S2 DPG Cours Mouhib 2018 [PDF]

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Zitiervorschau

Faculté de Mohammedia Licence Fondamentale Droit Français 2017/2018

S2 Droit Pénal Général DPG

Mme Milouda Mouhib

Faculté Mohammedia 2017 / 2018 Droit Pénal Général

LF Droit français S2 Milouda Mouhib

Plan Introduction 1. Le contenu 1.1. Le contenu juridique 1.2. Le contenu scientifique 2. Les principes fondamentaux du Droit pénal 2.1. Le principe de la légalité criminelle 2.2. Le principe de la personnalité de la responsabilité et de la sanction 2.3. Le principe d’égalité devant la loi pénale 2.4. Les droits de la défense L’infraction pénale Chapitre 1 : L’élément légal de l’infraction 1.1. La qualification des faits 1.1.1. Le principe de la légalité des délits et des peines 1.1.1.1. Le principe de l’interprétation restrictive 1.1.1.2. Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale 1.1.2. Obstacles à la qualification pénale 1.1.2.1. Les faits justificatifs 1.1.2.1.1. L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime 1.1.2.1.2. L'état de nécessité et la contrainte 1.1.2.1.3. La légitime défense 1.1.2.2. Les obstacles à la qualification pénale des faits 1.1.2.2.1. L’amnistie 1.2. La qualification des infractions 1.2.1. La qualification fondée sur la gravité des infractions (Crime, délit, contravention). 1.2.1.1. Le principe 1.2.1.2. Intérêt de la classification : Crime, délit et contravention : 1.2.2. La qualification fondée sur la nature des infractions 1.2.2.1. Infraction politique 1.2.2.1.1. L'infraction politique : son critère. 1.2.2.1.2. L’intérêt de la distinction : l’infraction politique et l’infraction de droit commun. 1.2.2.2. L'infraction militaire 1.2.2.2.1. Le critère 1.2.2.2.2. L’intérêt de la distinction Chapitre 2 : L’élément matériel de l’infraction 2.1. Les modalités de l’élément matériel 2.1.1.1. La tentative interrompue 2.1.1.1.1. Le commencement d'exécution : 2.1.1.1.2. L'absence de désistement volontaire

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2.1.1.2. L’infraction manquée et l’infraction impossible 2.1.1.2.1. L'infraction manquée : 2.1.1.2.2. L'infraction impossible : 2.1.2. L’acte passif 2.1.2.1. L’abstention délictueuse 2.1.2.2. Le comportement répréhensible 2.2. Les agents de l’acte 2.2.1. Auteur et coauteur 2.2.1.1. L’auteur 2.2.1.2. Le coauteur 2.2.2. Le complice 2.2.2.1. Incrimination de la complicité 2.2.2.1.1. Les conditions relatives au fait principal : 2.2.2.1.2. Les conditions relatives au fait de complicité : 2.2.2.2. La sanction de la complicité Chapitre 3 : L’élément moral de l’infraction 3.1. Les causes de non imputabilité 3.1.1. La démence 3.1.1.1. L’aliénation mentale 3.1.1.1.1. La constatation de l'état de démence 3.1.1.1.2. Les effets de l'état de démence : 3.1.1.2. Les altérations passagères des facultés mentales 3.1.1.2.1. Les altérations involontaires 3.1.1.2.2. Les altérations volontaires 3.1.2. La minorité 3.1.2.1. La minorité cause d’irresponsabilité 3.1.2.2. La minorité une excuse légale atténuante 3.2. La culpabilité 3.2.1. Les modalités de la faute 3.2.1.1. L’intention 3.2.1.1.1. La volonté de commettre l'acte 3.2.1.1.2. La connaissance du caractère illégal de l'acte 3.2.1.1.2.1. L'erreur de droit 3.2.1.1.2.2. L'erreur de fait 3.2.1.2. La faute 3.2.1.2.1. La faute ordinaire ou imprudence 3.2.1.2.2. La faute contraventionnelle 3.3. La responsabilité pénale 3.3.1. La responsabilité du fait d’autrui 3.3.2. La responsabilité des personnes morales

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Introduction Le crime est vieux comme le monde, il s'est manifesté par tout. Cependant, l’atteinte à l'ordre public n'a pas donné lieu à une étude scientifique, ce n'est que depuis une centaine d'années que la criminologie préoccupe les hommes de sciences. Auparavant, pour avoir une idée du criminel, c'est à la littérature qu'il fallait recourir. Victor Hugo, Emile Zola comme exemples. D'autres philosophes ont réfléchi sur la question, mais toutes ces idées ne pouvaient pas constituer la base d'une science. L’année 1876 marque la naissance de la criminologie, le médecin italien Lombroso a publié un livre intitulé " l'homme criminel ". D'autres études ont suivi. La criminologie issue de ces travaux a pour objet l'étude du phénomène criminel, ses causes et ses remèdes. C'est une science multidisciplinaire car l'étude de l'homme criminel suppose le concours d'autres disciplines : l'anthropologie, la biologie, la psychologie, la psychiatrie et la sociologie. Toutes ces préoccupations intéressent le criminologue : qu'est-ce qu'un délinquant ? Comment on devient délinquant ? Quels sont les meilleurs moyens pour lutter contre la délinquance ? S'il est facile de définir le criminel : c'est celui qui commet des crimes, la définition de crime est problématique. Quand on pense à la criminalité, ce sont les actes réprimés par la loi qui nous viennent à l'esprit ; vol, viol… la synthèse est difficile à cause de la mobilité et la variabilité des critères législatifs, judiciaires et populaires qui concourent à sa définition. Dans tous les pays, le crime est défini comme l'acte sanctionné par une peine, mais il est impossible de dresser une liste d'actes qui, en tout temps et en tout lieu, ont été et sont encore universellement punis. Les incriminations changent selon les époques, les pays, les groupes sociaux et même les circonstances. Une profonde disparité a été relevée entre les peuples « civilisés » et les peuples « primitifs ». L'homicide qui est considéré par les États les plus modernes comme étant le crime le plus grave est institutionnalisé par certains groupes primitifs ; exemple : les tueries pour choisir les meilleurs guerriers, et la vengeance en cas d'atteinte à l'honneur. Même dans les pays développés, certains groupes ont leurs propres lois, les Gitans pour exemple, considèrent que le vol d'un étranger n'est pas condamnable. Les législations évoluent dans le temps et dans l'espace, les actes qui étaient incriminés au moyen âge en Europe ne le sont plus aujourd'hui ; la sorcellerie, le suicide, le blasphème, l'hérésie à cause de la séparation entre le pouvoir temporaire et spirituel, l'adultère et l'avortement sont dépénalisés. Inversement, d'autres incriminations ont vu le jour : conduite en état d'ivresse, exercice illégal de la médecine. Malgré l’effort pour uniformiser le droit pénal, les différences restent frappantes ; mutilation du voleur, lapidation de la femme adultère et son complice. Malgré les variations, le caractère constant du crime est l'intolérabilité. Tous les actes incriminés sont socialement intolérables à un moment donné dans un pays donné. Le crime provoque un trouble social et la société a une réaction violente par le biais de la peine. 1. Le contenu 1.1. Le contenu juridique Le premier souci du législateur de définir l'infraction, cet acte intolérable pour l'ordre public. Les législateurs dressent une liste des actions et des omissions sanctionnées par la loi. L'ensemble de ces infractions constitue le Droit Pénal Spécial qui est consacré à l'étude des éléments constitutifs de chaque infraction et du régime juridique propre à chaque infraction. Le Droit Pénal Général pose les règles communes à toutes les infractions, il définit : * Les principes de la responsabilité pénale. * La fixation de la peine. Par ailleurs, l'application de ces règles nécessite l'intervention d'un tribunal lors d'un procès. Le droit pénal dépend d'une procédure, l'intervention du juge est nécessaire pour la sécurité des citoyens, d'où l'adage (La procédure est sœur jumelle de la liberté). Le prononcé du jugement n'est pas une fin en soi, encore faut-il déterminer le régime d'exécution des peines et des mesures de sûreté. La science pénitentiaire (ou la pénologie) étudie le régime juridique ou administratif des sanctions prescrites par la loi positive.

