Meditations de Prison - Titus Edzoa [PDF]

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Zitiervorschau

méditations de prison (Yaoundé, Cameroun)

Karthala sur internet: http://www.karthala.com (paiement sécurisé)

Couverture : montage simon Gléonec. © éditions Karthala, 2012 isBn : 978-2-8111-0627-0

Titus Edzoa

Méditations de prison

(Yaoundé, Cameroun) Échos de mes silences préface d’odile tobner, épouse de feu mongo Beti présidente de « Survie-France »

Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris

Pour magnifier leur dignité, à toutes ces femmes, à tous ces hommes qui, quelque part dans le monde, pour quelque raison ou de quelque manière que ce fût, ont été privés de leur liberté...

Remerciements Toute mon infinie gratitude à toutes celles et à tous ceux qui, de près ou de loin, et de quelque manière que ce fût, m’ont spontanément fait don de leur soutien, en pensée ou en acte, brisant ainsi progressivement les lourdes chaînes de ma féroce captivité... au CoLiCite (Comité de libération du citoyen titus edzoa), homogène structure spontanée d’élites de la société civile, présidée par mongo Beti, icône de la défense de la Liberté et des droits humains. à la barbarie primaire, vous avez opposé votre courage et votre détermination par la non-violence et la puissance de vos idées. Votre précieuse initiative est à jamais inscrite en lettres d’Or dans les archives de l’Histoire de notre pays. Je vous prie d’agréer mon admiration et mon infinie gratitude... à mes Conseillers juridiques1, fidèles compagnons de lutte, toute ma déférente et pérenne gratitude ! Défiant risques et périls, vous vous êtes spontanément et gratuitement identifiés à la cause, vous faisant les défenseurs opiniâtres du Droit, de la Justice et de la Vérité. Grâce à votre professionnalisme, la science juridique a triomphé de la basoche. L’aura jurisprudentielle du Barreau de notre pays s’est illuminée de vous... Je vous honore !.. Une vibrante reconnaissance au CiCr (Comité international de la Croix-Rouge) qui, à travers ses extraordinaires et dévoués serviteurs, m’avait redonné une lumière vivi1. me odile mballa mballa, Léonard ndem, akere muna, martin Ngongo Otthou, Pauline Kamdem, Magloire Désolice Piendjio, et de regrettée mémoire, me Viviane ndengue ngongo, oyie tsogo, paul Hanack, Francis nteppe...

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fiante, au moment où, asphyxié de tout mon être, j’avais touché le fond de l’abîme... à Geneviève, ma merveilleuse et infatigable compagne, à mes enfants, Alexandre si proche et si loin, Paul-Stève et raymond, trop tôt heurtés par l’infamie, la délation, l’injustice et la violence gratuite humaine : l’immensité de votre amour, à tout moment, a su me protéger et m’encourager ; en retour, ma gratitude est tout simplement gonflée d’autant d’amour... Une profonde gratitude à Christian Roland, adepte de la perfection, et dont la patience et la permanente disponibilité ont permis la mise en pages de mes silences, me faisant surmonter, non sans peine, les nombreux écueils techniques de mon écriture... Enfin, une particulière pensée de par sa puissance d’infinie reconnaissance à tous ces êtres lumineux qui, dans le secret le plus absolu, ont œuvré avec dévouement, abnégation et patience, au recouvrement de ma liberté au nom de la Paix, de l’Amour et de la Fraternité... En toute confidence, je garde jalousement notre secret en partage... et à jamais !

Préface du fond de sa prison le professeur titus edzoa nous envoie ce texte saisissant intitulé Méditations de prison. Ce texte s’impose par sa puissance née d’une très grande maîtrise de l’expression dans le fond et dans la forme. L’un et l’autre sont intensément retenus, ce qui est le secret, très peu connu et compris, des œuvres durables, qui suggèrent bien au-delà de ce qu’elles disent. en art en effet la litote – l’understatement, dit l’anglais – est la pratique la plus difficile, tant, spontanément, on a tendance à en faire trop. Et c’est ce qui était le plus attendu dans une situation qui prêtait à l’hyperbole. Mais, dans une situation si excessive que toute hyperbole aurait été faible pour la signifier, le grand art est de recourir à la litote : dire le moins pour signifier le plus, faire comprendre l’indicible. Les qualités qui en résultent sont aussi les plus rares et les plus précieuses, celles qui se résument plutôt à l’absence des défauts les plus communs : aucun bavardage oiseux mais la densité d’un langage d’une extrême simplicité qui n’exprime que l’essentiel ; aucun ego envahissant mais la modestie sincère de qui connaît la vanité du moi ; aucune enflure redondante mais la discrétion voire le murmure avec lequel on articule les plus grandes choses. Et le propos est en effet très ambitieux. Comment oser parler de la vie, de la mort, de l’amour, du destin, du temps, sans courir le risque majeur d’être inférieur à son sujet et, finalement, ridicule ? Titus Edzoa affronte ce risque, comme il a affronté sa situation et il faut bien dire qu’il en triomphe.

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Les méditations qu’il nous livre, sur son expérience de la captivité, de la solitude, mais aussi sur les thèmes spéculatifs des nombres, de dieu, sont toutes marquées par la lucidité, la limpidité, la clarté résultant de la maîtrise de l’esprit et de la parole qui sont les siennes, loin des fantasmes et des élucubrations que des esprits faibles peuvent concevoir au contact de réalités qui les écrasent. C’est ainsi que titus edzoa décrit la lourde stupidité de la sorcellerie avec ses pratiques monstrueuses, croyances des âmes basses îvres de jouissance et de peur – le plus nocif des amalgames – opposée à la sérénité de la contemplation des mythes, révélateurs de sagesse procurant la supériorité du détachement. il poursuit sa quête intellectuelle et spirituelle sur les chemins de la sagesse de l’égypte, mère de l’afrique et de celle de l’inde issue de l’orient profond. il sait allier l’intelligence, sans laquelle la spiritualité tourne vite à l’illuminisme, à l’esprit, sans lequel l’intellect reste stérile. Son langage rencontre alors la poésie comme medium d’un niveau si ambitieux qu’il est rarement suffisant. Et là aussi il ne s’en montre pas indigne dans la sobriété du lyrisme, qui irrigue ses vers comme sa prose. tous ces traits admirables pour toucher parfois au sublime, mais aussi pour la plus extraordinaire esquive de soi, de ce qu’il a vécu personnellement avant, qui reste le secret bien gardé qui sous-tend son écriture. odile tobner

Avant-propos « Adhuc sub judice lis est » (le procès est encore devant le juge). Horace

Bagnard, chiourme, taulard ! prosaïques synonymes d’attributs dont seules savent s’habiller la décadence et la déchéance sociétales, avec un brin d’hypocrisie et d’acrimonie. Bagnard, chiourme, taulard ! particulière race, humaine tout de même, aussi universelle qu’hétéroclite. Une sousespèce qui a perdu tous ses droits, fors celui de racheter sa propre dignité. Et à quel prix ? Et pour cause ? Qu’importe ! Bagnard, chiourme, taulard ! tous se ressemblent ; ils partagent tous le même monde, un monde hors du monde. Dans le subconscient nébuleux de la collectivité, ils sont tous des ordures dans la poubelle. Sous l’influence fatidique et maléfique des divinités chtoniennes, ces divinités qui régissent le monde sous-terrain des gnomes si redoutés ! Ils ont indûment joué les Rocambole et les Rambo ; en retour ils méritent le malheur, le châtiment, la malédiction éternelle..., avec comme seule consolation, celle des damnés de se savoir ensemble... à ce pandémonium, on accède par tous les moyens, sauf par la grâce. La « justice humaine », orgueilleuse de son caractère théandrique, s’affiche avec mépris en un art consommé, doublé d’une pseudo-science prétendument

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maîtrisée : c’est l’imperium ! impétuosité comique et dramatique à la fois ! ! ! et pourtant, malgré cet amalgame puéril et complaisant de la société, chaque bagnard reste jaloux de sa propre histoire, dont la dimension et la spécificité ne peuvent être entièrement appréhendées que par lui-même, à moins qu’il ne veuille bien vous la faire partager, tout en prenant le soin, précieuse précaution, de ne point casser les œufs de la pudeur... C’est ce que je me propose, armé d’un peu de courage et soutenu par beaucoup de modestie, de réaliser en ces pages. Partager quelques réflexions issues d’une intensité intérieure, où le temps, notion illusoire de notre insuffisance, a cessé d’être la référence, le silence déchirant le voile de certains de ses secrets ; où la torture, par la souffrance endurée, a éveillé l’harmonie soudant les contraires ; où la solitude, multipliée par elle-même, s’est métamorphosée en la plus fidèle amie, la haine se liquéfiant d’elle-même ; et où le détachement a définitivement rapproché des mondes antagonistes, tandis que l’émotion a ennobli sans détruire... à traverser avec moi ce rubicon de granit froid qui sépare deux mondes, celui extérieur, le vôtre, et celui intérieur, le mien, le nôtre, celui du bagnard, je vous convie avec le moins de bruit possible, car si le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas non plus de bruit. Dois-je vous faire pressentir que les deux mondes, en apparence si contraires, peuvent avoir vocation à se rejoindre sur le chemin de l’ascèse humaine ? Et si cette barrière, qui se veut hermétique, se faisait quelque peu poreuse et osmotique, octroyant ainsi au téméraire une prise de conscience, la prison ne pourrait-elle pas devenir une porte de la liberté, la vraie, celle construite par et dans une souffrance toute particulière, ferment prodigieux de l’âme ? Pourquoi ne deviendrait-elle pas un socle, un blockstarting, sur lequel le vrai Homme en soi découvert prendrait son envol pour scruter, léger de tous ces fardeaux encombrants de contingence terrestre, l’univers dans ses arcanes et secrets mystérieux, et appréhender ainsi avec

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plus de recul et de sérénité, les problèmes quotidiens qui le taraudent ? Mais c’est un long voyage, un périlleux voyage. Tantôt dans un désert ogre, omnivore, impitoyable, où le feu mythique de l’épreuve brûle et la gorge et la peau et les yeux ; et où, comme breuvage d’apaisement passager, l’on doit quelquefois choisir entre l’amertume et la ciguë... tantôt dans un océan ivre de vagues houleuses, qui fracassent avec une extrême violence la coque physique et mentale de votre récif, entourée de requins déjà repus de sang, mais paradoxalement encore avides de haine et de vengeance... tantôt dans une forêt touffue, inhospitalière, abyssal labyrinthe, où les animaux prédateurs, animés d’une fièvre obsidionale, hurlent à tue-tête leur folie et leur férocité... Et pourtant, paradoxe ! Il peut s’y cacher une voie parallèle ; celle qui conduit vers un jardin, un merveilleux jardin, fleuri de pétales rutilantes de roses, aux parfums de fragrance enivrante, de gardening aux couleurs apaisantes, dans une parfaite harmonie ; où le lys royal se drape de son manteau hiératique ; où des touffes d’anémones, d’aubriètes, de jacinthes, d’hélénies et d’orchidées bordent des rivières sinueuses aux reflets d’argent, dans une ambiance féerique... Les contraires n’existent-ils pas pour se rencontrer dans une fusion créatrice d’une troisième entité supérieure ? Pour apprécier la paix, il faut avoir connu l’éruption volcanique intérieure ; pour vibrer de béatitude, s’être douché des rayons ardents de l’enfer. Deux états de conscience qui se côtoient pour ensuite se superposer, que dis-je, se fondre l’un dans l’autre, déchirant ainsi ce voile illusoire de la séparation des deux mondes. La prison ? Une barrière ! Ma barrière. Notre barrière. mais aussi la vôtre ! elle m’attendait avec impatience, pour être escaladée pour vous, à défaut de le faire avec vous, afin de vous faire tout simplement découvrir quelques échos de mes multiples silences...

proLoGUe

L’onde de choc ! (20 avril 1997) « J’estime que la vérité qu’un homme a découverte, ou la lumière qu’il a projetée sur quelque point obscur, peut un jour frapper un autre être pensant, l’émouvoir, le réjouir et le consoler : c’est à lui qu’on parle comme nous ont parlé d’autres esprits semblables à nous et qui nous ont consolés nous-mêmes dans ce désert de la vie... » schopenhauer

La pensée, de par son essence transcendante, pourrait se définir comme une extraordinaire force, une énergie statique concentrée ; mais une fois mise en mouvement, elle est susceptible de se déployer en une puissance étonnante par des effets tout aussi surprenants, dès lors que sont réunies certaines conditions spatiales et temporelles pour sa manifestation. De cette énergie potentielle, je me suis fais une arme redoutable, mais exclusivement bienfaisante, en la subjuguant au service d’une noble cause, au service d’une société exsangue, en permanence terrorisée, à moitié ensevelie dans un ténébreux et profond hypogée glacial, après qu’elle ait été meurtrie d’une déliquescence cyniquement

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programmée, de la part d’un système primaire et rétrograde. Sans répit, l’extrême misère mentale collective a rimé et rivalisé avec une précarité matérielle individuelle tout aussi aiguë. amertume et déréliction dans les esprits, dépit et désespoir dans les cœurs ! par un acte politique singulier, fort de sa pertinence idéelle et dépouillé de la moindre velléité de violence, j’engageais un titanesque « combat » d’idées et de valeurs, inaugurant ainsi une houleuse et vertigineuse saga sociopolitique, dont les ondes de choc n’auront pas fini d’investir les consciences de si tôt, et par lesquelles nos archives, en peintures fidèles de notre histoire commune, seront peut-être à l’avenir le dépôt privilégié de ce qui n’a pas pu être révélé en son temps... Et ce jour pas comme tous les autres où se déchira le voile, ce fut un dimanche gonflé de soleil, le 20 avril, en l’an 1997..., par l’allocution que voici « in extenso » : « Il y a environ 15 ans, je m’engageais en politique pour un idéal, pour un système de valeurs sociales bien définies. J’y consacrais ma vie professionnelle et privée, avec foi, sans regret, m’impliquant nuit et jour avec générosité, quelquefois même avec obstination, fier de servir mon pays. Je fus ainsi tour à tour, sans interruption : – Ministre chargé de mission à la PRC, – Conseiller Spécial à la PRC, – ministre de l’enseignement supérieur, – Secrétaire Général à la PRC et Ministre de la Santé publique. Aujourd’hui, à l’heure du bilan du système, le constat, pour peu qu’on veuille bien être honnête, est hélas dramatiquement désolant sur les plans institutionnel, économique, social, culturel... personnellement, pour mes convictions politiques, j’aurai été très tôt combattu par une minorité soi-disant pensante et influente, mais ô combien hypocrite et limitée du système. J’aurai été combattu par des tentatives permanentes d’humiliation, des manœuvres inavouées d’intimi-

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dation et de délation. Grâce à Dieu, je restai imperturbable, m’évertuant à donner, comme beaucoup d’autres Camerounais, du souffle à un système qui se vidait inexorablement de sa substance. Aujourd’hui dans notre société, le rêve et la foi en l’avenir ont disparu, laissant la place au désespoir, à la résignation collective. mesdames et messieurs, très chers compatriotes, Aujourd’hui, contre le Ministre de la Santé Publique que je suis, ces basses manœuvres d’hier ont redoublé de perfidie, d’intensité et d’audace, ne me permettant pas de mener à terme, dans la sérénité et la sécurité, la mission qui m’aura été confiée. devant cette situation générale de dépit, et dans l’impossibilité personnelle de participation libre et active à la construction de mon pays, droit et devoir de tout Camerounais ; après une profonde réflexion, loin de toute pression et en harmonie avec ma conscience, j’ai décidé : – de mettre un terme, à partir de cet instant, à mes fonctions de ministre de la santé publique. dans les heures qui suivent, ma lettre de démission sera transmise à Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ; – libre désormais de tout engagement politique, j’ai décidé de me déclarer candidat aux prochaines élections présidentielles. Je donne ainsi aux Camerounais une autre possibilité d’alternance. De mon droit le plus légitime, je fais un devoir. J’ai cru nécessaire d’annoncer ces deux décisions avant l’échéance des élections législatives, afin de lever toute équivoque et surtout de réaffirmer la transparence de mes convictions politiques. Que les militants et les nonmilitants des partis politiques, les femmes et les hommes, les jeunes et les moins jeunes de la Société civile, qui ont pu apprécier au cours de ces longues années mon action et mes convictions veuillent bien tenir compte de ce message au cours de ces élections législatives. dans les semaines et mois à venir, je prendrai le soin de leur communiquer avec clarté et en détail le contenu de mon programme.

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Pour terminer, devant les lois républicaines, je prends à témoin, dès cet instant, toutes les Camerounaises, tous les Camerounais, pour ma sécurité personnelle, celle de ma famille et de tous ceux qui voudront œuvrer avec moi. Je me battrai pour vous tous, pour mon pays, mon beau pays, rien que par la conviction des idées. Je ne dispose d’aucune milice, d’aucune bande armée, d’aucune fortune. Que la majorité des Camerounaises et des Camerounais qui y croient veuillent bien me suivre, me soutenir, afin qu’ensemble nous sortions notre beau pays de ce long et profond sommeil ! ainsi, éveillés, avec une nouvelle foi et un nouvel espoir, entrerons-nous, dans la paix, dans le 3e millénaire, gratifiés d’un nouveau rêve pour nous-mêmes et pour nos enfants. Le Cameroun a tout ce qu’il faut pour le mériter ! Vive la démocratie ! Vive la république ! Vive le Cameroun ! »...

Aujourd’hui impavide, mais de temps en temps chatouillant d’un peu d’humour, en véritable troubadour des temps modernes, je m’en vais décocher de mon arc, en guise de flèche combattante, ma plume encore toute fraîche de son encre indélébile, pour vous retracer les sillons insolites de mon aventure, en partage d’une véritable épopée aux allures quelquefois mythiques, dignes d’une légende allègrement contée, mais surtout intensément vécue...

1 Mon rubicon « Alea jacta est » (Le sort en est jeté). Jules César

Il y a plus de vingt siècles, le Grand Jules César, déjà imperator et pontifex maximus, après avoir franchi le Rubicon, ce petit fleuve boueux de Ravenne, lança à ses légionnaires : « Alea jacta est » (le sort en est jeté), avant de s’engager à la conquête finale de Rome et de son peuple. Les lois universelles sont impersonnelles et se manifestent par fractance dans l’espace et dans le temps, selon les circonstances. par correspondance analogique, en dimension miniaturisée bien entendu, je décidai de traverser mon modeste rubicon, par une simple démission d’un gouvernement, assortie d’une simple déclaration de candidature à une élection présidentielle. tremblement de la terre, ouragan dans les airs. tout de même ! d’un côté, des chars avec des canons en mire, de l’autre, une foule aux mains vides, mais gonflée de courage. Le fer contre des pots de terre. L’airain contre de la porcelaine. et pour cause ? La providence déplaça ce virtuel combat inique sur un autre terrain supposé neutre : le mensonge contre la vérité. « Le mensonge pouvait faire le tour de la terre, le temps que la vérité mette ses chaussures ».

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affaire aussitôt suivie avec beaucoup de passion par des chroniqueurs hâtifs, en attendant qu’elle revienne aux érudits au tempérament plus mesuré, de préférence historiens et politologues de profession, dont l’analyse plus objective comblera sans doute la postérité... Pour le bien-être collectif, pour la cause publique, je sacrifiais mes droits les plus élémentaires : je sacrifiais, avec un pincement au cœur, le bonheur partagé de l’amour familial ; je sacrifiais, sans réserve, la chaleur et l’attachement de l’amitié ; je sacrifiais, sans peine, sans regret, les honneurs d’une profession prestigieuse ; je sacrifiais, sans effort, l’apparent et éphémère confort d’une société hypocrite et égoïste... Tout cela, je l’ai fait sans amertume. En avais-je le droit ? Peut-être pas ! Mais assurément le devoir ! « Alea jacta est » : à partir de là, le sort en était jeté, et la suite se métamorphosa en une longue, très longue et captivante épopée... aux allures tantôt ubuesques, tantôt dramatiques... en l’honneur de la politique en afrique ! ! !

2 Première lettre à la nation « Le temps est venu pour s’engager définitivement ». L’auteur

mes Chers Compatriotes, Le 20 avril 1997. Un dimanche pas comme tous les autres ! Seul devant ma conscience, je décidai de prendre en une seule fois, deux actes politiques importants : ma démission du Gouvernement et ma candidature aux Élections présidentielles. J’établissais ainsi un nouveau rapport avec vous. Aujourd’hui, au-delà d’une volonté longtemps entretenue de discrétion, il me paraît légitime de lever un pan de voile sur l’homme que je suis, à travers mes idées, mes convictions et mon parcours professionnel. Le niveau balbutiant de notre démocratie l’exige et je me soumets volontiers à cet exercice pour être, je crois, mieux compris. Scrutant l’horizon du passé, me voilà, enfant de Newbell, quartier populaire de Douala par excellence, fils d’un papa « boy cuisinier », partageant avec mes amis et camarades, toutes tribus confondues, les joies et les angoisses des ruelles fébriles, les repas conviviaux de telle ou telle maman, sans protocole aucun, sinon celui d’appartenir au groupe, les matches de football, pieds nus, avec une « tiss-

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ball », dont l’enthousiasme n’avait d’égal que le carnaval « des championnats du monde ». Ces réalités sont encore présentes dans mon esprit. J’ai appris très tôt à partager, sans distinction de religion ni de tribu, le peu dont nous disposions. Au fond de mon âme, je me sens encore lié à ce terroir par le cordon ombilical des amitiés d’enfance. Jeune homme, soutenu par la seule volonté divine, j’étais destiné à une carrière professionnelle particulière : la chirurgie. Celle-là même qui doit allier Science, Art et Humanisme. Je l’ai apprise de mon mieux en Italie pendant 12 ans. L’exigence de la perfection et de la compétence dans ce domaine professionnel m’a invité plus tard à Paris pour un test final, sanctionné par le titre de Professeur agrégé de Chirurgie. Cette alliance franco-italienne a été, pour moi, une richesse inestimable sur les plans professionnel, culturel et humain. J’ai exercé mon métier au Cameroun avec générosité, dans les hôpitaux d’arrondissement, de département, de province et d’Université. J’y ai appris à partager l’angoisse et le désespoir des uns et des autres. J’ai connu le bonheur de redonner de la joie, de la santé, de l’espoir de vivre. Sportif par instinct au départ, l’Art martial m’a appris à allier l’humilité à la détermination, le respect des autres au dépassement de soi, le sens profond de la spiritualité à la tolérance, le succès à l’échec, le travail à l’effort. J’ai essayé d’insuffler ces valeurs aussi bien aux jeunes qu’aux adultes, toutes classes confondues. Je sais aujourd’hui qu’ils portent en eux ce germe de vie martial, l’énergie prête à éclore dans la maîtrise du corps et de l’esprit. Enfin homme d’État, j’ai appris à découvrir l’importance de la chose publique. J’ai connu la joie de servir dans l’ombre et l’exaltation de servir en public. J’ai connu les déboires, ô combien amers, du milieu : calomnie, humiliation, intimidation, délation, haine, jalousie, etc. C’est aussi cela, hélas le monde politique ! Tour à tour, sans interruption, j’ai été pendant 12 ans : Ministre chargé de Mission à la Présidence de la République, Conseiller Spécial à la présidence de la république, ministre de L’enseignement

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Supérieur, Secrétaire Général à la Présidence de la République et enfin Ministre de la Santé. Comme c’est beau et noble de se battre pour son pays, pour le bien individuel et collectif ! Voilà le parcours de votre candidat. Je suis animé aujourd’hui par un amour intense, profond et inconditionnel pour mon pays. J’ai besoin de votre complicité pour qu’ensemble nous le sortions de l’impasse, du désespoir. Comme promis, mon projet de société trace la synthèse du chemin à parcourir. Vos suggestions sont les bienvenues et je souhaite établir dorénavant, avec vous, un dialogue permanent, en toute liberté et en toute franchise. Le temps est venu pour s’engager définitivement. N’ayez plus peur ! n’acceptez plus l’intimidation, le mensonge ! C’est vous qui devez décider du destin de notre pays. Que chacun de nous assume ses responsabilités. Je voudrais émaner de vous, pour gouverner non pas au-dessus de vous, mais avec vous ! Le but final et l’essence de mon programme c’est : « Un jeune, un Emploi » ! sans relance économique, il n’y a point d’emploi ; sans emploi, il n’y a point de bien-être ; et tout ceci nécessite un environnement politique de sécurité, de justice et d’ouverture. Je me donne sept ans pour remettre le Cameroun sur pied et je me battrai pour cela sans relâche. Mes chers compatriotes, je vous invite à vous joindre à moi, afin qu’ensemble nous gagnions le pari, dont l’enjeu est un avenir meilleur pour notre pays. Au moment même où je vous écris, je viens d’être informé par la Police judiciaire, de mon assignation en garde à vue administrative. Cependant je demeure serein et confiant en l’avenir, pour le triomphe de la liberté et de la démocratie. Yaoundé, mai 1997. t. e.

3 Une nuit particulière « delenda Carthago » (il faut détruire Carthage). Caton l’ancien

« ma première nuit vide et écumante de noir, Hantée par autant d’hydres que de dragons, d’ogres avides de sang, avides de mort ! ma première nuit, en cellule, aussi vide que pleine de noir ! Furtif, mon corps s’éclipse, et en silence, Mon âme purifiée, légère et patiente, Attend déjà, alerte, le jour de lumière, après cette terrible nuit aussi vide que lourde de noir. La terre s’est dérobée sous mes pieds ; J’ai tangué, vacillé, sans honorer la chute tant attendue. Sa fermeté j’ai dompté, et sans vacarme, de sa force, J’ai développé la puissance de mon arme pour toutes ces nuits futures aussi vides qu’épaisses de noir. Pour breuvage, de l’amertume j’ai bu. Dans cet océan houleux j’ai plongé. Comme par miracle, la fraîcheur m’a englouti,

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Et de ses embruns apaisants, doux s’est fait mon grabat, pour toutes ces nuits futures aussi vides qu’écrasantes de noir ! Le vent en terrible tempête a soufflé ; Mais, désormais, il s’est apaisé, le roseau toujours debout ; Comme une berceuse, j’ai entendu son carillon lointain. Et de sa vitalité, je me suis revivifié, après cette nuit aussi vide que lourde de noir. au bout de mes longues nuits vides et épaisses de noir, L’aurore, enfin, apparaît à l’horizon ! Mais je ne puis encore la voir. Mon âme, grisonnante mais de neuf vêtue, s’apprête à prendre son envol, apaisée dans une ascendante spirale, Projetée en parfaite fusion avec la lumière des lumières. Ô nuit noire, secrète gardienne de ma lumière ! Ô mystérieuse nuit, la plus longue de ma vie, Matrice protectrice de l’innocence et de la justice, Tu demeures ma fidèle demeure, complice silencieux de mes rêves ! »

Avec le temps, j’ai encore mieux déchiffré l’énigme de ce précieux et réconfortant message de cette particulière nuit, à savoir l’entrée dans le monde vertigineux de la captivité, où s’apprend ce qui ne peut l’être autrement. La vie, une permanente leçon ! Tous ses compartiments peuvent être honorés de nos visites, même des plus inattendues !..

