Styles Vestimentaires [PDF]

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CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE CASUAL CHIC? Temps de lecture : 11 minutes

Publié par Romain Rousseau le 1 octobre 2016181 Mis à jour le 9 avril 2020 NDLR : cet article a été revu et actualisé par Lucas en mars 2020. "Casual chic". Deux mots que tout le monde connaît, pourtant leur association n’est pas toujours limpide. Qu’est-ce donc que ce damné casual chic que l’on voit partout ?

(Photo by Victor VIRGILE/Gamma-Rapho via Getty Images) Dans les magazines, les campagnes de pub, les forums, le casual chic est partout. Il a infiltré le vestiaire masculin il y a plusieurs décennies mais demeure dépendant de tendances  : la définition du casual, et surtout du chic, évolue selon les modes et les époques ! Dans les années 90, il s’agissait de porter un blazer aux épaules gigantesques sur un tee-shirt bariolé. Dans les années 2000, c’était chemise/cravate portées avec un jean et des baskets montantes. Comment s'y retrouver dans tout ça ? C'est justement ce qu'on va voir 😉 Note : Vous vous demandez ou acheter des pièces casual chic ? On vient de sortir notreguide ultime des marques, qui est une compilation de toutes les marques préférées de l'équipe BonneGueule, souvent peu connues, au rapport qualité/prix avantageux. Il y en a plus de 380, et elles sont triées par budget et par type de pièce pour simplifier la lecture. Bref, un condensé de pépites et de bons plans en 8 pages, acquis en 10 ans de pratique. Cliquez-ici pour qu'on vous l'envoie dans la minute (il est gratuit !).  

See ? Casual ! "CASUAL CHIC" : QU'EST-CE QU'ON ENTEND PAR LÀ ? 1. CASUAL ? "Casual" fait référence au vestiaire décontracté dans son ensemble. Bermudas d’été, chinos en gabardine, joggings en flanelle ou sneakers basses en toile : tout ce qui sort d’un registre formel trouve généralement sa place sous l’étiquette casual. Ce qui définit ce type de vêtement n’est donc pas lié à son esthétique, à sa fabrication, ni même à sa qualité mais presque exclusivement à sa destination, son usage. 2. CHIC ? Le "chic", lui, est un peu plus difficile à définir. Ce qui est chic pour certains peut ne pas l‘être pour d’autres, quoique sa proximité avec la notion d’élégance, plus consensuelle, le rende relativement objectif. Par exemple : on peut difficilement faire plus chic que le costume... et difficilement mieux le porter que Jon Hamm.

(Photo by Jason LaVeris/FilmMagic) Si le costume a tendance à mettre tout le monde d'accord, la notion de chic est sujette à évolution en fonction des tendances et de la mode, comme nous le disions plus haut. Le costume des années 80 n’a assurément pas la même coupe que celui des années 2010, par exemple.

Fin des 80's : cette campagne montre bien les proportions de rigueur à l'époque. Crédits : Versace Si on va un peu plus loin dans cette exploration du chic, on note que de rares pièces traversent les époques en l'incarnant de manière invariable. C’est le cas, par exemple, de la veste Chanel pour les femmes. En ce qui nous concerne, le smoking ou le complet trois pièces restent des incontournables, bien que le cintrage et le padding suivent des modes et évoluent... Je pense aussi au polo, dont les coupes évoluent très peu contrairement aux tee-shirts et aux chemises, mais qui conserve toujours une certaine allure. 1

Le polo des années 30 n'a pas pris une ride... Crédits : Lacoste. Cette petite digression nous permet de bien planter le décor du style casual chic, et il est par ailleurs intéressant de partager nos visions sur ce type de sujet. N’hésitez pas à réagir dans la rubrique "commentaires" ! Mais entrons maintenant dans le vif du sujet : nous verrons ce qu'est en substance le casual chic avant de voir comment le construire à partir de basiques et de pièces un peu plus fortes.  LE STYLE FACILE PAR EXCELLENCE ? 1. DE NOMBREUX AVANTAGES... Hybride par essence, le casual chic ne manque pas d'atouts : 

Il sera accepté et reconnu dans votre entourage, même par des novices. Vous avez plus de chances de recevoir les compliments de votre belle-mère en portant un ensemble blazer/jean qu'en ninja techwear vêtu de noir (même en exécutant le look de la meilleure manière possible)



C'est un style qui est très rassurant pour les débutants, car il y a peu de risques de "polarisation négative". C'est donc un bon moyen d'appréhender le vêtement sans perdre en confiance en soi



Son équilibre est très clair, à la fois masculin ET élégant ET décontracté. Il y a donc une certaine souplesse : on peut pousser le curseur vers l'élégant ou le décontracté, en jouant sur les chaussures par exemple. C'est d'ailleurs l'une des cordes sur lesquelles joue Alessandro Michele chez Gucci avec ses "mules".

(Photo by Walter McBride/WireImage) 

Car justement, le casual chic laisse une grande liberté de choix niveau chaussures : sneakers, derby, desert boots, chelsea boots... Les possibilités sont nombreuses (allez mettre une paire de derby dans un style streetwear, ça va être compliqué).

(Photo by Gilbert Iundt; Jean-Yves Ruszniewski/TempSport/Corbis/VCG via Getty Images) Sauf à être Ben Johnson, tâchez tout de même de rester raisonnables ! En règle générale, la base de ce courant est bien le casual, que l’on agrémente de pièces habillées. L’inverse, qui consisterait à partir d’une tenue habillée pour lui intégrer des éléments informels, est plus rare car éloigné de l'esprit de base. Même si ce n'est pas impossible !

Remplacer le pantalon par un chino et les souliers par des derby suédées offre un équilibre soigné. 2. POINT DE VIGILANCE : GARE À L'ÉCUEIL DE LA TENUE TROP FADE ! Sa simplicité peut aussi être source d'inconvénients et d'erreurs que je dois aborder : 

L'erreur la plus commune, déjà abordée sur BonneGueule : la tenue trop fade. Une veste grise, une chemise blanche, un jean brut et des souliers noirs, ça ne fait pas rêver. C'est même plutôt austère. Dans ce cas précis, vous avez intérêt à mettre de l'accessoire (pochette, bracelet) et à porter des chaussures un peu plus travaillées. Bref, attention à la tenue trop sérieuse, trop propre !

(Photo by Edward Berthelot/Getty Images) 

C'est un style tellement confortable qu'on risque de ne jamais dépasser les basiques. Ce n'est pas un problème en soi, c'est juste dommage de passer à côté de l'incroyable richesse du vêtement masculin, cette partie du voyage où on commence vraiment à s'amuser.

Intéressez-vous également à votre motivation : choisissez-vous ce style par sécurité (tout à fait normal au début) ou véritablement par envie ? 3. UNE AFFAIRE D'ÉQUILIBRE Le plus important lorsque l'on souhaite se construire une tenue réside dans l'équilibre entre le formel et le décontracté. C'est ce contraste de base que vous devez retenir. Plus vous poussez les deux curseurs de chaque côté, plus le look sera fort.

Ici, le costume sort totalement de son habitat naturel mais le contraste est heureux. Forcément, les associations deviendront plus audacieuses et risquées, mais c'est là que le talent et le goût de la personne s'expriment pleinement, de manière unique et relativement à sa personnalité. Vous le savez quand vous dites du style de quelqu'un "Il n'y a que lui qui peut porter ça, et ça lui va parfaitement.". Un costume porté avec des sneakers et une chemise n'est pas casual, de même qu'un jean et un teeshirt portés avec des double-boucles ne sont pas habillés. Le résultat peut être élégant à souhait, stylé, réussi, super, fabuleux... Tout ce que vous voulez, sans pour autant pouvoir parler de casual chic : c'est bien en cela que la notion d'équilibre est essentielle. CONSTRUIRE UN LOOK CASUAL CHIC HOMME À PARTIR DES BASIQUES 1. TRAVAILLER AUTOUR DU TEE-SHIRT Le tee fait partie de votre quotidien, notamment en été, donc il serait dommage de s'en priver. Étant très décontracté, il va falloir l'assortir à des éléments beaucoup plus formels. Et on peut commencer par le porter avec une veste !

(Photo by Mark R. Milan/GC Images) L'association blazer/tee est beaucoup plus simple à réaliser qu'il n'y paraît et est en train de se démocratiser. Évidemment, pas question de tomber dans le look à la Ardisson. Il suffit d'opter pour une veste qui peut avoir des épaules à la coupe assez naturelle, un tee blanc, un pantalon lisse/un peu habillé et une paire de chaussures décontractée. La température ne permet pas toujours de porter un blazer, et il n'y a rien de pire que de porter une couche de trop lorsque le mercure monte. On enlève donc la veste et on choisit un pantalon vraiment habillé pour équilibrer la décontraction du haut. À pinces, à plis, en flanelle : partez sur un modèle dans lequel vous êtes à l'aise. Le haut pouvant être plus coloré que si vous portiez un blazer, il vous faudra accorder le pantalon. Bleu marine et beige, vert gazon et gris... n'hésitez pas à trancher entre le haut et le bas.

(Photo by Neil Mockford/GC Images) Ici, le tee-shirt poche plaquée et les Vans ramènent le pantalon dans le giron du casual. 2. LE JEAN BRUT, FACILE À ASSORTIR On peut commencer par une version mi-saison, où le jean est rehaussé d'une chemise à motifs avec les manches retroussées. Elle peut être à pois, verte, rouge, ou même en daim ! Peu importe, l'idée étant d'équilibrer la très grande sobriété du jean avec un haut plus coloré, plus "racé". On n'oublie pas de le roulotter de quelques centimètres en bas pour plus de décontraction, et de partir sur des souliers habillés. Le tour est joué ! Il y a vraiment de très grandes possibilités avec cette option, donc n'hésitez pas à vous lâcher.

Le jean brut étant la pièce tout-terrain par excellence, on le retrouve évidemment dans le casual chic. Pour rester dans les basiques, il suffit de s'orienter vers une chemise formelle, à accessoiriser avec une cravate ou un noeud papillon. Dans ce cas de figure, les sneakers ou ceintures de couleur sont à propos, l'objectif étant de donner un peu de pep's à la tenue. Faites-vous plaisir sur ce point, les couleurs sont des éléments incontournables du casual chic !

3. LE BLAZER BLEU MARINE, UN ALLIÉ FIDÈLE Lumineux et plus sympa que sa version noire, le blazer navy est un autre de vos basiques à intégrer dans une tenue casual. Chemise blanche ou bleu marine, chino beige et sneakers blanches : facile et efficace ! Parce que les éléments qui la composent sont des incontournables du vestiaire masculin, cette tenue est devenue assez courante... mais il y a d'autres façons de la détourner.

Si vous êtes plutôt svelte, une marinière sous un blazer épaissira subtilement votre silhouette. Notez que la chemise ouverte casse le formalisme de la pièce. Si vous aimez les blazers, il va falloir très rapidement choisir des pièces visuellement plus fortes, aux couleurs ou aux textures plus marquées.

Ici, un blazer suffisamment simple pour être porté avec une chemise à motifs. Enfin, on voit de plus en plus le short se faire une place dans les tenues habillées. En haut, on part donc du blazer pour envisager plusieurs options. Avec une chemise habillée ou en lin, on choisira un short sans pli assez court, qui apportera l'esprit casual. Avec un polo ou un tee-shirt sous la veste, on préférera un short un peu plus habillé pour garder un bon équilibre. Sneakers en toile, derby ou même espadrilles, et voilà, un look frais et stylé !

(Photo by Catwalking/Getty Images) Bien qu'intéressant stylistiquement, le costume-short reste très expérimental. LES PIÈCES PLUS FORTES POUR DES LOOKS PLUS STYLÉS Si la maîtrise des basiques est indispensable, il ne faut cependant pas s'enfermer dans une sobriété lassante. Porter un beau jean brut avec une belle chemise blanche, c'est bien ; mais en matière de mode masculine, il y a bien plus à exploiter. Je ne parle même pas des inspirations de défilé, mais simplement de quelques pièces un peu moins courantes que ces basiques portés toute l'année.

(Photo by Victor VIRGILE/Gamma-Rapho via Getty Images) Le casual chic selon Dolce&Gabbana (S/S 20) peut servir d'inspiration mais n'est pas à copier tel quel... Autre exemple : pantalon blanc et veston sont des éléments très intéressants à intégrer dans une tenue. Faites fi de la mauvaise réputation des bas blancs : ce n'est pas parce que certains se l'approprient d'une manière catastrophique qu'il faut renoncer à s'en servir à votre manière pour être stylés. Voici d'ailleurs quelques indications pour vous en sortir avec élégance et raffinement, en oubliant jamais cette idée d'équilibre entre habillé/décontracté. 1. LE PANTALON BLANC, ATOUT DU CASUAL CHIC N'hésitez pas à piocher dans le passé, comme ici chez François Maugard (1967).

(Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images) Souvent décrié, le pantalon blanc est pourtant une pièce maîtresse du casual chic. Principalement en été, mais pas que, il a ses fervents adeptes. Officine Générale en a fait une pièce culte, en selvedge s'il vous plaît. La coupe est primordiale : attention à l'effet parachute. Portez-le avec une chemise en chambray aux manches retroussées, que vous pourrez éventuellement rentrer dedans : ça marche à tous les coups ! Et bien sûr, il y a l'option polo : très élégante et 100 % dans l'esprit casual chic. J'insiste vraiment là-dessus, débarrassez-vous des a priori sur cette pièce pratique, robuste et très élégante.

Crédits : Suitsupply. Niveau souliers, il est préférable de partir sur des derby, mocassins ou double-boucles. Les sneakers risquent de déséquilibrer le style vers le côté casual et l'intérêt ne serait plus le même. En matière

d'accessoires, c'est le moment de sortir vos belles ceintures, tressées ou non. Pourquoi pas même votre panama, comme à Rolland Garros ! 2. LE VESTON : UNE SOLUTION POINTUE MAIS REMARQUABLE

Les bracelets, la pochette et le col ouvert ôtent au veston ses allures formelles. Je vous l'accorde : son usage n'est pas des plus simples mais il vaut le coup de l'envisager malgré tout. Le résultat me semble mériter le détour en tout cas. Retenez qu'un jean - simple -, une chemise - basique - et un veston - sobre - vous donneront une allure très stylée mais décontractée. Réfléchissez-y : l'objectif ici est de donner envie, de susciter la curiosité et d'apporter un peu d'inspiration. En prenant son temps, aucune raison de ne pas réussir à sortir un look vraiment, vraiment élégant. Pour les chaussures, faites ce qu'il vous plaît : tennis unies, brogues ou Richelieu devraient très facilement trouver leur place. LES CHAUSSURES DANS LE CASUAL CHIC : UN RÔLE PRIMORDIAL Vous avez vu passer les sneakers, brogues, double-boucles et derby, soient les modèles privilégiés d'un style habillé mais casual. Leur importance est capitale : ce sont vos chaussures qui finiront le look, l'orientant davantage vers un côté ou l'autre 1. LES SNEAKERS QUI ENCANAILLENT

Une paire de sneakers à la fois polyvalentes et stylées. Crédits : National Standard Les sneakers se portent aisément avec des pièces formelles comme le pantalon à plis ou même le blazer, dont elles cassent le formalisme. Toutes ne font cependant pas nécessairement l'affaire. Au risque de me faire brûler en place publique, je dirais que les Air Max, Stan Smith et autres runnings en néoprène s'intègrent mal dans une tenue casual chic, bien que l'on croise souvent ce type de chaussures avec blazers & co. Personnellement je préfère des tennis basses, en cuir ou en toile selon vos envies, blanches ou de couleur ! 2. LES SOULIERS QUI ANOBLISSENT Ci-dessous, Billy Porter et Adam Smith sont chaussés de manière à illustrer deux extrêmes du soulier "casual chic compatible".

(Photo by Chance Yeh/WireImage)

Les derby et double-boucles s'accordent bien avec des pièces plus casual cette fois, qu'elles formalisent juste ce qu'il faut. Si on veut aller plus loin dans le mix habillé/décontracté, on peut partir sur des modèles en cuir suédé, avec - pourquoi pas - une semelle colorée. Plus difficile à assortir (il faut faire matcher les couleurs) mais aussi plus sophistiqué et personnel ! Jean brut, chino, short : amusez-vous. Les Richelieu seront plus rares en casual chic parce que trop habillées, trop formelles si on pense aux versions classiques. Le choix reste vaste par ailleurs !

Jolie, mais compliquée à porter en casual chic... Crédits : Crockett & Jones. LE STYLE CASUAL CHIC POUR HOMME, EN BREF Par essence, ce style est la rencontre de deux univers différents, ce qui offre un large choix. Ajoutez à cela la possibilité de pousser le curseur d'un côté ou de l'autre : vous disposez de possibilités immenses. Il connaît également son lot de variétés grâce aux changements respectifs que connaissent les courants "casual" et "chic". En revanche, bien qu'il soit raisonnable de rester prudent au début, prenez garde à ne pas tomber dans des looks fades et sans personnalité. À mesure que votre style se construira, tournez-vous vers des pièces plus élaborées pour donner du relief à vos tenues. Les accessoires et les couleurs tiennent également un rôle important dans cet enrichissement. Tout ça n'est qu'un jeu dans le fond, alors amusez-vous !

CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE BUSINESS / TAILORING ? Temps de lecture : 11 minutes

Publié par Vianney le 6 mars 201663 Mis à jour le 2 mars 2017 Vous vous êtes déjà demandé pourquoi, en 10 ans, les vestes se sont raccourcies de 20 centimètres et pourquoi nos silhouettes semblent avoir tant fondues ? La tradition du tailoring 1 échappe aux aléas de la mode. C'est sûrement pour ça que votre grand-père a su conserver sa prestance d'années en années avec une veste en tweed qui a pu vous paraitre tantôt normale, tantôt trop longue et trop large pour lui Le tailoring c’est à la fois un artisanat, celui des maîtres tailleurs, et une quête de l’élégance classique propre à chaque homme. Mais c’est en tant que style vestimentaire que nous l’étudierons. Je veux dire par là que vous pourrez adapter le tailoring à vos goûts, et le mélanger à d’autres influences (les puristes vont hurler, mais tant pis !).

Pas d'inquiétude, on ne vous demandera pas d'arriver jusqu'à ce niveau de "personnalisation". Le tailoring utilise des pièces intemporelles et toujours élégantes comme des vestes, des chemises, et des pantalons autres que des jeans (pantalons en laine froide, en flanelle, ou en corduroy). Vous vous en doutez : pas de jeans semi-slims, de sneakers ou de tee-shirts ici. En revanche, des pièces plus rares s’inviteront à la fête, comme la veste en tweed que tout bon gentleman porte à la campagne. C'est aussi le cas d'accessoires un peu oubliés comme les pochettes et les boutonnières.

Une très belle couleur de veste atténuée par des couleurs claires. LES PRINCIPES DE L'ART SARTORIAL Deux facteurs principaux peuvent expliquer la pérennité du style tailloring. Le premier est la connaissance quasi mathématique de la silhouette humaine et des différentes coupes. Le second est d’être codifié selon des règles bien définies. Je m’explique ! Ce sont, tout d’abord, les mêmes pièces qui reviennent : veste, chemise, pantalon. De plus, la palette de couleurs est limitée, principalement composée de blanc, de bleu et de gris, plus quelques tons de marron saupoudrées de touches de couleurs plus vives. Loin de limiter la créativité, ces règles et ces palettes de couleurs bien définies permettent d’exprimer une infinité de nuances, de dégradés, et de motifs. Pour vous donner une idée, on trouve littéralement des centaines de nuances de gris, sans compter toutes les possibilités qu'offrent les différents tissage. Une laine froide convient bien pour un tweed par exemple.

Une belle flanelle grise de chez Husbands. C’est un style qui s’adresse aux hommes en quête d’une vraie élégance (qui peut être aussi discrète et surannée que flamboyante et moderne). Mais aussi à ceux qui aiment les matières nobles et le travail d’artisanat fait en amont. La tendance et le streetwear sont deux mots totalement bannis ici. S'il existait une devise du style tailoring : « À chacun son vêtement idéal, peu importe la mode ». LES CRITÈRES POUR BIEN CHOISIR UN COSTUME POUR HOMME Il y a de nombreux critères pour trouver le vêtement idéal. On joue sur toutes les dimensions possibles d'une pièce pour trouver la parfaite adéquation avec la morphologie de son porteur. 

Pour une veste, il y a un vrai questionnement sur le cintrage, la largeur des épaules et la longueur de la veste.



Pour un pantalon, on se pose mille questions sur sa longueur, sa largeur aux cuisses et son ouverture à la cheville, ou encore sa hauteur de taille.

Les croquis sartoriaux représentent souvent de manière fine et amusante le fossé pouvant séparer les tenants des coupes classiques des hommes au goût plus "contemporain", laissant le lecteur juge. Crédits : croquissartoriaux.tumblr.com

Ce questionnement se retrouve aussi dans la conception et les finitions. Pour une veste, on s'attarde sur la largeur et la longueur des revers, le montage et le travail aux épaules, la présence ou non d'une poche poitrine, le nombre et l'emplacement des boutons, etc. Enfin, on s'intéresse au motif qui contribue à définir la silhouette : rayures, carreaux ou chevrons, dans de multiples déclinaisons.

La forme et la largeur des revers, le nombre de boutons, le dessin des poches sont autant de détails subtils qui permettent de changer l’allure d’une veste.

LES DÉTAILS HAUT DE GAMME DU TAILORING Pour ceux qui veulent monter en gamme, voici ce à quoi vous devez vous attendre si vous avez un peu de budget d'au moins 400 € pour une veste par exemple, mais il est facile de monter beaucoup plus ! DE BELLES MATIÈRES En effet, si le tissu vous semble complètement banal, ce n’est pas la peine. Attention, cela suppose que vous sachiez à quoi ressemble un tissu banal et complètement fade... Prenez également le réflexe de regarder la composition de l’étiquette, il ne doit y avoir que des matières naturelles (laine, un peu de cachemire, etc.), à part pour la doublure.

Costume Wicket laine/cachemire semi-entoilé, un bon costume milieu de gamme. Des boutons soignés, et non un vulgaire plastique. Ils peuvent être en corne ou dans des matières moins classiques comme le bois. DE BEAUX DÉTAILS DE CONFECTION Pour qu'un costume soit vraiment durable, il vous faut au moins du semi-entoilé, qui donne un meilleur tombé à la veste. Des boutonnières très propres et parfois ouvertes. Plus vous descendez en gamme, et plus les boutonnières sont bâclées, parfois réduites au strict minimum. Par contre, quand vous montez en gamme, elles sont bien nettes et souvent avec un léger relief. Encore une fois, ne faites pas une obsession maladive sur ces petits détails. La coupe, la matière et la couleur restent les éléments sur lesquels vous devez être intransigeant.

À l'origine, la boutonnière contrastante était réalisée par les tailleurs traditionnels, sur demande du client. Or aujourd'hui, on les trouve surtout sur les marques de prêt à porter d'entrée de gamme, pour duper le client qui associe encore ce détail à un costume de bonne facture. Ce n'est pas un gage de qualité en soi. ART TAILLEUR ET MORPHOLOGIE « À chacun sa morphologie, à chacun son vêtement ». Pour vraiment tirer parti du style tailoring, il vous faut identifier de manière précise et réaliste votre type de morphologie, et surtout la manière dont vous voulez la mettre en valeur. Cherchez-vous à vous grandir ? À paraître plus costaud ? Ou, au contraire, à atténuer votre silhouette longiligne ? QUELQUES CENTIMÈTRES DE PLUS...

Pour vous grandir (et vous amincir), il vous faut de la verticalité : cela passe par les motifs (rayures verticales), les finitions (des revers longs et fins), la construction (une emmanchure haute et des manches fittées), ou encore l'assortiment (un bas et un haut d'une couleur proche, reliés par une ceinture sobre, pour ne pas créer une ligne de rupture et donc d'horizontalité dans la silhouette).

Le costume rayé agrandit et affine la silhouette. Crédits : pinguimo.com ET POUR UN PHYSIQUE PLUS COSTAUD...

Au contraire, pour sembler moins grand ou plus costaud, recherchez l'horizontalité à travers les motifs (chemises et cravates à lignes horizontales), les accessoires (pince à cravate, pochette), la construction (revers larges et courts), les couleurs, et les ajustements que vous pouvez effectuer vous-même comme les ourlets ou le stacking .

Les motifs et les rayures horizontales ajoutent de l'épaisseur et du volume, parfait pour les physiques longilignes. Crédits : pinguimo.com L'ART SARTORIAL, UN PROJET À LONG TERME Imaginez votre garde-robe comme un tout cohérent, somme de pièces intemporelles toutes dévouées à mettre en valeur votre morphologie et pouvant répondre à n'importe quelle situation, de la plus formelle à la plus détendue. UNE PENDERIE DURABLE Abandonnez la logique consumériste de l’achat à court terme, revenez aux habitudes de vos grandsparents en achetant des pièces qui vous dureront des années. Aussi bien en termes de qualité que de finitions. Bien sûr, vous pourrez tout de même utiliser ces pièces dans des tenues modernes, n’oubliez pas de mélanger les styles.

Deux tenues costume-sneakers. La première est assez réussie avec une petite touche orange vif. La seconde est plus risquée puisque le col relevé du polo fait clairement "exagéré". LA QUALITÉ SE CACHE DANS LES DÉTAILS Sachez identifier les signes oubliés qui distingueront une pièce de prêt-à-porter d'une pièce de tailleur comme nous l’avons vu pour la veste. Le travail des finitions est aussi important : des poches à rabats sont plus coûteuses à faire, surtout si elles sont boutonnées. Attention également au nombre de coutures par centimètre et à la qualité des coutures intérieures. Le fin mot de l'histoire : plus une pièce est coûteuse, plus ses signes de qualité sont subtils.

À première vue, rien n'indique que ce costume bleu marine provient d'une des marques de prêt-àporter les plus chères au monde : Kiton. Crédits : ParisianGentleman LES VÊTEMENTS INTEMPORELS Enfin, faites le tri dans votre garde-robe et identifiez ces classiques indémodables du vestiaire masculin : une veste bien coupée, ni trop longue ni trop courte 3, à deux ou trois boutons. De la même manière, bannissez ces chemises hyper cintrées, en matières synthétiques importables l'été. Idem pour les cols montants à trois boutons. Pour les pantalons, évitez les coupes farfelues type carotte (sauf si vous avez les cuisses vraiment très musclées et la taille fine), drop crotch et skinny ; investissez dans des pantalons en laine sobres, choisis sur des tons anthracites ou bleu marine. Pour taper dans l'excentricité, visez les motifs Princede-Galles. Il est possible de pousser la décontraction un peu plus loin avec un costume en lin, mais cela suppose qu’il soit impeccablement bien coupé et que vous ayez une garde-robe solide derrière...

Un beau costume en lin, ça existe (costume Husbands ici), mais vous devez être intransigeant sur la coupe, et avoir une grande maîtrise des couleurs claires. Ce nʼest clairement pas le genre de pièces à porter avec un jean brut ! LE STYLE TAILORING, POUR QUEL TYPE D'HOMME ?

Le style tailoring s'adresse à ceux qui évoluent dans un environnement très codifié et formel. Il sera parfait si vous évoluez dans le monde de la finance ou du conseil. Il faut alors différencier deux choses : 

le style tailoring hors contexte professionnel strict (pantalon et veste dépareillés par exemple)



le style tailoring tel que vous l’imaginez, à savoir un costume impeccable, et les petits accessoires qui vont avec.

Il y a une marque qui s’attache à illustrer parfaitement ce style, il s’agit de Husbands, dont le vestiaire va illustrer nos propos :

Pantalon et veste de couleurs différentes, ce qui a pour effet de casser « lʼeffet costume », tout en restant très élégant. La cravate de couleur apporte une touche colorée bienvenue. On obtient un style tailoring qui conviendra à ceux qui adorent les vestes et les chemises formelles, mais qui ne souhaitent pas porter le costume chaque jour. Veste, chemise, cravate et pantalon Husbands.

La même veste mais avec le pantalon assorti, ce qui forme un costume deux pièces classique. Ne vous laissez pas impressionner par la taille haute du pantalon car c’est bien plus confortable, et c’est la coupe de base d’un pantalon de costume. Veste, chemise, cravate et pantalon Husbands. RESPECTER LES CODES IMPLICITES Attention toutefois, votre position hiérarchique vous permettra plus ou moins d'excentricité. N’en abusez pas face à un patron assez conservateur.

Pour calibrer correctement votre tenue, vous pouvez jouer sur plusieurs variables : couleurs, motifs et accessoires (boutons de manchettes et pochettes, souvent réservées aux cadres seniors de l'entreprise). Geoffrey s’est même retrouvé un jour à travailler dans un cabinet de conseil où les bretelles étaient le seul apanage du dirigeant, toute tentative d’en porter aurait été extrêmement mal interprétée.

Laissez votre patron être le seul à s'habiller comme un patron, ça lui fera plaisir. Apprendre les codes offre plusieurs avantages : maîtriser une notion de proportion étrangère à la mode mais adaptée à votre morphologie (car la bonne coupe est indispensable dans ce style, bien plus que suivre une tendance). Vous développerez aussi un sens inné des jeux de motifs, pour créer des contrastes subtils qui mettront en valeur vos tenues. Vous assurerez également la pérennité de votre garderobe en choisissant des pièces intemporelles, qui vous dureront des années grâce à une qualité de fabrication dont vous aurez sur reconnaître les signes les plus subtiles. C'est une étape indispensable par laquelle il faut passer à un moment ou à un autre, un peu comme le solfège en musique : le tailoring donne un cadre sain sur lequel appuyer son style. SAVOIR S'ADAPTER AU CONTEXTE Cependant, un beau costume formel ne trouvera pas sa place dans des contextes plus détendus. Par exemple, si vous êtes encore étudiant, lycéen ou que vous travaillez dans un environnement plus casual (créa, graphisme, etc.), les gens autour de vous risquent de ne pas comprendre « à quoi vous jouez ».

