Mais où est passée ma libido ?
 9782708133723, 2708133721 [PDF]

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Zitiervorschau

Mais où

est passée ma

libido ? D r

C h r i s t o p h e

M a r x

Préface du Pr Pierre Marès

Mais où est passée ma libido ?

Eyrolles 61, boulevard Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-eyrolles.com

Le code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée notamment dans l’enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’Éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. © Groupe Eyrolles, 2005 ISBN : 2-7081-3372-1

DOCTEUR Christophe MARX

Mais où est passée ma libido ? Préface du Professeur Marès

Chez le même éditeur : De la dépression au goût du bonheur, Hélène Roubeix, 2005. Du même auteur : La sexualité en quête de sens – questions à un sexologue, éd. Empreinte Temps présent, 2002.

Sommaire

Préface .......................................................................................... IX Introduction .................................................................................1

Partie 1 – La sexualité en général CHAPITRE 1 : La sexualité, bonheur ou galère ? ......................7 Partie 2 – Les femmes CHAPITRE 2 : Permissions et protections ...............................33 CHAPITRE 3 :

Faire l’amour sans désir ....................................39

CHAPITRE 4 :

Faire l’amour sans plaisir .................................61

CHAPITRE 5 :

Faire l’amour quand on a mal .........................83

© Eyrolles

Partie 3 – Les hommes CHAPITRE 6 : Tu seras un homme mon fils !.......................107 CHAPITRE 7 :

Les circonstances d’apparition .......................113

CHAPITRE 8 :

Les idées reçues ...............................................127

V

SOMMAIRE

CHAPITRE 9 :

Les pièges de l’éjaculation ..............................139

CHAPITRE 10 :

Comment va Madame votre mère ? .............151

CHAPITRE 11 :

Un cadeau pour Noël .....................................159

CHAPITRE 12 :

Une journée dans la vie d’un sexologue .......171

CHAPITRE 13 :

Des bonnes et des mauvaises solutions .........187

Partie 4 – Une mise en perspective CHAPITRE 14 : Que reste-t-il des interdits judéo-chrétiens en matière de sexualité ? .................................203 CHAPITRE 15 :

Psychothérapie et sexologie ...........................213

* Les astérisques marquant la première occurrence d’un terme dans le texte renvoient au lexique.

VI

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Conclusion ................................................................................233 Bibliographie ............................................................................237 Lexique.......................................................................................239

L’auteur

Christophe Marx est gynécologue-obstétricien, attaché dans le service de Gynécologie-Obstétrique du CHU de Nîmes. Chargé d’enseignement clinique à la faculté de Médecine de Montpellier. Il est aussi psychothérapeute, analyste transactionnel, certifié enseignant et superviseur par l’Association européenne d’analyse transactionnelle. Praticien certifié en EMDR, par l’association EMDR-France. Sexologue, enseignant au Diplôme universitaire de gynécologie psychosomatique (Paris V) et au Diplôme inter-universitaire de sexologie Marseille-Montpellier. Site : www.agis.fr

À Alain Crespelle, in memoriam.

Préface

Libido, sexualité, les livres se succèdent sur ces thèmes, mais restent souvent trop superficiels ou trop complexes. Christophe Marx nous offre un ouvrage original, accessible à tous et remarquablement documenté. Il a choisi de nous présenter de multiples situations où nous nous retrouvons totalement ou en partie. Ce qui permet une lecture agréable, chapitre par chapitre, lorsqu’on cherche des informations sur un problème précis, ou d’un trait comme un roman policier.

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Décrivant chaque situation avec un langage clair, non médicalisé, Christophe Marx va chercher au creux des événements et des maux, le ou les moments de vie qui font basculer la sexualité vers ces zones d’ombre qui se répercutent en fait sur l’ensemble de la vie de tous les jours. Cet ouvrage est donc un véritable recueil d’expériences quotidiennes, pour lesquelles il nous apporte des outils de compréhension, des éléments d’analyse et des propositions

IX

PRÉFACE

de prise en charge. Son originalité est de refuser le parti pris, de fournir la solution toute faite où la théorie résolvant toutes les questions. Le thérapeute écoute, adapte ses propositions en fonction des situations et propose des thérapeutiques sur mesure. « Il y a toujours la place pour une sexualité satisfaisante » et « Il est toujours possible de s’en sortir » sont les deux idées phares qui sous-tendent sa démarche. Les différents chapitres nous permettent de faire le point sur les particularités de la sexualité féminine et masculine, mais aussi d’analyser rapidement le contexte socioculturel, religieux et de décrire les principales prises en charge médicamenteuses et psychologiques. C’est un livre à lire mais aussi à faire lire car la sexualité et la libido nous concernent toutes et tous. Christophe Marx, à travers les différentes histoires proposées, nous apporte tous les éléments pour un nouveau départ lorsque c’est nécessaire.

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Professeur Pierre Marès Service de Gynécologie-Obstétrique du CHU de Nîmes

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Introduction Que les dieux m’apportent la force de changer ce qui peut l’être. La patience d’accepter ce qui ne peut être changé. Et la sagesse pour faire la différence. Héraclite

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Les problèmes de sexualité doivent être pris au sérieux, même s’ils prêtent parfois à sourire, car celui qui en souffre n’a pas le cœur à en rire et cachera son désarroi plutôt que de risquer la raillerie. Cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui veulent en savoir plus sur les difficultés sexuelles et sur l’état d’esprit qu’il faut pour en sortir. Ni manuel pratique destiné à distribuer des recettes – même si çà et là quelques conseils peuvent être les bienvenus – ni catalogue scientifique des causes et des traitements, ce livre intéressera également les conjoints ou les partenaires, victimes collatérales et souvent parties prenantes du traitement.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Je vous propose de visiter la partie endommagée du jardin d’Éden. Comme dans un parc après une tempête, il est opportun de faire le point, d’estimer les dégâts et de mettre en place la reconstruction nécessaire : le paradis de la sexualité a aussi ses zones d’ombre. Ce livre est celui d’un praticien qui a pour mission de comprendre pour aider et d’agir pour soulager. D’autres ouvrages insisteront sur les parties lumineuses et vous apprendront à vous épanouir chaque jour un peu plus. Nous commencerons par un regard circulaire sur la sexualité : en quoi le rapport sexuel est-il vraiment un rapport ? Comment différencier et relier les trois dimensions fondatrices de la sexualité (l’érotisme, la relation et la fécondité) ?

Avec les hommes, nous irons à la rencontre de ceux qui ont des difficultés d’érection ou d’éjaculation trop rapide. Certes, la médecine technicienne a son mot à dire, surtout pour les troubles de l’érection. Mais dans la majorité des cas, il s’agit de difficultés personnelles qui siègent au cœur de l’intimité de chacun, dans ses fragilités, son histoire et ses traumatismes. Dans ce cas, les médicaments ont leurs limites : inefficacité, effets secondaires, risque de dépendance, etc. Il faut donc chercher le problème-clé, la souffrance enfouie qui finit par ressortir sous forme de symptôme sexuel. La psychothérapie a une large place dans cette démarche de compréhension et de traitement. Encore faut-il qu’elle se

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Puis nous chercherons du sens aux difficultés sexuelles des femmes : que devient la sexualité quand on n’a pas de plaisir ou qu’on n’a pas envie ou qu’on a mal ?

INTRODUCTION

fonde sur une théorie rigoureuse et validée et que le thérapeute soit compétent ! Les bons sont plus nombreux qu’on ne le pense, mais la vigilance reste de mise. Parmi les nombreuses théories pertinentes, deux exemples seront détaillés en analyse transactionnelle et en EMDR (Eyes Movement Desensitization and Reprocessing, en français, Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires), en raison de mes compétences personnelles.

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Ce livre s’adresse également aux médecins, aux professionnels de la relation d’aide et de soin. Ils y trouveront des repères pour le diagnostic, et des pistes pour le traitement.

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Partie 1

La sexualité en général

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La sexualité, bonheur ou galère ?

Les malheurs de Sophie « Docteur, je viens vous voir, car je n’arrive pas à faire l’amour. C’est grave, car nous voulons un enfant, mon mari et moi… et ça ne marche pas. Je suis bloquée. » ■

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Sophie aborde la trentaine avec vivacité. Elle est séduisante, son regard est clair et ne paraît pas « coincée ». Non seulement elle n’est pas épanouie sexuellement, mais elle ne peut même pas avoir de rapport sexuel. Le blocage doit vraiment être majeur pour arrêter un événement aussi naturel. Même si certaines personnes inexpérimentées peuvent tâtonner un certain temps, se révéler maladroites, il est rare que le mariage ne soit pas consommé. Les statistiques, difficiles à établir, ne devraient pas dépasser 2 à 3 %.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Début du troisième millénaire, en nos contrées libérées de tabous, la situation doit être grave. Je subodore une maladie psychiatrique pernicieuse, une psychose destructrice ou un drame caché au plein cœur de l’enfance. Je m’enquiers de ce qui se passe, pour elle, au moment du rapport sexuel. Ma question est désolante de banalité, mais j’ai besoin d’en savoir plus pour guider mon diagnostic. Après un long silence, elle laisse tomber : « En fait, je sais de quoi j’ai peur, c’est de faire des pauses ! » Coup de théâtre incompréhensible. Que veut-elle dire par « pauses » ? Je passe en revue rapidement dans ma tête les différentes explications : des pauses cardiaques ? Elle a peur que son cœur s’arrête ? Des pauses respiratoires ? Elle craint que l’orgasme la suffoque ? Des pauses tout court ? Elle ne veut pas s’arrêter, une fois qu’elle a commencé ? Aucune de ces explications ne tient debout. Je comprendrai plus tard dans la consultation qu’il s’agit de poses et non de pauses !

Je l’ai rassurée, encouragée et je lui ai confirmé que, sans être une dévergondée, elle pouvait disposer de son corps dans la configuration adéquate à la pénétration. Puisqu’elle laissait son mari entrer dans sa vie, elle pouvait le laisser entrer dans son sexe.

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Avec une expression maladroite, elle voulait dire : « J’ai peur de prendre des poses. » ! Elle était pudique et pensait que, si elle écartait les jambes, elle allait ressembler à ces pin-up que son routier de mari affichait dans son vestiaire. Pas de maladie psychiatrique, pas de psychose, pas de drame, juste une intense pudeur !

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

Elle m’a écouté en hochant la tête, visiblement apaisée. Avant de partir, elle a émis un dernier doute : « Vraiment, vous êtes sûr ? ». Ma réponse fut évidemment positive. Cette certitude-là ne me coûtait guère, je la partageais avec tant de monde ! C’est à peine un an plus tard que je reçus le faire-part de naissance. Elle avait écrit, à mon intention : « De la part d’une femme comblée ! ».

Il n’y a pas de rapport sexuel Cette phrase, provocatrice, de Jacques Lacan semble contredire l’expérience de chacun. Mais à la lire de plus près, on y perçoit la finesse de l’analyse. Le sexe sépare. C’est d’ailleurs l’origine du mot : le sexe « sectionne », c’est-à-dire différencie les mâles et les femelles. Il les met à part. Alors qu’un rapport rapproche, c’est un pont, un lien, une mise en relation, en contact.

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L’aventure de la sexualité est donc un chemin personnel et si les êtres sont « en rapport », alors ce n’est pas grâce à leur sexe. C’est grâce à bien d’autres aptitudes, capacités et ouvertures. Nul ne peut ressentir la douleur de l’autre. Au pire, il peut ressentir une douleur analogue, mais certainement pas la même. Nul ne peut non plus ressentir la jouissance de l’autre : chacun est seul dans la sensation de sa volupté. Ce n’est pas le sexe qui fait le rapport entre les êtres, mais bien

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

tout ce qu’on met autour, l’idée que l’on s’en fait, les valeurs qu’on fait vivre, la proximité qu’on célèbre, etc. Notre approche de la sexualité est si imprégnée de notre éducation, qu’il est très difficile d’envisager sereinement que d’autres puissent avoir des pratiques différentes des nôtres. Nous sommes prompts à juger ou à dévaloriser ceux qui ne font pas comme nous : les homosexuels, les infidèles, ceux qui pratiquent la sodomie ou la fellation ou que saisje encore ! Ou même, paradoxalement, si on est partisan du « tout est permis », on sera choqué par les propos de ceux qui veulent un tant soit peu encadrer les pratiques ! L’autre, même notre partenaire sexuel, est un étranger. Il n’est pas évident que nous nous accordions à son corps, au grain de sa peau, à son odeur, à ses attentes et à ses goûts. Il ne suffit pas d’avoir du désir l’un pour l’autre, il faut aussi « faire avec » son approche de la sexualité. Et cela n’est jamais gagné d’avance.

Depuis l’enfance, nous avons entendu nombre de recommandations visant notre sécurité. Sans aucun doute, la première fut celle qui nous interdisait de traverser la rue en courant sans avoir vérifié qu’aucun véhicule n’allait nous écraser. Patiemment, sans le savoir vraiment, nous avons mis en place nos repères de vie en fonction de ces bornes. Même si nous en avons contestées certaines, la plupart de ces limites forment le socle de nos jalons. Et ce n’est pas

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Attention : danger de mort !

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

toujours de gaîté de cœur que nous nous laisserons bousculer par la pratique de notre partenaire. D’autant que ces prescriptions et interdictions étaient assorties de menace de mort : pas forcément de mort physique, on peut aussi mourir de honte, de dégoût, etc. On peut également mourir « à la relation » ou à soi-même. Les psychothérapeutes connaissent bien les séquelles de ce genre de mort. D’ailleurs, toutes les sociétés ont entretenu le lien entre la sexualité, qu’il fallait bien canaliser, et le sacré. Selon les civilisations, le sacré a toujours les mêmes caractéristiques. Il s’agit de faire face à une force extérieure qui nous dépasse et qui risque de nous détruire.

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Le désir sexuel peut éventuellement correspondre à cette définition. Il nous est extérieur : il appartient à l’autre, même lorsqu’il se tapit au plus profond de nous, nous avons du mal à le reconnaître et à l’assumer. Il nous dépasse : il est plus fort que notre volonté et rares sont ceux qui savent le dominer complètement. Il peut nous détruire : la sexualité sans limites débouche sur le terrain de la rivalité, de la jalousie, etc. Elle fait exploser les équipes ou les couples, provoque vengeance et guerres, participe à mettre au monde des enfants dont les mères sont désespérées et les pères absents. Il n’est pas possible de banaliser la sexualité pour la faire entrer dans le cadre enfantin de la satisfaction génitale. C’est le tout de l’Homme qui est concerné : sa vie, son histoire et son devenir. Le sujet ne peut pas être anodin.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

L’acte sexuel ne résume pas la dimension sexuelle de la relation Un séducteur aimait à dire : « Je sais quand une femme est à moi. Ce n’est pas quand je l’ai enlacée et que je sens son corps vibrer contre le mien. Ce n’est pas quand je l’ai déshabillée et qu’elle se laisse caresser en soupirant de volupté. Ce n’est pas quand nous faisons l’amour et que l’orgasme semble la transporter. Non, c’est au moment de notre rencontre, lorsque son regard tout à coup m’a dit oui ! » Il existe des relations très sexualisées sans acte sexuel. Certaines le laissent espérer, comme des regards, des allusions ou des frôlements. D’autres ont exclu, pour toujours, de se concrétiser sexuellement. C’est le cas de relations entre collègues, entre amis ou même avec ceux qui ont fait un choix de vie particulier (prêtres, religieux ou religieuses, etc.). Pourtant, même si l’acte sexuel est exclu, a priori, chacun reste dans son énergie sexuée d’homme ou de femme. La différence peut continuer d’exister et laisser chacun dans ce face-à-face avec l’autre sexe.

En dehors du coït, on peut y inclure :

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L’acte sexuel ne se résume pas non plus au coït*, avec ou sans jouissance féminine. L’orgasme* masculin accompagne d’habitude l’éjaculation, mais ceci est loin d’être obligatoire : certains hommes ne ressentent, au moment de l’éjaculation qu’une sensation minime, voire absente. Le terme « coït » concerne également les animaux et c’est avec réserve que certains sexologues l’appliquent aux êtres humains.

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

• les procédures d’approche et de séduction qui précèdent le coït et le rendent possible ;

• les préliminaires, c’est-à-dire les caresses prodiguées par n’importe quelle partie du corps ou avec un objet adéquat (les plumes d’oiseaux sont très appréciées, d’après certains témoignages) qui permettent au corps de la femme et de l’homme de se préparer au coït ; • les jeux sexuels avec ou sans pénétration comme le cunnilingus*, la fellation*, la sodomie* ou les frottements du sexe contre le corps du partenaire ; • les relations homosexuelles, qui ne peuvent pas répondre à la définition du coït, mais qui représentent bien un acte sexuel ! L’acte sexuel est un événement censé apporter, dans plusieurs registres, des satisfactions :

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voluptueuses (détente, sensualité, orgasme) ; érotiques (excitation, fantasmes) ; relationnelles (complicité, intimité) ; personnelles, pour avoir confiance en soi, en sa capacité de séduction (renforcement narcissique*, etc.).

La sexualité se décline sous le registre de ces différentes satisfactions et il peut être dommageable d’en oublier et d’attribuer l’exclusivité à l’une d’entre elles ! Voyons deux exemples, moins caricaturaux qu’il n’y paraît.

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Mariette, 49 ans, informaticienne « Pour moi, le sexe c’est uniquement une façon de recevoir des câlins, d’être dans les bras d’un homme. Ses caresses, je les reçois comme la preuve que je suis importante pour lui à ce

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

moment-là. C’est un peu comme si je redevenais une petite fille dans les bras de son papa : je me sens protégée, je me laisse aller, c’est bon… Évidemment, quand je me rends compte qu’il est excité et qu’il ne pense qu’à mes fesses, ça me refroidit ! Alors je ferme les yeux et je me coupe de lui. Son désir bestial me gêne, donc je ne prends que les sensations qu’il me procure. Je ne ressens jamais d’orgasme dans les bras d’un homme, mais ce n’est pas grave, ce n’est pas cela que je recherche. » ■

Mariette, en installant un tel rapport avec les hommes, prend le risque d’une relation de type père-fille, qui peut lui amener nombre de désagréments, entre autres, une sensation d’abandon, des déceptions intenses, une réactivation de souvenirs traumatisants. Jacques, 57 ans, graphiste

Jacques n’a pas à renoncer à ses fantasmes érotiques, mais il serait bien avisé de les enrichir en réalisant qu’il est en relation avec des personnes et non avec des objets qu’il peut manipuler à sa guise ! Comme un bouquet de fleurs qui s’enrichit de la diversité de la couleur, de la forme et de l’odeur de chacune, la sexualité mérite de mettre en valeur toutes ses composantes.

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« Ce qui m’intéresse exclusivement dans le sexe, c’est le sexe ! J’adore être excité, réaliser des fantasmes, jouir quand j’en ai envie. À la limite, si la femme manifeste sa personnalité ou ses limites, ça me gêne. J’ai besoin qu’elle me laisse faire. Évidemment, je conçois qu’elle se sente un peu utilisée, mais, après tout, elle m’utilise aussi à sa manière. Dans le sexe, c’est un peu chacun pour soi, non ? » ■

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

Ce tableau attrayant nécessite toutefois de prendre des précautions, car, si l’on n’y prend pas garde, les ennuis ne sont pas loin. Il faudra que chacun prenne, bien sûr, la responsabilité :

• d’éviter les grossesses non désirées ; • de se prémunir contre les maladies sexuellement transmissibles ;

• de choisir un partenaire acceptable aux plans psychologique et éthique (récuser la pédophilie, le détournement de mineur, l’abus sexuel sur des personnes handicapées, malades ou influençables, qui ne pourraient pas ou n’oseraient pas refuser ; la sexualité nécessite l’accord valide des partenaires) ; • d’assurer la sécurité et le contexte pour le déroulement de l’acte. Cette liste peut paraître sévère. Mais souvenons-nous des drames qui peuvent survenir lorsque ses principes en sont bafoués.

« Agir » sa sexualité, ce n’est pas forcément passer à l’acte

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Il peut être opportun, pour être en phase avec l’approche de certains psychanalystes, de faire la différence entre « acte sexuel » et « passage à l’acte sexuel ». L’acte sexuel décrit les comportements, voire les émotions, de ceux qui utilisent leurs zones génitales pour se procurer mutuellement du plaisir. Cette définition exclut, par exemple, la masturbation solitaire ou les relations exclusivement sado-masochistes. 15

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Le passage à l’acte décrit le comportement d’une personne incapable de verbaliser ou de symboliser sa relation à l’autre. Cette personne va donc court-circuiter l’aspect relationnel de son positionnement et tenter de le signifier de façon violente ou destructrice. Par exemple, si l’on ne sait pas dire : « Est-ce que tu veux bien te pousser ? », on va à la place bousculer l’autre d’un coup d’épaule. Il peut arriver que le passage à l’acte se décline sur un mode sexuel : l’acte sexuel se déroule alors dans un contexte de violence, d’impudeur volontairement choquante, de manipulation ou de chantage. Voici un exemple de passage à l’acte sexuel. Marjorie évoque ce souvenir douloureux.

« Après cinq ou six ans de mariage, mon mari et moi ne faisions plus l’amour. Nous nous étions installés dans une sorte de routine, dénuée de sexualité. On s’embrassait gentiment avant de dormir, c’était comme si on avait perdu le mode d’emploi du sexe. Moi, ça ne me dérangeait pas trop. J’étais très occupée avec mes deux jeunes enfants. Mais je ne me rendais pas compte à quel point mon mari en souffrait. Il ne manifestait rien, ne parlait pas. Bref, il faisait comme si de rien n’était, sauf qu’il accumulait une forte tension, à mesure que le temps passait. Un soir, il est entré dans notre chambre, les mâchoires serrées, l’œil mauvais. Sans dire un mot, malgré mes protestations, il m’a violée ! Notre couple a traversé alors une longue crise, car je n’ai pas accepté qu’il me traite de la sorte. Je comprends maintenant que nous sommes passés à côté d’une relation plus franche. Si nous nous étions parlés à temps, je crois que tout ceci ne serait pas arrivé. » ■

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Marjorie, 56 ans, institutrice

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

Marjorie reconnaît qu’il aurait été plus sage de parler avant le drame. Certaines personnes savent mieux que d’autres verbaliser ce qui ne va pas. Mais ce n’est pas si simple. En effet, on hésite toujours à parler à chaud. On préfère espérer que les choses vont s’arranger… Puis, quand on se décide à en parler, on se dit que c’est trop tard, c’est du « réchauffé », qu’il faut aller de l’avant et miser sur l’avenir. Résultat, on ne verbalise jamais et les tensions s’accumulent. C’est alors que le passage à l’acte survient. Même s’il n’est pas facile de trouver le bon moment pour parler de ce qui fâche, il est important de se lancer, quitte à assumer qu’il est trop tôt ou trop tard !

Dis-moi comment tu fais l’amour, je te dirai où tu en es La place de l’acte sexuel s’inscrit dans un contexte différent, suivant le stade de développement des personnes. Chaque partenaire peut être différent de l’autre sur ce point, ce qui complique singulièrement les choses. Tout se passe comme si l’acte sexuel pouvait se décliner en fonction du niveau de « croissance » intérieure.

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Au stade fusionnel L’acte sexuel donne l’impression que l’on se fond tout entier dans l’autre jusqu’à disparaître. Cette sensation est indépendante du fait de pénétrer ou d’être pénétré. Il existe une peur très ancienne d’être éclaté, explosé, détruit par l’abandon de notre mère. 17

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Ici, c’est l’angoisse de morcellement qui sera exorcisée, alors qu’il est demandé à l’autre de jouer un rôle de bonne mère. Cette bonne mère qui ne nous abandonnera pas, qui saura prendre soin de nous, peut être aussi bien un homme ou une femme ! Cette personne, quel que soit son sexe biologique, fera fonction de bonne mère. Le problème survient du fait même de cette fusion : on est mélangé avec l’autre, on ne sait plus qui est qui. Cette impression de dépersonnalisation est souvent prise, évidemment à tort, comme une forte expérience mystique et peut faire, si elle persiste, le lit d’une grande souffrance psychique.

Au stade narcissique Ici, deux séries de questions essentielles se posent. Série 1 : comment articuler ce qui est bien avec l’amour dont j’ai besoin ? Si je fais mal, vais-je être rejeté car je n’ai pas donné satisfaction ? Ne serais-je aimé que si je fais bien ? Si l’autre me propose quelque chose que je considère comme interdit, c’est qu’il ne m’aime pas ?

Série 2 : à quelle distance sommes-nous ? Vais-je être envahi(e) ou abandonné(e) ? La sexualité sera centrée sur des questions tournant autour de : c’est tout de suite ou jamais ; c’est une divine surprise ou une catastrophe irrécupérable ; j’ai un sentiment de toute-puissance, d’invulnérabilité ; j’ai

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On constate une confusion très dommageable entre ce qui est de l’ordre de la loi (ce qui est bien et mal) et ce qui est de l’ordre de l’amour.

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

un sentiment d’impuissance, d’indignité impardonnable, suis-je un homme ou une femme ? Suis-je masculin ou féminin ? C’est à ce stade que l’on croit que l’on rend l’autre heureux, qu’on le fait jouir. C’est, enfin, dans ce contexte que les dévalorisations sexuelles peuvent répandre leur venin : « toutes des salopes ou des frigides », « tous des salauds, des obsédés, des minables… ».

Au stade œdipien C’est alors que s’ouvre l’accès au symbolique. Les éléments importants de l’existence n’ont pas besoin de se passer réellement, mais ils peuvent exister en étant évoqués, dessinés ou mimés. L’être humain peut attribuer un sens symbolique à l’eau, au feu, au sang, etc. Il peut élaborer des rituels d’accueil, de rejet, de purification, etc. Mais il ne peut réaliser cela qu’à partir du moment où il est libéré de la nécessité du passage à l’acte concret. Une loi lui aura permis, en interdisant ce qui détruit, de laisser la place à la dimension subtile de l’existence.

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C’est dans ce cadre que l’acte sexuel pourra prendre place et envergure, dégagé qu’il sera des limites des stades précédents. Il sera alors possible de mettre chacun, et chaque chose, à sa place :

• les partenaires l’un vis-à-vis de l’autre ; • le plaisir et l’orgasme qui sont les bienvenus s’ils sont au rendez-vous, mais dont l’absence momentanée ne provoquera aucune blessure ; 19

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

• les attentes (forcément différentes) de chaque partenaire (forcément différent) qui pourront se juxtaposer ou se superposer dans l’espace et le temps, se potentialiser, se compléter et même être globalement compatibles dans de très rares cas. C’est à ce stade, que l’on pourra décliner l’acte sexuel à la manière de la symbolique du repas ou de celle du jardin. En effet, on n’aborde pas de la même façon un repas d’affaires, un repas familial, un dîner en amoureux ou un pique-nique. De la même façon, on ne ressent pas les mêmes choses dans un jardin à l’anglaise, à la française, de curé, potager ou japonais. Toutes les configurations ne sont pas souhaitables, ni souhaitées par tout le monde, mais l’important est de savoir ce que l’on souhaite, de le vivre pleinement.

Deux caméras filment le même événement

Appliquons cette métaphore à l’acte sexuel. Sans aucun doute, les partenaires sont les protagonistes d’un même événement. Mais leur vécu est si différent, leurs attentes si dissemblables, leur recherche si divergente, que l’on se dit parfois que c’est un miracle que la sexualité puisse s’installer durablement dans l’harmonie.

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Lorsque deux caméras sont braquées sur la même scène, elles enregistrent le même événement, mais sous un angle différent. Un observateur attentif pourra repérer les points communs et les différences dues aux angles de vue.

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

Pour les hommes, l’acte sexuel termine la conquête et peut clore l’histoire. Pour les femmes, c’est plutôt le début de la relation intime, scellée par l’ouverture qu’elles ont acceptée. Les hommes préfèrent souvent la vue, les femmes le tact (dans les deux sens du terme !). Au-delà de ces différences, l’acte sexuel prend une place très surprenante, à l’entrelacs de deux histoires : le but est d’arriver à lui donner un sens qui s’adapte aux deux. Bien souvent, notre observateur aura l’occasion de repérer de telles différences qu’il en arrivera à douter que c’est bien le même événement qui a été filmé par les deux caméras. Un peu comme si le projectionniste passait alternativement les bobines de deux films différents et que le spectateur exige d’y comprendre quelque chose. Certains scénarios spectaculaires réussissent cet exploit : faire s’entrecroiser des vies, de telle sorte qu’un même événement prenne sens pour des protagonistes qui suivent des chemins complètement différents. Mais, la plupart du temps, il faut se contenter d’une approximation proche de la supercherie : qui s’en plaindrait si une certaine rencontre est à ce prix ? Dans la sexualité, il persiste une part irréductible de mystère, d’incompréhension et de lâcher prise. Jamais le sexe ne sera sous contrôle et c’est sans doute mieux comme ça.

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L’univers des fantasmes Faut-il avoir des fantasmes ? Peut-on avoir des fantasmes ? Ces questions n’ont guère de sens car tout imaginaire fantasmatique, qui permet de « décoller » du réel (l’aspect crûment anatomique) fait partie intégrante de l’aventure de l’acte sexuel. 21

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Ensuite, tout est affaire de culture et de permission ambiante. La midinette plongée dans sa collection Harlequin « fantasme » autant que l’adolescent feuilletant un magazine montrant des femmes nues. L’une vibre selon un imaginaire féminin : elle est choisie entre toutes par un homme fort et protecteur. L’autre est sensible à un imaginaire masculin : il découvre (dans les deux sens du terme) des femmes (plusieurs, c’est essentiel pour la perpétuation de l’espèce) qui montrent qu’elles sont vivantes et fécondes (seins, fesses, couleur rouge des muqueuses). L’acte sexuel est donc par définition (et toujours) une mise en acte de fantasmes : images anticipées d’une histoire que l’on se raconte à soi-même. Certains fantasmes seront mis en acte, d’autres resteront imaginaires. Olivier, 37 ans, ingénieur « Nous étions à l’hôtel avec mon amie. Durant le dîner, elle avait remarqué le maître d’hôtel et m’avait confié son attirance pour ce bel homme. En fait, cela m’a excité et quand nous avons fait l’amour, une fois remontés dans notre chambre, cela a été très stimulant de l’imaginer. Elle me racontait ce qu’elle “faisait” avec lui et moi je lui révélais ce que je ressentais en la voyant. C’était un moment très fort entre nous.

Cela m’a servi de leçon et depuis on s’autorise les images, mais je ne propose plus rien de concret ! » ■

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Tout à coup, je me suis dit “pourquoi pas, après tout ?” et je lui ai suggéré d’aller effectivement le chercher. Mon amie s’est brusquement refermée et tout est retombé : elle appréciait l’imaginaire, mais la réalité la rebutait !

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

La seule question valable est donc : où mettre la limite, le curseur entre les fantasmes qui seront agis et ceux qui méritent de rester dans la tête. Ce choix dépendra :

• de la culture du milieu dans lequel on a grandi ou dans • • • •

lequel on vit ; de l’histoire de chacun et des conditionnements reçus ; d’impératifs éthiques : par exemple, interdiction de la violence ou de la pédophilie ; de l’accord délibéré du partenaire ; de l’usage, sain ou pas, qui sera fait du fantasme mis en scène, comme le montre l’exemple suivant.

Marjorie, 35 ans, vendeuse Marjorie accepta un jour, après que son ami eut insisté durant des mois, de se livrer à l’un de ses fantasmes préféré : la sodomie. Elle reconnut que ce ne fut pas désagréable. Mal lui en prit de faire cet aveu car son partenaire en tira argument pour exiger une sodomie à chaque rapport sexuel. Elle eut beau nuancer son propos, demander que cela restât exceptionnel, rien n’y fit.

Ce n’est pas tout de mettre en scène concrètement un fantasme, encore faut-il prévoir ce qui se passera après ! Certaines personnes en effet peuvent être choquées, blessées ou rebutées par la réalisation de fantasmes, qui leur allaient pourtant bien tant qu’ils restaient imaginaires. C’est ce qu’apprendra Thierry à ses dépens.

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Thierry, 46 ans, dessinateur industriel Thierry insista tellement, que sa femme finit, de guerre lasse, par accepter de l’accompagner dans un club échangiste. Elle fit bonne figure toute la soirée et sembla même y prendre un certain

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

plaisir. De retour à la maison, Thierry s’endormit, comblé. Au matin, sa femme avait quitté le domicile et demanda le divorce dans la semaine. Il ne la revit plus jamais…

Le désir peut-il durer ? S’il s’agit uniquement de ressentir un spasme voluptueux, l’acte sexuel perd bien vite de son attrait. S’il s’agit, au contraire, de s’écouter, de se laisser vibrer et de se mettre à l’écoute d’un autre que soi-même, alors l’aventure peut continuer longtemps. Le désir est en rapport avec un manque, un creux ou un espace à découvrir. Tant qu’un être est vivant, il garde son mystère et offre à l’autre un chemin vers une infinie Terra incognita.

L’homme, quant à lui, peut-être moins mystérieux dans son essence, trouve sens à son désir en se découvrant à l’occasion de son chemin vers la subtilité de la féminité. Charly évoque ainsi son évolution.

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L’approche humaniste de l’acte sexuel étant surtout symbolique, il est théoriquement toujours possible de se parler et de se découvrir par ce moyen et sans limitation de temps. Peut-être est-ce là l’origine de la voilette de la jeune mariée : elle est sans cesse à découvrir. Ce sera, pour son mari, la tâche de toute une vie de soulever le voile et de découvrir, dans les deux sens du terme, la personne dissimulée sous le tissu transparent de la pudeur féminine !

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

Charly, 59 ans, musicien « Au début, avec ma femme, tout ce que je voulais, c’était l’avoir. Cela peut sembler bizarre, mais c’est vraiment ce que je ressentais. Je voulais connaître toutes les zones de son corps, toutes les facettes de sa personnalité. Ce n’était pas consciemment pour la bloquer ou la mettre en prison. Je la voulais pour moi, en profiter pleinement. Au début, elle se plia à mon désir, mais très vite cela devint impossible. En fait, elle n’était jamais la même ! Comme on dit, “on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve”, on ne fait jamais deux fois l’amour avec la même femme, même si c’est la même femme ! Du coup, j’ai compris que moi non plus, je n’étais pas le même que la fois précédente. On pouvait faire quelque chose de nouveau, qui soit réellement à nous, de nous, à condition d’être attentifs à des éléments très subtils de l’évolution de chacun de nous. Le bilan de tout ça, c’est que je n’ai jamais eu ma femme et que je ne l’aurai jamais ! C’est très rassurant finalement ! » ■

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Le désir s’installe dans une attente ou un projet de découverte. On n’a jamais fait le tour de l’autre, car chacun se découvre au fur et à mesure que le temps passe. À condition de faire un sort à la routine, mais cela est vrai pour toutes les activités humaines, qui s’épanouit dans une profession, une relation ou même un loisir routinier ! Comment ne pas tomber dans la routine ? En étant lucide, curieux, ouvert, tolérant et bienveillant ! Facile, non ?

Faire l’amour ou la guerre ? La situation de parité* détermine un type de relation très particulier. Quand on est à parité, on est au même niveau, sur le même plan. Il n’y en a pas un plus haut que l’autre. 25

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Cela ne veut pas dire stricte égalité, analogie, mais plutôt équivalence de niveau relatif. Quand l’un est manifestement plus fort que l’autre, on ne va pas se faire la guerre. On ne se bat pas « contre » un enfant de deux ans ou un malade grabataire. Le lion ne se bat pas contre la souris : il la croque. Un parent ne se bat pas contre ses enfants. Si c’est le cas, c’est qu’on a laissé à nos enfants un espace de parité qui a pu leur laisser croire, à tort ou à raison, que nous étions rivaux. Un parent, ce n’est pas quelqu’un qui aime l’enfant ou qui s’occupe de lui (n’importe qui peut faire cela), mais c’est quelqu’un qui s’engage à ne jamais s’en sentir rival.

Comment expliquer alors qu’on puisse se battre contre des parents ou des puissants ? Le combat se situe dans une zone précise de parité. Par exemple, José qui trouve que sa femme consacre trop de temps à leurs fils et pas assez à lui. José est en rivalité avec son fils uniquement vis-à-vis des câlins de sa femme. Mais il n’est pas en rivalité de façon globale. Si un malheur devait menacer son fils, il serait prêt à sacrifier sa vie pour que son enfant vive.

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Tout se passe comme si le combat nécessitait un préalable de lien paritaire : ne parle-t-on pas de « frères ennemis » ? Le raisonnement fonctionne dans les deux sens : • si les individus sont à parité (de force, de statut, de génération, etc.), ils sont en situation de se battre les uns contre les autres ; • si les individus se battent les uns contre les autres, c’est qu’ils sont à parité.

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

Les puissants ne sont pas si forts, les faibles ne sont pas si fragiles : entre l’armée régulière et la guérilla urbaine, ne nous dépêchons pas de parier sur le vainqueur, la partie est loin d’être gagnée pour l’un ou par l’autre. Pourquoi un tel détour par rapport au sujet de la sexualité ? L’acte sexuel ne prend réellement sens que dans une zone de parité. « Faites l’amour, pas la guerre ! » proposaient, en mai 1968, les doux avocats du Flower Power. En fait, on pourrait traduire : « Puisqu’il s’agit de la même chose (gérer la rivalité paritaire), faites plutôt l’amour que la guerre » ! C’est parce qu’on est à parité que l’on peut valablement faire l’amour et, dans cet acte sexuel, c’est toute la question de l’altérité* et de la rencontre qui va se poser. L’état amoureux est comme l’état de grâce de la rivalité. Au lieu de basculer vers l’affrontement, il se transcende dans un attachement voluptueux, aux harmoniques océaniques. La sexualité célèbre et symbolise la différence de ceux que leur parité pourrait confondre. En faisant l’amour, on s’installe au même niveau de génération que son partenaire et, de ce fait, on signale inconsciemment la différence avec les autres générations, celle de nos parents et celle de nos enfants.

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La sexualité des parents ne regarde pas les enfants Les enfants doivent être préservés de tout accès à la sexualité des parents et des grandes personnes en général, y compris par l’intermédiaire de confidences soi-disant complices, mais en fait complètement destructrices.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

La sexualité des enfants ne regarde pas les parents Les parents doivent s’interdire de rechercher toute information ou confidence que ce soit dans ce domaine. Ils doivent se borner à donner des informations d’ordre général concernant les valeurs et la santé. Si les enfants ont besoin d’en parler à des adultes, ils doivent pouvoir le faire à des personnes extérieures à la famille et, si possible, dûment formées à cet exercice. La phrase réversible sur la violence peut se transposer sur la sexualité :

• deux personnes au même niveau de génération sont en situation de pouvoir établir une relation sexuelle ; • si deux personnes ont une relation sexuelle, c’est qu’elles sont au même niveau de génération. Cette considération peut avoir deux types d’application :

• une relation sexuelle entre deux personnes de niveau de

1. En fait pour les deux, mais les dégâts seront plus évidents et plus durables pour la personne la plus fragile : celle de la génération inférieure.

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génération différente sera incestueuse et donc destructrice pour le plus faible1 ; • si les partenaires sexuels attendent de l’autre qu’il joue le rôle d’une bonne mère* ou d’un bon père, ils s’installent dans une disparité symbolique susceptible de faire fondre leur libido comme neige au soleil.

LA SEXUALITÉ, BONHEUR OU GALÈRE ?

L’acte sexuel, carrefour de vie et de mort Le corps est toujours partie prenante des grands moments de l’existence : naissance, jouissance, enfantement, mort, etc. Il serait absurde de penser qu’il peut être exclu de la rencontre entre les êtres. L’acte sexuel, aux multiples vertus, fleurit sur le terreau du symbole. Il le cherche et s’en nourrit. On peut ainsi considérer, par exemple, que la sexualité est incompatible avec la maternité : en sont exclues, et c’est tant mieux, la mère que l’on a eue et la mère que l’on est. L’acte sexuel s’appuie également sur une part de la personnalité plus sombre, en tout cas plus difficile à gérer et à assumer socialement comme de grandes lames de fond narcissiques ou violentes. Il serait naïf de penser qu’il suffit d’être sain et bien dans sa tête pour exorciser la puissance de ces monstres souterrains. C’est en suivant, avec lucidité et honnêteté, son chemin d’être humain que l’on pourra les contenir à leur place et limiter les dégâts qu’ils pourraient faire dans nos vies, si on ne prenait garde à en borner le terrain d’action.

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L’autre est comme l’horizon : on ne le possède jamais car la connaissance qu’on en a s’éloigne au fur et à mesure que l’on avance vers lui ! Ce qui pose problème dans le déroulement de l’acte peut prendre sens à la lumière de ces réflexions préliminaires C’est dans cette optique que nous allons passer en revue les peines et les malheurs des actes manqués. 29

Partie 2

Les femmes

C h a p i t re 2

Permissions et protections

Faire l’amour… pas facile non plus pour les femmes !

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Tout d’abord, la tâche paraît aisée. Prenez un homme amoureux de vous. Laissez-le vous désirer et désirez-le aussi. Évitez, si possible, le mari de votre amie, votre patron et tous ceux avec qui il y aura plus de problèmes que de joie. Laissez-le vous approcher, en général, c’est lui qui se charge du plus gros du travail. Si ça ne va pas assez vite, aidez-le, mais pas trop. Ne vous faites pas prendre la main dans le sac : il vaut mieux qu’il continue à croire que c’est lui le chasseur. Quand vos cœurs sont prêts, quand vos corps le réclament, laissez-le vous déshabiller et vous caresser. Caressez-le aussi.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Listez mentalement les éléments de sécurité, cela ira vite : contraception, protection contre les maladies sexuellement transmissibles, isolation phonique de la cloison, résistance du sommier, proximité d’une salle d’eau, etc. Si tout est parfait, ouvrez-vous à son désir : tout se passera bien. Son érection et votre lubrification naturelle permettent une pénétration sans douleur, souvent accompagnée d’un sentiment voluptueux qui vous remplit et vous comble. Si les mouvements de va-et-vient persistent, même s’il ait d’autres moyens de faire l’amour, vous arrivez sur la phase en plateau : c’est bon signe. L’orgasme ne va pas tarder, c’est-à-dire que la sensation voluptueuse s’intensifie tout à coup et retombe au bout d’un moment. Si l’orgasme dure une minute, vous êtes en haut de gamme. Quelques secondes font parfaitement l’affaire. Si votre partenaire en a profité pour éjaculer en vous, c’est parfait, il est probable que vous avez joui ensemble. Dans le cas contraire, il peut avoir envie de continuer tout seul et cela peut mettre un certain temps. Rassurez-vous, c’est plus son problème que le vôtre. Quand tout sera terminé, embrassez-le autant de fois que vous en aurez envie.