4 La prison, ma prison « Carcere duro » (dur cachot).

« La prison, ma prison, Ce sont ces murs glacés de cercueil en béton Qui ont réduit à l’extrême mon espace vital ! Non sans peine, j’ai fini par les intégrer, Comme des cloisons vivantes de ma nouvelle demeure. J’y ai reflété l’aura de mon âme, et les mêmes murs sont devenus mon miroir, Ma protection, jaloux de toute intrusion intempestive. La prison, ma prison, Ce sont ces longues journées avares de soleil, Ces longues nuits imbibées d’obscurité. à force de m’y essayer, j’ai fini par faire de ma solitude, ma meilleure amie, Et du silence, mon fidèle compagnon. Mes journées se sont transformées en lumière apaisante, Et mes nuits en rêves revivifiants... La prison, ma prison, C’est cet épais brouillard qui de tout mon être s’est accaparé, S’évertuant à me faire croire que la vie ne valait plus la peine d’être vécue. Avec mon épée intérieure, j’ai fini par la dompter,

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La soumettant à mon frugal quotidien, La métamorphosant en un obstacle illusoire, mais, ô combien nécessaire, de mon ascension sur la montagne de l’éveil intérieur. La prison, la prison, C’est aussi, hélas, une arme aveugle d’une humanité retardataire contre elle-même, enivrée de détruire, d’annihiler ce qui ne peut l’être ! Honteuse pleutrerie ! ! ! »

Ô bagnard, mon ami, ne l’oublie jamais : de ta captivité fais un roc, sur lequel tu reconstruis ce qui a été indûment détruit, et avec détermination, arme ton être pour revivifier ce qui, en toi, a été assassiné ! « sois l’Œdipe de ta vie et le Sphinx de ta tombe » !, comme le stipulait Victor Hugo. La prison n’est pas seulement une privation de liberté. elle est une réelle suspension dans l’espace et le temps, entre la vie et la mort. On y apprend à vivre, on y apprend à mourir. Tout ce qui la précède doit un peu mourir ; tout ce qui lui succède doit totalement renaître, ressusciter des cendres du passé, comme le mythique Phénix qui nous apprend à assimiler la loi alchimique de l’immortalité, revêtue, en l’occurrence, d’un voile éphémère des apparences triviales. La prison enfin, c’est s’inviter soi-même à tout suspendre, à se mettre en résonance avec son Soi, pour découvrir le biorythme caché de l’Univers et les arcanes de ses lois. elle offre une particulière opportunité de queste chevaleresque, qui requiert non seulement beaucoup de courage, de foi, de détermination, mais surtout une inestimable réserve d’amour. La prison, elle doit être le verrou du passé et, en même temps, la clé d’or, qui ouvre l’avenir lumineux d’une nouvelle liberté retrouvée... de désolante mésaventure, il faut s’exercer à en faire un précieux privilège !...

5 Le silence brisé de mes nuits « Forsan et haec olim meminisse invabit » (le souvenir de ces choses sera utile par la suite). Virgile

... dans un décor froid de dépouillement total, quelquefois mes nuits se sont ennuyées de leur silence ; elles se sont aliénées sans mon préalable consentement, de compagnons peu amènes, dans un théâtre surréaliste, sans toutefois perdre leur caractère ludique. tantôt de minuscules souris aussi espiègles que gracieuses de leurs petites oreilles pointues constamment aux aguets, tantôt de gros rats impavides et méprisants, farcis d’orgueil, au pelage hirsute et répugnant. Leur intelligence a défié ma témérité, donnant lieu à des combats nocturnes épiques, avec des victoires et des défaites alternativement des deux camps. Tantôt des cafards, aussi résistants à l’anéantissement que leurs fines pattes sont dévoreuses de matière plastique, dans un bruissement nocturne aussi délétère que des coups de tonnerre dans un ciel serein. ils m’ont fait découvrir que les cafards aussi se cachaient pour mourir ! Le moustique ! Le moustique ! aussi frêle qu’agile, aussi téméraire que nuisible ; courageux et implacable guerrier, il vous fonce à l’oreille, muni de son dard et de son radar,

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impitoyable, annonçant par une rhapsodie provocatrice et triomphante, la certitude de sa victoire ! Quel ennemi ! même seul, il vaut un bataillon ! entre nous, il n’y eut jamais d’armistice ! Les chiens ! avec leurs combats enragés et suicidaires de chevaliers amoureux pour une seule élue, clabaudant à tue-tête, comme seuls savent le faire des prétendants irréductibles brûlés par la passion ! Leurs combats, ils ne les engageaient que la nuit, excités par Vénus, la déesse de la lune. Heureusement peu avant l’aurore, épuisés, exténués, ils signaient une trêve, mettant ainsi fin à une interminable insomnie, qu’en acteurs peu indulgents et avares de tout scrupule, ils m’avaient sévèrement infligée... Mais un soir, au crépuscule d’une journée encore tiède de sa torride chaleur, et lourdement enveloppée de sa lueur blafarde, je reçus une visite aussi insolite que l’était mon hôte, dans mon aride petit logis de bain de soleil quotidien. D’où venait-il ? De nulle part ! Son pas lent et rassuré mettait en exergue son allant altier : une abondante crête chatouillée par le vent exhibait sa descendance princière ; un camail brillant d’un jaune or, des plumes d’un rouge vif métallique, rehaussées de rares mèches d’un bleu turquoise cristallisé, parsemées en élégante coiffure ! superbe, il déambulait au rythme de sa majestueuse faucille : c’était un coq ! oui, un superbe coq, en chair et en os ! ! ! il escalada lentement, une à une, sans vaciller, les sept marches donnant accès à mon exigu logis ; puis du banc réservé à mes rares visiteurs, d’un léger frémissement de ses ailes, il se hissa et s’accommoda confortablement en parfait équilibre de funambule expérimenté, sur la rampe de mon petit balcon, juste en face de moi, entre mes deux visiteurs de la journée, aussi ébahis que moi... De la fissure mobile de ses lourdes paupières mi-closes transpirait l’intensité d’un regard soutenu, tantôt perçant et inquisiteur, tantôt triste et sombre. La scène dura environ une demi-heure ; puis tout doucement, il descendit de son perchoir improvisé et, avec la même incroyable assurance, prit congé de nous... mais tout aussi incroyable, pour revenir

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le lendemain, à la même heure, au même endroit, répéter le même scénario... Cette même nuit, je devais vivre avec intensité, assisté de mon mystérieux hôte du jour, un rêve apocalyptique où je me retrouvais non seulement témoin, mais principal acteur dans l’extinction d’un terrible incendie aux flammes particulièrement destructrices... Au réveil, je décidai par pure intuition de donner à mon auguste visiteur le nom d’Ambroise, afin de mieux le personnaliser et ainsi l’immortaliser dans les archives secrètes de ma mémoire. Ce soir-là, je l’attendis avec impatience, afin de partager avec lui mon rêve, notre rêve, mais en vain ! mon ambroise, notre Ambroise ne revint jamais plus ! En messager secret, deux surprenantes et mystérieuses visites avaient suffi pour éveiller en moi la volonté d’apprendre à métamorphoser, en des circonstances particulièrement désespérées, la détresse en bonheur... souvenirs, souvenirs, souvenirs de mes silences brisés de mes nuits singulières ! Une animation somme toute « sui generis », aussi curieuse que ludique, qui constituera une belle page de mon vivant chapitre. Certainement ils m’accompagneront toujours, en témoignage de mes silences brisés, avec un brin de nostalgie... C’est aussi cela la prison, ma prison, avec mes souris, mes rats, mes cafards, mes moustiques et mes chiens... compagnons inconscients de leur chaleureuse fidélité... à leur façon, bien entendu ! ! ! Sans évidemment jamais oublier mon coq de lignée princière, notre mystérieux Ambroise, dont le souvenir aura scellé à jamais une merveilleuse page secrète de ma captivité... L’illustre Socrate, avant de boire la ciguë, à la suite d’une condamnation inique, n’avait-il pas interpellé son élève en lui disant : « Criton, nous devons un coq à Asclépios. Payez cette dette, ne soyez pas négligents ! ? » Notre Ambroise, sans rien exiger en retour, nous a gratifiés de son immense générosité, avant de disparaître incognito, dans l’impersonnalité la plus absolue. Une extraordinaire leçon de la vie, n’est-ce pas ?...

6 La torture « Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant » (Où ils font un désert, ils disent qu’ils ont donné la paix). tacite

parler de la torture est une chose ; l’avoir subie en est une autre. ... il est aussi ponctuel que récurrent, le rituel quotidien. L’écho de pas légers et furtifs, rarement lourds et lents de brodequins, précède le garde-chiourme. Un froissement métallique grince aigu en cacophonie, et mes oreilles de bourdonner. Des cliquetis secs, agressifs, d’une, de deux, de trois, de nombreuses clés qui tournent, bruissent, se retournent dans de multiples palâtres. et mes oreilles de se froisser. Mon cœur de brunir, de saigner, à défaut de se briser et de s’arrêter. Un bruit sourd, puis un autre, un autre encore. de lourds portails blindés s’abattent l’un après l’autre, contre des murs ocres et brunis de béton. et mon âme de grincer, avant de se lover sur elle-même, en réflexe d’auto-défense et de désespoir. Un rituel démentiel et pernicieux ; le matin comme le soir, de jour comme de nuit ; et à l’ouverture comme à la fermeture : torture oblige ! malgré sa récurrence, le geste

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vous est toujours nouveau et produit toujours les mêmes effets... destructeurs. J’ai intégré le défi, non sans peine, avec le temps, mon temps. de ce vacarme naguère humiliant et provocateur de ma captivité, j’ai fait la clé de l’ouverture vers le merveilleux monde intérieur de la liberté. Et je me souvins un jour de cette pensée que me confia, il y a fort longtemps, un sage : « La porte qui donne accès au royaume de la Liberté est toujours ouverte par une clé en or »... Encore faut-il savoir la chercher pour qu’elle vous soit, un jour, donnée... gratuitement ! La torture est un acte de barbarie exclusif de l’espèce humaine, exaltant paradoxalement le bourreau qui en est l’auteur. elle a pour but l’anéantissement brutal, cruel, total de la victime, dans un heurt déflagrant programmé contre le physique, le mental et le psychique de cette dernière... C’est un acte cynique délibéré d’atrocité, exigeant au moins deux protagonistes : le sujet et son objet. Le tortionnaire, sujet dominant et à souhait dominateur, s’anime toujours d’une euphorie hystérique et irrationnelle. La victime, son objet, doit à priori tout subir dans l’humiliation et la résignation. ainsi, la torture crée-t-elle une relation surréaliste qui, progressivement, glisse dans une nébuleuse sans contrôle. elle nous fait accéder au règne de la « soushumanité », bien inférieur à celui de l’animalité. Car l’animal peut agresser ; mais quelque féroce qu’il soit, il est incapable de torturer. en revanche l’homme, ce drôle d’animal, est la seule espèce capable, non seulement de planifier la torture, mais de se réjouir d’en être l’auteur. Le tortionnaire ou son mandataire est en fait un être faible et fragile, victime de ses propres turpitudes, carences et contradictions intérieures. Fort incapable de se dominer, il s’évertue en vain à parfaire l’anéantissement, la destruction de l’autre. Il se méprend de sa propre image, réfléchie et projetée avec une extrême violence sur la victime. En décidant d’annihiler l’autre, inconsciemment il se désagrège lui-même. Son combat intérieur perdu d’avance, qu’il extériorise par la cruauté, le défait, le détruit lui-même : « Vita

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sua, mors tua » : pour qu’il vive, l’autre doit mourir. et si jamais l’autre devait survivre, il tremble de mourir à cette seule idée... à l’issue de ce drame, la victime connaît toujours la paix et sa fin est toujours lumineuse : soit par une mort libératrice (sic !), soit par une vie particulièrement enrichie, la souffrance étant une échelle ascendante incontournable vers les promontoires de l’évolution de l’âme. En revanche, le tortionnaire connaît toujours l’abîme au dernier acte de sa pièce théâtrale : il s’ouvre un long et tumultueux cheminement, par lequel il doit connaître les affres de l’abus et de l’ignorance, pour retrouver peut-être après de longs errements, comme sisyphe, le sentier abrupt et sinueux de la Sagesse... Il existe d’innombrables types de torture : la terreur en politique et la peine de mort ont particulièrement retenu mon attention. La terreur en politique, c’est l’usage permanent, brutal et féroce d’une violence gratuite et disproportionnée, dont les objectifs s’inscrivent dans un marécage dit politique, aux accents le plus souvent obscurs et contradictoires. Il s’en dégage toujours une tentative absolue de tenir sous un joug fatalement suicidaire la société et les individus qui la composent. La terreur politique, c’est une arme cynique, dont savent volontiers abuser les faibles d’esprit, pusillanimes introvertis, hantés qu’ils sont par leur fausse et prétendue supériorité, et pourtant en réalité, imbibés de médiocrité notoire, en même temps qu’ils sont, à l’envi, dévorés par un virus narcissique qu’ils s’évertuent, en vain, à dissimuler. La société, victime de cette terreur, végète dans l’agonie, suffoquant par le sevrage impitoyable du rêve légitime de la liberté et du mieux-être ; elle finit par se refermer sur elle-même, dans un réflexe atonique, avorté de désespoir, de survie. La rumeur y est privilégiée : dans le vent, tout est futile, possible et impossible à la fois ; elle honore, malgré elle, la délation et le fantasme ; il faut bien se référer à quelque chose, à défaut des vertus sociétales méthodiquement incinérées ; elle devient la matrice de l’hypocrisie

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et du griotisme : l’ogre, le bourreau, insatiable, s’en nourrit, car il se délecte à régner sur des spectres ; il ne peut exister que par l’annihilation de l’autre. La violence, comme de la suie, infiltre toutes les couches de la société, réalité préventivement entretenue pour une soi-disant pérennité du système. et pourtant, la sagesse qu’enseigne l’Histoire humaine n’aura jamais été muette sur la terreur. Énergie explosive à souhait, elle véhicule toujours en son sein sa propre destruction, une espèce d’auto-radioactivité. tôt ou tard, elle s’épuise, s’estompe, laissant avec une désolation déconcertante, un vide, un « trou noir », pour enfin exploser en compensation dramatique de son supposé essor d’hier. Quelquefois, la société, dans un dernier sursaut, interpelle inconsciemment l’intervention d’un nouveau prince, féru de l’expérience des affaires de l’État, et doué d’une haute dimension et du génie des valeurs humaines et sociétales. très souvent, hélas, elle erre longtemps, très longtemps, dans un pandémonium infernal, où l’anarchie, la misère, l’insécurité et le désespoir soufflent tel un ouragan, avant de connaître, épuisée, la voie qui mène vers la paix et l’épanouissement... Mais à quel prix ? La peine de mort est un autre exemple, hélas courant, de barbarie et de violence extrême de l’humanité contre ellemême. La vie est toujours un don, un présent, dont la finalité se trouve au-delà des considérations, ô combien limitées de l’Homme. Contrairement à la pensée commune, l’Homme ne donne pas la vie, l’Homme ne peut pas donner la vie ; il est tout simplement, et c’est déjà un insigne privilège, un intermédiaire, un véhicule, quelque précieux qu’il soit, d’un véritable « miracle » des lois universelles ; il ne peut et ne doit donc en aucun cas s’arroger le droit d’ôter la vie d’un autre être humain. La répression criminelle par la mort n’a réduit nulle part la criminalité, encore moins moralisé une société. Je partage avec véhémence l’avis de robert Badinter, pionnier défenseur et avocat de la vie : « on ne répond pas à l’horreur par l’horreur ».

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à la fin, permettez-moi de vous murmurer en toute confidence ceci : « à travers force péripéties, j’ai réussi à faire de ma torture l’une des plus belles décorations secrètes de mon âme ». La vie d’un Homme est sacrée. en toutes circonstances, elle mérite le respect le plus absolu autant des bandits inconscients de la rue que « des tout puissants » prétendument protecteurs de l’évolution de ce monde...

7 Le Gendarme « L’on est d’abord le galon, avant d’être soi-même ». L’auteur

... Il y a fort longtemps, un ami me confia ceci : « Le gendarme ? Il est comme un crabe ! il peut courir vite, très vite, pour s’arrêter net comme un clocher ! il peut marcher droit, tout en regardant de travers, Comme il peut regarder droit, tout en marchant de guingois. Le Gendarme ? Il est comme un crabe ! Il sait paraître respectueux tout en sachant qu’il ne l’est point. il est capable d’amabilité apparente, mais aussi de violence, voire de cruauté, hélas ! L’ordre vient toujours de plus haut que soi, Et l’exécution, toujours par moins gradé. en permanence, saint ponce-pilate veille sur lui... Son épaule est large pour deux fusils ; mais sa main, plus alerte pour écrire que pour manier un colt 45 ! Écriture qui peut construire des châteaux par la vérité,

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mais aussi tout détruire et anéantir, par le mensonge et la manipulation. Le Gendarme ? Il est comme un crabe ! Sa vie ? C’est le galon ! Sa carrière, c’est toujours le galon ! pour autant, il peut de ses mains briser le roc, Voire se cagouler pour exécuter les forfaitures les plus inavouées. Alors, fier et méprisant, il sait marcher droit comme l’orgueil, et s’arrêter fixe comme le Sphinx ! »

Mais, à force de le côtoyer, le Gendarme, dans une apparente proximité pacifique, curieusement exigée et prescrite par d’illuminés prestidigitateurs, j’ai pu transpercer la carapace de ces uniformes chamarrés de leurs passementeries. J’ai découvert avec bonheur et admiration un autre monde, un monde lumineux et plein de dignité, d’honorabilité et de respectabilité, de sensibilité et d’intelligence, de courage et d’humanité... Le Gendarme pourrait peut-être évoquer un crabe, mais il n’est pas un crabe ! La vie est une permanente leçon ; et à ma besace, elle en a ajouté une autre, signe de sagesse infinie : « l’Homme, quel qu’il soit, dépouillé de ses apparences, brille toujours par l’infaillible miroir intérieur de son âme »... En réponse à tous ces respectueux et affectueux « cafés » reçus, j’inscris ici toute ma chaleureuse reconnaissance, accompagnée de ma profonde estime, à tous, devenus les témoins vivants de ma captivité, et de la compagnie de qui, peut-être demain, j’aurai la nostalgie...

8 La justice « à mes dépens, j’ai connu la basoche, royaume impérial des basochiens ». L’auteur

La justice, notion pivot d’équité institutionnelle, d’autorité ou de pouvoir, dans les sociétés modernes dites démocratiques, résulte d’un long cheminement historique, voire ontologique, arborant successivement une dimension morale, religieuse et enfin juridique. D’ailleurs ces trois accents se retrouveront imbriqués dans la pratique, créant un contexte et une expression juridique extrêmement complexes. pour un observateur quelque peu attentif, impressionnant apparaît l’équilibre de l’univers pourtant en permanente évolution, dans l’infiniment grand, l’infiniment petit, et dans un troisième monde, « l’infinie complexification de la conscience humaine ». Chacun de ces plans est en harmonie avec lui-même, mais aussi avec les autres. de toute évidence, cette extraordinaire harmonie invite à rechercher la cause dont elle est issue, et par laquelle se crée et se maintient cet équilibre : c’est l’ordre par essence, une énergie subtile, aussi puissante, intelligente qu’immuable, que l’on pourrait assimiler à la loi, la Loi. Cette Loi, impersonnelle, régit tous ces systèmes et tout ce qui les constitue.

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L’ordre qui la précède, la contient et se manifeste donc par elle, l’ordre étant ainsi la cause et la loi son effet. Ce phénomène est essentiellement amoral à ce degré, la morale, nécessité d’utilité sociale, relevant des considérations protectrices, subjectives et limitées de l’Homme ; ce qui fit dire sans ambages à Pascal : « la vraie morale se moque de la morale... » La finalité de cet Acte premier est par conséquent le Bien par essence, c’est-à-dire l’effet escompté de la permanence, de la pérennité dans l’équilibre parfait de la création, par la suite créatrice elle-même à l’infini... Cette réalité en veilleuse permanente, mais non moins vivante des plans supérieurs, s’invite par une correspondance analogique dans les plans inférieurs, où se manifestent les expériences quotidiennes de l’Homme. Elle doit y être traduite et vécue, épousant les contours des limites du monde phénoménal que représente la société. Celle-ci se fait, par conséquent, la réplique en miniature du macrocosme, véhiculant en soi ses propres imperfections et carences. La Loi originelle de l’équilibre et de l’harmonie de l’univers y sera conçue, interprétée, appliquée, à la base d’une fragile connaissance, hélas avec des conséquences pour le moins malheureuses et souvent contradictoires... ainsi, dans les sociétés anciennes et primitives, la Loi se traduira-t-elle essentiellement par un code moral, entendu comme un ensemble d’interdits issus de prescriptions relationnelles coercitives entre dieu, le Créateur, et l’Homme, la créature, dans le but de sauvegarder ce lien et en même temps de préserver l’ordre et la cohésion de la société ellemême. Ce code est salvateur et salutaire à la fois, mais ses prescriptions ont tendance à circonscrire le puissant rayonnement potentiel de la conscience humaine à un niveau plutôt émotionnel, sensoriel, mental, animé par la peur et l’angoisse, la rendant otage désemparé d’elle-même et de la société. Ce qui est défini comme « bien » n’est accompli que par peur du châtiment, et non pour le bien lui-même. En définitive, chaque code moral définira le niveau d’évolution collective d’une société, et non celui d’un individu,

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le bien et le mal étant arbitrairement conçus et codifiés par la conscience collective, elle-même limitée... Le bien et le mal ne seront définis que par rapport au bien-être ou au mal-être qu’un acte procure avant tout à la société aux dépens de l’individu... à l’aune de la religion, la relation entre dieu et l’Homme exigera un intermédiaire « incontournable », à savoir la classe cléricale. Cette dernière fera du Code moral un puissant instrument juridique, le « jus primus », non seulement pour son rôle de canal privilégié, mais aussi et peut-être surtout pour entretenir son hégémonie sur une masse ignorante, animée d’une foi rédemptrice. La loi présumée sera utilisée pour faire régner l’ordre par l’épouvantail du châtiment brandi par le clerc, officier de Dieu dans la société. ainsi apparaît-il, par le personnage clérical, l’attribut théandrique de gardien de la Loi, humain divinisé par cette autorité, par ce pouvoir. de cette conception erronée et dangereuse, naîtront des glissements d’abord subreptices, puis par la suite de grossiers dérapages dans la création, l’interprétation, la spéculation et l’application de la loi, avec des conséquences dramatiques dans la longue histoire de l’Humanité. La Loi impersonnelle est soumise à la personnalité de la société, à travers celle d’une classe privilégiée... représentée par des individus de bonne ou de mauvaise foi. De ce « jus primus » ou « corpus canonique », dériveront toutes les instances juridiques laïques de nos sociétés modernes dites démocratiques, réalité souvent méconnue, qui maintient un lien discret, mais ô combien puissant, entre la morale, la religion et le droit ! Les lois constituant le droit seront perçues comme des émanations, des effusions surnaturelles, dont la mission fondamentale est la cohésion et l’ordre de la société, l’intégrité et la protection de l’individu. Ces lois essentiellement répressives seront toujours élaborées à posteriori, courant après des événements à priori inextricables. Il en résultera une tendance de pluralité excessive, rendant impossible leur application rigoureuse, origine d’un déséquilibre notoire entre les insti-

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tutions qui les créent et celles qui doivent les appliquer. en outre, elles véhiculeront toutes les incohérences historiques primaires, qui magnifient et entretiennent de façon sournoise le dangereux glissement arbitraire de celui qui est supposé en être le gardien. Il apparaît donc que la « justice humaine » est une notion très complexe de par son essence et son histoire vécue, nécessitant autant de connaissance, de maîtrise que de modestie dans sa conception et son application. à la lueur de toutes ces considérations, il n’est pas vain d’affirmer qu’une société s’évalue par sa justice : la teneur des lois se préoccupera essentiellement du bien-être, de la sécurité, de l’intégrité globale de l’individu et de sa société, évitant toute rigidité restrictive qui risquerait de pétrifier une notion protectrice. Le législateur doit être en revanche pétri de la connaissance de la loi et en faire son arme de sagesse. Quant à leur application, elle nécessite un détachement compassionnel, un équilibre intérieur, allié à une maîtrise de la complexité du sujet et à une grande probité intellectuelle. Décider de la liberté d’un être humain est à ce prix ! La décision d’un homme de loi, d’un « juge », doit véhiculer autant d’art, de science, de vertu que le prévenu mérite d’être condamné. il est, hélas, désolant de constater de plus en plus dans le monde, et particulièrement en Afrique, l’usage pernicieux et ô combien délétère, de la basoche, cette justice ordurière, pratiquée comme norme et sans état d’âme par ces basochiens (sic !), véritables prédateurs carnassiers, avides et insatiables de prébendes, bradant à l’encan de nobles principes de vertus sociétales, aux dépens de leurs bas instincts égotistes. Ils s’associent très souvent à ceux-là même qui doivent créer la loi et la faire respecter, structurant ainsi les systèmes phares d’un véritable gangstérisme d’État. Quel dommage ! Il urge que ces égarés de la « res publica » se dotent de courage pour ressusciter leur « profession de foi », que dis-je, « leur profession de loi », par la vertu de servir, cessant ainsi d’arborer avec une honteuse ostentation des toges souillées, imbibées qu’elles sont de l’infortune, de la délinquance, de

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la hideur de leur misère mentale et de leur défaite professionnelle. Il est ahurissant que dans ces pays, par l’injustice caractérisée, tout citoyen soit en permanence un détenu en sursis qui s’ignore, contrairement à la propagande protectrice hypocritement brandie. Par l’injustice, l’Afrique est seule responsable et coupable de ses propres crimes ! Et la Prison ? Les allusions y afférent dans les précédentes pages me paraissent suffisantes. J’ajouterais tout simplement que la prison doit être une rare et particulière occasion que la société offre à ses concitoyens pour se reconstruire, se reconstituer physiquement, psychiquement et spirituellement, à l’issue d’un conflit juridique avec elle, après une culpabilité prouvée, avec justice et avec justesse. La prison ne doit plus être un enfer dont les flammes consomment le condamné pour l’éternité. ainsi, toute société pourra-t-elle se juger elle-même, non seulement par la qualité de sa justice, mais tout autant par le traitement qu’elle inflige à ses concitoyens en captivité... La « Justice » n’est peut-être pas de ce monde, mais celle qui, forcément, concerne l’Homme dans son contexte sociétal et lui incombe entièrement dans sa conception, sa formulation et son application. Une véritable entreprise qui exige d’étendues connaissances, une rigueur et une particulière probité intellectuelle, une expérience humaine affirmée, illuminée par beaucoup de modestie et de considération pour l’être humain. Chaque fois que ce dernier est condamné d’une façon inique où que ce soit, c’est la Loi universelle qui est brisée, l’Harmonie universelle ébranlée, le malheur collectif inconsciemment partagé ! à la fin, je me délecterai à faire un écho partisan à Pascal, après toutes ces péripéties vécues, pour affirmer sans ambages aussi : « La vraie justice se moque de la justice ! ! ! » Et de lancer à l’Afrique bancale de sa justice : de par ses États et ceux qui les gouvernent, qu’elle s’oblige, se fasse violence de respecter et d’appliquer elle-même ses propres lois, avant de l’exiger des autres ! C’est le choix incontournable pour l’émancipation de ses institutions et de ses propres concitoyens. La Justice, c’est la fondation

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sans laquelle rien de solide ne peut être bâti dans une société ! Il est dangereux de la confier à des délinquants, quelle que soit la splendeur apparente et trompeuse de leurs oripeaux...

