Séance 1 - Cours de Psychosociologie Des Organisations 2020 (PL2) [PDF]

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Zitiervorschau

INSG 2020

COURS DE 
 PSYCHOSOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS

Introduction

Depuis plus d’une soixantaine d’années, une toute nouvelle approche née de la rencontre entre deux sciences sociales, la Psychologie et la Sociologie, tente de porter un regard neuf sur les organisations en tant que lieu de rationalité économique, mais aussi et surtout en tant qu’univers de socialisation, c’est-à-dire lieu de jeux multiples mettant en évidence des conduites individuelles : il s’agit de la Psychosociologie des Organisations.

L’un des faits majeurs caractéristique de notre époque est l’omniprésence et la variété du phénomène organisationnel, ainsi que le soulignent, à la suite du Sociologue Américain Amitaï ETZIONI1, les Sociologue et Psychologue français Francois PETIT et Michel DUBOIS, lorsqu’ils affirment que :

« Dans les sociétés industrielles, l’enfant naît généralement dans une organisation : maternité, clinique ou hôpital. La vie entière de l’Individu est ensuite jalonnée de rencontre plus ou moins longues et plus ou moins heureuses avec d’autres organisations : groupe scolaire - maternel et primaire -, collège, lycée, université, administration, entreprise, syndicat, banque, sécurité sociale… jusqu’au moment où une entreprise de pompes funèbres le conduit en terre2».

En effet, le poids de l'organisation dans notre société et notre vie quotidienne n’a cessé de croître depuis la révolution industrielle de la fin du 18e siècle. Michel CROZIER3 ne dit pas autre chose lorsqu’il soutient, pour sa part, que le succès des grandes organisations constitue un des fondements, sinon la principale caractéristique, des sociétés modernes. L’homme moderne ne peut agir qu’à travers et au sein des organisations.

Pourquoi les organisations ont-elles autant d’importance dans les sociétés modernes ?

On pourrait répondre, comme nous venons de voir, que cela est lié au fait que les individus y consacrent une grande partie de leur vie, de leur temps, mais cette réponse demeure réductrice. Effectivement, enfants comme adultes passent une grande partie de leur temps dans des organisations. Dans les sociétés contemporaines, le seul groupe important dont le comportement n’est pas essentiellement lié à des organisations est les enfants de bas âge.

1ETZIONI Amitaï, 2PETIT 3

Mais ce n’est pas seulement, ou principalement, parce que l’on se trouve partout en présence d’organisations que l’on doit y prêter attention. Cet intérêt des organisations s’explique également en grande partie parce que ces entités constituent à n’en point douter des lieux ou des activités à l’intérieur desquelles les hommes et les femmes engagent et expriment toutes leurs caractéristiques psychosociologiques. En effet, l’être humain dans les Organisations engagent la totalité de ce qu’il est  : son corps, son psychisme, ses relations sociales. Il peut s’y construire une identité sociale ou perdre toute estime de soi.

En tant que spécialistes des sciences sociales, les psychosociologues cherchent par conséquent à appréhender les comportements individuels et collectifs des Hommes au sein des organisations et à étudier la qualité du fonctionnement organisationnel comme un élément essentiel de la compétitivité des entreprises. Dans cette optique, la Psychosociologie des organisations cherche quels sont les facteurs de l’environnement qui ont une action sur le comportement des individus à l’intérieur de leur organisation, et de quelle façon ces derniers s’adaptent ou réagissent aux contraintes identifiées.

Management et Organisations sont des notions indissociables, puisque la première a pour rôle d’organiser et de contrôler de manière ordonnée le fonctionnement de l’organisation. Il est donc impossible de comprendre et de mettre en place un management efficient en ignorant les approches psychosociologiques des Organisations. Un bon gestionnaire se doit de s’en imprégner, car il a besoin de savoir gérer les situations diverses impliquant l’être humain en vue de maximiser la performance organisationnelle.

Les organisations modernes, Paris, 1971.

Francois et DUBOIS Michel, Introduction à Psychosociologie des Organisations, Paris, DUNOD, 1998, P.1.

Crozier Michel, Le Phénomène bureaucratique, Paris, Editions du Seuil, 1963, P.9.

