Responsabilité Civile [PDF]

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Zitiervorschau

Université Hassan II Faculté des Sciences Juridiques Economique et Sociales Casablanca

COURS DE DROIT CIVIL LA RESPONSABILITE CIVILE

Imane HILANI Professeur à la faculté de droit de Casablanca A l'usage des étudiants de l’ensemble 1 Filière Droit privé section française (Semestre 3)

Responsabilité civile

Pr.Hilani Imane

Année 2020-2021

CHAPITRE 3 LA RESPONSABILITE DES PARENTS DU FAIT DE LEURS ENFANTS MINEURS

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La responsabilité des pères et mère du fait de leurs enfants est prévue par l’article 85 du DOC qui pose dans son premier alinéa la règle de la responsabilité extracontractuelle du fait d’autrui, ce texte rappelle qu’« on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre » et dans le deuxième alinéa du même texte, on lit que « le père et la mère après le décès du mari sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Nous analyserons cette responsabilité à travers deux axes différents, les conditions de la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs et les effets de cette responsabilité. Section 1 Conditions de la responsabilité des père et mère Généralement, les auteurs retiennent trois conditions pour engager la responsabilité des parents : Tout d’abord, il faut que l’enfant mineur cohabite avec ses parents, ensuite, il faut qu’il soit mineur et enfin, il faut qu’il ait causé un dommage portant préjudice à autrui. §1. Insuffisance du critère de la cohabitation de l’enfant mineur avec ses parents La cohabitation signifie l’exercice par les parents d’un pouvoir de surveillance et d’éducation effectif ; si l’enfant mineur habite seul, cette situation n’écarte nullement la responsabilité des parents qui demeurent responsables du fait de leur enfant. La surveillance et l’éducation doit s’exercer en tout temps et en toute situation sauf si la garde de l’enfant est transférée à une autre personne. §2. Prédominance du critère de l’autorité parentale La détermination de la responsabilité des parents partant de la condition de la cohabitation de l’enfant mineur avec eux s’est révélée très insuffisante et imposait la recherche d’un nouveau fondement à cette responsabilité qui peut être un critère objectif à savoir le critère de l’autorité parentale. §3. Etat de minorité de l’enfant L’appréciation de l’état de minorité de l’enfant doit être appréciée par rapport aux règles établies dans le Dahir des obligations et contrats et dans le code de la famille. L’article 85 du DOC se rapportant à la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs concerne les personnes qui n’ont pas atteint

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l’âge de la majorité en application de l’article 209 du code de la famille qui précise que l’âge de la majorité légale est fixé à dix-huit années grégoriennes révolues. La responsabilité des parents est par conséquent engagée du moment que le mineur n’a pas atteint cet âge. §4. Existence d’un fait dommageable de l’enfant La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur est établie du seul que le dommage a été causé par cet enfant mineur. Le deuxième alinéa de l’article 85 du DOC ne met pas en évidence une quelconque faute qui peut être commise par l’enfant comme d’ailleurs le premier alinéa du même article qui prévoit qu’« on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ». Les éléments les plus importants, comme on l’a déjà relevé, sont :  Les parents doivent exercer une autorité parentale sur l’enfant mineur ;  L’enfant mineur doit avoir commis par son fait un dommage à autrui. Section 2 Nature de la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs est une responsabilité objective fondée sur une présomption de responsabilité (§1) et que la jurisprudence a restreint sensiblement les causes d’exonération de cette responsabilité ; le droit marocain à travers l’article 85 du DOC permet aux parents de s’exonérer de la responsabilité en prouvant qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité (B). §1. Responsabilité présumée des parents La jurisprudence au bout d’une longue évolution a pu instaurer une responsabilité présumée à la charge des parents lorsque leurs enfants causent un dommage à autrui ; cela veut dire que même s’ils rapportent la preuve qu’ils n’ont commis aucune faute, ils ne peuvent échapper à l’obligation de réparer le dommage à moins de rapporter la preuve qu’ils n’ont pu empêcher le dommage, autrement dit, il faut apporter la preuve de l’existence d’une cause étrangère. C’est ce qui ressort de l’article 85 du DOC ; le fait pour les parents qu’ils soient dans l’impossibilité d’empêcher le dommage veut dire qu’il y a une force majeure ou une faute de la victime à l’origine du dommage. §2. Superposition de responsabilités entre parents et enfants mineurs Responsabilité civile