La sexualité a besoin de s’insérer dans un cadre relationnel.

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Non, ce n’est pas si facile que cela ! Pas si facile de risquer l’impudeur. Pas si facile de se laisser approcher sans se faire envahir, ni de montrer sa limite sans être castratrice*, ni de s’ouvrir à ce point, sans savoir forcément à l’avance pour qui et surtout pour quoi, en deux mots !

PERMISSIONS ET PROTECTIONS

Et même si certaines femmes disent ne prendre un amant que pour le sexe, c’est bien, portées par la volupté sexuelle, pour se sentir femme dans les bras d’un homme ! Une femme ne peut se résumer à être l’objet que l’homme convoite, consomme et rejette ensuite.

L’importance des permissions Une permission, c’est plus qu’une simple autorisation, c’est un encouragement chaleureux. C’est la phrase qui dit : « Va ! Tu peux ! C’est bel et bon pour toi ! ». C’est l’espace libre et tranquille vers lequel on peut s’avancer. Recevoir une permission, c’est ressentir la merveilleuse sensation d’avoir le droit, d’être bien à sa place, d’être au cœur de sa vie. On a le droit, on est droit. L’énergie vitale nous porte et l’on est prêt à se risquer. C’est bon d’avoir reçu les permissions nécessaires.

Qui donne les permissions ?

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Évidemment, les figures parentales de notre enfance : papa, maman et quelques autres personnes importantes. Une fois grands, nous pouvons aller chercher nous-mêmes les permissions dont nous avons besoin. Cela se pratique souvent inconsciemment, par exemple, en voyant faire les autres. En voiture, on hésite à transgresser le petit bout de sens interdit qui nous arrangerait bien pour retrouver notre chemin. Il ne fait que quelques mètres, la faute serait 35

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

vénielle, mais c’est interdit ! Voilà qu’un autre véhicule s’engouffre dans le sens interdit, sans coup férir, sans l’ombre d’une hésitation. Puis un autre, puis un autre… Pourquoi pas moi ? Allez, j’y vais aussi : je me suis servi de l’exemple des autres pour me donner la permission. On peut aussi interroger une personne de confiance, se laisser convaincre par une amie : nombreuses sont les voies d’acquisition de permissions, quand les parents ne nous ont pas donné celles qu’il fallait. Tout ce que nous faisons, nous le faisons parce que nous en avons reçu au préalable la permission : fût-ce de vivre !

La sexualité féminine a besoin de s’appuyer sur de nombreuses permissions Une femme a besoin au minimum des permissions suivantes :

• • • • •

de s’ouvrir, de se livrer ; de se refuser, de dire non ; de jouir ou de ne pas jouir ; d’explorer le monde ; d’avoir du désir et de le montrer.

« Je me suis toujours trouvée laide. C’est comme si je n’avais pas le droit de montrer mon corps, d’en être fière. C’est bizarre, car, sans être une beauté de magazine, je suis pas mal. Enfin, disons, comme l’immense majorité des femmes. Mais je n’ai jamais été encouragée à faire les magasins, à me maquiller, à m’habiller en fille quoi !

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Magali, 41 ans, fleuriste

PERMISSIONS ET PROTECTIONS

Avec mon mari, c’est encore pire : je crois que j’avais honte de lui montrer que j’avais du plaisir. Et tout ce qu’il me proposait comme variante de l’acte sexuel, comme la fellation, je trouvais ça dégoûtant. Je n’aurais pas su dire pourquoi : c’était sale, interdit, c’est tout. Un jour, il m’a dit qu’il me trouvait belle. C’était la première fois. Il m’a dit qu’il aimerait que je sois plus féminine. J’ai décidé de me faire belle pour lui et il en a été ravi. On est allé consulter ensuite un sexologue, qui nous a aidés à dédramatiser l’acte sexuel. Maintenant, je sais ce que j’aime et ce que je n’aime pas, mais ce que j’aime, je ne m’en prive plus ! » ■

Sans ces permissions, une femme peut néanmoins se débrouiller, faire avec, mais sa sexualité en paiera le prix. Souvent, ces permissions existent chez la personne, mais faiblement, comme murmurées du bout des lèvres. Il faudra alors leur donner de la puissance. Leur partenaire pourra s’en charger ou, d’une autre façon, le sexologue. En dernier ressort, c’est la femme qui se donne à elle-même les permissions dont elle a besoin. De quelle permission avez-vous besoin et qui pourrait vous encourager à vous la donner ?

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La protection Une permission demande un cadre qui permette de prévenir le danger. La permission « Tu peux jouer comme bon te semble », doit être assortie de limites protectrices : « mais pas si près de la route », « mais pas avec les allumettes », « mais sans violence », etc. 37

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

La sexualité féminine a besoin pour s’épanouir d’être protégée. Elle ne peut pas se dérouler avec n’importe qui, n’importe où. Elle nécessite de se dérouler sans menace (de grossesse non désirée, de maladie, etc.), sans violence ou intimidation. Elle est incompatible avec toute manipulation, soumission ou vénalité. Une femme est, comme tout être humain, sujet de sa vie. Cet être de parole et de relation ne peut suivre son désir que dans un contexte très précautionneux. Une sexualité épanouie est à ce prix.

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Nous allons voir maintenant ce qu’il en coûte de passer outre.

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C h a p i t re 3

Faire l’amour sans désir

Je n’ai plus envie de faire l’amour !

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Beaucoup de gynécologues entendent cette plainte plusieurs fois par semaine. Les sexologues l’entendent plusieurs fois par jour. Certains maris plusieurs fois par mois. Mais pourquoi diable le désir féminin se montre-t-il si fugace, si aléatoire, si fragile ? On dirait qu’il s’évente, comme un champagne qu’on aurait laissé ouvert ou maladroitement obturé par une petite cuillère tristement inutile. Ne serait-il au rendez-vous qu’au tout début, quand le feu de la passion a pris le pas sur les autres sentiments ? Faut-il se résigner à le voir s’éteindre peu à peu et à ne reprendre une brève vigueur qu’à la rencontre d’un nouveau partenaire ? Non, le temps n’est pas à la résignation, mais à la compréhension : si le désir sexuel disparaît, c’est que l’énergie vitale

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

baisse. La bonne nouvelle, c’est que l’on sait pourquoi. La moins bonne nouvelle, c’est que la solution n’est pas immédiate. Mais elle existe ! Lorsqu’un navire en détresse déclenche sa balise Argos, il n’est pas encore sauvé. Mais cela permet aux secours d’avoir sa position exacte et de venir en aide plus rapidement aux marins. Il en va de même pour la libido. Celle-ci n’a pas coulé corps et bien : tant qu’il y a de la vie, il y a du désir. Il est localisé, reste à le dénicher et à lui donner sa place.

Pas si grave que ça ! Il arrive que les femmes banalisent la baisse de leur libido. Écoutons le témoignage de Martine. Martine, 43 ans, œnologue Martine n’a jamais été « portée là-dessus ». Elle n’est pas contre faire l’amour de temps en temps, mais il peut se passer six mois sans que ça lui manque. Son mari râle un peu de temps en temps, bien sûr, mais il s’en accommode. Leur couple avance cahin-caha.

Certaines femmes ne se plaignent pas de la disparition de leur envie sexuelle. Leur chemin doit sans doute être respecté. D’autres n’osent même pas imaginer qu’il puisse en être autrement, sans doute par manque de confiance en elles ou parce qu’elles manquent de permissions. 40

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Martine doit-elle se considérer comme malade si elle n’aime pas trop faire l’amour ? A-t-elle le droit de ne pas aimer le champagne alors même qu’elle habite Reims ? Doit-elle aller consulter un médecin pour autant ?

FAIRE L’AMOUR SANS DÉSIR

Il faut alors se pencher « au-delà du symptôme », incliner la tête et cligner des yeux : on va bien finir par trouver la fuite d’énergie vitale.

Les conséquences de la tiédeur sexuelle Les conséquences semblent surtout concerner le conjoint. C’est parfois à sa demande que la femme va consulter. C’est souvent en fonction de sa réaction que la femme va se déterminer. Accepterait-il de venir pour en parler ? La réponse est souvent catégorique : « Sûrement pas ! Il dit que c’est mon problème, qu’il est normal, comme tous les hommes ! ». Effectivement, l’homme accompagne rarement sa compagne pour un tel motif de consultation. Ou alors, c’est pour montrer à quel point le problème est bien chez elle ! La femme elle-même parfois entérine douloureusement ce diagnostic et exonère du coup son mari de toute responsabilité dans le problème sexuel du couple. Mais cette sujétion a un prix : la paix conjugale est achetée par la soumission féminine. L’image masculine s’en sort indemne, mais la dynamique du couple est cassée.

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Aurore, 39 ans, ingénieur « C’est mon mari qui veut que je vienne consulter. Il dit que je suis tellement froide qu’il se demande si le haut ne fait pas congélateur ! Évidemment, quand il le présente comme ça, il fait rire ses copains. Moi, je ne sais pas où me mettre. 41

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Au début, je me forçais un peu et puis ça n’a plus été possible. Il a raison, ce n’est pas normal que je n’aie pas envie de faire l’amour. Mais d’un autre côté, il me sollicite trop souvent. Quand je lui en fais la remarque, il me dit que c’est une marque de virilité et qu’on aura bien le temps de se reposer quand on sera vieux. Je ne sais pas que répondre. Alors, je viens chercher un médicament, qui me redonnera envie, car je crains qu’il aille voir ailleurs ! » ■

Avec des antidépresseurs, Aurore aurait une impression fugace et trompeuse de retrouver un peu de tonus sexuel. Mais sa personnalité sous-jacente continuera de se sentir méconnue et s’épuisera dans de vaines tentatives pour convenir à son mari, et même à tout le monde.

Celles qui réagissent à temps évitent le piège sombre de la dépression. Mais elles ont besoin d’un sacré coup de main pour se réhabiliter à leurs propres yeux. D’autant que certaines questions les taraudent. La question « Est-ce normal de ne plus avoir envie ? » laisse la place à une interrogation plus personnelle « Suis-je normale de ne plus avoir envie ? » ou « Pour l’instant mon mari est compréhensif, mais si cela persiste, va-t-il aller voir ailleurs ? ». C’est finalement toute l’image que la femme se fait de sa féminité et de son couple qui est en jeu. 42

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Parfois, la femme ne s’aime pas non désirante. Elle sait intellectuellement que ce n’est pas normal, elle se souvient de son bien-être du temps où elle avait encore envie. C’est plus par nostalgie qu’elle cherche à reconquérir sa libido ou parce qu’elle sent confusément qu’il y va de sa vie. Elle survit dans le quotidien, mais elle risque de glisser peu à peu dans une non-vie qui finira par la dévorer.

FAIRE L’AMOUR SANS DÉSIR

Il existe peu de solutions spontanément satisfaisantes pour compenser une situation qui n’est pas vraiment une maladie : refuser les rapports sexuels que le conjoint demande, simuler désir ou plaisir, ruser (décaler l’heure d’aller se coucher, beaucoup plus tôt ou plus tard que son mari, etc.) ou subir passivement les assauts d’un homme dont on ne partage plus le feu sexuel.

Un problème peut en cacher un autre Ce symptôme est au carrefour de nombreux éléments relationnels, émotionnels, voire psychiatriques, et peut être considéré comme la partie émergée de l’iceberg. Le désir sexuel féminin est très dépendant de son état intérieur. Un homme a besoin de faire l’amour pour se sentir bien, une femme a besoin de se sentir bien pour avoir envie de faire l’amour.

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Une dispute avec le partenaire dans la journée ? Un souci concernant les enfants ? La remarque désobligeante de son patron ? Voilà que disparaît le désir sexuel1 ! Comme si la femme avait besoin de s’apaiser, d’être réconfortée en priorité. La perte de la libido est en effet une conséquence de la défaillance de l’élan vital (comme on dit en comptabilité, le « poste » supprimé en premier, en économie de carence) mais c’est aussi le point de départ d’une remise en question personnelle et relationnelle : est-ce que je l’aime encore ? Suis-je encore une femme ? 1. C’est aussi le cas de certains hommes, mais le délai de retour à la normale est souvent plus court que pour les femmes.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Toutes les situations intermédiaires sont possibles : depuis la femme satisfaite de sa vie en général, grâce à la maternité, et dont le sexe est le dernier des soucis, jusqu’à la femme gravement dépressive qui a perdu le goût de tous les plaisirs de la vie. Avons-nous affaire à une situation passagèrement bloquée ou à un problème qui concerne la structure même du couple ou même s’agit-il d’un trouble psychiatrique débutant ? On peut en effet comparer le désir à un « colorant » de l’identité1, au sens où le colorant fait exister la toile brute : la personne qui ne serait pas « colorée » par le désir ne pourrait pas avoir de vie réelle.

L’important est de repérer le problème central, celui dont découlent tous les autres. On ne peut pas toujours remonter la cascade pour trouver le problème unique à l’origine de tous les autres, mais il est très éclairant de gravir au moins quelques échelons. C’est le cas de Monique. 1. Selon Alain Crespelle (communication personnelle).

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Les troubles du désir sont ceux de la fonction désirante et ne se résument pas à l’incapacité à satisfaire ce désir. Un équilibre, certes fragile, peut néanmoins être trouvé malgré ce déficit de désir sexuel : on a pu voir de réels drames se dérouler au moment où un traitement « volontariste » a cherché à provoquer, dans tous les sens du terme, une reprise libidinale : ruptures conjugales inopinées, déstabilisations professionnelles, aggravation d’une maladie psychiatrique, etc.

FAIRE L’AMOUR SANS DÉSIR

Monique, 27 ans, comptable Monique se plaint de ne jamais avoir envie de faire l’amour avec son mari, ni avec d’autres hommes d’ailleurs. Passés les premiers mois, et arrivées les premières disputes, son désir a fondu comme neige au soleil. Elle doit se forcer désormais, pour accomplir ce qu’elle appelle son « devoir conjugal ». Monique se plaint de fréquentes disputes avec son mari qui lui ôtent toute envie de se « brancher sexe » ! Elle a le sentiment qu’il ne la considère pas, qu’il ne la respecte pas, qu’elle n’a pas sa place près de lui. Par exemple, il donne systématiquement raison à sa mère. De plus, Monique a du mal à supporter la cohabitation avec sa belle-mère.

Dire que Monique venait consulter pour une baisse de libido ! Elle existait, c’est sûr, mais il s’est vite avéré que le problème venait de plus loin ! Elle décida d’être plus ferme et d’inciter sa belle-mère à aller trouver refuge ailleurs. Elle eut gain de cause finalement et retrouva goût pour la sexualité. Toutes les histoires ne sont pas aussi nettes que celle de Monique, mais la sienne a le mérite d’être véridique et édifiante !

Ce qui fait « tomber » le désir

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De nombreux éléments peuvent émousser la disponibilité sexuelle de la femme, et même faire disparaître tout désir sexuel. L’abus d’alcool ou l’utilisation de drogues, tout d’abord. Ces substances mettent la femme dans un état second, dans lequel il n’est pas question de rencontre et encore moins de sexualité. Certaines drogues ont, à tort, la réputation

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

d’ouvrir à la sexualité. Le haschich perturbe l’humeur et peut tout aussi bien enfoncer la personne dans une dépression solitaire et agressive. Quant à l’ecstasy, elle est improprement classée dans les aphrodisiaques. Cette drogue se borne à stimuler le besoin de contact humain et celui de recevoir des câlins, d’être pris dans les bras. Ce qui, certes, peut être le préambule à un acte sexuel, mais qui provoque plutôt une crise régressive infantile ! Prenez garde aussi aux médicaments qui agissent sur le psychisme (antidépresseurs, tranquillisants, etc.) et qui font baisser l’hypertension artérielle. Certains ont été suspectés de faire baisser la libido. Une question reste toutefois en suspens avec la pilule. En effet, elle contient de la progestérone, hormone féminine et plutôt maternelle, qui diminue vraisemblablement le désir. Mais la pilule en contient des doses si faibles que l’on envisage que la baisse de libido soit d’origine psychologique.

Pour d’autres, le mécanisme fonctionne exactement à l’envers. C’est seulement à l’abri de tout risque de grossesse qu’elles peuvent tranquillement s’épanouir. Enfin, certaines femmes sont tout bonnement épuisées. C’est le cas de Joséphine. 46

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Certaines femmes, même si elles ne veulent pas d’enfant dans l’immédiat, ont besoin de se sentir fécondes (sinon fécondables) pour accueillir leur désir de femme. Une « stérilité », même passagère et réversible, obture leur accès au désir et à la jouissance. Cela se résume-t-il à un conditionnement culturel ou bien existe-t-il un mécanisme psychique plus profond ? La question n’est pas tranchée.

FAIRE L’AMOUR SANS DÉSIR

Joséphine, 31 ans, coiffeuse

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« Réveil tous les matins à 6 heures ! J’ai le temps de ranger un peu avant que tout le monde soit réveillé. Bien sûr, je ne passe pas l’aspirateur ! Puis je réveille les enfants, je prépare le petitdéjeuner, je vérifie qu’ils ont tout ce qu’il faut pour la journée et je les accompagne à l’école. Je file au travail, le patron accepte que j’arrive un peu en retard, mais je rattrape ce temps à l’heure du déjeuner. Je vais chercher les enfants à la garderie et acheter à manger ou j’accompagne l’un d’entre eux chez le médecin, ou ce genre de choses. Je reviens vite à la maison pour préparer le dîner, heureusement, pour le déjeuner tout le monde se débrouille : mon mari à son travail, les enfants à la cantine. Je surveille un peu les devoirs des petits, je surveille le bain puis tout le monde se met à table. Après le dîner, je range la cuisine, je passe un coup de balai, enfin, je me démaquille et au lit. Je sais que, le lendemain, le réveil sonnera comme d’habitude à 6 heures. Mon mari voudrait bien faire l’amour le soir, il dit que ça le détendrait. Mais je suis trop fatiguée. D’autant qu’il ne me regarde plus, il n’a plus d’attentions ou de mots gentils, ni rien. Souvent, il me critique devant les enfants ou se moque de mes erreurs. C’est sûr, ça non plus, ça ne me donne pas trop envie. » ■

Lorsqu’elle s’entendit répondre : « Je ne suis pas une femme et je ne suis pas vous : impossible de me mettre à votre place ! Mais je crois qu’avec les journées que vous menez, moi non plus, je n’aurai pas envie ! Elle rétorqua : « Qu’estce que je vais dire à mon mari, si vous trouvez que je suis normale ? Il m’a envoyé me faire soigner chez vous, c’est bien pour que je guérisse de ma frigidité ! » Je l’ai laissée décider comment elle allait présenter les choses à son mari.

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Mais je crois que mon intervention toute simple eut plus d’effet qu’un long exposé sur la double journée des femmes et l’épuisement qui en résulte. L’âge et les conséquences de la sénescence sont une composante très variable puisque certaines femmes se décrivent elles-mêmes comme « peu portées là-dessus » depuis toujours, alors que des femmes abordant leurs 80 ans assument volontiers un désir sexuel, lequel, bien qu’épisodique, souffre surtout de la défaillance ou de l’absence du partenaire.

Souffrance et peur de la souffrance Abordons un élément plus corporel : la souffrance physique ou la peur de la souffrance. Lorsque la douleur siège à l’entrée du vagin, elle est généralement due à une infection locale, qu’un traitement adéquat suffira à faire disparaître. Cette infection peut intervenir à la suite d’un rapport sexuel (maladie sexuellement transmissible) ou bien inopinément. C’est parfois une contracture des muscles situés autour du vagin qui sont douloureux. Quelquefois, la douleur est ressentie profondément, en plein bas-ventre : l’avis d’un médecin est alors absolument nécessaire. Nous reviendrons dans un prochain chapitre sur les conséquences de la douleur physique.

C’est souvent la faute d’une éducation rigide et culpabilisante vis-à-vis de la sexualité. Certaines femmes se plaignent en disant : « Chez moi, c’était tabou, on n’en parlait 48

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Des causes psychologiques

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jamais ». Cette situation n’est pas si dommageable qu’il y paraît. Le fait de ne pas parler de quelque chose ne constitue pas en soi une interdiction de le faire, ni d’en parler ailleurs que dans le milieu familial ! De plus, le fait de partager entre parents et enfants les petits secrets de la sexualité constitue une relation bien plus destructrice. Hormis les informations sur la protection, la sexualité des enfants ne regarde pas les parents et, réciproquement, la sexualité des parents ne regarde pas les enfants. Si ces derniers posent des questions indiscrètes, il ne faut pas hésiter à les frustrer, en leur disant que cela est privé, secret et qu’ils n’ont pas à le savoir.

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L’éducation transmet parfois des préjugés péremptoires : par exemple, la sexualité clitoridienne est dévalorisée, qualifiée « d’adolescente », au profit de l’orgasme vaginal. On imagine qu’il existerait une voie royale de l’orgasme, le « vaginal » sans stimulation clitoridienne est un Graal que de nombreuses femmes ont cherché en vain toute leur vie, en se qualifiant au passage de « frigide ». Le découragement provoqué par les échecs répétés (pas d’orgasme sans stimulation du clitoris) finissait par avoir raison de leur libido : à quoi bon essayer pour courir toujours à l’échec ? En fait d’échec, elles ressentaient d’authentiques et parfois fulgurants orgasmes, mais qui n’ayant pas l’estampille « certifié exclusivement vaginal » n’avait aucun cours au grand marché de leur sexualité. Certaines femmes sont surprises d’apprendre que le simple mouvement de va-et-vient du piston pénien (une expression de sexologue à employer avec prudence) n’est susceptible de provoquer un orgasme que dans un contexte amoureux et

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affectif très intense et que le clitoris est toujours peu concerné par l’apparition de l’orgasme. Il n’y a pourtant rien d’infantile ni de malsain à utiliser larga manu le seul organe humain destiné exclusivement au plaisir sexuel : le clitoris. Et c’est la femme qui le porte ! Ce que nous venons d’aborder constitue une première approche. Comme nous le détaillerons plus loin, la sexualité féminine est complexe et subtile. Les sensations profondes diffusent à partir du bas-ventre et une sexualité harmonieuse intègre évidemment une source vaginale et clitoridienne ! La guerre des orgasmes n’aura pas lieu : du clitoris ou du vagin, l’essentiel est que le corps exulte. Il y a également l’absence d’érotisme conjugal, souvent associé au manque d’attention de la part du conjoint. Il y a l’accumulation de griefs conjugaux aboutissant à une tension qui s’aggrave de jour en jour. Les partenaires se désespérant mutuellement par des propos toujours plus agressifs ou, au contraire, s’évitant soigneusement pour diminuer les risques de conflit.

L’anxiété et la dépression sont les deux principales prisons du désir, surtout si la femme se persuade qu’il faut absolument qu’elle ait envie. Elle peut ressentir la crainte de la contre-performance, dans le cas où elle instaurerait dans sa sexualité un aspect normatif : réussir à ressentir un orgasme, ressentir un orgasme exclusivement vaginal, satisfaire son partenaire, etc. 50

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On a vu aussi des volcans gronder sous la glace et des couples se défaire alors qu’aucun conflit ne laissait prévoir la rupture !

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Chaque « échec » a une vertu d’auto-renforcement qui rend l’expérience suivante encore plus inhibitrice. Cette peur de ne pas être à la hauteur est souvent liée à une sur-adaptation excessive au rôle social de la femme : chez certaines femmes, la crainte de transgresser un interdit culturel ou religieux, à propos de la virginité ou du plaisir. Incriminons également la crainte des conséquences du rapport sexuel : grossesse non désirée ou maladie sexuellement transmissible, culpabilité en cas de relation extra-conjugale, etc.

Des causes plus difficilement identifiables La femme qui n’a pas de compagnon stable et qui a donc des rapports sexuels dépendant de rencontres épisodiques présente souvent une adaptation de sa libido. Celle-ci est subordonnée, d’une certaine manière, à l’aspect affectif ou amoureux de la relation : « S’il n’entend pas le cœur qui bat, le corps non plus ne bronche pas », disait Georges Brassens.

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Les femmes sont souvent étonnées, voire décontenancées ou blessées, de constater chez les hommes la permanence d’un besoin sexuel non spécifique qui semble même préalable à la rencontre amoureuse. En effet, même en l’absence d’une relation personnelle, les hommes peuvent continuer à désirer tout azimut, pour peu qu’une silhouette, une mimique ou une jupe courte attirent leur regard. Le décalage sexuel au sein du couple a d’étranges conséquences : la disparition de la libido peut équivaloir à des

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représailles comme si, inconsciemment, la femme acceptait de se priver de son élan sexuel afin de « punir » son compagnon en le frustrant. On a même pu mettre en évidence une « tarification » inconsciente, par exemple :

• une méchanceté devant tout le monde (ceinture ce soir) ; • refus de venir manger dimanche chez ma sœur (ceinture trois jours) ; • invitation surprise de ses copains alors que j’avais prévu de me coucher tôt (ceinture une semaine). Même si la femme est frustrée, elle l’est beaucoup moins que son mari. Elle peut « tenir » plusieurs semaines. Lui, à peine quelques jours. Faites le calcul.

La baisse de libido peut également être en rapport avec une peur de perdre le contrôle de soi, de sa vie, etc. Comme si le désir et le laisser-aller qu’il risque d’entraîner venaient menacer une vie trop bien rangée : qui peut affirmer en effet que le feu mis sous la casserole ne va pas tout faire déborder ? La femme est souvent prise entre deux écueils : assumer son désir, son plaisir et passer pour une femme légère ou bien choisir de passer pour une femme respectable et digne… mais s’ennuyer à mourir.

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Il n’est pas facile pour une femme de reconnaître qu’elle joue à ce jeu, même inconsciemment. Personne ne peut néanmoins lui jeter la pierre et, dans un couple, chacun joue sa carte. L’idéal serait évidemment d’expliciter le conflit et de le régler avec un fair-play bilatéral, en négociant une solution acceptable pour tous. Il n’est pas interdit de rêver de ce genre de relation conjugale !

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Sois spontanée ! Les chercheurs de l’école de Palo Alto, en Californie, sont à l’origine d’une immense découverte : chaque individu ne peut se comprendre que dans le cadre du groupe dans lequel il évolue (son « système »). L’essence même des difficultés humaines tient plus du paradoxe que de la logique. Un exemple de paradoxe réside dans l’injonction « Sois spontané », c’est-à-dire « Je te donne l’ordre de n’obéir à aucun ordre ! ». Les conséquences nocives de ce paradoxe apparaissent dans les difficultés que rencontrent Michel et Virginie. Le couple Michel et Virginie

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« Michel – C’est toujours moi qui suis à l’initiative de notre relation sexuelle. Au début, Virginie venait souvent vers moi, c’était très agréable. Elle est gentille, elle accepte souvent mes propositions, mais j’aimerais qu’elle ait envie spontanément ! Cela arrive rarement et, quand c’est le cas, je trouve cela délicieux. Je ne sais pas comment faire pour que ce soit elle qui prenne l’initiative…

Virginie – Je me sens bloquée. J’aime bien quand Michel vient vers moi, mais c’est vrai que ce n’est pas moi qui lance le moment sexuel. Parfois, quand je sens une vague envie, cela ne dure pas. C’est comme si je ne savais pas si c’était mon désir à moi ou si c’est pour répondre à son attente. Dans le doute, je crois que je bloque tout. Virginie explique très bien qu’elle se sent dans une double contrainte*. Elle reçoit de Michel un message du type “sois spontanée”. Mais il n’y a aucune bonne réponse. Si elle ne le fait pas, ça ne va pas. Si elle le fait, ça ne va pas car c’est évidemment pour suivre une injonction. La boucle est diaboliquement bouclée : il n’y a aucune bonne solution. L’attitude qu’elle finira

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par trouver, tout bloquer, n’est pas si mauvaise, même si Michel s’en trouve très frustré. Le salut réside dans la dénonciation du message paradoxal. C’est ce que fait Virginie. Virginie – Michel, je t’aime et j’aime faire l’amour avec toi. J’ai envie de temps en temps, je reconnais que ce n’est pas aussi souvent que tu le souhaites, mais c’est plus souvent que tu le crois. Le problème, c’est que je ne sais pas s’il s’agit de mon propre désir ou si c’est pour te faire plaisir ! Et ça ne peut pas coller ensemble : mon désir, il n’est pas là pour te faire plaisir, il est là, c’est tout. Si je veux te faire plaisir, je suis dans un autre état avec toi. Je suis ta mère, ta sœur, ta copine, ton infirmière, ce que tu voudras, mais je cesse d’être dans la logique de mon désir de femme ! Michel – Mais comment je fais ? Cela me manque tellement que tu ne me désires plus, comme au début ! Virginie – Fais-moi confiance et puis c’est normal que ce ne soit plus comme au début ! Cesse de me demander de répondre “spontanément” à ce que tu attends de moi. Je sais que ce n’est pas facile, mais je crois que c’est la seule solution. En échange, je suis prête à donner plus de place à mon désir. Mais tu sais, c’est très difficile pour moi ! J’ai du mal à savoir ce que je veux… Ça a l’air si facile pour toi de savoir ce que tu veux ! Moi souvent je veux ce que tu veux, ce que veulent les autres, pour qu’ils soient bien, heureux. Mais ce que je veux moi, c’est souvent mystérieux. Ne m’en veux pas, laisse-moi juste un peu de place pour que je puisse découvrir cela en moi. Michel – Si je comprends bien, tu ne peux pas désirer uniquement pour me faire plaisir ? Virginie – Exactement ! Mon désir, si subtil soit-il, m’appartient. C’est par lui que je peux dire “je”. Et si tu t’en empares pour te rassurer, pour être sûr que tu es toujours aussi séduisant, bref, pour ton propre compte, alors je ne me reconnais plus. Je ne peux plus dire “je”. Et la partenaire que tu souhaitais si fort s’est évaporée au sein de ton propre désir. » ■

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Michel et Virginie finiront par trouver une façon de dépasser ce qui semblait à chacun une profonde impasse. Michel acceptera de prendre les initiatives sexuelles, sans considérer que Virginie aurait dû les prendre. Il décida de lui faire confiance, de lui laisser du temps et de vérifier autrement qu’il était encore beau et séduisant. Virginie d’ailleurs accepta de le lui dire plus souvent, ce qui lui fit le plus grand plaisir. Virginie découvrit peu à peu comment elle soumettait son désir à celui des autres : elle eut la surprise de constater que cela se passait dans d’autres domaines de la vie, pas seulement dans la sexualité. Elle apprit à dire non, à s’affirmer, à oser le conflit et se réconcilia avec tous les aspects de sa féminité, même ceux qui pourtant dérangeaient les autres en général et les hommes en particulier. Michel dut se faire à l’idée qu’il ne retrouverait pas la femme du début, mais qu’il allait découvrir un être humain qui se révélerait au gré de leur relation. Il admit qu’il ne perdait pas au change.

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Et bien d’autres causes encore… D’autres situations peuvent aussi expliquer la baisse du désir chez une femme. C’est le cas des quatre femmes suivantes dont nous avons recueilli le témoignage : Suzy a du mal à faire mieux que sa mère, c’est sa façon de tenter de lui rester loyale ; Gabrielle voit d’un mauvais œil le fait de s’engager ; Charlotte met en place le jeu de l’épouvantail, pas facile d’être sûre d’être aimée ! Enfin, le cas de Muguette nous montre que personne n’est indemne de son histoire ni de son héritage : on pousse là où on a été semé ! 55

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Suzy, 48 ans, commerçante « Pour moi, ça n’a jamais très bien marché, avec les hommes. Ils disent que je suis pas un bon coup, je sais ce que ça veut dire et ça ne me plait pas trop. Depuis l’enfance, j’entends ma mère dire qu’elle déteste “passer à la casserole” ! Quand j’étais petite, je croyais que ça voulait dire faire la vaisselle ! J’ai compris vers 12 ans ce que ça signifiait pour elle et depuis elle n’arrête pas de m’en parler. Ma mère et moi, on est très proches. Je crois que si j’étais épanouie sexuellement, j’aurai l’impression de la trahir, de lui faire faux-bond, de réussir ce qu’elle a raté. » ■

Gabrielle, 27 ans, employée EDF « Avec Jean-Michel, ça marchait très bien au début. J’avais vraiment envie de faire l’amour quand on se voyait. Puis il a commencé à envisager de venir vivre avec moi. Je crois que je n’étais pas prête à aller si loin avec lui. Il m’a même dit qu’il voulait un enfant. Ça m’a ému sur le moment, mais c’est vraiment trop prématuré. Je ne veux pas laisser mon père : il habite à 200 mètres de chez moi, il est veuf, il n’a que moi. Je ne sais pas pourquoi, mais depuis que je sais combien Jean-Mi est attaché à moi, je me sens bloquée, j’ai beaucoup moins envie de faire l’amour avec lui, comme si je ne voulais pas lui en donner trop… Je revois parfois Hervé, en cachette de sa femme. Avec lui, pas de problème, j’ai toujours envie ! » ■

« Évidemment, c’est facile d’aimer quelqu’un qui vous aime ! Quand je suis gentille avec mon mari, c’est normal qu’il le soit aussi. Mais j’ai besoin de savoir s’il m’aime vraiment ! Donc, si je suis odieuse, agressive et si on ne fait l’amour qu’une fois par mois et qu’il reste quand même, alors là, j’ai vraiment testé ! Le problème, c’est que je n’ai jamais de preuve définitive de son amour : je suis obligée de tester régulièrement. Ça fait 10 ans

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Charlotte, 41 ans, mère au foyer

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que ça dure et je ne vois pas comment ça pourrait s’arrêter. Mais bon, c’est trop facile aussi d’aimer une femme qui vous fait vos quatre volontés ! » ■

Muguette, 39 ans, professeur de musique « Tous mes “maris” m’ont quitté car, au bout d’un moment, je n’avais plus envie de faire l’amour avec eux. Mais bon, c’est normal, on sait bien qu’un couple ne peut pas tenir longtemps. Ceux qui disent le contraire n’ont qu’à regarder autour d’eux ! De toute façon, si mes parents ont divorcé, c’est bien à cause de ça, c’est ma mère qui me l’a dit ! Je ne vois pas pourquoi je ferai mieux qu’eux ! » ■

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Finalement, le désir sexuel est le carrefour au sein duquel se nouent de nombreux enjeux. La femme trouvera-t-elle sa place à travers la nécessité d’être à la fois partenaire sexuelle, mère et compagne ? Saura-t-elle faire la part des projections inconscientes de son mari sur elle, sur elle de son mari ? Il peut arriver que l’on aborde l’âge adulte avec des attentes venues du fond de l’enfance : trouver enfin la bonne mère qui va nous comprendre, nous câliner, nous accepter, quoi qu’il arrive… Trouver un bon père, qui va nous protéger et mettre sa puissance au service de son amour pour nous, nous cadrer avec bienveillance, nous guider et nous encourager… Nous allons donc « projeter » ces attentes sur notre partenaire et, ce faisant, l’installer inconsciemment et malgré lui dans un rôle de bon parent. Il jouera ce rôle, bon gré mal gré, et commettra tôt ou tard des erreurs qui nous feront déchanter. Mais, au passage, le désir qui ne fleurit que dans la parité se sera épuisé dans une relation à un « parent » et nous aura fait basculer dans les zones sombres de l’inceste.

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En effet, on pourra désigner comme incestueux1 cet échange, où il est question à la fois de sexe (puisqu’il s’agit d’un couple) et de parent (puisqu’on projette cette image sur le partenaire). Peut-être faudra-t-il, pour comprendre, rechercher dans la famille d’origine (on parle désormais d’approche transgénérationnelle) un acte sexuel aux conséquences dommageables ? La recherche est d’autant plus difficile que ce viol, cet inceste, cette « fille-mère », tous ces événements datent parfois de plusieurs générations et que le secret qui les a entourés en a alourdi les conséquences inconscientes au lieu de les faire basculer dans l’oubli.

La baisse de libido n’est donc pas une maladie

1. Relation mal positionnée, trop intime là où il faudrait plus de distance respectueuse.

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De nombreuses femmes s’en accommodent. C’est souvent le conjoint qui est porteur de la frustration, donc de la plainte. La solution passe par une remise en route de la relation, plus respectueuse, plus franche aussi, en acceptant de « mettre sur la table » les non-dits et les ressentiments. Il faudra sûrement retrouver le goût de faire ensemble des choses nouvelles, de réinvestir charme, surprise et séduction… La femme en butte à cette difficulté gagnera à identifier son désir, à l’exprimer puis à le satisfaire. Autrement dit, elle pourra se donner la permission de ses fantasmes.

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Mathilde, 28 ans, puéricultrice

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« J’avais de moins en moins envie… Il faut dire qu’on se disputait de plus en plus souvent avec Jérémie. Mais surtout je ne voyais que lui, je me disais que, comme j’avais été amoureuse de lui, je ne pouvais pas regarder les autres hommes. Un jour, le facteur a sonné pour les calendriers de Noël. Un homme magnifique, avec des yeux noirs, tendres et rieurs, un sourire à me faire fondre ! J’ai réalisé que d’autres hommes existaient. J’avoue que j’ai fantasmé sur lui, ça m’a redonné la pêche. Finalement, c’est Jérémie qui en a profité car je n’ai pas l’intention de le quitter et, dès qu’on est réconciliés, je sens bien que je l’aime toujours. Depuis ce moment-là, je regarde les hommes, sans provocation, mais pour le plaisir de sentir mon désir. J’ai commencé à en parler avec Jérémie. Au début, il était très jaloux, puis il a compris que le désir, quand il est tourné vers une seule personne, s’éteint peu à peu. C’est pareil pour lui. Enfin, pour les hommes, ça semble plus naturel. Bref, on a réussi à parler de nos fantasmes, sans pour autant aller coucher à droite ou à gauche ! C’est bien mieux depuis ! Même si, parfois, on est tenté… Mais on ne peut pas tout avoir, la sécurité et la griserie ! » ■

Les possibilités de remise en route du désir sont basées sur la reprise de la confiance en soi et la communication dans le couple. Seul un travail sur soi (psychothérapie, sexologie, etc.) peut venir à bout des blocages les plus profonds, dont la femme n’est en général pas consciente. En cas de vécu traumatisant, l’EMDR* (Eyes Movement Desensitization and Reprocessing) est une technique particulièrement adaptée (voir p. 215).

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C h a p i t re 4

Faire l’amour sans plaisir

Le « bof-sexe » à la recherche de l’orgasme perdu

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L’homme a du mal à l’envisager, lui qui a un orgasme à chaque fois qu’il éjacule. Même si cette règle souffre quelques exceptions, elle les installe dans une systématisation qui les met à l’abri de la question du plaisir. L’essentiel, pour lui, concerne le déroulement de l’acte. S’il a lieu, c’est gagné. Son plaisir pourra être plus ou moins intense, mais un minimum est quasiment assuré. C’est loin d’être le cas pour une femme. D’abord, c’est la moindre des choses, il ne faut pas qu’elle ait mal dans son corps ou dans son être. Elle peut avoir mal aux dents, à la tête, au ventre, etc., ou encore une maladie

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grave, douloureuse ou invalidante, physique ou psychologique, qui va littéralement court-circuiter son énergie vitale. Comme nous le verrons, elle peut aussi avoir mal à l’endroit même du rapport, dans son sexe ou dans son basventre. Même non douloureux, le rapport sexuel n’apporte pas forcément de plaisir et encore moins d’orgasme. Certaines femmes s’y résignent, d’autres accumulent de la déception, d’autres encore du ressentiment. Différentes hypothèses peuvent expliquer comment le délicat mécanisme du plaisir féminin peut se « gripper » au point de ravaler l’acte sexuel au rang d’une activité routinière ou d’une corvée nécessaire à l’équilibre du partenaire, donc du couple.

Une question de savoir-faire : « personne ne m’a appris »

Surtout sensibles à la pression, les parois vaginales le sont moins au frottement. Au cours du coït, le gland du pénis exerce donc une stimulation qui ressemble à un massage interne. Le plaisir clitoridien est assez facile à obtenir avec l’aide d’un doigt, d’une bouche, d’un vibromasseur, du croise-

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En fait, les choses sont assez simples, mais il est rare qu’elles soient enseignées de façon claire : la jouissance féminine développe ses harmoniques dans tout son bassin. Si le clitoris sait jouer sa partition quasiment à coup sûr, le vagin est à l’origine de sensations diffuses, profondes, subtiles. L’utérus, qui se contracte doucement, participe à la fête.

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ment des cuisses, etc. Mais cette jouissance précise est parfois qualifiée par les femmes de « superficielle ». Le bruyant tintamarre de la trompette peut parfois masquer les délicieux contre-chants de la clarinette ou de la flûte. L’idéal est la combinaison harmonieuse entre plaisir clitoridien et vaginal. Le premier pouvant jouer le rôle de starter et de déclic pour basculer vers l’orgasme, le second de caisse de résonance à des sensations plus vastes, plus variées et plus prolongées ! Une enquête de Schober paru dans le British Journal of Urology, en septembre 2004, a évalué la perception anatomique et la dynamique des zones orgasmiques auprès de 50 femmes en bonne santé (entre 20 et 56 ans) et sexuellement active, afin d’en déduire des conséquences pratiques dans le domaine de la chirurgie. Ces femmes ont répondu à un questionnaire validé (Self-assessment of Genital Anatomy and Sexual Fonction) et qui comportait texte et image leur permettant de situer, de manière à la fois objective et subjective, leurs particularités anatomiques apparentes, les tailles et les positions respectives de leur clitoris et de leur vagin, aussi bien que l’intensité de l’orgasme auquel elles parvenaient ainsi que l’énergie requise pour conduire à cet orgasme, dans des zones précises autour du clitoris et à l’intérieur du vagin. C’est la stimulation du clitoris et de la zone au-dessus de lui, qui entraîne l’orgasme le plus intense et requiert le moins d’énergie chez une majorité de femmes. Concernant la sensibilité vaginale, plus la pénétration est profonde, plus l’orgasme est intense, avec le moins d’énergie pour y parvenir, mais la sensibilité sexuelle du vagin reste inférieure à celle des organes génitaux externes.