Enseignant : Flavien HEKEELLA

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PARTIE 1: PSYCHOSOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS ET ORGANISATIONS I-1 LES ORGANISATIONS

D

ans le cadre de ce cours, nous considérerons une organisation comme étant principalement constituée d’un ensemble de personnes qui interagissent. A ce titre, elle ne peut être appréhendée qu’au travers des actions de ces personnes.

De la sorte, l’organisation apparait comme une construction sociale complexe, non naturelle et modulable. Elle regroupe un certain nombre de personnes interdépendantes qui développent de manière coordonnée des activités inscrites dans la durée et dirigées vers un ou plusieurs buts communs.

Toute organisation comprend des groupes qui sont eux-mêmes constitués d’individus : trois points d’ancrage pour l’analyse psychosociologique.

I-1-1 Diversité des organisations

Dans leur ouvrage intitulé Dictionnaire critique de la Sociologie, Raymond BOUDON et François BOURRICAUD distinguent trois grandes catégories d’organisation. Ce sont :



Les organisations bureaucratiques : caractérisées par la rigueur de leur système de coordination, des statuts sociaux alloués aux différents acteurs suivant des critères explicites (diplômes, concours…), une finalité fixée par une autorité de supervision. Ex : une administration.



Les organisations économiques : caractérisées par la contrepartie financière qu’elles encaissent suite aux produits qu’elles fournissent. Ex : une entreprise.



Les organisations non lucratives : caractérisées par l’absence de contrepartie financière encaissée suite aux produits ou services qu’elles fournissent. Ex : une association à but non lucratif.

Sans nous étendre sur cette typologie, retenons de façon générale que les groupements dont il est globalement question ici sont essentiellement de nature économique (entreprise), sociale (syndicats), politique (partis), religieuse, etc. Les organisations qui nous intéressent dans le cadre de ce cours peuvent donc être privées, publiques, centrées sur la fabrication des biens de consommation, des services ou qui œuvrent dans l’humanitaire.

Ainsi, ces Organisations vont donc essentiellement se caractériser par :

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L’existence des divisions du travail c'est-à-dire des tâches, du pouvoir, des responsabilités et de communication, divisions qui ne sont pas mises en place par le hasard ou du fait de la tradition, mais qui sont délibérément instituées pour la réalisation de buts spécifiques ;



L’existence d’une hiérarchie, ou d’un contrôle social exercé par certains membres : au sein de certaines organisations l’organigramme codifie clairement la hiérarchie et les relations de pouvoir ;



L’existence de règles officielles et de procédures de travail : ces règles peuvent être plus ou moins développées et formalisées, mais il importe de préciser à partir de critères objectifs les conditions garantissant le statut de membre ainsi que les exigences rattachées à certaines fonctions de direction notamment ;Une certaine stabilité : la division du travail, la hiérarchie et les règles confèrent de la stabilité à toute organisation ;



Le remplacement du personnel, c’est-à-dire que les personnes ne donnant plus satisfaction peuvent être écartées et leurs tâches confiées à d’autres. Cette restructuration peut aussi se faire par déplacement ou par promotion.

Sont exclus des entités sociales dont s’intéressent la Psychosociologie des Organisations des organisations informelles ou pseudo-organisations tels que la foule (en général), les classes sociales, les tribus, les groupes ethniques, les groupes d’amis, les familles, les couples conjugaux…

Toutes ces organisations se situent en dehors du champ d’étude de notre discipline parce qu’on retrouve en leur sein une composante affective qui ne rentre pas en compte dans la définition et le fonctionnement des Organisations formelles. Par exemple, dans une entreprise, il n’y a pas besoin de relations affectives pour faire fonctionner l’ensemble, c’est même déconseillé parfois.

I-1-2 Les principales dimensions de l’organisation

a. L’organisation, système ouvert



L’organisation comme système

L’on ne peut réduire une organisation en une somme d’individus, de groupes, d’ateliers, de bureaux ou de services. Ces éléments sont, au contraire, en état d’interaction nécessaire, c'est-à-dire d’interdépendance pour la réalisation d’un objectif commun:

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produire un bien ou un service. C’est cette interdépendance qui fonde l’unité de l’organisation.

Toute modification d’un élément de celle-ci entraine la modification de tous les autres.