9 La politique « tous les arts ont produit leurs génies ; sauf l’art de gouverner qui n’a produit que des monstruosités ». saint Just

La politique, nébuleuse insaisissable aussi diffuse que l’univers, aussi vieille que l’Histoire, aussi complexe que l’Humanité !.. Elle est définie tantôt comme une science, tantôt comme un art, ou les deux à la fois... L’adret pour les uns, l’ubac pour les autres... L’Homme l’a créée ; en retour, elle a créé une espèce d’Homme, l’« Homo politicus »... drôle d’espèce ! en son nom, que de contradictions, de heurts, de guerres, de tortures, de défaites, de victoires !... Le bonheur des uns faisant le malheur des autres. Tantôt instrument pour servir, tantôt une fin en soi, se transformant en de véritables religions laïques, avec leurs cohortes de pseudo-archontes, entourés de thuriféraires exaltés et de force séides fanatisés. « Tous les arts ont produit leurs génies ; sauf l’art de gouverner qui n’a produit que des monstruosités », martela un jour Saint Just... Peutêtre excessif ! Mais tout de même ! Et pourtant il revient à l’Homme, et à l’Homme seul, de donner à cette nébuleuse mythique, une forme, une fonction, une adresse, une direction bien définie. Apparemment

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révolue l’époque épique des idéologies, l’Homme politique doit d’abord définir avec précision, un Idéal, rêve ou utopie nécessaire, une pensée philosophique qui induit un sens (entendu comme signification et direction à la fois), moteur d’une action dans le manifesté quotidien, actualisé dans un projet de société clair, tendu et réalisable en des programmes bien définis dans le temps. Ainsi l’Idéal engendre et guide-t-il l’Action qui, à son tour, peut rectifier, de temps en temps, ce même idéal, dans une dynamique plastique et puissante, où la préoccupation essentielle et première se réserve la promotion et l’épanouissement de l’être dans sa totalité, c’est-à-dire sur les plans matériel, psychique et spirituel, dans un environnement naturellement et en permanence hostile à toute tentative de soumission et de maîtrise... Le génie doit toujours précéder, avant de créer ce rêve partagé qui se cristallise dans l’action, pour le développement et l’épanouissement de chacun... « Un idéal n’est pas une sorte de perfection inaccessible, mais une énergie, qui à la fois, nous attire et nous guide », stipule James Redfield. Les méthodes proposées ou imposées ont été innombrables dans l’Histoire des peuples. « malgré son imperfection bourgeoise, la démocratie reste le seul régime, au fond, qui avoue, proclame que l’Histoire des états est et doit être écrite non en vers, mais en prose » (raymond aron). et selon platon, le sage, « la parfaite félicité d’un royaume est qu’un prince soit obéi de ses sujets, que le prince obéisse à la loi, et que la loi soit droite et toujours dirigée au public ». après vingt cinq siècles, l’Humanité est encore bien loin d’avoir intégré cette sagesse. Quel dommage ! Étonnant de savoir que de nombreux hommes d’État dans le monde, en particulier en afrique, privilégient comme livre de chevet, l’opuscule « de principatibus » (le Prince) de Machiavel, interprétant d’une façon honteuse et égoïste des principes ponctuels, en dehors de leur contexte historique et socio-politique : ignorance abusée d’une méconnaissance du génie de cet audacieux précurseur de la Renaissance florentine, Niccolò Machiavelli, dont la

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pensée politique fondamentale se retrouve plutôt dans son traité plus consistant : « discours sur la première décade de tite-Live ». L’on y découvre avec étonnement ses profondes convictions républicaines... machiavel doit se retourner dans sa tombe ! Et s’il revenait aujourd’hui parmi nous, il mourrait aussitôt pour la deuxième fois, pour ce qui a été fait de son petit livre, écrit en une semaine et dédié aux puissants Médicis..., après sa disgrâce... Et l’Afrique, dans tout ce maëlstrom ? « L’afrique noire est mal partie », avait écrit rené dumont il y a environ un demi siècle. J’assume de dire sans ambages : « L’afrique noire n’est pas du tout partie ! » elle s’enfonce plutôt dans un trou sans fond, que la plupart de ses dirigeants s’évertuent à creuser à tout crin, animés d’un cynisme et d’un sado-masochisme inqualifiables. Horresco referens !.. Ils ont fait de la politique un enjeu exclusif de la puissance et de la jouissance ostentatoires, et dont la violence aveugle est la référence de valeur, que dis-je, de « non-valeur », oubliant que « les trônes tombent, et que les fauteuils restent ; que les rois ont le jour, les peuples le lendemain » ! Les peuples se liquéfient dans la misère, la maladie, l’insécurité, la violence, la mendicité, la corruption, le chômage... ; et pour les jeunes, le rêve d’un lendemain lumineux s’est évanoui, réveillant en eux des sursauts suicidaires de survie. mais qu’importe ! « oderint dum metuant » : « qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent ! » aphorisme mythique de ces « chefs », « pères des nations », missionnés par leurs dieux tout puissants qu’ils se sont euxmêmes créés ex nihilo. De petits soldats de plomb, d’aucuns se sont faits Généraux, se faisant passer pour d’extraordinaires stratèges de « guerre politique », avec une puérile prétention de rivaliser avec les sun tzu, Clausewitz, Liddell et bien d’autres encore... Quelle tristesse ! « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »... Les intellectuels naguère fers de lance de l’émancipation, aux espoirs les plus autorisés, aujourd’hui broyés par

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des machines et des manœuvres destructrices de la moindre velléité, après une courageuse résistance, ont abdiqué les uns après les autres, subissant, abandonnés à eux-mêmes, les affres de la statolâtrie. à moins que ce ne soit une manœuvre tactique comme l’a affirmé Mao : « Faire d’une défaite tactique une victoire stratégique ». L’optimisme est une force certaine dont il ne faut point abuser, au risque de la voir se transformer en indolence, en apathie. toutes les valeurs sociétales de référence ont été grossièrement occultées par d’épais nuages de gangstérisme d’état. L’état, en effet, a été sans vergogne privatisé, liquéfié ; son autorité « émasculée » et « sa souveraineté excisée », avec des conséquences catastrophiques..., faisant de lui une proie sans défense, de l’intérieur comme de l’extérieur, fors le siège du prince..., en attendant de voir venir... Les pays dits développés (en fait très peu en sagesse, car hypertrophiés à outrance par la philosophie de l’avoir) entretiennent avec mépris, par la ruse et la violence, un déséquilibre permanent de la planète. par leur obésité économique, créatrice d’une cachexie inhumaine des démunis, ils se gargarisent de notions de sécurité préventive et se délectent de la domination sans partage du patrimoine universel, clamant sans état d’âme, le triomphe de la marchandisation et de la finance internationales. Tout leur appartient, tout se fait par eux, n’existe que pour leur mieux-être, dans une paranoïa obsidionale. La vraie paix est celle préventive ; il faut pour autant préparer la guerre : des armes de plus en plus sophistiquées s’allient à la superpuissance de leurs suprastructures, de leurs institutions, redoutables gendarmes incontournables en permanent éveil, pour leur assurer un présent et un avenir édéniques pour l’éternité... à cette discrimination économique, viennent s’ajouter des barrières juridiques contre la libre circulation humaine. Le message dramatique de deux jeunes enfants mineurs africains, gelés dans un train d’atterrissage d’un avion long courrier, le temps d’un scoop journalistique, a été purement et simplement classé dans la mémoire autiste de ce monde impitoyable. Quel cynisme !

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L’aide (sic), que les pays du Sud apportent aux pays nantis du nord en matières premières et valeurs humaines, contribue à l’épanouissement de ces derniers d’une façon extraordinaire ; en revanche « l’aide » de ces pays au « tiers-monde » revêt un caractère honteusement et faussement oblatif, heurtant la dignité humaine : ces mains décharnées tendues, ces yeux blancs d’anémie, suppliants, avant de se refermer pour toujours ! Éternel appoint, de cette « aide », l’afrique n’en a point besoin pour se développer, car une fine couche d’onguent stérile ne peut guérir un ulcère phagédénique... et pourtant, au début de ce siècle, toutes les performances techniques nouvelles étaient psalmodiées par de faux messies en mal de publicité humanitaire ; alors que, si ces pays nantis et leurs gouvernements le décidaient et le planifiaient, le monde connaîtrait la paix, un bonheur, un bien-être partagé, dans une harmonie contagieuse que mérite l’humanité tout entière. notre planète dispose de tout le nécessaire, en termes de richesses humaines et matérielles, pour lever ce défi, car le monde de demain, « monde sans frontières », ne peut se réconcilier avec lui-même que par une solidarité et une fraternité universelles, consciemment vécues. Ce n’est point de la naïveté, encore moins de l’angélisme ! C’est plutôt une entreprise cyclopéenne, exigeant génie et intelligence de l’Humanité entière : les premiers concernés étant ceux qui détiennent entre leurs mains, des pouvoirs colossaux de décision, pour l’équilibre et l’évolution socio-politique de notre monde... Enfin, l’Afrique ! Le jour où, ébranlée à l’extrême de son âme, elle apprendra à essuyer elle-même ses propres larmes, prenant conscience par elle-même de sa propre force, de sa puissance et de son génie, le tocsin du début de la fin de cette parodie cyniquement planifiée réveillera ses dieux et ses démons ; et surpris, le monde entier pourra connaître un tremblement de terre, du nord au sud, de l’Est à l’Ouest... Alain Peyrefitte l’avait prédit pour la Chine, il y a bien des années dans son mémorable livre : « et quand

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la Chine s’éveillera ». Les « puissants » de ce monde avaient feint de l’ignorer... Quant au modeste Africain auteur de ces réflexions, malgré son ahurissement clairement dévoilé, il reste optimiste et fait siens les propos d’un vertueux Palatin de la diète de pologne d’il y a bien longtemps : « malo periculosam libertatem quam quietum servitium » : « je préfère la liberté avec ses périls à la tranquillité de la servitude ». C’est aussi mon vœu le plus ardent pour mon pays et pour l’afrique tout entière..., car se libérer, c’est apprendre à n’avoir plus de maître du tout, et assumer avec dignité et courage son propre destin... Ceci se fera, non pas par des révolutions des armes, qui ont tant endeuillé et anémié le « tiers-monde », mais par une explosion évolutive des mentalités, qui privilégie le travail dans l’abnégation, le sacrifice pour le bien commun, le respect des lois, la connaissance et la défense de ses droits, la responsabilité dans les devoirs du citoyen... L’Afrique, à ce prix et à ce prix seulement, surprendra de se réserver ainsi un avenir étonnant et plein d’espoir tant rêvé, par ses multiples générations jusqu’ici sacrifiées. Ce genre de combat est titanesque. C’est aujourd’hui qu’il faut l’initier, « car il ne faut jamais remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui »...

10 Le silence « Le silence, c’est le langage indéchiffré de l’infini ». L’auteur

Le mental est le gardien, le portier de notre être. il doit trier, traduire les expériences de l’extérieur vers notre âme et, en même temps, rendre compréhensibles celles venant de notre intérieur. il se caractérise par une activité permanente, en éveil comme pendant le sommeil, durant toute notre vie. De cette hyperactivité, il succombe à la facile tentation, tendant à s’hypertrophier, s’évertuant, hélas, à devenir le maître prétentieux de la maison, se déchargeant avec désinvolture de sa fonction de vigile. il s’emballe pour tout expliquer, anticipe, jugeant tout sur son passage, condamnant ceci, amnistiant cela, à la hâte. Sur tous les fronts, il court, engageant des combats perdus d’avance, et une fois épuisé, troublé, il revient à la base, ahanant de ses défaites et contradictions, pour recommencer, entêté, un marathon sans fin... pour accéder au royaume du silence, la maîtrise du mental s’avère nécessaire. Accéder à ce royaume, c’est intégrer son moi au Soi en fusion vibratoire, où tout ce qui peut être vu s’éteint, où tout ce qui peut être entendu s’estompe, où

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tout ce qui peut être dit se tait. Le silence, c’est un plan, en même temps qu’un point. Un point qui se place dans le cercle, qui se trouve dans le carré et dans le triangle. « si vous trouvez le point, vous êtes sauvés, tirés de peines, d’angoisses et de dangers », révèle une Maxime des compagnons. Structuré par une technique éprouvée, où le mental, malgré sa permanente activité, est ignoré, le silence devient le creuset où le fini cède la place à l’infini, comme une étincelle dans le feu, une goutte d’eau dans l’océan... il s’établit alors le langage puissant du non-dit, doué de mille révélations jusque-là tenues secrètes, car à la fin le silence est, par excellence, l’appel intérieur de traduction de l’Énergie cosmique dans ses expressions. On en percevra autant que son moi intérieur est exercé, sur fond de la musique des sphères, dont les nuances s’identifient à de mystérieuses ondulations de parfaite harmonie. « Le silence est la teneur secrète des paroles de valeur. Une âme vaut par la richesse de ses silences. on veut donc non pas un silence qui endort, mais un silence qui restructure », confirme Sertillanges. J’ai eu le privilège d’en connaître quelquefois l’expérience. en effet : « J’ai connu le silence Vide d’espace, vide de temps, Vide des contraintes empiriques du jour, Vide des rêves de la nuit. J’ai connu le silence, Langage indéchiffré de l’infini, message secret de la musique des sphères. Chut !.. Chut ! silence !... Ô toi, mon ami, révèle-moi les arcanes cachés de l’empyrée, Car, désormais, je suis devenu Ton plus fidèle compagnon ! »

oui, le silence est cet écho secret de résonance de l’Énergie universelle, de l’Énergie cosmique, à la portée de chacun et en toute permanence ! Quel privilège malheureu-

Le siLenCe

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sement ignoré, quand il n’est pas tout simplement snobé... aux dépens de ce tintouin dont bourdonne l’Humanité, dans un continu et futile remue-ménage ! ! ! Le silence, c’est aussi cela, la prison...

11 Le mysticisme : occultisme ou sorcellerie ? « L’homme contemporain cherche le plaisir sans le bonheur, le bonheur sans la science et la science sans la sagesse ». édouard schuré

Boire tout frais du sang humain, c’est particulièrement excitant pour les caprices des démons ; lassé des langoureuses divines sirènes, trop exigeantes et jalouses, l’on se fait incube, pour priver de leur virginité des nymphettes aussi lascives que naïves : cela procure de la jouvence à perpétuité ; pratiquer comme rituel de purification et d’allégeance l’homosexualité, c’est une haute distinction discriminatoire pour l’honorabilité de la confrérie supposée prestigieuse ; engager en astral des combats nocturnes épiques et suicidaires sur des « avions-tapis volants », bourrés de missiles incendiaires, l’ennemi redouté ne s’éliminant que de nuit ; déguster de la chair humaine faisandée à l’étouffée, c’est de l’ambroisie pour l’éternité ; livrer en sacrifice à la confrérie et, tour à tour, le plus aimé de ses proches, c’est renforcer la solidarité et la respectabilité du groupe ; organiser des messes sabbatiques, très noires en couleur, pour défier le Dieu tout puissant entouré de sa cohorte de saints, de bienheureux et consorts ; pactiser avec Lucifer, le diable

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doublement cornu, le plus redouté parce que le plus redoutable, en signe de fierté d’être son flambeau de l’incarnation du mal ; forniquer avec des cadavres féminins, à défaut de harpies particulièrement décaties, ça donne de la pêche et du courage ; s’abreuver de coctions hallucinogènes, c’est l’accès assuré au royaume des ancêtres, éternels gardiens de la sagesse ; consulter de vieux grimoires, pour y découvrir des formules magiques : ainsi à la carte peut-on tuer à l’envi, avant de périr soi-même heureux, comblé d’une mort violente..., car paraît-il, tout « mystique » meurt toujours d’une mort violente, et toute mort violente démasque « tout mystique camouflé »... ; ablutions, bains publics en tenue d’adam et lavements d’écorces diverses, assorties de force piment et poivre, en cocktails explosifs, voilà qui « blinde », immunise contre des sortilèges de tous genres, rendant invulnérable à toutes balles et flèches empoisonnées, visibles ou invisibles, à toutes attaques, de jour comme de nuit ; se rendre invisible par des « mots de passepasse », avec la faculté, le pouvoir de détruire préventivement l’autre, et cela d’une façon ostentatoire, car le secret pourrait occulter la puissance ; posséder l’âme de l’autre, en même temps jouir du privilège du pouvoir d’exorciser, car il faut être un brin diable pour terrasser le démon ; passer à travers les fissures des murs, les palâtres des serrures, en démonstration du pouvoir d’ubiquité... et bien d’autres prouesses, bien d’autres fadaises, encore et encore ! décapant et fantasmagorique, c’est un empire qui, en permanence, se voit métamorphosé de l’illusion la plus étonnante à une prétendue réalité, submergé par l’ignorance et l’obscurantisme ! Et pour causes ? Pour acquérir, paraît-il, toujours plus de pouvoir, plus de puissance, afin de posséder, accumuler force richesses, dans l’ostentation qui terrifie ; dominer tout et dominer tous ; accéder à des fonctions les plus prestigieuses de la société, où argent et biens matériels seraient l’aboutissement glorieux et mirobolant d’une vie réussie de prétendu bonheur ! ! ! Royaume de l’occultisme, empire de la sorcellerie. Voilà comment, hélas, est perçu le mysticisme, dans une société

LE MySTICISME : OCCULTISME OU SORCELLERIE ?

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gavée d’ignorance et sans défense, victime d’un empoisonnement mental délétère et subtilement distillé, sous un joug déconcertant des forces obscurantistes ! « L’Homme contemporain cherche le plaisir sans le bonheur, le bonheur sans la science et la science sans la sagesse », disait déjà, il y a un siècle environ, édouard schuré... Ce royaume des fantasmes comprend trois grands groupes interdépendants : Le premier : il est constitué de tous ces charlatans et myriades de sorciers, auteurs et vendeurs d’illusions à l’encan ; exaltés par une auto-contemplation et par un narcissisme hors du commun, ils s’attribuent de prétendus pouvoirs cyclopéens ; il se peut que certains d’entre eux aient eu un accès furtif, à quelques moments de leur existence, à certains aspects des lois universelles, sans maîtrise aucune ; et dans une ignorance caractérisée, ils s’en servent, les manipulant dangereusement à leurs risques et périls, pour arnaquer, hanter, harceler, prendre en otage leurs victimes trop crédules et sans défense ; pour des fins égoïstes, ils se font passer pour des chantres patentés de la « magie », obsédés par leurs propres turpitudes, peurs, angoisses et défaites refoulées... Quel cynique courage ! Le deuxième groupe : il comprend des individus de tous genres aussi, affiliés à des mouvements ou organisations religieux ou non, prétendument altruistes et charitables, pour le moins respectables et quelquefois reconnus dans le monde ; ils se distinguent par des envolées verbales violentes et dilatoires, opposant foi et raison, amalgamant savoir et connaissance, fanatisme et vérité, violence et rédemption, distillant aussi, depuis leur apparente hégémonie et condescendance sociétales ou cléricales, le venin mental de la peur et de la condamnation qui « assassine » l’âme indocile. dans une attitude honteusement hypocrite, ils confondent deux mondes diamétralement opposés, se délectant à diaboliser, à tout crin, le mysticisme authentique, dévoilant à leur tour d’être inconsciemment séduits par un royaume fantasmagorique mitoyen, de même nature que le premier, dont ils prétendent pourtant dénoncer les

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frasques. Leur extrême et inlassable violence est aussi surprenante que suspecte : l’attrait permanent que suscite le monde illusoire charlatanesque assécherait inexorablement les théories de leurs chapelles de plus en plus parsemées. Une attitude qui prend résolument l’allure d’un combat sans merci d’hégémonie, bien loin de la charité rédemptrice et oblative, psalmodiée par ces exaltés dangereux. Ce groupe est au moins aussi nuisible que le premier. Le troisième et le dernier groupe : c’est cette masse anonyme, englobant tous ces êtres fragilisés par les dures expériences de la vie, plongés quelquefois dans l’abîme du désarroi et du désespoir, et qui cherchent des solutions faciles, voire miraculeuses à leurs problèmes. Soumis depuis leur enfance à cet environnement malsain, hypocrite et ignorant, leur mental empoisonné et déséquilibré s’est progressivement imbibé de schèmes d’horreur, de peur, se faisant esclave de fantasmes et otage d’une déconcertante supercherie. ils sont des victimes privilégiées autant du premier que du deuxième groupe, une clientèle rentable à fort prix, au mépris de leur dignité et de leur naïve sincérité... Voilà ce que le mysticisme ne peut pas être ! Voilà ce que le mysticisme n’est pas !

12 Le mysticisme dans son authenticité « Gnôthi seauton »... « Connaîs-toi toi-même et tu connaîtras l’univers entier ». devise de socrate

Qu’est-ce donc le mysticisme ? Le mysticisme est d’abord une philosophie. Le savoir est un bagage, un cumul plus ou moins important de notions cognitives enregistrées par notre mental, notre intellect, essentiellement limités. Le mysticisme n’est pas de ce domaine, mais plutôt de celui de la Connaissance. La Connaissance relève de la sagesse ; et cette sagesse, universelle et absolue de par son essence, gît dans l’âme humaine, virtuelle, inerte, en attendant d’être accessible à la compréhension, à l’intelligence. Pour essaimer sur toute la surface de la terre, elle a nécessité d’un véhicule tout aussi universel, la tradition primordiale ; autrement dit, le degré le plus élevé que puisse atteindre la compréhension de cette sagesse se trouve dans la tradition primordiale. La tradition primordiale est donc la forme première que revêt la Sagesse pour se manifester à l’intelligence. Cette

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sagesse suprême est ainsi rendue accessible et compréhensible aux intelligences de l’univers. Elle est donc une réalité permanente, éternelle, un idéal à atteindre, aussi longtemps qu’elle n’a pas d’expression temporelle et spatiale dans le monde manifesté...

Le mysticisme est initiation La tradition primordiale, virtualité secrète et occultée, devait être formulée, traduite, transcrite et perpétuée en diverses branches et formes, selon le temps et le lieu. C’est la raison pour laquelle, dans l’histoire de la civilisation humaine, l’on retrouve « des centrales de préservation » de cette sagesse et des organisations humaines dites « traditionnelles et initiatiques ». L’Homme dans sa quête spirituelle s’initie chaque fois qu’il franchit une étape sur le sentier, chemin sinueux et ô combien aride, vers des promontoires de plus en plus élevés de la maîtrise. il ne faut surtout pas confondre ce genre d’initiation, la vraie, avec l’acquisition supposée de pouvoirs personnels, car l’initié « a ce rang qui lui donne le minimum de droits pour un maximum de devoirs ». « L’initiation est plus qu’un songe creux et bien plus qu’un enseignement scientifique ; c’est la création d’une âme par elle-même sur un plan supérieur, son efflorescence dans le monde divin ».

Le mysticisme est ésotérisme Les lois qui régissent l’Homme et l’univers sont secrètes ; elles résistent à l’Homme et l’Homme leur résiste. Dans cette permanente, fragile et secrète tension, c’est par la volonté et non l’opiniâtreté, par une impulsion constamment maîtrisée de son être profond, que ces lois finissent

Le mYstiCisme dans son aUtHentiCité

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par dévoiler leurs dédales au chercheur sincère, téméraire et patient. « pour commander la nature, il faut en être l’esclave », a affirmé jadis un Sage. De même, « cherchez le royaume des cieux et tout vous sera donné par surcroît », a recommandé le sage parmi les sages. et cette recherche se vit dans la plus totale discrétion, voire dans le secret le plus absolu, intuitivement guidé par ses propres efforts, précieux outils grâce auxquels l’on chemine progressivement vers la sagesse sublime. « L’ésotérisme est une attitude de l’esprit qui consiste à poser des questions sur le mystère et au mystère lui-même ». et les réponses, écloses, ne peuvent être qu’intérieures et individuelles...

Le mysticisme est symbolisme « Les symboles ne sont pas le fruit d’une volonté de garder le secret, mais l’expression naturelle des étapes sur la voie de l’accomplissement ». Le symbole, « c’est la vie » : il exprime une vibration puissante, dans l’espace et dans le temps, lisible, déchiffrable par celui qui est préparé à le comprendre. Le symbole, « c’est un acte » : il agit, accomplit, se répercute à la rencontre des autres, pour unifier les différences, donnant à chacun, selon ses propres efforts, la possibilité de prendre conscience de soi et, en même temps, de l’unité de tous les êtres. Le symbole, enfin, est « une énergie » ; une énergie qui, en soi, explique, éveille, crée en nous la nostalgie de notre origine, démystifiant les mystères apparents, qui ne sont que des appels discrets à la Connaissance.

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Le mysticisme est une queste spirituelle permanente L’âme humaine, étincelle de l’ame universelle dans sa « chute », n’a jamais cessé d’être essence ; nostalgique de cette origine, à travers les expériences de la vie, elle prend progressivement conscience d’elle-même ; elle se cherche au début sans le savoir, pour se découvrir à la fin, après de longs et difficiles voyages, consciente de ses réelles dimension et nature, dans l’infinitude de sa propre essence... Eu égard à toutes ces considérations, il apparaît évident que les Organisations traditionnelles humaines, expressions authentiques de la tradition primordiale, relèvent du domaine sacré de la Connaissance, de la sagesse. elles sont philosophiques, ésotériques, initiatiques, spirituelles... il est donc absurde, voire puéril, de les assimiler à ces sociétés marchandes d’illusions, coquilles vides, mais généreuses en méprise et déception, qui malgré leur regrettable existence peuvent constituer une éventuelle étape nécessaire, mais ô combien douloureuse, dans la démarche inexorable vers les montagnes de l’ascèse et de la maîtrise véritable... Ces organisations traditionnelles, initiatiques, ne créent en soi aucune sagesse, encore moins ne délivrent, en dons compensatoires, de supposés pouvoirs magiques. par une technique particulière éprouvée par le temps, chacune révèle à l’adepte le chemin de la réalisation de soi, dans une approche lente, progressive, mais sûre... Le mysticisme ne peut donc pas être sectaire. Certes, les mots n’ont de pouvoir que celui que l’on veut bien leur donner. en l’occurrence, le mot « secte » peut cacher trois significations (cf. Dictionnaire Larousse) : – « ensemble de personnes professant une même doctrine (philosophique, religieuse...) » : le mysticisme, tel que défini ci-dessus, est au-delà de toute doctrine spéculative et des humeurs de croyances des individus. – « Groupement religieux, clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à quelques pratiques religieuses

Le mYstiCisme dans son aUtHentiCité

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dominantes » : le mysticisme n’est pas une religion, quoique toutes les religions puissent s’y projeter, sans pour autant perdre leur propre finalité, ni leur propre originalité. En effet, tout grand mouvement religieux relève, de tout temps, de la personnalité puissante et particulièrement évoluée d’un Grand initié ou avatar ; pour autant, il ne paraîtrait pas illogique de le considérer comme un reflet rédempteur de cette sagesse sacrée, providentiellement déchue, par l’intermédiaire des dogmes qui constituent un code moral et spirituel, rédempteur et salutaire lui aussi, proposé et offert à la masse, pour une cohésion et une unité sociale de l’humanité, animée par la foi. « Cette foi devient le courage de l’esprit qui s’élance en avant, sûr de trouver la vérité. Cette foi-là n’est pas l’ennemie du mysticisme, mais son flambeau ». Ainsi la religion se révèle-t-elle « in fine », partie extérieure vivante de l’iceberg, la religiosité dévoilant secrètement la spiritualité sous-jacente. Toutes les religions arborent leur côté exotérique, vigile de l’ésotérisme correspondant. il en est ainsi du Judaïsme avec la Kabbale, de l’Islam avec le Soufisme, du Bouddhisme avec le Jnana yoga, du Christianisme avec la mystique christique, authentique mysticisme chrétien. Les conflits extérieurs et les futiles antagonismes, alors, s’anéantissent d’eux-mêmes, pour laisser émerger les conflux secrets, réalité toujours dissimulée, dès lors que l’Homme, finalement éveillé depuis sa conscience, cesse de languir dans le monde illusoire du sensationnel et de l’éphémère... – « Clan constitué par des personnes ayant la même idéologie » : le mysticisme relève de la sagesse sublime, et la Connaissance y afférent est au-delà de toute idéologie, de toute race, de toute croyance ou religion, car elle est par essence d’un idéal sacré, d’un but suprême à atteindre par l’intelligence, la compréhension de tous les êtres... En conclusion, par honnêteté intellectuelle, je me garde bien de faire allusion nommément à toutes ces Organisations prestigieuses traditionnelles, mystiques, ésotériques, initiatiques, spirituelles, reconnues authentiques. L’Homme, de par son essence, véhicule en soi la nostalgie de ses

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propres origines, jusqu’au jour où retentit le gong intérieur, libérant et courage et détermination nécessaires, pour entreprendre l’abrupt chemin de sa réconciliation avec luimême, la fusion consciente de son moi avec son soi, autrement dit, la révélation de la nature de son être à lui-même. Dans le milieu Traditionnel, il est dit : « Quand l’élève est prêt, le Maître est là ! » L’élève, c’est le moi, et le Maître, c’est le Soi ! C’est-à-dire, l’Homme réel en soi, l’Homme lui-même ! et personne d’autre ! Les organisations traditionnelles, mystiques, initiatiques sont toujours présentes, attentives, égales à elles-mêmes, prêtes à aider, protéger, canaliser, accomplissant ainsi leur prodigieuse et impersonnelle mission, dans la queste spirituelle de l’Homme, à la recherche permanente du trésor qu’il pense à tort avoir perdu, mais qui, caché en lui, n’attend que d’être découvert... pour de « véritables noces chymiques »... « Gnôthi seauton... » Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers entier : inscription sur le fronton du Temple de Delphes, dont Socrate en fit la devise... Elle garde intacte encore aujourd’hui son éternelle puissance, à l’aube de notre troisième millénaire : permanent appel intérieur vers le véritable et authentique mysticisme, prodigieuse épopée de l’Homme vis-à-vis de lui-même ! Quelle merveilleuse histoire, n’est-ce pas ?

