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French Pages 147 Year 1979
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que/tion/fémini/te/ N° 5
Fév. 79
Emmanuelede Lesseps Le faitféminin: et moi ? JalnaHanmer La science de la reproduction- soluPat Allen tion finale? Ioana Wieder « Accouche !»
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Noëlle Bisseret Un coup de force : la retraitedes femmesà 60 ans
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CatherineLahourcade Musique en feu. Il y a toujours eu DominiquePoggi des résistantes
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Nouvelle: ... de Yougoslavie
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Livres
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Collectifde rédaction: ChristineDelphy, ClaudeHennequin,Emmanuele de Lesseps, Nicole-Claude Mathieu, Monique Plaza, Monique Wittig. Directricede publication: Simonede Beauvoir
: abonnements manuscrits, Correspondance, ÉditionsTIERCE, 1 ruedesFossés-Saint-Jacques, 75005 PARIS
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Emmanuelede Lesseps
: etmoi? Le faitféminin
1. JE EST UNE A UTRE Titre : Le Fait Féminin1. Bon, on parle de nous. Qu'est-ce que c'est encore ? Sous-titre: Qu'est-ce qu'une femme? En effet,qu'est-ce que c'est que ce machin-là? Femme toujours objet. Objet d'étude. Ce n'est pas le questionnementsur nous, sur moi, c'est le type de question qui me gêne déjà. Moi je me demande : que faisons-nous? Où sommes-nous? Qu'est-ce qu'on nous fait? Que voulons-nous? Et aussi : qu'est-ce que je fais,etc. Mais cette question qui n'est même pas : que sommes-wows(nous sujet, bon sang), cette question : « qu'est-ce qu'une femme? » implique déjà un certainnombre de réponses. Implique déjà toute une vision des femmes.Avant même qu'on ne leur (pas nous, non, pas moi) ait trituréle cerveauet les tripes,on les a déjà posées comme une espèce particulière,comme des énergumènes(opprimé = énergumène; c'est sur lui qu'on s'interroge,pas sur l'oppresseur),et enfincomme les autres. l.Le Fait Féminin, ouvrage collectifsous la directiond'Evelyne Sullerot,avec la collaborationd'Odette Thibault,Fayard,Paris,1978. Questionsféministes- n° 5 - février1979
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Pourune femme,se poserla question: qu'est-cequ'unefemme?, c'estse poser c'est-à-dire commeautreà soi-même, adopterle pointde vue(au senslittéral: géograde ce monde. l'habituel d'un homme, sujetpensantet regardant phique) Nous sommestous,hommeset femmes,d'une certainefaçon,autresà nousmêmes.Il n'est pas choquant,anormal,fou, de nous posercommeobjetsde notre de la conscience).Ce qui est choquantc'est propreregard(c'est une des définitions surles femmes sur le mêmeplan.On s'interroge et femmes hommes ne traite pas qu'on dans leur les les sur et non surles hommes: on ne s'interroge hommes, mâles, pas spécificité. Celacommenceà se savoir,il y en a qui sontplusdifférents que d'autres. sur leur Répandue actuellementchez beaucoup de femmes,l'interrogation en surleur est : une « être» se fondesurune prémisse réponse s'interrogeant qui déjà au elles se leurs leur différences, posent préalablecomme particularité, spécificité, « autres». La femme,ici, ne devientpas autre,objet,par le processusmêmede l'inelle n'estpas simplement comme, objet de la question,ellese questionne terrogation, de le sur contenu en tantqu'autre: déjà définiecommeautre,elle ne s'interroge que se dans « leur» différence et s'affirment cettealtérité.Les femmesqui se cherchent où ellessontobjet du regardde l'autresexeet non dansune comparaison définissent de soi. du leurpropre: en effet,on n'estpas différente Ils sontL'Espèce. Les hommes,eux, ne sont pas définisdans leur spécificité. c'est de L'Espèce à la sous-espèce(les femmes).Par ailleurs,s'ils se Leur différence, » . Ils sontcommececommemâles,ce n'estpas eux qui sont « différents spécifient ce qui est la de la le Critère sont Ils différentes. sont les et comparaison, ci, femmes » serait « différent comme concevoir se Pour un du homme, positionpropre sujet. commencent des hommes lui. sur sexe de l'autre du l'existence admettre (Si regard sur en tantque « mâles» c'est bien à cause de la questionféministe à s'interroger eux). ne sontpas le sujetde la compaBref,les femmes,dans le discoursdominant, mêmece à quoi se ramèneleur et c'est mais raisondes sexes, uniquementl'objet, . » « différence de Freudsurle cas du « PetitHans»2 sontà cet égard Certainscommentaires : révélateurs « J'aiplustard(1923) attirél'attentionsurce faitque la périoded'évolution sexuelledans laquellese trouvenotrepetitpatientest universelled'une seule [soument[soulignépar moi] caractérisé par la connaissance le viril.»(P. 171,note2) lignéparFreud]sorted'organegénital, des sexes,le sexefémide la différence Ainsi,selon Freud,avantl'assimilation Ce ne seraitpas l'autre nin n'existerait pas aux yeux des petitesfilleselles-mêmes. l'existence,mais le leurpropre.Aud'elles,dont elles dénieraient sexe,le différent aux garçonsavantde se concevoir trementdit,elles commenceraient par s'identifier 2. Dans Cinq Psychanalyses,S. Freud,P.U.F., Paris,1954.
5 elles-mêmes.A moins que Freud, en écrivant« universellement» ait oublié l'existence des filles; ce qui revientau même : le point de vue des fillesn'existe pas. Or Freud écrit plus haut : « Quand Hans se plaint à plusieursreprisetant à son père qu'à sa mère de n'avoir jamais encore vu leur « fait-pipi», il y est sans doute poussé par le besoin de comparer.Le moi est toujoursl'étalon grâce auquel on mesure le monde ; c'est par une comparaison constante avec soi-même qu'on apprend à le comprendre.» (P. 169). Ceci est en contradictionavec l'idée que les petitesfillespostuleraientau départ l'universalitédu pénis, à moins bien sûr d'affirmerqu'à la différencedes petits garçons, elles n'ont pas de moi ! De fait,implicitement,Freud, ainsi que le discourssocial en général,dénie aux petites filles et finalementaux femmesun moi-sujet.On nous dénie un regard,de notre point de vue, sur les autreset la différencedes sexes. Freud va plus loin. Il confond constamment,dans ce texte, l'idée de la différencedes sexes avec celle de l'absence de sexe chez les femmes. « Peu après, Hans assiste au bain de sa sœur, âgée d'une semaine. Il observe : « Mais son fait-pipiest encore petit » et il ajoute, en consolation : « Mais elle grandira,et il deviendraplus grand» .» (P. 98). Commentairede Freud, en note 3/ : « [...] on pourrait s'effrayerde cette altérationprécoce de l'intellectenfantin. Pourquoi ces jeunes observateursne constatent-ilspas ce qu'ils voient vraiment,c'est-à-dire qu'il n'y a pas [souligné par moi] de faitpipi ? [...] ainsi qu'il arrivesouventdans l'investigationsexuelle des enfants, une part de connaissance exacte se dissimuleici derrièrel'erreur.La petite fillepossède en effetaussi un petit « fait-pipi» que nous appelons clitoris, bien qu'il ne grandissepas, mais demeur atrophié de façon permanente.» Freud affirmed'un côté que les fillesn'ont pas de « fait-pipi», de l'autre qu'elles en ont un « atrophié » et il attribuefinalementnon pas une mais deux erreursà Hans, double erreurqui est la sienne propre : Hans se trompe en effeten croyant que le « fait-pipi» de sa sœur grandirade façon à devenirsemblable au sien (dénégation de la différencedes sexes) mais a parfaitementraison de constaterl'existence d'un faitpipi chez sa sœur. Or Freud, lui, non seulementcommet l'erreurd'affirmerune absence de « fait-pipi» chez les filles,mais n'a pas dépassé l'erreurreprochée à Hans puisqu'il qualifie le clitoris? d'« atrophié», ce qui indique qu'il « devrait» être plus grand ! Le pénis est la norme, dont le clitorisest une imitationtronquée : dire cela c'est bien nierjustementla différence.Il n'y a pas un sexe et son imitation,il y a deux organesgénitaux différents et semblables aussi. La confusion de Freud entre différencede sexe et absence de l'un des deux se perpétuetout au long du texte : « Comme la conduite passée de l'enfantnous permettaitde le supposer,sa libido était restée accrochée au désir de voir le fait-pipide sa mère : aussi 3. Par où nous ne faisons d'ailleurspas pipl. Freud en ne désignantque le clitoriscomme « fait-pipi» (= endroitpar où Ton fait pipi = « petit pénis » = sexe) confondnotreanatomieavec celle du petit garçon,troisièmeerreur.En effet,pour Freud le pénis est le modèle du sexe, ce qui le conduit à annuler de notre sexe tout ce qui ne ressemblepas au pénis, donc à annulernotre sexe précisémentdans ce qui le différenciede l'autre : il ne retientcomme différenceque ce qui sera caractérisécomme « plus petit », le clitoris,ailleurs considéré comme organe de jouissance « infantile». La vulve,comme ensemblegénital,n'existepas.
