Le Manuel Du Resident - Stomatologie [PDF]

  • 0 0 0
  • Gefällt Ihnen dieses papier und der download? Sie können Ihre eigene PDF-Datei in wenigen Minuten kostenlos online veröffentlichen! Anmelden
Datei wird geladen, bitte warten...
Zitiervorschau

¶ 22-000-A-10

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard F. Semur, J.-B. Seigneuric Durant de nombreux siècles, l’art dentaire est dominé par l’improvisation, l’empirisme et le pragmatisme, confié à des artisans qui appliquent aux dents une démarche aussi aléatoire qu’improbable. L’approche spécifique de l’univers dentaire commence avec l’édit de 1699, créant le titre d’expert pour les dents et se confirme avec les Lettres Patentes du Roi de 1768, réglementant la formation des experts. Par ailleurs, l’évolution de l’odontologie s’inscrit dans le vaste mouvement général de découvertes et de progrès des e e XVII et XVIII siècles. L’œuvre de Fauchard Le Chirurgien-dentiste ou Traité des dents, par son esprit novateur et ses apports directs et concrets à l’évolution des techniques et de la pratique, a largement contribué à revaloriser l’art dentaire, le faisant passer de son âge artisanal à son âge scientifique et médical. Indépendamment de son apport personnel, Fauchard a eu le mérite de créer le climat d’émulation nécessaire pour initier tout un courant de recherches et de progrès (travaux de Bunon, Bourdet, Mouton, Martin, Lécluse, Gerauldy) dans le domaine dentaire. Notre exercice, aujourd’hui, doit beaucoup à Fauchard. Il a, incontestablement, donné l’impulsion déterminante dans l’évolution de l’art dentaire moderne. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Art dentaire ; Fauchard

Plan ¶ L’art dentaire au XVIIIe siècle L’exercice de l’art dentaire à l’époque de Fauchard État des sciences à l’époque de Fauchard

1 1 4

¶ Rôle décisif de Pierre Fauchard Étude analytique et critique de l’œuvre Intérêt scientifique de l’œuvre de Fauchard

9 9 22

¶ Conclusion

23

■ L’art dentaire au XVIIIe siècle L’exercice de l’art dentaire à l’époque de Fauchard L’héritage du passé : qui exerce l’art dentaire avant le XVIIIe siècle ? Au Moyen Âge, l’Église était très présente dans tous les domaines de la société, et elle avait une grande influence sur la médecine. Après l’effondrement de l’Empire romain d’Occident, les sciences médicales tombèrent en désuétude, l’enseignement de la médecine n’étant plus dispensé. Seuls les religieux étaient encore capables de lire le latin, langue dans laquelle étaient écrits les textes anciens traitant de la médecine. L’Église devint donc le dépositaire du savoir médical de l’époque et les manuscrits anciens étaient conservés dans les monastères. L’Église s’appropria entièrement la pratique médicale. Les cisterciens, puis les bénédictins conservaient ainsi l’art de soigner, en conformité avec la charité chrétienne. Ils créèrent des centres d’accueil, ancêtres de nos hôpitaux. C’est aussi dans leurs monastères qu’étaient cultivées les plantes médicinales. L’exercice des moines médecins était un mélange de connaissances, Stomatologie

de mysticisme et d’astrologie. Ils établissaient leur diagnostic grâce à l’analyse du pouls et à l’observation de l’urine. Ils rattachaient chaque organe à un astre. Cependant, peu à peu, des religieux, passionnés par la médecine, négligèrent plus ou moins les règles de leur ordre, certains s’enrichissant même aux dépens de leur fonction religieuse. En conséquence, l’Église décida d’éloigner ses membres de la pratique des actes sanglants dans un premier temps, puis de la totalité de la médecine (édit des Conciles de Clermont 1130, Reims 1131, Montpellier 1162, Latran 1215), suivant le principe « Ecclesia abhorret a sanguine » (l’Église a horreur du sang). À partir du XIIe siècle les extractions dentaires furent interdites aux moines. Cette interdiction marqua le début du développement des universités de médecine. Les premières facultés de médecine naissent au XIIIe siècle et, au cours des siècles, le nombre d’établissements de médecine augmente. Ainsi, en 1699, on dénombre 15 facultés et 22 écoles de médecine. Les facultés de médecine sont des établissements ecclésiastiques, placés sous la tutelle pontificale. Tous les élèves doivent se soumettre aux règles canoniales des universités. L’Église conserve une forte emprise sur la connaissance et la pratique médicale pendant de nombreux siècles. Cependant, toutes ne sont pas d’égale valeur. Si Paris et Montpellier donnent un enseignement de qualité et délivrent un diplôme admis « dans toute la chrétienté », ce n’est pas le cas pour de nombreuses autres facultés. Il y a, en réalité, pour la formation médicale, le meilleur et le pire. Dans les petites écoles, la durée des études varie de quelques mois à quelques jours. Dans les bonnes facultés, les études durent 4 à 5 ans (dont 3 à 4 ans de théorie et une douzaine de mois de pratique). Les matières théoriques sont : la médecine, la physiologie, la pathologie, l’hygiène, l’anatomie, et la thérapeutique et les aphorismes d’Hippocrate. Les cours sont donnés en latin par un professeur portant un bonnet carré et une longue robe. La pratique se fait auprès d’un maître de la