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L’orgasme à point de départ clitoridien est souvent le premier qui est ressenti au moment de l’adolescence. Puis, la jeune femme aura l’occasion de découvrir que l’introduction d’un élément doux et oblong dans le vagin complète la sensation de plaisir et peut l’intensifier. Le pénis de son partenaire, ferme et souple à la fois, est évidemment l’hôte le plus apprécié. C’est dans le contexte d’une relation amoureuse que les sensations orgasmiques sont bien sûr les plus fortes. Parfois, la sensation agréable ne bascule pas vers l’orgasme. La femme peut s’en trouver frustrée et elle serait alors bien avisée d’aider à ce chavirage à l’aide de son clitoris, précisément placé à cet endroit pour cet usage. Mais elle peut également se trouver bien aise de cette sensation « suspendue » et garder en elle une impression diffuse de bien-être qui peut l’accompagner durant plusieurs heures. Elle profitera alors des conséquences heureuses de sa sexualité féminine, rendant par là même les hommes un peu jaloux de cette expérience intime. Pour autant, la masturbation n’a pas d’inconvénient en soi, même si elle peut être le signe indirect d’un refus de relation à l’autre. Mais c’est alors ce refus qui peut être problématique et non sa conséquence masturbatoire.

Certaines femmes n’ont donc pas eu la chance d’avoir accès à une « formation de base » aussi claire que les propos qui précèdent. C’est même leur propre corps qui est mystérieux. Sans doute une extrême pudeur leur en aura-t-elle interdit

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Une question de pudeur : se montrer, c’est se livrer

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l’exploration. Se sont-elles un jour accroupies au-dessus d’un miroir pour contempler et détailler les délicats replis de leur sexe, débusquer le petit bouton de rose clitoridien, repérer l’entrée de leur vagin et, entre les deux, l’orifice par où sort leur urine ? Ou peut-être n’ont-elles jamais eu cette curiosité ?

Contrairement au pénis, le clitoris est bien caché ! J’ai le souvenir d’une patiente médecin. J’aurais juré que par profession, au moins, elle connaissait l’anatomie féminine, de son propre sexe ! Au cours de la consultation où elle aborde sa sexualité, je m’aperçois qu’elle semble manquer d’information. Sans y croire, je lui demande quand même de dessiner le sexe de la femme. Le dessin, griffonné à la hâte et peu explicite, montre une excroissance entre le vagin et l’anus ! À ma question, elle répondit sérieusement : « Le clitoris ! ». Elle avait fait toutes ses études de médecine et exercé cet art durant des années, en ayant une connaissance anatomique erronée des organes génitaux féminins !

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Je corrige donc pour les lecteurs, médecins ou pas, qui douteraient de la localisation exacte du clitoris. Il a la taille d’un pépin de raisin, mais peut atteindre celle d’un pois chiche au moment de l’excitation sexuelle. Il se trouve en haut et en avant de la fente vulvaire, où il est caché sous son capuchon dont il ne se dégage, en partie, que sous l’effet de sa turgescence. Méconnaissance de l’anatomie, donc, mais aussi parfois idées reçues. L’une des plus fréquentes est le mépris dans

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lequel est tenue la masturbation : certaines patientes considèrent que ça n’a pas de sens de le faire seules. Ce n’est pas l’envie qui me manque de leur demander, où elles ont trouvé le Grand Livre qui révèle de tels mystères ! Mais une métaphore « passe » aussi bien pour me faire comprendre.

Haro sur la masturbation féminine Imaginez un violoniste, un époustouflant soliste virtuose, qui joue avec un orchestre philharmonique. Il est en osmose totale avec tous les autres musiciens et le chef d’orchestre. Rentré chez lui, il se couche et s’endort. Au matin, après sa douche et son petit-déjeuner, il voit son violon posé sur la table. Il s’en saisit et joue, pour lui seul, durant un moment. Il se fait plaisir et même n’en jouera que mieux, le soir venu, avec les autres musiciens… Lui recommanderiez-vous de s’abstenir de sa pratique solitaire ?

À ce moment, je sais que j’ai perdu la partie. Je tire humblement l’échelle. Il faudra, pour continuer la sexothérapie, faire avec cet incontournable a priori. Ainsi, le clitoris et les splendides sensations qu’il procure sont parfois purement et simplement éliminés de la sexualité.

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La comparaison fait souvent mouche et arrive à convaincre mes patientes de la légitimité de connaître son corps et d’en jouir à sa guise. Mais parfois, le couperet du pseudo bon sens populaire persiste et signe : « D’accord, mais le sexe et la musique, c’est quand même pas pareil ! »

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La sentence est fondée sur le fait que « ce sont les adolescentes qui font ça » et que le vagin, l’organe sexuel des grandes personnes doit alors prendre le relais et ne vibrer qu’au va-et-vient pénien. On retrouve là les séquelles d’une peur ancestrale : et si la femme pouvait se passer de l’homme ? Et si sa jouissance était autonome ? Le risque d’une telle émancipation menacerait la cohésion du couple et de l’entité familiale ! Le désir des femmes est bien l’une des plus grandes menaces pour l’humanité…

Une question d’image : plutôt frigide que dévergondée

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Une autre raison peut bloquer le plaisir sexuel chez une femme : la peur de passer pour une dévergondée. Il faut dire que la route est étroite entre deux images dévalorisantes. Ou bien elle est froide et coincée, en un mot, une frigide ! Ou bien elle est chaude et désirante, en un mot, une prostituée ! Le choix est limité et les deux termes ont tout faux. Même si, à tout prendre, celui de frigide est peut-être le plus supportable car il y a, dans cette distance avec soimême, une façon de savoir se contrôler, de continuer à regarder le monde avec la tête froide qui peut convenir à certaines. Mais n’est-ce pas finalement une façon de prendre un peu le pouvoir et de continuer à jouer à : « Je ne suis pas celle que vous croyez » ? Tandis que se montrer désirante et jouissante, au contraire, serait comme avouer une dépendance insatiable. Dans l’imaginaire masculin, qui prédomine idéologiquement, le désir féminin est illimité et son

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plaisir, de ce fait, forcément inextinguible. La preuve ? Elle peut enchaîner les orgasmes, performance dont les hommes sont incapables ! Une histoire évoque avec humour cet Éden que l’homme ne connaît pas. La femme, championne du plaisir Au jardin d’Éden, Jéhovah a distribué tous les cadeaux de sa création. Les humains ont eu les plus belles parts, évidemment. Dans son grand sac, il ne reste plus que deux cadeaux à distribuer. Dieu y plonge la main… « Il me reste deux attributs pour vous, Adam et Ève. Voyons voir… Tiens ! C’est la possibilité de faire pipi debout et de diriger son jet. Qui est intéressé ? » Adam trépigne, insiste pour l’obtenir, joue des coudes pour passer devant sa compagne : « Moi ! Moi ! ». Faire pipi debout… Cela aurait bien amusé Ève, mais Adam se montre si insistant qu’elle le laisse partir avec son gadget ! Gentiment, Dieu replonge la main dans le sac pour saisir ce qui reste et s’adresse à Ève : « Bon, ma pauvre, te voilà obligée de prendre le cadeau qui reste ! Tant pis pour toi, Adam a tellement insisté… Voyons… Tiens, voilà pour toi… »

Les images concernant la femme heureuse de son plaisir sexuel sont la plupart du temps dégradantes : salope, chienne en chaleur et l’on en passe… Hormis dans un exceptionnel climat amoureux, la femme a beaucoup de mal à se réhabiliter à ses yeux et à ceux des autres. Elle ne peut s’appuyer sur aucun modèle suffisamment fort pour s’imposer comme un modèle social acceptable et l’accusation la plus cinglante est aussi la plus invraisemblable : putain !

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Ève se saisit du don et lit : orgasmes multiples !

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Alors que la prostituée se caractérise par sa vénalité et l’on sait bien que c’est cette dernière qui justifie la multiplicité des partenaires, et non sa lubricité ! Pourtant, malgré l’approximation, l’association « putain = femme » sexuelle continue de fonctionner dans l’inconscient collectif. La jeune fille qui ne prend pas soin de son apparence sera vite traitée de laideron. Mais qu’elle passe un peu trop de temps dans la salle de bains, qu’elle se maquille ou s’habille un peu sexy et elle s’attirera d’autres sarcasmes encore plus désobligeants.

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Le désir ne trouve pas son point de départ vers une personne en particulier, mais il prend sa source à l’intérieur de chacun de nous : c’est secondairement qu’il va venir concerner l’autre (cette notion est souvent rappelée dans cet ouvrage). Aussi, on peut imaginer qu’une femme qui cherche à prendre du plaisir risque plus d’être infidèle que celle qui n’en prend pas. Voilà l’arrière-fond du problème qui se révèle. L’homme peut multiplier les partenaires, il apparaîtra comme viril et séducteur et se situera dans la lignée de ses ancêtres animaux qui pouvaient ensemencer un troupeau entier, pour le plus grand bien de la perpétuation de l’espèce. Mais si la femme multiplie les partenaires, elle brouille les pistes de la filiation et surtout met en péril la pérennité du soutien qu’elle va apporter à son mâle protecteur. La relation de couple est menacée autant que le tissu social. C’est la conscience diffuse de cette menace qui interdit, chez certaines femmes, l’accès au plaisir. Elles pressentent que leur environnement est plutôt hostile ou peu

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protecteur. Elles ne peuvent pas se permettre de le fragiliser encore avec un comportement qui les ferait passer pour des ennemies de l’ordre public ! Là où la frigide attirera généralement une moue attristée, presque compatissante, la dévergondée1 suscitera un regard méprisant et inamical et, si vraiment le choix se pose en ces termes, on comprend que beaucoup aient choisi le camp de la tiédeur. Une voie de sortie réside dans un changement des mœurs : c’est en passe de se réaliser dans la publicité avec la valorisation des femmes gourmandes, souriantes, voire avides ! Mais il semble que les mentalités restent « machos » et que les femmes ont encore de la marge pour œuvrer dans le sens de l’acceptation inconditionnelle de leur plaisir sexuel.

Une question de lâcher prise : tout, sauf perdre le contrôle ! L’orgasme féminin, surtout quand il est intense, donne parfois à la femme une impression ineffable. Muriel, 34 ans, graphiste

1. Ou la gourgandine, selon le titre du beau roman de Françoise Rey, éd. Albin Michel, 2002.

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« L’orgasme est une sensation, à la fois précise et diffuse, qui monte progressivement à partir du bas-ventre, sans que je sache précisément si ça vient du clitoris ou du fond du sexe. C’est un

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tout ! C’est un peu comme si tout mon corps était de la partie. Je me sens toute entière et, en même temps, je ne repère plus tout à fait mes limites. Je suis ouverte, comme une maison qui a ouvert portes et fenêtres. Un vent chaud et parfumé la remplit, elle se fond dans la campagne environnante… Quand la sensation de plaisir s’intensifie tout à coup, j’ai l’impression de lâcher prise sur la réalité… C’est comme si j’existais ailleurs, autrement… C’est très bon et un peu angoissant aussi. Je mets un certain temps à redescendre, je ne sais pas si je peux dire les choses comme ça ! Ça se fait progressivement. J’ai l’impression de continuer à jouir durant de longues minutes. C’est un état de jouissance, je dirais plutôt, dans lequel se mêlent une sensation physique et un état amoureux… Ah, oui ! Si je ne me sens pas amoureuse, ça ne marche pas du tout comme ça ! (Rire). Avec une impression de ne plus être tout à fait moi-même. Il me faut un bon moment pour atterrir, pendant ce temps-là, mon compagnon a le temps d’aller me faire un café ! Rire. Quand il revient, il faut qu’il me prenne gentiment dans ses bras et qu’il me dise tendrement des mots d’amour. Mmm, c’est bon ! » ■

Muriel explique bien l’importance du lâcher prise dans l’orgasme féminin. Si elle peut lâcher prise de façon aussi confortable, c’est sûrement qu’elle se sent bien protégée, d’une part, et que, d’autre part, elle n’a pas eu dans son histoire de traumatisme majeur survenu au moment où elle s’abandonnait. Ce qui n’est pas le cas de Jocelyne…

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Jocelyne, 44 ans, journaliste Dans les premiers rapports entre Jocelyne et Grégoire, l’état amoureux fait son office. Grégoire est charmant, attentionné. Jocelyne se laisse aller avec délices à des orgasmes profonds et durables. Après quelques années, Grégoire devient plus distant et surtout, inexplicablement, il prend après l’amour une attitude un peu

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brusque : il donne à sa femme une claque sur les fesses, gentiment bien sûr, mais recevoir une claque quand on est détendue, ce n’est pas agréable. Il la rabroue pour des riens, lui rappelle des souvenirs désagréables… Il n’est pas franchement mufle ou odieux, mais on dirait qu’il profite inconsciemment du fait que sa femme a momentanément baissé la garde. De ce fait, Jocelyne limite l’intensité de ses orgasmes, se contentant de brefs spasmes clitoridiens. Elle n’est pas frigide, mais elle a abandonné insensiblement son potentiel orgastique. Ce n’est que longtemps plus tard, dans les bras d’un amant, qu’elle retrouvera ses sensations intenses. Et Grégoire ne comprit jamais quelle fut sa responsabilité dans le naufrage de leur couple.

Bénédicte, 23 ans, étudiante Bénédicte aime faire l’amour, mais ne ressent jamais d’orgasme. Elle bloque à un moment précis, sans savoir pourquoi. Son corps lui envoie un message très net, elle se crispe malgré elle et rejette la sensation voluptueuse.

Quelques jours après, le drame se noue : on l’emmène chez un docteur qui va l’opérer des amygdales. La première consultation est délicieuse : le gentil docteur lui promet un bonbon si elle est sage (bien sûr qu’elle est sage !). Il n’y a rien de sexuel ici, mais une sensation de sécurité et de charme réciproque. À la consultation suivante, tout semble vouloir se renouveler : le gentil docteur est là, souriant et séducteur. Bénédicte le voit préparer ses instru-

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Son sentiment de lâcher prise était accompagné d’une violente angoisse, parfaitement réprimée au point de n’être même pas reconnue. C’est par cette piste que Bénédicte retrouva dans ses souvenirs enfouis un épisode qui eut lieu quand elle avait 7 ans : surprise par ses parents au cours d’un jeu sexuel avec un cousin de son âge, elle est grondée et on lui promet un tempérament précoce et ravageur. Exit le mignon cousin, avec lequel elle commençait à ressentir de très agréables sensations.

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ments, mais en toute confiance et sans se douter de ce qui l’attend. Ce qui l’attend, c’est un masque en caoutchouc qu’on va brutalement lui plaquer sur le visage. Elle étouffe, se débat ! Le docteur, penché au-dessus d’elle, lui demande de respirer à fond, de se détendre. Mais comment respirer cet air puant déversé par le masque ! Elle se débat avec l’énergie du désespoir, mal contenue par sa mère et par le docteur. Tout à coup, l’horreur s’aggrave, ses forces la quittent, la tête lui tourne, elle lâche prise. C’est sûr, désormais, elle va mourir ! Sous l’effet du gaz anesthésique, Bénédicte s’endort avec la conviction qu’elle est entrée dans la mort, en pleine angoisse, avec un insupportable sentiment d’abandon et d’avoir été trahie ! Au réveil, le souvenir précis de l’événement s’est estompé. Elle dit que « c’était pas bien le masque », mais la vie a repris le dessus : elle a mal à la gorge, on lui donne à manger de la glace, ses copines de classe viennent la voir… Fin de l’épisode.

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Dix ans après, Bénédicte fréquente un beau jeune homme, mais quand elle fait l’amour avec lui, le plaisir monte et, soudain, resurgit en elle cette sensation oubliée de perte de contrôle, de distance avec la réalité… Bénédicte a oublié, mais son corps, lui, se souvient ! C’est la mort qui revient ! Mais c’est bien sûr ! Le jeu sexuel avec le cousin, c’était sûrement très mal ! L’homme charmant qui fait des promesses et dans les bras duquel on aime à s’abandonner ! Et la trahison, tout à coup, avec cette sensation qu’elle retrouve, ses forces qui la quittent, sa lucidité qui vacille… C’est sûr, elle va mourir !

Dans un réflexe bien compréhensible de survie, Bénédicte va bloquer le phénomène et garder le contrôle de ce qui se passe. Elle jouira un peu quand même, mais passera à côté des orgasmes majeurs qu’elle aurait pu ressentir. Une fois la scène identifiée, Bénédicte va la « retraiter » avec la techni-

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que de l’EMDR* (Eye Movement Desensitization and Reprocessing). Elle pourra laisser partir dans le flot du temps qui passe le souvenir douloureux et la croyance associée « je suis en danger de mort ». Elle l’a remplacée par « je suis en sécurité, maintenant », donnant à son corps le feu vert. Elle a pu mettre à l’unisson son cœur, son corps et sa jouissance. Il y a des sexothérapies réussies.

Une question de compétition : il serait trop content

Passé le moment de fierté d’être les auteurs (les créateurs !) du plaisir qu’ils ont « donné », ils se rendent compte assez vite de la lourde responsabilité qu’ils portent, dès que ce plaisir se révélera insuffisant : c’est alors qu’il leur faudra être à la hauteur. On n’a rien sans rien : pas de privilège sans responsabilité ; si on est l’auteur du plaisir donné, on est aussi le fautif du plaisir manqué…

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Une femme qui a du plaisir se donne. Elle donne ce plaisir à un partenaire pour qu’il en fasse bon usage. Les hommes, qui prennent plutôt du plaisir, ne savent pas très bien comment fonctionne cette délicate alchimie du plaisir donné. Ils comprennent bien que l’on puisse donner « du » plaisir à son partenaire. Ils ne font pas bien la différence d’ailleurs avec « faire plaisir à » son partenaire, mais le rapport sexuel est un moment si fugace que la question reste un peu intellectuelle, sauf pour les impuissants et les éjaculateurs rapides, mais nous y viendrons dans un prochain chapitre.

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Mais voilà que l’on reparle encore de l’homme ! Je ne l’évoquais que pour citer sa difficulté à comprendre comment on peut offrir un plaisir… Que l’on ressent soi-même ! Cette drôle de générosité – féminine s’il en est – est un cadeau qu’il est malaisé de recevoir tel quel. Lui se contentera, en général, d’y voir la preuve de sa virilité, son pouvoir sur la belle, bref, une légère supériorité capable de marquer l’autre comme une bête au troupeau : il peut être tenté de se sentir un peu « propriétaire ». J’ai été accueilli au plus profond de l’être aimé, j’y suis donc chez moi. Je m’y installe avec mes gros sabots. Fermez le ban.

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Pas si simple ! En effet, si la femme veut bien s’ouvrir, se donner et surtout subordonner son plaisir à la vertu de la relation amoureuse, il ne s’agit en aucun cas d’une capitulation ! C’est au contraire un acte libre, délibéré, d’attribuer à son partenaire une place dans un espace qui aurait très bien pu rester personnel. Puisqu’on ne peut réellement ressentir ni la souffrance, ni la jouissance de l’autre, la femme transcende en quelque sorte cette irrémédiable solitude de la sensation, en donnant à l’autre ce qu’elle s’octroie à elle-même : la jouissance. Elle renonce à se sentir propriétaire d’un ravissement qui l’aurait laissée seule et prend le risque du partage, dans l’espoir que cette ouverture comblera celui qui jouit d’elle en même temps. On peut comprendre qu’un climat particulièrement favorable préside à un tel échange. Si ce n’est pas le cas, l’ambiance change comme à l’arrivée de l’orage en plein été : la magie n’est plus là et ces deux-là ne sont vraiment plus ensemble.

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« Avec Marc, ce qui me plaisait, c’était de pouvoir me donner à lui. J’avais l’impression que c’était ça qui le comblait. C’était d’ailleurs les mots intimes qui me chaviraient, même si, par pudeur, je m’abstenais de les prononcer à haute voix. Prends-moi, je suis à toi… Mais je me suis vite aperçue que Marc semblait… Disons, profiter de la situation. C’est comme si j’avais fait allégeance une fois pour toutes du moment que nous faisions l’amour. C’était un comble ! Comme si je devais le remercier de pouvoir lui donner mon plaisir ! La machine s’est complètement grippée lorsque je me suis rendue compte à quel point nous étions en compétition dans la vie quotidienne. Mais pour des broutilles autant que pour des choses importantes ! Par exemple, il me coupait la parole sans hésiter, même devant nos enfants ou nos amis ! Il était très susceptible, n’acceptant aucune critique, alors que moi, je devais sans broncher écouter ses reproches pendant des heures… Il ne supportait aucune frustration de ma part, mais qualifiait les miennes de jérémiades… Bref, j’avais accumulé beaucoup de ressentiment, même si par ailleurs mon amour restait intact. Enfin, disons qu’il était un peu cabossé, mais il tenait la route. C’est évidemment au lit que les choses allaient de plus en plus mal. Je ne pouvais plus me laisser aller à la jouissance, à cette ouverture, à ce don qu’au fond de moi je souhaitais lui faire. Non seulement il ne s’en apercevait pas, il ne l’appréciait pas spécialement, mais il l’utilisait pour son propre compte ! Non, la balance était trop déséquilibrée, j’ai freiné peu à peu… Inconsciemment bien sûr, mais maintenant que j’en parle, ça me semble évident. Quand il s’est réveillé un jour, ça a été pour se plaindre de ma prétendue frigidité. À l’en croire, j’avais perdu ma féminité ! Faux ! Je l’ai retrouvée, ma féminité, mais elle est moins douce qu’avant. Je ne lui fais plus de cadeau, ni sexuellement, ni dans

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Marjorie, 39 ans, cuisinière

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la vie d’ailleurs. Nous sommes beaucoup plus en conflit, mais je me sens mieux. Et le jour où sonnera la fin des hostilités, c’est-àdire quand on aura rééquilibré la balance, je suis sûre que ça se passera bien entre nous à nouveau. Rien n’est certain, mais j’espère que notre amour nous permettra de passer le cap. » ■

Marjorie et Marc sont toujours ensemble trois ans après cet entretien. Ils ont changé beaucoup de choses dans leur vie. Chacun de leur côté, ils ont entrepris une psychothérapie, qui leur permet de recycler au fur et à mesure les conflits, au lieu d’escalader sans fin. Depuis que Marjorie s’affirme et donne de la valeur aux cadeaux qu’elle fait, depuis qu’avec Marc ils prennent du temps pour réguler les affrontements, leurs enfants sont plus calmes. Comme s’ils n’avaient plus besoin de porter sur eux la tension sourde qui existait entre leurs parents.

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Deux entretiens de thérapie familiale à six mois d’intervalle ont amélioré la communication quotidienne. Évidemment, la sexualité des parents ne fut jamais abordée devant les enfants. Mais le fait d’aborder les problèmes à l’endroit même où ils se posent contribue à leur trouver une solution. Marjorie sait qu’elle n’est pas frigide. Elle a, au contraire, valorisé sa féminité et le soin qu’elle prenait à la protéger. Marc, depuis quelque temps, éjacule trop rapidement. Il faut dire que sa mère n’apprécie pas du tout comment Marjorie le traite depuis quelques mois et ne se prive pas pour le dire, tant en public qu’en tête-à-tête avec lui. Elle a l’occasion de le lui répéter, puisqu’ils déjeunent ensemble trois fois par semaine. Rien n’est parfait…

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Une question de sens : tout ça pour ça ? Et puis il y a les femmes qui n’ont aucun problème pour ressentir du plaisir, mais qui finalement n’y voient aucun sens ! Le sens du plaisir ? Mais voyons, quelle question absurde ! Le sens du plaisir… C’est le plaisir, voilà tout !

Les hommes trouvent un sens « tout prêt », ensuite, ils se sentent bien, détendus et créatifs… Les femmes aussi, à ceci près que leur ouverture les a mises dans un état de réceptivité et d’attente d’une potentialité qui peut les laisser sur leur faim. « Tu as encore faim ? », s’exclame l’homme, toujours prompt à penser que la femme fonctionne comme lui. « Viens donc, que je te fasse jouir encore, tu seras rassasiée ! ». Perdu ! La femme ne veut pas nécessairement renouveler sa jouissance physique, même si elle fut puissante et délicieuse, elle veut en vivre, la laisser résonner dans un espace qui la fasse fleurir. Elle veut bien que des graines soient plantées, mais elle attend de les arroser, de guetter les jeunes pousses… Elle imagine l’arbuste, hume le parfum de la fleur, contemple les couleurs et projette tout cela avec ce qui n’est encore qu’une graine. Hé oui ! La germination, c’est son domaine et, en bonne professionnelle, elle conçoit mal de semer et de s’en aller aussitôt après. Certaines préfèrent s’abstenir que de participer à un tel gâchis. S’abstenir ou se consacrer à d’autres tâches. Mais comment trouver les mots justes pour expliquer cela ? 78

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Chacun cherche confusément à orienter sa vie : lui trouver un orient, un point de repère d’où l’on verra chaque jour le soleil se lever à coup sûr ! Une sensation forte, comme le plaisir sexuel, demande à être éclairée par un devenir, une relation, une évolution.

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Marion, 49 ans, styliste de bijoux « Je n’ai jamais eu de problèmes pour jouir. Je dirai que mon corps a toujours bien “fonctionné”. Bien sûr, il fallait un minimum : une relation amoureuse, même fugace, faisait l’affaire. Un peu de savoir-faire, un contexte pas trop menaçant et je partais vers le septième ciel. Ce qui m’a arrêté dans mon élan, c’est un événement qui s’est passé un matin, après une nuit d’amour. L’homme, Don, un ami américain, dormait encore, je buvais mon café devant la fenêtre. Il faisait beau, j’avais tout pour être heureuse. J’avais magnifiquement joui plusieurs fois dans la nuit. Don, que je trouvais si séduisant, m’avait en plus offert un bijou splendide. Il m’en offrirait sans doute un autre, dans six mois, quand on se reverrait. Je ne suis pas vénale et il est riche : je ne ressentais pas de culpabilité en contemplant mon cadeau, qui scintillait dans son écrin bleu nuit. Comment expliquer alors le sentiment de vide intérieur qui prenait place en moi ? C’est bizarre de dire cela, je sais… Un vide qui prend de la place ! On pourrait imaginer qu’il en laisse. Non, moi je me sentais gagnée par une angoissante sensation de vide progressif, qui aspirait ma joie de vivre et pesait sur mes épaules.

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La veille, au contraire, je me sentais en creux, un creux heureux d’être comblé par Don, en attente, en recherche, en dynamique… D’où venait cette brutale chute dans le vide ? Je me suis extirpée, tant bien que mal, ce matin-là, de cette sinistre sensation. Don s’est réveillé, il a été charmant jusqu’à son départ pour Caracas. Aucune fausse note, rien à lui reprocher. Mais, depuis, la bête me poursuit, me guette et n’hésite jamais à fondre sur sa proie. La proie, c’est moi à huit heures du matin, après une nuit torride.

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Tout ça pour ça ! Non, je suis plus à l’aise quand mon plaisir est plus limité. En ne faisant qu’entrouvrir la porte, on craint moins les courants d’air et, surtout, on peut la refermer plus facilement. Je ne suis pas frigide, je suis… réfrigérée. J’ai besoin de trouver du sens à mon creux et surtout, plus que tout, je veux passer au large de ce vide effrayant et mortifère. » ■

Depuis, Marion a pris conscience que sa personnalité puissante était autant une force qu’un point faible. Son exigence la mettait en porte-à-faux et elle ne se donnait pas la permission de mettre sa vie sexuelle au diapason de ce qu’elle vivait par ailleurs. Elle n’imaginait pas qu’elle puisse être choisie comme une femme unique.

Marion a choisi l’analyse transactionnelle comme psychothérapie (voir p. 225). Elle a remis en question son scénario de « sauveteur de sa mère » et a repris la responsabilité de sa

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Pourtant, professionnellement, elle savait s’affirmer avec autorité. Elle réussissait tout ce qu’elle entreprenait, même ses orgasmes. La seule chose qui lui était interdite, c’était d’être élue par un homme stable et protecteur. Mais il lui aurait fallu pour cela faire mieux que sa mère, abandonnée par son mari à la naissance de Marion et en proie depuis à une dépression maternelle qui durait encore à ce jour. Quant à Marion, c’est à sa jouissance qu’elle ne trouve pas de sens. C’est comme si elle ne se donnait pas le droit de jouir de la vie, puisque sa mère n’avait pas réussi. Le fait que Marion n’ait pas d’homme près d’elle la rend disponible plusieurs fois par semaine, mais elle est habitée par le sentiment que, si elle était mariée, sa mère se sentirait abandonnée une seconde fois et ne le supporterait pas !

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vie. Elle n’a toujours pas trouvé l’homme capable de lui convenir et qui veut rester près d’elle. Il faut dire qu’elle a commencé à chercher un peu tard, par rapport à ses amies, et tous les « bons » sont casés. Mais elle ne perd pas l’espoir de dénicher l’oiseau rare.

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C h a p i t re 5

Faire l’amour quand on a mal

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L’harmonie sexuelle, l’extatique bonheur physique, la sexualité radieuse, à la fois stimulante et apaisante, ne sont pas toujours au programme, en particulier lorsque la douleur vient perturber la partition. Ce sera aussi le cas lorsque la femme se sent menacée au cœur de son schéma corporel, qu’elle a été abusée, que son inconscient transmet des messages étrangement cryptés ou qu’elle se sent paralysée par la peur. Non, décidément, il n’est pas si simple de se laisser aller !

Quand ça fait mal… ça ne peut pas faire du bien ! Une femme qui a mal à l’entrée du vagin a peut-être une inflammation, voire une infection de cet organe.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Le médecin, après avoir passé un coton-tige sur la zone enflammée, attendra du laboratoire le nom du microbe responsable : il le traitera en conséquence, avec des crèmes ou des ovules. Le mot « ovule » a deux sens très différents. Il désigne, d’une part, le gamète féminin, la « petite graine ». Cet ovule attend patiemment dans l’ovaire (l’équivalent du testicule chez la femme et qui siège dans le bas-ventre, à côté de l’utérus). Chaque mois, de la puberté à la ménopause, un ovule sort de l’ovaire à la rencontre espérée du spermatozoïde qui viendra le féconder, si un rapport sexuel a eu lieu récemment. Il désigne, d’autre part, un médicament qu’on glisse dans le vagin. La technique de pose est simple, il suffit de le pousser au fond du vagin le soir au coucher. Pourquoi à ce moment de la journée ? Tout simplement car l’ovule va fondre à la chaleur du corps. Dans la journée, la femme en position verticale verrait le produit couler le long de ses cuisses ! Tandis qu’en position allongée, elle évitera cette sensation désagréable.

Autre cause de douleur : l’entrée du vagin n’est pas assez lubrifiée. Le langage populaire, toujours imagé, dit qu’elle ne « mouille » pas assez. Pourquoi ce manque de lubrification ? Toujours à cause de l’inflammation, mais aussi pour des raisons psychologiques. La femme n’est pas assez excitée, préparée ou n’a pas envie du tout et se force à faire l’amour. Enfin, autre cas de figure : elle aborde la cinquantaine et la baisse de ses hormones féminines provoque cette relative « sécheresse » vaginale. 84

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Malgré ce mode d’emploi simplissime, certaines de mes clientes n’ont pas vu leur infection vaginale guérir.

FAIRE L’AMOUR QUAND ON A MAL

Certains traitements à base de crème ou d’ovules peuvent entretenir la muqueuse et la garder hydratée. Il faut aussi compter avec les gels lubrifiants. Ils ont une fluidité proche de la lubrification naturelle, Certains toutefois perdent cette qualité après quelques minutes. Il suffit, dans ce cas, de renouveler l’application. Elle peut avoir mal aussi car elle n’est pas détendue : les muscles entourant son vagin sont contractés au maximum. C’est comme si elle avait une crampe à cet endroit-là. Son sexe, au lieu de s’ouvrir tranquillement, comme une fleur au soleil matinal, va au contraire se rétracter, se fermer jusqu’à devenir, ce sera le cas de le dire, inviolable. Dans ce cas, il est conseillé de faire appel aux techniques de relaxation, de visualisation ou de sophrologie. Mais peut-être n’est-ce pas le bon moment pour faire l’amour ! Après un peu de repos, un bon bain, une explication qui permet de se réconcilier, verra-t-on comme par magie les muscles se détendre !

La protection de l’intérieur par verrouillage automatique

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Sabrina, 26 ans, orthophoniste « Je suis encore vierge, pourtant, j’ai envie de faire l’amour. J’ai un amoureux très doux et patient. Mais il commence à perdre patience au bout d’un an ! Dès qu’il envisage de me pénétrer, mon sexe se resserre, sous l’effet d’une crispation incontrôlable, ça me fait mal. Malgré tous ses efforts et sa douceur, il ne peut pas entrer. Après quelques minutes, son érection retombe.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Maintenant, on essaie même plus. On sait tous les deux comment ça va finir. C’est dur parce qu’on a envie tous les deux ! Je n’ai jamais pu mettre de tampons et une gynécologue m’a recommandé de mettre un doigt dans mon vagin, je n’ai jamais pu : ça faisait trop mal et j’avais peur aussi. Peur de quoi ? Je ne sais pas en fait… C’est comme si c’était trop dangereux d’entrer à l’intérieur… » ■

L’intérieur du corps… Chacun sait de quoi il s’agit : c’est à l’intérieur et voilà ! Et de désigner d’un geste vague l’abdomen ou le thorax. La définition du mot n’est pas si simple. De plus, il existe de nombreuses protections, physiques et psychologiques pour défendre cet « intérieur ». Où est donc notre véritable intérieur ? Que le lecteur veuille bien me suivre dans une courte fiction pédagogique. Il peut lui sembler, par exemple, que l’espace dans sa bouche est à l’intérieur de son corps. C’est anatomiquement incontestable, mais fonctionnellement inexact. Il peut mettre dans sa bouche de nombreux objets qu’il pourra ensuite recracher : un capuchon de stylo, une bille et même de la terre ou de l’essence (voyez les cracheurs de feu !). La bouche représente donc un sas, mais le véritable intérieur ne commence pas là.

On est à l’intérieur, mais on n’est pas à l’intérieur. Il existe un intérieur « sensible » qu’il est important de protéger, mais les portes qui le ferment sont elles-mêmes à l’intérieur. 86

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Pour le savoir, au millimètre près, que le lecteur qui m’aura suivi jusqu’ici accepte de continuer l’expérience. Il va placer un doigt sur le bout de sa langue et le reculer petit à petit vers le fond de la gorge. À un endroit extrêmement précis, son geste sera arrêté par un haut-le-cœur, qu’on appelle le « réflexe nauséeux ». C’est là que commence son véritable intérieur.

FAIRE L’AMOUR QUAND ON A MAL

Revenons aux femmes. Certaines, voulant, à juste titre quoique inconsciemment, protéger leur intérieur, pensent que la porte décisive siège à l’entrée de leur vagin. Puisque tel est leur schéma corporel, il est donc fondamental que cet orifice reste imperméable à tout ce qui voudra le pénétrer : tampon menstruel ou pénis. Cette contracture involontaire de tous les muscles autour de l’entrée du vagin s’appelle le « vaginisme ». Le sang des règles, liquide, arrive à se frayer un chemin, dans l’autre sens, à travers l’orifice. Mais rien ne peut y entrer. Même si, consciemment, la femme s’en désole et voudrait bien s’ouvrir. Son corps, guidé par son « inconscient » bien intentionné, quoique mal informé, lui enjoint de laisser à l’extérieur ce corps étranger qui menace de l’envahir.

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Face à cette difficulté, les sexologues crurent longtemps qu’il fallait persuader cette patiente qu’elle ne courait aucun risque en ouvrant son sexe, que la partie serait gagnée si elle pouvait y insérer son propre doigt. En misant sur le fait que son propre doigt n’était pas à proprement « étranger » et qu’elle pouvait le contrôler à sa guise. La permission d’insérer un doigt dans son sexe en aida certes plus d’une, mais ne suffit pas à régler le problème sexuel. On imagina ensuite de proposer à la femme d’insérer dans son vagin des baguettes en métal poli (on parle en médecine de « bougies ») de taille croissante. La plus fine, épaisse comme une allumette une fois insérée facilement, on augmentait très progressivement le diamètre, jusqu’à atteindre celui d’une verge en érection. Cette manœuvre progressive pouvait être réalisé par le médecin, le conjoint, voire la

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femme elle-même. Les plus vaillantes arrivaient au bout de l’exercice et finissaient par admettre que leur corps recelait effectivement un « creux » capable de recevoir un élément extérieur. Mais le problème n’était toujours pas réglé et l’on mit longtemps avant de comprendre pourquoi. La solution n’était pourtant pas si compliquée. Un corps étranger pouvait certes entrer en elles (elles l’avaient constaté physiquement), mais elles n’étaient toujours pas persuadées que c’était sans danger ! Leur « intérieur » restait envahi et cette sensation intolérable leur interdisait de renouveler confortablement l’expérience avec leur partenaire. Le salut vint des crayons de couleur. Ce fut la méthode que j’employai avec Sabrina. J’avais pris soin de vérifier que cette jeune femme n’avait pas subi d’abus sexuel, car la thérapie dans ce cas aurait été différente. Sabrina (suite) Je lui tendis une feuille blanche et des crayons et je lui proposais de dessiner la limite entre son intérieur et son extérieur. Elle me regarda interloquée. Je continuai. – Vous savez où se trouve l’intérieur de votre corps ! Elle acquiesça, en désignant son ventre. – Et l’extérieur de votre corps ! Elle désigna l’air environnant. Elle attrapa tout à coup la feuille de papier et dessina sa silhouette : une tête, un buste, deux bras et deux jambes. Le trait de crayon était ininterrompu.

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– Où est donc la limite entre l’intérieur et l’extérieur ?

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– J’ai compris ! Voilà l’intérieur (son crayon pointa l’intérieur de la silhouette) et voilà l’extérieur (elle désigna le reste de la feuille), s’écria-t-elle. – Nous sommes d’accord, continuai-je, et qu’en est-il à l’endroit de votre sexe ? – Eh bien, c’est là, n’est-ce pas ?, dit-elle timidement en plaçant sa main entre ses cuisses. Je hochai négativement la tête, en lui expliquant l’histoire de la bouche et la différence entre l’intérieur anatomique et l’intérieur fonctionnel. – Voulez-vous dire que mon véritable intérieur commence au fond de mon vagin et que je peux sans danger ouvrir le sas ? Je l’encourageais à poursuivre son raisonnement. Reprenant sa feuille, elle corrigea son trait, en gomma une partie puis le retoucha en ajoutant une sorte de golfe, signifiant le creux de son vagin. Elle parut rassérénée. Les consultations suivantes furent consacrées étudier la façon dont elle acceptait malgré elle de se laisser envahir, dans sa vie de tous les jours. Elle me cita de nombreux exemples.

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– Quand j’étais enfant, ma mère me disait toujours qu’elle savait ce que je pensais. J’avais l’impression d’être transparente. Elle avait réellement réussi à me faire croire qu’elle pouvait entrer dans ma tête à sa guise. Quant à mon père, il décidait à ma place. Sa grande idée, c’était qu’une femme ne sait jamais ce qu’elle veut et quand elle dit non, ça veut dire oui, et réciproquement. Ma parole de fille était systématiquement disqualifiée ! Depuis, finalement, ça continue ! Je ne sais pas mettre dehors les copains qui s’invitent et qui s’incrustent ! Je me sens tellement envahie, que je souhaite avoir au moins, dans mon corps, un endroit bien à moi ! Sabrina apprit à poser autour d’elle de bonnes limites. Elle eut évidemment besoin de beaucoup de protection et de permissions. La « séance des crayons de couleur », comme elle l’appela longtemps, l’avait mise en chemin. 89

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Son compagnon, qui l’aimait avec passion, eut la patience d’attendre que son corps acceptât le risque d’une ouverture limitée. Leur vie sexuelle est désormais satisfaisante. Sabrina est maman de deux petites filles, qu’il ne fut pas nécessaire d’aller chercher par césarienne.

Les séquelles d’un abus sexuel Les enfants, en particulier les filles, ne sont pas à l’abri de la sexualité des grandes personnes. Des études récentes envisagent que 20 % des petites filles auraient été victimes d’attouchements ou de maltraitance sexuelle. Pour les garçons, même s’ils sont proportionnellement moins nombreux, ce chiffre s’élève à 10 %. À 12 ans, 30 % des enfants ont déjà vu un film pornographique. Cela leur tenant lieu d’éducation sexuelle et sans qu’aucun discours critique nuance ou accompagne ces images. Pourtant, il est légitime de considérer le visionnage de ces films pornographiques par des enfants comme un équivalent de traumatisme sexuel. La situation peut être vraiment plus grave, voire dramatique, comme celle dont Marie-Ange témoigne.

« Je n’arrive plus à faire l’amour avec mon mari. Je n’y comprends rien. En fait, tout se passe bien, il est gentil, attentionné, compétent même ! J’ai même réussi à avoir du plaisir au début de notre mariage, il y a 12 ans. Nous avons trois enfants.