6 proposai-je au père de Hans de supprimerce but à son désiren lui faisant savoir que sa mère et toutes les autres créaturesféminines- ainsi qu'il pouvait s'en rendrecompte d'après la petite Anna - ne possédaientpas du tout de fait-pipi[soulignépar moi]. » (P. 1 10). Ce que faitdocilementle père de Hans qui rapporte: « En chemin je lui explique que sa sœur n'a pas un fait-pipicomme le sien. Les petites filleset les femmesn'ont pas de fait-pipl.Maman n'en a pas, Anna non plus et ainsi de suite. Hans : - Et toi, as-tuun fait-pipi? Moi [le père] : - Naturellement,qu'as-tu donc cru ? Hans (après un silence) : - Commentles petitesfillesfont-ellesdonc pipi, si elles n'ont pas de fait-pipi? Moi : - Elle n'ont pas un fait-pipicomme le tien. » (P. 112). Commentaire de Freud : «[...] les explications à lui fournies, relatives à l'absence de fait-pipichez les femmes,n'ont au premierabord pas été admises par lui [...] » (P. 113). Et plus loin : « Les éclaircissementsfournisrécemmentà Hans relativementà l'absence de fait-pipichez les femmes,ne peuvent qu'avoir ébranlé sa confiance en soi et avoir réveilléson complexe de castration. C'est pourquoi il se rebella contre ces éclaircissementset pourquoi ils demeurèrentsans résultatsthérapeutiques. » (P. 115) On comprendpourquoi ! Comment assimilertout à la fois ce tissu de propositions contradictoires: 1/les fillesfontpipi mais n'ont pas de fait-pipi,2/ la différence entre le sexe fémininet le sexe masculin consiste dans le fait que le premiern'existe pas. On frémitencore plus quand on pense à la perception que les petites filles peuvent avoir d'elles-mêmeset de leur sexe à la suite de tels « éclaircissements», et l'inquiétude est à son comble quand on lit : « Cet intérêtfait de Hans un investigateur ; il en vient ainsi à découvrirqu'on peut, d'après la présence ou l'absence d'un fait-pipi,distinguerle vivantde l'inanimé. » (P. 169). On en conclut que les femmesne sont pas des êtres animés ; ou plus exactement : d'un côté elles le sont mais de l'autres elles ne le sont pas, puisque d'un côté elles ont un sexe mais de l'autre n'en ont pas. Notre supposé manque de sexe aboutit à notre objectivation dans un raisonnementcirculaireoù notre objectivationsociale fait supposer notre manque de sexe, équivalent, dans une culture où l'identité est avant tout sexuée, à un manque de regardpropre,de soi versles autres. Si la différenciation entre soi et l'autre, conscience d'êtreun individu,passe par le regard de l'autre, ce processus est vrai pour les hommes et pour les femmes.La constitutionde soi en sujet - regardantà son tour l'autre ; perceptionréciproquede l'autre comme tel - est également un fait humain universelpréalable à l'interrogation sur la différencedes sexes. S'il est vrai que le petit enfantne croit d'abord qu'à l'existence d'un seul sexe, c'est forcémentle sien, à partirdu momentoù il est constitué en « je » (je suis et j'ai un sexe, le mien, qui est comme ceci). Le sexe qui pose question, qui déclenche le processus d'interrogation,pour la petite fille, est donc l'autre sexe, le masculin,et non le sien propre,à partirduquel, pourtant,il est logique
7 qu'elle compare (« Le moi est toujoursl'étalon grâce auquel on mesurele monde », dit Freud). Ce qui n'exclut pas que la question se retourne,pour elle comme pour le garçon, sur son propre sexe : suis-je normal(e), mon sexe va-t-ilse transformeren etc. l'autre,ou inversement, Il est permis de s'interrogersur la valeur descriptiveet analytique de la dissymétrieposée par Freud, dissymétriethéorisée par ailleurs,lorsqu'elle est aussi affirméeinconsciemment.La dissymétrien'est pas posée seulementthéoriquementdans les différencespsychiques supposées entre les sexes, elle est déjà là dans le traitement, par le discours,des hommes et des femmes.On ne peut établir,tenterde prouverune dissymétriedans les faitsqu'à condition que cette dissymétriene soit pas au préalable un implicitedu discours. Or, quand Freud affirmeen substanceque les femmesn'ont pas de sexe, c'est évidemmentun lapsus, un résultatd'une conceptualisationinconsciente des hommes et des femmes,les uns comme sujets, les autrescomme objets (selon mon interprétation).Il n'est pas possible d'admettrecette dissymétrieau départ du raisonnementquand il s'agit de comparerdes êtreshumains,des sujets. La dissymétrie de traitementconsiste le plus souvent(pas seulementen psychanalyse)dans Yomission de la position féminine.C'est fairede la position masculineun universel:les femmes, exclues de l'universel(inconsciemmentassocié au masculin),n'existentdonc pas. Cette dénégation implicite est le refletde la position sociale des hommes (mâles) sujets du monde dont les femmesne sont que des objets. Des femmesauteurspeuvent laisser échapper la même dénégation dans la mesure où elles s'identifient,comme auteur, à la positionmasculine. Pour savoir ce qu'il en est des processus psychiquesde la petite filledans la perception de son sexe et de l'autre sexe, il faudraitau moins analyserau préalable les positions que le discours et les théories inconscientes des adultes assignent aux hommes et aux femmeset dissocier théoriquementces places dans la pensée, de la « réalité» (du psychismeinfantile)qu'elles ne reflètentpas forcément. Ce qui est certain, c'est que le discours social, dominé par les hommes, a tendance à assimilerla notion de «je » avec l'identitémasculine,ce qui est exactement la même chose que la confusionentrele masculinet l'universel.Ce discoursest le refletde la position sociale des hommespar rapportà celle des femmes.C'est la société et non la biologie (qui ne « pense » pas) qui donne un sens au (x) sexe (s). Nous intériorisonsdonc plus ou moins l'idée que nous n'avons pas de sexe, et par le même processus, que le « je », le sujet, le regardqui donne un sens au monde, ce «je » est masculin. En effet,nous faisons partie des « hommes » (= des mâles) ; la conscience est le propre de Γ« homme » (= du mâle) ; la plupart des auteursdes produitsculturels(cela commence à changer),livres,films,images,des théorieset discours sur le monde et en particuliersur les femmes,sont des hommes. De toute part nous assimilonsun point de vue masculin sur le monde et sur nous-mêmes.Non pas qufe nous ne percevionsjamais un point de vue de femme.Les femmesaussi, disent : « les hommes », exprimentleur expériencepropre.Mais ce point de vue ne rencontrepas le point de vue du discours social dominant,point de vue d'hommes,ni la normeuniversalisante,masculine. Il y a distorsionentreleur « je » et la norme du « je ». En conséquence, les femmes,très souvent,se placent du point de vue des hommespour parler
8 d'elles-mêmesou du monde. J'entendsune femme dans le métro dire, s'adressantà trois hommes : « ah la la, les femmessont bêtes ». J'entendsune gynécologuedire : « c'est à cause des femmesque la médecine part en quenouilles » (elle ne se compte pas comme femme,évidemment.Et d'ailleursles termesmasculinsde médecin et de docteur l'excluent en tant que femme). J'entendsune femme(hétérosexuelle) dire : cette fille n'est pas « baisable ». Et nous disons « nana », « nénette», termes « distancies » très probablementinventéspar des hommes. De même que l'injure « con », mais ça c'est tellementvieux, l'assimilationest totale. Nous ne savonsmême plus que les hommesparlentpar notrebouche. elles ne se rendentmême Et quand des femmesdisent : nous sommesdifférentes, « différentes» que du ne sommes « veut dire : elles. Nous ce nous » pas compte que Cueux de vue : ce sont De vue hommes. notre de des qui sont différents. point point est crois dont l'axe la les de » « femmes Différence, rieusement,parmi que je paroles C'est bien cela le problème : je n'ai jamais lu ni entendu : les hommes sont différents. différencenon réciproque. Un jour, mon frèrea inventéune blague, il a demandé : quelle est la différenceentre un pigeon ? La réponse était : c'est qu'il vole bas et à gauche. Pour moi, c'est cela, le Fait Féminin. Cette digressionpréliminairepour en arriverau cœur du « sujet » peut paraître voler bas et à gauche de la question : qu'est-ce qu'une femme? Pourtantil me paraît importantde voir sur quels fondementsimplicitesse construitla problématique de la différencedes sexes. Or, Le Fait Féminin,dans sa conception générale,signifiéepar le titreet le sous-titre,malgréune certainediversitédes opinionsémises et la présence au sein du livre de débats critiques entre les auteurs (voix critiques minoritaireset n'abordant guère la question des concepts), repose sur l'idée qu'il faudraitaborder le « problème des femmes» à partir de leur spécificité,de leur différenced'avec les hommes. De plus, c'est sur le rappel des différences biologiques que l'accent est mis et la démarcheconsisteraà chercherdes réponses sur un terrainsupposé « objectif » et où l'interventiondes différents« je », masculinou féminin,dans leur engagementexistentielet politique est considéréecomme « hors sujet » .
De la scienceet des passions C'est le rapportinstauréentrela connaissance biologique et Vaction que je mets en question ici, et non pas la recherchede connaissances biologiques « en soi ». Π n'existe d'ailleurspas de connaissance pure ni de science neutre. Si on est en droitde revendiquerune démarche scientifique,elle n'est valable qu'à condition d'intégrerle point de vue d'où l'on parle comme partie et objet de la connaissance. Il existe toujours des présupposéspolitiques,c'est-à-direun intérêtà savoir,et à savoirtelle chose ; la négationde la subjectivitén'est pas l'objectivité. Dès la première page de la préface, André Lwoff définitles sciences exactes comme un terrainneutre,à la différencedes autresdisciplines: « Sans doute, certaines démarches des ethnologues, des sociologues, des de la méthodologiedes sciences. historiens,des psychologuesrelèvent-elles
9 de l'expérimentation confèrent ou l'impossibilité Cependantles difficultés à ces disciplines un caractèreconjectural.Les conclusionset mêmesles à l'abrides conceptsa priori.Elles analysesne sauraientêtreentièrement socialesou politiqueset les échangesde vue ont,de plus,des résonnances et doncpassionnés.» (P. 15). sontde ce faitpassionnels Voilà que les savants« exacts» sontà l'abrides idéologieset despassions.Des passionstelles qu'on tintplusieursannéespour preuvedu « chaînon manquant» d'hommeet de chim(entrele singeet l'homme)un crânefaitde piècesrapportées en Vance le Piltdown 1909. faussaire Packard,dansL'hommeRepanzé déposé par d'un savantanglaissoupçonné en 1976 autour le lieu cite scandale eut modelé, qui et la corrélation entreintelligence d'avoirinventécertainesde ses donnéesdémontrant il estbienconsurdesprocédésaussigrossiers, héréditéchez les jumeaux.Sansinsister » ce qu'on cherche,maissurtoutle discoursd'internu qu'on peuttoujours« trouver est fort des données idéologiques.Nous allonsen suceptiblede parasitages prétation biendesexemples. trouver Pour l'instantles passionsvontbon train.Odettethibautparledes « excès et d'unecertaineformede radicalisme peutprendredansdes groupes que [le féminisme] de ces fameuxexcèscommed'une nous » (quels excès ? On extrémistes parletoujours Bischofmeten gardeles Norbert besoinde démontrer). évidencequ'il n'estnullement » et émotionnel Γ« contre en sciencessociales(et les autres?) chercheurs engagement de croire se féministes que qui permettent ajoute : « Ne parlonspas des militantes sociale,les bonnes lorsqu'ils'agitde soutenirun groupevictimed'une discrimination intentions justifientle partiprisle plus criantpourvuqu'il aille dansle sensvoulu.» baptisésde Quant à EvelyneSullerot,se plaignantdes « tabous momentanément modes de du « sien de puissantes gauche», elle qualifieles courants penséedivergents D'un la côté le débat intellectuelles science, », écartantainsicommodément politique. de l'autrela modeet les passions. à la neutralité Qu'on ne prétendepas se situerhorsde la bataille.La prétention même en une est tempsqu'unepositionidéologique. pression scientifique déjà
2. FAIT FEMININ ET FAIT RA TON Cardansles cent Jecommencedonc à lireLe Fait Féminin4etje m'impatiente. : ? On trouve de pages, quoi parle-t-on premières - pp. 39 à 49 : le comportement des sexesdansle règneanimal.(P. 42 : assimilation avecceluidespetitesfilles); femelles des d'uncomportement chimpanzés - pp. 57 à 62 : les mammifères en général; animauxet/oules mammifères - pp. 62 à 65 : les rongeurs ; - p. 85 : les cobayes,puisles coqs et les poules; - p. 86 à 88 : leslapins,puisles cobayes; - pp. 93 à 97 : les rats; 4. Voir aussi une critiquede ce livre,«Questions d'une obscurantisteféministeà des savants éclairés», d'Eliane Navarro,dans La Revue d'En Face, n° 4, Tierce,Paris.