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La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs est fondée sur l’idée de superposition de responsabilités et non de substitution de cette responsabilité. Au commencement de la responsabilité extracontractuelle, la faute personnelle était prédominante qu’elle soit intentionnelle ou non intentionnelle. Le développement s’est fait dans le sens de la réception de la responsabilité objective faisant prévaloir plus la réparation du dommage subi par la victime plus qu’autre chose ; l’idée de la personne civilement responsable à côté de la personne ayant commis personnellement la faute a trouvé une place prépondérante dans le droit de la responsabilité. Une personne est déclarée responsable de la réparation du dommage non parce qu’elle a commis une faute mais parce qu’elle a une relation juridique de filiation avec l’auteur du dommage ; elle doit répondre civilement de ce dommage en vertu d’un jeu de superposition de responsabilités offrant plus de chance à la victime de voir la réparation du dommage réalisé.

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CHAPITRE 4 LA RESPONSABILITE DES COMMETTANTS DU FAIT DE LEURS PREPOSES

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L’alinéa 3 de l’article 85 du DOC prévoit que « les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ». Cette responsabilité est envisagée avec beaucoup de rigueur dans la mesure où l’article 85 du DOC ne prévoit aucune cause pour l’exonération du commettant contrairement à la responsabilité des père et mère et artisans ; ces derniers peuvent ne pas être déclarés responsables s’ils rapportent la preuve qu’ils n’ont pu empêcher le dommage qui donne lieu à cette responsabilité. C’est donc un régime de responsabilité assez sévère (section 2) qui nécessite au préalable qu’un certain nombre de conditions doivent être réunies pour déclencher cette responsabilité (section 1). Section 1 Conditions de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés

Trois conditions doivent être réunies pour mettre en œuvre la responsabilité du commettant : l’existence d’un lien de préposition (§1) et l’existence d’un fait générateur (§2) qui doit avoir un lien avec les fonctions (§3). §1. L’existence d’un lien de préposition Un lien de préposition doit nécessairement exister entre le commettant et le préposé pour pouvoir appliquer la responsabilité découlant de l’alinéa 3 de l’article 85 du DOC. La notion de lien de préposition doit être entendue extensivement ; elle englobe toutes les situations où une personne, le commettant, dans l’exécution d’une prestation quelconque, exerce une certaine autorité sur une autre personne, le préposé. A- Notion de lien de préposition La responsabilité du fait du préposé suppose chez le commettant le droit de donner au préposé des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé.

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B- Diversité des liens de préposition La notion de lien de préposition est très vaste est englobe une multitude de situations dans lesquelles le commettant peut être déclaré responsable du dommage causé par son préposé.

1. Relations de travail Très fréquemment, le lien de préposition nait de l’existence d’une relation de travail découlant du contrat de travail tel qu’il est défini dans le code du travail. Cette relation de travail renferme un élément très important qui est le critère de cette relation à savoir le lien de subordination et qui est évoqué par le code de travail soit sous cette même appellation 1 soit à travers les notions de direction 2 ou d’autorité 3. 2. Préposition occasionnelle L’existence d’un lien de préposition occasionnelle suppose l’absence d’une relation permanente de préposition comme dans le cas du contrat de travail ; ce sont des situations où la préposition est éphémère entre le commettant et le préposé pourtant la responsabilité du commettant est établie. La cour de cassation française par un arrêt rendu par la chambre criminelle le 14 juin 1990 rend l’exploitant d’un restaurant responsable du fait d’une personne qui a accepté de l’aider gratuitement en servant des clients et durant l’exécution de ce 1