13 Les mystères des nombres « toute légende traditionnelle n’est qu’une expression allégorique de la Connaissance. » L’auteur

Par définition d’usage, « le nombre est une notion fondamentale des mathématiques qui permet de décompter, de classer les objets ou de mesurer les grandeurs, mais qui ne peut faire l’objet d’une définition stricte » (Larousse). Il peut s’exprimer par le chiffre, qui n’est qu’un caractère spécifique servant à le représenter : chiffres indo-arabes (0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9), chiffres romains (i, ii, iii, iV, V, X (10), L (50), C (100), m (1000), et bien d’autres encore... en même temps le nombre est un symbole structuré, singulièrement conventionnel, à la disposition de notre entendement, permettant d’interpréter une réalité intentionnellement dissimulée. ainsi le monde invisible peut-il s’épanouir par sa propre inscription intelligible dans le monde manifesté, le symbole s’identifiant dès lors à sa représentation, à son image. Une fissure, une lueur de plus en plus lumineuse investit alors le sens littéral vers un décryptage codé de l’énigme et du secret, naturelle protection de la Connaissance vis-à-vis d’elle-même, car la Connaissance exige toujours de l’effort pour se laisser connaître. Ce parcours est rarement linéaire, requérant des

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notions cognitives étendues, rarement magnifiées par des étincelles intuitives, dans une architecture mentale échafaudée par l’application, la témérité et la patience du chercheur. Comme référence du genre, la lecture de la torah par les talmudistes (la torah étant la Bible hébraïque traduite du targoum, Bible araméenne) a suggéré, il y a fort longtemps, une interprétation en quatre niveaux fondamentaux du langage particulièrement crypté y contenu. L’on retrouve d’ailleurs un décryptage analogue dans les écritures hiéroglyphiques égyptiennes, avec une étonnante correspondance de langage, prévenant ainsi toute interprétation hâtive, superficielle, rigide ou fanatisante. Roger Sabbah en a fait un tableau comparatif lumineux2 : tableau i torah 1) le sens simple (pchat) 2) le sens allusif (rémèze) 3) le sens figuré (Drach ou Midrach) 4) le secret (sod)

Hiéroglyphes 1) le synecdoque 2) la métonymie 3) la métaphore 4) l’énigme

Les mots deviennent des symboles représentatifs de réalités cachées qui se laissent ainsi décrypter, forçant l’étonnement par l’extension et l’intensité de leur sens originel, après avoir subi une réduction à des formes ou à des formules accessibles à une simple analyse rationnelle, telles les anagrammes, les hyperboles, les allégories, etc. pour notre recherche, il s’est avéré intéressant d’appliquer une correspondance numérique des lettres, dont le tableau ci-après nous aura servi d’outil de base. il nous aura permis de découvrir d’extraordinaires possibilités d’interprétation. L’alphabet utilisé est latin (occidental) et 2. roger sabbat : les secrets de la Bible, édit. Carnot, p. 120-121.

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arabes sont les chiffres : puissante collusion de deux cultures complémentaires et mutuellement enrichissantes, démontrant l’inanité d’une prétendue et délétère collision de deux civilisations, thèse malheureusement entretenue encore aujourd’hui dans certains milieux. tableau ii (correspondance : nombre (chiffre)-lettre) 1

2

3

4

5

6

7

8

9

a

b

c

d

e

f

g

h

i

1

k

l

m

n

o

p

q

r

s

t

u

v

w

x

y

z

Chaque lettre correspond à un chiffre de 1 à 9, au delà duquel il faut recommencer à compter. En additionnant les chiffres représentant les lettres d’un mot donné, l’on aboutit à un ou plusieurs chiffres, ces derniers réductibles par leur addition à un seul chiffre : c’est ce que l’on appelle « addition ou réduction théosophique ». En voici trois exemples : – Luxor = 3 + 3 + 6 + 6 + 9 = 27 = 2 + 7 =9 – Paris = 7 + 1 + 9 + 9 + 1 = 36 = 3 + 6 = 9 – Douala = 4 + 6 + 3 + 1 + 3 + 1 = 18 = 1 + 8 = 9

à noter que dans cette formule, tout chiffre additionné à 9 est toujours égal à lui-même : cette remarque est importante pour la suite de notre interprétation. Exemples : – 8 + 9 = 17 = 1 + 7 = 8 – 5 + 9 = 14 = 1 + 4 = 5

Fort de ces prémisses singulières, je vous convie à une insolite excursion dans le silence de mes calculs théosophiques. elle nous permettra de décrypter les différents sens d’un mot, d’un chiffre, du littéral au sacré, du simple au

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secret... par l’intermédiaire d’une correspondance entre le chiffre et la lettre. parmi les écoles égyptiennes anciennes, trois dominèrent par la profondeur de leur philosophie et par leur conception cosmogonique de la création du monde. J’ai retenu celle de la sainte et sacrée cité d’on’, cité du dieu RA, cité d’Héliopolis, située dans le Delta du Nil, à ne pas confondre avec la cité d’Om, cité d’Axoum, située en abyssinie (éthiopie), et dont l’histoire est tout aussi prestigieuse et pleine de sagesse. Notre étude a pour objet la genèse pyramidale des dieux constituant l’Ennéade originelle, l’ennéade primordiale d’Héliopolis. ... De l’Océan Infini émergea le Dieu ATOUM (ATUM), la Grande divinité, l’Unique, l’Un qui se créa lui-même et s’arrogea le nom de ra. par le principe de la dualité immanent en lui, il engendra le dieu sHoU et la déesse teFnoUt. de l’Un, ils devinrent trois. La troisième phase de cette pyramide céleste se fit par accouplement : ainsi de tableau iii océan primordial atoUm (atUm)

ra

sHoU

teFnoUt

seB

noUt

osiris HorUs

isis

setH-nepHtYs

Les mYstères des nomBres

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shou et de tefnout naquirent le dieu seB (GeB) et la déesse noUt. et la quatrième phase connut l’effusion entre ces deux derniers, donnant naissance à quatre enfants : deux garçons OSIRIS et SETH, et deux filles ISIS et NEPHTyS. Ainsi prit-elle la forme définitive, la Grande Ennéade Primordiale : les neuf dieux nés de l’Un. Le nombre neuf (9) ne pouvant être dépassé sans revenir au point de départ, la naissance d’HORUS, fils d’OSIRIS et d’ISIS, faisait passer le nombre neuf (9) à dix (10), nombre sacré dont la réduction théosophique revient à 1, à l’Un, l’Unique, reflet, voire indentification au Dieu originel atoUm (atUm) ou ra, constituant la décade originelle, le cercle se refermant ainsi sur lui-même. pour plus de clarté, un tableau récapitulatif de cette divine genèse revient à ceci (voir ci-contre). à ce point, calculons avec patience l’addition théosophique de chaque dieu inscrit, ce qui revient comme ci-dessous : par convention, l’Océan Primordial étant égal à 0 (zéro), ATUM = 1 + 2 + 3 + 4 = 10 = 1 + 0 = 1 RA = 9 + 1 = 10 = 1 + 0 = 1 SHOU = 1 + 8 + 6 + 3 = 18 = 1 + 8 = 9 TEFNOUT = 11 = 1 + 1 = 2 SEB = 1 + 5 + 2 = 8 NOUT = 5 + 6 + 3 + 2 = 9 + 7 = 16 = 1 + 6 = 7

par le principe de la dualité immanent en lui, il engendra... OSIRIS = 6 + 1 + 9 + 9 + 9 + 1 = 8 SETH = 1 + 5 + 2 + 8 = 16 = 7 ISIS = 9 + 1 + 9 + 1 = 20 = 2 + 0 = 2 NEPHTyS = 5 + 5 + 7 + 8 + 2 + 7 + 1 = 8 HORUS = 8 + 6 + 9 + 3 + 1 = 9

en transcrivant chaque chiffre obtenu sous chaque nom correspondant, le tableau iii ci-dessus devient :

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tableau iV

il en résulte des résonances entre les noms et les chiffres d’une étonnante correspondance. L’océan primordial a pour symbole o : loin de représenter le néant, il désigne plutôt l’obscurité originelle, le trou noir cosmique, où n’existe aucune forme ; c’est l’essence inéluctable, la source primordiale de toute existence, d’où surgit toute expression d’énergie, de lumière et de vie. C’est le noUn de la philosophie égyptienne, la circonférence cosmique universelle d’Hermès trismégiste dont « le centre est partout et la périphérie nulle part ». C’est la

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Vierge noire ou réceptacle sacré des alchimistes, identifiée jadis à la « Grande Mère » par Platon. Le Zohar en fait le Léviathan, le grand serpent entourant l’univers en se mangeant lui-même, l’ouroboros des anciens Grecs, le placenta universel... ATUM (1)-RA (1) : émergé de l’infini sans forme, c’est le Dieu, l’Un, l’Unique, l’Unicité Inconnaissable, l’Indéfinissable, l’indescriptible. tout est en Lui. il est en tout et rien n’est sans Lui. il ne peut être appréhendé que par ses manifestations, aussi bien dans le monde invisible que dans le monde visible. dans ce monde manifesté, le soleil (ra) est sa métaphore privilégiée... atUm engendre la dualité sHoU et teFnoUt 9 + 2 = 2 : dyade éphémère par essence, contenue dans l’Unicité toujours prête à se manifester à travers deux polarités opposées, mais complémentaires ; c’est un état de tension ténue, fragile, en permanente attente de fusion. Ces deux polarités s’effacent l’une pour l’autre, l’une dans l’autre, procréant une troisième entité : c’est l’étreinte cosmique, sublime symbole de l’amour, cristallisé par isis (2), la mère aimée et toujours aimante, matrice protectrice et féconde, incarnation de la fertilité et de la féminité... toute femme est isis... ATUM-RA, SHOU et TEFNOUT = 1 + 9 + 2 = 3 : c’est le symbole de la trinité. à ce deuxième stade de la genèse, le Un se déploie en trois, l’Unité s’inscrit dans le multiple. puissant signe cosmique, il se manifeste par le nekhakha, le bâton-sacré à trois branches, sceptre d’Osiris, symbole divin et royal du Pharaon ; il s’exprime également dans l’étoile Sirius annonçant la nouvelle vie de Lumière et dans l’épée Excalibur du Chevalier de la Table Ronde. Il dévoile son pouvoir dans le signe « MESS » à trois branches, symbole de l’enfantement d’un triple rayonnement à partir de la Lumière Cosmique primordiale : « véritable symbole ternaire osirien ». C’est la loi de la manifestation parfaite dans les mondes visible et invisible. Enfin, c’est la métaphore du Divin Trident du dieu Poséidon, la fourche à trois dents, symbole de la sagesse et de la Connaissance abso-

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lues, dissimulées dans le saint Graal de la Chevalerie templière et du mysticisme chrétien... Au troisième stade, l’addition des cinq (5) dieux donne « 9 » : le « 5 » est « la grande matrice, la force créatrice qui renouvelle l’univers en permanence ; le plan médian de l’univers primordial, le réceptacle qui transforme les créatures inanimées en corps animés : c’est la porte des mondes »3. Il est aussi l’écho de la rose à cinq pétales, du pentacle de Vénus et du pentagramme, figure constitutive du dodécaèdre, dont les propriétés extraordinaires ont été révélées naguère par platon et par Léonard de Vinci... au quatrième stade, les 4 enfants : osiris, isis, seth et nephtys. Le chiffre « 4 » est le premier nombre du monde manifesté, symbole de la base, de la stabilité, de la solidité de toute construction géométrique, symbole d’harmonie et de justesse. Le feu, l’air, l’eau, la terre ne constituent-ils pas les 4 éléments fondamentaux de l’équilibre de l’univers ? Par une particulière disposition géospatiale de ses constituants, en horizontal et en verticale, il constitue la croix, symbole de l’épreuve et de la souffrance, au centre de laquelle se cultive un jardin à l’humus fétide, où vient s’épanouir l’âme en rose rutilante et parfumée... En procédant à l’addition des 9 dieux, la réduction est égale à « 7 ». C’est le chiffre souverain, car il n’est le produit d’aucun autre chiffre, ni ne produit lui-même aucun autre : c’est le chiffre royal par essence. dans le talmud, le « sept » est le chiffre de la royauté, et « sept » a donné « sceptre », symbole du pouvoir royal et divin, comme le sceptre osirien qu’arboraient les pharaons, le bâton-sacré, le bâton-serpent d’adam, de moïse... C’est le chiffre de la Grande Ennéade primordiale d’Héliopolis, expression énigmatique de l’homme-dieu, intermédiaire et interlocuteur privilégié entre le monde invisible et le monde visible... au même stade, le symbole 8 s’identifie à Osiris : le chiffre « 8 » est en effet formé de deux cercles superposés l’un sur l’autre, ou en continuité de l’un avec l’autre, méta3. Yohannès C. na douma, La Reine des Fées, al. éditions.

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phore de l’union secrète entre le monde céleste et le monde terrestre. à l’intersection des deux mondes se tient le majestueux et impavide Osiris, le dieu de la vie et de la mort. Non seulement il préside au passage d’un univers à l’autre, il en est en même temps le protecteur contre l’apophyse, le terrifiant serpent aux sept courbes, contre le Léviathan, le monstrueux crocodile de l’au-delà. C’est le législateur principal du jugement des âmes trépassées ; il incarne le principe sacré de la mort et de la résurrection. Pour cela, il invite l’Homme à s’identifier à lui, à se placer comme lui à l’intersection des deux mondes. Des épreuves de ce monde, l’Homme conquiert le pouvoir divin de l’audelà, réalisant à terme la transformation de son moi en soi. Le nombre « 8 », c’est la métaphore de nos limites humaines, dont le dépassement et la maîtrise lui révèlent l’immensité infinie de l’espace et l’éternité incommensurable du temps : de la nécessaire illusion manifestée, à la réalité sublime. C’est aussi le symbole de la prière par excellence... Horus 9 naît d’osiris et d’isis : le « 9 », c’est le symbole de la perfection, de la complétude, de l’infinitude ; l’aboutissement pour un recommencement vers un plan supérieur, la limite au-delà de laquelle l’on ne peut aller sans recommencer. Dans la réduction théosophique, il s’identifie en même temps à 0, car il est une entité qui se donne en entier sans jamais cesser d’être entier ; il est immuable à jamais, et tous les chiffres peuvent se refléter en lui sans jamais altérer leur propre nature, ni leur propre valeur. Horus est le « 10e » dieu, faisant de l’ennéade primordiale la Décade Originelle : 10 = 1 + 0 = 1, le reflet de l’atUm-ra (1). par métonymie, il se reconnaît dans le Yod, la 10e lettre de l’alphabet hébreu, de valeur numérique « dix ». C’est le symbole du retour à l’unicité par le « aleph » (valeur Un), après une manifestation parfaite de la Lumière divine dans le monde visible. des avatars ont été identifiés à Lui, tel que Jésus-Christ, Horus Lumière messianique. de même amenhotep iV (appellation égyptienne) ou amenhophis iV (appellation grecque), alias

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akhenaton, 10e pharaon de la prestigieuse 18e = 1 + 8 = 9 dynastie, Pharaon à partir duquel l’Humanité connut la fin d’une ère et le commencement d’une autre de son extraordinaire Histoire. Enfin, le X (« dix » romain) rappelle la position osirienne (bras croisés devant la poitrine) des pharaons tenant d’une main le bâton-crochet (Héka), probable origine de la crosse papale, symbole de puissance cosmique, royale et protectrice, et de l’autre, le fouet à trois branches (nekhakha), symbole de l’unité dans la multiplicité, expression métaphorique du signe osirien trinitaire, auquel nous avons précédemment fait allusion... Enfin, il ne reste plus que le chiffre (6), qui n’aura pas été mentionné dans cette étude d’une manière particulière. Et pourtant, c’est celui qui s’intègre toujours dans un (9) inexprimé ou inachevé, dans l’attente d’un couronnement par la loi de 3 fois les 3 points du triangle, tel le chiffre de la bête de l’apocalypse de Jean, « 666 », dont la réduction théosophique est égale à 18, c’est-à-dire à (9)... Le Grand pythagore a été l’incomparable précurseur dans ce genre d’exercice. Puisse la pérennité de sa Sagesse amener la Connaissance à maintenir toujours grands ouverts ses portails, afin que le chercheur humble, sincère et patient accède à cet éblouissant et sublime royaume de la Cité de l’aurore, véritable métaphore du royaume du légendaire sacerdote, le prêtre Jean ! ! ! toute légende traditionnelle n’est qu’une expression allégorique de la Connaissance, laquelle invite en permanence et dans le secret le plus absolu, à se faire décrypter par tout cherchant sincère et téméraire...

14 Le nombre d’or « et dieu géométrisa... » sagesse ancienne

Que le pèlerin que vous serez, le temps de cette brève excursion, veuille bien s’armer d’un peu plus d’attention et éventuellement me gratifier de son indulgence, au cas où, pour quelque raison que ce soit, il serait de nature réfractaire à l’univers conceptuel des théories mathématiques ! pour votre confort intellectuel, de brèves références y seront faites, permettant de mieux apprécier, voire de découvrir les effets lumineux de la perfection et de la beauté des lois universelles. en effet, que serait l’univers s’il ne vibrait pas en parfaite sympathie avec lui-même, c’est-à-dire en résonance avec ses propres lois ? Lois de la relativité du monde infiniment grand, lois quantiques du monde infiniment petit, lois de l’infiniment complexe du domaine de la Conscience... Surprenantes et paradoxales réalités qui ne sont que des contingences d’une stabilité en permanent mouvement, mouvement qui se pérennise par un équilibre sans cesse déséquilibrant, compensé par un déséquilibre équilibrant tout aussi permanent. L’éternité est à ce prix, dans une parfaite harmonie d’alternance infinie...

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Tsunami et ouragans apocalyptiques, terrifiants tremblements de terre, marées boueuses de pluies diluviennes, fournaises incendiaires d’éruptions volcaniques : manifestations naturelles ô combien nocives de désolation extrême ! Guerres de plus en plus meurtrières et cruelles, exploitation sauvage de l’environnement, anéantissement prémédité de l’homme par l’homme, et bien d’autres fléaux : folles irresponsabilités de l’Homme encore inconscient et otage fragile d’un matérialisme primaire et effréné ! Véritable tableau d’un monde victime de dérive chaotique ! Et pourtant, au-delà de cette sinistre apparence, ce même Univers, imperturbable, maintient son équilibre dans une parfaite harmonie, régie par des lois secrètes et immuables. des sages, des philosophes et des savants en ont découvert de nombreuses ; ils les ont appliquées et en même temps en ont expliqué les mécanismes. L’une d’elles interpelle spontanément de par sa puissance. en effet, de par son induction secrète, elle engendre dans toutes ses manifestations, perfection, beauté et équilibre : c’est la loi de la « divine proportion », manifestée par le « nombre d’or ». Ce nombre est une traduction particulière de l’essence divine, le paramètre fondamental dans toutes les proportions d’équilibre de la nature, dans tous les règnes végétal, animal et humain. Il a pu être défini avec précision, soit 1,61803... ou « Nombre O (PHI) », à ne point confondre avec le signe ii (pi) de valeur 3,1416, qui est un symbole bien différent, représentant le rapport constant de la circonférence d’un cercle à son diamètre... L’histoire du « nombre d’or » ou « divine proportion » est vieille comme l’Univers. nous nous proposons d’en saisir trois moments particuliers : au Moyen-Age, à la Renaissance et à l’Ère moderne. au moyen-age, captivante est l’histoire de Fibonacci. Voici un extrait de cette extraordinaire épopée : Bonaccio de Pise (en terre toscane), Consul à Bougie, en Kabylie (Algérie), y amena son fils Léonard (1175-1240) ; ce jeune homme, plutôt nonchalant et paresseux (d’où son surnom de « bigollo » en italien), était doué d’un extraordinaire

Le nomBre d’or

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génie en mathématiques. « Fils de Bonaccio », soit « filius Bonacci » en latin, l’on en fit par contraction linguistique « Fibonacci », pseudonyme sous lequel il devint célèbre. il s’était converti aux chiffres indo-arabes, démontrant leur supériorité sur les chiffres romains, et s’appliqua à l’étude de nombreux thèmes, en l’occurrence à celle de la reproduction des lapins, espèce particulièrement prolifique. « Que devenait la postérité d’un couple de lapins au bout d’une année ? », se demanda-t-il. Expérience faite, il constata que chaque nouveau couple engendrait un autre couple par mois ; ainsi obtint-il les nombres de couples suivants : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233. au total, en un an, le couple avait engendré 232 lapins ! par son génie, il releva d’abord une suite particulière des nombres, découvrant ainsi la notion mathématique de « suite des nombres », connue plus tard comme « série de Fibonacci » ; ensuite il nota qu’à partir du troisième nombre chacun des nombres de la succession était égal à la somme des deux précédents ; enfin, et plus étonnant encore, il découvrait que le rapport d’un nombre sur celui qui le précède tend toujours vers : = 1,61803 le fameux nombre d’or, dit asymptote de ce rapport, asymptote étant entendue en géométrie de l’espace comme une droite (d) telle que la distance d’un point

D = droite asymptote de la courbe C

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d’une courbe à cette droite tend vers Zéro lorsque le point sur cette courbe s’étend à l’infini. en transposant ce concept dans un rectangle possédant la propriété de se reproduire par homothétie, l’on obtient toujours la même constante par le rapport entre le grand côté (L) et le petit côté (l) tel que : L (L + l) = le nombre d’or, soit 1,61803... lL à la renaissance, Léonard de Vinci (1452-1519), encore un autre Léonard, complice du génie de la terre toscane, fut le premier à démontrer que la Divine Proportion était « le sceau divin dans sa création, le traducteur parfait de la pensée divine ». il le démontra par la peinture de l’« Homme nu, l’Homme de Vitruve », en mémoire de marcus Vitruvius, célébrissime architecte de la rome antique, qui avait en son temps fait l’éloge de la « divine proportion » dans son traité « de architectura ». il fut aussi le premier à démontrer le parfait rapport entre les différentes parties du corps, rapport qui est toujours égal au « nombre d’or ». L’éternel et incomparable tableau de la « Joconde », mona Lisa, est le sublime résultat de l’application parfaite de cette divine proportion. Évidemment, bien avant l’ingénieux Léonard de Vinci, l’humanité, par la « divine proportion », a produit de merveilleuses œuvres tels que les pyramides de l’égypte ancienne, les obélisques ou dames de pierres, le parthénon d’athènes, les sublimes cathédrales d’europe, les stupas de l’amérique du sud, et bien d’autres merveilles encore... Le « nombre d’or » a été l’essence de composition de nombreuses œuvres musicales éternelles, telles que les œuvres de mozart, la 5e symphonie de Beethoven, les œuvres de schubert, et bien d’autres dans le monde... parmi les formes symboliques, on notera particulièrement : – le pentagramme ou pentacle dont les lignes se divisent en segments qui appliquent le « nombre d’or » ; en effet,

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les rapports de segments du pentacle égalent tous à la « divine proportion »... – Le dodécaèdre : figure géométrique déjà évoquée par platon comme clé initiatique particulière, et de nouveau commentée par Léonard de Vinci à la Renaissance. Chacune de ses 12 faces est construite sur le principe du « nombre d’or » ; c’est un assemblage de 12 pentagrammes, dont la puissance d’un côté est multipliée par celle de l’autre... Enfin, à l’Ère moderne, des Sages des Écoles de mystères ont démontré le même principe par un calcul obtenu du rapport des lignes d’un pentagramme intégré dans un cercle comme dans la figure ci-dessous :

(où k constante est égale à 1,61803...)

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en conclusion, si nous appliquons l’addition théosophique du « nombre pHi (o) », soit 1,61803, il est intéressant de constater qu’après le 1 (l’unité), la réduction de la suite décimale est égale à 6 + 1 + 8 + 0 + 3 = 18 = 1 + 8 = 9 ; en d’autres termes, c’est l’Unité primordiale, l’Unité originelle qui s’irradie en un déploiement infini dans toute manifestation, s’exprimant ainsi par une parfaite et éternelle harmonie. à la fin de ce bref périple, n’est-il pas permis d’affirmer ceci : au-delà des apparences les plus tumultueuses du monde, elles œuvrent dans le silence et la permanence, les lois de l’harmonie et de la perfection, les lois de l’équilibre et de la beauté, révélatrices de la splendeur de l’Univers ? ! !

MéDiTaTionS DE priSon

i

Le bureau de transmission du SED où le professeur Titus Edzoa reçoit ses visites sous la véranda...

... face à l’entrée de sa cellule.

ii

MéDiTaTionS DE priSon

Le pr. Titus Edzoa en compagnie de sa femme sous la véranda.

Seul sous la véranda.

MéDiTaTionS DE priSon

Madame Geneviève Edzoa.

Le panier du repas quotidien apporté par Madame Edzoa.

iii

iV

MéDiTaTionS DE priSon

Dans le couloir, qui mène à la cellule.

La porte blindée du cachot.

MéDiTaTionS DE priSon

Le lit du prisonnier.

Les toilettes de fortune.

V

Vi

MéDiTaTionS DE priSon

La petite bibliothèque du prisonnier.

Le bureau.

MéDiTaTionS DE priSon

Vii

L’entrée de la cellule se trouve sous le Secrétariat d’état à la Défense (SED).

Viii MéDiTaTionS DE priSon

15 Le destin « trahit sua quemque voluptas » (chacun a son penchant qui l’entraîne). Virgile

Existe-il un destin ? Si oui, est-il une fatalité ? Un flot inépuisable de spéculations, relatif à ce sujet, a inondé le monde philosophique et métaphysique de tous les temps, autant dans les livres sacrés de la sagesse orientale (Veda, Upanishad, Bhagavad-Gîta, Purâna...) que dans ceux égyptiens et occidentaux anciens... Avec modestie et par recherche évidente de concision, je me résous à une esquisse dont j’assume entièrement les limites éventuelles de synthèse. L’ame universelle, première manifestation de l’essence primordiale, écrit sa propre histoire immanente en elle dans l’évolution de sa propre conscience. Cette évolution est guidée par une énergie très puissante et transcendante, déterminant une direction, et en même temps une impulsion, qui définit la Loi ou Ordre régissant toute manifestation. Le but final à atteindre de cette Ame, immanent lui aussi parce que intégré à l’origine en Elle, est de prendre conscience d’Elle-même. L’on pourrait affirmer que l’origine de tout est la Non-Conscience et la fin de tout la Conscience : un Destin avec « D » majuscule, qui régit tout

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l’Univers dans toutes ses manifestations infinies. Ce Destin impersonnel, impératif, de nature cosmique, ne peut être modifié par qui ou quoi que ce soit ! dans le même temps, l’âme humaine, étincelle, segment de cette ame universelle, est de même nature, « dans une équivalence hologrammatique », c’est-à-dire qu’elle contient la totalité de l’ensemble dont elle n’est qu’une partie ; ainsi est-elle soumise aux mêmes lois, quoique ce soit sur un plan vibratoire nettement inférieur, l’absolu ne s’opposant point au relatif, mais plutôt s’infusant par lui. il en resulte donc plutôt une notion d’« identité différenciée ». Le but de l’âme humaine, par analogie et correspondance identitaire, consiste donc aussi à prendre conscience d’elle-même, à travers les expériences innombrables de la vie, découvrant ainsi progressivement ses véritables nature et dimension, dans une fusion finale en parfaite conscience avec l’ame universelle. C’est cette phase évolutive qui revient à l’Homme, et à l’Homme seul, et pour laquelle il dispose de facultés et de capacités, dont le libre arbitre pour ses propres choix, dans ses vies multiples et successives. C’est de ce destin dont il est le seul auteur, le seul créateur, et par conséquent entièrement responsable. il peut donc être admis que le destin universel, impersonnel, et le destin individuel de l’Homme, personnel, sont complémentaires : à travers la prise de conscience de l’âme humaine de soi, de par ses propres expériences vécues, l’ame universelle « ipso facto » s’accomplit elle-même aussi, par induction de leur lien originel hologrammatique. En la cause première réside déjà l’effet immanent, qui, à son tour, devient une cause au deuxième degré ; de créé, l’effet devient créateur, actualisant la réalité de son origine par les mêmes lois en partage, dans un parfait programme d’ensemble holistique. M. Barrès affirmait ceci : « Certains hommes sont un accident heureux pour leur pays. Ils sont l’inattendu intervenant au milieu de toutes les nécessités sociologiques, ils agissent ; leur état de conscience individuel balance, retarde, précipite, modifie un ensemble de faits sociaux ».

