Recherches sur l'épopée et le barde au Tibet [PDF]

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Gesar, dieu de la guerre, avec ses divinités tutélaires (en haut) et les guerriers de Gliù (en bas). (Peinture tibétaine provenant de Lhasa. Collection de I'auteur.)

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P A R IS IMPRIilIERI1' NATIONALB t959

AVANT-PROPOS

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Quand, il y a plus de vingt ans, ayec le seul bagage d'un sinologue et des rudiments tibétains et mongols, je fus attiré par l'épopée de Gesar, la voie m'apparut toute tracée et relativement aisée. Je croyais faire une ascension facile. Qui aurait dit que j'allais m'engager dans une brousse épaisse et me heurter à des murs infranchissables! Les textes alors connus n'étaient pas nombreux. Leur traduction était faite ou préparée et ne posait guère de problèmes. Dès lors il me semblait que je n'avais plus qu'à analyser le récit, en déterminer les thèmes et motifs, y joindre des comparaisons et chercher à faire la synthèse en tirant des conclusions sur le sens de l'épopée et sur la société dans laquelle elle est née. Aujourd'hui je mesure la diversité des paysages, l'étendue des horizons et la distance encore longue à parcourir. Une vie entière ne sumrait pas pour épuiser le sujet. L'attaquer seul peut paraître démesuré. Aussi m'a-t-il paru bon de m'arrêter en chemin et de dresser un premier bilan, avec l'espoir qu'il attirera et aidera d'autres chercheurs. Cette décision une fois prise, mon ambition fut d'abord de dire tout ce que j'ai pu apprendre, à I'heure actuelle, sur l'épopée elle-même et sur les questions qui s'y rapportent. Les travaux préparatoires étaient faits. Maig au cours de la rédaction il apparut nécessaire de renoncer au projet initial. Trop de problèmes différents se posaient. Malgré la publication antérieure d'un volume destiné à donner des matériaux nouveaux, le présent livre est déjà devenu suffisamment, sinon trop volumineux. Et pourtant, j'en ai retranché des parties importantes, essentielles même et qu'on ne manquera pas de regretter. C'est surtout I'ana' lyse intégrale de l'épopée, récit par récit, thème après thème, motif sur motif. C'est aussi le commentaire qu'on pourrait faire tout au long du récit, commentaire qui formerait comme un tableau de la société tibétaine telle que le miroir de l'épopée la reflète. C'est encore tout le problème du culte dont le héros a été I'objet, son entrée dans le panthéon lamaique et son identifrcation arrec le dieu de la guerre chinois. La langue et le style aussi auraient mérité d'être traités en détail. Les dossiers constitués doivent attendre d'être utilisés pour des travaux ultérieurs. Il fallait bien se limiter cette fois sous peine de fatiguer le lecteur par

VIII

AVANT-PROPOS

une quantité énormede matériaux.Je me suis borné à les utiliser à I'occasionet à en donner des spécimens.Qu'on songe aux nombreusesétudes consacrées depuis des générationsaux épopéesgrecques,européennesou autres. et qu'on compareIa liste bibliographique destravaux relatifs à notre sujet! Quand on en retrancheles affirmationsgratuites et les mentions sporadiques,il en reste bien peu qui aient effectivementpréparéle terrain. C'est une question de méthode qui justifie le choix des problèmesétudiés. Elle s'est imposéed'elle-mêmeau cours des recherches.Les prises de position antérieuresavaientle défaut de ne considérerque l'épopéeseuleet en elle-même ou de n'être baséesque sur telle ou telle version. Leurs auteurs faisaient bien parfois un effort pour la relier à I'ensemblede l'histoire de la civilisation tibétaine. Mais alors ils fondaient leur opinion sur des passagesisolés et détaches de leur contexte.Ou encoreils se bornaient à desaffirmationsgratuites et à des impressionsvaguesqui ne reposaientsur aucunedocumentationsolide. Au fur et à mesureque je pris connaissanced'un grand nombre de textes,aprèsavoir lu des milliers de pagesde manuscrits, de xylographeset de versions orales notées,je dus constaterque les théories émisesavaient abusivementsimplifié les problèmes.Mais surtout. il devint de plus en plus clair que la question de l'origine de l'épopée, de sa date et de sa formation, Ie problème aussi de la nature de son héros et des sourcesde son histoire; iI devint évident que toutes ces questionsdevaientêtre examinéesavant de procéderà I'analysedu récit et qu'elles ne pouvaientjamais être tranchéespar I'examen de la seule épopée,Il fallait de toute évidencechercher des points de repère extérieursà l'épopée et indépendantsd'elle. Il était donc indispensablede consulter,si possible,toute la littérature tibétaine. Ce n'est quïnsi qu'on pouvait poser les jalons d'une datation et déterminer, sinon I'auteur ou les rédacteurs,du moins les milieux responsablesde la formation de l'épopée et ses sources d'inspiration. Ainsi seulementallait-on être en mesurede prendre position sur la prétenduehistori. cité de Gesar,à condition évidemmentde tenir compte de la nature dessourceg utilisées. Mais hélas! il ne pouvait être question d'une lecture systématiquede la littérature tibétaine. A part les textes du canon bouddhique, il est souvent impossible de consulter I'ouvrage dont on pourrait attendre des documents sur la question étudiée,pour la simple raison qu'il est inaccessible.Les lectures que j'ai pu faire, souventdéterminéespar le hasarddesouvragestrouvés, sont donc Ioin d'être exhaustives.Cette misère de la documentation tibétaine a son importance. Plus qu'ailleurs s'imposeà nous la prudence devant le silenceou l'absencedes documents.Moins que dans d'autres domaineson peut prétendre avoir épuiséles possibilitésde témoignages.Du moins ai-je pris soin de diriger mes lectures sur des domainesaussivariés que possible.Malgré leur caractère limité par la force des choses,on constateraqu'elles ont grandementcontribué à éclaircir la questiondesoriginesde l'épopée.Elles n'ont cependantpaspermis de trouver grand-chosequi se rapportât directement à l'épopée avant le

AYANI.PROPOS

IX

xvrlle Êiècle.J'ai augeisy8tématiquementconeulté les eourcêachinoiseedes T'ang aux Ts'ing, généralement ei bien informées du Tibet. Maie là auggi un étrangesilencerègne, avant le xvttle siècle,sur l'épopée et son héroe. La nature forcément incohérente des lectures possibles et l'abseneæde témoignagesdirectementen rapport aYecnotre sujet explique certainsdéfauts de la démonstration dont je suie bien conscient. Il aurait été trop beau de disposerde documentsexplicitesqui ne demandentqu'à être lus et traduits, de sourcessûres et anciennes.En leur absence,force est bien de constster oette alternative. Ou il faut renoncer à en savoir davantage,ou bien il faut faire feu de tout bois. Je n'ai pas craint de m'arrêter à ce dernier choix. Faute de poteaux indicateurs précis,j'ai pris le parti de me diriger à l'aide d'indices accidentels. J'ai pu parfois faire fausse route ou faire des détours compligués. Il m'a néanmoinssembléqu'il valait la peine d'explorer le terrain, ne fût-ce que pour éviter à d'autres de faire le même effort. C'est un travail ingrat que de déblayerle terrain, de suivre des pistes qui ee croisent sans cessedans une brousse épaisse.Laquelle fallait-il suivre, laquelle abandonner?Peut-être en ai-je parcoum quelques-unesà tort et inutilement. Du moins n'ai-je pas essayéd'esquiver les difficultés et de trahir la realité complexeen la simplifiant. Les solutions simples n'ont que faire dans ce labyrinthe. La clarté de l'exposé a pu parfoia en soufirir. Mais lui aurais-jegacniûé des donnéescompliquéesqu'elle n'aurait été que factice, résultat d'une simpli. fication abusiveou de partis pris. J'ai aussiété obligé de rne battre en ordre disperséeur divers frontg à la fois. Non seulement le sujet pose des problèmes fort variés, mais aussi lee auteure qui en ont parlé nous ont légué des affirmations très tranchéeset m'ont ainei obligé de prendre position. D'où la nécessitéde démonstrationscompliguées. Sans ces options antérieuresj'aurais pu m'en dispenaeret attaquer de fronto systématiquement,les problèmes.Les , mais de caractère populaire; p. 28-29 : résumé des < 9 branches r de la version bouriate d'après l'éd. de NamZil Baldan.

Danorrsunnrv(C.), 1957 : Istoriëesltiekorni Geseriadr-, Moscou,1952, l4O p.; bibliographie mongole, tibétaine et européenne; nombreusescitations mongoleset tibétaines;le Gesar,épopéepopulaire; Gesar: GosTlo [Kiosseu-lo] du xre sièc1e;son contemporain, le lama eoibeb, auteur de l'épopée(cf. Jox, 1945 et Porerrl, 1893, I, p. 349).

Cneowrcr (H. MuNno et N. KrnsuÀw), 1940 : The growth of literature, vol. III, Cambridge, 19,10;p.49 : importance dr Cesar; p. 2I5 : comparaison de Gesar avec le héros karakirgise Bolot.

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_(SaratChandra),L88I : Contributions on Tibet, in JASB, vol. L, pt. I, 1881, p. 248 : descendantsdu beau-fils de Gesar règnent à Gyantse (: Chroniqued,u5" Dalai\.

p. 205 :

Des, 1887 : A brief anount of Tibet from , in Min-tsou-hiue yen-lcieoutsi-lo'an,no 3, sept. 1943,p. 69-83;p. 7l : légendebonpo d'une attaquede Zan-Y,uit par quatre pays dont Ko-sa(Gesar);p. 7I : le l9e géniebonpo, Nan-pakie-jen,fut le sorcier de Lin Ko-sa (Glifr Ge-sar)et vécut dix mille ans; p. 72 : Glitr localisé à Mong-kong /ft J! (Markhams?), du rve au vIIe sièclel Gesar, fidèle du Bon; traditions recueillies chez les aborigènesde la région de Damba-Bawang-Maokung, où le Bon est encore vivant. MecooNer,o(David), I93I : Tibetan tales, in Follilore, 1931,vol. 42; p. I78192,294-315 : traduction de treize contes du Ro-sgrufls. Mecoonam, 1932 : Twenty years in Tibet, London, 1932; p. 132 : temple de Gesar/Kouan-tià Gyantse. Marr,r..lnt (Ella), 1937 : Oasis interdites, Paris, 1937; p. 112-113 : légende localisée (tirée de PnZver.srt, 1888?). MÀNNsnHBrrl(C. G. E.), L9I2 : A aisit to the Sarô and, Shera Yôgurs, in fournal d.ela Soc.finno-ougrienne,rol, XXVII; p.3I : < Khor Geser Rdjalu> (Hor Gesar rgyal-po) chez les Shera Yôgurs; traces (cf. Hnnu.lwws, 1942). Mmx (Karl), I89l : Documentsrelating to the history of Ladakh, in IASB' vol. LX, Pt. I, 1891; p. 116 : descendants de Gesar(: FnlNcre, 1926); n. 3 : sur un manuscritqu'il a possédé;notes diverses. . Mrx.q.rr,ov(G. I.), 1955, Kritiéeskie stati i obzorî Geseriad,a,in Souetskoe Etnograf,ya,1955,no I; p. 182-189: sur le caractèrede l'épopée.

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RECIIERCIIES

R.-4. srErN

Mosteenr (Antoine), I94I z Dictionnaire ord.os,Péking, I94I; Djuru le morveux; p. 262 : Geser;p. 676 : épopée.

p. 220 z

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Pnr,r,tot (Paul), 1914 : communication à la Société Asiatique, in J. As,, Ile série, III, 1914; p. 498-500 : Fou-lin : *Frôm : Phrom, pays de Gesar, : Rùm : Byzance(cf. la note supplémentairede P. Br,nr, in J. As., vol. CCII, 1923, p. 83-88; A. voN GABATN, Ein Beitrag zur Fu-lin Frage, in Sinica, vol. VIII, no 5/6, 1933, p. 195-197;ANonu,c.sHnnuxc, h SBPTA,1933, p. 30I-306; LeuFnn, 1919 et Scnanorn, 1934, q. a.). Porrtot, 1923 : La théorie d.esQuatre Fils d,u Ciel, in TP, xxrt, 2, L923, p. 98-10I. Per.r.rot et H.r.uers, 1951 : Histoire des campagnesd,e Gengis Khan, t. l, Leiden, 1951; p. L74 : BsnnzrN (S.r) a eu tort de rapprocherQasar de Gesar. Pntrcn (Luciano), 1939 : A stud,y on the Chronicles of Ladakh (Ind,ian Tibet), Calcutta, 1939.

SUN T,'ÉPOPÉP



LE

BARDE

AU TIBET

2I

Porrcu, 1947 ; Alcuni norni geogro'f'ci nel La'Daags Rgyal-Rabs, in Riu. degli Studi Orientali, vol. XXII; p.83 : Khrom Ge'sar'Dan'ma serait < Karashahr, capitale dei re Drugu >. Pnrncu, 1950 z China and, Tibet in the early l\th Century, Leiden, 1950. Popov (A.), 1847 : Grammatikakalmickagoyazika, Kazan,lM7, p.374-377 (texte), p. 377-379(traduction) : extraits du Geser,chap. vrr. Poern (N.), 1926 : Geserica.,Untersuchungend,er sprachliehenEigentùmlichkeiten der mongolischen Tersion d,es Geserhhans,in Asia Major, vol. III, no Il2, p. 1-32,168-193: la versionmongoledoit venir du Sud de la Mongolie et être la traduction d'un original tibétain; p. 4 : critique des comparaisonsde Potenrx. Porrr, 1927 : O nelcotorix nooîx glaoa,x < Geser Xana rr, in Vostoënie Zapishi,vol. I, Leningrad,I92T; p.190-201 : résumédeschapitresvrrr-x, xrl-xv, faisant suite aux sept chapitres du xylographe de Péking. Poren, 1928 : Zurn Khalkhamongolischen Held'enepos,in ls. Leipzig, 1928.

Maj., Y,

Poren, 1935 z Problemî Buryat-Mongol'slcagoliteraturooedeniya,in Zapislei A. Naulc SSR, vol. III, 1935; p. 19 : version Instituta Ilostoleooed,eniya bouriate de I'Ouest très différente de la version écrite; p. 23 : version mongole analogue à celle de Dlvrp-NBEL, et un manuscrit tibétain. Poerr, 1936 : Buryat-mongol'skiifol'klornîi i dialelttologiëesldisbornik, Moscou-Leningrad,1936; p. 37-38 : prose no I Geseri tflxe : texle ea transcription, sans traduction. Poeet, I95I : Stand und. Aufgaben d,erMongolistilt, in ZDMG, vol. 100, fasc. 1, (1950),I95I; p.83 : la traduction de Kozrn(g.o.) moins bonne que celle de Scnnrot; version en 25 chapitres, manuscrit perdu. Porrn, 1955 : Mongolische l/ollesdichtung, Akad.. il. Wissensch.u. der Literatur, Verôfentlichungen der Orientalischen Kornission, Band VII, W'iesbaden,1955; p. 81-111 : conte de Amar DZargal Xân (sur le schéma de Gesar); p. IB9-223: Uran Gua Dagina : version xalxa du Geser. Mongolii, SaintPot.r.nrx (G.N.), 188I-1883 : Oëerki syeaero-za,pad'noi Petersburg,vol. I-II,1881; vol. III-IV, tB83; vol. IV, p. 250'257 : récits relatifs aa Geser; p. 817-820 : notes à ces récits, très fantaisist"i: P.ut exempleGese.sera'it: eingiz-Keser-Kaira-kande I'Uriankhai, et Ôingis' XadZir-Tengri,: Kadyr des Kirghises, fusionné avecle Xizr musulman!; p.212, p.257,2û,261 : incarnations de Geseret de sescompagnons; 330 : Geserdans le folklore.

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R.-A. srrrN

po aoprosuo proisxoàPorawIN, 1890 : Mongol'skoe skazanie o Geser-xanye, denii russkîx bîlin, in Vyestnih Eoropî, vol. V, 25e année,Saint-Petersburg, sept. 1890, p. 121-158;p. 125 : Geserd'oigine turque. *PoIANIN, 1B9I : Staar Godinouié i Geser,in Etnograf,ëeskoyeObozrenie, vol. X, I89I, p. 40-49. *PoreuIN, 1891 : Bogdo Geser i slaayanskayapooyest' o Vaailonskom carstuye,in Etnogr. Obozr.,vol. XI, 1891,p. 106-121. *PorarrN, 1892 : Doë' morya,n steplîomeposye,in Etnogr. Obozr., vol. XII, 1892; p. 38-69 : Gesercomparéà DTirtuélyuk. PoraNtN, 1893 : Tangutsko-Tibetskayaobaina Kitaya i Central'naya 1893,vol. I; p. 349 : Gosïlo(cf. JnN,19t15) Mongoliya, Saint-Petersburg, : Gesar;p. 3T8 : Geserat théâtre; p. 397 : culte de Geser;p. 442 : Geserchezles Sira-Yegurs;p. 363 t Geserpetr-ètre héritagedes Ouigours; vol. II, p.3-44 : trois versionstangoutes(tibétainesde l'Amdo); p. 441l-3 : version bouriate notée par Xangalov; p. 114-128: notes (p. 113116 sur destraditions bouriates; p. 127 : desmotifs du conte de I'EspiègleRusé entrés dans le Geser);p. 301-303: traces de Geser.

REcHERcTTES sun r,'ÉpopÉnET LE BARDEÂu rrBET

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Pozonynrv, 1896-1898t Mongoliya i Mongoli, resul'tati poyezd'kaa MongoIiyu, ispolennoi o 1892-1893gg., Saint-Petersburg, 1896 (t. I), 1898 (t. II); vol . I, p. 17 5- 176, 246, 25I , 252, 310- 311, 381, 668; vol. I I , p. I 97, 209,292 : temples de Geser/Kouan-ti. PnZv.q,Ls'rrr(N. M.), 1888 : Ol I(yaxtî na istoh Zehoi relci, Saint-Petersburg, 1888, p. 218 : légendesur Saraigholet Gesar. Puërovsrrr (L.S.), 1954 : Sobranie rnongol'skix ruhopisei i ksilografoa Instituta VostolcooedeniyaAkad,emii Nauk SSS-rR,in Uëenie zapiski Instituta Vostoltoaed,eniya,t. IX, Moscou-Leningrad, 1954; p. I22 : les éditions mongolesdu Geser(7 et t5 chapitres); p. 123 : version mongole du Ling Gesertibétain; p. 123 : rituels de Geser. Reor,orr (W.), 1866 ; Proben d,er Volksliteratur d,er Tiirldschen Stiimme Sûd-Siberiens, I. Theil, Saint-Petersburg, 1866; p. 424-429 : conte Sojone de Pagai Tjûrû; introduction de Schiefner; p. xI : identifre Pagai Tjûrii avec Joro (Dsûrii); retrouve Geserdans les noms de Sâdângkâi Kâsâr (p. 87) et Sartaktai Kâsâr (p. iBB). V. Theil, 1885.

*PoteNIN, 1893 : Ordinskiya paralleli k poemam longobard,slcagocikla, in Etn. Obozr.,vol. XVIII, no 3, 1893.

Rocr (J. F.), 1956 : The Arnnye Ma-chhen range and. adjacent regions, a rnonographicstud,y(SerieOrientaleRoma XII), Rome 1956; p. 58 : Hor; p. 80, 9I : rivière'Ba'; p. 93 : ruines Hor; p. 116 : Gesaret son frère cadet;p. 136 : tribu desrGya-bza';cartes1,2 : Hor; 3 : Hor-chafr;I : tJafr.

*PoreNIx, L894 ; Greëesldieposi ordinskii fol'hlor, in Etn. Obozr.,vol. XXI, no 2, 1894, p. I-67 : origine turque du Geser;p. 60 : Dsuru comparéà Till Eulenspiegel.

Rocrnrr-r- (W. W.), I89l : Tibet, a geographical, ethnographical and historical sketch,deriaedfrorn chinesesources,extrait du JRAS,I89I; p. 254, 268 : templesde Kouan-ti (cf. plan, p.70-7I, no 19).

PoteNtN, 1899 : Vostoônîe motiuî v sred,neayekouorn earopeisltomeposye, Moscou, 1899 : reprend les hypothèsesprécédenteslnombreux rapprochements fantaisistes, théorie de migration des contes de l'Est à I'Ouest; p. 689-690 ; le Geser un recueil de contesl aucune preuve sérieuse.

RocruIrt, L894t Diary of a journey throughMongolia a,nd,Tibet in l89l and l992,Washington,1894;p. I30 : Gesar,dieu de montagne;p. 165 : trace.

PotelrNe (Mne A. V.), lB95 : Iz pute{estoii po aostoënoiSibiri, Mongolii, Tibetu i Kitayu, sbornilc statei, Moskva, 1895; p. 6-7 : Geser, fils du dieu principal chezles Bouriates. Pom (P. H.), 195I : Introd,uctionto the tibetan collection of the National Museum of Ethnology, Leiden, 1951; p. 78 : peinture représentantla légendede Gesar. Pozonyuuv (A.M.), 7896 : Kalmickiya skazlci,in Zapiski I/ostoënagootdyeleniya Imper. RzssÀ. Ameol. ObËëestua,vol. X, 1896, conte no VII; p. 4J.-58 : traduction russe et texte kalmuk (p. 1) du chap. vrrr-rx du Geser.

Rorntcu, 1942 : The epicof King Kesar of Ling, in IRASB, Letters, vol. VIII' no 2, 1942;p,277-3II : excellentrésuméde l'état actuelde la questionet renseignementsnouveaux sur les bardes, etc.; importantes conclusions : épopée héroÏque relatant des guerres entre Tibétains et Turcsl Gesar -< Caesar,titre adopté par des chefs turcs d'Àsie Centrale et passéau Tibet du Nord-Est oia Khoran; versionsmanuscritesplus archaiquesque versions orales et imprimées; langue et noms de lieux suggèrent le Nord-Est du Tibet comme lieu d'origine; épopéeformée après la période impériale, mais noyau plus ancien, avecbarkground pré-bouddhique.

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R.-A. srprN

RoenIcn, 1949-1953 : The Blue Annals, Part I, Calcutta, 1949; Part II, Calcutta,1953 : traduction du Deb-thersfton-po(5.o.), Rosrovtzprr, 1930-1932: The great heroof Middle Asia and.his exploits,in Artibus Asiae, 1930-1932,no 1 : veut retrouver des scènesd'épopéedans les frguresde lutteurs de l' par Blo-gros thog-med (I79 b); non daté. Biographie d,e'Brug-pa Kun-legs ; milieu xvre siècle; rNal:byor-pa,'i miri ëo,n Kun-d.ga' Iegs-pa'i rnam-thar, byun-chul lhug-par smras-pa àib-rno'i rciù-mo ha-le ho-Ie sna-zin spu-zin bkod,-pa;deux volumes; ka, 169 fol.; lchc,(gsun:bum), Bl fol.; suivi de ga,74 fol.; présenté comme aurobiographie (ka, 2 b); colophon : prière écrite aprèssa mort en sa.-mo-gla,k (1529 ou 1589),fol. 167 a; texte écrit à Ra-lun Thel, fol. 167 à; planches gravées au monastère Dri'u-lhas (Bhutan?), fol. 168 ô; Kun-legs fut disciple du 7e Karmapa (1454-1506)et rencontra dGeJdun rgya-mcho

(L475-rs42).

Biographie d,u 2" Panchenla.nla .. xvrrre siècle; Çakya'i d,ge-sloriparj.-ëhen thams-ëad.mlthyen-pa ihen-po rje-bcurt Blo.bzari Ye-çesd,pal-bza.rt.po'i bha'Jburn; xylographe, 4'00 fol.; Blo-bzan Ye-çes dpal-bzan-po (16631737) est aussi classé5e Panchenlama.

Biographies d.esKarmapa: 1891; ëhos-rJeKanna-pa skw'phreri rim-byon gyi rnam-thar md,or-bsd,us, dPa,g-bsamkhri-Ciri; xyl,.,236 fol.; écrit en 1891à mChur-phu (siègedes Karma-pa), par Klnur, Nrs-oox BSTAN-RcyAS-rA.

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R.-A. srorN

*Biographie d,elëan-slcya Rol-pa'i rd,o-rje: 1792; t1ari-shya Ye-çesbsTanpa'i sgron-me'i marn-par thar-pa rnd,o-cambrjod,-pa,d,Ge-ld,anbstan-pa'i mjes-rgyan;selon D.q.r4urNSUREN, 1957,p. 769et237 (qui cite despassages sur Gesar; vol. II, 1ol. 229), écrit en 1792 par le Thu-bkvan (sprul-slru) Br-o-szeNënos-ryr ftr-ue (1737-1802);le passagecité ne se trouve pas dans la biographie éditéeà Pékin (xyl., 15I fol.), rDo-rie:ëhati ll,arL-shya Rol-pa'i rd,o-rje Ye-çesbsto,n-pa'i sgron-me d,pal-bzari-po'irnam-thar, 'd,od.-pa'ipad,rno rnam,par 'byed,-pafl,i-ma'i 'od-zer, écrit en 1787 par enu-szâ.NNo-rrotr-u.+NN.lc-os.lN Tnus-ssrl.N DBArt-pnyue. Biographie d,eSashyapar.tQita: xrxe siècle?'Jam-pa'i-d,byansdftos smra-ba'i tngon-po Sa-sltya parlQi-ta Kun- d.ga' rgyal-mchan d,pal-bzaù-po' i rnampar thar-pa, bsKal-pa bzaù-po.'ilegs-Iam;.écrit en sa-tno-yos,au palais de Rin-ëhen-spufis,par le roi Nee-osÀ,Nr 'Jrc-nreN DBArt-puyuccRAGS-rA (postérieurà 1565);xfl. édité à sDe-dge,ka,68-145fol.1 en vers. Biographie d,e Thari-stoù rgya,l-po .. 1588 ou 1609?; d,PaI grub-pa'i d,bariphyug brcon:grus bzafi-po'i mam,-par thar-pa, Kun-gsal nor-bu'i melori,; xyl., I74 fol., éd. sDe-dge; selon le colophon, écrit en sa-mo-bya (1609), quaranteans après sa mort (selonla biographie, 1361-1485;selon le d.Pag-bsarn,1385-1464);selon Tucci, écrit en sa-rno-byi(I5BB). bKa'-brgyud, mgur-mr:hoI : milieu xrxe siècle; bKa'-brgyud, mgur-mcho'i go-d,onkhog-d,bubsspyi-ëhinsrnanl-pal bçad.pa,sKal-bzafl yid,-hyi fi,algso; xy1..,96fol, ; édité et corrigé par BSTÀN-pÀ'r ftrN-ByED,de l'ordre des Dvags-po bKa'-brgyud; édition finale par K,q,nla.a, NAc-osÀilrYon-rew RcyÀ-McHo(disciple du I4e Karmapa [1797-1868]). bKa'-brgyud, mgur-mcho II : xvrrre siècle; rn4hog-gi d,nos-grubmrion-d,u byed.pa'i myur-larn bKa'-brgyud, bla-rna rnams-lryi rd,o-rje'i m,gurd,byaris,ye-çesëharlbebs ran-grol-lhun-grub bd,e-ëhenrabJbar ries-d,on rgya-m.cho'i sfr,iù-po;xyl., 92 fol.; éd. par bsTan-pa'i flin-byed, avec prière de Si-tu Padma flin-byed (élève du 13e Karmapa [lZB3-1794). bKa'-gd,amsgsar-rfl,irigi ëhos:byuri, I 1529 (1re partie) et 1762; ., yid,-kyi mjes-rgyan;xyl., 103 fol.; première partie écrite en1529 par BSoD-NAMS cRAcs-pA (p@p -ëhen, I47 B-I554); complété en Il 62 par A-rvÀ rro-ruo c-ru au Potala. bKai-gd,amspha-ëhosbu-ëhos..xre siècle?(antérieurau xve); I, ka (Pha-ëhos), Jo-bo yab-sras kyi gsurt-bgros,pha-ëhos rin-po-ëhe'i gter-rnjod,,Byaù,ëhubsems-d.pa,'i nor-bu'i pUr"o-6ooal grel; xyl., 361fol. ; éd. sNar-thafren ëhu-stag; II, vol. kha (Bu-ëho s),' Brom-ston-parGyal-ba'i' Byufi-gnaslayi skyes-rabs;432 fol. Cette édition diffère de celle du catalogueîôhoku, nos704I-7042(éd. dGa'-ldan Phun-chogs-glit; ha, 566 fol., teha,465 foL.).

REcHERcHES sun r,,ÉpopÊB ET LE BARDE AU TrBET

I

gg

Attribué à 'Bnorrr-srolr (f003-1064); selon la Chronique d,ed,pa,o gCug_ lag, pa, 162 a-b, lu et vénéré par un disciple du Ze Karmap" (faS41506). Cf. Nor-bu phrefi-ba. bKa'-thaù sde-Ifta ..xrve siècle; comprenant: LoLha: dre bln'-thari (ou blca'-yi thari-yig); 20 rGyal-po"; 3o bCun-mo";40 Lo-pary";SoBton-pà".n Teite caché> (gter-m.a)découvertpar O-rgyan glifl-pa et Kun-dga, chul-khrims en1347; xyl., éd. sDe-dge,hha,28I fol., paginationcontinue (ici citéeen premier lieu); éd. dGa'-ldan (Potala) de 1675, pagination indépendante pour chaque partie. La troisième partie a été éditée et traduite par B. Lrurun, Der Roman einer tibetischenKônigin, Leipzig, 1911. *Blo-bzaûbsam-'grub,I, II, III : xrxe siècle; auteut(alias Ilayttysan qutuqtu; 1820-1882)de trois rituels de Kouan-ti cités par D.q.Morr,rsun'N, 1657, p. 25, 235. | : Kharns-gsum bd,ud,'d,ulsPrin-rin rgyal-po'i ëhos-skor (2 vol.,70 ouvragesdont 63 de lui-même); II : sPrin-rin rgyal-po'i ëhos. shor gyi d,kar-ëhaggsal-byed,sgron-nxe;III : sprin-rin rgyat-po'i khufi,sthub kyi lo-rgyus. Ct. Rituel d,eKouan-ti. bSaùs-éhuri: date?; Urgyan Pad.rnasrnjad,-pa'ibSaùs-ëhuri, yid.-bXin nor-bula brten-na,s'dod.-pa'i ùonlgrub 'd,i-la rari-gi ,d,od,-gsolrnams 'brel-nas b]ilg.Ssrnëhog+ublcod.-pa (suit le ms. no 41 de notre chap. rr); atribué à Padmasambhava; ms., 12 fol.; suivi d'autresbsaùs-yig;àf.Lha-bsans. Çes-byalrun-hhyab .. xrxe siècle; Çes-byakun-la khyab-pa'i gàufi-Iugs fr,urirLu'i chig-gis rnam-par'grol-pa legs-bçad, yorisJd,u,fes-pi mtha'-yas-pa,i rgya-mnho; xyl., trois vol. (om, a, hùm); sorte d,encyclopédie;I'auteur serait Korï-spnur, Yow-ren RGyA-Mcrro(mort vers 1900). Bu-stox (chronique d,e) z 1322-1323;bDe-bargçegs-pa'i bstan-pa rigs:byed, ého*lfi'byuù-gnas gsuri-rab rin-po-ëhe'i mjod,(sigle : thoi:byui); xyl., 2p3 !91., éd. sDe-dgelHun-grub-stefr; par Bu-sroN (1290-1364);écrir en ëhu-hhyi(1322),selonle Re'u-mig; Tuccr, 1949,TpS, p. 141 dit :IBM, parce que le colophon dit ), son expédition au pays des démons, son retour à Ling, l'élimination de son oncle et l'expédition contre les Hore (tib. Hor). Un doublet des deux premiers épisodes se trouve dans le conte no XXVI (p. 406-408) relatif aux aventures de Ati-Azyak. René de Nebeski-Wojkovitz qui a étudié les Lepcha sur place a pu confirmer la connaissance du Gesar parmi eux, surtout parmi les habitants des vallées Lachen et Lachung du Sikkhim septentrional. Le récit est su par cceur et chanté en lepcha, pendant des jours et même des semaines (information orale). Il semble donc que des versions très longues, truffées de chants, existent - ou exislaient encore il y a peu d'années. Les Lepchas seraient conscients de la provenance tibétaine du récit, mais ils seraient incapables d'expliquer les nombreux mots tibétains des noms propres. Halfdan Siiger, conservateur du département ethnographique du Musée National de Copenhague, a bien voulu me confier qu'il a pu recueillir une version orale du chapitre Honnu (guerre contre les Hor) de la bouche d'un paysan ordinaire, en 1949, et qu'il espère en publier une traduction. 3o EN sunu5esrr : La version orale scientifrquement la mieux notée est celle en langue buruËaski que M. D. Lorimer (1935, vol. I! a recueillie dans le Hunza (Gilgit). I1 en a reproduit le texte intégral en notation phonétique et en a donné une traduction littérale. Les noms propres sont partiellement expliqués dans f index (vol. III). Le héros y porte d'abord, dans sa jeunesse, le nom de Pângchù, puis celui de Kiser. Son pays, appelé Lama, est identifré avec le Baltistan par les indi' gènes (Lorimer, 193I, p. I18) (gs). Cette version (36)comprend un prologue, la naissance du héros et de son frère, une distribution des terres, les tançailles

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R.-A. srErN

de Pângchù avec Langa Briimo ['Brug-mo], fille du roi, la conquête de la toison d'or du yak sauvage,le remplacement du roi par Kiser sous sa forme majestueuse, la conquête du pays de Haihai (gz)dont il épouse la princesse et où il règne douze ans, l'invasion de son pays par le roi Hor et le rapt de sa femme, le retour de Kiser dans son pays et son expédition contre Hor. L'histoire de Kiser est suffisamment acclimatée dans le pays pour avoir des ramifications qui la rattachent à d'autres cycles indigènes. Dans le conte no V (Lorimer, 1935, vol. II, p. 181), on nous dit comment le < grand-père r (c,est-àdire Ie dieu, je pense) (rs) 4" tu montagne Mùn qui réside dans ceile-ci a épousé la grand-mère paternelle de Kiser. C'est Kiser qui, sur l'injonction de sa grandmère(3e),lui a procuré ce mari en même temps qu'il épousa Bubuli Gas, princesse de Haihai. De plus, dans une légende du Gilgit, un certain Bagar Tham est supposé avoir été le fils de Kiser et le grand-père de Shiri Badat (Lorim"r, 1935, voI. III, p. 437), ancien roi de Gilgit et de Hunza-Nagar. Par ailleurs ce Shiri Badat apparaît comme doublet de Shiri Berâi Bagar Tham dans un conte qui n'est autre qu'une version de la légende de Midas (ao)(op. cjt., vol. II, p.377 et suiv., conte no XLVID. 4o Er

uoNcor, :

De I'autre extrémité du Tibet, au Nord-Est, nous connaissons un assez grand nombre de versions orales mongoles. La connaissance parfaite du mongol par des savants russes (certains d'origine mongole) norrs a rral, des traductions, des résumés et des textes en transcription. Les versions bouriates. - Potanin 1t'AOe,t. II, p. 44-113) a publié la traduc. tion d'un récit intitulé Abai Geher Bogdo xa,n, noté par Xàngalov dans la région,de Balagansk(ar), gouvernêment d'Irkoutsk(cz). On y tràuve d,abord un prologue qui relate une guerre entre les tengeri (dieux) de I'Est (mauvais) et ceux de I'ouest (bons) à l'issue de laquelle quatre dieux mauvais, vaincus, s-ont précipités sur terre. Ils jurent de se venger sur les hommes, créés par les dieux de l'ouest, en inventant le mal. Le récit débute ensuite avec i'envoi sur terre d'un des trois fils du chef des dieux de l'ouest pour lutter contre le mal. Puis viennent : 1. La conception miraculeuse; 2. La naissance du héros et les tentatives du démon de le détruire (dans sa jeunesse, le héros, s'appelle Nuxata-Zurgai, ou Zurga, Zura, p.67,69);3. Le mariage avec deux feÂ*".; 4. L'initiation qui lui confère son nom glorieux (Gexer : Geser); 5. Son expédition chez le roi des eaux souterrain"i (nt) dotti il épouse la frlle et où il Lst retenu par une nourriture d'oubli; 6. Retour chez lui avec la troisième femme; 7. Expédition contre le lion géant oktor dont la peau fournit pelisses, bonnets et bottes aux trente-trois compagnons de Gexer; 8. Expédition contre l'oiseau Xarabsar pour obtenir du lait de la femelle, des larmes des.oisillons et du sang du nez du mâle; 9. voyage en chine - avec l'excursion chez la grand-mère

REcHERcHESsun r,,É,popÉe ET LE BÀRDE AU TrBET

6I

céleste pour obtenir les objets magiques nécessaires à ce voyage; 10. Geser transformé en âne par le démon Lobsoga et sauvé par sa femme Alma-MorgonXatun; 11. Expédition-.contre Lobsoga et ses trois sæurs (avec variantes); 12. La femme Tômôn Jargalang, partie chez le démon à quinze têtes, aiÉe Geser à tuer ce démon, puis retient Geser par une nourriture d'oubli; 13. Invasion du pays de Geser par les trois rois Sarabul (s) et I'expédition de Geser contre eux; 14. Expédition contre le démon invincible Gal-dôlmôn-xan. En 1900, Curtin (sans date, préface de 1909) recueillit à Usturdi (un peu au Nord d'Irkoutsk) une histoire de Gesir Bogdo de la bouche d,un nommé Manshut (op. cit., p. 39; 86-89, avec sa photo) qualifié de l'épithète ( un sage D(45).C'est sans doute le récit < Gesir Bogdo, no III , (p. 134-163) qui est dû à Manshut (Curtin ne spécifre pas). Des deux autres fragments, < Gesir Bogdo no I > (p.727-129) a été raconté par Sckrtaryoff; < Gesir Bogdo no II l (p. 130-133) est dit être une version de no I. On trouve de plus, conté par Arhonoff, un petit récit intitulé < Esege Malan et Gesir Bogdo r (p. 122-124). Mais le cycle de Gesir Bogdo raconté par Manshut comportait encore deux autres récits, celui du Héros de Fer, frère de Gesir (p. 164-177) et de Ashir Bogdo, son fils (p. 178-185). Le récit d'Esege Malan (le Créateur) et de son petit-fils Gesir-Bogdo représente le prologue. Le fragment no I contient surtout la descente sur terre, le no II la naissance et la soumission de divers démons. Seul le récit no III est assezcomplet et correspond à celui de Xangalov (prologue; naissance du héros, essais de le détruire; son mariagel trahison de ses trente-trois compagnonsl expédition contre le démon Gal Nurman Xan; extermination des frères de ce démon, d'un jeune démon de force égale (le cinquième frère) et du vieux père-démon; naissance d'Ashir Bogdo, frls de Gesir; voyage difficile et conquête d'une deuxième femme (céleste); Gesir est changé en cheval de labour par cette femme, mais sauvé par le Héros de Fer, son frère, et Ashir, son fils. Ce récit egt suivi de I'histoire du Héros de Fer (p. 164.177) partant à la recherche d'une femme (voyage périlleux, lutte avec des démons), et par celle d'Ashir, également à la recherche d'une femme. Ces deux histoires sont construites sur le modèle du voyage de Gesir du conte no III, à tel point qu'on peut parler de doublets. Il ne peut faire de doute que les récits recueillis par Curtin ne sont que des résumés. Manshut, son informateur principal, a tout fait pour éviter l'étranger(r01.Les travaux d.eZamcarano (1918, tOeO, test; nou; montrent ce dont ce ( sage r était capable. Buriate (az)lui-m@ms, mais préparé au travail scientifique par l'école d'Irkoutsk et la faculté de Saint-Pétersbourg, Zamcar^no était d'autant mieux qualifié pour recueillir les traditions indigènes qu'il en avait assimilé beaucoup dès son enfance par f intermédiaire de son arrièregrand-mère, sa grand-mère, son grand-père et son père (1918, p. xr). Des nombreux chants épiques qu'il a recueillis, nous ne retiendrons ici que ceux qui ont trait au cycle de Gesar. En 1903, il avait d'abord recueilli, à Kuda,

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R.-À. srrrN

de la bouche du bouriate Petrù Mixâxanoy, un fragment Qe début seulement) d'un < grand poème héroique en vers , appelé Xan Bugd,ù,r Xd,ni Xd, ÔEir XAbAn (Xa OËir, frls de Geser). Il en recueillit une autre version, complète (as), semble-t-il, de la bouche du n rhapsode > Jolbôn Salbafai (ou Salbikov) en 1906. Les deux versions ont été reproduites dans Zamcarano (1918), la première en 500, la seconde en 4.365 vers. Une traduction du fragment a été donnée par Rudnev (i925). Mais c'est au département de Kudinsk, également (4e)ManËûd Emegein (50)un en 1906, que Zamcarano reçut du barde bouriate cycle complet en trois parties : 1. Abai Geser xùbùn (1930, vers 1-10.592); OËir, Ashir, fils aîné de Geser) (sr) (1931, vers 2. O5or-bogdo xùbùn (: (52), (1931, 10.593-14.388) et 3. Xùrin Altai xùbùn (frls cadet de Geser) ce grand poème épique de plus de vers 14.389-22.074). Malheureusement, 22.000 vers n'a pas, que je sache, encore été traduit. D'une lecture rapide, faite sans connaissance du dialecte bouriate, il semble résulter que le récit couvre tous les épisodes donnés par Curtin, sauf peut-être les av_entures du Héros de Fer que je n'ai pas pu trouver dans le texte édité par Zamcarano. Les Bouriates parlent de l'épopée comme des < Neuf branches du Geser o (Geseri jùhen Hald,, Roeich, 1942, p. 301). Potanin (1893, II, p, II3 : yexon xala)les résume ainsi : 1. Prologue, envoi sur terre du fils céleste, sa naissance, sa jeunesse et son mariage avec deux femmes; 2. Chasse aux bêtes sauvageg et mariage avec la troisième femme; 3. Oktor, le < lion > fbars?l bigarré; 4. Le roi de Chine, Gûmen; 5. Geser changé en âne par Lobsoga; 6. Maladie de Geser et sa victoire sur le démon à quinze têtes; 7. La guerre avec les trois rois de Sarabul [: SiraiZol : Hor] ; 8. La victoire sur le démon Gal-DôlmôXan; 9. Dernière guerre et victoire sur Lobsoga. D'après Potanin, d'autres Bouriates divisent l'épopée en trois branches, le reste étant des récits sur divers guerriers et rois. Habituellement, après avoir achevé le récit sur un guerrier quelconque, le conteur ajoute que c'est là une des rt branches > &t Abai Gexer Bogdo xan. Ainsi il y aurait non pas neuf branches, mais des dizaines et des centaines (loc. cit.\. Les < neuf branches r ont été ensuite éditées (NamËil Baldan, 1941) et tra. duites en russe (inédit, Kozin). Braginskii (1955, p. 28-29\ en donne le résumé suivant. Prernière branche. La guerre entre les 55 tengri bons de I'Ouest, avec leur chef Xan Xurmas, contre les 44 tengri mauvais de l'Est conduits par Atai-Ulan. Vainqueur, Xan Xurmas coupe Ata-Ulan eî sept morceaux et les jette sur la terre. Il en sort des démons nuisibles aux hommes. Pour sauver ces derniers, il faut envoyer sur terre Buxe Beligte bator, frls aîné de Xan Xurmas. II" branche. Ce fils renaît sur terre sous forme de garçon moïveux, frls d'une pauwe vieille estropiée, et reçoit le nom de Geser, Sa mère est guérie miraculeusement. Déjà pendant son jeune âge, Geser prouve sa force et son habileté. Dès le début, son ennemi est l'oncle Xara (le noir) Zutan. Grâce à la victoire remportée dans une épreuve (course), Geser se procure trois femmes : Tumen-Zargalan, Urmai-Goxon et Alma Mergen. III" brariche. De la tête

nEcEERcEES sun r-'ÉporÉn ET LE BARDE AU TrBET

63

d'Atai-Ulan est issu le démon Arxan Xara Sudxer, c'est-à-dire < Arxan-diable 16i1 r, qui est suspendu entre ciel et terre et s'efforce d'avaler la lune et le soleil pour plonger la terre dans une obscurité éternelle. Geser le vainc et sauve pour les hommes la lumière du soleil et de la lune. IT" branche. Le monstre de feu (flambant) qui dévore tout, Gal-Nurmïn-Xan, également issu d'AtaiUlan, cause aux hommes de cruels dommages, Geser le vainc et distribue les richesses pillées par ce démon aux hommes qui en avaient été victimes. I/" branche. De dimensions énormeso le tigre Orgoli, monstre bigarré, avalait le peuple et tous ses biens. Geser le tue et retire de son ventre toute la richesse avalée. Il la distribue aussi au peuple. VI" branche. Monstrueux croquemitaine avec une queue de fonte noire, le féroce Sïrim Minata avale toute la tribu. Gesar le vainc malgré les intrigues de Xara-Zutan. VII" branche. Victoire de Geser sur le méchant monstre Abarga Sesen Mangadxai qui, avec I'aide de Xara Zulan, a enlevé la femme la plus âgée de Geser, la belle Tumen-Zargalan, Après quoi Geser retourne heureux arrec sa femme dans son domaine. trlIII" branche. Victoire de Geser sur le dragon terrible Loir Lobsogoldoi qui, à I'aide de sorcellerie, avait transformé Geser pour quelque temps en < ânetravailleur ,. Un grand rôle dans le sauvetage de Geser et sa victoire est joué par sa femme Urmai-Goxon. IX" branche. Victoire de Geser sur les xans Saraidai (Sorogoldoi) ( tyrans-agresseurs, détestés par le peuple r, engendrés par Atai-Ulan. Le chiffre neuf est sans doute classificatoire. Il doit indiquer une unité sans gu'on soit d'accord sur les éléments. On verra que le xyt. Ling porte un soustitre a tableau en neuf sections ) et que le xyl. Gyantse (chap. il,a) mentionne une série de neuf chapitres. Je ne puis rien dire du contenu du petit récit en prose (Geseri ttxe) des Xori-Buryat d'Aginsk, publié par Poppe (1936, p. 37-38). Un récit assez fragmentaire, aberrant, fait de bric et de broc, a été recueilli par Potanin (1883, p.25I-256) de la bouche d'un certain Manzanov, Bouriate instruit - sachant lire et écrire - de la région d'Alarsk (prologue, conception miraculeuse, naissance, opposition de l'oncle, mariages successifs avec deux femmes, initiation, expulsion de la première femme, sa reprise chez le démon). Dans le même ouvrage (p. 330), Potanin donne encore deux petits fragments Dôrbôt qui relient Geser à l'origine du feu. Il est également question de Geser comme inventeur de la vodka chez les Urianxai (op. cit., p.212), et un dicton prouve que la légende de Geser est connue dans I'Ordos (Mostaert, l94I) (53).Quelques remarques sporadiques attestent le Gesar également chez les < Ôlets et les Yegurs r de la région de Kan-tcheou et de Sou-tcheou. Ils le raconteraient < en rédaction tangoute r, c'est-à-dire se rapprochant de la version tibétaine (Potanin, 1893, II, 113). Ces rr Yegurs r doivent être les < Shera Yôgurs > de Mannerheim (1912, p. 3I) qui connaissent un ancêtre célèbre nommé a Khor Geser Rdjalu r [: Hor Gur-ser (il) rgyal-po, mots tibétains] et les n Sara Yugun du P. Hermanns (1942) qui, d'après cet auteur, parlent un dialecte mongol

R.-4. srnrN

&

archaïque (p. 80). Cependant, d'après le P. Hermanns (1942, p. 8I), ce sont les (Xara) Yugurs (les < Sarô r de Mannerheim) - parlant un dialecte 1rr1ç(65) - qui considèrent le roi des Hor comme leur ancêtre. Déjà dans la seconde moitié du xvrue siècle, Sum-pa mkhan-po Ye-çes dpal-'byor atteste I'existence de l'épopée chez les Sa-ra Yu-gur (Autobiographie, p. 6). Tous les autres récits mongols, Oirat (Kalmuk), Xalxa, Buriat, sont connus par des manuscrits. Nous en parlerons dans le paragraphe suivant. Une version orale xalxa a été notée et traduite par Poppe (1955). Elle débute avec la jeunesse et se termine par la guerre contre les Hor racontée de manière très sommaire. Geser y apparaît sous le nom d'Altan Bogdo khan. Enfin un proche avenir nous fera connaître, j'espère, une version orale très étendue en monguor, le dialecte mongol le plus archaïque. Le Père Dominik Schrôder (S.V.D.) a bien voulu me confrer qu'il existe chez les Monguor (T'ou-jen, en chinois) un chant de co. vingt mille vers dont il a pu noter douze mille sous la dictée du barde t'ou-jen Wang Wen-yu (Gnâmbo-6dâia), âgé de 45 ans (cf. Schrôder,1952, p.3, I2). Il s'intitule Rëdziôtr-xua(56) ou Geser rëd,zia-u;u (1 tib. rgyal-po, roi). En attendant la publication de cette version importante, on peut en saisir quelques bribes (Schrôder, 1953). A en juger d'après ces morceaux, la version monguor ressemble, au moins à son début, à l'une de celles rapportées par Potanin (Tangout A). 5o EN runc

:

Il reste encore à signaler une dernière ramiûcation des versions orales. Il s'agit d'un fragment en turc de Sibérie méridionale, provenant des Soyones (sur la rive du Kara Kôl), édité en transcription et traduit en allemand par Radloff (1866, p. 424-&29). C'est le conte de Pagai Tjûrû. Dans son iltroduction (op. cit., p. xr), Schiefner a déjà identifié ce personnage avec le Joro (Geser dans sa jeunesse) de la version mongole traduite par Schmidt. En réalité ce nomest lu Jiirii>Dziirû par les Mongols. D'où la formeTjiirû des Soyones (52). Le conte ne contient que l'expulsion du père de Tjiirii, les fiançailles du garçon et son mariage. Quelques motifs-doublets du Geser (également signalés par Schiefner, Ioc. cit,), se retrouvent encore dans le conte de Kan Pùdai (de l'Altai, op. cit.o p. 87) - un héros s'y appelle Sâdângkâi Kâsâr - et dans celui de Sartaktai Kâsâr (de l'Altai aussi, op. cit., p. 188).

V ersion s écrites, xylo graphes et rna,nuscrits. I. Xvlosnlpges

:

Laufer a signalé une version imprimée à Lhasa en trois volumes (1932, p. 95). Elle est restée inconnue (se) - si elle a jamais existé. J'ai publié (Stein, 1956) une version imprimée en trois volumes faites par les soins d'un des chefs locaux (t'ou-sseu; titre tibétain : rgyal-po) de Glin. La sériebomplète de cette

REcEERcEESsun r.,ÉpopÉE ET LE BARDE Au rrBET

65

édition comporterait pour le- moins quatre, peut-être même neuf volumes (se). Je l'appeterai xyr. Ling' d'après re lieu de sa publication (tib. Grifi-chan), le siège,des n rois r de Glin, siùé au sud-Est de Jyekundo url ivo.d-ôo".t a" r atslenlou. "t Io a. Ling, I$o) . dGra-lha'i

rsval-po

Ge-sar Nor-bu d.Gra:dur gyifrtogs-par

briod-pa LHa-

GIih, gab-cedgî-tko, (avectitre pr",rdo-r"rr."ri,r):'i;i.-ià'; #î#ir""," , 37 x 5,5 cm), 64 folios de six lignes, sauf les deux e f"uir"trigr"r. n*"rt"r;, -îol, Titre.en marge : tHa-Glin. Au fol. i ô ,r.r" image de Ua"i"Erii 2a deuximagesnonidentifiables,-lalégendeétant "" ilrislble.c.rop-h-r-;;ioi. oao , édité au royaume de Glin (Gliri rgyat-hhab tu bshrun_pal. Li ng,IIl . 'ram'gliri seri-ëhenskyes-bu'i,rtogspa brjod.pa ?as I'Khruris-grirî, me-tog ra-ba daù lrMa sa-bzuris,d'ar-d.har-mf"a-r" bâos.Mêmes ai**îi"*, zspllos' Titre abrégéen marge :'-Khruùs-grin Éol. r ô ..image padmasambhava; de foL 2 a, à gauche: Zi-ba-m"ho I:,"nî] (Santirâk6ita),i droit" , fcfrri-rr"n ,i", le roi Khri-sroi lde'bcan. colopùon, rol zg a : écritpar'Gyur-med rhub-bstan sur l'oùre àu chef de Glin, le lama ,jam-dpal_dbyaûs l" .l11L:llrf^.^f ifr mkhyen-brce_idban-po (1920-1892),sur la base de livres arrci"rrs'conservés a-uroyaume de Glifr (61).L'auteur a aussi tenu compte des corrections de Bu_ lha nor-bu et des conseilsdes ramasrfiiù-ma-pa résidant au pays de naissance ,j;$; de Gesar,à savoir môhog.-gyu,gl]f,-p.u: àË'r"r"", .a"-æ l4itpi,; (mort au début du xxu sièile), iGro-_,dul dpa,-bo;, Ë;;t"gil_;;." Ling, III : _ 'fam-glin Seù-ëhenskyes-busng:ryI"g gi rtogs-pa briod,-pa,ëha-bdun norbu rin-po-ëhe.Mêmesdimensi-ons,ttfûotioi. Tltù ôrégË , ,f"_rgyrg. Fot. t t, une image au centre; légendeillisibie. Fol.2a, d"i* i_"g;;T'gu""t" , Mi-pham,à droite : Ge-sar.For. 1Ir a : deux images;1égenae."itiisirËr. rorrg colophon (fol. 108ô et suiv.)-: Écrit par Kusirt-ahçâra 1","rta-ài."', .r" lettré r) MuniSâsana.ce nom n'est que ia traduction sanscrite de Thub-bstan -Jam-dbyaùs,compilateur de Ling II. Les mêmes lamas que ci-dessusont donné leurs conseils. Le compilaleur s'est inspiré des prrères de Mi-pham j*yes-pa'i rdo-rTe(ci. ci-après :i de son ioterp.étaiion esoté_ .{l*:9;l "; autres "; rrque\u"i.ll a aussitenu.comp.ede plusieurs versions dtt rTa_rgyug,à savoir : 1. Celle d'un médium (dp^",_:tlùde Hor-khog lregio" d" iuo/ùolioo, u,, Nord-Ouest de Tatsienlou); 2. teile lrgr:"à_àlrtooy Ragu A_mye,er 3. Une autreo yenue du Tibet central$9-!arde (dBus), àr, "irrq "hupitr"rËrl.

66

R.-A.

STEIN

b. XyI. Effir: Tout dernièrement, M-u D.A' Macdonald a pu acquérir un xylographe qui ferait partie de dix-huit chapitres tous imprimés à Dergué. La première p"g" *"ttqrr., mais le titre apparaît dans le colophon : ' Jam-gliù rgyal-po'i rnann'thar, d,Myal'glin rjogs-pa ëhen-po, mthoù-ba rafr grol, nan-sofi ëhos-kyi bskul'glu' XyL,,42,5 x B cm. (texte : 37,5 x 6,5 cm), à 6lignes; 229 folios'Titte abrégé en marge : dMYal-gliù. page2, de 4lignes, après un début illisible, commence par une évocation l. de GËar, lign e J e-ma-ho, rgyal-mëhog_Ge-sar Yid-bàin Don-yod, àabsllBoddam-la btags. Page 2 b rappelle le début de l'épopée : bd,ud.-riss bion vul dBui roi du Sud, meilleur des îajra d,harmd, seri'ha ka'ra-yel u (Au) iTntbylttpa, oajrdsana; au-pied de (à) rMa-khog, terre, la de ùtipa (glin); (au) nombril (dans) la famille des dieux de du sol; dieux des chef ,po*-ru, ,M".,gyï de la lignée lumineuse (des dieux); (celui dont) l_epère fut Lion enor-;it"t (Sefr : sen-blon),1a mère une nagi et I'entourage des paryQi-td.;(celui qui) ieçoit des offrandes des da-pi, qui a soumis à son pouvoir les divinités protec' trites, l'excellent vice'roi de Padma(sambhava); je le salue! '' où Le récit se termine, fol. 228o, par la mention : u fin du chapitre xvtrr ,Dan-ma bSam-grub (vieux ministre de Glin) va dans flnde après Cha-Ëan avoir fait un dernier résume des (êtres) à dompter, (cela) à la frn de l'Achèvement du Bien des Êtres qui est la conclusion de la Biographie du précieux Meilleur des Jina (Gesar) rr. Premier colophon donnant le titre : < ce Chant doexhortation à la Religion dans la Maorra-ire Réincarnation (l'Enfer), (chapitre) de I'Enfer ou Grand Achèvement dont la seule vue permet de se libérer soi-même, (chapitre tiré de) la Biographie du Roi du jambudaîpa; (ce _chant ou ce c-hapitre) a été écrit so, pipier chinois à I'encre de Chine par le bla-ma de 'Dan, Chos-kyi dbatr-phyug, qui I'a ensuite caché en < trésor , (gter) à l'ermitag-e de_l'étang Nord-ouest (ou du Byair occidenTal; Byafi-stod ëhab-kyi rjin' do Flerr"eî" bu'i d,ben-gnas)r. Suivent des væux : (ëes-pa'di-ni Glin-gi gduriDrag-rcal rd,o-rjes?? 'Gu(?)-Iog rMa-éhu'i rjifrnas rgyud, 'jin-pa rig:jin bton-pa'o). Ces colophons très importants confrrment le milieu et la région où l'épopée, ou du moins cette version, a été élaborée. Milieu de religieux rfriir-ma-pa et notamment celui des r,tiré du r cycle religieux du héros Gesar, roi de longévité de diamant qui apparaît en esprit >. Salut au puissant bla-rna He-ru-ka (86). Moi, Phrin-las rol-pa-rcal(8?), (moine au vêtement) déchiré, je suis arrivé au temple central de Khra-'brug(88), par le truchement de quelques rêves, le matin du l0 de la 5e lune de salbrug (1868). J'y ai renconrréle bla-ma, maître des secrets, bZad-pa'i rdo-rje... ))(8e). Fol. 4 b .' Fin du paragraphe, sKyes-bu ëhen-po'i srog-gtad, Ie-chan no. Fol. 5 a : Ge-sar sKyes-bu rdorje che-rgyal gyi ëhos-bln' ëha-çascam, < couché sur papier blanc , sur I'exhortation du moine sKal-bzaù nor-bu, de son disciple de l'Ouest, Rab-rgyas, et du bla-ma rDo-rje dpal-bzafr, olias sMad dBaù-phyug. Fol. 5 a-6 a : gYaù,sgye d.rub-lugs, rappelé le 14 de la 5e lune me-sprel (1896) par Mi-pham. Fol. 6 a-7 a : Rluft-rta sf,,an-pa'i ba-dan, < à nouveau couché sur papier le 19 de la x'lune (pas noté) de léags-rta (f870) r. Prières,IY : Sans titre, an folio [sigles comme ci-dessus; pagination en chiffres :383]. n Par 'iam-dpal rdo-rje >. Prières, Y : 'Jam-glin dufl-zla d,kar-po 'Bum-pa rGya-ëha Zat-d,Kar gyi phrin-las, rd.o-rje'i rluri-çugs. [Sigle : Na, Ajitaçastram; paginarion : 384-385, en lettres : L a-2 a. < Dit de la bouche de Mipham 'jam-dbyafrs dgyes-pa o. Prières, YI : sGa-bde'i gsol-bsd,us, d,gra-bgegs d,pufr|ioms tso)-[sigle : Na, sGa-bde'i gsolbsd.us; Ajitaçastran; pagination 386; I a,b]. u Ecrit par 'Jam-dpal nor-bu le22 d,ela 6e lune de sa-lug (1859 ou 1919?)., Prières, YII

:

ogugs-pa'i Ge-sar rgyal-po'i g-yaù:bod,, phyoa-g-yari lëags-hyu..[Sigle : Na, g-yaùJgugs; Ajitaçastram; pagination : 387-388; Ia-2b1. < Ecrit par Mi-pham au nouveau château de bKra-çis tha-rce le 11 de la 6e lune de ëhu-bya du 15e cycle (rab-ches) [1873] >. 4o sTag-gzig nor-'gyed, gàan-Ia mi-spel-ba'i rin-ëhen gter-bum. Xylographe, LB folios : 26 x 7 cm, texte : 18 x 4,5 clll., cinq lignes par folio, sauf Ib et2 o qui en ont quatre. Ni auteur, ni date. < Comme cette affaire importante du très saint Protecteur, Chef des Jinas, est d'une grande bénédiction et mène rapidement àla sid,d,hi,et comme une telle chose n'existe nulle part ailleurs, il ne faut pas la diffuser à d'autres. C'est là une instruction très profonde. Motus! >

REcHERcHEs sun l,ÉpopÉp

ET LE BARDE AU TrBET

Zs

ce petite texte a trait à la distribution des trésors rapportés à Gtin de la conquête de sTag-gzig.II a été acheté à Jyekundo à un lama ambulant par André Migot. 5o 'Jam-glin Ge-sar rgyal-po'i rtog-brjod, IasrsTag-gzig nor-rjofi, phaboot n6f gyed btan skor. - Xylographe, 38 folios, 29,5 x 7 cm; texte : 24,5 x 5 cm, 6 lignes à la page, sauf les deu_xp.remières(à 4 lignes); sigle en marge, au recto i ,Taggzigs; aa verso : Nor:gyed,. Même sujet que no 4 avec, en plus, un rite d'appel de bonne fortune (gyari:gug). Le_colophonindique que le texte a été compilé (bsgrigs_pa,o)par'le rnoine rjogs-ëhen-paPadma rig-'jin !0t) e1Uy le rite fut u""oàpli (trgrî6ù uo monastère bSam-'grub Dar-rgyas-glifr de Po-lu. Les planches furàt faites par che-dban rdo-rje de gsai-ra qui fut le subordonné de bsod-nams cherifl,-sd,e-mjod,'og-ma au monastèrede sPolu situé près de l'endroit béni par le rnaha'siddha Bi-rù-pa, au côté gauche du fleuve lBri 1Di"ho, Drechu; Kincha kiang). 'Jam-glirï SerL-ëhenNor-bu d.Gra:d,ul gyi bsaris-mëhod,,'phrinJas -60 ëhar-sprin. _-Titre abrégé : 'farn-gliri Ge-sar gyi bsaris-mëhod,,B fotios. Fait partie qui contient des biographies de saints et débute par la {ii Tyfggl".phe Table intitulée : chos loris sprul gsum-gyi rnarn-thar d.aù.ëhos-chanhi,a-thor bkod,pa'i d,kar-ëhags.Bibliothèque privée de G. Tucci. Cf. ms. no 41. En mongol : 70 lXyl. Pekingl Arban jiig-iin eJenGeserqayan-u toyuji@z). Xylographe, 56 x 18 cm, texte 4,6 x IJ cm; pagination indépendante, en chinoiset en mongol,pour chacundesseptchapitres:52 * 5 + lâ + 27 + 69 + 7 + 5 (+ l image) folios; sigle chinois : San-Kouo-tci.e(rrHistoire des Trois Royaumssr). Le versodu premierfolio, de huit lignes,porte deuximages: à gauche < Quormusdatengri (sa)> représentantune divinité centrale sur un éléphant,avecdeuxacnlytes;à droite : ne doit pas faire illusion. Il évoque généralement I'idée d'une première rédaction, antérieure à l'impression, d'authenticité et d'ancienneté. Une telle notion ne s'applique certainement pas aux manuscrits du Gesar qlue nous possédons, Mieux vaudrait parler de copies manuscrites. Au Tibet, comme pendant notre Moyen Age, les exemplaires d,un ouvrage imprimé sont souvent très rares. On se les prête pour les copier. cette copie peut naturellement être faite sur un vrai manuscrit ancien. Elle n'est cependant souvent que la reproduction d'un xylographe, faite parce que les planches sont généralement inaccessibles, conservées dans un monastère éloigné, et parce que I'impression présente beaucoup de difficultés. D'après Jen Nai-K'iang (1945, p. 22), tn certain nombre de moines de monastères sa-skya-pa posséderaient un original manuscrit de toute l'épopée et auraient pour métier de copier l'ouvrage pour d'autres. Il affirme que la célèbre maison d'édition de Dergué ne possède pas de planches da Gesar imprimé. Nous avons pourtant vu qu'il existe un xylographe édité par le < roi r de Lin-ts'ong sous les auspices des chefs religieux de Dergué et un autre imprimé au monastère rjogs-ëhen-pa de Dergué. Jen affirme aussi que les copistes mettent à leur travail autant de soin qu'aux copies des livres canoniques. Cependant, tous les manuscrits que j'ai vus abondent en fautes d'orthographe. Mais comme les xylographes en ont autant, il est impossible de savoir si le xylographe a servi de modèle au manuscrit ott uice uersa. Ceg fautes sont dues à la disparité entre loorthographe classique et la prononciation réelle et posent par conséquent le problème du rapport entre versions écrites et orales. Nous aurons à y revenir. La plupart des manuscrits distinguent le récit narratif et les chants par deux sortes de cursives, l'une - très déliée - pour le premier, I'suhs - plus carrée et lourde - pour les seconds. Les débuts de chants et les noms de divinités et de Gesar sont en général écrits à l'encre rouge, le reste en noir. Comme dans tous les autres manuscrits tibétains, les abréviations de mots et d'expressions abondent(e5). Les formules fréquentes sont également souvent abrégées. Ces abréviations sont signalées par un signe (x pour les manuscrits, : dans les xylographes). Les ouvrages qui ne s'insèrent pas dans le cycle normal des chapitres (prières, louanges, motifs traités à part) seront énumérés à la fin.

En tibétain Prologue Aucun

:

:

manuscrit connu (ce serait le Srid-glirl

ot

lUa-glin\.

R.-A. srurN

Vg Naissance et jeunesse :

1o fMs. Bacot.f Bacot a rapporté du Tibet oriental un cahier européen de 257 pages, numérotées 17 b-87 b, 89 a-I07 b, I09 a-I2B b (e6). Tout le début manque, et avec lui le titre général. Ce manuscrit est écrit en deux cursives, I'une - déliée - pour le récit, I'autre - carrée - pour les chants. Le cahier se divise en deux parties. La première, allant de fol.77 b à 100o, débute avec l'expulsion de ioru et se termine avec la prise de possession du pays de rMa et la course. La seconde partie débute, fol. 100 b, avec le titre suivant ; d,Konrnëhog-gsum gyi sprul-pa 'Jarn-glift, Nor-bu d,Gra,:d,ul thugs rtogs-brjod. gtan'L-gyi phreft-ba, las, Zi-lin rtu-rjort d,aft A-bse'i khrab[s)-rjofi, phab-lugs, Ge-sar hhri-la phebs-lugs bàugso. Une note intercalée dans le texte, fol. 70 a, donne une date. < C'est l'histoire de la naissance de Gesar (roi) du Monde, empruntée au nommé bSodnams dbafi-rgyal, moine, secrétaire (? kyis-d.rufl potrr rce-druri?) du Yan-çansi, le premier de la 6e lune de la 13e année du règne de Kan-çugs (:Kouangsiu), année me-phag (1887) (e7),,. 20 lMs. Hermanns.l Glirl Ge-sar rgyal-po'i lwund,erbare Geburtsgeschichte:'khrufis-lugs? ?fto-mchar...l d,ga'-ston lFreudenfest genannt]; fol. 1-I5 cités in Hermanns 1956 (cf. infra, nô 45). I/oyage en Chine : Jo frGya-le'u.l' Jam-glin Ge-sar rgyal-po'i rnam-thar la(s) rGya-le'u\sa), bsam-pa'i d.on-grub (bàugs-sho). Manuscrit en possession de M. Giuseppe Tucci, Rome;B X 33 crr',242foliosà 6lignes parfolio; cursiveàl'encre noire, sauf noms de saints et formules sacrées en rouge. Avant les ayentures en Chine, ce manuscrit place un long épisode au Mifrag (cf. p. 47,la liste des chapitres de Don-'grub, no 9), indispensable au déroulement du voyage en Chine. Ce dernier ne débute gu'au fol. 140 a. En classant ce manuscrit ici, j'ai suivi la liste de Jen Nai-k'iang et le xyl. Pehing, mais le manuscrit lui-même fait supposer, par allusions, que l'épisode de Chine se place, du moins dans cette version, après la soumission du démon Klu-bcan et des Hor (fol. 2 o). Un colophon termine le volume (fol. 24Ib): < om soasti! Gesar, souverain de Glin, incarnation du Porteur de Lotus Blanc (PadmapâariAvalokite6vara?) qui soumet tous [es ennemis], après avoir exterminé les (ennemis) terribles, tels que les Hor et le Démon, qui nuisaient aux êtres du Monde, les a emmenés au paradis de.,. Ensuite, pour soumettre la démone de rCi-na (Cina, Chine) et pour ramener Qe pays) à la religion, (voici) I'histoire de rGya-lis (< les Divisions [?] de Chine r)... [suivent des vceux]... Le grand pandit, le lama saskyapa de gCafr, ayant fait (rédigé) les coutumes et les aspects religieux, est venu en persônne à Glifr, (pays) bariolé (ss),

REcHERcrrEs sun L,ÉpopÉE ET LE BÀRDE AU TrBET

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Soumission d.u Démon d.u Nord. Klu-bcan : Aucun manuscrit connu. La conquête des Hor : Six manuscrits sont venus à ma connaissance, 4o lHor, ms. Pierpont.] Glifi sku-rje Ge-sar rgyal-po'i rtogs-brjod, riomchar rgya-mcho'i'phreri-ba las, Hor Glin gi g-yul:gyed, las-brcam-pa'i Ie' u d.pa'-bo' i sft.iri,-gi dgao-ston. Pierpont Morgan library, New York. Cote : M 339 (dans une boîte portant le sigle ; Cesa,rDoong). Manuscrit acheté pour la bibliothèque par B. Laufer en 1907 par les soins de S. Ch. Das qui l'a reçu du Panchenlama (cf. Laufer, 1932, p.96); 27I folios(loo), la plupart en T lignes. La première feuille manque. Elle a été remplacée par une feuille or) l'on lit, d'une main européenne (ou de S. Ch. Das?), le titre donné plus haut(101) et la mention : < This leaf was wanting at the beginning r. Une autre notice ajoute : o Gesar Doong, the Great Epic of Tibet (102) ; the original old manuscript obtained from the library of the grand monastery Tashi-lhumpo by S. Ch. Das (103)). Le titre est répété comme suit au f.ol.2 a : < d,ir'fam-gliri Ge-sar rgyal-po'i rtogs-pa-brjod.-pa'i rdor-gtam laslHor Glift, g-yul:gyed, byas-chul ëuù-àig briod.par bya-te. Comme l'indique le premier titre, ce volume ne renferme que le début de I'histoire, c'est-à-dire l'invasion de Glin par les Hor pendant l'absence de Gesar, et la défaite de Glifr. Le colophon fait allusion à la suite : ( ayant flni de raconter complètement, de façon plus ou moins détaillée, 1e... (titre)... voici la suite (le reste de l'histoire) : Nouvelle rédaction des lois de Hor; suivant I'ordre de gNam-sman, 'Brug-mo érige cent mille statues de Zala (qui est mort); comme elle envoie la grue, oiseau-support de vie (bla-bya\, en la chargeant d'un message(pour Gesar retenu chez le démon), l'armée du démon vient; le meilleur des rois (Gesar) lui-même va sur son coursier; Zalu, réincarné en faucon sans tête, chante sur la vie et la mort; I'arrivée(de Gesar) au Glin supérieur et d'autres épisodes tels que les épreuves (de fidélité). Regardez, établie à mes côtés, (cette histoire) appelée < Soumission des Hor ou Accomplissement des projets, grand chapitre du commencement de I'action, ou Epée qui tranche à sa base la vie des ennemis ! r. Malheureusement la suite, au dernier folio, est illisible (cf. cependant no 7). 5o lHor, British Museurn.l Glin sKu-rje Seri-ëhen Nor-bu d,Cra:d,ul yidbËin nor-bu'i mam-thar las, Hor phar:d,ul gyi skor, Che gnam-Iéags'khrul'lthor'bar(?)-ba'i gter-rnjod, bSam-don ltun: grub. British Museum, Or. 11378. Manuscrit provenant de Sir Ch. Bell;369 folios, à 6 lignes. Le récit commence par le deuil pour la mort de rGya-cha Zal-dkat (le Zalu : Zal-lu de Hor, Pierpont) et les signes qui déterminent Gesar à partir pour la soumission des Hor.

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R..a. srnrN

REcHERcITESsun r-,ÉpopÉr ET LE BARDE Àu rrBET

Le colophon débute au fol. 368 b : < I'histoire de ses (c'est-à-dire de Gesar) actes est une épopée à trois (aspects) : laique, religieux et ésotérique Qthyi nai gsart gswn sgrufi-yig). Parmi les innombrables parties, ce cÈapitre' de la soumission des Hor occupe trois cent soixante-dix-neuf feuilles. Quant à celui qli l'1 fait, le chef de district (sd,e-pa) Brag-?un, né dans la région pure de lHa-ldan (Lhasa), là où des rochers munis du décalogue (roa) sttalent, lorsqu'il fut préfet au château dans les bosquets agréables dei régions (catalogue provisoire, nJ 1067). Le débui de ce manuscrit est identique à celui des rnss Mon, British Museurn et Mon, Tucci. Le titre donné au début est factice. Le véritable titre est mentionné au cours du préambule z lHo-glin g-yul-'gyed la,sfdpa'-bo sfi,ifi-gi d,ga'-ston. Comme dans le rns, Mon, Tucci, ce titre est suivi d'une formule religieuse qui défend de réciter l'épopée à ceux qui ne croient pas en Gesar. Le colophon est également identique, au début, à celui des manuscrits Tucci (r32)et British Museum. Tous s'arrêtent après la vision. La suite des trois colophons diffère, ainsi que les dates($3). Celui du manuscrit de Leyde nomme dans un poème la terre d'élection mDo-Khams Zab l: Zal]mo'i sgafi, où un donateur de famille célèbre, non nommée, occupe le château Las-rab khafl de lHo-rjoù. Zal-mo-sgafi est la région de sDe-dge (Dergué). A la fin de ce poème se trouve la notice : < écrit le 5 de la 5e lune de l'année terre-fer (fB9I) par nous deux, le majordome Kun-dga' Che-riù et le scribe de bZi-ra, rNam-rgyal >. Puis, après quelques vceux, une nouvelle note : ( les corrections ont été faites par les deux moines du monastère de gZis-spro-dgon, nommés Rad-na-ma-ti et lHa-lëe Surya r. Le personnage important que fut certainement Bu-lha nor-bu nous est déjà

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Conquêtede sTag-gzig (Iran) : 24o lsTag-gzig, Tucci, I.l (d,e-yari)Glin-rfe Ge-sar rgyal-po'i rnam-thar laslfBod-kyi?l rjorifsl-ëhen bëo-brgyad, fëham-la phab?l-pa-laslsTag-gzig gs lbàugs]-so. nor-rjofi[sj' bebs-pa'i lo-rgy us à,es-by a-ba'i d.bu-phyo Bibliothèque privée de M. Tucci; 28 x 7 cm; 150 folios de cinq lignes; incomplet (s'arrêteau début d'un chant); abondeen fautes d'orthographe.Au fol. 3 ô on lit : .

25o lsTag-gzig, Tucci,lI.l'Jam-glin Ge-sardmag-gi rgyal-po yi rnam.thar mjad.l: 'jad.l-rned,rgya-mcho'i gtih-zab laslrTags l: sTagl-gzigfsl bd,ud-sd,e ëham-phabsnor-rjoft, gyilsl g-yari-blari, nor-bu'i phreft-ba. Bibliothèque privée de M. Tucci; 32 x 8 cm,290 folios ù six lignes; ee termine par la frn d'un chapitre, sanscolopbon.Le récit n'est certainementpas achevé.Au début du manuscrit on lit la même formule d'introduction qu'au no 24. 260 fsTag-gzig, Washington.l sTag-gzig lg-yul:gyed.?l (le titre eet illisibte). Ce manuscrit, achetéà Kalimpong par J. F. Rock et dit provenir du Khams, a été acquis par l'University of Washington.Il est composédefolios de papier et d'écritures différents; 3I x 8 cm à six lignes, 456folios numérotésplus un folio qtlj porte le no 57, mais ne s'insère pas à cette page; certainsfolios manquent. Il n'y a pas de colophon, mais le récit est achevé.Il se termine par une prière. 27o fsTag-gzig, Copenhagen.j' fam-gliri Seri-éhenrgyal-po'i mam-thar las sTag-gzig nor-rjoù,fsf'bebs-chul, d,gos:dod,lcun:byuft phas-rgol d,puft'joms.

Titre pseudo-sanscrit en écriture lantsa(noire)et tibétaine(rouge); 479folios; bien écrit, avec quelques miniatures montrant Gesar (1 b : sleyes-mëhog Seù-ëhenrgyal-po) terrassant démons et ennemis, son frère aîné rGya-cha Zal-dkar (2 a gauche),le général 'Dan-ma gYul-rgyal thog-rgod et, à la fin (fol.479), un stùpa. Pas de colophon. Ce manuscrit provient sans doute de Reting (Rva-sgren).

R.-A. srnrN

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REcHERCHESsun r,,É,popÉeET LE BARDEAU TIBET

Conquête d,e Kha-ëhe (Cachemire) : 2$o lKha-éhe, Tucci.] Kha-ëhe g-yu-rjoùlblrtogs-brjod.'phrefi-ba skyes-pu l: b"] rnamlsf-thar no-mchar-ëan b{ugs.

Conquête d,e sBe-ra (Binnanie?) la.s, Ma-saù

Bibliothèque privée de M. Tucci; 69 + lM I 48 foLios;34 x 8 cm à six lignes; cursive très rapide de plusieurs mains, difficile à lire. Le manuscrit est divisé en trois parties, chacune avec une pagination indépendante. La oKhrug (Kha-ëhe, lutte, supérieur) et se première a pour sigle Kha-steri, termine (69 a) en rappelant le titre général : Kha-ëhe g-yu-rjorï 'bab-pa'i rtogs-brjod,le sous-titre étant à peu près illisible. La seconde partie a pour sigle Kha, bar, 'khrug (moyen) et le titre Kha-ëhe'i g-yu-rjori, blo-ld.an sfr.ifi-gi bd,ud,-rcilas, ba,rlkhrug dpa'-bo'i ùa-ro. Il se termine par un rappel du titre (Kha-ëhe bar:khrug kyi spu-gri, dpa'-bo'i nar-glu'o) et des vceux pour le scribe et le donateur. Enfin la troisième partie (sigle ; Kha,'khrug) porte le titre: Kha-Gliri g-yul-hhrug-gifs]shabs-ste gsum-pa,pha-rol'dul-ba'i g-yul-Ia rgyal-ba'i dga'-glulblskor. Pas de colophon. )Ço lKha-ëhe, Kalimpong]. Ma-saft. Ge-sar rgyal-bus l: bu'il rtogs(?)brjod (?) Kha-ëhes l-- ëhe'il g-yu-rjofi(?) phab-pa'i gtarnl'gro-ba'i yid.-kyi gd,un... (reste illisible);230 folios de 7 lignes; 33 x 8 cm, texte :26 x 4 crn; sans colophon. Conquête d,es Gru-gu : 3go fGru-gu, Tucci, I.] 'Jam-gliri slcyofts-pa'i pho-lha Ce-sar d.rnag-gt. rgyal-po'i rtogs-brjod las, Byari-thaù Khru-gu gYu-rgyal-sTobs-ëhen Thogrgod rgyal-po rnha'Jba,ùs d,bafi-d.u bsd,us-çirigo-rnchon g-yaù d.afr.blaftfs]-ba'i rnamfs]-thar, yid,: phro g sfl,ifi-gi d,ga' -sto n. Bibliothèque privée de M. Tucci; 8 x 33 cm, 6lignes par folio; numéroté de fol. I à 300, plus fol. 303. S'arrête sur un chant annoncé, 'mais pas donné. La suite semble donnée au manuscrit suivant. Une coupure, avec un titre de chapitre, se trouve au folio 251 a. 3Io [Gru-gu, Tucci, II.l Pho-lha Ge-sar dmag-gi rgyal-po'i rtog-brjod las, Byafi Gru-gu rgyal-po d,bari-d.u bsdus-çin go-mchon g-yafl du blaftlsl-ba'i bar-gy i ëha-g a, d.pa' -bo sfr,ift-g i d.g a' -st o n. Également en possession de M. Tucci; 349 folios numérotés, à six lignes; 8 x 33 cm. Débute par un chant. Comme le sous-titre l'indique, c'est la seconde partie de ce récit qui ne s'arrête pas avec ce manuscrit. Un dernier volume manque donc à la série. Le manuscrit s'arrête au beau milieu d'une phrase (< le grand ministre Cha-Zan 'Den[: Dan]-ma . Byafi-Khra dit : r).

89

:

32o fsBe-ra, Migot, L] Bod.-skyofi, d,gra-bla'i lrgyall-po d,gra:d,ul gyis rjori sdefrje?l-grt.issBe-ra gYu-khri ëhorn l: churf: chull, no-mchar gtarn-gyi d'ga'-ston.

Ge-sar Nor-bu ëhaml-Ia'bab-

Collection privée de M. André Migot; 200 folios à six lignes, numérotés de I à 199, le fol. 115 étant compté deux fois; 34 x 7,5 cm. S'arrête au milieu d'une phrase. 33o lsBe-ra, Migot, II.l'Jarn-gliù, Ge-sar rgyal-pos sBe-ra gYu-khri rgyalpo ëhornf-ëharnf-la phab char 'phros, yid.:phrog sfliù-gi thig-le, Ri-nub Dar-srnan rgyal-mo ëhomf: ëhaml-la phab-lugs, rio-mchar gtam gyi rjoribrgya[?], dga: -byed, dbyar-rfia' ilsl sgra-dbyaris. Collection privée de M. Migot. Comme le précédent, ce manuscrit a été acquis dans le Khams; l36folios (fol. 80 manque) à six lignes; 34 x 7,5 cm. N'est pas la suite directe du manuscrit précédent, mais représente bien la seconde partie du récit commencé au no 32. On lit au début (fol. 2 b) : o Ici on raconte comment on prend l'essence de la Soie de Ri-nub >. A la frn on mentionne l'envoi de la reine de Ri-nub et de son fils à sBe-ra, puis : n alors on est proche de la conquête du château de la Soie dans l'océan des confrns. Jusqu'ici on a raconté comment, au temps du souverain Khri-Ral, roi du Tibet, le royaume étranger de Rinub, fut réduit (au pouvoir) de Glifr r. Il semble donc que cet épisode se poursuit encore. Rinub est parfois écrit Mi-nub (par exemple I, 86 ô) qu'on identifie généralement avec la Birmanie. Ltt sBe-ra 11, on parie d.e rncho Ri-nub Dar-sman rgyal-mo r Reine, fllle de la Soie de Ri-nub de l'océan r, ce qui correspond au mtho Mi-nub rgyal-rno d,ela liste des chapitres de Roerich. Descente en Enfer : 34o fEnfer, Bibl. Nat.\ Ma rnGo l:Gogl-rno rian-sori gnas-su 'hhamlsfnas Ge-ser rgyal-po'i(s)'dren-stabs rnjod. f: mjad,l-pa'i dbu-çoglsl bZugsso[gs]. Bibliothèque Nationale, Paris, fonds tibétain, no 804; manuscrit d,e2\folios, rempli de fautes d'orthographe; marqué pa eî marge (donc le treizième chapitre d'une série?), 35o lEnfer, Kalimpong.l rGyal-mëhog yid-bàin nor-bu Glir\-rie Ge-sar rgyal-po'i rnam-thar las (?) dMyal (?)-Gliù, rjogs-pa éhen-po, mthoft-ba raùsgrol, ùan-softpho... (reste illisible) ; manuscrit incomplet (I20 folios), consulté à Kalimpong; cf. cidessus, Xyl. Enfer, p.66.

90

R..4.

STEIN

Dioers et Prières : 36o Titre inconnu. D'après Roerich (L942, p,280), la Library of Congress posséderait. (16) Le démon du Nord, Klu-bcan. Ce chapitre æt aussi appel,êByaù-GIin. Il est en relation avec I'amazone (ilpa'-mo) A-stag lha-mo du Nord (Champas.). (1?) Région de Li-kiang, frontière du Yun-.tn. (r8) Tribus de I'Himalaya. On dit aussi : Rofl-gliù a lHo-glin. (1e) Le livre sur Kha-ëhe parle de la conquête de Sog[s]-po A-drag. Le P. Hermanns a eu l'obligeence de me faire savoir qu'il possèdele récit sur A-grags lha-mo de la version de I'Amdo. Le traduction qu'il en a faite reste inédite. Les hésitations orthographiques ramènent à m nom prononcé A-dag (lha-mo). Lo ms. sBe-ra 11 range, après sTag-gzig, la conquête de A-grags Nima gregs-pa; et Ie zrs, Gru-gu I connaît Sog-luù À-grags. Il en résulte que A-grag, A-drag, A-brag désigne un pays au Nord du Tibet. (go) Aussi appelê Byah Bye-ru u Corail du fi61d r, n château du conil r (byur-rjort, ms. Gru-gu 1,44o).

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(rr) Jusqu'ici I'ordre des chapitres eet confrmé par Ie m* Kha-ëhe (Sources, no25) qui énumère dès le début les épisodes qui précèdent ce chapitre. Ce sont, après Ia jeuesse et I'intronisation de Gesar, Klu-bcan du Nord, Hor Gu-dkar, 'Jan Sa-tham, LHo Çiù-khri, zuô (Ouest) sTaggngs, Sog[s]-po A-drag, Bye-ri et Kha-ëhe' (82) Ce pays a fait du commerce fu f,hire, Khro-thun e tué des commerçânts : c'est le "vsg motif de IiBguerre (Champas.). (s8) Roerich me signale que ce Sog n'a rien à faire avec la Mongolie (cf. ci-dessus, note 6), mais désigne les nonrades Sog de rGya-sde, entre Nag-ôhu-ka et ehab-mdo (Chamdo). (,a) Cf. plue bas les deux manuscrits de Gru-gu appartenant à Tucci. Les Gru-gu y sont situés au Nord-Est du Tibet. Ils envahissent le Tibet Central qui appelle Gesar à I'aide. C'est dGra-lha, fils de Gesar, qui fait sa conquête. (25) Chinois Sou-pi; karoqthi Supiya; de nos jours, nom de lieu de la région du Kokonor. Les Sum-pa ont volé le /o-bo (statue du Bouddha) de Lhasa. Gesar aide le Tibet contro les Sum-pa (Champas.) Selon d'autres, le Sum-pa est le ( trésor r des vaches mjo qre Gesar amène à Glin. (r0) A-borigènesdu Sud-Est du Tibet; d'après Roerich, Glo désigne les Lolos, rnis les TibétÂine l'étendent à d'autres tribm. (2?) Champasangta connalt aussi le chapitre d,e I'Enfer appelé,dMyal-Gliù rjogs-pa ëhen-po n Enfer et Gliù > ou u Grand Achèvement > (cf. plus loin un manuscrit et me peinture de ce chapitre). (28) Cf. op, cit.,p.287-2æ : degcented'un fils divin sur terre, sa naissance,essaieiD.fructueux de le détruire, mariage de Gesar avec 'Brug-mo. (28) < Soumission r serait plus emct. P. 291, Roerich ajoute que ce volumo contient aussi Ie mariage de Gesar avec la princesse chinoise Kot-jo. (ao) Quelgues notes supplémentaires provenent de cette version ont été insérées danLeLower Ladakhi oersion, p. 73-74. (41)La'i-rdo, près de Tagmacig, lieu qui fait partio du Pruig (4. H. Furvcrn, 1921,' p. 72). (3s)Le chanteur est généralement incepable de répéter son chant en le dictant lentement. Il s'embrouille, perd le û1, improvise. On a à ce sujet de bomes observations do Radloff gue nous aurons à utiliser (reproduites dans Cruowrcr, 1940, p. 180). Pou obtenir une véritable version orale, m document absolument s frais ,, il faudrait des enregistrements sur m4gEétophone directemelt pris sur Ia récitation et d'rm barde opénnt dans son milieu naturol. De tels enregistrements ont été faits par S,A.R. le prince Pierre de Grèce et du Danernark qui a eu la bonté de les mettre à ma disposition (notamment le chapitre bDud). (8) Le parler d,el"And,o,Rome,Istituto Italiano per il Medio ed Estremo Oriente, 1958. (sr) D'après Devro-Norr- (1931, p.29a), l'épopée de Gesar se termine avec la victoire eur le démon du Sud (çifi-khi). L'expédition au Ta.zig serait la première d'une série de campagnes menées pour dotc le peuple de Ling de tous les bienfaits. Eltre serait suivie deg histoires de butin d'or chez les Mongols Torghoutes, des étoffes de soie (pays pas indiqué) et du thé de la Chine, épisodes que David-Neel a eupprimés. On y reco.'nlt les chapitres Sog ou Gru-gu et Mi-nub du Tableau ci-dessus. (86) Les Balti ont connu I'histoire de a Késer, roi du Petit Tibet u (c'est-à-dire du latlakh et du Baltistaû), cf. Ssrw, I867-LB6B, p. 287. tæ) Voir un bref résumé dans Rorntcr, 1942, p. 303404. (3?) Qui senit le Hunza (Lonruun, 1931, p. 119). (38) Cf. chap. IU, ( Traces r, no 89, (8s) e'pi, cf, tib. a-plryi. (a0)Nousverronsquecertainsthèmes duGesar tibétêinserattachent aucyclode Midas. (4) A l'Ouegt du lac Baikal et au Nord d'Irkutsk. (as) Les variantes indiquées en note supposent plusieurs conteurs différents. Xlueer.ov précise (op. cit., p. II7) qu'il a noté les paroles du conteur Pyetkov Tufimilov et cellos de gon propre père. Les deux informateurs firent des réserveEen disant qu'ils n'avaient pss conté oetto

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R..A. srErN

histoire depuis longtêmps. Xangalov ajoute qu'il a aussi profrté de quelques fragments supplémentaires et de quelques noms propres recueillig chez d'autres Bouriates. (la) L'épisode prouve que dans son nom Uxa-Lobson-xan, Lobson corespond au tib. KIubcan (pron. lubtsan); cf. le conte no I des Pallad.ins du Ladakh. ({a) Le contexte prouve que ce mot corespond à Sirai),ol. II s'agit des trois rois Hor. ({5) Curtin semble avoir utilisé un interprète. (16) Curtin a véritablement dû lui faire la chasse, cf. op. cit., p. 87-89. ('?) ClÂn Serait des Xori-Buriet, né en 1880. (ea) Bouriate qui avait alors 53 ans. (1e) Des Exirit (ou Exrit)-bulgar, tribu bouriste du gouvernement d'Irkutsk, (ao)Aussi écrit (1918, p. xIt) : Manétt Imegëjev, alors âgé de 56 ans, de la région de Kudinsk. Il commença à réciter les poèmes épiques à l'âge de vbgt ans. Son père et son grand-père étaienl églement des < conteurs D. Il était de coudition pauvre. (5r) Sous-titre : abai Geseri eJênjixe rùbûn. (52) Sous.titre t Geser-bogdointëli xùbûn. (58) Cf. aussi Pourrn (1893, t. II, p.1I3) qui dit qu'il a entendu une version d'un certain Puntsuk, originaire de I'Ordos (rotun : IJëin) qui lisait un liore imprimé. Aussi son récit était-il presque identique à la version de Péking. (5a) Mannerheim 4 mal snlendu et a confondu Geser : Gesar avec Gaser : Gu-ser. Porerw (1893) ,qui a commis La même erreur, a du moins transoit Guser (cf. ibid.,I, p. 3 : Xor: fl61 Çs1-rller rgyal-po; et p. 35 : Kuig kerker-javu, mnie plse loin : Xor-Kuker-javu [: Gur-nag], Kerker [: Gur-dkar] et Kuser [: Gur-ser]). (66) Mais les texteg donnés par Hermanns renferment des mote tibét4ins et chinois et certains noms propres de leurs légendes semblent être d'origino mongole. (5t) ScERf)DERdit (1952, p. 71) que rëd.ziôn signifro ( monter À cheval D et propose d'y voir lo lib. àon, C'est impossible. La pbnse qu'il cite p. 68 et qu'il spéciÊe ètre ttbétaine, Iaudzë 'ïdo rëdzidit,: n Obo Pferderennen ,, correspond à tih. la-rce rtar-gyug. Donc, rëd,zidù : tib. rgyug ( coliltr r, faire des courses D. Cf. le titre du troisième volume du Gesar tibâtain (ryl. Ling) rTa-rgyug rla courger. Quant à.*zô, Scunooen (p.68) donne deux exemples où ce mot signiûe c Sagen r (récits épigues). C'est peut-être le chinois houa < paroles, histoire r. (5?) J'ig[ore le sens de Pagai qui doit sûrement être pris pour une épithète. (rs) Je n'en ai trouvé trace dans aucrme bibliothèque, Au cours de son long séjour au Tibet et à eesfrontières, Ronarcu ne l'a pas vu non plus (L942, p.279), Il signale cependant qu'il existait à Berlin (Musée Ethnographique) un imprimé, faisant partie de trois volmes, envoyé par les frères Schlagintweit. Cependant Scsmrrea (1864-1868, p. 47) aussi bien que ScnucrNTwrrr (1866, p. 2I) disent qg'il s'agiseait d'un manuscrir, er SclrûBERTG933, p. 582 o) le conûrmo. Voir plus bas, nrs. Uah,Berlin. (6e) Ropntcn (L942, p. 279) a vt des imprimés do la Guene a,uecles Hor (Hor-d,mag-skor) provenant du Tibet oriental (Khams). Cette édition donne un récit plus court que la version manuscrite et semble être due aux < Chapeaux Rouges, (Rnin-ma-pa). Ces traits caractérisent aussi l?édition d6 Tin.1s'6ng. Il se peut donc qu'il s'agissod'un des neuf volumes dont on m'a parlé. (60) Edité par R. A. Srnnv (1956); d. I'Introduction pour plus de détails. (61) Une phrase qui se trouve effectivement dans Ling //(Srrrx, 1956, p. 82) est déjà citée comme ( provenant de l'épopée du gouverain de Glin > en 1820. Elle existait donc déjà avant cette date (cf. chap. ru, ( Traces >, no 76). (321Op. cit., p. 6. (68) d,Bus-nos ma.r-byuh-ba'i rTa.rgyug la.rgyus sKor-lfto cam (fol. I09 ô). J'ai d'abord traduit (op. cir., p. 13) < due à Mar-byuir-ba de dBus r, mais il est possible de comprendre : ( venue en bas (c.-à.d. ici, au Khams) du Tibet Central -. (an) skyes.bu désigne I'ho-me extreordinaire, en général le eaint. Je traduis r [916s n pou le distinguer de 'phogs-pa a eeht r, I1 ge trouve gue le mot khotanais gui correspond à skyes-bu signifie aussi < hérog r, cf. H. W. Br,rl.ll, Analecta Ind,oscythi,ca" l, tn IRAS, octobre 1953, p. 103.

RECEERCEES SUR L'ÉPOPÉE ET LE BARDE AU TIBET

IO3

(er) Je dois à I'amabilité do M. Erik lfuarh I'information que la Kongelige Bibliotek de Copenhagen a récemment ecquis un exemplaire auquel il nranque également la Table et, par surcrolt, le dernier chapitre. (6) Je corrigerai désormais les orthographes fautives en plaqant entro crochets [ ] les lettres qui sont de trop, et enhe parenthèses ( ) celles qui manquent. (8?) Il y a d'abord rme introduction nurnérotée ko L a-3 ô,. puis I'histoire débute avec 3 a.ô (bis), 4 o-b et 4 o-b (ôis) jusqu'è 2I o. (oe) Les démons, le mal, le péché. (os) Le dernier/olio porte bien (ka, l6b); u Parmi tous les chante et væux d'oftande.. . comme il y a beeucoup do chapitres des oftandes, on les a (ici) résumés n (lca, IBa, b); ( Extrait de la prophétie de I'histoire (disant) qu'il doit soumettre le roi Klu-bcan u (&Àc, 2 a); n Extrait des paroles du roi Ge-sar t (kln, L2 o)1 < Extrait des paroles du chef rGya.cha dane son corps de faucon r (ga, 13 al1' n Extrait du chant du faucon > (ga, 19 a)i n Extrait du chapitre a Prédictions r du volume de ljafr; extnit des paroles du dieu protecteur personûel gSer-mcho D (no,, I bri n Extrait des paroles du cheval divin sKyaûs [: rKyaù]-rgod (ùo,zb)i nExtrait des paroles de Chans.pa, (ùa,60)l < Extrait des paroles do la forme mÂgrque du coursier eKyaù-rgod r Qlo 6b); a Extrait de lo prophétie du dieu Chans-pa , (iùo,I4 a), (7e) Khrotn-ëken-zil-gnon gyi tsun-rngur. (80) Exemple : sMa-ëhu pour rMa.èhu, skyan pour rlryoù. (8r) Cf. Sterr*, 1956, p. 9. (szl rob-ches.. a le cycle (rab-lbyunD qui porte le chifte symbolique ches: 15 r. Pour ces roms symboliquee des chiftes, voir Ia liete daûs CsoMr os Konos, I gromùctr of the Tibetan longuoge, Calcutta, 1834, p. 155-157. (8) Dhî nin-pas so. Ce Dhi est awei nommé plus loin. J'iFore si c'est là urr pseudonymo de Mi-pham. tu) Mi-phanvpa'i yi.d-l.as-so. (85) Le monsstère de sDe-dge (Dergué). (86) Dans cette prière, identifré À Padmasambhava-Haysgi (Pad-'byun rta.mèhog He. ru-ka, 3 o). (8?) Cê doit être M-pham. (aa) Célèbre monastère do la vallée du Yarlung, è I'Est de Tsetang. (60) Nom ésotérigue de Geesr.

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R.-À. srEIN

(so) r Résumé de prière à sGa-bde, ou Victoire sur les armées de démons ennemis r. Il e'agit du ëhos-slcyok (dieu protecteur) Ber-nag de sGa-bde, région de Jyekmdo. Pour le persorrrege, cf, ryl. Ling, Index; pour la région, voir plrrs loin l'exposé géographique (chap. r). (sr) Ce lame (L625-I697) fonda le monastère rJogs-Ëhen dgon-pa en 1685 dans le Ktrams (au Nord de Dergué).'C'est 1Àquburait été éditée l,a version imprimée du Gesar par des larnas rfrin-ma-pa (Roonrcn, 1942, p. 283). (sz) Tel est le titre de la première page. Celui gue donne le colophon est plus long ': Arban jùg-iin arban qoora-yin iind.iisùtui' tasuluqsan aëi-tu boyd,o Geser Mergen qa)/an qanuq dayisun-i d,oroyidayulju qamuq omidon-i Jiryayuhqsan dolod,uTar bôliih. Dans son dictionnaire, Kowalewski (p. rx) donne le même titre jusqu'à Mergen qo7an, svtvi de -u toywji (tigoris-gter) est ur ouwage révélé et découvert (gter-mo), r'on pas matériellement sous forme de manuscrit, mais imaginairement, par vision, rêve ou médi' tation. (13?)Dans son dictionnaire mongol, Kowalewski don:re bien aussi pour mongol band'il'éqai' valent sanscrit bandhya et tibétain band,he, bcun-pa, < lié par des vceux; maître, instituteurl bandhi, inférieur des ordres sacrés chez les Bâuddhas >. {138)Un barde tibétain récemment interrogé à Kalimpong, bsTan-Jin phrinJas (né à sDe' dge) qui a été moine à Sera et à Reting et s'est spécialisédans l'épopée, a parlé dans le même S"lo^ lui, l'épopée (Ge-sar sgruk) fut rédigée par sPyidpon Roù-cha Khra'rgan, < Ie "ài. premier des trente hêros (d,pa'-thul),, le doyen de Gliir dans l'épopée, Celui-ci aurait rédigé ie premier m chapitre, et chacun des autres héros en aurait rédigé un autre. Gesar aurait oz lei liares et aurait formulé des critiques au sujet de Ia rédaction et de la véracité des faits racontés (notes aimablement communiquées par Mme D. Macdonald). (13e)Ce sprul-sÀu appartenait à la secte < jaune I des dGe-lugs'pa. (uo) En chinois Ming-tcheng 'ljl it, t'ou'ttuu. Son nom chinois était Kia Lien'cheng [p (Djala, lÔagsJa) d'oir son nom de famille \Tf tt4. n était le descendant des rois de chata Kia. (ral) Dimensions : 59,5 x 83 cm; ni date, ni nom de peintre (pour la date, noter la présence du fusil à fourche); montées sur soie brochée chinoise, de couleur bleue, avec le mottf cheou, < longévitér. Certains numéros au dos étaient recouverts de petits morceaux de tissu rouge que je n'ai pas osé enlever, (u2) Désormais citê Peinture, I, etc. Pour faciliter leur identifrcation, j'indique entre parenthèses le nom de ta divinité peinte au cenûe du. thanka. (143)Pas de légendes tibétaines, alors que celle de Tatsienlou en a. (taa) Collection tibétaine no 2740-93. Su la photographie que M, Pott a eu I'obligeance de m'envoyer se trouve le n" 2740-13. Cf. Porr, Introd,uction to the Tibetan Collection of the Nat. Museum' of Et'hnology, Leiden' 1951' p. 78.

CHAPITRE III

ÉIÉIunNIS DE CLASSEII{ENT ET DE ITILIATION ..SOIJVENIRS ..TRACES IIISTORIQUES '' " DT

I

t

$ n È

Nous n'avons pas de documents anciens datés et nous ignorons tout de I'histoire de la transmission de l'épopée. La première version pouryue d'une date certaine est celle du xyl. Pehing (1716). EIle dérive d'une version tibétaine inconnue. Quelques colophons d'éditions tibétaines de la seconde moitié du xrxe siècle nous parlent du grand nombre de versions existantes et citent même quelques noms de bardes ou de médiums. Ces versions du xrxe siècle dérivent-elles d'un prototype qui serait le xylographe mongol de 1716? On n'y répondra qu'après un examen minutieux de leurs contenus, mais la réponse sera sans doute négative. Le problème ne se pose pas seulement historique' ment, mais aussi géographiquement. Chaque variante locale peut avoir son histoire. Telle version peut n'être connue que tardivement' LongtemPs transmise oralement, elle n'aura été notée que tout récemment par un voyageur curieux. Ou peut-être elle aura été fixée sur le tard par un auteur tibétain. N'empêche qu'elle aura eu sa propre histoire et est peut-être plus ancienne qu'une autre version attestée antérieurement. Certes les rédactions de Bu'lha nor-bu, du barde Ra-gu A-myes, de l'auteur venu du Tibet central et du médium (d,pa'-bo) de Hor-khog sont nécessairement antérieures at xyl. Ling puisque le colophon de ce dernier les cite. Mais les ( sources originales > de Glin dont s'est servi son compilateur étaient-elles postérieures, contemPoraines ou antérieures aux versions des personnages cités? Nous l'ignorons. Tout ce que nous pouvons dire c'est qu'elles accusaient des différences. On voit la complexité du problème. Nous nous abstiendrons d'hypothèses

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R.-À. srnrN

inutiles qui ne feraient que gêner Ie travail des générations futures. Tout au plus pourrons-nous suggérer quelques indications dans notre conclusion, après avoir passé en revue un certain nombre de faits. Nous exposerons donc d'abord les divers éléments qui permettent de situer dans l'espace et le temps tout ce qui se rapporte de près ou de loin à Gesar. Les coordonnées de I'espace nous indiqueront l'aire de diffusion de la légende. Quand on a fait le tour des récits oraux recueillis à un endroit précis et dans un dialecte déterminé, quand on a relevé les lieux où furent rédigés, édités, copiés ou colportés des xl4ographes ou des manuscrits, et ceux où furent peintes ou conservéesdes peintures, on n'a pas encore épuisé tous les documents capables de nous renseigner sur l'aire d'expansion et les centres de diffirsion possibles du Gesar. Il reste encore à considérer ce que les Tibétains et les (1) de Gesar et des autres personnages de Chinois appellent < les traces D simples accidents du terrain que des objets aussi bien de l'épopée, c'est-à-dire ou des monuments. Francke y avait attaché une grande importance. La présence de ces < traces ) ou < souvenirs historiques r au Ladakh lui semblait être la preuve que ce pays avait été le berceau de la Cesarsaga et le lieu où se sont déroulés les événements (2). Le simple bon sens aurait dû I'avertir que de telles traditions n'ont rien d'historique, qu'elles dérivent du désir - universellement attesté - de localiser les hauts faits d'un saint ou d'un héros dans les lieux qu'on habite et de donner une explication étiologique de formations natu. relles étonnantes. Une liste plus complète de ce genre de < traces r permet de lever définitivement cette malheureuse hypothèque. Elle est, de plus, utile pour dresser une carte de la diffusion actuelle dt Cesar. Car il est évident que là où des indigènes croient voir des ( traces ,r, l'épopée est suffisamment connue et populaire. Dumézil l'a bien noté pour les héros caucasiens. Des sites-vestiges de leurs exploits sont montrés partout (par exemple la trace des sabots du cheval, Légend,es sur les Nartes, Paris, 1930, p. 3-4) (a). Pour prendre un exemple chinois, Kouan-ti est né à Kie fi{, dans le Chansi, mais les Vietnamiens indiquent comme son lieu de naissance le village Gia-luong [Kie-leang ff p] dans la province de Ha-dong (Tonkin) (a). Enfin, Pour retourner au Tibet, déjà le mGur-'bwn, attribué à son disciple, parle de vestiges de Mi-la ras-pa et de leur vénération par le peuple(5). De même, de nombreux vestiges des démons soumis par Padmasambhava sont signalés dans sa biographie. Je dresserai donc ici une liste des < traces ,r que j'ai pu relever, liste qui ne peut être complète, car je n'ai pas pu consulter la totalité des récits de voyageurs et encore moins toute la littérature tibétaine qui nous reste en majeure partie inaccessible, Pour éviter de multiplier les listes, j'ajouterai aux r traces > les fêtes célébrées à des endroits déterminés, les temples, les traditions généalogiques (quand elles sont localisées ou datées) et les incarnations. Sont exclues de cette liste les mentions de Gesar, Roi des Armées, en tant que l'un des quatre (et érigea des constructions sur les membres de la démone couchée sur le dos gui représentait le site(?); Francke, 1926, texte p. 152, trad. p. 156)(8).