Article 8 du code de travail. Articles 6 et 24 du code de travail. 3 Article 21 du code de travail : « Le salarié est soumis à l'autorité de l'employeur dans le cadre des dispositions législatives ou réglementaires, du contrat de travail, de la convention collective du travail ou du règlement intérieur ». Article 393 : « Il est interdit à tout responsable ayant autorité sur les salariés de revendre, directement ou indirectement, avec bénéfice des denrées ou marchandises aux salariés de l'entreprise où il est occupé. En cas de contestation, il appartient au vendeur de prouver que les ventes sont faites sans aucun bénéfice ». Article 548 : « Est pénalement responsable des infractions aux dispositions de la présente loi et des textes réglementaires pris pour son application, tout employeur, directeur ou chef au sens de l'article 7 ci-dessus ayant, dans l'établissement, par délégation de l'employeur, la compétence et l'autorité suffisantes pour obtenir des salariés placés sous sa surveillance l'obéissance nécessaire au respect des dispositions législatives et réglementaires. L'employeur est civilement responsable des condamnations aux frais et dommages-intérêts infligées à ses directeurs, gérants ou préposés ». 2

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service, elle agresse un client pour des raisons liées au règlement établi dans le restaurant 4. C- Situations incompatibles avec la qualité de préposé Il convient de distinguer les situations où le lien de préposition existe des autres situations où une personne conserve toute son autonomie et ne peut recevoir de directive ou d’instruction de la part d’une autre personne ; il en est ainsi du contrat d’entreprise où l’entrepreneur conserve toute son indépendance dans la manière d’exécuter le travail, il ne reçoit pas de directive de celui qui lui a confié le travail et s’engage uniquement à remettre un ouvrage déterminé. Un garagiste mécanicien qui conduit la voiture de son client alors qu’elle était en panne ne peut être considéré comme un préposé dans la mesure où il est lié par son client par un contrat d’entreprise 5 . §2. L’existence d’un fait générateur Le troisième alinéa de l’article 85 du DOC se contente de préciser que les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés sans donner aucune autre indication sur le fait devant être imputé au préposé ; l’engagement de la responsabilité du commettant implique que le préposé ait commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité 6. §3. Existence d’un lien avec les fonctions Le texte de l’alinéa 3 de l’article 85 du DOC exige bien l’existence d’un lien avec les fonctions pour que la responsabilité du commettant puisse être engagée. Ce texte prévoit que les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. Deux points retiendront notre attention, le premier concerne les actes liés aux fonctions, le second se rattache à l’absence de ce lien par un abus de fonctions commis par le préposé. A- Lien avec les fonctions

Cour de cassation, Chambre civile 2, du 27 novembre 1991, 90-17.969. Crim., 28 juin 1934 — D.H., 1934, 432. 6 Stéphanie Porchy-Simon, Droit civil, 2ème année, les obligations, Dalloz, 6ème édition, 2010, n° 745, p.47. 4

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Le fait du préposé doit se rattacher incontestablement à ses fonctions pour faire jouer les règles de la responsabilité du fait d’autrui ; ainsi, un agent d’assurance, en tant que commettant, a été jugé responsable de son préposé qui déclare de faux sinistres et encaisse les indemnités correspondantes à ces faits fictifs dans la mesure où il « avait agi au temps et au lieu de son travail, à l'occasion des fonctions auxquelles il était employé et avec le matériel mis à sa disposition, ce qui excluait qu'elle ait commis ces détournements en dehors de ses fonctions » 7. B- Abus de fonctions La cour de cassation en assemblée plénière par un arrêt célèbre rendu le 19 mai 1988, affirme que « le commettant s'exonère de sa responsabilité à la triple condition que son préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions. Par suite, une compagnie d'assurances ne peut s'exonérer de sa responsabilité civile lorsque l'un de ses inspecteurs, chargé de faire souscrire à un particulier des contrats de capitalisation, a détourné des fonds qui lui avaient été remis dans l'exercice de ses fonctions » 8. Les fonds en question ont été versés par des clients au préposé qui les détourne à son profit ; celui-ci a été condamné pénalement. Section 2 Régime de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés La responsabilité du commettant du fait des préposés est une responsabilité sans faute. La victime, pour obtenir réparation du dommage, n’a pas à prouver la faute du commettant ; la responsabilité de celui-ci est une responsabilité objective. §1. Action contre le commettant La victime dans la plupart du temps choisit de faire une action en réparation contre le commettant pour deux raisons : la première tient au régime de la responsabilité du fait d’autrui fondé sur une présomption de faute, la seconde est d’ordre matériel, le commettant est le plus souvent solvable que le préposé. A- Nature de la responsabilité du commettant

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Cass. civ. 2e, 19 juin 2003, Bull. civ. II, no 202. Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 19 mai 1988, 87-82.654.

