Pratique Des Arts 03-05/2016 [PDF]

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Zitiervorschau

Pratique N° 127 29 mars/24 mai 2016

Arts

JURIDIQUE

EXPOSITION

Encadrer ou ne pas encadrer ?

Peindre d’après photo : tout ce que vous devez savoir

des

peinture/sculpture/gravure/dessin

Chapitre 2

DOSSIER R COUcLonEsU eils p. 75

FACE À FACE

Alla prima : portrait d’enfant en clair-obscur p. 28

HUILE/PASTEL

Les compositions délicates de Mathieu Weemaels p. 36

Objectif printemps 14 PAGES POUR DESSINER ET PEINDRE LES PAYSAGES

PORTFOLIO

3 artistes à découvrir p. 4

EN TEST p. 44 Les aquarelles végétales Lutea

GUIDE PRATIQUE SCULPTURE Les héros de Christophe - Les bons mélanges Charbonnel p. 90 pour les carnations

 Peindre sur bois  Organiser un paysage ÉCOLE DES MAÎTRES

Les transparences p. 84 marines de Aïvazovski

 Pastel : jardin exotique

L 14786 - 127 - F: 7,90 € - RD

DOM : 8,90 € - BEL/LUX : 8,90 € - CH : 15 FS - CAN : 12,99 $CA - ESP/GR/ITA/PORT. CONT : 8,90 € - MAR : 88 DH - N. CAL/S : 1 100 XPF - POL/S : 1 100 XPF - MAY : 9 € - TUN : 8 TND

Nos pratiques

 Technique de l’engobe  Questions/réponses

IMPRIMÉ EN FRANCE

PREMIUM CREATIVE PRODUCTS

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sommaire 4

N° 127 29 mars-24 mai

Portfolio : Stephanie Rew Portfolio : Merveilleux animaux La Vie des Arts Portfolio On s’y arrête : L’Atelier du Huile L’Écossaise Passage et l’atelier de gravure Stephanie Rew de Paris-Ateliers sublime les corps féminins 22 Aquarelle : Michal Suffczynski en les drapant de kimonos aux 28 Regards croisés : motifs colorés. Amandine et André Jude 36 Huile : Mathieu Weemaels 43 Guide pratique II Banc d’essai : aquarelles Lutea IV Dessin : organiser un paysage Huile/pastel VIII Peindre le printemps Mathieu Weemaels XII Pastel : Daniel Germain Après la XVI Huile : Edgar Saillen théorie dans le chapitre 1 XX Sculpture : Bonvalot (voir PDA XXIV Dossier : peinture sur bois n° 125), place maintenant à XXVIII Photo pratique la pratique ! XXX Courrier des lecteurs XXXII Transparence : aquarelle vs huile 75 Dossier couleur 84 Ivan Aïvazovski : Le maître de la mer 88 On visite : la papeterie Mathieu Weemaels, fils artisanale de Pérouges du peintre belge Jacques Weemaels, mêle figuration 90 Sculpture : et abstraction dans des toiles épurées aux Christophe Charbonnel compositions délicates 96 Dans l’atelier d’Éric Bari et travaillées. Sculpture 98 Enquête : peindre d’après Christophe une photo protégée Charbonnel 102 Je me professionnalise 106 Notre librairie 108 Petites annonces Le 114 Carnet d’adresses N° 127

Forêts et lacs de Pologne sont les sujets favoris de Michal Suffczynski, qui joue avec les lumières et transparences de l’aquarelle.

4 8 10 18

36

22

Aquarelle

Michal Suffczynski Dossier

Couleur : chap. 2

75 84

À l’école des Maîtres

Ivan Aïvazovski Peintre arménien du XIXe siècle, Ivan Aïvazovski s’est consacré aux marines. À la fois mystérieuse et réaliste, la mer était bien sa muse, mais seulement dans son imagination…

96

guide pratique DES GESTES

Guide pratique

43

Testé pour vous

p. II Que penser des aquarelles végétales Lutea ?

Pastel

32 PAGES DE TECHNIQUE ET DE DÉMOS

ET DES ASTUCES

Dessin

p. IV sur les différentes manières de composer un paysage.

Huile

p. XII leçons de ce jardin exotique sont bonnes à prendre!

À découvrir

p. XVI pour rendre les mille et une nuances de la carnation.

Photo

Huile alla prima

p. VIII s sonne le retour des pochades sur le motif !

p. XX à vos

a couleur sculptures!

Courrier des lecteurs Nos spécialistes répondent à toutes vos questions.

p. XXIV sur bois?

p. XXVIII assiez à la peinture

graphier des personnages en situation?

Reportage

Sculpture

p. XXX

Tribune

La transparence : aquarelle vs huile!

p. XXXII PRATIQUE DES ARTS N°

127 / AVRIL MAI 2016

43

90

Un atelier sous les toits

C’est dans ces 3 chambres de bonne d’un immeuble parisien qu’Éric Bari a choisi d’installer son atelier d’artiste. Les combles donnent tout son charme à l’endroit. Et tout y est optimisé !

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4

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Stephanie

Rew

L’Écossaise Stephanie Rew fait rimer féminité avec sérénité dans des toiles réalistes aux allures d’estampes japonaises, représentant des nus drapés dans des kimonos colorés. Précision des motifs et élégance des postures, alliées à un art maîtrisé de la composition font de cette série de toiles une véritable mine d’or pour les amateurs de peinture de figure humaine.

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The White Room. 2011. Huile sur toile, 65 x 100 cm.

Mon inspiration Dans ce tableau, je voulais reproduire les deux côtés de la personnalité d’une femme. Je souhaitais obtenir une composition équilibrée qui me ferait relever le défi d’aller dans une autre direction, en termes d’ambiance et de style. Les couleurs des Uchikake (kimonos de mariage) ont également été une source d’inspiration et le titre de Fire and Ice s’est imposé à moi. Le titre est venu avant la peinture, ce qui est très inhabituel pour moi.

Ma composition Je voulais obtenir une vue d’ensemble du modèle et du kimono. Le sentiment de flotter à la fois avec le spectateur et le modèle était une idée que je souhaitais exprimer. La pose dos à dos, qui rappelle la forme du yin et du yang, était la composition parfaite pour remplir un format carré. Certains m’ont dit que le tableau leur faisait penser à une carte à jouer. Concrètement, pour la composition, j’ai fait appel à un modèle et pris des photos de cette femme dans de nombreuses poses différentes, puis j’en ai assemblé deux côte à côte sur la toile. Cela a entraîné une difficulté technique : j’ai dû faire en sorte que la lumière semble provenir de la même direction et j’ai dû imaginer au mieux les ombres projetées, qui étaient différentes sur les photos.

Ma technique Je peins généralement en plusieurs étapes et celle des glacis figure parmi les plus importantes. Je commence avec une sous-couche de terre d’ombre. Je travaille sur une toile finement poncée et apprêtée avec un fond ocre. J’esquisse la composition avant de décider rapidement des couleurs, des formes et des valeurs. Une fois la toile sèche, j’y reviens pour travailler en technique humide; j’ajoute des détails et corrige les valeurs. Je termine par une série de glacis colorés pour renforcer les ombres et intensifier les couleurs à certains endroits. Dans cette œuvre en particulier, techniquement, l’étape du dessin est la plus délicate. Le positionnement de chaque personnage était crucial. Je devais aussi changer la couleur du plancher, initialement gris, au profit de tons plus chauds comme celui du bois, pour faire ressortir la peau des femmes. La progression a été très lente – plus de 4 mois. Mes amours avec ce tableau ont été tumultueuses : je l’ai détesté puis aimé à nouveau plusieurs fois. Fire and Ice. Huile sur toile, 100 x 100 cm.

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Interview

Stephanie Rew

PDA : Peignez-vous à partir de modèles vivants ou de photos ? S. R. : J’ai une idée précise de la pose et de l’ambiance d’une future peinture avant même de commencer à travailler avec un modèle. Mes photos de référence sont soigneusement réalisées en studio photo, avec un décor. Je peins généralement plusieurs versions d’un même thème à la fois pour que je puisse varier mon approche du sujet. Cela me permet de le comprendre vraiment.

Reclining in Green Uchikake. 2013. Huile sur toile, 120 x 180 cm.

PDA : Parlez-nous un peu plus de vos autres séries de tableaux. S. R. : Quoi que je peigne, j’aime donner à mon sujet un effet théâtral. J’utilise donc non seulement des kimonos, mais aussi des saris et autres tissus décorés et colorés. Je me fais une joie de peindre tout ce qui scintille et brille. Je donne aussi un peu dans la peinture de paysage, car je voyage beaucoup avec ma famille dans les Highlands et les îles de mon pays natal, l’Écosse. Dans ces peintures, j’ai supprimé presque toutes les couleurs pour me concentrer sur les valeurs et l’ambiance de l’endroit. Ces œuvres sont assez personnelles et comme elles sont moins dans la perfection du détail, comparées au reste de mon travail, elles m’offrent un peu de repos. Je dirais que les peintres valoristes et les photographes du début du XXe siècle, comme Inness, Whistler et Steichen, ont laissé une trace durable sur moi et mon travail.

Portrait Stephanie Rew habite à Édimbourg, en Écosse. Elle se distingue en Europe par ses peintures figuratives très détaillées. Son principal sujet : la figure humaine, et la femme en particulier. Elle a développé son propre style en mariant le drapé, le motif et le portrait. Influencée par les toiles romantiques et baroques, elle pratique aussi les techniques anciennes utilisées par les vieux maîtres, combinées à sa propre approche de la peinture à l’huile. Le Caravage en particulier, et son utilisation du clair-obscur et de couleurs fortes révélées par des glacis, ont toujours inspiré son travail.

Propos recueillis par Caroline Duchesnes

Dark Reflection II. 2012. Huile sur toile, 80 x 100 cm.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

P

DA : Pourquoi peignez-vous des kimonos ? Stephanie Rew : Le kimono est un motif récurrent dans mon travail. Chaque kimono est unique et une œuvre d’art en lui-même, donc en peindre un, c’est comme peindre un portrait. J’aime relever les défis que les motifs et les textures m’offrent. Les ukiyo-e, estampes japonaises gravées sur bois, m’ont transmis l’amour du motif et m’ont appris l’art de la composition. Comme je cherche toujours à rendre mes toiles plus intenses et « dramatiques », l’utilisation de couleurs complexes est devenue une part importante de mon travail.

CARNET S D’ADRESSE

Retrouvez les coordonnées de Stephanie Rew dans notre carnet d’adresses p. 114 et sur notre site internet.

Blue Uchikake. 2012. Huile sur toile, 100 x 120 cm. PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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JP M P G U S P 3

Merveilleux

Les animaux sont de beaux sujets et nombreux sont les peintres à vouloir capturer sur la toile leurs couleurs et leurs émotions. Le travail de Karolina Kijak, aquarelliste, et celui de Steve Morvell, pastelliste, sont tous deux vecteurs de leur passion et de leur amour pour le règne animal, mais sont aussi un appel à sa protection.

Karolina Kijak Karolina Kijak vit à Wrocław, en Pologne. Diplômée en architecture en 2012, elle se consacre aujourd’hui à son métier d’architecte et son activité d’aquarelliste.

Saisir la beauté des oiseaux

Chouette. Aquarelle sur papier 300 g, 41 x 32 cm.

Combattant varié. Aquarelle sur papier Arches 300 g, 42 x 30 cm.

Naissance d’une passion J’ai toujours été fascinée par les oiseaux. Enfant, j’avais l’habitude de les regarder aux jumelles et de faire de petits dessins de ceux que je repérais. En été, je marchais dans les bois et ramassais leurs plumes. Des années plus tard, je suis tombée sur un vieux dessin d’une plume de chouette. Cela m’a rappelé combien, dans le monde de l’art et de la création, le plus important est de suivre son cœur et faire ce que l’on aime et non ce que les modes et tendances nous dictent. Aujourd’hui, même si j’explore d’autres thèmes pour changer, je reviens toujours à un moment ou un autre aux oiseaux.

Animal et émotion La partie la plus difficile de mon travail reste de capturer la nature de l’animal peint, son comportement et son humeur. Reproduire ses proportions et son anatomie de manière correcte n’est pas le plus compliqué. La beauté de l’image dépend du rendu des émotions et des préoccupations de l’animal – concentration sur sa proie, joie, déception, nostalgie – à travers son regard, ses plumes ou sa posture.

Corbeau 4. Aquarelle sur papier Arches 300 g, 30 x 42 cm.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

En pratique Ma technique est plutôt classique : je pars d’une esquisse, que je colore en allant des tons clairs vers les tons foncés. J’utilise aussi différentes encres de Chine et du sel de cuisine, qui crée des effets de textures imprévisibles mais intéressants. L’une des caractéristiques de ma peinture est d’utiliser du liquide à masquer pour le contour des plumes, ce qui rend les détails plus lisibles et plus lumineux.

L’Heure d’or – le grand kudu. Pastel sur papier Colourfix, 39 x 59 cm.

animaux Steve Morvell Un pastel, une histoire

Ami avec un lion Steve Morvell est un pastelliste animalier de renommée internationale qui trouve son inspiration dans des endroits sauvages. Il ne peint que des animaux qu’il a rencontrés, après les avoir esquissés ou pris en photo.

CARNET S D’ADRESSE

Retrouvez les coordonnées de ces deux artistes dans notre carnet d’adresses p. 114 et sur notre site internet.

J’ai rencontré Duma dans un parc de conservation privé en Afrique du Sud. Il était alors âgé de 4 ans. Duma était très curieux et interagissait avec moi alors que j’étais assis sur le sol, contre la clôture, pour l’observer de près. J’ai été très surpris lorsqu’il est venu droit vers moi et a frotté sa tête contre le grillage, juste à côté de mon visage. Manifestement amical, il a posé doucement une de ses énormes pattes sur la clôture, juste à côté de ma joue, dans ce qui était clairement un geste d’amitié et d’intimité. Je pouvais difficilement refuser son invitation à le connaître et j’ai donc lentement placé ma main contre sa patte aussi grosse qu’une assiette… Un geste de partage et de confiance mutuelle, comme un « tope là ». Après quelques secondes, il a émis de petits gémissements de contact, avant de repartir lentement. Je me suis senti béni. Duma, lion africain. Fusain coloré et crayon sur panneau, 120 x 190 cm. Le plus triste dans l’histoire de Duma, c’est qu’il était destiné à être fusillé une fois adulte pour la chasse close, une sorte de chasse au trophée dans une zone clôturée. Ayant été élevé et nourri par l’homme toute sa vie, il ne se serait même pas défendu… Duma vit maintenant en paix, mais beaucoup d’autres lions n’ont pas cette chance.

Petit-déjeuner avec les wallabys

Les wallabys à cou rouge figurent parmi mes animaux préférés. Ils vivent dans les forêts et plaines de l’est de l’Australie et sont habitués à la présence humaine. Cela a été un grand plaisir de vivre auprès d’eux pendant quelque temps. À la grande surprise de mon vieux chien berger allemand, certains wallabys s’aventuraient même dans l’enceinte de notre maison, en plein cœur du Parc National des Grampians, pour satisfaire leur curiosité. Certains matins, l’un d’eux insistait pour partager le müesli de mon petit-déjeuner : il se tenait tranquillement à côté de moi pour grignoter dans mon petit bol, pendant qu’assis sur le perron, je m’imprégnais de tous les sons de la nature. Les campanules sont comme les wallabys : communes et merveilleuses à la fois. Comme leur floraison est précoce, je sais que le printemps est là lorsque je vois les premiers boutons éclore glorieusement. Campanules – wallabys à cou rouge. Pastel et crayon sur papier Supertooth, 40 x 67 cm.

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rts

la vie de

Côté Musées

Giverny (27)

par Caroline Duchesnes. Photos D. R. sauf mention

Gustave Caillebotte, peintre et jardinier

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«I

l a va i t a u t a n t d e dons naturels que de conscience et il n’était encore, quand nous l’avons perdu, qu’au début de sa carrière. », disait Monet de Gustave Caillebotte – collectionneur et mécène de ses amis impressionnistes, mais également peintre amateur, décédé prématurément en 1894, à l’âge de quarante-cinq ans. À l’occasion du Festival Normandie Impressionniste 2016, le musée des Impressionnismes de Giverny se propose de présenter les œuvres de celui qui apparaît aujourd’hui comme l’une des figures majeures du groupe et d’étudier le thème du jardin, récurrent dans son œuvre. Une centaine d’œuvres, peintures et dessins, y seront exposées dans un parcours divisé en quatre sections : une pour chacun des lieux de résidence de l’artiste, qui ont inspiré son travail. Le visiteur se verra transporté en premier lieu dans le Paris d’Haussmann. Caillebotte n’en reproduit ni l’animation des boulevards et des cafés, ni les loisirs ou

Évian (74)

Gustave Caillebotte, Les Dahlias, jardin du Petit Gennevilliers. 1893, Huile sur toile, 157 x 114 cm. © Paris, Brame & Lorenceau

les gares, préférant des vues depuis son balcon, représentant les arbres

rares et chétifs des avenues. Puis, dans la propriété familiale d’Yerres, où Caillebotte explore les ressources du jardin à l’anglaise, avec ses allées sinueuses et ses massifs soignés. Le potager lui inspirera aussi de nombreuses compositions, qui témoignent d’un impressionnisme très personnel où cadrages audacieux et présence de la figure humaine le distinguent de ses contemporains. Caillebotte peint par la suite des paysages normands qui témoignent d’une techniquetrès libre. En 1881, il acquiert

BELLES DE JOUR

D

e février à mai, le Palais Lumière d’Évian emprunte 70 œuvres du musée des Beaux-Arts de Nantes. Une sélection de portraits de femmes, de nus et autres sujets féminins qui se propose d’étudier la femme dans l’art, du XIXe au début du XXe siècle. Les plus grands artistes de l’époque y sont représentés, de Baudry à Sérusier, de Vallotton à Lempicka, tout comme les courants artistiques majeurs : académisme, symbolisme, cubisme, fauvisme… Il est étonnant de voir combien les peintres ont souvent représenté la femme en train de lire ou tenant un livre. Émerge alors une nouvelle image de la femme, cultivée, libre de penser et de rêver, reflet de l’évolution de la condition féminine. Parmi les œuvres à ne pas manquer : Kizette en rose, achetée en 1928 par le musée de Nantes. Cette œuvre, qui représente la fille de l’artiste, est à l’époque le premier tableau de Lempicka à intégrer une collection publique française. Tamara De Lempicka, Kizette en rose. 1927. Huile sur toile, 138 x 95,5 cm. © RMN-Grand Palais / Gérard Blot © Tamara Art Heritage / ADAGP, Paris 2015

10

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Jusqu’au 29 mai, Palais Lumière.

Gustave Caillebotte, Le Jardin potager, Petit Gennevilliers. 1881-1882. Huile sur toile, 66 x 81 cm. © Paris, Comité Caillebotte

une maison au Petit Gennevilliers, en face d’Argenteuil. Il crée quelques années plus tard un jardin et une serre qui, progressivement, prendront une place prédominante dans son œuvre. Une section documentaire et des photographies du jardin enrichiront cette section. Jusqu’au 3 juillet, musée des Impressionnismes de Giverny.

Chantilly (60)

PIERREPAUL PRUD’HON

L

e musée Condé conserve de nombreuses œuvres de Prud’hon qui ont fait l’objet de dons par des personnalités de la noblesse française. On compte parmi cette collection – l’une des plus importantes avec celles du Louvre et du musée des Beaux-Arts de Dijon – beaucoup d’études aux crayons noir et blanc sur papier bleu. Certaines œuvres datent de l’époque révolutionnaire, d’autres du Consulat ou de l’Empire, comme Le Triomphe de Bonaparte (1801) et Le Séjour de l’Immortalité, projet de décor non exécuté, probableLe chiffre ment destiné à la Sorbonne. Un bel ensemble de dessins évoque le décor de l’hôtel de Lannoy, peint par Prud’hon entre 1798 et 1801 et C’est le nombre record de visiteurs entré au Louvre en 2005. Ces desdu Domaine de Chantilly en 2015. sins, trop longtemps exposés à Une hausse de la fréquentation la lumière dans le passé, ont été qui se confirme pour la 4e année restaurés en vue de l’exposition. consécutive. Les événements mis Ils sont montrés pour la première en place ces dernières années au Domaine contribuent à cette fois dans leur totalité depuis cette dynamique : Journées des Plantes date. de Chantilly, concours Chantilly Arts Jusqu’au 26 juin, & Elégance Richard Mille, spectacle musée Condé - Château de Chantilly. équestre La Belle et la Bête…

467 000

et aussi

Lyon (69)

> Exposition au cinéma : Renoir, respecté et rejeté

AUTOPORTRAITS, DE REMBRANDT AU SELFIE

À

l’ère du selfie, le musée des Beaux-Arts de Lyon, en partenariat avec la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe et les National Galleries of Scotland d’Édimbourg, a choisi de s’interroger sur la tradition de l’autoportrait de la Renaissance à aujourd’hui, qu’il soit classique, allusif ou mis en scène. 130 œuvres provenant des 3 institutions – peintures, dessins, estampes, photos, sculptures et même vidéos – sont à (re) découvrir à travers 5 sections thématiques : le regard de l’artiste, l’artiste au travail, l’artiste

Visitez sur grand écran la Fondation Barnes, aux États-Unis, qui réunit la plus grande collection mondiale des œuvres de Renoir. Ce troisième volet de la série documentaire « Expositions au cinéma » offre un accès privilégié à cette collection de 181 œuvres qui n’ont, pour la plupart, jamais voyagé ou n’ont jamais fait l’objet d’un prêt. L’exposition met en lumière la « période tardive » – peu connue – de Renoir et développe l’influence de ce renouveau chez deux grands artistes du XXe siècle : Picasso et Matisse. Matisse avaitil raison lorsqu’il déclara que ses peintures de femmes voluptueuses étaient « les plus beaux nus jamais peints » ? Les spectateurs pourront se faire leur propre appréciation, guidés par une foule d’experts – critiques d’art, spécialistes et artistes renommés.

et ses proches, l’artiste mis en scène et le corps de l’artiste. Ce projet s’inscrit dans l’ère du numérique également en proposant une installation qui clôture le parcours du visiteur et lui propose de réaliser son propre autoportrait. Par la suite, un gigantesque portrait aléatoire sera ainsi formé par la combinaison de toutes ces images. Jusqu’au 26 juin, musée des Beaux-Arts de Lyon. Louis Janmot, Autoportrait. 1832. Huile sur toile, 81 x 65,5 cm. © Lyon, musée des Beaux-Arts

À partir du 15 mars au cinéma. Plus d’infos dans notre carnet d’adresses, p. 114.

( YQ PD PVQ Villeneuve-d’Asc (59) E FD²V S Modigliani, l’œil intérieur Le LaM présente au printemps 2016, en collaboration avec la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, une importante rétrospective consacrée à l’œuvre de Modigliani. Une centaine d’œuvres du célèbre artiste de Montparnasse (peintures, dessins et sculptures), dont de nombreux prêts inédits en France, seront exposées et mises en dialogue avec une sélection de travaux de certains de ses contemporains et amis, comme Brancusi, Soutine ou encore Picasso. La rétrospective se penche sur les influences de la sculpture antique sur l’artiste italien, sur la relation singulière qui relie son travail à Roger Dutilleul – l’un de ses plus grands collectionneurs – , ainsi que sur sa pratique du portrait, qui occupe une place centrale dans son œuvre. Bien que parfaitement reconnaissables, les visages s’unifient en masques symétriques où, souvent, l’un des yeux apparaît sans pupille. Il met ainsi au point au point un vocabulaire du portrait radicalement nouveau.

Jusqu’au 5 juin, Lille métropole musée d’art contemporain et d’art brut.

Paris (75003)

> Belgique Expo « De Floris à Rubens »

PICASSO SCULPTURES R       ’   :  .

L

’exposition prend la suite de la rétrospective « Picasso. Sculptures » présentée au Museum of Modern Art (MoMA) de New York et instaure un dialogue avec les œuvres qui y étaient exposées. Elle s’interroge sur la notion de la reproductibilité de l’œuvre en présentant les séries, variations, tirages et agrandissements de Picasso à partir d’une sélection d’originaux sculptés. Le parcours de l’expo, qui réunit plus de 160 sculptures et sera agrémenté de dessins et peintures du célèbre maître de l’abstrait, a fait l’objet de plus de 70 prêts en provenance du monde entier. C’est notamment le cas de la série des six Verres d’absinthe (1914), tirages en bronze à la fois identiques et uniques du fait que Picasso ait recouvert la surface de chaque verre de peinture ou de sable. Un nouveau regard sera porté sur les sculptures conservées au musée Picasso, présentées avec leurs « doubles » ou leurs « variantes », comme les éditions Vollard (Fou et Têtes de femme (Fernande), 1906 et 1909) ou encore les fontes réalisées à partir des sculptures de Boisgeloup (une Tête de Marie-Thérèse en ciment). Jusqu’au 28 août, Musée Picasso-Paris.

Amedeo Modigliani, Portrait de Roger Dutilleul. Juin 1919, Huile sur toile, 100,4 x 64,7 cm. © Collection particulière, États-Unis. Photo : Sotheby’s / Art Digital Studio.

Pablo Picasso, Visage. © Succession Picasso. © Photo : Maurice Aeschimann.

Cette sélection présente 87 dessins de maîtres flamands et hollandais, datant du XVIe au début du XVIIe siècle, l’une des périodes les plus fécondes de l’histoire de l’art. Issus d’une collection particulière, dont le propriétaire a souhaité garder l’anonymat, ils n’ont jusqu’alors jamais été présentés au grand public. L’exposition donne un aperçu représentatif de près de deux siècles d’art graphique en Flandres et aux Pays-Bas : des Primitifs flamands à Rubens et Jordaens, les maîtres de l’art baroque, en passant par les artistes Renaissance et italianisants du XVIe… On compte de rares esquisses de grands maîtres qui ont servi de modèles à des estampes et des peintures, mais aussi à des tapisseries, des vitraux et des objets d’orfèvrerie. Jusqu’au 15 mai, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.

> Graveson (13) L’hommage d’Auguste Chabaud au « père Grivolas » Si 2015 était le 60e anniversaire de la mort d’Auguste Chabaud, 2016 est l’occasion pour le musée qui porte son nom de rendre hommage à son maître vénéré Pierre Grivolas, lui-même élève d’Ingres et de Delacroix. Respectueusement appelé « le Père Grivolas » par ses élèves, il a su, par son enseignement à la fois classique et novateur, leur transmettre un sens inné tourné vers la beauté, une approche romantique et une vision sans cesse renouvelée et sublimée du paysage, de ses ombres colorées et de ses mystères lumineux. Un sentiment de vif attachement au terroir viendra nourrir une nouvelle façon d’appréhender le monde dans cette Provence du début du siècle, un esprit auquel Chabaud restera fidèle durant toute sa vie. Jusqu’au 16 mai, musée Auguste Chabaud.

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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la vie de Côté Galeries Paris (75006)

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Vu sur le net

Yannis Markantonakis

L           ,        ’. Né en 1955 en Crète, Yannis Markantonakis est une sorte de voyageur par nécessité. C’est certainement en Grèce, plutôt que dans l’atelier du peintre Bertholle – dont il a plus tard suivi l’enseignement à Paris – qu’il a découvert la couleur grise, l’orange vif, le noir, le côté huileux de la surface, les « coulures », la saleté magnifique… Ses thèmes sont également récurrents : des bateaux, des scènes portuaires et la ville, ou plus précisément, la rue de la Fontaine au Roi qu’il aperçoit de sa fenêtre, à Paris. Cette rue bordée d’immeubles monte ainsi vers un ciel qui n’est jamais complètement bleu, entre le gris et l’acier. De toute façon, lorsque Yannis Markantonakis commence une peinture, elle peut tout à fait débuter par une rue et s’achever dans un port. Il semble ainsi avoir réussi ce que voulait Alphonse Allais : faire continuer une rue de Paris jusqu’à la mer. Pour ses peintures-objets, l’artiste utilise des éléments récupérés qu’il assemble et peint, sans toutefois tenter de les dissimuler ou de les montrer : agrafes, coulures et taches restent ce qu’elles sont et participent à un assemblage qui, au bout du compte, constitue une œuvre d’art. Comme Yannis le dit lui-même, sa peinture, « c’est une affaire de bricolage d’objets ».

Photo : Maison Triolet Aragon

LA MAISON ELSA TRIOLETARAGON Dans le sud des Yvelines, à Saint-Arnoult, se trouve un endroit hors du commun et hors du temps : un ancien moulin à eau où avait élu domicile l’un des couples les plus célèbres du XXe siècle : Louis Aragon et Elsa Triolet. Légué en 1976 à l’État par Aragon, avec la volonté qu’il devienne un lieu de recherche et de création, le Moulin de Villeneuve est aujourd’hui ouvert à la création contemporaine, accueillant expositions, ateliers, rencontres et spectacles. Ne manquez pas d’y faire un tour !

Ce couple d’artistes utilise depuis quelques années le numérique pour donner un nouveau souffle à sa production. Les œuvres obtenues sont surprenantes et nous transportent dans un monde onirique et merveilleux. Quel est votre projet ? Une part de notre travail consiste à reprendre nos travaux faits en amont et en solo, en les retravaillant ensemble à la peinture numérique, ce qui les transforme totalement et aboutit à des œuvres originales. Nos projets actuels, en revanche, sont décidés ensemble dès le départ : nous travaillons à deux la composition, l’un fait un dessin de base, en employant une technique traditionnelle, souvent sur un grand format ; l’autre scanne le dessin et le travaille à l’ordinateur, sur Photoshop CS5. Le fait d’être deux et de mélanger plusieurs techniques nous a permis d’aboutir à des résultats inattendus !

Jusqu’au 2 avril, Galerie GNG.

Un lieu à découvrir

L’art numérique de Luc Vivès & Christine Argot

Yannis Markantonakis, Scène portuaire grise. Huile sur bois, 175 x 130 cm.

Insolite

> L’enquête picturale d’un gendarme Le gendarme et artiste du nom de Willy Sun a un projet pour le moins étonnant : réaliser des tableaux-enquêtes personnalisés. Au premier coup d’œil, ses peintures à l’acrylique paraissent ordinaires, mais il ne faut pas se fier aux apparences ! Derrière chaque toile se cache un inconnu mystère, rencontré quelque part dans le monde par le peintre-gendarme et dont le spectateur devra découvrir l’identité. Comme dans les vraies enquêtes, une lampe à ultraviolets sera nécessaire : grâce à elle, les premières clefs de l’énigme apparaîtront comme par magie. Un moyen ludique et inédit de rencontrer des gens ! Plus d’infos sur cet artiste en p. 114.

Concrètement, comment travaillez-vous ? Les dessins de base – toujours en noir et blanc, avec une grande importance accordée à la composition et aux valeurs – sont toujours figuratifs, effectués d’après plusieurs photos combinées. Nous restons donc attachés aux techniques traditionnelles (encre, acrylique, fusain, pastel, stylo-bille…), mais la maturation via l’art numérique nous semble maintenant indispensable. Retravailler nos œuvres par ordinateur nous mène parfois à l’abstraction, qui nous semble riche de possibilités. Il en résulte des images avec une part fantastique, énigmatique. Mieux vaut des images dont le sens n’est jamais totalement épuisé, que des images faciles et vite oubliées… Avez-vous des projets d’exposition ? Nous ne sommes pas encore connus du monde des galeries, mais nous serions ouverts à toute proposition allant en ce sens ! Par ailleurs, nous avons un autre projet : un « livre d’artiste » de format A3 et de 150 pages rassemblant le meilleur de notre production. Ce projet réalisé et maquetté en 2015 n’attend plus qu’un éditeur ! Retrouvez leurs coordonnées dans notre carnet d’adresses p. 114.

Mortagne-au-Perche (61)

RICHARD HARPER Né en Californie en 1951, Richard Harper est aujourd’hui exposé dans de nombreuses galeries aux États-Unis comme en France, où il est s’est installé depuis 1986. Si le corps humain a une place centrale dans son œuvre, le paysage est également important dans sa peinture. C’est en Normandie, au Perche plus précisément, où il vit aujourd’hui, qu’il a trouvé matière à nourrir son inspiration. Ce sont ces paysages où ciel et mer sont omniprésents qui constituent essentiellement cette deuxième exposition à la Galerie, accompagnés de toiles peintes lors de voyages. L’exposition vous mènera donc des côtes normandes à la Catalogne. Richard Harper, Yport. 2015. Huile sur panneau, 35 x 50 cm.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Jusqu’au 30 avril, La Galerie, Mortagne-au-Perche.

Le Megaceros et sa Sentinelle. 2015. Fusain, stylo-bille et peinture numérique, 32 x 25 cm.

la vie de Côté Salons

rts Bretagne

2E BIENNALE D’AQUARELLE DU LÉON La première édition avait rencontré le succès en attirant près de 6 000 visiteurs.

L

’Association Breizh Aquarelle organise la 2e Biennale Internationale d’Aquarelle du Léon, qui se déroulera en avril dans le nord du Finistère, à l’espace de Roudour de Saint-Martin-des-Champs – salle moderne à la pointe de la technologie – et au Manoir de Penfao de Saint-Thégonnec – véritable écrin de verdure chargé d’histoire, idéal pour l’exposition. Elle réunira 65 aquarellistes de renom avec 14 nationalités représentées. On y retrouvera notamment Sonia Privat, Yann Lesacher, Slawa et Victoria Prischedko, Jean-Claude Papeix, Fernand Thienpondt, Fabio Cembranelli, Joëlle Krupa-Astruc,

Eugen Gorean… Chaque jour, les visiteurs pourront suivre entre 1 et 3 démonstrations gratuites, ainsi que de nombreux stages. Une boutique d’exposition installée au Manoir de Penfao permet même d’acquérir des ouvrages et produits dérivés des artistes exposés. Au-delà de l’exposition, des journées de peinture en extérieur seront cette fois encore proposées aux peintres et au public : au Château de Taureau, sur un vieux gréement en baie de Morlaix, « À fer et à flots » (départ en train à Roscoff, retour en bateau), « Circuit des enclos » (vélo, patrimoine et aquarelle)…

Namur (Belgique)

5E SALON DES PASTELLISTES BELGES

Germaine Richier, La Mante. 1946. Bronze avec un socle en pierre taillé par Dodeigne. Photo : Galerie La Beraudière, Genève.

L’association des Pastellistes belges est la seule association en Belgique permettant aux artistes débutants ou confirmés la pratique du pastel, lors d’organisations diverses et variées. En avril 2016, elle fêtera son cinquième anniversaire dans la salle de l’Arsenal de Namur, bâtiment classé au patrimoine majeur de Wallonie. 45 artistes belges et français y exposeront plus de 150 œuvres de qualité, sélectionnées pour leur sensibilité et leur originalité par le jury. L’exposition, agrémentée de la présence de Gisèle Hurtaud en qualité d’invitée d’honneur, se clôturera par la remise de 5 prix. Un stage portrait de trois jours sera animé par l’artiste, et des démonstrations seront également au proArtistes exposés gramme de ces dix jours de Salon. Jeannine Alexandre, Anne Bolkaerts, Michel Bordas, De belles rencontres et échanges Dominique Cadiou, Micheline artistiques en perspective ! Degeyter, Denise Delvaux, Hélène Dewitte, Colette Goosen, Jacques Jusqu’au 10 avril, Patriat, Muriël Timmermans, Arsenal de Namur. Michelle Van Marsenille…

Fabio Cembranelli, Flowers. 2012. Aquarelle.

Jusqu’au 28 avril, à l’espace du Roudour de Saint-Martin-des-Champs et au manoir de Penfao, à Saint-Thégonnec.

CARNET S D’ADRESSE

Plus d’infos concernant les expos dans notre carnet d’adresses p. 114.

Yerres (91)

4E BIENNALE DE SCULPTURE

L

a Ville d’Yerres a engagé, il y a maintenant vingt ans, la restauration complète de la Propriété Caillebotte pour en faire un joyau de l’impressionnisme. La ville perpétue ainsi l’œuvre de Gustave Caillebotte, à la fois peintre reconnu et mécène généreux du mouvement impressionniste. Dans cette politique culturelle ambitieuse, la sculpture contemporaine a toute sa place. Créée en 2007, la Biennale de Sculpture a permis de faire découvrir au public des œuvres de nombreux sculpteurs. L’édition de 2016 se déploiera dans le Parc, l’Orangerie et la Ferme Ornée, où 35 artistes livrent leur interprétation du corps à travers une quarantaine d’œuvres exceptionnelles. Fait inédit : le symposium, qui se déroulera sur la place piétonne de Yerres, sera l’une des composantes de cette 4e édition. Quatre artistes révéleront par la taille directe dans le bois l’œuvre proposée au jury. Jusqu’au 10 juillet, Propriété Caillebotte de Yerres.

Paris (75002)

Versailles (78)

LES 25 ANS DU SALON DU DESSIN Créé en 1991, le Salon du dessin est le premier à s’être consacré exclusivement au dessin et à avoir ainsi développé l’attractivité de ce médium. Sa longévité sans égale dans cette spécialité lui vaut de fêter ses 25 ans en 2016 ! De nombreuses surprises sont au programme pour cette édition anniversaire, notamment la présence du prestigieux Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine comme invité d’honneur, qui présentera une partie de son fonds de dessin. Ce partenariat exceptionnel sera l’occasion pour le musée moscovite de dévoiler des feuilles qui n’ont jamais été montrées en France. Les ingrédients qui ont fait le succès du Salon seront cette fois encore réunis : la remise du Prix de dessin contemporain Daniel & Florence Guerlain, la Semaine du dessin, ainsi que les Rencontres internationales, qui font de cette manifestation un lieu de partage et de transmission entre passionnés. Jusqu’au 4 avril, Palais Brongniart.

2E BIENNALE VERSAILLAISE ’association Atelier d’Art organise pour la seconde Là Versailles. fois un Salon d’art contemporain au Carré à la Farine, La première édition, en 2014, avait été créée

Louis Auguste Mathieu Legrand, Le Réveil.1910. Pastel et fusain. 69,9 x 76,2 cm.

pour rendre hommage à Philippe Lejeune, artiste-peintre fondateur de l’École d’Étampes, qui nous avait quittés quelques jours seulement avant l’ouverture du Salon. En son honneur, une de ses œuvres sera présentée à chaque Biennale. En 2016, 40 artistes professionnels de tous horizons – peintres, sculpteurs, graveurs – seront exposés, aux côtés des invités d’honneur François Legrand (peintre) et Aelle (sculpteur). Les œuvres porteront sur le thème : à quoi sert l’art ? Un thème qui ouvre sur d’autres problématiques : qu’est-ce que l’art aujourd’hui ? Quelle est sa valeur ? Est-ce possible de vivre sans art ? L’art est-il propre aux artistes ? Tout le monde est-il artiste ? Pourquoi une partie seulement des artistes représente l’art officiel, alors que nombreux artistes sont au travail ? Jusqu’au 10 avril, Carré à la Farine.