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8o La fête du Tir à l'arc du Ladak et du Kunâwàr supérieur, célébrée au p_rintemps. on y chante des Glit-glu r chants de Glitr u qui font allusion au Gesor (Francke, 1915, p. 78, r92J, p. 4 et 29 et toute hïibliographie europ-éennede Francke). Francke en a relevé à phyidban (9 chants), â Kh"lutr" (9 chants) et à Shel (5 chants). 9o Les chants de mariage (fi.o-pa'i glu; ibid,ern). 10o un masque dit être celui de Agu dGra-lha d.e la Gesarsago, autrefois en possessionlu munshi dPal-rgyas de Leh (Francke, 1914, p. g2 et pl. XXXIII ; 1923, p. 15) ts). 11" Rohtang (ou Pahtang), sur la rivière Bias (dans le Kulu); grand esca_ _ 4 lier taillé dans le roc, dir être fait par Kesar (Tucci and Ghersi, 19i5, p. l5). l2o Fête à Poo [sPu, au Kunawar] (10),en novembre où, dans des hymnes, on mentionne r Can rgan Apo r et Kesar, la divinité centrale étant n GraÉlà , (rr) (op. cit., p. 199 et Francke, 1914, p. 2I-22\. l3o- A Ru-bëu (Rupchu, 1at. 33o, long. ZBo), halte Mordo Qno_rd,o< pierres oracllaires r), près d'un col dont les versants sont couverts àe pierres'noires et,blanches. on dit qu'Alexandre le Grand y a consulté I'oracle pour décider s'il devait ou non continuer son expédition jusqu'au Ladakh. L,oracle fut négatif. un lama ajouta que le nom d'Alexandré u.t Tib"t est ( gyalpo Kfshar r (rgyal-po Ke-sar, roi Kesar, Schlagintweit, 1862, p. g5). 14o Dans le Baltistan, Gesar est considéré comme roi du < petit Tibet r et Baltistanl et le roi de Hor est localisé à yarkând (shaw. rgz1, tr"*Lh p. 2AQ. Dans une version ladakhi du Cesar (Francke, 1906_1902, p. 26\), un cheval Hor est dit prov_enir du gouvernement de yar-khyen, nim qui représente sans doute aussi Yarkand. l5o. Près du village de Gund, au Nord-Est de srinagar, un rocher est couvert ,, o envlron hurt gravures grossières de personnageshumains que les Tibétains disent être le roi Kesar, sur le même rocher se"trouvent des dessins de roues à huit raies (Francke, 1914, p. 10?). Tibet central, 160 Dans Ie Nan inférieur (au-Sud du gcaù-po), à pa-snam, la tradition populaire localise certains épisodes de la vie îe KË."i (Trr""i, l94l, p- OSjl " 17o Dans le gcari (ou à Lhasa?) serait conservéel'armure de Gesar sui n,est pas une armure commune (communication orale de bsTan_,jin rgyà_mcho,

REcHERcHES sun r,'ÉpopÉr

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originaire de Çaùs, dans le gcafr; ce qui le fait croire encore que Gesar a réellement vécu, c'est qu'il a personnellement vu trois objets extraordinaires qu'il n'a pas localisés : un os humain deux fois plus grand que narure, un casque de fer qui irait jusqu'à la poitrine d'un homme-rro.-ui, une selle très grande que personne ne peut soulever(tr)). 18o A Lhasa, dans les courses qui se font derrière re potara (rjofi-rgyab zarn'bes),les cavaliers revêtus de l'ancienne armure tibétaine et aÀés d,arcs sont dits représenter les guerriers de Gesar (Roerich, 1942, p. 30g). 19o D'après (1945, p. 2l),- il y aurait, dans le grand temple , Jen rygi-fliang du Jo-bo de Lhasa [Jo-khan], une statue de Gesar; elle ne."àit r."orr.rr." comme telle que par les lamas, mais serait restée inconnue des chinois. cette information insolite repose sans doute sur une confusion ou un syncrétisme' Dans sa description du < Grand jo-bo , de Lhasa, cibikov (19ig, p. 104) signale, immédiatement à gauche de I'entrée principale de la cour, une borne devant laquelle est peint un héros barbu, avec sa femme et son fils. qui aurait subjugué le Tibet et l'aurait donné au Dalailama. ce serait le roi mongol Guéri-xan (né en 1582, au dBus en 1637; roi du Tibet en 1642. meurt en 1654) (re).or, sa fonction de dieu-gardien de l'entrée rappelle celle de korurrti.(identifré à Gesar) qui est également figuré avec sa femme et son fils (Kouan P'ing) et est toujours représenté barbu. La même divinité eardiennè a été identifiée avec Wei-tch'e King-tô lirf ilÈ ô( .ç"a.,le général dei T'ang devenu qar{i9n des portes (men-chen) en chine (wei-Tsang t'ou-tche, d.e ri92, trad,. Rockhill, 189i, p. 263). Pat contre, la figure qui coirespo.rd à l,emplacemenr signalé par cïbikov esr appelée la divinité terrible (khrà-bo) rMe-ba brcegs-pa (_ucchusma)dans le Guide de Lhasalr4) d'après lequel ce dieu a protégéie 'fibet contre une invasion chinoise au temps de Sràir-bcan ,g"*-po, 20o D'après le 5e Dalailama, autorité des plus sûres (r5),te jo-khafi de Lhasa renfermait < le caitya du boucher rMe-ru rce ) (16)construit en suise de confession des péchés. Or, ce bÇan-pa rMe-ru ou sDig-chen bÇan-pà (u le boucher, g_randPécheur r) est un célèbre personnage de l'épopée, ministre du roi des Hor, qui, épargné par Gesar lors de la défaite des Hàr,-devient un de ses fidèles guerriers. Malheureusement le Dalailama ne souffie mot de l'épopée(17)en parlant de ce personnage. I1 nous oblige ainsi à une réflexion lourde de conséguences. L'épopée a-t-elle fourni des personnagesau panthéon lamaique ot aice-uersa? Dans le premier cas on constaterait que le iouvenir d'une figure marquante de l'épopée fut admis, au plus tard en 1645, au sai't des saints de t Eglise Jaune. Dans l'autre hypothèse, la notice du Guide d,e Lhasa n,aulorise !u,à constater qu'un personnage est commun au lamaTsme et à l,épopée. Nous aurons à revenir sur ce cas et d'autres du même genre (cf. chap. rx, p. 5f9).

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2lo Le Dalailama est parfois considéré comme incarnation de Gesar (Das, 1905, p.413; Tafel, 1914, II,90, n. 1: le 5e Dalailama serait l'incarnation de Padmapâli, du Dieu de la Mort [gÇin-rje], de Srorl-bcan sgam-po et de Gesar). Le mystère de cette identifrcation s'éclaire par un texte publié par Yu Tao-ts'iuan (1930, p. 22). Dans une liste des incarnations antérieures à dGe-'dun 'grub-pa (le. Dalailama), la vingt-sixième est Ie Roi Gesar. Yu ajoute (p. 30) que Gesar aurait été un roi < mongol , (Hor-gyi rgyal-po) et une incarnation d'Avalokite6vara (c'est-à-dire de PadmapâTi) (18).La liste en question est tirée des (Euores de Kloû-rdol bla-ma (vol. Za, 19 b). Elle n'est pas restreinte à l'Église Jaune, mais également admise dans l'É$ise Ancienne (rfiin-ma-pa). On la trouve traduite en chinois par Tchang K'ikin (1910, p. 5) où Ko-sseu [Gesar] est la vingt-cinquième incarnation (prince à Varanasi de l'Inde), mais où la liste aboutit à des lamas saskyapa. La même liste (26o : rgyal-po Ge-sar) se trouve aussi dans un manuscrit rffin-ma-pa, le Pad.ma-bhod. gnas-yig (fol. 2 a), que M. Roerich a bien voulu me signaler. Ce Gesar n'a cependant rien (ou très peu) à faire avec l'épopée. C'est le personnage d':un jdtaln des vies antérieures d'Ati6a où il apparaît comme fils d'un roi Padma et d'une reine bZafi-mo (bKa'-gd,ams pha-ihos bu-ëhos, vol. kha, fol.345 a-346 ô; cf. chap. vr, n. 63). 22o Les rumeurs sur Gesar à Lhasa (nos 18, 19) s'expliquent par un syncrétisme dont nous aurons à parler plus longuement plus tard, mais dont il est bon de dire tout de suite qu'il remonte au moins à 1748. A cette date, Ie d,Pag-bsam lion-bzan $oI. 296 b, pas dans l'éd. Das) glose de la manière suivante le nom Kvan Lo-ye [Kouan lao-ye, Kouan-ti] : < on dit aussi qu'il est une incarnation de rJoir-bcan Çan-pa, de Gesar, de Beg-rce r îe). Le rcyanag ëhos:byur't (fol.52 b) répète que Kouan-ti (Ku'an Lo'u-ye) < est le même que rJofi-bcan Çan-pa qui suivit Wan-ëhen kuri-ëu (Wen-Tch'eng kon.g-tchou, la princesse chinoise des T'ang) au Tibet, ainsi que Ge-sar, célèbre comme Roi des Armées. Il existe aussi une tradition suivant laquelle (Kouan-ti) est de la même lignée spirituelle q:uele yahça Beg-ce r(zo). Enfrn, un peu plus tard (1779-1780), le 3e Panchenlama (Rituet de Kouan-ti, fol. 2 b-3 o) jette quelques lumières sur la diffusion de ce syncrétisme au Tibet central. En se rendant au Tibet [à bKra-çis lhun-po (Tashilhunpo) pour voir le 2e Panchenlama, en 1735]. Ie vénérable leÀ-.i.y" [le seconà, Rol-pa'i rdo-rje, 1717-7786] (zr) passe la nuit près d'une montagtË Z"i-,-lii, du Zi-klrvon (Sseutch'ouan) où Kouan-ti est censé résider. En rêve Kouan-ti lui dit qu'il est adoré non seulement on Chine mais aussi au Tibet. Au gCaù surt;ut, un grand lama (bla-ëhen) lui rend un culte perpétuel. L'auteur ajoute qu'il doit s'agir de Beg-ce auquel le 2e Panchenlama rendait un culte (zz), parce que ce dieu s'était révélé à lui dans sa jeunesselorsqu'on lui disait u l,Avadâna du prince Siddharta > (rgyal-bu Don-grub kyi iogs-brjod). On dit aussi, porrrsrrit l'auteur, que Kouan-ti est identique au (dieu) Zan-blon rDo-rje

REcrrERcnEs

sun r-,ÉpopÉo

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bDud-'dul (za). Ce derniero dit-il, devait en effet être un ministre (ôloz) chinois, puisque la Chine était qualifrée d'oncle maternel (c'est-à-dire beaupère) (ëafi\ depuis le mariage de Sron-bcan sgam-po avec la Princesse Chinoise. Et comme Kouan-ti porte le titre chinois < Grand Roi qui soumet les démons (bd,ud,:d,ul) des Trois Mondes )(24) et qu'il fut ministre chinois (àari-blon), le dieu Zafi-blon bDud'-dul rDo-rje ne peut être que Kouan-ti. Beaucoup de saints disent aussi que ce Kouan-ti n'est autre que Ie dieu rJoir-bcan bÇan-pa qui est localisé à divers endroits et notamment au mont rJon-ri au Nord de lh"r. tzs) et dans la Grotte de Cristal (Çel-gyi brag-phug) de Yar-kluir. Il est curieux que les mêmes dignitaires lamaïques qui identifièrent Gesar et Kouan-ti et contribuèrent ainsi au développement de leurs cultes sous une forme sinisée, étaient par ailleurs hostiles à l'épopée. L'Autobiographie de Sum-pa mkhan-po Ye-çes dpal-'byor (1707-1788, auteur du, d.Pag-bsarn lion-bzaft) contient, p. 6, une lettre que ce dernier écrivit au 3e Panchenlama dPalldan Ye-çes (1738 ou 1740-1780). Il y dit que l'épopée de Gesar était alors répandue non seulement chez les Ça-ra Yu-gur (les Ouighours Jaunes, région de Kan-tcheou et Sou-tcheou, cf. chap. rr, p. 63), mais encore en Chine, en Mongolie et au Tibet. Mais il la qualifie de n chapelet de mensonges en deux ou trois volumes ) et sa renommée de < bruit vain ,r. Il la compare aux tr chapelets de mensonges r des traditions ou contes (gtarn-brgyud) des spécialistes de sciences (aed,a ?, rig-byed,-pa). I1 se défend de leur emprunter un savoir qu'il feindrait avoir et de s'adonner à des < livres mauvais pleins de non-sens et de fausses assertions ,. Il n'en récolterait pour lui et ses disciples que de la honte. De son côté, le leafr-skya hutuktu Rol-pa'i rdo-rie (1717-1786) dit (en 1740, selon Damdinsuren; 1957, p. 168 : sa Biographie vol. II, p.229) que de son temps on avait tendance à écrire les biographies (rnam-thar) sur le modèle de l'épopée de Gesar (Ge-sar gyi sgruù), c'est-à-dire d'y inclure des histoires de < victoires sur des ennemis > (d,gra:d,ul), de < protection des amis t(gfr,en' skyoù) et de r (rituels) d'appel à l'aide de brGya-byin (Indra) >, (brgya-byin stoftJ gugs) lza). Si Sum-pa mkhan-po est assez sévère, les autres chefs religieux, et notam' ment le Panchenlama s'intéressaient beaucoup à Gesar. Nous verrons que le futur général de Sambhala qui reviendra à la fln de notre période de déclin est tantôt Gesar (ou le lama de Reting, cf. no 26), tantôt le Panchenlama (cf. Damdinsuren, 1957, p. 18). C'est visiblement pour cela que le 3e Panchen s'intéressait tant à Kouan-ti et Gesar. La lettre sceptique de Sum-pa mkhan'po fut écrite en réponse à une question de ce Panchen dPal-ldan Ye-çes (texte, Damdinsuren,I9ST, p. 185; trad., p. 191 ; ceuvresde dPal-ldan Ye-çes, vol. ja). n Quand nos histoires du bouddhisme (ëhos-byun) parlent des Hor n, dit-il, < coestlà une abréviation de Yu-gur, (pays) qui dépendait du Tibet. J'ai entendu dire que la grande famille de chefs Hor qui fut anéantie dans la guerre avec Gesar était (le roi) Gur-ser des Hor Jaunes, (alias) A-nam rgyal-po, qui aurait

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eu un grand château... D. Où se trouve ce dernier? Quand a vécu ce Gesar et que faut-il penser de la prophétie au sujet de bRlafr Byafr-ëhub 'dre-bkol, lama de Gesar ? (cf . infra, p. f43). A ces questions, Sum-pa mkhan-po répond longuement (Lettres, fol. 10-16; Damdinsuren , 1957, p.185-191 ; trad., p. 192-196), et j'insérerai ses localisations dans ma liste. Pour lui, l'histoire de Gesar est comparable à la vie du moine chinois Thafr-sefr (chin. T'ang seng fi1 {S; le Si-yeou-ki) dont la réalité est une chose, mais qu'on connaît sous forme de diverses histoires et de pièces de théâtre jouées devant l'empereur de Chine. Ou encore elle est comparable aux légendes (gtam-rgyud) des spécialistes en sciences (rig-byed-pa). On peut la considérer comme fantaisiste (sgro-btags) ou comme une sorte de poème (sfi.an-fiag gi chul). Quant à l'époque de Gesar, on n'en sait rien de certain, mais il pense que cette date est très récente (ha-éafi,dus mi-sfi,a'am sfr,am).Dans une seconde lettre, Sumpa mkhan-po répète que uI'épopée (sgrufr,)du roi Gesar actuellement (répandue) en Chineo au Tibet et en Mongolie doit avoir été développée à partir de 1a poésie r (c'est-à-dire n'est pas 1e récit d'événements réels mais une æuvre poétique). Gesar, dit-il, semble avoir été un homme ordinaire (de son point de vue ecclésiastique; non pas un dieu) et il trouve difficile de croire à ses miracles. On voit que cet auteur avait du bon sens ou, si l'on veut, du sens critique. Il connaissait en tout cas bien la tradition à laquelle il permet ainsi de fixer Ia date minima de la première moitié du xvttre siècle. Il dit qu'il la tenait des vieillards de sDe-dge (Dergué) qui, malgré quelques incertitudes, étaient d'accord sur l'ensemble. 23o Partout ori il y a des résidents chinois on trouve des temples de Kouanti. Ils ne concernent pas directement notre problème. Mais comme les Tibétains et les Mongols les appellent toujours < temples de Gesar )) et que cette appellation est parfois datée et localisée, iI n'est pas inutile d'inclure ces cas dans notre liste. A Lhasa, le temple de Kouan-ti se trouve sur une colline située à co. 200 mètres au Sud-Ouest du Potala. Waddell (1905, dépliant en face de p. tlO, no 1l) l'appelle (Haut Fieuve Jaune, II, 61 a). 34o bis Ya-che mkhar-dmar, le château du roi Gur-dkar des Hor, se trouverait (tradition du xvrrre siècle) au flanc d'une grande montagne d'ardoise, elle-même située en bas de la montagne de glace Gafr-ëhagsdkar-po. Celle-ci est située dans le haut de la vallée A-ëhen qui se trouve ( en haut r (à I'Ouest) du Fleuve Rouge (Ôhu-dmar), au côté gauàhe des sept gués clu Haut Fleuve Rleu ('Bru-èht; Lettre du Sum-pa mkhan-po, p. 189; +11. Les murs de ce château existaient encore au temps de cet auieur. "f. ""

RECHERCIIES

SUR L'ÉPoPÉE

ET LE

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AU TIBET

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35o A I'Ouest du rMa-chu (Fleuve Jaune) et en face de Radja gompa [Rvargya dgon-pa] se trouverait iaza lrGya-bza'] (cf. no 33). Tetle est du moins I'orthographe donnée sur place à l'explorateur Rock (40). 36o A I'Est du Fleuve Jaune, de part et d'autre de la rivière'Ba'-ëhu qui coule Est .Ouest et se jette au Fleuve Jaune à la latitude 35o 30' et 100o50' longitude, on indique des ruines des Hor qu'on explique par la guerre de l'épopée (Rock, 1956, p. 93 et carte no 17; cf- n.2). 37o Plus à I'Est, dans le domaine de la tribu Samsa ou Samtsa, au SudOuest de Min-tcheou, à sTag-chan lha-mo, dans une caverne inaccessibleau milieu d'une paroi, Gesar aurait déposé sa selle, sa bride, son épée. I1 les y reprendra quand il reviendrâ (renseignement de R. Ekvall) (+t). 3Bo Près de Labrang [Bla-brafr], au-dessus du monastère et sur la rivière, le lieu-dit Geser-dortix où i1 y a la trace du sabot du cheval de Geser. Au même endroit [mais cf. no 37] se trouve, au sommet d'une montagne, une grotte inaccessibleoù est conservé l'arc de Geser (Potanin,1893, II,30I; d'après un < Tangoute r de Labrang). 39o Plus au Sud, à deux jours au Sud-Ouest de la ville de Song-p'an, à Rmartut, se trouve la montagne Rser-gô jung-ri où Glang-Geser s'est assis. On y voit des traces de son cheval, de sa flèche et de son arc, du chien couché et de sa chaîne, et de I'armure. On y montre aussi 1atente où vécut la femme de Geser ainsi que les intestins noirs et blancs du monstre Rduëavî lbdud rgyalpo?ltué par Geser(ibid.,p.300; r Tangoute r). 40o Remontons au Nord! Les Salares (Turcs de la région de Koueitô) montrent à cinq li de YudZagïl, sur le Fleuve Jaune, le r trou de Kuser > (Kôser onga; le foyer plutôt). Les frères Kuser et Pukô voulurent y traverser le fleuve et tirèrent une flèche qui fendit la roche (ibid.)t+2). 41o, Bien plus au Nord, à l'extrémité du domaine tibétain, dans le pays des [Sara-]Yogurs de Kan-tcheou, on indique sur la montagne Xor-Bander (Xor-Bandiri?) t+al1" lieu-dit Ma-t'i (chinois : < Sabot de Cheval rr).On montre aussi des traces de bottes et des sabots de cheval près du monastère Peirang, chez les Xara-Yogurs (ibid., p.301; d'après un Yogur). Mannerheim (1912, p, 31, note 2) précise que les . Avant la bataille avec les Hor, Gesar y aurait attaché son cheval. En haut, on montre un pieu et deux chaînes de fer or) auraient été attachés les chiens de < Kesar )). Les traces du cheval de Ma-t'i sseu sont déjà attestées dans le d,Pag-bsarn lJon-bzari (1748). Mais l'auteur ne les rattache pas à Ge-sar(as). Par contre les trois rois Hor dtt Gesar s'y trouvent mêlés à la légende de Pehar. n Au Nord, à la frontière du Tibet et de la Mongolie (Sog), derrière le palais du roi de Mi-flag (glose : tibétain) du lieu appelé Gan-ëu [Kan-tcheou], près du Fleuve Noir [Hei-chouei, Etsingol], se trouve un rocher où il y a le temple de Târa (? cf. chap. vr, p. 288) qui renferme la statue de turquoise de sGrol-ma [Târâ], ainsi que le stù.pa dont on dit qu'il renferme l'épée tenue par le roi Blo-gros-'phel lorsqu'il soumit le d.émon-klu, comme le raconte l'ouvrage bka'-gdams-pa(46).De ce côté du rocher, il y a vingt-cinq temples, les deux temples nouveaux et le hall d'assemblée. Mais du côté droit [Sud], il y a le monastère tibétain dGa'-ldan Dam-ëhos-gliù (500 [moines]), connu sous le nom de Ma-thi-se (glose : il tire son nom du fait qu'il y a des traces du sabot d'un cheval sur le rocher). Il fut fondé par maître Khrufr-cha rin-po-ëhe. Devant ces nombreux temples se trouye dGa-ldan ëhos-'khor-glifr (200 [moines]), appelé monastère chinois, qui provient de ceux qui se sont fixés là après un pèlerinage... (4?).Au Nord-Ouest de ce dernier se trouve l'endroit dont on dit qu'autrefois Pehar fut transporté (de là) au Tibet Central après la fondation àe l'École de Méditation des 'Ban-dha i1o, tas) de la région des Yu-gunr (éd. Das, II, p. 358 : xyl., fol. 227 a-b). 42o La statue de turquoise de Târâ dont il vient d'être question fait partie d'un lot de trésors-talismans commun aux cycles de Pehar et de Gesar. Potanin (op. cit., l, M2) signale qu'on parle chez les Sira-Yogurs, en plus des traces du cheval et du chien, de trois frgurines tl: rari-byuri] (spontanément apparues ou formées n. Ce sont < Gui-DZolma > l: g-yu'i sGrolma, T-arâ de turquoise]. < TurdZi èombu > l? d,uft-gi?, ? de conque?] et s 5ôrô-rtamëin rr [: byu-ru'i rta-rngrin, Hayagriva de corail]. Dans son récit de Pehar, le d,Pag-bsam lion-bzan (Das, II, I72 : fol.lL2 b) parle, chez les Bhata Hor de Gan-gru (as) [Kan-tcheou], d'un Sâkyamuni en turquoise, spontanément formé, d'un masque de bse et d'un lion de cristal qui, emportés au Tibet central, entraînèrent derrière eux habitantsetrichesses. La même série est déjà attestée dans la Chronique du 5" Dalailarma qui date de 1643 (fol.39 a et93 b)(sol. 1t est remarquable que le Dalailama critique violemment cette tradition. Déjà attesté en 1643 pour le cycle de Pehar, ce lot de trois trésors est aussi rattaché au cycle de Gesar, mais nous ignorons depuis quand et ne savons s'il s'agit d'un emprunt ou d'un fond commun. En tout cas, I'assimilation au cycle de Gesar n'est pas un fait local limité à la région de Kan-tcheou. Le xyl. Gyantse, rédigé et publié au Tibet méridional, dit aussi (lea,l8 o) qu'au

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REcEERcEEs suR L,ÉpopÉEET LE BARDEAU TrBET

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palais-temple de Glil étaient conservéesles statues des dieux suivants : 1. Un Sâkyamuni d'or spontanémentapparu; 2. Une Târâ de turquoise; 3. Un Hayagriva de corail, s1s.(51).De même le xyl. Ling (II,77 b) énumère, parmi les trésors que le jeune Gesar tire du Rocher de Cristal (Çel-brag) de rMa, un Sâkyamuni d'or, un Avalokite6vara de conque et une Târâ de turquoise spontanément apparue. Dans la version David-Neel (I93I, p. 7I-72), des stâtuesanâloguesappartiennent au beau-pèrede Gesar. 43o Roerich (7942,p.302), signaleparmi les Suru-oo Sariq-Yughur(chin. Houang Si-fan, )(52)des coutumesqui rappellentle Gesar, On y trouve des villages nommés Gur-dkar, Gur-ser et Gur-nag, noms que portent les trois rois des Hor de l'épopée. On coud une bande blanche aux tentes pour symboliser la coupure faite par l'épée de Gesar (Ilor-sbra lchraril). La divinité gNam.thel dKar-po que l'épopée connaît comme le dieu protecteur des Hor, est encore adoréeaujourd'hui. Si quelqu'un approche d'une tente sur un cheval baio on l'attache la tête tournée vers le pays pour éviter que le cheval de Gesar, de même couleur, ne surgisse et n'écrase la tente sous sespieds. Les SaraYugur rnangentrapidement parce que, disent-ils,une attaque subite de Gesar est toujours à eraindre. Une version du Gesor est dite exister parmi eux(5s).Gesary serait présenté comme ennemi dangereux et rusé. Roerich conclut : < Ainsi les souvenirs des anciennesguerres tribales entre tribus tibétaines et turques subsistent encore et sont une source d'antagonismetribal constantr. Nous avons déjà noté que de tels ( souvenirsr n'ont rien d'historique. Naturellement, des faits historiques peuvent avoir, et ont sans doute effectivement contribué à fournir des éléments à l'épopée, mais les [rfa-mgrin, Hayagriva] ne purenr d'abord le varncre. r'l'a'mgrin employa une ruse pour distraire le sorcier (il envoya ses deux corbeaux se quereller sur le toit). ô"ru" profita pour faire écrouler "n le toit et tuer le sorcier dans les décombres (Cibikov, iOfa, p. OZ;. 45o Au Sud de la chaîne de montagnes située au Sud du Kokonor, Kozlov (1991,.n.. 173; rééd. p. 117) signale lËndroit appelé Ganjurnexa, en tibétuirr, ou Nukrtu-daban en mongol. Il y a là un rocher isolé, sacré, rappelant dans sa formation un amas de livres : Ganjur-ëulu (mongol : opierres du Kaodjoo.rl. "GesurIl y a environ mille ans, disent l"r T".rgo.ri", 1", ùoogolr, le roi "f bogdo, maintenant saint, s'installa darrs irre caverne de c"ie roche, Il coupa un morceau du sommet de I'Est : c'est le Ganiur-ëulu. on montre encore lis traces de ce travail. Ce lieu, dit Kozlov, est s-ignalé dans le récit de voyage, en kalmouk, de Baza-bak5i (55).

REcEERcEEs sun r,,ÉpopÉn ET LE BARDE Au rrBET

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46o A l'Ouest de San-tch'ouan, dans la vallée de l'Itel-gol, les cinq villages (( tangoutes ,r de Gamaka, DZatunëi, Dambisir, Tumuëi et Rimin rendent un culte à < Geser-Magjijavu , f-- Ge-sar dm,o,g-gi rgyal-po, (lha-khari). Jusqu,à ce jour (1779) les gens de lDan-ma y ajoutent tous les ans une pierre sur laquelle ils ont écrit ma-qi. On dit que s'ils le font pendant mille ans, le pays sera heureux. D'où le dicton de ce pays : < 11n'y a pas de fin au paiement du prix de l'homicide de Gesar; il n'y a pas de fin aux richesses de lDan-ma r.

où naît le rJa-ëhu (ule rJa-ëhu qui va avec rMa-ëhu et 'Bru-ëhu r). Il y a là un petit lac et, au confluent des deux fleuves, un petit rocher. Entre les deux s'étale une plaine, C'est là or) poussa I'arbre seul (cf. Lout. Lad^ Ters., proLog""). Là se trouve aussi le rocher où fut plantée la tente de ses parents. C'est sKyid Ni-ma kun-'khyil. Au-dessus de àe lieu.dit, au confluent des trois fleuves de la vallée de Khan-ëhen, de Yag-fie et le rJa-ëhu, devant le mont sTag.ri, il y a une colline pareille à un cæur. Au bas de cette colline, en haut d'une grande montagne d'ardoise, se trouve le dieu du sol (gëi-bd,ag) appelé Gom-pa ra-cha (le sorcier bonpo du xyl. Ling). Devant elle, il y a trente ras de pierres qui sont les trente héros de Gesar (op. cir., p. 186-182). Le clan de Gesar est celui de Glifr qui est une des deux tribus, Glitr et 'Dan, habitant le pays de sDe-dge. Du temps de Sum-pa mkhan-po, 'Dan dépendait de sDedge,,mais pas Glin. Selon les uns, Gesar aurait eu pour père Sin-rlom (sic : Sen-blon) et pour mère une femme de clan 'Gag ('Gag-rus). Selon d,autres, lors des luttes entre Glin et'Dan, les habitants auraient rendu un culte (àsanrnéhod) permanent à un dieu da sol (gÉi-bd,og) q,ti fut une montagne sacrée (ri-gf,.an, une divinité gfr,an de montagne) de leur pays. Ce dieu serait né comme Gesar par transformation. L'histoire et la géographie de ce pays nous occuperont encore. Ici il suffit de noter que la tradition qui relie Gesar à ce Gilfr [-chan, Lin-ts'ong] remonte au moins à la fin du xvrre siècle. Jcli-'gyur rdo-rje Q6/l5-I667) < soumit à son pouvoir, (convertit) tous les habitants de sToi-çofr obum-rfiugs, < l,endroit où résidait Ge-sar, souverain de GUfl r (??). La Biographie d,eSa-shya paltQita (fol. 125 a) lie le même pays au Gesar de _. !épopée. Au cours de son voyage en Chine, Sa-skya paTçlita,-aurait passé par Ze-mo-sgah, ( centre du mDo-khams r (Ze-mo-sgafi, généralement ér.rit Zalqro-sgaû, désigne la région de Dergué). I1 serait arrivé ensuite au fleuve (de?) Grr-that que je suis malheureusement incapable d'identifrer. Quatre milles plus loin se trouve l'endroit merveilleux appelé Glin, endroit qrlC l" .o^*".rtaire qualifie de tr Grand Jambudvipa >. Là, le roi Ga [: Ge]-sar, sans peur, a autrefois éclipsé tous les rivaux. Son ami qui I'aida fut un n dieu du mànde r. Le comqrentaire l'identifie avec le < grand dieu > Ger.mcho, Ce Ger-mcho, so-uvent écrit Ge-'jo, est en effet, dans l'épopée, le père surnaturel de Gesar. C'est une montagne sacrée dans le Khami. bo o"r* plus loin qu,une confusion a dû se produire dans la localisation des lieux par ùsquels sa'-skya pa4{ita aurait passé. Quoi qu'il en soit, la tradition sur la venue de Sa.skya pa+dita à Glift est encore attestée dans le colophon du nrs. rGya-le,u (Sources, no 2) de l'épopée.

62o Un peu plus loin, sur la même route, et au bord du ,Bri-ëhu (Haut Yang-tse kiang), après sGrol-ma tha-khafr [Kouan-yin-miao r Temple de îar4, on arrive dans la principauté de Ling Gose (74) (Gôze, etc. : Glin ,Gu-zi, Gu-se) dont le chef (tib. rgyal-po, chin. J'oz-ssea) se réclame de Glifr Ge-sar a son arriva dans ce pays. On ne sait ce qu'il fit, mais on dit < qu'il fut dans leur région r. Suivant les uns, treize, suivant d'autres dix-sept des trente-trois guerriers de Ge-sar demeurèrent à Dergué. Avec les habitants primitifs, les Saraighols, ils formèrent quelques tribus. Au cours des âges, la population se divisa pour former le < Dergué céleste n et le r Dergué terrestre ) (84). 69o A trente li au Sud(Est) de sDe-dge dgon-ëhen se trouve leags-ra (Teichman : Jyangra Podrang [palais] (86)et Jyangra gomba [monastère]; chin. Si-ya 'r# 1ff). D'après Jen (1947, p. 2B), ce lieu aurait été la résidence de rGya-cha, général de Gesar (et son demi-frère). D'après le fils d'un fonctionnaire tibétain résidant à Dergué, on voit encore les ruines du château dNul-ëhu khro-rjofr à leags-ra, non loin du temple de 'Jigs-byed (Bhairava). Les murs, sans toit, seraiènt formés de petits "uiiloo*

70o Plus loin au Sud-Est, se situe rMe (ou dMe-)çod 1e0l$eg'mo pho-bran (Teichman : Mesho Somo Podrang). Ç'aurait été la résidence d'un des trente < généraux r (lire : guerriers) de Gesar (Jen, 1945, P. 25). Des tours fortifiées subsistent ici et à lCags-ra(ibid'.). Mais d'après le même auteur (1947, p. 26), ce Sog-mo pho-brafr aurait été la capitale du roi r) s'est répandu chez les K'iang dont la langue contient de nombreux mots de culture empruntés au tibétain et prononcés avec les préfixes. Quoi qu'il en 6oit de l'écriture, les trois textes recueillis en transcription repré' sentent visiblement des formules lamaTques' Ils sont intraduisibles, M. Diedrichson n'ayant pas noté le sens et aucun dictionnaire k'iang n'existant à ce jour. Mais les débuts de deux textes parallèles sont signiflcatifs et clairs. Les voici : tso he-seri Bet-rne smr-pa miri d'o les-smti sgo-spe, eLc. tso Kesar patnxa

zambu la

lesrna skuspi, eTc.

Il n'est pas douteux qu'on y trouve les deux noms Gesar et Padmasambhava. 78o Plus au Sud, chez les Jyarung (rGya-roir), également imprégnés d'influences tibétaines dans leur religion et leur langue, Ma Tch'ang'cheou a lgsusilli des traditions bonpo (1943, p. 71). Dans une liste de < dieux > [en réalité de maîtres], le dix-neuvième porte, en transcription chinoise, le nom de Nan-pa Kie-jen. Il aurait vécu dix mille ans et aurait été le sorcier de Lin Ko-sa [Glin Ge-sar]. Dans une liste de Bonpos célèbres de divers pays, le rGyal'rabs Bon, p;38, mentionne en effet Nan-pa lëe-rifi, Bonpo drt pays Ge'sar. En parlant de Glitr Ge-sar, les informateurs jyarung ont adapté un thème du cycle de Gesar, pays des armes, à l'épopée bien connue de Gesar de Glitr'

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79o D'après Roerich, les Amdowas de Dsorge s'appellent Dzorge Lingxua (mJo-dge Glin-pa) et y localisent le pays de Gesar. Le nom de ce pays est mJo-dge Gliù-dkar stod. Gliir-dkar stod est en eflet une épithète courante de Glitr dansle_xyl. Ling. Cette tradition est déjà en germe dâns le d,Kar-ëhag du Tanjur de Cone où il est dit : r de nos jours le territoire appelé Glifi-dos qui se trouve à mJo-dge stod. (< supérieurr) > [cf. ma thèse complémentaire, p. 481. i

En d,ehors d,u Tibet. 80o Das (1902, p. 224) prétend, que Ge-sar fut roi au Chensi (en Chine) et devint dieu de la guerre. Il est clair que cette information repose sur l'identification de Gesar avec Kouan-ti. né au Chan-si. 8lo D'après les Mongols, dit encore Das (loc. cil.), Gesar fut roi de Mongolie. 82o Roerich (1945, p. 308) et Damdinsuren (1957, p. 26) signalent que certains monastères dge-lugs-pa de Mongolie jouent un < mystère de Gesar n (Gessërîn cam), Cette représentation a lieu, p-ar exempleo à la sixième lune, dans le district (yo{un) du ci-devant Dalai eofrlor wair, au monastère de IlaTuTsan-gegën en Mongolie occidentale. Les lamas-acteurs de ces mystères représentent les trente-deux guerriers de Gesar, tous revêtus d'une armure. Cet Ilayuysan-gegën est considéré comme incarnation d'un des guerriers de Gesar (no 83). Pozdnyeev (1896, 1, 381) nous dit qu'il y a un temple de Geser au monastère du IlaTuTsan-Iutu1tu. La raison en serait, d'après Pozdriyeev, que I'incarnation de llaTuTsan-gegën au (district de) Dalaiwang, voulant faire plaisir aux Mandchous, fit un rapport au Bogdo-1an [c'est-à-dire à l'empereur de Chine], vers 1860, dans lequel il expliqua que son esprit clairvoyant connaissait toutes ses incarnations anciennes. Et il prétendit que dans l'une de ses vies antérieures, il naquit parmi les trente-deux héros, compagnons de Geser, c'està-dire de Kouan-ti spécialement honoré par la dynastie mandchoue. Il demanda donc I'autorisation de rendre un culte à Geser. Peking l'accorda. Depuis lors le culte de Geser est pratiqué tous les jours dans le dugun l'd,u-khaù?l des cokëin ld,okëin? divinités terribles] du monastère. B3o Plusieurs incarnations de héros du Gesar vivent en Mongolie. Potanin (1883, IV, 257, d'après Bayin Cagan, Dôrbôt du gouvernement Ulangom) rapporte que Geser-;an avait autrefois trente-deux guerriers. Leur doyen fut B-odgo-burlin qui est actuellement Xutuxtu (lama incarné) à Urga [maintenant Ulan-Bator]. Le second fut Oëirvani [Vajrapâaf], de nos jours DZalandzegegôn. Les autres guerriers sont devenus des gegën: Ilgisin, Nar bandZin et d'autres. Le même auteur (p. 260, d'après GunTng, Xalla du yofunLugun)

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I R..À. STEIN

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REcEERcEEs sun r.,ÉporÉB ET LE BARDE AU TIBET

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; parle encore de cinq guerriers dtautrefois, aujourd'hui incarnés comme lamas, à savoir : 1. Saren-dayaëi qui vit entre Kyakhta et Urga; 2. Xuulun Xutultu; 3. Noyon Xutu1tu; 4. Orëilang Mergen et 5. Oëirvani. Ce dernier est l'incarnation de Geser-1an. Comme le dernier, Oëirvani, fut féroce et tua beaucoup de gens, son incarnation actuelle, le Dùayandze-gegen est, à tort, appelé Geser-Xan. L'une des incarnations signalées par Potanin, Ilgisïn, n'est sans doute autre que I'IlaTuTsan-gegên dans le monastère duquel on joue un drame de Gesar (no 82). Contrairement à Potanin, Tafel (1914, 1, 101, note et II,90) déclare que le grand lama rJe-bcun dam-pa d'Urga était considéré comme incarnation du Cheval sage [Biligin gër] de Geser. 84o Les Bouriates pensent que Gesar a vraiment vécu. Pour le prouver, ils montrent les traces de sa vie terrestre. Quand Gesar lutta contre Lobsogoï [e démon], une de ses flèches tomba sur la montagne Elon-Tôrôn et la fendit. Les Bouriates appellent ce lieu Tôrôn-aman ou Tôrôin-1ôtôl () à Shishpar. Le dieu qui la hante, Mùnulum Dâdo (, grand-père ou vieillard de Mun r) aurait épousé la grand-mère de Kisar (Lorimer, 1935, IIn p. l8l) (er). Le Haihaiyùl dont Kiser épouse une princesse est identifré avec le Hunza (ibid.,III,42I), Cette princesse, Bûbuli Gas, a donné son nom à une montagne appelée Bùbulimutin, < Pic de Bubuli o (sz), qui se trouve près de Bâltit. Lama, le pays de Kiser, est identifré par les indigènes avec le Bâltistân ou le Tibet (ibid.,432\.

Élénents

d,e classement.

Que peut-on conclure de nos listes de sources orales et écrites, de traces, de localisations, de fêtes? Rien de nouveau au sujet de la diffusion géographique. Tout le Tibet et toute la Mongolie en sont imprégnés et des ramifrcations s'étendent jusqu'aux Turcs d'Asie Centrale, aux Hunza, aux Lepcha. Au Tibet, les provinces centrales - dBus (lJ) et gCai (Tsang) - semblent quantitativement moins bien fournies que les extrémités (ss) occidentales (Ladakh) et surtout orientales (Khams et Amdo). On n'en peut tirer aucune conclusion. L'exemple des nombreuses versions mongoles nous en avertit. Si l'Est sem.ble mieux représenté, c'est peut-être simplement parce que les voyages d'exploration y furent plus faciles. Les provinces orientales du Tibet étaient accessibles, faisant partie de la Chine. Le Tibet central, au contraire, est resté fermé àla majorité des voyageurs. Du moins les matériaux qui précèdent ont-ils le mérite de nous rendre prudents et de nous éviter de prendre les traditions pour des < souvenirs historigues >. Les dates qu'elles ont avancées pour Gesar et que nous discuterons plus loin, pas plus que les localisations proposées pour Glin et d'autres pays de la légende n'ont d'autre valeur que de nous indiquer une variante localisée. On constatera aisément qu'un certain nombre de < traces r se situent le long des routes ou des pistes (voir notâmment la route caravanière de Tatsienlou à

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R.-À. srErN

REcEERcEESsun r-'ÉpopÉs ET LE BÀRDE AU TrBET

Jyekundo, de Jyekundo à Sining et à l'intérieur du pays Ngotok). Des monastères et des sièges de familles nobles ont certainement joué un rôle dans la diffusion des diverses versions. Les premiers surtout pour les éléments religieux, les seconds pour les reconstructions généalogiques. Tous deux nous occuperont encore plus en détail. Ici il suffit de rappeler les travaux de Bédier (gat pour le Moyen Age et d'Autran (ss) pour la Grèce ancienne. Quoi qu'on pense des théories sur la formation des épopées et le rôle qu'y ont joué des clercs ou des prêtres, un fait ressort bien de ces études, l'importance des routes de pèlerinage et des centres religieux où se tiennent des foires, pour leur d,ifusion. Certes, les allusions à des faits historiques ne manquent pas dans le Gesar, mais, nous le verrons à l'instant, elles ont trait à toute sorte d'époques et ne peuvent servir qu'à établir un terminus ad, quern pour la rédaction qui les contient. Si j'ai donné une liste aussi complète que possible, c'est dans I'espoir que des chercheurs futurs pourront g'en servir pour situer une version dans le temps et dans l'espace. Mais nous pouvons tout de suite faire une rernarque au sujet des traditions qui relient à Gesar des maisong nobles du Tibet central et occidental (nos 6, 25, 29, 30,31). Tucci a montré que de nombreuses familles nobles du centre se sont rattachées, au moyen de généalogies légendaires, à des clans localisés au Nord-Est du Tibet. Les princes de Gyantse se réclament de Gesar de Khrom, ceux de'Phyofi-rgyas des Bhata Hor, ceux de Nam-rifr (au Nord du gCan-po, dans le Byan) du Miflag (e6), ceux de gNas-gsar (dans la vallée du Nafi-ëhu, entre Gyantse et Shigatse) des 'A-â (Tucci, 1949, p.6 et p. 701, n. 627). Tucci a conclu à une migration d'une aristocratie nomade du Nord et de l'Est vers le Sud et l'Ouest. Dans le cas de l'extrême occident, leur superposition sur des aborigènes auxquels ils ont imposé leur langue est particulièrement évidente. Au Ladakh, Mons et Dardes ont été refoulés par les Tibétains, et leurs langues s'en ressentent. Au Spiti et dans le Haut Bashahr, les dialectes kanauri disparurent lentement. Au Guge, la langue Zai.Zrrn fut remplacée par le tibétain (op. cit., p.737). Vu sous cet angle, la relative importance de l'Est dans nos listes n'apparaît plus comme devant uniquement être expliquée par la facilité d'y voyagei. Nous aurons à examiner ce qu'il faut penser des traditions qui rattachent au cycle de Gesar la principauté de Glifr dàns le Khams. Le nom en lui-même ne prouve rien. Mais l'histoire et la géographie de la région nous fourniront des élèments solides. Il en est de même à" l'étod" des n tribus primitives , auxquelles se rattachent tant de familles nobles du Tibet Central, Occidental et Oriental. Tous ces éléments nous mènent à I'Est(e?). En ce qui concerne les éléments linguistiques, notons seulement qu'au témoignage de Roerich (1942,p.283), les versions manuscrites tibétainès montrent de fortes similitudes uo"" 1", versions du Nord-Est et que leur langue est celle du Nord-Est ou du Khams (Est). Je ne puis que souÀcrire entièiement à ce jugement. Même le rns. Hor, Roerich 1no 6 de ma liste), pourtant trouvé

à Ru-bëu (à l'extrémité sud-ouest du Tibet), est écrit dans cette langue semilittéraire, fortement empreinte de dialecte oriental, qui caractérise tous les manuscrits que j'ai pu lire jusqu'ici. De même le manuscrit de Ladakh connu de Marx (no 13) était écrit en dialecte de Khams.

L3Z

Critique des d,atations. I

Que dire maintenant des éléments de datation? J'ai délibérément exclu des listes précédentes les informations datables sur le cycle de Gesar autre que celui de Glin et sur le pays de Glifr historiquement attesté. Elles seront utr"lyré"t plus loin. Ce qui reste comme pouvant être rattaché au Gesar de Glifr, soit comme héros d'épopée, soit comme dieu de la guerre qui en découle, ne permet pas de remonter bien haut dans le temps. Bien entendu, en parlant de dates, il ne s'agit pas ici de I'origine possible de l'épopée, ni même de sa formation en tant qu'unité achevée - et encore moins, évidemment, des thèmes ou motifs qu'on y relève - ; il s'agit uniquement de dates rninima et maxima qttine-valenl que pour une rédaction et une notion données. I1 faut noter la grande vitalité du cycle. La littérature se développe encore de nos jours. Des créations interviennent. Le < Mystère de Gesar > (no 82 des traces) semble dater de vers 1860. La plupart des colophons de manuscrits se situent aussi au xrxe siècle. Il en est de même des prières. On remonte plus haut avec l'identification de Gesar et de Kouan-ti. Des temples datent de la frn du xvrrre siècle. L'identification est attestée, au Tibet, dès 1748. L'exemple est utile pour nous mettre en garde. La littérature historique du Tibet nous est encore en majeure partie inaccessible. Nous ne savons ce qu'elle peut nous réseryer. C'est en dehors du Tibet que nous trouvons la date la plus ancienne pour l'identification Gesar/Kouan-ti. Elle repose sur Le xylographe mongol de Pékin, daté 1716 (mais noté vers 1630?), qui porte le titre chinois San-kouo-tche(ee). Il faut naturellement compter avec quelques années nécessairesà la formation de cette identifrcation. En effet, elle remonte peut-être au début de la dynastie mandchoue, c'està-dire vers 1644. C'est aussi vers le milieu du xvrre siècle que se place une incarnation de Gesar (no 53), une tradition généalogique (no 30), la connaissance d'un personnage de l'épopée (no 20), et peut-être l'auteur d'un chapitre du xyl. Gyantse (-io) consacré à Gesar en tant que dieu guerrier. Comme ces éléments supposent la légende déjà bien établie, on peut la faire remonter @u zzoins jusque vers l'an 1600. Si nous arrivons ainsi au terminus ad quent, de ca. 1600 pour I'existence de l'épopée en tant qu'ensemble constitué, quelques allusions historiques rencontrées dans le Gesar fournissent autant de termini a quo possibles. De même que les ( traces ) ne peuvent servir qu'à localiser, non pas les hauts faits réels des héros, mais simplement la diffusion de la légende, les allusions historiques ne sont que des lieux communs répandus dans toute la littérature tibétaine et C^

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R.-A. srEIN

des repères possiblespour dater un passagedonné - qui peut être interpolé ou, si I'on veut être généreux, le chapitre où ils se trouvent et même, à la rigueur, la version particulière qui les a recueillis. Aucune conclusion ne peut en être tirée au sujet de souvenirs historiques qui auraient été notés par un barde contemporain. Même des épisodesfaisant partie intégrante de la légende ne permettent de conclure à un < noyau historique r précis. Certes, le voisinage de Gliii et de Hor et les guerres contre des pays plus ou moins lointains peuvent rappeler l'époque de la gloire militaire tibétaine du rxe siècle. Mais comme Roerich (1942, p.282) l'a bien remarqué, ces éléments, ainsi que les traits du Gesar qu;i rappellent l'histoire de Srofi-bcan sgam-po, ne prouvent tout au plus que ceci : la rédaction de I'épopée doit se placer après cette époque. Nous verrons même que ces guerres menées aux quatre orients relèvent du thème du Souverain Universel. Les thèmes communs au Geso,ret à la lésende de Sroir-bcan sgam-po - et même de gÇen-rabs(ee)- montrent simplement, soit qu'il y a eu des emprunts de I'une à I'autre, soit qu'un certain nombre de thèmes fut utilisé par les clercs aussi bien dans les chroniques légendaires ou les hagiographies que dans le Gesar. Ici, nous noterons seulement quelques allusions précises qui font descendre le terrninus a, quobien plus bas que le Ixe siècle, du moins en ce qui concerne la rédaction des qui les contiennent. Les allusions à des maîtres ou à -chapitres des prières de l'Eglise ( rouge ) sont si fréquentes dans de nombreux manuscrits que je ne puis les relever. Elles montrent, Roerich (7942, p.286) l'a bien noté, que ces versions ont passéJar les mains de lamas rflin-ma-pa. Il est plus utile de relever les allusions à l'Eglise Jaune puisqu'elles obligent de faire descendre ces rédactions après Cofrkapa (mort en 1419). Ainsi, dans le ms. Hor, Roerich (4 6), Gesar est rcelui qui a établi la doctrine des Chapeaux Jaunesr(roo). La même phrase se retrouve presque textuellement dans le xyl. Cyantse (hha, I0 a)(ror). p"ttt le ms. Gru-gu (I,48 a), il est dit qu'il faut vaincre les Gru-gu, sinon < (la religion) des chapeaux rouges et jaunes sera comme les étoiles au lever du soleil [c'est-à-dire éclipsée] ))(102).Dans le x)rl. no{ (sTag-gzig norlgyed, 11 a) on fait l'éloge de la diffusion des sttra (md.o) et d.es tnantras (sâags) dans les grands monastères du Tibet Se(ra, 1419),'Bras(spuirs,1416) et dGa'(-ldan,1409); Sa(skya,1073) et Nor (1429). Le xyl. Ling fut rédigé dans le dernier quart du xrye siècle d'après des sources plus anciennes. L'une de ces sources ne peut être antérieure au milieu du xve siècle puisqu'elle mentionne Thaù-stofi rgyal-po (1385-1464, ou 13611485?) et même à 1609, date de sa biographie qui mentionne son voyage à Glifi (fol. 1I3 o). Répétons-leencore, il s'agit ici toujours de la date de rédaction d'un passage donné, et non pas de celle d'un o souvenir historique r possible. En fait le récit amalgame sans la moindre gêne des r souvenirs r de toutes époques. On sait qu'en cela il ressemble à tant d'autres saga on épopées du monde (r03). Certes, l'empereur de Chine fait figure d'oncle maternel, c'est-à-dire de beau-

RECIIERCIIES

SUN T,'ÉPOPÉN

ET

LE

BARDE

AU TIBET

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père, et les jeunes princes de Gliri, de Hor et de lJafr passentpour être sespetitsfils utérins (Stein, 1956, p.42-43), et cette relation de parenté correspond bien aux mariages de princesses chinoises avec des rois tibétains, t'ou-yu-houen et ouigours aux vrle et vIIIe siècles.Mais ces < souvenirs r font partie d'une affabulation bien connue (le roman du rninistre mGar), répandue par des ouvrages tels que le rGyal-rabs (de 1508) et de Ma-ryi blta'-'burn. D'autres récits, davantage utilisés par les rédacteurs du Gesar, ont été popularisés par des ouvrages rflifi-ma-pa, surtout parle bKa'-than sde-lùa (< découvert r en 1347). C'est de ces sources que doivent provenir par exemple la mention des douze < provinces de dix-mille (famiiles) ,, (hhri-skor), et des cinquante < districts de mille (familles) r, (stoù-skor), dr xyl. Ling (I, 39 a, II, 76 b), organisation qui remonte à l'époque mongole (des Yuan) (104).Dans \e xyl. Ling (Stein, 1956, p. 97, I32) le pays de Be-ri, en rapport avec les Hor, est un pays de pirates, craint et détestépar Gliri. Or, nous le verrons plus loin (chap. v, p.224), ce pays dont le chef avait patronné les Bonpo fut détruit par Guéri-qan en 1639, sur l'instigation du chef de sDe-dge. Le rôle de ce pays dans l'épopée cadre donc avec une situation propre au début du xvtte siècle. Un bon exemple du mélange de < souvenirs historiques r séparés par des siècles, appliqué à un seul et même récit de l'épopée, se trouve dans le xyl, Gyantse. Au chap. Ga (17 a-ô), Gesar charge les Hor des crimes suivants : < Prirno, vous avez détruit le temple de Lha-sa; secundo, vous avez mutilé au ciseau (?) (la statue du) seigneur Sâkya(nruni, de Lhasa); tertio, vous avez détruit les monastères des moines; qu(rrto, vous avez opprimé sous votre joug le protecteur de la religion du Tibet; quinto, vous m'avez soumis au recensement ))(105).Une partie au moins de ces accusations se réfère sans doute aux Mongols du xttle siècle, surtout le recensement de la population. En 124O, I'armée (mongole) de Hor ehigyu Dor-ta. [Dorda du Sayang-setsen, éd,. Schmidt, p. Il3, envoyé de Godan, ûls d'Ôgôdâi], arrivée ul.. fib"t central (dBus), tue cinq cents laiques et religieux et brûle le monastère de Rva-sgrefi (au Nord de Lhasa) et le temple de rGyal (106).Mais en même temps, le passage cité fait également allusion à l'invasion des Dzungars (Euleuths) en I7I7. Ceux-ci prirent Lhasa, tuèrent des lamas, pillèrent les autels, envahirent le Potala et dépouillèrent de ses joyaux Ia tombe du 5e Dalailama (10?).Quelques pages plus loin (Go, 2I a), le xyl. Gyantse retourne à nouveau à des réminiscencesmongoles de la fin du xrrre siècle' Après la soumission des Hors (et de son roi Gur-dkar), un appendice traite brièvement du sort réservé au roi Gur-nag des Hor. < Le ministre Thafi-rce et le roi Seri-ëhen (Gesar), maître et disciple, pensèrent :'o Si l'on ne fait pas en sorte que (le roi) Gur-nag, associé aux (ou allant avec?) Sept Cavaliers-Pirates, ne puisse surgir avant la fin du kalpa, ce Gur-nag des Hor, s'en allant au Tibat (central), le dépeuplera (en tuant) la population ". Aussi allèrent-ils au lieu 'Bum-seir Ni-ma ra-ba qui se trouve en haut (c'est-à-dire à I'Ouest) de la montagne de neige Ti-se (Kailâsa) ; mais il (Gur-nag) s'échappa dans beaucoup de 5^

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montagnes à droite et à gauche, en détruisant. Sei-ëhen, le maître, et son disciple y frrent tomber de la neige pendant septjours et sept nuits sans arrêt1 de plus, les grands glaciers et les vieux glaciers du monde obstruèrent les routes de telle façon que maître et disciple voyaient tout juste leur chemin doarrivée, mais que les Hor n'eurent plus aucun moyen de se sauver. Ce sont là les Hor de l'Ouest (sTod-Hor) dont il est dit " ils viendront à nouveau à une époque mauvaise " D(108). Cette prophétie appartient certainement au cycle des ouvrages rflin-ma-pa ( révélés > (gter-ma). Tucci a bien montré quel rôle important y jouent les prédictions d'invasions mongoles (1949, p.635 et 637; 110-II4). Les éditions courantes dt bKo,'-than sd,e-lùa et dt Pad,rna thari-yig oos),riches en prophéties sur les Mongols, ne semblent pas contenir le passage auquel il est fait allusion. Mais d'autres ouwages rfrifi-ma-pa contiennent les mêmes allusions. Un guide de pélerinage au lieu saint Pemakôchen (1r0)indique à quelle époque il faudra s'y réfugier. tt Lorsque le mont Te-se (Kailâsa) sera saisi par les Hor..., lorsque le toit d'or de Rva-sgrefi de Byan sera abîmé, lorsque le feu sera mis aux quatre lieux de Lhasa, lorsqu'un palais et un monastère seront faits au mont Po+a(la) [e palais fut construit en 1645, le temple en 1695!] r tut)... Cette citation prouve une fois de plus à quel point les rédacteurs dt xyl. Gyo,ntse se sont inspirés d'ouwages rflifr-ma-pa. Leurs allusions ne sont point des souvenirs de I'époque de Gesar, mais des réminiscences littéraires de thèmes très répandus. On verra à l'instant que le Guide mélange des époques diverses, exactement comme le xyl. Gyantse. Mais avant de déterminer de quels Mongols il s'agit, iI faut signaler que le xyl. Gyantse n'est pas seul à insérer ce < souvenir historique r. I1 se retrouve dans la version DavidNeel (1931, p. 240). Gur-nag se réfugie avec sept hommes dans la région de Ngari [mNa'-ris, à I'Ouest du Kailâsa]. Gesar les épargne. Ces sept Horpa sont des géants. Ils sont toujours vivants, se sont multipliés et sortiront de leur retraite à la fin de ce kalpa pour détruire les bouddhistes. C'est le grand lama des Saskyapa qui les contient et les empêche de sortir, Cette sortie de r Mongols , de leur retraite forcée à la fln des temps actuels, dont parlent le xyl. Gyantse et la aersion Daoid-Neel relève des prophéties du cycle de Sambhala (cf. Traces, no 26). La légende des Sept Cavaliers a une existence indépendante du Gesar et a été incorporée dans la religion, à moins que ce ne soit au contraire le lamaisme qui ait fourni ces personnâgesà l'épopée (cf. chap. rx, p. 518, 523). A quelle époque, à quels Mongols fait allusion l'épisode de Gur-nag? L'identification est facile. Les < Hor supérieurs r, c'est-à-dire de I'Ouest (sTod-Hor) sont des Hor (Mongols) conduits à I'Ouest sous Hu-la-hu (Hù1â'ù), fils aîné du roi Se-ëhen-gan (Qubilai) (uz). On sait que Hûlâ'ù, envoyé en Iran en 1256, y établit la dynastie des Il-khans en 1258. Peu après, en 1285, les 'Bri-guù-pa brûlèrent le monastère de Bya-yul et tuèrent gCan-ston. Puis, ils firent venir les armées des n Hor de I'Ouest > (sTod-Hor) pour tomber sur les Sa-skya-pa (ua).

REcrrERcHEssun l'ÉpopÉr

ET LE BARDE AU TrBEr.

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Ceux-ci, aidés des Mongols de Chine, détruisirent'Bri-gufr en 1290(114).Crest à cet événement que se rattache sans doute la tradition que le grand lama des Sa-skya-pa maintient les Sept Horpa dans leurs limites. On le voit, le xyl. Cyantse comme la prophétie sur Nepémakô mélangent, dans le thème général de I'horreur des Mongols, des événements du xtrre et du xvrrre siècle (rrl). La rédaction finale, du moins des passagesconsidérés, ne peut dater que de Ia moitié du xvrrre siècle. La première rédaction, cependant, peut remonter à des ouvrages du type dtt bKa'-thaù sd,e-lria, c'est-à-dire au xrve siècle (ou à une date indéterminée entre le xrve et le xvrrre siècle), Moins que la date, impossible à déterminer, c'est le milieu d.'inspiration qu'il faut retenir. Ce milieu est celui des gter-stonfor-btonf, (inventeurs de manuscrits ,. Nous avons vu (Traces, no 53) que le Gesar y était connu et plus ou moins accepté - dès le milieu du xvrre siècle. Le revêtement lamaique de l'épopée est donc peut-être plus ancien qu'on ne le croirait à première vuelrl6). Il pourrait dater de l'époque de la création de ces apo. cryphes que sont les gter-ma ott < textes révélés ) et qui contiennent des bribes d'épopée. Nous verrons plus tard que d'autres faits pourraient confrrmer cette hypothèse. Ce premier coup d'æii sur les éléments datables peut paraître décevant. Du moins nous épargnera-t-il désormais les perplexités de tous ceux qui ont voulu voir dans Gesar un personnage historique et ont essayéde tirer des épisodes de l'épopée des éléments capables de déterminer l'époque du héros et de ses exploits. Hermanns (194.0-1941,p. 82) a succombé à cette tentation. Il constate que les Yugurs actuels de Kan-tcheou s'identifient avec les Hor de l'épopée. Cela lui paraît impossible. Pourquoi? On ignore la date de Gesar, dit-il, parce que la chronologie tibétaine ne s'étend pas à l'époque ancienne, ( En tout cas ), Gesar a vécu avant Srofi-bcan sgam-po (vrre siècle). A cette époque, les Yugurs n'étaient pas encore au Kansou, mais sur la Selenga. Aussi n'ont-ils pas pu être les ennemis de Gesar, mais ont été identifrés avec les Hor de l'épopée après coup. On voit le danger de ces vaines constructions. Une autre manière d'approcher le problème de la date de l'épopée est d'y relever des éléments paraissant caractéristiques d'une société ancienne. Roerich (L942, p. 284) a pensé trouver des traces d'un < pre-Buddhistic background , dans les fréquentes allusions à la religion bonpo. En fait, nous le verrons plus loin en détail, ces éléments bonpo s'expliquent par la situation actuelle du Tibet. I1s se rattachent toujours, dans le Geso,r,à des personnages ou des tribus connus comme pratiquant le Bon encore de nos jours. Hermanns a, de son côté, cité un passage du chapitre des Hor montrant l'hostilité des héros de Glifi envers un prêtre bonpo des Hor (1956, p. 2a$. Comme, pour lui, l'épopée est < urtibetisch r (primitive), il conclut de ce passage que les Bonpo n'étaient pas primitivement tibétains. Le raisonnement est absurde et puéril. L'épopée met simplement en scène la situation religieuse du Tibet telle qu'elle est depuis les derniers siècles : certaines régions sont rfiin-ma-pa, d'autres sont

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bonpo. Dans le voisinage de Glin et de sDe-dge, le pays de Be-ri était encore bonpo au xvrle siècle et fut, pour cette raison, envahi et conquis par Gu6ri-qan (voir chap. v). Aussi, le héros de Be-ri fait-il figure, dans Ie xyl. Ling (Stein, 1956, p. 132) d'ennemi et de parent du Démon et des Hor. Potanin (1893, I, p.282-283) a donné une liste de croyants bonpo du Khams' On y voit, entre autres, quatre monastères bonpo dépendant de t Dege-lingtsang I [sDe' Hoffmann dge Glitr-chan], et tous les sujets du roi Hor r ëiëek-jyabt,lrgyal-po]. (1950, p. 236-243 et carte) a donné un aperçu de la diffusion actuelle du Bon au Tibet. Dans les passagesde l'épopée où il est question de Bonpo, il ne s'agit pas de < souvenirs historiques ) du temps de Gesar. Ce dernier n'a jamais existé autrement que dans les classifications légendaires. Mais que dire de la date de Gesar que certains auteurs prétendent nous préciser? Nous ferons bien de nous en occuper tout de suite pour lever cette autre hypothèque qui risque de peser sur les travaux autant que celle des ( traces r et des rrsouvenirs r. Comme la diffusion des < traces > montre leur caractère de tradition locale, la disparité même des dates proposées pour Gesar établit qu'elles relèvent de spéculations scholastiques. D'après Bell (1931, p. 14), reproduisant I'opinion d'un des secrétaires du Dalailama, Gesar aurait vécu au sMar-khams à l'époque du roi Tho-tho-ri-gfian-bcan, que Bell place au rve siècle (répété par Ma Tch'ang-cheou, 1943, p. 72). J'ignore le calcul qu'a pu faire ce secrétaire. Mais il est fort possible qu'il ait su la date approximative de Kouan-ti, identifré à Gesar. Das a placé Gesar au vle, au vlre ou au vure siècle (1902, p. 845 a et224 a). La première de ces dates s'applique à Phrom (Gesar) - non pas à Glin - que Das localise au Nord-Est de Yarkand. Il se peut que ce calcul soit basé sur le roman du mariage de Srofi-bcan sgam-po (Bacot, 1935, p. 16-17) où Gesar de Phrom apparaît comme candidat rival contemporain' Les affirmations de Roerich (1931, p. 206 : vrre-vrue siècle) et du P. Hermanns (rxe siècle, voir plus haut) sont peut-être basées sur les indications de Das. Dans le ms. sBe-ra (II, fin) on lit : ( au temps de Khri Ral, souverain du Tibet, le royaume de Ri-nub d'outre-mer fut annexé par Glitr r. Ce Khri Ral ne peut être que Ral-pa-ëan (806-84I). Jen (1945, p. 24) reproduit l'opinion de Li Kien' ming, qui était alors depuis trois ans entré dans les ordres au temple lamaique de Dergué et qui lit fort bien le tibétain. Un vieux ministre du chef de Lints'ong [Glifl-chaû] lui a dit que Gesar a vécu après Padmasambhava et avant Ati6a [c'est-à-dire au début du xre siècle]. Cette date est en effet donnée par Blo-bzafr chul-khrims dpal-bzafr-po, précepteur du 3" Panchenlama (seconde moitié du xvrrre siècle). < Le maître Padmasambhava r, écrit-il, n dit à bRlafr dPal-gyi sen-ge : " douze générations après toi on soumettra les dieux, les démons et les hommes ". Cette prédiction visait Byan-ëhub 'dre-bkol. On dit que ce dernier était le lama du roi Gesar; le roi Gesar était effectivement contemporain ùt sidd.ha Smriti [maître de 'Brom-ston entre 1004 et 1044] et a donc vécu entre le roi Glafr-dar(ma) [mort 842 ou 902?let Ati6a [arrivé au Tibet en 10421 r(rz).

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REcEERcEEs sun r,'ÉpopÉr ET LE BARDE au rrBET

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En effet, on lit dans la Chronique d,u 5" Dalailatna, f.ol.70b-7I a, que A-mes (,,sorcier r) Byan-ëhub'dre-'khol fut deux fois invité à Gliù par Gesar(118). Le précepteur du Panchenlama trouve que c'est possible, Car douze générations [280 ans?] après Padmasambhava lca, 7501 mènent à l'époque qui précède Ati6a [750 + 280 : 1030?]. Cette tradirion esr bien celle qu'onr adoptée les éditeurs du xyl. Ling (lI, I4a).LiKien-ming ne s'esr donc pas trompé. Le xyl. Ling n'est d'ailleurs pas le seul à faire de Gesar un contemporain de religieux éminents du xre siècle. Le ms. Grugu, Il, 299 o mentionne, dans le camp des Gru-gu du Nord, leur ancien ministre, le Zur-pha sd,e-ëhen (rrs), appelé au secoursdu roides Gru-gu. Çes-rabgrags-pa,alors âgé de 113 ans Or ce lama bien connu, aussi appelé Zur ëhufr-pa (Zur le cadet), avait 45 ans lors de I'arrivée d'Ati6a au Tibet (en1042; Blue Annals,I, 105). Il naquit donc en 998 et mourut en 1058 (âgé de 61 ans, selon dPa'-bo gCug-lag phrefr-ba, vol. tha,44b). Le Deb-ther srlon-po (Blue Annals, loc. cit.) dit de son maître qu'il vécut 113 ans, Cette tradition, conservée dans un manuscrit de l'épopée, confirme donc les opinions du précepteur du 3e Tashilama. De même, selon Damdinsuren (1955, p. ffi; 1957, p, I27\,la version mongole dt Ling Gesar (Sources, no 47), visiblement traduite du tibétain, mentionnerait des relations amicales de Geser avec le célèbre traducteur Ra locaba. Or ce dernier vécut au xre siècle (il fut présent au conseil du Tibet occidental en 1076) et devait alors être très vieux (cf. Roerich, Blue Annals, l, p. 70-7I, 325, 328) (120). Le manuscrit tibétain < Biographie du roi Gesar, seigneur du monde > (Sources, no M), raconterait aussi que Gesar fonda une école suivant I'exemple de lHa bla-ma, célèbre moine du Tibet occidental qui vécut au xre siècle (Damdinsuren, L957, p. 152). Ce prince, devenu moine, de son nom Byanëhub-'od, était en efiet I'un de ceux qui invitèrent Atiéa, Le règne de son père, le roi Srofr-fie, vit arriver Smriti(l2r). Damdinsuren accepte d'autant plus facilement l'historicité de Gesar au xre siècle qu'il I'identifie avec le chef tibétain Kio-sseu-lo, de la même époque, mentionné dans les sources chinoises. Nous verrons ce qu'il faut penser de cette identification (chap. v). Mais disons tout de suite que la diversité même des traditions rend leur historicité suspecte. Gesar aurait adhéré à I'ordre Yel-pa (supra, p. 126). Or cet ordre ne fut fondé qu'au milieu du xrrre siècle. Dans le xyl. Ling (Stein, 1956, index des noms propres), c'est le saiat rflifrma-pa Thafr-ston rgyal-po qui est contemporain de la naissance de Gesar. Or il vécut aux environs de 1400. Du moins cette tradition est-elle dans la même ligne que celle qui fait inviter Byafr-ëhub 'dre-'khol par Gesar. Toutes les deux appartiennent à l'école rfliri-ma-pa. Par contre, celle qui rattache Gesar à l'école de lHa bla-ma relève de l'école bka'-gdams-pa, fondée par Ati6a et dirigée contre les abus du lamaisme de Padmasambhava. Ce lHa bla-ma, roi de sPu-rafis, est même l'auteur d'un poème assez violent dirigé contre les

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sN.gs-pu et les rNiir-ma-pa (dPag-bsam-ljon-bzari, éd. Das, II, 393, fol. 248 ô qui l'insère à dessein dans son histoire des rNifr-ma-pa dont il critique les doctrines). Damdinsuren (1957, p. I97) cite encore une chronique mongole anonyme où il est dit : r Par la grâce de Bouddha, par l'ordre de Xormusta, cent ans après Gesar, règne... Ôinggis-bogda... ,. Sum-pa mkhan-po, d'autre part, dit que Gesar était d'une époque récente (ef. no 22). Naturellement, ce n'est pas parce qu'une opinion d'auteur est exprimée en tibétain à une date relativement ancienne qu'il faut la prendre pour la réalité historique. Les versions dtt Gesar n'étant pas datées, tout ce qu'on peut dire, c'es_tqu'au plus tard en 1643, non seulement l'Église non réformée, mais même I'Eglise Jaune, en son représentant le Dalailama, reconnaissait un lien entre la lignée spirituelle de Padmasambhava et Gesar de Glifi. Mais comme la notice du 5e Dalailama semble être tirée dr Rlafls Po-ti bse-ru, la tradition remonterait au moins à la date de cet ouvrage, date qui nous est malheureusement inconnue(122).Nous verrons que la famille noble des Rlaûs a des liens certains avec Glifr (chap. rv, p. 203). Répétons-le ! Ce que les textes cités attestent, ce n'est pas Ia date du x-xre siècle pour un Gesar historique, mais bien le rapprochement de la famille Rlais avec Glin à la date da Po-ti bse-ru. En déclarant Gesar contemporain de Smrîti, le précepteur du 3e Panchenlama se basait sans doute sur la prophétie de Padmasambhava citée par le 5e Dalailama. Il a pu trouver un appui dans une biographie de Smriti qui nous est inaccessible. Ce qui peut le faire croire, c'est l'abrégé de la vie de ce religieux conservé par Bu-ston dans sa chronique. Il dit en effet (éd. Dergué, fol. 131 a-b, trad. Obermiller, II, 214-215) que Smrîti alla au Khams où il établit une école de I'Abhidharmako$a à 'Dan Klofr-thafr et queo de là, il alla à Lin-ëhu gser-khab (Obermiller, écrit Li-ëhu ser-khab). Nous avons vu (Traceso no 61) que 'Dan se trouve un peu au Nord-Ouest de GliR-chatr (Lin-ts'ong). C'est bien là qu'il faut chercher 'Dan Klofr-thafr. C'est dans cette plaine que fut érigé un temple de Sgrol-ma par Srofr-bcan sgam-po, dit la tradition (par ex. dPag-bsam ljon bzaù, éd. Das, II, 168) (123).Or juste en face de Lin-ts'ong se trouve l'endroit sGrol-ma lha-khafi. Il se pourrait donc qu'une biographie de Smriti contienne une allusion à Glifr Ge-sar à propos du voyage de SmrTti à 'Dan. Mais l'étape suivante de Lin (Glitr)-ëhu ne peut guère être que Leang-tcheou, bien loin de l'actuel Glin. Le problème qui se pose ainsi devra être repris plus loin (chap. v, p. 235). Jen (1945, p.24-45) s'est laissé séduire par la date de Gesar indiquée par le vieux ministre de Glin-chair. Aussi a-t-il identifré Gesar avec un chef tibétain de la région de Sining connu des Annales chinoises, Kiai (ou Kio) Sseu-lo ftÉ ffi Ffæ (997-1065). Ce nom lui semblait être une transcription de Joru. L'idée était déjà venue à Potanin (1893, I, 348-349) qui avait lu I'histoire de ce chef dans l'ouvrage de Yakinf-Biëurin (Istoriya Tibeta i Xuyunora, Sainr-

REcITERcEEs sun

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Pétersbourg, 1833). Pour lui < Gosilo n était une transcription de Geser. Mais tout en admettant l'historicité du royaume, il doutait de celle de surnaturel de Gesar. C'est le o As Kenzo r de David-Neel (1931,p. 1B). Je ne puis expliquer le qualifrcatif as ou oua. Le nom même de la montagne sacrée(sku-lha, gft,an) est généralementécrit GeJjo, Ge-mjo, mais aussi Ger-mcho. Qara-gertii qoz (Schm., p. 160), roi des Hor, traduction de tib. Gur-nag ( tente noire > (R). .-Qormusd.a(Schm., p. 1), père célestede Gesar, traduction du brGya-byin (Satakratu, Indra) de la version du Ladakh (La). Roqmo (Schm.,p. 55), femme de Gesar,est 'Brug-mo (R, La).

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Si*ao Biruuja (Schm., p. 1€), ministre des SiraiTol (Hor). Roerich y a reconnu bÇan-pa rMe-ru-rce, le Sankra Miru du Ladakh. Sira-gertii gan (Schm., p. 160), roi des Hor, traduction ( tente jaune > (R).

du tib. Gur-ser,

Tiimen-iirTalang de Gesar (xyl. Ling, II, 30o), , dont le xyl. Gyantse nous fournit l'exemple. Ses chapitres consacrés à Padmasambhava et à la controverse religieuse-montrent bùn qu'il est le fait de religieux de l'Égfse Rouge (ancienne). C'"rt ,rn résumé non pas d'une, mais de plusieurs versions puisque le chap. ëa reprend toute l'histoire avec des allusions à des épisodes ignorés dans les quatre premiers chapitres et que l'orthographe du nom du héros est tantôt io-ro, tântôt Ôo-ru. Qu'il s'agiibien d'un rérumé, c'est ce qui ressort déjà des nombreuses mentions ( extrait tiré de n que j'ai notées dans la bibliographie ainsi que des titres de chapitres se terminant par < résumé > (mdor-bsdus) ou u quiniessence> (sfr,iftfpo). Comment s'opèrent ces extraits, il n'est pas inutile précis' Nous pouYons comparer de le montrer en détail à l'aide d'un exemple -lian avec le rns- liafl, Roerich' le 'récit du chap. âa sur la guerre de Naturellement, la comparaison n'est qu'approximative puisque nous n'avons pas le manuscrit ou la version orale qui a servi de base aux compilateurs du (u5)' iyl. Gyantse. Elle est néanmoins suffisamment instructive pour être 1sn1{s

I/ersions orales et écrites. En vérité, on le voit, la situation est complexe. Il en est de même du rappott entre versions orales et écrites. Comme pour les autres problèmes traités ici, il faudra attendre une analyse détaillée des thèmes de l'épopée. Pour le moment, il ne s'agit que de relever un certain nombre de faits philologiques et indépen. dants de I'analyse interne des thèmes et des motifs, On sait la lutte désespérée que A. H. Francke a menée pour défendre le caractère primitif de ses versions orales et leur indépendance de ce qu'il appelait le cycle littéraire. Roerich (1942, p,283) a pensé, au contraireo que < les versions orales semblent dériver des versions manuscritesl (elles sont) très développées et munies d'une abondance de détails qu'on ne trouve pas dans les versions manuscrites r. On pourrait objecter que les versions manuscrites peuvent aussi bien être considérées comme des abréviations de récits oraux. Francke opposait précisément la simplicité de ses récits à l'abondance de descriptions (de batailles, de festins, etc.) des versions littéraires. En écrivant sa phrase, Roerich pensait visiblement aux versions orales de I'Amdo qu'il a luimême entendues et dont il a do:rné quelques spécimens. Celles-ci sont en effet assez développées. Il est facile de voir que la longueur des récits n'est pas suffisante pour caractériser les versions orales ou écrites. Il y a des récits oraux succincts (types des versions de Francke) et développés (Amdo, Roerich; cf. chap. vrr, p. 333). De même il y a des textes écrits abrégés (tel, par ex., le x'yl. Gyantse) et développés (tels les nombreux manuscrits des divers chapitres). En vérité, les versions orales brèves et simples (Francke) ont une allure de conte populaire$42), les versions écrites brèves celle d':urr-résurné saaant6g). Par contre, toutes les versions longues et développées, qu'elles soient orales ou écrites, ont le même caractère, et notamment l'abondance des chants. Or, pour des chants, il est naturel de penser à une priorité de l'aspect oral. Roerich (loc. cit.) nous renforce dans cette opinion en nous disant que < les versions manuscrites sont écrites dans une langue et un style qui diffèrènt considérablement de la langue classique et montïent une grande similitude avec le style et la langue des chants et ballades tibétains dont beaucoup remontent à la période pré-bouddhique ) (144). Le fait gue les versions écrites, à l'exception des t par opposition à celui des exploits des premières années. Chose curieuse, le compilateur n'a conservé de ce cycle que les dictons relatifs au premier et au troisième jour. < On le dit, c'est connu: "à peine âgé d'un jour, d'un seul - trois oiseaux noirs du Ciel, il (les) vainquit" , (II, 31 o). Et : non le dit, c'est connu : ,. trois jours, juste trois, il eut d'âge-le sorcier sGompa-ra-ja, il (1e)vainquit"> (II,

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Afro). Ces adages rappellent une tournure de la version orale bouriate recueillie par Agapitov (Potanin, 1893, II, p. 66). Les premiers trois jours, le jeune héros tue successivement l'abeille, le serpent et la guêpe envoyés par le démon pour le détruire. A la frn de chaque exploit, on trouye ces formules : < j'ai passé une nuit et j'ai vaincu un ennemil... j'ai passé deux nuits et j'ai vaincu deux ennemis;... j'ai passé trois nuits et j'ai vaincu trois ennemis). Une citation analogue est intercalée dans un récit très confus dont la rédaction trahit I'hésitation du compilatew (xyl. Ling, II, 66 b). L'histoire de la construction du château de io-ru y est visiblement très abrégée et, par conséquent, obscure, Le compilateur a opté pour une version qui parle de cinq étages. Il rappelle cependant l'adage conçu dans le même rythme que ceux quoon vient de voir. ston-pa) des figures effrayantes du démon (Friihlingsrnythus, II, 3I), autant de concepts spécifiquement bouddhiques (16?). Le vieux Kesar porte un rosaire au cou, un moulin à prières dans la main et

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un ba,r-àoa sur la tête. Comme le montre un autre passage (Pall., III, 307) où par-rna est une faute d'impression visible po:ur pad-ma r étant ici w bla-ma. entouré de moines (bcun-pa). Naturellement c'est Glifr, partisan du rt bouddha r, qui sort victorieux de la lutte (op. cil., III, 303). Le fils de Kesar, simple doublet de ce dernier, est aussi qualifié de u boucher qui tue, le matin; lama qui sauve, l'après-midi r (op. cit,, III, 306; IV, 362). Cette formule est courante dans les versions écrites pour Gesar lui-même (Stein, 1956, p. 136). Dans toutes ces versions (par ex. David-Neel), Gesar ne tue pas simplement des démons en les exterminant, mais il les sauve en libérant leur n âme ) ou ( esprit r (rnarn-çes) et en l'envoyant dans un paradis. Cette opération est caractéristique du traitement ùt liriga (fr,g:ure représentant l'ennemi ou le démon) dans les danses masquées ('ëharn). Or c'est cette attitude, en apparence ambiguë, du maître religieux et de la divinité lamaïque (à laquelle on assimile Gesar dans les versions lamaïques) qui explique sans doute un passage dont Francke a fait grand cas pour prouyer qu'il s'agissait d'une version non- et même antibouddhique. Avant de naître sur terre, le flls céleste qui sera Kesar réclame, entre autres armes, < le couteau appliqué au pécheur; le couteau appliqué au bouddha > (Frûhlingsrnythus, III, 4-S). Face aux nombreux passagesattestant le respect des institutions et des croyances lamaîques, celui-ci ne peut pas être pris comme l'expression d'une hostilité au bouddhisme. Telle qu'elle esto la phrase a été, sans doute, mal notée. Et d'abord, il ne s'agit pas du couteau ou de l'épée de Kesar (gri ou ral-gri) dont il se sert pour tuer des démons (rDo-ëhod-ma). Ailleurs, (III, \L; Winterntythus,III,25-26), il est spécifré qu'il s'agit du gri-gu Sor-gsum. Francke l'a pris pour un petit couteau (diminutif de gri) Ose),mais on peut se demander s'il ne s'agit pas d'une déformation de gri-gug, skr. karttrî(ka), le couperet. Cette arme, qui sert à n couper l'artère de vie des ennemis et des démons r (tss), est employée pour découper le litrga (bien que là aussi parfois remplacée par l'épée). Or, dans le deuxième passage cité, Kesar veut tuer le démon avec son épée (ral-gri). Mais sa conseillère céleste l'en empêche et lui conseille d'utiliser le gri-gu (destiné) aux pécheurs (et non plus au < bouddha > aussi). L'importance attachée à l'emploi de cette arme pourrait s'expliquer par la notion de Kesar, boucher qui tue, mais aussi lama qui sauve, l'arme étant le gri-gug rittael. C'est aussi par un milieu purement lamalque que s'expliquent les iamas venus tuer le nouveau-né Kesar. Ce sont les trois, sept ou dix-huit and.heband,he$ao)de I'Est (Low. Lad. aers.,p.58 (trois); Friihlingsrnythus,Y,2-3 (sept) et p. 20 (dix-huit); ils sont aussi dix-huit dans la version écr:ite, xyl.

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REcEERcEESsun r,'ÉporÉB ET LE BARDE Àu rrBET

Gyantse, ka, lIa),Il est clair que ce sont les mêmes que les dix-ht1rtar-cho ban-de, moines tantriques qui, au xe siècle, volaient des hommes et des femmes pour les manger (Roerich, Blue Annals, II, 696) et en abuser (Câronique du 5' Dalai, 48a). Je crois que la conclusion s'impose. Les versions de Francke n'ont rien de plus primitif que les autres. Elles reflètent, comme les versions écrites, la société tibétaine des derniers siècles avec ses institutions et ses croyances lamaïques. Naturellement, cela ne veut pas dire qu'elles ne conservent pas aussi des thèmes et des motifs r primitifs )) ou en tout cas non lamaiques. Mais en cela elles ne diffèrent en rien des versions développées qui en contiennent autant. D'autre part, il est impossible de concevoir que les versions écrites ou orales de grande étendue aient puisé leur inspiration lamalque dans des récits plus courts comme ceux de Francke. Le contraire semble vrai. Les versions de Francke sont abrégées, racontées de façon malhabile et remplie d'erreurs de transmission qui s'expliquent par une mauvaise compréhension de formes attestées dans les autres versions. De l'épopée on est tombé dans le conte populaire, La situation est identique en mongol. Nous avons constaté les éléments lamaïques dans le xyl. Peking (n. 116). Il en est de même dans la version orale xalxa publiée par Poppe (1955, p. lBB). Uran Gua (tib. mGar-bza,,la filledu lolgeron des Hor) y est une dagina, c'est-à-dire une Qd,kini; le corps du cheval Biligiin Kher (tib. ëa,n-çes,qui sait tout, cheval de Gesar) est orné drt bud.dha Cofr-ka-pa, du budd,ha Vajrapâpi et des vingr etune dagin (ddkini, p. I9?); d'autres Qd,kini interviennent en faveur du héros (p. 209); on évoqueles huit familles d.e nd,ga et des dewdid, (tib. sd,e-brgyad,,p.21gyt Uran Guà prononce une bénédiction (ad,is : skr. adiççhd,na) sur la flèche (p. 219). De plus, cette version orale omet des scènes importantes et indispensables au récit, Ici encore la version orale n'est certainement pas plus primitive que la version écrite. Elle en est peut-être même dérivée.

lamaTque. certains motifs ou thèmes du Gesor sont déià attestés dans les manuscrits de Touen-houang(161).Mais précisément ils y sont rattachés à d'autres légendes, alors.qu'on_n'y trouve aucune trace de Gesar ou de jo-ru. La présence de quelques thèmes dt Gesar dans les manuscrits de Touen-houane nà sienifre pas que l'épopée, dans sa totalité, fut créée à cette époque, ni même qrr"" "". y furent incorporés aussi anciennement, En-effet, la tradition poputh.eme-s laire dont les manuscrits de Touen-houang donnent des spécimens de contes ou de récits religieux n'a jamais cessé de rester vivante uu Tib"t. Bien après la fermeture de la grotte de Touen-houang les auteurs tibétains en ont eu connaissance. Des textes écrits et oraux l'attestent tout le long de l,histoire tibétaine jusqu'à nos jours (le mi-ëho$Oezl. Il faut donc bien distinguer entre l'élaboration de r'épopée dans son ensemble qui a dû se faire assez tardivement et dans un milièu nettement iamaTque, et les thèmes et motifs qui la composent et qui, eux, sont anciens. L'ancienneté de ces derniers est en effet confrrmée par le style et la langue de l,épopée. Nombreux y sont les mots, les expressions et les métaphores que les dictionnaires qualifient d'< anciens , et désuets et qu'on trouve déjà -indigènes dans les chants de Mila ras-pa et même dans les *u.rrrr"rit. de Touen-houang (163).

*** versions orales que nous pouvons actuellement saisir ne sont donc pas .Les nécessairement plus primitives que les versions écrites. Bien au contraire, elles en sont souvent tributaires, et cela s'explique par la grande importance d' milieu clérical pour la propagation des conies (ooi. détail pius roin, chap. vrr, x). Nous verrons (c[ap. rx) que, contrairàment "i à 1,imprËssion des auteurs qui en ont parlé jusqu'ici et qui ont vu dans la n couchÀ lamaique r une superfétation tard,ioe, celle-ci pourrait remonter très haut dans I'histàire, aussi-haut peut-être que la rédaction de l'épopée elle-même. cela n'empêche que des thèmes et des motifs isolés, et peut-être même des . récits entiers, peuvent remonter à une époque ancienne et un milieu non

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NOTES DU CHAPITRE III (r) Tib. des, chin. kou-tsi lt EI. (2) Son patriotisme local I'a même poussé à retrouYer au Ladakh les scènes de la vie du premier roi - légendaire - du Tibet; cf. son The Kingd'om of gNya'khri btsan'po, in fA Proc. ÀSB, VI, 3, 1910. (s) Cf. aussi Czenxowsrr, Le Culte d'es héros et sescond,itions socinles. St, Patri'ck, héros national de l'Irlande, Paris, 1919, p. 66, note. (a) Duuourrnn, Les Cultes onnomites, Hanoi, 1907, p. lM (extrait àe la Rertue indo'chL noise, 1906). (6) Éd. Péking, fol. 16 a: traces de pas de sa danse (trad. La.uron, Milaraspa, L922, p. I9); fol.734 a : ( on consetre, dit-on, jusqu'à nos jours I'arc et les flèches offerts par les chasseurs dans cette qrverne ); fol. 190 o : < il existe encore de nos jours me trace de la main du Saint sur le rocher supérieur,; fol. 206 ô : trace d'm pas; fol. 3I9 a : < (Milarépa) ayant laissé la trase de son pied dans m rocher en bas de la câveme, il dit que (cette trace) devait servir de support de vJnération aux habitants de gNa''nam r. (ul Franck. rattache ce terme à Khrom Ge-sar 'Dan-ma, mentiomé au début dt La-duogs rgyal-robs (Fnencrr, texte, p. 20, trad. p. 65). Ivlais il s'agit 1à de tout autre chose. Nous y reviendrons plus loin. (?) Thème décalqué sr celui de I'aménagement du Tibet par Sroù-bcan sgam-po. (e) Il s'acrt de la chronique de Zaùs-dkar, provenant des chefs de sTe-sta (Tista) à Zansdkar, qui n'est qu'un extrait - plein de fautes d'orthographe - d'u:re autre chronique apparemment centrée autour du monastère Phug-thal. Ia traduction de Francke n'est pas bonne. (e) Ce dgra-lha, dit Frmcke, est vénéré dans la du Mmshi' On lui a aussi dit que -aison d'autres masques rêprésentant des À-gu du Gesar se trouvent au monastère (bonpo, dit-on)' de Lamayuru. (10)On y parle lrund'wari,langue de grammaire mu4da à fortes i:rfluences tibétaines. (rr) Les auteus restituent I'orthographe sgrub-lhn ou dgrab-lha. Je pense qu'il faut écrire d,gra-lha < dieu guerrier >. C'est sans doute le même dieu, transcrit Gabla' qui est adoré par les Bhotia de Kumaon, pour obtenir < prospérité en affaires>. (Snrnnrrc, Western Tibet and' the British Bord,erland.,London, 1906, p.7l). Fnewcrn (p. 21' n.2) donne une liste de neuf dgra.lho mentionnés dans les chants à l'occasion de cette fète. I1 â pu copier un manuscrit de ees chants. Il ne poumit le comprendre en entier, mais a cru y retrouver des thèmes dee gliil-glu et du < rituel de roriage , du Ladakh dans lesquels il est question de Kesar. (u) Thème très répandu des héros-géants. (18)Cf. Das 1905, p. 366, qui mentiome cette imge de Gu{ri-qan. (u) Éd. Gûnwedel p. 32-33. (Lut op. cit., p. 27 (xyt. fot. 6 ô). (16lbçan-parMe-ru-rce'isd'ig-bçagslabiens'pa'i'bum. I-l. traductiondeGrùnwedel: eiz Kenotaph, errichtet zur Siihne d,esschandbaren Frersels,begangen im brutalem rMe'rw, est faussel celle de Waddell est juste : du Tibet et, dans l'épopée, un des clans principaux de Glin (cf. ma thèse complémentaire). Ainsi, Ge-thuû est un roi d'espèce divine ou démoniaque, mais aussi un autre nom doun des personnages les plus importants de l'épopée, oncle et antagoniste de Gesar, et ce nom se rapproche de la toponymie de l'Amnye Machen. Gesar est intimement lié à cette montagne sacrée (cf. Traces, no 53). Khro-thufi/Ge-thufr aussi. En effet, dans toutes les versions de l'épopée, Khro-thufr est considéré comme l'incarnation de rTa-mgrin (Hayagriva,

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alias rTa-mëhog, divinité-cheval), < dieu du Nord > (byan-lha\ (z). Nous verrons (chap. rx) à quel point ces notions sont inséparables du thème principal de l'épopée. Ici il suffit de constater qu'elles semblent avoir déterminé la prédominance de la forme Khro-thuri. au détriment de Ge-thufi, car on I'appelle aussi couramment Khro-rgyal t, épithète normale de rTa-mgrin (khro-bo). Or il se trouve que la toponymie de la montagne sacrée Amnye Machen comporte non seulement la passe Gethung et un rocher représentant le frère cadet céleste de Gesar, mais aussi un pic (au Sud) appelé rTa-mëhog goflma, ( souverain, meilleur des chevaux > (épithète de rTa-mgrin; Rock, 1956,

p. 115-116). En retrouvant la frgure de I'oncle de Gesar, sous la forme de Ge-thufr, dans la région du Haut Fleuve Jaune, nous nous heurtons à une difficulté. Dans le récit que le Deb-thersrion-po(fi.a,33 a RoerichoI949-I953,II, 478) consacreà Dus-gsummkhyen-pa (1110-1193),il est brusquement question du ( neveu utérin des rnu t>(mu-d,bon),Or des visions décident alors ce lama à se rendre auprès de Ga-thufr< rois des Mon r. Le lien indéniable entre la brusque apparition du qualifrcaif mu (variante de d,mu)et la décision d'aller chez Ga-thuù nous oblige à identiûer ce dernier au Ge-thui, < roi des d,nnttt, rencontré ci-dessus(rrroi > peut désignerune divinité-montagne).Mais si ce rapprochement est juste, comment concilier Ge-thuù lié à I'Amnye Machen et Ga-thufr localisé chez les Mon, ethnique qui désignegénéralementles aborigènes du Sud, de I'Himalaya?

Mon de l'Est. Un lien entre Gesaret Mon est attestéà une date ancienne,indépendamment même de l'épopéede Gesarde Glin. Après la victoire des Tibétains sur Gru-gu Ge-sardu Nord, la population vaincue aurait été fixée au pays des Mon, nous dit un passageépique du rGyal-po bka'-thaù, qui nous occuperaencore plus loin (chap. vr) (e). 5'u*',-il des Mon de l'Himalaya? Nous l'ignorons, mais il serait possible d'y voir des aborigènesdes marches sino-tibétaines.Thomas a admis cette possibilité en comparant cet emploi de Mon tibétain au Man chinois (19tlt!,p. 150, 152 et 1935,I, 268) (e).Alois que, selonle rGyal-po bka'thaù (57 a : 19 b), Mu-rum bcan-po fut expulsé au mDo-khams, il revint lorsqu'il fut rappelé - du pays âe Mon (Mon-yul) selon la Chronique du 5-"Dalai (40 6, qui écrit Mu-rug). Dans l'épopée, Mon reçoit généralement l'épithète Gu-ne(1o),mais par ailleurs cette apithète est appliquZe à un pays du Nord, à côté des Gru-gu (rns, Grugu, I, 4^6b-A7o), on èrr"àte à h pfaine gYer.mo-than(u) renfermant dix-huit tribus dont Mon-lëags(12), Dar-rofi, dPalron et sTag-rofl(ibid.,68 b-70b,7I a,75 b). L'aieuledesêru-gu s'appelle d'ailleurs Gu-ne 'Bum-sgron. Elle avait épouséle fils du roi des Sog, autre pays du Nord (tribus mongoles; ibid.,4û ô). Dans la liste des dix-huit tribus

REcEERcEEs suR L'ÉpopÉE ET LE'BARDE AU TrBET

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(13)o Mon, sTag-rori est le pays de Khro-thufr et est certainement situé au Khams alors que dPa'-rofr semble bien correspondre au Pa-u.rong des voyageurs, situé sur le Yalongkiang (Nag-rofi; cf. Thomas, 1948, p. 72 et 89 : habitants dits Si-fan). Ces indications sumsent pour montrer que Mon, terme très général pour désigner des aborigènes peuplant les vallées de l'Himalaya de I'Est à I'Ouest, peut aussi s'appliquer à des indigènes non-tibétains des marches chinoises. dPa'-bo gCug-lag-phren-ba le confirme et prouve en même temps que Ge-thun/ Ga-thun doit être considéré comme une sorte d'ancêtre (légendaire? divin?) des Mon (pa, 116 a). Autrefois, dit-il, lorsque Dus-gsum mkhyen-pa (voir ci-dessus) ût des propitiations à Dom-chari (au pays) des Mon, il reçut la visite de Don-grub, roi des Mon, souverain possédant des chiliarquies chez les Mon, les Cafl-mi, les Ka-ca-ra et l'Inde, descendant (rgyud-pa) de Gva-thufi, roi des Mon. Cet épisode est rappelé à propos d'un voyage du 7e Karmapa, ehos-grags rgya-mcho (1454-1506), au Dvags-po (Sud-Est du Tibet). C'est 1à sans doute que vivait le roi des Mon, Don-grub. Plus tard, le 7e Karmapa reçut encore la visite de Jo-'bago o roi des Mon de I'Est r (çar Mon-gyi rgyal-po; op. cit., pa, I27 a) qui, lui aussi, est qualifié de < descendant de Gva-thuù, est donc certain que Ga-thuri, roi des Mon, se roi des Monr (iôid.,225b).Il réfère à un premier ancêtre dont seraient issus aussi bien les Mon du Sud que les Mon de I'Est. Ainsi, non seulement le rapprochement de Ga (ou Gva)-thufr, ancêtre des Mon, avec Ge-thufi, roi des d'mu, et Ge-thufr alias Khro-thuri localisé entre Khams et Amdo, est possible; il conûrme même l'épopée quand elle présente Khro-thun comme chef de sTag-rofi. Nous venons de voir, en effet, que sTag' rofi figure parmi les tribus Mon de gYer-mo-thafr.

Roft et sTa,g-roù. La localisation précise de ce sTag-rofi n'est pas aisée, mais Yaut la peine d'être tentée. Une telle tentative nous suggérera, en effet, l'idée que des noms géographiques ont pu être déplacés et appliqués à des endroits différents. Bien d'autres cas illustreront cette hypothèse. Après une invocation aux quatre d'gra-lha de sTag-roù par Khro-thufr, celui-ci localise son château par rapport à deux endroits : 10 le pays du Haut Fleuve Jaune (rMa-yul glin-khri) et 2o la région de Ze-mo-sgari de rMa-et-rJa (ms. Grugu,II, 88 b). Pourtant, les deux pays sont relativement éloignés l'un de I'autre. Le premier, bassin du Haut Fleuve Jaune, est situé au Nord de la chaîne du Bayenkhara; le second, région de Dergué, au Sud de cette chaîne. La localisation de sTag-ron latéralement par rapport à (zur-nas) ces deux régions est d'autant plus remarquable que, comme nous le verrons, Glin lui' même oscille aussi entre elles.

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REcTTERcHES sun r,,ÉpopÉB ET LE BÀRDE AU TrBET

Khro-thun est aussi dit ( chef de Ron Mi-cho dmar-po r (ms. Grugu, I, 183 b et II, 119 b; lHo-glin, Tucci, I3l- b, 271 b) où Roû est une abréviation de sTag-rofi, également appelé Micho dmar-po (op. cit.,88 o) ttc1. Or cette dernière appellation s'applique spécialement à rTa'u ou lTa'u (xyl. Ling,l,34 a; II,27 a) (15).Ce dernier est bien connu; c'est Tawo, chin. Tao-fou rË I u" Nord-Ouest de Tatsienlou, dont les habitants parlent une langue non-tibétaine appelée Hor-pa par les voyageurs. Une princesse Horpa y régnait encore sur une centaine de familles en 1914 (Stotzner,1924, p. 268). La région, qui englobe aussi (Hor) Kandze (dKar-mjes), est connue sous le nom de Hor-khag sde-lùa, n les cinq Tribus Hor r, à savoir *Machouo Khangsar, Tchangou (Brag-mgo), Tchouwo (Tre'o) el Dza. Nous aurons à reparler des Hor. Selon la tradition, les cinq divisions seraient issues des *Machou. Ce nom a été expliqué par s'expliquent par la diffusion actuelle de l'épopée, et aussi par le fait que les Tibétains avaient connu un Gesar des Hor ou des Gru-gu avant de parler de Gesar de Gliù. Ces Hor étaient les Turcs Ouigours. Mais plus tard, ce mot Hor a désigné les Mongols. Coest dans ce sens que les Tibétains entendent le Hor des cinq principautés du Khams. La fondation de ces dernières est en effet attribuée à des chefs mongols (Hor) du temps de Qubilai et du lama tibétain A-gfian Dam-pa (cf. ma thèse complémentaire), qui agirent de concert avec des chefs indigènes du clan dBra (1?)(Généal. des rois Hor d.e Kand,zé, 17 o, et suiv.). La première fondation s'appela Hor-khan. Elle ne se divisa en quatre qu'un peu après 1676 (op. cit., 22 a). Un des châteaux

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RECEERcIIEs SUR L'ÉPoPÉE ET LE BARDE ÂU IIBET

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(le Démon du Nord, Klu-bcan) et Hor (Stein, 1956, p. 132). Or Beri est bien connu, dans la région située entre Jyekundo et Tatsienlou, comme ayant adhéré à la religion bonpo et, pour cela, ayant été détruit par Guéri-qan en 1639'1640 (voir le chapitre suivant). Les Hor de l'épopée sont bonpo. Leur lama est Bon Ya-mu bla-ma Gu'ru (Hermanns, 1956, p. 242-244; Peintures, VII; rns. Grugu,I, 5B b). Cette caractéristique, universellement signalée dans les versions longues, s'est même faiblement maintenue dans la version mutilée de Francke (1905-1909' p- 276 et 284)Les dieux Hor y sont invités à revêtir le peut expliquer le caractère surnaturel du Mi-flag de l'épopée et le doublet qui place I'épisode au Ciel dans la version mongole. Si l'on admet un rapport entre A-ëhui gNam-rjon et Archung, la tribu descendant de la montagne gYu-rce, on pourrait aussi expliquer la variante de la version ladakhi. Dans celle-ci (Francke, 1905-1909, p. 154-155),les objets rares dont Gesar a besoin pour son yoyage en Chine lui sont fournis, ni par le Miflag, ni par la grand-mère au Ciel, mais par son beau-père bsTan-pa (ou Than-pa). Dans les versions complètes (xyl. Ling et manuscrits), ce beau-père, toujours qualiÊé de , est sTon-pa rGyalmchan de sKya-lo, de la tribu sGa. La localisation de ce personnage est facile, Il est souvent nommé avec deux autres frères : sNo-lo et Gro-lo, et un maître (ston-pa) apparenté, Ra-lo du pays de 'Gog (ou 'Goù, pays de la mère de Gesar qui fut d'abord confiée à sKya-lo sTon-pa rgyal-mchan après avoir été trouvée au pays de 'Gog, voisin de Glin(34)). Nous avons vu qu'un Ra-lo figure parmi les quatre fils (: subdivisionso clans) de Archung. sKya-lo est dit de clan sGa, entre sKya-lo et sNo-lo (rGya-I'eu,45 a). Il vit au bord des lacs sKya-riù (ms. Gru-gu, I, I27 a; ms. Ba,cot,2I a,23 a) et sNo-rifr (nts. Bacot,50 a, 56 ô) dont les noms sont évidemment en rapport avec le sien (sKya-lo) et celui de son frère (sNo-to). Or ces lacs, bien connus des voyageurs sous la forme Tsaring et Oring tsa), se trouvent juste à la source du Fleuve Jaune, et isGa désigne dans tous les textes la région de Jyekundo(ao). Toutes les indications nous ramènent donc d'une manière cohérente à la même région du Haut Fleuve Jaune, et cela malgré la diversité des soutces, indépendantes les unes des autres. Bien d'autres faits encore sont là pour prou' ver que nous sommes sur la bonne voie et expliquent des liens obscurg entre divers pays et personnages de l'épopée.

REcrrERcEEssun r-'ÉpopÉp ET LE BARDEAU TrBET

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Mi-fi,ag, Hor et . Dans les textes indépendants de l'épopée, le Mi-fiag est étroitement associé aux Hor (cf. Stein, 1951). Dans l'épopée aussi. Le père du roi de Mi-ffag gYurce ston-pa, appelé Çad-ëhen ou Chad-ëhen, a été autrefois tué par Glin (ns. rcya-le'u,59b,64 à). Sa mère Zi-ra thog-mc1ro\at)(ibid..,74b), à en juger d'après son nom, semble apparentée à Ziqa thog-rgyas (sz), général des Hor qui vient sacrifier à la montagne sacrée commune à Glifr et à Hor, le rMaëhen sPom-ra (Amnye Machen; Hermanns, 1956, p. 106-107). L'élément thog, < foudre ,, joue un grand rôle dans les noms et le folklore du roi de Mi-flag et des Hor. Le roi gYu-rce ston-pa est vêtu d'un < tissu de nuages > (sprin-ras\ el Il vient à Glifr monté sur a pour arme un fotdre (thog-zer; rGya-le'u,74b). un oigeau de bois (dans lequel peuyent entrer des passagers comme dans un avion) appelé Go-bo gçog-rin (grand aigle ou vautour cendré aux longues ailes), au milieu d'un orage de vent, de tonnerre et de nuages, et il brandit du haut du ciel le tonnerre (thog; op. cit.,77 b-74 a). Déjà son véhicule, l'oiseau de bois, rappelle fortement le dieu tutélaire des Hor, Pe-har. Celui-ci s'appelle < muni de looiseau de bois r (çiri-bya ëan) parce' qu'il vint au Tibet sur un n oiseau de bois,. Avant l'histoire proprement dite du héros, il y eut un roi des Hor appelé Thog-rgyal (roi Foudre) ou Thog-thog (var. Thog-mo) ral-ëhen (Foudre, grand glaive), grand-père du ministre Hor sDig-spyod Çan-pa (olias Me-ru-rce). Il fut vaincu par Gesar ensemble avec quatre-vingt-dix-neuf thog-rni (hommesfoudre, xyl Ling, II, 63 ô). Un autre roi, Thog-rgod (Foudre sauvage)appartient aux Gru-gu du Nord. C'est le Gesar des Gru-gu, roi des armes, des armures et des chevaux (ms. Gru-gu, I, I a, 257 a, 200 a; II, 128 a). Son château doarmures(khrab-rjon) est situé dans le sNo-rin (ibid.,II, 85 b), et ce sNo-rin est dit situé dans la plaine A-ëhen thafr des Hor (ibid,., l, 49 a, 57 a). Il est aussi significatif que ce Thog-rgod est une divinité du type bcan (guerrière), jdentifiée à gNam-the dkar-po (alias Pehar, divinité bonpo des Hor et de 'Jan) et igvoquée par Çan-pa (Me-ru) aussi bien que par Sa-tham, roi de 'Jaù (ms. 'jan, Roerich, p. 15; rr.s. Gru-gu, I, tzl).- En dehors de l'épopée aussi on connaît des divinités terribles thog-rgod,. Un maître bonpo du pays lDofr Me-flag en invoque treize (srid-pa'i thog-rgod,; ms. Bibl. Nat.o no 493, fol. t8 o). Il est impossible de considérer toutes ces indications concordantes comme dues au hasard. D'autres éléments confrrment les liens relevés et leur localisation approximative. Selon l'épopée, le roi du Mi-frag avait soumis à son pouvoir le roi Sa-dam de 'jair et avait nommé roi (le démon) Klu-bcan dans le Nord (Byan, le Changthang) du Yar-khams (rzs. rGya-le'u, 75 a-b). 'Jafi Sa-dam (ou Sa-tham) désigne normalement la région de Likiang et Ta-li au Yun-nann même dans l'épopée (manuscrits du chap. '-Iod). N'empêche

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REcuERcHESsun r-'ÉpopÉs ET LE BARDEAU TIBET

que celle-ci le rapproche curieusement du Mi-fiag. Dans le xyl, Ling, 'Jafi est qualifié de n vallée latérale de rMa-khog r (Haut Fleuve Jaune) où se trouve le lac de sel de Da-'u. Un des châteaux de Uafr est Me-flag Dam-pa ka-ra (rns, Gru-gu, I, 66 a). Si ces indications se réfèrent sans doute au Mi-flag de Tatsienlou, il est bon aussi de se rappeler que-.les chroniqueurs tibétains ont affirmé f identité du Mi-hag : Sihia avec 'jaù, nom dans lequel ils voient sans doute une transcription du chinois K'iang (Stein, 1951, p. 26I-263). Quoi qu'il en soit, nous devons retenir le thème de la puissance du Mi-fiag dans l'épopée. Il est conflrmé par une source indépendante, le rGyal-rabs Bon, selon lequel u même Gesar de GliR r devait autrefois payer tribut au Mi-ffag (cf. chap. v).