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La lecture du texte de l’article 85 du DOC nous permet de faire les observations suivantes :  Le Dahir des obligations et contrats fait une grande différence entre la responsabilité des maîtres et commettants et celle des artisans et père et mère ;  L’article 85 du DOC permet aux artisans et aux père et mère de s’exonérer de la responsabilité en apportant la preuve qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ;  L’article 85 du DOC exclut les maitres et les commettants de cette possibilité pour eux de rapporter la preuve qu’ils n’ont pu empêcher le dommage. Le législateur a mis sur pied donc une responsabilité très sévère vis-à-vis du commettant et les chances pour lui de s’exonérer de cette responsabilité restent très minimes.

B- Causes d’exonération du commettant Le commettant peut s’exonérer de la responsabilité dans des conditions très particulières. 1. Absence des conditions de la responsabilité du commettant Le commettant peut apporter la preuve de l’inexistence de l’une des conditions de sa responsabilité à savoir soit l’absence d’un lien de préposition soit l’absence d’un fait générateur soit l’inexistence d’un lien avec les fonctions. 2. Existence d’une cause étrangère Le fait du préposé ne doit pas constituer pour le commettant une cause étrangère en apportant la preuve qu’il n’a pu empêcher le dommage parce que dans ce cas, on se placerait dans le cadre du régime de la responsabilité des artisans et des père et mère qui, seuls, peuvent s’exonérer de la responsabilité en apportant une telle preuve. 3. Existence d’un abus de fonctions Nous rappelons l’arrêt célèbre rendu par la cour de cassation française en assemblée plénière le 19 mai 1988 et dans lequel elle affirme que « le commettant s'exonère de sa responsabilité à la triple condition que son préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions. Par suite, une compagnie d'assurances ne peut Responsabilité civile

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s'exonérer de sa responsabilité civile lorsque l'un de ses inspecteurs, chargé de faire souscrire à un particulier des contrats de capitalisation, a détourné des fonds qui lui avaient été remis dans l'exercice de ses fonctions » 9. De ce fait, le commettant a cette troisième possibilité pour s’exonérer de la responsabilité du fait de son préposé en apportant la preuve de l’existence d’un abus de fonctions. §2. Action contre le préposé L’évolution de la jurisprudence en matière de responsabilité civile du commettant s’est faite dans le sens de l’immunité civile du préposé dans le cadre de l’exercice de son activité ; toutefois, des exceptions sont prévues à l’immunité civile du préposé.

A- Apport de l’arrêt Costedoat Lorsque le préposé exécute son activité sous l’autorité du commettant, seule la responsabilité civile de celui-ci est retenue ; c’est l’apport fondamental de l’arrêt costedoat rendu par l’assemblée plénière de la cour de cassation le 25 février 2000 10 qui considère que « n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par son commettant ». B- Exceptions à l’immunité civile du préposé L’on peut retenir trois situations dans lesquelles le préposé ne bénéficie pas d’une immunité civile et doit par conséquent être déclaré personnellement responsable. 1. Condamnation du préposé pour une faute pénale intentionnelle Si le préposé est rendu coupable pour la commission d’une infraction pénale, sa responsabilité civile personnelle est engagée surtout si la faute pénale commise est intentionnelle. 2. Commission par le préposé d’une faute professionnelle

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Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 19 mai 1988, 87-82.654. Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 25 février 2000, 97-17.378 97-20.152.

