait en tout cas perdurer sur un march´e sain. Grˆace a` ce principe simple, nous allons ´etablir une s´erie de propri´et´es auxquelles doivent satisfaire les probabilit´es. Propri´ et´ e d’additivit´ e pour ´ ev´ enements incompatibles Si E et F sont deux ´ev´enements incompatibles (i.e. qui ne peuvent survenir simultan´ement, ce qui se notera d´esormais E ∩ F = ∅) pour lesquels on a d´efini deux probabilit´es Pr[E] et Pr[F ], i.e. on a d´etermin´e les sommes a` payer pour recevoir 1e en cas de survenance de ces ´ev´enements, alors Pr[E ∪ F ] = Pr[E] + Pr[F ].
(2.1)
Montrons qu’il ne peut en ˆetre autrement. Pour ce faire, voyons ce qu’il adviendrait si Pr[E ∪ F ] > Pr[E] + Pr[F ]. Dans ce cas, l’assureur ´emet une police garantissant le versement de 1e en cas de r´ealisation de E ou de F . Avec la prime Pr[E ∪ F ] encaiss´ee, il souscrit deux polices (aupr`es d’un concurrent), la premi`ere garantissant le versement d’1e si E se r´ealise et la seconde le mˆeme versement si F se r´ealise. Cela lui coˆ ute Pr[E]+Pr[F ] et ne n´ecessite aucune mise initiale. En fin de p´eriode, trois situations peuvent se pr´esenter: seul E s’est r´ealis´e: l’assureur touche 1e a` titre d’indemnit´e et doit payer 1e en ´ex´ecution de la police qu’il a ´emise. Son profit s’´el`eve donc a` Pr[E ∪ F ] − Pr[E] − Pr[F ] > 0. seul F s’est r´ealis´e: dans ce cas ´egalement, son profit s’´el`eve a` Pr[E ∪ F ] − Pr[E] − Pr[F ] > 0. ni E, ni F ne se r´ealisent: l’assureur ne touche rien et ne verse rien. Son profit s’´el`eve a` Pr[E ∪ F ] − Pr[E] − Pr[F ] > 0. Dans tous les cas, l’assureur r´ealise un profit positif, pour une mise initiale nulle, ce qui contredit l’hypoth`ese d’absence d’opportunit´e d’arbitrage.
2.2. Description probabiliste du risque
41
Le raisonnement s’adapte facilement au cas o` u Pr[E ∪ F ] < Pr[E]+Pr[F ]. Il suffit en effet d’´emettre deux polices, l’une pr´evoyant le versement d’1e si E se r´ealise, et l’autre le mˆeme versement en cas de survenance de F . L’assureur encaisse alors Pr[E] + Pr[F ], somme avec laquelle il souscrit une police lui procurant 1e si E ou F se r´ealise (il lui en coˆ ute Pr[E ∪ F ]). Cette strat´egie ne n´ecessite aucune mise initiale, puisque par hypoth`ese Pr[E ∪F ] < Pr[E]+Pr[F ]. Dans les trois cas de figure envisag´es ci-dessus, on v´erifie que son profit s’´el`eve a` Pr[E] + Pr[F ] − Pr[E ∪ F ] > 0, ce qui contredit l’hypoth`ese d’absence d’opportunit´e d’arbitrage. Plus g´en´eralement, consid´erant une suite d’´ev´enements E 1 ,E2 ,E3 , . . . deux a` deux incompatibles (i.e. quels que soient i et j, E i et Ej ne peuvent se r´ealiser simultan´ement ⇔ E i ∩ Ej = ∅ pour tout i 6= j) on a: X Pr [∪k≥1 Ek ] = Pr[Ek ]. (2.2) k≥1
Cette propri´et´e dite de sigma-additivit´e est plus forte que la condition d’additivit´e (2.1). En particulier, ceci nous permet de calculer la probabilit´e de tout ´ev´enement E = {e i1 , . . . ,eik } en fonction des probabilit´es des ´ev´enements ´el´ementaires e i1 , . . . ,eik qui le composent puisque (2.2) garantit que Pr[E] = Pr[{ei1 }] + . . . + Pr[{eik }].
Il suffit donc de d´efinir la probabilit´e de chaque ´ev´enement ´el´ementaire pour en d´eduire la probabilit´e de tout ´ev´enement E. Croissance des primes avec le risque La condition d’additivit´e (2.1) garantit ´egalement la croissance des primes avec la vraisemblance des ´ev´enements assur´es. Pr´ecis´ement, consid´erons deux ´ev´enements E et F . Si la r´ealisation de E entraˆıne la r´ealisation de F (i.e. si E a plus de chance de se produire que F ), on doit raisonnablement avoir Pr[E] ≤ Pr[F ]. En effet, l’assureur ayant plus de chance de devoir verser l’indemnit´e de 1e , il r´eclamera une prime de montant plus ´elev´e. Nous noterons dor´enavant E ⊆ F lorsque la r´ealisation de F implique celle de E. Dans ce cas, F = (F ∩ E) ∪ (F ∩ E) = E ∪ (F \ E) qui exprime le fait que F se r´ealise si soit E, soit F \ E se r´ealise. On a donc exprim´e F comme la r´eunion de deux ´ev´enements incompatibles. La relation (2.1) nous permet alors d’´ecrire Pr[F ] = Pr[E] + Pr[F \ E] ≥ Pr[E].
42
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
de sorte qu’il sera alors toujours plus on´ereux de s’assurer contre la r´ealisation de F , i.e. E ⊆ F ⇒ Pr[E] ≤ Pr[F ]. Propri´ et´ e d’´ equit´ e Si E et F sont deux ´ev´enements compl´ementaires (i.e. F = E) alors Pr[E] + Pr[F ] = 1. En effet, ayant souscrit une police pr´evoyant le versement d’1e si E se r´ealise et une autre le mˆeme versement si E ne se r´ealise pas, on est certain de toucher 1e quoi qu’il arrive. Il serait donc in´equitable que pour cette op´eration certaine on ait pay´e plus ou moins d’1e . Formellement, comme E ∩ F = ∅, Pr[E ∪ F ] = Pr[E] + Pr[F ], on obtient le r´esultat annonc´e en remarquant que Pr[E ∪ F ] = Pr[E] = 1. Ainsi, quel que soit l’´ev´enement E, Pr[E] = 1 − Pr[E]. Comme E = ∅, on d´eduit de la propri´et´e d’´equit´e qu’il ne coˆ ute rien de souscrire une couverture d’assurance contre un ´ev´enement qui ne se r´ealise jamais, i.e. Pr[∅] = 0. Notez que cette propri´et´e est parfois viol´ee par les tarifs appliqu´es par les assureurs. C’est le cas notamment lorsque l’Etat impose une certaine dose de solidarit´e entre assur´es. Ainsi, le l´egislateur a institu´e dans certains pays l’obligation pour les assureurs de couvrir les inondations dans le cadre des polices incendie. Outre l’aspect discutable d’une telle mesure (le plus souvent justifi´ee par des consid´erations budg´etaires), un assur´e occupant un appartement au 44`eme ´etage d’un gratte-ciel contribuera a` la r´eparation des dommages dus aux inondations frappant un autre assur´e dont l’immeuble est situ´e en zone inondable. Propri´ et´ e de sous-additivit´ e Quels que soient les ´ev´enements E et F , nous avons Pr[E ∪ F ] ≤ Pr[E] + Pr[F ]. En effet, si on acceptait Pr[E ∪ F ] > Pr[E] + Pr[F ], on cr´eerait une opportunit´e d’arbitrage (c’est-`a-dire une possibilit´e de s’enrichir sans risque), qui ne peut subsister sur un march´e sain (le lecteur est invit´e a` construire une strat´egie permettant l’enrichissement sans risque dans un tel cas).
2.2. Description probabiliste du risque
43
En it´erant ce r´esultat, on obtient facilement que quels que soient les ´ev´enements al´eatoires E1 ,E2 , . . . ,En , l’in´egalit´e Pr[E1 ∪ E2 ∪ . . . ∪ En ] ≤ est toujours satisfaite.
n X
Pr[Ei ]
i=1
Egalit´ e de Poincar´ e Conclure deux polices, l’une sur E∪F et l’autre sur E∩F conduit toujours au mˆeme flux financier que la conclusion de deux polices, l’une sur E et l’autre sur F . Les primes doivent alors ˆetre ´egales, i.e. Pr[E ∪ F ] + Pr[E ∩ F ] = Pr[E] + Pr[F ].
(2.3)
Notons que la relation (2.3) s’´ecrit encore Pr[E ∪ F ] = Pr[E] + Pr[F ] − Pr[E ∩ F ]. Cette derni`ere relation est connue comme l’´egalit´e de Poincar´e.
2.2.3
Probabilit´ e conditionnelle
Souvent, l’assureur est amen´e a` revoir le montant de sa prime lorsqu’il dispose d’information suppl´ementaire. Ayant a` notre disposition de l’information, mat´erialis´ee par la connaissance qu’un ´ev´enement F s’est produit, comment r´e´evaluer en cons´equence la probabilit´e qu’un ´ev´enement E se r´ealise? Cette r´e´evaluation est appel´ee probabilit´e conditionnelle de E sachant F , not´ee Pr[E|F ]. Notons tout d’abord que comme F s’est r´ealis´e, il est naturel d’avoir Pr[F ] > 0. Sous cette condition, on peut d´efinir la probabilit´e conditionnelle comme Pr[E ∩ F ] Pr[E|F ] = pour autant que Pr[F ] > 0. (2.4) Pr[F ] Il est important de bien comprendre la signification de la formule (2.4), qui est somme toute fort intuitive. D`es que l’on sait que l’´ev´enement F s’est produit, seuls les ´ev´enements inclus dans F conservent une chance de se r´ealiser. En effet, quel que soit l’´ev´enement E, E ∩ F devient impossible (et par cons´equent Pr[E ∩ F |F ] = 0) et seul E ∩ F conserve une chance de se produire. Ainsi, sachant que F s’est r´ealis´e, seule la r´ealisation simultan´ee de E et F est possible, ce qui explique le num´erateur. De plus, F devient un ´ev´enement certain de sorte qu’il faut “renormaliser” les probabilit´es de fa¸con a` ce que Pr[F |F ] = 1, ce qui justifie la division par Pr[F ].
44
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
2.2.4
Ev´ enements ind´ ependants
Bien entendu, certaines informations n’am`enent pas l’assureur a` r´e´evaluer le montant de sa prime. On parle dans ce cas d’ind´ependance. Ceci se traduit comme suit: les ´ev´enements E et F sont ind´ependants lorsque la prime r´eclam´ee pour le versement d’1e si E se r´ealise est la mˆeme que l’on sache ou non si F s’est r´ealis´e, i.e. Pr[E|F ] = Pr[E|F ] ⇔ Pr[E|F ] = Pr[E]. Notez qu’en vertu de (2.4) ceci est encore ´equivalent a` Pr[F |E] = Pr[F ], ou encore a` Pr[E ∩ F ] = Pr[E] Pr[F ]. C’est cette derni`ere condition qui est le plus souvent retenue pour d´efinir l’ind´ependance de deux ´ev´enements (car elle pr´esente l’avantage de s’´etendre aux ´ev´enements impossibles et d’ˆetre sym´etrique en E et F ). Etendons a` pr´esent le concept d’ind´ependance a` plus de deux ´ev´enements. De mani`ere g´en´erale, ayant des ´ev´en´ements E 1 ,E2 , . . . ,En , ceux-ci seront dits ind´ependants lorsque Pr [∩i∈I Ei ] =
Y
Pr[Ei ]
i∈I
quel que soit le sous-ensemble I de {1, . . . ,n}.
2.2.5
R` egle de multiplication (de Bayes)
On d´eduit facilement de (2.4) que Pr[E ∩ F ] = Pr[E|F ] Pr[F ]. Cette identit´e permet parfois un calcul ais´e de Pr[E ∩ F ]. Cette r`egle s’´etend a` toute collection E 1 , . . . ,En d’´ev´enements tels que Pr[E1 ∩ E2 ∩ . . . ∩ En ] > 0 comme suit: Pr[E1 ∩ E2 ∩ . . . ∩ En ] = Pr[E1 ] Pr[E2 |E1 ] . . . Pr[En |E1 ∩ . . . ∩ En−1 ].
2.2. Description probabiliste du risque
2.2.6
45
Ev´ enements conditionnellement ind´ ependants
Deux ´ev´enements E et F sont ind´ependants conditionnellement a` un troisi`eme ´ev´enement G si Pr[E ∩ F |G] = Pr[E|G] Pr[F |G]. Ceci est encore ´equivalent a` exiger que Pr[F |E ∩ G] = Pr[F |G], puisque Pr[F |E ∩ G] Pr[E ∩ G] Pr[G] = Pr[F |E ∩ G] Pr[E|G].
Pr[E ∩ F |G] =
2.2.7
Th´ eor` eme des probabilit´ es totales
Ayant deux ´ev´enements E et F tels que 0 < Pr[F ] < 1, on voit facilement que Pr[E] = Pr[E ∩ F ] + Pr[E ∩ F ]
= Pr[E|F ] Pr[F ] + Pr[E|F ] Pr[F ]
ce qui permet de d´eduire Pr[E] de Pr[E|F ] et de Pr[E|F ]. Exemple 2.2.1. Notons E l’´ev´enement “l’assur´e cause au moins un sinistre sur l’ann´ee” et F l’´ev´enement “l’assur´e est une femme”. Si 10% des femmes et 15% des hommes causent au moins un sinistre sur l’ann´ee, quelle est la proportion de polices causant au moins un sinistre sur l’ann´ee dans un portefeuille comportant 2/3 d’hommes et 1/3 de femmes? Cette proportion vaut Pr[E] = Pr[E|F ] Pr[F ] + Pr[E|F ] Pr[F ] 1 2 = 0.1 × + 0.15 × = 0.133. 3 3 Une extension naturelle de ce r´esultat est connue sous le nom de th´eor`eme des probabilit´es totales et d´ecrite ci-apr`es. Consid´erons un syst`eme exhaustif d’´ev´enements {F 1 ,F2 , . . .}; un tel syst`eme est tel que deux quelconques des Fi ne peuvent se r´ealiser simultan´ement (i.e. Fi ∩ Fj = ∅ si i 6= j) et tel qu’ils recouvrent tous les cas de
46
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
figure (i.e. Pr[∪i≥1 Fi ] = 1 avec Pr[Fi ] > 0 pour tout i). Alors, quel que soit l’´ev´enement E, h i Pr[E] = Pr E ∩ (∪i≥1 Fi ) h i = Pr ∪i≥1 (E ∩ Fi ) X = Pr[E ∩ Fi ] i≥1
=
X
Pr[E|Fi ] Pr[Fi ].
i≥1
2.2.8
Th´ eor` eme de Bayes
Un des r´esultats les plus int´eressants faisant intervenir les probabilit´es conditionnelles est sans nul doute le th´eor`eme de Bayes. Etant donn´e un syst`eme exhaustif d’´ev´enements {F 1 ,F2 , . . .}, et E un ´ev´enement quelconque de probabilit´e positive, la formule Pr[Fi |E] = =
Pr[E|Fi ] Pr[Fi ] Pr[E] Pr[E|Fi ] Pr[Fi ] P , i = 1,2, . . . , j≥1 Pr[E|Fj ] Pr[Fj ]
est valable, o` u le d´enominateur est obtenu a` l’aide de la formule des probabilit´es totales. Exemple 2.2.2 (D´ etection de la fraude). Afin de d´etecter la fraude, beaucoup d’assureurs recourent a ` des programmes informatiques sp´ecialement con¸cus a ` cet effet. Consid´erons une compagnie d’assurance qui soumet les dossiers sinistre de ses assur´es a ` un tel outil. S’il y a effectivement fraude, le programme la d´etecte dans 99% des cas. Cependant, l’exp´erience montre que l’outil informatique range parmi les fraudes 2% des dossiers en r`egle. Des extrapolations au niveau du march´e donnent a ` penser que 1% des dossiers sinistre donnent effectivement lieu a ` une fraude. Quelle est la probabilit´e qu’un dossier rang´e parmi les fraudes par le programme informatique ait effectivement donn´e lieu a ` cette pratique condamnable? Afin d’´evaluer cette probabilit´e, d´efinissons les ´ev´enements E = “l’outil informatique d´ec`ele une fraude” F1 = “il y a fraude” = F 2 .
2.3. Variables al´ eatoires
47
Dans ce cas, Pr[F1 ] = 0.01, Pr[E|F1 ] = 0.99, Pr[E|F2 ] = 0.02. La probabilit´e cherch´ee vaut Pr[E|F1 ] Pr[F1 ] Pr[E|F1 ] Pr[F1 ] + Pr[E|F2 ] Pr[F2 ] 0.99 × 0.01 1 = = . 0.99 × 0.01 + 0.02 × 0.99 3 Notez que cette valeur est assez faible. C’est pourquoi les compagnies soumettent les dossiers a ` un examen plus approfondi par un inspecteur avant de se risquer a ` incriminer l’assur´e. Notez que seule une petite partie des dossiers sont inspect´es puisque Pr[F1 |E] =
Pr[E] = 0.99 × 0.01 + 0.02 × 0.99 = 2.97%. Cette derni`ere valeur permet aussi de comprendre intuitivement pourquoi un test qui semble fiable (puisqu’il d´etecte la fraude dans 99% des cas lorsqu’elle est pr´esente) se trompe en r´ealit´e deux fois sur trois: en moyenne, le test annoncera une fraude dans 297 cas sur 1000 alors qu’il n’y aura en fait effectivement fraude que dans en moyenne 100 cas, d’o` u une erreur de l’ordre de deux tiers. Le nombre de fraudes qui ´echappent a ` l’assureur (en supposant que l’inspection minutieuse du dossier par un employ´e d´etecte toute malversation de la part de l’assur´e) est ´evalu´ee a ` Pr[E|F1 ] Pr[F1 ] Pr[E|F1 ] Pr[F1 ] + Pr[E|F2 ] Pr[F2 ] 0.01 × 0.01 = = 0.01%. 0.01 × 0.01 + 0.98 × 0.99 Dans le cadre du th´eor`eme de Bayes, on parle souvent de probabilit´e a priori et de probabilit´e a posteriori. Les probabilit´es Pr[F 1 ], Pr[F2 ], . . . sont dites a priori, car calcul´ees sans la moindre information. Au contraire, Pr[Fi |E] est une probabilit´e a posteriori, r´esultant de la r´evision de la probabilit´e Pr[Fi ] sur base de l’information que E s’est produit. Ainsi, dans l’exemple ci-dessus il y a a priori une chance sur cent pour que le sinistre ait donn´e lieu a` une fraude. A posterioi, c’est-`a-dire sachant que le test informatique a d´ecel´e une fraude, cette probabilit´e passe a` une chance sur trois. Pr[F1 |E] =
2.3 2.3.1
Variables al´ eatoires D´ efinition
Une variable al´eatoire associe un nombre a` chacun des ´ev´enements ´el´ementaires. Il s’agit donc d’une fonction de E dans IR a` laquelle on
48
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
impose certaines conditions. Dor´enavant, nous noterons les variables al´eatoires par des lettres capitales: X, Y , . . . et leurs r´ealisations par les lettres minuscules correspondantes: x, y, . . . Formellement, une variable al´eatoire est d´efinie par rapport a` un espace probabilis´e (E,A, Pr) mˆeme si nous verrons dans la suite que l’actuaire peut le plus souvent faire l’´economie de la d´efinition pr´ecise de cet espace. D´ efinition 2.3.1. Une variable al´eatoire X est une fonction d´efinie sur l’ensemble E des ´ev´enements ´el´ementaires et a ` valeurs dans IR: X : E → IR; e 7→ x = X(e) a ` laquelle on impose une condition technique (appel´ee condition de mesurabilit´e): quel que soit le r´eel x, on veut que {X ≤ x} ≡ {e ∈ E|X(e) ≤ x} ∈ A i.e. {X ≤ x} doit ˆetre un ´ev´enement. La condition de mesurabilit´e garantit qu’il soit possible de souscrire une police pr´evoyant le versement d’1e si l’´ev´enement “X est inf´erieure ou ´egale a` x” se produit. Les exemples sont multiples, du plus ´el´ementaire o` u X d´ecrit la face montr´ee par une pi`ece de monnaie une fois retomb´ee (X vaut alors 0 si on obtient pile et 1 si on obtient face), au cas plus compliqu´e o` u X est le nombre de bless´es suite a` un tremblement de terre dans la r´egion de San Francisco ou le temps s´eparant deux tempˆetes frappant le nord de Paris. Par extension, nous permettrons ´egalement a` X d’ˆetre constante. Exemple 2.3.2. Afin de bien comprendre la signification concr`ete de la construction math´ematique, prenons un exemple simple. Consid´erons une assurance couvrant le vol ou la perte des bagages lors d’un d´eplacement d´etermin´e. Ce type de produit est souvent propos´e par les agences de voyage a ` leurs clients. Afin d’´eviter d’interminables querelles lors de la fixation du pr´ejudice subi par le voyageur, l’assureur verse un forfait de 250e si les bagages viennent a ` ˆetre perdus ou vol´es au cours du voyage (ceci permet ´egalement de limiter le risque de fraude). Les seules ´eventualit´es a ` pr´evoir sont: soit le vol ou la perte des bagages lors du d´eplacement couvert (auquel cas l’assureur verse le forfait de 250e ), soit l’absence d’un tel ´ev´enement (auquel cas l’assureur ne doit effectuer aucune prestation). Les deux ´ev´enements ´el´ementaires suivants peuvent se produire: e1 = “les bagages ne sont ni vol´es ni perdus lors du voyage” e2 = “les bagages sont perdus ou vol´es lors du voyage.”
2.3. Variables al´ eatoires
49
Ainsi, E = {e1 ,e2 } et A = ∅,{e1 },{e2 },E . Notez que la d´efinition de E est aussi concise que possible. Ainsi, on ne s’int´eressera pas aux circonstances pr´ecises entourant la perte ou le vol des bagages, puisqu’elles n’influencent pas la prestation de l’assureur. La charge financi`ere X de l’assureur, inconnue a ` la conclusion de la police, vaut donc 0e , si e = e1 , X(e) = 250e , si e = e2 . Cette fonction est bien une variable al´eatoire puisque ∅, si x < 0, {X ≤ x} = e , si 0 ≤ x < 250e , 1 E, si x ≥ 250e ,
fait bien partie de A quelle que soit la valeur de x. Souvent, X(e) repr´esente la d´epense totale de l’assureur relativement a` une police du portefeuille au cours d’une p´eriode d´etermin´ee lorsque e d´ecrit la r´ealit´e observ´ee. Il s’agit de la variable d’int´erˆet pour l’assureur quel que soit le type de prestations promises par lui. En effet, mˆeme si la prestation revˆet diff´erentes formes du point de vue de l’assur´e, elle repr´esente toujours un coˆ ut financier pour l’assureur. Ceci est d’autant plus vrai que les prestations en nature sont le plus souvent confi´ees a` une soci´et´e tierce, afin de mieux en maˆıtriser les coˆ uts. Ainsi, le volet assistance compris dans la plupart des polices automobiles est sous-trait´e a` un sp´ecialiste de ce genre de couverture. Certains assureurs vont mˆeme jusqu’`a sous-traiter la gestion des sinistres a` des soci´et´es sp´ecialis´ees dans ce domaine.
2.3.2
Fonction de r´ epartition
On sent bien que pour beaucoup de polices l’´enum´eration des ´el´ements de E s’av`erera fastidieuse et difficile: ceci est dˆ u au grand nombre de situations pouvant conduire a` un sinistre et a` l’incertitude entourant les cons´equences financi`eres de celui-ci. En pratique, la d´efinition de E n’est pas n´ecessaire aux calculs actuariels et il suffit de connaˆıtre la fonction de r´epartition de X pour ˆetre en mesure d’´evaluer les quantit´es dont l’actuaire a besoin pour g´erer le portefeuille. Supposons que la variable al´eatoire X repr´esente le montant des indemnit´es que la compagnie devra verser. Afin de g´erer ce risque,
50
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
l’actuaire dispose d’informations a` propos des sinistres ant´erieurs caus´es par des polices du mˆeme type. Ceci lui permet d’obtenir une fonction FX : IR → [0,1], appel´ee fonction de r´epartition, donnant pour chaque seuil x ∈ IR, la probabilit´e (i.e. la “chance”) que X soit inf´erieure ou ´egale a` x. D´ efinition 2.3.3. La fonction de r´epartition F X associ´ee a ` la variable al´eatoire X est d´efinie comme h i FX (x) = Pr {e ∈ E|X(e) ≤ x} (2.5) ≡ Pr[X ≤ x], x ∈ IR.
Notez que la condition de mesurabilit´e impos´ee dans la D´efinition 2.3.1 revˆet ici toute son importance, en garantissant que l’´ev´enement “X est inf´erieure ou ´egale a` x” est bien un ´ev´enement dont on peut mesurer la probabilit´e. On peut voir F X (x) comme la prime a` payer pour recevoir 1e si l’´ev´enement {X ≤ x} se r´ealise. Exemple 2.3.4. La fonction de r´epartition de la variable al´eatoire X d´efinie a ` l’Exemple 2.3.2 vaut Pr[∅] = 0, si x < 0, FX (x) = Pr[e1 ], si 0 ≤ x < 250e , Pr[E] = 1, si x ≥ 250e .
Toutes les fonctions de r´epartition partagent une s´erie de propri´et´es communes, que nous ´enum´erons ci-apr`es. Propri´ et´ e 2.3.5. Toute fonction de r´epartition F X envoie la droite r´eelle IR sur l’intervalle unit´e [0,1] et - est non-d´ecroissante; - est continue a ` droite, i.e. l’identit´e lim FX (x + ∆x) = FX (x)
∆x→0+
est valable quel que soit x ∈ IR; - satisfait lim FX (x) = 0 et x→−∞
lim FX (x) = 1.
x→+∞
Toute fonction remplissant les conditions ci-dessus est la fonction de r´epartition d’une certaine variable al´eatoire X. Puisque FX est non-d´ecroissante, la limite FX (x−) =
lim FX (x − ∆x) = sup FX (z) = Pr[X < x]
∆x→0+
z FX (x − ) pour tout > 0}.
2.3.4
Fonction de queue
En plus de la fonction de r´epartition, nous utiliserons souvent son compl´ementaire, appel´e fonction de queue en actuariat non-vie (en biostatistique et en assurance vie, cette mˆeme fonction est appel´ee fonction de survie lorsque X repr´esente la dur´ee de vie d’un individu). Not´ee F X , celle-ci est d´efinie comme suit. D´ efinition 2.3.8. Etant donn´ee une variable al´eatoire X, la fonction de queue associ´ee vaut F X (x) = 1 − FX (x) = Pr[X > x], x ∈ IR; F X (x) represente donc la probabilit´e que X prenne une valeur sup´erieure a ` x.
52
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
On peut voir F X (x) comme la prime a` payer pour recevoir une somme de 1e si X exc`ede x. Clairement, F X est d´ecroissante puisque l’´ev´enement X > x est plus probable que X > x 0 lorsque x < x0 , i.e. {X > x0 } ⊆ {X > x}. Lorsque le support de la fonction de r´epartition F du montant de sinistre est IR+ , on mesure g´en´eralement le risque associ´e a` telle ou telle fonction de r´epartition par l’´epaisseur des queues de distribution (c’est-`a-dire par la masse de probabilit´e r´epartie sur les r´egions (c, + ∞), pour de grandes valeurs de c). Ainsi, on parlera de queue ´epaisse (ou lourde) lorsque F X ne tend que lentement vers 0 lorsque x → +∞. Nous reviendrons aux queues de distribution dans le Tome II.
2.3.5
Egalit´ e en loi
Souvent les actuaires sont davantage int´eress´es par la fonction de r´epartition d’une variable al´eatoire que par cette variable al´eatoire elle-mˆeme. Il est essentiel ici de bien saisir la nuance entre ces deux ˆetres math´ematiques. La variable al´eatoire S peut par exemple repr´esenter le montant total de sinistre g´en´er´e par monsieur Untel durant l’ann´ee qui vient. D’autre part, supposons que T repr´esente le montant de sinistre g´en´er´e par monsieur Unautre. Si ces deux individus sont indiscernables pour l’assureur, cela signifie que F S (t) = FT (t) quel que soit t ∈ IR, ce qui se notera dor´enavant F S ≡ FT . La compagnie leur appliquera alors le mˆeme tarif. Bien ´evidemment, il n’y aucune raison pour que les r´ealisations de S et T obtenues en fin de p´eriode soient identiques. Ainsi, le fait pour S et T de poss´eder la mˆeme fonction de r´epartition ne signifie pas que S = T . Pour l’actuaire qui ne connaˆıt ni monsieur Untel, ni monsieur Unautre, il n’y a d’int´erˆet que dans la fonction de r´epartition commune de S et T . Dor´enavant, nous ´ecrirons S = loi T pour exprimer le fait que FS ≡ FT . Ceci signifie donc que S et T ont mˆeme loi (ou sont identiquement distribu´ees).
2.3.6
Quantiles et inverses g´ en´ eralis´ es
Versions continues a ` gauche ou a ` droite d’une fonction monotone Soit une fonction monotone g. Une telle fonction ne peut pr´esenter qu’un nombre fini ou infini d´enombrable de discontinuit´es. D´ efinition 2.3.9. La version continue a ` gauche g − de g et la ver-
2.3. Variables al´ eatoires
53
sion continue a ` droite g+ de g sont d´efinies comme suit: g− (x) =
lim g(x − ∆x) et g+ (x) =
∆x→0+
lim g(x + ∆x).
∆x→0+
On v´erifie facilement que g− est effectivement continue a` gauche tandis que g+ est continue a` droite. De plus, g est continue a` gauche en x ⇔ g− (x) = g(x) et g est continue a` droite en x ⇔ g+ (x) = g(x). Inverse g´ en´ eralis´ e d’une fonction non-d´ ecroissante Il y a essentiellement deux inverses possibles pour une fonction non-d´ecroissante, introduits dans la d´efinition suivante. D´ efinition 2.3.10. Etant donn´ee une fonction non-d´ecroissante g, les inverses g −1 et g −1• de g sont d´efinis comme suit: g −1 (y) = inf {x ∈ IR | y ≤ g(x)} g
−1•
= sup {x ∈ IR | y > g(x)}
(y) = inf {x ∈ IR | y < g(x)}
= sup {x ∈ IR | y ≥ g(x)} ,
avec la convention inf ∅ = +∞ et sup ∅ = −∞. On peut v´erifier que g −1 et g −1• sont toutes deux non-d´ecroissantes, et que g −1 est continue a` gauche alors que g −1• est continue a` droite. Le r´esultat suivant nous sera tr`es utile par la suite. Propri´ et´ e 2.3.11. Soit g non-d´ecroissante. Quels que soient les nombres r´eels x et y, les in´egalit´es suivantes sont v´erifi´ees: (i) g −1 (y) ≤ x ⇔ y ≤ g+ (x), (ii) x ≤ g −1• (y) ⇔ g− (x) ≤ y. D´emonstration. Nous n’´etablissons que (i); le raisonnement menant a` (ii) ´etant similaire. L’implication g −1 (y) ≤ x ⇒ y ≤ g+ (x) est ´etablie lorsque la contrapos´ee y > g+ (x) ⇒ x < g −1 (y) est prouv´ee. Supposons que y > g+ (x). Alors il existe un > 0 tel que y > g(x + ). Si nous revenons a` la d´efinition de g −1 (y) en
54
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
terme de supremum, nous trouvons x+ ≤ g −1 (y), qui implique que x < g −1 (y). A pr´esent, ´etablissons la partie “⇐” de (i). Si y ≤ g + (x) alors nous pouvons ´ecrire y ≤ g(x + ) pour tout > 0. A partir de la d´efinition de g −1 (y) en terme d’infimum, nous sommes en mesure de conclure que g −1 (y) ≤ x + pour tout > 0. En passant a` la limite pour ↓ 0, nous obtenons g −1 (y) ≤ x. Inverse g´ en´ eralis´ e d’une fonction non-croissante Int´eressons-nous a` pr´esent aux fonctions non-croissantes. Afin d’´eviter toute ambiguit´e, nous supposerons dans la suite que g n’est pas constante. D´ efinition 2.3.12. Soit une fonction non-croissante (et non-constante) g. Les inverses g −1 et g −1• de g sont d´efinis comme suit: g −1 (y) = inf {x | g(x) ≤ y} g
−1•
= sup {x | y < g(x)} ,
(y) = inf {x | g(x) < y}
= sup {x | y ≤ g(x)} ,
avec la convention inf ∅ = +∞ et sup ∅ = −∞. On peut facilement v´erifier que g −1 et g −1• sont toutes deux non-croissantes, que g −1 est continue a` droite tandis que g −1• est continue a` gauche. De plus, g −1 (y) = g −1• (y) si, et seulement si, g −1 est continue en y. Le r´esultat suivant est donn´e sans d´emonstration, cette derni`ere ´etant en tout point similaire a` celle de la Propri´et´e 2.3.11. Propri´ et´ e 2.3.13. Soit g non-croissante (et non-constante). Quels que soient les nombres r´eels x et y, les ´equivalences suivantes sont valables: (i) g −1 (y) ≤ x ⇔ y ≥ g+ (x), (ii) x ≤ g −1• (y) ⇔ g− (x) ≥ y. Fonctions quantiles Une notion largement utilis´ee dans la suite est celle de quantile. Il s’agit d’un seuil qui ne sera d´epass´e (par la charge des sinistres, par exemple) que dans une proportion fix´ee de cas. La fonction qui fait correspondre ce seuil a` la proportion en question est appel´ee fonction quantile et d´efinie comme suit (en accord avec la D´efinition 2.3.10).
2.3. Variables al´ eatoires
55
D´ efinition 2.3.14. Le quantile d’ordre p de la variable al´eatoire X, not´e qp , est d´efini comme suit: qp = FX−1 (p) = inf{x ∈ IR|FX (x) ≥ p}, p ∈ [0,1]. La fonction FX−1 ainsi d´efinie est appel´ee fonction quantile associ´ee a ` la fonction de r´epartition FX . Certains quantiles ont des noms particuliers (en fonction des valeurs de p). Ainsi, lorsque p = 12 parle-t-on de m´ediane, lorsque p = 14 de premier quartile, lorsque p = 34 de troisi`eme quartile, k k lorsquer p = 10 de k`eme d´ecile, k = 1, . . . ,9, et lorsque p = 100 de k`eme percentile, k = 1, . . . ,99. Bien que la fonction quantile soit conventionnellement d´efinie conform´ement a` la D´efinition 2.3.14, on aura ´egalement recours a` l’inverse FX−1• (p) = inf{x ∈ IR|FX (x) > p}. Les r´esultats de la Propri´et´e 2.3.11 peuvent bien ´evidemment ˆetre appliqu´es a` des fonctions de r´epartition. De (i) on tire alors FX−1 (p) ≤ x ⇔ p ≤ FX (x).
(2.6)
De la mˆeme mani`ere, (ii) fournit x ≤ FX−1• (p) ⇔ FX (x−) = Pr [X < x] ≤ p.
(2.7)
Clairement FX−1• (0) = inf{x ∈ IR|FX (x) > 0} est la valeur minimum prise par X (´eventuellement ´egale a` −∞, mais le plus souvent ´egale a` 0 dans notre cadre de travail) et FX−1 (1) = sup{x ∈ IR|FX (x) < 1} est la valeur maximum prise par X, qui peut ˆetre ´egale a` +∞. Le support de X est donc inclus dans l’intervalle [F X−1• (0),FX−1 (1)]. Remarque 2.3.15. On appelle parfois F X−1 (1) le Sinistre Maximum Possible (SMP). Clairement, quelle que soit la police d’assurance, le SMP est fini. N´eanmoins, le choix de ce SMP est parfois difficile, notamment pour les branches o` u l’assureur octroie une garantie illimit´ee. C’est pourquoi on prend souvent SMP= +∞ dans les branches o` u le SMP est tr`es ´elev´e et difficilement ´evaluable, afin d’ˆetre certain de ne pas sous-´evaluer les engagements de l’assureur. Ceci am`ene l’actuaire a ` utiliser des lois dont le support est IR + pour mod´eliser le coˆ ut des sinistres.
56
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Propri´ et´ es des fonctions quantiles Remarquons que FX−1 est non-d´ecroissante. En effet, consid´erons p1 ≥ p2 ∈ [0,1]. L’inclusion {x ∈ IR|FX (x) ≥ p2 } ⊆ {x ∈ IR|FX (x) ≥ p1 } garantit que FX−1 (p1 ) ≥ FX−1 (p2 ). Remarquons pour terminer que l’identit´e F X−1 (FX (x)) = x est en g´en´eral fausse, sauf si FX−1 est continue en FX (x). Ceci signifie que l’identit´e FX−1 (FX (x)) = x est v´erifi´ee pour toutes les valeurs de x qui ne correspondent pas a` un palier de F X . Par contre, il est toujours vrai que FX (FX−1 (p)) = p. Inverse de la fonction de queue On peut facilement d´efinir l’inverse de la fonction de queue a` partir de la D´efinition 2.3.12, s’agissant d’une fonction non-croissante. On voit facilement que les inverses de la fonction de r´epartition F X et de la fonction de queue correspondante F X sont li´es par les relations −1
−1•
FX−1 (p) = F X (1 − p) et FX−1• (p) = F X (1 − p),
(2.8)
quel que soit p ∈ [0,1].
2.4 2.4.1
Variables al´ eatoires de comptage Notion
Comme leur nom l’indique, ces variables comptent un nombre d’´ev´enements, par exemple le nombre de sinistres survenus au cours d’une p´eriode. Dor´enavant, nous noterons les variables de comptage par des lettres capitales du milieu de l’alphabet: I, J, K, L, N , M , . . . Leur support est donc (contenu dans) IN = {0,1,2, . . .}. Une variable al´eatoire de comptage N est caract´eris´ee par la suite des probabilit´es {pk , k ∈ IN} associ´ee aux diff´erents entiers, i.e. pk = Pr[N = k]. La fonction de r´epartition de N est “en escalier”, les sauts d’amplitude pk se produisant aux entiers k, i.e. FN (x) = Pr[N ≤ x] =
bxc X k=0
pk , x ∈ IR,
2.4. Variables al´ eatoires de comptage
57
o` u bxc d´esigne la partie enti`ere du r´eel x. Clairement, F N (x) = 0 si x < 0. Remarque 2.4.1. Plus g´en´eralement, on parle de variable discr`ete lorsque celle-ci prend ses valeurs dans un ensemble {a 0 ,a1 ,a2 , . . .}, qui est fini ou peut ˆetre mis en bijection avec IN. Les r´esultats a ` propos des variables de comptage s’´etendent facilement au cas discret en substituant ak a ` l’entier k. Parmi les variables de comptage, nous utiliserons surtout celles dont les lois de probabilit´e sont pr´esent´ees dans les paragraphes suivants. Plusieurs d’entre elles sont associ´ees a` ce que les probabilistes appellent un sch´ema de Bernoulli ou un treillis binomial. Il s’agit de r´ep´eter un certain nombre de fois une exp´erience al´eatoire et d’observer a` chaque reprise la r´ealisation ´eventuelle d’un ´ev´enement sp´ecifi´e. Cette exp´erience doit ˆetre reproduite sous des conditions identiques et les r´esultats ant´erieurs ne peuvent influencer la r´ealisation ult´erieure ´eventuelle de l’´ev´enement d’int´erˆet.
2.4.2
Variable uniforme discr` ete
Une variable al´eatoire N est dite de loi uniforme discr`ete sur {0,1, . . . ,n}, ce qui se notera d´esormais N ∼ DUni(n), lorsque Pr[N = k] =
1 pour k = 0,1, . . . ,n. n+1
Les masses de probabilit´e accord´ees aux entiers 0,1, . . . ,n sont donc toutes identiques, d’o` u le qualificatif uniforme: aucune valeur du support {0,1, . . . ,n} n’est plus probable que les autres. Clairement, la fonction de r´epartition associ´ee a` cette variable al´eatoire est donn´ee par 0, si x < 0, bxc+1 FN (x) = , si 0 ≤ x < n, n+1 1, si x ≥ n. Il s’agit donc d’une fonction dont le graphe effectue des sauts d’am1 plitude n+1 a` chaque entier 0,1, . . . ,n.
2.4.3
Variables de Bernoulli
Une variable al´eatoire N est dite de Bernoulli de param`etre 0 < q < 1, ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant N ∼ Ber(q), lorsque Pr[N = 1] = q = 1 − Pr[N = 0].
58
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Une variable de Bernoulli indique si l’´ev´enement d’int´erˆet s’est r´ealis´e lors d’une r´ep´etition de l’exp´erience dans un sch´ema de Bernoulli (un tel sch´ema suppose qu’une exp´erience al´eatoire soit r´ealis´ee et qu’on s’int´eresse a` la r´ealisation d’un ´ev´enement donn´e a` cette occasion). Exemple 2.4.2. En sciences actuarielles, on associe classiquement la loi de Bernoulli a ` l’indicatrice d’un ´ev´enement al´eatoire. L’indicatrice vaut 1 lorsque l’´ev´enement est r´ealis´e (et indique donc la r´ealisation de cet ´ev´enement). De tels ´ev´enements sont “la police a produit au moins un sinistre au cours de la p´eriode de r´ef´erence” ou “l’assur´e est d´ec´ed´e dans l’ann´ee”, par exemple.
2.4.4
Variable binomiale
Une variable al´eatoire N est dite Binomiale d’exposant m et de param`etre q, m ∈ IN et 0 < q < 1, ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant N ∼ Bin(m,q), lorsque N prend ses valeurs dans {0,1, . . . ,m} et m Pr[N = k] = q k (1 − q)m−k , k = 0,1, . . . ,m, k o` u la notation (:) d´esigne le coefficient binomial de Newton (parfois k ), d´ encore not´e Cm efini par m! m = . k k!(m − k)! Par extension, nous noterons parfois Bin(m,q) une variable al´eatoire ob´eissant a` cette loi. Remarque 2.4.3. Notez que lorsque m = 1, on a pour k ∈ {0,1}, q, si k = 1, k 1−k Pr[N = k] = q (1 − q) = 1 − q, si k = 0, et on retrouve la loi de Bernoulli, qui apparaˆıt ainsi comme un cas particulier de la Binomiale, i.e. Bin(1,q) = Ber(q). La loi binomiale est classiquement associ´ee au nombre de succ`es dans un sch´ema de Bernoulli: si une exp´erience al´eatoire est r´ep´et´ee m fois ind´ependamment et sous des conditions identiques, le nombre de r´ep´etitions au cours desquelles un certain ´ev´enement E se r´ealise est de loi Bin(m, Pr[E]). En effet, en posant q = Pr[E], un coup d’oeil a` la forme de la probabilit´e binomiale suffit a` nous convaincre que l’interpr´etation ci-dessus est correcte: q k garantit que E s’est
2.4. Variables al´ eatoires de comptage
59
r´ealis´e a` k reprises, (1 − q)m−k assure que E ne s’est pas r´ealis´e plus souvent (les m − k autres r´ep´etitions n’ayant pas donn´e lieu a` la r´ealisation de E) tandis que le coefficient binomial exprime que l’ordre dans lequel les r´ealisations se sont produites est sans importance (puisque nous ne nous int´eressons qu’au nombre de fois o` u E s’est r´ealis´e). Exemple 2.4.4. La loi binomiale se prˆete bien a ` la mod´elisation du nombre de sinistres touchant le portefeuille dans les formes d’assurance pour lesquelles au plus un sinistre par p´eriode est possible pour chaque police (comme l’assurance sur la vie, l’assurance annulation ou l’assurance rapatriement conclue pour un voyage sp´ecifi´e, par exemple). Si q est la probabilit´e qu’une des m polices du portefeuille donne lieu a ` un sinistre, et si ces m polices sont identiques et ne s’influencent pas mutuellement, le nombre N de polices sinistr´ees est de loi Bin(m,q).
2.4.5
Variable g´ eom´ etrique
La variable de comptage N est dite g´eom´etrique de param`etre q, 0 < q < 1, ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant N ∼ Geo(q) lorsque Pr[N = k] = q(1 − q)k , k ∈ IN. Si on consid`ere un sch´ema binomial et qu’on parle de succ`es lorsqu’un ´ev´enement E se r´ealise lors d’une des r´ep´etitions de l’exp´erience al´eatoire (et d’´echec dans le cas contraire), la loi Geo(q) peut se voir comme celle du nombre d’´echecs pr´ec´edant le premier succ`es. Lorsque N = k il aura donc fallu k + 1 r´ep´etitions de l’exp´erience pour obtenir un premier succ`es. Exemple 2.4.5. Consid´erons un inspecteur de la compagnie qui contrˆ ole des dossiers sinistres en vue de d´eceler d’´eventuelles fraudes. Si q d´esigne la proportion de dossiers o` u il y a eu fraude, la probabilit´e qu’il en contrˆ ole k avant de tomber sur un premier dossier ayant donn´e lieu a ` une fraude est q(1 − q) k .
2.4.6
Variable binomiale n´ egative
Une variable al´eatoire N est dite de loi binomiale n´egative de param`etres α et q, α > 0 et 0 < q < 1, ou est dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant N ∼ N Bin(α,q), lorsque N prend ses
60
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
valeurs dans IN et Pr[N = k] =
α+k−1 k
q α (1 − q)k , k ∈ IN.
Lorsque α est entier, Pr[N = k] fait appel au coefficient binomial classique. N´eanmoins, cette d´efinition doit ˆetre ´etendue au cas o` u α n’est pas entier. Cette extension fait appel a` la fonction gamma, not´ee Γ(·), et d´efinie par Z Γ(t) = xt−1 exp(−x)dx, t ∈ IR+ . x∈IR+
Une simple int´egration par parties montre que l’´egalit´e Γ(t) = (t − 1)Γ(t − 1) est valable quel que soit t > 1. Il s’agit donc d’une interpolation de la fonction factorielle, puisque Γ(n + 1) = n! pour n ∈ IN. Le coefficient binomial g´en´eralis´e intervenant dans la probabilit´e associ´ee a` la loi N Bin(α,q) doit donc se comprendre comme suit: Γ(α + k) Γ(α + k) α+k−1 = = . k Γ(k + 1)Γ(α) k!Γ(α) Lorsque α est entier, la loi N Bin(α,q) est encore appel´ee loi de Pascal. Cette loi poss`ede une interpr´etation claire dans le cadre d’un sch´ema binomial. Comme ci-dessus, supposons qu’on s’int´eresse a` la r´ealisation ´eventuelle d’un ´ev´enement E et qu’on qualifie de succ`es une telle r´ealisation (avec q = Pr[E]). Lorsque α est entier, la variable N Bin(α,q) est simplement le nombre d’´echecs n´ecessaires a` l’obtention de α succ`es. En effet, la forme de la probabilit´e binomiale n´egative indique qu’au total on a obtenu α succ`es (facteur q α ) et k ´echecs (facteur (1 − q)k ), tandis que le coefficient binomial traduit le fait que l’ordre d’apparition de ces succ`es n’importe pas, sauf pour le dernier r´esultat, qui doit ˆetre un succ`es (on peut donc placer librement les k ´echecs parmi les α + k − 1 r´ealisations successives de l’exp´erience al´eatoire). Exemple 2.4.6. Revenons un instant a ` notre inspecteur qui d´ecide de contrˆ oler des dossiers sinistres jusqu’` a ce qu’il d´ecouvre α fraudes. Sachant que la proportion de dossiers ayant donn´e lieu a ` une fraude est q, Pr[N = k] est la probabilit´e que l’inspecteur ait dˆ u contrˆ oler k dossiers en r`egle avant d’avoir d´ecouvert les α dossiers frauduleux. Au total, notre homme aura donc v´erifi´e k + α dossiers.
2.4. Variables al´ eatoires de comptage
61
Remarque 2.4.7. En particulier, lorsque α = 1, on retrouve la loi g´eom´etrique, i.e. N Bin(1,q) = Geo(q).
2.4.7
Variable de Poisson
La loi de Poisson fut obtenue comme limite de la loi binomiale par Poisson d`es 1837. Parmi les premi`eres applications empiriques de cette loi de probabilit´e, on rel`evera l’´etude de Bortkiewicz en 1898, qui utilisa la loi de Poisson pour mod´eliser le nombre annuel de soldats tu´es par des ruades de chevaux dans l’arm´ee prussienne. Aussi appel´ee loi des ´ev´enements rares, la loi de Poisson fut d`es l’origine associ´ee a` des comptages d’accidents ou de pannes. La loi de Poisson fut introduite comme une approximation de la loi binomiale lorsque m ´etait tr`es grand et q tr`es petit. En effet, λ ). Nous avons consid´erons une variable al´eatoire N m ∼ Bin(m, m Pr[Nm = 0] =
λ 1− m
m
→ exp(−λ), si m → +∞.
De plus m−k λ
Pr[Nm = k + 1] λ = k+1 m → , si m → +∞ λ Pr[Nm = k] k+1 1− m de sorte que lim Pr[Nm = k] = exp(−λ)
m→+∞
λk . k!
La probabilit´e apparaissant dans le membre de droite de cette derni`ere ´equation est celle d´efinissant la loi de Poisson. Plus pr´ecis´ement, lorsque Pr[N = k] = exp(−λ)
λk , k ∈ IN, k!
la variable de comptage N est dite de loi de Poisson de param`etre λ, ce qui se notera d´esormais N ∼ Poi(λ). Par extension, nous d´esignerons ´egalement par Poi(λ) une variable al´eatoire ob´eissant a` cette loi. La loi de Poisson peut donc se voir comme celle du nombre de succ`es dans un sch´ema de Bernoulli, lorsque le nombre de r´ep´etitions est tr`es grand (m → +∞) et la probabilit´e de succ`es n´egligeable (q → 0) de mani`ere que mq → λ > 0.
62
2.5 2.5.1
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Variables al´ eatoires continues Notion
Dans le cadre de cet ouvrage, une variable al´eatoire X est dite continue lorsque sa fonction de r´epartition F X admet la repr´esentation Z FX (x) = fX (y)dy, x ∈ IR, (2.9) y≤x
pour une fonction int´egrable fX : IR → IR+ appel´ee la densit´e de probabilit´e de X. Une variable al´eatoire continue admet donc une fonction de r´epartition FX continue. La fonction fX intervenant dans la repr´esentation (2.9) poss`ede une signification concr`ete: si nous tra¸cons le graphe de f X , l’aire de la surface d´elimit´ee dans le plan par le graphe de f X , l’axe des abscisses et les verticales en a and b (a < b) est la probabilit´e que X prenne une valeur dans l’intervalle (a,b], i.e. Pr[a < X ≤ b] = FX (b) − FX (a) =
Z
b
fX (x)dx.
x=a
La Figure 2.1 illustre la signification de la densit´e de probabilit´e. En faisant tendre la longueur b − a de l’intervalle vers 0, on voit clairement que lim Pr[a < X ≤ b] = Pr[X = a] = 0
b→a
quel que soit le r´eel a; une variable al´eatoire continue ne poss`ede donc pas de points massiques (qui sont l’apanage des variables discr`etes). On d´eduit facilement des caract´eristiques que doivent poss´eder toutes les fonctions de r´epartition que la densit´e f X : IR → IR+ doit satisfaire la condition Z fX (y)dy = 1. y∈IR
Clairement, (2.9) garantit que d FX (x) dx FX (x + ∆x) − FX (x) = lim ∆x→0 ∆x Pr[x < X ≤ x + ∆x] = lim , ∆x→0 ∆x
fX (x) =
2.5. Variables al´ eatoires continues
63
fX
FX(b) - FX(a)=P[a < X < b]
a
b
x
Fig. 2.1 – Graphe de la fonction de densit´e f X correspondant a ` une variable continue X. de sorte que l’approximation Pr[x < X ≤ x + ∆x] ≈ fX (x)∆x est valable pour autant que ∆x soit suffisamment petit. Ainsi, bien que fX (x) ne soit pas une probabilit´e (rien ne garantit d’ailleurs que fX (x) ≤ 1), les zones o` u fX prend des valeurs tr`es ´elev´ees correspondent donc aux r´ealisations probables de X alors que les zones o` u fX prend de petites valeurs correspondent aux r´ealisations peu probables de X. Si fX = 0 sur un intervalle I, la variable X ne peut alors prendre aucune valeur dans I (de telles zones correspondent a` un plateau pour le graphe de FX ). Remarque 2.5.1. Il est bon de garder a ` l’esprit que les variables al´eatoires continues ne sont que des approximations permettant des calculs ais´es. En effet, les montants de sinistres s’expriment en euros, voire en cents d’euro, mais une valeur de 123.547324e n’aurait que tr`es peu d’int´erˆet (car on ne pourrait effectivement payer que 123.55e ). Dans la r´ealit´e, toutes les variables al´eatoires faisant le quotidien de l’actuaire sont donc discr`etes. Celles mod´elisant le coˆ ut k des sinistres prennent tant de valeurs possibles (en l’occurrence 100 , k ∈ IN) qu’il est plus commode de consid´erer que toutes les valeurs r´eelles positives sont possibles. Ceci am`ene donc a ` la notion de loi continue et de densit´e de probabilit´e expos´ee plus haut.
64
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Dans la suite de cet ouvrage, nous utiliserons les lois continues suivantes.
2.5.2
Variable uniforme continue
La loi uniforme (continue) est apparue tr`es tˆot en statistique pour mod´eliser le fruit du pur hasard, ou des ph´enom`enes au sujet desquels aucune information n’´etait disponible. Les premi`eres traces de la loi uniforme remontent a` Bayes en 1763 et Laplace en 1872. Une variable al´eatoire X est dite de loi uniforme sur l’intervalle [0,1] ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant X ∼ Uni(0,1), lorsque X prend ses valeurs dans cet intervalle et admet la fonction de r´epartition 0, si x < 0, FX (x) = x, si 0 ≤ x < 1, 1, si x ≥ 1.
La densit´e de probabilit´e correspondante est constamment ´egale a` 1 sur l’intervalle unit´e, et nulle ailleurs, i.e. fX (x) =
1, si 0 ≤ x ≤ 1, 0, sinon.
La loi uniforme joue un rˆole particulier en th´eorie des probabilit´es, en raison du r´esultat suivant. Proposition 2.5.2. (i) Si la fonction de r´epartition F X de X est continue alors FX (X) ∼ Uni[0,1]. (ii) Soit U ∼ Uni[0,1] et soit X une variable al´eatoire quelconque. La variable al´eatoire FX−1 (U ) a mˆeme loi que X. D´emonstration. (i) Quel que soit t dans (0,1), on a par (2.6) Pr[FX (X) ≥ t] = Pr[X ≥ FX−1 (t)] = 1 − FX FX−1 (t) = 1 − t,
ce qui montre que FX (X) est bien de loi Uni[0,1]. (ii) Quel que soit x ∈ IR, on a par (2.6)
Pr[FX−1 (U ) ≤ x] = Pr[FX (x) ≥ U ] = FX (x), ce qui ach`eve la preuve.
2.5. Variables al´ eatoires continues
65
Remarque 2.5.3. Le point (ii) de la Proposition 2.5.2 est central en simulation. Cette approche, que nous d´etaillerons dans le Tome II, consiste a ` recr´eer le hasard au moyen d’un ordinateur et permet de r´esoudre des probl`emes pour lesquels une solution analytique est hors de port´ee. Ce principe est simple a ` mettre en oeuvre: si l’ordinateur est en mesure de g´en´erer une suite de nombres u 1 ,u2 , . . . que rien ne permet de distinguer d’une suite de r´ealisations de variables al´eatoires Uni[0,1], cette suite peut ais´ement ˆetre transform´ee en r´ealisations de variables al´eatoires de fonction de r´epartition F X en leur appliquant la transformation F X−1 . Plus g´en´eralement, on parlera de loi uniforme sur l’intervalle [a,b] comme de celle dont la densit´e de probabilit´e est constante sur cette intervalle et nulle en dehors. Plus pr´ecis´ement, une variable al´eatoire est dite de loi uniforme sur l’intervalle [a,b], ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant X ∼ Uni[a,b], lorsque le support de X est l’intervalle en question et la densit´e de X est donn´ee par 1 b−a , si a ≤ x ≤ b, fX (x) = 0, sinon. Ayant une variable al´eatoire U ∼ Uni[0,1], on voit facilement que X −a =loi U ⇔ X =loi a + (b − a)U. b−a
2.5.3
Variable Bˆ eta
Tout comme la loi uniforme, la loi Bˆeta admet pour support un intervalle, mais n’assigne pas a` chaque intervalle contenu dans le support une masse de probabilit´e proportionnelle a` la longueur de celui-ci. Plus pr´ecis´ement, une variable al´eatoire X est dite de loi Bˆeta de param`etres α > 0 et β > 0, ce qui se notera d´esormais X ∼ Bet(α,β), lorsque X prend ses valeurs dans l’intervalle [0,1] et admet la densit´e ( Γ(α+β) α−1 x (1 − x)β−1 , si 0 ≤ x ≤ 1, Γ(α)Γ(β) fX (x) = 0, sinon. On peut ais´ement construire a` partir de X une variable al´eatoire Z qui prend ses valeurs dans l’intervalle [a,b] grˆace a` la formule Z = a + (b − a)X. Il est facile de v´erifier que la densit´e de Z est donn´ee par ( Γ(α+β) α−1 (b − z)β−1 , si a ≤ z ≤ b, α+β−1 (z − a) Γ(α)Γ(β)(b−a) fZ (x) = 0, sinon.
66
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
4
On peut voir a` la Figure 2.2 le graphe des densit´es de probabilit´e associ´ees aux lois Bet(α,β), pour diff´erentes valeurs des param`etres. On constate que la densit´e peut prendre des allures tr`es diff´erentes en fonction des valeurs des param`etres.
2 0
1
densite
3
alpha=beta=3 alpha=beta=0.5 alpha=9, beta=2
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
x
Fig. 2.2 – Densit´es de probabilit´e associ´ees a` la loi Bˆeta pour diff´erentes valeurs des param`etres α et β.
2.5.4
Variable normale
La loi normale standard est obtenue a` partir du raisonnement suivant (raccrochant la loi normale a` la th´eorie des erreurs d’observation). Il s’agit de d´efinir une densit´e de probabilit´e exprimant que la variable al´eatoire correspondante prend de petites valeurs aux alentours de 0, sym´etriquement distribu´ees par rapport a` l’origine, et que de grandes valeurs sont d’autant moins probables qu’on s’´ecarte de l’origine. On en arrive rapidement a` postuler une densit´e proportionnelle a` exp(−x2 ) qu’il s’agit ensuite de standardiser afin que l’int´egrale sur IR donne 1.
2.5. Variables al´ eatoires continues
67
La loi normale est sans conteste une des plus connues (sinon la plus connue) de la statistique. Elle fit tr`es tˆot son apparition en tant qu’approximation de la loi binomiale. Au d´ebut du 19`eme si`ecle, son rˆole central en th´eorie fut mis en ´evidence par Laplace et Gauss. En astronomie, comme dans beaucoup d’autres branches de sciences exactes, elle joue un rˆole fondamental dans la mod´elisation des erreurs de mesure et d’observation. Une variable al´eatoire X est dite de loi Normale de param`etres µ ∈ IR et σ > 0, ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant X ∼ N or(µ,σ 2 ), lorsque X prend ses valeurs dans IR et admet la fonction de r´epartition x−µ x 7→ Pr[X ≤ x] = Φ , σ o` u Φ(·) est la fonction de r´epartition associ´ee a` la loi N or(0,1) donn´ee par Z x 1 Φ(x) = √ exp(−y 2 /2)dy, x ∈ IR. 2π y=−∞ On voit facilement que si X ∼ N or(µ,σ 2 ) et si Z ∼ N or(0,1) alors X =loi µ + σZ. Ceci explique le rˆole central jou´e par la loi N or(0,1) et sa fonction de r´epartition Φ(·), appel´ee loi normale standard, ou encore loi normale centr´ee r´eduite. Nous noterons parfois N or(µ,σ 2 ) une variable al´eatoire ob´eissant a` cette loi. La densit´e de probabilit´e associ´ee a` Φ est not´ee φ et vaut d 1 x2 Φ(x) = φ(x) = √ exp(− ). dx 2 2π On peut voir a` la Figure 2.3 le graphe des densit´es de probabilit´e associ´ees aux lois N or(10,1), N or(10,2) et N or(10,3). Les densit´es sont clairement sym´etriques par rapport a` µ =10 et le param`etre σ 2 contrˆole la dispersion des valeurs possibles autour de µ: au plus σ 2 augmente, au plus des valeurs grandes ou petites par rapport a` µ deviennent probables. De mani`ere g´en´erale, la densit´e φ de la loi N or(0,1) est unimodale (maximum en µ). Elle poss`ede deux points d’inflexion, en µ ± σ. Remarque 2.5.4. Depuis quelques d´ecennies les limitations de la statistique gaussienne classique ont ´et´e mises en ´evidence et la sym´etrie de la loi normale a ´et´e s´ev`erement critiqu´ee dans de nombreuses disciplines, dont les sciences actuarielles. Il n’en reste pas moins que la plupart des r´esultats asymptotiques de la statistique reposent sur la loi normale, ce qui donne toute son importance a ` cet outil.
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
0.4
68
0.2 0.0
0.1
densite
0.3
sigma=1 sigma=2 sigma=3
0
5
10
15
20
x
Fig. 2.3 – Densit´es de probabilit´e associ´ees a` la loi normale pour µ = 10 et diff´erentes valeurs de σ 2 .
2.5.5
Variable log-normale
Comme on l’a vu plus haut, la loi normale du fait de sa sym´etrie et de la masse de probabilit´e qu’elle accorde aux valeurs n´egatives, n’est pas le candidat id´eal pour mod´eliser le coˆ ut des sinistres. Une solution simple qu’on pourrait apporter au probl`eme serait de transformer la variable a` mod´eliser afin qu’elle convienne mieux aux besoins de l’actuaire. Assez naturellement, on peut imaginer utiliser une transformation exponentielle, ce qui m`ene a` la loi lognormale. Plus pr´ecis´ement, si Y ∼ N or(µ,σ 2 ) et que nous d´efinissons X = exp Y , il vient pour x > 0, Pr[X ≤ x] = Pr[exp Y ≤ x]
= Pr[Y ≤ ln x] ln x − µ = Φ . σ
2.5. Variables al´ eatoires continues
69
Ceci nous conduit naturellement a` la d´efinition suivante. Une variable al´eatoire X est dite de loi Log-Normale de param`etres µ ∈ IR et σ 2 > 0, ce qui se notera dor´enavant X ∼ LN or(µ,σ 2 ), lorsque X prend ses valeurs dans IR+ et admet la fonction de r´epartition ( Φ ln(x)−µ , si x > 0, σ FX (x) = 0, sinon. La loi log-normale remonte a` Galton qui d`es 1879 la fit apparaˆıtre comme la loi limite d’un produit de variables al´eatoires positives. Elle fut par la suite largement utilis´ee, en ´economie et en finance. La densit´e de probabilit´e de X est donn´ee par 2 √ 1 1 ln(x)−µ exp − 2 , si x > 0, σ xσ 2π fX (x) = 0, sinon. La fonction quantile vaut
FX−1 (p) = exp µ + σΦ−1 (p) .
On peut voir a` la Figure 2.4 la densit´e de probabilit´e associ´ee a` la loi LN or(µ,σ 2 ) pour µ = 0 et σ = 0.5, 1 et 1.5. La densit´e de probabilit´e est unimodale et le mode correspond a` exp(µ − σ 2 ).
2.5.6
Variable al´ eatoire exponentielle n´ egative
Une variable al´eatoire X est dite de loi exponentielle n´egative 1 de param`etre θ > 0, ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant X ∼ Exp(θ), lorsque X prend ses valeurs dans R + et admet la densit´e de probabilit´e θ exp(−θx), si x > 0, fX (x) = 0, sinon. La fonction de r´epartition associ´ee a` la loi Exp(θ) est donn´ee par 1 − exp(−θx), si x > 0, FX (x) = 0, sinon. La fonction quantile vaut 1 FX−1 (p) = − ln(1 − p). θ 1. L’appellation “exponentielle n´egative” est utilis´ee afin d’´eviter tout risque de confusion avec la famille exponentielle, monument de la statistique moderne, que nous ´etudierons dans le Tome II.
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
0.8
70
densite
0.0
0.2
0.4
0.6
sigma=0.5 sigma=1 sigma=1.5
0
2
4
6
8
10
x
Fig. 2.4 – Densit´es de probabilit´e associ´ees a` la loi lognormale pour µ = 0 et diff´erentes valeurs de σ 2 .
Par extension, nous noterons parfois Exp(θ) une variable al´eatoire ob´eissant a` cette loi. Il s’agit tr`es certainement de la loi de probabilit´e f´etiche en sciences actuarielles. Elle jouit de nombreuses propri´et´es math´ematiques int´eressantes, ce qui explique l’engouement des actuaires a` son ´egard. Il faut cependant garder a` l’esprit qu’elle traduit des montants de sinistres relativement peu dangereux pour la compagnie, ayant une queue de distribution peu ´epaisse, puisque F X (x) = exp(−θx) pr´esente une d´ecroissance exponentielle sur IR + . On peut voir a` la Figure 2.5 la densit´e de probabilit´e associ´ee a` la loi Exp(θ) pour diff´erentes valeurs de θ. La densit´e de probabilit´e est unimodale et le mode est en 0.
2.5.7
Variable Gamma
La loi Gamma a ´et´e obtenue par Laplace d`es 1836. Bienaym´e en mit en ´evidence un cas particuler (la loi khi-carr´ee, ou du khi-deux)
71
0.8
1.0
2.5. Variables al´ eatoires continues
0.0
0.2
0.4
densite
0.6
theta=0.2 theta=0.5 theta=1 theta=2
0
5
10
15
x
Fig. 2.5 – Densit´es de probabilit´e associ´ees a` la loi exponentielle pour diff´erentes valeurs du param`etre θ.
en 1838 en relation avec la loi multinomiale. Une variable al´eatoire X est dite de loi Gamma de param`etres α > 0 et τ > 0, ou dite ob´eir a` cette loi, ce qui se notera dor´enavant X ∼ Gam(α,τ ), lorsque X admet la densit´e de probabilit´e ( α−1 α x τ exp(−xτ ) , si x ≥ 0, Γ(α) fX (x) = 0, sinon. Parfois, nous d´esignerons par Gam(α,τ ) une variable al´eatoire ob´eissant a` cette loi. La fonction de queue s’´ecrit F X (x) = 1 − Γ(α,τ x), o` u Γ(·,·) est la fonction Gamma incompl`ete, d´efinie par Z ξ 1 Γ(t,ξ) = xt−1 exp(−x)dx, ξ,t ∈ IR+ . Γ(t) x=0
72
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
On peut voir a` la Figure 2.6 le graphe de f X pour diff´erentes valeurs de α et τ . Le mode est en (α − 1)/τ lorsque α ≥ 1, et en 0 sinon. De plus, lim fX (x) = +∞, lorsque α < 1,
x→0
et lim fX (x) = 0, lorsque α = 1.
x→0
On parle de loi gamma standard lorsque τ = 1; dans ce cas, fX (x) =
xα−1 exp(−x) , x ∈ IR+ . Γ(α)
Si X est de loi gamma de param`etres α et τ , alors τ X est de loi gamma standard de param`etre α. Remarque 2.5.5. Un cas particulier int´eressant de la loi Gamma est la loi khi-carr´ee (ou khi-deux) a ` n degr´es de libert´e. Il s’agit en fait de la loi gamma de param`etres α = n/2 et τ = 1/2. Remarque 2.5.6. Lorsque α = 1, on retrouve la loi exponentielle n´egative, i.e. Gam(1,τ ) = Exp(τ ). Remarque 2.5.7. Lorsque α est un entier positif, on parle parfois de loi d’Erlang. La fonction de r´epartition est alors donn´ee par FX (x) = 1 −
2.5.8
α−1 X
exp(−xτ )
j=0
(xτ )j , x ≥ 0. j!
Variable de Pareto
Cette loi tient son nom d’un professeur d’´economie, Vilfredo Pareto, d’origine italienne qui l’introduisit d`es 1897 pour mod´eliser la r´epartition des revenus dans une population. On peut l’obtenir en transformant une variable al´eatoire de loi exponentielle n´egative. Puisque la loi exponentielle n´egative mod´elise des sinistres peu dangereux pour la compagnie, on pourrait consid´erer que le montant de sinistre X a mˆeme loi que exp(Y ), o` u Y ∼ Exp(α). D`es lors, Pr[X ≤ x] = Pr[exp(Y ) ≤ x]
= Pr[Y ≤ ln x] 0, si x ∈]0,1], = 1 − x−α , si x > 1.
73
0.5
2.5. Variables al´ eatoires continues
0.0
0.1
0.2
densite
0.3
0.4
alpha=0.5 alpha=1 alpha=1.5 alpha=2
0
2
4
6
8
10
12
14
0.5
x
0.0
0.1
0.2
densite
0.3
0.4
alpha=0.5 alpha=1 alpha=1.5 alpha=2
0
2
4
6
8
1.0
x
0.0
0.2
0.4
densite
0.6
0.8
alpha=0.5 alpha=1 alpha=1.5 alpha=2
0
1
2
3
4
x
Fig. 2.6 – Densit´es de probabilit´e associ´ees a` la loi gamma de param`etres τ = 1/4 (au-dessus), 1/2 (au milieu) et 1 (en-dessous) pour diff´erentes valeurs du param`etre α.
74
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Ce mod`ele traduit une situation beaucoup moins favorable pour l’assureur, puisque la fonction de queue d´ecroˆıt polynomialement (et plus exponentiellement) vers 0. Pour obtenir la loi de Pareto, il suffit de consid´erer la loi de la variable al´eatoire X = θ{exp(Y ) − 1}, o` u Y ∼ Exp(α), laquelle admet pour fonction de survie Pr[X > x] = Pr[Y > ln(1 + (x/θ))] x −α = 1+ θ α θ = . x+θ Ainsi, une variable al´eatoire X est dite de loi de Pareto de param`etres α > 0 et θ > 0, ce qui se notera dor´enavant X ∼ Par(α,θ), lorsque X admet la fonction de r´epartition α ( θ 1 − x+θ , si x ≥ 0, FX (x) = 0, sinon. La loi de Pareto ainsi d´efinie est parfois appel´ee loi de Lomax (ou Pareto de type II). Dor´enavant, nous d´esignerons parfois par Par(α,θ) une variable al´eatoire ob´eissant a` cette loi. La fonction quantile vaut FX−1 (p) = θ (1 − p)−1/α − 1 .
La loi de Pareto passe pour ˆetre l’une des plus dangereuses pour l’assureur (puisque la probabilit´e que le montant de sinistre d´epasse x d´ecroˆıt polynomialement avec le montant x, alors que la d´ecroissance est exponentielle avec les autres mod`eles introduits plus haut). Ceci explique son usage fr´equent en r´eassurance. La densit´e de probabilit´e associ´ee a` la loi de Pareto est donn´ee par ( αθ α α+1 , si x ≥ 0, (x+θ) fX (x) = 0, sinon, o` u α > 0, θ > 0; fX est clairement unimodale (le mode unique est en 0). Voyez la Figure 2.7 pour un graphique de f α,θ et diff´erentes valeurs des param`etres. Remarque 2.5.8. Nous rencontrerons dans le Tome II une version un peu diff´erente de la loi de Pareto, appel´ee loi de Pareto g´en´eralis´ee, et apparaissant naturellement dans l’´etude du comportement du maximum de n variables al´eatoires, lorsque n → +∞.
75
1.0
2.6. Vecteur al´ eatoire
0.0
0.2
0.4
densite
0.6
0.8
alpha=1 alpha=2 alpha=3
0
2
4
6
8
10
x
Fig. 2.7 – Densit´es de probabilit´e associ´ees a` la loi de Pareto pour θ = 1 et diff´erentes valeurs du param`etre α.
2.6 2.6.1
Vecteur al´ eatoire D´ efinition
Un vecteur al´eatoire X est le fruit de la r´eunion de n variables al´eatoires X1 , X2 , . . ., Xn d´efinies sur le mˆeme espace probabilis´e (E,A, Pr). Dans la suite, nous consid´ererons toujours X comme un vecteur colonne:
X=
X1 X2 .. . Xn
= (X1 ,X2 , . . . ,Xn )t ,
o` u l’exposant “t” indique la transposition.
76
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
2.6.2
Fonction de r´ epartition
D´ efinition g´ en´ erale Tout comme pour les variables al´eatoires, le comportement stochastique d’un vecteur X est enti`erement d´ecrit par sa fonction de r´epartition jointe FX , d´efinie comme suit. D´ efinition 2.6.1. La fonction de r´epartition F X associ´ee au vecteur al´eatoire X est d´efinie comme suit: FX (x) = Pr {e ∈ E|X1 (e) ≤ x1 ,X2 (e) ≤ x2 , . . . ,Xn (e) ≤ xn } = Pr[X1 ≤ x1 ,X2 ≤ x2 , . . . ,Xn ≤ xn ], x ∈ IRn .
A la lumi`ere de cette d´efinition, F X (x) est donc la probabilit´e que, simultan´ement, chacune des composantes X i du vecteur X soit inf´erieure au niveau xi correspondant. Il s’agit donc de la prime a` payer pour recevoir un versement d’1e si les variables X 1 , . . . ,Xn sont simultan´ement inf´erieures aux seuils x 1 , . . . ,xn . Dor´enavant, nous utiliserons souvent des notations vectorielles. Ainsi, l’´ev´enement {X ≤ x} est ´equivalent a` l’´ev´enement {X 1 ≤ x1 , . . . ,Xn ≤ xn }. En dimension 2 Nous avons vu a` la Propri´et´e 2.3.5 a` quelles conditions devait r´epondre une fonction de r´epartition univari´ee. Ce r´esultat peut se g´en´eraliser en dimension 2 de la facon suivante. Propri´ et´ e 2.6.2. FX est la fonction de r´epartition d’un couple X si, et seulement si, FX - est non-d´ecroissante - est continue a ` droite - satisfait lim FX (x1 ,t) = 0, quel que soit x1 ∈ IR,
t→−∞
lim FX (t,x2 ) = 0, quel que soit x2 ∈ IR,
t→−∞
lim
x1 ,x2 →+∞
FX (x1 ,x2 ) = 1,
de mˆeme que FX (x1 + δ,x2 + ) − FX (x1 + δ,x2 )
−FX (x1 ,x2 + ) + FX (x1 ,x2 ) ≥ 0 quel que soit x ∈ IR2 et , δ > 0.
(2.10)
2.6. Vecteur al´ eatoire
77
Remarque 2.6.3. La condition (2.10) est encore ´equivalente, dans le cas o` u FX est deux fois d´erivable, a ` ∂2 FX (x) ≥ 0. ∂x1 ∂x2 De fa¸con g´en´erale, (2.10) garantit que la probabilit´e que X prenne une valeur dans le rectangle de sommets (x 1 ,x2 ), (x1 + δ,x2 ), (x1 ,x2 + ) et (x1 + δ,x2 + ) est toujours positive. Nous retrouverons dans la suite de cet ouvrage le mˆeme type de contrainte que l’in´egalit´e (2.10) sous le nom de supermodularit´e. Dimension quelconque Etudions a` pr´esent les propri´et´es que doit poss´eder toute fonction de r´epartition en dimension quelconque. Il s’agit d’une g´en´eralisation imm´ediate de la Propri´et´e 2.6.2, sauf pour la condition (2.10) qui devient un peu plus compliqu´ee. Propri´ et´ e 2.6.4. FX est la fonction de r´epartition d’un vecteur al´eatoire X de dimension n si, et seulement si, F X - est non-d´ecroissante; - est continue a ` droite; - satisfait lim FX (x1 ,x2 , . . . ,xn ) = 0, pour j = 1,2, . . . ,n,
xj →−∞
lim
x1 ,x2 ,...,xn →+∞
FX (x1 ,x2 , . . . ,xn ) = 1,
et, quels que soient (α1 ,α2 , . . . ,αn ),(β1 ,β2 , . . . ,βn ) ∈ IRn , avec αi ≤ βi pour i = 1,2, . . . ,n, en d´efinissant: ∆αi ,βi FX (x) = FX (x1 , . . . ,xi−1 ,βi ,xi+1 , . . . ,xn ) −FX (x1 , . . . ,xi−1 ,αi ,xi+1 , . . . ,xn ), l’in´egalit´e ∆α1 ,β1 ∆α2 ,β2 . . . ∆αn ,βn FX (x) ≥ 0. Remarque 2.6.5. Comme en dimension 2, l’in´egalit´e dans la Propri´et´e 2.6.4 garantit que: Pr[α ≤ X ≤ β] ≥ 0 pour tout α ≤ β ∈ IR n .
78
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Lorsque FX est suffisamment r´eguli`ere, l’in´egalit´e dans la Propri´et´e 2.6.4 est encore ´equivalente a ` ∂n FX (x) = fX (x) ≥ 0 sur IRn , ∂x1 ∂x2 . . . ∂xn o` u fX est la densit´e de probabilit´e jointe du vecteur X. On a alors Z x1 Z xn FX (x) = ... fX (y)dy1 . . . dyn . −∞
−∞
Fonctions de r´ epartition marginales Le comportement de chacune des composantes X j est d´ecrit par la fonction de r´epartition FXj correspondante. Les fonctions FX1 , FX2 , . . ., FXn sont appel´ees fonctions de r´epartition marginales. Clairement, lim FX (x) = FXj (xj ). xi →+∞ pour tout i6=j
Support du vecteur X Le support SX du vecteur al´eatoire X est d´efini comme le sousensemble de IRn contenant les points x o` u FX est strictement croissante. SX est inclus dans l’hyper-rectangle i h i h i h −1 −1• −1 −1• −1 (0),F (1) × F (0),F (1) × . . . F (0),F (1) FX−1• X X X X X n n 1 1 2 2 o` u FXi , i = 1,2, . . . ,n, sont les marginales de F X .
2.6.3
Ind´ ependance
Souvent, l’actuaire sera confront´e a` plusieurs variables al´eatoires X1 ,X2 ,X3 , . . . (repr´esentant par exemple la d´epense de l’assureur pour diff´erentes polices du portefeuille). Il est important alors de savoir si la valeur prise par une de ces variables pourrait influencer celles prises par les autres. Exemple 2.6.6. Si on songe a ` l’assurance des bˆ atiments contre les tremblements de terre, et si X1 et X2 repr´esentent deux risques de mˆemes caract´eristiques situ´es dans une mˆeme zone g´eographique, on serait tent´e d’affirmer que si X1 prend une grande valeur (ce qui signifie que le premier bˆ atiment a subi d’importants d´egˆ ats du fait du s´eisme), X2 devrait ´egalement prendre une valeur ´elev´ee. Invers´ement, une petite valeur de X 1 pourrait indiquer que X2 a toutes les chances d’ˆetre ´egalement assez faible (puisqu’une petite
2.6. Vecteur al´ eatoire
79
valeur de X1 rend plus probable un s´eisme de faible magnitude). On parle de d´ependance positive entre les risques X 1 et X2 dans une telle situation. Une autre situation classique correspond a` la situation o` u la valeur de X1 n’a aucune influence sur celle de X2 . Exemple 2.6.7. On peut par exemple penser a ` deux risques incendie situ´es dans des r´egions diff´erentes. On voit mal comment les cons´equences de l’incendie touchant l’un des immeubles pourraient renseigner sur un hypoth´etique sinistre affectant l’autre. Intuitivement, les variables al´eatoires X 1 ,X2 , . . . ,Xn sont mutuellement ind´ependantes si la valeur de l’une quelconque d’entre elles n’influence pas les autres. D´ efinition 2.6.8. Formellement, les variables al´eatoires X 1 , . . . ,Xn sont ind´ependantes lorsque Pr[Xi ≤ xi pour i ∈ I|Xj ≤ xj pour j ∈ J ]
= Pr[Xi ≤ xi pour i ∈ I]
(2.11)
quels que soient les r´eels xi et xj , et les sous-ensembles I et J disjoints de {1, . . . ,n}.
Ceci traduit l’id´ee que le fait de savoir que les X j , j ∈ J , sont petites (comprenez par l`a inf´erieures aux seuils x j ) n’apprend rien quant a` la probabilit´e que les Xi , i ∈ I, soient ´egalement petites (i.e. inf´erieures aux seuils xi ). Plus g´en´eralement, (2.11) garantit que la survenance de tout ´ev´enement faisant intervenir les X j , j ∈ J , n’influence en rien la probabilit´e qu’un ´ev´enement faisant intervenir les Xi , i ∈ I, se produise. La seule mani`ere pour que l’´egalit´e (2.11) soit satisfaite est que la fonction de r´epartition jointe du vecteur X se factorise en le produit de ses marginales. Propri´ et´ e 2.6.9. Les variables al´eatoires X 1 ,X2 , . . . ,Xn sont ind´ependantes si, et seulement si, la factorisation FX (x) =
n Y i=1
FXi (xi ) est valable pour tout x ∈ IR n .
La v´erification de l’ind´ependance peut ´egalement se faire en recourant aux densit´es de probabilit´e. Propri´ et´ e 2.6.10. (i) Si les Xi sont continues, les variables al´eatoires X1 , . . . ,Xn sont ind´ependantes si, et seulement si, leur densit´e
80
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques de probabilit´e jointe se factorise, i.e. fX (x) =
n Y
fXi (xi ).
i=1
(ii) Si les Xi sont des variables de comptage, il en va de mˆeme des probabilit´es jointes, i.e. Pr[X1 = k1 , . . . ,Xn = kn ] =
n Y
Pr[Xi = ki ].
i=1
2.6.4
Vecteur normal
Une variable al´eatoire de loi N or(µ,σ 2 ) admet une densit´e qui peut se mettre sous la forme 1 1 2 fX (x) = √ exp − Q1 (x; µ,σ ) , x ∈ IR, 2 σ 2π avec Q1 (x; µ,σ 2 ) =
1 (x − µ)2 = (x − µ)(σ 2 )−1 (x − µ) σ2
o` u µ ∈ IR and σ 2 > 0. Tentons a` pr´esent d’´etendre cette d´efinition au cas bivari´e. Donnons-nous un couple de nombres r´eels µ= et une matrice Σ=
µ1 µ2
σ12 σ12 σ12 σ22
telle que σi2 > 0, i = 1,2, |σ12 | < σ1 σ2 . Nous notons dor´enavant |Σ| le d´eterminant de la matrice Σ. Un couple al´eatoire X = (X 1 ,X2 ) est dit de loi normale, ce qui se notera d´esormais X ∼ N or(µ,Σ), s’il admet une densit´e de la forme 1 1 fX (x) = exp − Q2 (x; µ,Σ) , x ∈ IR2 2 2π|Σ|1/2 o` u Q2 (x; µ,Σ) = (x − µ)t Σ−1 (x − µ)
2.6. Vecteur al´ eatoire
81
On peut voir a` la Figure 2.8 diff´erents graphiques de la densit´e de probabilit´e bivari´ee associ´ee a` la loi normale pour µ = (0,0) t , σ12 = σ22 = 1 et diff´erentes valeurs de σ12 . Remarque 2.6.11. Dans certains cas, la matrice Σ n’est pas inversible et nous devons alors am´enager la d´efinition de la loi N or(µ,Σ) (puisque l’inversion dans Q2 n’est plus admise). Plus pr´ecis´ement, X est dit de loi normale singuli`ere (singuli`ere car la matrice Σ est singuli`ere, i.e. non inversible) s’il existe des nombres r´eels σ 1 , σ2 , u Z ∼ N or(0,1). µ1 et µ2 tels que X =loi (σ1 Z + µ1 ,σ2 Z + µ2 ), o` Les d´efinitions donn´ees ci-dessus s’´etendent tr`es facilement a` n’importe quelle dimension (en substituant un vecteur de dimension n au couple µ et une matrice carr´ee n × n sym´etrique d´efinie positive a` la matrice 2 × 2 Σ, et en divisant le tout par (2π) n/2 ). La propri´et´e suivante indique que le param`etre σ 12 est celui contrˆolant la d´ependance ´eventuelle entre X 1 et X2 . Propri´ et´ e 2.6.12. Lorsque σ12 = 0, les composantes de X ∼ N or(µ,Σ) sont ind´ependantes. D´emonstration. Lorsque σ12 = 0, Q2 vaut 2 σ2 0 t 1 Q2 (x; µ,Σ) = (x − µ) 2 2 (x − µ) 0 σ12 σ1 σ2 1 1 = (x1 − µ1 )2 + 2 (x2 − µ2 )2 . 2 σ1 σ2 D`es lors, la densit´e jointe 1 1 2 √ exp − Q1 (x1 ; µ1 ,σ1 ) fX (x) = 2 σ1 2π 1 1 2 × √ exp − Q1 (x2 ; µ2 ,σ2 ) 2 σ2 2π se factorise en le produit des densit´es associ´ees a` X 1 et a` X2 . Remarque 2.6.13. La d´efinition g´en´eralement retenue pour la loi gaussienne multivari´ee est la suivante. Un vecteur X = 1 , . . . ,Xn ) P(X n est dit gaussien lorsque toute combinaison lin´eaire j=1 αj Xj de ses composantes est de loi normale univari´ee (avec la convention de N or(µ,0) d´esigne une masse de probabilit´e unitaire plac´ee en µ). En particulier, chaque composante X1 , . . . ,Xn est de loi normale. Remarque 2.6.14. Notez qu’il ne suffit pas pour qu’un vecteur soit gaussien que ses marginales soient normales. En effet, si on
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
0
0
0.0
0.0
5
5
pdf 0.1
pdf 0.1
0.1
0.1
5
5
0.2
0.2
82
2
2
1
1
2
2
0
-1
-1
-1
x_1
-1 -2
-2
0 x_1
-2
0
0
5 0.0
5 0.0
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5 0.1
5 0.1
0.2
0.2
-2
1
0 x_ 2
1
0 x_ 2
2
2
1
1
2
2 0 x_ 2
1
0 x_ 2
0
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x_1
-1 -2
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x_1
-2
0
0
0.1
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0.3
0.3
0.4
0.4
-2
1
2
2
1
1
2
2 1
0 x_
2
0
-1
-1 -2
-2
1
0 x_ 2
0
-1
x_1
-1 -2
x_1
-2
Fig. 2.8 – Densit´e associ´ee a ` la loi normale bivari´ee de param`etres µ = (0,0)t , σ12 = σ22 = 1 et diff´erentes valeurs de σ12
2.6. Vecteur al´ eatoire
83
consid`ere le couple (X1 ,X2 ) tel que X1 ∼ N or(0,1) et X1 , si |X1 | ≤ 1, X2 = −X1 , sinon, on a X2 ∼ N or(0,1), mais (X1 ,X2 ) n’est pas un vecteur gaussien puisque la droite x1 = −x2 se voit attribuer une masse de probabilit´e 0 < Pr[X1 + X2 = 0] < 1, ce qui fait que X1 + X2 ne peut pas ˆetre de loi normale. La loi N or(µ,Σ) peut ˆetre obtenue a` partir de la loi normale standard (ou centr´ee-r´eduite) N or(0,Id) (i.e. la loi d’un vecteur dont les composantes sont ind´ependantes et de mˆeme loi N or(0,1)) a` l’aide du r´esultat suivant. Propri´ et´ e 2.6.15. Soient X ∼ N or(µ,Σ) et Z ∼ N or(0,Id). En d´efinissant la matrice T telle que T t T = Σ, on a X =loi µ + T t Z.
2.6.5
Vecteurs elliptiques
D´ efinition Les lois elliptiques ont ´et´e introduites par Kelker en 1970. Les lois sph´eriques sont des g´en´eralisations de la loi N or (0,Id) et les lois elliptiques des g´en´eralisations de la loi N or (µ,Σ). D´ efinition 2.6.16. Un vecteur al´eatoire X de IR n est dit de loi elliptique de g´en´erateur g et de param`etres µ et Σ, ce qui se notera d´esormais X ∼ Ell(g,µ,Σ) lorsqu’il admet la densit´e cn 1 t −1 fX (x) = g (2.12) (x − µ) Σ (x − µ) , 2 |Σ|1/2 o` u la constante de normalisation cn est donn´ee par Z Γ (n/2) ∞ n/2−1 cn = t g (t) dt. (2π)n/2 0 Remarque 2.6.17. En prenant pour g la fonction exponentielle, on voit qu’on retrouve la loi normale multivari´ee N or(µ,Σ). Comportement marginal Les marginales des lois elliptiques sont elles-mˆemes elliptiques, i.e. X ∼ Ell(g,µ,Σ) ⇒ Xk ∼ Ell(g,µk ,σk2 ) pour k = 1, . . . ,n.
84
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
De plus, quelle que soit la matrice B et le vecteur b, X ∼ Ell(g,µ,Σ) ⇒ b + BX ∼ Ell(g,b + Bµ,BΣB t ). Loi de Student multivari´ ee La loi de Student multivari´ee est obtenue avec comme g´en´erateur, en dimension n, t −p g (t) = 1 + , kp
o` u le param`etre p est sup´erieur a` n/2, et k p est une constante de normalisation. La Figure 2.9 d´ecrit les fonctions g pour diff´erentes valeurs de p.
p = 0,75 p = 1,00 p = 2,50 p = 5,00 Gaussien
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0.0
-4
-2
0
2
4
Fig. 2.9 – G´en´erateur g de la loi de Student multivari´ee. La densit´e de X est alors donn´ee par " #−p cn (x − µ)t Σ (x − µ) fX (x) = 1+ pour x ∈ IRn . 1/2 Γ (p − n/2) |Σ| La Figure 2.10 d´ecrit l’allure de la densit´e associ´ee a` la loi de Student bivari´ee. On peut ´egalement obtenir la loi de Student multivari´ee a` l’aide de la construction suivante, en termes de variables al´eatoires. Propri´ et´ e 2.6.18. Soit Z ∼ N or (0,Id) et S de loi khi-carr´ee a ` m degr´es de libert´e, mutuellement ind´ependantes. Le vecteur Y = √ mZ/S ob´eit a ` la loi de Student multivari´ee, a ` m degr´es de libert´e. Ceci peut se g´en´eraliser en consid´erant Y ∗ = µ+T t Y , o` u T t T = Σ.
2.6. Vecteur al´ eatoire
85
3.0 2.5 2.0 1.5 1.0 0.5 0.0 0.2
-0.5
0.2 0.1
0.1 0.1
-1.0 1 0.
-1.5
0.1
0.0
-2.0
0.0
-2.5
-2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
3.0 2.5 2.0 1.5 1.0 0.5 0.0 0.2
-0.5
0.2
0.2
-1.0
0.1 0.1
-1.5
0.1
0.1
-2.0 -2.5
0.0
0.0
-2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
Fig. 2.10 – Densit´e de la loi de Student bivari´ee pour p = 1.5 (audessus) et p = 0.75 (en-dessous)
86
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Loi de Cauchy multivari´ ee La loi de Cauchy multivari´ee admet la densit´e fX (x) =
Γ ((n + 1) /2)
π (n+1)/2 |Σ|1/2
1+(x − µ)t Σ (x − µ)
−(n+1)/2
pour x ∈ IRn .
Loi logistique multivari´ ee La loi logistique multivari´ee admet le g´en´erateur g (t) =
exp(−t) 1 + exp(−t)
La densit´e s’´ecrit alors fX (x) =
cn
2 .
exp − 12 (x − µ)t Σ−1 (x − µ)
|Σ|1/2 1 + exp − 12 (x − µ)t Σ−1 (x − µ)
Loi de puissance exponentielle multivari´ ee
n 2 pour x ∈ IR .
La loi de puissance exponentielle multivari´ee admet le g´en´erateur g (t) = exp (−rts ) , o` u r et s sont des param`etres strictement positifs. La densit´e est alors donn´ee par r s cn t −1 fX (x) = exp − (x − µ) Σ (x − µ) pour x ∈ IRn , 1/2 2 |Σ| o` u la constante de normalisation c n vaut ici cn =
sΓ (n/2) (2π)
n/2
Γ (n/ (2s))
r n/(2s) ,
avec le cas particulier du vecteur Gaussien quand s = r = 1, et√le cas particulier de la loi de Laplace dans le cas o` u s = 1/2 et r = 2.
2.6.6
Vecteur multinomial
D´ efinition La loi multinomiale peut se voir comme celle d’un vecteur N de composantes de loi binomiale, mais d´ependantes. Ayant des probabilit´es p1 ,p2 , . . . ,pn telles que p1 + . . . + pn = 1, N est de loi
2.7. Lois conditionnelles
87
multinomiale d’exposant m et de param`etres p 1 , . . . ,pm , ce qui se notera d´esormais N ∼ Mult(m,p1 , . . . ,pn ), lorsque Pr[N1 = k1 , . . . ,Nn = kn ] =
m! pk11 pk22 . . . pknn , k1 !k2 ! . . . kn !
pour les entiers k1 , . . . ,kn tels que k1 + . . . + kn = m. Lois marginales Lorsque m = 2, on voit que Mult(m,p1 ,p2 ) est la loi du couple (N,m − N ) o` u N ∼ Bin(m,p1 ). De mani`ere g´en´erale, chaque composante Ni d’un vecteur (N1 , . . . ,Nn ) de loi Mult(m,p1 , . . . ,pn ) est de loi Bin(m,pi ). Les composantes de ce vecteurs sont fortement d´ependantes car li´ees par la relation N1 + . . . + Nn = m.
2.7 2.7.1
Lois conditionnelles Le cas des variables de comptage
Commmen¸cons par le cas simple et consid´erons le couple de variables al´eatoires de comptage (N 1 ,N2 ). La loi du couple (N1 ,N2 ) est d´ecrite par les probabilit´es jointes Pr[N 1 = n1 ,N2 = n2 ], n1 ,n2 ∈ IN. Les lois marginales de N1 et de N2 s’obtiennent en sommant par rapport aux valeurs possibles de l’autre composante du couple, i.e. X Pr[N1 = n1 ] = Pr[N1 = n1 ,N2 = j], n1 ∈ IN, j∈IN
et Pr[N2 = n2 ] =
X
j∈IN
Pr[N1 = j,N2 = n2 ], n2 ∈ IN.
Comme l’´ev´enement {N1 = n1 } se voit attribuer une masse de probabilit´e positive (lorsque n1 appartient au support de N1 ), la loi conditionnelle de N2 sachant N1 = n1 , n1 ∈ IN, est simplement donn´ee par Pr[N2 = n2 |N1 = n1 ] =
Pr[N1 = n1 ,N2 = n2 ] , n2 ∈ IN, Pr[N1 = n1 ]
en vertu de la d´efinition (2.4) de la probabilit´e conditionnelle.
88
2.7.2
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Le cas des variables continues
Ayant un couple (X1 ,X2 ) de variables al´eatoires continues, il est plus difficile de d´efinir Pr[X1 ≤ x1 |X2 = x2 ] car Pr[X2 = x2 ] = 0 et la d´efinition ´el´ementaire (2.4) ne trouve donc pas a` s’appliquer. Afin de d´efinir la loi conditionnelle de X 1 sachant X2 = x2 , on peut proc´eder par passage a` la limite comme d´ecrit ci-apr`es. Tout d’abord, quels que soient x1 , x2 ∈ IR et h > 0, R x2 +h R x1 ξ =x ξ =−∞ fX (ξ1 ,ξ2 )dξ1 dξ2 Pr[X1 ≤ x1 |x2 ≤ X2 ≤ x2 + h] = 2 2 R x12 +h . f (ξ )dξ X 2 2 2 ξ2 =x2
En divisant num´erateur et d´enominateur par h puis en faisant tendre h → 0, on voit que le membre de droite tend vers R x1 ξ =−∞ fX (ξ1 ,x2 )dξ1 ≡ Pr[X1 ≤ x1 |X2 = x2 ]. F1|2 (x1 |x2 ) = 1 fX2 (x2 )
On peut v´erifier qu’`a x2 fix´e, F1|2 (·|x2 ) est une fonction de r´epartition poss´edant la densit´e f1|2 (x1 |x2 ) =
fX (x1 ,x2 ) . f2 (x2 )
(2.13)
On appelle f1|2 (·|x2 ) la densit´e de X1 conditionnellement a` X2 = x2 , et F1|2 (·|x2 ) la fonction de r´epartition de X1 conditionnellement a` X2 = x 2 . Exemple 2.7.1. Consid´erons X ∼ N or(µ,Σ) et notons r = σσ112 σ2 . 2 2 2 Comme |Σ| = σ1 σ2 (1 − r ), l’inverse de Σ existe si, et seulement si, |r| < 1. Un calcul direct donne dans ce dernier cas 1 σ22 −rσ1 σ2 −1 Σ = 2 2 . σ12 σ1 σ2 (1 − r 2 ) −rσ1 σ2 Pour |r| < 1, nous pouvons donc ´ecrire 1 1 √ fX (x) = exp − × 2 2(1 − r 2 ) 2πσ1 σ2 1 − r x1 − µ 1 2 x1 − µ 1 x2 − µ 2 x2 − µ 2 2 − 2r + . σ1 σ1 σ2 σ2 A partir de l’identit´e x1 − µ 1 2 x2 − µ 2 x2 − µ 2 2 x1 − µ 1 − 2r + σ1 σ1 σ2 σ2 2 x2 − µ 2 x1 − µ 1 x2 − µ 2 2 = (1 − r 2 ) + −r , σ2 σ1 σ2
2.7. Lois conditionnelles
89
on obtient fX (x) = f2 (x2 )f1|2 (x1 |x2 ) avec 1 1 f2 (x2 ) = √ exp − 2 (x2 − µ2 )2 2σ σ2 2π et f1|2 (x1 |x2 ) =
1 1 √ √ exp − 2 × 2σ1 (1 − r 2 ) 2πσ1 1 − r 2 2 σ1 x1 − (µ1 + r (x2 − µ2 )) . σ2
Lorsque |r| < 1, la loi conditionnelle de X 1 sachant X2 = x2 est donc σ1 2 2 N or µ1 + r (x2 − µ2 ),σ1 (1 − r ) . σ2
2.7.3
Le cas mixte: une variable de comptage et une autre continue
Nous consid´erons ici le couple al´eatoire (X,N ) o` u la variable X est continue et N est une variable de comptage. On peut imaginer par exemple que X repr´esente le coˆ ut des sinistres et N leur nombre. La densit´e de probabilit´e jointe de (X,N ) est d´efinie par f (x,n) = lim
∆x→0
Pr[x < X ≤ x + ∆x,N = n] . ∆x
Nous avons bien entendu XZ
+ n∈IN x∈IR
f (x,n)dx = 1.
Les lois marginales de X et de N sont respectivement d´ecrites par la densit´e de X X f1 (x) = f (x,n) n∈IN
et la loi de probabilit´e de N
f2 (n) =
Z
x∈IR+
f (x,n)dx.
Les lois conditionnelles sont alors d´ecrites par la densit´e de X sachant N = n f (x,n) f1|2 (x|n) = f2 (n)
90
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
et par la loi de probabilit´e de N sachant X = x f2|1 (n|x) =
f (x,n) . f1 (x)
Exemple 2.7.2 (M´ elange de Poisson). Supposons que la loi jointe du couple (X,N ) soit d´ecrite par f (x,n) = exp(−x)
xn g(x), x ∈ IR+ , n ∈ IN. n!