Un des ministres de Gesar, Phyin-sfron, est né au pays de Rofl et a pour divinités tutélaires les montagnes sacrées Kha-ba dKar-po (son mëhod.lha) et mChal-lha smug-po de Ron (son bla'-ri; ms. rGya-le'u, 54a). Ces montagnes et ce pays Roir sont bien connus : ils se situent au Sud du Khams. Malgré cela, ce Phyiù-siron était ami, < uni par les femmes r, du roi de Me-flag gYu-rce ston-pa (op. cit.,44a) et ambassadeurde Klu-bcan(ibid,.' 23 ô). Devenu ministre de Gesar, il garde le Nord de Glin contre les démons (bdud). La femme du Démon du Nord, Klu-bcan, s'appelle - selon les versions ou dMan-za (xyl. Gyantse; 'Barn-za (ladakhi), rMe-za (rns. rGya-le'u),Merbza' ms. liari,, Roerich; c'est la Mesang Boumtché de David-Neel, p. 123), 'Bumskyid (: mongol Tûmen jirTalang). Elle était d'abord la femme de Gesar et s'appelait alors Glifr-za Me-tog-mjes. Elle fut ravie par Klu'bcan, puis ramenée à Glifr par Gesar (rGya-le'u, 42b-43 a). Phyin-snofl, ambassadeur de Klu-bcan au Me-flag, puis ministre à Glifr, fut son arnanl (che-rog; ibid., 4Aa). Elle doit aider Gesar à prendre les objets rares du Mi-flag, mais le trahit et encourage Miflag à faire la guerre à Glifi (tôtd., 6 a, 73 b). Si on songe à loenvoyer au Me-flag, c'est justement parce qu'elle s'appelle rMe-za, c'est-à-dire qu'elle est née rMe (comme sa mère, rMe-za A-sgron; ibid.,39 o). Nous savons en effet que les K'iang du Me-flag s'appellent eux-mêmes rMe, rMa ou rMi (Stein, 195I, p. 253). Le lien entre rMe-za 'Bum-skyid et Me-flag doit reposer sur le fait qu'elle était une rMe, une femme du Me-flag. Or elle est dite partout u de Khri-çog du Nord > (byaft Khri-çog rMe-za, rGya-le'u,44 b; xyl. Gya,ntse, ka, I2b\ ou de < Khrom-çog du Nord > (Khrom-çogs Mer-bzao, au Nord du Mar-khams; ms, lIaù, Rærich, p. 56-57), alors que son mari Klu-bcan est qualifié de ) est déjà attesté dans les chroniques de Touen-houang (Bacot, elc.,L94A, p. 15 et 34). Selon un ouvrage bonpo, le lac Khri-ço est situé entre Gesar et le Tibet (Thomas, 1951, p. 285-286). On comprend que rMe-bza'(femme du Mi-flag), épouse du Démon du Nord, porte un titre qui la relie au Kokonor et sue le thème a suivi le déplacement du Mi-flag au Sud (région de Tatsienlou). Mais l'épopée ajoute à la confusion en donnant les mêmes titres, avec une variante Khri/Khromtco), au ûls et à la fille de sKya-lo que nous savons localisés aux sources du Fleuve Jaune. 'Brug-mo, frlle de sKya-lo et épouse principale de Gesar, est appelée de donner la succession à son frls, requête qui - selon l: Ming-che - fut refusée. Le 7e Karmapa continua sa tournée et arriva à lCass-mo et à Kre-bo où il fêta le Nouvel-An de 1467 (106 ô). I1 va chez les 'Dru pour apaiser leurs querelles (109 a). r Ainsi, adoucissant tous les religieux et laïques de Rab-stoû char-sgafi du pays Mi-flag par la religion et les

REcTTERcHES sun r.'ÉrorÉn ET LE BÀRDEÀu rrBET

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biens matériels, il frt leur bonheur .> Il se tourne ensuite vers pum-'bor. reçoit la r taxe des chemins , (lam-khral) des Nag-roû-pa et arrive à bDeèhen-stefr où il apaise les grandes luttes des ,Go-log, àes Ma-khrom, etc. Après le Nouvel-An de I47I, il est invité, à grand renfort de cadeaux, par les Hor-pa suivants : 10 dBafr-pa, prince de la lignée de (l'empereu.) SË-then (Qubilai); 2o les chefs des habitants de plaine (thàrz-pa)', les rrois 4:. I"I fils de Klu-mo des Hor, à savoir Khro-bo-rgya1, KËro-bo dban-phyug et Ga'un; Jole chef des montagnards(ri-pa) Hor, A-nu-rgyal;4o lestrois lhi'iiurqrr", 5o Phur-pa-thar (donateur?) de Seû-ge Mi-log [aussi de Be-ri]. En 4:-B"-1, I47f (1I0 a), . Il s'agit visiblement d'un lieu er il est possible qu'il faille simplement traduire par < ville ) ou ( grand marché r. Mais qu'on le comprend comme un nom de lieu ou comme un nom commun, if relte que le mot hhrom pouvait facilement se rattacher à Glin. Le chiliarque de Khrom, Nam-mkha' rgyal-mchan, mentionné en 1471, est peut-être le même que le chef de Glitr, Nam-mkha' rgyal-mchan dpal-bzafr-po, qui reçut l'investiture de la cour de Chine et que le Ming-che fait mourir e.t 1SOS 1"f. cidessus,p.212). Nous savons, d'autre part, que le pays de 'Dan, souvent visité, était le voisin occidental de Glifi. Or le La-doags rgyal-rabs (Francke, 1926, p. 65) parle de Khrom Ge-sar 'Dan-ma. Ce Gesar de Khrom nous occupera au chapitre suivant. Nous I'avons vu rattaché aux lDoir au milieu desqueli on trouve aussi Me-flag et Khrom-bo, d'une part, et Glin de l'autre (cf. chap. rv, p.217 et ci-dessus,p. 205; cf. aussi ma thèse complémentaire).

Mais revenons à I'histoire de Glifr. A l'époque que le Ming-che et dPa'o gCug-lag phreù-ba ont éclairée se place un autre événement dont ils ne parlent point et dont la date est incertaine. Il s'agit de I'arrivée à Glin du grand saint constructeur de points connu sous le pseudonyme Than-stofi rgyal-po(rz). Malheureusement, cet événement n'est attesté que par sa biographie et par la Généalogie des rois d,eDergué. Or la première de ces deux sources est remplie d'éléments légendaires et caractérisée par une incertitude de toute la chrono' logie et la seconde semble - pour ce cas du moins - se baser sur la même tradition. Les liens de ce personnage avec le Tibet oriental remontent à ses ancêtres qui, bien qu'installés dans le Tibet méridional, se réclamaient du Mi-flag, et plus spécialement de la lignée des lHa-lDoù dkar-po (Biographie' 7 ô). Nous utnottt l.o à quel point ce clan prédominait dans la région de Glifr (chap. rv et ci-dessus, p.zLl). Dans l'épopée, GliR est aussi de cette ligné9, et Thafr-stofr y joue le rôle du lama invité à Glin (ryl. Ling, Stein, 1956,

2. Les voisins septentrionaux et méridionaux de Gliri sont, comme dans l'épopée, les Hor Jaunes (Hor-ser) au Nord et le 'Jan Sa-tham au Sud. Comme dans le Gesar,les Hor-ser se composent de montagnards et de gens des plaines (ri-thari).

p.25-29).

3. L'un des chefs Hor s'appelle Khro-bo-rgya1. C'est peut-être le même qui apparaît ailleurs sous le nom de Khro-rgyal en compagnie de dpal-la. Or Khro-rgyal est, dans l'épopée, le nom de Khro-thuir, oncie hostile de Gesar, et dPa'-la, dPal-le est un de ses guerriers (cf. aussi chap. rv).

Voici ce que raconte la Biographie d'e Thaù,-stori. Au cours d'un long voyage de lHa-sa au mDo-khams oio Kof'po (Ca'ri, Ca'gofr, etc., fol. I10 ô)' il fait au mDo-khams des ponts de fer sur les fleuves 'Bri'ëhu (Kin-cha kiang' Haut Fleuve Bleu), rJa-ëhï (Haut Mekong [Gla-ëhu] au-dessus de ehab-mdo ou le cours supérieur du Yalong) et le Nag'ëhu (le Yalong kiang). Après avoir doté d'objets sàcrésZal-mo-sgafr et Lithafr (1I3 a), il arrive à Glin où il demande à voir la turquoise-support de ûe (bla'-g-ya) gNam-sûo-leb de lHa'lun dPalgyi rdo-rje (lJmeurtrièr de Glafi'dar'ma), turquoise qui a causé la déroute de

2:A)

R.-A. srErN

l'armée Hor (Mongols). Comme cette turquoise était un . (Mirtaq gi yui_mhhar Gliri_d,uphebs, lI7 a). Une glose à la premièré mention à""Giin, écrire par ,rr, rgyal-mchanau moment de la révision de ra biographi", "irr"ir, l.farr_,ji' ,ro,r. J*rr" i" .o-mentaire suivanr : < le G,'ri de.ce(passage)est tJ J"ïe"g._r* 0., dépendantde sDe-dge(Dergué) du mD"olkha*s au "Ëa,"u"+*i moment où il était aux mains de Glifi. A cette époque, même des monastères du Tibet (central), tels que Nalendra de Nor );(rs\ etc., avaientdes maisons ,er"*J", originaires de) Glin. Etant donné qu,il s,agit à peu près de cette",r*'l-oirr", àfoqo", f". mots : ., Il érigeades supportsde.corps,pirole et esprit à Z"l-*o_r,gui,, doi vent se référer au r, Temple de Thatr_stoiir du monastère (situé) i, lr"rr"rrt ombragé, lHurr-grub-sterr de sDe-dge,bien connu sous le nom de rJa_,Bri Zal-mo-sgaù.Cette année-làle grand-szdd,ha eutg6 ans r. D'après les dates de la Bio-graphie, cette année serait 1446. Mais si l,on acceptela date de naissanceI5g5, I'année de l,arrivée à Glif, ;"-ril;rait en 1470. Laquelle des deux daresraut-il préférer? r" a"'m""-"Ëîurt"n p,ut.t: 4"-9!1peau Rouge entre 14?6 t+ge (voir "irrl cidessus) ne permet pas de choisir' L'idée du commentateur est"tque Thàn-stotr arriva, non pas au Grifi ,Dan proprement^dit,un p,euà l,Est de er au Nord d" 1,";ir"l-b:iiu?, *ui, au château-fort de leags-ra,.à quelques kilomètres J; b;;;;;,;l"ir*l"",rpe par Glin' Les textes du Ming-ihe Ët de dpalo gcugJag pîr"ni" ,ri"r,"rr, I'importance du Glin du Nordl La augraphi" d.eTharï-stonsembleavoir été rédigéeàune époqueasseztardive (rs"aaiu 1609),à,r.r *o*"rriïJi. p,ri.sancede Gliû avait décliné, sinon on *;i q;;"il;"Jiàî Cfio de n sh6lsar du pavs Mi-flag ,. f." "o*p."odruit p", contre, s,explique par la "orn.r"riuir", tradition que Glin énsrobait'au,-*pr à"-rï p"issancela région de Derguéet que plus tàrd seulemËnt,ce fut r" t'"rr à" bilgué de s,agrandir en annexant divers pays et notamment Grifr. cette ,r"airi"" I été exposéedans la Généaro_ gie d,esrois d.eDergué(datéelg28). L'essor d,eDergué. selon celle'ci' les rois de Dergué dérivent du clan ,Gar dont re représentant le plus célèbre, sToi-bcan yul-lzufi, f,rt du roi Srofr-b;;-.;;__p" -ioi.tr" Qn' "-.1'8 ô)' Aprèsu'e longue.e.i" à"-î"'ï;;d*,î;d*riil,'.f'"r,r."

dansI'histoire ,Gar_èhen ge"e."ri"".i"ï représentant, ëhos"orr.ru" ^u".laig. ldiris-pa,eut pour maîtres ,jjs_rten et ;;ilil firaz_rzsry mson_po fa;skla de 'Bri-gurr(raÉl-rzrz);il doit doni ;t;; ;il à ra fin du xrreet au débur

REcrrERcHEs sun t,ÉpopÉn ET LE BARDEAU TIBET

ZZI du xrrre siècle (5 o), C'est à la génération suiv__ante que sGam-stonDam-pa bsod-namsrin-ëhen aurait-reçu_àe'phags-pa(ræ5-rlg0) l,investiture, avec sceaude cristal,comme< chef de mille ,lsàn-àpon, chiÂ. æ'i"r_io* 1 p1 du mDo-smad. Ceci se passaau moment où ,pliags-pa ."c,.r, i,, ,oi_orrgot se'ëhen-gan(seëen-qan-: eubilai : che-tsou)-1"" règ.r"'.u, toui ie Tibet, événementquele Re'u-rnig datede 1253.ce bsod-nami ,i"-tt u"oit fondé le monastèrede sa-dmarconsidérécommele modèledu futu*p"-a*"tror. "" c'est avec les représentantsde la 34e et de la ss" getteruiiorr;;;s;i""*r". 'bum-er son neveu patern€lrNu-pa ëhos-kyirdo-rje"(6"y q""'rrolil"r.orrvons le pays de Glitr et. Thaù-stofr La datl roorÀ-pu, t" -"iil"., d'Kar-ëhag du Tanjur de_Dergué .l{a!-po. "o". "rt 1rài. tbs b-r64a) qrri srritr" f"r même récit que la Généalogie.D,après le d,Kar_ëhàg,'lSoa_.ruirr-,i.,î ,"çot

et de rNu eh;;+;i;;; 5?'.*."p" ehos-g'"g' 1l dlscrllel ta prophétiequ'il'gy'--chà régnerasur un endroit

Ë;i,*

",à de bon u,rgrr."(allusion se passe au monastère de Ka-thog où L 7" Karmapa, 'ff:?g_"1^:_ir__11 :..1" passa en 7467 (voir Lno-s:glags rgya-mcho, plus haut; il passa aussi à Sa-dmar

phreri-ba, pa, ri} a)._ConfoÀé;;-t :T,l,nltl"o^l{: T.ïrt"* arrive peu à peu pnerre, bbod-nams-'bum

;;;" p,o_

à lcags-ra où il devient maître d'une partie de la terre et du pouvoir d'pays a" ètin o,"r"iri." à"- th"o-po bd'ag-d.rurt,c'est-à-diredu souverain d" Glrtr. ce territoi;;-"d t a" sDe-dge. "obsod'nams''bum eut quatre fils dont le meineur (Généarogie), re second "à !d'{y'r-ëhag),.s'appela Bo'lhurtzrl. r-a. Généarogie est seule lui attribuer suivante,(6ô) : Bo-tharétait fort et sage;il avait une fille appelée :l?:T-1" mJes-rdan.Le roi de cr.iir,-qui avait le pouvoir d'anàar-ùo (préfet), lui dit , ( comme prix de ta frlle, je te donnerai res champs que tu auras labourés pendant un jour et les villageset villes d,à côtér. bo-thu. se mit à labourer en conduisant un hornme fort du chef de Glin et deux mio. Commençantà (zz), I'aube, à 'Khor-1o-m6o il arriva le ,oi, n ,N"rr_*à"; 'a" rt.s;-r.li"*i reçut-il tout ce territoire,duchef de Glifl. Depuis ce temps on dit": < Bo-thar satisfait par sa frlle > (Bo-thar bu-mos 'chens), car il oËtint ce qu,il vourut en envoyant sa frlle à la (pour une version difiérente, orale?, _fornication. cf. LiAn-che,Igy, p.28I). Les deux iextesparallèles sont ensuited,accord pour dire que ce Bo-thar, devenu gouverain(àr-taag'), invitale sid.d,ha,Thanstori (incarnation de padmasambhava).TJiaû-ston soumit le klu d'un -rgyal-po lac du versant ombragé(sribs) ei érigeaà cet endroit le monastère lHungrub-stei(23)'cet événementdevrait êtreiracé après 146zet avant ra période y.79-r489 à laquelle lHun-gtub-sreà fut'visité par le 4e chapeau ïoog". or la visite de Thafi-stofi - à croire le commentateurde sa biographie pourrait être datée de1446 ou "n de 1420(voir ci-dessus). c,est do.r"Taà"orrd" date qu'il faudrait retenir. Ainsi, à en croire ces textes, Glin régnait encore en 1470 sur un territoire assez étendu qui englobait le sDe-dgà actuer. ce dernier. dont re cenrre

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R.-À. srErN

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spirituel, le monastère lHun-grub-stefi, fut fondé à cette époque, ne se développa au détriment de Glifr que cent einquante ans plus tard. La légende de la création de sDe-dge mérite, en passant, notre attention. Le nom de la frlle de Bo-thar donnée au roi de Glin, mJes-ldan, est celui-là même que porte, dans l'épopée, la mère klu d,e Gesar, conduite à Glifi par Padmasambhava. Or, dans le xyl. Ling du moins, cet événement est précédé de I'arrivée de Than-stofr rgyal-po, envoyé par Padmasambhava à Glin. Cet agencement ressemble beaucoup aux textes qu'on vient de voir. Malheureusement les sources historiques de Dergué ne nous apprennent rien sur l'histoire de Glifr pour le siècle et demi qui suit la fondation de lHungrub-stefi. Pendant toute cette époque les liens de Dergué avec les Saskyapa restent étroits. Pour cette période, trois détails de l'histoire de Glifi nous sont donnés par d'autres sources, A la fin du xve siècle, le Saskyapa Kun-dga' rgyal-mchan épousa dKar-mo, la frlle du chef (d.pon-ëhez) de Glifr(24). Un chapitre de Ia Biographie d,eMi'gyur rd,o-rje traite des farx gter-ma (ouvrages révélés) fabriqués à diverses époques. On y lit (186 ô) qu'à l'époque de Gu-ru ehos-dbarr (I2I2-I273), apparurent 1es treize farx gter < bénis par Be-dkar [Pehar] ,. Au temps de Ratna-glifr-pa (c'est-à-dire au xve siècle)(zs), un certain 'Gofi-po A-ëhos fit encore de faux gter. ( La lettre de réfutation en écriture 'byarn de (ou : à ?) Saùs-rgyas ye-çes de rGya-ra fut envoyée par le souverain de Glitr-chaR. Jusque là il y eut le bruit que tout le Khams et le dBus étaient à convertir r. L'importance de ce chef de Glitr ressort ici de son titte gofi-ma. A, ma connaissance, ce titre ne fut porté que par l'empereur de Chine (rGya-nag gon-ma) et les grands hiérarques sa-skya-pa et karma-pa investis du pouvoir sur le Tibet. Pour le sort de l'épopée, il est bon aussi de noter l'intervention d'un chef ecclésiastique de Glifr contre certains gter-rna considérés comme faux. En 1526, la doctrine des dGeJugs-pa aurait été introduite à Gliô par le lama Yon-blo-ba(26).

le d,Kar-ëhag, que le chef de sDe-dge soumit à son pouvoir < les dix-huit grands châteaux-forts> (éhab:bans rjoù-ëhen bëo-brgyad'). L'expression est signifrcative. La soumission des Dix-huit grands rjofl, est un des leitmotiu dt Gesar. Dans un long commentaire (27),la Généalogie (10 ô) nous donne ici une liste des territoires conquis à cette époque par sDe-dge :

Déclin de Glih. Avec la 42e géî&ation des chefs de Dergué, nous retrouvons Glifr au début de son déclin. Cette génération est représentée par le lama Byams-pa phunchogs (Généalogie,9 ô; mort en me-rno-lug, 1667, d'après le dKar-ëhag, 297 b). Les deux textes parallèles de l'histoire de Dergué nous disent qu'à cette époque, quelques petits chefs de Glitr (Glin-gi d,pon-phran'ga'),leroi de Be-ri et d'autres, < furent hostiles à 1areligion du Bouddharr et se signalèrent par leur orgueil. Byams-pa phun-chogs décùa de soumettre .", .rrr,Ài, d" lu religion. Comme il n'était pas assez puissant pour le faire seul, il s'adressa au grand chef Qo6ot des Ô18d, Gu6riqan (bsTan-'jin ëhos-kyi rgyal-po, 15821654, règne sur le Tibet à partir de1642), pour l'aider. Le résultat fut, d'après

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1o rMe-çod (cf. Traces, no 70) : appelé d.u-si du chef (d.pon) de Gliir. Lors des luttes intestines de la révolte des Bra, dGe et autres (28). celle-ci fut matée par la force du n grand lama t (bla-ëhez : Byams-pa phun-chogs), et (le territoire ou la tribu de rMe-çod) fut soumis à son pouvoir. Les meurtriers durent payer le prix de l'homicide (mi-ston). rr De nos jours encore [c'est-àdire en 1828], il existe toujours les contributions appelées Glin pour prix du meurtre du d,u-si >. La dernière remarque se rapporte au folklore de Ge-sar (cf. Traces, no 61) pour lequel le meurtrier se situe à 'Dan-ma. Les Bra (sBra, dBra, Gra, dGra) étaient, on s'en souvient, une des tribus aborigènes de la région (2s). 2o qu'il toire rgyal

sBe-war [situé au Sud de Dergué d'après Jen, 1947, p. 26]. Certains disent fut soumis par les armées de Bla-ëhen; mais suivant d'autres, ce terride Don-yod de Be-ri aurait été donné à sDe-dge par bsTan-'jin ëhos[c'est-à-dire Gu6ri-qan] lorsque ses affaires allèrent mal.

3o mKhar-mdo chu-ri. Ce territoire (appartenait) à un chef (dpon) de Gliir. Pendant une absence de ce chef, le notable (cho-mi) Dharma-çri envoya un messager à sDe-dge. Sur quoi Bla-ëhen vint avec une armée et en fit son sujet, dit-on. 4o mKhar-mdo pha-ri. Ce fut un territoire de Be-ri. II fut offert (à sDedge) par les Mongols (Sog-po, c'est-à-dire Gu6ri-qan). 5o L'ancien territoire de Ku-se, avec Nag-gçis, eut pour maître le nommé gSer-mdog bla-ma qui était rattaché à la cheffesse (dbon-mo) dg ÇsJJo. Blaëhen le soumit à son pouvoir (pour Go-'lo, cf. n. 10). 6o sBo-lu aussi faisait partie (des terres) de la cheffesse de Go-'jo. Karma, lama de sBo-lu (30),demanda à Bla-ëhen de le prendre sous son égide, après avoir passé par dKar-po sum-chan. 70 Le nouveau territoire de Ku-se appartenait également à la cheffesse de Go-'jo. Mais trois chefs se révoltèrent contre Go-'io et firent leur soumis' sion à Bla-ëhen. 8o sGa-rie et dPal-'bar étaient rattachés au chef du territoire de sToi-ra. Profitant de querelles, il semble que ce soit sous Bla-èhen que ce territoire fut soumis par Dergué. dPal-yul [actuellement Pai-yu hien] semble être le même territoire.

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R.-A. srurN

Comme la liste est longue et que Glifl n'y apparaît plus, je me borne à en i_ndiquer brièvement les lieux pour illustrer le pouvoir grandiisant de Dergué : Cam-mdo, dBon-stod (chu-ri et pha-ri), Ye-na, 'Khor-lo-mdo avec Rag-ôhab er 'Jom-thog, leags-ra et Rab-brtan(sr), Yid-lhui.r [le chinois yu-longi lHaru et Hor-po. L'histoire de Guéri-qan dont I'intervention aux Khams contribua si puissamment au déclin de GliR et à l'essor de sDe-dge, est bien connue. Elle a été racontée par Schulemann (I9ll, p. l33etsuiv.).Jen'enretiendraiici que ce qui a trait au destin de Glin et du Khams en général, en suivant de près le réàit de la Chronique du 5" Dalailarna (fol. 109 a-b) et du d,Pag-bsam ljon-bzafi (fol. 106 ô,' éd. Das, II, 163; et fol. 311 a, pas reproduit dans l'éd. de Das) (s21. une fois bien installé au Kokonor en 1637, GuSri-qan est prêt à intervenir au Tibet oriental. Là, le roi de Be-ri, nommé Don-yod rdo-rje, avait dès avant 1635 adhéré à l'église bonpo et s'était comporté en ennemi des boudhistes. Il avait mis en prison plusieurs grands ecclésiastiques sa-skya-pa, dge-lugs-pa, karma-pa, -brug-pa et stag-lufr-pa. Nous avons vu que Byams-pa phrro-Àogr, chef_de,sDe-dge, appela Gu6ri-qan à l'aide contre Be-ri. Aussi Gu6riqàn envahit-il Be-ri en 1639 (à la 5e lune chinoise). Le roi de Be-ri s'était enfui. Ayant conquis la majeure partie du territoire de Be-ri, Gu6ri-qan réussit à saisir Don-yod rdo-rje en 1640 (le 25 de la lle lune). Il le mit en prison, libéra les dignitaires de l'église lamaique emprisonnés et les renvoy a chez eux. Il soumit tout le Khams et reçut le tribut de partout, même des sujets du roi de 'Jafr (région des Mosso, Li-kiang). Malheureusement, aucune des sources qui nous parlent de cette conquête du Be-ri ne soufle mot de Glitr, Faute de document., ,,orr. ignorons q,ri ," "" passa. La Biographie de Mi:gyur rd,o-rje (1645-1662 ou 1202), sans doute rédigée par son disciple, décrit le succès de ce jeune lama incarné vers 1663. Il fut alàrs vénéré par les bKa-'brgyud-pa, les Sa-skya-pa, les Bon-po, etc., et il soumit à son pouvoir tous les habitants (le roi, la reine, etc.) < âe l'endroit où vécut Ge-sar, souverain de Gtitr > (GLin-rje Ce-sar bàugs-pa,i gnas; g|{am-ëhos, ma, 2I2 a). Cet endroit s'appela sTofi-çon 'b,.r*-r''i,_rgr(chiteau ie lôags-ra; cf. chap. Itr, n.77). Entre 1667 et 1699, un représentant de la 4Be génération de sDe-dge (Généalogie, 15 a), rDor-legs [c'est-à-dire rDo-rje legs-ipa],incarnation de la divinité terrible (d.am-éan) du même ,ro*, u,rruit été dàué d'rrtr" force,peu commune. Au moment de la guerre qu'il fit au chef (d,pon) de Glin de lcags-ra, il aurait riré une flèche ilu toit de rGod-chafr grri ârrrait atteint I'ornement d'or (gserlphru) de Glifr. Son frère cadet, gyu-rgyal, aurait égalé en force Gesar, souverain (rje) de Gliir. Il est curieux de constater que le souverain de Glin est ici localisé à leagsra, tout près de sDe-dge - et non pas au Nord - 61 qu,sn même temps on parle à ce propos pour la première fois de Gesar. Tous les autres textes, aussi bien le Ming'che que dPa'o gcug-lag phrefr-ba, nous attestaient bien Grifr

REcrrERcrrESsun r.,ÉpopÉB ET LE BARDE Au rrBET

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à I'Est de 'Dan et n'employaient pour ses chefs que les termes d,pon oa d,u-si, sans jamais y ajouter le nom ou le titre de Gesar! Nous savons que, dès 1643, le 5e Dalailama parle déjà de Gesar de Gliû comme d'un personnage historique et localise ses traces sur le Haut Fleuve Jaune (cf. chap. rrr, p. 126 et 143). Le lien entre le Glifr historique et le Gliû de l'épopée date-t-il de cette époque? Après la fin du xvrre siècle, nous n'avons plus que quelques rares indications au sujet de Gliir. Elles ne concernent visiblement que le petit territoire de Lints'ong. Le Si-tsang ki-chou (fol. 21 a) nous signale an ngan-fou-ssez (fonctionnaire de pacifrcation) de Lin-t'song nommé Ngo-mou lin-k'in, investi de son titre enl729 (t:^ 7i, * Jft ol f{l y'; ff 4). Le Ta-tsien-lou tche(k. hia, 33 ô) écrit ce nom Kouen-mou lin-ts'in æ ût ff . Il se soumit à la Chine en 1728. Mais Chô yi-tsô (1944, p. 59) écrit Kouen-pou ,f1 lin-ts'in en suivant ^ Ie Ta-Ts'ing yi-t'ong-tche, le Ta-Ts'ing houei-tien, etc. C'est certainement la bonne leçon, celle que donne aussi le Ts'ing-che kao (t'ou-sseu-tchouan, 2,16 b : ancêtre des ngan-fou-ssez de Lin-ts'ong). La seconde partie du nom représente sans aucun doute Rin-ëhen, et la première doit correspondre à mGon-po. Enfrn, la Généalogie des rois d,eHor Kandze nous dit ceci à propos de la naissance du douzième lama de Kandze, bsKal-bzan mthu-stobs dpal-bu (fol.29 o). A I'endroit appelé Glifr-chan, parce qu'il est comme une île (gliri) entourée de presque partout par les fleuves ['Bri?]-èhu et rJa-ëhu (Haut Yalong kiang), rattaché au bas de la vallée de Hor Brag-mgo [Hor Tchangou], dans le village de Sa-mdo, il y eut la frlle d'un marchand appelée Chos-thar'bum. Elle n'était pas fixée à un endroit, mais vagabondait en pélerinages. Elle eut deux fils, le Karma[-pa] Ôhos-dbat dar-rgyas et le lama nommé cidessus. Elle aurait conçu sans mari, mais des gens disent que le père du lama fut un < ministre du chef (d,pon-po) de Glin mGu-zi, appelé, ld,e-gu'i Jas-sari mGon-po >. Le lama naquit en I'année m,e-lno-yos(1747). Son père mGon-po peut donc être identifré avec le chef de Lin-ts'ong Ngo (ou Kouen)-mou (pou). La Biographie d,esKarrnapos (fol. 192 ô) nous signale qu'un peu après 1700, Ie Si-tu éhos-rgyal Mipham s'était incarné en naissant comme fils de mGon thun-pa, chef (d,pon) de Glin-chan. Le lle dignitaire karmapa, Ye-çes rdo-rje (1676-1702) voulait déjà reconnaître ce flls comme souverain karmapa et lui donner un nom. Mais Glin-chafl décida alors de se rattacher aux Sa-skya-pa (alors que, jusque là, les Karma-pa y avaient joué un grand rôle) et, de ce fait, le fils mourut et ne fut pas compté dans la lignée des si-la karmapa. Tous ces mGon-po doivent être un seul et même personnage. Quoiqu'il en soit, le Glin de cette époque devait avoir encore une certâine importance. Le d,Karëhag du Tanjur de Dergué (fol. 234 o) parle encore de lui comme < centre du Tibet > tout en le situant dans le Zal-mo-sgafi (région de Dergué). Bien que politiquement effacé par le pouvoir grandissant des chefs de Dergué, Glinchan (Lin-ts'ong) conserva avec ce dernier des liens religieux importants jusqu'au xrxe siècle, le colophon dt xyl. Ling l'atteste (Stein, 1956, p. 8-9).

R.-Â. srErN

REcEERcEEs suR L,f.popÉEET r,E BAnDEÀu rrBET

A cette époque, cette principauté de Glifr s'est définitivement identifrée au Glitr de l'épopée. Ces chefs se disent descendants de 'Bum-pa Zal-dka4 demi-frère de Gesar (cf, Traces, no 62). Deux grands savants décident alors d'éditer une version imprimée de l'épopée, 'iam-dpal-dbyafis mKhyen-brce'i tlbair-po (1820-1892) et Mi-pham 'jam-dpal dgyes-pa'i rdo-rje (1846-1914?). Ils étaient liés à la fois à Glin et à Dergué (Stein, loc. cit.\.

Saskya par.rditaà Glifi (Traces, no 62), et jusqu'à l'époque moderne Glifr et sDe-dge(Dergué) se rattachaient, du point de vue religieux, à l'ordre des Sa-skya-paet notamment au monastèreNor (dans le Çafis, Tibet occidental). Un pays limitrophe de Glifr, 'Dan-ma, a certainement vu le passagede Saskya pa4{ita et de 'Phags-pa,lors de leur voyagechez Godan enJ,247(cf. ma thèse complémentaire).Mais les religieux saskyapan'étaient pas les seuls à jouir de la faveur des empereursmongols. Les dignitaires karmapa en reçurent aussi. Le 2o Karmapa, Karma Pagçi (1204 ou 061283) était chezQubilai en 1255.1256(dPa'o gGug-lagphreri-ba,pa,,l7 a), presqueen mêmetempsque 'Phags-pa.Le 3e Karmapa Raù-byufrrdo-rie (1284.1339)avait reçu des titres. Le 4e, Rol-pa'i rdo.rje (1340-1383)aussi(cf. ci-dessus,n. 5-6). C'est sans doute à la fin des Yuan ou au début des Ming que se rapporte un passageobscur du lHaidre bkoi-than (4I a:51 ô). Il s'agit d'un chapitre de prophéties historiques dans lequel l'avènement des Ming (1368) est déjà mentionné (fol. 38 ô). Voici ce qu'on nous dit :

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Aoant 14A0? Si j'ai commencé l'exposé de l'histoire de Glin à la date de 1400, c'est qu'avec elleo nous sommes sur un terrain solide. Bien entendu, ce royaume n'a pas brusquement surgi er nihilo. Qu'était-il donc avant cette date? Nous n'avons à ce sujet que quelques indications vagues et difficiles à dater. Mais, s'il faut les considérer avec prudence, il est indispensable de les exposer ici. Pour ce faire, j'essaierai de procéder, si I'on peut dire, à reculons, tâchant de remonter autant que possible pas à pas le cours des âges. Il est bien évident que, plus nous remontons, plus nous nous exposons à des erreurs. Une réflexion, doabord, s'impose. L'histoire de Glin s'éclaire brusquement avec la chute des Yuan et le début des Ming. La Chine trouve alors le besoin de donner l'investiture à ses chefs religieux au même titre et en même temps quoelle la donne aux grands centres religieux de Sa-skya, Phag-mo-gru, 'Brigutr, sTag-ehafr et Gon-gyo. Lohistoire tibétaine nous présente cette distribution d'investitures comme un succès diplomatique de De-bZin gçegs-pa qui réussit à dissaduer l'empereur d'envahir le Tibet. Pour la cour des Ming, il s'agissait de reprendre en main le Tibet que les Mongols avaient conquis et gouverné en conflant le pouvoir aux Sa-skya-pa. Nous avons vu (p. 221) qu'un des ancêtres des chefs de Dergué aurait reçu de 'Phags-pa la charge de < chef de mille, dans le mDo-smad. Un autre chef, de la lignée des lDoù de Chamdo, aurait aussi été fonctionnaire de 'Phags-pa et investi d'un titre mongol (cf. chap. rv, p.204). Tucci nous dit(supra, n. 10) que les dignitaires de Gliirchaù et de Gojio [: Gon-gyo] furent parmi les quatre grands dignitaires (naft-ëhen) de la cour des Sa-skya-pa. Malheureusement nous en ignorons la date. Il est probable que les chroniques sa-skya-pa nous permettraient des précisions. Mais il m'a été impossible de les consulter.

Au xrrf siècle, Un fait, cependant, ressort de ces quelques indications, c'est que Gliùchafr existait déjà à la frn des Yuan (xrrre siècle) et que ses chefs religieux obéissaient aux hiérarques de Sa-skya. La tradition, elle, fait déjà passer

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< Tous seront vaincus par l'armée chinoise. Dans le pays de (la montagne) Çam-po[c'est-à-diredans le Yar-klufrs dont on vient de parler]nde nombreux camps chinois seront établis... La fortune des monastères(placés) sous (le pouvoir) des rois Hor (Mongols) sera épuisée.Le soleil noir du malheur se lèvera au "Iibet. Glin-cha l: chaù2], d,ConJfo,Khrom-thog, Me (var. Mi)fi,ag apparattTsn6@3). (Comme) des voleurs, des brigands et des mendiants ne peuvent augmenterles vertus, tous les trois (pays),le dBus, le gCaf, et le Khams auront à soufirir... (cris et pleurs). (Mais) un jour un roi viendra pour (mater) tous les rebelles, les bd,ud,,les srin-po, les ma-mo, les gnod,sbyin, tous ces démons terribles dont il a été question ci-dessus.[Ainsi se termine] le chapitre xxw (où il est question de) qui I'emporte en bonté, de la Chine et du Tibet r. Malheureusement,la phrase cruciale n'est pas claire et peut se traduire de différentes manières.J'ai restitué cha,en chaft,et compris les noms comme juxtaposés,puisque dGon-'io, variante de Gon-gyoiGoJJo,est un nom de lieu et va ailleurs de pair avec Gliù-chan(cf. n. I0). Autrement, il faudrait traduire odGon-jo, neveu (ou petit-fils) utérin de Gûn r. Mais il y a d'autres difficultés. Comme il s'agit d'un passageen vers, des prépositions peuvent être sousentendues(cf. fol. 38 a, : me-mo-phaglo Yar-lelufl,skhrtms-d,mag'byuù, ce qui signiûe visiblement : < en I'année feu-porc une armée punitive [chinoise] apparaîtraau Yar-kluns >). On pourrait donc traduire : u Glifr-cha(et?) dGon'lo apparaîtront au Khrom-thog (et?) Mi-flag >. Mais ceci est peu probable pour des raisons qu'on verra à f instant. Un doute subsisteaussi au sujet des deux derniers mots. Khrorn-thog signifre a beau > ou et est bien attestécomme épithète de Mi-frag,région que d'autrestextesqualifient par eillssls de paysdesbeauxhommes(cf. le chap.vr). Mais nous venona ausside voirn à I'occasiondes voyagesdu 7e Karmapa (ci-dessus,p. 2I4), qu'il

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R.-À.

STEIN

y avait dans la région de sDe-dge et Glitr un endroit appelé Khrom spyi-thog, siège d'un ( gouvernement central > (gÉufi) de Khrom, et que le chef de Glitr pouvait être qualifré de chiliarque (khri-d.pon) de Khrom (p. 215). A cette même époque Miflag (Rab-sgan), région de Tatsienlou, est mentionné à part. C'est pour cette raison que je me suis décidé, dans ma traduction, pour une simple juxtaposition des noms. Enfrn le sujet du verbe 'byun ((apparaître r, < il y aura ), est douteux. On pourrait supposer qu'il faille traduire : < (ce soleil noir de malheur, ou l'ennemi) apparaîtra à Glin-chaln], etc. D. A quelle époque faut-il assigner cette ( prophétie >? 11 est impossible de le dire. Comme ii y est question du déclin des monastères qui avaient reçu l'investiture des Mongols, on serait tenté d'y voir une allusion à la fin de la dynastie des Yuan (vers 1350). On pourrait aussi songer aux luttes intestines entre ces grands centres monastiques qui eurent pour résultat la destruction de 'Bri-guir en 1290. Nous avons vu que certaines allusions de l'épopée semblent se rapporter à ces événements (cf. chap. rrr, p. 1 l). L'existence d'un pays Glifr à cette époque n'est pas impossible. Une phrase, malheureusement aussi tant soit peu ambiguë, dela Chronique d,e d,Pa'o gCug-lag phreft-ba semble l'attester à une époque encore plus ancienne. Dans sa biographie du 2e Karmapa, dPal Karma-pa, ollas Karma Pakçi (1204- ou 1206-1283), nous lisons (pa, I5 b) que Karma Pakçi devint moine à 11 ans (donc en I2I4 ou 1216). Un an après (I2I5 ou I2I7), il soumit (c'està-dire convertit) par des miracles tous les Bonpo et hérétiques du mDo-khams. Puis il se rendit à mChur-phu [e siège des Karmapa]. < A cette époque, le monastère de mChur-phu demeurait vide car il avait été détruit (ou : endommagé) par Gtin et Be-ri ) (34).Karma Pakçi s'y installa et y résida six ans au cours desguelsil le reslaura et I'agrandit. Quel était ce Glin? Etait-ce bien celui du Khams que nous avons considéré jusqu'ici? On le croirait volontiers puisqu'il est associé à Be-ri, son yoisin de l'Est. A la lumière de ce texte, il ne serait pas impossible que l'itinéraire de Sa-skya papdita, évoqué ci-dessus, ait traversé ce Gliir du Khams.

Au .r" siècle? Il est encore plus difficiie de se prononcer au sujet d'une autre mention énigmatique de Glin. Une chronique bonpo, malheureusement non datée (mais sûrement pas antérieure à la fin des Ming), le rGyal-rabs Bon-gyi byurt.gnas (éd. Das, p. 30), nous dit : de Ho-tcheou fermaient la route du tribut de Khotan et attaquaient les convois. D'ailleurs, les tributs qu'ils envoyaient eux-mêmes à la cour chinoise (per1es, ivoire, jade, encens) provenaient évidemment d'Asie Centrale (Song-che,492,6b). revêtant parfois la forme k'iang de phrom. (cf. ma thèse complémentaire). Or lDon et n Blanc r sont également caractéristiques du Glifr de l'épopée. On verra dans le chapitre suivant comment le mot vague de gliri < pays r, devenu le nom du pays de l'épopée, peut s'expliquer comme une abréviation de'jarn-bu-gliÈ, Jambudvipa, le monde. Mais il faudrait aussi rendre compte de quelle manière ce mot, issu d'un thème folklorique et religieux, a pu devenir le nom d'un pays qui a réellement existé dans le Tibet oriental. L'histoire de Kio-sseu-lo a pu servir de point de cristallisation. En fait, les textes tibétains attestent ce mot ou ce nom pour une époque antérieure, mais rattaché à des endroits qui ne semblent pas pouvoir être le Glin historique. Le hasard des assonnances a pu intervenir dans le choix du mot glift, comme nom de pays (cf. chap. rv, p. 197). sMrï-ti, maître de'Brom-ston, se rendit, vers 1020-1040, à Liù-ëhu gser-khab (< ville d'or r : capitale?). Cette ville ne peut guère être que Leang-tcheou (ou Ling-tcheou) (st). Elle est aussi mentionnée, comprenant un temple construit par Khri-lde gcug-brtan (vers 700 A.D.), au mDo inférieur (Amdo oriental; Bu-ston, II9 b : Obermiller, II, 186 : Liri-èhu khri-rce). Mais, alors que I'élément -ëhu perrnet ici f identiûcation certaine avec le -tcheou chinois, on ne trouve, dans une inscription très ancienne, que Glin tout court; et pourtant, il ne peut guère soagirque du même endroit (52).

i,

Déjà Sroir-bcan sgam-po aurait érigé, à l'Est du Tibet, trois temples, à Kaëhu, Kafi-ëhu et Glin-ëhu (Gyal-rabs,64 o). Ces trois noms ne peuvent représenter que Ho-tcheou, Kan (?)-tcheou et Leang-tcheou (ou Ling-tcheou?). Quant à Liri-ëhu khri-rce, on trouye Khri-rce seul déjà nommé dans les chroniques de Touen-houang (Bacot, etc.,194û, p. 39-40). Le roi tibétain y résida en 701 et 702. L'endroit semble être situé non loin de Zon-ëhu (Song-tcheou), The'u-èu (T'ao-tcheou) et Nam-ldofr7hrom. D'auTre part un Glifr Rifrs-cal est nommé en 705 (op. cit., p. 41). On le voit, le toponyme Gliir existait déjà dans l'Amdo depuis, au moins, le début du vIIIe siècle. Il était donc depuis longtemps disponible lorsqu'il fut enfin, dans des conditions que nous ignorons, donné au pays qui se rattachait au héros épique Gesar. Une épithète ethnique qui apparaît sous les formes gliù, glaù, gloù est fréquemment attestée dans le Nord-Est du Tibet (cf. ma thèse complémentaire). De plus, cet élément se trouye souvent associé à des

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R.-A. srrrN

tribus lDoir et accolé à un mot tibéto-k'iang phrom qui signifle r blanc r. Or, dans l'épopée aussi, Glin est toujours appelé < Glin blanc > (Glift-dkar)laz) st rattaché aux lDoir. Quelle que soit l'époque à laquelle des circonstances historiques inconnues ont permis de cristalliser autour d'un chef et d'un pays le folklore du roi universel Gesar, certains éléments toponymiques et éponymiques de l'épopée remontent à une haute époque bien antérieure à cette cristallisation.

REclrERcEEs sun L'ÉpopÉE ET LE BARDE AU TIBET

N O TES

DU

CHAPI TRE

237

V

(r) C'est cependant le Fou-lciao-wan1 @p. cit.,6 b) qui est dit être moine de *ff 4l ! sTag-chaù, 12)tso'tùgtranscrit normalement bzah, mais le composé rgyal-bzan n'est pas attesté, à moins qu'on ne songe à une abréviation de rgyal (-mchan dpal-) bzan-po, Mais il y a des cas oï kien,sazg cmespond bien à rgyal-mchan. Le descendantde'Phags-pa qtele Ming-che (831, 1ô) appelle Kong-ko kien-tsang pa-tsang-pou s'appelle bien Kun-dga' rgya!-mthai dpal-bzan-po. (3.)Dictiormaire de S. Ch. Des, 913 a. \a) Cf. Ming-che,304,2 à ..il passapar les principatês (kouo) de dBus-gCal, 'Bri-gun, sTag-chan et Glin-chan. (5) Les liens étroits entre Karmapa et Glin qui ressortent de tous les textes ici traduits sont conlirmés par I'existence d'un mgon-khaÈ (temple de divinité protectrice terrible) dédié à Gesardans 1egrand monastère karmapa de gNas-naû(cf. no 74). De plus, siil faut en croire f information d'rrn lama mongol obtenue à Kalimpong, c'est le 3e Karmapa, Ratr-byun rdo-rie (1284-1339),qui aurait institué le culte de Gesar. Mention de ce fait impoitant se trouverait dans la _biographiede ce digniraire. Elle n'est malheureusement pas à ma disposition. L'ouvrage moderne Biographies des Karmapas n'en parle pas. Mais on y trouve menti;nné un certain Glin d,ruit-pa (digntaire de Gtin) parmi les disciples de Ran-byun rdo-rje. Cet élève doit être Tin-'jin bar'r-po du mDo-khams qui reçut de l'empereur mongol m sceau de si-dâu (d.Pa'o-gCug-lag phreù-ba, pa,44b) en même temps que Chal-pa et Ran-byun rdo-rje. A en juger d'après son nom, c'est peut-être l'ancêtre des deu d,u-si de Glin, Tin-Tin grags-pa et Tin-Jin 'od-zer que nous rencontrerons plus loin (fin du xve siècle). (6) D'après le Re'u-mig (d.Pag.bsan ljon-bzan, 278 a-b) eTSq ang Seiez (Schmidt, p. 123), __ Tho-gan-the'mur naît en 1318, monte sur le trône en 1333 et le perd en 1368. selon dpa;o gCug-lag phreù-ba (ma,24a), il monta su le trône à Çaù-mdo (Chang-tou J. âll) le B de la 6" 1919de !ànnée coq (1333). Il s'attachaau maltre Ran-byun-ba (le Be Karmapa Ran-byufl-rdorje (1284-1339)qui avait reçu, en 1298, le ritre Karmapa et u sceaude cis6l(op. cit., pa,44 b) et mourut à Çair-mdo en sa-yos(1339). L'empereur conféra aussi le titre de ti-çri ( ti"che ffi Eln) au SaskyapaKu-dga' rgyal-mchan qui mourut en sa-khyi (lB5S). En 1360, I'empereur reçur ( Karmapa, Rol-pa'i rdo-rje et lui donna le titre protecteur o. de du royuume ! "l{1: {r fe En 1363, Rol-pa'i rdo-rje retouna au Tibet et, six ans plus tard, en 1368, I'empereur ei son fils durent se réfugier en Mongolie. Le 5e Karmapa, De.bËin gçegs-pa,joua aussi un rôle important en Chine. C,est le Ha-li-ma F,fr .û,ffi[ dr Ming-che, 33I, I b-2 o (notice traduite par Tuccr, 1949, TpS, p. 682). t?) Il s'agit de Heou Hien. Le Ming-ki note (p. 79) à la 2e lune de la l"e amée yong-lo (1403) que Tch'eng.tsou, ayant entendu parler des pouvoirs magiques de Ha-li-ma (Karma, le 5"; cf' n. 6), envoya le sseu-li chao-kien -p] f'rt ,) ffi Heou Hien avec me lertre pour I'inviter. L-gMing'che ($r, I ô) indique que la même misiiàn comprenait aussi le moine Tche-kouang. Heou Hien et Hali-ma arrivèrent à la cour à la l2e lune dà la 4" année (L406, Ming-hi, p. BA; c!, Ming-che,S, I a). L'année suivante, après m rite au cours duquel l'àmpere* ù p"".ooo" dit me prière, Hali.ma reçut le titre de Ta-pao fa-wang. La Biographie d.esKarmapas (fol. l0B a) dit qu,il alla du dBus (Lhasa) à Çilr-kun (Lin-ts) dans t'ao, l'Amdo) en passant par Sog, Nag-çod, sGom-sde,lHa-sten,'Karma, Ne-stod, sMarkhams, 'Bri-èhu, 'Dan et Glih-chan. (n) Je pense que zin-çiit transcrit le mot chinois sien-cheng )t" !: , mot qui désigne les taoistes dans les inscriptions Ymn. Mais quand les Tibétains parlent de bonpo en Chine, ils entendent : taoïstes. Pour eu, zitçih semble désigner des confucéanist"". Ki.-" pagçi avait aussi discuté, en 1255, avec des nu-stegs (hérétiques de.l'Inde) et d.eszituçifi (dpa'o gtug-lag phren-ba, Pa, 15 ô). En J.256,t était au pays des 'On-ge (ôngiit) dont le roi s croyait À bîoctrinà

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R.-À.

STEIN

deserga-bo des Sog.po , (op. cit.,17 ô). U doit s'agir des erlce'il ou Nestoriens.Mais en évoquant ces événements, la Biographie des Karmapa,3S ô, parle de ziruçin, ta'o-gsi et er-ha'o. ELle distingue donc entre sien-cheng (confuceanistes)et tao-che (taoistes). (r0) Gon-jo, aussi écrit Go-'jo, se trouve dans le Khams, à I'Ouest de Dergué, Tucci nous indique que, d'après le Myaft-éhuh (I35 ô; chronique de Myaù/Natr, région de Gyantse), quetre grands dignitaires (nari-éhen) se trouvèrent à la cour des Sa-skya-pa.Ce furent : 10 Gon.gyo; 20 Gliir-chan; 30 Çar-kha ôt 40 'Don (Indo-Tibetico, IV, I, p. 83). Un de cesnaft-èhen, 'Pbags dpal-bair-po (né en 1318), fut le fondateu de la dynastie ïocale de Gyantso et reçut des Saskya-pa I'investiturè sur m teûitoire situé entre 'Bri-mchams et Gats-dkar (op. cit., p. BI et 83). Rappelons-nous que les rois de Gymtse se disent descendants du beau-âls de Khrom Gesar (ci-dessus,< Traces > no 30). (u) Thafi-pa est certainement me faute d'impression pour Thar-pa, Le Ming-che le prouve. (12)'Bon-fl.ag d,u phyags-phab Khrom khri-dpon Na-mkha' rgyal-mchan khu-dbon sogs hhrom-gZuit gi ban-bon skya-ser thams-ëad,smin-par mjad,. (18) Pour la localisation de Che-cbe, cf. op. cit., ll a, où il est question d'un chef (cÀo-pa) des Che-cha de lÔags-ra(près de Dergué). (1a)Nous avons déjà rencontré ce dornaine (chap. rv, p. 199) et verrons qu'il fut le berceau de Dergué. ('5) Ce récit est confirmé par le Ming-che,33I,2b : le tchong-kouan Lieou Vw Etl fC est envoyé pour inviter le n bouddha vivant r tfr (f; a'rec grande pompe (dix généraux et mille soldats). Mais le Fou-tcheou (llf ttitf (É T- il,AT) tr ville de Yue-tch'anC W;t H ldi) q"i formait la frontière de Khotan, et "t les Ouigours aux Têtes Jau:res.A partir de 1à, I'itinéraire semble se diviser en deux tronçons. On pouvait empruter I'un ou I'autre. Ou bien on allait vers I'Est chez les Ta-tan et les Tchong-wen {S iH. O" bien on passait, également à I'Est (mais il faut sans doute eorriger en Sud) par leterritoire de Tong-tchan, puis par la ville de Lin-k'in + +fr rfi, (à I'Ouest de Sining, à peu près Tangkar) et de Ts'ing-t'ang (Sining), pour arriver en Chine. L'appellation < Ouigous à Têtes Jaunes, correspond sans doute à celle des Sara-Yugu ou Sari;' Yugu, < Ouigours James , (aussi : Yegu, Yogour, Houang Fan-tseu)actuellement fixés au Sud de Kan-tcheou. Comme Kan-tcheou avait été pris par le Si-hia en 1038, les envoyésde Rûm, venus en 1083 en traversant le pays des < Ouigours à Têtes Jaunes D,ont sans doute passé plus au Sud. (51)Au lieu de Lin-chu gser-lchab(Bu-ston, 131 a-à : Onunurr,r,nn, [I,2I4-2LS), les chroniques saskyapa écrivent Liù-éhu rce.khab ou Liù-éhu tout court : cette ville était Ie siège de Saskya Paq{ita en 1246. Tucci qui cite ces textes (1949, ZPS, p. 680, n. 39, 40) y a vu Leang-tcheou. On peut, à la rigueur, songer à Ling-tcheou ffi ,J,tJt"" Sud de Ning-hia). Une biographie modeme de Saskya Par.rditasemble avoir confondu ce Lifr-éhu avec le Glin du Khams (r Traces >, no 62). (63Jfnscription de sKar-éhun; cf. Rrcn.tnosox, Three ancient inscriptions from Tibet, Ln'JRASB,1949, p.51 et 55, et Tuccr, 1950, p.14. L'iascription attribue la construction d'm temple dans Ia v.d:le(khri-rce) de Glin à Khri 'Dus-sron (679-704), (53)Pour de nombreusesréférences,voir SrnrN,1956, p.145. On dit aussi khra-mo Gliit oï lthra-mo < bariolé > signifie < foule, multitude variée >, mais cette épithète n'exclut pas le q blanc r (cf. op. cit., p. 357 : khro-rno Glin-dkor).

CHAPITRE VI

DIT KIIROM (;!]S A R À (i LIN GB S A R Nous l'avons dit dès le début (chap. r) et la bibliographie en fuil fel (r), ayant même de pouvoir expliquer le < Gesar de Gliir I de l'épopée, on avait signalé, d,ans d,'autres textes, un Gesar de Khrom ou de Phrom. On y avait reconnu Kaisar de *Hrôm ou de *Frôm, forme iranienne de Rùm (Byzance). Cette identification nous paraît doautant plus certaine que les deux éléments comparés apparaissent au Tibet et en lran, non pas isolément, mais conjoin' tement. Non seulement l'équation est phonétiquement solide; elle est encore appuyée, on le verra plus loin, par le folklore et l'histoire qui peuYent expliquer le cheminement de ce titre jusqu'au Tibet. Mais quel rapport y a-t-il entre ce Gesar de Phrom (Khrom) et le Gesar de Gliù? Nous ignorons la date de la composition de l'épopée. Les chefs de Glifr qui ont pu s'identifier à Gesar apparaissent, au plus tard, vers 14O0. Mais, même en faisant remonter l'épopée, comme ensemble homogène, à une époque assez ancienne, il semble bien que les mentions de Gesar de Khrom lui soient antérieures (z). On a donc dû passer de Khrom Gesar à Glin Gesar. Nous avons vu (chap. Iv et v) que plusieurs circonstances pouvaient faciliter ce passage. Alors que Glil est toujours qualifré de n blanc r et lié à la < tribu primitive I des lDofl, des textes très anciens localisent ces lDoli, en rapport avec Nam' Sum-pa et Mi-iiag, dans I'Amdo tout en y associant une épithète phrom qt:i signifie < blanc >. Plus tard, après l'apparition des chefs de Glin dans le Khams (vers 1400), ceux-ci sont en relation avec un gouvernement général de Khrom visiblement situé dans la même région. L'épopée aussi bien que certaines chroniques nous attestent encore d'autres noms de lieux comportant l'élément Khrom, tous situés dans le Tibet oriental. Nous y reviendrons à la frn de ce chapitre.

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R.-A. srErN

Dans tous les textes anciens, Gesar est toujours le < roi des armées , ou des armes, ou encore un athlète (Sy"d). Il y est non seulement roi de Phrom/ Khrom, mais aussi des Gru-gu ou des Hor. L'attribution de Gesar aux n Turcs , a rendu les savants perplexes et leur a inspiré l'idée que kaisar était devenu un titre de rois turcs d'Asie Centrale transporté au Nord-Est du Tibet olo Khotan (Roerich, 1942, p.309). Nous aurons à apporter des nuances importantes à cette hypothèse.

Fragments épiques anciens. Ce qu'on n'a pas assez souligné, en effet, et ce qui justement permet de rapprocher Glifr Gesar de Khrom ou Gru-gu Gesar, c'est que ce dernier apparaît, sauf une exception, dans des textes non pas historiques, mais épiques ou poétiques. Leur analyse nous permettra de découvrir une filiation possible entre eux et l'épopée actuelle.

Mi-la

ras-pa.

Le fragment poétique le plus ancien mentionnant Gesar n'a pas encore été signalé jusqu'ici. C'est un poème de Mi-la ras-pa (1040-1123 ou 1135) qui, selon le colophon, aurait été noté par Nan-rjon ston-pa Bo-dhi-râ-ja (s),personnage malheureusement inconnu par ailleurs (rnGur)burn, I4Ab-I47; traduction mongole,foL 122 ô). Sa traduction n'est pas facile, mais à part quelques termes obscurs, le raisonnement et la construction sont clairs. Mi-la ras-pa y compare, en cinquième lieu, ses exercices de méditation à ce qui caractérise successivement les quatre pays situés aux quatre orients. A chaque fois on trouve I'indication du lieu suivie d'une opposition entre une menace extérieure qui sera évitée sous condition d'une action intérieure. Voici ce poème : < 1. O soie brochée! A l'Est, à bKra-çis khrisgo (capitale) de Chine(a), (toi), soie tissée en yagues [comme l'eau], tissée par les Chinoises, tu ne seras pas agitée par le vent du moment, en dehors, pourvu qu'en dedans le fuseau ne s'égare en passant dans la trame. Que le tissage soit donc fait avec attention! 2. O miracles de sages! Au Nord, à la capitale des Hor de Giû-çam(s), en entrant dans 1a lutte des forts athlètes (G). vous ne serez pas effrayés (en dehors) par l'armée (de) Gesar, pourvu qu'en dedans vous ne troubliez le pays par vos cris [discordes?]. Que le pays soit donc maintenu dans le calme!

REcITEnCEESsuR L'ÉpopÉE ET LE BARDE Àu rrBET 3. O porte magique! A I'Ouest, à la porte étroite du roi de sTag-gzig (Iran), (toi), porte de conque (?) au signe de bravoure (?) (z) tu ne seras pas effrayée par la catapulte, au dehors, pourvu que, dedans, la barre (?) de bronze(8)ne trâvers, Que le clou intérieur soit donc bien attaché!

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soit mise de

4. O pays de forêts! Au Sud, au pays des pierres sculptées du Népal (Bal-po), (vous), troncs de santals médicinaux, les Mon armés de haches ne viendront pas, à l'extérieur, pourvu que, de l'intérieur, vous ne livriez le bois des manches de hache. Que le règne interne du bois (de la forêt) soit donc bien gardé ! 5. O yogin! A l'ermitage, à ehu-bar de Brin, toi, Mi-la ras-pa, bon méditant, tu ne seras pas effrayé par les démons à I'extérieur, pourvu qu'à I'intérieur ne se lèvent les démons de la pensée discursive. Qu'au dedans ton esprit soit donc purifié! l Cette classification des traits caractéristiques et des pays aux Quatre Orients, diffère assez de celle donnée par la plupart des autres textes anciens. La soie de Chine est aussi réputée au T'ibet qu'elle le fut chez les Romains, Le tissage en ( vagues r du poème fait allusion à son extrême légèreté, Un texte dw Gesa,r,lexyl. sTag-gzig nor:gyed (4a), parle de la nsoie de Chine, tissée sur loeau, (rGya-nag éhu-la za:og thags-bslcrun).Mais ce sont les deux autres pays, les Hor et l'Iran, qui nous intéressent ici avant tout. Les Hor se distinguent par le combat d'athlètes (gyod), Gesar par l'armée (d.mag). Les deux sont sur le même plan et pourraient se confondre (comme les démons extériellrs, gd,on-bgegs, eI ceux de la pensée, m(tm-rtog'd,re), mais Gesar s'oppose ici aux Hor. Il en est de même dans notre épopée. Quant au sTag-gzig,l'épopée aussi bien que les classifrcations par quatre orients nous le présentent habituellement comme le pays des richesses (nor).Il n'en est rien ici. Nous ignorons malheureusement à quelle histoire fait allusion la porte étroite et son verrou. Mais ce que nous devons retenir, c'est que l'épopée attribue bien au sTag-gzig des qualités guerrières au même titre que les richesses. Le roi de ce pays est dit gyad,-éhen < grand athlète ), et quand il est soumis on dit que les athlètes sont vaincus et les richesses ramenées à Glin (xyl. sTag-gzig nor-'gyed,2 a, 2 b-3 a). Entre les athlètes du Nord et ceux de I'Ouest il n'y a point opposition. C'est là un fait qui devra retenir notre attention.

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R.-4.

STEIN

rGyal-po bka'-thaù. Si les fragments utilisés par Mi-la ras-pa laissent déjà deviner certaines con. nexions avec l'épopée de Glin Gesar, d'autres fsagments, d'allure nettement épiques et également présentés sous forme de poèmes, les confrrment fortement. Ce sont les passages du bKa'-thafl sd,e-lùa depuis longtemps utilisés par F. W'. Thomas (1935, 266,272-274;1931). Malgré leur obscurité, nous devons essayer de les traduire à nouveau et, surtout, analyser leur contexte. Les conclusions que Thomas en a tirées sont à notre sens erronées. Il a négligé le contexte et le caractère épique de l'ensemble. Voici d'abord le récit durGyal-po bka'-thafi, (55 6-56 a -- L7 b-IB a; Thomas, 1935,266) : < Comment un roi de religion (d,harmaraja) est venu au Tibet. Selon ce qu'indique I'Histoire des Rois (magiques) Glo-bur (e), les quatre catégories de < rois élus > (àsÀos-pa'i rgyal-po sd.e-bài) apparurent aux Quatre Orients entre les deux périodes des (rois munis de) lignées et des (rois magiques) Glo-bur (1o). A I'Est, en Chine, le roi des sciences divinatoires; iI décida (par la divination) du faste et du néfaste, en choisissant au moyen de la divination du

représentent l'état chaotique et primitif, sans organisation centrale, qui précède l'arrivée d'un roi envoyé par le Ciel, roi confondu avec une montagne sacrée. Autour de ce centre du site habité, le fils céleste organisera le pouvoir. Comme je l'ai montré dans ma thèse complémentaire, le thème est déjà attesté dans un manuscrit de Touen-houang (Bibl. Nat. no 126) : u aux hommes ('grerl)lrtl aux têtes noires qui sont sans souverain (rje med'), il faut désigner (sÀos,1un chef >. Selon un autre manuscrit de Touen-houang (no 16), ce chef des hommes vient des dieux : c'est le roi divin < magique > du Grand f i6"1 (rs) (Bod ëhen-po 'phrul-gyi lha bcan-po...'greri rngo-nag gi rjer myi-rjer lha-las gçegs-te). Le thème est exactement le même que dans le rGyal-po bha'+han. Mais ce dernier a schématisé. Il réserve le terme ôsÀos (< désigné, élu r, par le Ciel) aux Quatre Fils du Ciel et il place ces derniers entre les rois légendaires de I'Inde et les < rois magiques ) venus du Ciel et identifrés à une montagne sacrée (cf. n.9, 10). C'est de toute évidence l'influence de conceptions bouddhiques non tibétaines qui l'a amené à cet arrangement. Cela résulte du contexte et est confirmé par la nomenclature bouddhique. Aux quatre < catégories ,r de rois < élus > correspondent en effet les lohapd,la, gardiens des Orients, appelés ( quatre catégories de grands rcis n (rgyal-ëhen sd'e-bâi). Nous verrons un peu plus loin que ces lokapala ont justement reçu la mission de protéger les quatre orients parce que trois ou quatre mauvais rois y apparaîtront. Dans les traditions tibétaines, le terme < élu > (sËos) est à ce point caractéris.

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tique du premir roi venu du Ciel que les textes bonpo l'emploient comme un (re). nom commun pour désigner le < premier homme ) sorti de l'æuf cosmique Mais ce qui doit nous retenir ici, c'est que, dans le Gesar actuel, le thème et le terme en question en forment le noyau essentiel. Le jeune Gesar est dit r élu (ôslros) par les dieux..., fils divin venu au pays des hommes (xyl, Ling' " III, 34 o) ou < fils divin, élu par les dieux, gui va soumettre le monde (]'anr.glirt, jambud,o@a) à son pouvoir (ibid.,lÎ,25 a).Il est ( l'enfant élu (venu) du " pays des dieux d'en haut> (xyl. Gyantse, ga,5a) ou le dont le règne est caractérisé par l'apparition d,es a,nnes. Gesar est, on le sait, avant tout un guerrier et ses armes jouent un grand rôle dans l'épopée(20). Dans le thème épique plus ancien de Gesar de Khrom, il est encore le roi des armées ou des armes. On voit combien il était facile d'accrocher le premier au second. Mais il y a plus. Dans le Gesor, l'histoire de la recherche d'un fils céleste devant servir de roi à Glin qui n'en a pas, fait intervenir le doyen de ce pays en faveur du dieu-du Ciel, dans une lutte qui oppose ce dernier au démon. Ils luttent sous forme de deux yaks et deux oiseaux, un noir et un blanc, sortis respectivement de deux montagnes, l'une noire (démon), I'autre blanche (dieu du Ciel). Dans les versiong tibétaine et mongole d,ela Vetd,lapa,frcaairp*atihd. (Ro-sgruri,

REcHERCHESsun r,'ÉpopÉB ET LE BARDE AU TIBET

247

Siddhi-kiir), cette même histoire est attribuée à un homme à tête de bæuf appelé ma-saâ < Roi du Lait r, né de lounion d'un homme arrec une vache (2r). Ce dernier, à son tour, ne peut guère être séparé du père humain de Gesar, lui aussi muni d'une tête de bæuf et pour cela appelé Sefr-blon Ra-skyes dans toutes les versions, sauf celle du Ladakh où il porte le nom (sans doute déformé) Pa-safr ldan Ru-skyes (cf. n. 23). La version mongole d,ela Tetd.lapaflcantiqniatikd, comporte aussi, dans un autre conte (no 23), les quatre rois ((élus ) des quatre orients. Nous verons plus loin (chap. vru) que le < conte de Ma-safi l et le < Conte du Vetâla > figurent parmi les premiers récits < épiques > (sgruft\ connus de la littérature tibétaine. Nous avons donc plus d'une raison d'être assurés que la comparaison entre tous ces textes, et notamment entre le Gesar et notre passage dtt rGyal-po bln'-thaft,, est justifiée et nous fait entrevoir des liens certains entre eux, Nous avons déjà constaté que la schématisation et la dissociation de certains thèmes dans le rGyal-po bloa'-thaù est dû au souci de l'auteur lamaique de réunir et de concilier les traditions indigènes et des légendes bouddhiques. Et nous avons, à dessein, parlé des Quatre Fils du Ciel à propos des rois-types des quatre orients, La suite de l'exposé le montrera clairement : c'est cette célèbre théorie bouddhique qui a présidé à l'élaboration du schéma de ces rois-types, C'est justement un détâil de l'histoire de l'homme-b ætfi. Ma-so,ft, qui permet de faire un premier pas pour rendre compte du passage possible du Gesar, roi des armées, roi-type du Nord, au Gesar de Glin de l'épopée. Le roi des dieux, Indra (brGya-byin, comme dans la version du Ladakh!) indique à Mosai le moyen de vaincre son ennemi, le démon, apparu sous forme de yak noir se distinguant des autres par une marque au front. Ma-saû doit décocher une flèche de fer de son arc de fer dans cet < ceil frontal >, puis la lui enfoncer plus tard en arrivant chez le démon et en se déclarant médecin. Indra lui donne en même temps un objet magique qui lui permettrâ d'échapper à la poursuite de la femme du démon. Dans l'épopée, c'est toujours en décochant une flèche dans une tache frontale du démon du Nord, Klu-bcan (xyl. Ling, III, 36 ô, 106 ô) que Gesar le tue. I1 doit ensuite échapper à la poursuite de la femme du démon. Bien entendu, ce démon est noir (David-Neel, 1931, p. 50). Son < âme > (ôlo), c'est-à-dire sa véritable essence, est le yak sauvage Kham-pa ru-riù (rns. Bacot, 32 a) eL sa < vie n réside dans la tache ronde très blanche sur son front (David-Neel, p. f30). Le feu brûle dans sa bouche (ibid., p. 122). Dans le < conte du vampire >, c'est la femme du démon qui s'appelle Kha-la me-'bar, < feu brûlant dans la bouche r. Le démon du Nord, qui ne craint que Gesar (xyl. Gya,ntse, kha, 7 ô) et ne peut être tué que par une flèche de fer plantée dans son front, est l'un des quatre démons, l'une dea quatre catégories (sd,e-bËi) que Gesar doit vaincre aux Quatre Orients (xyl. Ling, III, 106 a; David-Neel, P. 9'13; tzzl.

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Dans le fragment épique du rGyal-po bha'-thari, I'ennemi des Tibétains placé au Nord se distingue de tous les autres par I'exploit des flèches énormes tirées simultanément aux quatre orients. Or cet exploit aboutit à vaincre les ennemis d'au-delà (des frontières) et à élire ou désigner (ôskosl) roi celui qui en est seul capable, Gesar, roi des armées, Ce n'est pas, comme le croyait Thomas, lui qui élit des rois. C'est lui qui, visiblement au Centre (pays civilisé, humain), est élu roi et dompte aux confins les ennemis-démons (barbares). Si le passage du rGyal-po blca'-thaft peut prêter à confusion à cause de son style concis, un doublet plus récent en indique nettement le sens. Pour convertir les quatre orients, le Bouddha prend quatre asfects différents, chacun adapté au caractère du pays. Il < soumet,r ainsi : l. leZaivù:un par le Bon, ense transformant en gÇen-rab mi-bo (fondateur du Bon);2. le Thod-dkar par la médecine (ou le médecin) Bi-rji, en se faisant 'Cho-byed gZon-nu (Jivaka Kumâra, médecin divinisé); 3. le Ta-zig par les richesses, en devenant Àrya Jambhala (le dieu des riehesses); 4. le Ge-sar par les armes, en se changeant en héros de l'espèce des athlètes, vêtu d'un vêtement de fer, chaussé de bottes de fer, tirant aux quatre orients des flèches qui les atteignenl enmême temps (VaiQurya d.kar-po, 136 ô-137 a : Ge-sa,rd,mag-gis'd,ul-bar d,gorls ll gyad-rigs shyes-bu lëags-gos d,ari ll lëagsJhuam gyon sprul phyogs-bài ru ll *fla'lpharis dus-gëig phog-pa yi), En rédigeant son ouvrage, à la frn du xvlte siècle, I'auteur a visiblement encore connu un fragment un peu plus complet que celui donné par le bKa:thaù. Le sens est clair ici, et le rapprochement avec le Gesar de Glirr s'impose. Dans l'épopée, Gesar, roi et dieu guerrier, est < élu r (ôsËos) et soumet les ennemis des quatre orients et notamment le plus fort, celui du Nord. Comme Ma-safr qui ressemble tant au père de Gesar et au doyen de Gliù, Gesar vainc ce démon en lui plantant une flèche dans le front. Mais de ces flèches, il en a bien quatre principales. Un manuscrit donne leurs noms et les appelle < flèches divines munies de pouvoir magique qui soumettent les quatre ennernis> (Enfer, Bibl. Nat., I3a-b). Le résultat de cette analyse est clair. Le premier fragment épique du bKa'-thaft est formé de motifs qui, différemment agencés parfois, mais liés de façon homogène dans un même thème général, se retrouvent dans le Gesar et dans d'autres contes et légendes. Mais la partie centrale du Gesar, l'activité du héros sous sa forme glorieuse, comme roi universel au centre du monde soumettant les démons barbares des quatre orients, se trouve ici partiellement rattachée à un autre Gesar, roi des armées, placé au Nord; alors que le thème essentiel de la première partie du Gesar (descente du héros comme fils du dieu céleste ou de la montagne pour être le souverain des hommes) est relié à l'ancêtre légendaire des Tibétains en général. Nous aurons à rendre compte, à la tn de notre enquête, de la manière dont a pu se faire le passage du Gesar d,u Nord, (mais roi central) au Gesar de Glifi. Ici, il nous suffit de constater la parenté du fragment épique ancien avec l'épopée.

aEcEERcEES sun e,ÉpopÉp ET LE BAnDE AU TrBET

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Thèmes épiques ad,aptés à, l'histoire.

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TJ est temps de retourner au rGyal-po bka'-thari, Chose curieuse, en effet, le fragment que je viens de traduire est immédiatement suivi d'un autre qui se présente comme un doublet du premier, adapté à une circonstance hisiorique (58 a-59 a :2I a-22 a; Thomas, 1935, p. 2Og-275).Après avoir énuméré les descendants de sPu-de Gun-rgyal (ici identifié à Ça-khri, I'un des trois fils de Grigum), l'auteur en arrive au prince rnjin-yon Sad-na-legs, un des fils de Khri-sroi' lde'u-bcan (vrrre siècle), et dit qu'il en reparlera plus loin. puis, il indique les diverses innovations culturelles introduites lors dè chaque règne. A l'époque de gNam-ri srofr-bcan (père de Sroù-bcan sgam-po; donc vre sieâe), on tint une conférence (ou réunion) au sujet des luttes armées qui troublaient le pays et on soumit, en coupant les étendues des confins, les n catésories ) (sde-ris) du Kalpa intermé-diaire où apparaît la haine (des querelles), à-savoir la Chine e_t_les Gru-gu (zs).Or, en revenant ensuite au roi mjirr-yon, oii,orMu-tig bcan-po, Mu-ri bcan-po ou Khri-lde srofi-bcan, c'est à lui que le même texte attribue la soumission des Gru-gu. On voit tout de suite qu,il s,agit ici, non pas d'histoire, mais de thèmes légendaires insérés dans la classifrcation en quatre < catégories, et successivement rattachés à deux époques hrstoriques distantes de deux ou trois siècles. Nous avons déjà cônstaté (chap. rrr, p.139, n. 103) que ce procédé est caractéristique de bàaueoup de récits épiques. Mu-ri bcan-po, dit le texte, avait déjà soumis à son pouvoir deux tiers du monde ('jarn-gliri, gsum-gfi,is d,baft-d,u bsd,us-nas nl). I1 avait (ainsi) réduit en esclavage (bran-d,u bkol) et fait travailler pour lui (bran-d,u byas-te mfiar-bsd,us las-la bkol) les quatre populations suivântes (haùitant aux frontières) : Io A l'Est du monde, ceux aux visages de faucon du pays des Çud-pu; Au Sud, les grul-burn(kurnbhd.q,Qa,démons) à pieds d'âne du pays de _-2o Che-spofr (cf. n. 38); 3o A l'Ouest, les gCafl-mi à queues de chat du pays de sBal-gnon; 4o Au Nord, ceux à oreilles de lièvre de sNa-nam. Aussi son pouvoir fut-il < plus élevé que le Ciel ) et son domaine < plus étendu gue le Fleuve >. Mais auparavant, avant qu'il n'ait ainsi étab1i son règne, les ( quatre catégories de rois n (rgyal-po sd,e-bÈi,c'est-à-dire < les rois élus r) occupaient les quatre orients. Des querelles en surgirent entre le roi tibétain et ces rois des confins qui s'érigèrent en ennemis. L'armée tibétaine fut réunie (elle comportait non seulement des guerriers, mais aussi des magiciens armés de phur-bu\ et un héros-athlète fut désigné comme son chef

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R.-A. srnrN

REcrrERcEEs sun r,'ÉpopÉp ET LE BÀRDE AU TrBET

(gyad,-kyi dpa'-bo d,mag-gi sna.-la. bsltos). Ainsi douée d'une puissance sans pareille, l'armée tomba sur les quatre ( catégories de rois o :

b, Venue des Rois, et chap. vrrr, à deux reprises (chap. rr,225b-226a:6 230 b-23I b : 12 a-ô, Augmentation du territoire et soumission des ennemis des frontières; Thomas, 1935, p. 276). Mais alors que le chap. rr reproduit le premier fragment du rGyal-po bKa'-thari (ci-dessus, p.2M) avec la même liste des < rois des quatre orients ,, le chap. vrrr qui correspond au deuxième fragment, t, dt rGyal-po bKa'-tha;rl, supprime les allusions historiques précises et remet à leur place la liste déjà connue des rrrois des Quatre Orients r :

Io Au Sud vivaient les rois de l'Inde Râ-ja Dharma-dpal et Dra'u-dpuri; soumis au Tibet, ils fournirent continuellement les richesses et précieuses nourritures de l'Inde; 20 A I'Ouest vivaient les rois de Perse $a-zig, ou des Arabes) La-mer-mu et Hab-gdal; soumis au Tibet, ils fournirent (en tribut) des richesses, des médecines et des nourritures agréables (zc); 30 Au Nord vivaient Gesar (et?) Gru-gu; l'armée des Tibétains (pareils à) des démons à frgure rouge planta ses tentes noires jusqu'à Otr-du du pays Grugu; ayant détruit le pays, elle transféra les habitants et confia les maisons à la terre des Mon; elle détruisit même ceux qui, dans Ie pays, se frèrent à des hommes mauvais et, en guise de menace, y laissa un maître (marchand, ou capitaine de bateau, d,ed.-d.pon)pour prendre soin du pays. Gru-gu (et?) Gesar furent aux ordres du Tibet. L'armée du Tibet tomba (aussi, à cette occasion?) sur le pays de Li (Khotan) et le soumit. 4o A l'Est, l'armée tibétaine tomba sur la Chine. Le grand roi de Be-ëhu de Chine offrit son pouvoir et son règne au Tibet et offrit continuellement des étoffes de soie et des nourritures agréables. < C'est ainsi que (le roi mJiir-yon, Mu-tig bcan-po) réunit sous son pouvoir l:s deux tiers de l'univers r. Son bon règne s'étendit aux quatre orients et aux points intermédiaires. De son règne central il tira leur quintessence, et les ( quatre catégories l d'hommes des frontières lui offrirent leurs richesses. Sur ce tableau du roi universel établi au centre et régnant sur les Quatre Orients s'achève le chapitre qui traite n de la venue d':un d.harmo,rd,jaat Tibet r. On le voit, le thème général dr cakraaartin, le bon roi, établi au centre et soumettant les rois des quatre orients, est ici inséré dans une situation historique particulière du début du rxe siècle (25).Mais l'allure épique reste la même que dans les fragments précédents. Les quatre rois des frontières sont même dédoublés par une autre série de pays et de peuples soumis, peuples qui se caractérisent par des particularités démoniaques et animales. Même dans le récit < historique r, la conquête se fait, exactement comme dans le Gesar actuel, autant par la magie que par des prouesses guerrières et notamment des exploits individuels de héros-athlètes (gyad-pa). Que nous ne nous trompons pas en insistant sur le caractère épique de ces morceaux et sur la nécessité de comprendre les éléments historiques en fonction de leur insertion dans un cadre classificatoire et légendaire, c'est ce que nous montre encore clairement le Blon-po bKa'-thafr,, Cette partie reprend en effet les fragments précités

Culrrrnr rr

OnmNrs

CneprrnB l'rrr

E st.......,.

C hi ne, roi d es s c i enc es di v i mtoi res . R oi de C hi ne, à I' affût c omme un loup.

S ud.........

Inde, roi d e l a rel i gi on.

Ouest.......

Iran(Ta-zig),roidesrichesses' Roi.l" t'Ioo, nuisible(?) comme

Nord........

roi desarmées, deKhrom. Gesar,

Roi de I'Inde, s'enroule comme un

*"iuJ;Ër"",

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Blon-po bln'-thafi. Ce qui compte pour l'auteur, c'est la classification des pays et de leurs caractéristiques par quatre orients. Des faits historiques réels ne sont qu'accessoirement introduits dans ce schéma. Voici, en effeto comment s'exprime le Blon-po bKa'-thah. Le chap. Ir traite de < l'origine des Tibétains n à partir des singes issus de l'union d'un singe et d'une démone des rochers, union (26)-11 qui leur a valu l'épithète ( Tibétains aux faces rouges de démons )) reprend le thème de I'arrivée des rois en suivant de près le premier fragment du rGyal-po'. Pour commencer, il distingue trois espèces de rois, les t élus n, les Glo-bur (brusquement, magiquement apparus) et les < lignées I (bsÀos dafi glo-bur gd,uft-brgyud, gsurn). La dernière espèce va des neuf dieux qui précèdent Mahâsammata (Mafr-pos-bkur, le premier roi dans la légende boud' dhique) jusqu'à Râhula (sGra-gëan.'jin, le fils du Bouddha), tous de la lignée des Sâkya. La seconde est celle dss < quatre catégories de rois élus ' (ôsÀos' pa'i rgyal-po sde-bài) < sur lesquelles il y a de nombreux récits où interviennent les dieux du monde des désirs (kd'rnaloka)@') ('dod-Pa-lha dan-béas-pa'i lo' ' rgyus maù). La liste donnée ci-dessus comporte pour chaque orient une con' stellation (au Nord la Grande Ourse, sMe-bdun) et' pour les trois premiers seulem"rrt, une divinité (E : Mafljuéri, S : Sâkyamrr.t1, O : Àrya Jambhala) et une contribution r, culturelle ,. Seul le Nord fait exception ! Une seule phrase s'y rapporte : u il en est parlé d'après quelque trente courtes sentences )

252

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REcEERcEESsun r,,ÉpopÉs ET LE BARDE Au IIBET

Qnd,o-d,onsurn-ëu caîL-nas gliù-ba yin)@al. On voit que, déjà au temps de la rédaction da Blon-po'(xw€ siècle), la tradition sur Khrom Gesar ne disposait que d'un maigre lot de dictons, fragments de récits plus complets. Après les rois élus, le texte en vient aux rois Glo-bur dont le premier semble être gNa'khri. Sa légende était connue en trois versions différentes (gleù-lugs rni+nthun). Les chapitres suivants concernent I'origine des ministres (rrr), les armées (rv), les lois religieuses (v) et laiques (vr) et le recensement de la population (vtt). Le chap. vtrr, enûn, traite n de l'agrandissement du territoire et de la soumission des ennemis des frontières n. Le pays fut agrandi jusqu'à occuper deux tiers du monde. Les ennemis des frontières furent soumis par les bonnes lois (tibétaines). En effet, Ies ennemis des quatre orients étaient < le lot d'ennemi r (d,gra-skal) du Tibet. Suit la liste donnée ci-dessus. La Chine fut soumise par le général lHa-bzafl klu-dpal(zs) au moyen de flèches de bambou empoisonnées; ses calculs de divination, sa tradition laiqte (mi-ëhos) et centhuit savants furent introduits au Tibet. L'Inde fut réduite par les lances et flèches en n bois de fer r, (lëags-çiri). L'Iran par quarante moyens différents, par l'épée : les pierres précieuses en sortirent. Gesar fut soumis par des magies hétérogènes (rju:phrul ya-ma-2ufl,).II y eut le moyen magique de la catapulte et les armes. < Ainsi furent réduits au pouvoir du Tibet tous les petits rois des Quatre Orients, et le territoire fut agrandi. A l'Est fut ouverte la porte des richesses du pont d'or jaune. Au Sud fut attachée la chaîne noire de I'ours. A I'Ouest coula sans cessele flot d'ambroisie. Au Nord, on montra à l'apparence extérieure les chairs et peaux claires. ,r Le peuple fut heureux. < Les ordres du souverain (du Tibet) furent comme le soleil qui se lève et le règne fut (solide) comme attaché par des chaînes de fer. r,

l'attribue au roi sTag-ri gflan-gzigs (grand-père de Srofi-bcan sgam-po!) : < il soumit deux tiers des roitelets > (parmi lesquels figurent les chefs, {e, des 'A-Za et du Zan-Zun). Ainsi nous sommes bien frxés. Les textes anciens qui parlent d'un Gesar, roi des armées et héros-athlètes, sont des fragments épiques dont les éléments essentiels se retrouyent dans le Gesar acT:uelet dans d'autres légendes, par ailleurs également liées à cette épopée. Ces fragments ont été utilisés par des auteurs lamaiques parce qu'ils ressemblaient (ou se rapportaient effectivement?) à < la théorie (bouddhique) des Quatre Fils du Ciel r et la notion du Roi Universel. Pour bien faire ressortir le lien avec cette < théorie > et montrer les fluctuations des noms au cours des âges, rien n'est plus instructifque le tableau synoptique que nous devons maintenant dresser (ci-après, p. 254-261). Pour tous les textes non tibétains, nous nous baserons naturellement sur les travaux antérieurs de Pelliot (1923), Bagchi et Ferrand (1931), mais nous pourrons y ajouter de nouveaux éléments. La lecture de ce tableau ne laisse aucun doute : la notion d'un héros Gesar, roi des armées associé au pays Phrom/Khrom ou aux Gru-gu, s'est introduite au Tibet vers le xrre siècle ou un peu avant, dans le cadre, et grâce à la diffusion, du schéma des Quatre Fils du Ciel auquel ont été incorporés des frag. ments épiques ou des dictons. Il semble que cette diffusion au Tibet ait dû se faire par le véhicule du bouddhisme puisquer p&r sor maître Mar-pa, Mi-la ras-pa se rattache à des enseignements tantriques de l'Inde et que le ôKa1 thari sd,e-Iù,a relève du même milieu. Mais bien que les pèlerins chinois l'attestent dans l'Inde, aucun texte indien (encore moins un texte indien connu en traduction tibétaine) n'en a livré jusqu'ici le modèle. Étant donné la place importante accordée à cette classification par les auteurs musulmans des Ixe et xe siècles et leurs contacts avec les Tibétains à cette époque (notamment à Khotan, voir plus loin), on peut aussi songer à attribuer à ces intermédiaires la diffusion de ces concepts au Tibet. Cela d'autant plus qu'ils nomment le pays de Rnm dont le nom, sous sa forme iranienne *Frôm ou *Hrôm, est à la base du Phrom/Khrom tibétain. Mais il est clair que ces milieux, bouddhique et musulman, ne sont responsables que de la difusion. La notion en est indépendante. Elle fait partie d'un folklore religieux très répandu et très anciennement attesté. Le milieu irano-grec, notamment, l'a très bien connue et a pu l'utiliser dans des récits épiques ou romanesques (on verra Ie rôle probable du roman d'Alexandre). Le fait a été depuis longtemps noté. On a attiré l'attention sur le jeu de cartes (52)et les échecs (53)indiens, sur les quatre lolnpd,la et leurs rapports possibles avec des représentations animales très anciennes(5a). Mais il nous faut d'abord analyser les données rangées dans notre tableau. Nous séparerons mieux ainsi le schéma classificatoire des légendes et des faits historiques qu'il utilise. Nous comprendrons aussi les thèmes essentiels qui ont conduit à l'édification de l'épopée de Gesar de Glifi.

Les Quatre Fils d,u Ciel. Ce tableau idyllique ne nécessite guère de commentaires, Malgré un contexte historique, tout le morceau exalte le thème du roi universel au centre qui fait régner la paix après avoir soumis les quatre orients. Dans la classification des rois des quatre orients on aura déjà reconnu la célèbre < théorie des Quatre Fils du Ciel >, dans le roi du centre le thème du cakrauartin. Si le rGyal-po bKa'-thari aussi bien que le Blon-po' disent de Mu-tig bcan-po qu'il soumit à son pouvoirles d.eux tiers du monde, en domptant ies quatre orients, c'est qu'il régnait déjà sur un tiers, à savoir le Tibet. C'est le rGyal-po. qui nous le dit (chap. xx,97 b :70 a) : le roi avait soumis un tiers du monde ('jarn-bu-glin gi surn-ëha-gëig d,bafi,-du bsd,us\. Dans un conseil, le ministre propose alors qu'il règne aussi sur les deux tiers (qui restent, sum-gft,is dbaùla bya-ba'i 67tq'-'gros Zus-pa). Le roi Mu-tig régna donc finalemànt sur les trois tiers, soit la totalité du monde (Jarnbuduipa). Il s,agit là, non pas d'histoire, mais d'un thème de royauté. dPa'o gdug-lag phràR-ba (Ja, tl b)

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(Tùr < tau çfortr) (ss). gtr voit que cette tripartition intéresse directement notre sujet puisque les pays nommés, ainsi que leurs caractéristiques (richesse, valeur guerrière, religion ou loi), se retrouvent dans le schéma des < Quatre Fils du Ciel r. Le milieu irano-grec nous est déjà apparu comme l'un des facteurs de la transmission du schéma, et nous verrons encore le rôle important des Indoscythes. Mais une tradition de ce genre (où trois alterne avec quatre) nous est déjà attestée dans un texte bouddhigue ancien

REcITERCEEssuR L,ÉpopÉE ET LE BARDE Àu rrBET

263

qui fut largement diffusé au Tibet et concerne un d,harmard.ja ott ca,kraaartin, la légende d'A6oka. Les diférentes versions chinoises qui remontent aux rrre-ve siècles ont été traduites par Przyluski (La légend,e d,el'empereur Açoka, Paris, 1923, p. 399- O3). La verèion tibétaine a été diffirsée par Bu-ston (Cl.os'byufi,, fol. 113 ô-114 a; Obermiller,II, 173-174) qui la dit tirée du Cand,ragarbhapariplccha (Kanjur, mDo, XXXII,2L6b-220 ô; Tôhoku, no 356 : traducteur inconnu, sans équivalent dans le Tripitaka chinois) l0o).

Le Roi du Monde et les Quatre Orients. Prévoyant Ie déclin de sa doctrine, le Bouddha confie la Loi aux quatre grands rois du Ciel (Est : Dhgtrarâçlra, Sud : Virt{haka, Ouest : Virùpâkça, Nord : Vai6rava4a, variante : Kuveral Przyluski, p. 313, n. 4). Ils doivent protéger la Loi contre trois rois méchants qui viendront du même pays que Kuvera (op. cit., p. 312-313) et auront chacun cent mille parents. Ils ne seront ni Chinois, ni Indiens (Bu-ston). Ce seront, au Sud les Saka (Bu-ston : Çikuna; Scythes), au Nord les Yavana (Bu-ston ; id.ern; Grecs) et à l'Ouest les Pahlava (Bu-ston : Ba-la-bâ; Parthes) (52). Bu-ston ajoute qu'ils dévasteront le Nord et l'Ouest par leurs guerres. Le Tsa A-han-king donne quatre rois, en ajoutant celui des Tuçâra,r.,Tukhâra localisés à I'Est. Si ce seul orient manque dans la version des trois rois, c'est que l'Est est réservé au roi qui s'opposera aux autres. A I'Est, à Kauéâmbi, il y aura le roi Mahendrasena (Tsa A-han hing et Bu-ston) ou Mahâsena (r Grande Armée r). Son fils naît revêtu d'une armure de fer et tenant du sang dans la main (Bu-ston; marque de fer au front et partie inférieure du corps tachée de sang; en même temps naît son cheval qui sait parler, et il tombe une pluie de sang). Cinq cents sthaaira naissent en même temps, tous vêtus d'armures et tenant du sang dans la main. Ce prince, très fort, est rempli d'une telle majesté, pareille au soleil, qu'il est ndifficile à regarder r (il en tire son nom). Sur le conseil d'un dieu du ciel, le roi Mahâsena abdique: pose la couronne (X E bonnet céleste r) sur la tête de son " fils et le fait roi. Les cinq cents athlètes (11 *) deviennent ses ministres. Ensemble ils tuent les rois méchantso et le roi devient < roi du monde , (joon bud,aTpa),Bu-ston ajoute que, lors du eombat du roi avec les rois méchants, la marque de fer apparaîtra distinctement et tout son corps deviendra de fer. Cette légende présente plusieurs points en commun avec notre problème et l'éclaire de ce fait. Elle confirme d'abord ce que nous pensions déjà (ci-dessus p.2A5). Le schéma des quatre mauvais est doublé de celui des lokapala. Ces derniers ont été institués (désignés par le Bouddha, cf. tib. ôs/cos) pour faire échec aux premiers. La parenté des deux séries est frappante. La seule différence est que les seconds se sont mis au service du bouddhisme(68). Dans la légende del'A6ohd,aadd,na, lee trois (ou quatre) rois méchants des

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R..A. STEIN

REcrrERcEEs sun r-'ÉpopÉe ET LE BARDE au rrBET

frontières ont chacun une famille de cent mille membres de leur esoèce. Les lokapala ont aussi chacun une espèce particulière de démons à leur suite. Celle des ltumbhd,4,d,a,o propre au loltapala du Sud, se retrouve dans l'armée de Mu-tig bcan-po attribuée au même orient (cf. note B9). Celle-ci était composée de quatre groupes, chacun de cent mille, répartis aux quatre orients. Tout ceci nous justifierait, s'il en était encore besoin, de prendre aussi en considération la liste des lohapala (cf. n. 53, 54). Nous aurons l'occasion d'y revenir. Mais notons tout de suite ceci : Kuvera-Vaiéravaqa joue un rôle particulier dans l'histoire. I1 est de la même région que les trois rois méchants et cela bien que ceux-ci soient rangés dans trois orients divers. Dans les fragments épiques du bKa'-thari aussi, nous âvons retenu le rôle particulier du < roi élu n du Nord, Gesar : tout en étant confiné à cet orient, ildomptequatreennemisauxfrontières(5e).Danslalégende del'AÉolta",leroi universel qui dompte les autres est un guerrier fort et s'appelle Grande Armée ou Grand Puissant-Armée (cf. Gesar, roi des armées). Il brille d'un tel éclat de majesté qu'on ne peut le supporter (ff Ê o f,É ffi). Il est difficile de ne pas songer à l'auréole de gloire (le haarna) qui, après avoir été caractéristique des rois universels de I'Iran, a passé sur les épaules de Vai6ravaTa (voir plus loin, note 117). Mahâsena naît revêtu de fer et devient du fer dans la bataille. Dans I'épopée, Gesar et son double, le demi-frère, sont aussi de fer. Dans la v_ersion du VaiQûrya d,kar-po qui double celle du bKa'-thafr (supra, p.248), Gesar, roi des armées, est encore revêtu de fer et c'est 1à, nous le verrons à f instant, caractéristique d'un roi du jarnbud.uipa,. Enfin le cheval qui sait parler et naît en même temps que le roi du monde est un thème caractéristique de I'épopée de Gesar et du roi de Sambhala (au Nord !) qui a été identiûé avec Gesar (voir chap. rx, p. 525). Il l'est aussi de la légende d,Alexandre qui nous fournira encore d'autres rapprochements. Mahâsena, devenu fer, est qualifié de roi du jambud,ar,pa; cela s,explique par une autre tradition bouddlfque, fort répandue au Tibet, qui n,est qu,une variante du schéma des rois des Quatre orients. Je veux parler de la théorie des Quatre calraaartin. ces quatre rois sont frères, tous fils de utpoçadha. Le premier, Mândhâtar ou Mtrdhaja, né de la tête .de son père, ,Égrr" ,rn quatre continents avec la roue d'or. Le second, câru, né de la cuisse droite, règne sur trois continents, a.',ec la roue d'argent. Le troisième, Upacâru, né de la cuisse gauche, sur deux continents avec la roue de cuivre; et le quatrième, Cârumant (mJes-ldan) ou Câruka (mJes-ôan), né du pied, sur un seul continent, le jambud,oipa, avec la rouLed,efer\ol . Pour un Tibétain qui devait connaître ces légendes répandues par des auteurs -lamaîques, elles étaient évidemment liées ei tout nàturellement rattachées à la notion de Gesar, roi des armées. La preuve en est dans un curieux récit du visionnaire Mi'gyur rdo-rie. Bien que fort confus, il n'en reste pas moins significatif et montre comment la fiEure de Gesar oouvait s,insérei dans des légendes relatives au roi universel ({Nam.ëhor, yo,'!2 a-L6 b).

Une fille appelée mJes-ldan (Cârumant!, comme le roi du jambud,oipa à la roue de fer; comme la mère de Gesar dans l'épopée !) est promise au roi Bya-ske (< cou d'oiseau r), mais a encore deux autres prétendants, le roi Gesar et le roi mJes-sdud (r beauté rassemblée r). Comme elle les refuse et entre en religion, les trois rois viennent avec leurs armées. Mais grâce à sa magie elle est invincible. L'armée de Bya-ske est noyée dans l'eau, celle de Gesar brûlée et celle de mJes-sdud écrasée par un renversement de ciel et terre. Bien que fille, Cârumant est invincible et extermine trois rois. En cela elle ressemble à la fois au roi du jambu&tipa à la roue de fer et au roi de fer, souverain ùt jarnbud,aîpa, Mahâsena. Si l'on admet ce lien, on doit comparer les trois rois du gNam.ôhos avec les trois rois méchants del'Aïohdoadd,na. Dans ce cas, Gesar doit correspondre à Yavana : dans le Mahd,bharata (III, 491), le Yavana Kaserumant est battu et tué par Kfçqra, ami d'Arjuna (S. Lévi, 1891, p.41; torr. En passant en Haute Asie, les deux légendes sur le roi du jambud,aipa ont été liées parce qu'elles exprimaient la même notion. Elles pouvaient s'appliquer à tout grand héros à prétentions de calrauartin. Aussi n'est-il pas étonnant qu'on retrouve quelques thèmes essentiels dans la légende de Gengis Khan telle qu'elle apparaît dans des textes chinois des xrrre et xrve siècles. Gengis Khan naquit eî tenant d,ans sa main d,roite d,u sang caillé. 11 était (ou devint plus tard) grand et d'un aspect extraordinaire (Pelliot et Hambis, Histoire d,es campagnes de Gengis Khan, Leiden, 1951, p. 1, 9). Ce caillot de sang présageait sa vertu guerrière. Son nom Temtjin fut vite interprété par le thème dw fer (temiir, op, cit.o p. 9). Pelliot n'a pas manqué (p. 10) de noter que le thème du caillot de sang caractérisait les grands conquérants dans l'Inde et en Iran (commentaire encore inédit sur Marco Polo). Il avait certainement pensé au roi Mahâsena né en tenant d,u sang d,ans sa rnain avec un corps doué de la force d'un athlète et marqué par le fer. Nous pouvons faire un pas de plus. C'est précisément dans une chronique bouddhique que nous trouvons le deuxième thème du cakraaartin rattaché à Gengis-khan. Le Fo-tseu li-tai t'ong-tsai (préface d.e 1344, auteur né en 1282; Taishô 2036, p. 489 ô) nous dit que Gengis-khan vint comme un roi à beaucoup-son >) du Nord. la roue de fer (fg[ {fi t) d,r pays To-yin (6 'Ê - Etant donné l'inspiration Le nom du pays ne semble pas connu par ailleurs. bouddhique du texte et sa connaissance des choses tibétaines, on pourrait supposer que To-yin rappelle le continent du Nord, Uttara-kuru, dont le nom fut compris comme < son désagréable r ou < son merveilleax > (Mahaayutpatti, nos 3057, 3058 : tib. sgra rni-sfl,an, ckÂn miaoain oa ngo-yin), ou encore le nom de Vai6rava4a interprété en < beaucoup entendu > (mafl-thos; to-uten). Fait signifrcatif, comme dans les cas de Gesar, roi des armées, et de KuveraVaiéravar.ra, tous deux rois du Nord, Gengis-khan est ici un roi uniaersel (roue de fer : roi ùt jarnbud,at'pa) tout en étant d,u Nord,. 9e

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Après ce tour d'horizon montrant le thème du roi universel dans le schéma des rois des Quatre Orients, il est temps de revenir au problème des classitcations tripartite et quadripartite. La combinaison des deux est illustrée par une légende kirghise. Une fille conçoit miraculeusement des ceuvres de Dieu et met au monde un fils, STngis, qui devient le Souverain Juste. Les trois autres fils qu'elle a de son mari terrestre sont mauyais et incapables de régner. SÏngis a trois frls et une fllle. Comme la réputation de sa justice se répand, des peuples de différents pays lui demandent un enfant pour êre leur roi. Il donne un de ses fils respectivement aux pays de Rum, de Krim et du Khalife. Les Russes reçoivent la fille. Les Kirghises doivent se contenter rles trois frères méchants de STngTs(Radloff, 1870, t. III, p. 82-89). Un autre ensemble de contes applique le même thème, conservé dans le milieu lamaïque, à une population du Nord-Est du Tibet. Le premier conTe fait partie h Sidd,hi-kiir (no 23; Jiilg, 1868, p. 187-196; Vladimircov, 1923, p. 112-116). Le gardien d'un roi indien appelé < Caractère de Héros r laisse échapper un crapaud qui n'est autre que la fille du roi des ndga aux conques blanches. Expulsé, il arrive à une grande eau où il voit un hibou enlever un serpent blanc. Prenant sa ceinture dans la bouche et la laissant ensuite tomber. il persuade I'oiseau d'en faire autant et sauve ainsi le serpent qui était le flls du roi des naga. Le roi donne au héros, en récompense, une chienne rouge, un tapis bariolé et un bâton de conque. En touchant le tapis du bâton, on en obtient toutes les nourritures qu'on veut. La chienne rouge est la frlle du roi des naga. Se dépouillant un jour, elle est vue dans sa beauté par un roi qui l'enlève. Par une ruse, elle le fait tuer. La même nuit le héros a d'elle quatre flls. Ce sont les rois des Quatre Orients (Tableau no XXXIV). Le jambudaîpa est alors florissant.

'Wongtso et aux lacs (srion-mcho) et Daitso (d,ug-mcho).Il y voit le faucon Ola (o-bla; cf.'ol-kha < milan r) tenant dans son bec quelque chose qui ressemble à un intestin. Il lui crie de le lui donner. L'oiseau le lâche et le héros le ramasse. Des gens vêtus de blanc et munis de chapeaux blancs viennent sur le bord du 'Wongtso. lac Ce sont les émissaires de la montagne (sacrée) Nyembo Yirtse à la recherche du fils de la montagne enlevé par un faucon. La scène est répétée avec des hommes bleus à drapeaux bleus et des hommes jaunes à drapeaux jaunes. Un vieillard de ces derniers demande au héros ce qu'il prépare pour son repas. Le héros montre < l'intestin r : c'est en fait un serpent multicolore, le fils de I'esprit de la montagne. Ce dernier le reçoit er lui demande ce qu'il désire comme récompense. Che Ambum yeut sa fille. L'esprit consent, mais craint que Che Ambum n'aie pas une < chance > (destin, force) assez grande pour supporter f influence magique de cette frlle. Il lui remet un bâton muni de six rubans de soie de couleurs différentes (blanc, rouge, jaune, bleu, vert et ?). S'il peut supporter sa frlle aînée, il régnera sur six grands royaumes (les noms en transcription phonétique semblent être des épithètes poétiques); la seconde, sur quatre; la dernière sur deux seulement. Il suffira qu'il n'aie pas peur et la touche arrec son bâton, La première fllle apparaît sous forme de lion et Che Ambum prend peur. La seconde sous l'aspect d'un serpent, et il échoue à nouveau. La dernière vient comme yak sauvage fonçant sur le héros, une corne pointant au ciel et l'autre vers la terre. Che Ambum la touche de son bâton, sur quoi le yak se transforme en une belle fille, Il l'épouse et reçoit pour dot une fourrure de mouton magique : en la frappant (du bâton sans doute). il en sort du bétail. Après avoir longtemps vécu avec elle, Che Ambum vexe la fille en tuant un yak d'eau (donc nAga!) et en frappant un yak sacré. La fille le quitte en montant au ciel. Elle lui laisse un frls unique, ancêtre des Ngoloks. De ses trois ûls descendent les trois tribus des Ngoloks. Nous avons déjà fait allusion à cette légende en notant I'importance de Ia montagne sauée gfr,an-po gYu-rce, sur le Haut Fleuve Jaune, pour l'épopée de Gesar (chap. ry, p. 192). Le nom du héros, Che Ambum (: enor A'-bum ?), ressemble fort à celui de l'ancêtre de la lienée cadette de Glin : ehos-la-'bum, frère de Ùhos-la-'phen(es). Le thème géiéral est celui de l'intervention du héros en faveur d'un nd,ga ot doune montagne sacrée (tous les deux dieux du sol) et son mariage avec une fille qui sera l'aieule. Dans l'épopée, la mère de Gesar est une nagi obterrue par la magie de Padmasambhava. Cette partie de I'histoire n'est actuellement connue que dans un fort < habillage r lamaique. Le conte du, Sid,d,hi-hùr et la légende des Ngoloks peuvent laisser entrevoir quelle a pu être la version non remaniée, Quoiqu'il en soit, I'histoire de la nagî est la contrepartie de celle de la recherche d'un enfant céIeste. Là aussi un héros intervient en faveur du dieu céleste. Là aussi le môme récit se retrouve dans le Sid.d.hi-hûl (supra, p.2a7). Là encore, une montagne sacrée intervient comme père ou aïeul, malgré le père céleste. Mais alors que le conte da Siddhi-kiir aboutit à quatre fils qui sont les Quatre

Le folklore

d,ans l'Amd,o.