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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rts

la vie de

Avant-première

Festival Pastels du Monde à Montluçon Du 16 avril au 29 mai 2016

Agenda Avril

 Jusqu’au 3 avril EXPOSITION DE PASTEL : JEANPIERRE LASCOUX La Roche-Posay (86)

www.jeanpierrelascoux.odexpo.com

 Du 2 au 10 avril 30E SALON DES ARTS Margency (95)

 Du 16 au 30 avril L’AVANTTHÉÂTRE, SALON INTERNATIONAL DE PASTEL GRAND SUD Villepinte (11)

lavanttheatre.over-blog.com

 Du 23 avril au 1er mai FESTIVAL INTERNATIONAL D’AQUARELLE DU PERCHE La Loupe, Thiron-Gardais (28)

[email protected]

www.art-margency.com

 Du 2 au 10 avril 31E SALON DE PRINTEMPS Dourdan (91)

Du Guohao, Auspicious Plateau. Pastel,54 x 78 cm.

[email protected]

E

n 2016, la Société des Pastellistes de France a pris pour bonne résolution de s’ouvrir sur le monde en créant des ponts avec des associations de pastellistes de tous pays, tels le Japon, la Chine, les États-Unis, l’Allemagne, l’Espagne ou encore le Canada. Liliane Desmarest, présidente de la SPF, explique : « L’art est une forme de communication qui ne connaît ni barrière de la langue, ni frontière. Les émotions d’une œuvre d’art sont universelles et nous rassemblent. En ces temps difficiles, nous en avons plus que jamais besoin. » Ainsi est né le festival « Pastels du monde », en partenariat avec la ville de Montluçon, qui s’est montrée désireuse de tenter l’aventure.

Échanger, partager expériences et savoir-faire : tels sont les mots d’ordre de cette manifestation qui se place sous le signe de la découverte et de l’enrichissement mutuel. Il n’y aura d’ailleurs pas de remise de prix : « Nous accordons la même importance à chaque artiste exposant et ne souhaitons pas faire entrer un esprit de compétition dans nos Salons », explique la présidente. Avec ce festival, la Société des Pastellistes de France compte bien créer un véritable événement en accueillant tous les deux ans un pays différent, qui bénéficiera d’un important espace d’exposition. Pour 2016, ce sera la Chine, avec pas moins de 16 artistes chinois invités et près de 60 pastels. Le pastel est en effet en plein essor en Chine, où il fait désormais partie du programme de l’université de Suzhou. « L’association China Pastel a généreusement invité 9 artistes de la Société des Pastellistes de France pour leur premier Festival International du Pastel en 2015. Nous avons donc souhaité à notre tour inviter la Chine pour ce premier Festival Pastels du Monde. » Seront également au programme l’exposition de 120 pastels des membres de la SPF, des conférences-démonstrations sur écran géant, des ateliers et des stages, avec notamment Lionel Asselineau pour professeur.

Xinjiang, Wise Man. Pastel, 51 x 38 cm. Plus d’infos sur ce festival dans notre carnet d’adresses p. 114.

Nathalie Picoulet, Les Orchidées. Pastel, 32 x 40 cm.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

 Du 2 au 17 avril 26E SALON INTERNATIONAL D’AQUARELLE Uckange (Belgique)

www.uckange-mairie.fr

 Du 3 au 17 avril 27E SALON DE PRINTEMPS Tarnos (40)

caabt.asso-web.com

 Du 7 avril au 30 avril 28E SALON DE PRINTEMPS Castres (81)

[email protected]

 Les 9 et 10 avril SALON D’ART Maron (54)

www.peinture-patrimoine-lorrain.fr

 Du 9 au 17 avril SALON D’ART DU COLOMBIER Saint-Arnoult-en-Yvelines (78)

art-passion-arnolphien.com

 Du 9 au 19 avril 1RE BIENNALE INTERNATIONALE DE L’AQUARELLE Coquelles (62)

www.coquelles.fr

 Du 9 au 24 avril SALON DU RÉALISME Soual (81)

www.salondurealisme.com

 Du 13 au 24 avril BIENNALE AQUARELLENCES Alençon (61)

www.aquarellences.tk

Mai  Du 5 au 16 mai 25E PRINTEMPS DE L’AQUARELLE DE LIBRAMONT Libramont-Chevigny (Belgique)

www.lacouleuretleau.be

 Du 7 au 15 mai 11E SALON DU PASTEL Le Bellay-en-Vexin (95)

www.foyer-rural-lebellay.fr

 Du 13 au 16 mai SALON D’ART DE MESSEIN Messein (54)

www.peinture-patrimoine-lorrain.fr

 Du 13 au 22 mai 23E SALON INTERNATIONAL ARTS ET PEINTURE Bourges (18)

salon-arts-et-peinture-de-bourges.fr

 Du 14 au 22 mai 19E SALON  PRINTEMPS DES ARTS  Saint-Pryvé-Saint-Mesmin (45)

[email protected]

 Le 15 mai 6E DESTOCK’ART Saint-Astier (24)

destockart.blogspot.com

 Du 18 au 31 mai SALON  LE PASTEL ET SES INVITÉS  Bordeaux (33)

[email protected]

 Du 20 mai au 5 juin SALON DES BEAUXARTS Garches (92)

www.art-garches.com

Stages 2016 - François Pérégo  Du 24 au 27 juin  Du 8 au 11 juillet COULEUR ET PIGMENTS, OU COMMENT MAÎTRISER LES COULEURS Aborde la couleur en tant que lumière et matériau. À l’usage des artistes, décorateurs, encadreurs…  Du 8 au 10 octobre MATÉRIAUX ET RECETTES DES TECHNIQUES ANCIENNES Aborde la préparation des matériaux

propres aux techniques anciennes du Moyen Âge à fin du XIXe siècle : enluminure, tempera à l’œuf, détrempe…  Du 9 au 13 novembre L’ATELIER DU PEINTRE, SESSION 1 : PRÉPARATION DES SUPPORTS Du support au dessin préparatoire : supports, colles, charges et pigments, outils, supports marouflés, encollages…

rdv p.114 pour plus d’infos.

L’aquarelle Moderne.

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ARRIV

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• 83 couleurs extra-fines. • Teinte intense et brillante même après séchage. • Forte concentration en pigment. • Excellente dispersion à l’eau. • Convient aussi sur toile, bois ou yupo sans apprêt. • Des médiums et apprêts innovants en aquarelle. • Un nouveau liant, l’Aquazol, plus souple et plu us résistant.

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la vie des Les RDV PDA

arts

Par Caroline Duchesnes. Photos : D. R. sauf mention.

21E SALON DE L’AQUARELLE DE MONTGERMONT Du 30 avril au 7 mai L

Exposition des œuvres des participants au concours lors de l’édition 2015. Espace Évasion, Montgermont.

Démonstration d’aquarelle de David Chauvin en 2015.

e Salon de l’Aquarelle de Montgermont s’annonce comme un événement pluriel et intense. Les visiteurs pourront tout d’abord compter sur la présence de Marc Folly en tant qu’invité d’honneur, qui présentera ses reproductions numériques et animera démonstrations et stages. La ville de Montgermont n’exposera également pas moins de 90 œuvres d’aquarellistes – amateurs ou professionnels – sélectionnés par le jury dans le cadre du concours d’aquarelle organisé chaque année, aux côtés des lauréats du concours 2015, ainsi que des réalisations d’enfants ayant participé à un temps d’accueil périscolaire « initiation à l’aquarelle ». La nouveauté des « chemins de l’aquarelle », très appréciée en 2015, sera renouvelée cette année avec un parcours et un thème différents. Celle-ci consiste en une balade commentée de l’exposition grand format en extérieur des œuvres acquises par la commune depuis 2000. Une ouverture en nocturne du Salon est prévue le 4 mai, avec une visite décalée proposée par la troupe du théâtre L’Envolée. La manifestation se clôturera enfin par le Salon du livre de l’Aquarelle, du 5 au 7 mai, qui mettra l’accent sur la sortie du livre de la Société des Aquarellistes de Bretagne, et sur la remise des prix, le dernier jour!

Œuvre de Marc Folly.

EXPOSITIONVENTE HOMMAGE À SALVADOR CASTELLÀ Du 8 au 10 et du 15 au 17 avril

«C

astellà peignait à tout moment et partout : sur les nappes en papier des restaurants, sur n’importe quel morceau de papier tout en parlant avec des amis… », disait son ami Lluís Blanco, grand peintre espagnol. C’est en visitant une exposition d’Albert Alis – qui devient par la suite son maître – que Salvador Castellà avait vu naître en lui la passion de l’aquarelle, qui ne l’a alors plus quitté. Ses œuvres, alliant tradition et modernité, faisaient la part belle au papier blanc, qui générait selon lui des espaces et des rythmes. Son décès soudain à l’âge de 55 ans en 2015 a laissé son épouse dans une situation matérielle délicate et l’ensemble de l’association Rochemaure Aquarelle dans une grande tristesse. Les profits de cette expovente de 62 œuvres seront donc entièrement reversés à sa femme pour lui venir en aide. Château de Joviac, Rochemaure.

Salvador Castellà, Catedral de Mallorca. Aquarelle, 22 x 32 cm.

Aquarelle sans Frontières L’association Rochemaure Aquarelle a monté un fonds de solidarité, Aquarelle sans Frontières, qui a vocation à venir en aide aux peintres, mais pas seulement. À l’hôpital de Montélimar, elle a par exemple fourni du matériel artistique pour permettre aux enfants hospitalisés de s’initier à l’aquarelle, dans le cadre d’activités qui leur sont proposées. Pour son prochain Salon, elle aidera un artiste étranger qui rencontre quelques problèmes financiers, mais souhaiterait revenir exposer et éventuellement animer un stage. Salvador Castellà, Apunt del port d’Arenys de Mar. 2014. Aquarelle, 34 x 48 cm.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

SALON INTERNATIONAL ART EN LUBERON du 13 au 22 mai

C

Galerie Sous les Toiles de Provence, Bonnieux.

’est un Salon d’art pas comme les autres qui se tiendra en mai à Bonnieux, car il est organisé par un couple d’artistes dans leur atelier-galerie! Ouvert en 2012, celui-ci présente d’ordinaire les œuvres personnelles de Laurent Vauxion et son épouse Carole Sebton, tous deux peintres à l’huile. Mais depuis 2015, la galerie s’ouvre à tous les arts et toutes les nationalités, avec la naissance de leur Salon Art en Luberon. « Depuis quelques années, nous recevions régulièrement des demandes d’artistes souhaitant exposer dans notre bel et grand espace. Désormais, pour l’amour de l’art, l’échange et le partage artistique, nous laissons totalement notre espace aux artistes extérieurs deux fois par an, au printemps et à l’automne. » Si, pour l’édition du printemps 2016, la liste des exposants n’est pour l’heure pas encore arrêtée, nous savons d’ores et déjà qu’il n’y aura pas d’invité d’honneur. « Nous réfléchissons à en prendre un pour les éditions futures », affirme Laurent Vauxion. Le couple attend de nombreux visiteurs, Art en Luberon dont quantité seront probablement des touristes en bref étrangers. La remise des prix, permise grâce aux marques qui soutiennent le Salon, comme ~ 10 sculpteurs et céramistes Le Géant des Beaux-Arts, Pébéo, Sennelier ou ~ 20 peintres encore Clairefontaine, viendra clore l’événement ~ 100 œuvres exposées et récompenser un peintre et un sculpteur. Pour ~ Pastel, huile, aquarelle, bronze, terre… ceux qui manqueraient l’occasion d’y faire un tour, rendez-vous fin septembre pour l’édition ~ 2 Prix du Public d’automne! ~ Environ 1 000 visiteurs attendus

arts

la vie des Retour sur

Les stagiaires de la Croisière des Arts 2016.

Dessin, Arts Graphiques, Loisirs Créatifs, Beaux-Arts, Encadrement

Catalogue 2016 3000 Nouvelles

L’ÉDITION 2016 DE LA CROISIÈRE DES ARTS

références

Du 3 au 11 janvier

J

amais la croisière des arts n’était partie aussi loin ! Après 8 heures de vol, nous voilà enfin de plain-pied dans cette nouvelle édition de la croisière des arts 2016. Tout le groupe était là, 62 personnes au total dont 34 stagiaires – un regret pour un de nos stagiaires étourdi qui, s’étant trompé de passeport, n’a pas pu monter à bord du bateau, mais nous aurons sûrement le plaisir de le retrouver sur une prochaine destination. La première journée est longue en raison du vol et du décalage horaire (5 heures) mais personne ne manque à l’appel pour le cocktail de présentation dans la salle (discothèque du bateau) qui sera pendant toute la durée de la croisière notre atelier. C’est l’occasion de rencontrer les artistes Sophie Amauger, Gilles Durand et Joël Simon, collaborateur de PDA qui était là pour aider Gilles, car le groupe aquarelle était cette année très nombreux (25 participants). Planning en poche, tout le monde se retrouve ensuite pour le premier dîner à bord… Après plusieurs autres dîners, des moments forts en émotion, des excursions sur les différentes îles des Caraïbes, de belles rencontres – Christiane Laval, les membres de l’association Gauguin, André, notre guide en Martinique… – des séances de peinture dans cet atelier vitré ouvert à 360 degrés sur la mer, des soirées et quelques ti-punch, nous voilà déjà dans la salle d’embarquement avec nos souvenirs pour le retour, cette fois vers le froid et la grisaille de la France en ce début du mois de janvier. Merci à tous les participants, de leur patience pour certains, de leur fidélité pour beaucoup et pour d’autres de la toute nouvelle confiance qu’ils nous ont accordée. Merci encore aux artistes qui ont su par leur pédagogie et leur talent s’adapter aux demandes d’un groupe important, dans un lieu qui n’est pas toujours adapté à la pratique de la peinture. Il me reste à vous donner rendez-vous pour de nouvelles aventures, probablement en mer Baltique, probablement au printemps 2017 et sûrement avec autant d’enthousiasme.

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Frédérik Favier Peinture réalisée par un stagiaire.

Merci Christiane Laval ! Christiane Laval, artiste-peintre originaire de la Martinique, a partagé avec les stagiaires une belle journée à Fort-deFrance. Diplômée de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, elle vit et enseigne la peinture à l’huile et l’aquarelle en Martinique depuis 2002. Les gens, les paysages, les lumières, les rêves, les voyages doivent se trouver en concordance avec son être profond pour être adoptés et retranscrits dans son art. Retrouvez-la sur : www.christianelaval.com

www.dalbe.fr Œuvre de Joël Simon.

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L’art dans un esprit de famille !

LE SUCCÈS DE L’ATELIER DU PASSAGE, SITUÉ DANS LE QUARTIER DES BATIGNOLLES À PARIS, EST LIÉ À UNE ÉQUIPE D’ARTISTES SOUDÉE QUI PARTAGENT LA MÊME ENVIE DE TRANSMETTRE LEUR SAVOIR-FAIRE ET LEUR CONCEPTION DE L’ART DANS UNE AMBIANCE À LA FOIS CONVIVIALE… ET STUDIEUSE !

À

l’origine de l’Atelier du Passage, il y a Florence Théard d’Esterle, un sacré petit bout de femme dont l’énergie communicative lui aura permis de soulever des montagnes… Sa vie a toujours été synonyme d’aventures et de générosité, n’est-ce pas d’ailleurs sa propre définition de l’art ? Quand, par hasard, elle est tombée amoureuse d’une vieille échoppe du quartier des Batignolles, elle y a installé son atelier et accueilli quelques élèves. Difficile en effet de résister au charme fou de ce passage pavé Geffroy-Didelot bordé d’ateliers (pour la plupart d’anciens élèves de Florence !). On comprend pourquoi intellectuels et artistes ont toujours aimé ce coin de Paris, à l’instar du peintre Édouard Manet et ses amis du « groupe des Batignolles » qui fréquentaient les troquets. Arrêtez-vous au 7, devant la grande façade bleue qui arbore un scarabée – le fameux Khépri, symbole de la renaissance dans la mythologie égyptienne – et poussez la grande porte. Il s’agit bien d’un atelier d’artiste, même si de prime abord, on a l’impression de partager l’intimité d’un intérieur, avec une bibliothèque remplie de livres d’art, un vaste bureau, des fauteuils cossus… On en oublierait presque les deux grandes salles où se dressent des chevalets. Sur les murs, les travaux des élèves attestent d’une activité intense. Bienvenue dans un lieu d’enseignement atypique, chaleureux

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et intemporel dont la réputation n’est plus à faire, 20 ans après sa création ! Chaque semaine, du lundi au vendredi, c’est plus de 150 passionnés qui viennent y chercher un enseignement de qualité auprès de 8 professeurs qui ont la particularité d’être tous des peintres professionnels réputés. « Souvent les nouveaux arrivants me disent qu’ils ont l’impression de rentrer dans une maison. C’est le plus beau compliment qu’ils puissent me faire car l’Atelier du Passage c’est avant tout une grande famille ! » explique Florence, qui peut être fière de son œuvre !

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Certains élèves viennent en candidats libres, d’autres pour se former auprès d’un artiste.

Texte et photos : David Gauduchon

L’Atelier du Passage est un lieu d’échange, de partage.

Florence Théard d’Esterle.

UNE ÉQUIPE, UNE FAMILLE « L’Atelier du Passage, c’est un lieu de vie, une tribu. L’union fait la force ! J’ai toujours eu la chance de travailler avec des artistes de talent qui ont un vrai attachement à la peinture de chevalet, quelque soit leur style, leur technique de prédilection. Des peintres comme Jean Arcelin puis Yves Gobart ont marqué la vie de l’atelier dans le même esprit de fraternité et d’amitié qui nous unit aujourd’hui avec Christophe Thiry (peinture à l’huile), Helen Ström (aquarelle), Marie Détrée (dessin, peinture à l’huile), Isabelle Corcket (aquarelle), Ewa Karpinska (aquarelle), Kosta Kulundzic (dessin, huile, acrylique) et Philippe Autefage (pastel sec et dessin d’après modèle vivant). Pour ma part, j’anime l’atelier libre qui s’adresse à un public ayant déjà de bonnes bases. »

Les professeurs ont la parole ! Helen Ström : « C’est en suivant un stage avec Marc Folly que j’ai fait la rencontre de Florence Théard d’Esterle. Le courant est immédiatement passé et une place de professeur se libérait. Depuis début 2014, j’anime les cours d’aquarelle du lundi où je prends consécutivement des groupes de 9 élèves maximum. Débutants et confirmés s’y côtoient dans des échanges riches. J’enseigne l’aquarelle en insistant sur l’importance du dessin. » Isabelle Corcket : « Florence Théard d’Esterle m’a contactée il y a 2 ans pour intégrer son équipe. J’ai tout de suite été séduite par l’ambiance qui règne dans cet atelier, sa dimension profondément humaine. Dans mon cours du mercredi, je travaille sur les bases du dessin, la maîtrise des valeurs et de la composition des couleurs en restant profondément attachée à ce que chacun trouve son équilibre, sa personnalité. » Marie Détrée, peintre de la Marine : « J’ai remplacé le peintre Yves Gobart avec beaucoup de bonheur. Dans mes cours du mardi, je propose d’explorer les grands thèmes de la peinture classique – paysages, nature morte, portrait – à la gouache et à l’huile. Depuis que j’ai rejoint l’équipe pédagogique, j’ai l’impression de travailler en famille, dans le plus grand respect de chacun. L’ambiance est ici vraiment chaleureuse. » Kosta Kulundzic : « Je suis le petit dernier! J’ai intégré l’atelier en septembre, où j’anime le cours de dessin-peinture (huile et acrylique) du lundi. J’enseigne par ailleurs à l’École nationale d’architecture de Paris Val de Seine ainsi que le dessin contemporain à l’Université d’Orsay Paris Sud. Je développe mon cours autour du portrait et du modèle vivant. Habitué aux étudiants, j’ai découvert un public de loisirs qui se montre très à l’écoute et désireux de progresser tout en passant un bon moment. C’est vraiment très agréable. » Philippe Autefage : « Le dessin est la base de mon enseignement. Je propose de travailler le fusain, la mine de plomb, la sanguine d’après nature. La recherche de la couleur, des formes et de la composition se fait au pastel sec et a pour but de traduire une expression originale et personnelle. J’anime aussi l’atelier modèle vivant du vendredi soir. »

Des élèves et leurs tableaux Manuelle Forme Guinchard : « Je suis les cours depuis 10 ans et cette année, j’ai opté pour la formule en atelier libre aux côtés de Marie Détrée. » Dominique : « J’ai commencé à peindre il y a 3 ans, auprès de Yves Gobart. J’aime beaucoup le lieu et l’esprit que Florence y insuffle. La vie intellectuelle est intense. Je rencontre ici des élèves de tous les niveaux, ce qui est extrêmement motivant. » Brigitte : « J’ai 74 ans et je peins rarement en dehors de l’atelier. Florence Théard d’Esterle est une personne extraordinaire à l’image des artistes qui enseignent ici. Générosité, convivialité, simplicité sont les maîtres mots qui, selon moi, caractérisent le mieux l’Atelier du Passage. » Tessa : « Je suis Californienne et étudiante à Paris depuis 4 mois. J’ai découvert l’atelier grâce à son site internet. Je cherchais un cours de qualité où je pouvais, en candidate libre, poursuivre mes travaux personnels. »

U     L’Atelier du Passage organise régulièrement des stages avec des artistes renommés : Marie Gilles Le Bars, aquarelle du figuratif à l’abstraction  Samedi 13 et dimanche 14 février Sonia Privat, le portrait à l’aquarelle  Samedi 20 et dimanche 21 février Eric Bari, peinture à l’huile  Samedi 12 et dimanche 13 mars Ewa Karpinska, aquarelle  Master Class de 10 cours à partir de janvier

À   4 aquarellistes exposent : Marc folly, Isabelle Corcket, Jeremy Soheylian, Helen Ström, les 21 et 22 mai 2016.

CARNET S D’ADRESSE

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Texte et photos : Valérie Auriel

Graver selon l’envie

Chacun donne son avis et ses conseils.

L’ASSOCIATION PARIS-ATELIERS PROPOSE UNE OFFRE ABONDANTE DE COURS ET DE STAGES. SON ATELIER DE GRAVURE DE LA RUE DES ARQUEBUSIERS PERMET À TOUS DE S’INITIER À UN ART SÉCULAIRE ET SE PERFECTIONNER DANS SES MULTIPLES TECHNIQUES… DES GÉNÉRATIONS D’ÉLÈVES SE SONT AINSI SUCCÉDÉ DEPUIS TRENTE ANS POUR GRAVER LE BOIS ET LE MÉTAL.

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n plein cœur de Paris, dans une rue étroite et calme contrastant avec l’agitation de la capitale, l’association Paris-Ateliers abrite l’un de ses nombreux lieux d’enseignement. Dans un petit immeuble aux murs patinés par le temps, adultes et adolescents apprennent les techniques de la gravure en creux et en taille d’épargne. Plusieurs horaires sont proposés avec différents professeurs. Le jeudi matin, c’est le cours de François Dubois, plutôt dédié au travail du métal et à l’expérimentation. L’atmosphère est studieuse. De temps en temps, un apprenti graveur en difficulté appelle : « François, François ! » et celui-ci accourt pour prodiguer ses conseils.

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

EAU-FORTE, POINTESÈCHE, AQUATINTE...

Dans une première pièce, des élèves impriment à tour de rôle sur une presse majestueuse, dont ils actionnent la grande roue à deux mains. La pièce suivante est dédiée à la préparation des supports. Deux personnes encrent leurs plaques avant l’impression. Une autre pose un vernis protecteur sur le métal pour pouvoir le tremper plus tard dans l’eau-forte, un acide qui rongera les parties non enduites. François Dubois explique : « La gravure peut être une technique polluante, un peu agressive pour la santé. Nous essayons d’employer de plus en plus des produits écologiques. Nous utilisons

des encres à l’eau que nous pouvons nettoyer sans solvant. Et si nous devons employer des encres traditionnelles, nous les nettoyons désormais à l’huile et non au white-spirit. » Prolongeons notre visite. Un

couloir mène à une grande pièce très lumineuse. Y sont disposées de nombreuses tables de travail et plusieurs presses. Des œuvres fraîchement imprimées sèchent sur des fils tendus au plafond. Cet espace est consacré à

François Dubois, un guide plutôt qu’un prof « J’enseigne à l’atelier depuis trois ans. Je m’adapte beaucoup aux demandes de mes élèves. Ce sont principalement des amateurs recherchant avant tout un loisir, même si certains ont une démarche plus professionnelle. Il est important pour moi que chacun trouve son propre chemin créatif. Je commence par expliquer les principales techniques, ensuite j’effectue un accompagnement personnalisé à base de discussions et de conseils. Chaque personne du groupe peut donner son point de vue, les anciens aident les nouveaux. Il y a une très bonne ambiance. »

la gravure proprement dite. Pour créer un dessin sur le support qui servira à l’impression, les élèves utilisent des outils comme la pointe sèche ou le burin… « Nous accueillons seulement dix personnes par cours pour nous permettre d’assister chacun en fonction de ses besoins, précise François Dubois. Certains de nos élèves sont là depuis des dizaines d’années, d’autres sont des débutants. Pour ces derniers, je commence par le b.a.-ba de la gravure : l’eau-forte, la pointesèche, l’aquatinte. Après plusieurs mois, ils y voient plus clair. Je les laisse choisir la technique qui leur convient le mieux. Ils peuvent aussi expérimenter des supports originaux comme le plexiglas, les plaques découpées et même les emballages de récupération. »

Jean-Jacques, le débutant « Quand je visitais les Salons beaux-arts, j’étais toujours fasciné par les gravures s’il y en avait d’exposées. Un jour, je me suis dit que je comprendrais mieux cet art si je le pratiquais. Je me suis inscrit à l’atelier il y a deux ans, à ma retraite. Je suis ravi, car le professeur nous apporte tous les conseils voulus, avec compétence et gentillesse. Il est très disponible et a l’œil à tout. Grâce à lui, j’ai découvert que la diversité des techniques est extraordinaire. Je sens que je n’aurai pas assez du reste de ma vie pour apprendre! »

L’atelier utilise des encres à l’eau non toxiques.

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L’eau-forte est une des techniques de base de la gravure. La plaque est plongée dans un acide qui creuse les parties du métal non protégées.

Sophie, la pro « Graveuse de profession, je fréquente les lieux depuis leurs débuts. Je me suis inscrite car à l’origine je n’avais pas d’endroit pour exercer. Cet atelier me permettait d’avoir tout le matériel à disposition. Les professeurs respectent la personnalité de chacun, ils vous accompagnent et partagent leurs compétences. Même si j’ai maintenant mon propre atelier, je suis restée pour la qualité de cet échange, l’atmosphère particulièrement sympathique. En outre, je continue toujours d’apprendre sur la gravure. »

L’atelier de gravure de la rue des Arquebusiers a été créé en 1984. Il a été tenu pendant 29 ans par Mireille Baltar, une enseignante partie depuis peu à la retraite. Aujourd’hui, quatre professeurs se répartissent les cours : Francis Capdeboscq, Yaroslav Gorbanevsky, Florence Hinneburg et François Dubois. Ils proposent onze plages horaires en journée et en début de soirée. Les tarifs des cours varient de 340 à 700 euros en fonction du quotient familial. L’atelier fournit le papier, les encres, les vernis. Les élèves achètent leurs outils de gravure et plaques. L’atelier de gravure partage son espace avec d’autres disciplines : lithographie et typographie.

L’ P-A Paris-Ateliers est une association loi 1901 subventionnée par la ville de Paris. Connue depuis 1977 sous le sigle ADAC (Association pour le Développement des Activités Culturelles), elle est devenue Paris-Ateliers en 2007. Elle propose la pratique en amateur de 97 disciplines dans les domaines des métiers d’art, des arts plastiques, des arts numériques et des arts du texte. 550 ateliers sont ainsi répartis sur 29 sites parisiens.

L’atelier est aussi un lieu d’expérimentation et de créativité.

Françoise, l’expérimentatrice « Je suis élève depuis quinze ans. Ce qui m’a plu à l’origine dans la gravure, c’est la richesse de ses effets. Depuis quelques années, je réalise des monotypes avec des emballages et des bouts de carton que j’enduis d’encres de couleur pour ensuite imprimer leurs empreintes. J’apprécie la l’ouverture d’esprit des professeurs qui me laissent faire ces expérimentations loin de la pratique traditionnelle. »

CARNET S D’ADRESSE

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L’AQUARELLISTE ET ARCHITECTE POLONAIS MICHAL SUFFCZYNSKI A LONGTEMPS PEINT LA BEAUTÉ DES VILLES. DEPUIS DIX ANS, IL SE

LIBÈRE DES RIGUEURS DE LA PERSPECTIVE URBAINE EN REPRÉSENTANT LA NATURE SAUVAGE. CE QUI L’ATTIRE : DES POINTS DE VUE GRANDIOSES, LES SUBTILS JEUX D’EAU ET DE LUMIÈRE…

Michal Suffczynski Portrait L’artiste porte plusieurs casquettes : architecte, aquarelliste, enseignant à l’atelier de dessin, peinture, sculpture de la faculté d’architecture de l’école polytechnique de Varsovie, illustrateur pour la presse, les agences de publicité et les bureaux d’architecture, il est également co-créateur de l’Association des aquarellistes polonais. Son travail est présenté dans plusieurs galeries en Pologne et aux États-Unis. Il a publié cinq ouvrages sur l’aquarelle, le dessin et les paysages polonais.

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ans son bel atelier de Varsovie, au parquet ciré et aux meubles anciens, Michal Suffczynski voyage en dessinant. Avec ses pinceaux, il explore les montagnes escarpées des Piénines et des Tatras, les rivières et les forêts de Mazurie, les ruelles des vieilles villes de Pologne… L’aquarelliste a le trait net et précis : ses paysages aux tonalités délicates ont un rendu quasi photographique. Comme beaucoup d’artistes de l’Est, Michal Suffczynski a reçu une solide formation classique. « Je dois sans doute une partie de ma vocation à mon

oncle Henryk Uziemblo, qui était un célèbre artiste polonais. Après le lycée, quand il a fallu choisir une formation, j’ai longtemps hésité entre les Beaux-Arts et l’architecture. J’ai finalement opté pour l’architecture, car il y avait un excellent département de dessin à main levée, très réputé. Je ne regrette pas du tout ma décision. Selon moi, les écoles d’architecture et de design offrent une éducation artistique de tout premier ordre, grâce à leur niveau élevé d’appréhension des relations spatiales et de la perspective. »

EAUX DE

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CRISTAL

Le Lac de montagne. Aquarelle sur papier Fabriano 300 g/m2, 70 x 52 cm.

Texte : Valérie Auriel Photos : Michal Suffczynski

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MICHAL SUFFCZYNSKI

Gorge de Homole. Aquarelle sur papier Fabriano 300 g/m2, 52 x 54 cm.

UNE LIBERTÉ D’EXPRESSION Michal Suffczynski a découvert l’aquarelle lors de ses études supérieures, car elle faisait partie de l’enseignement des beaux-arts. « Cette technique m’a tout de suite fasciné par sa transparence, sa légèreté et sa singularité. Je pratique de nombreux autres médiums, comme l’encre, les crayons de couleur, le fusain et les feutres, notamment pour réaliser des dessins techniques en architecture. Mais l’aquarelle a ma préférence. » Pendant très longtemps, l’artiste a représenté des vues urbaines et des motifs architecturaux, qu’il maîtrise à la perfection. Il y a une dizaine d’années, il s’est tourné vers la nature. « J’ai commencé à peindre forêts et lacs, après de nombreuses années consacrées aux paysages urbains. J’en avais un peu assez de l’exactitude et de la rigidité des rendus d’architecture. Aller vers la nature était l’occasion de gagner beaucoup plus en liberté d’expression. » L’artiste peint les paysages de son pays, la Pologne, l’une de ses sources principales d’inspiration. Elle offre des vues bien plus variées qu’on pourrait le penser. Si le Nord se compose de plaines jusqu’à la mer Baltique, le Nord-Est abrite de grands lacs et les dernières forêts primitives d’Europe. La frontière sud du pays longe quant à elle deux chaînes de montagne escarpées : les Carpates et les Sudètes… L’artiste précise : « Je ne peins jamais un endroit où je n’ai pas été personnellement. Même si les conditions météorologiques ou le manque de temps ne me permettent pas de travailler sur place, je veux sentir l’ambiance et la beauté du lieu et tracer au moins une esquisse. » De retour à l’ateL’hiver en Mazurie. Aquarelle sur papier Fabriano 300 g/m2, 40 x 65 cm.

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« Mon objectif principal est de rendre la lumière observée de sorte que mon aquarelle soit profondément convaincante. »

zoom sur

le Liwiec

Le contexte. Enfant, je passais mes vacances dans un petit village à une heure au nord de Varsovie. Celui-ci était traversé par Le Liwiec, une belle rivière. Il y a quelque temps, je suis retourné dans cet endroit. Après toutes ces années, le voyage a réveillé de nombreux souvenirs. Il a allumé en moi le désir de peindre ce lieu magnifique. J’aime cet endroit sauvage, où se mêlent prairies, forêts et eau transparente. C’est devenu une source inépuisable d’inspiration, je l’ai peint plusieurs fois depuis ce premier voyage. La composition. Ce qui m’intéressait dans ce point de vue, c’était le fascinant jeu de lumière sur l’eau transparente, les éclats du soleil sur la surface du Liwiec et les brins d’herbe. J’ai choisi une composition verticale, plus dynamique que le format horizontal traditionnel des paysages. Elle me permet de donner le beau rôle à la rivière, qui remplit les deux tiers de la feuille. Les lignes de fuite conduisent vers l’arbre à contre-jour à droite. Sa présence imposante ajoute une touche de mystère.

Le processus. J’ai humidifié mon papier avec un vaporisateur et commencé par des couleurs froides délicates posées mouillé sur mouillé : bleu de manganèse pour le ciel, bleu de cobalt pour l’eau. J’ai travaillé la végétation ensuite avec une large palette de verts chauds à base de vert olive et vert doré. Pour les ombres, j’ai ajouté au mélange de l’indigo. Par endroit, un vert émeraude intense donne du tonus à la végétation. Les reflets du soleil sur l’eau sont obtenus en retirant de la peinture avec des brosses humides.

La Rivière Liwiec. Aquarelle sur papier Fabriano 300 g/m2, 70 x 50 cm.

Les 5 points clés de ma technique

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lier, avec croquis et photos, il peint son œuvre définitive. « Je peux aussi commencer une aquarelle sur le motif et la poursuivre à l’atelier pour les touches finales. Tout dépend du temps que j’ai passé sur place. »

INTERPRÉTER LE RÉEL L’aquarelliste choisit de peindre des paysages plutôt exceptionnels, toujours vierges de présence humaine. « Quand je me promène dans la nature, deux points cruciaux m’incitent à sélectionner un point de vue : une composition dynamique, une lumière forte ou mystérieuse. Si je peux combiner ces deux éléments dans une

peinture, elle a des chances d’être réussie. Je préfère ainsi peindre les montagnes escarpées plutôt que les grands espaces plats. » Son autre centre d’intérêt : les effets d’eau et de lumière. L’artiste aime peindre les rivières et les lacs, très nombreux dans son pays, les scintillements du soleil sur les flots, la transparence du liquide qui laisse deviner les lits accidentés des cours d’eau. « Le secret pour arriver à rendre la transparence de l’eau est d’observer minutieusement avant de peindre. Il faut analyser les nombreuses valeurs tonales, comprendre les reflets. Je commence par travailler par larges touches, mouillé sur

mouillé puis j’accentue les contrastes dans les dernières étapes. » Michal Suffczynski peint de plus en plus la nature sauvage, mais il ne renie pas pour autant sa formation d’architecte : « L’architecture permet de bien observer, de comprendre la perspective et les proportions. Dans la peinture de paysage, la précision doit être parfois dépassée en acceptant consciemment ou inconsciemment d’interpréter le réel. Il faut consentir à laisser certaines parties plus estompées. » Ce délicat équilibre entre lâcher-prise et minutie fait ainsi toute la grâce des aquarelles de Michal Suffczynski.

Je peins uniquement des lieux que j’ai visités et j’effectue au moins un croquis rapide sur place pour le développer plus tard en atelier. Avant de peindre, je tends toujours mon papier sur une planche. Je commence avec des touches larges en partant du clair vers le foncé. Cette étape est la plus difficile, mais si elle est bien faite, j’ai de bonnes chances d’atteindre le résultat final souhaité. Pour peindre avec des mouvements amples, sans avoir peur de déborder, je me sers de fluide à masquer. Je couvre les zones les plus claires et certains détails. Lors des dernières touches, je mets en valeur la texture du papier en lavant certains tracés à la brosse ou en grattant certaines zones. Je crée ainsi des rehauts de lumière.

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MICHAL SUFFCZYNSKI

Transparence

LA VALLÉE DES CINQ LACS DANS LE PARC NATIONAL DU MASSIF DES TATRAS, AU SUD DE LA POLOGNE, OFFRE DES PAYSAGES MAGNIFIQUES. LA LUMINOSITÉ Y EST INTENSE. LES EAUX

Mon matériel Mes pigments de base sont le bleu outremer, le bleu de cobalt, la terre de Sienne naturelle et brûlée, le rouge de cadmium, le jaune de cadmium, le violet, le vert Winsor, le vert émeraude. Ce sont des peintures en tube et en godet des marques Winsor & Newton, DalerRowney ou de la marque russe St-Petersburg. Avant de peindre, j’utilise une éponge ou un vaporisateur d’eau pour mouiller de larges zones du papier, qui a été tendu sur une planche.

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ESQUISSE. Sur le motif, j’ai réalisé un dessin au crayon 2B dans mon carnet de croquis. Je me concentre sur le contraste des valeurs de ce paysage à contre-jour. Dessiner sur place m’aide à décider de la composition. Je prends également quelques photos de référence pour le travail à l’atelier.

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PRÉPARATION. De retour dans mon atelier de Varsovie, je fixe une grande feuille sur une planche de bois après l’avoir humidifiée. Mon papier va ainsi bien se tendre en séchant. Je dessine ma composition au crayon avec le plus de détails possible dans les zones au premier plan. J’ai choisi un format carré pour pouvoir montrer à la fois le ciel, la chaîne de montagnes et le plus intéressant, la surface du lac.

Pour créer des effets de texture dans l’aquarelle, j’ajoute fréquemment du sable et du sel. J’utilise aussi différents médiums. Le fluide à masquer préserve mes blancs. Le médium de texture donne un peu de matière à la couleur, ce qui la rend plus visible après séchage. Le fiel de bœuf et le médium pour mélange me servent à allonger mon temps de séchage et à rendre les couleurs plus brillantes. Je peins principalement sur du papier 300 g/m2 à grain fin des marques Fabriano et Winsor & Newton. Pour peindre, j’utilise seulement deux ou trois pinceaux en poils de martre ou synthétiques : un fin, un moyen à pointe fine et une brosse plate.

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SEL ET SABLE. Quand cette première couche est sèche, je peins les collines et la végétation à l’avant-plan avec des mélanges de vert olive et de vert doré additionnés d’un peu d’indigo pour les valeurs foncées. J’ajoute un peu de sel et de sable sur la couleur humide pour rendre la texture plus intéressante. J’attends le séchage complet avant d’enlever les grains.