Clairement, les marginales sont donn´ees par f1 (x) =
X
f (x,n) = g(x)
n∈IN
pour X et par f2 (n) =
Z
x∈IR+
f (x,n)dx = E[exp(−X)X n /n!]
pour N . La densit´e conditionnelle de N sachant X = x est f2|1 (n|x) = exp(−x)
xn n!
de sorte que conditionnellement a ` X = x, N ∼ Poi(x). La densit´e conditionnelle de X sachant N = n s’´ecrit quant a ` elle f1|2 (x|n) = R
2.7.4
exp(−x)xn g(x) . n ξ∈IR+ exp(−ξ)ξ g(ξ)dξ
Ind´ ependance conditionnelle
On ´etudiera ´egalement par la suite le cas de variables conditionnellement ind´ependantes, D´ efinition 2.7.3. Soit un vecteur al´eatoire Θ. Les variables X 1 et X2 sont ind´ependantes conditionnellement a ` Θ si la condition suivante est satisfaite: Pr[X1 ≤ x1 ,X2 ≤ x2 |Θ = θ] = Pr[X1 ≤ x1 |Θ = θ] Pr[X2 ≤ x2 |Θ = θ]. Exemple 2.7.4. Supposons qu’il existe une variable al´eatoire Θ telle que conditionnellement a ` Θ = θ, les variables al´eatoires N 1 et
2.8. Lois compos´ ees
91
N2 sont ind´ependantes et de lois respectives Poi(λ 1 θ) et Poi(λ2 θ). Nous avons alors Pr[N1 = n1 ,N2 = n2 ] Z = Pr[N1 = n1 ,N2 = n2 |Θ = θ]fΘ (θ)dθ θ∈IR+ Z = Pr[N1 = n1 |Θ = θ] Pr[N2 = n2 |Θ = θ]fΘ (θ)dθ θ∈IR+ Z (λ1 θ)n1 (λ2 θ)n2 = exp(−λ1 θ − λ2 θ) fΘ (θ)dθ. n1 !n2 ! θ∈IR+ Si Θ ∼ Gam(a,a), on obtient Pr[N1 = n] = = =
Z λn1 aa θ a+n−1 exp(−θ(a + λ1 ))dθ n!Γ(a) θ∈IR+ λn1 aa (a + λ1 )−a−n Γ(a + n) n!Γ(a) n a Γ(a + n) λ1 a n!Γ(a) a + λ1 a + λ1
de sorte que N1 ∼ N Bin(a,a/(a+λ1 )). De mˆeme, N2 ∼ N Bin(a,a/(a+ λ2 )). La loi du couple N est appel´ee loi Binomiale N´egative bivari´ee.
2.8 2.8.1
Lois compos´ ees D´ efinition
Ces mod`eles probabilistes “composent” une loi de comptage (pour le nombre des sinistres) avec une loi continue (pour leurs coˆ uts respectifs) afin de d´ecrire le coˆ ut total qu’un assur´e, une classe d’assur´es ou un portefeuille g´en`ere pour l’assureur. Si N d´esigne le nombre des sinistres survenus durant une certaine p´eriode et X i , i = 1,2, . . ., les montants de ceux-ci, la charge financi`ere totale S de la compagnie pour la p´eriode consid´er´ee s’´ecrit alors comme suit: S=
N X
Xi
(2.14)
i=1
avec la convention que S = 0 lorsque N = 0. Les variables al´eatoires Xi , i = 1,2, . . . sont suppos´ees ind´ependantes et identiquement distribu´ees, et N est suppos´ee ind´ependante des X i .
92
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
2.8.2
Produit de convolution
Ayant des variables al´eatoires ind´ependantes, il est souvent int´eressant pour l’actuaire de consid´erer leur somme. Ainsi, ´etant donn´ees deux variables al´eatoires de comptage ind´ependantes N 1 et N2 , la somme N1 + N2 admet la fonction de r´epartition Pr[N1 + N2 ≤ k] =
k X
Pr[N1 ≤ k − j] Pr[N2 = j],
k X
Pr[N1 = k − j] Pr[N2 = j].
j=0
qui donne encore Pr[N1 + N2 = k] =
j=0
Exemple 2.8.1 (Convolution de lois de Poisson). Supposons N1 ∼ Poi(λ1 ) et N2 ∼ Poi(λ2 ), ind´ependantes. Dans ce cas, k X
Pr[N1 + N2 = k] =
j=0
exp(−λ1 )
λ1k−j λj exp(−λ2 ) 2 (k − j)! j! k
= exp(−λ1 − λ2 )
1 X k! j=0 |
k j
{z
λ1k−j λj2
=(λ1 +λ2 )k
}
Ainsi, N1 + N2 ∼ Poi(λ1 + λ2 ). On dit encore que la loi de Poisson est stable par convolution. L’exemple ci-dessus nous permet de rapprocher les lois multinomiale et de Poisson. Exemple 2.8.2. Soient les variables al´eatoires ind´ependantes N 1 ∼ Poi(λ1 ), . . . ,Nn ∼ Poi(λn ). Conditionnellement a ` N 1 + . . . + Nn = m, (N1 , . . . ,Nn ) ∼ Mult(m,λ1 /λ• , . . . ,λn /λ• ) P o` u λ • = j λj . Quels que soient les entiers k1 , . . . ,kn , l’´egalit´e Pr[N1 = k1 , . . . ,Nn = kn |N1 + . . . + Nn = k1 + . . . + kn ] Qn
λ
kj
j j=1 exp(−λj ) kj ! = P Pn λ Pnj=1 kj ( j=1 j ) n P exp − j=1 λj ( nj=1 kj )!
prouve le r´esultat annonc´e.
2.8. Lois compos´ ees
93
L’exemple suivant traite d’une forme de loi de Poisson bivari´ee. Exemple 2.8.3. Consid´erons le couple al´eatoire (N 1 ,N2 ) o` u N1 = L1 + M et N2 = L2 + M ; M repr´esente un “choc commun” affectant simultan´ement N 1 et N2 . Les variables al´eatoires L1 , L2 et M sont suppos´ees ˆetre ind´ependantes de loi L1 ∼ Poi(λ1 ), L2 ∼ Poi(λ2 ) et M ∼ Poi(µ). Les lois marginales du couple (N1 ,N2 ) sont clairement Poi(λ1 + µ) et Poi(λ2 + µ), respectivement. La loi jointe de (N1 ,N2 ) s’obtient comme suit Pr[N1 = n1 ,N2 = n2 ] +∞ X Pr[N1 = n1 ,N2 = n2 |M = k] Pr[M = k] = k=0
=
min{n1 ,n2 }
X k=0
Pr[L1 = n1 − k] Pr[L2 = n2 − k] Pr[M = k]
= exp(−λ1 − λ2 − µ)
min{n1 ,n2 }
X
k=0
µk λn1 1 −k λn2 2 −k . k! (n1 − k)! (n2 − k)!
On peut alors calculer la loi conditionnelle de N 2 sachant N1 = n1 : Pr[N2 = n2 |N1 = n1 ]
min{n1 ,n2 }
X
λn2 2 −k µk λn1 1 −k k! (n1 − k)! (n2 − k)! k=0 (λ1 + µ)n1 −1 × exp(−λ1 − µ) n1 ! min{n1 ,n2 } X µk λn1 1 −k λn2 2 −k n1 = exp(−λ2 ) . k (n2 − k)!(λ1 + µ)n1 = exp(−λ1 − λ2 − µ)
k=0
La Figure 2.11 d´ecrit les probabilit´es conditionnelles n 2 7→ Pr[N2 = n2 |N1 = n1 ] pour diff´erentes valeurs de n1 , de mˆeme que la probabilit´e marginale n2 7→ Pr[N2 = n2 ] (en trait plein). On constate que lorsque n1 augmente, les courbes ont tendance a ` se d´eplacer vers la droite, accordant ainsi des masses de probabilit´e plus ´elev´ees aux grandes valeurs.
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
0.10
0.15
P[N_2=n_2] n_1=0 n_1=10 n_1=20
0.0
0.05
P[N_2=n_2|N_1=n_1]
0.20
94
0
10
20
30
40
50
n_2
Fig. 2.11 – Loi de probabilit´e de N2 conditionnellement a ` {N1 = n1 } pour n1 = 0,10,20, λ1 = λ2 = 10, µ = 5. De mani`ere g´en´erale, le produit de convolution (dor´enavant not´e “?”) de fonctions de r´epartition fournit la fonction de r´epartition d’une somme de variables al´eatoires ind´ependantes admettant ces fonctions de r´epartition. D´ efinition 2.8.4. Etant donn´ees deux fonctions de r´epartition F 1 et F2 , le produit de convolution F1 ? F2 est d´efini comme suit: Z F1 ? F2 (x) = F1 (x − y)dF2 (y), x ∈ IR. y∈IR
Dans le cadre de cet ouvrage, les fonctions de r´epartition consid´er´ees auront le plus souvent un support contenu dans IR + . Dans ce cas, le produit de convolution F1 ? F2 est encore donn´e par Z x F1 ? F2 (x) = F1 (x − y)dF2 (y), x ≥ 0. y=0
Si on note X1 et X2 des variables al´eatoires ind´ependantes de fonction de r´epartition F1 et F2 , on a clairement que F1 ? F2 (x) = Pr[X1 + X2 ≤ x].
2.8. Lois compos´ ees
95
Si F1 et F2 admettent les densit´es de probabilit´e f 1 et f2 , la densit´e de X1 + X2 , not´ee f1 ? f2 , est donn´ee par Z d F1 ? F2 (x) = f1 ? f2 (x) = f1 (x − y)f2 (y)dy, x ∈ IR. dx y∈IR Lorsque les supports de F1 et de F2 sont contenus dans IR+ , ceci se r´e´ecrit encore Z x d f1 ? f2 (x) = f1 (x − y)f2 (y)dy, x ≥ 0. F1 ? F2 (x) = dx y=0 Exemple 2.8.5 (Convolution de lois Gamma). Consid´erons X1 ∼ Gam(α1 ,τ ) et X2 ∼ Gam(α2 ,τ ), mutuellement ind´ependantes. La densit´e de la somme X1 + X2 est donn´ee par Z x 1 (x − y)α1 −1 τ α1 +α2 y α2 −1 exp(−xτ )dy Γ(α1 )Γ(α2 ) 0 = exp(−xτ )τ α1 +α2
xα1 +α2 −1 . Γ(α1 + α2 )
Nous constatons que X1 + X2 ∼ Gam(α1 + α2 ,τ ), de sorte que la famille des lois Gamma est stable par convolution. Nous reviendrons au Chapitre 8 sur le probl`eme de la d´etermination de la fonction de r´epartition d’une somme X 1 + X2 de variables al´eatoires d´ependantes.
2.8.3
Fonction de r´ epartition associ´ ee ` a une loi compos´ ee
Si on note FX la fonction de r´epartition commune des X i , la fonction de r´epartition FS de S d´efinie en (2.14) est alors donn´ee par "N # X FS (s) = Pr Xi ≤ s i=1
=
+∞ X
Pr
k=0
= =
+∞ X
k=0 +∞ X k=0
Pr
"
N X
i=1 " k X i=1
Xi ≤ s,N = k #
#
Xi ≤ s Pr[N = k] ?(k)
Pr[N = k]FX (s), s ∈ IR+ ,
96
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques ?(k)
o` u la suite {FX , k ∈ IN} des puissances de convolution de F X satisfait le sch´ema de r´ecurrence ?(k)
?(k−1)
FX (x) = FX ? FX (x) Z x ?(k−1) = FX (x − y)dFX (y), x ∈ IR+ , k = 1,2, . . . , y=0
?(1)
partant de FX
= FX et avec la convention 0, si x < 0, ?(0) FX (x) = 1, sinon.
Exemple 2.8.6 (Loi binomiale compos´ ee). Si N ∼ Bin(n,q) alors on parle de loi binomiale compos´ee, ce qui se note S ∼ CBin(n,q,F X ). Dans ce cas, n X n ?(k) FS (s) = q k (1 − q)n−k FX (s). k k=0
Exemple 2.8.7 (Loi de Poisson compos´ ee). Si N ∼ Poi(λ), on parle de loi de Poisson compos´ee, et nous noterons S ∼ CPoi(λ,F X ). Dans ce cas, +∞ X λk ?(k) FS (s) = exp(−λ) FX (s). k! k=0
2.9 2.9.1
Transformations des risques et clauses conventionnelles relatives aux dommages Concept
Du fait de la garantie partielle octroy´ee par l’assureur, l’assurance revient en pratique a` substituer a` une variable al´eatoire S repr´esentant la perte financi`ere qui menace le patrimoine de l’assur´e une variable al´eatoire g(S), jug´ee plus avantageuse par ce dernier. Le contrat d’assurance n’´elimine donc pas le risque du patrimoine de l’assur´e, mais le transforme pour le rendre acceptable. Le but de cette section est d’examiner l’impact des clauses standards limitant l’intervention de l’assureur.
2.9.2
Le d´ ecouvert obligatoire
Lorsqu’un d´ecouvert obligatoire est pr´evu dans les conditions g´en´erales, l’assureur laisse en toute hypoth`ese une partie du montant
2.9. Transformations des risques et clauses conventionnelles relatives aux dommages
97
des sinistres a` charge de l’assur´e. Le d´ecouvert obligatoire est une notion doctrinale qui n’est pas utilis´ee dans les textes r´eglementaires (lesquels ne parlent que de franchise, ce dernier terme recouvrant en r´ealit´e une autre clause conventionnelle relative aux dommages, dont il sera question plus loin). Lorsqu’une police pr´evoit un d´ecouvert obligatoire d’un montant δ et que le montant du sinistre est X, le montant Y de l’indemnit´e vers´ee par l’assureur vaut 0, si X ≤ δ, Y = X − δ, si X > δ. Notez que le d´ecouvert obligatoire affecte (i) le nombre des sinistres, puisque les sinistres de montant inf´erieur a` celui du d´ecouvert obligatoire ne sont pas d´eclar´es a` l’assureur; (ii) le montant des sinistres, puisque les sinistres de montant sup´erieur a` celui du d´ecouvert obligatoire seront rabot´es de ce dernier. La fonction de r´epartition de Y s’obtient comme suit: il y a une probabilit´e positive pour que Y soit nulle, donn´ee par Pr[Y = 0] = Pr[X ≤ δ] = FX (δ). Ensuite, pour y > 0, FY (y) = Pr[Y ≤ y] = Pr[X ≤ δ + y] = FX (δ + y). La fonction de r´epartition de Z vaut pour z > 0 FZ (z) = Pr[Z ≤ z|Y > 0] = Pr[Y ≤ z|Y > 0] Pr[0 < Y ≤ z] Pr[δ < X ≤ z + δ] = = Pr[Y > 0] 1 − FX (δ) FX (z + δ) − FX (δ) = 1 − FX (δ) c’est-`a-dire FZ (z) =
2.9.3
(
0, si z ≤ 0,
FX (z+δ)−FX (δ) , 1−FX (δ)
si z > 0.
La franchise
Lorsqu’une franchise est pr´evue dans les conditions g´en´erales, l’assureur couvre l’int´egralit´e du dommage s’il exc`ede le montant de
98
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
la franchise. Par contre, les sinistres dont le montant est inf´erieur a` la franchise ne donnent droit a` aucune indemnisation. La franchise influence donc le nombre des sinistres indemnis´es (et donc d´eclar´es a` la compagnie), mais n’affecte pas le montant des sinistres d´epassant le montant de la franchise. Formellement, la franchise donne droit au remboursement int´egral pour autant que le montant X du sinistre d´epasse un montant sp´ecifi´e κ. Dans ce cas, le montant Y de l’indemnit´e a` laquelle peut pr´etendre l’assur´e qui a subi un pr´ejudice de montant X est donn´ee par 0, si X ≤ κ, Y = X, si X > κ. D`es lors,
Pr[Y = 0] = Pr[X ≤ κ] = FX (κ).
Ensuite, pour y > 0,
FY (y) =
FX (κ), si y ≤ κ FX (y), si y > κ.
Le paiement effectif Z de la compagnie admet la fonction de r´epartition Pr[0 < Y ≤ z] FZ (z) = Pr[Y ≤ z|Y > 0] = Pr[Y > 0] ( 0, si z ≤ κ, = FX (z)−FX (κ) 1−FX (κ) , si z > κ. La plupart du temps, les statistiques disponibles concernent les paiements Z et pas les coˆ uts effectifs des sinistres X. En effet, les compagnies enregistrent les montants pay´es en ex´ecution des contrats, et ne gardent souvent pas la trace du coˆ ut r´eel des sinistres.
2.9.4
Plafond d’indemnisation
Beaucoup de polices pr´evoient une limite sup´erieure pour le montant de l’indemnit´e que l’assureur pourrait ˆetre amen´e a` verser en ex´ecution du contrat. Si on note ω le plafond d’indemnisation, la somme Y que recevra l’assur´e suite a` un pr´ejudice de montant X sera X, si X ≤ ω, Y = min{X,ω} = ω, si X > ω.
D`es lors, la fonction de r´epartition F Y de Y s’exprime comme suit: FX (y), si y < ω, FY (y) = 1, si y ≥ ω.
2.9. Transformations des risques et clauses conventionnelles relatives aux dommages
99
On voit donc apparaˆıtre un point massique en ω o` u se concentrent tous les sinistres de montant sup´erieur au plafond d’indemnisation ω.
2.9.5
Cons´ equence technique: la censure
Les clauses conventionnelles examin´ees ci-dessus ont des cons´equences importantes pour l’actuaire. En effet, seul le montant X du pr´ejudice subi par l’assur´e lui importe, alors qu’il ne dispose bien souvent que des montants Z vers´es par l’assureur a` titre d’indemnit´e. La connaissance des montants pay´es par une compagnie d’assurance qui a introduit des clauses limitant son intervention dans les conditions de ses polices n’est pas ´equivalente a` la connaissance des montants de sinistre eux-mˆemes. Il s’agit d’un ph´enom`ene de censure dont l’actuaire devra tenir compte lorsqu’une modification des conditions g´en´erales des polices est a` l’´etude.
2.9.6
Loi de Poisson et clauses relatives aux dommages
La loi de Poisson poss`ede la propri´et´e suivante, qui rend son usage tr`es ais´e lorsque la police pr´evoit une franchise ou un d´ecouvert obligatoire. Proposition 2.9.1. Soit N ∼ Poi(λ) le nombre de sinistres touchant une compagnie d’assurance durant une p´eriode de r´ef´erence. Supposons que ces sinistres se r´epartissent en m cat´egories, avec les probabilit´es q1 ,q2 , . . . ,qm , respectivement (selon un sch´ema multinomial), et que Ni d´esigne le nombre de sinistres de type i, i = 1,2, . . . ,m. Les variables al´eatoires N 1 ,N2 , . . . ,Nm sont des variables al´eatoires ind´ependantes, de loi de Poisson de param`etres respectifs λq1 , λq2 , . . ., λqm .
D´emonstration. Remarquons tout d’abord que conditionnellement
100
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
a` N = n, Ni ∼ Bin(n,qi ). Ceci nous permet d’´ecrire Pr[Ni = k] = =
+∞ X
Pr[Ni = k|N = n] Pr[N = n]
n=k +∞ X n=k
n k
= exp(−λ)
qik (1 − qi )n−k exp(−λ)
λn n!
+∞ (λqi )k X 1 (1 − qi )n−k λn−k k! (n − k)! n=k | {z } =exp(λ(1−qi ))
= exp(−λqi )
(λqi k!
)k
,
ce qui montre bien que Ni ∼ Poi(λqi ). Pour montrer l’ind´ependance des Ni , il suffit d’´ecrire Pr[N1 = k1 , . . . ,Nm = km ] = Pr[N1 = k1 , . . . ,Nm = km |N = k1 + . . . + km ] λk1 +...+km exp(−λ) (k1 + . . . + km )! (k1 + . . . + km )! = (q1 )k1 . . . (qm )km k1 ! . . . k m ! λk1 +...+km exp(−λ) (k1 + . . . + km )! m Y (λqj )kj = exp(−λqj ) . kj ! j=1
Exemple 2.9.2. Supposons qu’une compagnie d’assurance commercialise des polices pr´evoyant une franchise (ou un d´ecouvert obligatoire) de montant κ. Apparaissent ainsi deux types de sinistres: ceux dont le montant est inf´erieur a ` κ (et qui ne sont donc pas d´eclar´es a ` l’assureur) et ceux dont le montant est sup´erieur a ` κ (et qui sont d´eclar´es et indemnis´es par l’assureur). Si N ∼ Poi(λ) est le nombre de sinistres relatif a ` une police, et s’il y a ind´ependance entre le nombre et le coˆ ut des sinistres, eux-mˆemes ind´ependants et de mˆeme loi, le nombre Nκ de sinistres d´eclar´es par police est toujours de loi de Poisson, de moyenne λq o` u q est la probabilit´e que le montant d’un sinistre d´epasse κ. Remarque 2.9.3. Dans le cas, souvent rencontr´e en pratique (´eventuellement apr`es discr´etisation) o` u les montants des sinistres X 1 ,X2 ,X3 , . . . ne
2.9. Transformations des risques et clauses conventionnelles relatives aux dommages
101
prennent qu’un nombre fini de valeurs distinctes {v 1 ,v2 , . . . ,vp } disons, la Propri´et´e 2.9.1 fournit la repr´esentation suivante de S ∼ CPoi(λ,F ): S = v 1 N1 + v 2 N2 + . . . + v p Np , o` u les variables al´eatoires N1 ,N2 , . . . ,Np sont ind´ependantes et de lois de Poisson de param`etres respectifs λ Pr[X = v 1 ],λ Pr[X = v2 ], . . . ,λ Pr[X = vp ].
2.9.7
Effets pervers des clauses conventionnelles relatives au dommage
Pour terminer, notons que les clauses conventionnelles examin´ees dans cette section ont parfois une influence sur les montants des sinistres d´eclar´es aux compagnies, voire sur la d´eclaration des sinistres elle-mˆeme. Ainsi, lorsqu’une police pr´evoit un d´ecouvert obligatoire de montant δ, ceci aura pour effet de diminuer les d´eclarations de sinistre dont le montant n’est que l´eg`erement sup´erieur a` δ; l’assur´e pr´ef`ere souvent y mettre de sa poche plutˆot que de ne r´ecup´erer que quelques euros au prix de tracasseries administratives et de subir ´eventuellement une majoration des primes futures (lorsqu’un m´ecanisme de type bonus-malus est pr´evu dans les conditions g´en´erales). D’autre part, lorsqu’une franchise est pr´evue, le montant d´eclar´e du sinistre est parfois “gonfl´e”, de mani`ere a` d´epasser le montant de la franchise et a` ouvrir ainsi le droit a` l’indemnisation. D`es lors, il n’est pas rare d’observer une concentration anormale de montants de sinistre l´eg`erement sup´erieurs au montant de la franchise. De plus, les franchises et d´ecouverts obligatoires sont difficilement applicables dans les assurances de responsabilit´e. Ainsi en RC automobile, l’assureur du conducteur responsable devra indemniser enti`erement la victime pour son pr´ejudice (la clause de franchise n’´etant pas opposable au tiers l´es´e), et devra ensuite r´ecup´erer la franchise ou le d´ecouvert obligatoire aupr`es de son assur´e. Le recouvrement de cette somme ´etant souvent fort compliqu´e, les assureurs de responsabilit´e n’ont que rarement recours a` ce type de clause. Les franchises et d´ecouverts obligatoires sont par contre tr`es appr´eci´es lorsque l’assureur peut les d´eduire de l’indemnit´e qu’il verse a` l’assur´e (comme en assurance d´egˆats mat´eriels aux v´ehicules ou en assurance incendie, par exemple).
102
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
2.10
Exercices
Exercice 2.10.1 (Lois de Pareto et log-exponentielle). Si X ∼ Par(α,θ), montrez que X ln 1 + ∼ Exp(α). θ Exercice 2.10.2 (Loi logistique bivari´ ee). La loi logistique univari´ee admet pour fonction de r´epartition FX (x) =
1 1 + exp(−x)
pour x ∈ IR, et v´erifie fX (x) = FX (x) (1 − FX (x)). Une version bivari´ee de cette loi introduite par Gumbel admet pour fonction de r´epartition jointe FX (x1 ,x2 ) =
1 pour x ∈ IR2 . 1 + exp(−x1 ) + exp(−x2 )
Montrez que (i) la probabilit´e que X1 et X2 soient de signe oppos´e vaut 1/3. (ii) la densit´e conditionelle de X1 sachant X2 = x2 vaut 2 2 exp(−x1 ) 1 − exp(−x2 ) f1|2 (x1 |x2 ) = 3 . 1 + exp(−x1 ) + exp(−x2 )
Exercice 2.10.3 (Convolution de lois uniformes). Soient U 1 ,U2 , . . . une suite de variables al´eatoires ind´ependantes de loi Uni(0,1). 1. Quelle est la fonction de r´epartition de X 1 + X2 ? 2. Montrez que n−1
1 X Pr[X1 +. . .+Xn ≤ x] = (−1)k n! k=0
n k
(x−k)n+ , 0 ≤ x ≤ n,
o` u (x − k)+ = 0 si x < k et x − k sinon. 3. D´eduisez du point 2 que la densit´e de probabilit´e de X 1 + . . . + Xn est donn´ee pour x ∈ [0,n] par j X 1 n k (−1) (x − k)n−1 k (n − 1)! k=0
pour j ≤ x ≤ j + 1 et j = 0,1, . . . ,n − 1.
2.10. Exercices
103
4. D´eduisez du point 3 que la densit´e de X donn´ee pour 0 ≤ x ≤ 1 par
(n)
=
1 n
Pn
i=1
Xi est
[xn] nn X k n−1 n k (−1) x− . k (n − 1)! n k=0
Exercice 2.10.4 (Distance en variation totale). Une mani`ere d’´evaluer la similarit´e entre les lois de probabilit´e de deux variables al´eatoires de comptage M et N consiste a ` calculer la distance qui les s´epare. De nombreuses d´efinitions de distances entre lois de probabilit´e existent, parmi lesquelles la distance en variation totale, not´ee dT V , d´efinie par dT V (M,N ) =
+∞ X k=0
| Pr[M = k] − Pr[N = k]|.
Soient I ∼ Ber(q) et N ∼ Poi(λ) avec λ ≤ q. Montrez que dT V (N,I) = 2{q − λ exp(−λ)} et que cette distance est minimale pour λ = q. Exercice 2.10.5 (D´ ecouvert obligatoire proportionnel). Un d´ecouvert obligatoire proportionnel laisse en toute hypoth`ese une portion de 100α% du montant de sinistre a ` charge de l’assur´e, 0 ≤ α ≤ 1. Ce type de clause est souvent utilis´e lorsque le comportement de l’assur´e peut influencer le montant total du sinistre. Il en est ainsi par exemple en assurance hospitalisation: certaines compagnies laissent 20% du total des frais m´edicaux a ` charge de l’assur´e, afin de l’encourager a ` r´eduire ses s´ejours a ` l’hˆ opital au strict minimum. Quelle est la fonction de r´epartition du montant pay´e par la compagnie en ex´ecution d’un tel contrat? Exercice 2.10.6. On suppose que les coˆ uts de sinistre C 1 ,C2 , . . . sont ind´ependants de loi Exp(α) et on pose S n = C1 + ... + Cn . (i) Montrez que les fonctions de r´epartition de S n et de Sn+1 sont li´ees par FSn +1 (x) Z +∞ = FSn (x − t) dF (t) 0 Z +∞ n−1 X [α (x − t)]j 1 − = exp (−α (x − t)) α exp (−αt) dt j! 0 j=0
104
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
(ii) D´eduisez-en que FSn (x) = 1 −
n−1 X j=0
[αx]j exp (−αx) . j!
(iii) En notant p (j) =P Pr[N > j], montrez que la fonction de r´epartition de S = N ecrit k=1 Ck s’´ FS (x) = 1 − exp (−αx)
∞ X
p (j)
j=0
[αx]j . j!
Exercice 2.10.7 (Loi exponentielle bivari´ ee de Marshall & Olkin). Consid´erons les variables al´eatoires ind´ependantes Y 1 , Y2 et Z. Notons H1 et H2 les fonctions de r´epartition de Y1 et Y2 , et supposons Z ∼ Exp(θ). D´efinissons a ` pr´esent X1 = min{Y1 ,Z}, X2 = min{Y2 ,Z}. (i) Montrez que les fonctions de r´epartition de X 1 et de X2 sont donn´ees par FXj (xj ) = 1 − exp(−θxj )H j (xj ), pour j = 1,2. (ii) Montrez que la fonction de r´epartition jointe de X est donn´ee par FX (x) = FX1 (x1 ) + FX2 (x2 ) − 1
+ exp(θ max{x1 ,x2 })F X1 (x1 )F X2 (x2 ).(2.15)
Exercice 2.10.8 (Loi de Pareto bivari´ ee). Supposons que conditionnellement a ` Θ, les variables al´eatoires X 1 et X2 sont ind´ependantes et de loi Exp(θ). Si Θ ∼ Gam(α,λ), montrez que FX (x) = FX1 (x1 ) + FX2 (x2 ) − 1 n o−α −1/α −1/α + F X1 (x1 ) F X2 (x2 ) −1 .(2.16)
2.11
Notes bibliographiques
Parmi les r´ef´erences (en fran¸cais) sur les calculs de probabilit´e, le lecteur pourra consulter Foata & Fuchs (1998, 2002). En anglais,
2.11. Notes bibliographiques
105
les deux tomes de Feller (1950) constituent encore et toujours des ouvrages de premier choix sur le calcul des probabilit´es. L’ouvrage de Chow & Teicher (1997) offre une introduction technique de qualit´e au sujet. Pour plus de d´etails a` propos des mod`eles param´etriques pr´esent´es dans ce chapitre, le lecteur pourra consulter Johnson, Kotz & Kemp (1992) pour les mod`eles de comptage univari´es, et Johnson, Kotz & Balakrishnan (1996b) pour les mod`eles de comptage multivari´es. Pour les mod`eles continus, le lecteur pourra se r´ef´erer a` Johnson, Kotz & Balakrishnan (1996c) pour les lois univari´ees, et a` Johnson, Kotz & Balakrishnan (1996a) pour les lois continues multivari´ees. Pour une pr´esentation plus actuarielle de ces mod`eles param´etriques, voyez Klugman, Panjer & Willmot (1998). Au nombre des ouvrages classiques consacr´es aux lois multivari´ees, ´epinglons Mardia (1970), Hutchinson & Lai (1991) et Joe (1997).
106
Chapitre 2. Mod´ elisation actuarielle des risques
Chapitre 3
La prime pure 3.1
Introduction
La prime pure est le prix du risque: il s’agit du montant dont doit disposer l’assureur pour d´edommager (en moyenne) les assur´es suite aux sinistres survenus, sans exc´edent, ni d´eficit. La totalit´e des primes pures relatives au portefeuille doit donc mettre l’assureur en mesure de remplir ses obligations de garantie. Si l’assureur d´esire se r´eserver des b´en´efices (par exemple pour r´emun´erer son actionnariat ou augmenter ses fonds propres), ceux-ci seront rajout´es ult´erieurement. On s’attend donc a` ce que la prime pure soit enti`erement consomm´ee pour d´edommager les sinistres qui touchent les assur´es: la totalit´e de l’encaissement pur sera donc retourn´ee aux assur´es sous forme d’indemnit´e. La prime pure est calcul´ee en prenant en consid´eration diff´erents ´el´ements: probabilit´e de survenance ou fr´equence des sinistres, ´etendue des pr´ejudices, somme assur´ee, etc. Dans cet ouvrage, nous nous concentrons sur des produits d’assurance dont les risques sont a` court terme et a` fort al´ea. Ceci nous conduit a` ne pas mod´eliser explicitement les produits financiers, simplification qui ne prˆete pas a` cons´equence. Ceci contraste singuli`erement avec l’actuariat a` long terme et a` faible al´ea qui caract´erise les produits d’assurance sur la vie. Dans ce cas, la mod´elisation explicite des produits financiers est essentielle. En assurance non-vie, le fait de n´egliger les produits financiers fournit a` l’actuaire une marge de s´ecurit´e implicite. Le concept central justifiant l’existence d’un march´e de l’assurance est celui de l’aversion pour le risque, ou “risquophobie”. Il s’agit de l’attitude naturelle des agents ´economiques a` ´eviter le risque, et a` se prot´eger des cons´equences n´egatives des ´ev´enements 107
108
Chapitre 3. La prime pure
impr´evisibles. Bien entendu, tous ne partagent pas ce sentiment, et ceux qui le partagent ne l’ont pas tous avec la mˆeme ampleur. La formalisation du concept de risquophobie est assez difficile, en raison de la diversit´e des comportements humains. Le concept de prime pure qui sera d´evelopp´e dans ce chapitre permet cependant d’objectiver l’aversion au risque: un agent ´economique sera d´esormais r´eput´e riscophobe lorsqu’il transf`ere tous ses risques a` un assureur qui lui r´eclame la prime pure. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, l’assureur est oblig´e de r´eclamer a` l’assur´e une prime (parfois largement) sup´erieure a` la prime pure, ce qui expliquera un transfert partiel des risques, mˆeme par des individus risquophobes. Remarque 3.1.1. Un agent ´economique est donc r´eput´e risquophobe lorsqu’ayant a ` choisir entre un flux financier al´eatoire et un flux d´eterministe de mˆeme moyenne, il pr´ef´erera toujours ce dernier. Ainsi, un tel d´ecideur pr´ef´erera toujours recevoir 1e au gain r´esultant d’un jeu de pile ou face o` u il gagnerait 2e si pile est obtenu, et rien sinon. Cette formalisation de l’aversion au risque pr´esente certes l’avantage de l’objectivit´e et de la simplicit´e, mais manque malheureusement cruellement de subtilit´e. En effet, de nombreux agents ´economiques rationnels (c’est-` a-dire ayant une perception correcte des risques auxquels ils sont soumis et se prot´egeant en cons´equence) ach`etent des billets de loterie (c’est-` a-dire remplacent un montant d´eterministe, le prix du billet de loterie, par un gain al´eatoire en moyenne inf´erieur). Ainsi, certains de nos lecteurs pourraient accepter de jouer a ` pile ou face comme d´ecrit plus haut, mˆeme s’ils sont convaincus de l’utilit´e des contrats d’assurance. Il n’est donc pas rare qu’un individu ne pr´esente de l’aversion pour le risque qu’au-del` a d’un certain seuil financier, et se permette occasionnellement en-de¸ca ` un comportement non rationnel. Si, dans l’exemple ci-dessus, on met en jeu 1 000 000e , la plupart des lecteurs pr´ef´ereront sans doute conserver ce million plutˆ ot que le risquer a ` pile ou face.
3.2 3.2.1
La prime pure et l’esp´ erance math´ ematique Esp´ erance math´ ematique
Esp´ erance dans le cas discret A chaque variable al´eatoire, on associe une caract´eristique importante, appel´ee moyenne, ou valeur esp´er´ee. Il s’agit d’une formali-
3.2. La prime pure et l’esp´ erance math´ ematique
109
sation probabiliste du concept bien connu de moyenne arithm´etique (version empirique). Pour une variable de comptage N , l’esp´erance est d´efinie par X E[N ] = j Pr[N = j]. (3.1) j∈IN
Il s’agit donc d’une moyenne des valeurs j possibles pour N , pond´er´ee par la probabilit´e que la variable N prenne ces valeurs. Exemple 3.2.1 (Moyenne de la loi Binomiale). Lorsque N ∼ Bin(m,q), nous avons E[N ] =
m X k=1
= mq
m! q k (1 − q)m−k (k − 1)!(m − k)!
m X k=1
Pr[Bin(m − 1,q) = k − 1] = mq.
Exemple 3.2.2 (Moyenne de la loi de Poisson). Lorsque N ∼ Poi(λ), nous avons E[N ] =
+∞ X
k exp(−λ)
k=1
= exp(−λ)
λk k!
+∞ k+1 X λ k=0
k!
= λ.
Esp´ erance dans le cas continu Si X est continue et admet fX comme densit´e de probabilit´e, la moyenne est d´efinie par Z E[X] = xfX (x)dx, (3.2) x∈IR
qui peut se voir comme un analogue continu de la formule (3.1) retenue dans le cas discret. S’agissant d’une int´egrale, on voit clairement que quels que soient les r´eels a et b, E[aX + b] = aE[X] + b;
on dit que l’esp´erance math´ematique est un op´erateur lin´eaire. Exemple 3.2.3 (Moyenne de la loi normale). Consid´erons Z ∼ N or(0,1). La moyenne de Z est alors donn´ee par Z +∞ 1 E[Z] = √ x exp(−x2 /2)dx 2π −∞ i+∞ 1 h = √ exp(−x2 /2) = 0. −∞ 2π
110
Chapitre 3. La prime pure
Passons a ` pr´esent a ` X ∼ N or(µ,σ 2 ). Come X =loi µ + σZ, nous pouvons ´ecrire E[X] = E[µ + σZ] = µ de sorte que le premier param`etre de la loi normale est sa moyenne. Exemple 3.2.4 (Moyenne de la loi Gamma). Lorsque X ∼ Gam(α,τ ), la moyenne vaut Z +∞ 1 xα τ α exp(−xτ )dx E[X] = Γ(α) 0 α Γ(α + 1) = = . τ Γ(α) τ Esp´ erance et int´ egrale de Lebesgue Stieltjes Afin d’unifier (3.1) et (3.2), mais aussi pour pouvoir traiter des variables qui ne sont ni discr`etes ni continues, nous utiliserons le formalisme de Lebesgue-Stieltjes. Ce formalisme permet d’unifier et de g´en´eraliser les expressions (3.1) et (3.2) donn´ees plus haut en Z E[X] = xdFX (x) (3.3) x∈IR
o` u dFX est la diff´erentielle de la fonction de r´epartition F X . Nous donnons ci-apr`es le cas le plus courant pour l’actuaire (sans aborder le traitement g´en´eral de cet outil math´ematique). Comme la fonction de r´epartition F X de X est born´ee et nond´ecroissante, elle ne peut avoir au plus qu’un nombre fini ou infini d´enombrable de points de discontinuit´e. Notons {d 1 ,d2 , . . .} l’ensemble de ces points et d´efinissons X (d) FX (t) = {FX (dn ) − FX (dn −)} dn ≤t
=
X
Pr[X = dn ]
dn ≤t
et (c)
(d)
FX (t) = FX (t) − FX (t) les composantes discr`ete et continue de F X . Le plus souvent en (c) sciences actuarielles, FX peut se repr´esenter comme Z (c) (c) FX (t) = fX (x)dx, x≤t
3.2. La prime pure et l’esp´ erance math´ ematique
111
de sorte que la moyenne de X est d´efinie comme suit (en appliquant (d) (c) un raisonnement semblable a` (3.1) pour F X et a` (3.2) pour FX ): E[X] = =
Z
xdFX (x) x∈IR
X
n≥1
+
Z
dn {FX (dn ) − FX (dn −)} (c)
x∈IR
xfX (x)dx.
(3.4)
On voit ainsi que les points massiques d 1 ,d2 , . . . contribuent a` E[X] par l’interm´ediaire de la premi`ere somme, alors que le reste de la droite r´eelle contribue a` E[X] par l’interm´ediaire de la deuxi`eme somme. La diff´erentielle dFX qui vaut dans l’exemple ci-dessus ( FX (dn ) − FX (dn −), si x = dn , dFX (x) = (c) fX (x), sinon, peut donc s’interpr`eter comme la chance que l’´ev´enement {X = x} se produise (notez que dFX (x) n’est une probabilit´e que lorsque x = dn , auquel cas elle vaut Pr[X = dn ]). Exemple 3.2.5. Consid´erons la variable al´eatoire S=
0, avec la probabilit´e p, Z, avec la probabilit´e 1 − p,
o` u Z ∼ Gam(α,τ ). Ce type de construction est largement utilis´e en assurance non-vie. Ainsi, S repr´esente le coˆ ut total des sinistres occasionn´es par une police du portefeuille, alors que Z d´esigne le coˆ ut des sinistres, lorsqu’il y en a eu. On peut d´ecomposer la fonction de r´epartition F S de S en une composante discr`ete (d) FS (s)
=
0, si s < 0, p, si s ≥ 0,
(c)
et une composante continue FS valant 1 − p fois la fonction de r´epartition associ´ee a ` la la loi Gam(α,τ ). L’esp´erance de S vaut alors en vertu de (3.4) E[S] = 0 × p + (1 − p) ×
α α = (1 − p) . τ τ
112
Chapitre 3. La prime pure
R R´eclamer une prime pure de montant xdFX (x) devrait (en moyenne) mettre l’assureur en mesure de d´edommager le montant des sinistres, sans exc´edent, ni d´eficit. En effet, on pond`ere chaque montant possible de sinistre x par sa “chance” dF X (x), avant de “sommer” sur toutes ces valeurs (l’int´egrale peut se voir comme une somme sur une infinit´e non d´enombrable de termes). Ceci revient a` souscrire une s´erie de polices d’assurance garantissant chacune le paiement de xe lorsque l’´ev´enement {X = x} se r´ealise. Il s’agit donc d’une d´efinition raisonnable de la prime pure. Nous reviendrons plus longuement dans la suite de ce chapitre sur les liens entre esp´erance math´ematique et prime pure. Remarque 3.2.6. Il est bon a ` ce stade d’insister sur le fait que l’esp´erance math´ematique peut tr`es bien ˆetre infinie. En effet, consid´erons pour s’en convaincre X ∼ Par(α,θ). Nous avons alors si α > 1, Z +∞ αθ α E[X] = x dx (x + θ)α+1 x=0 +∞ Z +∞ xθ α θα θ = − + dx = . α α (x + θ) x=0 α−1 x=0 (x + θ) Par contre, si α < 1, E[X] = +∞. Lin´ earit´ e de l’esp´ erance S’agissant de sommes ou d’int´egrales, l’esp´erance math´ematique est lin´eaire, c’est-`a-dire que quelles que soient les variables al´eatoires X1 et X2 , et les constantes r´eelles c0 , c1 et c2 , l’´egalit´e E[c0 + c1 X1 + c2 X2 ] = c0 + c1 E[X1 ] + c2 E[X2 ] est toujours valable. Repr´ esentations alternatives de l’esp´ erance math´ ematique L’esp´erance math´ematique d´efinie plus haut selon la formule (3.3) peut se calculer de bien d’autres mani`eres. Nous en d´etaillons ici quelques expressions alternatives. Propri´ et´ e 3.2.7. Soit X une variable al´eatoire positive, continue, de fonction de r´epartition FX . L’esp´erance math´ematique de X peut se mettre sous la forme Z E[X] = F X (x)dx. x∈IR+
3.2. La prime pure et l’esp´ erance math´ ematique
113
D´emonstration. Pour se convaincre de la v´eracit´e du r´esultat, il suffit d’´ecrire Z +∞ Z t Z tdFX (t) = dxdFX (t) E[X] = t∈IR+ t=0 x=0 Z +∞ Z +∞ Z = dFX (t)dx = F X (x)dx. x=0
x∈IR+
t=x
Ainsi, l’esp´erance math´ematique d’une variable al´eatoire dont le support est born´e inf´erieurement peut s’exprimer comme l’int´egrale de la fonction de queue. On sent d`es lors bien que c’est la vitesse de d´ecroissance vers 0 de la fonction de queue qui rend l’esp´erance infinie, et donc le risque inassurable. Exemple 3.2.8 (Moyenne de la loi exponentielle n´ egative). Lorsque X ∼ Exp(θ), la Propri´et´e 3.2.7 donne E[X] =
Z
+∞
exp(−θx)dx =
x=0
1 . θ
Passons a` pr´esent a` des variables de comptage et ´etablissons un r´esultat semblable a` celui de la Propri´et´e 3.2.7. Propri´ et´ e 3.2.9. Soit N une variable al´eatoire de comptage. L’esp´erance math´ematique de N peut se mettre sous la forme E[N ] =
+∞ X
Pr[N > k]
k=0
D´emonstration. Comme la variable al´eatoire N est a` valeurs dans IN, on a E[N ] = Pr[N = 1] + 2 Pr[N = 2] + 3 Pr[N = 3] + . . . = Pr[N = 1] + Pr[N = 2] + Pr[N = 3] + . . . Pr[N = 2] + Pr[N = 3] + . . . Pr[N = 3] + . . . = Pr[N ≥ 1] + Pr[N ≥ 2] + Pr[N ≥ 3] + . . . +∞ +∞ X X = Pr[N ≥ k] = Pr[N > k]. k=1
k=0
114
Chapitre 3. La prime pure
Exemple 3.2.10 (Moyenne de la loi uniforme discr` ete). Lorsque N ∼ DUni(n), on a E[N ] =
n−1 X k=0
n n−k = . n+1 2
Moyennes des lois usuelles Les moyennes associ´ees aux lois usuelles sont reprises au Tableau 3.1. Loi de probabilit´e DUni(n) Ber(q) Bin(m,q) Geo(q)
Esp´erance n 2
q mq 1−q q α(1−q) q
N Bin(α,q) Poi(λ)
λ
Loi de probabilit´e N or(µ,σ 2 ) LN or(µ,σ 2 ) Exp(θ) Gam(α,τ ) Par(α,θ) Bet(α,β) Uni(a,b)
Esp´erance µ 2 exp(µ + σ2 ) 1/θ α τ θ α−1
si α > 1 α α+β a+b 2
Tab. 3.1 – Esp´erance math´ematique des lois de probabilit´e usuelles.
Moyenne des lois compos´ ees PN Consid´erons S de la forme (2.14), i.e. S = i=1 Xi avec Xi , i = 1,2, . . . ind´ependantes et de mˆeme loi, ind´ependantes de N . Nous voudrions connaˆıtre la charge moyenne des sinistres sur l’ann´ee. Celle-ci est donn´ee par la propri´et´e suivante. Propri´ et´ e 3.2.11. Pour S de la forme (2.14), E[S] = E[N ]E[X 1 ]. D´emonstration. Il suffit d’´ecrire E[S] = =
+∞ X
Pr[N = k]E
k=1 +∞ X
"
Pr[N = k]k
k=1
k X i=1
!
Xi
#
E[X1 ] = E[N ]E[X1 ].
Cette formule classique se lit charge totale moyenne des sinistres = nombre moyen x coˆ ut moyen.
3.2. La prime pure et l’esp´ erance math´ ematique
115
Elle ne doit pas faire oublier les conditions sous lesquelles elle est valable, a` savoir l’ind´ependance entre les coˆ uts et les nombres des sinistres, et l’ind´ependance et l’identique distribution des coˆ uts. Exemple 3.2.12 (Moyenne des lois binomiale et de Poisson compos´ ees). En se rapportant au Tableau 3.1, on voit facilement que si N ∼ Bin(m,q) alors E[S] = mqE[X 1 ] et si N ∼ Poi(λ) alors E[S] = λE[X1 ]. Esp´ erance d’une fonction Ayant une variable al´eatoire X et une fonction g : IR → IR continue ou monotone (ces conditions garantissant que g(X) est toujours une variable al´eatoire), on peut s’int´eresser a` la nouvelle variable al´eatoire g(X) et parler de l’esp´erance de cette variable, not´ee E[g(X)]. Cette derni`ere est donn´ee par Z E[g(X)] = g(x)dFX (x) x∈IR Z X (c) = g(dn ){FX (dn ) − FX (dn −)} + g(x)fX (x)dx x∈IR
n≥1
dans les notations de (3.4). Esp´ erance de produits et produits d’esp´ erance Ayant un vecteur al´eatoire X et une fonction g : IR n → IR, on peut consid´erer la variable al´eatoire g(X). On peut alors d´efinir l’esp´erance math´ematique de cette variable comme Z E[g(X)] = g(x)dFX (x), x∈IRn
o` u la diff´erentielle se d´efinit de mani`ere analogue au cas unidimensionnel. Propri´ et´ e 3.2.13. Si X1 ,X2 , . . . ,Xn sont ind´ependantes alors quelles que soient les fonctions g1 ,g2 , . . . ,gn : IR → IR, "n # n Y Y E gi (Xi ) = E[gi (Xi )]. i=1
i=1
D´emonstration. Si X1 ,X2 , . . . ,Xn sont des variables al´eatoires ind´ependantes, alors n Y dFX (x) = dFXi (xi ) i=1
116
Chapitre 3. La prime pure
et on voit facilement que E[g1 (X1 )g2 (X2 ) . . . gn (Xn )] = E[g1 (X1 )]E[g2 (X2 )] . . . E[gn (Xn )] comme annnonc´e. L’esp´erance du produit co¨ıncide donc avec le produit des esp´erances lorsque les variables al´eatoires sont ind´ependantes.
3.2.2
Probabilit´ es et esp´ erances d’indicatrices
Consid´erons la fonction indicatrice de la demi-droite (−∞,t], donn´ee par 1, si x ≤ t, g(x) = I[x ≤ t] = 0, sinon. La variable al´eatoire I[X ≤ t] =
1, si X ≤ t, 0, sinon,
indique donc si X prend une valeur inf´erieure ou ´egale a` t (on l’appelle indicatrice de l’´ev´enement {X ≤ t}). Clairement, I[X ≤ t] ∼ Ber(FX (t)), de sorte qu’en vertu du Tableau 3.1, E I[X ≤ t] = FX (t).
L’esp´erance d’une variable indicatrice co¨ıncide donc avec la probabilit´e de r´ealisation de l’´ev´enement associ´e. Ceci illustre les liens ´etroits que nouent esp´erance math´ematique et probabilit´e (et explique pourquoi certains ouvrages pr´esentent toute la th´eorie des probabilit´es a` partir de l’esp´erance math´ematique).
3.2.3
D´ etermination de la prime pure
Notons S la charge totale des sinistres relative a` une police d´etermin´ee au cours d’une p´eriode d’assurance. Pour ˆetre pr´ecis, S repr´esente ici le risque effectivement transf´er´e a` l’assureur, apr`es application des clauses conventionnelles relatives aux dommages (franchise, d´ecouvert obligatoire ou plafond), et ne co¨ıncide donc peutˆetre pas avec le pr´ejudice que subit le patrimoine de l’assur´e. Classiquement, le rˆole de l’assurance est de substituer une constante c (la prime d’assurance) a` la variable al´eatoire S. Une mani`ere raisonnable de d´eterminer c serait de choisir la constante “la plus proche”
3.2. La prime pure et l’esp´ erance math´ ematique
117
de la variable al´eatoire S. La distance utilis´ee pour mesurer la proximit´e entre S et c doit tenir compte du fait que c doit mettre l’assureur en mesure de d´edommager les sinistres, sans exc´edent, ni d´eficit. Ainsi, la distance doit p´enaliser aussi bien les cas o` u c est inf´erieure a` S que ceux o` u c est sup´erieure a` S. Une distance p´enalisant toute sur- ou sous-´evaluation de la prime est l’´ecart quadratique moyen d2 (S,c) = E[(S − c)2 ]. Maintenant que nous nous sommes donn´es une mesure d 2 de proximit´e, tentons de trouver la constante c la plus proche de S, c’est-`a-dire la valeur de c qui minimise d 2 (S,c). Dans ce but, ´ecrivons E[(S − c)2 ] = E[(S − E[S] + E[S] − c)2 ]
= E[(S − E[S])2 ] + 2(E[S] − c) E[S − E[S]] +(E[S] − c)2 | {z } =0
2
= (E[S] − c) + constante par rapport a` c
d’o` u l’on d´eduit que la valeur de c minimisant E[(S −c) 2 ] n’est autre que E[S]. Ainsi, E[S] est la constante la plus proche de S (au sens de la distance d2 que nous avons introduite plus haut). Si on d´esire substituer une constante a` S, un choix naturel est donc E[S].
3.2.4
Ecart quadratique moyen, un must?
La distance d2 utilis´ee ci-dessus n’est bien entendu pas la seule possible, loin s’en faut. Tout distance s’exprimant comme E[g(S −c)] o` u g est non-n´egative, convexe, sym´etrique et telle que g(0) = 0 est un candidat valable. En effet, ces caract´eristiques garantissent que la prime pure obtenue en minimisant cette distance sera “la plus proche de” S. Ainsi, on pourrait fort bien consid´erer l’´ecart moyen absolu d1 (S,c) = E[|S − c|]. Calculons dans ce cas la constante c minimisant d 1 (S,c). Pour ce faire, ´ecrivons Z Z d1 (S,c) = (c − s)dFS (s) + (s − c)dFS (s) s≤c
s>c
puis int´egrons par parties pour obtenir Z Z d1 (S,c) = FS (s)ds + s≤c
s>c
F S (s)ds.
118
Chapitre 3. La prime pure
En annulant la d´eriv´ee premi`ere de d 1 (S,c) par rapport a` c, nous obtenons 1 FS (c) − F S (c) = 0 ⇔ FS (c) = , 2 d’o` u l’on tire que la constante minimisant d 1 (S,c) est la m´ediane q1/2 . Tarifer sur base de la m´ediane revient a` r´eclamer a` chaque assur´e une somme telle que les montants d´ebours´es par la compagnie pour la moiti´e d’entre eux soient inf´erieurs a` celle-ci, alors que les montants d´ebours´es pour l’autre moiti´e seront sup´erieurs a` celle-ci. Si la loi du montant de sinistre est sym´etrique, moyenne et m´ediane sont confondues. Dans le domaine de l’assurance, la r`egle est cependant l’asym´etrie et la m´ediane se situe toujours bien avant la moyenne. Expliquons pourquoi la m´ediane n’est souvent pas un bon candidat pour calculer la prime. Prenons l’assurance automobile. Chaque ann´ee, environ 90% des assur´es ne causent aucun accident et n’occasionnent donc aucune d´epense a` la compagnie. Par cons´equent, q1/2 = 0. On con¸coit cependant mal que l’assureur offre gratuitement sa couverture.
3.3
Variance
3.3.1
D´ efinition
La variance mesure la dispersion des valeurs possibles pour une variable al´eatoire autour de la moyenne. Elle est d´efinie comme suit. D´ efinition 3.3.1. La variance de la variable al´eatoire X, not´ee V[X], est le second moment de cette variable centr´ee, i.e. V[X] = E[(X − E[X])2 ]. Il s’agit donc d’une moyenne des ´ecarts x−E[X] entre la r´ealisation x de X et sa valeur esp´er´ee E[X], ´elev´es au carr´e. On peut encore exprimer la variance de X sous la forme V[X] = E X 2 − 2E[X]X + {E[X]}2 = E[X 2 ] − {E[X]}2 .
Ainsi, la variance de X est l’esp´erance du carr´e de cette variable, dont on retranche le carr´e de l’esp´erance.
3.3. Variance
119
Dans la suite, nous utiliserons beaucoup l’´ecart-type des variables al´eatoires en pr´esence, dont nous rappelons la d´efinition ciapr`es. D´ efinition 3.3.2. On appelle ´ecart-type la racine carr´ee positive de la variance.
3.3.2
Interpr´ etation actuarielle
Notez que la variance jouit d’une interpr´etation claire en terme de la distance d2 introduite plus haut pour d´eterminer la prime pure relative a` un risque S, puisque d2 (S,E[S]) = V[S]. La variance prend donc ici toute son importance car elle mesure la distance s´eparant les d´epenses al´eatoires S de l’assureur de la prime pure E[S] qu’il r´eclamera a` l’assur´e. Il s’agit donc d’une mesure du risque que prend l’assureur en rempla¸cant S par E[S] (au sens de la distance d 2 ).
3.3.3
Quelques exemples
L’importance de la variance en probabilit´e et en statistique provient ´egalement du rˆole particulier que joue celle-ci pour la loi normale. Exemple 3.3.3 (Variance associ´ ee a ` la loi Normale centr´ ee et r´ eduite). Partons de Z ∼ N or(0,1). Comme E[Z] = 0, 1 V[Z] = E[Z 2 ] = √ 2π
Z
+∞
x2 exp(−x2 /2)dx
−∞
qui donne en int´egrant par parties i+∞ 1 h V[Z] = − √ x exp(−x2 /2) −∞ 2π Z +∞ 1 +√ exp(−x2 /2)dx = 1. 2π −∞ Exemple 3.3.4 (Variance associ´ ee a ` la loi de Poisson). Lorsque N ∼ Poi(λ), 2
E[N ] =
+∞ X
k 2 exp(−λ)
k=1
= exp(−λ)
+∞ X
k=0
λk k!
(k + 1)
λk+1 = λ + λ2 , k!
120
Chapitre 3. La prime pure
de sorte que V[N ] = E[N 2 ] − λ2 = λ.
En revenant a ` l’Exemple 3.2.2, on constate donc que la loi de Poisson se distingue par le fait que E[N ] = V[N ] = λ, traduisant ainsi une ´equidispersion et r´eduisant de fait son domaine d’application, la moyenne et la variance ´echantillon ´etant souvent fort diff´erentes. Remarque 3.3.5. Toutes les variables al´eatoires ne poss`edent pas de variance finie. Il peut arriver qu’une variable poss`ede une moyenne finie (ce qui veut dire que le risque est assurable pour un actuaire), mais une variance infinie, traduisant par l` a un tr`es grand danger pour l’assureur. C’est par exemple le cas des lois de Pareto dont l’indice de queue est compris entre 1 et 2. En effet, consid´erons X ∼ Par(α,θ) et α > 2. On a alors Z +∞ αθ α 2 x2 dx E[X ] = (x + θ)α+1 x=0 2 α +∞ Z +∞ x θ θα = − + 2x dx (x + θ)α x=0 (x + θ)α x=0 +∞ 2xθ α = (x + θ)α−1 (−α + 1) x=0 Z +∞ θα + 2 dx (α − 1)(x + θ)α−1 x=0 2θ 2 = . (α − 1)(α − 2) Si α < 2 alors E[X 2 ] = +∞. D`es lors, si 2 > α > 1, E[X] =
3.3.4
θ < +∞ et V[X] = +∞. α−1
Propri´ et´ es
Invariance par translation Notez que V[S] = V[S + c] quelle que soit la constante r´eelle c. Ceci traduit l’id´ee intuitive que l’ajout d’une constante r´eelle c a` un risque X ne rend pas la situation de l’assureur plus dangereuse. Il lui suffit de r´eclamer une prime E[S] + c au lieu de E[S].
3.3. Variance
121
Changement d’unit´ e Quelle que soit la constante c, on voit facilement que V[cS] = c2 V[S], de sorte que la variance est affect´ee par un changement d’unit´e de mesure (par exemple, le passage de l’euro au millier d’euros). C’est pour cette raison qu’on introduit le coefficient de variation (voir plus bas). Exemple 3.3.6 (Variance associ´ ee a ` la loi Normale). Pour 2 u Z ∼ N or(0,1), X ∼ N or(µ,σ ), nous savons que X =loi µ + σZ o` de sorte qu’en vertu de l’Exemple 3.3.3, V[X] = V[µ + σZ] = σ 2 . Le second param`etre de la loi normale est donc sa variance. Additivit´ e pour risques ind´ ependants Le r´esultat suivant nous indique comment se d´ecompose la variance d’une somme de variables al´eatoires ind´ependantes. Propri´ et´ e 3.3.7 (Variance d’une somme de variables ind´ ependantes). Si les variables al´eatoires X1 ,X2 , . . . ,Xn sont ind´ependantes alors " n # n X X V Xi = V[Xi ]. i=1
i=1
D´emonstration. Il suffit d’´ecrire " n # !2 n X X V Xi = E (Xi − E[Xi ]) i=1
= E =
i=1
n X i=1
! n X (Xi − E[Xi ]) (Xj − E[Xj ])
n X X 2 E Xi − E[Xi ] E Xj − E[Xj ] + E Xi − E[Xi ] i=1
i6=j
=
j=1
n X i=1
V[Xi ].
122
Chapitre 3. La prime pure
Ainsi, la variance d’une somme de variables al´eatoires ind´ependantes vaut la somme des variance de chacune d’entre elles. Exemple 3.3.8 (Variance associ´ ee a ` la loi Binomiale). Lorsque u les Ni sont ind´ependantes N ∼ Bin(m,q), N =loi N1 + . . . + Nm o` de loi Ber(q). La Propri´et´e 3.3.7 donne alors V[N ] =
m X k=1
V[Nk ] = mq(1 − q).
La loi binomiale pr´esente donc une sous-dispersion des donn´ees, puisque V[N ] < E[N ] = mq.
3.3.5
Variance des lois usuelles
Les variances associ´ees aux lois usuelles sont reprises au Tableau 3.2. Si on retient la variance comme crit`ere de risque, ce tableau nous permet d’apr´ecier l’influence des param`etres sur le danger associ´e au nombre ou au coˆ ut des sinistres. Lois de comptage Loi de probabilit´e Variance n2 +n DUni(n) 12 Ber(q) q(1 − q) Bin(m,q) mq(1 − q) 1−q Geo(q) q2 N Bin(α,q) Poi(λ)
α(1−q) q2
λ Lois continues Loi de probabilit´e Variance N or(µ,σ 2 ) σ2 LN or(µ,σ 2 ) exp(2µ + σ 2 )(exp(σ 2 ) − 1) 1 Exp(θ) θ2 α Gam(α,τ ) τ2 αθ 2 Par(α,θ) si α > 2 (α−2)(α−1)2 Bet(α,β) Uni(a,b)
αβ (α+β+1)(α+β)2 (b−a)2 12
Tab. 3.2 – Variances des lois de probabilit´e usuelles.
3.3. Variance
3.3.6
123
Variance des lois compos´ ees
Int´eressons-nous a` pr´esent a` la variance des lois compos´ees. Le r´esultat suivant indique comment se d´ecompose la variance d’une variable de loi compos´ee, en fonction de la variance du nombre de termes et de celle de chacun de ceux-ci. PN Propri´ et´ e 3.3.9. Si S est de la forme (2.14), i.e. S = i=1 Xi avec Xi , i = 1,2, . . ., ind´ependantes et identiquement distribu´ees, et ind´ependantes de N , sa variance vaut V[S] = E[N ]V[X1 ] + V[N ]E2 [X1 ]. D´emonstration. Ceci provient de N X N X Xi Xj E[S 2 ] = E i=1 j=1
= E
"
N X i=1
Xi2
#
N X + E Xi Xj i6=j
= E[N ]E[X12 ] + E[X1 ]
2
E[N 2 ] − E[N ] ,
qui donne bien le r´esultat annonc´e apr`es regroupement des termes. On peut interpr´eter cette d´ecomposition de la variance comme PE[N ] suit. Le premier terme peut s’envisager comme V[ i=1 Xi ] en supposant l’espace d’un instant E[N ] enti`ere. Il s’agit donc de la part de la variance de S attribuable exclusivement a` la variabilit´e des coˆ uts des sinistres X1 ,X2 , . . .. Le second terme intervenant PN dans la d´ecomposition de la variance de S peut se voir comme V[ i=1 E[Xi ]], c’est-`a-dire comme la part de la variabilit´e de S due a` la variabilit´e du nombre des sinistres, les coˆ uts de ceux-ci ´etant fix´es a` leur valeur moyenne. Exemple 3.3.10. Quelques cas particuliers int´eressants se d´eduisent simplement des Tableaux 3.1 et 3.2. Si N ∼ Bin(m,q), alors 2 V[S] = mq E[X12 ] − q E[X1 ] . Si N ∼ Poi(λ), alors
V[S] = λV[X1 ] + λE2 [X1 ] = λE[X12 ].
124
3.3.7
Chapitre 3. La prime pure
Coefficient de variation et mutualisation des risques
Le coefficient de variation est d´efini comme le rapport de l’´ecarttype a` la moyenne, a` savoir p V[X] . CV [X] = E[X] Le coefficient de variation a le grand avantage d’ˆetre un nombre sans dimension, ce qui facilite les comparaisons (en excluant par exemple les effets des diff´erentes unit´es mon´etaires). Il peut se voir comme une normalisation de l’´ecart-type. Le coefficient de variation joue un rˆole particuli`erement important en sciences actuarielles. En effet, il peut se voir comme l’´ecarttype du ratio “sinistres sur primes (pures)”, traditionnellement not´e S/P.
3.4 3.4.1
Assurance et Bienaym´ e-Tchebycheff In´ egalit´ e de Markov
Nous pr´esentons ici une des in´egalit´es les plus c´el`ebres du calcul des probabilit´es. Propri´ et´ e 3.4.1 (In´ egalit´ e de Markov). Soit X une variable al´eatoire quelconque, une fonction g : IR → IR + et une constante a > 0. Nous avons alors Pr[g(X) > a]
aI[g(X) > a], donne en passant a` l’esp´erance E[g(X)] > a Pr[g(X) > a], qui fournit le r´esultat annonc´e.
3.4.2
In´ egalit´ e de Bienaym´ e-Tchebycheff
L’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff contrˆole l’´ecart entre une variable al´eatoire et sa moyenne. Elle s’obtient comme une simple cons´equence de l’in´egalit´e de Markov. Propri´ et´ e 3.4.2 (In´ egalit´ e de Bienaym´ e-Tchebycheff ). Etant donn´ee une variable al´eatoire X poss´edant une moyenne µ et une
3.4. Assurance et Bienaym´ e-Tchebycheff
125
variance σ 2 < +∞, on a
quel que soit > 0.
σ2 Pr |X − µ| > < 2
D´emonstration. Il suffit d’appliquer l’in´egalit´e de Markov a` g(x) = (x − µ)2 et a = 2 .
3.4.3
Interpr´ etation actuarielle de l’in´ egalit´ e de Bienaym´ e-Tchebycheff
Nous avons vu plus haut que la variance (et donc l’´ecart-type) mesure la distance entre la charge financi`ere S de l’assureur et la prime pure correspondante µ = E[S]. On peut donc se demander ce qu’on peut affirmer a` propos de l’´ecart entre S et sa moyenne grˆace a` la connaissance de la variance. L’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff nous apprend que h i h i 1 1 Pr |S − µ| ≤ tσ > 1 − 2 ⇔ Pr |S − µ| > tσ < 2 (3.5) t t
quel que soit t > 0. Les in´egalit´es (3.5) n’ont bien entendu d’int´erˆet que si t > 1. Elles signifient qu’une variable al´eatoire S dont la variance est finie ne peut “pas trop” s’´eloigner de sa moyenne µ et revˆetent une importance consid´erable pour l’actuaire (en interpr´etant S comme un montant de sinistre, et µ comme la prime pure correspondante). Ainsi, la probabilit´e que le montant S des sinistres s’´ecarte de la prime pure µ de t = 10 fois l’´ecart-type σ est toujours inf´erieure a` 1/t2 = 1%.
3.4.4
Caract` ere conservatif de l’in´ egalit´ e de Bienaym´ eTchebycheff
Avant de poursuivre, il est bon de noter que l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff est valable en toute g´en´eralit´e, si bien que la borne sup´erieure ainsi obtenue est souvent tr`es (voire trop) prudente. A titre illustratif, nous avons repr´esent´e a` la Figure 3.1 la fonction 1/t2 √ , t 7→ (3.6) Pr |Gam(1/2,1/2) − 1| > t 2
c’est-`a-dire le rapport entre la borne sup´erieure fournie par l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff et la probabilit´e qu’une variable al´eatoire
126
Chapitre 3. La prime pure
6
8
Rapport
10
12
Gamma Log-Normale Pareto
1
2
3
4
5
6
t
Fig. 3.1 – Evolution des rapports (3.6), (3.7) et (3.8).
de loi Gamma de moyenne 1 et de variance 2 s’´ecarte de sa moyenne de plus de t fois l’´ecart-type. On constate clairement que la borne sup´erieure 1/t2 est loin au-dessus de la valeur exacte dans ce cas. La Figure 3.1 propose ´egalement des r´esultats similaires pour la loi log-normale de mˆeme moyenne et variance, a` savoir la fonction t 7→ o` u
1/t2 √ , Pr |LN or(µ,σ 2 ) − 1| > t 2 µ=−
(3.7)
ln 3 et σ 2 = ln 3, 2
ainsi que pour la loi de Pareto de mˆeme deux premiers moments, i.e. t 7→ o` u
1/t2 √ , Pr |Par(α,θ) − 1| > t 2
(3.8)
α = 4 et θ = 3. Il est clair que la borne sup´erieure fournie par (3.5) est tr`es prudente.
3.5. Assurance et loi des grands nombres
3.5 3.5.1
127
Assurance et loi des grands nombres Convergence en probabilit´ e
La loi des grands nombres fournit une justification pertinente du mode de calcul de la prime pure associ´ee a` S. Afin de s’en convaincre, nous aurons besoin d’un concept de convergence pour une suite de variables al´eatoires. D´ efinition 3.5.1. La suite {Tn , n ∈ IN} converge en probabilit´e vers la variable al´eatoire T , ce qui se notera d´esormais Tn →proba T, lorsque
Pr |Tn − T | > → 0 lorsque n → +∞
quel que soit > 0. Ceci exprime le fait qu’au fur et a` mesure que n croˆıt, la probabilit´e que Tn s’´ecarte de sa limite T de plus de tend vers 0; T n se rapproche d’autant plus de sa limite T que n est grand.
3.5.2
Convergence de la charge moyenne de sinistre par police vers la prime pure
Loi des grands nombres Supposons que l’assureur ´emet un grand nombre de polices identiques, et d´esignons par Si , i = 1,2, . . . ,n, le d´ebours total de l’assureur en relation avec la police num´ero i au cours d’une p´eriode de r´ef´erence (g´en´eralement un an). Propri´ et´ e 3.5.2. Soient µ et σ 2 la moyenne et la variance com(n) la charge moyenne de sinistre par police, mune des Si . Notons S i.e. n 1X (n) S = Si . n i=1
Pour autant que les variables al´eatoires S i soient ind´ependantes, identiquement distribu´ees et de variance finie, la loi des grands nombres assure que S
(n)
→proba µ lorsque n tend vers l’infini.
D´emonstration. En effet, l’in´egalit´e (3.5) garantit que h i (n) h i V S σ2 (n) Pr S − µ| > ≤ = → 0 si n → +∞. 2 n2
(3.9)
128
Chapitre 3. La prime pure
Nous venons donc d’´etablir que la charge moyenne de sinistre par police converge vers la prime pure. En r´eclamant un montant µ a` chaque assur´e, la compagnie devrait donc disposer d’une somme suffisante pour d´edommager les sinistres survenus, sans b´en´efice et sans d´eficit. Hypoth` eses sous jacentes Il est int´eressant d’examiner avec pr´ecaution les hypoth`eses qui sous-tendent (3.9), ceci afin de d´eceler les situations o` u le recours a` l’esp´erance math´ematique pour calculer la prime pure n’est pas pertinent: (i) Tout d’abord il s’agit d’un r´esultat asymptotique (“n tend vers l’infini”). En pratique, la taille du portefeuille doit ˆetre consid´erable pour que la loi des grands nombres trouve a` s’appliquer. (ii) Ensuite, les variables al´eatoires S i sont suppos´ees ind´ependantes. L’assurance des catastrophes naturelles, telles les inondations ou les tremblements de terre, qui affectent vraisemblablement tous les risques situ´es dans une mˆeme zone g´eographique, sort donc du domaine d’application de la loi des grands nombres. (iii) Enfin, les variables al´eatoires S i sont suppos´ees identiquement distribu´ees. Les risques group´es en vue de l’assurance doivent donc ˆetre homog`enes, c’est-`a-dire de nature semblable. On distingue (a) l’homog´en´eit´e de nature: chaque risque doit, suivant sa nature, ˆetre rang´e dans une cat´egorie particuli`ere. On ne peut grouper ensemble en vue d’un calcul statistique le risque “incendie” et le risque “responsabilit´e”. A l’int´erieur de chaque cat´egorie, il faut faire des sous-classifications correspondant aux caract´eristiques d’un mˆeme risque. En mati`ere d’incendie, on distingue les risques simples et les risques industriels. En mati`ere de responsabilit´e, on distingue les risques locatifs, la responsabilit´e familiale, etc. (b) l’homog´en´eit´e d’objet: les risques doivent avoir pour objet des personnes ou des choses semblables. Dans l’assurance sur la vie, les individus doivent ˆetre class´es suivant leur aˆge, leur sexe, leur ´etat de sant´e. Dans l’assurance accident, il y a lieu de tenir compte de la profession exerc´ee
3.5. Assurance et loi des grands nombres
129
par l’int´eress´e (l’actuaire est un meilleur risque que le peintre en bˆatiment). (c) l’homog´en´eit´e de valeur: les risques doivent ˆetre group´es selon leur valeur. Tous les risques ne doivent pas pr´esenter la mˆeme importance, mais il ne faut pas qu’il y ait entre eux une trop grande disproportion de valeur. Si les risques ne sont pas suffisamment nombreux, semblables et ind´ependants, la loi des grands nombres ne trouve pas a` s’appliquer et la compensation des risques ne sera pas possible. Dans une telle situation, l’assureur peut alors songer a` se r´eassurer, c’est-`a-dire c´eder une partie des risques qu’il a souscrits aupr`es d’une autre compagnie. Remarque 3.5.3. Il est possible que, pour une garantie donn´ee, les polices en portefeuille permettent la compensation (les hypoth`eses de la loi des grands nombres ´etant satisfaites), mais que ce ne soit pas le cas pour une autre garantie. Consid´erons par exemple un assureur couvrant contre l’incendie un grand nombre d’immeubles semblables situ´es dans la mˆeme ville, non contigus. Le principe de compensation s’appliquera vraisemblablement fort bien, les trois hypoth`eses de la loi des grands nombres ´etant satisfaites. Par contre, ces mˆemes immeubles ne constituent plus des risques ind´ependants pour la garantie tremblement de terre ou inondation, obligeant l’assureur a ` recourir au march´e de la r´eassurance. Primes unitaires et probabilit´ es Nous sommes a` pr´esent en mesure de justifier l’interpr´etation de la probabilit´e d’un ´ev´enement comme la prime pure relative a` une police pr´evoyant le versement d’une somme de 1e si l’´ev´enement en question survient. En effet, la prestation de l’assureur peut alors se repr´esenter par la variable al´eatoire 1, si E se produit, S = I[E] = 0, sinon. Clairement, S ∼ Ber(Pr[E]) et la prime pure associ´ee est alors E I[E] = Pr[E].
3.5.3
Le cas de la r´ eparation forfaitaire
Un sinistre au plus par p´ eriode Supposons que l’assureur couvre n individus. En cas de sinistre, la compagnie est oblig´ee de verser un montant forfaitaire s. Chaque
130
Chapitre 3. La prime pure
police donne lieu a` au plus un sinistre. La variable al´eatoire S i repr´esentant le remboursement de la compagnie a` l’individu i est donn´ee par 0, avec une probabilit´e 1 − q, Si = (3.10) s, avec une probabilit´e q. Si les Si sont ind´ependantes, alors S
(n)
→proba E[S1 ] = qs.
(n)
L’´ecart entre S et la prime pure qs est major´e en utilisant l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff par h i 1 (n) Pr |S − qs| > ≤ 2 s2 q(1 − q). n Nombre al´ eatoire de sinistres par p´ eriode Si la police peut g´en´erer plus d’un sinistre par p´eriode, et que la survenance d’un de ces sinistres oblige l’assureur a` verser le forfait s, la d´epense de la compagnie s’´ecrit S i = sNi o` u Ni est le nombre de sinistres d´eclar´es par la police i. Dans ce cas, S
(n)
= sN
(n)
o` uN
(n)
n
1X (n) = Ni et S →proba sE[N1 ]. n i=1
L’´ecart entre S
(n)
et la prime pure est contrˆol´e par
h i 1 (n) Pr |S − sE[N1 ]| > ≤ 2 s2 V[N1 ]. n
3.5.4
Le cas de la r´ eparation indemnitaire
Sans prise en compte du nombre des sinistres Supposons a` pr´esent qu’il y a une probabilit´e q que S i > 0, et notons Zi le montant des sinistres lorsque Si > 0, i.e. 0, avec une probabilit´e 1 − q, Si = (3.11) Zi , avec une probabilit´e q, o` u Z1 ,Z2 , . . . sont des variables al´eatoires positives, ind´ependantes et de mˆeme loi. Dans ce cas, la prime pure sera E[S i ] = qE[Zi ] = qµ.
3.6. Fonctions caract´ eristiques
131
Repr´esentons Si comme Ji Zi o` u Ji = I[Si > 0]. Cette fois, l’´ecart (n) entre S et la prime pure qµ est major´ee en vertu de l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff par h i 1 (n) Pr |S − qµ| > ≤ V[S1 ] n2 1 2 2 = qσ + µ q(1 − q) , n2 o` u σ 2 = V[Z1 ]. Remarque 3.5.4. Dans certains cas, il peut s’av´erer utile pour l’actuaire de faire apparaˆıtre explicitement le nombre de sinistres caus´es par l’assur´e. Dans ce cas, il recourt a ` la mod´elisation Si =
Ni X
Cik .
k=1
La prime pure vaut alors E[Si ] = E[Ni ]E[Ci1 ].
3.6 3.6.1
Fonctions caract´ eristiques Fonction g´ en´ eratrice des probabilit´ es
D´ efinition La fonction g´en´eratrice des probabilit´es est un outil bien commode pour obtenir un s´erie de r´esultats pr´ecieux pour l’actuaire, mais ne poss´edant pas d’interp´etation intuitive. Elle est d´efinie comme suit. D´ efinition 3.6.1. La fonction g´en´eratrice des probabilit´es d’une variable al´eatoire N a ` valeurs dans IN, not´ee ϕ N , est d´efinie comme X ϕN (z) = E[z N ] = Pr[N = j]z j , 0 ≤ z ≤ 1. j∈IN
Cette fonction caract´erise le loi de probabilit´e de N . En effet, les d´eriv´ees successives de ϕN ´evalu´ees en z = 0 donnent les probabilit´es Pr[N = k] a` un facteur pr`es, i.e. Pr[N = 0] = ϕN (0) dk k! Pr[N = k] = ϕN (z) , k ≥ 1. k dz z=0
132
Chapitre 3. La prime pure
Les d´eriv´ees successives de ϕN ´evalu´ees en z = 1 donnent quant a` elles les moments factoriels, a` savoir d ϕN (z) = E[N ] dz z=1 dk ϕ (z) = E[N (N − 1) . . . (N − k + 1)], k ≥ 1. N dz k z=1
Notez que, bien ´evidemment, ϕN (1) = 1. Les fonctions g´en´eratrices des probabilit´es associ´ees aux lois de probabilit´e discr`etes usuelles sont reprises au Tableau 3.3. Loi de probabilit´e DUni(n) Ber(q) Bin(m,q) Geo(q)
ϕN (t) = E[tN ]
Poi(λ)
exp(λ(t − 1))
1 tn+1 −1 n+1 t−1
(1 − q + qt) (1 − q + qt)m
N Bin(α,q)
q 1−(1−q)t α q 1−(1−q)t
Tab. 3.3 – Fonction g´en´eratrice des probabilit´es des lois discr`etes usuelles. Fonction g´ en´ eratrice des probabilit´ es et produit de convolution L’int´erˆet principal de la fonction g´en´eratrice des probabilit´es r´eside dans la manipulation ais´ee des convolu´ees. Si on d´esire trouver la fonction g´en´eratrice des probabilit´es d’une somme de variables de comptage ind´ependantes, il suffit de multiplier les fonctions g´en´eratrices des probabilit´es de chacun des termes, en vertu du r´esultat suivant. Propri´ et´ e 3.6.2. La fonction g´en´eratrice des probabilit´es de N • = Pn N , u les Ni sont ind´ependantes, est donn´ee par le produit i=1 i o` des fonctions g´en´eratrices ϕNi de chacun des termes. D´emonstration. Il suffit d’´ecrire h
ϕN• (z) = E z =
n Y i=1
Pn
i=1 Ni
i
E[z Ni ] =
=E n Y i=1
"
n Y i=1
z
Ni
#
ϕNi (z), z ∈ [0,1].
3.6. Fonctions caract´ eristiques
133
En particulier, si N1 , . . . ,Nn sont ind´ependantes et identiquement distribu´ees, on a ϕN• (z) = {ϕN1 (z)}n . Exemple 3.6.3 (Convolution de lois binomiales de mˆ eme param` etre). Ayant deux variables al´eatoires N 1 et N2 ind´ependantes de lois respectives Bin(m1 ,q) et Bin(m2 ,q), la fonction g´en´eratrice des probabilit´es de la somme N1 + N2 vaut m +m ϕN1 +N2 (z) = ϕN1 (z)ϕN2 (z) = 1 + q(z − 1) 1 2
de sorte que N1 + N2 ∼ Bin(m1 + m2 ,q). La loi de Bernoulli fournit donc la base de la famille binomiale puisque toute variable al´eatoire N de loi Bin(m,q) peut se repr´esenter comme N=
m X
Ni ,
i=1
o` u les Ni sont ind´ependantes et ob´eissent a ` la loi Ber(q). Exemple 3.6.4 (Convolution de lois de Poisson). Soient N 1 ,N2 , . . . ,Nn des variables al´eatoires ind´ependantes Pnde loi de Poisson de param`etres respectifs λP 1 ,λ2 , . . . ,λn . Alors N = i=1 Ni est de loi de Poisson de param`etre ni=1 λi . La fonction g´en´eratrice des probabilit´es de N est le produit des fonctions g´en´eratrices des probabilit´es des N i : ! n n Y X ϕN (z) = exp(λi (z − 1)) = exp (z − 1) λi , i=1
i=1
ce qui fait de N une variable al´eatoire de loi de Poisson de param`etre P n i=1 λi .
3.6.2
Transform´ ee de Laplace
D´ efinition Pas plus que la fonction g´en´eratrice des probabilit´es, la transform´ee de Laplace ne jouit d’une interpr´etation intuitive. Il s’agit a` nouveau d’un outil bien commode pour obtenir des r´esultats de th´eorie du risque. Cette fonction caract´erise la loi de X et est d´efinie comme suit. D´ efinition 3.6.5. La tranform´ee de Laplace d’une variable al´eatoire X, not´ee LX , est donn´ee par LX (t) = E[exp(−tX)], t ≥ 0.
134
Chapitre 3. La prime pure
Le plus souvent, la transform´ee de Laplace est utilis´ee pour des variables al´eatoires non-n´egatives. Ceci garantit son existence et en fait un outil bien commode permettant de r´esoudre de nombreux probl`emes de probabilit´e appliqu´ee. Les moments de X sont ais´ement obtenus en d´erivant L X et en ´evaluant les d´eriv´ees en 0; en effet, k k k d E[X ] = (−1) LX (t) , k ∈ IN. k dt t=0 Le Tableau 3.4 reprend les transform´ees de Laplace associ´ees aux lois usuelles. Loi de probabilit´e Uni(a,b) Bet(α,β) N or(µ,σ 2 ) Exp(θ) Gam(α,τ ) LN or(µ,σ 2 ) Par(α,θ)
LX (t) = E[exp(−tX)] exp(−at)−exp(−bt) (b−a)t
pas de forme explicite exp(−µt + 12 σ 2 t2 ) −1 1 + θt −α 1 + τt pas de forme explicite pas de forme explicite
Tab. 3.4 – Transform´ees de Laplace des lois de probabilit´es continues usuelles.
Th´ eor` eme de Bernstein Le th´eor`eme de Bernstein fournit une condition n´ecessaire et suffisante pour qu’une fonction soit la transform´ee de Laplace d’une loi de probabilit´e. Pour ce faire, rappelons qu’une fonction g : IR + → IR est compl`etement monotone si elle poss`ede des d´eriv´ees g (k) de tous ordres telles que (−1)k g (k) (t) ≥ 0 pour tout t > 0. Proposition 3.6.6 (Th´ eor` eme de Bernstein). Une fonction g est la transform´ee de Laplace d’une variable al´eatoire positive si, et seulement si, elle est compl`etement monotone et telle que g(0) = 1. Transform´ ee de Laplace et produit de convolution La tranform´ee de Laplace joue un rˆole important dans l’analyse des produits de convolution, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 3.6.7. Etant donn´ees des variables al´eatoires X 1 ,X2 , . . . ,Xn
3.6. Fonctions caract´ eristiques
135
P non-n´egatives et ind´ependantes, notant leur somme S = ni=1 Xi , la transform´ee de Laplace LS de S est donn´ee par le produit des transform´ees de Laplace LXi de chacun des termes. D´emonstration. Il suffit d’´ecrire "
LS (t) = E exp −t = E =
"
n Y i=1
n Y
n X
Xi
i=1
exp (−tXi )
i=1
!#
#
LXi (t), t ≥ 0.
On obtient donc tr`es facilement la transform´ee de Laplace de la somme des Xi sous l’hypoth`ese d’ind´ependance, alors que la fonction de r´epartition correspondante est souvent tr`es difficile a` obtenir. Exemple 3.6.8 (Convolution de lois gamma). L’expression de la tranform´ee de Laplace de la loi Gam(α,τ ) donn´ee au Tableau 3.4 laisse apparaˆıtre une propri´et´e fondamentale de la loi gamma: sa stabilit´e par convolution. En effet, si X 1 et X2 sont des variables al´eatoires ind´ependantes de lois respectives Gam(α 1 ,τ ) et Gam(α2 ,τ ), alors X1 + X2 est de loi Gam(α1 + α2 ,τ ). Pour s’en convaincre, il suffit en effet de remarquer que la transform´ee de Laplace de X1 + X2 vaut
t 1+ τ
−α1 t −α2 t −α1 −α2 1+ = 1+ τ τ
qui correspond effectivement a ` la loi Gam(α 1 + α2 ,τ ). Transform´ ee de Laplace des lois compos´ ees La propri´et´e suivante nous sera tr`es utile, notamment dans le Chapitre 6 pour approximer les lois compos´ees correspondant aux variables al´eatoires de forme compos´ee (2.14). Propri´ et´ e 3.6.9. La tranform´ee de Laplace de S d´efinie en (2.14), P i.e. S = N ependantes et identiquei=1 Xi avec Xi , i = 1,2, . . ., ind´ ment distribu´ees, et ind´ependantes de N , est donn´ee pour t > 0 par LS (t) = ϕN (LX1 (t)).
136
Chapitre 3. La prime pure
D´emonstration. Il suffit d’´ecrire " !# N X Xi LS (t) = E exp −t i=1
+∞ X
=
k=0
+∞ X
=
"
Pr[N = k]E exp −t
k X i=1
Xi
!#
Pr[N = k]{LX1 (t)}k = ϕN (LX1 (t)).
k=0
Exemple 3.6.10. Comme ϕN (z) = exp{λ(z − 1)} lorsque N ∼ Poi(λ), la tranform´ee de Laplace de S ∼ CPoi(λ,F X ) est LS (t) = exp{λ(LX (t) − 1)}, t ∈ IR+ . Stabilit´ e de la loi de Poisson compos´ ee par convolution Les transform´ees de Laplace sont bien utiles pour obtenir des r´esultats faisant intervenir des produits de convolution, comme la propri´et´e suivante. Propri´ et´ e 3.6.11. Consid´erons des variables al´eatoires ind´ependantes S1 ∼ CPoi(λ1 ,F1 ), . . . , Sn ∼ CPoi(λn ,Fn ). Alors S=
n X j=1
o` u λ• =
n X j=1
Sj ∼ CPoi(λ• ,F• ),
λj et F• (x) =
n 1 X λj Fj (x), x ∈ IR. λ• j=1
D´emonstration. Il suffit d’´ecrire LS (t) =
n Y
j=1
LSj (t) =
n Y
j=1
exp{λj (Lj (t) − 1)},
o` u Lj est la transform´ee de Laplace de la loi correspondant a` la fonction de r´epartition Fj . Le r´esultat s’obtient alors simplement en remarquant que Ls (t) = exp{λ• (L• (t) − 1)},
3.6. Fonctions caract´ eristiques
137
o` u la transform´ee de Laplace L• (t) =
n 1 X λj Lj (t) λ• j=1
correspond a` la fonction de r´epartition F • . Le cas des risques a ` variance infinie Nous avons vu a` la Propri´et´e 3.5.2 que la loi des grands nombres garantissait (sous certaines hypoth`eses) la convergence de la charge moyenne des sinistres vers la prime pure. Le raisonnement s’appuyant sur (3.9) suppose n´eanmoins que les S i sont de variance finie. Le r´esultat reste cependant correct si les S i ont une variance infinie (ce qui est parfois le cas lorsque l’actuaire est confront´e a` des montants de sinistre particuli`erement ´elev´es, lorsqu’il recourt a` la loi de Pareto). Propri´ et´ e 3.6.12. Soient S1 ,S2 , . . . ,Sn des variables al´eatoires nonn´egatives, ind´ependantes et de mˆeme loi, de moyenne finie. Alors (n) S →proba µ lorsque n → +∞. D´emonstration. Notons LS la transform´ee de Laplace commune des Si . La transform´ee de Laplace de la somme S 1 + S2 + . . . + Sn est (n) LnS et celle de S est n t LS (n) (t) = LS . n Or, un d´eveloppement de Taylor limit´e donne LS (t) = 1 − µt + o(t), o` u o(t) d´esigne une fonction telle que o(t) = 0, t→0 t lim
i.e. une fonction tendant plus vite vers 0 que l’identit´e (o(t) est donc n´egligeable pour de petites valeurs de t). Par cons´equent, lorsque n → +∞ n t lim L (n) (t) = lim LS n→+∞ S n→+∞ n µt n = lim 1− = exp(−tµ). n→+∞ n
138
Chapitre 3. La prime pure
Comme exp(−tµ) est la transform´ee de Laplace associ´ee a` la constante (n) vers µ. µ, on retrouve bien la convergence de S Ainsi, la couverture des risques dont la variance est infinie reste possible. On sent cependant bien intuitivement qu’il s’agira d’un commerce hasardeux: il s’agit en effet de risques dont la dispersion autour de la prime pure est infinie!
3.6.3
Fonction g´ en´ eratrice des moments
D´ efinition La fonction g´en´eratrice des moments compl`ete l’arsenal de l’actuaire. Elle apparaˆıt naturellement dans la th´eorie de la ruine et permet de classer les lois de probabilit´e selon le danger qui leur est associ´e. Contrairement a` la transform´ee de Laplace, elle n’est pas toujours d´efinie pour des variables al´eatoires non-n´egatives. D´ efinition 3.6.13. Etant donn´ee une variable al´eatoire X, sa fonction g´en´eratrice des moments MX est d´efinie comme MX (t) = E[exp(tX)], t ≥ 0. On voit donc que la diff´erence entre transform´ee de Laplace et fonction g´en´eratrice des moments est essentiellement formelle (−t est remplac´e par t, en fait). En sciences actuarielles, il est de coutume de distinguer ces deux outils. Loi log-normale Les moments de la loi log-normale s’obtiennent facilement a` partir de la fonction g´en´eratrice des moments de la loi normale, comme le montre l’exemple ci-apr`es. Exemple 3.6.14 (Moments de la loi log-normale). Lorsque X ∼ LN or(µ,σ 2 ), X a mˆeme loi que exp(Y ) o` u Y ∼ N or(µ,σ 2 ). D`es lors, E[X] = E[exp(Y )] = MY (1) = exp(µ + σ 2 /2), et E[X 2 ] = MY (2) = E[exp(2Y )] = exp(2µ + 2σ 2 ), d’o` u l’on tire V[X] = exp(2µ + 2σ 2 ) − exp(2µ + σ 2 ) = exp(2µ) exp(σ 2 )(exp(σ 2 ) − 1).
Les deux param`etres µ et σ 2 influencent donc la variabilit´e de X.
3.6. Fonctions caract´ eristiques
139
Une d´ecroissance exponentielle de la fonction de queue ne garantit cependant pas la finitude de la fonction g´en´eratrice des moments. L’exemple de la loi log-normale est ´edifiant a` cet ´egard. Tous les moments associ´es a` cette loi existent et sont finis. Pr´ecis´ement, si X ∼ LN or(µ,σ 2 ) alors, en g´en´eralisant l’Exemple 3.6.14: 1 E[X k ] = exp(kµ + k 2 σ 2 ), k = 1,2, . . . 2 Cependant, MX (t) est constamment infinie, quelle que soit la valeur de t. A fortiori, la loi de Pareto Par(α,θ) (pour laquelle les moments d’ordre k > α sont infinis) ne poss`ede pas de fonction g´en´eratrice des moments. Lois de Cram´ er Outre son usage dans certains d´eveloppements math´ematiques, la fonction g´en´eratrice des moments est un outil bien commode pour appr´ecier le niveau de danger traduit par une loi utilis´ee pour mod´eliser le coˆ ut des sinistres. En effet, contrairement a` la transform´ee de Laplace, la fonction g´en´eratrice des moments n’est pas forc´ement finie. Les lois pour lesquelles M X est constamment infinie traduisent un niveau de danger ´elev´e pour l’assureur. Les lois LogNormale et de Pareto font partie de cette cat´egorie. Au contraire, les lois de Cram´er sont celles dont la fonction g´en´eratrice des moments est finie pour au moins une valeur positive de son argument. De telles lois traduisent un degr´e de risque faible ou mod´er´e pour l’assureur. D´ efinition 3.6.15. La variable al´eatoire X admet une loi de Cram´er s’il existe h > 0 tel que MX (t) existe et est finie pour t < h. On obtient alors en d´eveloppant l’exponentielle en s´erie de Taylor: +∞ k X t MX (t) = 1 + E[X k ] pour t < h. k! k=1
Le Tableau 3.5 reprend les fonctions g´en´eratrices des moments des lois usuelles. Fonction g´ en´ eratrice des moments et produit de convolution Tout comme la tranform´ee de Laplace, l’int´erˆet premier de la fonction g´en´eratrice des moments r´eside dans l’´etude des sommes
140
Chapitre 3. La prime pure MX (t) = E[exp(tX)]
Loi de probabilit´e Uni(a,b) Bet(α,β) N or(µ,σ 2 ) Exp(θ) Gam(λ,α)
exp(bt)−exp(at) (b−a)t
pas de forme explicite exp(µt + 12 σ 2 t2 ) −1 1 − θt si t < θ t −α 1− τ si t < τ
Tab. 3.5 – Fonctions g´en´eratrices des moments des lois de probabilit´es continues usuelles. de variables al´eatoires. En effet la somme de variables al´eatoires ind´ependantes revient a` faire le produit des fonctions g´en´eratrices des moments. Propri´ et´ e 3.6.16. Etant donn´ees des variables al´eatoires X 2 , . . . ,Xn P1 ,X n non-n´egatives et ind´ependantes, et notant leur somme S = i=1 Xi , la fonction g´en´eratrice des moments M S de S est donn´ee par le produit des fonctions g´en´eratrices des moments M Xi de chacun des termes. D´emonstration. Il suffit d’´ecrire vaut "
MS (t) = E exp t = E =
"
n Y
n Y
n X
Xi
i=1
exp(tXi )
i=1
!#
#
MXi (t).
i=1
Exemple 3.6.17 (Convolution de lois normales). Si X ∼ N or(µ,σ 2 ), 1 MX (t) = exp(µt + t2 σ 2 ). 2 Ceci nous permet d’affirmer qu’´etant donn´ees des variables al´eatoires 2 ind´ Pnependantes Xi ∼ N or(µi ,σi ), toute combinaison lin´eaire T = en´eratrice i=1 αi Xi est toujours de loi normale. En effet, la fonction g´ de T est donn´ee par ! n n n Y X t2 X 2 2 E[exp(αi tXi )] = exp αi µi + αi σi 2 i=1
i=1
i=1
3.6. Fonctions caract´ eristiques
141
de sorte que n X i=1
αi Xi ∼ N or
n X i=1
αi µi ,
n X
α2i σi2
i=1
!
.
Borne de Chernoff Cette borne tr`es utile est valable pour les lois de Cram´er. Propri´ et´ e 3.6.18. Soit X une variable al´eatoire poss´edant une fonction g´en´eratrice des moments finie et notons Ψ(t) = ln MX (t). On a alors F X (x) ≤ exp(−h(x)) o` u h(x) = sup{tx − Ψ(t)}. t≥0
D´emonstration. L’in´egalit´e de Markov rappel´ee a` la Propri´et´e 3.4.1 donne F X (x) = Pr[exp(tX) > exp(tx)] MX (t) ≤ = exp(−(tx − Ψ(t))). exp(tx) Comme le raisonnement ci-dessus s’applique quel que soit t > 0, nous en d´eduisons que l’existence d’une fonction g´en´eratrice des moments garantit le r´esultat annonc´e. Une variable al´eatoire poss´edant une fonction g´en´eratrice des moments admet donc n´ecessairement une fonction de queue d´ecroissant exponentiellement vers 0.
3.6.4
Taux de hasard
D´ efinition Une quantit´e int´eressante est le taux de hasard (encore appel´e taux instantan´e de mortalit´e en assurance sur la vie), et d´efini comme suit. D´ efinition 3.6.19. Soit X une variable al´eatoire positive poss´edant une densit´e de probabilit´e fX . Le taux de hasard associ´e a ` X, not´e rX , est donn´e par rX (x) = −
d fX (x) ln F (x) = , x ∈ IR+ . dx F X (x)
(3.12)
142
Chapitre 3. La prime pure
Interp´ etation Afin de bien comprendre la signification du taux de hasard, il est utile de se r´ef´erer a` la repr´esentation suivante de r X . Propri´ et´ e 3.6.20. Le taux de hasard s’obtient par le passage a ` la limite suivant: Pr[x < X ≤ x + ∆x|X > x] . ∆x→0 ∆x
rX (x) = lim D´emonstration. En effet,
Pr[x < X ≤ x + ∆x|X > x] = =
Pr[x < X ≤ x + ∆x] Pr[X > x] Pr[X > x] − Pr[X > x + ∆x] , Pr[X > x]
d’o` u Pr[x < X ≤ x + ∆x|X > x] ∆x→0 ∆x 1 Pr[X > x] − Pr[X > x + ∆x] = lim Pr[X > x] ∆x→0 ∆x 1 d = − Pr[X > x] = rX (x). Pr[X > x] dx lim
En d’autres termes, rX (x)∆x peut s’interpr´eter comme la probabilit´e que le montant de sinistre soit approximativement ´egal a` x alors qu’il est au moins ´egal a` x. Formellement, le taux de hasard d’un risque X permet quant a` lui d’approximer la “probabilit´e” que X soit ´egal a` x, sachant que X exc`ede x, i.e. rX (x)∆x ≈ Pr[x < X ≤ x + ∆x|X > x]. Remarque 3.6.21. Il est int´eressant de comparer cette interpr´etation avec celle dont jouit la fonction de densit´e. Nous avons vu au chapitre pr´ec´edent que la fonction de densit´e f X d’un risque X ´evalu´ee en x peut s’interpr´eter comme la “probabilit´e” que X soit “´egal” a ` x, puisque Pr[x < X ≤ x + ∆x] fX (x) = lim , ∆x→0 ∆x de sorte que l’approximation fX (x)∆x ≈ Pr[x < X ≤ x + ∆x] est valable pour ∆x suffisamment petit.
3.6. Fonctions caract´ eristiques
143
Lien avec la fonction de queue Le r´esultat suivant montre qu’il est possible d’exprimer la fonction de queue de x en fonction du taux de hasard r X . Propri´ et´ e 3.6.22. La fonction de queue d’une variable al´eatoire positive X s’exprime comme suit en fonction du taux de hasard associ´e rX : Z x
F (x) = exp −
ξ=0
rX (ξ)dξ , x ≥ 0.
(3.13)
D´emonstration. Il suffit de r´esoudre l’´equation diff´erentielle (3.12) avec la condition initiale F (0) = 1. La Propri´et´e 3.6.22 montre que le taux de hasard r X caract´erise la loi de probabilit´e de X.