Le destin

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Fasciné et téméraire, j’avais décidé d’appartenir à cette race. J’en ai payé le prix, sans aucun regret. Un destin ? Peut-être ! Si oui, j’en suis le seul auteur, le seul créateur, pour être le seul responsable contre toute fatalité supposée ! Et Pascal de renchérir : « Quand tous vont vers le dérèglement, nul ne semble y aller. Qui s’arrête fait remarquer, comme un point fixe, l’emportement des autres. Il est bien naturel que des hommes s’occupent de détruire une telle remarque : « adhuc mortus loquitur : vivant ou mort, il inquiétera... » Le destin de chacun est entre ses propres mains ! L’ignorer, c’est tout simplement renvoyer à demain ce que l’on pourrait savoir aujourd’hui..., car tôt ou tard, il faut accepter de l’assumer..., en toute conscience. à travers l’acuité de ma prise de conscience politique, mon pays prend conscience de lui-même, car son destin et celui de ses concitoyens sont à jamais et intimement scellés...

16 La vie et la mort « La vie et la mort sont deux expressions puissantes et complémentaires par lesquelles s’articule l’éternelle permanence ». L’auteur

La seule chose qui soit permanente dans l’Univers, c’est le mouvement. ondulation permanente, il est ce va-et-vient jamais interrompu d’expansion et de contraction, d’apparition et de disparition, d’inspiration et d’expiration... Toute vie est régie par cette loi, qui nous révèle le secret de l’éternité, respiration de l’univers en parfaite démonstration de ses propres lois, comme cette anodine et insolite excursion dont je fus le témoin un soir... En effet, tard dans la nuit de ma retraite, je reçus une visite inopinée de deux êtres lumineux. Ils étaient merveilleux, parés d’ornements brillants et multicolores, inscrivant autour de moi, de leurs ailes fragiles teintées d’or et d’argent, des hiéroglyphes mystérieux... Ils voltigeaient, légers et silencieux... Après quelques minutes, ils repartirent en silence, comme ils étaient venus..., sur la pointe de leurs ailes : c’étaient deux papillons, messagers exceptionnels des secrets de l’Univers... Un papillon ! symbole de la vie, symbole de la mort ! Extraordinaire paradigme du principe vital ! Cette espèce

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de lépidoptères, de par son évolution, nous conduit à des évidences irréfutables. La chenille, dévoreuse insatiable des feuilles des plantes dans le jardin, s’éteint, silencieuse, pour devenir chrysalide, nymphe enfermée dans son cocon de soie, qui s’ouvre à son tour, avant d’éclore et de délivrer au soleil un papillon voltigeant de vie. Chenille, chrysalide, papillon : processus unique dont les trois manifestations n’en sont que des phases successives, l’une nécessaire à l’autre. La précédente doit « mourir » pour laisser « naître » la suivante, dans un mouvement ininterrompu, « la mort » créant « la vie », et « la vie » s’éclipsant pour « la mort »... dans le règne végétal, s’observe le même phénomène. Un grain de maïs, enfoui dans une terre fertile, doit mourir, pour laisser éclore une petite tige dont la plante s’illuminera à travers ses épis vivants de grains, déjà prêts à perpétuer le mouvement. L’apparition d’une forme exige la disparition de l’autre, pour mieux s’éterniser par elle... Dans l’espèce humaine, un nouveau-né à la naissance, par la première inspiration, acquiert définitivement son autonomie vitale en tant qu’individu à part entière. De même, l’être humain est censé cesser de vivre par une dernière expiration. La vie est donc une succession d’inspirations et d’expirations, de la première de celles-là à la dernière de celles-ci ; autrement dit, elle est une succession de petites vies et de petites morts, alternées les unes après les autres..., dans une ondulation régulière et harmonieusement parfaite, orientée dans une direction bien définie par l’infini... Dans ces trois exemples, papillon, grain de maïs, être humain, il est un principe qui ne change jamais, c’est l’entité vitale qui anime ces différents véhicules, l’un après l’autre, pour se manifester selon des conditions bien précises et préétablies. C’est donc ce principe, permanent de par son essence, qui régit tout le processus. Au moment où il apparaît actif dans ce monde perceptible par nos sens, le phénomène est « naissance » ; de même lorsqu’il s’en retire, c’est « la mort ». par analogie et correspondance, il en est de même dans le monde non manifesté, les lois du

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macrocosme et du microcosme étant analogues. ainsi, la naissance ici correspond-elle à la mort là-bas, et la naissance là-bas à la mort ici ! En effet, si la naissance correspond à l’entrée de l’activité du principe vital dans un corps, cette entité doit logiquement précéder ce qui lui servira de véhicule ; de même, si telle vie s’estompe dans sa manifestation, c’est parce que ce même principe quitte le véhicule, sans pour autant cesser d’exister, puisqu’il est permanent de par son essence. Nous pouvons en déduire que c’est donc ce principe vital qui détermine la vie, l’anime, en d’autres termes, en est l’essence, car il existe avant, pendant et après sa manifestation perceptible, ici et à l’au-delà du manifesté, dans une récurrence infinie... L’être s’inscrit donc dans l’existence qui, à son tour se réalise, se cristallise, s’induit dans la vie du monde phénoménal... Les trois plans de l’être, de l’existence et de la vie sont différents, mais nécessaires l’un par rapport à l’autre, pour actualiser la Loi. L’absolu ne contredit pas le relatif, mais plutôt l’engendre ; à son tour, le relatif, par nostalgie de son origine, se fait aspirer par l’absolu... inéluctablement ! De ces réflexions, il ne paraît donc pas absurde d’affirmer que la vie est éternelle, considérant globalement tous les plans, visible et invisible, et que par conséquent, la mort n’existe pas. En apparence, toute vie provient d’une mort, et la mort donne accès à la vie. La vie et la mort sont deux phases successives d’un même phénomène, dans un parfait ordre ondulatoire. Quand l’une est en expansion, l’autre est en contraction ; quand l’une est sur un plan, l’autre s’éclipse, en attendant de lui succéder. mais les deux phases véhiculent la même essence qui, au cours des âges et selon les cultures, les civilisations et les philosophies, a revêtu différentes appellations : jîva, atman, âme, esprit, personnalité animique, âme-personnalité... Qu’importe l’éponyme ! La vie et la mort sont deux expressions puissantes et complémentaires par lesquelles s’articule l’éternelle permanence...

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Et pourtant, il subsiste deux problèmes qui taraudent encore l’être humain : la profonde et troublante douleur lors de la mort physique et la nébuleuse existence de l’au-delà. L’être humain est un être gigogne. Son monde subjectif, intercalé entre son soi et son physique, recèle les facultés susceptibles de perception intérieure, tels que la joie, le plaisir, la douleur, le regret, la jalousie, la haine, etc. Tout événement vécu éveille ce plan, déclenchant à l’envi l’activité de ces facultés. rien de plus normal que « la mort », séparation sans consentement, teintée de mystère et malheureusement de peur, suscite ce genre de réaction, dans un environnement habituellement abandonné et livré à l’horreur de l’inconnu. C’est ainsi que la connaissance du phénomène vient atténuer, et non faire disparaître, l’intensité de la souffrance et le découragement, évitant le plongeon dans la dramatisation et l’anéantissement résistant à toute consolation. Le jour de la mort ne devrait plus être « le jour de colère », mais plutôt de digne recueillement, pour accompagner celui ou celle qui nous quitte momentanément, car « la mort » n’est qu’un changement de plan de vie de l’âme, principe vital éternel, c’est-à-dire qui ne connaît point d’interruption de par son essence. L’Homme doit s’émerveiller devant cet extraordinaire privilège : l’Homme existe de temps en temps, mais éternellement il est ! ! ! Et l’au-delà ? Respectueusement j’abandonne chacun à ses propres convictions culturelles et philosophiques, afin qu’il puisse le « vivre » à sa façon... L’égypte secrète l’a appelé amenti ou douât, la Grèce antique Hadès, la Juddée Kabbalistique shéol, l’inde brahmanique devachan, le Bouddhisme nirvana, le Christianisme paradis (auquel, après le bannissement de l’origénisme, authentique doctrine mystique chrétienne, au deuxième concile de Constantinople en 553, il a été ajouté l’Enfer, et bien plus tard, au deuxième concile de Lyon au douzième siècle, le purgatoire.) Mais qu’importe ! Chacun est appelé inexorablement sur sa voie d’existence à en faire la merveilleuse expérience. Quelles que soient la culture, la religion, la philoso-

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phie, les convictions, le passage de l’âme d’un plan à l’autre est toujours une exceptionnelle et extraordinaire initiation... ... Encore un soir, tard dans une nuit noire, suite à une défaillance cataclysmique de mon corps, éprouvé par ma longue et dure captivité, je me retrouvai entre « la vie et la mort ». J’en fus arraché grâce à l’exceptionnelle et bienveillante promptitude des gendarmes, relayée aussitôt par l’extraordinaire compétence des médecins, hier encore mes diligents élèves, désormais éminents professionnels : émouvante histoire ! en passant, qu’ils veuillent bien trouver tous ici, les uns et les autres, ma profonde gratitude qu’accompagnent mes compliments chargés de mon affectueuse estime ! du haut de ma chambre d’hospitalisation, comme « par hasard » située au-dessus, et non au-dessous de la morgue, je me faisais le témoin improvisé des foules multicolores et hétéroclites, aux toilettes les plus osées, qui précédaient, accompagnaient ou suivaient un corbillard prétentieusement décoré de noir. Je m’imaginai à la place du regretté, en toute sérénité, émoussé tout de même d’un petit pincement au cœur, au souvenir de mes proches, ma bien-aimée et fidèle compagne, mes enfants, de tous ceux qui m’ont tant aimé et tant donné... en même temps, avec un petit sourire en coin, je compris que dans cette vallée scolaire, je n’avais pas encore assez appris, et que je devais encore y rester... avec beaucoup de plaisir... ah ! La vie, mystère des mystères ! Comme elle peut être merveilleuse, malgré la sévère aridité de mon cachot, où je me retrouve à nouveau en ce moment, enterré vivant par l’ignominie humaine ! ! !

17 L’argent et le bonheur4 « Tout ce qui compte ne peut pas toujours être compté. tout ce qui est compté n’est pas toujours ce qui compte ». albert einstein

« Papi, quand je serai grand, je veux avoir une grande, très grande maison, où je pourrai garer toutes mes belles voitures, Ferrari, Hummer, Lexus, Jaguar et bien d’autres ! » C’est ainsi que Vladimir, âgé seulement de huit ans, révélait ses rêves à son grand-père, dans une candeur angélique et une spontanéité émouvante... Chaque individu ne portet-il pas en lui-même cette nostalgie édénique dont les rêves n’en sont que de lointains échos ? Posséder, avoir des biens à soi et en jouir, n’est-ce pas légitime dans une société dont la vocation est d’offrir à chaque citoyen des conditions décentes de vie, pour un minimum d’épanouissement, de dignité et de sécurité ? Posséder ne doit pas être un acte ou un état d’exclusion de soi ou des autres. notre planète recèle le nécessaire pour que chacun puisse bénéficier de cette richesse gratuite. malheureusement, la réalité quotidienne nous démontre le contraire ! 4. Ce chapitre a été rédigé deux ans avant l’effondrement du monde financier international de 2008...

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du troc abandonné comme système d’échange commercial, l’Homme inventa l’argent, instrument d’échange de marchandises, n’ayant de valeur que celle attribuée à l’objet commercialisé : une valeur aussi arbitraire que fictive. Progressivement, cette fiction s’est faite réalité en soi et, audelà, elle a, à son tour, engendré elle-même tout un monde surréaliste, régulé par ses propres lois alambiquées et insaisissables. de créé, l’argent s’est fait créateur ! mais de quoi ? D’instrument d’acquisition, il est devenu l’acquis par définition ; d’anonyme intermédiaire, le maître absolu, référence incontournable par laquelle tous et tout se mesurent. en effet, l’on ne vaut plus que par la quantité d’argent dont on dispose, l’avoir s’évertuant à dominer, à éclipser l’être, dans un suicidaire combat entretenu par l’hypertrophie du moi... L’atmosphère internationale est lourde. L’on assiste à des flux de masses colossales d’argent, véritables bulles atomiques capables de pulvériser tout le système économique et financier du monde en un quart de tour. Ce milieu est un cercle réservé, la propriété d’une infime minorité privilégiée, protégée par des complices initiés en la matière, en permanente veille du trésor, tandis qu’une grande partie de l’humanité agonise dans la précarité la plus absolue, se décarcassant avec moins d’un ou de deux dollars par jour pour survivre. il est ahurissant de découvrir qu’il n’y a jamais eu autant d’argent et de richesses sur notre planète, et en parallèle autant de misère, brisant ainsi le mythe d’alliance entre l’argent et le bonheur ! Seulement, il reste à craindre que les extrêmes, qui finissent toujours par se rejoindre, ne le soient dans le malheur ! Hélas ! La société humaine, de par le haut, se doit avec urgence, dans un sursaut de sagesse, de se remettre en question, rétablissant dans ses cahiers de gestion, la suprématie de la philosophie de l’être, aux dépens de la philosophie présomptueuse de l’avoir. La mondialisation, créée par l’Homme, doit être maîtrisée par ce dernier, non seulement dans sa production de richesses, mais en même temps dans le partage de l’usufruit de ce patrimoine. Charité ou équité ?

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Faux débat ! Les États, face aux lois iniques et impitoyables des marchés, doivent prendre leurs responsabilités, se faisant contrepoids de l’aliénation imposée par des intérêts égoïstes de groupes d’individus sans scrupule. La paix future de l’humanité entière est à ce prix ! ! ! L’argent, instrument symbolique créé par l’Homme, a fait de ce dernier son esclave ! Quel paradoxe ! Il excrète et injecte en lui une potion enivrante de pouvoir, de puissance, d’invulnérabilité trompeuse et de domination, devenant à l’extrême l’épée qui blesse, déchire, en un crime anonyme, l’Humanité sa matrice, meurtrie dans un véritable et fatal complexe d’Œdipe. Dans ce tourbillon, l’Afrique est victime et suicidaire à la fois. Fragilisée par une amnésie complaisante de ses propres valeurs de référence, la solidarité, le partage, la réserve, l’intuition, et sans avoir assimilé les convictions sociétales occidentales, elle a sombré dans son hybridité, devenant et le théâtre et la proie facile de ce malheur mondialisé qu’est la toute puissante finance internationale. dans une recherche infantile de mimétisme, l’africain a adopté l’argent comme valeur absolue, une valeur en soi. ne pouvant en créer lui-même, il a opté pour la voie de la facilité, à savoir la dérive ignominieuse de la corruption. Ce n’est qu’en afrique qu’on peut rêver de devenir millionnaire, voire milliardaire en dollars ou en euros en toute impunité, et sans effort aucun, sinon celui de s’improviser prestidigitateur avec ce qui ne vous appartient pas ! ! ! de ce point de vue, l’Afrique n’aura pas encore fini d’étonner ! nos sociétés doivent se recréer, se restructurer, non pas par ces ajustements bidons, mais en valeurs sociétales, entendues comme vertus d’utilité communautaire, soutenues par une philosophie de l’être, en assainissant les couloirs de la vie qui permettent à chacun, et particulièrement à cette jeunesse africaine, étourdie par une misère assassine de ses rêves, d’honorer son propre rendez-vous avec un minimum d’épanouissement. parmi ces vertus, l’abnégation au travail, l’effort et la recherche du perfectionnement, l’honnêteté, la juste mesure, le respect des lois, la

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connaissance de ses droits, la création des richesses..., empêcheront la victoire de ces illusions éphémères de l’argent facile, génératrices de ces « châteaux de cartes en Espagne », qui sont de véritables reflets de la déréliction de nos peuples, pourtant si généreux et si laborieux... « Ni trop, ni trop peu, n’est jamais assez », dit un Sage. assez d’argent, pour assez de biens, en compensation méritée du travail fourni : voilà qui devrait être une garantie, une assurance vécue dans une société qui sait produire, partager et sécuriser tous ceux qui la composent ! L’Homme demeure la véritable richesse, le véritable trésor de notre planète, car en permanence gît en lui, non seulement le génie intarissable de la création, mais aussi celui de la maîtrise, dont il ne doit point se priver par obstination ou par ignorance, évitant ainsi le boulevard de la misère mentale et physique, ruine fatidique des corps et des esprits... Pour conclure, je convie votre appréciation à cette petite histoire dont l’essence peut rimer avec tragicomédie... « Un hiver rigoureux cette année-là, en France ! Ça caille au-dessous des 15° C ! Les quais de la gare sont presque vides. au numéro quatre, une ombre, une seule : la tête enfoncée jusqu’aux oreilles dans un gros bonnet au pompon grisâtre comme le temps ; des épaules étroites qui soutiennent un lourd et large manteau de bure, par endroits délavé par les intempéries ; droit comme un échalas sur de vieux sabots éculés, il claque des dents, la bouche en rictus d’endurance résignée ; de ses narines souffle de la vapeur, telle une cheminée ; il est vivant, bien vivant ; à côté de lui, à sa droite, une grosse valise serrée à craquer par une large ceinture ; à sa gauche, des sacs en plastique, griffés Tati, bourrés de provisions ; eh oui ! La route peut s’avérer longue, très longue même... Et cette ombre ? C’est Malidou l’africain ! oui l’africain ! il attend au quai numéro quatre, il attend la correspondance... pour une destination vers le bonheur tant rêvé, mais au demeurant toujours inconnue... Soudain, un klaxon à peine audible ! Le temps de tourner la tête, un bolide comme un éclair, lancé à plus de 300 km/h, avec violence déchire l’air glacé, puis aussitôt, disparaît

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comme une comète... C’était le tGV ! il ne s’est pas arrêté, il ne devait pas s’arrêter ; et malidou a raté sa correspondance, la correspondance de sa vie !... » sans commentaires... à l’aube du troisième millénaire, pour l’africain, l’heure est à la maturité de prise de conscience ; il urge qu’il se débarrasse de ces notions futiles et nocives d’autoflagellation dont il s’est attifé, pour que désormais, léger et plein de courage, il décide de s’inventer lui-même un idéal, par lequel il accouchera son propre bonheur, dont l’argent ne sera qu’un instrument ; et cela, sans attendre que la suggestion ou la décision lui soit dictée de l’extérieur... L’Afrique possède les moyens humains et matériels pouvant relever ce défi véritablement prométhéen... à elle de jouer ! ! !

18 L’amour « L’amour, c’est cette sublime mélodie par laquelle l’Univers exprime la perfection de son harmonie ». L’auteur

« Aimer, c’est l’un des verbes les plus difficiles à conjuguer : comme disait Cocteau, son passé n’est pas simple ; son présent n’est pas indicatif ; il n’a de futur qu’au conditionnel. » Platon dans le Phèdre, à propos de la passion, disait : « Je voudrais être le ciel, afin d’être tout yeux pour te regarder »... L’amour ! La passion ! de tous temps, en vers comme en prose, la lyre l’a fait vibrer, les voix humaines l’ont sublimé, et des plumes les plus célèbres, immortalisé. tristan et Iseut, légende du Moyen-Age, où la passion dans la fatalité, mène à la mort comme seule issue de l’union de deux êtres qui s’aiment ! Roméo et Juliette, drame shakespearien de la fin du xvie siècle, où malgré la haine des deux familles, les deux amants secrètement se marient, mais à la fin sont eux aussi rattrapés par la fatalité qui les conduit à la mort... avant ces couples légendaires, il y en eut d’autres plus mythiques, plus célèbres encore : adam et ève, dionysos et Perséphone, Orphée et Eurydice, Zeus et Léda, Jupiter et Junon... L’amour ne serait-il alors qu’une tragédie par essence ?

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L’amour passion, c’est l’amour premier, et très souvent le premier amour vécu consciemment ou inconsciemment. sentiment ou sensation volcanique, il ébranle, consomme et consume à la fois, pour laisser tôt ou tard, des cendres froides, séquelles de l’incandescence débridée d’hier. La relation entre les deux amants est inique de par elle-même. Le sujet aimant, incendiaire, et l’autre, son objet, « aimé », incendié sans pitié et sans son consentement ! La relation est essentiellement houleuse, incontrôlée parce qu’incontrôlable, car l’aimant s’évertue, mais en vain, à posséder ce qui ne peut l’être, l’autre, son supposé « trésor, son coucou, son bébé, son chouchou, son bonbon, son biscuit... enfin », à lui dévolu par mérite naturel. L’autre, l’objet, n’existe plus que pour être possédé et par lui seul évidemment, en toute exclusivité, car ce précieux présent, diamant et cristal à la fois, pourrait trop briller et attirer quelqu’un d’autre. L’aimant, à défaut de pouvoir le cacher, se doit de le « protéger » en tous lieux et de toutes ses forces, ignorant que « l’amour sans liberté est un nœud si serré qu’il ne peut que l’étrangler ». Il en résulte une jalousie maladive, de la suspicion qui donne au mental des ailes d’orfraie ; de la violence, au début difficilement camouflée, par la suite ostentatoire et justifiée. L’amant ignore que l’aimant qu’il est ne recherche en l’autre que sa propre image, son propre reflet, dans une négation permanente et absolue de soi et de l’autre, dans l’ignorance la plus obscure. égoïsme hypertrophié d’égotisme ! ! ! L’amour passion est donc le plan orageux de l’amour, où le déséquilibre incontrôlé conduit inexorablement la relation à la déréliction. Au cas où les deux amants sont tous les deux dévorés par ce volcan, la destruction est réciproque, doublement intense et plus rapidement dramatique. Les deux roses, hier encore rutilantes, aujourd’hui hélas fanées, usent de leurs épines vénéneuses pour se détruire l’une l’autre, avec comme seule et dernière consolation, ô combien maigre et amère, celle de se retrouver anéanties ensemble, dans la haine... Mais fort heureusement, il est un autre plan où se manifeste l’amour, c’est celui de l’amitié. dans l’amour de l’ami-

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tié, contrairement à la relation passionnelle exclusive, les deux protagonistes sont tous les deux sujets. Il s’établit par conséquent un équilibre des différences, les qualités de l’un pouvant suppléer aux carences de l’autre, ou alors, multipliées par celles de l’autre, atténuer ainsi leurs limites réciproques. Cette relation est d’ordre analogique et non plus hiérarchique. L’un a besoin de l’autre comme compagnon de route, de vie. La connaissance de l’autre devient une exigence. C’est le plan de la confiance, de la confidence, du respect, de l’estime, du partage sans calcul, de la compassion, de la solidarité et de l’attachement. La relation engendre une richesse intérieure inestimable, dont l’abondance débordante s’investit au-delà de soi et de l’autre, jusqu’à envahir les proches, voire l’humanité entière. L’amitié, multipliée par elle-même, n’est-elle pas fraternité ?... La différence exclut l’identité et engendre une réciprocité ingénieuse... Enfin, au-dessus et au-delà de ces deux amours, il en existe un troisième : c’est l’amour de l’Amour. Cet Amour est une énergie vibratoire d’une infinie subtilité, dotée d’une inestimable puissance, au-delà de toute raison, de tout sentiment, de toute considération empirique. il constitue la substance essentielle de toute cohésion naturelle de l’univers, dans les mondes fini et infini, dans une permanente et parfaite harmonie. il est une des manifestations premières de l’essence cosmique, et dont la constitution est la même que celle de ses propres projections, avec cette différence que son taux vibratoire est extrêmement élevé. Cet Amour régit tout l’univers, et tout dans l’univers. L’amour passionnel et l’amour de l’amitié n’en sont que de très pâles reflets parmi tant d’autres. C’est l’amour dans le sens le plus platonique du terme, c’est-à-dire principe d’harmonie absolue, dont l’Homme a le privilège d’appréhender l’existence, par une prise de conscience progressive et la connaissance des lois naturelles. Cet amour est la sublime mélodie par laquelle l’Univers exprime la perfection de son harmonie... et pourtant, dans tout amour vécu par l’Homme, ces trois amours se doivent toujours de se conjuguer. Il faudrait

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en faire un doux cocktail alchimique équilibré : un peu du premier, allié à un peu plus du deuxième ; le tout enveloppé et immergé dans le troisième, qui demeure la substance vivifiante permanente de la parfaite cohésion. Équation alchimique dont le résultat peut requérir toute une vie ! ! ! Entre deux amoureux, le premier amour, passionnel, et volontairement maîtrisé, doit entretenir la flamme dont la douceur légitime du plaisir et du désir consomme sans jamais consumer ; le deuxième, amour de l’amitié, vient sceller la complicité des deux êtres, à jamais solidaires et respectueux l’un de l’autre. Le troisième, amour de l’Amour, secret, mais permanent vigile et silencieux protecteur, leur rappelle le privilège d’être ensemble, sans raison apparente, dans une douce intensité en temps de paix comme en temps de tumulte, faisant d’eux un merveilleux et lumineux abrégé de l’harmonie de l’univers. dans l’amour d’un métier, un brin de passion est toujours nécessaire ; mais il doit être équilibré et ennobli par la connaissance et la maîtrise de ses lois. C’est la matrice prête à être fécondée par le troisième amour, à savoir le génie manifesté dont on ignore très souvent l’origine... Enfin, l’amour pour l’humanité, c’est un peu de passion pour l’autre, même inconnu, multipliée par la solidarité des uns et des autres, pour découvrir, à la fin, l’amour de l’Amour dont l’humanité a tant besoin, afin de connaître et de partager en toute légitimité le bonheur secrètement rêvé, qui attend d’être exploité et vécu gratuitement par chacun d’entre nous, sans exception... En toute amitié, avant de conclure ce chapitre, j’ai le plaisir de partager avec vous une petite histoire d’amour vécu : ... « Chaque jour, “le panier”, un petit bateau en rotin tressé, aussi ferme que plastique, a fait l’objet de sa tendre attention... Chaque jour, elle a su confectionner son contenu vital avec force amour... Chaque jour, elle l’a couvert de fleurs en nappes, avec élégance ; et malgré son

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poids elle l’a toujours porté, léger, comme son intime sac à main... pour me nourrir... ... Puis un jour, entourée de tous ces fusils, mitraillettes et kalachnikovs menaçants en bandoulière, elle a tangué d’émotion, et son genou droit de violence sur le macadam a fléchi. Hiératique, elle est restée droite, stoïque, silencieuse... ... Aujourd’hui, ce genou arbore une cicatrice en décoration : image symbolique de toute une saga, celle d’un “panier”, le panier de la vie, le panier de l’amour trinitaire de passion, d’amitié, d’amour sublime ! Ce genou, c’est celui d’une fidèle et complice compagne, aimée et aimante à la fois, au mythique visage de Janus, et de prénom... Geneviève, ma chère épouse ! à elle, je dédie avec émotion, en hommage gratifiant pour son amour, ce chapitre de l’amour de l’Amour ; et à travers elle, à toutes ces femmes et à tous ces hommes aux visages anonymes, qui par amour, se sacrifient dans le silence, ignorés de tous, pour soutenir leurs bien-aimés de ... taulards... »

en conclusion, avec un peu de passion, beaucoup d’amitié, et en parfaite résonance d’amour d’Amour, je viens de nouveau partager avec vous, ces quelques réflexions qui pourraient faire l’objet d’introspection dans votre royaume de l’amour vécu... « Qu’est-ce qu’aimer ? aimer, c’est savoir davantage partager ce que l’on est que ce que l’on a. Aimer, c’est donner définitivement, sans jamais rien exiger en retour. aimer, c’est d’abord se connaître soi-même, avant de prétendre connaître l’autre, et perdre son temps à vouloir l’éduquer ou le métamorphoser. Aimer, c’est apprendre à donner en secret, par respect et considération pour celui qui reçoit. aimer, c’est savoir accepter un don, quelque petit qu’il paraisse. aimer, c’est d’abord savoir se taire gentiment pour préserver l’autre, avant d’entreprendre de le consoler.