1

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

faculté. Le règlement des universités stipule à cet égard : « il faut que tout écolier ait son maître à qui il s’attache. Responsable de sa conduite, il ne doit pas hésiter à le frapper » (règlement de l’université de Paris, Faculté de médecine). L’élève soutenait son doctorat après versement d’une taxe à l’Église. Pour exercer, il fallait avoir atteint l’âge de 23 ans et pratiquer la religion catholique, apostolique et romaine. Dès le XIIIe siècle, le statut de médecin implique que celui-ci ne doit pas exercer la chirurgie, indigne d’un médecin (car les actes chirurgicaux sont considérés comme vulgaires et dégradants). Ainsi, la chirurgie, comprenant l’art dentaire, est interdite aux médecins. À partir du XIIIe siècle, l’art dentaire revint donc aux barbiers. Le barbier était un ouvrier le plus souvent illettré. Comme il ne connaissait ni le grec ni le latin, il ne pouvait donc accéder à la littérature médicale. Il était très polyvalent : il rasait, coupait les cheveux, ouvrait les abcès, posait des ventouses, pratiquait les saignées et les scarifications, vendait des élixirs de santé, contre la douleur, des almanachs... Il travaillait le plus souvent en boutique mais parfois aussi sur les foires et les marchés, parcourant les chemins avec sa mule et son attirail. Il acquérait ses compétences grâce à l’apprentissage chez un maître. Face aux médecins qui dédaignaient toute action manuelle, et aux charlatans qui n’avaient reçu aucune formation, certains barbiers eurent envie de mettre en valeur leur savoir-faire. Une élite de barbiers souhaita rehausser le niveau de leur corporation. Ils se spécialisèrent peu à peu pour se consacrer uniquement aux soins chirurgicaux. Ainsi, la date de 1 258 est celle de la naissance de l’institution chirurgicale, divisant les barbiers en deux classes : • les chirurgiens barbiers, ou chirurgiens de longue robe, réunis dans la confrérie indépendante de Saint-Côme, recrutés après examen devant six des meilleurs chirurgiens de Paris ; • les simples barbiers, ou chirurgiens de courte robe, illettrés mais ayant obtenu une licence d’exercice après apprentissage auprès d’un maître. Au XIVe siècle, les chirurgiens de Saint-Côme cherchèrent à se rapprocher des médecins. Ils voulurent parler latin et revêtir un bonnet carré et une longue robe. Les chirurgiens eurent ainsi une à six années d’études avant de passer les épreuves de l’examen final devant les maîtres chirurgiens, convoqués à cet effet par le premier chirurgien du roi. Cependant, parmi les épreuves ne figurait pas l’art dentaire. Puis les chirurgiens de Saint-Côme souhaitèrent que les barbiers et autres personnes exerçant la chirurgie ne puissent plus la pratiquer sans avoir passé un examen auprès de maîtres chirurgiens. Ils voulaient ainsi que la chirurgie soit réservée aux seuls maîtres de Saint-Côme. Au XIVe siècle, les barbiers furent, dans un premier temps, soumis à un examen sous l’autorité des chirurgiens. Mais, plus tard, chirurgiens et barbiers furent sous la dépendance du premier barbier du roi. Les chirurgiens se sentirent alors humiliés. En 1425, les chirurgiens de longue robe obtinrent du parlement que toute pratique chirurgicale, y compris les extractions dentaires, soit interdite aux barbiers. Les médecins prirent alors les barbiers sous leur protection, à la plus grande rage des chirurgiens de Saint-Côme, jugés trop ambitieux et envahissants. L’interdiction faite aux barbiers d’exercer toute pratique chirurgicale sera levée en 1465. Puis, en 1494, malgré les protestations de la confrérie de Saint-Côme, les barbiers obtinrent le doit d’assister aux cours d’anatomie pendant 4 ans à la faculté de médecine. Cependant, les cours étaient dits en latin, langue qu’ignoraient les barbiers. Les médecins, qui n’aimaient pas les chirurgiens, souhaitaient favoriser l’accès des barbiers à l’anatomie, mais ils ne pouvaient décemment pas abandonner le latin. Ils adoptèrent alors un français à désinence latine, facilement compréhensible pour les barbiers. Cela permit d’élever considérablement le niveau intellectuel des barbiers, qui représentaient à l’époque les seuls dentistes connus, puisque l’art dentaire était méprisé par les médecins et négligé par les chirurgiens, qui jugeaient les soins dentaires trop modestes par rapport à leurs compétences.