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Marie-Ange, 46 ans, agricultrice

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Mon désir s’est estompé petit à petit et, depuis quelques années, trois ans environ, c’est catastrophique ! Nous avons des rapports surtout le samedi, au moment de la sieste, car les enfants sont à leurs activités ou chez des cousins. C’est un peu routinier, mais bon, c’est comme ça ! Je n’ai pas envie, mais pas envie ! Je le fais pour lui faire plaisir, mais rien qu’à l’idée de le faire, ça me tord les tripes ! C’est comme si ça me dégoûtait de plus en plus. Dès le lundi, je commence à y penser, à me dire “C’est dans cinq jours, dans quatre, etc.”. Vraiment, je ne comprends pas pourquoi je réagis comme cela ! Je me demande s’il n’y a pas un lien avec ce qui s’est passé quand j’étais petite. À 9 ans, mon père, qui avait toujours été très affectueux avec moi, m’a pris dans son lit, un jour où ma mère et mes sœurs étaient sorties. Il m’a fait un câlin, puis a commencé à me caresser de façon plus précise ! Je trouvais ça bizarre, c’était agréable physiquement, mais je me souviens encore du sentiment de malaise diffus que je pouvais ressentir. Quand il a recommencé quelques jours plus tard, j’ai voulu dire non, mais il s’est mis en colère. Je crois même qu’il m’a menacée d’une punition ou de le dire à tout le monde ! Comme si j’étais en faute ! Dire que je l’ai cru ! Il m’a forcé à des rapports sexuels jusqu’à ce que j’ai eu 12 ans. Les menaces pour s’assurer de mon silence devenaient de plus en plus violentes. Lorsque j’ai eu 12 ans, ma jeune sœur, Caroline, en a eu 9. Mon père m’a laissé tomber pour “s’occuper” d’elle. J’étais soulagée, d’un côté, mais révoltée aussi. Mais le scénario rebondit d’une manière imprévisible : Caro, du haut de ses 9 ans, lui a dit tout net (c’est elle qui me l’a raconté aussitôt) : “Papa, tu peux me tuer si tu veux, mais c’est mal et je ne veux pas que tu le fasses”. Mon père n’a pas insisté. Quand j’ai vu que Caroline avait réussi là où j’avais si indignement échoué, j’ai cru mourir de honte et d’abattement. Je m’en suis remis tant bien que mal, plutôt mal que bien d’ailleurs. Sans doute y a-t-il un rapport avec ce qui m’arrive aujourd’hui. » ■

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Il existe bien un lien entre l’histoire de Marie-Ange et sa difficulté sexuelle. Même la chronologie qu’elle décrit évoque son histoire : elle va consulter alors qu’elle est mariée depuis 12 ans et c’est 9 ans après son mariage que les problèmes autour de la sexualité ont commencé dans son couple. Elle ressent le besoin de guérir cette blessure. Pour cela, il va lui falloir réhabiliter l’image qu’elle a d’elle-même en tant qu’être humain, sujet de sa vie, et non « objet » de consommation pour un prédateur plus fort qu’elle. Une psychothérapie d’une durée adaptée sera nécessaire. Elle a également besoin de « retraiter » ces événements, pour les replacer dans un contexte plus général. Comme si elle arrivait à les mettre en archive. C’est bien sûr à elle que tout cela est arrivé, mais elle peut le localiser dans le passé. Elle a survécu, dépassé l’obstacle, vaincu l’horreur de la dépersonnalisation, le problème est derrière elle. Une technique comme l’EMDR (voir p. 215) pourra l’aider à retraiter l’événement et la mettre dans un état d’esprit mieux « configuré » pour faire face à votre présent.

Parfois, aucun événement historique ne peut être clairement repéré, individualisé… Certains comportements,

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Les abus sexuels sur les enfants sont très fréquents et n’ont pas tous l’aspect majeur de ce qui est à arrivé à Marie-Ange ! Il arrive que les femmes se sentent salies par une allusion, voire un regard… On peut imaginer que les petites filles, et dans une moindre mesure sans doute les petits garçons, ressentent des sentiments analogues, sans pouvoir les mettre en mots, ces mots que même les grandes personnes ont du mal à formuler !

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toutefois, même s’ils ne sont pas étiquetés comme graveleux, provoquent ce sentiment d’intrusion, d’abus ou de « chosification » de la femme. Écoutons Judith nous parler de sa douloureuse expérience, qui a laissé de lourdes traces au fond de son psychisme.

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Judith, 37 ans, conductrice de bus « Je n’ai jamais été violée, ni tripotée, ni rien de tout cela. Pourtant, quand une femme raconte ce genre d’expérience, je me sens très concernée ! C’est comme si je vibrais à chacun de ses mots, comme si sa souffrance était la mienne ! Alors que rien dans mon histoire ne peut me faire penser que j’ai subi ce genre de choses. Mon père était un personnage à double face : parfois très autoritaire, excessif, cassant, violent même ; parfois doux, charmeur, séducteur même. Quand il posait son regard brûlant, c’était comme s’il s’allumait à ma féminité de petite fille. Comme tous les séducteurs, il me laissait penser que j’étais la seule à le mettre dans un pareil état. Il ne semblait pas excité sexuellement, c’était plus subtil que cela. Il avait l’air charmé et voulait entretenir avec moi des relations particulières, comme si j’étais spéciale pour lui. Enfin, c’est ce qu’il me laissait croire de temps à autre. Mais comme ces moments étaient intenses pour moi ! Il me regardait si peu, la plupart du temps, que quand il s’adoucissait et me prenait sur ses genoux, j’étais la reine de Saba ! Quand il se mettait en colère, maman n’arrivait pas à le calmer. J’étais la seule à pouvoir l’amadouer et encore pas toujours. Mais si une personne avait un certain pouvoir sur lui, c’était moi ! Un soir, je devais avoir 8 ou 9 ans, j’avais une forte fièvre et maman s’était mise en tête de me mettre un suppositoire. Je sais maintenant qu’il y a bien d’autres moyens pour faire

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baisser la fièvre. Mais ce soir-là, elle voulait absolument me mettre ce suppositoire. Je me débattis tant et si bien que je réussis à l’esquiver. La fièvre avait sans doute décuplé mes défenses ! J’osais résister ! Elle appela mon père à la rescousse. Mécontent d’être dérangé, il arracha d’un geste le drap qui me recouvrait, écarta brutalement mes genoux que je cherchais désespérément à garder serrés et avec une force inouïe introduisit le suppositoire dans mon anus. Ma mère l’a laissé faire. Je me suis vraiment sentie violée. Je crois l’avoir été quelque part, en fait.

Même si Judith n’a pas été abusée au sens fort, elle a néanmoins subi un grave traumatisme. L’attitude séductrice de son père a conditionné, d’une certaine manière, son rapport avec les hommes. Elle se sent obligée d’être spéciale, d’attirer à tout prix l’attention sur elle. L’attirance de tous les hommes qu’elle rencontre, spécialement ceux qui sont plus âgés qu’elle, lui est vitale car elle a développé la conviction, inconsciente, qu’un lien durable avec un homme passe forcément par l’excitation sexuelle. Elle se prive ainsi d’une relation saine et forte, de peur de reproduire sans fin l’histoire avec son père. Il lui faudra du temps pour admettre que la sexualisation de la relation est un « plus », mais que tout n’en dépend pas. Certes, si toute sexualité disparaît, le couple est en danger, mais il s’agit ici d’une autre considération : Judith se sent obligée, sous peine d’être rejetée, de contrôler la relation en la sexualisant. Elle vit dans une contrainte terrible, aux conséquences écrasantes :

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Maintenant, quand je fais l’amour, j’ai toujours le sentiment diffus que l’homme veut m’imposer quelque chose, qu’il veut forcer ma limite, qu’il va m’humilier. Non, vraiment, ma sexualité ne se passe pas bien ! » ■

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séduire les hommes, se sentir rivale avec les femmes et ne jamais pouvoir s’abandonner à un amour respectueux de ses limites et de sa vie. Il arrive également que les enfants s’adonnent, entre eux, à des jeux sexuels. Cela peut aller du simple « touche-pipi » à des relations plus élaborées. Il n’est absolument pas souhaitable que les enfants d’une même famille sexualisent leurs relations. Il n’est pas bon non plus que des enfants anticipent une sexualité adulte et miment, à leur détriment, un acte sexuel qu’ils ne sont pas prêts à pratiquer.

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Néanmoins, le fait que ces enfants soient à peu près du même âge les met à l’abri d’un danger majeur : l’abus d’une génération sur l’autre. Les dégâts sont donc moins dommageables que lorsqu’il s’agit d’un adulte subornant d’un enfant. Toutefois, ces jeux sexuels ne sont jamais anodins, surtout s’ils sont associés à une violence physique, des menaces, des intimidations, du chantage ou de la coercition. On ne les considérera réellement comme des jeux que s’ils gardent un caractère ludique, sans être envahissants et si les enfants n’en sont pas dépendants. Enfin, ils doivent s’arrêter effectivement dès qu’un adulte leur impose un terme. Mais, si ces conditions ne sont pas réunies, s’il y a tentative de pénétration des orifices sexuels ou anaux de façon envahissante et non contrôlable, il ne s’agit plus de jeux sexuels, même entre enfants du même âge. Dans ce cas, il faut envisager que l’agresseur ait été lui-même victime d’agression. Le problème est alors délicat et demande à être abordé avec l’aide de plusieurs personnes : psychologue, travailleur social, médecin, etc.

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Le haut-parleur de l’inconscient : la somatisation Il n’est pas donné à tout le monde de dire simplement ce qui se passe : surtout si cela doit déplaire au partenaire, l’inquiéter ou le déranger. Il n’est pas évident de dire par exemple : « Écoute, en ce moment, je n’ai pas envie de toi. Cela dure depuis quelques semaines, mais je ne me sens pas disponible pour faire l’amour. Je me surprends à désirer d’autres personnes, même si je n’ai pas forcément l’intention de les séduire en réalité. Je n’ai rien à te reprocher, ce n’est pas de ta faute, c’est juste en moi, c’est comme ça ! » Alors, si les mots vrais ne sortent pas, s’ils restent verrouillés au fond de l’inconscient, le corps peut éventuellement prendre le relais et envoyer des messages équivalents. Cela s’appelle la « somatisation » : par des douleurs, des maladies ou des blocages, le corps physique prend le relais de ce que le psychisme ne peut pas exprimer. À charge pour la personne d’entendre à temps cet avertissement !

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Quand Lydia arrive dans mon cabinet, elle apporte un abondant dossier médical. Mais tous ses examens sont normaux et chaque fois qu’elle a eu, par le passé, une infection vaginale, cette dernière a été convenablement soignée. Lydia se plaint toutefois d’infections vaginales récidivantes depuis 5 ans. Les moments de répit sont courts et chaque rechute la plonge dans le désespoir. Elle a l’impression qu’elle ne s’en sortira jamais.

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Lydia, 26 ans, comédienne « Si ça continue, je vais devenir folle ! Ça me démange sans arrêt au niveau du sexe et je ne peux pas me gratter cet endroitlà en public. C’est insupportable de se tortiller sur sa chaise avec la sensation d’avoir le sexe irrité en permanence ! Mais pourquoi les médecins n’arrivent-ils pas à me soigner une fois pour toutes ? Soit ils me disent que je n’ai rien, soit que ça va passer. Mais quand ça passe un moment, ça revient au bout de quelques semaines ! » ■

Le discours de Lydia est peuplé de « ça » ! Sûrement peut-on entendre un rapport avec le Ça freudien, la profonde marmite bouillonnante où nagent nos pulsions enfouies ? Ça, mot indéfini, un peu enfantin qui évite d’avoir à dire « je » : ça fait mal au lieu de j’ai mal. Tout se passe comme si Lydia s’adressait à elle-même un message, autant qu’à son partenaire. Son corps dit non, hurle son « non ! » car elle n’a pas osé le formuler avec des mots. Il faut entendre un corps qui dit « non » et qui le dit à sa manière par des maladies, des douleurs ou des blocages. Mais pourquoi le corps de Lydia dit-il non ? Les entretiens suivants permettent d’y voir plus clair.

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Lydia (suite) « Si j’y réfléchis bien, tout a commencé quand on s’est marié, Jérémie et moi. Avant le mariage, tout allait bien. Il m’arrivait d’avoir plus souvent envie de faire l’amour que lui. Quand j’y pense maintenant, ça me semble vraiment si loin ! Et puis je n’avais pas mal, je commençais même à y prendre un certain plaisir… Au bout de quelques mois, tout s’est mis à aller de mal en pis. Sexuellement, ça s’est dégradé. Je n’avais presque plus envie, j’acceptais uniquement quand il me sollicitait. Et les infections ont commencé et n’ont jamais arrêté finalement. » ■ 97

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Il pouvait être tentant de rechercher la cause de ces problèmes autour d’une mésentente conjugale banale. Mes questions dans ce sens ne mirent à jour que des disputes… banales. Nous tournions en rond. Au cours d’une consultation, je me trouvai à court de questions, d’arguments, de conseils. Je n’avais aucune idée nouvelle, je décidai donc de reprendre le dossier à la base. Lydia et Jérémie étaient mariés depuis 4 ans, avaient vécu ensemble 2 ans avant le mariage et n’avaient pas encore d’enfant. L’évocation de l’absence d’enfant bouleversa Lydia. Sa réaction était incompréhensible, je ne comprenais pas ce qui la troublait à ce point car Lydia était restée discrète sur l’information qu’elle nous dévoila dans la suite de son témoignage, pensant que cela n’eût pas de rapport avec son problème sexuel. Lydia (suite)

Un an avant notre mariage, je suis tombée enceinte. La capote avait glissé le mois précédent… Ça ne tombait pas bien, mais j’étais heureuse : j’aimais Jérémie et je lui annonçai cette grossesse avec enthousiasme. Sa réaction a été mitigée. J’ai pris une douche froide en voyant son regard un peu paniqué. Mais je pouvais comprendre qu’un garçon, à son âge, pas préparé à cela… ne saute pas au plafond d’emblée. Le plus grave, c’est qu’il en a très vite parlé à sa mère, dont il est très proche. Sa mère ne m’appréciait pas et ne voyait pas notre avenir d’un bon œil. Elle espérait plutôt pour son fils une blonde élancée, riche héritière… Ce n’est pas moi du tout ! Cette grossesse, à ses yeux, allait ligoter son fils. Elle a tout fait pour le convaincre et elle a réussi. Jérémie hésitait, je lui ai laissé du temps.

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« On essaie d’avoir un enfant depuis 2 ans, sans succès. Le gynécologue envisage même une fécondation in vitro, mais l’idée m’en est insupportable.

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Un soir, il m’a demandé d’avorter. J’ai bien compris d’où venait la consigne, mais c’était ça ou le perdre. J’ai choisi l’aspiration, car on avait passé les délais pour l’interruption de grossesse par médicament. Puis la douleur au bas-ventre, la fièvre, les antibiotiques à forte dose. Jérémie était très attentionné, très amoureux… Évidemment, j’avais cédé à son attente ! Mes trompes se sont bouchées ou bien il y a eu des adhérences, enfin, ce n’est plus l’idéal pour procréer. Finalement, on s’est marié, ma belle-mère n’était pas ravie. Jérémie voit sa mère deux fois par semaine, je crois qu’elle a compris que je ne voulais pas le lui prendre. Enfin, de toute façon, elle ne me porte pas dans son cœur ! On devait partir travailler à Nouméa, ça m’aurait plu, mais, au dernier moment, Jérémie a refusé parce qu’il ne voulait pas trop s’éloigner de sa mère…

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C’est à tout cela que je pense quand vous dites que je n’ai pas d’enfant. Et aussi à Jérémie quand il veut faire l’amour : une partie de moi veut lui faire plaisir et l’autre a envie de lui dire que le sexe c’est bien beau, mais que j’ai avorté à cause de lui, ou plutôt de sa mère… Ça me met dans une colère ! Je n’arrive pas à lui en parler, j’ai trop peur qu’il me rejette ou me ridiculise. » ■

Voilà qui éclaircit notablement la situation ! Lydia étouffe sa colère et son humiliation. Mais son corps n’a pas abdiqué et continue de refuser une sexualité qui, au fond d’elle-même, l’a trahie. Son sexe est le lieu de sa souffrance, elle ne peut pas être femme dans cet endroit. Son mal au sexe n’est, finalement, qu’un mal à sa féminité. Elle admet enfin l’immense colère qu’elle porte en elle contre Jérémie et sa mère. Elle a enfin trouvé le courage de l’exprimer avec les conséquences que cela entraîne, notamment l’accusation de Jérémie qui se sent coincée, à cause d’elle, entre sa femme et sa mère. Les turbulences conjugales ont été éprouvantes.

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Jérémie a menacé plusieurs fois de divorcer. Lydia a tenu bon grâce à la thérapie de groupe qu’elle a entamée. Les infections vaginales se sont espacées au fur et à mesure que l’ambiance conjugale s’est dégradée. Lydia ne comprend pas bien ce qui lui arrive, mais elle a pris de l’assurance. Deux ans après (certains thérapeutes pensent que c’est un temps plutôt court), les infections ont cessé. Jérémie a pris une salutaire distance avec sa mère. À l’issue de la troisième tentative de FIV, Lydia a été enceinte puis a accouché d’une petite fille.

La peur au (bas)-ventre : grossesse, maladie, déshonneur Quand on a peur, on se contracte, on se crispe, on a mal… Le bon déroulement de l’acte sexuel est souvent profondément perturbé par certaines craintes. Celles qui concernent la sexualité sont particulièrement ravageuses.

La crainte de ne pas être à la hauteur « Je suis terrorisée à l’idée de ne pas convenir à mes partenaires. Comme tout le monde, je cherche l’homme de ma vie et je ne le trouverai pas dans une pochette-surprise ! Je suis donc d’accord pour coucher avec un homme séduisant, même sans la certitude d’une histoire durable. Je mets quand même toutes les chances de mon côté : je cherche à lui plaire, dans tous les domaines, même au lit ! Le problème, c’est que je ne sais pas

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Amélie, 26 ans, étudiante

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vraiment ce que les hommes attendent de moi. En fait, j’ai peur de ne pas être à la hauteur. Je me sens capable d’en parler, évidemment, je ne suis pas coincée sur le sujet, mais lui ? Ce n’est pas évident ! Je ne me vois pas en train de lui dire, dans le feu de l’action : “Ça va ? Ça te convient ? Je fais bien ce qu’il faut ?” C’est nul ! Les garçons disent des filles qu’elle est “bonne” ! Je serais incapable d’expliquer le sens de cette expression. Je ne sais même pas s’ils le savent eux-mêmes. C’est une fille qui prend du plaisir et qui le montre ? C’est une fille qui accepte tout ? Qui sait les faire jouir ? » ■

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Amélie tente de se conformer à l’attente de son partenaire, comme elle cherche sans doute à s’adapter depuis toujours à ce qu’attend son entourage. La peur de ne pas être à la hauteur se décline, pour elle, dans un registre surtout sexuel, mais cette contrainte, très fréquente, concerne toutes les facettes de la personnalité. C’est une angoisse infantile qui remonte à la période située entre l’âge de 4 et 6 ans. À une époque où il était concrètement question d’être à la hauteur, d’être grand, c’est-à-dire accepté dans le monde des « grandes » personnes. Une terrible équation se met inconsciemment en place : « Pour être acceptée, je dois être conforme à ce qu’on attend de moi. Dans le cas contraire, je suis rejetée, ou cantonnée dans un monde restreint, dévalorisé : celui de l’enfance, des irresponsables, des in-signifiants. » Amélie va petit à petit prendre conscience que sa valeur réside dans son être même et non dans ce qu’elle fait ou dans ses performances. Libérée de la pression d’avoir à se faire accepter, elle pourra négocier avec ses partenaires, comme on dit d’une trajectoire ou d’un virage. Le divorce de ses parents, quand elle avait 6 ans, lui a compliqué sin-

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gulièrement la tâche. D’autant qu’elle a entendu fréquemment son père justifier son départ par l’incompétence de sa mère en matière de sexualité. Amélie a entrepris une psychothérapie qui l’a aidée à améliorer sa sexualité.

La crainte d’une grossesse Bien sûr, les pays occidentaux ont facilité l’accès à la contraception. Ce n’est pas le cas pour toutes les femmes, certainement par manque d’information ou de moyens. Mais ce peut être aussi le cas de rapports sexuels inopinés, s’accommodant mal des délais nécessaires aux protocoles contraceptifs. La capote ? Il faut en avoir, c’est-à-dire avoir prévu ! Et puis il faut interrompre la spontanéité du rapport pour la mettre… La pilule ? Il faut, pour l’instaurer, attendre les prochaines règles. Et il y a surtout l’impatience, un bizarre sentiment d’urgence qui chasse toute prudence. Mais la femme, même consentante à ce risque, garde une angoisse largement susceptible de lui gâcher son plaisir. La crainte de contracter une maladie joue évidemment un rôle analogue.

L’acte sexuel peut se dérouler en dehors des conventions sociales majoritaires. Il est compréhensible alors que l’on craigne d’être mis au ban de la société, si cela « devait se savoir », si l’intimité du rapport était violée et s’il était mis

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La crainte du déshonneur

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sur la place publique. Surtout, si on fait l’amour avec un « étranger » ou si on est trop jeune ou trop vieille ou pas encore mariée ou si, comme Caroline, on est déjà mariée. Caroline, 38 ans, mère au foyer « Pour parler simplement, j’ai un amant. C’est banal… Il s’appelle Mathieu. C’est délicieux, mais complètement angoissant parce que c’est un collègue de travail. Mon mari le connaît un peu, disons qu’il l’a croisé deux ou trois fois. On se voit une fois par semaine, environ, pendant quelques heures, ce n’est pas facile car il est aussi marié. Quand je dis, on se voit, c’est pour faire l’amour, sinon on se voit au bureau. Ce qui me gâche tout, mais alors vraiment tout si vous voyez ce que je veux dire, c’est quand je pense à ce qui se passerait si ça devait se savoir. Mon mari ne le supporterait pas, sa femme le quitterait immédiatement, on se ferait virer tous les deux. Enfin, l’apocalypse… Je ne peux pas arrêter et, en même temps, je ne pense qu’à ces catastrophes. » ■

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Dans le cas de Caroline, il n’y a ni miracle, ni solution psychologique. Sauf à recourir à une attitude moralisante (« Il faut arrêter parce que c’est mal de tromper son conjoint »), elle doit choisir entre deux inconvénients : sa frustration sexuelle de ne faire l’amour qu’avec son mari ou prendre le risque d’être découverte et de subir l’opprobre de son entourage. Certaines femmes choisissent l’une ou l’autre voie. Les hommes ne sont pas non plus indemnes de ce genre de choix. J’entends le dilemme dans lequel se trouve Caroline et je reconnais l’inconfort de la situation. Mais elle seule peut le trancher. C’est sa liberté et son privilège. Comme un navire perdu, Caroline doit guetter à l’horizon les phares ou les balises qui lui permettront de se repérer et de tracer sa route. 103

Partie 3

Les hommes

C h a p i t re 6

Tu seras un homme mon fils !

Sur la pointe des pieds…

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Tout petit déjà, le petit d’homme, dans sa version masculine, craint de ne pas être à la hauteur. Disons que cette affaire-là commence entre 5 et 6 ans. Quand on voit papa faire ce qu’il fait, on est déjà motivé pour tenter l’aventure : on constate régulièrement qu’il fait mieux que nous. Mais si on a confiance, on peut s’accommoder d’un petit espoir : un jour on y arrivera peut-être ! En plus, on voit bien la tête de maman quand on a réussi quelque chose : c’est un mélange d’admiration et de fierté. Le problème, c’est qu’on y lit parfois comme une sorte de reconnaissance à notre égard : comme si notre réussite, c’était la sienne et qu’elle nous remerciait de lui avoir fait ce cadeau. On veut bien lui donner, à maman, cette belle réus-

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site qui la rend si resplendissante. On ne se doute pas du tout combien cela nous « met la pression » pour le jour où l’on n’y arrivera pas ou plus. Nous, ce qu’on veut c’est bien faire. On constate tout ce qui nous arrive quand on a tout bon : on a des TB, des 10, des bravos, etc. On se sent exister. Le monde entier tourne rond et l’on est assuré de notre place. À l’inverse, tout cafouille quand on a tout faux : de grands traits rouges barrent nos cahiers. Il est clair qu’on est méchant, pas beau. Les sourcils des grands se froncent, on les a rendus tristes, mis en colère et, surtout, on les a déçus. Le grand mot est lâché !

Tout sauf les décevoir Déçu le papa qui comptait sur notre impeccable progression. Déçue la maîtresse qui s’était pourtant donné tant de mal pour que l’on comprenne. Déçue surtout notre maman qui ne respire que par notre réussite et dont le cœur ne bat que pour nous applaudir.

Après, il va falloir aller vers les filles. Ce qui est loin d’être simple. Elles sont souvent plus dégourdies que nous, pouf-

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Parfois, les parents font exactement le contraire : ils doutent tellement de nos capacités que nos échecs, en donnant raison à leurs prévisions, semblent paradoxalement les satisfaire, voire les soulager. Dans ce cas, l’impression de ne pas être à la hauteur est permanente. Certains s’y habituent, d’autres pas : c’est selon la sensibilité de chacun.

TU SERAS UN HOMME MON FILS !

fent et se moquent. Leurs plaisanteries nous atteignent souvent en plein cœur. On se venge en les traitant de moches (les mots bien vaches ne manquent pas et savent enjamber les modes : thon, cageot, boudin, etc.). Surtout, on peut critiquer leurs seins et leurs fesses. Trop grosses ou trop petites, ces parties-là de leur corps s’offrant à la vue de tous, même sous les vêtements, offrent à nos petits propos vengeurs l’occasion inépuisable de les dévaloriser. Nous, on se sait attendus au tournant, alors il faut bien des munitions pour la contre-attaque ! Les épreuves sont peu nombreuses, mais sans repêchage.

Le baptême du feu amoureux

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D’abord embrasser : savoir quand mettre la langue, dans quel sens la tourner, penser à avaler notre salive pour ne pas lui baver dans la bouche… La fille doit savoir faire aussi, mais on lui pardonnera volontiers si elle ne sait pas, c’est au garçon de savoir et de lui apprendre. Les choses sérieuses commenceront quand il faudra se déshabiller. Les jugements sur les seins ou le postérieur, les filles en ont encaissé depuis belle lurette. Mais à des remarques sur la taille de notre pénis, on n’est pas préparé. Les copains avaient un peu commencé, sous la douche, à comparer. Mais quand le regard évaluateur provient d’une fille, alors là, on perd de notre superbe, surtout si on l’aime et qu’on veut paraître à notre avantage. Personne, mais alors personne, ne nous a prévenu que la taille de notre sexe lui importait peu ! Personne ne nous a affirmé qu’une fille peut

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être troublée par notre nudité, fascinée par notre anatomie enfin livrée, émue par notre fragilité, séduite par notre désir, attirée par notre virilité, mais en aucun cas subjuguée par un gros calibre. Ces enjeux-là, s’ils surviennent, ne viendront s’ajouter que bien plus tard dans la vie et resteront, pour les femmes, toujours secondaires par rapport aux sentiments.

Garde à vous ! Revenons aux premiers rapports sexuels : passe encore de montrer notre sexe, plutôt habitué à la discrétion d’un slip ou d’un caleçon. Mais il faut bander !1 Georges Brassens le dit d’ailleurs poétiquement : « La bandaison, papa, ça ne se commande pas ! ». Même si l’érection nous fait la faveur de permettre une pénétration voluptueuse, encore faut-il tenir assez longtemps pour que l’éjaculation ne vienne pas saboter l’entreprise, en survenant prématurément, avant que notre belle et nousmêmes ayons eu le temps de goûter un plaisir légitime !

1. Je n’hésiterai pas, dans cet ouvrage, à utiliser le terme « bander », certes peu médical, mais qui a l’intérêt d’être connu de tous. Que le lecteur me pardonne : le mot n’est pas vulgaire, il est populaire.

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Bref, en matière de sexualité masculine, les embûches sont nombreuses. Les occasions de ne pas être à la hauteur sont innombrables. Allez donc faire l’amour avec insouciance, avec une telle pression en tête !

TU SERAS UN HOMME MON FILS !

Cet ouvrage ne traite pas des difficultés d’érection en rapport avec une maladie physique : atteinte des vaisseaux sanguins ou des voies nerveuses, déséquilibres hormonaux, etc. ; la médecine est savante sur les causes et parfois efficace pour les traiter. Il s’intéresse plutôt à tout ce qui fait que les hommes ne sont pas des machines : ils ont un psychisme, un cœur, une histoire, des attentes et des espoirs de rencontre et d’épanouissement. Il arrive que tout ne marche pas comme sur des roulettes : on ne bande pas ou mollement. On débande tout à coup. On craint les pannes et plus on les craint, plus elles surviennent. On éjacule à la va-vite, à la petite sauvette.

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Ce serait bien de comprendre pourquoi et de savoir remettre sur les rails cette sexualité à rebrousse-poil et à rebroussecœur. Redonner sa place à la confiance en soi et en l’autre et pouvoir enfin regarder plus loin que le bout de son sexe.

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Les circonstances d’apparition

Voyons dans quelles circonstances peuvent démarrer ces tracas masculins : éjaculation rapide, érection flageolante, etc. Les premières fois en pâtissent souvent : pas d’affolement, c’est fréquent. Mais si les troubles persistent, il faut alors consulter un médecin. En général, ces ennuis se manifestent en face des dames. Mais il est des exceptions.

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Gérald, 24 ans, commercial « J’éjacule très rapidement, même quand je me masturbe. J’ai commencé vers 12 ans et ça m’a très vite posé des problèmes existentiels ! Il faut dire que mon père m’avait mis en garde, en avançant un argument bizarre qui m’avait fait forte impression à l’époque. Chaque homme, m’expliqua-t-il, a devant lui un nombre limité d’éjaculations dans sa vie. S’il les gaspille durant son

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adolescence, cela ne pourra que priver sa femme par la suite, quand il aura épuisé son stock ! Que répondre à cela quand on a 12 ans ? On ne sait pas qu’il s’agit de foutaises et l’on a envie de croire son père… Bref, je me sentais culpabilisé ! Alors, inconsciemment sans doute, je bâclais la chose pour ne pas aggraver ma situation mentale. Vraiment inconsciemment ! J’éjaculais au bout de quelques secondes, pour moi c’était comme ça, c’était normal ou, plutôt, je ne me posais pas la question de savoir si c’était normal ou pas. Au cours de mon premier rapport sexuel, c’est parti tout de suite évidemment. Ça ne m’a pas étonné. La fille n’a pas bronché, je crois qu’elle n’était pas trop au courant de comment ça se passait. Il a fallu que ce soit ma partenaire actuelle qui me prévienne. On est ensemble depuis trois mois, mais si je ne fais pas quelque chose, elle m’a dit que ça ne pourrait pas durer avec moi. » ■

Gérald éjacule rapidement, même quand il se masturbe. Il semble que son corps ne connaisse pas d’autre fonctionnement. Lorsque sa partenaire proteste, il tombe des nues et, surtout, il a du mal à se rendre compte des conséquences de son symptôme. On dit que Gérald est un éjaculateur prématuré « primaire », c’est-à-dire que cela a toujours existé pour lui1.

1. S’il avait eu un fonctionnement normal durant un certain temps et que le symptôme se fût exprimé ensuite, on aurait dit que son éjaculation prématurée était « secondaire ». Cette terminologie primaire/secondaire est la même en médecine pour tous les symptômes.

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Le diagnostic de l’EJP (éjaculation prématurée) primaire est donc tardif : il dépend de la réactivité de la partenaire, qui va oser tirer la sonnette d’alarme après un délai plus ou

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moins long. Évidemment, cela ne fait pas partie des choses faciles à avouer et l’on ne sait pas toujours comment le partenaire va réagir ! Le plus souvent, la masturbation se déroule sans problème. L’érection est de bonne tenue, l’éjaculation intervient dans un délai variable et sans conséquences sexuelles néfastes, puisque l’homme reste au rythme confortable de sa propre intimité. Les circonstances de l’EJP secondaire sont en rapport avec des fragilisations narcissiques, c’est-à-dire que la personne perd confiance en elle, qu’elle a l’impression de valoir moins qu’avant ou moins que les autres. Voyons quelques exemples de ces fragilisations narcissiques.

Quand ça ne va pas fort au boulot…

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Les hommes ont souvent besoin de montrer qu’ils sont forts, performants, efficaces, fiables et protecteurs ! Ils estiment alors qu’ils méritent admiration et gratitude. Lorsqu’ils reçoivent leur ration quotidienne de reconnaissance, leur équilibre psychique est soutenu. Dans le cas contraire, ils perdent l’estime d’eux-mêmes et se sentent dévalorisés, inutiles… Les voilà obligés de se renfermer sur eux-mêmes ou d’en faire toujours plus, au risque de s’épuiser. Ce mot peut parfois prendre un sens très fort : on le traduit en anglais par « burn-out ». Cela signifie que des symptômes physiques viennent s’ajouter aux manifestations mentales : pertes de mémoire, fragilité émotionnelle, difficultés de concentration, irritabilité importante, etc. 115

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Camille, 34 ans, cadre dans une entreprise de transport

Camille croit en effet qu’il doit redevenir performant sexuellement, sans s’apercevoir qu’il doit remettre en question la relation globale avec sa compagne. S’il est triste, préoccupé et sombre dans la vie quotidienne, sa femme est confrontée à un « manque-à-vivre » qui a des conséquences 116

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« On m’a dit que je subissais un harcèlement moral au travail. Ce n’est peut-être pas allé jusque-là, mais il est vrai qu’on me demandait toujours plus et on me jugeait uniquement sur mes résultats. Je comprends cette logique, mais je n’avais personne à qui expliquer les difficultés que je pouvais rencontrer. Quand je faisais des erreurs, j’étais immédiatement jugé par ma hiérarchie, sans pouvoir m’expliquer ou même demander de l’aide. J’aurais peut-être dû réagir plus tôt, mais je me suis laissé embarquer, sans m’apercevoir combien c’était grave pour mon équilibre personnel. Je ne voyais mes supérieurs que les jours où ils venaient juger mon travail et ils accumulaient les reproches, sans jamais le moindre encouragement. Si je voulais donner des explications, argumenter, ils disaient que je voulais me justifier et que je cherchais à cacher mes insuffisances. Si je ne disais rien, c’était une manière de leur donner raison. Bref, j’étais vraiment coincé. Je me défoulais aux repas et en grignotant. Quand je suis angoissé, c’est le sucré qui m’apaise. Du coup, je grossissais presque à vu d’œil ! Pas question de faire du sport, par manque de temps, et la fatigue me terrassait tous les soirs. Ma compagne s’est assez vite lassée de m’entendre me plaindre. J’avais besoin de faire l’amour, mais je n’avais plus le goût d’en faire un moment ludique, sensuel. Je voyais bien que ça lui convenait de moins en moins, mais je n’osais pas en parler avec elle. Sexuellement, j’avais de plus en plus souvent des pannes, parfois au milieu du rapport, et l’éjaculation devenait assez rapide. Ensuite, le cercle vicieux : plus je m’efforçais de bien faire, moins ça marchait. Comme au boulot, en somme… » ■

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plus larges que sexuelles. Mais Camille reste obsédé par ce qu’on attend de lui. Sans le vérifier explicitement. Il se met la barre trop haut. Il a sans doute raison au travail, mais pas avec son amie. Il doit vérifier ce dont elle a besoin : il se rendra compte alors qu’il faut alléger la vie quotidienne : la sexualité suivra ! En fait, la cause du problème n’est pas la somme de travail que Camille fournit : cette quantité de travail est certes excessive et ses limites sont dépassées. Elle réside dans le manque de confiance en lui !

Le bourdon inséminateur Le bourdon a inséminé la fleur : il peut partir, il a fait son travail. L’homme, même devenu père, reste un homme et son face-à-face avec la femme doit pouvoir durer sans s’effacer devant la toute-puissance maternelle. Mais certaines circonstances peuvent bousculer la tranquille relation amoureuse du début de l’histoire. C’est ce que nous raconte Jérémie.

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Jérémie, 29 ans, en recherche d’emploi « Chômeur, ce n’est pas très valorisant pour un homme. Mais bon, avec ma femme, on s’en sortait tant bien que mal, pour notre équilibre de couple. Le problème a commencé insensiblement après la naissance du petit. Pas immédiatement, car on n’a pas refait l’amour avant trois ou quatre mois. Pour moi, ça faisait une éternité, mais pour elle, le temps n’avait pas l’air de passer. Elle était avec le petit comme dans une bulle. Et moi je n’y rentrais pas dans la bulle ! Quand on a refait l’amour, j’ai bien senti qu’elle le faisait pour me faire plaisir. Elle ne prenait jamais l’ini-

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tiative. Ensuite, je crois qu’elle ne ressentait pas grand-chose. Ça s’est mis à cafouiller de mon côté. Dès que le petit chouinait, elle arrêtait tout et le prenait avec elle. Évidemment, après on ne recommençait pas ! Dans la journée, elle était assez exigeante avec moi. Je la comprenais car ce n’était pas facile de s’occuper d’un bébé, surtout quand c’est la première fois, mais du coup ça faisait un peu des disputes. C’est idiot, mais j’avais l’impression d’être jaloux du bébé : quand elle le regardait, elle souriait comme à un ange, elle avait l’air heureuse. Quand elle me regardait, ou bien c’était pour me dire qu’elle était triste ou fatiguée, ou bien pour me reprocher quelque chose. J’ai bandé de moins en moins souvent, et maintenant, ça ne va pas fort. Je crois que je n’ai même plus envie et je recommence à regarder les filles dans la rue. J’avais arrêté quand je me suis marié. Je ne sais pas comment peut finir cette histoire car j’aime ma femme, mais ça ne peut pas continuer comme ça. » ■

1. L’analyse transactionnelle* propose de partager la personnalité en trois états du Moi* : le Parent, (qui donne des limites ou des encouragements), l’Adulte (qui observe, comprend, prévoit et résout les problèmes) et l’Enfant (la zone des émotions, de l’élan vital). Nous avons tous les trois États du Moi à notre disposition, mais nous nous partageons parfois les rôles, de telle sorte que l’Adulte est peu sollicité, alors que l’un est surtout « dans son Parent » et l’autre « dans son Enfant ». On a alors l’impression que l’autre nous parle comme à un enfant, ou que l’autre se conduit comme un enfant à réprimander. L’équilibre respectueux du couple homme-femme à parité de génération est alors bien loin !

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La perplexité de Jérémie se comprend. Petit à petit, le couple homme-femme du début s’est dissous pour laisser la place à une bulle mère-enfant dans laquelle Jérémie n’a pas trouvé sa place. Sa femme semble comblée par son bébé… Et dans leur couple, sont apparus des rapports parent-enfant1. Jérémie et sa femme se sont peu à peu installés dans une routine

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relationnelle, dans laquelle chacun connaît sa partition. Jérémie a l’impression qu’il est au service de tout le monde dans la maison, d’autant qu’il ne peut pas s’en éloigner pour aller s’affairer à un travail qu’il n’a pas. Il est le père biologique de cet enfant, il peut même à l’occasion s’en occuper (on le dit même papa-poule), mais il ne se sent pas forcément à l’aise dans le rôle de sous-mère. Aussi performant soit-il dans les soins au bébé, il a l’impression de faire toujours moins bien que sa femme. C’est, en tout cas, ce qu’elle ne manque pas de lui faire remarquer dès qu’il fait la moindre erreur. Jérémie « fonctionne » en fait très bien : puisqu’il ne sait pas comment réagir, son sexe le fait pour lui. Il fait une « grève de virilité » pour attirer l’attention sur lui. C’est le couple qui sera bien avisé d’entendre le signal d’alarme et d’en tenir compte. Jérémie a vu son état s’améliorer dès qu’il s’est mis à chercher du travail avec plus de détermination. Il en a trouvé un, pas très bien payé, mais valorisant. Sa femme, pour sa part, a compris qu’il lui fallait laisser une place pour un homme à côté d’elle et qu’elle avait transformé Jérémie en « bonne mère », pour elle et son bébé. La psychothérapie qu’elle a entreprise lui a permis de se positionner à la bonne distance de son mari et de son fils.

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Une rencontre troublante Il peut arriver qu’un homme se sente obligé de satisfaire un cahier des charges assez élaboré. S’il se sent jaugé, jugé, attendu au tournant, il peut reculer devant l’obstacle. Mais, 119

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en sonnant la retraite, il n’a pas réglé le problème et se fait souvent rattraper in extremis par les difficultés. Écoutons Marcel.

« J’avais déjà eu plusieurs relations et ça s’était bien passé jusque-là. Je n’imaginais pas que je pouvais avoir une liaison durable car je partais souvent pour des raisons professionnelles. Avec Yvonne, on pourrait parler de coup de foudre. On a décidé de vivre ensemble assez vite, d’autant que je venais d’obtenir un poste fixe. Au bout de trois mois, on a emménagé dans une petite maison que ses parents nous ont prêtée. J’aurais préféré qu’on se trouve un logement à nous, mais je dois dire que c’était plus simple et surtout moins cher. Ses parents faisaient tout pour nous rappeler qu’on était chez eux et cela n’avait pas l’air de déplaire à Yvonne, parce qu’elle ne réagissait jamais. Notre sexualité s’est peu à peu compliquée, de mon fait. Mon érection est devenue fragile, il m’arrivait de débander au milieu. Pourtant, j’en avais envie ! Je crois que j’ai été très déstabilisé par la façon dont Yvonne me parlait à certains moments. Très autoritaire, elle ne supportait pas la contradiction. Dès qu’elle pensait que j’avais fait une erreur, elle se déchaînait contre moi. J’ai vite compris que c’était parce qu’elle se sentait insécurisée, mais, sur le coup, j’avais l’impression qu’elle parlait à un gamin. Bon, ça n’arrivait pas dix fois par jour, mais assez souvent quand même. Entre-temps, elle était adorable et l’on s’entendait bien, toutefois, quand le mécanisme se grippait, tout se mettait à dérailler. Un soir, elle m’a fait une réflexion sur la manière dont je lui faisais l’amour. Elle s’est énervée, parce que je ne trouvais pas son clitoris. Depuis, à chaque fois qu’on fait l’amour, j’ai l’impression de passer un examen. Quand je débande au milieu, elle ne dit rien, se retourne et fait semblant de s’endormir. Puis, tout à coup, elle se lève et va regarder la télévision. Je n’ose pas

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Marcel, 49 ans, ingénieur électricien

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retourner la voir car je ne suis pas trop fier de moi. Je ne comprends pas. Avec mes précédentes copines, je n’avais jamais eu ce genre de problèmes. Vous croyez que c’est à cause de l’âge ? » ■

L’âge n’a rien à voir là-dedans ! Yvonne impressionne Marcel, lequel ne sait pas comment se situer face à elle. Attentionné et généreux, il a du mal à réagir devant son agressivité, surtout si elle est injustifiée. Marcel a besoin de s’affirmer, sans violence, et de montrer ses limites1. Il doit exprimer à Yvonne ce qu’il ressent et lui demander de lui parler autrement. Elle peut sans doute aussi trouver un intérêt à changer ses relations avec Marcel. Quant à ses parents, tous les deux doivent apprendre à les mettre à distance et déménager ! Quoiqu’il en coûte. La pérennité de leur couple naissant est à ce prix.

