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Acquis du programme Moukawalati Avant d’évoquer les résultats factuels engrangés par le programme Moukawalati, il convient de souligner un point important. Le programme en lui-même est signal fort de la part de l’Etat, qui rompt avec les pratiques héritées des gouvernements qui se sont succédés au Maroc, et qui ont perpétué la politique de la marginalisation envers les jeunes entrepreneurs marocains. Cela est sans aucun doute le plus grand mérite du plan Moukawalati, qui dénote d’une vraie volonté de changement. Depuis son lancement en 2006, Moukawalati a permis d’accompagner un total de 6400 projets, dont 1713 ayant reçus l’agrément bancaire, et quelques 1405 débloqués et autofinancés. En parallèle, le réseau des guichets d'appui à la création d'entreprises et leurs activités (GACE) compte 184 guichets, dont 68 étant créés en renfort courant 2008. Le financement des projets quant à lui est partagé entre les organismes de micro crédit d’une part, et les banques. Etablissement bancaire BCP & Attijari Wafa Bank Crédit Agricole BMCE BMCI
Pourcentage de dossiers financés 69% 12% 10% 9%
Les projets accompagnés sous l’égide du projet Moukawalati sont aussi nombreux que variés. En effet, nous aurions pu nous attendre à une dominance des projets classiques et courants au Maroc, tel les coopératives agricoles et l’artisanat. Il n’en est rien, puisque des projets assez inattendus ont vu le jour grâce au programme, et se portent raisonnablement bien. Les projets Moukawalati incluent : -
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centres de soins esthétiques écoles maternelles garderies ateliers de fabrication de pièces de rechange automobiles usines de fabrication de matériaux de construction projets d’énergie solaire unités d’élevage projets artisanaux coopératives agricoles.
Failles du programme Moukawalati Résolu et déterminé à combattre la morosité et la monotonie qui caractérise l’entreprenariat marocain, le gouvernement mise beaucoup sur le programme Moukawalati. Disposons du recul nécessaire que nous a conféré les quelques années qu’aura duré ce projet, nous pouvons légitimement dresser un bilan objectif et constructif. Le moins que l’on puisse dire est que le programme est loin d’avoir été un succès unanime. Certes, aucun analyste, même des plus optimistes, ne s’attendait à succès retentissant et immédiat. Néanmoins, Moukawalati a porté l’espoir de la jeunesse marocaine et nous étions en droit de nous attendre à des résultats honnêtes et encourageants. Entamons notre énumération des limites et failles dont a souffert Moukawalati par une analyse des documents officiels qui ont émané du ministère de l’Education et de la Formation Profesionnelle, dans un souci d’objectivité et d’honnêteté intellectuelle car, si les responsables étatiques avouent et conçoivent les limites de leur initiative, nous ne pouvons que salué cette démarche qui laisse présager une rectification et une relance effective. Tout d’abord, le diagnostic détaillé du programme ressort un constat qui fera l’unanimité au sein du milieu : la proximité restreinte. En effet, le programme Moukawalati, qui puise sa raison d’être dans la marginalisation dont sont victimes les jeunes entrepreneurs marocains qui résident hors de l’axe Casablanca-Kenitra, tombera dans les mêmes travers qu’il « dénonce ». Pour preuve, plusieurs villes et provinces marocaines ne disposent toujours pas de guichet Moukawalati. De même, et comme prévu, la sensibilisation des agences bancaires fut insuffisante, et le guide pratique Moukawalati ne fut pas respecté. Cette faille nous rappelera le malaise dont souffre l’entreprenariat marocain depuis plusieurs décennies, celui de la non-implication effective du secteur bancaire dans le financement et la concrétisation des projets des jeunes entrepreneurs. En résumé, et comme le ressasse les spécialistes, les banques « ne jouent pas le jeu » et se contente de leur rôle classique et désuet. Rappelons tout de même que certains établissements bancaires se sont démarqués de leurs concurrents en montrant un minimum de bonne volonté. Citons à titre d’exemple la BCP et Attijari Wafabank avec plus de 69% des dossiers. Par construction, les failles précédemment citées ont éloigné les jeunes entrepreneurs marocains du programme. En effet, ces