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LE LAC. L’eau sombre du lac a été peinte dans un mélange d’indigo et de vert émeraude. La rive moins profonde à l’avant-plan laisse deviner le fond. Elle est évoquée dans des mélanges chauds de terres de Sienne naturelle et brûlée, de terre d’ombre brûlée. Quand cette couche est sèche, j’enlève le fluide à masquer pour travailler les parties les plus claires de l’image, principalement les pierres au premier plan.

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CLAIRES DES LACS DE MONTAGNE DÉCLINENT UNE RICHE GAMME DE COULEURS, DU BRUN FONCÉ À L’ORANGE, EN PASSANT PAR L’ÉMERAUDE ET L’AZUR.

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PREMIERS JETS. Je pose du liquide à masquer sur les zones les plus claires de mon dessin afin de préserver leur luminosité. Ensuite, je peins les nuages et le ciel humide sur humide, je laisse l’aquarelle circuler librement sur le papier. Le ciel est peint dans un mélange de bleu de cobalt et bleu de manganèse, les nuages dans un mélange clair de noir d’ivoire et de violet.

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MONTAGNES. Les roches sont peintes très humides, dans le même mélange que les nuages. Les auréoles qui se forment ne me gênent pas, elles ajoutent du relief au motif. Je prends soin de ne pas faire couler mes gris sur la surface prévue pour la végétation (les verts frais des bosquets de pins).

FINAL. Avec un pinceau fin, j’ai précisé les contours des pierres, foncé les contrastes avec du violet et du brun Van Dick. J’ai rajouté sur fond sec des lavis de vert émeraude dans ma végétation. En touches finales, j’enlève de la couleur avec une brosse humide. Je crée ainsi des traits pâles qui évoquent les rayonnements du soleil dans le ciel et sur l’eau.

« Il n’est souvent pas évident de décider quand une aquarelle est terminée. Je préfère m’arrêter trop tôt que trop tard. » Lac de Presdni, vallée des cinq lacs. Aquarelle sur papier 300 g/m2, 50 x 50 cm.

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REGARDS

avec Amandine et André Jude LE PORTRAIT, A FORTIORI CELUI D’UN ENFANT, EST CERTAINEMENT LA DISCIPLINE, EN DESSIN COMME EN PEINTURE, LA PLUS EXIGEANTE QUI SOIT. LE DÉFI EST D’AUTANT PLUS GRAND QU’AMANDINE ET ANDRÉ JUDE ONT ACCEPTÉ DE NOUS LIVRER SIMULTANÉMENT LEUR CONCEPTION, DEUX APPROCHES ALLA PRIMA RICHES EN ENSEIGNEMENTS ET RETOURNEMENTS. À VOTRE TOUR, VIVEZ EN DIRECT TOUTE L’INTENSITÉ DE CE FACE-ÀFACE EN CLAIR-OBSCUR. Texte et photos : David Gauduchon

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CROISÉS

Amandine et André Jude sont tombés dans la peinture quand ils étaient petits. Amandine est la fille du peintre François Legrand ; André, le petit-fils de l’illustre Mathurin Méheut. Ce couple partage une même passion pour l’art et organise de nombreuses expositions communes. Artiste peintre accompli, élève de Philipe Lejeune, violoncelliste averti, André est aussi professeur de peinture et anime de nombreux stages. Amandine, elle, a appris à peindre en posant pour son père, tout simplement en l’observant œuvrer. Cette artiste, aussi talentueuse qu’intuitive, répond aujourd’hui à de nombreuses commandes de portraits.

L Paul, âgé de 11 ans, s’apprête à vivre sa première expérience en qualité de modèle. Il va devoir surmonter 2 matinées de pose, soit plus de 6 heures de quasi-immobilité, un petit exploit physique et mental, quand on connaît la difficulté d’un tel exercice…

a famille Jude s’active ce matin dans son grand atelier. Et pour cause, André et Amandine ont donné rendezvous à 9 heures au jeune Paul qui, accompagné de son papa, vient poser pour une séance de portrait. Amandine, qui finit d’installer les chevalets en face d’une haute estrade, est fébrile. Est-ce parce qu’elle n’a encore jamais rencontré le garçon âgé de 11 ans, ou bien parce qu’elle appréhende qu’il n’ait jamais posé ? Même si au contraire d’André, elle ne peint pas autant qu’elle le souhaiterait – elle est maman de 6 têtes blondes ! – ses talents de portraitiste n’en sont pas moins reconnus. « À chaque tableau, j’ai l’impression de jouer ma vie ! C’est un curieux mélange de bonheur de peindre et de trac,

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Acte 1

Question de choix d’intuition et de pondération, qui finalement libèrent en moi une formidable énergie que je vais m’efforcer de canaliser tout au long de la conduite du tableau, à l’image d’un cavalier qui doit savoir retenir son cheval s’il veut passer l’arrivée ! » confiet-elle tout en faisant le tri dans un tiroir qui lui sert de boîte à tubes. « André, c’est toi qui as pris ma laque de garance ? Tu souhaites peindre sur toile ou sur panneau ? Mais que fais-tu à la fin ? » André s’occupe calmement d’installer un spot sur pied pour compléter la lumière hivernale qui pénètre timidement dans la pièce – une lumière froide et bleutée que vient réchauffer la puissante ampoule halogène.

ENTRÉE EN SCÈNE

Ça sonne ! « Les enfants, allez souhaiter la bienvenue à Paul. » Les présentations sont simples mais chaleureuses. Le dialogue s’installe. Paul, qui s’est mis sur son 31, se montre curieux de cet univers qui lui est si peu familier, et bientôt amusé lorsqu’André le félicite sur sa coupe de cheveux et sa houppette digne de Tintin. Le courant est passé ! Paul monte de son propre chef sur le podium et s’assoit naturellement. Un grand tissu noir est tendu en guise de fond. Nos deux artistes font silence : les yeux plissés, ils invitent le jeune modèle à se tourner dans un sens puis dans l’autre, à redresser sa tête, à déployer ses jambes, à poser ses mains. Un rai de lumière vient éclairer la partie droite du visage de Paul. Sa peau claire et ses grands yeux s’illuminent. Dans un moment de grâce, l’étude de la pose débute. « Tu es prêt, André ? Il ne va pas être éternel, notre petit Paul ! ».

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L’ORGANISATION DE L’ATELIER, LA PRÉPARATION DU MATÉRIEL, LA RENCONTRE AVEC LE MODÈLE, LE CHOIX DE LA POSE, CHAQUE DÉTAIL COMPTE POUR QUE LA SÉANCE SE DÉROULE DANS LES MEILLEURES CONDITIONS, SURTOUT LORSQU’IL FAUT COMPOSER À DEUX.

EN COULISSE La gestion de la lumière est capitale pour mener à bien une séance de portrait qui va durer environ 3 heures. Même s’il n’est pas facile de compter sur une luminosité stable avec laquelle il faudra probablement composer au fil de la matinée, son orientation doit être en revanche parfaitement maîtrisée. Le choix a été pris d’occulter les fenêtres de l’atelier situées à l’ouest, pour bénéficier d’une seule source lumineuse en provenance d’une large porte-fenêtre, située à l’est, soit à gauche de l’estrade où s’installera le modèle. Un gros spot halogène vient augmenter l’intensité et la température de la lumière. Veiller au confort du modèle est un postulat de base. L’atelier est donc volontairement surchauffé grâce à un gros poêle à bois qui sera alimenté régulièrement au cours de la séance. L’anticipation étant de mise vu sa superficie, la réserve en bois a été soigneusement préparée la veille.

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Amandine : Je ne commence jamais un portrait avant d’être totalement satisfaite de ce que je vois. Attitude, cadrage, lumière, tout doit me plaire. J’aime bien avoir le regard du modèle mais, en accord avec André, nous avons opté pour que Paul fixe un point entre nous deux.

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André : J’ai laissé à Amandine le choix de la pose. Pour ma part, je me retrouve avec toute la partie gauche du visage de Paul dans l’ombre, une zone de non-dit en quelque sorte. Son regard part en direction de la lumière, aussi je reporte mon attention sur un autre aspect de sa personnalité en m’intéressant en priorité à ses caractères physiques. L’analyse de son profil de trois quarts me laisse percevoir son attitude songeuse. Pour définir ma composition, je me sers d’un cadre amovible de ma fabrication, qui me permet de transposer instantanément mon sujet dans différents formats.

André : J’ai opté pour un format 81 x 60 cm, un panneau d’Isorel à la fois solide et léger. J’ai proposé à Amandine d’en faire autant afin de partir sur une base commune. Je pose mon fond avec un brun foncé, très dilué à l’essence de térébenthine, en prenant soin de décaler la masse claire du visage légèrement vers la droite. Ce qui tue la composition, c’est la symétrie.

Le pull-over et la chaise Dès l’arrivée du jeune modèle, un détail vestimentaire interpelle nos deux artistes : son sweat « branché » au graphisme camouflage. André et Amandine se consultent face à ce qui s’apparente à un petit dilemme. Faut-il respecter le choix du modèle – dans le cas d’un portrait de commande, la réponse serait oui – ou bien faut-il lui proposer d’endosser un autre vêtement qui conviendra mieux aux exigences esthétiques de ce travail d’étude ? Avec beaucoup de psychologie, Amandine pose la question au modèle, en lui expliquant bien que la problématique est d’ordre plastique. Paul accepte sans

« On s’est longuement interrogés sur le bien-fondé du choix de la chaise et du coussin rouge, mais finalement je n’ai retenu que la chaise dans ma composition. Le rouge du pull-over était suffisamment présent. » Amandine PALETTES À L’ÉTUDE

4 Amandine : Avec un large spalter et un jus dilué de noir d’ivoire, je cherche en quelques traits à appréhender l’attitude générale du modèle, ce qui est d’autant plus difficile que notre petit Paul n’a pas l’habitude de poser. Même s’il essaie de faire de son mieux, il ne parvient pas à être parfaitement immobile : son regard, ses lèvres et son menton bougent. À l’instant, il vient d’avancer la tête !

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André : Lorsque le modèle bouge, je préfère raisonner globalement, c’est-à-dire par masses. En procédant de la sorte, je ne fige pas les choses. Je renforce progressivement mes jus colorés afin de noter les principales indications d’ombre et de lumière. Le geste est volontairement très lâché, seule la structure m’intéresse pour l’instant.

Amandine : J’ai une tendance naturelle à toujours aller trop vite dans la phase d’observation. Tout en gardant les yeux plissés, je me concentre sur la seule expression du visage, alors que je sais qu’il serait préférable que je monte tous les éléments de ma composition en même temps. Pas facile de lutter contre soi-même !

difficulté et la séance d’essayage débute. C’est un pull marin rouge qui est finalement retenu car il offre un beau contraste avec le fond noir et le visage du garçon. « En plus, il va te tenir bien chaud », ajoute Amandine sur un ton maternel. La chaise en bois qui a été montée sur l’estrade ne convient pas à Amandine, qui la trouve sans intérêt. Le coussin marron est remplacé par un tissu bleu mais cela ne fonctionne toujours pas. André apporte une chaise de jardin dans son plus simple appareil, auquel Amandine ajoute un coussin rouge : l’effet des complémentaires joue à plein. C’est validé !

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Amandine : Je ressens donc le besoin de poser le dessin pour m’appuyer sur des repères tangibles. Je n’ai pas pu partir sur un traitement en masses, une option qui minimise pourtant les chances de se tromper ! Je mets en place progressivement la ligne des yeux, du nez, de la bouche. Mon dessin en jus présuppose toutefois les masses sous-jacentes.

La palette d’André Elle se compose comme suit : noir d’ivoire, blanc mélangé, ocre rouge, ocre jaune, laque de garance, rouge de cadmium, orange de cadmium, orange de cadmium, jaune de cadmium, vert de cinabre, vert olive, bleu outremer et ultramarine. Avec un blanc mélangé et du noir d’ivoire, André règle un gris de base, une valeur tonale, en fonction de la lumière ambiante. Ce gris de base sera ensuite coloré et/ou rentrera plus ou moins dans la composition de nombreuses couleurs rabattues, comme cette teinte chair.

La palette d’Amandine Elle se compose comme suit : brun Van Dyck, noir d’ivoire, blanc mélangé, laque de garance, rouge de cadmium foncé, orange de cadmium, jaune de cadmium clair, terre verte, bleu de cobalt. Lorsqu’Amandine prépare sa palette, elle a pour habitude de rechercher les principales nuances qu’elle observe en procédant par comparaison directe. Ces mélanges de base seront ensuite affinés.

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Acte 2

Un corps à corps LE TRAVAIL D’OBSERVATION NÉCESSITE DES VA-ET-VIENT

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PERMANENTS ENTRE LE MODÈLE ET LE TABLEAU. DE NOMBREUX DOUTES ET HÉSITATIONS PONCTUENT LA SÉANCE, AUTANT DE REPORTS DE MESURE ET DE CORRECTIONS S’IMPOSENT AFIN DE METTRE EN PLACE LA STRUCTURE MÊME DU SUJET QUI PRÉSIDERA ENSUITE À LA MISE EN COULEUR ET EN MATIÈRE, COMME SI TOUT SE JOUAIT DE HAUTE LUTTE.

André : J’ai opté pour un cadrage assez serré, centré sur le buste. Du fait de mon format, j’ai dû opérer un changement d’échelle, un agrandissement de mon sujet de 1,5 fois environ. C’est là une difficulté supplémentaire car, comme en sculpture, il faut veiller à reporter chaque proportion avec exactitude. J’ai par ailleurs corrigé l’inclinaison du visage de Paul vers l’avant. Je commence à nourrir plus en matière les surfaces.

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Amandine : J’ai placé mon fond avec un brun Van Dyck, à larges coups de spalter afin de mettre en lumière mon sujet. J’ai repris et affiné le dessin du visage après avoir effacé l’œil droit, qui s’avérait mal placé. Avec un rouge de cadmium et un ocre rouge, j’ai souligné la ligne des épaules et l’emplacement du cou. Je suis toujours en recherche de repères.

Palette en ordre L’utilisation d’une grande palette est incontournable pour déployer de nombreux mélanges. Il faut travailler dans la générosité. Quoi qu’il en soit, arrive un moment où l’on arrive à saturation visuellement. Amandine n’hésite pas alors à faire le « grand ménage » en grattant la pâte avec un couteau à peindre et en nettoyant entièrement le support à l’essence de térébenthine. La surface propre retrouvée, la lecture des nouveaux mélanges est grandement facilitée. N’en faites pas l’économie !

11 André : Je peins un portrait comme je peins une pomme. Entendez par là que je passe 3/4 de mon temps à mettre en place la structure, à définir les grands plans, à vérifier mes proportions. C’est un travail rigoureux basé sur la seule observation, en aucun cas sur l’interprétation. C’est à ce stade que je me pose une question existentielle : suisje vrai dans mon approche ?

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Amandine : J’avance, je recule… Il y a quelque chose qui me gêne dans mon dessin mais je n’arrive pas à en définir la cause. Cela me gêne terriblement. « Paul, n’abaisse surtout pas ton menton, cela change tous mes aplombs. » J’ai remonté trop haut son sourcil gauche. Avec un chiffon légèrement imbibé d’essence de térébenthine, j’efface puis je reprends. Je ne suis pas dans la concession.

Modèle, un métier pas facile ! « J’ai l’impression d’avoir été figé comme une statue », explique le jeune Paul qui note la difficulté de rester immobile, tout en faisant preuve d’une concentration maximale afin de garder continuellement la pose. « Le plus difficile est de fixer un point. Il faut rêver éveillé en quelque sorte. Au bout d’un moment, j’ai senti mes jambes s’ankyloser… Mais c’était magique de voir travailler deux peintres en même temps. Je ne regarderai plus jamais un tableau comme avant ! »

s’engage

« C’est un travail rigoureux basé sur la seule observation, en aucun cas sur l’interprétation. » André PINCEAUX ET MÉTHODES Amandine ne lâche pas le gros paquet de brosses et de pinceaux dont elle s’était saisi en début de séance, tout en les appuyant sur sa hanche gauche, pied droit en avant, comme pour rester en équilibre.

12 Amandine : J’encourage sans relâche Paul à tenir la pose. Il s’y efforce mais que c’est difficile ! « Ne baisse pas les yeux, redresse-toi, ne mords pas tes lèvres… » J’en souffre pour lui ! J’ai ajusté l’œil gauche en mesurant à quel point il avait de grands yeux. J’ai repris le dessin de la bouche en redonnant du volume à sa lèvre inférieure. Je me demande si je ne vais pas garder le rendu de l’Isorel apparent, car il colle parfaitement avec le ton local.

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André : J’ai dégradé schématiquement les effets d’ombre et placé la lumière sur la droite du visage. Avec un ocre rouge rabattu d’une pointe de gris bleuté, j’ai placé les lignes du visage. Plus de deux heures d’observation attentive auront été nécessaires pour mettre en place les fondations de ce portrait. Un peu de recul s’impose avant de commencer le travail dans la couleur à proprement parler.

André opère différemment. Il a sélectionné au préalable une dizaine de brosses de différentes tailles qu’il répartit par famille de couleur. Il les dispose en éventail dans sa main gauche et opère un roulement selon la nécessité des mélanges, tout en prenant le temps de les nettoyer régulièrement dans un pot d’essence propre.

Amandine : Un visage d’enfant ne présente pas de plans marqués. Il est par définition lisse, tout en rondeur. Le dessin des courbes est une des difficultés rencontrées. Je pose ensuite mes premiers effets de carnation en veillant bien à tester la teinte dans la lumière avant de la rabattre dans les ombres. J’ai tout de suite été séduite par la blancheur de sa peau, qui contraste avec le rouge puissant du pull.

« – Paul, ça te plaît Chopin ? Tu préfères écouter autre chose ? – J’aime bien les Twenty One Pilots. – Pardon ? – André, ne le fais pas parler s’il te plaît ! J’ai déjà assez de mal à apprivoiser ce petit singe ! »

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Elle y pioche instinctivement – en apparence tout du moins – le numéro et la forme qui lui convient et, à chaque nouveau mélange, en saisit un nouveau. En procédant ainsi, on comprend qu’il lui faille se doter d’une sacrée réserve.

Lors d’une séance de 3 heures, il est important de ménager des poses toutes les 10 à 20 minutes selon le caractère de l’enfant. Ce sont des moments de lâcher-prise indispensables qui permettent à chacun de se détendre, de se reconnecter tous ensemble. Une bonne blague et c’est reparti ! C’est encore l’occasion de prendre un recul indispensable sur le travail en cours, de se « nettoyer » les yeux !

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Acte 3

Saisir un moment FIN DE LA PREMIÈRE SÉANCE, QUI AURA DURÉ FINALEMENT PRÈS DE 3 HEURES. RENDEZ-VOUS LE LENDEMAIN MATIN POUR DÉBUTER LA SECONDE. À 9 HEURES PÉTANTES, CHACUN EST FIDÈLE À SON POSTE. L’OBJECTIF DE LA MATINÉE EST CLAIREMENT ÉTABLI : CONDUIRE SON TABLEAU AUSSI LOIN QUE POSSIBLE JUSQU’À MIDI. COMMENT NOS DEUX PEINTRES RÉUSSIRONT-ILS À PERCER LE MYSTÈRE DE LA RESSEMBLANCE ? LE TRAVAIL À QUATRE MAINS REPREND DE PLUS BELLE.

16 Amandine : 1er constat, la lumière extérieure a changé. Le soleil qui s’est enfin levé irradie progressivement l’atelier de ses rayons chauds, modifiant la lecture du modèle et la perception des couleurs. J’essaie de ne pas trop me laisser distraire par cette évolution. Je me concentre sur la mise en place du pull avec un mélange de rouge de cadmium foncé, auquel j’ai ajouté une pointe de brun et de bleu de cobalt dans les ombres. Le visage est modelé avec une laque de garance rabattue de blanc mélangé et d’une pointe de jaune et d’orange de cadmium rabattu dans la zone d’ombre.

18 Amandine : Je n’étais pas satisfaite de l’emplacement de l’oreille, que j’ai remontée tout en reprenant le dessin de la joue. Je m’attarde sur le travail de cette dernière, qui est aussi important que celui du regard. Je joue simultanément sur la qualité des effets de matière, la transparence et l’opacité des teintes pour induire des effets de glacis et de frottis dans le frais qui, progressivement, animent les différents plans.

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Astuce : tester la teinte « Lorsque l’on travaille un mélange sur sa palette, comme ici cette teinte chair, il n’est pas facile de savoir si la valeur est bonne. Pour ma part, je pose des échantillons directement sur la zone concernée afin de valider le bon choix. Je gratte ensuite ces essais au couteau. » André

17 André : Avec la lumière naturelle, tout m’apparaît plus jaune. Je fais maintenant intervenir le blanc dans mes tons tout en veillant à ne pas perdre l’éclat de mes mélanges. Le sens de la touche participe du travail en pleine pâte que je réserve au traitement du visage dans la lumière. A contrario, je pense que je vais conserver la texture du panneau Isorel nourri simplement de jus brossés dans l’ombre, afin d’accentuer un effet de contraste très marqué.

19 Amandine : La consistance de la matière, la puissance de la teinte sur un fond travaillé patiemment en jus me permet de monter assez rapidement les informations, comme ici les plis du pull. À ce stade, j’exerce une acuité accrue afin de ne pas me perdre dans les méandres des détails. La clé d’une démarche alla prima repose sur un auto-contrôle permanent. Amandine : Comme André, je pratique une peinture d’observation, pas d’interprétation. Tout l’enjeu est de réussir à s’affranchir de la dimension psychologique, qui peut être perçue pour se concentrer uniquement sur sa structure et son enveloppe charnelle.

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de vérité

« - On en bave, on s’en souviendra du Paul ! - Lui aussi, il se souviendra de nous ! » DIALOGUE À QUATRE MAINS L’union fait la force ! Tout au long de ces deux séances, Amandine et André ont mutuellement sollicité l’avis de chacun. Faire appel à un regard neuf, à un esprit critique, permet bien souvent de se sortir d’une impasse.

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André : La question de la ressemblance est par définition indissociable d’un portrait. Mes élèves me demandent souvent comment on obtient cette ressemblance. Je leur réponds que l’on reconnaît quelqu’un de dos dans la rue, voire dans la pénombre. Contrairement à ce que beaucoup pensent, tout ne se passe pas dans les yeux ou le visage. La justesse de la structure corporelle est toute aussi importante, comme bien positionner la tête dans l’espace.

- Amandine : C’est impressionnant de constater comment on s’habitue à ses erreurs. Une maladresse, une erreur de jugement qui te sautent aux yeux à un instant T t’échappent aussi vite. - André : C’est tout l’enjeu. On ne peut pas se faire confiance. On se lance un défi permanent. - Amandine : André, viens m’aider s’il te plaît. Depuis le début, je ne suis pas satisfaite de mon dessin. Quelque chose me gêne. Je crois que je suis foutue ! Il y a quelque chose qui ne va pas avec la masse du front ou c’est l’œil qui est trop bas ? - André : Je pense qu’il faut que tu remontes l’épaule à gauche. As-tu bien vérifié tes aplombs ? - Amandine : Cette pose est un vrai casse-tête car Paul n’a pas de support pour sa tête. On aurait dû l’installer dans un fauteuil pour mieux le caler. J’ai trouvé ! J’ai représenté Paul penché alors qu’il ne l’est pas. Pourquoi ne m’en suis-je pas aperçue plus tôt ?

- André : Et que penses-tu de mon boulot ? - Amandine : Cette pose de 3/4 est complexe, d’autant que tu avais tout son côté gauche dans l’ombre au premier plan. Tu as bien su placer l’axe de la tête et du corps. Il me semble que tu n’as pas posé le pli de la paupière à droite. Peut-être faudrait-il que tu décales la tache de lumière sur le menton plus à gauche…

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Amandine : J’ai cherché avant tout à être au plus proche de ce que j’ai vu. Je n’ai pas été du tout dans le ressenti. Je me suis laissé instruire par la réalité, ce n’est pas à moi d’imprimer sur cette réalité. Toute ma démarche a été basée sur une reconnaissance des formes, des valeurs et des couleurs tout en m’attachant à bien les poser. Ce qui est parfois difficile dans ce type d’exercice, c’est qu’il y a des étapes où il faut accepter que cela ne ressemble à rien. La ressemblance ne vient que de la justesse de la vision. C’est un couronnement.

CARNET S D’ADRESSE

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Désordre de fleurs. 2013. Huile sur toile, 70 x 60 cm.

QU’EST-CE QUI PRÉSIDE AU CHANGEMENT TECHNIQUE CHEZ UN PEINTRE, COMMENT ÉVOLUE SON RAPPORT AU SUJET, À LA FIGURATION ET À LA L’ABSTRACTION ; QUID DE LA QUESTION DE LA FORMATION ET DE SA FILIATION QUAND ON EST NÉ DANS UNE FAMILLE D’ARTISTES ? AUTANT DE QUESTIONS AUXQUELLES MATHIEU WEEMAELS A ACCEPTÉ DE RÉPONDRE EN NOUS RECEVANT, À BRUXELLES, DANS L’UNIVERS INTIMISTE DE SON ATELIER.

Mathieu Weemaels

L’ARTISAN DU SILENCE C

’est au 5 e étage de sa maison Bruxelloise que Mathieu Weemaels aime prendre de la hauteur, ou plutôt du recul, dans son vaste atelier dont la vie est rythmée par la lumière douce et froide du « plat pays » qui, chaque matin, lève progressivement le voile sur des grands formats en attente d’un épilogue. Le silence qui y règne est quasi religieux, à peine perturbé par le bruit des

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Texte et photos : David Gauduchon

pas qui résonnent dans l’escalier. Mathieu Weemaels endosse sa blouse maculée de matières colorées, s’assoit dans un fauteuil bringuebalant puis, songeur, s’attarde longuement sur une composition épurée où les masses, déclinées en camaïeux de gris et de bruns chauds, reposent sur un équilibre géométrique abstrait. Sur une desserte, située en retrait de la composition, une pomme toute rabougrie et

quelques pétales de rose séchés sont les témoins de l’intensité d’un dialogue en passe de se clore. Économe des mots qu’il trouve, sans doute, trop interprétatifs, Mathieu Weemaels a choisi un autre langage, lui qui enfant rêvait de devenir organiste. À l’issue d’une démarche longue et personnelle, émaillée de doutes et de rencontres, il sera finalement peintre, une autre façon de répondre à sa recherche

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La recherche de composition

MATHIEU WEEMAELS

d’absolu, de vivre son rapport au monde dans toute sa plénitude, dans un calme qui n’est somme toute qu’apparent. Car si chez lui, tout semble musicalité, intériorité et spiritualité, les tensions qui s’opèrent dans sa quête d’une esthétique poétique n’en sont pas moins palpables, à l’instar de cette frontière ténue entre figuration et abstraction que l’on perçoit dans un jeu de miroir – un thème qui lui est cher – où l’ordre établi des choses se projette dans une réalité complexe sans cesse repoussée, une variation infinie.

DU PASTEL À LA PEINTURE À L’HUILE L’odeur de la térébenthine qui exhale son parfum coutumier attire l’attention sur des tubes de peinture à l’huile entreposés sur les boîtes de pastels secs. Faut-il y deviner une forme de cohabitation nouvelle ? Pourtant, de grands tiroirs entrouverts dévoilent des milliers de bâtonnets, tous fabriqués des mains de l’artiste, qui confesse : « Depuis

un an, je n’ai pas retouché à un pastel, une technique dont j’ai pourtant exploré les fabuleuses ressources pendant plus de deux décennies. » Au fond de l’atelier, sur un grand chevalet à crémaillère, repose un paysage inachevé dont les verts répondent à une multitude d’éclats oubliés dans une assiette. Dans l’attente d’une reprise hypothétique, tout semble pour l’heure figé… « Mon glissement vers la peinture à l’huile s’est opéré en fait très progressivement. En 2003, après avoir vu une exposition de Lucian Freud à Londres, le nu a fait son apparition dans ma peinture et m’a fait prendre conscience de toute la charge émotive qu’un corps pouvait exprimer, tout en me renvoyant à une approche très personnelle. L’humain trouvait sa place, dans sa plus simple expression, comme posé parmi les vestes, les bols, les fleurs séchées et les paysages qui peuplaient mes tableaux. Mais curieusement, ce qui

Puisque la plupart du temps, mes sujets sont des non-sujets, des objets sans histoire, et que je travaille essentiellement en atelier, sans l’aide de photos, les possibilités sont assez réduites, et il s’agit avant toute chose d’idées de composition, d’assemblages de couleurs. Les miroirs, dont je me sers très souvent, vont en ce sens vu qu’ils déstructurent les compositions et modifient la scène de la nature morte traditionnelle en y apportant une dimension abstraite, géométrique. De plus – mais à cela je n’ai pensé que plus tard – le miroir est un objet particulièrement porteur de sens, je trouve. L’ici et l’ailleurs, la vie, la mort etc. Les possibilités sont multiples, et je laisse chacun libre d’y voir ce qui lui plaira. Mais pour revenir à la question de la composition, elle est, bien souvent, un peu le fruit du hasard. Disons que c’est un mélange de scène préparée et de savante négligence. Dans le cas de ces photos, je peignais depuis quelques jours une composition à la mandarine sur une nappe blanche. En voyant un fruit moisissant dans mon panier à fruits, j’ai été saisi par la beauté des vert-de-gris dus à son état de décomposition, et j’ai immédiatement pensé que cela serait du plus bel effet sur ma nappe blanche – ce que je me suis empressé de vérifier dès le lendemain matin. La scène est parfaite pour moi, et me fait penser à une partition de musique avec les motifs de la nappe. Il s’agit bien avant tout de cela : de musicalité de la scène, de lignes, de rythme et de couleurs.

ENTRE PÈRE ET FILS C’EST UNE RENCONTRE À LA FOIS BELLE, RARE ET INTENSE À LAQUELLE NOUS CONVIE MATHIEU WEEMAELS ; CELLE D’UN FILS ET D’UN PÈRE, JACQUES WEEMAELS, MAIS

ENCORE ENTRE DEUX PEINTRES DONT LES UNIVERS RESPECTIFS SEMBLENT SI DIFFÉRENTS, POUR NE PAS DIRE DIAMÉTRALEMENT OPPOSÉS – EN APPARENCE, TOUT DU MOINS.

PDA : Mathieu, vous êtes fils et petit-fils de peintre. Quels souvenirs d’enfance avez-vous ? Mathieu W. : Aussi loin que je me souvienne, mon regard d’enfant n’était pas particulièrement sensible aux œuvres de mon père, qu’à l’époque je ne comprenais pas vraiment. J’étais plus intéressé par l’aspect manuel de son travail : le voir dessiner, mélanger ses couleurs. J’ai un souvenir olfactif qui est presque plus prégnant. Jacques W. : Il faut dire qu’à l’époque, les circonstances familiales n’aidaient pas, Mathieu ne me rendait visite à l’atelier que trop peu souvent.

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PDA : Parlez-nous de votre peinture, Jacques Weemaels. J.W. : J’ai 72 ans. Mélomane, j’ai toujours conduit deux passions. PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Depuis 1965, je m’inscris dans le courant de la peinture abstraite, que je n’ai eu de cesse d’explorer, avant de revenir en 2009 à l’abstraction géométrique. Je suis un peintre de mon temps, avec pour référence des artistes comme Vasarely, Pollock et Joan Mitchell, pour ne citer qu’eux. Je peins à la peinture Flashe depuis les années 70 et je multiplie les expériences sur de nombreux supports avec un grande liberté. Architecte de formation, J’ai été aussi très sensible à la démarche du peintre Josef Albers, par ailleurs professeur au Bauhaus. j’ai aussi étudié la sculpture non figurative auprès de Jacques Moeschal. Tout cela nous renvoie à l’écurie d’artistes qui étaient représentés par la fameuse galerie de Denise René, rue de la Boétie, à Paris.

PDA : Comment travaillez-vous ? J.W. : Pour moi, le plus important du travail s’est toujours fait avant de prendre un crayon ou un pinceau, dans une lente maturation d’ordre intellectuel. La musique nourrit mon processus créatif. Étudiant en architecture, je me rendais 5 fois par semaine au concert. C’est là que mon futur projet se mettait en place, avant que je ne retrouve l’atelier. M.W. : En ce qui me concerne, ça n’a jamais été le cas. Je travaille en silence et j’ai besoin de la matrice du réel pour nourrir ma réflexion, mon projet de composition se construit dans une forme de dialogue, que ce soit avec le modèle ou les objets qui m’entourent. J.W. : Ce qui est normal : ta sensibilité est différente de la mienne, ta personnalité aussi.

Une journée à l’atelier. 2008. Pastel sec, 80 x 80 cm.

fonctionnait dans mes compositions au pastel, je n’arrivais pas à le transposer à l’huile – technique que j’avais initiée timidement en parallèle. Ce médium me résistait autant qu’il me fascinait. J’aime l’idée que le peintre demeure un chercheur d’or, qui sans relâche poursuit la quête d’une pépite plutôt que de se conforter dans une pratique maîtrisée… C’est à partir de 2009 que l’huile prend une place plus importante dans mon travail, période à laquelle j’ai ressenti le besoin de faire un livre pour mettre des mots sur mon quotidien. J’ai pris conscience que j’avais peutêtre fait un peu le tour du pastel, même si cela peut paraître présomptueux. La technique me procurait en tout cas moins de plaisir. Il ne faut pas oublier que le pastel, c’est non seulement poussiéreux, contraignant à encadrer, délicat à transporter, mais aussi particulièrement physique dès

Caban. 2006. Pastel, 85 x 65 cm.

PDA : Comment s’est construite votre relation de peintre? J.W. : J’ai toujours veillé à laisser Mathieu entièrement libre de ses choix, de ses envies. Jeune, il nourrissait une vraie passion pour le dessin. Un vrai talent qu’il mettait au service de la bande dessinée. M.W. : À 18 ans, j’ai tout plaqué, j’ai tourné le dos à cet univers graphique. J.W. : Oui, c’était une période assez difficile pour toi. Très exigeant, tu détruisais beaucoup. Heureusement, j’ai pu sauver quelques-uns de tes travaux, que je t’ai d’ailleurs remis plus tard. PDA : C’est votre amour du dessin, Mathieu, qui vous a poussé à suivre les cours de l’école de la Cambre, à Bruxelles? M.W. : Oui, j’y ai reçu un enseignement rigoureux où le dessin et le pastel tenaient une grande place. Un de mes professeurs de

l’époque nous disait qu’il ne fallait pas chercher à être contemporain, qu’on l’était déjà… Je ne me suis pas vraiment retrouvé dans cet état d’esprit, pas plus que dans celui des élèves qui pensaient, pour la plupart, être habités par le génie… Je suis parti au bout de deux ans. Je savais que je voulais peindre et c’était tout. J.W. : Tu es alors venu me voir et je t’ai proposé une pièce contiguë à mon atelier pour travailler. M.W. : J’étais un peu perdu. Je ne savais pas quoi peindre... J.W. : Je t’ai alors dit qu’il était vain de vouloir devenir génial, qu’il fallait avant tout que tu mènes un travail d’observation, sans chercher la grande idée ; que l’on ne pouvait prétendre avoir un style à 22 ans, car le « style », on le développe toute sa vie! Je t’ai encouragé à dessiner des choses simples : une chaise, une tasse, ton caban noir...

M.W. : Tu es sûr que c’est toi, le caban? J.W. : Absolument. J’ai même conservé ta première composition autour de ce sujet. Puis, je t’ai emmené souvent au musée, pour t’expliquer la composition, te montrer que la peinture figurative ancienne s’appuie sur les mêmes principes que la peinture abstraite, où tout n’est que ligne, couleur, contraste. Je t’ai encouragé à aller faire des pochades sur le motif pour les agrandir ensuite sur toile. Tu as beaucoup travaillé à cette époque. J’ai pu te transmettre ce que je n’avais pu te donner jusque là. Mon travail de père terminé, tu as ensuite pris ton envol vers ta première exposition. M.W. : Avec le recul, j’ai compris que nos peintures respectives ne sont pas si différentes. Elles répondent avant tout à une quête spirituelle, à cette recherche de l’essentiel, un silence poétique.

Portrait Mathieu Weemaels est né en 1967. Fils du peintre Jacques Weemaels, il se passionne tout d’abord pour la BD et l’illustration. Après un passage à la Cambre, école des arts graphiques de Bruxelles, il décide de poursuivre seul sa formation et sa recherche picturale en explorant les ressources du pastel sec. En 2001, il reçoit le prestigieux prix R. Janssens de l’Académie Royale des Beaux-Arts Belgique. Son œuvre est exposée en France, en Belgique, en Italie et au Danemark.

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MATHIEU WEEMAELS

lors que l’on aborde de grands formats. Les douleurs après une séance intense étaient de plus en plus présentes. » Dans ce qui s’apparente à une mise en danger, le basculement vers une autre technique, il faut probablement discerner chez Mathieu Weemaels une forme de maturité et de force intérieure, qui pressent de nouveaux champs exploratoires. « Une véritable aventure dont l’issue était pour le moins incertaine. Il m’a fallu me réinventer par rapport à la peinture à l’huile, me réapproprier des effets propres à l’intimité de mes tableaux. Un retour à la case départ s’est imposé, car je ne pouvais pas brûler les étapes d’un apprentissage quand bien même ma démarche, comme toujours, était celle d’un autodidacte. Je me suis tourné vers le petit monde clos de mon atelier en me souvenant, plus ou moins consciemment d’ailleurs, des conseils bienveillants de mon père lorsque j’étais étudiant “Mathieu bosse, tu verras bien! Vois d’abord ce que tu sais faire avant de vouloir être génial…” ». Une vieille gabardine, un pot, une table, une chaise, un bout de tissu, ces objets, en apparence insignifiants, ont toujours fait partie de l’univers de l’artiste. « Bien que j’aie toujours été attiré par la figuration, mon objectif n’est pas de recopier ce que je vois exactement, mais de créer une œuvre qui soit parlante et se suffise à elle-même. Au fond, le sujet réel de mes “coins d’atelier”, c’est le silence, la solitude, la beauté des objets qui se révèle lorsqu’on s’y attarde. » Qu’il peigne à l’huile ou au pastel, Mathieu Weemaels a finalement su rester le même, mû par une exigence toujours aussi grande qui demeure son fil d’Ariane. CARNET S D’ADRESSE

Retrouvez ses coordonnées dans notre carnet d’adresses p. 114 et sur notre site : www.pratiquedesarts.com

Cimes. 2007. Huile sur toile, 110 x 110 cm.