10 - p. 99 : après qu'on nous ait annoncé enfinl'étude des « différencesque nous pouvons analyserdans l'espèce humaine », quelques lignes plus loin nous retombonssur : le rat,le lapin,le chien,le singe. J'aime beaucoup toutes ces petitesbêtes et il n'est pas honteux de fairedes comparaisons entrehommes et animaux. Hommes ? N'oublions pas que l'ouvragetraitedu Fait Féminin et que c'est pour percerle Mystèrede La Femme qu'il faut,tout spécialement,passerpar ce bestiaire. Il ne me déplaît pas de descendredu singe ; je ne faispas partiedes anthropocentriques que rebute cette parenté. Je n'ai pas non plus foi a prioridans les possibilités illimitéesde l'Homme et l'on est en train de découvrirses limites biologiques dans l'adaptation à ses propres créations - à tel point qu'on travailleactivementà transformercette biologie. Mais tout de même, cela ne me semblepas une démarchescientifique d'avant-gardeque de fouillerle cerveaud'êtresressemblant(peut-être)à ce que nous étions il y a quelque troismillions d'années, comme modèles les plus proches de ce que nous sommes, ce saut vertigineuxétant nécessité par la seule impossibilité morale d'étudier les femmesdans des cages avec des électrodes. C'est donc pour des raisons hautementlouables qu'on remplace (encore) les femmespar des rats et des singes,mais c'est aussi probant et scientifiqueque d'étudier le comportementd'un aspirateurd'après celui du balai-brosse. Autre problème : le critèrede catégorisationpertinent,dans toute cette partie souvent dans le reste de l'ouvrage) est non pas ce qui différencieles humains des (et animaux (ce serait faireune approche des femmesen tant qu'êtres humains,ce qui est beaucoup trop général,et surtoutbeaucoup trop plein de potentialitéspour nous définir,nous les femmes),mais ce qui différencieles femellesdes mâles,humainset nonhumainstous dans le même sac. Ainsi,on lit : « A bien des égards, les mâles humains ressemblentplus aux étalons ou aux taureaux qu'aux femelleshumaines.» (P. 59). Quant aux autres égards, ce serait trop d'égards pour nous. (L'auteur de cette remarquea seulementpris la peine de ne pas dire : les femelleshumainesressemblent plus aux juments et aux vaches qu'aux mâles humains. Mais n'oublions pas que tout cela c'est pour en venirà notre Fait.) On voit bien que ce n'est pas la connaissance biologique qui motivecette étude quand à aucun moment on ne prendla peine de soulignercomme fondamentalesdans une étude des différences,les différencesbiologiques entreles espèces, et notamment entre les espèces animales et l'espèce humaine. Aucun chapitre n'est consacré aux différencesbiologiques entre animaux et humains (différencesd'où découle le fait culturel humain). Ce qui sous-tendcette omission est l'idée (un « fairecomme si ») totalementanti-scientifiqueet anti-biologiquequ'il y aurait deux espèces : les mâles et les femelles.Le fait femelleet le fait mâle seraientchacun identique, fondamentalement, à traverstoutes les espèces ; le fait fémininest alors identifiéau fait femelle comme s'il n'y en avait qu'un et comme si la dimension sociale n'était pas ce qui spécifiele « féminin» . Les femmessont donc définiesdans leur ressemblanceavec les femellesanimales et non dans ce qui nous caractérisele plus : le faitd'être humaines.
11 A partir d'une telle conception dualiste du monde, dichotomise en mâles et femelles,on en vient tout naturellementà passer des animaux aux femmeset des femmesaux animaux sans l'ombre d'une ruptureépistémologique : les notions de fémininet de femellesont employéesindifféremment. - P. 67 : à la suite d'expérienc«s sur les lapins, on nous parle du développementdu fœtus« dans le sens féminin», de programmation« féminine» ; p. 89, de « programme féminin» . - Pp. 91-92 : sans nous préciserd'abord à partirde quelles expériences,sur qui (on découvre ensuite qu'il s'agit de rats et de cobayes), on nous parle de l'hypothalamus fonctionnant« dans le sens femelle,c'est-à-direcyclique » et dans la même phrase, à propos des mêmes animaux de « cycle féminin» . - P. 99, on nous parle de la libido, chez ranimai, de « type féminin» et on enchaîne dans la phrase suivante : «Le Fait Féminin dans ce domaine est [...]». Ce sont des exemplesparmibien d'autres. Il y a donc équivalence dans le langageentrefaitfemelleet faitféminin.Qu'estil ensuitebesoin de démontrer? Dans la troisièmepartie,La Société, introduitepar le chapitre« Les fondements évolutionnistesdes différencesentreles sexes », on trouve dans le deuxième chapitre, « La sélection sexuelle et le rôle du choix féminindans l'évolution du comportement humain » : « Chez les primates nous avons vu que les mâles de rang supérieurs'accouplaient aux femellesde rang supérieuret nous avons donc toute raison de supposer qu'au stade de la chasse ils ont commencé à s'approprier aussi (je souligne]les femellesde rangsupérieur[...] » Donc, naturellement,les mâles, simiesques ou hominiens, s'approprient les femelles. Le concept d'appropriation est-il scientifiquementpertinentpour rendre compte d'un comportementanimal ? Peut-on parler de rapports naturels de propriété entre congénères,sans le truchementde la culture ? Ce type de question n'est pas soulevé un instantdans Le Fait Féminin. Le même auteurécritplus haut, parlant de singes : « II y a, pourrait-ondire, un « pool » de femelleset en face une série de mâles rangés selon leur statut. » (p. 362). Tout cela dans un chapitre sur « le rôle du choix féminin». Mais, suis-jebête, c'est que nous choisissons entre nos maîtres... A propos de la sélectivitédes femellespour l'accouplement on nous dit en revancheque la rate « préfèreconsulterson cfeur» (p. 42). Dans la même page : « II existe un syndrome de « sexisme mâle » (chez les animaux). Langage anthropomorphique,donc. Très fréquentdans les compte-rendusde comportementsanimaux, il inscritd'avance ce qui doit être démontré(soit les rapports entre comportementshumains et comportementsanimaux) dans la description mêmesdes données. Quant aux extrapolations,en voici quelques exemples : « Dans la même perspective(mais je faislà une extrapolationhasardeuse), il semble que l'ablation du cortex n'ait pas la même importancepour la
12 persistancedu comportementchez le chien mâle que chez la chienne : il semble d'après des expériencesdéjà fortanciennesque l'ablation du cortex chez le mâle aboutit à la disparitiondu désir - je ne veux pas direpar là que le désir du mâle soit plus « intellectuel», mais qu'il y a sans doute, parmi les composantes de ce désir, des facteursvisuels[soulignépar l'auteur] probablementplus importantschez l'homme que chez la femme,ce qui expliquerait peut-êtreun autre apanage du sexe masculin (dans un sens différent): l'exhibitionnisme.» (P. 273). J'ai souligné les mots chien, mâle et homme pour montrerl'avancée sournoise de l'extrapolation.Elle est reconnuecomme telle,et hasardeuse,mais elle est là, et pas pour rien. Autrefaçon subtilede nous fourguerdes messagessans en avoirl'air : « Ce type d'influence testiculairesur le système nerveux n'a été mis en évidence que chez un petit nombre d'animaux. On ne lui connaît pas de réplique identique dans l'espèce humaine, mais il se pourrait qu'une sorte d'équivalent [je souligne] plus ou moins subtil puisse être mis à jour. » (P. 88). Ce équivalent plus ou moins subtilne va pas attendre une expérimentation sur les humains. Il suffitde tournerles pages. P. 230, on nous présenteun schéma des facteursde différenciations de l'identité et des rôles sexuels chez les humains(y compris les facteurssociaux) sous lequel est inscritun commentaireoù on lit notamment: « On sait maintenant que ces hormones fœtales dirigent aussi un des structuresnerveuses(neutralpathways) programmede différenciation qui, nous pouvons le penser, régulentdes seuils plus que des différences quantitativessurle comportement.» Or ce qu' « on sait maintenant» sur ces hormonesfœtalesc'est ce dont on nous a déjà parlé pp. 87-88, soit l'influence de l'hormone testiculaireinhibitricemise en évidence « chez un petit nombre d'animaux ». « II se pourrait» (pour les humains) devient « on sait maintenant» . L'hypothèse se transformeen savoir. L'insertion de cette remarque dans le commentaire d'un tableau concernant les humains est un exemple flagrantd'extrapolation non prouvée et habilement dissimulée - que seul un regard partisan de militante de mauvaise foi peut déceler. On lit par ailleurs : « II est possible que l'élévation prolongée de la testosteroneplasmatique chez le garçon joue, comme chez d'autres mammifères,un rôle dans l'orientationpsycho-sexuelledu systèmenerveuxcentral : mais cela n'est pas démontré avec certitude» (p. 100 : il s'agit toujours de la même chose.) Cela n'empêche pas Robert Larsen de déclarer: « La thèse de la neutralitépsychosexuelleà la naissance paraît bien peu fondée. Les hormones - spécifiquement les androgènes prénataux masculineet fémininede certainesportionsdu opèrentune différenciation système nerveux central [...] Les femmesayant subi une androgénisation fœtalesemblentrésisterà une socialisation féminineet montrentdes intérêtset des niveaux d'activitétypiquementmasculins.» (P. 348). Donc ce monsieur se jette lui aussi (sans passion aucune : c'est un savant) sur l'extrapolationque je viens de mentionner,se soutenant des travaux de JohnMoney,