3.6.5
Primes stop-loss
D´ efinition Un trait´e de r´eassurance stop-loss (ou exc´edent de perte) consiste a` faire prendre en charge par le r´eassureur la partie de la charge totale S des sinistres qui d´epasse une certaine somme d. La portion r´eassur´ee, not´ee S R , est donc d´efinie par 0, si S ≤ d, R S = (S − d)+ = S − d, si S > d. Notez que cet ´echange de risque entre assureur et r´eassureur est semblable a` la clause de d´ecouvert obligatoire impos´ee aux assur´es par une compagnie, clause que nous avons examin´ee en d´etail dans la Section 2.9.2. La prime pure que la c´edante devra verser au r´eassureur pour un tel contrat, appel´ee prime stop-loss, est donn´ee par E[S R ] = E[(S − d)+ ]. Ceci m`ene a` la d´efinition suivante. D´ efinition 3.6.23. Etant donn´e un risque X, la prime stop-loss pour une r´etention t ≥ 0 est d´efinie par πX (t) = E[(X − t)+ ]. La fonction πX est encore appel´ee la transform´ee stop-loss de la variable al´eatoire X.
144
Chapitre 3. La prime pure
Remarque 3.6.24. Mˆeme si formellement rien ne distingue la prime stop-loss E[(X −t)+ ] du prix d’une option d’achat sur un actif dont la valeur a ` l’instant d’exercice est X et t d´esigne le prix d’exercice, il s’agit n´eanmoins de deux ˆetres math´ematiques fort diff´erents. En effet, la prime stop-loss est calcul´ee a ` l’aide de la loi de probabilit´e physique, ou historique, alors que dans le cas de l’option d’achat, on effectuera au pr´ealable un changement de mesure, passant a ` la loi de probabilit´e neutre au risque (ce qui permet d’´eviter toute opportunit´e d’arbitrage). Outre le fait que les march´es d’assurance sont incomplets, ce qui invalide bon nombre de r´esultats provenant de la th´eorie financi`ere classique, l’actuaire travaille avec la mesure de probabilit´e historique alors que le financier passe a ` la mesure de probabilit´e neutre au risque. Propri´ et´ es Si on int`egre par parties, on obtient facilement le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 3.6.25. La transform´ee stop-loss peut s’exprimer comme suit a ` partir de la fonction de queue: πX (t) =
Z
+∞
F X (x)dx.
(3.14)
x=t
La repr´esentation (3.14) permet encore d’obtenir les caract´eristiques suivantes de la transform´ee stop-loss π X . Propri´ et´ e 3.6.26. Supposons E[X] < +∞. La transform´ee stoploss πX poss`ede les propri´et´es suivantes: (i) elle est d´ecroissante et convexe. (ii) limt→+∞ πX (t) = 0 et limt→−∞ {πX (t) + t} = E[X]. D´emonstration. (i) se d´eduit imm´ediatement de la repr´esentation (3.14). Quant a` (ii), la premi`ere limite s’obtient a` partir de (3.14) tandis que la seconde provient de lim {πX (t) + t} = lim E[max{X,t}] = E[X].
t→−∞
t→−∞
La propri´et´e suivante est ´egalement fort int´eressante. Elle indique qu’une fonction satisfaisant les conditions (i)-(ii) de la Propri´et´e 3.6.26 est la transform´ee stop-loss associ´ee a` un risque X.
3.6. Fonctions caract´ eristiques
145
Propri´ et´ e 3.6.27. Si la fonction g satisfait (i)-(ii) dans la Propri´et´e 3.6.26, il existe un risque X tel que g = π X . La fonction de r´epartition de X est donn´ee par 0 FX (t) = 1 + g+ (t), 0 est la d´ o` u g+ eriv´ee a ` droite de g. 0 existe D´emonstration. Si g est convexe alors la d´eriv´ee a` droite g + et est non-d´ecroissante et continue a` droite. De plus, 0 lim g(t) = 0 ⇒ lim g+ (t) = 0
t→+∞
t→+∞
0 (t) = −1. et limt→−∞ {g(t) + t} ne peut exister que si lim t→−∞ g+ 0 D`es lors, 1 + g+ est une fonction de r´epartition, F X disons. Il suffit de prendre X = FX−1 (U ) pour conclure.
Remarque 3.6.28. La Propri´et´e 3.6.27 nous apprend ´egalement que la transform´ee stop-loss πX caract´erise la loi de probabilit´e de X. Exc´ edent moyen de sinistre Une autre quantit´e fort int´eressante dans l’analyse des lois de sinistre, et tr`es semblable a` la prime stop-loss, est l’exc´edent moyen de sinistre (encore appel´e dur´ee de vie moyenne restante en assurance sur la vie), d´efini comme suit. D´ efinition 3.6.29. Etant donn´e un risque X, l’exc´edent moyen de sinistre eX est d´efini par eX (x) = E[X − x|X > x] R +∞ ξ=x (ξ − x)dFX (ξ) = , x ≥ 0. F X (x) Il s’agit du montant moyen de sinistre lorsqu’un d´ecouvert obligatoire de montant x est pr´evu par la compagnie. Une loi pour laquelle eX ne tend que lentement vers 0 est moins avantageuse pour l’assureur qu’une autre pour laquelle la convergence vers 0 est rapide. Les exc´edents moyens de sinistre pour les lois continues usuelles sont repris au Tableau 3.6 (de mˆeme que leur comportement asymptotique lorsque x → +∞). Si on repart de (3.14), on constate facilement que πX (t) = eX (t)F X (t), de sorte que les primes stop-loss associ´ees aux lois de probabilit´e usuelle se d´eduisent facilement du Tableau 3.6.
146
Chapitre 3. La prime pure
Loi de probabilit´e
Exc´edent moyen de sinistre eX (x)
Equivalent asymptotique (x → +∞)
1 θ
Exp(θ) Gam(α,τ ) LN or(µ,σ 2 ) Par(α,θ) avec α > 1
α 1−Γ(α+1,τ x) τ 1−Γ(α,τ x)
exp(µ +
σ2 2 )
Φ
1 τ
−x
ln(x)−µ−σ 2 σ
ln(x)−µ Φ σ
−x
σ 2 lnxx
θ+x α−1
Tab. 3.6 – Exc´edents moyens de sinistre pour les lois de probabilit´es continues usuelles.
3.7 3.7.1
H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e Contexte
Jusqu’ici, nous avons suppos´e que les risques en portefeuille ´etaient ind´ependants et identiquement distribu´es. Dans la plupart des assurances vendues au grand public, la d´ependance entre risques assur´es n’est pas un probl`eme majeur. En assurance RC automobile, RC familiale ou vol, elle est la plupart du temps n´egligeable. En assurance incendie, elle peut ˆetre ais´ement maˆıtris´ee grˆace a` une politique de souscription ad´equate ou un programme de r´eassurance appropri´e. Dans certains cas cependant, l’actuaire doit examiner soigneusement les cons´equences de la d´ependance; on peut par exemple citer le volet “tremblement de terre” ou “inondation” de l’assurance incendie. L’hypoth`ese d’identique distribution est cependant beaucoup moins ´evidente. On sent bien en effet que certaines caract´eristiques des risques influencent la probabilit´e de survenance d’un sinistre ou l’´etendue de ses cons´equences. Une des grandes caract´eristiques de l’assurance r´eside dans le fait que tous les individus ne sont pas ´egaux devant le risque: certains ont une propension a` provoquer des sinistres largement plus ´elev´es ou plus fr´equents que d’autres. Lorsque ces assur´es se retrouvent m´elang´es dans le portefeuille de la compagnie, il en r´esulte une certaine h´et´erog´en´eit´e: des individus a` faible niveau de risque en
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 147 cˆotoient d’autres dont le niveau de risque est plus ´elev´e. L’assureur peut rem´edier partiellement a` ce probl`eme en partitionant le portefeuilles en classes de risque plus homog`enes. Comme nous le verrons dans le Tome II, il utilisera pour ce faire les caract´eristiques observables des assur´es influen¸cant significativement le risque. Mˆeme s’il ´eclate le portefeuille en sous-classes, ces derni`eres n’en demeurent pas moins souvent tr`es h´et´erog`enes. Cette h´et´erog´en´eit´e des risques couverts par l’assureur est rendue par les mod`eles de m´elange que nous ´etudions dans cette section.
3.7.2
Un exemple simple...
Un portefeuille avec deux types de risques Reprenons l’Exemple 2.3.2 et supposons que le risque de perte ou de vol des bagages varie en fonction du lieu de destination du voyageur. Pour les pays du groupe A, disons, l’assureur devra verser l’indemnit´e forfaitaire de 250e dans 10% des cas, en moyenne, tandis que pour les pays du groupe B, le forfait sera vers´e dans 20% des cas. Ainsi, pour les voyageurs a` destination d’un pays du groupe A, la d´epense de l’assureur est repr´esent´e par la variable al´eatoire SA =
0, avec la probabilit´e 0.9, 250e , avec la probabilit´e 0.1
tandis que pour un voyageur a` destination d’un pays du groupe B, la d´epense passe a` SB =
0, avec la probabilit´e 0.8, 250e , avec la probabilit´e 0.2.
Primes pures L’assureur devrait donc r´eclamer une prime pure ´egale a` E[S A ] = 25e pour un voyageur en partance pour un pays du groupe A, contre E[SB ] = 50e pour un autre a` destination d’un pays du groupe B. Supposons que 50% des voyages se fassent vers des pays du groupe A, et 50% vers des pays du groupe B. Dans le portefeuille se cˆotoient donc 50% des assur´es qui occasionnent une d´epense de mˆeme loi que SA , l’autre moiti´e occasionant une d´epense de mˆeme loi que SB . Ce portefeuille est donc h´et´erog`ene, m´elangeant deux types de risques.
148
Chapitre 3. La prime pure
Encaissement pur global L’encaissement global de la compagnie pour ce portefeuille est de nA E[SA ] + nB E[SB ] = 75nA , o` u nA repr´esente le nombre de polices couvrant des voyageurs a` destination d’un pays du groupe A, et n B = nA celui des polices couvrant un voyageur a` destination d’un pays du groupe B. Portefeuille homog` ene associ´ e Au niveau de la prime pure, rien ne distingue ce portefeuille d’un portefeuille homog`ene au sein duquel les charges de sinistre relatives a` chacune des polices seraient de la forme 0, avec la probabilit´e 0.85, SAB = 250e , avec la probabilit´e 0.15. En effet, l’encaissement pur total de ce portefeuille homog`ene vaut (nA + nB )37.5 = 75nA . Consid´erer le portefeuille homog`ene revient a` renoncer a` diff´erencier les assur´es en fonction de leur lieu de destination, et donc du risque qu’ils repr´esentent 1 . Si on reconnaˆıt l’h´et´erog´en´eit´e du portefeuille, on r´eclame 25e ou 50e selon la destination, alors que gommer cette diff´erence revient a` appliquer une prime uniforme de 37.5e a` tous les assur´es du portefeuille. Cons´ equences de l’h´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille Cet exemple simple nous permet d’introduire plusieurs concepts fondamentaux: 1. lorsqu’une prime uniforme est r´eclam´ee aux assur´es d’un portefeuille h´et´erog`ene, une certaine solidarit´e apparaˆıt. En effet, la prime de 37.5e pay´ee par un assur´e dont la destination est un pays du groupe A peut se d´ecomposer en une 1. Nous insistons sur le fait qu’il n’y a pas une pratique correcte et une autre incorrecte. L’actuaire d´ecide du mod`ele en fonction du degr´e de solidarit´e qu’il d´esire induire dans le portefeuille. Son but n’est pas de retenir d’office le mod`ele collant le mieux a ` la r´ealit´e. D´ecr´eter les Si ind´ependantes et identiquement distribu´ees alors que ce n’est pas le cas revient a ` induire le niveau maximal de solidarit´e dans le portefeuille, ce qui n’est pas n´ecessairement une mauvaise chose.
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 149 somme de 25e qui est le prix de son risque et un suppl´ement de 12.5e qui servira a` diminuer artificiellement la prime des voyageurs a` destination d’un pays du groupe B. Les 25e sont pay´es en vertu de la mutualisation du risque: ils serviront a` d´edommager les sinistres touchant des assur´es au profil identique (i.e. voyageant dans un pays du groupe A). Par contre, les 12.5e refl`etent la solidarit´e que l’assureur a induite au niveau du portefeuille en uniformisant le montant de la prime. 2. lorsqu’une prime uniforme est r´eclam´ee aux assur´es d’un portefeuille h´et´erog`ene, la solidarit´e ainsi induite fait d´ependre les r´esultats de l’assureur de la structure du portefeuille. En effet, imaginons que les assur´es voyageant a` destination d’un pays du groupe A aient une bonne connaissance de leur risque, remarquent qu’ils sont sur-tarif´es et d´ecident de ne plus se couvrir, jugeant le produit trop on´ereux. L’assureur n’aurait alors plus en portefeuille que des assur´es dont la destination est un pays du groupe B. Son encaissement pur s’´el`everait a` n B 37.5e et ne suffirait donc pas a` compenser une perte attendue de nB 50e . La prime collective de 37.5e est donc fonction de la composition du portefeuille (ici du fait que 50% des voyages se font a` destination d’un pays du groupe A). La tarification n’est donc correcte que si la composition du portefeuille demeure identique. 3. L’assureur peut difficilement maintenir un tarif uniforme sur un march´e ou des concurrents diff´erencient les risques et appliquent un tarif ´equilibr´e au sein de chaque classe de risques ainsi d´efinie. Dans notre exemple, supposons qu’une compagnie C1 , seule sur le march´e, r´eclame 37.5e a` chaque assur´e. Une nouvelle compagnie C2 fait son entr´ee et diff´erencie le montant des primes selon le pays de destination. Les assur´es a` destination d’un pays du groupe A devraient tous quitter C 1 pour C2 . Les r´esultats de C2 seront ´equilibr´es, mais ceux de C1 se d´et´erioreront rapidement, les assur´es a` destination d’un pays du Groupe A n’´etant plus l`a pour subsidier le rabais octroy´e aux assur´es voyageant a` destination d’un pays du groupe B. La compagnie C1 n’aura d’autre alternative que de relever son tarif uniform´ement a` 50e (si elle parvient a` surmonter la perte de nB 12.5e qu’elle subira la premi`ere ann´ee o` u les assur´es en partance pour un pays du groupe A la quitteront). Ainsi le march´e, c’est-`a-dire les compagnies C 1 et C2 , aura reconnu la diff´erence de risque en fonction du lieu de destination
150
Chapitre 3. La prime pure soit explicitement (comme C2 qui propose un tarif diff´erenci´e), soit implicitement (comme C1 dont la structure tarifaire est telle qu’elle s’adresse seulement a` un segment du march´e). Mentionnons tout de mˆeme que la r´ealit´e est plus subtile. Les acteurs du march´e ne se diff´erencient pas que par les tarifs qu’ils pratiquent, mais aussi par les services et l’´etendue des garanties qu’ils proposent, par le public auquel ils s’adressent, etc. De plus, les assur´es ne se r´esoudront a` quitter leur assureur que si la r´eduction de prime qu’ils obtiendront de la sorte est suffisamment cons´equente (que pour justifier les d´emarches a` effectuer). Le choix de l’assureur peut ´egalement ˆetre guid´e par des consid´erations id´eologiques, s’agissant par exemple de mutuelles.
Lien avec les mod` eles de m´ elange La variable al´eatoire S qui repr´esente les coˆ uts des sinistres g´en´er´es par une police du portefeuille m´elangeant deux types de risques peut encore se mod´eliser comme un m´elange de deux lois de Bernoulli (au facteur 250 pr`es), i.e. conditionnellement a` Q = q, S ∼ 250Ber(q) et 0.1, avec la probabilit´e 12 , Q= 0.2, avec la probabilit´e 12 . Les mod`eles de m´elange fournissent donc l’outil appropri´e pour traiter l’h´et´erog´en´eit´e des portefeuilles d’assurance. De fa¸con g´en´erale, on rend compte de l’h´et´erog´en´eit´e en introduisant un effet al´eatoire Θ repr´esentant le niveau de risque inconnu de l’assur´e. On obtient ainsi un mod`ele de m´elange, d´efini comme suit. D´ efinition 3.7.1. Supposons que conditionnellement a ` {Θ = θ}, la loi de la variable al´eatoire X soit d´ecrite par la fonction de r´epartition F (·|θ), i.e. Pr[X ≤ x|Θ = θ] = F (x|θ), x ∈ IR. Si Θ est inconnu, alors la fonction de r´epartition de X vaut h i Z E Pr[X ≤ x|Θ] = F (x|θ)dFΘ (θ), θ∈IR
soit une moyenne pond´er´ee des fonctions de r´epartition conditionnelles F (·|θ) avec des poids d´etermin´es par la fonction de r´epartition FΘ de Θ.
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 151
3.7.3
M´ elanges de Poisson
Contexte Empiriquement, les actuaires ont constat´e que, bien que la loi de Poisson rende th´eoriquement bien compte du nombre de sinistres caus´es par chaque assur´e, elle mod´elise mal le nombre de sinistres touchant une police du portefeuille. Ceci est principalement dˆ u a` l’h´et´erog´en´eit´e des portefeuilles d’assurance. Si on prend l’exemple de la RC automobile, chaque assur´e a un mode de conduite propre, des habitudes de d´eplacement bien a` lui, et conduit dans un environnement d´ependant de ses activit´es sociales et professionnelles. D`es lors, les nombres de sinistres caus´es par les assur´es du portefeuille varieront plus que ne peut le rendre le mod`ele de Poisson: en effet, a` la variabilit´e naturelle du nombre des sinistres associ´ee au mod`ele de Poisson s’ajoute une variabilit´e due a` l’h´et´erog´en´eit´e du portefeuille. Consid´erer que le nombre N de sinistres caus´es par un assur´e du portefeuille suit la loi Poi(λ) revient a` postuler implicitement que le portefeuille est homog`ene: tous les assur´es ont un profil de risque semblable (r´esum´e dans la fr´equence annuelle de sinistre λ). En pratique, ce cas de figure est clairement peu probable: les assur´es ne sont pas tous ´egaux devant le risque comme nous l’avons expliqu´e plus haut. L’id´ee est de refl´eter cette h´et´erog´en´eit´e du portefeuille en consid´erant que le nombre moyen de sinistres peut varier d’un assur´e a` l’autre: il devient ainsi une variable al´eatoire λΘ, o` u Θ caract´erise les oscillations autour du nombre moyen de sinistre λ (avec E[Θ] = 1). D´ efinition Ceci nous am`ene a` consid´erer des m´elanges de lois de Poisson. Une loi m´elange traduit le fait que la population qui nous int´eresse r´esulte du m´elange d’individus diff´erents. D´ efinition 3.7.2. La variable al´eatoire de comptage N est de loi de Poisson m´elange de moyenne λ et de niveau de risque relatif Θ lorsque (λΘ)k Pr[N = k] = E exp(−λΘ) k! Z +∞ (λθ)k = exp(−λθ) dFΘ (θ), k ∈ IN, (3.15) k! θ=0 o` u FΘ est la fonction de r´epartition de Θ, suppos´e satisfaire la contrainte E[Θ] = 1. Dor´enavant, nous noterons MPoi(λ,F Θ ) ou
152
Chapitre 3. La prime pure
par abus de notation simplement MPoi(λ,Θ), la loi de Poisson m´elange de moyenne λ et dont le niveau de risque relatif est d´ecrit par FΘ ; par extension, nous noterons de la mˆeme fa¸con toute variable al´eatoire de loi (3.15). Techniquement, nous d´esirons pouvoir travailler avec le couple al´eatoire (N,Θ); pour ce faire, nous d´efinissons sa loi de probabilit´e jointe a` partir de Z t (λθ)n exp(−λθ) dFΘ (θ), Pr[Θ ≤ t,N = n] = n! θ=0
pour t ∈ IR+ et n ∈ IN. Exemple 3.7.3. Le mod`ele le plus simple r´epondant a ` ces caract´eristiques est connu sous le nom de mod`ele “bons risques – mauvais risques”. Il revient a ` consid´erer que le portefeuille est constitu´e de deux types de risques: les bons, pour lesquels le nombre de sinistres ob´eit a ` la loi Poi(λθ1 ), et les mauvais, pour lesquels le nombre de sinistres ob´eit a ` la loi Poi(λθ2 ), avec θ2 > 1 > θ1 . Si la proportion de bons risques est %, l’hypoth`ese ci-dessus revient a ` θ1 , avec une probabilit´e %, Θ= θ2 , avec une probabilit´e 1 − %, o` u les param`etres θ1 , θ2 et % sont contraints par E[Θ] = %θ1 + (1 − %)θ2 = 1. La probabilit´e qu’une police (dont on ne sait pas s’il s’agit d’un bon ou d’un mauvais risque) donne lieu a ` k sinistres durant la p´eriode de r´ef´erence est alors de Pr[N = k] = % exp(−λθ1 )
(λθ1 )k (λθ2 )k + (1 − %) exp(−λθ2 ) , k! k!
en vertu de (3.15) L’exemple ci-dessus illustre bien le lien entre le m´elange et l’h´et´erog´en´eit´e du portefeuille. Bien entendu, ne diviser les assur´es qu’en deux cat´egories comme dans l’exemple ci-dessus peut s’av´erer simpliste et la multiplication des cat´egories m`ene immanquablement a` une surparam´etrisation du mod`ele, qui heurte le principe de parcimonie. D`es lors, on consid`ere souvent que le profil de risque ´evolue continˆ ument dans le portefeuille (i.e., si on range les assur´es du pire au meilleur, on obtient un continuum); Θ devient alors une variable al´eatoire continue, de densit´e de probabilit´e f Θ et Z +∞ (λθ)k Pr[N = k] = exp(−λθ) fΘ (θ)dθ, k ∈ IN. (3.16) k! θ=0
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 153 Remarque 3.7.4. Sur le plan des principes, l’assureur confront´e a ` un nombre de sinistres de loi MPoi(λ,Θ) plutˆ ot que Poi(λ) couvre en fait un double al´ea. Il assure en effet l’incertitude quant a ` la qualit´e du risque (repr´esent´ee par la fr´equence de sinistre inconnue λΘ) de mˆeme que celle entourant le nombre de sinistres lui-mˆeme (al´ea poissonnien). Moments Soit N une variable al´eatoire de loi MPoi(λ,Θ). La moyenne de N est donn´ee par ! Z +∞ X +∞ (λθ)k k exp(−λθ) dFΘ (θ) E[N ] = k! θ=0 k=0 Z +∞ θdFΘ (θ) = λ. = λ θ=0
En ce qui concerne la variance, il vient ! Z +∞ X +∞ k (λθ) V[N ] = k 2 exp(−λθ) dFΘ (θ) − λ2 k! θ=0 k=0 Z +∞ = (λθ + λ2 θ 2 )dFΘ (θ) − λ2 θ=0
= λ + λ2 V[Θ].
Comme V[N ] = E[N ] + λ2 V[Θ] > E[N ] pour autant que Θ ne soit pas constant. Tout m´elange de Poisson implique donc une surdispersion des donn´ees. Fonction de queue La fonction de queue de N ∼ MPoi(λ,Θ) peut encore se mettre sous la forme Z +∞ X (λθ)k exp(−λθ) dFΘ (θ) Pr[N > n] = k! θ∈IR+ k=n+1 Z +∞ X λ(λθ)k−1 λ(λθ)k = exp(−λθ) − exp(−λθ) F Θ (θ)dθ (k − 1)! k! θ∈IR+ k=n+1 Z (λθ)n = λ exp(−λθ) F Θ (θ)dθ. n! θ∈IR+
154
Chapitre 3. La prime pure
Fonction g´ en´ eratrice des probabilit´ es La fonction g´en´eratrice des probabilit´es de N ∼ MPoi(λ,Θ) et la tranform´ee de Laplace de Θ sont li´ees par la formule ϕN (z) =
Z
+∞ θ=0
exp(λθ(z − 1))fΘ (θ)dθ = LΘ (λ(1 − z)).
(3.17)
Exemple 3.7.5 (Loi binomiale n´ egative). Si nous consid´erons que Θ ∼ Gam(a,a), on obtient a ` partir de (3.17) et du Tableau 3.4 ϕN (z) =
λ(1 − z) 1+ α
−α
,
qui est en vertu du Tableau 3.3 la fonction g´en´eratrice des probabilit´es associ´ee a ` la loi N Bin(α,α/(α + λ)). Identifiabilit´ e Les m´elanges de Poisson sont identifiables, i.e. si N 1 ∼ MPoi(λ,Θ1 ) et N2 ∼ MPoi(λ,Θ2 ) alors N1 =loi N2 ⇒ Θ1 =loi Θ2 . Ainsi, dans le cadre de l’´etude des m´elanges de Poisson peut-on se r´eduire a` ´etudier les lois m´elangeantes. Ceci provient du raisonnement suivant, auquel nous donnons une port´ee g´en´erale. Bien souvent lorsque N ∼ MPoi(λ,Θ), une esp´erance faisant intervenir N peut se transformer en une esp´erance faisant intervenir Θ, et invers´ement, i.e. ayant une fonction g, il est possible d’obtenir une fonction g ∗ telle que l’identiti´e E[g(Θ)] = E[g ∗ (N )] soit v´erifi´ee. Ceci est par exemple le cas lorsque toutes les d´eriv´ees g (1) ,g (2) ,g (3) , . . . de g existent et sont positives. Dans ce cas, E[g(Θ)] =
Z
θ∈IR+
g(θ)dFΘ (θ) =
L’identit´e (λθ)k =
Z +∞ (k) X g (0) k=0
k!
+∞ X exp(−λθ)(λθ)` `=k
(` − k)!
θ∈IR+
θ k dFΘ (θ).
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 155 nous permet d’´ecrire +∞ (k) +∞ X g (0) X `! Pr[N = `] λk k! (` − k)! k=0 `=k ( (k) ) +∞ X ` X g (0) ` = Pr[N = `] k λk
E[g(Θ)] =
`=0
k=0
∗
= E[g (N )]
en d´efinissant la fonction g ∗ comme (k) ` X g (0) ` , ` ∈ IN. g (`) = k λk ∗
k=0
Si nous prenons g(θ) = exp(tθ), la fonction g ∗ associ´ee vaut g ∗ (`) =
k ` X t t ` ` = 1 + . k λk λ k=0
Ainsi, en revenant au probl`eme d’identifiabilit´e mentionn´e au d´ebut de cette section, on a t ∗ N1 =loi N2 ⇒ E[g (N1 )] = ϕN1 1 + λ t = ϕ N2 1 + = E[g ∗ (N2 )] λ ⇒ MΘ1 (t) = E[g(Θ1 )] = E[g(Θ2 )] = MΘ2 (t) ⇒ Θ1 =loi Θ2 .
3.7.4
Th´ eor` eme de Shaked
Les m´elanges de Poisson jouissent d’une propri´et´e tr`es importante ´etablie par Shaked (1980) et connue comme le “Shaked’s Two Crossings Theorem”. Propri´ et´ e 3.7.6. Si N ∼ MPoi(λ,Θ) alors il existe deux valeurs enti`eres 0 ≤ k0 < k1 telle que λk pour k = 0,1, . . . ,k0 , k! λk Pr[N = k] ≤ exp(−λ) pour k = k0 + 1, . . . ,k1 , k! λk Pr[N = k] ≥ exp(−λ) pour k ≥ k1 + 1. k! Pr[N = k] ≥ exp(−λ)
156
Chapitre 3. La prime pure
D´emonstration. Commen¸cons par remarquer que le nombre de changements de signe de la s´equence des Pr[N = k] − exp(−λ)
λk , k ∈ IN, k!
est le mˆeme que celui de la s´equence des c(k), k ∈ IN, o` u Pr[N = k]
k −1 exp(−λ) λk! k Z ξ = exp(λ − ξ) dξ − 1. + λ ξ∈IR
c(k) =
La fonction c(·) ´etant convexe, elle ne peut pr´esenter plus de deux changements de signe sur IN. Clairement, c(·) doit avoir au moins un changement de signe. Montrons a` pr´esent que c(·) ne peut pr´esenter un seul changement de signe. En effet, dans ce dernier cas, nous devrions avoir E[N ] < λ ou λ < E[N ], ce qui contredit E[N ] = λ. Ce r´esultat indique que la superposition d’une erreur Θ a` la moyenne λ augmente la masse de probabilit´e accord´ee a` 0: il y aura donc plus de polices ne causant pas de sinistres dans le mod`ele de Poisson m´elange que dans le mod`ele de Poisson de mˆeme moyenne. De plus, on constate que la masse de probabilit´e accord´ee aux grandes valeurs (i.e. celles exc´edant k1 + 1) sera plus ´elev´ee dans le mod`ele de Poisson m´elange que dans le mod`ele de loi de Poisson de mˆeme moyenne.
3.7.5
Lois de Poisson m´ elange compos´ ees
D´ efinition Si N ∼ MPoi(λ,Θ), on parle pour S de forme (2.14) de loi de Poisson m´elange compos´ee, ce qui se notera S ∼ CMPoi(λ,F Θ ,F ) ou par abus de notation simplement S ∼ CMPoi(λ,Θ,F ). Variance D´efinissons l’indice de risque r2 comme r2 =
E[X12 ] . {E[X1 ]}2
Clairement, r2 ≥ 1 puisque r2 − 1 =
V[X1 ] {E[X1 ]}2
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 157 et r2 = 1 ⇔ X1 = constante. La variance de S ∼ CMPoi(λ,Θ,F ) est alors donn´ee par V[S] = λE[X12 ] + λ2 {E[X1 ]}2 V[Θ] r 2 + V[Θ] . = {λE[X1 ]}2 λ
De plus, le coefficient de variation de S est donn´e par p r V[S] r2 CV [S] = = + V[Θ]. E[S] λ Comme CV [Poi(λ)] =
r
r2 , λ
on constate que lorsque λ est ´elev´e, CV [S] est domin´e par le comportement de la loi m´elangeante (traduit par V[Θ]). On peut encore d´ecomposer la variance de S comme suit pour identifier les sources de la variabilit´e de la charge financi`ere de l’assureur: V[S] = {E[X1 ]}2 V[Poi(λ)] + λV[X1 ] + λ2 {E[X1 ]}2 V[Θ] ≡ V1 + V2 + V3 .
Donnons une signification a` chacun des trois termes intervenant dans cette d´ecomposition: 1. le premier terme V1 peut se voir comme V[Poi(λ)E[X1 ]], c’esta`-dire comme la variance de la d´epense de l’assureur si les sinistres ´etaient constamment ´egaux a` leur moyenne et si le nombre de ceux-ci ´etaient de loi de Poisson. 2. le deuxi`eme terme V2 peut se voir comme la contribution des montants des sinistres X1 ,X2 , . . . a` la variabilit´e totale V[S], puisqu’il s’agit en fait de " λ # X V Xi , i=1
en omettant le fait que λ pourrait ne pas ˆetre entier. 3. le troisi`eme et dernier terme V3 peut ˆetre consid´er´e comme la variabilit´e suppl´ementaire induite par la loi m´elangeante. Pour de petites valeurs de λ, c’est la variabilit´e des sinistres qui pr´evaut, tandis que pour de grandes valeurs de λ, c’est l’effet de la m´elangeante qui domine.
158
Chapitre 3. La prime pure
Comportement asymptotique du rapport sinistre/prime dans un mod` ele de Poisson m´ elange compos´ e Supposons le portefeuille h´et´erog`ene et le nombre de sinistre N ∼ MPoi(λ,Θ). La charge totale S des sinistres g´en´er´es par ce portefeuille est alors de loi CMPoi(λ,Θ,F ). La variance du ratio “sinistres sur primes” (not´e S/P) en encaissement pur vaut dans ce cas 1 S = V[S] V E[S] λ2 (E[X1 ])2 λE[X12 ] + λ2 (E[X1 ])2 V[Θ] = λ2 (E[X1 ])2 → V[Θ] si λ → +∞. (3.18) Ainsi, le danger pour de grands portefeuilles provient essentiellement de la loi m´elangeante, c’est-`a-dire de l’h´et´erog´en´eit´e du portefeuille. Lorsqu’il n’y a pas d’h´et´erog´en´eit´e (i.e. V[Θ] = 0 et Θ = 1), c’est-`a-dire S ∼ CPoi(λ,F ), on a S V → 0 si λ → +∞, E[S] de sorte que la variance du ratio S/P tend vers 0 pour de grands portefeuilles homog`enes. D`es lors, l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff nous permet d’affirmer que S →proba 1, lorsque λ → +∞. E[S] Ceci traduit la diminution du risque par agr´egation, puisque le r´esultat de l’assureur est d’autant plus stable que le portefeuille est grand (i.e. que λ augmente). En examinant la limite (3.18), on constate que S/E[S] reste al´eatoire mˆeme dans un grand portefeuille lorsque S ∼ CMPoi(λ,Θ,F ): la limite pr´ecit´ee sugg`ere que S/E[S] se comporte comme Θ lorsque λ → +∞. C’est pr´ecis´ement ce que nous allons mettre en ´evidence dans cette section. Pour ce faire, nous aurons besoin de la convergence en loi, diff´erant de la convergence en probabilit´e qui a ´et´e utilis´ee dans la loi des grands nombres (Propri´et´e 3.5.2). D´ efinition 3.7.7. Une suite de variables al´eatoires {T n , n = 1,2, . . .} converge en loi vers la variable al´eatoire T , ce qui se notera d´esormais Tn →loi T , lorsque Pr[Tn ≤ t] → FT (t), lorsque n → +∞,
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 159 en tout point t o` u FT est continue. Les deux concepts de convergence utilis´es jusqu’ici, a` savoir → proba et →loi , ne sont pas ´equivalents. En fait, la convergence en probabilit´e est plus forte que la convergence en loi: quelle que soit la suite {Tn , n = 1,2, . . .}, Tn →proba T ⇒ Tn →loi T. Nous sommes a` pr´esent en mesure de d´emontrer le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 3.7.8. Si S ∼ CMPoi(λ,Θ,F ) alors S →loi Θ, lorsque λ → +∞. E[S] D´emonstration. Pour s’en convaincre, ´ecrivons " " " 2 # 2 ## S S = E E E −Θ − Θ Θ E[S] E[S] " " 2 ## S S = E E −E Θ Θ E[S] E[S] S = E V Θ . E[S]
Or,
S V Θ = θ E[S]
= =
1 E2 [S]
V[S|Θ = θ]
1 λθE[X12 ], {λE[X1 ]}2
de sorte que S E[X12 ] E V = E Θ Θ E[S] λ{E[X1 ]}2 E[X12 ] = → 0, lorsque λ → +∞. λ{E[X1 ]}2 Nous en d´eduisons finalement que " 2 # S E −Θ → 0, lorsque λ → +∞. E[S]
160
Chapitre 3. La prime pure
L’in´egalit´e de Markov garantit que S Pr − Θ > E[S]
≤ ≤
S E E[S] − Θ
v " u 2 # 1u S tE −Θ E[S]
→ 0, lorsque λ → +∞. Ainsi, S →proba Θ, lorsque λ → +∞ E[S] ⇒
S →loi Θ, lorsque λ → +∞. E[S]
La loi limite du ratio S/P n’est donc pas la loi normale, mais bien la loi m´elangeante d´ecrivant l’h´et´erog´en´eit´e du risque fr´equence: mˆeme pour de tr`es grands portefeuilles, S/E[S] reste bel et bien al´eatoire et d’autant plus dispers´e que l’h´et´erog´en´eit´e du portefeuille, mesur´ee par V[Θ], sera ´elev´ee.
3.7.6
M´ elanges d’exponentielles
D´ efinition Les m´elanges exponentiels constituent une classe tr`es souple de lois de probabilit´e. Adopter un m´elange exponentiel pour d´ecrire le montant des sinistres revient a` consid´erer que les sinistres sont de loi exponentielle n´egative, mais que leur moyenne est variable. D´ efinition 3.7.9. La variable al´eatoire continue X est de loi m´elange d’exponentielles lorsqu’elle admet la fonction de r´epartition Z Pr[X ≤ x] = {1 − exp(−θx)} dFΘ (θ), (3.19) θ∈IR+
x ∈ IR+ . Dor´enavant, nous d´esignerons par MExp(F Θ ) ou simplement par MExp(Θ) la loi dont la fonction de r´epartition est donn´ee par (3.19). La famille des m´elanges d’exponentielles refl`ete des niveaux de danger tr`es diff´erents pour l’assureur. Si Θ = θ on retrouve simplement la loi exponentielle n´egative Exp(θ). Par contre, si Θ est de
3.7. H´ et´ erog´ en´ eit´ e du portefeuille et m´ elanges de lois de probabilit´ e 161 loi Gamma, on passe a` la loi de Pareto, comme le montre l’exemple suivant. Exemple 3.7.10 (Loi de Pareto vue comme un m´ elange d’exponentielles). Lorsque X ∼ MExp(Θ) et Θ ∼ Gam(α,τ ), le m´elange exponentiel correspond a ` la loi de Pareto. En effet, la fonction de survie du m´elange exponentiel est alors donn´ee par Z τα Pr[X > x] = exp (−θ(x + τ )) θ α−1 dθ Γ(α) θ∈IR+ α Z 1 τ = exp(−ξ)ξ α−1 dξ + Γ(α) x + τ ξ∈IR α τ , = x+τ ce qui est bien le fonction de survie associ´ee au mod`ele Par(α,τ ).
Fonction de queue Examinons a` pr´esent la fonction de queue associ´ee a` un m´elange exponentiel: on voit facilement que si X ∼ MExp(Θ) alors Z Pr[X > x] = exp(−θx)dFΘ (θ) = LΘ (x), x ∈ IR+ . (3.20) θ∈IR+
Ainsi, la fonction de queue d’un m´elange exponentiel apparaˆıt comme la tranform´ee de Laplace de Θ. Ceci nous am`ene au r´esultat suivant. Proposition 3.7.11. Une loi de probabilit´e est un m´elange exponentiel si, et seulement si, la fonction de queue associ´ee est compl`etement monotone. D´emonstration. Nous avons vu plus haut que si X ∼ MExp(Θ), les d´eriv´ees de la fonction de queue (3.20) peuvent s’´ecrire k Z dk d Pr[X > x] = exp(−θx) dFΘ (θ) dxk dxk θ∈IR+ Z = (−1)k θ k exp(−θx)dFΘ (θ), θ∈IR+
qui apparaˆıt bien comme une fonction compl`etement monotone. Pour obtenir la r´eciproque, il suffit d’invoquer la Proposition 3.6.6.
La Proposition 3.7.11 a notamment pour cons´equence que la densit´e de probabilit´e associ´ee a` un mod`ele exponentiel est d´ecroissante, et pr´esente donc un unique mode en 0. Ceci peut sembler restrictif et explique pourquoi le mod`ele est souvent utilis´e pour d´ecrire le montant des sinistres exc´edant une limite fix´ee.
162
Chapitre 3. La prime pure
Identifiabilit´ e des m´ elanges exponentiels Notez que l’unicit´e de la tranform´ee de Laplace garantit que si X ∼ MExp(Θ1 ) et Y ∼ MExp(Θ2 ) X =loi Y ⇒ Θ1 =loi Θ2 , rendant ainsi le mod`ele identifiable; ceci permet d’´etudier les m´elanges exponentiels par le biais de leur m´elangeante. Propri´ et´ es Les m´elanges exponentiels jouissent de bon nombre de propri´et´es int´eressantes. Afin d’´etablir celles-ci, rappelons les r´esultats suivants a` propos des fonctions compl`etement monotones (voyez Feller (1950) pour plus de d´etails). Lemme 3.7.12. Soient les fonctions g 1 et g2 : (0, + ∞) → [0, + ∞).
(i) Si g1 et g2 sont compl`etement monotones, leur produit g 1 g2 l’est ´egalement. (ii) Si g1 est compl`etement monotone et si g2 admet une d´eriv´ee premi`ere compl`etement monotone alors g 1 ◦g2 est compl`etement monotone. En particulier, exp(−g2 ) est compl`etement monotone. Propri´ et´ e 3.7.13. Soient X1 ∼ MExp(Θ1 ) et X2 ∼ MExp(Θ2 ), ind´ependantes. Alors, Z = min{X1 ,X2 } ∼ MExp(Θ3 ) o` u Θ3 =loi Θ1 + Θ2 . D´emonstration. Clairement, Pr[Z > t] = Pr[X1 > t] Pr[X2 > t];
la fonction de queue de Z apparaˆıt donc comme le produit de deux fonctions compl`etement monotones et, en vertu du Lemme 3.7.12(i), est aussi compl`etement monotone. La Proposition 3.7.11 nous permet alors d’affirmer que la loi de Z est effectivement un m´elange d’exponentielles. De plus, Pr[Z > t] = LΘ3 (t) = Pr[X1 > t] Pr[X2 > t] = LΘ1 (t)LΘ2 (t), permet de conclure.
3.8. La prime pure en univers segment´ e
163
Exemple 3.7.14. Consid´erons la famille de lois de probabilit´e dont le taux de hasard est de la forme rX (x) = θ +
α , x ∈ IR+ . λ+x
Ce dernier apparaˆıt donc comme la somme du taux de hasard associ´e a ` la loi exponentielle n´egative Exp(θ) et de celui associ´e a ` la loi de Pareto Par(α,λ). Comme le taux de hasard de la variable al´eatoire Z = min{X1 ,X2 } est la somme des taux de hasard associ´es aux variables al´eatoires X1 et X2 , cette famille de loi peut donc se voir comme celles du minimum entre X1 ∼ Exp(θ) et X2 ∼ Par(α,λ). En vertu de la Propri´et´e 3.7.13(i), cette famille est un m´elange exponentiel dont la loi m´elangeante est la loi Gamma translat´ee. Ce mod`ele peut ˆetre utilis´e lorsque l’estimation des param`etres du mod`ele de Pareto donne α < 2 (ce qui rend la variance infinie); le mod`ele de Pareto peut ˆetre jug´e trop s´ev`ere et on peut lui pr´ef´erer le mod`ele ci-dessus.
3.8 3.8.1
La prime pure en univers segment´ e Les techniques de segmentation
D´ efinition de la segmentation Les portefeuilles d’assurance sont le plus souvent h´et´erog`enes. C’est pourquoi depuis fort longtemps, la prime r´eclam´ee aux assur´es varie en fonction de caract´eristiques propres a` ceux-ci ainsi qu’en fonction de leur sinistralit´e observ´ee. On parle alors de segmentation. Ce terme est actuellement consid´er´e comme faisant partie du jargon professionnel et peut ˆetre d´efini comme suit. D´ efinition 3.8.1. On qualifie de segmentation toute technique que l’assureur utilise pour diff´erencier la prime, et ´eventuellement aussi la couverture, en fonction d’un certain nombre de caract´eristiques sp´ecifiques du risque a ` assurer, et ce afin de parvenir a ` une meilleure concordance entre les coˆ uts qu’une personne d´etermin´ee met a ` charge de la collectivit´e des preneurs d’assurance et la prime que cette personne doit payer pour la couverture offerte. Dans certains cas, cela peut impliquer que l’assureur refuse le risque a ` assurer. Cette d´efinition de la segmentation se rapporte aux assurances priv´ees. Il existe en effet d’autres formes de segmentation qui, comme dans les assurances sociales, n’ont pas de lien direct avec les prestations assur´ees mais visent plutˆot a` r´epartir la charge des primes
164
Chapitre 3. La prime pure
entre les preneurs d’assurance en utilisant des facteurs qui n’ont fondamentalement rien a` voir avec le risque a` assurer (comme le niveau de r´emun´eration, par exemple). Techniques de segmentation La segmentation ne se limite donc pas a` la diff´erenciation tarifaire, bien connue de tous, mais comporte aussi la s´election du risque a` laquelle proc`ede l’assureur lors de la conclusion du contrat (acceptation) ou en cours du contrat (s´election ult´erieure). Les diff´erentes ´etapes de la segmentation peuvent donc se repr´esenter comme suit:
Acceptation du risque ↓ Tarification a priori Imposition de franchises ou de d´ecouverts obligatoires Transformation du risque a` assurer ↓ Tarification a posteriori R´esiliation
En assurance automobile, on a typiquement une politique d’acceptation fix´ee par la compagnie, soit qu’elle se concentre sur certains segments du march´e (les fonctionnaires par exemple), soit qu’elle d´esire ´eviter certains profils. La compagnie peut assortir l’acceptation d’un risque de certaines transformation de celui-ci (en imposant a` l’assur´e de suivre des cours de conduite d´efensive par exemple), voire imposer certaines limitations de couverture, telles que franchises ou d´ecouverts obligatoires. Elle fixe alors un montant de prime a priori, d´ependant des caract´eristiques de l’assur´e. Elle peut ´egalement imposer certains m´ecanismes de personnalisation a posteriori, parfois sp´ecifiques a` certaines cat´egories d’assur´es (par exemple, soumettre les jeunes conducteurs a` des corrections a posteriori plus s´ev`eres). H´ et´ erog´ en´ eit´ e r´ esiduelle Par rapport au grand nombre de facteurs de risque existants, seul un nombre r´eduit de ces facteurs peuvent d`es lors ˆetre utilis´es.
3.8. La prime pure en univers segment´ e
165
Sur base de ces facteurs, on proc`ede a` une premi`ere forme de segmentation. L’ensemble h´et´erog`ene initial des risques est divis´e en groupes plus ou moins homog`enes. C’est l’objet des techniques de tarification a priori, qui seront pr´esent´ees dans le Tome II. Etant donn´e que, lors de cette division, il n’est fait usage que d’un nombre limit´e de facteurs de risque, des diff´erences individuelles subsisteront au sein de chaque groupe de risques. Eu ´egard a` l’h´et´erog´en´eit´e encore pr´esente au sein d’un groupe de risques, la diff´erence dans les statistiques de sinistres des assur´es au sein d’une classe tarifaire ne doit pas seulement ˆetre attribu´ee au hasard mais doit ˆetre consid´er´ee dans une certaine mesure comme un reflet de l’influence des facteurs de risque qui n’ont pas ´et´e pris en consid´eration a priori. Tarification d’exp´ erience La prise en consid´eration de l’historique des sinistres donne lieu a` une deuxi`eme forme de segmentation qui peut s’exprimer de diff´erentes mani`eres: 1. en appliquant une tarification a posteriori au moyen d’un syst`eme de type bonus-malus ou “d’experience-rating”; 2. en accordant des ristournes de prime en fonction de la sinistralit´e observ´ee; 3. en imposant une franchise variable qui croˆıt avec le nombre de sinistres; 4. en utilisant la statistique des sinistres comme crit`ere de s´election ult´erieure. Nous reviendrons plus longuement sur ces questions dans le Tome II. Nous remarquons enfin que la personnalisation a posteriori constitue une correction des manquements de la personnalisation a priori et que, par cons´equent, la mesure dans laquelle la statistique sinistres intervient, doit d´ependre du degr´e de pr´ecision tarifaire qui a ´et´e appliqu´e a priori. Solidarit´ e et segmentation Nous avons vu que la m´ethode de calcul de la prime pure par l’esp´erance math´ematique reposait sur trois hypoth`eses: des risques sembables, nombreux et suffisamment dispers´es. En pratique, les risques couverts par une compagnie d’assurance sont loin d’ˆetre semblables. Songeons par exemple au risque RC automobile. On sent
166
Chapitre 3. La prime pure
bien qu’un jeune conducteur poss´edant une Porsche d´ecapotable rouge et habitant en grande agglom´eration est un risque tr`es diff´erent du fonctionnaire retrait´e vivant en rase campagne. L’assureur doit donc d´ecider s’il souhaite diff´erencier les primes que devront payer ces deux individus. Dans l’affirmative, il en personnalisera le montant et ´evitera donc que les assur´es dont le niveau de risque est le plus bas subventionnent leurs semblables dont le niveau de risque est plus ´elev´e. L’assureur pourrait donc d´esirer limiter la solidarit´e entre les diff´erentes cat´egories d’assur´es et r´eclamer a` chacun d’eux le prix de leur couverture. Ce faisant, l’assureur groupera les risques semblables en classes de risque au sein desquelles les assur´es sont indiscernables du point de vue de l’information d´etenue par la compagnie. Ce faisant, il r´eduira bien entendu les effectifs des classes. Donc, en voulant mieux satisfaire une des hypoth`eses de la loi des grands nombres, on en vient a` s’´ecarter d’une autre. Techniquement, l’actuaire travaillera conditionnellement aux caract´eristiques des assur´es. Il se demandera ainsi quelle est la fr´equence de sinistres de l’assur´e sachant que celui-ci est aˆg´e de 26 ans et qu’il habite une grande agglom´eration. Lorsque l’effectif de certaines classes de risque (i.e. l’ensemble des assur´es pr´esentant les mˆeme caract´eristiques) est trop faible, l’actuaire aura recours a` des mod`eles de r´egression pour ´etablir les tarifs. Les lois conditionnelles et leurs moments seront donc fort importants dans ce cadre.
3.8.2
L’esp´ erance conditionnelle
D´ efinition pour des variables de comptage Le cas discret ne pose aucun probl`eme. Etant donn´e un couple (N1 ,N2 ) de variables al´eatoires de comptage, l’esp´erance conditionnelle de N2 sachant N1 = n1 est donn´ee par E[N2 |N1 = n1 ] =
X
n2 ∈IN
n2 Pr[N2 = n2 |N1 = n1 ].
Exemple 3.8.2 (Suite de l’Exemple 2.8.3). Caclulons l’esp´erance
3.8. La prime pure en univers segment´ e
167
conditionnelle de N2 sachant N1 = n1 : E[N2 |N1 = n1 ] X = E[N2 |N1 = n1 ,M = k] Pr[M = k|N1 = n1 ] =
k∈IN n1 X k=0
E[N2 |M = k]
Pr[N1 = n1 |M = k] Pr[M = k] Pr[N1 = n1 ]
n1 X λn1 −k µk µ n1 = (k + λ2 ) 1 = n1 + λ2 . k (λ1 + µ)n1 λ1 + µ k=0
Cette derni`ere ´evolue donc lin´eairement en n 1 . D´ efinition pour des variables al´ eatoires continues Passons a` pr´esent a` un couple (X1 ,X2 ) de variables al´eatoires continues de densit´e fX . Si nous voulons d´efinir E[X1 |X2 = x2 ], nous utiliserons la densit´e conditionnelle obtenue en (2.13) et nous poserons Z E[X1 |X2 = x2 ] = x1 fX1 (x1 |x2 )dx1 . x1 ∈IR
D´ efinition dans le cas mixte Ayant un couple mixte (X,N ) o` u X est a` valeurs dans IR et N dans IN, il vient Z E[X|N = n] = xf1|2 (x|n)dx x∈IR+
et E[N |X = x] =
X
nf2|1 (n|x).
n∈IN
Exemple 3.8.3. Si N ∼ MPoi(λ,Θ), la fonction de r´epartition de Θ sachant que N = n, not´ee FΘ (·|n), FΘ (t|n) = = =
Pr[Θ ≤ t,N = n] Pr[N = n] Rt (λθ)n θ=0 exp(−λθ) n! dFΘ (θ) R (λθ)n θ∈IR+ exp(−λθ) n! dFΘ (θ) Rt exp(−λθ)θ ndFΘ (θ) R θ=0 . n θ∈IR+ exp(−λθ)θ dFΘ (θ)
168
Chapitre 3. La prime pure
On peut alors en calculer l’esp´erance: Z E[Θ|N = n] = θdFΘ (θ|n) θ∈IR+
qui donne finalement Rt exp(−λθ)θ n+1 dFΘ (θ) E[Θ|N = n] = Rθ=0 . n θ∈IR+ exp(−λθ)θ dFΘ (θ)
Remarque 3.8.4. Parfois, on parle de l’esp´erance conditionnelle de la variable al´eatoire X sachant qu’un ´ev´enement E s’est produit, ce qui se notera E[X|E]. Il s’agit en fait de la moyenne associ´ee a ` la fonction de r´epartition FX (x|E) = Pr[X ≤ x|E], x ∈ IR. Propri´ et´ es de l’esp´ erance conditionnelle On v´erifie ais´ement que l’esp´erance conditionnelle poss`ede les propri´et´es suivantes: quelles que soient les variables al´eatoires X 1 , X2 et X3 , et la constante r´eelle c, (i) E[c|X1 = x1 ] = c quel que soit x1 ∈ IR. (ii) E[X1 + X2 |X3 = x3 ] = E[X1 |X3 = x3 ] + E[X2 |X3 = x3 ] quel que soit x3 ∈ IR. (iii) E[cX1 |X2 = x2 ] = cE[X1 |X2 = x2 ], quel que soit x2 ∈ IR. (iv) quelle que soit la fonction g, E[g(X 1 ,X2 )|X2 = x2 ] = E[g(X1 ,x2 )|X2 = x2 ] quel que soit x2 ∈ IR. (v) si X1 et X2 sont ind´ependantes alors E[X1 |X2 = x2 ] = E[X1 ]. Esp´ erance conditionnelle vue comme une variable al´ eatoire A moins que X1 et X2 ne soient ind´ependantes, la loi de X 1 sachant X2 = x2 d´epend de x2 . En particulier, E[X1 |X2 = x2 ] est une fonction de x2 , i.e. E[X1 |X2 = x2 ] = h∗ (x2 ). On pourrait ainsi s’int´eresser a` la variable al´eatoire h∗ (X2 ) = E[X1 |X2 ]. Propri´ et´ e 3.8.5. La variable al´eatoire E[X 1 |X2 ] a mˆeme moyenne que X1 : h i E E[X1 |X2 ] = E[X1 ].
3.8. La prime pure en univers segment´ e
169
D´emonstration. Lorsque X1 et X2 sont continues, cette ´egalit´e s’´etablit comme suit: Z h i E E[X1 |X2 ] = E[X1 |X2 = x2 ]f2 (x2 )dx2 x2 ∈IR Z Z = x1 f1|2 (x1 |x2 )dx1 f2 (x2 )dx2 Zx2 ∈IR Z x1 ∈IR = x1 fX (x1 ,x2 )dx1 dx2 x2 ∈IR x1 ∈IR Z = x1 f1 (x1 )dx1 = E[X1 ]. x1 ∈IR
Le raisonnement est similaire dans les cas discret et mixte. Caract´ eristique de l’esp´ erance conditionnelle Epinglons a` pr´esent une caract´eristique remarquable de l’esp´erance conditionnelle, qui peut ˆetre prise comme d´efinition g´en´erale de ce concept. Propri´ et´ e 3.8.6. Quelle que soit la fonction h : IR → IR, nous avons h i E h(X2 ) X1 − E[X1 |X2 ] = 0. D´emonstration. La Propri´et´e 3.8.5 nous permet d’´ecrire h i E h(X2 ) X1 − E[X1 |X2 ] h h ii = E E h(X2 ) X1 − E[X1 |X2 ] X2 h h ii = E h(X2 )E X1 − E[X1 |X2 ] X2 = 0,
ce qui ach`eve la v´erification du r´esultat annonc´e.
On peut voir X1 −E[X1 |X2 ] comme un r´esidu (c’est-`a-dire comme la partie de X1 que ne parvient pas a` expliquer X2 ). La Propri´et´e 3.8.6 traduit alors l’orthogonalit´e entre tout pr´edicteur h(X 2 ) et le r´esidu X − E[X1 |X2 ], relation d’orthogonalit´e signifiant que X 2 ne peut plus rien expliquer de ce r´esidu. Ceci garantit que E[X 1 |X2 ] est le meilleur pr´edicteur de X1 au sens des moindres carr´es, comme l’indique le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 3.8.7. La variable al´eatoire h ∗ (X2 ) = E[X1 |X2 ] est celle minimisant E[(X1 − h(X2 ))2 ] sur toutes les fonctions h.
170
Chapitre 3. La prime pure
D´emonstration. Ecrivons E[(X1 − h(X2 ))2 ] = E[(X1 − E[X1 |X2 ] + E[X1 |X2 ] − h(X2 ))2 ]
= E[(X1 − E[X1 |X2 ])2 ] +E[(E[X1 |X2 ] − h(X2 )2 ] {z } | ind´ependant de h
+2 E[(X1 − E[X1 |X2 ])(E[X1 |X2 ] − h(X2 ))] {z } | =0 par d´efinition de l’esp´erance conditionnelle
sera minimum lorsque h(X2 ) = E[X1 |X2 ].
Il n’y a bien entendu aucune raison de se limiter a` une seule variable conditionnante, et on peut consid´erer un vecteur X de dimension n et d´efinir E[X1 |X2 , . . . ,Xn ]. D´ efinition 3.8.8. Consid´erons un vecteur al´eatoire X de dimension n. L’esp´erance conditionelle E[X 1 |X2 , . . . ,Xn ] de X1 sachant X2 , . . . ,Xn est la variable al´eatoire h∗ (X2 , . . . ,Xn ) telle que l’´egalit´e E h(X2 , . . . ,Xn ){X1 − h∗ (X2 , . . . ,Xn )} = 0, (3.21)
est v´erifi´ee pour toute fonction h : IR n−1 → IR. Les variables (ou vecteurs) al´eatoires apparaissant derri`ere la barre conditionnante | sont suppos´ees ˆetre group´ees en un seul vecteur. On peut alors ais´ement g´en´eraliser la Propri´et´e 3.8.9 comme suit. Propri´ et´ e 3.8.9. La variable al´eatoire h ∗ (X2 , . . . ,Xn ) = E[X1 |X2 , . . . ,Xn ] est la fonction de X2 , . . . ,Xn minimisant E[(X1 − h(X2 , . . . ,Xn ))2 ] sur toute les fonctions h : IR n−1 → IR. Variance conditionnelle Ayant un couple (X1 ,X2 ), on d´efinit la variance de X1 sachant que l’´ev´enement {X2 = x2 } est r´ealis´e comme h i 2 V[X1 |X2 = x2 ] = E X1 − E[X1 |X2 = x2 ] X2 = x2 .
Ainsi peut-on d´efinir la fonction v(x 2 ) = V[X1 |X2 = x2 ] et s’int´eresser a` la variable al´eatoire v(X2 ) = V[X1 |X2 ]. Propri´ et´ e 3.8.10 (D´ ecomposition de la variance). Quelles que soient les variables al´eatoires X 1 et X2 , h i h i V[X1 ] = E V[X1 |X2 ] + V E[X1 |X2 ] .
3.8. La prime pure en univers segment´ e
171
D´emonstration. En suivant le raisonnement qui a men´e a` l’optimalit´e de l’esp´erance conditionnelle au sens des moindres carr´es dans la Propri´et´e 3.8.7, on obtient E[(X1 − E[X2 ])2 ] = E[(X1 − E[X1 |X2 ])2 ] + E[(E[X1 |X2 ] − E[X2 ])2 ] = E V[X1 |X2 ] + E (E[X1 |X2 ] − E[X2 ])2 ,
ce qui ach`eve la v´erification.
Tout comme pour l’esp´erance conditionnelle, nous pouvons conditionner par rapport a` plusieurs variables al´eatoires (donc par rapport a` un vecteur al´eatoire), et d´efinir h i 2 V[X1 |X2 , . . . ,Xn ] = E X1 − E[X1 |X2 , . . . ,Xn ] X2 , . . . ,Xn . Une adaptation ´evidente du raisonnement tenu dans la preuve de la Propri´et´e 3.8.10 montre que la d´ecomposition h i h i V[X1 ] = E V[X1 |X2 , . . . ,Xn ] + V E[X1 |X2 , . . . ,Xn ] est valable.
3.8.3
Personnalisation des primes
Principe L’actuaire peut d´ecider de personnaliser le montant des primes. Pour ce faire, il utilisera les caract´eristiques des assur´es qu’il connaˆıt, r´esum´ees dans un vecteur X, disons. Au nombre de celles-ci, on comptera par exemple l’ˆage, le sexe, le domicile, l’´etat-civil, la profession, . . . , de l’assur´e, ainsi que des caract´eristiques du bien assur´e (valeur, . . . ), le type de contrat (franchise, dur´ee, . . . ), ou encore le pass´e sinistres. La prime sera alors une fonction g(X) de ces caract´eristiques. En d´ebut de p´eriode, l’assureur d´eterminera donc le montant de la prime a` l’aide des caract´eristiques du risque qu’il juge pertinentes (et qu’il a int´egr´ees dans son tarif). On pourrait fort bien imaginer que pour des raisons commerciales, l’assureur d´ecide volontairement de ne pas tenir compte de certains facteurs d´eterminants. Ceci engendre alors des subsidiations crois´ees entre cat´egories d’assur´es, que l’actuaire doit ˆetre a` mˆeme de mesurer. Dans ce cas, il est ´egalement utile de conserver une trace de la prime “exacte” dont l’assur´e aurait dˆ u s’acquitter s’il n’y avait pas eu de simplification
172
Chapitre 3. La prime pure
commerciale (c’est l`a l’objet du tarif technique, qui peut ˆetre fort diff´erent du tarif commercial). Sur le plan des principes, il est int´eressant de remarquer que lorsque l’assureur tient compte compte des caract´eristiques X pour d´eterminer le montant de la prime pure, les primes futures dont l’assur´e devra s’acquitter deviennent al´eatoires. Si l’assur´e d´em´enage, devient p`ere de famille ou change de voiture, la prime qu’il paiera a` un assureur ayant int´egr´e le domicile, le nombre d’enfants ou le type de v´ehicule dans son tarif s’en trouvera modifi´ee. Il s’agit donc d’une situation radicalement diff´erente du cas classique o` u la prime est constante. D´ etermination de la prime pure en univers segment´ e Afin de d´eterminer quelle fonction g utiliser, nous choisirons celle fournissant la meilleure approximation de la charge financi`ere S de l’assureur relatif a` un assur´e particulier, i.e. g doit minimiser d2 (S,g(X)) = E[(S − g(X))2 ]. La Propri´et´e 3.8.9 nous apprend que cette fonction est pr´ecis´ement l’esp´erance conditionnelle de S sachant X. Ainsi, lorsque l’actuaire d´ecide de personnaliser le montant des primes, la prime pure n’est plus l’esp´erance E[S] mais bien l’esp´erance conditionnelle E[S|X]. Intuitivement, cela revient a` ne plus r´eclamer a` chaque assur´e la charge moyenne de sinistre par police, mais a` calculer ces moyennes au niveau de chaque classe de risque (au sein desquelles les assur´es sont identiques sur base des crit`eres de segmentation retenus par la compagnie) et a` les r´epercuter sur les assur´es de cette classe. En pratique, les choses sont cependant loin d’ˆetre aussi simples, car certaines classes pouraient s’av´erer fort peu peupl´ees. Or il n’est pas possible d’estimer avec suffisamment de pr´ecision la charge moyenne de sinistre de l’assureur relativement a` une classe qui ne compte que quelques polices. En poussant le raisonnement a` l’extrˆeme, si une classe ne contient qu’un seul assur´e qui n’a caus´e aucun sinistre au cours de l’ann´ee, on con¸coit mal que l’assureur le dispense de payer sa prime l’ann´ee suivante. Il s’agit donc de construire en pratique des mod`eles de r´egression, lesquels permettent de pallier le faible effectif de certaines classes de risque. Les fr´equences et les coˆ uts des sinistres des diff´erentes cat´egories d’assur´es en portefeuille sont li´ees par des param`etres communs, qui seront estim´es sur base des observations relatives au portefeuille.
3.8. La prime pure en univers segment´ e
173
Interaction entre les variables tarifaires On entend souvent parler de l’impact marginal d’une variable tarifaire, en d´epit des interactions que celle-ci peut avoir avec d’autres facteurs de risque. Si une compagnie remarque que la sinistralit´e est particuli`erement mauvaise dans une certaine r´egion, doit-elle conclure que cette r´egion est dangereuse et relever le tarif des automobilistes qui y habitent? Pas n´ecessairement, en fait: le suppl´ement de sinistralit´e peut ˆetre dˆ u a` un facteur totalement diff´erent (par exemple, le peu d’exp´erience des conducteurs qui y habitent). Il est mˆeme possible que cette r´egion soit en fait moins risqu´ee que les autres, toutes autres choses ´etant ´egales. Ceci montre bien que l’effet de chaque variable doit ˆetre appr´eci´e ind´ependamment, c’est-`a-dire correction faite de l’impact de toutes les autres. D´ ependances vraie et apparente Consid´erons la variable al´eatoire I qui vaut 1 lorsque l’assur´e a d´eclar´e au moins un sinistre au cours de la p´eriode consid´er´ee, et 0 sinon. On parle de d´ependance apparente entre I et une variable tarifaire lorsque la probabilit´e d’avoir au moins un sinistre d´epend d’une variable corr´el´ee avec cette variable tarifaire (qu’elle soit cach´ee, comme l’agressivit´e au volant par exemple, ou observable, comme l’ˆage de l’assur´e, si la structure d’ˆages diff`ere selon cette 3`eme variable). Dans ce dernier cas de figure, la d´ependance entre la variable tarifaire et le fait d’avoir ou pas des sinistres disparaˆıtrait si on tenait compte de la troisi`eme variable. Pour s’en convaincre, consid´erons le petit exemple suivant. Exemple 3.8.11. Supposons que le fait de vivre en ville ou a ` la campagne n’influence nullement le fait de causer au moins un sinistre, au contraire de l’exp´erience de conduite. Plus pr´ecis´ement, supposons que les conducteurs novices ont trois fois plus de chances de causer au moins un sinistre que leurs homologues plus exp´eriment´es, quel que soit leur lieu de r´esidence, i.e. Pr[I = 1|novice, rural] = Pr[I = 1|novice, citadin] = Pr[I = 1|novice] = 0.15, Pr[I = 1|exp´eriment´e, rural] = Pr[I = 1|exp´eriment´e, citadin] = Pr[I = 1|exp´eriment´e] = 0.05.
174
Chapitre 3. La prime pure
Dans le portefeuille se cˆ otoient 50% de novices et 50% d’exp´eriment´es, mais ceux-ci ne se r´epartissent pas ´egalement entre ville et campagne, i.e. Pr[novice|citadin] = 1 − Pr[exp´eriment´e|citadin] = 0.9, et Pr[novice|rural] = 1 − Pr[exp´eriment´e|rural] = 0.1. Ainsi y a-t-il beaucoup plus de jeunes conducteurs en ville qu’` a la campagne, o` u le public est plus a ˆg´e. Ceci aura la cons´equence suivante: quand nous effectuerons le test khi-carr´e pour d´eceler une ´eventuelle association entre la zone o` u r´eside le preneur d’assurance et le fait de causer ou non des sinistres, on aboutira vraisemblablement au rejet de l’hypoth`ese d’ind´ependance en raison de l’influence de l’exp´erience de conduite sur les deux variables. Pour s’en convaincre, calculons Pr[I = 1|citadin] = Pr[I = 1|novice, citadin] Pr[novice|citadin] + Pr[I = 1|exp´eriment´e, citadin] Pr[exp´eriment´e|citadin]
= 0.14, alors que
Pr[I = 1|rural] = Pr[I = 1|novice, rural] Pr[novice|rural] + Pr[I = 1|exp´eriment´e, rural] Pr[exp´eriment´e|rural]
= 0.06.
3.8.4
Segmentation, mutualisation et solidarit´ e
Le plus souvent, la segmentation oppose les inconditionnels de la mutualisation aux tenants de la solidarit´e. La diff´erenciation tarifaire fine, rendue possible par l’´evolution technologique, peut d´eboucher sur un accroissement des in´egalit´es et une d´estabilisation du corps social. Segmentation et mutualisation ne sont cependant aucunement antinomiques. La mutualisation consiste a` mettre des risques en commun. En l’absence de segmentation, ces risques seront port´es par des individus dont le profil est diff´erent alors qu’apr`es segmentation, la mise en commun se fera entre individus ´egaux devant le risque.
3.8. La prime pure en univers segment´ e
175
Mutualisation des risques Consid´erons la situation th´eorique dans laquelle l’assureur dispose d’une information compl`ete concernant tous les facteurs de risque et, sur base de celle-ci, r´eclame a` chaque assur´e une prime qui concorde parfaitement avec le coˆ ut moyen estim´e des sinistres que celui-ci met a` charge de la collectivit´e. Ceci est la forme la plus pouss´ee de diff´erenciation tarifaire. Les primes qui sont pay´ees par l’ensemble des assur´es, seront utilis´ees pour indemniser ceux qui ont un sinistre. Puisque, par hypoth`ese, tous les facteurs de risque sont pris en compte dans le calcul de la prime, personne ne sera syst´ematiquement avantag´e. On parle de mutualisation des risques: les assur´es ´etant rigoureusement identiques, les transferts de primes entre assur´es visent a` r´eparer les cons´equences du hasard. Solidarit´ e L’assureur est bien entendu incapable d’inclure l’effet de tous les facteurs influen¸cant le risque dans le calcul de la prime. En pratique, des diff´erences individuelles subsisteront entre la prime qu’un assur´e doit payer et le coˆ ut estim´e des sinistres qu’il provoquera. Ceci donne lieu a` des transferts entre assur´es qui paient trop de prime et d’autres qui contribuent trop peu. Une partie de la prime pay´ee par les assur´es dont le niveau de risque est bas sera utilis´ee pour d´edommager les sinistres caus´es par les assur´es de niveau de risque plus ´elev´e. La prime pay´ee par ces assur´es ne sert donc plus exclusivement a` d´edommager les sinistres qui touchent des assur´es qui lui sont semblables mais aussi a` diminuer artificiellement le montant de la prime pay´ee par d’autres assur´es dont le niveau de risque est plus ´elev´e. On parle alors de solidarit´e: un tarif non ou insuffisamment diff´erenci´e induit des transferts de primes au sein des portefeuilles et rendent le r´esultat de l’assureur d´ependant de la structure du portefeuille. Limites a ` la segmentation La question que soul`eve la segmentation concerne avant tout la fa¸con dont les primes doivent ˆetre r´eparties entre les assur´es. Fautil imposer un effort uniforme, ind´ependant du risque que chacun repr´esente? Ou au contraire la contribution doit-elle ˆetre fonction de ce risque? Faut-il faire intervenir d’autres ´el´ements de distinction
176
Chapitre 3. La prime pure
(revenus, richesses personnelles, etc.)? On sent bien qu’on touche ici a` l’aspect social du march´e de l’assurance: les assureurs vendent de la s´ecurit´e et ne peuvent donc ˆetre assimil´es a` tout autre producteur de biens. La r´eponse a` ces questions d´ependra du type de couverture et de choix soci´etaux. Il semble ´evident qu’une intervention de l’Etat est souhaitable dans certains cas. Lorsqu’il s’agit d’imposer certaines limites a` la segmentation, on op`ere souvent une double distinction, selon le type d’assurance et selon la nature du facteur de risque. En ce qui concerne le type de couverture, on peut faire une distinction entre assurances obligatoires ou non. Si la loi instaure l’obligation de conclure une assurance d´etermin´ee (RC automobile, par exemple), il est logique que le pouvoir politique examine dans quelle mesure cette obligation peut ˆetre respect´ee dans la pratique. Ceci signifie que tout candidat-preneur d’assurance doit avoir la garantie de pouvoir contracter une assurance, et ce a` un prix abordable. La question de savoir s’il est opportun d’imposer des limitations a` la segmentation dans le domaine des assurances non obligatoires, est beaucoup plus d´elicate et il doit y ˆetre r´epondu de fa¸con nuanc´ee. Certaines de ces assurances (RC vie priv´ee, assurance incendie, assurance solde restant dˆ u, ...) couvrent des risques importants pour l’assur´e, sa famille ou des tiers. Elles sont consid´er´ees comme n´ecessaires par la plupart des consommateurs et sont d`es lors largement r´epandues. Un acc`es ais´e a` ces assurances est donc certainement souhaitable. Pour garantir cette accessibilit´e, il faut un certain contrˆole de la part des autorit´es. Tout le monde s’accorde cependant a` ce que peu ou pas de limitations ne soient impos´ees lorsque ces assurances volontaires revˆetent un aspect de pur confort (assurance vol, assurance voyages, d´egˆats mat´eriels aux v´ehicules, ...). En ce qui concerne la nature du facteur de risque, on distingue les facteurs de risque que le consommateur peut influencer par son libre choix ou comportement (tabagisme, consommation d’alcool ou de drogue, pratique de sports dangereux, ...) de ceux qui ne concordent pas ou dans une moindre mesure avec le libre choix de l’assur´e (sexe, aˆge, profil g´en´etique, aptitude h´er´editaire, diff´erences r´egionales dans la jurisprudence, ...). Concernant les facteurs de risque qui appartiennent a` la premi`ere cat´egorie, il y a un consensus sur le fait que ceux-ci peuvent ˆetre int´egralement utilis´es comme crit`ere de segmentation. Dans ces cas, rien ne justifie qu’un preneur doive payer pour une autre personne qui, volontairement, adopte un comportement a` risque. Par contre,
3.8. La prime pure en univers segment´ e
177
la diff´erenciation des primes sur base des facteurs sur lesquels l’assur´e n’a aucune prise ne fait pas l’unanimit´e.
3.8.5
Formalisation du concept de segmentation
Transfert de risques en univers non segment´ e Tentons a` pr´esent de formaliser le probl`eme de la segmentation. Consid´erons un assur´e soumis a` un risque S, pr´elev´e au hasard au sein d’un portefeuille d’assurance. Supposons que toutes les caract´eristiques de l’assur´e influen¸cant le risque soient reprises dans un vecteur al´eatoire Ω = (Ω1 ,Ω2 , . . .). La notation “om´ega” rappelle que le vecteur du mˆeme nom contient toute l’information a` propos de l’assur´e, qu’elle soit observable ou non par l’assureur. On peut imaginer que l’assureur ne tienne compte en aucune mani`ere des caract´eristiques Ω de l’assur´e, et lui r´eclame donc une prime pure de montant E[S], la mˆeme que celle qu’il r´eclame a` tous les assur´es du portefeuille. Dans ce cas, la situation est telle que pr´esent´ee au Tableau 3.7.
D´epense D´epense moyenne Variance
Assur´es E[S] E[S] 0
Assureur S − E[S] 0 V[S]
Tab. 3.7 – Situation des assur´es et de l’assureur en l’absence de segmentation. L’assureur prend donc l’enti`eret´e de la variance des sinistres V[S] a` sa charge, que celle-ci soit due a` l’h´et´erog´en´eit´e du portefeuille, ou a` la variabilit´e intrins`eque des montants des sinistres. Transfert de risque en information compl` ete A l’autre extrˆeme, supposons que l’assureur incorpore toute l’information Ω dans la tarification. On serait alors dans la situation d´ecrite au Tableau 3.8. Contrairement au cas pr´ec´edent, la prime pay´ee par un assur´e pr´elev´e au hasard dans le portefeuille est a` pr´esent une variable al´eatoire: E[S|Ω] d´epend des caract´eristiques Ω de cet assur´e. Comme la variable al´eatoire S −E[S|Ω] est centr´ee, le risque assum´e par l’assureur la variance du r´esultat financier de l’op´eration d’assurance,
178
Chapitre 3. La prime pure
D´epense D´epense moyenne Variance
Assur´es E[S|Ω] h E[S] i
V E[S|Ω]
Assureur S − E[S|Ω] 0 h i V S − E[S|Ω]
Tab. 3.8 – Situation des assur´es et de l’assureur dans le cas o` u la segmentation est op´er´ee sur base de Ω. i.e. h i h 2 i V S − E[S|Ω] = E S − E[S|Ω] h h 2 ii = E E S − E[S|Ω] Ω h i = E V[S|Ω] .
On assiste dans ce cas a` un partage de la variance totale de S (c’esta`-dire du risque) entre les assur´es et l’assureur, mat´erialis´e par la formule h i h i V[S] = E V[S|Ω] + V E[S|Ω] . | {z } | {z } →assureur
→assur´es
Ainsi, lorsque toutes les variables pertinentes Ω ont ´et´e prises en compte, l’intervention de l’assureur se limite a` la part des sinistres due exclusivement au hasard; en effet, V[S|Ω] repr´esente les fluctuations de S dues au seul hasard. Dans cette situation id´eale, l’assureur mutualise le risque et il n’y a donc aucune solidarit´e induite entre les assur´es du portefeuille: chacun paie en fonction de son propre risque. Transfert des risques en information partielle
Bien entendu, la situation d´ecrite au paragraphe pr´ec´edent est purement th´eorique puisque parmi les variables explicatives Ω nombreuses sont celles qui ne peuvent pas ˆetre observ´ees par l’assureur. En assurance automobile par exemple, l’assureur ne peut pas observer la vitesse a` laquelle roule l’assur´e, son agressivit´e au volant, ni le nombre de kilom`etres qu’il parcourt chaque ann´ee 2 . D`es lors, 2. Cette derni`ere variable mesurant l’exposition au risque est prise en compte de mani`ere indirecte par l’usage du v´ehicule – priv´e/professionel – par exemple. Nous reviendrons en d´etail sur ces questions dans le Tome II.
3.8. La prime pure en univers segment´ e
179
l’assureur ne peut utiliser qu’un sous-ensemble X des variables explicatives contenues dans Ω, i.e. X ⊂ Ω. La situation est alors semblable a` celle d´ecrite au Tableau 3.9. D´epense D´epense moyenne Variance
Assur´e E[S|X] h E[S] i V E[S|X]
Assureur S − E[S|X] h 0 i E V[S|X]
Tab. 3.9 – Situation de l’assur´e et de l’assureur dans le cas o` u la segmentation est op´er´ee sur base de X ⊂ Ω. Il est int´eressant de constater que ii ii h i h h h h E V[S|X] = E E V[S|Ω] X + E V E[S|Ω] X io n h h i (3.22) = E V[S|Ω] + E V E[S|Ω] X . {z } | {z } | mutualisation
solidarit´e
On peut interpr´eter cette d´ecomposition du risque pris en charge par la compagnie comme suit: l’assureur, lorsque tous les facteurs de risque ne sont pas pris en compte, intervient pour r´eparer les cons´equences fˆacheuses du hasard (premier terme de (3.22) traduisant la mutualisation du risque), mais doit aussi prendre en charge les variations de la prime pure exacte E[S|Ω] qui ne sont pas expliqu´ees par les facteurs de risque X int´egr´es au tarif (second terme de (3.22), traduisant la solidarit´e induite par une personnalisation imparfaite du montant de la prime). En d’autres mots, en plus de contrer les mauvais coups du sort, l’assureur doit ´egalement supporter la variabilit´e des sinistres due aux caract´eristiques des assur´es, non prises en compte par le tarif. Dans une tarification segment´ee en fonction de X ⊂ Ω, le partage de la variance de S s’effectue comme suit: h i h i V[S] = E V[S|X] + V E[S|X] ii h i h h = E V[S|Ω] + E V E[S|Ω] X | {z } | {z } mutualisation solidarit´e | {z } →assureur h i + V E[S|X] . | {z } →assur´es
180
Chapitre 3. La prime pure
Compl´ ementarit´ e entre tarifications a priori et a posteriori Toute l’id´ee qui sous-tend la tarification d’exp´erience (qui sera trait´ee en d´etail dans le Tome II) est que l’historique des sinistres r´ev`ele les caract´eristiques non observables des assur´es. Plus pr´ecis´ement, si on note S ← les informations concernant la sinistralit´e pass´ee des assur´es disponibles pour l’assureur, l’information contenue dans (X,S ← ) devient comparable a` Ω, tant et si bien que E[S|X,S ← ] devrait converger vers E[S|Ω] (dans un sens a` pr´eciser).
3.8.6
Inconv´ enients r´ esultant d’une segmentation pouss´ ee
Une spirale de segmentation toujours croissante Si, contrairement a` la concurrence, une compagnie d’assurance n´eglige un crit`ere de segmentation significatif, celle-ci (pour autant que le march´e soit efficient) ne sera plus aliment´ee que par des risques r´eput´es mauvais par rapport a` ce crit`ere alors que les bons risques (selon ce crit`ere) iront a` la concurrence. Ce processus d’antis´election en d´efaveur de l’assureur qui segmente moins sera encore amplifi´e par les avis des interm´ediaires et des associations de consommateurs. Il en r´esulte que les assureurs doivent plus ou moins s’aligner les uns sur les autres dans leur politique de segmentation. Comme il y aura toujours un assureur qui, pour des raisons commerciales, voudra segmenter davantage que ses concurrents, le risque de tomber dans une spirale de segmentation toujours plus pouss´ee est bien r´eel. Inassurabilit´ e Certains assur´es pourraient se trouver dans l’incapacit´e d’acqu´erir une couverture d’assurance si les tarifs qui leur sont propos´es sont trop ´elev´es. Ainsi, il ne semble socialement pas souhaitable de faire payer a` certaines cat´egories de jeunes conducteurs des primes de montant trop ´elev´e pour leur assurance RC automobile, mˆeme si cela peut se d´efendre sur le plan technique. L’application d’une politique de segmentation pouss´ee augmenterait in´evitablement le nombre de conducteurs non assur´es. Un probl`eme similaire pourrait ´egalement se poser pour d’autres classes de risques, comme les conducteurs plus aˆg´es. Le probl`eme de l’exclusion de certains risques ne peut ˆetre r´esolu qu’en imposant une certaine solidarit´e entre les diff´erentes cat´egories de preneurs. Pour trouver une solution a` ce probl`eme, l’Etat instaure
3.8. La prime pure en univers segment´ e
181
souvent une obligation d’acceptation collective pour la communaut´e des assureurs: les mauvais risques qui ne peuvent pas ˆetre plac´es sur le march´e normal pourraient ainsi ˆetre assur´es via un pool qui impliquerait tous les assureurs pratiquant cette branche. Frais de fonctionnement plus ´ elev´ es Pour pouvoir diff´erencier les tarifs selon une m´ethode techniquement fond´ee, il est n´ecessaire que l’assureur tienne a` jour des fichiers comportant un tr`es grand nombre de donn´ees, tout en respectant les limites impos´ees par la l´egislation prot´egeant la vie priv´ee. Le traitement de toutes ces informations requiert un surcroˆıt de travail et peut donc entraˆıner une hausse des frais de gestion. Indirectement, la segmentation a pour effet que l’assur´e changera plus vite de compagnie et contribue donc aussi a` l’augmentation des frais.
3.8.7
Segmentation et asym´ etrie de l’information
Notions La th´eorie des contrats, et en particulier celle des contrats d’assurance, a atteint un haut degr´e de sophistication. En particulier, on peut trouver dans la litt´erature des ´etudes fouill´ees portant sur l’antis´election et le risque moral, ainsi que des m´ecanismes permettant d’´eliminer ces effets ind´esirables. La litt´erature sur les march´es en information incompl`ete, dont celui de l’assurance est une illustration parfaite, distingue habituellement deux cat´egories de ph´enom`enes: 1. ceux qui sont li´es a` l’inobservabilit´e d’une caract´eristique inalt´erable du bien ou du service ´echang´e, que l’on qualifie d’antis´election (“adverse selection”, en anglais); 2. ceux qui proviennent de l’inobservabilit´e d’une action entreprise par l’un des deux partenaires de l’´echange, que l’on classe sous la rubrique de “moral hazard”, traduit en fran¸cais par risque moral (ou al´ea moral). Pour une ´etude compl`ete, le lecteur pourra se r´ef´erer utilement a` Salani´ e (1996). Ces ph´enom`enes justifient bon nombre de pratiques courantes des assureurs. Ainsi, les proc´edures de classification a priori sont souvent vues comme un moyen de diminuer les effets d’antis´election, alors que la mise a` jour du montant des primes (par le m´ecanisme
182
Chapitre 3. La prime pure
du bonus-malus, par exemple) devrait ´eliminer une partie du risque moral. D´ efinition de l’antis´ election Une caract´eristique des assurances priv´ees r´eside dans la libert´e de contracter des deux parties concern´ees, preneur d’assurance et assureur. Le candidat-preneur est libre de d´eterminer lui-mˆeme si, quand, chez qui et comment il va s’assurer. Il choisira donc le contrat d’assurance qu’il consid`ere le plus attrayant. En outre, il dispose d’un avantage certain en mati`ere d’information par rapport a` un assureur qui segmente peu. Le candidat connaˆıt en effet sa propre situation de mani`ere tr`es pr´ecise tandis que l’assureur concern´e n’a aucune connaissance de certains facteurs d’aggravation du risque qui seraient pr´esents. Cette information asym´etrique m`ene a` l’antis´election ´emanant des preneurs d’assurance. Le bonheur dans l’ignorance Il s’agit ici de bien saisir le fait que le probl`eme r´eside dans la connaissance qu’a l’assur´e de son profil de risque. Au contraire, si l’ignorance est sym´etrique, c’est-`a-dire si ni l’assur´e, ni l’assureur n’ont connaissance de facteurs influen¸cant le niveau de risque, l’assureur couvrira le p´eril sur base du risque moyen collectif. Poussons un peu plus loin le raisonnement et montrons que lorsque les contractants n’ont pas connaissance d’informations de nature a` influencer le niveau de risque, ils concluent en fait un contrat d’assurances multi-garanties. Exemple 3.8.12. Supposons que 5% de la population soit pr´edispos´ee a ` une maladie M. Plus pr´ecis´ement, en cas de pr´edisposition, la probabilit´e de d´evelopper la maladie M est de 95%, alors qu’elle n’est que de 10% en l’absence de pr´edisposition. Cette pr´edisposition peut ˆetre d´etect´ee a ` l’aide d’un test g´en´etique, mais cet usage est interdit a ` l’assureur, et trop on´ereux pour l’assur´e. Le coˆ ut du traitement de la maladie M est de 100 000e . La prime pure pour une couverture contre cette maladie est de (0.5 × 0.95 + 0.95 × 0.1) × 100 000e . En examinant cet exemple de plus pr`es, on voit que la tarification uniforme couvre en fait deux risques distincts: tout d’abord celui d’ˆetre pr´edispos´e a ` la maladie M et ensuite celui de d´evelopper cette maladie. On constate aussi que c’est le seul moyen de couvrir
3.8. La prime pure en univers segment´ e
183
le risque a ` des conditions acceptables pour les individus pr´edispos´es (qui devraient s’ils ´etaient identifiables s’acquitter d’une prime pure de 95%×100 000e =95 000e , soit quasiment le prix du traitement). L’ignorance sym´etrique a donc un aspect particuli`erement avantageux en ´elargissant au maximum les possibilit´es d’assurance. C’est d’ailleurs la port´ee du paradoxe de Hirschleifer, en vertu duquel une information plus large n’est pas toujours souhaitable. L’incertitude a en effet un avantage ´enorme en ce qu’elle permet l’assurance. Ainsi, la g´en´eralisation des tests g´en´etiques rendrait la couverture de certaines populations a` risque impossible, alors que l’ignorance de la pr´edisposition de l’assur´e a` certaines maladies rend l’assurance possible. Autos´ election Bien que la menace que fait peser l’antis´election sur l’activit´e d’assurance soit bel et bien r´eelle, des solutions existent. Ainsi, pour une couverture d´ec`es suffit-il d’exclure la pratique de sports dangereux et d’imposer des conditions de couverture et d’acceptation stricte pour juguler l’antis´election. Une autre solution habituelle consiste a` inciter les risques aggrav´es a` se signaler. Ainsi, pour l’assurance d´egˆats mat´eriels aux v´ehicules suffit-il souvent de proposer diff´erents niveaux de franchise pour que les assur´es dangereux pr´ef`erent les franchises basses, au contraire des bons conducteurs qui n’h´esiteront pas a` opter pour des franchises ´elev´ees. Risque Moral Le fait d’ˆetre assur´e influence le comportement en mati`ere de risque. La prise en charge des risques par l’assureur peut en effet diluer les responsabilit´es individuelles et d´ecourager la pr´evention, entraˆınant une augmentation du risque total. Ainsi quelqu’un qui a souscrit une assurance vol peut ˆetre enclin a` prendre moins de pr´ecautions. Quelqu’un qui est couvert pour les soins de sant´e sera plus enclin a` se faire hospitaliser pour subir un traitement qui n’est pas strictement n´ecessaire ou plus on´ereux. A cˆot´e du risque normal assur´e, naˆıt un risque suppl´ementaire qui est appel´e “risque moral” ou “moral hazard”. La segmentation peut att´enuer ce ph´enom`ene: 1. Une couverture partielle du risque par l’application de d´ecouverts
184
Chapitre 3. La prime pure obligatoires, de franchises ou de paiements plafonn´es a un effet sur l’assur´e qui tentera alors de limiter la fr´equence et/ou le coˆ ut des sinistres.
2. Une s´election ult´erieure et une tarification a posteriori peuvent pousser l’assur´e a` avoir un comportement plus prudent. Il y a de nombreux contextes o` u les activit´es d’auto-protection des assur´es influent notablement sur les coˆ uts des sinistres support´es par l’assureur. L’id´eal pour ce dernier serait d’inclure dans les conditions g´en´erales des polices des dispositions incitant les assur´es a` prendre toutes les mesures pour pr´evenir les sinistres. Ainsi, l’assur´e victime d’un vol a` son domicile doit-il faire la preuve qu’il y a bien eu effraction (et donc qu’il n’a pas ´et´e n´egligent en laissant la porte ouverte), sous peine de d´ech´eance du droit a` la garantie. Le plus souvent les activit´es d’auto-protection ne sont cependant pas observables par l’assureur. Distinction entre risque moral et antis´ election La distinction entre le risque moral et l’antis´election peut ˆetre ramen´ee a` un probl`eme de causalit´e. Avec le risque moral, les actions non observables des individus qui affectent la sinistralit´e sont des cons´equences des formes des contrats (ces actions non observables sont induites par le degr´e de couverture offert par la police, augmentant lorsque la protection diminue). Par exemple, une police d’assurance peut ˆetre la cause d’une augmentation de la sinistralit´e parce qu’elle r´eduit les incitations a` la prudence. Ainsi, suite a` un changement exog`ene d’un contrat d’assurance (par exemple, une modification des conditions de couverture), on peut tester son effet en se limitant aux assur´es d´ej`a pr´esents dans le portefeuille et isoler un effet de risque moral. Avec l’antis´election pure, la nature des diff´erents risques est ant´erieure a` la souscription des polices; les choix des degr´es de couverture sont les cons´equences des diff´erents risques pr´esents. Il existe donc une forme de causalit´e inverse entre les deux probl`emes d’information. La distinction entre les deux ph´enom`enes peut donc se r´esumer a` la formule consacr´ee: People buying more insurance become more risky versus Risky people buy more insurance.
3.9. Exercices
3.9
185
Exercices
Exercice 3.9.1. Etablissez les identit´es suivantes: Z 1 E[X] = FX−1 (p)dp E[(X − t)+ ] =
Z
p=0 1
p=FX (t)
FX−1 (p)dp − tF X (t).
Exercice 3.9.2. Afin de d´eterminer la prime pure, nous pourrions imaginer une distance p´enalisant diff´eremment la sous-tarification et la sur-tarification, du type d∗ (S,c) = αE[(S − c)+ ] + βE[(c − S)+ ]. Pour α = β on retrouve a ` un facteur pr`es l’´ecart moyen absolu d 1 et la minimisation de d∗ (S,c) fournit donc la m´ediane. Si α 6= β montrez que la minimisation de d∗ (S,c) m`ene au quantile d’ordre α/(α + β). Exercice 3.9.3. Montrez que E[X] = E[1/rX (X)]. Exercice 3.9.4 (Lois IFR et DFR). Lorsque r X est d´ecroissant (resp. croissant), on dit que F est DFR (resp. IFR), pour l’anglais Decreasing Failure Rate (resp. Increasing Failure Rate). Clairement, une distribution de sinistre DFR est moins avantageuse pour l’assureur qu’une IFR. Montrez que: 1. la fonction de r´epartition F de X est IFR (resp. DFR) si, et seulement si, l’in´egalit´e Pr[X − t1 > x|X > t1 ] ≥ (resp. ≤) Pr[X − t2 > x|X > t2 ], est satisfaite pour tout x ∈ IR + , quels que soient 0 ≤ t1 ≤ t2 . 2. la fonction de r´epartition F de X est IFR (resp. DFR) si, et seulement si, F (x + y) y 7→ F (y) est non-d´ecroissante (resp. non-croissante) quel que soit x, c’est-` a-dire si, et seulement si, y 7→ F (y) est log-convexe (resp. log-concave). Exercice 3.9.5 (DFR et m´ elanges d’exponentielles). Montrez que les m´elanges d’exponentielles sont tous DFR.
186
Chapitre 3. La prime pure
Exercice 3.9.6 (Exc´ edent moyen de sinistre et fonction de queue). Supposons que eX (0) = E[X] < +∞. Montrez alors que Z x eX (0) 1 F X (x) = exp − dξ . eX (x) ξ=0 eX (ξ) Exercice 3.9.7 (Lois IMRL et DMRL). Lorsque e X est croissante (resp. d´ecroissante), on dit que F X est IMRL (resp. DMRL), pour l’anglais Increasing Mean Residual Lifetime (resp. Decreasing Mean Residual Lifetime). Prouvez les implications suivantes: (i) F IFR ⇒ F DMRL; (ii) F DFR ⇒ F IMRL. Exercice 3.9.8. Montrez qu’une loi de probabilit´e dont le taux de hasard rX est compl`etement monotone est un m´elange d’exponentielles. Exercice 3.9.9 (Prime stop-loss et variance). Montrez que quels que soient les risques X et Y de mˆeme moyenne µ, Z +∞ 1 {πX (t) − πY (t)}dt = {V[X] − V[Y ]}. (3.23) 2 t=0
Exercice 3.9.10. Soient les coˆ uts de sinistres X 0 ,X1 ,X2 , . . ., suppos´es positifs, continus, ind´ependants, de mˆeme fonction de r´epartition F , et non born´es (i.e. F (x) < 1 pour tout x). On cherche a ` savoir quand aura lieu le prochain sinistre ayant au moins le mˆeme coˆ ut que X0 , ainsi que le montant de ce sinistre: soit N le premier entier tel que Xn > X0 et posons alors Y = XN . 1 1. Montrez que Pr[N = n] = n(n+1) . 2. D´eduisez-en que E[N ] = +∞ et interpr´etez ce r´esultat. 3. Montrez que Pr[Y < x] = F (x) + F (x) ln F (x).
Exercice 3.9.11. Une grande compagnie couvre le risque RC automobile. Deux facteurs influencent la charge des sinistres: la puissance du v´ehicule (faible-´elev´ee) et l’exp´erience du conducteur (d´ebutantexp´eriment´e). On suppose que la population assur´ee est r´epartie uniform´ement entre ces cat´egories (250,000 assur´es dans chaque cat´egorie). Les charges moyennes des sinistres en fonction des profils de risque sont donn´ees au tableau ci-dessous: Faible Elev´ee Tous v´ehicules
Exp´eriment´e 100 e 900 e 500 e
D´ebutant 1,500 e 2,500 e 2,000 e
Tous conducteurs 800 e 1,700 e 1,250 e
3.10. Notes bibliographiques
187
1. Supposons que seules deux compagnies, C 1 et C2 disons, op`erent sur le march´e et que l’assurance est obligatoire. C 1 d´ecide de ne pas diff´erencier le montant des primes (et r´eclame 1250e a ` tous les assur´es). La seconde compagnie C 2 diff´erencie les primes sur base de la puissance du v´ehicule. Si l’information est parfaite et que les assur´es optent syst´ematiquement pour la compagnie dont le tarif est le plus avantageux (ceci signifiant entre autres que l’´etendue des couvertures offertes par C 1 et C2 est rigoureusement identique), donnez les r´esultats moyens de C 1 et de C2 . Comment devrait r´eagir C1 ? 2. Supposons d´esormais que C1 et C2 appliquent un tarif segment´e selon la puissance du v´ehicule. Si une nouvelle compagnie C3 fait son entr´ee sur le march´e en utilisant l’exp´erience du conducteur pour diff´erencier les assur´es (sans tenir compte de la puissance du v´ehicule). Quels seront les r´esultats des trois compagnies? Que se passera-t-il a ` terme sur le march´e?
3.10
Notes bibliographiques
Les bases de l’assurance non-vie pr´esent´ee dans ce chapitre pro¨ inen, & Pesonen viennent essentiellement de Beard, Pentik a ¨ hlmann (1970), Daykin, Pentika ¨ inen, (1984), Borch (1990), Bu & Pesonen (1994), Gerber (1979), Kaas, Goovaerts, Dhaene & Denuit (2001), Petauton (2000), Seal (1969), Straub (1988), Sundt (1984) et Tosetti et al. (2000). On pourra ´egalement consulter Booth, Chadburn, Cooper, & James (1999) pour avoir un aper¸cu de la pratique de l’assurance. Les m´elanges de Poisson sont pr´esent´es tr`es clairement dans Grandell (1997). La formalisation du concept de segmentation propos´ee a` la Section 3.8.5 est inspir´ee de De Wit & Van Heeghen (1984).
188
Chapitre 3. La prime pure
Chapitre 4
De la prime pure ` a la prime nette 4.1
Introduction
A ce stade de l’expos´e, nous sommes en mesure de calculer le prix du risque, appel´e prime pure. Bien entendu, la somme pay´ee par l’assur´e pour b´en´eficier de la couverture de l’assureur exc`ede largement la prime pure. Cette somme, appel´ee prime commerciale ou prime des tarifs, est obtenue en grevant la prime pure de diff´erents chargements. On ajoute tout d’abord a` la prime pure un chargement de s´ecurit´e. Ce dernier est suppos´e absorber les ´ecarts entre la sinistralit´e et l’encaissement pur de la compagnie. Ces ´ecarts in´evitables sont notamment caus´es par le fait que les hypoth`eses a` la base du calcul de la prime pure (i.e. les conditions de validit´e de la loi des grands nombres) ne sont qu’approximativement satisfaites en pratique. L’assureur incorpore ensuite divers chargements couvrant notamment ses frais g´en´eraux et le b´en´efice qu’il entend ´eventuellement distribuer a` ses actionnaires, sans oublier les taxes et autres pr´el`evements l´egaux. Ce chapitre est consacr´e au calcul de la prime nette (ou prime charg´ee, pour l’anglais loaded premium), compos´ee de la prime pure et d’un chargement de s´ecurit´e mettant la compagnie a` l’abri de la ruine. Bien entendu, la compagnie court toujours un risque d’insolvabilit´e. L’actuaire jouera sur la hauteur du chargement de s´ecurit´e et sur la marge de solvabilit´e apport´ee par les actionnaires afin de r´eduire ce risque a` un niveau acceptable. Les raisonnements tenus dans ce chapitre font pour la plupart appel a` des r´esultats asymptotiques (th´eor`eme central-limite en tˆete) ou a` des approximations 189
190
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
bas´ees sur quelques moments. Nous verrons dans la suite de cet ouvrage comment calculer ce chargement de mani`ere plus pr´ecise, au prix de calculs parfois plus lourds.
4.2
Assurance et th´ eor` eme central-limite
4.2.1
Th´ eor` eme central-limite
Le th´eor`eme central-limite (qui se d´ecline en fait sous de nombreuses formes, de sorte qu’il vaudrait mieux parler de r´esultats de type central-limite, selon les hypoth`eses retenues) explique l’importance fondamentale de la loi normale en statistique. Sous des conditions assez g´en´erales, une somme de variables al´eatoires centr´ee et r´eduite adopte un comportement gaussien lorsque le nombre de termes est suffisamment grand. Un r´esultat de ce type lorsque chacun des termes est de loi Ber(q) avait d´ej`a ´et´e obtenu par Bernoulli et de Moivre d`es le 18`eme si`ecle. Il fallut cependant attendre le d´ebut du 20`eme si`ecle pour que ce r´esultat soit obtenu de mani`ere g´en´erale par Levy et Lindeberg. Nous ´enon¸cons ici la version classique du th´eor`eme central-limite 1 . Th´ eme 4.2.1 (Th´ eor` eme de Levy-Lindeberg). Notons S (n) = Pneor` eatoires S 1 ,S2 , . . . ,Sn ind´ependantes i=1 Si la somme de variables al´ et identiquement distribu´ees, de moyenne µ et de variance σ 2 < +∞. Nous avons alors S (n) − nµ √ →loi N or(0,1), nσ o` u →loi d´esigne la convergence en loi, laquelle garantit "
# S (n) − nµ √ Pr ≤ x → Φ(x), quel que soit x lorsque n → +∞. nσ
D´emonstration. Ecrivons la tranform´ee de Laplace L Tn de la variable al´eatoire S (n) − nµ Tn = √ , nσ 1. Afin de faire apparaˆıtre explicitement le nombre n de termes apparaissant dans la somme, nous utiliserons la notation S (n) ; par la suite, nous utiliserons souvent S s’il n’y a pas de confusion possible.