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1.2. Le contenu scientifique L'approche proprement juridique ne peut satisfaire le pénaliste. Le droit pénal est contraint de recourir à la science et à d'autres disciplines. L'apport de la criminologie et la criminalistique est indéniable. La criminalistique regroupe un certain nombre de disciplines qui concourent à la constatation de l’infraction et l'identification de l'auteur ; la médecine légale renseigne sur les causes du décès ; les circonstances d'une blessure ; la toxicologie, science des poisons apporte des renseignements précis en cas d'empoisonnement ; la police scientifique et la police technique permettent de découvrir l'origine d'une tâche de sang, d'une poussière, d'un cheveu et déterminer l'arme du crime. C'est surtout la criminologie qui a éclairé le législateur sur la politique criminelle à suivre, elle aide le policier, le juge et le personnel chargé de l'application des peines à comprendre la personnalité de l’auteur et ses motifs. L’anthropologie criminelle observe les caractères physiologiques du délinquant ; la biologie criminelle étudie les problèmes de l’hérédité. Le pénaliste a recours aussi recours aussi à la psychiatrie, la psychologie et la sociologie criminelle. 2. Les principes fondamentaux du Droit pénal 2.1. Le principe de la légalité criminelle C'est une garantie fondamentale pour la sécurité et la liberté des citoyens, c’est un rempart contre l’arbitrage, l'État est soumis au droit et au respect des règles qui le constituent : constitution, lois, conventions internationales. Il est cependant délicat de faire un dosage entre la liberté individuelle et l'intérêt public, d'où la nécessite de prévoir l'incrimination et la peine. L'article 23 de la constitution 2011 affirme expressément le principe de la légalité : « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi». L'article 3 du Code Pénal dispose : " Nul ne peut être condamné pour un fait qui n'est pas expressément prévu comme infraction par la loi, ni puni de peines que la loi n'a pas édictées ». Donc, un tribunal ne peut prononcer que les peines prévues pour des délits prévus et au terme un procès conduit selon les formes prévues par la loi et seulement si l'on a été préalablement investi. Ce principe que nous connaissons aujourd'hui était absent des civilisations antérieures. Ce furent les philosophes et les écrivains qui demandèrent la modification des rapports entre l'État et les citoyens, ils voulaient soustraire le citoyen à l'asservissement, l'arbitraire et la cruauté de l'ancien régime. César Beccaria a écrit dans son livre « Les délits et les peines » : « les lois seules peuvent ordonner les peines applicables aux délits », ce principe a été consacré par la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il est devenu la clef de voûte de tout le droit pénal libéral, car il est la condition première de la liberté. 2.2. Le principe de la personnalité, de la responsabilité et de la sanction L'article 132 du Code Pénal dispose que : «Toute personne saine d'esprit et capable de discernement est personnellement responsable : Des infractions qu'elle commet ; Des crimes ou délits dont elle se rend complice ; Des tentatives de crimes ; Des tentatives de certains délits qu'elle réalise dans les conditions prévues par la loi. Il n'est dérogé à ce principe que lorsque la loi en dispose autrement. Toute personne saine d’esprit et capable de discernement est personnellement responsable ». Cependant, dans la pratique les choses ne sont pas aussi simples car l'acte délictueux ne rejaillit pas seulement sur l'auteur, mais aussi sur son entourage. Le principe va fléchir sous le poids d'exceptions. Exemple : un père de famille condamné à une peine privative de liberté, ne pourra plus travailler ; les conséquences sont fâcheuses pour la famille ; il y a des sanctions qui ne touchent pas à la personne mais au patrimoine (Amendes, confiscation des biens, fermeture d'un établissement...).

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2.3. Le principe d’égalité devant la loi pénale C'est un principe universellement reconnu, le Maroc n’échappe pas à la règle, l'article 6 de la Constitution le consacre : « La Loi est l'expression suprême de la volonté de la nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant elle et tenus de s'y soumettre. Les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l'effectivité de la liberté et de l'égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale. Sont affirmés les principes de constitutionnalité, de hiérarchie et d'obligation de publicité des normes juridiques. La loi ne peut avoir d'effet rétroactif ». La charte des Nations Unies l'affirme dans son préambule en faisant référence à l'égalité entre les hommes el les femmes. Le principe est présent au Droit musulman, le prophète disait : « Les hommes sont égaux comme les dents du peigne, seule la vertu peut les départager ». Omar Ibn El Khattab recommandait à l'un de ses Walis de traiter les hommes sur un pied d'égalité pour que le faible ne désespère pas de la justice et le riche ne compte pas sur sa partialité. En Europe, le principe était ignoré, la révolution de 1789 l'avait revendiqué « La loi est la même pour tous, soit qu'elle protège ou qu'elle punisse, tous les citoyens sont égaux à ses yeux ». Le code de 1791 a adopté le système des peines fixes prononcées automatiquement. Cette égalité abstraite posera un certain nombre de problèmes. Cet aspect a été corrigé en préconisant « La société ne peut punir plus qu'il n'est nécessaire ». Les circonstances atténuantes sont généralisées, une nouvelle échelle des peines a été préconisée qui varie entre un minimum et un maximum. Ce qui est recherché est d'adapter la sanction à la personnalité du délinquant, cela ne veut pas dire le retour à une justice qui varie selon la qualité, l'origine et le rang du délinquant, ces préoccupations sont absentes de l'esprit du législateur. Une politique criminelle peut entrainer une sériation dans l'application de la peine ; l'immunité familiale en cas de vol, l'excuse de non dénonciation, l'immunité parlementaire sauf en cas de flagrant délit ou de la levée de l'immunité diplomatique. 2.4. Les droits de la défense Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie. C’est au ministère public qu'il appartient d'apporter preuves de ses accusations. Ce principe signifie le droit pour l'accusé d'être assisté par un avocat dès le déclenchement des poursuites. Il doit être informé des chefs d'accusation, disposé de temps et de facilité pour préparer sa défense, avoir le droit à un débat contradictoire, le droit à des débats publics, le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, le droit d'être assisté par un avocat librement choisi.

L’infraction pénale C'est une attitude interdite par la loi sous la menace d'une sanction pénale. Toute infraction pénale comporte, à côte des conditions particulières, l'existence de conditions générales. Les premières relèvent du Droit Pénal Spécial, les secondes intéressent le Droit Pénal Général, elles sont au nombre de trois : * L’infraction pénale n'existe que si elle a été expressément et préalablement prévue par la loi, c'est le principe de la légalité des délits et des peines. * L’infraction pénale suppose un élément matériel, c'est-à-dire une attitude suffisamment caractérisée. * L'infraction pénale nécessite un élément moral ou psychologique, c’est-à-dire une volonté libre.

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Chapitre 1 : L’élément légal de l’infraction Saisie d'une affaire, le juge doit se livrer à une double qualification, il s'assure tout d'abord que les agissements en question correspondent à l'une des qualifications prévues par la loi, c'est-à-dire déterminer s'il s'agit d'une infraction, c'est la qualification en vertu du principe de la légalité, ensuite il les rattache aux classifications légales qui fixent leur régime juridique. C'est la qualification de l'infraction qui sera crime, délit ou contravention selon la gravité de l'acte, l'infraction de droit commun, politique ou militaire selon la nature de l'acte incriminé. 1.1. La qualification des faits Face à un acte déterminé, le juge est amené à se demander s'il tombe sous le coup de la loi pénale, s'il constitue une infraction ou pas, c'est la qualification pénale des faits. La démarche est dominée à ce niveau par le principe de la légalité, mais il arrive exceptionnellement que le fait soit dépouillé de son caractère délictueux par une loi qui fait obstacle à la qualification. 1.1.1. Le principe de la légalité des délits et des peines Le principe légaliste a été conçu et formulé pour la première fois par un jeune avocat Italien César Beccaria. Il a critiqué les justices de son époque. Ses idées vont se propager et dès la fin du XVIIIe siècle, le principe légaliste apparait aux yeux de tous comme le seul remède à l'arbitraire des juges qui rangeait la justice criminelle de l'époque, le principe devient au début du XX e siècle une question universelle, sa valeur et son utilité ne peuvent plus être contestée. Deux conséquences du principe légaliste constituent des interdits pour le juge. Celui qui défend au juge pénal de créer des infractions et des peines c’est le principe de l'interprétation restrictive de la loi. Celui qui interdit l'application rétroactive de la règle pénale nouvelle ou principe du la non-rétroactivité de la loi pénale. 1.1.1.1. Le principe de l’interprétation restrictive Le juge est appelé à interpréter le texte régissant le cas concret qui lui est soumis, ne risque pas de substituer sa loi à celle du législateur. Pour éviter tout risque et empêcher le retour à l'arbitraire des juges, le juge doit rester très près du texte et enfermer les dispositions pénales qu'il doit appliquer dans les limites les plus strictes possibles. Par conséquent, l'interprétation doit se faire selon des règles précises. Si la loi est claire, le juge n'a pas à l'interpréter, il doit l'appliquer telle quelle, il ne peut pas l'étendre à des situations non visées par la loi par analogie, exemple : filouterie d'aliments. Si au contraire la loi est obscure, le juge s'attache à la pensée du législateur pour en déceler le sens tout en respectant la règle selon laquelle le doute profite à l'accusé. Ce principe connait certains tempéraments concernant essentiellement les règles de la procédure qui sont interprétées de façon extensive parce qu'elles ne portent pas atteinte au droit acquis. Les lois pénales plus douces, les lois interprétatives, les lois expresses constituent également des exceptions. 1.1.1.2. Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale La non-rétroactivité en matière pénale est la conséquence négative et nécessaire au principe légaliste. Le lien entre les deux principes est tellement fort qu'ils ont été prévus ensemble dans la déclaration des Droits de l'Homme et des citoyens de 1789 : Art. 8 « Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit ». C'est une formule qu'on retrouve dans la plupart des codes pénaux contemporains. Ainsi apparait le particularisme de la non-rétroactivité en matière pénale. La rétroactivité crée l’insécurité qui est grave car elle peut porter atteinte à la vie, à la liberté et à l'honneur des personnes. Parfois, on assiste à un assouplissement du principe et on parle d'application immédiate. Dans d'autres cas, il s'agit de véritables dérogations comme c'est le cas pour la loi pénale la plus douce. 1.1.2. Obstacles à la qualification pénale