13 cité par lui dans le même paragraphe. On se reporte alors au chapitre « Le transsexualismeet les principesd'une féminologie» de JohnMoney : [...] les études cliniques de l'hermaphrodismehumain suggèrentque les principes neuro-hormonauxmis au jour dans les expériences animales [je souligne] s'appliquent aussi au dimorphismesexuel du développement prénatalhumain. » (P. 224). Cette suggestion(hypothèse) concerne les enfantsde sexe féminingénétique et gonadique soumises à un excès androgénique prénatal : cela fait d'elles des hermaphrodites,c'est-à-direinduit une masculinisationdes organesgénitaux externes.Lorsqu'un enfantde ce type est déclaré de sexe féminin« avec les interventionschirurgicales et hormonalesque cela implique », « tandis que l'ensemble identité/rôlese différencie en genre féminin,il présenteune caractéristiqueassez bien décritepar le terme de « garçon manqué » [...] La caractéristiquedu garçon manqué se rencontreaussi, mais à un degré moindre,chez des fillesqui n'ont pas subi de masculinisationfœtale» (p. 226). Il ne reste donc que cette différencede degré dans un comportement« garçon manqué » pour supposer une influencehormonale. On peut tout aussi bien supposer que le fait de subir une interventionchirurgicalepour corrigerl'aspect masculin de son sexe génital,et se savoir hermaphrodite,a toute chance de se répercutersurle psychisme. Voilà un exemple de donnée scientifique dont on peut tirerce qu'on veut - pour peu qu'on ne se laisse pas envahirpar les « suggestions» . Mue par la maumais M. Larsen, vaise foi et la passion militante,je me permetsune contre-hypothèse, » lui, déclare : «les hormones [...] opèrent (présent affîrmatif)une différenciation etc. alors que l'auteur dont il se réclamene faitqu'émettreune hypothèseet en précisant que c'est uniquementsurla base d'expérimentationsanimales. A la suite du chapitresur le transsexualismedéjà cité on nous fournitun tableau (p. 229) comportantune liste de « comportementsmixtesà seuil dimorphique» (difet férentselon le sexe). Qu'y trouve-t-on? « Kinesis générale.Domination,affirmation rivalité.Course à l'aventureet délimitationdu territoire.Défense contreles prédateurs. Défense des petits. Nidificationou fabricationde la maison. Soins parentaux. » Dans l'incapacité de prouverl'existence de seuils sexuels innés de comportementhumain,on vous fichesous le nez des seuils de comportementanimal,dont certainscomme « domination,affirmationet rivalité», pouvant s'appliquer aux humains,permettrontla confusionmentalerecherchéechez le lecteur. A maintes occasions, on passe de l'expérimentationanimale à des généralisations surles mâles et les femellesen général,ou bien ces généralitésprécèdentla mentiondes animaux concernés, alors que par ailleurs on ne distinguepas entrehumains et animaux : la grandedifférencepassée sous silence. Elle est bien mentionnée,parfois,mais ce n'est qu'exceptionnellementque cette différenceest posée comme caractéristique du «fait féminin». Ce n'est dit explicitementque par Zella Luria (« Genre et étiquetage : l'effetPirandello ») : « C'est le caractèreunique de la naturehumainequi permet une confrontationd'idées comme celle-ci [...]« Le faitféminin» et le « faitmasculin» sont questions de définitionset, si l'on veut, de choix à propos desquels les historiens peuvent nous éclairer au moins autant que les biologistes» (p. 233). Et Leon Eisendes troublespsychiatriquesselon le sexe ») : « Au berg (« La répartitiondifférentielle
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bout du compte,Le Fait Fémininest une questionpolitiqueet non pas biologique» (p. 327). de principe: On nousrassure parquelquesdéclarations « Je suis intimement persuadéde la volontéindomptablede l'homme; notreespèceestuniquedansla mesureoù nouspouvonsajusternos foncet la volonté.Je tionscérébralesà nos besoinsparla discipline personnelle suivantes avecles situations ne saispas quel rapportaurontles observations ontété faitessurles humaines.Il doit êtresoulignéque ces observations est entièrement soumisà Tordredes rongeursdont le comportement » (P. 62). hormones. nous Il n'empêche,bien qu'on ne sachepas quoi en faire,que ces observations - surles femmes, le Et les extrasontlivréescommebasede réflexion dois-je rappeler. polations,par les procédésdécritsplushaut,ne sontpas évitées: puisqu'ellesne déc'est bien d'optionpolitiquequ'il s'agit.L'utilicoulentpas de la rigueur scientifique, de références animalesagitsurl'espriten forsationmêmed'un nombreconsidérable le discoursdominantsur les femmes. mant des associationsd'idées qui rejoignent tellesque : de prudence, On trouved'autresformules ce qui se passe chez les « Bien qu'on ne puisse« décalquer» exactement des facteurs comratssur ce qui se passechez l'hommeoù interviennent il est intéressant psycho-social, plexestels que ceux de l'environnement de constater... » (p. 97). où l'on ? Ce qui me paraîtintéressant c'est l'effetd'un tel discours, Intéressant de l'animalà l'humain,surl'espritde la lectriceou du lecteuren passeconstamment : qu'est-cequ'unefemme? trainde se demander avidement * S'il est si délicatd'extrapoler du ratà l'humain,on se demandepourquoion ne de nousmitrailcessede nousen parler,du rat.L'effetobjectifestde nousintimider, L'associationrépétéeratfemmeratsinge ler de signesselonla techniquepublicitaire. le conceptde femmeen sortede loup-garou. femmerataboutità transformer Ensuite il suffit de diren'importe pourqu'on se sentevisée. quoi surles loup-garous dansLe Fait Fémininse Il fautbienvoirque le conceptde femmesous-jacent le définitainsi : sorted'extrapolation du rat.Une foisqu'on a rétabliconsciemment conceptimmiscépar persuasionclandestine,on peut alorsprocéderà une lecture du rat de l'ouvrage.Cela donne: « les sortesd'extrapolation sérieuseet scientifique du ratauraientintérêtà fairececi fontceci et fontcela ; les sortesd'extrapolation de leurnatureextrapolée» . plutôtque cela pourne pas risquerd'allerà rebrousse-poil On n'estpas obligéede se sentirconcernée.
3. PROGRAMME GENETIQUE ET PROGRAMME POLITIQUE animaleset à la biologieen généralestune attachéeaux références L'importance - et politique- entreles diversesapproches,non pas lignede partagefondamentale
15 du faithumain dans sa globalité,car c'est un tout autreproblème,mais des différences entreles humains. Etudier l'être humain dans son évolution depuis la société primate jusqu'à la société informatiquen'est pas du tout la même chose que de définiret classer les différencesentre groupeshumains et les rapportsentre groupesà traversla qu'elles soient de classe, de culgrilledes déterminismesbiologiques*. Ces différences, ont donné lieu à des rapportsde été hiérarchisées. Elles de ou de ont race sexe, ture, forces.Seules font cas, donnent lieu à des théories,des débats, des « questions » (la Question Juive,la Question de la Femme, etc.) les différencesimpliquantun ordresocial, une répartitiondes rôles et fonctions,des richesses,impliquantdes rapportsentre les groupes,différenceset rapportsprécisémentmis en question,contestés,marqués de jugement de valeur et soulevantles passions parce que leur contenu est relatifet culturel. La révolteest la preuve de la dimensionsociale et politique de ces différences. Aucun faitbiologique ne peut fairequoi que ce soit contrela révolte. C'est le fait de Yoppression - et non les différencessexuelles en elles-mêmesqui a créé le « problème féminin» et c'est ce problèmequi est à l'origined'un ouvrage tel que Le Fait Féminin. L'arrière-planest donc éminemmentpolitique. Or la première démarche du livre est de nier cette dimension politique (cf. l'opposition faite entre les chercheursobjectifset les militant(e)s de parti pris). Puisque sans cette dimension le livren'existeraitpas, c'est une falsificationde base : c'est faireprécédertoute la démonstrationd'une négation de la question qui est à son origine.Evelyne Sullerot re» et toute une tendance féministe proche à toute une tendance « environnementaliste de ne pas « vouloir savoir » la dimension biologique. Pourtantles différencesbiologiques nous ne pouvons que les constaterlorsqu'elles s'imposent. La différenced'approche consiste dans le fait que nous n'attachons pas la même importanceaux faits biologiques quant à leurs implicationspour la lutte des femmes.Notreproblèmeétant social c'est la catégorie « femme» comme constructionsociale qui nous intéresse.Si nous sélectionnons les faits répondant à nos préoccupations, nous ne prétendons certainementpas fairedu « fait féminin» un objet neutrede la connaissance. La position de femmeest une position engagée(qu'on le veuille ou non). L'affirmationde neutralitéet d'objectiviténe va pas sans contradiction.André Lwoffécrità la premièrepage de sa préface : « Une différencepeut s'exprimerpar une performancemeilleuredans un secteur déterminé,mais l'idée de supérioritéd'un sexe surl'autre doit êtretotalementexclue. » Et pourquoi donc ? Voilà une belle pétition de principe. Ce n'est pas moi qui vais le reprocheraux auteurs. Il faut savoir ce qu'on veut,et si on aspire à l'égalité on ne peut agir qu'en la posant comme principe, c'est-à-direen se définissantdans ses projets.Mais nous ne sommesplus là dans les faits« objectifs» . Il y a donc un présupposé d'égalité qui est une démarchepolitique non reconnue comme telle. Puis, la « féminologie» démarre,par principescientifique,surl'étude des différencesentremâles et femellesdans toutes sortesd'espèces pour aboutir,dans une * Ce sontmêmedes démarches lescaracCar la première inverses. approchefaitapparaître en espècesdifférentes, tandisque la secondetendà diviserleshumains tèresde l'espècehumaine, occultant (et pasparhasard)leurcommune appartenance.