On ne rigole pas avec les règles de la décontraction ! Crédits : http://croquissartoriaux.tumblr.com/ La nature des pièces sera trop sérieuse et trop décalée par rapport à votre environnement, et les notions de proportions intemporelles y resteront incomprises. Une veste d'une longueur normale passera, par exemple, pour vieillotte. Appliquez seulement certains principes de base pour avoir une silhouette autant mise en valeur que possible, cela vous évitera déjà d'avoir le même hoodie Celio aux rayures extra larges que votre voisin de classe. LA QUESTION DU BUDGET

Vous serez forcément limité en termes de budget : acheter la veste que vous porterez encore à 30 ans vous coûtera cher, et ce n'est pas une préoccupation que vous devriez avoir tout de suite si vous n'avez pas de revenus fixes. Tâchez simplement de réduire les dépenses superflues et mettez le cap sur des pièces peu coûteuses, mais pérennes en termes de style, des pièces indémodables comme un pantalon en flanelle gris moyen par exemple.

Ignatius Joseph, un des hommes les plus élégants du Pitti, sait doser classicisme et originalité (ici la couleur rouge). Le combo blazer bleu - pantalon gris est la base de la base ! Pratiquez aussi la logique du 80 / 20 : une belle chemise que vous porterez souvent sera bien plus précieuse que quatre chemises que vous porterez rarement, sans réel plaisir. Armé de ces quelques règles, vous aurez une longueur d'avance pour choisir votre premier costume pour vos stages et entretiens. Il vaut mieux se faire plaisir en achetant une très belle chemise que vous allez porter souvent et qui va durer, plutôt que d’acheter trois ou quatre chemises qui ne vous plaisent que moyennement.

Si vous adorez vraiment le style preppy, pourquoi pas se faire plaisir avec la chemise en oxford historique de chez Brooks Brothers ? LE PASSAGE DE LA QUALITÉ À LA QUANTITÉ Pérennité rime aussi avec durabilité. Au-delà de cette harmonie parfaite entre conception et morphologie, on va aussi chercher une vraie qualité de fabrication. Cette culture de la qualité a disparu avec l’essor de la société de consommation : l'homme contemporain possède cinq costumes achetés en grande surface, fabriqués en usine, avec une durée de vie de quelques années tout au plus. Nos grands-parents, eux, n'avaient qu'un seul et même costume, porté tous les jours sans faillir mais commandé au tailleur du coin qui le réalisait avec dévotion et sans compromis pendant plusieurs semaines : un vrai amour du travail bien fait. Cette qualité authentique et sans artifices se caractérise par un raffinement discret : 

une veste entoilée ;



des boutonnières à la main ;



une milanaise ;



des boutons en corne ou encore un feutre cousu main.

Ce sont des détails de connaisseurs, mais jamais ostentatoires. C’est ce qui rend d’ailleurs ce style tant apprécié des amateurs de belles choses intemporelles.

Le prince Charles est considéré comme un des hommes les plus élégants au monde. Ici, dans un costume croisé estival. Remarquez le pli aux manches qui renvoie aux plis du pantalon, un twist discret et audacieux.

Quelques décennies plus tard, toujours la même coupe de costume, quelques couleurs vives ça et là. Trouver son style, c'est garder la même silhouette, quelle que soit la tenue. Credit: Daniel Deme/WENN.com COMMENCER EN DOUCEUR Concernant ces indicateurs de qualité, je ne peux que vous recommander de les aborder avec un certain recul. Tout le monde n’a pas forcément les moyens de se payer un costume entoilé à 1600€. Si vous êtes limité financièrement et que le haut de gamme vous est inaccessible, privilégiez deux choses. 

la coupe, elle doit évidemment mettre votre corps en valeur sans exagération, mais là je ne vous apprends rien,



la couleur, ça ne sert à rien d’acheter une veste onéreuse si elle est noire (pas de noir dans votre garde-robe, sauf les très belles pièces ou le costumes dédié aux enterrements)

Tant pis pour les boutonnières montées à la main et l’entoilage en crin de cheval. Ce sera pour quand vous aurez un peu plus de budget. Si, par exemple, vous avez 200 € de budget, ne faites pas l’impasse sur une veste bien coupée à la jolie couleur simplement à cause de ses boutons en plastique là où vous auriez voulu des boutons en corne 2.

Ici, un costume Anthony Garçon tout à fait correct, un des meilleurs rapports qualité prix en costume d'entrée de gamme avec une bonne laine Vitale Barberis Canonico. Si vous êtes étudiant et qu'il vous faut un premier costume pour un stage, vous êtes particulièrement concerné et n’aurez d’autre choix que d’aller dans du prêt-à-porter d’entrée de gamme. ALORS EN PRATIQUE, COMMENT COMMENCER LE STYLE TAILORING ? LA VESTE Tout commence par la veste, brique de base. Elle sera au début bleue ou grise, afin d’être sûr de pouvoir la porter facilement. La matière sera de la laine, et c’est tout. Sachez que la flanelle de laine (laine avec un aspect doux et un peu poilu) donne un aspect très élégant à une laine. En dessous de cette veste, une chemise claire, souvent blanche ou bleu très pâle. Vous vous distinguerez grâce à une belle cravate. À ce propos, les cravates tricotées sont souvent sous-estimées, alors qu’elles apportent un cachet qui tranche avec la banale cravate en twill de soie.

Une veste bleue classique twistée par une cravate en tricot. Cette couleur passera mal au bureau !   LE PANTALON Le pantalon est la pièce qui peut facilement poser problème, tant il y a des saisons où l’offre est inégale et peu fournie chez les marques. Mais depuis quelques temps, une offre plus colorée revient (grenat, brique, bordeaux, turquoise, vert d’eau ou bleu canard). Je ne peux que vous encourager à essayer ces nouvelles couleurs, combinées avec une veste de couleur très neutre.

Et vous verrez que très facilement, ces teintes ajouteront une touche des plus sympathiques. Du côté des marques, c’est vraiment au cas par cas, mais la plupart des marques proposent des pantalons sobres en fonction des collections. Citons quand même COS qui s’inscrit dans la régularité avec des pantalons en laine intemporels, ou Gant Rugger, ligne casual de Gant, qui a un vestiaire très sympathique si vous aimez le style tailoring.

Ce genre de détail ne se trouve que sur les pantalons sur-mesure très hauts de gamme. Crédits pinguimo.com Pensez enfin au sur-mesure, pas nécessairement des plus coûteux si vous choisissez bien votre taille. L'ASSEMBLAGE L’assemblage de toutes vos pièces est relativement simple, car les chemises et les pantalons sont souvent neutres. De ce fait, vous pourrez très facilement placer une cravate tricotée rouge vif avec une veste travaillée. Les chaussures, la pochette et éventuellement une paire de chaussettes colorées achèveront une tenue avec des pointes de couleurs.

À vous de jouer !

TRAITÉ DE STYLE : COMPRENDRE LE « SOFT TAILORING » Temps de lecture : 17 minutes

Publié par Nicolò Minchillo le 4 janvier 202134 "Soft Tailoring". Que ce soit en vidéo ou dans nos articles, vous nous avez sans doute déjà pris en flagrant délit d'anglicisme +, lorsque nous avons employé ces deux mots. Peut-être même que vous vous êtes dits : "Oh-la-lah, ils sont un peu snob avec leurs termes là... Qu'est-ce que c'est que ces histoires de "vêtements tailleurs doux" ? Ils peuvent pas juste parler de style habillé ?" Eh bien non, détrompez-vous ! Si l'on peut douter à première vue de l'utilité de créer des sous-genres stylistiques, il faut comprendre qu'ils relèvent d'un besoin, d'une nécessité d'employer des termes précis. On emploie ce terme parce qu'il désigne parfaitement une certaine esthétique qui a fini par devenir incontournable pour quiconque souhaite à la fois vivre avec son temps, et maintenir une certaine élégance dans ses tenues. LA MUE DE L'ÉLÉGANCE POUR ASSURER SA SURVIE Le mot "élégance" est important ici : sans aller jusqu'à le définir en me lançant dans une thèse qui serait plutôt destinée à un épisode de Sapristi +, je soulignerais juste que l'élégance n'est qu'une conception du style parmi tant d'autres, et qu'il y a de nombreuses façons d'être "stylé" ou "bien habillé" sans véhiculer ce qu'on entend en général par le mot "élégance".

Ce qui est certain, c'est que l'idée "d'élégance", ce mot qu'on remplace parfois par "chic" ou "classe" +  n'a plus la position hégémonique qu'elle a pu avoir par le passé. De nos jours, on peut "être trop chic". On peut "être trop classe". "Over-dressed", comme on dit en anglais, "sur-habillé". Je dirais même que pour l'amateur de fringues, à moins de se balader en pyjama ou d'être carrément négligé, c'est un risque beaucoup plus tangible que d'être "trop décontracté".

Par l'excellent Croquis Sartoriaux. Bon c'est caricatural, mais en vrai, ne pensez vous pas que l'homme de droite soit perçu comme plus "normalement" habillé que celui de gauche ? Et j'irais plus loin encore, en disant que selon moi, l'élégance est une idée qui en irrite plus d'un(e) de nos jours, parce qu'elle est associée à des idées de castes, de classes sociales, de perfectionnisme visuel, d'engoncement, de formalisme, de pouvoir... Des idées qui paraissaient beaucoup plus "naturelles" par le passé qu'aujourd'hui. +

Il est donc logique que le style qui ait été le plus identifié comme "élégant", à savoir, le style "tailleur" + ait perdu de son caractère universel. Alors, tel un animal sous la pression d'un environnement hostile, le tailoring opère une évolution. Lentement, son code génétique se modifie au fil des générations, et l'espèce s'adapte pour survivre. 

Oui. Vous m'avez bien lu. Je pense on peut vraiment voir ça d'un point de vue quasi-darwiniste, si ce n'est que la mode évolue beaucoup plus vite que la biologie. Si ça peut vous aider, imaginez le tailoring comme un petit oiseau chatoyant ou un papillon rigolo. Même le monde des affaires, de la finance et du droit, qui étaient vus comme les derniers habitats naturels du Tailoringus Sartorius  +  ont progressivement, décennie après décennie, assoupli ses codes, à tel point qu'on peut se demander s'il y survivra encore longtemps sous une quelconque forme.

Encore et toujours Croquis Sartoriaux, qui, en une seule image, résume souvent les idées les plus alambiquées (mais très justes) au sujet du vêtement. Avec le bouleversement des valeurs (morales comme esthétiques), le tailoring tend à se défaire de son cocon de "hard tailoring", autrement dit, du vêtement tailleur plus classique : un cocon fait d'épaule structurées, de matières lisses et sobres, de lainages lourds au tombé droit... Bref d'une allure statutaire et formelle.

N'oubliez pas qu'au tout départ, l'ancêtre du style habillé contemporain, c'est le style Victorien qui débute fin XIXème. A la fois si proche, et si loin des canons actuels... Ne vous méprenez pas : en tant qu'amoureux du vêtement, j'apprécie de nombreux styles, et le tailoring classique trouve grâce à mes yeux, lui aussi. + Mais voilà, puisqu'on ne parle pas de me goûts personnels ici mais de la société, il est indéniable que cette mue transforme le papillon Tailoringus Sartorius  espèce nouvelle,Tailoringus Softus, qui

est mieux à même de voler sur les vents actuels : la nonchalance, le confort, une touche de subversivité +... Autant d'idées, de principes vestimentaires qui viennent "équilibrer" ce que le monde d'aujourd'hui reproche à l'élégance d'antan. Dit très simplement, le soft tailoring, c'est une approche parmi d'autres pour rester "chic", sans avoir l'air guindé, et c'est ce qui le fait rentrer dans la gigantesque famille des styles dits "casualchic". Maintenant que vous savez le "pourquoi", de ce style, nous allons pouvoir scruter plus en détail les principes esthétiques à travers lesquels il s'exprime. LES QUATRE PILIERS DU SOFT TAILORING Concrètement, le soft tailoring, c'est quoi ? Selon moi, c'est un style qui se repose sur quatre piliers, quatre idées qui dictent la direction générale du style tout entier : de la façon dont son pensées les pièces pour leur confort, jusqu'à leur esthétique, en passant par le choix des matières, et la façon de les combiner entre elles. 1. SOUPLESSE D'abord, la souplesse. C'est le pilier principal, celui qui donne son nom au style + Elle s'oppose à la "structure", à la rigidité, l'angulosité.  Elle répond aussi bien à l'exigence de confort des hommes de nos jours + qu'au besoin de paraître "moins guindé". On ne cherche pas juste à "être" confort dans ses vêtements, par praticité : le confort fait partie de l'esthétique elle même, il doit se ressentir en regardant le porteur évoluer dans ses vêtements. UNE CONSTRUCTION SOUPLE On passe donc d'épaules plus construites et structurées à des épaules dites "soft" voire même "déconstruites".

Construction "soft" (Ring Jacket chez Beige Habilleur)

Construction structurée. Pas "soft". (Costume Bespoke Huntsman) Sur les manteaux, on voit aussi des épaules dites "raglan", qui ajoutent plus de décontraction. Les vestes et les manteaux favorisent des constructions semi doublées, voire non doublées. Cela aide autant à favoriser le mouvement visuel des pièces, qui suivent leur porteur, qu'à leur procurer un confort réel. Lorsque la gamme de prix et la qualité le permettent, l'entoilage utilisé pour les vestes et les manteaux est plutôt souple que ferme. L'AMPLEUR Jordan a dédié un billet tout entier au sujet de l'ampleur, dans lequel il fait son éloge. Personnellement, j'ai une position moins affirmée que lui à ce sujet, mais une chose est certaine : pour laisser la souplesse s'exprimer, un minimum d'ampleur est nécessaire dans les coupes. Je le redis pour être bien clair : un MINIMUM d'ampleur.

Yasuto Kamoshita montre très bien l'idée d'une ampleur maîtrisée : juste assez pour laisser les matières s'exprimer, mais le corps du porteur reste présent. C'est à dire que rien ne vous oblige à avoir des pantalons avec des ouvertures de jambes assez larges pour y loger deux (ou trois) mollets +, mais vous ne pourrez pas exprimer cette souplesse manifeste, ce mouvement, si vos vêtements collent trop à votre peau. DES MATIÈRES FLUIDES Cela va de soi, la souplesse passe non seulement par le type de construction des pièces, mais par le matériau même dans lesquelles elles sont réalisées. Que ce soit sur une veste, un manteau, ou un pantalon, on choisira des matières qui se meuvent aisément plutôt que des tombés rigides, comme vous en auriez sur un manteau militaire, un caban, ou un pantalon en twill épais.

Fluidité, souplesse, douceur, tout y est sur ce look Deveaux de l'hiver dernier (crédits : Vogue) Lorsque c'est possible, le soft tailoring exprimera même une préférence pour les matières (discrètement) extensibles... Mais pas forcément "ultra stretch". Ne serait-ce que parce que le stretch à haute dose a plutôt pour effet de faire se resserrer les matières, tels des élastiques, que de les assouplir. Cette extensibilité passe également par l'utilisation très fréquente de la maille, y compris sur des pièces où l'on attend plutôt du tissage. + On voit donc fleurir les polos et polo-chemises là où l'on s'attend à des chemises classiques. Les pulls se glissent sous les vestes. Les vestes elles-mêmes, et parfois même les manteaux, peuvent être réalisées en maille et non en tissu.

Le manteau en Yak que nous avons proposé l'hiver dernier chez BonneGueule, réalisé en maille, illustre très bien l'idée. 2. DOUCEUR Ensuite, vient la douceur, qui est l'autre sens que l'on peut donner au mot "soft". C'est une douceur à la fois tactile et visuelle.  Elle complète la souplesse, notamment à travers ses matières.

DANS LES MATIÈRES Velours côtelé, flanelles, cotons grattés, mélanges avec de d'alpaga, du chameau, ou du mohair pour donner des textures duveteuses, velues ou moelleuses aux tissus et aux mailles...

Typiquement, sur notre manteau en laine Alpaga, on est sur de la pure matière "soft tailoring" : aérée, souple mais chaude, avec un aspect légèrement "velu" que donne l'alpaga.

Mais ça va aussi jusqu'à utilisation du cuir suédé, de la crêpe et de la gomme souple pour les semelles des chaussures plutôt que des semelles cuir ou d'inserts gomme rigide. VIA LES MOTIFS ET TEXTURES La douceur visuelle s'exprime aussi via des matières chinées, moulinées. Lorsque ce sont des motifs, comme un carreau ou une rayure, on préfère des motifs dits "fondus", ou "ombrés" plutôt que des motifs qui tranchent net. VIA LES COULEURS Pour ce qui est des assemblages de couleurs, on note une prévalence des camaïeux et des dégradés pour un sentiment d'harmonie dans les couleurs, plutôt que des contrastes marqués.

Un assemblage que j'ai réalisé l'hiver dernier, qui illustre à la fois ce qu'est un motif fondu (pantalon), un camaïeux (marron-beige-écru), et des textures douces. La préférence va à des tons "naturels", comme les kakis, les verts olive, les nuances de marron, mais aussi aux coloris dits "neutres, comme les beiges et  les écrus, et éventuellement aux bleus (l'éternel couleur qui est partout)... Les couleurs criardes, bien qu'elles aient leur utilité ailleurs + brisent l'harmonie visuelle élégante et discrète du soft tailoring.

Une palette de couleurs dite "naturelle". Ce sont des couleurs que vous retrouveriez un peu partout dans la nature. 3. NONCHALANCE C'est le pilier un peu plus difficile à définir par rapport aux trois autres, car il est contre-intuitif Le soft tailoring, par sa filliation au "casual-chic", se veut hybride dans sa conception.L'idée n'est pas nécessairement d'en faire une panoplie complète (qu'on appelle aussi "le total look"). Ce n'est pas un vestiaire codifié, doté d'une origine historique et géographique précise, que l'on peut attribuer à une culture délimitée, comme vous le verriez dans un livre sur l'Histoire du style Ivy League ou sur "l'American-Traditional" japonais. + Non, le soft tailoring, c'est plutôt un des nombreux styles contemporains qui sont le produit de l'ère post-mondialisation et post-numérique, où le consommateur a potentiellement accès à tout ce qui se fait un peu partout, autant pour passer commande que pour s'inspirer, et peut envisager de mêler des influences avec aisance. Faire du soft tailoring, c'est, dès le départ, tenter de faire cohabiter différents registres et genres. L'apport d'influences extérieures est donc bienvenue et même nécéssaire. Elle sera facile à mettre en oeuvre avec une bonne maîtrise de l'harmonie des couleurs, des coupes, et d'un certain sens de la modération. Le paradoxe est donc le suivant : si vous sélectionniez uniquement des pièces de "Soft Tailoring" pour réaliser un look de ce même sous-genre... Vous finiriez sans doute juste un peu trop "tailoring" pour être assez "soft" dans le mélange des genres. Vous voyez l'idée ?

Ce pantalon DeBonneFacture à lui seul n'est pas "soft tailoring". Mais il irait très bien s'insérer dans une tenue qui en est, puisqu'il reprend certains "piliers" (souplesse, douceur, nonchalance). Notons aussi que si l'on prend la question dans l'autre sens, il est souvent assez facile d'intégrer des pièces de soft tailoring dans une tenue d'un autre registre. On dira qu'on la "réhausse" pour la rendre un peu plus habillée (à l'aide d'un pantalon, d'une chemise, d'une veste, de chaussures...). Il suffit d'éviter les plus formelles d'entre elles. Concrètement, ça s'exprime par :  

Un détournement des codes du tailoring pour leur donner un côté plus informel : un pantalon cargo en flanelle, utilisation de sneakers minimalistes, pantalons jogpant habillé, fermetures de pantalons plus originales et travaillées, un jean blanc là où on attendait un pantalon clair...

Un pantalon cargo habillé, en flanelle de laine ivoire par Claudio Mariani. Typique de l'art qu'ont les italiens pour proposer des pièces qui surprennent en restant élégantes. 

Ça passe aussi par des petites choses toutes bêtes qui rendent des pièces formelles plus décontractées : exemple type, une cravate en maille plutôt qu'une cravate classique.

Si vous ressentiez l'envie de porter une cravate, la choisir texturée serait un bon moyen de rester "soft", particulièrement en la prenant en tricot. (Cravate Berg & Berg par Diplomatic Ties) 

Bien-sûr, on n'hésitera pas à piocher librement dans la partie dite "plus sport" + du registre sartorial , telle que les sahariennes ou les teba jackets. On se permet les détails plus casual de celui-ci, tels que les pièces ceinturées, les poches plaquées...

4. ELÉGANCE Le cintrage est toujours de mise. Les coupes d'une certaine netteté et précision morphologique (ni oversize ni slim), sont toujours de mise. De même que les manteaux, les vestes, les pantalons à pinces, les cols roulés, les gilets, les souliers... Bref pour ce pilier, soulignons l'évidence par acquit de conscience : pour que le style "Soft Tailoring" ne s'appelle pas juste "Le Soft", il faut bien qu'il se base en grande partie sur des pièces d'origine tailleur. Voilà un exemple de soft tailoring "pur jus" par le photographe et influenceur Milad Abedi.   LE SOFT TAILORING, DE LA TÊTE AUX PIEDS Maintenant que nous avons évoqué la "philosophie", ainsi que les principes visuels qui animent ce style, on peut aller encore plus dans le concret. Et je pense que le meilleur moyen de l'illustrer est de vous montrer, pièce par pièce, certaines des options vestimentaires qui lui donnent vie. 1. MANTEAUX Les manteaux soft tailoring se veulent chauds, souples et toujours assez longs afin d'exprimer ladite souplesse. Il n'est pas rare qu'ils soient dotées de détails tels que de grandes poches plaquées, des ceintures qui créent un effet "peignoir" (tout en soulignant habilement la taille du porteur), ou des martingales dans le dos.

Manches raglan, souplesse apparente du cachemire, ceinture, volumes généreux... Pas de doutes, ce manteau Kired rentre dans la définition du Soft Tailoring. Les épaules à manches raglan, sont assez fréquentes également.

Ce pardessus droit à manches Raglan Grenfell au motif inspiré de la chasse fonctionne bien notamment grâce à la couleur. Notez l'éternel combo beau manteau + gros col roulé. 2. VESTES Pour les vestes, on ne peut pas y couper : pour qu'elles rentrent dans le registre du soft tailoring, l'épaule DOIT être souple ou déconstruite. Une épaule très structurée peut être du plus bel effet, mais elle s'associe difficilement avec toute l'esthétique que nous décrivons dans cet article.

Un exemple de costume complet pile dans les canons du soft tailoring, par A.B.C.L. Notez le détail de la courbe des revers, en lieu et place d'une ligne droite, qui accentue la douceur. Les poches plaquées seront légion, les revers seront plus souvent à cran "sport" + qu'à cran aigu (aussi appelé "en pointe").

Pour du dépareillé : une collab Caruso x Franz Boone Store x Fox Flannels. Sobre, et souple dans l'allure. En fait, tout ce qui permet de décontracter la veste habillée est bon à prendre, car aux côtés des chaussures, c'est sans doute l'élément d'une tenue qui dégage le plus de formalisme. Vous pouvez même tenter quelque chose de moins évident : le "costume velours côtelé". Personnellement, ce n'est pas mon goût, mais ça commence à gagner un peu en popularité, et on peut arguer que c'est une façon comme une autre de "dédramatiser" le costume.

Par Altea Milano. Notez qu'entre la forme des poches, la matière, et le nombre de boutons, seul le revers permet encore d'identifier cette veste comme une variation de veste de costume. Dans certains cas, les vestes habillées seront même des vestes en maille. 

Cette veste Camoshita est certes croisée, et son épaule est relativement structurée... Mais son étoffe en maille dégage une décontraction apparente qui la rend du coup très "Soft".

Encore plus évident ici pour cette Lardini en maille. Notez que ces vestes sont souvent à trois boutons, pour compenser la structure moindre qu'offre la maille par rapport au tissu. Enfin, au printemps et à la mi-saison, les pièces tailoring qui tiennent leurs origines de la chasse, de la campagne ou du militaire, telles que la Teba Jackets et Sahariennes, sont particulièrement adaptées si vous voulez quelque chose qui se trouve à mi chemin entre le manteau léger et la veste (autant esthétiquement qu'en terme de fonctionnalité).

Une Teba Jacket Justo Gimeno, chez Beige Habilleur. Elle se distingue d'une veste habillée classique par ses poches, principalement.

Une saharienne ceinturée Lopez Aragon. Parfaite au printemps. 3. HAUTS C'est sans doute la zone la plus "vague" pour le soft tailoring. De nos jours, n'importe quelle chemise avec un col relativement généreux est déjà perçue comme très formelle aux yeux du grand public. Et en même temps, si vous avez bien saisi les principes expliqués plus tôt, et les avez appliqués aux autres pièces, vous devriez avoir le champ libre quant au type de chemise que vous voudrez insérez dans vos tenues. Une seule mise en garde : évitez les cols de chemises très rigides, ils risquent de mal s'harmoniser avec la souplesse des autres pièces. Le col button-down souple est une valeur sûre, même si d'autres options peuvent s'envisager. Les choix des motifs ou des couleurs relèvent plus du sujet général de la chemise que de considérations spécifiques au soft tailoring. Mais dans le doute : faites simple plutôt que compliqué. 

Un bel oxford, du col button down souple et bien proportionné, et c'est à peu près tout. (Par A.B.C.L.) Cependant, la chemise n'est pas la seule option : pour pousser encore un peu le vice de la décontraction, de la souplesse et de la douceur, la "polo-shirt" (ou le polo manches longues, c'est selon), est également une option qui se glissera facilement sous vos vestes. Si vous optez pour celle-ci, veillez quand même à être particulièrement vigilants sur deux points : l'association des couleurs, et l'harmonie des proportions du col avec la veste qui vous porterez dessus.

Une polo-shirt G. Inglese. Avec son col, elle tient autant de la chemise que du polo et pourrait même permettre une cravate. Ce sont des points à surveiller peu importe la chemise ou le haut bien-sûr, mais le côté un peu "hybride" du polo-manches longues porté en guise de chemise interroge déjà le regard... La prudence est donc de mise.

Ce modèle de chez Barbanera fait un peu plus "polo manches-longues", quant à lui. La texture et la couleurs sont intéressantes, mais insistent sur le côté "tricot". Plus décontracté, donc. 4. MAILLES Ici, pas besoin de passer par quatre chemins : quelle que soit la maille que vous ayez sous la main, à moins que ça ne soit un sweatshirt (et encore... dans certains cas, ça se défend.), le soft tailoring est fait pour l'accueillir.  Bon, il y a tout de même quelques cas précis où je pense que ça marcherait moins bien : un pull à col camionneur zippé, un pull marin avec le boutonnage sur une épaule, un hoodie... Et encore que, pour chacun de ces exemples, on peut imaginer un ou deux assemblages où ça pourrait passer. Bref, la maille fait bon ménage avec ce style. Cependant, il y a deux cas spécifiques sur lesquels j'aimerais attirer votre attention.

Premièrement, le col roulé : parce que son col montant amène une structure visuelleassez comparable à celle d'un col de chemise fermé, le col roulé se combine particulièrementbien avec les vestes habillées et les manteaux. Historiquement, cette combinaison n'a eu cesse de gagner en popularité depuis le milieu du siècle dernier, si bien que j'hésitais même à la mentionner ici, tant elle est devenue une évidence, non-spécifique à un seul style.

Astuce : il est plus facile de s'amuser en ayant quelques mailles plus fortes pour des manteaux sobres que quelques manteaux forts pour des mailles sobres. (Col roulé Inis Meáin) Deuxième cas spécifique : la veste en maille. Oui, nous l'avons déjà vue plus haut, mais je voudrais vous montrer que certaines vestes en maille sont plus des vestes, et d'autres plus des mailles. Un boute-en-train aurait même osé dire que certaines sont des "mailles en veste". Et il n'aurait pas tort.

Cardigan ou veste croisée ? Ou les deux ? Ce modèle de chez Roberto Collina mérite son titre de "maille en veste". (Chez Elevation Store)

Ici, une version "grosse maille" par Maurizio Baldassari. (Chez Baltzar) 5. PANTALONS Il y a deux façons d'approcher le pantalon dans le cas du soft tailoring : soit votre tenue est déjà assez chargée en décontraction, via la veste, le haut, les chaussures, et toutes les petites astuces que vous aurez pioché ici. Auquel cas, je recommande simplement de partir sur un pantalon assez classique, adapté à la saison et dont la couleur s'harmonisera avec le reste. Il peut être bon de lui donner ce rôle de support, de valeur repère d'élégance sur lequel on peut bâtir quelque chose d'un peu plus osé. Soit votre tenue est à la fois assez classique, et minimaliste. Auquel, cela peut aussi être lui qui pimente la tenue via un design plus singulier. Soyez avertis cependant, cela demande un peu plus d'adresse. Si je dis "classique ET minimaliste", c'est parce qu'un pantalon plus créatif, dans un style "classique mais très affirmé" risque de détonner un peu trop. +

Un jogpant en flanelle par Sartoria Corrado. Fonctionnera bien en soft tailoring si le reste de la tenue est assez basique.