Certains motifs de ce conte se retrouvent à la fois dans le Gesar\z) el dans le jataka d'un roi Gesar donné par Le bKa'-gdams Pha-ëhos bu-ëhos (cf. chap. uI, n Traces rr no 21) (os) doni ,rorr, 1r"rrJn, plus loin le lien avec le Ro-sgruri (Sidd.hïkur). Mais le fait qui nous intéresse ici avant tout, c'est que ce conte du Sidd,hi-hû.r se retrouve partiellement dans la légende ancestrale des Ngoloks qui habitent la région du Haut Fleuve Jaune, car c'est là que se situe I'histoire de Gesar de Glifr. Elle m'a été rapportée par un voyageur mongol de retour des Ngoloks en 1948. Elle fut recueillie chez un Ngolok des environs du lac Kala Lhamtso, au pied de la chaîne du Bayen Khara (elle passe pour être tabou). Un jeune homme de l'Inde, appelé Che Ambum (gyub-a,b:bum) (64),arrive 'Wongda, à la rivière Wong-chu (sfr,on-ëhu), du pays de qui coule à I'envers,

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REcEERcEEs sun L,ÉpopÉE ET LE BARDE AU TrBET

Fils du Ciel, le même récit de la légende Ngolok sert d'explication à I'origine de trois frls, ancêtres de la tribu. fa légende Ngolok a-t-elle copié le Sidd.hi-kfir ott oice-aersa,, ou les deux récits relèvent-ils d'une même tradition ? Nous l'ignorons. Toujours est-il que le schéma des Quatre Fils du Ciel a pu être aggloméré à un conte, et que ce même conte a pu être localisé dans la région du Haut Fleuve Jaune. Pour notre problème central de savoir comment on a pu passer de Gesar, roi des armées, à Gesar de Glifi localisé sur le Haut Fleuve Jaune, ce fait est important. Une dernière indication prend alors une signification particulière. Le chef de Rebkong qui réside à Ron-po dgon, au Sud de la grande boucle du Haut Fleuve Jaune (au Nord-Est des Ngoloks et au Nord-Ouest de Labrang), est élu pour trois ans (cf. bsltos, < élu, institué n, titre des rois des quatre orients). Or il porte le titre signiûcatif de < seigneur des armées au Nord, (byaù,-phyogs dmag-gi bdag-po; Roerich, Le rlialecte d,e I'Atnd,o, vocabulairel encore inédit). C'est là exactement l'épithète du quatrième des < Quatre Fils du Ciel r. Nous en reparlerons plus loin. En retournant à la première classification, tripartite, de notre tableau (hommes, joyaux, chevaux), nous ne serons maintenant plus du tout étonnés de constater que ce schéma a été appliqué au Tibet. Son analyse nous éclairera sur les variations du thème du quatrième < Fils du Ciel > (celui du Nord). A l'époque mongole, le Tibet fut divisé en trois régions (ëhol-kha < turc ëhôlgii, iôlgd.; cf, Tucci, 1949, TPS, p.687, n. 99). Selon la Chronique dtt 5e Dalai (60 o), le Grub-mtha' çel-gyi me-lori, (78 b) et le d,Pag-bsam fon-bzan (p. 158 commentaire, p.297),le dBus-et-gCan était la région de la religion (ëhos), le mDo supérieur (Ouest) celle des hommes (mi) et le mDo inférieur (Est) celle des chevaux (zo). Selon une chronique saskyapa (Tucci, op. cit., p. l4), la région de la religion allait de mNa'-ris (à l'Ouest du Tibet) jusqu'à Sog-la-skya'o, celle des hommes de là à rMa-ëhu khug-pa (la première grande boucle du Haut Fleuve Jaune) et celle des chevaux(66) de cet endroit au Sttpa Blanc de Chine (chin. Pai-t'a; localisé au Sud-Ouest de Leang-tcheou). Par contre, la Biographie d,e Sa-skya- paryQita (I26b) intervertit l'ordre en assignant la région des chevaux au pays qui s'étend de Sog-la skya'o à rMa-ëhu khug-pa et celle des hommes (I27 a) à celui qui va de là au Stùpa Blanc.

ainsi qualifiées par le T'ang-chou(2168,8b) : (cf. Stein, 195I, p.228 et thèse complémentaire). Les caractéristiques des trois ëhol-kha sont évidemment le fruit d'une schématisation. En comparant ce schéma au système de K'ang T'ai (Tableau no I), on note que deux des trois termes sont identiques dans les deux séries : hommes et chevaux. Le troisième élément, < religion > en face de < joyaux >, s'explique par la simple lecture du tableau. Alors que l'Ouest est toujours resté l'orient des < joyaux r, le Sud (Inde) est consacré à la < religion ro à partir des textes tibétains (XVI et suivants), mais l'était d'abord par les c éléphants ll (III-XD. Peut-être a-t-on joué sur un rapprochement, attesté dans le folklore, entre joyau et religion(sz). Quoi qu'il en soit, le Sud est exclu du schéma des trois ëhol-kha. Le mNa'-ris, à I'Ouest, renferme le Gu-ge qui fut rapidement identifié avec le Zah-hth, et ce dernier fut parfois confondu avec le Stag-gzig. Tous ces pays de l'Ouest comportent, dans le Tableau, le qualificatif < joyaux r (XXI : nNa'-ris; XXV c-d .' sTag-gzig ou Zah-Ltn et Gru-gu). Or le Tazig (Iran) a remplacé le terme Ta-ts'in de K'ang T'.i (I) et cela dès le vue siècle (V : Hou, Iraniens). Ce fait nous place devant le problème crucial des substitutions des termes dans notre liste. La comparaison des deux éléments < hommes r et < chevaux > fait entrevoir comment des substitutions et des déplacements se sont introduits dans les classifrcations schématiques. Les Yue-tche (Tableau no I) ont été célèbres par leurs bons chevaux. Ils avaient, en arrivant sur I'Oxus, hérité des fameux chevaux du Ferghàna(0e). Mais les chevaux excellents (chevaux-dragons, long-ma)) sont également célèbres à Koutcha aussi bien que dans le Kansou et le Kokono"(eo), là précisément or) les Yue-tche avaient d'abord vécu et où ils avaient laissé une partie des leurs, les Petits Yue-tche, mélangés aux K'iang. Chose curieuse, le mot yue-tche avait aussi, dès le début du rrre siècle, pris le sens decible sur laquelle on tire en galopant à cheval(?0). Or ce thème peut relier la notion des chevaux et celle qui l'a remplacée sans jamais l'évincerl : Gesar, roi des armées, tirant instantanément sur quatre cibles. On entrevoit comment des thèmes ont pu se maintenir dans une classiûcation schématique qui a dû s'adapter à des circonstances géographiques et historiques différentes. Le thème des chevaux devait rester lié au Nord tout en étant rattaché, au cours de I'histoire et selon les circonstances, à des peuples différents. Que ce fut au Nord de la Chine ou au Nord de l'Iran, les chevaux des nomades avaient imposé aux empires des mesures identiques et y avaient laissé (avec Ia bravoure des guerriers) le môme souvenir (cf. F. Altheirn, Alexand,re et I'Asie, Paris, 1954, p. 102-103, etc.), L'histoire explique la substitution des noms de peuples dans le schéma de notre Tableau. Les Turcs (après les Hiong-nou ou Hienyun [Huns], Tableau no VI), T'ou-kiue en chinois ou Gru-gru en tibétain, devaient remplacer les Scythes, Indoscythes ou autres barbares du Nord de I'horizon indien. Jatriz (Tableau no X) est signifrcatif à cet égard : il décrit

Bea,ux homrnes et bons cheoaux. S'il y a hésitation entre I'attribution des épithètes < hommes r (entendez : beaux ou valeureux) et < chevaux > (excellents) à des régions voisines, c'est que des populations nomadeg éparpillées sur de grandes étendues se distinguaient précisément autant par leur goût pour la guerre que par l'excellence de leurs chevaux. Les tribus dispersées depuis Kan-tcheou et Cha-tcheou au Nord jusqu'à la région de Ho-tcheou et Song-p'an, à la fin du rxe siècle, sont

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longuement la bravoure des Turcs et leur vie intimement liée aux chevaux (cf. note 35). Nous verrons à quel point, dans l'épopée, le thème du cheval, double du héros, est resté attaché à celui du Nord. Le classement du pays des r hommes ,, par exceilence devait, lui aussi, pjsel un problème aux scoliastes. La chine était bien le pays des hommes (Tableau, Est, I-XI!, de K'ang T'ai et des pélerins boudàhistes à pseudocallisthène et aux Arabes (cf. n. 32) : de la multitude, de l,ordre social, des arts et des beaux hommes. Mais c'est précisément pour cela que les chinois avaient appelé l'Orient Romain : Ta-Ts'in (plus grande Chinei : les hommes y sont beaux comme en Chine (Ts'in), disaient-ils.(zr). O.. que, depuis les T'ang, le nom Foulin (Frôm) remplaça le vieux terme Ta-tstn, il ràçut les mêmes qualifications (tz). chez les Arabes, Rùm prend la place de I'ancien Ta-ts'in (IX-XII). Les Tibétains devaient naturellement l'adopier pour Khrom/ Phrom ( (gyad.rd.o) de foudre brûlant. sTobs-ëhen Thog-rgod me-'bâr (< brûlant de feu r) est aussi un héros des Hor(so). Dans notre 'I'ableau lnos XXIII a, XXXIV), les Hor - remplaçanr les Gru-gu'et les chevaux - sont dits < d'une belle force du corps t (lus-rcal bzari-ba) et leur roi porte, en mongol, l'épithète < des forts r (stobs-ëan: stobs-{hen?).Le thème de ia force guerrière (et des chevaux), rattaché au Nord, pouvait donc alterner avec celui de la richesse ou celui des beaux hommes. ious deux rattachés à I'Ouest. mais l'un à l'Iran (Ta-zig), l'autre à n Rome r (Ta-ts'in).

RECHEBCEES SUR L'ÉPOPÉEET LE BARDE AU TIBET

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Gesar et les Turcs. Nous sommes donc bien avertis et un regard attentif sur le Tableau le confirme abondamment : les identifications qui résultent de la superposition de thèmes dans une case du Tableau ou par le transfert de I'une à l'autre, ne sont pas des indications historiques et ne doivent pas être prises, de façon simpliste, à la lettre. Si nous insistons tant sur ce point, c'est que F. W, Thomas a déjà fait école en affirmant, sur la base àt rGyal-po bka'-thaù (Tableau no XVIII), que Gesar était un Gru-gu, c'est-à-dire un Turc, et qu'il devait y avoir deur Phrom/Khrom différents, l'un étant celui de Fou-lin (Byzance, et Gesar : Kaisar), l'autre se situant en Asie centrale. Comme le rGyal-rabs parle de Khrom Gesar 'Dan-ma et que Thomas, dans la perspective de son hypothèse, avait retrouvé dans 'Dan-ma le Damna de Ptolémée en l'identifrant avec Karashahr, Petech (1947, p.83) a pu conclure que 'Dan-ma du Gesar de Khrom était Karashahr, capitale des Drugu (Turcs). Un turcologue a de son côté comparé le Hisar de l'épopée ôzbek (nommé avant le Tibet et après Kimari) avec < le Gesar (une partie des Dru-gu) > (er), Il nous faut donc expliquer comment Ie rGyal-po bka'-than a pu associer Gesar et Gru-gu. En considérant ce récit comme historique, Thomas n'a pas tenu compte de I'allure épique de l'ensemble, ni du fait qu'il s'insère dans une énumération de conquêtes adaptée au schéma des Quatre Fils du Ciel. On notera d'abord (voir cidessus, p. 250) que le début du vers (car ce texte se présente sous forme d'un poème épique) parle de u Gesar Gru-gu r hostile(s) au Tibet, mais que la fin dit : r Gru-gu Ge-sar se soumet(tent) au Tibet >. Grammaticalement, la dernière expression peut être comprise, comme I'a fait Thomas, comme < le Gesar (Kaisar, roi) des Turcs >. Mais il n'en est pas de même de la première, Celle-ci ne peut signifrer que u Gesar el Grugu > ou, à la riguenr, nles Grugu, alias Gesar>(82).Dans loesprit du rédacteur, il s'agissait certainement de d,eux noms de peuples ou de rois. En effet, dans les passages parallèles, il donne aussi deux noms reliés par el (pour l'Inde : Râ-ja Dharmadpal et Dra'u-dpufr; pour Tazig : La-mer-mu et Hab-gdal). Peu nous importe, pour I'instant, s'il avait tort ou raison de distinguer ou d'identifier Gesar et Grugu, La chronique bonpo (Tableau no XXIX) attribue, elle aussi, d,eux pays à chaque Orient. Sauf pour le cas litigieux du Nord, nous les connaissonscomme limitrophes : Chine et K'i-tan, Inde et Cachemire (?), Iran et U(ldiyâna. L'expression Gesar et Hor de la chronique bonpo correspond exactement à < Gesar Grugu ,. Dans l'histoire, Hor remplace Grugu : les Ouigours ont remplacé les T'ou-kiue. Dans l'épopée, les deux restent étroitement apparentés. Déjà dans le chant de Mila ras-pa (Tableau no XIV), le Nord est occupé par les 'Hor et par Gesar, mais les deux semblent bien s'opposer. Dès qu'un texte ne spécifie plus les Orients, là où, par conséquent, on n'était plus obligé d'avoir

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recours au dédoublement sur un seul et même Orient, Gesar et Hor sont bien énumérés à part (depuis 1508, Tableau, nos XXIII, XXIII o, XXIII b, XXIV, XXV, XXV c, XXV e, XXXIV). Ou encore un seul et même ouyrage contient deux passages parallèles où, tous les autres éléments étant identiques, on a une fois Hor (chevaux) et une fois Gesar (armées). Et ceci n'est pas limité aux seuls textes tardifs. On a vu que Mi-la ras-pa parle déjà dans ce sens. Le rGyalpo bka'-thafi aussi, cet ouvrage qui nous parle de Grugu Gesar ou de Gesar Grugu, nous donne, sur la rnême page, dewx séries absolument identiques pour les trois premiers termes, mais pour le quatrième une fois Gesar et une fois Hor. En remplaçant le couple Gesar e, Hor par Sambhala et Hor, le d,Pag-bsarn lion-bzan (Tableau no XXXII) n'innove qu'en apparence : coest de Sambhala qu'on attend le retour messianique de Gesar dont nous aurons à parler. Pour les scoliastestardifs, les Hor sont voisins de Sambhala(83).Cett- notion qui s'explique par le thème du Nord, pays sacré et pays des Hor, fut encore renforcée par une confusion (accidentelle ou voulue?) entre Sambhala et sTambhola, c'est-à-dire Constantinople. Le dPag-bsam." (xyl., fol. 303 a) nous dit : < Kofi-kar, le quatrième fils de eha-gva-ta'i (Ôa7atai, fils de eingis-qan) fut élu (institué, bskos-pa!\ roi du pays de Rom (: Rum) et résida dans la ville de Sâ-mbho-la (glose de I'auteur t aussi une partie d,u Çam-bha-lo) r (elt. 6t "" Rtm, ici confondu avec Sambhala, avait pris, dès les auteurs musulmans (Tableau nos IX, XI, XII), la place de Ta-ts'in(85), avec cet attribut des beaux hommes qui fut repris par Khrom et Gesar dans les textes tibétains (par l'intermédiaire des équations Ta-ts'in : Fou-lin, et Fou-lin : Phrom/Khrom .: liùm). Certes, des événements historiques ont laissé leur trace dans les identifications, associations ou confusions entre Khrom (Rùm, Ta-ts'in) et Grugu ou Hor. Mais comme nous I'avons déjà constaté (chap. rrr) des < traces > et des ( souvenirs historiques , d'époques fort différentes ont été fusionnés dans un même thème. Si tel texte (Tableau no XXIV) parle de Hor Gesar, il se peut qu'il y ait là un souvenir d'un titre kaisar porté par des Seldjoukides d'Anatolie (Rùm, voir plus loin), mais il est plus probable que cette association des Hor et de Gesar n'est que le fruit d'une fusion du thème du roi des armées du Nord et des peuples guerriers du même Nord. F. Altheim (op. cit) a bien montré comment les nomades guerriers et cavaliers ont laissé un souvenir de leurs menaces constantes durant de longs siècles au Nord des grandes civilisations (de la Chine à I'Iran et Byzance). Longtemps avant les Seldjoukides, les textes chinois attestent une alternance syntaxique exactement parallèle à celle de Grugu Gesar et Gesar Grugu. Houei Tchao etles Annales d,es T'ang signalent l'invasion du n Grand Fou-lin, par des Turcs qui sont appelés tantôt K'o-sa T'ou-kiue, tantôt T'ou-kiue K'o-sa. Shiratori a montré (A neut attempt at the solution of the Fu-lin problem, in Mern. Toyo Bunko,15, p. 266-269) qu'il s'agit des Turcs Khazâr (localisés au Nord du Fou-lin, entre la Volga et le Caucase) et

RECIIFRCHES

SUR L'ÉPOPÉE

ET

LE

BARDE

ÀU TIBET

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de Constantinople. K'o-sa doit en effet être restitué en Qasar. Plus tard, parlant de Qasar, frère de eingis-qan, RaSid'd-din, a interprété ce nom en u bête féroce > parce que ce frère fut réputé pour sa force (Pelliot et Hambis, Histoire d,els cam.pagnes ile Cengis Khan,Leiden, 1951, p. 174)' Ce Qasar pouvait d'autant plus facilement être confondu avec Gesar que les classifrcations par Quatre Orients attribuaient au Nord d'abord les Huns ou Turcs féroces comrne des bêtes sauuages, puis Gesar roi des armées. Une fois la fusion opérée entre les pays de l'Ouest (Ta-ts'in, Fou-lin, Rùm, Phrom) et du Nord (Huns, Turcs, Grugu, Hor) dans la classification des Quatre Orients, les thèmes des uns et des autres ont aussi pu se mêler ou être déplacés d'un pays à un autre,

Entre < Turcs , et Orient romain. Dans une version dt Gesar en dix-neuf chapitres (cf. chap. rr, p. 45), le quinzième est consacré à la conquête des Tchou-kou, transcription chinoise qui ne peut guère représenter que Gru-gu. Ce pays est censé se trouver au-delà de I'océan de I'Inde. Gesar y a volé l'ceuf d'un grand oiseau (chin. p'ezg, sans doute tib. khyuft). Il y prend aussi d'autres objets rares et précieux. Le sujet ressemble à une autre légende attestée par la Chronique d,u 5" Dalailarna (fol.90 a; Tucci, TPS,1949, p.695, n.316). Ral-pa'-jin, ministre de Sroi-bcan sgam-po, rapporta du pays des Gru-gu, chargés sur sept bateaux, les joyaux (ou talismans magiques, zor) d.e turquoises (dans le Gesar, c'esï le chapitre Kha-ëhe (Cachemire), précédent Gru-gu, qui traite des turquoises' Mais dans la version de Ladakh, il est question d'un (rta-bd,ag) et correspond donc nécessairement au n ssignsul des chevaux > (aiuapati) de la même classification, mais cette fois-ci davantage associé aux Turcs (Dru-gu, Hor). Dans ce groupe de neuf cavaliers, Vaiéravar,ra ne se distingue en rien, au Tibet, du groupe de neufcavaliers du Dieu Guerrier, d.gra-lha, auquel on identifia bien vite le Gesar de l'épopée. Ce Gesar et ce d'gra-lhateproduisent justement le type iconographique du guerrier vai6rava4a d'Asie Centrale (Tucci; cf. notre frontispice). Nousverrons (chap. vrr) que les coiffures de Gesar sont comparables à la couronne de vaiéravaqra uor"i bi"r, qu'à celle de Maitreya, cet autre Roi du Monde localisé au Nord.

Gesar, Vaiïrauat.I,a et Pehar. Le transfert de la nomenclature et des thèmes de l,Ouest au Nord a eu pour conséquence des fusions, des chevauchements et des hésitations : richesses et guerriers; beaux hommes, hommes valeureux, guerriers, bons chevaux, Gesar est avant tout un guerrier et roi de l'univers-. Il est aussi devenu un seigneur des Richesses (nor-bd,ag) de la chine er du Tibet (rGya Bod, gfl,is-kyi nor-bd,ag, ms. Gru-gu, I, 3 a). Quand il aura achevé sa tâche et qu'il sera retourné parmi les oid,ydd,hara (au Nord !), il deviendra jusqu,au dernier halpa futur le < Dieu des Richesses , (nor-Iha; xyl. Ling, ti, fb a;. Comme Dieu Guerrier, d,gra-lha, il aurait dû aussi se rapprochér du vrai'dGra-lha, premier d'un groupe de neuf cavaliers appelés ( seigneurs des chevaux r.

REcEERcEESsun L'ÉpopÉs ET LE BÀRDE AU TrBET

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Mais cela ne s'est pas produit. II en est resté très proche, mais distinct. Certes, nous le verrons (chap. rx) presque identifié à son cheval qui est le Meilleur des Chevaux (rTa-mëhog) en rapport avec le dieu Hayagriva et le Nord. Mais Khro-thuir, son oncle paternel, est aussi son principal antagoniste (en connivence avec les Hor). Or il a pour dieu tutélaire Hayagriva. L'analyse de notre Tableau du schéma des quatre orients nous a déjà montré (p. 269) le chevauchement et l'hésitation entre le thème du roi des armées et celui des cheuaux. Les deux devaient tendre à se confondre, mais sont restés distincts. Au Tibet et ailleurs on avait certes tendance à rapprocher la valeur guerrière des habitants et la qualité de leurs chevaux(127), mais on a aussi maintenu la distinction entre les provinces voisines des chevaux et des hommes. L'épopée a retenu Ie rapprochement aussi bien que la distinction apparus dani les schémas classiflcatoires. Ceux-ci ont pu un instant rapprocher Gesar et Grugu, mais nous avons conclu qu'il fallait les distinguer et que le rappro' chement était dû à une superposition. Les rédacteurs lamaiques de l'épopée ont certainement eu connaissance de ces textes. Ils ont pris le parti de maintenir d,eux Gesa,r : le Gesar de Glifr, héros principal, et un Gesar des Gru'gu, I'un de ses adversaires. Ce dernier roi est situé dans le Nord et porte le titre < Gesar, roi des armées rr (byari Ge-sar d'mag-gi rgyal-po; ms.Cru'gu,I,9 a, 4û ô), < Gesar des Glu'gu > (Gru-gu Ge-sar), < roi des armées (et ?) des chevaux des Gru'gu n (Gru'gu rta-dmag rgyal,-po, ibid.,l, 2O0 a, 262 a; II, I28 a, 228 a\ ou < roi des armées des chevaui du Nord r (I, 11 a,3L b,41 b). n possèdele < château des armes > que Gesar de Glifr prendra. Son château est appelé Ça'I1-na (I,_43 b), et ce ,ro* o" peut représenter que Kalapa, la capitale du Sambhala. Il gagne son trône pai une cômpétition d'athlète.t, notamment par un tir à farc (I' 5 o) et on" de chevaux (I, 47 a). Ce motif reproduit à la fois le schéma des "ôrrr." quatre orients (où le roi du Nord est élu en tirant à l'arc) et l'épopée (oir Gesar de Glin gagne son trône par une course). Ce ch-apltre des Gru-gu est visiblement basé sur une connaissance des textes utiiisés dans notré Tableau. Il se pourrait qu'il soit postérieur à la formation du cycle principal de Gesar de Glitr. Nous n'avons aucun critère pour en décider. Torrjoors est-il qu'il confirme notre analyse de la superposi iion des thèmes Gesar, roi des aimées (Ta'ts'in, Phrom), et Gru'gu, roi des chevaux. Il est significatif que, dans le chapitre de l'épopée, le second Gesar des Gru-gu est ((roi des armées (et?) des chevaux n' En suiiant le déplacement triple (toponymie, théorie des Quatre Fils du ciel et divinités borrddhiqoes dJ richesse et de guerre) encore plus à I'Est, de Khotan au Mi-flag, I-rorri porrootts constater que nous sommes sur la bonne piste. La parenté, aussi bien que la différence, entre Gesar et vai6r-avapa y appar.ît pàr I'intermédiaire du personnage de Pehar. Nous savons déjà que 'pehar s,opposent parcJ que le dernier est Ie dieu des Hor, ennemis iesr. et de Glifr dans l'épopée (chap. rrl, n Traces > nos 24, 3I, 414:])' Nous avons

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R.-A. srErN

REcnERcEEs sun l'ÉpopÉe ET LE BAnDE Au rrBET

aussi vu ses liens avec Hor, Grugu et Mi-flag (ibid.et chap. rv, p. f93). La légende de Pehar a été exposée par Tucci (L949, TPS, p. 73+737) et moimême (Stein, 1951, p. 249-252) (r28). Il suffira donc de donner ici un résumé des motifs et thèmes qui relient ce personnage à Gesar, Vai6ravapa, Hor et Mi-fiag.

(note 88), du ratnapati et d'Indrabhuti, roi du Zahor (p.276). Nous devons nous rappeler que PâRcika esLle yakça des confins du Cachemire ou du Cina du Nord-Ouest et que ce Cina fut identifré avec la Chine (p. 283). La légende du Pehar de Zahor.s'insère dans cet ensemble. Rien d'étonnant à ce qu'elle soit obscure et confuse : elle est faite de bribes variées. Mais ces morceaux divers sont assemblés d'une manière cohérente correspondant au transfert du nom Cina et à la nature de ce dieu.

l. Comme Vai6rava4a, Pâflcika et Kuvêra, Pehar est un < gardien des trésors> (d,hor-srufi) ou u maître des richesses t (nor-bd,ag), protecteur d'un monastère. Comme eux, il est localisé confusément à l'Ouest, à I'Est et au Nord. Son épithète nor-bd,ag correspond exactement au titre ratnapati (à l'Ouest) dans la théorie des Quatre Fils du Ciel. Selon la légende, il remplace un autre gardien des trésors, nd,ga ou gand,haraa, PaflcaÉikha dont le nom relève du thème des Cinq (comme Pâflcika, Paflcàvata, Paflcàla). S'il est rattaché aux Hor (au Nord dans la classiûcation, mais ici à I'Est, au Mi-flag de Kantcheou), c'est qu'on le fait venir de Za-hor, pays d'Indrabhuti, avec un jeu de mot sur Hu et (Dharma)pâla. Comme on sait, ce pays et ce roi sont localisés tantôt à l'Ouest de l'Inde (près d'U{{iyâna : Swât), tantôt à I'Est (Bengale, Assam). La légende le fait d'ailleurs venir à Kan-tcheou uiaBengale et Chine. Dans ces hésitations des localisations on retrouve celle de Cina et Mahâcina (Ta-ts'in et les < brahmanes de Ta-ts'in ) de I'Assam). PaflcaSikha signifre < cinq toufres de cheveux r, épithète qui s'applique au lion. Mais le nom tibétain, Zur-phud lfra-pa, peut aussi être restitué (et I'a été) en PaficacIra < cinq crêtes >. Ce dernier nom est une épithète de MafljuSri à cause de ses cheveux arrangés en cinq boucles (Das, d,ictionary; Dictionnaire tibétainsanscrit de Tse-Ring-Ouang-gyal, s.v. zur-phud). Zur-phud lfra-pa est imaginé, au Tibet, comme jeune enfant à chignon de turquoise (Pad,ma than-yig, 104 b; Toussaint, p. 246). Dans la prophétie du Mafr,juïrimùIatantra (cidessus, p. 283), le roi de Chine sera Mafijughoga (: Mafljuéri) qui prendra la forme d'un enfant. Le texte sanscrit a Cina, la traduction tibétaine : rGya (< Chine r). On a pu confondre le Cina du Nord-Ouest de I'Inde (dieu tutélaire Pâflcika) et le Cina : Chine (dieu tutélaire Mafljuéri sur le ri-6o rce-lùa., W'ou-t'ai chan : montagne à cinq pics) par I'intermédiaire de Paflca6ikha, le jeune garçon à cinq touffes de cheveux. Nous savons déjà que les poils enroulés sont en rapporf avec le lion (cf. p.276). Au Tibet, le jeune lion des glaciers (auquel on compare Gesar dans l'épopée) a une crinière de turquoise. Il se trouve qlue le Mafijuîrîrnûlatantra, dans son chapitre des prophéties historiques (chap.53, éd. skr., p.642,ligne22; Kanjur, rGyud, éd. Narthang, vol. XI, fol. 466), parle d'un roi Paflcakeéari, < cinq chevelures >, nom que la traduction tibétaine rend par Sefi-ge lira < Cinq Lions > (Bu-ston, éhosJbyuft,, 2 ô, dans sa liste de rois, connaît aussi un Seù-ge-lùa < cinq lions >; Obermiller, II, IIB; d,Pag-bsam ljon-bzar'r., I, 66). Ce Paflcake6ari semble avoir été situé dans le Bengale oriental oo l'Aæ"*(tte). On doit noter la parenté de ces personnages et de ces thèmes. Nous les avons vus à propos du joyau kesara,

Pehar, Mi-frag et l'épopée. 2. La liaison de Pehar avec le Mi-flag est doublement assurée par la légende et par la tradition locale. Elle est confirmée par la légende royale du Tibet, l'épopée, le folklore et les traités religieux. Avant d'être introduit au Tibet, Pehar se trouvait chez les Bhala-Hor, à Kan-tcheou. Cette région est par ailleurs appelée Mi-flag des Hor ou tibétain (Bod). L'histoire de sa soumission comporte la création d'une image de Vai6ravala propre au pays de 'Jafi. Ce pays, généralement le Nan-tchao ou Li-kiang au Yun-nan, a été identifié avec Mi-fiag, pays des Li (cf. ci-dessus3 n. 126), et pouvait se confondre avec l'autre pays des Li, Khotan (appelé lCan-ra smug-po, analogue à'Jari-ri smug-po, cf. Stein, 1951, p. 262). I-a soumission se passe, d'autre part, à l'occasion d'une expédition menée contre la Chine, les Hor et les Gru-gu, dans le gYar-mothan. Ce pays est situé à la frontière nord-est du pays, frontière qui coîncide exactement avec la localisation du Mi-flag. C'est aussi dans le Nord, au pays de gNam, qu'est localisé le personnage que Pehar remplace, le gand,haroa Zrn' phud lfra-pa (Paflcaéikha; Deb-ther sflon-po, fla, 60 b : Blue Annals, lI, 540; Pad.ma thaù,-yig, chap. r.x; Toussaint, p. 2aQ. L'expédition militaire fut conduite par le général ZanlHa-bzan klu-dpal, fort en magie, qui emploie une armée de quatre espèces de démons placés aux quatre orients. Lohistoire est imbriquée dans le schéma des Quatre Fils du Ciel. Le roi avait d'abord soumis les u visages de faucon > à I'Est, les r pieds d'âne r au Sud, les ( queues de chat > à l'Ouest et les < oreilles de lièvre , au Nord (pays : sNa-nam, alias Nam, gNam; ci-dessus, p.249). Avec leur aide, il soumet alors, au Nord, Gesar (et) Gru-gu. Dans la légende de Pehar (Tucci, op. cit., d'après un ouvrage rfr,iù.-ma-pa), le général emploie les mêmes soldats, mais au Nord il y a les < oreilles d'âne >. En tibétain, < âne > se dit bon et < lièwe > : ri-bor| (< âne des montagnes >) : tous deux ont de longues oreilles. Nous retrouverons ce thème avec ôesar. Mais ici nous devons âire tout de suite qu'tt Oreilles d'Âne , (Bofr-rna) est le nom du roi des Yugurs. Sa femme conçoit d'un cavalier blanc descendu du Ciel (certainement gNam-the dkar-po, dieu tutélaire des Hor/ Mongols, plus tard identifié à Pehar) et accouche de Jin-gir gnarn-gyi bu (eingis-qan, frls du Ciel; rcyal-ra,bs Bon, p.30). Or, selon la tradition locale des Yugurs de Kan-tcheou, Pehar egt l'un des trois rois-démong Yu-gur

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R..A. STEIN

(blanc, noir et jaune) dans lesquels il est aisé de reconnaître les trois rois Hor de l'épopée (Gur blanc, noir et jaune; Stein, 1951, p. 249-250). La localisation de Pehar au Mi-flag de Kan-tcheor, confrrmée "rt "n"or" par d'autres textes. selon le d,Pag-bsarn ljon-bzafi, derrière le palais des rois tibétains du Mi-frag de Kan-tcheou se trouvaient un temple de u Tâ-ra )) et un stùpa' renfermant l'épée avec laquelle- Blo-gros-'phel soumit re d,émon-naga (chap. rrr, renfermait l'image de la sGrol-ma (Taia) en turquoise et semble en tirer son nom. _Mais il y a des chances que ce ,oit ,rrr" inierprétatjon postérieure. L'épée de Blo-gros-'phel se rappirte aussi à la soumission d'wn nd'ga (chap. rrr, n. 4,6). Il reste, cependant, que la statue de Târâ en turquoise est bien attestée. à la fois dans le cycle de pehar et dans l'épopée de Gesar, et localisée chez les Yugurs de Kan-tcheou (chap. rrr, n Traces],, n, 42). 3. si Pehar a été obligé de quitter le monastère de Kan-teheou pour servir de gardien des trésors à bsam-yas, c'est qu'il y fut contraint pas ùaiéravara. Padmasambhav_a conjura vai6rava4a danÀ I'image de ce dernier peinte sur le drapeau de l'armée tibétaine : elle le représentait avec son lion bleu (de turquoise) et ses acolytes, les huit < maîtres des chevaux > qui sont des yakça. Pehar s'enfuit sous forme d'unaigle ou autour (rgod,-po, pas vâutour "i.roo comme on dit généralemenr, cf. Stein, 195I, p, 2SI; 265). L,ri des yaksa de la suite de Vai6ravala I'atteint d,une flèchË. La scène'se passe dans les nuages, car l'histoire est appelée < VaiSravar.ra(dans) les ,rrrug", > (rNa,m-sras sprin-'gseb m,a). Pehar vient au Tibet sur un oiseau de boisl d'où son nom Çin-.by-a ëan, le yakça. Son ministre (dans l,iconographie lamaique) est Bya_ rgod thafr'nag (aigle à queue [ou ventre] noir";"N"i".ky-wojËowitz,r9s6, p. 1I2). Selon une autre traditiono pehar était le frls diune iagi, t .orp" humain et tête de khyuri, (ga.ruQa; op. cit., p. 102). lJn yalcça 1,. *"i, "i.ttrr, tl est lui'même tn yahça. son destin est parallèle à celui de son vainqueur Ta-ra Klu-gofr. V-ainqueur et vaincu ,onf upp"."rrtés. Vai6ravana porte un oiseau dans son diadème (et le roi de Khotan portait un bonnet ressemblant à une crête de coq; Matsumoto, op. cit., p. 486_487). Pehar fut atteint de la flèche d'un yaiça de la suite de vaiéravara. Il avait

REcEERcSEs sun r,,ÉpopÉE, ET LA BATDEÀu rrBET

2W

parfois une tête de lehyuù..Un résumé de l'épopée prétend que Gesar abattit d'une flèche un grand hhyuri. Or ce garuQa,porta le nom de Se'.uqui est aussi celui d,e I'ancêtre d,u Mi-fl,ag (Stein, 1951, p. 252). Comme Tucci l'a déjà fait remarquer, la scènedu yakga tirant sur un garuQa est représentée sur des images de Vai6ravala trouvées à Touen-houanget en Asie Centrale. Vai6ravaçay marche sur des nuages.Il traverse I'océan, allusion à sa visite au palais des naga pour y gagner ses trésors(rm).Nous avons vu que cette dernière légende existe en nombreusesversions et se rattache au thème du Roi Universel. Nous avons aussi constatésesrapports avec les grands oiseaux du type garuSa et le joyau, ainsi que son rattachement à divers pays de l'Ouest. Le yakça archer de Vai6ravaqaa, sur l'une des images (pl. r,xxrr de A. Stein, Innermost Asia), un nez crochu et une forte barbe (torse nu, casque étrange) : il ressembleà un Hou ou lranien. Tantôt c'est Vai6rava4a,tantôt son yakça acolyte qui ressembleà Gesar. C'est le VaiSravala de (HAbagirin, p. 80). Le Vaiérava4a particulier de Khotan ou de < T'eou-pa > (*Tubbat ?) porte un oiseau dans sa couronne (tn hhyuft parfois). De Pehar aussi on raconte une histoire bien

curieuse : il se manifesta sous l'aspect doun homme portant un < chapeau volant ) (ldir-Èoa) surmonté de plumes d'oiseau (bya-phru bcug), et déclara être Padmasambhava (chap. vrr, n, 51). Noug verrons que Gesar et le barde qui l'incarne portent tous deux un tel chapeau et que ce chapeau est rattaché à Padmasambhava (qui par sa méditation a fait venir Vai6ravapa et a soumis Pehar; lé vainqueur paré des caractéristiques du vaincu). Pehar est donc < Indra blanc >. Il a aussi été identifré avec gNam-the dkar-po, le theblanc du Ciel (car the : the'u-rari, espèce de divinités à laquelle appartient Pehar). En tant que tel, il est le fils du dieu Blanc du Ciel et la divinité tutélaire des Hor/Mongols (Nebesky-Wojkowitz, 1956, p. 99). Ceux-ci se réclament en effet du dieu du Ciel Indra (Xormusda). Leur roi eingis, généralement conçu par le Ciel et investi par Indra, est dit le fils d'un cavalier blanc descendu du Ciel et de la femme du roi des Yugurs < Oreilles d'Ane r. Mais Pehar a aussi été identifié avec Chafis-pa dkar-po ou Brahmâ Blanc (op. cit., p. 99). Ces alternances sont remarquables. Les versions de l'épopée peuvent être classéesen deux groupes : dans l'un, le père de Gesar est Indra (versions du Ladakh et de Mongolie); dans l'autre, c'est Brahmâ Blanc (xyl. Ling et de nombreux manuscrits). A la base des rapports de Pehar avec Brahmâ ou Indra se trouve la figure de VaiÉravaqa. Celui-ci chevauche un cheval blanc, et sa couronne est ornée de rubans blancs (Waley, A Catalogue of paintings frorn Tun-huang, p. 4l (13r)).Dans I'iconographie tibétaine, Vai6ravar.ra chevauche généralement un lion, mais est entouré de huit cavaliers. C'est Brahmâ Blanc qui y a hérité du cheval blanc, mais porte un bol de joyaux. Or il a été identifré à un certain Libyin hara ou Li-byin blanc, luimême à son tour considéré comme une émanation de Pehar (Nebesky, 1956, p. 14,6, 152, pl. V). Ce Libyin hara (: d'lcar ?) de Khotan qui aurait épousé la fille de Gesar de Phrom est célébré pour ses prouesses héroïques et athlétiques. I1 tua beaucoup doennemis extérieurs Qthyi-dgra; Thomas, 1935, p. I20, écrit, à tort, Li) et attrapa seul un lion féroce. Il en tira son nom de < Lion >t(seri-ge, sirrr.ha). 'U-rofr-ga, la fille de Gesar de Phrom épousée par le roi de Khotan, serait venue de Gu-zan. F. W. Thomas a identifré ce lieu avec Guchen (Turfan; op. cit., p. 282-283) parce qu'il y voyait un pays turc, mais cette opinion repose sur une traduction fort douteuse (qui identiÊe Gru-gu et Gu-zan('36)). Quoi qu'il en soit, un Khrom de Khri-bços (Kokonor) est déjà attesté dans la chronique de Touen-houang (cf. ma note in JA, 1952, p.84)(136). Le terme khri (khri-rce) s'emploie à la même époque pour Lifr-èhu, alias Leang-tcheou (cf. chap. v, p. 235). Il devait, dans les deux cas, indiquer une grande ville et avoir le même sens que khrom (les deux mots ont d'ailleurs été confondus précisément pour le Miflag et le Kokonor; cf. chap. tv, p. 195). Thomas a bier,r signalé gu'un texte bonpo situe le lac Khri-ço entre le royaume de Gesar et le Tibet. Mais comme il est mentionné en même ternps que les Gru-gu (que fhomas veut localiser.à Guchen), Thomas veut y voir le lac Bagrash. Il

R.-4. srErN

REcHERcEEs suR L'ÉpopÉE ET LE BARDE AU TrBET

n'en est rien. Khri-bços est toujours le Kokonor, localisé dans la grande plaine de Yar-mo-thafi. C'est dans cette plaine qu'un manuscrit de Touenhouang situe un Khrom ëhen-po (grande ville, grand marché) à l'occasion de 1a construction d'un temple, Une grande rencontre y fut organisée avec rGya-Drug (les Turcs et les Chinois ? ou les Turcs de Chine !) et le peuple du mDo-gams (Amdo) participa aux frais (Lalou, 1939, no 16, fol. 33-34; Thomas, 1951, p. 99). Un royaume Khrom ou Phrom et son roi Gesar ont-ils réellement existé dans la région du Kokonor et du Haut Fleuve Jaune? C'est fort peu probable. Mais des noms de lieux ou des épithètes de ce type ont été courants dans cette région depuis le vrle siècle et leur ressemblance avec le Khrom/Phrom : Fou-lin et Ta-ts'in a pu permettre l'introduction d'un folklore de roi universel rattaché au nom de Gesar, et cela dès le xre siècle. Entre ce xre siècle et le xlve, ori l'on voit apparaître des chefs de Glifr au Sud du Fleuve Jaune, se réclamant un peu plus tard de Gesar, des événements ont eu lieu; nous les ignorons. Mais si nous ne pouvons préciser, faute de documents, quand et comment des chefs locaux ont pu se rattacher à Gesar, nous pouvons du moins être désormais certain qu'un amalgame de motifs a cheminé jusqu'au Tibet oriental où l'épopée s'est cristallisée. Les faits, multiples et enchevêtrés, mais probants, que nous avons passés en revue prouvent que le Gesar de Gliri provient de multiples manières du Gesar de Khrom/Phrom et que ni I'un, ni I'autre ne sont des personnages historiques.

que nous avons passés en revue : lion, joyau, chevelure, armées, richesses. Dans le schéma des quatre orients, Gesar au Nord est le seul à être qualifié par le tir à l'arc aux quatre orients et l'épithète dgra:jom < vainqueur d'ennemis r. Dans l'épopée, Gesar porte toujours le titre dgrald,ul, < dompteur d'ennemis o, Une seule difficulté semble subsister. Dans le schéma, Gesar est au Nord. Comment a-t-il pu être appliqué au Tibet et à Glin? La réponse est simple. Pour l'épopée et pour tous les auteurs lamaiques le Tibet est à la fois identifré au monde (jambudaîpa) et au Nord de ce monde. I1 nous suffira doen donner des exemples. Et d'abord, dressons une liste des épithètes de Gesar qui prouve notre propos.

W4

Du Roi du Monde au Roi de Glin. Glin signifie simplement ( pays D. Parlant du pays du < Nord > qui est celui du Roi Sudhâna, la pièce de théâtre tibétaine dit : glin rafr,-phyogs (< mon propre pays >, I{or-àzaft,, 126 o). En dehors de son épithète < blanc r, Glin est toujours qualifré de lthra-rno, r bariolé >, expression qui désigne la foule. Nlais, parlant de héros qui sont < I'ornement du monde ), un passage applique cette épithète à jarnbud,uîpa ('jarn-gliù lthra-rno, ms. Gru-gu, I, 136 ô). La version mongole de l'épopée rend régulièrement le Glifi tibétain (nom du pays) par eambudvip (Ligeti, 1951, p. 352, n. 9). Il est certain que, dans l'épopée, le nom de Glin n'est qu'une abréviation de'jam-bu-glift ou'jam-glih, le jarnbudaîpa ot notre monde humain. Gesar est constamment appelé < roi tlu monde >t(jambud,aîpa; 'jarn-gliri rgyal-po, Prières de Mi-phan, I, 20 b) et son pays Gliir : le < pays des hommes > (rniyul; Frûhlingsmythus, III, 1; xyl. Gyantse, ka,3a,4a). Dans l'Amdo, il egt même connu sous le nom de Dzamlang-sang ('Jam-gliô chan) < Celui du Monde r (Roerich, 1942, p.280). Or coestce titre, et les épithètes afférentes, qui I'identiflent s&ns conteste avec le Gesar de Khrom, roi des armées, du schéma des Quatre Fils du Ciel et avec les thèmes qui y furent amalgamés et

295

Roi du Monde : 'Iam-glifi

Ge-ser (ms. Effir,

Bibl. Nat., 16c-).

'Jam-glifr. Ge-sar rgyal-po (roi G. du monde; rns. Grugu, I, 2 b\. 'Jam-glin Sefi-ëhenfe (souverain uGrand Lionr du monde; Prières Mipharn, IV, I a). 'Jam-gliri Sen-ëhen slryes-bu (saint < Grand Lion r du monde; *yl. Cyantse, ga, 16 b\. 'Jarn-glin Seri.-ëhen rgyal-po (roi o Grand Lion> glin,262a).

du monde; ms. IHo-

Armée et Richesses : Ge-sar d.Gra-'d,ul d.mag-rgyal (G. dompteur d'ennemis, roi des armées; Prières, I, 25 b; ms. sBe-ra, litre). Ge-sar yid,-bàin nor-bu (cintd,rnaryi; Prières, I, 27 a). Ge-sar yid-bÉin nor-bu Seù-ëhen d,Gra:d.ul rcal (id,em, dompteur d'ennemis, Grand Lion; ibid.., 27 b). Ge-sar rgyal-po dmag-gi lha (roi G., dieu des armées; ibid., 31 b). Nor-bu 6toa:phel

(cintd,rna4ti;Prières, II, 3 a).

rig:jin Nor-bu d,Gra:dul (uid,yd.d,hara[au Nord], joyau, dompteur d'ennemis; ibid., 2a; Y, La). nor-bdag (maître des richesses, ratnapati;

rns, Grugu, I, 3 a).

'Jam-glift. skyotr,s-pa'i pho-Iha Ge-sar dmag-gi rgyal-po (dieu tutélaire protégeant le monde, roi des armées1 ms, Grugu, line). Serl-ëhen d.mag-gi rgyal-po (Grand Lion, roi des armées; ms. l*o-glifi,

262a).

296

R..4.

STEIN

Monde: Tibet : 'fam-glin

Bod-kyi rgyal-po (roi du Tibet, du monde; prières, I,

I Ot.

Bod, 'Jam-bu-gtin gi skyabs-gnas (refuge du monde, du Tibet; zas. Grugu, I, 79 b). Bod,'fam-b-u-glin gi rgyal-po (roi du monde, du Tibet; xyl. sTag-gzig norlgyed,, S a\, Que le Tibet est synonyme de Monde, c'est ce qu'affirment encore maints autres passagesen dehors des titres de Gesar (cf. par. ex. xyl. Ling, I, J4 b, 35 b, 4I a, 43 a, 47 b, 59 b; II, 6 a, 17 a; III, 73 ô). Mais en même temps, pour les auteurs lamaïques,le Tibet est aussi situé au Nord, de notre monde {ex. yyl. Ling,,I, 146). C'est qu'ils ont acceptétellesquellesles conceptions bouddhiquesde l'Inde plaçant le Nord dansl'Himalaya et le Tibet. Quand les connaissancesgéographiquess'étendirent au Turkestan, unfnouveau déplacement eut lieu vers cette région (Khotan notamment, cf. ci-dessu.,p. iB3, le complexedu Pays à cinq parties). Mais les anciennesnotions subsistèrent. D'où un conflit et des confusionsinévitables. Ce qui compte pour les intéressés,ce n'est pas la géographieréelle, mais les thèmes généràuxrattachés au Nord. _ Nous pouvonsen donner un exempleintéressantla région qui nous occupe. C'est I'adaptation tibétaine, en pièce de théâtre, du célébreSud,hd,na jaàka (Nor-bzaù,)(rsz). d-ébul(fol. 3 a), ce texte nous parle de deux pays situés à I'Est (sicl) - 4l {e !.I1de. Le premier, au Nord, s'appelle lNa-ldan (Paflcâla,au Nord-Ouesi de l'Inde?; aussi Khotan); le second,au Sud, est Rigs-ldan(Kulika). De 1ême, à la fin (fol. 196 a), le premier de ces deux payi, où vit le héros de l'histoire (Nor-bzafi, Sudhâna), est dit se trouver au-Nârd de l,Inde. Cependant, dans ]9 cgrps principal du récit, le pays de Nor-bzan est simplement appelé.-) ont émigré au Sud-Ouesrde Lhasa, à Naà-rit, et à pays fut alors appelé'Byafr (-par oppositionà lHo, tt Sud r5 au Sud du gCan-po).La pièce-de théâtre s'y conforme. Partant de son pays du Nord, Nor-bzàn doit roomettre les ( hommes sauvages> (mi-rgod) du Nord. Il passe par "il"" un pays inhabité, sans eau ni herbe : pays qui ne peut être que la plaine désetË du Byan-thair (Plaine du Nord). PJustaid, qo"od Not.br.r, doit afler au pays des

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RECIIERCHES

SUR L'ÉPOPÉE

ET LE

BARDE

AU TIBET

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d,ri-za (gand,haraa) pour reprendre son épouse Yid-'phrog-ma (Manohara), le chemin indiqué, semé d'obstacles, passe par le Stupa Blanc (rnëhod,-rten d,kar-po) vénéré par le . Distincts mais très rapprochés, ou identifiés, Phrom/Khrom et Tibet sont ici traités sur le même plan. Tous deux étaient au Nord du monde. Et comme Gesar est inséparable de PhromiKhrom, il pouvait facilement être le roi des armées du Tibet(140). _ Ces confusions peuvent nous paraître insupportables. Elles ne gênent pas les conteurs tibétains, Elles ont le mérite de nous mettre en garde àontre une vue simpliste qui prendrait les indications de ces légendes pour de l'histoire. Nourris de motifs venus de partout, les conteurs les agencent selon leur sens inhérent et les localisent dans la région où ils vivent. Au terme de cette enquête nous pouvons formuler avec un maximum de certitude ce minimum de conclusions : _ Gesar de Gliir de l'épopée n'est pas le fruit du souvenir d'un personnage historique particulier. Il dérive directement du Gesar de Phrom (KhroÀ)

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(r) Voir chap. r, p. 7 et la bibliographie : Gnûxwnorr,, 1898; Por,r,ror, t9I4; Scnemon. 1934. (2) la mention la plus ancieme de Phrom Gesar (sans l'épithète < roi des armées >) serait celle de la Prophétie d.eKhotan (Ttonres, 1935, p. l3l), si la date que Thomas assigneà ce texte (vers 1046) était certaine. Les autres textes qui parlent de Gesar, roi des armées (soit de Khrom, soit de Hor ou de Gru-gu) datent des xIIe-xtve siècles. (3) Le même persomge porte aussi le nom tibétain correspondant Byan-èhub rgyal-po (: Bodhirâja), op. cit', 208 b. (a) Le dPag-bsam I on-bzai écrit bKra-çis sgo-khri et dit que ce fut la capitale de Chine au temps de Than Ta'i-jun (T'ang T'ai-tsong); éd. Das, p. 168. (5) Le texte mongol a Gitr-pi, mis Ia bome orthographe, très courante, est Gim-çaù ou Gyim-çaô. Les Hor de ce pays s'opposentau Chinois de Gam-çaù(rGya). Gyim-Carlreprésente ma thèse complémentaire, n. 72. ceïtainement le nom chinois Kin-tch'eng â hji t "f. (e) Ailleus aussi (fol. 236 ô), dans ue autre classiûcation par qmtre orients, Mi-la ras-pa place au Nord les athlètes lHa-dga' et Klu-dga' rivalisant de force. (?) Trad. mongole : < à la porte du héros Ça-dun r (tib. d,pa'-rtagsça d,ulr gi sgo-mo Ia). (8) gzùtl'ngo, sans doute pov gzer-ngo. Dms le premier vers aussi, j'ai pIjs skah-mdo' pott skar-mda' o fuseru r. (8) Le gNam-thos (Me, 16 a) nomme les Blo-bur sprul-pa'i rgyal-po parmi des lieu-sints (montagnes sacrées)de la région de Chamdo (cf. chap, tv, p. 199). Nous retrouverons ces rois dans le fragment suivant (cf. aussi n. I5), (10)En traduisnt sns tenir compte du contexte, Thomas s'esr trompé. Le chap. rrr du texte (50 6 : lI b) traite de la venue des rois cakrauarriz (Ie premier est Mahâsammata): nselon ce qu'indique I'Histoire des rois à lignées > (gduft-brgyud, rgyal-po'i lo-rgyus). La formule est identique à celle de notre passge. Les rois rugiques Glo-bu sont visiblement les rois mythiques, descendusdu Ciel ou du sommet de la Montagne Sacrée,dont il va être question plus loin. Les nrois élus, des Quatre Orients se placent entre eux et les ( rois à lignées> de l'Inde. (11)Le parallélisme exigerait de prendre ici Gesar comme nom de pays. Un tel emploi est efectivement attestê(rGyal-rabs Bon, p.38: Gesar,pays à côté de Sum-pa,Inde, etc., et Phrom (p.45) p. 15 : Phrom, Ge-mr, Bru-ça, Gar-log, etc.; Le Dict de Pad.ma, p. 164). (12)byai-phyogs Ge-sar d,mag-gi rgyal-po nil phyogs-bZir 'ben bcugs dpags-éhen mda' 'phais-nas f dus-gtig gai-zin d,e-ni rgyal-por bskosI d,pags-ëhenmda'-yis pha-rol d,gra-rnarns 'joms. La traduction de Thoms paralt impossible : < having placed senants in the four directions,.., whosoever caught one by the middle (note : dbus-gëig gai-zin), lrj;m he appointed king .. ,. Mais 'ôez signifie uniquement < cible r et s'emploie justement avec le verbe 'jug-pa (Dts, Dictionary), et le texte a clairement dus-gëig < en même temps ,. (13)P as s age t r a d u i t p a r T u c c l ( 19 4 9T, PS,p .7 3 2 ) . L e q u a tr iè m e â g e vitlerègnedesoneuf frères zra-sa J et I'apparition des flèches,lances et (autres) armes >. Au sixième régnèrent les < doue roitelets , dont j'ai parlé dans ma thèse complémentaire. (r4) Cf. SrErN, 1957, p.7, (15) n Grand Tibet r désigne, dans les textes classiquæ, le Tibet oriental. La notion du roi divin < magique , ('phrul) ôst peut.être à la base de la théorie des rois ( magiques , (sprul-pa) Blo-bu (n. 9-10). (16)Ces textes disent souvent bslcos-mlohan, terme que Tucci traduit par < he who ananges and appoints charges, et comprerd comme ( démiurge ) ou comme < author of civilization r (1919, ÎPS, 7ll,74l), Il est wai que n la civilisation commenceavec lui , et que ses construc. tions de châteauxet travaux des champs irritent les dieu du sol. Je crois némmoins que cette orprossion signifie . Mais, surtout, le même ouvrage considère qte bskos-nkhan est le terme sum-pa auquel conespondent en iaù-Lrn : < fils magique >(sprul-pa'i bu-charju:phrul-ôan), en tibétain : < omniscient du monde o (srid.-pamkhyen-pa) et en bonpo : klu (ndga, fol. II7 à). Le développementultérieur (ou simul. tané) du mot parle dans le même sens.Il a pris I'acception de < destin, bome fortue , (bsÀosthait), employée parallèlement à < pouvoir > (ilbait-thaù; le fils de Gesar est dit I dbai,-than ëan-gyi mi, bskos-thai ôan-gyi mi; ms. Gru-gu, I, I39 a). L'étymologie o élu des dieu r : < venu du Ciel, : < prédestiné pu le Dieu du Ciel, qui apparaît dans les thèmes du Gesar est identique à celle de mots turcs et mongols analogues.C'est de id- < envoyer (du Ciel) r que von Gabain dérive iduq (grwm-bskos),est aussiappelé < Brahmâ de la Terre > (sa'i Chans-pa; Hor-éhos-'byuh, p. 9, trad. p. l4). Gesar est envoyé sur terre par son père Brahmà. Le qayan tuc est aussi < établi par Ie Ciel , (cf. n. 25). lr?) Xyl. Ling, lI, 6 a : ule Glin Blanc est élu pr les dieux (Iha-yis bskos)pour soumettre les doue grands châtæu forts du monde qu'est le Tibet et les quatre royamæ de démons aux quatre frontières>. XyI. Gyantse,ja, 5 ô (prière): ( que, pâr la force du lnrma,il soumette à son pouvoir les sujets des rois des quatre frontières > (mtha'-bài'i rgyal-po). Ces quatre pays , dont le chef est Mig-dmr ëhen-po (la planète Mars, guerrier, général) figuent devant Gesar (Prières d,eMi-phom, r:æ',So et lll, 2 a). Dans u rite d'expulsion du mal, le cri de guene des d,gr*lha (àsoo-àsoo)précède le væu que o I'armée des wer-rna (dieu des armes) du ma-sai Ge-sr écarte l'ememi Mâra r (ibid..,25 a). Par ailleus, c'est Khro-rgyal, olios Khro-thuù (l'oncle de Gemr), nchef de sTag-roù des gDoù r, qui est le chef (gco-6o)des < neuf frètes na-sah D(ms. Grugu,l, L24 b). Sore son nom < roi Ge-thun r (cf. chap. rv), il est aussi < ma-sar, roi divin magique, et préside à des spectaclesd'illmiomistes (ms. sTag-gzig Wash., I3I à). Bien dnautrespersomges sont des na-sak : ce sont tous des guerriers (Gesr ou d'autres armées, op. cit.,48 o, 50 à, 68 ô), des montagnes sacrées(Nebesky, 1956, p. 208, 236; rcyal-po bka'-than,109 ô : 83 à) ou des divinités terribles (rDo-r,e legs-pa,le forgeronl rGyal-brnan lha-bsans,13 a; cf. supra, ct.a;p,fi, p. 81 ; il a été identiûé avec le na-sah gYa'-spaùskyes et est accompagnédesneuf frères ma-soi, gueriers puisunts, Nnnnsrt, 1956, p. I54, 156). Divers mo-saàfiguent comme ancêtresde familles nobles. Les neuffrères précèdentles douze ou quarante roitelets du Tibet qui accueillirent le premier roi (cf. ma thèse complémentaire). Le ma-sai nCol de Montagne, (Ia-kha) est l'ancêtre éloigné de Ral-pa-'jin dont descendentles chefs de Rin-spuls, affiliésaux Sa-skya-pz (Chroniqued,u5 Dalailama, 90 a,' le n m n'a pas été reconnu par Tuccr, L949, TPS, p.641). Un autre na-saù, o l'homme des prairies d'ardoise >, gYa'-spaùs-skyes, dernier des < dieux de lunière ), intetrient activement dans Lalégende ancestrale de la famiile 'Khon des Sa-skya-pa(Tuccr, op. cit., p.625 et moi-même, 1951, p. 255 ont eu tort de séparersfryesdu nom propre). Sousle nom de ma-sah .la mention de Yair-than dansle Nord est curieuse.On peut penser à une forme aberrante de Byaû.thaù (cf. XXVII b Byaù-khams) se rapprochant singulièrement du Yangt'ong $, lfl chinois (daus lequel on a vu Ie Byan-thaù). (6r) Notons que traduction la chirxoisedela Mahaayutpatti (nos 3047,3049) est chen-tr,lreou q Wl 1]e des corps o ou 1rf 'J'['f " région divine,. La dernièreexpression désigne couram-

RECHERCEES SUR L'ÉPOPÉE ET LE BARDE ÀU TIBET

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ment la Chine. On verra que le thème des beaux corps est commur à la Chine et au Ta-ts'in. Ia classification ordinaire a été déplacée aux qrxrtre points intermédiaires pour laisser les qtatre dutpa au points cardirau. (52)PELLror, 1923, p. II2 : parmi les douze (3 x 4) rois du jeu figurent aiaapati, seigneur des chevau, gajapati, seignerù des éléphants et nerapati, seigneur des hommes; Ie quatrième est incompris et le cinquième est le maître des trésors (ct. Mahd.ayutpatti, nos 3699-3704, cimqpati : des chevau, des éléphants, des hommes, des trésors et des récompenses)' Il est signifrcatif que le jeu a été décrit par m auteur arabe : Â'in-î Akbad ! Cf. aussi Tableau no XIY. (sg)BnnlrÀ.nnr,1936, qui compare le jeu avec les quatre rois planétaires de Babylone et les qrafte lokapâ,la (cf. Krnrul, Die Kosmographie d'er Ind'er, Bom, 1920). Aranda K. Coomraswamy (Yakpas, II, Washington, 1931, p. 18, 3I) considèreaussi que I'idée des gardiens des odents est autant babylonieme qu'indienne. ("a) MorvNEner nr Vtlleno, op. cit., p. I39 cherche I'origine de la < théorie des Quatre Fils du Ciel, dans les quatre lokapd,la.Tuccr, Indo-Tibetica,l,Rome 1932,p. B0-BI, compareles quatre fleuves (et les animaux qui les caractérisent)sortant du lac Anavatapta, les quatre Fils du Ciel, les quatre lokapala, les quatre animau caractérisant La vie du Bouddha, le pfier de Samath et des représentations de Mohenjodaro (bceuf, éléphant, cheval, lion). Pour Ie point de départ des quatre fleuves, on peut compârer des notions (paradis) remontant jusqu'à l'époque préhistorique (cf. W. Gennro, Kosm,ische I/orstellungen im Bilde priihistorischer Zeit, in Anthropos, 1914, p.956-979). (55) M. MoLÉ, Le partage d,u mond,ed,ans la trad'ition iranienne, in I' Às., 1952' p. 455463. L'auteur ne manque pas de rappeler les trois fonctions dégagéespar Dumézil. La tripartition est très couante au Tibet, conjointement avec lme classification par quatre' Nous ne pouvons ici entrer dans le détail. Pou certains faits, cf. ma thèse complémentaire. (st) Pour deu autres versions tirées du Kanjur, voir Scurrrmn, Târanâ'tha's Geschichte d.esBud.d.hismusin Indien, Saint-Petersburg, 1869, p. 310. (57) Identifications de S. LÉivr, Les Seize Arhat, in JA, 1916' p. 272, et Notes sur les Indoscythes, iî JA,LB97, I, p. 10. Obermiller les accepte. J'ai donné les noms tibétains selon l'édition de Dergué. Obermiller a lu Balabt et Çikma. On sait que Yavana a fni par désigner bien d'autres étrangers,même des Arabes (Dn La V,rlr-Én Poussrx, L'Ind'e au ternps des Maurya, Paris, 1930, p. 283), Ce nom désigrrait notamment les Bactriens associésaw Parthes (F. Alrurrlr, Aleqand,re et l'Asie, Paris, 1954, p. 208 et suiv., 216). (se) En Ctrine, les qutre lokapdla portent le nom de Mo-li' Ce nom vient de la notion de qtatre rldla qui supportent le trône du Bouddha (Lrssrnc, Yung-ho-kwng, I, Stockholm, 1942, p.48-49, oir loon trouve aussi des tablau comparatifs des gardiens des quatre orients). (5e) Noter les flèches énormes da Gesar roi des armées. Des textes bouddhiques signalent la taille immense d,eslokapd.la.(le T'ong-sou-p'i"" )û l4i ff; , L9, 12 a, cite le Po-cha louen' Taisho, 1545; la notion est vite devenue coùante en Chine : aux Quatre Orients se tiement les athlètes d.e aaira ($ lt!| /f :l ) qui ont me taille de trois mille fois dix-mille tchang, des Sa; têtes de bronze et des fronts defer; Long-yu ho-t'ou in Kou uei-chou ft fo\ p,,U, Ho-t'ou yu-pan citê n King-Tch'ou souei-che Ài, vte siècle). (60)Abhid,harmalcoéa,chap.riletLokapraifi'aptiSastra(DnLtYelr,ÉoPoussrN, Vasubhand,u et Yaçomitra, Londres, 1914-1918,320-32L,avec les référencesar Mand'hd'tar jdtaka); Rocr' urrr, The Li,fe of the Bud.d,ha,London, 1884, p. 9. Pour la difiusion au Tibet, cf' mlaùs-blun, chap. 45 (: Hien-yu king, XIII, 64) er d,Pag-bsam,l, L7' Voir aussi Cuaverwns, Cinq cents contes et apologues, IV, Paris, 1934, p, I et I07. (61)Le Mahd,bharata 1û comu de Tàranâtha qui se l'était fait expliquer, airsi que le Ramdyarpa, par deux pandits bengalis venus au Tibet (Autobiographie,72a). (62)Parmi les êtres nés en même temps que Gesar, dieux protecteus et amis, ûgure u:re chienne rouge de cuivre et deu frères, le crapaud jaune et Ie crapaud bleu (Hrnr'.ralls, 1956' p. 961 FnlNcr.Bien que, grammaticalement,rien n'indique qu'il s'agit de deux pays, persorule ne songerait à identifier Gru-gu et Zaù-zun ou à considérer le Zaù-Zufrcomme turc (cf. aussi Tuccr, 1949, ?'PS, p.257, n. 151). (8â) Dans la cosmographielégendairedu Guide de Sambhala(dont I'auteur était contemporain de celui dt dPag-bsam), les Hor vivent au bord de la rivière Sita qui coule d'Ouest en Est (Gnùrvwnorr,, p. 57; cf, Leurnn, Zur buddhistischen Literatur d,er Uiguren, n TP, 1907, p. 404). Selon le d,Pag-bsam (Das, p. 38), le Sambhala du Nord est lui-même situé sur la Sita. Csoma de Korôs y voyait le Yaxartes (Sp Darya), mais Laufer penchait plutôt pou le Tarim (op. cit., n.4). Pour le dPag-bsam'(x14.,fol.3I5ô) et le Horéhos-'byuii (Huru, p.159, trad. p. 253),le Sambhala est situé au Nord.Ouest dq dBus-gCaù (Tibet central) dans le voisinage d'Ayuçi, roi des Torghut (I'un des clms Oirat ou Ôlôt; ici Àyuki, khan des Kaimouks de la Volgl, mort en 1724 ou 1730). Par Hor il faut entendre les sTod-Hor ou Hor de l'Ouest. (8a)Lemêmetexteaétéci téparLaurrn(Loan-uords i nTi betan,nTP ,1916,p.49l ,n.l ) d'après Ie Hor éhos-'byua (Hurn, p. 29; qui lit Kod-khar et sTamlhola : Stambul, Constantinople). I1 se trouve aussi dans le rGya-nag ëhoslbyuù (même époque, fol. 21 a) qui parle de Koh-khar fait roi de Ram et résidant au château de sTambola et ajoute la glose prudente : < je me demmde si coestle Sambhala, (Çambhala e-yin dpyad; le Hor thos-'byuri glose aussi, p. 19, n on dit que (sTambhola) fait partie du Sambhala,). Laufer a bien noté que Rum désigne à la fois Byzance et la Tuquie. Cf. la note suivante, (85) 11 est, signifiætif que, dans derx listes parallèles citées par Kloù-rdol bla-ma dans son exposé sur Sambhala ((Euures, èa, 4 a), Sambhala alterne avec < Grande Chine r. Selon le grand commentaire Dri-med:od,(sns doute Kmjur, Dergué no 168, Dri+na med,-pa'iJod,ltyis àus-pa, Vimalaprabhaparipyæha), le monde est divisé en six parties : I. I'Inde (rGya-gar);2. le Tibet (Bod-yut); 3. Khotan (Li-yul); 4. la Chine (rGya-nag); 5. Ia Grande Chine (Chine Extérieure?, rGya-nag ëhen-po); 6. Hirnavat (Gaùs-ldan). Mais d'après les lettrés tibétâins gCaù-ëhun Chos-gragsrgya-mcho, mKhas-grub Nor-bæi rgya-mcho et Phug-pa lHun-grub rgya-mcho, la cinquième partie est Sambhala. < Grande Chine > est la traduction littérale de Mahâcûra ou do Ta-ts'in. (88) Dans le Houa-hou-king, un pays des jades (y", q^ conespond toujous at g-yu, < tvrquoise r, tibétain) de Si-na alteme avec le pays de Sou-lin (Suristân, pensaient Pelliot et Chavannes) ou le Roi de la Mer de l'Ouest (Si-hai). Lao-tseu s'y incarne comme Envoyé de Lumière, Roi de la Médecine sanssupérieur de la rosée de longue vie (Cruvlrxns et Pei.r,ror, Un traité manichéenretrouaéenChine,nIA,l9II et 1913, p. I44-I45, I55, 156). Cf. plus loin,p.278, les traditions relatives aux médecias célèbresde Ta-ts'in, Khrom, etc, t87) Chronique de d,Pa'o gCug-lag phre"-ba, Tha, 34o .' au retour, le roi trouve.Padmasambhava (même histoire en lepcha, cf, Gnûrwrnor,, Padtnasarnbhaoa und, Mandd,raua, in ZDMG,52,1898, p. 45I). Le joyau, appelétYid,-b{in nor-bu dgosJd,odkun-'byuri, fut déposéau trésor par Padmasambhava (prière à ce joyau dans bKa' rJogs-pa ëhen-po yaù-zab d,Kon-mëhog spyitd,us rca-gsutnLi-khro sbogs-sgrubslryi las.byat ,fol.65 b.66 o). Notons que, dans I'épopée, mJesldan est le nom dela ndgî, que Padmasambhava a cherchée chezles nô,ga et qui devient la mère de Gesar. Gesar lui-même est constamment appelé Yid-btin nor-bu n }oyau qui exauce les désirs > (ryl. Ling,lll,67 ô) et il le tient dans sa main (n. 88).

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(88) Pour Ral"pa.éan : lsesarin : lion, cf. Pnr,r.rot" TP, I9I4, p. 66; Llurrn, TP,1916, p. 454; Tuccr, TPS, p. 355; DeurÉvrr,r.r, Le Concile d.eLhasa, I, p.231, n. 1. Pelliot distingue entre ce mot, devenu ge-sanen tibétain, et Ge-sar< Caesar(Pnr,r,ror et Haunrs, op. cjr., p. 174). Mais le folklore était prépâré à rapprocher les deux thèmes des longs cheveux et du roi dans le nom de Gesar. Comme Fn-c.zrnI'a bien dit (Les origines mogiques de la royauté, Paris 1920, p, 223), ta famille des Césarstirait son nom de la longue chevelure(caesaries: chevelureà moitié coupée, mais assezforte et longue, surtout des hommes). Festus (rre ou rne siècle) explique, en efiet, Caesar, quod' est cognonen luliorun, a caesarie d'ictus est, qui scilicet cum caesarie natus est. Dans l'épopée, Gesara une longue chevelue qui couvre Ie d,os(d'bu ral-pas sku-rgyab kheb-las[: lelbËugs, ms, Tazig Wash', 146 b). Dans f iconographie, il a les cheveux (sil-bur grol'ba) et tient dms la m"ir droite, devant son cæur, le Joyau qui exauce les désirs, le roi des pouvoirs (Prières de Mi'pham, I' 5 o). Le joyat kesara (ki-sa-lo) æt mentiomé dnsl'Aoatarpsakasùtra (Tatshô 278-279), k. 57 (éd. Kyôto, VII, 5, 309o) et k. ?6 (VII, 9, 368 o). Le commentaire de Houei-y"a. (T'ang) à la nouvelle traduction de ce sûlra (Tokyô, t'ao 35, pen 3, 15 a, gloseau chap. lxxvr) explique ce mot : n les poils du corps du lion sont enroulés; on les appelle kesara. Dans les contrées de l'Ouest il y a m joyau au dessin enroulé, tout à fait comme les poils du lion; il en tire son nom ). En tibétain, on connait aussi des joyaux caractériséspar leur dessin toummt : nor'bu d'ga'lkhyil, ioyau qui vaut I20 onces d'or (Drs, dictionary) et rgyal-po'lthyil-pa (scr, rd'jd'uarta; iôid. et, dans me émrmération de joyau, dans dKar-éhag du Tanjur de Dergué, fol. 283 a). On a pu rapprocher Ie nom dt joyat kesara et la momaie des < Césarsr (kësoralcd,n,voir ci-dessus,p. 279) ou Ie pays de Kesara ou Kesari qui apparaît dans des listes de pays du Nord-Ouest de I'Inde et est parfois lnité en nom de ileaaputra(S.LÉvr, Noteschinoisessurl'Inile,inBEFEO,V,p'263,265,266;l'auteuranoté, p.254, que ce Kesari pouvait traduire ( lion )); p. 283, le royaume s'appelle Kesara). Pour les Tibétains, et les bouddhistes en général,Ie joyau par excellenceest brûlant ('ôar'ôa), c'est-à-dire entouré de flammes (pour des images, cf. GnÛnweorr, Mythologie du lamalsme, p. 50' et Mocnrzurr, Bukkyô d'oijiten,y,4132 c). L'association < joyau-lion > qui apparaît dans le nom du héros de l'épopée (Gesar : Sen-ëhenNor-bu dGra-'dul) doit être rattachéeau folklore du lion qui, avec la danse du lion, a été transporté de l'Ouest (Iran) au Tibet et en Chine (Japon, Indochne).Le jou-yi (cintarnarli) portait au dos l'image de cinq lions (les liore des Cinq Orients?; cf. Mocnrzurr, op, cit., Ï1, 1195 ô)' (8 0)S . Lév ie x p l i q u e c a q Q a p a r < ir a scib le > ,é p ith è te p r o p r e à u n r o i,etrappel l equA doka était comu sous ce nom : Caa{a Aéoka (allusion à ses cruautés ayant sa conversionl TÂnANÀTHÂ, *Tchan-tan trad. Schiefner, p. 30, écrit Ca+da-la A6oka). Il aurait dû y ajouter le cas célèbre de (transcription chinoise) Kaniçka, tantôt interprété en carqQro( lme ), tantôt en cany/'a< terrible > (cf, H.W. Bl;:r nr, Kanaiçka, in JRAS,I942, p' 16, oir il explique par coryQro,et Candra and' Carlda, in JRAS,L949, p. 2-3, oir il admet carl'da',sans penser à Ca4Qa'ASoka). Il s'agit donc d'un thème général do Roi Universel. (00) Deuxième gsaù-ba'i rnam-tha.r précédant son Autobiographie (fol. 5 b-6 a) z khye'u d,karpo gyad.kyi gzugs-ëan lig-gis I'am-sna byas-pa, et : mi-phal'ëher bud'med, du'dug. (e1) On notera qu'après les chapitres de l'épopée consacrésà la prise des turquoises ou des perles précieuses de Kha-éhe (Cachemire) et celle des objets extraordinaires et de I'ceuf du grand oiseau chez les Gru-gu, la liste de Jen Nai-k'iang (chap. u, p.45) mentionne l'épisode du Royaume des Femmes de I'Ouest consacréaux cérémoniesdes accords d'amitié. (6') dPag-bsam ljon-bzan,So2 a : à 44 ms, Te-mujin (Ôingis-qan) tue le roi des Thod-dkar, Sul-te, et soumet le pays; ibid.,302 6 .' son fils Ôa2'ataireçoit Ie règne de Ho-thon (Yu't'ien, Khotan) Thod-dkar. Dans les deux cas, le passageparallèle de Sayang'setsen (Scuuror, p.85 et 111) parle de Sartal,ol (MusulmansI cf, Por,r,rot et Haunrs, op. cit., p.15f, 253). (es) Cf. S. Litvt, Notessur les Inil'o-Scythes,n IA, 1897, p. 10, n. I et Le VlllÉB Poussrx, L'Inde aur temps d'esMouryas, Paris, 1930, p.337. Le roi(Kaniçka?) qui érigera des milliers de (K. P. texeswlr,' strzpa dans le Nord est qualiÊé de Turuçka dans le Mafijuirî-mùlo-kalpa An imperial history of Ind.ia, Lahore, 1934, p. 23), dans la Rajatarangini (5, Lftw, op. cit.) et dans I'inscription tibéto-mongole de Tsagan.suburga(de 1626; Pozortrrv, Mongoliya' i Mongoli, 1898, II, p. 370). Les Kidâra (chin' Ki-tolo) sont assimilés aux Kouchans sur les

RECHERCHES

SUR L'ÉPOPÉE

ET LE

BARDE

AU TIBET

311

momaies, appelés rois des Yue-tche par les Chinois, mais qualifiés de Huns ('Or:nnoi) par les sources byzantines (Bussacr,r, Osseruazionisul problema degli unni, ir Acc. Naz. dei Lincei, Rendiconti, serie VIII, vol. V, fasc. 3-4, mars-awil 1950, p.230, n. l). Tabari parle de < Turcs ) qui ne sont autres que les Kouchans (Gnrnsnrrlarv,Begran, p. I70). (ea)Cnlvaurns, Lespaysd.'Occid,entd,'apftsleHeou-Hanchou,inTP,I9O7,p. 188;Prlr-ror, Tokharien et Koutchéen, n JA, 1934, p,38. (e5) BÀcor, Reconruaissonteen Haute Asie septentriotwle, n JA, 1956, p. 145; cf. Kotwrcz, Contributionsà I'étud.ede I'Asie centrale,in Rocznirk Orient.,XY,L949,p.165 : < les successeursdes Tucs (T'ou-kiue), les Ouigours se sewirent du nom de Ttirk à côté de leu propre appellation... D. p6q1 rm exemple, voir R-4nr,orr, Das Kudatlru Bilik, I, Saint-Petersbourg, 1891, p. Lxxxrrr. (eô) THoMAs, 1935, p. 78. Le texte chinois se trouve dans Ie Touen-houang yi-chou. (e?) Hor est haduit par Ta-tan (Tatares) dansle Si-fan yi-yu (Long-wei pi-chou,9e *i, L02 b\, désigne les Mongols (dPag-bsam', IL,IiB; Chronique du 5" Dalttilama,52 à), les Cha+to (Turcs) et même les K'i-tan (dPag-bsarn",290 a,). (e8) S. LÉvr, Pour l'histoire du Rd.nd.yor1a,n IA,L9L9,I, p.49 et Kaoigka et Sdnadhana, n IA, 1936, p. 83, II9. (ee) Fouilles de Gnrnsuuaw, Begram, Le Caire, 1946; résumé des questions par Devnron, Contribution à l'étude de I'art du Gandhdla, Paris, 1950, p. 99, I34, 248. (100)Darrs I'inscription kharosthi d'Ârâ, m K*içka porte le iiïe nahdtd,ja rdjatirdja deaaputral?ltl?lro. Dans le dernier mot, H. Lûonns a voulu voir lnisara (Epigraphi*che Beitrîtge, in SBPrA,I9I2, p.824 et suiv. : Philologica indica,Gôttingen 1940, p. 230-236).Dans rue mise au point, Molrnnnrr lt Vrllano, Le monete Kushâna et I'imperio romano (Orientalia, XVII,2, 1948, p. 2L7-2lB) attribue cette inscription à Kani-skaII qui apparaît par ailleus, su ses momaies, muri du nimbe de < soleil ,, Malheureusement, comme M, Fillioat a bien voulu me le dire, Ia lecture Inisora est plus qu'incertaine et bien d'autres suggestions ont été faites. On a aussi voulu trouver r:n nom dynastique dans m prétendu Keysar-kulna du colophon de la Maitreya samiti en ska (E. Lruscnu-txx, Maitreya sazriti, Strassburg, 1919, II, 152 et suiv.), rnais H. W. Berr,ry a montré qu'il faut lire . Ar,rsnru (Die Krise d,er alten Welt, Berlin, 1943, p. 40) a abusivement cité ce texte comme exemple de la théorie des Quatre Fils du Ciel, ne rete nant que Kushanshah, Khwarizmshah, o Caesar de Rome r et Shah des Sakas. En fait, I'inscription énumère bien plus de rois et dissocie Kesar et Hrom. (103)PELLror, 1914,p.498; Bermv, Ioc.cit.; Sutnonn, 1934,p. 35. (104)Lettre d'affaire en khotanais ancien nommant le prince Kheysara (H.W. Barlnt, Kasani,co,in BSOAS, XIV, 3, 1952, p.426-427). (r05)L. Rnrou et Frr,r,roze,r,L' Inde classique, Paris, 1949, $ 435 et 443. J. 1106) Loc.cit.etLaVer,r-ÉtPoussru,op,cit.,p,320-321;Gurnsuuen,Begram,p,L43,n,3,L47. (r0?)S.LÉvrrlfotessurleslnd.o-Scythes,p.473(Tsa-paotsangking,Taisho203,trad,de472, chap. vrr, conte 16) et p. 483 (Fou-fa tsang yin-yuan tchouan,TaishO 2058, chap. v, p, 3158; trad. de 472). Le premier conte aussi in Cuev.ll{Nns, Cizq cents contes et apologues, t. Ill, Paris, 1911,p.85. (108)Raxou et Frr,r,rozer, op. cit., Il, p. 363 ; Cnevenr.rus,Cinq cents contes, I, 131-135, III, 10-11; conte relié à celui des marchands allant dans |a mer chercher le joyau cintdmaryi des nd,ga (ibid..,IV, 90) : tbëme dacokraaortin.

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STEIN

{10t) I. Fnrnor,eurnnn, Die Chodhirlegende unil d,erAleranilerroman Berlin,19IB, p.139. 140; G. Zecunn, Pseud,ocollisthenes,Halle, 1867, p. 141; M. TcnÉnez, La légend.ed'Alexandre chez les Arnéniens, in RIIi?, XLIII,3, 190I, p.345-351; p,349 : Âlexandre règne sur trois parties du monde, ruis pas sur la quatrième; il obliç les poissons à lui domer d'immenses quantités de pierres précieusæ, Friedlaender a comparé Xidr (le < vert >) à Glaucos. (1r0)Cf.lalégendedeKanis.ka;sesamis(etsutotlebodhisattaaAdvaghosaovoixdeCheval>) lui doment des conseils de modération qu'il n'écoute pas. Allant à l'Est (mais en réalité au Nord), les cheoaur (et les éléphants, mais le roi ne parle qu'au chevaux) refusent d'avancer (S, LÉvr, op, cit., p,473). A comparer aussi les voix d'êtres invisibles qui doment le conseil de rebrousserchemin à ceux qui essaientd'atteindre le pays paradisiaquedu Nord (Tuccr, Bud.dhist notes, in MéL. chinois et bouddh., IX, p. 193). (ru) Thème attesté en Iran et en Inde, cf. Pnzrr-usrr, Lo légende d.'Açoka, p, 179; il est rattaché à la venue du messie Maitreya. (u2) TÀnlrlÀrna, trad. Schiefner, p.34, texte p.27 : au Nord Himavat (Kha-ba-éan : Tibet) et les montagnesde glace derrière Li-yul (Khotan) ; p. 36 : au Nord jusqu'au Li-yul. Nous verrons encore, p. 283, que les Tibétains ont confondu leur pays et Khotan. (118)Pour un idormateur tibétain (de I'Ouest) ou cachemirien, Alexandre est Ie < roi Kesar D (gyalpo Kjshar) et arùait consulté l'oracle pour savoir s'il devait envahir le Iadakh (chap. rrr, o Traces >, no l3). (11a)Fnrror,e.nxonn, op. cit., p. 236, 289. (u6) RùMr, op. cit., p. I79, 236; Danursrrrrn, Essais orientau*, Paris, 1883, p. 233; Hrômayik : Berr,ev, note in BSOIE VI, p. 778. (r10)Scnesoon,L934,p,28-29;frumëyq(sogûen),frwm'y(prrthe\:: iranienne. La même comparaison a été faite par A. K. Cooulnesweuy, YoÉ,sas,II, Washington, 1931, p,7 et admise par MorNrnur oe Vrr,r,eno, op. cit., p. 141, n, 3. Pour des reproductiôns, voir M. Le. tou, Mythologie indienne et peintures d,e Haute-Asie, in Artibus Àsiae, 1946, p. 704I05. Sa théorie d'y voir dans certains cas des défensesd'éléphant (: richesses)n'exclut pas celle qui y voit des flammes (majesté). Tuccr, (1949, TPS, p. 616, n. 269) a Bussrcr.r, Due statuette di Maitreya, in Ann. Later.,X[ll, 1949, p. 366 et 37I-3?3, ont adopré cette dernière. Les Chinois ont dû y voir des flammes. Dans les fmérailles, les quatre orients sont représentés par les quatre < dhyànibuddha ) correspondants (Est : Akqobhya, Sud : Ratnasambhavs, Ouest : Amitâbha), mais à la place d'Amogasiddhi, il y a, au Norà, n le bouddhe aux épaules flamboyantes, (Dn Gnoor, The religious systen of China,, Leyden, 1892, vol. I, p. 122). Ce dernier ne peut être qu'un doublet du gardien du Nord Vaiéravar1a. (r2o) Tirenâttra, dans son ëhos:byuh (fol. 2 6) donne me liste de rois oir I'on trouve côte

RECEERCEES SUR L'ÉPOPÉE ET LE BANDE AU TIBET

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à côto : Ka-ni-ka, TurusLa et Sog-po Mat.pos bkur-ba (Scnrrrnrn, p.2, €n I fait e Çâka-Mahâ. eammÂtë n). Plus tard (trad. Scnrrrwen, p. 103, texto p. 8l), il mentionne le roi Turugk MahEsamrnata, fils de Turuqka, roi de Cachemire. (r21)bKo'-brgyud, rngur-rncho,20o. On sait que Srot-bcan sgam-po s'est fondrl à sa mort, dans la statue-pallafi'd'Avalokite6vara, avec ses deux femmes et ses deux minishes. e,es1 è cansede cette Pentade que Lhasa et son palladium furent appeléslNa-ldan (Des, d,htionory). (r22)Gno:'rÀRn,Lo légende d,e Sotoh Bo-ghraKhdn et l'histoire, in 1900, p. lB, note; "ll, 14, n, 1; 68 : roi de Khotan appelé roi do C:rn. Pour Gn et Mâèir : Khorau dans leg épopées, cf. E. Br,ocnnr, Lo conquête des états nestortensde I'Asie Centrale par les Shiites, in Rane de l'Orient chiltien, L925-I926, p. 19, n. 1. Pour les Hor et Si.hia, cf. Mrxonsrx, Maruazî, on Chino..., London, L942, p. 18 : au-delÀ de la Chine, la nation Sh. rghûI, appelée S.nqû par les Chinois, à un mois de distance de Quitan à la limite des tenes inhabitéæ; on dit que c'est Ie Mâjin (*MEchin); les Indiens l'appellent 6.ra1fls Qhine (I{ahâcina). Mrrvonsrr, p. ?576, n'a pa.spu expliquer Sh. rghûl et pense que S.nqù représente Song-kouo. C'est impossible. Sh. rghùl re peut être que Shiraighol ou Sbaraighol, les Sira- ou Sara-Yugus ou Hor de la régiou de Kar-tcheou et du Nan-chan. La notice se réfère à l'époque de Marvazi (cf. n. 86; ca. 1056 à co. 1120). S.nqû doit être le Si-hia gui avait alors occupé Kan-tcheou depuis 1028. C'est peut-être Hia-kouo, à moins qu'on ne songe à Se-hu, nom de I'ancêtre du Mi-flag en tibétÂilr. (128)GRENÂnD,op. cit., p.65; L. Porecu, II Tibet nella geogrof,o musuhnono, in, Acc. Naz. dei Lincei, Rendtconti, série VIII, vol. II, I-2, 1947, p. 59. (rzal T'ong-chou,216 A" I a. C'est un ambassadeur tibétain qui serait responsable de cette théorie si I'on en croit le Long-hin fong-souei p'an (k. chang, 18 a). Les T'ou-fa étaient des Sien-pi instaliés dans le Nord-Ouest de la Qhin6 sil ils fondèrent Ia dynastie Nan-leang. Les T'ou-yu-houen, de même origine et installés dans la.même région, ont eu un clan T'o-pa (*t1b'wat) et les Si-hia aussi (Srnrn, 195I, p. 255). A l'encontre des T'o-pa Wei dont lo nom représente TabTaé (Taugast), le T'o-pa en question doit correspondre au T'ou-fa et tous deux à uE original du type Tubbat, Tebbat. A la même épogue, à peu près, les inscriptions turques de I'Orkhon parlent de Tùpiit. (1r5) Voir toute la documentation et la discussion dans Mlrsuuoro Eiichi, Tonkô-go no henkyîr, Tokyo, 1937, p. 417.469, et The historica.l origin of Tobatsu-Bishomon ten, Kokke, no 471, 1930. (1s6)Le nom de famille Li des T'ang fut donné, notamment, aux K'iang T'o-pa (+Tabbat?) qui, avec li Jnan-[6,e, fondèrent le royaume Si-hia (: Mi-n"g). C'est pourquoi le Mi.iag fut aussi appelé Li-yut, u pays Li rn comme Khotan, et son roi Li-rgyat (toi Li). Par surcrolt, ce Mi-frag olias Li-yul fut identifré avec le pays lJat (Strrx, 195I, p. 261). Or la représentation Wiquenent khotanoise_ do Vai6ravapa dans les nuages (tib. rNor*sras sprin-gseb-ma) æt dite être originaire de 'Jat. (12?)Dans un éloge du Tibet, le d,Kar-thag du Tanjur de Dergué écrit (fol. 275 a) : < embelli par les seules qualités qui résultent du fait que les homm,essont braoes elleschetsaus rapides, (mi d.pa'-àifi rta rngyogs-po l,a.sogs-pa),Ia même associatiou est attestée à Koutcha, en liaigon avec VaiSrava4a(Srrru, 1951, p,246). (128)Cf. aussi Nnsnsrr-Wolrowrrz, 1956, p. 94-133. (120)K. P. JAyaswÀL,Imperial History of Ind.ia, Lahore, 1934, p. 65, S 4f. Notons que le passage sur Paficakeéari se trouve, en tibétain, dans un manuscrit de Touen-houang (ms.87 III, cat. no 3?8, India Office). (180)Aurel Sranx, Innermost Asia, O{ord,1928, p.875, pl. LXXII (avec renvoi ù Gntinwr. ttù,L,Altbuddhistische Kultstiitten in Chinesisch Turkestan, Berlin, 1912, Index, p. 351, s.o. glruda, ûg. 528, 583, 628) ; rD., The Thousand, Budd,hos, Londres, 1921, pl. XXVI ; ro., Serindia, Odord, I92I, p. 874; Mlrsuuoro, Loc.cir.; Wer,nv, I Cotalogue of paintings rcco1)ered from Tuwhuang by S. A. Sæin, Londres, 1931, p. 4l et 79, Une adaptation chinoise a été décrito par Lrssrnc, The ei6hteen uoûhies crossing th,e sea, Si:ro.Swedish oxpedition no 38, Stockholm, 1954. (1!r) Dans lo lamaismo, un cheval blanc est promené en procession autour du temple, II

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est dit porter le Roi des Quatre Orients, Maitreya (Frr,cnNan, Kumbum Dschamba Ling, Leipzig, 1933, p, 151,305). Nous aurons àrevenir su les caractéristiquescommmes à Maitreya, vaiéravaBa et Gesar (couleur blanche, courome à trois pointes, cheval, Ioelimtion au Nord tout en étant Roi des Quatre Orients, c'est-à.dire universell. (132)Mal$é l'Islam adopté par les Mongols, le bouddhisme se maintint encore en. Iran jusgu'à la fin du xrrre siècle et même le début du xrve (K. Jtux, Centrol Asiatic Journal, lI, 2, p. 83, B9). (133)ScHÀEDER, 1934, p.67, qui cite les travaux antérieurs; il critique l'idée de Hirth de voir àansLing Kai-so z Rùn Koisar; ce ne serait ni grec, ni turc. BLocHar a restitué Mélik Kaisari-Roum, le roi César de Roum; Ies sultans osmanlis, successeurspolitiques des Seldjoukides, portent le titre Kaisar-i-Roum dans la poésie persane (Àores de géographie et d.'histoire d'Ettrême-Orient, in Reo, de I'Orientchrétien, 1908-1909,p. 362). Il suppose donc m renversement des termes dans le texte chinois. (184)Cf. SrErN, 1951, p. 237 : lien avec Sambhala (que nous avons vu mêIé aux Hor). Le 5 esouv eraindu M i - n a g ( l e l 2 e d e mliste , o p .cit.,p .2 6 0 ) p o r te le titr e Bya i-bdag, du chamane inspiré et son instrument de musique. Nous y reviendrons. Mais rappelons tout de suite que : 10 si 'Brug-pa Kun-legs chevauche le < cheval r, (la mélodie) des Bonpo tout en se servant d'un tambour (n. 9), les Bonpo sont connus comme chevauchant leur tambour en guise de cheval (Hoffmann" 1950. ll

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p. 274) et que 20 I'instrument le plus répandu du chamane, son tarnbour à grelots, est considéré comme son cheval qu'il chevauche pour ses randonnées mystiques. Mais là or) le tambour a été remplacé par le violon (rtr), ce demier a une tête de cheval et une légende l'explique comme le corps du cheval d'un chamane (infra, p. 379).

Caractère religieux clu bard,e. Le rapprochement du barde et du chamane est bien justifié et a été fait. Les chamanes sont les gardiens de la littérature orale héroique. Ils connaissent les généalogies, les traditions du clan, la cosmographie. Ils sont bardes : Ieur inspiration vient de ce que les esprits murmurent à leur oreille (Eliade, .Le Charnanisrne, Paris, 1951, p. L2, n. 1, 3I, 32, 41, 203 ; Chadwick, 1940, p. 199). Leur vocabulaire est très riche et comporte notamment les métaphores multiples si caractéristiques de l'épopée. La récitation des iiliger et des hymnes ehamaniques présente les mêmes caractéristiques (on ne peut réciter à froid, sans être en transe ou inspiré; Zamcarano, l9IS' p. xrv, xv). Souvent le < rhapsode r est aussi chamane. Il a reçu son iiliger d'en haut, du Ciel ou de la Montagne (ibid,., p. xrx). Comme les ûliger populaires, la littérature chamanique des Bouriates contient aussi bien des éléments oraux qu'écrits, indigènes et tantriques; des héros da Geser sont devenus des dieux de la littérature chamanique (Poppe, 1935, p. 27)rw. Nous verrons encore que Gesar et les bardes inspirés du Tibet sont caractérisés par le geste de la main tendue à I'oreille pour écouter les voix. Leur chapeau et leur accoutrement peuvent aussi être comparés à ceux des chamanes. Un récit assez ancien illustre bien les divers caractères passés en revue. Il prétend expliquer I'origine des bardes. Vers 177I, un Kalmouk fut interrogé à ce sujet par un moine. Apparemment mort, il avait été exposé dans la steppe jusqu'à ce qu'il revint à lui trois jours plus tard. Pendant sa ( mort ), il était descendu chez Erlik-xan, le roi des morts (Yama). 11y avait vu des êtres étranges jouant des instruments de musique, qui des xtr (violons), qui des zzr (flûtes) ou autres. Erlik ayant constaté que sa venue était due à une erreur, l'avait renvoyé. Pour le récompenser de son amour de Ia musique, il l'avait laissé choisir un chant de ses musiciens. Le Kalmouk avait choisi l'épopée de Jangar. Erlik lui avait mis un sceau sur la langue et lui avait enjoint de ne rien en révéler tant qu'un moine ne le lui demanderait. Le moine étant effectivement venu et lui ayant posé la question, le barde révéla sa connaissance et raconta son yoyage. Le moine l'introduisit chez le prince qui le paya. Il créa de nouveaux épisodes et devint célèbre. Il aurait dit 360 chants. C'est de lui que descendent les jangarëi actuels. Mais ceux-ci ne connaissent plus qu'une vingtaine de chants (Bergmann, 1804, II, p.207)' Cette légende mérite toute notre attention. Son analyse permet de poser

nEcHERcqEs sun L'ÉpopÉE ET LE BARDE AU TrBET

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des jalons dans I'enquête sur la nature du barde et ses relations avec d'autres spécialistes. 1. La descente en enfer est un des exploits typiques du chamane qui, dans ses récits, raconte les péripéties de son yoyage (Eliade, op. cit., p. 184-186 et suiv.). Mais ce voyage, il l'entreprend généralement pour rechercher l'âme d'un malade ou d'un mort. Parfois même il se montre rusé et tâche de tromper les Roi des Morts. Ce thème est, d'autte part, caractéristique des héros ou saints de type rusé, espiègle, < fou > ou inspiré, thème attesté en Mongolie et en Inde et caractéristigue du Gesar. Ainsi, dans la religion des Nâtha Siddhâs, Hâ{isiddhâ, géant de taille et de force magique, attrape Yama ou ses officiers et les bat sévèrement (Dasgupta, Obscure religious cuhs as background of Bengali literature, Calcutta, 1946, p. 245,260). Un autre saint, Gorakhnâth, pour sauver son maître Mina-nâth, se rend dans la cité de Yama et menace de le ruiner. Yama se lève humblement, tremble de peur et remet à Gorakh le dossier de son maître. Gorakh en efiace le nom de la liste des morts et quitte le royaume des morts avec un avertissement sévère (ibid,., p. 254). De même, la femme Mayanâmati, invitée par Gorakh-nâth, reprend à Yama l'âme d'un roi mort et devient elle-même immortelle (p.257-259). En Mongolie c'est le célèbre lama espiègle Balin-senge (Balm Sang{tr); qui joue le même rôle. Grâce à ses ruses, il trompe Erlik-xan, échange avec lui vêtements et monture et peut ainsi descendre en erfer sans être reconnu. Il y sauve l'âme d'une jeune femme et en profite pour faire jeter Erlik (qu'on prend pour lui) dans une prison de l'enfer (Potanin, 1889, p. 466,473). Cette tgure d'espiègle présente de nombreuses analogies à la fois avec le personnage de Joru, c'est-à-dire Gesar jeune, et avec des saints du type fou (smyon-pa) auquel appartient'Brug-pa kun-legs. Nous aurons à reparler d'eux. Ici il suffit de rappeler que l'épopée comporte aussi la descente de Gesar en enfer pour sauver sa mère ou sa femme (manuscrits et peintures). De tels récits sont naturellement tributaires de la célèbre histoire de la descente de Maudgalyâyana en enfer, diffusée par l'adaptation romanesque et théâtrale dans tout l'Extrême-Orient. Mais que cette dernière soit elle-même basée sur d'autres contes ou non, il reste que le thème de la descente du chamane ou du sorcier au royaume des morts existe indépendamment. Eliade a noté que des héros jouent souvent le même rôle (vàir ses références et le motif d'Orphée, Charnanisrne. p. 196, n.I,2I9,28I et suiv., 331 et suiv.,352). Chad. wick aussi (194O, p. 2I5) a comparé les descentes en enfer de Gesar et du héros Karakirghise Bolot. De tels récits de descentes en enfer sont bien connus en Chine et 611filst (rz). Nous verrons à I'instant comment des spécialistes conteurs les diffusent au Tibet. Mais l'épopée de Gesar ne connaît pas seulement la descente en enfer pour sauver sa mère; elle le montre aussi comme barde y descendre pour en emprunter la marmite en vue de faire bouillir le feutre do son chapeau (infra, p.363).

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Sp écialistes apparent és. 2, Le récit du voyage en enfer comporte généralement la description des tourments, et cette description a été utilisée à des fins moralisantes par les milieux bouddhiques. Au Tibet il en existe toute une littérature. Les personnes frappées de mort apparente et revenues au monde des vivants après un séjour chez le Roi des Morts s'appellent'das-log (retour de la mort>. Ce sont des mendiants ambulants qui produisent leurs récits en parcourant le pays. Leur emblème est une sorte de parasol muni de disques de métal qu'ils font tournoyer de manière à ce que le tissu, en s'écartant, forme comme un cône tron. qué (un exemplaire se trouve au Musée de l'Homme à Paris) (ra). Cette coutume correspond à celle des chanteurs de foires indiens. Mais ceux-ci illustrent leurs récits en en montrant les épisodes sur une peinture qui représente souvent Yama, le Roi des Morts, sur son buffie. D'où leur nom de yam,apaçi4ru, ceux qui montrent f image de Yama $ramapala). La coutume est attestée au vlre siècle et s'est répandue dans l'Extrême-Orient bouddhique (G. Jacob, Zur Geschichte des Bd,nkelgesangs, in Littero,e Orientales, no 4I, janvier 1930, Harrassowitz, Leipzig). Au Tibet, Ies'ilas-log ne montrent pas d'images. Mais les ma-4ti-paIe font. Ceux-ci sont aussi des mendiants ambulants. Ils vont de fête en foire et édifient le peuple en récitant des légendes connues du théâtre tibétain et en montrant les épisodes sur de grandes peintures (pl. I; un dessin, Waddell, 1895, p.542). Ils ne sont pas spécialisésdans les récits de l'enfer, mais-.de tels récits figurent dans leur répertoire. C'est le cas de l'histoire de Gu-ru ehos-dbat (1212-1273), saint célèbre considéré comme incarnation de Padmasambhava; il sauve sa mère de I'enfer(r4). Mais, dira-t-on, quel rapport y a-t-il avec le barde kalmouk et le Gesar? Selon un de mes informateurs de Kalimpong, ni les ma-rpi-pa ni les bardes du Gesar ne montrent son histoire sur des imaqes. Mais selon le barde Rin-ëhen dar-rgyas, interrogé par S.A.R. le Prince P"ierre de Grèce, si lui-même n'en fait pas usage, d'autres bardes s'en servent et montrent les aventures de Gesar avec une flèche enrubannée (mda'-ilor), Telle a été aussi I'information recueillie par Rcerich (1942, p. 286; cf. chap. rr, p. 97). La série de peintures du Gesar conûrme ces indications (cf. chap. rr, p. 98-99). Elles sont faites sur le même modèle que celles des ma-1'ti-pa .. une divinité, un héros ou saint au centre, les épisodes, accompagnés de brèves légendes, tout autour. Ces peintures ne pouvaient servir qu'à illustrer une récitation du Gesar. La lIe peinture de Tatsienlou représente bien la visite de Gesar en enfer pour raornà" su mère : leg tortures y sont représentées en détail selon les conceptions lamaiques. Ni les 'das-log, ni les ma-pi-pa, ne s'accompagnent d'un instrument de musique{15). Mais d'autres chanteurs ambulants, mendiant leur vie, en ont. Chantant sur un pas de danse très simple et monotone, un couple de mendiants que j'ai vu à Kalimpong s'accompagnait du violon à tête de cheval, et ce genre

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de violon semble être assezcourant dans la région (cf. n. 98). Des groupes plus importants de mendiants imitent les troupes de théâtre; ils en retiennent généralement le masque triangulaire du < chasseur o ou < pêcheur r (rùon-pa), c'està-dire le récitant. On les voit souvent soaccompagner du violon (16).Or les sujets des pièces de théâtre sont les mêmes que ceux récités par les ma-ryi-pa et, pour certains, par les 'd,as-log. Le style de ces pièces est d'ailleurs identique à celui de l'épopée de Gesar : un texte narratif assez court et beaucoup de chants construits sur le même modèle. De nombreux motifs et noms sont communs aux deux. La langue est la même, avec une forte dose de particularités des dialectes de I'Est(u). D'autre part, quelques informations sporadiques attestent la mise en scène, comme pantomime ou pièce de théâtre, de l'épopée de Gesar. Dans le San-tch'ouan on la jouerait au milieu de l'été : comme à la fête Monguor du printemps or) l'on ditle Gesar, il s'agit sans doute d'une fête magico-religieuse pour écarter la grêle (Potanin, 1893, l, 378). Une pièce de théâtre laique ayant pour sujet le Gesar est attestée au Khams (Ko Siang-feng, 1944, p.74). Selon le chanteur de l'ancien régent, un scénario de ce genre aurait été exécuté à Rva-sgreri (Reting) d'après un ouvrage de [4i-pham (l'inspirateur du xyl. Ling) appelé GIiù bro-pa bd,e-ôhenrolpo. Nous avons déjà vu qu'un 'ëharn de Gesar a été créé en Mongolie (chap. rrr, Traces, no 82). On peut donc dire que les divers éléments de la légende kalmouke sur l'origine du barde se retrouvent bien au Tibet. Seulement, dans ce pays, plusieurs genres se sont spécialisés dans I'un ou dans l'autre de ces traits. 3. La légende kalmouke semble avoir confondu deux thèmes. Non pas tant, je pense, par ignorance, que par un syncrétisme assezcompréhensible. Comme le chamane, le barde reçoit sa connaissance d'un dieu. Les chants lui sont rûtélés, et il passe par une initiation. L'informateur a retenu I'enfer, thème le plus fréquent. Mais la description évoque autre chose : point de musiciens étranges en enfer. Par contre ces derniers sont caractéristiques de certains < paradis > ou < champs purs , de divinités lamaïques. C'est dans celui de Padmasambhava, Zafis-mdog dpal-ri, qu'on remarque à l'arrière-plan six musiciens dansants. Leur instrument est le tambourin à manehe tibétain avec le battant en forme de faucille (pl. II). Mais c'est leur accoutrement qui doit retenir notre attention. Ils portent rn bonnet phrygien surmonté, semble-t'il, de grelots. Aux oreilles sont fixés des ornements bizarres en forme d'éventail déployé, multicolores (18), ornements qu'on retrouve identiques chez les squelettes er les acara ou clowns de la danse masquée'ëharn (ce sont des rosettes en tissu (re)). Cette ressemblance n'est pas fortuite. Selon la tradition sur l'origine de cette danse, rapportée par le 5e Dalailama (dPaI Kun-tu bzo'ripo'i'iharns-hyi brled,-byafi,, Cat. Tôhoku, no 5766, fol. 39 a), celle-ci est basée sur des visites faites en rêve, grâce à I'aide de Padmasambhava, à Zafisgrdog dpal-ri, par de nombreux révélateurs de textes (gter-bton\ tels que Chos-kyi dban-phyug (: Gu-ru Ôhos-dban, I2L2-\273), Rin-ëhen phun'chogs,

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fonctionnaire de 'Bri-khun (fin xrve, début xve siècle) et d,autres qui y virent les danses(20).La révélation da 'ëham s,est donc f"it" i" iu *c*e manière que celle du barde kalmouk(zl). Gu-ru ëhos-dban,révélateur d,un 'ëhamut en rêve, est aussi un inventeur de récits d" Nor* urnorra vu leur rapport avec le théâtre. certains acteurs du théâtr; ^o-r.r;_po,. a"" *"rraiurrr* ambulants (les femmes) portent aux oreilles res mêmesrosettes "i que res clowns dt 'ëham et les musiciens de Padmasambhava: ils sont mrrrrisâe tambour et cymhales (cf. n. 16, 18, 20). un détail d,habillement doit encore être relevé chez les danseursmusiciens du paradis de padmasambhava: [rr"tr"-*buo, (iaune,bleu, roLLge, vert) flottent sur leur dos. Le chapeaua'rr'u"i"o, a-t.zi-pa comporteaussidesrubans.decinq coureurs(Rærich, zàe ceremonyof -breaking yh9st9ry9,rnI.Of UrusaatiHimai.Res.Inst.,II,IgB2, p. 30), mais Ë" (phod.kha) est aussi attesté, à côté-d-esmasques,porr l" ,tho* "ùup"uo lgNoÀ_éhor, uol. Wom, Dag-snaft,bro-gar gyi 'ëhams-rcàt"-"hor, 6 a, l\o;'ibr"*"tion du xvrre_siècle).Quant aux r rbansmurticolores, _re'ëhâmt", "o""uit 1æ ,r. rel et nous les retrouverons sur re chapeaudu barde qui a été assimiù irrr, upeau de méditation de Padmasambharru. "t Padmasambhavaest le patron du Gesar. Le héros en est l,incarnation ou l'envoyé-. f-9 $nt patron confère une initiation qui se concrétisepar un chapeau spécial.Dans notre légendekarmouke,re thème initiatique esi claiiement indiqué par le sceaude silence que re dieu révélateur i.'por'" u"l"i*-ura". on ne no's dit pas si le barde à cette occasionun chapeau;la comparaison ""çot t"r musiciens du paradis de padmasambhavale r"ggttÉ*ir al Tùo, iï" 9,h"qo" secte, chaque spécialiste, se distingue par un .-hup"u,, particulier (bov^p-o,sfùa'gs-pa'Karma-pa, etc., voir oi t"Ër"uo a"rr. 'w"àal"ii rgg5, p' 196)1nous en verrons des-exemples.Notons ici seulement qo" l" aussi, du moins chez les Yakoutes, doit voir son esprit tutélaire "iu*urr" en rêve et recevoir de lui l'ordre de faire un chapeauet la permissiond,entrer dansl,autre monde (Nioradze, Der scharnanisius bei d,àn sibirisch"" ùaiiui'srrrtgart',1925, È._59, d'après Pripusov). Le bonnet des musiciens danseursdu paraols de radmasambhavasembleêtre orné de grelots, et des'rbans pendent dans le dos. ces traits rappeilent re médium *orrgoo" : sa tête est enveroppée d'un tissu rouge auquel sdnt attachésun miroir e"t beaucoupa" g".f"tr, a*, que sur son dos sont cousus des < mouchoirs D r.ugss et veits (sàhram, J.g57, p. 91). Le miroir, à son tour, se retrouve sur le chàpeauao ura" àL p"a. masambhava.Le thème du væu de silence,nécessafue à tout initié, "ifut utilisé la propagation du sgrufi, (< conre )) d., ô"auur" tî +]]* ry"r "pqlo_yver (ct. chap. vrrr, p. 427\. légendekalmouke nous a permis de passeren revue quelgues __"t_:i1t^._U"_la rrarrs rmportants du caractèrererigieux du barde. si cet aspect no* paruit essentiel,et nous oc-cuper" ce n,est poirrt p", un goût "rr"o""-looguement, prononcé pour les choses_religien."r, Àri. bien parce que ce côté distingue définitivement le wai barde dri simple et augsiparce gu,il explique, "h"rrt*,

REcEERcEEs sun r-'ÉpopÉs ET LE BARDE AU TIBET

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on le verra, la parenté du barde et du héros de l'épopée qu'il incarne. Mais avant de donner davantage de précisions sur cet aspect religieux du barde, nous allons d'abord voir ce que nous pouvons apprendre du milieu social qui le forme et des personnages apparentés qui ont pu contribuer à la formation de l'épopée.