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aimer, c’est servir pour le service lui-même, sans jamais tenir compte des bienfaits éventuels qui en résulteraient. aimer, c’est décider de s’armer de courage, pour défendre le plus faible et le plus fragile. Aimer, c’est savoir apprécier, à travers un défaut, une qualité cachée qui s’ignore, et qui n’attend que d’être découverte par celui ou celle qui prétend aimer. aimer, c’est accepter de se réconcilier sans condition préalable, même si l’on a la certitude d’avoir raison. Aimer, c’est être disposé à pardonner préventivement toute offense, sans que jamais cette attitude intérieure soit révélée au préalable à qui que ce soit... au bout de cette quête, aimer n’a plus qu’une seule raison d’être : aimer, aimer tout simplement. »

19 « Dieu » « ... sphère cosmique dont le centre est partout et la périphérie nulle part ». Hermès trismégiste

Dieu, éponyme de la langue française, équivalent dans toutes les autres langues, qui renvoie à une notion imprécise de transcendance d’un supposé Être ou principe supérieur, par rapport à ce qu’il y a de commun... Un mot qui cacherait une réalité que l’Homme inventerait pour expliquer ce qu’il y aurait au-dessus, au-delà de lui dans l’univers, et dont il ferait l’expérience au cours de sa vie ! Un mot dont le mystère, à l’origine, s’identifierait au mot lui-même, avant de devenir un mystère pour l’Homme lui-même. L’Homme a toujours cherché à comprendre les phénomènes et les événements de la vie autour de lui, loin de lui et en lui-même : le ciel, la terre, les astres, l’éclair, le tonnerre, la pluie, la vie, la mort, etc, auxquels il est confronté au quotidien. des réponses plus ou moins satisfaisantes l’ont incité à une recherche toujours plus approfondie : de l’intuition superstitieuse des rituels et cultes primaires, à la spéculation hautement rationnelle, philosophique ou métaphysique. L’intelligence humaine, malgré ses limites, scrute, scrute toujours...

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J’ai pensé intéressant et utile de vous conduire avec précaution et modestie dans ces quelques espaces de la philosophie orientale, dont l’approche, apparemment différente de celle occidentale habituellement admise et débattue, aboutit à une sphère analogue dans la quête divine de l’Homme. dans les religions tribales et primitives de la région gangétique du nord de l’inde, berceau du bouddhisme et du jaïnisme, caractérisé par un puissant développement du mysticisme, contrairement à la région de l’Indus à l’Est, matrice du védisme et du brahmanisme, la société, bien des siècles avant Jésus-Christ, prend déjà conscience d’une transcendance. par la suite, elle se dote d’une classe cléricale qui introduit une notion morale orientée, stade secondaire d’une doctrine progressivement codifiée. En effet, les Veda ont été écrits à partir du xve siècle avant Jésus-Christ. La relation entre les hommes et les dieux était entretenue par des actes sacrificiels. Les brâhmana, textes ultérieurs, du xe au viiie siècle avant JésusChrist, prolongeront les Veda, pour expliquer d’une façon plus approfondie et élaborée cette relation, mais toujours à travers des rites dominés par des interprétations superstitieuses. Et des brâhmana, dériveront les upanishad, à partir du viie siècle avant Jésus-Christ : ces derniers privilégieront l’analyse par des spéculations théoriques et philosophiques complexes, réservées à une élite érudite, de la relation entre le créateur Brahman et la création... du stade primitif et primaire de la relation védique au stade hautement spéculatif upanishadique, où la recherche est intérieure et individuelle, l’Homme essaie de comprendre, d’analyser et de s’analyser, en contradiction avec l’approche spontanée des religions de révélation, tels que le Zoroastrisme, le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam, où la révélation première est issue d’un prophète ou d’un avatar. il apparaît l’idée d’un créateur, Brahman, distinct et supérieur au monde créé, et dont les divinités créées par Lui, lui sont inférieures, tout en contenant une partie de

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Lui, sans être Lui, dans un entendement défini comme hologrammatique. Il est attribué à cette partie de Brahman en elles le nom d’atman ou jîva. Ainsi se révèle-t-il une « identité différenciée » entre le Brahman, le tout, et l’atman, sa partie, une partie de ce tout. Brahman correspondrait à la conception occidentale de Dieu, et l’atman à celle de l’âme... Du stade védique superstitieux, on accède à la notion upanishadique de certitude intérieure rationalisée de l’existence d’un Être suprême, principe originel de dieu. L’Homme, microcosme, constituerait ainsi le réceptacle, la demeure correspondante de ce dieu, par l’étincelle en lui infuse, l’atman ou âme individuelle. dieu pourrait donc se découvrir par soi et se « percevoir » par une certitude intérieure, que l’on pourrait identifier avec aisance à la foi, mais aussi au-delà de la foi, par une perception intérieure qui peut naître et être entretenue de par la réflexion, la méditation, la contemplation et l’intuition... dieu apparaît donc comme un Concept, un principe, dont toute définition, toute description limite, circonscrit la nature et la dimension. Certes, si un mot n’avait de valeur que celle qu’on voudrait bien lui donner, j’oserais dire que Dieu est Essence originelle et originale, infinie, indescriptible, inconnaissable, inintelligible dans sa partialité, comme dans sa globalité. Cette essence ne peut être que partiellement appréhendée à travers ses multiples attributs et aptitudes manifestés, autrement dit, par ses innombrables lois dites universelles ou naturelles. toutefois l’âme humaine, de la même essence, de par sa conscience immanente, jouit d’une exceptionnelle faculté inhérente à sa propre nature, celle de pouvoir réduire cette Essence originelle à son plus bas niveau de résonance vibratoire perceptible, sans altérer en quoi que ce soit son infinitude et sa complétude. C’est cette réduction à soi de ce « Concept sublime », de ce « principe suprême » qu’investissent les différents éponymes tels que : dieu, allah, yahvé, Brahman et bien d’autres encore... Par réflexe de filiation, d’amour, de besoin de protection, de modestie,

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d’abandon, de limitation de la conscience humaine, de ce « principe sublime » l’on a fait « son » dieu, le dieu de notre cœur, notre père, omnipotent, omniscient, omniprésent, le Dieu miséricordieux, le divin Architecte... C’est le Dieu humanisé, pâle facette parmi d’infinies facettes, reflet ténu de la « réalité originelle et originale », mais ô combien puissante et nécessaire, pour servir de référence à chacun et à tous en même temps, Dieu demeurant unique à jamais... Chacun vit « son » Dieu, mais Dieu ne peut appartenir à personne, car en même temps qu’il réside en chaque être, perceptible selon l’éveil de conscience, en même temps il est au-delà et en Tout, disponible d’être perçu à travers ses manifestations infinies, par chacun et par tous à la fois. dieu est Unité qui se prescrit naturellement au pluriel ; en revanche, le pluriel naturellement aussi, se conjoint et se conjugue dans l’Unité. dieu est tellement présent partout et en tout qu’il passe très facilement inaperçu... en l’occurrence à l’intérieur de l’Homme lui-même... alors qu’il a été, il est, il sera, pour l’éternité toujours égal à Lui-même... et pourtant de dieu, chacun de nous en est l’essence secrète, faisant de nous des petits dieux comme « notre » Dieu, à l’instar de ces expériences secrètement vécues : « La souffrance par la torture avait habité mon âme ; La calomnie par le mensonge ébranlé mon mental. Stupéfait, j’avais tangué, plié, mais point rompu. Je m’étais déguisé en un petit dieu comme “mon” Dieu. Pour breuvage de l’amertume j’avais avalé. pour nourriture, de la haine et de la violence en festin ! Mais point d’indigestion ! Et pour cause ? Je m’étais déguisé en un petit dieu comme “mon” dieu. malgré le lourd bruit des bottes, le brouhaha des rires sardoniques, J’avais perçu l’harmonie céleste d’une cithare mélodieuse, accompagnée d’une polyphonie des sphères,

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Déguisé que j’étais en un petit dieu comme “mon” dieu. Enfin vint le jour, où tout était consommé : j’ai dit ! des ténèbres, la Lumière des Lumières ; de la hideur, la beauté ! et métamorphosé dans le plus profond de mon être, Sur des nuages, j’étais devenu un petit dieu comme “mon” Dieu... »

Dieu, c’est cette infinitude secrètement inscrite en l’Homme, pour en faire, non seulement son image et son miroir, n’en déplaise à Voltaire, mais une réalité vivante dont la découverte constitue la raison essentielle de son existence !..

20 Miscellanées épars et variés, des mots en quelques phrases, issus de partout et de nulle part, quelquefois structurés en aphorismes, pour se faire plus expressifs. Voilà qui pourrait faire partie des bagages de vos multiples voyages d’introspection, de réflexion, dans le silence, loin du tumulte, loin de cette frénésie destabilisatrice de la vie quotidienne !... • Le mental Lorsque vous avez acquis un mental de fer ou d’acier, il faut sans se lasser jamais, continuer par le détachement à l’entretenir, afin qu’il ne se rouille point. • Le savoir Le plus important n’est pas de savoir, mais de savoir ce que l’on doit en faire. • La non-violence La non-violence, c’est la violence que l’on accepte soimême de subir, pour l’épargner aux autres : ce n’est point de la passivité, mais plutôt un authentique acte d’amour.

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• Un droit pour un devoir S’il n’y avait qu’un seul droit, il n’existerait qu’un seul devoir : celui de respecter ce droit. • Le monde, l’Homme et le changement Ce n’est pas le monde que l’Homme doit d’abord changer, mais plutôt lui-même. • Le succès Pour le succès d’une initiative, la pensée doit toujours précéder son actualisation, en même temps que l’encadrer dans ses effets. Cela exige de la maîtrise avant, pendant et après... son avènement. • De la foi et de la raison La foi est une certitude intérieurement révélée. La raison est un outil de démonstration de l’intelligibilité des lois universelles. Les deux sont des instruments complémentaires, parce que nécessaires pour naviguer en parfait équilibre dans l’océan de la Connaissance, l’une et l’autre se faisant le relais d’une même divinité, gardienne jalouse et sévère de la porte de la Vérité. • La volonté Elle est la capacité de la conscience à actualiser, par un effort intérieur soutenu, le contenu de la pensée. si ce contenu est erroné, la volonté a beau paraître intense, elle n’est qu’opiniâtreté qui mène à des résultats destructeurs. La volonté doit toujours être l’instrument d’une pensée riche et généreuse, pétrie de connaissance.

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• La connaissance Est illusoire toute connaissance qui exclut toute ouverture de pensée ; constituée de notions superficielles sans autre référence que soi-même, elle n’est que savoir pédant des salons, origine dangereuse de l’obscurantisme, et matrice de fanatisme et de violence. • La patience La patience, c’est souffrir en silence, avec la certitude compensatrice que l’objectif pour lequel l’on souffre sera atteint. • La misère Qu’elle soit mentale et ou matérielle, la misère est l’une des plus honteuses calamités de l’Humanité, car elle dépouille l’Homme de ce qu’il a de plus digne en lui : sa propre dignité. • Le bonheur Un bonheur construit sur le malheur des autres est essentiellement fragile, voire éphémère, car tôt ou tard, il se retrouve liquéfié dans l’illusion dont il aura été lui-même l’artisan. • La calomnie La calomnie est une flèche empoissonnée, dont l’arc de soutien est un public naïf, la victime la cible, et le tireur, un faible d’esprit. • Le pouvoir Le pouvoir est une épée redoutable dont ne doit se servir que le chevalier du Bien, du Beau et du Vrai, c’est-à-dire un adepte de l’amour et de la justice.

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• La tristesse La tristesse est cette torpeur brumeuse qui enveloppe l’âme, tel un voile blafard, recouvrant tout ce qui a pu être beau dans le passé, interdisant dans le même temps tout ce qui peut l’être à l’avenir. Elle sait entretenir, anonyme, une nonchalance permanente et destructrice, dont le reflet apathique ternit, affadit et paralyse. et pourtant notre âme est lumière, et d’un seul de ses rayons de puissance bienfaisante, elle possède le secret de la dissolution à tout instant, comme le vent balayant un nuage. Il suffit de le désirer intensément, et... hop ! Vive le miracle de la joie explosive qui, instantanément, guérit ! ! ! • Le rêve et l’illusion dans la vie quotidienne, le rêve et l’illusion se côtoient si souvent que la tendance à les identifier est chose courante. Cela est une méprise, car tandis que l’illusion est le mirage des désirs insatisfaits et refoulés du passé, le rêve est l’écriture volontaire de la réalité invisible dans le futur. • La colère La colère est une déflagration vibratoire puissante et violente de l’énergie en soi. elle vide l’âme de sa substance et ébranle le corps et son environnement. Le meilleur moyen de s’en guérir, c’est de toujours prévenir son déclenchement. En cas d’échec, il faut aussitôt injecter de fortes vibrations d’amour en soi et autour de soi, afin d’anéantir ainsi ses effets hautement délétères. • L’obésité du mensonge Tout mensonge pèse toujours deux fois son propre poids, car le menteur, avant de mentir aux autres, doit d’abord se mentir à lui-même...

21 Épiphanie d’un visage « Quelle que soit l’épreuve, la vie vaut toujours la peine d’être vécue, avec le sourire... » L’auteur

Ce matin, je me suis regardé plus attentivement dans mon tout petit miroir. J’y ai découvert, agréable surprise, un visage serein et détendu ! Les cheveux, les sourcils, la moustache, teintés tous d’un peu de poivre ! signe du temps ! La calvitie s’est étendue ; mais en compensation, elle s’est faite indulgente en épargnant la témérité de quelques cheveux en duvet de jeunesse. Les yeux silencieux, mais pétillants de leur langage : l’œil gauche en légère ptose dissimule les nombreux secrets de mon âme ; l’œil droit, vigilant et perçant comme un glaive, regarde droit, impassible, imperturbable et martial, le monde en mouvement. Deux sillons profonds et réguliers, taillés comme au burin, creusent les joues de mes lèvres : ils décrivent, avec quelque dépit, les chemins abrupts jusque-là parcourus, parsemés d’écueils et d’épreuves vaincus, en témoins placides des durs combats livrés. Les narines comme deux portails symétriques, vigiles attentifs d’un palais en permanence ouvert, dans un mouve-

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ment à peine perceptible, inspirent, expirent le fluide vital, dans une parfaite régulation rythmée par l’inconnu. ah ! La vie ! Quel merveilleux mystère ! Enfin, de mes lèvres à peine retroussées, un petit sourire en coin à peine esquissé, illumine tout ce visage, expression lointaine d’un détachement durement acquis, relativisant tous ces évènements dont le caractère éphémère a cessé de m’émouvoir... Et de ce profond monologue silencieux, mon âme s’entend se demander : « Après tout, qu’est-ce que la vie ? » Et la réponse de jaillir : « La vie sur terre, ce sont toutes ces occasions éphémères et successives, où l’âme doit prendre conscience d’elle-même, découvrir sa véritable nature et sa réelle dimension, pour réintégrer l’Infini, la source à laquelle elle n’a jamais cessé d’appartenir... » à cet instant, je me souvins que j’avais conservé avec soin, il y a fort longtemps, un précieux parchemin anonyme, recommandant, en aphorismes, des principes étonnants pour la conquête quotidienne de la Sagesse, à travers des observations apparemment anodines. Je viens le partager avec vous, en lui attribuant ce titre : « échos de sagesse »... « Il nous est donné de voir, il faut apprendre à regarder. Il nous est donné d’entendre, il faut apprendre à écouter. Il nous est donné de sentir, il faut apprendre à flairer. Il nous est donné de toucher, il faut apprendre à percevoir. Il nous est donné de goûter, il faut apprendre à déguster. Il nous est donné de parler, il faut apprendre à se taire. ... Il nous est donné de naître, il faut apprendre à mourir. Il nous est donné de vivre, il faut apprendre à exister. Il nous est donné de faire, il faut apprendre à créer. Il nous est donné de savoir, il faut apprendre à connaître. Il nous est donné de recevoir, il faut apprendre à partager.

épipHanie d’Un VisaGe

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Il nous est donné d’avoir, il faut apprendre à être. à la fin, il nous est donné d’être Homme, Il faut apprendre, chaque jour, à se conquérir soimême, pour mieux se connaître, et découvrir ainsi la splendeur des secrets de l’Univers... »

La vie, éternel recommencement pour une permanente ascèse, merveilleuse vallée scolaire de larmes et de bonheur, chemin du perfectionnement vers la perfection, où le relatif se fait progressivement absorbé par l’absolu ! Joies, peines, bonheur, malheur, déception... Tout est leçon sur le sentier ! Derrière chaque évènement se cache toujours un objectif précieux que nous ignorons ; tel un fleuve qui, malgré sa sinuosité, finit par se jeter dans l’océan, la vie termine toujours son cours dans la lumière. Elle vaut toujours la peine d’être vécue, avec le sourire... quelle que soit l’épreuve ! Et de temps en temps, il faut apprendre à se regarder soi-même, car à travers soi on découvre les autres, et à travers les autres l’humanité. L’on se surprend stupéfait beaucoup plus de la beauté souvent dissimulée que de la misère sans cesse affichée... La vie, elle est après tout, merveilleuse avec toutes ses contradictions ! elle nous interpelle pour que nous soyons merveilleux pour nousmêmes, mais surtout merveilleux pour l’humanité, avec laquelle nous partageons le même destin universel...

22 Deuxième et dernière lettre à la nation « Verba volant, scripta manent » (Les paroles s’envolent, les écrits restent). proverbe Latin

« Quelle extraordinaire opportunité, après tant d’années d’imbroglio et de subterfuges ! tant d’années d’interludes truffés de péripéties rocambolesques ! Extraordinaire opportunité pour enfin dégivrer ce nœud qui n’est gordien qu’en apparence ! Extraordinaire opportunité pour définitivement déchiffrer ce maëlstrom politique, grossièrement mâtiné du judiciaire ! Le temps, par érosion, a de lui-même dissipé la nébuleuse ; et les consciences, naguère embrumées par la rumeur et le mensonge, se sont progressivement éveillées. Quelle extraordinaire opportunité : celle d’une définitive restauration de l’imperium du Droit ! par principe, tout acte est une cause dont les éventuels et les multiples effets, à priori, en sont immanents ; mais ces effets ne peuvent se réduire à une notion comptable exclusivement égoïste, à moins que l’on ne soit manifestement trop indulgent, trop complaisant à l’égard de soimême, en privilégiant dangereusement le passionnel et les instincts primaires, aux dépens du rationnel, voire du spirituel.

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Sinon, comment expliquer que, depuis bientôt treize ans, une simple démission d’un gouvernement, rehaussée d’une conforme candidature à une élection présidentielle (candidature, sic !), de la part d’un citoyen ordinaire jouissant de tous ses droits, ait pu induire une si terrifiante implosion de système, dont l’onde de choc se condamne encore aujourd’hui à tout broyer et balayer sur son passage, dans un élan apocalyptique irrationnel de destruction aveugle, de haine, de terreur et d’horreur ? Peut-il y avoir une réponse ? En tout cas, en attendant, nous revoilà embarqués pour un énième scénario au décor kafkaïen de jeux de rôles : chorégraphie et comparses irréelles assurées. nonobstant la similitude avec le passé (analogie n’est pas identité), j’ose croire qu’une fois les rideaux baissés, la fin de cette burlesque comédie ne nous réservera plus de tragédie in fine. L’acteur principal que je suis a décidé, en toute quiétude, de vous remettre les clés appropriées, vous permettant ainsi d’ouvrir grand le portail de la vérité, par une simple présentation des différents acteurs constitués, au risque de heurter certains metteurs en scène visibles et invisibles. – d’un côté, un ministère public : dont la noble et protectrice mission est de requérir l’application des lois au nom de la société. de forfaitures en forfaitures, de menaces en invectives ordurières, le temps a mis à nu la supercherie. La dite magistrature, depuis l’infortune, avait été aussitôt prise en otage, se réduisant à des comparses dignes de véritables pantins, se métamorphosant en une obscure et grossière cagoule d’individus désormais démasqués. naguère fière de ses missions, elle s’en est honteusement récusée, s’aplatissant décatie sur un « parquet » résolument mal ciré. non, de grâce, la Justice ne saurait devenir une auge de boue, encore moins un abysse cloacal ! Je vous prie de m’entendre ! – Quant à ces manœuvriers cagoulés (entendez les cagoulards), une certaine élite les a qualifiés de Tartarins de salon, hypocrites et malhabiles dans leurs basses manœuvres ostentatoires. Que m’importent ces attributs !

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J’ai tout simplement retenu qu’ils avaient décidé de faire de moi Ixion, me rivant en permanence à une roue enflammée d’horreur et de terreur (rouleau compresseur oblige !). J’ai brûlé, mais jamais ne me suis consumé ! Par la dure épreuve, le Phénix divin en chacun de nous m’a ressuscité plusieurs fois de mes cendres, transformant miraculeusement mon enfer en royaume de Luz. malgré leur éphémère triomphe, je vis ! D’autres les ont pris pour des Tartuffes, vrais faux dévots de la Principauté, tandis qu’ils déifiaient de préférence leurs amulettes. Que m’importe leur foi ! Ils ont voulu faire de moi tantale, m’enterrant vivant dans un ergastule sous terrain infect, affamé et assoiffé pendant tant d’années : pas même un étouffe-chrétien pour simulacre, ni la tiédeur trompeuse d’une éponge de pinacre pour mouiller le bout de mes lèvres ! ils m’ont plutôt gavé d’amertume et de harcèlement, en attendant de me faire ingurgiter la ciguë pour l’anéantissement final. Cœurs de pierre, ogres insatiables, ils se sont disqualifiés à jamais de leurs supposées missions régaliennes ! Et pour se gargariser à la fin, ils ont pillé, avec lâcheté, mes biens, se les revendant à euxmêmes à l’encan, sans état d’âme, ni le respect de la loi, afin d’assouvir leur rapacité et leur convoitise. Heureusement, même sans être un fervent adepte de diogène, il y a fort longtemps que j’ai privilégié la philosophie de l’être au détriment de celle de l’avoir ! Enfin, d’aucuns les ont qualifiés de dangereux gangsters d’état, parce qu’ils auraient eu l’outrecuidance de réduire en valeurs républicaines leurs impulsions primaires de violence, de mensonge, de gabegie, d’intimidation... Que m’importent, encore une fois, tous ces attributs ! sans simulation aucune, ils ont voulu faire de moi Janus, ce dieu à deux têtes ; et pourtant, je n’en ai qu’une, comme tout être humain ; et celle-là, ils me l’ont déjà tranchée et exhibée avec triomphe sur un plateau d’infamie pour conspuation méritée, à l’opinion nationale et internationale. Mais, comme par miracle, ils n’ont pas réussi à me décérébrer. L’on peut fort bien asphyxier une existence,

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mais jamais l’on ne peut empêcher l’autre d’être ! C’est pour cette raison que je suis ! – L’autre acteur, c’est vous, messieurs du collège des Juges : votre collège doit être celui des sages. de par votre serment, vous avez le privilège et le prestige d’accéder à un pouvoir théandrique, alliant compétence humaine et sagesse divine : une véritable chevalerie de l’honneur et de la dignité, où la science s’humanise par l’art, et les consciences s’ennoblissent par la rectitude. ici, le mot pèse de par sa propre valeur originelle : magistrature (de magister, le maître) vaut maîtrise. et pourtant, horresco referens, le long de ce labyrinthe sans issue, de votre illustre confrérie, des plus jeunes aux plus anciens, nombreux ont opté pour une démission infamante, étourdis par d’éphémères prébendes ; ainsi se sont-ils laissé engluer dans l’opprobre, à l’aune d’une défaite professionnelle, ternissant à jamais l’éclat des oripeaux de leurs toges, pourtant symboles sacrés de la probité et de la vérité. Une page très sombre dans vos archives ! mais en face de ces derniers, certains de leurs confrères, très peu nombreux en revanche, ont privilégié avec courage et témérité l’éthique et l’esthétique du droit : ils l’ont dit et ils l’ont appliqué avec compétence et justesse. Ils peuvent être fiers de tenir haut le flambeau de l’ordre, de l’équité et de l’harmonie, vertus sociales nécessaires, garantes de la justice, de la vérité et de la paix. Que, par Thot et par Maat, Dieu nous les protège ! Ils méritent un jour d’être célébrés par la nation tout entière ! – Comme autre important acteur, l’opinion publique nationale : accrochée désespérément à la rumeur, l’opinion a été systématiquement privée de toute référence à la moindre vérification. Par un cynisme prémédité, elle a été abreuvée, enivrée de scoops médiatiques de persistante diabolisation, frisant une hystérie collective. des montages fictifs de rumeurs les plus accablantes ont fait de l’honnête citoyen que je suis, l’instrument pervers par lequel le courroux d’entités sataniques devait s’actualiser, pour détruire un prétendu rêve prométhéen, gratuitement révélé aux prétendus élus de la nation par la bonté et la grâce divines.

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d’ailleurs par la suite, comme signe inespéré et révélateur de l’oracle, le miracle devait s’accomplir par ma spontanée démission du gouvernement et ma candidature à l’élection présidentielle : leurs dieux avaient exaucé leurs supplications jusqu’alors vaines, en me poussant à la faute ; et les preuves du crime hâtivement consommées, le châtiment devait être exemplaire et sans appel ! L’on connaît la suite... mais le mensonge a beau faire le tour du monde, la vérité a toujours le temps de lacer ses chaussures, dit un vieil adage. progressivement, le déploiement de la conspiration et son implacable exécution se sont liquéfiés dans leur propre saumure, dévoilant singulièrement une horreur gratuite et répulsive. La conscience collective venait de découvrir avec étonnement le pot-aux-roses : l’ensevelissement d’un honnête citoyen, un exil “sui generis” de destruction préméditée. Victime ? Que nenni ! Pour un homme de principe, assumer, c’est tout simplement honorer non seulement sa propre dignité, mais aussi et surtout celle des autres ! – Et l’acteur principal que je suis : à la fois sujet et objet de cette saga, personnage symbolique de tous les paradoxes et contradictions judiciaires, désormais spectre encombrant de hantise les couloirs des Cours de Justice, il n’est après tout qu’un ordinaire citoyen, singulièrement honnête ! Condamné à de très lourdes peines après un procès bidonné et mémorable il y a treize ans, il se retrouve concomitamment en détention préventive de même durée, pour de plurielles inculpations fantaisistes, dont le nombre est d’ailleurs sujets aux fluctuations d’humeur hypochondriaque des fossoyeurs (l’infernale machine du rouleau compresseur se serait-elle grippée par ses propres turpitudes ?). Car il est intéressant de signaler une curieuse et suspecte soustraction d’un explosif du cocktail : l’inculpation avec mandat de dépôt à tête chercheuse d’il y a treize ans, pour une supposée imitation de signature du président de la république par le Secrétaire Général à la Présidence de la République qu’il était alors. Quantité rime rarement avec qualité ! Même une cervelle de linotte aurait mieux réussi à

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magnifier ainsi le ridicule ! Et pourquoi cette apparente lacune ? Est-ce l’arme fatale qui lui est réservée pour clore en apothéose le cycle de son périple expiatoire ? eh bien, pour tout ce qui précède, messieurs, sans effort, vous m’accorderez de balayer d’un revers de la main gauche, toutes ces fadaises dignes de balivernes de bistrot, et le citoyen honnête, et de surcroît patriote que je suis, ne peut que se morfondre de honte, de savoir ainsi réifiés avec autant de désinvolture cette prestigieuse institution républicaine et ses éminents serviteurs que vous êtes. En annexe, j’attire une particulière attention sur le sort réservé à ces jeunes gens honteusement manipulés, spécialement sur celui de monsieur michel thierry atangana Abega, à qui je réitère en passant, ma profonde compassion et mon permanent soutien moral. Chacun ici présent a été animé d’une légitime promotion sociale, mais en même temps handicapé par une bonhomie juvénile. Ils ont subi, chacun à sa mesure, le violent heurt de cette dérive aveugle ; un prix trop élevé a déjà été exigé d’eux. Leur place n’est pas ici devant une Cour de Justice. La solution de leurs éventuels différends relève plutôt d’une cour de récréation. Je vous prie, messieurs les Juges, au nom de la Loi, de bien vouloir leur rendre leur liberté. Les sphères de la politique sont d’un autre monde... – Enfin, comment aurais-je pu parfaire cette déclinaison sans me référer, avec tout le respect et la considération à lui dévolus, au personnage incontournable, incarnation des Institutions Républicaines : le Président de la République ? en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature, est-il réellement informé de cette infamante et macabre kermesse ? Certains séides autoproclamés de son entourage l’incrimineraient, avec lâcheté, d’être lui-même l’artisan, la main invisible, dont ils ne seraient que de simples exécutants pour le moins rigoureux. Jamais je n’oserais y croire ! Serait-ce de la naïveté de ma part ? A moins que ces longues années de dur labeur n’aient réussi à écorcher tant soit peu ses lumineuses convictions de naguère, lui dont les Camerounais avaient fait leur icône de réfé-

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rence, référence de la Vertu républicaine, référence de la Liberté, de la Vérité et de la Justice... en conclusion, comment pourrait-t-on ne pas se poser cette question, quelque rhétorique qu’elle paraisse, en prenant à témoin chaque citoyen : “Est-il jamais trop tard pour rectifier une injustice ? merci pour m’avoir entendu ! »

23 « 14 ans de torture, ça suffit ! » Lettre à Monsieur Paul Biya

« J’ai été honteusement réifié en un vulgaire otage de votre vitrine politique. ma liberté m’a été confisquée sans raison. Que votre raison veuille bien me la restituer ! » L’auteur

monsieur le président, Il est fort possible, même si je n’ose y croire, que ma lettre, tel un alizé tumultueux et capricieux, vienne de quelque manière ébranler, ou tout au moins perturber la quiétude des flots aux doux embruns de votre « démocratie apaisée », ambition pour laquelle vous avez tant œuvré depuis 29 ans. si c’en était le cas, ce serait bien dommage, car telle n’est pas mon intention. mais d’un autre côté, qu’on ne se méprenne point ! Ce n’est pas non plus une naïve, langoureuse et monocorde mélopée, ni un triste refrain d’un prétendu coupable miserere, de la part d’une supposée victime, à la recherche désespérée d’une compassion condescendante... Pour toutes ces raisons, j’impose à ma plume autant de respect que de douceur, honorant ainsi ma propre dignité de beaucoup de pudeur, et l’affligeant en même temps d’une stricte circonspection...