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1.1.2.1. Les faits justificatifs Un fait justificatif est une circonstance qui enlève à un acte contraire à la loi son caractère illégal. Par conséquent, les poursuites ne peuvent être engagées et aucune sanction ne peut être prise à l'encontre de l'agent parce qu'il n’est pas dangereux. L'article 124 du Code Pénal énumère les cas dans lesquels les infractions sont justifiées. - Premièrement, lorsque le fait était commandé par la loi et, l’autorité légitime. - Deuxièmement, en cas de contrainte et en état de nécessité. - Troisièmement, en cas de légitime défense. 1.1.2.1.1. L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime L'article 124 du Code Pénal dispose que : « Il n'y a ni crime, ni délit, ni contravention : 1° Lorsque le fait était ordonné par la loi et commandé par l'autorité légitime ; 2° Lorsque l'auteur a été matériellement forcé d'accomplir ou a été matériellement placé dans l'impossibilité d'éviter l'infraction, par un événement provenant d'une cause étrangère auquel il n'a pu résister ; 3° Lorsque l'infraction était commandée par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui ou d'un bien appartenant à soi-même ou à autrui, pourvu que la défense soit proportionnée à la gravité de l'agression ». Dans ces cas, c'est la loi elle-même qui autorise un acte normalement interdit cette hypothèse recouvre 3 situations différentes : 1) La réunion de l'ordre de la loi et du commandement de l'autorité légitime : Il en est ainsi de l'application de la peine de mort, la loi l'ordonne au juge qui l'ordonne au bourreau. 2) L'existence de la loi sans le commandement de l'autorité légitime : Il en est ainsi des magistrats qui, dans l'exercice de leur mission, se voient ordonner par la loi ce que la loi interdit : Exemple : la perquisition est une violation du domicile, la détention préventive est une atteinte à la liberté tant que la culpabilité de la personne n'a pas été prouvée par un jugement définitif. Pour effectuer ces actes, le juge d'instruction applique la loi sans l'ordre du supérieur. 3) L'existence du commandement sans l'ordre de la loi : Le subordonné qui exécute un ordre illégal bénéficie-t-il du fait justificatif ? Peut-il refuser alors que l'ordre émane incontestablement d'une autorité légitime. La doctrine propose trois réponses : - l’obéissance passive : La discipline l'emporte sur la légalité. Par conséquent, le subordonné qui exécute un ordre illégal reçu de son supérieur n’encourt aucune condamnation. -les baïonnettes intelligentes : imposent au subordonné d'apprécier le caractère légal ou illégal de l'ordre. Par conséquent, il doit refuser d’appliquer un ordre illégal, autrement, sa responsabilité serait engagée. Il est parfois malaisé de reconnaitre un ordre légal ou illégal d'un supérieur. -L'obéissance raisonnée : Elle évite les excès des deux systèmes précédents. Elle propose de distinguer selon que la légalité ou l’illégalité de l’ordre reçu est manifesté ou pas. Le subordonné ne sera protégé par le fait justificatif que lorsque l'ordre du supérieur est apparemment conforme à la loi. Le législateur marocain n'a pas adopté aucune solution en la matière. Cependant, la jurisprudence marocaine semble adopter cette dernière solution. 1.1.2.1.2. L'état de nécessité et la contrainte L'article 124 du Code Pénal dispose : « Lorsque l'auteur a été matériellement forcé d'accomplir ou a été matériellement placé dans l'impossibilité d'éviter l'infraction, par un événement provenant d'une cause étrangère auquel il n'a pu résister »

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Le législateur marocain assimile l'état de nécessité à la contrainte. Dans les deux situations, l'agent est forcé de commettre l'infraction cependant les deux cas ne peuvent être confondus. La volonté de l'agent est anéantie en cas de contrainte alors qu'il conserve une certaine liberté de choix dans l'état de nécessité. 1) L’Etat de nécessité Dans cet état, la personne pour échapper à un danger la menaçant ou menaçant autrui, commet une infraction qui porte atteinte aux intérêts d’une tierce personne ou la collectivité. Donc l'état de nécessité exige la réunion de trois conditions : - Le danger encouru doit être actuel. - L'infraction doit être nécessaire. - L'intérêt sauvegardé doit être supérieur à l'intérêt sacrifié : L'acte est impuni sur le plan pénal, qu'en est-il sur le plan civil ? La question est très controversée, cependant, la majorité de la doctrine hésite à priver la victime de son droit à la réparation. Elle doit-être indemnisée car elle est étrangère à la situation dangereuse créée. 2) La contrainte Seule est admise la contrainte physique, la contrainte morale ne peut être envisagée qu'à titre de circonstance atténuante ou d'excuse légale si elle coïncide avec la provocation. Le législateur marocain a placé la contrainte parmi les faits justificatifs alors que la contrainte élimine l'élément moral de l'infraction et non son élément légal. La contrainte doit remplir trois conditions : Elle doit être - Objective, extérieur à l’agent et indépendante de sa volonté ; - Imprévisible, non précédée par une faute de l’agent ; - Irrésistible, c'est-à-dire qu'il n'était pas humainement possible de l’exécuter 1.1.2.1.3. La légitime défense L'article 125 du Code Pénal dispose : « Lorsque l'infraction a été commandée par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou autrui d'un bien appartenant à soi-même ou à autrui pourvu que la défense soit proportionnée à la gravité de l’agression ». La défense individuelle est normalement interdite et devient légitime en cas d'urgence lorsque l’intervention sociale est défaillante. 1) Fondement de la légitime défense Le fondement de l'impunité assurée par la loi à celui qui repousse une agression injuste et actuelle est controversé. Suivant une première conception, la victime qui riposte à une agression injuste et actuelle obéit à l'instinct de conservation. Dans une seconde conception, les droits de l'individu sont garantis par la collectivité, si la sécurité fait défaut, il appartient à chacun de se subsister à l'autorité publique défaillante et assurer par le recours à la violence s'il le faut, le respect de ses intérêts. Encore faut-il que certaines conditions soient réunies quant à l'agression et à la riposte. 2) Conditions de la légitime défense - L’agression : Elle doit être réelle : le danger est certain et préalable, la riposte est justifiée si l'agression porte atteinte à l'une des valeurs protégées par la loi ; l'intégrité physique, l’honneur, les biens, les libertés. Elle doit être actuelle : les tribunaux exigent que le temps entre l'agression et la riposte soit très court, autrement, il s'agit d'une vengeance. Elle doit être injuste. - La riposte : La défense n'est légitime que si elle est nécessaire et proportionnée à la gravité de l'agression, c'est-à-dire mesurée. Elle doit être nécessaire : elle n'est justifiée que si elle est indispensable pour éviter les conséquences de l'agression. Elle doit être mesurée : c'est-à-dire proportionnée à la gravité de l’attaque, elle ne doit pas dépasser la mesure de résistance nécessaire pour éviter les conséquences de l'agression. Lorsque la riposte est démesurée, c'est-à-dire qu'il y a un excès de légitime défense, la justification est exclue.