16 actuellesentrehommeset au constat des différences perspectiveevolutionniste, femmes.Au passage,il est difficile d'éviterle spectrede la hiérarchie naturellequi et la compétitivité ressortde diversesconsidérations sur l'agressivité propresaux à se sortirde actuelle. Comment va-t-on aboutissant la domination masculine mâles, ce mauvaispas ? EvelyneSullerotciteen exerguede sonintroduction (p. 17) : « Le destins'écrit à mesurequ'il s'accomplit,pas avant» (J. Monod : Le Hasardet la Nécessité).Mais choisirde l'écrire? s'écritle destin,et comment va-t-on comment Dans le premierchapitre,«De la signification », biologiquedu bisexualisme Norbert Bischofécrit: « Nousdevonsévidemment en considération l'existencede normes prendre culturelles et restrictives modelantle comportement des garçons puissantes et des fillesà l'imagede ce que chaquesociétédonnéeestimeconvenirà leurssexesrespectifs. Maisne peut-onpas supposerque ces normesne se à la naturehumaine,maisqu'ellessontplusurimposent pas aveuglément tôt là commeune paraphrase, uneinterprétation, uneelucidationde cette nature? [...] Jene voispas pourquoiil seraitinutile,ou illégitime, de prendre en considération l'existencepossiblede « structures » profondesde comportements profondes typiquesde chaquesexe,structures qui seraient à de tellesstructures, préforméesdansle matérielgénétique.Evidemment, le Fait supposerqu'elles existent,ne détermineraient pas aveuglément la Féminin,mais s'il s'agit de modifiercelui-ci,elles détermineraient marcheà suivre.» (P. 36). à elle de la société,ramenéeà un modèleextérieur Cettevisionréductionniste le modèle du le vieille c'est Grand est comme les ruines. Elle modèle, (et Horloger?) un ne brillepas parl'imagination C'est d'ailleurs déni de et sociologique. pur simple la connaissance et ne autres sciences humaines se fondant sociologique, pas surla bioloOn rien sur la société son supautrement étudiant d'abord gie. n'apprendrait qu'en ». «modèle est la différence entre les de N. et la Bischof Quelle posé suppositions théorieselonlaquelleles « capacitésmanuelles» des ouvriers un héritage seraient bio? à Plus à des individus d'extrême ne croit droite, personnemaintenant, part logique la naturebiologiquedes classessociales,maispourles femmes, on refuse décidément, d'appliquerle raisonnement sociologique.On refusede les traitercommecatégorie sociale,ce qu'ellessont,mêmesi ellessontaussiunecatégorie biologique,les deuxne ni il ni se superposant aurait pas (sinon n'y oppression révolte). une négationdu faitculLes suppositions de cet auteursonttoutsimplement turelcommecaractéristique de la naturehumaine.En effet,si notreculturea « besoin» de paraphraser notrenature,c'est qu'il existeune coupureradicaleentreles comme un de entre avecla définition deux, objetet son reflet.C'est en contradiction l'hommecomme « animalculturel», soi-disantadmisepar tousles auteursdu livre. Ce raisonnement supposeque non seulementla culturene faitpas partieintégrante de notrenature,puisquel'une seraitune copie de l'autreet nonun de ses traits, mais en plus que le social n'existepas commetel puisqu'ilest renvoyéet réduità une autredimension qui seraitnotrenature.Il n'y a ici aucuneplace pourune théoriede aucune l'oppression.N'est-cepas la place, notamment, pour conceptualiser l'acquit, « » de conditionne la négation l'oppression supposition citéeci-dessus? qui
17 Si E. Sullerot ne reprendpas explicitementà son compte l'idée que la société, à tout moment,paraphrasela nature,elle faitle choix d'une stratégiepour les femmes conditionnée par la connaissance biologique, ce qui est une façon d'authentifierla premièresupposition : on ne peut en effetmodifierce qui seraitune « structureprofondepréforméedans le matérielgénétique » (à moins de manipulerles gènes).
A. Les femmesaliénéespar la natureet le rôle de la science. Selon E. Sullerot,les sciences de la natureont permisà la femmede « commencer sa désaliénation par rapportà la nature » (p. 17). Elle cite la découvertedu rôle de l'ovule et de la femme dans la conception, des chromosomes sexuels et de leur rôle dans la déterminationdu sexe de l'enfant (un homme ne pourraitplus répudier sa femmeparce qu'elle ne met au monde que des filles),la programmationindépendante du plaisirsexuel et de la reproduction,les méthodes de contraception,les progrès de l'hygièneréduisantla mortalitéféminineen couches et la mortalitéinfantile, les laits artificiels. Pour E. Sullerot,les connaissancesbiologiques elles-mêmesont été un facteurde anti-féministe libération pour les femmes. Elle cite l'idéologie anti-scientifîquement de Proudhon pour montrerque désormaisun tel discoursne peut plus avoirlieu (mais les faits?). Elle mentionnepar ailleurs : « [...] cette révélationstupéfianteet combien libératrice: la nature - ou la Providence - n'a pas du tout « programmé» la femmetoujours fertile. Toute femmeest successivementfertilepuis stériletout au long de sa vie de femme : donc le plaisir,chez elle, est indépendantde la maternité,n'a rien à voir avec la fertilité! La voilà désentortilléede ses vocations et malédictions, sa vie sexuelle apparaît, autonome, séparée de la fécondité [...]» (p. 435).
Et plus loin : « C'est de l'observation de ce phénomène cyclique si souvent décrit comme souillure, asservissement,que va naître cette dichotomie des domaines et cette libération. Et ce sont des médecins, des savants, des hommes qui y ont contribué. Un discours profondémentféministen'y serait jamais parvenu, ni un pouvoir féminin,sans le passage par la connaissanceet la science. » (P. 435). On ne voit pas bien le rapport entre la connaissance d'une dichotomie entre sexualité et féconditéet le fait de ne plus considérerles règlesou le « cycle féminin» comme souillure. De plus la perception des règles comme « sales » existe toujours, même si on en connaît le mécanisme. Enfin,E. Sullerotfaitcomme si l'interprétation de souillure était naturelle - n'était pas une interprétation-, comme si la culture patriarcalen'était qu'une ignorance,une non-culture. Et commentla connaissance de l'indépendance du plaisir et de la féconditéa-telle la faculté de changer quoi que ce soit aux rôles imposés ? Cette indépendance des phénomènes, d'ailleurs, n'a jamais été méconnue dans ^expérience pratique des femmes.Il a toujours existé des femmesqui voulaientjouir sans pour autantprocréer. Le problème là n'était pas la méconnaissanced'un phénomènebiologique mais l'interdit pesant sur la sexualité des femmes(l'interdictionde cette dissociationest toujours
18 prônée par l'Eglise, pour les femmeset pour les hommes). Ce type de connaissance scientifiquepeut avoir un effetdéculpabilisant- non négligeable- (de même que la connaissance, ratifiéepar experts, du rôle du clitorisdans l'orgasme*) mais elle agit plutôt a posterioricomme justificationidéologique que comme cause de l'expérience. Cela fait toujours plaisirlorsqu'une découvertescientifiquebat en brèche un préjugé mais on risque pas mal de déconvenues à croire que les connaissances biologiques sont une arme déterminantecontre le racismeet le sexisme.Ce derniertype d'idéologie existe d'abord comme rationalisationd'une oppressionet non comme refletspontané d'une méconnaissance. Tant qu'une oppression - et ses raisons historiques existe, sa justificationpourra se greffersur n'importequel type de nouvelle connaissance ou méconnaissance. Le raisonnementd'E. Sullerot suppose que l'on considère non seulementl'idéologie mais l'oppression comme un résultatde l'obscurantisme.La science représenteraitl'espoir d'en finiravec les rapportsde force. On retrouveici la confusion,souvent faite par les marxistes,entrece qui est scientifique,ou rationnel, et ce qui est moralementsouhaitable (l'oppression est tout aussi « rationnelle» que l'égalité - tout dépend de quel point de vue on se place et ce point de vue est dicté par son intérêt,non par la science). A l'inverseon pensera que ce qui est moralement souhaitable est issu de la Vérité,scientifiqueou autre (la loi scientifiquen'est pas de même natureque la loi divinemais elle peut exercerla même fonction). Concevoir l'idéologie, et en même temps l'oppression (puisqu'E. Sullerot parle de libération,de « désentortillement » des « vocations et malédictions» des femmes) comme simplesrefletsdu stade des connaissances,c'est évacuer les rapportsde forces et la dimensionpolitique (c'est-à-direles choix et intérêtsde groupeshumains,la défensede privilèges,etc.). Selon E. Sullerot,après la découvertedes chromosomessexuels, fournispar les deux parents, « nulle société ne pouvait désormaispermettrequ'un homme répudiât sa femme parce qu'elle n'avait que des filles» . Il faudraitvérifiersi dans certains pays ces pratiques ne subsistentpas en dépit des connaissances(au moins accessibles) des dirigeantsqui auraientintérêtà respecterune culturepopulaire servantles intérêts du patriarcat.D'ailleurs, depuis que ces pratiques existent,on a eu largementl'occasion de constater statistiquementqu'une femme répudiée pour cette raison pouvait, en se remariant,mettre au monde un garçon, ce qui feraitpeser le « soupçon » sur le premiermari. De toute façon la répudiation,là encore, n'est pas la conséquence d'une idée fausse, mais avant tout du droit-privilègede répudiation accordé aux hommes et du traitementdes femmescomme reproductrices.Et la valeur supérieure accordée aux garçons,sans laquelle on ne répudieraitpas une femmepour la raison mentionnée,est elle-mêmeun produit de la cultureet de l'économie patriarcales,qui existent toujours. Les connaissances revendiquées par E. Sullerot comme «libératrices» ne sont théoriquementutilesque dans ce contexte d'oppression,et puisqu'elles n'ont pas la capacité d'éliminerle système oppressif,elles ne serventà rien dans ce domaine. En outre, ces connaissances mêmes auront des conséquences gravespour * Rôle si bien connu, de longue date, ainsi que son indépendancedu processusde procréation,qu'il a été souvent,et est encoreexcisé dans certainspays.