4.2. Assurance et th´ eor` eme central-limite
191
qui n’est autre que S (n) centr´ee et r´eduite: " !# n t X Xi − µ LTn (t) = E exp − √ n σ i=1 n t X1 − µ = E exp − √ · σ n 2 n 2 t t +o = 1+ . 2n n On voit ainsi que lim LTn (t) = lim
n→+∞
n→+∞
1+
t2 2n
n
= exp(t2 /2),
et donc la transform´ee de Laplace de T n converge vers celle de la loi normale centr´ee-r´eduite. Ceci garantit que lim Pr[Tn ≤ t] = Φ(t),
n→+∞
et ach`eve la d´emonstration. Lorsque les conditions du th´eor`eme de Levy-Lindeberg sont remplies, nous ´ecrirons dor´enavant T n ≈loi N or(0,1) ou S (n) ≈loi N or(nµ,nσ 2 ), pour exprimer le fait que Tn est approximativement de loi normale centr´ee-r´eduite ou que S (n) est approximativement normale. De ce fait, pour n suffisamment grand, l’approximation t − nµ t − nµ Pr[S (n) ≤ t] = Pr Tn ≤ √ ≈Φ √ , nσ nσ donne une bonne id´ee de la probabilit´e que la sinistralit´e agr´eg´ee S n des n polices soit inf´erieure au seuil t.
4.2.2
Qualit´ e de l’approximation bas´ ee sur le th´ eor` eme central-limite
On peut l´egitimement s’interroger quant au seuil n au-del`a duquel l’approximation de la loi de S (n) par la loi normale est de qualit´e satisfaisante. Ceci peut s’appr´ehender grˆace au r´esultat suivant, que nous admettrons sans d´emonstration. Th´ eor` eme 4.2.2 (In´ egalit´ e de Berry-Ess´ een). Sous les conditions du Th´eor`eme 4.2.1, l’in´egalit´e " # S (n) − nµ E[|S1 − µ|3 ] √ sup Pr ≤ x − Φ(x) ≤ c 3 √ nσ σ n(1 + |x|)3 x
192
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
est valable quel que soit x ∈ IR. En particulier, " # S (n) − nµ E[|S1 − µ|3 ] √ √ sup Pr ≤ x − Φ(x) ≤ c , nσ σ3 n x
o` u c est une constante (´evalu´ee a ` 0.7975).
4.2.3
Th´ eor` eme central-limite et loi des grands nombres
Il est int´eressant de confronter les deux r´esultats asymptotiques vus jusqu’ici, a` savoir la loi des grands nombres et le th´eor`eme (n) central-limite. La premi`ere nous apprend que S n tend vers µ lorsque n → +∞. Le second compl`ete cette information en d´ecrivant le comportement de ce rapport lorsque le nombre de termes est suffisam(n) 2 (n) 2 ment grand, i.e. S n ≈loi N or(µ, σn ). La variance de S n vaut σn et tend bien vers 0 lorsque n → +∞. Nous ´etudierons dans le Tome II le comportement asymptotique de Mn = max1≤i≤n Si lorsque n → +∞. Dans beaucoup de situa(n) tions pratiques, l’actuaire est autant int´eress´e par M n que par S n .
4.2.4
Th´ eor` eme central-limite pour la loi de Poisson compos´ ee
Montrons que S ∼ CPoi(λ,FX ) est approximativement de loi normale lorsque le nombre moyen de sinistres λ est suffisamment grand. Propri´ et´ e 4.2.3. Si S ∼ CPoi(λ,FX ) alors S − E[S] p →loi N or(0,1) lorsque λ → +∞. V[S] D´emonstration. Supposons λ entier et notons N 1 ,N2 , . . . ,Nλ des variables al´eatoires ind´ependantes de P loi Poi(1). P i On voit facilement P i que S ∼ CPoi(λ,FX ) a mˆeme loi que λi=1 N u les N j=1 Xij , o` j=1 Xij sont ind´ependants et de mˆeme loi CPoi(1,F X ). On peut d`es lors appliquer le th´eor`eme central-limite a` leur somme S et obtenir le r´esultat annonc´e.
4.2. Assurance et th´ eor` eme central-limite
4.2.5
193
Approximation de la fonction de queue dans le cas de la r´ eparation forfaitaire
Consid´erons des coˆ uts de sinistres S i de la forme (3.10). Notons que le coˆ ut total S relatif au portefeuille, satisfait a` l’approximation S=
n X i=1
p Si = sBin(n,q) ≈loi N or nqs,s nq(1 − q)
lorsque n est suffisamment grand, en vertu du th´eor`eme centrallimite. Ceci permet d’approximer la probabilit´e que S exc`ede un niveau t comme suit: ! t/s − nq Pr[S > t] ≈ Φ p . nq(1 − q)
4.2.6
Approximation de la fonction de queue dans le cas de la r´ eparation indemnitaire
Passons a` pr´esent a` des coˆ uts de sinistres S i de la forme (3.11). Dans ce cas, p √ S ≈loi N or nqµ,σ nq + µ nq(1 − q) ,
de sorte que l’approximation Pr[S > t] ≈ Φ
t − nqµ
p nqσ 2 + nµ2 q(1 − q)
!
devrait ˆetre de bonne qualit´e pour n suffisamment grand.
4.2.7
Prime pure vue comme prix minimum du risque
Montrons a` pr´esent que la prime pure constitue en tout ´etat de cause un seuil minimum en-de¸ca` duquel l’assureur ne peut raisonnablement s’aventurer sous peine de ne plus ˆetre en mesure d’honorer ses obligations. Notons Si le coˆ ut des sinistres relatifs a` la police i; supposons les coˆ uts Si ind´ependants et identiquement distribu´es de moyenne µ. Si p < µ est le montant de la prime r´eclam´ee par la compagnie, on a " n # X lim Pr Si > np = 1. (4.1) n→+∞
i=1
194
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
La probabilit´e dont on prend la limite dans le membre de gauche de (4.1) est appel´ee probabilit´e de ruine P ou probabilit´e de d´eficit. En effet, si le coˆ ut total des sinistres ni=1 Si d´epasse l’encaissement np, il y a d´eficit technique. On peut ´etablir l’´egalit´e (4.1) en invoquant le th´eor`eme central limite. En effet, nous pouvons ´ecrire
lim Pr
n→+∞
"
n X
Si > np
i=1
Pn
#
√ − nµ n(p − µ) = lim Pr > n→+∞ σ nσ √ n(p − µ) = 1. = lim Φ n→+∞ σ S i=1 √i
Ainsi, en vertu de (4.1), a` mesure que la taille du portefeuille augmente, la probabilit´e de d´eficit tend vers 1 lorsque p < µ. Par contre, si p > µ, le raisonnement menant a` (4.1) nous apprend que
lim Pr
n→+∞
"
n X i=1
#
Si > np = 0,
(4.2)
ce qui tend a` garantir la solvabilit´e de la compagnie lorsque la taille n de son portefeuille augmente.
4.2.8
Sensibilit´ e des r´ esultats ` a une ´ eventuelle d´ ependance
L’hypoth`ese d’ind´ependance est essentielle aux r´esultats ci-dessus. Pour s’en convaincre, supposons que S i = Ti + V , o` u les Ti sont ind´ependants et de mˆeme loi, et ind´ependants de V , cette derni`ere ´etant suppos´ee de loi normale. Il y a donc un choc gaussien V qui se superpose a` tous les Ti ; V peut repr´esenter les cons´equences d’un ´ev´enement catastrophique (inondation ou tremblement de terre) affectant toutes les polices en portefeuille. Notons µ T , µV , σT2 et σV2 les moyennes et variances des Ti et de V , respectivement. Si l’assureur r´eclame une prime de montant p, la probabilit´e de d´eficit vaut
4.2. Assurance et th´ eor` eme central-limite
195
alors Pr
"
n X
Si > np
i=1
#
Pn
Ti + nV − n(µT + µV ) n(p − µT − µV ) q > q nσT2 + n2 σV2 nσT2 + n2 σV2 n(p − µ − µ ) T V ≈ Φ q . 2 2 nσT + n σV2 = Pr
i=1
Ainsi, lorsque le portefeuille grandit, " n # X p − µ T − µV lim Pr Si > np = Φ > 0. n→+∞ σV i=1
Il n’y a donc pas disparition compl`ete du risque asymptotiquement. Nous reviendrons plus longuement au Chapitre 8 sur la d´ependance entre risques assur´es et ses cons´equences dans le cadre de la gestion du risque.
4.2.9
Les lois stables
Une hypoth`ese cruciale sous-tendant le th´eor`eme central-limite est que la variance des variables al´eatoires qu’on somme doit ˆetre finie. Nous avons vu plus haut que la loi des grands nombres restait valable mˆeme si la variance devenait infinie. Dans le cas du th´eor`eme central-limite, les lois stables font leur apparition lorsque (n) les variances deviennent infinies: il s’agit des lois limites pour S n lorsque n → +∞. C’est pourquoi nous expliquons bri`evement ce concept a` ce stade de l’expos´e. D´ efinition 4.2.4. On dit qu’une variable al´eatoire X est de loi stable si, pour tout entier positif n il existe n variables al´eatoires ind´ependantes et de mˆeme loi que X, X 1 ,X2 ,...,Xn disons, et des constantes αn > 0 et βn telles que Sn = X1 + ... + Xn =loi αn X + βn . Remarque 4.2.5. Notons que si X a une loi stable alors X est ind´efiniment divisible, c’est-` a-dire que X peut s’´ecrire comme somme de n variables ind´ependantes et de mˆeme loi. En effet, pour tout
196
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
n > 0, X suit la mˆeme loi que Sn − β n αn
X1 + ... + Xn − βn αn n X βn Xk = − αn αn =
k=1
=
n X
Yk ,
k=1
o` u Yk = (Xk − βn )/αn sont des variables al´eatoire ind´ependantes et de mˆeme loi. Exemple 4.2.6. Si X ∼ Poi(λ) alors X n’est pas stable. En effet, soient X et Y deux variables ind´ependantes et de mˆeme loi Poi(λ). Si la loi de Poisson ´etait stable alors il existerait α > 0 et β telles que X + Y =loi αX + β. En particulier, ces deux lois devraient avoir la mˆeme esp´erance et mˆeme variance, ce qui entraˆınerait 2λ = αλ + β pour l’´egalit´e des esp´erances, et 2λ = α2 λ √ √ pour l’´egalit´e des variances. D’o` u α = 2 et β = 2 − 2 λ. Mais dans ce cas, X + Y prend que αX + β √ enti` √ des valeurs eres, alors prend des valeurs dans 2n + 2 − 2 λ,n ∈ IN . On obtient une contradiction : la loi de Poisson n’est pas stable. De fa¸con plus g´en´erale, on peut montrer que toute loi stable est n´ecessairement continue. L’exemple suivant montre que la loi normale est stable. Exemple 4.2.7. Si X ∼ N or µ,σ 2 alors X est stable. Soient X1 ,...,Xn n variables ind´ependantes et de mˆeme loi N or µ,σ 2 . Alors X1 + ... + Xn ∼ N or nµ,nσ 2 qui suit la mˆeme loi que √ √ Y = nX + (n − n) µ o` u X ∼ N or µ,σ 2 : la loi normale est stable. Bien que stable, la loi normale est tr`es particuli`ere, en ce sens qu’elle est la seule loi stable dont la variance est finie. Ceci explique mieux l’importance du th´eor`eme central-limite, qui montre que la
4.3. Probabilit´ e de ruine sur une p´ eriode
197
loi normale est la seule limite possible quand les variances sont finies. Dans le cas de variances infinies, les lois stables font alors leur apparition. Propri´ et´ e 4.2.8. La seule loi stable de variance finie (non nulle) est la loi normale. D´emonstration. Soient X1 ,...,Xn n variables ind´ependantes, de mˆeme loi stable d’esp´erance µ et de variance σ 2 . Alors il existe αn > 0 et βn telles que X1 + ... + Xn =loi αn X1 + βn . En ´ecrivant l’´egalit´e entre les esp´erances et les variances, on obtient d’o` u αn =
nµ = αn µ + βn nσ 2 = α2n σ 2
√ √ n et βn = (n − n) µ. Donc, pour tout n, nous avons X1 + ...Xn − (n − √ n
√ n) µ
=loi X1 .
En posant Y = X1 − µ de fa¸con a` centrer X1 , on obtient X1 + ... + Xn − nµ √ =loi Y. n Mais d’apr`es le th´eor`eme central limite, on sait que X1 + ... + Xn − nµ √ →loi N or 0,σ 2 quand n → ∞. n
Donc Y ∼ N or 0,σ 2 et donc X1 ∼ N or µ,σ 2 .
Nous reviendrons sur les lois stables dans le Tome II, notamment dans le cadre des processus de Levy.
4.3
Probabilit´ e de ruine sur une p´ eriode
Cette section introduit le concept de solvabilit´e a` l’aide d’un premier mod`ele, simpliste, de ruine sur une p´eriode. Une approche plus r´ealiste sera d´evelopp´ee dans le Chapitre 7.
198
4.3.1
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
D´ efinition
La probabilit´e de ruine est un indicateur de risque appr´eci´e par les actuaires. Il s’agit de la probabilit´e que la charge totale des sinistres sur une p´eriode exc`ede l’encaissement correspondant, augment´e le cas ´ech´eant du montant κ de capital dont dispose la compagnie. Plus pr´ecis´ement, " n # X probabilit´e de ruine = Pr Si > np + κ . i=1
L’assureur dispose en g´en´eral de deux param`etres, le montant de la prime p et celui du capital κ, pour ramener la probabilit´e de ruine a` un niveau jug´e acceptable (souvent = 1%, ou 0.1%). La probabilit´e de ruine s’´evalue soit exactement en calculant la loi de P n ere approch´ee en approximant cette loi sur base i=1 Si , soit de mani` du th´eor`eme central-limite, par exemple (ou sur base d’autres P techniques faisant le plus souvent appel a` quelques moments de ni=1 Si ).
4.3.2
Approximation bas´ ee sur le th´ eor` eme centrallimite
L’approximation de la probabilit´e de ruine bas´ee sur le th´eor`eme central-limite donne " n # X n(p − µ) + κ √ Pr Si > np + κ ≈ Φ . nσ i=1
En premi`ere approximation, la probabilit´e de ruine diminue donc en fonction de la diff´erence p − µ entre le montant p de la prime r´eclam´ee aux assur´es et la prime pure µ, de mˆeme qu’en fonction du capital κ et de la taille du portefeuille. Par contre la probabilit´e de d´eficit augmente avec la variance des coˆ uts des sinistres, laquelle apparaˆıt comme un indicateur de risque.
4.3.3
Le cas de la r´ eparation forfaitaire
Consid´erons les montants de sinistre (3.10) et supposons que la compagnie r´eclame a` ses assur´es un montant ´egal a` la prime pure, mais dispose d’un capital κ. Elle ne pourra honorer ses engagements que si n X Si ≤ nqs + κ. i=1
4.3. Probabilit´ e de ruine sur une p´ eriode
199
Sous les conditions de la loi des grands nombres, le th´eor`eme centrallimite permet d’´evaluer la probabilit´e de ruine pour n grand a` # " n X Pr Si > nqs + κ = Pr ≈ Φ
i=1 n i=1 Si p
"P s
− nqs
nq(1 − q)
κ p √ q(1 − q)s n
κ
> p s nq(1 − q) !
#
.
Si la compagnie veut que la probabilit´e de ruine ne d´epasse pas un seuil fix´e a` l’avance, elle doit poss´eder en vertu de l’approximation ci-dessus un capital au moins ´egal a` p √ κ = q(1 − q)s nΦ−1 (1 − ). (4.3)
Dans notre mod`ele simpliste, l’encaissement de la compagnie est directement proportionnel au nombre n de ses clients (il vaut nqs). On constate que le montant minimum de capital κ croˆıt moins vite que n (et donc que l’encaissement), autrement dit que l’activit´e d’assurance procure des rendements croissants. En accord avec ce type de r´esultats, les autorit´es de contrˆole imposent aux compagnies une marge de solvabilit´e dont le montant croˆıt moins vite que celui des engagements. Supposons que la compagnie se satisfasse de = 1% et d´etermine le montant de capital κ selon la formule (4.3) bas´ee sur le th´eor`eme central-limite. Examinons l’´evolution de la probabilit´e de ruine en fonction du nombre de polices en portefeuille, i.e. le comportement de la fonction " n # X p n 7→ Pr Si > nqs + nq(1 − q)sΦ−1 (0.99) =
h
i=1
Pr Bin(n,q) > nq +
i p nq(1 − q)Φ−1 (0.99) .
(4.4)
Notez que 1. la probabilit´e de deficit annuel ne d´epend pas du montant de l’indemnit´e forfaitaire s; 2. la valeur asymptotique de cette probabilit´e est =1%. Commen¸cons par observer ce qui se passe pour n = 1,2, . . . ,100. On peut voir a` la Figure 4.1 l’´evolution de la probabilit´e de ruine
200
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
pour q = 0.1 et q = 0.01. On constate que l’ajout de nouvelles polices au portefeuille n’entraˆıne pas n´ecessairement une diminution de la probabilit´ e de d´eficit annuel. Ceci est dˆ u au fait que la partie enti`ere p −1 de nq + nq(1 − q)Φ (0.01) est constante par morceaux lorsque n augmente, alors que la fonction n 7→ Pr[Bin(n,q) > t] est bien ´evidemment croissante. Ainsi, plus q diminue, plus l’assureur doit souscrire un lot important de nouvelles polices pour faire d´ecroˆıtre sa probabilit´e de d´eficit. Ceci peut se comprendre intuitivement comme suit. L’assureur doit souscrire plusieurs polices avant que les primes pay´ees par chacune d’elles suffisent a` d´edommager un sinistre de montant s. Tant que le surcroˆıt de prime ne suffit pas a` couvrir un sinistre suppl´ementaire, la probabilit´e de d´eficit croˆıt lorsqu’une nouvelle police est ajout´ee au portefeuille. Consid´erons a` pr´esent de plus grandes valeurs de n. La Figure 4.2 d´ecrit l’´evolution de la probabilit´e de ruine en fonction de la taille n du portefeuille lorsque n varie de 1 a` 100 000. On voit a` nouveau le mˆeme type de ph´enom`ene, a` savoir que l’assureur doit souscrire des lots de nouvelles polices pour faire diminuer sa probabilit´e de d´eficit annuel, laquelle augmente entre deux lots. On voit ´egalement clairement que la valeur asymptotique de 1% est syt´ematiquement d´epass´ee, d’autant plus fortement que n est faible.
4.3.4
Le cas de la r´ eparation indemnitaire
Passons a` pr´esent au cas o` u les montants annuels des sinistres sont eux-mˆemes al´eatoires; c’est le cas de la r´eparation indemnitaire. Consid´erons des montants de sinistre S i de la forme (3.11). Dans ce cas N n X X Si =loi Zk o` u N ∼ Bin(n,q). i=1
k=1
Insistons sur le fait que l’indice i dans le membre de gauche d´esigne la i`eme police du portefeuille et l’indice k dans le membre de droite le k`eme sinistre qui touche le portefeuille (sans r´ef´erence a` la police qui l’a g´en´er´e). De mˆeme, n dans le membre de gauche repr´esente le nombre de polices du portefeuille alors que N dans le membre de droite repr´esente le nombre (al´eatoire) de sinistres touchant le portefeuille. Ceci pr´efigure les mod´elisations individuelle et collective des portefeuilles d’assurance, sur lesquelles nous reviendrons en d´etail dans le Chapitre 6. Si la compagnie r´eclame aux assur´es un montant ´egal a` la prime
201
0.06 0.04 0.02
Proba. de deficit
0.08
0.10
4.3. Probabilit´ e de ruine sur une p´ eriode
0
20
40
60
80
100
80
100
0.08 0.06 0.02
0.04
Proba. de deficit
0.10
0.12
Nombre de polices
0
20
40
60
Nombre de polices
Fig. 4.1 – Evolution de la probabilit´e de ruine (4.4) en fonction du nombre de polices n en portefeuille avec q = 0.1 (au-dessus) et q = 0.01 (endessous).
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
0.016 0.014 0.010
0.012
Proba. de deficit
0.018
0.020
202
0
20000
40000
60000
80000
100000
80000
100000
0.016 0.014 0.010
0.012
Proba. de deficit
0.018
0.020
Nombre de polices
0
20000
40000
60000
Nombre de polices
Fig. 4.2 – Evolution de la probabilit´e de ruine en fonction du nombre de polices n en portefeuille avec q = 0.1 (au-dessus) et q = 0.01 (en-dessous).
4.4. Chargement de s´ ecurit´ e
203
pure et veut limiter son risque de d´eficit a` un niveau , elle doit disposer sur base de l’approximation du th´eor`eme central-limite d’un capital p √ V[S1 ] nΦ−1 (1 − ) κ ≈ q 2 √ −1 = qV[Z1 ] + q(1 − q) E[Z1 ] nΦ (1 − ). (4.5)
On peut voir a` la Figure 4.3 l’´evolution de la probabilit´e de ruine en fonction du nombre de polices en portefeuille lorsque Z 1 ∼ Gam(1,1) (donc E[Z1 ] = V[Z1 ] = 1), = 1%, q = 0.01 et le capital a ´et´e calcul´e sur base de l’approximation normale (4.5). Il est int´eressant de noter que la croissance de cette probabilit´e pour de petites valeurs de n, avant une d´ecroissance r´eguli`ere. Il apparaˆıt donc une taille minimum de portefeuille au-del`a de laquelle la probabilit´e de ruine d´ecroˆıt avec le nombre n de polices. Ce seuil doit ˆetre atteint pour que l’assureur diminue son risque de ruine en souscrivant de nouvelles polices.
4.4 4.4.1
Chargement de s´ ecurit´ e Notion
En pratique, l’assureur ne se contente pas de la prime pure mais lui ajoute un chargement de s´ecurit´e, suppos´e corriger les ´ecarts entre la r´ealit´e observ´ee et l’approximation induite par la loi des grands nombres. On d´esigne par les termes “prime nette” la prime pure a` laquelle on a ajout´e le chargement de s´ecurit´e. La hauteur du chargement de s´ecurit´e d´epend du principe de calcul de prime retenu par la compagnie. Classiquement, ce chargement de s´ecurit´e est exprim´e sous la forme d’un pourcentage de la prime pure, de sorte que pnette = (1 + ρ)ppure , o` u ρ est appel´e le taux de chargement de s´ecurit´e. Notez que cette pratique se justifie essentiellement par sa commodit´e, et n’est pas sans poser question (notamment en raison des distorsions qu’elle induit en univers segment´e).
4.4.2
D´ etermination du chargement de s´ ecurit´ e sur base du th´ eor` eme central-limite
La hauteur du chargement de s´ecurit´e est souvent choisie en limitant la probabilit´e de ruine a` un seuil jug´e acceptable pour
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
0.03 0.02 0.01
Proba. de deficit
0.04
204
0
20
40
60
80
100
8000
10000
0.03 0.02 0.01
Proba. de deficit
0.04
Nombre de polices
0
2000
4000
6000
Nombre de polices
Fig. 4.3 – Evolution de la probabilit´e de ruine en fonction du nombre de polices n en portefeuille pour des risques de la forme (3.11) avec a = τ = 1, q = 0.01, = 1%.
4.4. Chargement de s´ ecurit´ e
205
l’assureur, i.e. de telle sorte que l’in´egalit´e # " n X Si > (1 + ρ)nµ + κ ≤ Pr i=1
soit satisfaite. Il vient alors par le th´eor`eme central-limite # " n X ρnµ + κ √ Pr Si > (1 + ρ)nµ + κ ≈ Φ , σ n i=1
ou encore ρ=
√ Φ−1 (1 − )σ n − κ . nµ
On constate que le chargement de s´ecurit´e ρ croˆıt lorsque diminue le seuil limitant la probabilit´e de d´eficit choisi par la compagnie. Le chargement de s´ecurit´e croˆıt ´egalement avec la variance des coˆ uts des sinistres, mais d´ecroˆıt lorsqu’augmente le capital κ dont la compagnie dispose. Enfin, le taux de chargement ρ d´ecroˆıt avec la taille n du portefeuille. Plus le nombre de polices croˆıt, plus l’assureur doit immobiliser des ressources pour r´eduire la probabilit´e de d´eficit a` , mais la part relative de chacun des assur´es a` la constitution de ces ressources d´ecroˆıt.
4.4.3
De l’absolue n´ ecessit´ e du chargement de s´ ecurit´ e
L’assureur qui souscrit une nouvelle affaire voit la variance de son r´esultat augmenter puisque " # n X V np + κ − Si = nσ 2 i=1
≤ (n + 1)σ 2 "
= V (n + 1)p + κ −
n+1 X i=1
#
Si ,
lorsque les risques sont ind´ependants. Si on retient la variance comme crit`ere de d´ecision, l’assureur n’a donc pas int´erˆet a` souscrire de nouvelles affaires. Mˆeme si le coˆ ut moyen par police devient de moins en 2 (n) moins variable lorsque la taille du portefeuille croˆıt (cf. V[S ] = σn sous les conditions de la loi des grands nombres), le r´esultat global de la compagnie n’en devient pas moins de plus en plus variable.
206
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
Supposons que Si = µ+Zi , o` u les Zi sont des variables al´eatoires ind´ependantes et identiquement distribu´ees, de loi N or(0,σ 2 ). Si p = µ, on voit que la probabilit´e de ruine " n # X κ √ Pr Si > nµ + κ = Φ σ n i=1
croˆıt avec n et tend vers 0.5. Cet exemple simple montre bien que la probabilit´e de d´eficit annuel ne d´ecroˆıt pas toujours avec la taille n du portefeuille. Elle ne d´ecroˆıt lorsque n augmente dans l’exemple ci-dessus que si l’assureur a ajout´e un chargement de s´ecurit´e (i.e. si p > µ). En effet, la probabilit´e de d´eficit vaut alors # " n X n(p − µ) + κ √ Pr Si > np + κ = Φ , σ n i=1
qui tend vers 0 lorsque n → +∞ si p > µ. Ce qui permet a` l’assureur de fonctionner est donc l’accumulation des chargements de s´ecurit´e, qui permet d’absorber les ´ecarts de sinistralit´e.
4.4.4
Principe de calcul des primes
D´ efinition Un principe de calcul de prime est une fonctionnelle H faisant correspondre une prime nette a` (la fonction de r´epartition d’) un risque S. Il s’agit donc d’une r`egle adopt´ee par la compagnie d’assurances pour d´eterminer le chargement de s´ecurit´e (donn´e par H[S] − E[S]) et, partant, fixer le prix du risque. Remarque 4.4.1. Les principes de calcul des primes nouent des liens tr`es ´etroits avec les mesures de risque, qui seront ´etudi´ees dans le chapitre suivant. Propri´ et´ es d´ esirables des principes de calcul de primes G´en´eralement, on retient une s´erie de propri´et´es importantes auxquelles doivent satisfaire les principes de calcul de prime. D´etaillons quelques-unes de celles-ci pour m´emoire: P1: quels que soient les risques S et T , l’in´egalit´e H[S + T ] ≤ H[S] + H[T ] doit ˆetre satisfaite. Cette exigence garantit que l’assur´e n’a pas int´erˆet a` morceler le risque. Au contraire, sa prime sera diminu´ee s’il le place en entier aupr`es de la mˆeme compagnie.
4.4. Chargement de s´ ecurit´ e
207
P2: quels que soient les risques S et T , l’in´egalit´e H[S] ≤ H[S + T ] doit ˆetre satisfaite. Ceci revient a` garantir qu’une police offrant davantage de protection qu’une autre doit s’accompagner d’une prime plus ´elev´ee. P3: quel que soit le risque S tel qu’il existe une constante M pour laquelle Pr[S ≤ M ] = 1, l’in´egalit´e H[S] ≤ M doit ˆetre satisfaite. Cette condition est tr`es naturelle: aucun assur´e rationnel ne sera prˆet a` payer une prime de montant sup´erieur au pr´ejudice maximal qu’il pourrait subir. Exemples de principes de calcul de primes Nous d´etaillons ci-dessous quelques principes classiques de calcul des primes. D´ efinition 4.4.2 (Principe de l’esp´ erance math´ ematique). En vertu de ce principe, H[S] = (1 + ρ)E[S], ρ > 0. Le principe de l’esp´erance math´ematique est le plus simple qui soit: la prime nette ne d´epend que d’une caract´eristique num´erique associ´ee au risque, sa moyenne, tandis que le chargement de s´ecurit´e est proportionnel a` la moyenne. Bien ´evidemment, deux risques S et T de mˆeme moyenne peuvent n´eanmoins repr´esenter des dangers tr`es diff´erents pour la compagnie d’assurance. Les propri´et´es P1 et P2 sont trivialement v´erifi´ees. Par contre, P3 n’est pas n´ecessairement v´erifi´ee, comme l’indique l’exemple suivant. Consid´erons un risque constant S = M ; on a alors H[S] = (1 + ρ)M > M. D´ efinition 4.4.3 (Principe de l’´ ecart-type). En vertu de ce principe, p H[S] = E[S] + θ V[S], θ > 0.
Le chargement de s´ecurit´e est donc dans ce cas proportionnel a` l’´ecart-type du risque, et prend donc en compte la variabilit´e de celui-ci. Ce principe satisfait P1 puisque l’in´egalit´e p p p V[S + T ] ≤ V[S] + V[T ] (4.6)
208
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
est toujours v´erifi´ee. Grˆace a` (4.6), il vient p H[S + T ] = E[S + T ] + θ V[S + T ] p = E[S] + E[T ] + θ V[S + T ] np o p ≤ E[S] + E[T ] + θ V[S] + V[T ] = H[S] + H[T ].
Par contre, P2 n’est pas satisfaite. Pour s’en convaincre, consid´erons un risque Sp tel que 0, avec la probabilit´e 1 − p, (4.7) Sp = M, avec la probabilit´e p. Dans ce cas, les deux premiers moments de S p sont donn´es par E[Sp ] = M p et V[Sp ] = M 2 p(1 − p). D`es lors, la prime r´eclam´ee pour la couverture de S p vaut p H[Sp ] = M h(p) o` u h(p) = p + θ p(1 − p).
Int´eressons-nous de plus pr`es a` la fonction h(·). Par d´erivation, il vient θ(1 − 2p) d h(p) = 1 + p , dp 2 p(1 − p)
et on voit facilement que
lim
p→1
d h(p) = −∞. dp
Comme h est continue a` gauche en 1 et comme S 1 = M , il doit exister une valeur p0 < 1 pour laquelle H[Sp0 ] > H[S1 ] = M . Comme M − Sp0 ≥ 0, H[Sp0 ] > H[S1 ] = H[Sp0 + (M − Sp0 )], et P2 ne peut ˆetre satisfaite. De la mˆeme mani`ere, P3 n’est pas satisfaite non plus puisque H[Sp0 ] > M . Remarque 4.4.4 (Fixation de θ pour le principe de l’´ ecart-type). Consid´erons un portefeuille de n polices, dont les charges de sinistres sont S1 ,S2 , . . . ,Sn , suppos´ees ind´ependantes et de mˆeme loi. Afin de fixer la hauteur du chargement de s´ecurit´e θ, on peut exiger que l’in´egalit´e " n # n X X Pr Si > H[Si ] + κ ≤ i=1
i=1
4.5. Coefficient de s´ ecurit´ e
209
soit satisfaite, laquelle garantit que la compagnie ne sera en d´eficit qu’avec une probabilit´e tr`es faible. Il vient alors par le th´eor`eme central-limite " n # n X X Pr Si > H[Si ] + κ i=1
i=1
! Pn p V[Si ] κ i=1 + pPn , ≈ 1 − Φ ρ pPn i=1 V[Si ] i=1 V[Si ]
d’o` u l’on tire
θ= Commentaires
z
p Pn √ V [ i=1 Si ] − κ z σ n − κ = . Pn p nσ V[Si ] i=1
Comme nous le voyons, les principes de calcul de prime courants pr´esentent des inconv´enients th´eoriques. N´eanmoins, cela ne remet pas en question leur int´erˆet pratique, et ce pour deux raisons: tout d’abord, les contre-exemples construits ci-dessus sont relativement artificiels et ensuite, les compagnies ne sont jamais oblig´ees de couvrir les risques qui s’offrent a` elles. Ceci peut ˆetre important pour P1, par exemple. On pourrait ainsi imaginer que la compagnie utilisant un principe H ne satisfaisant pas P1 refuse de couvrir s´epar´ement les risques S et T pour lesquels H[S +T ] > H[S]+H[T ]. Si la compagnie adopte une telle strat´egie, il n’est plus n´ecessaire de se limiter a` des principes satisfaisant P1.
4.5 4.5.1
Coefficient de s´ ecurit´ e R´ esultat technique de la compagnie
Supposons que l’assureur utilise le principe de l’esp´erance math´ematique et notons ρ le taux de chargement de s´ecurit´e. Si nous sommes en pr´esence de n risques ind´ependants et identiquement distribu´es S1 ,S2 , . . . ,Sn , de moyenne µ, le r´esultat technique R de la compagnie s’´ecrit n X R = (1 + ρ)nµ − Si ; i=1
R est bien ´evidemment une variable al´eatoire. On souhaite avoir Pr[R > 0] aussi ´elev´ee que possible, tout en limitant Pr[R < −κ] a` un seuil fix´e , o` u κ est le montant des fonds propres dont dispose l’assureur. Les quantit´es κ et sont choisies par l’assureur.
210
4.5.2
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
Cons´ equences de l’in´ egalit´ e de Bienaym´ e-Tchebycheff
La moyenne de R vaut E[R] = (1 + ρ)nµ − nµ = ρnµ,
soit la somme des chargements de s´ecurit´e. En notant σ 2 la variance commune des Si , la variance de R vaut V[R] = nσ 2 , en vertu de l’ind´ependance des Si . D´efinissons a` pr´esent le coefficient de s´ecurit´e. D´ efinition 4.5.1. Le coefficient de s´ecurit´e, not´e β, est d´efini par κ + ρnµ √ . β= σ n Ainsi d´efini, le coefficient de s´ecurit´e apparaˆıt comme le rapport entre, d’une part, le r´esultat technique moyen de l’assureur E[R] = ρnµ augment´e du capital κ affect´e a` la branche d’assurance et, d’autre part, l’´ecart-type du r´esultat R de l’assureur. Il s’agit donc du rapport entre la s´ecurit´e de l’assureur (au num´erateur) et le risque (au d´enominateur). Il vient ensuite h √ i Pr |R − ρnµ| ≤ tσ n h √ √ i = Pr ρnµ − tσ n ≤ R ≤ ρnµ + tσ n > 1−
1 . t2
Si on choisit t tel que
√ κ = tσ n − ρnµ ⇔ t = β
on a alors On voit que
h i 1 Pr R < −κ ou R > κ + 2ρnµ ≤ 2 . β
max
n
o 1 Pr[R < −κ], Pr[R > κ + 2ρnµ] ≤ 2 , β
de sorte que 1/β 2 majore bien la probabilit´e de r´ealisation de l’´ev´enement d´efavorable {R < −κ} et de l’´ev´enement trop favorable {R > κ + 2ρnµ}: ceci illustre bien la n´ecessaire stabilit´e des r´esultats de l’assureur qui ne peuvent pas tomber sous un seuil −κ, sous peine de faillite, mais ne peuvent pas non plus ˆetre trop ´elev´es, la prime pure devant mettre l’assureur en mesure de d´edommager les sinistres, sans exc´edent, ni d´eficit.
4.5. Coefficient de s´ ecurit´ e
4.5.3
211
D´ etermination du coefficient de s´ ecurit´ e
Afin d’ˆetre sˆ ur de pouvoir honorer ses engagements, l’assureur ajoute un chargement de s´ecurit´e a` la prime pure, et pr´evoit une marge de solvabilit´e suffisante pour faire face a` certains exercices d´eficitaires. Notons que la probabilit´e de ruine se r´e´ecrit "
#
Pn S − nµ κ + ρnµ i √ , Pr Si − (1 + ρ)nµ > κ = Pr i=1 √ > σ n σ n i=1 | {z } n X
=β
de sorte qu’en vertu du th´eor`eme central-limite, la probabilit´e de ruine vaut approximativement Pr
"
n X i=1
#
Si − (1 + ρ)nµ > κ ≈ Φ(β).
En pratique, on consid`ere souvent que β = 4 est suffisant car Φ(4) = 0.999968 qui correspond a` une probabilit´e de d´eficit de l’ordre de Φ(4) = 3.2 × 10−5 . Ceci nous donne √ 4σ n − κ . ρ= nµ
4.5.4
D´ etermination du chargement de s´ ecurit´ e sur base de l’in´ egalit´ e de Bienaym´ e-Tchebycheff
L’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff donne h √ √ i 1 Pr ρnµ − tσ n ≤ R ≤ ρnµ + tσ n > 1 − 2 . t Choisissons a` nouveau t = β, qui donne h i 1 Pr R < −κ ou R > κ + 2ρnµ ≤ 2 . β Si
√ 1/β 2 ≤ ⇔ β ≥ 1/ ,
√ on aura bien Pr[R < −κ] ≤ . La condition β ≥ 1/ permet de fixer ρ.
212
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
4.6
Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP)
Nous allons aborder dans cette partie certaines approximations, utilis´ees en particulier en r´eassurance. L’approximation dite NP (pour l’anglais Normal Power), permet d’am´eliorer l’approximation gaussienne en tenant compte du coefficient d’asym´etrie (correspondant au moment d’ordre 3). L’approximation d’Edgeworth permet de prendre en compte, de la mˆeme fa¸con, des moments d’ordre plus ´elev´e (en particulier la kurtosis, coefficient d’aplatissement de queue). Ces approximations ont ´et´e ´etudi´ees dans les ann´ees 1930, sous l’impulsion de Haldane, Wilson ou Hilferty (suite aux travaux d’Edgeworth au d´ebut du si`ecle), et utilis´ee en assurance par Seal et Pentik¨ainen d`es 1977. D’autres m´ethodes num´eriques d’approximation (m´ethodes de simulations ou m´ethodes de transformation rapide de Fourier en particulier) seront abord´ees dans le Tome 2.
4.6.1
Le coefficient d’asym´ etrie
D´ efinition Le coefficient d’asym´etrie (ou skewness) s’obtient en rapportant le troisi`eme moment centr´e au cube de l’´ecart-type (afin d’avoir un nombre sans dimension). D´ efinition 4.6.1. Etant donn´ee une variable al´eatoire X de moyenne µ et de variance σ 2 , le coefficient d’asym´etrie, not´e γ[X], est d´efini par γ[X] =
E[(X − µ)3 ] E[X 3 ] − 3E[X]E[X 2 ] + 2{E[X]}3 = . σ3 σ3
Si la densit´e de probabilit´e de X est sym´etrique par rapport a` la moyenne, alors γ[X] = 0. Une valeur positive de γ[X] indique une loi accordant une masse de probabilit´e plus importante aux “petites” valeurs. Au contraire, une valeur n´egative de γ[X] indique une loi dont une masse de probabilit´e importante est concentr´ee sur les “grandes” valeurs. Les coefficients d’asym´etrie associ´es aux lois continues sont repris au Tableau 4.1. Le but de cette section, assez technique et pouvant sans probl`eme ˆetre pass´ee en premi`ere lecture de l’ouvrage, est de fournir des approximations alternatives a` celle bas´ee sur le th´eor`eme centrallimite. Apr`es avoir bri`evement pr´esent´e le d´eveloppement d’Edge-
4.6. Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP) 213 Loi de probabilit´e Uni(a,b) Bet(α,β)
Coefficient d’asym´etrie 0 2αβ(β−α)
(α+β)3 (α+β+1)(α+β+2)
N or(µ,σ 2 ) Exp(θ) Gam(α,τ ) LN or(µ,σ 2 ) Par(α,θ)
αβ (α+β)2 (α+β+1)
0 2
3/2
√2 α
pas de √ forme explicite 2(α+1) √α−2 si α > 3 (α−3) α
Tab. 4.1 – Coefficients d’asym´etrie des lois de probabilit´es continues usuelles. worth d’une fonction de r´epartition, nous passerons a` deux approximations classiques en th´eorie du risque: l’approximation d’Esscher et l’approximation Normal-Power (ou NP).
4.6.2
D´ eveloppement d’Edgeworth
Soit S le montant des sinistres relatif a` une police du portefeuille, de fonction de r´epartition FS . D´efinissons S − E[S] Z= p , V[S]
le montant de sinistre centr´e-r´eduit. Clairement, la fonction de r´epartition FZ de Z et la fonction de r´epartition FS de S sont li´ees par la relation p FZ (x) = FS E[S] + x V[S] , x ∈ IR. Notez que E[Z] = 0, E[Z 2 ] = 1 et E[Z 3 ] = γ[S]. Soit MZ (t) = E[exp(tZ)] la fonction g´en´eratrice des moments de Z, et posons f(t) = exp(−t2 /2)MZ (t). M f en P+∞ ak tk , il vient Par d´eveloppement de Taylor de M k=0 MZ (t) =
+∞ X
ak tk exp(t2 /2).
k=0
A pr´esent, prouvons le r´esultat suivant. Lemme 4.6.2. L’identit´e Z +∞ k 2 k t exp(t /2) = (−1) exp(tz)φ(k) (z)dz, z=−∞
(4.8)
214
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
est v´erifi´ee quel que soit t ∈ IR et k ∈ IN, o` u φ (k) d´esigne la d´eriv´ee k`eme de la densit´e de probabilit´e φ associ´ee a ` la loi N or(0,1). D´emonstration. Prouvons le r´esultat pour k = 0: Z +∞ exp(tz)φ(z)dz z=−∞ Z +∞ 1 = √ exp(t2 /2) exp(−(z − t)2 /2)dz 2π z=−∞ = exp(t2 /2). Proc´edons a` pr´esent par r´ecurrence. Supposons le r´esultat acquis pour k = n. Il vient alors Z +∞ exp(tz)(−1)n+1 φ(n+1) (z)dz z=−∞ h i+∞ = (−1)n+1 exp(tz)φ(n) (z) z=−∞ Z +∞ (n) − t exp(tz)φ (z)dz z=−∞ Z +∞ n = (−1) t exp(tz)φ(n) (z)dz = t
k+1
z=−∞ 2
exp(t /2),
ce qui ach`eve la d´emonstration. Grˆace au Lemme 4.6.2, (4.8) devient MZ (t) =
+∞ X
ak
k=0
=
Z
Z
+∞
exp(tz)(−1)k φ(k) (z)dz
z=−∞
+∞
exp(tz) z=−∞
( +∞ X
)
ak (−1)k φ(k) (z) dz.
k=0
D`es lors, MZ est la fonction des moments d’une loi P g´en´eratrice k φ(k) (x). Comme la fonction de probabilit´e de densit´e +∞ a (−1) k=0 k g´en´eratrice des moments est unique, on en d´eduit que FZ (z) =
+∞ X
(−1)k ak Φ(k) (z).
(4.9)
k=0
La formule (4.9) est connue sous le nom de d´eveloppement d’Edgeworth de FZ . Insistons sur le fait que (4.9) a ´et´e obtenue d’une
4.6. Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP) 215 mani`ere tr`es informelle. Nous ne nous sommes en effet gu`ere pr´eoccup´es des probl`emes de convergence (en fait, la s´erie (4.9) diverge dans bien des cas). L’approximation d’Edgeworth consiste a` limiter la s´erie (4.9) a` un nombre fini de termes, ν disons, i.e. a` utiliser l’approximation ν X (−1)k ak Φ(k) (z). FZ (z) ≈ k=0
Par d´efinition,
ak = de sorte que
1 f(k) M (0), k = 0,1,2, . . . , k! a0 = 1, a1 = 0,
a2 = 0, E[Z 3 ] a3 = , 6 E[Z 4 ] − 3 a4 = , 24 a5 = 0, (E[Z 3 ])2 a6 = . 72 Ainsi, pour ν = 6, l’approximation d’Edgeworth se r´eduit a` E[Z 3 ] (3) E[Z 4 ] − 3 (4) Φ (z) + Φ (z) 6 24 (E[Z 3 ])2 (6) + Φ (z). (4.10) 72 Souvent, on n’utilise que les deux premiers termes de (4.10), ce qui fournit ! ! x − E[S] γ[S] (3) x − E[S] p FS (x) ≈ Φ p − Φ . (4.11) 6 V[S] V[S] FZ (z) ≈ Φ(z) −
Comme
1 √ exp(−z 2 /2), 2π −1 Φ(2) (z) = √ z exp(−z 2 /2), 2π 1 Φ(3) (z) = √ − exp(−z 2 /2) + z 2 exp(−z 2 /2) 2π 2 = (z − 1)Φ(1) (z),
Φ(1) (z) =
216
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
l’approximation (4.11) se r´e´ecrit encore ! !2 x − E[S] γ[S] x − E[S] p − − 1 φ FS (x) ≈ Φ p 6 V[S] V[S]
x − E[S] p V[S]
!
.
(4.12) Remarque 4.6.3. Il est int´eressant de faire les commentaires suivants: 1. d`es qu’on utilise plus d’un terme dans l’approximation d’Edgeworth, on peut obtenir une valeur n´egative pour certaines valeurs de z. L’approximation fournie en (4.10) ou (4.11) n’est donc pas une fonction de r´epartition. 2. l’approximation fournie par (4.10) est g´en´eralement bonne lorsque z est proche de 0. Cependant, l’erreur croˆıt assez vite a ` mesure que |z| augmente. En d’autres mots, l’approximation d’Edgeworth (4.12) passe pour bonne aux alentours de la moyenne, mais se d´et´eriore significativement dans les queues de distribution. Un moyen ing´enieux pour ´eviter cet inconv´enient est de recourir a ` la tranform´ee d’Esscher, pr´esent´ee plus loin. 3. comme la s´erie d’Edgeworth diverge souvent, la qualit´e de l’approximation n’est pas forc´ement am´elior´ee par l’ajout d’un terme suppl´ementaire.
4.6.3
Approximation d’Esscher
Transform´ ee d’Esscher La transform´ee d’Esscher est d´efinie pour les lois poss´edant une fonction g´en´eratrice des moments (encore apple´ees lois de Cram´er en th´eorie du risque). Il s’agit de remplacer la loi initiale par une autre, plus dangereuse pour l’assureur. Utilis´ee de concert avec l’approximation d’Edgeworth, la technique d’Esscher permet souvent d’obtenir des approximations pr´ecises. D´ efinition 4.6.4. Soit S une variable al´eatoire r´eelle de fonction de r´epartition FS et de fonction g´en´eratrice des moments M S . A chaque h ∈ IR, on associe une variable al´eatoire S h de fonction de r´epartition Fh d´efinie par Z t 1 Fh (t) = exp(hξ)dFS (ξ). (4.13) MS (h) ξ=−∞ La fonction de r´epartition Fh est appel´ee transform´ee d’Esscher de FS de param`etre h.
4.6. Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP) 217 Propri´ et´ e 4.6.5. On voit facilement que la fonction g´en´eratrice des moments Mh associ´ee a ` la fonction de r´epartition F h est donn´ee par Mh (t) = E[exp(tSh )] Z 1 = exp (h + t)s dFS (s) MS (h) s∈IR MS (t + h) = . MS (h) Exemple 4.6.6. Consid´erons N ∼ Poi(λ) et int´eressons-nous a ` la loi de Nh . Pour ce faire, calculons-en la fonction g´en´eratrice des moments, donn´ee en vertu de la Propri´et´e 4.6.5 par E[exp((t + h)N )] E[exp(hN )] ϕN (exp(t + h)) = ϕN (exp(h)) exp λ(exp(t + h) − 1) = exp λ(exp(h) − 1) = exp λ exp(h)(exp(t) − 1)
Mh (t) =
o` u l’on reconnaˆıt la fonction g´en´eratrice des moments associ´ee a ` la loi de Poisson de moyenne λ exp(h). D`es lors N h ∼ Poi(λ exp(h)). Transform´ ee d’Esscher et prime pure La transformation d’Esscher n’affecte pas le support de S: ainsi, S et Sh prennent leurs valeurs dans le mˆeme ensemble. Cependant, les valeurs de Sh sont d’autant plus vers la droite que h est ´elev´e, comme le montre le r´esultat suivant (nous reviendrons sur cet aspect dans le Chapitre 5). Propri´ et´ e 4.6.7. E[Sh ] est une fonction croissante de h. D´emonstration. En effet, E[Sh ] = Mh0 (0) =
MS0 (h) MS (h)
d’o` u l’on tire d E[Sh ] = dh
MS00 (h)MS (h) − {MS0 (h)}2 {MS (h)}2
= Mh00 (0) − {Mh0 (0)}2 = V[Sh ] > 0.
218
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
Approximation d’Esscher Montrons a` pr´esent l’int´erˆet de la transfomation d’Esscher pour l’actuaire. Supposons ˆetre int´eress´e par F S (x) = Pr[S ≤ x] pour une certaine valeur de x. L’id´ee maˆıtresse de la m´ethode d’Esscher consiste a` choisir h tel que MS0 (h) =x MS (h)
E[Sh ] =
et ensuite d’appliquer l’approximation d’Edgeworth (4.11) a` S h plutˆot qu’`a S. Il vient ainsi E[(Sh − x)3 ] (3) φ (z)dz, 6{V[Sh ]}3/2
fh (y)dy ≈ φ(z)dz − o` u
(4.14)
y−x z=p . V[Sh ]
En revenant a` (4.13), on voit que
fS (y) = MS (h)fh (y) exp(−hy), qui donne par int´egration F S (x) = MS (h) et FS (x) = MS (h)
Z
Z
+∞
exp(−hy)fh (y)dy,
(4.15)
exp(−hy)fh (y)dy.
(4.16)
y=x x
y=−∞
La question est maintenant de savoir s’il est pr´ef´erable d’ins´erer l’approximation (4.14) dans (4.15) ou dans (4.16) afin d’obtenir l’approximation de FS (x) souhait´ee. La r´eponse a` cette question d´epend du signe de h: (i) si h > 0 (i.e. x > E[S]), il est pr´ef´erable d’utiliser (4.15); (ii) si h < 0 (i.e. x < E[S]), (4.16) devrait donner de meilleurs r´esultats. Examinons plus en d´etails le cas h > 0 (le plus int´eressant pour l’actuaire qui s’int´eresse plutˆot aux grandes valeurs de x). Tant que y est dans le voisinage de x = E[Sh ], l’approximation d’Edgeworth (4.14) devrait ˆetre de bonne qualit´e. Pour de grandes valeurs de y, on s’attend a` ce que (4.14) soit peu pr´ecise mais comme elle est multipli´ee par exp(−hy) dans (4.15), ceci ne devrait pas prˆeter a`
4.6. Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP) 219 cons´equence. On obtient donc l’approximation d’Esscher pour x > E[S] donn´ee par
E[(Sh − x)3 ] F S (x) ≈ MS (h) exp(−hx) E0 (u) − E3 (u) , 6{V[Sh ]}3/2 o` uu=h
p V[Sh ] et o` u les fonctions Ek (u) =
Z
z∈IR+
exp(−uz)φ(k) (z)dz, k ∈ IN,
sont appel´ees fonctions d’Esscher. Puisque exp(−uz)φ(z) = exp(u2 /2){1 − Φ(u)}, on obtient en int´egrant par parties Ek (u) = −φ(k−1) (0) + uEk−1 (u), pour k ≥ 1, ce qui fournit 1 E1 (u) = − √ + uE0 (u), 2π u E2 (u) = uE1 (u) = − √ + u2 E0 (u), 2π 1 1 − u2 E3 (u) = √ + uE2 (u) = √ + u3 E0 (u). 2π 2π Clairement, E0 (u) est la transform´ee de Laplace de la loi N or(0,1) ´evalu´ee en u, laquelle est donn´ee au Tableau 3.4. Approximation d’Esscher des lois de Poisson compos´ ees Appliquons a` pr´esent les techniques pr´esent´ees ci-dessus a` la loi de Poisson compos´ee. Ceci fournit une alternative aux algorithmes de type Panjer qui seront pr´esent´es au Chapitre 6. Pour commencer, il s’agit d’obtenir la transform´ee d’Esscher de la loi de Poisson compos´ee. Propri´ et´ e 4.6.8. Si S ∼ CPoi(λ,G) alors S h ∼ CPoi(λMG (h),Gh ), o` u MG est la fonction g´en´eratrice des moments associ´ee aux montants des sinistres.
220
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
D´emonstration. Il suffit d’´ecrire la fonction g´en´eratrice des moments de Sh . La Propri´et´e 4.6.5 donne E[exp((t + h)S)] E[exp(hS)] exp λ(MG (t + h) − 1) = exp λ(MG (h) − 1) MG (t + h) −1 = exp λMG (h) MG (h)
Mh (t) =
o` u l’on reconnaˆıt la fonction g´en´eratrice des moments associ´ee a` la loi CPoi(λMG (h),Gh ). Appliquons la technique d´ecrite plus haut a` S ∼ CPoi(λ,G), dans les notations introduites plus haut. Comme S h est de loi de Poisson compos´ee, avec λMG (h) pour nombre moyen de sinistres et M G (t + h)/MG (h) comme fonction g´en´eratrice des moments des montants de ceux-ci, la valeur de h a` utiliser est solution de l’´equation E[Sh ] = λMG (h)
MG0 (h) = λMG0 (h) = x. MG (h)
De plus, il vient V[Sh ] = λMG00 (h) et E[(Sh − x)3 ] = λMG000 (h). L’approximation d’Esscher pour x > E[S] donne alors ( ) MG000 (h) F S (x) ≈ exp{λ(MG (h)−1)−hx} E0 (u) − √ E3 (u) 6 λ{MG00 (h)}3/2 o` uu=h
4.6.4
p λMG00 (h).
Approximation NP
Formule NP Du fait de l’applicabilit´e limit´ee du d´eveloppement d’Edgeworth (qui ne donne une approximation raisonnable qu’aux alentours de la moyenne), les actuaires ont propos´e la m´ethode NP. Cette m´ethode est une alternative a` l’utilisation de concert des approximations d’Edgeworth et d’Esscher d´ecrites ci-dessus.
4.6. Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP) 221 Partons de l’approximation (4.10) limit´ee aux deux premiers termes: E[Z 3 ] (3) Φ (z). FZ (z) ≈ Φ(z) − 6 L’approximation ci-dessus revient en fait a` FZ (z) ≈ Φ(z) −
E[Z 3 ] 2 (z − 1)Φ(1) (z). 6
A pr´esent, en utilisant un d´eveloppement limit´e de Taylor, il vient FZ (z + ∆z) ≈ FZ (z) + fZ (z)∆z E[Z 3 ] 2 ≈ Φ(z) − (z − 1)Φ(1) (z) + Φ(1) (z)∆z, 6 ce qui donne finalement la formule E[Z 3 ] 2 (z − 1) − ∆z Φ(1) (z). FZ (z + ∆z) ≈ Φ(z) − 6 En prenant ∆z = E[Z 3 ](z 2 − 1)/6, le coefficient de Φ(1) (z) s’annule et seul subsiste E[Z 3 ] 2 FZ z + (z − 1) ≈ Φ(z); 6 cette derni`ere relation est connue sous le nom d’approximation NP (pour l’anglais “Normal Power”). Remarque 4.6.9. Notez que lorsque E[Z 3 ] = 0, l’approximation NP revient a ` supposer S de loi normale. Supposons E[Z 3 ] 6= 0 et cherchons une approximation pour F Z (y). Il vient FZ (y) ≈ Φ(z) o` u z satisfait z+ d’o` u z=
s
E[Z 3 ] 2 (z − 1) = y 6
9 6 3 +1+ y− , 3 2 3 (E[Z ]) E[Z ] E[Z 3 ]
pour autant que le terme sous la racine soit non-n´egatif. L’approximation de FS suit imm´ediatement en substituant x − E[S] y= p , V[S]
222
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
ce qui donne FS (x) ≈ Φ qui est valable pour
−3 + γ[S]
s
6(x − E[S]) 9 p +1+ 2 (γ[S]) γ[S] V[S]
x > E[S] +
!
,
p V[S],
et assez pr´ecise tant que 0 ≤ γ[S] ≤ 2; la qualit´e de l’approximation d´ecroˆıt a` mesure que γS augmente. Approximation NP des quantiles L’approximation NP permet ´egalement d’approcher les quantiles de S. Si zα d´esigne le 100(1 − α)`eme quantile de la loi normale centr´ee-r´eduite, on a 1 − α = Φ(zα ) E[Z 3 ] 2 (zα − 1) ≈ F Z zα + 6 p E[Z 3 ] 2 = FS E[S] + V[S] zα + (zα − 1) 6 p γ[S] 2 , = FS E[S] + V[S] zα + (zα − 1) 6 ce qui fournit l’approximation suivante pour le quantile q 1−α de S p γ[S] 2 q1−α ≈ E[S] + V[S] zα + (zα − 1) . (4.17) 6
Exemple 4.6.10 (Calcul de la marge de solvabilit´ e). L’approximation NP peut ˆetre utilis´ee pour avoir une id´ee du montant minimum des provisions techniques des branches d’assurance nonvie. Soit S le montant total de sinistres relatifs aux polices que la compagnie a souscrites. Les autorit´es de contrˆ ole exigent que le montant des provisions techniques soit tel que la solvabilit´e de la compagnie est garantie avec une probabilit´e 1 − : le montant κ des provisions doit ˆetre tel que Pr[S > κ ] ≤ . En d’autres termes, κ doit ˆetre au moins ´egal a ` κmin avec Pr[S > κmin ] = .
4.6. Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP) 223 L’approximation NP permet d’´evaluer κ min a ` p γ[S] 2 (z − 1) . κmin ≈ E[S] + V[S] z + 6
Exemple 4.6.11 (Quantiles des lois de Poisson ees). PN compos´ L’approximation NP est souvent utilis´ee avec S = i=1 Xi ∼ CPoi(λ,FX ). Dans ce cas, E[S] = λE[X1 ], V[S] = λE[X12 ], et
3 E S − E[S] = λE[X13 ],
de sorte que le quantile q1−α de S est approch´e par q 1 E[X13 ] . q1−α ≈ λE[X1 ] + zα λE[X12 ] + (zα2 − 1) 6 E[X12 ] Cette derni`ere approximation passe pour ˆetre de bonne qualit´e pour autant que h 3 i E S − E[S] E[X13 ] √ γ[S] = = ≤ 2. (V[S])3/2 λ(E[X12 ])3/2 Approximation NP des primes stop-loss Commen¸cons par ´etablir l’expression des primes stop-loss associ´ees a` la loi normale. Pour ce faire, consid´erons Y ∼ N or (0,1), et X = σY + µ ∼ N or µ,σ 2 . Alors, E (X − d)+ = E (σY + µ − d)+ d−µ = σE Y − . σ + On peut alors calculer la prime stop-loss dans le cas gaussien centr´e r´eduit et en d´eduire le r´esultat dans le cas g´en´eral. La prime stop-loss associ´ee a` Y vaut alors Z E (Y − d)+ = (y − d)+ φ (y) dy y∈IR +∞
Z
(y − d) φ (y) dy Z +∞ Z +∞ = yφ (y) dy − d φ (y) dy =
d
d
= φ (d) − dΦ (d) ,
d
224
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
puisque φ0 (t) = tφ (t). La prime stop-loss pour X s’obtient alors a` partir de d−µ d−µ E[(X − d)+ ] = σφ − (d − µ) Φ . σ σ Posons a` pr´esent a (s) = s + et 3 b (t) = − + γ[X]
γ[X] 2 s −1 , 6
s
6 9 +1+ t. γ[X]2 γ[X]
Il est ais´e de noter que ces fonctions sont inverses l’une de l’autre, c’est-`a-dire v´erifient a (b (t)) = t et b (a (u)) = u, et que ces fonctions sont monotones, croissantes, telles que a (s) ≥ t ⇔ b (t) ≤ s. Soit Z une variable al´eatoire centr´ee et r´eduite, i.e. µ Z = 0, σZ = 1. L’approximation N P appliqu´ee a` Z est Pr[Z ≤ a (z)] = Pr[b (Z) ≤ z] ≈ Φ (z) , d’o` u, en terme de fonction de queue, Pr[Z > a (z)] = Pr[b (Z) > z] ≈ Φ (z) . Soit Y ∼ N or(0,1), et posons ∗
Y = a (max {Y,1}) =
a (Y ) , si Y ≥ 1, 1, sinon,
alors Pr[Y ∗ > a (z)] = Pr[Y > z] ≈ 1 − Φ (z) , si z ≥ 1, et donc, finalement, compte tenu du fait que l’approximation N P revient a` dire que Z peut ˆetre approxim´ee par a (Y ) o` u Y est une variable gaussienne (d`es lors que Y ≥ 1), i.e. Pr[Z ≤ s] ≈ Pr[Y ∗ ≤ s].
4.6. Prise en compte de l’asym´ etrie: l’approximation Normal-Power (NP) 225 On obtient alors Pr[Z > s] ≈ Pr[Y ∗ > s] ≈ 1 − Φ (b (s)) , pour tout s ≥ 1. La prime stop-loss associ´ee a` Z s’´ecrit alors Z ∞ E[(Z − d)+ ] = Pr[Z > s]ds d Z ∞ ≈ Pr[Y ∗ > s]ds d
= E[(Y ∗ − d)+ ] Z = (a (max {y,1}) − 1)+ φ (y) dy IR Z +∞ (a (y) − d) φ (y) dy =
= =
Z
Z
b(d) +∞ b(d) +∞ b(d)
−d
Z
γ[Z] 2 y+ y − 1 − d φ (y) dy 6 Z +∞ γ[Z] 2 y − 1 φ (y) dy + yφ (y) dy 6 b(d)
+∞
φ (y) dy, b(d)
d’o` u finalement E[(Z − d)+ ] ≈
γ[Z] b (d) φ (b (d)) + φ (b (d)) − d 1 − Φ (b (d)) . 6
La prime stop-loss pour la variable X ∼ N or(µ,σ 2 ) est alors donn´ee par, γ[X] d − µX d − µX b φ b E[(X − d)+ ] ≈ σX 6 σX σX d − µX +σX φ b σX d − µX − (d − µX ) 1 − Φ b . σX D´ etermination du chargement de s´ ecurit´ e sur base de l’approximation NP On peut aussi avoir recours a` l’approximation NP pour fixer le taux de chargement de s´ecurit´e ρ apparaissant dans le principe de
226
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
l’esp´erance math´ematique. Plus pr´ecis´ement, on tire de l’approximation (4.17) que # " n X Pr Si > (1 + ρ)nµ + κ = i=1
√ γ[S] 2 ⇒ (1 + ρ)nµ + κ ≈ nµ + nσ z + (z − 1) 6
d’o` u l’on tire une approximation de ρ valant √ 2 − 1) − κ nσ z + γ[S] (z 6 . ρ≈ nµ
4.6.5
En guise de conclusion ` a propos des approximations d’Esscher et NP
Mˆeme si les implications pratiques des formules d’Esscher et NP sont sans doute a` pr´esent moins nombreuses que dans le pass´e (notamment en raison de l’av`enement des m´ethodes num´eriques, simulation en tˆete, largement r´epandues de nos jours, et qui seront ´etudi´ees en d´etail dans le Tome 2), ces approximations n’en demeurent pas moins fort utiles pour les raisons suivantes: 1. ces approximations sont ais´ees a` calculer et permettent rapidement de se faire une id´ee a` propos de la solution du probl`eme consid´er´e. 2. les techniques sous-tendant l’approximation d’Esscher permettent bien souvent d’am´eliorer les m´ethodes de simulation. 3. l’approximation NP peut ˆetre incorpor´ee dans des programmes de simulation des r´esultats de l’ensemble de la compagnie (voire du groupe) dans le cadre d’analyses de type DFA (pour Dynamic Financial Analysis) afin de rendre compte de la sinistralit´e.
4.7
La prime commerciale
Le transfert de risque des assur´es vers la compagnie ne peut h´elas se faire sans coˆ ut. A la prime nette viennent s’ajouter la quote-part des frais g´en´eraux de l’entreprise d’assurances plus le b´en´efice que l’assureur entend se r´eserver; le total donne la prime commerciale ou prime des tarifs dont l’assur´e doit s’acquitter pour b´en´eficier de la couverture propos´ee par l’assureur. La prime commerciale permet
4.7. La prime commerciale
227
donc a` la fois a` l’assureur de faire face a` son engagement de r´egler les sinistres, mais ´egalement de compenser ses coˆ uts de gestion et de r´ealiser des b´en´efices. Les frais g´en´eraux de l’entreprise comprennent les frais d’acquisition du contrat (r´emun´eration des interm´ediaires), les frais d’encaissement des primes, les frais de gestion (loyers, r´emun´eration du personnel, frais d’expertise et de proc`es, etc.) et, enfin, les impˆots. Certains frais sont indispensables au bon fonctionnement de l’assurance. Par exemple, une r´eduction des efforts d’expertise conduit soit a` une augmentation de la fraude, soit a` une perte de qualit´e dans la concordance entre coˆ uts des sinistres et indemnit´es. Dans les deux cas, les assur´es sont perdants. Enfin, le m´ecanisme de fixation de la prime commerciale fait ´egalement intervenir des consid´erations de marketing. Il n’y a aucune raison de proposer le produit a` un prix moins ´elev´e que celui que le consommateur est prˆet a` payer. A l’inverse, la soci´et´e pourrait fort bien d´ecider de r´eduire fortement ses marges b´en´eficiaires dans une niche du march´e o` u elle entend s’imposer. On sent bien qu’on quitte ici la sph`ere technique pour entrer dans le jardin des d´elices commerciaux, o` u les auteurs se garderont bien d’entraˆıner leurs chers lecteurs. Concr`etement, la prime commerciale p com s’obtient donc a` partir de
pcom = pnette + frais g´en´eraux + commissions +b´en´efices escompt´es + impˆots.
Afin d’avoir une id´ee de l’importance relative des diff´erentes composantes de la prime commerciale, on peut se r´ef´erer au Tableau 4.2. Tr`es souvent en pratique, tous ces chargements sont calcul´es proportionnellement a` la prime nette. Ces chargements proportionnels sont pourtant tr`es discutables dans certains cas. On voit mal pourquoi un courtier ou un agent devrait ˆetre mieux r´emun´er´e s’il apporte une affaire dangereuse (car correspondant a` une prime nette ´elev´ee), pourquoi les risques agrav´es (les jeunes conducteurs, par exemple) devraient davantage contribuer au b´en´efice ou aux frais g´en´eraux que les autres.
228
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
Primes Produits Financiers
100 4
Indemnit´ es aux assur´ es dommages tous risques dommages corporels dommages mat´eriels vols bris de glace divers Frais frais g´en´eraux frais de personnel
72 23 15 11 6 6 11 31 17 14
Tab. 4.2 – Composantes de la prime pure en assurance automobile (source: MMA - 2004).
4.8
Exercices
Exercice 4.8.1. Le montant de sinistre caus´e par une police du portefeuille est de la forme 0 avec la probabilit´e 0.9 S= X avec la probabilit´e 0.1 o` u Pr[X > x] =
1 x+1
3/2
, x > 0.
1. Calculez la prime pure pour cette police. 2. Calculez le montant de la prime nette de fa¸con a ` ce que la probabilit´e que le montant de sinistre S d´epasse ce montant soit au plus de 1%. Exercice 4.8.2. Un assureur a un portefeuille de n polices dont les coˆ uts annuels des sinistres S1 , . . . ,Sn sont ind´ependants et identiquement distribu´es, de moyenne 200 et d’´ecart-type 2000. L’assureur dispose d’un capital κ et tarifie sur base du principe de l’esp´erance math´ematique, de taux %. 1. Que vaut le coefficient de s´ecurit´e β lorsque κ = 100000, % = 5% et n = 5000? Comment jugez-vous la situation de l’assureur? 2. On veut avoir β ≥ 4. Pour ce faire, (a) quel doit ˆetre le capital κ pour % = 5% et n = 5000? (b) quel doit ˆetre le taux de chargement % pour κ = 100000 et n = 5000?
4.8. Exercices
229
(c) quel est le nombre minimal de contrats a ` avoir en portefeuille pour κ = 100000 et % = 5%? 3. A la lumi`ere de la question pr´ec´edente, que conseillez-vous a ` l’assureur pour atteindre β ≥ 4? Exercice 4.8.3. La charge totale ` un porP S des sinistres relatifs a X o` u N ∼ Poi(λ), o` u les Xi tefeuille d’assurances vaut S = N i=1 i sont ind´ependants et de mˆeme loi Exp(θ). Les X i et N sont en outre suppos´es ind´ependants. 1. Calculez la prime pure relative au portefeuille. 2. Fixez la hauteur du chargement de s´ecurit´e afin que la probabilit´e de ruine soit de maximum si l’assureur dispose d’un capital κ (a) sur base du th´eor`eme central-limite (b) sur base de l’approximation NP. Exercice 4.8.4. Soit un portefeuille comprenant 10 000 polices dont la charge annuelle totale S des sinistres admet les moyenne, variance et coefficient d’asym´etrie suivants: E[S] = 10 000, V[S] = 1 000 000 et γ[S] = 2. 1. Calculez la probabilit´e que S exc`ede 15 000 (a) a ` l’aide du th´eor`eme central-limite; (b) a ` l’aide de l’approximation Normal-Power. Commentez les deux r´eponses que vous avez obtenues. 2. Calculez le seuil que S ne d´epassera qu’avec une probabilit´e de 0.1% (i.e. le quantile d’ordre 0.999 de S) (a) a ` l’aide du th´eor`eme central-limite; (b) a ` l’aide de l’approximation Normal-Power. Commentez les deux r´eponses que vous avez obtenues. (Rappel: le quantile d’ordre 0.999 de la loi normale centr´ee-r´eduite vaut 3.09) Exercice 4.8.5. On consid`ere un groupe de risques dans lequel on peut distinguer deux classes (not´ees 1 et 2). Le montant annuel des d´epenses de chaque classe est not´e X 1 et X2 respectivement. En outre, pour la classe i (i = 1 ou 2), le taux de chargement technique, l’esp´erance math´ematique de la d´epense annuelle et l’´ecart-type de la d´epense annuelle sont not´es respectivement % i , mi et si %i mi si
Classe 1 0.04 800 200
Classe 2 0.06 900 300
230
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
Pour l’ensemble du groupe, le montant du capital affect´e au risque est κ = 800. Par ailleurs on suppose que les variables al´eatoires X 1 et X2 sont ind´ependantes. (a) Calculez le b´en´efice annuel Bi de la classe i, ainsi que le b´en´efice annuel B de l’ensemble du groupe. En d´eduire l’esp´erance math´ematique et la variance de ces variables al´eatoires. (b) Calculez le coefficient de s´ecurit´e global β ainsi que sa valeur num´erique. (c) En supposant que la loi de X = X1 + X2 peut ˆetre approch´ee par une loi normale, calculer la probabilit´e de d´eficit annuel pour ce groupe. (d) En supposant que les donn´ees pr´ec´edentes ne sont pas modifi´ees et que les r´esultats annuels successifs sont ind´ependants, calculer la probabilit´e pour que le groupe consid´er´e ne subisse pas de d´eficit pendant 3 ann´ees cons´ecutives. Exercice 4.8.6. (i) Montrez que quelle que soit la variable al´eatoire positive S de moyenne µ et de variance σ 2 , 2 1 si x > µ + σµ x−µ 2 1+ ( ) σ F S (x) ≤ µ si µ < x < µ + σ2 . x µ (ii) En appliquant ces in´egalit´es a ` la charge totale des sinistres P S = ni=1 Si , montrez que l’in´egalit´e " n # X 1 Pr Si > κ + (1 + ρ)nµ ≤ 1 + β2 i=1
est valable pour autant que κ + (1 + ρ)nµ > nµ +
4.9
σ2 σ (n) ⇔β> √ ⇔ β > CV [S ]. µ nµ
Notes bibliographiques
Les lecteurs pourront utilement se r´ef´erer aux ouvrages mentionn´es a` la fin du chapitre pr´ec´edent pour plus de d´etails, a` sa¨ inen, & Pesonen (1984), Borch (1990), voir Beard, Pentika ¨ hlmann (1970), Daykin, Pentika ¨ inen, & Pesonen (1994), Bu Gerber (1979), Petauton (2000), Seal (1969), Straub (1988), Sundt (1984) et Tosetti et al. (2000). Les principes de calcul de primes constituent a` pr´esent une branche a` part enti`ere des math´ematiques actuarielles. Il n’entre pas dans les
4.9. Notes bibliographiques
231
objectifs de ce chapitre d’´epuiser le sujet, loin s’en faut. Le lecteur se r´ef´erera utilement a` Goovaerts et al. (1984, 1990) pour de plus amples d´etails. N´eanmoins, il est bon de signaler que malgr´e tous les d´eveloppements math´ematiques (parfois fort raffin´es), les principes de calcul de prime utilis´es en pratique se limitent souvent a` ceux pr´esent´es succinctement dans la Section 4.4.4.
232
Chapitre 4. De la prime pure a ` la prime nette
Chapitre 5
Mesure et comparaison des risques 5.1 5.1.1
Introduction Mesurer le risque: une tˆ ache essentielle de l’actuaire
La mesure du risque est tr`es certainement une des tˆaches les plus courantes de l’actuaire. C’est d’ailleurs l`a l’essence mˆeme de la profession. Au nombre des mesures de risque figurent bien ´evidemment les primes: le montant de la prime devant en toute circonstance ˆetre proportionn´e au risque, celle-ci refl`ete donc le danger associ´e au risque transf´er´e a` l’assureur. D’autres mesures de risque tentent d’´evaluer la hauteur du capital ´economique. Il s’agit du capital dont doit disposer la compagnie pour ˆetre en mesure de d´edommager les sinistres. Nous avons d´ej`a vu au Chapitre 4 que ce capital pouvait ˆetre d´etermin´e en limitant la probabilit´e de ruine de l’assureur a` un niveau suffisamment faible. Il s’agit de l’approche bas´ee sur la Value-at-Risk, que nous d´etaillerons plus loin. Nous verrons que cette mani`ere de faire n’est pas exempte de critique. En effet, elle ne prend pas en compte l’importance du d´eficit quand la ruine survient. Afin de rem´edier a` ce probl`eme, nous nous tournerons vers l’esp´erance de queue ou Tail Value-at-Risk. Celle-ci consiste a` d´eterminer le capital de mani`ere a` surmonter en moyenne les pires exercices. Remarque 5.1.1. Classiquement, la mesure du risque a ´et´e bas´ee sur la variance (qui mesure la dispersion autour de la prime pure pour l’actuaire). Un grand classique est bien entendu l’approche 233
234
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
moyenne-variance sous-tendant les premiers mod`eles financiers (comme le MEDAF ou CAPM). Dans ce chapitre, nous ne consid´ererons cependant pas la variance comme mesure du risque. Ceci s’explique par la d´efinition que nous avons retenue plus haut, a ` savoir le capital qui, superpos´e au risque en d´ebut de p´eriode, rend sa couverture acceptable. Bien entendu, la variance et l’´ecart-type interviennent dans des principes de calcul de prime, lesquels sont ´egalement des mesures de risque au sens o` u nous l’entendons dans ce chapitre.
5.1.2
Comparer les risques: une autre sp´ ecialit´ e de l’actuaire
De tout temps, les actuaires ont ´egalement ´et´e pr´eoccup´es par la comparaison des risques. Pour ce faire, ils se sont souvent bas´es sur des mesures scalaires du danger inh´erent a` un risque X, jugeant un risque plus avantageux qu’un autre si la valeur prise par cette mesure sur ce risque est la plus faible. Bien entendu, r´esumer tout le comportement d’un risque dans une seule mesure scalaire, fˆ ut-elle bien choisie, m`ene le plus souvent a` des comparaisons tr`es sommaires. C’est pourquoi, les actuaires ont ressenti le besoin de recourir a` des m´ethodes de comparaison plus ´elabor´ees, inspir´ees pour les unes de la th´eorie de l’utilit´e esp´er´ee des ´economistes (que nous pr´esenterons dans le Tome II) et pour les autres de l’usage simultan´e de plusieurs mesures de risque.
5.1.3
Mesurer puis comparer les risques, deux tˆ aches voisines
Ce chapitre sera divis´e en deux grandes parties. Dans la premi`ere, nous pr´esenterons les mesures de risque. Il s’agira de mesures appr´ehendant le capital n´ecessaire pour couvrir les risques. La seconde partie du chapitre sera consacr´ee a` la comparaison des risques au moyen des mesures de risque que nous aurons d´efinies. Plutˆot que de baser la comparaions sur une seule mesure (ce qui pr´esente l’avantage de g´en´erer un ordre total, mais le d´esavantage de manquer de subtilit´e), nous consid´ererons simultan´ement plusieurs mesures de risque, ce qui autorisera une comparaison tr`es fine des variables al´eatoires en pr´esence. Les risques auxquels l’actuaire est confront´e pr´esentant la plupart du temps une masse de probabilit´e importante a` l’origine (´egale a` la probabilit´e que la police organisant le transfert du risque ne
5.2. Mesures de risque
235
donne lieu a` aucun sinistre), nous devons accorder un soin particulier au cas o` u les fonctions de r´epartition en pr´esence ne sont pas continues. Cette masse de probabilit´e en z´ero complique fortement les d´eveloppements techniques et invalide bon nombre de r´esultats propres au cas o` u les fonctions de r´epartition en pr´esence sont continues.
5.2 5.2.1
Mesures de risque D´ efinition
Commen¸cons par d´efinir pr´ecis´ement ce qu’on entend par mesure de risque dans ce chapitre. D´ efinition 5.2.1. Une mesure de risque est une fonctionnelle % faisant correspondre a ` un risque X un nombre positif not´e %[X], ´eventuellement infini. L’id´ee est que % quantifie le niveau de danger inh´erent au risque X: de grandes valeurs de %[X] indiqueront que X est “dangereux” (dans un sens a` pr´eciser). Dor´enavant, nous consid´erons %[X] comme le montant de capital dont la compagnie doit disposer pour faire face a` une perte financi`ere de montant X. Plus pr´ecis´ement, pour autant que % soit normalis´ee, i.e. %[0] = 0, %[X] est le montant minimum qui, additionn´e a` la perte X en d´ebut de p´eriode rend la couverture de X “acceptable”. La compagnie devra donc disposer du montant %[X], constitu´e pour partie par les primes pay´ees par l’assur´e, et pour le reste par l’apport en capital des actionnaires.
5.2.2
Coh´ erence
Il est g´en´eralement admis qu’une mesure de risque doit v´erifier certaines conditions pour ˆetre utile dans les applications. Ceci m`ene a` la notion de mesure de risque coh´erente, selon la terminologie de Artzner, Delbaen, Eber & Heath (1999). D´ efinition 5.2.2. Une mesure de risque est dite coh´erente lorsqu’elle satisfait les quatre axiomes suivants: Axiome 1 (invariance par translation): %[X +c] = %[X]+c pour tout risque X et toute constante c. L’invariance par translation garantit que % X − %[X] = 0.
236
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques De plus, quelle que soit la constante c, nous devrions avoir %[c] = c.
Axiome 2 (sous-additivit´e): %[X + Y ] ≤ %[X] + %[Y ] quelles que soient les risques X et Y . La sous-additivit´e traduit la r´eduction de risque par diversification. L’effet de diversification est alors mesur´e par %[X] + %[Y ] − %[X + Y ] ≥ 0, qui repr´esente l’´economie de capital r´ealis´ee en couvrant simultan´ement les risques X et Y . On parle d’additivit´e lorsqu’il y a ´egalit´e, i.e. %[X + Y ] = %[X] + %[Y ] quelles que soient les risques X et Y . Dans ce cas, l’effet de diversification est nul. Axiome 3 (homog´en´eit´e): %[cX] = c%[X] pour tout risque X et toute constante positive c. On associe souvent l’homog´en´eit´e a ` une certaine invariance par rapport aux unit´es mon´etaires (si on mesure la perte financi`ere en millions d’euros plutˆ ot qu’en milliers, le risque n’est pas modifi´e et le capital subit la mˆeme transformation). L’homog´en´eit´e peut ´egalement ˆetre vue comme un cas limite de la sous-additivit´e, lorsqu’il n’y a aucune diversification possible. En effet, si nous supposons que c est un entier positif, la propri´et´e d’homog´en´eit´e assure que %[cX] = %[X | +X + {z. . . + X}] c termes
= %[X] + %[X] + . . . + %[X] = c%[X].
Axiome 4 (monotonicit´e): Pr[X ≤ Y ] = 1 ⇒ %[X] ≤ %[Y ] quels que soient les risques X et Y . Cette propri´et´e exprime le fait qu’il faut plus de capital lorsque la perte financi`ere devient plus s´ev`ere. Elle est donc tr`es naturelle. Remarque 5.2.3. Dans le cadre de la th´eorie du risque, les mesures de risque doivent ´egalement contenir un chargement de s´ecurit´e, c’est-` a-dire qu’elles doivent satisfaire l’in´egalit´e %[X] ≥ E[X] pour tout risque X. Le capital minimal doit exc´eder la perte attendue, sans quoi la ruine devient certaine (sous les conditions de la loi des grands nombres).
5.2. Mesures de risque
5.2.3
237
Value-at-Risk
D´ efinition Au cours de la derni`ere d´ecennie, les quantiles ont ´et´e largement utilis´es en gestion des risques, sous l’appellation d´esormais consacr´ee de Value-at-Risk. Le recours a` cette mesure de risque a ´et´e institutionalis´e par les autorit´es de contrˆole du secteur bancaire dans les trait´es de Bˆale successifs. D´ efinition 5.2.4. Etant donn´e un risque X et un niveau de probabilit´e α ∈ (0,1), la VaR correspondante, not´ee VaR[X; α], est le quantile d’ordre α de X. Formellement, VaR[X; α] = FX−1 (α). La VaR est invariante par translation et homog` ene Le fait que la VaR jouisse de ces deux propri´et´es est une cons´equence directe des r´esultats suivants, garantissant que la VaR d’une fonction g du risque X s’obtient en tranformant la VaR de X par la mˆeme fonction. Lemme 5.2.5. Pour tout p ∈ (0,1), (i) si g est un fonction strictement croissante et continue a ` gauche, −1 (p) = g FX−1 (p) . Fg(X) (ii) si g est un fonction strictement d´ecroissante, continue a ` droite, et si FX est bijective, −1 Fg(X) (p) = g FX−1 (1 − p) .
D´emonstration. Nous ne d´emontrons que (i); le raisonnement menant a` (ii) est analogue. Si g est strictement croissante et continue a` gauche, alors, pour tout 0 < p < 1, −1 Fg(X) (p) ≤ x ⇔ p ≤ Fg(X) (x) .
Puisque g est continue a` gauche, g (z) ≤ x ⇔ z ≤ sup {y ∈ IR|g (y) ≤ x} , pour tout x,z. Ainsi p ≤ Fg(X) (x) ⇔ p ≤ FX (sup {y ∈ IR|g (y) ≤ x}) .
238
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Si sup {y ∈ IR|g (y) ≤ x} est fini, on obtient l’´equivalence souhait´ee, puisque −1 (p) ≤ g FX−1 (p) , p ≤ FX (sup {y ∈ IR|g (y) ≤ x}) ⇔ Fg(X)
en utilisant le fait que p ≤ FX (z) est ´equivalent a` FX−1 (z) ≤ z. Si sup {y ∈ IR|g (y) ≤ x} est infini, l’´equivalence ci-dessus ne peut ˆetre utilis´ee, mais le r´esultat reste valable. En effet, si sup {y ∈ IR|g (y) ≤ x} = +∞, l’´equivalence devient p ≤ 1 ⇔ FX−1 (p) ≤ +∞. La stricte croissante de g et la continuit´e a` droite permet d’obtenir FX−1 (p) ≤ sup {y ∈ IR|g (y) ≤ x} ⇔ g FX−1 (p) ≤ x,
et en combinant toutes les in´egalit´es, on peut ´ecrire −1 (p) ≤ x ⇔ g FX−1 (p) , ≤ x Fg(X)
−1 pour tout x, ce qui implique Fg(X) (p) = g FX−1 (p) pour tout p.
Traduit en termes de VaR, le Lemme 5.2.5(i) nous fournit le r´esultat suivant, qui montre que la VaR est stable par transformation croissante non-lin´eaire. Propri´ et´ e 5.2.6. Quels que soient le niveau de probabilit´e α ∈ (0,1) et la fonction croissante et continue g, nous avons que VaR[g(X); α] = g(VaR[X; α]). En prenant g(x) = x + c et g(x) = cx, on d´eduit imm´ediatement de cette derni`ere propri´et´e que la VaR est invariante par translation et homog`ene. La VaR n’est pas sous-additive L’exemple suivant illustre le fait que la VaR d’une somme peut exc´eder la somme des VaR associ´ees a` chacun des termes. D`es lors, l’effet de diversification n’est pas toujours positif avec la VaR, de sorte que cette mesure de risque ne favorise pas syst´ematiquement la diversification. Exemple 5.2.7. Consid´erons les risques ind´ependants X ∼ Par(1,1) et Y ∼ Par(1,1), i.e. Pr[X > t] = Pr[Y > t] =
1 , t > 0. 1+t
5.2. Mesures de risque
239
Nous avons alors VaR[X; α] = VaR[Y ; α] =
1 − 1. 1−α
De plus, on peut v´erifier que Pr[X + Y ≤ t] = 1 −
2 ln(1 + t) , t > 0. +2 2+t (2 + t)2
Puisque (1 − α)2 Pr X + Y ≤ 2VaR[X; α] = α − ln 2
1+α 1−α
VaR[X; α] .
Il s’agit donc de la transcription math´ematique du concept intuitif de “perte moyenne dans les pires 1 − α% des cas”.
D´ efinition 5.2.11. La Conditional-VaR au niveau de probabilit´e α, not´ee CVaR[X; α], est la valeur moyenne des pertes qui exc`edent la VaR, i.e. il s’agit de l’exc´edent moyen de sinistre au-del` a de la VaR ou encore h i CVaR[X; α] = E X − VaR[X; α] X > VaR[X; α] = eX VaR[X; α] = CTE[X; α] − VaR[X; α].
D´ efinition 5.2.12. L’Expected shortfall au niveau de probabilit´e α, not´ee ES[X; α], n’est autre que la prime stop-loss dont la r´etention est fix´ee a ` VaR[X; α]: ES[X; α] = E (X − VaR[X; α])+ = πX (VaR[X; α]).
Le r´esultat suivant explicite les liens existant entre ces diff´erentes mesures de risque. Propri´ et´ e 5.2.13. Quel que soit le niveau de probabilit´e α ∈ (0,1), les identit´es suivantes sont v´erifi´ees: 1 ES[X; α], (5.2) 1−α 1 CTE[X; α] = VaR[X; α] + ES[X; α]. (5.3) F X (VaR[X; α])
TVaR[X; α] = VaR[X; α] +
D´emonstration. L’expression (5.2) provient de ES[X; α] =
Z
1
(VaR[X; ξ] − VaR[X; α]) + dξ
0
=
Z
1
α
VaR[X; ξ] dξ − VaR[X; α](1 − α).
242
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
L’expression (5.3) se d´eduit de h i ES[X; α] = E X − VaR[X; α] X > VaR[X; α] F X (VaR[X; α]) . (5.4) La Propri´et´e 5.2.13 nous permet d’´etablir le r´esultat suivant, qui fournit l’interpr´etation usuelle de la TVaR. Proposition 5.2.14. La CTE et la TVaR co¨ıncident pour des risques dont la fonction de r´epartition est continue, i.e. CTE[X; α] = TVaR[X; α],
α ∈ (0,1) .
(5.5)
D´emonstration. Il suffit de noter que si F X est continue alors FX VaR[X; α] = α et F X VaR[X; α] = 1 − α
de sorte que (5.2)-(5.3) donnent le r´esultat annonc´e.
La TVaR est coh´ erente pour des risques continus La TVaR est invariante par translation et homog`ene. En effet, comme la VaR est invariante par translation, Z 1 1 TVaR[X + c; α] = VaR[X + c; ξ] dξ 1−α α Z 1 1 = VaR[X; ξ] + c dξ 1−α α = TVaR[X; α] + c. De la mˆeme mani`ere, l’homog´en´eit´e de la VaR garantit l’homog´en´eit´e de la TVaR. Il ne nous reste donc plus qu’`a ´etablir la monotonicit´e et la sousadditivit´e de cette mesure de risque afin de prouver sa coh´erence. Ces propri´et´es s’obtiennent grˆace au r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.2.15. Soient le risque X et le niveau de perte x tels que F X (x) > 0. Quel que soit l’´ev´enement al´eatoire E tel que Pr[E] = F X (x), l’in´egalit´e suivante est v´erifi´ee: E[X|E] ≤ E[X|X > x]. D´emonstration. Pour ´etablir le r´esultat annonc´e, il suffit de remarquer que Pr[E|X > x] =
Pr[X > x|E] Pr[E] = Pr[X > x|E]. Pr[X > x]
5.2. Mesures de risque
243
D`es lors, ´ecrivons E[X|X > x] = x + E[X − x|X > x,E] Pr[E|X > x] +E[X − x|X > x,E] Pr[E|X > x]
≥ x + E[X − x|X > x,E] Pr[E|X > x] = x + E[X − x|X > x,E] Pr[X > x|E] ≥ x + E[X − x|X > x,E] Pr[X > x|E] +E[X − x|X ≤ x,E] Pr[X ≤ x|E]
= E[X|E] ce qui ach`eve la preuve.
Ce r´esultat est relativement intuitif. En effet, E[X|E] repr´esente le montant moyen de perte lorsqu’on sait que l’´ev´enement E est r´ealis´e. La Propri´et´e 5.2.15 nous apprend que la pire information qui soit est que X soit grande, entendez X > x. La Propri´et´e 5.2.15 permet d’affirmer que la TVaR est sousadditive lorsque les risques sont continus. En effet, dans ce cas, la TVaR et la CTE co¨ıncident et TVaR[X + Y ; α] = E X X + Y > VaR[X + Y ; α] +E Y X + Y > VaR[X + Y ; α] ≤ E X X > VaR[X; α] +E Y Y > VaR[Y ; α] = TVaR[X; α] + TVaR[Y ; α].
De la mˆeme mani`ere, la TVaR est monotone, puisque lorsque Pr[X ≤ Y]=1 TVaR[Y ; α] = E Y Y > VaR[Y ; α] ≥ E Y X > VaR[X; α] ≥ E X X > VaR[X; α] = TVaR[X; α].
Nous insistons ici sur le fait que TVaR n’est coh´erente que pour les risques continus (et co¨ıncide alors avec la CTE).
5.2.5
Mesure de risque d’Esscher
D´ efinition La mesure de risque d’Esscher consiste a` prendre la prime pure de la transform´ee d’Esscher du risque initial, ce qui se formalise
244
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
comme suit. D´ efinition 5.2.16. La mesure de risque d’Esscher de param`etre h > 0 du risque X, not´ee Es[X; h], est donn´ee par Es[X; h] =
E[X exp(hX)] d = ln MX (h). MX (h) dh
Remarque 5.2.17. En fait, Es[X; h] n’est autre que la valeur attendue de la transform´ee d’Esscher X h de X, dont la fonction de r´epartition est donn´ee par (4.13), i.e. Z ξdFX,h (ξ). Es[X; h] = E[Xh ] = ξ∈IR+
On remplace donc le risque initial X par un risque moins favorable Xh avant de calculer la prime pure. La mesure de risque d’Esscher contient un chargement de s´ ecurit´ e La mesure de risque d’Esscher est croissante ne le param`etre h, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.2.18. Es[X; h] est une fonction croissante de h. D´emonstration. Le r´esultat annonc´e d´ecoule directement de Z 2 Z d 2 E[Xh ] = x dFX,h (ξ) − xdFX,h (ξ) dh ξ∈IR+ ξ∈IR+ = V[Xh ] ≥ 0. (5.6)
Cette derni`ere propri´et´e garantit que quel que soit h > 0, Es[X; h] ≥ Es[X; 0] = E[X], de sorte que la mesure de risque d’Esscher contient un chargement de s´ecurit´e. Non-coh´ erence de la mesure de risque d’Esscher La mesure de risque d’Esscher n’est pas homog`ene (sauf dans le cas trivial h = 0). Elle est invariante par translation mais pas monotone, comme le montre le r´esultat suivant.
5.2. Mesures de risque
245
Exemple 5.2.19. Consid´erons les risques X et Y d´efinis par Pr[X = 0,Y = 0] = Pr[X = 0,Y = 3] = Pr[X = 6,Y = 6] =
1 , 3 1 , 3 1 . 3
Dans ce cas, Pr[X ≤ Y ] = 1, mais Es[X; 1/2] = 5.4567 > Es[Y ; 1/2] = 5.2395.
5.2.6
Mesures de risque de Wang
D´ efinition Ces mesures de risque exploitent la repr´esentation de l’esp´erance math´ematique ´etablie a` la Propri´et´e 3.2.7. L’id´ee est alors de transformer la fonction de queue afin de g´en´erer un chargement de s´ecurit´e. Nous appellerons d´esormais fonction de distorsion toute fonction non-d´ecroissante g : [0, 1] → [0, 1] telle que g(0) = 0 et g(1) = 1. D´ efinition 5.2.20. La mesure de risque de Wang associ´ee a ` la fonction de distorsion g, not´ee ρg [.], est d´efinie par ρg [X] =
Z
∞ 0
g F X (x) dx.
(5.7)
Remarque 5.2.21. A la lumi`ere de cette d´efinition, on peut faire les commentaires suivants: (i) La fonction de distorsion g(q) = q correspond a ` l’esp´erance math´ematique E [X]. (ii) Clairement, si g(q) ≥ q quel que soit q ∈ [0,1], on a alors ρg [X] ≥ E [X], de sorte que les mesures de risques de Wang associ´ee a ` de telles fonctions de distorsion contiennent un chargement de s´ecurit´e. (iii) De plus, il est int´eressant de remarquer que lorsque g 1 (q) ≤ g2 (q) quel que soit q ∈ [0,1] nous avons alors ρ g1 [X] ≤ ρg2 [X]. Mesures de risque de Wang et VaR R F (x) En substituant 0 X dg(α) a` g F X (x) dans (5.7) et en permutant les int´egrales, on obtient le r´esultat suivant.
246
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Propri´ et´ e 5.2.22. Quel que soit le risque X, la mesure de risque de Wang associ´ee a ` la fonction de distorsion g peut s’´ecrire ρg [X] =
Z
1
VaR[X; 1 − α] dg(α).
0
(5.8)
Ainsi, les mesures de risque de Wang sont des m´elanges de VaR. En particulier, si nous consid´erons la fonction de distorsion g : [0,1] → [0,1] d´efinie par gα (x) = I[x ≥ 1 − α] pour une valeur α ∈ [0,1) fix´ee, il vient alors par (5.8) ρgα [X] = VaR[X; α] qui montre que la VaR au niveau de probabilit´e α est une mesure de Wang particuli`ere correspondant a` une fonction de distorsion passant de 0 a` 1 en 1 − α.
Remarque 5.2.23. Dans ce cas, gα est une fonction de r´epartition, correspondant a ` la constante 1 − α. Mesure de risque de Wang et TVaR De la mˆeme mani`ere, en repartant de (5.8) avec la fonction de distorsion x gα (x) = min ,1 , 1−α pour α ∈ [0,1] fix´e on obtient 1 ρgα [X] = 1−α
Z
0
1−α
VaR[X; 1 − ξ]dξ = TVaR[X; α].
Remarque 5.2.24. Dans ce cas ´egalement, g α est une fonction de r´epartition, correspondant a ` la loi Uni(0,1 − α). L’ES n’est pas une mesure de risque de Wang Supposons par l’absurde que ES[X; α] puisse effectivement ˆetre repr´esent´ee sous la forme d’une mesure de risque de Wang, associ´ee a` une fonction de distorsion gα , i.e. ES[X; α] = ρgα [X] quel que soit
5.2. Mesures de risque
247
le risque X. Prenons X ∼ Uni(0,1). Dans ce cas, Z 1 ES[X; α] = (1 − x)dx α
1 (1 − α)2 = 2 Z = ρgα [X] =
0
1
gα (1 − x)dx.
(5.9)
Consid´erons a` pr´esent Y ∼ Ber(q) pour 0 < q ≤ 1 − α. On obtient facilement ES[Y ; α] = q = ρgα [Y ] = gα (q) qui implique gα (q) = q for 0 < q ≤ 1 − α. En ins´erant cela dans (5.9) on obtient Z α Z 1 1 2 (1 − α) = gα (1 − x)dx + (1 − x)dx 2 0 α 1 ≥ (1 − α)2 + α(1 − α), 2 ce qui nous m`ene a` une contradiction puisque 0 < α < 1. La CTE n’est pas une mesure de risque de Wang Nous pouvons formellement ´etablir par l’absurde que la CTE n’est pas une mesure de risque de Wang. Il suffit en fait de proc´eder comme pour l’ES. Par l’absurde, supposons qu’il existe une fonction de distorsion gα telle que CTE[X; α] = ρgα [X] quel que soit le risque X. Pour X ∼ Uni(0,1) il vient a` partir de (5.3) Z 1 1 CTE[X; α] = α + (1 − α) = gα (1 − x) dx, 2 0 qui donne apr`es simplification Z 1 1 gα (x) dx = (1 + α). 2 0
(5.10)
En passant a` Y ∼ Ber(q) et invoquant a` nouveau (5.3), on obtient CTE[Y ; α] = 1 quels que soient q et α. D`es lors, gα (q) = ρgα [Y ] = CTE[Y ; α] = 1 d’o` u l’on tire gα (·) ≡ 1 sur (0,1], ce qui contredit l’´equation (5.10) et ach`eve de prouver que la CTE n’est pas une mesure de risque de Wang.
248
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Mesure de risque Dual-power En prenant g(x) = 1 − (1 − x)ξ , ξ ≥ 1, nous obtenons ρg [X] =
Z
x≥0
(1 − {FX (x)}ξ )dx.
Si ξ est entier, ρg [X] peut ˆetre interpr´et´ee comme la valeur attendue du maximum Mξ = max{X1 , . . . ,Xξ } d’un ensemble de ξ variables al´eatoires ind´ependantes et de mˆeme loi que X. En effet, la fonction de queue de Mξ est donn´ee par Pr[Mξ > x] = 1 − Pr[X1 ≤ x, . . . ,Xξ ≤ x] = 1 − {FX (x)}ξ , de sorte que ρg [X] = E[Mξ ]. Mesure de risque PH Consid´erons la fonction de distorsion g(x) = x1/ξ , ξ ≥ 1. La mesure de risque PH est donn´ee par Z {F X (x)}1/ξ dx. PHξ [X] = ρg [X] = x≥0
Notez que pour ξ = 1, PH1 [X] = E[X]. Comparaison des principales fonctions de distorsion Les courbes de la Figure 5.1 montrent la forme des principales fonctions de distorsion, parmi lesquelles, VaR Tail-VaR PH Dual Power Gini Transformation exponentielle
g (x) = I[x ≥ p] g (x) = min {x/p,1} g (x) = xp g (x) = 1 − (1 − x)1/p g (x) = (1 + p) x − px2 g (x) = (1 − p x ) / (1 − p)
o` u p est une constante comprise entre 0 et 1. Remarque 5.2.25. Nous reviendrons plus longuement dans le Tome 2 sur les diff´erentes fonctions de distorsion en micro-´economie de l’assurance.