Même constat pour ce pantalon blanc en velours côtelé (toujours Corrado). C'est le genre de pièce qui permet d'enfiler une simple maille rentrée dans le pantalon, et d'avoir déjà une tenue "forte". 6. CHAUSSURES Enfin, parlons de chaussures. A mes yeux, il est compliqué d'énoncer une règle générale qui désigne certaines paires comme assignées à un style plutôt qu'à un autre. Car les chaussures ont deux particularités que les autres pièces n'ont pas. D'une part, c'est un des éléments les plus classiques d'une tenue. Que ce soit le mocassin, la bottine, le richelieu, la brogue, la derby... Il est rare qu'une chaussure ne soit pas dotée d'un design vieux de plusieurs décennies. En matière de chaussure, on n'invente pas grand chose, et quand on essaye vraiment d'aller chercher l'originalité, il est très difficile de créer le consensus. D'autre part, la chaussure est plus souvent un élement qui donne le ton d'une tenue, ou à minima, qui suit l'allure générale de celle-ci, plutôt qu'un élément qu'on utilise pour lui donner "un twist".

Le mocassin belge, actuellement remis au goût du jour par (l'onéreuse) marque Baudoin & Lange est un chouchou des amateurs "d'élégance facile". Tout est une question de jauger correctement le niveau de formalisme ou de décontraction de votre ensemble, et de trouver une paire qui le respecte. Aussi, je vous suggèrerais tout simplement de vous référer à notre guide du style de la chaussure. Concernant le cas particulier du soft tailoring, on peut quand même retenir trois choses : 

Le suédé est souvent bienvenu.



La sneaker s'envisage, pour peu qu'elle soit minimaliste, et que la tenue penche plus fortement vers le "soft" que le "tailoring".



Les classiques revisités avec des semelles plus décontractés se prêtent bien au jeu.

Mais la priorité reste de choisir des chaussures cohérentes avec le reste, peu importe que cela implique d'utiliser ces "gimmicks" ou non.

Ces brogues derby en nubuck à la couleur particulière et à la semelle crêpe sont tout à fait dans la philosophie d'un style "soft". A titre personnel, j'ajouterais que la bottine, sous toutes les formes qu'on peut lui trouver (Jodhpur, Chelsea, Brogue, Zippée, et même Combat Boot ou Workboot si elles ne sont pas trop massives et brutes de décoffrages), est une piste qui mérite d'être explorée. LES MARQUES LES PLUS "SOFT TAILORING" : On remarque, sans grande surprise, que c'est un marché largement dominé par des marques italiennes. Et pour cause : la souplesse et la fluidité, tant dans les constructions (pensez aux fameuses "épaules naturelles", aux "spalle camicie" napolitaines) sont depuis longtemps des composantes importantes du tailoring italien, surtout dans le Sud de l'Italie. + ENTRÉE / MILIEU DE GAMME 

Massimo Duti



Suitsupply

HAUT DE GAMME 

A.B.C.L



BonneGueule (Eh oui ! Nous avons pas mal d'influences, mais celle ci est clairement importante chez nous)



Lopez Aragon

TRÈS HAUT DE GAMME



Lardini



Camoshita



Stoffa



Barena Venezia



Altea Milano



Doppiaa



Ring Jacket



De Bonne Facture



Massimo Alba



Berg & Berg

LUXE / ULTRALUXE 

Brunello Cucinelli



Loro Piana

BONUS : MAILLES ET PANTALONS Parce que le Soft Tailoring se repose aussi sur de la très belle maille et des pantalons travaillés, je vous suggère d'aller voir du côté de nos recommandations de marques de maille , ainsi que de lire mon article "Compendium" qui recense les types de fermetures de pantalons originales , ainsi que les marques où les trouver. NOTE SUR LE PRIX DES MARQUES J'ai eu tout à fait conscience, tout au long de l'écriture de cet article, de mettre en avant des marques haut de gamme, voire très haut de gamme, aux prix dissuasifs pour la majorité des consommateurs. N'y voyez surtout pas une volonté de ne vous conseiller que des choses chères, car c'est plutôt le résultat d'une contrainte tangible : les marques dont la direction artistique est 100% basée sur ce style et qui l'illustrent le mieux sont, très souvent, chères.  Pourquoi ? Parce que les marques de soft tailoring se construisent autour de notions de style aussi spécifiques et délimitées que celles que l'on a décrites et début d'article. Elles s'adressent donc à une clientèle avec un goût bien précis, ce qui la place de ce faitsur une niche de marché. Et les niches, dans le monde du vêtement, coïncident souvent avec des prix plus élevés, adressés à une clientèle moins nombreuse, plus exigeante, et donc en toute logique, prête à payer plus cher. Qu'il s'agisse de ce style ou d'un autre, c'est d'ailleurs ce que vous constaterez à chaque fois que vous aurez des exigences stylistiques très précises : sur le papier, vous ne chercherez pas forcément des pièces qu'il serait techniquement impossible de produire à des coûts modérés.

Exemple extrême d'une recherche ultra-spécifique : cardigan col châle croisé et ceinturé par Gran Sasso. Trouver un équivalent en entrée de gamme pourrait s'avérer ardu... Mais dans les faits, vous aurez du mal à trouver votre bonheur en deçà du haut de gamme, parce que les prix milieu et entrée de gamme s'alignent plus souvent avec des partis pris qui intéressent le plus grand nombre. Dans le cas précis du Soft Tailoring, on peut ajouter c'est aussi un style qui s'appuie fortement sur des matières très travaillées et précieuses, donc coûteuses. Sans elles, le "Soft Tailoring" ressemble souvent juste à du "tailoring décontracté" plus commun. Cependant si ce style vous plaît, rien ne vous empêche, si vous êtes débrouillards et patients, d'aller chercher ça et là les pièces qui y correspondent, sans nécessairement passer par des marques qui en font leur direction artistique à part entière. + Le but de l'article de vous faire saisir l'essence de ce style pour que vous vous l'appropriiez, pas de vous donner du "prêt à acheter". 😉

QUELQUES COMPTES INSTAGRAM POUR VOIR DU SOFT TAILORING : En plus des comptes instagram des marques mentionnées plus haut, vous voudrez sans doute voir quelques uns des pratiquants de ce style à l'oeuvre. (Ne vous attendez pas à ce que leurs photos reflètent exclusivement les concept décrits dans l'article : ce sont des individus avec des goûts divers et variés, pas des lookbooks humains.) 

Milad Abedi : photographe de mode (notamment du Pitti Uomo) et influenceur. Remarquez que vous ne le verrez jamais dans une tenue sans porter une touche de beige ou de marron.



Gerardo Cavaliere : fondateur de Sartoria Giuliva et homme de goût. Les looks de sa femme et ses photos de famille sont au moins tout aussi inspirants que lui.



Yasuto Kamoshita : Avec un K, cette fois, car la marque (quasi) éponyme et son créateur se partagent le même Instagram. Un maître en la matière.



Nicola Radano : un napolitain qui a du style. L'approche est souvent plus "funky", autant dans les couleurs que les idées, que ce que j'ai décrit dans l'article. Et tant mieux !



Shuhei Nishiguchi : le petit favori Nippons des influenceurs "menswear". Il a une préférence manifeste pour les épaule de vestes déstructurées. Il est très éclectique, mais on sent qu'il s'appuie sur des bases telles que nous les avons décrites ici.



Nami Man : un de mes préférés pour son look entre le soft tailoring, le militaria, et le workwear.



Nicolò Minchillo : Non...? BON, ok ok... C'est mon propre compte Instagram, et je poste une fois tous les 36 du mois. Mais je vous le promets : un jour, il y aura de belles tenues de soft tailoring dessus. Et régulièrement.

QU'ADVIENT-IL DU SOFT TAILORING EN ÉTÉ ? Après la lecture de cet article, vous remarquez sans doute deux choses : d'une part le "Soft Tailoring" (du moins tel que je l'ai présenté ici) est un style très centré sur l'hiver et la mi-saison. D'autre part, vous avez sans doute vu que les marques les plus soft tailoring opèrent une certaine mue stylistique entre leurs collections d'hiver et d'été. En effet, un de ses piliers, celui de la douceur, est beaucoup plus compatible avec des matières hivernales. Et le manteau est peut-être l'élément le plus emblématique du soft tailoring, parce qu'il est par nature enveloppant et fluide. Tandis que le lin, le coton, le chanvre, la ramie, et les textures plus aérées de l'été ont toujours des mains plus sèches, et un aspect visuel plus rugueux. Leurs tombés sont aussi plus "craquants" que fluides. Mais encore, l'été appelle à l'utilisation de couleurs plus lumineuses, voire même plus éclatantes pour ceux qui sauraient les maîtriser, alors qu'on a vu jusqu'ici que le soft tailoring jouait plutôt sur une douce harmonie visuelle. Résultat ? Ce n'est plus tout à fait la même chose.

Le soft tailoring en été se mue donc en une autre forme encore... Que je qualifierais plutôt de "cool tailoring". Toujours souple et confortable, toujours élégant. Mais peut-être encore plus nonchalant, plus enhardi par l'énergie des beaux jours, et avec plus d'aspérités. ... ET N'Y A-T-IL QU'UN SEUL "SOFT TAILORING" ? Soyons clairs, et faisons preuve d'honnêteté intellectuelle : tout au long de l'article, je vous ai proposé des définitions, des idées, mais aucune d'entre elle n'est gravée dans le marbre. Ce que je vous ai montré ici, c'est MA vision de ce qui représente le mieux, selon moi, le soft tailoring dans tous ses aspects, poussé à son paroxysme. + On peut très bien s'en inspirer, et ne chercher que la douceur visuelle, ou uniquement la souplesse des constructions et des silhouettes, ou les couleurs... D'ailleurs, si l'on prenait le temps de se poser la question, on décèlerait plein d'autres sous-genres du casual-chic, qui auraient tous pour point commun d'avoir des racines dans le style habillé, et de le mêler à d'autres styles aux origines moins formelles : le "Rugged" + Tailoring qui mêle des influences de chasse, de moto, ou de militiaria à la Fortela, du "Dark Italien" à la Transit Uomo qui joue à la fois sur une image de luxe et de bohème, du tailoring d'inspiration Preppy et Ivy League, comme chez Drake's ou Bastong, du tailoring "country" qui mise sur des pièces typées "gentleman farmer" comme vous en auriez chez Walker Slater ou Thomas Farthing... Tous mériteraient de voir leurs philosophies et leurs esthétiques qualifiées, expliquées, et vulgarisées. Et tous sont, en quelque sortes, diverses itérations de cette mue qu'entreprend le style habillé dans notre ère. Mais ce sont d'autres sujets pour une autre fois 😉

CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE WORKWEAR ? Temps de lecture : 11 minutes

Publié par Vianney le 30 octobre 2015183 Mis à jour le 17 janvier 2017 Vous connaissez Moscou ? Pas Moscou, Russie, avec ses Zil noires, ses gros mafieux en chapka et les autres produits typiques qu’y recherche l’Occidental, comme les femmes et la vodka. Non ! Moscou, Idaho, 24.000 âmes sous l’égide d’un pasteur propriétaire d’une chaîne populaire de télévision, et où l’équivalent local de la vodka aux herbes est le mauvais whisky distillé en douce par Cassidy, dans l’arrière salle de son bar. Accessoirement, c’est là aussi que vit Fok Yan-Leung, l’administrateur de StyleForum, le plus gros forum dédié (majoritairement) au workwear sur le net et sans doute une des sommités sur le sujet. Tous les types qui portent du workwear ne sont donc pas des hipsters écolos et chevelus !

"Hipster ? C'est quoi un hipster ?" Leung s’inspire des grands classiques de l’histoire américaine - le Far West et les professions ouvrières jusque dans les années cinquante. Car le workwear est un style d’une réelle simplicité, donc facile à maîtriser, il s’adapte à la plupart des morphologies avec ses coupes de vêtements pensées pour rendre à l’aise. RÉSURGENCE DU STYLE WORKWEAR Bien qu’il ait toujours été plus ou moins là - le style bûcheron est le style sans prise de tête par excellence - il connaît depuis 2008 une énorme résurgence, notamment à cause de la crise : les gens se mettent à acheter des vêtements plus durables. Les américains diraient "honestly crafted". Alors que la plupart des mouvements de mode avaient, jusqu’ici, une visée esthétique plus que pratique, on assiste à un rejet des tendances métrosexuelles de ces dernières années. Et même à une volonté de retrouver une “virilité perdue” un peu idéalisée dont le workwear est l’expression parfaite.

Silhouette longiligne, matières rares, héritage glam-pop. Le workwear est aux antipodes de ce qu'a initié Hedi Slimane chez Saint Laurent. Crédits Saint Laurent Printemps Eté 2015 Cet héritage (on appelle d’ailleurs ce type de marques des “marques héritage” - heritage brands en Anglais) remonte à quasiment aussi loin que l’esprit américain lui-même. Une des figures mythiques les plus connues de l’Old West est Paul Bunyan, une sorte d’archétype de bûcheron canadien : chemise à carreaux en flanelle, bonnet de grosse laine, bretelles, jean selvedge et workboots épaisses dans le genre de celles que produit Red Wings. Le parfait hipster donc, à part qu’il fait six mètres de haut et trimballe un taureau bleu presque aussi gros que lui, répondant au doux nom de Babe.

Paul Bunyan - Crédit Jack Brummet Illustration BRÈVE MISE EN PERSPECTIVE Pour bien comprendre les racines du workwear et l'importance du monde ouvrier outre-atlantique, on va faire un petit détour sociologique, accrochez vos ceintures et en avant !

George Dumézil, un des plus grands mythologues du siècle dernier, explique que toute société est organisée selon trois grandes fonctions, chacune ayant un rôle fondamental : 

le prêtre assure la nourriture spirituelle de la société



le guerrier la protège et maintient l'ordre



l’artisan la nourrie, protégé par le guerrier, etc.

On peut très bien connaitre cinquante langues et oser le revers de pantalon comme M. Dumézil. L’artisan est toujours à la base de la pyramide, il répond à un besoin essentiel (manger), mais sans la dimension guerrière ou religieuse. Or la société américaine fut édifiée après la modernité et l'abandon de cette structure traditionnelle. L’artisan s’est retrouvé en haut de la pyramide et sa figure finit par investir l'ensemble des rôles. Une civilisation de travailleurs, d’entrepreneurs et d’ouvriers ; où le travail de la hache est plus glorifiée que celui de l'épée.

Bérets, pantalons amples et camaraderie ne pas regarder en bas ! Là où la plupart des pays du vieux monde ont eu deux mille ans de contes pour bâtir une conscience populaire, l’Amérique s’est faite sur la mythification de l'immigrant, absorbé dans un gigantesque corpus aussi mythique que factice. C’est une chose à bien comprendre pour intégrer la passion de certains tenants du workwear qui, dans notre période de crise, s’accrochent à ce qui reste du mythe américain, à travers les vêtements. Mais concrètement, qu’est-ce que le workwear alors ? LE STYLE WORKWEAR : PRAGMATIQUE, ACCESSIBLE ET CONFORTABLE La plupart des courants de la mode privilégient la fonction esthétique sur la fonction pratique. Le workwear, c’est l’inverse. On pourrait même dire que c’est sa caractéristique principale : une recherche de simplicité, le côté purement fonctionnel primant la beauté de l’ensemble.

Cette veste kaki se porte de préférence avec une expression déterminée, comme si on en voulait à votre moto. Crédits Thebikeshed Le workwear, c’est aussi l’amour du vintage et de l’authentique, d’une fabrication “en France” ou “aux USA” ; voire au Japon pour certaines pièces, puisque le Japon possède certains des meilleurs tisserands de denim au monde. Un assemblage de vêtements qui transmet une chose : le temps. Sa patine et son travail. Le style workwear correspond à une vaste gamme de morphologies. Alors que la plupart des styles nécessitent idéalement un corps taillé, dans l’imaginaire véhiculée par la “taille mannequin”, le workwear s’adresse aux gens plus normaux, vous, nous, tout le monde. Difficile de porter du dark, ou même un combo classique chemise-chino-baskets, en faisant 1m65 et en étant très mince ou, à l’inverse, d'être une armoire à glace d’1m90.

Lookbook Neighborood SS 20015 Le workwear a l'avantage de flouter une silhouette par des coupes amples et d’en exacerber la virilité avec des matières authentiques. En plus, le style workwear est confortable, pas besoin d’être un génie pour voir qu’on se sent mieux dans une chemise en flanelle bien épaisse que dans une chemise en coton blanc Dior période Slimane. Enfin, c’est un style qui, à l’opposé par exemple du style dark, nécessite très peu d’investissement. Evidemment, dès qu’on monte en gamme et qu’on part sur des pièces bien plus durables (ce qui est la raison d’être de ce style), les prix augmentent en conséquence ; mais en termes de pur investissement-durabilité, c’est le style le moins onéreux à acquérir, la plupart des pièces qui le composent étant pensées pour durer.

Le workwear, ça va de ça... à ça. Crédits The Sartorialist Un jean APC bien entretenu peut durer une dizaine d’années. Une paire de Red Wings ou de Heschung, une douzaine. Soit, selon l’éternelle équation : 13€/an pour un jean, 30 pour une bonne paire de chaussures indémodable. On a fait pire comme placement.

Il faut lire les pages entières sur StyleForum où les membres glosent sur le délavage d’un jean ou les différentes teinte de rouge de l’usure d’une paire d’Alden - les boots de charpentier d’Indiana Jones. Credits Thebikeshed D’autant plus que si vous n’avez pas la bourse nécessaire, c’est un style très connoté hipster, donc en vogue, donc suivi par la plupart des marques de PAP (qu’on déconseille évidemment, mais il faut aussi savoir faire face à la réalité étudiante parfois), donc accessible chez Uniqlo qui s’en est fait une spécialité (laissons H&M et Zara là où ils sont). BIEN MAÎTRISER LE STYLE WORKWEAR DANS VOS LOOKS Le style workwear est l’expression d’un style ouvrier. Il y a donc quasiment autant de styles workwear que de métiers artisanaux. Certains préfèrent un style plus bûcheron, d’autres s’inspirent des pompistes des années 50. On a un ami à la rédaction qui pousse le vice jusqu’à se balader avec un mouchoir dans la poche arrière de son jean en référence aux pompistes américains du Midwest qui essuyaient le cambouis de leurs mains plus facilement ainsi. Cela signifie que, si un accoutrement de base fonctionne, vous pouvez essayer autant de variations dessus que vous avez d’inspirations. Neighborhood, par exemple, est une marque japonaise directement inspirée du mode de vie des bikers des années cinquante. La tenue de base n’est vraiment pas compliquée.

Certaines marques heritage s'inspirent des photographies anciennes. Crédits Neighborhood 2015 SS Collection. UNE CHEMISE SIMPLE Une chemise simple : 

couleur monochromatique claire (blanc/bleu/pastel);



rayures “à l’ancienne” (comme le hickory, denim rayé verticalement indigo sur blanc);



motifs simples (comme le vichy, coton à petits croisillons de deux couleurs) ou plus grossiers (comme le tartan : les “grosses chemises à carreaux” de trappeurs).

Chemise Gitman Vintage en oxford gris. Crédits Présent London. 

Dans une matière travaillée, à l’air à la fois usinée et passée par le temps (pas de matières “naturelles”) : chambray, denim, flanelle, oxford, etc. De préférence un modèle qui soit une réplique d’un modèle passé.

UN JEAN Qu'il soit brut ou délavé selon des techniques traditionnelles. Coupe droite ou ample, voyez les coupes des Levi’s du début du XXe siècle, sachant que certains puristes s’en réclament et qu’on rentre là dans une démarche purement esthétique. Ce n’est pas forcément une coupe qui met la morphologie en valeur. Dans une toile du Japon (ville de Kojima, où sont regroupées la plupart des fabriques de denim) ou des Etats-Unis (Cone Mills).

Naked And Famous Weird Guy, 36 mois de port intensif. Crédits Rawr Denim.com Les marques de jeans : Naked & Famous, Allevol, Gustin, Samurai, Skull, Studio d’Artisan, Oni Shoai,Warehouse, Momotaro, Japan Blue Jeans, Evisu, 45RPM, Ruell & Ray,... et bien sûr APC, quoique certaines marques citées ci-dessus les surpassent largement en qualité. UNE PAIRE DE WORKBOOTS Littéralement “chaussures de travail”, solides, d’une marque réputée pour ce type de modèle. En vrac, la Beckman de chez  Red Wings  (sachant qu’il en existe deux variantes très prisées, la 9016 et la 9030, dans les teintes sang-de-boeuf originales), l’”Indy Boot” de chez  Alden(modèle 403 en rouge brique, à l’origine des chaussures de charpentier popularisées aux pieds d’Harrison Ford), la Classic 20065 de chez  Chippewa, etc.

Redwings Beckman 9016, modèle usagé. Crédits Brandshop.ru L’intérêt de ce type de chaussures est encore une fois son confort et sa durabilité. Ce sont des modèles conçus comme chaussures orthopédiques à l'origine (l’Indy Boot), ou au moins comme modèle alternatif “chic” à une vie campagnarde (Red Wings). Leur beauté réside dans leur vieillissement et la patine qu’elles acquièrent avec l’entretien donné au fil des années. PEU OU PAS D’ACCESSOIRES Oubliez les bagues, bracelets et colliers qu’on peut trouver chez d’autres styles, le workwear fait simple et le fait bien. Investissez dans une grosse ceinture qui vieillira bien. La marque de référence en la matière est Tanner’s Goods, dont les ceintures et sacs sont réputés dans tous les Etats-Unis. Un sac messager résistant qui, détail amusant, tire son nom, le “messenger”, du Pony Express. À l’origine, ce sac pratique servait aussi de fontes aux messagers grâce à l’adjonction de boucles à l’arrière qui permettait d’en fixer une paire par dessus la selle, chez Filson, ou mieux, Stanley & Sons, spécialistes à l’origine du tablier de  forgeron et accessoirement la Rolls-Royce du sac en cuir fait main.

Messenger bag en cours de tannage Stanley & Sons. Crédits Stanley & Sons Marques de sac messager : Stanley & Sons, Filson, Hollows Leather, Timothy Oulton, Teranishi, Guarded Goods, The Superior Labor, Archival Clothing, etc. POUR LES TEMPS FROIDS, UNE VESTE EN JEAN Comme l’iconique Trucker Jacket de chez Levi’s, mais vu la qualité de leurs productions récentes, on va se rabattre sur un modèle équivalent mieux façonné chez n’importe laquelle des marques de jeans citées plus haut, voire chez Rick Owens ou Visvim. Une grosse veste de travail de chez Woolrich Woolen Mills, Engineered Garments ou Mark McNairy et/ou un pull en grosse laine à col rond, simple, chez une marque qui fait bien les pulls en grosse laine à col rond simples (notamment les marques scandinave comme SNS Herning, Our Legacy ou Filippa K).

Rogue Territory Willard Field Jacket. Crédits Rogue Territory. A partir de là et suivant vos goûts, vous pouvez vous orienter vers à peu près n’importe quoi : du military wear avec des motifs camo, du biker wear en y intégrant des blousons en cuir, de l’explorator wear, avec des parkas et des bonnets en référence aux expéditions en Antarctique, etc, etc. L’important étant de se construire un look workwear solide puis d’expérimenter des variations stylistiques plus pointues. MARQUES ET INSPIRATIONS POUR VOS LOOKS WORKWEAR ENGINEERED GARMENTS Engineered Garments a été créé en 1999 par Daiki Suzuki et s’est imposé depuis comme la marque phare du workwear japonais.

Le nom vient d’une modéliste engagée pour ébaucher le premier jet de motifs de la première collection. Elle trouvait qu'une telle attention portée aux pièces ressemblait plus à de l'élaboration qu'à de la conception. Comme Visvim, dont on a déjà parlé dans le chapitre sur l’art de bien s’habiller, Engineered Garments est japonais, dans tous les sens du terme : aussi par l'origine que de par l'obsession limite maniaque du détail et de la confection.

Engineered Garment SS12. Crédits Nepenthes.jp Le Japon après la Seconde Guerre Mondiale eut beau détester les Etats-Unis, l’Empire du Soleil Levant s’écroulait. Sur ses ruines arrivait une nouvelle culture à l’opposé de tout ce que connaissaient les insulaires de l’époque, avec ses jeans, ses chewing-gums, son Coca Cola et ses GI. L’occupation après-guerre des Américains a eu une influence décisive sur la culture japonaise. Elle est définitivement sortie de son isolement sourcilleux tout en gardant certains traits typiques faisant qu’aujourd’hui encore c’est un pays à part : même après y avoir vécu vingt ans, un gaijin (étranger) reste un gaijin.

Engineered Garments FW11. Crédits End. On peut tracer la majorité de la mouvance workwear japonaise à cette époque et Engineered Garments ne fait pas exception à la règle : la marque s’inspire fortement de tout un univers sportswear, de teddies, de football, mais aussi des troupes en cantonnement avec des motifs camouflage, des chinos... WOOLRICH WOOLEN MILLS Woolrich est une “marque héritage” qui fournit de quoi s’abriter des intempéries et autres bestioles vindicatives, à l'exemple des trappeurs et des hommes de la Frontière du début du XIXe siècle. Depuis 2006, ils se sont adjoints les services de Daiki Suzuki, avant que la marque ne soit reprise en 2010 par Mark McNairy. C’est une manifestation concrète des différents types de workwear : si Engineered Garments s’attache à son héritage militaire et s’accorde des pauses colorées avec du liberty, la spécialité de Woolrich reste les types qui chassaient de l’ours à mains nues et faisaient s’évanouir les castors avec leurs cabanes.

Woolrich Woolen Mills FW13. Crédits WPLavori. On trouve donc de grosses parkas, des grosses vestes en laine, des grosses chemises en flanelle, des gros bonnets, et des gros pantalons en velours. Avec des grosses barbes. Le hunter wear en quelque sorte. Le concept de base de Woolrich pourrait être la définition du workwear : ”garment with a purpose”. Des vêtements fonctionnels, soit la capacité de déconstruire des vêtements traditionnels et de les remettre au goût du jour en laissant intacts les détails qui en font l’essence, tout en modernisant la coupe.

Woolrich Woolen Mills FW12. Crédits Styleledger Chaque détail a une vocation pratique : que ce soit une poche plaquée pour plus d’espace ou un renfort de coude interne pour renforcer un endroit où le vêtement s’use habituellement plus vite. Dans le même esprit (et contrairement à Engineered Garments qui recherche justement le côté “usine” dans ses créations), la marque met un point d’honneur à employer des matières naturelles non traitées pour tirer parti de leurs propriétés imperméabilisantes et impérissables. MARK MCNAIRY Mark McNairy est une espèce de machine à plusieurs faces, capable de gérer quatre marques de front tout en acquérant le surnom de McNasty pour son tempérament sanguin, ses manières froides et pour coller des smileys sur les semelles de sa ligne de chaussures. Il dit lui-même ne pas vouloir prendre la mode au sérieux. En attendant, il a révolutionné la vieillissante marque J. Press, repris la direction de Woolrich Woollen Mills après Daiki Suzuki avant d’en claquer la porte en ouragan, lancé sa marque de Richelieu (New Amsterdam), achète des Maserati vintage, a un problème avec les hipsters de Brooklyn et fume des clopes à la chaîne à la sortie de ses défilés au lieu de stresser en coulisses.

Mark McNairy Automne-Hiver 2013. Crédits GQ Si Engineered Garments représente le workwear “usiné”, Woolrich l’héritage brut américain, McNairy est l’étudiant de la Ivy League (les universités américaines prestigieuses comme Harvard et Yale) des années cinquante qui aurait débarqué en soucoupe volante au XXIe siècle pour découvrir Starbucks, les tablettes tactiles et le mode de vie ironique qui accompagne leurs utilisateurs. Une des paires s’appelle par exemple “You talkin’ to me ?”, en référence à Robert de Niro dans Taxi Driver. Son travail regarde à la fois vers le sportswear et le classicisme preppy, s'appropriant chacun avec un certain sarcasme détaché, un humour permanent visible dans tout son travail (noms de modèles ironiques, trépointes jaune poussin, gilets bi-motifs, etc).

Regardez sa casquette, vous savez maintenant quelle coupe choisir pour vos jeans workwear... Crédits Sebastian Petrovski Il est littéralement vénéré par un nombre conséquent d’acteurs de la mode, dont Nick Wooster par exemple. C’est assez sublime mais forcément compliqué à assortir, même si certains modèles peuvent casser une tenue plus formelle de façon amusante (ses pantalons cargo “Monkey Business” avec des poches camouflées par exemple).

CONSEIL : COMMENT CRÉER DES LOOKS WORKWEAR EN ÉTÉ ? Temps de lecture : 13 minutes

Publié par Mathieu Aribart le 5 juillet 201773 Mis à jour le 30 avril 2020 Crédit photo : Borasification. Disclaimer : on accueille un nouveau contributeur dans nos colonnes, Mathieu, passionné de workwear. Face aux journées de plus en plus chaudes, il nous livre sa (riche) réflexion sur une question qui l'a longtemps perturbé : comment créer des looks workwear en été ? La parole est à lui ! Pourquoi se poser une telle question ? Tout simplement parce que denim brut, flanelle et work-boots ne sont pas très adaptés aux températures estivales qui transforment la plupart des villes en sauna... Passionnés de workwear, amoureux d'indigos imparfaits, fans de wabi-sabi japonais, ma quête d’un style "brut" s'est rapidement heurté aux chaleurs caniculaires des beaux jours. 1 Le coeur du problème vient de l'essence même du style workwear : né pour répondre aux conditions rugueuses du Grand Nord américain ou aux rigueurs de l’usine, il se caractérise par sa robustesse et son épaisseur. Du coup, il devient rapidement difficile de composer avec le cagnard d’un week-end juilletiste entre amis.