19 : dansun contextepatriarcal, nouslorsquel'on pourrachoisirle sexede sa progéniture les garçonsserontplusnombreux. A côté de la transformation par la connaissancede l'imagebiologiquedes E. les progrèsmatériels serait Sullerot mentionne libératrice, femmes,qui permispar de tentatives donc moins nécessaires desenfants la science: moindremortalité (et pour en couches, des générations), moindremortalité des femmes assurerle renouvellement un meilleur On apprécieces progrès.Ils nous permettent biberon,contraception. contrôlede la nature.On pourraitégalementciterbeaucoupde progrèstechniques qui ont facilitéaussila vie des hommeset leurrapportà la nature,y comprisla leur. les rapportsentrehommeset femmes? Mais ces facteurssont-ilsceux qui changent : théorila tâchenourricière Certesle biberonpermetaux hommesde partager un contrôle de hélas. Certes la nous meilleur notre procréapermet pilule quement, commele mentionne tion.Cependantla baissede féconditédes femmesoccidentales, ailleursE. Sullerot,a commencéversla findu 19e siècle,avantdoncles moyensconà êtredéresponsabilisés à notre modernes.De plus les hommespersistent traceptifs Pas de pilulepourles hommes: on ne connaîtdonc pas leurrôledansla détriment. ? Et la pilulen'empêchepas les pressionsactuellesauprèsdes françaises procréation enfant. pourqu'ellesaientun troisième On comprendl'importance biologiques qu'E. Sullerotattacheaux découvertes puisqu'elleconsidèreles femmescommealiénéespar la nature.Si ce n'étaitque cela, de notrebiologie.Maismêmes'ily a en effet,il faudraittoutmisersurl'amélioration normaeu un rapport« à l'origine» entreles différences biologiqueset la ségrégation un faitculturel. ce rapportesten lui-même tivedes activitésentrehommeset femmes, établirune relationlogique,directe,de On ne peut,à chaque momentde l'histoire, cause à effetentrela biologiedes femmeset leur assujetissement (aux hommes! du pouvoirdes hommeset je me chargede ma nature...).Si le simple Débarrassez-moi faitde mettredes enfantsau mondeet d'allaiter,ou si une moindreforcemusculaire //η 'auraitpas été ou autresdifférences, étaienten soi un facteurd'assujetissement, et de devoirs,de nécessairede mettreen place tout le dispositifde lois, d'interdits n'estpas biologique,que je sache,et on coercition que nous connaissons.Ce dispositif ne voitpas commentla connaissance des lois de l'évolutiondes espèces,ou l'interventiondansnoscyclesféminins, peutaiderà le renverser. à nous La pilule et Moulinexaméliorentnotrevie, peut-êtrecontribuent-ils modirendreplusdisponiblesà la révolte,maison ne constatepas que ces progrès-là des rôles(au contraireils sembleraient fientla répartition plutôtnous en consoler) entrehommeset femmes. ni n'ébranlentles rapportsde pouvoiret de privilèges
et choixpolitiques. B. Stratégiede la différence D'un côté on nousprésentecommevoie de libération les modifications passées à à ou venirde notrerapport la nature(à notrenature)commesi c'étaitdansnotre que résidaitnotremanquede liberté.(Pourcorpslui-mêmeet son fonctionnement ? les lieuxde travaildeshommeset desfemmes de crèches sur tous pas quoi n'existe-t-il » un « de la n'est nature Ce .) pas handicap
20 L'autre voie proposée par la connaissance biologique est le développementde nos spécificitésnaturelles. « On peut étudier et combattre les causes de l'inéquité sociale en favorisantle développementdes spécificitésféminines» (E. Sullerot,p. 19). La formule est ambiguë. On comprend qu'on peut étudier et combattre les causes de l'inéquité sociale par le développementdes spécificitésféminines,et pas seulement « tout en » favorisantle développement de ces spécificités.E. Sullerot dit aussi : « Et si, comme acteur social, je voulais agir sur ces faits [observésen sola vie des femmes,il me fallaitconnaître ciologie du travail]et transformer au mieux les causes biologiques possibles afin de ne pas gaspillerd'efforts sur des points d'application mal choisis. » (P. 20). Les connaissancesbiologiques doiventdonc orienterl'action sociale. On constate un certainnombre de différencesde comportementset d'aptitudes entrehommes et femmes,certainsauteurspenchant versla déterminationbiologique, d'autres (plus raresdans cet ouvrage) insistantsur les facteurssociaux ou la plasticité humaine. Comme l'écrit E. Sullerot : « De ces découverteschacun tirerasa leçon propre » (p. 24). Cependant je voudrais montrerque les diversesleçons qu'on peut en tirer correspondentbeaucoup plus à des différencesde choix politiques qu'à des différencesd'attributioncausale aux faits. La différenceréside dans les paris que l'on fait sur les possibilitésde changementssociaux (parce qu'ils sont jugés souhaitables), et non dans une plus ou moins granderéticencevis-à-visde la connaissancebiologique. Je ne mentionneraiqu'une des différencesévoquées. On note une aptitude linguistique supérieurechez les filleset une aptitude spatiale supérieurechez les garçons (statistiquement,avec chevauchemententreles sexes). Cette différenceest attribuéeà une différencedans le degré de spécialisationdes hémisphèrescérébraux,la latéralisation des fonctions(ou spécialisationdes hémisphères)étantmoindrechez les femmes, ce qui favoriseraitle langage,tandisque les aptitudesspatialesdépendraientsurtoutde l'hémisphèredroit. « Des travauxrécentstendent à prouverque le degréde spécialisation des hémisphèrescérébrauxn'est pas le même dans les deux sexes [...] ». « L'aptitude spatiale [...] se trouve présenterentre les membres d'une même famille des corrélationstrès voisines de ce qu'on peut en attendreselon le modèle génétique [...] ou culturellene pourraitrendrecompte de telles Aucune théorieenvironnementaliste corrélations.» Cette corrélation n'est mentionnée que pour les aptitudes spatiales (et non verbales). Ailleurs,Sandra Witelson,l'auteur de cet article,note qu'on « n'a pas trouvé de différencesentre les sexes pour un test d'aptitudes spatiales, ni chez les enfants ni chez les adultes » dans une étude des Eskimos. Elle ne renversepas l'argument : on ne voit pourtantpas commentla théorie d'un gène récessifpourrait « rendrecompte » de cette non-différence. Une autre argumentpar lequel S. Witelsonsembleévacuer de façon convaincante l'influence de l'environnementsur ces différencesest le constat que les différences verbales diminuentavec l'âge tandis que les différencesspatiales restentstables. « Si l'environnementsocial et intellectuelauquel sont soumis les individusfavorisaitpar-
21 ticulièrementles aptitudesverbales des femmeset les aptitudesspatiales des hommes, on ne voit pas pourquoi ces facteursenvironnementauxcréant des différencess'atténueraientavec le temps. » D'une part,on ne voit pas plus comment des différences innées diminueraientavec le temps : il faut réintroduirel'environnementpour expliquer que les garçons, dont les*capacités verbales seraient naturellementinférieures, rattrapentles filles. D'autre part, une hypothèse rendant compte de ces différences par l'environnementet par l'expérience a pu être avancée il y a quelques années et rendrecompte égalementde la diminutiondes différenceslinguistiquesdans un second stade et de la stabilitédes différencesspatiales. En effet,ce serait dans un premierstade les jeux de la petite enfancequi fonderaientces aptitudes différentes: le petit garçon se débrouillantdans l'espace avec ses « lego », « meccano » et autresjouets tandis que la petite filleest amenée à développer son langage dans les longs tête à tête avec sa poupée. De plus les petitesfillessont victimes de nombreux interditsquant à leurs mouvements et l'utilisation de leur linguistique.Par la suite corps, ce qu'elles pourraientcompenserpar un investissement l'école étant là pour permettreau petit garçon comme à la petite filleune acquisition méthodique du langage,l'écart dans ce domaine tend à diminuertandis que rien ne vient jamais combler le retard acquis par la petite fille au niveau de la structuration dans l'espace. Des travaux et hypothèses sur les différencescérébralesS. Witelsondéduit des implicationséducatives : « Peut-êtreles différentesméthodes d'apprentissagede la lecture ont plus ou moins d'efficacitésur les garçons et sur les filles.Mais cela n'est qu'hypothèse. Cela souligne cependant l'importancequ'il y aurait à considérer le sexe comme une variable indépendantedans les études de l'évaluation des programmeséducatifs.» (P. 299). Il paraît raisonnable d'instituerdes apprentissagesdifférentspar rapportà des aptitudes différentes.Mais puisqu'on constate un chevauchementstatistique de ces aptitudesentre filleset garçons,il faudrait,pour respecterles différencesindividuelles, examiner auparavant le cerveau de chacun. Inutile de soulignerle dangerd'une telle perspective,d'ailleurs moins probable que l'institutiond'un nouveau compartimentage entreles sexes. De ces différencesdans le fonctionnementdes hémisphèrescérébrauxon déduit des implicationsplus générales: « II est bien connu que les femmes sont moins représentéesque les hommes dans certaines professions.Cela peut être dû aux facteursque nous venons d'exposer tels que les différencesen aptitudes spatialeset en stratégiecognitivepréférentielle.Le faitqu'il n'y a que trèspeu de femmes architectes,ingénieursou artistestientpeut-êtreau faitque ces professions requièrentla façon de penser et de percevoirl'espace qui est le mieux accomplie par l'hémisphèredroit. Des facteurssimilairespeuventjouer pour expliquer le plus faible nombre de femmescompositeursde musique [...]. Il est parfaitementraisonnablede penser que les individuschoisissentles professionspour lesquelles ils ont le plus d'aptitudes. » (P. 298).