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Le préposé bénéficiant d’un statut particulier peut se voir condamner personnellement sur le plan civil si sa faute est établie ; ainsi, un médecin salarié peut être déclaré responsable s’il commet une faute dans l’exercice de ses fonctions ; la cour de cassation considère dans ce sens que « si l'établissement de santé peut être déclaré responsable des fautes commises par un praticien salarié à l'occasion d'actes médicaux d'investigation et de soins pratiqués sur un patient, ce principe ne fait pas obstacle au recours de l'établissement de santé et de son assureur en raison de l'indépendance professionnelle intangible dont bénéficie le médecin, même salarié, dans l'exercice de son art » 11 . §3. Recours du commettant contre son préposé Le commettant qui indemnise la victime peut parfaitement exercer un recours contre son préposé pour le recouvrement de ce qu’il a payé en lieu et place de ce préposé. Cette hypothèse n’est pas possible si le dommage est causé par une chose appartenant au commettant et utilisée par le préposé ; le commettant demeure toujours gardien de cette chose et par conséquent, il est directement responsable de la réparation du dommage causé. Le commettant doit apporter la preuve de l’existence d’une faute lourde à la charge du préposé ; il peut notamment, dans le cadre d’une relation de travail, se baser sur les dispositions de l’article 20 du code de travail qui prévoit que « le salarié est responsable dans le cadre de son travail de son acte, de sa négligence, de son impéritie ou de son imprudence ». La faute du salarié doit être caractérisée et d’une certaine gravité.

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Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 13 novembre 2002, 00-22.432.

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CHAPITRE 5 LA RESPONSABILITE DES ARTISANS DU FAIT DE LEURS APRENTIS

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Le 4ème alinéa de l’article 85 du DOC prévoit que les artisans sont responsables du dommage causé par leurs apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance. Le 5ème alinéa du même texte précise que les artisans peuvent s’exonérer de cette responsabilité s’ils prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. Nous verrons successivement les conditions de cette responsabilité et le régime juridique qui a été consacré à la responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis. Section1 Conditions de la responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis Le régime juridique de la responsabilité des artisans du fait de leurs préposés est calqué sur celui des père et mère du fait de leurs enfants mineurs. Généralement deux conditions sont requises pour mettre en mouvement la responsabilité de l’artisan : l’existence d’une relation d’apprentissage et l’existence d’un acte causal de l’apprenti. §1. L’existence d’une relation d’apprentissage Deux catégories d’apprentis existent : l’une relevant d’un mode classique consistant à placer généralement l’enfant apprenti chez un artisan, l’autre plus moderne se trouve soumise à des textes législatifs et réglementaires. A- Le cadre classique de l’apprentissage Historiquement, les enfants étaient placés chez des artisans pour apprendre un métier manuel et pendant qu’ils sont sous leur autorité, ces artisans doivent répondre de tous les faits engendrant un dommage à des tiers. B- Le cadre moderne de l’apprentissage Trois textes fondamentaux doivent être évoqués en se référant à l’apprentissage professionnel ; le régime juridique de la responsabilité du fait d’autrui lorsque le dommage est causé par un apprenti a tendance à basculer de la responsabilité de l’artisan vers la responsabilité des instituteurs formateurs. Le texte de base est le Dahir du 19 mai 2000 portant institution et organisation de l'apprentissage 12 et 12

Loi n° 12-00 promulguée par le dahir n° 1-00-206 du 15 safar 1421 (19 mai 2000).

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le décret du 21 juin 2001 pris pour l’application de ce Dahir 13. Dans le secteur privé, le Dahir du 19 mai 2000 est venu réglementer l’apprentissage lorsqu’il est dispensé par un organisme privé 14. §2. L’existence d’un acte causal de l’apprenti. Pour déclencher la responsabilité de l’artisan du fait de son apprenti, il faut que ce dernier ait commis un fait dommageable causant un dommage à un tiers. Un lien de cause à effet doit impérativement exister entre le dommage subi et le fait de l’apprenti. L’artisan doit alors, pour échapper à cette responsabilité, apporter la preuve de l’absence de cette relation causale.

Section 2 Régime juridique de la responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis La responsabilité de l’artisan du fait de son apprenti est fondée sur l’existence d’une présomption de faute ; l’artisan ne peut s’y exonérer qu’en apportant la preuve qu’il n’a pu empêcher le fait qui a donné lieu au dommage. §1. Fondement de la responsabilité de l’artisan La responsabilité de l’artisan est une responsabilité objective fondée sur une présomption de faute ; elle est soumise aux mêmes règles adoptées pour la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs. La responsabilité de l’artisan est également impactée par les attendus de l’arrêt Bertrand rendu par la cour de cassation le 19 février 1997 qui considère que « dès lors qu'une cour d'appel avait exactement énoncé que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait exonérer un père de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par son enfant mineur habitant avec lui, elle n'avait pas à rechercher l'existence d'un défaut de surveillance du père » 15. §2. Causes d’exonération de l’artisan