2

En 1515, le désaccord sembla prendre fin lorsque les chirurgiens de Saint-Côme furent admis par la faculté de médecine pour l’étude de l’anatomie et de ce qui se rattachait aux actes qu’ils étaient autorisés à pratiquer par les édits royaux. Ainsi à la faculté de médecine, les docteurs étaient assis au premier rang, portant un bonnet noir carré surmonté d’une houppette, vêtus d’une longue robe avec une ceinture dorée autour des reins. Les barbiers et apprentis chirurgiens étaient debout au fond. Au cours des XVIe et XVIIe siècles, l’enseignement de l’art dentaire se faisait toujours par l’apprentissage auprès d’un maître. Il n’existait pas de cours spécifique à l’enseignement de la chirurgie dentaire. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les médecins, les chirurgiens de Saint-Côme et les barbiers ne cessèrent de s’affronter. Les médecins voulaient conserver leurs privilèges et dédaignaient toute action manuelle. Les chirurgiens souhaitaient devenir les égaux des médecins, qu’ils copiaient, et ils jugeaient les actes dentaires trop vulgaires pour eux. Enfin les barbiers voulaient empiéter sur le domaine des chirurgiens. Dans la seconde moitié du XVII e siècle, un phénomène nouveau apparaît dans le monde des arts de guérir. À Paris, et peut-être dans les grandes villes du royaume, on rencontre quelques dentateurs, en très petit nombre. Ils répondent aux besoins des personnes de qualité, soucieuses de leur santé buccale, des dames de l’aristocratie parisienne en particulier. Ces « opérateurs » sont capables d’arracher les dents dans de bonnes conditions, ils préparent et vendent des élixirs pour l’hygiène buccale, ils traitent le « scorbut des gencives » (vague entité nosologique englobant toute la pathologie buccale), « liment » les caries, et « remettent les dents ». Cette polyvalence thérapeutique buccale va plus tard ouvrir la voie à la spécificité dentaire. Ces hommes sont des sédentaires parfaitement outillés, tout à fait respectables, très qualifiés pour assurer cette thérapeutique buccale. Ils sont aussi assistés, pour la réalisation des dents postiches, par des tabletiers (artisans travaillant l’ivoire, certains étant même capables de sculpter des dents postiches) qui confectionnent pour eux les prothèses, petites ou grandes. Quelquefois, l’artisan, particulièrement habile, finissait par se consacrer à ce seul travail. Ainsi, les dentistes de métier font, au milieu du XVII e siècle, une timide entrée dans la capitale. S’ils sont encore peu nombreux, leur rôle est capital dans l’histoire de notre spécialité. En effet, ce sont ceux-là, et ceux-là seulement, qui s’engagent dans la voie ouverte par Louis XIV en 1699, expliquant le faible nombre des experts au début du XVIIIe siècle [1-8].

La naissance de l’art dentaire moderne. Qui exerce l’art dentaire au XVIIIe siècle ? Experts pour les dents Édit de 1699. Ce n’est qu’à la toute fin du XVIIe siècle qu’un édit crée le titre d’expert dentiste, subdivision des chirurgiens experts. En effet Louis XIV promulgue, en mai 1699, « Les statuts des maîtres en l’Art et Sciences de Chirurgie de Paris ». Il reconnaît dans cet édit qu’il existe plusieurs chirurgiens particuliers dont l’activité, le savoir et l’adresse se limitent à une ou quelques parties de la chirurgie. Cet édit prévoit donc une autonomie de l’art dentaire, qui reste cependant sous la tutelle de la chirurgie. Ainsi, les termes de l’édit sont clairs : « (...) Art. 100 : il sera fait défense à tous bailleurs, renoueurs d’os, experts pour les dents et tous autres exerçant telle partie de la chirurgie que ce soit, qui ne sont pas compris dans les états de la maison du Roi, d’avoir aucun étalage, ni d’exercer dans la ville et faubourgs de Paris aucune partie de la chirurgie s’ils n’ont été jugés capables par le Premier chirurgien du Roi (...) sans que les uns et les autres puissent former un corps distinct et séparé, ni prétendre être agrégés à la Communauté des Maîtres Chirurgiens, ni prendre d’autre qualité que celle d’expert pour la partie de la chirurgie pour laquelle ils auraient été reçus (...) » [9-11]. L’édit royal prévoit également que les experts soient inscrits sur un catalogue précisant leur nom, adresse, et date d’admission à l’examen, et que ce catalogue soit revu tous les ans avant chaque premier octobre. C’est une préfiguration de notre Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