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monsieur le président, Tenez ! Seulement deux jours après ma démission de votre Gouvernement et ma constitution en candidat à l’élection présidentielle de 1997, une horde sauvage et déchaînée de vos cognes aux gros bras prêts à casser de la castagne, alliée à une justice aux allants de basoche, a fondu avec une rare férocité sur le citoyen honnête et ordinaire que je suis. Et depuis, inlassablement, les uns comme les autres, n’ont cessé de me faire subir une terrifiante torture, avec hargne, haine et grossièreté, sous votre regard passif et atone, mais ô combien scintillant de complaisance : embastillement dans des conditions inqualifiables, harcèlement et acharnement permanents, destruction et confiscation de mes biens, intimidations et tracasseries judiciaires et policières, subtiles et ostentatoires menaces de mort, et que sais-je encore... Ah ! Que ne m’aurait-il pas valu d’être un alfred dreyfus ou un Jules durand tout court ? Allusion prétentieuse, n’est-ce pas ? Et pourtant je n’en demandais pas tant ! monsieur, Eh bien, souffrez un petit instant que je me pince avec un peu de violence, après tant d’années de silence d’une lâche captivité, pour dénoncer avec véhémence, à haute et intelligible voix, prenant solennellement à témoin la nation camerounaise tout entière, l’opinion internationale, et tous ceux qui de par le monde, sont sensibles à la défense des droits humains, et crier à votre intention : « 14 ans de torture, Monsieur, ça suffit ! » J’ai été honteusement réifié en un vulgaire otage de votre vitrine politique. Ma liberté m’a été confisquée sans raison. Que votre raison veuille bien me la restituer ! L’image désormais blafarde et tant écornée du Cameroun en bénéficierait à coup sûr en rayonnement, de l’intérieur comme à l’extérieur... A la fin, que sont-elles devenues mes convictions et mes opinions politiques, artifices qui m’ont gratifié de cette lourde infortune en 1997 ? Eh bien, elles n’ont pas changé

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d’une virgule ; bien au contraire, par mon combat silencieux, mais pas pour autant moins téméraire, elles se sont raffermies, densifiées, voire pétrifiées, toujours à la recherche d’un idéal partagé pour l’émancipation et l’épanouissement d’un peuple qui le mérite bien... Je vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de ma très haute considération, et de bien vouloir accepter la sincérité de mes vœux de paix et de santé, à l’occasion de votre anniversaire... Yaoundé, le 13 février 2011 professeur titus edzoa en séquestration politique au secrétariat d’état à la Défense Gendarmerie Nationale à yaoundé

24 « Alors qui m’accuse ? » Adresse aux magistrats du TGi de Yaoundé 16 décembre 2011

« L’unique Valeur au-dessus des lois, ce ne sont ni les hommes, ni les institutions, mais la Vérité... » L’auteur

mesdames et messieurs, Honorables membres de la Collégialité, retrouvailles heureuses après sept mois de séparation. Séparation volontaire ou involontaire ? Si volontaire, par qui et pourquoi ? Questions pas du tout d’ordre shakespearien, car les réponses seraient d’une simplicité étonnante. mais qu’importe ! retenons tout simplement que la séparation a été relativement longue, au risque de me faire oublier les délices secrets d’un box désormais complice de ma captivité. Un box, mon ultime tribune, somme toute plus indulgente que mon sévère cachot, malgré la rudesse de son banc, malgré l’âpreté des angles de son exiguïté, un box où ma voix, soutenue par la puissance de la vérité, peut encore se faire

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entendre, pour défendre, reconquérir, ressusciter ma liberté indûment décapitée depuis si longtemps... mais avant de prendre notre envol, et pour cristalliser nos retrouvailles tant attendues, Honorables membres de la Collégialité, qu’il plaise à chacun d’entre vous de bien vouloir se laisser investir de ma déférence, à laquelle j’associe ma chaleureuse aménité. pour ce que vous êtes, et pour ce que vous représentez, permettez encore une fois de plus que je vous honore avec la même courtoisie que je l’ai fait la dernière fois. A toutes les autres parties qui nous accompagnent, à ma gauche, comme à mon extrême-droite (allusion géo-spatiale bien-entendu et pas du tout géopolitique ou idéologique), je réitère tous mes compliments, que je charge d’une note vibratoire particulièrement irénique, afin que nos débats, quelle qu’en soit l’intensité contradictoire, se déroulent dans la sérénité, la probité intellectuelle et le respect réciproque des plus absolus. madame le président, Honorables membres de la Collégialité, Il me revient encore aujourd’hui d’écrire avec vous une nouvelle page de cette interminable saga : Oui, une interminable saga, véritable épopée, où des chimères en liasses de millions et de milliards fictifs pour accusation se seront évertuées à transformer le pouvoir judiciaire, prestigieuse institution républicaine, en une prosaïque épicerie, une vulgaire quincaillerie juridictionnelle, où comme une marchandise périmée, une denrée dévaluée, mon destin devait être liquidé à vil prix... pour l’éternité. Oui, une interminable saga, véritable légende, où des fantasmes en bouquets fanés de mensonges flétris par le temps auront pris en otages les uns et les autres, imposant sans vergogne leurs obscurs dédales, aux dépens des voies lumineuses de la vérité... oui, une véritable saga, véritable tragédie par laquelle, comme un veau cachectique, exténué par le temps, je

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devais être conduit, la corde au cou, résigné, à l’abattoir omnivore d’un impitoyable oubli... Halte-là !, dixit un téméraire citoyen qui passait par là, comme par hasard... Le droit est une force, mais toute force n’est pas le Droit, à moins qu’elle ne se fasse le glaive de la Justice. Le droit, une fois mis en mouvement, peut devenir une redoutable puissance, dont la maîtrise requiert beaucoup de sagesse, de courage et de circonspection. C’est pourquoi, en redorant les oripeaux froissés de ses vieux passements, le droit doit reprendre sa place. Humblement, respectueusement, mais résolument, je lui en offre, à travers vous, une précieuse opportunité. il n’est pas trop tard. Un vieil adage ne dit-il pas : « Le mensonge a beau faire le tour du monde, la vérité a tout le temps de lacer ses chaussures ? »... Honorables membres de la Collégialité, Qu’il vous plaise donc de bien vouloir m’accompagner dans ces compartiments et quartiers à venir, à l’aune desquels je m’en vais dérouler, encore une fois, le ruban si longtemps camouflé d’un intense, mais ô combien pittoresque périple... notre décor s’articulera en quatre phases : 1) outils de ma défense. 2) armes de ma défense. 3) Cœur nucléaire de l’accusation : à savoir la gestion du 32e sommet de l’oUa/1996. 4) Conclusion : où je vous réserve d’étonnantes révélations, après avoir réduit au passage en puériles galéjades (entendez balivernes de bistrot) ces monstrueuses et fallacieuses accusations... 1) outils déclinés en trois volets : – Le style – Une métaphore – Deux références de mes affirmations Le style : mon style sera particulièrement éclectique, c’est-à-dire bref et incisif, quelquefois puissant dans ses

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détails, évitant au demeurant les évasions et les marécages éristiques de controverse oiseuse, inutile, susceptible d’offusquer l’accouchement, que je voudrais maïeutique, de la vérité... Une métaphore : un mât de cocagne. il vous souvient il y a environ sept mois, je vous conduisais au sommet de la partie visible d’un iceberg, pour un rendez-vous avec la vérité. Ce fut mon bonheur. Je pense, le vôtre aussi. Aujourd’hui, j’ai choisi l’image d’un mât de cocagne des kermesses foraines : un poteau planté tout droit en hauteur, enduit de matière grasse pour le rendre glissant, et au sommet duquel sont suspendus des présents d’une valeur certaine. Eh bien, notre mât qui nous concerne aujourd’hui est haut de quinze mètres, chaque mètre symbolisant une année de garde à vue ; il est enduit de cambouis (une huile noire, sale et usée des moteurs et des machines), symbolisant l’opprobre poisseux dans lequel a été plongé tout mon être, corps et âme ; et au sommet duquel est suspendu un présent d’une valeur inestimable, plus précieux que l’or et le diamant réunis : j’ai nommé la vérité... mais pour votre confort durant l’escalade, pour vous éviter de vous salir de notre cambouis, ce qui serait irrévérencieux de ma part, j’y ai adjoint une large échelle de quinze larges marches, chacune symbolisant une année de détention préventive... Deux références consolidant mes affirmations : je me présente devant ce prétoire sans document aucun. Ce n’est point pour frimer en intellectuel dandy ; soixante-six coups de cloches de mes printemps ont sonné à mon horloge ; mon âge ne me le permettrait donc pas. C’est pour une simple et une unique raison : j’ai été privé de ma liberté, avant qu’aucune accusation n’ait été portée contre moi ! Je n’ai donc jamais eu l’opportunité de consulter quelque archive ou document que ce soit. en revanche, ce qui donnera plus de puissance et de pertinence à mes références, ces dernières relèvent, l’une du ministère public lui-même, l’autre du Cabinet d’instruction Judiciaire de votre tribunal (Tribunal de Grande Instance). Ces deux documents sont

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d’ailleurs complémentaires et disponibles pour toutes les parties concernées par le procès... 1) Rapport d’expertise de Monsieur Luc Paul Njock (de regrettée mémoire) datée de décembre 2004. 2) L’ordonnance de non-lieu partiel du cabinet d’information judiciaire (TGI), issue du dossier N° 234/SOG/07/54 du 23 octobre 2008. Observations : Rapport d’expertise. A) Les dates L’expertise a été mise en mouvement le 2 novembre 2004 (avec un délai d’un mois), mais prolongée le 6 décembre 2004 (avec un délai d’un mois supplémentaire) : l’inculpation ayant eu lieu le 3 juillet 1997, ladite accusation aura été en incubation insolite pendant sept ans, alors que l’accusé que je suis se retrouvait en hibernation pendant ce temps dans un cachot ! Drôle de justice, n’est-ce pas ? On attend sept ans, pour rechercher la vérité ! ! ! pendant que l’accusé croupit dans une cellule ! Avril 2008 : date à laquelle le Rapport d’expertise m’est remis par le Juge d’Instruction, c’est-à-dire quatre ans après sa mise en mouvement à mon insu, onze ans après mon inculpation ! Drôle de justice n’est-ce pas ? 14 août 2008 : réquisitoire définitif du Ministère Public au Juge d’instruction : quatre ans après la mise en mouvement, dans un élan éloquemment élastique. Drôle de justice, n’est-ce pas ? B) L’ordonnateur de l’expertise C’est bien le Magistrat Instructeur, c’est-à-dire le Procureur, le ministère public. Lors de ce procès, nous avons l’impression qu’il existe deux Ministères Publics, car celui qui commet l’ordonnance du mandat de l’expertise ne se

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retrouve pas en celui qui aujourd’hui en assume le contenu ; contenu complètement ignoré, et au demeurant par la chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel... elle-même aussi. C) Accusations C’est dans ce Rapport d’expertise du Magistrat Instructeur que je découvre la précision des accusations qui me sont reprochées, sans jamais y retrouver quelque plainte que ce soit ! Le volume 1 du rapport stipule ce qui suit : attendu que dans le cadre du CopisUpr créé par arrêté présidentiel n° 142/CaB/8/7/94 les inculpés edzoa titus et atangana abega michel thierry ont ouvert en marge de la réglementation sur le finances publiques les comptes ciaprès : BICIC = Deux comptes. SCB CL = Un compte. Que ces comptes ont été crédités de la somme de neufcent-trente-cinq millions sept-cent-cinq mille quatre-vingtdix francs CFA (935 705 090 FCFA). Qu’en outre le compte N° 07720600270 a été ouvert et géré par les sus nommés dans le cadre de l’organisation du 32e sommet de l’oUa. Qu’à ce jour, la destination réservée à ces fonds demeure inconnue (volume 1 p2) fin de citation... A ces comptes bancaires, j’ajoute celui fictif dont la création m’est attribuée et la gestion à Monsieur Atangana Abega Michel Thierry concernant la TSPP (Taxe spéciale des produits pétroliers). Il s’agit là d’une choucroute indigeste de comptes bancaires, dont une clarification exhaustive du Rapport d’Expertise ordonnée par le Ministère Public lui-même sera faite, détruisant d’une façon tonitruante cet amalgame indécent...

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D) Mandat de l’ordonnance – Exploiter et analyser les chèques, les avis de virement et les mouvements de comptes. – déterminer l’origine, le montant et la destination des fonds. en conclusion, ce rapport est constitué de sept volumes dont le volume 1 en est la synthèse et chacun des six volumes constitue un seul compte bancaire, et dont j’exploiterai particulièrement deux : le volume 1 et le volume 7 ; et subsidiairement le volume 2 et le volume 5. ordonnance de non-lieu du 23 octobre 2008 J’exploiterai essentiellement les pages 5, 6, 7, 8, et à la carte les pages 45 et 46. Armes de ma défense : déclinées en trois volets : – Le temps. – La douceur. – L’infrastructure architecturale de mon argumentaire. Le temps : S’il n’existait pas, chacun de nous le créerait pour soi. En ce moment précis, il nous interpelle à travers cette pensée d’un penseur anonyme, dont je viens partager volontiers le contenu avec vous : « malgré l’apparente et déconcertante sévérité de son imperturbable permanence, le Temps demeure le compagnon le plus fidèle de l’Homme, dans l’extraordinaire aventure de son existence. » Cette pensée, je l’ai faite mienne. C’est pourquoi, malgré tant de jours d’annihilation, tant de semaines d’humiliation, tant de mois de frustration, tant d’années de menaces et d’harcèlement, et chacun de ces instants, éternité truffée de péripéties et de subterfuges des plus étonnants, ma patience, fécondée, structurée et soutenue par le génie secret de mon

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temps, m’accompagne encore aujourd’hui devant vous, revêtue de toute sa dignité, mais sans acrimonie aucune. Vous en conviendrez avec moi, qu’après quinze ans, cela ne va pas de soi. d’aucuns ont usé du temps comme une arme de destruction. J’en use comme une arme de vérité... La douceur : si vous le permettez, une brève devinette anecdotique dont je vous révèle la pertinence par ces trois questions rhétoriques : Que veulent dire : Aksha mala ? Sebhaa ? Chapelet des chrétiens catholiques ? eh bien, aksha mala, c’est un mot d’une vieille langue orientale sacrée dite sanskrit et qui désigne le rosaire des religions hindouiste ou boudhiste. – sebhaa, correspondant instrument musulman : le rosaire musulman. – Chapelet : constituant le rosaire chrétien catholique. eh bien, ce sont des instruments sacrés ou consacrés qui, malgré leur éventuelle et différente interprétation ou intégration dans des gestes cultuels paradigmatiques préétablis, relèvent assurément de la sphère spirituelle, voire divine, pour des objectifs d’élévation humaine. Quel n’a pas été mon ahurissement de découvrir à mes dépens, ex nihilo, un « rosaire judiciaire » aux allants maléfiques de détruire, anéantir, déchirer en charpies un honnête et innocent citoyen. Devant ce Tribunal, à défaut de pousser des cris d’orfraie, par décence je clame avec véhémence : Horresco referens : c’est-à-dire, en dénonçant cette horreur, mon être frémit d’effroi. Mais à cette terrifiante violence, à cette brutalité mortifère, je m’en vais opposer, comme arme, la douceur ; mais alors une glaciale douceur, à l’arrière-goût aigre-doux, aigre comme le plus acide des vinaigres ; doux, suave, melliflue comme la plus royale des gelées royales, mystérieuse et miraculeuse ambroisie, dont seules ont le privilège de se nourrir des reines des abeilles. De cette particulière douceur jaillira non seulement l’étincelle, mais le tonnerre de la vérité... L’infrastructure architecturale de mon argumentaire : socle que je bâtis ferme comme le roc, dur comme du granit, échafaudé qu’il est sur quatre supports que voici :

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Un aphorisme : (d’un sage magistrat de l’antiquité romaine) « justitia sui generis ad hominem » (justice d’un genre insolite, orientée contre la personne même de l’adversaire)... de toutes les irrégularités insolites de ce procès depuis quinze ans, j’en relève à ce point une des plus essentielles, en référence à l’article 157 du code pénal : « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou par un délit, peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le Juge d’instruction compétent. La plainte avec constitution de la partie civile met en mouvement le ministère public ». Alors qui m’accuse ? Est-ce une déclaration orale ou écrite d’un tiers ? Est-ce un plaignant lésé par mon crime ou mon délit ? est-ce un procès-verbal d’une administration compétente ? eh bien, ni les uns, ni les autres ! L’accusateur est-il une comète, ou un Ovni (objet volant non identifié) ? Toute cette affaire est une grosse arnaque juridique, et la non-existence d’une plainte est un vice rédhibitoire ! Le tribunal statuera. Encore un aphorisme (d’un sage, savant et philosophe plus contemporain, albert einstein) : « tout ce qui compte n’est pas toujours compté et tout ce qui est compté n’est pas toujours ce qui compte. » L’événement du 32e sommet de l’oUa a été un succès éclatant sur tous les plans ; j’en étais le principal organisateur ; mais cela n’a jamais été relevé. Comme trophée, je me retrouve devant le tribunal. Bravo la justice camerounaise ! Caisse d’avance Créée par arrêté n° 00167/minFi/B4 du ministre des Finances le 4 juin 1996 et non le 4 juin 1995 comme le stipule l’accusation en vue de construire et justifier le faux

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canevas de l’inculpation. La date du 4 juin 1996 est confirmée par le Rapport de l’Expertise au volume 7, annexe 2, p. 2. Le compte sCB CL n° 31904308-3716-r, le « Corpus delicti » (Corps du délit) ouvert par mes soins le 14 septembre 1995, avec l’indication : « oUa/96 et infrastructures routières. » pour cela, pressenti d’être cogéré avec le président du CopisUpr, monsieur atangana abega michel thierry. Mais il ne le sera pas pour des raisons à préciser plus tard, ce compte bancaire est le seul qui concerne l’oUa 96 et qui recevra les fonds de la Caisse d’avance, devenant ainsi un compte de l’état, géré selon la réglementation des finances publiques, comme démontré par la suite. La Caisse d’avance et le compte n° 319043083716-r auront été en collision au départ, mais à l’arrivée ils s’allieront en collusion, une symbiose d’où jaillira la vérité... Le cœur nucléaire de l’accusation Gestion du 32e sommet/oUa 96 en trois volets : 1) Historicité et dimension plurielle de l’événement. il s’agit bien du 32e sommet des Chefs d’états de l’oUa, mais aussi de la 64e session ordinaire des ministres qui le précède et le prépare : du 1er au 3 juillet : 64e session des ministres. Du 4 au 6 juillet : 32e sommet des chefs d’états. Cet événement avait une dimension plurielle : une dimension nationale, régionale, intercontinentale, internationale... Affirmation de la souveraineté, du rayonnement et du prestige de la nation. Le Chef de l’état organisateur devient le président en exercice de l’OUA à l’issue du Sommet. dimension économique : dans le cadre du programme d’ajustement structurel (PAS), des difficultés économiques dues à la férule des Bailleurs de fonds (FMI, BM...), dictée

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par le « Consensus de Washington ». malgré cela, au 31e Sommet à Addis-Abeba du 13 au 15 juin 1994, le Cameroun signera l’accord pour organiser le prochain sommet à yaoundé. C’est une victoire, un triomphe diplomatique et politique notoire ! Création de l’instrument ou organe réglementaire : par décret présidentiel n° 95/084/4/5/95, dont voici une brève lecture : volume 7, article 1, 2, 3, ordonnance de non-lieu partiel, p. 5 et 6. Le CNO : Comité national d’organisation : (dix membres et (x) consultants. président : Le sG/prC Vice-président : Le ministre des Relations extérieures Les huit membres, dont les quatre premiers sont par ordre alphabétique : ministre de la Communication ou son représentant, ministre de la défense ou son représentant, ministre de l’économie et des Finances ou son représentant, ministre de la santé publique ou son représentant, etc. nB : Le ministre de l’économie et des Finances ou son représentant ne peut avoir aucune ascendance par rapport aux autres membres du Comité National d’organisation (Cno), encore moins sur son président, le sG/prC. Le Comité national d’organisation (Cno), chargé de la mise en œuvre de l’accord signé entre l’oUa et le Gouvernement Camerounais pour l’organisation du 32e sommet, devait concevoir « l’organisation et la coordination de toutes les activités nécessaires à la préparation et au bon déroulement de ces assises ». L’article 8 disposait que les frais d’organisation du 32e sommet et de la 64e session ordinaire des ministres ainsi que le fonctionnement du Cno étaient pris en charge par le budget de l’état. Je démontrerai par la suite que « qui peut le plus, peut le moins. »

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Financement Chronologie : retenir deux objectifs : aucun budget de l’état n’a été disponible. Lors de la rencontre du sG/prC président du Comité national d’organisation avec les directeurs généraux des sociétés d’État, le budget de l’OUA/96 n’était pas encore arrêté. – 11-13 juin 1994 : accord entre l’OUA et le Cameroun pour l’organisation du sommet du 1er au 6 juillet 1996. – 4 mai 1995 : décret présidentiel n° 95/084 créant le Comité national d’organisation. Par le jeu des dates des budgets de l’état en cette date, courant du 1er juillet de l’année en cours au 30 juin de l’année successive. 1993-1994 = 0 FCFA 1994-1995 = 0 FCFA 1995-1996 = 0 FCFA – 4 juin 1995 : fausse date de création de la caisse d’avance, se référant au volume 7, p. 2, annexe 2 de l’ordonnance de renvoi. La vraie date, c’est 4 juin 1996. – Fin août 1995 : visite du secrétaire général de l’oUa, salim ahmed salim au sG/prC, président du Comité national d’organisation (Cno). – début septembre 1995 : rencontre avec les directeurs généraux de sociétés dans mon bureau. – 14 septembre 1995 : création du compte bancaire sCB/CL n° 31-904308-3716-r. La désignation du compte est : oUa/96 et infrastructures routières. raison pour laquelle le président du CopisUpr, dont la structure soustutelle du SG/PRC, avait déjà initié les études des différents projets (autoroute yaoundé-Nsimalen, périphérique yaoundé, voiries urbaines Yaoundé, etc.). – 29 septembre 1995 : pendant que j’étais en mission à l’étranger, une circulaire du ministre de l’économie et des Finances(mineFi), proscrivant le déblocage des éventuels fonds des Directeurs généraux. nB : Une circulaire d’un ministre ne peut abolir les prérogatives d’un décret présidentiel.

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3 juin 1996 : réunion à la Présidence de la République présidée par le président de la république. C’est au cours de cette réunion que le président de la république a décidé du montant du budget « ad hoc » du 32e sommet oUa/96 d’un montant de neuf milliards avec un montant de la caisse d’avance/secrétariat général de la présidence de la république de neuf-cent-trente-cinq millions neuf-centvingt-mille (935 920 000) francs CFa. – 4 juin 1996 : attribution formelle, avec création de la caisse d’avance du secrétariat général de la présidence de la république, avec comme gestionnaire, le secrétaire général de la présidence de la république, et comme régisseur, monsieur Jean Jacques massot priso, daG du secrétariat Général de la présidence de la république. – 11 juin 1996 : déblocage de la première tranche de cinq-cent millions (500 000 000) de francs CFa de la caisse d’avance. (Une petite anecdote pour détendre l’atmosphère dans la salle. Je suis informé par ma secrétaire d’une visite de mon directeur des affaires générales (daG) accompagné de deux agents du Trésor du MINEFI que j’accepte de recevoir tout de suite. tous en sueur, ils déposèrent dans mon bureau d’énormes sacs « mbanjock » bourrés d’argent. Tout surpris, je demandai à ma secrétaire d’appeler le Directeur général de SCB/CL, pour qu’il mette à ma disposition tout de suite deux de ses agents. Avec les deux agents qui accompagnaient mon daG, ils comptèrent les fonds toute la soirée et le même jour ces fonds furent déposés sur le compte sCB/CL: 31-904308-3716-r). – 17 juin 1996 : déblocage de la deuxième tranche par un chèque du trésorier payeur Général (tpG) de Yaoundé, compte mineFi de la BeaC du montant restant : quatrecent-trente-cinq millions neuf-cent-vingt mille (435 920 000) francs CFa. – 20 juin 1996 : l’encaisse globale autorisée par la caisse d’avance est totalement disponible. L’événement devant avoir lieu du 1er au 6 juillet 1996, c’est seulement dix jours avant son démarrage que les fonds ont été disponibles.