LES PAYSAGES, LE PLAISIR DE LA COULEUR Mes paysages en général, et les cimes en particulier, m’amènent au plaisir de la couleur, à la beauté de la nature. Mais mes références sont plus à chercher du côté de la peinture abstraite que dans la tradition du paysage. C’est cette tension entre abstrait et figuratif qui me stimule. En levant la tête, dans le hall de l’Opéra de Bruxelles, on découvre une grande composition abstraite du peintre américain Sam Francis ornant le plafond, dont la liberté d’exécution et les couleurs jetées sur la toile comme des taches, dégagent un sentiment de joie et de vie qui m’ont séduit chaque fois que j’y suis allé. Un jour, couché dans l’herbe d’un parc, j’ai regardé vers le ciel, observant les feuilles, les branches et les grandes zones de bleu qui orchestrent le tout. Une nouvelle perspective s’est ouverte à moi, vertige mélangeant les repères de bas et de haut, et j’ai repensé à Sam Francis. Paysage de France. 2014. Pastel sec, 80 x 40 cm.

« Mes références sont plus à chercher du côté de la peinture abstraite que dans la tradition du paysage. » 40

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Jeux de miroir

T B Q  g  T 3B

« ON RETROUVE TRÈS SOUVENT DES MIROIRS DANS MES COMPOSITIONS. J’AI TOUJOURS ÉTÉ ATTIRÉ PAR LE RÉEL REFLÉTÉ, CRÉANT L’ILLUSION D’UN AUTRE MONDE POSSIBLE, D’UNE AUTRE RÉALITÉ À PORTÉE DE MAIN. PEU À PEU S’EST DÉVELOPPÉE L’IDÉE D’UTILISER CES MIROIRS COMME DES FENÊTRES, COMME UN TABLEAU DANS UN TABLEAU, UN LIEN VERS L’ABSTRACTION : UN ESPACE PLUS LIBRE AU SEIN MÊME DE LA FIGURATION ET DE SES EXIGENCES. » Mon matériel Mes couleurs J’utilise plusieurs marques : Michael Harding, Leroux (leurs couleurs terre et violet sont magnifiques), Blockx, Sennelier, Old Holland. Ma palette - Blanc titane et blanc de zinc - Terre d’ombre naturelle, ingrédient de base - Ocre jaune Roussillon et ocre jaune clair (Leroux) - Outremer violet de Leroux et divers rouges - Bleu outremer foncé Mais les teintes les plus utilisées sont les terres brun foncé et ocre.

1

Après avoir choisi le sujet que je veux peindre et positionné les différents objets – sélectionnés pour leur qualité plastique, leur façon de prendre la lumière, leur symbolique, ou ce qu’ils m’évoquent sur le moment – je pose les premières marques sur la toile, et commence à organiser l’espace. J’utilise pour cela une couleur neutre, généralement une nuance de gris-brun.

2

En fonction de ce qui me plaît dans la scène réelle, j’ajuste les échelles des objets. Dans ce cas-ci, je souhaite être relativement précis dans la définition de la petite boîte cubique par exemple, il faut donc qu’elle soit assez grande sur la toile.

3

Si nécessaire, je replace librement les éléments pour chercher l’équilibre dans la composition générale et un certain degré de précision sur lequel je souhaite insister dans la définition. En effet, j’aime pouvoir peindre certains objets en détail même si je ne perds pas de vue qu’une toile est avant tout une composition géométrique avec des formes, des couleurs, des lignes.

Liant Je commence avec un liant Sennelier qui sèche assez vite : Flow and Dry, une sorte de gel. Ensuite, je passe à un mélange huile de lin et térébenthine. Parfois, j’ajoute de la craie à mes huiles, pour augmenter l’aspect mat. Mes pinceaux Synthétiques, bouts légèrement arrondis, avec en général un pinceau bout droit pour les arêtes.

4

Lorsque les éléments sont en place, je commence petit à petit à installer les espaces autour, les couleurs, les masses et les aplats.

5

Avant de continuer, et afin d’avoir une vision claire de l’ensemble, je recouvre toute la toile, sans trop me soucier de savoir si ce sera la couleur définitive. Je commence ainsi à me faire une idée précise de son rendu.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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MATHIEU WEEMAELS

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6

Je précise les objets représentés, les ombres sur la table, la définition des feuilles, l’intérieur de la boîte cubique, et cette couleur violacée que j’aime tellement. C’est elle qui m’a donné l’envie de peindre cette boîte plutôt qu’un autre objet. Parfois, je détruis aussi volontairement ce qui était trop bien fait, trop lisse, trop évident : ces éléments, j’aime les remettre un peu en danger, en question. Je « nourris » aussi les surfaces en les nuançant et en enrichissant la matière grâce à des nouvelles couches de peinture. Je peins assez en pâte, j’aime l’onctuosité de la peinture à l’huile. Je n’utilise jamais le glacis.

7 À un moment, je déplace ma toile dans un autre coin de l’atelier, je la pose sur un autre chevalet, ou je déplace mon chevalet, et je l’observe longuement. Cette opération a pour but de me détacher de la référence du sujet et d’envisager la toile comme une réalité à part entière. Si je sens qu’une partie qui se trouve pourtant dans la réalité n’apporte rien à la toile, l’alourdit ou la complique inutilement, je n’hésite pas à l’enlever. C’est le cas de la partie basse du miroir.

« Il faut que le silence s’installe, et que la toile se mette à parler. » 42

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

8 C’est l’étape la plus difficile : sentir si la toile est terminée. Cela n’a rien à voir, dans ma conception de la peinture, avec la justesse de la représentation. Il faut qu’une évidence s’impose, que le silence s’installe, et que la toile se mette à parler.

Alice. 2016. Huile sur toile, 80 x 60 cm.

Le

guide pratique DES GESTES

N° 127

ET DES ASTUCES

Testé pour vous

Dessin

Huile alla prima

p. II

p. IV

p. VIII

Que penser des aquarelles végétales Lutea ?

sonne le retour i Zoom sur les différentes manières Le printemps des pochades sur le motif ! de composer un paysage.

Pastel

Huile

Sculpture

p. XII

p. XVI

p. XX

T Toutes lles leçons de ce jardin exotique sont bonnes à prendre!

À découvrir

Les recettes pour rendre les mille et une nuances de la carnation.

Photo

D d la couleur Donnez de à vos sculptures!

Courrier des lecteurs Nos spécialistes répondent à toutes vos questions.

p. XXX Tribune

p. XXIV

p. XXVIII

Et sii vous repassiez à la peinture sur bois ?

h Comment photographier des personnages en situation?

La transparence : aquarelle vs huile!

p. XXXII PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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TESTÉ POUR VOUS

Avec la collaboration de Jean-Claude Papeix

Les aquarelles végétales Lutea VENUES DE BELGIQUE, LES AQUARELLES LUTEA PROPOSENT AUX ARTISTES DE REDÉCOUVRIR DES TEINTES NATURELLES

: GARANCE, COCHENILLE, INDIGO, REINE-DES-PRÉS, CAMPÊCHE… DOUZE COULEURS ISSUES DE PLANTES OU D’INSECTES QUE NOUS AVONS CONFIÉES À JEAN-CLAUDE PAPEIX. VOYONS CE QU’IL EN PENSE.

DEPUIS LONGTEMPS OUBLIÉES

Présentation générale

©123RF/Melinda Fawver

Formée par Michel Garcia, spécialiste des plantes végétales et fondateur de l’entreprise Plantes et Couleurs (Vaucluse), l’artisane belge AnneSylvie Godeau a mis au point 12 couleurs aquarelle avec l’aide d’Isabelle Roelofs, fondatrice de la marque Isaro. Ces couleurs « bio » sont extraites de 4 sortes de matières premières végétales : ■ plantes cultivées en agriculture biologique par Lutea, comme le cosmos (orange), le fraisier (gris) et le polygonum ou renouée des teinturiers (indigo) ; ■ plantes glanées dans leur milieu, comme la reine-des-prés (vert clair et vert foncé) et les étampes de noyer (brun) ; ■ plantes recyclées à partir de résidus agricoles et industriels, comme le solidage canadien (jaune) et le thym (orange foncé) ; ■ plantes historiques importées, provenant d’entreprises respectueuses de l’environnement, comme la garance d’Iran (rouge et rose) et le campêche de Guadeloupe (violet). À ces onze couleurs vient s’ajouter le carmin, fabriqué à partir de cochenille des Canaries.

Polygonum tinctorium

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Première impression Ce que l’on constate tout d’abord lorsqu’on se trouve face à cette gamme restreinte à 12 couleurs, c’est le manque de teintes primaires. Ce n’est donc pas une gamme complète pouvant se suffire à elle-même, mais une série courte et originale à utiliser en complément de sa palette habituelle. On se sent un peu comme ces artistes du passé devant se contenter d’un nuancier lacunaire de teintes offertes par la nature et souvent imparfaites, avant que n’apparaisse tout l’éventail des pigments synthétiques, à la fois puissants et performants, et surtout capables de couvrir l’ensemble de la gamme chromatique. Toutefois, si la plupart de ces pigments végétaux ont aujourd’hui disparu, remplacés par des pigments synthétiques, c’était aussi en raison de leur fugacité. Or, Anne-Sylvie Godeau indique que toutes ses couleurs ont passé les tests de permanence avec succès.

La gamme en détail ■ Jaune (laque de solidage) : un jaune verdâtre

qui ressemble au vert doré, bien connu des aquarellistes ■ Brun (laque de noyer) : extrêmement proche du brou de noix ■ Orange (laque de cosmos) : un brun rouge qui fait penser à la terre de Sienne brûlée ■ Orange foncé (laque de thym) : un orange un peu terne ■ Rouge (laque de garance) : ressemble à la garance brune, rien à voir avec un rouge franc ■ Rose (laque de garance) : un joli rose de garance ■ Bleu (indigo polygonum) : ressemble à un bleu de cobalt mais plus grisâtre ■ Violet (laque de campêche) : un violet très bleuâtre ■ Carmin (laque de cochenille) : un violet de cobalt un peu foncé ■ Vert foncé (laque de reine-des-prés) : assez proche du vert de pérylène ■ Vert clair (laque de reine-des-prés et indigo) : il s’agit du vert précédent avec une pointe d’indigo ■ Gris noir (laque de fraisier) : comparable au gris de Davy.

II

Texte et photos : Stéphanie Portal

Nuancier

Vert clair

Jaune

Gris

Brun

Vert foncé

Bleu

Les tons font immédiatement penser à des couleurs textiles artisanales. Il s’agit en effet principalement de laques (sauf l’indigo, rare plante à fournir un pigment qui ne soit pas laqué), soit des couleurs transparentes : les teintes sont délicates, riches en subtilités. Habitué aux gammes industrielles, fabriquées à partir de pigments synthétiques, on est surpris de découvrir des teintes aux tons rabattus. On sait par exemple qu’à poids égal, la garance naturelle est presque 100 fois moins colorante que l’alizarine artificielle.

Nos conclusions TRÈS BIEN ■ ■

Couleurs 100 % bio Belle présentation

BIEN ■ Des tons rabattus intéressants

MOINS BIEN ■ Palette encore trop restreinte pour le moment ■ Comportement difficile des couleurs (aplats, granulation).

En mélange

Violet

Carmin

Rose

Orange

Orange foncé

Rouge

Design

©123RF/Jolanta Dabrowska

Reine-des-prés

III

Les tubes de couleurs me sont arrivés dans une boîte provisoire en carton. La présentation dans de petits tubes de 9 ml est simple, avec des étiquettes imprimées qui reprennent le nom en bilingue français/anglais (« rose/pink ») et le nom de la plante (« laque de garance »). Succinct mais suffisant : pas besoin ici de formule pigmentaire. Rien en revanche sur la permanence. On s’attendrait à une présentation plus traditionnelle, comme l’aiment les fabricants artisanaux. Mais Lutea, avec son logo et son design moderne, fait très pro et propre. La petite brochure qui accompagne les couleurs associe chacune d’entre elles avec de belles photos de la plante dont elle provient. Le site internet aussi est clair et bien présenté.

Ces teintes donnent envie de fabriquer des gris, même si la palette modeste limite les mélanges. J’ai par exemple testé plusieurs associations, dont la garance rose avec le jaune verdâtre qui donne effectivement un beau gris coloré. Les couleurs se mélangent bien avec d’autres marques mais ont du mal à tenir le coup face à des pigments opaques. Mieux vaut donc les associer à des pigments minéraux et tirer profit de leur transparence. Si certaines couleurs manquent d’homogénéité, on obtient avec d’autres de beaux effets de transparence. Les aplats sont toutefois difficiles à réaliser, comme si la couleur manquait de concentration pigmentaire. À noter également la granulation du pigment, présente dans la plupart des couleurs.

Fiche d’identité

Conclusion J’ai été un peu déçu par ces couleurs qui manquent de constance et restent difficiles à travailler. Leur côté suranné peut plaire à certains artistes et on ne peut que se réjouir de disposer de couleurs de fabrication « bio ». J’émettrais toutefois des réserves sur leur qualité dite « extrafine » et sur leur prix, assez excessif. Selon moi, la gamme n’apporte rien de nouveau mais ce jugement sera peut-être à revoir quand le nuancier se sera étoffé (20 couleurs prévues). Je recommanderais ces couleurs à des carnettistes pour des petits formats ainsi qu’aux illustrateurs, afin de créer des ambiances particulières.

■ Gamme 12 couleurs aquarelle extrafines ■ Permanence Sur l’échelle de laine (qui culmine à 8), 7 couleurs sont classées 6, 3 sont classées 5-6, une classée 5 et une classée 4-5. ■ Caractéristiques Couleurs naturelles et biologiques issues de plantes et d’insectes ■ Conditionnement Tubes de 9 ml ■ Assortiments Coffret complet en bois de chêne recyclé, fabriqué sur mesure en Belgique par Entranam ■ Prix indicatifs - 4 séries de prix/tube : 15 € (série 1), 16 € (série 2), 19 € (série 3), 21 € (série 4) - Série des 12 couleurs : 200 € (180 € à l’atelier Lutea) - Coffret en bois : 235 € ■ Revendeurs - Atelier Lutea (Ittre) - Droguerie Le Lion (Bruxelles) - Nias papeterie (Waterloo) - Papeterie IPL (Liège). Plus d’infos dans notre carnet d’adresses p. 114 ou sur notre site.

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DESSIN

Dessins : Albina Simatova

Comment organiser

un paysage ?

NOUS ALLONS FAIRE UN TOUR D’HORIZON DES DIFFÉRENTES POSSIBILITÉS QUI S’OFFRENT À VOUS POUR COMPOSER UN PAYSAGE CAMPAGNARD AVEC DIVERS ÉLÉMENTS (CHAMPS, ARBRES, PETITE MAISON OU GRANGE, ÉTANG, CHEMIN, LIGNE D’HORIZON, CIEL…). VOUS SAUREZ AINSI COMMENT METTRE EN SCÈNE UN PAYSAGE SANS RECOPIER UNE PHOTO, OU BIEN SUR LE MOTIF EN ORGANISANT VOTRE DESSIN POUR LE RENDRE ATTRAYANT.

Schématiquement, qu’est-ce qu’un paysage ?



Voici représenté ici, comme un décor de cinéma, un paysage schématique, comportant tous les éléments nécessaires à sa composition. Vous retrouvez un chemin, une grange, un arbre, une ligne d’horizon et, pour finir, la montagne et le ciel en arrière-plan. Comment les mettre en scène ? C’est le sujet de cette démo. Bien sûr, dessiner un paysage ne relève pas de la science exacte, mais avoir à l’esprit quelques règles au moment de dessiner peut vous éviter quelques erreurs qui rendraient votre travail maladroit aux yeux de personnes averties [Fig. 1].

Comment situer la ligne d’horizon ? Sauf cas particulier – paysages marins, de haute montagne ou urbains –, il existe trois possibilités. La première, la plus courante, correspond au regard que vous portez sur le paysage en vous tenant debout. Regardez en face de vous, la tête droite, sans baisser ni lever les yeux. L’endroit exact où pointe votre œil correspond à la hauteur de la ligne d’horizon. Ce qui signifie que la ligne d’horizon se situe à la hauteur des yeux. Dans ce cas, elle se place bien sûr derrière la maison, à la base des arbres. Le chemin au premier plan donne l’effet de profondeur ou de perspective, ainsi que tous les autres éléments qui encadrent la maison [Fig. 2].



Pour la deuxième possibilité, imaginons que vous êtes un peu fatigué par une longue promenade. Vous dessinez assis ou allongé, la ligne d’horizon se situe toujours au niveau de vos yeux, mais plus bas. Le premier plan sous la ligne d’horizon est beaucoup plus étroit [Fig. 3]. Troisième possibilité : vous êtes en hélicoptère ou sur une colline, donc installé en hauteur. La ligne d’horizon remonte d’autant, vous surplombez le paysage, mais à moins d’intégrer un premier plan expliquant visuellement votre situation, le dessin manque de naturel [Fig. 4].





À noter. Remarquez que dans le paysage, à part dans le cas d’une succession d’arbres le long d’un chemin ou de la présence de bâtiments importants ou nombreux, la perspective est très peu présente. Il est alors préférable de parler de superposition de plans et de profondeur de champ. Le positionnement de la ligne d’horizon est donc important, car celle-ci conditionne votre futur dessin et ce qu’il va exprimer. Évidemment, la première solution est la plus naturelle. Vous allez voir maintenant avec ce point de vue « naturel » ce qu’il est possible de faire.

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IV

Texte et photos : Jean-Pierre Parlange

Le choix et la mise en valeur du sujet principal La première évidence est que vous pouvez faire varier la taille des différents éléments qui composent votre paysage. Suivant ce que vous mettrez au premier plan, suivant le cadrage, et suivant la composition, vous ne raconterez pas la même histoire et vous créerez des ambiances différentes. Vous abordez ici la composition, qui est l’art d’assembler de manière esthétique les divers éléments que vous avez à votre disposition pour exprimer vos sentiments, pour paraphraser Henri Matisse.







Le premier plan n’est pas toujours le sujet principal. Vous pouvez par exemple dessiner un arbre ou n’importe quel élément au premier plan simplement pour donner de la profondeur à votre croquis et mettre la maison en valeur. Ici, l’arbre et le chemin mènent le regard à la maison [Fig. 5]. La deuxième solution est moins élégante, mais elle conviendrait parfaitement à une mise en situation avec des personnages, par exemple [Fig. 6]. Autre possibilité : composer votre tableau de manière à placer le sujet pour qu’il occupe une moitié d’image délimitée par la diagonale. Vous mettez en œuvre un équilibre entre le plein et le vide, mais prenez garde tout de même à équilibrer l’image. Ici, c’est l’arbre qui fait contrepoids [Fig. 7].

Les erreurs à éviter ! Évitez toujours les points de contact maladroits. Ici, nous en avons réunis quelques-uns, comme le haut de l’arbre qui touche le trait de la montagne, le chemin qui se termine dans le coin du dessin et les contacts du toit avec les arbres. Ce sont des points de détail, bien sûr, mais additionnés les uns aux autres, ils perturberont la lecture du dessin [Fig. 8]. Autre maladresse à éviter : une ligne d’horizon située en milieu de feuille, ainsi que la montagne qui touche presque le bord du dessin. Ce sont des choses qu’il faut prendre en compte avant de dessiner [Fig. 9]. Dans le même esprit, évitez aussi les symétries verticales car elles n’existent pas dans la nature, sauf malencontreux hasard [Fig. 10]. Pour terminer cette liste, il faut aussi éviter de placer les centres d’intérêt sur les côtés du dessin, en laissant un grand vide au centre [Fig. 11]. Toutes ces petites erreurs peuvent paraître évidentes, mais il est facile de les commettre, soit par ignorance, soit par distraction dans le feu de l’action.

V









PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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DESSIN

Comment organiser un paysage (suite)

Un paysage imaginaire dessiné

« La gomme est le négatif de votre crayon : l’un permet de noircir, l’autre d’éclaircir. »

Pour mettre en application ce que nous venons de voir, voici un paysage qui inclut tous les éléments que nous venons d’analyser. Pour corser la démo, nous allons imaginer une nuit de pleine lune et intégrer un élément supplémentaire : un étang. Le but n’est pas de dessiner de manière réaliste, aussi bien au niveau de la lumière que des détails, mais de créer une atmosphère romantique et impressionniste.

Le matériel : Une gomme blanche, un cutter, différents crayons H, HB, 2B. Et une feuille A4 de papier dessin à grain fin.

1. La mise en place des éléments, l’esquisse Comme toujours en dessin (et en peinture d’ailleurs), c’est l’étape la plus importante car, à ce stade, une erreur ne se rattrape pas. Tracez les contours de votre sujet, prenez le temps de dresser une bonne esquisse. Pour plus de souplesse, nous travaillerons le format en hauteur, ce qui nous laissera la possibilité de recadrer le dessin à notre guise lorsqu’il sera fini. Pour le cadrage définitif, nous emploierons la règle des tiers, plus simple que la règle d’or. L’eau occupera le tiers inférieur, le sujet principal le tiers central, la lune, les crêtes et le ciel le tiers supérieur [Fig. 12 et 13].

 2. Détacher les différents plans Lorsque le trait est en place, il ne reste plus qu’à ombrer, en allant du plus flou au plus précis, du plus clair au plus sombre. Pour esquisser les éléments, plutôt qu’un crayon, nous allons utiliser un papier mouchoir doux à la manière d’une estompe. Taillez la mine HB pour obtenir une poudre que vous récupérez sur le papier mouchoir. Ensuite, dégradez le ciel et délimitez la ligne de crête de la montagne. Couvrez pour finir la maison, les arbres et dégradez la surface de l’eau. Travaillez de haut en bas sans toucher la feuille pour ne pas la marquer [Fig. 14 à 17].

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016





3. Précisez les détails à la pointe du crayon La technique des hachures consiste à tracer de nombreuses lignes parallèles proches les unes des autres, afin de créer un effet d’ombre. Croisées, elles forment des entrelacs de lignes sur votre dessin. C’est une très bonne manière d’assombrir une zone rapidement et facilement, tout en conservant une certaine texture dynamique à la zone concernée. Chaque plan est ainsi précisé sans soucis du détail réaliste. Ni tuiles sur les toits, ni feuilles dans les arbres, juste une utilisation judicieuse des hachures et de l’estompe au service d’une image qui n’enfermera pas le spectateur dans des codes photographiques [Fig. 18 à 20].





 VI

À noter. Dessiner les ombres, c’est aussi travailler la lumière. En effet, plus vous noircissez certaines zones, plus vous faites ressortir la lumière. Quand vous travaillez votre dessin au crayon, il est bon de garder ceci à l’esprit. Le travail d’ombrage est assez long, car toute la surface est travaillée simultanément. Aucune partie n’est aboutie séparément, cela vous permet de garder une vision globale de votre dessin et ainsi de conserver un équilibre général satisfaisant. C’est une règle qui s’applique à toutes les techniques, il faut absolument éviter de se focaliser sur un détail pour passer au suivant. Si vous procédez de la sorte, vous obtiendrez un patchwork de détails sans aucune unité et le plus souvent maladroit [Fig. 21 et 22].





4. Faire apparaître les lumières. À ce stade, le travail apparaît comme un peu gris,

il lui manque des lumières franches. Pour cela, il existe un outil un peu mal aimé, il s’agit de la gomme. En effet, certains vous diront sans rire qu’il ne faut pas gommer, pour différentes raisons qui n’appartiennent qu’à eux. Mais refuser d’utiliser cet outil, c’est se priver d’un éventail de possibilités presque aussi important que si vous refusez d’utiliser votre crayon ! La gomme est le négatif de votre crayon, l’un permet de noircir, l’autre d’éclaircir. Bien taillée, une gomme permet de réaliser des trames de lumière, de préciser des détails pour créer du clair-obscur. Donc, à l’aide d’une gomme blanche taillée, nous faisons apparaître la lune, en évitant de la positionner en correspondance avec un élément du dessin comme la pointe du toit de la maison, la cime d’un arbre ou le sommet de la montagne. Puis nous ouvrons des lumières sur le toit, mais aussi deux petites fenêtres qui font apparaître la vie. Le bord de l’étang est lui aussi éclairci, avant de passer à la création des reflets sur l’eau [Fig. 23 et 24].





 Pour terminer ce dessin, il sera utile d’animer la surface de l’étang en renforçant les reflets sombres des arbres et de tout autre détail qui vous paraîtrait utile [Fig. 25]. Nous avons créé un paysage imaginaire en respectant certaines règles de composition, mais vous pouvez aussi, si vous les avez à l’esprit, les appliquer lors de la prise de croquis sur le motif ou bien si vous utilisez des photographies comme modèles. N’oubliez pas que dessiner ne consiste pas à reproduire une réalité photographique ou autre, mais bien à réaliser une œuvre de création.

VII

Paysage imaginaire. Crayon sur papier.

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HUILE ALLA PRIMA

Avec la collaboration de Xavier Kosmalski

Pochades printanières L’ARRIVÉE DU PRINTEMPS SONNE LA REPRISE DES SÉANCES SUR LE MOTIF. L’OCCASION DE SORTIR DE VOTRE TORPEUR HIVERNALE EN MULTIPLIANT LES POCHADES TOUT EN PORTANT VOTRE ATTENTION SUR DEUX ÉTUDES DE CAS

: LE TRAITEMENT D’UN CIEL EN MOUVEMENT ET CELUI DE LA VÉGÉTATION QUI EXPLOSE DE FRAÎCHEUR.

Démo 1. Ciel en mouvement

Le sujet : je suis séduit par la pureté de ce ciel de début de printemps encore indécis. Je vais m’intéresser tout particulièrement aux formes des nuages portés par une brise légère. Il faut faire vite !

4. Je reviens avec du gris, plus ou moins dilué et mélangé aux différents bleus de base pour chercher à lier les formes, travailler des passages et « flouter les contours ». J’opère très vite. Je privilégie le geste à l’analyse. Je suis à l’écoute des sensations colorées.

2. Avec mon bleu moyen, je renforce

3. Plus je progresse vers

je pose les ombres des nuages. Je travaille en jus transparent (essence de térébenthine) mes valeurs moyennes que je règle avec un peu de blanc. La lumière naturelle se joue de mon support. Sur le motif, il faut apprendre à s’adapter avant tout. Sur le bas du ciel, j’applique un bleu clair en contournant la forme des nuages.

les nuances qui fusionnent grâce à la couche d’huile de lin appliquée préalablement sur la toile. Je charge progressivement en matière et j’affine le dégradé des ombres en mélangeant le bleu clair avec le bleu moyen. Je joue sur la richesse de la pâte et des traces laissées par la brosse qui participent de ma recherche de mouvement.

la partie sommitale du ciel, plus je densifie mes mélanges de bleu pour finir avec mon feu foncé. Ce travail des contours ne doit en aucun cas figer la forme des nuages. Les effets de matière accrochent la lumière tandis que les transparences disparaissent progressivement au profit des vibrations chromatiques.

5. Je m’intéresse maintenant au contour des nuages. J’emploie ma brosse usée bombée comme une truelle et prélève un blanc réchauffé, de consistance crémeuse (huile de lin) que je dépose sur le nuage situé le plus à gauche.

8. J’essuie ma brosse et je reprends délicatement le contour extérieur, tout en veillant à conserver les jeux d’épaisseur. Je procède de la même façon pour les autres nuages. Je règle constamment la balance entre les tons chauds et froids. Je les empâte un peu moins afin de hiérarchiser mes plans. Le sujet principal reste le plus grand nuage qui opère comme un point focal.

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1. Avec une brosse en soie de porc,

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6 et 7. En respectant la forme, j’étire la matière, en continu, de la gauche vers la droite, tel un fil d’Ariane en quelque sorte. Arrivé au bout du nuage, je fais pivoter mon pinceau et je reviens en arrière, tout en travaillant l’intérieur du contour. J’imprime des rythmes à mon nuage. Notez l’importance du fond chaud qui contraste et apporte de la profondeur.

9. Pochade terminée. J’ai privilégié l’idée du mouvement afin de retranscrire ce ciel dont les silhouettes des nuages s’offrent en spectacle. En 15 minutes maximum, j’en dresse le portrait, ce qui me laisse du temps pour réaliser d’autres esquisses.

VIII

Photos et propos recueillis par David Gauduchon

Astuces

« Ce qui m’intéresse dans la peinture, c’est la spontanéité, c’est retranscrire la vie ! » Palette de base

Concernant les huiles extrafines, ma préférence va à la marque Blockx. J’aime à dire que ce sont des couleurs qui ont « du chemin », c’est-à-dire qu’elles présentent une forte densité pigmentaire. J’emploie aussi la marque Sennelier, qui me permet de jouer avec les effets de transparence du fait de son dosage en pigment moins important.

Ma palette se compose d’une vingtaine de couleurs. Elle s’articule comme suit, en partant de la plus claire vers la plus foncée : blanc de titane, jaune de Naples, jaune de Naples rougeâtre, orange, jaune citron, orange de cadmium, jaune capucine foncé (Blockx), rouge de cadmium clair, rouge de cadmium foncé, terre de Sienne brûlée, terre d’ombre brûlée, indigo, bleu outremer, bleu azur (Sennelier), violet permanent, vert Blockx, vert Véronèse, vert anglais clair (Sennelier), verts de cinabre moyen et clair.

Variante

Support et outils

Pour mes pochades réalisées en extérieur, je travaille sur de petits formats (14 x 17,8 cm) afin de multiplier les esquisses au cours d’une même séance. D’après un même sujet, j’aime capter les évolutions de la lumière et les harmonies colorées au cours de la journée. Je travaille sur panneaux de contreplaqué marine que je prépare moi-même. Je maroufle à la colle de peau de lapin de vieux draps en lin choisis pour leur irrégularité de texture, qui participent de l’effet recherché. Je passe une couche de blanc d’Espagne sur laquelle j’applique ensuite un jus d’aquarelle, ici à dominante ocre orangé afin de jouer sur la complémentarité avec les verts. MON PETIT SECRET. Avant de poser mes couleurs, j’applique une couche d’huile de lin (2/3) mélangée avec un peu d’essence de térébenthine (1/3) sur mon support. Cette application va opérer comme un dénominateur commun, une « liaison » qui va permettre de fusionner les mélanges entre eux. Selon la règle du gras sur maigre, je vais d’abord travailler en jus colorés puis je vais progressivement monter en pâte. PINCEAUX. Brosse en soie de porc usée bombée, taille 2 à 4, y compris pour les grands formats. Pinceaux en martre kolinski n° 0 à 3. Autrement dit, je commence avec des brosses en soie de porc qui « grattent » et je finis avec de la martre soyeuse avec laquelle j’aime empâter. Sa nervosité et sa souplesse me permettent d’écraser la matière afin qu’elle puisse se lier avec les dessous encore frais. La trace du pinceau est le prolongement du geste peint.

TON DE LA LUMIÈRE : Blanc + jaune de Naples rougeâtre + orange de cadmium. J’obtiens ainsi une chaleur dans la lumière. TON DE L’OMBRE : Jaune capucine (Blockx PY83 + PR254) + vert Véronèse + bleu outremer + rouge cadmium foncé. L’ombre est plus froide. GAMME DE BLEUS :

Mélanges de base

Je passe autant de temps à préparer mes couleurs sur ma palette qu’à peindre à proprement parler. La raison en est simple : quand j’applique la couleur, plus rien ne doit m’arrêter. Je compose d’abord les tonalités de la lumière puis les tonalités des ombres. Pour ce ciel, les deux extrémités de ma palette sont un blanc mélangé rompu et un gris coloré foncé.

Un bel exemple de ciel de printemps tout en contraste qui vient ici s’intégrer dans un paysage bucolique.

Pratique des Arts VIDÉO

Appliquer la lumière en matière pratiquedesarts.com/video127/d

IX

Pour mes mélanges, je commence toujours par la couleur la plus claire pour ne pas la salir. J’ai deux godets : l’un contenant de l’huile de lin clarifiée, l’autre de l’essence de térébenthine. Selon la fluidité que je veux obtenir, j’opère avec l’une ou l’autre. Généralement, je travaille en fluidité dans les ombres (avec de l’essence) et en matière dans les lumières (avec de l’huile de lin).

QBleu clair : blanc

(et huile de lin) + bleu azur (PB 15 bleu de phtalocyanine), + 1 pointe de jaune capucine (pérylène oxyde de fer Blockx) Q Bleu moyen : blanc + bleu azur + bleu outremer

QBleu foncé : même

base que le ton moyen, plus de bleus moins de blanc selon le réglage souhaité. À partir de mes bleus de base, je peux décliner une gamme subtile.

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HUILE ALLA PRIMA Démo 2. Verdure et feuillages Le sujet : ces frondaisons offrent une grande richesse de verts. L’espace coloré se décompose par des verts froids bleutés au premier plan, qui se réchauffent progressivement vers le point de fuite du chemin. Le plus difficile dans ce sujet va consister à trouver les bonnes tonalités de vert. Les tons lumière/ombre sont très contrastés. Tout va donc se jouer ou presque dans la préparation des couleurs.

3. Je travaille l’espace coloré (teinte chaude devant, teinte froide derrière) et contrasté (écart ombre/lumière plus fort au premier plan) sans oublier d’organiser l’espace sur un plan linéaire (perspective offerte par le chemin). Je hiérarchise mes plans à l’aide de mes 3 verts de base.

1. Je détermine le point focal qui

2. Plus les dessous sont foncés, plus

se situe au bout du chemin dans le premier tiers supérieur de la composition. Avec un vert brun dilué en jus, je pose un tracé succinct, tout en notant les différentes zones dans l’ombre, qui révéleront plus tard le jeu subtil du scintillement des lumières.

les lumières que vous y poserez seront intenses. Avec une brosse usée bombée, je travaille mes zones d’ombre en posant des touches de vert moyen. Je joue avec le plat et la tranche de ma brosse afin de varier la largeur et l’épaisseur de chaque touche. La monotonie n’existe pas dans la nature.

4. La lumière naturelle bouge mais cela ne me perturbe pas car mes mélanges ont été bien anticipés. Je peux suivre ses évolutions en peignant très vite. Avec un pinceau en martre n° 3, je pose mes verts « lumière » plus en matière. Je structure progressivement le feuillage.

5 et 6. Je reviens sur les informations du premier plan en précisant le graphisme et les lumières sur la plante avec un pinceau en martre n° 0 (ton lumière + vert clair). Je pose les lumières sur le chemin (jaune de Naples rougeâtre + jaune capucine éclairci au blanc).

7 et 8. Avec un pinceau chargé d’une pointe du mélange « vert moyen »,

9 et 10. Je continue à travailler en pâte avec des valeurs plus claires et des teintes

auquel j’ai ajouté un peu de bleu outremer, je frotte délicatement certains de ces aplats afin de marquer les ombres. Je joue aussi sur l’opacité et les transparences afin de faire vibrer l’ensemble. Je reviens fondre les ombres avec une brosse, en jouant sur les transparences, tout en les réchauffant avec mes teintes « lumière ».

lumineuses. La subtilité des verts prend toute sa dimension au gré d’un travail en modulation et en épaisseur de la matière. J’apporte un bleu froid que je devine entre les frondaisons, en haut à gauche de ma composition. Avec un pinceau fin en martre, je suggère le dessin des branches à l’aide d’un brun foncé.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

X

Mélanges avancés La richesse des verts… c’est tout ce qui n’est pas vert ! Ou plutôt tout ce qui va avec les verts et qu’il convient de détecter à travers l’observation de la nature. Je m’explique. Prenez par exemple un vert de cinabre moyen et ajoutez-lui une pointe de jaune, vous allez obtenir un vert jaune très printanier. Ajoutez-lui un orange de cadmium et vous allez obtenir un vert brun chaud, un bleu outremer et vous allez le refroidir. MES VERTS DE BASE : Blockx (phtalocyanine PG7), vert Véronèse, vert anglais clair (Sennelier), vert de cinabre moyen et clair. À retenir : La gamme des verts est la plus étendue, c’est aussi la plus difficile à maîtriser. Pour cette raison, j’utilise des verts monopigmentaires et des verts composés que je décline en tonalités chaudes ou froides selon mes observations ou mes inclinaisons. L’un de mes verts préférés reste le fameux « vert Blockx », un vert de phtalocyanine (PG7) qui, mélangé à du rouge cadmium foncé, me permet d’obtenir une variété des bruns très foncés, presque noir, aux reflets profonds. TON DE LA LUMIÈRE : Blanc + jaune de Naples rougeâtre. TON DU CHEMIN : Blanc + jaune de Naples rougeâtre + jaune capucine. VERT LUMIÈRE : Vert de Cinabre clair + jaune capucine + blanc. VERT MOYEN. Vert cinabre moyen + terre de Sienne brûlée. VERT INTERMÉDIAIRE (un peu plus froid) : Vert de Cinabre foncé + vert Véronèse + vert Blockx + orange de cadmium.

11. Après avoir posé mes rehauts de lumière sur la partie haute de ma pochade, je m’attarde sur les parties gauches et droites du chemin avant de terminer par le premier plan. Cette esquisse fleure bon le printemps tant attendu.

« La gamme des verts est la plus étendue, c’est aussi la plus difficile à maîtriser. »

Variante

VERT FONCÉ : Vert Blockx + rouge de cadmium foncé. Il apparaît en vert-brun sur la palette. Une fois posé sur la toile ocre rouge, ce mélange apparaîtra bien plus foncé, presque noir.

Enrichissement de la palette Vert moyen + bleu outremer.

Vert lumière + vert moyen.

Bleu clair froid : blanc + bleu outremer + jaune capucine.

Pratique des Arts VIDÉO

« La pose des rehauts » Dans ce paysage de printemps, la lumière scintille et réveille des ombres révélées par le jeu des contrastes entre les verts chauds et froids.

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pratiquedesarts.com/video127/e

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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PASTEL

Avec la collaboration de Daniel Germain

Jardin exotique

en rythme et en couleur

L’INSPIRATION PREND PARFOIS SON TEMPS POUR ARRIVER JUSQU’À NOUS. IL FAUT ALORS SE REPLONGER DANS SES SOUVENIRS POUR QU’ELLE SE MANIFESTE. INTERPRÉTER LA DOUCEUR D’UNE PROMENADE, D’UN SOUVENIR OU D’UNE MAUVAISE PHOTO, VOILÀ L’EXERCICE QUE JE VOUS PROPOSE. VARIER L’ÉCLAIRAGE, LES COULEURS, SE SERVIR DE L’ALTERNANCE OMBRE ET LUMIÈRE POUR RYTHMER UN TABLEAU, CRÉER DES TEXTURES, CHANGER LA MISE EN SCÈNE ET CRÉER DE NOUVEAUX PLANS POUR LE RENDRE INTÉRESSANT, JE VOUS PROPOSE D’ANALYSER TOUT CECI, ENSEMBLE ET PASTELS SECS EN MAIN SUR UN JOLI SUJET : LE PALAIS DE L’ALHAMBRA, À GRENADE, EN ESPAGNE.

1. Sélection des couleurs

Avant de commencer, je procède donc à une petite sélection de couleurs chaudes et froides : • Chaudes pour la lumière : une déclinaison de tonalités à base d’ocre rouge et de jaune sera en adéquation avec le lieu, mais aussi en rapport avec l’éclairage ambré d’une fin de journée espagnole. Des saumons, un jaune safran, mais aussi des tons tertiaires intermédiaires plus nuancés. • Froides pour l’ombre : je souhaite utiliser des verts bleutés pour les végétaux et les algues vertes du bassin, en opposition contrastée avec la précédente famille. Je sélectionne une série de pastels verts (vert d’eau, vert de chrome, terre verte, vert de cinabre jaune) et bleu (cobalt outremer violet bleu de Prusse) mais aussi des tons intermédiaires plus neutres (gris fumé légèrement violacé). Il faut savoir que l’intensité d’une couleur varie selon le support. Je teste chaque couleur en mesurant leur connivence avec la teinte du support et leur capacité à se mélanger.