5.2. Mesures de risque
Puissance (dual) - 0,4
VaR - 80% VaR - 95% TVaR - 75% TVaR - 90% Hasard proportionnel - 0,3 Hasard proportionnel - 0,8
1.0
249
Puissance (dual) - 0,8 Gini - 0,4 Gini - 0,8 Exponentiel - 0,4 Exponentiel - 0,8
1.0
0.8
0.8
0.6
0.6
0.4
0.4
0.2
0.2
0.0
0.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Fig. 5.1 – Principales fonctions de distorsion Propri´ et´ es des mesures de risque de Wang Les principales propri´et´es des mesures de risque de Wang sont r´esum´ees dans le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.2.26. mog`enes.
(i) Les mesures de risque de Wang sont ho-
(ii) Les mesures de risque de Wang sont invariantes par translation. (iii) Les mesures de risque de Wang sont monotones. D´emonstration. En travailant a` partir de la Propri´et´e 5.2.22, et en tenant compte du fait que la VaR est invariante par translation, on obtient ρg [X + c] =
Z
Z
1
VaR[X + c; 1 − α] dg(α)
0 1
VaR[X; 1 − α] + c dg(α) 0 = ρg [X] + c g(1) − g(0) = ρg [X].
=
Ceci ´etablit (i). De la mˆeme mani`ere, on d´eduit l’homog´en´eit´e et la monotonie des mesures de Wang des propri´et´es correspondantes de la VaR.
250
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Concavit´ e de la fonction de distorsion Si la fonction de distorsion g est concave, la fonction x 7→ g(F X (x)) est continue a` droite et est donc la fonction de queue d’une certaine variable al´eatoire. En pareille situation ρ g [X] est effectivement une esp´erance math´ematique (non pas de X mais d’une variable Y dont la fonction de queue vaut F Y (y) = g(F X (y))). Propri´ et´ e 5.2.27. Lorsque la fonction de distorsion est concave, la mesure de risque correspondante est sous-additive. Corollaire 5.2.28. En combinant les Propri´et´es 5.2.26 et 5.2.27, on constate que les mesures de risque de Wang correspondant a ` des fonctions de distorsion concaves sont coh´erentes. Nouvelle caract´ erisation de la TVaR Le r´esultat suivant montre que la TVaR est la plus petite mesure de risque de Wang associ´ee a` une fonction de distorsion concave et exc´edant la VaR de mˆeme niveau de probabilit´e. En d’autres termes, la TVaR est la plus petite mesure de risque coh´erente exc´edant la VaR. Propri´ et´ e 5.2.29. Quel que soit le niveau de probabilit´e 0 < α < 1 et le risque X, nous avons n o TVaR[X; α] = min ρg [X] g est concave et ρg [X] ≥ VaR[X; α] . (5.11)
D´emonstration. La TVaR est la mesure de risque de Wang associ´ee a` x la fonction de distorsion concave min 1−α , 1 . De plus, TVaR[X; α] ≥ VaR[X; α]. Ceci implique que n o TVaR[X; α] ≥ inf ρg [X] g est concave et ρg [X] ≥ VaR[X; α] . Afin d’´etablir l’in´egalit´e contraire, consid´erons une fonction de distorsion concave g telle que ρg [Y ] ≥ VaR[Y ; α], soit valable quelle que soit le risque Y . En prenant alors q tel que 1 − α < q < 1, et Yq ∼ Ber(q), il est facile de v´erifier que VaR[Yq ; α] = 1, et aussi ρg [Yq ] = g(q). Comme g(x) ≤ 1, nous voyons que la condition ρg [Yq ] ≥ VaR[Yq ; α] peut se r´e´ecrire g(q) = 1. Cette condition doit ˆetre satisfaite pour tout q tel que 1 − α < q < 1. Ceci
5.3. Comparaison uniforme des VaR: l’ordre VaR 251 signifie que g vaut 1 sur l’intervalle (1 − α, 1]. Comme g est concave, ceci entraˆıne x g(x) ≥ min ,1 , 0 < x < 1, 1−α d’o` u l’on tire ρg [X] ≥ TVaR[X; α]. Cette derni`ere in´egalit´e est satisfaite quelle que soit la fonction de distorsion concave g telle que ρg [X] ≥ VaR[X; α]. Ceci implique o n TVaR[X; α] ≤ inf ρg [X] g est concave et ρg [X] ≥ VaR[X; α] (5.12) et ach`eve la d´emonstration.
5.3 5.3.1
Comparaison uniforme des VaR: l’ordre VaR D´ efinition
Nous avons ´etudi´e en d´etail les propri´et´es de la VaR. Ayant deux risques X et Y , on peut naturellement songer a` les comparer au moyen de la VaR correspondant a` un niveau α 1 , i.e. consid´erer X comme moins risqu´e que Y si VaR[X; α 1 ] ≤ VaR[X; α1 ]. Souvent cependant, le choix du niveau de probabilit´e ne s’impose pas imm´ediatement, et rien n’interdit d’avoir simultan´ement VaR[X; α 1 ] ≤ VaR[X; α1 ] et VaR[X; α2 ] ≥ VaR[X; α2 ] pour deux niveaux de probabilit´e α1 et α2 . Dans un tel cas de figure, lequel des risques X et Y est le moins dangereux? Afin d’´eviter ces difficult´es, on adoptera d´esormais la d´efinition suivante, qui sugg`ere de comparer les risques X et Y en exigeant que les VaR relatives a` ces risques soient ordonn´ees quel que soit le choix du niveau de probabilit´e. D´ efinition 5.3.1. Etant donn´es deux risques X et Y , X sera consid´er´e moins dangereux que Y sur base de la comparaison des VaR, ce qui se notera d´esormais X VaR Y , lorsque VaR[X; α] ≤ VaR[Y ; α] pour tout α ∈ (0,1). La relation VaR que nous venons de d´efinir constitue un ordre partiel sur l’ensemble des lois de probabilit´e (on v´erifie ais´ement qu’elle est r´eflexive, antisym´etrique et transitive). Elle n’est par
252
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
contre pas antisym´etrique en ce qui concerne les variables al´eatoires. En effet, X VaR Y et Y VaR X n’entraˆınent pas X = Y mais seulement X =loi Y . La relation VaR a ´et´e ´etudi´ee depuis fort longtemps en probabilit´e et en statistique (nous renvoyons le lecteur par exemple a` Lehmann (1955)). Elle est mieux connue dans ces milieux sous le nom d’ordre stochastique, ou d’ordre en distribution. Les ´economistes et les actuaires en ont ´egalement fait un usage important, sous le nom de dominance stochastique du premier ordre. D’autres notations usuelles pour VaR sont st , 1 ou F SD .
5.3.2
Conditions ´ equivalentes
Nous ´etablissons ci-dessous plusieurs conditions ´equivalentes pour avoir VaR entre deux risques X et Y . La premi`ere d’entre elles nous apprend qu’il est ´equivalent de comparer les VaR ou les fonctions de r´epartition (ces derni`eres ´etant les r´eciproques des VaR). Propri´ et´ e 5.3.2. Etant donn´ees deux variables al´eatoires X et Y , X VaR Y
⇔ FX (t) ≥ FY (t) pour tout t ∈ IR,
⇔ F X (t) ≤ F Y (t) pour tout t ∈ IR.
En interpr´etant F X (t) comme la probabilit´e que X prenne une “grande” valeur (i.e. une valeur sup´erieure a` t), cette derni`ere propri´et´e nous montre que X VaR Y signifie que X est “plus petite” que Y , puisque la probabilit´e que X prenne de grandes valeurs est toujours inf´erieure a` celle que Y prenne de grandes valeurs. Remarque 5.3.3 (Insensibilit´ e de VaR a ` la variance). La relation VaR ne permet pas d’affirmer quoi que ce soit a ` propos des variances des variables al´eatoires qui sont compar´ees. En effet, si nous prenons X ∼ Ber(p) et Y = 1, nous avons X VaR Y bien que V[X] = p(1 − p) > V[Y ] = 0. Ceci montre bien que VaR s’attache a ` comparer la grandeur des risques, et pas leur variabilit´e. L’in´egalit´e stochastique X VaR Y permet de d´eduire bon nombre d’in´egalit´es int´eressantes, comme en t´emoigne le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.3.4. Etant donn´ees deux variables al´eatoires X et Y , X VaR Y ⇔ E[g(X)] ≤ E[g(Y )] pour toute fonction croissante g, pour autant que les esp´erances existent.
5.3. Comparaison uniforme des VaR: l’ordre VaR 253 D´emonstration. Il suffit de se rappeler que si U ∼ Uni(0,1) alors X =loi VaR[X; U ] en vertu de la Propri´et´e 2.5.2. Fort de ce r´esultat, nous disposons de la repr´esentation suivante, valable quelle que soit la fonction g: Z 1 h i E[g(X)] = E g VaR[X; U ] = g VaR[X; u] du. 0
Le r´esultat annonc´e s’obtient alors simplement en ´ecrivant Z 1 g VaR[X; u] du E[g(X)] = 0 Z 1 ≤ g VaR[Y ; u] du = E[g(Y )]. 0
En plus des deux r´esultats obtenus ci-dessus, montrons a` pr´esent que l’on peut se limiter a` des fonctions g r´eguli`eres dans la Propri´et´e 5.3.4. Propri´ et´ e 5.3.5. Etant donn´ees deux variables al´eatoires X et Y , X VaR Y ⇔ E[g(X)] ≤ E[g(Y )] pour toute fonction g telle que g 0 ≥ 0, pour autant que les esp´erances existent. D´emonstration. L’implication “⇒” est ´evidente. Pour prouver la r´eciproque, remarquons que x−t I[x > t] = lim Φ . σ→0 σ Or la fonction x 7→ −Φ t−x est croissante. D`es lors, on a en partiσ culier t−Y t−X −E Φ ≤ −E Φ σ σ d’o` u l’on tire X −t Pr[X > N or(t,σ)] = E Φ σ Y −t ≤ E Φ σ = Pr[Y > N or(t,σ)] quel que soit σ > 0. Cette mˆeme in´egalit´e subsiste apr`es passage a` la limite pour σ → 0, ce qui donne Pr[X > t] ≤ Pr[Y > t]. Comme le raisonnement est valable quel que soit t, ceci ach`eve la d´emonstration.
254
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Conditions suffisantes La Propri´et´e 5.3.2 nous apprend que X VaR Y lorsque les fonctions de queue de X et de Y se dominent mutuellement. Le r´esultat suivant fournit une condition suffisante pour que cela ait lieu. Il suffit en fait que les densit´es de probabilit´e ne se croisent qu’une seule fois. Propri´ et´ e 5.3.6. Quels que soient les risques X et Y , si f X (t) ≥ fY (t) pour t < c et fX (t) ≤ fY (t) pour t > c alors X VaR Y . D´emonstration. Il suffit de remarquer que si x < c, FX (x) =
Z
fX (t)dt ≥
Z
fX (t)dt ≥
Z
x 0
x
fY (t)dt = FY (x)
0
et si x > c F X (x) =
Z
+∞
x
+∞
fY (t)dt = F Y (x). x
Nous avons donc X VaR Y sous les conditions ´enonc´ees plus haut, ce qui ach`eve la d´emonstration.
5.3.3
Propri´ et´ es
Stabilit´ e de VaR par rapport aux clauses conventionnelles relatives aux dommages Les d´eveloppements de ce paragraphe sont bas´es sur le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.3.7. Quelles que soient les variables al´eatoires X et Y, X VaR Y ⇒ t(X) VaR t(Y ) quelle que soit la fonction t non-d´ecroissante. D´emonstration. Le r´esultat se d´eduit imm´ediatement de la constatation suivante: quelle que soit la fonction non-d´ecroissante g, la fonction x 7→ g(t(x)) est non-d´ecroissante lorsque t est non-d´ecroissante.
5.3. Comparaison uniforme des VaR: l’ordre VaR 255 La Propri´et´e 5.3.7 garantit entre autres que, lorsque X VaR Y , (X − δ)+ VaR (Y − δ)+ pour tout d´ecouvert αX
obligatoire δ ∈ IR,
VaR αY pour tout α > 0,
XI[X > κ] VaR Y I[Y > κ] pour toute franchise κ ∈ IR, min{X,ω} VaR min{Y,ω} pour tout plafond ω ∈ IR.
Ceci revient a` dire qu’une comparaison au sens VaR n’est pas alt´er´ee par l’introduction d’une clause conventionnelle relative aux dommages (qu’il s’agisse d’un d´ecouvert obligatoire, d’une franchise ou d’un plafond d’intervention) dans les conditions de la police. esence d’incertitude Stabilit´ e de VaR en pr´ Quels que soient les risques X et Y et le vecteur al´eatoire Θ, si X VaR Y lorsque Θ = θ, alors l’in´egalit´e stochastique reste valable lorsque Θ est inconnu. En effet, comme Pr[X ≤ x|Θ = θ] ≥ Pr[Y ≤ x|Θ = θ] pour tout θ et x, on en d´eduit facilement que Z Pr[X ≤ x] = Pr[X ≤ x|Θ = θ]dFΘ (θ) θ Z ≥ Pr[Y ≤ x|Θ = θ]dFΘ (θ) = Pr[Y ≤ x], θ
ce qui prouve le r´esultat annonc´e.
5.3.4
Taux de hasard et mesure de risque PH
D´ efinition et conditions ´ equivalentes Nous pourrions nous int´eresser a` la comparaison des risques sachant qu’ils exc`edent un certain niveau t. Ainsi, on pourrait exiger que [X|X > t] VaR [Y |Y > t] quel que soit le niveau t. L’exemple suivant montre que cela n’est pas forc´ement vrai lorsque X VaR Y . Exemple 5.3.8. Montrons que X VaR Y ; [X|X > t] VaR [Y |Y > t] pour tout t.
256
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Consid´erons par exemple le cas o` u X ∼ Uni(0,3) et Y poss`ede la densit´e 1 1 1 fY (x) = I]0,1] (x) + I]1,2] (x) + I]2,3[ (x) . 6 2 3 Alors X VaR Y , mais [X|X > 1] ∼ Uni(1,3) et [Y |Y > 1] poss`ede la densit´e 3 2 fY∗ (x) = I]1,2] (x) + I]2,3[ (x) 5 5 de telle sorte que [Y |Y > 1] VaR [X|X > 1]. On peut prouver le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.3.9. Etant donn´es deux risques X et Y , [X|X > t] VaR [Y |Y > t] quel que soit t ∈ IR si, et seulement si ⇔ t 7→
F Y (t) est non-d´ecroissante F X (t)
⇔ F X (u)F Y (v) ≥ F X (v)F Y (u)
quels que soient
u ≤ v.
On peut rapprocher cette comparaison des taux de hasard, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.3.10. Etant donn´es deux risques X et Y , [X|X > t] VaR [Y |Y > t] quel que soit t ∈ IR si, et seulement si r X (t) ≥ rY (t) quel que soit t. D´emonstration. Le rapport F Y /F X est non-d´ecroissant si, et seulement si, ln F Y /F X l’est ´egalement. Ceci revient encore a` imposer que ln F Y − ln F X soit non-d´ecroissant, ce qui revient a` r X − rY > 0 puisqu’en vertu de la Propri´et´e 3.6.22 o dn ln F Y (t) − ln F X (t) = rX (t) − rY (t). dt
Remarque 5.3.11. La m´ethode de comparaison de lois de probabilit´e dont il est question dans les Propri´et´es 5.3.9-5.3.10 est souvent appel´ee l’ordre du taux de hasard (hazard rate order) et not´ee hr ).
5.3. Comparaison uniforme des VaR: l’ordre VaR 257 Taux de hasard et mesure de risque PH Supposons qu’on d´eflate le taux de hasard d’un facteur ξ, i.e. que l’on passe d’un taux rX a` un taux rX ∗ donn´e par rX ∗ (t) =
rX (t) ≤ rX (t), pour ξ ≥ 1, ξ
nous obtenons grˆace a` la Propri´et´e 3.6.22 une fonction de queue Z t rX (s) F X ∗ (t) = exp − ds = {F X (t)}1/ξ . ξ 0
D`es lors, P H[X; ξ] = E[X ∗ ]. Le mesure de risque PH consiste donc a` remplacer le risque initial X par un risque transform´e X ∗ dont le taux de hasard a ´et´e d´eflat´e, et a` calculer ensuite l’esp´erance associ´ee a` X ∗ . Nous avons [X|X > t] VaR [X ∗ |X ∗ > t] quel que soit t > 0.
5.3.5
Rapport de vraisemblance et principe d’Esscher
D´ efinition Nous pourrions encore songer a` imposer [X|a ≤ X ≤ a + h] VaR [Y |a ≤ Y ≤ a + h] quel que soit le niveau a et l’accroissement h > 0. Ceci correspond a` la situation d’un r´eassureur qui aurait a` couvrir la tranche (a,a + h] d’un risque X, i.e. qui s’exposerait a` une perte de 0 si X < a X(a,a+h] = X − a si a ≤ X < a + h h si a + h ≤ X,
o` u a est la r´etention et h la port´ee. On peut ´etablir le r´esultat suivant. Proposition 5.3.12. Consid´erons les variables al´eatoires X et Y , toutes deux continues ou discr`etes, poss´edant les fonctions de densit´e fX et fY . Si fX (t) fY (t)
d´ecroˆıt sur l’union des supports de X et de Y
(5.13)
(en prenant par convention a/0 ´egal a ` +∞ lorsque a > 0), ou, de mani`ere ´equivalente, si fX (u)fY (v) ≥ fX (v)fY (u)
pour tout
u ≤ v.
(5.14)
258
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Alors, [X|a ≤ X ≤ a + h] VaR [Y |a ≤ Y ≤ a + h] quel que soit le niveau a et l’accroissement h > 0 D´emonstration. Consid´erons a < b. L’in´egalit´e stochastique [X|a ≤ X ≤ b] VaR [Y |a ≤ Y ≤ b] garantit que Pr[u ≤ X ≤ b] Pr[u ≤ Y ≤ b] ≤ Pr[a ≤ X ≤ b] Pr[a ≤ Y ≤ b]
lorsque
u ∈ [a,b].
lorsque
u ∈ [a,b].
lorsque
u ∈ [a,b].
Il suit alors Pr[a ≤ Y < u] Pr[a ≤ X < u] ≥ Pr[u ≤ X ≤ b] Pr[u ≤ Y ≤ b] C’est-`a-dire Pr[a ≤ X < u] Pr[u ≤ X ≤ b] ≥ Pr[a ≤ Y < u] Pr[u ≤ Y ≤ b] En particulier, pour u < b ≤ v, Pr[u ≤ X < b] Pr[b ≤ X ≤ v] ≥ . Pr[u ≤ Y < b] Pr[b ≤ Y ≤ v] D`es lors, lorsque X et Y sont continues, Pr[a ≤ X < u] Pr[b ≤ X ≤ v] ≥ Pr[a ≤ Y < u] Pr[b ≤ Y ≤ v]
lorsque
a < u ≤ b ≤ v.
Si nous passons a` la limite pour a → u et b → v nous obtenons (5.14). La preuve dans le cas discret est similaire. Les conditions (5.13) et (5.14), apparemment techniques et peu intuitives, sont g´en´eralement faciles a` ´etablir dans les mod`eles param´etriques. Remarque 5.3.13. La m´ethode de comparaison de lois de probabilit´e dont il est question dans la Proposition 5.3.12 est encore appel´ee ordre du rapport de vraisemblance, et not´ee lr . Lien avec la transform´ ee d’Esscher Notons Xh la transform´ee d’Esscher de X. Le rapport des densit´es de probabilit´es associ´ees a` X et X h est proportionnel a` exp(−hx), qui est clairement d´ecroissant en x. Ceci indique que [X|a ≤ X ≤ b] VaR [Xh |a ≤ Xh ≤ b],
5.4. Comparaison uniforme des TVaR: les ordres TVaR et TVaR,=
259
quels que soient a < b. Le r´esultat suivant montre sous quelles conditions les mesures de risque d’Esscher relatives a` deux risques X et Y sont uniform´ement ordonn´ees. Propri´ et´ e 5.3.14. Si [X|a ≤ X ≤ b] VaR [Y |a ≤ Y ≤ b] quels que soient a < b alors Es[X; h] ≤ Es[Y ; h] pour tout h > 0. D´emonstration. Nous savons en vertu de la Proposition 5.3.12 que l’in´egalit´e fX (u)fY (v) ≥ fX (v)fY (u) est satisfaite pour tout u ≤ v. En multipliant les deux membres de cette in´egalit´e par exp(hu) exp(hv) MX (h) MY (h) on obtient la mˆeme in´egalit´e pour les fonctions de densit´e de X h et Yh , d’o` u on tire que [Xh |a ≤ Xh ≤ b] VaR [Yh |a ≤ Yh ≤ b], ce qui donne le r´esultat annonc´e.
5.4 5.4.1
Comparaison uniforme des TVaR: les ordres TVaR et TVaR,= Definition
Nous introduisons ici une nouvelle m´ethode de comparaison des risques, bas´ee sur les Tail-VaR. D´ efinition 5.4.1. Quelles que soient les variables al´eatoires X et Y de moyenne finie, X sera consid´er´e moins dangereux que Y sur base de la comparaison des TVaR, ce qui se notera dor´enavant X TVaR Y , lorsque TVaR[X; α] ≤ TVaR[Y ; α] pour tout α ∈ [0,1]. La restriction a` des risques de moyenne finie garantit l’existence des TVaR, et donc la correction de la d´efinition de TVaR . Dor´enavant, nous ne comparons donc que des risques dont la prime pure est finie (il est bon de noter que de nombreux r´esultats que nous ´etablirons dans la suite de cette section d´ependent de cette hypoth`ese). Cette restriction distingue ´egalement VaR et TVaR : en effet, VaR est d´efinie quelles que soient les variables en pr´esence, ce qui n’est pas le cas pour TVaR . La relation TVaR est tr`es ancienne (elle est la digne h´eriti`ere de la relation dite de majorization entre vecteurs num´eriques, ´etudi´ee
260
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
dans les ann´ees 1930). Les actuaires l’appellent encore ordre stoploss (not´e sl ), notion intimement li´ee a` la dominance stochastique du deuxi`eme ordre des ´economistes (souvent not´ee 2 ou SSD ). La relation TVaR est mieux connue des probabilistes sous le nom d’ordre convexe croissant (not´e icx ). Nous utiliserons encore la relation not´ee TVaR,= , qui restreint TVaR aux couples de variables al´eatoires de mˆeme moyenne. D´ efinition 5.4.2. Quelles que soient les variables al´eatoires X et Y, E[X] = E[Y ], X TVaR,= Y ⇔ X TVaR Y, TVaR[X; 0] = TVaR[Y ; 0], ⇔ TVaR[X; α] ≤ TVaR[Y ; α] pour tout α ∈ (0,1). La relation TVaR,= est connue sous le nom d’ordre convexe parmi les probabilistes (not´e cx ). Elle est intimement li´ee a` d’autres relations, comme l’ordre de Lorenz. Remarque 5.4.3. Notez que VaR ne permettait pas de comparer des variables al´eatoires de mˆeme moyenne. En effet, X VaR Y ⇒ X =loi Y. E[X] = E[Y ] Afin de prouver ce r´esultat, il suffit d’examiner l’identit´e Z +∞ E[Y ] − E[X] = {Pr[Y > x] − Pr[X > x]} dx = 0, {z } x=0 | ≥0 pour tout x
qui entraˆıne Pr[Y > x] = Pr[X > x] pour tout x et ach`eve la v´erification.
5.4.2
Conditions ´ equivalentes
Tail-VaR et primes stop-loss Les relations TVaR et TVaR,= introduites ci-dessus peuvent encore ˆetre interpr´et´ees en termes de primes stop-loss, comme le montrent les r´esultats suivants. Proposition 5.4.4. Soient deux variables al´eatoires X et Y de mˆeme moyenne finie. Alors, chacune des deux in´egalit´es suivantes est ´equivalente a ` E[(X − t)+ ] ≤ E[(Y − t)+ ] pour tout t ∈ IR: Z p Z p FX−1 (u) du ≥ FY−1 (u) du pour tout p ∈ [0,1]; (5.15) 0
0
5.4. Comparaison uniforme des TVaR: les ordres TVaR et TVaR,=
261
et Z
1 p
FX−1 (u) du ≤
Z
1 p
FY−1 (u) du
pour tout p ∈ [0,1].
(5.16)
D´emonstration. De l’´egalit´e des moyennes et du fait que E[X] =
Z
1 0
FX−1 (u) du
et E[Y ] =
Z
0
1
FY−1 (u) du
on d´eduit que pour tout p ∈ [0,1], les in´egalit´es (5.15) et (5.16) sont ´equivalentes. Ainsi, il suffit de montrer que E[(X −t) + ] ≤ E[(Y −t)+ ] pour tout t ∈ IR si, et seulement si, (5.15) est satisfaite. Nous d´emontrons le r´esultat pour des fonctions de r´epartition continues qui se croisent a` un nombre fini de reprises; le raisonnement est similaire dans le cas g´en´eral, mais techniquement beaucoup plus lourd. De l’´egalit´e des moyennes, on d´eduit que F X et FY doivent se croiser au moins une fois. Que les primes stop-loss soient uniform´ement ordonn´ees ou que (5.15) soit v´erifi´ee, F X doit ˆetre inf´erieure a` FY avant ce premier croisement et, de la mˆeme mani`ere, FX doit dominer FY apr`es le dernier croisement. p 1
6
FX FY
p2 FX p1
FY FY FX
p0 FY FX y0
y1
y2
-y
Fig. 5.2 – Graphe des fonctions de r´epartition F X et FY
262
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Notons (y0 ,p0 ), (y1 ,p1 ), et (y2 ,p2 ) trois points de croisement cons´ecutifs tels que repr´esent´es a` la Figure 5.2. Il est bon de garder a` l’esprit que (y0 ,p0 ) peut ˆetre (−∞,0) (avec la convention 0 · (−∞) ≡ 0), et que (y2 ,p2 ) peut ˆetre (∞,1) (avec la convention 0 · ∞ ≡ 0). L’hypoth`ese de continuit´e garantit que pi = FX (yi ) = FY (yi ),
i = 0,1,2.
Supposons que E[(X −t)+ ] ≤ E[(Y −t)+ ] pour tout t ∈ IR. Alors, Z
Donc Z 1 p2
FX−1 (u) du
∞ y2
F X (x) dx ≤
= y2 (1 − p2 ) + ≤ y2 (1 − p2 ) + =
Z
1
Z
Z
∞
F Y (x) dx.
(5.17)
y2
∞
y Z 2∞
F X (x) dx F Y (x) dx
par (5.17)
(5.18)
y2
FY−1 (u) du.
p2
A pr´esent, nous avons pour u ∈ [p1 ,p2 ] que FX−1 (u) − FY−1 (u) ≤ 0. R1 Ainsi, p (FX−1 (u) − FY−1 (u)) du est croissante en p ∈ [p1 ,p2 ]. De ce fait, nous d´eduisons de (5.18) que Z
1 p
FX−1 (u) du
≤
Z
1
p
FY−1 (u) du
pour p ∈ [p1 ,p2 ].
(5.19)
De l’in´egalit´e des primes stop-loss, nous d´eduisons ´egalement Z y0 Z y0 FX (x) dx ≤ FY (x) dx. (5.20) −∞
−∞
De ce fait, Z p0 Z y0 −1 FX (u) du = y0 p0 − FX (x) dx 0 −∞ Z y0 ≥ y 0 p0 − FY (x) dx −∞ Z p0 = FY−1 (u) du. 0
par (5.20)
(5.21)
5.4. Comparaison uniforme des TVaR: les ordres TVaR et TVaR,=
263
Comme u ∈ [p0 ,p1 ] nous avons FX−1 (u) − FY−1 (u) ≥ 0, il vient R p pour que 0 (FX−1 (u)−FY−1 (u)) du est croissante en p ∈ [p0 ,p1 ]. L’´equation (5.21) donne alors Z p Z p −1 FX (u) du ≥ FY−1 (u) du pour p ∈ [p0 ,p1 ]. (5.22) 0
0
Nous voyons donc grˆace a` (5.19) et (5.22) que pour chaque p ∈ [0,1] l’une des relations (5.15) ou (5.16) doit ˆetre v´erifi´ee. R´eciproquement, supposons a` pr´esent que (5.15) (ou de mani`ere ´equivalente (5.16)) est vraie. Alors, Z 1 Z 1 −1 FX (u) du ≤ FY−1 (u) du. (5.23) p2
p2
De mˆeme, Z Z ∞ F X (x) dx = y2
≤ =
1
p2 Z 1
FX−1 (u) du − y2 (1 − p2 ) FY−1 (u) du − y2 (1 − p2 )
p Z 2∞
par (5.23)
(5.24)
F Y (x) dx.
y2
R∞ Pour x ∈ [y1 ,y2 ] nous avons F X (x)−F Y (x) ≤ 0. De ce fait, y (F X (x)− F Y (x)) dx est croissant en y ∈ [y1 ,y2 ]. D`es lors, nous d´eduisons de (5.24) que Z ∞ Z ∞ F X (x) dx ≤ F Y (x) dx pour y ∈ [y1 ,y2 ]. (5.25) y
y
On d´eduit encore de (5.15) que Z p0 Z −1 FX (u) du ≥ 0
Donc, Z
0
y0
−∞
FX (x) dx = y0 p0 −
Z
p0
Z 0 p0
p0
FY−1 (u) du.
FX−1 (u) du
≤ y 0 p0 − FY−1 (u) du 0 Z y0 = FY (x) dx. −∞
(5.26)
par (5.26)
(5.27)
264
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Ry Pour x ∈ [y0 ,y1 ] nous avons FX (x)−FY (x) ≤ 0, et donc −∞ (FX (x)− FY (x)) dx est d´ecroissant en y ∈ [y0 ,y1 ]. On d´eduit alors de (5.27) que Z y Z y FX (x) dx ≤ FY (x) dx pour y ∈ [y0 ,y1 ]. (5.28) −∞
−∞
Nous pouvons alors conclure car nous voyons a` partir de (5.25) et (5.28) que les primes stop-loss doivent ˆetre uniform´ement ordonn´ees. Corollaire 5.4.5. Soient X et Y deux risques de mˆeme moyenne µ finie. Alors, X TVaR,= Y ⇔ E[(X − t)+ ] ≤ E[(Y − t)+ ] pour tout t ∈ IR. On peut montrer qu’un r´esultat du mˆeme type vaut pour TVaR , a` savoir X TVaR Y ⇔ E[(X − t)+ ] ≤ E[(Y − t)+ ] pour tout t ∈ IR. Nous savons a` pr´esent que les relations TVaR,= et TVaR peuvent s’interpr´eter a` l’aide des primes de r´eassurance relatives a` un trait´e stop-loss. Une comparaison au sens TVaR ou TVaR,= revient a` comporer les primes stop-loss de diff´erentes r´etentions. On s’en remet donc aux r´eassureurs lorsqu’il s’agit de choisir entre deux risques X et Y : ceux-ci sont interrog´es quant a` leur tarif stop-loss pur et la pr´ef´erence va au risque dont les primes de r´eassurance sont toujours plus avantageuses, a` moyenne constante. Tail-VaR et fonctions convexes Tout comme VaR ´etait li´ee aux fonctions croissantes, les relations TVaR,= et TVaR sont li´ees aux fonctions convexes et convexes croissantes, comme le montrent les r´esultats suivants. Propri´ et´ e 5.4.6. Etant donn´ees deux variables al´eatoires X et Y de moyennes finies, on a (i) X TVaR,= Y ⇔ E[g(X)] ≤ E[g(Y )] pour toute fonction convexe g, pour autant que les esp´erances existent. (ii) X TVaR,= Y ⇔ E[g(X)] ≤ E[g(Y )] pour toute fonction g telle que g 00 ≥ 0, pour autant que les esp´erances existent.
5.4. Comparaison uniforme des TVaR: les ordres TVaR et TVaR,=
265
D´emonstration. Prouvons (i). L’implication “⇒” est ´evidente puisque la fonction x 7→ (x − t)+ est convexe quel que soit t ∈ IR + . Si on veut prouver “⇐”, on proc`ede comme suit. Toute fonction convexe g est la limite uniforme d’une suite {g n , n = 1,2, . . .} de fonctions convexes d´efinies par (n)
(n)
gn (x) = α1 + α2 x +
n X j=0
(n)
(n)
o` u α1 ,α2 ...
c, on a E[(X − t)+ ] = ≤
Z
+∞
Pr[X > x]dx
x=t Z +∞
Pr[Y > x]dx
x=t
= E[(Y − t)+ ]. Pour t ≤ c, il suffit de remarquer que E[(X − t)+ ] = E[X] − = E[X] −
Z
t
x=0 Z t
Pr[X > x]dx Pr[Y > x]dx,
x=0
d’o` u le r´esultat puisque E[X] = E[Y ]. De la mˆeme mani`ere, on peut prouver le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.4.12. Soient X et Y deux variables al´eatoires telles que E[X] ≤ E[Y ]. S’il existe une constante c telle que FY (x) ≥ FX (x) pour tout x < c, et FY (x) ≤ FX (x) pour tout x > c,
alors X TVaR Y .
268
5.4.4
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Propri´ et´ es
Loi des grands nombres revisit´ ee Nous r´eexaminons ici la loi des grands nombres. Plus pr´ecis´ement, nous montrons qu’il y a en fait une d´ecroissance au sens de TVaR,= des moyennes arithm´etiques lorsque n augmente. Propri´ et´ e 5.4.13. Soient les risques X 1 ,X2 ,X3 , . . . ind´ependants et identiquement distribu´es, de mˆeme moyenne finie. Nous notons X
(n)
n
1X = Xi . n i=1
Nous avons alors X
(n+1)
TVaR,= X
(n)
.
D´emonstration. Il suffit de remarquer que (n) (n) E Xi X =X
quel que soit i = 1, . . . ,n. D`es lors,
(n−1) (n) (n) X E X =X ,
ce qui donne le r´esultat grˆace a` la Caract´erisation 5.4.9. Il est int´eressant de mentionner que cela donne une interpr´etation int´eressante de la loi des grands nombres. En effet, la convergence de (n) X vers E[X1 ] s’accompagne d’une r´eduction monotone du risque (tel que mesur´e par la Tail-VaR). De plus, quel que soit n, E[X1 ] TVaR,= X
(n)
.
Ce r´esultat illustre ´egalement la diminution de la variabilit´e r´esultant de la mise en commun d’un nombre croissant de risques identiques. Le r´esultat de la compagnie sera d’autant plus stable que le nombre de risques en portefeuille est grand. De l’int´ erˆ et de la standardisation des polices On constate sur le march´e que les conditions des polices sont standardis´ees. Bien que les situations personnelles des assur´es soient toutes diff´erentes, l’assureur refuse d’en tenir compte et organise le transfert des risques sous des conditions semblables pour tous les assur´es. Il ne personnalise que certains traits du risque dans
5.4. Comparaison uniforme des TVaR: les ordres TVaR et TVaR,=
269
les conditions particuli`eres. On pourrait l´egitimement s’interroger quant a` la pertinence de cette pratique: au-del`a du gain r´esultant de la simplification de la gestion administrative du portefeuille, est-il toujours pertinent de traiter identiquement les assur´es? Le r´esultat suivant apporte une r´eponse a` cette question. Propri´ et´ e 5.4.14. Soient les risques X 1 ,X2 ,X3 , . . . ind´ependants et identiquement distribu´es. Quelles que soient les fonctions g 1 ,g2 ,g3 , . . ., n X i=1
g(Xi ) TVaR,=
n X i=1
n
1X gi (Xi ) o` u g(x) = gi (x). n i=1
D´emonstration. Soit π = {π(1),π(2), . . . ,π(n)} une permutation al´eatoire de {1,2, . . . ,n}, ind´ependante des X i . Notons P l’ensemble de telles permutations. Alors, " n # X E gπ(i) (Xi ) X1 ,X2 , . . . ,Xn i=1 X 1 {gξ1 (X1 ) + gξ2 (X2 ) + . . . + gξn (Xn )} = n! {ξ1 ,...,ξn }∈P
=
n X
g¯(Xi ),
i=1
de sorte que n # X E gπ(i) (Xi ) g¯(Xi ) i=1 i=1 " " n # n # X X = E E gπ(i) (Xi ) X1 ,X2 , . . . ,Xn g¯(Xi ) "
n X
i=1
=
n X
i=1
g¯(Xi ).
i=1
La caract´erisation de Strassen nous permet alors d’affirmer que n X i=1
g¯(Xi ) TVaR,=
n X
gπ(i) (Xi ).
(5.29)
i=1
Le r´esultat se d´eduit finalement de (5.29) puisque P n ees. i=1 gi (Xi ) sont identiquement distribu´
Pn
i=1 gπ(i) (Xi )
et
270
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Ce r´esultat explique pourquoi les contrats d’assurance sont standardis´es (outre les facilit´es de gestion que cela procure, bien entendu). En effet, si l’actuaire a a` g´erer n risques identiques donnant lieu a` des coˆ uts annuels X1 ,X2 , . . . ,Xn , il a toujours int´erˆet a` appliquer a` ces risques un traitement identique. Exemple 5.4.15. Si on suppose par exemple que l’assureur d´ecide de laisser un pourcentage du montant des sinistres a ` l’assur´e, ce pourcentage doit ˆetre identique pour tous les assur´es d’une mˆeme cat´egorie. En effet, si l’assureur laisse α i % des sinistres a ` charge de l’assur´e num´ero i, sa situation sera toujours moins bonne que celle de l’assureur qui laisserait α% des sinistres a ` charge de chacun des assur´es, avec n 1X α= αi n i=1
puisque n X i=1
αXi TVaR,=
n X
αi Xi .
i=1
Afin d’augmenter la stabilit´e des r´esultats de la compagnie, l’actuaire aura donc toujours int´erˆet a` appliquer le mˆeme traitement a` toutes les polices identiques de son portefeuille. Stabilit´ e des pr´ ef´ erences Quels que soient les risques X et Y , tels que X TVaR Y , il en va de mˆeme de f (X) par rapport a` f (Y ) pour toute fonction convexe croissante f , i.e. f (X) TVaR f (Y ). Notez que TVaR est donc moins stable que VaR (pour lesquel il suffisait que f soit croissante). Convergence La relation TVaR n’est pas stable par passage a` la limite au sens de la convergence en loi, contrairement a` VaR . En effet, soit Xn la masse de Dirac en 1 pour tout n ∈ IN, et consid´erons Y n telle que Pr[Yn = 0] = (n − 1) /n et Pr[Yn = n] = 1/n. Alors Xn converge vers X, masse de Dirac en 1 et Y n converge vers Y , masse de Dirac en 0, de telle sorte que Y TVaR X. Cependant, pour tout n, Xn TVaR Yn (rappelons que la convergence en loi n’implique pas, par exemple, la convergence des moments: E[Y n ] = 1 et E[Y ] = 0). En revanche, en rajoutant des hypoth`eses suppl´ementaires, il est possible d’obtenir convergence.
5.5. Forme optimale de transfert de risque
271
Th´ eor` eme de s´ eparation Le th´eor`eme de s´eparation permet de “s´eparer” des risques X et y tels que X TVaR Y . Proposition 5.4.16. Soient deux risques X et Y . Alors X TVaR Y si, et seulement si, il existe une variable al´eatoire Z telle que X VaR Z TVaR,= Y . D´emonstration. D´efinissons le risque Xb = max{X,b}. Clairement, Pr[X ≤ Xb ] = 1 et donc X VaR Xb . Choisissons b de mani`ere a` ce que E[Xb ] = E[Y ]. On voit alors facilement que si t ≥ b ou si t < b E[(Xb − t)+ ] ≤ E[(Y − t)+ ]. Nous avons donc construit un risque Z = X b satisfaisant les conditions ´enonc´ees. L’in´egalit´e stochastique X TVaR Y signifie donc que X est a` la fois “plus petite” et “moins variable” que Y .
5.5 5.5.1
Forme optimale de transfert de risque Le probl` eme
D`es 1971, Arrow a montr´e que lorsque l’assureur inclut un chargement de s´ecurit´e dans les primes (en recourant au principe de l’esp´erance math´ematique), la police pr´evoyant un d´ecouvert obligatoire est optimale pour tout d´ecideur risquophobe, parmi les polices de mˆeme coˆ ut. Au-del`a du d´ecouvert obligatoire, chaque euro de perte est compens´e par un euro d’indemnit´e. L’assur´e peut donc borner sa perte nette au d´ecouvert obligatoire. Il en r´esulte que les petites pertes ne sont pas indemnis´ees, alors que les pertes importantes sont bien couvertes, au contraire d’un syst`eme de couverture proportionnel. Le d´ecouvert obligatoire apparaˆıt intuitivement bien comme le meilleur compromis entre le d´esir de limitation du coˆ ut de l’assurance et le d´esir de r´eduction du risque. Cette section est consacr´ee a` la comparaison entre diff´erents types de polices. Nous verrons que sous des conditions assez g´en´erales, les garanties associ´ees a` diverses formes d’assurance peuvent ˆetre compar´ees au sens de TVaR,= . Pour ce faire, nous devons tout d’abord mod´eliser la couverture associ´ee a` une police.
272
5.5.2
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Fonctions indemnitaires admissibles
Consid´erons un assur´e confront´e a` un risque X de fonction de r´epartition FX . Un contrat d’assurance peut ˆetre repr´esent´e par une fonction I telle que I(x) repr´esente le montant de l’indemnit´e per¸cue par l’assur´e si un sinistre de montant x survient; une telle fonction est appel´ee fonction indemnitaire. Il est naturel de supposer I nond´ecroissante et satisfaisant 0 ≤ I(x) ≤ x pour tout x ∈ IR+ . Supposons que l’assur´e ait a` choisir, ´etant donn´ee une prime π et un risque X, entre diff´erentes polices d´ecrites par une fonction I appartenant a` la classe n + + I = I : IR → IR 0 ≤ I(x) ≤ x, 0 ≤ I 0 ≤ 1, I non-d´ecroissante et convexe, o E[I(X)] = π/(1 + θ) .
La convexit´e de I apparaˆıt comme une contrainte naturelle. En effet, il est normal que les paiements les plus importants de l’assureur correspondent aux sinistres les plus graves. Dans cette section, nous allons comparer diff´erentes formes d’assurance. Plus particuli`erement, nous allons rechercher les conditions sous lesquelles les risques demeurant dans le patrimoine de l’assur´e sont comparables au sens TVaR,= . Pour ce faire, nous aurons besoin de la Propri´et´e 5.4.12, qui fournit une condition suffisante bien commode pour ´etablir TVaR,= .
5.5.3
Ordonnancement des contrats
Montrons a` pr´esent que si les fonctions indemnitaires relatives a` deux polices ne se croisent qu’une seule fois, le risque associ´e a` l’une sera jug´e inf´erieur a` l’autre. Propri´ et´ e 5.5.1. Quels que soient I 1 et I2 dans I, si I1 et I2 sont telles que I1 (x) ≤ I2 (x), pour x < c, I1 (x) ≥ I2 (x), pour x > c, alors X − I1 (X) TVaR,= X − I2 (X). D´emonstration. Montrons que les fonctions de r´epartition de X − I1 (X) et X − I2 (X) n’ont qu’un seul point d’intersection, ce qui
5.5. Forme optimale de transfert de risque
273
suffit a` prouver le r´esultat annonc´e grˆace a` la Propri´et´e 5.4.12. Pour x > c, nous avons Pr[X − I1 (X) ≤ x − I1 (x)] = Pr[X − I2 (X) ≤ x − I2 (x)]
≤ Pr[X − I2 (X) ≤ x − I1 (x)].
De la mˆeme fa¸con, pour x > c, Pr[X − I1 (X) ≤ x − I1 (x)] = Pr[X − I2 (X) ≤ x − I2 (x)]
≥ Pr[X − I2 (X) ≤ x − I1 (x)].
D`es lors, il existe un nombre t∗ d´efini par l’´equation t∗ = c − I1 (c) tel que
Pr[X − I1 (X) ≤ t] ≤ Pr[X − I2 (X) ≤ t], pour t ≤ t∗ , Pr[X − I1 (X) ≤ t] ≥ Pr[X − I2 (X) ≤ t], pour t > t∗ ,
ce qui permet de conclure, en vertu de la Propri´et´e 5.4.12.
5.5.4
Optimalit´ e du contrat stop-loss
Si on consid`ere la police pr´evoyant un d´ecouvert obligatoire de u δ est tel que montant δ, i.e. Iδ (x) = (x − δ)+ , o` E[(X − δ)+ ] =
π , 1+θ
on voit facilement que Iδ ∈ I et est telle qu’il existe c pour lequel on a Iδ (x) ≤ I(x), pour x < c, Iδ (x) ≥ I(x), pour x > c, pour tout I ∈ I. D`es lors, la Propri´et´e 5.5.1 donne X − (X − δ)+ TVaR,= X − I(X) pour tout I ∈ I. La police pr´evoyant un d´ecouvert obligatoire sera donc toujours optimale au sens de TVaR,= .
274
5.6 5.6.1
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Information incompl` ete Contexte
Dans bien des situations pratiques, l’information dont dispose l’actuaire est tr`es limit´ee. Il est donc essentiel de mettre au point des formules permettant d’utiliser cette information partielle de fa¸con optimale et prudente. Ceci se fait en construisant les risques les moins et les plus avantageux compatibles avec la situation a` laquelle l’actuaire est confront´e. Nous d´etaillons ci-dessous une m´ethode d’approximation en accord avec TVaR,= .
5.6.2
Moyenne et support connus
Lorsque la moyenne et le support d’un risque X sont connus, il est possible de construire deux risques X − et X+ de mˆeme moyenne que X, tels que le premier est jug´e plus avantageux que X au sens TVaR,= , et le second moins avantageux au sens TVaR,= . C’est l’objet du r´esultat suivant. Propri´ et´ e 5.6.1. Supposons ˆetre confront´e a ` un risque X tel que E[X] = µ et Pr[a ≤ X ≤ b] = 1. Dans ce cas, en d´efinissant X − = µ et X+ par ( a, avec la probabilit´e b−µ b−a , X+ = µ−a b, avec la probabilit´e b−a , on a X− TVaR,= X TVaR,= X+ . D´emonstration. Il est en effet facile de v´erifier que E[X + ] = µ et que les fonctions de r´epartition de X et de X + se croisent une seule fois, celle de X dominant celle de X+ apr`es l’unique croisement. De mˆeme, les fonctions de r´epartition associ´ees a` X − et a` X se croisent une seule fois, celle de X− dominant celle de X apr`es l’unique croisement. Le r´esultat se d´eduit alors de la Propri´et´e 5.4.12. Remarque 5.6.2. On peut ainsi obtenir en particulier une borne sup´erieure pour la variance de X, a ` savoir V[X] ≤ V[X+ ] = a2
b−µ µ−a + b2 − µ2 . b−a b−a
Notez que V[X] ≥ V[X− ] = 0, r´esultat attendu.
5.6. Information incompl` ete
5.6.3
275
Application au calcul d’une prime stop-loss sur donn´ ees group´ ees
Donnons un exemple d’application. Supposons que nous disposions de l’information r´esum´ee au Tableau 5.1 a` propos de la fonction de r´epartition du risque X 1 . On peut y lire la proportion de montant dans chaque intervalle ainsi que le coˆ ut moyen de ceux-ci. Montants inf´erieurs a` 1 000e 1 000 - 2 000 e 2 000 - 10 000 e sup´erieurs a` 10 000 e
Coˆ ut moyen 560 1 200 3 200 11 200
Proportion 30% 50% 15% 5%
Tab. 5.1 – Description des montants de sinistres. Supposons que nous voulions calculer E[(X − t) + ] pour une certaine valeur de t. Tout d’abord, la derni`ere tranche est ouverte (il s’agit des sinistres de plus de 10 000e ). Pour la fermer, il faut disposer d’une borne sup´erieure pour le coˆ ut d’un sinistre. Celle-ci peut ˆetre fix´ee contractuellement (plafond d’intervention de l’assureur, ou valeur assur´ee dans le cas de l’assurance de choses) ou doit ˆetre d´etermin´ee par l’actuaire dans le cas d’une couverture illimit´ee (comme cela se pratique encore parfois pour les dommages corporels aux tiers dans les assurances de responsabilit´e). Dans ce dernier cas, on parle de perte maximum probable (PMP) et nous verrons dans le Tome II comment la d´eterminer. Supposons ici que la PMP vaut 20 000e . On peut bien entendu supposer que les montants des sinistres sont distribu´es uniform´ement dans chaque intervalle, mais ceci revient a` n´egliger l’information des coˆ uts moyens dans la tranche. On proc`edera donc de la mani`ere suivante: E[(X − t)+ ]
= E[(X − t)+ |0 < X ≤ 1000] Pr[X ≤ 1000]
+E[(X − t)+ |1000 < X ≤ 2000] Pr[1000 < X ≤ 2000]
+E[(X − t)+ |2000 < X ≤ 10000] Pr[2000 < X ≤ 10000]
+E[(X − t)+ |10000 < X ≤ PMP] Pr[10000 < X ≤ PMP].
1. Dans bien des cas, les donn´ees dont dispose l’actuaire sont group´ees et pr´esent´ees dans un tableau semblable a ` celui-l` a. Bien entendu, il est toujours pr´ef´erable de travailler avec les observations individuelles lorsqu’elles sont disponibles.
276
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
A pr´esent, on borne chacun des termes E[(X − t) + |a < X ≤ b] a` l’aide du maximum X+ bas´e sur le support (a,b) et la moyenne renseign´ee au Tableau 5.1; il vient 560 800 0.3 + 0.5 E[(X − t)+ ] ≤ (1000 − t)+ 1000 1000 200 6800 +(2000 − t)+ 0.5 + 0.15 1000 8000 1200 PMP − 11200 +(10000 − t)+ 0.15 + 0.05 8000 PMP − 10000 1200 0.05. +(PMP − t)+ PMP − 10000 De la mˆeme mani`ere, on peut obtenir la borne inf´erieure suivante sur E[(X − t)+ ] en concentrant toute la masse de probabilit´e de chaque tranche en sa moyenne: E[(X − t)+ ] ≥ 0.3(560 − t)+ + 0.5(1200 − t)+
+0.15(3200 − t)+ + 0.05(11200 − t)+ .
Notez que cette borne inf´erieure ne n´ecessite pas la connaissance de la PMP.
5.7
Exercices
Exercice 5.7.1. Soit X ∼ Gam(α,τ ). Montrez que pour 0 < p 1 ≤ p2 < 1, (i) la diff´erence VaR[X; p2 ] − VaR[X; p1 ] est croissante en α. (ii) le ratio V aR[X; p2 ]/VaR[X; p1 ] est d´ecroissant en α. (iii) la diff´erence V aR[X; p2 ] − VaR[X; p1 ] est d´ecroissante en τ .
Exercice 5.7.2 (Mesure de risque Normal Transform). Pour 0 < q < 1, d´efinissons la fonction de distorsion gq (x) = Φ Φ−1 (q) + Φ−1 (x) , 0 < x < 1, (5.30) appel´ee “Normal Transform” de niveau q. La mesure de risque de Wang associ´ee a ` de telles fonctions de distorsion est appel´ee mesure de risque Normal Transform, not´ee par N T q [X]. Montrez que X ∼ N or(µ,σ 2 ) ⇒ N Tq [X] = VaR[X; q].
5.7. Exercices
277
Exercice 5.7.3 (Mesures de risque dans le cas des lois elliptiques). Le cas elliptique est un cas relativement particulier, puisqu’un grand nombre de r´esultats g´en´eralement faux deviennent corrects. Sous-additivit´e de la VaR: Montrez que si (X,Y ) admet une loi elliptique, alors VaR[X + Y ; α] ≤ V aR[X; α] + VaR[Y ; α], et elle est ainsi une mesure coh´erente. CTE de risques elliptiques univari´es: Soit X une variable al´eatoire de loi elliptique de g´en´erateur g, et de param`etres µ et σ, dont la densit´e est donn´ee par (2.12), i.e. ! 1 x−µ 2 c , (5.31) fX (x) = g σ 2 σ o` u c est la constante de normalisation. Notons G le g´en´erateur cumul´e, i.e Z x
G (x) =
g (t) dt.
0
Montrez alors que CTE[X; α] = µ + λα (µ,σ)σ 2 o` u λα (µ,σ) =
2 G [(VaR[X; α] − µ) /σ] /2 1
σ
F X (VaR[X; α])
.
Cas gaussien: Si X ∼ N or µ,σ 2 , montrez que 1. le g´en´erateur cumul´e est
G (t) = c 1 − e−t ,
√ avec c = 1/ 2π. 2. La CTE est donn´ee par
1 φ Φ−1 (α) CTE[X; α] = µ + λα σ o` u λα = . σ 1−α 2
Exercice 5.7.4 (Principaux mod` eles param´ etriques). Pour la plupart des mod`eles param´etriques utilis´es en sciences actuarielles,
278
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
lorsqu’on augmente (ou diminue) la valeur d’un param`etre, la situation devient plus (ou moins) risqu´ee qu’auparavant au sens de VaR . Prouvez les r´esultats suivants: Gam(α,τ ) VaR Gam(α0 ,τ ), pour α ≤ α0 ,
Gam(α,τ 0 ) VaR Gam(α,τ ), pour τ ≤ τ 0 , Par(α,θ) VaR Par(α,θ 0 ), pour θ ≤ θ 0 ,
Par(α0 ,θ) VaR Par(α,θ), pour α ≤ α0 ,
N or(µ,σ) VaR N or(µ0 ,σ), pour µ ≤ µ0 ,
LN or(µ,σ) VaR LN or(µ0 ,σ), pour µ ≤ µ0 . Exercice 5.7.5 (Comparaison des risques en cas de r´ eparation forfaitaire). Consid´erons un portefeuille de polices d’assurance donnant lieu a ` une indemnit´e forfaitaire de montant s avec la probabilit´e q. Le coˆ ut des sinistres Si relatifs a ` la police i s’´ecrit comme en (3.10). Comparons ce portefeuille avec un portefeuille similaire diff´erant du premier par le montant du forfait et la probabilit´e de sinistre, i.e. le remboursement de la compagnie a ` l’individu i est donn´e par 0, avec une probabilit´e 1 − qe, e Si = se, avec une probabilit´e qe. Montrez que
(i) q = qe ⇒ Si VaR Sei lorsque s ≤ se. (ii) lorsque s = se et q ≤ qe, alors Si VaR Sei .
Exercice 5.7.6 (Comparaison des risques en cas de r´ eparation indemnitaire). Passons a ` pr´esent a ` une r´eparation indemnitaire, ` la police i est de la forme i.e. le coˆ uts des sinistres Si relatifs a (3.11). Supposons qu’une compagnie doive faire face a ` des coˆ uts par police de 0, avec une probabilit´e 1 − qe, e Si = Zei , avec une probabilit´e qe,
Montrez que
(i) Zi =loi Zei ⇒ Si VaR Sei lorsque q ≤ qe. ei , alors Si VaR Sei . (ii) lorsque q = qe et Zi VaR Z
Exercice 5.7.7. Lorsque [X|a ≤ X ≤ b] VaR [Y |a ≤ Y ≤ b] quels que soient a < b ∈ IR, montrez que α 7→ FY (VaR[X; α])
est convexe.
(5.32)
5.7. Exercices
279
Exercice 5.7.8. Consid´erons le risque m − h, avec la probabilit´e 12 , Sh = m + h, avec la probabilit´e 12 . Montrez que (i) la variance de Sh est une fonction croissante de h. (ii) Sh TVaR,= Sh0 lorsque h ≤ h0 . Exercice 5.7.9. Montrez que X TVaR,= Y ⇒ X =loi Y. V[X] = V[Y ] Exercice 5.7.10. Soient deux risques X et Y tels que E[X] = E[Y ]. Montrez que X TVaR,= Y ⇔ E|X − a| ≤ E|Y − a|
a ∈ R. (5.33) Exercice 5.7.11. Soient un risque X et E ∼ Exp(1/E[X]). Montrez que les affirmations suivantes sont ´equivalentes: (i) X TVaR,= E (ii) rX est non-d´ecroissant (i.e. X est IFR) (iii) F X est log-concave. D’autre part, montrez que les affirmations suivantes sont ´egalement ´equivalentes: (i) E TVaR,= X (ii) rX est non-croissant (i.e. X est DFR) (iii) F X est log-convexe. Exercice 5.7.12. Quel que soit le risque X de moyenne µ, de variance σ 2 et de support inclus a ` (a,b), montrez que (i) X− TVaR,= X o` u X− =
(
quel que soit
σ2 e b−µ b−µ , avec la probabilit´ b , 2 2 σ +µ e 1 − b−µ µ , avec la probabilit´ b .
µ−
(ii) X TVaR,= X+ o` u la fonction de r´epartition de X + est donn´ee par 2σ2 2 , si 0 ≤ x ≤ µ+σ2 , 2µ µ +σ 2 F+ (x) = 12 + 12 √ x−µ2 2 , si x > µ+σ 2µ . (x−µ) +σ
280
Chapitre 5. Mesure et comparaison des risques
Exercice 5.7.13. Montrez que Exp(E[1/Θ]) TVaR,= MExp(Θ). D´eduisez-en que le coefficient de variation de tout m´elange exponentiel exc`ede 1. Exercice 5.7.14 (Ordre de la transform´ ee de Laplace). La variable al´eatoire positive Y domine X pour la relation d’ordre de la transform´ee de Laplace (not´e X ≺ LT Y ) si, et seulement si, LX (t) ≥ LY (t) pour tout t > 0. Soit Et ∼ Exp(t) ind´ependante de X et Y . Montrez que X ≺ LT Y si et seulement si Pr[X > Et ] ≥ Pr[Y > Et ] pour tout t ≥ 0.
5.8
Notes bibliographiques
Les mesures de risques coh´erentes dont les applications en sciences actuarielles ont ´et´e soulign´ees par Artzner (2000) sont pr´esent´ees en d´etails dans Denuit, Dhaene, Goovaerts, Kaas & Vyncke (2004). Voyez aussi Tasche (2002). Les mesures de risque de Wang sont ´etudi´ees notamment dans Wang (1996) et Wang & Young (1998). Ce chapitre fait la part belle aux ordres stochastiques. D’un point de vue g´en´eral, on d´esigne par ordre stochastique toute m´ethode de comparaison de lois de probabilit´e (de variables al´eatoires, de vecteurs al´eatoires, de processus stochastiques, etc.), c’est-`a-dire toute relation binaire d´efinie sur un ensemble de lois de probabilit´e. Parmi les ordres stochastiques entre variables al´eatoires r´eelles, on distingue les relations que l’on peut d´efinir par r´ef´erence a` une classe de fonctions mesurables. Ces ordres, encore appel´es ordres int´egraux, poss`edent souvent une interp´etation naturelle dans le cadre de la th´eorie de l’utilit´e esp´er´ee: il en est ainsi de l’ordre en distribution, des ordres convexe et concave, des ordres convexe croissant et concave croissant, de l’ordre exponentiel, pour ne citer qu’eux. Le lecteur int´eress´e par les ordres stochastiques trouvera dans Shaked & Shanthikumar (1994) une pr´esentation g´en´erale, assortie de nombreuses applications dans des domaines vari´es. On pourra ´egalement consulter Szekli (1995) pour une analyse probabiliste avanc´ees, et Levy (1992) pour un aper¸cu des applications en ´economie. Les applications des ordres stochastiques en assurance sont d´ecrites dans Goovaerts et al. (1990), ainsi que dans Kaas et al. (1994) et Gouri´ eroux (1999). Pour une approche plus ¨ ller & Stoyan (2002) th´eorique, voyez ´egalement Mu
Chapitre 6
Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif 6.1 6.1.1
Introduction Les diff´ erents niveaux de travail
Certains calculs sont effectu´es par l’actuaire au niveau du portefeuille, et pas au niveau des polices le constituant. Il en est ainsi par exemple lors de la d´etermination de la marge de solvabilit´e, du calcul de la probabilit´e de ruine ou de l’´evaluation des primes stoploss. Dans ce chapitre, nous d´ecrivons comment mod´eliser la charge totale de sinistre touchant un portefeuille au cours d’une p´eriode d´etermin´ee. Il s’agit donc d’une approche statique. Nous verrons dans le chapitre suivant comment int´egrer l’aspect dynamique de l’´evolution du r´esultat de l’assureur.
6.1.2
Le mod` ele individuel
Le mod`ele individuel se place au niveau de chaque police. Les coˆ uts totaux des sinistres caus´es par les n polices du portefeuille sont not´es S1 ,S2 , . . . ,Sn . Ces variables sont suppos´ees ind´ependantes, mais pas identiquement distribu´ees. Ceci permet de tenir compte de l’h´et´erog´en´eit´e du portefeuille et d’une ´eventuelle segmentation a priori effectu´ee par l’assureur, comme cela sera abord´e dans le Tome II. Dor´enavant, 281
282
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
nous noterons Fi la fonction de r´epartition de Si , i.e. Fi (x) = Pr[Si ≤ x], x ∈ IR. La charge de sinistre Si caus´ee par la police num´ero i est repr´esent´ee par Si =
0, si la police i ne cause aucun sinistre, Yi , sinon.
La variable Yi repr´esente le coˆ ut total des sinistres relatifs a` la police i lorsque cette police a donn´e lieu a` au moins un sinistre, i.e. Pr[Yi ≤ x] = Pr[Si ≤ x|Si > 0]. On d´efinit l’indicatrice Ii qui vaut 1 lorsque la police i cause au moins un sinistre, i.e. 0, si la police i ne cause aucun sinistre, Ii = 1, sinon. On a alors clairement Pr[Ii = 0] = Pr[Si = 0] et Pr[Ii = 1] = Pr[Si > 0].
6.1.3
La charge totale des sinistres dans le mod` ele individuel
La charge totale de sinistre du portefeuille, not´ee S ind vaut alors S ind =
n X
Si .
i=1
Nous notons Gind la fonction de r´epartition de S ind . La connaissance de la fonction de r´epartition Gind permet de nombreuses applications. En effet, 1. Gind permet de calculer les probabilit´es de ruine annuelles, facteur important permettant de mesurer le risque inh´erent a` un portefeuille d’assurance d´etermin´e. Si on d´esigne par p le montant total de prime sur la p´eriode et par κ le capital dont dispose la compagnie en d´ebut de p´eriode, la probabilit´e de ruine anuelle vaut Pr[S ind > p + κ] = 1 − Gind (κ + p).
6.1. Introduction
283
2. Invers´ement, si une probabilit´e de ruine est fix´ee par les autorit´es de contrˆole, on peut en d´eduire le capital dont doit disposer la compagnie pour satisfaire a` cette obligation: κ = VaR[S ind ; 1 − ] − p = (Gind )−1 (1 − ) − p. 3. Gind permet de calculer les primes relatives a` des trait´es de r´eassurance globaux (th´eoriquement optimaux). Pour de tels trait´es, les obligations du r´eassureur sont d´etermin´ees en fonction de S ind . Par exemple, la prime d’un trait´e stop-loss de r´etention t couvrant le portefeuille est donn´ee par E[(S ind − t)+ ] = =
Z
+∞
x=t +∞
Z
x=t
(x − t)dGind (x) {1 − Gind (x)}dx, t ∈ IR+ .
4. Gind permet de fixer le taux de chargement de s´ecurit´e ρ lorsque l’assureur recourt au principe de l’esp´erance math´ematique pour calculer la prime nette et d´esire limiter la probabilit´e de ruine a` . Pour ce faire, on part de la condition Pr[S ind > (1 + ρ)E[S ind ] + κ] ≤ qui donne ρ=
6.1.4
VaR[S ind ; 1 − ] − κ − 1. E[S ind ]
Difficult´ e des calculs dans le mod` ele individuel
Sous l’hypoth`ese d’ind´ependance, la fonction de r´epartition G ind de S ind est donn´ee par Gind (x) = F1 ?F2 ? . . . ?Fn (x). Malheureusement, le nombre n de polices est en g´en´eral tr`es grand, ce qui rend impossible le calcul direct de G ind (chacun des produits de convolution n´ecessitant une int´egration num´erique). Afin de contourner le probl`eme li´e au calcul de G ind , les actuaires ont sugg´er´e d’approximer le mod`ele individuel par un ´equivalent collectif, dans lequel les calculs sont (sous certaines conditions) plus ais´es a` effectuer.
284
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
6.1.5
Le mod` ele collectif
Le mod`ele collectif de th´eorie du risque ne distingue plus les polices composant le portefeuille mais voit ce dernier comme un ensemble soumis a` une s´erie de chocs caus´es par l’occurrence des sinistres. Le mod`ele individuel se place au niveau de la police et distingue la charge des sinistres Si g´en´er´ee par la police i dans Pn ind la charge totale S = i=1 Si relative au portefeuille. Contrairement au mod`ele individuel, le mod`ele collectif ne distingue plus les polices composant le portefeuille mais voit ce dernier comme un tout, comme un collectif de risques. Les coˆ uts des sinistres touchant le collectif de risques sont mod´elis´es par des variables positives, ind´ependantes et de mˆeme loi. L’identique distribution des coˆ uts dans le mod`ele collectif s’explique par le fait que l’actuaire renonce a` savoir quelle police a caus´e le sinistre, et gomme donc les diff´erences de sinistralit´e existant entre les assur´es du portefeuille. Dans la vision collective, N d´esigne le nombre des sinistres survenus durant une certaine p´eriode et X i , i = 1,2, . . ., les montants de ceux-ci. La charge totale des sinistres S coll pour la compagnie s’´ecrit alors S coll =
N X
Xi
(6.1)
i=1
avec la convention que S coll = 0 lorsque N = 0. Les variables al´eatoires Xi , i = 1,2, . . . sont suppos´ees ind´ependantes et identiquement distribu´ees, et N est suppos´ee ind´ependante des X i . La loi de S coll est donc compos´ee. Tr`es souvent, N sera suppos´e de loi de Poisson, de sorte que S coll ∼ CP oi(λ,F ) o` u F d´esigne la fonction de r´epartition commune des Xi . Remarque 6.1.1. Le mod`ele individuel est ´equivalent au mod`ele collectif lorsque l’actuaire repr´esente la charge annuelle des sinistres pour la police i comme Si =
Ni X
Cik
(6.2)
k=1
o` u Ni est de loi de Poisson de param`etre λ i (Ni repr´esente le nombre de sinistres touchant la police i durant la p´eriode consid´er´ee) et {Cik , k = 1,2, . . .} est une suite de variables al´eatoires ind´ependantes et de mˆeme fonction de r´epartition F i , repr´esentant le montant Pn de chacun de ces sinistres. La charge totale de sinistres S = i=1 Si
6.2. Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif de ce portefeuille est de loi CPoi(λ,F ) avec λ = n
F (x) =
1X λi Fi (x), x ∈ IR λ
Pn
i=1
285
λi et
i=1
en vertu de la Propri´et´e 3.6.11. Lorsque la repr´esentation (6.2) est justifi´ee, la mod´elisation collective est une cons´equence directe obtenue par convolution. Ce n’est pas le cas d`es lors que Ni n’est plus de loi de Poisson (de loi Poissonm´elange, par exemple) ou lorsque l’actuaire ne dispose plus du nombre des sinistres. Dans ce cas, on suivra la m´ethode d´ecrite ci-dessous. L’approche collective a ´et´e initi´ee voil`a un si`ecle par Lundberg et de Finetti, respectivement sous les noms de th´eorie collective du risque et th´eorie des fonds de risques. Ces derniers ont pos´e les fondations de la version moderne de la th´eorie du risque, en introduisant le processus des sinistres, permettant ainsi de mod´eliser la charge des sinistres en faisant abstraction des risques individuels afin de ne consid´erer que le seul “risque collectif” (en formulant quelques hypoth`eses a priori). Ce mod`ele servira de base dans une grande partie du second tome.
6.2 6.2.1
Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif Formalisation du mod` ele individuel
Plusieurs mod´elisations individuelles sont envisageables. Nous pr´esentons ici des notations standards qui seront utilis´ees pour d´ecrire tous les mod`eles individuels. Soit un portefeuille comptant n polices. On consid`ere ce portefeuille sur une p´eriode et on d´efinit: - Si , i = 1,2, . . . ,n, le montant total de sinistre produit par la i`eme police au cours de cette p´eriode; - qi , i = 1,2, . . . ,n, la probabilit´e que la police i produise au moins un sinistre durant la p´eriode de r´ef´erence, q i = Pr[Si > 0]; - pi = 1 − qi , i = 1,2, . . . ,n, la probabilit´e que la police ne produise aucun sinistre durant la p´eriode de r´ef´erence, p i = Pr[Si = 0]; - Fi (x) = Pr[Si ≤ x] est la fonction de r´epartition de S i , satisfaisant Fi (0) = pi < 1;
286
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
- S ind est la chargePtotale des sinistres dans le mod`ele individuel, a` savoir S ind = ni=1 Si ; - Gind (x) = Pr[S ind ≤ x] est la fonction de r´epartition de S ind ; - Bi (x) = Pr[Si ≤ x|Si > 0], Bi (0) = 0, est la fonction de r´epartition de la charge des sinistres relative a` la police i sachant que la police i a produit au moins un sinistre. Dans les notations ci-dessus, on a que Fi (x) = pi + qi Bi (x), x ≥ 0. D`es lors, Bi (x) =
Fi (x) − pi Fi (x) − Fi (0) = , x ≥ 0. qi 1 − Fi (0)
On suppose que les sinistres affectant une police n’ont aucune influence sur les sinistres affectant les autres polices du portefeuille; ainsi, les variables al´eatoires S1 ,S2 , . . . ,Sn sont ind´ependantes. Cette hypoth`ese peut ˆetre consid´er´ee comme raisonnable dans certains cas, par exemple pour l’assurance automobile, mais peut s’av´erer discutable dans d’autres. On ne suppose pas ici que les variables al´eatoires Si sont identiquement distribu´ees; le portefeuille ne doit donc pas n´ecessairement ˆetre homog`ene.
6.2.2
Repr´ esentation de la charge totale des sinistres dans le mod` ele individuel
Soit Yi est une variable al´eatoire de fonction de r´epartition B i . Comme expliqu´e dans l’introduction, l’actuaire repr´esente souvent Si comme le produit Ii Yi o` u Ii est l’indicatrice de l’´ev´enement “la police i g´en`ere au moins un sinistre pendant l’ann´ee” et Y i d´esigne le montant total des sinistres relatifs a` la police i (sachant qu’il y a au moins eu un sinistre). Il est int´eressant de noter que quel que soit le mod`ele retenu par l’actuaire, la repr´esentation S i = Ii Yi est valable, comme en t´emoignent les deux exemples suivants. Exemple 6.2.1. En assurance de responsabilit´e (RC automobile, disons), on peut d´ecomposer la charge des sinistres relatifs a ` la police i comme Ki X Si = Cik + Ji Li k=1
6.2. Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif
287
o` u Ki repr´esente le nombre de sinistres “standards” caus´es par la police i et les Cik > 0 les coˆ uts de ceux-ci (le qualificatif “standard” recouvre en RC automobile les majorit´e des sinistres de faible gravit´e, le plus souvent exclusivement mat´eriel, dont le coˆ ut moyen est de l’ordre du millier d’euros); Ji indique si la police i a donn´e lieu a ` au moins un sinistre “grave” et Li > 0 repr´esente le coˆ ut des sinistres graves, lorsqu’il y en a eu (par opposition aux sinistres standards, les graves comportent le plus souvent des d´egˆ ats corporels et un coˆ ut moyen de l’ordre de la dizaine de milliers d’euros mais peuvent atteindre des sommes consid´erables, d´epassant le million d’euros). En d´efinissant Ii = et
1, si Ki ≥ 1 ou Ji = 1, 0, si Ki = Ji = 0,
P Ki k=1 Cik , si Ki ≥ 1 et Ji = 0, Yi = Ji Li , si Ki = 0 et Ji = 1, P Ki k=1 Cik + Ji Li , si Ki ≥ 1 et Ji = 1,
on voit que Si = Ii Yi .
Exemple 6.2.2. En assurance d´egˆ ats mat´eriels aux v´ehicules, l’assureur exprime souvent le coˆ ut des sinistres comme une fraction de la valeur du v´ehicule couvert par la police (coˆ ut relatif). Plus pr´ecis´ement, si vi d´esigne la valeur du v´ehicule couvert par la police i, la charge des sinistres relatifs a ` cette police s’´ecrit Si =
Ki X
Rik vi ,
k=1
o` u Ki repr´esente le nombre de sinistres relatifs a ` la police i et R ik les coˆ uts relatifs de ceux-ci, avec Rik = (1 − Jik )Pik + Jik , o` u Jik =
1, si le k`eme sinistre conduit a ` la perte totale du v´ehicule, 0, sinon,
288
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
et Pik ∼ Bet(ai ,bi ) est le coˆ ut du k`eme sinistre, exprim´e en pourcentage de la valeur vi du v´ehicule, lorsque le sinistre n’est que partiel. Dans ce cas, en posant 1, si Ki ≥ 1, Ii = 0, si Ki = 0, et Yi =
Ki X
k=1
Rik vi si Ki ≥ 1
on voit que Si = Ii Yi .
6.2.3
Justification de l’approximation du mod` ele individuel par le mod` ele collectif
Afin de faciliter le calcul de la fonction de r´epartition de la charge totale des sinistres touchant le portefeuille, on approxime le mod`ele individuel par un mod`ele collectif. L’id´ee d’approximer la loi de S ind par une loi de Poisson compos´ee provient du d´eveloppement suivant. La transform´ee de Laplace de S ind est donn´ee par LS ind (t) = = =
n h Y i E E exp − tIi Yi Ii i=1 n Y i=1 n Y i=1
{pi + qi LYi (t)}
{1 + qi (LYi (t) − 1)} .
D`es lors, en passant au logarithme, ln LS ind (t) =
n X i=1
=
ln {1 + qi (LYi (t) − 1)}
n X +∞ X (−1)k+1
k
i=1 k=1
{qi (LYi (t) − 1)}k
grˆace au d´eveloppement de Taylor de la fonction x 7→ ln(1 + x) a` savoir ∞ X (−1)k+1 k ln(1 + x) = x k k=1
6.2. Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif
289
Une approximation grossi`ere consiste a` ne retenir que le terme en k = 1 dans le d´eveloppement de ln LS ind (t), pour obtenir ln LS ind (t) ≈ =
n X
qi (LYi (t) − 1) i=1 ! P n n X q L (t) i=1 P n i Yi qi i=1 qi i=1
−1
= q• (LX (t) − 1),
(6.3)
o` u l’on a pos´e n X
q• =
qi et LX (t) =
i=1
n 1 X qi LYi (t). q•
(6.4)
i=1
Comme (6.3) est le logarithme de la transform´ee de Laplace associ´ee a` une loi de Poisson compos´ee, on est en droit d’´etudier l’approximation du mod`ele individuel par un mod`ele collectif du type (6.1) o` u N est de loi de Poisson de param`etre q • d´efini par (6.4) et les Xi sont ind´ependantes et de loi d´ecrite par la transform´ee de Laplace LX donn´ee en (6.4).
6.2.4
Passage du mod` ele individuel au mod` ele collectif
Apr`es nous ˆetre convaincus de la pertinence de l’approximation collective du mod`ele individuel, expliquons a` pr´esent comment se r´ealise le passage du mod`ele individuel au mod`ele collectif en th´eorie du risque. Le raisonnement bas´e sur la transform´ee de Laplace sugg`ere de substituer a` Si la variable al´eatoire Sei ∼ CPoi(qi ,Bi ). Afin d’assurer plus de flexibilit´e lors du passage du mod`ele individuel au mod`ele collectif (ce qui s’av`erera bien utile, comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre), nous laissons libre le choix du nombre moyen de sinistre. D`es lors, pour chaque police, nous approximons Si par Sei donn´ee par Sei =
Ni X
k=1
Yi;k ∼ CPoi(λi ,Bi ).
Le param`etre λi est laiss´e au choix de l’actuaire (qui peut bien entendu opter pour λi = qi mais aussi pour d’autres valeurs). La charge totale du portefeuille, S coll , est alors donn´ee par S coll =
n X i=1
S˜i =
Ni n X X
i=1 k=1
Yi;k ∼ CPoi(λ,F ),
290
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
o` u λ=
n X
n
λi et F (x) =
i=1
i=1
en vertu de la Propri´et´e 3.6.11.
6.2.5
1X λi Bi (x), λ
Choix des param` etres du mod` ele collectif
Le choix le plus naturel pour λi est λi = qi ; cf. (6.3). Dans ce cas, le nombre moyen de polices produisant des sinistres dans le mod`ele individuel est ´egal au nombre moyen de sinistre dans le mod`ele collectif, puisque n X
qi = λ.
i=1
De plus, le passage du mod`ele individuel au mod`ele collectif ne modifie pas la charge moyenne des sinistres puisque E[S
ind
] = = =
n X i=1 n X i=1 n X
E[Si ] qi E[Yi ] E[S˜i ] = E[S coll ]
i=1
Par contre, le mod`ele collectif surestime la variance de la charge totale des sinistres, rendant la situation moins favorable pour la compagnie. Ceci provient de V[S ind ] = = = =
n X
V[Si ]
i=1 n X
{qi V[Yi ] + qi (1 − qi )(E[Yi ])2 }
i=1 n n X
i=1 n X i=1
≤
n X i=1
o E V[Si |Ii ] + V E[Si |Ii ]
{qi E[Yi2 ] − qi2 (E[Yi ])2 } qi E[Yi2 ] =
n X i=1
V[Sei ] = V[S coll ].
6.2. Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif
291
La variance ´etant traditionnellement consid´er´ee comme un param`etre de risque, le passage au mod`ele collectif rencontre un imp´eratif de prudence. D’autres choix ont ´egalement ´et´e propos´es. Ainsi, il n’est pas rare d’utiliser λi = − ln pi ⇔ exp(−λi ) = pi
⇔ Pr[Ni = 0] = Pr[Si = 0],i = 1,2, . . . ,n.
On identifie donc les probabilit´es pour que la police i ne produise aucun sinistre dans les mod`eles individuels et collectifs. Au niveau du portefeuille, on a Pr[S coll = 0] = Pr[N = 0] = exp(−λ) ! n X = exp − λi i=1
=
n Y
exp(−λi )
i=1
=
n Y
pi = Pr[S ind = 0].
i=1
on a donc l’´egalit´e des probabilit´es de n’observer aucun sinistre ´egalement au niveau du portefeuille.
6.2.6
Bornes sur l’erreur d’approximation: fonction de r´ epartition
Tentons de borner l’erreur commise en approximant G ind par Pour ce faire, nous avons besoin des deux lemmes suivants. Lemme 6.2.3. Soient trois fonctions de r´epartition H 1 , H2 et H3 telles que H1 (0−) = H2 (0−) = H3 (0−) = 0. Soient deux constantes a et b telles que la double in´egalit´e Gcoll .
a ≤ H1 (x) − H2 (x) ≤ b est v´erifi´ee pour tout x ∈ IR + , alors la double in´egalit´e a ≤ H1 ?H3 (x) − H2 ?H3 (x) ≤ b est ´egalement satisfaite pour tout x ∈ IR + .
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
292
D´emonstration. On part de Z H1 ?H3 (x) − H2 ?H3 (x) =
x y=0
{H1 (x − y) − H2 (x − y)} dH3 (y).
Or, comme a ≤ H1 (x − y) − H2 (x − y) ≤ b quels que soient x et y, et comme H3 est une fonction de r´epartition, on d´eduit facilement que la double in´egalit´e Z +∞ a≤ {H1 (x − y) − H2 (x − y)} dH3 (y) ≤ b y=0
doit ˆetre satisfaite, ce qui ach`eve la preuve. Lemme 6.2.4. Soient les fonctions de r´epartition H 1 ,H2 , . . . ,Hn e 1 ,H e 2 , . . . ,H e n telles que Hi (0−) = H e i (0−) = 0. Soient des et H constantes a1 ,a2 , . . . ,an et b1 ,b2 , . . . ,bn telles que les in´egalit´es e i (x) ≤ bi , i = 1,2, . . . ,n, ai ≤ Hi (x) − H
sont satisfaites quel que soit x ∈ IR + , alors la double in´egalit´e n X i=1
e 1 ?H e 2 ? . . . ?H e n (x) ≤ ai ≤ H1 ?H2 ? . . . ?Hn (x) − H
n X
bi
i=1
est ´egalement valable pour tout x ∈ IR + .
D´emonstration. Il suffit de raisonner par r´ecurrence a` partir du Lemme 6.2.3. Supposons le r´esultat acquis pour n − 1, i.e. n−1 X i=1
e 1 ?H e 2 ? . . . ?H e n−1 (x) ≤ ai ≤ H1 ?H2 ? . . . ?Hn−1 (x) − H
n−1 X
bi .
i=1
On d´eduit du Lemme 6.2.3 les deux in´egalit´es n−1 X i=1
et
e 1 ?H e 2 ? . . . ?H e n−1 ?Hn (x) ≤ ai ≤ H1 ?H2 ? . . . ?Hn (x) − H
n−1 X
bi
i=1
e 1 ?H e 2 ? . . . ?H e n−1 ?Hn (x) − H e 1 ?H e 2 ? . . . ?H e n (x) ≤ bn an ≤ H
qu’il suffit de sommer pour obtenir le r´esultat souhait´e.
Corollaire 6.2.5. On d´eduit imm´ediatement du Lemme 6.2.4 la stabilit´e de VaR par convolution (en prenant ai = 0 pour tout i). Nous reviendrons plus loin en d´etail sur ce r´esultat.
6.2. Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif
293
Grˆace au Lemme 6.2.4, nous allons pouvoir ´etablir le r´esultat suivant, qui fournit des bornes pour l’erreur commise en passant du mod`ele individuel au mod`ele collectif. Proposition 6.2.6. Quel que soit x ∈ IR + , les in´egalit´es n X i=1
n o min 0,pi − exp(−λi ) ≤ Gind (x) − Gcoll (x)
et Gind (x) − Gcoll (x) ≤
n X i=1
pi − exp(−λi ) + max{qi − λi exp(−λi ),0}
sont satisfaites. D´emonstration. Grˆace au Lemme 6.2.4, il suffit de prouver le r´esultat ci-dessus pour une seule police, c’est-`a-dire de borner
puisque
Fi (x) − F˜i (x) = Pr[Si ≤ x] − Pr[Sei ≤ x], Gind = F1 ?F2 ? . . . ?Fn et Gcoll = Fe1 ?Fe2 ? . . . ?Fen .
On doit donc d´emontrer deux in´egalit´es pour x ≥ 0, a` savoir min{0,pi − exp(−λi )} ≤ pi + qi Bi (x) − exp(−λi ) et pi + qi Bi (x) − exp(−λi )
+∞ k X λ i
k=0
k!
?(k)
Bi
+∞ k X λ i
k=0
k!
?(k)
Bi
(x) (6.5)
(x)
≤ pi − exp(−λi ) + max{qi − λi exp(−λi ),0}.
(6.6)
Commen¸cons par (6.6): quel que soit x ∈ IR + , il vient pi + qi Bi (x) − exp(−λi )
+∞ k X λ i
k=0
k!
?(k)
Bi
(x)
= pi + qi Bi (x) − exp(−λi ) − λi exp(−λi )Bi (x) − exp(−λi )
≤ pi − exp(−λi ) + qi − λi exp(−λi ) Bi (x)
≤ pi − exp(−λi ) + max{0,qi − λi exp(−λi )},
+∞ k X λ i
k=2
k!
?(k)
Bi
(x)
294
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
ce qui est bien le r´esultat annonc´e. Passons a` pr´esent a` (6.5): comme l’in´egalit´e ?(k) Bi (x) ≤ Bi (x) est v´erifi´ee quel que soit le r´eel non-n´egatif x et l’entier positif k, il vient pi − exp(−λi ) + qi Bi (x) − exp(−λi ) ≥ pi − exp(−λi ) +
qi − exp(−λi )
+∞ k X λ i
k!
k=1 ! +∞ X λk i k=1
?(k)
Bi
k!
(x)
Bi (x)
= pi − exp(−λi ) + qi − 1 + exp(−λi ) Bi (x) ≥ pi − exp(−λi ) + min{0, exp(−λi ) − pi }
= min{0,pi − exp(−λi )}, ce qui ach`eve la d´emonstration.
Commentons les r´esultats de la Proposition 6.2.6. Tout d’abord, si pi ≥ exp(−λi ) ⇔ λi ≥ − ln pi pour tout i, c’est-`a-dire si la probabilit´e que la police i ne produise aucun sinistre est plus petite dans le mod`ele collectif que dans le mod`ele individuel, on voit que Gind (x) ≥ Gcoll (x) pour tout x ∈ IR+ , ce qui illustre bien le caract`ere prudent de l’approximation de G ind par Gcoll pour la compagnie, puisque λi ≥ − ln pi pour tout i ⇒ S ind VaR S coll . Le choix λi = − ln pi est donc celui a` op´erer lorsqu’il s’agit de calculer une marge de solvabilit´e ou une probabilit´e de ruine. En effet, en notant κ le niveau des fonds propres de l’assureur et p l’encaissement net, nous avons Pr[ruine dans le mod`ele individuel] = Pr[S ind > κ + p] ≤ Pr[S coll > κ + p]
= Pr[ruine dans le mod`ele collectif].
6.2. Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif
295
De mˆeme, si on veut d´eterminer le niveau de fonds propres garantissant que la ruine ne surviendra qu’avec une probabilit´e , on a = VaR[S ind ; 1 − ] − p ≤ κcoll = VaR[S coll ; 1 − ] − p. κind Examinons ce que deviennent les bornes de la Proposition 6.2.6 pour le choix usuel λi = qi . Comme exp(−λi ) > 1 − λi = 1 − qi = pi , la borne inf´erieure donne pi − exp(−λi ) = pi −
+∞ X (−qi )k
k!
k=0
>−
qi2 . 2
Ainsi, n
Gind (x) − Gcoll (x) ≥ −
1X 2 qi . 2 i=1
Passons a` la borne sup´erieure. Comme qi > qi exp(−qi ) = λi exp(−λi ), la borne sup´erieure donne pi − exp(−λi ) + qi − λi exp(−λi ) = 1 − (1 + λi ) exp(−λi )
1 − qi = pi , et
qi 2 1 − qi − exp(−qi ) > 1 − qi − 1 − qi + 2
=
−qi 2 2
6.2. Approximation du mod` ele individuel par un ´ equivalent collectif
301
d’o` u l’on tire −
n n 1 E[Yi ]qi2 ≤ E[Yi ] pi − exp(−qi ) 2 i=1
i=1
≤ E[(S ind − t)+ ] − E[(S coll − t)+ ] ≤ 0. En pratique, les qi sont faibles (de l’ordre de 10−3 souvent), de sorte que la borne inf´erieure est de l’ordre de 10 −6 fois le montant moyen d’un sinistre, multipli´e par le nombre de polices. Notez que E[(S ind − t)+ ] ≤ E[(S coll − t)+ ] quel que soit t ≥ 0, d`es que λi ≥ qi . D`es lors, λi ≥ qi ⇒ S ind TVaR S coll . Le choix λi = qi s’impose donc lorsque l’actuaire veut ´evaluer des primes stop-loss, des Tail-VaR, ou plus g´en´eralement une quantiti´e pouvant s’´ecrire comme l’esp´erance d’une fonction convexe croissante de la charge totale des sinistres. En prenant λi = − ln pi , on obtient n n 1 2 − E[Yi ](ln pi ) ≤ E[Yi ](qi + ln pi ) 2 i=1
i=1
≤ E[(S ind − t)+ ] − E[(S coll − t)+ ] ≤ 0. Remarque 6.2.13. Notez que le choix λi = − ln pi conduit ´egalement a ` E[(S ind −t)+ ] ≤ E[(S coll −t)+ ]. N´eanmoins, si on note S coll(1) l’approximation collective de S ind obtenue pour λi = qi et S coll(2) celle obtenue pour λi = − ln pi , on peut v´erifier que E[(S ind − t)+ ] ≤ E[(S coll(1) − t)+ ] ≤ E[(S coll(2) − t)+ ]. L’approximation collective de S ind obtenue pour λi = qi est donc plus pr´ecise que celle obtenue pour λ i = − ln pi lorsqu’il s’agit de calculer des primes stop-loss. Insistons encore une fois sur le fait que l’approximation collective de S ind obtenue pour λi = qi n’est quant a ` elle pas prudente pour calculer une probabilit´e de ruine ou un quantile.
302
6.3 6.3.1
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
Discr´ etisation des coˆ uts des sinistres dans le mod` ele collectif N´ ecessit´ e de la discr´ etisation
Le calcul de la fonction de r´epartition de S coll ou des primes stoploss y associ´ees ne peut en g´en´eral s’effectuer qu’apr`es discr´etisation des montants des sinistres. En effet, le calcul de la fonction de r´epartition Gcoll suppose le calcul de produits de convolution F (k) pour des valeurs ´elev´ees de k, ce qui peut ´egalement poser des probl`emes num´eriques (sauf dans le cas o` u F est stable par convolution, comme la loi Gamma, par exemple). Bien entendu, la m´ethode de discr´etisation retenue doit g´en´erer un chargement de s´ecurit´e implicite: la quantit´e calcul´ee apr`es discr´etisation doit toujours ˆetre au moins ´egale a` celle associ´ee au mod`ele collectif initial. La m´ethode de discr´etisation a` utiliser d´epend donc de ce qu’on veut ´evaluer: prime stop-loss ou Tail-VaR, probabilit´e de ruine, VaR ou marge de solvabilit´e, par exemple.
6.3.2
Discr´ etisation en accord avec la VaR
Comme annonc´e plus haut, les calculs s’effectueront `a l’aide d’algorithmes it´eratifs exigeant la discr´etisation pr´ealable des montants des sinistres X1 ,X2 , . . . touchant le portefeuille. Afin de ne pas sous´evaluer la probabilit´e de ruine ou la VaR, nous remplacerons les X i par les variables Xi∆ a` valeurs dans {k∆, k ∈ IN} pour un certain pas de discr´etisation ∆, avec Xi∆ = k∆ si (k − 1)∆ < Xi ≤ k∆.
(6.8)
Notez au passage que les Xi∆ sont strictement positifs. Au niveau des fonctions de r´epartition, la discr´etisation (6.8) fait u passer de F pour les Xi a` F ∆ pour les Xi∆ , o` F ∆ (x) = Pr[X ≤ k∆] = F (k∆), pour k∆ ≤ x < (k + 1)∆, F (k∆) = F (k∆), pour k ∈ IN. ∆
La Figure 6.1 montre les graphes de F et F ∆ . Clairement, F ∆ (x) ≤ F (x) pour tout x ∈ IR de sorte que Xi∆ VaR Xi quel que soit i.
(6.9)
6.3. Discr´ etisation des coˆ uts des sinistres dans le mod` ele collectif
303
F F∆
∆
2∆
4∆
3∆
Fig. 6.1 – Fonction de r´epartition F et F∆ obtenue a ` partir de (6.8).
D´efinissons la charge totale des sinistres apr`es discr´etisation comme coll S∆ =
N
Xi∆ .
i=1
Montrons que la m´ethode de discr´etisation que nous avons choisie coll est plus ´ elev´ee que la charge de sinistre initiale S coll . garantit S∆ Pour ce faire, commen¸cons par ´etablir les deux r´esultats suivants. Lemme 6.3.1. Consid´erons des risques ind´ependants Z 1 , Z2 et Z3 , de fonction de r´epartition respectives H 1 , H2 et H3 . Alors, Z1 VaR Z2 ⇒ Z1 + Z3 VaR Z2 + Z3 .
(6.10)
D´emonstration. Quel que soit t ∈ IR, t Pr[Z1 + Z3 ≤ t] = Pr[Z1 ≤ t − z]dH3 (z) z=0 t ≥ Pr[Z2 ≤ t − z]dH3 (z) z=0
= Pr[Z2 + Z3 ≤ t], ce qui ach`eve la v´erification. Propri´ et´ e 6.3.2. Lorsque la discr´etisation se fait comme d´ecrit en (6.9), n n Xi VaR Xi∆ . i=1
i=1
304
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
D´emonstration. Proc´edons par r´ecurrence. Le r´esultat est ´evidemment correct pour n = 1. Supposons a` pr´esent le r´esultat acquis pour n, et montrons qu’il est toujours valable pour n + 1. En appliquant (6.10) a` Z1 = X1 + X2 + . . . + Xn , Z2 = X1∆ + X2∆ + . . . + Xn∆ et Z3 = Xn+1 , il vient par l’hypoth`ese de r´ecurrence que X1 +X2 +. . .+Xn +Xn+1 VaR X1∆ +X2∆ +. . .+Xn∆ +Xn+1 . (6.11) ∆ et Z = X ∆ + X ∆ + En appliquant (6.10) a` Z1 = Xn+1 , Z2 = Xn+1 3 1 2 . . . + Xn∆ , il vient ∆ . X1∆ + X2∆ + . . . + Xn∆ + Xn+1 VaR X1∆ + X2∆ + . . . + Xn∆ + Xn+1 (6.12) Il suffit alors de combiner (6.11) et (6.12) pour obtenir le r´esultat d´esir´e.
Nous sommes `a pr´esent en mesure de montrer que la discr´etisation propos´ee plus haut est effectivement prudente (au sens VaR ). Propri´ et´ e 6.3.3. Lorsque la discr´etisation se fait comme d´ecrit en coll . (6.9), S coll VaR S∆ D´emonstration. La Propri´et´e 6.3.2 nous permet d’´ecrire n +∞ coll Pr Xi ≤ t Pr[N = n] G (t) = ≥
n=0 +∞ n=0
i=1
Pr
n
Xi∆ ≤ t Pr[N = n] = Gcoll ∆ (t),
i=1
d’o` u l’on tire le r´esultat annonc´e. Remarque 6.3.4. Notez que cette premi`ere m´ethode de discr´etisation ne respecte pas l’encaissement pur relatif au portefeuille puisque coll ]. E[S coll ] < E[S∆
6.3.3
Discr´ etisation en accord avec la TVaR
Nous allons a` pr´esent proposer une m´ethode de discr´etisation gacoll ] rantissant que la prime pure restera inchang´ee, i.e. E[S coll ] = E[S∆ (ce que ne garantit pas la discr´etisation (6.9)). Par contre, les TVaR et les primes stop-loss qui seront obtenues dans le mod`ele discr´etis´e seront au moins aussi ´elev´ees que celle du mod`ele collectif initial (mais les VaR apr`es discr´etisation ne seront pas syst´ematiquement plus ´elev´ees que dans le mod`ele collectif initial).
6.3. Discr´ etisation des coˆ uts des sinistres dans le mod` ele collectif
305
Fixons un pas de discr´etisation ∆ > 0. La m´ethode de discr´etisation dont il est question ici proc`ede en dispersant la masse de probabilit´e de l’intervalle (i∆,(i + 1)∆] aux extr´emit´es de celui-ci, tout en conservant la moyenne (cette m´ethode est appel´ee discr´etisation par dispersion de masse). Plus pr´ecis´ement, nous invoquons la Propri´et´e 5.6.1 pour obtenir la discr´etisation qui conduira a` une surestimation des primes stop-loss. D´efinissons, pour i = 0,1,2, . . ., 1 (i+1)∆ + {F (x) − F (i∆)}dx fi = ∆ x=i∆ 1 (i+1)∆ = {(i + 1)∆ − x} dF (x) ∆ x=i∆ o` u l’´equivalence entre les deux expressions de f i+ s’obtient moyennant une int´egration par parties. En effet,
(i+1)∆ (i+1)∆ 1 fi+ = + F (x)dx {(i + 1)∆ − x}F (x) ∆ x=i∆ x=i∆
(i+1)∆ 1 = F (x)dx −∆F (i∆) + ∆ x=i∆ 1 (i+1)∆ {F (x) − F (i∆)}dx = ∆ x=i∆ comme annonc´e. De la mˆeme mani`ere, toujours pour i = 0,1,2, . . ., d´efinissons 1 (i+1)∆ − fi+1 = {x − i∆} dF (x) ∆ x=i∆ 1 (i+1)∆ {F ((i + 1)∆) − F (x)}dx. = ∆ x=i∆ La deuxi`eme m´ethode de discr´etisation consistera `a concentrer la masse de probabilit´e de l’intervalle ]i∆,(i + 1)∆] en ses extr´emit´es − i∆ (qui re¸coit fi+ ) et (i + 1)∆ (qui re¸coit fi+1 ). ∆ La loi de probabilit´e des Xi a` valeurs dans {0,∆,2∆, . . .} est d´efinie par Pr[X1∆ = 0] = f0 = F (0) + f0+
Pr[X1∆ = i∆] = fi = fi− + fi+ pour i ≥ 1.
(6.13)
Les fonctions de r´epartition F et F∆ obtenue tel que d´ecrit ci-dessus sont repr´esent´ees `a la Figure 6.2.
306
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
F F∆
∆
2∆
4∆
3∆
Fig. 6.2 – Fonction de r´epartition F et F∆ obtenue a ` partir de (6.13).
On peut prouver le r´esultat suivant. Proposition 6.3.5. Lorsque la discr´etisation est faite comme d´ecrit en (6.13), X1∆ TVaR,= X1 . D´emonstration. Commen¸cons par montrer que X 1∆ et X1 ont mˆeme moyenne. Pour ce faire, notons que pour k∆ ≤ x < (k + 1)∆,
∆
F (x) =
Pr[X1∆
≤ x] =
k i=0
1 fi = ∆
(k+1)∆
F (y)dy. y=k∆
D`es lors, E[X1∆ ]
+∞
=
∆
F (x)dx 0
=
+∞
(k+1)∆
F (x)dx
k=0 k∆ +∞
= 0
F (x)dx = E[X1 ].