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3 juillet 1996 : chèque d’un montant de onze millions cinq-cent-soixante-huit mille sept-cent-quatre-vingt-dixneuf (11 568 799) francs CFa, don de l’ambassade du Japon, de provenance d’une banque japonaise obtenu par ma propre initiative. Le compte sCB/CL sera crédité, au lieu de neuf-cent-trente-cinq millions-neuf-cent-vingt mille (935 920 000) francs CFa plutôt de neuf-cent-quarantesept millions quatre-cent-quatre-vingt-huit-mille-sept-centdix-neuf (947 488 719) francs CFA. Origine des fonds : Une société de la place dont je tais le nom par droit et devoir de réserve. C’est la solution que j’avais préconisée mais en dimension réduite. Gestion : Qui a géré les fonds ? Le compte SCB /CL n° 31-904308-3716-r étant crédité des fonds de la caisse d’avance, la gestion sera faite par le gestionnaire de la caisse d’avance, le secrétaire Général de la présidence de la république et son régisseur, le directeur des affaires Générales de la présidence de la république (daG/prC), monsieur Jean -Jacques massot priso. NB : Monsieur Atangana n’a jamais signé aucun chèque de ce compte et, par conséquent, il n’a rien à voir avec sa gestion. Comment le compte a-t-il été géré ? Bien. il y a eu quatre quitus : du Contrôleur Financier (deux jours seulement après le Sommet de l’OUA). Ce qui était déjà suspect, du Juge d’Instruction, de l’Expert commis par le Magistrat instructeur, du ministère public lui-même... nB : Concernant le ministère public qui a donné le quitus de la gestion de ce compte par un réquisitoire définitif du 14 août 2008, il doit annuler l’accusation de « tentative de détournement de cinquante-neuf milliards (59 000 000 000) de francs CFa, pour avoir annulé l’accusation de neuf-cent-quarante-sept millions quatre-cent-quatrevingt-huit mille sept-cent-dix-neuf (947 488 719) francs CFA. Autrement ce serait un oxymore juridique désobligeant, car « sublata causa, tollitur effectus », pour une cause annulée, ses effets s’estompent automatiquement... en effet, l’ouverture du compte constitue le corps du délit ;

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à savoir la cause de l’inculpation ; le détournement et la tentative de détournement, les deux effets... Un effet ne peut être annulé sans entraîner l’autre ! Conclusion madame le président, Honorables membres de la Collégialité, Voilà le détourneur inculpé de détournement et de tentative de détournement de fonds publics, qui, non seulement gère avec rigueur les fonds publics, mais enrichit en plus l’état de sa propre initiative de onze millions cinq-centsoixante-huit mille sept-cent-dix-neuf (11 568 719) francs CFa. Est-il ce mérite qui m’amène devant vous ? A moins que ce ne soit l’application de la « Jiustizia sui generis ad hominem ? ». Et je viens de vous démontrer par le deuxième support de mes armes : « Tout ce qui compte n’est pas toujours compté et tout ce qui est compté n’est pas toujours ce qui compte ». Mais lorsqu’il m’a été demandé de compter, je l’ai fait dans le respect scrupuleux de la réglementation en vigueur sur les Finances publiques... Et avant de clôturer ma déclaration, je vous prie, Honorables membres de la Collégialité, de partager avec moi cette pensée : « L’unique Valeur au-dessus des lois, ce ne sont ni les hommes, ni les institutions, mais la Vérité... » Je vous remercie de m’avoir entendu avec autant de bienveillance et d’attention... professeur titus edzoa, tGi (tribunal de Grande instance) de Yaoundé, 16 décembre 2011.

25 Le temps « Le temps n’est pas ce qu’il semble être. il ne s’écoule pas simplement dans une direction, et le futur existe simultanément avec le passé ». albert einstein

« Dix, vingt, trente ans, à perpétuité » ! Coups de tonnerre, coups de poignard, encaissés dans une religieuse résignation par le prévenu désormais taulard, défait dans un combat inique, où il n’a même plus de larmes pour pleurer. Le magistrat, alias Guillotin, de son imperium perché, glacial et martial, guillotine la vie. Fier d’être deux fois apôtre, celui du Dieu tout puissant de là-haut, et celui du dieu tout puissant d’ici-bas, depuis ses athanors et alambics d’une pseudoscience, il accouche d’une sentence alchimique. d’homme libre, de prévenu il y a un instant, par des formules magiques, bagnard il devient et à jamais, car, dès lors, même après sa définitive libération, il doit vêtir la camisole bigarrée de souillure, jusqu’à son dernier souffle. en un instant sa conscience se brouille, le passé s’efface, l’avenir s’anéantit... il est, il devient l’instant. L’instant ! Qui s’hypertrophie, immense dans son expansion. L’instant, le temps ! enigme des énigmes !... J’ai essayé de comprendre, plongeant dans le silence de mon être, emporté dans la nuit des temps...

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« Ô temps, gardien sublime de l’éternité ! Hier, aujourd’hui, demain, tu as été, tu es, tu seras Le vigile sacré de l’Univers Toujours égal à toi-même ! Ô temps, je brûle, je brûle de découvrir le secret de ton imperturbabilité, permanence des permanences... »

Et encore, et toujours le temps... je t’interpelle : « Humide comme la terre, Froid comme la glace, Brûlant comme le feu, éthéré comme le vent, Ô temps, qui es-tu ? Compressible dans une fraction de tierce, Comme dans une fraction de seconde, Tu connais l’expansion en éons, autant qu’en années-lumière. imperturbable comme fugace, tu es l’instant, devenant en permanence le passé, après avoir été un brin le futur. et lorsque dans tes fonctions triviales humaines, tu décides de devenir le miroir de toi-même, tu t’inscris en éternité... Ô temps, que me cacherais-tu donc ? Ou mieux, que me révèlerais-tu ? Mes limites ? Certainement ! Mon infinitude ? Assurément aussi ! ! ! »

Et je crois percevoir que le présent est ce mouvement aussi éternel qu’insaisissable, par lequel inexorablement le futur en un instant devient le passé... L’instant ! Je n’ai pas conscience de l’instant que je suis (être !), ni de l’instant où je suis. Il est fugace en permanence. Je ne maîtrise pas ce qui le précède, ni ce qui le suit ; il m’échappe, aussi désarmé que je suis. Enigme des

Le temps

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énigmes ! son contenu secret et hermétique fait vaciller mon moi : il est fuyant, insaisissable comme le vent, fluide comme de l’eau, éthéré comme le feu. En silence, je m’y engouffre, le temps d’un instant ; il me réveille de ma profonde torpeur. Je m’évertue à l’habiller de mes pensées dérisoires, de mes propres limites ; il m’entraîne sur son chemin, laissant défiler pour le construire, mon passé, et inexorablement pour l’avaler, mon devenir d’il y a quelques instants et désormais disparu. Cet instant, l’instant, induit en moi une illusion salutaire : il est, il devient, il perdure ; il n’est plus, alors qu’il est toujours ; il se contracte, se concentre en un point, le point où tout se fond sans pour autant se confondre. Il m’entraîne dans son sein, dans cet épicentre lumineux et obscur à la fois, l’origine de tout et le devenir de tout. Mon âme, de par ma conscience, se fond en lui, découvrant le... Sublime ?, comme une goutte d’eau, consciente d’ellemême, dans l’océan universel... L’instant, c’est cette porte étroite et mystérieuse qui s’ouvre vers l’immensité infinie de l’éternité ! Le temps est en définitive ce gratuit présent, attribut illusoire, mais ô combien nécessaire, de ma conscience limitée. Le temps ! il m’aura accompagné, concédé, patient et indulgent de mon impatience, de mes doutes, tout le long de ma captivité, ouvrant ainsi grande la porte de l’infini à la fragilité de ma témérité. Au Temps, avec toute ma gratitude, à ce vigile compagnon, au maître le plus patient de tous les temps : j’ai confié tout mon temps !

26 Yaoundé, mon amie, malgré tout... « Ut fata trahunt » (comme les destins nous conduisent). Virgile

« Yaoundé ! Ville lumineuse, malgré ta robe terne de poussière rouge ; Ville généreuse de tradition, malgré tes ruelles étroites, sinueuses et défoncées. Yaoundé ! Ville aux sept collines verdoyantes et mystérieuses ! Ville charmante et chaleureuse, à laquelle j’ai tant donné : mes amours, mes passions, ma vie ! Yaoundé ! “Ville cruelle” ! Tu as confisqué ma liberté, tu m’as trahi ! Mais yaoundé, je ne puis te haïr. à travers toi, j’ai aimé mon pays, à travers mon pays, l’afrique ; à travers l’afrique, l’Humanité tout entière. Yaoundé ! mon amie !

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Malgré tout, tu demeures mon jaloux refuge... avec tout mon attachement et ma sincère reconnaissance ! »

en ce moment, ma pensée triste et engourdie s’envole tout de même vers tous ces exilés et apatrides de l’Humanité, chassés de leurs pays, sans plus de repères, pour des raisons futiles d’intolérance et d’égotisme, qui interdisent la convivialité, le partage, dans la paix et le respect réciproque. Vis-à-vis d’eux, mon bien aride cachot aux couleurs nationales quelque part me culpabilise... meurtris avec le temps, ces apatrides, oubliés des leurs, encaissent leur infortune dans l’humiliation, le rejet, voire le dédain de leurs bienfaiteurs d’hier ; ainsi expérimentent-ils l’un des malheurs les plus terribles de l’Humanité : se savoir réifié, renié et oublié ! Quelle hideur ! et pourtant, notre belle et généreuse planète ne saurait appartenir à personne. Elle est essentiellement hospitalière, pour offrir à chacun de ses locataires, l’opportunité de s’accomplir, à travers de multiples et exaltantes expériences dont elle est la matrice et la gardienne, au-delà des races, des tribus, des couleurs, des religions, des sexes, des frontières... et des opinions ! Puissent tous ces conflits déflagrants qui détruisent l’Humanité, un jour se transformer en conflux, où la paix, l’épanouissement et la fraternité expriment la véritable essence de l’espèce humaine ! ! !

épiLoGUe

Toi et moi... vers la liberté ! « acta est fabula » (La pièce est jouée). auguste César

au terme de cet intense voyage « sui generis », partagé en toute amitié, il faut bien se séparer. d’une aventure personnelle particulière, je me suis fait accompagner par chacun de vous, domptant ainsi ma solitude, dans un monde impersonnel peut-être insolite d’espaces les plus inattendus. Certaines de mes convictions ont peut-être heurté ; si ce fut le cas, telle n’était point mon intention : les contingences de la liberté dissimulent toujours leurs exigences. et puis l’important, n’était-ce pas de partager ensemble ce qui pouvait l’être ? Non seulement de l’amertume, de la tristesse, de la souffrance, de la torture, du harcèlement..., mais aussi de l’amitié, de l’amour, de la justice, de l’espérance, de la liberté, de la vie, du bonheur ?... Toutes les expériences vécues, quelque futiles ou dramatiques qu’elles paraissent, s’avèrent des nécessités pour connaître et se connaître, se retrouver soi-même, en même temps que l’on découvre l’autre, et à travers l’autre, l’humanité et l’univers. N’est-ce pas merveilleux ?

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méditations de prison

La barrière, votre barrière, naguère si hermétique entre moi, nous les taulards et vous « autres », érigée d’une façon arbitraire et condescendante, s’est écroulée d’elle-même, ouvrant grandes les portes de l’immensité intérieure de l’âme humaine, où le jardin édénique hérité et en permanence fleuri, attend imperturbable, de couvrir de ses fleurs l’Homme angoissé, désemparé, épuisé de tous ces combats quotidiens sans fin. Le chemin est certes étroit et sinueux, la colline à conquérir, abrupte ; mais du promontoire au terme de l’escalade, la liberté attend toujours, pour signifier qu’elle n’a jamais été perdue... Pour clore mon monologue, je viens vous révéler un dernier écho de mes multiples silences, et vous charger d’une mission secrète auprès du soleil, symbole de la liberté ! Depuis de nombreuses années, j’ai été abusivement sevré de son aurore ! J’en ai tellement la nostalgie, que je vous prie de bien vouloir, en attendant, chère amie lectrice, cher ami lecteur, vous faire mon héraut auprès de lui par ce message : « Ô soleil, mystérieuse boule de feu ! Chaque matin, elle te précède ta lueur blafarde, Avant de révéler avec majesté la lente éclosion De tes rayons victorieux de la nuit obscure, sur toute la surface de notre mère la terre. Ô soleil, puissante boule de lumière ! ta robe dorée de rouge orange, par sa chaleur protectrice, le tournesol sait dompter, Les roses fleurir, et des syrinx d’oiseaux l’harmonie céleste amplifier. Ô lumière des lumières, par ta vie, tout vit de toi ! Ô soleil, éternelle boule de vie ! Un matin, les bras tendus vers toi, je rêve déjà ! Comme osiris, mon âme est assoiffée d’être envahie par une seule étincelle de ton sein ardent. Ce matin-là, j’en suis sûr, j’honorerai dans la splendeur mon rendez-vous avec toi. Enfin, aurore dorée, aurore sacrée, j’ai soif de toi !

toi et moi... Vers La LiBerté !

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Ô soleil, boule de feu, de lumière et de vie ! demain, avant de te lever, par amour, Un seul instant, suspends ta course, mon costume est prêt Pour notre rendez-vous tant attendu, mais jamais oublié : toi et moi, vers la liberté ! ! ! »

Eh bien, voilà que mes silences vont bientôt s’éteindre et de nouveau se taire, refermant ainsi la parenthèse de notre intense partage ! Leurs échos, en toute intimité, vous ont fait découvrir tantôt la chaleur, tantôt la froideur des murs de mon austère cachot ; mais aussi ils vous ont entraînés par l’envol audacieux de mes pensées, dans un univers insolite et vertigineux de mon infini. Permettez que j’en referme discrètement le portail, certain qu’une clé en or viendra définitivement le réouvrir bientôt, cette fois-ci avec beaucoup de douceur et de délicatesse... pour des retrouvailles tant attendues... dans la splendeur de la Liberté...

Table des matières remerciements............................................................

7

préface.........................................................................

9

avant-propos...............................................................

11

prologue. L’onde de choc ! (20 avril 1997).................

15

1. mon rubicon .......................................................

19

2. Première lettre à la nation...................................

21

3. Une nuit particulière...........................................

25

4. La prison, ma prison...........................................

27

5. Le silence brisé de mes nuits..............................

29

6. La torture ............................................................

33

7. Le Gendarme ......................................................

39

8. La justice ............................................................

41

9. La politique.........................................................

47

10. Le silence............................................................

53

11. Le mysticisme : occultisme ou sorcellerie ?........

57

12. Le mysticisme dans son authenticité ..................

61

13. Les mystères des nombres..................................

67

14. Le nombre d’or...................................................

77

158

méditations de prison

15. Le destin .............................................................

83

16. La vie et la mort..................................................

87

17. L’argent et le bonheur.........................................

93

18. L’amour ..............................................................

99

19. « dieu » .............................................................. 105 20. miscellanées ....................................................... 111 21. épiphanie d’un visage ........................................ 115 22. Deuxième et dernière lettre à la nation............... 119 23. « 14 ans de torture, ça suffit ! »........................... 127 24. « Alors qui m’accuse ? »..................................... 131 25. Le temps ............................................................. 147 26. Yaoundé, mon amie, malgré tout........................ 151 épilogue. toi et moi... vers la liberté ! ........................ 153

ÉDITIONS KARTHALA Collection Méridiens L’Afrique du Sud, Georges Lory L’Argentine, Odina Sturzenegger-Benoist Le Bénin, Philippe David La Biélorussie, Philippe Marchesin La Bolivie, Christian Rudel Le Botswana, Marie Lory Le Burkina Faso, Frédéric Lejeal Le Cambodge, Soizick Crochet Le Chili, Christian Rudel Le Costa Rica, Christian Rudel La Côte d’Ivoire, Philippe David Cuba, Maryse Roux Djibouti, André Laudouze Les Émirats arabes unis, Frauke Heard-Bey L’Équateur, Christian Rudel Le Groenland, Jacqueline Thevenet La Guinée, Muriel Devey Hawaii, Alain Ricard L’Indonésie, Robert Aarsse L’Irak, Pierre Pinta La Libye, Pierre Pinta Malte, Marie Lory La Mauritanie, Muriel Devey Mayotte, Guy Fontaine Le Mexique, Christian Rudel La Mongolie, Jacqueline Thevenet Le Mozambique, Daniel Jouanneau La Nouvelle-Calédonie, Antonio Ralluy Le Portugal, Christian Rudel La Roumanie, Mihaï E. Serban São Tomé et Príncipe, Dominique Gallet Les Seychelles, Jean-Louis Guébourg La Turquie, Jane Hervé

Collection Les Afriques Afrique est-elle protectionniste ? (L’), Hibou B. Afrique et le monde des esprits (L’), Haar G. ter Ajustement structurel en Afrique (L’), Duruflé G. Algérie par ses islamistes (L’), Al-Ahnaf M., Botiveau B. et Fregosi F. Angola postcolonial (2 tomes), Messiant Ch. Assassinat de Lumumba (L’), De Witte L. Cause des armes au Mozambique (La), Geffray C. Chemins de la guerre et de la paix (Les), Marchal R. et Messiant C. Commerce frontalier en Afrique centrale (Le), Benafla K. Côte d’Ivoire, l’année terrible, Vidal C. Démocraties ambiguës en Afrique centrale, Bernault F. Économie camerounaise (L’), Aerts J.J., Cogneau D. Économie sud-africaine au sortir de l’apartheid (L’), Cling J.-P. Effervescence religieuse (L’), Seraphin Gilles Énergie sociale à Abidjan (L’), Le Pape M. Esprit d’entreprise au Cameroun (L’), Warnier J.-P. Faire fortune en Afrique, Rubbers B. Impossible retour (L’), Walker Clarence E. Improvisation économique en Afrique de l’Ouest (L’), Nubukpo K. Isolément global. La modernité du village au Togo, Piot Ch. Longue marche de la modernité africaine (La), Copans J. Mort de Diallo Telli (La), Diallo A. Odyssée Kabila (L’). Trajectoire pour un Congo nouveau ?, Willame J.-C. Patrice Lumumba. La crise congolaise revisitée, Willame J.-C. Pauvreté au Sahel (La), Bonnecase V. Peuple du fleuve (Le), Bureau R. Police morale de l’anticorruption (La), Vallée O. Politique par le bas (Le), Bayart J.-F., Mbembé A. et Toulabor C. Prophète de la lagune (Le). Les harristes de Côte-d’Ivoire, Bureau R. Religion de la vie quot. chez des Marocains musulmans, Ferrié J.-N. Sahel au XXIe siècle (Le), Giri J. Sénégal sous Abdou Diouf (Le), Diop M.-C. et Diouf M. Sociologie des passions (Côte-d’Ivoire et Rwanda), Vidal C. Sorcellerie et politique, Geschiere Peter Togo sous Eyadéma (Le), Toulabor C. M.

Collection Les terrains du siècle Au Cameroun de Paul Biya, Pigeaud F. Biodiversité et développement durable, Guillaud Y. Chrétiens dans la mouvance altermondialiste (Les), Grannec Ch. Clefs de la crise ivoirienne (Les), Dozon J.-P. Coupeurs de route (Les), Issa Saïbou Cybercafés de Bamako, Steiner B. Défi des territoires (Le). Comment dépasser les disparités spatiales en Afrique de l’Ouest et du Centre, Alvergne C. Élections générales de 2007 au Kenya (Les), Lafargue J. (dir.) Enjeux urbains et développement territorial en Afrique contemporaine, Diop A. Entre délocalisations et relocalisations, Mercier-Suissa C. Implanter le capitalisme en Afrique, Godong S. Islam et démocratie dans l’enseignement en Jordanie, Nasr M. Islam, nouvel espace public en Afrique (L’), Holder G. (éd.) Laurent Nkunda et la rébellion du Kivu. Au cœur de la guerre congolaise, Scott S. A. Leçons de la crise ivoirienne, Dozon J.-P. Le Hamas et l’édification de l’État palestinien, Danino O. Luttes autochtones, trajectoires postcoloniales (Amériques, Pacifique), Bosa B. et Wittersheim É. (dir.) Métamorphoses du Hezbollah (Les), Samaan J.-L. Niger 2005. Une catastrophe si naturelle, Crombé X. et Jézéquel J.-H. (dir.) Paradoxes de l’économie informelle (Les), Fontaine L. et Weber F. Retour de l’esclavage au XXIe siècle (Le), Deveau J.-M. Réveils amérindiens. Du Mexique à la Patagonie, Rudel C. Soins de santé et pratiques culturelles, Bellas Cabane C. (dir.) Un autre monde à Nairobi. Le Forum social mondial 2007 entre extraversions et causes africaines, Pommerolle M.-E. et Siméant J. (dir.) Violences sexuelles et l’État au Cameroun (Les), Abega S. C.

Collection Recherches internationales Adieu aux armes ? (L’), Nathalie Duclos A la recherche de la démocratie, Javier Santiso (dir.) Ambedkar !, Guy Poitevin Après la crise... Les économies asiatiques face aux défis de la mondialisation, J.-M. Bouissou, D. Hochraich et Ch. Milelli (dir.) Architecture, pouvoir et dissidence au Cameroun, D. Malaquais Aux origines du nationalisme albanais, Nathalie Clayer Chine vers l’économie de marché (La), Antoine Kernen Clubs politiques et perestroïka en Russie, Carole Sigman Contenus et limites de la gouvernance, Guy Hermet (dir.) Démocratie à pas de caméléon (La), Richard Banégas Démocratie et fédéralisme au Mexique (1989-2000), Magali Modoux Démocratie mexicaine en terres indiennes (La), David Recondo État colonial, noblesse et nationalisme à Java, Romain Bertrand Faire parti. Trajectoires de la gauche au Mexique, Hélène Combes Gouvernance (La), Guy Hermet Guerres et sociétés. États et violence après la Guerre froide, Pierre Hassner et Roland Marchal (éd.) Identité en jeux (L’), Denis-Constant Martin (dir.) Indonésie : la démocratie invisible, Romain Bertrand Internet et politique en Chine, Séverine Arsène Mafia, justice et politique en Italie, Jean-Louis Briquet Matière à politique, Jean-François Bayart Milieux criminels et pouvoir politique, Jean-Louis Briquet (dir.) Penser avec Michel Foucault, Marie-Christine Granjon Politique de Babel (La), Denis Lacorne et Tony Judt (éd.) Régner au Cameroun, Jean-Pierre Warnier Sécurité privée en Argentine (La), Federico Lorenc Valcarce Sur la piste des OPNI, Denis-Constant Martin (dir.) Trajectoires chinoises. Taiwan, Hong Kong et Pékin, F. Mengin Une mairie dans la France coloniale, Benoît Trépied Vie quotidienne et pouvoir sous le communisme, Nadège Ragaru et Antonela Capelle-Pogăcean (dir.) Voyages du développement, Jean-François Bayart (dir.)

Collection Études littéraires Aux sources du roman colonial, Seillan J.-M. Coran et Tradition islamique dans la littérature maghrébine, Bourget C. Culture française vue d’ici et d’ailleurs (La), Spear T. C. (éd.) De la Guyane à la diaspora africaine, Martin F. et Favre I. De la littérature coloniale à la littérature africaine, János Riesz Dictionnaire littéraire des femmes de langue française, Mackward C. P. Discours de voyages : Afrique-Antilles (Les), Fonkoua R. (éd.) Dynamiques culturelles dans la Caraïbe, Maximin C. Écrivain antillais au miroir de sa littérature (L’), Moudileno L. Écrivain francophone à la croisée des langues (L’), Gauvin L. (éd.) Écrivains afro-antillais à Paris – 1920-1960 (Les), Malela B. Édouard Glissant : un « traité du déparler », Chancé D. Esclave fugitif dans la littérature antillaise (L’), Rochmann M.-C. Essais sur les cultures en contact, Mudimbe-Boyi E. Francophonie et identités culturelles, Albert C. (dir.) Habib Tengour ou l’ancre et la vague, Yelles M. (éd.) Histoire de la littérature négro-africaine, Kesteloot L. Imaginaire d’Ahmadou Kourouma (L’), Ouédraogo J. (dir.) Imaginaire de l’archipel (L’), Voisset G. (éd.) Insularité et littérature aux îles du Cap-Vert, Veiga M. (dir.) Itinéraires intellectuels, Chaulet Achour Ch. (dir.) Littérature africaine et sa critique (La), Mateso L. Littérature africaine moderne au sud du Sahara (La), Coussy D. Littérature et identité créole aux Antilles, Rosello M. Littérature franco-antillaise (La), Antoine R. Littérature ivoirienne (La), Gnaoulé-Oupoh B. Littératures caribéennes comparées, Maximin C. Littératures d’Afrique noire, Ricard A. Littératures de la péninsule indochinoise, Hue B. (dir.) Le métissage dans la littérature des Antilles fr., Maignan-Claverie Ch. Maryse Condé, rébellion et transgressions, Carruggi N. (dir.) Mouloud Feraoun, Elbaz R. et Mathieu-Job M. Nadine Gordimer, Brahimi D. Parades postcoloniales, Moudileno L. Poétique baroque de la Caraïbe, Chancé D. Roman ouest-africain de langue française (Le), Gandonou A. Trilogie caribéenne de Daniel Maximin (La), Chaulet-Achour C.

Collection Contes et légendes Au pays des initiés, Gabriel E. Mfomo Chant des Bushmen Xam (Le), Stephen Watson Contes animaux du pays mafa, Godula Kosack Contes arabes de Tiaret (Algérie), Abdelkader Belarbi Contes diaboliques d’Haïti, Mimi Barthélemy Contes, fables et récits du Sénégal, Lilyan Kesteloot Contes des gens de la montagne (Cameroun), L. Sorin-Barreteau Contes haoussa du Niger, Jacques Pucheu Contes igbo de la Tortue, Françoise Ugochukwu Contes et légendes du Bénin, Mémoires d’Afrique Contes et légendes fang du Gabon (1905), H. Trilles Contes et légendes touaregs du Niger, L. Rivaillé et P.M. Decoudras Contes moundang du Tchad, Madi Tchazabé Louafaya Contes mystérieux du pays mafa, Godula Kosack Contes du nord de la Guinée, Gérard Meyer Contes du pays badiaranké (Guinée), Gérard Meyer Contes du pays des Moose. Burkina Faso, Alain Sissao Contes du pays malinké (Gambie, Guinée, Mali), Gérard Meyer Contes du pays nzakara (Centrafrique), Anne Retel-Laurentin Contes du pays tammari (Bénin), Sylvain Prudhomme Contes peuls du Nord-Cameroun, Dominique Noye Contes du sud du Cameroun, Séverin Cécile Abega Contes tamouls, S. Madanacalliany Contes tshokwé d’Angola, A. Barbosa et M. Cl. Padovani Contes wolof du Baol, J. Copans et Ph. Couty Les dits de la nuit (Sénégal), Marie-Paule Ferry Les nuits de Zanzibar, Henry Tourneux Récits épiques toucouleurs, Gérard Meyer Soirées au village, Gabriel E. Mfomo Sur les rives du Niger, Kélétigui Mariko

Composition : michel Soulard 35250 andouillé-neuville [email protected]

Achevé d’imprimer en avril 2012 sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery – 58500 Clamecy Dépôt légal : avril 2012 – Numéro d’impression : 204048 Imprimé en France La Nouvelle Imprimerie Laballery est titulaire de la marque Imprim’Vert®

Le 20 avril 1997, le Professeur Titus Edzoa, né à Douala en 1945, chirurgien et homme politique qui fut plusieurs fois ministre, déclarait sa candidature à la présidence de la République du Cameroun. Paul Biya, le président de la République en exercice, y vit une déclaration de guerre et chargea de tous les maux celui qui avait été son compagnon de route pendant de nombreuses années. Titus Edzoa est alors emprisonné au Secrétariat d’État à la Défense (SED), à Yaoundé. À l’issue d’un procès en plusieurs étapes, il sera condamné à quinze ans de prison. À présent que ces quinze années sont passées, le pouvoir cherche à le maintenir en détention en invoquant d’autres charges. Dans sa préface à ce récit-témoignage, Odile Tobner, épouse de feu Mongo Beti, écrit : « Du fond de sa prison, le Professeur Titus Edzoa nous envoie ce texte saisissant intitulé Méditations de prison. Ce livre s’impose par sa puissance née d’une très grande maîtrise de l’expression dans le fond et dans la forme. L’un et l’autre sont intensément retenus, ce qui est le secret, très peu connu et compris, des œuvres durables, qui suggèrent bien au-delà de ce qu’elles disent. Les qualités qui en résultent sont aussi bien les plus rares et les plus précieuses, celles qui se résument plutôt à l’absence des défauts les plus communs : aucun bavardage oiseux mais la densité d’un langage d’une extrême simplicité qui n’exprime que l’essentiel ; aucun ego envahissant mais la modestie sincère de qui connaît la vanité du moi ; aucune enflure redondante mais la discrétion voire le murmure avec lequel on articule les plus grandes choses. Et le propos est en effet très ambitieux. Comment oser parler de la vie, de la mort, de l’amour, du destin, du temps, sans courir le risque majeur d’être inférieur à son sujet et, finalement, ridicule ? Titus Edzoa affronte ce risque, comme il a affronté sa situation, et il faut bien dire qu’il en triomphe. »

ISBN : 978-2-8111-0627-0