22 Aptitudes innées, s'entend. En ce qui concerne ce genre d'hypothèse pour expliquer a posteriori la rareté des femmes compositeurs,je renvoie à l'article de C. Lahourcade et D. Poggi publié dans ce numéro. A ce sujet E. Sullerot rappelle (p. 431) qu'il a existé de fait beaucoup de femmescompositeursreconnuesen leur temps et en déduit qu' « elles ne furentpoint « barrées» dans leur carrièrede créateur » (l'article que je viens de citer montreau contraireles obstacles qu'elles ont dû et doiventencore surmonter).E. Sullerot,après avoiraffirméque des femmesécrivains connurent une grande notoriété « bien supérieureà leur talent » (?) déplace alors l'hypothèse biologique sur le fait qu' « elles ont laissé bien peu de traces dans la postérité» ! Il fautcomprendrequ'on a ou non le talentinné de laisserdes tracesdans la postérité... Les « peut-être» n'ôtent rien à la gravitédes conséquences de tels propos puisqu'on nous inviteà tenircompte des découvertesbiologiques pour l'action sociale. Vat-on ouvrirl'architecture,par exemple, à une minoritéthéoriquementapte de femmes, alors que de toute façon un barrage social existe pour l'ensemble des femmes,sans égard à leurs aptitudes ? Quant à la minoritéstatistique cela ne les empêcherapas d'être chahutées par les étudiants des Beaux-Arts ni de se retrouverau chômage. Et puis l'idée qu'il faut être une exception biologique pour projeterd'être architecteest un barragemental. Commentaired'E. Sullerot : « II est exclu que l'on puisse tirertrop vite des conclusions et passer à des applications pratiques avant d'avoir largement étoffé les résultats acquis qui jusqu'ici sont minces et n'autorisent,comme le dit elle-même S. Witelson,que des suppositions et des suggestionsde recherches.Mais que ceux et celles qui craignentque toute mise à jour de différencesentre les sexes ne devienne source de nouvelles inégalitésveuillentbien considérer que, si de telles différencesexistent réellement,les nier et agir comme si elles n'existaientpas ne peut pas magiquementles supprimer.La preuve en est que jusqu'ici, dans l'ignorance de leur existence prouvée, l'inégalités'est bel et bien instauréedans la formationprofessionnelleet le monde du travailà partirdes différencesd'aptitudes spatiales. » (P. 285). Malgré ses précautionsoratoires,E. Sullerot affirmequ'une inégalités'est « bel et bien instaurée» à partirdes différencesd'aptitudesspatiales ! C.Q.F.D. E. Sullerotécritailleurs,pour renforcerl'hypothèsebiologique : « Dans tous les pays on ne trouvequ'une infimeminoritéde fillesdans les formationsprofessionnellesqualifiées de mécanique, même dans les pays de l'Est où un fortconditionnementet même des décisions d'orientation cherchentà les pousser dans cette direction.» (P. 281). On pourrait douter de l'efficacitéde ces « décisions » d'orientation dans des où la structurematériellede l'oppressiondes femmesn'a pas disparu,notamment pays dans la famille. Pourra-t-onjamais prouverque les femmes,par constitution,sont moins douées la pour mécanique que les hommes ? Mais quand bien même, l'importantn'est-ilpas de permettreaux femmes, de toute façon, l'expérimentationindividuelle et historique de leurs aptitudes?
23 « L'étude du mécanisme de ces différences[biologiques] ne peut conduire à les accentuer,mais peut en revancheouvrirpeut-êtrede nouvellesvoies à la pédagogie et à la formationdes adultes de manièreà mieux servirles possibilitésspécifiquesde chaque être. » (P. 286). Mais comment servirles possibilitésspécifiquesde chaque être à partirde la notion de spécificitéde groupe ? A moins de disséquer les potentialitésde chaque individu dès l'enfance : mais alors ce ne seraitplus une biologie des différencessexuelles qui en seraitla base. Il faudraitmultiplierles critères. Pierre Royer émet quelques considérationsqui laissent la lectrice encore plus rêveuseque l'auteur de ce paragraphe: «[...] les différencesénormes au plan individuel- six à sept ans - dans l'âge normal de la puberté,les différencesmoyennes entreles deux sexes de 1 à 2 ans environ,laissent rêveursur la distributiondes écoliers du secondaire et des premièresannées de l'universitéd'après l'âge chronologique, sans tenir compte ni de la « maturationphysiologique» ni du sexe. Si on admet que les acquisitions des performancesintellectuelles- mathématiques,par exemple -sont corréléessurtoutavec l'âge chronologique et que d'autres aspects de la pensée abstraitephilosophique, religieuseou artistiquedépendent de l'âge osseux et de la maturationphysiologique,on mesure les distorsionsexistant d'un sujet à l'autre et d'un sexe à l'autre face à des programmesscolairesstéréotypés.» (P. 102). Nous voyons se dessinerl'idée d'une sélection scolaire en fonctionde critères physiologiques.Qu'ils soient corrélésou non à des aptitudes,le progrèssocial consistet-il en une différenciation toujours plus poussée des programmes- scolaires,puis de vie? Au moment où nous commençons à faireadmettreque nos spécificités,comme la gestation,sont une potentialitésur laquelle peut et doit s'inscrireun choix (c'està-direune expérimentationpropre au sujet, non déterminéepar un devoir ou une loi ontologique), « la science » se met à nous trouverde nouvelles aptitudes et inaptitudes spécifiques. Il faudraitque nous développions les premières,ce qui signifiedu même coup qu'elles seraientdécouragées chez les hommes. Et inversement.La question est-elle que ces aptitudes ou inaptitudes soient réelles ? Non, la question est : pourquoi faire de la biologie une science des aptitudes ? C'est une orientationparticulière de la science et non une dynamique spontanée des connaissances.Et c'est une orientationpolitique : il y a en effetune démarche qui consiste à rechercherdes critères d'action préexistantà l'expérience individuelleou collective,des critèresontologiques, donc, indépendantspar définitionde la dynamique sociale et de l'expérience du vouloir collectif et individuel. Ils ne peuvent servirque les défenseursdu statu quo - d'autant plus que ces faits biologiques serventinévitablementà expliquer a posterioriles faitssociaux constatés ; ou bien servirles défenseursd'un ordrenouveau nécessitantde nouveaux critèresontologiques capables de résisteraux velléitésrévolutionnaireset aux déviances minoritaires.On assiste d'ailleurs actuellement à un granddéveloppementdes sciencesbiologiques et psychologiques,s'accompagnantde la mise au point de techniquesde manipulationdu psychismeou des gènes et de chirurgie du cerveau sur lesquelles certainsfondentl'espoir de construireune société totalement
24 normalisée où le contrôle des individus et des groupes serait maximum. Pour ces experts la plasticité humaine est telle, justement,qu'il convientde la réduireau minimum en l'utilisant,paradoxalement,pour un conditionnementrenforcé5.E. Sullerot, sans doute, n'a pas un tel programmeen tête, mais alors, à mon humble avis,elle se fourvoiequand elle pense qu'on peut parvenirà une plus grandeégalité sociale en « développant les spécificités» c'est-à-direles aptitudes attribuablesa priorià toute une catégorie humaine.Si, comme l'individu,j'échappe à la moyenne statistique,vat-on me permettred'échapper à la catégorie ? Le meilleurmoyen de contrôle social (au détrimentde la liberté individuelle) est de renforcerla sélection et la spécialisation. E. Sullerot craint de « gaspiller des effortssur des points d'application mal choisis ». Il ne faut pas trop essayerd'avoir raison car on risqueraitd'avoir tort.Mais où est le plus grandrisque ? « Quiconque a pratiqué l'orientation professionnelleou le placement, écrit E. Sullerot,sait combien les filleset les femmespeuvent opposer de résistancesaux conseils cherchantà leur ouvrirde nouvelles voies techniques et industriellespar exemple, quelles déterminationpassionnée elles manifestentdans leurs refus et dans leurs choix. Que peut-on provoquer en les forçant? » (P. 496) Mais qui parle de les forcer? « Des causalités hâtivementattribuéesà l'environnementpeuvent provoquer des découragementsdevant les échecs des effortsentreprispour modifier les conditionnementssociaux, et de pénibles situations pour les enfantsou les adultes qu'on cherche à habituer à vivrele comportement de l'autre sexe.» (P. 310). Dans le même esprit,N. Bischofécrit : « [...] si des déséquilibresinnés de motivationexistaient,il faudraitun traitementdifférentpour les garçonset pour les fillesafin d'égaliserleurs chances. Si toutefois ces préformationsgénétiques n'existaient pas, la formuleserait alors de faireen sorte qu'ils subissentles mêmesinfluences de l'environnement.Aussi la question des préformationsgénétiques du comportementne peut-elleêtre reléguéeau rang des faux problèmes.Elle est d'une importancepratiqueimmédiate.» (P. 48). Le risque supposé, si on faisaitsubir les mêmes influencesde l'environnement, serait que les individus soient forcés de vivre le comportementde l'autre sexe. Etrange raisonnement,qui ressemble beaucoup à la descriptionde ce qui se passe actuellementf non qu'on soit obligé de vivrele comportementde l'autre sexe, mais celui attribué à son sexe, c'est-à-direavant tout un comportement.Spécifique. Etre obligé de vivrele comportementde l'autre sexe n'est possible que s'il existe justeun pour chaque sexe, et que s'il existe des modèles de ment deux environnements, comportementde sexe. Quelles que soient les causes, sociales ou biologiques, attribuéesà la résistance d'un individu à tel comportement,il n'est pas question de le forcersi le choix de 5. Voir L'Homme Remodelé, Vance Packard,Calman-Levy,Paris,1978.