Pour illustrer cette réalité, prenons l’exemple d’une organisation qui a décidé de supprimer un de ses services - le service Z - parce qu’elle s’est rendue compte qu’il n’y avait plus d’utilité dans le processus de production du bien ou du service. Quelles peuvent être les conséquences de cette suppression ?

Il n’y aura pas de surcharge de travail pour les autres services puisque, par hypothèse, le service Z n’avait plus de fonction ;



Le reclassement du personnel dans les autres services peut être retenu comme solution, ce qui entrainera des modifications dans les autres services, et donc, dans l’ensemble de l’organisation ;



A contrario, il peut ne pas y avoir reclassement du personnel, mais pur et simple licenciement collectif. Pourraient alors se produire des grèves ou des mouvements revendicatifs qui arrêteraient ou entraveraient la marche des autres services. Quand bien même ceux-ci n’auraient pas lieu, la suppression du service Z et le licenciement collectif de son personnel auraient un impact sur les autres services. Des stratégies de protection et de concurrence inter-services pourraient se développer : chaque service cherchant à démontrer son utilité, même au détriment des autres, pour éviter que le sort du service Z ne lui soit réservé un jour.



De la sorte, on voit bien que l’interdépendance à l’intérieur de l’organisation est non seulement d’ordre opératoire, mais encore et surtout d’ogre social. Elle s’inscrit dans la psychologie des individus et des groupes, comme dans leurs relations.



L’organisation ouverte sur son environnement

L’organisation, comme tout autre système social, est plongée dans un environnement à plusieurs dimensions, physique, technologique, économique, politique, culturelle, etc. Cependant, l'environnement de chaque organisation, si vaste soit-il, n'est pas illimité. Chaque fois que nous évoquerons l'environnement d'une organisation, il sera sous-entendu que nous visons son environnement spécifique, c'est-à-dire les éléments de l'environnement général qui sont effectivement en relation avec l’organisation.

Le modèle du système ouvert

La psychologie et la psychosociologie ont emprunté a la cybernétique et a l’analyse systémique, la notion de système ouvert, et l’ont appliquée a organisation, pour créer un modèle explicatif.

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L’organisation reçoit de son environnement des inputs ou apports de différentes natures. Certains sont relativement prévisibles et contrôlables : les capitaux nécessaires, les équipements, les matières premières, l’énergie, etc. D’autres sont par contre plus difficiles à cerner ; c’est le cas, par exemple, des demandes en biens ou en services exprimées dans l’environnement. Moins prévisibles et moins contrôlables sont les individus qui vont réaliser le processus de transformation.

Lorsque, le matin, ils franchissent le seuil de l’organisation, ils se voient assigner des fonctions et des postes de travail, qui existent de façon impersonnelle, dans le processus de transformation. Ils n’en laissent pas pour autant au vestiaire leurs idées et leurs sentiments reliés a leur « équipement culturel » : modèles, valeurs, normes, mythes, préjugés, stéréotypes, etc. Cet équipement s’est constitué sur place, au fil des jours, car l’organisation est un lieu d’apprentissage culturel, comme le montre Sainsaulieu (1977). Mais il puise aussi ses sources dans d’autres systèmes sociaux : l’individu à son poste dans l’organisation est, par ailleurs, fils ou fille, ou épouse, père ou mère, consommateur, citoyen, contribuable ; il peut être aussi adhérent à des associations de loisirs, à un syndicat, à un parti politique, à une association écologique, etc.

Les membres d’une organisation sont donc, en quelque sorte, les représentants, au sein de celle-ci, d’autres systèmes sociaux présents dans l’environnement : « comme tels, il apportent avec eux des revendications, des aspirations et des normes culturelles » (Schein, 1971, p. 94). Ces inputs sont transformés en outputs (résultats) qui sont projetés dans l"environnement. Ce sont, tout a la fois, les services rendus, les produits finis, les déchets et la pollution, les salaires versés, la satisfaction ou l’insatisfaction née au cours du processus de transformation, etc. Certains résultats - comme la satisfaction ou l'insatisfaction - peuvent revenir au système en feed-back (cf. figure ci-contre).