Quand les 20 oz de votre splendide Oni Denim se retournent contre vous. À mon grand étonnement, je me suis rendu compte que le web n’offrait pas de réponses satisfaisantes à cette problématique. Même le sage Nicolo, pourtant habitué aux questions de lecteurs, ne me contentait qu’à moitié… Pour votre gouverne, c’était il y a près de deux ans. Depuis, je mûris une réflexion personnelle en même temps que cette quête stylistique, et je crois utile de la partager avec vous aujourd'hui. Comment, donc, développer un style résolument workwear durant les (très) beaux jours ? C'est ce qu'on va voir ensemble. TOUT EST QUESTION D'INFLUENCE(S) Comme beaucoup de styles, le workwear s’est bâti sur des figures emblématiques, mythifiées, réinterprétées à l’infini. Ouvrier à l’ancienne, bûcheron barbu, biker fifties, marin vintage… Des références louables mais pas idoines l’été. Pour affronter la hausse du mercure, l’astuce la plus pertinente, à ma connaissance, reste de diversifier sa palette de références et piocher des inspirations dans des styles voisins. Des archétypes workwear “cousins” plus adaptés aux températures méridionales, voire tropicales. On pourrait citer la grande famille du military, dont les rats du désert n’étaient pas des demi-durs. La figure cinématographique de l’explorateur des années 40 “spielberguisée”. Ou encore certaines inspirations sports/streetwear vintage chères au grand Nigel Cabourn…

Sans trahir l'esprit workwear, invoquer des inspirations s'en rapprochant peut-être utile pour composer des looks adaptés aux fortes chaleurs. Bref, il s’agit de trouver de quoi troquer ses inspirations sans pour autant trahir ses goûts et ses couleurs, pour les assortir à loisir, selon ses affinités et par tâtonnements. La liste précédente est loin d’être exhaustive… L'IMPORTANCE DU CHOIX DES COULEURS

La palette workwear est dominée par le bleu profond de l’indigo, qui permet de mettre en relief ses fameuses fades 2. Beau, certes, mais pas très praticable une fois passée la barre des 25°C. Les grosses chaleurs venues, on préférera alléger ces bleus pour les rendre plus réfléchissants. On pourra aussi emprunter les earth tones 3 les plus lumineux. Des teintes neutres qui se substituent de façon très masculine à la gamme des bleus, tout en lui étant parfaitement complémentaires : olive, khakis, beige, écrus, taupe, camel, sable, rouille… Le blanc et toutes ses nuances cassées et écrues y ont naturellement leur place, ainsi que les gris clairs et chinés, renvoyant à des univers plus sportswear.

Pourquoi ne pas jouer sur les motifs ? On évitera toutefois les tons pastels et les couleurs trop vives. En effet, elles sont propres à d’autres influences 4et seraient donc contre-productives dans notre démarche, suffisamment technique par ailleurs. Certains motifs peuvent aussi être de la partie, de préférence par petites touches. On pourra s’amuser avec toutes les variétés des camo, mais aussi certaines rayures pas trop fines évoquant le hickory 5.

Si le motif camouflage vient de l'univers militaire, il s'intègre tout à fait dans un look d'inspiration workwear. (Photo : Borasification). Les gros carreaux clairs, les polka dots et les vichy un peu bruts sont également envisageables. On évitera juste les tartans trop sombres et “riches”, qui renvoient davantage à un univers automnal.

Motifs et style workwear ne sont pas incompatibles, loin de là... Les plus expérimentés, ou fondus de workwear japonais à l’ancienne, pourront même s’essayer aux patchworks de denim... Plus décalé, je me dois de confesser un penchant très perso pour les chemisettes type hawaïennes à gros motifs. Ouvertes sur un tee blanc, je trouve qu'elles offrent un petit côté kitsch tropical qui, assumé, rend finalement assez badass.

Laissez sortir le Léo qui est en vous.

MATIÈRE RIME AVEC WORKWEAR Derrière tout fan de workwear se cache un amateur de belles matières. De celles qui se patinent avec amour. L’éloigner de ses terres indigos peut, pour lui, être une source d’angoisse... DU DENIM D'ÉTÉ ? Réconfortons d’abord cet amoureux d’Okayama 6 : il existe bien des grammages miracle, sous les 10oz, permettant de porter du denim en été. Même selvedge. Des toiles souvent mêlées de lin ou de chanvre, plus claires, et qui rendent la manœuvre à peu près jouable.

C'est notamment le cas chez des spécialistes comme Naked & Famous, Gustin ou ici avec notre pantalon en canevas japonais. Certaines marques de puristes 7 proposent des toiles très épaisses (15–20oz) mais “low tension”, c'est-à-dire avec une armure lâche et aérée. Cela permettrait donc de porter ces "mammouths" par temps chaud. Cela dit, je n'ai jamais testé de telles pièces donc je m'abstiendrai de tout commentaire. Dans tous les cas, le choix des modèles est plutôt restreint. Dans le cas des denims légers, leur solidité est forcément amoindrie et le délavage ne peut pas non plus être optimal. Un mot d'ordre, donc : quitter sa zone de confort et s'éloigner quelques semaines de ses chères toiles brutes bien épaisses. QUELLES ALTERNATIVES AU JEAN ? On pense d'emblée au Rip-stop, cette matière militaire à la toile de coton ultra légère(~6oz) renforcée par un quadrillage de fils plus épais en nylon, lui donnant son aspect et sa solidité caractéristiques 8.

À noter que le rip-stop développe un délavage très sympathique au soleil et à l’usure, qui ravira les fans de fades. Le registre military regorge d’autres matières légères et résistantes, à la patine et aux tissages intéressants. Parmi eux, 

 le "sateen" de l’armée US et sa texture striée, au rendu brut et original,



ou les chevrons très serrés,



voire certaines popelines un peu feutrées, épaisses et délavées 9.

L'ouverture d'esprit, notamment vis-à-vis des matières, sera votre meilleure alliée. Vieux cousin du denim, le robuste canevas se prête bien à des épaisseurs superlight, pouvant descendre vers un 5oz pour un pantalon ! Son grain, mais aussi le délavage que développe cette toile à l’usage sont une joie pour tout amateur de workwear. Néanmoins, la matière est plutôt rare, et encore davantage sur ces poids. Dommage... Le chambray est aussi un allié tout indiqué dans cette quête d’authenticité, et ce depuis son adoption par la marine américaine. Enfin le lin, avec son slub naturel 10, sa robustesse, sa "main" nerveuse et sa respiration inégalée est votre meilleur ami sous le soleil. Mais vous le saviez déjà.

Du lin, du lin, encore du lin. On piochera aussi à loisir dans le vaste monde du jersey, notamment du côté de ses textures en relief. En revanche, faites attention à certaines matières et leurs possibles connotations socio-culturelles. Je pense par exemple au coton piqué ou au seersucker, qui appartiennent à d’autres registres. Arborées dans un look se voulant workwear, des pièces dans ces matières sont susceptibles d'être sources d'incohérence. VERS QUELLES PIÈCES SE TOURNER ? Comme tout le monde en été, le fan de workwear est contraint à réduire son layering fétiche à sa plus simple expression. D'où l’importance de bien choisir ses pièces. Le risque ? Glisser sur une tenue pas forcément hors-sujet, mais un peu fade pour le baroudeur qui est en vous. Le but est donc de porter au moins une pièce un peu plus marquée que la moyenne. Lesquelles? DE MULTIPLES POSSIBILITÉS POUR LE PANTALON Ceux qui résistent à l'appel du short se trouvent confrontés à un problème cruel : comment ne pas crouler sous la sudation ? Déjà, assurer à ses jambes une libre circulation d’air, et ne pas hésiter sur les coupes un peu droites ou qui se resserrent sur le bas de la jambe. Pour se les approprier, on les “civilisera” via de généreux revers, afin de découvrir stratégiquement ses chevilles, à la japonaise.

Preuve à l'appui.

Pourquoi ne pas opter pour un petit revers  pinroll des familles Petites précisions au passage : dans les deux cas, la chaussette invisible est de rigueur. De plus, si la ceinture est de mise, on la préféra dans un tissu léger uni ou au motif simple et sobre. #sprezzaturepas. Ayant déjà traité son cas, passons en revue les substituts au jean d’été… Commençons par l’évidence : le léger twill d’un chino. Il est tout à fait approprié par fortes chaleurs 11.

Simple et efficace : le chino. (Crédits : He Spoke Style) Cela dit, le fan de workwear ne dira pas non à des pièces plus fortes. On pense au pantalon cargo, dont les poches latérales trouvent toujours une utilité lorsqu'on se balade en tee-shirt. Vous trouverez forcément votre bonheur chez Orslow, Universal Works, Bleu de Paname, Maharishi...

Pratique et esthétique, le pantalon cargo est une belle alternative. Plus confidentiel, le "fatigue pant" et ses larges poches avant plaquées est une sorte de chino en plus brut, et souvent en plus large. Pour en dégoter un (ou plus), il vous faudra regarder chez Orslow, Carhartt, Bleu de Paname, Engineered Garnements ou Stan Ray.

Modèle Carhartt. Moins attendu, le chambray est aussi monté en pantalon par certains. Outre le classique cinq poches (un récurrent chez Naked&Famous), il rend bien sur un easy pant 12. Ou avec un peu d’élasthane, en sweatpants légers pour une inspiration à la croisée du streetwear (dépend vraiment des collections).

Une matière, plusieurs déclinaisons. QUID DU SHORT ? Même pour les plus réfractaires, le short est inévitable en bord de mer ou au plus fort de la canicule. Avec si peu de tissu pour s’exprimer, l’écueil d’une tenue trop lisse n’est jamais loin… Alors, que faire?

Inconditionnel du bermuda ? Cette pièce parfois un peu sage peut être rendue plus sauvage. Il s’agit juste de lui offrir, outre un bon revers et une coupe un poil large, voire une nuance de  earth tones assez prononcée. Pour une identité plus forte, pourquoi ne pas le délaver franchement pour suggérer un kilométrage aventureux ? Comme dans le cas du chino, on peut facilement lui substituer sa version “fatigue” et ses poches avant plaquées 13.

Modèle Stan Ray. Plus classique, l'indémodable et incontournable short en jean semi-slim est presque un "basique de l'été".

N'est-ce pas, Boras ? On pourra aussi opter à l’occasion pour un modèle plus sportswear en jersey texturé d’inspiration vintage. Ses cordons de serrage offrent un détail bienvenu. En faisant très attention à sa coupe, ni trop large, ni trop longue, les plus audacieux pourront s’essayer au short cargo, voire au monkey-short et sa large poche arrière unique.

Pour les habitués du workwear. Sympa avec un revers débordant sur les poches latérales, c'est une pièce plus envisageable que son équivalent pantalon, que Boris de Borasification manie avec maestria. Enfin, on s’en doute, mais le pantacourt demeure un tabou que personne ne devrait violer. Jamais. JAMAIS. TEE-SHIRTS, CHEMISES... COMMENT SE DÉBROUILLER EN HAUT ? Toile vierge mettant en valeur toutes les autres, le tee-shirt et son sous-texte militaire sont une évidence en été, surtout enrichi de lin. Tous les tons clairs précédemment évoqués sont les bienvenus, mais le blanc aura l’avantage de trahir à minima votre (éventuelle !) transpiration. On pourra lui offrir une coupe un peu plus loose, des manches roulottées ainsi qu’un col boutonné, pour plus d’aération. Et surtout... tenter de canaliser le Ryan Gosling qui sommeille en vous.

"Workwear" prend ici tout son sens. Si la chemise habillée est difficile à faire passer, la chemise casual a résolument droit de cité. L’amateur du style appréciera les riches textures du chambray, du lin, d’oxfords légers, de denims subtils et clairs voire de certaines popelines… La pièce poussera au besoin le curseur "élégance". Mais afin de rester dans une esthétique brute, on n’hésitera pas à se porter vers des modèles aux poches pectorales très travaillées. Doubles poches, surpiqûres contrastantes, fermetures à boutons, poche stylo, rabats, boutons contrastants, ouverture inclinée, poche asymétriques voire poche intérieure : autant d'éléments à favoriser pour styliser votre look.

Des détails qui font la différence. La ‘jumper shirt’ de Rogue Territory synthétise pas mal de ces détails. Mais on peut aussi citer Jinji et tous les spécialistes du denim : Momotaro, Fullcount, Studio D’Artisan, Pure Blue, Levis Vintage…

Finitions soignées et matières texturées sont à la base des chemises d'inspiration workwear. Au niveau du col, le button-down est roi. Cela dit, un col club arrondi est aussi possible, tout comme un modèle sans-col.

Quant au tab-collar, avec cette petite patte de serrage à la base du col, c'est un détail très prisé…

Le diable n'est pas toujours dans les détails. Pour la coupe, on pourra librement expérimenter avec des tombés plus loose, des modèles “popover” style vareuse (mais pas de polo svp!), des manches raglans, des pans arrondis, des empiècements western, voire des longueurs un peu longilignes - clin d’œil à certaines influences indiennes - pour épicer la chose…

Soyez inventifs... Enfin, à l’exception notable de la chemisette hawaïenne et son kitsch assumé, je suis pleinement du parti du Benoît : manches longues et roulottage pour tous. TROUVER LES CHAUSSURES ADAPTÉES C'est un point assez technique dans la mesure où le soulier est un sujet workwear sensible, un make or break de ce style puriste. La difficulté tient en ce que la saison chaude interdit tous les classiques en cuir épais. Dès lors, que faire ? Il est ici plus simple de procéder par élimination, certaines chaussures estivales étant trop marquées pour se fondre dans une tenue workwear sans en dénaturer la "badassité". C'est le cas de tous les types de mocassins (des tassel au driving-shoes), chaussures bateau, brogues ou boucles suédées aux semelles contrastantes, slip-on proprettes et autres espadrilles… Que reste-t-il ? Des desert boots pardi ! De préférence un peu limées... Leur daim non doublé et leurs semelles en crêpe s’en sont bien sortis dans les années 40 en Égypte, paraît-il.

Leurs cousines aux semelles sneakers ou leurs sœurs wallabees sont, elles aussi, appropriées.

Clarks et Gustin proposent de très beaux modèles. Ensuite, on ira piocher des solutions dans un streetwear sobre : low-top classiques en canevas léger ou runnings légères et profilées, qu’elles soient d’inspiration vintage (GAT) ou tirant parti d’un côté "technique" moderne, comme des knits bien respirantes. Bonus point pour des semelles en gomme couleur naturelle, une préférence personelle qui donne toujours un côté plus brut et old-school à la chaussure.

Faîtes votre marché... Comme on n’est plus à un sujet tabou près, concluons ce chapitre par le cas des sandales. On préférera largement des modèles plus massifs à toutes les tongs et autres claquettes maigrelettes.

Et même si une mode se développe à ce propos chez les adolescents inspirés des sportifs US, on s’épargnera le combo chaussette-sandales. SVP. LE COIN DE L'OUTERWEAR Un rafraîchissement bienvenu peut inciter au port d’une petite épaisseur supplémentaire le soir. L’occasion tombe à pic pour étoffer son allure.

D’abord, pour nos orthodoxes du denim, les premières vestes Levi’s Type I et II étaient coupées dans une toile assez light : un très envisageable 9oz. Aujourd’hui, les spécialistes du denim proposent des Type III (les fameuses trucker jackets) dans les mêmes poids-plume.

Et le design n'est pas mal non plus. Le vaste monde des vestes d’ouvriers de tous poils s’offre à vous. Dans des styles plus ou moins marqués, en coton ou en lin. Combinaison de cheminot américain des 50's, bleu de travail français, workshirt en hickory, workerjacket à mi chemin du blazer… ou encore noragi, si une expérimentation nippophile vous tente.

Orslow, Vesta, Gustin, Drapeau Noir, Aesthetic Homage... Sinon, le registre military propose - surprise ! - un paquet d’options sympathiques.

Ce n'est pas Luca qui dira le contraire. Jungle ou field jackets, vestes M43 et surchemises riches en poches poitrine... vous avez l'embarras du choix. D'autant plus que la mode a tartiné ses khakis sur à peu près toutes les vitrines cette saisons. Facile.

Modèle Maharishi. Attention au total look. On mettra toutefois en garde contre l’accumulation de pièces militaires trop fortes : le but n’est pas de se déguiser en soldat. On vous déconseille donc de doubler votre large cargo d’une M65, pour ne pas donner un effet redondant disgracieux. Vigilance.

Piochez sur Internet, les inspirations sont nombreuses ! Par ailleurs, l'intemporel militaire adoubé par le streetwear est évidemment le classique bomber.

Eh oui ! Qu’il soit en ripstop, en chambray, en nylon non-doublé, ou en canevas de lin, si la MA1 est bonne pour Steve McQueen, elle est bonne pour vous.

Vous en trouverez sans problème chez Norse Project, Naked & Famous ou encore Alpha Industries… En cas de voyages plus humides (on pense aux moussons asiatiques), une légère et imperméable coach-jacket aux lignes épurées peut s'avérer utile ! Une street cred hip-hop impeccable au service du style : que demande le peuple ?

En image, ça donne ça. Doublée d'une joli motif camouflage, c'est une pièce qui peut devenir très forte. Et si c’est vraiment nécessaire, un sweatshirt uni au jersey pas trop épais et au ton neutre restera votre meilleur ami pour toute soirée barbecue à la belle étoile. Pourquoi pas à manches courtes, en référence à l’univers de la boxe. Enfin, petite pensée à Benoit et sa bien-aimée mid-layer. Un gilet en coton ou taillé dans une matière plus isolante peut tout à fait être envisagé quand l’humidité retombe ou pour gérer des transports un peu trop climatisés.

Il en existe dans des styles divers et variés, vraiment pour tous les goûts. DES ACCESSOIRES AVEC DU STYLE Ils sont nombreux et bienvenus en été, afin de rehausser des tenues trop lisses. Premier d’entre eux : la montre. On se souciera surtout du bracelet, en prenant soin de choisir un bracelet Nato ou en perlon pour éviter de suer du poignet. Cuir et métal sont, le temps de la période estivale, à proscrire...

Le genre de bracelets à favoriser pour éviter la sudation. Indispensable sous le soleil, une bonne paire de lunettes est également essentielle. L’amateur de workwear se tiendra éloigné de toute forme futuriste ou un peu bling, pour se concentrer sur les classiques.

Beaucoup, beaucoup, beaucoup de style en une seule photo.

Des montures métal apporteront un parfum military plus bourru, où des acétates apporteront plus de sophistication. On passera son tour sur l'univers des verres miroirs, polarisés ou colorés… qu’on laissera aux festivaliers EDM.

L'acétate peut très bien fonctionner dans un look workwear. Le couvre-chef est un autre sujet complexe, qui demande avant tout de l'assurance et de la confiance en soi . Sans être incollable sur ce sujet plutôt "advanced", j’entrevois surtout trois grandes possibilités workwear-compatibles : 

les fedoras un peu rincés,



les casquettes et trucker-hats,

  

et les buckets hats ou bob (surtout en denim) ramenés au goût du jour par le streetwear et le Japon ces derniers temps.

Parfois utiles et souvent stylés, chèches aériens et bandanas roulés sauront, si besoin est, protéger votre cou du soleil ou de la fraîcheur du soir, tout en rehaussant votre carrure. Tips & tricks spécial canicule : un bandana humide roulé autour du cou est un bonheur en plein cagnard. Enfin, l’accumulation de bracelets pas trop imposants et/ou de bagues sympas, voire de colliers, peut être une bonne idée pour encanailler une tenue trop minimaliste. Perle, argent, turquoise, tissu, pièces de monnaie, faites-vous plaisir. Vous pouvez jeter un oeil chez Harpo, Gudule et Tant d'Avenir par exemple. LE MOT DE LA FIN Arborer un style workwear en été n’est donc pas si compliqué en choisissant bien quelques pièces, leurs matières et leurs couleurs.

Les chercher peut même être l’occasion de pivoter vers des influences nouvelles, d'élargir ses horizons et d'enrichir son vocabulaire stylistique. C'est d'ailleurs, selon moi, ce que chacun devrait toujours chercher à faire pour affiner son swag personnel... Il n’y a pas que le denim dans la vie. Tentez, essayez, découvrez et restez (au) frais.

CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE STREETWEAR ? Temps de lecture : 11 minutes

Publié par Vianney le 2 octobre 201596 Mis à jour le 2 novembre 2016 Dans cette partie, nous allons aborder un style particulier : le streetwear. Rassurezvous, nous nʼallons pas vous payer un aller simple pour tourner un clip de rap des années 90, avec pantalons larges, casquettes et chaînes en or autour du cou. Oubliez ce style de « voyou à lʼaméricaine », périmé depuis longtemps et abandonné par ses plus fervents défenseurs. Le streetwear a su traverser les époques et rencontre aujourdʼhui un réel succès en touchant un large public. LES ORIGINES DU STYLE STREETWEAR Le streetwear a fait son apparition aux Etats-Unis au milieu des années 70 avec lʼéclosion de la culture urbaine et de ses différentes composantes, comme les sports de glisse (le skate et le surf), la musique (punk, hip-hop) et lʼart urbain (le graffiti).

Deux jeunes New Yorkais stylés des années 80. Comme son nom lʼindique, il est né dans la rue sous lʼimpulsion des jeunes de quartiers défavorisés. Une forme dʼexpression qui leur permettait de montrer leur appartenance à une culture et de réaffirmer leur individualité dans une société qui tendait à les marginaliser. Nʼayant pas beaucoup de moyens financiers, ces jeunes ne pouvaient pas sʼoffrir des vêtements de marques, et faisaient donc avec ce quʼils avaient.

Lʼimportant nʼétait plus le vêtement en lui-même mais la manière dont il était porté. Une situation qui les incitait à être le plus créatif possible et qui a provoqué la naissance de nouveaux codes urbains. Les fondements de base du mouvement streetwear sont donc lʼauthenticité, lʼoriginalité et la liberté. Des piliers qui ont accompagné le mouvement dans chacune de ses évolutions et qui sont valables encore aujourdʼhui. Arrivés en France dans les années 90 et diffusés grâce à des films comme « La Haine », des marques comme Com8 ou Wrung, et lʼarrivée du mouvement rap (NTM et IAM), la culture urbaine et le style streetwear ont rapidement touché le grand public.

Le streetwear a évolué depuis les années 2000, et c'est tant mieux L'ÉVOLUTION DU STREETWEAR De ses débuts dans la rue, à son influence dans les collections de prêt-à-porter des Maisons de luxe, le streetwear a énormément « grandi ». Cʼest un style qui a su évoluer de manière cohérente et qui arrive aujourdʼhui à maturation. Certaines marques de streetwear ne se sont pas suffisamment remises en question et ont donc disparu, alors que de nombreuses autres se sont lancées depuis. À l'origine, le style streetwear se définit par des vêtements larges : jean « baggy », t-shirt XXL avec les manches qui tombent en dessous des coudes, sweats à capuche avec une emmanchure commençant 10cm en dessous de lʼépaule...

Oui, c'est de cela qu'on parle... Un style complété par de grosses baskets et une casquette. Mais très vite, certaines personnes ont préféré opter pour des jeans plus serrés, comme les skateurs californiens avec leursskinny jeans. En fait, la « liberté » qui est lʼessence même du streetwear a favorisé la diversité. Les gens se sont réappropriés les basiques de leur garde-robe. De fait, deux personnes avec un style streetwear pouvaient avoir des looks différents. Aujourdʼhui, les coupes sont plus cintrées et les collections sont plus recherchées, avec lʼutilisation de belles matières et un souci du détail apporté à la fabrication des vêtements. La sobriété a remplacé les énormes imprimés omniprésents des débuts. Aussi, on note la corrélation de plus en plus marquée entre le streetwear et le workwear. La clientèle sʼest diversifiée : le streetwear nʼest plus associé à la youth cultureanarchiste et anticonformiste comme à ses débuts. Il touche des tranches dʼâges plus âgées et a envahi lʼensemble des classes sociales.

Il a depuis longtemps quitté la rue pour investir les boutiques haut de gamme des plus grandes capitales. Sʼhabiller en streetwear peut donc revenir cher. Le but de cette partie est de vous proposer un guide vous aidant à adopter les bons réflexes pour un style street soigné. PAR OÙ COMMENCER ? LES « INDISPENSABLES » D'UNE TENUE STREETWEAR Trois pièces constituent les bases dʼune tenue streetwear : le sweatshirt, les sneakers et la casquette. Pour bien commencer, concentrez-vous sur ces trois éléments. LE SWEATSHIRT AVEC ET SANS CAPUCHE Le sweat à capuche, aussi appelé hoodie, est historiquement lié au streetwear. Avec ou sans zip central, privilégiez la sobriété et les coloris unis. Évitez les impressions sérigraphiées trop imposantes. Si vous portez un joli tee-shirt, nʼhésitez pas à le mettre en valeur en gardant votre hoodie ouvert. Le reste du temps, gardez-le fermé jusquʼen haut. Aussi, préservez-vous du style « voyou» et ne mettez pas la capuche.

Ici, un sweatshirt Maison Standards Pour un sweatshirt à col rond, sans capuche, soyez attentif aux finitions. Lʼencolure ne doit pas être trop proche du cou et doit tomber parfaitement sur le début de vos épaules. Vérifiez que les bordcôtes situés sur les manches et le bas de la pièce ne soient pas trop longs, ni trop serrés. Faites un test : levez et abaissez les bras plusieurs fois de suite. Vérifiez que le sweat reprenne bien sa forme initiale et retombe correctement. En dessous dʼun sweat col rond sans capuche, vous pouvez porter une chemise boutonnée jusquʼen haut. Dans ce cas, optez pour des modèles à la matière plus travaillée (maille, coudières en cuir, etc.). ☞ Marques conseillées : American Apparel, Carhartt, Monoprix, Uniqlo (entre 40 € et 70 €). LES SNEAKERS Les sneakers sont une obsession pour les amateurs de streetwear, qui les collectionnent (de manière plus ou moins raisonnable). Lʼoffre proposée par les marques est gigantesque. Voici quelques conseils pour vous aider à y voir plus clair. Pour commencer et vous éviter de faire des erreurs, orientez-vous vers les marques les plus connues qui proposent des modèles iconiques à des prix abordables.

Nike propose trois modèles « indispensables » : les « Nike Blazer » (hautes et basses) sont fines et sʼadaptent vraiment à toutes les coupes de pantalons.

Elles sont proposées dans de jolis coloris vintage entre 85 € et 100 €, et sont même personnalisables sur l'eshop de la marque. La Air Force 1 en version basse (95 €), dans son coloris original entièrement blanc, est aussi un modèle de base à posséder (évitez la version montante avec le scratch).

L'iconique modèle de Air Force 1 "white on white" Enfin, la Air Max 1 complétera votre collection et se distinguera de vos autres paires avec sa bulle dʼair (environ 145 €).

Un modèle de Nike Air Max 1 Vous pouvez aussi choisir dans le catalogue Vans en toute sérénité. Nous avons une préférence pour le modèle Era de Vans (environ 80 €). Intemporel, il se porte aussi facilement avec un short quʼun pantalon et existe dans une multitude de coloris.

Le modèle Vans Era dans des coloris classiques.

Si vous recherchez un modèle plus « habillé » et moins marqué « street », nous vous conseillons la marque National Standard (entre 150 € et 250 €). Elle propose des lignes fines (même pour les modèles montants !) avec une qualité de fabrication irréprochable et un design épuré. De façon générale, évitez les coloris « flashy » et les modèles trop gros. Les sneakers doivent se fondre dans votre tenue et ne pas attirer lʼattention. Attention, après votre premier achat, vous pourrez facilement vous prendre au jeu et démarrer une collection de sneakers sans trop vous en rendre compte. On vous aura prévenu... Note : Il y a un retour du « running » dans le streetwear. Laissez vous  tenter par une paire de baskets initialement destinée à  la course à pieds. Nous aimons beaucoup ce que propose la  marque  New Balance.  Attention, vérifiez bien quʼelles aient été  fabriquées dans leur usine anglaise de Flimby (le drapeau du  Royaume-Uni est brodé sur la languette) ou aux Etats-Unis. LA CASQUETTE Accessoire indispensable pour une tenue street, trois modèles doivent retenir votre attention : la casquette classique à visière plate, la snapback et la 5-panel.

Jay-Z avec sa casquette des New Yankees CASQUETTE CLASSIQUE À VISIÈRE PLATE : Cʼest la référence des casquettes street. La marque New Era lʼa démocratisée avec son modèle iconique : la «59 Fifty » (35€ environ). La plupart du temps, les broderies sont les logos des franchises américaines de baseball (MLB), hockey sur glace (NHL), basketball (NBA) ou football américain (NFL). New Era a aussi collaboré avec de nombreuses marques de streetwear sur la base de ce modèle. En édition limitée, elles sont plus recherchées que les modèles classiques.

Dans tous les cas, veillez à choisir un modèle « sérieux », avec un logo sobre et des couleurs classiques (évitez à tout prix les visières en imitation serpent et les trop grosses broderies). Gardez en tête que vous devez pouvoir la porter au quotidien. Faites attention à la taille ! Une casquette trop petite peut vite devenir inconfortable, là où un modèle trop grand peut vite vous donner une allure ridicule. La taille est indiquée sur le stickermacaron collé sur la visière. La tradition interdit de le retirer ! Mais on ne vous en voudra pas.

Le sticker avec la taille de la casquette. Note d'histoire : cʼest le rappeur Jay-Z qui a répandu le port de la  New Era 59 Fifty en portant le modèle de lʼéquipe de baseball  de New York, les New Yankees. Originaire de Brooklyn,  cʼest un des premiers à avoir revendiqué ses origines newyorkaises  de la sorte. Le quotidien New York Times parle  même de «lʼeffet Jay-Z». Lʼintéressé assume et déclare même  dans une de ses chansons «Jʼai rendu la casquette des Yankees  plus célèbre quʼun Yankee aurait pu le faire». LA SNAPBACK

Depuis quelques années, la snapback fait de lʼombre au modèle classique. La seule différence est quʼelle est réglable à lʼarrière (fini les casse-têtes pour trouver un modèle à sa taille). Pour lʼintégrer facilement à votre look, il faut là aussi veiller à acheter un modèle « sérieux ».