Nous devons a` pr´esent montrer que le passage de X 1 a` X1∆ augmente
6.3. Discr´ etisation des coˆ uts des sinistres dans le mod` ele collectif
307
les primes stop-loss. Pour ce faire, ´ecrivons E[(X − t)+ ] +∞ = E[(X − t)+ |j∆ < X ≤ (j + 1)∆] Pr[j∆ < X ≤ (j + 1)∆] j=0
≤
+∞
(j + 1)∆ − E[X|j∆ < X ≤ (j + 1)∆] (j∆ − t)+ ∆ j=0 E[X|j∆ < X ≤ (j + 1)∆] − j∆ + ((j + 1)∆ − t)+ Pr[j∆ < X ≤ (j + 1)∆] ∆
o` u la majoration d´ecoule de la Propri´et´e 5.6.1. Or, E[X|j∆ < X ≤ (j + 1)∆] (j+1)∆ xd Pr[X ≤ x|j∆ < X ≤ (j + 1)∆] = j∆
(j+1)∆ = − x Pr[X > x|j∆ < X ≤ (j + 1)∆] j∆ (j+1)∆ + Pr[X > x|j∆ < X ≤ (j + 1)∆]dx j∆
(j+1)∆
= j∆ + j∆
Pr[x < X ≤ (j + 1)∆] dx Pr[j∆ < X ≤ (j + 1)∆]
de sorte que (j + 1)∆ − E[X|j∆ < X ≤ (j + 1)∆]
(j+1)∆ F (j + 1)∆ − F (x)
dx = ∆− F (j + 1)∆ − F j∆ j∆ (j+1)∆
1
= F (x) − F (j∆) dx. F (j + 1)∆ − F j∆ j∆ De la mˆeme fa¸con, E[X|j∆ < X ≤ (j + 1)∆] − j∆ (j+1)∆
1
F ((j + 1)∆) − F (x) dx. = F (j + 1)∆ − F j∆ j∆ On obtient alors finalement +∞ + − ((j + 1)∆) − t)+ fj (j∆ − t)+ + fj+1 E[(X1 − t)+ ] ≤ j=0
=
+∞ j=0
fj (j∆ − t)+ = E[(X1∆ − t)+ ]
308
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
ce qui ach`eve la preuve. En proc´edant comme pour la premi`ere m´ethode de discr´etisation, nous allons a` pr´esent montrer que cette seconde m´ethode de discr´etisation conduit a` une charge de sinistres plus ´elev´ee dans le mod`ele collectif discr´etis´e. Lemme 6.3.6. Consid´erons trois risques ind´ependants Z 1 , Z2 et Z3 , de mˆeme moyenne et de fonction de r´epartition respective H 1 , H2 et H3 . Nous avons alors Z1 TVaR,= Z2 ⇒ Z1 + Z3 TVaR,= Z2 + Z3 . D´emonstration. Le r´esultat se d´eduit imm´ediatement de l’in´egalit´e E Z1 − (t − z) + dH3 (z) E[(Z1 + Z3 − t)+ ] = z≥0 E Z2 − (t − z) + dH3 (z) ≤ z≥0
= E[(Z2 + Z3 − t)+ ]. En proc´edant par r´ecurrence a` partir de ce lemme (le raisonnement utilise le mˆeme argument que celui tenu dans la d´emonstration de la Propri´et´e 6.3.2), on obtient ais´ement la propri´et´e suivante. Propri´ et´ e 6.3.7. Si la discr´etisation est effectu´ee conform´ement a ` (6.13), n n Xi TVaR,= Xi∆ . i=1
i=1
On d´eduit de la Propri´et´e 6.3.7 que la charge totale des sinistres coll S∆ dans le mod`ele collectif discr´etis´e est plus s´ev`ere que la charge de sinistre S coll avant discr´etisation (au sens TVaR,= ). Propri´ et´ e 6.3.8. Si la discr´etisation est effectu´ee conform´ement a ` coll . (6.13), S coll TVaR,= S∆ D´emonstration. Il suffit de conditionner par rapport au nombre N de sinistres qui frappent le portefeuille, i.e. +∞ n E S coll − t E Xi − t Pr[N = n] = +
n=0
i=1
n=0
i=1
+
+∞ n ≤ E Xi∆ − t Pr[N = n] coll − t)+ , = E (S∆
+
6.4. Calcul dans le mod` ele collectif discr´ etis´ e: Algorithme de Panjer
309
ce qui ach`eve la v´erification.
6.4 6.4.1
Calcul dans le mod` ele collectif discr´ etis´ e: Algorithme de Panjer De la difficult´ e d’une approche directe
Notations Dor´enavant, nous posons pour simplifier les calculs ∆ = 1, et nous omettons l’exposant ∆. Nous consid´erons donc que les montants de sinistre X1 ,X2 ,X3 , . . . qui touchent le portefeuille en vision collective sont des variables al´eatoires ind´ependantes et de mˆeme loi, a` valeurs dans IN. Notons f i = Pr[X1 = i], i ∈ IN, et supposons dans un premier temps f0 = 0. Produit de convolution discret Nous d´efinissons le produit de convolution discret comme (k)
fi
= Pr
k
Xj = i .
j=1 (k)
= 0 si i ≤ k − 1 (car tous les sinistres valent au Clairement, fi (k) moins 1). Comme les Xi sont positifs, les fi satisfont au sch´ema de r´ecurrence i−k+1 (k−1) (k) = fi−j fj si i ≥ k. (6.14) fi j=1
Loi de S coll Bien entendu, S coll est ´egalement `a valeurs enti`eres. Nous notons dor´enavant pk = Pr[N = k], k ∈ IN, et gi = Pr[S coll = i], i ∈ IN. D`es lors, gi =
i k=0
(k)
pk f i
, i ∈ IN.
(6.15)
310
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
Ceci permet de calculer Gcoll , donn´ee par coll
G
(x) =
x
gj , x ∈ IR+ .
j=0
L’approche directe que nous venons de pr´esenter n´ecessite beaucoup d’op´erations, ce qui peut poser quelques difficult´es en pratique, particuli`erement pour les portefeuilles de grande taille. La formule de r´ecurrence de Panjer permet un calcul plus rapide des g j .
6.4.2
Famille de Panjer
L’algorithme de Panjer s’applique a` des lois de probabilit´e {p j , j ∈ IN} sur IN satisfaisant la relation de r´ecurrence b pk = a + (6.16) pk−1 , k = 1,2, . . . , k pour certaines constantes r´eelles a et b. La classe des lois de probabilit´e sur IN satisfaisant la relation de r´ecurrence (6.16) est appel´ee famille de Panjer en sciences actuarielles. Elle ne compte que trois membres, comme l’indique la Proposition 6.4.1. Proposition 6.4.1. Les seules lois de probabilit´e satisfaisant la relation de r´ecurrence (6.16) sont (i) la loi de Poisson, obtenue pour a = 0 et b > 0; (ii) la loi binomiale n´egative, obtenue pour 0 < a < 1 et a + b > 0; (iii) la loi binomiale, obtenue pour a < 0 et b = −a(m + 1), pour un certain entier positif m. D´emonstration. R´eglons tout d’abord le cas a = 0. On d´eduit facilement de (6.16) que pk = p 0
bk , k = 1,2, . . . ; k!
on doit avoir b ≥ 0 afin que pk ≥ 0 pour tout k. Comme la somme des probabilit´es pk doit valoir 1, il vient +∞
pk = p0 exp(b) = 1 ⇒ p0 = exp(−b).
k=0
Dans ce cas, pk = exp(−b)
bk , k ∈ IN, k!
6.4. Calcul dans le mod` ele collectif discr´ etis´ e: Algorithme de Panjer
311
et on a bien le r´esultat annonc´e en (i). Supposons a` pr´esent a = 0. En appliquant a` plusieurs reprises (6.16), il vient b pk−1 a a2 b b = k+ k−1+ pk−2 k(k − 1) a a = ... ak b b b = k+ k−1+ ... 1 + p0 , k! a a a a k
pk =
k+
ce qui peut encore se r´e´ecrire, en posant ζ = ba −1 + 1, pk = p0 (ζ + k − 1)(ζ + k − 2) . . . (ζ + 1)ζ
ak , k ∈ IN. k!
Comme la formule +∞
c(c + 1) . . . (c + k − 1)
k=0
zk = (1 − z)−c k!
est valable pour |z| < 1 et c ∈ IR (pour la v´erifier, d´evelopper z → (1 − z)−c en s´erie de MacLaurin), il vient +∞
pk = p0 (1 − a)−ζ = 1 ⇒ p0 = (1 − a)ζ ,
k=0
d’o` u l’on tire pk =
ζ +k−1 k
ak (1 − a)ζ , k ∈ IN.
Pour 0 < a < 1, pk ≥ 0 si, et seulement si, ζ ≥ 0 ⇔ b ≥ −a. On retrouve dans ce cas la loi binomiale n´egative. Pour a < 0, pk ≥ 0 si, et seulement si, b = −a(m + 1) pour un certain entier m. Ceci entraˆıne ζ ∈ IN et conduit a` la loi binomiale. Enfin, notez que a ≥ 1 est impossible car on aurait alors p k > 1 pour k suffisamment grand.
312
6.4.3
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
Algorithme de Panjer pour coˆ uts de sinistres positifs
Le sch´ema de calcul it´eratif propos´e par Panjer est d´ecrit dans la Proposition 6.4.3. Pur l’obtenir, nous aurons besoin lemme technique suivant. Lemme 6.4.2. La relation n (n−1) ifi fj−i , j j
(n)
fj
=
i=1
est valable pour j ≥ n. D´emonstration. La d´emonstration consiste `a ´egaler deux expressions pour le coˆ ut moyen du premier sinistre connaissant la somme des n premiers. Plus pr´ecis´ement, nous avons quel que soit j ≥ n n n n 1 j E X1 Xk = j = E Xk Xk = j = . n n
k=1
k=1
(k)
D’autre part, si fj
k=1
> 0,
n Xk = j E X1
=
k=1
= =
n i Pr X1 = i Xk = j i=1 k=1 j n i et k=2 Xk = j − i] i=1 i Pr [X1 = n Pr [ k=1 Xk = j] j (n−1) i=1 ifi fj−i . (n) fj
j
Ceci conduit a` la relation annonc´ee. Proposition 6.4.3. Si la loi de probabilit´e de N fait partie de la ` famille de Panjer et si f0 = 0, les gi s’obtiennent par r´ecurrence a l’aide de la relation gj =
j i=1
en partant de g0 = p0 .
a+i
b j
fi gj−i
(6.17)
6.4. Calcul dans le mod` ele collectif discr´ etis´ e: Algorithme de Panjer
313
D´emonstration. Comme tous les montants de sinistres sont strictement positifs, on a clairement Pr[S coll = 0] = Pr[N = 0] = p0 . Consid´erons a` pr´esent j ≥ 1. Le Lemme 6.4.2 nous permet alors d’´ecrire +∞ b (n) a+ gj = pn−1 fj n n=1 =
=
=
+∞
apn−1
n=1 j i=1 j i=1
j
(n−1)
fi fj−i
+
n=1
i=1
a+i
a+i
b j b j
fi
j +∞ b (n−1) pn−1 ifi fj−i j
+∞
i=1
(n−1)
pn−1 fj−i
n=1
fi gj−i ,
ce qui ach`eve la preuve. Remarque 6.4.4 (Temps de calcul). Examinons a ` pr´esent le temps de calcul n´ecessaire pour obtenir g j , j = 1,2, . . . ,m, selon le sch´ema (6.15) et le sch´ema (6.17). Si on ne compte que les multi(k) a ` k fix´e pour i = 1,2, . . . ,m requiert plications, l’´evaluation des f i 1 + 2 + ... + m =
m(m + 1) 2
op´erations. Ceci doit ˆetre r´ealis´e pour k = 1,2, . . . ,m. Ainsi, l’approche directe n´ecessite un nombre d’op´erations de l’ordre de m 3 . Par contre, si on adopte (6.17), le nombre d’op´erations est de l’ordre u un total de l’ordre de m2 op´erations. Dans de j pour chaque gj , d’o` beaucoup de cas pratiques, m est de l’ordre du millier, ce qui permet a ` (6.17) de r´eduire d’un facteur 1 000 le temps de calcul par rapport a ` (6.15). Corollaire 6.4.5 (Le cas de la loi de Poisson compos´ ee). Dans le cas o` u N suit la loi de Poisson de moyenne λ (a = 0 et b = λ), il vient exp(−λ) si i = 0 gi = λ i j=1 jfj gi−j si i ≥ 1. i Remarque 6.4.6 (Initialisation de la r´ ecurrence de Panjer dans le cas Poisson compos´ e). En pratique, pour des portefeuilles de taille moyenne a ` ´elev´ee, λ est souvent si grand que g 0 est consid´er´e comme nul par la machine, entraˆınant la nullit´e de
314
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
tous les gi , en vertu de la relation de r´ecurrence de Panjer. Afin de rem´edier a ` cet inconv´enient, on posera g0 = 1 avant de calculer les ` partir de la relation de Panjer. On s’arrˆetera gi pour i = 1,2, . . . a avant que la machine ne juge un des gi infini, et on renormalisera les r´esultats a ` partir de gi = exp(−λ + ln gi ), i = 0,1,2, . . . avant de poursuivre le calcul des gi par l’algorithme de Panjer. Remarque 6.4.7 (Preuve alternative de l’algorithme de Panjer dans le cas Poisson compos´ e). On peut encore d´emontrer la r´ecursion de Panjer comme suit dans le cas Poisson compos´e, en recourant aux fonctions g´en´eratrices des probabilit´es (apr`es discr´etisation, la charge totale des sinistres est ` a valeurs dans IN, au facteur ∆ pr`es). Partons de d kz k−1 gk . ϕS (z) = dz +∞
(6.18)
k=1
D’autre part, nous savons que ϕS (z) =
+∞ n=0
et d`es lors
exp(−λ)
λn {ϕX (z)}n = exp(λ(ϕX (z) − 1)) n!
d ϕX (z) ϕS (z) dz +∞ +∞ k = λ z gk xz x−1 fx
d ϕS (z) = λ dz
=
k=0 +∞ +∞
x=1
λxz x+k−1 gk fx
x=1 k=0
=
=
+∞ +∞ x=1 y=x y +∞
λxz y−1 gy−x fx λxz y−1 gy−x fx
(6.19)
y=1 x=1
o` u l’on a pos´e y = x + k puis permut´e les sommes. En identifiant les coefficients des diff´erentes puissances de z dans (6.18) et (6.19) on trouve k kgk = λxfx gk−x x=1
6.4. Calcul dans le mod` ele collectif discr´ etis´ e: Algorithme de Panjer
315
soit la formule de Panjer.
6.4.4
Algorithme de Panjer pour coˆ uts de sinistre nonn´ egatifs
Jusqu’ici, nous avons suppos´e que f 0 = 0. Nous allons a` pr´esent adapter l’algorithme de Panjer au cas o` u f 0 > 0 (ce qui peut r´esulter notamment de la m´ethode de discr´etisation par dispersion de masse). Proposition 6.4.8. Si la loi de probabilit´e de N fait partie de la ` famille de Panjer et si f0 > 0, les gj s’obtiennent par r´ecurrence a partir de la relation j 1 i gj = a+b fi gj−i 1 − af0 j
(6.20)
i=1
partant de g0 = ϕN (f0 ). D´emonstration. Comme (k)
f0
= (f0 )k , k ∈ IN,
on voit facilement que g0 =
+∞
pk (f0 )k = ϕN (f0 ).
k=0
Une adaptation ´evidente de la preuve de la Proposition 6.4.3 m`ene pour j > 0 a`
gj
j +∞ b (n−1) ifi fj−i pn−1 j n=1 n=1 i=0 i=1 j +∞ +∞ b (n−1) (n−1) = af0 pn−1 fj + pn−1 fj−i a+i fi j n=1 n=1 i=1 j b = af0 gj + a+i fi gj−i , j
=
+∞
apn−1
j
(n−1)
fi fj−i
+
i=1
ce qui donne finalement le r´esultat annonc´e.
316
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
6.4.5
Evaluation des probabilit´ es de ruine sur une p´ eriode
On voit clairement que coll > i∆] = 1 − Pr[S∆
i
coll i ∈ IN, o` u gj = Pr[S∆ = j∆].
gj ,
j=0
On peut calculer ces quantit´es r´ecursivement en adoptant le sch´ema suivant: 1, si i = −1, coll Pr[S∆ > i∆] = coll > (i − 1)∆] − g , si i ∈ IN. Pr[S∆ i La probabilit´e de d´eficit cherch´ee Pr[S coll > (1 + ρ)nµ + κ] est coll > (1+ρ)nµ+κ], toujours sup´ approxim´ee par Pr[S∆ erieure lorsque la discr´etisation est op´er´ee en accord (6.9). Si on note (1 + ρ)nµ + κ ∗ k = ∆ la probabilit´e de d´eficit cherch´ee vaut ∗
coll Pr[S∆
∗
> k ∆] = 1 −
k
gj .
j=0
6.4.6
Evaluation de la VaR et de la marge de solvabilit´ e
Au contraire des chargements de s´ecurit´e incorpor´es aux primes pay´ees par les assur´es, la marge de solvabilit´e est constitu´ee a` l’aide de capital apport´e par les actionnaires. Il s’agit donc de la d´eterminer aussi pr´ecis´ement que possible, car la marge devra ˆetre r´etribu´ee a` un taux ´elev´e. La marge de solvabilit´e se d´efinit souvent comme κ = VaR[S coll ; 1 − ] − (1 + ρ)E[S coll ]. La d´etermination de κ se fait sur base des montants de sinistres discr´etis´es, i.e. coll coll ; 1 − ] − (1 + ρ)E[S∆ ]. κ∆ = VaR[S∆
Pour autant qu’on ait recours a` la discr´etisation (6.9), en accord avec coll ; 1 − ], VaR , nous sommes sˆ urs que κ ≤ κ∆ . Pour obtenir VaR[S∆ il suffira de rep´erer l’indice k tel que k−1 j=1
gj < 1 − ≤
k j=1
gj
6.5. Evaluation des primes stop-loss
317
qui fournit alors κ∆ = k − (1 + ρ)nµ. Remarque 6.4.9. Nous pr´esenterons dans le Tome II d’autres m´ethodes num´eriques permettant d’obtenir la loi de la charge totale des sinistres dans le mod`ele collectif, comme l’algorithme de la transform´ee de Fourier rapide, par exemple.
6.5
Evaluation des primes stop-loss
6.5.1
Sch´ ema it´ eratif de calcul des primes stop-loss
Nous supposons dans cette section que le nombre annuel N de sinistres suit une loi de Poisson. La m´ethode est la suivante: 1. on discr´etise par dispersion de masse (i.e. comme d´ecrit en (6.13)) les montants de sinistre X1 ,X2 ,X3 , . . . de fonction de r´epartition F en choisissant un pas ∆; ceci donne les montants de sinistre X1∆ ,X2∆ ,X3∆ , . . .. N coll = i∆] o` coll = 2. On calcule les gi = Pr[S∆ u S∆ Xk∆ grˆ ace k=1
a` l’algorithme de Panjer; on a ainsi la fonction de r´epartition coll Gcoll ee par ∆ de S∆ donn´ Gcoll ∆ (x) =
k
gi pour x ∈ [k∆,(k + 1)∆[.
i=0
3. partant de coll ] = λ∆ E[S∆
∞
i fi ,
i=1
on calcule les primes stop-loss par r´ecurrence au moyen de la relation coll E[(S∆
− (k + 1)∆)+ ] =
coll E[(S∆
− k∆)+ ] − ∆ 1 −
k
gi
.
i=0
Pour une franchise t quelconque (pas n´ecessairement un multiple du pas de discr´etisation ∆), on obtient alors en consid´erant k∆ ≤
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
318
t < (k + 1)∆ coll E[(S∆
∞
x=t +∞
− t)+ ] =
1 − Gcoll (x) dx ∆
t coll = 1 − G∆ (x) dx − 1 − Gcoll ∆ (x) dx x=k∆ x=k∆ (k∆) . = E[(S∆ − k∆)+ ] − (t − k∆) 1 − Gcoll ∆
Il suffit d`es lors de calculer les primes stop-loss pour des franchises multiples du pas de discr´etisation pour pouvoir en d´eduire les primes stop-loss pour une franchise quelconque.
6.5.2
Erreur due ` a la discr´ etisation
A pr´esent, tentons de borner l’erreur commise en substituant coll − t) ] a coll − t) ]. Pour ce faire, nous avons besoin de E[(S∆ + ` E[(S + la quantit´e suivante : ! ε∆ = sup F ((j + 1)∆) − F (j∆) j∈IN
qui n’est autre que la plus grande masse de probabilit´e accord´ee a` un intervalle du type ]j∆,(j + 1)∆]. Proposition 6.5.1. Quel que soit t ≥ 0, on a coll − t)+ ] − E[(S coll − t)+ ] ≤ λ 0 ≤ E[(S∆
∆ ∆ ε∆ ≤ λ . 4 4
D´emonstration. La premi`ere de ces in´egalit´es est une cons´equence directe de la Proposition 6.3.5. La derni`ere est ´evidente puisque ε∆ ≤ 1. Reste donc a` prouver la seconde. Nous savons que quel que soit t ≥ 0 E[(X1∆ − t)+ ] − E[(X1 − t)+ ] ∞ F (x) − F ∆ (x) dx = ∞ x=t ∞ ∆ 1 − F (x) dx − 1 − F (x) dx = x=0 x=0 t + F ∆ (x) − F (x) dx x=0 t = E[X1∆ ] − E[X1 ] + F ∆ (x) − F (x) dx ≥ 0.(6.21) #$ % " x=0 =0 par construction
6.5. Evaluation des primes stop-loss
319
De plus, en raison de la m´ethode de discr´etisation utilis´ee, nous avons (j+1)∆ F ∆ (x)dx = ∆F ∆ (j∆) x=j∆
= ∆(F (j∆) + fj+ ) =
(j+1)∆
F (x)dx.
(6.22)
x=j∆
Ceci nous permet d’affirmer que pour j∆ ≤ t < (j + 1)∆, 0 ≤ E[(X1∆ − t)+ ] − E[(X1 − t)+ ] j−1 (k+1)∆ F ∆ (x) − F (x) dx + = k=0 x=k∆ t ∆
F ∆ (x) − F (x) dx
x=j∆
=
t
F (x) − F (x) dx.
(6.23)
x=j∆
En particulier, nous remarquons au passage que E[(X1∆ − j∆)+ ] = E[(X1 − j∆)+ ] quel que soit l’entier j. En combinant (6.21) et (6.23), il vient pour j∆ ≤ t < (j + 1)∆ t t ∆ F (x) − F (x) dx = F ∆ (x) − F (x) dx. x=0
x=j∆
D´efinissons
! ξ = inf x ∈]j∆,(j + 1)∆] F ∆ (x) ≤ F (x) .
On a alors ξ F∆ (x) − F (x) dx = x=j∆
(j+1)∆
x=ξ
grˆ ace `a (6.22). La fonction t t →
F (x) − F∆ (x) dx
F ∆ (x) − F (x) dx
x=j∆
croˆıt depuis j∆ jusque ξ, pour d´ecroˆıtre ensuite de ξ a` (j + 1)∆. De plus, elle s’anulle en j∆ et en (j + 1)∆. On en d´eduit alors que t ξ ∆ F (x) − F (x) dx ≤ F ∆ (x) − F (x) dx. x=j∆
x=j∆
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
320
Comme ξ ∆ F (x) − F (x) dx = x=j∆
(j+1)∆
F (x) − F ∆ (x) dx
x=ξ (j+1)∆
=
1 2
| F ∆ (x) − F (x)|dx
x=j∆
on en d´eduit t F ∆ (x) − F (x) dx x=j∆ ξ
≤
F ∆ (x) − F (x) dx
x=j∆
&
∆ F (x) − F (x) dx
ξ
= x=j∆
F (x) − F ∆ (x) dx
(j+1)∆ x=ξ
' − ≤ (j + 1)∆ − ξ fj+ (ξ − j∆)fj+1 En remarquant que
− fj+ + fj+1 = F (j + 1)∆ − F (j∆)
et comme l’in´egalit´e uv ≤ 14 (u + v)2 est v´erifi´ee quels que soient les r´eels u et v, on a ' ' 2 1 1 + − ≤ F ((j + 1)∆) − F (j∆) ∆2 fj (ξ − j∆)fj+1 (j + 1)∆ − ξ 4 4 ∆ε∆ . ≤ 4 Nous savons donc a` pr´esent que 0 ≤ E[(X1∆ − t)+ ] − E[(X1 − t)+ ] ≤
∆ε∆ 4
Or, coll − t)+ ] − E[(S coll − t)+ ] E[(S∆ ∞ k k k λ = exp(−λ) Xj∆ − t − E Xj − t E k! k=0
≤ exp(−λ)
∞ k=0
comme annonc´e.
j=1
1 λk ∆ε∆ k = λ∆ε∆ , k! 4 4
+
j=1
6.6. Exercices
6.6
321
Exercices
Exercice 6.6.1. Consid´erons le mod`ele collectif suivant: la charge uN totale S coll des sinistres du portefeuille vaut S coll = N i=1 Xi o` est de loi de Poisson de moyenne λ et o` u les montants correspondants X1 ,X2 , . . . sont ind´ependants de loi Exp(θ). ace a ` l’algoAfin de calculer la prime stop-loss E[(S coll − t)+ ] grˆ rithme de Panjer, il est n´ecessaire de discr´etiser les X i . D´eterminez le pas de discr´etisation ∆ afin de limiter l’erreur correspondante a ` 10% de la prime pure E[S]. Exercice 6.6.2. Consid´erons un portefeuille constitu´e de trois risques g´en´erant des charges annuelles de sinistre de montant S 1 , S2 et S3 , dont les lois de probabilit´e sont reprises au Tableau 6.4. D´ecrivez l’approximation collective S coll de S ind = S1 + S2 + S3 en vue de calculer des primes stop-loss E[(S ind − t)+ ]. j 1 2 3
k=0 0.4 0.6 0.4
k=1 0.3 0.1 0.4
k=2 0.3 0.3 0.2
Tab. 6.4 – .]Valeurs de Pr[Sj = k].
6.7
Notes bibliographiques
Les mod`eles individuels et collectifs sont ´etudi´es dans la plupart des livres consacr´es `a la th´eorie du risque. Mentionnons, en plus des ouvrages d´ej` a cit´es pr´ec´edemment, Bowers et al. (1997). Nous nous sommes ´egalement largement bas´es sur les travaux de De Pril & Dhaene (1992) et de Reinhard (1994).
322
Chapitre 6. Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stop-loss dans le mod` ele collectif
Chapitre 7
Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la compagnie 7.1
Introduction
Dans ce chapitre, nous nous int´eressons `a l’´equilibre des op´erations de l’assureur sur plusieurs ann´ees. Nous consid´erons le portefeuille comme un collectif de risques et nous envisageons les sinistres comme autant de chocs affectant le portefeuille. L’´ev´enement d’int´erˆet est la ruine de l’assureur. Bien entendu, le terme ne doit pas ˆetre consid´er´e ici au pied de la lettre: en r´ealit´e, l’assureur ne tombera sans doute pas en faillite mais n’en demeureura pas moins en mauvaise posture financi`ere. La probabilit´e de ruine telle qu’elle est d´efinie et introduite plus loin doit plutˆ ot s’envisager comme une mesure de risque, voire comme une mani`ere de d´eterminer certains param`etres comme le taux de chargement de s´ecurit´e ou le degr´e requis de r´eassurance, par exemple. Il convient d’insister sur le caract`ere extrˆemement simplifi´e du mod`ele pr´esent´e ici. La probabilit´e de ruine permet de juger de la pertinence de la tarification de l’assureur et du niveau de fonds propre, au vu de la sinistralit´e. La philosophie des mod`eles de base de th´eorie du risque est conserv´ee dans les mod`eles plus ´elabor´es visant a` tester la strat´egie adopt´ee par la compagnie, lesquels incluent l’effet de l’inflation, une ´evolution dans la sinistralit´e, un taux de prime adapt´e a` l’´evolution des sinistres, la distribution de dividendes, etc. Dans de tels mod`eles, l’obtention de solutions analytiques est bien ´evidemment sans espoir, et l’actuaire recourt a` la simulation (qui sera examin´ee en d´etail dans le Tome II). Le probl`eme de la ruine de l’assureur constitue le sujet central 323
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 324 compagnie de la th´eorie du risque. Les premiers d´eveloppements th´eoriques remontent au d´ebut du 20`eme si`ecle et sont dus `a des actuaires scandinaves d´esormais c´el`ebres, comme Harald Cram´er et Filip Lundberg. Leurs travaux ont contribu´e a` jeter les bases de la th´eorie des processus stochastiques. Par la suite, tous les grands noms de l’actuariat moderne, comme Hans B¨ uhlmann, Hans Gerber, ... ont ´etudi´e en d´etail le probl`eme de la ruine, permettant d’aboutir a` une th´eorie ´el´egante aidant a` mieux appr´ehender le quotidien de l’assureur.
7.2 7.2.1
Mod` ele discret de de Finetti Description du mod` ele
Dans les chapitres pr´ec´edents, nous nous sommes int´eress´es au r´esultat technique R de l’assureur sur un exercice. Bien entendu, cette vision des choses est quelque peu r´eductrice car la compagnie poursuivra ses activit´es au-del`a de l’exercice en question. Nous allons ici suivre l’´evolution du r´esultat technique dans le temps. Pour ce faire, nous noterons Rk le r´esultat de la compagnie a` l’instant k, partant d’un capital initial R0 = κ. Afin de mod´eliser l’´evolution des r´esultats de la compagnie, nous posons les hypoth`eses suivantes: 1. les produits financiers sont n´eglig´es; 2. les conditions de couverture et la sinistralit´e n’´evoluent pas dans le temps; 3. la part de march´e de la compagnie reste inchang´ee; 4. il n’y a pas d’inflation. Notons Sk la charge de sinistre relative a` l’exercice k et p l’encaissement net de cet exercice (`a savoir la prime pure E[S k ] major´ee du chargement de s´ecurit´e ρE[Sk ]). Nous avons donc p > E[Sk ]. Nous supposons les Sk ind´ependantes et identiquement distribu´ees. L’´evolution du r´esultat de la compagnie satisfait alors aux relations de r´ecurrence R0 = κ, R1 = κ + p − S1 et Rk = Rk−1 + p − Sk pour k ≥ 2. Notons ∆k = Rk − Rk−1 = p − Sk
7.2. Mod` ele discret de de Finetti
325
la variation du r´esultat de la compagnie au cours de l’ann´ee k. Les ∆k sont ind´ependantes et identiquement distribu´ees, en moyenne positive (du fait du chargement de s´ecurit´e). Mˆeme si E[∆ k ] > 0 (ce qui garantit que le r´esultat de la compagnie tendra asymptotiquement vers l’infini), il y a n´eanmoins un r´eel risque d’insolvabilit´e pour la compagnie puisque Pr[∆k < 0] > 0 entraˆıne Pr[Rk < 0] > 0.
7.2.2
Probabilit´ e de ruine
Nous notons ψ (d) (κ,j) la probabilit´e que l’un quelconque des j premiers exercices se soit r´ev´el´e d´eficitaire 1 , i.e. ψ (d) (κ,j) = Pr[∃k ∈ {1, . . . ,j} tel que Rk ≤ 0|R0 = κ]. Par convention, nous posons ψ (d) (κ,j) = 1 lorsque κ < 0 et ψ (d) (κ,0) = 0 si κ > 0. La fonction ψ (d) (κ,j) est d´ecroissante en κ et croissante en j, born´ee sup´erieurement par ψ (d) (κ) = lim ψ (d) (κ,j) = Pr[∃k tel que Rk ≤ 0|R0 = κ]. j→+∞
En raison du caract`ere simplifi´e du mod`ele, la probabilit´e de ruine dont il est question ci-dessus ne doit pas s’envisager comme une mesure du danger r´eel d’insolvabilit´e de la compagnie. L’actuaire testera plutˆ ot l’efficacit´e de la strat´egie qu’il envisage (` a savoir la combinaison du taux de prime et des fonds propres): si son choix s’av`ere dangereux dans le mod`ele simplifi´e de de Finetti (car la probabilit´e de ruine y est trop ´elev´ee), il sera tr`es certainement t´em´eraire de l’utiliser en pratique. A ce titre, la probabilit´e de ruine doit plutˆ ot ˆetre consid´er´ee comme une mesure de risque.
7.2.3
Th´ eor` eme de de Finetti
Plutˆ ot que de calculer la probabilit´e de ruine ψ (d) (κ,j), l’actuaire peut recourir au th´eor`eme de de Finetti, lequel fournit une majoration de la probabilit´e de ruine lorsque la sinistralit´e n’est pas trop dangereuse, i.e. lorsque la fonction g´en´eratrice des moments de S k n’est pas constamment infinie (ce qui exclut donc le cas o` u S k serait de loi logNormale, ou a fortiori de loi de Pareto, par exemple). L’indice de risque γ de de Finetti est alors d´efini comme la solution positive de l’´equation L∆ (t) = E[exp(−t∆k )] = 1 ⇔ MS (t) = E[exp(tSk )] = exp(tp). 1. L’exposant “(d)” rappelle qu’il s’agit de la probabilit´e de ruine dans le mod`ele discret de de Finetti, par opposition ` a la probabilit´e de ruine dans le mod`ele continu pr´esent´e plus loin, not´ee simplement ψ.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 326 compagnie Th´ eor` eme 7.2.1 (Th´ eor` eme de de Finetti). Dans le mod`ele a ` temps discret d´ecrit ci-dessus, les in´egalit´es ψ (d) (κ,j) ≤ ψ (d) (κ) ≤ exp(−γκ) sont satisfaites. D´emonstration. Il suffit d’´etablir ψ (d) (κ,j) ≤ exp(−γκ), l’in´egalit´e pour ψ (d) (κ) s’obtenant par passage a` la limite. Nous allons travailler par r´ecurrence. Le r´esultat est valable pour j = 0 (avec les conventions ´etablies plus haut). Supposons-le acquis pour j − 1 et ´etablissons-le pour j. Clairement, ψ (d) (κ,j) = Pr[ruine a` l’issue du premier exercice] + Pr[solvable a` l’issue du premier exercice et ruin´e a` l’issue d’un des j − 1 suivants] κ+p = Pr[S1 > κ + p] + ψ (d) (κ + p − s1 ,j − 1)dFS1 (s1 ) 0 +∞ ψ (d) (κ + p − s1 ,j − 1)dFS1 (s1 ) = 0
puisque ψ (d) (κ+ p − s1 ,j − 1) = 1 lorsque κ+ p − s1 < 0. L’hypoth`ese de r´ecurrence garantit que l’in´egalit´e
ψ (d) (κ + p − s1 ,j − 1) ≤ exp − γ(κ + p − s1 ) est v´erifi´ee, ce qui permet d’´ecrire +∞
(d) ψ (κ,j) ≤ exp − γ(κ + p − s1 ) dFS1 (s1 ) 0
= exp(−γκ)L∆ (κ) = exp(−γκ) par d´efinition de γ, ce qui ach`eve la d´emonstration. La probabilit´e de ruine d´ecroˆıt donc exponentiellement avec le capital d´etenu a` l’origine par l’assureur, si la sinistralit´e n’est pas trop s´ev`ere (entendez par l` a, si le montant annuel des sinistres poss`ede une fonction g´en´eratrice des moments).
7.2.4
Application ` a la d´ etermination du taux de chargement de s´ ecurit´ e
La compagnie ne peut pas se permettre de modifier chaque ann´ee le taux de chargement et le niveau des fonds propres. Il est donc
7.2. Mod` ele discret de de Finetti
327
pertinent de fixer ρ et κ de mani`ere a` garantir que la probabilit´e de ruine a` long terme soit suffisamment petite, plutˆot que d’imposer la mˆeme condition sur la probabilit´e de ruine annuelle. Pr´ecis´ement, si on explicite ∆k comme ∆k = p − S k =
n n (1 + ρi )E[Ski ] − Ski i=1
i=1
o` u Ski repr´esente la charge de sinistre g´en´er´ee par la police i au cours de l’exercice k et (1 + ρi )E[Ski ] la prime nette relative a` cette police. On suppose les variables al´eatoire S ki ind´ependantes pour diff´erentes valeurs de i et de k, et les S ki identiquement distribu´ees a` i fix´e. L’indice de risque satisfait l’´equation 1=
n ,
E exp − γ (1 + ρi )E[Ski ] − Ski ) . i=1
une condition suffisante pour que ce produit soit ´egal a` 1 est que chacun des facteurs le composant vaille 1, i.e.
Mi (γ) = E[exp(γSik )] = exp γ(1 + ρi )E[Ski ] d’o` u l’on tire ρi =
ln Mi (γ) − 1. γE[Sik ]
Si l’actuaire d´esire limiter la probabilit´e de ruine a` , il peut exiger exp(−γκ) = ⇔ γ = −
ln κ
d’o` u l’on tire
ln Mi − lnκ ρi = −κ − 1. E[Sik ] ln ik Exemple 7.2.2. Si Sik = N j=1 Xikj ∼ CPoi(λi ,F ), on a alors
MX − lnκ − 1 ρi = −κ −1 µ ln
o` u µ = E[Xikj ]. On constate que ρi ne d´epend pas de la fr´equence de ` la police i. Dans ce cas, le taux de chargement sinistre λi propre a de s´ecurit´e est uniforme dans le portefeuille.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 328 compagnie
7.3 7.3.1
Mod` ele continu de Poisson compos´ e Processus de Poisson homog` ene
D´ efinition Le processus de Poisson est un mod`ele math´ematique qui repr´esente la succession des r´ealisations d’un type d’´ev´enements au cours du temps, lorsque ces ´ev´enements interviennent “au hasard”. Nous utiliserons ce mod`ele pour d´ecrire les instants d’occurrence de sinistres frappant un portefeuille d’assurances. u se produisent les siSoient 0 < T1 < T2 < . . . les instants o` nistres, tels que Pr lim Tn = +∞ = 1. n→+∞
Posons T0 = 0. La suite des instants d’occurrence T = {T n , n = 1,2, . . .} forme un processus ponctuel, auquel on peut associer le u Nt d´esigne le nombre processus de comptage N = {Nt , t ∈ IR+ }, o` de sinistres touchant le portefeuille dans l’intervalle de temps [0,t], N0 = 0. On dit que N est le processus de comptage associ´e au processus ponctuel T . La fonction al´eatoire t → N t est donc nulle en 0, non-d´ecroissante, continue a` droite, a` valeurs dans IN et avec des sauts d’amplitude 1. Les processus N et T sont li´es par les relations suivantes: Nt
=
sup{n ∈ IN|Tn ≤ t}
Tn
=
inf{t ∈ IR+ |Nt = n}
Nt = n ⇔ Tn ≤ t < Tn+1 Nt ≥ n ⇔ T n ≤ t s < Tn ≤ t ⇔ N s < n ≤ N t . Cette dualit´e entre N et T provient du faut que la description d’un flux d’´ev´enements al´eatoires peut se faire de deux mani`eres diff´erentes: 1. soit on consid`ere le nombre Nt d’´ev´enements se produisant dans l’intervalle de temps [0,t] et on cherche a` d´eterminer la loi de probabilit´e de cette variable al´eatoire discr`ete. Les trajectoires du processus de comptage N sont des fonctions en escaliers non-d´ecroissantes. Notez que N t+∆t − Nt est le nombre al´eatoire d’´ev´enements se produisant dans l’intervalle de temps ]t,t + ∆t] (t exclus et t + ∆t inclus).
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
329
2. soit on consid`ere la suite des instants T i o` u se produisent les ´ev´enements et qui forment le processus ponctuel T . De mani`ere ´equivalente, on peut encore consid´erer les intervalles de temps Wi qui s´eparent les instants d’apparition de deux ´ev´enements successifs, i.e. Wi = Ti − Ti−1 , i = 1,2, . . . On a alors Ti = W1 + W2 + . . . + Wi . Nous sommes `a pr´esent en mesure de d´efinir pr´ecis´ement ce qu’on entend par processus de Poisson. D´ efinition 7.3.1. Soit un processus de comptage N satisfaisant aux hypoth`eses suivantes: H1 quels que soient les instants 0 ≤ t 1 < t2 < . . . < tk , les variables al´eatoires Nt2 − Nt1 , Nt3 − Nt2 , . . ., Ntk − Ntk−1 sont mutuellement ind´ependantes. En d’autres termes, les nombres d’accidents caus´es par l’assur´e durant ]t 1 ,t2 ], ]t2 ,t3 ], . . ., ]tk−1 ,tk ] ne s’influencent pas mutuellement. H2 quels que soient les instants 0 ≤ t 1 < t2 et la constante positive h, Nt2 +h −Nt1 +h a mˆeme loi que Nt2 −Nt1 . En d’autres termes, le nombre d’accidents caus´es par un assur´e sur une p´eriode de temps ne d´epend que de la longueur de celle-ci. H3 quelle que soit la constante ∆t > 0, o(∆t) si k ≥ 2, λ∆t + o(∆t) si k = 1, Pr[N∆t = k] = 1 − λ∆t + o(∆t) si k = 0, o` u o(.) est une fonction tendant plus vite vers 0 que l’identit´e, i.e. telle que limt→0 o(t)/t = 0. En d’autres termes, la probabilit´e que l’assur´e cause deux sinistres ou plus durant un intervalle de temps de longueur ∆t est n´egligeable lorsque ∆t est suffisamment petit. Le nombre de sinistres caus´es dans tout intervalle ]t,t + ∆t] suit donc approximativement une loi de Bernoulli de param`etre λ∆t, pour autant que ∆t ≈ 0. Sous ces conditions, on dit que le processus N est un processus de Poisson. Processus et loi de Poisson Comme son nom l’indique, le processus de Poisson d´efini plus haut est intimement li´e a` la loi du mˆeme nom. Afin de s’en convaincre,
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 330 compagnie prouvons le r´esultat suivant Proposition 7.3.2. Un processus de comptage N satisfaisant H1, H2 et H3 v´erifie Nt ∼ Poi(λt). D´emonstration. D´efinissons les fonctions p k (t) = Pr[Nt = k], t ∈ IR+ et k ∈ IN . Le r´esultat annonc´e s’obtient facilement pour k = 0. En effet, partant de p0 (t + ∆t) = Pr[Nt = 0 et Nt+∆t − Nt = 0] = Pr[Nt = 0] Pr[Nt+∆t − Nt = 0] = p0 (t)p0 (∆t) = p0 (t)(1 − λ∆t + o(∆t)), on tire
o(∆t) p0 (t + ∆t) − p0 (t) = −λp0 (t) + p0 (t). ∆t ∆t En passant a` la limite pour ∆t → 0, il vient donc d p0 (t) = −λp0 (t). dt En imposant la condition initiale p 0 (0) = 1, l’´equation diff´erentielle ci-dessus donne p0 (t) = exp(−λt), ce qui co¨ıncide bien avec le r´esultat annonc´e. Pour k ≥ 1, le th´eor`eme des probabilit´es totales donne pk (t + ∆t) = Pr[Nt+∆t = k] = Pr[Nt+∆t = k|Nt = k] Pr[Nt = k] + Pr[Nt+∆t = k|Nt = k − 1] Pr[Nt = k − 1] +
k
Pr[Nt+∆t = k|Nt = k − j] Pr[Nt = k − j]
j=2
= Pr[Nt+∆t − Nt = 0] Pr[Nt = k] + Pr[Nt+∆t − Nt = 1] Pr[Nt = k − 1] +
k
Pr[Nt+∆t − Nt = j] Pr[Nt = k − j]
j=2
= p0 (∆t)pk (t) + p1 (∆t)pk−1 (t) +
k
pj (∆t)pk−j (t)
j=2
= (1 − λ∆t)pk (t) + λ∆tpk−1 (t) + o(∆t),
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
331
o` u la derni`ere ´egalit´e vient de H3, l’avant derni`ere de H2 et l’ant´ep´enulti`eme de H1. Il vient alors pk (t + ∆t) − pk (t) o(∆t) = λ(pk−1 (t) − pk (t)) + p0 (t). ∆t ∆t En passant a` la limite pour ∆t → 0, on obtient d pk (t) = λ(pk−1 (t) − pk (t)), k ≥ 1. dt Le syt`eme form´e par ces ´equations porte le nom de syst`eme de Kolmogorov. En multipliant la k`eme ´equation de Kolmogorov par z k et en sommant sur k, on obtient +∞ d k=0
dt
+∞ +∞ pk (t)z k − λ pk (t)z k . pk (t) z k = λz k=0
(7.1)
k=0
Soit ϕt la fonction g´en´eratrice des probabilit´es associ´ee `a la loi de probabilit´e {p0 (t),p1 (t),p2 (t), . . .}, i.e. ϕt (z) =
+∞
pk (t)z k = E[z Nt ], 0 ≤ z ≤ 1.
k=0
L’´equation (7.1) peut alors se r´e´ecrire ∂ ϕt (z) = λ(z − 1)ϕt (z). ∂t
(7.2)
Grˆ ace `a la condition au bord ϕ0 (z) = 1, (7.2) admet pour solution ϕt (z) = exp(λt(z − 1)), o` u l’on reconnaˆıt la fonction g´en´eratrice des probabilit´es associ´ee `a la loi de Poisson de moyenne λt. L’unicit´e de la fonction g´en´eratrice des probabilit´es permet alors de conclure que N t est de loi de Poisson de moyenne λt, soit le r´esultat annonc´e. Loi des instants de survenance des sinistres Int´eressons-nous tout d’abord aux intervalles de temps s´eparant deux sinistres successifs. La longueur de ces intervalles est not´ee Wn = Tn − Tn−1 , n = 1,2, . . .. Propri´ et´ e 7.3.3. Les variables al´eatoires W 1 ,W2 , . . . sont ind´ependantes et de loi Exp(λ).
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 332 compagnie D´emonstration. Clairement, Pr[W1 > t] = Pr[T1 > t] = Pr[Nt = 0] = exp(−λt) de sorte que W1 ∼ Exp(λ). Consid´erons a` pr´esent W 1 et W2 . Pour s1 < t1 < s2 < t2 , on a Pr[s1 < T1 < t1 ,s2 < T2 < t2 ] = Pr[Ns1 = 0,Nt1 − Ns1 = 1,Ns2 − Nt1 = 0,Nt2 − Ns2 ≥ 1] = exp(−λs1 )λ(t1 − s1 ) exp(−λ(t1 − s1 )) exp(−λ(s2 − t1 ))
1 − exp(−λ(t2 − s2 ))
= λ(t1 − s1 ) exp(−λs2 − exp(−λt2 ) t1 t2 λ2 exp(−λy2 )dy1 dy2 . = y1 =s1
y2 =s2
D`es lors, la densit´e de probabilit´e jointe de T 1 et T2 est λ2 exp(−λy2 )I[0 < y1 < y2 ]. Comme T1 = W1 et T2 = W1 + W2 , on en d´eduit la densit´e jointe de la paire (W1 ,W2 ) par changement de variable y1 = u1 et y2 = u1 +u2 , ce qui donne λ2 exp(−λ(u1 + u2 ))I[u1 > 0,u2 > 0], ce qui montre que W1 et W2 sont ind´ependantes de loi Exp(λ). Le cas g´en´eral se traite de mani`ere similaire. Corollaire 7.3.4. Ayant obtenu la loi des W n , il est alors facile d’en d´eduire la loi des Tn , puisque Tn = W1 + . . . + Wn . Ainsi, Tn ∼ Gam(n,λ), et a une densit´e de la forme λ exp(−λt)
(λt)n−1 I[t ≥ 0]. (n − 1)!
On parle aussi de loi d’Erlang pour Tn . Propri´ et´ e de Markov Le processus de Poisson est sans m´emoire, en ce sens que la connaissance de son comportement ant´erieur a` un instant donn´e ne modifie en rien la pr´evision de son ´evolution ult´erieure. Il s’agit de la propri´et´e de Markov, qui garantit que quels que soient les instants 0 < t1 < . . . < tn et les entiers 0 ≤ k1 ≤ . . . ≤ kn , Pr[Ntn = kn |Ntn−1 = kn−1 , . . . ,Nt1 = k1 ] = Pr[Ntn = kn |Ntn−1 = kn−1 ].
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
333
Cette id´ee est encore formalis´ee dans le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 7.3.5. Soit N un processus de Poisson. Pour un instant s > 0 fix´e, d´efinissons le processus N (s) comme (s)
Nt
= Nt+s − Ns , t ∈ IR+ .
Ce processus peut se voir comme une remise du temps a ` 0 en s, et un oubli de ce qui s’est produit pour N entre les instants 0 et s. Le nouveau processus N (s) est un processus de Poisson de mˆeme intensit´e que N . D´emonstration. Montrons que les trois conditions de la d´efinition des processus de Poisson sont satisfaites: les accroissements du processus N (s) (s)
(s)
Ntk − Ntk−1 = Ntk +s − Ns − (Ntk−1 +s − Ns ) = Ntk +s − Ntk−1 +s correspondent a` des accroissements du processus initial N et sont donc ind´ependants et stationnaires. Il en va de mˆeme pour la loi du nombre de sinistres dans un intervalle de temps de longeur ∆t. Enfin, N (s) est ind´ependant de {Nt , t ∈ [0,s]}. Temps d’arrˆ et et propri´ et´ e de Markov forte On peut aussi montrer que les propri´et´es enonc´ees ci-dessus restent valables si l’instant constant s est remplac´e par un instant al´eatoire, pour autant qu’il s’agisse d’un temps d’arrˆet pour le processus N . Un temps d’arrˆet τ mod´elise un instant al´eatoire qui d´epend du processus de fa¸con non anticipante: en ayant observ´e le processus jusqu’` a l’instant t, on sait donc si donc si l’´ev´en´ement {τ ≤ t} s’est produit ou pas. Le temps d’arrˆet ne d´epend que du pass´e du processus, jamais de son futur. Propri´ et´ e 7.3.6. Si τ est un temps d’arrˆet pour le processus N et si on d´efinit le processus N (τ ) comme (τ )
Nt
= Nt+τ − Nτ , t ∈ IR+ ,
alors (i) Le nouveau processus N (τ ) est un processus de Poisson de mˆeme intensit´e que N . (ii) N (τ ) est ind´ependant de {Nt , t ∈ [0,τ ]}. On pourrait ainsi consid´erer par exemple le temps d’arrˆet T k = inf{t ∈ IR+ |Nt ≥ k}.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 334 compagnie Processus de Poisson non-homog` ene Le processus de Poisson homog`ene n’est qu’un mod`ele parmi d’autres permettant de rendre compte de la survenance des sinistres au cours du temps. Ainsi, si λ (·) une fonction positive sur IR + , on peut alors g´en´eraliser la notion de processus de Poisson de la fa¸con suivante. D´ efinition 7.3.7. Le processus N = Nt , t ∈ IR+ est un processus de Poisson non-homog`ene d’intensit´e λ (·) si 1. N0 = 0, 2. N est un processus a ` accroissements ind´ependants, 3. quel que soit l’instant t, Nt est de loi de Poisson de moyenne λ (s) ds. Λ (t) = [0,t]
Pour s < t, Nt − Ns suit une loi de Poisson de moyenne Λ (t) − Λ (s). Exemple 7.3.8 (Processus de Weibull, ou power law process). Il s’agit du processus de Poisson d’intensit´e β t β · β−1 , soit Λ (t) = . λ (·) = α α α Il est bon de noter que, moyennant un changement d’unit´e de temps, le probl`eme de la ruine ´etudi´e dans le cas d’un processus de Poisson non-homog`ene se ram`ene a` celui dans le cas d’un processus de Poisson homog`ene.
7.3.2
Evolution du r´ esultat de la compagnie
Consid´erons une compagnie d’assurances. Celle-ci affecte en t = 0 un capital κ au portefeuille afin de garantir sa solvabilit´e. Les primes sont per¸cues continˆ ument par la compagnie, au taux constant c > 0. En contrepartie des primes per¸cues, la compagnie doit d´edommager des sinistres qui surviennent al´eatoirement au cours du temps a` des instants T1 ,T2 ,T3 , . . . qui forment un processus de Poisson d’intensit´e λ > 0. Les montants de ces sinistres X 1 ,X2 ,X3 , . . . sont des variables al´eatoires positives, ind´ependantes et de mˆeme fonction de r´epartition F . La charge totale des sinistres pour la compagnie sur la p´eriode [0,t] est alors donn´e par St =
Nt k=1
Xk , si Nt ≥ 1,
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
335
et St = 0, sinon; le processus {St , t ∈ IR+ } est appel´e processus de Poisson compos´e d’intensit´e λ. Clairement, S t ∼ CPoi(λt,F ). On s’int´eresse `a l’´evolution du r´esultat de la compagnie d’assurance au cours du temps. Le r´esultat R t de la compagnie a` l’instant t est donn´e par Rt = κ + ct − St , t ∈ IR+ ; on s’int´eresse au processus {Rt , t ∈ IR+ }. Une trajectoire typique de ce processus est repr´esent´ee a` la Figure 7.1.
Rt X1
X2
X3
K
T0=0
T1
T2
T3
t
Fig. 7.1 – Une trajectoire typique du r´esultat de la compagnie {Rt , t ∈ IR+ }. Remarque 7.3.9. Dans certains cas, il peut ˆetre utile d’autoriser F (0) > 0, i.e. d’admettre des sinistres de montant nul. On se ram`ene alors a ` des coˆ uts de sinistre positifs en rempla¸cant λ par λF (0).
7.3.3
La probabilit´ e de ruine sur horizon infini
Soit T l’instant de ruine de la compagnie d’assurances, i.e. T
= inf{t ≥ 0|Rt < 0} = inf{t ≥ 0|St > κ + ct}.
Voyez la Figure 7.2. Par convention T = +∞ si R t ≥ 0 pour tout t ≥ 0. D´ efinition 7.3.10. La probabilit´e de ruine sur horizon infini, not´ee
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 336 compagnie ψ(.), est d´efinie comme suit: ψ(κ) = Pr[T < ∞|R0 = κ] = Pr inf Rs < 0R0 = κ . s≥0
Remarque 7.3.11. On peut encore d´efinir M = sup{St − ct} t≥0
et repr´esenter la probabilit´e de ruine sur horizon infini comme ψ(κ) = Pr[M > κ]. La quantit´e ψ(κ) est importante en th´eorie du risque car elle mesure le risque que la compagnie ne puisse plus faire face `a ses obligations envers les assur´es. Si ψ(κ) est trop ´elev´ee, la compagnie risque fort un jour de ne plus pouvoir d´edommager les sinistres. Pour diminuer ψ(κ), la compagnie peut : – soit augmenter ses fonds propres de d´epart, i.e. augmenter κ; – soit r´eclamer une prime plus ´elev´ee, i.e. augmenter c; et donc augmenter son chargement de s´ecurit´e. Enfin, la compagnie pourrait entreprendre une campagne de sensibilisation aupr`es de ses assur´es afin que ceux-ci adoptent un comportement r´eduisant le risque de sinistre. Ceci pourrait avoir pour effet de diminuer λ et/ou µ. Comme mesure de la derni`ere chance, la compagnie pourrait modifier les conditions de ses polices, de mani`ere a` exclure certains sinistres. Dans ce chapitre, nous examinerons ce qui se passe `a moyen ou a` long terme si la compagnie applique une strat´egie d´ecrite par le triplet (c,λ,F ), a` κ fix´e. Ceci permettra de v´erifier que le taux de prime a ´et´e d´etermin´e de fa¸con prudente.
7.3.4
Lien avec le mod` ele discret de de Finetti
Clairement, la ruine ne peut survenir qu’` a l’occasion de la survenance d’un sinistre. D`es lors, ψ(κ) = Pr[RTi < 0 pour un certain i|R0 = κ] = Pr[STi − cTi > κ pour un certain i|R0 = κ] i ∆j > κ pour un certain iR0 = κ = Pr j=1
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
337
K
Rt
T1
T2
T3=T
t
Fig. 7.2 – L’instant de ruine T du processus {R t , t ∈ IR+ }. o` u les variables al´eatoires ∆1 ,∆2 , . . . d´efinies par ∆j = Xj − c(Tj − Tj−1 ) sont ind´ependantes et identiquement distribu´ees. Ceci permet de faire le lien avec la th´eorie des promenades al´eatoires et avec le mod`ele discret de de Finetti.
7.3.5
N´ ecessit´ e d’un chargement de s´ ecurit´ e pour ´ eviter une ruine certaine
On note µ = E[Xk ] le coˆ ut moyen des sinistres, suppos´e fini. De plus, on fait l’hypoth`ese d’un chargement de s´ecurit´e positif, c’esta`-dire que l’in´egalit´e c > λµ est suppos´ee satisfaite. Ainsi, le taux de prime c est suppos´e sup´erieur a` la charge moyenne λµ des sinistres par unit´e de temps (prime “pure” par unit´e de temps). On appelle c − λµ > 0 le chargement de s´ecurit´e. Nous montrons dans le r´esultat suivant que l’´equilibre a` long terme des op´erations de l’assureur est impossible s’il n’inclut pas un chargement de s´ecurit´e dans le taux de prime c. Proposition 7.3.12. Si c > λµ, alors ψ(κ) < 1 quel que soit κ ≥ 0. Si c ≤ λµ, alors ψ(κ) = 1 quel que soit κ ≥ 0.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 338 compagnie D´emonstration. Nous avons St − ct Pr lim = λµ − c = 1. t→+∞ t En effet, en supposant t entier, on voit facilement que S t a mˆeme loi que Z1 + Z2 + . . . Zt o` u les Zt sont ind´ependants de loi CPoi(1,F ). La loi forte des grands nombres assure alors que St Pr lim = λµ = 1. t→+∞ t u Pr[M = +∞] = 1 Ainsi, lorsque c < λµ, St −ct diverge vers +∞ d’o` et ψ(κ) = 1 quel que soit κ. Au contraire, si c > λµ, S t − ct diverge vers −∞ et Pr[M < +∞] = 1, ce qui garantit ψ(κ) < 1.
7.3.6
D´ etermination de la probabilit´ e de ruine sur horizon infini: Formule de Pollaczeck-KhinchineBeekman
Nous allons a` pr´esent obtenir une formule explicite pour la probabilit´e de ruine. D´efinissons la probabilit´e de non-ruine comme ψ(κ) = 1 − ψ(κ), κ ≥ 0. Rappelons que F d´esigne la fonction de r´epartition commune des montants de sinistre Xk . Th´ eor` eme 7.3.13. La probabilit´e de ruine ψ est donn´ee par ψ(κ) =
λµ 1− c
o` u
∞ n=0
F˜ (x) =
x
y=0
λµ c
n 1 − F˜ ∗(n) (u)
F (y) dy, x > 0. µ
D´emonstration. En conditionnant par rapport a` l’instant T 1 de survenance du premier sinistre ainsi que par rapport a` son montant X 1 , il vient ∞ κ+ct ψ(κ) = λ exp(−λt) ψ(κ + ct − y)dF (y)dt t=0 +∞
=
z=κ
y=0
z−κ λ exp −λ c
z
y=0
ψ(z − y)dF (y)
dz c
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
339
o` u la derni`ere expression est obtenue en posant z = κ + ct. On voit donc que ψ apparaˆıt comme une fonction continue et d´erivable; la d´eriv´ee ψ de ψ est donn´ee par λ κ ψ (κ) = − ψ(κ − y)dF (y) c y=0 z z−κ λ +∞ λ ψ(z − y)dF (y)dz. exp −λ + c z=κ c c y=0 Grˆ ace `a la formule classique ξ2 (u) ∂ f (z,u)dz ∂u z=ξ1 (u)
= ξ2 (u)f (ξ2 (u),u) − ξ1 (u)f (ξ1 (u),u) +
ξ2 (u) z=ξ1 (u)
∂ f (z,u) dz ∂u
on obtient l’´equation int´egro-diff´erentielle suivante pour ψ: λ λ κ ψ (κ) = ψ(κ) − ψ(κ − y)dF (y). c c y=0 En int´egrant les deux membres de cette ´equation entre 0 et t, il vient κ λ t λ t ψ(t) − ψ(0) = ψ(κ)dκ − ψ(κ − y)dF (y)dκ c κ=0 c κ=0 y=0 En permutant les int´egrales, on peut ´ecrire t λ t λ t ψ(t) − ψ(0) = ψ(κ)dκ − ψ(κ − y)dκ dF (y). c κ=0 c y=0 κ=y Une int´egration par parties m`ene a` ψ(t) − ψ(0) λ t = ψ(κ)dκ − c κ=0 λ t ψ(κ)dκ − = c κ=0 Enfin, il vient λ ψ(t) = ψ(0) + c λ = ψ(0) + c λ = ψ(0) + c
λ c
F (y)
ψ(κ − y)dκ
κ=y
λ c
t
t 0
t
+
ψ(t − y)F (y)dy
y=0
ψ(t − y)F (y)dy.
y=0
t
κ=0 t
t
y=0 t y=0
ψ(κ)dκ −
t
ψ(t − y)F (y)dy
y=0
ψ(t − y)dy −
t
ψ(t − y)F (y)dy
y=0
(1 − F (y))ψ(t − y)dy.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 340 compagnie Clairement ψ(κ) → 1 lorsque κ → +∞ d’o` u ∞ λ λµ 1 = ψ(0) + 1 − F (y) dy = 1 + c y=0 c et ψ(0) = 1 − On a donc λµ λ ψ(t) = 1 − + c c
λµ λµ = 1− + c c
t
λµ . c
1 − F (y) ψ(t − y)dy
y=0 t
ψ(t − y)dF˜ (y).
(7.3)
y=0
la transform´ee de Laplace de la probabilit´e de non-ruine Soit ψ(s) ψ, i.e. ∞ ψ(s) = exp(−st)ψ(t)dt, s ≥ 0, t=0
et soit ϕ(s) sa transform´ee de Laplace-Stieltjes, i.e. ∞ exp(−st)dψ(t), s ≥ 0. ϕ(s) = t=0
Soit enfin f(s) la transform´ee de LaplaceClairement ϕ(s) = sψ(s). ˜ Stieltjes de F , i.e. ∞ ˜ f (s) = exp(−st)dF˜ (t),s ≥ 0. t=0−
En int´egrant les deux membres de (7.3) entre 0 et ∞, pr´ealablement multipli´es par exp(−st), il vient ∞ ∞ c − λµ exp(−st)dt exp(−st)ψ(t)dt = c t=0 t=0 t λµ ∞ + exp(−st) ψ(t − y)dF˜ (y)dt, c t=0 y=0 c’est-`a-dire ψ(s) = = =
∞ c − λµ λµ ∞ exp(−sy) exp(−s(t − y))ψ(t − y)dtdF˜ (y) + cs c y=0 t=y ∞ c − λµ λµ ∞ exp(−sy) exp(−sv)ψ(v)dvdF˜ (y) + cs c y=0 v=0 c − λµ λµ ψ(s)f˜(s). + cs c
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
341
En multipliant cette derni`ere relation par s, il vient ϕ(s) =
c − λµ λµ + ϕ(s)f˜(s) c c
d’o` u ϕ(s) =
λµ c
1− 1−
λµ ˜ c f (s)
, s ≥ 0.
˜ ese, c > λµ et f˜(s) ≤ 1 quel Comme 0 < λµ c f (s) < 1 (par hypoth` que soit s, par d´efinition), on peut ´ecrire ϕ(s) =
λµ 1− c
∞ µ=0
λµ c
n
n f˜(s)
ce qui revient a` ψ(κ) =
λµ 1− c
∞ n=0
λµ c
n
F˜ ∗(n) (κ).
Finalement, l’expression de ψ provient de ψ(κ) = 1 − ψ(κ) ∞ λµ λµ n = 1− − ψ(κ) c c n=0 ∞ λµ λµ n = 1− 1 − F˜ (n) (κ) c c n=0
ce qui ach`eve la d´emonstration. La forme explicite de la probabilit´e de ruine ψ qui vient d’ˆetre ´etablie porte le nom de formule de Pollaczeck-Kinchine-Beekman. Corollaire 7.3.14. Notez que ψ(0) =
λµ 1− c
=
1−
λµ c
∞ n=0
∞ n=1
λµ c λµ c
n
n
lim 1 − F˜ ∗(n) (κ) "κ→0 #$ %
=1 si n≥1 et a ` 0 si n=0
=
λµ . c
Ainsi, ψ(0) ne d´epend de la loi des sinistres que par l’interm´ediaire de leur moyenne.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 342 compagnie Remarque 7.3.15. On peut encore interpr´eter la formule de PollaczeckKhinchine-Beekman comme suit. D´efinissons le temps d’arrˆet τ 1 comme le premier instant o` u Rt tombe sous le niveau κ. D´efinissons L1 = κ − Rτ1 . Faisons d´emarrer un nouveau processus de sur(1) plus {Rt , t ∈ IR+ } a ` cet instant, avec un capital initial κ 1 diu sons, et d´efinissons le temps d’arrˆet τ 2 comme le premier instant o` ce processus tombe sous le niveau κ1 . D´efinissons ´egalement L2 = (1) κ1 − Rτ2 . Et continuous de la sorte. On constate alors que M = max{St − ct} = L1 + L2 + . . . + LK t≥0
o` u K ∼ Geo(q) o` u q = 1 − ψ(0). En remarquant que les variables L1 ,L2 , . . . sont ind´ependantes et de mˆeme fonction de r´epartition F, on a alors ψ(κ) = Pr[M > κ] donn´ee par la formule de Beekman. Remarque 7.3.16 (Probabilit´ e de ruine et algorithme de Panjer). La repr´esentation K Lj > κ ψ(κ) = Pr j=1
permet d’´evaluer la probabilit´e de ruine sur horizon infini ` a l’aide de l’algorithme de Panjer (puisque la loi g´eom´etrique fait partie de la famille de Panjer, comme cas particulier de la loi binomiale n´egative). Bien entendu, cela suppose la discr´etisation de F en choisissant un pas ∆ et en arrondissant les L j au multiple de ∆ sup´erieur (i.e. en suivant la discr´etisation (6.9)).
7.3.7
Expression explicite de la probabilit´ e de ruine sur horizon infini pour la loi exponentielle n´ egative
Lorsque les montants des sinistres sont de loi Exp(1/µ), on a λµ 1 λ ψ(κ) = 1 − exp − − κ , κ ≥ 0. c µ c Afin de v´erifier cette derni`ere formule, repartons de la relation λ λ κ ψ (κ) = ψ(κ) − ψ(κ − y)dF (y) c c y=0 λ λ1 κ = ψ(κ) − ψ(κ − y) exp(−y/µ)dy. c c µ y=0
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
343
Par d´erivation, il vient alors
ψ (κ) =
λ λ1 ψ (κ) − ψ(0) exp(−κ/µ) c cµ κ λ1 ψ (κ − y) exp(−y/µ)dy. − c µ y=0
En int´egrant par parties, on constate que ψ(κ) satisfait l’´equation diff´erentielle 1 λ − ψ (κ) + ψ (κ) = 0 µ c dont la solution g´en´erale est de la forme 1 λ ψ(κ) = A + B exp − − κ µ c Notez que
c − λµ 1 λ − = >0 µ c cµ
par hypoth`ese de chargement de s´ecurit´e positif. En se servant des conditions aux limites ψ(0) = 1 −
λµ c
et
lim ψ(κ) = 1
κ→+∞
on en conclut que λµ 1 λ ψ(κ) = 1 − exp − − κ c µ c 1 λ λµ exp − − κ . ⇔ ψ(κ) = c µ c La probabilit´e de ruine d´ecroˆıt donc exponentiellement avec le capital κ dont l’assureur dispose a` l’origine. Remarque 7.3.17. Bien rares sont les lois de probabilit´e pour les coˆ uts de sinistre pour lesquelles une formule explicite existe pour ψ. Notons cependant que c’est le cas pour les m´elanges d’exponentielles et les lois Gamma.
7.3.8
Comparaison de probabilit´ es de ruine
La formule de Pollaczeck-Kinchine-Beekman permet de comparer les probabilit´es de ruine dans des processus dont les coˆ uts de
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 344 compagnie sinistres sont ordonn´es au sens de VaR ou TVaR,= . Ceci se fera grˆ ace au r´esultat suivant. Proposition 7.3.18. Consid´erons deux risques X et Y de mˆeme moyenne µ, de fonctions de r´epartition respectives F X et FY , et notons t t F X (x) F Y (y) FX (t) = dx et FY (t) = dy. µ µ 0 0 Nous avons alors VaR Y . X TVaR,= Y ⇒ X D´emonstration. Le r´esultat s’obient facilement en remarquant que 1 E[(X − t)+ ] µ 1 E[(Y − t)+ ] ≤ µ = 1 − FY (t).
1 − FX (t) =
Proposition 7.3.19. Consid´erons deux processus de surplus ne diff´erant que par les montants des sinistres qui touchent le portefeuille. Pr´ecis´ement, les processus {R tX , ≥ 0} et {RtY , ≥ 0} sont d´efinis par RtX
= κ + ct −
Nt
Xk
k=1
RtY
= κ + ct −
Nt
Yk .
k=1
Notons ψX et ψY les probabilit´es de ruine sur horizon infini correspondantes. Alors, (i) X1 VaR Y1 ⇒ ψX (κ) ≤ ψY (κ) pour tout κ ≥ 0. (ii) X1 TVaR,= Y1 ⇒ ψX (κ) ≤ ψY (κ) pour tout κ ≥ 0. (iii) X1 TVaR Y1 ⇒ ψX (κ) ≤ ψY (κ) pour tout κ ≥ 0. D´emonstration. Le point (i) est ´evident. Le point (ii) est une cons´equence imm´ediate de la Proposition 7.3.18. Enfin, (iii) s’obtient facilement a` partir du th´eor`eme de s´eparation.
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
345
Corollaire 7.3.20. Comme µ TVaR,= X1 , on obtient une borne ` savoir inf´erieure pour ψ(κ) en supposant Xi = µ, a ψ(κ) = 1 − 1 −
λµ c
κ/µ
exp −
k=0
puisque dF˜ (y) =
λµ c
k−
κ µ
λµ c
k−
κ µ
k
k!
I[0 < y < µ] dy µ
correspond a ` la loi Uni(0,µ).
7.3.9
In´ egalit´ e de Cram´ er-Lundberg pour la probabilit´ e de ruine ` a long terme
Restriction aux lois de Cram´ er Nous consid´erons ici le cas o` u la fonction de r´epartition F des coˆ uts des sinistres est de Cram´er, c’est-`a-dire poss`ede une fonction g´en´eratrice des moments MX (t) finie pour une valeur de t > 0. Comme nous l’avons vu plus haut, ceci implique que la fonction de survie F d´ecroˆıt exponentiellement vers 0 a` l’infini. Au nombre de ces lois on compte la loi exponentielle n´egative, la loi gamma, et bien entendu toutes les lois dont le support est born´e (qui apparaissent tout naturellement lorsque l’assureur est couvert par un trait´e de r´eassurance en exc´edant de sinistre). Par contre, la loi Lognormale et la loi de Pareto ne sont pas des lois de Cram´er. Nous ´etudierons au Tome II certains r´esultats valables lorsque les lois sont `a queue ´epaisse. Coefficient d’ajustement Le coefficient d’ajustement γ est d´efini comme la solution positive de l’´equation (7.4) λ + ct = λMX (t). Notez que γ = 0 est toujours solution de cette ´equation. Cette ´equation a une solution unique (pour autant qu’elle existe) puisque MX est croissante car d MX (t) = E[X exp(tX)] > 0 dt convexe car
d2 MX (t) = E[X 2 exp(tX)] > 0 dt2
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 346 compagnie (0) = µ, la d´ et tends vers +∞. Comme MX eriv´ee a` l’origine du membre de droite de (7.4) vaut λµ < c et on s’attend donc a` avoir une situation semblable a` celle d´ecrite `a la Figure 7.3.
λMx(t)
λ+ct
λ
γ
Fig. 7.3 – Le coefficient d’ajustement, solution de l’´equation (7.4). Exemple 7.3.21 (Coefficient d’ajustement pour des sinistres de loi exponentielle n´ egative). Suposons que F (x) = 1−exp(−x/µ), 1 , γ est solution de x > 0. Comme MX (t) = 1−µt λ + cγ =
λ 1 − µγ
qui admet comme racine positive γ=
c − λµ . cµ
Exemple 7.3.22 (Coefficient d’ajustement pour des sinistres de loi uniforme). Supposons les Xi de loi Uni[0,b]. On a alors 1 (exp(tb) − 1) et le coefficient d’ajustement est solution MX (t) = bt de l’´equation λ λ + cγ = (exp(bγ) − 1). bγ Notez que γ = 0 est solution car lim
γ→0
exp(bγ) − 1 = 1. bγ
Ainsi, γ est solution de l’´equation λbγ + bcγ 2 = λ exp(bγ) − λ.
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
347
Le coefficient d’ajustement doit le plus souvent ˆetre obtenu en r´esolvant num´eriquement l’´equation (7.4). La propri´et´e ci-dessous facilite grandement l’obtention num´erique du coefficient d’ajustement en pr´ecisant l’intervalle dans lequel il se trouve. Propri´ et´ e 7.3.23. L’in´egalit´e suivante c E[X1 ] −1 0≤γ≤2 E[X12 ] λµ est toujours v´erifi´ee. D´emonstration. Il suffit de remarquer que MX (t) > 1 + tE[X1 ] +
t2 E[X12 ] 2
d’o` u γ est born´e sup´erieurement par la solution de l’´equation λ + cγ = λ + λγµ + λ
γ2 E[X12 ] 2
qui est pr´ecis´ement le membre de droite de l’in´egalit´e annonc´ee. Borne sur la probabilit´ e de ruine a ` long terme: In´ egalit´ e de Lundberg L’in´egalit´e de Lundberg garantit que quel que soit le capital de d´epart κ, la probabilit´e de ruine ultime ψ(κ) est born´ee sup´erieurement par une fonction d´ecroissant exponentiellement avec le capital de d´epart lorsque la loi des sinistres est de Cram´er. Proposition 7.3.24 (In´ egalit´ e de Lundberg). La probabilit´e de ruine sur horizon infini satisfait l’in´egalit´e ψ(κ) ≤ exp(−γκ) o` u γ est le coefficient d’ajustement solution de l’´equation (7.4). D´emonstration. Notons ψk (κ) la probabilit´e d’ˆetre ruin´e a` la suite de l’un quelconque des k premiers sinistres. Clairement, lim ψk (κ) = ψ(κ).
k→+∞
Nous allons montrer que l’in´egalit´e ψ k (κ) ≤ exp(−γκ) est satisfaite quel que soit k, ce qui fournira le r´esultat annonc´e en passant a` la limite. Pour ce faire proc´edons par r´ecurrence. Comme ψ 0 (κ) = 0 quel que soit κ > 0 et ψ0 (κ) = 1 quel que soit κ < 0, le r´esultat
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 348 compagnie est acquis pour k = 0. Supposons qu’il soit vrai jusque k − 1 et prouvons-le pour k. En conditionnant par rapport a` l’instant t du premier sinistre et par rapport au montant x de celui-ci, on obtient ψk (κ) = ψk−1 (κ + ct − x)λ exp(−λt)dtdF (x). t≥0
x≥0
L’hypoth`ese de r´ecurrence nous garantit que ψk−1 (κ + ct − x) ≤ exp(−γ(κ + ct − x)) de sorte qu’on obtient la majoration ψk (κ) ≤ exp(−γ(κ + ct − x))λ exp(−λt)dtdF (x) t≥0
x≥0
= exp(−γκ)
λMX (γ) = exp(−γκ) λ + cγ
par d´efinition du coefficient d’ajustement.
7.3.10
Probabilit´ e de ruine et martingales
La th´eorie des martingales permet d’obtenir de fa¸con tr`es ´el´egante des r´esultats puissants a` propos des probabilit´es de ruine. Rappelons que le processus M = {Mt , t ≥ 0} est une martingale lorsque E[|Mt |] < +∞ quel que soit t et que quels que soient les instants s≤t (7.5) E[Mt |Mξ , 0 ≤ ξ ≤ s] = Ms . En particulier, E[Mt ] = E[M0 ] quel que soit l’instant t, de sorte que le processus est en moyenne constant. Une notion centrale dans la th´eorie des martingales est celle de temps d’arrˆet. Une variable al´eatoire positive τ est qualifi´ee de temps d’arrˆet pour une martingale M lorsque l’observation de M sur l’intervalle de temps (0,t) (i.e. la connaissance de M ξ , 0 ≤ ξ ≤ t) permet de savoir si l’´ev´enement {τ ≤ t} est r´ealis´e ou non. Dans de cas, la relation (7.5) d´efinissant les martingales s’´etend a` un instant τ al´eatoire pour autant que celui-ci soit un temps d’arrˆet, i.e. E[Mt |Mξ , 0 ≤ ξ ≤ τ ] = Mτ .
(7.6)
Construisons a` pr´esent une martingale a` partir du processus d´ecrivant l’´evolution des r´eserves de la compagnie. Pour ce faire,
7.3. Mod` ele continu de Poisson compos´ e
349
remarquons que E[exp(−γRt )] = exp(−γκ) exp(−γct)
E[exp(γSt )] " #$ %
=exp(λt(MX (γ)−1)) car St ∼CPoi(λt,F )
= exp(−γκ){exp(−cγ + λMX (γ) − λ)}t #$ % " =0 par d´ efinition de γ
= exp(−γκ). Nous d´efinissons Mt = exp{γ(St − ct)} o` u γ > 0 est le coefficient d’ajustement. Le d´eveloppement ci-dessus nous apprend que E[Mt ] = 1. Propri´ et´ e 7.3.25. Lorsque le coefficient d’ajustement γ existe, le processus M d´efini ci-dessus est une martingale (i.e. satisfait (7.5)). D´emonstration. Il suffit d’´ecrire E[Mt |Mξ , 0 ≤ ξ ≤ s] = E[Ms exp(γ(St − Ss − c(t − s)))|Mξ , 0 ≤ ξ ≤ s] = Ms E[exp(γ(St−s − c(t − s)))] = Ms E[Mt−s ] = Ms par d´efinition de γ. Nous pouvons alors en d´eduire une expression g´en´erale pour la probabilit´e de ruine a` horizon infini. Proposition 7.3.26. La probabilit´e de ruine a ` long terme peut se repr´esenter comme ψ(κ) =
exp(−γκ) . E[exp{−γRT }|T < +∞]
D´emonstration. D´efinissons le temps d’arrˆet τ = min{T,t} et supposons c > λµ 2 . Il vient alors grˆ ace a` (7.6) 1 = E[M0 ] = E[Mτ ] = E[exp{γ(ST − cT )}|T ≤ t]ψ(κ,t) +E[exp{γ(St − ct)}|T > t](1 − ψ(κ,t)). 2. T ne peut pas servir de temps d’arrˆet car Pr[T = +∞] = 1 − ψ(κ) > 0; au contraire, le temps d’arrˆet τ que nous venons de d´efinir satisfait bien Pr[τ < +∞] = 1.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 350 compagnie En faisant a` pr´esent tendre t vers +∞, S t − ct diverge vers −∞ de sorte que le second terme tends vers 0 (en invoquant le th´eor`eme de convergence domin´ee puisque exp{γ(S t − ct)} ≤ exp(γκ) si T > t). Il vient finalement 1 = E[exp{γ(ST − cT )}|T < +∞]ψ(κ) = exp(γκ)E[exp{−γRT }|T < +∞]ψ(κ).
Corollaire 7.3.27. Comme RT < 0, l’esp´erance figurant au d´enominateur est toujours sup´erieure a ` 1 et on en d´eduit donc imm´ediatement le r´esultat de Lundberg ψ(κ) ≤ exp(−γκ). Corollaire 7.3.28 (Borne inf´ erieure sur la probabilit´ e de ruine lorsque les montants des sinistres sont born´ es). Si les montants des sinistres ne peuvent exc´eder b alors R T ≥ −b et la repr´esentation de ψ(κ) fournit une borne inf´erieure sur la probabilit´e de ruine, a ` savoir ψ(κ) ≥ exp(−γ(κ + b)).
7.4
Exercices
Exercice 7.4.1. Consid´erons le mod`ele discret de de Finetti et supposons que le capital initial κ soit entier et que −1, avec la probabilit´e q, ∆k = 1, avec la probabilit´e p = 1 − q. (i) Montrez que ψ (d) (κ) = pψ (d) (κ + 1) + qψ (d) (κ − 1) avec ψ (d) (κ) = 1 si κ < 0. (ii) Cette ´equation aux diff´erences finies admet une solution de la forme ψ (d) (κ) = Ar1κ + Br2κ o` u r1 et r2 sont solutions de l’´equation r κ = pr κ+1 + qr κ−1 = 0 ⇔ pr 2 − r + q = 0. Montrez que ψ
(d)
κ q (κ) = . p
7.4. Exercices
351
(iii) Montrez que dans ce cas, la borne sup´ereeure du th´eor`eme de de Finetti est atteinte, i.e. ψ (d) (κ) = exp(−τ κ). Exercice 7.4.2. On note θ le taux de chargement de s´ecurit´e, d´efini par N t c Xi ⇔ θ = − 1. (7.7) ct = (1 + θ) E λµ i=1
(i) Si F (x) = π exp (−αx) + (1 − π) exp (−βx) , x > 0, donnez l’expression de µ en fonction de π, α et β. (ii) On supposera dans toute la suite que α = 3, β = 5, π = et on notera
rs (u) =
4 1 , et θ = , 3 11
u
exp (sx) ψ (x) dx. 0
En utilisant l’´equation int´egro-diff´erentielle, exprimer ψ (u) en fonction de ψ (u), rα (u) et rβ (u). On notera [1] cette ´equation
(iii) En diff´erentiant [1], et en exprimant r β (u) a ` l’aide de ψ (u), ψ (u) et rα (u) (donn´ee par [1]), exprimer ψ (u) en fonction de ψ (u), ψ (u) et rα (u). On notera [2] cette nouvelle ´equation. ` l’aide de ψ (u), (iv) En diff´erentiant [2], et en exprimant r α (u) a ψ (u) et ψ (u) (donn´ee par [2]), montrez que
ψ (u) + 5ψ (u) + 4ψ (u) = 0
[3] .
(v) En utilisant les valeurs num´eriques propos´ees, montrez que
ψ (u) = A exp (−u) + B exp (−4u)
(7.8)
est solution de [3]. On admettra que ce sont les seules. En d´eduire l’expression de ψ (u), en notant que lim u→∞ ψ (u) = 1. (vi) En exprimant [1] pour u = 0, montrer que A + B = 4/5. On rappelera que θ ψ (0) = . 1+θ (vii) En int´egrant (7.8), et en utilisant toujours les conditions limites sur ψ, en d´eduire que A + B/4 = 11/15. Donner alors l’expression de la probabilit´e de ruine ψ.
Chapitre 7. Equilibre ` a long terme des r´ esultats de la 352 compagnie
7.5
Notes bibliographiques
Sur la probabilit´e de la ruine, et sur les probl`emes abord´es dans ce chapitre le lecteur int´eress´e par des approfondissements pourra ¨ppelberg & Miconsulter Asmussen (2000), Embrechts, Kl u kosch (1997), Grandell (1990) et Rolski et al. (1999).
Chapitre 8
Gestion des risques multiples 8.1
Introduction
Traditionnellement, les d´eveloppements actuariels sont bas´es sur l’hypoth`ese d’ind´ependance des variables al´eatoires en pr´esence. Une exception notoire concerne la th´eorie de la cr´edibilit´e et les syst`emes bonus-malus (que nous ´etudierons dans le Tome II) o` u la d´ependance s´erielle existant entre les nombres ou les montants annuels des sinistres caus´es par un assur´e sera exploit´ee afin de r´eviser le montant de la prime dont celui-ci devra s’acquitter afin de b´en´eficier de la garantie de l’assureur. La complexit´e sans cesse croissante des produits d’assurance et l’obligation de couverture d’´ev´enements autrefois exclus de la garantie (comme les inondations ou les tremblements de terre) a cependant mis en exergue l’importance de la prise en compte de la d´ependance. Il nous a donc paru pertinent de consacrer un (long) chapitre a` l’´etude de la d´ependance stochastique, sujet classiquement ignor´e dans les ouvrages de th´eorie du risque. S’il n’y a qu’une seule fa¸con pour des risques d’ˆetre mutuellement ind´ependants, de ne pas s’influencer, traduit math´ematiquement par le fait que leur fonction de r´epartition jointe se factorise en le produit de ses marginales, il y a bien entendu une infinit´e de mani`eres d’introduire de la d´ependance dans un mod`ele actuariel. Pendant tr`es longtemps, la loi normale multivari´ee fut le seul outil utilis´e pour rendre compte d’une certaine d´ependance, en statistique tout comme en finance et en sciences actuarielles. Ce n’est que r´ecemment que les techniques reposant (implicitement ou explicitement) sur la 353
354
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
loi normale multivari´ee ont ´et´e s´ev`erement critiqu´ees, et que des alternatives plus r´ealistes ont ´et´e d´evelopp´ees afin de mod´eliser la corr´elation entre variables al´eatoires de lois diverses. Le but de ce chapitre est pr´ecis´ement d’introduire les lecteurs aux concepts de base sous-tendant ces nouvelles approches.
8.2 8.2.1
Comonotonie et antimonotonie Classes de Fr´ echet
Ainsi nomm´ees en hommage aux travaux du math´ematicien fran¸cais Maurice Fr´echet, ces ensembles contiennent toutes les lois de probabilit´e dont les marginales sont fix´ees. Les classes de Fr´echet constituent donc le cadre id´eal pour ´etudier la d´ependance, puisque deux ´el´ement d’une mˆeme classe ne diff`erent que par leur structure de corr´elation, pas par leur comportement marginal. D´ efinition 8.2.1. On notera F (F1 ,F2 ) l’ensemble des fonctions de r´epartition bivari´ees dont les fonctions de r´epartition marginales sont F1 et F2 respectivement, i.e. F (F1 ,F2 ) =
fonctions de r´epartition FX telles que lim FX (x1 ,t) = F1 (x1 ) , quel que soit x1 ∈ IR ! lim FX (t,x2 ) = F2 (x2 ) , quel que soit x2 ∈ IR .
t→∞ t→∞
8.2.2
Bornes de Fr´ echet
D´ efinition Dans chaque classe de Fr´echet F (F1 ,F2 ), deux ´el´ements jouent un rˆ ole tr`es particulier: il s’agit des bornes sup´erieure et inf´erieure de Fr´echet, d´efinies ci-dessous. D´ efinition 8.2.2. La fonction de r´epartition W d´efinie par W (x1 ,x2 ) = min {F1 (x1 ),F2 (x2 )} , x ∈ IR2 , est appel´ee borne sup´erieure de Fr´echet dans F (F 1 ,F2 ). De la mˆeme mani`ere, la fonction de r´epartition M d´efinie par M (x1 ,x2 ) = max {F1 (x1 ) + F2 (x2 ) − 1,0} , x ∈ IR2 , est appel´ee borne inf´erieure de Fr´echet dans F (F 1 ,F2 ).
8.2. Comonotonie et antimonotonie
355
Bornes et espaces de Fr´ echet L’appellation borne de Fr´echet provient du r´esultat suivant, qui montre que toute fonction de r´epartition F X dans F (F1 ,F2 ) est contrainte inf´erieurement par M et sup´erieurement par W . Les bornes de Fr´echet d´elimitent donc l’ensemble F (F 1 ,F2 ). Proposition 8.2.3. La classe de Fr´echet F (F 1 ,F2 ) est born´ee, au sens o` u pour tout FX ∈ F (F1 ,F2 ), M (x) ≤ FX (x) ≤ W (x) quel que soit x ∈ IR2 . D´emonstration. Le r´esultat annonc´e provient de la majoration suivante: quels que soient les ´ev´enements al´eatoires A 1 et A2 , nous avons ! max Pr[A1 ] + Pr[A2 ] − 1,0 ≤ Pr[A1 ∩ A2 ] ! ≤ min Pr[A1 ],Pr[A2 ] . (8.1) La premi`ere de ces in´egalit´es provient de 1 ≥ Pr[A1 ∪ A2 ] = Pr[A1 ] + Pr[A2 ] − Pr[A1 ∩ A2 ], tandis que la seconde s’explique par le fait que (A 1 ∩ A2 ) ⊆ A1 et (A1 ∩A2 ) ⊆ A2 . Il suffit alors d’appliquer (8.1) avec Ai = {Xi ≤ xi }, i = 1,2, pour obtenir le r´esultat d´esir´e. Remarque 8.2.4. Quelles que soient les fonctions de r´epartition marginales, les classes de Fr´echet F (F1 ,F2 ) ne sont jamais vides. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que F (F 1 ,F2 ) contient toujours les fonctions de r´epartition M , W et F 1 F2 par exemple. En r´ealit´e, F (F1 ,F2 ) contient toujours de tr`es nombreux ´el´ements. En effet, quel que soient θ ∈ [0,1], et les fonctions de r´epartition F X et FY dans F (F1 ,F2 ), la fonction FZ (x) = θFX (x) + (1 − θ)FY (x) est une fonction de r´epartition appartenant a ` F (F 1 ,F2 ). En utilisant les bornes de Fr´echet de F (F1 ,F2 ), on peut alors d´efinir la famille de fonctions de r´epartition Fθ (x) = θM (x) + (1 − θ) W (x) , θ ∈ [0,1], toutes dans F (F1 ,F2 ).
356
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
La fonction de r´epartition F1 F2 correspondant a ` l’ind´ependance, ne fait pas partie de la famille que nous venons de d´efinir (i.e. il n’existe aucune valeur de θ telle que Fθ = F1 F2 ). Afin de l’inclure, on peut proposer la famille Fθ (x) =
1 2 θ (1 − θ)M (x) + 1 − θ 2 F1 (x1 )F2 (x2 ) 2 1 + θ 2 (1 + θ)W (x) , θ ∈ [−1,1], 2
dite famille de Mardia, et comprenant les bornes de Fr´echet et l’ind´ependance comme cas particuliers. Plus pr´ecis´ement, on retrouve M pour θ = 1, W pour θ = −1 et F1 F2 pour θ = 0. Couples de variables al´ eatoires correspondant aux bornes de Fr´ echet On peut se demander a` quels couples de variables al´eatoires correspondent les bornes de Fr´echet dans F(F 1 ,F2 ). Le r´esultat suivant r´epond a` cette question. Proposition 8.2.5. Soit U ∼ Uni(0,1). Dans F(F 1 ,F2 ), (i) W2 est la fonction de r´epartition du couple (F 1−1 (U ),F2−1 (U )) (ii) M2 est la fonction de r´epartition du couple (F 1−1 (U ),F2−1 (1 − U )). D´emonstration. Quel que soit x ∈ IR 2 , nous avons Pr[F1−1 (U ) ≤ x1 ,F2−1 (U ) ≤ x2 ] = Pr[U ≤ min{F1 (x1 ),F2 (x2 )}] = Pr[U ≤ F1 (x1 ),U ≤ F2 (x2 )] = W2 (x1 ,x2 ), et Pr[F1−1 (U ) ≤ x1 ,F2−1 (1 − U ) ≤ x2 ] = Pr[U ≤ F1 (x1 ),1 − U ≤ F2 (x2 )] = M2 (x1 ,x2 ). Le r´esultat annonc´e est ainsi ´etabli. La Proposition 8.2.5 nous apprend en particulier que le support de W est une courbe non-d´ecroissante de IR 2 , tandis que celui de M est une courbe non-croissante de IR 2 .
8.2. Comonotonie et antimonotonie
8.2.3
357
D´ ependance parfaite: comonotonie et antimonotonie
D´ efinition On parle de d´ependance parfaite lorsque deux risques peuvent s’´ecrire comme des fonctions croissantes ou d´ecroissantes d’une mˆeme variable al´eatoire sous-jacente. D´ efinition 8.2.6. (i) Le couple X = (X1 ,X2 ) est dit comonotone s’il existe des fonctions non-d´ecroissantes g 1 et g2 et une variable al´eatoire Z telles que X =loi (g1 (Z),g2 (Z)). (ii) Le couple X = (X1 ,X2 ) est dit antimonotone s’il existe une fonction non-d´ecroissante g1 , une fonction non-croissante g2 et une variable al´eatoire Z telles que X =loi (g1 (Z),g2 (Z)). Exemples A pr´esent que nous avons d´efini les concepts de d´ependance parfaite, examinons quelques situations o` u la comonotonie et l’antimonotonie font naturellement leur apparition. Exemple 8.2.7. Tr`es souvent, un risque X est divis´e en tranches et couvert par diff´erents agents ´economiques (assur´e, assureur, r´eassureur, etc.). La tranche (a,a + h] de port´ee h pour le risque X est d´efinie comme 0 si 0 ≤ X < a X − a si a ≤ X < a + h X(a,a+h] = h si a + h ≤ X o` u a est appel´e r´etention. La fonction de queue de X (a,a+h] est donn´ee par F X (a + t) si t < h F X(a,a+h] = 0 si t ≥ h de sorte que la prime pure relative a ` la couverture de la tranche vaut +∞ E[X(a,a+h] ] = F X(a,a+h] (t)dt t=0 h F X (a + t)dt = t=0 a+h F X (t)dt. = t=a
358
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Consid´erons a ` pr´esent deux tranches (a,a + h) et (b,b + h) du mˆeme risque X (dont la fonction de r´epartition est suppos´ee continue, pour simplifier). Les coˆ uts X(a,a+h] et X(b,b+h] sont comonotones car tous deux fonctions non-d´ecroissantes de X (ce qui r´epond donc a ` la D´efinition 8.2.6(i)). En effet, X(a,a+h] = min{X − a,h}I[X > a] = g1 (X) X(b,b+h] = min{X − b,h}I[X > b] = g2 (X) o` u g1 et g2 sont non-d´ecroissantes. Exemple 8.2.8 (Echange comonotone de risques). Consid´erons un risque X partag´e en X, si X ≤ d, X1 = d, sinon, a ` charge de l’assureur et X2 =
0, si X ≤ d, X − d, sinon,
a ` charge du r´eassureur dans un trait´e stop-loss. Comme X 1 et X2 sont des fonctions croissantes du risque X, X 1 et X2 sont comonotones en vertu de la D´efinition 8.2.6(i). Il s’agit de la situation la plus couramment rencontr´ee, la plupart des ´echanges de risques menant a ` des variables comonotones. Ceci garantit que les deux partenaires participant a ` l’´echange verront leur charge financi`ere augmenter lorsque le risque sous-jacent augmente. Plus pr´ecis´ement, si nous notons I : IR+ → IR+ la fonction indemnitaire (i.e. I(x) est la somme que devra payer l’assureur (au sens large) si un sinistre de montant x survient), on impose ` a I d’ˆetre non-d´ecroissante. Ceci garantit que X et I(X) sont comonotones. Si on requiert de plus que I croisse moins vite que l’identit´e (ce qui revient a ` exiger I ≤ 1 lorsque I est d´erivable), X − I(X) et X sont ´egalement comonotones. Les exemples de polices d’assurance satisfaisant ces contraintes sont nombreux. Citons 1. le d´ecouvert obligatoire: I(x) = (x − δ) + pour un d´ecouvert δ ≥ 0; 2. la coassurance: I(x) = αx pour un α ∈ [0,1]; 3. le plafond d’intervention: I(x) = min{x,ω} pour ω ≥ 0; 4. les couvertures combinant plusieurs de ces m´ecanismes, comme I(x) = min{α(x − d1 )+ ,d2 }.
8.2. Comonotonie et antimonotonie
359
Exemple 8.2.9 (Produits d´ eriv´ es en finance). De beaux exemples de comonotonie et d’antimonotonie sont fournis par la finance stochastique moderne. En effet, notons Z le cours d’une action a ` la date t et consid´erons les options de vente et d’achat, de prix d’exercice K et de maturit´e t, sur ce titre. Dans ce cas, la valeur de l’option d’achat est Vcall = (Z − K)+ et la valeur de l’option de vente est Vput = (K − Z)+ . En revenant a ` la D´efinition 8.2.6, on voit facilement que V call et Z sont comonotones, alors que Vput et Z sont antimonotones, de mˆeme que Vcall et Vput . D´ ependance parfaite et bornes de Fr´ echet Cette situation de d´ependance parfaite correspond pr´ecis´ement aux bornes de Fr´echet, comme le montre le r´esultat suivant, a` mettre en relation avec la Proposition 8.2.5. Proposition 8.2.10. (i) Le couple X = (X1 ,X2 ) est comonotone si, et seulement si, il admet W comme fonction de r´epartition. (ii) Le couple X = (X1 ,X2 ) est antimonotone si, et seulement si, il admet M comme fonction de r´epartition. Dans le cas o` u les fonctions de r´epartition marginales F 1 et F2 sont continues, on peut encore renforcer ce dernier r´esultat en recourant a` la Propri´et´e 2.5.2. Proposition 8.2.11. Supposons F1 et F2 continues. Alors, (i) X est comonotone si, et seulement si, (X1 ,X2 ) =loi (X1 ,F2−1 (F1 (X1 ))); (ii) X est antimonotone si, et seulement si, (X1 ,X2 ) =loi (X1 ,F2−1 (F 1 (X1 ))). D´emonstration. Nous ne d´emontrons que (i), le raisonnement menant a` (ii) ´etant similaire. La Propri´et´e 2.5.2 nous permet d’´ecrire Pr X1 ≤ x1 ,F2−1 F1 (X1 ) ≤ x2 = Pr X1 ≤ F1−1 F1 (x1 ) ,F2−1 F1 (X1 ) ≤ x2 = Pr F1 (X1 ) ≤ F1 (x1 ),F1 (X1 ) ≤ F2 (x2 ) = W (x1 ,x2 )
360
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
ce qui ach`eve la preuve grˆ ace a` la Proposition 8.2.10. Additivit´ e des VaR pour risques comonotones Le r´esultat suivant indique que les VaR sont additives dans le cas de risques comonotones. Proposition 8.2.12. Soit X comonotone dont la fonction de r´epartition jointe fait partie de F(F1 ,F2 ) avec F1 et F2 continues et croissantes. On a alors VaR[X1 + X2 ; α] = VaR[X1 ; α] + VaR[X2 ; α] quel que soit le niveau de probabilit´e α ∈ [0,1]. D´emonstration. Si X1 et X2 sont comontones alors en vertu des Propositions 8.2.5 et 8.2.11 X1 + X2 =loi Ψ (U ) avec U ∼ Uni(0,1) et la fonction Ψ donn´ee par Ψ (u) = F1−1 (u) + F2−1 (u),
0 ≤ u ≤ 1.
La fonction Ψ ainsi d´efinie est clairement non-d´ecroissante. Soit 0 < p < 1. Il suffit alors d’invoquer le Lemme 5.2.5 pour pouvoir ´ecrire
−1 −1 FX−11 +X2 (p) = FΨ(U ) (p) = Ψ FU (p) = Ψ(p), comme annonc´e. Il reste ` a pr´esent a` traiter les cas limites, i.e. `a v´erifier que le r´esultat est toujours acquis pour p = 0 et p = 1. En effet, FX−11 +X2 (1) = F1−1 (1) + F2−1 (1) est correcte puisque la comme X1 + X2 atteindra sa valeur maximum si, et seulement si, chacun des deux termes atteint sa valeur maximum, ´etant tous deux des fonctions non-d´ecroissantes de la mˆeme variable Z). Ceci termine la preuve. Exemple 8.2.13. Supposons que X1 ∼ Exp(1/b1 ) et X2 ∼ Exp(1/b2 ) avec b1 > 0 et b2 > 0. Si X1 et X2 sont comonotones, alors l’inverse de la fonction de queue de X1 + X2 vaut −1
F X1 +X2 (p) = −b• ln p avec b• = b1 + b2 , i.e. X1 + X2 ∼ Exp(1/b• ). En d’autres termes, la somme de deux variables al´eatoires de loi exponentielle n´egative et comonotones est ´egalement de loi exponentielle n´egative.
8.3. Mesures de d´ ependance
361
Exemple 8.2.14. Supposons que X1 ∼ Par(α,θ1 ) et X2 ∼ Par(α,θ2 ). Si X1 et X2 sont comonotones, l’inverse de la fonction de queue de leur somme X1 + X2 vaut −1
F X1 +X2 (p) = θ• (p−1/α − 1) avec θ• = θ1 + θ2 , i.e. X1 + X2 ∼ Par(α,θ• ).
8.3 8.3.1
Mesures de d´ ependance Concept
Bien que d’usage courant en assurance et en finance, le terme corr´elation est souvent mal compris. Alors que la corr´elation n’est qu’une mesure de d´ependance particuli`ere en statistique (souvent appel´ee corr´elation lin´eaire, ou de Pearson), les praticiens ont tendance a` d´esigner tous les concepts de d´ependance par ce mˆeme terme. Dans cette section, nous ´etudierons certaines mesures de d´ependance. Nous verrons que le coefficient de corr´elation lin´eaire, mesure canonique de la d´ependance en univers gaussien, perd beaucoup de sa pertinence lorsqu’on quitte cet univers. Pour des variables continues, nous verrons que les coefficients de corr´elation de Spearman et de Kendall fournissent de bonnes mesures de la d´ependance. Avant de poursuivre, il convient de d´efinir ce qu’on entend par “bonne mesure de d´ependance”. Les probabilistes se sont rapidement demand´e quelles propri´et´es devrait poss´eder une mesure de d´ependance pour pouvoir ˆetre appliqu´ee en pratique. Ceci a men´e a` la d´efinition de mesure de concordance. D´ efinition 8.3.1. Une mesure de d´ependance δ(.,.) est une mesure de concordance si elle poss`ede les bonnes propri´et´es suivantes: (sym´etrie) δ(X1 ,X2 ) = δ(X2 ,X1 ); (normalisation) −1 ≤ δ(X1 ,X2 ) ≤ 1; δ(X1 ,X2 ) = 1 si, et seulement si, X1 et X2 sont comonotones; δ(X1 ,X2 ) = −1 si, et seulement si, X1 et X2 sont antimonotones; P5 quelle que soit la fonction strictement montone g : IR → IR,
P1 P2 P3 P4
δ(g(X1 ),X2 ) =
δ(X1 ,X2 ) si g est croissante −δ(X1 ,X2 ) si g est d´ecroissante.