Amoureux, moi ? Jamais !

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Lors du démarrage d’une relation plus affective, dans laquelle la composante amoureuse prend le dessus, un éventuel attachement durable devient envisageable. On sait combien certains hommes peuvent hésiter à s’engager.

1. Il s’agit de l’affirmation de soi, appelée aussi abusivement « assertivité ». Ce mot n’existe pas en français, il est la simple transposition de l’anglais assertivity.

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Yvon, 36 ans, employé des pompes funèbres « Mon histoire est assez classique. Je suis plutôt beau garçon, enfin, disons que je plais aux filles… à condition que je ne leur dise pas mon métier ! Si elles me le demandent, je n’entre pas dans le détail, je dis que je travaille dans les relations humaines. Ça fait bien et ce n’est pas tout à fait faux ! Donc, des fiancées, j’en ai eu des dizaines.

Effectivement, Yvon est coincé. Il lui semble qu’il est cerné par les difficultés. Comme toujours, dans ces cas-là, la solution consiste à séparer les problèmes qui se sont amalgamés les uns aux autres. L’éternel adolescent qu’il se vante d’être avec les femmes doit laisser la place à un homme capable d’engagement, ritualisé dans le mariage ou porté par un autre symbole. Mais il ne peut pas évacuer la question de la stabilité dont la femme qu’il aime a besoin pour bâtir avec lui une relation durable et, éventuellement, avoir des enfants. Il devra élaborer une relation plus étoffée et, sur-

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En ce moment, je sors avec Véra, une fille superbe, vraiment étonnante, d’origine russe. Elle a un poste analogue au mien, dans la ville voisine, on s’est rencontrés au cours d’une journée de formation permanente. Je crois que je suis amoureux pour de bon. Je ne me dis plus comme avec les autres : “une de perdue, dix de retrouvée”. Non, je ne veux pas la perdre, pas question. En même temps, je n’admettrais pas qu’elle m’oblige à la fidélité. Je me sentirais en prison, je me connais. Je crois qu’elle veut se marier et ça me fait peur, je suis coincé. Avec elle, j’ai toujours éjaculé trop vite : 30 secondes, une minute et voilà. Ça ne lui a pas semblé trop grave au début, disons plutôt qu’on n’en a pas parlé plutôt. Je pensais que j’étais trop excité, mais le problème persiste. Je suis perdu : si ça continue, elle va me quitter ! Mais si elle reste, elle va vouloir qu’on se marie. Que faire ? » ■

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tout, plus confiante avec sa compagne. Sinon, son éjaculation prématurée viendra lui rappeler à quel point il est mal situé comme homme en face de cette femme.

Pas évident de cinq à sept… Avec l’épouse légitime, l’homme n’a pas de problème. Mais avec sa maîtresse, tout se complique. Il doit faire face à l’irruption de sentiments gênants, que l’on appelle d’ailleurs des « sentiments parasites », dont la culpabilité est le chef de file.

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Guy, 54 ans, ébéniste « J’ai une maîtresse depuis 1 an. Évidemment, ma femme n’en sait rien. On se retrouve en fin d’après-midi, chez elle, une à deux fois par semaine. Je prétexte un surcroît de travail et, comme elle me fait confiance, ça passe tout seul. C’est ce qui me pose problème en fait. J’ai l’impression de la trahir. Ce n’est pas que notre sexualité soit géniale, loin de là, mais je ne suis pas à l’aise. Estce qu’il y a un lien entre les deux ? J’ai beaucoup de mal à obtenir une érection avec ma maîtresse. C’est profondément frustrant. Je suis excité, elle a autant envie que moi et puis rien : une chiffe molle ! À force d’essayer, je bande suffisamment pour entrer un petit peu et puis l’érection retombe au bout de 2 minutes. Quand je rentre chez moi, j’essaie de penser à autre chose, mais ce n’est pas facile. On m’avait bien dit, qu’à partir d’un certain âge, on avait besoin de médicaments pour bander. Mais ce qui m’intrigue, c’est que je n’ai pas ce problème avec ma femme. On fait l’amour rarement, à peine une fois par semaine, mais ça se passe bien. Je veux dire pour l’érection, parce que pour la passion, il y a longtemps que c’est fini. Depuis sa ménopause, disons que c’est moins « mouillé ». Enfin, au moins on se débrouille. » ■

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L’âge est décidément une obsession pour les hommes ou un alibi, comme la fatigue. Non, l’âge n’explique pas les difficultés d’érection de Guy. Mais sa culpabilité, en revanche, l’explique largement. Les hommes peuvent se sentir coupables pour d’autres raisons. Lorsqu’ils ont perdu récemment un être cher, par exemple. Il n’est pas simple, dans ce cas-là, de se donner la permission de « s’éclater » sexuellement. La période du deuil ne fait pas forcément bon ménage avec la sexualité1.

Au secours, ma femme n’est plus frigide ! Le terme technique est bascule systémique*. Il décrit le phénomène suivant : un couple est un système, dont l’équilibre peut très bien s’appuyer sur un symptôme ! Étonnant, non ? Tout se passe comme si le problème sexuel pouvait cimenter le couple, occuper ses discussions, alimenter ses interrogations, finalement, devenir fondamental à sa survie. Un peu comme les prisonniers, si habitués à leur cellule, qu’ils craignent, à leur libération, de se retrouver dehors et bien démunis.

1. Les femmes ont souvent des réactions analogues de blocage sexuel en période de deuil récent : disparition momentanée du désir, absence d’orgasme, etc.

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Il s’agit d’un paradoxe, bien compréhensible toutefois.

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Jean-Charles, 31 ans, serrurier « Quand on s’est mariés, ma femme n’avait aucun désir sexuel. Elle aimait mes caresses, mais se crispait dès que je m’approchais de ses seins ou de son sexe. Je respectais ses limites.

Après plusieurs mois et, surtout, beaucoup de diplomatie et de douceur, nous avons réussi à avoir un rapport sexuel. Inutile de vous dire que, pour elle, ce ne fut pas terrible. Mais, au moins, elle acceptait de me laisser entrer en elle. Nous devions utiliser une lubrification artificielle car elle ne mouillait pas. Elle ne ressentait aucun plaisir, mais réussit petit à petit à faire en sorte de ne plus avoir mal, en faisant de la relaxation. Moi, je n’étais pas très heureux de la voir comme ça, mais, de mon côté, il n’y avait de problème ni d’érection, ni d’éjaculation.

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J’étais désolé qu’elle ne se régale pas autant que moi et bien décidé à l’aider. Nous avons consulté un sexologue. Notre sexothérapie a fonctionné au-delà de toute espérance : ma femme a découvert son corps, ses sensations… Elle est devenue peu à peu plus précise dans ses demandes. Elle s’est mise à me dire ce qu’elle n’aimait pas et ce qu’elle aimait. Parallèlement, elle s’affirmait par rapport à moi. Par exemple, elle osait me contredire si elle n’était pas d’accord avec moi, même devant des amis. Elle n’aurait jamais fait cela auparavant. Enfin, elle a ressenti des orgasmes, au point que j’en étais impressionné. Dieu sait si j’avais souhaité qu’elle se décoince, mais là, c’était presque trop. J’ai commencé à avoir des problèmes d’érection à peu près le jour où elle a pris l’initiative de me demander de faire l’amour. Du coup, je craignais de ne plus être à la hauteur. Surtout, ce type de rapport était tellement nouveau entre nous que j’étais décontenancé. Elle a même commandé un vibromasseur. Parfois, je me dis que je sers à rien, si elle peut se faire jouir avec ce truc en plastique.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Maintenant, quand mon érection est suffisante pour la pénétration, c’est déjà bien. Mais ça fait longtemps que je n’ai plus d’érection dure ou alors au petit matin, avant de me réveiller ! Et là, je suis complètement endormi, ce n’est pas le top pour faire l’amour. » ■

En fait, c’est le couple dans sa globalité qui est porteur du blocage. Il peut arriver également la situation inverse : l’homme soigne ses difficultés d’érection, alors sa femme découvre une panne de désir. Tout se passe comme s’il y avait une sorte de consensus, parfaitement inconscient, pour que le couple ne puisse pas être épanoui sexuellement. C’est l’un, ou l’autre, qui est chargé d’être le « patient désigné* ». Le présumé sain peut s’offrir le luxe de se présenter comme frustré, excédé, à bout de patience ou même exagérément compréhensif. Les thérapeutes savent bien que, dans les mois qui suivent certaines guérisons, on peut s’attendre à voir apparaître un symptôme symétrique chez le conjoint. C’est l’analyse systémique* qui représente le cadre conceptuel le plus adéquat pour aborder et comprendre les « systèmes » pathologiques.

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Après avoir abordé quelques portes d’entrée dans le problème, abordons maintenant la question des origines et des causes probables de ces tracas masculins.

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Les idées reçues

L’homme qui souffre d’éjaculation prématurée ou de trouble passager de l’érection est souvent victime de préjugés. Que n’a-t-on pas raconté ici et là ? Où est donc l’origine de telles déconvenues ? Il convient d’analyser ces idées reçues afin de pouvoir quitter les illusions qui les sous-tendent.

Alors, heureuse ?

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Dans ce cas de figure, l’homme pense qu’il fait jouir sa partenaire, il croit porter la responsabilité de sa jouissance. Il peut donc se vanter s’il réussit, mais, symétriquement, il pense qu’il n’est pas à la hauteur s’il échoue. Affirmons plutôt que personne ne fait jouir l’autre, mais que chacun est responsable de son propre plaisir. Cette « utilisation de l’autre » dans l’acte sexuel est éthiquement acceptable lorsqu’elle est limitée à la sexualité, rigoureusement symétrique, sans abus de pouvoir ni manipulation. 127

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Il est vrai que le langage amoureux cède souvent, malgré tout, à un impératif de relation. On imagine mal que l’on puisse dire : « Mon amour, je me sers de toi pour jouir » ! On a plutôt envie d’attribuer à l’autre la responsabilité, voire la volonté, de notre jouissance. L’amoureux dira plutôt : « Mon amour, tu me fais jouir ! ». Les femmes ont également comme but de faire jouir les hommes. Mais tout se passe comme si la tâche était plutôt aisée. Sa réalisation ne tient pas forcément de la performance. « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », disait Corneille. La tâche est autrement ardue pour l’homme face au plaisir féminin. Si la femme jouit, il en tirera le sentiment d’avoir réussi, sinon un exploit, du moins une certaine performance. Il peut même estimer avoir droit à une certaine reconnaissance ou aller jusqu’à croire que sa compagne peut devenir dépendante de lui, par l’intermédiaire du plaisir qu’il lui donne. Ô illusion funeste… Le plaisir sexuel féminin fait peur aux hommes ! Il est si mystérieux, imprévisible… Fugace, exigeant, il ne peut être enfermé dans des comportements stéréotypés. Il pousse la femme à s’attacher et, tout aussi facilement, à se détacher. Il peut être tentant de se dire qu’on le contrôle parce qu’on est celui qui le provoque. C’est ce dont témoigne Jérôme.

« Nos mots d’amour, pendant l’acte, tournent toujours autour de “Tu me fais jouir, aucun(e) autre ne me ferait jouir comme toi”. À chaque fois qu’elle a un orgasme, je suis fier de moi ! Je me dis que j’ai réussi une fois de plus. Quand elle n’en a pas, je pense

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Jérôme, 46 ans, fleuriste

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immédiatement que j’ai loupé quelque chose, que j’aurais dû faire autrement, que j’ai été maladroit. Le plus important pour moi, c’est de pouvoir me dire qu’elle ne peut pas me quitter, car elle dépend de moi. Mon sexe, c’est comme un besoin vital pour elle. Ce qui me rassure, c’est qu’elle me le dit, qu’elle me le montre ! Vraiment, tout se passe bien dans notre sexualité. » ■

Le témoignage de sa femme peut nous faire réfléchir.

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Mélanie, 43 ans, commerciale « C’est vrai qu’au plus fort de l’acte amoureux, j’ai envie de prononcer ces mots “Tu me fais jouir”. En y réfléchissant, ce n’est pas si sûr. D’abord, j’y arrive très bien toute seule. Ce n’est pas la même chose, d’accord, mais je ne suis pas en manque d’orgasme quand Jérôme n’est pas là. Et puis, comme m’a dit, un soir de confidence, ma vieille tante : “Une masturbation bien menée vaut mieux qu’un coït bâclé !”. (Rire). Quand je ne jouis pas avec lui, il croit que c’est toujours de sa faute. Mais, la plupart du temps, ça n’a rien à voir avec lui. Je crois que, si je lui disais, ça l’inquiéterait plus que ça ne le rassurerait. Parfois, je suis tout simplement fatiguée ou pas disponible, pour une raison ou une autre, ou j’ai envie de conserver une sensation de plaisir diffus, sans basculer vers l’orgasme ! C’est très bon comme ça, mais Jérôme risque de prendre cela pour un échec personnel. Il croit qu’il peut cumuler, dans son rapport avec moi, toutes les fois où j’ai joui dans ses bras. Mais je ne lui appartiens pas, pas plus que la jouissance que j’ai pu ressentir avec lui. En fait, le compteur se remet à zéro à chaque fois. Je ne sais pas comment lui faire part de ce sentiment intérieur de liberté. Je crois qu’il ne le supporterait pas. Il a trop besoin que je sois à lui, comme il dit, et pense que le sexe m’enchaîne à lui. Comme il se trompe ! Pour l’instant, c’est lui que j’aime, tout va bien. Mais le jour où j’aurai décidé de le quitter, j’irai jouir dans les bras d’un autre ! (Rire). » ■

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Jérôme serait bien avisé d’entendre le message de sa femme et de réviser à la baisse ses certitudes conjugales. La plupart des hommes sont très surpris d’apprendre que les femmes se masturbent. Certes, cela ne fait pas partie des confidences faciles à faire ! Les femmes n’ont pas non plus le « monopole sexuel » de faire jouir les hommes. Chacun est responsable de son plaisir. En matière de sexe, personne ne peut longtemps tenir la dragée haute à quelqu’un d’autre. On ne « partage » pas sa propre jouissance. C’est un sentiment intérieur que l’autre ne peut que constater, mais jamais ressentir « en propre ». On peut, et c’est déjà beaucoup, se sentir en communion avec l’être aimé au moment où il jouit. Cela a des conséquences très positives : il n’est nul besoin de se mettre la pression pour réussir une performance. Chacun peut se détendre et apaiser tous les enjeux. La sexualité peut enfin s’épanouir dans l’insouciance et chacun peut s’abandonner à sa propre musique sans prendre en charge la partition de l’autre !

Les musiciens disent qu’ils sont dans une polyphonie a-modale. Le mot est savant, mais la chose est aisée. Le résul-

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L’expérience de lâcher prise peut même aller plus loin. Voici une petite expérience édifiante et parfaitement anodine. Trouvez un(e) partenaire : le projet étant exclusivement ludique, l’entreprise sera faisable. Puis proposez-lui de chantonner doucement sur un son ou même bouche fermée. Démarrez ensemble, sans vous concerter, sur la mélodie que vous allez fredonner. Improvisez en vous laissant aller à l’inspiration du moment. Mélodie, rythme, etc., peuvent changer.

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tat est toujours surprenant et souvent plaisant. On chante doucement, on écoute l’autre en même temps, on se régale des moments d’harmonie, on s’amuse intérieurement des brèves dissonances, moins désagréables à l’oreille qu’on aurait pu le craindre. Si l’équilibre se fragilise, on chante un peu moins fort, pour revenir dans la communion du son dès que le plaisir revient pour entrelacer les deux voix. Ainsi en va de la sexualité : légère quand on l’accueille, elle s’alourdit dès qu’elle devient une tâche ou une performance !

Il veut apprendre à se contrôler

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Le grand mot est lâché : se contrôler ! Les hommes aiment avoir les choses en main, dominer la situation, bref, on y revient toujours : contrôler. Éviter que leur échappe l’imprévu qui va les déstabiliser, les remettre en question, voire en danger. Dans un tel contexte, la panne sexuelle prend des allures dramatiques, la débandade est vécue comme une humiliation, l’éjaculation rapide comme une défaite. Il s’agissait de gagner la bataille, d’orchestrer le plaisir, de guider l’expédition, d’être la cheville ouvrière de l’orgasme, le chef de file de la volupté ! Adieu alors gratifications émues, reconnaissances éternelles, dépendances humides ! L’érection, en disparaissant, a fermé le ban. L’éjaculation intempestive a sonné le glas du contrôle. Sauve qui peut, chacun pour soi et le dieu Eros pour tous ! Tous les lendemains de sexe ne chantent pas la même chanson. L’homme, dans ce cas, pense qu’il doit apprendre à se contrôler, se dominer, dompter la bête. Écoutons Julius.

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Julius, 47 ans, mathématicien « J’ai toujours réussi ce que j’ai entrepris. Plus exactement, dès que je voyais que je n’allais pas réussir, je savais changer de cap à temps. Donc, je n’ai été confronté que rarement à l’échec. Quand ma mère est morte, j’avais 28 ans. J’ai cru que je pourrai faire quelque chose pour éviter que sa maladie ne s’aggrave. J’ai consulté plusieurs médecins, tous aussi inefficaces. Bon, là je me suis dit que j’étais impuissant. C’est vraiment un souvenir très douloureux. Mais, à part ça, quand je veux quelque chose, je fais en sorte de l’avoir. Aux échecs, je prévois plusieurs coups à l’avance, par exemple. Quand il faut se donner du mal, je suis toujours d’attaque : ma devise c’est “Quand on veut, on peut”. Alors, cette éjaculation qui m’échappe, sans que je ne puisse rien faire, c’est terrible pour moi. C’est mon propre corps et ce n’est pas moi qui décide ! Il doit bien y avoir une technique, une discipline pour retarder l’éjaculation ! Je suis prêt à faire des exercices, à muscler certaines parties de mon corps, même à prendre des médicaments pour me renforcer. » ■

Julius doit lâcher les freins qu’il a serrés, çà et là, dans sa personnalité. Vouloir contrôler son éjaculation reviendrait, pour lui, à serrer un frein à main de plus : une action vouée

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Julius est persuadé qu’il doit être plus fort et qu’il doit lutter contre cette « faiblesse ». Or, il est déjà dans une logique de sur-contrôle : émotionnel, comportemental et mental. Comment lui expliquer que, comme dans une cocotteminute sous pression, le bouchon peut se soulever n’importe quand et sans prévenir ? Il n’est pas pertinent de vouloir verrouiller le bitoniau, car la pression monterait encore plus ; le problème, au lieu d’être réglé, serait évidemment aggravé.

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à un échec certain, comme il a pu le constater. Il doit apprendre à exprimer ses émotions au fur et à mesure, à donner son avis, à reconnaître ses besoins et ses points faibles, à faire en sorte de se laisser approcher. Les hommes détendus éjaculent normalement et, souvent, quand ils le décident ! Le bon temps de l’éjaculation, c’est l’harmonie du corps et de l’esprit. Il s’inscrit dans la confiance en soi, dans le doux apaisement de se sentir accepté pour qui l’on est, dans la fluidité ondulatoire et souple du bassin. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de chasser les idées stressantes, sauf si l’on s’ouvre à l’érotique réalité de l’instant présent et à la fascinante complicité de deux corps qui se cherchent, côte à côte et face-à-face !

Elle serait trop contente Si la sexualité de l’homme se passe bien, s’il est durablement en érection, que son éjaculation laisse un tant soit peu de répit avant de clore l’épisode charnel, alors il peut espérer que la femme en sera comblée.

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Nous avons vu qu’il était aventureux de miser sur une quelconque « capitalisation » relationnelle de cet avantage sexuel ainsi procuré à sa partenaire. Mais tous les hommes ne sont pas forcément à l’aise avec la jouissance féminine, comme nous l’avons dit. L’éventail des réactions masculines peut parfois aller jusqu’à des positions inconscientes, assez surprenantes.

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Quand le pénis « refuse », en débandant ou par une éjaculation rapide, il est probable que la femme ressente une certaine frustration1. Cette chronique d’une frustration annoncée peut passer pour une attitude sadique ou persécutrice. Mais il faut toujours se reporter au contexte relationnel, et là, souvent tout s’éclaire : une sorte de « traçabilité » des reproches mutuels ! Avec ses mots à lui, Marc-Antoine explique son malaise. Marc-Antoine, 49 ans, cadre informatique « Avec Aurore, au début, ça se passait bien. Disons tout nouveau tout beau ! Elle avait des orgasmes très forts et très bruyants ! Petit à petit, j’ai commencé à appréhender sa jouissance. J’avais l’impression, comment dire, qu’elle partait toute seule, un peu comme si elle m’utilisait finalement. Ça ne me dérangeait pas plus que ça, mais, un soir, on a fait l’amour alors qu’on s’était engueulé dans la journée. On s’est réconciliés sur l’oreiller, mais, en fait, je n’avais pas “avalé” les vacheries qu’elle m’avait envoyées devant des amis. Alors, quand elle a démarré, j’ai eu un sentiment pas joli. Ça m’a énervé qu’elle jouisse comme si de rien n’était et j’ai débandé au milieu ! Elle était vraiment frustrée !

1. Nous avons vu que cela n’est pas systématique : au début d’une relation, c’est souvent la tendresse et l’émotion qui priment. À la longue, une femme mécontente du rapport global avec son compagnon peut se satisfaire d’un temps sexuel plus court : la corvée est moins longue !

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Bien sûr, elle m’en a voulu, mais comme je lui en voulais aussi, c’est comme si le théâtre inconscient de notre conflit s’était transposé au lit. Ensuite, c’est devenu un cercle vicieux : dès que quelque chose n’allait pas entre nous, j’avais des pannes d’érection, au milieu, et même une fois, c’est arrivé juste au

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moment où elle allait jouir. Non seulement elle était frustrée sexuellement, mais en plus elle avait l’impression que je voulais la priver de ce à quoi elle aurait droit ! Elle était doublement en colère contre moi… Maintenant, pour équilibrer, si je puis dire, quand c’est elle qui a des griefs contre moi, elle a la migraine, enfin, elle se refuse pour une raison ou pour une autre. C’est de bonne guerre… Mais c’est dommage de parler comme ça de la sexualité. Il faudrait qu’on aborde autrement nos conflits, sinon, on va finir par saborder notre sexualité, voire notre relation. » ■

Marc-Antoine et sa femme ont entrepris une thérapie conjugale, dans laquelle ils ont surtout abordé leur façon de gérer leurs conflits, leurs reproches, leurs critiques. Ils ont ainsi appris à se positionner avec clarté et franchise et découvert avec stupeur et ravissement qu’un bon conflit vaut mieux qu’une mauvaise tension.

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Auparavant, quand l’un d’entre eux bâtissait une phrase sur le mode « Si tu ne… alors moi, je… », l’autre lui répondait invariablement : « Tu me fais du chantage ! ». Or, ce n’était pas forcément du chantage. Faire du chantage consiste à lier deux enjeux qui n’ont rien à voir afin de faire pression sur quelqu’un : « Si tu me quittes, je me tue ». Pourtant, il n’y a aucun rapport cohérent entre le fait de supprimer ses jours et le fait que l’autre souhaite changer d’atmosphère ! À l’inverse, il est parfaitement légitime de dire : « Si tu n’arrêtes pas de coucher avec Dominique, je demanderai le divorce ! » ou bien « Si tu ne répares pas la voiture avant dimanche, je n’irai pas manger chez ta mère, car je n’ai pas l’intention d’y aller en train. ». Cela n’est pas du chantage,

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mais revient à annoncer les conséquences des griefs non résolus. Cela permet à l’autre de se déterminer librement, tout en connaissant les conséquences probables de ses actes. Marc-Antoine et sa femme ont développé un savoir-faire spécifique dans le dépassement des conflits. Que croyezvous qu’il se passa au lit ? L’érection revint ! Et « l’ambiance » sexuelle, enfin assainie et débarrassée des parasites quotidiens, permit d’améliorer encore la relation. Quand le cercle vicieux se transforme en cercle vertueux… Albert, quant à lui, réagit à sa manière aux sollicitations affectueuses de sa partenaire. Albert, 41 ans, assureur

Albert est confronté à un dilemme : comment faire comprendre à sa femme qu’elle donne trop ? Que sa sollicitude, par son côté nourricier, la situe non comme une partenaire, mais comme une bonne maman ? Saura-t-il trouver les

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« J’ai l’impression qu’elle ne veut qu’une chose, c’est que je sois heureux ! Au début, je me sentais valorisé, soutenu. C’était bon. Elle me disait volontiers que tout allait bien. Elle me félicitait quand mon érection était dure, comme si elle était fière de moi. Petit à petit, j’ai senti un malaise diffus. Au point que mon érection disparaissait au bout d’un moment. C’était bizarre, parce qu’elle était si positive à mon égard et je me sentais bloqué quand même ! En fait, elle ne pensait pas assez à elle ! J’avais l’impression qu’elle félicitait son petit garçon qui ramenait un bon point de l’école. Ça ne favorise pas la libido. Elle voulait mon plaisir, mais, comment dire, elle me maternait trop. Est-ce que j’aurais aimé qu’elle me materne moins ? Non, en fait, qu’elle ne me materne pas du tout ! Comment lui expliquer cela ? » ■

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mots ? Et si sa femme accepte de changer, saura-t-il se passer d’une attention quotidienne à laquelle il s’était bien habitué ? Au terme de ce chapitre, il apparaît que les problèmes sexuels ne trouvent pas forcément leur origine dans le champ de la sexualité. Il est plus question de positionnement relationnel, de fluidité émotionnelle et de vécu subjectif ! Certains pourront s’en réjouir en se rassurant sur leurs aptitudes sexuelles : « Finalement, je suis normal ! Ce n’est qu’une question de relations ou de confiance en moi, mais je ne suis pas en cause personnellement dans mon aptitude sexuelle proprement dite. » D’autres vont s’en inquiéter : « C’est plus difficile à changer ! Je vais avoir du mal à me remettre globalement en cause dans mes relations avec les autres… Finalement, j’aurais préféré avoir un problème physique, qu’on aurait pu soigner par un médicament ! » D’une manière ou d’une autre, il faudra bien que chacun découvre ces trois piliers d’une sexualité heureuse :

• on ne « fait » pas jouir sa partenaire, mais elle « jouit de nous » ;

• inutile de se sur-contrôler, c’est au contraire en lâchant prise que l’harmonie s’installe ;

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• il faut régler un conflit, affiner un positionnement relationnel avant d’aller faire l’amour. Sinon, les symptômes sexuels tenteront de le faire, mais si mal !

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Les pièges de l’éjaculation

Il n’est pas évident d’aborder, dans la vie quotidienne, la question de l’éjaculation. Au-delà d’une pudeur bien compréhensible pour tout ce qui concerne le sexe, l’éjaculation évoque parfois des souvenirs bien délicats.

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Considérations sur l’éjaculation Ce sont d’abord les « pollutions » nocturnes ! L’adolescent, atterré, découvre qu’il a taché ses draps. Le sperme, en séchant sur le matelas, a dessiné une forme aléatoire, que le bon sens populaire a nommé « carte de France ». On raconte que c’est ainsi qu’on avait qualifié les traces nocturnes du futur roi Louis XIV. Certaines familles accueillent l’événement avec bienveillance, voire bonhomie. D’autres

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étouffent l’affaire. D’autres encore réprouvent cette marque de lâcher prise, pour des raisons morales (c’est de moins en moins fréquent) ou par référence au surcroît de travail ainsi dévolu à la personne chargée du nettoyage. Mais l’éjaculation, c’est aussi :

• un liquide visqueux, sortant par le même endroit que l’urine, parfois implicitement classé parmi les déjections ; • la preuve de la jouissance masculine : nul ne peut la dissimuler quand elle survient ou la simuler quand elle se fait attendre. Certes, un homme peut jouir sans éjaculer ou éjaculer sans jouir. Mais quand il éjacule, il éjacule ! • un produit humain assez inclassable : tantôt précieux (la semence), tantôt gênant (quand il remplit intempestivement le slip ou finit par suinter du sexe de la partenaire sur le siège de la voiture).

Il faudra aussi lutter contre la fatigue qui s’abat sur les épaules du jouisseur, plombe ses paupières et lui donne envie de s’allonger. On sait désormais que son corps sécrète des flots d’endorphine, sorte de morphine naturelle, euphorisante et sérieusement « planante ».

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L’éjaculation provoque la fin de l’érection, qui ne reprendra qu’après une période dite « réfractaire », pouvant aller de quelques secondes, pour les plus jeunes, à quelques jours, pour les plus âgés. De ce fait, l’éjaculation sonne la fin de la récré, l’arrêt du coït, faute de rigidité suffisante. Si l’on veut continuer le rapport sexuel, il faudra inventer et faire avec les moyens du bord (doigts, bouche, instruments divers, etc.).

LES PIÈGES DE L’ÉJACULATION

Alors, quand dit-on que l’éjaculation est trop rapide ? Il n’est pas de définition objective. Le rapport « trop » court, mais que veut-on dire par là ? Surtout, quel point de départ prend-on pour ce calcul ? Est-ce le début de la pénétration ? Ou le début des préliminaires ? Certains éjaculent avant même la pénétration, dans la main ou sur la vulve de leur partenaire : on parle en latin (les médecins de Molière n’ont pas abandonné leur jargon) d’éjaculation ante portas (devant la porte) ! Ceux-là aimeraient bien pénétrer avant d’éjaculer. Pour les uns, 5 minutes seront ressenties comme un délai trop court, alors que d’autres considèreront comme un exploit de tenir 1 minute ! Jean-Charles, 28 ans, gérant d’une société de service

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« J’ai eu plusieurs partenaires, durant des périodes assez courtes : 3 mois au maximum. C’était surtout pour m’amuser, on ne vivait pas ensemble. On faisait ça en général en sortant de boîte, souvent à la sauvette. J’éjaculais rapidement, je m’en rends compte maintenant, mais, sur le moment, ça n’avait aucune importance ! Mes partenaires ne se plaignaient pas, ne m’en parlaient même pas ! Il a fallu que je m’installe un peu plus avec Noémie, qu’on vive ensemble… Un jour, elle m’a dit que j’éjaculais trop vite pour qu’elle puisse prendre du plaisir. Je reconnais qu’il a fallu qu’elle me fasse confiance pour me le dire. C’est bien qu’elle ait pu me le faire comprendre gentiment, sans me juger. Elle savait que je pouvais me soigner et ne m’a pas dévalorisé. Moi, je suis tombée des nues ! Mais j’ai accepté son conseil… et me voilà ! » ■

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L’éjaculation rapide est un concept récent, qui date de la prise en compte du désir des femmes et de leur attente de satisfaction. C’est seulement dans la réaction de sa partenaire que le jeune homme va « lire » les indices de sa sexualité. Si sa compagne ne lui fournit aucun commentaire, le garçon a le plus grand mal à prendre du recul vis-à-vis de lui-même et de son fonctionnement sexuel. Le praticien est parfois désarçonné par des demandes vraiment bizarres. Alain, 48 ans, fonctionnaire Alain vient consulter pour une éjaculation qui survient 3 minutes après le début du rapport. – « C’est vrai que 3 minutes, c’est un délai court, mais c’est déjà bien !, lui dis-je. Depuis combien de temps souffrez-vous d’éjaculation prématurée ? – Mais je ne viens pas pour durer plus longtemps, mais moins longtemps au contraire ! Les mouvements sexuels me fatiguent et j’aimerais bien terminer plus vite. Avez-vous un conseil à me donner ou un médicament pour conclure plus rapidement ? – Qu’en pense votre femme ? – Elle est censée en penser quelque chose ? », me demanda Alain perplexe.

L’éjaculation est précédée d’une impression d’inéluctable : rien ne pourra alors l’arrêter, ni une volonté farouche, ni même la contraction de tous les muscles du périnée (la zone musculaire située à l’entrejambe).

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Il ne plaisantait pas et semblait s’interroger sincèrement !

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Il arrive, chez certains, que disparaisse la sensation d’imminence de l’éjaculation : l’homme est alors surpris par cet événement intempestif, imprévisible et incontrôlable. Le dépit est augmenté par l’impression que tout échappe : le contrôle, le délai, le déclenchement, et même la prévision. Les hommes qui sont dans ce cas peinent à trouver les mots pour décrire à quel point ils se sentent le jouet impuissant d’une pulsion qui les dépasse. Ils ne peuvent ni en jouer, ni en jouir. Ils constatent, qu’ils ne peuvent qu’accepter passivement une éjaculation qui s’impose à eux et qui termine le rapport sans crier gare. C’est souvent la partenaire qui insiste pour que l’homme aille consulter. Parfois, c’est la seconde épouse. La première s’étant résignée ou avait renoncé à faire valoir ses droits à la jouissance coïtale. Écoutons Valérian. Valérian, 39 ans, carrossier « Avec ma première femme, tout se passait très bien. Disons qu’elle ne se plaignait de rien. Notre sexualité n’était pas flamboyante, mais, de mon côté, ça semblait aller.

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Quand on a divorcé, je me suis assez vite remis avec quelqu’un car je n’aime pas vivre seul. C’était ma future seconde épouse. Elle, en revanche, n’a pas tardé à réagir ! Elle m’a tout de suite signalé que quelque chose clochait chez moi. Ce qui a été difficile, c’était de comprendre pourquoi ma première femme ne m’en avait rien dit. Sans doute que les femmes ne réagissent pas toutes de la même façon ou qu’elles n’ont pas les mêmes attentes. En tout cas, elle m’a vivement encouragé à aller consulter et j’ai l’impression qu’elle n’aurait pas admis que je reste passif sur ce sujet ! » ■

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Trop excité, l’éjaculateur rapide ? L’homme qui éjacule trop vite évoque souvent le fait qu’il est trop excité : cela a l’avantage de donner une explication plausible au phénomène et de rassurer la partenaire. Elle sera peut-être frustrée sexuellement, mais rassurée sur son pouvoir de séduction. Hélas ! Cette supercherie ne fonctionne qu’un temps car la compagne va vite se lasser de cette excitation masculine et réclamer de pouvoir prendre un peu plus son temps. Ce fameux « temps » dont les femmes ont besoin pour parler, s’exprimer et s’épanouir ! Non, l’éjaculation rapide n’est pas la conséquence d’une trop grande excitation sexuelle. La preuve en est que des hommes peuvent être très excités et faire l’amour longtemps, d’autres éjaculent rapidement, alors même qu’ils ne ressentent qu’une excitation minime, voire absente, tout occupés qu’ils sont à tenter de se contrôler. L’orgasme est parfois minime, voire absent, et toujours bâclé.

Pour qu’un rapport sexuel se déroule bien, il faut qu’un homme pleinement homme se retrouve face à une femme

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Le mécanisme est en fait à la fois psychologique et physique. Utilisons une comparaison avec un circuit électrique. Dès lors qu’il y a quelque chose qui « fait masse », le disjoncteur se déclenche et coupe le circuit. L’homme qui éjacule trop vite sabote inconsciemment le rapport en « disjonctant » le système. La question se décale donc en amont : qu’est-ce donc que cet élément qui « fait masse » et qui déséquilibre l’échange sexuel ? La réponse réside dans le positionnement, c’est-à-dire la façon dont on existe par rapport à l’autre.

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pleinement femme (l’homosexualité mélange le genre et le sens des cartes, mais la problématique est similaire). Comme dans la bougie d’un moteur, l’écartement des électrodes et leur positionnement est décisif pour l’apparition de l’étincelle. La plupart du temps, l’homme manque de confiance en lui. Il s’éloigne alors de sa partenaire, en se concentrant sur la performance qu’il estime devoir réaliser ou, à l’inverse, il se dévalorise et se persuade qu’il n’y arrivera jamais, vu qu’il est si incapable, incompétent, maladroit et ignorant !

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Risquons une explication psychologique : lorsqu’un homme s’efforce, en se contrôlant ou en faisant des efforts, de faire plaisir à une femme, il se retrouve inconsciemment dans la même position qu’un petit garçon qui veut faire plaisir à sa mère. Tout se passe comme si c’était la situation elle-même (« Je veux qu’elle soit contente ») qui laissait s’installer cette prise en main par un mécanisme archaïque. Un peu comme si, dans l’ordinateur, c’était un autre logiciel qui s’activait, à son insu de. Il lance le logiciel « Un homme fait l’amour avec une femme » et, en sous-main, c’est l’application « Un petit garçon veut faire plaisir à sa mère » qui s’empare du processus. Or, on ne couche pas avec sa mère. L’interdit de l’inceste1 vient alors s’interposer et bloquer la sexualisation du rapport.

1. Même s’il présente parfois des failles aux conséquences dramatiques !

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Finalement, ce « disjoncteur » automatique qu’est l’éjaculation prématurée agit efficacement pour protéger d’un réel danger : celui de faire l’amour à sa mère ou à une femme sur laquelle on va « projeter » cette dernière. Loin d’être un problème, l’éjaculation prématurée serait une solution ! Le rétablissement d’un rapport plus paritaire, à égalité de génération, va, la plupart du temps, rétablir les conditions d’une sexualité plus harmonieuse. Cette explication eut du mal à convaincre Jean-Marie. Jean-Marie, 34 ans, instituteur « Je ne comprends pas ! Ma femme ne ressemble pas du tout à ma mère ! Ni physiquement, ni moralement ! Autant ma mère était froide, distante, autant ma femme est attentionnée à mon égard, douce. Non, vraiment, je ne vois pas comment je peux admettre que je veux faire l’amour à ma mère ! Je ne comprends toujours pas ! On me serine depuis ma tendre enfance, qu’il ne faut pas être macho, ni égoïste. Qu’il faut penser à l’autre en priorité, être attentionné ! Que rien n’est pire que l’homme qui fait sa “petite affaire” rapidement et s’endort aussitôt, sans un câlin ! Comment, dans ce cas, puis-je penser à moi en priorité ? Non, vraiment, je ne comprends rien… » ■

Comment expliquer alors que tous les hommes qui veulent satisfaire leur femme ne soient pas éjaculateurs rapides ?

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Ce que Jean-Marie doit comprendre, c’est qu’il ne s’agit pas de sa mère réelle, mais de celle qu’il attendait d’avoir. Ce mécanisme s’installe dès que l’homme tente de se « mettre sur la pointe des pieds » pour que la femme soit satisfaite.

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Certains ont du mal à bander, c’est à peine mieux. Ceux qui fonctionnent normalement, en revanche, savent se faire confiance et cherchent leur propre plaisir en priorité. Ils aiment, en plus, que leur femme soit heureuse, tout en lui laissant la responsabilité de prendre en charge ce cheminement vers la volupté. Ils ne pensent pas être chargés d’apporter à leur femme, sur un plateau et tout emballé, l’orgasme qui l’emmènera au septième ciel. L’homme doit apprendre à penser à lui, en instillant une petite dose d’égocentration*, pas la bouteille entière. Il faut que le souci de l’autre puisse s’installer sur une confiance en lui suffisante. Mais imaginons le contraire. La femme, en faisant l’amour, ne ferait que guetter l’homme pour savoir si ce qu’elle lui fait est agréable, s’il aime, s’il va bientôt jouir. Comme si elle lui disait à chaque instant : « C’est bon ? Je fais ça bien ? Tu sais, j’ai si peur de ne pas y arriver ! Mon seul plaisir est de te faire jouir ! Et comme ça, c’est bien ? Comme je crains de ne pas être à la hauteur ! »

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Je fais le pari que Jean-Marie serait tenté de lui répondre : « Arrête de me scruter comme ça ! Occupe-toi de toi et laisse-moi me concentrer sur ma jouissance ! Tu me gênes à tout ramener à toi comme ça ! J’ai l’impression que tu attends que je jouisse pour te faire plaisir et te rassurer ! Ça me gâche tout ! » En amour, c’est un peu le chacun pour soi : au lieu de tourner à la compétition et au pugilat, cette rivalité se révèle voluptueuse, et chacun tire son bénéfice du fait que l’autre cherche aussi le sien ! Magique, non ?

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La crainte de l’échec met en échec C’est le classique cercle vicieux de l’échec. L’homme craint d’échouer et cela l’angoisse tellement qu’il ne peut qu’anticiper un échec, lequel viendra confirmer qu’il avait bien raison d’avoir peur. La sexualité ne peut réellement s’épanouir que dans un contexte de sécurité, de détente et de confort. L’homme qui pense devoir réaliser des performances sexuelles se retrouve dans la position d’un sportif dont on dit qu’il « a la pression » et qui a tous les risques d’échouer. Nathanaël, 36 ans, facteur « On est mariés depuis 4 ans et j’ai toujours souffert d’éjaculation prématurée avec ma femme. De ce fait, on fait l’amour de moins en moins souvent, par crainte du fiasco. Ça me prend la tête, je ne pense qu’à ça ! Évidemment, patatras, ce qui doit arriver arrive. On n’essaie même plus. Je suis tellement sûr que je ne peux pas y parvenir, que je ne peux pas me détendre. » ■

La sexualité ne lui demande pas de bien faire, mais de se laisser faire. Nathanaël doit se rendre disponible à l’excita-

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Nathanaël a besoin d’être insouciant, allégé du souci de bien faire. Mais comment le convaincre que cela suffira, alors qu’il est persuadé, au fond de lui, que son symptôme est incurable ? Comment l’empêcher de se projeter dans l’avenir, de saboter cet avenir au nom d’un passé tristement répétitif ? Comment lui faire entendre que seul le présent laisse émerger du neuf et que l’avenir est, par définition, ce qui n’existe pas encore ?

LES PIÈGES DE L’ÉJACULATION

tion et à la sensation, sans contrôler toute l’affaire, sans prendre en charge sa partenaire. Il doit être là, tout simplement. Ce simple n’est pourtant pas si simple, surtout quand on a pris l’habitude d’être jugé sur pièce et que l’on risque à chaque instant de se sentir rejeté ou abandonné. Cette crainte a des conséquences sexuelles évidentes. Mais si elle venait plutôt d’une fragilité affective qui ne trouve pas de mot pour se dire autrement ? L’éjaculation, caractéristique masculine, est un phénomène physique dont la symbolique est forte. L’émission de cette « liqueur séminale » peut être à l’origine de la vie. En même temps, elle peut très bien se dérouler dans un contexte parfaitement banal. Un homme qui éjaculerait une fois par jour pendant 50 ans aboutirait à 18 250 éjaculations, soit 50 litres de sperme environ ! Le sperme transporte à chaque fois 300 000 000 millions de spermatozoïdes : que de glands la nature va-t-elle gâcher avant de faire un chêne !