Snapback de la marque américaine "Only NY". Note : New Era et Mitchell & Ness sont les  spécialistes des  snapbacks  avec les logos de franchises sportives américaines.  Cependant, privilégiez des marques de streetwear  qui ont leur propre ligne de snapback comme «Only NY»,  «HUF» ou bien «Quiet Life» (à partir de 35 €). LA 5-PANEL Comme son nom lʼindique, ce modèle est constitué de cinq panneaux (un sur lʼavant, deux sur les côtés et deux sur le dessus), cousus entre eux. Tout comme la snapback, cʼest un modèle avec une languette de réglage à lʼarrière. Cʼest la casquette qui rencontre le plus grand succès ces derniers temps. Si vous aviez des doutes sur sa forme, détrompez-vous ! Loin du cliché « voyou », il nʼy a pas plus élégant quʼune 5-panel. Des marques comme Norse Projects, Moupia et I Love Ugly (entre 50 € et 65 €) nous étonnent à chaque fois, avec lʼutilisation dʼimprimés originaux et des jeux de matières intéressants.

Un modèle de 5-panel « I Love Ugly», vous pouvez voir les finitions avec la bande de réglage et la boucle avec ardillon. Note : la marque française  Larose Paris  revisite le modèle  de la 5-panel avec une forme retravaillée et lʼutilisation de  matériaux nobles (tissus en provenance dʼAngleterre, de  France et des EtatsUnis).  Les modèles sont montés à Paris  par une chapelière titulaire du titre «dʼartisan dʼart». Dʼoù  un prix un peu plus élevé, aux alentours de 95 €. Quel que soit le modèle de casquette, concentrez-vous aussi sur la qualité de fabrication: les coutures, la bande anti-transpiration placée au niveau du front (évitez une bande blanche car elle sera tout de suite marquée par votre sueur), la languette de réglage (en cuir avec une boucle avec ardillon pour les plus belles)... Enfin, il y a deux manières de porter une casquette : avec la visière de face et en arrière. Toute autre position intermédiaire est réservée aux rappeurs. Cʼest non négociable. ET LE RESTE DE LA TENUE ?

Mis à part les sneakers, la casquette et le sweatshirt, il nʼy a pas de pièces « estampillées » streetwear. Le reste de votre tenue est en grande partie emprunté à un vestiaire plus classique. Cependant, lʼinfluence « street » se ressentira dans votre façon de vous les réapproprier. Sachez aussi que le streetwear, hétéroclite par définition, se marie bien avec dʼautres styles: avec des choses drapées, minimalistes et dark comme chez Silent by Damir Doma ou Rick Owens, du workwear comme chez Carhartt, ou encore des pièces plus habillées. LE TEE-SHIRT Pour le teeshirt, veillez à ce que celui-ci soit bien coupé même si vous êtes autorisé à le choisir un peu plus grand, toute proportion gardée. Prenez la ceinture comme point de repère : le teeshirt ne doit arriver ni au-dessus, ni en dessous de celle-ci. Si vous optez pour un teeshirt un peu plus large, évitez « lʼeffet parapluie » inhérent aux manches trop grandes. Nʼhésitez pas à faire un petit ourlet sur chacune dʼentre elles. En plus de restructurer votre teeshirt, cela vous donnera un « effet négligé » appréciable. Concernant les tee-shirt avec des imprimés, préférez avant tout la sobriété. Ils ne doivent pas être trop imposants... exception faite pour les imprimés all-over (cʼest à dire recouvrant toute la matière), comme le camouflage. Les tee-shirts à fines rayures ou en coton chiné sont des alternatives intéressantes. Les «pocket tees» (tee-shirts avec une poche côté cœur) rencontrent un grand succès depuis quelques années. Les variations sont nombreuses : soie, tissu avec imprimé original, poche avec bouton pression... Des détails qui donnent du relief à une pièce traditionnelle.

Exemple de poche avec bouton pression sur un tee-shirt Tantum ☞ Marques conseillées : Carhartt, Stussy, Norse Projects, Tantum, A.P.C. (de 35 € à 80 €). Citons cette pépite quʼest la marque Elegvncy Pvris, proposant du streetwear haut de gamme à un prix abordable. LE JEAN ET LE PANTALON Pour le jean, préférez un jean brut avec une belle toile selvedge. Celui-ci tombera parfaitement sur vos sneakers. Et vous pouvez faire un léger ourlet qui laissera apparaître le liseré rouge. Nous vous conseillons de préférer une coupe droite ou semi-slim, et de porter une paire de New Balance ou dʼAir Max. Évitez les skinny jeans et les « baggys » qui feront perdre toute crédibilité à votre tenue en cassant votre silhouette. ☞ Marques conseillées : Gustin (100 €), Balibaris (120 €), Naked & Famous (145 €), A.P.C. (145 €).

Jean brut avec un ourlet sur une paire de New Balance 670 La meilleure alternative au jean est le chino. Préférez une coupe cintrée, même si vous pouvez le portez un peu plus large. Nʼhésitez pas à mettre un peu de piment dans votre tenue en choisissant des coloris vifs. Dans ce cas, veillez à ce que le reste de votre tenue soit sobre pour se marier avec la couleur du pantalon. Avec un sweatshirt à col rond et une belle paire de sneakers, vous aurez une silhouette street et décontractée, sans pour autant paraître négligé. ☞ Marques conseillées : Patrons, Dockers, Homecore, Bleu de Paname, Norse Projects (entre 100 € et 140 €). Et le short ? Si la météo vous le permet, nʼhésitez pas à en mettre un ! Attention à sa longueur : idéalement, il doit sʼarrêter à mi genoux. Sʼil est trop long, faites un petit ourlet. Évitez le superflu (poche sur le côté...) et portez-le uniquement avec des sneakers basses.

Le fameux bermuda " Cargo " de Carhartt - 80 € environ. VESTES / MANTEAUX Pour passer lʼhiver au chaud, choisissez une parka. Préférez un modèle long, avec des poches pratiques au niveau de la poitrine pour y glisser vos mains. Les bombers dʼaviateurs avec ou sans col en mouton sont aussi un excellent choix pour affronter le froid. Pour les beaux jours, un blouson dʼété fera lʼaffaire. Optez pour des modèles avec un col en velours si vous souhaiter renforcer le côté recherché de votre tenue. Le teddy, pièce emblématique des universités américaines, est à choisir si vous voulez renforcer encore plus le côté street de votre tenue (ou si vous êtes étudiant). En fonction de la saison, préférez un modèle en coton ou en cuir. L'INTÉGRATION DE PIÈCES PLUS HABILLÉES

Une fois que vous aurez maîtrisé les principes de base, vous pourrez aller plus loin en intégrant des pièces haut de gamme. Le contraste est très intéressant. Concentrez-vous sur une pièce précise, sans perdre de vue que celle-ci doit parfaitement sʼintégrer à votre tenue streetwear. Nous vous conseillons de commencer par les pièces du haut comme des pulls et cardigans en grosse maille, des chemises en popeline ou encore une veste matelassée type Barbour. Des maisons de prêt-à-porter "premium" comme A.P.C. et AMI proposent des bomber jackets magnifiques (entre 350 € et 500 €). Les créateurs Gaspard Yurkievich et Monsieur Lacenaire ont revisité le teddy dans leur collection (environ 300 euros).

Teddy Gaspard Yurkievitch Pour vos chaussures, Lanvin propose dʼexcellents modèles de sneakers en nubuck et en suède (entre 320 € et 550 €). Cela renforcera le côté habillé de votre tenue tout en préservant la dimension "urbaine". LES COLLABORATIONS Appelées aussi co-branding  et très répandues dans lʼunivers du streetwear, elles permettent à deux marques de travailler ensemble sur un ou plusieurs produits. La rencontre de leurs univers et savoirfaire respectifs donne naissance à des produits inédits, donc très recherchés. Le parfait exemple est la collaboration entre Carhartt et A.P.C. : la silhouette proposée a su réunir les fans de streetwear / workwear et les amateurs du style "bobo".

Carhartt et A.P.C. ont " fusionné " leur logo pour leur collaboration. Attention quand même à ne pas prendre la moindre collaboration pour le Graal : chez les grandes marques, ce sont surtout des coups marketing. Écoutez-vous et faites-vous confiance 

CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE PREPPY ? Temps de lecture : 10 minutes

Publié par Vianney le 10 août 201543 Mis à jour le 2 novembre 2016 LES ORIGINES DU STYLE PREPPY Unique en son genre parmi les modes éphémères qui déterminent notre société, le style "preppy" est bien plus qu’un simple style vestimentaire. À l’instar du workwear (qui représente l’autre extrémité du spectre social), c’est une véritable conception de l’existence pour ses adeptes. Détail amusant dans la mode américaine qui, contrairement à d’autres courants (dark, sartorial ou streetwear) représente une mode sociale placée sous le signe d’une époque, d’un milieu et d’une conjoncture particulière. On s’habille preppy comme un marqueur d’identité sociale, et non par nécessité pratique ou démarche intellectuelle.

Étudiants de Brown University, en 1964. (Crédits Teruyoshi Hayashida). Cette revendication sociale fait que le style preppy est à la base un vecteur d’idées bien définies : la réussite, le conformisme, l'éducation, les convenances, les règles de bienséance, la distinction, le bon goût. Bref, tout ce qui distingue traditionnellement l’élite dans l’esprit des gens. LE PREPPY, VÉRITABLE MARQUEUR SOCIAL DES CLASSES DIRIGEANTES On y trouve un esprit caractéristique des grandes écoles. L’expression ultime de celui-ci restant les “sociétés secrètes” bien implantées dans les universités américaines, comme lesSkull and Bones. Bien qu'imitant les rites francs-maçons, ils ne sont en réalité qu’un moyen de tisser des liens avec des groupes fermés, des gens appelés à être de futurs dirigeants dans leurs catégories

respectives. Cet esprit est encore renforcé par les codes universitaires : sport, dortoirs communs, traditions... Tout cela contribue au sentiment des prep's d’être membres d’une élite, au sein d’une culture de l’exclusivité. En bons membres conscients d’une aristocratie, les premiers adeptes du preppy s’efforcèrent d’inculquer tout ce système de valeurs à leurs enfants, en prenant comme modèle ce qu’ils connaissaient : les bibliothèques en chêne lambrissé de Brown, les courts de squash de Deerfield, ou encore les nuits de Choate Rosemary Hall. Cette éducation fut perpétuée de père en fils par les familles puissantes, jusqu'à ce que, comme toute élite, elles soient copiées. D’où la démocratisation du look preppy tel que nous le connaissons aujourd’hui, qui est devenu un courant mainstream de plus. Quand bien même, ses fondamentaux vestimentaires sont restés inchangés.

Comme vous pouvez le voir ici, si les coupes et les couleurs ont un peu changé avec le temps, le preppy actuel dépend toujours des mêmes bases. (Crédits : urbanbible.com). DÉBUT D'OUVERTURE DU STYLE PREPPY ET SATIRE SOCIALE En 1980 est sorti The Official Preppy Handbook, un ouvrage de Lisa Birnbach. Le livre, originellement conçu comme une subtile parodie des prep's, a raté son but auprès du public. Il est ainsi devenu une espèce de manuel de référence du savoir-vivre et de bon goûtupper class, établissant définitivement la culture preppy chez le commun des mortels. Chris Hogan, fondateur du blog Off the Cuff, l’explique en ces termes : "Vous ne portez pas un vêtement de pluie par-dessus votre blazer parce que vous êtes une élite qui veut avoir l’air accessible à la masse. Vous le faites parce que vous êtes cette élite qui dit à son

professeur de latin que comme, techniquement parlant, vous n’avez enfreint aucune règle, il ne pourra rien faire pour vous empêcher de vous habiller de la sorte. Et votre vêtement de pluie est en réalité un vêtement de navigation, parce que - ah oui - votre père est propriétaire d’un yacht.  Ce côté “rebelle en uniforme” est devenu la marque de fabrique du style preppy démocratisé, et notamment de Ralph Lauren qui mélange vêtements formels et fonctionnels."

Les étudiants du film "Le Temps d'Un Week-End", personnages secondaires qui illustrent à merveille l'esprit "privilégié, mais rebelle et insolent" qui est indissociable du style preppy. RÉINTERPRÉTATION CONTEMPORAINE DU PREPPY Son retour actuel (après un abandon progressif dans les années 80), est symptomatique du renouveau d’intérêt porté à la mode masculine, et s’inscrit dans la même tendance que le retour du workwear. Tous deux véhiculent une authenticité, avec des vêtements patinés par le temps, porteurs d’un caractère et d’une histoire. Si aujourd’hui, Ralph Lauren est devenue la marque étendard de cette culture, c’est à l’origine J.Press et Brooks Brothers (le tailleur officiel des présidents américains, avec son fameux combo costume bleu marine / cravate rouge) qui détenaient ce statut (elles se sont implantées directement sur les campus des universités de la Ivy League). Le sens du terme s’est toutefois dilué : du formalisme rigide très Ivy League des années 50, il désigne aujourd’hui quiconque est habillé de manière un peu chic / classe. Comme on essaie de définir ici l’essence d’un style de façon pratique, on restera attachés à sa première définition : l’ironie des jeunes hommes de l’upper-class. "PRE-PRISE" EN MAIN : MAÎTRISER LE STYLE PREPPY

Le style preppy correspond à un style “outdoor”, c’est-à-dire un style conçu pour les activités en extérieur (initialement : chasse, nautisme, golf, cricket, polo, garden parties) : il reste confortable et permet une certaine aisance de mouvement, tout en projetant cette élégance guindée très “monde à part” de la bourgeoisie. On retrouve l’influence outdoor dans les couleurs employées : le kaki, ou au contraire des couleurs assez vives (rayures, vestes de campagne, pantalons droits couleur rouille et références nautiques ou équestres).

La couverture du Take Ivy, l'ouvrage mythique du preppy, dont la première édition est quasiment introuvable. Techniquement, il y a donc deux styles que l'on regroupe sous le nom de "preppy".

Premièrement : le style Ivy League traditionnel, et deuxièmement : le style preppy actuel, avec les dérives qu’on connaît (oui, on parle des polos aux couleurs farfelues et avec des immenses logos brodés). LE STYLE PREPPY “IVY LEAGUE” LA VERSION ORIGINELLE DE CE STYLE Si c’est ce style qui vous intéresse, il en existe une bible sortie en 1965 au Japon, et quasiment introuvable aujourd’hui : Take Ivy. Il y a eu une réimpression limitée chez PowerHouse en 2011, et nous vous encourageons d'ailleurs à vous la procurer : c’est une lecture passionnante. Le livre consiste en une série de photographies d’étudiants américains sur leurs campus de l’époque, impeccablement habillés avec ce qui se faisait de mieux dans le style à l’époque. Contrairement au style preppy hérité des vêtements sportswear des  Ivy students aux couleurs vives de leurs équipes sportives (nautiques, aviron, etc.) et aux fonctions pratiques (cirés, ponchos, parkas), le style Ivy League est relativement formel. C'est le gentleman farmer anglais : ce style de campagne chic mais décontracté, dans des matières naturelles.

Non, on ne parle pas non plus de ça... ET EN TERMES DE PIÈCES, ÇA DONNE QUOI ? Vestes de blazer En hiver : une veste à épaules naturelles (slack jacket), de couleur discrète (généralement une teinte sombre de gris ou terre : anthracite, taupe, châtaigne, etc.), dans un motif “anglais” (tartan, chevrons, Prince de Galles) et une laine épaisse (Harris tweed ou flanelle). Souvent renforcée avec des coudières, et deux poches de hanches. Suivant la période, les vestes ont été indifféremment à deux boutons, trois boutons, ou croisées. En été : un blazer présentant les mêmes caractéristiques (épaules naturelles, fente crochet), bleu marine ou dans des couleurs et des motifs plus gais (rouge bordeaux, lie-de-vin, vert bouteille, seersucker - coton à effet gaufré), souvent avec un insigne de poitrine représentant la fraternité estudiantine ou l’équipe de sport du porteur.

Manteaux et blousons

Un pardessus Chesterfield gris ou camel (manteau d’hiver assez ample et fluide à boutonnière croisée, à l'esprit déstructuré, sans renforts renforts d’épaule ou pans lestés) ou un duffle-coat dans le type de ce que fait Gloverall, grand, épais, avec des poches plaquées et de gros brandebourgs (= les attaches iconiques de cette pièce). Ou un blouson d’hiver classique en laine, proche d’un Harrington ou à col mouton. Le tout généralement dans les mêmes matières, tons neutres et motifs que les vestes. Hauts et chemises Un pull en laine col V, sans manches ou à col rond, et en motif Fair Isle (type de jacquard spécifique à l’île écossaise du même nom), ou encore un gros cardigan col châle à côtes avec des boutons en bois. Une chemise oxford à col boutonné, bleue, blanche ou saumon, ou sa variante la Yale shirt (avec un passant dans le dos permettant de la suspendre facilement). Si vous êtes plus aventureux, une chemise en madras, ce tissu à carreaux originellement destiné aux officiers britanniques en Inde. Tout en coton si vous voulez respirer à l’aise ! On oublie pas les poches plaquées pour faire honneur aux influences militaires.

Yale shirt, interprétée par GANT. Pantalons Un chino, beige, simple, plus-classique-tu-meurs. Ou en flanelle, pour s’assortir à une veste de complet de la même couleur (tons gris / terre). Chaussures Un paire de penny loafers en daim camel (un type de mocassins iconique des années 30, dont le nom provient de la pratique des étudiants américains de glisser un penny dans les boucles du mocassin

pour les cabines téléphoniques), ou une paire de bucks en veau velours blanc (derby avec une semelle en caoutchouc rouge caractéristique).

Voici un exemple de look preppy de puriste, avec une paire de bucks aux pieds ! Notez l'usage de la ceinture sangle.

Mieux encore : une paire de brogues, grosses chaussures rustiques à bout golf, reconnaissables grâce à leurs petites perforations le long des coutures (ce qui permettait à l’eau des marais irlandais de s’écouler plus facilement). Accessoires Des cravates, indissociables d’un style qui reste témoignage d’une époque où se balader le col ouvert ou la cravate desserrée était impensable dans des contextes formels, professionnels ou étudiants. La plupart étaient à rayures (les "repp ties", héritées des cravates militaires, permettaient de reconnaître le régiment d’appartenance des officiers), et importées d’une tradition anglaise où chaque college possède son propre code couleur permettant de le distinguer des autres.

Des cravates "repp ties" : avec ces rayures caractéristiques. LE STYLE “PREPPY” ACTUEL UNE ÉVOLUTION PLUS JEUNE ET PLUS AXÉE SPORTSWEAR C’est devenu un style beaucoup plus mainstream que son parent, suite à son adoption par nombre de créateurs depuis les années 70. Il s’est intégré pour le commun des mortels comme un style “par défaut”, facile à porter, à intégrer, et qui véhicule encore une certaine idée de “classe”.

Malheureusement, du fait de son esthétique colorée, c’est aussi une catastrophe assurée si on n’en connaît pas les codes. Il est paradoxalement compliqué à assortir : les pièces et la coupe sont simples, mais les couleurs et les motifs : non. Ses équivalents français sont tous les styles dits "BCBG". Bref, c’est un style aujourd’hui très connoté difficile à porter.

Concrètement, on parle de ça...

On s’attachera donc au style preppy dans un sens plus large, tel qu’on l’entend aujourd’hui (par exemple dans les lookbooks A.P.C. ou Kitsuné, qui sont des références en la matière). S’habiller preppy, c’est être classique, avec un twist amusant, comme une sorte de pied de nez conformiste face aux traditions. Une tenue en apparence sérieuse sera toujours cassée par un quelconque détail. ET EN TERMES DE PIÈCES, ÇA DONNE QUOI ? Vestes, manteaux et blousons Une veste simple (gris souris, bleu marine, sable, rouge ou vert bouteille si vous vous sentez plus aventureux) dans une matière légère (laine, coton, ramie), sans fioritures particulières (peut-être des coudières, souvent une seule fente, des revers fins et des épaules naturelles). Simple ne veut toutefois pas dire ennuyeux ! C’est l’occasion de jouer sur les variations de teintes, mais aussi de se servir de twists sur des détails simples (poches plaquées ou non par exemple). Beaucoup de tailleurs classiques utilisent des détails amusants pour casser le côté trop formel de ce type de vestes (Oswald Boateng, un des tailleurs de Savile Row réputé pour son usage de la couleur, est particulièrement renommé pour ses doublures dans des coloris totalement improbables).

Veste bleu marine simple. Détail cassant : la pochette raccord avec la cravate + le pantalon qui se rapproche plus du sweatpant mais garde son côté formel par son motif. (Crédits Dapper Edition). Un manteau ou un blouson classique : duffle-coat, Harrington (les blousons beiges en toile et doublure écossaise), trois-quarts droit, simple boutonnière, toujours dans des couleurs et matières traditionnelles (laine, coton, etc.). Un twist occasionnel peut être apporté avec un teddy (les fameux blousons sérigraphiés des équipes de football américain très en vogue sur les campus). Même les vestes Barbour matelassées (la fameuse "quilted jacket") de nos grands-parents reviennent à la mode.

À gauche, une tenue classique, cassée par le teddy. Au milieu, c'est par le blouson jaune (il arrive même à avoir un côté badass). A droite, par une paire de chukkas Red Wing. (Crédits The Midwest Style). Hauts et chemises Un pull col rond ou un cardigan, col châle ou non, dans les mêmes couleurs basiques, ou en jacquard si vous voulez vous amuser un peu. L’avantage avec le preppy, c’est que comme c’est classique, tout ce qui est basique passe, du moment que c’est bien accordé. Reste seulement à en faire quelque chose d’amusant, ou qui sorte un peu de la norme.

Encore un pull Fair Isle, pas forcément simple à assortir, qui vient casser, avec les chaussettes, une tenue qui aurait été autrement très sage.

Une chemise simple, monochrome ou à rayures, dans des tons clairs (bleu ciel, saumon, gris perle, blanc cassé, etc.). Et évidemment, la chemise en oxford est un passage obligé dans ce style !

Chemise bleue à rayures blanches qu’on vous aurait sans doute déconseillé en temps normal, mais qu’il a réussi à parfaitement assortir avec ce costume Gant Rugger. (Crédits Essential British). Pantalons

Un chino beige ou kaki, ou dans des couleurs plus fun (rouge brique, bleu ciel, etc.). On ne change pas une équipe qui gagne !

Simple et efficace. (Crédits The Sartorialist). Accessoires Les accessoires vont souvent vous permettre de vous amuser dans ce style. Que ce soit avec des cravates en tartan ou en tricot (par exemple les très belles cravates De Bonne Facture) ou des nœuds papillons moins conventionnels (on pense à ceux en bois de  Two Guys’ Bow Ties), des ceintures en corde, en tissu (le gros-grain est un classique de l’esthétique preppy) ou en cuir tressé. Ou encore des chaussettes de couleurs vives (les fameuses chaussettes rouges de chez Gammarelli, fournisseur officiel du Vatican). Vous avez les moyens de casser une tenue simplement : profitez-en !

Noeud papillon Two Guy’s Bow Ties. (Crédits : Two Guys’ Bow Ties). LES MARQUES MASCULINES DE STYLE PREPPY DE RÉFÉRENCE On peut trouver des pièces preppy facilement, voici donc quelques marques en ont fait leur fer de lance : 

Ralph Lauren : notamment leur ligne "Purple Label" qui est vraiment une gamme au dessus du reste.



Daniel Crémieux : pour des costumes à l'ADN preppy par excellence. Les prix sont assez élevés mais c'est plutôt qualitatif dans l'ensemble.



Vicomte A. : L'une des rares marques françaises qui se risque sur ce terrain. On en a déjà largement parlé sur ce blog : même s'il y a pas mal d'excès sur certaines pièces (notamment sur les polos comme on l'a sous-entendu plus haut). Les blazers et les chemises peuvent être très intéressants, et la marque n'hésite pas à utiliser des tissus de fournisseurs de qualité (tels que ceux de Thomas Mason). À noter : leur nouveau designer est très prometteur et les collections sont en train de gagner en maturité de manière indiscutable : moins de couleurs vives et plus de sobriété.



Gant et Gant Rugger (ligne plus "sportswear" et un peu moins chère) : Un style preppy plutôt classique, chic et sage, avec un rapport qualité / prix correct sur la plupart des pièces proposées. Ici, on est plutôt sur les couleurs naturelles et sobres d'un preppy modéré.



Gloverall : de l'outerwear british dans l'âme, avec de jolis duffle-coats et des grosses mailles à l'esthétique classique.

LE MOT DE LA FIN (ET BONUS PONEY) Maintenant que vous connaissez ce style pétri de codes, vous pourrez vous pavaner fièrement à l'université de Yale, en affichant votre maîtrise du preppy et de ses codes. Et en bonus : voici un poney en pull Fair Isle, moyen de transport étudiant parfaitement adapté pour affirmer votre appartenance à l'élite sociale tout en faisant ressortir votre côté cavalier rebelle.

Crédits : The Featured Creature.

VÊTEMENTS MYTHIQUES DES ETATS-UNIS (PARTIE 3/3) : 8 MANIÈRES DE PORTER LE STYLE IVY LEAGUE Temps de lecture : 12 minutes

Publié par Jordan Maurin le 3 juillet 201822 Ça finit en douceur. Après la Partie I (c'était : Le Tailoring américain existe-t-il ?) et la Partie II (Aux Sources de l'Ivy League Look, né des campus américains), voici l'apothéose modeste que je vous propose : du tangible, du palpable, de l'appréciation en trois dimensions, de l'Ivy à porter ! Pour déguster ce dessert, pourquoi ne pas opter pour L'Essentiel  de Dave Brubeck. Malgré les connotations de "sang bleu" du style Ivy League, il y a chez moi comme une propension naturelle à vouloir ressembler à ces mecs. Chausser les Weejuns et traîner ma nonchalance dans tous les coins du monde. Dans mon sillage, comme des exhalaisons de cool du matin au soir. Pas vous ? Bon, même si vouloir s'habiller comme ces mecs, c'est déjà faire l'aveu de son incapacité actuelle à atteindre ce niveau de cool. Toutefois, cela ne nous empêche pas d'essayer. MI-FIGUE MI-RAISIN TENUE #1 : LE MEILLEUR DE TOUS LES MONDES

Andy Spade et son sourire carnassier Attention, un objet incongru s'est glissé dans cette photographie. Saurez-vous deviner lequel ? Eh oui... il s'agit bien de cet haltère vert pomme posée négligemment sur cette pile de livres, comme pour dire qu'il est aussi important de muscler son corps que son esprit. C'est un objet de décoration plutôt étrange compte tenu de l'ambiance alentour. Bref. Si Andy Spade a une manière très à lui de sourire, au moins emprunte-il son style à l'Amérique. Et pas n'importe laquelle. On retrouve la sobriété générale de la mise, exprimée par des couleurs simples et universelles et dont le support, la matière, est épais, brut et franc. C'est du cuir, du denim, du tweed pour les pièces qui structurent la silhouette. Suffit ensuite de posséder une magnifique maison sans pareille à la décoration raffinée et bourgeoise et on se transforme en type intéressant. La vie, c'est facile. SÉLECTION

Veste sport Beams Plus, chemise Kamakura, cravate Drake's, chaussures Carmina, jeans Orslow ALTERNATIVES IVY 

Veste : SuitSupply, Pini Parma, Gant



Jean : Unbranded Brand, Gustin, Studio d'Artisan



Derbys : Oak Street Bootmakers, Loake, Jacques&Déméter

TENUE #2 : À L'AISE PARTOUT

Le trentenaire urbain branché. Chromatiquement, c'est un peu pauvre. Non mais c'est vrai, du bleu, du bleu, du noir, du blanc. Mais cela n'empêche pas cette tenue d'être rudement stylée, en plus d'être pratique et contemporaine. Le lien avec l'Ivy, c'est bien sûr les mocassins. La meilleure manière de les porter, c'est tout le temps. En fait, prenez-vous une paire bien confortable et pas trop chère : un cousu Blake pour le confort plus immédiat et portez-les avec autant d'acharnement qu'un jean brut. Bon, ces mocs ne vont pas se délaver à l'instar de la toile de denim mythique mais au moins allez vous vous différencier de bien belle manière de la foule en sneakers blanches. De plus, cela ajoute un peu de charme à vos tenues de tous les jours. (Et au fait : l'association jean - droit, de préférence, pour plus d'Ivy - et mocassins fonctionne à merveille !) SÉLECTION

Pantalon Editions M.R, Veste en denim NN07, Loafers Orban's, lunettes Baars, chemise Swann&Oscar ALTERNATIVES IVY 

Chemise button-down : BD Baggies, Gant, Kamakura



Pantalon à motif (bon c'est pas vraiment Ivy mais c'est pour le plaisir) : A.B.C.L. Garments, Aeroleather Clothing, A.P.C., SuitSupply, Barena Venezia