À noter Une erreur à ne pas commettre : peindre avec une multitude de coloris devant soi. Attachez-vous à sélectionner vos couleurs avant de commencer le travail. En avoir trop sous les yeux peut nuire à l’unité de l’œuvre et être vraiment contreproductif quant au choix des couleurs en cours d’élaboration !

2. Une étude en noir et blanc d’après le modèle Je souhaite me servir du caractère rythmé de l’image. On observe, à l’arrière-plan, une suite d’éléments architecturaux qui apparaissent alternativement en ombre et en lumière. De gauche à droite : le jardin, les arcades et les colonnes doublées par leurs reflets verticaux sur le miroir du bassin. Pour mieux m’imprégner du visuel, je réalise au stylo à bille une esquisse en synthèse de valeurs claire et foncée. J’en profite pour modifier l’angle de l’ensemble (un peu plus de trois quarts), tout en incorporant quelques personnages de part et d’autre du bassin.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

« Je souhaite me servir du caractère rythmé de l’image. »

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Texte et photos : Jean-Pierre Parlange

3. La construction

Afin de respecter les proportions de l’ensemble, je commence par déterminer une échelle au double de la photo (approximativement deux fois la longueur de mon crayon).

En partant de ce principe de mesure, je mets en place les principaux éléments du tableau. Sur le premier tiers du format, je trace une ligne d’horizon, sur laquelle je m’appuie pour dessiner les toitures et les bords du bassin. Sur la partie du bâtiment appelée « portique », je trace les colonnes, les arcades, l’arrière du bâtiment et ses ouvertures. Je place sur le bassin les reflets verticaux des colonnes. À gauche, je dessine le jardin, ses palmiers, et enfin, comme pour faire écho au nom du lieu, la Tour des Dames, j’esquisse quelques personnages féminins autour du bassin.fffff

4. Préparation de la mise en couleur et mise en valeur Je travaille par masses représentant les différents éléments du décor en silhouette brune (palmiers, végétaux, personnages). Sur le plan d’eau, la représentation est plus subtile, je dessine les reflets en dégradé, en relation avec le fond coloré du support.

Avec trois crayons (brun, blanc, rouge foncé), je réalise une mise en valeur monochrome sur l’ensemble du tableau. Je travaille avec la photo à proximité, m’inspirant de l’éclairage à contre-jour. Je place une série de valeurs foncées en hachures, au crayon brun, entre les arcades.

Comme pour valoriser ce théâtre d’ombres, j’accentue avec un crayon blanc le contraste sur les ouvertures (arcades extérieures), le ciel, les reflets du bassin et les allées de part et d’autre, avec un rehaut de lumière à droite au premier plan. J’installe en rythme l’ombre et la lumière sur l’ensemble du sujet.

5. Mise en couleur du ciel

Astuce

À noter

Pour éviter l’accumulation de poudre colorée, je tamponne régulièrement le dos du support. De plus, je travaille sur chevalet : son plan incliné permet d’évacuer naturellement le trop-plein de poudre instable du pastel.

Pour la couleur du sujet, je choisis une orientation complémentaire contrastée, rouge pour la lumière et verte pour l’ombre. Cela me permettra de belles oppositions en cours de réalisation.

Avant l’utilisation des bâtonnets, comme pour me rassurer du bon choix de mes couleurs, je teste une teinte sur le ciel : une esquisse au crayon pastel saumon clair qui sera recouverte ultérieurement. Je sélectionne trois couleurs pour le ciel : rose saumoné foncé, rose saumoné clair, jaune doré clair.

XIII

J’applique les teintes par alternance de petites touches anarchiques, en commençant par la couleur la plus foncée. Je remplace le ciel blanc de la photo par un ciel d’aurore lumineux et intense, rougeoyant.

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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PASTEL Jardin exotique (suite) Je peins la façade avec une combinaison d’ocre rouge et de gris fumée (le mélange avec cette jolie teinte violacée diminue l’intensité de l’ocre, trop présente, et renforce l’ambiance de fin de journée).

6. Les bâtiments

Sur la partie droite exposée de la tour, je rehausse la lumière avec les teintes utilisées pour le ciel (saumon et jaune doré).

Je sélectionne trois couleurs : terre d’ombre brûlée, ocre rouge et gris fumée. Pour conserver le caractère contrasté, foncé sur clair du bâtiment, je renforce toutes les parties sombres, arcades, toits et ouvertures, avec le pastel terre d’ombre. 

Sur le bord arrière du bassin, comme pour souder le bâtiment au plan d’eau, je peins les parties intérieures du portique entre chaque colonne, en dégradé de gris et terre d’ombre. J’ai envie que les deux éléments ne fassent plus qu’un !

Avec le pastel gris fumée, je dessine sur les pentes de toits et les tuiles et je reprends aussi en dessous les arcs et les bas-reliefs. 

7. Le bassin Le bassin est le point-clé de ce pastel : tout en nuances, il est constitué d’une succession de reflets où l’on retrouve mélangés le décor et la lumière sur le miroir de sa surface. Il structure graphiquement l’image.

Comme pour le ciel, j’aborde son éclairage avec une esquisse intermédiaire aux crayons pastel en nuances et en connivence avec le fond.

À noter En cours de travail, il m’arrive de sculpter mes pastels, surtout les craies carrées, plus dures et moins friables. J’adapte leur forme à l’expression désirée, pour préciser un détail ou imprimer une touche plus graphique. J’utilise un scalpel pour tailler, ou du papier de verre pour user les craies. Je conserve les petits morceaux dans une boîte. Il m’arrive parfois de les utiliser, mais je les garde surtout pour conserver la mémoire chromatique de mes productions passées. Sur la partie en bas à droite, j’accentue avec le pastel brun le contraste des reflets des arcades. Je reproduis le rythme inversé du décor en appliquant une succession de couleurs lumineuses claires (vert d’eau, vert olive) entre les parties zébrées brunes plus foncées. Je dessine avec le biseau d’une craie carrée par touches, soit verticales, soit horizontales, aussitôt estompées.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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8. Le jardin et les végétaux Je recouvre avec un pastel bleu de Prusse la silhouette des bosquets et des palmiers, sans oublier la haie qui longe le bassin. Avec la même teinte, je dessine leurs reflets sur le bassin. Vif, le bleu de Prusse entre en conflit avec l’ambiance rouge du décor : je vais devoir apaiser l’ensemble ! Sur la partie arborée, je sélectionne, côté ombre, un vert anglais, un vert de chrome, un vert olive, et côté lumière quelques pastels : ocre rouge, terre de Sienne et orange safran. Avec ces couleurs plus claires, en commençant par les verts (froids anglais et chrome), je reviens en rehaut avec le plat d’une craie carrée sur la cime des arbres, sur la haie et par petites touches sur le feuillage des palmiers.

À noter Toutes les actions décrites ont un but : accorder toutes les parties du tableau, conjuguer les ombres et les lumières, équilibrer les couleurs pour qu’au final le tableau soit agréable à regarder. Pour cela, il faut penser à faire « circuler » les couleurs sur toute sa surface, les faire vivre ensemble, en opposition ou en conjugaison, de manière à peindre quelque chose d’homogène.

Je romps l’intensité de ce bleu de Prusse avec la terre d’ombre brûlée, par touches de pastel superposées, puis estompées au doigt. L’ensemble s’annule et produit une teinte grise plus neutre. Je rehausse le ciel et les arbres avec des couleurs ambrées, ocre et terre sur et entre les palmes.

Je retravaille l’extrémité de certaines feuilles en transparence, en mélangeant l’ocre rouge avec les couleurs saumonées utilisées pour le ciel. Je reviens sur le bassin, j’accentue les lumières et les contrastes en amplifiant la couleur des reflets au premier plan de part et d’autre du bassin. Pour finir, j’affine le dégradé gris entre le bâtiment et le plan d’eau. Je peins les bords du bassin par combinaison de teintes : gris fumée et bleu lavande à gauche côté ombre, terre d’ocre et saumon à droite côté lumière. Pour fondre les teintes, je mélange les pigments avec le doigt par lissage estompé.

9. Les personnages Pour animer le tableau, pour le rendre plus vivant et en référence au nom donné à cette partie de l’Alhambra, le portique de la Tour des Dames, je dessine quelques silhouettes féminines autour de la pièce d’eau. Je sélectionne les pastels jaune indien, fuchsia, brun, noir, terre d’ombre et ocre jaune. Je trace les personnages directement sur le fond, alternant les touches colorées vives et les touches sombres, comme sur la silhouette à l’ombrelle au second plan. J’applique de haut en bas un rouge de garance sur l’ombrelle, suivi d’une transparence orangée avec, juste en dessous, une ombre portée brun noir soulignée par un vêtement rouge et jaune, le tout posé sur deux petites chevilles foncées, en rythme et en couleur !

Le Bassin andalou. 2016. Pastel sec sur Pastel Card, 32 x 36 cm.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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CONSEILS DE PRO

Avec la collaboration d’Edgar Saillen

Les couleurs

de la carnation L A COULEUR CHAIR « PRÊTE À L’EMPLOI » N’EXISTE PAS ! TOUT SIMPLEMENT PARCE QUE LA PEAU REVÊT UNE MYRIADE DE TEINTES ET DE NUANCES QUI FONT LA RICHESSE DU GENRE HUMAIN. OUBLIEZ PAR CONSÉQUENT LES APPELLATIONS FANTAISISTES DES COULEURS EN TUBE. TOUT EST AFFAIRE D’OBSERVATION ET DE PERCEPTION, AUTREMENT DIT DE SAVOIR-FAIRE. COMMENT S’Y PRENDRE ? EN MAÎTRISANT DES MÉLANGES DE BASE APPROPRIÉS QU’IL VOUS APPARTIENDRA ENSUITE DE DÉCLINER. UNE PALETTE RÉDUITE ET EXPLOITÉE À BON ESCIENT, LÀ EST LE SECRET !

En préambule, commencez par une lecture en valeur Convenons d’emblée que la peau n’est pas rose, n’en déplaise aux Trois Petits Cochons ! Derrière les appellations approximatives du langage courant – peau de bébé, blanche, noire, rosée, rougeâtre, brunâtre, jaunâtre, grisâtre… – se cachent autant de réalités subtiles et changeantes. La perception que nous avons de la carnation est en effet très sensible à la source

d’éclairage ambiante, qu’elle soit naturelle ou artificielle. Observez, par exemple, un visage ou un corps au soleil et le même situé à l’ombre, sous une lumière hivernale bleutée ou éclairé par une lampe à incandescence dévoilant une ambiance chaude… Apprenez à percevoir ces dominantes qui caractérisent l’enveloppe charnelle. Vous entrez là dans un monde

complexe, ou du moins d’une infinie variété. Avant de vous jeter sur votre boîte de peinture, prenez le temps de déterminer les différentes tonalités puis essayez d’isoler la zone où se réfléchit la lumière moyenne qui déterminera toute votre échelle de valeurs et in extenso la justesse de votre gamme chromatique. Car sans maîtrise de la valeur, pas de couleur !

Dans cette étude de modelé traitée en grisaille, la lumière moyenne se trouve au niveau de l’avant-bras, comme désigné par le pinceau, et correspond au ton local. Dans ce nu en pied interprété en camaïeu, la lumière moyenne se situe sur la partie haute du ventre, zone à partir de laquelle j’ai articulé toute la gamme des valeurs au service d’un traitement en modelé.

Apprenez à maîtriser une palette réduite Le jeu subtil de la lumière laisse entrevoir la richesse des nuances colorées de la peau. Veillez toutefois à ne pas vous perdre dans un choix trop large de couleurs. Privilégiez les mélanges. Retenez ce principe fondamental : plus vous travaillerez à partir d’une palette réduite, plus vos mélanges seront harmonieux.

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

1. Cette palette est théoriquement composée des 3 couleurs primaires, d’un blanc et d’un noir À la manière de Rembrandt, vous pouvez remplacer les primaires par les correspondances suivantes, afin de resserrer encore plus votre jeu de couleurs : Jaune = ocre jaune Rouge = rouge Venise Bleu = noir d’ivoire (plus bleuté) Sans oublier un blanc de titane afin de décliner la teinte dans les lumières. Ou vous appuyer plus classiquement sur : Jaune = ocre jaune Rouge = rouge de cadmium clair Bleu = noir d’ivoire (plus bleuté)

La valeur moyenne de ce nu masculin se situe sur la cuisse droite. Notez le travail des ombres et des lumières à partir d’une seule teinte sépia déclinée et rabattue au blanc.

À noter Le but étant de travailler la carnation, de nombreuses variantes peuvent être apportées en remplaçant le rouge de cadmium clair. Pour une tendance plus orangée, optez pour un vermillon. Pour une tendance plus violacée, privilégiez une laque alizarine ou carminée qui vous permettra de travailler les teintes violacées de façon plus limpide qu’avec un rouge de cadmium, qui présente une tendance naturelle à s’orienter vers un ton brique.

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Texte et photos : David Gauduchon

2. Faites vos gammes à partir d’une palette réduite Voilà un exercice des plus profitables auquel personne ne devrait se soustraire. Comme un musicien, faites vos gammes et répétez-les jusqu’à ce que cela devienne un automatisme. Pour établir ce nuancier, j’ai choisi les trois couleurs de base suivantes : ocre jaune, rouge de cadmium clair, noir d’ivoire (plus bleuté). En le faisant vous-même, vous découvrirez qu’il est possible d’obtenir de nombreuses équivalences de teintes en faisant preuve d’une économie de moyens. Notez qu’en procédant ainsi, vous pouvez enlever toutes les terres de votre palette et les obtenir par mélanges. De gauche à droite et de haut en bas, le tout décliné vers le blanc (j’ai utilisé ici un blanc de titane) : Noir d’ivoire Colonne 1 : noir d’ivoire + blanc (équivalence : gris bleuté) Colonne 2 : 2 vol. noir + 1 vol. rouge (équivalence : gris violacé) Colonne 3 : 2 vol. noir + 1 vol. ocre (équivalence : gris brun) Rouge de cadmium clair Colonne 4 : rouge + blanc Colonne 5 : 2 vol. rouge + 1 vol. noir (équivalence : rouge de Venise) Colonne 6 : 2 vol. rouge + 1 vol ocre (équivalence : terre de Sienne brûlée) Ocre jaune Colonne 7 : ocre + blanc Colonne 8 : 2 vol. ocre + 1 vol. rouge (terre de Sienne naturelle) Colonne 9 : 2 vol. ocre + 1 vol. noir (terre de Sienne verdâtre) Noir d’ivoire + rouge de cadmium clair + ocre jaune = terres Colonne 10 : 2 vol. noir + 1 vol. rouge + 1 vol. ocre (équivalence : brun Van Dyck) Colonne 11 : 2 vol. rouge + 1 vol noir + 1 vol. ocre (équivalence : terre d’ombre brûlée) Colonne 12 : 2 vol. ocre + 1 vol rouge + 1 vol. noir (équivalence : terre d’ombre naturelle)

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3. Palette amplifiée Une fois que vous maîtrisez bien votre palette de base, vous pouvez alors lui adjoindre 3 teintes complémentaires : un jaune de cadmium clair, un carmin d’alizarine et un bleu de cobalt. Cette palette « expert » vous permettra de pousser très loin le travail des nuances colorées et restituer tout type de carnations : • Blanc d’argent et titane • Jaune de cadmium clair • Ocre jaune • Rouge de cadmium clair • Carmin d’alizarine • Bleu de cobalt • Noir d’ivoire

3 mélanges de base à maîtriser 1. Une peau blanche, « rose clair » La palette : blanc de titane (ou blanc d’argent), ocre jaune, rouge de cadmium clair. Je commence par définir la valeur souhaitée afin de régler mon mélange. Je cherche à travailler la couleur locale qui se situe, par définition, dans la lumière moyenne.

Intéressez-vous maintenant à lumière de la teinte Abordons maintenant la question du modelé grâce à cet exercice qui consiste à comprendre comment les dégradés qui traduisent les différentes valeurs de l’ombre et de la lumière se répartissent et permettent d’obtenir l’illusion du volume en 3 dimensions.

2. Une peau plus orangée, « méditerranéenne » La palette : blanc de titane (ou blanc d’argent), ocre jaune clair, rouge de Venise. Selon la valeur que je souhaite obtenir, j’incorpore plus ou moins d’ocre jaune au rouge et je dégrade plus ou moins avec du blanc.

3. Une peau noire La palette : blanc de titane (ou blanc d’argent), terre de Sienne naturelle, mélange de rouge de Venise et de laque d’alizarine, gris (noir d’ivoire et blanc). Le mélange de noir et d’alizarine permet des noirs colorés très puissants. Le reflet bleu est obtenu par mélange du noir d’ivoire et du blanc de titane en jouant sur le contraste simultané avec le brun qui accentue l’effet bleuté. La peau noire est plus délicate à obtenir car il est plus difficile de définir la valeur moyenne.

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Ces deux sphères ont été travaillées avec deux températures de couleurs différentes (celle de gauche est plus froide que celle de droite). Je vous encourage à répéter plusieurs fois cet exercice en procédant à différents réglages de la couleur locale selon que vous souhaitez obtenir un rendu plus froid, plus chaud, plus orangé, plus grisâtre…

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CONSEILS DE PRO

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Les couleurs de la carnation (suite)

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Le travail en modelé est un principe pictural particulièrement adapté au rendu subtil de la carnation et plus globalement à la représentation de l’enveloppe charnelle.

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Retenez le principe suivant : 1. La lumière s’obscurcit en se refroidissant 2. La demi-teinte correspond à un gris chromatique 3. L’ombre s’éclaircit en se réchauffant (vers l’orange par exemple) ou en se refroidissant (bleu par exemple)

Le travail en modelé se décompose comme suit : 1. Rehaut 2. Lumière principale 3. Lumière moyenne (valeur/couleur locale) 4. Demi-teinte claire 5. Demi-teinte foncée 6. Noyau de l’ombre (ombre la plus sombre) 7. Ombre légère 8. Contre-reflet dans l’ombre plus lumineux

Le passage des tons clairs aux tons sombres traverse une zone de demiteintes froides. Concrètement, j’intègre progressivement la couleur des ombres dans la lumière. La teinte se « salit ». La demi-teinte se refroidit vers l’ombre et se réchauffe ensuite vers la lumière. Ce procédé était utilisé par Rubens !

Astuce Les glacis à sec permettent de faire évoluer la couleur de la carnation. En passant, par exemple, un glacis terre verte très léger (teinte plus froide) sur une teinte rosée à dominante chaude, je vais descendre d’un cran vers une ambiance plus froide.

Sur cet exemple, la pointe de mon pinceau indique l’emplacement de la lumière moyenne, autrement dit de la valeur et de la couleur locale.

Variations autour d’une même gamme Mon objectif : je souhaite travailler une teinte chair très lumineuse et décliner la gamme des clairs vers les foncés. Ma palette : rouge de Venise, rouge de cadmium clair, ocre jaune clair, noir d’ivoire, blanc de titane.

Je mélange un rouge de cadmium clair, un ocre jaune clair et du blanc afin d’obtenir une teinte chair tendre et très lumineuse.

À partir de cette couleur locale, j’intensifie la lumière simplement en ajoutant du blanc. Pour obtenir un rehaut froid, j’incorpore un peu de noir pour obtenir un blanc froid.

Pour travailler l’ombre, je pars du noir que je romps (sans blanc) avec de l’ocre jaune et/ou de l’ocre rouge. Je travaille ensuite le noyau de l’ombre (le plus sombre).

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Pour les demi-teintes, je vais introduire progressivement du noir afin de refroidir mes mélanges (vers le gris chromatique). Je veille toutefois à rester sur la même couleur de peau qui s’assombrit progressivement (demi-teinte claire et foncée). C’est une question d’équilibre, de balance entre le noir, le rouge et l’ocre. Le moindre dérapage et je me décale vers une autre gamme colorée.

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

À ce stade, l’ombre légère peut recevoir un peu de blanc. Le contre-reflet est obtenu par l’introduction d’un ocre orangé.

Le résultat : une gamme de teinte chair harmonieuse qui ne demande qu’à être travaillée en modelé.

La couleur de la peau : un voyage dans la diversité

Sur cette ébauche, j’ai pris le parti de placer des ombres froides, tandis que les lumières franches et colorées exacerbent le côté sanguin. Juliette [détail]. Huile sur toile, 130 x 100 cm.

La couleur locale se situe au niveau du front, dans la lumière la moins forte. La lumière évolue ensuite vers des gris chromatiques aux nuances verdâtres. En réponse aux lumières un peu froides, les ombres sont traitées dans des nuances chaudes, les contre-reflets orangés participent du volume. Les roses très intenses présents sur le front et le nez contrastent avec des roses plus subtils, des blancs verdâtres et les verts bleutés sur le torse et la poitrine (vert Véronèse et turquoise rabattus au blanc).

Étudiez votre propre carnation

Je suis parti sur une gamme de valeurs très basse, en composant avec des terres verte et rouge. Les lumières ont été progressivement montées pour être, au final, très vives et colorées. Une peau sombre requiert beaucoup plus d’effets de reflets et de rehauts pour créer la profondeur. Solo. Huile sur toile, 130 x 97 cm.

Christophe. Huile sur toile,130 x 97 cm.

Je vous conseille d’étudier la paume de votre main qui est une zone très irriguée. La chair est par conséquent très colorée et permet d’identifier la tendance chromatique de votre peau : violacée, orangé, jaunâtre… Écartez maintenant vos doigts et vous noterez que dans les parties moins irriguées (extrémité des doigts par exemple) les zones froides apparaissent de couleur jaune verdâtre, bleu violacé ou gris un peu terne. La main est un outil formidable qui permet de déceler de nombreuses informations chromatiques, que vous retrouverez par ailleurs sur d’autres parties du corps. Pour ma carnation, par exemple, qui tire légèrement sur le jaune orangé, avec des nuances verdâtres, je pense utiliser un bleu phtalo (lumineux mais à tendance verdâtre) pour travailler les demiteintes et les ombres.

Rapport qualité/prix Les contrastes sont plus marqués. Le traitement est volontairement moins réaliste, plus pictural. Notez la myriade de nuances : des ocres jaunes, oranges, roses chauds et froids, violets, verts, bleus, gris… La peau est plus grise, dominée par des couleurs rompues.

Cette peau rousse est à dominante très rose avec des ombres vertes en guise de complémentaires et des bleus très forts dans les plis de la peau.

Le Vieil Homme. Huile Hui le sur toile toile,, 81 81 x 60 cm cm.

BONUS VIDÉO

Mickaël. Huile sur toile, 81 x 60 cm.

Les lumières sont traitées ici simplement par des mélanges de blanc, d’ocre jaune et de rouge de cadmium. Les teintes rosées sont très fraîches. Elles sont légèrement cassées dans les ombres.

BONUS VIDÉO

Vénus d’après Titien. Huile sur toile, 73 x 54 cm.

De la lumière vers l’ombre

La maîtrise des valeurs

pratiquedesarts.com/video127/a

pratiquedesarts.com/video127/b

Ne faites pas d’économie sur les cadmiums car ils vous permettront d’obtenir des mélanges lumineux. Optez pour la meilleure qualité (Old Holland, Blockx…).

Pensez glacis

Si vous n’arrivez pas à un rouge suffisamment intense, un glacis de laque d’alizarine vous permettra d’intensifier votre teinte tout en respectant son équilibre de température (froid ou chaud).

AVRIL-MAI 2016

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SCULPTURE

Avec la collaboration d’Élisabeth Bonvalot

Coloration

sur terre crue

Matériel Q Des terres

colorées naturelles (leur coloration provient des oxydes métalliques qu’elles contiennent, par exemple du fer (rouge), du manganèse (noir), du cuivre (vert)…). Q Des petits récipients pour préparer vos teintes. Q Des pinceaux souples de différentes tailles. Q Une balance électronique.

POURQUOI PRIVER LA SCULPTURE DE COULEUR ? L A TECHNIQUE DE L’ENGOBE APPORTE UNE DIMENSION SUPPLÉMENTAIRE À LA FINITION D’UN VOLUME POUR QUI RECHERCHE UN PARTI PRIS ESTHÉTIQUE. SOUS SON APPARENTE SIMPLICITÉ DE MISE EN ŒUVRE SE CACHE TOUTEFOIS UN CERTAIN NOMBRE DE RÈGLES QU’IL CONVIENT DE SUIVRE À LA LETTRE ! Pour fabriquer un engobe coloré, il faut utiliser un liant neutre qui met en valeur l’oxyde choisi. On peut utiliser une terre à grès ou à porcelaine, à faïence ou raku, chacune ayant ses propriétés à la cuisson. Ce n’est qu’après cette ultime étape que l’engobe sera complètement intégré à la surface de la sculpture. Son aspect est en général mat.

À propos de l’engobe En vogue depuis l’époque médiévale, comme en témoignent les sculptures en ronde-bosse ou autres bas-reliefs qui nous sont parvenus, la tradition de la polychromie s’est quelque peu perdue au fil du temps. Nombreux sont pourtant les sculpteurs et céramistes qui, aujourd’hui, ont su replacer la couleur au cœur de leurs recherches. Parmi les différentes techniques, celle de l’engobe, cette mince couche de terre blanche ou colorée, a le vent en poupe tant ses rendus subtils et pérennes enrichissent la finition d’une œuvre en volume.

À noter

Ne confondez pas l’engobe et la technique de la patine à proprement parler, qui procède d’une coloration à froid et superficielle avec un liant à base de pigments (naturels ou synthétiques) et non d’oxydes.

L’engobe est une coloration sur terre crue ou cuite constituée d’un mélange d’oxydes colorants (qui ont la propriété de tenir à la cuisson) et de terre, par nature blanche, colorée ou non. La terre a un rôle de liant et de « fondant » qui va permettre de fixer l’oxyde colorant « à cœur ». Delphine. 90 cm, grès (engobe noir mélangé avec du grès blanc).

Pour ma part, je réalise mes engobes avec de la porcelaine blanche poncée car sa blancheur fait éclater la couleur. Par ailleurs la porcelaine cuite à haute température se vitrifie et confère un aspect satiné à la surface engobée. C’est une question de goût !

Il existe dans le commerce un grand choix de colorants. Ces oxydes colorants ont la propriété de supporter la cuisson à haute ou basse température. À vous de composer votre palette !

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Un vaste registre d’applications Vous pouvez travailler l’engobe de nombreuses façons. Au pinceau, comme une peinture que l’on pose délicatement en effleurant la surface du support, ou au contraire en balayant rapidement – mais toujours délicatement – la surface de la pièce pour n’en couvrir que les aspérités. Vous pouvez aussi opter pour une approche plus libre, au doigt, à la spatule, au chiffon, par projection avec une brosse à dents, au pulvérisateur, au rouleau… Libre à vous de privilégier un aspect graphique en vous aidant par exemple d’outils pointus pour gratter la surface, voire la scarifier. N’hésitez pas non plus à multiplier les couches d’engobe afin d’obtenir un certain niveau de richesse chromatique, en opérant par mélanges optiques ou en jouant avec les dessous. La cuisson se pratique dans un four à céramique. Pour cette étape, je ne saurais trop vous conseiller, à fortiori si vous débutez, d’opérer sous la conduite d’un professeur ou d’une personne expérimentée. Retenez cependant que l’on peut travailler une plus grande gamme de couleurs et obtenir des rendus plus vifs à basse température (980°) qu’à haute température (1 280°).

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BONUS VIDÉO

Web

Le travail au doigt de l’engobe pratiquedesarts.com/video127/c

L’engobe est une matière sensuelle Plus d’une vingtaine de couches d’engobe ont été nécessaires pour obtenir un tel niveau de finition. La surface de la sculpture a été auparavant travaillée afin de jouer sur les aspérités et les reliefs.

Ève. 80 cm, engobes porcelaine et terre noire.

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Photos et propos recueillis par David Gauduchon

A. Découvrir ses couleurs

1. Je vous conseille de tester au préalable vos couleurs et leur rendu après cuisson sur un échantillon de terre identique à celle que vous souhaitez engober. Je teste mes teintes sur des plaques qui me servent de nuanciers. Ici, deux échantillons : du grès et de la terre à raku, que j’utilise le plus couramment.

2. Après avoir préparé ma porcelaine blanche que j’ai réduite en poudre, je prépare un mélange avec un oxyde, ici un brun or. Je procède à une pesée précise à l’aide d’une balance électronique. Pour 10 grammes de terre blanche, je vais ajouter 3 grammes de colorant. Important : Si vous ne respectez pas ces proportions (30 % de colorant maximum), le colorant ne pourra pas se fixer à la terre car son « fondant » de surface ne sera pas suffisant. La matière déposée s’effritera et redeviendra inéluctablement poudreuse.

« Des écarts de rendus se produisent très souvent, un côté aléatoire qui fait toute la magie et la poésie de cette technique par définition artisanale. »

3. Une fois la terre poncée et le colorant mêlés à sec, je pulvérise très progressivement de l’eau jusqu’à obtenir une consistance crémeuse, dont l’aspect est proche d’une crème anglaise. La porcelaine blanche agit comme un fond neutre qui valorise l’oxyde.

4. Lorsque vous posez l’engobe sur votre pièce, son épaisseur ne doit pas excéder plus d’un millimètre afin d’optimiser son adhérence. Avec un peu d’habitude, on apprend à maîtriser sa fluidité et à gérer son épaisseur, autrement dit à jouer avec son caractère sensuel. Multipliez les essais colorés sur votre plaque d’échantillon. Pensez à bien inscrire chaque dosage et les caractéristiques du colorant employé. Faites-vous la main et l’œil !

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5. Vous obtiendrez une lecture définitive de vos couleurs après cuisson de la plaque. Sachez que l’opération de cuisson n’est pas une science exacte, loin s’en faut. Des écarts de rendus se produisent très souvent, un côté aléatoire qui fait toute la magie et la poésie de cette technique par définition artisanale. La terre est un matériau vivant avec lequel il faut apprendre à composer.

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SCULPTURE

Coloration sur terre crue (suite)

B. Engober un volume 6. Ce volume que j’ai monté en terre crue est maintenant prêt à recevoir une finition colorée. Cette pose dégage un sentiment de sérénité, un caractère intimiste qui m’incite à opter pour des nuances douces, pourquoi pas un camaïeu de bruns ?

7. J’applique, dans un premier temps, une couleur sombre – gris ardoise foncé – sur l’ensemble de la pièce, qui donnera une base à mes jus colorés. Je prépare un mélange d’oxyde de cuivre (2/3) et de noir (1/3), que je vais incorporer à ma terre blanche (porcelaine) en ajoutant progressivement de l’eau.

À noter

8. Avec un pinceau, je recouvre la pièce d’une première couche d’engobe foncé. C’est un travail qu’il faut mener délicatement afin de ne pas perturber la surface encore tendre. Il est indispensable que la terre qui accueille l’engobe contienne encore suffisamment d’humidité.

9. Le volume est maintenant recouvert d’une peau colorée qui sera sèche au toucher en quelques minutes, le temps de préparer mes colorations « de lumière ». Je complète ma palette avec un jus de porcelaine, de grès, d’oxyde rouge et beige.

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L’engobe se compose d’une terre qui a commencé à sécher et à légèrement durcir. Cette surface doit avoir la consistance du cuir. Il se produit la réaction physique et chimique suivante : la terre avide d’eau absorbe immédiatement cette « peau colorée humide » dont on la recouvre. Évitez d’appliquer de l’engobe sur une terre qui a trop séché car cela provoquerait des fissures par rupture brutale de la chaîne des molécules.

10. Le lien entre la peinture et la sculpture s’opère. Je commence par le visage, sur lequel j’applique mon mélange d’oxyde rouge rabattu avec du jus de porcelaine car je le trouvais un peu trop puissant.

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11. Je progresse sur toutes les parties du corps en déposant un engobe beige qui contraste avec le fond sombre. La fine couche d’engobe sèche rapidement et autorise des reprises dans le demi-frais et des mélanges optiques s’opèrent. Comme un peintre, je monte progressivement mes masses colorées.

12. Je tâtonne en procédant par effleurement. Je joue sur les effets de transparence et de matière. Certaines zones plus rugueuses offrent des rendus plus opaques. La « peau picturale » se met à vibrer.

« J’ai cherché à traduire une certaine idée du mouvement, tout en préservant la douceur qui émane de cette pose. »

13. Je cherche à obtenir un parcours de la couleur en multipliant les couches. Je mène un travail pictural très gestuel sur une forme douce qui m’invite, par endroits, à lisser la teinte avec les doigts.

14. Avec un pinceau plus fin, je m’attarde sur quelques détails. Je retravaille la lumière sur l’arête du nez, je souligne les yeux et les lèvres en reprenant la coloration ardoise. Comme pour un tableau, la difficulté est de savoir s’arrêter afin de ne pas surcharger la pièce.

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15. Dans ce travail de coloration, j’ai cherché à traduire une certaine idée du mouvement, tout en préservant la douceur qui émane de cette pose. La pièce est prête pour la cuisson (autour de 1 000 °). Les couleurs s’éclairciront légèrement.

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TECHNIQUE À DÉCOUVRIR

Démo et photos : Patrice Baffou

Peindre sur bois

aujourd’hui

Pour préparer le bois Q Encollage

universel Sennelier Q Gesso blanc Liquitex Q Spalter n° 2 Van Gogh Q Brosse métallique Q Chiffon Q Papier de verre à grain fin

Pour peindre Q Acrylique Liquitex : gris de Payne, bleu de Prusse, vert phtalo, bleu phtalo, jaune moyen, ombre naturelle transparente, rouge de Mars, terre de Sienne naturelle, titane écru, jaune de Mars. Q Gesso blanc Q Pinceau traceur (Robert Simmons) n° 2, pinceau Van Gogh n° 2, pinceau à retouche (Tristar) n° 2, pinceau Pébéo n° 5, brosses Van Gogh n° 8, n° 12, n° 16 et brosse en biseau n° 13 1/2.

DE L’ÉGYPTE ANTIQUE JUSQU’À LA RENAISSANCE, LE BOIS FUT LE SUPPORT UNIVERSEL. L A PLUPART DES ŒUVRES ÉTAIENT RÉALISÉES SUR DES ASSEMBLAGES DE PLANCHES PRÉPARÉS À L’AIDE D’ENDUITS, COMME NOTRE JOCONDE NATIONALE PEINTE SUR PANNEAUX DE PEUPLIER. CEPENDANT, PENDANT LA RENAISSANCE, UNE RÉVOLUTION VA PRESQUE FAIRE OUBLIER LE BOIS, L’AVÈNEMENT DE LA TOILE DE LIN TENDUE SUR CHÂSSIS ET DE LA PEINTURE À L’HUILE QUI SE SYSTÉMATISE GRÂCE AUX PEINTRES FLAMANDS ET À LEURS FABRICANTS DE COULEURS. PETIT À PETIT, LE BOIS, BEAUCOUP PLUS LOURD ET MOINS PRATIQUE, VA TOMBER EN DÉSUÉTUDE. AUJOURD’HUI, IL APPARAÎT POURTANT QUE LES ŒUVRES PEINTES SUR BOIS DU XIVE SIÈCLE SONT EN BIEN MEILLEUR ÉTAT QUE CELLES PEINTES SUR TOILE AUX XIXE ET XXE.

Sans qu’il soit ici question de longévité dans le temps, un panneau de bois, par sa texture – on le verra plus loin – par sa forme et par ses défauts, peut donner lieu à de belles créations. Une planche sauvegardée dans un grenier depuis fort longtemps va devenir ici prétexte à la création d’une peinture à l’acrylique. De belle taille, 59 x 74 cm, elle est constituée de quatre lames de bois de sapin de 2 cm d’épaisseur. Pour information, sachez que le hêtre, le noyer, le peuplier ou le chêne étaient recherchés pour la réalisation de peintures.

Préparation de la surface À noter

Sur un support neuf : un léger ponçage pour éliminer les fibres redressées et un dépoussiérage seront suffisants. S’il s’agit d’un bois de résineux présentant des nœuds, il faudra les isoler pour empêcher la résine de remonter et de tacher votre peinture par en dessous. On utilise dans l’idéal de la gomme-laque que l’on étend localement sur les nœuds, mais de la colle vinylique ou du bouche-pores feront parfaitement l’affaire.

Passez-en deux couches à une heure d’intervalle pour plus de sécurité. On laisse sécher complètement et on peut ensuite enduire le bois. Sur un bois ancien : le plus souvent, il sera sale, vernis ou ciré et peutêtre de forme irrégulière, comme c’est le cas pour la démo qui va suivre. Alors il faudra le nettoyer complètement, retirer toutes les couches à l’aide de papier abrasif et d’une brosse métallique car la peinture et le vernis n’adhèrent pas sur la cire et le vernis. Pour le nettoyage, poncez logiquement dans le sens des veines du bois. Dans ce cas aussi, terminez par un ponçage doux et l’application de plusieurs couches de colle vinylique incolore.

L’encollage uniformise le support, permet une bonne accroche des couches et sert d’enveloppe hermétique contre les attaques extérieures comme l’humidité et les bactéries. Si vous encollez toutes les faces, cela préviendra en plus la déformation naturelle du bois et donc empêchera les craquelures. Ceci est valable pour d’autres supports comme le carton ou le papier marouflé.

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Texte : Jean-Pierre Parlange

Divers effets au gesso Pour une meilleure compréhension des avantages que peut donner la préparation d’un gesso, voici quelques exemples : une préparation classique, avec l’encollage, puis l’application d’un gesso blanc ou noir.

Voilà, votre support est prêt pour recevoir le gesso. Il existe aujourd’hui tout prêt à l’emploi en blanc ou en noir. Il peut être teinté à l’aide de couleurs acryliques pour préparer au mieux votre surface en fonction de vos souhaits. Passez plusieurs couches en laissant bien sécher chacune d’elles. Ainsi préparé, votre bois présentera une surface parfaite pour la peinture à l’huile ou acrylique.

À noter Il existe d’autres enduits comme la colle de peau ou de poisson qui sont très bien, mais très délicats à préparer. De plus, si vous travaillez chez vous, l’odeur forte peut devenir gênante.

Une autre préparation sur le même support, avec le même encollage mais, cette fois, en enduction mélangée avec un peu d’eau. Cela permet de jouer avec la transparence du bois et, dès le départ, de créer des effets de matière.