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Les tribunaux peuvent retenir une excuse atténuante de provocation ou les circonstances atténuantes pour réduire la peine. 3) Preuves de la légitime défense Si les conditions de la légitime défense sont réunies, le problème se pose de savoir à qui incombe la charge de la preuve. Généralement à celui qui l'invoque. La raison est simple, les faits justificatifs sont des circonstances exceptionnelles dérogeantes à la loi pénale. Il est normal dans ce cas que la personne poursuivie prouve ces circonstances. L'article 125 apporte une exception dans deux cas particuliers : «Sont présumés accomplis dans un cas de nécessité actuelle de légitime défense : 1° L'homicide commis, les blessures faites ou les coups portés, en repoussant, pendant la nuit, l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d'un appartement habité ou de leurs dépendances; 2° L'infraction commise en défendant soi-même ou autrui contre l'auteur de vols ou de pillages exécutés avec violence. » Dans ces deux-cas, l'auteur de la riposte n'est pas tenu de prouver que l'agression était actuelle et injuste ni que la défense était nécessaire et mesurée. S'agit-il d'une présomption simple, susceptible de preuves certaines ou d'une présomption irréfragable. La doctrine marocaine considère que c'est une présomption simple, la preuve contraire peut être apportée. 1.1.2.2. Les obstacles à la qualification pénale des faits 1.1.2.2.1. L’amnistie L'amnistie efface rétroactivement le caractère délictueux d'un comportement, elle efface l'élément légal, elle émane d'une disposition expresse de la loi. Elle se distingue de la grâce prérogative du chef de l'Etat qui ne supprime pas l'infraction, mais dispense le délinquant de la totalité ou d'une partie de la peine. 1) Les conditions de l'amnistie Elles ne sont pas identiques, chaque loi fixe ses propres conditions. L'amnistie peut être réelle ou personnelle. Elle est réelle ; lorsqu'elle est générale et impersonnelle, elle s'applique à tous les délinquants des infractions concernées sans distinction. Ce qui compte, c'est la nature de l'infraction, le législateur amnistie par exemple les infractions dont la peine est inférieure à un taux déterminé. Elle est personnelle ; lorsqu'elle est accordée à certains délinquants spécifiques, ayant une certaine qualité ou réunissent certaines conditions. Le législateur s'intéresse aux qualités du délinquant et non à l'infraction. C'est une véritable individualisation. Il en subordonne l'application au mobile patriotique ou politique. Il en est ainsi du Dahir du 19 Décembre 1955, qui a accordé le bénéfice de l'amnistie à toutes les condamnations prononcées entre le 11 Janvier 1944 et le 7 Décembre 1955 contre les partisans du feu Mohammed V. 2) Les effets de l'amnistie S'agissant d'un simple pardon, l'amnistie a des effets limités (relatifs). - Sur le plan pénal : L'amnistie a un effet extinctif absolu : Avant une condamnation définitive, la loi d'amnistie éteint l'action publique, elle arrête les poursuites et oblige les juges à constater le non-lieu, la relaxe et l'acquittement. Après un jugement définitif, l'amnistie efface la condamnation, par conséquent, la condamnation n'a aucune conséquence sur les jugements ultérieurs à titre de récidive ou de cumul. Elle ne s'oppose pas à l'octroi du sursis et ne figure pas au casier judiciaire de l'intéressé. 1.2. La qualification des infractions Il s'agit de rattacher l'infraction à un ensemble qui détermine son régime juridique. Certaines classifications se basent sur l'élément matériel : infractions instantanées, continues ou successives. - les premières se réalisent en un trait de temps.

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- les secondes supposent chez l'agent la constance dans l'intention une fois l'acte initial est réalisé : port illégal de décoration. D'autres classifications se font en se référant à l'élément moral : infractions intentionnelles et non intentionnelles. - Les premières supposent chez l'agent une volonté lucide pour la réalisation d'une infraction. - Les secondes existent indépendamment de la volonté de l'auteur, il s’agit d'imprudence. Toutes les classifications ont une portée limitée, c'est la classification fondée sur l'élément légal qui est retenue. Deux sous-critères sont exposés selon le degré de gravité et la nature de l'infraction. 1.2.1. La qualification fondée sur la gravité des infractions (Crime, délit, contravention) 1.2.1.1. Le principe Les infractions sont classées selon la gravité de la peine. L'article 111 du Code Pénal distingue entre : crime, délit et contravention. « Les infractions sont qualifiées crime, délit correctionnel, délit de police ou contravention : L'infraction que la loi punit d'une des peines prévues à l'article 16 est un crime ; L'infraction que la loi punit d'une peine d'emprisonnement dont elle fixe le maximum à plus de deux ans est un délit correctionnel ; L'infraction que la loi punit d'une peine d'emprisonnement dont elle fixe le maximum à deux ans ou moins de deux ans, ou d'une amende de plus de 200 dirhams[29] est un délit de police; L'infraction que la loi punit d'une des peines prévues à l'article 18 est une contravention. » * Le crime est l'infraction la plus grave. Le législateur lui applique la peine de mort, la réclusion perpétuelle ou partielle de 5 à 30 ans, la résidence forcée et la dégradation civique. * Le délit constitue une infraction moyenne, la loi fait la distinction entre le délit correctionnel et le délit de police. - Le premier est puni de prison de 2 à 5 ans. - Le second donne lieu à un emprisonnement de 2 ans au plus ou une amende supérieure à 1.200 MAD. * La contravention est l'infraction la moins grave, elle n'entraine qu'une détention inférieure à un mois avec ou sans amende de 25 à 1.200 MAD. 1.2.1.2. Intérêt de la classification : Crime, délit et contravention Ils sont soumis à des règles différentes, d'abord : 1) Les règles de fond sont différentes - La tentative est toujours punie en matière de crime, elle ne l'est en matière délictueuse que dans les cas expressément prévus par la loi, elle ne l'est jamais en matière contraventionnelle. - La complicité est toujours punie en matière de crime et de délit, selon les cas prévus par la Loi, elle ne l'est pas en matière de contravention. - Au niveau de la peine, le non cumul ne s'applique pas en matière de contravention, le sursis ne s'applique qu'aux délits. Le délai de prescription de la peine est de 15 ans pour les crimes, 4 ans pour les délits et d’une année pour les contraventions. 2) Les règles de forme sont différentes La gravité de l'infraction détermine la compétence du tribunal, en matière de crime c'est la chambre criminelle de la cour d'appel qui est compétente, les délits et les contraventions relèvent des tribunaux de premières instance. 1.2.2. La qualification fondée sur la nature des infractions Aux infractions de droit commun, on oppose traditionnellement les infractions militaires et politiques. Beaucoup de législations appliquent à ces dernières des règles spécifiques.