PORTER LE MADRAS SANS PASSER POUR UN RÉAC' Certains comportements sartoriaux sont très Ivy. Comme par exemple porter une chemise en oxford avec un col boutonné assez généreux et une cravate club. Ça c'est très Ivy. Ou alors, porter ses loafers avec une pièce de monnaie coincée dans l'œil du plastron et avec des chaussettes écrues et un chino beige. Ça c'est vraiment très Ivy. Ou alors, et après je m'arrête, porter une chemise oxford rose button-down avec un smoking et un nœud papillon club. Plus Ivy tu meurs. Et porter le motif madras fait partie de ces choses vraiment très Ivy. Trop Ivy peut-être ? Non, c'était un piège, on n'est jamais trop Ivy. À l'origine, le madras, nous vient du village portuaire indien du nom de Madraspatnam. On y tissait à la main la fameuse étoffe multicolore, avec du coton et de la soie. Les anglais se sont chargés de la distribution en Europe et jusqu'aux Bahamas, lieu de vacances des étudiants américains. C'est la rencontre entre ce tissu exotique et l'Ivy League. Sur le plan du style, superbe motif que le madras, mais difficilement domptable. Je n'aime pas le considérer comme un tout dans une tenue, c'est-à-dire que malgré la complexité de son motif, il ne se suffit pas à lui-même. Il ne vibre jamais mieux que s'il fait écho à une autre pièce, est pondéré par elle ou l'encanaille. C'est pour cela que j'aurais bien du mal à le porter en veste, comme un enfant turbulent sur les épaules, ou encore en pantalon comme le génial Bill Murray ci-dessous : Pour un personnage de film, le madras exprime l'excentricité. Ou l'attachement stérile à des valeurs qu'on n'incarne plus. Pour Wes Anderson 1, il s'agit là de montrer au spectateur la déchéance psychologique (et physique) du personnage joué par Bill Murray, par le simple contraste entre le motif madras censé symboliser la réussite de la jeunesse des campus de l'Ivy, et le comportement du personnage. Mais l'enjeu pour nous qui ne sommes pas dans un film, c'est de s'approprier ce motif pour le rendre aussi normal sur nous que n'importe quel autre vêtement un peu coloré. En faire un choix stylistique possible parmi tous les possibles. TENUE #3 : N'AVOIR PEUR DE RIEN

Nick Wooster, moustache bien en place, cigarette prête à être dégainée, main dans la poche pour se donner de la contenance, le regard fixé sur ses statistiques Instagram. Elle est riche d'enseignements cette tenue. L'association de couleurs de la veste sport et du cargo : le beige de l'une et le marron de l'autre sont proches et même un peu trop peut-être. Le contraste, dans l'absolu, n'est pas suffisant. Mais cela fonctionne pour plusieurs raisons : 1. La première, c'est que nous n'avons pas besoin d'un contraste fort en plus de celui que présentent déjà la chemise et la cravate ensemble. 2. La deuxième, c'est qu'ainsi l'œil se dirige plutôt vers le haut du buste et le visage du porteur. Cela simplifie l'information générale de la tenue. 3. La troisième, c'est que cette association un peu bancale donne plus d'humanité à la machine Wooster, plus de charme même. On se dit qu'il n'y a pas réfléchi une heure avant de dormir la veille, que cela s'est fait spontanément. Ajoutez toujours un élément un peu discordant si vous trouvez que votre tenue est un peu trop propre, trop parfaite. Une pochette inattendue, une ceinture qui n'est pas de la couleur exacte des chaussures, un foulard criard. C'est le léger déséquilibre d'une tenue qui donne le charme. SÉLECTION

Veste Gant, chemise J.Crew, cargo MAN 1924, pochette Pochette Square, ceinture Balibaris, lunettes Persol, cravate Brooks Brothers, brogue Grant Stone ALTERNATIVES IVY 

Chemise Madras : Brooks Brothers, Gant, John Simons, Castaway Clothing



Pantalon cargo (c'est pas Ivy non plus mais je fais ce que je veux, c'est mon article) : Neighborhood, Closed, Bleu de Paname



Brogues : Meermin, Grenson, Oak Street Bootmakers

TENUE #4 : FAIRE LA ROUE

Le Grey Fox dans sa maîtrise des bleus et de l'art de faire semblant de ne pas nous voir. Seersucker, madras, rayures, selvedge et croisé. Le Grey Fox a voulu placer tous les mots compte triple au Scrabble sartorial. Et c'est bien fait. Je suis déçu parce que j'aurais voulu trouver la photographie en pied de sa tenue mais elle a été engloutie dans les abysses infinis du dark web. 2 Franchement, si vous écriviez à David ou Nicolò pour leur demander s'il était stylistiquement possible de porter une cravate madras rouge et verte et bleue et orange et violette, avec une chemise à rayures bâtons bleu et blanc sous un croisé bleu marine en seersucker et agrémenté d'une pochette d'un bleu azur à liseré selvedge rouge, quelle serait leur réponse ? Probablement un mélange de haut-le-cœur et d'incrédulité. Mais voyez. Voyez comme c'est beau, comme c'est soigné. Ça fonctionne parce qu'il y a des rappels (le rouge du liseré avec celui de la cravate, le bleu azur de la pochette avec celui de la cravate) 3, parce que les motifs de la chemise et de la cravate sont à échelle différente et que, de plus, celui de la cravate est fondu. Voilà globalement. Périlleux mais la récompense est à la mesure du risque pris. SÉLECTION

Costume Officine Générale, chemise Boggi, cravate Brooks Brothers, pochette The Hill Side, loafers Meermin

ALTERNATIVES 

Cravates madras : A Fistful of Vintage, The Tie Bar, J.Crew, Nordstrom



Tailoring seersucker : le mieux, c'est d'aller chez un tailleur en demi ou sur mesure, chez Samson, Faubourg Saint-Sulpice, Les Francs-Tireurs, Blandin&Delloye par exemple.

AVEC MON SEERSUCKER DE ROCKEUR TENUE #5 : PORTER LE COSTUME COMME UN T-SHIRT

Pourquoi c'est Ivy ? Eh bien, d'abord parce que c'est un costume en seersucker. Ensuite parce qu'il porte des mocassins 4. Et, pour finir, parce que le costume est un deux boutons et demi. Autre chose : il n'y a rien qui vous choque ? Le truc que BonneGueule vous a toujours dit de fuir comme la peste mais que, pourtant, notre ami Kamoshita fait sans scrupule. Eh oui, vous avez deviné : il a un bout de salade entre les dents il n'a fermé que le dernier bouton du bas de sa veste. Horreur. Damnation. C'est pour donner une saveur plus personnelle à l'ensemble. Je ne le conseille pas. Ça ne fonctionne jamais. À part sur lui, et encore, je n'en suis même pas convaincu. Alors que je suis un de ses plus grands fans. Remarquez comme les revers de la veste s'épanouissent, sont généreux comme son sourire est espiègle ; la hauteur des revers du pantalon sont en harmonie avec l'ensemble ; la taille du col de la chemise est proportionnelle à la largeur de la cravate qui présente un motif intéressant. Je le veux dans mon équipe. SÉLECTION

Costume Drake's, chemise Berg&Berg, loafers Velasca, cravate Post Imperial ALTERNATIVES



Costume seersucker, si on ne souhaite pas aller chez un tailleur : Brooks Brothers, Haspel, De Fursac

TENUE #6 :

"HAHAHAHA Le style Ivy ? Qu'est-ce que c'est que le style Ivy ? Nous on ne choisit pas nos vêtements, c'est les vêtements qui nous choisissent. Alors, du vent." Laissez-moi vous présenter Carlos Castillo et Jorge Navares. Ils ne portent pas le même nom mais se ressemblent comme deux gouttes de chardonnayd'eau. Comme Zooey Deschanel et Katy Perry. Comme Gandalf et Magneto. Comme Matt Damon et un pote à moi. Je crois bien que ces deux-là sont cousins ou quelque chose comme ça. J'ai fait des recherches, si, si, mais c'est un peu vague. Comme s'ils avaient honte. Bref ! Nous nous intéressons ici à la tenue de droite. Celle de Carlos, le directeur créatif de MAN 1924 dont M. Navares (en face de lui) est le CEO je dirais à son regard chaloupé. Voilà pour moi une bonne manière de porter le seersucker : en veste et point final. Ici, elle est croisée mais cela n'apporte pas grand chose. Une droite suffit, comme je vous propose ciaprès. J'aimerais que vous appréciez un peu les proportions de la tenue de Carlos. Le pantalon est droit et ample mais gentiment vous voyez, en douceur. La veste n'est pas trop étriquée. Maintenant, imaginez Carlos dans les mêmes vêtements mais vraiment ajustés. Vous pensez que cela aurait le même cachet ? Non. Donnez de l'ampleur à vos vêtements ! Ça vous rendra service. SÉLECTION

Veste Beams Plus, chemise Berg&Berg, cravate Shibumi, pantalon Scavini, white bucks Brooks Brothers ALTERNATIVES 

Pantalons taille haute (pas non plus très Ivy) : Pini Parma, Uniqlo, Officine Générale, Harmony Paris, Lopez Aragon



Les white bucks : très difficiles à trouver... Si d'autres marques en font (en veau velours blanc hein), faites signe !



Cravate tricot marine, on voit ça partout : De Fursac, Drake's, The Nines, Augustus Hare

DU VENT DANS LES CHEVEUX TENUE #7 : VIVRE LA VIE QU'ON MÉRITE

Paul Newman en train de s'interroger sur des problèmes métaphysiques. Il est 15h18, je suis au bureau de BonneGueule à Paris, et il fait une bonne cinquantaine de degrés.

Celsius ouais. Il y a de fortes chances pour que, à l'heure où vous lisez ces quelques lignes, il fasse une chaleur de tous les diables chez vous également. Prenons donc une minute pour nous imaginer à la place de Paul Newman, sur la proue de cette modeste embarcation, dans les mêmes fringues. ... Bah, je sais pas vous, mais de mon côté, j'y étais. Concernant sa tenue, il s'agit là de fringues très Ivy aussi. L'Ivy rudimentaire, le sportswear Ivy, casual au possible. C'est pas une mauvaise tenue pour ne rien faire. Mais ce n'est pas non plus une mauvaise tenue pour faire des choses. Au niveau des couleurs, c'est une sorte de non choix, et c'est en cela que c'est assez remarquable. C'est l'homme qui veut vivre avec la nature, celui qui ne veut pas se faire remarquer mais il veut lui remarquer ce qui l'entoure. Eh oui, c'est une tenue d'esthète, de conquérant, d'homme des grands espaces. SÉLECTION

Sweatshirt Albam, montre Seiko, chino Norse Projects, sneakers Asahi, lunettes E.Tautz x Kirk Originals, chaussettes Democratique Socks ALTERNATIVES 

Sweatshirt : Velva Sheen, Monoprix, National Athletic Goods, Homecore



Pour le reste, pas besoin de moi je pense 😉

TENUE #8 : FAIRE CE QUI NOUS CHANTE

Andy Spade encore avec un visage dont il a le secret. Sur une échelle de 1 à Andy Spade, vous êtes à la coule comment ?

Bon, j'en conviens. Peut-être que posséder un domaine vinicole dans la Napa Valley peut aider à réussir un tel look. À la fois, je trouve cette tenue d'un lâcher prise total, autant d'un autre côté, je la trouve géniale d'insolence et d'irrévérence. Je ne vous conseille pas particulièrement de porter cette exacte tenue qui ne va qu'à lui, voire même pas. Toutefois, le combo à conserver, c'est bien chemise oxford button-down, bermuda et grosses sneakers. La ceinture ajoute de l'Ivy. Comme si on n'avait pas encore compris. SÉLECTION

Chemise Gitman Vintage, ceinture Brooks Brothers, sneakers New Balance, bermuda Scavini ALTERNATIVES IVY 

Bermudas (pas Ivy, pas grave) : Harmony Paris, Orlebar Brown, Seagale, SuitSupply

TENUE #9 (BONUS) : L'IVY BRITISH

Vous le savez maintenant 5, l'apport du Royaume-Uni à l'Ivy League Look est colossal. À ce propos, connaissez-vous John Simons ? C'est un influenceur, curateur 6 et directeur de magasin ayant débuté sa carrière dans les années 60. En fait, il a copié les vêtements de l'Ivy League Look... ce qui est assez ironique puisque les Américains se sont largement inspirés de la Grande-Bretagne pour développer le style Ivy. Mais je me répète. En tout cas, ce que John Simons a fait, c'est de le démocratiser au plus grand nombre. Très lié au monde de la musique et aux sous-cultures, il a influencé les suedeheads, les cousins plus élégants des skinheads. La bonne nouvelle, c'est que John Simons a désormais un e-shop sur lequel je vais bientôt commander à condition que je ne flambe pas tout ce que je possède dans des vacances au-dessus de mes moyens.

Un film, John Simons - A Modernist (dont voici la bande annonce) a été tourné. Le réalisateur, c'est Jason Jules un enthousiaste du style Ivy et mannequin vedette pour Drake's. Pour venir à la tenue, c'est l'Ivy facile et intemporel. Suffit juste de troquer le parapluie pour une bonne vieille Triumph 500 TT et nous voici Harvey Mushman 7 , rebelle et libre. Vous n'avez pas besoin de moi pour réussir cette tenue. Il faut simplement une ouverture de jambe suffisante pour ne pas faire apparaître les pieds ridiculement grands. Mais c'est valable pour tous les pantalons ça. C'est tout. SÉLECTION

Blouson Baracuta, chino J.Crew, t-shirt Uniqlo, Desert Boots Clarks, parapluie London Undercover ALTERNATIVES IVY 

Desert boots : Sander's, O'Keeffe, Astorflex, Ypson's (option Chukka)



Blouson : Harrington, Patagonia, John Simons

LE MOT DE LA FIN... Classique. Voilà le mot de la fin de cette Saga America.

Car "classique" est un mot grand comme un panthéon dans lequel entrent à jamais tous les vêtements mythiques ayant traversé les modes. L'Ivy League Look est de ceux-là. Le blouson Harrington, le chino beige, le pull shetland, le col rond, la veste sport, les chemises à col boutonné, les mocassins sont pour moi des espèces de vérités générales qui s'emploient, comme des jokers du style, partout et tout le temps. Et je voudrais vous partager les mots de David Coggins, auteur américain (ou plutôt new-yorkais !) et journaliste pour Condé Nast Traveler, Esquire et The Wall Street Journal, voix vibrante des bonnes manières et de la vie meilleure (telle qu'on peut la voir sur son compte Instagram @davidrcoggins) : Dans “classique”, j’entends quelque chose de très naturel : les proportions harmonieuses et les idéaux du style masculin, qui n’ont d’ailleurs pas changé depuis longtemps. Le style classique, ce n’est pas seulement un costume confortable, ce sont des vêtements bien fabriqués, et qui font sens : qui révèlent qui vous êtes, l’image que vous voulez renvoyer. La vraie question, celle que devraient se poser tous les hommes, c’est “qu’a-t-on fait de meilleur dans le passé et en quoi cela fait-il sens avec qui  on est, et la manière dont on vit de nos jours ?” Bien entendu, beaucoup de bonnes choses sont arrivées depuis : les matières plus légères, un nombre croissant de tailleurs, le fait qu’on puisse porter une veste déstructurée avec un jean… et être chic !

L'auteur David Coggins qui pose chez lui. Je suis d'accord avec David Coggins. Souvent, dans la tête d'autrui, ce qui est classique a un pouvoir narcotique et une odeur à fuir, de rance et de poussière. Le classique pour beaucoup, ce sont les années, les errements stylistiques de nos grands-pères, l'austérité, la naphtaline et l'oubli. Porter la naphtaline comme du Chanel N°5.

Mais pour moi, si on sait se servir du vestiaire classique tel que l'Ivy nous le sert, c'est une source de cool intarissable. C'est l'assurance de parvenir à charmer toujours. Ce que j'aime dans les vêtements classiques, c'est qu'ils ne montrent pas les muscles bandés sous les chemises mais suggèrent plutôt les corps, parce que l'ampleur relative des vêtements est une marque de respect, une manière de se présenter comme un animal social et non seulement comme un animal tout court. La dignité induite par une tenue est le meilleur des styles. Ne pas se déguiser, faire simple mais vrai. Et c'est justement ce à quoi on peut aspirer avec l'Ivy League Look et par extension avec le style classique. Mais je m'étale beaucoup trop, veuillez me pardonner. Ainsi s'achève la troisième partie qui vous aura été utile je l'espère. Tant que vous prendrez du plaisir à vous habiller et à le faire pour vous d'abord, alors vous atteindrez toujours l'authenticité, si chère à G. Bruce Boyer. Servez-vous du style classique comme d'une arme sûre, qui ne s'enraye jamais. Portez-vous bien et à bientôt !

CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE DARK ? Temps de lecture : 13 minutes

Publié par Vianney le 1 février 201662 Mis à jour le 2 novembre 2016 Après nous avoir expliqué comment maîtriser le style preppy, le streetwear, le workwear et le rock, Vianney est de retour dans nos colonnes pour nous parler d'un nouveau style assez méconnu, et réputé pour son étrangeté aux yeux de l'homme moyen : le dark. LE STYLE VESTIMENTAIRE DARK : UNE DÉMARCHE À PART De façon générale, les gens qui sʼintéressent à la mode se divisent en deux catégories : 

Ceux qui sʼhabillent pour eux, pour le regard des autres ou pour mettre leur corps en valeur, cʼest-à-dire selon une approche “décorative” ;



Ceux qui voient la mode comme une expression artistique, avec la multitude de démarches intellectuelles que cela peut induire, mais toujours de manière purement abstraite. Ces derniers sont moins intéressés par lʼimage quʼils renvoient que par le concept précédant celle-ci.

Il ne suffit pas de s'habiller en noir avec une gueule d'enterrement pour avoir un "style dark". C'est un peu plus compliqué que ça, comme vous allez le voir 🙂 Forcément, pour un style aussi pointu, des pré-requis stylistiques conséquents sont nécessaires : 

Comprendre les différents styles gothiques - street goth, goth-ninja, goth-expérimental - de manière réfléchie (pas comme le dernier mec de Hypebeast fan dʼA$AP Rocky) ;



Maîtriser les coupes, les matières et les couleurs, ainsi que lʼéquilibre général dʼune tenue. Attention, il s'agit d'aller beaucoup plus loin que simplement avoir une silhouette "ajustée" ;



Faire table rase de toute cette connaissance pour lʼaborder sous un angle complètement différent, plus conceptuel que pragmatique ;



Mélanger les domaines. Une fois les parallèles nécessaires avec dʼautres domaines artistiques bien établis (anatomie, architecture, sculpture voire philosophie), les appliquer à la construction dʼun style vestimentaire. Et ça, c'est la partie la plus passionnante de ce style 😉

Cette connaissance poussée de plusieurs domaines est le premier obstacle entre le style dark et vous.

Aucune des règles de base n'est véritablement appliquée ici, pourtant l'ensemble est réussi. C'est-àdire qu'il se dégage une harmonie visuelle entre les formes et les couleurs. POURQUOI LE STYLE DARK EST-IL DIFFICILE D'ACCÈS ? Ce style comporte une seconde difficulté : cʼest la démarche de déconstruction. Le style dark est ce que fut l'art contemporain face à l'art classique : une théorie de l'abstraction de la matière (architecture, mode), mais aussi du corps. Il faut donc posséder les bases stylistiques et physiques (géométrie pour lʼarchitecture, anatomie pour la mode) pour les déconstruire ensuite. LE DARK : POUR QUELLES MORPHOLOGIES ? Cette démarche nécessite donc un corps bien construit, répondant plus ou moins aux canons de beauté et de rapports de proportions classiques. Cʼest donc un style difficile pour les plus corpulents et les moins athlétiques dʼentre nous.

Ce ne sont pas les mannequins du défilé Rick Owens qui diront le contraire. Comme lʼa dit Rick Owens : "Lʼentretien de son corps est la mode des temps modernes.  Aucune tenue ne te rendra aussi beau, ne te fera sentir aussi bien, que dʼavoir un corps sain. Achète moins de vêtements et va plutôt à la salle de sport."

Rick Owens, ici en train d'effectuer un tirage barre menton, a toujours été un grand fan de la salle de sport, d'où la dimension très confortable de beaucoup de ses vêtements. C'est ainsi que Lad Musician, une marque japonaise inspirée des looks de rockstars des années 70, mixée à la sauce nipponne, produit spécifiquement des vêtements pour des personnes aux mensurations précises : plus dʼ1,77m, moins de 65kg, hanches et épaules étroites. Autant dire que ça ne concerne pas tout le monde.

UN STYLE ONÉREUX... Dernier obstacle : le prix. Cʼest un style sans compromis, ni physiques, ni conceptuels - puisquʼil est déjà une démarche intellectuelle en lui-même -, ni qualitatifs. Pour cette raison, la plupart des créateurs dark sont inabordables au commun des mortels : un tshirt Damir Doma, soit lʼentrée de gamme de la marque, vaut près de 400 euros. Néanmoins, le prix, pour autant quʼon lʼaccepte, est parfaitement justifié dans le traitement et les matières absolument uniques de la pièce. Il faut toucher les coutures dʼun manteau Carol Christian Poell pour le comprendre.

Il faut aussi comprendre que ces démarches créatives ciblent autant de marchés de niche, aux potentiels limités, même à lʼéchelle du globe. Le développement lent des collections, la production souvent artisanale et le marché de taille limitée sont également des facteurs qui tirent les prix vers le haut, voire le très haut...

Veste en cuir Isaac Sellam Experience, 10 800€. LA DIVERSITÉ DU STYLE DARK, ENTRE MODE ET DESIGN Chaque designer dark a son univers propre, ce qui rend lʼassemblage des pièces dʼun créateur à lʼautre assez limité - à part sur certaines, assez basiques (pour du dark...) pour être combinées sans problèmes. Par exemple, la forme générale dʼun pantalon "drop crotch" (à la fourche très basse, ndlr) variera assez peu dʼun créateur à lʼautre, en dehors dʼéventuels rajouts ou variations (lanières de serrage, formes et emplacements des poches, sur-jupe, etc.). Cette pièce sera donc un peu plus polyvalente. Carol Christian Poell lʼexprime bien : «Le terme avant-garde a été complètement galvaudé. Une pensée avant-gardiste est un acte solitaire et défricheur par sa nature même. La traduction exacte du français est “en avant de la troupe”, avant la masse ou la foule, ce qui implique que rien dʼavant-gardiste ne sera jamais à la mode.» De facto, aucune pensée avant-gardiste ne sʼaccorde véritablement avec une autre, puisqu'elle est lʼexpression dʼun univers personnel et dʼune vision du monde propre. UN MICROCOSME DE CRÉATEURS DARK DISTINCTS Ainsi, aucun “style” dark nʼest véritablement compatible avec un autre, car tous sont le fruit de conceptions différentes, matérialisées dans les vêtements. Intégrer un créateur à son style, cʼest adopter un processus de pensée et rentrer dans un uniforme. Même si on déconseille fortement le total look par ailleurs, on parle ici, encore une fois, de quelque chose de véritablement unique. Il y a des partisans de Julius_7, des fanatiques de CCP et des inconditionnels de The Viridi Anne... Aucun ne sʼentendra véritablement avec lʼautre, même si, à lʼœil du profane, ce ne sont jamais que des types dégingandés avec des draps noirs sur le dos.

Bon, parfois c'est vraiment le cas... Défilé Julius_7 S/S 2016 Cela restera toujours cérébral, jamais utilitaire, jamais «décoratif». OK, mais à quoi ça peut servir ? QUE PEUT M'APPORTER LE STYLE DARK ? Chercher à comprendre le dark ne vous servira à rien si vous voulez simplement bien vous habiller, avec des vêtements qui vous vont et basta. En revanche, le moment peut arriver où vous vous sentez stagner. Souhaitant atteindre le stade supérieur, vous pensez avoir saigné tout ce que vous saviez de la mode, alors vous tournez en rond. Si le dark ne vous parle absolument pas et que vous voulez rester, admettons, sur du workwear. Lʼétudier de manière conceptuelle vous permettrait tout de même dʼavancer dans votre propre style, en vous penchant sur ses principes fondamentaux : la simplicité, le travail de fond sur les coupes, les matières, une esthétique complexe où tout est question de contraste.

Vous répercuterez ces principes de manière abstraite sur ce que vous savez déjà, découvrant alors des choses auxquelles vous nʼauriez peut-être pas pensé, ce qui aiguisera votre œil, et finalement, vous permettra de mieux vous saper. Pour cela, on ne peut que vous donner les conseils habituels : renseignez-vous sur les marques, regardez leurs lookbooks. Plus que jamais, touchez et essayez ces vêtements. Certaines collections sont forcément plus réussies, et donc plus en phase avec la philosophie du créateur que dʼautres, tirez-en parti ! Comme dit le mafieux albanais à qui téléphone Liam Neeson dans Taken : "Bon chance."

"Quoi ? 400 euros pour un t-shirt ?" STYLE DARK, ARCHITECTURE : DES DOMAINES QUI COMMUNIQUENT La réflexion d'un créateur dark est proche de celle d'un architecte par cette volonté de déconstruction et de réappropriation des codes, et dans l'approche des volumes et des proportions. Je vous propose donc de nous appuyer sur Les Cités  Obscures, oeuvre ayant trait à l'architecture, afin de mieux comprendre cette démarche. L'EXEMPLE DES CITÉS OBSCURES François Schuiten, un auteur de bandes-dessinées franco-belge né en 1956 dʼune famille dʼarchitectes et d'artistes peintres, fut le dessinateur et scénariste dʼune série qui ébranla les fondations de la BD telle quʼon la connaissait : Les Cités Obscures. Le principe de la série est le suivant : au lieu de suivre une trame narrative définie avec un début, une fin, qui met en scène des protagonistes qui vivent, aiment, meurent... tout part dans tous les sens.

La dimension architecturale ne peut que sauter aux yeux. Chaque album est prétexte à une analyse architecturale approfondie. Cʼest, quelque part, la ville qui est lʼhéroïne de la série. Les personnages importent peu puisque, ce qui intéresse Schuiten, cʼest de dessiner des bâtiments et de montrer lʼimpact quʼune cité peut avoir sur la vie de ses habitants. Un peu comme dans les meilleurs runs de Batman où Gotham City nʼest pas tant la ville quʼun personnage à part entière, qui dialogue littéralement avec le Chevalier Noir.

Que serait Batman sans Gotham City ? Au-delà du fait que cette série soit un chef dʼœuvre, le processus de réflexion des Cités Obscures sʼapparente à celui des créateurs dark. ANALOGIE ENTRE LE STYLE DARK ET LES CITÉS OBSCURES Chaque album / collection gravite autour dʼun concept unique qui est traité à fond. Chaque page / pièce est une brique formant le mur complet de la collection. Un mur indépendant des autres qui, en même temps, soutien un univers / maison du créateur, un peu comme la théorie des univers imbriqués : tout est partie du tout. Chaque mur est un concept et soutien auto-suffisant, mais sa jonction avec les autres forme un autre concept plus général, une ligne directrice du créateur : 

Rick Owens sʼintéresse essentiellement au corps et aux rapports de force entre vêtements et anatomie ;



CCP, aux textures qui subliment les silhouettes taillées au scalpel de ses créations ;



The Viridi Anne est indissociable des transepts (nef transversale d'une église, ndlr) gothiques qui emplissent chacune de ses collections ;



Yamamoto sʼintéresse aux architectures épurées habillées de drapés.

The Viridi Anne.

Yohji Yamamoto. Chaque créateur dark est donc lʼexpression dʼune pensée singulière, fruit dʼune démarche intimement personnelle, qui refuse de sʼadapter à une masse mainstream pour mieux vendre ou mieux parler aux gens. Ça ne les intéresse tout simplement pas. Mais comme on ne peut totalement renier lʼhéritage dʼun mouvement, chaque créateur a aussi ses spécificités qui font quʼon peut grossièrement les classer dans des courants goth-sportswear, goth-tailoring, goth expérimental... Nous allons essayer de vous en présenter quelques-uns de manière plus concrète à travers ce prisme. LES PRINCIPAUX CRÉATEURS DU STYLE DARK POUR HOMME CCP : LE SARTORIALISTE Carol Christian Poell, créateur de CCP, est sorti de lʼécole de mode de Graz, en Autriche, avec une idée en tête : faire des costumes, mais sortir de la vision «veste / pantalon», divisée entre tenants des épaules italiennes et tenants des coupes anglaises.

Le style anglais, avec ici un costume Huntsman & Sons : épaules structurées, cintrage prononcé, tissu épais.

Le style italien : légèreté, extravagance et épaules sans rembourrage. L'importance du tissu et des expérimentations techniques liées dans la mode peut, en gros, être divisée selon le genre : 

La mode féminine, plus particulièrement la Haute-Couture, trouve son sens dans l'utilisation de nouvelles étoffes et façons, de coupes et de silhouettes, de techniques innovantes ;



La mode masculine réside dans les traditions immuables du tailoring, que lʼon retrouve aussi bien dans un (bon) costume d'entrée de gamme que dans le plus pur savoir-faire de Savile Row (quartier de Londres considéré comme la Mecque du costume).

Il y a bien sûr des exceptions à ce principe, dans la couture masculine contemporaine employant les mêmes codes que son homologue féminin, ainsi que dans le sportswear qui, en termes de structure, est relativement unisexe.

Le style CCP : du noir et de l'étrangeté Les véritables innovations dans les domaines conventionnels (chemise, manteau, pantalon, veste) sont cependant extrêmement rares et cantonnées à des créateurs avant-gardistes comme Carol Christian Poell, qui s'est bâti une réputation de "chercheur" plus que de créateur. UN SCRUPULEUX TRAVAIL D'ARTISANAT Cette notion de recherche est essentielle dans son travail et s'applique à toutes les étapes de son laborieux processus créatif - partant de fibres expérimentales et de techniques de manufacture inventives à la réanimation de pratiques ancestrales de traitement du cuir, presque oubliées. La plupart des créations de CCP sont faites ou finies à la main dans des ateliers italiens, mais il a aussi collaboré avec des façonniers japonais qui travaillent à l'ancienne pour produire des tissus uniques. La minutie du processus et l'attention portée au moindre détail se retrouvent de deux façons dans ses vêtements. La plupart n'ont pas de doublure, de sorte que la construction reste nue aux yeux du porteur (notamment dans les manteaux, avec des coutures ouvertes ou collées). Cela met l'accent sur le but final pratique du vêtement, dépouillé de tout artifice.