J’utilise une planche remisée et presque oubliée dans mon grenier. Les veines du bois sont très esthétiques et conviennent parfaitement pour le thème « portrait d’une jeune femme avec un voile blanc ». Une fois mon support préparé, j’applique au spalter trois couches fines d’encollage universel sur toutes les faces du bois pour éviter que le bois ne travaille et se déforme. Après séchage – rapide car il s’agit d’une base acrylique – je passe deux couches de gesso blanc diluées avec un peu d’eau. Avant qu’elles sèchent, j’essuie avec un chiffon pour laisser apparaître les veines du bois. Le support est prêt. Je vais peindre sur du bois en transparence, à la fois en matière et en lavis tout en exploitant les veines apparentes du bois. C’est un exemple de l’influence que peut avoir un support sur une création pour un résultat original.

La démonstration 1. Le dessin. Le dessin est réalisé sur une feuille à part pour d’évidentes raisons de souplesse et aussi pour éviter de salir le support. Je choisis un sujet plutôt doux et tendre représentant une jeune femme drapée dans un voile qui sera prétexte aux transparences et à l’emploi de glacis. Lorsque le dessin me convient, je le reporte sur la planche.

« Cette jolie planche m’a donné envie de laisser les veines du bois apparentes et de les exploiter à ma manière. »

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TECHNIQUE À DÉCOUVRIR 2. Ébauche des formes.

À l’aide d’une base de gris de Payne et de bleu de Prusse, je dessine le portrait, au pinceau n° 2 et à la petite brosse n° 8. Comme je le disais, j’ai envie d’utiliser les veines du bois comme support original et graphique à ma peinture. Alors, avec le gesso blanc, au pinceau n° 5, n° 2, à la brosse n° 8 et avec le pinceau traceur, suivant la finesse de détails désirés, je commence à peindre le mouvement du drapé en suivant les veines et le dessin du bois. Notez que le travail est assez fin, le blanc du gesso me sert à faire apparaître les formes du sujet, bras et hanches par exemple.

3. La carnation.

Pour commencer, je travaille en lavis sur une base de couleur titane écru, gesso blanc pour les jeux de lumières, terre de Sienne naturelle, jaune de Mars, rouge de Mars pour les tons chair claire, et terre d’ombre naturelle transparente pour les jeux d’ombre. Cette première application doit être légère et transparente, avec de l’eau. Je laisse sécher entre chaque application. Un lavis est une dilution du liant, ici l’acrylique avec de l’eau. Logiquement, plus vous ajoutez d’eau, plus le lavis est transparent.

À noter Avec le bois, on peut avoir de mauvaises surprises comme des trous au mauvais endroit. Par exemple, comme ici, s’il se situe sur le dessin d’une lèvre. Il faudra alors le reboucher soit avec de la peinture (le titane écru) ou à l’aide d’un gel épaississant qui, lui, est transparent. Pour l’application, un petit couteau sera parfait.

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Astuce J’utilise un peu d’eau pour faciliter l’application et les dégradés. Quand vous placez la touche de gesso, essuyez votre pinceau et étirez la peinture avec le pinceau propre et presque sec. Le bois et sa préparation permettent un travail très agréable.

À noter Le glacis est une technique qui consiste à recouvrir une teinte posée sur le support par une touche de couleur différente et transparente. Le glacis se pose toujours sur une couleur sèche et jamais sur une peinture fraîche. Avec le glacis, le fond ne se mélange donc pas avec la couche que vous appliquez. Vous aurez une superposition de deux couleurs dont l’une est transparente, ce qui ne donne pas le même effet qu’un mélange, ni le même résultat. C’est une technique très pratique pour créer des transparences ou des ombres. Un peu comme le ferait un peintre pointilliste, avec différents tons de marron du plus sombre au plus clair, je travaille en matière les teintes chair par petites touches appliquées à la verticales à la brosse n° 8 et au pinceau n° 2. Cette technique m’évite de tomber dans un excès de détails, tout en me permettant de marquer les ombres et les lumières. Ce travail en touches verticales est délicat car on arrive assez vite à un effet « pelage » indésirable, surtout quand on travaille les jeux d’ombres comme sur le bras à gauche, mais courage, cet effet disgracieux sera bientôt atténué par différents glacis de couleur. Pour terminer et pour amener un peu de vie, je place un lavis bleu de Prusse sur les cheveux.

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4. Les drapés en transparence.

À noter

Je délaisse un peu le personnage pour travailler les drapés et le décor à l’aide de glacis bleu et vert phtalo. J’utilise une brosse en biseau qui me permet une application de la peinture à la fois finement ou bien en touches larges, suivant l’effet recherché. Je les passe sur les zones d’ombre du personnage et notamment sur tout le visage. Pour les petites surfaces qui demandent plus de précision, comme les mains, je peins avec un petit pinceau.

Même si cette couleur apparaît assez mal sur les photos, sachez que je travaille aussi avec une peinture dorée pour enrichir mes drapés.

5. Les finitions.

Il s’agit essentiellement d’un travail de glacis superposés pour accentuer les ombres et les lumières. Chaque partie du corps doit être précisée subtilement soit par petites touches, soit en larges surfaces. Si vous laissez bien sécher chaque application de couleur, vous pouvez facilement corriger une erreur à l’aide d’un pinceau propre et sec ou d’un chiffon doux et propre. À force de superpositions de glacis, vous remarquerez que les touches de couleurs verticales un peu disgracieuses disparaissent et s’imbriquent dans les veines du bois pour créer de beaux effets de matière.

Le tableau dans son ensemble est en place, il ne me reste plus qu’à entreprendre le travail le plus délicat, les effets de transparence du voile. Avec la brosse large, j’applique des lavis à basse de gesso blanc sur différentes surfaces du sujet, à la fois sur une partie du visage, des mains et des bras, aussi bien que sur le fond. Ces effets sont précisés aux petits pinceaux n° 2 et traceur, ainsi qu’avec quelques touches de lumières plus fortes au gesso blanc. Une fois le travail terminé, comme toujours, je laisse passer quelques jours avant de retoucher certains petits détails de lumière, essentiellement au gesso blanc. Portrait d’une jeune femme avec un voile blanc. Acrylique sur bois, 74 x 59 cm.

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PHOTO PRATIQUE

Texte et photos : David Gauduchon

Photographier des personnages

en situation

SAISIR NOS SEMBLABLES EST UN SUJET INCONTOURNABLE EN PEINTURE COMME EN PHOTOGRAPHIE. LES GENS DE NOTRE ENTOURAGE PROCHE – LA FAMILLE, LES AMIS – SONT GÉNÉRALEMENT LES PLUS SOLLICITÉS, DIMENSION AFFECTIVE OBLIGE ! LES PERSONNES RENCONTRÉES LORS D’UN VOYAGE OU ASSOCIÉES À UN ÉVÉNEMENT CONSTITUENT AUSSI DE BELLES « RENCONTRES PHOTOGRAPHIQUES » QUI SCELLENT UN MOMENT PRÉCIS, UNE AMBIANCE PARTICULIÈRE, UN ÉCHANGE INATTENDU… La définition du portrait en pied est limpide ! Accordons-nous sur le fait que la personne révélée apparaît de la tête aux pieds (CQFD). À la différence d’un portrait où l’on s’attache à un plan serré, un cadrage plus large permet de photographier quelqu’un en situation et d’apporter un niveau d’information supplémentaire. Dans ce type de cliché, on cherche à mettre en exergue ses goûts, ses centres d’intérêt ou ses passions (sportives, artistiques…), sa profession, son cadre de vie, et bien d’autres aspects. Clin d’œil au Che.

Tango.

Pour un portrait en pied (mettons de côté le portrait officiel !), l’une des difficultés est de faire en sorte que votre sujet ne soit pas figé. Rien de plus ennuyeux, en effet, qu’une personne statique, raide, dont le regard est orienté vers l’objectif (type photo d’identité !)… Les meilleures photos restent celles où le modèle vous a oublié, ne serait-ce qu’un instant ! Mettez-le à l’aise, intéressez-vous à ce qu’il fait, posez-lui des questions. Si c’est un enfant, n’hésitez pas à jouer avec lui (à le faire rire, à taper dans le ballon…) puis, progressivement, sortez de son champ.

À noter Il y a, par définition, deux types de portrait en pied : ceux qui sont posés et ceux saisis sur le vif. Dans le premier cas, le modèle adoptera une démarche collaborative, dans le second, le photographe partira à la chasse aux occasions fortuites. Deux démarches différentes certes, mais qui nécessitent de faire preuve d’une même curiosité envers l’autre, d’une même humanité. Dans les deux cas, il est important d’avoir une idée assez précise de l’image que l’on souhaite réaliser et du sens qui lui sera conféré.

Rencontre dans la steppe mongole.

La magie opérera si vous gardez à l’esprit ce qui caractérise chaque individu dans une situation donnée : un artiste absorbé par une touche de couleur posée sur sa toile, un couple de danseur en osmose… Le modèle est tout à son affaire et se livre naturellement. N’hésitez pas à tourner discrètement, à chercher des angles intéressants, à le prendre en contre-plongée ou bien de 3/4, voire à l’interpeller au besoin pour qu’il se retourne…

« En photographie, les règles sont aussi faites pour être contournées, à condition de rester maître du jeu ! » Dans un portrait en pied, le photographe va endosser le rôle d’un metteur en scène. Multipliez les essais de cadrage. Ce n’est pas parce que vous prenez un portrait en pied que votre composition doit être verticale, bien au contraire… Dans le cas d’un portrait en mouvement, par exemple, un format horizontal peut renforcer la dynamique recherchée ou renseigner sur l’environnement dans lequel votre sujet évolue. À vous ensuite de hiérarchiser les différents plans en jouant sur la profondeur de champ. Comme bien souvent en photographie, les règles sont aussi faites pour être contournées, à condition de rester maître du jeu !

Prendre son envol.

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La gestion de la profondeur de champ (voir PDA n° 126). Souvenez-vous que le photographe règle sa mise au point et décide de ce qui sera net ou flou. C’est essentiel, car cette technique va lui servir pour attirer l’attention sur ce qu’il souhaite. Passez en mode Priorité à l’ouverture (mode A sur la plupart des appareils), qui va déterminer votre profondeur de champ. Pour ce type de sujet, il est bon de détacher votre modèle de son arrière-plan en choisissant une assez grande ouverture pour mettre en valeur le sujet net sur un arrière-plan plus ou moins flou.

Joyeux anniversaire !

Point pratique L’utilisation de téléobjectifs allant de 50 à 200 mm est recommandée pour privilégier une profondeur de champ faible afin de mettre en évidence le sujet tout en évitant les distorsions. Autre avantage, la mise à distance qu’il permet d’opérer avec votre sujet, qui se sentira moins observé. Notez qu’un objectif de 50 mm est celui qui se rapproche le plus de la vision humaine.

Ramon pensif.

Pour un portrait en pied, n’hésitez pas à multiplier les plages focales selon les effets recherchés. Mettez en valeur des jeux de perspectives différentes ou un traitement plus frontal en contre-plongée, afin de dynamiser votre composition… Vote cliché n’en sera que plus original.

Après la dispute.

« En intérieur, privilégiez la zone bénéficiant de la meilleure source de lumière naturelle pour vous éviter de travailler au flash. » Privilégiez la lumière naturelle – l’outil du photographe – avec laquelle il faut apprendre à composer. En plein air, n’hésitez pas à photographier à différentes heures de la journée dans le but de vous familiariser avec la lumière la mieux adaptée à l’ambiance recherchée (Voir PDA n° 125, « la balance des couleurs »). Évitez une lumière trop forte, qui est difficile à gérer. En intérieur, privilégiez la zone bénéficiant de la meilleure source de lumière naturelle pour vous éviter de travailler au flash, dont la technique demeure assez complexe pour être flatteuse. Christoff Debusschere au chevalet.

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COURRIER DES LECTEURS

Texte et photos : Stéphanie Portal

Nos spécialistes

vous répondent UNE QUESTION RESTÉE SANS RÉPONSE, UN PROBLÈME TECHNIQUE IRRÉSOLU ? NOS SPÉCIALISTES SONT LÀ POUR VOUS RÉPONDRE. N’HÉSITEZ PAS À LEUR EXPOSER LES DIFFICULTÉS QUE VOUS RENCONTREZ. PRENEZ SIMPLEMENT LE SOIN DE PRÉCISER LE COLLABORATEUR ARTISTIQUE AUQUEL VOTRE COURRIER S’ADRESSE. Chers lecteurs, veuillez envoyer toutes vos questions, qu’elles soient d’ordre technique ou juridique, à : Magazine Pratique des Arts, rubrique « Courrier des lecteurs » 17, avenue du Cerisier Noir 86530 Naintré ou par mail : redaction@ pratiquedesarts.com

Trouver une galerie Mon travail rencontre un beau succès lorsque j’organise moi-même mes expositions mais cela prend du temps et je préférerais passer la main à un professionnel. Comment trouver un agent ou une galerie ? Faut-il se présenter spontanément ? Envoyer des dossiers ? Est-ce bien vu d’avoir un site personnel vis-à-vis des galeries ? Un agent m’a récemment conseillé de ne pas exposer dans des Salons où les artistes sont acceptés sans avoir jamais exposé en galerie, ces Salons n’étant pas « dignes » selon lui. Qu’en pensez-vous ? Isabelle Ravet Première chose : c’est la galerie qui choisit ses artistes, non le contraire. Un agent est donc plus facile à trouver mais la demande est forte aujourd’hui. Assurez-vous que celui-ci, outre une bonne connaissance du marché de l’art, possède un bon carnet d’adresses. Ce conseil concernant les Salons n’est plus valable aujourd’hui, surtout si vous peignez à l’aquarelle ou au pastel : vous ne trouverez en effet pas beaucoup de galeries pour vous exposer. Les Salons et festivals sont là pour pallier cette terrible carence. Commencez par créer un site personnel, indispensable aujourd’hui pour se faire connaître. Il est une vraie carte de visite, donc soignez-le. Sélectionnez vos meilleures œuvres, les plus récentes et bien photographiées (voir PDA 110), ajoutez une présentation de votre démarche et un moyen de contact. Ensuite, participez à un maximum de Salons, locaux puis nationaux, afin d’obtenir des prix qui vont vous conforter dans votre pratique et cautionner votre travail auprès des professionnels. Vous pourrez ensuite démarcher les galeries, à l’aide d’un beau portfolio, en visant uniquement les galeries dont le style se rapproche du vôtre. Mais soyez prête à essuyer quelques refus car le nombre de galeries est en baisse et le marché est actuellement assez morne. Celles-ci ont tendance à garder les valeurs sûres…

Aquarelle sur toile Vous nous avez présenté dans un de vos numéros l’aquarelle sur toile. Faut-il la vernir ? Va-t-elle se détériorer dans le temps ? Évelyne Guimet, Voiron Il est bien sûr possible de vernir une aquarelle mais sachez que le vernissage modifie sensiblement l’apparence d’une aquarelle : elle prend un aspect « glacé », voire « plastique » qui ne plaît pas à tout le monde. À vous de juger. Quant à sa pérennité, nous manquons encore de recul pour savoir si les œuvres vont bien se conserver. Selon Sarah Sands, responsable technique chez Golden, le vernis ne peut totalement remplacer le verre : « une vitre crée une véritable barrière physique contre la pollution, la poussière, la fumée, la graisse, l’humidité, les UV et les accidents de surface. Le vernis, s’il offre une protection non négligeable à l’œuvre, ne peut offrir un tel niveau de défense contre ces agressions ».

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Pierre de Michelis HUILE-PASTEL GRAS

Marie-Pierre Le Sellin ACRYLIQUE-TECH. MIXTE

Henri-Pierre Bourget SCULPTURE-MODELAGE

Succédané de térébenthine On m’a offert un litre de médium Citrus Térébenthine de Lukas. Comment se servir de ce produit ? Quels sont les avantages et les inconvénients ? Alain Rivier

LA RÉPONSE DU FABRICANT : (MARIE VERNIER, BRAND MANAGER CHEZ LUKAS) Le citron succédané de térébenthine Lukas est à la fois un médium et un solvant. C’est un médium dans la mesure où il change les caractéristiques d’une couleur lorsqu’il est mélangé avec elle, et un solvant car il dilue les peintures à l’huile et les vernis et change leur consistance. C’est aussi un solvant pour résines. La seule différence avec la vraie térébenthine est l’odeur : le succédané est « aromatisé » au citron. Mais l’utilisation et les caractéristiques de ces deux produits sont les mêmes. Pour les personnes allergiques aux solvants, le citron succédané ne sera pas une alternative à l’essence de térébenthine.

LA RÉPONSE DE L’ARTISTE : (LAURENT BLANDIN, QUI L’AVAIT TESTÉ DANS LE PDA N° 79 ) Les liquides à base d’agrumes (Zest-it, Citrus Térébenthine) sont une bonne alternative à la térébenthine (10 % des artistes y sont sensibles). L’odeur citronnée est très agréable. Ils s’évaporent sans laisser de résidus. En mélangeant 2 parts de solvant à 1 part d’huile de lin, on obtient un très bon médium de base. Il sera un peu plus lent au séchage que le white-spirit mais parfait en mélange avec les couleurs.

LA RÉPONSE DE LA TOXICOLOGUE : (VIRGINIE GIRARD, RESPONSABLE TOXICOLOGIE CHEZ COLART) Les solvants aux écorces d’agrumes présentent 4 inconvénients : - Ce sont des dégraissants très puissants et très efficaces pour le nettoyage mais ils sont agressifs sur le plastique et le caoutchouc. - Ils apportent une pollution chimique non négligeable. Il faut donc les éliminer en déchetterie et non dans l’évier, même s’ils sont diluables à l’eau. - Leur parfum, très agréable, d’orange peut représenter un risque pour les enfants qui peuvent les confondre avec une boisson. - Ce n’est pas parce qu’ils sont naturels qu’ils ne sont pas allergènes.

XXX

Assurer ses tableaux Wim Verhelst DESSIN-CRAYON

Joël Simon AQUARELLE-PASTEL

Sylvie Cosnier GOUACHE

Michel Bordas PASTEL

Craies aquarellables Comment utiliser les craies Gelatos de Faber-Castell qui mouillées, me servent sur mes aquarelles ? Jusqu’à maintenant, je dois avouer une certaine déception pour leurs effets spéciaux. Merci. Marie-Lyne Durousay, Beauvais Les Gelatos sont des craies à base de cire et de pigments, à l’instar des Neocolor II de Caran d’Ache (126 couleurs) ou des Artbar de Derwent. Comme ceux-ci, ils sont aquarellables et s’utilisent aussi bien à sec qu’avec de l’eau. On peut ainsi jouer sur les effets d’opacité et de transparence de la couleur. S’ils sont compatibles avec les aquarelles en godet, cela ne présente pas forcément d’intérêt et je vous conseille de les employer plutôt seuls (idéals en extérieur pour des petits croquis colorés). Voici 4 emplois possibles selon le motif et l’effet recherché :

3. Mouillé : pour un travail plus en eau, on mouille le support ou on reprend le travail sur support encore humide. Au contact de l’eau, le bâtonnet répand le pigment sur la feuille.

Passionné de peinture à l’huile, j’ai actuellement une trentaine de tableaux chez moi que j’aimerais assurer dans le cadre de mon assurance habitation. Quelle procédure dois-je suivre pour que la valeur ne soit pas mise en cause par l’assurance en cas de sinistre ? J. Lecoq Pour que vos œuvres fassent partie de vos biens assurés, il vous faut lister chaque d’entre elles avec à l’appui : - une photographie en couleur du tableau - une brève description (titre, auteur, datation, signature, technique et support, état) - une preuve d’acquisition : facture de galerie, bordereau de maison de vente aux enchères, extrait de déclaration de succession si vous en avez hérité ou attestation d’expert. Ce document doit comporter la date d’acquisition, le prix, la description de l’œuvre et le nom du vendeur. Vous pouvez rechercher la valeur approximative de l’œuvre en consultant la cote de l’artiste sur une base de données de sites d’enchères (Artprice, Art Value, Blouin) ou dans le Bénézit. Pour une estimation précise des œuvres, adressez-vous à un expert (sfep-experts.com). Sachez que l’hôtel des ventes de Drouot propose des estimations gratuites : à distance via leur site (drouot.com) ou en personne, tous les jours sauf le dimanche, en faisant la queue.

1

2

1. Aquarellé : la couleur est déposée à sec sur le support puis aquarellée au pinceau. 2. Frotté : la couleur est prélevée à la pointe du pinceau sur le bâtonnet puis déposée sur le support.

Contacter l’artiste de VOTRE CHOIX

3

4. Dilué : la couleur est rendue liquide dans la palette en frottant sa mine au pinceau avec un peu d’eau. Idéal pour réaliser les mélanges de teintes.

4

 Vous avez des questions ? Ils ont les réponses (Cochez la case de votre choix)

VOTRE

QUESTION

:

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Joël Simon AQUARELLE-PASTEL

Henri-Pierre Bourget SCULPTURE-MODELAGE

Marie-Pierre Le Sellin ACRYLIQUE-TECH. MIXTE

Wim Verhelst DESSIN-CRAYON

Marc Folly AQUARELLE

Michel Bordas PASTEL

Christine Gendre-Bergère Sylvie Cosnier GRAVURE GOUACHE Pierre de Michelis HUILE-PASTEL GRAS

Autre artiste ............................................

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TECHNIQUE PRATIQUÉE .................................................................................................................................................... NOM .................................................................................. PRÉNOM ............................................................................... VILLE.................................................................................. E-MAIL ..................................................................................

TRIBUNE

François Perego

La transparence :

aquarelle vs. huile

LORS DU QUIZ PUBLIÉ DANS LE NUMÉRO ANNIVERSAIRE « SPÉCIAL 20 ANS » DE PRATIQUE DES ARTS, À LA QUESTION 14, « L’AQUARELLE ESTELLE UNE TECHNIQUE OÙ LA TRANSPARENCE DES PIGMENTS EST SUPÉRIEURE À CELLE DE L’HUILE ? », ON PROPOSAIT QUATRE RÉPONSES : A/ OUI, LA TRANSPARENCE EST PORTÉE À SON MAXIMUM ; B/ CE N’EST VRAI QUE SI L’ON TRAVAILLE COMME LES ANGLAIS ; C/ C’ÉTAIT JUSTE JUSQU’À L’APPARITION DU BROYAGE MÉCANIQUE ; D/ C’EST FAUX CAR LA QUESTION EST MAL POSÉE.

La bonne réponse est la D !

NOUS EN AVONS TROP DIT… ÉTAYONS MAINTENANT CETTE RÉPONSE.

Rendre la transparence. On entend souvent parler des transparences superbes en aquarelle, du jeu des transparences avec le papier, de cette technique où tout est fondé sur la transparence… Qu’est-ce que la transparence déjà ? Est transparent un objet qui laisse voir ce qui est derrière et dont on perçoit nettement la surface. Voici une petite histoire pour mieux comprendre. À la piscine, je grimpe sur le plongeoir à 5 m. De là-haut, je vois bien le fond de la piscine, mais, ce jour-là, je ne vois pas la surface de l’eau… Personne n’est dans le bassin… Vais-je plonger ? Non, car si je ne vois pas la surface de l’eau, c’est qu’il n’y a peut-être pas d’eau ! La différence entre transparent et invisible est là : l’air est invisible, l’eau est transparente, car on voit au travers et, normalement, sa surface, la « peau » qui la sépare de l’air, est révélée par des reflets, éventuellement animés d’un mouvement. Donc, pour représenter la transparence, il faut laisser voir le fond et indiquer la surface par des reflets. C’est pourquoi, on peut, avec des couleurs parfaitement opaques, rendre la transparence d’un verre en dessinant simplement des reflets clairs sur un fond sombre ! [voir ill. 1] François Perego, Bouquet d’amour 1. Huile.

La transparence des pigments. Mais qu’en est-il des pigments ? En peinture à l’huile, les jaunes et les rouges de cadmium, les oxydes de fer jaune et rouge, le vert oxyde de chrome, le bleu céruléum et le turquoise de cobalt sont bien des couleurs très opaques. Pourquoi donc ces mêmes couleurs seraient-elles transparentes à l’aquarelle ? Surtout que, on le sait, l’huile donne bien plus de transparence pour un pigment donné que la gomme arabique… En plus, une fois posée sur le papier, l’aquarelle laisse des grains très peu liés, c’est pourquoi elle s’éclaircit lors du séchage ! [voir ill. 2]

2

Ill. 2. Cette microphotographie montre l’éparpillement du noir d’ivoire entre les fibres du papier.

Par ailleurs, à l’aquarelle, les pigments sont broyés très fins. Les oxydes de fer jaune et rouge, bien qu’opaques, sont transparents lorsqu’ils sont préparés en granulométrie extrêmement fine (ils sont alors mentionnés « oxydes transparents » ou « lasure »). Cependant, on ne dispose pas de tous les pigments cités en granulométries si fines. Alors, l’aquarelle est-elle transparente ou non? La réponse est dans cette question : voyez-vous un oiseau à travers les barreaux de sa cage? Oui, bien sûr, pourtant les barreaux ne sont pas transparents! Il en est de même pour l’aquarelle. Elle semble transparente du fait de la légèreté de sa couche picturale, et donc de l’espacement des grains de pigment. Traitez le même sujet en peinture à l’huile avec les pigments appropriés en glacis et vous obtiendrez réellement une couche de peinture transparente. En peinture à l’huile, un glacis est transparent à la manière d’un aquarium… mais c’est une autre histoire! [voir ill. 3] Ill. 3. Cette microphotographie d’un glacis à l’huile de rouge d’alizarine sur fond noir et blanc révèle que le pigment est quasiment invisible.

Conclusion

1

74

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

3

Voilà pourquoi la question était mal posée ! Afin que notre esprit joue avec la matière et que celle-ci se joue de notre esprit.

XXXII

'PTTJFS

La couleur ? Il n’y a pas de quoi broyer du noir ! F E O P D F 6  F J U S B  Q

EN PRATIQUE

LA THÉORIE, C’EST COMME UNE CARTE DU MONDE : SI L’ON NE VOYAGE PAS, ELLE NE SERT À RIEN ! NOUS ALLONS DONC VOYA GER DANS LE MONDE DE LA RÉALITÉ CO LORÉE, ET NOUS AMUSER EN PEINTURE  PLUS PRÉCISÉMENT, AVEC LA PEINTURE À L’HUILE, CAR CETTE TECHNIQUE PER MET LE PLUS GRAND NOMBRE D’EFFETS. Texte : François Perego, propos recueillis par David Gauduchon Photos : David Gauduchon, sauf mentions.

François Perego, infatigable chercheur Collaborateur historique de notre magazine, François Perego, peintre, chimiste et chercheur, a animé pendant plusieurs années, avec le talent et la rigueur qu’on lui connaît, notre rubrique « Recettes d’atelier » au sein des pages du guide pratique… Auteur de l’incontournable ouvrage Dictionnaire des matériaux du peintre que tout artiste se doit de posséder, François Perego a créé le concept « Techniques, Traditions, Transmissions® » (3T) et anime, à Dinan, un espace d’enseignement et de recherche, ainsi que de nombreux stages thématiques tout au long de l’année.

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'PTTJFS LA COULEUR EN PRATIQUE

L

es pigments représentent l’élément incontournable de la peinture, du pastel et autres tracés pulvérulents (crayons, craies, fusain…). Dans le cas des peintures, cette « poussière de couleur » sera fixée au support au moyen d’un liant ; et en fonction de la technique, celui-ci enrobera plus ou moins les grains de pigment d’une gangue transparente.

Poussière de couleur, l’âme des peintures… Ill. 1 Pour préparer une peinture à l’huile, il faut un minimum de matériaux : le pigment choisi, de l’huile, un couteau à palette droit, une molette, une plaque de verre dépolie et, éventuellement des additifs (par exemple du siccatif : ici, flacon de liquide violet).

Pour fabriquer une peinture, on disperse donc le pigment en poudre dans le liant choisi (n’oublions pas que c’est le liant qui détermine la technique !), avec d’éventuels additifs. Attention : on entend souvent les artistes parler du « broyage » de leurs pigments. Le broyage consiste à casser les grains en particules plus fines, mais les pigments tels qu’ils sont vendus aux artistes ne demandent généralement aucun broyage. Certains même ne doivent en aucun cas être broyés ! [voir l’ill. 1]. En revanche, il est fondamental de parfaitement disperser les grains de pigment dans le liant ; ce dernier doit chasser toute trace d’air emprisonné dans les cavités et « remplir » les interstices entre les grains de pigment. En pratique, on réalise d’abord l’empâtage, qui consiste à mélanger soigneusement les poudres et les liquides entre eux, puis, après un repos suffisant, on triture la ppâte obtenue de façon à ce qu’un fort cisaillement achève la dispersion et le mouillage. Jadis, néanmoins, l’artiste ou le préparateur étaient parfois obligés de réellement broyer leurs pigments, comme le montre l’ill. 2.

76

D’abord, le pigment est mouillé avec un minimum d’huile et la pâte est formée au couteau. Puis, celle-ci est travaillée à la molette pour assurer une parfaite dispersion des pigments. La peinture est prête.

Ill. 2 – Lorsque l’on part du matériau brut, ici un noir d’ivoire véritable (ivoire calciné en absence d’air), le matériau doit être broyé. Pour cela,on fait un premier broyage à l’eau, au whitespirit ou à l’essence de térébenthine (comme c’est le cas ici). Ensuite, on laisse sécher puis on ajoute le liant, ici de l’huile de lin, et l’on broie soigneusement, jusqu’à obtenir une pâte fine. Comme ce noir est calciné à basse température (650°C environ), il est roussâtre. Ce qui permet une grande richesse pour les glacis, le portrait ou les mélanges [voir ill. 3 page 77].

L

e meilleur moyen pour comprendre la pratique de la couleur reste encore le travail des gris. Tout le monde sait qu’un bleu cyan avec du jaune citron donne du vert, qu’un magenta avec un jaune d’or donne un rouge vermillon, etc. Mais moins nombreux sont ceux qui savent qu’un blanc de zinc (et a fortiori un blanc de titane « transparent ») donnera un gris bleuté avec un noir d’ivoire (tandis que le blanc de plomb procure un gris chaud !). Donc, déjà, les mélanges de noirs et de blancs vont nous entraîner dans le monde de la couleur… L’ill. 3 nous le démontre clairement. Dans la partie théorique, nous avons vu que toute couleur est sous-tendue par trois qualificatifs : la teinte (bleu, rouge, jaune…), la clarté (foncé, clair, moyen…) et la saturation. Revenons à notre espace colorimétrique CIEL*a*b* ou au solide de Munsell [PDA n° 125 p. 32]. L’axe vertical de clarté L est tendu entre le blanc (en haut) et le noir (en bas). Entre les deux, il y a un infini dégradé de gris. Le volume autour de cet axe englobe la totalité des couleurs existantes. Plus l’on s’éloigne de l’axe de gris, plus la couleur est saturée (le gris est considéré comme neutre) ; au contraire, plus on s’approche de l’axe, plus la couleur glisse vers un « gris coloré » (gris taupe, gris tourterelle, gris ardoise, gris anthracite, gris acier, gris de Payne…). Inversement, si l’on veut désaturer une teinte, il suffit de la mélanger avec un gris de même clarté, ou avec la couleur complémentaire [voir PDA n° 125, pages 33 et 34]. La deuxième étape de notre démonstration a été de préparer des gris colorés en nuançant un gris « tout simple », préparé à partir de blanc et de noir (mais je n’ai pu m’empêcher d’en faire deux… Un à base de blanc de titane, opaque, l’autre à base de blanc de zinc, peu opaque). Puis, il suffit d’ajouter une teinte (on peut jouer avec l’opacité et la transparence de la teinte ajoutée). L’ill. 5 page suivante prend l’exemple de deux noirs composés avec, en parallèle, les gris correspondants. On visualise bien alors la notion de saturation (nulle au milieu, au niveau du noir, puis croissante à mesure que l’on glisse vers les teintes pures). Vous maîtrisez du même coup les notions de teinte, clarté et saturation !

De l’éventail des gris jaillit la couleur PW 1

PW 4

PW 5

PW 6

PW 6 T

PW 7

PW 21

PBK 6

PBK 8

PBK 9

PBK 9 VÉRITABLE

PBK 11

PBK 28

PBK 31

I. 3 – Sensibiliser à la couleur par les blancs et les noirs n’est pas banal. Et pourtant, vous constatez bien que l’on obtient déjà des gris de « couleurs » différentes suivant le noir ou le blanc utilisé ! Les blancs diffusants (blanc de zinc et blanc de titane transparent) donnent des gris bleutés ; le noir d’ivoire (PBk9, en fait ici un noir d’os) donne des gris chauds, un noir d’ivoire véritable calciné à basse température donne carrément des gris roux, voire des beiges ; et le noir de pérylène (PBk31), qui est en fait un vert extrêmement sombre, donne bien sûr des gris-vert. De haut en bas, les noirs : noir de fumée (PBk6) ; noir de charbon de bois (PBk 8) ; noir d’ivoire courant ou noir d’os en réalité (PBk9) ; noir d’ivoire véritable (PBk9 également), présenté en ill. 2, mais sensiblement plus transparent que le noir d’os ; noir d’oxyde de fer ou noir de mars (PBk11) ; noir spinelle (PBk28) ; noir de pérylène, un pigment organique (PBk31). De gauche à droite, les blancs : blanc de plomb (PW1) ; blanc de zinc (PW4) ; lithopone (PW5, qui est en fait un mélange intime de PW7 et de PW21) ; blanc de titane (PW6), le plus opaque; blanc de titane transparent (mélange de blanc de titane à particules extrêmement fines et de blanc de zinc, pour lui donner du « corps », ce blanc est le moins opaque de tous) ; blanc de sulfure de zinc (PW7) ; blanc fixe ou sulfate de baryum (PW21), qui est une charge en peinture à l’huile, plus qu’un pigment blanc, il ne cause aucune distorsion chromatique des teintes avec lesquelles on le mélange (mais on ne le trouve pas sous forme de peinture dans le commerce… Avis aux fabricants !).

Nota bene. Si les jaunes de cadmium ont le même nom dans toutes les marques, il n’en est rien pour certains pigments comme le violet de dioxazine (PV23) ou le rouge carminé de DPP (PR264). Indiquer les noms commerciaux aurait alourdi le texte. De surcroît, sous le même nom, il peut s’agir de pigments différents… Donc, j’utiliserai les noms du Colour Index pour désigner avec précision les pigments [voir à ce sujet dans Pratique des Arts n° 125 l’encadré en haut de la p. 35, ainsi que l’excellent site : http//artiscreation.com/Color_index_names.html].

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'PTTJFS LA COULEUR EN PRATIQUE

U

ne façon plus courante de colorer les gris consiste à y ajouter une teinte. Le résultat dépend déjà du gris de base employé (très opaque ou semi-opaque), et du pigment qui va servir à le nuancer. Plus précisément : si l’on veut conserver l’opacité du mélange, on va employer pour la couleur, soit un pigment opaque (oxyde de fer rouge PR101 ou jaune spinelle au chrome PBr24 par exemple), ou bien très peu d’un pigment très colorant (bleu de phtalocyanine PB15 ou violet de dioxazine PV23 par exemple). Inversement, si l’on veut conserver la semi-opacité du mélange, et encore jouer sur la diffusion, on va utiliser des pigments transparents et même peu colorants (PR101 transparent, terre verte PG23, violet de cobalt clair PV49, etc.). Ill. 4 : En A/ on visualise ces exemples sur fond blanc et en B/ sur fond noir (outre le contraste, les mélanges diffusants sont renforcés dans le bleu sur fond noir).

PW 4 PBK 8 PR 101 T

PW 4 PBK 8 PY 42 T

PW 4 PBK 8 PG 23

PW 4 PBK 8 PB 35

PW 4 PBK 8 PV 49

PW 6 PBK 11 PR 101

PW 6 PBK 11 PBR 24

PW 6 PBK 11 PG 17

PW 6 PBK 11 PB 15

PW 6 PBK 11 PV 23

PW 4 PBK 8

PW 4 PBK 8 PR 101 T

PW 4 PBK 8 PY 42 T

PW 4 PBK 8 PG 23

PW 4 PBK 8 PB 35

PW 4 PBK 8 PV 49

PW 6 PBK 11

PW 6 PBK 11 PR 101

PW 6 PBK 11 PBR 24

PW 6 PBK 11 PG 17

PW 6 PBK 11 PB 15

PW 6 PBK 11 PV 23

PW 4 PBK 8

PW 6 PBK 11

PW 4 + PBK 8

PW 4 + PBK 8 + PR 101T

PW 4 + PBK 8 + PY 42T

PW 4 + PBK 8 + PG 23

PW 4 + PBK 8 + PB 35

PW 4 + PBK 8 + PV 49

OPAQUES

PW 6 + PBK 11

PW 6 + PBK 11 + PR 101

PW 6 + PBK 11 + PBR 24

PW 6 + PBK 11 + PG 17

PW 6 + PBK 11 + PB 15

PW 6 + PBK 11 + PV 23

+ PV 23 + PB 27

+ PW 6

78

GRIS NUANCÉS

SEMI OPAQUES

+ PW 6

A

Ill. 4

GRIS DE BASE

+ PG 36

Ill. 4

Ill. 5 – La démarche va dans l’autre sens : ici, le noir est composé de deux couleurs pures complémentaires. En fonction de l’équilibre de ce mélange, la teinte du gris va changer (c’est là aussi un moyen de tester la neutralité du noir composé en question). En haut, noir composé fait de vert de phtalocyanine (PG36) et de rouge carmin de DPP (PR264) ; en dessous + PR 264 quelques dégradés au blanc de titane (PW6). En bas idem, mais à partir d’un mélange de violet de dioxazine (PV23) et de bleu de Prusse (PB27) à gauche, et de vert-jaune d’azométhine (PY129) à droite. On peut aussi imaginer utiliser un blanc adapté à chaque situation (blanc de titane + PY 129 transparent pour un gris violacé et PW7 ou PW1 pour un gris chaud). En réalité, les peintres sont confrontés à ces jeux de gris colorés dès qu’ils posent une lumière blanche sur une teinte sombre et peu saturée… C’est-à-dire tout au long de la réalisation de leur tableau !

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Édouard Manet, Sur la plage. 1873. Huile sur toile, 73 x 95,9 cm. © Musée d’Orsay, Paris.

B

Tableau 1. – Composition pigmentaire des illustrations 4A et 4B. Complément d’équivalences du Colour Index non présentées auparavant : PR101t (rouge oxyde de fer transparent) ; PY42t (jaune oxyde de fer transparent) ; PG23 (terre verte) ; PB35 (bleu céruléum véritable) ; PG17 (vert oxyde de chrome).

Ce inhabituel C tableau, t bl i h bit l pour un impressionniste, est une symphonie de gris, sous-tendue par l’opposition des pôles « bleujaune »… Aucun commentaire, ça se déguste en silence !

Les glacis, joyaux de la couleur I. 6 François Perego, Portrait de famille. 2016. Étude à l’huile sur panneau, 30 x 45 cm. Il n’est pas nécessaire d’aimer les sushis pour admirer les maquereaux (Scomber scombrus)… Frais et lavés à l’eau de mer, ils se parent de reflets colorés, du jaune doré au bleu, en passant par des verts sublimes, le tout pailleté ou plaqué d’argent aux mille et une nuances. En regardant de près, on constate que cette peau argentée est glacée et émaillée des couleurs dont je parlais à l’instant (la photo ne rend pas toutes ces subtilités, filez chez le poissonnier pour vous en assurer). Toutefois, les reflets peuvent être si puissants à côté du délicat vernis diapré, qu’ils « remontent » localement en surface, noyant ainsi toute velléité de couleur… Résultat, le miroir délicat qui anime le kaléidoscope des teintes peut se transformer par endroits en violents éclats d’argent poli !