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1.2.2.1. Infraction politique Le délinquant politique est souvent animé d'un mobile noble et généreux, on ne peut logiquement le comparer à un criminel de droit commun dont la motivation sont souvent égoïstes : cupidité, jalousie, vengeance. Cependant cette distinction ne s'est imposée que tardivement. Désormais, chacune des infractions a son régime juridique propre. 1.2.2.1.1. L'infraction politique : son critère. Le Code Pénal marocain ne définit pas l'infraction politique, la doctrine connait deux tendances : 1) Le critère objectif : C’est-à-dire l'objet de l'infraction, les agissements ainsi qui portent atteinte à des droits de nature politique sont considérés infraction politique (Atteinte à la sûreté de l'Etat, délit de presse...). C'est un critère qui réduit le champ d'application de l'infraction politique et exclu du régime de faveur toutes les atteintes à la vie des personnes et des biens même si le mobile de l'auteur est politique. 2) Le critère subjectif : Il ne prend pas en considération l'objet de l’infraction, mais des données subjectives, psychologiques ou morales. Donc ce qui prévaut, c'est le mobile de l'auteur. Dès que le mobile est politique, l'infraction l'est aussi, quel que soit l'intérêt lésé. L'adoption de ce critère conduit à une conception large de l'infraction politique. Dès que le mobile est désintéressé, l'infraction est politique. Le contexte de la commission de l'infraction politique rend l'adoption d'un critère malaisé, elle est généralement entourée de faits variés et complexes : une fraude électorale accompagnée d’émeutes, incendies, pilages de magasins sont des exemples de l'ambiance de l'infraction politique. Il faut dégager l'infraction politique pour lui appliquer la mesure appropriée, c'est-à-dire exclure les comportements crapuleux. C’est une difficulté qui explique le silence du droit marocain et ses positions nuancées. 3) La position du droit marocain : Le législateur marocain ne fait pas de distinction entre les infractions politiques et celles de droit commun. Cependant, il prévoit des infractions politiques par essence et des infractions para-politiques. Les premières portent atteinte à l'organisation et au fonctionnement de l'Etat, le critère objectif est retenu dans ce cas ; fraudes électorales, diffamation et injures contre des personnalités politiques, complot, attentat, ... Les infractions para-politiques sont des infractions de droit commun mais commise dans un but ou à l'occasion de circonstances politiques. Elles sont assimilées à des infractions politiques si elles ne sont accompagnées d'aucune barbarie ou vandalisme. L'assassinat d'un ministre est avant tout un crime de droit commun, cependant, s'il a un but politique et n'est accompagné d'aucune violence, il est assimilé à une infraction politique. 1.2.2.1.2. L’intérêt de la distinction : l’infraction politique et l’infraction de droit commun. Le législateur marocain considère l'infraction politique comme l’acte criminel le plus dangereux, la sanction est plus sévère que celle de droit commun. Alors qu'en droit comparé, elle bénéficie d'un régime de faveur car son auteur fait preuve d'une noblesse d'âme dont est dépourvu le criminel de droit commun. L'intérêt de la distinction apparait au niveau du régime juridique appliqué. La condamnation pour une infraction politique ne s'oppose pas à l'octroi du sursis et les circonstances atténuantes. En pratique, l'exécution des peines prononcées pour des infractions politiques, comme l'atteinte à la sûreté de l'Etat, a lieu dans des conditions de droits communs. Les juges sont particulièrement sévères pour les délinquants politiques, ils les condamnent à des peines plus sévères. Sur le plan international, le délinquant politique ne fait pas l’objet d'une extradition s'il a fait une demande d'asile selon les conventions. 1.2.2.2. L'infraction militaire 1.2.2.2.1. Le critère

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a. Le critère Elle peut être envisagée du point de vue subjectif ou objectif. Selon le premier critère, l'infraction est militaire lorsqu'elle ne peut être commise que par un militaire ; désertion, insubordination, abandon de poste, violation d'un règlement intérieur de l'établissement militaire. D'autres infractions sont prévues par le code de la justice militaire alors que rien ne les distinguent des infractions de droit commun. Quand est-ce qu'elles deviennent militaires ? (Vol, faux témoignage, etc.). L'infraction est militaire par excellence ou mixte lorsqu'elle est commise par un civil mais porte atteinte à l'honneur de l'armée. 1.2.2.2.2. L’intérêt de la distinction Le régime des sanctions est très sévère. - D'abord au niveau des sanctions : les sanctions prévues sont celles du droit pénal renforcées par celles fixées par le code militaire ; dégradation, destitution. - Ensuite, les sanctions militaires sont exécutées dans des conditions beaucoup plus difficiles que celles observées dans les établissements de droit commun - Enfin, les infractions militaires relèvent de la compétence du tribunal permanent des Forces Armées Royales.

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Chapitre 2 : L’élément matériel de l’infraction L'infraction de la pensée criminelle que si elle s'appuie sur une activité criminelle, l'extérioration ou la matérialisation de l'acte pénal exclue la pensée criminelle du champ répressif. 2.1. Les modalités de l’élément matériel L'extérioration de la pensée criminelle peut être une action positive, c'est-à-dire faire ce que la loi interdit ou une conduite négative consistant à ne pas faire ce que la loi ordonne. 2.1.1. Les infractions de commission La majorité des infractions prévues par la loi pénale se traduit par une action positive, un comportement concret et corporel du délinquant. L'agent consomme l'infraction au moyen d'actes, des gestes, d'écrits, ou de paroles ; meurtres, vol, escroquerie, faux, incendie ..., sont des exemples de ce genre d'infractions. Deux remarques peuvent être faites : * Il n'est pas indispensable que l'acte criminel soit entièrement et intégralement consommé pour que la loi pénale soit appliquée, elle intervient dès qu'il y a début d’exécutions, la tentative (infraction interrompue) est sanctionnée. * Après la consommation de l'infraction et même en l'absence de résultats dommageables, la loi pénale réprime l'infraction manquée et l’infraction impossible. 2.1.1.1. La tentative (l’infraction interrompue) L'article 114 du Code Pénal dispose que « Toute tentative de crime qui a été manifestée par un commencement d'exécution ou par des actes non équivoques tendant directement à le commettre, si elle n'a été suspendue ou si elle n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est assimilée au crime consommé et réprimée comme tel. », l'infraction tentée est punie avec la même sévérité que l'infraction consommée. Ce qui est réprimé, c'est la faute morale de l'agent, elle révèle la nocivité du délinquant et le danger qu'il représente pour toute la collectivité, cette sévérité est cependant atténuée car la tentative n’est toujours punissable qu'en nattière de crime. En matière de délit, elle n'est punie qu'en vertu d'une disposition expresse. Le Code pénal assimile la tentative du délit au délit dans 7 cas : 1. La sûreté extérieure de l'Etat. 2. La contrefaçon de sceaux de l'Etat ; 3. Le faux commis dans certains documents administratifs ; 4. L'enlèvement d'une femme mariée ; 5. La prostitution ; 6. L'escroquerie ; 7. Le vol * S’agissant des contraventions, la tentative n'est jamais punissable. * Pour que la tentative soit incriminée, deux conditions sont nécessaires : Un début d'une exécution et une interruption involontaire. 2.1.1.1.1. Le commencement d'exécution : Deux phases doivent être distinguées pour l'accomplissement d'un crime : La phase intellectuelle et les travaux préparatoires.

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* La phase purement intellectuelle : le crime germe dans l'esprit de son auteur, la répression ne peut intervenir à ce stade. L'infraction n'existe que si la volonté criminelle s'extériorise. Cependant, cette résolution peut constituer exceptionnellement l'élément matériel d'une infraction dès qu'elle est collective, il en est ainsi du complot, ainsi défini par l'article 175 de Code Pénal « Il y a complot dès que la résolution d'agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes. » * Les travaux préparatoires : à ce stade la volonté de l'auteur est arrêtée, il réunit les moyens matériels (arme, voiture, ...) et humains (les complices) destinés à faciliter l'exécution de l'acte criminel. Est-ce que les travaux constituent un début d'exécution ? La doctrine et la jurisprudence répondent par la négative pour une triple raison : - Une raison de fait : l'acte préparatoire est très équivoque, il peut dénoter une volonté criminelle, comme il peut y être étranger ; acheter une carabine peut être fait dans l'intention de tuer ou d'aller à la chasse. Engagé des poursuites dans ce cas peut être générateur d'erreurs judiciaires. - Une raison de droit : la loi prévoit expressément certains cas dans lesquels un simple acte préparatoire est sanctionné ; il est ainsi de la fabrication de fausses clefs qui est érigée en infraction autonome, comme il peut être sanctionné indirectement comme dans l'effraction, l'escalade qui sont des circonstances aggravantes du vol. - Une raison de politique criminelle : en s'abstenant de punir l'axe préparatoire, on encourage le délinquant à abandonner la voie du crime, ce qui est bénéfique pour la paix publique. - Le commencement d'exécution proprement dit : Il est parfois difficile de tracer une ligne de démarcation entre le début d'exécution et l'acte préparatoire. Selon une tendance objective de la doctrine, le contenu de début d'exécution de confond avec l'infraction elle-même. Selon la tendance subjective, il suffit qu'il y ait une volonté claire et sa manifestation dans la phase d’exécution. Selon la tendance objective le commandement coïncide avec l’accomplissement d’un élément de l’infraction ou une circonstance aggravante ; exemple : mettre la main dans la caisse d’un magasin est un commencement d’un vol ; l’escalade et l’effraction d’une porte d’un appartement sont des circonstances aggravantes du vol. Selon la tendance subjective, deux conditions sont nécessaires - La volonté délictueuse de l'agent ne fait aucun doute. - Il faut que dans son comportement ressorte des faits qui tendent à la consommation de l'infraction. Le législateur marocain a adopté une solution mixte : Le commencement d'exécution est un acte non équivoque qui rentre dans la définition de l'infraction ou ses circonstances aggravantes. Néanmoins, il exige une condition supplémentaire, c'est le lien direct avec l'infraction. 2.1.1.1.2. L'absence de désistement volontaire Il n'y a pas de tentative lorsque l'agent a commencé d'exécuter l'infraction mais décide de ne pas poursuivre son acte criminel quel que soit sa motivation : pitié, peur de la sanction... La tentative n'est pas punissable dans ce cas et permet à celui qui a commencé à exécuter de s'arrêter au moment opportun, c'est à dire avant la consommation de l'infraction. Néanmoins, deux conditions sont nécessaires : 1. Il faut que l'arrêt soit spontané et volontaire, si lui a été imposé par une cause extérieure, l'effet exonératoire ne joue pas : 2. Il faut que l'arrêt dans l'exécution intervienne à temps ; c'est-à-dire avant l'exécution de l'infraction. Le désistement est involontaire et la tentative constituée si l'agent en cours d'exécution a été surpris et neutralisé par la police ou un tiers, la tentative est punie dans ce cas. 2.1.1.2. L’infraction manquée et l’infraction impossible 2.1.1.2.1. L'infraction manquée :