Dans le processus de transformation, Argyris (1970) distingue trois types généraux d’activités essentielles qu'on trouve dans toute organisation :

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‣ des activités qui visent à l'atteinte des objectifs de l'organisation, c’est-à-dire la production de biens ou de services ;

‣ des activités centrées sur le maintien du système interne, c'est-à-dire tout ce qui concourt à la coordination et au développement de relations satisfaisantes entre les éléments - individus ou groupes de l'organisation ; ces activités ont une fonction de facilitation et de régulation par rapport aux activités orientées sur les objectifs ;

des activités, enfin, orientées sur l’adaptation à l’environnement qui est une condition sine qua non tant du développement de l'organisation que de sa survie. Or, dans nos sociétés techniciennes et scientifiques, l’environnement est en constante évolution. l’organisation se doit de suivre, voire d'anticiper, quand c'est possible, sur les changements de l’environnement. Cette adaptation « se réalise non par homéostasie, comme le ferait un organisme vivant, mais en réponse aux décisions prises en haut de la hiérarchie par les responsables de l’organisation  » (Lévy-Leboyer, 1973) ; ces décisions peuvent être éclairées par des études et des enquêtes réalisées dans l'environnement.

b. Groupes et phénomènes de groupes

La division du travail fractionne le système organisationnel en sous-systèmes. Pour atteindre ses objectifs, une entreprise se divise, par exemple, en grands secteurs couvrant de grandes fonctions : production, vente, administration, recherche, etc. Ces sous-systèmes, au fur et à mesure qu’on descend dans la structure pyramidale, incluent des sous-systèmes plus nombreux mais de dimensions plus restreintes, jusqu’au sous-système élémentaire que constituent un atelier ou une équipe de travail dans une usine, un bureau dans une administration, une équipe de soins dans un hôpital, une classe dans une école, etc.

Le point commun de toutes ces entités psychosociales est d’être des groupes, composés d’individus qui se sont découverts au fil des jours, donc qui se connaissent, qui interagissent et qui sont en état d’interdépendance non seulement fonctionnelle — par le travail — mais aussi psychologique.

Nous rappellerons, à très gros trait, deux phénomènes majeurs de groupe. Le groupe, tel que nous le vivons quotidiennement dans différentes organisations, est créateur de normes, c’est-a-dire de règles orientant nos comportements et nos opinions.

Dans le groupe, l’individu est l’objet de pressions à la conformité : ses pairs le poussent à adopter des

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opinions et des comportements en accord avec les normes du groupe. Citons un exemple banal : dans un atelier ou dans une classe de lycée, l’individu qui tente de dépasser le quota de travail, fixé implicitement par le groupe de pairs, sera l’objet de leur part de sanctions (vexations, moqueries, menaces pouvant aller jusqu’a la violence physique). Mais la conformité n’a pas toujours un caractère aussi coercitif ; elle peut se fonder sur la rationalité de l’appartenance de I’individu au groupe : l’individu peut valoriser son appartenance au groupe et se conformer a ses normes dans le but d’atteindre un objectif personnel. La pression à la conformité peut aussi naitre de la relation affective que l’individu recherche dans le groupe ; cela nous conduit à évoquer un deuxième phénomène, celui de la solidarité.

Dans le groupe, l’individu trouve un appui pour affronter un univers organisationnel souvent hostile, chargé de tensions, de pressions en tout genre et d’anxiété. Schématiquement, on trouve dans la littérature psychosociologique et sociologique, trois interprétations de la solidarité qui ne s’excluent pas mutuellement.

‣ La première est d’ordre opératoire et stratégique : grâce à la solidarité, les membres du groupe se défendent de façon plus efficace contre les pressions de l’organisation ou contre les autres groupes ;

‣ La seconde est d’ordre psychologique : l’affiliation au groupe apporte un réconfort même si le groupe n’est d’aucun secours, d'un point de vue opératoire et stratégique ;

‣ La troisième est d’ordre culturel : la solidarité existe entre les membres d’un groupe, car ils « vivent ensemble et simultanément le même processus d’accès à I’identité », comme l’écrit Sainsaulieu (1977, p. 40-41). Se sentir solidaire d’un groupe, c’est pour l’individu, soumis à des contraintes de travail souvent fortes, récupérer un peu d’une existence confisquée par l’organisation.