Décret n° 2-00-1017 du 28 rabii I 1422 (21 juin 2001) pris pour l'application de la loi n° 1200 portant institution et organisation de l'apprentissage. 14 Dahir n° 1-00-207 du 15 safar 1421 (19 mai 2000) portant promulgation de la loi n° 13-00 portant statut de la formation professionnelle privée. 15 Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 19 février 1997, 94-21.111. 13

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Le 5ème alinéa de l’article 85 du DOC précise les conditions d’exonération de l’artisan en prévoyant qu’il peut apporter la preuve qu’il n’a pu empêcher le dommage. Cela revient à dire que les règles contenues dans l’arrêt Bertrand doivent être retenues ; cette décision retient uniquement la force majeure ou la faute de la victime comme causes d’exonération de l’artisan et ce par analogie avec le régime juridique de la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs. Les juges de fond n’ont pas à rechercher éventuellement si un défaut de surveillance de l’artisan est à l’origine du dommage.

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CHAPITRE 6 LA RESPONSABILITE DU FAIT DES ALIENES

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L’article 85 du DOC trace le cadre juridique de la responsabilité du fait des personnes aliénées mentales en prévoyant que « le père, la mère et les autres parents ou conjoints répondent des dommages causés par les insensés et autres infirmes d'esprit, même majeurs, habitant avec eux, s'ils ne prouvent : 1. Qu'ils ont exercé sur ces personnes toute la surveillance nécessaire; 2. Ou qu'ils ignoraient le caractère dangereux de la maladie de l'insensé; 3. Ou que l'accident a eu lieu par la faute de celui qui en a été la victime. La même règle s'applique à ceux qui se chargent, par contrat, de l'entretien ou de la surveillance de ces personnes ». Section 1 Fondement de la responsabilité du fait des personnes aliénées

Trois éléments doivent être traités à savoir la détermination des personnes responsables, l’auteur du dommage doit être un aliéné mental et le fait de celuici doit avoir été la cause du dommage. §1. Les personnes responsables Les dispositions de l’article 85 du DOC concernent non seulement les personnes avec lesquelles l’aliéné a une relation de parenté mais également les personnes qui s’engagent par contrat à assurer cette mission de surveillance qu’elle soit une personne physique ou morale. A- Les personnes parentes à l’aliéné Concernant les personnes gardiennes, l’article 85 du DOC vise les personnes suivantes :  Le père ;  La mère ;  Les autres parents ;  Le conjoint. La personne souffrant de cet handicap mental doit cohabiter avec la personne qui en a la garde. L’article 85 du DOC a élargi la liste des personnes qui peuvent être déclarées responsables contrairement à ce qui a été prévu pour la responsabilité du fait des enfants mineurs et ce dans un souci de protection des victimes ; les dommages réalisés par les personnes aliénées mentales sont plus fréquents que ceux causés par les enfants mineurs. Il convient de noter aussi que

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la plupart du temps ces dommages sont d’une certaine ampleur et concernent le plus souvent des préjudices corporels. B- Les personnes assurant la garde par contrat La personne souffrant d’un handicap mental peut être internée dans un centre hospitalier ou confiée à une personne par contrat pour en assurer la garde. Dans ce cas, la responsabilité civile est supportée par ces personnes qui ont accepté d’assurer cette garde. §2. L’auteur du dommage doit être un aliéné mental Plusieurs appellations sont utilisées pour désigner la personne souffrant de troubles mentaux et psychiques.  Dans le Dahir des obligations et contrats Le texte de l’article 85 du DOC vise les personnes insensées et autres infirmes d’esprit ; l’article 96 du même code prévoit que l’insensé ne répond pas civilement du dommage causé par son fait quant aux actes accomplis pendant qu'il est en état de démence.  Dans le code de la famille Le texte du code de la famille donne une définition du faible d’esprit qui selon les dispositions de l’article 216 « qui est atteint d'un handicap mental l'empêchant de maîtriser sa pensée et ses actes » ; mais en même temps le même code ne semble pas faire de la faiblesse d’esprit un handicap majeur empêchant l’individu de mesurer à l’absolu ses actes 16 et la distingue de la démence qui affecte la personne qui a perdu la raison. On retrouve cette distinction entre le faible d’esprit et le dément qui a perdu la raison dans les articles 220, 233 et 279 du code de la famille 17. L’article 217 du même code prive le dément et celui qui