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L'agent par maladresse rate son but alors qu'il a tout fait pour le réaliser, c'est le cas du meurtrier qui tire sur sa victime mais manque sa cible. La tentative n'a manqué son but que pour des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur. 2.1.1.2.2. L'infraction impossible : Est toute action délictueuse dans laquelle la réalisation du dommage ne peut avoir lieu. L'agent a déployé tous ses efforts mais le projet criminel ne peut aboutir car les conditions de sa réalisation ne sont pas réunies, l'agent l'ignorait, il s'est engagé dans l’action sans vérifier s'il pouvait aboutir à un résultat. Exemple : manœuvre abortive pratiquée sur une femme non enceinte. L'infraction impossible a soulevé de vives controverses. Ainsi, certains auteurs exigent l'impossibilité absolue pour que la répression soit exclue, exemple : si les substances mélangées aux aliments pour empoisonner une personne ne sont pas toxique, l'auteur n'est pas puni. Par contre, quand il s'agit d'impossibilité relative, la répression est autorisée. Exemple : introduire la main dans une poche pour retirer de l'argent alors qu'elle n'y était pas. D'autres proposent la distinction entre l'impossibilité juridique (frapper un mort} et celle de fait tenant à. des circonstances imprévues, cette dernière est réprimée. L'article 117 du Code Pénal semble admettre la répression de l'infraction impossible dans tous les cas : « La tentative est punissable alors même que le but recherché ne pouvait être atteint en raison d'une circonstance de fait ignorée de l'auteur ». Le droit pénal marocain assimile l'infraction impossible à l'infraction manquée dans les deux cas : * La dangerosité de l'auteur ne fait aucun doute, c'est l'intention de l'auteur qui est prise en considération. * L'absence de résultats est une circonstance indépendante ·de la volante de l'auteur. 2.1.2. L’acte passif Cet acte peut revêtir deux formes : une abstention et un comportement répréhensible. 2.1.2.1. L’abstention délictueuse Normalement, le droit pénal formule ses prescriptions sous forme d'interdictions et de prohibitions, il ne recommande pas aux citoyens des attitudes positives. Ainsi, le Code Pénal interdit le meurtre, le vol, le viol, etc. Mais il arrive que le droit pénal passe outre cette ligne de conduite et érige en infraction de simples omissions, abstentions ou attitudes négatives. Plusieurs facteurs expliquent cette attitude : * D'abord, l'individualisme et l'égoïsme sont dangereux pour la sécurité publique et sa solidarité nationale. Pour lutter contre ce fléau, les législations modernes vont incriminer de simples abstentions. A titre d'exemple, on peut citer l'article 430 du Code Pénal qui sanctionne l'abstention volontaire d'un individu, qui sans risque pour lui, pouvait empêcher la commission d'un crime ou d'un délit contre l'intégrité physique d'une autre personne. * Ensuite pour protéger les intérêts socio-économiques, l’État intervient en sanctionnant certaines abstentions graves : omission relative aux déclarations fiscales. * Enfin, la protection de la famille est renforcée par la création de certains délits d'omissions ; l'abandon de famille. 2.1.2.2. Le comportement répréhensible Il s'agit de l'état dangereux qui n'est pas systématiquement puni par le droit pénal, il se traduit par l'instauration de délits obstacles, ce sont les infractions qui ont pour but d'empêcher la commission de véritables infractions le port d'arme et la fabrication de fausses clefs. 2.2. Les agents de l’acte Généralement l'infraction est commise à plusieurs, la loi distingue entre plusieurs participants : • L'auteur principal ou coauteur : est celui auquel on peut imputer les actes matériels constitutifs de l'infraction. • Le complice ne participe pas personnellement à la commission de l'infraction mais facilite son exécution

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2.2.1. Auteur et coauteur C'est celui qui accomplit lui-même les actes matériels constituant l'infraction. L'auteur principal ou le coauteur se distingue nettement du complice qui n'est pas directement impliqué. Ainsi, celui qui assure le guet près d'une banque alors qu'un cambriolage s'y effectué, est un complice et non auteur. Les auteurs principaux sont celui qui était à l'intérieur de la banque et avaient soustrait l'argent et les objets de valeurs volés. Alors que la notion de l'auteur suppose une action isolée, celle du coauteur suppose une participation criminelle à la réalisation du trouble social causé par l'infraction pénale. 2.2.1.1. L’auteur Est celui qui réalise lui-même délibérément l'acte incriminé. On distingue trois catégories d'auteurs : * L'auteur matériel : est celui qui comment lui-même l'infraction, un lien de causalité doit s'établir entre sa personne et le trouble social. * L'auteur intellectuel ou moral, ne commet pas personnellement le crime mais en est l'instigateur et le cerveau. Il recourt pour l'exécution matérielle de son projet criminel à un ou plusieurs coauteurs, les obligeant par la force, le chantage ou la fraude à commettre l'infraction à sa place. Il en est ainsi de quiconque qui, par violence, menace ou fraude enlève un mineur (Article 471 du Code Pénal). * L'auteur indirect : L'imprudence, la négligence et l'inobservation du règlement commises par une personne à qui la loi impose des obligations de contrôle et de surveillance engendre la commission d’une infraction par une autre personne mise sous sa responsabilité, il en est ainsi du père de famille, il est responsable de l'acte délicieux commis par son enfant et survenu par sa faute ; laisser une arme à feu chargée à la disposition de l'enfant. 2.2.1.2. Le coauteur Il arrive que plusieurs personnes concourent à la réalisation d'une infraction, il s'agit de participation criminelle, cette notion recouvre trois modalités : * Il se peut que les participants agissent sans entente préalable, c'est ce qu'on appelle le crime des foules commis par un groupe surexcité de manifestants : incendie, attaque des forces de l'ordre, ... la responsabilité est collective car il est difficile de déterminer le degré de responsabilité de chacun. * La participation criminelle peut résulter d'une entente préalable et durable, c'est le cas des associations de malfaiteurs ; bande par exemple. * Il arrive que la participation criminelle soit une entente préalable et momentanée pour commettre une infraction précise, c'est l'hypothèse de la coaction, le coauteur est assimilé à l'auteur. 2.2.2. Le complice Il est rare que les participants à une même infraction jouent le même rôle. Si leur rôle est principal, on est en présence de coauteur ; si leur rôle est secondaire et accessoire, il s'agit de complice. 2.2.2.1. Incrimination de la complicité L'idée de la criminalité d'emprunt s'affirme en droit marocain. La complicité n'est punie que parce que qu'elle est rattachée à un fait principal incriminé. Les faits de complicité ne sont pas en eux même constitutifs d’infractions, ce sont généralement : de simples axes préparatoires non punissables. L'article 129 de Code Pénal ne dispose que « Le complice encours la même sanction que les auteurs du fait principal ». Les répercussions de la complicité nécessitent la réunion de deux séries de conditions, les unes relatives au fait principal, les autres à l'acte de complicité. 2.2.2.1.1. Les conditions relatives au fait principal : Elles sont au nombre de trois :