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Dans sa version érotique, l’éjaculation provoque la fin de l’érection et le début de la période réfractaire*. Accomplissement grandiose ou petit spasme prématuré, l’éjaculation se décline sur plusieurs registres dont aucun n’est anodin.

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C h a p i t re 1 0

Comment va Madame votre mère ?

Quel rapport entre la mère et la sexualité ?

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A priori, aucun ! Au contraire même, on peut imaginer que la mère étant le personnage central de l’enfance, l’enfant devenu homme ne sera plus atteint par les avatars de cette relation infantile. Partenaire de sa compagne, à parité de génération, il va donner évidemment la priorité à ce qui se passe entre sa femme et lui. Normalement, même s’il continue à ressentir de l’affection pour sa mère, à la voir de temps à autre, le personnage féminin avec lequel il est « en affaire », c’est évidemment sa femme.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Nous avons vu que tout n’était pas si simple. Il n’est pas facile pour une mère de se séparer, fût-ce affectivement, de son grand fils. Il n’est pas non plus très aisé pour un fils de « quitter » sa mère et tout ce qu’il a reçu (et continue de recevoir) d’elle : ce regard inconditionnellement positif, cette sollicitude… Le monde de l’enfance est, la plupart du temps, protégé de la cruauté du monde1. Il est tentant de laisser une partie de nous s’y réfugier, dans une sorte de nostalgie inconsciente. Il s’établit souvent une complicité entre une mère et son fils, qui peut sembler de bon aloi, mais qui se révèle diabolique ! Au cours d’une conférence, je fus amené à citer l’exemple d’une mère qui épluchait les fruits qu’elle donnait à son fils adolescent. Il ne lui serait pas venu à l’idée de lui tendre une pêche, une orange ou une pomme qui ne soit pas dûment pelée. J’insistai sur le fait que cette prise en charge abusive représentait un empiètement sur le chemin d’autonomie du jeune garçon. Une femme leva la main pour m’interrompre. Christiane, 35 ans, mère trop attentionnée

1. Cela rend d’autant plus poignantes les situations dans lesquelles les enfants, loin d’être épargnés, sont les premières victimes de la violence des grandes personnes.

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« Je me reconnais tout à fait dans ce geste ! J’épluche les fruits de mon garçon de 15 ans. C’est encore mon enfant ! Il en est très content et moi je suis heureuse de pouvoir le gâter encore un peu. En quoi est-ce gênant ?

COMMENT VA MADAME VOTRE MÈRE ?

Je ne vois pas qui pourrait être gêné par cela ! Je suis très contente et sa sœur, qui a 9 ans, n’est pas jalouse, puisque je lui épluche ses fruits aussi ! Je lui coupe même sa viande ! Si vous faites allusion à sa future femme, je n’en ai rien à faire, je m’en moque complètement ! » ■

Il n’est décidément pas facile de sortir de la bulle mèrefils… Comment s’étonner, par la suite, que cet adolescent si proche de sa mère manque de confiance en lui ?

Les mères font des garçons magnifiques… … Mais c’est aux pères de les aider à devenir des hommes1. Comment devenir un homme ? La recette est simple à écrire, moins simple à réaliser :

• en restant protecteurs, même s’ils sont en colère ; • en différenciant colère et violence2 ; • en tenant compte du plus faible, alors même qu’ils ont le

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pouvoir de l’anéantir. 1. Sans entrer dans une polémique qui a pris récemment un tour partisan, on peut estimer qu’il s’agit d’une énergie « paternelle » habituellement promue par le père. Sans exclure qu’une femme puisse jouer ce rôle, on ne peut pas oublier qu’une différence irréductible persiste : on sort du ventre de sa mère, pas de celui de son père. Même s’il y a beaucoup de culturel et d’historiquement déterminé, la différence des sexes est une notion peu contestable. À moins que cette contestation ne cache un propos idéologique. 2. Christophe Marx, « La description des émotions », in La sexualité en quête de sens, éd. Empreinte Temps présent, 2002.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Surtout si maman nous a recommandé d’être un gentil garçon avec tout le monde et surtout avec elle. Elle aime bien, maman, que l’on soit non-violent, mais que l’on soit respecté dans la cour de l’école. Elle nous assure que la fin ne justifie pas les moyens, mais elle aime savoir qu’on est prêt à réussir à tout prix. Notre maman, nous ne l’avons pas choisie. On disait bien à 4 ans : « Tu es la plus belle maman du monde et je veux me marier avec toi ». Il n’empêche qu’aucun mouvement d’élection spécifique ne nous a poussé vers elle. En matière de maman, on prend ce qu’on reçoit : difficile de chipoter et encore plus de décider de changer ! Si elle est fragile, on se retrouve avec une mission toute trouvée. Comment, dans ce cas, aller sur le chemin heureux de sa vie, si cela signifie la laisser tomber ? Une mère dépressive et malheureuse, dont il faut se soucier chaque jour, vaut toutes les ceintures de chasteté. Elle ne nous a pas appris à gérer la rivalité : elle ne sait que refermer la porte de la bulle après avoir éjecté les intrus. Si notre père joue l’intrus, nous pensons alors qu’il a sûrement mérité son sort d’exclu !

Après une telle enfance et avec une mère pareille, allez donc faire l’amour à une femme. Elle qui attend d’être protégée par nous et protégée d’elle-même aussi. Elle qui attend qu’on ait confiance en nous-même. Elle qui veut se sentir

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Entre une mère et une épouse, il faudra choisir !

COMMENT VA MADAME VOTRE MÈRE ?

choisie, donc de sentir qu’elle pourrait ne pas l’être. Elle qui, pour ce faire, a besoin d’être comparée aux autres, mais, en même temps, ne supporte pas cette rivalité et sent la jalousie monter dès que le regard se porte ailleurs que sur elle… Faisons le point : l’homme à l’érection fragile, éjaculateur prématuré, manque donc globalement de confiance en lui et manifeste un mauvais positionnement d’homme. Il évoque souvent une certaine proximité avec sa mère : soit qu’elle prend encore une place dans sa vie, soit qu’il est complice ou sauveteur d’une mère malheureuse ou vieillissante. Ce mauvais positionnement par rapport à sa mère le met en décalage par rapport à la parité de génération homme-femme dans la sexualité. Ce phénomène sera d’autant plus amplifié qu’il aura l’occasion de projeter l’image de sa mère sur sa partenaire. La seule façon qu’il a de faire plaisir à sa mère est de se montrer petit, sage et soumis : certainement pas un conquérant, sûr de lui !

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Dans nos contrées, il n’est plus d’actualité de penser que l’homme est censé risquer sa vie pour que survive sa tribu. Sur un plan archaïque, toutefois, c’est bien ce dont il est question ! Un danger menace-t-il la ville ? Les ennemis vontils attaquer ? La montagne menace-t-elle de s’écrouler ? Ce sont évidemment les hommes qui doivent affronter le danger, si le projet est de protéger la collectivité ! Si un homme peut féconder plusieurs femmes, il faut une femme par enfant et durant au moins un an ! Que deviendrait une communauté dans laquelle les femmes iraient au

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

combat ? Elles en sont capables et ne manquent, en général, ni de compétence ni de courage. Imagine-t-on une troupe de femmes revenant du combat, décimée et épuisée ? Alors que, pendant ce temps, les hommes auraient fait manger les bébés, amusé les enfants et préparé la nourriture ? Ils en sont bien capables et ne manquent, en général, ni de compétence ni de détermination. Il ne s’agit pas ici d’une lecture culturelle ou historique, mais uniquement pratique : si le but de la communauté est de durer, alors ce sont les hommes qui doivent risquer leur vie pour que survive leur groupe. Si les mères veulent que leurs fils restent des enfants, pour les garder près d’elle (au cas où), elles doivent alors se rendre indispensables et convaincre leurs fils qu’ils ne doivent en aucun cas risquer leur vie, quelle que soit la cause, sauf peut-être pour les protéger elles. Écoutons une histoire édifiante. Le jeune chasseur non-violent et végétarien Il était une fois un jeune homme, plutôt pacifique, à qui sa maman avait recommandé d’être gentil avec tout le monde, en particulier avec les femmes, vu qu’elle, sa maman, adorait être câlinée par des hommes doux.

Le jeune homme se vit un jour, vers l’âge de 18 ans, gratifié d’un fusil de chasse. « C’est à toi, tu es un homme maintenant », lui assura-t-on. Il convint qu’il lui fallait en faire la preuve en se servant de son arme. Mais il n’en avait aucune envie !

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Ce que cette maman n’avait pas dit à son jeune garçon, c’est qu’elle préférait les câlins platoniques (comme ceux qu’elle pouvait échanger avec son fils, ça tombait bien), plutôt que des coïts qu’elle jugeait brutaux et insatisfaisants, d’autant que c’était l’homme qui y trouvait son compte plutôt qu’elle.

COMMENT VA MADAME VOTRE MÈRE ?

Sa mère lui avait bien dit que le dialogue, l’attention et la gentillesse étaient des valeurs bien plus importantes que la violence, la sexualité bestiale et la concupiscence (d’ailleurs aurait-on inventé un tel mot si la chose n’était pas répugnante ?). Aujourd’hui, il doit partir à la chasse et montrer qu’il n’a pas peur de faire mal, qu’il fait bien partie du camp viril. Impossible de rendre l’arme à moins de rendre l’âme : il a envie de vivre et n’est nullement suicidaire. Voilà qu’il lui vient une idée géniale, qu’il décide d’appliquer aussitôt. À peine a-t-il fait quelques pas dans la forêt, qu’il vise en l’air ou vers une endroit anodin, où la balle ira se perdre. PAAAF ! Il appuie sur la gâchette vite, vite, pour se débarrasser de l’encombrante responsabilité. Il repart soulagé : il porte encore son fusil, mais vide, et donc plus du tout menaçant, ni pour lui ni pour quiconque. Quand il reviendra, il lui faudra admettre qu’il est bredouille, mais ce n’est pas compliqué, d’autres chasseurs reviennent aussi bredouilles. Ainsi, il n’a pas eu besoin d’avouer qu’il ne voulait pas de ce fusil, que cette humeur guerrière n’était pas la sienne. Il a fait bonne figure et, même si le prix à payer (être un mauvais chasseur) est inconfortable, il sait au moins qu’il pourra encore bien longtemps rester l’enfant chéri d’une mère fragile.

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Ce récit symbolique sert à mettre en évidence ce qui peut se passer dans l’inconscient d’un éjaculateur prématuré. Dans le conscient, on peut trouver un grand désir, une majestueuse excitation, une très acceptable affirmation de soi comme homme social. Mais les mères castratrices et culpabilisantes savent venir se nicher pour longtemps (pas pour toujours, gardons espoir) dans les replis archaïques des séquelles inconscientes de l’enfance. En résumé :

• un éjaculateur rapide doit savoir que son inconscient sabote le rapport sexuel à son insu ; 157

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

• qu’il a besoin de récupérer la permission d’être pleinement homme en face d’une femme ;

• que cette femme n’est pas sa mère et qu’il n’est plus un petit garçon qui doit se faire accepter pour avoir le droit d’exister ; • qu’il peut exprimer sa colère sans risquer le rejet et qu’il ne fait pas de mal aux femmes, ni avec son sexe, ni avec son désir. Alors, habitant autant son sexe (masculin) que son désir (viril) et sa génération (à parité avec sa femme, laissant sa mère à la génération précédente, donc non concernée par sa sexualité), il pourra tranquillement accueillir l’éjaculation qui viendra en son temps.

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On croyait que le bon déroulement de la sexualité était une question de performance, de désir ou de savoir-faire, on s’aperçoit que c’est juste une question de temps. Le juste et le bon.

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C h a p i t re 1 1

Un cadeau pour Noël

Noël est un bel homme sensible et attachant. Il est architecte, une profession libérale dont l’activité est variable : c’est parfois l’affolement et il travaille alors douze heures par jour. Entre deux chantiers, c’est parfois le calme et les journées s’étirent un peu. Un jour, un médecin lui fait un cadeau, aux conséquences inattendues. Mais écoutons son histoire et arrêtons-nous, çà et là, pour la commenter.

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Noël, 45 ans, architecte « Je suis le dernier d’une fratrie de quatre, né un peu in extremis d’une mère quasiment touchée par la limite d’âge à 43 ans. On ne peut pas dire qu’elle m’ait couvé ! Je me suis retrouvé gardé par des “dames” plus souvent qu’à mon tour… Envoyé en vacances dans de luxueuses colonies, durant de longs mois, soidisant pour ma santé ! C’est du moins ce que disaient les méde-

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

cins. Mon père était très occupé par son travail et sa présence à la maison était plutôt rare. Il n’a pas pris beaucoup de décisions à mon égard et ses interventions ne faisaient que confirmer ce que disait ma mère. Celle-ci, justement, était une maîtresse femme, forte personnalité dont on ne savait jamais si elle allait nous manger ou nous abandonner ! » ■

Noël n’a pas été couvé par une mère-poule, il a eu au contraire à faire face à beaucoup de solitude : élevé comme un fils unique, car ses frères et sœurs sont grands, il a vite compris qu’il lui faudrait dans la vie se débrouiller seul. Jamais soutenu par son père, il lui a fallu sans doute plaire à sa mère pour éviter son rejet. Il a expérimenté très tôt combien il lui fallait être conforme pour que sa mère l’accueille. Noël a du mal à développer sa confiance en lui, il a réellement besoin d’être confirmé par la personne à qui il va faire plaisir.

Difficile de trouver sa place Noël (suite)

Ce que Noël ne précise pas ici, mais qu’il abordera au cours d’autres consultations, c’est que Sonia a une personnalité très exigeante. Elle ne supporte guère la frustration et réus160

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« J’ai assez vite quitté la maison, déjà désertée d’ailleurs par mes frères et sœurs. Après quelques errances sentimentales, j’ai commencé à vivre, vers 25 ans, avec Sonia, celle qui devint la mère de notre fils Yoann. On ne s’est pas mariés immédiatement, mais après 10 ans de vie commune. Yoann avait 8 ans, il en a 15 aujourd’hui. » ■

UN CADEAU POUR NOËL

sit souvent à obtenir ce qu’elle veut, grâce à sa patience ou ses manipulations. Sonia et Yoann constituent une entité qui ne laisse aucun interstice pour le père, qui a dans la famille un rôle de figuration intelligente et qui rapporte l’argent. Mais secouer tout cela est une tâche herculéenne et Noël n’a pas reçu de telles capacités.

Top-sexe Noël (suite) « Sexuellement, tout se passait bien avec Sonia. On n’avait aucun tabou et aucun problème d’orgasme, d’érection, de rien du tout ! Non, c’était vraiment impeccable. On s’est éloignés peu à peu, jusqu’à en arriver à se séparer ! La vie quotidienne devenait infernale, on n’a pas réussi à recoller les morceaux. C’est classique, mais ce n’est pas facile à vivre quand même.

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Les autres couples, d’après ce que je sais, commencent par arrêter de faire l’amour quand ça ne va pas. Nous, on a fait le contraire, peut-être parce qu’on était tous les deux portés làdessus ! Alors même qu’on avait séparé les maisons, on continuait à faire l’amour quand on se voyait. Il n’y a qu’un an qu’on a vraiment arrêté. » ■

Entre Noël et Sonia, la sexualité n’a jamais été un problème : ainsi en va le couple avec ses mystères. Noël est l’homme d’une seule femme, même s’il ne s’entend pas bien avec elle. Est-t-il rejeté par elle, incompris ? Il a l’habitude, il sait faire depuis qu’il est né. Mais il est situé dans sa trajectoire : il est clairement mari et père, son sexe ne lui demande apparemment rien de plus pour fonctionner.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Noël (suite) « Aujourd’hui, on vit chacun chez soi, mais on n’a pas encore divorcé. D’ailleurs, les problèmes sont à venir car il va falloir partager le patrimoine, comme disent les notaires. Je sais bien que c’est autour des enjeux d’argent que les problèmes se cristallisent. Je vis seul et j’ai une activité auto-érotique intense et gratifiante. Je profite à plein des stimulations visuelles que je trouve sur Internet ou sur la chaîne câblée XXL, qui diffuse exclusivement des films interdits aux moins de 18 ans. » ■

Noël est également en « phase » avec la masturbation. Pas de problème d’érection quand il est seul avec lui-même. Jamais aussi bien servi que par soi-même ?

Attention : érection fragile ! « J’ai aussi l’occasion de coucher avec des femmes. Il semble que je leur plaise ! Mais, alors que tout se passait bien avec Sonia, tout se passe mal avec les autres ! Non, j’exagère un peu, ce qui se passe mal, c’est mon érection. Je bande mou, je ne bande pas du tout, je débande tout à coup, ça peut même m’arriver d’éjaculer trop vite quand j’arrive à bander suffisamment pour pénétrer ma partenaire. Comme je ne suis pas maladroit de mes doigts et de ma bouche, mes partenaires d’un soir ne se plaignent pas forcément, mais je vois bien que ce n’est pas satisfaisant. De ce fait, je vais moins vers les femmes, je ne les laisse pas forcément m’approcher non plus. Si c’est pour les décevoir au dernier moment, je préfère encore me satisfaire tout seul ! » ■

La seule et véritable compagne de Noël, c’est la solitude… 162

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Noël (suite)

UN CADEAU POUR NOËL

Noël (suite) « L’été dernier, je suis resté trois mois avec Justine. Elle était très amoureuse. Avec elle aussi, mon érection était fugace. On ne savait pas ce qu’on allait faire ensemble, il n’était pas question de s’engager. Cette relation devait rester secrète, du moins vis-à-vis de ma femme et de mon fils. Pour Sonia, parce qu’on n’était pas divorcés et que je ne voulais pas d’histoire. Pour mon fils aussi, à qui je ne voulais pas imposer un défilé de “fiancées”. Côté érection, c’était un peu mieux, mais très irrégulier. Quelques minutes de bon, pour des heures d’inquiétude : « vais-je y arriver ? » ■

Noël n’est toujours pas situé. Il fait l’amour avec une femme dont il ne sait toujours pas « qui il est » pour elle. Son univers familial et affectif est très complexe. Il doit se cacher, mais il aime vivre son amour au grand jour. Peutêtre a-t-il de subtils indices indiquant que le ciel n’est pas si bleu ou qu’il ne va pas le rester.

Météo défavorable : dégradation orageuse

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Noël (suite) « À la rentrée, tout s’est déglingué : elle s’est montrée susceptible, incroyablement jalouse, me faisait des scènes pour des riens, enfin, ce que je considérais comme des riens. Par exemple, au cours d’une soirée un peu ennuyeuse, je suis resté assis, un verre à la main, laissant mon regard errer sur l’assistance. Dès qu’on s’est retrouvés tous les deux, elle m’a accusé d’avoir dévoré des yeux toutes les filles de la soirée ! Si c’est le cas,

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

c’était machinalement et non par vice ou infidélité ! Elle a pleuré, reproché, tempêté, culpabilisé ; le grand jeu durant deux jours ! Je ne savais pas quoi lui répondre, comment la calmer. Bref, je l’ai quittée à regret car elle avait aussi de bons côtés. Mais comment faire avec des femmes aussi compliquées ? Elle avait en plus un rapport sado-maso avec sa mère, sur le thème “je t’aime moi non plus” ! La constance émotionnelle, chez elle, c’était le Graal, introuvable. Bon, je me retrouve à nouveau tout seul. Plus ça change, moins ça change ! La solitude est encore au rendez-vous. » ■

On peut penser que Noël est trop difficile, qu’il ne sait pas faire de concessions, que tout couple est une aventure périlleuse. Mais, parallèlement, il se remet en question, affine ses rapports humains. Il cherche ce qui, chez lui, peut déplaire aux femmes qu’il rencontre. Il est encore dans la logique du « Si je suis assez bien, la femme va rester près de moi, s’apaiser… et nous pourrons enfin partager les bons moments de la vie ».

« Il y a un mois, je reçois un coup de fil de Phan, une superbe jeune femme d’origine asiatique. On avait déjà passé une nuit ensemble, il y a quelques mois. Comme je n’avais pas bandé ce soir-là, ou à peine, je n’avais pas donné suite. J’avais honte, je crois. Enfin, tout bêtement, je n’avais pas envie de la décevoir. J’avais bien compris qu’elle avait envie que je la prenne, que je la pénètre avec mon sexe. Tous les subterfuges ne pouvaient suffire. Elle avait beau me dire que ce n’était pas grave, je voyais bien qu’elle était en tension, que quelque chose lui manquait ! Quelque chose que je ne pouvais pas lui donner ! J’ai préféré battre en retraite et m’effacer.

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Noël (suite)

UN CADEAU POUR NOËL

Je ne l’ai pas rappelée, elle non plus d’ailleurs. Jusqu’à ce coup de fil d’il y a un mois. J’ai été touché par l’énergie qu’elle mettait pour renouer le contact avec moi. On s’est revus, on a refait l’amour et je n’ai pas bandé ou à peine quelques secondes ! Comme on était très amoureux, ça semblait moins grave. Elle me soutenait et me disait qu’elle était fière de moi quand une petite érection pointait le bout de son nez. Je ne sais pas pourquoi, mais cette réflexion me faisait débander ! Cela aurait dû m’encourager. » ■

Bien sûr que non ! Un homme n’a pas à être félicité pour son érection. Ce n’est pas un petit garçon qui fait plaisir à sa mère.

Garçon, une pression ! Noël (suite) « Elle se montrait patiente, mais évoqua un soir notre avenir. Je ne me souviens plus comment elle avait tourné sa phrase, mais j’ai compris que, si ce problème n’était pas réglé dans six mois, elle n’envisageait pas de continuer avec moi. D’un côté, je la comprenais, d’un autre, j’avais vraiment la pression. » ■

Pour Noël, un message aussi ambigu ne peut que le mettre dans l’impasse ! C’est comme s’il entendait : « Ce n’est pas grave et c’est très grave ! » Pour quelqu’un comme lui, qui a besoin d’y voir clair dans sa vie, d’être bien situé, c’est ingérable !

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Noël (suite) « En plus, Phan a 30 ans, pas d’enfant : elle en souhaite un et m’affirme que, si elle est enceinte, elle n’avortera pas. Elle n’a pas de contraception. Je ne suis pas contre l’idée d’avoir un

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

autre enfant et, quand je vois dans la rue des petits eurasiatiques, je craque ! C’est donc dans l’air, mais je ne suis pas décidé, enfin, ce n’est pas clair. Au début, on l’a fait deux ou trois fois sans capote, comme des fous, puis après j’ai commencé à en mettre. Quand l’érection n’est pas vaillante, le préservatif la tue pour de bon. Bref, on était dans une situation pas facile, mais dans un contexte très amoureux ! » ■

Ah, l’état amoureux ! Noël est prêt à tout pour le ressentir ! Au moins, quand on est amoureux, on sait qui on est ! On se sent vivre, on sait où on va ! Même si l’amour rend aveugle.

La chimie à la rescousse « C’est là qu’un médecin m’a dit qu’il allait me faire un cadeau qui allait changer ma vie. Je suis sorti de son cabinet avec une prescription de X, l’équivalent de la fameuse pilule bleue qui fait bander les hommes. J’ai hésité à le dire à Phan. J’ai finalement gardé le secret. Après tout, c’était mon affaire ! Cela a fonctionné au-delà de mes espérances : le soir même, une érection majestueuse,solide et durable nous a permis de faire l’amour durant plusieurs heures. Phan a eu plusieurs orgasmes. Son attitude à mon égard a légèrement changé. À sa demande, j’ai accéléré le mouvement, puis elle a joui. Mais je n’ai pas réussi à jouir en même temps qu’elle. J’étais enfin prêt à penser à moi, mais pas pressé ! Je me suis retiré pour reprendre mon souffle. Avec la confiance dans mon érection, j’avais tout mon temps, envie de faire durer un peu. Brusquement, elle s’est jetée sur le préservatif et me l’a presque arraché, en m’accusant d’avoir joui en elle car il était percé. Elle s’est précipitée dans la salle de bains, pour se passer de l’eau froide. 166

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Noël (suite)

UN CADEAU POUR NOËL

Heureusement, la capote n’était pas crevée. Mais l’ambiance était tombée, elle m’a reproché de ne pas avoir joui en même temps qu’elle et n’a plus voulu que des petits bisous. Je n’avais pourtant pas joui ! Quand je lui ai dit que j’étais frustré, elle a immédiatement répliqué : “Et moi, je n’ai pas été frustrée peutêtre ?” J’étais abasourdi. On a pu refaire une fois l’amour, mais elle n’a pas joui. C’était mécanique, pas bien. » ■

Noël ne comprend pas pourquoi la belle mécanique sexuelle se dérègle, dès qu’il a une érection convenable. Tout et chacun lui prédisait le contraire…Mais c’était sans compter sur la problématique de sa partenaire, plutôt fréquente !

Patatras !

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Noël (suite) « Le soir suivant, j’avais encore pris le comprimé magique, toujours aussi discrètement. Là encore, je commençais à m’éclater avec confiance en moi (enfin, dans la chimie) et le désir de faire un peu durer les choses. Je me suis interrompu plusieurs fois pour changer de position, boire un verre d’eau, lui sourire tendrement pour mieux repartir ! J’avais envie d’organiser un peu d’érotisme. Mal m’en a pris ! Ça n’allait pas non plus… Elle trouvait que je ne perdais pas la tête, que je voulais me contrôler… Elle ne me l’a pas dit exactement de cette manière, mais presque ! Tout à coup, elle s’est mise sur le côté et m’a dit d’un ton discret, qui tranchait avec l’énergie sexuelle qu’elle avait d’habitude : “Bon, fais-moi ce que tu veux, maintenant !” Elle n’était plus dans le coup, manifestement, et moi ça ne m’intéressait pas de l’utiliser comme une poupée gonflable. Je lui ai fait un câlin, tendrement, mais rien n’était plus comme avant. Je suis rentré chez moi.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Depuis, on s’appelle comme ça, mais je ne sais pas si je vais continuer avec elle. Dommage pour le petit métis aux yeux bridés ! » ■

Pour un coup de théâtre, c’en est un ! La pilule magique qui rend le pénis vaillant serait donc à l’origine du problème, en dévoilant le pot aux roses ? Noël se rend compte que Phan est, en fait, menacée par le pouvoir qu’il risque de prendre sur elle. Phan veut garder le contrôle et s’en trouve dépossédée si Noël bande à sa guise. Ce qui l’intéresse réellement, c’est l’attrait qu’elle provoque, de pouvoir constater son impact sur son partenaire comme si elle disait : « Ce que j’aime en toi, c’est que tu m’aimes. Ce que je désire, c’est que tu me désires. Mais si tu “m’as”, je me sentirai “eue” et cela ne me convient pas ! » Le symptôme dont souffre Noël est finalement le reflet dans le miroir de l’instrumentalisation de son désir au service d’une relation mal positionnée. Qui peut, en effet, être au clair avec une relation sexuelle sans cap ni trajectoire ? Sauf à assumer une relation ponctuelle, basée exclusivement sur le plaisir pris ensemble, encore faut-il que ce soit vraiment « ensemble » dans une perspective effectivement partagée !

1. La tentation de rechercher par les sens corporels le plaisir, la satisfaction et le bonheur.

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Hormis ces cas où le ludique le dispute à l’hédonisme1, les partenaires ont besoin de savoir ce qu’ils ont à se dire par leur sexe : faire l’amour, c’est une façon de parler. Il est fréquent que le désir, et le désir du désir de l’autre, recouvre un profond sentiment de solitude, dont on pense qu’il

UN CADEAU POUR NOËL

pourra être guéri par une forte relation dans l’ici et maintenant. Il est quasiment inéluctable, pour chacun de nous, de se sentir pris entre le marteau de l’angoisse existentielle et l’enclume de la complexité de la relation à l’autre. La solution réside, toutefois, dans un minimum de lucidité, ainsi que dans une bienfaisante symétrie : « Utilise-moi pour calmer ton angoisse, autant que je t’utilise pour calmer la mienne ! ». Nombreux sont ceux qui pourront être choqués par une telle apologie de l’utilisation de l’autre : mais ce qui la sauve, c’est justement son échange. De l’équilibre de la transaction naît une stabilité propice au cheminement de concert (comme deux marins « en rappel » qui équilibrent leur bateau en se penchant chacun de leur côté). Ce qui transcende, d’une certaine manière, l’utilisation que chacun va faire de l’autre, c’est son intégration dans un projet commun : du plus bref, comme un moment de plaisir, au plus élaboré, comme une vie entière à construire.

Un homme debout

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Noël a expérimenté à ses dépens que, sans projet suffisant, les rochers aigus de la souffrance de chacun affleurent et provoquent le naufrage des navigateurs imprévoyants. Il peut désormais jeter son ordonnance de Viagralistra1 car il sait désormais que, ce dont il a réellement besoin, c’est 1. Ce médicament n’existe pas ! Il s’agit d’un facétieux mélange des noms sous lesquels il est commercialisé.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

d’une colonne vertébrale, non pour sa verge, mais pour luimême, c’est-à-dire la conscience de sa valeur, de son importance inconditionnelle. Dès qu’il sera persuadé qu’il n’a nul besoin de faire plaisir à une femme pour mériter d’exister, il pourra tranquillement les laisser « jouir de lui ». Allégé de la pression d’être à la hauteur, Noël pourra se consacrer à la seule tâche qui vaille vraiment ici-bas : savoir ce qu’il est venu y faire et se régaler de la vie dès que c’est possible. Loin d’être égoïste, ce programme intègre évidemment l’attention à l’autre, mais il commence par l’érection du sujet dans son nom et sa trajectoire. Le problème de Noël n’est pas sexuel, il n’est pas même conjugal ! Loin d’être un problème, la réaction de son sexe montre avec précision où il doit concentrer sa réflexion et son énergie. Ni petit garçon qui veut faire plaisir, ni gamin excité par ses premières découvertes, il est question pour lui d’être pleinement homme en face d’une femme.

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Et si, à l’instar de Noël, les hommes considéraient leurs difficultés sexuelles comme des occasions de se remettre debout ?

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C h a p i t re 1 2

Une journée dans la vie d’un sexologue

Le point commun des dix histoires qui vont suivre est de décrire des problèmes vécus comme sexuels, mais qui ont une origine plus large et une conséquence sexuelle. Il n’est donc pas pertinent de ne rester qu’au niveau de l’acte sexuel. C’est pourtant ce que proposent nombre de sexothérapies.

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Il est plus sage, plus efficace, même si c’est plus long et un peu plus coûteux, de trouver l’origine réelle du problème et de le traiter à la racine. C’est ce vrai travail qui va permettre de s’en sortir, sans promesse de réussite immédiate, ni escalade dans des thérapies interminables.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Dix petits bouts d’histoires… dix histoires de petits bouts… Les noms ont été changés, ainsi que certains éléments spécifiques qui permettraient d’identifier les personnes. Mais l’essentiel est retranscrit, sans invention ni ajout.

Voyage aux confins de la détresse masculine… Alonzo, 28 ans, garagiste

Alonzo porte un poids très lourd : il ne peut pas se sentir un homme, confiant et sûr de lui. Il ne sait pas d’où il vient, il ne peut donc pas savoir où il va. Il a besoin d’avoir le cœur net à propos de son père, de connaître au moins les circonstances qui ont présidé à son départ. 172

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« Je vois une psychiatre pour dépression, je suis sous antidépresseur et j’ai pas mal de médicaments pour me calmer aussi. J’ai une maladie de Crohn, un truc qui me bouffe les intestins. Je n’ai pas d’érection le matin, de toute façon, je n’ai pas de rapport sexuel en ce moment. En fait, je viens surtout pour l’éjaculation rapide, car cela a été l’une des raisons de mon divorce et je ne veux pas recommencer avec une autre femme. Je n’ai pas eu de père, il a quitté ma mère quand j’avais 2 ans. Ma mère, maniaco-dépressive, est souvent hospitalisée. Elle m’a gâché mon mariage : elle a fait un esclandre devant 50 personnes ! Ma femme n’a pas supporté, ça a très mal commencé. Elle m’a quitté au bout de trois ans de mariage. » ■

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN SEXOLOGUE

Peut-être même a-t-il besoin de savoir s’il est encore vivant, de le retrouver. Alonzo se sent en charge de sa mère. Tout se passe comme s’il craignait de la laisser tomber en étant heureux avec sa femme. Il pourra difficilement assumer tout cela sans un soutien psychothérapeutique. Mais aura-t-il l’énergie et la motivation pour l’entreprendre et la mener à terme ? Gaspar, 41 ans, employé municipal

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« J’ai subi, à l’âge 14 ans, une intervention sur un testicule qui s’était tordu. Je souffre d’une éjaculation rapide dès la pénétration, parfois même avant. Je garde des érections nocturnes, mais pas systématiquement. Mes parents se sont séparés quand j’avais 17 ans. Le souvenir que j’ai de cette période est qu’on m’a dit que mon père était un coureur de jupons. J’ai une amie depuis 2 mois, mais je n’ai jamais eu de rapport sexuel avant, par timidité. J’habite chez ma mère, j’y trouve mon compte sur tous les plans : confort, finances… » ■

Pour récupérer une sexualité normale, Gaspar devra évidemment prendre de la distance avec sa mère et cesser de vivre avec elle, quoi qu’il lui en coûte ! Il va perdre en confort et gagner en autonomie. Il devra aussi supporter les reproches qu’elle va sûrement lui adresser. Gaspar doit s’attendre à ce que sa mère dévalorise toutes les femmes qu’il rencontrera. Pas facile dans ces conditions d’affirmer ses choix amoureux ! Il est le fils d’un père stigmatisé comme « coureur ». L’image inconsciente qu’il a de la sexualité masculine ne doit pas être

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

positive. Il a besoin de se réconcilier avec cet aspect de luimême, de se faire sa propre idée sur son père et non à travers le filtre que sa mère lui propose. Gaspar acceptera d’ouvrir ce « chantier » et de bénéficier d’un soutien thérapeutique. Charly, 35 ans, plombier « Mon érection tombe au moment de la pénétration et je souffre en plus d’une éjaculation rapide depuis que je vis avec Nour. Nous avons fait un mariage “social”, sans passer à la mairie. Pour moi, le concubinage suffit. Mes parents, d’origine marocaine, sont repartis vivre là-bas. C’est Nour qui a voulu des enfants. Deux, c’est suffisant, mais elle en veut d’autres et n’a pas de contraception. Sexuellement, ça ne va pas fort. Elle ne bouge pas au lit, c’est moi qui fait tout ! C’est un peu comme si elle se servait de moi pour lui faire des gamins ! Un voisin a abusé de moi quand j’avais 7 ans, mais je n’en ai jamais parlé à personne. » ■

L’abus sexuel avait déjà installé Charly dans un rôle d’objet. Il n’a pas trouvé assez de protection pour pouvoir en parler. Aucune parole n’est venu laver le terrible événement. Charly a besoin de se remettre aux commandes de sa propre vie. Le plus difficile sera d’établir avec sa concubine une 174

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Charly se sent instrumentalisé. Il n’est pas spécialement proche de ses parents, mais il n’a pas réussi à se positionner. Il n’est pas reconnu par la société comme l’homme de cette femme, uniquement son concubin notoire. Cela peut suffire à certains, mais cela vient s’ajouter au fait qu’il ne se sent pas partie prenante du projet conjugal, en particulier vis-à-vis des enfants.

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN SEXOLOGUE

véritable relation d’égalité et de confiance. Le désir alors reviendra et ils pourront célébrer ensemble la fête de la vie et de la rencontre. Martin, 39 ans, comptable « J’ai eu mon premier rapport à 36 ans, avec l’ex-femme d’un ami. Mais, au bout de deux mois, j’ai commencé à avoir des problèmes d’érection et d’éjaculation rapide. Du coup, tout a basculé dans notre relation… Elle m’a trompé, je pense qu’elle va me quitter. Ma compagne ne va pas bien non plus de son côté … Elle est dépressive et elle me dit des choses comme “Tu ne me mérites pas !” Pas facile à entendre… On a vu un psychiatre ensemble et le docteur a dit que c’est elle qui a besoin d’une thérapie. Inutile de vous dire qu’on n’y est pas retourné.

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Mon adolescence a été difficile : j’étais obèse et la risée des filles. Elles me laissaient espérer pour mieux me ridiculiser ensuite. Je n’ai aucune confiance dans les femmes, sauf dans ma mère, je vis avec elle car elle est hémiplégique depuis 10 ans ! » ■

Martin peut déjà se féliciter que les deux premiers mois se soient bien passés. Encore faudrait-il savoir ce qu’il veut dire par là ! Il a besoin de construire une « masculinité » adulte, d’aller explorer le monde, de grandir comme être humain et comme homme. Il a sans doute la conviction que sa place est près de sa mère malade. Aurait-il inconsciemment choisi une femme dépressive et castratrice pour justifier l’échec de sa tentative sentimentale, et pouvoir revenir vers sa mère ? Il aura « au moins essayé », et confirmera son statut de victime des femmes. Le traitement psychothérapeutique sera sans doute assez long, si toutefois

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Martin s’y astreint. Mais le bonheur de vivre sa vie d’homme, digne et responsable ne justifie-t-il pas largement de se mettre en route ? Kevin, 22 ans, petits boulots « Je vis en colocation avec une jeune femme. Mais je sors avec une autre ! Le problème, c’est que ma colocataire me provoque sexuellement assez régulièrement. Dès qu’elle s’approche, je ressens un vif désir pour elle, en même temps qu’une grosse migraine. Je ne veux pas tromper ma copine et je me sais éjaculateur rapide depuis toujours. Je n’ai pas fait le choix entre les deux filles, mais je suis incapable d’avancer, car je ne me sens de toute façon pas à la hauteur. Mon père est parti quand j’avais 5 ans, du jour au lendemain et sans dire pourquoi. Je n’ai pas de nouvelles de lui depuis. Ma mère n’a pas voulu refaire sa vie et s’est “sacrifiée” pour rester disponible à son grand garçon. Je continue à la voir, deux à trois fois par semaine. » ■

La solution du problème qui se pose à Kevin est facile à énoncer. Moins facile à mettre en place.

On ne peut exclure que son père persiste à ne pas vouloir entendre parler de lui. Mais Kevin en aura au moins le cœur net et pourra gérer cette souffrance, à partir de l’adulte qu’il est maintenant et non à partir de l’enfant de 5 ans, forcément plus vulnérable. 176

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Comme il sait qui est son père et où il habite (pas très loin), Kevin a tout à gagner à le retrouver et à s’expliquer avec lui. Si son père accepte de lui parler, il aura un autre éclairage sur ce qui s’est passé à l’époque et a une chance de récupérer une relation avec son père.

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN SEXOLOGUE

Il devra aussi renoncer à se faire prendre en charge par sa mère qui lui fait sa lessive et lui prépare ses repas, dans des boîtes en plastique, pour toute la semaine ! Parallèlement, il aura à s’affranchir de la dette que fait peser sur lui le « sacrifice » de sa mère. Il a ouvert de grands yeux perplexes quand il s’est entendu recommander de gagner sa vie de façon régulière et honnête. Kevin se donne des allures de mec viril : blouson clouté, barbe de trois jours, tatouage, etc. Il n’avait pas repéré le lien entre le fait de ne pas prendre sa place dans la société, le fait de rester un enfant au fond de lui et le fait d’éjaculer trop vite !

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Samuel, 37 ans, représentant « Je n’ai commencé à éjaculer rapidement qu’après mon mariage et je ne dépasse pas 20 secondes. En fait, ma femme ne s’est jamais plainte et nous sommes entrés dans une sorte de routine. J’ai divorcé après 4 ans de mariage pour diverses raisons, mais je pense que mon éjaculation rapide n’est pas pour rien dans la décision de ma femme de me quitter. Depuis, j’ai eu des rapports avec deux autres femmes, sans amélioration. Je suis actuellement avec Rose-Marie. Les 6 premiers mois furent sexuellement idylliques. Mes rapports pouvaient durer jusqu’à 3 minutes : pour moi, c’était inespéré. Hélas ! Au bout de 6 mois, tout s’est dégradé, à peu près au moment où sont apparus des problèmes d’argent. Rose-Marie a été mutée dans une ville à 200 km de chez moi. J’ai un salaire modeste et je dois intégrer le prix de mes trajets dans mon budget !

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Je ne suis pas très famille, je ne vois effectivement ma famille d’origine que de temps à autre. Pourtant, mes parents ne vont pas bien : ils sont dépressifs. En plus, la mère de Rose-Marie a une maladie métabolique. Je me souviens qu’un jour, ma mère m’avait confié, comme une boutade, qu’elle ne faisait l’amour qu’une fois par an. De mon mariage, j’ai une fille, avec laquelle je m’entends bien et un fils qui me reproche de ne pas m’être assez occupé de lui. Surtout, je me sens particulièrement concerné par le peuple tibétain, très proche de leur sort. » ■

Il va découvrir qu’il y a une différence entre faire du mal (intentionnellement) et faire mal (les autres peuvent « avoir mal » en rapport avec qui il est). Du coup, ses rapports humains vont changer. En échange du gentil Samuel, ses proches et sa famille découvriront le vrai Samuel. Et ils ne perdront pas au change !

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Le moins qu’on puisse dire, c’est que Samuel manque de confiance en lui. Il se présente comme « un peu dans la lune » et sa passion pour les Tibétains prend difficilement place dans un quotidien assez décousu. Les premiers entretiens lui permettent de prendre conscience d’une immense colère au fond de lui, qu’il bride et méconnaît. Il n’ose pas dire ce qu’il pense, trop occupé qu’il est à faire plaisir et à ne pas mécontenter les autres. Il sait qu’il est apprécié pour son égalité d’humeur et sa bonhomie. Il envisage mal d’oser le conflit et donne une grande valeur à ce qu’il appelle « l’intelligence », mais qui, pour lui, confine à l’effacement de lui-même. Samuel va donc apprendre à reconnaître qu’il est en colère, ou pas d’accord. Il va ensuite oser l’affirmer, en évitant autant que possible l’agressivité et surtout la violence.