Même les coutures font l'objet d'une grande réflexion chez CCP. Il est aussi particulièrement attentif aux effets de surface. Montrer l'intérieur et l'extérieur d'un tissage, par exemple, en séparant matériellement la trame et la chaîne. Dans le travail du cuir, il inverse les techniques de production habituelles.

Avec ses chaussures directement assemblées, qui sont ensuite partiellement recouvertes de polyuréthane et, enfin seulement, tannées et teintes.   UNE VISION PERSONNELLE ET CONFIDENTIELLE Une des lignes directrices de son travail est également lʼintérêt porté au corps et à la sexualité comme expression ultime, théorie quʼil essaie de rendre dans son travail. Ses blousons en peau dʼautruche ou de kangourou, par exemple, concrétisent une ode à la fusion entre chair et concept.

Tout ce processus fait qu'il travaille entièrement en dehors des cycles habituels des défilés et du calendrier de la mode. Il prend son temps et n'annonce qu'avec discrétion ses collections, dont la plupart sont des modèles intemporels retravaillés d'une année à l'autre, formant l'essence de sa marque.

It...is...alive ! SRULI RECHT : LʼEXPÉRIMENTAL Sruli Recht est un designer lituanien qui a lancé sa propre ligne en 2005... et a légèrement dévié des canons classiques, après avoir fait ses armes chez Alexander McQueen. Ce dernier, malgré des productions aujourdʼhui plus classiques, sʼétait imposé dès sa sortie dʼécole en 1992 comme un designer expérimental avec les robes en cheveux de femme de sa collection Jack the Ripper.

Un extrait du lookbook Sruli Recht, agrémenté d'un haiku (petit poème japonais). LE GOÛT DE LA PERFORMANCE Une des plus récentes réalisations de Sruli Recht a, par exemple, consisté à se faire prélever une bande de chair sur lʼabdomen (avec les poils), pour en enlever le gras, saler sa peau puis la tanner dans une solution à lʼalun.

Le résultat est en vente pour $350,000 sur son site (et la vidéo de la performancedisponible sur Youtube - attention, déconseillé aux âmes sensibles). Il a aussi fait aussi un stylo-graveur sur verre en carbone, un fusil à lunette en érable gratté au cuir de cheval, etc.

Une démarche généraliste qui se rapproche donc plus du véritable designer dʼavant-garde, voire de lʼartiste performer, que du simple couturier.

Sa collection Circumsolar était uniquement faite en cuir de mouffette tigrée, dʼagneau translucide, d'un dérivé du kevlar capable de soutenir une attaque de mortier... et de fragments de météorite.

Aperçu de la collection Circumsolar. L'ATELIER DE SRULI RECHT Tous ses vêtements sont construits dans un maximum de un à dix exemplaires, dans son atelier de Reykjavik (ce qui nʼa pas empêché sa renommée de franchir les falaises de lʼîle). Tous sont montés dʼun seul tenant et avec un seul motif selon la taille de la pièce employée. Lʼatelier en lui-même - “lʼArmurerie” - est défini par son directeur comme une discipline hybride, à la frontière de la cordonnerie, du design produit et de lʼarchitecture. Il sort tous les mois un “non produit” qui va des écharpes pare-balles aux gants en peau de requin (avec les piques tournées à lʼintérieur, ce qui le rend impossible à enlever, à moins de couper la main ou le gant une fois quʼon lʼa enfilé).

Le fameux gant qui ne faut jamais enfiler. Une bonne partie des clients qui pénètrent dans la boutique sont des gens qui se sont trompés et cherchent un pistolet ou un fusil. Recht déteste parler de processus et préfère "trouver une façon de faire qui fonctionne pour chacun". Il a cependant développé au cours des années un système simple à mettre en œuvre en fabriquant des mannequins à échelle 1/2 à partir d'un modèle 3D, coupé au laser en feuilles de carton collées ensemble, sur lesquels il drape le tissu.

Le patron est ensuite marqué sur le tissu sans passer par des croquis, importé dans Illustrator, nettoyé, doublé en taille et enfin coupé au laser. Tout un processus high-tech ! LE STREET-GOTH Jun Takahashi, un des proches de Miyashita, le créateur de Number (N)ine et The Soloist, affirme que ce qui les “sépare de créateurs japonais moins récents comme Rei Kawabuko et Yohji Yamamoto, cʼest (leur) compréhension innée de la culture de la rue, en particulier de la musique”.

Jun Takahashi. Cʼest quelque chose d'essentiel pour comprendre le street-goth, un mix dʼinfluences sorti à la fin des années 2000 des trottoirs de Harlem avant dʼêtre popularisé par A$AP Rocky et Kendrick Lamar, en réaction à la tendance fluo qui faisait loi à cette époque.

Quand des influences dark rencontrent le streetwear. Elle se caractérise par un mélange subtil de pièces streetwear et dʼautres dʼinspirations goth-ninja, essentiellement les basiques simples, pantalons jodhpur, blousons high-neck de chez Rick Owens, etc. Les deux nʼont dʼailleurs pas grand chose à voir : 

Le goth-ninja est (en caricaturant) composé de fanatiques habillés de la tête aux pieds chez un unique créateur. Ils en ont adopté la philosophie et passent leur journée en quête de LA bonne affaire sur les proxys japonais dʼeBay ou le market de Superfuture.



Les adeptes du street-goth sont beaucoup plus mainstream et dérogent sans complexe à une des règles principales des tendances goth sartorialistes et expérimentales : le prix et les matières.

On les voit mélanger avec facilité des pièces pointues et des pièces street moins chères. EN NOIR, MARQUE EMBLÉMATIQUE DU STREET GOTH En Noir est une des marques phare de la tendance, elle a notamment incorporé Rob Garcia, le créateur de Black Scale, lʼautre marque égérie du mouvement.

Lookbook En Noir. La marque se distingue par ses t-shirts loose, avec des imprimés en peintures du Quattrocento  (période de la Renaissance, ndlr), et des sweatpants en cuir. Rob Garcia tire son inspiration de Givenchy, Balmain, mais aussi de marques plus obscures comme la défunte Nom de Guerre pour ses réalisations.

Nom de Guerre, une marque malheureusement disparue aujourd'hui. Le processus créatif nʼa strictement rien à voir avec les deux courants précédents : on est ici dans une marque, résolument, et non un créateur. Et mainstream de façon assumée qui plus est, même si elle incorpore des éléments plus pointus. Le but nʼest pas de créer une niche ou une philosophie, simplement de vendre une tendance. Aucune marque street goth ne tirera donc sa fierté de ses matières ou de son tissage unique : elle fait des pièces “basiques pointues”, faites pour être portées partout et par tout le monde, non sans toutefois arborer une image luxe. Par exemple, la plupart des tees En Noir sont waxés, et tous les zips viennent de RIRI, une marque suisse qui possède quasiment le monopole des meilleures fermetures éclair du monde.

En regardant de plus près, on distingue un léger effet waxé apporté à la fibre. DAINIUS BENDIKAS : LE WABI-SABI

Dainius Bendikas est un designer lituanien qui a fait son stage de fin dʼétudes chez Sruli Recht. Il en a gardé le goût de lʼexpérimentation et la relative froideur de création.

Extrait de la collection A/H 2012 du créateur. Peu de marques peuvent se targuer d'avoir une telle ambiance dans leurs lookbooks. Son processus créatif sʼinscrit à la frontière de plusieurs courants dark et forme un style en luimême qui, comme InAisce, pourrait être qualifié de futuriste.

InAisce présente un univers relativement proche. CRÉATEUR ISLANDAIS, INFLUENCE JAPONAISE Dainius Bendikas, cʼest surtout lʼexpression parfaite du concept japonais du wabi-sabi. Lʼesthétique zen postule sept axiomes pour arriver à lʼ(im)perfection du wabi-sabi : 

fukinsei, lʼasymétrie ;



kansô, la simplicité ;



kôko, lʼaustérité ;



shîzen, le naturel ;



yūgen, la conscience subtile de la beauté ;



datsuzôku, la liberté de parole ;



seijakû, le silence.

Ces sept principes forment la conscience de la beauté immanente, imparfaite et incomplète, que lʼon peut retrouver dans lʼappréhension du temps qui passe, ou la contemplation dʼune pierre descellée sur un chemin pavé par ailleurs parfaitement régulier.

Cʼest une esthétique que lʼon retrouve dans les courants dark, avec lʼamour des techniques anciennes (métiers à tisser du XIXe), tout en utilisant à bon escient les processus high-tech (découpe au laser, matières techniques), et les matières travaillées et usées, quasiment point par point.

On y retrouve aussi les coupes asymétriques, la pureté et la simplicité générale des lignes et des couleurs, lʼimpression fluide et la liberté de mouvement véhiculée par le vêtement, malgré sa coupe non anatomique et, plus simplement, la communication quasi inexistante autour de ces marques. Cʼest particulièrement marquant dans les lookbooks de Bendikas ou dʼInAisce (notamment les Printemps-Été 2012 et 2013) qui mettent en avant les éléments naturels dans toute leur brutalité, ou leur tranquillité.

DOSSIER : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE TECHWEAR / OUTDOOR #1 (PIÈCES ET MARQUES) Temps de lecture : 12 minutes

Publié par Milone le 24 octobre 2014105 Mis à jour le 2 novembre 2016 DÉFINITION DU TECHWEAR (OU URBAN TECHWEAR) Le techwear désigne une catégorie de vêtements incluant des tissus spéciaux avec des technologies avancées, des techniques de construction qui vont au-delà du traditionnel, ainsi que des coupes permettant une mobilité maximale. Cela va du trenchcoat en matières respirantes et imperméables, aux sneakers waterproof, en passant par le tee-shirt sans coutures. On parle aussi parfois d'urban techwear quand on évoque des vêtements dessinés pour la ville, mais remplis de technicité. À L'ORIGINE, LES VÊTEMENTS TECHNIQUES Il est possible d'avoir un total look techwear mais, et nous allons le voir, la plupart des consommateurs de ce segment n'incluent qu'une ou deux pièces dans leurs tenues. L'origine du techwear, tel que nous le connaissons et le définissons aujourd'hui, vient des vêtements techniques d'alpinisme du début des 70's, avec l'apparition des premières vestes Gore-Tex®.

A l'origine, le techwear se limitait à ce genre de pièce. Puis, au fur et à mesure des années, la gamme s'est étendue, tant dans le domaine technique et technologique que dans les modèles proposées. Avant cela, la technique la plus courante pour rendre une pièce étanche était le « waxage » des tissus (application d'un genre d'enduit sur la fibre).

De nos jours, nous sommes tous habitués à marcher ou courir avec des sneakers comportant des amortis de plus en plus performants ; les sportifs aiment utiliser des tees respirants ; les amateurs de poudreuse porter des vestes légères, chaudes et respirantes, etc. Cependant, le techwear ne se limite pas à un "contexte technique" uniquement : nous allons voir que pour un usage quotidien, il existe depuis peu également une offre très intéressante, variée et créative.

Extrait du lookbook Undercover (une marque sur laquelle on reviendra plus bas). Les pièces restent très adaptées à un port quotidien, même si elles sont assez pointues ! LES DIFFÉRENTS TYPES DE VÊTEMENTS DE TECHWEAR LES VESTES TECHWEAR C'est une des gammes de produits les plus fournies, communément partagée en deux catégories : « hardshell » et « softshell ». La première correspond aux pièces imperméables, la seconde à des blousons plus légers et plus souples. Les vestes techwear de catégorie Hardshell Elle est composée de pièces imperméables, déperlantes et coupe-vent (Windstopper®), et peut donc comprendre des blousons, parkas, trenchcoats, etc. Les pièces sont généralement équipées de matériaux respirants (selon la technologie intégrée), ainsi que d'une sous couche (mid layer) dans certains cas. Celle-ci peut être détachable et deviendra à l'occasion une mini « doudoune ». Dans ce contexte-là, ce type de manteau est désigné par le terme "3x1".

Vous avez la version complète, celle sans le layer bleu, et enfin la possibilité de porter le layer seul. D'où le "3x1" 🙂 Les technologies proposées vont du Gore-Tex® à des choses bien plus expérimentales, les vestes servant souvent de terrain d'étude et de recherche. D'ailleurs, certaines marques japonaises n'hésitent pas à mélanger des coupes et des pièces classiques à des tissus techniques, ce qui ne donne pas toujours des résultats concluants... Certaines marques sportives ont des labels proposant des designs urbains avec des tissus, traitements et technologies testés dans des conditions extrêmes, adaptées sur des produits « fashion », comme la ligne Purple Label de North Face élaborée en collaboration avec Nanamica.

Look de la ligne Purple de The North Face. Qui aurait deviné qu'il s'agissait de techwear ? Les vestes peuvent avoir un profil sportif tel qu'on le retrouve chez Columbia ; classiquecomme sur les blazers d'Outlier ; militaire avec Arc'Teryx LEAF, « minimal-urbain » avec Acronym, (note de Benoit : cette marque est hallucinante, ne loupez pas  les vidéos de présentation des collections) ou encore venir du monde de la Haute-Couture avec certaines pièces Raf Simons. Vu la large gamme de tissus techniques utilisés, les vestes peuvent être particulièrement rigides, ce qui donne un aspect assez... particulier lors des premiers ports. Ou au contraire, ressembler à des softshells comme la veste Jammu de The North Face.

La fameuse "Jammu Jacket", qui est un classique du techwear. Les vestes techwear de catégorie Softshell Le « softshell » est moins rigide que le « hardshell », mais toujours résistant aux intempéries, grâce aux divers traitements ou matériaux utilisés. Moins imperméable que le « hardshell », il est par contre plus confortable. Il permet une liberté de mouvement supérieure, sa légèreté étant souvent prisée car il constitue une très bonne alternative au blouson classique, plus encombrant et plus lourd. En gros, c'est une version améliorée et technique du hoodie.

Ce segment se développe très bien en ce moment, aussi bien dans le domaine sportif qu'urbain. Ce sont des pièces appréciées par les cyclistes, joggers, et les pratiquants de disciplines qui demandent à la fois une aisance de mouvement et une protection contre le froid, ainsi qu'une bonne respirabilité. De plus, les pièces les plus légères peuvent se plier et se ranger, comme nos anciens K-Way que l'on détestait tous étant plus jeunes.

Les vestes softshell sont des pièces qui peuvent être très facilement intégrée dans des look streetwear et dark. LES COUCHES INTERMÉDIAIRES EN TECHWEAR (MID LAYERS) Il peut s'agir d'hoodies, de sweats, de chemises techniques, de pulls, etc., mais également d'une sous-couche (layer) intégrée à un blouson ou une veste. Dans ce cas-là, le mid-layerpeut inclure des technologies similaires à la pièce avec laquelle il s'associe. C'est une branche très fourre-tout intéressante car les produits proposés sont parfois originaux. Les designers japonais (toujours eux) font des choses assez sympas, comme des chemises intégrant du CoolMax®, ou des matériaux Windstopper®, et des hoodies déperlants, entre autres.

L'un des avantages du CoolMax® est qu'il permet l'évacuation de la sueur, cela peut donc être utile pour des modèles portés en été, par exemple (on ne s'attardera pas sur le stylisme de la photo).

PREMIÈRES COUCHES (BASE LAYERS) Ce sont les sous-vêtements, chaussettes et bas. Ils intègrent principalement des technologies respirantes, anti-irritations ou thermiques. Souvent négligé, ce segment est pourtant très important : quel est l'intérêt d'avoir une tenue intégralement en matériaux respirants si votre tee-shirt ne l'est pas ?

Avec certains modèles, vous pourrez même vous faire passer pour Batman. De plus, même dans une tenue classique, certains éléments comme des chaussettes techniques de randonnées peuvent changer la vie de vos pieds. Vous éviterez ainsi les frictions et les frottements dans vos boots classiques, et les ampoules / irritations par la même occasion. Pensez-y la prochaine fois que vous achetez une paire de workboots... D'ailleurs, il est possible de trouver de très bons produits pour un prix abordable, comme ce que propose Uniqlo.

PANTALONS TECHWEAR C'est une gamme en pleine expansion : chino avec une toile déperlante, pantalon extrêmement technique waterproof et windproof, extensibilité, résistance à l'usure, bref, la liste est longue ! Les designs peuvent être hyper minimalistes, ou au contraire d'influences militaires, avec une multitude de poches.

De prime abord, on dirait un pantalon tout ce qu'il y a de classique, mais...

... sa toile est en fait déperlante. Ces dernières années, la mode de la pratique du vélo et du fixed gear a donné un coup de boost à ce segment, poussant des marques n'ayant aucun rapport avec les univers techniques à investir ce marché. Ainsi, Levi's a lancé sa ligne Commuter, avec des produits spécialement étudiés pour la pratique du vélo, tout en gardant un esprit propre à la marque. CHAUSSURES TECHWEAR C'est le secteur qui présente le plus de technologies, et est également le plus consommé. Les chaussures de sport ont l'avantage d'être socialement acceptées, si bien que cela ne choque plus personne lorsqu'elles sont portées dans des tenues casual. Les marques proposent une très large gamme de produits, allant de la sneaker classique revisitée par des technologies contemporaines, à la boots de randonnée Gore-Tex®, en passant par la chaussure formelle avec un amortissement de qualité (comme les LunarGrand de Cole Hann).

Modèle issu de la collab Wings+Horns x Danner, sa robustesse est assez flagrante. L'influence "hiking boot" est très claire ! D'ailleurs, ces dernières années, quelques marques comme nonnative travaillent à l'élaboration de chaussures formelles ou casual incorporant du Gore-Tex®. La démarche est vraiment séduisante car elle permet de renouveler des classiques sans dénaturer leur design. ACCESSOIRES ET SACS TECHWEAR Ce domaine est parfois négligé par certaines marques. Pourtant, nous pouvons trouver des choses classiques mais technologiquement avancées, qui peuvent s'intégrer facilement dans une tenue quotidienne, comme des ceintures d'inspiration militaire à fermeture magnétique ou des bracelets connectés. Vous trouverez également des sacs techniques avec des matériaux imperméabilisés, aux coutures thermocollées, et avec des bretelles respirantes (bien pratiques en été).

Ce sac est 100 % waterproof : plongez dans l'eau si vous le souhaitez, son contenu restera au sec. Pratique pour les plus baroudeurs d'entre nous.

Quelques marques proposent également des sacs de couchage avec des technologies comme le Pertex®. N'hésitez pas à checker de temps à autres les offres dans cette gamme car une multitude de pièces, souvent très inventives, pourraient vous faciliter la vie. LES DIFFÉRENTS STYLES DE TECHWEAR Je vais tenter de vous expliquer les différents courants, et de vous lister les marques qui s'y rapportent. Bien entendu, je développerai uniquement le sujet qui nous préoccupe : la mode. J'élargirai le champs de l'article sur l'outdoor sportif (vêtements adaptés à la pratique du sport dans de grands espaces), car en plus d'être passionnant, cela profitera à ceux pratiquant ces disciplines (ski, randonnée, pèche à la mouche, etc.), ou comptant s'y mettre. Sans compter que certaines pièces sont très faciles à intégrer dans une tenue. Par contre, je ne traiterai pas de certains segments professionnels comme le matériel pour pompiers ou l'aéronautique. C'est trop spécifique, et concrètement, qui va porter une veste ignifugée? Ceci étant, il est parfois difficile de catégoriser une marque dans un segment bien particulier. D'autant plus que certaines ne sont pas obligatoirement techwear, mais parfois proposent quelques pièces dans une collection - souvent grâce à une collaboration - et pourraient entrer dans ces listes. Donc je m'excuse par avance, mais ce listing est exhaustif. LE CASUAL TECHWEAR Connu aussi sous le nom de « performance menswear », cette catégorie est l'une des plus répandues et consommées. Présentant souvent des designs plutôt classiques, elle peut être portée au quotidien, tant au travail que durant des loisirs, selon les marques.

La marque Outlier a choisi de photographier ses blazers en mouvement, histoire d'insister sur le côté techwear. Qu'en pensez-vous ? Allons-nous vers le blazer du futur ?

Les pièces peuvent être ultra formelles avec des blazers aux matériaux waterproof et respirants, des brogues en Gore-Tex®... ou plutôt casual avec des chinos en toile déperlante, des softshells épurés, des bonnets en laine mérinos, ou encore des parkas comme les Canada Goose, adaptées aux grands froids. La kyrielle de produits permet au plus grand nombre de trouver de quoi le satisfaire, à condition de chercher. Les marques de casual techwear 

EFM Menswear



Endless Ammo



éclectic



Finnistere



Indochino Tech Suits



Levi's Commuter Line



Makers & Riders



Ministry of Supply



Camel Active



Canada Goose



Proof NY



Stutterheim



SWRVE



And Wander



Aether



Arc'Teryx



Herno Laminar



Isaora



Jiberish Grand Cru



ma.strum



Mission Workshop



Nike NSW



Outlier



Nanamica



Nau



Sioux



Stone Island



Triple Aught Design



Ten-C



The North Face Purple Label



Uniqlo



Cole Hann



nonnative

LA MODE HOMME INTÉGRANT DU TECHWEAR Catégorie assez similaire à la précédente, mais au caractère bien plus affirmé. Elle est principalement composée de marques japonaises comme nonnative, Visvim, Nanamica ou Undercover. Chaque marque a sa propre histoire et son propre style, mais contrairement au « casual techwear », elle ne permettent pas toujours d'être portées au travail. Certains labels ont des démarches très intéressantes car le design prime sur la fonction. Cela oblige parfois l’intégration de matériaux et de traitements expérimentaux, dont la véritable utilité et fiabilité n'est pas toujours prouvée. Cependant, ils osent, et leur vision de la mode est peut-être celle qui primera dans un futur plus ou moins proche. Je vous conseille chaudement la lecture (pour les anglophones) de la série d'articles « Six Stories of Gore-Tex® ». Six des meilleurs créateurs japonais, comme Hiroki Nakamura de Visvim, parlent de leur vision du vêtement intégrant du Gore-Tex®, et de leur relation / histoire avec ce type de produit. Les marques de mode homme intégrant du techwear 

4DIMENSION



BEAMS



C.P. Company



Enfin Levé



Herno Laminar



Isaora



Junya Watanabe



ma.strum



Mastermind Japan



Muro.exe



Nike NSW



nonnative



North Face Purple Label



OAMC



Pedaled



Sophnet



Stahl Corp.



Stone Island



Undercover



Uniform Experiment



Visvim



White Mountaineering



Y-3

LE TOTAL LOOK TECHWEAR OU LE TECH-NINJA Bienvenue au pays du « Minimal-urbain technique » : un des segments les plus intéressants esthétiquement et techniquement, même si les produits sont parfois difficiles à intégrer dans une tenue classique. Sans compter le prix d'achat qui, généralement, est aussi fou que les designs proposés. D'ailleurs, ces derniers peuvent être ultra minimalistes, avec une multitudes de petits détails, ou au contraire excentriques, déstructurés et asymétriques. La gamme de couleurs est elle aussi souvent réduite au strict minimum : noir, olive, bleu nuit, beige, gris et parfois blanc. Certaines marques comme Arc'Teryx Veilance et Acronym offrent des total look ninja de la ville, et Axesquin propose carrément des kimonos en matériaux techniques.

Mi-ninja, mi-hooligan, ces looks sont difficiles mais n'en demeurent pas moins intéressants.

Ces marques ont une gamme d'accessoires, notamment des sacs où la modularité et l'intégration sont les lignes directrices, proprement ingénieuse. La légèreté et l'aisance de mouvement sont particulièrement importantes. Par contre, notez que certaines pièces d'autres marques peuvent facilement s'intégrer, comme des sneakers ou des tees techniques. Pour les amateurs de looks bien dark à la Rick Owens, n'hésitez pas à piocher quelques pièces qui se marieront bien avec votre tee XXXL et vos chaussures d'explorateur lunaire. Ce n'est pas le look le plus facile à porter, mais si vous êtes un amateur de parkour ou de cyberpunk, foncez ! Les marques de tech-ninja 

Acronym



Norwegian Rain



Arc'Teryx Veilance



Aether



Axesquin



Disaern



Maharishi



Mission Workshop



Nike Gyakusou



Nike NSW



Respro



Stone Island Shadow Project

LE TECHWEAR FUTURISTE Il s'agit de la mode conceptualisée à l’extrême : coupes expérimentales, matériaux à la pointe de la technologie, hyper spécialisation des fonctions... l'overthinking dans toute sa splendeur ! On touche aux limites de ce que la mode peut proposer, bien qu'elles soient repoussées chaque saison, grâce aux nouvelles techniques et technologies.

Vous trouverez pléthore de silhouettes de techwear futuristes, avec de telles coupes, chez Aitor Throup. C'est un segment que l'on pourrait qualifier de « concept look », un peu comme un studio de R&D du techwear. Non seulement ces tenues sont très difficiles à porter, mais en plus elles ne sont pas aisées à trouver car peu de shops les proposent. On se doute demande bien pourquoi. Les marques de techwear futuriste Aitor Throup Christopher Raeburn Civilized C.P. Company finalhome Mary Mattingly Les collaborations Adidas x Rick Owens LE TECHWEAR DANS LA MODE ATHLÉTIQUE ET SPORTIVE Revenons sur terre. La pratique du fixie et de l'urban-jogging ont boosté la créativité de pas mal de labels. De nombreuses marques sportives déclinent maintenant leur produits dans des lignes spécifiques, mixant performances sportives et design urbain, comme Nike Gyakusou en collaboration avec Undercover ou Adidas avec le créateur japonais Kuzuki Kuraishi.

Les vêtements techwear Adidas x Kazuki Kuraishi sont même adaptés à la pratique de l'équitation, ce sont nos poneys qui vont être content. D'autres marques ont urbanisé un univers en particulier, comme l'a fait Rapha avec le cyclisme, en proposant des produits pour le cyclisme et le fixie. Nous ne parlerons pas du nombre impressionnant de sacs de coursiers plus ou moins techniques que l'on peut trouver sur le marché. Les technologies sont assez classiques : principalement du waterproof, des matériaux respirants et permettant une très bonne aisance de mouvement, sans irritations ou frottements. Les concepts sont assez intéressants, notamment sur les pantalons proposés par les marques de vélo / fixie, ou les softshells Windstopper®. Les marques de techwear sportif 

Acre



Adidas et ses collaborations (aka ObyO KZK)



Asics



Burton



Chrome



DaKine



Fjällräven



Giro



Levi's Commuter Line



Makers and Riders



Master-Piece



Mission Workshop



Nike et ses collaborations (Gyakusou)



Patagonia



Peak



Rapha



Reebok



Oakley



Swrve



Under Armour



Vulpine



Y-3

LE TECHWEAR DE CRÉATEUR Très peu de pièces sont proposées par la Haute-Couture, où la tradition et l'adulation des techniques classiques et artisanales sont la norme. Cependant, quelques couturiers utilisent parfois des matériaux techniques, des coutures thermocollées et des technologies encore jamais vues dans un vêtement. A la différence du techwear futuriste, on ne recherche pas la fonctionnalité, mais une performance artistique. Ceci étant, celle-ci peut constituer une source d'inspiration pour les designers d'autres marques.

Cette robe Hussein Chalayan, bien qu'étant une pièce féminine, est un des exemples les plus célèbres de techwear en Haute-Couture, où des LED ont été ajoutées dans la fibre afin de créer cet effet. Les marques techwear en Haute-Couture 

Christopher Raeburn



Hussein Chalayan



Issey Miyake



Junya Watanabe (en solo ou avec CDG)



Raf Simons



Rick Owens



Prada



Undercover

Note de Rafik : Comme rappelé par Romain dans son guide sur  les marques et maisons de luxe en mode homme, l'appellation "Haute-Couture" est contrôlée et soumise à un strict cahier des charges. Ici, l'expression est à comprendre au sens de "marques podium". LE TECHWEAR OUTDOOR

Les marques de ce segment sont celles utilisant le plus de matériaux techniques : elles sont spécialisées dans le domaine de la randonnée, de l'alpinisme, de la navigation sportive, et parfois du monde du workwear. Certaines marques proposent des produits de qualité, à des prix très abordables, mais au look parfois un peu discutable pour une utilisation quotidienne. Elles proposent généralement des produits très techniques, étudiés pour une pratique sportive définie.

Sur ce modèle Haglof, par exemple, le côté sportif est trop marqué pour être porté dans un contexte citadin. Elles sont aussi prisées par des corps de métiers nécessitant des besoins particuliers, comme avoir des tissus respirants et / ou imperméables (d'où l'imbrication avec le workwear). Les coursiers à vélo new-yorkais ont été les premiers à adopter des vestes légères de randonnée ou de trail North Face, au milieu des années 80. Une large gamme d'accessoires est également proposée, notamment des sacs techniques particulièrement résistants. Les marques de techwear outdoor 

Adidas



Beyond Clothing



Columbia



Crispi



Dolomite



Geoff Anderson



Haglöfs



Härkila



Helly Hansen



Klattermusen



Lowe Alpine



MacPac



Maloja



Mammut



Marmot



Merrell



Millet



Montane



Mountain Equipment



Napapijri



Nike ACG



The North Face



Oakley



Patagonia



PeakPerformance



REI



Salewa



Salomon



Saucony



Under Armour



Vaude



Viking

LE TECHWEAR DANS LE MONDE MILITAIRE Les avancées techniques et technologiques ont toujours intéressé les militaires, ce qui explique aujourd'hui la présence de vestes en Gore-Tex® dans quasiment toutes les armées occidentales. D'ailleurs, certaines des technologies développées spécifiquement pour eux se retrouvent aujourd'hui dans les tenues civiles, tel le RipStop® (littéralement "stop aux déchirures") ou le Kevlar® des gilets pare-balles. Des marques comme Patagonia et Arc'Teryx travaillent également avec certaines armées, ou proposent des lignes militaires. Le succès des sociétés de sécurité civile, des contractors (sociétés militaires privées), ou l'accroissement de groupes d'élites comme les SWAT aux USA, ont ouvert un marché qui intéresse même des marques comme Nike, au point de vendre des combats boots avec des technologies maison.