362
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
De prime abord, on peut encore envisager d’autres bonnes propri´et´es, mais qui ne sont pas n´ecessairement compatibles avec P1-P5. Ainsi, une autre propri´et´e paraissant int´eressante est δ(X1 ,X2 ) = 0 ⇔ X1 et X2 sont ind´ependantes.
(8.2)
Malheureusement, cette propri´et´e contredit P5, comme le montre le r´esultat suivant. Proposition 8.3.2. Il n’existe pas de mesure de concordance satisfaisant (8.2). D´emonstration. Consid´erons le couple (X 1 ,X2 ) uniform´ement distribu´e le long du cercle unit´e du plan IR 2 , i.e. (X1 ,X2 ) = (cos Z, sin Z) avec Z ∼ Uni[0,2π]. Puisque (−X1 ,X2 ) =loi (X1 ,X2 ), nous avons δ(−X1 ,X2 ) = δ(X1 ,X2 ) = −δ(X1 ,X2 ), ce qui implique que δ(X1 ,X2 ) = 0 alors que X1 et X2 sont clairement d´ependantes (mais pas comonotones!).
8.3.2
La corr´ elation lin´ eaire ou corr´ elation de Pearson
Covariance De mani`ere g´en´erale, la variance d’une somme n’est pas simplement la somme des variances (cela n’est vrai que si les variables al´eatoires en pr´esence sont ind´ependantes, comme nous l’avons vu a` la Propri´et´e 3.3.7). En effet, une somme de variables al´eatoires peut ˆetre plus ou moins variable que la simple agr´egation des variabilit´es des diff´erents termes qui la composent selon la mani`ere dont ceuxci interagissent. Montrons cela. Pour ce faire, int´eressons-nous `a la variance d’une somme de deux variables al´eatoires X 1 + X2 : 2 V[X1 + X2 ] = E X1 − E[X1 ] + X2 − E[X2 ] = E (X1 − E[X1 ])2 + E (X2 − E[X2 ])2 +2E X1 − E[X1 ] X2 − E[X2 ] = V[X1 ] + V[X2 ] + 2E X1 − E[X1 ] X2 − E[X2 ] . La variance d’une somme est donc ´egale a` la somme des variances des deux termes a` laquelle on doit ajouter l’esp´erance du produit des variables centr´ees (qui disparaˆıt lorsque X 1 et X2 sont ind´ependantes).
8.3. Mesures de d´ ependance
363
Cette derni`ere esp´erance est appel´ee covariance (car elle exprime comment X1 et X2 “varient ensemble”) et d´efinie comme suit. D´ efinition 8.3.3. La covariance entre X 1 et X2 , not´ee C[X1 ,X2 ], est d´efinie comme C[X1 ,X2 ] = E (X1 − E[X1 ]) (X2 − E[X2 ]) = E[X1 X2 ] − E[X1 ]E[X2 ]. Ainsi, V[X1 + X2 ] = V[X1 ] + V[X2 ] + 2C[X1 ,X2 ]
(8.3)
et c’est donc la covariance qui quantifie le surcroˆıt de variabilit´e (ou la diminution de celle-ci) de la somme de deux variables al´eatoires par rapport a` la somme de leur variance. Remarque 8.3.4. Il est bon de remarquer au passage que V[X] = C[X,X] de sorte que la variance d’une variable al´eatoire mesure la mani`ere dont elle “covarie” avec elle-mˆeme. Exemple 8.3.5 (Covariance entre les composantes d’un vecteur normal). Si X ∼ N or(µ,Σ) alors on v´erifie ais´ement que les ´el´ements σij non diagonaux de Σ sont les covariances entre les paires de composantes de X, i.e. σij = C[Xi ,Xj ] pour i = j. Exemple 8.3.6 (Covariance entre les composantes d’un vecteur multinomial). Consid´erons le vecteur N ∼ Mult(m,p 1 , . . . ,pn ). Comme Ni ∼ Bin(m,pi ) et Ni + Nj ∼ Bin(m,pi + pj ) quel que soient i = j, nous d´eduisons de (8.3) que 1 C[Ni ,Nj ] = V[Ni + Nj ] − V[Ni ] − V[Nj ] 2 1 = m(pi + pj )(1 − pi − pj ) − mpi (1 − pi ) − mpj (1 − pj ) 2 = −mpi pj . Covariance nulle et ind´ ependance Si X1 et X2 sont ind´ependantes, leur covariance est nulle. La r´eciproque n’est pas vraie, comme le montre l’exemple suivant. Exemple 8.3.7. Une covariance nulle indique soit une absence de d´ependance entre X1 et X2 , soit une relation non lin´eaire. Par exemple, si X ∼ N or(0,1), C[X,X 2 ] = E[X 3 ] − E[X]E[X 2 ] = 0
364
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
alors que X et X 2 sont fortement d´ependantes. Notez que X et X 2 ne sont pas comonotones! Remarque 8.3.8. Une covariance nulle est intimement li´ee a ` la notion d’orthogonalit´e. En effet, l’espace L 2 des variables al´eatoires de carr´e-int´egrable est un espace de Hilbert que l’on peut munir d’un produit scalaire pour lequel C[X1 ,X2 ] = 0 traduit une notion d’orthogonalit´e dans L2 .
Covariance conditionnelle Tout comme nous avions d´efini l’esp´erance et la variance conditionnelle, nous pouvons introduire le concept de covariance conditionnelle. D´ efinition 8.3.9. Soit un vecteur al´eatoire m-dimensionnel Θ. La covariance conditionnelle des variables al´eatoires X 1 et X2 ´etant donn´e Θ est la variable al´eatoire C[X1 ,X2 |Θ] = E
X1 − E[X1 |Θ] X2 − E[X2 |Θ] Θ
= E[X1 X2 |Θ] − E[X1 |Θ]E[X2 |Θ].
La covariance conditionnelle jouit en outre des propri´et´es suivantes. Propri´ et´ e 8.3.10. (i) La covariance est li´ee a ` la covariance et aux esp´erances conditionnelles comme suit: C[X1 ,X2 ] = E C[X1 ,X2 |Θ] + C E[X1 |Θ],E[X2 |Θ] ;
(ii) si X1 et X2 sont ind´ependantes conditionnellement a ` Θ, C[X1 ,X2 |Θ] = 0; (iii) quelle que soit la fonction g, C[g(Θ),X|Θ] = 0.
8.3. Mesures de d´ ependance
365
D´emonstration. Nous ne d´emontrerons que (i). Il suffit d’´ecrire C[X1 ,X2 ] = E E (X1 − E[X1 ])(X2 − E[X2 ])Θ = E E (X1 − E[X1 |Θ] + E[X1 |Θ] − E[X1 ]) (X2 − E[X2 |Θ] + E[X2 |Θ] − E[X2 ])Θ = E E (X1 − E[X1 |Θ])(X2 − E[X2 |Θ])Θ +E E X1 − E[X1 |Θ]|Θ](E[X2 |Θ] − E[X2 ]) #$ % " =0 +E E X2 − E[X2 |Θ]|Θ](E[X1 |Θ] − E[X1 ]) #$ % " =0 +E (E[X1 |Θ] − E[X1 ])(E[X2 |Θ] − E[X2 ]) = E C[X1 ,X2 |Θ] + C E[X1 |Θ],E[X2 |Θ] .
Exemple 8.3.11. Supposons que, conditionnellement a ` Θ = θ, N 1 et N2 soient ind´ependantes de lois respectives Poi(λ 1 θ) et Poi(λ2 θ). Nous avons alors en vertu de la Propri´et´e 8.3.10(i) C[N1 ,N2 ] = E C[N1 ,N2 |Θ] + C E[N1 |Θ],E[N2 |Θ] . Or C[N1 ,N2 |Θ] = 0 en vertu de la Propri´et´e 8.3.10(ii) et donc C[N1 ,N2 ] = C[λ1 Θ,λ2 Θ] = λ1 λ2 V[Θ] ce qui se r´eduit par exemple a ` λ1 λ2 /a lorsque Θ ∼ Gam(a,a). De la covariance au coefficient de corr´ elation lin´ eaire La covariance nous renseigne par son signe sur le sens de la “covariation” entre X1 et X2 , mais sa grandeur en valeur absolue ne nous informe pas sur l’ampleur de cette covariation. En effet, la valeur de la covariance est sensible a` la variation propre des deux variables X1 et X2 . En particulier, la covariance change drastiquement si on change les unit´es de mesure de X 1 et/ou de X2 (passer
366
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
de milliers en millions d’euros pour X1 et X2 a pour effet de diviser la covariance par 106 !). La corr´elation vise a` corriger ce d´efaut de la covariance: elle fournit un indice qui ne d´ependra ni des unit´es de mesure, ni de la variabilit´e propre des deux variables. D´ efinition 8.3.12. Le coefficient de corr´elation lin´eaire entre X 1 et X2 , not´e r(X1 ,X2 ), est d´efini par C[X1 ,X2 ]
r (X1 ,X2 ) = 0
V[X1 ]V[X2 ]
.
On constate que c’est un nombre sans dimension, qui n’existe que lorsque les variances et la covariance qui le composent sont bien d´efinies. Le signe de la covariance et celui de la corr´elation co¨ıncident. Ce qui a ´et´e dit plus haut a` propos du signe de la covariance est donc toujours d’application pour le signe de la corr´elation. Remarque 8.3.13. On voit facilement que r(X 1 ,X2 ) est en fait la covariance entre les deux variables centr´ees et r´eduites, i.e. r(X 1 ,X2 ) = C[V1 ,V2 ] avec V1 =
X1 − E[X1 ] X2 − E[X2 ] 0 et V2 = 0 . V[X1 ] V[X2 ]
Valeurs possibles pour le coefficient de corr´ elation lin´ eaire Quelles que soient les variables al´eatoires X 1 et X2 en pr´esence, nous avons toujours −1 ≤ r(X1 ,X2 ) ≤ 1 d’apr`es l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz. Les bornes +1 et -1 sont atteintes lorsque X1 et X2 sont li´ees par une relation lin´eaire. Plus pr´ecis´ement, si X2 =loi a + bX1 avec b = 0, la corr´elation vaut 1 en valeur absolue, et a le signe de b. La r´eciproque est ´egalement vraie. Contrairement a` ce que l’on pourrait croire, il existe de nombreuses situations o` u le coefficient de corr´elation lin´eaire ne peut pas atteindre les bornes -1 et 1, comme le montre l’exemple suivant. Exemple 8.3.14. Soient X1 et X2 deux variables al´eatoires de mˆeme support IR+ . Alors, r(X1 ,X2 ) > −1. Afin d’´etablir ce r´esultat, raisonnons par l’absurde et supposons r(X 1 ,X2 ) = −1, ce qui implique X2 =loi aX1 + b avec a < 0, b ∈ IR.
8.3. Mesures de d´ ependance
367
Il suit alors pour x2 < 0 quelconque, x2 − b F2 (x2 ) = Pr[aX1 + b ≤ x2 ] = Pr X1 ≥ a x2 − b ≥ Pr X1 > a x2 − b >0 = F1 a ce qui contredit clairement l’hypoth`ese F 2 (0) = 0. Le lemme technique suivant nous sera tr`es utile dans la suite afin d’obtenir les valeurs possibles pour le coefficient de corr´elation lin´eaire. Il peut se voir comme une g´en´eralisation a` deux dimensions de la Propri´et´e 3.2.7. Lemme 8.3.15. Quels que soient les risques X 1 et X2 de fonction de r´epartition jointe FX , E[X1 X2 ] =
+∞ +∞
x1 =0
x2 =0
F X (x1 ,x2 )dx1 dx2 .
D´emonstration. Commen¸cons par ´ecrire
+∞ +∞
Pr[X1 x1 =0 x2 =0 +∞ +∞ +∞
> x1 ,X2 > x2 ]dx1 dx2
+∞
= x1 =0
x2 =0
y1 =x1
y2 =x2
dFX (y1 ,y2 )dx1 dx2 .
A pr´esent, invoquons le th´eor`eme de Fubini pour permuter les int´egrales et obtenir +∞ +∞ Pr[X1 > x1 ,X2 > x2 ]dx1 dx2
x1 =0 x2 =0 +∞ +∞ +∞
+∞
= x1 =0 x2 =0 y1 =x1 y2 =x2 +∞ +∞ y1 y2
= y1 =0 y2 =0 +∞ +∞
= y1 =0
y2 =0
ce qui ach`eve la preuve.
x1 =0
x2 =0
dFX (y1 ,y2 )dx1 dx2
dx1 dx2 dFX (y1 ,y2 )
y1 y2 dFX (y1 ,y2 ) = E[X1 X2 ]
368
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Corollaire 8.3.16. Le Lemme 8.3.15 nous permet donc d’´ecrire +∞ +∞ ! F X (x1 ,x2 ) − F 1 (x1 )F 2 (x2 ) dx1 dx2 C[X1 ,X2 ] = x1 =0 x2 =0 +∞ +∞
=
x1 =0
x2 =0
! FX (x1 ,x2 ) − F1 (x1 )F2 (x2 ) dx1 dx2 .
Cette derni`ere repr´esentation de la covariance la fait apparaˆıtre comme une distance entre la fonction de r´epartition jointe F X de X et celle du couple de mˆemes lois marginales que X mais dont les composantes sont ind´ependantes. Coefficient de corr´ elation lin´ eaire et d´ ependance parfaite Nous d´eduisons du Corollaire 8.3.16 que quel que soit le couple X, les in´egalit´es suivantes sont v´erifi´ees: +∞ +∞ ! M (x1 ,x2 ) − F1 (x1 )F2 (x2 ) dx1 dx2 x1 =0
x2 =0
= C[F1−1 (U ),F2−1 (1 − U )] ≤ C[X1 ,X2 ] +∞ +∞ ! ≤ W (x1 ,x2 ) − F1 (x1 )F2 (x2 ) dx1 dx2 x1 =0
x2 =0
= C[F1−1 (U ),F2−1 (U )]. Si nous d´efinissons rmin =
C[F1−1 (U ),F2−1 (1 − U )] 0 V[X1 ]V[X2 ]
et rmax =
C[F1−1 (U ),F2−1 (U )] 0 , V[X1 ]V[X2 ]
le coefficient de corr´elation lin´eaire r(X 1 ,X2 ) satisfait les in´egalit´es rmin ≤ r(X1 ,X2 ) ≤ rmax ,
(8.4)
de sorte qu’une valeur ±1 n’est en g´en´eral pas admissible. Nous montrons dans le r´esultat suivant que les valeurs limites du coefficient de corr´elation lin´eaire caract´erisent la comonotonie et l’antimonotonie. Proposition 8.3.17. Soit X de fonction de r´epartition F X dans F(F1 ,F2 ). Alors, (i) r(X1 ,X2 ) = rmax si, et seulement si, X est comonotone.
8.3. Mesures de d´ ependance
369
(ii) r(X1 ,X2 ) = rmin si, et seulement si, X est antimonotone. D´emonstration. Nous ´etablissons seulement (i), le raisonnement menant a` (ii) ´etant similaire. Le Corollaire 8.3.16 nous montre que sous les conditions de (i)
+∞ +∞
0= x1 =0
x2 =0
! W (x1 ,x2 ) − FX (x1 ,x2 ) dx1 dx2 .
L’int´egrand ´etant partout non-n´egatif, la nullit´e de l’int´egrale enu le r´esultat annonc´e en vertu de la Proposition traˆıne FX = W , d’o` 8.2.5. L’exemple suivant illustre les valeurs possibles du coefficient de corr´elation lin´eaire pour un couple de variables al´eatoires de loi lognormale. Exemple 8.3.18. Soient X1 ∼ LN or(0,1) et X2 ∼ LN or(0,σ 2 ). Les valeurs extrˆemes pour le coefficient de corr´elation lin´eaire sont atteintes lorsque X1 et X2 sont en d´ependance parfaite. D`es lors, rmax (σ) = r(exp(Z), exp(σZ)) exp(σ) − 1 = 0 √ exp(σ 2 ) − 1 e − 1 o` u Z ∼ N or(0,1), et rmin (σ) = r(exp(Z), exp(−σZ)) exp(−σ) − 1 . = 0 √ exp(σ 2 ) − 1 e − 1 Ces bornes sont repr´esent´ees en fonction de σ dans la Figure 8.1. On constate que lim rmax (σ) = lim rmin (σ) = 0.
σ→+∞
σ→+∞
Par cons´equent, il est possible d’avoir un couple X dont le coefficient de corr´elation est quasiment nul alors que les composantes de celuici sont en d´ependance parfaite. Ceci contredit clairement l’intuition que de faibles valeurs du coefficient de corr´elation traduisent une faible d´ependance.
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
1.0
370
0.0 -1.0
-0.5
Pearson r
0.5
r max r min
0
1
2
3
4
5
sigma
Fig. 8.1 – Valeurs de rmax (σ) et rmin (σ) en fonction σ. Le coefficient de corr´ elation lin´ eaire n’est pas une mesure de concordance Nous pouvons donc conclure que le coefficient de corr´elation lin´eaire n’est pas une mesure de concordance puisque les Propri´et´es P3 et P4 de la D´efinition 8.3.1 ne sont pas satisfaites. Le fait que le coefficient de corr´elation lin´eaire n’est pas une mesure de concordance rend son usage probl´ematique dans la r´esolution des probl`emes pratiques. Par exemple, une valeur proche de 1 pour r (X1 ,X2 ) peut indiquer la pr´esence d’une d´ependance non-lin´eaire, comme le montre l’exemple suivant. Exemple 8.3.19. Si X1 ∼ Uni([8,10]) et X2 = X12 , alors r (X1 ,X2 ) ≈ 0.999, mais en aucun cas, il n’existe α et β tels que X 1 = α + βX2 . Dans ce cas, X1 et X2 sont comonotones. Exemple 8.3.20 (Echangeabilit´ e et corr´ elation). Les variables al´eatoires X1 ,...,Xn sont dites ´echangeables si pour toute permuta-
8.3. Mesures de d´ ependance
371
tion π de {1,...,n},
(X1 ,...,Xn ) =loi Xπ(1) ,...,Xπ(n) . On peut noter que si les variables X1 ,...,Xn sont ind´ependantes et identiquement distribu´ees alors elles sont ´echangeables. Toutefois, la r´eciproque est fausse : si Y est une variable sym´etrique, et si (X1 ,X2 ) = (Y, − Y ), alors le couple (X1 ,X2 ) est ´echangeable, mais X1 et X2 ne sont pas ind´ependantes et identiquement distribu´ees. La notion d’´echangeabilit´e est tr`es importante pour mod´eliser des risques homog`enes, par exemple. Consid´erons des variables al´eatoires X 1 ,...,Xn ´echangeables. Alors en notant σ 2 = V[Xi ] et et ρ = r(Xi ,Xj ) pour i = j, on a 0 ≤ V[X1 + ... + Xn ] = nσ 2 + n (n − 1) ρσ 2 . De ce fait, la corr´elation ρ d’une paire de variables ´echangeables v´erifie −1 ρ≥ . n−1 Cette borne peut ˆetre atteinte, en consid´erant des vecteurs gaussiens. Malgr´e ses d´efauts, le coefficient de corr´elation reste tr`es utilis´e en pratique, et ce pour trois raisons majeures : Son rˆ ole de concert avec la loi normale le coefficient de corr´elation lin´eaire apparaˆıt de fa¸con naturelle comme param`etre de la densit´e des vecteurs gaussiens. Son rˆ ole dans les mod` eles de r´ egression lin´ eaire les coeffi∗ ∗ 2 cients a et b minimisant E[(X2 − aX1 − b) ] sont donn´es par a∗ =
C[X1 ,X2 ] et b∗ = E[X2 ] − a∗ E[X1 ]. V[X1 ]
La relation r 2 (X1 ,X2 ) =
V[X2 ] − mina,b E[(X2 − aX1 − b)2 ] V[X2 ]
montre que le carr´e du coefficient de corr´elation repr´esente la proportion de la variabilit´e (mesur´ee par la somme des carr´es) de X 2 pouvant ˆetre expliqu´es par une fonction lin´eaire de X 1 .
372
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Son rˆ ole dans le Mod` ele d’Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF ou Capital Asset Pricing Model, CAPM) de Markowitz le coefficient de corr´elation lin´eaire apparaˆıt comme un facteur fondamental dans la th´eorie du portefeuille tel que l’a introduite Markowitz, en 1952. En effet, en notant R M le rendement du march´e, Ri le rendement du i`eme titre risqu´e, et R 0 le taux sans risque, alors la th´eorie du CAPM permet d’´ecrire u βi = E[Ri − R0 ] = βi .E[RM − R0 ] o`
C[Ri ,RM ] V[RM ]
Ce coefficient βi est alors directement li´e a` la corr´elation entre le rendement du titre i et le rendement moyen du march´e.
8.3.3
Coefficient de corr´ elation des rangs de Kendall
D´ efinition Aussi raisonnable et intuitif qu’il puisse paraˆıtre, il faut se garder d’accorder une confiance aveugle au coefficient de corr´elation lin´eaire r. En effet, si celui-ci est la mesure canonique de d´ependance dans le monde gaussien multivari´e, nous avons vu ci-dessus qu’il perd beaucoup de sa pertinence d`es qu’on quitte ce monde id´eal. Pour rem´edier aux probl`emes rencontr´es avec le coefficient de corr´elation lin´eaire, on peut recourir aux coefficients de corr´elation de rang, tels le tau de Kendall et le rho de Spearman. Ces mesures de d´ependance sont bas´ees sur les discordances et les concordances constat´ees parmi les observations recueillies. Disposant de deux couples (X1 ,X2 ) et (X1 ,X2 ), ind´ependants et identiquement distribu´es, le τ de Kendall se d´efinit comme la probabilit´e de “concordance” (i.e. la probabilit´e que l’on ait simultan´ement X 1 < X1 et X2 < X2 , ou X1 > X1 et X2 > X2 ) moins la probabilit´e de “discordance” (i.e. la probabilit´e que l’on ait simultan´ement X 1 > X1 et X2 < X2 , ou X1 > X1 et X2 < X2 ). Ceci aboutit a` la d´efinition suivante. D´ efinition 8.3.21. Le τ de Kendall associ´e au couple (X 1 ,X2 ) de variables al´eatoires poss´edant des fonctions de r´epartition marginales continues est d´efini par τ (X1 ,X2 ) = Pr (X1 − X1 )(X2 − X2 ) > 0 −Pr (X1 − X1 )(X2 − X2 ) < 0 , o` u (X1 ,X2 ) est ind´ependant de (X1 ,X2 ) et poss`ede la mˆeme loi que ce dernier.
8.3. Mesures de d´ ependance
373
Repr´ esentation alternative On peut encore ´ecrire le tau de Kendall comme suit. Propri´ et´ e 8.3.22. Etant donn´e un couple (X 1 ,X2 ) de fonctions de r´epartition marginales continues, τ (X1 ,X2 ) = 4E[FX (X1 ,X2 )] − 1. D´emonstration. Il suffit de repartir de la D´efinition 8.3.21 du tau de Kendall et d’´ecrire τ (X1 ,X2 ) = 2Pr (X1 − X1 )(X2 − X2 ) > 0 − 1 ! = 2 Pr X1 < X1 ,X2 < X2 + Pr X1 > X1 ,X2 > X2 − 1 ! = 2 E FX (X1 ,X2 ) + E FX (X1 ,X2 ) − 1, ce qui ach`eve la preuve. Invariance fonctionnelle Le τ de Kendall jouit de la propri´et´e d’invariance fonctionnelle (car il est bas´e sur les rangs des observations plutˆ ot que sur les valeurs de celles-ci). Propri´ et´ e 8.3.23. Quelles que soient les fonctions g 1 et g2 , toutes deux croissantes ou toutes deux d´ecroissantes sur les supports de X 1 et de X2 , on a τ (g1 (X1 ),g2 (X2 )) = τ (X1 ,X2 ).
(8.5)
En particulier, le tau de Kendall satisfait la propri´et´e P5 de la D´efinition 8.3.1 des mesures de concordance. En effet, le cas o` u g est croissante est une cons´equence imm´ediate de (8.5). Si g est d´ecroissante, nous avons τ (g(X1 ),X2 ) = 2Pr (g(X1 ) − g(X1 ))(X2 − X2 ) > 0 − 1 = 2Pr (X1 − X1 )(X2 − X2 ) < 0 − 1 ! = 2 1 − Pr (X1 − X1 )(X2 − X2 ) > 0 − 1 = −τ (X1 ,X2 ). Valeurs possibles pour le tau de Kendall On voit facilement que le tau de Kendall prend ses valeurs dans l’intervalle [−1,1] et est d´efini quelles que soient les lois en pr´esence
374
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
(la restriction aux lois `a variance finie n’est plus de mise pour cette mesure de d´ependance). Les valeurs ±1 peuvent cette fois ˆetre atteintes quelles que soient les marginales, et caract´erisent la d´ependance parfaite (d`es lors, le tau de Kendall satisfait les propri´et´es P3 et P4 de la D´efinition 8.3.1 de mesure de concordance). Propri´ et´ e 8.3.24. Supposons les fonctions de r´epartition F 1 de X1 et F2 de X2 toutes deux continues. X1 et X2 sont comonotones si, et seulement si, τ (X1 ,X2 ) = 1. De plus, X1 et X2 sont antimonotones si, et seulement si, τ (X1 ,X2 ) = −1. D´emonstration. En vertu de la Proposition 8.2.11(i), il suffit de montrer que la valeur maximale 1 est atteinte lorsque X 2 = g(X1 ) avec g non-d´ecroissante (g est la fonction F 2−1 ◦ F1 ). Ceci provient de τ X1 ,g(X1 ) = 2Pr X1 − X1 g(X1 ) − g(X1 ) > 0 − 1 = 1 pusque X1 − X1 et g(X1 ) − g(X1 ) ont bien ´evidemment toujours le mˆeme signe. De la mˆeme mani`ere, la valeur -1 pour le tau de Kendall est atteinte lorsque X2 = g(X1 ) avec g non-croissante. Invers´ement, si τ (X1 ,X2 ) = 1 alors la fonction de r´epartition est W . En effet, l’´egalit´e τ (X1 ,X2 ) = τ (U1 ,U2 ) o` u U1 = F1 (X1 ) et U2 = F2 (X2 ), est valable et nous pouvons donc en vertu de la Propri´et´e 2.5.2 supposer sans perte de g´en´eralit´e que les marginales F 1 et F2 sont Uni(0,1). Nous devons donc montrer l’implication τ (U1 ,U2 ) = 1 ⇒ (U1 ,U2 ) =loi (U,U ) o` u U ∼ Uni(0,1). Notons C la fonction de r´epartition de (U 1 ,U2 ) et CU celles de (U,U ); la Proposition 8.2.3 garantit que C ≤ C U . Les in´egalit´es suivantes sont v´erifi´ees: E[C(U1 ,U2 )] ≤ E[CU (U1 ,U2 )] ≤ E[CU (U,U )] =
1 , 2
puisque min{U1 ,U2 } ≤ U1 . Nous avons donc l’´equivalence τ (U1 ,U2 ) = τ (U,U ) ⇔ E[C(U1 ,U2 )] = E[CU (U,U )] qui entraˆıne a` son tour E[CU (U1 ,U2 )] − E[C(U1 ,U2 )]
8.3. Mesures de d´ ependance
1
= u1 =0
1
375
{CU (u1 ,u2 ) − C(u1 ,u2 )} dC(u1 ,u2 ) = 0, #$ %
u2 =0 "
≥0 ∀ u1 ,u2 ∈[0,1]
qui nous permet de conclure que C = CU . De la mˆeme mani`ere, notons CL la fonction de r´epartition du couple (U,1 − U ); la Proposition 8.2.3 garantit que C L ≤ C. Nus pouvons alors raisonner comme ci-dessus a` partir des in´egalit´es E[CL (U,1 − U )] ≤ E[CL (U1 ,U2 )] ≤ E[C(U1 ,U2 )].
Ind´ ependance et tau de Kendall Nous avons donc ´etabli que le tau de Kendall est bien une mesure de concordance. Nous pouvons ´egalement noter que si X 1 et X2 sont ind´ependantes alors τ (X1 ,X2 ) = 0. En effet, τ (X1 ,X2 ) = 2Pr[(X1 − X1 )(X2 − X2 ) > 0] − 1 = 2 Pr[X1 − X1 > 0,X2 − X2 > 0] ! +Pr[X1 − X1 < 0,X2 − X2 < 0] − 1 1 1 = 2 + − 1 = 0. 4 4
8.3.4
Coefficient de corr´ elation des rangs de Spearman
D´ efinition Tout comme le tau de Kendall, le rho de Spearman est bas´e sur les notions de concordance et de discordance. D´ efinition 8.3.25. Consid´erons le couple X de fonctions de r´epartition marginales F1 et F2 continues et d´efinissons X ⊥ = (X1⊥ ,X2⊥ ) une version ind´ependante de X (i.e. X ⊥ admet F1 F2 comme fonction de r´epartition jointe). Le rho de Spearman est alors d´efini comme ´etant le triple de la diff´erence des probabilit´es de concordance et de discordance de X et de X ⊥ , i.e. ρ(X1 ,X2 ) = 3 Pr[(X1 − X1⊥ )(X2 − X2⊥ ) > 0] − Pr[(X1 − X1⊥ )(X2 − X2⊥ ) < 0] .
376
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Lien avec le coefficient de corr´ elation lin´ eaire de Pearson Le coefficient de corr´elation de Spearman rem´edie aux d´efauts du coefficient de corr´elation lin´eaire de Pearson, en consid´erant non plus les variables de d´epart X1 et X2 mais bien des versions uniformes F1 (X1 ) et F2 (X2 ) de celles-ci. S’agissant de variables al´eatoires admettant un lien lin´eaire entre elles, les valeurs extrˆemes ±1 pourront ˆetre atteintes. Propri´ et´ e 8.3.26. Etant donn´ees deux variables al´eatoires X 1 et X2 de fonctions de r´epartition F1 et F2 , suppos´ees continues, le ρ de Spearman peut encore se mettre sous l’une des formes suivantes: ρ(X1 ,X2 ) = r(F1 (X1 ),F2 (X2 )) E[U1 U2 ] − E[U1 ]E[U2 ] 0 = V[U1 ]V[U2 ] E[U1 U2 ] − 1/4 = 1/12 FX (x1 ,x2 ) − F1 (x1 )F2 (x2 ) dF1 (x1 )dF2 (x2 ). = 12 x∈IR2
Invariance fonctionnelle Tout comme le tau de Kendall, le rho de Spearman jouit de la propri´et´e d’invariance fonctionnelle (car il est bas´e sur les rangs des observations plutˆ ot que sur les valeurs de celles-ci). Propri´ et´ e 8.3.27. Quelles que soient les fonctions g 1 et g2 , toutes deux croissantes ou toutes deux d´ecroissantes sur les supports de X 1 et de X2 , on a ρ(g1 (X1 ),g2 (X2 )) = ρ(X1 ,X2 ).
(8.6)
En particulier, le rho de Spearman satisfait la propri´et´e P5 de la D´efinition 8.3.1 des mesures de concordance. Valeurs possibles pour le rho de Spearman On voit facilement que le rho de Spearman prend ses valeurs dans l’intervalle [−1,1] et est d´efini quelles que soient les lois en pr´esence. Les valeurs ±1 peuvent cette fois ˆetre atteintes quelles que soient les marginales, et caract´erisent la d´ependance parfaite (d`es lors, le rho de Spearman satisfait les propri´et´es P3 et P4 de la D´efinition 8.3.1 de mesure de concordance). Propri´ et´ e 8.3.28. Supposons les fonctions de r´epartition F 1 de X1 et F2 de X2 continues. X1 et X2 sont comonotones si, et seulement
8.3. Mesures de d´ ependance
377
si, ρ(X1 ,X2 ) = 1. De plus, X1 et X2 sont antimonotones si, et seulement si, ρ(X1 ,X2 ) = −1. D´emonstration. Grˆ ace a` (8.6), nous savons que nous pouvons sans perte de g´en´eralit´e supposer les marginales de X de loi Uni(0,1), i.e. travailler avec U1 = F1 (X1 ) et U2 = F2 (X2 ). Nous devons en fait montrer que ρ(U1 ,U2 ) = 1 ⇒ (U1 ,U2 ) =loi (U,U ). La Propri´et´e 8.3.26 nous permet d’´ecrire ρ(U1 ,U2 ) = 12
1 u1 =0
1
u2 =0
C(u1 ,u2 )du1 du2 − 3
de sorte que ρ(U1 ,U2 ) = 1 implique
1 u1 =0
1
{CU (u1 ,u2 ) − C(u1 ,u2 )} du1 du2 = 0, #$ %
u2 =0 "
≥0 ∀ u1 ,u2 ∈[0,1]
qui garantit a` son tour que C ≡ CU et ach`eve la d´emonstration dans le cas comonotone. Le raisonnement dans le cas antimonotone est similaire.
8.3.5
Liens entre le tau de Kendall et le rho de Spearman
Il est a` noter que le tau de Kendall et le rho de Spearman sont li´es, au sens o` u il est par exemple impossible d’avoir τ ≥ 0.4 et ρ = 0. Dans cette section, nous ´etablissons une s´erie de relations entre le tau de Kendall et le rho de Spearman. Proposition 8.3.29. Les in´egalit´es −1 ≤ 3τ − 2ρ ≤ 1 sont v´erifi´ees quel que soit le couple al´eatoire X dont les marginales sont continues. D´emonstration. Soient X, Y des Z trois couples ind´ependants et de mˆeme loi. Le tau de Kendall et le rho de Spearman pour ces couples valent = 2Pr (X1 − Y1 )(X2 − Y2 ) > 0 − 1 ρ = 6Pr (X1 − Y1 )(X2 − Z2 ) > 0 − 3.
τ
378
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Puisque X, Y et Z ont mˆeme loi, nous pouvons ´ecrire 2 Pr (X1 − Y1 )(X2 − Y2 ) > 0 + Pr (Y1 − Z1 )(Y2 − Z2 ) > 0 τ = 3 ! +Pr (Z1 − X1 )(Z2 − X2 ) > 0 − 1 et
ρ = Pr (X1 − Y1 )(X2 − Z2 ) > 0 + Pr (X1 − Z1 )(Y2 − Z2 ) > 0 +Pr (Y1 − X1 )(Y2 − Z2 ) > 0 + Pr (Z1 − Y1 )(Z2 − X2 ) > 0 +Pr (Y1 − Z1 )(Y2 − X2 ) > 0 + Pr (Z1 − X1 )(Z2 − Y2 ) > 0 −3. On peut supposer sans perte de g´en´eralit´e que les in´egalit´es X 1 < Y1 < Z1 sont v´erifi´ees, de sorte que ! 2 Pr X2 < Y2 + Pr Y2 < Z2 + Pr X2 < Z2 − 1 τ= 3 et ρ = Pr X2 < Z2 + Pr X2 > Y2 + Pr Y2 < Z2 +Pr Z2 < X2 + Pr Y2 < Z2 + Pr Z2 > Y2 − 3 = 2Pr[X2 < Z2 ] − 1. Soit pXY Z la probabilit´e de {X2 < Y2 < Z2 } ´etant donn´e {X1 < Y1 < Z1 }. Les six probabilit´es pXY Z (i.e. pXY Z , pY XZ , pY ZX , pXZY , pZY X et pZXY ) ont une somme qui vaut 1. De ce fait, nous pouvons ´ecrire 2 (pXY Z + pXZY + pZXY ) + (pXY Z + pY XZ + pY ZX ) τ = 3 ! +(pXY Z + pXZY + pY XZ ) − 1
1 1 = pXY Z + (pXZY + pY XZ ) − (pY ZX + pZXY ) − pZY X 3 3 de mˆeme que ! ρ = 2 pXY Z + pXZY + pY XZ − 1 = pXY Z + pXZY + pY XZ −pY ZX − pZXY ) − pZY X . D`es lors, 3τ − 2ρ =
(8.7) !
pXY Z + pY ZX + pZXY − pXZY + pY XZ + pZY X
de sorte que −1 ≤ 3τ − 2ρ ≤ 1 est finalement ´etabli.
!
8.3. Mesures de d´ ependance
379
On peut encore prouver une seconde in´egalit´e faisant intervenir les coefficients tau de Kendall et rho de Spearman. Proposition 8.3.30. Les in´egalit´es 1+ρ ≥ 2
1+τ 2
2
1−ρ et ≥ 2
1−τ 2
2 .
sont toutes deux satisfaites quel que soit le vecteur al´eatoire X dont les fonctions de r´epartition marginales sont continues. D´emonstration. Soient X, Y et Z trois couples al´eatoires ind´ependants et de mˆeme loi. Notons FX leur fonction de r´epartition commune. D´efinissons p comme la probabilit´e que deux de ces couples soient concordants avec le troisi`eme. Cette probabilit´e peut alors se r´e´ecrire p = Pr[Y et Z sont concordants avec X] Pr[Y et Z sont concordants avec x]dFX (x) = 2 x∈IR = Pr[(Y1 − x1 )(Y2 − x2 ) > 0]Pr[(Z1 − x1 )(Z2 − x2 ) > 0]dFX (x) x∈IR2 !2 Pr[(Y1 − x1 )(Y2 − x2 ) > 0] dFX (x) = x∈IR2
≥ =
x∈IR2
2 Pr[(Y1 − x1 )(Y2 − x2 ) > 0]dFX (x)
Pr[(Y1 − X1 )(Y2 − X2 ) > 0]
!2
=
1+τ 2
2 .
A pr´esent, en invoquant l’ind´ependance et l’identique distribution de X, Y et Z, nous pouvons encore ´ecrire p =
1 Pr[Y et Z sont concordants avec X] 3 +Pr[X et Z sont concordants avec Y ] +Pr[X et Y sont concordants avec Z]
!
En recourant aux mˆeme notations que dans la preuve de la Proposition 8.3.29, nous obtenons ! 1 (pXY Z + pXZY ) + pXY Z + (pXY Z + pY XZ ) 3 1 1 = pXY Z + pXZY + pY XZ . 3 3
p =
380
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Il suffit alors d’invoquer (8.7) pour obtenir 1+ρ = pXY Z + pXZY + pY XZ ≥ p ≥ 2
1+τ 2
2
qui prouve la premi`ere des in´egalit´es de la Proposition 8.3.30. La seconde s’obtient simplement en rempla¸cant “concordant” par “discordant” dans le raisonnement qui pr´ec`ede. Si nous combinons les Propositions 8.3.29 et 8.3.30, nous obtenons le corollaire suivant. Corollaire 8.3.31. Quel que soit le couple al´eatoire X dont les marginales sont continues, les coefficients tau de Kendall et rho de Spearman satisfont les in´egalit´es 1 + 2τ − τ 2 3τ − 1 ≤ρ≤ si τ ≥ 0 2 2 et 1 + 3τ τ 2 + 2τ − 1 ≤ρ≤ si τ ≤ 0. 2 2 Les valeurs admissibles de ρ et τ peuvent ˆetre visualis´ees graphiquement par la r´egion repr´esent´ee sur la Figure 8.2
1.0
Rho de Spearman
0.5
0.0
-0.5
-1.0 -1.0
-0.5
0.0
0.5
1.0
Tau de Kendall
Fig. 8.2 – R´egion d’admissibilit´e pour le tau de Kendall et le rho de Spearman
8.4. Comparaison de la d´ ependance
8.4 8.4.1
381
Comparaison de la d´ ependance Ordre de d´ ependance
Les relations d’ordre entre vecteurs al´eatoires sont particuli`erement int´eressantes pour comparer des d´ependances. En effet, dans le cas univari´e, comparer X et Y revient a` chercher le plus risqu´e (le choix de la relation d’ordre devant aller de pair avec le choix de la mesure de risque). L’analogie est alors tr`es simple pour des vecteurs al´eatoires. Consid´erons X et Y tels que X i =loi Yi pour i = 1,2. Alors X ≺ Y traduit le fait que Y est plus d´ependant que X, ou que le portefeuille de risques Y est plus risqu´e que le portefeuille de risques X. La notion de “portefeuille risqu´e ” est alors ´etroitement li´ee a` la notion de d´ependance, et pour comparer des portefeuilles de risques, il convient d’introduire des notions d’ordre pour des vecteurs al´eatoires. Afin de pouvoir ˆetre utilis´ee pour comparer l’intensit´e de la d´ependance existant entre les composantes d’un vecteur al´eatoire, une relation d’ordre entre vecteurs doit satisfaire a` une s´erie de propri´et´es raisonnables (on parle alors d’ordre de d´ependance). D´ efinition 8.4.1. La relation d’ordre partiel est un ordre de d´ependance dans F(F1 ,F2 ) lorsqu’elle satisfait les conditions suivantes: A1 (concordance) FX FY ⇒ FX (x) ≤ FY (x) quel que soit x ∈ IR2 ; A2 (transitivit´e) FX FY et FY FZ ⇒ FX FZ ; A3 (r´eflexivit´e) FX FX ; A4 (antisymm´etrie) FX FY et FY FX ⇒ FX = FY ; A5 (bornes de Fr´echet) M FX W ; A6 (convergence en loi) si FXn FY n pour tout n et X n →loi X, Y n →loi Y alors FX FY ; A7 (invariance par tranformation croissante) F X FY ⇒ FX u FX et FY d´esignent les fonctions de r´epartition des FY o` couples (g(X1 ),X2 ) et (g(Y1 ),Y2 ), respectivement, avec g croissante; A8 (invariance par transformation d´ecroissante) F X FY ⇒ FY u FX et FY d´esignent les fonctions de r´epartition des FX o` couples (g(X1 ),X2 ) et (g(Y1 ),Y2 ), respectivement, avec g d´ecroissante. Remarque 8.4.2. Dor´enavant, nous ´ecrirons souvent X Y en ` l’esprit que lieu et place de FX FY (mais il faut bien garder a
382
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
est une relation d’ordre partiel d´efinie sur l’espace des fonctions de r´epartition et pas sur celui des couples al´eatoires).
8.4.2
Comparaison supermodulaire
Les fonctions supermodulaires jouent un rˆ ole important dans l’´etude de la d´ependance. Rappelons leur d´efinition. D´ efinition 8.4.3. Une fonction g : IR 2 → IR est dite supermodulaire lorsque l’in´egalit´e g(x1 + ,x2 + δ) − g(x1 + ,x2 ) ≥ g(x1 ,x2 + δ) − g(x1 ,x2 ) est satisfaite quels que soient x ∈ IR 2 et ,δ > 0. L’importance des fonctions supermodulaires dans l’´etude de la d´ependance provient de l’interpr´etation suivante de l’in´egalit´e qui les d´efinit. Voyons (x1 + ,x2 + δ), (x1 + ,x2 ), (x1 ,x2 + δ) et (x1 ,x2 ) comme les quatre sommets d’un rectangle. Une fonction supermodulaire place plus de masse sur les sommets situ´es le long de la diagonale montante, i.e. sur (x1 + ,x2 + δ) et (x1 ,x2 ), que sur ceux situ´es le long de la diagonale descendante, i.e. sur (x 1 + ,x2 ) et (x1 ,x2 + δ). Les sommets sur la diagonale montante expriment de la d´ependance positive, puisque les deux composantes sont simultan´ement petites ou simultan´ement grandes, alors que les sommets situ´es sur la diagonale descendante expriment de la d´ependance n´egative, m´elangeant une grande composante avec une petite. Dans la litt´erature, les fonctions supermodulaires sont parfois encore appel´ees superadditives, L-superadditives ou quasi-monotones. De nombreux exemples de fonctions supermodulaires peuvent se trouver dans le Chapitre 6 de Marshall & Olkin (1979). Les propri´et´es suivantes des fonctions supermodulaires sont bien connues. Propri´ et´ e 8.4.4. (i) Si g : IR 2 → IR est deux fois d´erivable alors g est supermodulaire si, et seulement si, ∂2 g ≥ 0. ∂x1 ∂x2
(8.8)
(ii) Si g : IR2 → IR est supermodulaire alors la fonction Ψ d´efinie par
Ψ(x1 ,x2 ) = g f1 (x1 ),f2 (x2 ) est aussi supermodulaire lorsque les f i : IR → IR, i = 1,2, sont toutes deux soit croissantes soit d´ecroissantes.
8.4. Comparaison de la d´ ependance
383
Nous sommes `a pr´esent en mesure de d´efinir l’ordre supermodulaire, qui nous permettra de comparer l’intensit´e de la d´ependance existant entre les composantes de couples al´eatoires. D´ efinition 8.4.5. Le vecteur X est dit inf´erieur au vecteur Y au sens supermodulaire, ce qui s’´ecrira d´esormais X sm Y , lorsque l’in´egalit´e E[g(X)] ≤ E[g(Y )] est v´erifi´ee pour toute fonction supermodulaire g : IR2 → IR telle que les esp´erances existent. L’in´egalit´e stochastique Xsm Y doit se comprendre comme “les composantes de X sont moins d´ependantes que celles de Y ”, au sens que FY accorde en moyenne plus de masse de probabilit´e aux points situ´es sur la diagonale montante de tous les rectangles du plan que FX . La v´erification directe des conditions de la D´efinition 8.4.5 est en g´en´eral difficile. Le r´esultat suivant, que nous admettrons sans d´emonstration, permet n´eanmoins de se restreindre aux fonctions supermodulaires r´eguli`eres, au sens de la Propri´et´e 8.4.4(i). Caract´ erisation 8.4.6. Soient deux couples al´eatoires X et Y . L’in´egalit´e stochastique X sm Y est v´erifi´ee si, et seulement si, l’in´egalit´e E[g(X)] ≤ E[g(Y )] est v´erifi´e pour toute fonction g : IR2 → IR satisfaisant (8.8).
8.4.3
Stabilit´ e fonctionnelle des comparaisons supermodulaires
Disposant de deux couples tels que X sm Y , c’est-`a-dire tels que les composantes Y1 et Y2 sont plus d´ependantes que X1 et X2 , le mˆeme jugement vaut pour toute transformation monotone des composantes de ces couples, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 8.4.7. Ayant deux couples al´eatoires dont les fonctions de r´epartition font partie de F(F1 ,F2 ),
X sm Y ⇒ f1 (X1 ),f2 (X2 ) sm f1 (Y1 ),f2 (Y2 ) quelles que soient les fonctions f 1 et f2 , toutes deux croissantes. D´emonstration. Le r´esultat s’obtient facilement a` partir de la Proppri´et´e 8.4.4(ii). En effet, quelle que soit la fonction supermodulaire g, d´efinissons la fonction
Ψ(x1 ,x2 ) = g f1 (x1 ),f2 (x2 ) .
384
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Nous pouvons alors ´ecrire = E[Ψ(X1 ,X2 )] E g f1 (X1 ),f2 (X2 ) ≤ E[Ψ(X1 ,X2 )] car Ψ est supermodulaire et X sm Y = E g f1 (Y1 ),f2 (Y2 ) , ce qui ach`eve la preuve.
8.4.4
Comparaison supermodulaire et espace de Fr´ echet
Les fonctions g1 et g2 d´efinies par g1 (y) = I[y > x] et g2 (y) = I[y ≤ x] ´etant toutes deux supermodulaires pour tout x fix´e, on voit facilement que E[g1 (Y )] = Pr[Y > x], E[g1 (X)] = Pr[X > x] ≤ 2 pour tout x ∈ IR , X sm Y ⇒ (X)] = Pr[X ≤ x] ≤ E[g2 (Y )] = Pr[Y ≤ x], E[g 2 pour tout x ∈ IR2 , (8.9) Il d´ecoule ´egalement de (8.9) que X sm Y ⇒ Xi =loi Yi pour i = 1,2. La relation sm ne peut donc s’utiliser qu’au sein d’un mˆeme espace de Fr´echet.
8.4.5
Comparaison supermodulaire et fonctions de r´ epartition/de queue jointes
Le r´esultat suivant nous montre qu’en fait (8.9) caract´erise sm . Caract´ erisation 8.4.8. Soient X = (X1 ,X2 ) et Y = (Y1 ,Y2 ) dont les fonctions de r´epartition font partie du mˆeme espace de Fr´echet F(F1 ,F2 ). On a alors X sm Y ⇔ FX (x1 ,x2 ) ≤ FY (x1 ,x2 ), pour tout x ∈ IR2 ,
(8.10)
ou de mani`ere ´equivalente X sm Y ⇔ F X (x1 ,x2 ) ≤ F Y (x1 ,x2 ), pour tout x ∈ IR2 . (8.11)
8.4. Comparaison de la d´ ependance
385
D´emonstration. Soit g : IR2 → IR satisfaisant (8.8). Une int´egration par parties donne alors E[g(Y )] − E[g(X)] ! g(x)d FY (x) − FX (x) = x∈IR2 ! ∂2 g(x) FY (x) − FX (x) dx = x∈IR2 ∂x1 ∂x2 ce qui ach`eve la preuve. Remarque 8.4.9. Il est bon ` a ce stade d’insister sur le fait que la Caract´erisation 8.4.8 est propre a ` la dimension 2 (dans le sens o` u la r´eciproque de l’implication (8.9) n’est pas valable en dimension 3 et plus).
8.4.6
Structures extrˆ emes de d´ ependance au sens supermodulaire
Les bornes de Fr´echet correspondent aux structures de d´ependance les plus fortes au sens supermodulaire, comme le montre le r´esultat suivant qui d´ecoule imm´ediatement de la Caract´erisation 8.4.8. Proposition 8.4.10. Dans F(F1 ,F2 ), nous avons (F1−1 (U ),F2−1 (1 − U ) sm X sm (F1−1 (U ),F2−1 (U )) o` u U ∼ Uni(0,1).
8.4.7
Comparaison supermodulaire et coefficients de corr´ elation
Le r´esultat suivant nous montre que la comparaison supermodulaire de lois normales multivari´ees revient `a comparer les matrices variance-covariance. Exemple 8.4.11 (Vecteurs gaussiens). Soient X ∼ N or(µ X ,ΣX ) et Y ∼ N or(µY ,ΣY ) On a alors X sm Y ⇔ C[X1 ,X2 ] ≤ C[Y1 ,Y2 ]. Ceci provient de la repr´esentation suivante valable pour g satisfai-
386
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
sant (8.8): E[g(Y )] − E[g(X)] 1 (µY − µX )t ∇g(x) = 0
x∈IR2
1 + tr (ΣY − ΣX )H g (x) · φλ (x) dx dλ,(8.12) 2
o` u ∇g et H g d´esignent respectivement le vecteur gradient et la matrice hessienne associ´es a ` la fonction g, tr(A) la trace de la matrice A (i.e. la somme des ´el´ements diagonaux de A) et φ λ la densit´e associ´ee a ` la loi N or(λµY + (1 − λ)µX ,λΣY + (1 − λ)ΣX ), 0 ≤ λ ≤ 1. Si X sm Y alors les moyennes et les variances des composantes de X et de Y co¨ıncident et (8.12) se r´eduit alors a ` E[g(Y )] − E[g(X)] 1 1 tr((ΣY − ΣX )H g (x)) · φλ (x) dx dλ, = x∈IR2 2 0
ce qui prouve le r´esultat annonc´e. Ce r´esultat n’a toutefois pas de port´ee g´en´erale: hormis le cas gaussien et le cas des variables binaires (voyez l’Exercice 8.9.9), la comparaison supermodulaire requiert en g´en´eral bien davantage que la simple comparaison des covariances. La comparaison supermodulaire ne va cependant jamais a` l’encontre des coefficients de corr´elation usuels, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 8.4.12. Quels que soient les couples X et Y , r(X1 ,X2 ) ≤ r(Y1 ,Y2 ) τ (X1 ,X2 ) ≤ τ (Y1 ,Y2 ) Xsm Y ⇒ ρ(X1 ,X2 ) ≤ ρ(Y1 ,Y2 ). D´emonstration. L’in´egalit´e entre les cofficients de corr´elation lin´eaire provient du fait que la fonction g(x) = x 1 x2 est supermodulaire. L’in´egalit´e entre les tau de Kendall revient a` ´etablir E[F X (X)] ≤ E[FY (Y )]. Ceci se fait comme suit. Tout d’abord, notons que X sm Y garantit FX ≤ FY , et donc E[FX (X)] ≤ E[FY (X)]. Comme la fonction FY est supermodulaire, il vient alors E[FY (X)] ≤ E[FY (Y )]. Il suffit alors de combiner les deux derni`eres in´egalit´es pour obtenir le r´esultat annonc´e.
8.4. Comparaison de la d´ ependance
387
L’in´egalit´e entre les rho de Spearman provient de la Propri´et´e 8.3.26 qui nous permet d’´ecrire ρ(X1 ,X2 ) − ρ(Y1 ,Y2 ) FX (x1 ,x2 ) − FY (x1 ,x2 ) dF1 (x1 )dF2 (x2 ) ≤ 0. = 12 x∈IR2
8.4.8
Ordre TVaR,= et comparaison supermodulaire
La relation sm permet d’appr´ecier l’intensit´e de la d´ependance existant entre les composantes des couples X et Y . Si X sm Y , on s’attend intuitivement a` ce que Y 1 + Y2 soit moins avantageux que X1 + X2 . Ceci est corrobor´e par la comparaison des variances: la Propri´et´e 8.4.12 garantit que C[X1 ,X2 ] ≤ C[Y1 ,Y2 ] de sorte que V[X1 + X2 ] = V[X1 ] + V[X2 ] + 2C[X1 ,X2 ] = V[Y1 ] + V[Y2 ] + 2C[X1 ,X2 ] ≤ V[Y1 ] + V[Y2 ] + 2C[Y1 ,Y2 ] = V[Y1 + Y2 ]. En fait, la comparaison de Y1 + Y2 et de X1 + X2 est bien plus fine, comme le montre le r´esultat suivant. Proposition 8.4.13. Si X sm Y alors X1 + X2 TVaR,= Y1 + Y2 . D´emonstration. Notons que E[(X1 + X2 − d)+ ] = E[X1 ] + E[X2 ] + E[(d − X1 − X2 )+ ]. D`es lors, montrer que pour d quelconque E[(X1 + X2 − d)+ ] ≤ E[(Y1 + Y2 − d)+ ] est encore ´equivalent a` montrer E[(d − X1 − X2 )+ ] ≤ E[(d − Y1 − Y2 )+ ]. Notons que d d I[x1 ≤ t,x2 ≤ d − t]dt = I[x1 ≤ t ≤ d − x2 ]dt t=0 t=0 0 si x1 > d − x2 = d − x2 − x1 si x1 ≤ d − x2 = (d − x2 − x1 )+ .
388
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Ceci nous permet d’´ecrire E[(d − X1 − X2 )+ ] = E
d
t=0 d
= t=0
I[X1 ≤ t,X2 ≤ d − t]dt
Pr[X1 ≤ t,X2 ≤ d − t]dt.
Finalement, E (d − X1 − X2 )+ − E (d − Y1 − Y2 )+
d
= t=0
! Pr[X1 ≤ t,X2 ≤ d − t] − Pr[Y1 ≤ t,Y2 ≤ d − t] dt ≤ 0
lorsque X sm Y .
8.5 8.5.1
Notions de d´ ependance positive Concept
Depuis les ann´ees soixante, de nombreux concepts de d´ependance ont ´et´e introduits, ´etudi´es puis appliqu´es avec succ`es `a de nombreuses disciplines, dont les sciences actuarielles. Le but est de formaliser le concept naturel de d´ependance positive entre les composantes d’un vecteur, i.e. de traduire le fait que de grandes valeurs d’une des composantes sont souvent accompagn´ees de grandes valeurs de l’autre, et vice versa.
8.5.2
D´ ependance positive par quadrant
D´ efinition Ce concept de d´ependance a ´et´e introduit par Lehmann en 1966. Il est bas´e sur la comparaison des masses de probabilit´e accord´ees aux diff´erents quadrants du plan par rapport a` la masse correspondante sous l’hypoth`ese d’ind´ependance. D´ efinition 8.5.1. Le couple X = (X1 ,X2 ) dont la fonction de r´epartition FX fait partie de F(F1 ,F2 ) est dit d´ependant positivement par quadrant lorsque F X (x1 ,x2 ) ≥ F 1 (x1 )F 2 (x2 ) pour tout x1 ,x2 ∈ IR.
(8.13)
8.5. Notions de d´ ependance positive
389
On peut lire (8.13) comme suit: la probabilit´e que X 1 et X2 soient toutes deux grandes (entendez plus grandes que x 1 et x2 , respectivement) est plus ´elev´ee que si X1 et X2 ´etaient ind´ependantes. Ceci montre bien qu’il s’agit d’un concept de d´ependance positive: on est plus d´ependant que si on ´etait ind´ependant. Exemple 8.5.2. Le couple (X1 ,X1 ) est d´ependant positivement par quadrant puisque Pr[X1 > x1 ,X1 > x2 ] = Pr[X1 > min{x1 ,x2 }] ≥ Pr[X1 > x1 ] Pr[X1 > x2 ] est valable x1 ,x2 ∈ IR. Plus g´en´eralement, un couple comonotone est n´ecessairement d´ependant positivement par quadrant. L’ind´ependance est ´egalement un cas limite de d´ependance positive par quadrant, puisque dans ce cas il y a ´egalit´e dans (8.13) Remarque 8.5.3. L’in´egalit´e (8.13) d´efinissant la d´ependance positive par quadrant peut encore se mettre sous la forme FX (x1 ,x2 ) ≥ F1 (x1 )F2 (x2 ) pour tout x1 ,x2 ∈ IR.
(8.14)
En effet, F X (x1 ,x2 ) = 1 − F1 (x1 ) − F2 (x2 ) + FX (x1 ,x2 ) et F 1 (x1 )F 2 (x2 ) = 1 − F1 (x1 ) − F2 (x2 ) + F1 (x1 )F2 (x2 ) sont toutes deux correctes, ce qui rend (8.13) et (8.14) ´equivalentes. D´ ependance positive par quadrant et comparaison supermodulaire En faisant le lien avec la relation sm introduite dans la section pr´ec´edente, on peut, en d´efinissant le vecteur X ⊥ comme celui dont la fonction de r´epartition jointe est F1 F2 (i.e. le couple de mˆemes lois marginales que X mais dont les composantes sont mutuellement ind´ependantes), constater que X est d´ependant positivement par quadrant ⇔ X ⊥ sm X. Cette derni`ere ´equivalence montre bien la port´ee de la notion de d´ependance positive par quadrant: les composantes de X sont alors plus d´ependantes que celles de X ⊥ , version ind´ependante de X. Exemple 8.5.4. Soit X ∼ N or(µ,Σ). Dans ce cas, l’Exemple 8.4.11 nous apprend que C[X1 ,X2 ] ≥ 0 ⇒ X1 et X2 sont positivement d´ependants par quadrant.
390
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
D´ ependance positive par quadrant et probabilit´ e conditionnelle En passant aux probabilit´es conditionnelles (qui ont un sens intuitif dans le contexte d’´etude de la d´ependance), on peut encore v´erifier que X est d´ependant positivement par quadrant si, et seulement si, Pr[X2 > x2 |X1 > x1 ] ≥ Pr[X2 > x2 ] pour tout x2 ∈ IR et x1 dans le support de X1 . Ceci s’obtient tr`es facilement en divisant les deux membres de (8.13) par Pr[X 1 > x1 ] (avec x1 tel que Pr[X1 > x1 ] = 0), ce qui donne Pr[X1 > x1 ,X2 > x2 ] Pr[X1 > x1 ] = Pr[X2 > x2 |X1 > x1 ] ≥ Pr[X2 > x2 ] valable pour tout x1 ,x2 ∈ IR. Ceci fournit une interp´etation intuitive claire de la notion de d´ependance positive par quadrant: le fait que X1 prenne une grande valeur (entendez X1 > x1 ) augmente la probabilit´e que X2 prenne ´egalement une grande valeur. On montrerait de la mˆeme mani`ere que X est d´ependant positivement par quadrant si, et seulement si, Pr[X1 > x1 |X2 > x2 ] ≥ Pr[X1 > x1 ] pour tout x1 ∈ IR et x2 dans le support de X2 . Stabilit´ e fonctionnelle de la d´ ependance positive par quadrant La notion de d´ependance positive par quadrant jouit d’une certaine invariance fonctionnelle, comme en t´emoigne le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 8.5.5. Si le couple (X1 ,X2 ) est positivement d´ependant par quadrant, il en est de mˆeme pour (f 1 (X1 ),f2 (X2 )) quelles que soient les fonctions continues non-d´ecroissantes f 1 et f2 . D´emonstration. Le r´esultat annonc´e d´ecoule de Pr[f1 (X1 ) > x1 ,f2 (X2 ) > x2 ]
= Pr[X1 > f1−1 (x1 ),X2 > f2−1 (x2 )]
≥ Pr[X1 > f1−1 (x1 )] Pr[X2 > f2−1 (x2 )] = Pr[f1 (X1 ) > x1 ] Pr[f2 (X2 ) > x2 ],
8.5. Notions de d´ ependance positive
391
qui ach`eve la preuve. D´ ependance positive par quadrant et coefficients de corr´ elation La d´ependance positive par quadrant peut ˆetre d´etect´ee par un coefficient de corr´elation positif, comme le montre le r´esultat suivant, qui se d´eduit facilement de la Propri´et´e 8.4.12 (en se souvenant de l’interpr´etation de la d´ependance positive par quadrant en termes de comparaison supermodulaire). Propri´ et´ e 8.5.6. Quel que soit le couple X, r(X1 ,X2 ) ≥ 0, X d´ependant positivement par quadrant ⇒ τ (X1 ,X2 ) ≥ 0, ρ(X1 ,X2 ) ≥ 0. Ind´ ependance et non-corr´ elation Nous savons qu’en g´en´eral, non-corr´elation et ind´ependance ne sont pas ´equivalentes (il suffit de jeter un oeil a` la Remarque 8.3.7 pour s’en convaincre). Ces deux notions deviennent pourtant ´equivalentes sous des structures de d´ependance bien choisies, comme celle qui fat l’objet de cette section. Propri´ et´ e 8.5.7. Si X est d´ependant positivement par quadrant alors les conditions suivantes sont ´equivalentes: (i) les composantes de X sont ind´ependantes; (ii) r(X1 ,X2 ) = 0; (iii) τ (X1 ,X2 ) = 0; (iv) ρ(X1 ,X2 ) = 0. D´emonstration. Montrons l’´equivalence entre (i) et (ii). La nullit´e du coefficient de corr´elation lin´eaire ´equivant a` la nullit´e de la covariance, ce qui nous permet d’´ecrire grˆ ace au Corollaire 8.3.16 +∞ +∞ ! 0= F X (x1 ,x2 ) − F 1 (x1 )F 2 (x2 ) dx1 dx2 . x1 =0
x2 =0
Comme l’int´egrand est partout non-n´egatif lorsque X est d´ependant positivement par quadrant, on en d´eduit que F X = F 1 F 2 , ce qui revient a` dire que X1 et X2 sont ind´ependantes. Passons a` l’´equivalence entre (i) et (iii). Comme X est positivement d´ependant par quadrant, il domine X ⊥ au sens sm , ce qui nous permet d’´ecrire la chaˆıne d’in´egalit´es E F1 (X1⊥ )F2 (X2⊥ ) ≤ E FX (X1⊥ ,X2⊥ ) ≤ E FX (X1 ,X2 ) .
392
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
La nullit´e du tau de Kendall garantit alors E F1 (X1⊥ )F2 (X2⊥ ) = E FX (X1 ,X2 ) qui entraˆıne a` son tour +∞ +∞ ! FX (x1 ,x2 ) − F1 (x1 )F2 (x2 ) dF1 (x1 )dF2 (x2 ). 0= x1 =0
x2 =0
Le r´esultat annonc´e d´ecoule alors directement de cette derni`ere ´egalit´e (l’int´egrand ´etant partout non-n´egatif et l’int´egrale ´etant nulle). De la mˆeme fa¸con, on montre l’´equivalence entre (i) et (iv). La nullit´e du rho de Spearman garantit ´egalement +∞ +∞ ! FX (x1 ,x2 ) − F1 (x1 )F2 (x2 ) dF1 (x1 )dF2 (x2 ), 0= x1 =0
x2 =0
d’o` u le r´esultat annonc´e d´ecoule comme ci-dessus. Une caract´ erisation de la d´ ependance positive par quadrant en termes de covariances Le r´esultat suivant d´ecoule sans peine des Propri´et´es 8.5.5 et 8.5.6. Proposition 8.5.8. Le couple X est d´ependant positivement par quadrant si, et seulement si, l’in´egalit´e C[g1 (X1 ),g2 (X2 )] ≥ 0 est v´erifi´ee quel que soient les fonctions non-d´ecroissantes g 1 et g2 telles que la covariance existe. Ce r´esultat permet d’´eclairer le lien entre la covariance et la d´ependance positive par quadrant: il faut pour que X 1 et X2 soient d´ependants positivement par quadrant non seulement que la covariance entre X1 et X2 soit positive, mais qu’il en soit de mˆeme pour la covariance entre toute transformation croissante de X 1 et de X2 . Ordre TVaR,= et d´ ependance positive par quadrant Nous avons remarqu´e plus haut que X est d´ependant positivement par quadrant s’il domine X ⊥ au sens supermodulaire. En revenant a` la Proposition 8.4.13, il n’est alors pas difficile d’´etablir le r´esultat suivant. Proposition 8.5.9. Si les risques X1 et X2 sont d´ependants positivement par quadrant, alors X1⊥ + X2⊥ TVaR,= X1 + X2 .
8.5. Notions de d´ ependance positive
393
Si l’actuaire n´eglige la d´ependance existant entre les risques en pr´esence, et calcule la prime stop-loss de r´etention d associ´ee `a la somme X1 + X2 de risques positivement d´ependants par quadrant en faisant comme s’ils ´etaient ind´ependants, il sous-estimera cette quantit´e. Il en va de mˆeme pour toute quantit´e pouvant s’´ecrire sous la forme E[g(X)] avec g supermodulaire. Maxima et minima de risques d´ ependants positivement par quadrant En revenant a` (8.13) et (8.14), il est facile de v´erifier que lorsque X est d´ependant positivement par quadrant, les variables al´eatoires min{X1 ,X2 }, min{X1⊥ ,X2⊥ }, max{X1 ,X2 } et max{X1⊥ ,X2⊥ } sont comparables au sens de VaR . Propri´ et´ e 8.5.10. Si X est positivement d´ependant par quadrant alors les in´egalit´es stochastiques suivantes sont v´erifi´ees:
et
min{X1⊥ ,X2⊥ } VaR min{X1 ,X2 },
(8.15)
max{X1 ,X2 } VaR max{X1⊥ ,X2⊥ }.
(8.16)
D´emonstration. Il suffit de remarquer que Pr[min{X1 ,X2 } > t] = F X (t,t) ≥ F 1 (t)F 2 (t)
= Pr[min{X1⊥ ,X2⊥ } > t].
De la mˆeme mani`ere, Pr[max{X1 ,X2 } ≤ t] = FX (t,t) ≥ F1 (t)F2 (t)
= Pr[max{X1⊥ ,X2⊥ } ≤ t] ce qui ach`eve la preuve.
8.5.3
Association
D´ efinition Ayant a` d´efinir une notion de d´ependance positive entre deux risques X1 et X2 , on pourrait penser recourir a` C[X1 ,X2 ] ≥ 0 ou a` C[g1 (X1 ),g2 (X2 )] ≥ 0 pour toute paire de fonctions croissantes g 1 et g2 . Dans ce dernier cas, on retrouve la d´ependance positive par
394
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
quadrant. Une condition plus restrictive consisterait a` consid´erer des covariances du type C[Ψ1 (X1 ,X2 ),Ψ2 (X1 ,X2 )] pour des fonctions non-d´ecroissantes, et a` exiger la non-n´egativit´e de celles-ci. Ceci conduit a` la notion d’association. D´ efinition 8.5.11. Les variables al´eatoires X 1 et X2 sont dites associ´ees lorsque (8.17) C Ψ1 (X1 ,X2 ),Ψ2 (X1 ,X2 ) ≥ 0 quelles que soient les fonctions Ψ 1 et Ψ2 : IR2 → IR non-d´ecroissantes telles que la covariance existe. Association et d´ ependance positive par quadrant En revenant a` la Proposition 8.5.8, on voit que l’association est une notion plus forte que la d´ependance positive par quadrant, en ce sens que X associ´e ⇒ X positivement d´ependant par quadrant. D`es lors, les r´esultats ´etablis pour des risques d´ependant positivement par quadrant sont a fortiori valables lorsqu’ils sont associ´es. Ind´ ependance et association L’ind´ependance apparaˆıt comme un cas limite d’association, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 8.5.12. Si X1 et X2 sont ind´ependantes alors elles sont aussi associ´ees. D´emonstration. Nous utilisons la Propri´et´e 8.3.10(i) pour ´ecrire C Ψ1 (X1 ,X2 ),Ψ2 (X1 ,X2 ) = E C Ψ1 (X1 ,X2 ),Ψ2 (X1 ,X2 )X2 C E Ψ1 (X1 ,X2 )X2 ,E Ψ1 (X1 ,X2 )X2 . Le premier terme est positif en vertu de l’Exemple 8.5.2 et de la Proposition 8.5.8. Les fonctions x2 → E Ψi (X1 ,X2 )X2 = x2 , i = 1,2, sont ecroissantes. D`es lors, les variables al´eatoires non-d´ toutes deux E Ψ1 (X1 ,X2 ) X2 et E Ψ1 (X1 ,X2 )X2 sont comonotones, de sorte que le second terme est ´egalement positif, ce qui ach`eve la preuve en vertu de l’Exemple 8.5.2.
8.5. Notions de d´ ependance positive
395
Exemple 8.5.13 (Loi de comptage d’Ambagaspitiya). Consid´erons le couple N d´efini a ` partir du couple M par a11 a12 M1 N1 = , N2 a21 a22 M2 avec aij ∈ IN pour tout i et j, et M1 et M2 ind´ependantes. Un tel vecteur est associ´e car quelles que soient les fonctions Ψ 1 et Ψ2 : 1 et Ψ 2 : IR2 → IR2 → IR non-d´ecroissantes, il existe des fonctions Ψ IR telles que 1 (M ),Ψ 2 (M )]. C[Ψ1 (N ),Ψ2 (N )] = C[Ψ Cette derni`ere covariance est non-n´egative puisque M est associ´e en vertu de la Propri´et´e 8.5.12. Invariance fonctionnelle de l’association L’Exemple 8.5.13 peut encore se g´en´eraliser comme suit. Propri´ et´ e 8.5.14. Si X1 et X2 sont associ´ees alors quelles que soient les fonctions non-d´ecroissantes g 1 et g2 : IR2 → IR, il en va de mˆeme pour g1 (X1 ,X2 ) et g2 (X1 ,X2 ). Association dans le cas de la loi normale bivari´ ee Nous avons vu a` la Propri´et´e 8.5.4 que lorsque X ´etait de loi normale bivari´ee, la corr´elation positive impliquait la d´ependance positive par quadrant. En fait, la corr´elation positive est synonyme d’association dans ce cas, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 8.5.15. Soit X ∼ N or(µ,Σ). Dans ce cas, X est associ´e si, et seulement si, σ12 = C[X1 ,X2 ] ≥ 0. D´emonstration. Nous pouvons sans perte de g´en´eralit´e supposer µ = 0. Soit X un couple al´eatoire ind´ependant de X et de mˆeme loi que ce dernier. Pour λ ∈ [0,1], d´efinissons le couple 0 Y (λ) = λX + 1 − λ2 X . A λ fix´e, Y (λ) ∼ N or(0,Σ) et 0 1 − λ2 Xj ] 0 = C[Xi ,λXj ] + C[Xi , 1 − λ2 Xj ]
C[Xi ,Yj (λ)] = C[Xi ,λXj + = λσij .
396
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
D´efinissons la fonction ψ(λ) = E[Ψ1 (X),Ψ2 (Y (λ))] o` u Ψ1 and Ψ2 sont non-d´ecroissantes et d´erivables. La fonction ψ est continue en λ et ψ(0) = E[Ψ1 (X)]E[Ψ2 (X)] tandis que ψ(1) = E[Ψ1 (X)Ψ2 (X)]. Il suffit donc de montrer que la d´eriv´ee ψ (1) existe et est non-n´egative pour 0 ≤ λ < 1; en effet, ceci garantit ψ(1) ≥ ψ(0) ⇔ X associ´e. Soit C = {cij } l’inverse de Σ. La densit´e de X s’´ecrit alors n 1 1 −1/2 {|C|} exp − c x x fX (x) = . ij i j 2 (2π)−1/2 i,j=1
√ Conditionnellement a` X = x, Y (λ) a mˆeme loi que λx+ 1 − λ2 X et admet la densit´e conditionnelle
0 1 2 (λx − y) . fY (λ)|X (y|x) = f 1 − λ X 1 − λ2 Alors,
ψ(λ) =
x∈IR2
fX (x)Ψ1 (x)
y∈IR2
fY (λ)|X (y|x)Ψ2 (y)dy dx.
Un calcul difficile et fastidieux montrerait que la d´eriv´ee est alors donn´ee par 2 ∂ 1 ∂ fX (x) σij Ψ1 (x) g(λ,x) dx ψ (1) (λ) = λ ∂xi ∂xj x∈IR2 i,j=1
o` u
√ fX (y/ 1 − λ2 ) Ψ2 (λx − y) dy 1 − λ2 y∈IR2
g(λ,x) =
est telle que ∂ ∂ g(λ,x) ≥ 0 et g(λ,x) ≥ 0, ∂x1 ∂x2 ce qui ach`eve la v´erification.
8.5. Notions de d´ ependance positive
8.5.4
397
Croissance conditionnelle
D´ efinition La d´efinition abstraite de l’association a` l’aide de l’in´egalit´e (8.17) en fait une notion difficile a` utiliser et `a ´etablir dans une situation concr`ete. C’est pourquoi, une notion de d´ependance plus forte que l’association et ais´ement ´etablie serait fort utile. La croissance conditionnelle est un tel concept. D´ efinition 8.5.16. Le couple X est dit conditionnellement croissant lorsque (i) quels que soient x1 ≤ y1 dans le support de X1 , Pr[X2 > t|X1 = x1 ] ≤ Pr[X2 > t|X1 = y1 ] pour tout t ∈ IR; (ii) quels que soient x2 ≤ y2 dans le support de X2 , Pr[X1 > t|X2 = x2 ] ≤ Pr[X1 > t|X2 = y2 ] pour tout t ∈ IR. La D´efinition 8.5.16 peut s’interpr´eter a` l’aide de VaR . En effet, lorsque X est conditionnellement croissant, l’augmentation de l’une des deux composantes rend l’autre plus risqu´ee au sens de VaR . Invariance fonctionnelle de la croissance conditionnelle Il est facile de voir que l’ind´ependance est un cas limite de croissance conditionnelle (les in´egalit´es intervenant dans (i) et (ii) de la D´efinition 8.5.16 devenant des ´egalit´es dans ce cas), et que cette notion est invariante par transformation croissante, i.e. X conditionnellement croissant ⇒ (f1 (X1 ),f2 (X2 )) conditionnellement croissant quelles que soient les fonctions continues et croissantes f 1 et f2 . Croissance conditionnelle et association Montrons que la croissance conditionnelle est bien une notion de d´ependance plus forte que l’association (et donc que la d´ependance positive par quadrant). Propri´ et´ e 8.5.17. Si le couple X est conditionnellement croissant alors il est aussi associ´e.
398
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
D´emonstration. Consid´erons des fonctions non-d´ecroissantes Ψ 1 et Ψ2 : IR2 → IR. La Propri´et´e 8.3.10(i) permet alors d’´ecrire C[Ψ1 (X1 ,X2 ),Ψ2 (X1 ,X2 )] = E C[Ψ1 (X1 ,X2 ),Ψ2 (X1 ,X2 )|X1 ] +C E[Ψ1 (X1 ,X2 )|X1 ],E[Ψ2 (X1 ,X2 )|X1 ] . Remarquons tout d’abord que C[Ψ1 (x1 ,X2 ),Ψ2 (x1 ,X2 )|X1 = x1 ] ≥ 0 d’o` u l’on tire E C[Ψ1 (X1 ,X2 ),Ψ2 (X1 ,X2 )|X1 ] ≥ 0. Le premier terme est donc positif. Montrons qu’il en va de mˆeme du deuxi`eme. Comme X est conditionnellement croissant, les fonctions x1 → E[Ψi (X1 ,X2 )|X1 = x1 ], i = 1,2, sont toutes deux non-d´ecroissantes. De ce fait, les variables al´eatoires E[Ψ1 (X1 ,X2 )|X1 ] et E[Ψ2 (X1 ,X2 )|X1 ] sont comotones et C E[φ1 (X1 ,X2 )|X1 ],E[φ2 (X1 ,X2 )|X1 ] ≥ 0.
8.6 8.6.1
Introduction ` a la th´ eorie des copules Principe
Les copules ou copulas 1 sont un ´el´ement essentiel dans l’´etude des vecteurs al´eatoires. Le terme copula a ´et´e introduit par Sklar en 1959. La copule est aussi appel´ee “fonction de d´ependance” par Deheuvels en 1979, ou repr´esentation uniforme par Kimeldorf et Sampson en 1975. Kruskal a ´egalement introduit cette fonction d`es 1958 pour d´efinir des notions d’association. 1. cop˘ ula, ae, f. Nep tout ce qui sert ` a attacher, lien, chaˆıne : copula torta. —— Ov. laisse —— Caes. crampon, main de fer—— au fig. Hor.Nep,Cod.Theod. lien, union, mariage. In (L.Quicherat & A.Develery Dictionnaire Latin-Fran¸cais, Hachette, 1889)
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
399
L’id´ee derri`ere la notion de copule peut ˆetre pr´esent´ee comme u suit. Partons d’un couple (Z1 ,Z2 ) ∼ N or(0,Σ) o` 1 α Σ= α 1 et d´efinissons le couple (Φ(Z1 ),Φ(Z2 )). Ce couple a des marges Uni(0,1) et une fonction de r´epartition jointe de la forme 1 Cα (u1 ,u2 ) = √ 2π 1 − α2
Φ−1 (u1 ) Φ−1 (u2 )
exp ξ1 =−∞
ξ2 =−∞
−(ξ12 − 2αξ1 ξ2 + ξ22 ) 2(1 − α2 ) (8.18)
La densit´e de probabilit´e correspondante est cα (u1 ,u2 ) = =
∂2 Cα (u1 ,u2 ) ∂u1 ∂u2 −(ζ12 − 2αζ1 ζ2 + ζ22 ) 1 √ exp 2(1 − α2 ) 2π 1 − α2 d −1 d −1 Φ (u1 ) Φ (u2 ) du1 du2
o` u ζi = Φ−1 (ui ), i = 1,2. Comme √ d −1 1 = 2π exp(−ζi2 /2) Φ (ui ) = −1 dui φ Φ (ui ) nous obtenons finalement
ζ12 + ζ22 exp . 2 (8.19) On peut voir a` la Figure 8.3 des graphes de cette densit´e pour diff´erentes valeurs du coefficient de corr´elation de Kendall
τ (Z1 ,Z2 ) = τ Φ(Z1 ),Φ(Z2 ) . 1 cα (u1 ,u2 ) = √ exp 1 − α2
−(ζ12 − 2αζ1 ζ2 + ζ22 ) 2(1 − α2 )
A ce stade, partant de la loi normale bivari´ee, nous avons construit une densit´e (8.19) dont les lois marginales ont ´et´e “uniformis´ees”. Grˆ ace `a la Propri´et´e 2.5.2, nous pouvons a` pr´esent passer `a une densit´e dont les marginales sont celles souhait´ees par l’actuaire (Pareto, Lognormales ou Gamma, par exemple). Plus pr´ecis´ement, notons F 1 et F2 les marginales souhait´ees. Si nous construisons le couple
X = F1−1 Φ(Z1 ) ,F2−1 Φ(Z2 ) ,
dξ1 dξ2 .
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0
_1,u a(u lph c_a 1.5 1 0.5
_2)
2
_ _1,u a(u lph c_a 6 4 2
2)
8
2.5
10
400
0
1 0.
1
8
1
0.
8
0.
6
1 0.
6
0.8 0.6
u_ 0.4 2
0.8 u_ 0.4 2
0.6
2
0.2
0.4 _1 u
0.
2
0.4 u_1
0.
-20
0
_2) _1,u a(u lph c_a 80 60 0 20 40
_2) _1,u a(u lph c_a 0 5 25 2 5 10 1
100
30
0.2
1
1 0.
8
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.6 0.4 _1 u
0.
2
0.2
0.
8
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.6 0.4 u_1
0.
2
0.2
Fig. 8.3 – Densit´e (8.19) associ´ee a ` la copule gaussienne (8.18) pour τ = 0.1, 0.4, 0.7 et 0.9
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
401
on voit facilement que la fonction de r´epartition de X fait partie de F(F1 ,F2 ), comme d´esir´e. De plus, la structure de d´ependance est induite par celle de la normale bivari´ee. La fonction de r´epartition de X est donn´ee par
FX (x1 ,x2 ) = Pr F1−1 Φ(Z1 ) ≤ x1 ,F2−1 Φ(Z2 ) ≤ x2 = Pr Φ(Z1 ) ≤ F1 (x1 ),Φ(Z2 ) ≤ F2 (x2 )
= Cα F1 (x1 ),F2 (x2 ) o` u Cα est donn´ee par (8.18). La densit´e de X vaut alors ∂2 FX (x1 ,x2 ) ∂x1 ∂x2
= f1 (x1 )f2 (x2 )cα F1 (x1 ),F2 (x2 )
fX (x1 ,x2 ) =
u cα est o` u f1 et f2 sont les densit´es correspondant a` F1 et a` F2 , et o` la densit´e (8.19). On peut voir a` la Figure 8.4 des densit´es bivari´ees de marginales Gam(3,1) obtenues de la sorte.
8.6.2
D´ efinition
Donnons a` pr´esent une d´efinition pr´ecise de la notion de copule. D´ efinition 8.6.1. Une copule a ` deux dimensions est une application C de [0,1] × [0,1] dans l’intervalle [0,1] satisfaisant (i) C (u,0) = C (0,u) = 0 et C (u,1) = C (1,u) = u pour tout 0 ≤ u ≤ 1, (ii) C est supermodulaire.
8.6.3
Th´ eor` eme de Sklar
Ce r´esultat g´en´eralise la construction bas´ee sur la loi normale bivari´ee que nous avons pr´esent´ee en guise d’introduction. Il joue un rˆ ole primordial dans la th´eorie des copules. C’est lui qui montre dans quelle mesure la structure de d´ependance peut ˆetre s´epar´ee des marges. Th´ eor` eme 8.6.2. Soit un couple X dont la fonction de r´epartition FX fait partie de F(F1 ,F2 ) avec F1 et F2 continues. Il existe alors une unique copule C telle que pour tout x ∈ IR 2 FX (x1 ,x2 ) = C (F1 (x1 ),F2 (x2 )) .
(8.20)
R´eciproquement, si C est une copule et si F 1 et F2 sont des fonctions de r´epartition univari´ees, la fonction F X d´efinie par (8.20) est une fonction de r´epartition bivari´ee dans F(F 1 ,F2 ).
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0
0
0.0
0.0
2
f pd4 0.0
0.0
6
pdf 2 2 0.04 0.06 0.08 0.1 0.1
0.0
8
402
8 8 6
8
6
8
6
4
x_
2
4 2
6
4
x_
2
x_1
4 2
2
x_1
0
0
0.1
0.0
5
0.2
pdf 0.1
pdf 0.3
0.4
0.1
5
0.5
0.2
0.6
2
8
8 6
8 6
4
x_
6
8 6
x_
4 2
2
4 2
2
x_1
4 2
x_1
2
Fig. 8.4 – Densit´e bivari´ee a ` marges Gam(3,1) construite a ` partir de la copule gaussienne (8.18) pour τ = 0.1, 0.4, 0.7 et 0.9
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
403
D´emonstration. Puisque les Fi (·) sont continues, la Propri´et´e 2.5.2 garantit que F1 (X1 ) et F2 (X2 ) sont toutes deux de loi Uni(0,1). D´ comme la fonction de r´epartition jointe du couple
efinissons C(·,·) F1 (X1 ),F2 (X2 ) , i.e. C(u1 ,u2 ) = Pr F1 (X1 ) ≤ u1 ,F2 (X2 ) ≤ u2 . La repr´esentation (8.20) est alors correcte avec C ainsi d´efinie puisque FX (x1 ,x2 ) = Pr[X1 ≤ x1 ,X2 ≤ x2 ] = Pr F1 (X1 ) ≤ F1 (x1 ),F2 (X2 ) ≤ F2 (x2 )
= C F1 (x1 ),F2 (x2 ) .
En passant, notons que nous avons obtenu une formule explicite pour la copule intervenant dans (8.20) lorsque les marges sont continues, a` savoir C(u) = Pr X1 ≤ F1−1 (u1 ),X2 ≤ F2−1 (u2 )
= FX F1−1 (u1 ),F2−1 (u2 ) , u ∈ [0,1]2 . (8.21) Remarque 8.6.3. Le th´eor`eme de Sklar perd cependant beaucoup de son int´erˆet dans le cas o` u l’une des deux fonctions de r´epartition marginales n’est pas continue. En effet, la copule C intervenant dans la repr´esentation (8.20) n’est alors plus unique sur le carr´e unit´e [0,1]2 mais seulement sur le produit cart´esien des images de F 1 et de F2 . Cette multiplicit´e de copules rend la d´ecomposition (8.20) peu utile en pratique. Remarque 8.6.4. L’utilisation des lois uniformes peut paraˆıtre naturelle, mais la loi de r´ef´erence en statistique reste la loi normale. Comme le notent Hutchinson & Lai (1991), l’id´ee de base des copules est de d´ecoupler comportement marginal et structure de d´ependance en transformant les marges. Il y a en fait un certain nombre d’avantages ` a se ramener a ` des lois marginales uniformes. Citons par exemple (i) l’ind´ependance n’a g´en´eralement pas d’interpr´etation g´eom´etrique simple, au sens o` u peu de lois ont une densit´e “simple” quand les composantes sont ind´ependantes, hormis le cas o` u les marginales sont Uni(0,1), auquel cas la densit´e est constante, et ´egale a ` 1 sur le carr´e [0,1] × [0,1]. Il est toutefois a ` noter que le cas o` u les composantes sont gaussiennes, et de mˆeme loi, par exemple N or (0,1), est ´egalement simple : les courbes de niveau de la densit´e sont alors circulaires.
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0.8 0.6
0.6
0.4
0.4
0.2
0
v
0.8
0.2
Frechet upper bound 0.8 0.6 0.4 0.2
1
1.0
404
0.
8 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.4 _1 u
0.
2
0.2
0.0
0.6
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
v
Fig. 8.5 – Copule CW correspondant a ` la borne sup´erieure de Fr´echet.
(ii) les mesures usuelles de d´ependance, en particulier le tau de Kendall et le rho de Spearman ont ´et´e construits dans le cas o` u les lois marginales sont uniformes. Nous avons vu la copule normale dans l’introduction de cette section (voyez les formules (8.18) et (8.19) pour la fonction de r´epartition et la fonction de densit´e, respectivement). Nous passons en revue cidessous quelques autres exemples de copules. Copule de la borne sup´ erieure de Fr´ echet La copule correspondant a` la borne sup´erieure de Fr´echet W , not´ee C W , est donn´ee par CW (u1 ,u2 ) = min{u1 ,u2 }, (u1 ,u2 ) ∈ [0,1] × [0,1]. Il s’agit de la fonction de r´epartition du couple (U,U ), o` u U ∼ Uni(0,1). Le graphe de la fonction CW est repr´esent´e a` la Figure 8.5. Copule de la borne inf´ erieure de Fr´ echet La copule correspondant a` la borne inf´erieure de Fr´echet M , not´ee C M , est donn´ee par CM (u1 ,u2 ) = max{0,u1 + u2 − 1}, (u1 ,u2 ) ∈ [0,1] × [0,1]. Il s’agit de la fonction de r´epartition du couple (U,1 − U ), o` uU ∼ Uni(0,1). Le graphe de CM est repr´esent´e a` la Figure 8.6.
405
0.8
0.6
v
0.6
Frechet lower bound 0.8 0.6 0.4 0.2
0.8
1
1.0
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
0
0.4
0.4
0.
8 6
0.8 u_ 0.4 2
0.2
0.2
0.
0.6 2
0.0
0.4 _1 u
0.
0.2
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
v
Fig. 8.6 – Copule CM correspondant a ` la borne inf´erieure de Fr´echet.
Copule d’ind´ ependance est donn´ee par
La copule d’ind´ependance, not´ee C I ,
CI (u1 ,u2 ) = u1 u2 , (u1 ,u2 ) ∈ [0,1] × [0,1]. La graphe de CI est repr´esent´e a` la Figure 8.7. Copule de Gumbel Introduit par Gumbel (1960a,b), cette copule est donn´ee par Cα (u1 ,u2 ) = exp − {(− ln u1 )α + (− ln u2 )α }1/α , α ≥ 1. Le tau de Kendall est donn´e par τ = 1 − α−1 . La densit´e de probabilit´e associ´ee a` C α vaut cα (u) =
!
1/α Cα (u) (ln u1 ln u2 )α−1 (− ln u1 )α +(− ln u2 )α +α−1 . 1 u1 u2 (− ln u1 − ln u2 )2− α
La famille de Gumbel contient les copules d’ind´ependance C I et de la borne sup´erieure de Fr´echet CW ; plus pr´ecis´ement, C1 = CI et
lim Cα = CW .
α→+∞
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0.8
0.6
0
0.4
v
0.6
Independence copula 0.8 0.6 0.4 0.2
0.8
1
1.0
406
0.4
0.
0.
6
0.8
0.2
8
0.2
0.6
u_ 0.4 2
0.4 u_1
2
0.0
0.
0.2
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
v
Fig. 8.7 – Copule d’ind´ependance CI .
Copule de Clayton Cette famille de copules a ´et´e introduite par Kimeldorf & Sampson (1975) et Clayton (1978): pour α > 0,
−1/α −α Cα (u1 ,u2 ) = u−α . (8.22) 1 + u2 − 1 Le tau de Kendall vaut α/(α + 2). La densit´e associ´ee vaut cα (u) =
−2− 1 1 + α −α α . u1 + u−α 2 −1 α+1 (u1 u2 )
La famille de Clayton contient les copules de la borne sup´erieure de Fr´echet et d’ind´ependance; plus pr´ecis´ement, lim Cα (u1 ,u2 ) = min{u1 ,u2 } = CW (u)
α→+∞
et lim Cα (u1 ,u2 ) = u1 u2 = CI (u).
α→0
La densit´e cα (u) est repr´esent´ee a` la Figure 8.8 pour diff´erentes valeurs de τ . La Figure 8.9 montre la densit´e de probabilit´e d’un couple de variables al´eatoires de loi N or(0,1) dont la structure de d´ependance est d´ecrite par la copule de Clayton. Les courbes de niveau correspondantes sont donn´ees `a la Figure 8.10. On constate clairement qu’on a perdu les ellipses caract´eristiques de la loi normale bivari´ee. Enfin, la Figure 8.11 montre la densit´e associ´ee a` un couple de variables al´eatoires de loi Gam(3,1) dont la structure de d´ependance est donn´ee par la copule de Clayton, et ce pour τ = 0.25, 0.5 et 0.75.
150 _1,u
0.
0.
8
8
1
8
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.6 0.4 u_1
0.
2
0.2
100
ha(u
c_alp 50 pdf 0
0 0
1
1 1 0.
407
_2)
_2) _1,u ha(u c_alp pdf 50 40 30 20 10
_1,u ha(u
pdf 5
c_alp
10
15
_2)
20
60
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
0.
6
0.8 0.6
u_ 0.4 2
0.4 u_1
0.
2
0.2
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.6 0.4 u_1
0.
2
0.2
Fig. 8.8 – Densit´e cα associ´ee a ` la copule de Clayton pour τ = 0.25, 0.5 et 0.75 Copule de Frank Frank (1979) a introduit une famille de copules, obtenues en r´esolvant une ´equation fonctionnelle. Cette famille admet pour fonction de r´epartition (exp(−αu1 ) − 1)(exp(−αu2 ) − 1) 1 , Cα (u1 ,u2 ) = − ln 1 + α exp(−α) − 1 o` u α = 0. Elle admet pour densit´e
α exp − α(u1 + u2 ) 1 − exp(−α) cα (u) = !2 .
exp − α(u1 + u2 ) − exp(−αu1 ) − exp(−αu2 ) + exp(−α) La densit´e de probabilit´e associ´ee a` la copule de Frank est repr´esent´ee a` la Figure 8.12 pour τ = 0.1 ⇔ α = 0.91, τ = 0.4 ⇔ α = 4.16, τ = 0.7 ⇔ α = 11.4, τ = 0.9 ⇔ α = 20.9. Pour τ = 0.1, 0.4, 0.7 et 0.9, la Figure 8.13 montre la densit´e de probabilit´e d’un couple de variables al´eatoires poss´edant la copule de Frank et des lois marginales N or(0,1). Comme on peut le voir a` la Figure 8.14, la copule de Frank n’est pas restreinte a` de la d´ependance positive: on peut y voir la densit´e cα (u) pour τ = −0.4 et τ = −0.7. La Figure 8.15 montre la densit´e pour τ = −0.4 et τ = −0.7 lorsque les marginales sont N or(0,1).
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0.6 pdf 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5
0
0
0
0.05
0.05
0.1
pdf 0.1
pdf 0.15
0.2
0.15
0.25
0.2
0.7
408
2 2
2 1
1
0 x_
2 -1
-1 -2
1 1
2
2 1
0 x_ 2
0 x_1
-1
-1 -2
-2
2 1
0 x_
2
0
-1
0 x_1
-1 -2
x_1
-2
-2
Fig. 8.9 – Densit´e d’une loi bivari´ee de marginales N or(0,1) li´ees par la copule de Clayton pour τ = 0.25, 0.5 et 0.75 La famille de Frank contient les copules C M , CW et CI comme cas particuliers; plus pr´ecis´ement, lim Cα = CM ,
α→−∞
8.6.4
lim Cα = CW et lim Cα = CI .
α→+∞
α→0
Propri´ et´ es des copules
Copules de survie Si C est une copule, il en va alors de mˆeme de C d´efini par C(u1 ,u2 ) = C(1 − u1 ,1 − u2 ) + u1 + u2 − 1; C est appel´ee la copule de survie associ´ee a` la copule C. La repr´esentation de la fonction de queue F X de X en fonction de F 1 et de F 2 est donn´ee par F X (x) = 1 − F1 (x1 ) − F2 (x2 ) + FX (x) = C(F 1 (x1 ),F 2 (x2 )); ainsi, C couple les fonctions de queue univari´ees comme C couplait les fonctions de r´epartitition univari´ees dans (8.20).
2
2 1
0.1
0.05
0.1 0.2 0.3
0
x_2
0.4 0.5 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6
-1
0 -1
0
x_2
0.2
-1
x_2
0.05
0.15
0.1 0.15
409
1
2 1
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
0.2
0.5 0.4 -2
-2
-2
0.3 0.2 0.1 -2
-1
0 x_1
1
2
-2
-1
0
1
2
-2
-1
x_1
0
1
2
x_1
Fig. 8.10 – Courbes de niveaux correspondant a ` la densit´e d’une loi bivari´ee de marginales N or(0,1) li´ees par la copule de Clayton pour τ = 0.25, 0.5 et 0.75 Remarque 8.6.5. Il convient de ne pas confondre la copule de survie C avec la fonction de queue d’un couple de variables uniformes (U1 ,U2 ) dont la fonction de r´epartition jointe est C, laquelle est donn´ee par Pr[U1 > u1 ,U2 > u2 ] = 1 − u1 − u2 + C(u1 ,u2 ) = C(u1 ,u2 ). La copule
C ∗ (u1 ,u2 ) = 1 − u1 − u2 + C(u1 ,u2 )
est appel´ee copule duale de C. Exemple 8.6.6 (Copule de Pareto). Consid´erons la fonction de r´epartition jointe (2.16), la copule sous-jacente est donn´ee par −α . C(u1 ,u2 ) = u1 + u2 − 1 + (1 − u1 )−1/α + (1 − u2 )−1/α − 1 Cette fonction est encore appel´ee copule de Pareto (car elle correspond a ` la loi de Pareto bivari´ee). La copule de survie vaut −α −1/α −1/α C(u) = u1 + u2 −1 −1 o` u on reconnaˆıt la copule de Clayton. La copule duale est quant a ` elle donn´ee par α C ∗ (u) = (1 − u1 )−1/α + (1 − u2 )−1/α − 1 .
0.7
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0.6 0.5 pdf 0.1 0.2 0.3 0.4 0
0
0
0.02
0.05
0.1
pdf 0.04 0.06
pdf 0.15
0.08
0.2
0.1
0.25
410
8
8 8 6 6
8
6
8
8 6
4
x_
2
4 2
x_1
6
4
x_
6
x_
4 2
2
4 2
x_1
2
4 2
x_1
2
2
Fig. 8.11 – Densit´e d’une loi de marginales Gam(3,1) li´ees par la copule de Clayton pour τ = 0.25, 0.5 et 0.75
Invariance fonctionnelle des copules L’utilit´e des copules provient du fait que celles-ci ne sont pas affect´ees par des transformations monotones croissantes des composantes des vecteurs en pr´esence, ou varient de mani`ere pr´evisible lorsque ces transformations sont monotones mais pas croissantes. Proposition 8.6.7. Soient X1 et X2 deux variables de fonctions de r´epartition F1 et F2 , toutes deux continues, et dont la structure de d´ependance est d´ecrite par la copule C. Soient g 1 et g2 des fonctions monotones,
(i) si g1 et g2 sont croissantes alors g1 (X1 ),g2 (X2 ) admet ´egalement C comme copule.
(ii) si g1 est croissante et g2 d´ecroissante alors g1 (X1 ),g2 (X2 ) admet la copule u1 − C(u1 ,1 − u2 ).
(iii) si g1 est d´ecroissante et g2 est croissante alors g1 (X1 ),g2 (X2 ) admet la copule u2 − C(1 − u1 ,u2 ).
(iv) si g1 et g2 sont d´ecroissantes alors g1 (X1 ),g2 (X2 ) admet la copule u1 + u2 − 1 + C(1 − u1 ,1 − u2 ).
411
0
_1,u a(u lph c_a 1.2 1 0.8
_2)
1.4
_ _1,u a(u lph c_a 3 2 1
2)
4
1.6
5
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
0.6
1 0.
1
8
0.
8 0.
6
1 0.
6
1
u_ 0.4 2
0.8 u_ 0.4 2
0.8
0.6
0.6 2
0.2
0.4 u_1
0.
2
0.4 u_1
0.