derniers qui ont été les premiers à saluer l’initiative, se sont vite aperçus du « pétard mouillé », en témoigne la faible affluence enregistrée. Selon Kamal Hafid, directeur de l’Anapec, l’échec relatif est dû aussi bien « à l’image négative dont il a fait l’objet, la limitation aux diplômes qu’à l’esprit d’entrepreneuriat qui fait défaut aux jeune ». Il n’a pas tord. Mr Hafid soulève un point important et pour le moins polémique. Nous avons tendance à omettre le fait que les jeunes sont l’autre partie prenante du programme Moukawalati. Ces derniers sont, à leur tour, loin d’être irréprochable. En effet, l’absence de l’esprit d’entreprenariat semble être la tendance générale, en témoigne le nombre incalculable de projets inviables voire fantaisistes, qui ont été déposés auprès des agences bancaires. Notons que le rapport officiel du projet n’a pas soulevé ce point, et c’est tout à son honneur. Afin d’étayer ces propos, exposons les chiffres et statistiques présentées par le ministère de tutelle, accompagnée d’un résumé des failles et limites du programme : · Pour l'étape pré-banque : 13200 candidats ont été sélectionnés contre 3677 en 2008. · Les projets retenus sont de l'ordre de 7225 contre 1800. · Le nombre des candidats formés est de 6300 contre 1980. · Côté financement, sur les 4133 dossiers présentés aux banques, 1713 ont été agrées et 1405 débloqués et financés contre 473 financés en 2008. · L'objectif pour l'année 2009 est de créer 2000 E/ses, dont 368 dossiers déjà présentés aux banques, et 534 dossiers Efloussy* finalisés. Le diagnostique établit ne se limite pas aux chiffres, il en ressort les remarques suivantes : · La proximité est restreinte : plusieurs villes et villages ne disposant pas de GACE. · Insuffisance de la sensibilisation des banques. · Le guide MOUKAWALATI dispensé aux candidats n'est pas respecté. · La faible affluence du programme dû à son image négative, fruit de la restriction des non diplômés d'en bénéficier.
Malheureusement, le diagnostic officiel est loin d’être exhaustif. Sans vouloir nous montrer pessimiste et alarmiste, d’autres failles viennent noircir un peu plus le tableau. Il existe un décalage étonnant entre l’objectif initial et le résultat final. Il faut dire que l’objectif initial relève de l’irréalisme et de l’utopie. Comme le souligne Adnane Bouaaoui dans ses mémoires « Création d’entreprises au Maroc : cas Moukawalati », les moyens disponibles, qu’ils soient financiers, logistiques ou humains sont en complète inadéquation avec les objectifs tracés. De même, les projets sont incohérents et ne s’alignent aucunement avec la conjoncture internationale et l’état actuel de l’économie nationale. Aussi, nous notons un manque d’encadrement et d’accompagnement des candidats porteurs de projets. Un autre problème, qui demeure un fléau de toute initiative au Maroc, concerne bien évidemment la lenteur et la complexité des procédures administratives. Enfin, citons ces chiffres éloquents qui résument à eux seuls les difficultés qu’a rencontré le programme Moukawalati avant la relance : - Seuls 1743 dossiers ont été approuvés parmi 4000 déposés. - « La garantie de 15% du crédit accordé par l'Etat, est un réel frein à la réalisation, puisqu'on note un grand retard lié au déblocage des fonds, alors que les banques l'exigent avant de parapher les dossiers, il faut attendre 5 à 6 mois parfois. Et les charges s'alourdissent, chose qui pousse bon nombre de jeunes promoteurs à abandonner leurs projets. » Adnane Bouaaoui.