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* Il faut que le fait principal constitue une infraction : la complicité ne peut exister qu'à cette condition. Si une personne participe à un acte blâmable sur le plan moral mais non punissable juridiquement, il ne peut s'agir d'une complicité. Ainsi, le complice dans un vol entre époux échappe à la sanction parce que le fait principal n'est pas punissable. * Il faut que le fait principal soit un crime du délit : la complicité en matière de contravention est exclue. * La sanction du fait principal ne doit pas être paralysée par une cause objective d’impunité : parce que celle-ci empêche la sanction du fait principal, elle ne peut être punie parce qu'elle est rattachée. Il en est ainsi des faits justificatifs qui ont un effet absolutoire à l'égard de tous les participants, qu'ils soient auteurs ou complices. Concernant les causes subjectives d'impunité ; démence, minorité ; elles ne paralysent pas la sanction pour le complice, seul l'auteur principal échappe à la répression. Les complices majeurs et sains d'esprit sont sanctionnés. Si ces trois conditions se rattachant au fait principal sont réunies, encore faut-il que les actes de complicité remplissent certaines conditions. 2.2.2.1.2. Les conditions relatives au fait de complicité : L'acte de complicité comporte un élément matériel et un élément moral : 1) L'élément matériel Les trois modalités de la complicité sont : la provocation, l'aide et l'assistance et enfin fourniture de logement, de lieu de retrait ou de réunion. a) Complicité par provocation Il s'agit de celui qui, sans participer matériellement à l'exécution de l'infraction, en est l'instigateur. Sans lui, elle n'aurait pas existé. Le droit pénal marocain le considère comme complice, solution vivement critiquée par la doctrine. Les sanctions sévères sont parfois prévues à l'encontre du provocateur dans des infractions spéciales. Il en est ainsi de la rébellion. L'article 308 sanctionne comme coauteur de la rébellion celui qui l'a provoqué par des discours, de publications écrites ou affichées. b) Complicité par aide et assistance Sont considérés complices et punissables ceux qui ont aidé ou assisté les auteurs et les coauteurs d'un crime ou d'un délit. Généralement la complicité est un acte positif, une commission. Cependant, si l'abstention ou l'inaction s’analyse comme une approbation de l'acte principal ou constitue un encouragement pour l'auteur sans lequel l'infraction n'aurait pas été réalisée, l'agent est complice, c'est le cas de brigadier de douane condamné pour complicité pour avoir promis au propriétaire de ne pas s'opposer à la sortie irrégulière des marchandises. c) Fourniture de logement, de lieu de retrait ou de réunion Est-ce que l'acte postérieur à la commission de l'infraction, constitue une complicité ? La réponse est en principe négative. La jurisprudence a décédé que la complicité punissable ne peut être qu'une participation antérieure au concomitante à l’infraction. L'aide postérieure n’est pas punissable cependant cette forme de complicité est plausible après l'exécution de l’infraction. Ainsi, le participant indirect dans une infraction peut en faciliter le succès en organisant la fuite des coauteurs ou en leur fournissant un lieu de retrait. L'acte a été considéré comme une complicité punissable s'il a fait l'objet d'un accord antérieur. 2) L'élément moral Pour que la complicité soit punissable, il ne suffit pas de constater la matérialité des faits de participation, encore faut-il que soit démontrée chez l'agent la volonté de s'associer à la réalisation de l'infraction. La complicité n'est sanctionnée que s'il y a accord de volonté entre l'auteur principal et le complice. Ainsi, celui qui prête un fusil de chasse à un ami ignorant qu'il servira pour tuer ne peut pas être considéré un complice. Par ailleurs, le complice n'est responsable que des actes auxquels il s’est associé même si l'auteur principal se rend coupable des faits beaucoup plus graves que ceux arrêtés en commun. 2.2.2.2. La sanction de la complicité Le complice encourt la même peine que l'auteur principal dont il emprunte la criminalité. L'article 130 du Code Pénal dispose que « Le complice d'un crime ou d'un délit est punissable de la peine de ce crime ou de se délit ».

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Chapitre 3 : L’élément moral de l’infraction Cet élément psychologique comporte deux composantes : * L'agent doit être en pleine possession de ses facultés mentales, il doit être en mesure de répondre de ses actes, c'est l’imputabilité, élément indispensable pour l’élément moral. * Il faut que soit relevé et constaté dans le comportement de l'agent une faute pénale pour qu'il soit possible de parler de culpabilité. Lorsque ces deux éléments sont réunis ; imputabilité el culpabilité ; l'auteur des faits est responsable, une réaction punitive est déclenchée à son encontre. 3.1. Les causes de non imputabilité Il s'agit des causes d'irresponsabilité pénale, c'est-à-dire les circonstances qui empêchent le fonctionnement normal des facultés morales et intellectuelles. Ce sont la démence et la minorité. 3.1.1. La démence La démence est la perte totale des facultés intellectuelles, elle ne doit pas être confondue avec les troubles psychiques passagers appelés altération des facultés mentales. 3.1.1.1. L’aliénation mentale Selon l'Article 134 du Code Pénal : « L’aliénation mentale est un trouble mental entraînant un dérèglement général du psychisme et perturbant les facultés de raisonnement ». Il faut constater l'état de démence et préciser ses effets. 3.1.1.1.1. La constatation de l'état de démence Puisque le dément échappe à la sanction pénale, le juge, avant de rendre sa sentence, doit s'assurer que la personne poursuivie est atteinte ou non d'aliénation mentale, un examen psychiatrique s'impose. Le recours au médecin psychiatre est indispensable dans le cadre de l'expertise ordonnée par le juge d’instruction ou la juridiction saisie de l'affaire. L'expert donne un avis que le juge n'est pas en principe obligé d'adopter, Cependant, des av s font autorité, ses conclusions sont purement et simplement entérinées par la juridiction pénale. L'expert doit apporter des précisions relatives au moment de l'aliénation mentale et de son intensité. 1) Le moment L'article 134 du Code Pénal parle de démence « Au temps de l'action ». Pour que l'agent ne tombe pas sous la répression pénale, il faut démontrer que son état d’amélioration est concomitant à la commission de l’infraction. Le psychiatre peut révéler qu’il est dément de façon permanente, il conclut à l’irresponsabilité pour le juge. Si l'agent connaît des moments de lucidité et de dérèglement, le diagnostic sera plus difficile à établir. 2) L'intensité Pour que la sanction ne joue pas, il faut que l'agent soit totalement privé de ses facultés mentales. S'il est anormal mais ne perd pas l'intégralité de ses facultés mentales, il est partiellement responsable. 3.1.1.1.2. Les effets de l'état de démence : La démence efface la sanction pénale et civile, la victime ne peut prétendre à aucune réparation civile. 1) Les conséquences sur le plan pénal