Article 213 : « La capacité d'exercice est limitée dans les cas suivants : 1) l'enfant qui, ayant atteint l'âge de discernement, n'a pas atteint celui de la majorité; 2) le prodigue; 3) le faible d'esprit ». 17 Article 220 : « La personne qui a perdu la raison, le prodigue et le faible d'esprit sont frappés d'interdiction par jugement du tribunal, à compter du moment où il est établi qu'ils se sont trouvés dans cet état. L'interdiction est levée, conformément aux règles prévues au présent Code, à compter de la date où les motifs qui l'ont justifiée ont cessé d'exister ». 16

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a perdu la raison de la capacité d’exercice pour dire que l’état de démence est le stade où la personne ne peut être déclarée responsable et qu’elle doit être placée sous la garde d’une autre personne qui doit supporter les conséquences de son fait. §3. L’existence d’un acte causal de l’aliéné Le dommage doit résulter du fait de la personne aliénée mentale ; la victime doit rapporter l’existence d’une relation causale entre le fait de l’aliéné et du dommage qu’elle a subi. Section 2 Le régime juridique de la responsabilité du fait des personnes aliénées Nous verrons successivement la nature de la responsabilité du fait des personnes aliénées mentales et les conditions d’exonération des personnes qui en sont gardiennes. §1. Nature de la responsabilité du fait des aliénés mentaux Les personnes qui ont la garde des aliénés mentaux doivent prendre les mesures nécessaires pour que ces derniers ne causent par leur comportement un dommage à des tiers victimes. La responsabilité résulte du fait qu’il y a une défaillance dans la surveillance et dans le contrôle de ces personnes souffrant de troubles psychiques. L’article 85 du DOC fait peser à la charge des personnes gardiennes une véritable responsabilité fondée sur l’existence d’une présomption de faute §2. Conditions d’exonération des personnes gardiennes Les conditions d’exonération des personnes qui ont la garde des aliénés mentaux sont prévues par l’article 85 du DOC qui prévoit que « le père, la mère et les Article 233 : « Le représentant légal exerce sa tutelle sur la personne et les biens du mineur, jusqu'à ce que celui-ci atteigne l'âge de la majorité légale. Il l'exerce également sur la personne qui a perdu la raison, jusqu'à la levée de son interdiction par un jugement. La représentation légale, exercée sur le prodigue et le faible d'esprit, se limite à leurs biens, jusqu'à la levée de l'interdiction par jugement ». Article 279 : « Le testateur doit être majeur. Est valable le testament fait par le dément durant un moment de lucidité, par le prodigue et le faible d'esprit ».

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autres parents ou conjoints répondent des dommages causés par les insensés et autres infirmes d'esprit, même majeurs, habitant avec eux, s'ils ne prouvent :  Qu'ils ont exercé sur ces personnes toute la surveillance nécessaire;  Ou qu'ils ignoraient le caractère dangereux de la maladie de l'insensé;  Ou que l'accident a eu lieu par la faute de celui qui en a été la victime. La même règle s'applique à ceux qui se chargent, par contrat, de l'entretien ou de la surveillance de ces personnes ». Les deux premières causes d’exonération du gardien semblent très difficiles à prouver dans la mesure où : • Si la personne gardienne a exercé la surveillance nécessaire, le dommage ne serait jamais produit ; cette condition nous rappelle celle qui est prévue dans l’article 88 du DOC et qui permet, en plus d’autres conditions, d’exonérer le gardien d’une chose ; cet article exige l’établissement de la preuve que le gardien ait fait le nécessaire pour éviter le dommage ; • Le gardien de la personne insensée doit être en mesure de connaître cette maladie parce que dans le cas contraire, l’ignorance est en soi une négligence grave engageant de facto sa responsabilité ; • La dernière cause d’exonération reste la plus plausible dans la mesure où la faute de la victime peut être une excuse objectivement acceptable permettant au gardien d’échapper à cette responsabilité. La faute de la victime pourrait être par exemple le fait de provoquer la personne malade ou dans la mettre dans une situation psychique intense de façon à provoquer en elle une irritation l’amenant à causer le dommage.