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN SEXOLOGUE

Non seulement, le ciel ne se décrochera pas, et ne lui tombera pas sur la tête, mais bien plus tard il éjaculera ! Cela demandera à Samuel de développer un savoir-faire : s’affirmer et éventuellement laisser les autres voir qu’il est en colère. Qu’il n’est pas un gentil garçon, mais bien un homme avec ses qualités et ses défauts d’homme ! Grégoire, 30 ans, chargé de clientèle dans une banque

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« J’ai toujours éjaculé au bout de quelques secondes. J’ai déjà vu un sexologue dans la ville voisine, mais ce dernier ne m’a pas semblé prendre mon problème à cœur. Il ne m’a donné aucun conseil pertinent et ne semblait même pas m’écouter. Je viens de rencontrer une femme, dont je suis amoureux. Mais j’hésite à m’engager avec elle du fait de mon problème sexuel. Je vis dans un village et j’habite encore chez mes parents qui sont agriculteurs. Mes parents sont froids et dévalorisent la sexualité. Mon père est autoritaire, cassant et injuste. Mon premier rapport sexuel, à 14 ans, fut l’occasion d’un traumatisme, car j’ai été dérangé en pleine action et persuadé que c’était par mon père. Ce n’était finalement qu’un cousin et cela n’eut aucune conséquence dommageable, mais je me souviens encore de la peur que j’ai ressenti à cette occasion. Il y a aussi un événement que j’avais enfoui dans ma mémoire : j’avais entrevu ma mère nue dans la salle de bains familiale, quand j’avais 12 ans. » ■

Grégoire découvre au cours des entretiens, toute la colère accumulée contre son père. Il ressent un grand soulagement en découvrant qu’une partie de lui a le droit de dire « non ! » à l’injustice. En revoyant l’épisode de sa mère nue dans la salle de bains, il remet tous les éléments en perspec-

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tive : sa mère n’avait pas l’intention de s’exhiber devant lui, il n’avait pas été excité par l’image, mais juste « gêné », la salle de bains est un endroit où les gens se mettent nus d’habitude. Bref, il dédramatisa ! Une courte série d’entretiens a suffi pour faire disparaître l’éjaculation rapide. Mais peut-être que son emménagement avec son amoureuse dans une maison bien à eux n’a pas été pour rien dans cette amélioration spectaculaire ! Sur le fairepart de mariage que j’ai reçu l’année suivante, il avait dessiné à mon intention son visage faisant un clin d’œil. Victor, 22 ans, BTS électronique

1. La façon dont les patients dénomment leur partenaire indique déjà la problématique qu’ils vont aborder. Il ne se passe pas la même chose avec ma copine, ma femme, ma compagne, ma concubine, mon épouse, ma meuf, ou ma partenaire. Le substantif de PACS n’est pas encore entré dans le vocabulaire : ma pacs ? ma pacsée ?

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« Pour lutter contre mon éjaculation prématurée, un symptôme que j’ai depuis toujours, j’ai pris longtemps des antidépresseurs. Mais sans grande efficacité. Mon érection n’est pas trop vaillante non plus, surtout au moment de la pénétration, alors que la masturbation se passe sans problème. Ma copine1 actuelle, Lorie, est très nerveuse, capricieuse et quasiment anorexique. J’habite seul : en fait dans un appartement qui appartient à mes parents et qui se situe sur le même palier. Ma mère en a les clés, mais n’en abuse pas, enfin d’après moi. C’est juste en cas d’urgence ou pour venir ranger mon linge et prendre le sale. Je ne me souviens pas d’avoir subi de traumatismes ou d’abus sexuels.

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN SEXOLOGUE

Émotionnellement, je garde tout pour moi, mais quand j’explose, c’est sans pouvoir me contrôler. Je déteste montrer mon plaisir sexuel et je m’en veux quand je laisse échapper un grognement de volupté. Par contre, j’aime faire plaisir aux autres et je me sens capable d’accepter des choses qui ne me plaisent pas. J’envisage d’habiter avec ma copine, à proximité de chez son père. Elle va souvent le voir, car il est alcoolique et elle ne veut pas le laisser tomber. » ■

Victor a subi dans sa vie un grand nombre d’humiliations : de ses parents, de ses professeurs, de ses copains… Tout le collège a su qu’il avait demandé à sa première petite amie s’il fallait mettre la langue ou pas.

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Un événement a également participé à le déstabiliser : alors qu’il avait 8 ans, il avait frappé violemment son petit frère d’1 an, sans se rendre compte du danger qu’il lui faisait courir. En y repensant, outre la culpabilité, il ressent la crainte de faire un enfant et de ne pas supporter de l’entendre crier. Victor a du mal à se positionner comme homme ! Il a accumulé en lui tant de pression, d’humiliations… Il ne sait pas comment réagir aux à-coups émotionnels de Lorie, Il évolue encore dans des zones d’enfance, et s’est conditionné pour être conforme à ce qu’on attend de lui. Il s’est bardé dans une carapace pour ne pas trop souffrir de la cruauté des autres. Il ne croit pas à sa capacité d’être un bon père. Qui peut penser, dans ces conditions que sa sexualité puisse être harmonieuse ? Qui peut croire qu’un traitement antidépresseur aura la moindre efficacité ? Qui osera lui recommander de prendre un médicament pour bander ?

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Victor devra effectuer un patient travail psychothérapeutique de reconstruction de sa personnalité. Et sa sexualité suivra le mouvement. Mais s’il veut « juste » éjaculer plus tard ou bander suffisamment, sans prendre en compte la globalité de son être, il risque de courir en vain pendant des années après des remèdes miracles, qui n’auront comme effet que de lui faire perdre son temps et son argent. Alessandro, 29 ans, paysagiste « Mes problèmes ont commencé il y a 2 ans : je ne bande pas assez pour envisager une pénétration. Mes érections matinales restent de bonne qualité. Depuis 1 an, je souffre de palpitations, et je dois prendre des calmants. Mon désir sexuel reste vif et ma frustration n’en est que plus grande. Un événement important s’est déroulé il y a 18 mois : le décès de ma mère, par paralysie respiratoire et crise cardiaque. J’ai fait une grosse crise de palpitations peu après sa mort. Sa maladie avait commencé quelques années auparavant, et les hasards de la vie avaient dispersé la famille. Je fus le seul à rester auprès de ma mère. Rien que d’y penser, j’en tremble de partout ! Manifestement, je n’ai pas fini le deuil !

À ce jour, Alessandro a des pensées sombres et suicidaires. En y réfléchissant, il s’aperçoit qu’il conduit vraiment trop vite, fume à l’excès, boit sans modération… Le petit garçon qui est en lui n’a pas « avalé » les événements du début de sa vie.

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De mon enfance, je ne garde que quelques souvenirs plutôt douloureux… De mon père, un vrai caractériel, et que ma mère a quitté quand j’avais 1 an. J’ai été élevé finalement par mes grands-parents, et je me suis retrouvé en pension. » ■

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN SEXOLOGUE

Un peu comme s’il voulait donner raison à tous ceux qui ne l’ont pas considéré comme important. Il est tentant de recommander à Alessandro des antidépresseurs, en suivant la logique simpliste : idées suicidaires = dépression ! Même s’il y a une composante dépressive dans son malaise, on ne peut résumer sa détresse à un manque d’énergie : il lui en a fallu énormément pour arriver jusqu’à maintenant. Il est confronté également à un problème qui survient fréquemment lorsque les parents sont séparés : il a du mal à s’identifier à l’homme qu’est son père, et il adopte inconsciemment le point de vue de sa mère sur cet homme et vraisemblablement sur les hommes. Un point du vue plutôt négatif, évidemment. La plupart des hommes élevés par leur mère, à la suite du départ de leur père, vouent à cette mère une admiration sans borne, une reconnaissance militante, associées à un ressentiment persistant contre leur père, chargé de tous les péchés du monde. Si d’aventure, ces hommes entrent en contact avec ce père honni et qu’ils entendent un autre son de cloche, il se peut que leur point de vue prenne une autre perspective.

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La place qu’Alessandro laisse à l’intérieur de lui à son état du Moi Enfant1 blessé est encore importante. Quand il est dans les bras de sa femme, cet Enfant meurtri a du mal à 1. Sur le concept d’état du Moi, voir le Manuel d’analyse transactionnelle de Van Joines et Ian Stewart, InterÉdition, 2000.

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faire la différence avec ceux d’une mère, présente, aimante, accueillante. Son sexe entend le message et disjoncte le « circuit » sexuel. Une fois de plus, on constate que l’homme qui éjacule trop vite, ou bande mal, fonctionne en fait très bien : à ceci près que son sexe tient compte, à son insu, de la dimension inconsciente, cachée, de ce qui se joue dans la relation. Plus précisément, Alessandro a besoin de finir le deuil de sa mère et de retrouver son élan vital. L’enjeu suicidaire trouvera une prévention dans la fermeture des issues dramatiques de son scénario de vie1. Jacques, 61 ans, retraité de la police

1. Pour une description de ce concept et de son utilisation en psychothérapie, voir la revue Actualités en Analyse Transactionnelle. H. Boyd, « Décisions suicidaires », 4,186-187 (2, 59-60). K. Mellor, « Le suicide : se tuer, être tué, mourir », 13,10-16 (2, 61-67). B. Gooss, « Contrats de non-suicide » 13, 17-18 (1, 206-207). H. Boyd et coll., « Enrayer les scénarios tragiques », 23,149-151 (4, 37-39). C. Marx, « La peine de mort, boucle tragique de l’homicide au suicide », 29,4346 (4, 156-159). M. Kouwenhoven, « Contrats d’abstention et sanctions thérapeutiques », 37, 3-13.

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« Je suis veuf depuis 10 ans et je vis avec ma copine depuis 6 ans. Mon érection est difficile depuis la mort de ma femme, et j’arrange un peu les choses avec le Viagralistra. Mais l’éjaculation rapide, en revanche, persiste quoiqu’il arrive. J’ai toujours été sportif et je continue à faire du jogging trois fois par semaine, je ne fume pas.

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN SEXOLOGUE

Mes problèmes sexuels se sont aggravés il y a quelques mois avec ma maîtresse, avec laquelle j’ai fait l’amour en cachette de ma copine. Cette femme est mariée, je connais le mari… Je reconnais que le problème sexuel survient plus avec ma maîtresse qu’avec ma copine. Il faut dire qu’on fait l’amour, à la sauvette, on a toujours peur de se faire surprendre. » ■

Le bénéfice érotique est flagrant, mais à quel prix ! Jacques est venu demander un médicament complémentaire pour améliorer sa sexualité clandestine. Il ne sait pas lequel, mais il aimerait bien qu’il existe. Aucun traitement chimique ne pourra tirer Jacques d’affaire. En fait, il réagit normalement ! Dans la jungle, il est dangereux pour tous les animaux de s’arrêter trop longtemps au même endroit, fût-ce pour la copulation. Le fait d’éjaculer rapidement a permis à plus d’un d’avoir la vie sauve. Les êtres humains, eux, qui ne vivent plus dans la jungle, ont découvert que l’acte sexuel peut se dérouler dans l’insouciance et la fête sensuelle.

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Jacques vit dans la peur que sa liaison soit découverte, il est l’ami du mari de sa maîtresse, il sent la pression pour être « à la hauteur », se sent inhibé par le souvenir de ses échecs successifs… N’importe qui à sa place réagirait sans doute comme lui. Jacques n’a pas besoin de médicament, mais de savoir où il va, avec qui et pour quoi. Un homme n’est pas un robot, une mécanique qui bande et éjacule sur commande. Il ne se répare pas comme une machine, il ne se programme pas comme un ordinateur, et ses défaillances sont les bienheureuses preuves de son humanité. Chaque homme a une histoire, une trajectoire, une espérance et des zones de fragilité. Même si certaines

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femmes font mine de s’en plaindre en regrettant le mythe de l’homme fort et protecteur, sur l’épaule duquel elle vont pouvoir s’appuyer (certaines sont prêtes à échanger dix verges en érection pour une épaule solide), tout le monde est gagnant dans la revendication de sa vulnérabilité.

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Un homme qui se plaint de panne d’érection ou d’éjaculation rapide ne parle pas de son sexe, ni même de sa sexualité génitale : il parle de lui, de sa globalité, de ce qui l’attire ou le menace. La sexologie est une « science » en trompe-l’œil.

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Des bonnes et des mauvaises solutions

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Face à ces difficultés sexuelles, chacun pourra trouver des façons de se débrouiller. Sans espoir en effet, c’est le découragement qui guette et certains iront jusqu’à imaginer le suicide comme ultime solution. Il est donc important d’aborder ce sujet. D’abord, il est nécessaire de convaincre chaque homme qu’une sexualité satisfaisante est possible pour lui : il n’est pas de trouble incurable. Les possibilités thérapeutiques (physiques et psychologiques) sont très efficaces et la sexualité est surtout affaire de relation, de positionnement et de symbole. La symbolique du rapport sexuel ne se résume pas à l’érection, à l’éjaculation ou au coït. Il s’agit bien plus de l’idée que l’on s’en fait et cette idée n’est qu’une représentation de la réalité, pas la réalité elle-même.

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La perspective du suicide indique l’intensité de la détresse ressentie. Mais le suicide n’est jamais une solution, même mauvaise. Quand on demande à une personne qui a des idées noires ce qu’elle attend de son suicide, elle répond souvent : « être tranquille, ne plus souffrir, trouver une solution à un problème insoluble » ! Or, toutes ces attentes sont des attentes de vivants ! Ce sont les vivants qui veulent être tranquilles, ne plus souffrir, trouver une solution… Quand on est mort, on n’est pas tranquille, on est mort ! Il est important de réhabiliter cette quête de tranquillité ou de solution comme une quête émanant d’un vivant. Le suicide n’est jamais un choix en tant que tel : c’est un non-choix, le drame d’une personne qui croit qu’elle ne peut plus faire autrement. La personne qui se suicide « dit », veut ou attend quelque chose et c’est dans cette volonté même qu’elle se montre vivante. Sa mort n’est que paradoxe. Si un homme est impuissant ou éjaculateur prématuré, qu’il mette de l’énergie à trouver une vraie solution. Mais s’il se dit : « Si ça continue, à quoi bon vivre ? », c’est alors qu’il perd son élan vital et sa motivation à en sortir. Quelles sont donc les solutions que l’on peut trouver ?

Face à l’éjaculation rapide Culpabiliser avec des causes fantaisistes Certains hommes pensent que leur éjaculation rapide est la conséquence, la sanction, voire la punition d’un comportement qu’ils jugent négatif. Masturbation excessive, pensées 188

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Ce qui ne marche pas

DES BONNES ET DES MAUVAISES SOLUTIONS

obscènes, relations extra-conjugales… Il n’en est rien, évidemment. Ils peuvent éventuellement se sentir coupables, c’est une autre affaire. Mais ils ne sont pas sanctionnés par là où ils ont « péché » !

Éviter les stimulations Les Américains, au cours des années 1960, appelaient cette méthode le « no touch ». Si l’éjaculation était trop rapide, c’était dû, d’après cette théorie, à un excès de stimulations. La partenaire était donc invitée à ne pas toucher le membre viril avant la pénétration. Les échecs, systématiques, de cette méthode étaient mis sur le compte de ces maladroites qui ne pouvaient s’empêcher d’effleurer le gland de leur partenaire. Non seulement l’éjaculation rapide n’était pas retardée, mais les couples se fâchaient durablement !

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Diminuer la sensibilité du gland Toujours dans l’idée que l’homme qui éjacule trop vite est trop excité, on a cherché ce qui pouvait diminuer l’excitabilité du gland. Le fait qu’il y ait autant d’éjaculateurs rapides chez les hommes circoncis que non-circoncis aurait dû mettre la puce à l’oreille des sexologues de l’époque : le gland circoncis, constamment au contact du slip ou du caleçon, développe une kératinisation spontanée qui diminue sa sensibilité au tact superficiel, mais nullement au tact profond, qui reste, si l’on peut dire « intact » ! Le préservatif, contre toute attente, n’apporte pas de répit non plus. Pourtant, en matière d’atténuation des sensations, on n’a rien à lui reprocher. 189

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Enfin, dans la même veine, on en arriva à utiliser des pommades anesthésiques, à étaler sur le gland avant le rapport. L’éjaculation se trouve légèrement retardée, de quelques secondes dans le meilleur des cas. Mais toute sensation voluptueuse, légitimement escomptée, a disparu, y compris chez la partenaire dont le vagin, dûment badigeonné d’anesthésique peine à transmettre les perceptions libidinales.

Ce qui marche

Se masturber avant Cet expédient est spontanément trouvé par les hommes, qui constatent qu’ils « tiennent » plus longtemps après une première éjaculation. Les inconvénients de cette méthode sont évidents : • cette masturbation n’est pas toujours réalisable, surtout en cas de rapport imprévu ; • la partenaire n’est en général pas informée de cette pratique et peut assez mal réagir si elle la découvre inopinément ;

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Éliminer une cause organique Un médecin devra confirmer que les organes de la région sont indemnes d’affection. Inflammation, tumeur, infection virale ou microbienne qui peuvent éventuellement retentir sur la sexualité. Ces causes organiques sont assez rares. Mais si on les trouve, il est opportun de les traiter. On peut souvent avoir la satisfaction de voir l’amélioration du symptôme sexuel suivre de peu la guérison du symptôme physique.

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• les habitudes d’éjaculation coup sur coup peuvent s’installer à long terme, rendant par là plus problématiques les solutions efficaces sur la cause de l’éjaculation rapide. De plus, le temps joue contre cette méthode : avec l’âge, la période réfractaire augmente et c’est l’érection qui risque de disparaître une bonne fois !

Refaire l’amour aussitôt après Il s’agit d’une variante de la première méthode, contre laquelle le temps joue également. Mais le principal inconvénient vient de la partenaire, pour qui l’éjaculation représente symboliquement un terme, une sorte d’aboutissement. C’est comme si cela terminait le rapport et l’excitation amoureuse qui l’accompagne. Cela n’a pas de sens, dans ce contexte, de « repartir » pour un autre rapport. Ce qui n’était qu’une pause technique pour lui, risque d’être vécu par elle comme le terminus !

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Prétendre qu’on est trop excité : efficace au début d’une relation, mais le pot aux roses fini par être découvert. Ou alors, il faut changer souvent de partenaire.

Faire de longs préliminaires Caresser, embrasser la femme assez longtemps pour que la pénétration n’intervienne qu’en fin de course, un peu comme la « cerise sur le gâteau ». Puisqu’on sait que cette pénétration sera de courte durée, on la situe donc au meilleur moment : à la fin. Certains ont utilisé ce subter-

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

fuge durant toute leur vie sexuelle. Cela a l’avantage de dédramatiser le symptôme en permettant une sexualité satisfaisante, mais nécessite une coopération certaine de la partenaire !

Le squeeze Il s’agit d’une méthode visant à retarder l’éjaculation, en arrêtant les mouvements coïtaux, en pressant l’urètre, à la base du gland, avec les doigts. Cette action peut être pratiquée par l’homme lui-même ou sa partenaire. Cela permet à la sensation d’imminence de l’éjaculation de s’estomper. On reprend peu à peu les mouvements coïtaux. Dès l’alerte suivante, on recommence. De proche en proche, on tient plus longtemps. Le but est de créer un apprentissage physique, une sorte de conditionnement qui enseigne au corps d’autres réflexes.

Il s’agit d’une sexothérapie qui peut connaître de réels succès. Mais ses inconvénients limitent la diffusion d’une telle pratique. Il n’est pas facile de convaincre la partenaire d’arrêter ainsi son excitation et d’avoir un rapport « en pointillé ». Elle doit retenir tout mouvement, éventuellement se retirer et presser la base du gland de son partenaire. Dès que la menace d’éjaculation est passée, elle peut recommencer la pénétration et les mouvements, durant quelques 192

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Le squeeze intègre, dans sa version complète, la valorisation des caresses et des massages sur le corps entier et pas seulement sur les zones sexuelles. Il propose ainsi aux partenaires de découvrir des moments de réelle sensualité sans passage à la sexualité.

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secondes… Il est vrai que c’est pour la bonne cause, et avec l’espoir d’une amélioration future ! Mais si ce futur se fait attendre, sa motivation risque de se lasser et de laisser une situation difficilement récupérable. Mais cette méthode, exclusivement comportementale, fait fi de toute la dimension inconsciente de l’affaire. Et l’on ne défie pas impunément la puissance de l’inconscient. Nous avons vu dans les chapitres précédents que l’éjaculation rapide avait un sens dans l’économie globale de la personne : chassez l’inconscient par la porte, il risque de revenir par la fenêtre !

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Les antidépresseurs Il faut le reconnaître, sans pouvoir l’expliquer d’ailleurs, le traitement par antidépresseur retarde parfois les éjaculations rapides. Ce traitement peut être continu, aux doses adaptées à une dépression typique, ou n’être proposé qu’à faible dose quelques heures avant le rapport. Le patient est alors rassuré sur la possibilité que son symptôme disparaisse. Il sort du terrible sentiment de l’inéluctable, de l’incurable. Mais cette amélioration ne dure qu’un temps. Outre les effets secondaires de ces médicaments psychotropes (c’est-à-dire qu’ils affectent le psychisme) qui ne sont pas anodins, leur principal inconvénient réside dans la dépendance psychologique. Si « ça marche » pendant le traitement et que « ça ne marche plus » à l’arrêt du traitement : quand donc arrêter ce dernier ? Le risque existe bel et bien de se retrouver au bout du compte à la case

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

départ. L’homme aura développé une confiance certaine dans la chimie, mais qu’en sera-t-il de la confiance en luimême ?

Le travail de l’énergie corporelle Il s’agit d’un travail en profondeur sur la façon dont l’homme laisse son énergie circuler dans son corps. Il peut apprendre à laisser diffuser les sensations, à reconnaître les mouvements qui accompagnent le flux de la vie. Au lieu de se crisper sur le spasme de l’éjaculation qui viendrait atténuer rapidement une tension physique qu’il ne saurait tolérer, l’homme peut apprendre à gérer son énergie physique : mouvements ondulatoires du bassin, respiration, sensations… Le yoga peut l’aider dans cette direction.

Face aux difficultés d’érection Pas d’hésitation dans ce domaine : il faut là encore éliminer une cause organique, c’est-à-dire due à l’atteinte d’un organe ou d’un système physique.

Si les érections matinales sont conservées, on incriminera volontiers une cause psychologique, puisque la « mécanique » prouve ainsi qu’elle fonctionne.

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Il n’est pas dans l’ambition de cet ouvrage de se substituer à une consultation médicale. Qu’il suffise de savoir que le médecin recherchera des causes vasculaires, hormonales, locales, générales ou iatrogènes (provoquées par les médicaments).

DES BONNES ET DES MAUVAISES SOLUTIONS

Dans le même ordre d’idée, une érection qui tombe au moment, ou au cours, de la pénétration orientera plutôt l’investigation vers le domaine psychique.

Ce qui ne marche pas Les produits réputés aphrodisiaques Par exemple, la corne de rhinocéros, qui a comme unique conséquence la disparition des rhinocéros, abusivement chassés et abattus pour cette mauvaise raison. Certains aliments sont dits « aphrodisiaques » parce qu’ils sont vasodilatateurs (poivre ou piment) ou qu’ils mettent en forme (vitamines, compléments alimentaires). L’effet n’est que placebo.

Chercher une femme plus excitante Les hommes ne bandent pas parce qu’ils sont excités puisqu’il peut leur arriver de ne pas bander alors qu’ils sont excités sexuellement. Il arrive également qu’ils bandent sans être excités : le matin ou à la suite de stimulations tactiles1…

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1. Certaines activités professionnelles exposent à ce genre de désagrément : le marteau-piqueur peut provoquer des érections, voire des éjaculations parfaitement détachées de tout contexte érotique ! Les femmes peuvent être également concernées par cette irruption du sexuel dans le professionnel. Au XIXe siècle, les couturières faisaient tourner leur machine à coudre avec un pédalier. Dans les grands ateliers, les contremaîtres avaient l’habitude de voir le visage de certaines employées se crisper tout à coup du fait d’un orgasme intempestif provoqué par le frottement des cuisses contre leur clitoris. Il est probable que la sensation n’était guère voluptueuse et devait sûrement gêner la femme dans son travail.

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Bref, érection et excitation ne sont pas aussi liées qu’on pourrait le croire. Il est ainsi illusoire de mettre sur le dos de la partenaire la cause de la difficulté d’érection. Il peut arriver qu’une panne d’érection soit concomitante d’une baisse de désir. Même dans ce cas, ce n’est pas le changement de partenaire qui va durablement régler le problème. L’intensité du désir sexuel et la réponse physique qui l’accompagne sont toujours en rapport avec une projection personnelle : Lacan disait qu’on ne fait pas l’amour à deux mais à trois : l’homme, la femme et le désir. Il peut donc être opportun de retrouver les conditions du désir dans la relation. Mais il est quasiment certain que la recherche d’une autre partenaire ne règlera pas le problème.

Ce qui marche

L’érection n’intervient que si une stimulation physique, visuelle, érotique ou sensuelle la provoque. Le médicament ne fera que la confirmer en la rendant plus solide et plus durable. Les mécanismes d’action de ces médicaments sont variés.

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Les produits favorisant l’érection Les érections peuvent être chimiquement assistées (comprimés à avaler avant le rapport). Ces médicaments sont arrivés sur le marché, durant les années 1990, et leur succès a été fulgurant. Ils ont généré depuis de confortables marges aux laboratoires pharmaceutiques qui les proposent aux hommes victimes de ces pannes.

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Chaque marque utilise l’un ou l’autre de ces mécanismes, qui aboutissent tous au même résultat : retenir le sang dans le corps caverneux* de la verge, qui se gonfle comme une éponge. Ces médicaments peuvent se révéler inefficaces si l’homme présente un déficit en hormone mâle. La correction de ce déficit peut améliorer l’efficacité de ces produits.

Les injections intra-caverneuses L’homme injecte, dans sa verge, un produit qui va provoquer l’érection. L’aiguille est fine et l’injection indolore. Quelques minutes après, la verge est dressée. Des incidents, rares, peuvent survenir : infection au lieu d’injection, hémorragie ou priapisme1. Les avantages de ces produits sont incontestables, du simple fait de leur efficacité. Leur utilisation ne se limite pas aux victimes de pannes sexuelles. En effet, certains hommes les emploient de façon « libertine », pour faire durer une érection pourtant acceptable, mais qu’ils souhaitent plus performante et plus prolongée.

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Les inconvénients peuvent cependant en limiter les indications. Leurs effets secondaires (retentissement sur la santé, surtout en cas de problèmes cardiaques ou vasculaires) impliquent une prescription médicale. Leur prix et l’absence de remboursement, en dehors des cas d’atteintes physiques sévères, par les organismes de protection sociale est une 1. Quand l’érection ne disparaît pas et persiste douloureusement durant plusieurs heures. Une consultation médicale s’impose alors en urgence.

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contrainte supplémentaire. Enfin, l’opposition de la partenaire : soit qu’elle se sente dévalorisée par le fait que son partenaire ait besoin d’une « béquille chimique », soit que, passé un certain âge, elle se satisfasse de l’arrêt progressif d’une sexualité qui ne lui dit plus rien. Le risque d’une accoutumance psychologique, puisque la prise de ces médicaments laisse intacte la crainte de l’échec (anticipation négative*) pour le jour où l’on essaiera sans le fameux produit. Il peut arriver qu’un homme reprenne confiance en lui grâce à cette érection chimiquement assistée. Mais ces cas sont rares, à mon avis, à côté de tous ceux où l’homme se retrouve finalement à la case départ. Comme pour les antidépresseurs destinés à améliorer l’éjaculation rapide, tout se passe comme si on espérait réparer une horloge en la mettant à l’heure en manipulant les aiguilles du cadran. Pendant quelques minutes (et toutes les douze heures, quand même !), cette pendule pourra donner l’illusion fugace qu’elle fonctionne. Mais qui peut se satisfaire longtemps d’une si piètre supercherie !

Enfin, les prothèses ne sont proposées qu’en cas d’échec des traitements précédents, lorsque l’impuissance sexuelle est majeure et permanente. Il s’agit de placer à demeure, à

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On trouve aussi le vacuum, dont le but est de faire affluer le sang dans la verge. Il suffira de l’introduire dans un cylindre de plexiglas, relié à une poire de caoutchouc capable de faire le vide. Après s’être assuré de l’étanchéité, l’homme va pomper et le pénis se gonfler de sang, appelé par la dépression produite par la poire. L’érection qui en résultera peut durer assez longtemps pour permettre l’intromission.

DES BONNES ET DES MAUVAISES SOLUTIONS

l’intérieur de la verge, un dispositif gonflable ou semirigide. Les chirurgiens urologiques maîtrisent bien le procédé et savent le proposer lorsqu’ils l’estiment indiqué. Ainsi se termine ce chapitre qui évoque les façons de se « débrouiller » avec ces problèmes sexuels. Nous avons vu que les différents procédés avaient des efficacités variables, y compris pour un même individu en fonction du temps. Si l’origine de la difficulté est physique – et il faut absolument commencer par en avoir le cœur net –, on peut faire confiance aux capacités diagnostiques et thérapeutiques de la médecine. Ce n’est pas la vocation de cet ouvrage, je le rappelle, que de se substituer aux hommes de l’art médical.

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Mais peut-on espérer, lorsque la cause est psychologique, une amélioration grâce à des méthodes de psychothérapie ? La guérison est-elle possible ? Peut-on la souhaiter définitive ? C’est en tout cas ma conviction et mon expérience.

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Partie 4

Une mise en perspective

Que reste-t-il des interdits judéo-chrétiens ? C h a p i t re 1 4

Que reste-t-il des interdits judéochrétiens en matière de sexualité ?

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La fameuse morale judéo-chrétienne Il semble que la religion judéo-chrétienne possède, en Occident, une réputation extrêmement répressive, non seulement pour les actes, mais, ce qui est plus grave, pour les désirs et les fantasmes. En ce domaine, l’église catholique arrive en tête des reproches, mais c’est l’ensemble de la tradition judéo-chrétienne qui semble responsable, notamment de la culpabilisation massive responsable de névroses graves, du rejet du préservatif, de l’homosexualité, de la masturbation, de la contraception et de tout ce qui concerne la jouissance. 203

MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Cela dit, on se rend compte désormais, qu’il existe aussi des inconvénients à l’interdiction d’interdire et que jouir sans entrave risque d’être peu protecteur, autant pour la santé physique que mentale. Au passif de la religion, convoquons devant notre tribunal saint Jérôme, qui dit que « rien n’est plus immonde que d’aimer sa femme comme une maîtresse ». Saint Augustin, quant à lui, observe assez naïvement, que les gens se cachent durant leur activité sexuelle. Il en tire argument pour penser qu’il y a donc là quelque chose de mal !

Les croyants y verront un guide précieux pour leur vie quotidienne. Notons à ce propos que les interdits sont bien plus confortables que les obligations, puisqu’ils autorisent tout le reste, alors que les obligations enferment la personne dans un comportement univoque. Les non-croyants, quant à eux, se plaindront alors de subir, par contre-coup et par le biais d’une éducation culturelle culpabilisante, un conditionnement qui entraverait leur développement et serait à l’origine de névroses plus ou moins curables.

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L’apogée de la culpabilisation est atteint au XIXe siècle, comme on le constate, par exemple, en lisant le manuel des confesseurs qui indique : « in re sexuali, non datur parvîtes materiae », c’est-à-dire « en ce qui concerne la sexualité, il n’y a pas de petite faute ». Cette phrase peut d’ailleurs se comprendre de deux façons, dont une plutôt sympathique. D’une part, il y a de grandes fautes (viol, pédophilie, inceste), quant au reste, faites ce que vous voulez ! D’autre part, les interdits religieux peuvent être entendus de deux façons : par les croyants et par les non-croyants.

QUE RESTE-T-IL DES INTERDITS JUDÉO-CHRÉTIENS ?

La discussion avec tous ces gens-là est assez difficile à entamer. Aussi bien avec les croyants, qui ne demandent rien à personne et sont heureux de pratiquer leur religion, qu’avec les autres qui sont en guerre contre leur éducation, leur culture, leurs parents mais qui ne connaissent de la religion proprement dite que ce qu’ils en ont subi : c’est-à-dire la castration de leur désir.

Et les autres religions ? Reste à savoir ce que les religions pensent vraiment du désir dans sa dimension sexuelle. Toutefois, cette vaste question devra être synthétique dans le cadre de cet ouvrage, aussi me limiterai-je à évoquer la religion judéo-chrétienne, largement constitutive de la culture occidentale. Nous ne dirons qu’un mot du bouddhisme, ou plutôt des bouddhismes, tant ils sont nombreux et différents : la sexualité y est vue comme un lieu de passion, d’attachement, de désir, d’émotions puissantes... Inutile d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas là d’une voie recommandée, sans doute tolérée pour les couples, mais qui s’accommode mal du détachement prôné par cette approche philosophique.

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Il n’existe donc pas d’interdits particuliers, mais une défiance généralisée à l’encontre de la sexualité et de ses ferveurs. En Islam, la sexualité est surtout évoquée dans le contexte exclusif de la vie de couple et dans une perspective de fécondité. Le plaisir sexuel en lui-même n’y est pas condamné, en tout cas pour les hommes.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Une série de malentendus C’est dans la tradition judéo-chrétienne que l’on va trouver une attitude plus complexe et donc soumise à plus de malentendus. Le malentendu ne date pas d’hier : Celse, un néo-platonicien du IIe siècle, désignait les chrétiens par le quolibet de « philosomaton genos », c’est-à-dire le peuple qui aime le corps. Il fallait certes qu’ils l’aimassent pour assumer une religion de la résurrection de la chair, et pas seulement de l’âme, une religion de l’incarnation, où les sacrements se donnent dans une matérialité, qui, pour symbolique qu’elle soit, n’en concerne pas moins les sens (pain, vin, eau, huile, etc.). Comme en réponse à tous les contempteurs du corps, François de Sales, dans son Traité de l’Amour de Dieu, recommande d’aimer son corps comme une image vivante de celui du Sauveur incarné.

Pourtant, il n’y a, dans la Bible, aucune marque de mépris, ni à l’égard du corps ni à l’égard du plaisir. On lit même dans le livre des Proverbes (5,19) : « Trouve ta joie dans la femme de ta jeunesse,/Biche aimable, gracieuse gazelle, qu’en tout temps ses seins t’enivrent... », jusqu’au fameux Cantique des Cantiques dans lequel l’amour physique de deux amoureux sert à décrire l’union mystique de l’âme à Dieu.

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Certes, le christianisme a plus facilement valorisé le corps souffrant, travaillant, célébrant que le corps jouissant. Encore que les descriptions que les mystiques font de leurs « extases » ressemblent fort, et même en bien plus intense, à des jouissances profondes et prolongées.

QUE RESTE-T-IL DES INTERDITS JUDÉO-CHRÉTIENS ?

Il n’en reste pas moins que ces malentendus suscités par la tradition judéo-chrétienne sont au moins au nombre de trois. Premièrement, la confusion avec l’approche stoïcienne : pour les Grecs, en effet, le comble du bien se trouve dans le contrôle de soi et dans la raison. Il aura suffi que le message biblique se trouve réduit à une morale destinée à régir les comportements pour que la superposition de ces deux approches fasse les dégâts que l’on sait. En fait, on ne trouve nulle part de condamnation de la sexualité en tant que telle dans la Bible et Jésus a refusé de juger la femme adultère, en trouvant en plus le moyen de lui éviter la mort pourtant prescrite par la loi.

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Deuxièmement, la confusion avec l’ordre bourgeois, qui date du XVIIe siècle, pour lequel la régulation sociale passait par une sorte de mise au pas de la population dont on attendait qu’elle aille travailler chaque matin, plutôt que de se prélasser au lit après une folle nuit d’amour. L’impératif moral n’est ici qu’un alibi, masquant maladroitement un projet politique d’embrigadement de la société au profit d’un système économique exigeant. Troisièmement, la confusion avec la nécessité d’une filiation repérée, tant sur un plan juridique qu’économique ou psychologique, il est important, dans nos sociétés, de savoir qui est l’enfant de qui. La dérégulation de la sexualité, à laquelle la contraception médicalisée n’apporte qu’une solution médiocre, aurait pour effet un bouleversement social, provoquant une indifférenciation relationnelle et un fracas majeur dans les structures de la société.

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L’intérêt des interdits Au-delà de ces malentendus, nous avons besoin d’une grille de compréhension des interdits judéo-chrétiens. Tout d’abord, ils fixent les conditions dans lesquelles la personne va pouvoir rester sujet de sa propre vie et sujet de relation avec les autres. Il va en effet être question d’éviter la violence, les intrusions et abus de toutes sortes du fort à l’encontre du faible. La jouissance sexuelle est souvent un débordement qui demande à être canalisé. Du verbe grec orgao (bouillonner) sont tirés les mots orgasme, orgie et colère (orgê). On peut appréhender ce désordre dans plusieurs situations :

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transgression des limites jusqu’à la violence ; fête privée ou collective ; récréation, apaisement de tensions internes ; mise en scène de fantasmes ; expérience de libre jeu du désir.

Ensuite, ils indiquent un référentiel, un idéal vers lequel tendre. Ils ne doivent pas servir à juger, ni à dévaloriser ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas les appliquer : doit-on dire qu’il est « interdit » de mélanger de la bière avec un vin rare ? On peut néanmoins le déplorer et souhaiter que personne ne s’adonne à un tel « sabotage » gustatif ! 208

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La sexualité étant une zone propice aux débordements, il s’agira de disposer çà et là les protections nécessaires, comme des bottes de paille sur le terrain de karting. Personne ne s’offusque que, sur un tel terrain, on ne puisse pas conduire à sa guise son bolide là où bon nous semble !

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Éric Fuchs1 observa avec finesse que : « Le christianisme n’est pas coupable d’avoir refusé la sexualité, mais peut-être d’avoir, au contraire, cherché par tous les moyens, y compris répressifs, à en dire le sens éthique ».

La Bible n’hésite pas à parler du sexe Il apparaît, par ailleurs, que la Bible travaille le sens de la sexualité dans trois directions. D’abord une désacralisation de la sexualité, où celle-ci n’est pas comprise comme une participation à une force divine : la sexualité est bonne ET redoutable. En attestent les violences, viols, incestes, adultères, passions fatales et crimes divers. C’est donc le réalisme qui doit primer en la matière et non une troublante idéalisation.

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Ensuite, le texte biblique prend la sexualité très au sérieux, contrairement à certains peuples environnants, comme les Grecs par exemple, chez qui régnait un relativisme tranquille, mais tranquille pour les plus forts ! La Bible a, globalement, horreur des mélanges : elle recommandera donc d’éviter la confusion entre les générations, les genres, les épouses, la vie et la mort. Denis Vasse ira jusqu’à dire que la perversion ainsi dénoncée, c’est la confusion, littéralement « voie de traverse » principalement entre vérité et mensonge, entre les générations, les sexes.

1. Éric Fuchs, Le désir et la tendresse, éd. Albin Michel, 1999.

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Enfin, la troisième direction, vers laquelle la Bible oriente la sexualité, sera celle de la personnalisation : la personne c’est l’unique, donc l’unicité de la relation. Le texte plutôt que d’interdire, préfère insister sur l’unité entre la sexualité, l’amour et l’alliance. Soumettre la volupté à la maîtrise de la volonté était une façon de la rendre personnelle, voire spirituelle. Notre époque préfère toutefois subordonner cette volupté à la relation amoureuse : l’impudique ou le désordonné de la sexualité n’est plus sauvé par la procréation, mais par l’amour. Toutefois, la question que posait Michel Foucault de savoir comment devenir sujet de sa sexualité reste d’actualité. Ni objet, ni jouet, mais bien sujet !

Les interdits balisent le chemin Les interdits bibliques semblent, en fait, servir de panneaux indicateurs vers trois zones d’humanité : personne ne veut pas se laisser dominer, et surtout pas par son corps ou ses hormones. La liberté, c’est bien plus vouloir ce qu’on fait et en être responsable que de « faire ce qu’on veut » ; • la valorisation de l’engagement de la personne dans tous ses gestes corporels, dans le cadre d’une cohérence entre l’échange mimé – comme mis en scène – et l’échange réel, existentiel ; • la prise en compte de l’avenir de la sexualité et du nouveau dont elle permet l’émergence. Loin de la compulsion*, il

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• l’appel à une véritable liberté, au sein de laquelle la

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sera question de chercher, d’une part, l’alliance (comme si l’entrée de deux corps l’un dans l’autre correspondait à l’entrée de deux histoires l’une dans l’autre) et, d’autre part, la fécondité qui ne se résume pas à un enfant, mais qui représente tout ce qui se construit dans la maturité et la stabilité.

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Loin du permis ou du défendu, nous sommes confrontés à un regard sur notre humanité, qui ne cherche qu’à nous proposer le meilleur, en nous évitant ce qui, finalement, nous éloigne le plus de ce dieu dont parle la Bible : la médiocrité.

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C h a p i t re 1 5

Psychothérapie et sexologie

Le sexe, c’est souvent dans la tête Si le problème est psychologique, le traitement doit s’adresser au psychisme. Les médicaments sont parfois indiqués et ils peuvent rendre de grands services. Mais il est probable qu’on n’atteindra un résultat durable qu’en traitant cette question à son origine.

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Les méthodes psychothérapeutiques sont nombreuses et aucune n’a le monopole pour le traitement des symptômes sexuels. L’important est de choisir un thérapeute expérimenté, dûment supervisé et reconnu par ses pairs. Comme nous l’avons vu dans cet ouvrage, la plupart des symptômes sexuels sont dus, en fait, à des problèmes « à conséquence » sexuelle.

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L’origine réside, en effet, la plupart du temps dans le « champ » psychologique ou relationnel :

• • • • • • • • • •

manque d’information ; insuffisance de permission ou de protection ; mauvaise estime de soi ; positionnement flou face au partenaire ; difficulté d’engagement ; proximité excessive avec la famille d’origine ; manque de confiance en soi ; identité sexuelle approximative ; mauvaise communication dans le couple ; traumatismes, deuils anciens ou récents.