8 0
0
a(u lph c_a 6 4 2
_2) _1,u
10
_2) _1,u a(u lph c_a 5 20 0 1 1 5
12
25
0.2
1
1
0.
8
0.
8
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.6 0.4 u_1
0.
2
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.6 0.4 u_1
0.
2
0.2
0.2
Fig. 8.12 – Densit´e cα associ´ee a ` la copule de Frank pour τ = 0.1, 0.4, 0.7 et 0.9
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0
0
0.0
5
0.0
5
0.1
pdf 0.1
pdf 5 0.1
0.1
5
0.2
0.2
5
0.2
412
2
2 1
1
2 1
0 x_
2
0
-1
-1
0
-1
x_1
-1 -2
-2
x_1
-2
0
0
0.1
0.2
0.2
0.4
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1
-2
2 1
0 x_ 2
2
2
1
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2 1
0 x_ 2
x_
2
-1
-1 -2
-2
0 x_1
1
0
0
-1
-1 -2
x_1
-2
Fig. 8.13 – Densit´e d’une loi bivari´ee de marginales N or(0,1) li´ees par la copule de Frank pour τ = 0.1, 0.4, 0.7 et 0.9
10
5
2)
4
6 0
0
lp c_a 4 2
ha(
u_1
8
,u_
_ _1,u a(u lph c_a 3 2 1
2)
413
12
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
1
1 0.
8
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.6
8
1 0.
6
0.8 u_ 0.4 2
0.4 _1 u
0.
2
0.
0.6 0.4 u_1
0.
2
0.2
0.2
Fig. 8.14 – Densit´e cα associ´ee a ` la copule de Frank pour τ = −0.4 et -0.7 D´emonstration. (i) La fonction de r´epartition de g i (Xi ), i = 1,2, est Gi (x) = Pr[gi (Xi ) ≤ x] = Pr[Xi ≤ gi−1 (x)]
= Fi (gi−1 (x)), i = 1,2.
la copule du couple (g1 (X1 ),g2 (X2 )), il vient En notant C G1 (x1 ),G2 (x2 ) = Pr[g1 (X1 ) ≤ x1 ,g2 (X2 ) ≤ x2 ] C = Pr[X1 ≤ g1−1 (x1 ),X2 ≤ g2−1 (x2 )] = C F1 g1−1 (x1 ) ,F2 g2−1 (x2 ) = C G1 (x1 ),G2 (x2 ) ≡ C. ce qui nous permet de conclure que C (ii) La fonction de r´epartition de g1 (X1 ) est G1 d´efinie en (i), mais celle de g2 (X2 ) est a` pr´esent donn´ee par G2 (x) = Pr[g2 (X2 ) ≤ x]
= Pr[X2 ≥ gi−1 (x)] = 1 − F2 (g2−1 (x)).
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
0
0
0.1
0.0
5
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0.1
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5
414
2
2 1
2 1
0 x_ 2
0
-1
-1 -2
-2
x_1
1
2 1
0 x_ 2
0
-1
-1 -2
x_1
-2
Fig. 8.15 – Densit´e d’une loi bivari´ee de marginales N or(0,1) li´ees par la copule de Frank pour τ = −0.4 et -0.7 la copule de (g1 (X1 ),g2 (X2 )), nous avons D`es lors, en notant C G1 (x1 ),G2 (x2 ) C = Pr[g1 (X1 ) ≤ x1 ,g2 (X2 ) ≤ x2 ] = Pr[X1 ≤ g1−1 (x1 ),X2 ≥ g2−1 (x2 )]
= Pr[X1 ≤ g1−1 (x1 )]
− Pr[X1 ≤ g1−1 (x1 ),X2 ≤ g2−1 (x2 )] = G1 (x1 ) − C G1 (x1 ),1 − G2 (x2 )
ce qui ach`eve la preuve de (ii). La preuve de (iii)-(iv) est en tout point similaire et est donc laiss´ee au lecteur `a titre d’exercice.
Il est de bon de noter que la forme de la copule du couple g1 (X1 ),g2 (X2 ) ne d´epend pas explicitement des fonctions g 1 et g2 , mais seulement de leur caract`ere croissant ou d´ecroissant. Ceci indique que la copule r´esume parfaitement la structure de d´ependance entre les variables en pr´esence, sans ˆetre influenc´ee par l’´echelle de chacune d’entre elles.
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
415
Copules et lois conditionnelles Soit (U1 ,U2 ) un couple de fonction de r´epartition jointe C. La fonction de r´epartition de U2 sachant U1 = u1 est donn´ee par C2|1 (u2 |u1 ) = Pr[U2 ≤ u2 |U1 = u1 ] Pr[u1 ≤ U1 ≤ u1 + ∆u1 ,U2 ≤ u2 ] = lim ∆u1 →0 Pr[u1 ≤ U1 ≤ u1 + ∆u1 ] C(u1 + ∆u1 ,u2 ) − C(u1 ,u2 ) = lim ∆u1 →0 ∆u1 ∂ = C(u1 ,u2 ). ∂u1 Si X1 et X2 poss`edent les fonctions de r´epartition F 1 et F2 , toutes deux continues, et la copule C, la fonction de r´epartition de X 2 sachant que X1 = x1 est donn´ee par Pr[X2 ≤ x2 |X1 = x1 ] = F2|1 (x2 |x1 ) = C2|1 (F1 (x1 )|F2 (x2 )). Par sym´etrie, la fonction de r´epartition conditionnelle de X 1 sachant X2 = x2 vaut Pr[X1 ≤ x1 |X2 = x2 ] = F1|2 (x1 |x2 ) = C1|2 (F1 (x1 )|F2 (x2 )) o` u C1|2 (u1 |u2 ) =
∂ C(u1 ,u2 ). ∂u2
Exemple 8.6.8 (Copule de Clayton). Consid´erons un couple (U1 ,U2 ) de marginales Uni(0,1) admettant la copule de Clayton C α comme fonction de r´epartition jointe. La loi conditionnelle de U 2 ´etant donn´e U1 = u1 est d´ecrite par C2|1 (u2 |u1 ) =
−1− 1 ∂ α Cα (u1 ,u2 ) = 1 + uα1 (u−α . 2 − 1) ∂u1
Si X1 et X2 poss`edent les fonctions de r´epartition F 1 et F2 , toutes deux continues, et la copule Cα , alors −1− 1
α α α F2 (x2 ) − 1 . Pr[X2 ≤ x2 |X1 = x1 ] = 1 + F1 (x1 ) Comparaison supermodulaire des copules La comparaison de la d´ependance au moyen de sm repose en fait exclusivement sur les copules des couples en pr´esence lorsque
416
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
les marginales communes de ceux-ci sont continues. En effet, sm ne peut ˆetre utilis´ee qu’au sein de F(F1 ,F2 ) et la Propri´et´e 8.4.7 nous permet d’´ecrire X sm Y
⇔
F1 (X1 ),F2 (X2 ) sm F1 (Y1 ),F2 (Y2 )
⇔ CX (u1 ,u2 ) ≤ CY (u1 ,u2 ) pour tout u1 ,u2 ∈ [0,1], o` u CX et CY d´esignent les copules respectives des couples X et Y . Exemple 8.6.9. Le param`etre α contrˆ ole le degr´e de d´ependance exprim´e par la plupart des familles de copules param´etriques pr´esent´ees plus haut. Plus pr´ecis´ement, nous avons Cα (u) ≤ Cα (u) pour tout u ∈ [0,1]2 lorsque α ≤ α pour la copule de Gumbel, la copule de Clayton et la copule de Frank. Copules et notions de d´ ependance La Propri´et´e 8.5.5 montre que la d´ependance positive par quadrant est induite par la copule, sans r´ef´erence aux lois marginales. En effet, si X1 et X2 poss`edent les fonctions de r´epartition F 1 et F2 , toutes deux continues, et la copule C, X est d´ependant positivement par quadrant
⇔ F1 (X1 ),F2 (X2 ) est d´ependant positivement par quadrant ⇔ C(u1 ,u2 ) ≥ CI (u1 ,u2 ) = u1 u2 pour tout u1 ,u2 ∈ [0,1]. Ainsi, un couple est positivement d´ependant par quadrant si, et seulement si, la copule de ce couple domine la copule d’ind´ependance partout sur le carr´e unit´e. Exemple 8.6.10. La copule CW exprime de la d´ependance positive par quadrant. La copule de Gumbel et la copule de Clayton, expriment toutes de la d´ependance positive par quadrant pour toutes les valeurs du param`etre α. Ces copules n’expriment donc que de la d´ependance positive (et ne conviennent donc pas pour mod´eliser des situations o` u on suspecte une d´ependance n´egative entre les variables en pr´esence). Les copules de Frank expriment de la d´ependance positive par quadrant lorsque α ≥ 0.
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
417
De la mˆeme fa¸con, si X1 et X2 poss`edent les fonctions de r´epartition F1 et F2 , toutes deux continues, et la copule C, X est associ´e
⇒ F1 (X1 ),F2 (X2 ) est associ´e ⇒
la copule C est associ´ee.
Il n’existe cependant pas de condition simple pour v´erifier qu’une copule donn´ee soit associ´ee. Pour la croissance conditionnelle, on a X est conditionnellement croissant
⇒ F1 (X1 ),F2 (X2 ) est conditionnellement croissant ⇒
la copule C est conditionnellement croissant.
Dans le cas de la croissance conditionnelle, on peut ´enoncer le r´esultat suivant. Proposition 8.6.11. La copule C est conditionnellement croissante si, et seulement si, les deux conditions suivantes sont simultan´ement satisfaites (i) pour tout 0 ≤ u2 ≤ 1, u1 −→
∂ C (u1 ,u2 ) ∂u1
est strictement croissante, c’est-` a-dire que u 1 −→ C (u1 ,u2 ) est une fonction concave. (ii) pour tout 0 ≤ u1 ≤ 1, u2 −→
∂ C (u1 ,u2 ) ∂u2
est strictement croissante, c’est-` a-dire que u 2 −→ C (u1 ,u2 ) est une fonction concave.
8.6.5
Mesures de d´ ependance et copules
Coefficient de corr´ elation de Pearson On peut encore mettre le coefficient de corr´elation lin´eaire de Pearson sous la forme 1 C(u1 ,u2 )−u1 u2 dF1−1 (u1 )dF2−1 (u1 ). r(X1 ,X2 ) = 0 V[X1 ]V[X2 ] (u1 ,u2 )∈[0,1]2 On voit ainsi que le coefficient de corr´elation lin´eaire r d´epend non seulement de la copule mais aussi des marginales. Ceci explique une partie des d´efauts de cette mesure de d´ependance.
418
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Mesures de concordance Les coefficients tau de Kendall et rho de Spearman reposent sur la mˆeme notion : celle de concordance. On peut alors g´en´eraliser le tau de Kendall et le rho de Spearman comme suit. D´ efinition 8.6.12. Soient (X1 ,X2 ) et (Y1 ,Y2 ) deux couples ind´ependants, de copules respectives C1 et C2 , dont les fonctions de r´epartition FX et FY font partie de F(F1 ,F2 ). La mesure de concordance Q est d´efinie comme la diff´erence entre les probabilit´es de concordance et de discordance des vecteurs X et Y , i.e. Q (C1 ,C2 ) = Pr (X1 − Y1 ) (X2 − Y2 ) > 0 −Pr (X1 − Y1 ) (X2 − Y2 ) < 0 = 4 C2 (u1 ,u2 ) dC1 (u1 ,u2 ) − 1. [0,1]2
Exemple 8.6.13. En prenant les copules des bornes de Fr´echet C M et CW et la copule d’ind´ependance CI , on a le tableau suivant: Q (C· ,C· ) CM CI CW
CM −1 −1/3 0
CI −1/3 0 1/3
CW 0 1/3 1
De fa¸con g´en´erale, quelle que soit la copule C, les in´egalit´es suivantes sont v´erifi´ees: 0 ≤ Q (C,CW ) ≤ 1, −1 ≤ Q (C,CM ) ≤ 0, −1/3 ≤ Q (C,CI ) ≤ 1/3. Le tau de Kendall peut s’exprimer a` l’aide de la mesure de concordance Q introduite ci-dessus, comme le montre le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 8.6.14. Soient X1 et X2 deux variables al´eatoires continues, de copule C. Le τ de Kendall du couple (X 1 ,X2 ) est donn´e par τ (X1 ,X2 ) = Q (C,C) C (u1 ,u2 ) dC (u1 ,u2 ) − 1. = 4 [0,1]2
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
419
Dans le cas o` u la d´eriv´ee existe, le tau de Kendall peut encore se r´e´ecrire ∂2 τ (X1 ,X2 ) = 4 C (u1 ,u2 ) du1 du2 − 1 [0,1]2 ∂u1 ∂u2 ∂ ∂ C (u1 ,u2 ) C (u1 ,u2 ) du1 du2 . = 1−4 2 ∂u1 ∂u2 [0,1] Passons a` pr´esent au rho de Spearman. Ce dernier s’exprime comme suit `a l’aide de la mesure de concordance Q. Propri´ et´ e 8.6.15. Soient X1 et X2 deux variables al´eatoires continues, de copule C. Le rho de Spearman du couple (X 1 ,X2 ) est donn´e par ρ (X1 ,X2 ) = 3Q (C,CI ) u1 u2 dC (u1 ,u2 ) − 3 = 12 [0,1]2 = 12 C (u1 ,u2 ) du1 du2 − 3 [0,1]2
C (u1 ,u2 ) − u1 u2 du1 du2 = 12 [0,1]2 2 2 u 1 + u 2 − 1 − u1 − u 2 dC (u1 ,u2 ) . = 3 [0,1]2
Rho de Spearman 1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0 0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Tau de Kendall
Fig. 8.16 – Couples (τ,ρ) pour diff´erentes familles de copulas param´etriques
420
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Sur la Figure 8.16 sont repr´esent´ees les valeurs de ρ et τ pour des familles usuelles de copules a` un param`etre. On peut noter que pour la plupart des copulas (Clayton, Gumbel, Gaussien, Frank, etc.) une grande partie de la r´egion d’admissibilit´e du Corollaire 8.3.31 repr´esent´ee a` la Figure 8.2 n’est pas atteinte. Remarque 8.6.16. Il est tout a ` fait possible d’avoir simultan´ement ρ = 0 et τ = 0 sans pour autant avoir ind´ependance entre les variables al´eatoires. Pour s’en convaincre, consid´erons la copule “cubique”, dont l’expression est
C (u1 ,u2 ) = u1 u2 + θ u1 (u1 − 1) (2u1 − 1) u2 (u2 − 1) (2u2 − 1) o` u θ ∈ [−1,2]. L’allure de cette copule est donn´ee sur la Figure 8.17 pour les valeurs extrˆemes θ = −1 et θ = 2. Pour tout θ = 0, ρ = 0 et τ = 0 sans pour autant avoir ind´ependance. Le coefficient γ de Gini Dans la litt´erature ´economique, le coefficient de Gini est utilis´e pour ´etudier la diff´erence de revenu, par exemple, entre deux populations. D´ efinition 8.6.17. Soient X1 et X2 deux variables al´eatoires de fonctions de r´epartition F1 et F2 , toutes deux continues, et de copule C. Le coefficient γ de Gini du couple (X1 ,X2 ) est donn´e par γ (X1 ,X2 ) = 2E F1 (X1 ) + F2 (X2 ) − 1 − F1 (X1 ) + F2 (X2 )
|u1 + u2 − 1| − |u1 + u2 | dC (u1 ,u2 ) . = 2 [0,1]2
Le coefficient de Gini peut encore se r´e´ecrire sous diverses formes, notamment 1 C (u,1 − u) du γ (X1 ,X2 ) = 4 0 1 {u − C (u,u)} du (8.23) −4 0 = 4 C (u1 ,u2 ) dCW (u1 ,u2 ) [0,1]2 C (u1 ,u2 ) dCM (u1 ,u2 ) − 2, +4 [0,1]2
o` u, dans le terme de droite de (8.23), la seconde int´egrale correspond a` la distance entre la diagonale de la borne sup´erieure de Fr´echet et celle du copula C.
8.6. Introduction ` a la th´ eorie des copules
421
Fig. 8.17 – Courbes de niveau de la densit´e d’un loi bivari´ee a ` marges N or(0,1) et de copule cubique, pour θ = −1 (au-dessus) et θ = 2 (en-dessous).
422
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Comme c’´etait le cas pour le tau de Kendall et le rho de Spearman, certaines valeurs sp´ecifiques du coefficient de Gini caract´erisent les copules CM , CW et, sous la d´ependance positive par quadrant, CI . Proposition 8.6.18. Consid´erons X de fonction de r´epartition F X dans F(F1 ,F2 ). Alors, (i) γ (X1 ,X2 ) = −1 si, et seulement si, X est antimonotone; (ii) γ (X1 ,X2 ) = 1 si, et seulement si, X est comononotone; (iii) si X2 et X2 sont positivement d´ependantes par quadrant alors γ (X1 ,X2 ) = 0 si, et seulement si, X1 et X2 ind´ependantes. D´emonstration. Nous prouvons (ii); les d´emonstrations pour (i) et (iii) sont similaires et de ce fait omises. Si X est comonotone alors de fa¸con triviale, γ = 1. R´eciproquement, supposons que γ = 1. Alors, en utilisant (8.23), on peut ´ecrire γ (U1 ,U2 ) = γ (U,U ) = 1, qui donne a` son tour ! CW (u1 ,u2 ) − C (u1 ,u2 ) dCW (u1 ,u2 ) [0,1]2 " #$ % ≥0 pour tout u1 ,u2
+
! CW (u1 ,u2 ) − C (u1 ,u2 ) dCM (u1 ,u2 ) = 0, [0,1]2 " #$ % ≥0 pour tout u1 ,u2
c’est-`a-dire que C = CW ⇔ X est comonotone.
8.7 8.7.1
Copules archim´ ediennes D´ efinition
La plupart des copules a` un param`etre pr´esent´ees dans la section pr´ec´edente appartiennent a` une famille plus vaste, a` param`etre fonctionnel: les copules archim´ediennes. D´ efinition 8.7.1. Soit ϕ : [0,1] → IR + une fonction convexe et strictement d´ecroissante, telle que ϕ (1) = 0. D´efinissons ϕ [−1] , le pseudo-inverse de la fonction ϕ, par −1 ϕ (t) , si 0 ≤ t ≤ ϕ (0) , [−1] (t) = ϕ 0, si ϕ (0) ≤ t ≤ +∞.
8.7. Copules archim´ ediennes
423
Ce pseudo-inverse d´efinit une fonction continue, d´ecroissante sur IR+ , et strictement d´ecroissante sur [0,ϕ (0)]. Par abus de notation, on notera ϕ−1 ce pseudo-inverse. La fonction C (u1 ,u2 ) = ϕ−1 (ϕ (u1 ) + ϕ (u2 )) pour 0 ≤ u1 ,u2 ≤ 1, est une copule, appel´ee copule archim´edienne. La fonction ϕ est appel´ee g´en´erateur de la copule Remarque 8.7.2. Il est a ` noter qu’il y a unicit´e du g´en´erateur, a ` un coefficient multiplicatif pr`es: ainsi ϕ et κϕ g´en`erent la mˆeme copule, pour tout κ > 0, et r´eciproquement, si −1 ϕ−1 1 (ϕ1 (u) + ϕ1 (v)) = ϕ2 (ϕ2 (u) + ϕ2 (v))
alors il existe κ > 0 telle que ϕ2 = κϕ1 . La d´emonstration est faite dans Schweizer & Sklar (1983) dans le cadre des espaces m´etriques de probabilit´e et pour les op´erations binaires archim´ediennes (Th´eor`eme 5.4.8) mais la d´emonstration reste inchang´ee pour les copules archim´ediennes. De fa¸con abusive, on parlera d´esormais du g´en´erateur d’une copule archim´edienne, bien que ce dernier soit d´efini a ` une constante multiplicative pr`es. Exemple 8.7.3. La copule d’ind´ependance C I est archim´edienne de g´en´erateur ϕ (t) = ln (1/t). De mˆeme, la copule de Gumbel est archim´edienne de g´en´erateur ϕ (t) = (− log t) α . Bien entendu, toutes les copules ne sont pas archim´ediennes, comme le montre l’exemple suivant. Exemple 8.7.4. La copule de la borne sup´erieure de Fr´echet C W n’est pas archim´edienne. En effet, s’il existait un g´en´erateur ϕ tel que la repr´esentation archim´edienne de la D´efinition 8.7.1 trouvait a ` s’appliquer, nous devrions avoir Cϕ (u,u) = u pour tout 0 < u < 1, qui impliquerait 2ϕ(u) = ϕ(u) pour tout 0 < u < 1, ce qui est clairement impossible. Remarque 8.7.5. Les copules archim´ediennes permettent ais´ement de g´en´erer des copules a ` deux param`etres. On consid`ere pour cela
424
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
une famille de g´en´erateurs a ` 1 param`etre, ϕ θ disons, et on consid`ere alors ϕα,θ (t) = ϕθ (tα ) et ϕθ,β (t) = [ϕθ (t)]β . Si β ≥ 1, alors ϕθ,β est un g´en´erateur de copule archim´edienne. Si α ∈ (0,1), alors ϕα,θ est un g´en´erateur de copule archim´edienne 2 . On peut d’ailleurs noter que, si ϕ (1) = 0, alors, en notant Cα,θ et Cθ,β les copules archim´ediennes g´en´er´ees respectivement par ϕ α,θ et ϕθ,β , on a lim Cα,θ (u1 ,u2 ) = CI (u1 ,u2 ) α→0
et lim Cθ,β (u1 ,u2 ) = CW (u1 ,u2 ) .
β→∞
On peut encore g´en´erer des copules archim´ediennes a ` trois param`etres, en consid´erant des g´en´erateurs de la forme
β ϕα,β,θ (t) = ϕθ (tα ) .
8.7.2
Mod` eles de “frailty” et copules archim´ ediennes
Les copules archim´ediennes sont intimement li´ees aux mod`eles de “frailty”. Sp´ecifiquement, supposons que X 1 et X2 sont ind´ependantes conditionnellement a` une troisi`eme variable non-observable Z (qui repr´esente par exemple un niveau de risque ou la magnitude d’une catastrophe). Supposons en fait que !z Pr[X1 ≤ x1 |Z = z] = B1 (x1 ) et
!z Pr[X2 ≤ x2 |Z = z] = B2 (x2 )
pour des fonctions de r´epartition B1 et B2 . La fonction de r´epartition jointe du couple X est donn´ee par !Z !Z FX (x) = E B1 (x1 ) B2 (x2 ) = LZ − ln B1 (x1 ) − ln B2 (x2 ) , x ∈ IR2 . Cette fonction de r´epartition satisfait la repr´esentation archim´edienne avec comme g´en´erateur ϕ−1 = LZ et comme marginales Fi (xi ) = LZ (− ln Bi (xi )), i = 1,2. 2. En fait, plus g´en´eralement, si ϕθ est deux fois d´erivable, et si tϕθ (t) est une fonction croissante sur (0,1) alors ϕα,θ est un g´en´erateur pour tout α > 0.
8.7. Copules archim´ ediennes
425
Exemple 8.7.6. La famille de Clayton par exemple est obtenue en consid´erant des variables Z de loi Gamma (i.e. L Z (t) = (1 + t)−1/α o` u α > 0). Exemple 8.7.7. Hougaard a propos´e en 1986 de prendre pour Z la loi stable de transform´ee de Laplace L Z (t) = exp(−tα ) de param`etre α. Nous obtenons alors α ! . F X (x) = exp − − ln B 1 (x1 ) − ln B 2 (x2 ) En particulier, en prenant des marginales de loi de Weibull, i.e. B i (x) = − exp(−αi xβi ), x ∈ IR+ , il vient F X (x) = exp
α ! . − α1 xβ1 1 + α2 xβ2 2
Ce choix garantit que les lois marginales et conditionnelles sont toutes Weibull.
8.7.3
Fonction de survie
Les copules archim´ediennes peuvent encore ˆetre obtenues d’une troisi`eme mani`ere. Consid´erons les couples (X 1 ,X2 ) tels que leur fonction de survie jointe satisfasse F X (x1 ,x2 ) = G (x1 + x2 ) o` u G est une fonction de survie convexe, telle que G (0) = 1. Les lois marginales de X1 et X2 sont alors n´ecessairement identiques, i.e. F 1 (x) = F 2 (x) = G (x) . Dans ce cas, la copule de survie du couple (X 1 ,X2 ) est −1 −1 C (u1 ,u2 ) = F X F 1 (u1 ) ,F 2 (u2 ) −1 −1 = G G (u1 ) + G (u2 ) ce qui d´efinit une copule archim´edienne avec ϕ = G
8.7.4
−1
.
Fonction de r´ egression
La fonction de r´egression x1 → E[X2 |X1 = x1 ] est l’un des outils les plus appr´eci´es pour d´ecrire la d´ependance entre X 1 et X2 . Dans
426
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
le cas archim´edien, la fonction de queue conditionnelle de X 2 est donn´ee par
Pr[X2 > x2 |X1 = x1 ] = 1 − C2|1 F1 (x1 )|F2 (x2 ) ∂ = 1− C F1 (x1 ),F2 (x2 ) ∂u1 ϕ(1) (F1 (x1 )) . = 1 − (1) ϕ C F1 (x1 )|F2 (x2 ) On obtient alors
E[X2 |X1 = x1 ] =
+∞
x2 =0
ϕ(1) (F1 (x1 )) 1 − (1) ϕ Cϕ (F1 (x1 ),F2 (x2 ))
dx2 .
Exemple 8.7.8 (Copule de Frank). Dans ce cas, nous avons
exp − α(u1 + u2 ) − exp(−αu1 ) ∂
. C(u) = ∂u1 exp − α(u1 + u2 ) − exp(−αu1 ) − exp(−αu2 ) + exp(−α) d’o` u l’on tire E[U2 |U1 = u1 ] =
8.7.5
1 − exp α u1 exp(αu1 ) + exp(α) exp(αu1 ) − 1
. exp(αu1 ) − 1 exp(α) − exp(αu1 )
Transformation int´ egrale bivari´ ee
Disposant d’un couple U de fonction de r´epartition C, notons K la fonction de r´epartition de la variable al´eatoire C (U 1 ,U2 ), i.e. K (z) = Pr[C (U1 ,U2 ) ≤ z]. La propri´et´e suivante est tir´ee de Genest & Rivest (1993). Propri´ et´ e 8.7.9. Si la copule C est archim´edienne de g´en´erateur ϕ alors ϕ (z) K (z) = z − . ϕ (z) R´eciproquement, ´etant donn´e K, il existe une unique copule archim´edienne poss´edant cette fonction de r´epartition; le g´en´erateur est donn´e par z dt ϕ (z) = exp avec λ (z) = z − K (z) , z0 λ (t) o` u 0 < z0 < 1 est une constante arbitraire. La valeur K (t) admet une interpr´etation g´eom´etrique : la tangeante a` la courbe y = ϕ (x) passant par le point t coupe l’axe des abscisses au point K (t).
8.7. Copules archim´ ediennes
427
Densit´ e des copules archim´ ediennes Lorsque le g´en´erateur est une fonction suffisamment r´eguli`ere, il est possible d’obtenir la densit´e de la copule en fonction de ce g´en´erateur. Proposition 8.7.10. Soit C une copule archim´edienne, de g´en´erateur ϕ deux fois diff´erentiable, alors la copule C admet pour densit´e, c (u1 ,u2 ) = −
ϕ (C (u1 ,u2 )) ϕ (u1 ) ϕ (u2 ) pour u1 ,u2 ∈ [0,1] . {ϕ (C (u1 ,u2 ))}3
D´emonstration. Commen¸cons par d´eriver C par rapport a` u 1 qui donne
∂ C(u) = ϕ(1) (u1 ). (8.24) ϕ(1) C(u) ∂u1 Si on d´erive cette derni`ere expression par rapport a` u 2 pour obtenir
∂
∂2 ∂ ϕ(2) C(u) C(u) C(u) + ϕ(1) C(u) C(u) = 0. ∂u2 ∂u1 ∂u21 En ins´erant l’expression obtenue dans (8.24) pour ∂u∂ 1 C(u) et on obtient
ϕ(2) C(u) ϕ(1) (u1 )ϕ(1) (u2 ) ∂2 C(u) = − c(u) =
!3 ∂u1 ∂u2 ϕ(1) C(u)
∂ ∂u2 C(u),
ce qui ach`eve la preuve. Tau de Kendall pour copules archim´ ediennes Nous sommes `a pr´esent en mesure d’´etablir l’expression du tau de Kendall associ´e a` une copule archim´edienne. Propri´ et´ e 8.7.11. Le tau de Kendall associ´e a ` la copule archim´edienne C de g´en´erateur ϕ est donn´e par
1
τϕ = 4 t=0
ϕ(t) dt + 1. ϕ(1) (t)
D´emonstration. Comme C(u) = 0 pour tout u tel que ϕ(u 1 ) + ϕ(u2 ) = ϕ(0). La Proposition 8.7.10 nous permet d’´ecrire τϕ = 4
D
C(u)
ϕ(2) (C(u))ϕ(1) (u1 )ϕ(1) (u2 ) du1 du2 − 1 {ϕ(1) (C(u))}3
428 o` u
Chapitre 8. Gestion des risques multiples D = u ∈ [0,1]2 ϕ(u1 ) + ϕ(u2 ) < ϕ(0) .
Effectuons a` pr´esent le changement de variable
v1 = C(u) = ϕ−1 ϕ(u1 ) + ϕ(u2 ) , v2 = u1 , qui assure v ∈ [0,1]2 . Pour une valeur fix´ee de v1 , on voit facilement que v1 ≤ v2 ≤ 1. Le Jacobien de cette transformation est donn´ee par ϕ (u1 ) ϕ
(u2 ) ∂v ϕ (u2 ) ϕ C(u) ϕ C(u) , || || = det = − ∂u ϕ C(u) 1 0 et on obtient ais´ement le r´esultat annonc´e.
8.7.6
Relations d’ordre pour les copules archim´ ediennes
Nous avons vu que lorsque les fonctions de r´epartition marginales ´etaient continues, la comparaison supermodulaire reposait exclusivement sur les copules sous-jacentes. Dans le cas des copules archim´ediennes, on peut ramener une comparaison supermodulaire a` des conditions sur les g´en´erateurs, comme le montrent les r´esultats suivants. Proposition 8.7.12. Soient C1 et C2 deux copules archim´ediennes, de g´en´erateur respectif ϕ1 et ϕ2 . Alors C1 sm C2 (i.e. C1 (u) ≤ C2 (u) sur [0,1] × [0,1]) si, et seulement si, la fonction ϕ 1 ◦ ϕ−1 2 est sous-additive, i.e. −1 −1 ϕ1 ◦ ϕ−1 2 (x + y) ≤ ϕ1 ◦ ϕ2 (x) + ϕ1 ◦ ϕ2 (y) .
efinie est D´emonstration. Soit f = ϕ1 ◦ ϕ−1 2 . La fonction f ainsi d´ continue, non-d´ecroissante et satisfaisant f (0) = 0. Clairement, C1 (u) ≤ C2 (u) pour tout u ∈ [0,1]2 si, et seulement si,
ϕ−1 ϕ1 (u1 ) + ϕ1 (u2 ) ≤ ϕ−1 ϕ2 (u1 ) + ϕ2 (u2 ) . 1 2
(8.25)
Posons x = ϕ2 (u1 ) et y = ϕ2 (u2 ). Dans ce cas, (8.25) est ´equivalente a`
(8.26) ϕ−1 f (x) + f (y) ≤ ϕ−1 1 2 (x + y)
8.7. Copules archim´ ediennes
429
pour tout x,y ∈ [0,ϕ2 (0)]. De plus, si x > ϕ2 (0) et y > ϕ2 (0), alors chaque membre de (8.26) s’annule. Supposons a` pr´esent que C1 (u) ≤ C2 (u) pour tout u ∈ [0,1]2 . Transformons les deux membres de (8.26) par le g´en´erateur ϕ 1 et remarquons que ϕ1 ◦ ϕ−1 2 (u) ≤ u pour tout u ≥ 0. Ceci nous permet d’affirmer que f (x + y) ≤ f (x) + f (y) pour tout x,y ∈ IR + , de sorte que f est effectivement sous-additive. R´eciproquement, si f est sousa` chaque membre de l’in´egalit´e additive alors en appliquant ϕ−1 1 −1 f (x + y) ≤ f (x) + f (y) et en notant que ϕ−1 1 ◦ f = ϕ2 on obtient (8.25), ce qui ach`eve la preuve. Cependant, v´erifier la sous-additivit´e de f = ϕ 1 ◦ ϕ−1 2 est peutˆetre aussi difficile que de v´erifier directement que C 1 et C2 sont tels que C1 (u) ≤ C2 (u) pour tout u ∈ [0,1]2 . C’est pourquoi nous pr´esentons ci-dessous plusieurs conditions suffisantes pour que ϕ 1 ◦ ϕ−1 2 soit sous-additive. Propri´ et´ e 8.7.13. (i) Si la fonction f est concave et f (0) = 0 alors f est sous-additive. D`es lors, si ϕ1 ◦ϕ−1 2 est concave alors 2 C1 (u) ≤ C2 (u) pour tout u ∈ [0,1] . (ii) Si ϕ1 /ϕ2 est non-d´ecroissante sur [0,1] alors C 1 (u) ≤ C2 (u) pour tout u ∈ [0,1]2 . (1)
(1)
(iii) Si ϕ1 /ϕ2 est non-d´ecroissante sur [0,1] alors C 1 (u) ≤ C2 (u) pour tout u ∈ [0,1]2 . Exemple 8.7.14. Comme nous l’avions not´e dans la remarque (8.7.5), si ϕ est un g´en´erateur, alors ϕα,1 (t) = ϕ (tα ) et ϕ1,β (t) = [ϕ (t)]β pour α ∈ (0,1] et β ≥ 1 sont ´egalement des g´en´erateurs. En notant Cβi la copule archim´edienne de g´en´erateur ϕ 1,βi , alors si β1 ≤ β1 , Cβ1 sm Cβ2 . Le mˆeme genre de relation existe pour les Cαi copules archim´ediennes de g´en´erateur ϕ.
8.7.7
Etude d’une fonction de deux risques corr´ el´ es
Pr´ esentation du probl` eme Etant donn´es deux risques possiblement corr´el´es, X 1 et X2 disons, il est int´eressant d’´etudier la loi de la somme X 1 + X2 . Kolmogorov avait formul´e ce probl`eme relativement tˆ ot; il fallut cependant attendre Makarov (1981) pour obtenir une r´eponse a` cette question. En raison de la technicit´e des d´eveloppements, la plupart des r´esultats de cette section sont ´enonc´es sans d´emonstration.
430
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Nous avons introduit le produit de convolution a` la Section 2.8.2 afin d’obtenir la fonction de r´epartition d’une somme de risques ind´ependants. Mais que se passe-t-il si les variables ne sont plus ind´ependante? En particulier, on peut se demander si le “pire” des cas correspond a` la comonotonie, et le “meilleur” `a l’antimonotonie (pire et meilleur s’entendant ici par rapport a` la relation VaR ). Ce r´esultat est en g´en´eral faux, comme le montre l’exemple suivant. Exemple 8.7.15. Soient les risques X1 ∼ Exp(1) et X2 ∼ Exp(1), possiblement corr´el´es. Les in´egalit´es exp(−x) ≤ Pr[X1 + X2 > x] ≤ exp(−(x − 2 ln 2)+ /2)
10
1.0
sont valables quel que soit x ∈ IR + . La Figure 8.18 montre les bornes sur la fonction de queue de X1 +X2 , de mˆeme que les valeurs correspondant ` a l’ind´ependance (la fonction de queue de la loi Gam(2,1)) et a ` la comonotonie (la fonction de queue de la loi Exp(2)). Cette mˆeme figure montre les bornes sur les VaR.
Independence Upper Bound Lower Bound Perfect Pos. Dependence
6 0
0.0
2
0.2
4
0.4
ddf
VaR_q
0.6
8
0.8
Independence Upper Bound Lower Bound Perfect Pos. Dependence
0
2
4
6 x
8
10
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
q
Fig. 8.18 – Impact de la dependance sur les fonctions queue (`a gauche) et les VaR (` a droite) associ´ees `a la somme de deux variables al´eatoires de mˆeme loi Exp(1).
On constate que les courbes correspondant a ` l’ind´ependance et a ` la comonotonie se croisent une seule fois et que la fonction de queue ou les VaR extrˆemes peuvent ˆetre consid´erablement plus importantes que les valeurs obtenues sur base de la comonotonie. De fa¸con plus g´en´erale, il est int´eressant d’´etudier les bornes de la fonction de r´epartition de Ψ (X1 ,X2 ) pour des fonctions Ψ : IR2 → IR
8.7. Copules archim´ ediennes
431
jouissant de certaines propri´et´es. Dans la litt´erature probabiliste ce probl`eme est un probl`eme d’arithm´etique probabiliste (dont la th`ese de doctorat de Williamson (1989) constitue un tr`es bon survol; voyez aussi Williamson & Downs (1990)) : on consid`ere deux variables al´eatoires continues, X1 et X2 dont la fonction de r´epartition appartient a` F(F1 ,F2 ) et on cherche a` expliciter le comportement de Ψ (X1 ,X2 ). La fonction de r´epartition de Z = Ψ (X1 ,X2 ) v´erifie dC (F1 (x1 ) ,F2 (x2 )) FZ (z) = DΨ (z)
o` u
DΨ (z) = (x1 ,x2 ) ∈ IR2 |Ψ (x1 ,x2 ) < z
o` u C est la copule associ´e au couple (X1 ,X2 ). En particulier, le produit de convolution F1 F2 de F1 et F2 correspond a` la fonction de r´epartition de X1 + X2 lorsque X1 et X2 sont ind´ependantes. Il peut encore s’´ecrire sous la forme dCI (F1 (x1 ) ,F2 (x2 )) , (F1 F2 ) (z) = D(z)
o` u
D+ (z) = (x1 ,x2 ) ∈ IR2 |x1 + x2 < z .
Cette convolution peut alors se g´en´eraliser `a d’autres formes de d´ependance (on change alors la copule C I en une copule plus g´en´erale C) et a` d’autres types d’op´erations que l’addition. Ceci m`ene a` la d´efinition suivante. D´ efinition 8.7.16. Etant donn´ees une copule C et une fonction Ψ, la σ-convolution pour Ψ est d´efinie par dC (F1 (x1 ) ,F2 (x2 )) . σC,Ψ (F1 ,F2 ) (z) = DΨ (z)
La fonction de r´epartition de Z = Ψ (X1 ,X2 ) est σC,Ψ (F1 ,F2 ). En prenant certaines fonctions Ψ particuli`eres, on obtient le r´esultat suivant. Propri´ et´ e 8.7.17. (i) Pour tout C, et Ψ (x 1 ,x2 ) = min {x1 ,x2 }, alors (F1 (z) ,F2 (z)) σC, min (F1 ,F2 ) (z) = C = F1 (z) + F2 (z) − C (F1 (z) ,F2 (z)) .
432
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
(ii) Pour tout C, et Ψ (x1 ,x2 ) = max (x1 ,x2 ), alors σC, max (F1 ,F2 ) (z) = C (F1 (z) ,F2 (z)) . (iii) Pour tout C, et toutes fonctions Ψ 1 et Ψ2 v´erifiant Ψ1 ≤ Ψ2 , alors σC,Ψ2 ≤ σC,Ψ1 . Schweizer & Sklar (1983), ont alors introduit des fonctions particuli`eres : les convolutions supr´emale et infimale. D´ efinition 8.7.18. Etant donn´ees une copule C et une fonction Ψ, la convolution supr´emale est d´efinie par τC,Ψ (F,G) (z) = sup {C (F (x) ,G (y)) |Ψ (x,y) = z}
(8.27)
et la convolution infimale par ρC,ψ (F,G) (z) = inf {C (F (x) ,G (y)) |Ψ (x,y) = z}
(8.28)
Frank, Nelsen & Schweizer (1987) ont repris le probl`eme de Makarov a` l’aide la th´eorie des copulas. Proposition 8.7.19. Soient X1 et X2 deux variables al´eatoires, de fonction de r´epartition respectives F1 et F2 , toutes deux continues. Alors les in´egalit´es τCM (FX ,FY ) (t) ≤ Pr[X1 + X2 ≤ t] ≤ ρCM (FX ,FY ) (t) sont valables quel que soit t ∈ IR, avec τC (F1 ,F2 ) (t) = sup {C (F1 (u) ,F2 (v)) |u + v = t} , et
! (F1 (u) ,F2 (v)) |u + v = t . ρC (F1 ,F2 ) (t) = inf C
Exemple 8.7.20. Notons SExp(α,θ) la loi exponentielle n´egative translat´ee (“shift´ee”), de fonction de r´epartition
F (x) = 1 − exp − (x − θ)/α pour α > 0 et x ≥ θ. Si X1 ∼ SExp(α1 ,θ1 ) et X2 ∼ SEexp(α2 ,θ2 ), ` la fonction de r´epartition un calcul directmontre queτCM correspond a ˜ de la loi SExp α1 + α2 ,θ , o` u θ˜ = θ1 + θ2 + (α1 + α2 ) log(α1 + α2 ) − α1 log(α1 ) − α2 log(α2 ). ` De la mˆeme mani`ere, on montre sans peine que ρ CM correspond a la fonction de r´epartition de la loi SExp(max(α 1 ,α2 ),θ1 + θ2 ).
8.7. Copules archim´ ediennes
433
Exemple 8.7.21. Notons SPar(α,λ,θ) la loi de Pareto translat´ee, de fonction de r´epartition α λ F (x) = 1 − , x≥θ λ + (x − θ) avec α,λ > 0. Si X1 ∼ SP(α,λ1 ,θ1 ) et X2 ∼ SP(α,λ2 ,θ2 ), on peut ` la fonction de r´epartition de la loi v´erifier que τCM correspond a ˜ ˜ u SPar α,λ,θ1 + θ2 + λ − λ1 − λ2 , o` 1/β ˜ = λβ + λ β λ avec β = α/(α + 1). 1 2 ` la fonction de r´epartition de De la mˆeme fa¸con, ρCM correspond a la loi SPar(α, max(λ1 ,λ2 ),θ1 + θ2 ). Am´ elioration des bornes Il est possible de pr´eciser ces r´esultats en supposant que l’on rajoute de l’information. Proposition 8.7.22. Supposons que l’on connaisse deux copules C 1 et C2 qui bornent C, i.e. telles que C1 (u1 ,u2 ) ≤ C (u1 ,u2 ) et
(u1 ,u2 ) ≤ C 2 (u1 ,u2 ) C
pour tout 0 ≤ u1 ,u2 ≤ 1, alors τC1 (F1 ,F2 ) (t) ≤ Pr[X1 + X2 ≤ t] ≤ ρC2 (F1 ,F2 ) (t) En particulier, si l’on sait que X1 et X2 sont positivement d´ependantes par quadrant, alors la Proposition 8.7.22 trouve a` s’appliquer avec C1 = C I . Exemple 8.7.23. (suite de l’Exemple 8.7.20) Supposons que X i ∼ SExp(αi ,θi ) et notons fi la densit´e de probabilit´e, i = 1,2. Supposons aussi que X1 et X2 sont positivement d´ependantes par quadrant. Dans ce cas, il n’est pas possible d’am´eliorer la borne sup´erieure sur Pr[X1 + X2 ≤ t]. Par contre, la borne inf´erieure τ CI est d´efinie implicitement pour s ≥ θ1 + θ2 par τCI (s) = F1 (ts )F2 (s − ts )
434
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
o` u ts ∈ [θ1 ,s − θ2 ] est l’unique solution de l’´equation f2 (s − t) f1 (t) = . F1 (t) F2 (s − t)
(8.29)
Dans le cas particulier o` u α1 = α2 , on a ts =
s − θ1 − θ2 , 2α
ce qui nous permet d’obtenir explicitement la borne inf´erieure, qui vaut 2 s − θ1 − θ2 τCI (s) = 1 − exp − 2α pour tout s ≥ θ1 + θ2 . Exemple 8.7.24. (suite de l’Exemple 8.7.21) Supposons que X i ∼ SPar(α,λi ,θi ) et notons fi les densit´es de probabilit´e correspondantes, i = 1,2. Si X1 et X2 sont positivement d´ependantes par quadrant, il n’est pas possible d’am´eliorer la borne sup´erieure sur la fonction de r´epartition de X1 + X2 , mais bien la borne inf´erieure, qui devient τCI (s) = F1 (ts )F2 (s − ts ) pour s ≥ θ1 + θ2 ; avec θ1 ≤ ts ≤ s − θ2 solution de l’´equation (8.29). Borne sur la VaR d’une somme de risques corr´ el´ es On peut encore s’int´eresser `a des bornes sur la VaR d’une somme X1 + X2 . On peut ainsi montrer que quel que soiut le niveau de probabilit´e α, On a alors inf
CM (u,v)=α
VaR[X1 ; u] + VaR[X2 ; v] ≤ VaR[X1 + X2 ; α]
et VaR[X1 + X2 ; α] ≤
VaR[X1 ; u] + VaR[X2 ; v] . sup (CM )(u,v)=α
Value-at-Risk d’une fonction de risques corr´ el´ es Le principe de dualit´e ´enonc´e par Frank & Schweizer (1979), ≤C 1 , et si Ψ : [a,b]2 → [a,b] est une fonction dit que, si C0 ≤ C, C
8.8. Lois discr` etes multivari´ ees
435
continue croissante (avec −∞ ≤ a < b ≤ +∞), alors, pour 0 ≤ α < 1, VaR Ψ(X1 ,X2 ); α ≥
inf
Ψ VaR[X1 ; u],VaR[X2 ; v] ,
sup
Ψ VaR[X1 ; u],VaR[X2 ; v] .
C0 (u,v)=α
et VaR Ψ(X1 ,X2 ); α ≤
8.8 8.8.1
1 (u,v)=α C
Lois discr` etes multivari´ ees Mod` ele ` a deux classes de risques corr´ el´ ees
D´ efinition On consid`ere ici le cas o` u le montant total des sinistres S qui peut s’´ecrire comme somme des risques au sein de deux classes de u risques S = S1 + S2 o` S1 =
N1 j=1
X1,j et S2 =
N2
X2,j ,
(8.30)
j=1
o` u les variables al´eatoires N1 et N2 repr´esentent les nombres de sinistres relatifs aux classe 1 et 2. On fera alors les hypoth`eses suivantes: (i) X1,1 ,X1,2 , . . . sont des variables al´eatoires positives ind´ependantes et de mˆeme fonction de r´epartition F1 ; (ii) X2,1 ,X2,2 , . . . sont des des variables al´eatoires positives ind´ependantes et de mˆeme fonction de r´epartition F2 ; (iii) la variable N1 est ind´ependante de la suite X1,1 ,X1,2 , . . .; de mˆeme, N2 est ind´ependante de la suite X2,1 ,X2,2 , . . .. (iv) les suites X1,1 ,X1,2,... et X2,1 ,X2,2 , . . . sont suppos´ees mutuellement ind´ependantes. Exemple 8.8.1. Consid´erons un portefeuille comprenant des contrats automobile-particuliers et des contrats multi-risques habitation. Lors d’une grosse innondation, par exemple, les deux classes de risques peuvent ˆetre touch´ees, ce qui pousse a ` rejeter l’hypoth`ese d’ind´ependance entre les classes.
436
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Type de d´ ependance Dans ce mod`ele simple, la d´ependance entre S 1 et S2 est induite par la corr´elation existant entre N 1 et N2 , comme le montre le r´esultat suivant. Proposition 8.8.2. Dans le mod`ele (8.30) reposant sur les hypoth`eses (i)-(iv) ´enonc´ees plus haut, C[S1 ,S2 ] = E[X1,1 ]E[X2,1 ]C[N1 ,N2 ] D´emonstration. Comme E[S1 S2 |N1 ,N2 ] = N1 E[X1,1 ] × N2 E[X2,1 ] nous avons E[S1 S2 ] = E[N1 N2 ]E[X1,1 ]E[X2,1 ] ce qui ach`eve la d´emonstration. Afin d’´etudier ce type de mod`eles, il est n´ecessaire de disposer de lois pour le couple (N1 ,N2 ). C’est pr´ecis´ement l’objet des sections suivantes.
8.8.2
Loi de Bernoulli multivari´ ee
Soit N1 ∼ Ber (π1 ) et N2 ∼ Ber (π2 ). La loi du couple est d´ecrite dans le tableau suivant: N1 \N2 0 1
0 1 p00 p01 p10 p11 π 2 = 1 − π 2 π2
π 1 = 1 − π1 π1 1
Le r´esultat suivant montre que le coefficient de corr´elation lin´eaire entre N1 et N2 ne peut pas atteindre les bornes -1 et +1. Proposition 8.8.3. La corr´elation entre N 1 et N2 est born´ee, & ' ' π1 π2 π1π2 πmin (1 − πmax ) ,− ≤ r (N1 ,N2 ) ≤ , max − π1 π2 π1 π2 πmax (1 − πmin ) o` u
πmin = min {π1 ,π2 } πmax = max {π1 ,π2 }
Les graphiques de la Figure 8.19 montrent comment ´evoluent les bornes en fonction de π1 et π2 , et l’´evolution des bornes en fonction de π1 , sachant que π2 vaut respectivement 0.1, 0.4, 0.6 et 0.9,
8.8. Lois discr` etes multivari´ ees
437
1.5
1.0
Probabilite Probabilite Probabilite Probabilite
0,10 0,40 0,80 0,95
0.5
0.0
-0.5
-1.0
0.1
0.3
0.5
0.7
0.9
1.1
Fig. 8.19 – Bornes pour la corr´elation entre deux variables al´eatoires de loi de Bernoulli.
8.8.3
Mod` ele de Poisson ` a choc commun: loi de Poisson bivari´ ee
Etant donn´ees trois variables de Poisson ind´ependantes, M 1 , M2 et L, de param`etres respectifs λ1 , λ2 et µ, la loi de Poisson bivariar´ee u N1 = M1 + L et BPoi (λ1 ,λ2 ,µ) est la loi du couple (N1 ,N2 ) o` N2 = M2 + L. D´ efinition 8.8.4. La loi de Poisson bivari´ee BPoi (λ 1 ,λ2 ,µ) est d´efinie par Pr[N1 = n1 ,N2 = n2 ]
min(n1 ,n2 )
= exp (−λ1 − λ2 − µ)
j=0
µj λn1 1 −j λ2n2 −j , j! (n1 − j)! (n2 − j)!
pour n1 ,n2 ∈ IN. Pour les lois marginales Ni , on peut noter que E[Ni ] = V[Ni ] = λi + µ pour i = 1,2. Nous savons de plus que E[N1 |N2 = n2 ] = n2 et V[N1 |N2 = n2 ] = n2
µ + λ1 , λ2 + µ
µλ2 + λ1 . (λ2 + µ)2
438
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Etudions a` pr´esent le coefficient entre N 1 et N2 . Proposition 8.8.5. Le coefficient de corr´elation entre N 1 et N2 est donn´ee par µ r (N1 ,N2 ) = 0 (λ1 + µ) (λ2 + µ) qui satisfait & 0 ≤ r (N1 ,N2 ) ≤ max
8.8.4
&
λ1 + µ λ2 + µ , . λ2 + µ λ1 + µ
Mod` ele de Bernoulli ` a choc commun: le mod` ele de Marceau
Consid´erons un portefeuille constitu´e de n polices dont les coˆ uts de sinistre sont de la forme retenue dans le mod`ele individuel standard, c’est-` a-dire Yi si Ii = 1 Xi = 0 si Ii = 0 = Yi Ii o` u Ii ∼ Ber (qi ) pour i = 1,2,...,n. Supposons les variables al´eatoires Y 1 ,...,Yn et I1 ,...,In ind´ependantes, et les Yi mutuellement ind´epenants. En revanche, supposons les Ii corr´el´ees, avec une d´ependance mod´elis´ee de la fa¸con suivante: Ii = min {Ji + J0 ,1}
o` u Ji ∼ Ber qi et J0 ∼ Ber (q0 ) sont des variables ind´ependantes. La fonction g´en´eratrice des probabilit´es de I i est alors
E[sIi ] = p0 E[sJi ] + q0 s = p0 pi + 1 − p0 pi s c’est-`a-dire que Ii ∼ Ber (qi ) avec qi = 1 − p0 pi . La variance du coˆ ut cumul´e S = X1 + ... + Xn est alors V[S] =
n i=1
V[Xi ] + 2
n−1
n
i=1 j=i+1
C[Xi ,Xj ]
8.9. Exercices
439
o` u C[Xi ,Xj ] = E[Xi Xj ] − E[Xi ]E[Xj ] = E[Yi Ii Yj Ij ] − E[Yi Ii ]E[Yj Ij ] = E[Yi ]E[Yj ]E[Ii Ij ] − E[Yi ]E[Yj ]E[Ii ]E[Ij ] = E[Yi ]E[Yj ]C[Ii ,Ij ] avec C[Ii ,Ij ] = E[Ii Ij ] − E[Ii ]E[Ij ] = E E[Ii Ij |J0 ] − qi qj
= q0 + p0 qi qj − qi qj q0 = (1 − qi ) (1 − qj ) , 1 − q0
de telle sorte que la corr´elation entre I i et Ij est positive, et croissante avec q0 . La variance de la somme S est alors V[S] =
n
V[Xi ] + 2
i=1
8.9
n−1 n q0 pi pj E[Yi ]E[Yj ]. 1 − q0 i=1 j=1+1
Exercices
Exercice 8.9.1 (Loi exponentielle bivari´ ee de Gumbel). Consid´erons la fonction de r´epartition
FX (x) = 1 − exp (−x1 ) − exp (−x2 ) + exp − x1 − x2 − θx1 x2 o` u θ ∈ [0,1]. Montrez que (i) la densit´e est donn´ee par
fX (x) = exp (−x1 − x2 − θx1 x2 ) (1 + θx1 ) (1 + θx2 ) − θ .
(ii) cette loi traduit une absence de m´emoire au sens o` u E[X1 − x1 |X1 > x1 et X2 > x2 ] = E[X1 |X2 > x2 ]. Exercice 8.9.2 (Loi exponentielle bivari´ ee de Marshall & Olkin). Soient Z1 ∼ Exp(λ1 ), Z2 ∼ Exp(λ2 ) et Z12 ∼ Exp(λ12 ) trois variables al´eatoires ind´ependantes, et posons X1 = min {Z1 ,Z12 } et X2 = min {Z2 ,Z12 } . (i) Montrez que
F X (x) = exp − λ1 x1 − λ2 x2 − λ12 max {x1 ,x2 }
440
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
(ii) Montrez que
et
F 1 (x1 ) = exp − (λ1 + λ12 ) x1
F 2 (x2 ) = exp − (λ2 + λ12 ) x2 .
(iii) Montrez que cette fonction de queue v´erifie une autre propri´et´e d’absence de m´emoire, F X (x1 + h,x2 + h) = F X (x1 ,x2 ) F X (h,h) . (iv) En d´efinissant α=
λ12 λ12 et β = , λ1 + λ12 λ2 + λ12
montrez que la copule associ´ee a ` la cette loi s’´ecrit ! C (u1 ,u2 ) = min u1−α u2 ,u1 u1−β 2 1 u2 si uα1 ≥ uβ2 u1−α 1 = u1 u1−β si uα1 ≤ uβ2 2 Exercice 8.9.3 (Loi exponentielle bivari´ ee de Basu & Block). Consid´erons la fonction de queue bivari´ee suivante: F X (x) =
λ1 + λ2 + λ12 exp − λ1 x1 − λ2 x2 − λ12 max {x1 ,x2 } λ1 + λ2
λ12 exp − (λ1 + λ2 + λ12 ) max {x1 ,x2 } . − λ1 + λ2
(i) Montrez que la fonction de queue de X1 vaut F 1 (x) =
λ1 + λ2 + λ12 exp − (λ1 − λ12 ) x λ1 + λ2
λ12 exp − (λ1 + λ2 + λ12 ) x . − λ1 + λ2
(ii) Montrez que min (X1 ,X2 ) ∼ Exp (λ1 + λ2 + λ12 ) . Exercice 8.9.4 (Loi de Cherian). Consid´erons trois variables al´eatoires ind´ependantes, Zi ∼ Exp (θi ), et d´efinissons X1 = Z1 + Z3 et X2 = Z2 + Z3 . Montrez que la densit´e du couple X est donn´ee par min{x1 ,x2 } exp (−x1 − x2 ) (x1 − t)θ1 −1 (x2 − t)θ2 −1 tθ3 −1 dt fX (x) = Γ (θ1 ) Γ (θ2 ) Γ (θ3 ) 0
8.9. Exercices
441
Exercice 8.9.5 (Loi Beta bivari´ ee). Soit (X,Y ) un couple dont la densit´e est donn´ee par fX (x) =
Γ (θ1 + θ2 + θ3 ) θ1 −1 θ2 −1 x2 (1 − x1 − x2 )θ3 −1 , x Γ (θ1 ) Γ (θ2 ) Γ (θ3 ) 1
(i) Montrez que X1 ∼ Bet (θ1 ,θ2 + θ3 ) et X2 ∼ Bet (θ2 ,θ1 + θ3 ). (ii) Montrez que conditionnellement a ` X 1 = x1 , X2 ∼ Ber (θ2 ,θ3 ) . 1 − x1 (iii) Consid´erons trois variables al´eatoires ind´ependantes, Z 1 ∼ Exp (θ1 ), Z2 ∼ Exp (θ2 ) et Z3 ∼ Exp (θ3 ), et d´efinissons X1 =
Z1 Z2 et X2 = . Z1 + Z2 + Z3 Z1 + Z2 + Z3
Montrez que X poss`ede la densit´e donn´ee ci-dessus. Exercice 8.9.6 (P´ eriodes de retour bivari´ ees). La p´eriode de retour d’un risque X de niveau x∗ (une “catastrophe” ´etant alors d´efinie comme un ´ev´enement tel que X > x ∗ ) est d´efinie par la variable al´eatoire TX (x∗ ) correspondant au temps entre deux catastrophe. Soit Zi le temps entre deux survenances d’´ev´enements, et NX (x∗ ) le nombre d’´ev´enements entre les deux catastrophes, de telle sorte que TX (x∗ ) = Z1 + Z2 + ... + ZNX (x∗ ) et
E[TX (x∗ )] = E[NX (x∗ )]E[Z1 ], (i) Montrez que NX (x∗ ) suit une loi g´eom´etrique, i.e. Pr[NX (x∗ ) = n] = FX (x∗ )n−1 [1 − FX (x∗ )] .
(ii) D´eduisez-en que E[TX (x∗ )] =
E[Z] . 1 − FX (x∗ )
(iii) Dans le cas o` u les deux risques X et Y sont bas´es sur les mˆemes survenances (i.e. les mˆemes Zi ) alors, il est possible de − (x∗ ,y ∗ ) consid´erer les deux p´eriodes de retour suivantes : T XY + et TXY (x∗ ,y ∗ ) correspondant respectivement aux p´eriodes de
442
Chapitre 8. Gestion des risques multiples retour {X > x∗ ou Y > y ∗ }, et {X > x∗ et Y > y ∗ }. Montrez que E[Z] − (x∗ ,y ∗ )] = E[TXY , 1 − FXY (x∗ ,y ∗ ) et − (x∗ ,y ∗ )] = E[TXY
E[Z] . 1 − FX (x∗ ) − FY (y ∗ ) + FXY (x∗ ,y ∗ )
(iv) Il est aussi possible de consid´erer des p´eriodes de retour conditionelles TX|Y (x∗ |y ∗ ), par exemple X > x∗ sachant Y > y ∗ . Montrez que E[TX|Y (x∗ |y ∗ )] =
1 − FY
(y ∗ )
E[Z] . 1 − FX (x∗ ) − FY (y ∗ ) + FXY (x∗ ,y ∗ )
Exercice 8.9.7. Supposons que X sm Y . Montrez qu’alors E[X2 X1 > x1 ] ≤ E[Y2 Y1 > x1 ]. Exercice 8.9.8. Soient X1 et X2 des variables al´eatoires ind´ependantes. Montrez que X1 et X1 + X2 sont associ´ees. Exercice 8.9.9. Soient I1 ∼ Ber(q1 ) et I2 ∼ Ber(q2 ). Montrez que les conditions suivantes sont ´equivalentes: (i) C[I1 ,I2 ] ≥ 0; (ii) I1 et I2 sont d´ependantes positivement par quadrant; (iii) I1 et I2 sont associ´ees; (iv) I1 et I2 sont conditionnellement croissantes. Exercice 8.9.10. Consid´erons la variable al´eatoire Z = FX (X1 ,X2 ) − F1 (X1 ) F2 (X2 ) . Montrez que
3τ − ρ . 12 Exercice 8.9.11 (D´ ecroissance de queue). Esary & Proschan (1972) ont introduit les notions de d´ecroissance et de croissance de queue, d´efinies comme suit: Y est d´ecroissante en queue a ` gauche en X (left-tail decreasing LT D - not´e LT D (Y |X)) si, et seulement si, pour tout x,x ,y E[Z] =
x < x
=⇒ Pr[Y ≤ y|X ≤ x ] ≤ Pr[Y ≤ y|X ≤ x]
8.9. Exercices
443
et de fa¸con analogue, Y est croissante en queue a ` droite en X (righttail increasing RT I - not´e RT I (Y |X)) si, et seulement si, pour tout x,x ,y x < x
=⇒ Pr[Y ≤ y|X > x ] ≤ Pr[Y ≤ y|X > x].
Montrez que (i) LT D (Y |X) si, et seulement si, pour tout 0 ≤ v ≤ 1, u −→
C (u,v) u
est strictement d´ecroissante en u. (ii) RT I (Y |X) si, et seulement si, pour tout 0 ≤ v ≤ 1, u −→
1 − u − v + C (u,v) 1−u
est strictement croissante en u, ou de fa¸con ´equivalente, u −→
v − C (u,v) 1−u
est strictement d´ecroissante en u. (iii) LT D (Y |X) si, et seulement si, pour tout 0 ≤ v ≤ 1, C (u,v) ∂ C (u,v) ≤ ∂u u pour presque tout u. (iv) RT I (Y |X) si, et seulement si, pour tout 0 ≤ v ≤ 1, ∂ v − C (u,v) C (u,v) ≥ ∂u 1−u pour presque tout u. Exercice 8.9.12 (Notions de d´ ependance n´ egative). La notion de d´ependance positive par quadrant peut ˆetre renvers´ee pour d´efinir une premi`ere notion de d´ependance n´egative. Plus pr´ecis´ement, (X 1 ,X2 ) est dit d´epend par quadrant n´egativement si, pour tout x 1 et x2 , Pr[X1 ≤ x1 ,X2 ≤ x2 ] ≤ Pr[X1 ≤ x1 ]Pr[X2 ≤ x2 ]. (i) Consid´erons N ∼ Mult(n,p1 ,p2 ). Montrez que N1 et N2 sont d´ependants n´egativement par quadrant. (ii) Montrez que les copules de Frank expriment de la d´ependance n´egative par quadrant lorsque α ≤ 0.
444
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Exercice 8.9.13 (Copule min-max). Consid´erons le couple (X 1:n ,Xn:n ) o` u X1:n = min{X1 , . . . ,Xn } et Xn:n = max{X1 , . . . ,Xn }, avec des X1 , . . . ,Xn ind´ependantes et de mˆeme fonction de r´epartition F . Montrez que (i) les fonction de r´epartition de X1:n et de Xn:n sont respectivement donn´ees par F1:n (x) = 1 − (F (x))n et Fn:n (x) = (F (x))n , x ∈ IR. (ii) la fonction de r´epartition du couple (X 1:n ,Xn:n ) est donn´ee par n F (x1 ) − (F (x2 ) − F (x1 ))n , si x1 < x2 ,
F1,n (x1 ,x2 ) = n si x1 ≥ x2 . F (x2 ) , (iii) la copule du couple (X1:n ,Xn:n ), not´ee Cn , est de la forme suivante n 1/n 1/n − u + (1 − u ) − 1 , u 1 2 2 1/n Cn (u1 ,u2 ) = si 1 − (1 − u1 )1/n < u2 , u , si 1 − (1 − u )1/n ≥ u1/n . 2 1 2 (iv) si n → ∞ alors Cn → CI . (v) le tau de Kendall et le rho de Spearman associ´es a ` la copule min-max sont respectivement donn´es par τ=
1 , 2n − 1
et ρ = 3 − 12
2n n
−1 n k=0
(−1)k 2n − k
2n n+k
(n!)3 + 12 (−1)n . (3n)!
Exercice 8.9.14. Consid´erons la copule normale donn´ee en (8.18). Montrez que (i) τ = π2 arcsin(α). (ii) lorsque α ≤ α , Cα (u) ≤ Cα (u), pour tout u ∈ [0,1]2 , de sorte que Cα croˆıt en α au sens sm .
8.9. Exercices
445
(iii) C1 = CW , C0 = CI et C−1 = CM . (iv) Montrez que Cα exprime de la d´ependance positive par quadrant d`es que α ≥ 0. (v) ρ = π6 arcsin (α/2) . Exercice 8.9.15. Morgenstein a introduit en 1956 la famille
Cα (u1 ,u2 ) = u1 u2 1 + α(1 − u1 )(1 − u2 ) , α ∈ [−1,1]. Montrez que (i) la densit´e associ´ee vaut cα (u) = 1 + α(1 − 2u1 )(1 − 2u2 ). (ii) le tau de Kendall associ´e vaut
2 2 2 τ = α∈ − , . 9 9 9
(iii) le coefficient de corr´elation lin´eaire pour un couple de variables al´eatoires de fonction de r´epartition jointe C α satisfait r ∈ [−1/3,1/3]. (iv) quel que soit le couple X poss´edant C α comme copule, r(X1 ,X2 ) ≤ 1/3. (v) si X1 et X2 sont de loi Exp(1) et poss`edent Cα comme copule, r(X1 ,X2 ) ∈ [−1/4,1/4]. Exercice 8.9.16. La famille de copules C(u,v,θ) = uv/ [1 − θ(1 − u)(1 − v)] o` u −1 ≤ θ ≤ +1 est connue sous le nom de Ali-Mikhail-Haq. Montrez que (i) la densit´e associ´ee vaut c(u,v,θ) =
1 + θ [(u + 1) (v + 1) − 3] + θ 2 [(u − 1) (v − 1)] [1 − θ(1 − u)(1 − v)]3
(ii) le tau de Kendall est donn´e par τ
=
3θ − 2 2 (1 − θ)2 log (1 − θ) . − 3θ 3θ 2
(iii) le rho de Spearman est donn´e par 12 (1 + θ) θ log (1 − x) 3 (12 + θ) ρ = − dx − 2 θ x θ 0 24 (1 − θ) log (1 − θ) . − θ2
446
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
(iv) cette copule est archim´edienne de g´en´erateur ϕ (t) = log (1 − θ [1 − t]) − log t. Exercice 8.9.17. Joe (1993) a introduit la famille 1/θ C(u,v,θ) = 1 − [1 − u]θ + [1 − v]θ − [1 − u]θ [1 − v]θ o` u θ ≥ 1. Montrez que (i) cette copule poss`ede la densit´e −2+1/θ c(u,v,θ) = [1 − u]θ + [1 − v]θ − [1 − u]θ [1 − v]θ [1 − u]θ−1 [1 − v]θ−1 θ − 1 + [1 − u]θ + [1 − v]θ − [1 − u]θ [1 − v]θ . (ii) cette copule est archim´edienne de g´en´erateur ϕ (t) = − log 1 − (1 − t)θ . Exercice 8.9.18. La famille dite de Farlie-Gumbel-Morgenstein admet pour copula uv C(u,v,θ) = 1/θ [1 + (1 − uθ )(1 − v θ )] o` u 0 < θ ≤ +1. Montrez que (i) la densit´e associ´ee vaut c(u,v,θ) =
4 − 2 uθ + v θ + (1 − θ) uθ v θ 2+1/θ
(2 − uθ − y θ + uθ v θ )
.
(ii) cette copule est archim´edienne de g´en´erateur ϕ (t) = log 2t−θ − 1 . Exercice 8.9.19 (Copule de Mardia). Montrez que les copules associ´ees aux fonctions de r´epartition bivari´ees d´efinies dans la Remarque 8.2.4 sont C (u,v) = θCM (u,v) + (1 − θ) CW (u,v) pour tout θ ∈ [0,1] . et C (u,v) =
pour θ ∈ [0,1].
θ 2 (1 − θ) CM (u,v) + 1 − θ 2 CI (u,v) 2 2 θ (1 + θ) CW (u,v) , + 2
8.10. Notes bibliographiques
447
Exercice 8.9.20. Montrez que la copule de Gumbel-Barnett, donn´ee par C (u,v,θ) = uv exp (−θ log u log v) , est archim´edienne de g´en´erateur ϕ (t) = log (1 − θ log t).
8.10
Notes bibliographiques
Les r´ef´erences sur la mod´elisation de la d´ependance en statistique et en probabilit´e sont nombreuses, depuis Lehmann (1966) et esary, Proschan & Walkup (1967). Une bonne r´ef´erence sur l’´etude de la d´ependance est sans nul doute Joe (1997). Cet ouvrage tr`es complet aborde toutes les notions d´evelopp´ees dans ce chapitre, en insistant ´egalement sur la d´ependance temporelle, au travers des chaˆınes de Markov, mais aussi sur les donn´ees longitudinales, et cat´egorielles. Les propri´et´es des mesures de d´ependance proviennent de Scarsini (1984). Parmi les autres r´ef´erences bibliographiques sur l’´etude des risques multiples, ¨ller & Stoyan (2002) et Shaked & Shanthion notera Mu kumar (1994). Cet ouvrage de r´ef´erence sur les relations d’ordre entre risques, aborde la comparaison de variables al´eatoires, mais ´egalement de vecteurs al´eatoires. Plusieurs chapitres de Denuit, Dhaene, Goovaerts, Kaas & Vyncke (2004) sont ´egalement consacr´es aux notions de d´ependance, aux relations de d´ependance et aux copules. Les liens entre concepts de d´ependance et ordres sto`a & Gechastiques ont ´et´e d´evelopp´es par exemple dans Cap ´ er a nest (1990) et Dhaene & Goovaerts (1996). La comonotonie a connu un d´eveloppement important en sciences actuarielles ces derni`eres ann´ees. Voyez les deux articles de synth`ese de Dhaene et al. (2002). L’antimonotonie est d´evelopp´ee dans Dhaene & Denuit (1999). Les lecteurs souhaitant des compl´ements sur les copules introduites par Sklar (1959) pourront se r´ef´erer a` Nelsen (1998). Parmi les pr´ecurseurs, mentionnons ´egalement Deheuvels (1979). Ceux souhaitant avoir une approche historique des copulas (et en particulier le lien avec les t-normes des espaces m´etriques de probabilit´e), consulteront Schweizer (1991). Notons aussi l’article de Frees & Valdez (1998) qui a introduit la notion de copule en actuariat, et l’´etude compl`ete de Wang (1998). Enfin, sur l’aggr´egation des risques, notons la th`ese de doctorat de Williamson, qui aborde d’un point de vue math´ematique, la somme de variables al´eatoires non ind´ependantes, ou de fa¸con plus
448
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
g´en´erale, des transformations de plusieurs variables al´eatoires. Une autre r´ef´erence de qualit´e est Frank (1991). On trouvera des applications actuarielles dans cossette et al. (2001,2002). Pour les lecteurs souhaitant ´etudier davantage les probl`emes math´ematiques associ´es aux risques multiples, l’ouvrage de r´ef´erence reste Schweizer & Sklar (1983).
Conclusion ”... and this is only the beginning ! ” (Actuarial Review, aoˆ ut 1997) Comme l’indique le sous-titre de ce premier tome, cet ouvrage pose les bases des outils math´ematiques et probabilistes utilis´es en assurance non-vie. Le second tome sera consacr´e a` deux notions centrales du travail de l’actuaire en assurance non-vie: la tarification et le provisionnement. Le second tome d´ebutera avec une pr´esentation des m´ethodes de tarification a priori bas´ees sur les mod`eles lin´eaires g´en´eralis´es (les GLM). Dans la lign´ee de ce qui a ´et´e introduit dans ce premier tome. En particulier, nous verrons comment effectuer une tarification a priori en prenant en compte des variables explicatives pour segmenter le tarif, et ainsi offrir un prime plus “juste”. Comme nous l’avons not´e dans ce premier tome, la grande difficult´e en assurance est d’´etablir un tarif pour un portefeuille h´et´erog`ene, en ´evitant, pour des raisons d’antis´election, d’offrir une prime homog`ene. Afin de tenir compte des particularit´es des assur´es (et du bien assur´e), il s’agit de mod´eliser la charge financi`ere des sinistres pour un assur´e (en s´eparant ´eventuellement entre fr´equence et coˆ ut moyen) en utilisant les caract´eristiques des individus. A la fin du XIX`eme si`ecle, Galton et Gauss ont introduit le mod`ele lin´eaire afin de mod´eliser une variable Y en fonction de variables X 1 ,...,Xp , dites explicatives, avec souvent une hypoth`ese d’erreur gaussienne. Si ces mod`eles ´econom´etriques peuvent s’appliquer pour des variables conditionnellement gaussiennes, ils s’av`erent d’usage tr`es limit´e pour mod´eliser un nombre de sinistres (` a valeurs dans IN) ou un coˆ ut de sinistre (qui ne peut ˆetre n´egatif). Nous pr´esenterons alors les principaux r´esultats sur les mod`eles lin´eaires g´en´eralis´es (GLM), introduits (sous leur forme unifi´ee) par Nelder et Wedderburn en 1972, ainsi que les mod`eles additifs (GAM). Nous verrons ensuite comment prendre en compte le pass´e si449
450
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
nistre d’un client soit a` l’aide des mod`eles dits de bonus-malus, soit a` l’aide de la th´eorie de la cr´edibilit´e, en reprenant les mod`eles bay´esiens, ainsi que l’approche initi´ee par Hans B¨ uhlmann. Le chapitre suivant abordera l’´etude micro-´economique de l’assurance. Celle-ci, n´ee au mileu des ann´ees soixante de la rencontre entre un actuaire, Karl Borch, et un ´economiste (futur Prix Nobel), Kenneth Arrow, fournit un fondement th´eorique satisfaisant aux pratiques des assureurs. La th´eorie de la d´ecision en environnement incertain permet de prendre en compte, de fa¸con relativement simple, la vari´et´e des comportement des agents ´economiques face au risque. Nous examinerons diff´erents paradigmes de d´ecision en univers incertain, et nous ´etudierons leurs cons´equences en mati`ere d’assurance. Si cette mod´elisation de l’actif (de la prime) est le quotidien de l’actuaire, il convient de noter que les mod`eles pr´esent´es jusqu’` a pr´esent pour mod´eliser la charge sinistres sont souvent ´eloign´es de la r´ealit´e. En effet, nous supposons toujours connaitre le montant X i du i`eme sinistre. Or ce montant est rarement connu le jour mˆeme de la survenance: il convient de prendre en compte cette importante source d’al´ea li´ee a` la dynamique de la gestion des sinistres. Lors de la clˆ oture des comptes, les montants des sinistres survenus doivent ˆetre estim´es, et provisionn´e (loss reserving process). Nous verrons comment l’actuaire ´evalue le montant de ces provisions. Afin d’´etudier plus en d´etail la charge totale des sinistres pour un assureur, nous nous attacherons a` voir comment mod´eliser le mieux possible les catastrophes, ces quelques rares sinistres qui peuvent repr´esenter plus de la moiti´e de la charge totale. Comme le dit l’adage populaire, “ce qui est rare est cher ”. Nous verrons combien cette maxime prend son sens en actuariat. Nous pr´esenterons les r´esultats principaux de la th´eorie des extrˆemes proposant des fondements th´eoriques permettant d’obtenir de relativement bons r´esultats. Comme le notait Paul Embrechts, cette th´eorie “devrait a ` l’avenir occuper la mˆeme place dans le quotidien des gestionnaires de risques que les ´ev`enements extrˆemes qu’elle tente d’analyser ”. Le chapitre suivant proposera des outils pratiques permettant de mener a` bien les calculs. Les mod`eles en assurance non-vie devenant de plus en plus complexes, il est rare d’avoir des relations analytiques, permettant d’obtenir des mesures de risques, une distribution de charge totale, ou une probabilit´e de ruine. Nous verrons ainsi plusieurs m´ethodes num´eriques permettant soit d’avoir des approximations, soit d’avoir des estimations, en particulier en utilisant les m´ethodes de simulation.
8.10. Notes bibliographiques
451
Enfin, le dernier chapitre examinera les limites de l’assurabilit´e. Il y sera pr´ecis´e le type de situation o` u les techniques pr´esent´ees dans cet ouvrage ne trouvent pas a` s’appliquer. A l’issue de ces deux tomes, le lecteur aura acquis les techniques modernes de l’assurance non-vie.
452
Chapitre 8. Gestion des risques multiples
Table des mati` eres 1 Le risque et sa couverture contractuelle 1.1 Le risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.1 Vous avez dit risque? . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 La raison de l’assurance: la risquophobie . . . 1.1.3 M´ethodes de gestion du risque . . . . . . . . 1.1.4 V´ehicules de gestion des risques . . . . . . . . 1.1.5 Risques pris en charge par les assureurs . . . 1.1.6 Gestion des risques par l’assureur . . . . . . . 1.1.7 Risques assurantiels et risques financiers . . . 1.2 Alea iacta est... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.1 Insolvabilit´e de l’assureur . . . . . . . . . . . 1.2.2 Cadences de r´eglement . . . . . . . . . . . . . 1.2.3 N´ecessit´e du provisionnement . . . . . . . . . 1.2.4 Inversion du cycle de production . . . . . . . 1.2.5 Le passif: reflet de l’activit´e de l’assureur . . 1.2.6 Primes ´emises, primes acquises . . . . . . . . 1.2.7 Les assureurs, investisseurs institutionnels . . 1.2.8 Gestion actif-passif . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Le contrat d’assurance . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1 Les origines: le contrat d’assurance maritime 1.3.2 La naissance de l’assurance terrestre: le grand incendie de Londres . . . . . . . . . . . . . . 1.3.3 De la solidarit´e informelle a` l’assurance . . . 1.3.4 Contrat et police . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.5 Assur´e, preneur d’assurance et b´en´eficiaire . . 1.3.6 Et la technique dans tout c¸a? . . . . . . . . . 1.3.7 Prestations des parties . . . . . . . . . . . . . 1.4 Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 453
3 3 3 4 5 7 9 11 14 16 16 16 17 18 19 22 23 24 25 25 26 27 28 28 28 29 33
454
Table des mati` eres
2 Mod´ elisation actuarielle des risques 2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Description probabiliste du risque . . . . . . . . . . . 2.2.1 Ev´enements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Calcul des probabilit´es et absence d’opportunit´e d’arbitrage . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.3 Probabilit´e conditionnelle . . . . . . . . . . . 2.2.4 Ev´enements ind´ependants . . . . . . . . . . . 2.2.5 R`egle de multiplication (de Bayes) . . . . . . 2.2.6 Ev´enements conditionnellement ind´ependants 2.2.7 Th´eor`eme des probabilit´es totales . . . . . . . 2.2.8 Th´eor`eme de Bayes . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Variables al´eatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Fonction de r´epartition . . . . . . . . . . . . 2.3.3 Support d’une variable al´eatoire . . . . . . . 2.3.4 Fonction de queue . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.5 Egalit´e en loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.6 Quantiles et inverses g´en´eralis´es . . . . . . . . 2.4 Variables al´eatoires de comptage . . . . . . . . . . . 2.4.1 Notion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Variable uniforme discr`ete . . . . . . . . . . . 2.4.3 Variables de Bernoulli . . . . . . . . . . . . . 2.4.4 Variable binomiale . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.5 Variable g´eom´etrique . . . . . . . . . . . . . . 2.4.6 Variable binomiale n´egative . . . . . . . . . . 2.4.7 Variable de Poisson . . . . . . . . . . . . . . 2.5 Variables al´eatoires continues . . . . . . . . . . . . . 2.5.1 Notion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.2 Variable uniforme continue . . . . . . . . . . 2.5.3 Variable Bˆeta . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.4 Variable normale . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.5 Variable log-normale . . . . . . . . . . . . . . 2.5.6 Variable al´eatoire exponentielle n´egative . . . 2.5.7 Variable Gamma . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.8 Variable de Pareto . . . . . . . . . . . . . . . 2.6 Vecteur al´eatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6.2 Fonction de r´epartition . . . . . . . . . . . . 2.6.3 Ind´ependance . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6.4 Vecteur normal . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6.5 Vecteurs elliptiques . . . . . . . . . . . . . . .
35 35 36 36 37 43 44 44 45 45 46 47 47 49 51 51 52 52 56 56 57 57 58 59 59 61 62 62 64 65 66 68 69 70 72 75 75 76 78 80 83
Table des mati` eres
455
2.6.6 Vecteur multinomial . . . . . . . . . . . . . . 86 Lois conditionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 2.7.1 Le cas des variables de comptage . . . . . . . 87 2.7.2 Le cas des variables continues . . . . . . . . . 88 2.7.3 Le cas mixte: une variable de comptage et une autre continue . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 2.7.4 Ind´ependance conditionnelle . . . . . . . . . . 90 2.8 Lois compos´ees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 2.8.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 2.8.2 Produit de convolution . . . . . . . . . . . . . 92 2.8.3 Fonction de r´epartition associ´ee ` a une loi compos´ee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 2.9 Transformations des risques et clauses conventionnelles relatives aux dommages . . . . . . . . . . . . . 96 2.9.1 Concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 2.9.2 Le d´ecouvert obligatoire . . . . . . . . . . . . 96 2.9.3 La franchise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 2.9.4 Plafond d’indemnisation . . . . . . . . . . . . 98 2.9.5 Cons´equence technique: la censure . . . . . . 99 2.9.6 Loi de Poisson et clauses relatives aux dommages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 2.9.7 Effets pervers des clauses conventionnelles relatives au dommage . . . . . . . . . . . . . . 101 2.10 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 2.11 Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 2.7
3 La prime pure 3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 La prime pure et l’esp´erance math´ematique . . . . . 3.2.1 Esp´erance math´ematique . . . . . . . . . . . 3.2.2 Probabilit´es et esp´erances d’indicatrices . . . 3.2.3 D´etermination de la prime pure . . . . . . . . 3.2.4 Ecart quadratique moyen, un must? . . . . . 3.3 Variance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.2 Interpr´etation actuarielle . . . . . . . . . . . 3.3.3 Quelques exemples . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.4 Propri´et´es . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.5 Variance des lois usuelles . . . . . . . . . . . 3.3.6 Variance des lois compos´ees . . . . . . . . . . 3.3.7 Coefficient de variation et mutualisation des risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
107 107 108 108 116 116 117 118 118 119 119 120 122 123 124
456
Table des mati` eres
3.4
Assurance et Bienaym´e-Tchebycheff . . . . . . . . . 124 3.4.1 In´egalit´e de Markov . . . . . . . . . . . . . . 124 3.4.2 In´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff . . . . . . 124 3.4.3 Interpr´etation actuarielle de l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff . . . . . . . . . . . . . . . 125 3.4.4 Caract`ere conservatif de l’in´egalit´e de Bienaym´eTchebycheff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 3.5 Assurance et loi des grands nombres . . . . . . . . . 127 3.5.1 Convergence en probabilit´e . . . . . . . . . . 127 3.5.2 Convergence de la charge moyenne de sinistre par police vers la prime pure . . . . . . . . . 127 3.5.3 Le cas de la r´eparation forfaitaire . . . . . . . 129 3.5.4 Le cas de la r´eparation indemnitaire . . . . . 130 3.6 Fonctions caract´eristiques . . . . . . . . . . . . . . . 131 3.6.1 Fonction g´en´eratrice des probabilit´es . . . . . 131 3.6.2 Transform´ee de Laplace . . . . . . . . . . . . 133 3.6.3 Fonction g´en´eratrice des moments . . . . . . 138 3.6.4 Taux de hasard . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 3.6.5 Primes stop-loss . . . . . . . . . . . . . . . . 143 3.7 H´et´erog´en´eit´e du portefeuille et m´elanges de lois de probabilit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 3.7.1 Contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 3.7.2 Un exemple simple... . . . . . . . . . . . . . . 147 3.7.3 M´elanges de Poisson . . . . . . . . . . . . . . 151 3.7.4 Th´eor`eme de Shaked . . . . . . . . . . . . . . 155 3.7.5 Lois de Poisson m´elange compos´ees . . . . . . 156 3.7.6 M´elanges d’exponentielles . . . . . . . . . . . 160 3.8 La prime pure en univers segment´e . . . . . . . . . . 163 3.8.1 Les techniques de segmentation . . . . . . . . 163 3.8.2 L’esp´erance conditionnelle . . . . . . . . . . . 166 3.8.3 Personnalisation des primes . . . . . . . . . . 171 3.8.4 Segmentation, mutualisation et solidarit´e . . 174 3.8.5 Formalisation du concept de segmentation . . 177 3.8.6 Inconv´enients r´esultant d’une segmentation pouss´ee180 3.8.7 Segmentation et asym´etrie de l’information . 181 3.9 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 3.10 Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 4 De la prime pure a ` la prime nette 4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Assurance et th´eor`eme central-limite . . . . . . . . . 4.2.1 Th´eor`eme central-limite . . . . . . . . . . . .
189 189 190 190
Table des mati` eres 4.2.2
4.3
4.4
4.5
4.6
4.7 4.8 4.9
457
Qualit´e de l’approximation bas´ee sur le th´eor`eme central-limite . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 4.2.3 Th´eor`eme central-limite et loi des grands nombres192 4.2.4 Th´eor`eme central-limite pour la loi de Poisson compos´ee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 4.2.5 Approximation de la fonction de queue dans le cas de la r´eparation forfaitaire . . . . . . . 193 4.2.6 Approximation de la fonction de queue dans le cas de la r´eparation indemnitaire . . . . . . 193 4.2.7 Prime pure vue comme prix minimum du risque193 4.2.8 Sensibilit´e des r´esultats a` une ´eventuelle d´ependance194 4.2.9 Les lois stables . . . . . . . . . . . . . . . . . 195 Probabilit´e de ruine sur une p´eriode . . . . . . . . . 197 4.3.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 4.3.2 Approximation bas´ee sur le th´eor`eme centrallimite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 4.3.3 Le cas de la r´eparation forfaitaire . . . . . . . 198 4.3.4 Le cas de la r´eparation indemnitaire . . . . . 200 Chargement de s´ecurit´e . . . . . . . . . . . . . . . . 203 4.4.1 Notion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 4.4.2 D´etermination du chargement de s´ecurit´e sur base du th´eor`eme central-limite . . . . . . . . 203 4.4.3 De l’absolue n´ecessit´e du chargement de s´ecurit´e205 4.4.4 Principe de calcul des primes . . . . . . . . . 206 Coefficient de s´ecurit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 4.5.1 R´esultat technique de la compagnie . . . . . 209 4.5.2 Cons´equences de l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff210 4.5.3 D´etermination du coefficient de s´ecurit´e . . . 211 4.5.4 D´etermination du chargement de s´ecurit´e sur base de l’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff . 211 Prise en compte de l’asym´etrie: l’approximation NormalPower (NP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212 4.6.1 Le coefficient d’asym´etrie . . . . . . . . . . . 212 4.6.2 D´eveloppement d’Edgeworth . . . . . . . . . 213 4.6.3 Approximation d’Esscher . . . . . . . . . . . 216 4.6.4 Approximation NP . . . . . . . . . . . . . . . 220 4.6.5 En guise de conclusion a` propos des approximations d’Esscher et NP . . . . . . . . . . . . 226 La prime commerciale . . . . . . . . . . . . . . . . . 226 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
458
Table des mati` eres
5 Mesure et comparaison des risques 233 5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 5.1.1 Mesurer le risque: une tˆ ache essentielle de l’actuaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 5.1.2 Comparer les risques: une autre sp´ecialit´e de l’actuaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 5.1.3 Mesurer puis comparer les risques, deux tˆ aches voisines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 5.2 Mesures de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 5.2.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 5.2.2 Coh´erence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 5.2.3 Value-at-Risk . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 5.2.4 Tail-VaR et mesures apparent´ees . . . . . . . 239 5.2.5 Mesure de risque d’Esscher . . . . . . . . . . 243 5.2.6 Mesures de risque de Wang . . . . . . . . . . 245 5.3 Comparaison uniforme des VaR: l’ordre VaR . . . . 251 5.3.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251 5.3.2 Conditions ´equivalentes . . . . . . . . . . . . 252 5.3.3 Propri´et´es . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254 5.3.4 Taux de hasard et mesure de risque PH . . . 255 5.3.5 Rapport de vraisemblance et principe d’Esscher257 5.4 Comparaison uniforme des TVaR: les ordres TVaR et TVaR,= . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 5.4.1 Definition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 5.4.2 Conditions ´equivalentes . . . . . . . . . . . . 260 5.4.3 Condition suffisante . . . . . . . . . . . . . . 266 5.4.4 Propri´et´es . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268 5.5 Forme optimale de transfert de risque . . . . . . . . 271 5.5.1 Le probl`eme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271 5.5.2 Fonctions indemnitaires admissibles . . . . . 272 5.5.3 Ordonnancement des contrats . . . . . . . . . 272 5.5.4 Optimalit´e du contrat stop-loss . . . . . . . . 273 5.6 Information incompl`ete . . . . . . . . . . . . . . . . 274 5.6.1 Contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274 5.6.2 Moyenne et support connus . . . . . . . . . . 274 5.6.3 Application au calcul d’une prime stop-loss sur donn´ees group´ees . . . . . . . . . . . . . . 275 5.7 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276 5.8 Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
Table des mati` eres
459
6 Calcul de la marge de solvabilit´ e et de primes stoploss dans le mod` ele collectif 281 6.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281 6.1.1 Les diff´erents niveaux de travail . . . . . . . . 281 6.1.2 Le mod`ele individuel . . . . . . . . . . . . . . 281 6.1.3 La charge totale des sinistres dans le mod`ele individuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282 6.1.4 Difficult´e des calculs dans le mod`ele individuel 283 6.1.5 Le mod`ele collectif . . . . . . . . . . . . . . . 284 6.2 Approximation du mod`ele individuel par un ´equivalent collectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 6.2.1 Formalisation du mod`ele individuel . . . . . . 285 6.2.2 Repr´esentation de la charge totale des sinistres dans le mod`ele individuel . . . . . . . . . . . 286 6.2.3 Justification de l’approximation du mod`ele individuel par le mod`ele collectif . . . . . . . . 288 6.2.4 Passage du mod`ele individuel au mod`ele collectif289 6.2.5 Choix des param`etres du mod`ele collectif . . 290 6.2.6 Bornes sur l’erreur d’approximation: fonction de r´epartition . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291 6.2.7 Etude num´erique de la qualit´e de l’approximation collective des fonctions de r´epartition 296 6.2.8 Bornes sur l’erreur d’approximation: primes stop-loss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297 6.3 Discr´etisation des coˆ uts des sinistres dans le mod`ele collectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302 6.3.1 N´ecessit´e de la discr´etisation . . . . . . . . . 302 6.3.2 Discr´etisation en accord avec la VaR . . . . . 302 6.3.3 Discr´etisation en accord avec la TVaR . . . . 304 6.4 Calcul dans le mod`ele collectif discr´etis´e: Algorithme de Panjer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309 6.4.1 De la difficult´e d’une approche directe . . . . 309 6.4.2 Famille de Panjer . . . . . . . . . . . . . . . . 310 6.4.3 Algorithme de Panjer pour coˆ uts de sinistres positifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312 6.4.4 Algorithme de Panjer pour coˆ uts de sinistre non-n´egatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315 6.4.5 Evaluation des probabilit´es de ruine sur une p´eriode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316 6.4.6 Evaluation de la VaR et de la marge de solvabilit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316 6.5 Evaluation des primes stop-loss . . . . . . . . . . . . 317
460
6.6 6.7
Table des mati` eres 6.5.1 Sch´ema it´eratif de calcul des primes stop-loss 6.5.2 Erreur due a` la discr´etisation . . . . . . . . . Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . .
317 318 321 321
7 Equilibre a ` long terme des r´ esultats de la compagnie323 7.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323 7.2 Mod`ele discret de de Finetti . . . . . . . . . . . . . . 324 7.2.1 Description du mod`ele . . . . . . . . . . . . . 324 7.2.2 Probabilit´e de ruine . . . . . . . . . . . . . . 325 7.2.3 Th´eor`eme de de Finetti . . . . . . . . . . . . 325 7.2.4 Application a` la d´etermination du taux de chargement de s´ecurit´e . . . . . . . . . . . . . 326 7.3 Mod`ele continu de Poisson compos´e . . . . . . . . . 328 7.3.1 Processus de Poisson homog`ene . . . . . . . . 328 7.3.2 Evolution du r´esultat de la compagnie . . . . 334 7.3.3 La probabilit´e de ruine sur horizon infini . . . 335 7.3.4 Lien avec le mod`ele discret de de Finetti . . . 336 7.3.5 N´ecessit´e d’un chargement de s´ecurit´e pour ´eviter une ruine certaine . . . . . . . . . . . . 337 7.3.6 D´etermination de la probabilit´e de ruine sur horizon infini: Formule de Pollaczeck-KhinchineBeekman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 338 7.3.7 Expression explicite de la probabilit´e de ruine sur horizon infini pour la loi exponentielle n´egative342 7.3.8 Comparaison de probabilit´es de ruine . . . . 343 7.3.9 In´egalit´e de Cram´er-Lundberg pour la probabilit´e de ruine a` long terme . . . . . . . . . . 345 7.3.10 Probabilit´e de ruine et martingales . . . . . . 348 7.4 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350 7.5 Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 352 8 Gestion des risques multiples 353 8.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 8.2 Comonotonie et antimonotonie . . . . . . . . . . . . 354 8.2.1 Classes de Fr´echet . . . . . . . . . . . . . . . 354 8.2.2 Bornes de Fr´echet . . . . . . . . . . . . . . . 354 8.2.3 D´ependance parfaite: comonotonie et antimonotonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 357 8.3 Mesures de d´ependance . . . . . . . . . . . . . . . . 361 8.3.1 Concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361 8.3.2 La corr´elation lin´eaire ou corr´elation de Pearson362
Table des mati` eres 8.3.3 8.3.4 8.3.5
8.4
8.5
8.6
8.7
8.8
461
Coefficient de corr´elation des rangs de Kendall 372 Coefficient de corr´elation des rangs de Spearman375 Liens entre le tau de Kendall et le rho de Spearman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377 Comparaison de la d´ependance . . . . . . . . . . . . 381 8.4.1 Ordre de d´ependance . . . . . . . . . . . . . . 381 8.4.2 Comparaison supermodulaire . . . . . . . . . 382 8.4.3 Stabilit´e fonctionnelle des comparaisons supermodulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383 8.4.4 Comparaison supermodulaire et espace de Fr´echet384 8.4.5 Comparaison supermodulaire et fonctions de r´epartition/de queue jointes . . . . . . . . . . 384 8.4.6 Structures extrˆemes de d´ependance au sens supermodulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 385 8.4.7 Comparaison supermodulaire et coefficients de corr´elation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385 8.4.8 Ordre TVaR,= et comparaison supermodulaire 387 Notions de d´ependance positive . . . . . . . . . . . . 388 8.5.1 Concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388 8.5.2 D´ependance positive par quadrant . . . . . . 388 8.5.3 Association . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393 8.5.4 Croissance conditionnelle . . . . . . . . . . . 397 Introduction a` la th´eorie des copules . . . . . . . . . 398 8.6.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398 8.6.2 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 401 8.6.3 Th´eor`eme de Sklar . . . . . . . . . . . . . . . 401 8.6.4 Propri´et´es des copules . . . . . . . . . . . . . 408 8.6.5 Mesures de d´ependance et copules . . . . . . 417 Copules archim´ediennes . . . . . . . . . . . . . . . . 422 8.7.1 D´efinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 8.7.2 Mod`eles de “frailty” et copules archim´ediennes 424 8.7.3 Fonction de survie . . . . . . . . . . . . . . . 425 8.7.4 Fonction de r´egression . . . . . . . . . . . . . 425 8.7.5 Transformation int´egrale bivari´ee . . . . . . . 426 8.7.6 Relations d’ordre pour les copules archim´ediennes428 8.7.7 Etude d’une fonction de deux risques corr´el´es 429 Lois discr`etes multivari´ees . . . . . . . . . . . . . . . 435 8.8.1 Mod`ele a` deux classes de risques corr´el´ees . . 435 8.8.2 Loi de Bernoulli multivari´ee . . . . . . . . . . 436 8.8.3 Mod`ele de Poisson a` choc commun: loi de Poisson bivari´ee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 437
462
Table des mati` eres 8.8.4
Mod`ele de Bernoulli a` choc commun: le mod`ele de Marceau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 438 8.9 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 439 8.10 Notes bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 447
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Bibliographie
L’ouvrage Cet ouvrage en deux tomes entend fournir aux ´etudiants, chercheurs, et aux techniciens de l’assurance (qu’ils soient actuaires, ´economistes, ´econom`etres, ing´enieurs commerciaux, math´ematiciens, polytechniciens, statisticiens ou autre) les m´ethodes permettant de g´erer les grands portefeuilles d’assurance IARD. Il aborde ainsi – les principes de base de la gestion des risques – les m´ethodes de calcul des primes, les mesures de risque et la d´etermination de la marge de solvabilit´e ainsi que du capital ´economique – la corr´elation entre risques assur´es et ses cons´equences – l’´equilibre a` long terme des op´erations de la compagnie – la personnalisation des primes a priori et a posteriori (cr´edibilit´e et syst`emes bonus-malus) – l’´evaluation des provisions techniques – la r´esolution de probl`emes par simulation. Les connaissances requises pour aborder cet ouvrage ont ´et´e r´eduites au strict minimum: il suffit de poss´eder de bonnes bases de math´ematiques, et une maˆıtrise des concepts ´el´ementaires du calcul des probabilit´es.
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Bibliographie
Les Auteurs Michel Denuit Membre de l’Association Royale des Actuaires Belges, diplˆom´e en sciences math´ematiques et en sciences actuarielles, docteur en sciences (orientation statistique) de l’Universit´e libre de Bruxelles. Depuis 1999, il est professeur a` l’Institut de Statistique et a` l’Institut des Sciences Actuarielles de l’Universit´e catholique de Louvain (UCL). Outre l’UCL, il a ´egalement dispens´e des cours `a l’Universit´e de Li`ege, a` l’Institut de Science Financi`ere et d’Assurances de l’Universit´e Claude Bernard de Lyon (France), a` l’Institut National de Statistique et d’Economie Appliqu´ee (INSEA, Royaume du Maroc) et a` l’ENSAI de Rennes.
Arthur Charpentier Membre qualifi´e de l’Institut des Actuaires, Membre de la Commission Scientifique de l’Institut des Actuaires, diplˆ om´e de l’ENSAE (Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique) et de l’universit´e Paris Dauphine. Apr`es avoir travaill´e pour une soci´et´e de bourse, un groupe d’assurance international, puis a` la F´ed´eration Fran¸caise des Soci´et´es d’Assurance, il est Professeur Assistant en Actuariat a` l’ENSAE, depuis 2002, o` u il enseigne les sciences actuarielles. Il enseigne ´egalement a` l’Universit´e Paris Dauphine et a` l’ENSEA d’Abidjan, et est membre du jury de l’Institut des Actuaires a` l’Institut de Statistique de l’Universit´e de Paris (ISUP), a` Dauphine, et a` l’ENSAE.
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