Si, pour la psychosociologie des organisations, le niveau d’analyse du groupe est insuffisant, il demeure que l’appartenance au groupe est un facteur essentiel du rapport que l’individu entretient avec l’organisation. En résumé, le groupe peut être considéré comme un support culturel, cognitif, affectif et stratégique!, essentiel pour « survivre » dans l’ organisation ; comme tel et comme élément — sous-système — du système organisationnel, le groupe mérite, toujours, une attention particulière.

c. L’individu et organisation

Le niveau de l’individu, point extrême de la division du travail, s’il est le champ d’étude privilégié de la psychologie des organisations, ne doit pas être négligé, comme le font trop facilement certaines analyses gloPage 4

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balisantes de type sociologique, économique ou politique. Par exemple, dans une organisation, un conflit peut avoir des racines sociologiques profondes ; il reste qu’il s’exprime toujours a travers des individus, considérés isolément ou en groupe. Or, ces individus ont des personnalités qui ne sont pas neutres : elles réagissent subjectivement 4 la situation organisationnelle. L’organisation répond ou non aux motivations des individus et leur fait éprouver des frustrations et des satisfactions. Il est donc évident que les personnalités des individus, en cause dans un conflit, constituent des variantes importantes.

Cette rapide illustration pose de façon sous-jacente le problème très complexe de |’adaptation réciproque entre |’individu et l’organisation. Argyris (1970) a ap-

porté une voie nouvelle de réflexion. II part de l’hypothèse suivante : l’individu aspire au succès psychologique et à l’estime de soi. Or, dans toute organisation, il est plongé dans un dilemme : satisfaire ses aspirations ou répondre aux exigences de l’organisation, avec sa division du travail, sa pyramide hiérarchique et leur cortège de soumissions et de dépendances qui entravent l’estime de soi et le succès psychologique. Il essaie de montrer que si l’on développe les activités essentielles de l’organisation centrées sur I’atteinte des objectifs, le maintien du système interne et l’adaptation à externe, l’individu aura plus de chances d’exprimer ses potentialités, donc, d’éprouver de l’estime de soi et de parvenir au succès psychologique (p. 22-23).


———————————I-2 LA PSYCHOSOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS


L

a psychosociologie est véritablement née au début des années 1930, notamment avec la recherche d'Hawthorne aux États-Unis. Le fondement de sa démarche est de considérer que les hommes se rattachent à la fois au psychique et au social, et donc de préconiser une approche transversale (Revue internationale de psychosociologie (RIP), 1994). En pratique, elle articulera les comportements, la dimension psychologique et le champ social. Ainsi, un de ses premiers objets a été constitué par les groupes, mais également les organisations avec lesquelles la psychosociologie s'est sentie tout de suite en phase. Cette orientation a résulté notamment d'un contexte de mise sous tension des organisations modernes, génératrice de perte de repères et d'anxiété. Mais la psychosociologie a étendu ses investigations à d'autres domaines : le changement, le pouvoir, le leadership, les interactions, les déterminations idéologiques…

Quels sont le champ d’étude et la méthode d’approche de la Psychosociologie des organisations ?

I-2-1 Champ d’étude de la Psychosociologie 
 des Organisations Si l’on admet que l’objet de la Psychosociologie est l’étude des phénomènes d’interaction sociale entre les individus, entre des individus et des groupes et entre les groupes, nous pouvons définir la Psychosociologie des Organisations comme un ensemble de théories et de méthodes se proposant

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d’étudier l’interaction sociale dans le cadre spécifique et quotidien de l’Organisation. On appelle interaction, l’influence que les individus exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate les uns des autres.

De manière précise, cette discipline situe son action à trois niveaux :

Elle tente, en premier lieu, d’appréhender les comportements des individus travaillant au sein des organisations en ayant recours aux concepts traditionnels en usage chez les psychologues, tels que la personnalité, le moi, la motivation, le bien-être…;

Ensuite, elle accorde un intérêt particulier aux relations qu’entretiennent les individus au sein de leur milieu professionnel : leur interrelations, leur interdépendance mais aussi les relations de pouvoir qui naissent de ces interactions ;

Enfin, elle s’intéresse à la question de savoir comment l’individu parvient à équilibrer ou à concilier ses propres idées, son identité sociale ou ses représentations sociales avec les actions, les attitudes et les buts préconisés par leur organisation.