A

Forts de cette analyse, on va d’abord construire le poisson en nuances de gris.

B

Une fois cette ébauche sèche, on va passer les couleurs en glacis (bleu, vert, rose, jaune d’or, brun des nageoires, noir des yeux)…

C

DAVY’S GREY

PY 139

PB 27

PG 36

PR 101T

PBK 9

PY 42

La palette des couleurs utilisées (« g » signifie « glacis ») : blanc de titane (PW6) ; noir de charbon de bois (PBk8) ; oxyde de fer rouge clair (PR101) ; oxyde de fer jaune (PY42) ; noir d’ivoire (g) (PBk9) ; oxyde de fer rouge transparent (g) (PR101t) ; vert de phtalocyanine jaunâtre (g) (PG36) ; bleu de Prusse (g) (PB27) ; jaune d’isoindolinone (g) (PY139) ; Davy’s grey (g) (Winsor & Newton), ardoise en poudre nuancée d’oxyde de fer jaune et de noir de fumée.

PR 101

Et, si possible dans le frais du glacis, on cisèle, plaque ou modèle les lumières argentées avec du blanc bien opaque. Bien que la photo ne rende pas complètement les effets et la profondeur, quelques macrophotographies (ou plutôt « maquereauphotographies » dans notre cas) vous donneront plus d’informations; on y voit bien les lumières, pour la plupart du blanc pur, posées sur les glacis de couleur, et l’effet de mouillé, en particulier sur la nageoire, est très sensible.

PBK 8

C’est embarrassant, car je vais vous montrer la magie des glacis (et plus loin celle des frottis), et vous n’en goûterez pas la moitié… Non, c’est parfait, car ainsi vous allez essayer vous-mêmes ! Un bref rappel : le glacis est un filtre coloré qui va purifier, saturer la teinte. On perdra en luminosité objective, mais on gagnera en profondeur et en intensité chromatique (ce qui fait que, paradoxalement, on pourra gagner en luminosité subjective). Pour cela, la peinture employée doit être suffisamment transparente, voilà aussi pourquoi la peinture à l’huile, ou alkyde, est la mieux placée [voir PDA n° 125 p. 34]. Pour diluer la couleur tout en misant sur une transparence maximale, on emploie généralement un médium à peindre adapté. La superposition de lumières fortement opaques sur le glacis augmente encore la sensation de profondeur [voir l’ill. 6].

Cas pratique

PW 6

T

ous, amateurs de belle matière picturale que vous êtes, vous avez vécu déjà l’expérience suivante : après avoir contemplé la reproduction d’un tableau peint à l’huile, vous avez enfin eu la chance de l’admirer en vrai… Et là, c’est le choc, la peinture n’a rien à voir avec la pâle reproduction, ou, à l’inverse, le rendu de la peinture a été largement amélioré par la reproduction ! Pour être plus précis : un Van Eyck, Memling, de Vinci, Raphaël, Vélasquez, Poussin, Fragonard et j’en passe, perdent considérablement à la reproduction ; tandis qu’un Magritte, Braque, Léger, gagnent en profondeur et saturation des teintes (alors qu’en réalité, leurs peintures sont généralement crayeuses et bouchées). La raison est que la photo, imprimée ou visionnée sur un écran, est incapable de rendre la profondeur et la richesse des glacis, des frottis et autres finesses qui rendent si précieuse la matière de certaines peintures.

79

'PTTJFS LA COULEUR EN PRATIQUE

I

ci encore, aucun moyen de reproduction ne permet de rendre pleinement l’effet obtenu… Tant mieux, ainsi la peinture reste irremplaçable ! Mais la démonstration est suffisamment parlante. On utilise donc des pigments qui vont diffuser préférentiellement le bleu (les courtes longueurs d’ondes) tandis qu’ils laissent la lumière rouge orangée pénétrer dans la couche picturale [voir PDA n° 125 p. 29]… Le blanc de zinc, le blanc de titane transparent, les jaunes de cadmium et certains bleus de cobalt par exemple permettent de jouer avec cet effet. Il faut rappeler que la nature est riche en exemples où la diffusion préférentielle des courtes longueurs d’onde intervient : le bleu du ciel, la pruine bleutée des myrtilles, des quetsches, de certains raisins noirs ou du chou rouge, les plumes de la mésange bleue, l’iris des yeux bleus, la teinte mauve d’un yaourt à la mûre ou à la myrtille, etc. Ce phénomène apporte de la fraîcheur et de la légèreté à la peinture. C’est pourquoi le blanc de zinc (PW4) procure des mauves plus frais que le blanc de titane, et a fortiori le blanc de plomb.

Couleurs diffusantes, du bleu à partir de blanc et de noir… Cas pratique Ill. 7 François Perego, Rameau de quetsches. 2016. Étude à l’huile sur panneau, 27,5 x 42 cm. Cette étude est restée volontairement inachevée sur la partie droite. Lorsque l’on a des quetsches, des myrtilles, certains raisins noirs, des prunelles ou des choux rouges frais entre les mains, on constate qu’ils sont couverts d’une très fine pellicule cireuse blanche, c’est la « pruine ». Si on l’essuie, la couleur du fruit ou de la feuille apparaît, nettement moins bleue et sensiblement plus foncée qu’avec la pruine intacte. Cette pruine diffuse préférentiellement la fraction bleue de la lumière, faisant ainsi paraître le végétal bleu ou bleuté (la quetsche sans ce revêtement est « couleur prune »).

A On peut reproduire ce phénomène en peinture en appliquant une peinture blanche adaptée en couche très fine (frottis) sur la couleur de base du végétal. En A, l’ébauche du tableau.

C

B

Un frottis de blanc de titane transparent (Winsor & Newton ou Schmincke) a été appliqué sur les quetsches de gauche. Le blanc de zinc est un peu moins efficace, en revanche, il est parfait pour les lumières. C’est magique !

Le tableau avant le frottis de blanc.

D Ici, deux touches d’essai montrent l’effet immédiat… Blanc de titane transparent en haut et blanc de zinc en bas !

80

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

E

Le traitement des ombres est délicat, il a fallu tricher : un mélange d’indigo (Schmincke) et de bleu de cobalt PB72 de Sennelier (qui paradoxalement s’appelle « bleu de cobalt véritable », alors que ce dernier est le PB28…), « pollué » par un peu de blanc de titane transparent fait très bien l’affaire ; on y met plus d’indigo pour le plus foncé et plus de PB72 pour la jonction ombre lumière… Le PB72, moins transparent que les autres bleus de cobalt (PB28 ; 73 et 74), convient donc mieux.

L

es règles du contraste simultané sont simples : une couleur enlève sa propre couleur à sa voisine, ou, ce qui revient au même, lui ajoute sa complémentaire. Bien sûr, l’effet est réciproque sur les deux voisins. Ceci est valable pour la teinte, la clarté et la saturation. Ainsi, le couple rouge vermillon/ vert olive va se comporter comme suit : le rouge va enlever du rouge au vert olive (qui du coup paraîtra plus vert et plus vif), et le vert olive va renforcer la teinte et la saturation du rouge vermillon. Le couple ocre jaune/indigo va réagir sur le même principe (l’ocre paraîtra plus jaune et l’indigo plus bleu), avec une influence sur la clarté (l’ocre semblera plus clair et l’indigo plus sombre). On comprend qu’une seule couleur vive suffit pour rendre l’ensemble puissant. C’est une erreur courante chez beaucoup de peintres débutants que de forcer la saturation de toute la palette (mais à l’inverse, une palette exclusivement terreuse n’exploite pas non plus son potentiel chromatique, puisqu’une pointe de couleur vive suffit pour la réveiller).

PW 4

PW 6 T

PB 72

PB 66

PB 29

PR 177

PBR 7

PY 35

PY 42

PR 101

PBK 8

PW 6

Notons que le vert des feuilles repose sur le même phénomène, mais en mélange (jaune de cadmium citron PY35 + noir de charbon de bois Winsor & Newton PBk8), comme on l’a montré dans la partie 1 de ce dossier consacré à la couleur [voir PDA n° 125 ; ill. 29 p. 34].

La palette des couleurs utilisées (« f » signifie « frottis ») : blanc de titane (PW6) ; noir de charbon de bois (PBk8) ; oxyde de fer rouge clair (PR101) ; oxyde de fer jaune (PY42) ; jaune de cadmium clair (f) (PY35) ; terre d’ombre brûlée (PBr7) ; rouge anthraquinonique (PR177) ; bleu outremer (PB29) ; indigo (PB66) ; bleu de cobalt clair (f) (PB72) ; blanc de titane transparent (f) (PW4+PW6t) ; blanc de zinc (f) (PW4).

Faire de la couleur en s’appuyant sur les voisins… A

I. 8 François Perego, Bouquet de mai [détail]. 2003. Huile sur panneau, 67 x 49,5 cm. Les Anciens considéraient la peinture de fleurs comme le genre qui exigeait les pigments les plus vifs, dussent-ils en contrepartie ne pas être très solides à la lumière. J’ai employé ici des pigments modernes, que nos maîtres admirés auraient enviés… Mais, comme eux, je me suis aussi appuyé sur le contraste des couleurs (aussi bien la teinte que la saturation et la clarté).

« Une couleur enlève sa propre couleur à sa voisine ou lui ajoute sa complémentaire. » B

Prenons l’exemple du vert des feuilles du chèvrefeuille au centre : il est obtenu par mélange de jaune de cadmium citron et de noir de charbon de bois. Le contraste mis en jeu s’établit avec le rouge du meuble et/ou le violet de cobalt clair des fleurs de clématites. L’ill. B montre la similitude de l’échantillon avec la peinture du tableau.

C

L’ill. C montre cet échantillon sur un fond de rouge de cadmium pur (sensiblement plus saturé et moins orangé que le rouge du meuble) ; sur un fond violet de cobalt rouge (PV49) ; puis, sur un fond vert vif (jaune de cadmium citron + bleu de Prusse ; PY35 + PB27). Il saute aux yeux que sur le fond vert vif, notre échantillon paraît brunâtre, tandis que dans les autres situations sa teinte verte est renforcée (de surcroît, plus bleutée sur le fond rouge et plus vert franc sur le fond violet). PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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'PTTJFS LA COULEUR EN PRATIQUE

Johannes Vermeer, le Verre de vin. Vers 1661. Huile sur toile, 67,7 x 79,6 cm. © Gemäldegalerie de Berlin. Ce tableau est un modèle de gestion de la couleur ! Le rouge de la robe contraste vivement avec le bleu (coussin, dossier de la chaise, rideau…) ; on retrouve d’ailleurs ces deux teintes au maximum de leur saturation sur le vitrail à gauche. La cape gris verdâtre de l’homme, un peu « terre verte », semble plus verte au contact du rouge de la robe de la femme (et augmente un peu la saturation de ladite robe). Si l’on remplace le bleu par des gris de même clarté, toute la perspective de la pièce s’affaisse, perd de sa vigueur ! Comme si cette dualité « bleu/ rouge vermillon » maintenait une distance entre les objets et les acteurs de cette scène. Du coup, le couple minoritaire gris verdâtre/ rouge vermillon entre les deux personnages prend le dessus ! La mise en scène lumineuse et dynamique se rétrécit.

B

Ill. 9. François Perego, Simplement papillon… 2016. Étude à l’huile sur panneau, 22 x 33 cm.

PBR 25

PR 108

PB 35

PB 66

PR 168

Ce même petit rectangle dans un contexte différent semble terne sur fond rouge de cadmium et plus vif sur fond bleu-vert.

PBR 24

PY 35

PR 101

PBK 9

PW 6

Les insectes rouges ne sont pas toujours rouge vif (prenez par exemple une coccinelle). Mais le contraste, en particulier avec les feuilles, fait l’affaire ! Ici, le rouge de l’aile est relativement terne, mais le noir avoisinant lui « donne de la lumière » et le bleu-vert du fond le rend plus vif. Le petit rectangle sur l’aile du bas correspond à la teinte de base utilisée pour le rouge de l’aile [Voir l’ill. B].

La palette des couleurs utilisées : blanc de titane (PW6) ; noir d’ivoire (PBk9) ; oxyde de fer rouge clair (PR101) ; jaune de cadmium clair (f) (PY35) ; jaune spinelle au chrome (PBr24) ; rouge indanthrone (PR168) ; indigo (PB66) ; bleu céruléum (PB35) ; rouge de cadmium moyen (PR108) ; brun azoïque (PBr25).

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O

n n’insistera jamais assez sur l’identité des pigments. C’est pourquoi les peintures monopigmentaires sont si précieuses. Nous étudierons dans ce dossier quelques pigments ou mélanges de pigments insolites ou peu connus. Avec un peu de familiarité avec ses couleurs, on peut découvrir encore d’autres mélanges très particuliers.

De la ressource et des richesses méconnues I. 10 – Quelques mélanges insolites ou peu connus. Nota bene : certaines couleurs sont impossibles à prendre en photo… (PR177, PV23, les mélanges PR177/PV49 ou PR177/PBk31…) Vraiment, essayez-les !

[En bleu, les exemples présentés sur l’ill. 10] 1 - On peut désaturer une couleur avec une complémentaire foncée : – PBk31 + PR177 (ou 264) ; idéale pour peindre des cassis, des aubergines, des tulipes noires… 2 - Quelques verts inédits : – PY35 ou 37 + PBk8 (ou à défaut PBk9), indispensables pour les feuillages et les paysages – PG23 + (un peu de) PBk8 – PB35 + PY129. 3 - Doper une teinte avec une couleur proche (ou possédant un domaine commun) : – PR101 clair ou PR102 + PO49 ou PO71 ou PO107 – PB29 + (un peu de) PV23 – PV14 ou 49 + PR177 (ou 264). 4 - Se servir de pigments très peu colorants pour « diluer » d’autres très opaques et/ou très colorants : – PG23 + PG17 – PW6 transparent + PB36 ou PB60 – Davy’s Grey + PR101 ou PBk11…

Correspondance des noms de Colour index D’abord les organiques de synthèse : PBk31 noir de pérylène ; PR177 rouge anthraquinonique ; PR264 carmin de DPP ; PY129 complexe organométallique ; PV23 violet de dioxazine ; PO49 orange de quinacridone ; PO71 et PO107 oranges de DPP ; PB60 bleu d’indanthrone. Les pigments inorganiques (le terme « pigment minéral » doit être réservé aux pigments naturellement présents dans le sol : ocres, hématite, lapis-lazuli…) : PY35 et 37 jaunes de cadmium ; PBk8 et 9 (en fait des pigments de carbonisation) noir de charbon de bois et noir d’ivoire ; PG23 terre verte ; PV14 ou 49 violet de cobalt de clair (ou rouge) ; PR101 oxyde de fer rouge ; PR102 ocre rouge ; PB29 bleu outremer ; PW6 blanc de titane ; PB36 turquoise de cobalt ; PBk11 oxyde de fer noir.

B

A En gras, la couleur majoritaire, en haut à gauche de chaque mélange sur la photo. – PR177 + un peu de PBk31 : idéal pour peindre des cassis, des aubergines, des tulipes noires ; – PG23 + un peu de PBk8 : un moyen de foncer la terre verte sans perdre sa délicate teinte verdâtre ; – PB35 + PY129 : un vert opaque beaucoup plus riche que les verts de cadmium.

– PB29 + PV23 : à défaut de violet d’outremer (PV15), couleur très changeante suivant l’éclairage ! – PV49 + un peu de PR177 : une teinte idéale pour les framboises, couleur très changeante suivant l’éclairage ! – PG23 + un peu de PG17 : la pointe de PG17 procure une nette opacité à la terre verte, tout en l’éclaircissant franchement (inversement, la terre verte apportera de la légèreté au vert oxyde de chrome, très « bouché »).

Les dix commandements de la couleur 1. Pour un travail de qualité, des peintures de qualité tu utiliseras. 2. Au mono-pigmentaire priorité tu donneras. 3. D’une gamme suffisamment étendue tu disposeras. 4. Pour que les couleurs s’expriment, au bon éclairage tu veilleras. 5. Progressivement les mélanges tu feras. 6. Opaque et transparent gérer tu devras. 7. Teinte, saturation et clarté d’une couleur toujours tu considéreras. 8. Pigments rares et mélanges originaux jamais tu n’écarteras. 9. Faibles et forts tempérer tu sauras. 10. Pour des teintes fraîches, pinceaux et palette propres tu garderas.

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Ivan Aïvazovski

Le maître de la mer LES MERS DÉCHAÎNÉES, LES SCÈNES DE BATAILLE N’AVAIENT PAS DE SECRETS POUR IVAN AÏVAZOVSKI. CE PEINTRE ARMÉNIEN DU XIXE SIÈCLE A PEINT DES MILLIERS DE MARINES, CÉLÉBRÉES PAR TOUS À LA FOIS POUR LEUR BEAUTÉ ONIRIQUE ET LEUR RÉALISME. MAIS L’ARTISTE NE TRAVAILLAIT JAMAIS D’APRÈS NATURE : SEULE L’IMAGINATION GUIDAIT SON PINCEAU. Texte : Valérie Auriel. Photos : D.R.

L’hommage de Turner Pour célébrer le talent d’Aïvazovski – qu’il ne nomme cependant pas expressément – le peintre Turner a écrit ces vers : « Par ton art puissant [qu’inspire le génie, Ton œuvre a porté son [pouvoir de séduction Jusqu’aux plus hautes [voluptés de l’esprit. »

La Neuvième Vague. 1850. Huile sur toile, 221 x 332 cm. © Musée Russe, Saint-Pétersbourg.

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L

oué par Delacroix et Turner, le peintre arménien Ivan Aïvazovski était extrêmement célèbre de son vivant. Aujourd’hui, il est encore une référence sur ses terres d’origine, les pays de l’ancien empire russe. En France, il est un peu oublié, même s’il y a quelques années, le musée de la Marine a présenté une très belle exposition sur son travail. Prolifique et talentueux, Aïvazovski aurait réalisé plus de 6 000 œuvres, principalement des marines. Ses créations sont empreintes du souffle romantique de son temps. L’artiste aimait peindre les tempêtes et les naufrages, les crépuscules flamboyants sur l’onde. Dans ses toiles, l’homme se fait tout petit devant les éléments. Comment expliquer cet attrait de l’artiste pour la mer, alors que

La Vague. 1889. Huile sur toile, 304 x 505 cm. © Musée Russe, Saint-Pétersbourg.

l’Arménie se trouve au milieu des terres ? Varvara Basmadjian, historienne de l’art spécialiste de l’Arménie, suggère : « Cette fascination tient sans doute au lieu de naissance d’Aïvazovski, une ville portuaire de Crimée. Mais la mer a aussi une dimension symbolique pour les Arméniens. Avec son horizon illimité et mystérieux, elle est un appel à quitter la terre pour explorer de nouveaux territoires, elle évoque la liberté. »

UNE TECHNIQUE ADMIRABLE Ce qui frappe dans les œuvres de l’artiste, c’est leur technique incroyable. Ses vagues trans-

parentes gorgées d’écume sont saisissantes de réalisme, ses scènes de batailles navales impressionnent par leur vivacité. On croirait sentir la poudre des canons. « Il est le maître de la transparence et de la lumière, qu’il met en scène à un moment clé. Le spectateur est dans l’attente de l’événement à venir, comme en apesanteur entre deux instants. » Le plus extraordinaire est que l’artiste ne peint jamais sur le motif : tout se passe dans le calme de l’atelier. Aïvazovski travaille d’après son imagination ou ses souvenirs.

LE DESSOUS DES TOILES Un bureau d’analyse scientifique de Kiev a observé plusieurs de ses toiles aux infrarouges pour découvrir le dessin sous-jacent. On s’aperçoit que la plupart du

Un talent précoce Ivan Aïvazovski est né en 1817 à Théodosie (Feodossia), ville de Crimée sur la rive nord de la mer Noire. Ses parents sont commerçants. Son talent précoce pour le dessin lui ouvre les portes de l’Académie des beaux-arts de SaintPétersbourg. Il en ressort avec une médaille d’or et une bourse pour se perfectionner à l’étranger. Il voyage pendant quatre ans et ses œuvres font déjà sensation. À son retour, il est nommé peintre officiel de la Marine russe. En 1845, il revient dans sa ville natale où il construit sa maison-atelier, devenue aujourd’hui un musée. Il continue de beaucoup voyager, notamment en France, et il sera le premier artiste étranger à recevoir la Légion d’honneur. Il aura également mené de nombreuses actions humanitaires et tenté d’alerter sur les massacres des Arméniens dans l’Empire ottoman. Il meurt en 1900, après avoir travaillé toute la journée sur un tableau de bataille. Alexandre Tyranov, Portrait d’Ivan Aïvazovski. 1841. Huile sur toile. © Galerie Tretiakov, Moscou.

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La Côte. 1886. Huile sur toile, 46,5 x 67 cm. © Galerie d’art Aïvazovski, Théodosie, Crimée.

LA PALETTE DE L’ARTISTE L’analyse scientifique des tableaux de l’artiste et l’étude de sa dernière palette ont permis de déterminer les pigments qu’il utilisait. Sa couleur préférée était indéniablement le bleu de cobalt ; vient ensuite le blanc de zinc ou de plomb (blanc d’argent) et le noir. Les experts ne s’accordent pas tous sur la nature de ce noir : certains parlent du noir de bitume, d’autres du noir de charbon (noir de pêche). L’artiste aimait aussi beaucoup utiliser les ocres (jaune, doré, rouge ou brun). Il mélangeait notamment l’ocre jaune avec du bleu de cobalt pour rendre le vert de l’océan. Il emploie beaucoup le vert émeraude pour la mer, que ce soit en glacis ou mélangé avec du blanc, du noir et du bleu pour obtenir des teintes sombres. Ses autres pigments phares : violet, vert de cobalt, cadmium jaune et orange, garance naturelle, cinabre, jaune de Naples, outremer et bleu céruléum. Aïvazovski plaçait toujours de la même façon les couleurs sur sa palette. À un curieux qui lui demandait pourquoi, il fit cette réponse : « Que ferait un pianiste si on disposait les touches d’un piano dans le désordre ? ».

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temps, l’artiste trace juste des lignes au crayon pour indiquer les principaux éléments. Mais il peut aussi esquisser quelques signes graphiques, comme des tourbillons ou des zigzags. Ceuxci servent à marquer les zones dynamiques de la composition. Quand il peint, l’artiste ne se sent pas enfermé par son dessin. Il peut faire évoluer son tableau selon l’inspiration et le tableau final ne correspond pas toujours aux indications préparatoires. Cette manière de peindre est confirmée par une anecdote du peintre russe Ostrooumov, qui raconte avoir remarqué le maître tracer dans son calepin sur les plages de Biarritz seulement « trois lignes au crayon : les contours des montagnes, la ligne de l’océan et celle du rivage » et demander aux passants où se lève et se couche le soleil. Dès le lendemain, Ostrooumov voit à l’atelier de son confrère trois tableaux achevés des rivages de Biarritz, qui attestent de sa grande rapidité et de sa justesse d’exécution.

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EN PRATIQUE

Aïvazovski travaille plutôt sur des toiles à grain fin, qu’il recouvre d’une émulsion épaisse. Il ébauche sa composition en remplissant la toile d’un même ton, en grisaille. Il pose ensuite les valeurs foncées en glacis, les lumières en pâte. L’artiste aime choisir une couleur dominante pour chaque œuvre : bleu, vert, rose, jaune… Il assombrit cette teinte de base avec du noir, l’éclaircit avec du blanc. Dans certains tableaux, il joue des complémentaires et, parfois, n’hésite pas à employer des couleurs très vives : orange de cadmium, vert émeraude. Ses origines orientales expliquent sans doute ces choix audacieux pour l’époque… L’artiste applique des couches légères, jamais plus de

deux ou trois. Il peint toujours le ciel en un seul jet. Il construit sa toile par larges touches en se concentrant sur un élément central. C’est ce point focal qui doit attirer le regard. Les autres parties peuvent être moins travaillées, plus vaporeuses. Si au début de l’exécution, la peinture est diluée à la térébenthine, les couches finales peuvent être additionnées de cire, pour donner un aspect mat à la toile. Les vingt dernières années, il ne vernissait plus ses œuvres, préférant l’aspect mat de la cire. Pour créer des transparences, complexifier ses teintes, il pose des glacis colorés. Il utilise parfois un pinceau dont il a coupé les poils de manière irrégulière pour créer des effets de matière, sur les rochers notamment. Dans

les dernières étapes, il accorde un soin particulier aux détails – comme la dentelle d’écume sur la mer – qui donnent l’effet réaliste de la scène. Ces petites touches sont posées en pâte et contrastent avec le reste de la toile, au traitement plus flou.

UNE FIDÉLITÉ AU ROMANTISME Pendant toute sa vie, Aïvazovski a représenté la mer avec la même passion. Malgré l’arrivée du réalisme et de l’impressionnisme, il est resté fidèle au romantisme. Sa façon de travailler et sa palette ont peu changé. Si ce conformisme a pu lui être reproché par ses contemporains, c’est aussi grâce à cette constance qu’il a pu devenir le maître incontesté des marines.

« Si j’avais vécu encore trois cents ans, j’aurais trouvé quelque chose de nouveau dans la mer. »

OÙ VOIR SES ŒUVRES ? Les œuvres d’Aïvazovski sont réparties dans le monde entier. Malheureusement, il y en a peu en France. Trois tableaux sont répertoriés dans les collections publiques françaises, dont deux sont présentés au musée des Beaux-Arts de Brest. Le Musée arménien de France (MAF) possède aussi quelques œuvres de l’artiste, mais un absurde imbroglio administratif fait que ce musée est aujourd’hui fermé et ses œuvres entreposées en caisses. Si vous souhaitez voir ses tableaux, il vous faudra voyager ! À Théodosie, notamment, dans la maison-musée de l’artiste qui conserve une centaine d’œuvres ; en Russie, à Saint-Pétersbourg, au musée de la Marine militaire et au Musée russe, ou à Moscou à la Galerie Tretiakov ; en Italie, à Venise, au musée de la Congrégation des Mekhitaristes de l’Île Saint-Lazare…

Une œuvre sous l’œil de l’historienne de l’art Selon Varvara Basmadjian, spécialiste de l’Arménie : « Cette peinture de Constantinople est magnifique. Nous sommes vraiment dans un moment suspendu. L’artiste joue sur trois registres : le bateau à l’avant-plan, le paysage intermédiaire dans la brume et la très belle mosquée immaculée qui se dresse à l’horizon dans la deuxième moitié de la toile. La forme ronde du monument fait écho à la barque, sa blancheur s’oppose à la couleur sombre de l’esquif. On distingue à peine les voiliers dans la brume du deuxième plan. L’artiste a utilisé peu de couleurs : toutes les nuances de bleu pour le ciel et l’eau, un blanc teinté de jaune et rose pour les bâtiments. Des petites notes rouges indiquent les fanions des navires, elles guident le regard du spectateur vers les bateaux presque invisibles. J’aime l’atmosphère de cette toile, qui correspond bien à la réalité, sa poésie délicate. Aïvazovski raconte une histoire, il fige le temps. Que va-t-il se passer quand la barque avancera ? L’atmosphère sereine le restera-t-elle longtemps ? » Constantinople, la mosquée de Top-Kahné. 1884. Huile sur toile, 115,5 x 90,5 cm. Musée des Beaux-Arts de Brest. Photo : © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot

CARNET S D’ADRESSE

Plus d’infos sur ce peintre dans notre carnet d’adresses p. 114 et sur notre site Internet.

Déclinaison sur un même thème Aïvazovski pouvait réaliser des versions très proches d’une même œuvre. Il répondait ainsi aux désirs d’acheteurs frustrés de n’avoir pu acquérir une toile déjà vendue. Certains thèmes lui étant très chers, comme les naufragés dans la tempête, il avait aussi sans doute plaisir à les décliner. L’artiste variait légèrement les détails, les couleurs. Cependant, il a reproduit une de ses toiles de manière exacte, ce qui est inhabituel pour lui. Il s’agit d’une vue de la vieille ville de Théodosie. La première version, datant de 1845, se trouve au musée d’Erevan, la seconde, bien plus grande, peinte en 1846, au musée du Louvre. Nous vous présentons ici la version française.

Entrée de port. 1846. Huile sur toile, 121 x 191 cm. Paris, musée du Louvre. Photo : © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

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La papeterie artisanale

Texte : Caroline Duchesnes Photos : Papeterie artisanale de Pérouges

de Pérouges

C’EST À PÉROUGES, CITÉ MÉDIÉVALE DE LA RÉGION LYONNAISE – HISTORIQUEMENT ATTACHÉE À L’IMPRIMERIE ET L’INDUSTRIE DU PAPIER – QUE LAURENCE ET BRUNO PASDELOUP ONT OUVERT, EN AVRIL 2015, LEUR PAPETERIE ARTISANALE. PRATIQUE DES ARTS VOUS EN OFFRE UNE VISITE TOUT EN IMAGES !

La papeterie se trouve au cœur de Pérouges, un ancien village de tisserands (tissage du chanvre) classé parmi les beaux villages de France car l’architecture interne, remarquablement préservée, y est typique du Moyen Âge.

La forme, utilisée par les papetiers du XIIIe siècle, est un cadre de bois avec une trame constituée de fils de laiton (vergeures). Une fois la feuille fabriquée, on peut y voir les traits causés par les vergeures. On parle alors de papier vergé.

La pile hollandaise permet de broyer les chiffons de lin, chanvre ou coton pour séparer les fibres, ensuite transformées en pâte en y ajoutant de l’eau et un produit d’encollage qui permet d’imperméabiliser le papier (sinon, cela donne du papier buvard). La quantité d’eau détermine le grammage de la feuille, c’est-à-dire le poids du papier en grammes par mètre carré.

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Le papetier plonge la forme dans la cuve, la relève chargée de pâte et l’agite pour que l’eau s’écoule. Dessus, il fixe la couverte, un cadre qui détermine le format et l’épaisseur de la feuille.

Après avoir été démoulée sur un feutre de laine, puis pressée pour éliminer l’eau, la feuille est mise à sécher. Comme au Moyen Âge, le séchage est naturel, sur des cordes en chanvre. Le plafond de la papeterie se transforme en séchoir géant !

Le couple, passionné par son métier, souhaite le faire connaître au plus grand nombre et s’investit en participant à des interventions dans les écoles et des conférences. La papeterie accueille également le public pour des visites, ateliers et stages : fabrication de papier, enluminure, réalisation de papier marbré…

Les feuilles sèches sont ensuite mises à nouveau sous une presse durant quelques jours afin de les lisser. Les feuilles sont prêtes ! Il faut compter une semaine pour fabriquer une feuille, et la papeterie en produit 100 à 150 par jour environ.

La papeterie produit des papiers en fibres de lin, chanvre et coton (mais aussi parfois d’abaca, d’eucalyptus ou de résineux). Tous les papiers sont vergés, et la plupart sont filigranés. Les formats proposés sont : A4, A3 et format raisin. Le recyclage est également à l’honneur à la papeterie de Pérouges, puisqu’elle récupère vos vieux tissus 100 % lin, chanvre ou coton (vêtements, draps, nappes) pour les transformer en papier !

Interview de Bruno et Laurence Pasdeloup Quel était votre projet avec l’ouverture de cette papeterie, il y a un an à peine ? Nous avons à cœur de perpétuer cette tradition papetière de la région lyonnaise, rare et en voie de disparition (nous sommes moins de 10 artisans-papetiers en activité en France, et au mieux une trentaine en Europe). Notre démarche est de nous inscrire dans une tradition vieille de huit siècles en Occident, tout en montrant que le papier fait main n’a pas vocation à être un objet désuet, vieillot ou passé de mode. Nous croyons en l’avenir de ce matériau, et sommes persuadés qu’il peut avoir des applications modernes. Notre démarche est très actuelle et vivante. Nous ne sommes pas un musée, mais une entreprise du e siècle !

Quels papiers de votre gamme conseilleriez-vous à des artistes ? Vous trouverez chez nous des papiers pur coton à gros grammage pour les aquarellistes ; des papiers pigmentés avec des ocres naturels ; des papiers fins pour la reliure ; des papiers au grain plus discret ou à l’inverse très « rustiques » et très texturés pour les dessinateurs et calligraphes. Nous nous adressons également au grand public avec une gamme de produits tels que des impressions, des carnets, des marque-pages, des bijoux en papier, des objets décoratifs… Pratiquez-vous la fabrication de papier sur-mesure ? Oui, le gros avantage d’un artisan-papetier, c’est que nous pouvons nous adapter

au travail d’un artiste pour lui concevoir un papier sur-mesure. Dans la pratique, nous pouvons tout faire, ou presque ! Et c’est ce que nous aimons dans notre travail. Nous échangeons avec nos visiteurs, c’est un vrai travail collaboratif. J’ai même envie de dire que quand un artiste entre à la papeterie, c’est la première étape de création de son œuvre. Le papier n’est pas seulement un support pour une œuvre d’art, il en fait partie. Et faire le bon choix est primordial. Il nous arrive également d’organiser des stages de fabrication de papier. Principalement pour des artistes qui veulent en savoir plus, mettre la main à la pâte et comprendre « de l’intérieur » le processus de fabrication du papier avant de faire fabriquer leur propre papier sur-mesure.

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S V U Q M V D 6

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Christophe Charbonnel EN PLEIN CŒUR DE LA VALLÉE DE CHEVREUSE S’ÉLÈVE UN VIEUX CORPS DE FERME, DONT JARDIN ET COUR SONT HABITÉS DE FIGURES DE MÉTAL. DANS LA GRANGE ATTENANTE, CHRISTOPHE CHARBONNEL A AMÉNAGÉ SON ATELIER. C’EST ICI QUE, ATTELÉ À SA DERNIÈRE PIÈCE OU RÊVASSANT À LA PROCHAINE, IL ÉCHAFAUDE CHACUNE DE SES SCULPTURES MONUMENTALES.

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oliath, Chronos, Athéna, Prométhée, Thémis, Orphée, Eurydice… On pourrait croire Christophe Charbonnel passionné de mythologie antique. Mais il suffit d’ajouter à son panthéon Odin et la Walkyrie, de le compléter d’esclaves, de condottieri, de guerriers et autres bâtisseurs pour toucher un tout autre univers : celui du 9e art. « J’ai grandi dans un monde de superhéros. Ma culture n’est pas tant celle de

Thésée et l’Amazone. Édition sur 4 en bronze. 205 cm.

Texte et photos : Stéphanie Portal

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l’histoire de l’art que celle graphique des bédéistes contemporains. Excellents dessinateurs, ils savent aussi et surtout raconter des histoires et donner un caractère à leurs personnages dans lequel on peut se reconnaître. » La culture classique s’est imposée plus tard, alors qu’il était jeune adulte. Au Louvre, à Orsay, il découvre la statuaire antique, l’art classique de la Renaissance, le réalisme du XIXe. Des visites qui le mènent jusqu’à l’atelier du

 ON A BESOIN DE

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Portrait

HÉROS 

Christophe Charbonnel est né à Nantes en 1967. Il a exercé pendant neuf ans le métier de dessinateur puis de modeleur pour les studios de dessins animés de Walt Disney à Montreuil, avant de s’initier à la sculpture dans les années 1990 auprès de Philippe Seené. Il crée son premier bronze en 1992 et expose son travail à partir de 1998. En 2002, il part s’installer dans les Yvelines. En 2010, il est lauréat de la Fondation Taylor.

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SF 6DV MQ UV CHRISTOPHE CHARBONNEL symboliste Gustave Moreau et de fil en aiguille, à la grande Épopée slave de Mucha. Un retour à l’univers fantastique de ses débuts : la boucle est bouclée. « J’essaie de faire le trait d’union entre la sculpture classique et l’esprit de la bande dessinée, entre un héritage ancien et une approche moderne. Je pense qu’on peut combiner les deux sans commettre un acte de trahison. » Rodin, Moreau, Mucha : la référence au XIXe siècle s’inscrit dans cette quête d’un art proche de l’humain. « L’art de cette époque parlait de l’homme et de ce qu’il ressentait à travers les épreuves qu’il traversait. Il était question de la condition humaine. » Un thème inépuisable pour le sculpteur qui voit dans la figure (visage, figure en pied ou groupe) le prétexte pour sonder les caractères, explorer les passions humaines et les révéler dans la terre et le métal. « Mes héros sont ces hommes qui combattent des dieux ou des instances supérieures, des humains qui se révoltent contre l’ordre établi. Dans leur lutte contre les éléments extérieurs (monstres ou entités négatives), ils font valoir notre humanité. C’est une bataille contre soi-même, avec les moyens qui nous sont donnés. » Plaque de guerriers. Édition sur 4 en bronze. 99 x 120 x 69 cm.

UNE TECHNIQUE HÉRITÉE DE RODIN

Pour explorer les passions humaines et travailler sa figure « de l’intérieur », la technique du « modelage par le profil » s’avère idéale. Développée par Philippe Seené, qui l’avait luimême apprise de son professeur

Projet de sculpture monumentale pour l’ancien hôpital du Hainaut à Valenciennes. Christophe Charbonnel réalise des œuvres vraiment monumentales, à l’image de cette tête de Persée de 2 mètres de haut.

Eurydice II. Édition sur 8 en bronze. 44 x 26 x 24 cm.

TIRAGES PLÂTRE. Une fois la sculpture achevée, la pièce en terre est confiée à son collègue Robin qui, dans l’atelier adjacent, prépare le moule en élastomère. Un seul tirage en plâtre sera réalisé puis le moule en élastomère détruit. Cette épreuve unique en plâtre devient ainsi la pièce de référence ou chef-modèle. BRONZE. La matrice en plâtre est confiée au fondeur afin qu’il réalise un nouveau moule en élastomère puis le coulage en bronze. Si elle est plus onéreuse, la solution de l’élastomère

Goliath II. Édition sur 8 en bronze. 101 x 71 x 41 cm.

Sculpture et bande dessinée L’idée est venue de Caroline Bayart, sa galeriste, elle aussi « branchée BD » : associer les sculptures de Christophe Charbonnel aux planches originales de célèbres bédéistes. La première année, le sculpteur s’expose face à Éric Bourgier, auteur de Servitude. Puis il se prend au jeu et décide de créer des bronzes directement inspirés des personnages dessinés. C’est Odin et la Walkyrie, issus de la trilogie Siegfried d’Alex Alice, puis le Long John Silver de Mathieu Lauffray. Un dialogue entre bronze et dessin qui fonctionne bien et trouve une vraie résonance auprès de toute une génération.

Force et énergie se dégagent des héros mythiques sculptés de l’artiste et transforment son jardin en véritable champ de bataille.