Fonctions sociales. Chez les Mongols, Poppe nous signale (1947, p.54) que les bardes ou chan. teurs professionnels (rzlii) se recrutent dans tous les milieux de la société : a. dans le peuple (tel le Xalxa Lubsang xurëi), b. dans le clergé bouddhique et c. parmi les taidài ou chefs (par ex. l'Oirat Parëen). Le fait a son intérêt pour le dossier d'une discussion récemment menée chez les orientalistes des démocraties populaires. Aux uns qui voulaient caractériser le Gesar comme un produit de I'esprit < bourgeois-nationaliste r (à cause des nombreux éloges de chefs et des traits lamaïques), d'autres ont opposé le caractère < populaire r de l'épopée, manifeste, selon eux, dans les nombreuses critiques de la société (contre les lamas, les chefs, les riches (22)).Il serait trop long de discuter ici ce problème en détail. L'apport de plusieurs milieux à la formation de l'épopée est certain. Aussi avons-nous dû prévoir deux chapitres séparés pour les chanteurs d'hymnes (type hérauts) et les représentants du clergé. Disons seulement tout de suite que la critique des abus des classes régnantes (noblesse et église) n'est point le seul fait du < peuple r. Si elle existe sans doute chez ce dernier, elle ne s'y exprime guère (des chants isolés doivent exister, mais n'cnt pas été notés jusqu'ici). Par contre, elle est caractéristique des moines errants du type des rois de notre Moyen Âge et de la Renaissance pouvaient être des conseillers écoutés (Rabelais appela marosophe < fou-sage r le fou de François 1er, Triboulet), les bardes mongols étaient honorés à la cour et chargés de missions importantes. La légende du barde Kâlmoul( le montre déjà. Le barde de eingisqan, ArTasun quurëi (xùrëi) sait s'exprimer par métaphores et est chargé de messages importants (Schmidt, Salang Setsen, p. 77, 79). Celui du roi mongol de Perse Argun (L284-I29I), Muskeril xùrëi, fut chargé d'un message à Philippe le Bel en I2B9 (op. cil., p. 3BI). Le recrutement des bardes mongols dans tous les milieux de la société explique déjà le caractère composite de l'épopée. Radloff a pu observer les chanteurs d'épopée kirghises : ils tiennent compte du caractère.de leur auditoire, car ils désirent lui plaire. S'ils chantent devant des riches, ils introduisent des louanges sur leurs clans ou familles (et nous retrouverons cet élément au Tibet); ei le public se compose de pauvres, ils farcissent leur récit de remarques

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acerbes sur les prétentions des nobles et deg riches (1885, V, p. xrx). L,obser. vation vaut pour les Mongols et les Tibétains. chez les Xalxa, les chanteurs se produisent lors des fêtes populaires qui comprennent des courses de chevaux et des concours de lutæurs et d.e iir à l'arc. Ils y chantent, en plus des sagashéroiques, des louanges en honneur des gagnants, hommes et chevaux : odes en honneur des vainqueurs Qnaytayal) et louanges des chevaux (morin-u ëola; Poppe, 1928, p. 18â-184). Z^Â"urr,,o aussi note qu'on chante lors de festins chez des personnages importants, à I'arrivée d'un visiteur de marque, à des réunions d'artisans (feia, p. xxxrrr) : autant d'occasions de louanges et d'hymnes exaltant la valeur, Oo p"ot en rapprocher les chants sur les hauts-faits de héros au moment des repàs mortt'aires chez les Kirghises et les Kara-Kirghises (Radlofl op. cit., p. rv, xrv). on sait que de tels morceaux épiques turcs nous sont déjà attestés par dés stèles funéraires des grands qa,yan, ttrrcs de l'Orkhon, et on se rappellera que nous y avons trouvé précisément le schéma de la soumission des quatre orients et du roi juste au centre (chap. vr, n. 25). or le mot qui y désigne lis funérailles a ailleurs pris le sens de < courses de chevaux r(ae).

Bard.es, athlètes et sahimbanques. Les Tibétains ne font pas exception. Nous avons déjà noté gue re Gesar se chante au moment des funérailles, coutume à la fois religieuse et propice à la création de chants de louange de type généalogique. poùr nous evitei de tomber dans nos propres habitudes de séparation rigoureuse des genres, nous avoùs la chance de posséder une classification tibétaine : elle considère la récitation des contes comme I'une des neuf (chiffre total!) espèces d'exercices de I'homme parfait. c'est Kloû.rdol bla-ma qui nous ria conservée ((Euures, Ma,7 a@5\\. Oo par:le r, dit-il, ( de deux (catégories) : les Neuf Espèces de Forces de --_1 I'Homme (pho-rcal sna-d,gu) et les Nèuf Espèces de Jeux de l,Homme (pâo. rced, sna-d,gu)o. Les premières sont les suivantes : 1. Du (seul) pouce maintenir un cerf par terre (mtheb-hyis ça non-pa). 2. Traverser un grand fleuve à la nage (rkyat-gyis ëhu-ëhen gëod.pa). 3. Exercices légers à la manière d'un oiseau (yart-rcal bya ha-bu\ : Ce sont les trois Forces (exploits) du corps. 4. Elever la vertu par des histoires (àfinmorale; lo-rgyuslayis d,ge,thonTta). 5. Faire rire par des anecdotes (gtatn-gyis blad,gad,,thon-pa,). 6. Dompter les opposants par la discussion (gçags-kyis pha.rol gnon-pa) z Ce sont lee trois Forces (exploits) de la pa.role.

REcHERcHEs suR L'ÉpopÉE

ET. LE BÀRDE AU TIBET

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7. Rendre l'esprit vif aux sages (mjaris-la blo 'gyu-ba). 8. Conduire les héros à l'endurance (dpa'Ja sran chugs-pa). 9. (Rendre) clair en paroles sans réflexion (hésitation) dans le cæut (hha gsal-Zin gtifi mi-rtogs-pa) : Ce sont les trois Forces (exploits) de l'esprit. Voilà les Neuf Forces (exploits) de I'homme (parfait). Mais selon le rcis d'kar-nag gi d,ris-lan(t Questions et réponses sur les calculs (20)),les Tibétains entendent par Neuf Forces divinatoires chinois et indiens ; (exploits) de I'homme (parfait) ceci : 1. Contes (gtam); 2. Écrits (yig); 3. Calculs (divinatoires, rcis); 4. Flèches (md,a', tit à l'arc); 5. Pierres (rdo, fronde?); 6. Saut Qnëhoù); 7. Courses (ôoâ); 8. Nage (rkyal); 9. Lutte (sbe),. On voit que les Tibétains ont une notion de l'homme complet, idéal, d'une éducation parfaite or) les exercices du corps et de l'intelligence figurent au même titre, Un tel idéal correspond sans doute au milieu de la noblesse guerrière(zz). L'épopée en a absorbé des éléments. C'est par une course de chevaux que le Gesar de I'épopée obtient le trône de Glin. C'est par un tir à I'arc miraculeux que le Gesar du fragment épique des Quatre Fils du Ciel dompte les frontières. Nous reviendrons en détail sur les fêtes avec leurs courses, tirs à l'arc et autres compétitions. Mais notons tout de suite qu'une distinction trop rigide entre éléments laïques et religieux serait erronée. Le guerrier et l'attrlète sont très proches du < sorcier >(28). Si la deuxième liste des Neuf Exploits de Klofr-rdol énumère < pierre I (rd.o) eI ( saut ) (mëhon) comme deux exercices, c'est peut-être simplement pour aboutir au nombre nécessaire de trois éléments. Nous connaissons par ailleurs un exercice à la fois gymnastique et religieux appelé dgra-lha'i rnëhofi,-rd,on pierre et saut (ou saut avec pierre?) du dieu guerrier ) (2e)' Nous avons déjà signalé qu'au xvlle siècle, dans la région du Haut FÏ. Jaune, un illuminé qui prétendait être Gesar et se rattachait à Padmasambhava semblait guérir des gens en les soumettant à un exercice à la pierre et se produisait dans des camps militaires (chap. rrr, p. 125, oTracesr, no 53). Cet exercice religieux s'explique par le caractère même de Gesar, athlète (cf. chap. vr,

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REcnERcEEs sun r.'ÉporÉn ET LE BARDEAU TrBET

p.213). Un célèbre exercice religieux consistant à briser une lourde pierre sur la poitrine d'un athlète a des connections avec le théâtre, Ie saint Thafistofr rgyal-po (patron de Gliû) et Ia soumission des démons (chap. u, p. 516). Le rite est introduit par des rna-pi-pa acteurs qui montrent l'histoire de Norbzarl sur une image et la miment en même temps. A la même occasion ils se livrent à un exercice d'épée (ils se couchent horizontalement sur deux épées plantées debout). Baruch (op, cit., p. 313) parle de pantomimes et de jeux d'épée exécutés par des 'ilas-log (lire sans doutema-4zi-po). Ainsi, selon une informetion orale du Père de Menasce, les rhapsodes récitent le Shahnameh tout en exhibant des tours d'acrobatie. Les jongleurs de notre Moyen Âge, conteurs d'épopées, étaient aussi des bateleurs ôu des saltimbanques. IIs étaient poètes, musiciens et danseurs, mais ils étaient aussi experts en magie et en science héraldique (30).Tous ces traits se retrouyent chez le barde-athlète tibétain. Leur costume mi-partie qui les apparente aux boufrons et aux arlequins et leur rôle de bouffon (Golias) trouvent aussi leur contrepartie au Tibet. Le caractère religieux de l'athlète rejoint celui du barde. Comme les héros g'incarnent dans le barde en transe, les divinités terribles, toutes de type guer. rier, s'incarnent de même dans le médium armé (ëhos-slryoi) en transe. Leurs procéilés, nous le verrons à I'instant, sont identiques. De même, les guerriers et les chasseurs ont leurs esprits gardiens en commun avec les chamanes (Eliade, Charnanisme. p. f08). On a vu que I'armée tibétaine qui soumit les Bhala Hor et Pehar avec l'aide de Vai6ravala et de Padmasambhava comportait autant des sorciers puissants que des athlètes (chap. vr, p.249,287). Des athlètes (gy"d) célèbres se mesurant, au Nord, avec un dragon bleu (généra. lement synonyme de tonnerre) portent des noms significatifs de lHa-dga' et Klu-dga', < aimé des d,eaa > eI < aimé des nd,ga > (Mi-la ras-pa, rncurlbum, 236 b), alors que le général qui commande l'armée < magique > s'appela lHa-bza . Klu-dpal et devint une divinité protectrice terrible au même titre que son adversaire Pehar. Ces traits s'expliquent peut-être par des faits tibétains dont nous ignorons le détail et qui seraient en rapport avec le caractère ambivalent du guerrier possédé ou du baladin-illusionnists(ar). l\4a's il peut aussi s'agir de réminiscences littéraires. Dansl'Asokduadana du Diayaaadd,na (Burnouf, Introduction à I'histoire d,u Boudd,hisrne ind,ien, I, 1848, p. 363), A6oka prend à son service deux < géants nus > (rnahanagna) qui défendent deux des portes de la ville, et son adversaire Susima en a un (p. 364). Dans sa note, Burnouf pense que les nagna, < hommes nus r, paraissent être des guerriers accomplissant des exploits presque surnaturels et que ce sens conviendrait mieux que celui indiqué par W'ilson : nagna : < barde >. Le dictionnaire de Monier-Williams indique bien pour nagno,, (( nu )), le sens de < barde accompagnant une armée r (d'après des ouvrages de lexicographie). II donne aussi nagnaka, : ( nu, mendiant, barde r (lexicographie) et mahd,nagn@ < athlète r (terme bouddhique; Lalitaaistara). Nous avons ru qu'en

Mongolie, le barde était nécessaire au succès de la chasse et de la guerre. Aussi est-il pour le moins curieux qu'en mongol, bôlee u force, athlète r (traduisant tib. gyad,) est fort proche d,e bôge uchamane, (>--b6; traduisant tib. lha-pa) : l'écriture, en tout cas, ne distingue pas les deux formes (32).

I/ocation

B3l

et apprentissage,

Les bardes peuvent donc provenir de milieux diflérents. Divers spécialistes ont pu contribuer à la formation de l'épopée. Nous traiterons séparément ceux du clergé lamaïque et ceux des fêtes et des réunions. Un seul et même barde pouvait évidemment réunir des spécialités diverses. Nous ne disposons malheureusement pas de biographies. Du moins peut-on imaginer de quelle manière des apports de milieux différents pouvaient se superposer dans l'esprit d'une seule personne. Le savant bouriate Zamcarato nous dit le lot de traditions qu'il reçut dans sa jeunesse (1918, p. xi). Son arrière-grand-mère de 80 ans lui transmit ses souvenirs de jeunesse concernant les désignait une montagne sacrée chez les Ngoloks (ce qui est exact). Mais pour un autre informateur, un lama rfiifi-ma-pa, a-myes signifre bien

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n'-À' srrrN

du lo grancl-père et 20 sorcier. Pour lui, les annyes étaient les prêtres bonpo < sorciers ) comme siècles rx-xe les dès voit les on réalité En iib""t .rr"i"n. et guérisseurs lamaîques (n. 33). du barde Ra-gu est donc certain, Il en est de même L'e caractère religieux -conteur d'une autré version utilisée pat le xyl. Ling., celle du ou l,auteur de Leyde (copie' âu d.pa'-bo Hor (Stein, 1956, p. 13J' Ife colophon du rns' Hor, < médiumssgruh-nt'khan.. ilpa'-bo des muititude parle la de aussi tzsll ". (féminin d'pa''mo' dpa''bo mot Le contrées. les selon ;,'différents ;;rd* parfois écrit,ba,-mo) désigne en effet, en tibétain courant, des sorciers ou u populaires , ol' l"iqrr"., c'est-à-dire n'appartenant pas au clergé IrJai"r", làtrpo (ga).Le choii du mot est significatif. I1 traduit scr' oîra, oo lamaique et leur per' i" frerâ, et le saint qui, tous deux, se distinguent par leur courage n, sémanthème même < un athlète gyad-pa de 1e cas â"ns .éuér"n"". Comme la parenté du héros et du Larde inspiré-qui se met en transe' Rappe' "-p.i."" qi" I", d.pa''bo (ou gi,i') etles mkha': Srorna \: dpa'.-rno' 'ba'-nt'o) ifi;-;;"t Jo paradis de Padmasambhava (n. 18 et 20). ,o"t t". rÀsiciens'dan."rrt. --urr" (secrétaire biogruphie de barde reçue d'un informateur de Kalimpong thèmes en certains répète et relations de Lhasa) confirme_ces do gor.u"ri"-ent b1rd9, du l'origine sur kalmouke h lZgende en question était ;riginaire de Nag-ço{ dals le, Khams' Il avait L""b.rd" moutons d,abord été berfer (Iug-rji\. Un jour, alors qu'il faisait paître _ses de à"r* l. montâgn-e, il'vii en'rêve ,rn hom*e rouge en-armure et beaucoup berger, pas rester devait qu'il ne i&os (d,pa,-bo) a" CUtr. L'homme lui dit et qrre l'Èpopée (le sgrun) risguait de-se-perdr", qu'il devait s'y consacrer alGr voir le làma sTag-'phu rin'po-ëhe (qui aurait qo", porr.'""1à, ili"nuit lama' Je." àu". le Nag-çod et serait mort vers 1935)' Le berger -*éll "J le (dôaûl'initiation lui donna Il reçut. le qu'il viendrait, l,aîance qui avait su à blrur,l" < pouvoir ,) et iui apprit des prières qui l'aident chaque fois à entrer en transe.'Mais de son comportement nous parlerons plus loin' comme dans la légende kalmouke, les dieux-héros tiennent à ce que Ie conte se perpétue. Càm*e là, l'initiation et la permission d'un lama sont nécessaires(35). Sans citer un cas particulier, mon informateur Champasangta m'a également dilque, chez les Hor, il arrive qu'un berger, dormant dans la montagne, apprend ,'êur à chanter le Gesar. Ces bergers qui rêvent et reçoivent des révélations "o sont des ilpa'-bo, Tous les deux informateurs insistaient sul le fait que les véritables bardes (sgruù-mhhan) ne récitent que lorsqu'ils sont en transe. Les autres qui ne savent que lire et réciter sans transe, n'en sont pas et sont : ceux qui chantent le Gesar sang avoir eu de consfuérés. Ou "r"àr" -oi.rs maître sont seuls à bien chanter : il faut entendre qu'ils l'ont appris en état de rêve ou de ravissement. Ainsi a-t-on pu dire que le < porteur d'u brâhman - quand ce n'est pas le brahmlz (masc.) lui-même - est le katti, le poète d'intuition profonde qui dépasse immensément le niveau des laudateurs et

REcEERcEEs suR L'É'PoPÉEET LE BARDE Àu rrBDT

333

des narrateurs habituels o (Renou et Silburn, Sur la notion de brahman, in

JA,1949,p. 13).

Comme àans le cas de certains chamanes, c'est le chapeau du barde qui lui permet de chanter en transe et de réciter correctement. Sans lui, sans être inspiré, on peut apprendre à lire ou à réciter l'épopée; on ne sera jamais capable que de produire des fragments. 'Une fàis en transe, le barde de Nag-çod chantait des heures durant. Sorti de la transe, iI ne savait plus conter. Certes, la longueur de la récitation n'est pas le critère déterminant. Une récitation en transe, m'a-t-on dit, peut durer un jour ou un jour et une nuit, alors qu'un conteur qui ne fait que réciter par 11 texte appris peut parfois narrer pendant un à trois mois' Le même "*r. informateur, cependant, opposa la < bonne I récitation longue du vrai barde, têu" et a besoin du chapear-r,à la brève récitation de ceux qui qui a appris "tr ( ont appris l'épopée par la lecture. Seule la récitation en transe est vraie )) jamais qu'une sorte ou complète. L'autre a beau durer longtemps, elle ne sera de contrefaçon. Un vieux lama originaire de lHo'rjofr, au Khams, m'a dit qu'il a vu opérer un barde (sgrurt-rnkhan) dans le Byafr (Nord, à Nagtsang [Nag-chair, pays S-or] shendzedzong). Tant qu'il n'était pas en transe, il ne savait rien conter. une fois en transe-, il se mii à réciter les histoires des dix-huit (c'est-à-dire de tous) < rois l ou < châteaux, de l'épopée. Quelqu'un ayant douté de la réalité de la transe, le dieu de l,épopée (sgiun-gi lha) s'est mis en colère. Résultat : le barde a tiré son épée èt se l'est enfoncée dans la poitrine sans que le moindrc mal en résulte. C'étuit, ajouta le vieux lama, la preuve qu'il était waiment n possédé >; sinon, il se serait tué. Cette preuve de la transe, notons-le tout de suite, est universellement connue chez le chamane, le médium ou Ie sorcier de l'Extrême-Orient, et plus particulièrement chez les ëhos-skyoâ du Tibet. Elle est aussi identique à ceile dw ma'4i-pa acteur (cidessus, p' 330)' Nous aurons encore I'occas]ion de constater d'autres analogies entte eux et |e barde. Nous verrons bientôt qu'une invocation aux dieux est en général nécessaire pour obtenir cette transt Le barde de Byafi, me dit le vieux lama, ne faisait -pas exception. Mais, ajouta-t-il, l'entrée en transe lui était d'autant plus facile qu'il était en pèlerinage : la transe venait alors toute seule, naturellement, sipontanément (ran-gii). Le barde reconnaissait alors les lieux des hauts' fâits de ç"r".tde). ie pèlerinage le plus propice était, pour ce barde, celui de la montagne sacrée khu-b" àkut-po, dans le Khams méridional. Les colophons de trois manuscrits du chapitre lHo.Glin confirment ce rô e important àu pèlerinage à Kha-ba dkar'po pour l'inspiration de l'épopée (cf' chap' II' mss-nos 2I,-22\. Un certain chif Bu-lha nor-bu de sKyo-thog, appartenant à la famille des'lHa-gdon dkar-po de Nom (région de chamdo) qui se relie à la fois à Glin et à Mi'flag (cf. chap. rv, p. 200), se trouvait un jour en pèlerinage au Kha-ba dkar-po lorsqu'il eut en rêve une vision de Ma Ne-ne, congeillè"re céIeste de Gesar. Remettant dans la main du rêveur un rouleau de

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REcEERcEEs sun L'ÉpopÉE ET LE BARDE AU TIBET

R.-A. srrrN

manuscrit jaune, elle lui dit : < regarde cela!o. Ce rêve détermina la rédaction du chapitre. Nous avons déjà noté I'importance des pèlerinages pour la diffusion de l'épopée (chap. ur, p. 136). Nous devons maintenant y ajouter le caractère religieux de ces circonstances. Auprès de la montagne sacrée règne une atmosphère d'inspiration. Pour la vénérer on en fait le tour (les lamaistes en la tenant à leur droite, dans le sens des aiguilles d'une montre; les Bonpo en sens contraire). On y côtoie les rna-ry,i-pa,les ' das-Iog et les moines errants (3?). On apprend des légendes tout en se recueillant dans une attitude de prière et de dévotion. C'est auprès de ces divinités-montagnes que les inventeurs de trésors (gter-bton) se font révéler et révèlent au monde les < trésors r que sont les manuscrits en rouleaux de papier jaune (as),à moins que ce ne soient des objets, des statues ou des textes révélés en esprit(3e). Nombreux sont les saints lamaîques qui ont ainsi reçu d'une divinité, en rêve ou en méditation, la révélation d'un texte. A 16 ans déjà, Târanâtha a une vision qui lui dit d'aller s'exercer en sdd,hana (sgrabs) au mDo-khams ou au lHo-Mon, de s'adonner à la pratique des < fous > (srnyon-pa) et de s'attacher à la bénédiction de Padmasambhava. A 37 ans, il fait en rêve le voyage de Sambhala, guidé par un jeune homme blanc, athlète. Auparavant déjà, après une méditation d'évocation (mflon-rtogs) de sa divinité tutélaire (yi-dam), il est guidé en rêve par une jeune frlle dans la caverne d'une montagne de glace où il découwe le pays merveilleux d'Urgyan (U{diyâna) et reçoit l'initiation d'tne aajrayoginl (ou Qd,kinî). (Autobiographie, ka, gsaù-ba'i mann-thar, 3 b, 5 b; et Autobiographie, 16 b-I7 a). De la même manière, c'egt en s'appliquant avec ferveur à la prière qui donne le pouvoir (d,bar1-shur)de réciter que le rédacteur du xyl. Ling a la vision du cheval divin de Gesar qui le conduit à Sambhala où il ieçoit ,rir li*" sur le chapitre de la Course (Stein, 1956, p. 13). Qu'il suffise ici de remarquer l'étroite parenté des expériences du barde et des lamas. De ces derniers nous parlerons plus longuement plus tard. Nous traiterons aussi plus loin du rôle des montagnes sacrées et des fêtes qui les célèbrent. Ici nous avons encore à revenir Jux milieux où se recruterrt d", bardes non affiliés à une Église. Nous avons vu des bergers rêvant dans la montagne, un chef inspiré au cours d'un pèlerinage et un barde se mettant en transe par une prière ou un pèlerinage. Mon excellent informateur Champasangta (Byams-pa gsafr-bdag) avait une solide éducation de moine. Sa belle voix et sa mémoire remarquable l'avaient conduit à devenir le chanteur attitré de l'ancien régent du Tibet, le ( roi ) (rgyal-po)-lama, abbé de Reting (Rva-sgreû) qui, par sa lignée spirituelle, s'intéressait tout spéciale-ment au Gesar (cf. irr, Tracès, no t6). Bien "h"p. que d'école dge-lugs-pa (Église Jaune), il connaissait admirablemenr les chants liturgiques des rNiR-ma-pa (Église Rouge, ancienne), l'épopée, le théâtre,

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le 'ëham et toute la coutume et la religion. Mais il n'était que chanteur ou narrateur. Il était de ceux qui avaient appris. Il n'était pas barde. Mais il avait rencontré à Reting le barde Samthar (bSam-thar, abréviation de bSam-pa thar-phyin, nom religieux) qui visitait Reting une fois par an. Samthar savait chanter le Gesar dès sa naissance. Ce don était inné. Il chantait spontanément, de lui-même, sans livre. Comment cela était-il possible, sans apprentissage? Un jour, dit-on, Gesar avait écrasé un crapaud sous le sabot de son cheval. Pour sauver l'âme de l'animal, Gesar avait pensé que celui-ci pourrait, réincarné, chanter le Gesar@o). II doit y en avoir dix-huit incarnations (autant qu'il y aurait de récits, les n dix-huit châteaux > soumis par Gesar). Samthar en fut l'une. Le < roi r de Reting lui donna un chapeau de batde (sgruù,-Zua). Dès qu'il s'en coiffait, Samthar se mettait à chanter sans arrêt. Il avait aussi fait, à Kalimpong, un oracle par le miroir (rne-Iori pra-ba), Nous avons déjà noté que les bardes sont aussi des devins. L'oracle par le miroir sous l'égide du roi Gesar et un autre oracle par la flèche ou l'épée ont été décrits par Nebesky-Wojkowitz (1956, p. 462-463). Une image de Gesar est suspendue devant la table qui porte le miroir et la flèche, et un jeune garçon (inspiré sans doute) doit observer les apparitions dans le miroir. Ce miroir (comme généralement la flèche, mda'-dar) doit être orné de rubans aux cinq et rubans se retrouvent, nous le verrongt couleurs de I'arc-en-ciel (cr). t'to'. sur le chapeau du barde. Comme le barde pour sa récitation, le devin (le même personnage) se met en transe en fixant le miroir ou la lame brillante de l'épée de Gesar (grïpra). Le procédé et le terme qui le désigne sont identiques.

Inspiration

et technique d,e la fianse.

Il est temps de donner cette terminologie si significative de la transe. Chanter l'épopée en transe, cela se dit sgrufl,-Iha ba'b-pa < le dieu de l'épopée descend (sur le barde-médium en qui il s'incarne) r : telle fut l'expression employée par le barde Rin-ëhen dar-rgyas. L'expression peut se comprendre comme le résultat d'une fusion; lha:bab, < un dieu descend >, signifie : c être possédé par un esprit > (lire : dieu; à l'encontre de la possession par un démon dite 'dre-àugs .' rrun démon pénètre n; dictionnaire français-tibétain des Missionnaires de Tatsienlou). Lha:bab mkhan ou ëhos-sltvori'bab-mkhan est le médium en transe dans lequel s'incarne une divinité (Sherap). Lha'babPa ov ye-çes'bab-pa équivaut à sku-rten-pa.' se mettre en transe, faire de soi le suppofi d'une divinité (Champasangra), Ye-çes désigne l'état nouménal de la divinité à laquelle le médium sert de support phénoménal : les sources hésitent constamment entre l'orthographe sk'u-(b)rten ( support de la divinité ,, et sleur-bstan ( se montrer dans son corps (sc. la divinité) > trz). Inversement, Das traduit sgruri-babs (< épopée descend n) par < the inspired storey-tellers of Tibet >. Selon mon informateur de Tatsienlou (Sherap), on

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R..A. srurN

REcEERcEESsun a,ÉpopÉr ET LE BARDE AU TrBET

dit même ltho-la glu babs-zin-red. .. < il chante en transe > (chinois hianechen @. litft, faire descendre le dieu), littéralement a le chant lui e-st tombé>. De la même manière s'exprime aussi la transe qui permet de prophétiser : on dit pra-phab, (lha:bab) ou l'épopée (sgruit:bab) ou encore rla bénédictiont (byin:baô). terme qui désigne f inspiration que

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R.-A. srnrN

confère la grâce de la divinité (byin-rlabs, skt. adhiç.thd,na\. Le méditant lamaïque dfuait ye-çes'bab-pa, < la forme gnosique est descendue r. Le barde est alors en transe. Il change de couleur, a les traits contractés, le corps agité : ses mouvements imitent le tir à l'arc, par exemple, ou d'autres gestes conformément au personnage incarné. Le dieu, le héros, le personnage de l'épopée est présent. Le préambule des Ms. Mon, Leyd,e, et Mon, Tucci (chap. u, no 23) spécifie qu'il est interdit de réciter l'épopée quand les gens ne croient pas en Gesar. C'est que, sans doute, Gesar étant présent, il se fâcherait contre les incroyants, et l'exemple du barde qui s'enfonça l'épée pour convaincre les incrédules montre que le dieu pourrait manifester sa colère. Ainsi en est-il des médiums lamaiques, des ëhos-skyori, qui rendent aussi la divinité présente, en transe, c'est-à-dire en imagination créatrice qui correspond à l'énumération de ses attitudes (Nebesky-W'ojkowitz, 1956, p. 474).lJn prêtre dit qu'en chantant la prière (l'évocation) de la divinité il la ferait venir en sa préserrce : on ne saurait le faire sans foi, pour I'amusement ou l'étude, car elle se fâcherait (op. cit., p,5a2). Plus d'un explorateur a fait l'expérience de la fureur subite possible devant l'étranger. Pendant cette transe le barde récite en chantant. Quand il a fini, la transe est terminée, < le dieu de l'épopée a disparu r (s'est dissous comme un arc-en-ciel; sgruù-lha yal-char). Les informateurs actuels se seraient-ils trompés ou les phénomènes dont ils parlent seraient-ils tout récents? Nous avons heureusement une autorité aui les confirme, et cela à la date de 1779, Sum-pa mkhan-po dans sa lettre àu Panchenlama (Damdinsuren, 1957, p. I90-l-91, dont tà traduction est ici erronée), < A l'heure actuelle r, dit-il, < à Chamdo et ailleurs dans le Khams, quelques-uns des trente < frères r (héros compagnons de Gesar) de Glii, nés (comme divinités) pareilles à des dieux àu sol (g|i-bdag), pénètrent dans le corps (d'un médium) et délivrent des oracles. De la même manière, dans les pays des Yu-gur (du Nan-chan, au Sud de Kan-tcheou) et d,autres aussi, le(s) roi(s) Gur (des Hor) et des héros (d.pa'-bo) sont nés comme divinités démoniaques (Iha:d,re) et descendent sur des médiums (lha-pa) ,.

Barde et mitne. comme tous les bateleurs et chanteurs de foire, le barde chante vorontiers au Nouvel An et à d'autres fêtes pour mendier de l'argent (informateur Mi-flagpa de Tatsienlou). En chantant, il mime par des gestLs syrnboliques, enlevant parfois_certainsobjets de son chapeau pon. les màntrer au public en guise de p-a-rabole.Malgré une observation incomplète, le témoignage de Cuibault (L947, p. Il5) est à ce sujer intéressanr. Au Nord de Kandze (dans le Khams), une fête foraine se tenait à l'emplacement d'un lieu saint (début septembre). Îl y avait là un vieillard et un jeune garçon qui < se passaient un chapeau

REcHERcrrEssun r-'ÉpopÉn ET LE BARDEAu IIBET

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bizarre.,. Celui qui détenait le chapeau sur sa tête, l'enlevait, le tendait à bout de bras dans des attitudes hiératiques, tout en psalmodiant avec volubilité une sorte de récit interminable... (sans doute le Gesar)... Puis ce fut un enfant qui vint mimer une sorte de long monologue avec un morceau de bois qui devait représenter un fusil r. Le barde n'est donc pas toujours seul et se râpproche parfois beaucoup du mime-bateleur. Le comportement du barde observé par Guibault peut s'expliquer par l'information d'un fonctionnaire noble qui avait longtemps résidé à Dergué (Khams). Selon lui, avant de conter l'épopée, le barde fait le ïua-bçad, l'éloge et l'explication symbolique du chapeau. Il I'enlève et en explique les parties et ornements. Il le plie de différentes manières, représentant chaque fois un autre objet ou sujet, religieux ou ordinaire : tantôt ce sera, par exemple, le chapeau du roi de l'Inde ou du roi de Chine, tantôt la trachée. Loinformateur Mi-flag-pa me parla aussi du ëoa-bçad; c'esI à cette explication du chapeau que doit se référer la mimique du barde qu'il mentionna. Nous possédons heureusement un tel texte et l'étudierons bientôt. Ce qui est signifieatif pour I'analogie entre le théâtre, avec ses acteurs et son narrateur, et l'épopée avec son barde, c'est la nécessité du dialogue. Un informateur originaire du gCafi (Tsang), interrogé à Tatsienlou, m'a affirmé que le vrai barde du Gesar a besoin d'un contradicteur pour chanter : le dieu ou le héros ne se manifeste que provoqué par son adversaire, Il prit pour exemple un barde aveugle, ne sachant ni lire, ni écrire. Il aura besoin, pour être inspiré, d'un contradicteur en face de lui qui l'incite à parler et lui répond (on dirait volontiers, lui donne la réplique). S'il est, par exemple, spécialisé dans l'évocation de sDig-ëhen Çan-pa Me-ru (ministre des Hor, plus tard devenu ami de Gesar), l'opposant devra être 'Dan-ma (ministre de Gesar; leur dialogue se trouve effectivement dans le chapitre,Flor). Les deux chanteront alternativement, et c'est excité par son adversaire que le barde se mettra en transe, sautera et gesticulera. Ce renseignement est corroboré par une observation de David-Neel (1931, p. xLIx-L) : un homme de grande taille se précipita brusquement à la poursuite d'un garçon en brandissant furieusement son épée. C'était une incarnation de sDig-èhen Çan-pa qui venait de chanter la guerre des Hor. Le garçon était I'incarnation de Gur-dkar, roi des Hor et adversaire de Gesar. Il avait provoqué la colère de sDig-ëhen Çan-pa qui avait dû n descendre r sur le chanteur. De telles attitudes sont connues dans d'autres pays, aussi bien pour le barde que pour le médium ou le possédé. Chez les Chukchee, par exemple, le chamane chante et l'audience forme chceur. Mais il lui faut quelqu'un pour répondre (Czaplicka, Aboriginal Siberia, Oxford, 1914, p. 230). Dans l'esprit de mon informateur de Tatsienlou, le comportement du barde, tel qu'il le décrit, explique que jamaistoutel'épopée n'estrévélée en entier et que de nouveaux récits s'y ajoutent toujours. Chaque barde qui se met en transe est spécialisé dans I'incarnation d'un personnage ou d'un récit. Supposez qu'un tel barde se mette à chanter, en transe, des chants ou des paroles

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R.-A.

STEIN

inconnus jusque-là; cela signifierait que le héros ou le dieu a daigné lui révéler de nouveaux détails préexistants. Ces chants, iI les voit écrits ou les entend. Le barde ( voyant > qui se disait incarnation de sDig-ëhen Çan-pa affirma à David-Neel (op.cit., p. xvlr) que Gesar et ses amis dieux lui dictaient ce qu'il chantait. Et bien qu'il ne sût pas lire, il réclamait toujours une feuille de papier blanc qu'il frxait durant toute la récitation. Le père de l'informatrice de Bell faisait de même. Le récit est sans doute considéré comme existant indépendamment et pouvant être révélé par morceaux. Ainsi avons-nous vu le rédacteur du xyl. Ling et le chef qui publia le ms. Mon se faire remettre, en rêve inspiré, un rouleau de manuscrit d'un chapitre donné du Gesor. L'inspiration Iamaïque n'y est pas douteuse. Ces manuscrits remis en rêve sont décrits exactement comme les gter-rna ou textes révélés qui jouent un si grand rôle dans le lamaisme (q0) : ce sont des rouleaux de papier jatne (çog-d,ril ser-po) comme la majorité des manuscrits de Touen-houang (et à I'encontre de I'aspect courant des livres tibétains; cf. n. 38). Une certaine différence est sensible entre les diverses descriptions du comportement du barde et de son inspiration. Dans les premières, il s'agissait de la présence réelle du héros évoqué dans 1e barde-médium qui lui sert de support; ce n'est pas le barde qui commence son chant par la formule : r si tu ne me connais pas, je suis un tel >, c'est le héros luimême qui parle par sa bouche. Dans les dernières descriptions, par contre, c'est le barde qui parle en répétant ce qu'il voit et entend.

II. LE CHAPEAU

ET LE BÂTON.

Nous sommes maintenant préparés à examiner un fait d'importance capitale pour l'étude du barde, son accoutrement et surtout son ( chapeau bizarre r. Nous savons déjà, mais le répétons pour y insister, que ce chapeau est indispensable au vrai barde, à celui qui se met en transe. Sans lui l'évocation et la présence réelle du héros sont impossibles. D'or) la nécessité de l'étudier à fond.

Le chapeau id,éalisé. Les renseignements qui le concernent me viennent de plusieurs informateurs et impliquent certaines variantes. Ils méritent tous d'être notés. Selon mon premier informateur, originaire du Mi-ffag et seul capable d'expliquer les mots dialectaux ou archaïques du, xyl. Ling (cf. Stein, 1956, p. 4), il y a plusieurs espècesde chapeaux de barde (sgruùs-àua\, De l'une, représentée par un chapeau pointu, il ne pouvait rien dire. D'une autre, il me tt, de mémoire, urr

REcHERcHEssun r.'ÉpopÉr ET LE BARDEAU TrBET

343

croquis et une description sommaire qu'il savait être incomplète. Voici ce croquis (Êg. 1) et les explications : 1. Le chapeau est blanc (parfois rouge? ou à bordure rouge?). 2. Les trois pointes sont surmontées du duvet blanc tl'urr aigle ou autour (bya-rgod)',tz); I'informateur appelle ces plumes : sbo-sgro, ce qui signifie sans doute < plumes en touffe, en faisceau (sbod) ... 3. Le disque au milieu représente un miroir (me-loù). 4. Les deux autres flgures, dont l'emplacement sur le croquis est tout relatif, sont un arc (g/u) et une flèche (md,a'). 5. Un peu partout il y a des coquillages cauries ('gron-bu, blancs à bords intérieurs rouges ou bruns). Il y a encore beaucoup d'autres ornements ciont f informateul ne se souvenait uas. M

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.{AY l\^yl l vl

v1 \a \c: Fig' 1.

Chapeau du barde, d'après le croquis d'un informateur du Mi-flag.

w Fis. 2.

Chapeau du barde, d'après le dessind'm peintre de I'Amdo. (Collection G. N. Roerich. Dessin de I'auteur.)

Ce croquis correspond fort bien au dessin en couleurs qu'un lama peintre de l'Amdo (le d.ge-bçesdGe-'dun ëhos-'phel) a exécuté pour Rærich(ae). t" t" représente ici (ûg. 2). Le chapeau est blanc, bordé de rouge et de vert; le soleil couleur or et la lune couleur argent. Le dessin doit être rapproché de la description donnée par Rcerich (1942, p.285) : celle-ci n'est sans doute pas basée sur une observation, mais sur le dessin en question. Le chapeau du barde (sgruù-Zua) est blanc, bordé de rouge; orné de soleil et lune; pointu et muni de côtés triangulaires. Le barde porte aussi un vêtement (ëhu-ba) blanc que Rærich compare au vêtement rituel blanc des prêtres et exorcistes bonpo. Mon second informateur du Khams (Paul Sherap, cf. Stein, 1956, p. 4) me confrrma que le chapeau du barde comporte les éléments suivants : oreilles de cheval (les deux pointes); soleil et lune surmontés de la flamme (comme sur les stupa, eTc.); cordelettes formées d'une trentaine de flcelles; flèche, selle. Il est certain qu'il s'agit là de souvenirs, non seulement de chapeaux réels vus sur un barde, mais aussi d'images. Tout en étant donné comme chapeau de barde, c'est en réalité celui de Gesar tel qu'il apparaît sur les pein. tures. Rcerich (1942, p.307), le dit bien : sur les tankas représentant la vie de Gesar, celui-ci est au centre, en robe blanche, portant un chapeau qui ressemble à une tiare, surmonté de plumes, t a costume still worn by professional

3M

RECEERCEES sun

R.'Â. srEIN

rhapsodists of the epic in North'East 'Iibetr. En vérité, cette remarque demande à être précisée. Sur les peintures que j'ai vues, Gesar n'est représenté au centre que dans sa forme de guerrier, comme un dgra'Lha, avec casque' armure, drapeau, et à cheval (voir frontispice). Par contre, on l'y voit bien en robe blanche coiffé d'un chapeau blanc pointu, le sommet orné d'une touffe de poils et la base de trois espècesde feuilles (fig. 3), exactement comme sur les

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q trÙ q: Fig. 3. Chapeaux de Jo-ru, d'après les Peintures de Tatsienlou, (Dessinsde I'auteur.)

r-,ÉpopÉE ET LE BARDE AU TrBET

3r[5

dessins du chapeau du barde. Mais précisément c'est là Gesar en tant que io'ru, de sa naissance jusqu'à son intronisation. Selon un vieux lama du Mi-flag, même le vrai chapeau-du barde (dont je lui ai montré une photo) était le chapeau de io-ru. D,autre part, encore selon lui, l'origine des bardes remonte à Gesar luimême. Le bardè Rin-ëhen dar-rgyas, qui portait le vrai chapeau de barde, disait qu'il ne connaissait pas de chapeau à trois pointes. Ce dernier était celui de jamais' Jo-rr, t il ne I'avait vu que sur des peintures, mais on ne le portait jo-ru, jeune plein espiègle, le Gesar de est celui barde du le chapeau Ainsi de ruses et de magie. Nous avons vu ci-dessus (p. 323) à quel point ce dernier aspect est importànt dans la légende sur I'origine du barde. Mais de cela il nous faudra parler longuement plus loin. Sur la ftèsqrre de Leh aussi (chap. Ir, p. 95, Peintures, Ladakh I), Gesar porte un chapeau blanc à plusieurs feuilles. Et enfin, c'est ainsi qu'est figuré Gesar dans une statuette spécialement faîriquée pour S. K. Chatterji (t9+2, p. lt:, ^ (JV/ ^.Ô pt. 6) par un artiste, Padma dBari'phyug, de et arc et tient en cuirasse Lhasa. Gesar est flèche dans ses deux mains. Il porte un chapeau A / \-/1 conique, à base carrée entourée, devant et de f\Y f / côté, de grandes feuilles, le sommet du cône \ fy/ central étànt surmonté de trois plumes (fig:4). ë@4 Il s'agit là visiblement d'un chapeau idéal' Fig. 4. Selon le fonctionnaire qui avait longtemps réside t*"Ë:-hî"r:"frï:"*''

d" ô"r"r, à Dergué,un certain "pp"19 "hup""., *chashu (bya-È,u ( chapeâu d'oiseau >?), aurait

a'"p.aJJr prr"t" d" Cnarrenrut in JRASBL,VIII, 1942,pl. 6.) été découvert et sorti d':urr gter < trésor r ou dépôt caché d'objets et de textes révélés, par le céièbre n inventeur de trésors > (gter-bton) mehog-'gyur glifr-pa. Il était blanc, fait en une sorte de duvet d'oiseau et en soie, très petùl (on ne pouvait le mettre sur la tête), comportant des < oreilles > (cela ressemblait à un cheval), Poltant o,, .o**"t des plrrmes d'oiseau comme le chapeau du barde (comparaison de f informateur). ie -"aint aurait donné ce chapeau au régent du Tibet, I'abbé de Reting, dont nous connaissons f intérêt pour Ie Gesar. Il est mentionné dans le colophon du xyl. Ling (Stein, 1956, p. B) comme u grand inventeur de trésors , (gter-ëhen) et l'un de ceux qui ont reconnu le lieu de naissance de Gesar. Il ?ut l'élève du 14e hiérarque Karmapa (1797'1868; Biographie des Karrnapa.s, 233 ô).

a. Premiers jours de sa vie : chapeau blanc, plumes noires (Peint. I);

Chapeau de Pad.masambhaaa.

b. Père de Gesar et Geser au palais de bSrm-grub sTag'rce (Peint. II); Premièressept annéesde sa vie : plumes ou trident en blanc (Peint. III); d. Huitième et neuvième années: une plume blanche ou trois noires (Peint. IV); Dixième à douième année (Peint. V); .f. Vision de io-ru, habillé de blanc, avec son chapeau blanc et son fouet rouge (Peint. V)

Nous avons déjà souvent noté l'importance de ce milieu lamaique.des it inventeurs de trésors l pour l'élaboratiôn du Gesar. Lu xwle siècle' ce milieu connut cles discussions iur les vraies et fausses incarnations et des vrais ou

3M

R..4.

STEIN

faux (bya-ru)'enturquôise. Pour honorer_leurcorps, il leur donna un vêtement fioi-uu) ie soieblanche et des dépouillesde tigre, panthèreet (autres)animaux sauvales,. pa, ailleurs la robe des _bonpo (mais aussi des tantristes et de certaini hérétiques) est bleue; seul le turban est parfois-blanc(Hoffmann, 1950, p.190 et pi.2,9, 10) t.ol. Le_terme bonpo est d'ailleurs sou.,ent synonyme d,e sfi,ags_pà, n tan_ triste, sorcier >. ceux-ci sont parfois dits habillés de blanc. Dans uie priphétie il est dit : < ici au Tibet, une arméedesfrontières détruira _surPadmasambhava, la religion du ainaya. Ensuite viendront beaucoupde gensvêtus de vêtements blancs de la religion tantrique (sriags-pa)>(xyt.'Gyaitse, tha,9 o). C" ,r,".t là sans doute-qu'un reflet de la traditiàn booidtiq". serontaqueilJ, râ00 u.r, après le Bouddha, le ka.s-aya(vêtement du moineisera blanc,'non tei.rt, prophétie qui a servi à justifler le vêtement manichéen. c'est dars ,"rr. q.r-"l" mention d'une n doctrine hérétique du Chapeau Blanc r dans "" un document mandchou a été interprétée comme un rappel des manichéens qui, sur les tresquesde 'I'ourf-an,sont coiffésd'un bonnet blanc(or). Quoi qu'il en soit de cesanalogiesqui peuvent bien s'expliquer par d.,obscurs rapports entre les divers spécialistesreligieux (chamanes,no.rpo, sorciers divers, manichéens),il est àertain que le-modèie inneaiâf dejol*'", a,, barde, vêtus d'une robe blanche et ôoiffésd'un chapeaultuo", ,rË r"t"ye pas de ce milieu, mais de celui des saints poètes bka'-br$ard-pu. it-"rf-"" .n"t, significatif que Ie rituel de Mipham, s'adressant a -G"ru, Roi de Longue vie, l'associe en rêve a bZad-pa rdo-rje avant de "o**" faire intervenir Padmasambhava.bZad-pa rdo-rje fut le nom ésotérique a" n4i-f" ,rr-p"t*t. celui'ci, comme d'autrei saints inspirés et poètes,estîoujours figuré portant la main droite à l'oreille comme pour écôuter-des voix tout ii cliantant. Comme le dit fort justemenr Tucci (ZpS, Ig$g,i. J6S, SJ7; pl. 4,0,4ij, c,est

REcEERcgES sun r,,ÉpopÉEET LE BAnDEAU TIBET

351

là < I'attitude caractéristique des bardes de l'école bka'-brgyud > (comparer certainesattitudes de chamanes,ci-dessus,p. 822). or sur le--peintuies, io-ru habillé et coiffé de blanc est justement aussi figuré portant la main droite à loreille (frg' 10 a,b,rrô). Quand on fait le relevé de tous les épisodesoù portant la main Jo_-ru_est à I'oreille (Peintures d.e Tatsienlàrz,III, IV, _figuré VI, IX, X), on constate qu'en dehors de quelques cas où la légende n'y faii aucune allusion ou se rapporte apparemment à une soumission de démons, cette attitude n'est adoptée que pour les cas suivants : f. il reçoit la révélation de sa conseillère (lun-bstan);2. il entonne un chant (glu-len); 9:l"r!: 3. il invoqueles dieux (lha:boQ;4. commebarde-saltimba"q"e(voir ioy'a). Mieux que cela, nous ayons ru que, dans le rituel de Mi-pham ei sur la statuette, Gesar combine l'aspect paisible (blanc) et terrible (arc et flèche). 'Brug-pa kun-legs, le saint fou (smyon-po,comme Mila ras-pa)et poète, est aussi figuré la main droite portée à I'oreille, mais la mair, gauâhet^enantarc et flèche(n. 32). Dans I'iconographieécrite de Gesar,celui-ciiient dansla main droite le joyau qui exaucetous les dé'sirs(1rid.-bàinnor-bu, cintama,rgi)ot un autre objet, mais la main gauche arc et flèche. un autre saint, chanteur et poète, figuré portant la main droite à l'oreille, est Zabs-dkar1p6-ds-'6h.1 {oa). son.nom n'est pas fortuit. rDo-rïe-'ëhari (vajradhara) est l'initiateur de la lignée spirituelle des écoles bKa'-brgyud et rJogs-ëhen,cette dernière étant responsablede l'élaboration de nombreux Gesar. c'est aussi, nous le verrons à f instant, rDo-rje-'ëhair que symbolise le miroir attaché au chapeau du barde. . Sur une peinture du Musée Guimet publiée par Hackin (Mythologie Asiatique illustrée, Paris, 1928, p. 156), Mi-la ras-pa au centre, portani la main droite à I'oreille, est flanqué de plusieurs disciples vêtus de biânc. L,un d'entre eux porte aussiun chapeaublanc pointu à basenoire. on le voit encore 11 :"T _pl"j"ière des peintures de la vie de Mila ras-pa publiées par Toni Schmid (The Cotton-clad,Mila., Stockholm, pl. I, à g"rr"h" de Mi-la), vêtu d'un vêtement blanc assezlâche qui semble comporter-une sorte de caiuchon retombant dans le dos, en position de marche (comme un pèlerin); il àst tête nue. Mais il porte sur l'épaule gaucheun long bâton dont l'extrémiti supérieure supporte un chapeau pointu, la pointe légèrement recourbée en avant. ce chapeau est blanc, sauf la pointe colorée (de haut en bas : or, brun-gris, bleu, or) et le bord inférieur couyert de fourrure. sur le devant il .o*po.t" yl .u"1" de tissu rouge bordé d'un liseréjaune. En arrière pend un large ruban blanc dont le centre est orné, dans le sens de la longueui, d'une enÉladede losanges r-ouges parsemés de gouttelettes d,or. C-,est sGam-po-pa, alias Dvags-po lha-r,e (1079-J153),fondateur de l,ordre Dvags-po Ëtca'-U.gyua. Il s'était l"u en rêve coiffé d'un chapeaublanc, revêtu d'rri vètement branc et muni d'autres ornements symboliques. Nous en avons la description et I'explication ésotériquede Mila ras-pa(mGur-'burn, 246 a-247 b). citte dernière nous occupera plus loin, car le chapeau du barde, assimilé au chapeau de

PI. I. 352

R.-A. srnrN

méditation de Padmasambhava, a, lui aussi, été I'objet d'une telle interprétation. Mais il est bon de donner ici tout de suite la description de l'accoutrement de sGam-po-pa : I. Chapeau blanc doublé de soie de Chine; bordé de poils d'ours rouge (? ; 'oôs) (er)' surmonté de plumes d'aigle (sorte de panache appelé < chapeau d'acteur >phod,, ou ( corne flexible > Iilern-ru)Gd\' 2. Bottes vertes avec ornements de cuinre en relief et lacets ornés d'anneaux d'argent; 3. Vêtement de soie blanche (0e)n le col rond bordé d'une corde d'or, orné de cordelettes rouges; 4. Ceinture de toile du bouc Mon, faisant trois fois le tour de la taille, ornée de fleurs et de perles enfrlées; 5. Bâton de bois précieux avec poignée à filet d'or, tenu dans la main droite; 6. Dans la main gauche un kapa,la orné du aajra rcmpli de nectar couleur o r; 7. Sur l'épaule droite un sac rempli de riz blanc; 8. Sur l'épaule gauche une peau d'antilope

entière avec tête et pattes.

La scène du rêve du chapeau est également représentée sur les peintures biographiques de Mila ras-pa (op. cit., pl. XVo no 18, et détail pt. XXVIII). Mais le chapeau n'est pas le même que celui porté sur le bâton. Ici, il est entièrement blanc, le bord étant très large, et le corps du chapeau ressemble à un stapo (oz). Certes, tous les éléments du chapeau de Jo-ru et du barde ne se retrouvent pas dans I'accoutrement de Mi-la ras-pa et de Dvags-po lHa-rje. Mais si l'on doit les comparer à d'autres, c'est bien à ceux-ci. La comparaison se justiûe d'ailleurs encore plus guand on tient compte d'autres objets. Nous verrons bientôt qu'un vrai barde portait un bâton de pèlerin et, accrochée à l'index par un anneau, une lanière de cuir se terminant par une petite clochette. Dvags-po lha-rje a aussi un bâton, mais c'est celui de Mi-la ras-pa gui doit retenir notre attention. Comme le chapeau de Dvags-po lha-rje, ce bâton est décrit et expliqué symboliquement dans un chant de Mi-la ras-pa (mGurJbum, fol. 87 a; trad. mongole, éd. Péking, fol. 71 ô). Mi-la ras-pa ne possède rien qu'un bâton de bambou (sbalëag oa sballtho,r, mo. beriye; le mot signifie aussi manche de fouet, ou verge) auquel sont suspendus ses objets indispensables. Le tenant à la main, il va mendier chez un riche. Celui-ci lui demande le sens de ce bâton bizarre qui, dit-il, n ressemble

Xfa-rpi-pa au temple de Ghoom'

Darjeeling'

(Photo de I'auteur')

au cours dune

fête'

PI. II.

Danseurs musiciens (Détail

ile peinture

tibétaine

du paradis de Padmasambhava' [Musée Guimet'

Photo Musée Guimet]')

PI. III.

Barde du Khams photographié à Kalimpong. (Photo S. A.R. Prince Pierre de Grèce rt de Danemark.)

Chapeau du barde. (Détail de la planche III.)

RECIIERCEES SUR L'ÉPOPÉE EÎ

LE BARDD AU TIBET

353

àu:o jouet d"enfant ou à un insigne d,efou > (byis-pa'i rced.rno'a,rnlsmyon-pa'i lag-ëha ha-bu). Tout en décrivant son bâton, Mi-la ras-pa en donne une interprétation symbolique (que nous négligerons ici). Il le qualifre de bâton et fouet à la fois (ber ma lëag). C'est un bambou coupé à la base et au sommet, mesurant deux coudées, flexible et droit. Avec son maître il erre de foire en marché (chofi:d,us rnan6-su'grims). Il est en quatre morceaux (ld,um-bu, mo, kesek), mais a trois næud,s (chigs-gsum).Il est rond et creux à l'intérieur; blanc, mais noir aux joints. Le bout inférieur est entouré de fer, la poignée entourée de cuivre rouge, Des clous y sont enfoncés. Un anneau de cuivre jaune (laiton) y est attaché. A cel anneau pend une lanière (de peau de cerf ?; çaJbreri,la mèche du fouet). Deux baies (boules de fer? éd. Péking i lëagJg7as, mais éd. sKyid-sbug deMyair, 1ol.76b z lëagsJbras), une grande et une petite (< mère et enfant >) y sont réunies. Un bol de mendiant, en os, y est attaché, ainsi que le sachet avec le briquet, un anneau de conque marine (dun-Io) blanche, des lambeaux (de peau ?) de bêtes sauvages, un rniroir (me-lofi), un rasoir, une boule de cristal, un rosaire, une clochette et des écharpes blanches et rouges. Ce bâton de Mi-la ras-pa est remarquable. Il est comparable au fouet (bambou à trois næuds) de Gesar et du dieu guerrier (d,eraJha; cf.. infra, p. 358), mais aussi à l'accoutrement du barde. La seule différence c'est que certains objets symboliques sont ici attachés au bâton et là au chapeau. Nous le verrons à I'ingtant. Aux personnages (Padmasambhava et chanteurs bkalbrgyud-pa) vêtus de blanc et coiffés d'un chapeau blanc que nous arrons comparés avec le barde et jo-ru/Gesar, nous pouvons en ajouter un autre dont le chapeau a bien trois feuilles comme celui de Jo-ru et du barde (frg. 8). I1 s'agit d'un maître du yoga (yo-ga-pa) de Nan (Tibet méridional) qui enseigna, en rêoe, à Con-kha-pa la d,anse et Ie chant ùt oajradhd,tu (rd,o-rie d,byifts), Sur la peinture qui le représente (Tucci, TPS,L949, II, ûg. 111, p.42I, no 86, trad. p.429), on le

voit une fois assiset une autre debout caressant la tête d'un moine. Ce moine (sansdoute Cofr-kha-pa),on le voit, tête nue, dansant. Dans le titre de la biographiede Cofr-kha-paà laquelle se réfère l'image, celui-ci est dit indissolublement uni à rDo-rieJëhaù initiateur de la lignée des bKa'-brgyud et des Fig' 8. rJogs-ëhen.Mi-la ras-pa et les bKa'-brgyud Chapeauxd'm maltre du yoga (peinture tibétaine). continuaient,au Tibet, activementla tradition (Tuccr, ?PS, II, fig. U1.) indienne du chant (doha) et de la danse (Dessinede I'auteur.) tantriques (chap. u). Ainsi nous sommes bien fixés. Il n'y a aucun doute que le chapeau et le vêternent blancs de Jo-ru et du barde s'expliquent en premier lieu et le plus directementpar la tradition des saints

354

R..À. STEIN

nncurncrrEs sun L,ÉpopÉs ET LE BARDE AU TrBET

poètes bkalbrgyud-pa et des magiciens rffifi-ma-pa. Cette inspiration n'exclut cependant pas d'autres interprétations. Il ne faut pas oublier, avant tout, que I'accoutrement blanc se rapporte exclusivement à Gesar dans sa jeunesse, à la figure de Jo-ru, espiègle, rusé, morveux,bien que divin et doué de forces magiques; cette figure aussi qui se caractérise par le petit fouet (bambou à trois nceuds) et le bâton blanc servant de cheval (de dada) que nous ne pourrons étudier que plus tard, Mais cette figure d'espiègle est elle-même très proche de celle du saint à comportement fou, rieur et moqueur, ainsi que d'autres personnages de la religion et du théâtre. Les deux aspects ne s'excluent pas. Elle est révélatrice, cette remarque du Tibétain étonné gui, voyant arriver le saint n fou , Mila ras-pa avec son bâton bizarre, compare ce dernier au jouet d'un enfant ou aux insignes (ou ustensiles) d'un fou. Quand le jeune sPyan-sfi.a rin-po-ëhe Grags-pa 'byufr-gnas (1175-1255), âgé de 15 ans, se présenta avec son cousin devant le hiérarque de'Briguû, celui-ci, convaincu de ses grandes aptitudes religieuses, lui mit la main sur la tête et dit : r) et âoa (< chapeau,r), comme s'il y avait là une allusion au sgrurT-Zaa(n chapeau du barder)t6a). Quoi qu'il en soit, un garçon coiffé d'un de Padmasambhava (sgom-àu) donné à Jo-ru. Or ce chapeau porte le nom Phraëhun, < Petit ), ou Khra-ëhufi, < Petit bariolé >, épithète, de l'æil (Stein, 1956, 143, 390). Le chapeau de Gesar, en plumes, découvert par mehog-gyr.. glii-pa, était tout petit; c'est aussi comme ( petit chapeau> (àua'u) qu'est décrit le troisième genre (ëug-àua) du chapeau de Padmasambhava (ci-dessus, p. 347). D'autre part, il n'est peut-être pas indifférent que le jeune garçon ainsi distingué au premier coup d'ceil fut né, au mDo-stod, de la grande famille des Rla is, branche lHa-gzigs, celle-là qui avait, selon 1a tradition, donné plusieurs grands lamas à Gliri. Nous avons vu (chap. rv, p. 203) que cette famille se relie aux lDoi par la montagne sacrée et les ancêtres'Phen ou 'Phan. Jo-ru était un lDoû. Or le ms. Herma,nns (1948, p. 198, trad. p. 182, pleine doerreurs) nous dit que ces lDoir se distinguaient par un chapeau blanc(IDoft àua-d,karëan).Il nous affirme aussi (p. I97, trad. p. IB1) que les bKa'-(b)-rgyud de bDag-po (: Dags-Po) étaient des lDon (8e).Précisément, à l'âge de 17 ans, sPyan-s ra rin-po-ëhe fut distingué au Dags-po par 1a statue de sGam-po-pa (alias Dags-po lha-rje, 1079-1153, disciple de Mi-la ras-pa, fondateur de la lignée Dags-po bKa-'brgyud); le hiérarque de'Bri-gufr

dit alors qu'il sera le c réceptacle ) ou (supportr (rten-sa) de la secte Dags.po bKa'-brgyud (Deb-ther sùon-po, Ioc. cit,; Blue Annals, II, 5?3). Justement, nous avons vu Dags-po lha-rie sGam-po.pa coiffé d'un chapeau blanc et r'êtu d'une robe blanche. On le voit, le chapeaublanc du barde rappelle celui de Jo-ru/Gesar,de Padmasambhava et des Bonpo, Mais avec le vêtement blanc, c'est i'école bKa'brgyud, lignée de Dags-po, qui explique l'accoutrement du barde et de io-ru. Malgré cette inspiration venue du milieu des saints inspirés et poètes, ce dernier s'explique aussi comme spécifiquement lDofr et propre à un jeune garçon.

355

Le chapeau réel d,u bard,e. Nous réservons à plus tard I'explication, par une analyse comparative, de la forme particulière du chapeau de Jo-ru. Pour le moment nous avons encore à parler du chapeau du barde. Jusquoici, en effet, nous n'avons considéré que sa forme idéale, telle qu'elle apparaît sur les peintures et dans la mémoire des informateurs. Nous pouvons maintenant y ajouter la description du chapeau réellement porté par des bardes actuels. Jusqu'à une date récente, celui-ci n'avait jamais été signalé, et encore moins décrit ou photographié, par aucun des nombreux voyageurs au Tibet. Le seul, à ma connaissance, à en avoir parlé et donné une photo, fut Guibault (cf. ci-dessus, p. 340). Voici sa description et un dessin (frg. 9) fait d'après sa photo (1947, 115). Le < chapeau Fig. 9. bizarre,r du barde était < une sorte de tiare Chapeau d'un barde du Khams de feutre, avec des oreilles, surmonté de (d'après une photo de Guibault). plumes de paon r,, [Dessin de l'auteur.] Heureusement. nous sommes en mesure de mieux le connaître grâce à l'obligeance de S.A.R. le Prince Pierre de Grèce qui a pu, à deux reprises, photographier et interroger deux bardes venus du Khams à Kalimpong (pl. III et IV). Le premier barde, venu en novembre 1950 et en octobre 1951 (alors âgé de 63 ans) et revenu en 1956, digait d'abord s'appeler *Gombo W'angdra, puis Rin-ëhen dar-rgyas, originaire du Nafi-èhen (Khams). Selon Champasangta, il aurait parlé le dialecte Hor et aurait chanté à la manière Hor. Il ne portait pas de vêtement (ëhu-ba) blanc, mais disait que d'autreg en avaient. Il tenait dans la main droite un bâton et, suspendue à un anneau passé dans I'inder, une lanière de cuir se terminant p:rr une clochette. t2,

356

R..À srnrN

RECEERCEES sun

Quant au chapeau, voici sa description et les explications symboliques fournies par le barde. Drscnrprrow

Expr,rce,rtox

1. Le chapeau, devenu sale, avait été blanc. 2. Sa forme : une pyramide à base carrée surmontant un cône tronqué renversé, également à base carrée. 3. Au milieu des deux côtés. partie inférieure, étaient attachés des appendices en peau, appelés tt oreilles r.

4. De la pointe des oreilles tombaient des rubans de quatre couleurs (blanc, jaune, rouge, bleu) et de celle du chapeau, en arrière, des chiffons ou rubans divers.

5. Le sommet portait des plumes foncées.S.A.R. le Prince Pierre les prit pour desplumes de paon(comme Guibault, cidessus), mais selon le barde et Champasangta, c'étaient des plumes de I'aigle à poitrine Qo). blanche (bya+god, thafr,-d.kar) 6. Le sommet portait aussi (parfois absent) un anneau.

3. Ce sont des oreilles d'âne, Lorsque Gesar était chez le démon du Nord, Klu-bcan, et que 'Brug-mo avait été enlevée par les Hor, les époux étaient sans nouvelles l'un de I'autre. Les oreilles indiquent leur attente anxieuse. 4. Ce sont les drapeaux-essences de vie (bla-d,ar) des divinités rutélaires; blanc : le grand dieu Chairs-pa dkar-po (Brahmâ Blanc), jaune : le dieu personnel (sku-Iha) Gyen-mcho (: Ger-mjo, montagne sacrée; gfr,an), rouge : le dieu guerrier (d,gralha) de Gliir, bleu : le klu gCug-na rin-ëhen, divers : le (peuple) Gliir < bariolé r (khra-bo). 5. Elles symbolisent un héros (d.pa'-bo, mot qui désigne aussi un gorcier et un médium).

r-'ÉporÉn

ET LE BARDE AU TIBET

JD/

Expuc.lrroN

Drscnrptron Sur la face antérieureon trouvait : 7. Au centre un grand disque de cuivre blanc, le (me-lofi).

7. Syrnbolisel'incarnation de rDorie-'ëhan (Vajradhara) en Gesar.

8. Au-dessusdu miroir, un autre disque de cuivre, plus petit, et une dent de sanglier.

8. Soleil er lune (fr.i-zla), symbolisent le pouvoir de G. sur I'univers entier.

9. A gauche du n miroir ) un arc bandé portant une flèche (selon Champasangta,ce sont arc et flèche de fer de Gesar). 10. A droite du r miroir > une selle de bois.

9. Arrivée de G. à Glin.

10. La victoire de G. sur le roi

H or (71).

lI. Au-dessous4 cauries('gron-bu) formant une fl eur de lotus (1tad:dab).

11. Le retour de G. à Glin après sa campagne conl"re le démon du Nord.

12. (manque parfois) A droite de cette fleur, une petite plaque de métal percée de 9 trous(?2).

72. I-a, victoire de G. sur les 9 démons.

13. Au bord inférieur du chapeau, une rangée de cauries.

13. Les 30 héros de Glin (dpa'brtul sum-bëu'i mchon-don),

14. A l'extrémité gauche de cette rangée, une perle de verre bleue, montée sur une monnaie chinoise.

14. La destruction des 18 royaumes.

15. Tout en bas du chapeau, le bord est orné de 35 graines d'une plante (*rsoro, rca-thog?) appelée 'ja,g-rca (plante dure).

15. Les 35 a souffies des artèresn (rca-rluri) du yoga. G. a su maîtriser l'essencede Yie(?3).

Malheureusement,je n'ai pas pu obtenir une description et des interpré. tations aussiprécisesdu chapeaudu secondbarde (Gombo Dramdu de Suruk, Khams, 67 ans). Son chapeauparaît d'ailleurs moins soigné ou complet. Il y

359

R._À.srErN

Ing.nquele miroir et I'ornement soleil-et-lune.La plaque représentantle d.pat be'u (SrTaatsa),un des huit emblèmesde bon augrrt", q.ti o""op" le centre de son chapeau,sembley avoir été attachéfaute de mieux. Quant au premier barde, il a été égalementimpossible de savoir à quoi servait la clochettesuspendueà la lanière de cuir qu'il avait accrochéeà son index. Nous en sommesréduits, à ce sujet, à des comparaisons.

Le bâton et Ie fouet. une fois de plus nous rencontronsMi-la ras-pa.son bâton porte le miroir quton retrouve sur le chapeaudu barde, mais aussi une laniére et une clochette qui rappellent celles que le barde avait suspenduesà l,index de sa main droite déjà armée du bâton. C'est à la fois un fouet et un bâton (ber ma lëag). Sa caractéristiquede , 12 a,44 o) (srl, Elle est dite être teinte en rouge (Champasangta la compare à la lance pointue et rouge de la divinité protectrice, ëhos-slcyori; cf. Nebesky-W'ojkowitz, 1956, p. 15; elle est caractéristique d'une forme de Vai6ravar]a, ibid., p.69). Elle a une pointe de fer en haut, mais aussi une autre en bas qui permet de la planter dans le sol. Elle est aussi munie d'un fanon (12 o-ô). Chacun des trois jongleurs - g'ss[ ainsi que nous les appellerons désormais en song€ant à l'acception moyenâgeuse du mot (cf. n.30) - pousse devant lui un âne et mène derrière lui un singe (2 o). Ces singes (sprel ott a,r-rge, dialecte de Khams) sont bien des animaux de bateleurs de foires ou de cirques ambulants, Ils savent porter quelqu'un en l'air ('gyogs)(84). Ils tiendront les trois lances sur lesquelles on aura mis un tapis de peau de tigre (55 a). Celui qui s'assoie sur ce trône sera ainsi porté au Ciel d'où il pourra contempler tous les pays. Le roi de Hor se laisse prendre à ce jeu. Les jongleurs font que les singes dressés baissent tantôt I'une, tantôt I'autre des trois lances, de manière à donner le vertige au roi et frnalement Ie laisser choir dans les latrines des quarante-neuf générations de rois Hor : plaisanterie à la Till l'Espiègle interprétée en présage de la chute du roi. Ces singes de jongleurs ont un aspect singulier. Ils ont ûgure humaine, des poils de bétail, des mains de marmotte, des pieds d'ours. Ils marchent comme des chiens et ont des gestes d'enfant (fi,og : a-fi,og, dialecte de Khams). Leur queue est pareille à celle de la marmotte (byi-mtha'), leur bouche muette comme un ver et le caractère comme un faucon (khra). Au fol. 45 a on ajoute qu'ils ont une tête d'or (signe qu'ils sont le d,ieu d,esrichesses, nor-lha\ et aux fol. 55 o et 63 ô qu'ils sont : lo le r singe blanc > bSam-pa'i don-grub (aussi nom du fouet et du casque de Gesar, < qui accomplit les vceux >) ou seulement polJgrub;2o le (lha-rgyas lug-d,kar). Ils les consacrent en leur rendant la liberté (che-thar) et les font garder par trois filles divines (lha-mo, lilu-rno er gfr.an-za). Bien nourris, leur < laine de bonne fortune > (Iug-gu g-yaù-bal) augmente. Alors trois enfants divins (lha-phrug sMan-ma dKar-ëhuir, gfian-phrug dGra-'dul et klu-phrug'Od-ldan) tondent la laine. La façon de faire implique des rites et des gestes dont le symbolisme est expliqué. Ceci fait, les jongleurs se sont rendus en enfer pour emprunter au dieu des morts gÇin-rje (Yama) sa marmite blanche (zaris-dkar; d,myal-zafl,s). En récompense pour ce prêt ils font le væu de mener sur la voie du salut les morts bouillis, de transformer les trois pierres du foyer (sgyid.-bu) en pierres précieuses et les flammes en mer précieuse. En posant la marmite sur le foyer de la compassion et en y versant l'eau de longue vie (che-ëhu) de Padmasambhava et I'eau deg formules magiques (gzuri-ëhu) de gÇen-rab, ils ont transformé l'enfer en règne de la religion pure. La laine des moutons est humectée dans la marmite, puis étendue aux quatre orients, zénith et nadir, séchée au soleil, refroidie au vent et étendue sur le sol (le tout expliqué symboliquement). Le feutre blanc(phyift-d,ltar, 33 a) ainsi fabriqué, il fallait trouver l'artisan pour confectionner le chapeau. Aussi s'adressent-ils à l'artisan des dieux làa ,' ehos-la-'phen, des gft.an: sTag-la-rgyas, des klu.'Nor-lha-rgyas, et au roi des artisans : Bi-çva-karma (Vi6vakarman). Mais quel modèle choisir? Tour à tour sont rejetés comme modèle les chapeaux de Sâkyamuni, de Padmasambhava, de gÇen-rab et trente autres (y compris < le chapeau blanc des Bonpo >). Les jongleurs s'en vont alors par le monde chercher un modèle parmi les continents, les montagnes et les lacs de divers pays. Tous sont nommés et leur forme indiquée. Aucun n'est retenu, même pas la montagne

**

1 2r

363

R.-A. srnrN

REcEERcsEs sun r.'ÉropÉn ET LA BARDE au rIBET

sacrée rMa-rgyal sPom-ra (Amnye Machen). Le modèle choisi est la mon. tagne sacrée Ger-mcho (rrpère > surnaturel de Gesar). Son épithète ( montagne rouge, chapeau d'initiation, (ri-d.mar dbaù-àu, ainsi aussi dans le xyl. Ling; Stein, 1956, p. 145) s'explique du fait qu'il ressemble à un lama coiffé du chapeau d'initiation (d'ban-i.ua, gui est rouge; fol. 37 6) (86). Une triple circumambulation à droite (bouddhique) et à gauche (bonpo) donnera les met:l.es (ëha-chad). Encore y a-t-il un calendrier de la confection. Le 29 du mois on procédera à la coupe (signe qu'on coupe radicalement le règne du démon) : toile et feutre arrangés autour du vide (signe de upaya er.prajfra). On coudra le premier jour du mois (suivant, règne des dieux). Le 3o on mettra les plumes d'oiseau, le l0 les rubans. Le 15, les jongleurs revêtiront le chapeau, et une < fête du chapeau >t(àa-ston) durera treize jours (donc jusqu'au 28, cycle d'un mois). Et maintenant les jongleurs décrivent le chapeau (38 o et suiv.). Nous en donnons ici le résumé en utilisant aussi la première description plus sommaire donnée auparavant (25b-26 a). On verra que, dans l'ensemble, ce chapeau correspond bien à celui du barde et au petit r chapeau de méditation r de Padmasambhava donné à io-ru (xyl. Ling). Bien que l'épisode se place après I'intronisation de Jo-ru comme Gesar, roi glorieux, toute la scène d'espièglerie qui le représente ici sous I'aspect des jongleurs correspond en fait au caractère de Jo-ru. Comme pour le petit rchapeau de méditationr du xyl. Ling, chaque détail du chapeau reçoit ici une explication symbolique. Le plaisir de chanter et de bien parler a démesurément allongé et compliqué la description. Il faut certainement compter ayec une certaine exagération, notamment à propos des plumes et des divers plis ou côtés. C'est qu'il fallait retrouver à tout prix dans le chapeau les divers éléments du symbolisme que le chanteur considérait comme indispensable. En voici le tableau schématique sans les explications.

6. Joyau (nor-bu), lotus Qtadrna) et selle (? selon Champas., de soie, zab-kha) ou fleurl 7. Rubans de cinq couleurs (blanc, jaune, rouge, vert, bleu);

364

I. Le corps du chapeau est carré (flos-la gru-bài; sgari-bài, leb-bài). Il porte divers ornements : 1. Cinq espècesde pierres précieuses(rin-then sna-Ina); à droite : conque (duù), mu-rnez (pierre bleue), corail (d,ufi-rnig byu-ru) ; à gauche : cristal (çeI) et turquoise (g-yu-ëhuh drug-d.lnr); 2. Un grand lchyuù, arx ailes étendues (gçog-drug rgyas:d,ra), un miroir (me-lofi) et un anneau de conque (d,urt-Iofi); 3. A droite : lamelle d'armure à neuf yeux (cf. n. 72) et flèche de fer; à gauche : arc de fer avec corde de fer; 4. Foudre (thog), fer noir triangulaire (tngron-bu);

(Iëags-nag zur-gsum) et caurie

5. Petits tas de cauries (rngron chom), franges de soie (dar-çams) et ttajra;

365

8. Soleil, lune et poignard magique (phur'pa); 9. Grains d'herbe (rca-thog) et d'autres grairs (rba-thog et tha-thog); 10. Une aiguille de cuivre (zaùs-khab)i 11. Un A blanc (et ?) les six syllabes (selon Champas. otlt' rna-t.zipad'-me huryr). II.

La taille du chapeau (Ia-skeQ est large.

III. Le sommet (ëua-rce) est incliné en bas, mais pointu vers le haut [ainsi fol. 39 ô : à partir de la taille, le chapeau s'incline ('di-nas d'gye'ba) et la pointe penche en bas (i,ua-rce thur-Ia''gug-po), mais ensuite la pointe est dressée en haut (gyen-la'jan-pa)1. I1 est orné de plumes des oiseaux suivants : 1. De l'aigle, roi des oiseaux (bya-rgyal rgod,po); jtT

2. De I'oiseau de la contemplation (ha-ba'i bya-sgro);

it *

3. De l'aigle rlag (:

.1

5. De I'oiseau aquatique (ëhu-bya);

q

glag\;

4. Du paon (rrna-bya); 6. Du coucou (khu.byug); 7. Du perroqtet (ne-co); B. Du coq (bya-pho); 9. Du canard jarne (natt-rna); I0. De la chauve-souris (pha-utari\; 11. Du faisan des neiges (gaft-rn6 :

gon-mo);

L2. De la grue cendrée (khruh-khruri); 13. Du pigeon (phug-ron); 14. Du corbeau (pho-rog); 15. Du faucon (lthra), IV. La base unique du chapeau a trois sommets (Za rca'ba gëig'la rce'mo gsum). Elle est de fili blancs et noirs ou ornée de frls de couleur "on.,," blanche. V. Les côtés triangulaires (ïa-zur zur'gsum) sont bordés ile toile. VI. Le chapeau ressemble à une conque marine (d,uri'ëhos\ e:n ce qu'il

366

REcEERcEEs sun r-'ÉpopÉn ET LE BARDE Àu IIBET

n.-4. srErN

est blanc, ou plutôt pàle (d.kar ma-yin, skya-ba) à l'extérieur, ou plutôt huileux (snum-pa), à l'intérieur.

Les peintures de Tatsienlou ajoutent de nouvelles variantes à la représentation des < trois jonglerrs > ('jam-pa gsum). D'abord, ils apparaissent aussi devant la maison de l'oncle Khro-thun (Êg. 10 a). Au retour de son expédition

mais noir,

VII. Les quatre côtés (zur eI ûos) font huit avec les coins (log). Avec le sommet cela fait neuf (ceci pour symboliser les continents de la cosmographie bouddhique). VIII. Un anneau du chapeau (àa-luri) < orné de conque , (selon Champas., il se trouve au sommet et il y pend, en arrière du chapeau, une corde de peau de cerf; c'est peut-être loanneau de conque àe I, 2; cf. la lanière de cuir suspendue à un anneau passé dans I'index du barde, ci-dessus,p, 355).

3

IX. Les < appendices l du chapeau (àa:d,ab, sneidabs) sont bordés de toile. Comme nous le disions plus haut, la description surchargée de ce chapeau accumule sans doute des traits divers. Ces traits nous occuperont encore. Mais nous pouvons tout de suite constater que ce chapeau des jongleurs en lesquels s'est transformé Gesar est bien le même que celui du barde et le chapeau de méditation donné à Jo-tu au moment de la course. Les ornements le prouvent abondamment (voir le tableau comparatif), mais aussi une partie du chant des jongleurs (42b-43o). En expliquant le symbolisme de son chapeauo celuici ajoute en effet les différentes formes qu'on peut lui donner : < si on le pose sur l'épaule droite, on dirait un stupa, d.e cristal (c'est-à-dire blanc); si on le pose sur l'épaule gauche, on dirait un serviteur portânt une boîte de thé; quand on le porte sur le dos, c'est comme un moine portant son bol à aumônes; ..,quand on le tient par la pointe à Ia main gauche, c'est comme un lama tenant la clochette; quand on l'agite vers le haut, c'est comme un Bonpo agitant son tambourin r, etc. (sous I'aisselle droite et gauche : fourreau à flèches et de I'arc; posé par terre : roi sur trône; coiffé sur la tête : cerf rnâle à cornes étend,ues; (43 ô) oreilles par terre : mulet qui boit; en haut : loup après le mouton, portées en arrière : lièvre couchant ses oreilles). Or cette façon de faire des gestes avec le chapeau de manière à figurer toutes sortes d'objets ou d'êtres est exactement celle qu'on nous a décrite comme caractéristique du barde avant sa récitation (ci-dèssus,p. 3 I). Nous sommes donc certains gue les jongleurs du manuscrit sont bien des bardes. Comme ceux-ci, ils sont en même temps devins : le roi et la reine leur demandent de consulter l'oracle (mo:debs-, fol.49ô) et ils en profitent pour conseiller au roi le jeu des singes portant le trône au ciel en guise de rite (slru-rim) nécessaire. En ce qui concerne ce dernier, l'oracle est tombé sur le < lion , (seù' la àabs). Le ministre qui y flaire un piège et deconseille ce rite argue justement que la place du roi est sur son trône d'or porté par des lions (8?) et non pas sur un trône soulevé par des singes (en tibétain, le verbe est le même : 'og.nas'gyogs.pa'i serl.ge et spre'u khri"'gyogs, fol. 52 ô).

367

Fig. I0 a. Gesar transformé en trois jongleurs devant la maison de I'oncie Khro-thuù: vêtements et chaPeauxblancs. (Peintures de Tatsienlou [Peint. IX].) (Deesin de I'auteur d'après la photo.)

368

R..4.

SÎEIN

contre le démon du Nord Klu-bcan, Gesar, sous forme vile, met à l,épreuve ses véritables amis de Gliri et punit la traîtrise de son oncle. croyant son neveu mort chez le démon, Khro-thuù s'était imposé comme roi i Glin : il avait alors coiffé deux chapeaur I'un sur I'autre, l,un symbolisant Gesar chez le démon, I'autre lui-même à Glil (Low. Lad,. Vers., p,200; lors de la soumission de ia chine, il avait exprimé la même prétention en se coifï'ant de trois chapeaux superposés,ibid., p. 148-149). Sur la peinture, les trois jongleurs devant la maison de Khro-thufr sont coiffés du chapeau blanc conique a trois pointes et vêlus d'une robe blanche et d,une espècede capu. chon foncé recouwant la poitrine et les épaules. Ils portent la main gauche à I'oreille et tiennent dans la droite une lance munie d'un drapeau. un bâton est passé dans leur ceinture. Une autre scène (fig. 10 ô) les montre devant le château des Hor : mêrne couronne, même vêtement, mais sans le capuchon, la main à l,oreille. Un seul tient une lance-drapeau, mais tous ont le bâton passé dans la ceinture. Ure légende les_désigne comme les trois 'jarn-pa. Unè autre dit : < le singe Don-grub ), nom qui correspond au singe blanc bSam-pa'i don-grub 1Do-rie dt rns. Kalimpong. C'esI encore un doublet de Gesar ou de son fouet (G1sar avant.sa^naissances'appelle < Don-grub blanc r; pour le foueI, cf. supra, p. 3a9). Ce singe, brun ici, on le voit grimper sur lé toit du château et sa-luer la tête du frère de Gesar plantée là, avec des cornes de cerf, en guise de trophée (légende : < triste rencontre entre le singe et la tête humaine-r). Mais ce que cette scène apporte de nouveau, ce sont, à f intérieur du château des Hor, sept personnâges qui dansent, vêtus de robes de couleurs différentes, la main droite levée, la main gauche appuyée sur la hanche. Tous sont coiffés du chapeau blanc conique à trois pointes. La légende les désigne comme < les invités danseurs t (rngron-po gar-pa rnans). A en juger d'apiès le xyl. Ling, ce sont là des dieux ou démons de la suite de Gesar (cf. Stèin, 1956, p. 382, s. v. mgron-po). Enfin, pour être complet, signalons que, même sans lance, Ia figure de ^ Gesar (?) en vêtement blanc, avec le chapeau blanc à trois feuilles et la main à l'oreille, se retrouve encore sur la peintuie no X, Elle est gloséepar la légende: < leministre habilté en'jam-pa r (cf. n, B2). On peut en concl.rr" qo" *ê-" en dehors de la scène des saltimbanques, cet accloutrement typique de JoruGe_sar est celui du 'jam-pajongleur. Le récit condensé drt xyl, Gyantse, tout en donnant des passagesmot par mot identiques au ns. Kalirnpong, diverge sur plusieurs po1nrc. Lorrq,t" l"t Sept Cavaliers-Brigands (j"gp" ikya-bdun) des Hor s,eniuient au Tiûet de l'Ouest (cf. chap.-rrr, p. iæ-f.aO;, Gesar se transforme en sept danseurs @or?o rni-bd,un), réunit tout le peuple et lui offre un spectacù (had-rno), version__apparemment un peu différente de celle illustrée par la peinture no IX. Il se transforme ensuite en devin de Chine, puis en frères alorn (avec récit de la descente en enfer pour emprunter la màrmite; texte idlntique à

I

ET LE BARDEAU TIBEÎ SUNT.'ÉPOPÉN RECEERCEES

369

(t Qui sait celui du ms. Kalimpong), puis à nouveau en le devin Kun'çes (cf' n'-84) jeu singes des le qui conseille ti"g1 ie'*yt. dani r, de Gliir devin tout < jongleur I (dan' ;; ;"É" en apprenti forgeron. Les dihéi"ttt"s fonctions du saltimbinque, devin, barde) sont ici représentées.par des u"toUË ."*, différents. Léur unité ressort de ce qu'il s'agit toujours de o".ront "*", montre iransform"ations du même Gesar. Mais le procédé nous intéresse. Il oue nous avions raison de comparer le barde à des spécialistes tibétains différents.

Fig' 10 ô. Geær nansformé en trois jongleurs devant Ie chôteau des Hor; vêtemenls et chaPeauxblancs. (Peintures de Tatsienlou [Peint. IX].) (Dessin de I'outeur d'après la photo-)

370

R..A.

STEIN

III. ANALYSESET COMPARAISONS Le morceau extraordinaire sur les jongleurs et leur chapeau pose de multiples problèmes qui se rattachent au personnage du barde et à la diversité des milieux et des sources d'inspiration "omposite de l'épopée. Rechercher la provenance de tous les thèmes et symboles, suivre toutes les pistes, élucider dans le détail tous les problèmes, cela ferait éclater le cadre de ce rivre. Mais pour se garder d'une vue simpliste qui ne ferait que refléter une insuffisance de documents, pour permettre une analyse aussi serrée, un dosage aussi exâct que possible des éléments constitutifs du barde réel et de son reflet dans l'épopée, force nous est bien d'évoquer, au moins brièvement, tous les aspects décelables.

Premier coup d,'æil. Comparons les deux < explications du chapeau r de la course (xyl. Ling) e-tdu spectacle des singes (ms. Hor). Dans le premier cas, il s,agit d,un chapeau d'initiation de Padmasambhava, dans le second d'un chapèau de jongleur dont le modèle est une montagne sacrée ressemblant à un chapeau d'initiation. D'autres chapeaux de religieux sont aussi censés représetrier ,rn" caverne ou une montagne sacrée (note 86). L'intervention lamaique est présente dans les deux cas, mais dans le second perce davantage l,influince d'un milieu de religion populaire. Nous reviendrorr, sur lirabitude des explications "r"o." symboliques. Mais nous pouvons dire dès maintenant qu,à la différence du premier cas où l'explication est entièrement de dogme lamaique, dans le second le- symboljsme puise autant dans le domaine de ce dogmi que dans celui, plus populaire, des traditions et des coutumes. Nous avons .,r' qn" le chanteur des iourses de chevaux porte un chapeau caractéristique de Gesa. (blanc à franges rouges)' ces courses ont lieu à I'occasion de fêtès qui ont pour centre une montagne sacrée. On y porte des chapeaux de poils de motton blanc surmontés d,erubans,le sommet pointu de tissu ôlez et le bord de tissu rozge (cf. chap. vrrr). ces éléments se retrouvent dans le chapeau du barde et àu jongleur avec une symbolique basée sur la religion popuiaire (étage des dieux du ciel : blanc; celui des dieux des montagnes : juunè; celui'des- klu sowter. rains : bleu; celui des bcan oa d,gra-lha, dieux guerriers : rouge). point de doute là'dessus : deux étages ou degrés sont désormais évidenis et prouvés par nos documents; celui des religieux rfliir-ma-pa et bka,-brgyud-pa, et celui des chanteurg de la tradition populaire qui, pour Ctre eileâCmà déjà depuis longtemps farcie de lamalsme, n'en gaide pas moins des traits prùs

REcrrERcrrEssun r.'ÉporÉB ET LE BÀRDEAU TrBET

371

o frais r, plus anciens sans doute et en tout cas indépendants du bouddhisme. Sans préjuger du dosage final, nous devons aussi chercher des comparaisons en dehors du Tibet. Ne serait-ce qu'en prévision des recherches futures qui ne manqueront pas d'attirer l'attention sur tel ou tel détâil. L'éclectisme nous est prescrit par tout ce que nous savons déjà des milieux très variés qui ont contribué à f introduction, au Tibet, du nom de Gesar et du concept de base de l'épopée et qui expliquent le personnage du barde. Nous I'avons déjà noté pour ce dernier, en expliquant son comportement et son accoutrement, il faut tenir compte, si je puis dire, d'une espèce de gradation du symbolisme et des influences. Influences directes et immédiates de la société tibétaine qui l'a produit; influences indirectes et lointaines qui ont pu jouer à travers l'histoire au moins millénaire de cette société, elle.même produit composite à la formation duquel ont contribué des facteurs multiples. Une autre réflexion nous prépare encore à la diversité des comparaisons possibles. Le chapeau du barde est, on nous le dit expressément, celui de ioru-Gesar. Il faut donc s'attendre à deux catégories de symbolisme. L'une expliquera la nature du héros, I'autre celle du barde. Le barde incarne bien le héros, mais il a sa nature propre. Pour le héros, il faudra dans un autre chapitre (x) en étudier la nature d'espiègle; il est impossible de tout dire à la fois. Mais nous pourrons déjà en signaler d'autres traits. Le barde, lui, nous est déjà connu sous au moins deux aspects : médium qui se met en transe et se rapProche ainsi du chamaneo du sorcier, du devin; chanteur ambulant, jongleur, baladin ou saltimbanque qui se produit dans les foires et les fêtes' D'autre part, nouvelle raison- de comparaisons diverses, l'accoutrement de JoruGesar et du barde n'est pas uniforme. A l'intérieur même d'un seul système, sur les peintures de Taisienlou, le chapeau blanc de ioru n'a pas toujours la même forme : tantôt il n'a qu'un seul cône pointu, tantôt, il a, en plus, trois pointes ou lobes (cf. fig. 3). Disonsle tout de suite, nulle part nous ne retrouverons à la fois tous les éléments de cet accoutrement. Le personnage est bien spécitquement tibétain et propre à I'épopée. Les divers éléments ne se rencontrent qu'isolément ou par petits ensembles. Des spécialistes divers s'en rapprochent par certains côtés seulement. Par nos comparaisons nous entendons seulement indiquer, soit historiquement des sources d'inspiration possibles, soit phénoménologi quement des modèles d'explication susceptibles d'éclairer la nature de ioru' Cesar et du barde. Si nous résumons tous les documents déjà exposéset ceux dont nous parle' rons encore, nous pouvong dresser deux tableaux (ci-après, p. 372-375) qui' pour être sommaires, permettront quand même une première orientation rapide. Dans le premier nous distinguerons les divers aspects de notre person' nage; dans le second nous les réunirons en une seule colonne pour permettre

deq compqaiggns pfys étgndrl_gq,

372

R.-Â.

RECHERCITES SUR L'ÉPoFÉE .ET LE BAnDE AU TIBET

STEIN

T A B I , E A UDt s S

A CCO UT RE ME NT(IS) CHAPEAU DE

jonu

Grsen

PenueSAMBIIAVA

CONTEUR

Penlre-

Mr-r,a

SÀMBHÀVA

RAS-PA

DT

JONGLEUR cotJRsEs

À ionu

DIVINITÉS.

Boxpo

DES

DONNÉ

Main portée à l'oreille.

SON ÉCOLE

MONTÀGNES

sor Écor,n

X

Chapeau blanc (de feurre)..

x

Chapeau conique à trois pointes ou deux oreilles.

x

X

X X

X

x

parfois

parfois

X

X

gÇen-rabs

Chapeau blanc, bord large; franges rouges, bor. dure rouge. Chapeau blanc à l'ertérieur, rieur . . .

noir-bleu à I'intê X

parfois

Vêtement blanc. . .

X

X

X

Miroir. .

X

X

X

Soleil et lune. . . .

X

X

Arc et flèche.

X

x

Ru-bansmulticoloreg.. . .

X

X

X

X

X

X

X

X

P lumes d' a i g l e

..

..,.

X

Plumes diverses

x

X

Bâton 1

Ianière de:cuir, anneau, clochetts

X

dans 'ëham

perles

X

fouot (à trois næuds).

au bâton

en l]r'ru

x

...........:.

X

x

Plumes de paon.. .

Cauries (o u p e r l e s ) . .

373

X

X

X

X

certaines

R..4,

SîEIN

RDCHENCHES

T A B L E A UDE S BARDE

Ploue.

Mr-r.a

MUSICIENS

SUR L,ÉPO?ÉE

Main à I'oreille; écouter des voix.

SAMBHÂVA

RAS.PA

JonuGrsm

E1

ET

SON ÉCOLE SON ÉCOLE

CONTEI]RS

DANSEURS

PÈLERINs,

DU RITE

cHANTÊIIRS,

DES

SALTIM.

X

X

X

Chapeaublanc ..

X

parfois

X

Chapeauconique à pointe indinée.

X

Chapeau à trois pointes ou deu oreilles .

X

X X

chapeau, mains

BÀNQUES

poilrine, lance

4, rosette

X au bâtou

sur corps

chapeau, poitrino

n chasseu,

pour

sru masque

X

X

parfois

X

X au parasol

en maire

bâtoncheval, air-cheval

bâton

parfois

certains

au bâton

bâtoncheval, air-cheval, oreilles d'âne

-au

CITAMÀNES

X

parfois

certains

grelots ?

5 , I7 ,3 0

Bâton-fouet (déplacementrapide).

- ...

BONPOS

(shogs-pa)

X

X

Clochette ou grelots

DEYINS

BOUFI'ONS

(aussi casque) vaJra

Cauries ,

Fï èc heenru b a n n é e. . . . . . . .

MONTÀGNES

X

au chapeau au chapeau

Cheval (air, bâton, tambour, violon). . . .

'd^-hs

Irn60ruus

soncIERs-

X

X (aussi casque)

Chapeau surmonté de joyau ou autre objet

Ru.bans multicolores (5, 17, 30) . .

ÂCTEUAS

cLowNs-

X

Chapeau indispensable

Arc et flèche.

SAMBEÀVA

mo.ryi-pa, ET

AU lIBET

barde et Joru X

Miroir. .

DE

Penue-

Vêtement blanc . .

QhgFeausumonté de plumes. . . .

PÀBADIS

BARDE

MENT S (I I ) A CCO UT RE

DU

ET

E? LE

rite

su.r masque

X rosette

sur lance

rosette

X X

X rosette

(1070,30) tambour. cheval, oreilles d'âne

bâtoncheval, violon. cheval

tambourcheval, bâtonchevel

X

gelots?

grelots

grelots

grelots

grelots X

376

R.-A.

REcEERcsEs sun L'ÉpopÉE ET LE BARDE Au rrBET

STEIN

Les comparaisons que nous pouvons faire pour éclairer notre personnage peuvent se diviser en deux catégories : I'une se rapporte au barde et chanteur (I), I'autre (II) au héros de l'épopée. Chacune peut être subdivisée en deux groupes. Pour la première on peut distinguer : 10 le personnage qui se met en transe et incarne une divinité ou le visionnaire qui voit et entend des voix; et 2o le baladin, acte-ur, chanteur de foire, clown ou saltimbanque. Dans la seconde : 10 le jeune Jo-ru espiègle, rusé; et 20 le Ge-sar roi majestueux. Dans les deux cas il n'y a point opposition entre les deux groupes, mais double aspect d'un même personnage.

Afi.nités chamaniques. (I) L Nous l'avons constaté dès le début, le barde a beaucoup en commun le ch ma19 (mot que nous employons dans le sens restreint, personnage 1ve,c de Mongolie, Sibérie, Asie Centrale, Mandchourie, et non pas n'importe quil sorcier ou médium). Cette comparaison n'implique pour nous aucune hypothèse de frliation historique. Bien que possible, celle-ci ne peut être prouvée. Aucun type particulier de chamane de cette région ne peut être retenu comme modèle. Par contre, sur le plan phénoménologique, la comparaison peut rendre compte du caractère du barde. Nous avons déjà noté le vêtement blanc de certains chamanes et parfois aussi un chapeau blanc (n. 60); la nécessité de recevoiro par l'initiatiôn, un chapeau et les voix qu'ils écoutent (p..322,326). Mais il y a bien plus d'éléments qui se retrouvent chez le barde et joru-Gesar (nous les signalerons par des italiques). Le chamane de Kobdo porte un chapeau spécial en forme âe tube auquel sont cousus divers objets : 10 une plaque d,e bronze ronde avec sculptures (burxanî-gu); 2o coquillages (cypaea moneta);30 une plaque de nacre (cf. la conque du barde) ; 4o dt corail; 50 une piere précieuse; 6" des monnaies ; 70 un petit tambourin;80 une plaque sculptée avec des lu(.(àa-Ia rne-Ioù btags-pa'd.ilrgyal-po'i la-thod' b6iù-pa'd.ra). Or ce chapeau a trois pointes, et c'est avec cette couronne blanche à trois pointes que le triple Gesar-jongleur apparaît sur les peintures de Tatsienlou (ûg. 10). Dans les images bouddhiques dont nous parlons, le turban, noué dans les cheveux, a aussi été confondu avec un arrangement des cheveux en tiare de

ffi&

La coifure royale. (II) 2. Dans la scène du triple Gesar-jongleur, celui-ci est présenté comme coiffé d'un turban. Pour Champasangta, c'est là le symbole des trois rois divins qui représentent les trois étages du monde. Effectivement, le premier de ces trois, Chafrs-pa dkar-po (Brahmâ Blanc), appelé Chafis-pa dun-thod (Brahmâ au turban de conque) sur la peinture de Tatsienlou no X (centre) y est dépeint coiffé d'un turban blanc très élaboré : le devant disparaît derrière un diadème et le sommet se termine en véritable coquillage. Ce dernier est bien apparent sur la photo d'une peinrure publiée par Nebesky-W'ojkowitz (1956, pl. V et p. 146). Le représentant du monde médian, la montagne sacrée Ge'-jo, est bien aussi dépeint avec un turban jaune-orange (Peinture no VI, fig. I3). Mais, sur ces mêmes peintures, le turban caractérise encore bien d'autrès personnages : la montagne sacrée rMa-èhen spom-ra (Peint. VI), les < trois ;ois de la religion r (blanc, Peint. I), gÇen-lha'od-dkar, sTag-lha yar-Éugs(: Pancaéikha : Thafi-lha, montagne-divinité), srid.-pa Ye-smon rgyal-po (le roi, premier ancêtre divin du monde) et ses descendants les représentants des r tribus primitives, (sGa, dPal), et enfin Thos-pa-dga' (nom de Gesar au pays des dieux; tous ceux-ci à turban blanc, Peint. I, frg. 13). Le turban blanc, s'il peut aussi caractériser les Bonpo (ut) (qui ont aussi le turban bleu et rouge), est spécifrquement un attribut royal : Srofi-bcan lg1--po le porte (avec une statuette d'Amitâbha; au centre d'une peinture de la vie de Gesar; cf. chap. rr, p. 99, Peinture de Leyde). Cette représàntation royale remonte, au Tibet du moins, à I'iconographie bouddhique de certains bouddhas, bodhisattvas ou divinités qui se distinguent par leur caractère royal et, souvent, juvénile. En décrivant le chapeau du triple Gesar-jongleur dont le turban n'est qu'un doublet, le rns. Ho4 Kalirnpong (42 b) dft. t té fait " gu'au chapeau egt attaché un miroir, fait qu'il ressemble à un roi (coiffé du)

Fig. 13. Turbans. Peintures de Tatsienlou : a. Les ( Trois Rois de la Religion r (Peint. I); 6. Le premier ancêtre Ye-smon (Peint. I); c. Ancêres des tribus primitives (Peint. I); d. Le dieu tutéIaire rMa-èhen sPom-ra (Peint. VI); e. Le dieu suprême bDe-méhog dkar-po (Peint, VI). (D'ssins de I'auteur d'après les photos.) trois (quatre?) ou cinq mèches ou pointes. Les faits indiens ont été exposés et il suffit d'y renvoyer en notant brièvement quelques d{6fls (rsz) comparables à Gesar et au barde. Le Bouddha, est style kouchan, coiffé d'un turban avec disque de métal, appelé rnanpi, < joyau r, dans les textes. distinctive divine.

Le turban est la rrarque de la dignité royale ou

au chapeau de Gesar. Le miroir jongleur le fait ressembler au turban royal. Le nor-bu (mapi) est mentionné à part, soit en plus du miroir, soit (sur le chapeau à franges rougee) seul au sommet.

394 Hésitation entre cheyeux enroulés comme un coquillage (hapardin) et turban. Alternance du thème des longs cheveux (roi et ascète) et de la coupe des cheveux (une mèche, ou mèche avec turban pour la tonsure du Bouddha; trois ou cinq mèches pour la tonsure des enfants).

Cf. chap. vr, n. 88 : Gesar est < Grand Lion > et n Joyau vainqueur d'ennemis n. Thème de Ia chevelure, du lion à boucles enroulées et du joyau enroulé comme un coquillage. Une épithète du lion esL gcug-phud lùa-pa (pafr,caîikha, à cinq mèches; Das, Dict.\. Relations de Pafica6ikha avec un Cina du Nord et Vai6rava4a.

Dans les jdtaln, Vissakamma fait luimême le turban de consécration royale pour Kuvêra et Ie prince Sidhatta (Coomaraswamy).

Rapports entre Gesar-VaiéravapaKuvëra. Le nom de Gesar, enfant des dieux, est Don-grub (Siddharta) {I3a). Le même nomXest donné au singe blanc, doublet' de Gesar-jongleu-r, dont le chapeau, assimilé à un turban, est fait par Viévakarman.

Les jeunes princes (kumd,ra) ou les dieux caracTérisés par trois ou cinq u crêtes r dont PaflcaSikha, Maflju6ri (avec lion), Avalokiteévara, Vaiéravar.ra (Mallmann).

REcIrERcrrEs sun r,'ÉpopÉe ET LE BÀRDE Au rrBET

STEIN

is represented as possessedof a uhite complexion (comme Joru-Gesar et Dongrub, comme Maitreya aussi) and dressed like the saint Padmasambhava (dont le chapeau à plume ressemble à celui du barde !) of the Nin-ma Buddhists utearing the crown of I/ai{raoarla > (c'est moi qui souligne; A brief sketch of the Bon religion of Tibet, ]n I. Budd,h. Text Soc. of Ind,ia, 1893, pl. I,

p.+ ). Maitreya, bouddha classéau Nord, qui naîtra à Ketumati décrit comme Uttarakuru (Nord), a été représenté au Tibet avec une couronne à trois pointes

IYVIV1

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et de bæucoup plus grossiers et scatologiques). Cf. chap. tx, n. 5, (2{) ScHADER, 1934, p. 38, n. 4 (tvc yo1. " *d'q, : âoXrr .'funérailles; comparé avec o8s. duy-, d,o7 ( couses ,). Courses autour de la tente du mort chez les T'ou-kiue (T'ong-tche,200, 63 ô) et les Kao-kft (Pei-che, 98, 10 ô). (25) Même texte dans Ie Dag-yig mkhas-pa'i 'byuù-gnas (9, 2 b), rêdigê en IT4I-I742 (awc version rnongole). {26) Ouvrage du 5e Dalailama, (Euures, vol. rao (catalogue Tohoku no 5670). (2?) Un groupe de sept athlètes cêlèbres (rcal-po-ëhe'i ni-brJun) est attdbué à l'époque du roi Gufi-srofi 'du-rje (vers 7A0), alias'Dus-sron man-po-rje. Les noms diffèrent selon les sources (rGyal-rabs d.e Lad,akh, Francke, 1926, p. 85; Chronique du 5' Dalailana, J0 b-39 a). (28) On peut utilement comparer les deu listes des exploits des ( sept athlètes > et des dis. ciples de Padmasambhava (cette dernière donnée par le dPag-bsam ljon-bzait, éd. Des, II, 387 : ry\., fol. 245 a). (2e) Le ryl. Cyantse (U, 14 a) explique le bien que Gesar fait aux us et au autres en tant que dieu : < après ayoil délivré des ocæsions de mauvaises inclinations pour la passion trom. peuse des femmes, il fait des héros de bome famille qui ont de I'esprit, des jeunes gens pareils au ( saut et à la pierre dr dgro-Iha >, des compagnons sûrs pou toute la vie ). (30) E. FARÂL, Les jongl.eurs en France au Moyen Age, Pais,1910, p. 39, 64, BI, 83. L'Eglise les favorisait ou les tolérait (p. 44). Au Tibet aussi, nous verrons l'église lamaique collaborer avec les bardes. (31) Le mot (arlequinD (Hrlekin : Ie traducteu a pu hésiter, Celui qui enseigneaux êtres comment on obtient les facultés dt bôge porte un arc : il est ôôge-prince au même titre que le précédent, le protecteur de la résidence (J, Panrar'æN,A description of Buriat shananism,in J. de la Soc.Finno-Ougr.,vol. LI, 1941-1942,p. I1). Il est remrq'able que le saint inspiré, poète et chanteur, 'Brug-pa kun-legs combine, dans son attitude, les deux aspectsdu chamane-guerrier: il porte la main droite à I'oreille (pour écouter les voix), mais la main gauche tient I'arc et la flèche (il a aussi un chien de chasseet un bouclier, Biographie, image : Ka, I â; prière : Ka,2 b). (33)Byan-ëhub 'byuù-gnas, disciple d'Atiéa, sur Ie siège de Rva-sgrei, en 1605, est dit tantôt rnol:byor (yogi), tantôt a-mes (dPag-bsam ljon-bzah., Des, II, 187, 200 et Re'u-mig; Deb-ther shon-po, ëâ, 10 à : Blue Annals,I, 264). Le maître gYun-ston (Khro-rgyal) chez qui Mi-la ras-paapprit Ia magie noire de la grèLe(nthu dah ser-snags)est qualifré de a-mye et dô siogsp! (ms. Gesar, Tazig Washington, 56 à). Les a.nye sonl dits des mthu-pa (sorciers; ms, Cru-gu, l, 206 ô), habillés comme les sorciers < chapeaux ndts > (lua-nag; op. cit., ll, gg b), mmis de l'accoutrement effrayant des sorciers noirs (a-d,nye sùags-nag; ibid,, Il, I75 a), Quant à A-mes (ou a-mi) Byaù-èhu-b'dre-'khol, lama de Glin (cf. chap. rn, p. 143), il fut ainsi appelé parce que, après u voyage à Uddiyana et la vision de sa divinité rutélaire (yi-d,am), il fut invité à Glirr où il soumit les démons des Quatre Orients : pour monture il chevauchaun rocher (Chronique d,u 5' Dalai, 70 b-71a). Un de ses fils fut (Rlans) dPal-gyi sen-ge qui est peut-être le prototype du saint-espiègleBalinsang des Mongols (cf. n. 11). Byams-pa-dpal,de

RECHERCHES

SÛR L,ÉPOPÉE

ET LÈ

BÀRDE

AU TIBET

4O5

la lignée des mGar, frls de A-mye dGe-ba-dpal, est qualifié de lha-rje (médecin, devin) et de nom qui serait, en dialecte de Khams, identique o-nye Byams-pa-dpal, à Heruka, Il obtiat ('éhï-med) et ( mouut r, maltre du Ciel, sns abandomer son corps, tenant u[e I'immortalité cloche jame à hennissement de cheval (Généalogie d,es souuerains d,e Dergué, 3 b et 4 a'). (ar) Au Sikhim d,pa'-bo serait I'équivalent de ëhos-rje ot ëhos-sltyoh (médium lamaique) du Tibet central. Pour les femmes on y emploie aussi l'expression rnkha':gro-nla (Qakini), (yogini, usorcière>). Les sorcières (mlcha'Jgro-na ou'ba'-mo\ équivalent à rnallbyor-na sont considérées comme servantes soumises au pouvoil du grand abbé de Sa-skya (cf, Von Mer*ex, IÀe song of the Eastern Snou-Mountain, in Minor Tibetan terts, no I, Bibl. Indis New Ser., no 1426, Calcutta, f9I9, p. 77-80). (si) Ce fut également Ie cas pou le rédacteu du xyl. Ling (Stow, 1956, p. I3). (3ô) En ceci il se conformait à I'habitude des saints ( inventeurs de trésors > dont certains avaient recomu les lieux que cite l'épopée (op. cit., p.8). i3?) Pour me description et des photos de pèlerins allant au rDo-dkar (ou : skas) la (alias Kha-ba dkar-po), voir Becor, Pèlerinage au Dokerla, Paris, Lerou, 1909, p. 8, I0, 12. Pour les inrligènes, était m sint ermite (p.9, 18), Lâ vénération de cette montagne sacrée €t le lien possible avec Gliir sont anciens. Le 7" Karmapa, ehos-grags rgya-mcho (14541506) en fit l'éloge (gnas-bstod) en 1477 , après avoir rendu visite, en 1474, au roi de Gbtr (Chronique de dPa'o gCugJag, Pa, I13 ô). Un opuscule de 6 folios (ms.) consacré aux bénéfices qu'on retire en faisnt Ia circumambulation de la montagne (Kha-ba dlnr-po'i bskonro gyi (sic) pha(n)-yon) est dû au lama < inventeur de trésors ù (gter-ston) bDud-'dul rdo-rje, sans doute celui qui était contemporain de Mi-'gyur rdo-rje (donc vers 1650). Sa Biogrophie (8 a) parle d'ermites (rtogs-Idan) de l'école rJogs-éhen venus de Kha-ba dkar-po. Fait significâtif, il est aussi I'auteur d'm ( livre-trésor r de la montagne sacrée Amnye Machen (rMa-ëhen gter-g{uti, d,Kor-ëhag àr Rin-éhen gter-mjod,, 69 a). sPon-ra'i ( 3E) Sur c egm s s ,c f.Laur an, l 9 l l , p . 6 -8 , e t s u l e s i n v e n t e u s , Tu c c r, 1 9 4 9 , TP S , p , 2 5 8 -2 5 9 . (3e) Les textes révélés en espdt s'appellenl d,goits-gter < trésor de l'esprit > et relèvent du < grenier-trésor drvide> (nam,mkha'-mjod,).Le tcyl. Ling est basé su ue telle révélation (Strtx, 1956, p. lf) qui relève de Ia lignée de transmission orale (sfran-brgyud). Cf. chap. rx. (a0) Notons que Gesar porte toujous l'épithète Sen.ëhen, n grand lion ) et que la voix de lion désigne Ie prêche, alors que n lion des marais, ('dam-seri) au cri retentissânt est l'épithète du crapaud (Dts, Di.ctionary, 679 b). (41) Quelques exemples de divination avec flèche et miroir se trouvent dans le ryl. Ling

(1, 4s bi ll, 12 bi III, 89 ô-90ô). (42)Les informateus écrivent généralement sltu tten-pa (Minoru Gô, An eastern tibetan d.ictionory, Okayama,1954, no 1656, p. I19), mais Ie d.ictionnaire de A,hos-gragsn'entend par là que le premier des trois supports (corps, parole et esprit), c'est-à-direune statue d'n buddha (G6, op. cit,,no I73I, p.I24 idem; de même nos dictionnaires). Par contre on trouve souvent I'expression skur-bstan-pa à propos d'une divinité qui ( se montre sous I'aspect de... o (ex. : Biographie de Sa-skyapaqtQita,T4b : drag-po'i sltur bstan-pas; Prières d,eMi-pham, Na, 7 ô, Gesar : Bod.-lryi rgyal-po'i skur bstan-pa; Catalogue Toholcu no 6215). (as)Honorifique : slru-phebsgnan-ba < daigner arriver en persome ) (Nnnrsrt, 1956, p. 428), mais peut-être faudrait-il ,êcnre sku-phabo< daigner faire descendresa persome); le directeur < c el ui qui fai tdes c endrel adi v i ni té,(op.c i t., duri tes'appel l e,eneffet,sku -' bebs by ed-mk han p, 4IO).phab est ie passéde 'àeôs(causatifde'bab-pa), mais se prononce commepàeôs n arriver ,. ({a) De même q\e nion-rtogs (abhisatnaya\ est défini par < a hymn-like description (of a deity) ,, 1s *ngond,o de Champa.sangtaserait, selon lui, aussi utilisé pour les bskah-gso, les rituels destinés à réconforter et à apaiser les divinités protectrices, qui consistent en louanges (hymnes, bslod), confession des péchés (bçags) et réconforts (bskah). Un tel rituel adresséà Gesar a été rédigé par Mipham (Prières, l, 4 b-9 b),Il commence par ue ( évocation devant soit (md,un-bshyed)qui n'est autre qu'me descrip-tioniconographique détaillée de Gesar et comporte bien bstod, bçags a bskan (cf. n, 57). Etymologiquement, mùon-rtogs aussi bien que *ngondo, se rattachent a\ mot ho-tog or ito-thog < en réalité, effectivement (présent) r. (r0) Il en existe des textæ (cf. chap. rr, ryl. no 3,no 6, nos 8, 9, mss no 41, 43).