Note de Rafik : J'étais assez dubitatif quant à des combat boots Nike, mais après un petit tour sur la toile, les utilisateurs n'hésitent pas à les plébisciter ! D'ailleurs beaucoup de militaires incluent dans leurs tenues des tees sportifs respirants, comme la ligne HeatGear® d'Under Armour. Il est possible de piocher quelques pièces dans ce segment pour donner un peu de caractère à un look un peu fade, tout en amenant de la technique. Les marques de techwear militaire 

Arc'Teryx LEAF



Crye



Defcon



Nike SFB



Otte Gear



Patagonia (The Forge)



Triple Aught Design (TAD)

DOSSIER : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE TECHWEAR / OUTDOOR #2 (MATIÈRES ET ENTRETIEN) Temps de lecture : 9 minutes

Publié par Milone le 23 octobre 201442 Mis à jour le 22 février 2017   Je vais vous présenter quelques uns des tissus et matériaux les plus couramment utilisés. Je ne vais pas tout vous lister car certains ne sont que très peu exploités, figurent généralement dans des produits très haut de gamme et chers, ou dans des vêtements plus ou moins expérimentaux dont la réelle capacité efficiente n'a pas été prouvée. Sans compter que certaines marques ont développé et / ou produit des tissus techniques en interne (H²O pour Patagonia, TriplePoint pour Lowe Alpine, OmniDry avec Columbia, etc.) Je ne vais pas non plus rentrer dans des détails trop techniques : cela est d'une part très difficile à vulgariser et donc assez barbant à lire, et si d'autre part c'est un domaine qui vous intéresse, les sites des marques dédiées vous renseigneront mieux que moi. LES PRINCIPES DE BASE DU TECHWEAR L’IMPERMÉABILITÉ Elle est mesurée en Schmerber (ou en mm). Pour cela, on place le tissu sous un tube (colonne) rempli d’eau, puis on calcule à partir de quelle hauteur d’eau les premières gouttes passent au travers du

tissu. Plus la hauteur d’eau est importante, plus le tissu sera imperméable (1 Schmerber = 1 colonne d’eau de 1 mm). Par exemple, toutes les vestes en Gore-tex® ont une valeur de 28 000 Schmerber, le Sympatex® 35000 Schmerber, et l'eVent® 30 000.

Colonne à eau utilisée par Gore. L'étoffe de tissu technique est placée sous l'espèce de "douchette" pour tester son imperméabilité. Mais certains fabricants, Polartec® en premier, remettent en cause la course à l'imperméabilité, prétextant qu'une valeur de 10 000 Schmerber est largement suffisante pour rester au sec, surtout que trop d'imperméabilité diminuerait la respirabilité. Nous y reviendrons tout à l'heure. LA RESPIRABILITÉ Pour mesurer la respirabilité, il existe d'ailleurs plusieurs processus : 1. Gore-tex® utilise le RET (Resistance Evaporative Transfert) : cet indice (qui est un peu devenu la norme) mesure la capacité d’un tissu à laisser s’échapper la vapeur d’eau générée par le corps (transpiration). Plus l’indice est faible, plus il indique que le vêtement est respirant : 

RET inférieur à 6 : très respirant,



RET entre 6 et 12 : respirant,



RET entre 12 et 20 : faiblement respirant,



RET au-delà de 20 : non respirant.

2. La mesure MVTR (taux de transmission de la vapeur d’eau), test utilisé par la plupart des concurrents de Gore (entreprise créatrice du Gore-Tex®, ndlr) : on calcule la quantité d’eau (sous forme de vapeur) que le tissu laisse passer en 24h. Plus le degré est élevé, plus la respiration est favorable (l'unité utilisée est le gr/m²/24 h) : 

MVTR 30 000 = vêtement extrêmement respirant,



MVTR 20 000 = vêtement avec une très bonne respirabilité,



MVTR 10 000 = vêtement respirant,



MVTR 5 000 = vêtement peu respirant.

Voici l'appareil utilisé pour les tests MVTR. Personnellement, ça me rappelle ces appareils bizarres qui traînaient sur les paillasses en cours de physique. Ces sont les deux tests standards, mais il en existe un troisième, prôné par Polartec® : le DPMC (Dynamic Moisture Permeation Cell). Contrairement aux deux autres, il ne s'agit pas d'un test statique, et serait donc plus proche de la réalité des pratiquants. Bref, pour comparer c'est le bordel. Les différents tissus imperméables et respirants ont chacun leur technologie : 1, 2, 2.5 ou 3 couches, nid d'abeilles, etc. Par exemple, la membrane Gore-Tex® est une couche très fine de polytétrafluoroéthylène (un matériau souple) avec plus d’un milliard de pores microscopiques par cm².



Ces pores sont 20 000 fois plus petits qu’une goutte d’eau, donc la pluie ne peut pas passer à travers, ce qui permet à la membrane d’être imperméable.



Ces pores laissent cependant passer la transpiration générée par l’effort, car ils sont 700 fois plus gros qu’une molécule de vapeur d’eau, ce qui permet à la membrane d’être à la fois imperméable et respirante.

Pour nos amis non anglophones (de gauche à droite) : "évacuation de la vapeur d'eau", "pluie, vent et neige ne pénètrent pas", "matière extérieure", "membrane Gore-Tex®", "doublure". Là, on rentre dans des détails qui sont parfois compliqués et qui peuvent en rebuter certains à la lecture, mais sachez que certains tissus extérieurs doivent être traités pour pouvoir être imperméables / déperlants et respirants. On parle de DWR (Durable Water Repellent). LES PRINCIPAUX MATÉRIAUX EN TECHWEAR GORE-TEX® Gore-Tex® a été le premier tissu imperméable du marché. Sorti en 1969, il devient la technologie dominante grâce à sa capacité à laisser passer la transpiration, tout en gardant le corps au chaud.

C'est la technologie de référence, la plus utilisée aussi. Les normes à respecter pour avoir l'accréditation Gore sont très strictes et assurent une qualité très élevée. Les vêtements subissent en fait une série de tests pour avoir le droit de porter l'étiquette Gore-Tex®, qui est autant un gage de qualité qu'un outil marketing. Toutes les coutures, pour éviter les fuites, sont étanchéifiée avec des bandes d'étanchement GoreSeam® pour une imperméabilisation durable. Il existe différents types de tissus : 

Gore-Tex®

Utilisée principalement dans des vêtements outdoor techniques « amateurs », cette catégorie regroupe aussi les technologies Gore-tex® Paclite et Gore-tex® Softshell, avec un RET compris entre 6 et 13. Ce sont aussi les pièces avec du Gore-Tex® les moins onéreuses, et souvent les plus polyvalentes. C'est également la technologie la plus utilisée dans la mode car elle permet une grande facilité de création. 

Gore-Tex® Active

Les vêtements en Gore-tex® Active répondent à un cahier des charges précis : moins de 400 grammes pour une veste en taille L chez les hommes, coefficient de RET inférieur à 3, tout en associant une construction compacte 3 couches imperméable (28 000 mm). C'est donc hyper respirant et léger. Les utilisations principales sont la rando, le trail, le VTT, etc. Ce sont des produits qui peuvent être assez facilement insérés dans une tenue, surtout sportswear, et sont plus pratiques qu'un manteau un peu lourd ou encombrant.

On reconnaît le parti pris d'un design résolument sportif sur ces shells en Gore-Tex® Active. 

Gore-Tex® Pro

Là on rentre dans du TRÈS sérieux, c'est un peu la vitrine de la société. Les principales différences avec les produits précédents, hormis le prix, se situent dans la capacité de résistance à l'abrasion et à la déchirure. Nous trouvons ces produits dans les vêtements de montagne haut de gamme, de trekking et de grande randonnée, ainsi que de ski et snowboard. Ce type de Gore-Tex® est très peu utilisé pour des fringues urbaines car il est bien trop technique. Mais les « fadas » - comme aurait dit Pagnol - de chez Acronym n'ont pas eu peur de s'y frotter, et proposent des vestes avec cette membrane. SYMPATEX®

C'est le grand concurrent de Gore-Tex®. La membrane est totalement imperméable (35 000 Schmerber), coupe-vent et respirante (avec un RET mesuré à 1,5). Elle est reconnue pour être l'une des meilleures protections du marché. La technologie est assez proche de ce que fait Gore-Tex, mais elle est 100% recyclable, et conçue avec des matériaux totalement biodégradables. Elle est aussi certifiée sans risque pour la santé. Elle est utilisée par de nombreuses marques comme Haegen, Geoff Anderson ou Vaude.

Cette veste Geoff Anderson en Sympatex® n'aura aucun mal à s'intégrer dans la garde-robe des amateurs de ce type de pièce. CORDURA® C'est une matière produite par DuPont de Nemours, surtout connu pour ses nylons et matières synthétiques. Cordura est un nom de marque souvent utilisé pour une multitude de ses tissus, qui ont d'ailleurs une réputation de durabilité. Enfin, Cordura produit également des mélanges de coton pour du ripstop, denim, sergé, et maillots.

RIPSTOP Le Ripstop est un tissu synthétique réalisé en maillage plus ou moins grand, par une disposition particulière des fils de chaîne et de trame, ce qui permet de renforcer la structure de la toile. Cela évite entre autre l’extension d'une déchirure lors d’un accroc. Il peut parfois être enduit ou traité pour assurer une imperméabilité. C'est un tissu souvent utilisé dans les tenues militaire, sa légèreté et sa résistance étant très appréciées.

Sur cette toile ripstop à imprimé camo (encore une fois, elle est très utilisée dans le domaine militaire), on peut voir très distinctement le maillage adopté, propre à cette matière. PERTEX®

Pertex® est une marque de tissus techniques. Avec des constructions différentes de Gore-Tex®, ils fournissent des spécificités autres, tels que le contrôle thermique de la température. Ainsi, on trouve les tissus Pertex® dans des gammes de produits où Gore-Tex® est quasiment absent, comme les sacs de couchage ou les « mid layers » type « doudounes ». Les tissus techniques de la marque offrent généralement des produits légers et chauds, et permettent une protection avec un ratio poids / encombrement / résistance inégalé. La gamme de tissus techniques que présente la marque est variée et complexe, mais le logo Pertex® est un gage de qualité au vu des marques ayant choisi d'utiliser ces technologies : Millet, PeakPerformance, Montane, etc. Dans le segment « techwear mode », Undercover est un fervent partisan des produits de la marque et les inclut régulièrement dans ses conceptions. NEOSHELL® C'est un des produits techniques de la marque Polartec®. Partisane de la respirabilité, elle en a d'ailleurs fait son cheval de bataille, et mène une croisade anti Gore-Tex®. En effet, elle remet en cause l'imperméabilité, gros point fort de Gore-tex® (et aussi d'eVent®) en expliquant :« pas besoin de pousser si loin l’imperméabilité, on ne skie pas pendant la mousson, nous n’avons pas besoin d’autant de Schmerber pour un usage normal  »  (David Gatti de Polartec – ISPO 2011). Bref.

La coupe est bien exécutée sur ce pantalon en NeoShell®, encore une preuve que le techwear trouve de plus en plus sa place dans le vestiaire quotidien. Les vêtements en NeoShell® résistent donc à une pression de 10 000 Schmerber, et font état d'une perméabilité à l'air de 0,5 CFM (2 litres/m²/seconde) contre 0,1 CFM pour l'eVent®, et 0 CFM pour les Gore-Tex®. La NeoShell® permettrait donc à l'air de mieux circuler pour faciliter l'évacuation de la transpiration. C'est la marque / membrane qui monte, et son buzz prend bien. Pour preuve, la longue liste de marques prestigieuses dans le domaine du vêtement de montagne qu'elle a réussie à séduire : Eider, Marmot, The North Face, Vaude, Rab ou encore Mammut... En plus des sportifs, les pratiquants du fixie et du « vélo urbain » apprécient cette technologie, car le combo légèreté / respirabilité / imperméabilisation convient parfaitement à leurs besoins. EVENT®

C'est un autre concurrent de Gore-Tex®. D'une technologie assez similaire (30 000 Schmerber), il permettrait une meilleure respirabilité du tissu car celle-ci est directe, à la différence de la technologie de Gore-tex®. Par contre, elle serait moins durable. Contrairement à Gore-Tex®, les fabricants peuvent acheter du tissu et le renommer comme ils l'entendent, la licence étant «unbranded» (sans marque). L'eVent® permet des designs plus originaux et intéressants grâce à sa technologie. Toutefois, cela pourrait conduire à des produits de qualité inférieure. Justement, regardez ce petit test qui montre les limites de l'eVent (c'est en anglais, mais les images restent parlantes) : Beaucoup de petites marques l'utilisent vu que les contraintes sont moindres comparées à celles de Gore-Tex®, sans pour autant faire obligatoirement des produits au rabais. Nous trouvons ces tissus techniques dans des produits comme ceux de REI, mais également dans de nombreux vêtement militaires, de pompiers, ainsi que dans des tenues de travail techniques. C_CHANGE Produit de la marque suisse Schoeller, cette membrane imperméable et windproof assure une régulation et une respirabilité de la température. Sa technologie particulière, lorsque les niveaux de la chaleur et de l'humidité du corps augmentent, favorise la capacité à "ouvrir" la membrane. Elle reste cependant fermée quand il fait froid, puisque le porteur transpire moins. On retrouve ces membranes dans beaucoup de produits, elles sont très prisées par bon nombre de marques comme Acre, Richa, Mission Workshop, Aether, TAD et Levi's Commuter. WINDSTOPPER® La technologie Windstopper® est une technologie de Gore, permettant la création de vêtements coupe-vent et respirants. Tout en étant résistants à l'eau, ils ne sont pas imperméables, à la différence des vêtements en Gore-Tex® qui sont imperméables, respirants et coupe-vent à la fois. Mais la protection des tissus Windstopper® au vent, ainsi que la respirabilité de la matière, sont supérieure à celles de Gore-Tex®.

Cette membrane se trouve principalement dans des vêtements de la catégorie "softshell", comme sur ce modèle The North Face. C'est un matériau grandement utilisé car il permet de concevoir des vêtement extrêmement légers, et peu encombrants. Des marques comme The North Face, Patagonia ou Marmotl'ont adopté ; souvent proposé pour des pratiques sportives comme le cyclisme, la course à pied et les sports de montagne. Il est également utilisé dans pas mal de pièces urbaines, et quelques marques font des habits casual, voire formels, intégrant ces tissus techniques. Au passage, il existe plusieurs types de technologies Windstopper®, avec des caractéristiques diverses (laine polaire technique, insulated shell...) KEVLAR A l'origine produit par DuPont de Nemours, mais aujourd'hui entré dans le domaine public car son brevet a expiré, le Kevlar est une fibre synthétique d'une très grande résistance et rigidité. Il en

existe de nombreux types que je ne vais pas lister ici, car très peu sont utilisés dans l'univers vestimentaire. Il y est principalement utilisé comme protection à l'abrasion ou aux chocs, et renforce généralement des vêtements aux points de frottements, comme les coudes ou les genoux. Il peut aussi être utilisé pour des coques de protection intégrées dans des vestes ou pantalons réservés à la pratique de sports extrêmes, pour les vêtements militaires ou pour les tenues de motards.

Les empiècements en haut des doigts sont en Kevlar, afin de renforcer la protection en cas de chute de moto, ou faire très mal quand on vous embête (la violence, c'est mal). ENTRETIEN DES VÊTEMENTS TECHWEAR Attention à l'entretien de vos pièces ! Il ne faut pas faire n'importe quoi, sous peine de perdre les propriétés de vos vêtements. Je vous conseille d'aller sur le site de la marque (comme ici pour Arc'Teryx Veilance), généralement une page est dédiée à l'entretien et au nettoyage de leurs produits. Si ce n'est pas le cas, n'hésitez pas à les mailer, ou à chercher des vidéos explicatives sur Youtube, avant de vous prendre pour Tony Micelli. Ce genre de tuto fleurit sur Youtube : LE TECHWEAR : CONCLUSION Comme vous avez pu le voir, le techwear concerne une très large gamme de produits et de styles. Il est vrai que ce ne sont pas les vêtements les moins chers, mais la qualité est généralement au rendez-vous. En étudiant bien l'offre, et en prenant un temps de réflexion avant d'effectuer un achat, vous pourrez trouver la pièce qui s'intégrera aisément dans votre garde-robe. Une fois que vous la porterez, vous vous rendrez compte du confort que cela procure. Non seulement dans le design et la coupe, mais également lors de l'utilisation. Au quotidien, vous apprécierez la respirabilité des membranes dans le métro,l'imperméabilité exceptionnelle lors de vos vacances dans l'Hérault, ou les designs audacieux pour mettre autant de temps que votre copine avec son sac à main pour retrouver votre portable dans les nombreuses poches de votre veste.

CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE MINIMALISTE ? Temps de lecture : 8 minutes

Publié par Vianney le 18 mars 201627 Mis à jour le 16 octobre 2016 Dans la même lignée que le dark, le minimalisme peut être un style difficile à appréhender. C'est aussi un style à l'histoire riche, qui tire directement ses origines dans l'art, avant d'être réinterprété par de nombreux créateurs. Vianney nous donne enfin les clefs pour s'approprier ce style qui peut faire naître de très bons looks lorsqu'il est bien exécuté. LE MINIMALISME : UN COURANT NÉ DANS L'ART GENÈSE DU COURANT MINIMALISTE Le minimalisme est né à New York dans les années 1960. Descendant du Bauhaus  1,  la sobriété nʼest pas pour autant le but en lui-même, mais simplement un moyen pour arriver à une expression fonctionnelle, dépouillée de tout superflu. Lʼexposition "Sixteen Americans" de 1959 a marqué lʼacte fondateur du courant minimaliste en art. On pouvait notamment y trouver les peintures de Frank Stella, grand peintre précurseur du courant.

L'artiste peint des bandes noires, séparées de fines bandes blanches qu'il attribue bien plus au passage de son pinceau qu'au mouvement de sa main, dépersonnalisant ainsi son oeuvre. LES CARACTÉRISTIQUES DE L'ART MINIMALISTE Ce courant réside beaucoup dans les rapports entre les formes, les couleurs ou encore les matières. Des formes concrètes, basiques, et leurs variations autour : rond, carré, triangle (non, la manette de PS3 nʼest pas une forme dʼexpression minimaliste). Lʼarchitecte Ludwig Mies van der Rohe, autre membre influent de ce courant, a laissé deux phrases devenues si célèbres quʼelles ont été reprises à toutes les sauces : 

«Less is more ». Cʼest intraduisible de façon aussi élégante en français, mais en gros : « le raffinement réside dans le dépouillement  ».



«God is in the details », à savoir, "le diable se cache dans les détails ».

Quelque chose de bien fait est exécuté de manière totale et entière. Une recherche stylistique de la simplicité devrait sʼarticuler autour de ces deux axes qui sʼimbriquent : des pièces simples, mais qui tuent tout sur leur passage, et qui se pensent de façon globale.

La célèbre Farnsworth House conçue par Ludwig Mies van der Rohe vers 1946. Une maison d'une seule pièce, faite uniquement de verre et d'acier, peinte d'un blanc pur. Les Japonais ont un concept qui résume très bien cet état dʼesprit : shibumi (ou shibui). Le terme nʼa pas dʼéquivalent exact en Français, mais il regroupe les qualités suivantes : les objets shibui sont dʼapparence simple, mais contiennent des détails subtils (par exemple au niveau des matières). Ces détails font surgir une certaine complexité au sein même de la simplicité. Cʼest cet équilibre entre les deux qui permet à son propriétaire de ne pas se lasser de lʼobjet et dʼy trouver constamment un nouveau sens. 

Le design de ces lampes très épurées, imaginé par Constantinos Hoursoglou, les débarrasse du superflu pour en faire un objet sobre et élégant. #SoShibui LE MINIMALISME APPLIQUÉ À LA MODE UN STYLE DESCENDU DES PODIUMS Dans les années 1960, André Courrèges est l'un des premiers à avoir introduit ces notions de fonctionnalité, de suprématisme 2 et de structure en mode dans les années 1960. Space Age est une collection en noir & blanc, remplie de ronds et de parallélépipèdes.

Collection podium (donc concrètement importable), mais qui rassemble tous les principes dʼune esthétique minimale : cet attachement aux formes basiques, aux couleurs basiques, mais aux matières travaillées. Cette collection influencera grandement la mode scandinave et certains courants de la mode asiatique, celles-ci ayant un lien très fort avec la philosophie minimaliste. Les deux n'empruntent pas tout à fait le même chemin. Les créateurs scandinaves (Filippa K, Norse Projects...) sont plus attachés aux intemporels de la mode (costume, pull col rond, chemise blanche) et à l'harmonie des couleurs.

On le voit bien à travers la collection Automne / Hiver 2013 - 2014 de Filippa K. Les créateurs asiatiques sont davantage intéressés par les formes et les matières. Ils créent des vêtements bien moins classiques, jouant sur les drapés et la déconstruction de lʼanatomie (Yohji Yamamoto, Rei Kawakubo de Comme des Garçons, ou encore Issey Miyake).

Yohji Yamamoto cherche ici à transformer le corps par les mouvements de la matière. À la frontière entre les deux, évolueront des créateurs belges futuristes : les Six dʼAnvers 3. Avec Dries Van Noten, mais aussi plus tard Jil Sander et Martin Margiela. Leur vision nouvelle et synthétique du courant minimaliste triomphe dans les années 1990.

La créatrice Jil Sander apporte la synthèse parfaite entre le classique scandinave et la déconstruction asiatique. UNE APPROCHE JOUANT SUR L'ANATOMIE ET LA DISSYMÉTRIE Pour Léonard de Vinci, lʼhomme est, en gros, inscrit dans un carré et un cercle en même temps. Lorsque lʼon observe lʼanatomie humaine, chaque partie du corps peut être découpée individuellement et en complémentarité avec les autres, dans des cercles et des carrés.

Par exemple, la hauteur du corps humain est égale à trois cercles de même diamètre dont les bords sʼarrêtent au diaphragme, entre la cage thoracique et lʼabdomen, et au bas des os iliaques, en dessous du pubis (on vous rassure, on n'a pas tout compris non plus...). Une fois cette notion intégrée, jouer avec la symétrie anatomique devient un jeu. Le designer lituanien Dainius Bendikas le prouve très bien dans ses collections futuristes où lʼon peut très clairement voir la construction du vêtement sur ces principes esthétiques. Jonah, le créateur new-yorkais de la marque InAisce, maîtrise également très bien cet art de la déconstruction.

Croquis du designer Dainius Bendikas. CONCRÈTEMENT, QUʼEST-CE QUE CELA VEUT DIRE ? Dans une construction plus simple et plus classique que les créations dʼInAisce (mettons une chemise, un pantalon, une paire de chaussures, un cardigan / blouson), l'objectif sera de respecter des principes anatomiques. Élaborer une tenue en pensant à lʼhorizontalité et à la verticalité du corps, aux rapports de couleurs, de coupes et de matières entre les pièces, pour arriver enfin à cette attitude shibui. Exemple avec ces looks tirés de la collection Printemps-Eté 2011 de T by Alexander Wang avec ce qui fait lʼADN de la marque : couleurs et coupes simples, matières et assemblages très travaillés.  

Avec le look 1, la coupe loose du sweatpant est contrebalancée par la coupe droite de la chemise (à la verticale comme en horizontale, formant une coupure nette qui rééquilibre tout le haut du corps). Le look est quasi monochrome, mais reste totalement fidèle à cet esprit shibui : simple. La différence réside dans les détails : serge de coton molletonné couleur gris anthracite chiné pour le pantalon, jersey de coton lisse bleu pétrole pour le haut. Le look 2 correspond sensiblement à la même idée, à la différence que la coupure haut / bas est cette fois-ci symbolisée par lʼinverse : le pull lâche contribue à lʼécroulement général de la tenue alors que le sweatpant, plus fitté, rend le corps entier plus élancé. Le contraste de couleurs / matières reste subtil : même matière pour le pantalon, maille fine pour le pull et jersey de coton pour le t-shirt, pour un léger dégradé de couleurs. APPRENDRE À STRUCTURER LE VIDE De cette idée de symétrie / asymétrie découle une autre idée importante : comment faire pour structurer une tenue avec peu de pièces, la plus simple possible (tee-shirt, pantalon, chaussures / baskets) ? 3 Encore une fois, le secret réside dans le shibumi.

Le secret d'une tenue simple réside forcément dans les coupes, ici assez ajustées mais pas trop, et dans la matière, avec le jean brut. Le tout forme un ensemble cohérent et naturel, beau par sa simplicité. Pourquoi les meilleures tenues dʼété sont-elles souvent les plus simples ? Et pourquoi un type qui déambule avec une écharpe autour du cou par 35°C a plus lʼair dʼun clown quʼautre chose ? (Non, ce n'est pas seulement parce qu'il fait chaud). Première raison, lʼécharpe est souvent davantage appelée à combler un vide laissé par lʼouverture dʼun manteau, plutôt quʼà former une grosse boule visuellement inesthétique sur un look simple qu'elle déséquilibrera complètement. Le manteau, quel quʼil soit, floute la silhouette. On peut donc se permettre dʼy ajouter du volume.

Même avec un tissu léger ce n'est vraiment pas top... COMMENT S'HABILLER DANS UN STYLE MINIMALISTE HOMME ? C'est bien beau tout ça, mais quʼavons-nous si nous considérons cette esthétique à travers le vêtement masculin ? Avec, mettons, A.P.C., figure de proue française de la sobriété. Cette marque exclut le superflu, enlève ce qui nʼest pas nécessaire. A.P.C. ne sʼintéresse pas à lʼexpression ou à la sensibilité, mais aux nécessités de la mode. On arrive ainsi à une définition à peu près correcte de ce que peut vous apporter une recherche stylistique de la simplicité. A.P.C., ce sont des coupes classiques, des pulls col rond, des blousons inspirés des Harrington, des chinos droits, dans des couleurs simples et naturelles. En somme un look simple, fonctionnel, donc qui fonctionne.

Une tenue entièrement A.P.C. qui respire la simplicité, what else ? MAÎTRISER L'ART DE LA SIMPLICITÉ Quand vous achetez une pièce forte, évitez à tout prix lʼachat coup de cœur. Demandez-vous tout le temps : Est-ce quʼelle rentre dans ma garde-robe ? Comment puis-je lʼintégrer ? Est-ce que jʼai les pièces qui vont  avec ? Demandez-vous également si vous avez une vision assez précise de ce à quoi vous aimeriez ressembler plus tard, pour pouvoir l'intégrer au sein d'une tenue complète. Est-elle assez flexible pour me permettre de la porter avec plusieurs choses différentes ? Je possède par exemple un cardigan de chez Les Chats Perchés, que je considère comme une de mes pièces maîtresses : gris, simple, trois boutons, deux poches, coupe droite. Quand on y regarde de plus près, on remarque en revanche un équilibre général et des détails qui rendent la pièce unique. Le gris vient dʼun sergé de laine chinée, rude, mouchetée de points noirs et blancs. Une surpiqûre de boutonnière donne un relief et une véritable identité à cette maille qui, sans ces particularités, ne présenterait pas plus dʼintérêt. Sa simplicité apparente en fait pourtant une pièce extrêmement polyvalente, comme vous pouvez le voir dans la photo ci-dessous.

Dans le doute, vous pouvez ainsi reconnaître une pièce unique à ces trois caractéristiques. Elle doit être : 

Simple, de forme générale assez classique ou qui nʼattire pas particulièrement lʼattention.



Raffinée, avec des détails qui en font toute la saveur et la différence.



Polyvalente : vous pouvez la porter avec plusieurs autres pièces, sobres ou plus excentriques.

La plupart des looks ratés prennent source dans une accumulation mal maîtrisée dʼaccessoires en tous genres qui avalent une tenue et lʼétouffent, sans mettre lʼaccent sur LA belle pièce dans laquelle vous avez investi.

Johnny Depp est l'exception qui confirme la règle. Certes, il a un look dʼenfer, pourtant loin d'être sobre. Mais comme c'est une rockstar, ça fonctionne plutôt bien... CONSTRUIRE SA PERSONNALITÉ À TRAVERS DES PIÈCES AUTHENTIQUES Cʼest une idée fondatrice dès lors que lʼon commence à sʼaventurer plus loin dans la mode. Acheter des belles choses, intemporelles, simples et qui vieillissent bien. Cela rejoint une philosophie que nous prônons depuis le début : mieux vaut investir une fois pour toutes dans une pièce durable et de qualité qui vieillira bien, plutôt que dans cinq pièces mal coupées et mal pricées.

Un look sobre, construit avec des pièces authentiques pleines de caractère. Au-delà même de lʼachat rationnel, il faut sʼhabituer à une certaine idée de la beauté : elle ne peut que vous être bénéfique lors de votre processus dʼachat et dʼacquisition dʼun style. Vous parviendrez alors, au bout de quelques mois dʼachat et dʼentraînement personnel à cette sensibilité, à une quintessence stylistique qui rejoint cette attitude shibui. À savoir : simple, sobre, mais beau et sans ennui. Chaque pièce respire une authenticité et un vécu, une personnalité intraduisible autrement que par lʼexpérience, lʼerreur et lʼessai. Parce que la beauté réside dans lʼimperfection (et là, on arrive à un autre concept japonais dont on a déjà parlé : le wabi-sabi). Lʼimperfection subtile de votre style fera votre force. Exemple avec cette paire de Clarks Beeswax ‒ un des rares très beaux modèles quʼils aient sortis ces dernières années ‒ après quatre ans de port et une patine fabuleuse. Indéniablement plus belles et avec plus de caractère quʼà lʼachat.

Une beauté accrue qui enrichit sa valeur esthétique au cours des années.