25 société consiste précisémentà lui permettrele choix en allant contrele déterminisme social. Là encore le problème est politique, et la question de la déterminationa priori des aptitudesne peut se poser que dans une société autoritairevalorisantplus l'efficacité de la fourmilièreque la libertéindividuelle. Essayer d'instaurerl'égalité des sexes ne signifiepas tenter de remplacerun conditionnementpar un autre, mais au contrairesupprimerl'étanchéité des filières. C'est en posant a priorile plus grand dénominateurcommun qu'on prendle moins de risquepour la liberté. Le choix politique qui se pose est celui de la prééminencede l'individu surla catégorie.Or l'encouragementdes différencesde groupe est une démarche qui va en sens inversede l'encouragementdes différencesindividuelles.
4. RETOUR AU JE L'enfermementdans la spécificité,ou la « différence», est allé de pair, historiquement, avec notre maintiendans un statut inférieur.Cette équation est-ellenécessaire ? Pouvons-nousaccéder à Γ « égalité dans la différence» ? Je vais essayer de montrerque cette notion d'égalité dans la différencene tient pas debout, ou plutôt qu'elle ne tient debout que comme idéologie de la domination, ayant pour fonctiond'occulterla domination. Pourquoi ne pas parler seulementd'égalité, pourquoi fairecas de la différence? Si on la mentionne,à côté de l'égalité, c'est qu'on la revendique,autant que l'égalité. On peut « revendiquer» dans deux sens : soit dans le sens de réclamerun droit (qui est donc refusé),soit dans le sens d' « assumerpleinement» avec une connotation de bravade : ce serait quelque chose de menacé, de vulnérable,mais dont on affirmela valeurcontrel'opinion supposée d'autresgens. leur différencecar ils l'exercentd'auLes hommes n'ont aucun besoin d'affirmer tant plus librementqu'elle est associée à un statut supérieur. Si des femmesrevendiquent leur différencec'est en tant que cette différenceest dévaloriséeou non reconnue ou menacée. Ce qui est revendiquéfaitproblème. Qu'est-ce qui fait problème,pour nous ? Nous dénie-t-ondes différencesd'avec les hommes ? Bien au contraire. Nous empêche-t-ond'en exprimer? On ne nous empêche d'exprimer comme différencesque ce qui constitue des choix de société menaçant l'ordre dominant. Ce n'est pas le droit à la différencequi nous est refusé, c'est le droit de dire merde. Quant aux différencesqui sont les caractéristiquesde l'oppression ou leur justificationidéologique, elles nous sont imposées : sur ce plan (et il est vaste) nous n'avons pas le droit d'être «ow-différentes. En toute logique, nous ne pouvons revendiquerque les différencesque nous valorisons,et dans la mesure où elles sont menacées de disparitionou dévalorisées par d'autres. Pour ce qui est des différencesbiologiques, nous y tenons (en général) parce notre biologie, notre corps est un élément profondde notresentimentd'identité. que
26 Pour l'instant,ces différencesbiologiques, ces différencesdans la configurationdes corps et dans leurs fonctionsreproductrices,ne sont pas menacées. Cependant l'idée d'égalité des sexes remue souvent une angoisse de perte de l'identité du corps, le fantasmede sa transformationen l'autre sexe, et la crainte de l'égalité peut parfois êtreune expressionde cette angoisse. Mais parlons des autres différences,celles qui sont le plus « réellement» menacées par l'égalité, les différencesplus directementliées à l'insertiondans le social, différencesde rôles,de psychologie,de comportement,de modes de vie. Parmi ces différences,ou supposées telles, celles que nous voulons conserver, parce que nous les valorisons,celles qui ne seraient pas notre oppression,voulonsnous qu'elles restentdes différences? Si nous valorisonspar exemple l'altruisme,la non-violence,les aptitudes verbales (nouvel apanage « scientifiquement» féminin), les travaux d'aiguille ou l'amour des enfants,quelles raisons aurions-nousde ne pas souhaiterles mêmes qualités ou aptitudes chez l'autre sexe ? On ne peut souhaiter pour les autres des valeurs différentesqu'à condition de vouloir être dans une position de domination,c'est-à-diremonopoliser ce qui est valorisé. Si on conteste les leurs valeurs valeurs des hommes, cela veut dire qu'on souhaite qu'ils transforment selon nos critères.Ces différencesdes hommes que l'on conteste parce que ce sont des traits oppressifs,nous voulons les supprimer(à moins de choisir l'oppression). Quant aux autres différences,s'il y en a, pourquoi faudrait-ilqu'elles restentdes spécificitésde sexe ? Pourquoi ne pas élargirle champ des possibilitésde chaque sexe ? Si on souhaite l'égalité entre hommes et femmes,on ne peut donc vouloir en même temps le maintiendes différencespour tous les traitsinvestisde valeur,positive ou négative : on ne peut souhaiterle maintien,chez l'un ou l'autre sexe, de traitsque l'on dévalorise soi-même ; et on ne peut refuserà l'autre sexe les possibilités que l'on valorise. Quant aux autres traits,on ne voit pas pourqui ils devraientêtre différentiels selon les sexes, c'est-à-direpartagésen deux catégories(par ex. le stylede vêtements, les goûts et les couleurs,le type d'affectivité,etc.). C'est plus erotique ? La multiplicité des variétés individuellesn'est-elle pas plus riche que l'inéluctabilité de deux a priorine peut-êtreque limitanteet types ? Sans compter que cette différenciation oppressive. Pour ce qui est des traitsvaloriséssupposés innés, il n'y a pas lieu de les revendiquer, puisqu'ils ne sont pas menacés (ou alors ils perdraientleur caractère d'inné). La proposition « égalité dans la différence» ne veut donc rien dire,sinon qu'elle une obligationde conformitéà « sa » catégorie. faitréintervenir On ne voit pas quelle richesse de différencesl'égalité menace : les différences innées seraientmaintenuespar définition(la possibilitéde manipulationdes biologies est une nouvelle donnée, qui n'a d'ailleurs rien à voir avec le principed'égalité) ; les autres différencesne peuventêtre revendiquéesque s'il s'agit de traitsvaloriséspar soimême et non oppressifs,traits qui doivent être accessibles à tout le monde si c'est vraimentl'égalité qu'on veut. Enfin, l'égalité dans les aptitudes, qualités et occupations valorisées ne signifiepas que tout le monde est obligé de ressemblerà tout le
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d'autantpluslibres une multitudede variétésindividuelles monde.On peutimaginer de s'exprimerqu'elles ne seraientpas limitéespour chacun par une catégorie(de que chacuna droitau possiblesocial. Vouloir sexe). L'égalitésupposesimplement un interdit. c'est instaurer différence une différence reste qu'une deshommes(mâles) étaientégaux,les hommesresteraient Si hommeset femmes on Alors desfemmes et les femmes d'ajouter«différence» (femelles). quand s'empresse de perdre? ? nié serait à côté d' « égalité», qu'est-cequ'on affirme Que craint-on qui à la nature, Ce qu'on craintde perdre,c'est ce qui n'estpas inhérent justement, autourde c'estl'identitésociale,ce qui faitsens,la valeurajoutée,ce qui estconstruit d'identité. dansun sentiment notrecorpspourl'intégrer Dans l'état actuel des choses,l'identitésocialedu sexe masculinest construite autourde la notionde valeurajoutée,justement.Virilité= valeur= positif= supérioles femmes.C'est d'ailleursune banalité,et toutle mondea en ritésurles non-virils, de la féminité. têtequelleestl'équationcomplémentaire : réà cettedéfinition Mais il y a encoredeux pôles inhérents complémentaire Ce qui estla la femmeest la différence. L'hommeest la référence, férence-différence. mêmechoseque de direque l'hommeest définicommele sujetet la femmecomme la femme,comme« différente », l'objetde ce sujet.Définirla femmeet uniquement la positionde sud'avecl'homme,c'est lui retirer dansses différences et uniquement ». jet,cardu pointde vuede la femmesujetc'estl'hommequi est « différent mais elle est définie Non seulementla femmeest définiecommedifférente, tout court. Les deux vont de pair. L'hommen'est pas défini,lui. La preuve: les hommes= les humains; les femmes= la moitiédes humains,celle qui est différente de l'autremoitié,la moitiéspécifique.Le genrehumaincomprenddoncdeuxmoitiés, l'une «générale», l'autre «spécifique», la premièreincluantla deuxièmequi est Les conceptsde « mâle» et « huC'est passionnant. pourtantexclue de la première. main» sontfondusdansun seulconcept: homme.Le conceptde femme, lui,n'existe avec d'autreshumains.Les hommessontdéfiniscommehuque dansla comparaison des animaux.Les femmesne sontpas définies commedifférents mains,c'est-à-dire commehumaines.La différence qui les définitn'estpas celle d'avecles animaux.A l'intérieurdu genrehumain,donc, les hommesne sont pas définis- c'est-à-dire caractérisés, spécifiés-, ils sont le genrehumain.Les femmes,elles,sont définies, et plus elles sontspécifiées, caractérisées, plus ellessontéloignéesde leur spécifiées, humain. au genre globale appartenance en mêmetempsque la différence Je pense que si des femmesrevendiquent estconstruite autourdu concept l'égalité,c'est parceque l'identitésocialedes femmes « la » différence) et que l'égalitésuppode la différence (au pointqu'ellesincarnent sant un bouleversement conceptuel,aussi bien que social et concretde l'identité dansl'égalité,de perdrenotreidentité.Oui,nousperdrions nous craignons, féminine, à l'égalité actuelle.Maisnous ne pouvonsparvenir notreidentité,dans sa définition : son notrepositionde sujet - qui est bienlà, fondamentalement qu'en réintégrant la positionde sujet,c'est cesserde se définirdu expressionest la révolte.Réintégrer Nousne pouvons dansla différence. pointde vue de la positionde l'autre,c'est-à-dire
28 être sujets de l'histoirequ'en cessant de nous définircomme cas particulierdu genre humain : il est nécessaire que nous nous pensions d'abord comme représentantesdu genre humain, avec toutes les aptitudes propresau genrehumain. Il n'y en a qu'un.
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