Comme on peut aisément le constater à travers ces trois niveaux d’intervention de la Psychosociologie des Organisations, le projet d’étudier l’interaction sociale dans le cadre spécifique et quotidien de l’organisation inclut la reconnaissance implicite des facteurs organisationnels et psychologiques sur les comportements sociaux. Cela signifie d’une part, qu’un tel projet ne peut être mené à bien sans une analyse des structures et des fonctionnements de l’Organisa-

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tion et donc, sans de solides références à la Sociologie et surtout à la sociologie des Organisations qui est cette branche de la Sociologie qui se donne pour ambition d’analyser les normes, les rôles, l’évolution, la structuration et le fonctionnement des organisations.

D’autre part, l’influence des facteurs psychologique sur l’interaction sociale ne peut être négligée lorsqu’on tente d’appréhender le comportement de l’Homme au sein de l’Organisation dans la mesure où la Psychologie s’intéresse également au vécu des individus (souffrance, satisfaction, motivation, mais en faisant abstraction au contexte social).

A partir de ce moment, il apparait donc clair que la psychosociologie des Organisations puise ses racines dans le Courant des Relations Humaines qui s’est essentiellement appuyé sur les connaissances en vigueur au niveau de la Sociologie et de la Psychologie pour proposer une alternative organisationnelle à l’OST. Parce que dans la réalité, on ne peut pas séparer ce qui est individuel et ce qui est social. Les deux sont intimement liés.

Dans l’organisation, les facteurs sociaux influencent les individus. Par exemple dans un conflit social, il y a une dimension individuelle, psychologique

(ex : sentiment d’injustice, de peur par rapport à l’avenir) et en même temps une dimension sociale (pour qu’un mouvement puisse naitre, il faut un groupe, une Organisation. Il faut l’émergence des leaders et un mouvement est né dans un contexte social particulier lié aux conditions de travail, de licenciement…).

I-2-2 Méthodes de recherche La démarche méthodologique est, comme en sociologie et psychologie sociale, fondée sur la méthode expérimentale, du fait de la possibilité de manipuler les variables individuelles.

La méthode expérimentale est une démarche scientifique qui consiste à contrôler la variable d’une

hypothèse au moyen d’épreuves répétées, au cours desquelles on modifie un à un les paramètres de situation afin d’observer les effets induits par ces changements. En d’autres termes, l’’expérimentation permet de tester, en terme de causalité, l’effet ( l’ i m p act) d ’ u n e o u p lu s i e u r s var ia b le (s) indépendante(s) (VI) sur une ou plusieurs mesure(s) ou variable(s) dépendante(s) (VD).

Rappelons qu’une variable est un indicateur mesurable et quantifiable qui peut changer de valeur.

Une variable indépendante est une caractéristique de l’individu (Ex : Hommes contre les femmes, les 1825 ans contre les 45-60 ans), de l’environnement physique ou social (ex  : présence/absence d’autrui, couleur des murs, environnement bruyant contre un environnement calme), de la tâche (difficile/facile, familière/non familière).

En somme, une valeur indépendante est un élément comportant au minimum deux modalités, sur lequel nous n'avons pas de contrôle et qui influencera la variable dépendante.

De son côté, la variable dépendante correspond à la mesure de la réponse du participant. Il s’agit du paramètre qui varie sous l’influence de la variable indépendante. En clair, une variable dépendante est celle dont les valeurs sont mesurées par le chercheur ou l’expérimentateur.

Par ailleurs, la psychosociologie des Organisations procède aussi par le biais d’autres outils méthodologiques, parmi lesquels l’observation directe des individus et des groupes de travail sur le terrain. Le travail de terrain sera envisagé ici comme l’observation des gens in situ : il s’agit de les rencontrer là où ils se trouvent, de rester en leur compagnie en jouant un rôle qui permette d’observer de près certains de leurs comportement et d’en donner une description qui soit utile pour les sciences sociales, tout en ne faisant pas de tort à ceux que l’on observe.

Les enquêtes par questionnaires et par focus groupe peuvent également utilisées.


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