« Je ne saisis pas toujours ce qui se passe entre mes mains. » d’art, cette technique pourrait être celle utilisée par Rodin, et à sa suite, Bourdelle et Giacometti. Son principe est simple : sur l’armature, on commence par monter une simple silhouette, puis vient le volume qui se remplit progressivement

remplace avantageusement le traditionnel moule à creux perdu car la qualité d’empreinte est bien supérieure et donc l’étape de finition réduite. RÉSINE. Sur les grandes pièces, un tirage en résine peut remplacer le coûteux coulage en bronze qui ne sera réalisé que sur commande. La résine est ici chargée de poudre de fer afin de donner, par oxydation à l’air de la limaille, une patine naturelle à effet rouille. En intérieur, cette patine évolue vers un bel orangé, en extérieur, elle va virer à un brun proche du bronze.

de l’intérieur vers l’extérieur et enfin les rythmes qui donnent vie à la figure. « Le postulat de base de cette technique est que la forme vient de dedans; que tout se passe à partir de l’intérieur, de nos émotions et vienne s’inscrire en surface. » En rajoutant petit à petit la terre, en amenant les rythmes à partir du centre, on laisse lentement émerger un visage et, de là, une histoire.

L’IMAGINATION POUR MUSE

Artiste instinctif, Christophe Charbonnel travaille ainsi sans modèle. Tout commence par une idée, une sensation. Quelques dessins peuvent venir étayer le propos, rappeler la réaction d’un muscle. Le reste se décide devant la potence. « La terre et moi, nous nous connaissons bien. Elle m’obéit, jusqu’à parfois me laisser tomber dans mes travers. Mais le plus souvent, elle devance ce que j’ai en tête. » Le

modeleur se donne à peine une heure pour trouver son histoire. Inutile de se forcer, le sujet doit sortir naturellement de la terre. Sinon, on repart à zéro. « Je ne saisis pas toujours ce qui se passe entre mes mains. Quand je conçois l’armature, je me laisse la possibilité de changer, d’enlever, de déplacer, voire de couper l’armature à la meuleuse et souder pour repartir dans une autre direction. » Après vingt-cinq ans de pratique, changer d’avis sur une figure de 2 mètres de haut ne lui fait même plus peur!

À la fois forts et fragiles, perdants et gagnants, les héros (et antihéros) de Christophe Charbonnel ont cette vigueur, cette énergie intérieure qui se révèle dans la force du modelé. Rien d’étonnant à ce que ce panthéon soit très viril : « Le corps masculin accepte dans son modelé plus de contradictions : on

Esclave II. Édition sur 8 en bronze. 38 x 54 x 24 cm.

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SF 6DV MQ UV CHRISTOPHE CHARBONNEL

Le modelage

DE SON PROFESSEUR PHILIPPE SEENÉ, CHRISTOPHE CHARBONNEL A APPRIS UNE peut faire cohabiter sur le visage et le corps diverses expressions qui peuvent exprimer différentes facettes du caractère humain. » Au contraire, le corps de la femme, plus lisse et délicat, ne permet pas un traitement aussi énergique et marqué de la forme. Mais masculin ou féminin, ce corps, ce visage, Christophe Charbonnel n’hésite pas à le malmener, le fragmenter, le déchirer. « Le fragment éveille chez moi ce qui est encore à construire, à finir. Il est à l’image de ce que nous sommes : des êtres imparfaits, toujours en devenir. » La pièce est ainsi aboutie sur certains plans, fragmentée sur d’autres, comme pour laisser une ouverture, une possibilité. On peut y voir une forme de violence, comme quelque chose qui se déconstruit, se déchiquette. « Je ne cherche pas à exprimer la violence, mais j’accepte le fait qu’elle puisse être présente, inévitablement. À l’image de la réalité du monde. »

TECHNIQUE DE MODELAGE TOUT À FAIT SINGULIÈRE MAIS PARTICULIÈREMENT EFFICACE.

1 Je fixe sur ma sellette une potence de section carrée et entourée de fil de fer, afin que la terre accroche bien.

Comprendre le volume Le modelage par le profil semble faciliter la lecture des jeux d’ombres et de lumières, donnant ainsi les clés de la compréhension du volume. Ici, je montre, à l’aide de baguettes de métal plantées sur les différentes zones proéminentes du visage (front, pommettes, menton) comment s’organisent les jeux d’ombres de lumières. Il faut trouver ce point perpendiculaire au sommet. On s’aperçoit alors que toutes les pointes convergent vers un même point central. Un conseil : pour apprendre les rythmes, regardez attentivement des plâtres. On y perçoit très bien les jeux d’ombres et lumières à travers les blancs, les gris, les noirs. Ce n’est qu’ensuite qu’on parvient à les distinguer sur une pièce en terre.

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2 Je monte rapidement la forme de ma figure en ne me préoccupant dans un premier temps que de sa silhouette. Concentré sur une simple représentation en 2D, je manipule très peu de terre et ne me disperse pas.

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J’ajoute toujours plus de matière, en veillant à ne pas me satisfaire trop vite du volume, souvent trop maigre (une tendance fréquente du modeleur). Déjà, je commence à chercher mes ombres et lumières.

Petit à petit, j’affine les traits, en m’aidant éventuellement de la lame du couteau pour dessiner dans la terre. À ce stade, une histoire doit venir. Si ce n’est pas le cas, autant détruire la figure et recommencer.

« Le fragment éveille chez moi ce qui est encore à construire, à finir. Il est à l’image de ce que nous sommes : des êtres en devenir. » PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

par le profil

T B Q g T 3B

AU LIEU DE PARTIR DE LA FORME PLEINE QUE L’ON CREUSE, ON MONTE ICI UN PROFIL QUE L’ON ÉTOFFE PROGRESSIVEMENT À L’AIDE DE BOULETTES DE TERRE. EXPLICATIONS EN IMAGES.

3 Une fois mon profil obtenu et le format de ma pièce défini, je trace une ligne au centre à l’aide du couteau. Cet axe médian va me servir de repère pour travailler le volume du centre vers l’extérieur. Je suis maintenant prêt à passer à la 3D.

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Je monte mon volume en rajoutant la matière progressivement, de part et d’autre de mon profil, en commençant par les arcades sourcilières.

Je continue avec le front, le nez, la mâchoire, toujours à l’aide de petites boulettes de terre. Le volume se construit ainsi en très peu de temps, repoussant les erreurs vers l’extérieur au lieu de les enterrer à l’intérieur.

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CARNET S D’ADRESSE

J’ai l’impression que le Poséidon qui me trottait dans la tête depuis quelques jours commence à prendre forme. Je décide alors d’ajouter une barbe. Mon dieu des mers et des tempêtes est né.

Retrouvez ses coordonnées dans notre carnet d’adresses p. 114 et sur notre site internet.

La figure est ensuite enveloppée dans du plastique pour la garder humide.

Matériel - Terre à modeler des établissements Bermann, à Pantin - Couteaux PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

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EF S F J M F U „B 'B O T M

AMÉNAGER UN ATELIER DANS UN MOUCHOIR DE POCHE ET EN FAIRE UN VRAI OUTIL DE TRAVAIL QUI RÉPONDE AUX EXIGENCES ET AUX BESOINS D’UN ARTISTE PROFESSIONNEL… UNE GAGEURE ?

Éric Bari Peintre officiel de la Marine, des Armées de Terre et de l’Air.

C’est au 5e étage d’un immeuble haussmannien, sous les toits de Paris, que le peintre Éric Bari a organisé son quartier général, dans ce qui était auparavant 3 chambres de bonne desservies par un couloir commun. L’option d’abattre les cloisons lui a permis d’ouvrir un espace de 40 m2 qui s’articule en forme de L, baigné par la lumière de 3 Vélux® latéraux venus compléter les ouvertures d’origine. L’éclairage est assuré par deux spots équipés d’ampoules LED (type lumière du jour, 5 500 kelvins), qui peuvent recevoir des filtres gélatines afin de régler la température de la luminosité ambiante.

À gauche au fond de l’atelier, près de la fenêtre qui diffuse une lumière naturelle orientée N.-O., Éric Bari a installé un podium. Fabriqué à partir de deux petites tables basses recouvertes d’une épaisse planche en bois, il sert à accueillir ses modèles. Le miroir permet d’accentuer l’effet de profondeur et de jouer sur les reflets, qui peuvent sublimer la composition.

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Un atelier sous

Située à gauche de la porte d’entrée, cette presse à bras imposante est bien difficile à bouger ! Lorsqu’Éric Bari procède à des tirages, il organise son « espace de gravure » à partir du centre de la pièce en déplaçant différents modules tels que meubles de rangement et autres dessertes.

PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Lors d’une séance de modèle vivant, il déplace son chevalet monté sur roulettes au centre de la pièce ainsi qu’une desserte amovible, sur laquelle sont stockés médiums, pinceaux, couteaux et tubes… L’artiste aime se placer à environ 2 m du modèle et privilégie une source lumineuse chaude (type ampoule à incandescence) complétée si besoin par une lumière naturelle latérale.

Aux murs, de petites étagères permettent d’entreposer de nombreux accessoires qui viennent compléter les compositions autour d’un modèle ou d’une nature morte – autre sujet de choix pour cet artiste en quête de beauté.

BIENVENUE DANS LE PORT D’ATTACHE DU PEINTRE DE LA MARINE ÉRIC BARI, QUI OFFICIE, ENTRE DEUX ESCALES, DANS UN ESPACE SAVAMMENT OPTIMISÉ.

les toits

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Texte et photos : David Gauduchon

Ce n’est pas parce que la place est comptée que l’artiste ne trouve pas le moyen d’exposer ses « jouets » et quelques souvenirs de voyages !

Éric Bari a souhaité avant tout donner un caractère intimiste à son atelier. Un lieu de vie qui lui ressemble, dans lequel il se sent bien. Cosy mais fonctionnel, il l’a aussi pensé comme un outil, tout en s’adaptant aux contraintes architecturales liées aux murs en pente, côté rue, et à une hauteur sous plafond limitée. Artiste pluridisciplinaire, mû par un souci de recherche permanent, Éric Bari pratique la peinture de chevalet, la gravure et le dessin d’après modèle. Autant de techniques et d’approches qui requièrent une organisation à la fois souple et rigoureuse dans un espace somme toute réduit.

Le premier investissement que s’est autorisé Éric Bari grâce aux premiers gains de sa peinture : un grand chevalet et ce meuble à dessin, qui lui permet de ranger tout son stock de papier, ainsi que ses études en attente et autres œuvres sur papier.

Des chariots en bois montés sur roulettes et dédiés à chaque technique : voilà le secret de l’artiste qui, en deux temps trois mouvements, peut configurer et adapter son atelier facilement.

Dans cette partie droite de l’atelier, l’artiste aime accrocher des tableaux fraîchement terminés ou d’autres, plus anciens, qui comptent particulièrement à ses yeux.

Le stockage des tableaux est organisé, dans un rack, suivant une logique de formats afin d’éviter toute perte de place. Malgré la surface modeste de l’atelier, Éric Bari peut travailler sur des châssis mesurant jusqu’à 2 x 1,60 m.

Quand on n’a pas de place, on a des idées ! Un système de rack coulissant permet de stocker de grands formats jusque dans les toilettes !

CARNET S D’ADRESSE

Retrouvez les coordonnées de l’artiste dans notre carnet d’adresses p. 114 et sur notre site internet.

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F ( OR V o U

Peindre d’après une photo protégée :

vos droits et devoirs TRAVAILLER D’APRÈS PHOTO EST UNE PRATIQUE TRÈS RÉPANDUE CHEZ LES PEINTRES. MAIS QU’EN EST-IL EN CAS D’UTILISATION DU CLICHÉ D’UN AUTRE, PHOTOGRAPHE PROFESSIONNEL OU NON ? COMMENT DIFFÉRENCIER IMAGE PROTÉGÉE ET LIBRE DE DROITS ? QUAND ET COMMENT DEMANDER UNE AUTORISATION ? QUELS SONT LES RISQUES ENCOURUS ? VOICI UN PETIT GUIDE DE VOS DROITS ET DEVOIRS POUR PEINDRE ET EXPOSER EN TOUTE LÉGALITÉ. Q’- ’   

Une photographie bénéficie de la protection du droit d’auteur du seul fait de sa création (article L111-1). Qu’elle soit réalisée par un photographe professionnel ou amateur, toute photographie rendue publique est donc susceptible d’être protégée par le droit d’auteur.

La loi Code de la Propriété intellectuelle (CPI), consultable sur legifrance.gouv.fr Article L111-1 : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. » Article L122-4 : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » Article L335-3 « Est un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi. » Article L335-2 : « La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. »

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

Exception : depuis 2009, la Cour de justice de l’Union européenne a ajouté la condition d’originalité. Pour être « originale », la photo doit ainsi être « une création intellectuelle propre à son auteur ». Celui-ci doit avoir pu « exprimer sa capacité créative de manière originale en effectuant des choix libres et créatifs ». CONSEIL Malgré la subjectivité de ce principe, essayez d’analyser la photo en fonction des décisions prises par le photographe, concernant par exemple le choix du sujet ou du modèle, du cadrage, de l’angle de prise de vue, de la composition, de la lumière ou de l’éclairage, du moment saisi, etc. En gros, auriez-vous pu créer ce cliché vous-même ?

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Si elle n’est pas clairement présentée comme libre de droits, certifiée comme telle par son auteur ou une banque d’image, l’image doit être considérée comme protégée. Attention : sachez que les droits d’auteur sont acquis dès la création de l’image « sans nécessité d’accomplissement de formalités » (dépôt, enregistrement, etc.). Ne vous fiez donc pas à l’absence des mentions courantes (sigle © de copyright, mention de droits réservés [DR], filigrane), qui ne sont là qu’à titre de rappel de la loi. Même sans aucune mention, une œuvre reste protégée… Exception : le droit de propriété exclusif est valable jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur. Après cette date, l’œuvre entre dans le domaine public et peut alors être reproduite sans accord. Si votre œuvre est déjà créée, vous devrez attendre la date d’expiration du droit avant de pouvoir la rendre publique.

Texte : Stéphanie Portal

Le droit à l’image Au-delà du droit d’auteur du photographe, la photo peut requérir le droit à l’image du sujet représenté.

~ D  ’   : acquis par toute personne sur sa propre image, ce droit permet à celui dont l’image est utilisée de refuser ou autoriser sa diffusion. Elle concerne les personnalités publiques (sauf dans le cadre de leur vie publique), les enfants (accord des parents), les modèles (même rémunérés). Elle exclut la foule et les personnalités décédées depuis plus de 70 ans. Attention aux portraits « exotiques » : si le visage est reconnaissable, vous pouvez être attaqué.

~ D  ’   : il concerne les biens dont l’appartenance est établie, à condition que l’image de ce bien ne puisse causer un trouble anormal d’une manière ou d’une autre. Sont concernés les monuments (accord de l’architecte si le monument n’est pas tombé dans le domaine public) mais pas une maison privée (si sa vue est accessible par un sentier public).

« L’autorisation du photographe est requise pour toute reproduction de son œuvre. »

Q    

L’autorisation du photographe est requise pour toute reproduction de son œuvre, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, de façon directe ou indirecte, provisoire ou permanente, en tout ou partie. Attention : sachez que ce n’est pas la vente, mais bien la diffusion publique qui nécessite d’obtenir une autorisation, au titre des droits moraux du photographe. Il peut s’agir d’une exposition (même à titre non lucratif ou pour une vente caritative), d’une simple présence sur le net (site internet, blog, réseaux sociaux), même si l’œuvre n’est pas mise en vente. Exception : la loi autorise à copier une photographie sans demander l’autorisation de l’auteur à la seule condition que l’œuvre soit à usage exclusivement privé. Votre peinture devra donc rester dans les tiroirs, n’être jamais diffusée, vendue, ni même donnée. Un conseil : à moins qu’il s’agisse d’un simple exercice, n’hésitez pas à informer le photographe, même à titre privé, de votre intention.

C  ’    

Cas 1 : vous avez son nom ou son pseudo. Une rapide recherche sur Internet devrait vous faire atterrir sur le site du photographe, avec dans la page de contact, son adresse e-mail ou son numéro de téléphone. À défaut, vous serez dirigé vers sa galerie, son agent ou la société d’auteur qui gère ses droits et

Derrière l’image l image qu’il sera alors aisé de contacter. Cas 2 : vous avez trouvé la photographie dans un magazine ou dans un livre. Il faut s’adresser à l’éditeur qui, s’il ne s’occupe pas directement de ses droits, vous mettra en contact avec le photographe ou l’agence de presse photographique. Cas 3 : la photo est issue d’un blog ou d’un site généraliste, sans mention de l’auteur. Adressez-vous au site pour connaître le nom de l’auteur ou la source. Cas 4 : le photographe est décédé. S’il est mort depuis moins de 70 ans, ses œuvres sont toujours protégées et ses héritiers ou ayants droit détiennent les

Pour beaucoup de peintres, se servir de la photo d’un photographe est un raccourci bien pratique.

~ C’est un gain de temps : pas de déplacement, de réflexion sur le sujet, de négociation avec le modèle, de travail de retouche.

~ C’est aussi un gain d’argent : pas besoin de matériel photo, de formation spécialisée, de voyage à l’autre bout de la terre.

~ C’est aussi un « œil » que vous n’avez pas : considérez tout le travail créatif qui peut se cacher derrière une photo, de l’idée (quoi photographier et comment) au résultat (un produit fini, original et unique). Devant une photo, posez-vous ces questions : Auriez-vous pu trouver ce sujet, mettre en place cet éclairage ou exploiter cette lumière, penser à ce cadrage, avoir l’idée de cet angle ou de cette composition ? La photo offre au peintre, mine de rien, un sujet tout trouvé, prêt à peindre. Souvent, c’est même elle qui déclenche l’inspiration. Cela vaut bien un petit e-mail…

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F ( OR V o U Cas particuliers → J ’ ’     : le principe s’étend à l’œuvre « totale ou partielle ». Même si vous la recadrez ou ne prenez qu’un détail, l’auteur peut reconnaître son cliché et réclamer ses droits. → J       : le principe s’étend à une « image composite ». Vous devrez donc demander à chaque photographe dont la photo pourrait être reconnaissable. Il en va de même pour un collage. → J ’     : vous serez mis hors de cause si le degré de ressemblance est jugé inférieur à 20 %. → J        : c’est alors une photo « lambda », vous n’avez pas de devoirs. → J’       : sans négatifs, le photographe aura du mal à prouver qu’il en est l’auteur. Vous êtes donc tranquille. → M  ’    : c’est vous qui signez la peinture, c’est donc votre responsabilité. Demandez à votre commanditaire de fournir la source de ses photos. → J’      ( E) : n’importe qui peut effectivement prendre des photos similaires mais si vous avez choisi cette photo en particulier, pour son « originalité ti li peut-être t êt est-ce t i i lité ».

Les images libres de droits De nombreuses banques d’images proposent des photos libres de droits. Celles-ci sont une alternative légale (mais payante) aux images protégées. Contre un abonnement ou un crédit d’images, on peut télécharger des photos proposées par des photographes, qui sont payés en retour. Parmi les célèbres « microstocks », on trouve Fotolia, Shutterstock ou encore iStock (Getty images). Consultez également 123RF, Fotosearch ou Inmagine. A : soyez prudent avec les sites proposant des images gratuites (Photobucket/Lasso, Paint my photo/pmp-art.com, Wikimedia) où les utilisateurs « partagent » leurs images. Ils se basent souvent sur le droit américain qui permet à chacun d’abandonner ses droits d’auteur, notamment dans le contexte du « fair use » (usage équitable), ce que la jurisprudence française rejette. Le sujet est en débat…

droits de reproduction, voire la société d’auteur qui gère ses droits. Sa galerie ou son éditeur pourront vous renseigner. Cas 5 : la photo est sans référence. Faites une copie jpeg de la photo et lancez-vous dans une recherche sur Google Images (« recherche par image » puis « importer ») ou un moteur de recherche de photos, tel que TinEye.

Œuvre orpheline : Si vous ne parvenez par aucun moyen à trouver l’auteur ou la source de la photographie, ne l’exploitez pas, car vous seriez en infraction. Avant de peindre, mieux vaut donc toujours s’assurer de l’accord de l’auteur.

C     Prenez contact par e-mail, poste ou fax, directement avec le photographe ou par l’intermédiaire de sa société d’auteurs. Expliquez que vous souhaitez reproduire en peinture ou vous inspirer de telle photo (référence à l’appui) et que vous souhaitez obtenir son accord. Attention : Les autorisations ne sont jamais globales mais par œuvre. Il vous faudra donc une autorisation pour chaque photo copiée ou transformée. Paiement : Dans la plupart des cas, l’autorisation se fait à titre gracieux. Toutefois, le photographe peut demander 15 % du prix de vente de la peinture (voir le barème sur le site de l’ADAGP). Refus : C’est rare, mais le photographe est tout à fait en droit de refuser de vous donner son accord, s’il pense que la peinture va être « préjudiciable à son honneur ou sa réputation ». Silence : Qui ne dit mot… ne consent pas (d’autant qu’il aura maintenant vos coordonnées…). Et indiquer ou citer simplement le nom du photographe sur votre peinture ne suffit pas : vous avez besoin de son « accord préalable

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PRATIQUE DES ARTS N° 127 / AVRIL-MAI 2016

et écrit ». Sans réponse, n’utilisez pas la photo. CONSEIL Si vous ne recevez aucune réponse du photographe, regardez s’il est représenté par une société d’auteur (ADAGP, SABAM) qui, elle, vous répondra.

C     Une fois l’autorisation accordée, vous devez « indiquer clairement le nom de l’auteur et la source ». Ces mentions seront marquées au dos de l’œuvre et figureront dans toute légende accompagnant la peinture, qu’il s’agisse d’une diffusion sur Internet (sites, blogs, réseaux sociaux), des cartels lors des expositions et de toute publication (magazine, livre, catalogue, poster, etc.).

Q      Sans autorisation, votre peinture, fidèle ou pas, est considérée comme une contrefaçon, ce qui est un délit. Vous pouvez ainsi faire l’objet d’une sanction pénale (CPI, art. L. 335-1 à L. 335-10). Procédure : - Dans le meilleur des cas, le photographe va s’adresser

directement à vous avec une lettre de mise en demeure vous demandant de cesser la publication de la peinture. Il peut également vous envoyer une facture de ses droits d’auteur : les 15 % requis sur la valeur marchande de votre tableau, qu’il peut multiplier par deux en raison de l’absence d’autorisation préalable. - Il peut porter plainte et se porter partie civile en demandant la réparation de son préjudice (manque à gagner, préjudice moral).

TÉMOIGNAGES

« Même si vous recadrez l’image, l’auteur peut reconnaître son cliché et réclamer ses droits. »

Christine Mergnat, pastelliste « La plupart de mes pastels sont réalisés d’après photographie, d’où le besoin de m’assurer que je respecte le copyright. Quand la photo n’est pas clairement “libre de droit” (je me fournis sur www.123rf. com), je fais une recherche sur Internet. Le moyen le plus direct est par Google, en faisant une recherche par image. Je retrouve ainsi le nom et le site internet du photographe et lui demande une autorisation par e-mail. Je n’expose jamais une œuvre si je n’ai pas eu de réponse. Quand le photographe me permet d’utiliser sa photo (ce qu’il fait toujours à titre gracieux !), je veille à mentionner son nom dans le titre de mon œuvre. C’est bien la moindre des choses quand il est la source de mon inspiration ! »

Sonia Privat, aquarelliste « J’ai pour principe de peindre d’après mes propres photos, réalisées lors de mes voyages. Il y a longtemps, il m’est arrivé de m’inspirer de photos mais j’ai pu me passer d’autorisations car le résultat n’avait plus rien à voir avec l’original. La seule fois où j’ai fait une aquarelle à l’identique (une danseuse indienne), et que mon éditeur a souhaité qu’elle apparaisse dans le livre India Express, j’ai recherché la photographe. Il s’agissait de Caroline Dortes, qui m’a immédiatement donné son accord. Elle était très fière que je me sois inspirée de sa photo ! »

Recours : Le peintre peut se défendre s’il considère l’infraction injustifiée. Sachant que la photo originale servira de preuve à la contrefaçon, les seuls arguments du peintre seront le degré de ressemblance de la photo (qui devra être inférieur à 20 %) et le manque d’originalité du cliché (voir plus haut). CONCLUSION Demander l’autorisation du photographe est une simple formalité, accordée dans la plupart des cas et ceci de manière gracieuse. Elle permet de reconnaître les droits d’auteur du photographe, comme le peintre souhaite voir les siens reconnus. Une sorte d’échange de bons procédés…

Nota bene : les informations publiées dans cet article ne peuvent en aucun cas s’analyser comme des conseils individualisés et ne tiennent pas compte de la jurisprudence, toute analyse d’un cas particulier devant se faire auprès d’un professionnel du droit.

PRATIQUE DES ARTS N° 124 / OCTOBRE-NOVEMBRE 2015

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T F  J F M B N O  F O P - QS PG FTTJ   

Texte : Valérie Auriel Photos : Michèle Reynier, Sandrine de Fornel

Faut-il encadrer ses œuvres

pour les vendre ? L’ENCADREMENT MET EN VALEUR ET PROTÈGE LES ŒUVRES. MAIS C’EST AUSSI UNE DÉPENSE QUI PEUT ÊTRE TRÈS ONÉREUSE. DANS UNE EXPOSITION, LA SOLUTION VA PLUTÔT VERS LA SIMPLICITÉ ET LA DISCRÉTION, SANS NÉGLIGER LA QUALITÉ. Au sein d’une galerie ou d’une exposition, mieux vaut choisir un encadrement identique pour ses œuvres.

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a question de l’encadrement se pose dès que l’on veut exposer et vendre ses œuvres. Cet investissement est-il vraiment indispensable ? La réponse à ce dilemme est assez prosaïque. Elle dépend de la fragilité de vos créations. Les œuvres sur papier sont vulnérables à l’humidité, à la poussière, aux traces de doigts. Il faut les protéger pour éviter qu’elles ne soient abîmées. C’est la première fonction de l’encadrement. Vous présenterez donc sous verre aquarelles, pastels et dessins pour les accrocher sur cimaise. Si vous proposez des œuvres dans un carton à dessin, vous pouvez les présenter avec un passe-partout dans une pochette transparente. L’avantage de la pochette est de couvrir la totalité de l’œuvre, mais son inconvénient est de créer des reflets. Certains préfèrent s’en priver et ne garder que le passe-partout.

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Les œuvres sur toile, moins fragiles, n’ont pas besoin d’être encadrées. Par contre, leur finition doit être impeccable. La toile doit être bien tendue sur le châssis et ses bords bien propres. L’idéal est de cacher ceux-ci avec des bandes de tissu autocollantes (toile fibranne), que l’on trouve dans les magasins beaux-arts. Vous pouvez aussi utiliser du kraft gommé, un peu plus difficile à positionner. Si vous tenez absolument à mettre un cadre, évitez la fantaisie. Choisissez une caisse américaine – un cadre neutre et discret qui crée un rebord autour de l’œuvre. Il convient à tous les styles de peinture. Les artistes amateurs se demandent souvent si les acheteurs préfèrent ou non acquérir une œuvre déjà encadrée. Le cadre a une dimension esthétique importante. Il existe des centaines de modèles de baguettes : ce qui plaît à l’un ne plaira pas for-

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cément à l’autre. Fréquemment, les acheteurs réencadrent leurs acquisitions avec un cadre à leur goût, accordé à la fois à l’œuvre, aux autres cadres de leur collection, à leur intérieur. C’est pourquoi il faut choisir la solution de la sobriété. Le cadre d’exposition doit se faire discret, tout en étant élégant. Vous pouvez proposer des prix avec et sans cadre, pour que votre client se sente libre de refuser un cadre qui ne lui plaît pas. Et s’il souhaite une mise en valeur plus originale, pensez à lui indiquer l’adresse d’un encadreur qui réalisera un encadrement sur mesure, respectueux des règles de conservation.

Cadre en bois cérusé de blanc, passe-partout blanc antique : ce sont les choix de Michèle Reynier pour encadrer ses aquarelles.

Encadrements réalisés lors du cours de Sandrine de Fornel à l’association des Artistes du Chesnay.

CONSEILS DE PROS

« On peut facilement réaliser soi-même un passe-partout. » Sandrine de Fornel, professeur d’encadrement à l’association des Artistes du Chesnay Cours d’encadrement aux artistes du Chesnay.

« Inutile de vendre vos œuvres dans des cadres trop personnalisés. Dans une exposition, le cadre a une fonction pratique et temporaire, il sert avant tout à la présentation. Quand l’événement est terminé, l’artiste défait les cadres et range ses œuvres dans des cartons. Pour moi, il est superflu d’encadrer les peintures sur châssis, mais on ne peut faire l’impasse du cadre pour les œuvres sur papier, qui manquent de rigidité. Voici quelques conseils pour réussir votre encadrement sans que cela vous coûte trop cher.

Dans une exposition, les œuvres sont présentées les unes à côté des autres, le regard peut vite se fatiguer. Il faut les isoler avec un passe-partout, un carton qui crée une marge autour de l’œuvre. Vous pouvez facilement réaliser cet élément. Celui-ci se coupe dans du contrecollé, un carton non acide sur lequel a été plaquée une feuille de papier coloré. Choisissez le plus grand format de contrecollé pour avoir moins de chutes, et

l’épaisseur la plus fine, 8/10e, plus facile à trancher. Vous trouverez dans le commerce des règles de coupe pour ouvrir le passe-partout avec un biseau à 45°, mais il n’est pas si commode de les utiliser et le résultat est souvent décevant. Je préconise plutôt de couper l’ouverture à angle droit avec un bon cutter coudé et une règle en métal. Pour fixer l’œuvre sur le passe-partout, il ne faut pas employer d’adhésif classique, mais un ruban non acide spécifique pour l’encadrement, le Filmoplast P90. Important : l’adhésif se pose toujours sur le verso de l’œuvre, jamais sur le recto. Pensez à ce que les dimensions extérieures de votre passepartout correspondent à celles de cadres standards. Choisissez deux ou trois formats principaux. Ainsi, vous pourrez facilement réutiliser vos cadres. »

« Un encadrement sobre et homogène » Michèle Reynier, aquarelliste, présidente de la Société Française de l’Aquarelle « On ne conçoit pas l’encadrement de la même façon si l’on destine l’œuvre à son intérieur, ou si l’on souhaite l’exposer. Pour un intérieur, l’encadrement est plus sophistiqué, il peut être très personnalisé. S’il s’agit d’une exposition, l’encadrement doit se faire le plus discret possible. Il doit être identique pour toutes les œuvres pour créer une belle impression d’ensemble. Le cadre doit se défaire facilement, car les clients peuvent ne pas vouloir l’acheter. J’ai vu des confrères rater une vente à cause d’un cadre trop bien scellé. Pour mes aquarelles, je choisis des cadres en bois, peints en blanc. Mes œuvres sont présentées avec un passe-partout que je réalise moimême dans du contrecollé avec une règle de coupe Logan. Il faut

éviter le blanc pur, trop dur, et préférer les blancs cassés. Pour mes grands formats, j’ai voulu une présentation moderne, sans verre. Je vernis mes œuvres avec un vernis mat, j’agrafe le papier sans le maroufler sur un châssis, que j’insère dans une caisse américaine. L’effet est très original et dynamique. Il m’arrive aussi de montrer quelques œuvres non encadrées dans des présentoirs. Je les protège avec du film polypropylène – un papier très transparent utilisé par les fleuristes. Mais bizarrement, les visiteurs pensent souvent que si elles ne sont pas accrochées au mur, ce sont des œuvres de deuxième choix. Celles-ci se vendent moins bien. »

CARNET S D’ADRESSE

Retrouvez les coordonnées des interviewés dans notre carnet d’adresses p. 114 et sur notre site Internet www.pratiquedesarts.fr

5 conseils clés ~ Dans une exposition, les encadrements doivent être sobres et homogènes, mais aussi soignés. ~ Évitez les matériaux trop bon marché qui dévalorisent votre travail : sous-verre à pince premier prix, cadres en plastique… ~ Optez pour la discrétion : cadre blanc, noir, en chêne naturel ou en aluminium. ~ Le sur-mesure coûte cher. Privilégiez des formats standard pour vos œuvres afin de les associer à des cadres prêts à l’emploi. ~ Le passe-partout crée une respiration autour de l’œuvre. Il ne doit pas être trop étroit, ni trop voyant.

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Comment s’inscrire à

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VOUS AVEZ VENDU UNE ŒUVRE. PAS LE CHOIX, VOUS DEVEZ VOUS DÉCLARER À LA MAISON DES ARTISTES, LA « SÉCU » DES ARTISTES. CETTE FORMALITÉ EST ASSEZ SIMPLE. NOUS VOUS DÉTAILLONS ICI LES DÉMARCHES À ACCOMPLIR POUR ÊTRE EN RÈGLE AVEC L’ADMINISTRATION !

Texte : Valérie Auriel Photos : V. A. et Graziella

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Les locaux des services associatifs de la MDA, rue Berryer, à Paris.

B

eaucoup d’artistes amateurs ne le savent pas, ou feignent de l’ignorer, mais dès que l’on vend une œuvre d’art, il faut payer des impôts sur ces revenus et des cotisations sociales. C’est la loi. Et contrairement à ce que l’on entend parfois, il n’y a pas de seuil minimum de revenus artistiques qui dispenserait de ces formalités. Dès le premier euro perçu, il faut s’enregistrer auprès de la Maison des Artistes (MDA). La MDA est agréée par l’État pour gérer la sécurité sociale des artistes des arts graphiques et plastiques, c’est-à-dire les peintres, les sculpteurs, les graveurs, etc. Jusqu’en 2012, un artiste qui vendait pour la première fois une œuvre devait se déclarer d’abord à la MDA, puis aux impôts. Mais comme l’Administration aime bien changer les règles du jeu, il faut maintenant procéder autrement.

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Dès que vous envisagez de vendre vos œuvres, votre première démarche doit être de signaler votre activité d’artiste au Centre de formalité des entreprises (CFE). Si vous souhaitez vous déplacer physiquement, le CFE pour les artistes se situe au centre Urssaf de votre lieu de résidence. Mais il est préférable et plus simple d’effectuer cette formalité par Internet à cette adresse : www.cfe.urssaf.fr.

SE DÉCLARER EN LIGNE

Sur la page d’accueil du site, vous devez cliquer sur l’onglet « déclarer une formalité » dans la colonne violette de gauche. Vous serez guidé de clic en clic vers une « déclaration de début d’activité » à remplir en ligne. Dans le prochain numéro, nous vous expliquerons comment remplir précisément ce formulaire et quelles options s’offrent à vous. L’Ad-

ministration vous adressera ensuite par la poste un numéro de Siret et un code APE que vous devrez indiquer sur les factures de vos œuvres vendues. Ensuite, vous vous déclarez à la Maison des Artistes. Sur le site de la MDA, remplissez une déclaration de début d’exercice où vous précisez notamment vos coordonnées, votre activité (peintre, sculpteur, etc.), votre numéro de sécurité sociale. La MDA vous demande également une première facture de vente, pour instruire votre dossier. En retour, par courrier, vous recevrez un accusé de réception comportant un numéro d’inscription, dit « numéro d’ordre », à indiquer par la suite sur vos factures. Chaque année, la MDA vous enverra un dossier de déclaration de revenus, sur la base duquel elle vous fera payer des cotisations sociales correspondant à un peu plus de 16 % de vos bénéfices.

« Au premier euro perçu, on doit s’identifier. » Jean-Marc Bourgeois, Vice-président et administrateur de la Maison des Artistes Qui doit se déclarer à la Maison des Artistes ? C’est simple, toute personne qui fait acte de commerce dans les domaines des arts plastiques et graphiques. Au premier euro perçu, on doit s’identifier auprès des services des impôts et de sécurité sociale. En France, toutes les activités rémunératrices doivent être déclarées, qu’elles soient artistiques ou non.

Et si l’on est déjà couvert par la sécu en tant que salarié, retraité ou fonctionnaire ? Les artistes ont souvent des activités multiples, ils peuvent être enseignants, avoir un métier alimentaire. Beaucoup pensent que du moment qu’ils bénéficient déjà de la sécurité sociale, ils n’ont pas besoin de cotiser pour leurs autres activités, ce qui est complètement faux. Ce n’est pas parce que l’on exerce comme salarié ou profession libérale et que l’on paie déjà de la sécurité sociale, que l’on ne doit

Quels risques court-on si l’on ne se déclare pas ? Un artiste peut tout à fait être contrôlé par l’Urssaf. Si l’Administration repère un fraudeur, il devra payer des cotisations rétroactivement sur trois ans et des intérêts de retard. Aujourd’hui, les artistes communiquent beaucoup sur leur site Internet et les réseaux sociaux, il est donc facile pour les agents de l’État de repérer ceux qui exposent et vendent régulièrement.

Sur le site de l’Urssaf, cliquez sur l’onglet « déclarez une formalité », colonne de gauche.

Graziella, artiste peintre

« Peintre amateur, j’exposais de temps en temps sans me soucier de mon inscription à la Maison des Artistes. Je vendais très peu ; les formalités à entreprendre m’impressionnaient. C’est une amie galeriste qui m’a incitée à me mettre en règle, car elle vou-

pas participer aussi au régime des artistes si l’on tire des revenus de cette activité.

« Cette inscription a légitimé mon activité. » lait m’exposer. Je devais pouvoir lui établir une facture en cas de vente. J’ai donc décidé de sauter le pas. Je me suis fait conseiller par des amis artistes pour remplir les différents documents. Je suis allée au siège de la Maison des Artistes pour me renseigner. J’étais un peu déconnectée des réalités administratives, car mère au foyer, je n’exerçais aucun métier. Mais je me faisais une montagne de pas grandchose ! L’inscription à la MDA est très simple. Le plus compliqué a été de remplir le formulaire pour mon identification

Les missions de la MDA La Maison des Artistes, créée en 1952, a un statut associatif. Ses services administratifs gèrent la partie sécurité sociale : déclaration d’activité, demandes d’affiliation, appels de cotisations. Ses services associatifs apportent différents avantages aux artistes, notamment des consultations juridiques et comptables gratuites, un fonds d’aide sociale… Pour bénéficier de ces aides, il faut adhérer à l’association et payer une cotisation annuelle. L’adhésion est facultative et indépendante de l’enregistrement aux services administratifs, qui lui, est obligatoire en cas de vente d’œuvres d’art. Son site internet : www.lamaisondesartistes.fr Le lien pour s’enregistrer : www.mda-securitesociale.org/eform/ submit/declaration_de_debut_d_ exercice

à l’Urssaf. Là aussi, mes amis m’ont conseillée sur les cases à cocher. Je déclare à présent mes revenus artistiques chaque année. Je suis fière de cotiser, c’est pour moi une forme de solidarité au statut de l’artiste. D’un point de vue personnel, cette inscription a légitimé mon activité, que je pratique de manière plus professionnelle. Un détail accessoire, mais appréciable : en tant que membre de la Maison des Artistes, je bénéficie de l’entrée gratuite dans les musées nationaux et de réductions dans certains magasins beaux-arts. »

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