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CHAPITRE 7 LA RESPONSABILITE DES INSTITUTEURS DU FAIT DE LEURS ELEVES

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La responsabilité des instituteurs du fait des élèves qui sont sous leur garde est prévue par les dispositions de l’article 85 bis du DOC 18. Ce texte concerne également la responsabilité des fonctionnaires du service de la jeunesse et des sports responsables des jeunes gens qui commettant des dommages pendant qu’ils sont sous leur garde. Section 1 Conditions de la responsabilité des instituteurs Les conditions de cette responsabilité sont l’existence d’une faute dans la surveillance et l’existence d’un lien causal entre la faute et le dommage. §1. La faute Conformément aux dispositions du premier et du deuxième alinéa de l’article 85 bis, les instituteurs sont responsables des fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux, comme ayant causé le fait dommageable, et qui devront être prouvées conformément au droit commun par le demandeur à l'instance. Cette responsabilité s’exerce pendant le temps où les élèves sont sous leur surveillance. A- Faute de surveillance La responsabilité de l’instituteur repose sur la faute, imprudences ou négligences ; le texte de l’article impose à la victime d’apporter la preuve de l’existence de ces fautes ; ce n’est pas donc une faute présumée. B- Temps de la surveillance L’article 85 bis précise que les instituteurs sont responsables du dommage causé par les enfants pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance ; il en sera ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'éducation morale ou physique non interdit par les règlements, les enfants ou jeunes gens confiés ainsi audits agents se trouveront sous la surveillance de ces derniers.

L’article 85 bis ci-dessus a été modifié en vertu de l’article premier du dahir 19 juillet 1937 (10 joumada 1356) modifiant et complétant le dahir du 12 août 1913 (9 ramadan 1351) formant code des obligations et contrats; Bulletin officiel n° 1298 du 10 septembre 1937, p.1222. 18

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§2. L’existence d’un lien causal Le dommage doit avoir eu lieu par le fait de l’élève ; c’est ce qui résulte de l’article 85 bis du DOC qui indique que la responsabilité de l’instituteur résulte du dommage causé par les enfants pendant qu’ils sont sous sa surveillance. Si le dommage résulte par exemple du fait de la victime ou du fait d’un tiers, la responsabilité civile n’est pas encourue. Section 2 Régime juridique de la responsabilité des instituteurs Il convient de relever que la responsabilité civile des instituteurs contenue dans l’article 85 bis du DOC opère une substitution dans cette responsabilité et que le même texte a prévu des règles particulières qui doivent être observées. §1. Substitution de la responsabilité de l’Etat Une distinction doit être faite entre la responsabilité des établissements scolaires publics et les écoles privées des dommages causés par les élèves qui sont sous la garde et la surveillance des instituteurs ; si l’article 85 bis s’applique pour les instituteurs du secteur public, dans l’enseignement privé, la victime peut chercher soit la responsabilité personnelle de l’instituteur soit celle de son commettant dans le cadre du 3ème alinéa de l’article 85 du DOC, l’instituteur est considéré comme un préposé. §2. Règles particulières relatives à la responsabilité des instituteurs L’article 85 bis du DOC contient certaines règles particulières se rapportant à la responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves qui sont sous leur surveillance ; ainsi, conformément au 6ème alinéa de l’article 85 bis du DOC, « dans l'action principale, les fonctionnaires contre lesquels l'Etat pourrait éventuellement exercer l'action récursoire ne pourront être entendus comme témoins » ; de même, l'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat ainsi responsable du dommage, sera portée devant le tribunal de première instance du lieu où le dommage a été causé 19. L’article 85 bis du DOC tel qu’il a été modifié par le Dahir du 19 juillet 1937 a écourté le délai de prescription en ce qui concerne la réparation des dommages qui sera acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été commis. Ce délai est différent par rapport à celui fixé par l’article 106 du DOC à 19

Alinéa 7 de l’article 85 bis du DOC.

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cinq années à partir du moment où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de celui qui est tenu d'en répondre.

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