406

R..A. STEIN

({6) Ceux vus en rêve ou-en méditalion (dgohs-gtei) sont souvent censésêtre écrits en écrigeg : l"I"^1 9" Qd,kinit ou d'U{{iyana. (mkha'-'gro,i brd,a_yig, d,pag_bsatnt:""-ii"i,-iî, {ol. a; yi-ge, gNam-ëhos, vor. ba, ss a et 64 b). E; chine u'r..ii" t"oi-.À" _246 .u-rgyan *r"i_ dérait certains textes révéléscomme préexistantset écrits en lettres d'"; J;l;d"i;i."lvlr"u^o, "" Le Taoîsrne, Paris, 1950, p. 101). t1t'_s"or doute le bya+go! thah-dlear, aigle â poitrine blanche oùrl,on prend le duvet. on traduit souvenr faussement bya+god p"t no"oto*, (cf. ci-après s2; s;;;;;r95T, p. zsr, n. 4 et 265). ". (re) Inédit, dans son otwage Le dialecte d.eI'Amd,o, (4'0)qf. I.r ar-cnr, 1948, p. r49. rGod-kyi ldem-phru-èan est dit avoir découvert re rGyal. -brhan lha-b_sahs(35 ô), texte consacréau culte des divinités locales et a", àgrà.tn-".- (50) le *" poi_ir" ,*oor,u"r, ,_ .Sur 91s{ue_,le phru^(ot 'ph-ru) consiste généralement petit drapeau (d'ar-phru, ex..Prières de-Mi-pham,52 ô;. Mui" l" .u.qu" "o d"-rorr-fJÀ-"gu*-po est surmonté d'une queue de yak ou de chevar et de trois-prume. (-snûNwen"", rôô0, p. as; padmasambùa"u. frano' fig. 3s) exactemert comme les chapea'x de s; L: p"iot*". ld. a" Tatsie_nlou,Gesar en guenier et d'autres guerriers de Gliù portent rm chapeau sr.rimonté d,ul petit drapeau au centre et d'me pl.ume blanche de chaque côté du drapau. co*À" o-"*"rt du toit du palais (le sommet) le_phru est uo o", po* re châtàu J" Cur i"r. u, p.224) et pou celui du roi de Hor (auq rellgmmé, "rrrp. Gesar, forg""on, accroche ,rrr" ài"uu po* "ppt"oti toir, *yl. Gyantse, ga, 9 b, 10 ô, li a, 16 a). Comme partie do iihod.rt"n f:_"t": :*,1e \sIùpa), egatementen or, il .st nommé-après le parasol (SmrN, 1956, p. 369). (51)Ies dGe-Iugs-pasemblent considéier qu'il s'agit ia d,* fu,*i"dmasambhava. Le'rai ne serait resté que quelques moig.al Après son départ, un hérétique (du NJpal),posséda par (que nous savons lié à !il9t. I'oiseau se'u et va]ncu par Gesar oo p"arr,"#àru"*, -Pehar cf. chap. vr,.p. 289), se serait revêtu d,un vêtement de soie(zo.ber) et coifie d1m o"f.o, surmonté-d'me huppe (pÀrz) d,oiseau> (mgo ld.ir_àuata bya_phru bcug) et " "i*âo hérétique_à bsam-yas-se disant Gu-ru padma (diag-br"* "*"iî'oièàfr6 tLii-ù";r, ii, 5ôi : "r" 1-":t..ù" r"r. 248 a), o't encore il se serair < fiché des prumes d'aigres s* Iu*têt" , (*g"J;;;;i;'gioi"ugnpo sogs), accoutrement comu au{ibet. sous le nom- dJ o U-rgyan A_Uàr_i"" , (ëi"t_#.ÀX c"t_syi meJlh,26 ô : s. ch. Drs, contributions on the retigiiis nxnry riùii, *'jZ"ln, itasz, p. 9). "7 (62) statue dorée de PadlSsamblaya, gdl-. of pennry{vania,r The tMuseum rournar, ph'ladelphia, March 1914, vol. V, 1o y,'no 2, p. I7_7g , fri. f.t of l, fig. S. Cf . ibid,., " symbolisms, signifying a _varieryof attributes.., it is sumomted by the feather-itoil "'i"oot*u, (parce que le vautour vole très haut, mais ( vautour D est une mauvaise traduction de (bya) rgod,; tl s'agit de I'aigle; cf, n. 4?). (63).Le mêm9 omement (disque métailique dans prume de paon) se retrouve-sur re'casquedes qui dansent et chantenr en homeur des1o"êt.es et de la montagne sacréo Tl"::i:J:_G'yrd"o) du ùrkhm au cours du mème'ëham. on re trouve encore,6ansra plume de paon,ïais avec des ûammes, sur le chapeau rouge carré poflé par des mo-4i-pa (,rn exemple'vulu" i"or"* à Ghoom). \"lt (lla-'y'o,l'sotts'pa las) zoa-éhos rin-éhen pad-spuns, suivi du zaa-bzo, < rrésor r ,.'d'us-pai (texte révélé) découvert à Pu-ri phugmo-èhe par-Sans-rgyas-giin-pa 1n" **" .ii.r4; à n;"éhen.gter-mjod., vol. d.i, 5 et 3 jul. (d.Kar-thas, fol. ZI ;). (55) voir-Rocr, 1956, pr. LXIX o, i'hommu à"u"t a"tiar" le cheval porte un chapeaubranc pointu au bord large, (66) Xyl. sTag-gzig Nor-'gyed (nSoutce" r, no 4), L,b ,. rigs-gsum no-bo mtho:khrul pad,.

'byulldsra-bta'iihuT bston"ljaistii, *i-yi c"l-roi ir-Uà...'"'"'^-;;...'irir";-u; nousnoussommes référésdânsIa nore44. Onleàite 1ôss.ozr; ,,li],,C'::.1"_::Il-","y"d

d abord de manière à devenir soi-mê_merTa-mgrin padma-dbaù-phyug (forme de Hayagri"a) sinciput rD.o-rie Thod-phren_-rcar(padmasambhava).'cË.i u, sarrsqoei" te*te f^"r,t11,:1...:" bdag-.bskyed.suitalors le mdun-bslcyed.on imagine devanr soi ,o paruis divin oùr lî 19^i]il .-esar tr.ô,ne en tant que roi des dieu-guerierc(dgra-bra'i rgyar-po Ge-sar),Les attitudes des mains difèrenr selon les rites. La gauchà tient toujàurs ur" tous de,J ie i;;.-I"i. "tîè"Ë, ""r,

REcHERCTTESsun r.,ÉpopÉn ET LE BARDE Àu rIgET

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la protection de bome fofi ve (g-yaù-skyabs),la main droite tient le cintd.na4i (yid-bÉin norbu dbaft-gi ryal-po) devant le cæu. Mais pour le cas de soumission (d,baù-sd,udl,eûe tient le crochet (rdo-rje'i léags-kyu) et le lasso magique; pour I'oracle de la flèche (mda'-mol, erre est étendue et tient m lotus btrnsl pour Ie rite d'expulsion (bzlog-pa), elte brandit l,épÉe d,aéro_ lithe qui coupe la tète des démons. (68) Dans les prières de Mi-pham (I, 10 aL le fouet lèag-chan s'appelle yid-bàin nor.bu, nom que porte le manche du fouet dansle xyl. Ling (lll, 68 a). (lt) qrr, sfion-po nan-pa, gyon d,bannedlÈa_d.kar-po man-pa,'gro dbaft-med,,.! dargyilsl 'g.yiit-thod. dah stag-àu dan g-yag-Zu..d.anlrgod.-gyifslldetn-phod d.anlg-yu'i byauu gnàn1...'1 d,ar-d'korgyi'jol-ber daùlstag-gzig gëan-spyaù thul-pa g_naft.un passage du'ms. îHo-gitin., Tucci conÂrme le chapeau blanc des Bonpo. Le roi du Sud, Çin.khri, y dii (fot. 25) que Cesar s'occupe de la religlon blanche, qu'il adhère à la doctrine des Bon (ltre ban?) à chapâ,i ,ouges (zuo-d'ma) et qu'il protège celle des Bon à chapeau blanc (Boz lua-dlnr éa*'gyi bsrun-pa bskyon\, Les chapeaux rouges sont des dignitaires Karmpa. (c0) Chez les Nakhi aussi, les prêaes bonpo sont dépeints comme portant rm chapeau blanc conique à bord très large, sumonté d'une boule, et tenant dans la mail me flèche enrulannée (tibétain : n'da'-dar). HornrueNr.r,op. cit., p,209, compare le vêtement bleu des Bonpo avec les vêtoments bleus des chamanes noirs chez les Bouriates, mais il oublie de dire que les-chamanes blancs y portent un vêtement blanc (Er,Hon, op, cit.,p.145, I?1, 1I9). De même pour le chamane altaique (blanc) : si le kaftan n'est pas indispensable,il porte m chapeau en fouure d'agneau (p. 175). Les chamanesyakoutes emploienuoujous les crins d'r::r cheval blanc et]da." llanc leurs transes, ils dansent sro me peau de jument blanche (Snr.osznwsxt, Du chamane d,après ks croyancesd.esYalrcutes,in Co-ngrèsd'Hist.-d,esReligiozs,_Paris, 1902,p.I44,I45,f4g, 14g, Pour le sacrifice à Ia montagne, le chamane k'i-tan est vêtu d'u vêtement blanc et coifié d'rm turban blanc ou de cou-leurnaturelle lLeao-che, 49, r b), Le chamane k'iang porte ule jupe blanche et est associéau mouto._blanc (il porte rm chapeau de singe à ttoi"-corres; Srlrn, I95?, p. 8). Ôingis-qan remplaçe le cb.amane Kôkôôù, son ennerni, par Usl11 qui de;it être ôelci et conme tel avoir u vêtement et.un.cheval,blar.cs(H_istoircseiète d,esMàngols, $216). Le mot belei a été comparé aux mots signifiant chamane (Hrnoseto rwu, The uird pie-ch;i, mongol shamans,in Mem, of the Res.,Dept. of the Toyo Bunlco, no 14, Tokyo, P:t,"ya 1955). Sur une éventuelle influence manichéenne dans Ia préférence pour la couleur blanche un traité maniihéen retrouDé en chine, $g c-ingrg et Qubilai, cf. cuevexwBs et Pur.ror, Paris, 1913, p. 339, n. 2. (6r) Cru,rawnrs et Pnr.r.rot, op. cit,, p. 153 (uote) : lao-tseu se réincarnant comme Bouddha Blanc alias Mtu Mâni (ii y arrive par I'u{{iyâm, patrie de Padmasambhava) : Ies auteurs comparent avec les fresques de Tourfan; p.224, no|e : manichéensau Fou-k'ien portent vêtements et chapeaux blancs (p. 214 bonnet oiolet et robes zoires); p.29s t les manichéens se réfèrent à m Bouddha au vêtements blancs (p. 3L0 : vêtements blancs et bonnets zoirs). Ie_référence tu hapdya blanc se trouve dans Ie Mahdmdyasùtra (Taishô XII, l0r3 ci; c!. H1l9ur et Hnwr*rnc, The compend,ium of the doctrines and, styles of the teaching of Maii', the Bud.dha of Light, in As. Maj., n. s., III, 2, p.192. Pou le texte et so", ioternrétation (a mon sens abusive), voir Horruenx, Die Religionen Tibets, -uod"ho, Mùnchen, 1956, p. i7g. Biogrophie, 53 a.b; trad, Becor, p. 136-137; rrad. Evans-Wnmz, p. 158; SaNunnnc, ^.t62) Tibet, ond. the Tibetans, London, 1906, p. 252, n. I. ..t68).'Od-gsal rjog*pa ëhen-po'i khregs-ëhod.ln-ba'i glu-dbyons (xyl,, sigle.Ta,r'- Khregsëhod) fol^,3 6, image de droite. L'ouvrage est consacréà des chants,àtiolé,o." __,*l Uo chapeau 'obs-ia est, selon Bu-ston, m chapeau bonpo (126I, trad. OsenMrnrn, II, 2O3,erronée). Selon Das (Dictionary) le ' obsmthon-dkar (, à p-oitrineblanche ,) est un animal de I'espèce ous, de couleur de f'eu À face blanche (gd,on p'- nthoù2), pour ôhampararga il est du type renard. En tout cas sa couleur rouge est certaine. Mila râs-pa ùt : m.chal-dmar 'obs (mGur:bum, 246 a), rgod-lryi ldem.ru bcugs, exactement comme pour Ie chapeau de padmasambhava et de -\65) rGod-kyi ldem-phru-ën.. -Ru < corne > (comme d^ns byo-ru s corne d'oiseau, du chapæu bonpo) est donc peut-être simplement me variante de pâru (panache, huppe). eaant à phod

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RECEERCIIES SUR L'ÉPoPÉE ET LE BARDE AU TIBEÎ

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qui désigne le chapeau de l'acteu ma-ryi-pa(tout couvert de plumæ), ce r,est peut-être au'si qrr'ue variante de phon < faisceau ,, mot employé pou les plrr-".'d" puoo ir, .o--"t do chapeau de feutre de Gesar (sgro-phon, ci-desius, p. a+11. (66)_L'écolelKa'-brgyud est,à tel point caractériséepar le vêtement blanc qu'on I'appelle aussi (ou me de sesbranches) dKar-rgyud (nême pronoiciation) : couvrant les oreilles (malakai : mong- malaTai u chapeau >), soit me coulonne de fer avec des cornes (srenos)nwsrr, Dz chamanisme d'après les croyances d.es yakoutes, in Actes d,u I"' congràs d,Hist. des Rel,, Paris, 1902, p. 140). (e1)cf. le chamane mandchou : bonnet de peau gami de plumes, de deux cornes de fer et d'une longue pièce de soie bariolée (Ch. ne Hanlrz , La relifion nationale d,esTartares orientaar, Bruelles, !887, l. 26). II porte des clochettes ou greiots à la ceinture, sept autres attachées au milieu d'un bâton et deu autres, me grande ei me petite qu'il tientàans la main. Il a, en plus, m tambourin, nef.èche pour attirer les esprits, mmie d'une corde (mais le des. sin montre plusieurs fils) à l'extrémité, et Ie couteau magique garni de chaînettes d'"oo**. Ia coiffue de la femme chamane mandchoue observee à-peÈing par B.rnhild Konnnn "i 1a", Ahnenkult der Mandschu in Peiping, in Baessler-Archiu., N.F., Èa. Iu, p. Ig4-l85j portart me couronne de fa conique mmie, devant et aux côtés, de trois < arbres de vie, r6ssgm61ar, à des bois de cerf, et portant au sommet la figure d''n granàphénix à queue quintupt". e cune des cinq plumes de la queue pendait un large riban bioclé. SurL poitrine, à1I" portuit "m. gran{ miroir ei des pièces d,enonnaie. Les trois < arbres r de fer de la co-rronn" ressemblent, fe à ceu de la célèbre couome d'ule tombe coréenne des rve-vresiècleset d'r:ne plaque de métal dy yl o-" vre siècle (Hnxrzr, schananenkronen aus d,er Han-zeit in Koreo,'in'ortàs. zeitschrift,99,5, Berlin, 1933; S*uoNv, Antlers and tongue, in Art. Asiae, tSSi, dg.-201. L. chamane mandchou de Numinchen portait m collier orné d.ecauries g.oopé. poo, fir-er de. Lrrvrcnnn, The shaman dressof the Dagurs..., in Geoigrajsha-A""ài"r, tsrs, fl9u2_@. J. pl. III et p. 369-370). (ez) J. PÂRTÂNE*,A d.escription of Buriat shamanism, n J. de ra soc. Finno-ougr., Lr, Hgl-r+\u 1941, p. 18-20; résumé par Er.raoo, op. cit., p. I4J et 24g, teB)ScHRoDER, 1952-1953,p. 79, 20, 26, 27, JL, 32 it 2J7. (ea) Le chamane des Tatares eernevi a deux bâtons, ul ordinaire et un autre représentant le cheval(Porenrrv, fBæ, IV, p.54). L'arc et la flèche sont identiques au tambour (, arâ chantant ,), le tambou étant < l'arc > et le battant < la flèche >; les n cornes r et les anndux accrochés au tambour sont des armes offensives et défensives du chamane (E. Eusurrrr,rnn, zur ld,eologie der lappischen zaubertrommel, in Ethnos, IX, p. r42-r43). s"'r"pp"r"rl" poai" i""pru portant la main à l'oreille et muni d'arc et flèche (supra, p. BSI).' ""i, (e5)Let amb o u r d u c h a m a n e e s tr e n n u ,é r a n ,ch e va ie tb u r q r e iÉr ,r e lo,p. 161,2r2).N otons que le bateau, au Tibet et ailleus en Extrême-orient, est sculpté 1"""-ple au Tibet : Tu.ccr, A Lhasa e ohre, Rome, 1950, photo entre p. 64-65).- ".r "h"u"l (eo) Cheval æmouflé en cerf^(à Ka111da à pairyk) , krr""ru, Dreunayaistoriyayuànoi 91 siàiri, Moscou-Leningrad, 1949, p. 186, I99, pt. lixrr, p.206:-207. eJ."""""gÉ1 lig"." humaine, oreilles de cheval (?), cornesd'éran, quàue et ailes de griffon, uu 5" kou[ai d" paryryk : Runouro, Kul'tura naseleniya gorno.go Altaya u skifskoe ori*y", lttoriii-L"oirrgr"à, tf53, p. 40I, pl. GXIV. sur^les variantes_cheval(âne), bouc et cerf en mpport avec les scyt]req,_v-oirles hvpothèses de Pnzvr,usrr, Nou,seaui aipects d.e I'histoire a", sryinii, i, ft"rr. de I'Unia. d,eBrurelles, no 3.4,1932, p.9-13.

RECHERCHES

SUR L'EPOPEE

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(s?) Yuan-che,7L, 4 a : Ie hou-lc'in est fait comme le qobuz, cou courbé, tête de dragon, deu cordes, joué avec m arc dont la corde est faite de la queue du cheval (mais le goôuz est décrit avec quatre cordes; sur ce mot, cf. H. Fn.rrvrr, Beitrà,ge zur Kuhurgeschichte Chinas unter der Mongolenherrschaft, Wiesbaden, 1956, p. 66, n. 5 | t:ulc qû,bûz). En mongol ord.os,hou-lt'in désigne un violon à quatre cordes, de même que xû,r (mong. class.quur, qu1 ur, mais Tche-yuan yi-yu : qubur, à trois cordes). Kowalewski (dictiomaire) traduit quar par n balalaika, luth, guitare > et Ramstedt par < violon r (et compare kirghise : qobuz). Étant donné l'alternance régulière r-z(s) en mongol et en tuc, qubur mongol et qûbùz turc sont sans doute identiques. Il est cuierx qu'en mongol, souuz (Hnrssrc, A Mongolian sollrce..., in Anthropcs, 1953, p. 494, n. 90). En yakoute âonzs signifre < the jew's harp , (Czlrr-rcrce, op. cit., p. 356). (e8) Tête de cheval, Tchong-kouoyin-yue che ts'an-k'ao t'ou-p'ien (Changhai, 1954), 2e fasc. pl. 19 (Ma-t'eou k'in ,\ EF $, oir la tête de cheval surmonte une tête humaine monstrueuseI sans doute Hayagriva). En Mongolie : E. Wnlr,rsz ,êd., Ancient and, Oriental Music,London, 1957, pt. VI o, et Hesr,urn.Cnnrstrwsut, On the trail of ancient mongol tunes (Sino-Suedish expedition,Reports,VIII, 4, Stockholm, 1943,pl. II, 2, III, VII et fig. I, p. 35; légende : p. 3537; description, p. 85 : les clous de bois pou attacher les cordes sont appelés n oreilles,,; p. 86 : arc dont la corde doit être faite de la queue d'm cheval épuisé; comparaison, p. 85, du bâton de bois orné d'me tête de cheval avec les bâtons de chamanes).Au Tibet (Sud-Ouest) : photo dans Ceographical Journal, LX, Juty L922, lace à p. 9; photo prise par moi-même à Darjeeling (objet d'm antiquaire). Tète de malcara : idem. Dêjà dans les mss tib. de Touenhouang il est question de ubeau (instruments de) musique omés du cheval, (rol-bzah rtargyan éan; Lmou, Rituel bonpo, in JÀ,1952, p.352). Lion : attesté dans une chansonordos (arsalait, rùr,' dictionnaire ordos de Mosr:enn'1, p, 370 a). Le passageau dragon ot makara s'explique par la notion de l'origile aquatique du cheval, courante en Chine et dans I'Inde (DuuÉzrr,, Le Problème des Centaures,Paris, 1929, p. 116, à propos desgandharua,'Coouenesrv.r,t'rv, Y al csas,II,p.31;pourl aC hi ne:Y uan-tc h' aopi -c he,3,64aets aepe,parex .S r:nrn, 1951, p. 245-246,à propos de Vaiérava4a et son lion et Koutcha). (ee) Hrsr,unr-CHRrsrENsEN, op. cit., p,35-37. Aralyse partielle par Paul Srnnvus, lfotes marginales sur Iefolklore d,esMongols Ord.os,inHan-hiue,Ill,I-2,1948, p. 136-140.L'auteur en parle à propos de la légende d'un voleur qui fabrique u violon avec m crâne desséché dont i'effet magique est de charmer les animau. Ce voleur est m rusé espiègle.Le thème des huit chevaux a été rapproché par P. Poucne (Zum Stanrnbaum d,esTschingis-Chan, it Asiatica, Leipzig, 1954, p. (uqayatu nayim.an Kiraya aqta; Scrurnr, p.174, réêd., p. 169; xyl. k. 5, fol. 11 a). Ils sont au lford. \too) Versionsmongoles ; Jûlc, 1868, p. 182-187;Vr.aorurncov, 1923, p.99-101; Porenrw, 1893, II, 2II, 293-295,383 et 1883, ly, 293-298 (en rapport avec la création d'un lac et non pas d'un instrument de musiquel Ia mère du roi a eu des rapports avec un âne; identi.fréavec

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le roi si-hia SidutTu tué par Ôingis-qan ou par le roi Mandchou; Potanin compare avec Glafidar-ma); Poyen, Khalhka-mongolische Gramm.atik, Wiesbaden, 1951, p. IM.IOS (dans le conte des Sept Chauves-espièglesqui nous occuperont encore); Most.l,rnr, Folklore ordos, Peiping, 1947, p. 209-215 (roi Si.hia) ; P. Snnnws, op. cit., p. 179-180 (renvoie à un conre sarte d,Asie centrale, relatif à Alexandre : il avait sru la tête rne corne dans laquelle rêsidait toute sa puissance. ll la cache soigneusementsous u casque élevé. Le coiffeu confie son secret au puits et l'écho répand 1a nouvelle. Dans me révolte un homme coupe la come). Dans son compte rendu de cet article, Enr:nseno (JÀOS, vol. 69, ll,1949, p. 113) renvoie aussi à la légende d'Alexandre; le conte sarte est plus proche des versions turques (cf. Enrnxlno et BoRATÂv, Typen tiirkischer Volksmtirchen, Wiesbaden, 1953, p. 295 : roi a deux cornes qu'il eche; le coiffeur; origine de la flûte; le roi est Zulkami, c'est-à-dire Dù'l-quarnain (,,à deux cornesD, Alemndre). Versions tibétaines (information orale de Champasangta): Langdarm a.une corne au milieu de la tête. Il tue les femmes qui lui lavent la tête, mais en épargre me. Elle confie le secret à un trou de mt. Il y poussem bam-boudont les gensfont me flûte. Quand on la joue, elle crie : (op. cit., p. 229). Nous avons déjà rencontré les êtres au oreilles d'âne de sNa, nam (variante de gNam) du Nord et < Oreilles d'Are r, roi des Yugurs, père de ôingis-qan (chap. vI, p. 287). Versions de I'Ouest (antiquité, Iran, etc.) : la version du Siddhi-ki|.r a dêjàété confrontée avec le conteancienpar Gunnnu.lns, Mythologiezoologique, Paris,lBZ4, p.404-405,qui examine aussi tout le folklore de l'âne (406-419).Le conte est en rapport avec les satwes et Silène. Midas eche sesoreillessous un bonnet rouge (p.409). Pour les ciassiques.voir Roscuen, AusfiihrIiches Lexikon der griechischenund, rômischenMythologie, Leipzig, 1894-1897,lr, 2, col.lgsfi2967. Su Silène et les satyres, ibid., col. r145-,M8(cheval, âne,1ouc; phallique) et JEÀNMATRE, Dionysos, Paris, 1951, p. 2?9 (Midas u satyre, satyre et silène confondus),-3i0-Bl1 (relations avec le théâtre, les mascarades,les possédls); DauÉ,zrt, op. cit. (masczradesde ûn d'année, rite du Nouvel An, intronisation du roi, le roi de carnaval), Pour des variantes européennes (oreilles de bouc or d,echeaal) : Roscuon, op. cit., col,2966; G. Hmr, tres contespojulaires, Paris, 1923, p. 45; W. Cnoorr, King Mid.as and. his assesears, it Follclor., XXn, f-efi, p. faa etsuiv. (p. 186: oreillesde chevalet cornes; 189-190: comes; 190 : on faituntanôour;p.l9l: Alenndre; p. 192 : version turcomane : oreilles d'âne; p. 193 : persane : roi Shapur d-it avoir corzes; Gilgit : roi au pied d'âne; p.194 : Mirzapur : Roi à deux coizes, on fait m timbour, etc.). Ajouter me version de Hunza (Gilgit) oir le roi a we corne d,'or; les sorciers, devins, fonti flûte (Lonrunn, 1935, p. 377 et suiv.). Alexand're à deu cornes est identifié au f)'ul-qamain des Musulmansl Nor-orrc, Beitriige zur Geschichte d,es Alexand,erroflxrns, p. 27,29 A, D, Axornsorv, Alexander,s Horns (Tr. P.rcc.Aner. Phil. lss., no 58, 1927, p.100-122; p. 120, chez Nizami, Al. a deur grandes oreilies). Al. atx oreilles d'âne, frls de la femme de Dâreb, roi des Perses(Darius?) di"bl. (Dan"ido MEsrErER, Essais orientaur, Paris, 1883, p. 233, 246-247), Ses corzes se retrouvent sul son

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chevol Bttkephalos, Uno monnaie lrouvée au Badakshan montre au revers, à Ia place de l,a âgure duroi, uIretête de cheval à comes de bæuf (ArornsoN, op. cit.,p. IL7). Ce symbole est propre aux satrapies orientales. Séleucos, général d'Alenndre, adopte pour symbole fevori le cheval. Il adopte les cornes pou sa propre effigie et pour celles de son cheval et de ses éléphants (cornes : puissance).Les oreillesapparaissentsous le casque (Alloucno-LnPecE, L'art monétaire des royounes bactriens, Paris, 1956, p. 39-40). Le casque royal parthe a aussi deux cornes de taureau au côtés (Àr-tnrrn, Alexandre et I'Asie, p. 283). Pour Ia corne coupée d'Alexandre (frls de La femme de Darius), comparer les oreilles coupées du faux roi dans la légende de l'avènement do Darius (DuuÉzrl, op. cît-, p.73, n.2). (101)Cf. PRzyLUsrt, lsses, Horses and, Gandharuas, in Ind,ian Culture,III, 4, p. 613-620, et Linguistique et mythologieconparée,n RHR,1937, p.233 et suiv.; Gurnnrans, op.cit.,p.394. (r02)HÀcKrN, Recherchesarchéologiques en Asie Centrale, in Reu. des Arts asiat., X, 2, pl. XVIII, b. llss) ljon-rta-mgo ( tête de cheval verte ,, nom du kirynara type (prière à rDo-rje legs-pa et sd,e-brgyad,gser-shyems,2 à). Il est signiÊcatif qteles lcirynara sont identfiés aux Hor (Nord, chevanx!), cf. Des, Dictionary,960 b-96L o (femme mongole, femme à tête de cheval, gaz. dharaa têmint). (100)Se rappeler que la tradition tibétaine parle d'm Mahâsammata Tuuçka et Sog-po (chap. vr, p, 283) et qu'oreilles d'âne et tête de cheval sont rapportées au Hor et aux Yu-gur (n. 99 et 100). (r05)S .LÉ vI, N oteschi noi se s s url ' Inde,I,tB E FE O,1902,p. 1-8;l V ,i btd.,1905,p.25-27; Tô,rand,thas Ceschichte d,es Buddhismus légende p. 49; Vesrl'rv, note dans Scurrnrn, in Ind.ien, p. 30-32). (106)DowsoN, A classical d,ictionary of Hind,u nythology, To éd., London, 1950, p. 174. M. Mrvnnornn, résumé sur Kuberaf dans Anthropos, vol. 47, 1952, p. 672 ; Tuccr, 1949, TPS, p. 571-573; J. Mlsson, La religion populaire d.ans le canon boud.d,hiquepâ,li,Lowain,L942, p. 40. Un Vai6rava4aà trois jambes, trois têtes et dix bras est attesté au Tibet (Pom, catalogue d'exposition Coden en Demonen aan Tibet, Leiden, 1949, no 107), lto-dkar < ventre blanc r est l'épithète de Vai6rava4a-Kuvêra(De,s,Dict.);c'est awsi ue câractéristique de l'âne, du mulet et du kyang. (tor) En tib., byo.mo-rto < mi-oiseâu mi-cheval > désigne couamment m messager rapide (SrnrN, 195Ç p. 369). Mus le Dag-yig mkhas-po'i byuit-gnas, vocâbulaire des mots anciens (fol,4 à), indique deu sens : ( orêille ) (rno) et < messagerr (baù-ëhen). (r08)Joru reçoit de Khro-thun, entre autres, m bâton blanc rapide qui lui sert de cheval ot u tapfu baiolé (gd,on-so khra-mo gru-bài, ms. Bacot, 44 b, 45 b), Darc Ie Siddhi-&rjr' le futu père des quatre rois du monde (cf, chap. p. 266) reçoit du roi des ndga me chienne rouge, 'tr, un bâton blanc et m tapis bariolé (Jû1c,1868, p.192, traduction erronée; Vr,eorutncov, 1923, p. l14). (roe)Légende bouriate : ue femme attend la venue de son u esprit-ancêtre de cbamanes , (Schamanen.Geister-Àhlen) pou I'épouser. Le signe de cet événement devait être Ia r:aissance, dans son troupeau, d'un poulain à huit pattes. Le mari (terrestre) le voit et lui coupe quatre pattes qu'il croit inutiles. la femme, en I'apprenant, se lamsnte : n c'était mon petit cheval : Ie chevauchant,je devais devenir femme-chamane!r. Mais elle attire I'esprit en elle et, assiseen tailleur (comme un lama en méditation), elle s'éIèvepar la force de son esprit-ancêtreet g'en va sns cheval à travers le monde. Les habitants la voient cheoauchant dans I'air. Elle devient la déesseHôhme à laquelle on consacrew bouc qr:i ne doit pas être tondu et dont les comes sont ornéesde rubans bLancs.Après trois ans on le tue, suspendu peau à ulr bouleau, et on le remplace par nn nouveau bouc. Après trois ans on sacrite un cheaal d.evantce bouleau et y suspend la peau avec Ia tête (le bouleau portera donc dew cornes de bouc et orcilles de cheval! ) : G. SlNoscuurw Weharxchauung und, Schamanismus der Alaren-Burjaten, in Anthropos, XXII, 1928, p. 608). (110)Lo trône du Bouddha est pofté par huit lions (Des, Dict.), Mais les grands rois règnent sur le trône du Lion à huit pattes d'une montagne (Chronique du 5' Dalai, 42 a, 52 a). (ul) Chaque colcrooartin a un éléphant et m cheval sur lesquels il peut chevaucher dans l'air

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(Lalita Vistara, III, trad. du sanscrit par Fouceux, Paris,1884, p. 17-18;trad. du tibétain par Fouceux, Paris, 1848, p. f6-17). I1 est remarquable que le groupe tibétain des < cinq rois ,i (rgyal-po sku-Itra)combile les différentesmontues : Pehar y apparait deux fois sur u lion blanc, Klu-dbafr (: brGya-byin, Indra) su m éléphant (ot wr makara) blanc, dGra-lha (dieu guerrier) sur un kyang et m cinquième sur un cheval (Blnrcusreirnn, Srog-bd'ag,d'er Herr des Lebens, n Arch.f. Irôlkertc.,Y,1950, p. 105-106).Mi-la ras-pa chevauche wcheualblancquiest m lioz sans bride (rta dkar-po sefi-ge srab-med)ou est comparé à u lionceau (Biographie, 15 b,92 b; trad. Becor, p.57,225). L'épithète ( qui somet tout > (tib. rnan-par-8non, ch.ut' tchen-fou lbft fft .kr. aitkambhapa, Mahd'xy.2551) désigne : 10 le lion, 20 Ie cheval et 30 le héros (Drs, Dict.). Le cheval de Gesar est I'incarnation de Hayagriva qui a me tête de cheval au-dessus de la sieme (comme le violon et le bâton), mais dont les cheveu sont ceux d,tli'on(Bukkyô daijiten, 206\. Le hennissement du cheval de Gesar est m rire octuple qti ouvre la porte des trésors (:yl. Ling, lIl. I00 a). (rtz) Dictionnaire tibétain-sanscrit de Tse-ring Ouang-rgyal,éd, Becor, Paris, 1930' 1ol.I77 b. Pnztr,usr. Dans une nouvelle glose, il nous dit heureusement ce qu'il faut entendre par là. En cela il est, comme d'habitude, plus précis que toutes les autres chroniques qui ne mentionnent que le nom de cette littérature. Quels sont donc, d'après lui, les sgrzd qui furent difiusés à cette époque? ( Le conte (sgruù) du < Vetâla et de l'achèvement de I'or >t(Ro-laris g.sersgrub kyi sgruù); le conte de Ma-safrs (okyi sgrufi);le conte du moineau (mChil-pa'i sgrun), etc. : récits (faits pour être) entendus (fran-bçad, c'est-àdire oraux). Comme signe avant-coureur (ltos) de l'apparitiondel'Abhid.harrna piyalca, on pratiqua le ld,e'u (ld,e'u spyod); ce furent des questions telles que (par exemple) : ( Le gérant des seuils dans le village a de grands joints des os (?), qu'est-ce que c'est? Le vase dont le sommet a une tête, en augmentant devient gras(?), qu'est-ce que c'est?r. On dit que les manières de (ces) trois (genres), bon, sgruù, eI ld,e'u sont peintes sur les poutres (du temple) de lHa-sa.n Après cette note intercalée qui nous occupera plus loin, dPa'o gCug-lag phrefr-ba reprend son exposé comme suit : < Par ces (trois genres) les Tibétains eurent l'esprit un peu ouvert. r Puis il reprend sa généalogie. Après les deux rois (qui sont les steds d'en haut) viennent les six legs (I-ço legs, etc.) de la terre. Après ceux-ci, il y a eu les huit rcis ld,e (Za-nam zin-lde, etc.). Ils furent suivis des cinq rois bca,n (To.re loûbcan, etc,), < A l'époque du quatrième, Thog-rje thog-bca,n, apparut la flûte, musique (ou instrument de musique) des dieux (lha-yi rol-mo glin-bu ëag-par byuri,). Pendant les vingt-sept générations jusqu'à ce (roi), le règne fut exercé (litt. protégé) par les sgrur'r,,les ld,e'u etles bon >. C'est après ce roi, avec Tho-tho ri-gflan-bcan, quoon arrive au début de la sainte religion (le bouddhisme). Dans un autre chapitre, l'auteur confrrme qu'il considére les genres décrits comme préparant la voie au bouddhisme : < d'une façon générale, au début, l'esprit fut ouvert, au Tibet, par les sgruri,les ld,eou etles bon. Avec l,expansion de l'écriture et des calculs, lorsque l'esprit devint vif flitt. aiguisé), la religion elle-même arriva > (chap. ca, 42 a). Les renseignements de dPa'o gCug-lag phreir-ba sont d'un grand intérêt. -_ Mais comme il y revient encore, et pour mieux voir I'ensemble di la question, nous ne les discuterons qu'après l'exposé de tous les documents. Le rGyaLrabs (fol. 26 o) parle aussi de la diffusion des Bon à l'époque du roi

REcrrERcIrEs sun r-'ÉpopÉB.ET LE BARDE AU TrBET

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Bya-khri, alias sPu-de gufr-rgyal. Après avoir exposé les spécialités du Bon importé dt Zairïui, il conclut par une phrase énigmatique : ( tous (les Bon' po) jouent du tambourin, sgruù (content?) le règne et font-le he'u'bsgyur>. Telle serait du moins la traduction la plus proche du texte, les trois éléments de la phrase étant placés sur le même rang (par ste : thams-ëad rria-çan gi sgra 'khrol-ba stelëhab-srid, sgrun-ste he'u bsgyur-ro). Hoffmann a compris : n Chez tous on fait de la musique de tambour et de tambourin, et les Sgrun et Lde'u ont la direction n (des affaires, sans doute). Tucci, en parlant des sgrzrl (fPE p. 716) et se référant à ce passage, croit que < their office was political rather than religious > (à cause de ëhab-srid ( règne r). Ils ont évidemment songé à l'énumération '. bon, lde'u, sgruri, rnais le texte a îeltemerrT lte'u. Il ne peut pas s'agir d'une erreur de lecture' En effet, I'expression lte-bsgyur est atiestée comme terme technique par le VaiQùrya d'kar'po (II, 62 a) et par le Deb-ther snon-po. Dans le second cas, Roerich traduit par ( to ensure a male progeny > (ta, 3 a : yul-du sru-trLo la medichol dan he'sgyur byin; Blue Annals,II,729)(e). Le musée de Leyde possède un ouvrage de22folios appelé 'khor-lo lte-sgyur brgya-d'afi-bài, < les 104 he-sgyur de la roue >- Une des frcelles magiques de protection (sruh-slaud') des rNifr-ma'pa est dite y-yufl' drufr. lte-bsgyzr (Nebesky-Wojkowitz, 1956, p. 503). Le verbe bsgyur s'applique à une roue qu'on fait tourner et à une direction qu'on change (par exemple en conduisant un cheval). D'où le sens de ( régner' di.iger >. < Tourner la roue r désigne le ca,kraoartin. Or he-ba est l'axe ou le moyeu d'une roue. L'expression lte-bsgyur semble donc être l'équivalent tibétain (bonpo) de'khor-Io bsgyur-ba ( tourner la roue >. Le rite consiste essentiellement en un déplacement successif à des endroits différents- Le soastiha (g-yuri-drurl) indique aussi un tournoiement (et c'est le symbole des Bonpo), alors que le titre de l'ouvrage cité indique nettement qu'il s'agit d'une roue. Ainsi le rGyal-rabs fait bien allusion à un règne (ëhab'srid), mais la fonction avait un carattère religieux, L'ouvrage semble-avoir condensé en une phrase l'existence simultanée des bon, des sgrufr, er des ld'e'u et la fonction religieuse d'une certaine manière de régner. Nous essayerons de déterminer le sens de cette fonction. Mais nous devons tout de suite corriger la traduction de Hoff' mann. Tous les passages parallèles des autres chroniques le montrent : ce règne fut exercé par les ,rois spécialistes, Bonpo, sgruri et ld'e'u, eI non pas seulement par les deux derniers. La Chronique d,u 5" Dalailama (fol. 12 a-b; trad. Hoffmann, 1950, p. 316) raconte la même histoire et I'attribue aussi au règne de Bya'khri. A cette époque ( apparurent les sgruù,les lde'u et les grands gçez du Bon du Ciel >. Nous avons déjà vu que le Bon du Ciel est le tr Bon des dieux ,r du rGyal-po bka'-thaù. C'est celui dont le Deb-ther stion-po (ka, 20; : dPag-bsam fon'bzafi, II, 167) dit que < les Bonpo aiment le Ciel >. Pendant les vingt-sàpt règnes allant de Bya-khri à Khri-thog rie'bcan, dit

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R..À srgrN

REcHERcHESsun r-'ÉpopÉs ET LE BARDEAU TrBET

ensuite le 5e Dalai,

comme d'habitude, la chronique de d,pa,'o gcug-rag phren-ba est plus explicite (chap. ja, 44 a-b) :

Ailleurs (I,244a-b), il est encore question de Srofr'bcan sgam-po. Comme il désire convertir son royaume à la Sainte Religion (le bouddhisme), il invite des moines étrangers, fait faire l'écriture tibétaine sur la base de l'écriture indienne (2M b) et fait traduire des ouvrages bouddhiques de l'Inde ainsi que des écrits astrologiques et médicaux de Chine. Il prêche lui-même la doctrine bouddhique (iàos), alors que son ministre Thon-mi Sam'bho'1a, qui a maîtrisé la formule (rnantra) de bonne mémoire Qni-bried-pa'i gzuris), écrit tout ce que le Roi a dit sur des rouleaux de papier. n Pour rendre la religion des préceptes (d,gama, luû,-gi ëhos), facile à cdmprendre aussi au commun des hommes, (le roi) enseigna des contes (sgruft') tels que (celui de la déesse) gZuns [corr' gZugs]-kyi sfle-ma, etc. En'me de faire comprendre la religion des aphorismes (ou àe l'argumentation et de la logique, nyd'ya; rigs-pa'i ëhos)Q), ii enseigna ie lde'u. A"yant fait venir du p"y."Zàn-2"i, lL Bonpo-lHa'ldem de Zan--Lufi, il le mit à l,éàole du Bonpo (tibé1ain, sans doute) A-ba rnam-gsas et leur tt faire la divination des malades, les invocations des dieux, les actions bonpo et l'ex' pulsion des démons, S'étant ainsi enseignés I'un I'autre, le Bon aussi fut diffuse. Un bénéfice en résulta pour tous les hommes et toutes les femmes ainsi que pour les malades. )

< Pour faire comprendre la Religion des sciences (rig-pa'i ëho$ e) aux géné_ (le roi) frt peindre_sur les pans d"r *rirs (?), sur ies chapiteaux 1atio1;.futures, des prtrers et les petites poutres, les histoires d.essgruù,, d,es ld,e,u et d,esbon, cerf qui marche au ciàl, etc. La plupart dei livre-s bonpo furent cachés sous .du les piliers, (mais) pour consoler (àso:bù des chagrins h", il;;J-f.rr.,r., les f)erntures (ri-mo-rnams)_furent arrangées en (un recueil appelé?) phyi_mo be-bym (,, Var" du veau lpir * vach_J: petità histoirq d" t,.iârrt" ,1 rul et déposées dans le trésoi et (les archives de) ra caverrie (d,kor-Àiod, d,an rke-chari\ >.

Ainsi, s'il faut en croire les chroniques, Srofr-bcan sgam-po ne répugna pas à encourager les traditions indigènes tôut en introduisant le bouddhisme. C'est qo", por,ilni, ce fut là le meilleur moyen de faire passer la nouveauté dans làs mLors. On répète toujours qu'au contact du bouddhisme, le Bon se modela sur lui au point dè ressembler dè nos jours à une école lamaique. On a dit aussi, en se référànt surtout à l'action de Padmasambhava, que c'est en se mêlant aux traditions indigènes que le bouddhisme est devenu le lamaisme. Mais on s'est toujours trop éxclusivement souvenu du Bon, en négligeant les sgrn'rl' et les ld,etu. Et on n'a pas assez prêté attention à la manière dont déjà Srofr'bcan

< Au temple de 'Phrul-snafr (la < cathédrale > de Lhasa), (e roi) fit également peindre d'innombrables scènes tirées des traditions otalÈs de, ,grift d"" Bonpo r. "t Et dans son Guid,e d,e Lhasa (fol. 12 b : firme :

Griinwedel, p. 50), il con-

trsur.tous les chapiteaux des piliers et sur les panneaux extérieurs et inté. rierrrs des quatre côtés du temple sont clairement étulés les récits des sgruù et les < paroles de consolation dei hommes > (skye-bo gso-chig). )

R.-A. srErN

nEcuERcrrES sun r,'ÉpopÉB ET LE BARDE AU TrBET

sgam-po, exaôtement cornme plus tard Ati6a et ses élèves, a consciemment et volontairement utilisé les genres littéraires existants pour propager un bouddhisme populaire. Avant de discuter en détail les renseignements qu'on vient de lire, nous pouvons encore suivre un peu plus loin l'histoire des sgrufi. C'est encore la Chronique d,e d,Pa'o gcug-Ia,g phrefi,-ba qui nous donne une dernière information précieuse (tha,55 ô). Dans le chapitre consacré aux inventeurs de (gter-bton), voici ce que l'auteur nous dit de l'un des plus célèbres, Gu-ru ëhos (-kyi) dbaù (-phyug), né le 15 de la première lune de I2I2 et mort en 1273. Dès l'âge de quatre ans (1215), il apprend à lire et à écrire, la grammaire, la médecine, mais aussi :

thaù sde-lùa et de Mi-la ras-pa qui âttestent une littérature de dictons versifiés relatifs à Gesar et Hor dans le schéma des Quatre Fils du Ciel; à l'époque aussi qui vit éclore la puissance du pays de Glifr. Nous ignorons ce qui s'est passé. Mais nous pouvons noter avec intérêt qu'au milieu du xvtlte siècle, lorsque Sum-pa mkhan-po s'élève contre les u deux ou trois volumes r du Gesar, il semble renouer avec 1e procédé attribué à Sroi-bcan sgam-po lorsqu'il qualiÊe l'épopée de (oed,a) principales comprennent la poésie (sfi,an-fiag o'uo-chig), et aussi I'art de gouverner (srid-srufi). Or on nous dit que les bon,les sgrufi erles ld,e'u étaient chargés du gouvernement.

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a Les cent quatre .(ôslra de danses et de chants, tels que La Généalogie d,esSept Rois(rgyal-rabs sde-bd,un),le Recueil d,eContes d,e Ia Grand,e Lignée d,es lDe (IDe-rgyud, ëhen-po'i sgrufl,)bum), etc., les soixante-quinze grands ouvrages des Bon, les traités (rgyud) grands et petits dt Manuel de Diaination d,u CieI (Na-mkha' pra-hhrid.),les dix ouvrages sur les rndos (ogiun) avec les cent grands md,os, les instructions des mantra ésotériques et exotériques tels que le Tra-ta-lm-la'i thig-rca, eIc. >t Nous avons précisément rencontré Gu-ru ëhos-dban comme révélateur d'un 'ëharn et de récits de rna-t.zi-pa,c'est-à-dire de conteurs ambulants (chap. vrr, p. 325 et n. 14). Ces révélateurs de manuscrits cachés nous sont déjà souyent apparus comme étroitement liés à la diffusion dtt Gesar. Dans le nombre on cherchait à distinguer les révélateurs authentiques et faux. L'un d'eux, au xvrle siècle, traité de charlatan, se disait Padmasambhava et Gesar et ceuvrait dans la région du Haut Fl. Jaune. D'un autre qui se distinguait par une plume d'aigle sur son chapeau (chap. vrr, p. 346), on prétendait qu'il avait été possédé par Pehar. Le 5e Dalailama qualifle la doctrine révélée (gter-ëhos) de la possession par Pehar, et d'autres encore, de < contes de mendiants > (spraft-sgruft,; Guid.e de Lhasa., Grûnwedel, p. 69-70). Mais Tucci a bien montré qu'il existait des textes, d'allure sans doute épique, sur les Aventures de Pehar, et il a suggéré des ressemblances possibles avec le Gesar àûavers le cycle de Vai6ravala (L949, TPS, p. 735). Pour nous, il n'y a évidemment pas lieu de choisir entre vrais ou faux ( textes sacrés D. Nous notons avec intérêt qu'un des plus grands et des plus influents des inventeurs avait appris (et sans doute retenu) des ou. vrages de danse et de chant, et des collections de contes liés à la génealogie royale des lDe. Chronologiquement aussi, la"-notice sur Gu-ru ëhos-dbafr est précieuse. Elle nous atteste que depuis les temps anciens auxquels la tradition attribue les collections de conteso celles-ci ont continué à être le sujet d'un véritable enseignement, Aucune rupture n'est à envisager entre le vtre et le xure siècle. Je n'ai trouvé aucun texte s'appliquant aux siècles suivants. Du moins sommesnous ainsi arrivés à l'époque où furent notés les fragments épiques da bKa'-

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*t*

I1 faut nous rendre à l'évidence et en prendre notre parti. La tradition historique atteste bien I'existence de sgruft à une époque ancienne, antérieure à l'introduction du bouddhisme. Mais dr sgrufi, par, excellence depuis le xvIIIe siècle, du Gesar, pas un mot. Parti pris? Peut-être, mais I'un des chroniqueurs du moins, dPa'o gCug-lag phrefi-ba, est connu pour son exactitude exceptionnelle. Il cite in extenso les textes d'anciennes inscriptions et de traditions généalogiques, et ces citations concordent presque mot pour mot avec les inscriptions effectivement relevées de nos jours sur les stèles et avec les manuscrits de Touen-houang. Certes un fait négatif ne prouve rien et il est dangereux d'utiliser un argument a silentio. Ce silence est pourtant bien fait pour nous mettre en garde. Les théories modernes qui ont voulu voir dans le Gesa,rune æuvre prébouddhique, de parenté bonpo, ne reposent sur rien. Plus juste déjà est l'idée de Hoffmann (1950, p. 208) que les sgruù anciens pouvaient avoir été des < bardes religieux transmettant les vieilles légendes du peuple n. Certes nous pouvons et devons regarder d'un æil critique la tradition historique du Tibet, mais dans I'ensemble sa validité a été maintes fois vérifiée. El1e le sera sans doute encore davantage quand il y aura une archéologie tibétaine. Nous verrons que certains faits qu'on vient de publier donnent raison à la tradition (infra, n. 3l\. Donc pas de Gesar à l'époque ancienne, du moins pour le moment. Rien de tel non plus, rappelons-le, dans 1esmanuscrits de Touen-houang. La prudence s'impose. Mais alors, voyons en quoi consistait la littérature des sgruû et d,esld,e'ut Nous pouvons laisser de côté celle des Bonpo qui ne nécessitepas, ici du moins, de commentaire. Mais ce que nous devons souligner avec force c'est qu'il est abusif, comme on le fait si souvent faute de lectures suffisantes, de considérer comme bonpo tout ce qui, au Tibet, paraît non bouddhigue. llr e

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Certes les Bonpo étaient là, et importants, mais à côté d'eux il y avait d'autres spécialistes non bouddhiques, les sgrufl erles ld,e'u. Nous ne discuterons pas leur date. L'hésitation des textes montre qu'il faut seulement songer à l'époque qui précède Khri-sroû lde-bcan.

L' adaptation boudd'hique des légendes. I. Les sgruù (désormais : < légendes >). Des légendes indigènes existaient du temps de Srofr-bcan sgam-po et bien avant, Rien d'étonnant à cela, En quoi consistaient-elles? On y voyait un genre qui pouvait préparer aux sû.tra b.420) ou aux d.gama (p. 423) du bouddhisme indien. Il leur était donc apparenté. Rien de plus naturel : cette littérature bouddhique est farcie de folklore Qdtaka, paraboles). En voulant utiliser les légendes indigènes pour préparer le peuple aux légendes bouddhiques, le roi ne flt que reprendre la politique même des bouddhistes de l'Inde. Ceux-ci avaient recueilli le folklore indien, qui n'avait rien de bouddhique, pour I'adapter aux besoins de propagande et de littérature édiûante. Quand les missionnaires indiens vinrent au Tibet, ils en firent autant. Nous en verrons à I'ingtant un exemple. Ces légendes indigènes, dPa'o gCug-lag phren-ba nous en donne trois titres significatifs ; Ro-sgruù,, Ma-sarïs et le Moineau. Je ne connais pas le dernier, mais les deux premiers nous sont déjà bien connus. Le Ro-sgrufi estla Vetd,lapafi,caoirp.Satika (cf. chap. vr, p. 246 et n. 20, 2I) et le conte de Ma-safis y est de nos jours incorporé. On y trouve aussi un conte identique à la légende ancestrale des Ngoloks localisée à I'endroit mêrne (d,ug-mcho, Amnye Machen(G))ori est localiséel'histoire deGesar (cf. chap.vr, p.26268), maisse termine par le schéma des Quatre Fils du Ciel (avec Gesar, roi des armées). Chose encore plus surprenante, certains motifs de ce conte se retrouvent dans le jd,talca, d'un roi Gesar (chap. vr, n. 63), incorporé dans une collection de contes des bKa'-gdams-pa (le Pha-6hos bu-éhos) dont l'inspirateur, Ati6a, avait précisément approuvé chaudement la propagation au Tibet du Vetd,lao. L'histoire des versions tibétaine (Ro-sgrufi) et mongole (Siddhi-kûr) da Tetalao reste à faire. Un bref aperçu doit suffire ici pour montrer comment se fit la difusion des < légendes r. Le jd,taln bka'-gdams-pa sur un roi Gesar se trouve dans la seconde partie de l'ouvrage, I e Bu-ëhos,aussi appelé lfor-buphreri-ba. C'est là aussi, au chap. xx (Kha, 397 ô; éd. dGa'-ldan Phun-chogs-glifr), qu'on trouve la remarque suivante(z). (sgruri) étaientelles indigènes ou bouddhiques? Le récit-cadre des versions indiennes met en scène un sorcier-brahmane oui veut sacrifier le roi. Les versions tibétaine et mongole ont changé ce cadrè et ont mis à la place le saint bouddhiste Nagârjuna. Ceci a pu avoir lieu déjà dans I'Inde; nous I'ignorons. Par contre, dès que noue lisons les recueils tibétains et mongols nous constatons la présence de nombreuses légendes qui n'existent pas dans les versions indiennes. Celle de Ma-safr notamment, et bien d'autres. Dans le récit-cadre, les versions tibétaines prêtent au prince des armes qu'on retrouve, avec leurs noms, dans le Gesar! llr e,

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R..A.

REcHERcITEs sun r,'ÉpopÉr ET LE BARDEÀu rrBET

STEIN

En voici un tableau : ms. Stein

Cesar (Lou,. Lad,. oersion)

1. La hache Zla-ba dkar-po (Lune blanche).

l. Ilache Zla-ba clkar-po $.

2. Le petit sac(phad'-bu) brGya-gçori khra-mo (q"i contient 100, bariolé).

2. Le sac (phad,) Khra-bo (bariolé) et le petit du sac, dKar-mo'i stoi'r-çofr(blanc, contient 1 000),

3. La corde brGya-khres khra-bo (charge de cent (?), bariolée).

3. La corde rGya-stag khra-bo (grand tigre bariolé), (p. 16, 55-56; sta€;.< thag < corde ,,).

f6).

(p. 16,s5-56).

(ms. Delhi) 4. L'épée Nar-ma'i rdo-spyod t: ëhodl (qui coupe la pierre, trempée).

4. L'êpée de dPalle et de Gesar, qui a passé par trois trenrpes (nar), s'appelle rDo-ëhod-ma (qui coupe Ia pierre), (p. 45,49, 205. 296-298\.

5. Lefilet (d,ra-ba)leags-kyimig-dgu 5. Version mongole de Schmidt, (à neuf mailles, en fer). p. 5 : las s o r à n e u f n c e u d s e n fer ,. 5 a. Le Iasso(àags-pa) lëags-kyi a-lon (anneau de fer). De plus, le septième conte du manuscrit de Delhi (vingt et un conf,es, différent dul Sidd,hi-kur) parle longuement d'un cheval exceptionnel, palladium d'un roi, qui sait parler et donne des conseils au héros. 11 s'appelle Me-lofr gi rta-khra (r cheval bariolé du miroir r). Or c'est là aussi, avec simple inversion des termes, le nom du cheval de Gon-ma bu-cha, fils adoptif et doublet de Gesar : rKyair-khra me-lofi (o kyang bariolé Miroir r; Palktdins,

IV, 337,339). Ainsi, malgré son aspect à première .r'ue indien, le Ro-sgrufi (YetAla") peut bien être cité comme un recueil de légendes qui pouvait servir à la propagation du bouddhisme tout en permettant de conserver Ie matériel indigène. Le deuxième exemple cité, le conte de Ma-sairs, y a bien été incorporé. 11 subsiste peut-être encore indépendamment. C'est en effet dans la légende ancestrale des Saskyapa qu'on le retrouve (cf. chap. vr, n. 20). L'histoire de cet ordre s'appelle n Les neuf clans Ma-saûs > (Ma-saris rus-dgu; Chronique

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d,e rJPa'o..., ba,4b). Elle est 1iée à celle des lDofr et des dMu (Stein, 1951, p. 255). C'est dire qu'elle s'insère justement dans ces récits légendaires sur I'origine des clans dont les t généalogies des rois lDe r,, ce recueil de contes (sgruri:bum), sont un exemple. Leur importance est attestée au xrrre siècle, et I'exemple montre que ces légendes étaient sans doute chantées et même dansées en une sorte de pièce de théâtre. Ce sont des fragments épiques de ces généalogies et légendes ancestrales des lDe qui ont été incorporées dans le bKa'-thafi, sde-|rta. Et c'est dans ces textes que nous avons trouvés liés les thèmes de la naissance d'un fils des dieux d'en haut pour être le chef des hommes, et ceux de la Théorie des Quatre Fils du Ciel avec Gesar au Nord. Parallèlement, le premier de ces thèmes forme aussi le noyau essentiel non seulement de la légende de Ma-saûs, mais encore de celles des autres lignées nobles du Tibet. Les dMu et les lDofr qui jouent le rôle principal dans la légende ancestrale des Saskyapao qui est aussi celle des < Neuf clans Ma-safis>, ces dMu et lDoù sont aussi les clans principaux de GIin dans le Gesar, alors que l'histoire de Ma-sans y ûgure dans le récit d'introduction et oue Gesar lui-même est considéré comme un Ma-saùs. D'autre part, le nom de l'épée excellente, actuellement commun aux .Rosgru,ù er at Gesar, rf)n-ëhod-ma, se trouve déjà dans les manuscrits anciens de Touen-houang (Bacct, 1940, p. 109) comme épithète des bonnes épées de lDoû-prom (md,or-ëod.). Les emprunts mutuels des deux sortes de a légendes) sont confirmés par un autre exemple de sgruk : le Phyi-mo be-bum. Selon dPa'o gCug-lag, ce fut un recueil de contes illustrés provenant des Bonpo, des sgrurt (conteurs indigènes?) et des lde'u, recueil trouvé assez important pour être conservé par Sroù-bcan sgam-po. Mais de nos jours, le Be-burn est à la fois considéré comme un recueil bonpo et utilisé comme littérature édifiante par les bouddhistes tibétains. Or le même titre fut donné à son ouvrage par un maître de l'école d'AtiÉa (c1. supra, n. 5) vers 1300, alors que d'autres disciples plus anciens d'Ati6a avaient également trouvé bon de publier des recueils de légendes édifiantes. On nous dit que les légendes conservées, en images du moins, par Sroir-bcan sgam-po, furent o des paroles de consolation Pour les hommes r. Ce devaient être des maximes morales illustrées d'anecdotes. De tels spécimens de littérature nous sont en effet connus par des manuscrits de Touen-houang. < Les jugements de base des Sum-pa r (une partie traduite par Thomas, 195?, p. 103-112) portent un titre significatif : Surn-pa ma' çags ëhed,-poàes-bya-balphyi-rabs lryi dper gàag-pa'i mdo, < Les grands juge' ments de base des Sum-pa, sentences(ot sutra?) laisséesen exemple aux générations futures r. Ce titre est calqué sur ceux des sù,tra (rndo), rnais le contenu est indigène, et 1a référence aux générations futures apparente ce texte au Phyi-rno Be-burn de Sroir-bcan sgam-po. Nous avons déjà vu (chap. vr, p. 252) que les fragments épiques traitant du représentant du Nord des Quatre Fils du Ciel étaient qualifiés de < courtes sentences , (md'o-d'on\. Nouq avons donc

,[31 .

R.-A. srnrN

REcITERcHESsun r,'ÉporÉu ET LE BARDE AU TrBET

ici un exemple ancien authentique de cette adaptation de contes et de maximes de sagesseindigène à des cadres bouddhiques. Ce qui est encore plus signiûcatif, c'est que ces < Jugements des Sum-pa > font partie de tout un recueil gui comporte des maximes indigènes et bouddhiques, une légende bouddhique (Le roi Go-'phan et son ministre 'U-phrad) à côté d'une légende chi noise (L'enfant, maître de Confucius (e)). C'est à ce genre de recueils que doit faire allusion l'expression sgruriJburn que nous avons rencontrée plus haut. Des légendes de toute provenance pouvaient y voisiner. Ce genre de sagesse et de tradition populaires a été désigné, au Tibet, par le terme rni-ëhos < religion des hommes >. Comme tel, il se distingue du lha.-ëhos, de < la religion des dieux r, qui désigne le Bon : il englobe donc le sgrufi etle ld,e'u, les deux autres genres cités à côté du Bon. Cet ensemble constitué de la coutume ou de la tradition, le mi-ëhos, est déjà nommé dans le Blon-po bha'-thaù, qui l'attribue au bon règne d'un rci (279 b : 68 a\ et en donne le contenu (24A a : 26 ô, chap. xv) :

rature indigène au bouddhisme se retrouve une fois de plus dans le milieu des conteurs (sgrurl) que nous avons déjà rencontré à propos dt Ro-sgruù. Dans le récit-cadre de ce dernier texte (ms. d.eDelhi, I a), il est dit que Nâgârjuna réunit à Sri Parvata tous les dits (bka') du Bouddha et écrivit les .{dstro de la religion des dieux et des hommes (lha-ëhos mi-ëhos bstan-ëos rnam,s rcorn-bàin b àugs-pa to)). Selon le rGyal-po bka'-thafi, l'une des légendes d'un recueil de contes (sgruù:bum) était celle de la Déesse gZugs-kyi sfle-ma, nom propre de femme ott d'apsard, connu dans I'Inde (Rtpamaffjari; cf. les dictionnaires de MonierW'illiams et de S. Ch. Das). Or, sous une forme un peu différente, gZugs-kyi fli-ma, cette déesse est I'héroine d'une pièce de théâtre, célèbre au Tibet, qui vient d'être éditée et trâduite. Qu'il s'agit bien de la même histoire et que la déformation du nom (sftæ-rna>fr,i-ma) est postérieure au milieu du xvIIIe siècle, c'est ce qui résulte d'une notice du IraiQurya d'har-po (II,29I a-b\ consacrée à l'histoire du ïd,stra, :

< Les neuf formes de base de la religion des hommes sont associéessymboliquement au corps (entendez aux parties du corps) du lion (mi-ihos rca-ba rnatn-pa d,gu, seri-ge'i khog-pa d,per bàag-ste). 1. Le pied droit : on récite (gleù) la manière dont naquit le monde (srid-pa'i éhagsJugs);2. Le pied gauche : on raconte la façon dont apparurent les êtres (skye:gro'i byufichul);3. Le derrière : on raconte les divisions de la terre ('jam-glin sa-béad); 4. La o main > droite : on raconte la généalogie des souverains (rje'i gd,urirabs); 5. La < main > gauche : on raconte les généalogies des sujets ('baùshyi rni-rabs);6. Le doigt du milieu (gun-rno) : on raconte la façon dont naquit la doctrine (bstan-pa'i ëhags-lugs);7. Le cou : on raconte les sujets de chaque souverain (? rje-nam rni-sde);8. La tête : on raconte les familles de père et rnère(pha-ma'i ëho-rigs);9. La queue : chants de récréation symboliqres (mchon-byed. d.ga'-ba,'i glu) >.

< Quant arx Sd.stra du théâtre (zlos-gar bstan-bëos), (il y a eu) Bha-ra-ta (Bharata, auteur d'un manuel de l'art dramatique, Nd'çyaidstra ou BharataSd.stra; Monier-Williams). (fl y a eu) les pièces de théâtre (zlos-ga'r) du nd.ga Kun-du dga'-ba (Ânanda?), du laique (? 'jig-rten) Kun-du dga'-byed, de gZugs-kyi sfle-ma (Rûpamafrjari), avec leur principal acteur dirigeant le jeu (md,o:j in-pa, sfi.tradhâla) et leurs déguisements (ëhas-Ë,ugs)...t>.

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Nous retrouverons tous ces éléments plus loin, dans les ld,e'u et dans Ie Cesar. Comme l'ouvrage de sagessepopulaire des Sum-pa, le Blon-po bka'-than poursuit son exposé par des axiomes de morale et de sagesse, et comme le fait ce manuscrit, il assigne à cette époque ancienne déjà le souci d'homologuer ces axiomes à des principes moraux du bouddhisme (ici appelé lha-ôhos n religion des dieux r). Le syncrétisme des deux occupe les chapitres rx et x (lha-éhos mi-éhos gfr.is-suji-har sbrel-pa).Ici, comme dans tant d'autres cas, la tradition s'est maintenue depuis les manuscrits de Touen-houang jusqu'aux temps modernes. Le nom Ya-Zur, donné au dieu de la montagne Thanlha (ms. d,e Touen-houang; Thomas, 1957, p.93, 140) est attesté par un rituel moderne sur les divinités-montagnes qui spéciûe que c'est le nom selon le rni-ëhos, alors que dans le lha-ëhos (bouddhisme) son nom est Paflcaéikha (Nebesky-Wojkowitz, 1956, p. 570). Ce gui est encore plus signifrcatif, c'est que cette assimilation de litté.

Il y a longtemps que Vladimircov (1925, p. 44/, n. 1) a signalé que cette pièce de théâtre, également répandue en Mongolie(10), mentionnele Sid'd'hi' kû.r. En effeto voici ce qu'on lit dans l'introduction du xylographe édité par Bacot (qui n'a pas reconnu l'identité des titres cités; trad. p. I) : < Cette biographie de gZugs-kyi fli-ma, fille de brahmane, suit la tradition orale des contes (gtam-rgyud,). C'est un des innombrables contes, récités dans leur sens, tels que : le conte de l'oiseau (bya'i sgruri; ce pourrait être le < conte du Moineau > cité par dPa'o gCug-lag), le conte du Cadavre (Ro'i sgruû,, le Vetala"), le conte du Singe devenu dieu (?; spre'u lha-lon gyi sgruft), le conte du roi Ma-sna (erreur de l'éditeur d" *yl. pour Ma-saû!), le conte de Yid-'phrog-ma (Manohara), le conte du roi sPyi-la-dga' (:i sgruri), la pièce de théâtre du poisson femelle (ou de la femme noble) et du vieillard (fla'mo rgad,-po'i bstan-bëos), la pièce de théâtre de mGrin-bzafr rgya''u, et bien d'autres tirés du ainaya et des sûtra... Cette pièce-ci fut autrefois traduite par le traducteur Vairocana et le traducteur de Çe'u. Nous avons suivi (la traduction de) Çe'u. Pour cette pièce de théâtre aussi, il faut observer les trois vceux obligatoires pour l'audition des contes, à savoir : 10 même si on la connaît, ne pas renvoyer à rt ci-dessus > (? gori-spyod mi-byed'pa), 20 écouter sans relâche au cours (du récit), 30 ne pas se laisser aller à de basses plaisanteries.

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REcEERcrrEs sun l'ÉpopÉu ET LE BARDE AU TIBDT

La date et l'auteur de cette introduction nous sont inconnus. Lors de sa rédactiono le conte de Ma_san était, comme pour dpa,o Sc.,g-lu*-"rr"or" indépendant du Ro-sgrurt, alors que de nos jouis il fait parti'e aË vairocana fut contemporain dË padmasambhava (rxe siècre). ""'a"".ri"r. Bacot considère que le traducteur 'e de Çe'u avait collaboré avec rui. Mais res deux naducteurs avaienr fait de.s traductions différentes. Il doit pr"iàirâgr.-âl ç",,, gafi'pa' expert en parole,-disciple du traducteur des sàrz a"'rvagâ.1rrr,", au début du xrre siècle.(cf. ,yplo, p.427). Il est en tout cas utile de norer que Çe'u est un endroit du Khams (Tibet oriental). Or, ,ro,ru i;"uor* aela dit, ce rapproche le Gesar de. piè""s de théâtre u.r,r"tt"r-a,, _qui îil.r, sont la langue et le vocaburaire proprls au diarecte du Khurrr, (p., ii,"r.o-"" gation en e devant le verbe). "*. Norl- comprenons mieux maintenant pourquoi les r . recueils de contes , (sgruù:bum) sur la ,généalogie des .ois iDe, appris par Gu-ru èhos-dbafr, pouvaient être qualifiés de < Sd,stra de chants d" â"rr.". ,. C". ll*"oa". étaient sans doute rédigées comme res pièces de "i^ thearaaci".il.'. .rê--" re uesar .. un texte en_prose reliant de nombreux chants. lvlals, pourrart-on dire, en quoi toute cette littérature intéresse-t_ellele Gesar? celui-ci n'est jamais nommé er il est probable q"" ,;; él;;oiutioo en tant qu'ensernble constitué fut assez tardive. Mais rls thèmes i", ptr^ importants dt Gesar, recherche d'un fils des dieux ,o"u".ur" intewention, pour cela, d'un homme dans une lutte "o--" ", qui aux démons; ces thèmes, nous les avons justement retrouvés"fpo."-i"r-ai""" dans un texte de qui parle des_dMu et s,apparente de ce fait aux généalogies et Ïll:l--no"""g regendesancestralesdes < tribus primitives r. Nous les avons vu-aussi dl.r, qui est en rapport avec ces mêmes légendes (Sa_skyapa), "" "olt..d"-.Yu-safi et fut ensuire incorporé àans le ào-, d ur. "*t^t",:l _U'i!:1d-infénendammeni lvlreux encore, les rédacteurs du Gesar étaient "filiation conscients d'une qui. relie cette épopée à des sgrzô anciens du type passé en revue. Ou du moins ils se rattachaient volontairement à cette tradition. Le titre du rzs. ,-,_.!:rO" (chap.( rr, *r., ,ro 6), se termine par la déflnition.: < cbapelet d,histoi.es 1gtà*_gy;-pt r"ri-ii),- sur**ài."orrt", (sgruù-gi bstan-bëos)r. Dans le cotofhon [t up. rr, p. gt), le rédacteur fait part de sa perplexité devant les difiérenter rorrr"".. D,une part t"r-ùr.d"* sont en désaccord les uns avec les autres. De I'autreo il y a bià des,.recueils

Le rédacteur du rns. Hor, Leyd,e rejoint donc directement le rGyal-po bka'-thaft,, Pour ce dernier, le sgruùJburn contenait, entre autreso le conte de gZugs-kyi sfle-ma. Pour le rns. Hor, il contient le conte de Yid-'phrog-ma. (u). Les rédacteurs dt Gesar Or tous deux ont été adaptés en pièces de théâtre pouvaient s'en inspirer en ce qui concerne certains thèmes généraux et des noms comme Gesar en tant que roi du Nord, de la théorie d,es Quatre Fils d,u CieI. Ils devaient, en outre, s'adresser aux bardes. En ce faisant, ils restaient dans la tradition que les chroniques font remonter à Srofr-bcan sgam-po : assimiler des légendes indigènes à des cadres bouddhiques. C'est dans ce sens que le ms. Hor, British Museum (début) parle d'épopée < extérieure (laique, indigène), intérieure (adaptation bouddhiste) et secrète (adaptation tantrique), et que le titre du ms. Mon, Leyde (ms. no 23) la qualifre d'n épopée (adaptée à) la religion (bouddhique, ëhos-sgrufi.)>.

qui.sontrédigésa u

a.yoroiàoo\;nosn

*:r"'"::*c,!:::-by) ollod).de Ird-'phrog lha-mo-(Manohara). Mais on -unie."' n,y trouve que d"s g"rmes de sujets (c'est-à-dire des thèmes) qrri .r" sont pas assez développés pour construire là-dessus des chants, En effet, I'histoire de Manohara forme re sujet d,une pièce de théâtre très au Tibet (cf. chap. rr, n, 106) et, prÉcisément,'nous y ::ng::rnemes dn qes Gesa,r(chap- vr, p. 296-292) e[ des rapports avec "r""."ir""re des pratiques du barde (chap. vrr, p.:sô) .,rri"rgrr"li""îà", encore à revenir. "rrro.r.

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Enigmes et chants généalogiou,es. II. Les lde'u. Quelle est donc la deuxième source d'inspiration des conteurs ? Quel est le genre de littérature des ld,e'u? Avec son exactitude habituelle, dPa'o gCug.lag phrefi-ba nous permet de répondre avec certitude. Il nous en donne des spécimens : ce sont des énigrnes (supra, p.420). C'est pour cela qu'on a pu y voir une préparation, non plus cette fois-ci anx sù,tra avec leur folklore àe jd,taka et à'aaadd.na,,mais à l'abhid,harrna, c'est-à-dire à la philosophie (p. 420), aux sciences ou à l'armature indispensable de ces sciences, la logique, loart de I'argumentation, le nyaya (p. 423). La comparaison est parfaitement bien choisie, Les énigmes à fonction religieuse, les discussions rituelles sont, dans I'Inde, à la base même de la philosophie, et ont donné I'impulsion à des scènes dialoguées. Et les énigmes ne sont pas moins connues de la littérature bouddhique (12). Leur caractère gnomique et le don de répartie qu'elles impliquent les ont fait assimiler au nyd,ya. En effet, par énigmes, il faut entendre questions et réponses exposéesen chants a,lternésdans une sorte de joute oratoire. Le mot ld,e'u est donné comme équivalent d,e sku-ka (var. sltu-rka,,',sku-slca, hu-ku) er traduit par skr. pra,helilcd,< énigme > (Maha.uyutpatti, rP 7351; dict. de Das et de Tsering Ouangyal). De nos jours des énigmes chantées en courts poèmes sont appelées chod-çes ou chod,-bya < savoir deviner ,, ou ld,em-po n courbe, induisant en erreur r (aussi ldem brjod-pa n parler de manière indirecte), parabole, phrase à double sens; Das, Dictionary; Tucci,1949, Tibetan folhsongs, p. 13). Mais pour un bon lettré tibétain, Ld,edésigne un chef (ld.e-bo, I'aîné, ld,e'u le cadet), mais ld,e'u signifie aussi un . En effet, il a la même accep_tiondouble que ld,e'u. Selon le dictionnaire Iiog-yrg mk-has-pa'i byuft-gnas (Il, 7 a), I,ancienne expression le,u-glon équivaut à l'expression moderne lan-'d.on o donner we répànser. Norrs y"t.orrrrorm dorr" la contre_partie indispensable du ld,e'u.. énigme qui exige ,r.r" répo.r." dans des chants alternés de questions et de réponsei. c'est ce sens qui est à la base de l'évolution :- Ie'u-che, le-chan,_le'u (secIion, rlivision, espic"). D,autre part, y.1d"..- cinq-dieux protecteurs de l'homme ('go-ba'i tha) estle,, die,, du,le,ut> (le'u-lha).Il est défini comme n celui qui proièg" pend.nt le jeune âge ,r (Kloû_ rdol, CVuores, Ya, 15 b :-éhurt-ù.u'i d,is bskyoi-bar byed.pa Ia by""ù. Le dictionnaire de ehos-grags reprend la déÊnition en la .ro peu : ( dieu qui protège d,epuis la jeunesse ,. Mais il ajoute un -odifiuo, autre sens important : < dieu de neufgénérations ro parce que, en langage bonpo, (neuf) (d,gu) se dftait le'u. La dernière affirmation ae Cho.-gr;'gs" (le,z':'g; n,ss1 peut-être que le fruit d'u-ne extrapolation de sa part (iyt.-Ling, r, 46'b êcrit bien gab-rce le'u à côté de-g-gb1ryegd,u lI, 1o], nneui tables àe d-ivinationr, mais on en compte aussi 360 lI,A7al ou 3.600 [I,4Sô]). Mais le sens de , notamment la vénération des lamas et la piété filiale; bref, un bouddhisme populaire.

RECIIERCIIES

.,I

SUR L'ÉPOPÉE

ET LE

BARDE

AU TIBET

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Ce n'est pas seulement I'Inde qui a joué un rôle dans cette assimilation de la coutume (chis) et du bouddhisme, mais aussi la Chine. Un curieux passage montre ce syncrétisme de la coutlrme populaire et d'un enseignement chinois appelé le'u-che. Ce dernier mot n'est peut-être que la transcription d'un mot chinois et n'a donc peut-être rien à faire avec ces ld,e'u >- le'u qt;j nous occupent. Cependant, comme l'épopée connaît également ces le'u-che, il est bon d'examiner cette information. Elle montre au moins une des sources d'inspi ration de l'épopée. Le récit le plus complet se trouve dans la chronique de dPa'o gCwg-lag(ia, 78 a-b). Il est abrégé dans le sBa-bËed (ms. 7 ô) et dans les chroniques de Buston (120 a : Obermiller, II, 187) et de Padma dkar-po (98 o). Lorsque Khri sroir lde-bcan devint adulte, à treize ans, et monta sur le trône, il vit un écrit de son père ou de ses ancêtres (1rab-rnes)dans lequel il était question d'unir les coutumes qui rendent le peuple heureux ('baris bde-ba'i chis) a:ux le'u-che d,e rGya (la Chine?). Et le roi se demanda si son père (ltab-mes) n'avait pas obtenu Ia magie (rju:phrul). Les ministres demandèrent en quoi consistaient ces Ie'u-che du père (ou des ancêtresl sBa-bàes écrit : des ancêtres de Chine ou de rGya). Le roi interrogea alors rGya-bzafi Me-mgo (variantes : rGya Me(s)-mgo) : < du temps de mon père $rab), on dit qu'il y avait eu la science (ou la religion) de Chine (rGya'i gcug-lag) appelée le'u-ce; qu'est-ce que c'est? r Ce personnage lut alors l'écrit sur les le'u-ce. Le roi trouva que son père (yab-mes) avait expérimenté une r bonne religion r qui s'appliquait bien aux laïques. Cette histoire fait allusion à un voyage de religieux tibétains en Chine pour y chercher des textes bouddhiques. A leur retour, une réaction anti-bouddhique avait eu lieu, et les livres avaient été cachés, Quand le jeune roi monta sur le trône, il apprit cette histoire et fit sortir les livres de leur cachette. Le scrlbe $ri-ge-pa) rGya Me-mgo, traducteur de chinois, est parfois qualité de moine chinois (cf. Tucci, Minor tibetan texts, II, Rome, 1958, p. 10), mais rGya est aussi un nom de lieu et de clan au Tibet, Le lieu de naissance de Srofi-bcan sgam-po est dit être situé à rGya-ma, au Nord de Lhasa (information de M. Richardson). On ignore en quoi consistaient ces le'u-che (< divisions >) de Chine. Il semble qu'il s'agît de maximes morales du bouddhisme chinois adaptées ou adaptables à la coutume populaire. Mais le sBa-bàed. dit que Ie scribe lut u l'éducation r ou le , est donnée par l'Amd,o ëhos-byufi.,ni d'après les Bonpo, ni d'après les ld'e'u, mais selon le sgrufi, (Hermanns, 1946-1949, p. 29I). Nous avons d'ailleurs vu que, sous le Bon, les sgnrû etles lde'u récitaient nom de mi-ëhos, opposé at lha-ëhos: (16).Dans ces généalogies des histoires sur I'origine du monde, les clans, etc. toujours, c,omme Gesar, descend premier ancêtre et légendes ancestrales, le des dieux ou, ce qui revient au même, d'une montagne sacrée. Cette divinitéancêtre est généralement un srid'-pa (t ilu ,monde créé > par ex' Ye-smon) er ces srid-pa'i lha sonl des dgra-lha invoqués lors du culte des montagnes. Nous verrons que ce culte comporte justement des chants en honneur de ces dieux, des courses et toutes sortes d'autres joutes ou compétitions. Ainsi on comprend que, malgré son caractère religieux, I'activité des Bonpo, ld,e'u et sgrzÉ pouvait avoir une portée politique. J'ai montré dans ma thèse complémentaire comment les légendes ancestrales pouvaient servir à authentifier, à justifrer le pouvoir d'une famille noble en la rattachant à une lignée divine. Des luttes violentes ont parfois opposé ces familles : leurs généalogies ou iégendes ancestrales en montrent les traces. Elles pouvaient se disputer autant qu'un palladium. Le généalogiste, le chanteur des traditions ancestrales, le héraut qui exaltait la famille jouait dans cette lutte un rôle prépondérant et exerçait des fonctions à la fois religieuses et politiques.

rI. -

MODERNE L',ÉPOQUE

foutes oratoires et jeux. La littérature orale des lcle'u s'est maintenue jusqu'à nos jours dans divers milieux avec toutes les caractéristiques anciennes : énigmes, chants alternés, joute oratoire. Dans d'autres civilisations, ce genre a été comparé aux chants alternés entre garçons et fllles, chants qui préludent au mariage (cf. n. 12). Ces chants alternés, rituel indispensabie du mariage, sont bien attestés au Tibet. Ils expriment la rivalité entre deux clans ou familles. Les clients du marié qui doivent subir l'épreuve des questions formulées comme énigmes dans des chants alternés se présentent comme des < acheteurs > (fr,o'pa).Le mariage est souvent la solution donnée à une vendetta. Les chants traitent précisément de I'origine du monde et de tout le lot de traditions sur la coutume (que Francke a appelé < le catéchisme de la religion prébouddhique ) ou gliri-éhos, mais qu'on doit plutôt appeler mi-ëhos). Comme de juste, les thèmes dtt Gesary ont été incoroorés (1?).

438

R..Â.

STEIN

D'autres occasions sont propices à ce genre de chants, La fête du printemps, notamment (qu'on appelle glin-glu, < chants de Glifr r, au Ladakh), la fête de la récolte, celle du Nouvel An et les courses faites en honneur des divinités-montagnes sacrées (d,gra-lha) (18). Il s'agit toujours de réunions de groupes associés,mais opposés, dont les rivalités de prestige s'expriment par des joutes oratoires. Parfois les chants sont remplacés par de véritables pièces de théâtre (rs). Ce qui caractérise les chants et les palabres alternés, c'est un langage archaïque et poétique qui est celui-là même de l'épopée et que les informateurs tibétains appellent volontiers gliri-shad < langue de Glit r. La langue est effectivement assezarchaique pour avoir incité les auteurs lamaïques à publier des vocabulaires de mots anciens et de leurs équivalents modernes (cf. chap. Irr, n. 163). Les chanteurs disposent du même lot de métaphores et de termes archalques que les bardes du Gesar. Comme eux aussi, ils improvisent selon les circonstances, mais toujours en se servant de formules toutes faites et d'un lot donné de thèmes et d'images(20). J'a' dressé une liste de métaphores, de mots descriptifs et de mots archaTques dans mon édition ùt xyl. Ling où il est facile de les consulter. Heureusement nous connaissons la source de cette inspiration avec quelque précision. En plus des brèves mentions sur les réunions et leurs chanrs, on nous dit qu'au Nouvel An des Tibétains de l'Amdo, lors d'une grande réunion de peuple et de militaires, la coutume ancienne veut que les nobles rivalisent en un concours de discours. Les soldats sont revêtus de l'habillement ancien. Les discours sont tenus dans un style archaïque. On les lit selon un manuscrit ou, si l'on est illettré, on les récite de mémoire. Les jeunes nobles doivent monter tour à tour sur une estrade et réciter ou lire devant la foule. L'incapable est exposé à la risée (21). Des documents plus précis ont été publiés par le P. M. Hermanns (1948, p. 162, 165 et suiv.; 1955, p. 13-15, etc.; I946-L949, p. 281-295). Ce sont des manuscrits. Le P. Hermanns insiste à juste titre sur la joie de conter et de chanter des Tibétains. Les contes et les chants occupent une bonne partie des fêtes. Lors du festin une hiérarchie commande I'arrangement des sièges. Les discours bien tournés et alternants y sont indispensables(22). Le manuscrit publié en 1948 commence par des hymnes ou éloges, farcis de métaphores, adressésà : 1. La nature; 2. Le bouddhisme; 3. Les yogins; 4. Les Bonpo;5. Les sorciers;6, Les médecins;7. Les artisans; B. Les sages et anciens; 9. Les lamasl 10. Les devins; 11. Les chefs; 12. Les doyens; 13. Les jeunes gens;14. Les femmes;15. Les enfants;16. Les serviteurs. Puis, après des comparaisons métaphoriques sur l'assemblée réunie, le texte passe à un exposé sur le bouddhisme (ici appelé lha-ëhos) et la religion popu. lafte (mi-ëhos). Suivent enfin : la généalogie des rois et des ministres, une description du Tibet et les légendes ancestrales sur les tribus primitives. On pourrait relever, dans ce texte, de nombreuses expressions et métaphores qu'on retrouve aussi bien dans le Gesar que dans l'exposé sur le

REcHERcEESsun r'ÉpopÉr ET LE BARDEÀu rrBET

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mi-ëhos d,a,Blon-po bha'-thaù. Nous pouvons nous en dispenser ici. On aura déjà remarqué f identité des sujets. Et nous parlerons drs,Gesar plus loi1 (zs). Arrêtons-nous cependant au passage du rzs. Hermanns qui traite dr mi-ëhos. Ce qu'il a, en effet, de curieux c'est que toute sa déflnition de cette ( religion des hommes > consiste en une énumération d'épithètes ou d'expressions archaiques, les mêmes qu'on retrouve dans le Gesar : < Pour le ciel (mot ordinaire : gnam) haut et large, on parle (gtin-ba) en employant l'épithète (d,pe blaris-te) dguù-srion < ciel bleu ,r. Pour le soleil (mot ordinaire : fr,i-ma)... l'épithète < baldaquin à beau contour t> ('lchor-ba mjes-pa khri-gd.ugs)... Pour la médecine qui guérit..., l'épithète < réunir à la maladie > (fluri-la'd,us-pa)... Il y a aussi des expressions de joie (de plai santerie) telles que < courir le royaume sans pieds ni mains ) ou ( ruer et battre sans cornes ni sabots..., etc. ). Il ne faudrait cependant pas croire que I'emploi de formules et de métaphores est limité à ce paragraphe sur le mi-ëhos .. il se retrouve dans tout ce texte. A côté de métaphores indigènes qu'on rencontre aussi dans le Gesor, telles que gçog-d,rug, < six ailes ), pour le khyun adulte (Hermanns, 1948, p. 191; xyl. Ling, Stein, 1957, p. 394) et'jum-drug, < six sourires >, pour le tigre (loc. cit.), on se sert aussi de métaphores d'origine indienne telles que 61ru:jin a qui tient de l'eau ) pour le nuage et rta-bdun rgyal-po < roi à sept chevaux ) pour le so1eil (Hermanns, p. 190; Stein, p. 392). Le mélange des deux sources d'inspiration, nous le savons maintenant, n'est pas un phénomène tardif. Il remonte à l'époque des manuscrits de Touenhouang et de Khri-sroù lde-bcan. L'emploi de métaphores et d'expressions archaiques ainsi que les chants sur l'origine du monde et des institutions, tout cela apparente cette littérature aux lde'u anciens. Hermanns a donné un autre exemple signifrcatif, celui d'un chant de la création provenant de la région de dPa'-ris (au Nord de Sining et au Sud du Nan-Chan; 1946-1949, p. 281 ; 1955, p. 21 et suiv.). Ce texte s'appelle r Les trois (origines), naissance (ëhags), descendancegénéalogique (rabs) et apparition ('byuft) r. Un coup d'ceil sur le passagedw BLon-po bka'-thar\ consacré at mi-ëhos (supra, p. 430), montre que I'emploi technique de ces mots est ancicn : ëhags < naître, être créé r s'applique au monde (srld), 'byuù , c'est-à-dire les montagnes sacrées qui apparaissent sous forme de dgra-lha < dieux guerriers r (27). Ceux-ci sont identiques, ou ont été assimilés aux héros de l'épopée qui, à leur tour, sont devenus des < dieux du sol , et s'incament dans des médiums (chap. vrr, p. 340). A tel point qu'on se demande si les héros de I'épopée sont devenus dieux, si les personnages de l'épopée ont été pris dans le panthéon, ort uice uersa. D'autres traits, comme le jeu du théâtre, se retrouvent aussi en dehors du Nouvel-An. Ils sont au fond caractéristiques de toute fête ou réunion du peuple et de ses dieux, surtout de celles qui ont pour centre le < propriétaire du sol > (gâi-bdag; dieu du sol). Chez les T'ou-jen du Kokonor (où prédominent des faits tibétains), les nuits des quinze premiers jours de l'année sont consacrées à des réunions dans les fermes où l'on brûle de I'encens (bsaùs; une reproduction du tas de pierres des montagnes se trouve chez eux dans la cour de la ferme) et invite les chanteurs de légendes qui se livrent à un tournoi de chants alternés (le vainqueur coupe un bout d'étoffe du vêtement du vaincu). Jeunes gens et jeunes fllles chantent et dansent. De petits garçons uêtus de fourrures mises à loenoers (c'est-à-dire la fourrure à l'extérieur) figurent des démons et font des plaisanteries, jouent des tours, font le clown (Schrôder, 1952, p, 627628). Ces personnagesdoivent nous intéresser. Ce sont les'd.re-d,kar u démons blancs >, dont nous avons déjà parlé au chapitre précédent (chap. vrr, p. 39I) et que nous retrouyerons encore à la fln. Parlant du Nouvel An de Gyantse, Macdonald (1932, p. I37) décrit des groupes de danseurs professionnels qui préparent d'énormes frgures de papier représentant des bêtes et des oiseaux mythologiques. Celles-ci sont éclairées et portées lors des danses de nuit. Les groupes de danseurs comportent le clown habillé en oiseau énorme, allant de porte en porte en pondant partout d'énormes ceufs illuminés. Selon Champasangta, c'est bien le 'd,re-d,Jcarqui mime un oiseau (sans doute le lthyufi ot garuQa dont les gros ceufs sont céIèbres; cf. chap. vr, p.275), mais aussi d'autres personnages. 11 a la figure barbouillée moitié en blanc, moitié en noir. Il chevauche un bâton d'enfant (un dada;'dre-rgyug) appelé Yid-bZin nor-bu (cintamaryi), alors que lui-même s'appelle 'dre-d,lcar bSam-pa'i don-grub. Nous avons déjà constaté que ces noms sont identiques à Gesar, son fouet-bâton et le singe qui accompagne et dédouble Gesar-jongleur. Le'd.re-d,kar chante, au petit matin, les væux de bonne fortune (rtenJbrel), exactement comme les anciens m,a-ry,i-pa,conteurs de jatalca, actuellement représentés par le théâtre (cf. chap. vrr, n. 14). Dans son chant, il mentionne des cauris ornant son nez et I'ornement soleil-et-lune. Ces traits I'apparentent à la fois au barde da Gesar et à l'acteur-récitant du théâtre, le rù,on-pa ot

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< chasseur r. Dans les deux cas, une figure de berger ou de chasseur, d'homme vil, a été associée à un personnage du type yogin (le masque du < chasseur r est surmonté d'un ornement qui représentele gcug-tor ou chignon du yogin). Le'dre-dkar chante : < Ce matin je viens du côté du lever du soleil. Je viens de l'Est, de devant rDo-rje sems-dpa' (Vajrasattva) lui-même. Ce soir je m'en vais auprès de maître Padma(-sambhava, à l'Ouest). Ma joue droite est blanche : à la manière du roi de l'Inde. Ma joue gauche est noire : à la manière du roi de Chine. Entre mes sourcils, soleil-et-lune : à la manière de maître Padma. Au nez des cauris : à la manière de che-che, la chèvre (che-che, épithète de la chèvre, en langage archaique, langage de l'épopée!). On voit que le < diable blanc ) a pris des traits du < chasseur r. Il a aussi été confondu avec le Roi de Fin d'Année. S. Ch. Das (1902, Journey..., p. 345) parle de 'd,re-d,kar ou mendiants danseurs qui parcourent les rues le premier jour du Nouvel An, Ils sont masqués, (rùon-pa). Par contre, la photo que Das donne à la page 252 correspond exactement ar'd,re-d,kar.'elle représente un homme vêtu d'une fourrure, les poils dehors; sa flgure est mi-blanche mi-noire. Il porte un chapeau pointu qui ressemble à celui de nos clowns de cirque, porte un bâton dans la main gauche et un chasse-mouche (une queue de yak sans doute) dans la main droite. Mais au lieu de l'appeler'd,re-d,kar, Das dit que cela représente le Roi de Fin d'Année (le Bouc émissaire, glud,:goft rgyal-po) dont nous parlerons encore(z8). Le 'd.re-d,kar et les enfants t'ou-jen qui miment les lutins ressemblent à cet imposteur du xvrre siècle qui se prétendait Gesar et Padmasambhava : il avait revêtu une peau de chèvre à I'envers (cf. chap. rrr, Traces, no 53). Il se servait aussi d'un jeu d'athlète avec une lourde pierre. Or voici un curieux détail des fêtes du Nouvel An décrites par Waddell (1895, p. 505). Le carnaval dure presque tout un mois. On danse et chante (groupes séparés d'hommes et de femmes) et on s'exerce à des jeux tels que le tir à l'arc, des acrobaties (descente le lo.rg d'une corde) et ( putting the stone, où ie perdant doit payer une amende. Ce dernier jeu s'appelle GIin sen-ëhen rgya,l-po < Roi Grand-Lion de Glin >, c'est-à-dire Gesar. Il intéresse directement le théâtre er le Gesar. Nous l'avons déjà rencontré à propos du barde-athlète (chap. vrr, p, 329) et y reviendrons encore. Le théâtre actuel possède six peisonnages apparentés au 'dre-dlffir. lls introduisent la pièce par des væux de bonheur (d'oir leur nom bkra-çis iol-pa) et portent des masques de peau de chèvre, côté laine dehors, produisant < a ghoulish effect > (Duncan, op. cit., p. 18). Selon Wadde1l, les laics aussi, au point culminant du carnaval, le 15 de la lt" lune, portent des masques de tissu coloré bordés de poils qui représentent des barbes (op. cit., p. 506).

REcHERcHESsun r-'ÉpopÉr ET LE BARDE Àu IIBET

4,lt5

Danses d,u Lion, théâtre et rituels d,es rtuontagnes. A Ia fête du Nouvel An que j'ai vue à Darjeeling, la danse des deux lions, des deux yaks et du paon était introduite et accompagnée par un petit garçon. Le masque qu'il portait représentait un homme stupide (figure sale, grosses oreilles). Son vêtement gris semblait imiter une peau de chèvre. Dix grelots et une clochette y étaient cousus(zs)' Il tenait dans la main un chasse-mouche *Katintre blanc. Il sautait, dansait et se livrait à des plaisanteries. On I'appelait *Dado Kusang (bha'-d'rin 'dre (Chronique d'e dPa.'o..., pa, I22 b). Un thème essentiel du prologue du Gesar tibétain (lutte du dieu du ciel et du démon, deux montagnes) et mongol (lutte des tengriblancs et noirs), illustré par le motif si particulier de I'alternance de victoire et défaite matin, midi et soir, est attesté par deux milieux : celui des fêtes enhonneur des dieux guerriers des montagnes sacrées et celui des fêtes de Nouvel An avec pièces de théâtre. La fusion de thèmes populaires et de représentations bouddhiques correspond bien à la tradition sur l'assimilation des deux par lesld,e'u etles sgrzû anciens (aa).

44;7

Les sujets des pièces de théâtre jouées au Nouvel An sont bouddhiques. Ce sont les mêmes que ceux des fragments épiques des textes anciens comme le bKa'-thafi, sde-lfr,a (calrauartin, les Quatre Rois du Monde et leurs correspondants, les rois des quatre pays des frontières, Indra). S'ils ont été utilisés pour l'élaboration du Gesar, c'es| qu'ils ont été vulgarisés par des fêtes comme celles du Nouvel An et des montagnes sacrées où ils ont pu fusionner avec des thèmes indigènes. Ceux-ci ont parfois survécu à côté, dans les jeux populaires. Un jeu du Nouvel An populaire que nous verrons encore directement mêlé au théâtre et artxrna-r1,i-pa,le jeu de la pierre (supra, p. 4/4) se rattache à Gesar. Il en est de même d'un autre jeu rituel du Nouvel An officiel : les courses. Celles-ci sont déjà bien décrites par les sources chinoises et européennes du xvrrre siècle. Elles font partie de toute une série de compétitions (rced,-sna'gra,npa, dit la biographie d.u 7" Dalailattua,) 134) , La description du K'o,ng-yeou kihing (k. 7, 17 b eI suiv., reprise par le Tchou-kouo ki-yeou, k. 4, 14 a et suiv.) peut sumre : I. Festin au Potala avec danse guerrière exécutée par de jeunes garçons habillés de vêtements bariolés, coiffés de turbans blancs, les pieds ornés de grelots et les mains tenant des haches de guerre (au son des tambours); 2. Montée et descente d'acrobates le long d'une corde allant du sommet du Potala jusqu'au pied; 3. Procession militaire; 4. Course de chevaux montés par des petits garçons nus (les vaincus arrosés d'eau froide); 5. Expulsion du Bouc Emissairc (glud,:goft rgyal-po, roi des démons, figure mi-blanche minoire) qui doit d'abord jouer aux dés avec un lama habillé en Dalailama (et perdre). Noug devons retenir que la procession militaire en armement ancien

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est censée reproduire les héros de Gesar (cf. chap. uI, (Traces)), no 18). La course, en effet, est le couronnement de la première partie de la vie de Gesar. Mais, nous I'avons vu plus haut, elle n'est qu'un exemple parmi d'autres, toutes célébrées pendant des courses consacrées au Dieu du Sol. Comme les autres compétitions (tir à l'arc, Iutte, chants, dés), c'est I'expression de I'opposition des groupes et de leur équilibre dans toute fête assimilée à un renouveau du temps et de I'espace(a5), L'interrègne d'un Roi de Carnaval, à la limite du temps intermédiaire entre la fin et le début de I'année, y correspond. Il est ambigu et réconcilie les contraires : mi-blanc, minoir comme le bouffon, il est le remplaçant du Souverain auquel il fait place quand il est expulsé. Ce n'est que dans le dernier chapitre que nous pourrons saisir à quel point la figure du Héros de l'épopée correspond ou a emprunté à ce milieu des tournois. Nous y sommes déjà préparés et y sommes progressivement amenés au fur et à mesure que les faits multiples, enchevêtrés et complexes se livrent à nous. En effet, sans I'avoir cherché, nous voici devant une conclusion qui s'est déjà imposée à la fin du chapitre précédent. L'analyse des fêtes du Nouvel An confrrme celle du barde-jongleur. Parmi les joutes du Nouvel An, à côté des courses de chevaux et du bris de la pierre, reliés à Gesar, nous retrouvons la course à pied des jeunes gens nus arrosés d'eau froide. Or nous savons que cette coutume est d'origine iranienne, qu'elle est parvenue en Chine et au Tibet par I'Asie Centrale et qu'elle était liée à la danse des lions et tout le folklore du lion qui a si fortement imprégné le Gesar. Mais pour important que soit le Nouvel An, nous aurions tort de nous arrêter ici. La prudence impose d'examiner aussi d'autres fêtes de I'année.

Printemps. Cette saison est beaucoup moins marquée par des chants comparables au Gesar. Il ne faut pas oublier que le Nouvel An officiel (rgyal-po lo-gsar), se situe, à I'imitation de la Chine, au début du printemps, alors que le Nouvel An paysan (so-nam lo-gsar), plus ancien, se place au solstice d'hiver. Des concours de chants métaphoriques à l'occasion des labours sont attestés par Mi-la ras-pa qui en composa pour un riche fermier (mGur:bum,87 b88 a). Au Tibet occidental, on célèbre au printemps la fête Kyesar caractérisée par un concours de tir à I'arc et des chants, appelés glin-glu < chants de Glin r, qui contiennent des allusion s at Gesar. Il doit toujours y en avoir neuf (Francke, 1901, A Ladakhi Bonpo hymnal). On sait qu'un ensemble de neuf sections caraclérise aussi le Gesor, Une fête importante se place au printemps, celle de Maitreya, mais elle est aYant tout lamaique.

REcHERcHEssun r,,ÉpopÉE ET LE BARDEAU TrBET

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Fêtes de I'été auprès des lieux-sa.ints. C'est en été que se placent les fêtes consacréesaux montagnes sacrées dont le milieu est visiblement la source d'inspiration de nombreux thèmes du Gesar. Là encore les dates données par les informateurs varient : 5e, 6e, 7e ou Be lune. Les caractéristiques sont les mêmes que celles du Nouvel An : assemblée des hommes et de tous 1es dieux, compétitions de groupes (chants, courses, théâtre), montagne sacréeau centre de la fête (36). 'Brug-pa Kun-legs, le < fou r inspiré, décrit, vers 1500, la fête du ( spectacle de la montagne en été tt (dbyar-ka'i ri-ltad) à laquelle se rend Ia foule des villageois. Se mêlant à eux, qui exécutaient des chants et des pantomirnes (gàas dan çon),il entonne avec eux un chant (Biographie, ka,II2 ô). C'est sans doute la fête appelée d,byar-gsol, rtprières d'été r, par Champasangta et que celui-ci place à la 5e lune : des médiums (lha-pa, Itlu-pa, etc.) y incarnent les diverses divinités locales, exactement comme au Nouvel-An. Les auteurs chinois aussi placent cette fête à la 5e lune. L'un d'eux parle, à la 5e lune, du culte du dieu de la montagne auquel on sacrifie les chevaux qui ont participé à la course (région de Litang) (3?).Un autre signale, près de K'ang-ting (Tatsienlou), le culte du dieu de la montagne, le 13 de la 5e lune, avec une course de chevaux (38). Les renseignernents sont rares parce que la plupart des observateurs (et les descriptions chinoises et italiennes du xvrrre siècle) n'ont parlé que des fêtes de villes et de monastères. La contrepartie plus officielle de la fête de l'été où se manifestent les médiums populaires est le rite exécuté à Lhasa le 15 de la 5e lune. Il s'appelle 'jatn-glifi spyi-bsafts, est nécessaire. Elle est liée à la représentation théâtrale même, et à la nature de la fête. Chez les T'ou-jen, un rite spécial, sorte d'empalement d'un€ chèvre, sert à écarter le tonnerre et les orages de grêle qui, en été, menacent les récoltes. Chez les Tibétains de l'Amdo, la même fonction est attribuée aux tas de pierres (d,pa'-mhhar < châteaux guerriers r) qoi, à leur tour, ressemblent au < château r (enceinte de terre avec mât planté) que les T'ou-jen construisent dans Ia cour de leur maison et qui reproduit effectivement, en petit, le tas de pierres de la montagne-divinité du lisu($). Des hymnes à un tel < château guerrier des dieux guerriers >>(dgra'Iha'i ilpa'-mkhar bstoQ, sont nommés à l'occasion d'une fête du 18 de la 6e lune

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par un texte du Gesar (rns. Grugu, I, 1I6b-I24 ô). Ils s'adressent aux treize < dieux des sommets du rMa supérieur r (rMa-stod' rce-lha bëu-gsurn bstod,), c'est-à-dire aux montagnes sacrées ov a-m'yes de la région du Kokonor(aa). C'est l'occasion d'une revue militaire où l'on ( fait le compte des hommes, des chevaux et des armes > (bu rta go rcis-blaris) avant une expédition militaire. Plus tard, avant la bataille avec les Gru-gu (op. cit., I, 186 ô), les guerriers de Glifi offrent des hymnes et des offrandes de purification (bsari) et autres aux dieux guerriers (d,gra-lha eL wer-ma), protecteurs divins (làosruri) de Glifi. En même temps ils s'exercent à la course, au tir à I'arc et aux , d,gra-lha. Or toute cette histoire est rapportée au début de la formation du monde. Le début du texte (op. cit.,36 b-87 a) avait donné la cosmogonie bouddhique classique. Mais en parlant de la nécessité d'inviter tn d,gra-lha, le texte en reprend une autre, plus autochtone (fol. 38 à),

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Chants d,e la création, < Il fut créé (srid) la couleur blanche du Ciel; il fut créé la couleur bleue de la terre. Ensuite fut créée la montagne de glace blanche. Ensuite fut créé I'ocean extérieur. Au milieu de cet océan furent créés quelques neufs sacs (de cuir, flottants; rhyal-pa d,gu-cam srid). Ces sacs s'ouvrirent et il y eut les armes défensives spontanément apparues, non point fabriquées pai un forgeron : I. Le casque Bya-khyufr sKe-ru (.,cottre de garuQar);2. L,armure Ni-çar lho-rgyab (); 5. Le protège-cæur mDa'mchon kun-thub ();6. Le-couteau Çel-dkar'od-ldan ( des textes de Hermanns (supra, p. 440). Dans le Cesa,r,ce dernier est le frère aîné céleste de Gesar (xyl. Ling, index; Davis-Neel, 42, 163). n protège le sommet de son casque (xyl. Ling, ll, 24 b) et est le d,gra-lha qui veille sur son cheval (Prière.s de Mi-pham, 33 a).