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La démence fait disparaitre l'élément moral, par conséquent, il n'y a pas d'infraction punissable car l'agent n'est pas maître de ses actes. Le juge doit d'abord constater l'état de démence dans le jugement, déclarer l'intéressé irresponsable des faits qui lui sont reprochés et ordonner son internement dans un asile psychiatrique. En matière contraventionnelle, l'aliéné peut être remis à sa famille. S’il n'est pas dangereux, l'internement dure autant que l'exige la sécurité publique et la guérison de l'aliéné. Lorsque le psychiatre décide de mettre fin à la mesure d'internement, il en informe le procureur général du Roi auprès de la cour d'appel qui peut dans un délai de 20 jours de l'avis du psychiatre exercer un recours défavorable. 2) Les conséquences sur le plan civil Le dément n’encourt aucune responsabilité pénale ni civile et n'indemnise pas les victimes ce qui est contraire à l'équité car les intérêts de la victime lésée sont ignorés. 3.1.1.2. Les altérations passagères des facultés mentales Ce sont des troubles mentaux qui affaiblissent les facultés mentales, détériorent la capacité de comprendre et de vouloir sans anéantir complètement le discernement et la lucidité de l'esprit. Le Code Pénal distingue entre les altérations volontaires et involontaires. 3.1.1.2.1. Les altérations involontaires Il s'agit des troubles d'intelligence (idiotie, imbécilité), des affections de volonté (l'hérésie, la cleptomanie, la pyromanie), des troubles de caractère (la névrose). Dans ces cas, la responsabilité est partielle, le juge peut ordonner éventuellement une hospitalisation dans un établissement spécialisé, la durée de celle-ci est réduite de la durée de la peine. 3.1.1.2.2. Les altérations volontaires Ce sont des troubles mentaux provoqués même par la faute du délinquant, l'article 137 du Code Pénal dispose que « L'ivresse, les états passionnels ou émotifs ou ceux résultant de l'emploi volontaire de substances stupéfiantes ne peuvent, en aucun cas, exclure ou diminuer la responsabilité ». Les délinquants alcooliques ou toxicomanes chroniques sont placés dans des institutions pour traitement et désintoxication avant d'exécuter leurs peines. 3.1.2. La minorité Elle soulève un problème grave, celui de la délinquance juvénile, la question occupe une place de choix dans les préoccupations des criminologues qui essaient d'éclairer les responsables sur les moyens adéquats pour lutter contre cette criminalité spéciale. Le droit positif marocain considère que la minorité peut être une cause de non imputabilité, c'est-à-dire d'irresponsabilité ou une excuse légale atténuante. 3.1.2.1. La minorité cause d’irresponsabilité Au-dessous de douze ans, la minorité entraîne l’irresponsabilité absolue. L'article 133 du Code Pénal dispose que « Le mineur de moins de 12 ans est considéré comme irresponsable pénalement par défaut de discernement. ». Par conséquent, le mineur de 12 ans ne peut subir une condamnation à une peine en matière de crime ou de délit, il est placé dans une maison de protection, de rééducation ou de formation professionnelle. Ces mesures peuvent être accompagnées de la liberté surveillée jusqu'à l'âge de 18 ans. Si le mineur ne commet qu'une contravention, il ne fait l'objet que d'une admonestation. 3.1.2.2. La minorité une excuse légale atténuante Le mineur est partiellement responsable. Le juge a le choix entre le condamner à des peines allégées ou le soumettre à des mesures de protection et de rééducation.

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À partir de 18 ans, âge de la majorité pénale, la responsabilité est totale. Cependant, il fait preuve d’une certaine indulgence à l’égard des jeunes adultes et les fait bénéficier des circonstances atténuantes. 3.2. La culpabilité L’élément moral suppose une faute de l’agent, c’est-à-dire une attitude psychologique moralement répréhensible. Cette faute constitue le fondement de la responsabilité pénale. 3.2.1. Les modalités de la faute Toute infraction suppose une faute, celle-ci peut revêtir deux formes : intentionnelle volontaire ou intentionnelle involontaire. Deux situations doivent entre distinguées : - L'acte qui est à l'origine du dommage et le dommage qui en a résulté ont été voulus par l'agent. C'est l'hypothèse de l'infraction volontaire et la faute intentionnel. - L'acte a été voulu mais pas les conséquences dommageables, il s'agit d'infraction involontaire et de faute non intentionnelle. 3.2.1.1. L’intention L'intention est la volonté tendue vers la réalisation d'un but déterminé, c'est le fait d'agir volontairement et avec la conscience d'accomplir un acte illicite. Deux composantes constituent l'intention. - La volonté de commettre en acte illégal. - La connaissance du caractère illégal de l'acte. 3.2.1.1.1. La volonté de commettre l'acte Cette volonté concerne l'acte et le résultat, la prévisibilité du résultat est une condition nécessaire à l'existence de cette volonté. Si le résultat ne peut être prévu, l'intention est absente, il s'agit d'un cas fortuit, par conséquent, l’auteur est irresponsable. Exemple ; un chasseur voulant tirer sur un gibier blesse un tiers dont la présence est insoupçonnée. L'intention criminelle, condition nécessaire de la culpabilité, se présente sous différentes modalités. * Selon le degré : La distinction est faite entre le dol simple et celui aggravé. - Le premier découle d'une décision spontanée, l'acte est réalisé sur le moment, la volonté est concomitante à l'action. Exemple : voler un promeneur dans un endroit désert. - Le dol est aggravé ou prémédité lorsqu'il suppose que l'intention est antérieure à l'action, la préméditation est une circonstance aggravante de la peine. L’homicide volontaire simple devient assassinat possible de la peine capitale en cas de préméditation. * Selon le résultat : Le dol peut être déterminé, indéterminé ou éventuel. - Il est déterminé lorsque le résultat atteint est exactement celui voulu et prévu par l'agent. - Il est indéterminé lorsque l'agent veut nuire à autrui mais il ne peut pas prévoir en quoi va constituer le dommage. C'est le cas des coups et blessure qui peuvent entrainer une simple blessure, une incapacité grave ou la mort. La sanction dépend de la gravité du résultat. - Il est éventuel lorsque l'acte a produit des conséquences beaucoup plus graves que celles qui ont été prévues. Un incendiaire croyant la maison vide y met le feu et provoque la mort du propriétaire. 3.2.1.2. La connaissance du caractère illégal de l'acte Cette condition soulève le problème de l'erreur. Le législateur fait la distinction entre l'erreur de droit et celui de fait.

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3.2.1.2.1. L'erreur de droit C'est l'erreur commise du fait de l'ignorance de la loi ou suite à une interprétation erronée. Le délinquant qui plaide non coupable pour cause d'ignorance de la loi pénale se verra opposer la règle fondamentale selon laquelle : « Nul n'est censé ignorer la loi ». Cette règle de la connaissance de la loi est une fiction juridique. Cependant, elle est nécessaire à la sécurité et à la conservation de l'Etat de droit. 3.2.1.2.2. L'erreur de fait C'est une représentation inexacte de la réalité, elle supprime l'intention criminelle et la culpabilité si elle porte sur un élément essentiel de l'infraction. Exemple : enlèvement d'une mineure sans violence qui a l’air plus âgée. Par contre si l'erreur porte sur un élément secondaire de l'infraction, l'intention subsiste. Exemple : tuer une personne à la place d'une autre. 3.2.2. La faute L'intention criminelle qui suppose la recherche d'un résultat n'est pas un élément nécessaire à l'infraction, celle-ci peut exister même si seul l'acte à l'origine du dommage a été voulu et non ses conséquences. La faute s'identifie en droit marocain avec le quasi-délit, Ainsi, les actes commis par imprudence sont exceptionnellement punis par la loi, la distinction doit être faite entre la faute ordinaire et la faute contraventionnelle. 3.2.2.1. La faute ordinaire ou imprudence La faute pénale est une défaillance de l'esprit du comportement humain consistant soit à n'avoir pas prévu les conséquences dommageables d'un acte, soit à ne pas prendre les précautions qui auraient empêché la survenance du dommage. C'est une imprudence, négligence inattention, maladresse, ou inobservation du règlement. Le domaine de la faute d’imprudence est très étroit, il est constitué par un nombre très limité d'infractions ou exceptionnellement la loi incrimine l'imprévoyance pour la gravité des conséquences qu'elle engendre. Au niveau de la répression, le droit pénal adopte en ce qui concerne l'infraction non intentionnelle, les solutions du droit civil, ce n'est pas la gravité de la faute qui est sanctionnée, mais l'imprudence du préjudice subi par la victime. 3.2.2.2. La faute contraventionnelle Elle est présumée. Cette solution à priori sévère est commandée par le souci de faciliter la répression pénale et la rendre automatique en matière contraventionnelle. Ce sont des infractions à des règles de discipline collective qui ont un but préventif, elles sont donc appliquées immédiatement sans chercher à établir la preuve. 3.3. La responsabilité pénale La responsabilité est l'aptitude à subir une condamnation. De plus en plus, on assiste à l'altération du caractère humain et personnel de la responsabilité, d'autres modalités de responsabilité ont vu le jour : La responsabilité du fait d'autrui et celle des personnes morales. 3.3.1. La responsabilité du fait d’autrui Normalement, la responsabilité est personnelle et individuelle. Exceptionnellement, la loi admet dans certains cas la responsabilité ou une infraction commise par autrui, c'est le cas du chef d'entreprise pour les infractions commises par ses employés. 3.3.2. La responsabilité des personnes morales Longtemps débattue, la responsabilité pénale des personnes morales est universellement reconnue. Elles peuvent être condamnées à l'amende, la confiscation des biens, la fermeture de l'établissement, la dissolution juridique ou la publication d'une condamnation.

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