Utilisons une comparaison quotidienne. Imaginez une personne qui constate une fuite dans son salon, après chaque averse. En urgence, elle va disposer une bassine au sol, pour éviter une inondation. Peut-être sera-t-elle tentée ensuite de passer sur le plafond une couche d’enduit ou de peinture pour cacher les traces d’humidité. Même sans être bricoleur, on peut prédire que cette « réparation » ne résistera pas à la pluie suivante. On ne peut que conseiller à cette personne de grimper sur le toit pour réparer la tuile cassée. Le plus difficile étant d’installer l’échafaudage pour grimper sur le toit et de trouver la brèche, sans casser d’autres tuiles en marchant. Ensuite, la réparation en elle-même ne sera pas très compliquée.

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Prendre un peu de recul et de hauteur !

PSYCHOTHÉRAPIE ET SEXOLOGIE

Le point crucial de cette métaphore est que la tuile cassée ne se trouve pas en général à l’aplomb de la fuite, mais plus haut sur le toit ! L’eau s’infiltrant suivant un trajet mystérieux et caché viendra s’accumuler au-dessus du salon. Autrement dit, le véritable « traitement » nécessite une compréhension plus large de la situation. On comprendra aisément le sens de mon propos. Comme la fuite dans le salon, le symptôme sexuel n’est que la conséquence d’une difficulté qui se situe ailleurs : la tuile cassée plus haut sur le toit. Il faudra donc s’attacher à traiter l’origine de la souffrance pour en éliminer les effets. Un bon praticien de la psychothérapie sera ici à son affaire. S’il a une connaissance, voire un diplôme, en sexologie, cela peut être éventuellement utile. À titre d’exemple, et sans préjuger de la pertinence des autres méthodes, évoquons deux approches thérapeutiques, appropriées isolément ou conjointement, pour traiter la cause des symptômes sexuels abordés ici.

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L’EMDR : une nouvelle thérapeutique La thérapie EMDR (Eyes Movement Desensitization and Reprocessing, ou Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires, plus exactement Intégration Neuroémotionnelle par les Mouvements Oculaires) est une méthode de psychothérapie qui utilise la stimulation sensorielle des deux côtés du corps, soit par le mouvement des yeux, soit par des stimuli auditifs ou cutanés, pour induire une résolution rapide des symptômes liés à des événements

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du passé. Cette thérapie poursuit le mouvement de recherche clinique et de soins inaugurés par la psychanalyse, la thérapie cognitivo-comportementale*, les traitements par exposition1, la médecine humaniste, les thérapies systémiques et les psychothérapies brèves centrées sur la personne. L’EMDR a été créée à la fin des années 1980 à San Francisco. En 10 ans, elle est devenue l’un des modes de traitement psychothérapeutique du PTSD (ou ESPT, État de Stress Post-Traumatique) ayant donné lieu au plus grand nombre d’études cliniques. La méthode ne se limite désormais plus à l’utilisation des mouvements oculaires. Outre l’État de Stress Post-Traumatique, l’EMDR peut être utile chaque fois qu’il est possible de repérer un lien entre les difficultés rencontrées et une histoire traumatique. Ce sera le cas pour des syndromes aussi variés que les phobies*, l’anorexie ou l’éjaculation prématurée2 ! Le protocole EMDR repose sur un ensemble de principes qui sont essentiels à une approche humaniste et intégrative de la médecine et de la santé :

• la confiance dans la capacité d’autoguérison propre à

1. Il s’agit d’accompagner le patient lorsqu’il va progressivement se confronter (s’exposer) à la situation qui lui fait peur ou qui l’a traumatisé. L’espoir thérapeutique réside dans le fait que la personne va peu à peu s’apaiser face au contexte qu’elle craignait tant. 2. Jacques Roques spécialiste français en EMDR, décrit cette méthode de façon très pédagogique dans son ouvrage EMDR, une révolution thérapeutique, DDB, 2004.

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chacun ; • l’importance de l’histoire personnelle ;

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• • • • • •

une approche centrée sur la personne ; un pouvoir restauré ; l’importance du lien entre le corps et l’esprit ; un bien-être ; une amélioration des performances ; etc.

Plusieurs études contrôlées ont démontré la remarquable efficacité de l’EMDR pour la résolution des états de stress post-traumatiques, autant chez les victimes de traumatismes civils (viols, accidents, deuils) que chez les vétérans de la guerre du Vietnam ou les victimes de conflits dans les pays en voie de développement. De fait, à ce jour, l’EMDR est l’une des méthodes de traitement des états de stress post-traumatiques les mieux documentées par la littérature scientifique. Le livre1 qui sert de référence aux praticiens EMDR et à l’enseignement de la méthode a été écrit par la fondatrice de la méthode, Francine Shapiro, Senior Research Fellow du Menlo Park Research Institute (École de Palo Alto) et présidente de l’EMDR Institute (Californie).

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Une séance d’EMDR se déroule suivant un certain nombre d’étapes dont voici les principales. On commence par pré1. Francine Shapiro, Ph.D., Eye-movement Desensitization and Reprocessing: Basic principles, protocols and procedures, Guilford Press, 2001. En juillet 2002, Francine Shapiro a reçu le prix Sigmund Freud, décerné conjointement par le Congrès mondial de psychothérapie et la ville de Vienne.

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ciser avec la personne les détails du souvenir traumatisant : l’évocation de la scène provoque un trouble, une détresse qu’on lui demande de quantifier subjectivement, comme la douleur sur une réglette. Cette quantification va permettre de suivre l’évolution du « travail psychique » de retraitement de l’événement. Puis sera mise en évidence la « cognition négative » en rapport avec l’événement, qui résonne encore comme vrai pour la personne. Par exemple : « Je ne serai jamais à la hauteur ». L’étape suivante consiste à déterminer la « cognition positive » correspondante, celle qui permettra la sortie du tunnel. Par exemple : « C’est tout à fait à ma portée ». Enfin, la dimension corporelle sera explorée : quelles sensations physiques accompagnent l’émotion pénible provoquée par le souvenir (boule dans la gorge, chape sur les épaules, douleur épigastrique, tremblements des mains, etc.) ?

Comme il s’agit d’une image continue (et non une série discontinue, comme des diapositives successives), on peut penser qu’un trajet nerveux inter-hémisphérique est activé. C’est en effet la même image qui passe d’un hémisphère à 218

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On demande ensuite à la personne de suivre des yeux les mouvements d’un objet quelconque (une simple baguette ou la main du thérapeute) sans bouger la tête. Le regard balaie à l’horizontale, d’un côté à l’autre. Ces mouvements oculaires sont du même type que ceux qui surviennent derrière les paupières fermées du dormeur pendant la phase de sommeil paradoxal*. Ainsi, les images observées passent d’un hémisphère à l’autre : le droit quand la personne regarde à gauche, et symétriquement.

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l’autre. Simple hypothèse évidemment, mais qui peut sans doute avoir un rapport avec le cheminement mental qui se met en route à cette occasion. À la fin de la période de balayage oculaire (par séquence de 30 secondes à 1 minute) la personne est invitée à dire ce qui s’est passé en elle : une pensée, une image, une émotion ou une sensation dans le corps. Il ne s’agit pas pour elle de se concentrer ou de faire un effort quelconque, mais uniquement d’être spectatrice de son état interne, comme si elle s’observait en train de penser et de ressentir quelque chose. L’apaisement ressenti en fin de séance est corrélé à l’émergence de la confiance dans la « cognition positive ». Les patients témoignent volontiers que le souvenir traumatisant n’est pas oublié, mais il est comme mis en archive. Ils ont pris une distance affective suffisante pour que les effets négatifs soient estompés, voire effacés. Un contact avec le thérapeute est proposé en cas de besoin, pour accompagner les éventuelles manifestations qui pourraient survenir après la séance : apparition d’autres souvenirs, rêves ou sensations physiques. Dans les cas favorables qui sont l’immense majorité, les symptômes disparaissent totalement, même avec plusieurs mois de recul (voir bibliographie).

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Quel rapport entre l’éjaculation prématurée et le syndrome de stress post-traumatique ? L’EMDR est désormais utilisée pour traiter les conséquences psychiques d’événements traumatisants, même si ces événements ne sont pas considérés comme des causes clas219

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siques de PTSD : violence subie ou constatée, danger mortel évité de justesse, etc. On repère finalement, plus souvent qu’on ne peut l’imaginer, un point de départ aux souffrances psychiques. Une phobie des grands espaces peut très bien avoir commencé après qu’on a été oublié en rase campagne par des parents trop pressés de repartir après une halte ! Une dépression peut avoir commencé le jour où l’on a constaté la trahison de celui que l’on considérait comme un ami. Des événements, considérés par les autres comme anodins, peuvent être de vigoureux déclencheurs de malaise. L’hypothèse que nous avons émise est la suivante. L’éjaculation prématurée est une réponse inadaptée à une situation considérée comme stressante, en rapport avec une expérience douloureuse.

La consigne qui leur a été donnée reprend les notions suivantes, en adaptant la formulation au vocabulaire habituel du patient : « Imaginez-vous durant un rapport sexuel, au moment où vous sentez venir l’éjaculation prématurée. Laissez-vous gagner par le sentiment qui survient à ce moment-là. Qu’est-ce que cela vous évoque ? »

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Chaque homme sait combien son érection est fragile : un claquement de porte, une pensée parasite ou une réflexion de la partenaire peut en avoir raison. Les liens entre l’état psychique et l’aptitude sexuelle sont évidents. Il a donc été décidé d’explorer, chez les patients souffrant d’éjaculation prématurée, des événements décrits comme douloureux et de les traiter avec l’EMDR.

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Une première série de réponses évoque le découragement et confirme l’anticipation négative : « Je me dis, et voilà, encore un échec ». Ou bien : « Je savais bien que ça ne pourrait pas marcher cette fois-ci encore ». Une deuxième série évoque la dévalorisation personnelle : « Décidément, je suis nul ». Une troisième, la déception par rapport à la partenaire qui sera frustrée, en colère : « Je la prive de sa jouissance, je comprends qu’elle m’en veuille ». Une quatrième prévoit un avenir dramatique : « Si ça continue, je vais devenir fou ». Ou bien : « Elle va me quitter ». Ou encore : « Je vais me suicider ». Un homme, qui d’ailleurs n’a pas réagi au traitement, reportait la faute sur la partenaire : « Elle ne sait pas y faire, elle m’excite trop, elle bouge toujours trop vite… ». Voici un exemple destiné à décrire le traitement effectué. Maurice, 37 ans, chauffeur-livreur Maurice souffre d’une éjaculation prématurée primaire, à moins d’1 minute.

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Dans son métier, il cherche à être gentil avec tout le monde. Il se présente comme un homme affable, souriant, n’aimant pas les conflits et prêt à tout pour les éviter. Il décrit sa femme comme plutôt autoritaire. D’ailleurs, c’est elle qui l’envoie et il avoue qu’il n’aurait jamais pensé de lui-même à consulter un sexologue. Il se prête volontiers à l’introspection qui lui est proposée.

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L’évocation de l’imminence de l’éjaculation provoque un grand désarroi, en rapport avec un sentiment « d’impuissance » à la rendre heureuse, malgré tous ses efforts. C’est le découragement et la honte qui dominent son univers affectif à ce moment-là. Il retrouve un souvenir très précis : à 8 ans, alors que sa mère était absente, il avait décidé pour lui faire plaisir de ranger et de nettoyer la maison. Au retour de sa mère, le soir, il eut la surprise d’être sévèrement réprimandé. Il avait utilisé, en effet, des produits et des ustensiles « réservés aux grands » et n’avait pas rangé les choses à leur place exacte. La cognition négative était : « Je n’arriverai jamais à la satisfaire ». La tristesse s’abattait sur ses épaules et il se sentait découragé. C’était le même sentiment qu’il ressentait à la suite de ses éjaculations prématurées. Il faut dire que sa mère se plaignait volontiers de tous ces hommes égoïstes et Maurice avait bien compris qu’elle parlait de son père. Il avait très tôt décidé que, lui, serait attentionné avec son épouse.

Au cours des balayages oculaires, voilà très résumés les principaux éléments qui ont successivement émergé :

• sensations physiques (mains moites, sensation de vide dans le « plexus ») ; 222

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Au cours des séances, Maurice découvrit que plutôt que « Je n’arriverai jamais à la satisfaire », il préférait penser : « C’est surtout la relation entre nous qui compte ». Mais il était loin d’en être persuadé.

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• une pensée : « De toute façon, les femmes ne sont jamais contentes » ;

• l’image de sa mère, avec un visage amer, plein de reproches ;

• un sentiment de colère contre elle et son manque de chaleur ;

• l’image de son père, qui faisait lui aussi tout pour sa femme ;

• un sentiment de solidarité masculine avec son père ; • le souvenir de compliments venant de son père pour un • • • • • • • • •

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• •

travail qu’il avait réalisé ; une série d’événements où il avait réussi quelque chose ; un sentiment diffus de confiance en lui ; le retour de l’abattement en rapport avec la difficulté sexuelle ; le fantasme de ce qu’il aurait eu envie de répondre à sa mère ; sensation physique (chaleur dans la poitrine) ; une pensée : « C’est son problème, j’ai le droit de m’occuper de moi » ; sensation physique (légèreté dans les épaules et dans la tête) ; une pensée : « J’aurai dû vérifier avec elle si ça lui convenait » ; une pensée : « En fait, je voulais qu’elle m’aime autant que mon petit frère » ; une pensée : « Je suis grand maintenant et je sais que ma femme m’aime pour moi-même » ; l’image de sa femme, souriante et compréhensive, qui lui dit « Occupe-toi de toi, je m’occupe de moi ».

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Maurice a relativisé son symptôme et surtout l’a intégré dans une conception plus globale de son rapport aux femmes. Il l’a abordé avec son langage à lui, fait de simplicité et de bon sens, sans intellectualisation parasite. L’éjaculation survient désormais au bout de 5 minutes environ. C’est encore un délai court, mais le sentiment de victoire sur l’inéluctable et la réaction positive de sa femme augurent bien de la suite. Les 4 minutes gagnées ont exorcisé la malédiction. Maurice aura à décider s’il a envie de revenir parler d’un autre problème qui émergera par la suite : il n’a pas l’impression de participer aux décisions qui concernent la famille, car sa femme décide de tout. Mais ceci est (peutêtre) une autre histoire ! Avec l’EMDR, le cheminement psychique en rapport avec le retraitement de l’information n’est pas induit par le thérapeute, qui suggérerait la « bonne » évolution, moralement ou psychologiquement correcte. Tout se passe comme si le psychisme du patient convoquait les éléments dont il a besoin pour ne pas laisser la souffrance en l’état. Ces éléments peuvent être cognitifs, émotionnels, visuels ou physiques.

Cette méthode thérapeutique, empirique, n’est pas intrusive. Elle apaise les conséquences des traumatismes en confiant aux ressources internes du patient le soin de prendre en 224

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Les prises de conscience se déroulent spontanément, non seulement sans intervention verbale du thérapeute, mais sans suggestion, ni reformulation, ni encouragement.

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charge son propre désarroi. Elle est particulièrement indiquée pour les traumatismes dits « simples », c’est-à-dire uniques, quelle que soit l’intensité. Elle peut aussi être utilisée dans des situations plus complexes, au sein desquelles on isolera des événements douloureux, que l’on traitera éventuellement les uns après les autres.1

L’analyse transactionnelle C’est une théorie de la personnalité correspondant à une pratique thérapeutique permettant de rendre compte et de modifier les relations entre les personnes. L’analyse transactionnelle* (AT) fut développée par le psychiatre et psychanalyste américain Éric Berne. D’abord psychanalyste freudien, Berne rompit avec l’Institut de psychanalyse de San Francisco.

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Comme la psychanalyse, l’AT s’intéresse aux conséquences présentes d’événements du passé, mais elle intègre le travail émotionnel (repérage et expression des émotions) et le comportement (c’est-à-dire ce que font ou ne font pas les personnes). Cette théorie est fondée sur la description d’états du Moi*, qui sont des ensembles cohérents de pensées, d’émotions et de comportement. 1. L’EMDR comme toutes les méthodes efficaces, présente des contreindications et peut se révéler dangereuse si elle est utilisée par des personnes insuffisamment formées. Seuls les thérapeutes ayant le label « praticien EMDR », délivré par les associations nationales d’EMDR, présentent une garantie de formation et de déontologie.

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Par exemple, une grande personne qui tout à coup éclate en sanglots « a » 5 ans à l’intérieur d’elle-même. Elle pense, ressent et agit comme à 5 ans. Non pas comme un enfant de 5 ans générique, standard, mais bien comme l’enfant de 5 ans que cette personne a été et qui vit en elle à cet instant, avec ses fragilités et ses ressources personnelles. À côté de cet état du Moi « Enfant », coexistent :

• l’état du Moi « Adulte » avec lequel elle observe comprend, prévoit et prend des décisions et résout les problèmes ; • l’état du Moi « Parent », qui recèle ses normes et ses valeurs, capable de donner des limites (Parent Normatif ) ou du soin (Parent Nourricier). L’AT s’intéresse donc aux échanges (transactions) entre les états du Moi entre les personnes ou à l’intérieur de chacune (dialogue intérieur).

Cette décision et le plan qui en résulte proviennent des différents messages permissifs ou inhibiteurs envoyés par les parents, de façon verbale ou non verbale. Le scénario est destiné à permettre à l’enfant de s’adapter au monde extérieur. Heureusement, chacun a la possibilité (spontanément ou grâce à une psychothérapie) d’assouplir son scénario et de modifier ses décisions de survie (travail de « re-décision »).

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Mais l’AT met aussi en évidence l’existence, chez tout individu, d’une « décision de survie », sorte de planification non intellectuelle et en dehors de la conscience, adoptée dans l’enfance : le scénario de vie.

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Le but du traitement en AT vise la guérison du scénario et l’autonomie. Celle-ci correspond à l’utilisation par la personne de ses capacités de conscience, de spontanéité et d’intimité. La personne autonome accepte la responsabilité de ce qu’elle vit, prend ses décisions en fonction de ses critères personnels et non plus pour s’adapter, vit ses sentiments authentiques et les exprime selon ses choix. Elle reconnaît l’autre et elle-même comme une personne qui a le droit d’exister et mérite d’être respectée. Pragmatique, l’AT est formulée dans un langage simple et concret, qui permet de se centrer autant sur une restructuration de la personnalité et des rapports humains que sur l’amélioration des symptômes. La psychothérapie transactionnelle peut se pratiquer en séance individuelle ou en groupe. Les séances de thérapie de groupe, plus longues que les individuelles, offrent un cadre très protecteur pour l’expression des émotions. Voyons un exemple de la manière dont l’AT peut aider une personne souffrant d’un trouble sexuel. Élodie, 27 ans, sociologue

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Élodie vit avec son copain Ludovic. Elle est venue consulter pour des difficultés relationnelles importantes avec son compagnon. Ce différend rejaillit sur leur vie sexuelle, qui devient de plus en plus espacée. Voici quel est le scénario de vie d’Élodie, analysé selon l’approche transactionnelle. Le repérage de ce scénario permet de fonder un plan thérapeutique.

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Élodie a grandi sous l’emprise de quelques prescriptions parentales, regroupées sous deux têtes de chapitre : – « Fais plaisir aux autres (c’est de ta faute si les autres sont mécontents) » ; – « Fais des efforts, essaie d’être dur (montre-nous combien tu te donnes du mal dans la vie) ». Elle doit également tenir compte « d’injonctions » qui ont quasiment programmé ses relations aux autres : – « Ne sois pas importante » (fais passer les autres avant toi) ; – « Ne grandis pas » (reste une enfant, qui ne sait que bouder ou agresser lorsque ses besoins ne sont pas satisfaits) ; – « Ne sois pas toi-même » (ne montre pas ta vraie personnalité, car sinon tu seras rejetée).

Il peut sembler paradoxal qu’Élodie soit agressive alors que son scénario lui « dicte » de faire plaisir aux autres. Ce paradoxe, en fait, n’est qu’apparent. Élodie, dans un premier temps, « essaie » de faire plaisir à Ludovic au mépris de ce qu’elle ressent. Elle va accepter, par exemple, de l’accompagner sur le terrain de rugby où Ludovic s’entraîne, alors qu’elle n’en a aucune envie et préférerait passer du temps avec une amie.

1. Les majuscules désignent des rôles et non le positionnement réel.

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Le soir, Ludovic proposera de faire l’amour et s’étonnera de la trouver peu partante et plutôt agressive. Évidemment, elle estime avoir gâché son après-midi « pour lui ». Elle est entrée dans un jeu psychologique de Sauveteur, finit par se sentir Victime et termine le stratagème en se présentant comme Persécuteur.1

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L’AT permettra à Élodie de prendre conscience de ce qui se passe en elle et de ce qui se joue avec son compagnon. La fois suivante, elle pourra réagir autrement et dire par exemple : « Ludovic, je sais que ça te ferait plaisir que je t’accompagne au rugby cet après-midi. Mais je ne suis pas disponible aujourd’hui, car je vois mon amie Claire. Si tu veux, on peut s’organiser pour samedi prochain ! » Cela peut sembler un changement facile à opérer, mais Élodie aura besoin de beaucoup de soutien pour oser contrarier son scénario qui la pousse plutôt à être gentille et à faire plaisir. De plus, elle ne connaît pas de protocoles de négociation et réagit plutôt à partir de son état du Moi « Enfant », qui va bouder et accumuler du ressentiment. Élodie va connecter peu à peu, avec ses besoins réels, ses émotions authentiques (parmi lesquelles la colère1, qu’elle se donnera le droit d’exprimer au risque de déranger les autres) et ses désirs profonds.

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De plus, elle identifiera un enjeu décisif dans sa relation de couple : comme elle craint en permanence que Ludovic la quitte – ce dernier répète à qui veut l’entendre qu’il se sent incapable de s’engager –, elle ressent l’obligation de lui

1. Plus elle montrera une colère légitime et justifiée, porteuse d’un message clair, moins elle sera agressive et boudeuse. Nombreux sont ceux qui confondent colère, agressivité, voire violence : la distinction entre ces mots est très importante.

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convenir. Elle est bien obligée de constater que Ludovic reste avec elle néanmoins, alors même que leurs disputes vont bon train et que la sexualité s’estompe entre eux. Est-ce vraiment un hasard s’il s’agit là de la même situation que sa mère a vécue avec son père ? C’est en tout cas une situation dont Élodie a souffert durant toute son enfance et qu’elle s’était pourtant promis de ne pas renouveler ! Comme pour l’EMDR, les associations nationales et internationales d’analyse transactionnelle assurent une certification fiable de leurs praticiens, dont la liste peut être consultée sur Internet. Si ce chapitre a choisi de détailler ces deux approches, l’analyse transactionnelle et l’EMDR, il est évident qu’elle ne sont pas les seules à pouvoir être utilisées en sexologie.

Il n’existe pas, a priori, de thérapie brève ou longue. Il y a un chemin à suivre pour alléger le poids qui pèse sur notre vie et qui est souvent la conséquence d’un traumatisme ou

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Il ne suffit pas, pour changer, de savoir comment « faire » autrement. Il faut gérer nos résistances internes, régies au niveau inconscient et donc à l’abri de nos bonnes volontés conscientes. Loin de se résumer à un simple changement de comportement, une thérapie bien conduite concernera le champ émotionnel, mais aussi celui de la pensée (avec les idées qu’on a sur le monde), le corps (ce qu’on appelle communément les somatisations) et même la dimension spirituelle (le sens que l’on donne à sa vie, l’orientation de ses attachements, etc.).

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d’un conditionnement. Il est donc difficile de prévoir la durée de cette démarche. Parfois, quelques séances suffiront pour épousseter le grain de sable qui bloque l’engrenage. Parfois, il faudra plusieurs mois et un certain investissement de motivation, de temps et d’argent, juste le temps de se remettre à l’unisson de soi-même et au diapason de l’autre.

En résumé Certaines thérapies seront plutôt centrées sur le déroulement de l’acte sexuel et l’on parlera alors plutôt de sexothérapie. D’autres se dérouleront volontiers en couple : il est vrai qu’on fait l’amour à deux et que l’aide pourra être dispensée avec profit aux protagonistes réunis ! D’autres encore s’adresseront à l’un des deux, à celui qui souffre le plus et qui est prêt à se remettre en cause.

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Les entretiens de psychothérapie pourront se dérouler en séance individuelle ou en session de groupe. Mais, dans tous les cas, l’éthique devra présider à ces traitements : aucun passage à l’acte sexuel ne devra avoir lieu entre thérapeute et patient(e). Et la séduction n’a pas sa place dans un cabinet de psychothérapeute. Si la thérapie se déroule en groupe, l’interdit de la sexualisation des rapports entre les membres du groupe devra être clairement notifié, en plus de celui qui concerne évidemment le rapport thérapeute-patient(e). Ce dernier, comme nous l’avons vu, devra garder son caractère non sexuel même après la fin de la thérapie et sans limite de temps.

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Il en va ainsi des symboles, qui servent à se construire. Toute dérogation à cette loi symbolique de distance sexuelle à respecter entre thérapeute et patient(e) constitue une faute éthique grave, qu’on ne peut banaliser sous le prétexte qu’elle serait fréquente. Les associations professionnelles de thérapeutes ont, à juste titre, développé une grande vigilance à ce propos et n’hésitent pas à sanctionner cette faute, lorsqu’elle est avérée.

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Conclusion Il n’y a pas de vent favorable pour un bateau sans cap. Sénèque

Nous voilà au terme de notre périple au cœur des petites et grandes misères de l’acte sexuel. Nous avons volontairement laissé de côté l’aspect strictement médical. Nous ne nous sommes pas étendus, non plus, sur les différentes théories psychologiques, toujours prêtes à mettre leur grain de sel interprétatif dans les affaires de la sexualité.

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En prenant l’exemple de l’analyse transactionnelle et de l’EMDR – sans préjuger le moins du monde de la pertinence d’autres approches –, nous avons envisagé la possibilité qu’une issue s’ouvre dans la prison de la souffrance sexuelle. Lorsque les troubles sexuels ont une cause exclusivement psychologique, ils ne sont pas que des problèmes mais des signaux d’alarme. Au sens où ils indiquent la zone dans laquelle se trouve la difficulté à dépasser. Aussi sûrement

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qu’un panneau indicateur désigne le chemin, le symptôme sexuel attire l’attention de la personne ou de son partenaire sur une zone de fragilité, de trouble et de crainte. Il est nécessaire d’écouter et de respecter le corps qui dit oui, dans la jouissance, et le corps qui dit non, dans le symptôme. Il est l’indicateur fiable qu’il existe un problème :

• dans le positionnement des générations : trop proche de ses propres parents ou complètement investi dans la bulle avec un enfant ; • par rapport au partenaire : trop lointain ou trop proche, au point d’avoir besoin de le prendre en charge ; • dans l’histoire même de la personne : blessure, traumatisme, blocage dans la croissance psychologique.

On a évité quelque chose que l’on considère inconsciemment comme plus dangereux que tout : par exemple, se montrer, c’est-à-dire prendre le risque de se livrer, de se laisser voir ou même de s’engager. En effet, « réussir » un acte sexuel, ce n’est pas seulement bien jouir, c’est aussi être acteur d’une situation qui peut avoir des conséquences irréversibles. Ces conséquences peuvent être positives, dans le registre de l’attachement, ou dramatiques quand les conditions ne s’y prêtent pas (divorce à la suite d’une relation extra-conjugale, etc.). N’oublions pas, enfin, la fécondité biologique, même nuancée par la contraception, ni la menace des maladies sexuellement transmissibles. 234

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Certes, quelque chose manquera dans l’acte sexuel, dans l’ordre du désir ou du plaisir. Mais, à cette occasion, d’autres choses sont réussies. Le verre à moitié vide est aussi à moitié plein !

CONCLUSION

On a réussi à délivrer un message : je ne suis pas celle (celui) que vous croyez, je ne me sens pas à la hauteur de la situation. Notre corps parle à la place de notre bouche ! On n’est pas forcément très content de ce qu’il va transmettre, mais, au moins, lui ne ment pas. Et si une partie inconsciente freine, sabote ou traîne des pieds : il peut être opportun d’en tenir compte. On a pu se laisser entraîner dans une relation sexuelle, fût-elle prolongée, et garder une réserve, une réticence qu’on ne saura pas dire. Notre symptôme se fera l’avocat de notre fragilité.

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On a réussi à prouver qu’on n’est pas une machine coïtale. On a résisté à la pression de la société, des copains et du partenaire. Tous ces gens qui pensent que, hors du coït, il n’y a point de salut, que la moindre des choses est de fonctionner, de tourner rond. Dans ce monde obligé, les pénis se dressent aussitôt, les sexes féminins s’humectent et s’ouvrent, les cris de jouissance ponctuent chaque set de la partie ! Notre symptôme nous ré-humanise, nous tire hors du monde glacé du sexe sous cellophane, qu’on retourne au service après-vente s’il n’a pas satisfait ! Nous sommes des hommes et des femmes, non des machines. Et c’est tant mieux. On a réussi à résister à une pression, à un conflit. C’est de la résistance passive et c’est sûrement cher payé. Mais, face à ce partenaire exigeant ou ce contexte familial étouffant, on a réussi à exister quand même ! Les autres ne sont pas satisfaits, ils nous font les gros yeux et nous envoient nous faire soigner… Mais nous, on sait que toute résistance a un prix et qu’ils ne « nous auront pas » !

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On a réussi à rencontrer sa limite ou celle de l’autre, et l’on peut en profiter pour se mettre en route. Toutes les aventures sont émaillées de moments de souffrance et d’exaltation. L’aventure de la sexualité n’échappe pas à la règle. Un symptôme sexuel, si gênant par ailleurs, permet aussi de dire : « Je t’aime, mais pas au point de… », ou bien « Je n’irai pas plus loin », ou encore « Ce n’est pas le bon moment pour moi », ou même « pas comme cela ». Dire sa limite et découvrir celle de l’autre, c’est la grande aventure de l’humanité. Fritz Perls, fondateur de la Gesltat-thérapie, disait à ce propos : « Le contact, c’est l’appréciation des différences ». Le mot « appréciation » est à comprendre dans le double sens de « repérage » et d’« évaluation ». Personne n’aime buter sur une limite. Mais personne ne sait non plus se construire sans aucune limite. Le symptôme sexuel fait partie de ces phares qui balisent l’itinéraire du navigateur et qui lui indiquent autant les écueils que le bon chemin pour s’en éloigner.

Les premières améliorations constituent un magnifique encouragement pour continuer. Il est exceptionnel qu’il soit nécessaire de changer de partenaire pour améliorer sa sexualité. Les traitements médicaux et l’approche psychologique forment un tandem réellement gagnant.

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Je souhaite terminer sur une perspective optimiste : il est toujours possible de s’en sortir, même s’il faut parfois revoir sa copie de fond en comble, c’est-à-dire revoir son positionnement* face aux familles d’origine, guérir les blessures du passé, terminer les deuils, oser l’engagement, savoir dire non pour pouvoir dire oui, etc.

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Marie-Jeanne, Nature et évolution de la sexualité féminine, éd. Le fil rouge-PUF, 1973.

STEWART Ian, VAN Joines, Manuel d’analyse transactionnelle, InterÉdition, 2000.

VASSE Denis, Le temps du désir, éd. du Seuil, 1997. WATZLAWICK Paul John H. Weakland Richard Fisch Pierre Furlan, Changements - Paradoxes et psychothérapie, éd. du Seuil, 1999. 238

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VAN ETTEN, M.L. and TAYLOR S., « Comparative efficacy of treatments for post-traumatic stress disorder : A meta-analys », in Clinical Psychology & Psychotherapy, 126-144, 1998.

Lexique

Altérité Elle caractérise ce qui est « autre » et pas seulement différent dans son aspect ou sa nature. Ce terme s’applique aux êtres humains qui, alors qu’ils ont de nombreux points communs, peuvent établir une relation les uns avec les autres sans se confondre les uns dans les autres.

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Analyse systémique Approche thérapeutique considérant le sujet comme un membre d’un système qui l’entoure : groupe, famille, entreprise, société. Constituée à la suite des travaux de Gregory Bateson, dans les années 1950, et développée par l’école de Palo Alto (Paul Watzlawick, Jay Haley, Don Jackson, etc.), l’approche systémique est particulièrement pertinente pour appréhender les problèmes de couples et de familles. Elle insiste, en autres, sur le concept de patient désigné. (Voir ce mot.)

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Analyse transactionnelle (AT) Élaborée par le docteur Éric Berne (1910-1970), l’AT est une théorie de la personnalité et des rapports humains, applicable à de nombreuses situations : relations d’aide, psychothérapie, accompagnent de projet, coaching, enseignement, management, gestion des conflits, médiation, etc. Proche de la psychanalyse, dont elle est issue, elle intègre une dimension émotionnelle et comportementale. Elle insiste, entre autres, sur les concepts d’états du Moi. (Voir ce mot.)

Angoisse de morcellement Peur intense à l’idée de se voir en morceaux. Cette angoisse prend sa source au moment où l’enfant découvre peu à peu qu’il n’est pas la simple juxtaposition des parties de son corps. Ce sentiment d’unification intérieure est, au début, assez fragile et l’enfant peut se sentir menacé d’éclatement. Lorsqu’une personne adulte est restée au stade fusionnel, cette angoisse peut ressurgir à l’occasion d’expériences déstabilisantes menant à une remise en cause d’un sentiment intérieur d’existence comme « être unifié ».

Sentiment de découragement associé à la pensée qu’on va échouer une fois de plus. Cette prévision initie un cercle vicieux, puisque l’état négatif dans lequel elle nous met rend probable un nouvel échec, qui viendra « prouver » que l’on avait bien raison de douter. L’anticipation négative est une sorte d’hypothèse auto-validante, c’est-à-dire qu’elle semble confirmer une situation qu’elle a en fait participé à créer.

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Anticipation négative

LEXIQUE

Bascule systémique Concept issu de l’analyse systémique (voir ce mot) qui désigne le moment où un symptôme apparaît chez une personne, à l’instant même où une autre personne du groupe semble aller mieux. Cela s’explique par la nécessité de maintenir la stabilité du groupe (homéostasie) basée sur la prise en compte d’au moins une personne en souffrance.

Blessure narcissique Souffrance de la personne qui se rend compte qu’elle n’est ni la seule, ni la première.

Bonne mère Personnage idéalisé, parfaitement nourricier, jamais frustrant, plein d’empathie et de considération. D. Winnicott a déculpabilisé une fois pour toutes les mères en précisant qu’une mère idéale n’existe pas et qu’il suffit qu’elle soit « suffisamment bonne » pour permettre la croissance de l’enfant. L’attente que le conjoint se conduise comme une bonne mère (même si c’est l’homme) est évidemment toujours vaine et donne lieu à de cuisantes déceptions.

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Castration Mot technique issu du vocabulaire de la psychanalyse et qui désigne l’état provoqué par la frustration, l’intégration d’une loi extérieure à la bulle mère-enfant. Elle entraîne la perte de l’illusion de la toute-puissance. Elle provoque une blessure narcissique (voir ce mot) qui permet de continuer sa croissance. Si la blessure narcissique n’est pas dépassée, la personne peut tomber dans un sentiment d’impuissance.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Coït Acte sexuel au cours duquel le pénis en érection pénètre dans le vagin. Par extension, le même mot peut désigner la sodomie (voir ce mot), c’est-à-dire la pénétration du pénis dans l’anus. On précise alors « coït anal ».

Compulsion Désigne le mouvement par lequel une personne agit sans pouvoir s’en empêcher. Cette impérieuse sensation intérieure doit être différencié de la spontanéité, dans laquelle on garde intacte sa liberté d’agir ou pas.

Corps caverneux Tissu situé dans la verge qui, en se gonflant de sang comme une éponge, provoque son allongement, son durcissement et son épaississement : l’érection. Le corps caverneux est entouré par une membrane inextensible, l’albuginée, qui permet la rigidité de la verge en érection.

Cunnilingus Relation bucco-génitale au cours de laquelle le sexe féminin est embrassé ou léché par le ou la partenaire.

Situation dans laquelle se trouve une personne qui doit faire face à un message paradoxal, c’est-à-dire qu’il affirme ce qu’il nie et qu’il nie ce qu’il affirme. « Sois spontané ! » en est un exemple. La double contrainte demande à être

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Double contrainte

LEXIQUE

élucidée pour cesser d’être toxique. La fuite est également une solution, pour autant qu’elle soit praticable, ce qui n’est pas le cas pour des enfants ayant à faire face aux messages paradoxaux de leurs parents.

Égocentration Désigne le fait d’être centré sur soi, de vouloir se faire passer en priorité. Ce terme globalise moins la personne que le mot « égoïsme » et désigne plus un fonctionnement qu’un état d’être.

EMDR Eyes Movement Desensitization and Reprocessing (Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires). Méthode de traitement des conséquences psychologiques des traumatismes. Découverte au début des années 1980, elle utilise les mouvements oculaires pour permettre une désensibilisation des traumatismes et le retraitement des informations.

États du Moi

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Ensemble cohérent de pensée, d’émotion et de comportement. L’analyse transactionnelle repère trois états du Moi : le Parent, qui recèle les valeurs et l’aptitude à donner protection ou permission, l’Adulte au fonctionnement intellectualisé en rapport avec l’ici et maintenant, et l’Enfant, archive vivante de l’histoire de la personne, gardant l’élan vital et les émotions.

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MAIS OÙ EST PASSÉE MA LIBIDO ?

Fellation Relation bucco-génitale au cours de laquelle le sexe masculin est embrassé ou léché par le ou la partenaire.

Orgasme Exacerbation brutale de la sensation voluptueuse au cours du rapport sexuel. Pendant longtemps, on a opposé chez la femme deux sortes d’orgasmes, en fonction de leur point de départ anatomique : l’orgasme vaginal et l’orgasme clitoridien. On sait désormais que cette opposition ne recouvre pas une réalité clinique fiable. Chez l’homme, l’orgasme est la plupart du temps accompagné de l’émission saccadée du sperme (éjaculation).

Parité Caractérise ce qui est pair, c’est-à-dire au même niveau, sans préjuger d’une quelconque identité ni même égalité. Ce terme s’applique souvent dans cet ouvrage à la parité de génération.

Terme issu de l’approche systémique, qui nomme la personne désignée par le système comme malade, y compris la personne elle-même. L’hypothèse sous-jacente est que tout le système (groupe, couple, famille) est en souffrance et que la pathologie montrée par l’un de ses membres joue un rôle dans l’équilibre (homéostasie) du groupe entier. La guérison intempestive du patient désigné est souvent suivie de l’aggravation d’un autre membre du groupe, présumé sain jusque-là.

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Patient désigné

LEXIQUE

Période réfractaire Période qui suit l’éjaculation durant laquelle l’érection est impossible. Ce délai peut être très court (quelques secondes) chez les hommes jeunes et s’allonge avec l’âge (jusqu’à plusieurs jours).

Phobie Crainte irraisonnée et permanente d’un élément particulier. Certaines phobies peuvent avoir un point de départ traumatique (celle de monter en voiture après un accident de la voie publique) ou s’installer insidieusement. Les phobies les plus fréquentes concernent les grands espaces, le fait d’être enfermé, les animaux gros ou petits, etc. Certains aspects de la sexualité peuvent être concernés par une phobie.

Positionnement Reconnaissance de la distance qui sépare les éléments les uns des autres. Appliquée aux êtres humains, cette notion concerne les rapports qu’ils peuvent établir : seront-ils trop proches ? Trop éloignés ? Comment sont-il relatifs les uns aux autres ? Sont-ils complémentaires, ajustés ou au contraire compétitifs et rivaux ? Une sexualité harmonieuse nécessite le bon positionnement des protagonistes.

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Renforcement narcissique Consolidation de l’estime de soi. C’est souvent un préalable obligatoire pour progresser vers une sexualité heureuse.

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Sodomie Pénétration anale dans un contexte sexuel. Cette pratique a souvent une justification libertine, en majorité à la demande des hommes dans les couples hétérosexuels. Mais elle est parfois utilisée dans un but contraceptif ou de préservation de l’hymen (virginité vaginale).

Sommeil paradoxal Phase du sommeil au cours de laquelle on constate une intense activité cérébrale, ainsi que des mouvements latéraux des globes oculaires derrière les paupières fermées. Il est probable que ces phases accompagnent les moments où la personne rêve. Ces phases de sommeil paradoxal sont importantes pour l’équilibre psychique et physique. Si l’on réveille une personne à chaque fois qu’elle entre dans une phase de réveil paradoxal, elle va rapidement montrer de graves troubles psychologiques et physiologiques.

Approche thérapeutique qui s’intéresse à ce que la personne pense (dimension cognitive) et à ce qu’elle fait (dimension comportementale). Elle aide les patients à repérer les séquences de raisonnement et les croyances qui sous-tendent leur comportement. Elle cherche à agir sur la façon de traiter l’information afin de faire des expériences qui modifient durablement l’adaptation au monde. La TCC peut avoir recours à « l’exposition » : méthode qui consiste à accompagner le patient dans l’exploration concrète de ce qui lui fait peur.

Mise en pages : Sandrine Rénier • N° d’éditeur : 3182 Dépôt légal : juin 2005 • Imprimé en France par Jouve

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Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)

Vers une sexualité épanouie… Dans un monde exigeant, où la réussite est affaire de performance et le bien-être synonyme de jouissance, la sexualité est mise à rude épreuve. Ce livre dédramatise les difficultés rencontrées par ceux qui, en couple ou non, peinent dans leur sexualité : frigidité, absence de plaisir, éjaculation rapide, panne d’érection… Au-delà des recettes habituelles, il constitue un véritable accompagnement vers une sexualité épanouie.

Groupe Eyrolles | Diffusion Geodif | Distribution Sodis

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Christophe Marx est gynécologue, psychothérapeute et sexologue. Analyste transactionnel, il est enseignant et superviseur certifié. Chargé d’enseignement clinique à la faculté de médecine de Montpellier, il est déjà l’auteur de La sexualité en quête de sens, aux éditions Empreinte Temps Présent (2001).

Éditions d’Organisation 0 Eyrolles Code éditeur : G53372 • ISBN : 2-7081-3372-1

En s’appuyant sur des exemples concrets et sur son expérience de médecin sexologue, Christophe Marx propose une lecture optimiste et nouvelle de la sexualité qui, selon lui, doit être considérée comme l’expression de notre développement personnel : y déceler un blocage, une limite, c’est franchir une étape vers la connaissance de soi. Les problèmes sexuels ne sont pas une fatalité et peuvent être le lieu de tous les progrès !

14,90 €