REcrrERcr{Es sun r,'ÉpopÉr ET LE BÀRDE Àu rrBET

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La nécessité de faire le récit sur les origines au moment des fêtes de la montagne sacrée trouve sa contre-partie dans l'obligation d'exalter (mais aussi parfois de plaisanter sur) les participants aux concours et festins. Il en résulte une littérature dohymnes qui retracent I'origine et caractérisent les participants. Nous en avons vu des spécimens plus haut (textes de Hermanns). Les hymnes aux chevaux, vainqueurs dans les courses, y occupent une place prédominante (pour des exemples, voir Poppe, 1955, p. 11, 17, 117,

r79, 284). Ces hymnes qui exaltent les divers éléments de la société et du monde, leur style de chants alternés, de questions et de réponses en forme d'énigmes, tout cela - nous le savons désormais - se rattache au milieu des anciens lde'zr. Nous pouvons en donner une dernière démonstration. 'Brug-pa kun-legs, le poète n fou o des bKalbrgyud-pa, qui aimait â imiter les chants populaires, a contrefait un chant de rituel ôsais aux montagnes sacrées (Biographie, 80 a-6). < Un jour r, dit-il, < quelques grands Bonpo me dirent : " Dans nos livres de rituels purifrcatoires (bsaùs-dpe na), il est guestion de la façon dont apparut le Tas de Pierres en commençant par la création du monde créé (Ia-rjas chun srid.pa éhags-pa nas byuri-chul yod, de). Autrefois, à l'époque orTfut créé le monde, on construisit un tas de pierres sur le glacier blanc. Ce fut la borne du chemin des (cinq) dieux tutélaires (de I'homme; 'go-ba lha-Yi lam-rntho) " ) (53). Cette origine du monde, des choses et des êtres, les lde'u anciens, la (mi-ëhos) I'exposaient en neuf sections assimilées à autant de parties du corps d'un lion (qui représentait sans doute une montagne; supra, p.430). Nous avons constaté que les traditions ancestrales actuelles en conservent le vocabulaire (supra, p.439), Le monde créé, srid.pa, servait aussi de modèle à la divination (srid.-pa ho, rune tortue, cfl. supra, note 24). Aussi comprend-on l'éloge des devins, dans l'assemblée réunie, qui les qualifle de a clé qui ouvre le grand corps du monde > (srid-paoi hhog-éhen 'byed.pa'i lde-mig; Hermanns, 1948, p. 191; traduction, p. 168, inadéquate; le mot It'hog < corps ) s'explique par l'expression ( corps de lion >, ser'rge'i lthog'pa dont se sertle Blon-po bka'-thari). Les traditions anciennes associent les Bonpo aux conteurs (sgruh) et aux chantews (Id,e'u) pour I'exercice de la protection du monde (1e règne). 'Brug-pa kun-legs nous montre que les chants sur l'origine du monde, à propos du nTas de Pierresr, étaientencore chantés par les Bonpo. Ils n'étaient pas les seuls. La spécialité des chants sur les origines, avec son vocaublaire particulier (a apparaître >, a être créé r, r, byun, ëhags, skyes), était aussi exercée par les anciens, les doyens du clan. Voici comment s'exprime, à ce sujet, le ms, bonpo, Bibl. Nat. n" 493 : < On gratifia les Bonpo du souverain (rje'ibon) de brevets écrits(yig-chan). D'abord les brevets de terminologie (rnifL-gi[s] yig-chan). Comme ils (les médecins sans doute) guérissaient le corps (sfrz) du roi, ils furent gratifiés du nom Qnchan-gsol) de sku-gçen. Comme les conseillers étaient experts en conseils, ils furent

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REcHERcTTES sun r,'ÉropÉr ET LE BARDEAU TIBET

gratiflés du nom gçen-blon,., (d'autres spécialistes).,. Comme ils connaissaient l'origine et la naissance (grol-phug) des trois mondes (khams-gsurn srid-gsurn), ils furent gratifiés du nom de pha-Jo (, doyens) [fol. 46 ô] r. Et dans la controverse entre Bonpo et bouddhistes devant le roi Khri-srofi lde-bcan, les premiers qualifient ainsi leur savoir : < Nous connaissons avec certitude l'ordonnance (l'aménagement en système) du monde (shal-srid,). Nous calculons de qui le monde (srid.-pa)s'est détaché et les lignées (les généalogies) des dieux (Iha-rab rgyucLla rcis). Puis les gçen calculent I'origine (grol-phug rcls) , (fol. 61 ô). Doyens et spécialistes religieux, conteurs, chanteurs et prêtres! Leur savoir concerne les origines. Aux mots déjà relevés qui désignent ces origines, il faut ajouter ces termes nouveaux, ici illustrés : grol et phug. Ils se sont maintenus avec fldélité dans les traditions ancestrales (Hermanns, 1948, p. 195; trad. p. 175 : Entstehungsweise) : elles ont trait à la formation (éhags-lugs) da monde, à I'origine (grol-lugs) des êtres vivants et à la création (srid-chul) des hommes. En reprenant la création du monde (p. 195), on en donne pour origine (ph"ù un ceuf, alors que pour l'origine de la tribu des lGa à partir des lignées (rgyud,) de divers dieux, on se sert à nouveau du mot grol (p. l99i id,em poar la lignée desphya et des rrnu, p. 203).

m'est demandée? (Elle est aussi grande que) la rangée des étoiles du ciel tr qui couvre tout D, le nombre des six céréales de la terre rcde grande étendue r. La profondeur des bienfaits? Trésor d'histoires. Tise (Kailâsa), le glacier blanc du monde (srid,-pa), est à la source des eaux du Fleuve (gCafrpo, Brahmapoutre). La lignée ancestrale des gDoir, il y a vraiment de quoi parler en long et en large. Comme le dit le proverbe des anciens, proverbe qu'on appelle la bonne tradition : ,. sans se vanter soi-même, établi par le monde ! " r (xyl. Ling, T, 26 11)tsal. on pourrait multiplier les exemples. Mais à vrai dire, ils ne seraient pas utiles. Ils ne prouvent, en effet, que ceci : l'épopée est le miroir ûdèle dela société tibétaine des derniers siècles. Elle montre tous les milieux : bouddhistes (à tous les degrés, exotériques- et esotériques, philosophiques et rituels), Bonpo et religion populaire; agrieulteurs et éleveurs, sédentaires et nomades I paysans, bergers, chefs féodaux, lamas, brigands; bref tout ce qui caractérise cette société. Il est normal qu'elle reproduise aussi fidèlement le style des palabres des réunions et des fêtes. Ce que nous voudrions retenir ici, ce sont des traits plus profonds qui concernent la construction même de l'épopée, son élaboratlon, ses sources d'inspiration. Voyons donc si nous pouvons déceler des thèmes et des motifs qui soient inhérents à l'æuvre, sans lesquels le récit ne saurait se concevoir, indispensables à sa logique interne, et qui ne s'expliqueraient, en même temps, que par le milieu des sgruri et des ld,e'u anciens, de la coutume populaire, des traditions ancestrales (rni-ëhos) et des fêtes consacréesaux montagnes sacrées et aux grandes dates de l'année. Voici un premier thème essentiel, Khro-thun, oncle de Jo-ru (le ieune Gesar) et un des anciens de GliR, se vanre d'être un des rares hommes à connaître toutes choses et propose de les révéler à Jo-ru. Mais celui-ci refuse : il n'en a pas besoin, parce qu'il possède en héritage (rjons-ëhos) trois livres, Leurs titres correspondent aux sujets que Khro-thun se vante de connaître. En combinant les deux passages (xyl. Ling, III, 94 b-gs b), on obtient les correspondances suivantes :

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III. RAPPORTS AVEC L'ÉPOPÉE Nous serions-nous égarés? Ne nous sommes'nous pas éloignés de notre sujet? Nullement. Tout ce long aperçu sur les sgrurt et les lde'u anciens et leurs équivalents modernes concerne directement l'explication du Gesa,r. Nous avons déjà eu I'occasion de montrer en passant à quel point des thèmes et le style de l'épopée sont identiques à ceux que nous avons exposés. Seul le désir de grouper les faits pour plus de clarté nous a empêché de comparer tout au long les divers éléments du Gesar. Nous voici maintenant à pied-d'ceuvre.

Trad,itions de Glin. Quand il s'agit de donner à chacun son rang dans l'assemblée et de souhaiter la bienvenue aux chefs qui en occupent le premier, sPyi-dpon, le doyen de Gliù, s'adresse à eux de Ia même manière qu'on le fait dans les textes de Hermanns : u Paroles de bon augure d'abord (avec les signes {astes, rten-'ôrel), (puis) la formation (ëhags-gnas) du monde, l'origine (grolJugs) des êtres vivants, la source (byuù-khuft) de la religion bouddhique, et l'origine (grol-phug) du clan ancestral des gDon. Leur quantité

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1. Khro'thufr connaît le ltalpa (la période cosmique) de la naissance du monde- ('jig-rten'ëhags-pa), de son existence actuelle (d,e-nas gnas-pa) et de sa destruction future (d,e-ries 'jig d,ari stoîi-pa), c'est ia jô-rr.t "o.,,'o"logi". la connaît, car ii a le livre Sria-pli hhog:[1"d éhen-rno.(Grande ouverture du corps du monde >. un tel titre se réfèie à la fois à la tradition sur res ori. gines rattachées aux neuf parties du corps du lion (texte ancien du Blon-po bka'-thaft) et au tableau divinatoire reproduisant le monde sous forme de tor. tue (srid'-pa ào) des textes de Hermanns. Les deux traditions ne se recouvrenr pas et dériyent de milieux différents. Le < corps du Lion ) comportâit toutes les traditions (sur le monde, aussi bien qo" *i les clans, etc,). La ( tortue ) n€ s'applique qu'au monde. Comme dans le livre suivant de jo-ru, l,origine des clans est traitée dans un autre ouvraEe.

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2. Khro-thuû sait comment naît l'enfant dans la précieuse condition d'homme, comment il est saisi par la transmigration (la vie) et comment, à sa mort, il va dans le bar-d,o (état intermédiaire). A ces connaissances, rien rê corrês. pond dans la réponse. L'éditeur da xyl. Lingles a peut-être ajoutées. Mais Khro-thuri poursuit. Il sait aussi comment les groupes sMug-po [gDon] se sont détachés (ëhadJugs) d'entre 1essix familles de ('o:thuri stag-tno rni-zan) fut capturée par la force athlétique. Quand sa tête fut jetée sur le sol, il (en) naquit (éhags) la montagne (sacrée) Ger-mjo (olias) Ri-dmar dbari-Zu. Quand sa peau fut étalée dans la plaine, il (en) naquit la colline (del-yag) sTag-thafr khra-mo (u plaine de tigre, bariolée r1 c'est le lieu de réunion de Gliir; tsel. Quand sa queue fut coupée, (en) naquirent les défilés sauvages de leags-nag sur le rMa-ëhu (Haut Fl. Jaune). Les reins de droite et de gauche jetés (...de) devinrent (éhags) les dix-mille hommes et les cent mille chevaux des (< tribus primitives r) sGa et 'Bru. Les quatre os jetés par terre devinrent les rois du ciel (ou de gNam) des Mu-sa (ou Mu-pa? : mu-so'ns' épithète du ciel?). Le foie, nrideau de soie >, devint 1afamille du riche sKya-lo. Des intestins blancs, , naquirent les onze districts de mille de dKar-ru (Aile Blanche) et des intestins noits, < lasso des démons n' les douze divisions de mi1le de Nag-ru (Aile Noire)..., etc. Du cæur de la tigresse posé sur la pierre naquit ia famille des puissants de sTag-roir (rvallée du tigre>; famille de Khro-thun qui chante ici à sa gloire). C'est de 1à que lui vient son grand courage. Les gDoû brws (smug-po) et les gDon bariolés, les sBra-cha, Yari-cha et dGa'-bde, ce sont les vénérables (ëhe-bcun)(sz) de Gliù. Les uns trouvèrent au haut de la montagne des fleurs d'or : aussi les gSer (trOr r, lignée aînée de Glin) sont-ils huit frères. D'autres trouvèrent au milieu de

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la montagne six flèches de.tamarin (om-bu) : de là dérivent res six groupes 'om-bu (lignée moyenne de Grifl). b'autrés trouvèrent au bas de ra montagne une louve à neuf têtes_:en-naquirent res quatre familles des Mu-spyan (olouve >; lignée cadette) r, Les femàes de ces groupes sont à ra base de la de Glifr qu'on peut aisément trouver dans le xyl. Ling .gj"é:t:gi:",propre (II , 3 ô) (58). les familles, res régendes ancestrares se rattachent ,.Ainsi, direct.ement à-généalogies-des la genèse du monde (entendoni : du pays q.,"Jol-J., .it" habité) conçue comme le démembrement d'un animàr.-Et"npuisque re pays de rMa, ici représenté comme les pa.rties du corps d'.,n crapauà d';;; iig."r." (par souci de jeu de mot et d'ailusions or,* .ro-. des "; familles par ailleurs conçu comme le corps d'un lion, alors que "*utre"J'1, "r, le riwe de Griù relatif à la création du monde s'apperre( ouverture du corps cu lion r, il semble bien que I'antique classifrcation des traditions en parties du corps j,"" iià"-aerir" d'un tel récit de la creation par démembrement. Le siyle et les thèmes sont ceux des textes de Hermanns et d,esrde'u anciens. Le milieu qui les explique est celui du culte des montagnes sacrées-ancêtres. Nous I'avon^sdéjà dit, le doyen dé Gliri, spyidpon (,t chef universel r) Khrargan {r (srid-pa'i a-phyi).Il est trle vieux père de la naissance du monde n (srid,-pa éhags-pa'i pha-rgan), ; 2o le tambour d'or (gser-rria) < Qui soumet les trois mondes >, Khams-gsum dbafr-bsdud, qu'on chevauche et qui transporte instantanément ori I'on veut; 3o et 4o les éventails, rna-ya,b, blanc et noir, Char-rji dkar nag, qui font vent et nuages, provoquent ou arrêtent la pluie ter) (pour tout cela, cT. ms. Grugu, I, 288 a, 292 b-298 b; II, 7 b,9 b, I0 b-11 a, 44 a,, 45 b). Cette vieille grand-mère de I'origine du monde qui, dans l'épopée, révèle au doyen du pays l'avenir de son clan et du héros et qui I'aide à procurer au pays les animaux et objets d'origine, pourrait bien expliquer le titre de I'ancien recueil illustré de légendes : Le Pis de vache (l'Histoire) de l'Aïeule r (cf. supra, p. 422). Elle correspond au vieux maître Âïeul (me-rne) dela Lout. Lad,. uersion qui conseille au premier homme de fonder le pays par le démembrement du démon et de procréer les dix-huit chefs. L'hésitation des versions au sujet des noms et des rôles s'explique par ce double registre de l'action : f. intervention d'un doyen (vieux, déjà né vieux, ou enfant) en vue de la création du pays et des clans; 2. intervention d'un doyen en vue d'obtenir un chef. Bien que le doyen de Gliir, Spyi-dpon, n'intervienne que sur le second plan, il est considéré comme contemporain du premier. I1 est à ce propos qualifré

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d'une épithète curieuse : vieil homme des trois rndaris (md,aùs-gsum rni-rgan; ms. Gru-gu, I, 261 b). L'orthographe semble fautive car md,arts-surz signifie < la nuit précédente> (d,ictionnaire de Desgodins) et est une épithète de (tndarts-gsurnrrni-Iarn; ms. lHo-glin Tucci,269 a). Par contre, cette épithète rappeile le nom énigmatique du premier homme de la Loul. Lad^ oersion : Doir-gsum Mi-la sion-mo, et de la version du Gilgit : Dungpa Miru. Le nom s'explique peut-être comme un dieu local (mi-la) (62)des tribus primitives lDofr (et Sum-pa?), car ce personnage épouse dix-huit filles et en a dix-huit frls, chef des clans de Glin. Or Gliir appartient aux lDon dont on énumère toujours dix-huit clans (cf. ma thèse complémentaire). Quoi qu'il en soit, le personnâge qui correspond à ce premier homme dans 1es Peintures (no I) s'appelle sToir-gsum mgon-lha dkar-po (dieu protecteur blanc des trois mondes). Mais si Ia Lon. Lad^ oersion nous dit que Dofr-gsum Mi-la sfion-mo dut dépecer le rocher-démon pour en faire le pays de Glifr et nous donne ainsi un récit de création du site, la Peinture I nous montre sToir-gsum mgon-lha dkar-po se préoccuper de la naissancedes lignées. Or celle-ci, il I'obtient en offrant un sacrifice bsah à la montasne sacrée.

Le cuhe de la rnontagne et Ia naissance du héros. Au deuxième registre, à droite et en haut de la Peinture I, on voit la montagne et les objets du cuite : trois tas de pierres blanches en forme d.e stupa surmontés de drapeaux multicolores représentanto selon la légende, les < treize châteaux des dieux , (gsas-rnkhar, siège des dieux tutélaires); trois lances munies d'oriflammes et trois flèches enrubannées (md,a'-dar\; des offrandes et notamment un grand vasefumant (le ôsaû). C'est sous ces offrandes qu'on lit la légende i rtls1str. sToû-gsum mgon-lha dkar-po offre des offrandes de purifrcation (bsaft-rnëhod)pour développer les lignées (ou généalogies)des hommes du Tibet r. Le dieu auquel s'adressece culte, on le voit arriver de droite vers cette montagne : c'est un dragon bleu, < le dragon de turquoise r, dit 1alégende, t à crinière de cuivre, dieu guerrier (dgra-lha) des sDofi bruns r. Derrière l'officiant on voit deux dieux à turbans blancs : gÇen-lha 'od-dkar et sTag-lha yarZugs.Le résultat du rite se voit à droite de cette scèneet plus bas; c'est I'origine des < tribus primitives r du Tibet, issues du premier ancêtre, le sridpo (< dieu du monde créé r) Ye-smon rgyal-po et de son descendant, ule prince du monde créé > (srid,-pa rgyal-bu) mThiù-ge. Or cette généalogie, avec tous les détails donnés que nous pouvons ici omettre, est identique à celle par laquelle débute la chronique de Rlafrs, Po-ti bse-ru, et le rzs. Hertnanns (1948). Nous savons déjà à quel point le récit de la naissancemiraculeuse du premier ancêtre de ces Rlairs est semblable à celui de la naissancede Gesar (cf. chap. rv, p. 201). Sur la Peinture I, la généalogie aboutit, au bas et à droite, aux trois femmes dont dérivent les trois lignées de Glitr (sPyafi-mo bza', gSer-bza' et 'Om-bu bza') et

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dont parle aussi le récit de la création du monde à partir du corps d'une tigresse dépecée que nous avons examiné plus haut (p. 463). Toutes ces traditions sont donc parfaitement cohérentes. Elles ne sont pâs limitées à l'épopée, mais caractérisent bien cette tradition populaire (mi-ëhos) et ces recueils de récits qui nous sont déjà attestés pour une époque très ancienne. Le milieu de ces récits de création et de généalogie des clans, c'est bien le culte des montagnes sacrées et les réunions contradictoires (chants alternés, hymnes aux ancêtres et aux chevaux, etc,) auxquelles il donne lieu. L'épopée en dépend étroitement pour la construction de son prologue, indispensable au récit. L'importance de ce milieu et la dépendance de l'épopée ressortent encore mieux quand on passe au second registre évoqué plus haut, celui de I'intervention du doyen pour obtenir un chef. Ce thème, rappelons-le, est attesté indépendamment de l'épopée, dans un manuscrit de Touen-houang (cf. chap. vI, p,2aS). Son ancienneté est donc bien certaine. Mais il est aussi à la base d'un conte, le conte de Ma-safi, qui a été incorporé dans le recueil bouddhique des contes du Vetâla (Ro-sgruù, Siddhi-lcù'r, cf. chap. vt, p. 247), et que dPa'o gCug-lag phrei-ba, cet historien consciencieux, nous donne comme exemple de ces contes anciens (sgruù,) que Srofi-bcan sgam-po utilisa dans sa politique de préparation au bouddhisme, Voyons donc comment il se présente dans Ie Cesar. Dans le xyl. Ling (1, 15 a-b,30 a-35 o), le thème est présenté exactement comme son parallèle de la création des clans dans la Peinture I. Tous les clans et chefs de Glirr, tous les représentants aussi de la population, doivent se réunir au temple du pays de rMa (Haut Fl. Jaune; pays qui est un corps de lion et oir se trouve la montagne sacrée rMa-ëhen sPom-ra qui contient les trésors et les armes du héros), Dès le quinze de la 2e lune de l'été a lieu le sacrifice en honneur des dieux guerriers (dgralha) i rreize autels du rite de purification (ôsaâ) doivent être érigés, chacun réservé à une essence de bois différente; treize drapeaux doivent être plantés (consacrés at d'gra-lha), et treize autels d'appel du bonheur (sous l'égide de Vaiérava4a) aménagés' Le doyen sPyi-dpon entonne alors le chant de la création du monde (srid'pa) q:ue guideront les d,gra-lha venus des tas de pierres (gses-lchafi, : gsas-khaù, comme dans la Peinture I). L'aigle, le dragon, le lion et le tigre caractérisent les participants; ce sont les animaux qu'on dessine aux quatre coins des rluri-rta < chevaux du vent t (autour du cheval central qui porte le joyau nor-bu), drapeaux qu'on lâche au vent lors du sacrifice à la montagne au tas de pierres. L'un d'eux, le dragon, on le voit arriver, comme dgra-lha de Glitr, au culte de la montagne sur la Peinture I. La date de cette fête concorde avec celle des fêtes consacréesen été aux mon' tagnes sacrées.Cette concordance n'est peut-être pas très signifrcative; l'épopée décrit exactement les institutions de son temps. Mais la suite de l'épisode montre que le thème est inhérent à la matière même dont l'épopée s'est servie.

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Quel est, en effet, le but de cette réunion et du culte rendu? Le xyl. Ling a supprimé le récit de cette fête. Il n'indique que la décision de Ia tenir. La suite du récit concerne la recherche d,e la nd,gi qui sera la mère de Gesar. Quand le récit reprend les événements de Glin (II, 3 à, 4 a), il parle de la fête de naissance, non pas de Gesar, mais de son demifrère rGya-cha. Or ce dernier est un véritable doublet de Gesar, La fête qui devait avoir lieu visait certainement la naissance de Gesar, car les préliminaires consistent à annoncer au peuple le rêve de sPyi-dpon à ce sujet. Ce rêve s'explique précisément par les légendesque nous avons étudiées à propos des fêtes des montagner ."crée.. 11 indique principalement deux rapports, l'un entre deux montagnes (rMaëhen sPom-ra, le dieu protecteur et gardien des trésors, et sPyirgyal ou sKyirgyal, lieu-saint et dieu tutélaire de Glin), l'autre entre une montagne (le père surnaturel de Gesar) et un lac (le séjour dela nd,gi,la mère de Gesar). Dans les deux cas la liaison s'effectue par des rayons. Un troisième signe, le parasol, symbole de victoire, concerne Sefi-blon, le père terrestre de Gesar (on lui donnera pour servante la ndgt),mais aussile père de rGya-cha, demifrère et doublet de Gesar. Ce dernier est né le lu" de la l2e lune. Il a donc dû être conçu au printemps. Il en est de même de Gesar (né le 15 de la I2e lune). Quand le xyl. L!.ng reprend le récit, il évoque d'abord la fête de naissance de rGyacha, ), père fictif de Gesar et père de rGya-cha, doublet de Gesar. Dans l'épopée, il n'intervient plus dans la lutte entre les deux montagnes opposées; c'est son frère sPyi-dpon qui le fait. Si l'histoire de dPal-le < le Sauvage ) se retrouve dans le conte de Ma-saûs, le nom de son épée est conservé dans le récit-cadre dt Ro-sgrufr. à côté d'autres noms d'armes célèbres, à leur tour identiques à des armes de Gesar (supra, p. 428), Elle confirme donc notre conclusion que la source d'inspiration du Gesar se situe à la jonction des milieux lamaîques et populaires que nous savons être très ancienne et dont nous avons vu des exemples précis depuis la protohistoire jusqu'au xrve siècle. Nous essayeronsdans le chapitre suivant de cerner de plus près encore l'éten. due et la manière de f intervention des milieux lamaïques dans l'élaboration de l'épopée. Mais, édiflés que nous sommes maintenant sur la part déterminante des éléments provenant du milieu des fêtes en honneur des montagnes sacrées, nous pouvons, pour terminer, envisager de ce point de vue un autre thème essentiel de l'épopée, la course.

La course d,'intronisatiorc. Avec la course s'âchève la première partie du récit qui se présente comme un cycle à part assezfermé, celui ori le héros vit sous sa forme vile et s'appelle Jo-ruopar opposition à la secondepartie où il s'appelle Ge-saret est le roi majes; tueux occupé à soumettre les démons et ennemis aux frontières. Entre le début (aménagement du pays, origine des clans, nécessité et recherche d'un chef, naissance miraculeuse du héros) et la fin de ce premier cycle (la course de che. vaux dont le gagnant obtient le trône, la fiancée et les palladia), tonte l'histoire se borne à l'expulsion de Jo-ru et sa prise de possession du pays de rMa. Nous verrons au dernier chapitre que ce thème pourrait bien s'expliquer par le milieu des fêtes du Nouvel An et la notion d'un roi factice et bouffon de

RECTTERCHES sun r,ÉpopÉa ET LE BARDEÀu rIBET

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carnaval. Reste donc la course. Après tout ce que nous savons déjà, il n'est pas absurde de penser aux courses qui consacrent le tas de pierres à la fête de la montagne sacrée,aux compétitions diverses qui I'accompagnent et aux hymnes entonnés en honneur des participants, guerriers et chevaux. Le fait que le trône est attribué au vainqueur d'une course de chevaux n'est pas normal, ne s'explique pas par une institution de la sociétéen temps ordinaire. L'épopée le dit par la bouche de io-ru. La course est rituelle; elle est propre à un temps exceptionnel, à une fête. ( Cette course du Glin Blanc est un jeu étonnant... Le roi de la religion de I'Inde n'est pas désigné au trône par une course, ni le roi de la loi de Chine, ni aucun (des rois) des nombreux royaumes des dix-huit coins de la terre. Mais au Glin Blanc, le roi est élu (désigné) par les chevaux. Même les deux mendiants io (: io-ru, Gesar), et rGur (rGu-ru, Êls de mendiant) montent à cheval; et si leur cheval est le plus rapide, ils seront roi de Gliir; alors que même les membres des familles royales des grandes tribus brunes des gDoir deviendront les serviteurs du clan de Gliir si leurs chevaux ne sont pas les plus rapides, En comprends-tu la merveille, devin?> (xyl. Ling, III, 89 a). Le thème général est bien connu dans le folklore universel. C'est celui de la fête au cours de laquelle une femme est attribuée au vainqueur d'une compétition, quel que soit son statut social. Il suffit de lire mon résumé ùt xyl. Ling pour constater que l'enjeu de la course est le trône et les palladia, mais aussi la femme, et que les représentants de toutes les classes de la société y participent. Le thème de la course rituelle nécessaire à l'intronisation d'un roi est également fort répandu(6e). Cette course se passe au lieu-saint, à la montagne sacrée, et à la date habi tuelle pour les fêtes en son honneur. Khro-thufr, oncle et adversaire de io-ru, veut la tenir en hiver. Mais lors d'une réunion qui a lieu le 15 de la 12e lune, le doyen sPyi-dpon décide qu'elle doit être retardée de cinq ou six mois. En fait elle est courue le 15 de la 4" lune, c'est-à-dire de la première lune de 1'été, date qui est une fête caractérisée par la réunion des dieux (xyl. Ling, IlI, 13 b, L4 a, L7 b, 20 b : lha d,kar-phyogs 'd.u-ba'i dus-ëhen). On pouvait donc hésiter entre le Nouvel An et les trois mois de l'été. Nous avons constaté qu'il en est de même dans la réalité de la coutume attestée de nos jours(67). L'une de ces fêtes, consacrée au dgra-lha dMag-clpon, < général r, et caractérisée par des médiums en transe et des chants alternés de garçons et de frlles, s'appelle précisément lha-'dus, < réunion des dieux >. Elle a lieu, dans I'Amdo, le 3 de la 6e lune. La course de Glifr est accompagnée des rites caractéristiques du tas de pierres, les mêmes rites que l'épopée décrit déjà à I'occasion de la conception miraculeuse t treize lances, treize flèches, treize tas de pierres (bses-mhhar) et treize niches à offrandes d'essencesbrûIées (bsafi,-khaù; III, 2I o). Deux collines, l'une des dieux d'en-haut (lha-d,is), l'autre des dieux souterrains (klu-d'is), sont la tribune des spectateurs et le lieu où le bsaù est offert (III, 19 a-b;

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7l ô). Les dieux sont 1à, tous les dieux, en spectateurs mêlés aux hommes (III, 100 o, 101 a). Les chefs de chaque catégorie de dieux participent à la course, chacun rattaché à une lignée de Glin et, de ce fait, Iui imposant sa couleur caractéristique(gfl,an, jaune, lignée aînée, etc.; III,20 a,7Ia). Ces couleurs sont celleslà même gue le barde et les chanteurs-danseursdes courses portent à leur chapeau et qui ornent les drapeaux des mâts plantés dans les tas de pierres. Rien n'y manque. Pas même le danger de grêle et d'orage que nous avon$ rru évoqué pour ce genre de fêtes de l'été. Le départ de la course de Glin a lieu aux trois collines de A-wi (ou A-yu), chacune étant une déesse locale à tête animale. Furieuses de voir leur sol troublé par la foule, elles suscitent, pour empêcher la course, un orage de foudre et de tonnerre. Et il faur que io-ru les soumette (III, 81 ô; tost. Nous sommes donc bien fixés sur le milieu de cette course. Mais il y a mieux. Le texte même de l'épopée nous suggère que les chants dont elle est composée sont inspirés des hymnes qu'on entonne à l'occasion des fêtes de la montagne sacrée et des courses qui la couronnent. Il nous dit qu'il es| nécessaire de décrire la course pour en perpétuer le récit. Et cette nécessité est comparée à celle de la tradition orale dans la propagation du bouddhisme (III, 20 b). Ailleurs aussi (rzs. Mon. Leyd,e, p. 2), le compilateur indique la défense de divulguer I'histoire aux incroyants parce qu'elle est basée sur la transmission orale (thig-sflik gi rgyud, las, c'est-à-dire secrète, réservée aux initités) des chants alternés des courses (rta-rgyud-pa'i le'u-glu). Nous voici avertis! Nous savons que depuis les temps anciens (Sron-bcan sgam-po et Khrisrofr lde'u-bcan) et continuellement encore plus tard (au xrrre siècle par Gu-ru ëhos-dbai), les faits indigènes (ici les contes, sgruit et ld,e'u) et les données bouddhiques étaient comparés, mis en parallèle, assimilés l'un à l'autre. La tradition orale du bouddhisme, au Tibet surtout cultivée par les rNiù-ma-pa (et notamment les rJogs-ëhen-pa) et les bKa'-brgyud-pa poètes, correspond évidemment à la transmission orale des chants par des bardes, des chanteurs, des conteurs et des mimes, Aucun doute sur le fait que ces bardes et chanteurs des courses de nos jours sont les successeursdirècts des sgrufi, et d,es ld,e'u anciens. Le xyl. Ling (III,7là) nous le dit: à Gu-ra-rja, but de la course, qui offre le sacrifi,ce bsari de puriflcation adressé à la montagne sacrée et au Ciel (les deux sont confondus), qui chante la gloire des dieux guerriers (d,gra-lha) dont Gesar est devenu un représentant et dont le chef par excellence est modelé sur Vaiéravana? Ce sont les leou-sgrub-mkhan, ( ceux capables de réussir les le'u> (cf. supra,,n. 14). Or nous savons que le'u n'est qu'une variante de lde'u. Ainsi s'expliquent non seulement les thèmes de la première partie du Gesar, mais encore les nombreux chants qui l'étoffent pour ainsi dire accessoirement : exposés didactiques (la géographie du monde, la distribution des clans, les maladies, etc.); connaissances généalogiques; éloges des chevaux; ' l,a chronique d'e d,Pa'o gCugJag (\a, 23 a) emploie les mêmes termes ('bag daù sen-ge stag-gsen g-yag-gseh dan), mais ,écrit gseù au ùeu de seâ. Cependant, des yaks figuent, parallèlement à des lions, dans la dmse du Nouvel M, (infra, p. MS), (a) Le [/ai-d.]nr parle des démons sri et notamment des ëhuh-sri. Ceu-ci sont nuisibles aux enfants et causent la mort d'me femme en couches(cf. Ntersrv, 1956, p.300-303,515-518; SrnrN, Trente-troisfiches de d,iaination tibétaines, n HJAS, IV, 3-4, 1939, p. 330-331). Aussi faut-il faire Ie he-bsgyur pour me ûlle, sinon elle moma. On indique pou ce rile six endroits de la maison (6I ô) et cinq endroits en dehors (62 a) oir l'on doit cacher m objet magique (le ngyogs-po). (a) Les textes écrivent par négligence, tùît6t rig-pa, Tût6t figs-pa; de toute façon les deux notions sont liées au fait q.ue Le nydya (discemement par m raisomement bien mené) est utile au sciences (médecine, etc.; cf. Rntou et Frr,r,rozat, L'Ind,e classïque, Paris, 1953, ( $ 1463). Ivlais, nous verrons qae rigs-pa argumentation > est à préférer. (5) Le dictionnaire de Jaschke dit: be-bun otbe'u-bum,liwe, écrit (d'après le rGyal-rabs\; peut-être la même chose que beJbum, écrits sacrésdes Bonpo que, selon son lama informateur, les bouddhistes lisent aussi pour leur édification. Ôho"-gtag" dêfrnit be'u-burnpar ( petit fiwe ), et Das dit : be'u-bum, littémlement < vase du veau r, désigne le pis de la vache, d'otr ce qui nomit, nourritures spirituelles, écrits. Par contre il défrntt be'u-bun siozpo (selon Kr,oriir.oo4 (Euares,Za,2 b) : < the ancient books on religion and religious history of the Kadampa school compiled by dge-bçesDol rir-po-éhe,. Selon Tucct (IPS, p. 99, I32), le be'u-bum shon-po àe Dol-pa rin-po-ëhe (alias Dol-po-pa, xrre siècle) est souvent cité par Ie 1"" Panchenlama (mort 1662) au même titre que d'autres ouwages qualifiés de blo-sbyoir (o puiûcation de I'esprit,). Ceu-ci représentent ue littératue indigène (xre-xrre siècle) des élèves d'Atiéa. Ce seraient des < manuels mystiques, d'ascétisme.Un autre ouwage de ce geile de littémtue est le dpe-ëhos( qui donnent la génealogie. Le ma-yig est appelé, non seulement srid-pa'i" o du monde >, mais aussi bskal-pa'i ïha-brgyad < les huit parties du kalpa r : il contient des prophéties su la guerre de Glin contre les Gru.gu (ms. Grugu, II, 336 ô). (ro) Lee huit premières parties sont drtes gleh < récits > et correspondent donc aux sgrui, mais la neuvième consiste en glu o chants >, ce qui convient aw ld,e'u. On notera que la divi. sion de Ia matière en neuf parties est également caractéristique du Gesar tibétain et de l'épopée bor:riate (cf. chap. n, p. 62-63). (r) Pour les chants de mariage, cf. Fnlr,rcrn, l9OI (Prebuddhist maniage ritual')i 1902 (chants XVIII-XIX et XXX (allusions au Gesar); T923; L925 (p. 63); Tuccr, 1949, p. 7, n. L (bibliographie), p. 14 (d'après m ms. sur le rituel dans la région du Myan-ëhu). Fneucrn a aussi utilisé des msg qu'il a publiés (Dîe Trinklied,er aon Khalatse, Leh, 1902; Da,s HochzeitRitual oon Tagmacig, Leh, 1904). Aussi Rrrs,{cu, Drogpa Namgyal, ein Tibeterleben, (allusions au Miinchen, 1940, p. 79-90. Sur les glin-glu, cf. Fnencrn, 1902, chants XXI-XXX Gesar). Des chants alternés de mariage se trouvenl, inversement, insérés dans le Gesor (Fnewcrn, 1906-1907,III, p.308-310; I\,372-373,375). Pour une bonne description des rites de mariage, c,f, Klwecucnr, Three years in Tibet, London, 1909, (su les rilalités, surtout p. 361, 369 : les explications à la porte s'appellent bçad.pa; cf. les explications du chapeau, de l'épée ot du cheval, à,aa-bçad,,gri:, rta:, dans Ie Gesar), Aussi : S. Ch. D,ls, The manio,ge custons of Tibet,ta JASB, LXï (C), Pt. III, no 1, 1893, Calcutta, 1896. Pour un bon parallèle chez les Mongols de I'Ordos (récitation de vieux contes en langage imagé par des maitres de cérémonie), voir Vex Oos't, Au pays des Ortos, PaÀs, 1932, p, 93-95. (18) Cf. chap. nr, , nos 8-9, L2 et supra, n. L7. (rs) Fêtes suivant les semailles et la récolte; chants de montagne, danses, sauts à la corde, course de chevarx, luttes, pique-niques (K'ang-tao yue-k'an, V, 1, p. 61 et V, 9, p. 23). (2ol Tchang-lcout'ouen tche-lio,22 a; Lou-ho t'ouen tche-lio,18 6. Ces improvisations se font dans des chants altemés de garçons et de frlles (hymnes religieu, éloges de persomalités présentes) : Yu Su,rce-wpx fr Tlftt 4, Si-pei yeou-rnou Tsang-liiu tche chô-houei tiao-tch'a

p. 122. 1e47, W Xt ffi *kffi.F" Z ïiI E ffi fi, changhai, (rr).MA_

Ho-r'lrr ,F ÈC X, Kan Ts'ing Tsang pien-k'iu k'ao-tch'a ki Ë Ê ffi, j& æ ?.8 f;f,, Changhai, 1947, III, p. 580-581. (38)Sur l'éloquence développée lors des réunions, avec force allusions et proverbes, voir Brver,r,, op. cit.,p, lI, 15 (f arn a good, tallær). Il faut, comme Ekvall, posséder la langue à fond pou suiwe les nlrances de ces discours. Les mêmes argumentations à l'aide d'allusions et de proverbes sont courantes dans le Gesor et en rendent la traduction si difficile que personne n'est en mesure de la donner intégralement. Les traductions du P. Hermams sont remplies de fautes et souvent incompréhensibles. II n'a malheureusement pas pullié tous les textes en iibétain, ce qui rend Ie contrôle souvônt impossible. (23) Notons tout de suite que l'énmération des divers éléments de la société qui caractérise Ie début du ms. Hermanns se retrouve souvent dans le Gesar, chaque fois qu'on tient une assemblée. Les rangs que les représentants des classes ou métiers occupent sont disposés ln

478

R.-A. srErN

selon une hiérarchie (ex, xyl. Ling, l, 25 b,30 b). on y trouve aussi constamment Ia nécessité des rér:nions et du médiateur qui arrange les disputes (dans le xyl. Ling, Wer-ma'i lha-dar, voir Index). Lo rôle de ce médiateu (gzu-ba) a été bien mis en évidence par Ervlr,r, (op. cit., p. 190, 196). (2a)II y est longuement question de la tortue qui représente le monde et est à la base d'1ne méthode de divination oir voisinent éléments indiens et chinois, On sait par ailleus que la frgure. qui la représente s'appelle Srid-pa ho n image du monde > (cf. S, Ch. VroyaslruseNe. Srid-pa-ho..., in Mem. of the As. Soc. of Bengal, V, 1913-1917, p. 1-Il). On parle du n grand vêtement de la tortue du monde > (srid,-pa'i rus-sbal rgya-ber; ms. Gru-gu, II, 6 a). (zs )PouLeCe s a r , i l s u , f r t d e l i r eL e xyl, Z jzg ( Sr o r x, 1 9 5 6 ,p a r e x. II,5a,6a,7a,B b, 9a, I0b, etc., plus de soitante fois); pour Ie théâtre, les pièces traduites (Btcor, Zugifi,imo, Paris, 1957; M. H. Durcer,r, Haruestfestiool d.ramasof Tibet, Hongkong, 1955). Des exemples anciens déjà dans le ms. de Touen-houang sur.Ia sagessedes Sumpa (supra, p.429). Les religieux s'en sont vite emparés : 1e fils de Mar-pa les utiiise dans me discussion avec son Dère (B.rcot, .Lo uie d,e Marpa, Paris, 1937, p. B3). (26)Cf. la célèbre compétition entre Mila ras-pa et le Bonpo autour de la montagne sacrée Kzilâsa(mcur:bum,L0L a-ô,'Horrmanw, 1950, p.27I-272): elle est d'abord de magSe(rju. 'phrul), pvs d'athlétisme (Syad.) et enfin d'habileté (rcal). Les dieu du Ciel assistent "o "p""tacle, et le vaincu est exposé à leurs rires. (2?)Les médiums incannent aussi d'autres dieux du sol : les klu, les gfl,an et les sa-bd,ag, les rgyal-po et les bcan-po. Ils portent un habillement diilérent (mais pas de masque) selon la divinité incarnée. (28) Neepsry-WoJKowrrz, 1956, p. 508, décrit aussi les deu < boucs émissairesr (glud,'goh) du Nouvel Al comme ( habillés de grossièresfourrues et portant des chapeau coniques, une moitié de leu frgue étant peinte en noir >. II en était déjà ainsi en 1865-1866 (Th. L., I/oyages et erplorations d,e deur pandits ou Thibet, in Reuue Britannique, octobre, 1868, p. 423). ï-a confusion des < chasseursr (récitants du théâtre, rnon-pa) et des < diables blancs r ou bouffons ('d,re-dkar) est constante. Tuccr (1949, Folksongs, p. 12) appelle 'd.re-dlrar les mendiants qui portent des masques et chantent, Cc sont cn réalité des rhon-pa ort leur imitation (photo in Brlr,, L93I, Tibet, p. 262), mais ces derniers exécutent bien la danse du paon que nou rencontrerons au Nouvel An. (tt) Seloo Wlorrr,r, (1895, p. 238), la danse du lion ne se fait pas au Nouvel Àn, mais à d'autres occasions.Il donae I'histoire du lion et précise qu'il est introduit par un ( harlequin mummer ) exécutant des bou-ffonneries(voû Ia phoro). Nous connaissons déjà les rapports du boufon-jongleur avec le lion et les incidences de ces thèmes su le Gesar (cf. chap, vu, p. 390). Terpr (I9L4,II,278-279) décrit ue fête du mois d'août. On mimait d,abord deu" lions, puis deu masquesà longue barbe et nez busqué, les rCya-gar o-ca-ra (n sges de l,Inde, qui jouent le rôle de cloms dans les dansesmasquées'éham), et enfin deux ( esprits de la forêt r, à chevenx blancs et barbe blanche, qualiÊés de'd,re d,kar-po s diables blancs r (les bouffons). Dans le'éham mongol, Ie rôIe du clown est rempli par le ëayan ebugen, n vieillard blanc r, qui représente ure fusion du dieu du sol et du vieillard de longévité chinois (câeon-sing,tib. mi che-àh; son nom tibétain est sgarft-po d.karpo). II chevauche ls li61 ltanc des glaciers (Penraxnx [cf. chap. vrr, n. 92], $ 7). (lo) Oo se rappelle que la lionne, le dragon et d'autres animaux, et l'allaitement par le lait _ de la lionne se rôtrouvent dans la légende ancestraledes Rlans que nous avons comparée à celle de Gesar (cf. chap. w, p.202). Le lait de la lionne blanche des glaciers (l'eau des glaciers sans doute) est I'n médicament de longévité et un ingréfient de puification et d'initiatiàn. Le jeuno fgrgeron (Gesar chez les Hor) se débarrasse de la souillure par m ba.i. de lait (FneNcrr, Wintermythus, VIIL 1-7; cf. Devp-Nool, p.265; initiation). Si la danse du lion du Nouvel An a été rattachée au 5e Dalailama, on dit aussi 4rr 6e qu'il est allé dans les glaciers boire du lait de Ia liome blanche (qui ressemblait à ue chèvre!) et en faire des pitulÀs précieuses (rensei. gnement de Champasangta). (8r) Cf, n. 30, et chap. vtt, n, L27. Nous connaissonsdéjà I'importance de la danse des lions pour le thème desjongleurs, sêltimhÂnquesou bateleurs dont joru et le barde sont ulr spécimer.

RECIIERCHES SUR L'ÉPOPÉE ET LE BÀRDE AU TIBET

479

(chap. vrr, p. 388-390). Une longue série de lions couchés, dont certains ont une tête humine àt diautres une autre tête animale, sc trouvent sculptés sous I'auvent de la < Cathédrale > de Lhasa, Ces sculptures dateraient des T'ang. Leur style rappelle celui du Proche-Orient ancien

(Lrrou Yr-ssrufltl & illi, Si-tsang fo-kiaoyi-chou14 ffi filt y+\& îlt, Péking,1957, ol. 5), Ces lions ne représenteÉient-ils pas tm des sujets des traditions irdigènes que Ie roi S.on-b"an sgam-po aurait fait représenter dans son temple? Un grand lion de piene est dressé sur I'une des tombes des anciens rois du Tibet. M. Richædson qui a bien voulu m'en commuu:re photo pense que la tombe pounait être celle de Ral-pa-ëan,Nous avons vu (chap. vr, niquer -88; qr" ce nom corresponà à kesarin et le lion. o. (32)La montagÊe sacréeThaù-lha se manifeste comme yak blanc (rzs' sBera,l,106 à). Vai6ravapa aussi (cf. chap. vr, p.290). Aussi Thanlha a-t-il été assimilé à Pafrcaéikha,doublet de Vaiéravana. (æ) L'adoption de brGya-byin (Satakratu, Indra) par la religion tibétaine < indigène, du Bon peut êtie très ancieme. Une chronique bonpo des mss de Touen-hotang (Llrr-ou, Inuentuire: ll, n 1040) se préser.te come la génealogie(rabs) d'un dieu rGyal-byin, nom qui pour' rait bien être uae mauvaise orthographe de brGya-byin. (34)Ciré par Prrrcr, I missionari italiani nel Tibet e nel Nepal' lY' Rome, 1953, n. 214. Yotr ibid,, p. I33, la description de la fête par P. Cassianoda Macerata (à Lhasa, en L74I) : le 9 mars procession de Maitreya, puis courses de chevaux montés par des garqons de 10 à 15 ans, suivie dl1:re course dohommesà pied qui, autrefois, étaient tout nus. Suit rme lutte de deux lutteurs nus. Après-midi : une cavalcade militaire en armures et armes anciennes. (35) Des courses organiséesà Lha-sa par Sroù-bcan sgam-po avaient pour but lbménagement du site en vue de la construction du temple su le lac ar.cien(Ma'1ti bln':bum,I' 175 ô). Sron' bcan sgam-po a été assimilé à Gesar et figure sur ue peinture de sa vie. (86)Le milieu de I'été et ses fêtes peuyent être considérés comme rrle sorte de répétition du Nouvel An : coupuro de I'amée avec période creue. En Chine aussi, la fête de ûn d'année (la ffi) avait au milieu de l'été une fête correspondaute (lsou 17ft; Heou'Han chou, 15, 4 a-b; les deu fêtes se situent respectivement aux solstices d'hiver et d'été). Au Tibet, les acteurs du gouvernement doivent domer des représentations théâtrales, au palais d'été du Dalailama, du ler au 19 de la 7e lune. Les premiers six jours sont consacrés aux jô'taln et histoires des rors (rgyal-raôs), exactement comme au Nouvel An ancien. Champasngta reliait cette obligation à la coutume bouddhique dt:- d.byar-gnas (oarsa; retraite estivale suivie d'un carnaval, tth. dgag-phye, skr, praudlan1a,comportant des récitations de contes, des controverses religieuses,des plaisanteries, des baignadesen commun. La fête a lieu le 16 de la 7e lune et est expressémentqualfiée de o fin d'amée r). Le NouvelA:: est suivi d'une fête de Maitreya, mais celleci est aussi répétée en été. Chez les T'ou-jen, l'exposition de f image de Maitreya est répétée le 6 de la 6e lune (ScnnoorR, 1952-1953,p. 255). Chez les Mongols, on I'a signalée le 15 août (donc 7e lune) : circumambulation du temple par un char tiré par un éléphant blanc (P. LloeÉ, Chez les lamos d,e Sibérie, Pais,1909, p. 132). (3t) Tcuenc Tsr-nounr, Li-houa Mo-la Ti-sang leang-lc'iu jen-min cheng'houo tÆhouangh'ouang k'ao-tclt'o (nE1no6t" sur la situation de la vie du peuple dans les deux districts de Mo-lê et Ti-mg de Li-hom [Litang] ,),in K'ang-tao yue-k'an,\,2, p.43. (38)Tcne1e Po-tun, Tiao-ælt'a Too Lou Kan Tchan houang-tch'an je-ki(n Rapport sur les miaes de... r), ibid.,1,9, p. tt6. (3e)Le dieu du sol (Manibautn, Mittelburg; construction comme celle de L'obo); p. 823.830 : la chèvre empalée (Pfahlziege, érigée sur la montagne entre le 13 de la 5e et le 6 de la 6u lune; enlevée le 15 de la 8e luno). Hrnuawrs, 1956, p. II7 (d.pa'-rnhhar\,!J8 (et photo 6), 272 (contre la grêle), 283-286. (aa)Surlestretzeamnye delarégion,voirTlrrr,, I9L4,1,202,n, 1; Rocr, ce qui fait bien qlatorze. (n5) Horc.Tpwc yft'tfi, Mao-ya tche sseuchen-chan h T Z frE fiS tlt ,in K,ang-tao yue-k'an, II, 9, p. 58. (46) PozDNyEEv,Oôerki bita budrliiskir rtuonastîrei,Saint-Petersburg, 1887, p. 408 : la fête de l'obo est organisée séparément dans chaque clan et monastère; la date diffère, rnais doit tomber m jour dos trois mois d'été ou d'autome. Chaque mois de ces deux saisons,un lùsuz xàn tengri < dieu, roi des dragons >, descend du ciel (le 2 et le 16 de chaque mois de llétè). En hiver, tous les lA (tib, klw\ dorment. Le culte s'adresseà tous les dieux. Potr Lrssrnc (1935, p.168-179), les fêtes del'obo ont lieu au printemps et en automre (couses, luttes, offrandes d'armes). L'fuformation su,r les Àlz est confirmée par un passa.gedt KluJbum d,kor-po (éd. Péking, 64 b; il en existe me traduction mongole) : te tS d" pt"mier mois d.el,êtêles klu se lèvent et couent partout. Le 15 du premier mois de I'hiver, qnand les Pléiades culminent, les klu se couchent et dorment partout. Le 15 du premier mois de I'automne et du pdnremps, les ltlu se développent et se répandent partout. (a?) La notion du sommeil hivemal des dragons-serpents-divinités est très répandue en Extrâ me-Orient. Pour les Yakoutes, les < animaux-m|16s r, esprits du chamane, se lèvent de leurs cachetteset errent lors de la fonte des neiges (Czerr,rcrt', Aboriginal Siberia, p. l82.l83; ils connaissent aussi les deux fêtes du printemps et de l'automne), En Chine, le dragon lève la tête après son sommeil d'hiver, le 2 de Ia 2è lme (S.D. Glltar,o, Ting Hsien, New York, 1954, p. 374). (ae) Pour le barde, cf. chap, vrr, p. 356, 361; pour les fêtes, supra, p.45I. Pou un exemple plus ancien, cf. Tunrwn, Ambassad,ea,u Thibet, trad. franç., Paris, 1800, I,58-68 : culte de la montagne sacrée au Bhutan; on plante un drapeau bLanc; procession avec cinq bambor:s avec

RECEERCHES

SUR L'ÉPOPÉE

ET

LE

BARDE

481

ÀU TIBET

drapoau blanc" suivis de deu longues perches entourées de tissus bleus, rouges, jaunes, bLancs, On pourrait multipûer les références. (4r) RrsLEy,GazetteerofSilthim,Calaûtt,1894,p.36:ancêtredechequefamillodescendant du mariage entre m rocher ou m arbre et m lac. Dans les chants de rnariage, le marié ost Hochzeitslieder der Lepchas, comparé à la nontagne, la roriée au lac (Nnrrsrv-Wotrowrtz, in Asiat. Studien, VI, 1-4, p. 32), Parfois les deux ancêtres sont deux fleuves (op. cit., p, 36) ou deux pierres (rn., A cult for the god of Mount Kanchenjunga, in Actes d,u IT" Congrès Intern, d.esSciercesAnthropol. et Ethnol., Vieme, 1952, II, f86). Au Tibet, Padmsambhavs né dans m lotus après l'mion d'me pierre (le père) et du lac (ta mère) où. pousse ce lotus (Porervrrt, 1893, II' 232). (so) Lac (chinois hai-tseu i6 1) .* la montagne Wa-ha chan, à ca.300 li à l'Ouost de Chamdo. Un dieu y réside (K'ang-yeou lti-hing,k.7,I a; éd. Siao-fanghou-tchai,84 â). Un autre sur Ia montagne de Tatsienlou. On y prie pou la pluie. Silence obligatoire. Si I'on parle, cela provoque la grêle. De même près de Batang et à Song-p'an(op.cit.,2,lI ô; éd. Siao-fong houtchai, p. 76 b). (51)Los noms des armes et des dgra-lha sont pætiellement identiques à ceu du Gesor.Le couteau Çel-dkar 'od-ldm est le couteau de Gesar Çel-gyi spu-gri (xyl. Ling, III, 100 à) ou Çel-gyi sul-dkar (Hrnur.tns, 1956, p. 186); les gonouillèresNes-paskyob-byed : même nom chez Gesar(xyl. Ling, IlI, 105 ô); le bouclier sBa-dmar glin-drug : le bouclier de Gesar sBa-dmar g\n-zlb (xyl. Ling, ll, 29 b, lll, I00 à, f05. ô). L'épée Nar-ma gdoù-gëod, où gdoù est incompréhensible et visiblement fautif, est I'épée Nar-ma'i rdo-spyod [: gëod] àt Ro-sgruù et l'épée rDo-ëhod-m qui a passépar trois trempes (nar) de la Lou. Lad. Version(cf. supra.,p.428). Las noms des denx premiers d,gra-Iha ruppellent aussi le Gesor : le premier est dMag-dpon (a général >), le second dGra-'dul (,, vainqueur d'ennomis >). La coïncidence des noms des armes n'est pas fortuite. Les armes do Gesar sont expræsément dites être < les neuf armes spontanément apparues(non fabriquées par u forgoron) des dgro-Iha , (xyl. LinS,lII, L05). (62) Poppo, Zum Feuerkultus bei den Mongolen, n As. Maj.,II, 1, p. I39; Poremrv, lBBl1883, IV, 429, Le mème souci de conter, pour rendre le rite efrace, son origine est bien attesté aussi dans la littératue indigèno des manuscrits de Touen-houang dans les rituels Nakhi (Mosso) et dans les rituels lamaîques concernant les divinités mineures et indigènes, Pour les Nakhi, voir les travanx de Rocr (origine des armes : The Da Nu funeral cercmony.,., in Anthropos, 50, 1955; origine des chevaux : The Zhi M frnGurJbum, 107 a; part, l'enseignement de -la cf. aussi ibià., I2Ob: (nam-mkha 'm,jod, ibid., 335 o). La *ê*" ,oor." d'inspiration est aussi propre aux rNifl-ma-pa (un ouvrage est en état d'ivresse. C'est ivre aussi qu'on voit 'Brug-pa Kun-legs, mêlé à la foule d'une fête populaire, entonner des chants (infra, p,493). Ce sont surtout les bKa'-brgyud-pa qui ont adopté et cultivé les chants populaires et les poèmesreligieux des traditions indigènes. Nous savons déjà que leur accoutrement (chapeau, bâton), les apparente à diverses figures de clowns et de bouffons. On peut les comparer aux ordres mendiants de I'Europe médiévale. Ce n'est pas par hasard que le costume du bouffon et de I'arlequin s'y explique par I'association avec la calotte du moine (inspiré, saint caché, plaisantin), et I'habillement misérable du (6). PaYSan Mais disons tout de suite que le type du saint < fou > du Tibet a des antécédents indiens. Les chants de Mi-la ras-pa remontent, par son maître Mar-pa et les maîtres indiens de ce dernier, aux chants mystiques des tantristes indiens (d,oha)(z).Les tantristes cultivaient les chants et les danses(qui se sont perpétués au Tibet dans une partie des pantomimes masquéesdites'éham,). Et surtout, fait qui paraît sociologiquementsignificatif, malgré le sens mystique qui s'y rattache (mépris des apparences,humilité, supériorité du saint libéré de toute entraye, même de la morale courante), ces tantristes se recrutaient dans un milieu franchement populaire et affectaient une prédilection pour la fréquentation des gens de bassesclasses(tous les métiers méprisés, tisserands,potiers, pêcheurs,etc., tavernes,prostituées)(8). Les deux ordres dont j'ai parlé se réclament du même maître spirituel primordial, rDo-rje-'ëhair (Vajradhara), et se disent, à ce propos, expressément (ka,37 b). Comme Mi-la ras-pa, il se compare aux animaux types de la nature qui caractérisent tous les chants populaires (infro, p. 497). Ol il chante, comme les clowns du théâtre actuel, des vceux de bonheur (irfro, p.498). Il imite le chant de filles cherchant de l'eau (120 a). Il s'inspire des mélodies du pays de Kofr-po $t\ (Kori-rta), àes chants bonpo (Bon-glu) et des airs de sorciers (sfi.ags-pa'i dbya,ùs sogs, ka, f63 b). Il se mêle à la foule des villageois qui s'en vont à la fête (au spectacle!) de la montagne sacrée en été (d,byar-ka'i ri-had,' lors de laquelle on danse, chante des chants alternés avec joutes de proverbes et d'énigmes et se liwe à des compétitions comme courses, luttes, etc.). < Eux exécutaient des chants et des pantomimes (gâas d,a,riçon). Moi aussi, déjà iwe de bière, comme j'avais la parole facile, je me suis mis à danser et j'entonnai ce chant... > (ka, II2b). J'ai déjà dû citer les chants de ce poète inspiré (chap. vrr, p. 321, n. B et 9) parce que, comme dans l'épopée, la mélodie, l'air sur lequel le poème est chanté, y est désignée par le terme ( cheval, que chevauche le poète, notion qui se rapproche du tambour-cheval du chamane et des instruments d'inspiration qui le remplacent (violon, dada). Ici nous pouvons faire plus et mieux. En remontant à Mila ras-pa! nous devons constater que non seulement ces poètes ont les mêmes attitudes et accoutrements que le jeune Gesar et le barde, leur style même est iilentique à celui de l'épopée (métaphores et prosodie).

492

Chants de'Brug-pa

Kun-Iegs.

Errant partout d'un coin à l'autre du pays, il chante et danse (Biogro,phie, ka',39 b). Un chef lui demande de chanter pour lui les væux de bon augure qui souhaitent une longue vie(che riri-ba'i rten:brel). C'est là une fonction gu'exercent de nos jours les bouffons au Nouvel An et au début de toute pièce de theâtre. A cette occasion, Kun-legs fait un poème dans lequel il expose toutes

493

Procéd,és stylistiques. C'est à Francke que revient le mérite de I'avoir signalé (1915, p. 75; Laufer's Milaraspa, in Or. Literaturzeitschrift, 1923, no 9, p. 426-429; repris dans 1925, p. 49). Il a noté que les chants de Mi-la ras-pa se rattachent visiblement à des chansons populaires et furent sans doute chantés sur leurs airs. Les chants populaires sont accompagnés de danses. Aussi voit-on Mi-la ras-pa y participer sur la pierre qui lui sert de chaire. On en montre encore les traces (cf. chap. rrr, n. 5). Francke a pensé que la popularité même de Mi-la ras-pa vient de ce qu'il a su utiliser les chants et les idées religieuses du peuple.

494

R.-4.

REcHERcEESsun r-'ÉpopÉu ET LE BARDE AU TrBET

STEIN

Ce poète, dit-il, a conservé beaucoup de ces chants religieux qu'on entonne encore lors des fêtes du printemps et du mariage. Et il cite comme exemples : la lionne des glaciers, suivie de l'oiseau khyufi, du poisson, du tigre, etc. Nous en avons déjà noté des exemples au chapitre précédent où nous avons étudié le milieu des fêtes qui se distingue par l'emploi de ces images et paraboles. Francke avait parfaitement raison. Les chants de l'épopée sont construits exactement comme ceux de Mila ras-pa et de'Brug-pa Kun-legs. Nous allong le montrer en détail à l'aide de quelques exemples irréfutables. l. La formule nchevauchant le cheval de...> signifiant (sur I'air de.,.l (cf. suprQ. 2. La formule de présentation : < Me connais-tu? Si tu ne me connais pas, je suis... (un tel) >. J'en ai déjà donné des exemples (chap. vrrr, n. 70). 3. Le début des chants du type < tralala r, Dans le Gesar, tous les chants commencent par z a-la et tha-la (ex. xyl, Ling,II,4 ô et d'innombrables fois), abréviation d'une formule plus longue qui varie selon les textes. On a, par exemple : < le chant tha-la, c'eet tha-la tha-la; tha-la, c'esL la-mo la-glin n (ms. Hor, Kalirnpong, 13 a); ou : < le chant est tha-la tha-la la-mo-Ia-glirl; c'est tha-Ia la-mo Ia-Ia ù (ibiù , Ou encore : < le chant tha (etc.; ainsi dans le texte); c'est a-lu le-rno la-la, (ms. Gru-gu, I,80b). Et:. (ép. d,guù-srton). Avec sa façon de réunir en son corps le < sextuple sourire t (ép.'jum,d,rzg), il semble être le tigre royal dévalant la montagne. Sûrement il va dans la forêt de santal (xyl. Ling, I,20 a). Gesar et son demi-frère et doublet rGya-cha sont aussi comparés à ces animaux, repré. sentants des règnes de la nature. Nous en avons donné un exemple (chap, rrr, p. I6f-162). On peut y ajouter ry\. Ling,I, 42 a où Gesar se compare au lionceau du glacier qui, devenu adulte (ép. , rca,l-d,rug), domptera par ses griffes; au (dragon-)tonnerre des nuages du Sud qui, tenant en main le joyau, couvrira le règne de sa belle voix; au ,le khyuri qtti, devenu adulte (ép. < sextuples ailes, gçog-d.nzg), dominera le monde du haut de I'arbre du monde. Ou encore xyl. Ling, II, 6 a où rGya-cha est comparé au lionceau < crinière de turquoise >, fils de la lionne blanche, dans les glaciers, et au dragon dans les nuages (ibid.,g ô : au lionceau, au petit du tigre; II, 8 b : hhyuù et lionne, 25o : dragon, lionne blanche et son fils : Gesar; 46a : khyufi et lion, enfant divin). Et pour prendre des exemples d'une version orale, Lout. Lad,. aersion, p. 17I : si Gesar part de Gliù, c'est comme soleil et lune quittant le ciel, le lionceau < à crinière de turquoise r quittant le glacier, l,ibex quittant le rocher, le yak quittant les alpages, le poisson n ceil d'or r quittant le lac, etc. Les mêmes animaux caractérisent les lignées de Glifr : clan de l'oncle paternel (sTag-rofi : Khro-thufr) : tigresse; lignée aînée : lionnel moyenne t dtugott tonnerrel cadette : aigle khyuù (xyl Ling, III, 69 b-70 a; variantes, 72 a; les jeunes sont le lionceau, le petit khyuri,7S b). Ou encore, sTag-rofr : tigresse des forêts; lignée aînée : lionne des glaciers; moyenne : dragon-tonnerie des terrains rocheuxl cadette : hhyuù au sommet de la montagne (ibid,.,77 b-79 b\.

Mi-la ras-pa compare I'ermite Ras-ëhui, son disciple, à 1o la lionne blanche à crinière de turquoise des glaciers, 2o I'aigle < roi des oiseaux r des rochers; 30 le tigre < bariolé r des forêts; 40 le poisson < æil d'or r des lacs (rnGur-?bum, 297 a-b; idem, 3OBa-b, 333 a). Ailleurs, pour blâmer Ras-ëhuù, il caractérise ainsi les relations de maître et disciple, père et frls (spirituels). Le père, vieux chien, est abandonné dans le désert; le ûls, le lion blanc de conque, se rend au centre (du pays). Le père : renard (uta-slrye), le fils : le petit de tigre < le bariolé , (ri-bkra); le père : coqo le Êls : l'aigle n roi des oiseaux >; le père : âne (ëog-rofi,, épithète), le frls : l'étalon (md,o-ëhen); le père : vieux bceuf (grelo, épithète), le fils : petit yak sauvage (mGurJbum,303 a). Il connaît aussi les animaux-types : la lionne des glaciers, le tigre de la forêt, l'aigle du rocher, le cerfdes prairies, le poisson de l'eau (op.cit.,35a,266b), et ceux des Quatre Orients : au Nord, le petit hémione ( museau blanc n, rKyafr-ëhun kha-dkar (c'est là exactement le nom du cheval de Gesar, cf. chap. x, p. 538); au Sud, la tigresse mangeuse de viande (cf. la même dans le Gesar, chap. vrrt, p. a,63); à l'Ouest, la dame-lionne blanche Sefr-lëam dkar-mo (seù-léam est le titre de la femme de Gesar); à I'Est l'aigle < roi des oiseaux >t (op. cit.,137 b). Pour d'autres exemples on pourra consulter les travaux de Francke. Mais ajoutons ici que 'Brug-pa Kun-legs a maintenu la tradition. Il chante : n quand naît le lion blanc des glaciers (d,ar-seù dkar-rno), il sera quelqu'un qui < réunit la triple force , (épithète, rcal-gsurn'jom-pa); quand on est purifié des menues souillureso on deviendra bouddha > (Biographie, 34 a). Ailleurs il se compare aux petits de divers animaux devenus grands : comme le poisson < æil d'or > (épithète, gser-mig 'khyil-pa), j'erre dans I'océan; comme le tigre royal ale bariolé ù Ogya-stag khra-bo), j'erre dans les forêts de santal; comme l'aigle (épithète, ça-ba ru-bëu) a été tué, sa mère, la biche, est morte; comme celui du petit poisson (fre'u) : son père t ceil d'or > (gser-mig) a été tué, sa mère est morte (81 ô). A une autre occasion, on lui demande de faire un < chant de

498

R.-À. srErN REcEERcnESsun r,,ÉpopÉr ET LE BÂRDEAU TrBET

bonheur > (bhra-çis kyi d,byafis-rta ëig). Le voici : < A (la montagne) Ti-se (Kailâsa), ornement de la foule des glaciers blancs, flotte le drapeau du lion blanc des glaciers; s'agite la langue du petit, fier de sa crinière de turquoise; flotte comme un ornement sa < triple force achevée r (rcal-gsum rjogs-pa). Que ce lieu-ci ait un bonheur pareil! Dans la tente bleue des profondeurs du lac de turquoise, flotte le drapeau du Joyau-qui-exauce-tous-les-désirs lsid-bïin nor-bu); s'agite la langue du petit, qui procure tout ce qu'on désire. Que vous ayez le bonheur d'enfants et de richesses réunis ! r (suivent des paral. lèles bouddhiques; op. cit.,II0 ô). On croirait entendre un'dre-dkar( (àoa-bçad) dans mon édition du xyl. Iizg (Stein, 1956, p. 126128), il suffit d'indiquer ici la terminologie employée. Chaque élément du chapeau sert à symboliser une notion du bouddhisme. Les mots désignant cette comparaison ou ce symbolisme sont mthon o.u, le plus souvent, brda' , mots placés à la fin de la phrase (sans le verbe n être >). Dans la version orale du Ladakh qui n'en a gardé gue de faibles traces, ces mots sont remplacés par l'expression (rtags-çig yin$s). noter que rtags eT brd,a', tous deux signifiant ( signe ), se prononcent à peu près identiquement * ta). La prosodie est toujours la même dans les versions écrites : / u / v! - !(d ,e;

o bje tc om par é) , ! -

/ u / u,

( br da' , s y m b o l e d e . . . ) .

499

Par ex. : Ëua-la pad.'dab drug-gis brgyan l'd,od.-lha ngs-drug m.chon-pa'i brda', ,rle chapeau est orné de six appendices : signe montrant les six classes des dieux du désir > (xyl. Ling,III, 87 ô) ; ou : àaa-khog stofl-pa zafi-lhal'd,i I gËi-yi no-bo stoi-pa'i brd,a,',,,le corps du chapeau est vide; ceci : symbole du vide de la nature de base ù (ibid.). Voici maintenant les mêmes expressions et le même procédé dans le milieu des religieux. Chez les rfliù-ma-pa

et Bon-po.

n Ces cheveux en désordre et emmêlés : signe de la soumission des trois mondes r (âig-skra lhab-lhub 'khyil-pa d,e I lehams-gsum dbaû-du sd,uil.pa'i rtags; lnns.bonpo, Bibl. Nat., no 493, 62 b-63 a). Dans le rite du gôod, dépouillement de son propre corps qu'on a pu comparer à l'initiation du chamane, les six objets indispensables sont expliqués philosophiquement avec la formule précise que nous étudions. r La flûte de fémur a une seule ouverture : signe que tous les d.hanna ont une seule saveur ) (rkaù-glin kha-sgo gëig-pa ni | ëhos-kun du-ma ro-gëig brd.a; gAod.yul du Klnn-chen sfiiù-thig, 3 a) ttet. Dans le chant karmapa du lièvre devenu yogin, les oreilles reçoivent la même explication symbolique que les oreilles d'âne du chapeau de Gesar : r Il a deux oreilles longues, ceci : aspect qu'il a le couple updrya et prajfrd, : signe qu'il poursuit la route de la délivranse)\ (rna-ba'i rin-po gf,is-ld.an'd,i I thabs-çes zuft-dai ld,an-pa'i ftari, I thar-pa'i larn-sna sâegs-pa'i brda; Biographie d,es Karmapa, 2L3 b).

Chez les bKa'-brgyud.-pa. Il serait fastidieux de donner in extenso les longs passagesoù Mi-la ras-pa emploie le même procédé, avec les mêmes termes et la même prosodie, pour lnexplication syrnbolique du rêve de lHa-rje (chapeau, bottes, vêtement, bâton, voir chap. vrr, p. 352 : mGur-'bum, 246 a et suiv.) ou de son propre bàton (rncur-'burn, 88 a-89 a). Voici des exemples : < La tête est coiffée d'un chapeau blanc, ceci : signe que haut et bas sont renversés par la méditation r (rzgo-la Zua-dkar gyon-pa d,e I lta-bas yar-mat 'àaôs-pa'i brd.a; 2M b\. ,t Voici maintenant mon bâton-fouet! As-tu compris son sens ou non? Si tu n'as pas compris son sens, je te I'explique, écouie bien! > < Le bâton, son bout inférieur est coupé à la racine, ceci : signe que j'ai coupé la base de Ia transmigration.

500

R..À.

REcEERcEESsun r.,ÉpopÉr ET LE BARDE Àu rrBET

STEIN

< Le bâton, son bout supérieur est coupé au sommet, ceci : signe que j'ai coupé I'embranchement du doute. > (sba rza-thog rca-ba bëad.pa d.e l'lchor-ba'i gài-rca béod,pa'i rtags llsba ya-Ihog rce-mo bëad-pa de I the-chom gol-sa bëad-pa'i rtags ll; mGur-'burn, BB o-à.) Dans d'autres cas, Mi-la ras-pa imite intentionnellement les chants de la religion populaire et des Bonpo, mais n'emploie pas la formule : < c'est le signe de...,r. Comme dans le Gesar mongol (cf. n. 15), il dit simplement : n ceci r (élément de concepts indigènes), r c'est > (assimilation à un concept bouddhique). Le texte et la traduction de ces chants ont été publiés par Hoffmann (1950, texte, p. 363-366, 377-395; trad. p. 268-270,279-29I). Il suffira d'en indiquer ici le mécanisme (ma traduction diffère parfois de celle de Hoffmann). Dans le premier épisode, il s'agit de la célèbre compétition entre Mi-la ras-pa et le Bonpo Na-ro. Elle se présente exactement comme les joutes des fêtes consacrées aux montagnes sacrées. Le site est la montagne sacrée par excellence (Tise : Kailâsa) et le lac Ma-phan (Manasarovara). La compétition consiste en une joute de forces magiqtes (rcal; ascension de la montagne en en faisant la circumambulation) doublée d'une joute de chants dont les éléments se correspondent de part et d'autre et où les hâbleries percent souvent. La prosodie des chants est celle que nous connaissons déjà, mais l'explication symbolique ne se sert que de la formule : n ceci... est l (d,e...yin) : < Le glacier blanc Ti-se de grande renommée; sa tête est couverte de neige, ceci; c'est (le signe que) la doctrine du Bouddha est blanche > (rimgo kha-bas g-yags-pa d,e I saris-rgyas bstan-pa dkar-ba yin). Le second épisode est plus intéressant. Pour convertir un Êdèle bonpo, malade, Mi-la ras-pa imite pièce par pièce un rituel et un chant bonpo, intercalant après chaque élément une interprétation bouddhique. On nous dit comment. < Ecoute mon rituel bonpo ! dit-il. Et entonnant un chant bouddhique sur un air bonpo et prenant pour modèle (e chant appelé) < les vingtdeux couples mariés r, il dit ce chant : ba-sô yaft-yari yari-yari yari-yari-r1,o. A I'aube des temps, au début du monde à peine créé,... r (suit l'éloge du pays, des êtres vivants, du château, du père et de la mère, des frls et des fifles, etc.). Ce procédé s'est maintenu chez les poètes bka'-brgyud-pa. Dans un de ses chants, sGo-mo-pa donne une explication bouddhique de tous les détails d'un bac sur le fleuve gCan-po (bKa'-brgyud, mgur-mcho, I, fol. 83 b : II, fol. 91 ô). 'Brug-pa Kun-legs en fait autant. Nous avons déjà cité son chant d'imitation d'un rite bonpo du tas de pierres sur la montagne sacrée (chap. vrrr, p. 457). S'il l'a chanté, c'est qu'il voulut, par ce biais, propager le bouddhisme. < Kyee! Autrefois, au début, quand naquit I'Esprit, on construisit le tas de pierres dans l'état non créé; c'est la première borne du chemin du

50I

protecteur. Puis on le construisit sur le chemin sans obstacle; c'est la borne âu chemin des six (espèces d')êtres, etc.r (lcyee; sfion sem.s-flid'ëhags-pa'i dari-po la ll la-fias skye-med fi,aù,-labrcigs ll d'e thog-ma'i rngon-po'i la,m' mrho yin ll de^nas'gag-med larn-la brcigs ll 'gro'ba drug-gi lam.rntho yin; Biographie, ka,80 a). Il est clair que les religieux ont eu recours à ce procédé d'explication symbolique de gestes et de thèmes indigènes pour le besoin de la propagation du bouddhisme. On peut même entrevoir comment ils ont pu I'accrocher à la littérature traditionnelle. Les chroniques nous I'on dit : les d6ama ou iataka fill.errt assimilés aux contes (sgrufi'), le nyd'ya ou les sciences' aux énigmes (lde'u). Une heureuse trouvaille permet de se rendre compte que l'explication symbolique a dû être superposée aux énigmes. Le Be conte àtt Ro-sgruri, recueil de contes tibétains adaptés au cadre de la ï/etd,Iapa,fi,cauirytïatikd,(ms. de Delhi, fol. 45 a), contient le récit suivant : Un ministre sage prévoit pour le jeune prince de forme vile, écarté du pouvoir, le moyen de gagner une reine et un royaume. La future reine du héros lui apparaît au cours d'une fête et d'un spectacle au bord d'un 1ac. A ses questions sur son nom, le nom de sa famille et de son pays, elle ne répond que par des gestes (elle touche de son doigt successivement son éléphant, son nez, ses bottes et sa tête). Le ministre explique ces si6'zes (brda'). Or, bien qu'il soit en prose et pour cela dépourvu de métrique, le conte emploie ici la formule même dont se servent les religieux pour I'explication symbolique : < tel et tel geste (de)..., c'est le signe (rtags-yin) que... D (exactement comme dans la Low, La'd. oersion), Mais dans ce récit, la formule est propre à l'énoncé d'une devinette, d'une énigme. C'est dans cette littérature ancienne des ld,e'u que les religieux ont dû trouver la formule de l'explication symbolique et l'idée de l'employer à leurs frns.

Prosod.ie. 9. La prosodie. Les vers du Gesar et des chanteurs religieux sont construits de la même manière. Ils se composent de sept syllabes qui forment trois trochées catalectiques (t le dernier demi-pied manque) : -, / u

/

u

/

u-

Parfois un mot monosyllabique précède ce vers, en position absolue, formant un demi-pied non accentué(l?) : _/

u

/

u

/

u_

_/

/e /e /v_ -/

u

u/

/

u

u/

/

u_

u-

502

R.-4. srErN

REcHERcITEssuR L'ÉpopÉa ET LE BÀRDE AU TrBET

Voici quelques exemples du Gesar à ajouter à ceux déjà cités plus haut

miù,-yafi

(p. 500-501).

da-lta dus gdon lha

d,e -rin

/o -ru' i gnos-ris

bra-ba'i

dÀoz-mëhog

[gis]

yo n-ta rl.

' dis l

stofl-par

çogl rnjad,-par

f iam s - len

r na- ùan

r nt hof t - t gy a s n- ëhe

çogl nal y inl

- 'u / u / u /-/u/u-

Avec une régularité remarquable, cette métrique est propre à tous les manuscrits et xylographes non abrégés. Elle se retrouve même, à côté d'autres vers, dans la version semi-orale du Ladakh. Nous en avons déjà donné un exemple (supra, n. 15) et avons noté que le vers y a été détruit par I'adjonction de deux mots. Les autres vers du même chant ont été aussi troublés. Le chanteur n'a plus compris la prosodie. Nous savons déjà (cf. chap. ru, p. 168) que cette version, loin d'être primitive, se présente comme la simplification d'une version plus complète (avec chants et métrique régulière) tombée à I'état de conte. Cette prosodie est aussi celle de Mi-la ras-pa : yul-drug

naft-gi

sleyon-dtug

d,per-btag gtan-la

rgya.-mcho'i

klorl-na'phyo

(Biographie, ka,39 a).

(ryL.Ling,II,62b).

phyi-yi

nasl

/ v/ v/ v/ u / u / u-

g se r - m i g 'h h yi l - p a l o

- ' , / u/ u -

'd.ren-ston

rnd,o-b rgytd,

b k a'

' ur - lhog

D'où vient cette métrique? Tucci a fait ressortir que la prosodie de Mi-la ras-oa dérive de celle de la traduction tibétaine des doha indiens. C'est vrai pooi b"un.oop de vers, mais, comme ailleurs dans le Kanjur et le Tanjur, elle (1e).Il en est de même de la voisine avec des vers plus longs et plus compliqués traduction tibétaine du Rd,rnayar.t@trouvée parmi les manuscrits de Touenhouang (et donc antérieure à Mi-la ras-pa). Par exemple, pour les vers identiques à ceux du Gesar et de Mi-la ras-pa : dam-la

gnas-byas

rnGrin-bzais-pof

'Ba-li

lam'dtt

ma:gro'çigl

(Thomas,p.202; cf. aussip.207,218 (20)). Mais, par ailleurs, voici un exemple de vers très irréguliers I skra-ni

mthon-tift

d,mig ni

'ud.-dpal

chaf,s-pa'i 'phral-ba

'u/u/u-

I u / u' u / v/ v/ e-

d,byaù,s-ltar

/ u / u / u -

g - ya s- sn 'kh yi l l

/u/u-

la

kha-dog

rgyan-mëhog mjes-pa

rnanx-pat

dog

d'byis-su

çis

d,e-des d,o n-d e

th ug s - s a

m i- by on

chig

brd ,a-yis

'gro - lar t

' di- s k ad

bslcyar-nas ma-blaf's

nal - pas l y inl

-/u/u'u1u / u / - - / u' u / u (mGur'bum, 17 b).

Il serait facile de multiplier les exemples (re). En lisant les chants recueillis dans le bKa'-brgyud, mgur-mcho, on constate que cette métrique est propre aux chants de Mar-pa, Mi-la ras-pa et Dvagspo lHa-rje. Elle change, les vers devenant plus longs, avec leurs successeurs. Il est cependant impossible d'en tirer une conclusion sur la date du Gesor. 'Brug-pa Kun-legs emploie, en effet, à nouveau la même métrique que Mi-la ras-pa (à côté, il est vrai, d'autres formes) :

Cette prosodie est donc savante et propre à des milieux de religieux. Et cependant, elle est maintenant courante dans les chants populaires du mariage et des saltimbanques ambulants. Voici deux exemples du mariage : çc,;r-$as nxun-pa

gçegs-pa'i sion-nas

fi.e 'u'i

lo- nas

m a- z in- pa

fla-ëhen

"ror-mo'i

das-su

ma-thul-ba

- - / v ! - /- / u/ u/

-L--

khri-d'gags

del

/uLu/--

sa,fl-de

yorl'sl

LuLuLu-

< ce r parasol > (ép. du soleil) venu de I'Est; I'obscurité s'en va dissipée par d"rrant u ('o), On dirait un vers du'dre-ilka,r (bouffon) au Nouvel An (chap. vrrr, p. 444). Ou, quelques lignes plus loin, sur le même rythme : çor phyogs rGya-gar d.rztn-chrgs'byed,pti

nafia

/ u / u / u !-u /u/uL-L-(Ibid,., p.I98).

'bebsl

glu

503

ëhos-kyi sgol lëam-khran lal

Pour les maîtriser il "trrr"hi fallait que Thaû-stofr apporte avec -(ft.an-pa-dgu:jom). lui les n dix biens réunis > (bzaù-po 66v:jom). on le verra en effet dompter le mal d'une curieuse façon. La_figure de ce vieillard est identique à celle du vieillard Blanc (tib. sgarzpo tngon-po d.lwr-po ot mgon-po che-riri., le vieillard de h lJngé.dkar-po, vité; mo. ëa.yan ebiigen) qui joue ..n rôle comique de dieu du sol dans ies danses masquées du Nouvel-An. Dieu du sol de l,Himalaya, il règne sur toute la terre et les < génies protecteurs du règne r. Il a unË barbe ùanche, est vêtu d'un vêtement blanc et tient un bâton dont le bout supérieur se termine en tête de ( draeon )(46).

514

R..À.

STEIN

Selon un informateur (noble tibétain), c'est le 5e Dalailama (déjà lié à la danse des lions et des yaks) qui aurait introduit la danse du Vieillard Blanc. Celle-ci comporte une scène (aussi attestée en Mongolie) où le vieux bat un tigre (frguré par une peau et un masque posés par terre), le tue et lui arrache la peau. Dans le 'ëharn de gSer-khog (Amdo), il est habillé en chas. seur (Hermanns, 1956, p. 137 et 147). Or ce thème, c'est celui d'une des variantes de la création du site de Glin (chap. vrrr, p. a63). Dans I'autre version, le site est construit à partir des parties du corps d'un crapaud (sôal), alors que les traditions anciennes supposent le corps d'un lion (pour crapaud-lion, cf. chap. vtt, n. 40). Nous savons que le héros de Glifr qui a créé le site en dépeçant un démon, animal ruminant, est le doyen dPal-le < le sauvage r, né avec une tête de vieillard, dont le rôle est par ailleurs tenu par le Vieil Ermite méditant (dGa'-ni sgom-pa), contemporain de la création du monde (srid-pa). Mais ce monde, nous avons vu qu'il était conçu comme une tortue (Iitt. crapaud osseux, rus-sbal). L'image qui la représente (srid,-pa ho) sert à la divination et aux væux de bon augure. Mais elle représente un nonstre écorché, avec la tête et les membres entiers, tenant dans les quatre membres des crapauds embrochés. Or ce monstre s'appelle sGam-bu phyva < le vieux phyua (di,rination, mais aussi divinité du < monde > srid,-pa) t, Il a été identifré au u démon des rochers r (sans doute la démone couchée gur le dos dont le corps représente le Tibet ; cf. chap. vr, n. 41), mais aussi à Malam Rudra, celui-là même qui fut dompté par Cheval et Truie par une (36). sorte d'empalement (supra, p. 510) Nous sommes donc en présence d'une adaptation lamaïque du thème indigène de la création du site à partir du corps d'un démon ou d'un monstre animal, thème que le Gesar a largement utilisé. L'épopée en a recueilli certaines versions, le théâtre d'autres, Voici en effet ce qui prouve que le Vieillard Blanc Thair-ston a les mêmes fonctions que le Vieillard Blanc, dieu du sol, ile la danse masquée. S'il a vaincu les Neuf Maux par les Dix Biens, c'est qu'il avait reconnu le démon sous forme d'.un crapaud à l'intérieur d'une pierre. Telle est du moins une version rjogs-ëhen-pa, mais je ne la connais que par une allusion insuffisante(37). Les autres versions attestées jusqu'ici sont également incomplètes et confuses. Mais le démon est toujours une pierre que le saint brise par une autre. Selon les versions de la région de Litang (Khams), Thafrstoù se serait montré au marché sous l'aspect de six personnages identiques à lui-même (parfois : luimême el six autres) et aurait dansé. Il aurait empêché les démons de nuire en les attirant par ce spectacle, Ce pourquoi il est considéré comme f inventeur du théâtre (38).Mais une autre version a été recueillie au Ladakh. Pour soumettre le démon de la maladie Ha-la rta-brgyad (Hala huit chevaux) qui se trouvait sous le seuil de la porte de Coùkhapa, à Lhasa, sous forme d'un estomac (pho-ba), Than-stofr le fit entrer dans une pierre de même forme et la brisa par une autre pierre en forme de poignard magique

REcHERcITESsun L'ÉPoPÉE ET LE BÀRDE AU TrBE?

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(phur.bu). Cela se passa au marché, dans une enceinte pt:re (dttaù;'rQ. Les 'ôieux de Lhasa vinrent assister au spectacle, en cheoauchant des bâ,tons : ils contemplèrent ainsi n I'accoutrement du fott, (smyon-ôàos) du yogin (srnyon-pa)' Le rédacteur de ce récit a visiblement mal compris la lésende. Les vieux chevauchant des bâtons sont sans doute les démons ou leJ di"n" du sol. L'accoutrement (ou les ustensiles) du n fou r, cettê expres' sion rappelle celle qui décrit le bâton de Mi-la ras-pa (chap. vrr, p. 353). Le Vieillard Blanc qui ressemble tant à Thafr-ston a un bâton à tête de dragon. Pour mon informateur Champasangta, la scène est claire. Le saint t fait le fou, pour attirer les dérnons au spectacle. I1 fait ensuite venir ses dieux protecteurs (yi-d'arn, sans doute Hayagriva?) pour créer une < enceinte de iajra t (rd.o-rje ra-ba), c'est-à-dire une aire rituelle infranchissable, qui empêche le démon de s'enfuir. On sait que la danse masquée'ëharn er I'une de celles gu'exécutent les saltimbanques qui se réclament de Mila ras-pa ont pour but cette même u domestication n du sol' Obscurément, la légende semble assimiler les sept vieillards qui sont des doublets de Thafr-stoù et les vieillards chevauchant des bâtons qui sont des démons. Nous avons déjà constaté (chap. vr, p. 290) la parenté du dompteur et du dompté à propos des affinités entre Gesar et Pehar. Quoi qu'il en soit, nous sommes certains de saisir un thème important du Gesar. Nous avons maintes fois rappelé le faux Padmasambhava et Gesar qui prétendait guérir les gens en les écrasant d'une pierre et nous avons noté le jeu de Ia pierre du dieu de la guerre ainsi que la relation barde-athlète (chap. vrr, p. 329). Nous savons que le jeu de la pierre du Nouvel-An porte Ie nom de Gesar (chap. vrrr, p. 4a$ et que le thème des athlètes et des chevaux est toujours rapporté au Nord (relié notamment aux Hor, cf. surtout chap. vr, p. 272). Aussi est-ce bien le thème du Nord qui dominera toutes les représentations qui se rattachent au rite de la pierre brisée. Les voici :

Thai,-stofi et le Nord. Selon Roerich, on commence par dresser une image de Than-stofi, une autre d'Avalokite6vara et une peinture à épisodes dont se servent les conteurs ambulants ayant pour sujet la pièce de théâtre Dri-m.ed, kun-ld,an (en réalité Nor-bzan). Le chef des lamas porte le chapeau de I'acteur de cinq couleurs. On apporte une lourde pierre sur laquelle on a peint une figure humaine, le (çan-pa mi-bd,un). Jor., ,r" peut les v.in"rl, mais sur le conseil de sa mère céleste,il se tiansforme en pierre qu,ils," o",ro"rr, c-asser(version , poranin, 1893, II, ;. î. ô;", b; Tersior,. drr Ladakh (Fruhtingimythus, y; Lr.. L;d.- ,urrior, p. g2), les personnages correspondantssont les.sept and,he-band,he (au nombre ae rg àans re xyr. f", tla), magicienscannibales(cf. àhap. ur, p. 167). Mais ailleurs, 1!1:::, par les Sept Cavaliers(ya_ba skya-tdun)'que le démon )f. iîll,r.*placés du l\ord envoie contre Gesar sur ra demandede Khro-thuir (iyt. cya,ntse, *^::]r,!^:^!t

o) el dont.te.seprième ,,upp"u" ilC"r,;;;j

i;ît"fii_rJ,iuu*",, Dcanelanl une classede démons). Or si, dans l'autre version, jâru ," transforme en pierre pour résister (ce qui rappelle le rite de Thafr_srofref h pièce Nor_bzafi), :::".:tl,I,"chers uans celle-cr fl a une curieuse façon de vaincre les sept cavàilers, façon qui reproduit un autre détail de la légende de Thafr_stofi. l- Gyantse t2 b:IB o), io* p"rsuade le Ze cavalier, bCan1","t _-Pru"î,ecnanq€r _(ka,son contre son bâton-dada pour traverser re Freuve Jdure "ef, prendre de -chevar ra nourriture sur rautre rive. ceci fait, Joru donne à son "Iïïl bâton (celui qu'il tient de Khro-thun cerui-cia reçu du dieu des Hor), qui est un n cheval magique>, "i-q,r" l,ordre d" ,roy", les sept cavaliers.Les versions mongoles connaissen-tti"n'cet SËlon le *yt. ie*iog, pou, _"p:rJ". les sept démons venus à cheval, joru leur donne ,s^o'::"j|1 rcurs ch€vôux ses sept bâtons_dadas "ïe.U"rrgi"orrrr" de bois blanc gui ont le poîvoir de tendre les montagneset la mer (ce sont J* ,"p.oa,r"iiorr, ,"prop-l"r'd" ,o.,

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bâton de saule dans les versions tibétaines). Les démons les chevauchent pour traverser le fleuve, mais les bâtons se transforment en poissons et les démonssenoient(Schmidt,trad. rééd.,p. 36; Kozin, trad., p. 59i xyt.,fol. 28 ô). Dans la version bouriate (curtin, r909f p. r31), Gesaru rrlrrf bo.rr"",r* (éc9rce blanche) en neuf chevaux bleus. chevauchés"Ë""gi par les démons, ils redeviennent arbres au milieu du fleuve. I-es spectateurs, vieillards blancs, venus en chevauchant des dadas au moment où Thafr-stofrsoumet le démon < Hala Huit-chevaux > dans la pierre, semblentbien s'expliquer par un thème de ce genre, Nous pouvons là vériD'abord, les Ya-ba skya-bdun (les sept cavaliers) sont bien res mêmes que les sept bouchers et font partie des Hor. selon ie d,ictionnaire de ihosgrags, ya-pho signifie arrivés sur des bâtons. or ils sont figurés comme des Yari-le-ber. Toutes ces identifrcations concordent parfaitement avec les noms donnés au groupe de sept démons de la pièce de théâtre Nor-bzaft. et du Gesar. Les bcan-rgod. 'Barba spun-bdun sont des n généraux t (dmag-d,pon). Its sont ainsi nommés dans un rituel du (vol. sa). Thog-rgod tue d'innombrables êtres, et personne ne peut Ie vaincre. Le roi des terribles (krodha, hhro-rgyal), Hayagriva, et Vajrapâ4i sont désignés pour cette tâche. Mais Thog-rgod ne craint pas leur pouvoir du htnnkara, Hayagriva, homme rouge, engage avec lui une joute de < calcul > (il semble que ce soit une course autour du monde) qu'il perd. Mahâbala soutient avec lui une joute d'illusionisme (rju:phrul), mais perd aussi. VajrapâBi se mesure avec lui dans une lutte de magie, également sans succès, Enfin, ie démon indique lui-même la formule hu-lu-ku-lu, seule capable de le soumettre, et il enseigne son propre rituel. On doit se le représenter tenant des armes à la main et chevauchant un oiseau rouge. Suit une formule < sanscrite ) qui comprend le mot rna-ru-ce. Il est le < souverain des trois mondes > (kharns' gsutn, exactement comme Gesar) et tient dans la main une lance rouge (comme Vai6ravar.ia et comme Gesar-jongleur, cf. chap. vrr, p' 362). Ce rituel est suivi d'un autre, consacré au n boucher )) rouge et noir (çan-pa d,rnar-nag), Il chevauche rn khyufl rouge et fait en un clin d'ceil le < calcul I des quatre continents, ce qui montre que ce < boucher rr est le même personnage que le bcan Thog-rgod. Ici aussi la formule n sanscrite > est identique (avec rna'rwce). Ce rituel montre bien le procédé d.euéation poétique ou dramatique dont les religieux inspirés se montrent capables. L'auteur, Mi-'gyur rdo-rie, fut un visionnaire, un < révélateur de trésors > (gter-bton), textes tantôt réellement découverts sous forme de manuscrits, tantôt tirés du < trésor de I'esprit ou du vide (ciel), sous forme de rêves ou de visions en méditation. On entrevoit à quel point cette inspiration ressemble à celle de l'épopée et comment celle-ci a pu s'en servir. Son ( auteur ) aurait été un de ces lamas inspirés. La composition du rituel et celle de l'épopée sont conniventes et concordantes. Nous avons examiné les Sept Cavaliers des Hor et sommes arrivés au rituel de Thog-rgod. Ce dernier y est associéau < boucher rret à Ma-ru-ce. Or le ministre des Hor, soumis par Gesar et devenu son ami, est le rt boucher >trMe-ru'rce.

Du Râmâyala o,u Gesar, III. Le cas du < boucher pécheur n rMe-ru-rce mérite d'être examiné; il éclaire d'un jour singulier le procédé de formation de l'épopée. Dans celle'ci il est de la lignée du roi Thog-rgod des Hor (rzs. Gru-gu, I, 60 b), l'aîné des cinq fils de sDig-pa ra-ca (le raja pécheur), petit-frls de Thog-mo ral-ëhen (ibid.,II, 85 b). Il est le < boucher ), est rouge et a I'aspect de gÇin-rle (Yama; I, 22I a; II, 85 ô). Selon un lama rflin-ma-pa interrogé à Kalimpong, il a les cheaeux rcuges. Selon un lama mongol, on I'appelle en Mongolie Ulan'bator (guerrieruoig") Ôt6t. Son sabre sàrait conservé à le considère "orrrir"'"n "t mChur-phu, monastère siège des Karmapa. Ces deux rapprochements sont conflrmés par les textes. Le premier Karmapa, Dus-gsum mkhyen-pa (1110 1193; fonde mChur-phu en 1159), avait soumis sDig-spyod rgyal-po (nom que I? Â

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REcITERcHES suR r,,ÉpopÉE_ ET LE BARDEAU TrBET

sDig-ëhen bçan-pa porte dans certaines versions) (ac) soug I'aspect d'un éléphant. Lorsqu'il se réincarna dans le deuxième Karmapa, Pakçi (1204-1283), son donateur d'autrefois se réincarna dans le roi mongol Mon-gor-gan (Môngke qan, I25I-I259; Chronique de dPa'o gCug-lag, pa, 17 b). Dans le panthéon lamaïque, ce u boucher r, appelé Ma-ru-rce, est l,un des vingt-et-un n bouchers r de l'entourage de lÔam-srifr (:B"gc", divinité tutélaire des Mongols; Nebesky-Wojkowitz, 1956, p. 92). Beg-ce, de son côté, est le gardien religieux de Khotan (ibid,., p. 89), vivant dans le cimetière de Ma'ru-rce (p. 90). cette tradition est parfaitement en accord avec les textes plus anciens et les notions indiennes. Dans le Pad,rna tharl-yig (fol. 45 a, 9I b, L72 ô; Toussaint, p. I05, 215, 410), le pays Ma-ru-ce est nommé entre la Perse et Sambhala, ensemble avec Khotan,-ou uu""'A-ça et Bru-ça (Gilgit; suivent : Çam-bha-la, Zah-Éuit,'la-zig. Gesar. Tho-gar, rakçasa, Rug-ma; iaz)' Les textes indiens rangent aussi sous la même influence astrologique de la planète Ketu les Sveta-Hùfa ou Huns Blancs, les Avagâna (Afghans?) et les Maru-Cina < or desert living Chinese, i.e. the Mongolians ))(48).Il s'agit là du Cina du Nord-Ouest de I'Inde et c'est pourquoi Maru a pu être localisé au Chinal. Les religieux tibétains ont connu les textes indiens et ont pu rattacher le < boucher l Ma-ru-rce à la Mongolie en le confondant avec le pays Ma-ru-ce (Maru-Cina) du Nord. La figure du u boucher r a aussi ,ln" .orrr"" indienne : le Rd,mdryarla dont une traduction tibétaine se trouve parmi les manuscrits de Touen-houang. Le yakça,Kore (Kuvera; au Nord!) a été chassé en enfer par Vai6ravapa. Maruce est son ministre : il a des cheaeux rouges exactement comme le rMe-ru-rce tibétain. Ramana (Râma) le soumet(ae). Comme Thomas I'a dit, ce Maruce est le Mârica du texte classique indien. démon devenu ministre de Râvana. Mârica déconseille d'abord à son souverain de ravir la femme de Râma, mais I'aide ensuite à accomplir le rapt. Dans l'épopée aussi, rMe-ru-rce déconseille d'abord au roi de Hor d'enlever la femme de Gesar, mais participe ensuite à la campagne de rapt contre Glin. Dans le lamaisme, l'île des démons de Râ.vanaest devenu le séjour de Padmasambhava qui les dompte. Nous avons constaté à propos de l'origine du barde kalmouk que ce r champ d'action r de Padmasambhava a été confondu avec l'enfer (chap. vrr, p. 325). Aussi voit-on Ma-ru-rce qualifré de gçin-r)e, Yama, ou Me-ru-rce rouge, ( grand glâ de gÇin-rje (les gifi se retrouvent comme danseurs au < paradis , de Padmasambhava sur l'île des démons) (so). La conclusion s'impose. La figure de rMe-ru-rce de l'épopée, son rattachement au pays de Hor et son lien avec les Sept Cavaliers ou les Sept Bouchers du Nord, se retrouvent dans le lamaisme et s'expliquent par lui. Ce dernier I'a pris aux sources indiennes, et notamment à l'épopée et aux catalogues de pays étrangers. De deux choses I'une, ou I'auteur de l'épopée a puisé dans le lamaïsme qui avait absorbé les notions indiennes, ou bien il a pu directement s'inspirer de ces dernières, connues en traduction tibétaine (celle-ci n'est pas

restée enfouie dans la grotte de Touen-houang; Târanâtha la connaissait). Le rattachement au nom de G_esars'imposait dàutant pl,rs fa"ile-e.ri que re Maruce dt Rd,mayaryaet le Maruce des cataloguesde iays étaient tors d".r* reliésà des-personnages et desnoms de lieux du Nord dàni nous avon. montré (chap. vr) les connexionsavec Gesar : Vai6rava4a-Kubera et CIna. on ne saurait soutenir que l'introduction du o boucher pécheu' dans l'épopéeest tardive et superfrcielle.ce personnagey joue un rôle important, on ne peut le retranchersansnuire au récit. Il àst aussi connu de tolutesles versions,même de celles,o.ales,qu'on a cru primitives, mais que nous savons désormaisn'être que desreflets : versionsdu-radakh (Çankrailrir,r), Je Gilgit (ShamtuMiru) et de Mongolie (Siman Biruuia). Nous avons posé le problème du rapport entre le lamaisme et l,épopée à propos du r boucher pécheu, Me-.u-ice que le 5" Dalailama signalait à Lhasasanssouffiermot du Gesar(supra,p.5ig). pour ce cas du *irr".ror* pouvonsdire aveccertitude que la sourceàe l'épopéen'est pas poprrluir", *ais savante'Pour les Tibétains, il est vrai, c'est i'épopé" q"i u".uit fo,r.rri de, personnagesau lamaïsme.Le vieux lama du Minag *e I'a cnampa"ffirmé. sangtafut du même avis en_parlantde A-stag klu-m-"o,héroine do G"ror, ,rrui. aussidivinité qui s'incarnedans desmédiums.A l'appui de sa thèse,il me cita la divinité Ra-mgo-èan< celui à tête de chèvre,, qrË retrouve dansun rituel de Gesar(chap.vrr, p. 338, 340). un choc en retàur est en effet fort possible. I]1e fojs constituée,l'épopéea pu à son tour fournir des personnag"r'u'pu.rthéon lamaïque.c'est de cette manièreque Gesarest devËnu,r' dJ, d,gra-rha ' (phyogs-bfr léags-thag brkyaù-ba d.eI glih-bî; flo-la. nonpa'i rtags çig yin; noter que les deux derniers mots détruisent le vers qui devait s'arrèter avec

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rtags comme dans les versions écrites). D'autres exemples dr Gesar; ryl. Ling, IlI, 56 o : explication symbolique (rrags) du compotement de'Brug-mo; version mongole, ryl, Péking (Schmidt, p. 16; réimpression" p. 15) : interprétâtion symbolique de la laideur du nouveau-né Joru (mais sans les mots u signe de r). (rs) De même dansle gëolchogs,'38 ô-39a, pour I'iconographie de Pha Nag-po éhen-po, d'abord... pa'i rtags (plusieursfois), puis... pa'i brda, (rr) Parfois, Ies particules grammaticales (kyis, gyis, etc.) ne comptent pas. Le génitif vocelique (pa'i) compte toujours pour une seule syllabe (prononciation : pô). (18) Cf. Jescnro, Proben aus d,emLegend,enbuche,die Hunderttausend, Cesiinge oon MiIa. raspa, in ZDMG,23, 1869, p. 549 : n das bei r-eitem hâufigste Metrum ist der katalektieche trochàische Dimeter >. Rocrnrr,r,, The Tibetan one hundred thousand songs of Milo Repa, ir Proc. As. Or. Soc., oct. 1894, p. vr. o'g) ?PS 1949, p. 98 (cf. Sr.lnrouLlllir, op. cit., p. I25 et suiv.). Pour la prosodie tibétaine en général, voir Pavel Poucu.t, Le aers tibétain, tn Archir: Orientdlni, XUII, 4, 1950, p. IB8235 et xxrr, 4,1954, p.563-585; Verrnov, Some remarlæ on. Tibetan prosody, in Acto Or. Hung.,lI, 2-3, 1952, p. 221-234. Ma façon d'accentuer les sl.llabes est justiflée par les indications de hscxrcn, Tibetan grammor, L929, addenda, p. 110 (P. Poucna, p. 233). Le prosofie ancieme est caractérisée par des vers de 5 ou 6 syllabes, celle des textes lamaiques par des vers de 7 syllabes et plus (P. Poucru, II, p, 579). (20)Francke, éd. lithographique, Das Hochzeits-Ritual tson Tagnacig (rTags-ma-gëig gi fto-glu), sans lieu, 1904, p. 12. (er) Se rappeler que 'Brug-pa KmJegs porte arc et flèches du chasseur(chap. vrr, p, 35I). (sz) Le r kilt , s'appelle thig-ras, les cordelettes du col de sGam-po-pa z mchaLgyi thigphran et sa cêinture . non-thoit ras-yug. (38)II est vrai que Bacot a traduit le nom Thos-pa-dga' par < Bonne Nouvelle > parce que la Biographie (10 a) semble bien dire que le père, apprenant la nouvelle de la naissance, fut contelrrt(d.a-l.anbur-skyes yod. 'd,ug-pa,de I thos-pa'i gtam-ln d'ga'-ba éig byuù-bas iro'i bu'i min-l,o Thos-pa dga' zer), Mais Mi-ta ras-pa dit un peu plus loin : < après un beau festin do dation du nom, je fus élevé avec amour. Et comme, plus tard(phyis) j'ets I'esprit heureux chaque fois (clnd,) qte j'entendais de bæux sons, les gens dirent : iI est bien dénommé (il mérite bien le nom de) Thos-pa dga,' .(plLyis na-ln skad, sfr,an-po thos-chad sems dga'-ba éig byuù-bas). Donc, même si Ie nom avait d'abord trait à la bonne nouvelle de la naissance, il fut ensuite considéré comme s'expliquent per le goût de Mi-la ras-pa pour les chants et les voix. (za) Le petit du lion s'appelle g-yu-ral < crinière de turquoise,. Or parlant de leur amour réciproque, Mi-la ras-pa dit que, quand ils étaient enfants, ils avaient, frère et sceur, crinière d'or et crinière de turquoise(cheveu) en désordre(gser-ral g-yu-ral fli-Ie-pa yod'-pa, loc.cit.\. (25) On trouvera d'innombrables dactyles dans les manuscrits de Touen-houang publiés p. M7 : pho' (par exemple Br.cor, La, table d.esprésages signif.és par I'écl,oir, n JA,I9Iï, rognimi'imgon,ilrait-:rolnilha:ibln';mais Leuron, Bird'dioinationa,nongtheTibetans, in fP, XV, 1914, p. 31-32, accentuant la dernière syllabe, y a vu u dactyle suivi de deux trochées.Cf. aussi P, Poucnl, op, cit., p.2L5. (26) Pouxtx, OéerkputeÉestuiya u Si-éuan, n lzu. IRGO, XXXVI, 1899, p. 40 (402). (z?) Autobiograpi,ie de Târanâth a, 20 a, 52 ô : deux textes sur ce dieux se trouvent au Musée ethnographique de Leyde, collection noÊ583 (m) et 583 (n). lza) sBas-yul Pad,ma bkod,-pa'i gnas-yig, copie, p. f 7. Sigaalé, au Roù-pa, pt le dPog'bsam Ijon-bzah (II, 352 : 1o1.223b) : à côté du palais de bDe-méhog iI y a le rocher bLancde gNan' goi, c'est-à-dire gNan-rle goù-sùon (Nrnnsrv, 1956, p. 289,324), Sous la forme gNan-rie gun' sfron, il est localisé dans l'Amdo et son Âls est sMon-pa Don-gru.b (ibid., p.215). Dans æs. Enfer, BibI. Nat. (L6 a), gÊet (: gaan)-rje Gos-sùon-poest le père gfian d,e Gesar. (2e) Le ms. Enfer, Bibl. Nat.,16 a, écrit Thos-pa dkar-po, forme intermédiaire entre Thos-pa dga'(qualifié de gdul-dÈa' 'dul) et Thub-pa dga'"ba ou odka'-ba. (30) L'identité avec Hayagriva explique que I'oncle Khro-thun 6t très souvent appelé Kbro' ryyaI (ltrod.harâ.ja; votr xyl, Zizg, index). Ce demier terme est un titre fréquent de rTa-méhog

RECEERCHES SUR L'É,POPÉ,EET LA BARDE AU TIBET

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ou rTa-mgrin (xyl. Gyanise, Ga, 15 a : khro-rgyal rTa-méhog 'bar-ba; gNam-ëhos, Sa, 23 o : khro-rgyal rTa-mgrin; 26 a : rTa-méhog khro-rgyal). (31)PRZyLUSKT,La croyance au Messie.,., in ]?IIR, vol. C, no l,1929, p.7. Cïnïrov (1918, p, 68) signale qte le d,harmapdla rTa-mgrin, protecteur de Gesar, se manifeste sous forme de deux comeilles, oiseaux sacrés. (sz)Biographie d,e Than-ston,6 ô : il est smyon-pa (et incarnation de Padmasamlhava,2 ô, I At,

(s) CïBïKov, 1918,p. 385, avec me image; WeoorI.r., 1895,p. 385, n.2. (34)JEN, 1934, min-sou pien, p. 180; Ma Ho.t'ien, Kan Ts'ing Tsang-k'iu k'ao-tch'a ki, III, p. 570. Cf. le narrateur d'un drame vu à Lhasa : masque blanc à gros nez, tuban blanc, barbe (L. Tnouaso Out of the world,, New York, 1950, p. 213 et 215 (photo). (35)Les farces de ce persomage ont été décrites par de nombreu voyageurs. La meilleure description et la traduction de son < sûrra r se trouvent dans PozoxvBBv, Oôerleibita budd,iishix monastïrei, Saint-Petersbourg, 1887, p. 83-84. (36)P rrrcn,l nri ssi onari i tal i ani nel Ti betenel N epal ,R ome,1952,I,p.142-143;IV ,p.t63 etsurtoutsesnotes:p.270,n.4,5,P ourl emondec rééparP hy v aetdB aù-phy ug,c f.H rnl raw ts , 1956, p. 249. L'identification avec Ma-tram Ru-dra, voir Pad.ma tha.it-yig, 13 a (Tousserwr, p, 32). Ce démon a trois têtes, chacuneavec trois yeux, neuf en tout (1I ô, p. 28 ; cf, les neuf maux réunis). Fz) grub-thob Than-ston rgyal-pos rd.o nah-na sbal-pa gzigs-pa (Kloit-ëhen sfriù-thig gi t,ionLgro'hhrid-yig,48 a-b (êd. collective, èa, 58 a). (38) DuNcAN, Haraest festioal dromas of Tibet, Hongkong, 1955, p. 7, IB; Tcuouervc Hrur-pru # 41 ,{t Si-tsans tche hi-ki LE ffi, Z,Ei ËJl i" Pien-æhens hons-louen, l, 5-6, 1942, p. 89. (3s) RoERrcH, The ceremonyof breaking the stone, in lourn, Urust:ati Himalayan Res. Inst., ll,1932, p. 25-5I. (40) En conquérant le n Sauvage , du Nord, Nor-bzan dit de lui-même (fol, 119 b-I20 a) : n je suis le gardien de la doctrine du Bouddha, le protecteur de tous les êtres, le boucher(gçed-ma) qui tue (àsgrol-ôa) les ememis de la religion..,, le souverain de toutle jambudoîpa, >. lltuele père et les deu fils n Sauvagesdu Nord >, mais empêche leur réincamation dans de meuv&ises renaissances.En ceci iI agit exactement comme Gesar qui reçoit aussi les mêmes épithètes et notamment celle de < boucher > (gçed,-ma)des mauvais (par exemple xyl, Ling,ll, 23 a, lll, 101 ô). ({r) Wenorr,r, mentiome aussi la belle kinnariManàhe bzan-mo, mais celle-ci est I'héroine de \a pièceDri-rned,kun-ld,an. Dans Ie Nor-bzan, [a kinnarî s'appelleYid-'phrog-rna (Manohara). Nous avons vu que celle-cia été effectivementrattachéeà l'épopée et anx strui ou contes anciens (chap. vrrr, p. 432). (t2) Xyl. Gyantse, Ga, 6ô (À-yan),20à (Yan-skyar); soumis à Thog-rgod, roi des Gru-gu (ms, Gru-gu, I, 42 a). On parle aussi de (( sept frères dieux guerriers A-yan , (A-yan dgra-lha spun-bdm, ibid.,223 a). A-yan semble désigner le roi des Hor ou des brigands Hor (dont le < bouchep rMe-ru-rce fait partie, *yl. Ling, ll, 62 b, 65 b). (rs) La collection tibétaine du Musée etbnographique de Leyde renferme un rituel a,nalogue, no 381 : sà.d.hanades Ya-ba rkya-bdu, en 9 folios (Rin-ëhen gter-njod, vol. ti). Un démon Ya-ba skye-gëig est nommé dans le rns. BibI. Nat n" 493, fol.98 a, (4{) Issus de sept ceufs de sang (Pe-har rgyal-po'i gsol-kha chan-pa gfis, éd. sKujbum Byams-pa-glin, fol. 7 a, b; idem n'Jam-d.pal gçin-rie-ma d,art-bôasgsol-mèhod,2 a) : parmi les sept se trouve Ce'u dmar-po Yan-le.ber. Celui.ci doit être identique au roi des bcon, Yaù-ni-wer (Tuccr, 1949, TPS, p. 7I5), lui aussi qualfié de < général r (d.mag-dpon; ms, Bibl. Nat. n" 493' fol. 89 o, 168 ô). (aE)XyL Ling,Il,63b,68b; Thog-ral'bar-ba in tns.Bacot,29b,45a et Thog-moral-éhen, chef des À-ëhen Hor, in ms. Gru-gu, I, 50 ô. n est le grand-père de sDig-spyod çan-pa(ibid). \48) Ms. Crugu, l, 50 bi *yl. Gyantse, Ga, 20 b. (r?) Cf. Tuccr, L949, TPS, p, 378 (même liste). Dans sa note 77 (p. 612), il indique que S. Lévi a identifié Maru avec Chitral, mais que la tradition tibétaine place ce pays aux environs de Kulu,

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R.-Â. srnrN

Cette localisation se base sans doute aur un autre récit de la biographie de Pad-asambhava oùr iI est guestion du pays des 1pi, situé au sud-Est d'ud{iyana : leus roii étaient de la race de Ma-ruce (Gnûnwnorl, 1900' p. 54). Mais, dans le Gesar, le vieux Riçi est situé au Nord, près des Grugu. (1t) satis chandra vidyàbhûçana, Roma,ka or the city of Rome, as mentioned,in the a,ncient Pali and, Sanshrit works, in J. a. Proc. lSB, N.S., il, 1906, p. S (d'après la Byhaæaryhitâ,, chap. xvr). (40) F,.W, Tnorr.u,s, A Tibetan uersion of the Rdmâ,yarya, in Indian studies in honor of Charles Rockwell Lanman, Cambridge, 1929, p. L95, 2OO. (uol gÇin-rje Ma-ru-rce : Tuccr, TPS, p.219 d'après Kanjur, vol. ùa, p. J29 (: catalogue Tohoku, no 842;l'auteur et le traducteur sont inconus, d'oir l'impossibilité de dater I'iniorgià, mation). Pour le cf. Nrgnsry-Wojrowrrz, 1956, p. 280. ,.1'r. *Il. Ling associe le roi Khri-sroû lde-bcan à Gesar (I, 47 b; II, 2 a, image; IlI, 2 a). (52) \g Cf. chap. nr, < Traces >, no 22, Sur le Panchenlann, auteur M Çambhala-y:i lom-yig, voir Leurnn, zur bud'd'histischenLiteratur der [Jiguren, in ?'P, VIII, 1907, p, 15 .ui". (""àc "i références); Crub-mtha' çel-gyi me-1on,203 a; Gnûwwronr, Der Weg naci Sambhala, M;inchen, 1915. Su le môme, futur général : Lassrwc, Mongolen, p.186:189; Tsrsrronr, Zâasa and. Central Tibet, n Ann. Report Srniths. Inst.,1903, p. 743. (ra) confirmé par Biswanath Blr,rnvopannv.lv4 A note on the Kâ,Iacakratantra a.nd, its comrnentary,in JASB, Letters, XVIII, 2, 7952,p.72: Ie commentaterr d.ece tantra, puadarika, a pour patron Kalki, roi de Kâlapa (canitale du Sambhala). Le < cheval qui sait parler > appartient au.roi du monde à la marque de fer qui soumettra les barbares Yavana, etc. (cf. chap. vr, p. ZOS1. (0a) E. Asrcc, Der Messiasglaube in Ind.ien und, Iran, Berlin, 1928, p.39-ia4l pnvzr.usrr, op, cit., p.7-9. (56JLe même !y!: Ling (1I,78 a), parlant de la < sainte biographie , de Gesar, dit que les erreus et fautes de l'exposé et de la récitation ont été évitéesgrâceau pouvoir magique de Ha-numantha et grâce à Râ-ma-tà (: Râru). _(56) T"oMÂs,op.cit.,p.2]'l(Ocêandelait).SurleSvetadvipaalesaid,yd.dhara,voirLacôro, Essai sur Gulra{hya et la B7hatkathd,,Pans,1908, p. 94, 230,277-2TB;W.C. Cr,lm, Sahad.atpa and, Suetaduîpa, in JAOR, XXX, 1919, p.209-242; Tuccr, Bud.d.his, notes, in MéL Chin. et Boudd,h., IX, 195I, p' r9L (Mahabharata\. Pour les vêrements blancs des meiciens cf. chap. vrr, n. 61. (57) Tuccl, op. cit., p. I9I-I92 (MahAbharata). On noiera que Bhima rencontre Hanumant au mont Gandhamâdana(p. 190), selon le rcyal-brùan lha-bsans,l9 a, le mont Gandha est le dieu du sol de Li (Khotan). (5 8)ABÉc c ,o p , c i t . , p . S T , n , S , n o te q u e le n o m Ka lkin ( n o m in a tifKa tki)ouK al ki (nomi nati f Kalkih) pourrait s'expliquer par kalka < souillure r et I'ambiguTté des caractèresdesrLts ou de héros. Les Indiens ont compris que Kalki détruit la souillure (p. 83). Cette sitlation esr analogue à la parenté et l'opposition de Gesar (et son cheval) et son oncle Khro-thun incarnation du cheval, méchant mais inséparable du héros. Le ry\. Ling (ll" 42 b), explique la méchanceté de Khro-thun par me souillue. (5e) ABDGG,op. cit,, p,53, rappelle que le cheval KeÉin est un démon dans la lésende de K;gpa. Po"!le cheval Keéin, s&uveu, venant du Nord (Uttarakura), ibid,,, p.8?, n.2. pour MaitreyaetSaoËyant,ibid,,,p.I52etsuiv.et203etsuiv.Surl'identitédesdesoriptlonsd'Uttara. kuru et de Keturuti, pays de Maitreya au Nord, cf. Tuccr, op. cit., p. 207, n, 7. Sur la locali. sation du roi de ce pays, SaùkÏa, à Khotan, cf. Tnouas, I9Bi, p.77, o. B. M.it""y" a m cheval blanc comme Kalki, Vai6rava4a et le Bouddha (Wlr.ov, A catalogue of pa,intiigs front, Tunhua?8,p.41,284). Au Tibet et en Mongolig le cheval blanc de Maitreya fig*" dJ"oi"" "" "o--u Ti. des Qlatre Orients et est promené en procession autou du monastère avec anêts aux Quatre Orients (fête de la première lune), (PozoNvrrv, Oéerlcibita buddiiskix monastirei, Saint-Peters. b_ourg,1887, p. 384-392; Frlcunrn, Kumbum Dschatnba Ling, Leipzrg,1933, p. 151, 305; K'ang-yeou ki-hing et Tchou-houoki-yeou,k. 4,16 a; Macerata,en 1241, pmrcu , I missionart italiani, IV' p. 132, 263, n. 193, 265, n. 2r3). Au xrrr siècle, Qu-bilaiinsrirua, sur le conseil de 'Phags.pa, une procession analogug le 15 de Ia lre et de la 2" l'ne, du parasol Blanc r qui

RECHERCHES

SUR L'ÉPOPÉE

ET LE

BARDE

ÀU TIBET

533

soumet les démons et protège le pays ,, Le parasol blanc (sitâ,tapatra) est un signe de victoire, Iié au sinciput et atcakraoartin. À La procession participaient cinq cents chevau cuirasséset cinq cents soldats ainsi que le palanquin avec Komn-ti en tant que dieu guenier protecteur du bouddhisme ( Iizan-che, 77,8 ô). Les thèmes du cheval et du parasol blancs sont répétés dans la fi.gure courante de Kalki au Indes : le cheval qu'il mène porte su le dos un parasol (Aarec, op. cit., pl. II). Pour un aspect comique de ce thème, cf. le charme japonais de protection des chevanx, mmi de la sy'llabe bhrùryr qu est le < roi , des aidyô,raja; le singe qui mène le cheval porte rD parapluie (chap. vn, p. 389, fig. t2).

REcHERcHES sun r,,ÉpopÉu ET LE BARDE Àu rrBET

I. -

53s

LE CHEVAL,DOUBLEDU HÉROS

Parents identiques.

CHAPITRE X

I , A NA T T ] R hD] U H É R O S Dans les chapitres précédents (vr-rx), nous avons déjà dû parler incidemment du caractère du héros. seule l'impossibilité de tout dire à la fois noug a empêché de développer ce sujet indissolublement lié aux autres problèmes. L'analyse complète des aventures de Gesar ne peut trouver plaàe dans ce volume. L'énorme quantité de documents I'interdit. Mais deux grands thèmes doivent être analysés ici, car ils justifient nos rapprochements antérieurs et expliquent les connexions décelées. L'épopée se divise nettement en deux parties. La seconde ne pose pas _ de problèmes. Gesar y est le roi majestueux, le guerrier glorieux, qui soumet les démons et les ennemis aux Quatre orients. ce thème est inhéreni même au nom de Gesar et a été favorisé par la notion du calcrar,nrtin. c'est la première partie qui doit nous occuper maintenant. Gesar y porte le nom de jo-ru et apparaît comme vil et ridicule, rusé et espiègle. La coupure entre les deux parties est si forte qu'on a pu penser à deux cycles primitivement indépendànts I'un de I'autre (chap. L p. 6). En constatant l'identité de Jo-ru et du barde et en examinant leurs traits principaux, nous avons classé ces derniers en quatre catégories formant deux groupes (chap. vrr, p. 376); I, le barde, 10 comme n chamane , et 20 comme < jongleur r; II, le héros en tant que 10, Jo-ru, espiègle, et 20 Gesar, roi majestueux. Mais, pour ne point alourdir ce chapitre et pour mieux comprendre le caractère de Jo-ru, nous avons réservé l'analyse de II, 1o, au présent chapitre. C'est que ce thème comporte non seulement l'aspect vil du héros, maisàussi son double, le cheval. or ce dernier, nous le comprendrons mieux maintenant que nous en connaissons son revêtement lamaique (chap. rx).

Dans le rns. rGya-le'u(92a-b\, le cheval de Gesar dit qu'il est né dans la vallée du Haut Fleuve Jaune (rMa-lufr) où se trouvent trois montagnes, une rouge des gfr,an, we blanche des lha, une bleue des lilu (les divinités des trois étages du monde). Son père est le cheval blanc du Ciel, monture de Chafis-pa (Brahmâ); sa mère, le cheval bleu des lelu (nd,ga), monture de gCug-na (Ratnacûda). Son frère aîné, Bra-thafr ser-po (marmotte? jaune), est la monture du dieu tutélaire (gfr,an sku-Iha) Ger-mjo et sa sæur, rGod-lëam dkar-mo (ûlleaigle blanche) celle de la sæur (de Gesar) The-le 'od-'phro. Le xyl. Ling (III, 38 à) confrrme cette identité. Le cheval est né à rMa-et-rJa, son père est le cheval blanc du ciel ou de la race des chevaux excellents (ndo) de I'Amnye Machen; sa mère, le cheval gris de la terre. ioru aussi est né et e*pt,lJé à rMa. A cet endroit, il invoque les trois mon. tagnes nommées ci-dessus comme partie médiane de sa parenté divine (en fait, seulement la montagne centrale, gff,an-ri : sltu-lha),la partie supérieure étant son père céleste Chans-pa au treizième ciel et la partie inférieure son grand-père gCug-na, roi des nd,ga, père de la nd'gi qui devient la mère du héros. Ger-mjo, montagne sacrée, est d'autre part le père divin médian (gfr'an) de Gesar. The-le (ou Tha-le) 'od-'phro (ou 'od-dkar, 'od-phrom) est dans tous les récits la sceur céleste de Gesar (cf. xyl. Ling, index). De plus, rGod-lëam dkar-mo que le passage cité du ms. rGya-le'u donne comme cheval de cette personne est par ailleurs la < tante maternelle t (sru-rno) et divinité tutélaire de b). Dans le ms. sBe-ra, elle est tantôt identifiée Ioru (xyl.Ling, ll,35a,6O à la sæur céleste Tha-le 'od-'phro (1, 2 b, 4 a), tantôt elle est son cheval (I, 18 ô). Ailleurs encore elle esf la sæur (srifi-mo\ et déesse tutélaire de Jo-ru (ms, Bacot,25a,34a), la ). Le P. Hermanns-les décrit comme ressemblant aux mulets, de couleur brune, mais le ventre et les jambes blancs, avec la raie dorsale noire, une grosse tête, de longues oreilles. Ils hennissent comme des chevaux et ne braient pas comme des ânes. Ils ont pour proche parent le < kulang , (equus hemionis Pall.; Die Nomaden uon Tibet', Vienne, 1949, p. 161). La confusion est ïeflétée par les dictionnaires. Kowalewski donne pour qulan mongol l'équivalent rhyaù-ser (kyang jaune) et traduit : < espèce de che' lr.l .u,rrrug"] coole,ggoo..t, urr"" la quéue noire rr. Mostaert indique, en ordos, xula : orob" d" cheval; fauve à queue et crinière noires avec bande noire sur l'échine >, et xulan d,àigend,i pour t hémionerr. Le Sseu-t'i ho-pi Ts'ing-u'tenkien (k.31, 'ëikirc; 51 o) traduit rkyàt par Ie chinois ye'louo (tt mulet sauvage >) -et (Kq"i a des oieilles o). Pour ce dernier mot, Kowalewski le mongol donne à nouveau < mulet sauvage D et ( equus hemionus ), avec |'équivalent tibétain rltyan. du chapitre vII ne peuvent donc pas, être^infirmées Nos par des "ompar"isons s"ropules de naturalistes. Pour les intéressés, le cheval de Gesar peut tour à tour p".r". poo. cheval, kyang, mulet ou âne. D',autres caractéristiques

538

R.-A. srErN

confirment la fusion du héros et du cheval dans le chapeau du barde. Exami. nons donc le nom et la description de son cheval. I e nom prend des formes légèrement différentesselon les versions. on peut y distinguer deux éléments,l'un relatif à son identité zoologique,I'autre à ses qualités surnaturelles : _-L rKyafr-bu (xyl. Ling, I, 67 a; IlI, 110a), rKyafr-lu Qns. Enfer, Bibl. a), rKyafr-byufi (: 5hrrti, Friihlingsmythus,ill,B-IQ), n petit kyang >. {at,,3 ce terme est généralement suivi de l'épithète kha-d,kar n *,r.""r Lt"ti" o (loc.cit., er ms- Hor, Roerich,4 b). ces expressionssont très ancienneset dési. gnent l'un des animaux-typesde la nature, classéau Nord. Mi-la ras-pachante déjà : < Le petit kyang à museau blanc (rKyan-ëhufi,kha-d,tcor)du Nord; rien n'avilit la fierté de satête dressée,(mGurlburn,l3z ô). Le visionnaireMi-'gyur rdo-rle attestepar un chant que cette image était restéecouranteau xvrre siècle : < Il sait quand les nuages blancs du ciel se dissipent; sur le chemin médian (de l'atmosphère, entre ciel et terre), le petit kyang au museau blanc (rKyafi,bu hha-d,lcar),on dit qu'il désire éprouver les délices du vent et de I'eau r (gNarn-ëhos, vol. rGya, luù.-bstan, 26a\. Souvent on trouve rKyan-rgod, r kyang sauvage> (Winterrnythus, II, 7 i xyl. Ling, IlI, 42 a et sa.epe)ou l'indication de la couleur de sa robe : rKyafrsmug, ( kyang brun-pourpre > (xyl. Ling, lI, 57 b, etc.) et, en mongol, taeihiir (xyl. Pehing, Schmidt, p. 86; Kozin, p. 95) ou ger, Àer (mongol classique keger ,>- ke'er) n cheval rouge-brur rr u cheval bai r. En eflet, pour les intéressés il s'agit, malgré le terme kyang, d'un cheval. Pour mon informateur Sherap, rKyafr-bu désigne un cheval rouge à crinière noire. Dans ses textes de l'Amdo (inédits), Roerich traduit rta rKyaù-rgod par < cheval fauve et vaillant >. Par contre, l'épithète ( museau blanc , désigne l'âne. Dans la Louter Lad,. aersion(p. 20), le premier de tous les ânes s'appelleNag-po kha-dkar < noir à museau blanc >. L'amphibologie se reflète dans les descriptions. C'est bien un cheval, < cheval divin r (lha-rta, ex. xyl. Ling,IlI, 46 a), < cheval du vent > (rluft-rta; rns.Grugu, I, 20 a,; xyl. Ling,III, 68 ô, etc.)ou l'un des deux frères < chevaux-oisea.ux> (bya-rta; xyl. Ling,lI,64 6). Sesparents étaient le , Prières de Mipham' 19ô), o'phel-po(, n'est peut-être pas la traduc. tion de l'épithète g-yer-po ((sage), mais de celle qui désigne dans toutes les versions décrites, le cheval excellent en général et celui de Gesar en particulier : ëaù-çesr qui sait 1eqf.n, réinterprétation tibétaine donnée comme traduction de skr. d,jd,neya< de bonne race r (ex. xyl. Ling, lI, 28 b, 29 b, 64 a, etc.). Ces versions ont même fait un pas de plus en assimilant ôoû à rhyafi; elles écrivent parfois rKyafi-çes < le kyang qui sait > (ex. xyl. Ling, II, 50 o, 64b, etc.\.

L'aspect oil. Nous avons déjà fait allusion à la méchante jument qui met bas le poulain vilain, en même temps que naît io-t r .onr un aspect vil. Le thème est attesté par une version orale que j'ai recueillie et par deux passagesd'une version du l,adakh (Pallad,ins, III, p. 295 : rKyafr-rgod, poulain vilain (has-nan) soumettant les mondes et les démons; et IV, p. 339, le poulain est glorieux, mais la jument est sanspoils). Je ne l'ai pas encore rencontré dans les versions écrites, mais il est très courant dans les versions mongoles du Geso,ret dans d'autres contes mongols et turcs où le cheval du héros est un poulain galeux. Déjà dans I'Histoire Secrète(trad. Pelliot, p. I24), Bodonëar, le cinquième fils d'Alanqo'a, qui est dit sot et stupideo se voit refuser I'héritage et doit partir sur un cheval < au dos blessé et à la queue pelée r. Le destin du héros est lié à celui de son cheval : (c'est-à-dire (III,27b). Et voici la réponse: (III, 1g a).

550

R.-4.

STEIN

L' a,uilissement, ga,ge d,e gloire, Fait signiÊcatif, le même thème est exalté par Mi-la ras-pa (mGurJbum, 276 a-b). Parlant de lui-même, il chante : u Par la bénédiction pleine de bonté, je suis, peuple, porté par le vent à la hauteur du ciel. Demeurant aux confins, je serai établi au centre. Tombé au rang du peuple, j'arriverai au rang de sou('u). Ayuttt été chassé verain. Ayant occupé une situation vile, je saisirai le trône par les hommes, je rencontrerai les dieux. Ayant rejeté la misère, j'obtien. drai le bonheur >. Les éditeurs ùt xyl. Ling ne s'y sont pas trompés. Ils ont assimilé l'aspect vil de Joru cachant sa véritable nature divine au comportement du gëod,pa bla-ma dont la < pénitence > (brtul-àugs) paraît extérieurement grossière ou violente (rcub-rno), mais dont la nature véritable est la miséricorde (II, 60 o). Pour mon informateur Sherap, ce comportement est celui du tantriste qui agit contrairement à la morale courante. Mais on sait par ailleurs que le rite da gëod consiste essentiellement à se rendre à un endroit désolé et hanté et à offrir son corps aux démons. Nous verrons que l'exil de Joru est essentiellement caractérisé par sa fréquentation des démons. Le stage d'obscurité, I'aspect vil, l'épreuve de I'expulsion, sont la garantie de la gloire finale. Aussi celui qui connaît la nature intime du héros discernet-il son avenir sous sa forme humble. Une interprétation symbolique analogue à celle appliquée au chapeau, à l'épée et au cheval a été donnée de l'aspect vil de Joru. < Sa mauvaise naissance, c'est I'incarnation (litt. a transformation >r). Sa taille courte, c'est (le signe) des êtres. La bave et la morve sontl'a,myta. Les poux et les lentes sont la sidd,hi. Extérieurement c'est un enfant mendiant qui ene tout seul; intérieurement c'est le frls du Jina; ésotériquement c'est I'Union des Trois Racines >t(III, 72 ô). Qu'on ne dise pas que c'est là une superfétation lamaïque abusive. Le procédé est courant dans le folklore mondial. Chaque tort subi par le héros, dans sa forme humble, chaque humiliation qui lui est infl.igée, chaque malheur qui lui arrive, est le signe avant-coureur, le gage même d'un futur bonheur, d'une future gloire, d'un don à venir. A6oka a des membres rudes au toucher et ne plaît pas à son père qui lui préfère son frère Vigatâ6oka. Une épreuve décidera du destin des frères : le meilleur coursier, le meilleur siège et la meilleure nourriture. Aéoka, venu sur un vieil éléphant, assis par terre et ayant un vase de terre rempli de riz, interprète chaque fois sa situation comme signe de sa gloire future (la terre, meilleur des sièges, etc.) (2?). Pour prendre un exemple chinois, on peut rappeler I'attitude du sage con' seiller du duc de Tsin qui < sait transformer en gage de Fortune ce qui d'abord paraissait un Malheur > (mourant de faim, on lui donne, par dérision, une motte de terrel on l'interprète en gage de pouvoir futur; GraneI, op. cit., p. B0). Près de deux millénaires plus tard on rencontre la même attitude. Ayant reçu de la cour chinoise, par dérision, la statue d'un dieu du sol (l'oz-ii), le futur

REcHERcEEs sun L,ÉpopÉE ET LE BÂRDE AU TIBET

55i

fondateur de la dynastie mandchoue le prend pour un présage de sa future conquête de la chine(28). Le Gesar connaît cette attitude devant le signe ambigu, et cela aussi bien dans les versions du type conte populaire que dans les versions a lamaïques r (nous savons que les premières dérivent des dernières). Dans la Low. Lad. aersion (p. 61), le jeune Gesar, enchaîné par les démons qui doivent le tuer et torturé de diverses manières, non seulement n'en soufire pas, mais interprète chaque détail de sa torture en présage de gloire future. Par exemple, qu'il soit attaché par quatre chaînes de fer est le signe qu'il régnera sur les quatre continents. Et quand on dit < présage r, il faut se rappeler que, pour les Tibétains aussi bien que pour les Chinois, le signe avant-coureur, le présage, n'annonce pas seulement I'avenir; il le eontient en germe, à l'état latent, et le provoque même(ze). Les Tibétains appellent ce genre de signe rtenlbrel. Des conteurs (rna-t.r,i-pa\,des bouffons ('d,re-d,kar)et des acteurs (brka-çis àol-pa) en pronon. cent, et nous verrons âu cours de l'histoire de Joru qu'il en fait usagé à plu. sieurs reprises. Le caractère démoniaque, vilain, inéprisé de Joru implique, comme c'est le cas pour les saints o fous ,r, un aspect complémentaire, celui du plaisantin et de l'espiègle. J.{ous n'avons pas besoin d'énumérer ici les irinombrables plaisanteries de Joru. Elles fouimillent dans toutes les versions, tibétaines et mongoles, écrites ou orales. Mais nous devons signaler l'ana\se lucide que I,esrédacteurs ont incorporée djrns le xyl. Ling (III,55 ô). < Dans la patrie des démons du rMa inférieur où Joru et sa mère ont pris possession du sol, il demeure dans une atmosphère tantôt de transformations magiques (sprul-pa), tantôt d'illusionisme (sgyu-ma) et tantôt 4e je:u(rced,-mo).Ces (comporteinents) sont dans la nature rnèrne (rari-gçis) de Joru ,. Cette définition complète celle donnée plus haut (p. 549). Le caractère démoniaque, fou ou pénitent, rejoint la nature espiègle. C'est ce qui explique que le bouffon s'appelle < dérnorr blanc > et que son accoutrement (mi-blanc mi-noir) le rapproche du roi du Nouvel-An expulsé (cf. chap. vrrr, p. 444). Le bouffon < diable blanc > et le < roi-bouc émissaire r sont des mendiants. Joru aussi est un enfant mèndiant (sprari-phrug). Expulsé au pays de rMa, il a envoyé par sa magie la neige au pays de Glifr, obligeant toute la population à se réfugier auprès de lui. Il se présente alors comme roi Joru (rgyal-po) et les plaisante (ku-re) sirr leur sort : pourquoi n'expulsent-ils pas la neige comme ils l'ont expulsé? Le texte em. ploie à cette occasion(xyl, Ling,Il,72a-b) pour Joru l'expression (lcherlkhyal).Mes informateurJont insisté pour cor, riger le verbe 'lehyal en'khyam ( errer sans feu ni lieu r, mais le mot'lchyal (aussi écrit 'ëhal, hyal-ka, rkyal-ka) signifie : n parler à tort et à travers, dire des bêtises ) et sert à caractériser le saint fou, àuteur d'une pièce de théâtre et de l'épopée (ao).La description de la nature d" Jo* qu'on vient de lire montre une fois de plus à quel point nous avions raison de comparer Joru et le barde aux jongleurs, mimes ou illusionnistes.

5s2

R..4.

STEIN

L'accoutrement ail de loru. Avant de partir en exil, Joru déclare à sa mère qu'il lui faut un chapeau, un vêtement et des bottes. Il a alors cinq ans. Il a déjà écarté les premiers démons envoyés contre lui par son oncle pour 1etuer; il a obtenu de son oncle le bâtondada de saule blanc (léart-d,kar ber-ka) qui sera son cheval et le sac de bonne fortune < à neuf mamelles ,. Il a aussi dompté son oncle en extirpant de lui le démon qui I'a possédé et il 1ui a extorqué le serment de ne point nuire à Gliir en le faisant passer à quatre pattes sous son bâton-cheval. L'accoutrement dont il aura besoin pour affronter la fréquentation des démons dans son lieu d'expulsion lui vient précisément des dépouilles de trois démons. Le dompteur prend la forme du dompté. Selon Champasangta, les trois démons-animaux sont I'incarnation du jeune démon à un ceil qui est né en même temps que Gesar. Celui-ci sait qu'il doit le détruire tant qu'il est encore petit et le tuera en jouant aux dés avec lui à rMa inférieur, c'est-à-dire au lieu d'exil (cf. n. 3). La soumission semble clonc se faire en plusieurs étapes. Champasangta savait encore que I'un des trois groupes de démons qui fournissent l'équipement de ioru, les chevaux-démons, devaient être tués, sinon ils auraient eu le dessus sur le cheval de Gesar (cf. le cheval de Gesar qui doit detruire le cheval de Sa-tham). Il ignorait malheureusement à quoi correspondent les deux autres groupes. Tous les passagesque nous allons analyser se signalent par un rythme particulier qui les distingue nettement du contexte. La description de l'accoutrement se présente avec Ia prosodie des dictons (cf. chap. x, p. 507). Elle est sensiblement identique dans les divers textes et se distingue par un vocabulaire assez obscur au sujet duquel la science de mes informateurs restait souvent sn d{faul(ar). On a bien I'impression que ces dictons devaient faire partie d'un cycle assezancien. On notera avec intérêt oue c'est une rédaction très récente et fortement < lamaiséer qui est seule à àorrr,", cet épisode très archaique. Aucune version orale ne l'a gardé. Voici comment ioru se procure son accoutrement (xyl. Ling, II, 47 b). Le matin sans doute (le texte ne le dit pas, mais la suite le suggère), Joru se rend à la montagne Se-yu et y tue les démons-chevreuils (ou antilopes des Irauts pâturages, rgoJ d,re)qui sont trois frères de I'espèce des bse-rag (démons). Il s'en revêt la tête d'une manière rz-se utilisant le < petit chapeau > (éog-àu\ du chevreuil màle (rgo-pho) ensemble avec sa tête. Celâ lui fait une n tête laide r. Le soir (d,goris-mo),il va dans I'enceinte à veaux du doyen de GliR, sPyi-dpon. I1 y vole et tue les sept veaux r démons qui nuisent au bétail r (god,:d,re). Il en revêt les peaux dont les bordures sont dures et qui comprennent les queues aux poils emmêlés. Cela lui fait un ( corps laid D. A minuit (narn-guù,), il va à l'enceinte de chevaux de son oncle Khro-thun

T

REcHERcHESsun r,,ÉpopÉr ET LE BARDEAU TrBET

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et y vole et tue le démon cles chevaux (rta-bdud) rTis-chag çva-de (rrPoulaineerfr? ou < Poulain-dé r?). Il s'en fait des bottes de cheval rouges (rta-Ihuam rl,tnar-s*g) et y cor,rddes semelles de l'herbe dres-mo (herbe clure). cela lui fait des < jambes laides r. Ainsi, < ayant soumis les trois démons ('dre-gsu.m),il a acquis son chapeau, son vêternent et ses bottes ,. Malgré les deux premiers groupes de trois it de sept, il est clair qu'ils ne comptent chacun que pour un seul démon. La même liste se retrouve au chapitre ur (4 b et 70 b), alors qu'ailieurs @, 57 b) on y ajoute des jarretières (reliant le haut des bottes à ra ceinture) qrri consistent en queues de cheval aux poils emmêlés (rta-rùa fiag-ma), et on spécifie qlre, pour ces expioits, joru s'est servi de son bâton-dadal Je connais à ce jour trois autres textes presque identiques. Le ms. Bacot (19 o) ne mentionne pas les bottes et remplace les semelles d'herbe par une grosse ceinture ci'herbes(gres-rna'i rgya-ëhih) à laquelle pendent le bâton ('l a-khag) rGyal-ba ru-riri et le couteau rCe-ëhag (< pointe brisée r). Le xyl. Gyantse (ka, Bb) parle de u chapeau de peau (lpags-ëua) du chevreuil r, d'un vêtement cle neuf (morceaux rapiécés) de peaux de chèvre (ra-slog rnafsna]-dgu), de bottes de che-val (dmar-sz) et, à la taille (skecl), d'une queue de cheval aux poils 'otges emmêlés (rta-rùa fi,ag-phyifi), tout cela étant un ( accoutrement de mendiant > (sprait-po'i ëhas).Le ms. rcya-le'u (72b et 120r2), enfin, donne le chapeau tle d,airn (rgo-pu'i lëog-Ëu et sgo-Éua), le vêtement de peaux de chèvres aux extrémités vertes (ra-lhag rntha'-liaù), 1es bottes rcuges (drnarpo), une ceinture nonuple (de ?,'d,rel rci skud, nag-pos dgu-ëhirz) et des jarretières (?) sextuples formées d'une queue de cheval et de genêt Gz)(rtu-rria tiog-*ot drug-éhin)'. Quelques remarques nous permettront de préciser certains détails. Le chapearz. L'adverbe ru-se qui décrit la manière de mettre le chaçreau .1. m'a été expliqué une première fois par < entièrement r (Sherap), mais pour Champasangta,ce mot désigne des plumes d'aig1e. Pour lui, le-chapeau-a la forme d'un casque surmonté de petits drapeaux. Il a peut-être assimilé ru-se à,ru-dar t drapeau de guerre ) ou au chapeau des Bonpo à tr corne d'oiseau,r (byct-ru; chap. vrr, p.350). L'idée de l'aigle lui est venue sans doute en lisant go-bo < aigle, vautour r au lieu d,e rgo(sgo)-pho : d,go-bo < daim des hauts pâturages, chevreuil antilope r. I1 a dû songer aussi au chapeau du barde qui est surmonté de telles plumes. Il n'avait certainement oas entièrement [ort, En effet, ce que prend ioiu à cet animal est un èog-Zu,mot qui, pour Champasangta, désigne le chapeau blanc muni de plumes de jo-ru. Le mot iog ou lëog désigne un petit objet rond, une petite tente, un petit chapeau ou petit pagodon ou une tourelle@t). Cog-Èu, d'autre part, est attesté pour 1n désigner la tête d'un oiseau. Lorsque jor,r r" transforme en corbeau rouge pour figurer le dieu tutélaire de Khro-thufr (lié au cheval), ce corbeau est déciit comme muni d'un ëog-àu de soie (dar-gyi ëog-àu éan, d,ar ëo-àu ôan; rns. Bacot, 40 a). Or, si Champasangta pense que ëog-Éu désigne le chapeau

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blanc de joruo c'est que celui-ci comporte deux pointes considéréescomme des oreilles de cheval ou d'âne et surmontées de duvet d'oiseau (nous connaissons aussi les rapports entre le corbeau et rTa-mgrin, Hayagriva, chap. rx, p. 511). Il résulte de cet ensemble une certaine parenté entre le chapeau vil de joru et le chapeau du barde ou de ioru reçu de Padmasambhau". b"r,, le cas présent, il y a hésitation enire un cervidé et un oiseau;dansl'autre cas il y a fusion d'éléments d'équidés et d'oiseaux, mais les comparaisons nous ont conduit à constater le passage facile de l'équidé au cervidé (chap. vrr, p. 378-3?9). Les trois démons-chevreuils sont des frères bse-rag. Ce dernier terme se trouve être une épithète ou un doublet d'une catégorie particulière de lutins, les r,neuf frères m,i-la r, Dans leur rituel, on donne I'ordre de museler les ôserag, les mi-lha (slc/ à cet endroit), les darn-sri, les éhu.ù-sri(démons nuisant aux enfants),eI les god.'dre (nuisant au bétail, comme le deuxième groupe dompté par ioru). Les neuf ftères mi-la sont issus, comme d'autres d&nurs, de neuf æufs d'oiseaux (bya-sgori). Ils prennent la forme de divers animaux. Pour le rite qui les écarte, on fait une figure en pâte représentant un beau petit garçon, avec des dents blanches (de conque), des yeux brillants, des cheveux bruns-noirs, avec un peu de jaune, dans lesquels est planté un panache ('phru) de soies de cinq couleurs, des oreilles bleues (de turquoise). Il porte les fourreaux à arc et à flèches et un couteau court à la taille. Dans la main droite il tient un bâton (phyag-çiri), dans la gauche un fouet (spa-gliri, rotin de bambou). Il chevauche un lièvre(34). Cette description conviendrait fort bien à Gesar(35).Le caractère espiègle de Joru s'explique par son côté démoniaque : les démons en question sont du type lutin. Le mot bse-rag, désignant ici les démons soumis, est aussi l'épithète des marmottes (xyl. Ling, Il, 62 a), Or celles-ci se confondent facilement avec le lièvre, dans leurs attitudes et leur aspect. Elles sont considérées,comme le lièvre, comme sageset rusées (on les appelle sgorn-éhen< ermites ,). Tous les voyageurs signalent leur comportement drôle. Le premier exploit de ioru dans son exil au pays de rMa est de soumettre le roi des marmottes et sa tribu (xyl. Ling, II,47 b, 62 o-à), gardiens des portes de ce pays (rns. Bacot, 23 b-25 a). Ces thèmes sont très anciens puisqu'on les retrouve dans un manuscrit de Touen-houang. Le texte en question est malheureusement très obscur, et Ia traduction que F. W. Thomas en a donnée ne le rend pas plus clair (36).Mais ce qui nous concerne ici est certain. Un démon a dévoré un père et I'une de ses filles. Comme la deuxième fille court le même risque, elle est prévenue par (irctomys caud,atus) dont une forme dialectale est chhip'ieel. 2' Le uêtement. Pev' d'écraircissements peuvent être fournis. L,essentiel est peut-être la variante des neuf p"un* d"ihèvres. Les groupes de démons sontgénéralement

septou neuffrèies.-La peaude

Ie berger ou u homrne sauvager du Nord^dans la-"rrJ"*?"pii"*iirïlru.r." pièce Nir-bzafi.,le berger muni de grelo'-s qui mène la danse des lions et re bouffon u di"b1"-biu.r" r, autant de personnagesproches de celui d" jorrl espiègle et vilain.

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3' Les bottes. L'expression dont se servent res textes risque de faire méconnaître la véritable natu.e de ."t u""o.,t."*".rtLes < bottàs a" J"r"i,, lrlrlhoam) pourraient être prises pour de riù;; bottes de cavarier. Les bottes rouges, comme le veutent nos textes, mais en i:?-ul1:i,e.":::-t,Bénérliglnent rarne\-'/' Lvlars,resprécédents du chapeau et du vêtement montrent quï faut entendre eue Joru chausse, en guise de bottes, !.es pattes d,u cheaar-d.érnon. P^ourChampasangta, szg signifreiait u entièreme-nI n, eI clntar_sug((entièremenr rouge ) s'expliquerait du-fait que la peau du cheval vient d,être écorchéeer est encore pleine de sang. po-ur rui c'esi une peau fraîche, .r"n t"""à". à"ï iag" est certainement iuste. Eile est confirmée par le dictionnaire sseu+;i--ho-pi Ts'ing-u,ten-kie'r 1t. 3I, TBb) et (p. 116a) qui donnent l'équivalent mongol""iliilk;;;lewski belberegei < fanon à", , ffrif. a f^o". .:"9"" la patte). "h.u"rr*

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Aussi faut-il s'imaginer Joru, ainsi botté, comme un pan ou satyre. Nous avons déjà noté (chap. vrr, p. 386) que, pour un bon cheval, ses oreilles sont son chapeau, et ses sabots ses bottes. La comparaison que nous avons proposée entre le chapeau du barde aux oreilles de cheval, qui est aussi celui de Joru, et le violon du barde-chamane issu du corps de son cheval nous paraît être renforcée par l'accoutrement de Joru. A la forme glorieuse du couple insépa' rable, héros et son cheval, réalisée dans le chapeau, correspond ici la forme vile de l'accoutrement de ioru habillé des dépouilles de trois démons'animaux. Ce n'est pas par hasard que le démon'cheval se trouve chez I'oncle Khro' thun dont nous connaissons la parenté, I'identité presque, avec le cheval. 4. Les jarretières. Le caractère surnaturel de l'accoutrement et I'assimila' tion de capacités magiques par le héros en revêtant les dépouilles de démons résultent aussi du nom des jarretières ou de la ceinture (reliée aux bottes par les jarretières). Le xyl. Cyantse lui donne pour ornement de la taillelaide (shed rni-mjes) une queue de cheval enchevêtrée comme un fanon et du feutre (rlo' rria fl,ag-phyin; cf.. allemand Filz et f'lzig (rta-rria' 'iag'ma d'gu), La queue du cheval sii fois liée, yaguement reliée à une ceinture neuf fois liée, s'explique sans doute par une capacité magique analogue à celle de ce < cheval du vent n. En tur.ri et en revêtant les dêpouilles âes divers animaux-démons, io.u s'en incorpore sans doute la puissance. En même temPs, il débarrasse aussi les chefs àe Glitr (deux au moins) de démons visiblement nuisibles au bétail (cela est expressément dit pour les veaux) et aux chevaux. Mais en prenant leur forme, il acquiert du coup un caractère démoniaque qui le prédestine à l'expul' sion. Il se charge du mal, il sert de rançon (glud). C'est ce qui explique encore que la rançon (ùar-glud) expulsée pour écarter les démons mi-la et bse-rag, la figurine du beau petit garçon (supra, p.554), ressemble tant à Joru. Celui'ci a bien coiffé la dépouille des démons bse'rag. Et maintenant, comme dans tant de rituels lamaiques, qui ont certainement utilisé de très anciennes représentations déjà attestées dàns les manuscrits de Touen'chouang, maintenant Joru va être expulsé. Il nous reste à voir comment cette expulsion ressemble au folklore religieux du Nouvel An et au rituel lamïque de la rançon ou du bouc' émigsaire.

REcEERcEES suR L'ÉpopÉE

Expulsion

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ET LE BARDE AU TIBET

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Intronisation.

Ainsi chargé de fautes, affublé en monstre triplement animal, sa nature démoniaque dûment constatée (infra), Jot, expulsé en compagnie de sa mère et des animaux vilains (xyl. Ling, II, 57 b;"rtms. Bacot,20 b; David-Neel, p. 45n 6-67). Nous connaissons déjà le lieu d'expulsion : un carrefour de trois àu de quatre vallées (xyl. Ling,II, 61ô : surn-md,o,47 o .. confluent en forme de croix), au-delà de neuf cols (nzs. Bacot,20 b), autant d'endroits caractéristiques des rituels d'expulsion d'une rançon (glud), Mais voyons comment se présente 1'épisode. Dans le ryl. Ling (II,52b,57 a,59a), le rite est triple. Le coupable, Joru, est chassé (d'ed) par cent pères-lamas (génération des vieux) au son des conques marines, par cent jeunes gens à coups de flèches et par cent jeunes filles à l'aide de cendrcs (thal-spar, thal-d,ed). Du moins c'est ainsi que l'oncle, adversaire de Joru, entend exécuter le conformément à la règle. Mais le demi-rite, frère de joru, son double et ami Zal-lu (: rGya-cha), 57 a. et 59 a) (ao)et propose que ce serait faire perdre la face aux dieux de la guerre"rgo"ffol de remplacer les cendres par de la farine de tsanl.pa (orge grillé). Dans la version de David-Neel (p. 66), neuf lamas, neuf chefs de famille et neuf femmes expulsent le héros. Point d'autre détail. Le ms. Bacot, par contre, est plus précis (fol. 19 a-b). Les oracles ont déclaré que Joru est une ùcarnation du démon (bd,uQ Thar-pa nag-po (c'est-à-dire Rudra, vaincu par rTa-mgrin cf. n. 4). Il est chassé par les conques des lamas (d,uù.-d,ad,: ded),les lois des chefs (khrim,s-d,ad,),les flèches des jeunes gens (md,a'-dad,), les cendres des mères-tantes (thal-d'ad' des nl,a-srlL,la génération des vieilles) etles gu des jeunes filles. Ce rite est très clair. Il est identique à tous les rites d'expulsion au Tibet (cf. Nebesky-'Wojkowitz, 1956, p. 120 : cent nobles, màirr"r, cent frlles, ""rrt cent magiciens et cent d,cd,rya).Mais le détail de l'emploi des cendres ou de la farine de tsam.pa permet de préciser. Il identifie le héràs chasséavec un démon, un mort, un bouffon, et son expulsion avec les rites du Bouc émissaire au Nouvel An. Passons ces thèmes en revue.

Dérnons et n7oils. _ Nous avons déjà vu la mère de Gesar, lors de sa naissance, le maintenir sur la terre en utilisant des cendres; ce procédé fait de I'enfant divin prêt à s'envoler le vilain ioru. Le passage est immédiatement suivi du récit d-'expulsion. Quand Gesar est chez le àémon du Nord et l'a mortellement blessé, la femme lui jette des cendres, pour l'empêcher de se lever sans doute, et le démon meurt (ryyL.Gyantse, 1I a), Ut lemr dompte (btul-ba) un démon nuisible (gnod,àgggs) appqru. er.rrêve soqs l'aspeçt d'un.homme'noir à neuf têtes animaleg.

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Il le fait disparaître (med,-sori)en lui jetant une poignée de cendres (thal-ba spar-gari; glYam-ëhos, vol. md., 5l b-52 a). Quand ioru feint d'être mort, les yeux grand ouverts, sa femme jette des cendres (ou de Ia poussière, même mot en tibétain) sur ses yeux (xyl, Ling, III, 53 b). A I'occasion du rite de transfert de l'âme dans 1ecadavre d'un garçon de treize ans, on constate que < c'est un mauvais présage(ltas-nan) quand l'æil d'un mort regarde les vivants ) et on y jette des cendres (dPa'o gCug-Iag, pa,33b; BIue Annals, II,487-4BB). Mécontente de son fils, pour le blâmer ou le punir, la mère de Mila ras-pa lui jette une poignée de cendres (thal-ba spar-gaft) au visage (Biographie, 15 o; trad. Bacot, p, 56). Une autre fois, une belle jeune fille donne rendez-vous à Mi-la ras-pa chez elle. Quand il s'y rend, la mère I'invective en I'accusant d'être un de ces mendiants qui volent les filles et le menace de lui jeter des cendres (thal-ba spar-mo gart, thal-ba 'd,ebs; mGur-'bum, 60 a\.

Saints et bouffons. Le dernier exemple révèle un thème nouveau. Jeter des cendres avilit la personne qui en sera couverte. Mais les mendiants qui volent des filles ne soni autres que les yogins du xe siècle connus pour leur conduite amorale. Leur nom était ar-cho ban-de(Blue Annals, II, 696) (4). Ces yogins se caractérisent précisément du fait que, vivant dans les cimetières, ils s'enduisent Ie corps er le visage de cendres des morts (thal-ëhen)(42). Une démone essaie de nuire à Mila ras-pa enduit de ces cendres (thal-ëhen) et de sang (rakta; mGuribum, I38 a-b, 156 t,; T. Schmid, The Cotton-clad, Mila, Stockholm, 1952, p. BI). Le saint s'assimile au mort et au démon. Mais voici oue ce thème revêt un autre aspect, complémentaire de l'autre, qui nous ramène au caractère espiègle de Joru. Jâschke (dictionary) précise que l'expression thal-ëhen, ((cendres de morts r, désigne aussi une terre grise dont on s'enduit le visage d,ans les mascarad,espour imiter ces cendres. C'est ce trait qui explique pourquoi le bouffon du Nouvel An s'appelle r diable blanc , ('dre-d,kar), Nous savons déjà qu'il a été confondu avec le Bouc Émissaire du Nouvel An, le u Roi-Rançon , (glud. kyi rgyal-po), au chapeau pointu, au vêtement en peau de chèvre avec les poils à l'extérieur, et le visage barbouillé mi-blanc minoir, L'aspect néfaste et démoniaque va de pair avec l'aspect faste. Le démon ou le mort, figuré dans les mascarades, est du type lutin espiègle. Il fait rire. Aussi trouvons-nous à ce prop-os la farine de tsampa qui remplace les cendres lors de l'expulsion de Joru. Joru est affublé en démon. Il se comporte en espiègle. Elle est significative, la description que David-Neel a donnée du Roi-Rançon : r revêtu d'un accoutrement carnavalesque qui... est fait de peau de chèvre... la figure de I'homme est cachée par un masque €çrotesquesimulant une face mi-partie blanche, mi-partie noire... (Quand on le chasse au milieu d'un grand vacarme),

RECIIERCHES

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tout le monde rit. La fête a le caractère d'un carnaval joyeux, bien plus que celui d'une solennelle purifrcation(43).En vérité les deux aspects sont indisso' lubles. Nous en verrons encore Ie côté plus démoniaque. Le berger, a homme sauvâger du Nord, de la pièce Nor-bzaù,lui aussi vêtu d'une peau de chèvre mise à l'envers, a la figure barbouillée de farine de tsampa (qui est grjse). Avant d'être tué, il goguenarde, il raille et se moque des spectateurs (Roerich et Waddell, loc. cit., cf. chap. rx, p. 515). La farine de ts(rrnpa équivaut aux cendres, mais tout en étant employée pour l'expulsion du mal, elle implique en même temps un bon augure. Au Nouvel An, le premier jour, on se visite et se présente des vceux. Ceux qui se connaissent s'arrosent de farine àe tsarnpa considérée comme de bon âugure. Dans la même région du Khams, lors de la course de chevaux du treize de la cinquième lune, le vainquelrr reçoit un insigne en argent, mais le dernier arrivé est arrosé de farine de tsarnpa et chasséavec des < cris fous r et au son des tambours(44)' Le vaincu est chassé, mais avec de la farine. Au Nouvel An de Khalatse (Tibet occidental), des personnagesappelés baba sont d'abord lavés, puis enduits de suie. Quand on a expulsé deux grand-pères et une grand-mète,les baba jettent le gtor'rna (gâteau de sacriûce qui renferme le mal). Mais ensuite on les lave : le Nouvel An est né (Francke, 1923, p. 28-29). A la frn de I'année on brûle un grand gâteau de sacriflce et un mdos (échafaudage de fils). Aux cris de guerre Èi et bso, les hommes brandissent des armes, mais les femmes profèrent des malédictions en battant l'effigie de cendres (thal-rdeb) l+s). L'alternance cendres-farine de tsatnpa correspond au double aspect du rite d'expulsion. Celuici implique ,rtr gugÀ de bonnè fortune. L'expulsion de ioru est visiblement conçue sur le modèle de toute expulsion rituelle de démons et du mal, et notamment du cas le plus marquant de la fin d'année. L'écartement du vieillissement à la fin de I'année contient en germe l'accueil du renouveau au Nouvel An. Nous avons déjà suggéré(chap' vrrr, p. a70) que le thème de la course, dans le Gesar, potttait s'expliquer Par cette fête. Cette suggestion est nettement renforcée par les thèmes de I'expulsion de Joru. Cette expulsion est interprétée en présage de future gloire. Les sons des conques des lamas destinés à chasser Joru-démon résonnent comme s'ils venaient I'accueillir. les flèches décochéescontre lui tombent comme respec' tueusement poséesdans sa main. En partant, les expulsés entraînent avec eux la bonne fortune (xyl. Ling, II, 60 b). Le lieu d'expulsion, lui, devient le centre de la prise de pouvoir du héros. Le séjour des expulsés en cet exil débute avec un rite de prise de possessiondu sol (II, 61 ô). Les ressemblances de ces thèmes avec l'expulsion de la vieille année et l'introduction de la nouvelle sont conflrmées par les dates' L'expulsion débute avec le départ de Joru, le quinze de la dixième 1une, < large chemin des dieux > (II, 59 a), et se termine avec la prise de possessiondu sol d'exil, le quinze de la douzième lune : date de la frn de l'année passée et du début de I'année nouvelle (II, 61 a). Trois ans après, devenu maître de ce lieu d'exil qui devient

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en même temps le centre de rayonnement de son pouvoir, ayant éliminé les démons-marmottes, étant devenu le maître des caravanes qui doivent passer par 1à, Joru distribue les terres aux chefs de GIia obligés de se réfugier iuprès de 1ui. Cette distribution a encore lieu le dix de la douzième lune; et le quinze, ioru ouvre la porte des trésors de la montagne sacrée(I1,72 a,77 a). Et pourtant, la course pour le trône de Glin et f intronisation de Gesar n'auront lieu que quatre ans plus tard (du quinze de la douzième lune, date prévue, elle est reportée en été; cf. chap. vrrr, p. 47I). Joru continuera à vivre en exil et fréquentera les démons (voir infra). Malgré cela il se comporte dès maintenant en sour.erain(46).Ce thème, relié aux dates significatives, ne peut s'expliquer que par les concepts relatifs au double aspect cle la Fin d'Année et du Nouvel An. Selon Bell (az),le début de I'hiver est actuellement fixé au vingt-cinq de la dixième lune, fête de la mort de Coikhapa. Pour Kioû-rdol bla-ma ((Euares, na,2l a), le début de I'année était, de son temps, le seize de la dixième lune, mais tombait autrefois la onzième lune. Les dates ont en effet varié, et cette incertitude explique les transferts.

Le jeu aoec les démons. Démon ou bouffon ; expulsé, mais roi; Joru ressembleau Roi de Carnaval, au Roi de la Rançon. 11est toujours le chef des mendiants(48),et son accoutrement le fait ressembler à la ( rançon , (glud,) expulsée des démons bse-rag. Au Nouvel An, le Roi de la Rançon, provisoirement investi de tous les pouvoirs, doit jouer aux dés avec un homme figurant le Dalailama. Après quoi, des mendiants et membres de la caste vile des rag-rgyab-pa (qui s'occupent des cadavres) apportent au Roi de la Rançon les offrandes des autorités. Ils forment ensuite une procession menée par un mendiant qui porte une figure de pâte du Dalailama sur laquelle on a transféré les dangers qui 1e menacent. Les deux Rois de la Rançon, les mendiants, etc., suivent(4e). La (rançon> expulsée apparaît deux fois : sous I'aspect du Roi de Ia Rançon (parfois il y en a deux) et sous celui de la figurine du Dalailama. Le Roi de la Rançon, roi provisoire, est expulsé après avoir perdu au jeu de dés avec le Dalailama qui reprend sa place. Mais le Dalailama est lui-même expulsé sous forme de figurine. C'est exactement ce qui se passe pour u Ie roi u joru. Joru joue aux dés et à d'autres jeux avec les démons, comme les morts et la figurine-rançon éliminée, mais ce jeu dangereux ne l'affecte pas. Revêtant une forme dérnoniaque qui l'assimile à ses adversaires, il surmonte cette épreuve par sa naturà clivine qui en ressortira rénovée et renforcée. Dès sa naissancevile ioru joue aux dés avec le démon né en même temps que lui, sorte de doublet démoniaque qu'il doit détruire (supra, n. 3). PIus tard, souverain- de .Gliir qui a, tel un chef féodal, distribué les terres. et c9nfié I9l

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trésors-palladia aux héros de Glitr, joru continue à viwe sous forme démo. niaque en exil. Or que fait-il < dans ce lieu (d'exil de rMa) où les démons bd,ud, font tourner les bois de comptabilité trompeuse (khram-çiù), or) les démons bcan jolaent aux dés, où les démones sïLa,n-ïLodansent leurs rondes r? Montrant à la fois mille formes magiques différentes pour les soumettre, < le jour, il joue des tours aux hommes; le soir, il se dispute au jeu de dés avec les démons bcan; et la nuit, il joue aux dés avec les démons bdud,. ï court avec les dieux (lha) et conyerse avec les démons ('dre; xyl. Ling, III, 6 a). Cette attitude est à tel point caractéristique de la nature de ioru, qu'on le voit l'adopter en bien d'autres circonsTances,même alors qu'il est déjà intronisé comme roi Gesar. Nous avons déjà constaté pour d'autres exploits aussi que Gesar reprend, même après son intronisation, sa forme vile et drôle de mendiant-jongleur (soumission de Klu-bcan et des Hor). Aussi voit-on Gesar, chez le démon Kiu-bcan, jouer aux dés avec la femme du démon qui veut le retenir : il a déjà perdu tout le pays de Glin et risque sa vie ("Lor.r.'. Lad,. aersion, p. 226-227).Il en fait autant sur le chemin de Hor, avec les trois nains; il risque de tout perdre et ne gagne finalement qu'après avoir reçu les instructions de sa conseillère céIeste qui lui révèle la tricherie des nains (ibid., p.259-260). Dans un doublet de l'épisode de Klu-bcan, on le voit jouer aux dés avec gCug-na rin-ëhen, le roi des nega : il oublie ainsi son pays et reste neuf ans chez les naga (Pnllad,ins,I, 487). Et voici comment il est caractérisé par le ms. lHo-glift,, Tucci (fol. 70 o) : u le matin il se promène au lieu d'assembléedes dieux (lâo), l'après-midi il joue aux dés avec les démons ôcan, le soir il iutte à tendre des pièges avec les démons bdudn(5o). Mêlé aux démons, joru joue avec eux. Jeu dangereux qu'un simple mortel se doit d'éviter. sPyidpon, le doyen de Glitr, cite un proverbe ancien, en faisant allusion au comportement démoniaque de Jo.,l : u n'engage pas de course de chevaux avec les démons bcan, ne joue pas aux dés avec les démons bclud, ne t'abouche pas avec les dieux souterrains klu, (xyl. Ling, II,50b). En effet, dans le jeu des démons avec les morts, les dés aussi bien que le bois sur lequel la comptabilité est notée à l'aide d'encoches, sont dominés par la tromperie(51). En donnant en pâture aux démons la u rançon r (nar-glud,), 1afigure qui remplace la personne et qu'on expulse, on leur dit : < mangez cette offrande de rançon! lâchez le bois de comptabilité de ceux qui sont tombés sur ce bois ! Jetez les cailloux-dés de ceux oui sont tombés sur les dés ! fermez la bouche des jeux (ou plaisanteries) s'ils sànt tombés sur les jeux! retirez (?) I'enjeu s'ils sont tombés sur I'enjeu! Làchez ceux que vous ayez saisis et déliez ceux que vous avez liés! relâchez le piège (le lasso) du démonl )(52). Ce qui vaut ainsi pour les vivants est encore plus important pour l'âme du mort. ( Il est à craindre qu'il (le mort) ne joue aux dés avec les démons o, et il y a un rite pour I'empêcher de le faire (Vaid,ù,rya dkar-po, II, 55 b). Le mort et le vivant ordinaires seraient trompés par les faux calculs et les dés truqués des démons. Ils perdraient au jeu et se perdraient du coup. Mais

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le héros joue le jeu. Il se joue des démons en jouant avec eux. Il prend leur forme et ( hurle avec les loups ,. En assumant sa forme vile, il ne fait que subir une épreuve dont il sortira victorieux en plaisantant. Il est de la même nature que le saint qui, lui aussi, s'avilit, se fait bouffon, fou ou possédé. Aussi ne sera-t.on pas surpris de retrouver ce thème chez Mi-la ras-pa qui ressemble Dar tant de côtés à notre héros. Les démons (tha:d,re) se sont réunis en grande assemblée pour effrayer le saint. Il leur résistera, non pas en restant impassible, mais en les écartant par , Iog-Ita; Lo-pan bka'-thah' 166 b : L2 a, chap. v). D'autre part, Gesar, Klu-bcan et Gw-ser naissent tous me amée (ryl. Cyantse, Kha,4a, mais Ka, 6 b, Gesaren u fer-dragon ,). l,a chronologie varie d'me version à l'autre. Selon Champasangta, en mème temps que Gesar naît m démon muni d'ul æiI frontal. La mère le prend po* * ami de Gesar.Mais Gesar sait qu'il faut le détruire tant qu'il est encore petit. Il le tue àn jouant au dés avec lui. Dans certaines varsions, Gesar nait lui-même avec m æil frontal (que la rnère écrasede son pouce; vofu infra). (o) Xyl. Gyantse, ia, 4 ô (le cheval de Gesar,incarnation de rTa-mgrin, mmi d'ailes du vent, grand magicien qui soumet Ru-tra). Ce Ru-tra (Rudra) est assimilé au roi de Hor et doit être i'uio"o pui Gesar-(ibid.,Ga, 10 6, LS b,22 a; ns. Gru-gu,7,82 a\.Les démonsA'khvuù Ke-ru, Mi-khyun Ru-rra, Khyab-pa Lag.riû (trois formes de Klu-bcan) sont des Rudra qui ont autrefois fait dàs vcer:,xcontraires-(sion-gyi snon-Iam log'pa'i Ru-tra; ms' Enfer' Kalimpong, Sa)'' Malgré sa forme vile, 1echeval de Gesar est ( vaill.queur des trois mondes et des deu démons I (Paltad.ins, llI, p. 294-295). On se rappelle que Hayagnva soumet Rudra Thar-pa nag-po (chap. rx, p. 510). ' lsj Dæ, Dictionary i *eqnts kyang orthe wild ass of Tibet and Higher Asiar; SeNogrnc' Tibet anrL the Tibetans, p. 289 : < wild ass,. (6) Dans le Cesar, les Àevaux bleus du Tazig (Iran) sont des oiseaux et ont des < ailes du vent > (bya-rta sùon-po rluri-gçoe) : r ces chevaux sortis de l'reuf de I'aigle ont sur les oreilles ,lu drrei de garugJa etuo",1"ut." sabots des n comcs de poils ' (spz-rz) du vent; on dit qu'ils font en un iistant(yid'-kyi-bskor-bariig) le tour du monde, (ns. Tazig, W-ash.,4a)' Déjà dans les mss de Touen.houang (Bibl. Nat., n" 1134), on trouve deux chevau excellents,frères, dont le second.porte le nom Yid-tttgyog" ( rapide comme la pensée>), nom identique à celui du troisième deis sept chevaux a" .àt"it àes cor"eptiont indiennes (Das, Dictionary, 480 a).

RECHERCHESSUR L'ÉPOPÉE ET LE BARDE ÀU TIBET

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Dms le folklore mongol, le cheval-oiseauest bien connu (ex. Poren, 1955, p. 113, I79). Pour le folklore turc (kirghise, etc.), voir Reor.orr, 1866, III, p. 157; I, 402 (ailes), 47I (idem)i II, 148 (ailé, vole, parle), 254-276(le chevala des ailes et gagneme couse avec les oiseauxdivins). Toutes ces notions pounaient bien venir tle i'Inde oir ie cheval-oiseauest m lieu commtn (Rrr,rou et Sir,nunN, 1A, 1949, p. 29; A. K. Coorrreneswer,n,Yakças, II, 5I, n.5; etc.). 11faut aussi y ajouter les vieilles notions de I'Iran et du Proche-Orient ancien, A quel point on doit tenir compte de réminiscenceslittéraires indiennes transmises au Tibet, c'est ce que montre un passagedu xyl. Ling, II, 64 b : pour vendre le cheval de Gesar on énumère des prix exorbitants pou chaque partie de son corps; le même motif se trouve dans le Ku4Q.akaKucchi-Sind,hauajdtaka, no 254, Cownrr-, II, 20I). (z) Porarqrx, 188I-1883,IV,250 (bouiate) : Bel'gun Ger'-morinl 1893, II, 114 : Bitiein ger mori, Piliging Châr (transcription allemande : rdr), cheyalailé de Pagai Tjiirii (:jo-iu) et du héros Pogdo Kairakan (Reor,orn, 1866, I, p, 427 et 429, chezles Soyones).Dans les contes de I'Altai, Tiirùn Muikai-bukan qui a, comme Geser,tué le démon mari:r Andalma, est appelé Bilgiin-kere-attu, n celui qui a pour cheval Rilgiin-kere> (ibid,.). (E) Se rappeler aussi le cheval maigre et épuisé du chamane dont le corps devient le violon (chap. vrr, p. 379). (e) Il est remarquable quoontrouve la forme ltafrçes potr le cheval iuri-çes(D.rs, Dictionary, 399 a). (ro) Chinois tchou-na 11 E u"h.uul de bambou, : lorsque Kouo Ki (39 av,-47ap. J.-C.), très aimé, part de sa circonscription, plusieurs centaines cle garçons le saluent sur le chemin en chevauchantchacm m dada (.Heou-Hanchou, 6L, 1 ô). A i'époque Song, des garçonset des fllles chevauchent des < chevau de bambou, au Nouvel An(K'ien-chouen souei-cheki,k,I9, B a; Meng-leang-lou, I, 2 a; Wou-Iin hieou-che, 2,9 b). A la même époque on voit un garçon taoTste(Ë A 'Ë) enfourcher m bambou coupé comme cheval mgique franchissant I'espace en ur cLin d'æil (K'ouei-kiw tche, k.5, 12 b). On peut donc constater le passagedu jouet à I'instrument rnagique" Au Japon aussi, on connaît le joret (tahe-una, ressemblant à des échasses,avec me traverse pour les pieds; les adultes s'en servent pour traverser des ruissaux ou la neige; Kunio Ylwacrl4 Minzokugaku-jiten, T6kyô,195I, p. 349), mis aussi l'emploi religieux (aux fêtes de Gion et Hachimn, des hommes chevauchent des n hobbyhorses, ou portent des têtes de chevau attachéesà la poitrine pou la procession; Àsrow, Shinto, Lond.on 1905, p. 222). Au, Tibet, ie dada des enfants n'a pas de tête de cheval, mais est orné de morceau de tissu. Il s'appelle *djug otr*hhardjug, mots que le dictiormaire de Ùhos-grag.êcrit'khar-rgyugordbyug (confusion entred,byug obâton, errgyug. Le colophon dtms. Hor, Pierpont dit que ce chapitre de I'épopée représente < des paroles de plaisanterie (ou de bouffon) mis par écrit , ('khyalchig yi-ger bkod.pa). (3r) Selon me inforrnation de G. Roerich, les mots employés seraient du dialecte de Khyun-po ou de 'Dan-ma, dans le Khams. \32)'jag-na est domé comme équivalent du mot mongol deresiin u genêt , ou ( stipe D. Le héros sous son aspect vil en fait des flèches. (33)Cf. le (petit chapeau, de Padmasambhava appelé éug-i,oa(chap,vrr, p.346). La petite tente daus laquelle vir Ie lama qui s'adome at rite géod s'appelle éog-bu, mot qui est glosé : < éog àla forme d'm nhe, (pu-ri'i d,nos; gëod.-mkhanrnans-kyi fi.e-barspyotLpa'i rnan-bçad 2 b, n Klon-èhen sfi,iri-thig).Le mot lèog, < tourelle r, désigne les petits temples conucrés aux divinités des médiums. Cf, aussi d.arlë.og< mât à drapeau -., lt+) pfty6-'phrin (voir bibliographie) contenant Phyua-glud, mi-la spun-dgu blcar-ba'i rirn-pa, suivi de Mi-la bse-rags dkar-ba'i man-riag. (35) On relève particulièrement dans toutes les évoætions la formule duù-so r dents de conquô D (blanches). t36)Ancient follt-Iiterature from north-eastern Tibet, Akademie-Verlag, Berlir, 1957, chap. I B; texte, p. 18, trad. p. 30; chap. rr, texte, p. 41, trad. p. 42, (8?) Pou rendre le déguisementplus complet, la fille attache les grelots (propres au chapeau?) des Nam-ti au cou du lièvre. Dans le texte parallèle, il n'est pas question de cioches (dril-bu), mais de til-ëha, mot que Thomas n'a pas expliqué. Il s'agit sans doute d'une paire de petites cymbales ou clochettes qu'on entrechoque, appelées tiit-çags. (3e) Sexosnnc, Tibet and, tlte Tibetans, London, 1906, p. 300. Le vocabulaire de la langue Nam est en grande partie proche du tibétain.

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(3e)McGovERN, Mon uoyage secretà Lhosa, Paris, 1926, p.90. (co) Cf. qyl, Ling, lll, 10ô otr Khro-thun insulte s femme en la traitant de nfemme qui, pour la face (la gloùe) des dgra-lha et en guise de prémge de bon augue (rten: brel), rnet dans le trou les cendres, mauvais présagea. Le verbe employé,'brub, est caractéristique du rite terrible du trou du foyer oir l'on brûle l'eftgie du démon de la danse masquée. (a1)Ce sont les dix-huit and,e-bande du Gesar, émissaires du démon venus pour tuer le nouveau-né, mais soumis par lui (cf. chap. rrr, p. 167). (42)Au cimetière bSil-ba'i chal (Sitavana) de I'Inde habite Ye-çesmgon-po couvert de cendres de morts (Champasangta).Àdaptation lamique de Siva comme yogin. (az)Le bouc émissaire, in Mercure de France, I5-xII-1924, p. 654-655. (44)Y.lNç Tcuorc-uoue lï, # #, Si-lc'ang kïyao 1)i1ffi frP,,ry, Changhai, 1937, II, p.455,459. Les mêmes traits se retrouvent dans le milieu chamanique. Porarrx (1893, I, p. 370) signalechezles Mongor un rite de bonne fortune pour une famille. Le chamanebarbouille les visages du maître de Ia maison, de sa femme et de son enfant de farine grillée. Les figures blmches provoquent le rire de Ia foule. Cf. Aussi le bouffon rituel Pueblo qui anose, < l116ysrently r, ses compagnons de sable et de cendres, imitant ainsi le rite d'arroser avec de la farine de blé et du pollen (J, H. Strwenn, The ceremonial bufoon of the American Indian, in Papers of the Michigan Ac. of Science...,XIV, Michigan, 193I, p. I90). (ts) Rin-éhen gtermjod, vol. Pi, 39 o. @6)Cf. supra, p. 5,M; on I'appelle uroi jo-ru, (aussinr,s.rGya-Ie'u, IBb-L9 a,79b,8Ib : Jo-ru rgyal-po; xyl. Ling, lll, 63 b-64 a). (4?)BELL, I93I, The religion..., p. I0I. (aB) Cf. supra, p, 548 : chez sa fiancée à laquelle il joue des tours pendables. Dans la version buruéaski,au passagecorrespondant,il est appelé chezles Êlles du roi comme boufon (Lonrunn, p. 119). Dans \e xyl. Ling (ex. III, ?6 b,7Bb). jo-ru partage Ie rang des mendiants avec un n collègue \ rGu-ru, le r bossu > qui a poutant des dons sumatuels. (ae) NrsrsKv-WoJKowITz, Ein Beitrag zur tibetischen lkonographie, in Archiu fùr aôlkerhund.e,\, 1950, p. 157. Cf. aussi note 43 et chap. vrrr, p. 447. (50) nam-stod, lha-yi 'd,u-ra grim nam-smad, bcan dan ëho-lo d.kor dgoù-mo bdud dan I I àags-kha'd.ebs. (51) Su le khrant diuination-d,ice in the iconography çiir, cf. A. R6na Trs, Tally-sticlc and of Lha-mo,in Acta Orient. Hung.,Y\ 1-3, 1956. Le bois et les dés sont ponés par la déesse IHa-mo et le dieu de la mort; ils désignent le destin qui résulte d'ue comptabilité des actes. R6m Tas n'a pas voulu retenir le sens de u tromperie D qui s'attache à ce mot. Mais il résulte bien des définitions et des rites : les démons truquent les dés et falsiûent les encochesde comptabilité pour perdre la personne. (52) mthod.-sbyin blud, (: glud)-gtor'd.i bàes-Ialhhram-Io bab-kyi khram-la phyislçoJa bab-kyi çoo-rd.e gtohlrces-Ia bab-na rces-kha éhumslbrgyan-Ia bab-nabrgyan-te (: d,e2) bsd.ollbzuh-ba thon-las bëin-bo khrollbdud-kyifs) àags-pa slar sgyur-ëig; Narglud,'d.on-pa, ms.. fol. 3 ô.

CONCLLlSION

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Nous voici au terme de nos investigations laborieuses. Terme pro,,isoire. bien sûr. Mais, sous réserve de recherches futures encore nécessaires.nous pouvons désormais donner sur l.'épopée, son héros et son barde, un aperçu assez nuancé qui modifie-sensiblement l'image qu,on s,en est faite jusqu'à maintenant; aperçu gui, dans l'ensemble, peut être pris pour un cad;e conforme à la réalité. L'histoire de Gesar a toutes les caractéristiques d,une épopée. C,est un long récit héroïque, chanJé par des bardes professionnels. La nàrration en prose n'y occupe que peu de place et sert avant tout à relier entre eux de longs cLants échangés par deux interlocuteurs. ces particularités, les caractéristiqies de la langue, tributaire du dialecte de l'Est, et du style, certains thèmes aussi l'apparentent étroitement au théâtre. Le barde qui psalmodie la narration et chante les chants réunit en lui les deux fonctionÀ, distinctes au théâtre, du récitant - rôle du n chasseur r bouffon - et des acteurs qui ne se parrent qu'en chants alternés. une position intermédiaire entre l'épopée et le théâtre -est occupée par les ma-4,i-pa,, conteurs ambulants dont le répirtoire est le même que ;lui clespièces de théâtre, mais qui, en récitant des légendes,les montrent Ër, même t-emps sur-des peintures. celles-ci sont en tous points identiques à celles qui illustrent l'épopée et dont se sert parfois le barde. D'autres rpé"i.li.t". d" l" récitation de contes, fort proches du barde, sont les 'das-rog, (retours de la mort ), ambulants aussi, qui racontent des récits de descente en enfer. Le barde réunit en lui les divérs aspects de ces spécialistes,sa nature composite correspond exactement à celle du héros. L'accoutrement du barde réèl est identique-à celui que revêt le héros dans sa jeunesse et lorsqu'il se comporte en < jongleur r. Le premier incarne le second. Le second a le caractèie du premrer. Le barde est d'essence nettement relisieuse. Il se met en transe, Dans cet état, ou bien il incarne directement te héios ou d'autres personnages de l'épopée qui parlent alors par sa bouche; ou encore il assisie à leurJ hauts fÀits qui se déroulent dans le temps et l'espace proprement absolus et immobiles

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de la contemplation, à moins qu'il ne les apprenne par une sorte de dictée. Dans ce cas, il répète, en langage poétique, ce qu'il a rru et entendu. C'est un médium, un ( support r sur leguel n descend > la divinité. Il n'apprend pas les chants par une instruction écrite ou orale. Souvent simple berger, il est élu ou initié par la divinité ou le héros au cours d'un voyage dans son rrparadis r ou par une vision que rien n'avait préparée. Le héros aussi n'est pas un simple chevalier. Son caractère est certes guer. rier, mais avant tout religieux. Même abstraction faite de l'expression purement lamaique de son rôle, il agit surtout par magie et par des artiÊces suprahumains. Il a des pouvoirs surnaturels et est parent de divinités, en partie nées avec 1ui, qui sont ses aides et conseillers. Il est d'ailleurs le fils du dieu du Ciel, descendu sur terre. Il est un dompteur de démons, mais aussi un espiègle dont les tours cachent une sagesse divine. Il est donc un saint, non seulement dans le cadre de la pensée lamaique et plus spécialement tantrique où ce concept est courant, mais aussi dans le sens, plus < primitif r, de l'espiègle rusé, personnage dont le caractère divin de héros civilisateur est bien connn dans des civilisations limitrophes ; the tickster, d,er gôttliche Schelrn. Mais le barde a aussi des affinités avec l'athlète au sens de l'homme fort ou guerrier capable d'exploits extraordinaires. Ce trait tient sans doute au fait que sa fonction I'apparente à la fois au jongleur ou saltimbanque et au médium capable, en transe, d'exploits exceptionnels. Mais il s'explique aussi par le caractère religieux du barde dans la mesure où les divinités tibétaines qui ont joué le plus grand rôle pour le thème principal de l'épopée, les montagnes sacrées, sont conçues comme des guerriers, sont désignées par des mots signifiant < chef r ou ( roi >, et s'incarnent volontiers dans des médiums. Par ce point précis, le barde révèle une fois de plus son identité avec le héros. Car le caractère religieux, divin ou magique, du héros n'exclut jamais sa vocation de guerrier et de chef ou roi. Son père céleste et son père surnaturel, montagne sacrée, sont précisément du type guerrier ou royal, et lui-même apparaît également sous cet aspect. Le double aspect du héros - guerrier et roi glorieux de nature divine d'une part, mais bouffon et espiègle revêtant l'apparence d'un démon fls l'gu11s ce double aspect semble garantir l'unité du récit et contredit l'hypothèse qui y a vu le résultat d'une fusion de deux cycles primitivement indépendants. Il est vrai qu'on constate une nette opposition entre la jeunesse, jusqu'à f intronisation, et la suite des exploits. En effet, dans la première partie, non seulement le héros se comf)orte autrement que dans la seconde, mais il y porte même un autre nom. Au Joru, enfant espiègle et rusé, répugnant et morveux, habillé et coiffé de dépouilles d'animaux-démons, s'oppose Gesar, le roi majestueux, revêtu de l'armure et du casque. Mais la coupure n'est pas absolue et ne coincide- pas avec l'intronisation. C'est bien pour obtenir le trône par la course eue joru échange sa coiffe vile et démoniaque contre le n chapeau de méditation de Padmasambhava r, mais ce chapeau est identique à celui du

REcEERcEES suR L'ÉpopÉE ET LE BARDE AU TrBET

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barde réel et à la couronne que-joru porte pendant sa jeunesse sur les peintures. Inversement, même après pn i.rtrorri."tion, Glsar ,"pr"rrdpour certains- exploits,--des formes viles et surtout ceile du jorrgieu, "rr"or", l'".coutrement du jeune Joru. Surtout, le sens profond d" "o"a t" *C-" a,, ""riiir" implique le doubte aspeo, qie[e que soit I'expticati;;;","" Ï::_"j_U:::lnt en oonne. Lette ambivâlen_ce peut, en effet, être considéré" permanente et inhérente à sa nature- Eilà peut aussi représenter une "o_à" progression dans sa carrière, soit une initiation.apres un temps d'épreuve, soii l,éiimirration -airrirr. prériminaire d'un côté démoniaque avant rà manifestation d,, .ur."JÀr" Le prototype de cette ambivaLnce ou, si I'on préfère, son reflet da.rs-rrne-irr.ti tution, est la figure du roi de carnaval, bouffon, bouc émissaire et double temporaire du souverain. Le jeu de dés avec les démons et la course i'irrtro.risation, ces deux thèmes de l'épopée, se réfèrent, chacun de son cote et aitreremment, à ce complexe. Donc, unité du récit, conforme à la nature ambivarente du héros. Des contes analogues, eux aussi construits sur re thème du héros q"i à"1r1"ii, a* gn1g".u". et vit méprisé avant d'atteindre à ra royauté et la groire, de ters contes indigènes ont été insérés dans la version tibétaine dela Ititatop'"nr""irti"ti*a où l'on trouve encore de nombreux autres thèmes, motifs et iroms egu't"-"rrt utilisés-par l'épopée. Il est donc.fo-rt possibre qu;un cycle d" i",rn"'".pie4" divin, destiné_à la royauté, ait d,aboù existé indépe"â"*;";; à; iiiope" et ayant elle. Mais alors, il devait aussi comporter le second aspect, gtJria,.r* et royal, du héros. Un tel cycle entier est iiconnu jusqu,ici et, s,f a existé, son héros ne s'est certainement pas appelé Gesar. L111- dq-Gesar, en efet, a ete_intiodrir par l,intermédiaire de ce qu,on a appelé la r Théorie des Quatre Fils du ciel ,r, combinée à la notion àu Roi universel, le cakrauartin du bouddhirme. ie. deux ensembles ont existé indépendamment du récit indigène et antérieurement à l'épopée. Queile que soit l'histoire antérieure, en milieu indien, du cycle de, piis ao ciet, Q,r"tr" au Tibet du moins il formait, dès le xre siècle, le sujet de poèmes épiques. II n'en reste malheureusem-entplus, et il n'en restait"déjà plrr, xive'siècle, que des fragments sous forme de courtes sentences ou dô dictons. "r, Dans ces tragments épiques, le Nord.occupait une place à part. Tout en n'étant que l,un des Quatre orients, il se distinguait des âutres par le thème du Roi au centre qui par des flèches simultanément les Quatre orients. par ailleurs, -atteint le Nord était caractérisé par les armées et les arÀes ou la guerre d,une part, les chevaux de l'autre. oi, inséré dans le cadre des fluctuaiions de l,histoire, il-fut, au Tibet, associé à deux noms. L,un, Gesar de phrom ou de Khrom, n'est autre que la transcription de Kaisar de < Rome r, entendez I'orient romain, sous sa forme iranienne Frôm ou Hrôm. L'autre, Dru_gu ou Hor, désignait les Turcs ou les Ouigours. C,est de cette superposition que provient le nom du héros de fépopée et Ie rôle qu'il y lo,re' : ài et guerïer qui soumet les ennemis aux indissolublËment lié à Quarre orients d,., -onâi

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son cheval, qui eet son double, et au Nord gui est en relation aYec son rôle messianique. jours Quand, plus tard, les souverains du Mi-flag, comme encore de nos des chefs indigènes de l'Amdo, se qualifrèrent de < Souverains du Nord ), ils bout, après même leur émigration au Tibet cen-tral, insistèrent jusqu'au -avec le pays paradisiaque et messianique du Nord, le Samsur leurs ilLns bhala. Ils appartenaient au clan des lDori qui est aussi celui du héros dans l'épopée. Aussi est-ce un membre des o divins lDon blancs I du Mi-frag, le saint Than-stoù rgyal-po, qui fut considéré comme lama de Gesar de Gliù; sa légende comporte un voyage au Nord, à la frontière des Hor. Il est aussi dans la logique des choses que le régent du Tibet, I'abbé de Rva-sgrei qui représentait le même Nord du Miffag émigré, s'est lui aussi rattaché au Sambhala et a encouragé l'épopée et le culte de Gesar. On saisit ainsi comment le Gesar du cycle des Quatre Fils du Ciel pouvait être accroché à des traditions indigènes du Nord-Est du Tibet. De plus, le cycle de Sambhala, avec son héros messianique et guerrier et le rôle éminent qu'y joue le cheval, ce cycle relevait de la littérature indienne centrée autour de Kalki, forme chevaline de Viçlu. Or cette littérature était liée à l'épopée indienne du Rd.mdryaryaque les Tibétains avaient traduite dès avant le début du xre siècle' La tradition épique de ce cycle a nettement influencé l'épopée de Gesar. De Gesar de Phrom ou de Khrom, seigneur des armées au Nord, on a donc fait le caltraoo,rtin du Centre. La preuve en est que, dans l'épopée, Gesar n'est plus le souverain de Phrom, mais de Gliû. Le nom de ce pays' en effet, n'est que l'abréviation du mot 'jam'glift', sanscrit jambuùtîpa, . Les titres de I'empereur, qui devait recevoir à Rome la couronne des Césarso en disent long sur le sens de cette assimilation : < conquérant du monde n, tt sglgnssl des seigneurs du monde r. Certesr ce n'est là qu'une analogie. En Extrême-Orient, on n'avait pas les mêmes raisons, chrétiennes, de se rattacher aux Césars de Rome ou aux Kaisars de Byzance. Mais un folklore déjà très ancien s'était attaché à I'Orient romain sous ses deux noms chinois : Fou-lin, qui correspond à I'iranien Frôm et au tibétain Phrom, et Ta-Ts'in, < la Grande Chine ,, qui coresponcl au Mahâcina indien. L'épithète des ( beaux hommes > qui caractérisait cet Orient romain fut d'abord rattaché au Phrom du Nord et ensuite même appliqué au Mi'flag, situé au Nord-Est du Tibet. En même temps le nom musulman Cin et Macin, qui correspond au Mahâcina indien, fut donné à Khotan. De plus, et surtout, les titres du type < roi des rois > ou < souverain du monde ) étaient cournnts et diffusés par le schéma des Quatre Fils du Ciel. Le grand cakrauarlin Kanigka en avait porté trois, alors que des rois iraniens et le conquérant Alexandre étaient connus comme des kaisar. Ce titre et ces conquérants sont vite entrés dans le folklore. Sous sa forme sogdienne Kysr, le titre est attesté dans un conte sogdien. Il fut sans doute propagé par des marchands et des missionnaires sogdiens jusqu'au Turkestan et en Chine où on connaissait par ailleurs les effigies des rois sassanides, avec leurs couronnes, par les monnaies. Quant aux

REcEERcHESsun r,,ÉpopÉn ET LE BARDEAU TrBET

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conquérants, nous savons que la légende d'Alexandre, mêlée à celle de Midas, a pris le chemin du Turkestan, de la Mongolie et du Tibet, Bref, d'une manière ou d'une autre, on a connu le prestige àu titre kaisar de < Rome r et on l,a relié au thème du Roi Universeiet du-seigneur de la suerre. D'autre part, le Nord,_orient à la g:uerre dans le cycle des ^ Fils Ciel, jouait aussi "o.."rpoirdurrt un rôle prépondérait, dans les lége'ndes de 9""1.: _duKaniska et d'Alexandre notammenr. pourles-bouddhisies, le Nord i.,r.it u'.rr.i une valeur mystique. c'était 1à or) l'on situait le pays des grands magiciens, des oid'ydd,hara - et Gesar en est un dans l'épopée--, puy. qrr" res Tiiétains ont avec conséquencetrânsporté du Nord de l'Inde au Nord àe leur propre pays, au Turkestan. Pour eux aussi Ie dieu gardien du Nord, le lokapaîa q,ri d"vait correspondre au Gesar des Quatre Fils du ciel, était vaiSrava4a. dr il était I'objet de contes. Il était aussi le patron de Khotan et, en tant que tel, fut ratta. ché à la fois à la chine er à Kaniqka. son type iconographiq.r" iropr" a Khotu' et.à Touen-houâng' type qui a des affinités lrani"rrrè., u unssr io..rrnr aux Tibétains le modèle du Dieu-de la Guerre par excellence,le dGra-rha. La représentation de ce dernier est identique à celle de Gesar qui, à son tour, est àevenu dieu de,la guerre. Mieux que cela, après leurs contaàts avec Khotan et les oui. gours de Kan'tcheou, les Tibétains avaient créé une épopée qui avait pour sujet Vai6rava4a et son doublet et adversaire pehar. Nous n'eir connaissons à ce j-our que le titre et quelques thèmes, mais ceux-ci se retrouvent identiques ta foil dans les peintures de vai6rava?a du Turkestan et dans l,épopéé de 1 G_esar.Qui plus est, I'ensemble de ces récits fut encore localisé durrs cà pay, de Mi-flag qui a joué un rôle_si-ipportant pour ra fusion des thèmes ét'o,'g"rs d'Asie Centrale avec ceux du Noid-Est du Tibet. Ainsi donc, l'épopée de Gesar de Glin est largement tributaire de créations . épiques antérieures dont les thèmes sont d'origine étrangère. Récapitulons-les, D'abord le cycle des Quatre Fils du ciel dàublé de Ëelui des iokapala et peut'être lié à un vaste complexe de conceptions très anciennes qui ont pu s'exprimer, notamment, dans les échecs et les ieux de cartes. porr, âes raisons de folklore religieux, les représentants du Nord, Gesar et vai6rava4a, y reçurent un traitement de faveur. Ensuite, le cycle de Sambhala et l'épopée du'R,,md,ya4a. Et enfin, l'épopée < Tribulations de Pehar r. Et encore n''aions-nous épuisé ainsi q re les sources proprement épiques. Il faut aussi tenir compte du folkrore: roman d'Alexandre, conte sogdien de Kysr et des voleurs, légendes indiennes du ca,lcraaartin et du Cheval Sauveur, d,autres encore.

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Le courant de thèmes étrangers, porté par des missionnaires bouddhiques, des marchands sogdiens, des voyageurs musulrnans et d'obscurs chanteurs de foires ou autres errants, ce courant s'est joint et superposé à des récits

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iniligènes du Tibet et notamment de l'Amdo. Si Gesar,roi desarméesau Nord, doute fut choisi comme nom du héros de l'épopée, c'est qu'il convenait sans tradila non, ou consciente indigane, guerriei héros d'un nature le mieux à la cette tion ne s'est certainement pas trompée. Elle a dû agir avec ce flair, qui, et syncrétismes de tant qui caractérise i","itio" remarquablement iuste choix le seul opère possibles, noms de et d'idées associatiôns fu.-i t", multipies à la parenté réelle des thèmesen présenee' àpproprié -'fi"ii, tu foràation de l'épopée de Gesarest due à la jonction d-edeux grands parlerons ,éser.,roircde thèmes,l'un indigène, I'autre d'origine étrangère.Nous du premier. Quant au second, responsabledu nom même du héros' ""*tt a pu se falite e.r partie par des fusions spontanéesdans des milieux t,uàuptutioo poprrluir"r. Mâi, poot l'ensàmble de l'épopée en tant que création poétique de relii"rl"rqrrubl", il faut en rendre responsablesdes milieux de clercs ou purement I'investigation conteste, sansgieux. Tout le prouve, et d'abord, prosodie, sa façon d'annoncer les chants et d'uti' ititotogiqn" de i'épopée. Sa ii..r a"r métaphorls-tirées des règnes de la nature, d'autres traits encore se retrouvent identiquement chezle grand ermite et poète Mi'la ras'pa..Le même Mi-la ras-paqui, au xre siècle,nous donne le premier un fragment épique sur .pé"ifiqn". des quatre orients, avec Gesar et les Hor au Nord, i". "urr"tir". associésà la gierre. La prosodie de l'épopée et de Mi'la ras'pa est aussi en grande partie identique à celle de la traduction tibétaine da Ramd'yapa, Tntérierr.eau premiei tiers du xre siècle. Elle est savante.Pour Mi-la ras'pa, nous connaisso.sle modèle. Il se rattachait, par son maître Mar'pa, aux poètes et chanteursmystiques de I'Inde connus par lerrrs chantsdohd,.Dans ce milieu de tantristes, indien" et tibétains, la danseet les chants étaient en honneur et consciemmentcultivés. certes, chez Mi-la ras-paaussi bien que dans fépopée au de Gesar, f inspiration populaire et indigène noest point absente,.bien contraire. Chez le pr"*ià., elle forme même le charme exceptionnel qui dis' ilttgrr" ."r chants âe ceux de tant d'imitateuls postéIieurs, €xcepié-ceux de ;nirg-pu Kun-legs. Nous le verrons encore, ces saints poètes étaient très p"o"f,à d, p"opi". Mais rout en soulignant cette part d'inspiration populaire, i faut dire qo" iu fot*" poétique et l'interprétation symboliqlg' dSttt un sens lamaTque,dËs thèmes inâigènËs,sont savantes.Elles sont le fait de religieux, indi' chez lËs poètesen questioi comme dans 1'épopée.La véritable prosodie de manuscrits les dans gèrr", ,ro., adaptéeËt ancienne, nous pouvons la saisir différente' toute Touen-houang : elle est et les ces constatationsont leur importance pour l'histoire de notre épopée cerde l'étonnement à Elles répondent relations entre les versions "orrirrr"*. pour détacher l'en voudraient Ils de l'épopée. lamaique tains devant la couche faut se dégagerle . Mais il un sens' a Gesar de ,uiai" à l'évidénce. Dans la mesure otr parler de l'épopée constitué, ensemble un comme la qu'on considère c,est-à-direaussi longtemps une @uvre ùh"oé", LIle n'est pas séparablede cette forme lamaÏque. "o**"

RECEERcEES sun

r,ÉpopÉE

ET LE BARDE AU TrBET

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tg.ut_ce_qu'elle renferme de nos jours nrest sans doute pas apparu 9."*":, d'un jet dès le début. on peut y discerner àes additions, mais dès qu,on en fait I'analyse pour en décanter une version primitive non lamaTque, ri"" ,r.r" p.osodie populaire, on en trouve certes des éléments; mais ce'ne sont plus que des éléments isolés, des matériaux, et non plus une æuwe. Sans Gàsar, pas d'épopée de Gesar! or ce nom est déjà inséparable de l'action de milieux lamaîques. cela n'exclut pas la présence, dans l'épopée, d'éléments et même de thèmes et récits essentiels qui soient proprernËnt indigènes et anciens ou non lamaïques. Mais l'épopée est l'æuvre d'un poète l.m"1qrre au courant, certes, de la tradition indieène. Il est vrai que Francke considérait ses versions semi-orales du Ladakh comme primitives. Mais là encore, l'analyse philologique montre, au contraire, qu'elles dérivent des longues versions littéraires et lamaiques. Elles représentent l'épopée retombée à l'état de conte, par simplifrcatiàn ou ignorance du conteur non professionnel. Le même processus de simplificatiàn, mais dû à une cause différente, explique encsre à'autres versions courtes. ce sont des résumés en prose qui suppriment la plupart des chants, tel re xylographe de Gyantse, æuvre d'un religieux. Les versions de l'Amdo ruppo.té". pi potanin et le P. Hermanns sous forme écrite n'ont que l'apparen"" à'o.r" vËrsion orale, p-opulaire, fraiche ou primitive. on a voulu voir dans son style sobre un caractère d'ancienneté. En réalité, il s'agit d'un résumé en langue classique. Nous parlerons encore des vraies versions orales des bàrdes. Mais ce qu,il faut bien se dire d'abord, c'est que l'épopée est le produit de la société tibétaine telle qu'elle était formée à partir du xe siècle. De ôe fait même elle n,a pu s,évaderdu lamaïsme qui caractérise précisément cette société et en est inséparable. Le lamaïsme est lui-même le fruit d'un syncrétisme d'éléments indijènes et étrangers. ne pouvait en être autrement de l'épopée. La forma-tion du ^Il lamaïsme fut aussi I'occasion de véritables créations pôétiques, et cela même dans son rituel et son hagiographie; création d'un folkrore.ron pur, pour ainsi dire, laïque, rnais religieux. Pour ces créations, res religieux r;orri p", ,",rr"ment utilisé les ouvrages bouddhiques canoniques; ils o"nt aussi puiié à d,arrtres sources éJrangères dont certaines pouvaient appartenir au folklore. Des personnages du lamaisme, sDig-ëhen Çan-pa et les Sept Bouchers, sont communs_àl'épopée de Gesar et à la version tibétaine du Ràmayar1a. Ils sont aussi, dans le rituel lamaTque, l'objet de véritables mises en sc6ne de type dramatique. En procédant à une æuvre de synthèse syncrétique et en s'inspirant, pour cela, de traditions poétiques à la fois indigènes et ètrangères, l,aiteur ou les rédacteurs-de l'épopée ont eu en cela d'illustres précédenis. Mi-la ras-pa a bien été le modèle le plus marquant, souvent imité par la suite. Mais bien avant lui les chroniques tibétaines attestent le même travail d,assimilation de légendes de la part des anciens rois et des grands missionnaires du bouddhisme tibétain. ceux-ci n'eurenl d'ailleurs qu'f reprendre à leur compte l,attitude t9

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de nom' des bouddhistes indiens qui avaient accueilli dans leur littérature et bouddhique spéciÊquement de rien n'arraient qui folklore de bre,r* "o.te, dans n,étaient même pas tous indiens. Le reflet de ces contes et légend-es traductions ,ror" epope. p"rrt don" être double; direct par l'intermédiaire des folklore, populairedu par I'action indirect et bouddhique, canon du tibétaines de indien ou autre, qui continu;it à vivre et à se propager indépendamment son adaptation officielle. religieux, Le travail d'adaptation des anciens rois et de leurs conseillers indigène; littérature de genres du vrr" au rxe siè;le, s'était appliqué à deux énigmes et lde'.uo les et pros-e, en sgruri,'certainement ou légendes, les "ont"s alternés' En les conet chants vers en ancestrales' aussi"généalog:ies a."t" r""r porr. leI amalgamer aux genres correspondants du .àouddhisme r.rr"", par elle, les vérités irrdierr, lÀ rois p".rrai".ridiffrser une littérature édifrante et, Tibet prouve leur essentielles de la nouvelle religion. To'te I'histoire du plose s'apparente succès. L,épopée en a gardé la irace. Son récit narratif en la plus adéquate expression leur trouvé aient J".,*-"i q,," bi"., aux contes, au contraire' se rap' chez les conteurs ma-pi'pa' La partie des chants alternés, pu trouYer une proche d,esld,e'u anciens et du théâtre plus tardif. Nous avons Elle comporte d'adaptation' ce travail à soumis ouvrages des ii.t" arr"i"rrrre de contes recueils des jours dans bien aussi des sujets que nous trouvàns de nos 1'épopée. dans retrouvent se thèmes Llurs théâtre. de pièces o""-Ol.*i'f"s .rr.toot du conte de Ma-san qui partage avec l'épopée le thème ô]".r'i" "". du héros obligeant le Dieu du Ciel. Il se rattache à des conceptions *r"",i"l indigènes. iltlais alors qu'il menait encore une vie indépendante ;;iùi;;.". et mon' i54S, il se tùuve maintenant incorporé dans les versions tibétaine version la "r, de conte un autre Inversement, g;t" a" la vetd,lapafi.cauirpsatikd,. est i'lentique à la l'épopée, de thèmes des aussi en comprenant tout mongole, ancestrale des Ngoloks d_el,Amdo-,,mais se termine par la naissance iaJd" FiIs du Cieli, avec Gesar au Nord' On ignore son histoire' mais à;i;,ô";;t" bien le travail d'intime fusion des thèmes indigènes et étrangers il iiluire opéré par les clercs. peut L'effort d,assimilation s'est poursuivi après les grands rois anciens..on qui y ont grandement-contribué et dont distinguer trois ordres -on"riiqrl", déterminer l'auteur possible d9 t'epro1i1' on doit tenir compte pour Mi-la ras-pa et de sott ordre des bKa'-brgyud-pa. de pa.Ie dejà Nous avons acteurs et Ils se sont spéciaiisésdans les poèmes, les chants et les danses. Les ras-Pa' Mila de sciemment jours réclament se conteurs amiulants de nos siècles)' de Contemporains de ce d"r'ni"r, les disciples d'AtiÉa (xre et xue en prose contes des vers I'ordre des bKa'-gdams-pa, étaient davantage orientés Ils se et édiflantes. moralisantes fr-ns à des utilisés jAtutra i.diàrrr, du type des aussi mais_ils_ont Vet6lapa1caairySatik6, U a" occupé, spécialàment sont De theâtre' de. pièces en adaptés parmi eux des traducteurs de contes et indigènes "o*ptà métaphores des et chants des utilisait *errr" qo" Mi-la ras-pa

REcEERcHESsun r,'ÉporÉr ET LE BÀRDEÀu rrBET

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imitait en connaissance de cause des rituels bonpo, les bKa'-gdams-pa s'inspiraient, pour l'élaboration de leurs contes édifianis, de recueilJ.de folllore indi gène d'affinité bonpo qu'on appelait be'u-bum. Enfin un troisième ordre a joué un grand rôle. Ce sont les rNin-ma-pa. dont le patron est Padmasambhava, et leur branche des rJogs-ëhen-pa qui, plus jours encore, se sont particulièrement intéressés e i'epôpee tard et _de 1oset au culte de Gesar. Dans ce milieu, il faut surtout retenir les o inventeurs de trésors )) o\ gter-ston ces o trésors, peuvent être des objets, tels une statue ou un chapeau de Gesar en miniature, mais le plus souvent ce sont des textes révélés que l'historien moderne est tenté de qualifier d'apocryphes, mais qui sont considérés comme préexistants et seulement tirés de leù cachette oar I'inventeur. ce dernier est comparable au barde de l'épopée en ce qu,il trouve ces < trésors , non seulement sous forme de manuscrits cachés, mais encore comme révélations obtenues soit en rêve, soit en vision diurne ou en méditation. Son inspiration puise à la fois dans le lamaisme et dans les traditions religieuses indigènes. L'un des plus célèbres c inventeurs de trésors ,o Gu-ru chos-dbafi (1212-1273) apprend, tout jeune, les généalogies des rois anciens, les lDe, à côté de pièces de théâtre er de tantra,. Il crée iussi des contes pour ma-n'i-pa et des librettl de danses masquées. or il en reçoit la révélation au paradis de Padmasambhava caractérisé par des musiciens inspirés, exactement comme le barde kalmouk reçoit celle d'une épopée dans un n enfer r rempli de musiciens et de chanteurs. Plus tard, vers 1400, un autre saint de cette école, Thafr-stofr rgyal-po dont nous avons déjà retenu les liens avec Sambhala, le Nord et l'épopée, est devenu le dieu du théâtre et le prototype légendaire d'un rite de médium-athlète qui explique aussi certains-thèmés de i%popée. Enfrn, au xvrre siècle, un alrtre < inventeur de trésors r, qualifié d'imposteur mais peu nous importe, se rattache ostensiblement à Padmasambhava et à Gesar et se signale par des exploits athlétiques destinés à guérir des malades, Parmi les bardes qui ont effectivement chanté l'épopée au d?but du xrxe siècle ou avant, on trouve des médiums, d,pa'-bo, mot qui désigne aussi les musiciens du paradis de Padmasambhava; mais on y trouve aussi des a-mye, titre que portent lês saints et les grands sorciers de l'ordre des rNifi-ma-pa- De nos jours encore, en se mettant en transe, le barde procède exactement de la même manière que le méditant lamaique pour son sad.hana, L'auteur ou les rédacteurs de l'épopée ont dû se nourrir à toutes ces sources et appartenir à ces milieux. Les successeursdes bKa,-gdams-pa, sur le siège de leur premier maître 'Brom-ston, les abbés de Rva-sgiefr n'ont certainement pas ignoré, mais au contraire accepté les activités littéraires et folkloriques de leurs prédécesseurs,lorsqu'ils se sont intéressésà l'épopée et se sont raitachés à Sambhala. Même dans l'ordre plus récent issu de-ces bKa'-gdams-pa, dans celui des dGe-lugs-pa, on voit leur fondateur Cori-kha-pa apprendre la danse tantrique. En vérité, les différents ordres ne s'opposent pas, et on ne doit en négliger aucun. Les Karma-pa, branche des bKa'-brgyud-pa qui fut puissante 19.

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au Tibet oriental et intimement liée au pays historique de Gliù à partir de 1400, les hiérarques de cet ordre firent exécuter dans leurs camps militaires, au Nouvel An, des pièces de théâtre dont les sujets ont plus d'un trait en commun à la fois avec l'épopée et avec la religion indigène. La date du Nouvel An est, sur ce point, signifrcative, car dans le milieu des croyances populaires aussi, cette fête a dû jouer un grand rôle pour la cristallisation des principaux thèmes du héros. De plus, dans ce milieu, une fête de l'été qui dédouble pour ainsi dire le Nouvel An, a également contribué à la formation de thèmes. Or en milieu bouddhique aussi, un carnaval qui terminait la retraite de l'été était l'occasion de récitations de contes tels que \e < sùtra du Sage et du Fou >. Mais sans vouloir écarter f influence possible d'aucun courant parmi les ordres du lamaTsme, le style et certaines caractéristiques de l'épopée et du barde doivent, plus qu'à d'autres, leur inspiration à un milieu très particulier de religieux. Je veux parler des < fous r, smyon'pa' ou saints inspirés. Ce terme désigne chez eux le ravissement ou I'inspiration en même temps qu'un comportement paradoxal de bouffon. Ils sont ( fous ), c'est-à-dire en transe, comme le barde; errants, comme lui, poètes particulièrement proches du peuple et en communication avec lui. Pauvres et non conformistes, ils s'adonnent volontiers, comme l'épopée, à la critique des abus des puissants, des nobles et des chefs, mais aussi du clergé. Mi-la ras-pa se dit < fou n par Vajradhara, comme le barde qui invoque ce même Dieu Suprême. Le grand poète, saint errant, mystique et critique sarcastique, 'Brug-pa Kun-legs (autour de 1500), appartient à la même formation et est le héros très populaire de récits de bouffon et d'espiègle rusé. L'auTeur d'une pièce de théâtre où l'on trouve des thèmes, des noms et des éléments de style de I'épopée, sDifrs-ëhen smyonpa, est lui aussi un u fou r. Ces religieux imitent les chants populaires et les adaptent à leur mystique par une interprétation symbolique qui est la même, exprimée par des formules identiques, que dans l'épopée. Ces clercs errants ou frères pauvres peuvent être comparés à I'entourage de saint François d'Assise. Ce qui, décidément, fait chercher avant tout dans ce milieu de < fous ,, I'auteur possible de l'épopée, c'est que le compilateur d'un des chapitres se dit luimême appartenir à ce milieu et que la tradition attribue la création de l'épopée à un lama en élat d'ivresse qui aurait chanté < toute la ballade Den une r"nl" foi.. C'est aussi que loaccoutrement du barde, du jeune jo-ru espiègle et de Gesar r jongleur ) s'apparente étroitement à celui des disciples de Mila ras-pa. N'empêche que le chapeau du jeune Gesar est appelé n chapeau de méditation de Padmasambhava , et qu'effectivement certains traits du chapeau de Padmasambhava, les t appendices ,r ou oreilles, la pointe ornée de plumes, miroir, soleil et lune, se retrouvent identiques sur le chapeau du barde et sur celui de Gesar. Des saints fous et ivrognes sont d'ailleurs aussi caractéristiques pour les tantristes en général et pour les rNii-ma-pa au Tibet. Aucun doute n'est permis là-dessus : c'est bien un < clerc errant )), un reli' gieux instruit, mais proche du peuple, qui a créé l'épopée en tant qu'æuwe

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formant un tout. Il devait appartenir au milieu des