tableau de l’ordre actuel. Les commissaires de police, en possession de ces catalogues, peuvent reconnaître facilement ceux qui pratiquent illégalement l’art dentaire et, selon les cas, saisir les instruments, suspendre le fraudeur ou même, en cas de récidive, l’emprisonner. Notons que l’édit royal n’est applicable dans les premières années qu’à la capitale. Il faut attendre 1723 pour qu’il soit étendu à l’ensemble du royaume [11]. Ce n’est donc qu’au XVIII e siècle que l’exercice de l’art dentaire se professionnalise, notamment sur le plan administratif, et devient l’affaire exclusive d’experts. Formation. Pour être reçu expert, il faut passer un examen sur 2 jours devant le premier chirurgien du roi ou son lieutenant, quatre prévôts chirurgiens et le doyen de la Faculté de médecine. L’examen comporte un seul acte sur lequel le candidat est interrogé aussi bien sur la partie pratique que théorique. Les études sont moins ardues que celles suivies pour obtenir la maîtrise en chirurgie. L’obtention d’une maîtrise ès Arts n’est pas indispensable et le cursus n’est pas sanctionné par le passage de la thèse. Cependant, même si les études sont moins difficiles, elles ne sont toutefois pas à la portée de toutes les bourses. En effet, les frais de réception sont très élevés [1, 9]. Exercice. La décision de 1699 est, pour le petit groupe de dentateurs de Paris, une occasion inespérée. C’est l’instant de la chance. Les dentateurs, qui sont compris dans la classe des « experts », en ont conscience et il se produit chez eux un magnifique élan visant à mettre sur pied une chirurgie dentaire qui aura sa place dans les arts de guérir [1]. Lettres Patentes du Roi de 1768. Si l’édit de 1699 représente les bases de la reconnaissance de la profession, les Lettres Patentes du Roi de 1768 marquent, pour l’art dentaire, le début de la maturité. Elles reprennent l’énoncé de l’édit de 1699, en précisant en plus la durée de l’apprentissage et le programme des examens que les aspirants doivent subir et réussir. Ainsi, selon l’article 127 : « Ne pourront aucuns aspirants à être admis à ladite qualité d’expert, s’ils n’ont servi deux années entières et consécutives chez l’un des maîtres en chirurgie ou chez l’un des experts établis dans la ville et les faubourgs de Paris (...) ». En outre, selon l’article 128 : « Seront reçus les dits experts en subissant deux examens en deux jours différents de la même semaine (...). Ils seront interrogés le premier jour sur la théorie et le second sur la pratique desdits exercices, par le lieutenant de notre premier chirurgien, les quatre prévôts et le receveur en charge, en présence du Doyen de la Faculté de Médecine, de doyen du Collège de Chirurgie, des deux prévôts et du receveur qui en sortent, de tous les membres du conseil et de deux membres de chacune des quatre classes. S’ils sont jugés capables de ces examens, ils seront admis à la qualité d’experts, en payant les droits portés ci-après pour les experts, et en prêtant serment entre les mains de notre premier chirurgien ou de son lieutenant. » Notons toutefois que la présence d’un dentiste dans le jury d’examen n’est toujours pas évoquée [12]. Comme nous avons pu le lire dans l’article 128, un Collège royal de chirurgie, faculté d’ordre laïque placée sous l’autorité du souverain, est créé cette même année. Les experts pour les dents y sont également scolarisés, l’enseignement des chirurgies dites particulières entrant dans l’enseignement général du Collège. Notons que Bourdet, dentiste du roi, est anobli au printemps 1768, à l’occasion de l’ouverture du Collège de chirurgie. À partir de 1768, l’expert pour les dents, scolarisé au Collège royal de chirurgie, reçoit une formation théorique auprès d’un professeur, et une formation pratique, en suivant un apprentissage dans la boutique d’un maître. Pierre Fauchard a certainement apprécié cette évolution dans la formation des experts, si l’on en juge d’après les remarques qu’il fait à ce sujet (cf. infra). Cependant, la formation d’experts sera longue à mettre en place, il faudra environ quarante années pour que la mise en place des experts rentre dans les mœurs. C’est pourquoi la population se fera soigner en fonction de ses moyens par des empiriques et guérisseurs ou des chirurgiens. Stomatologie

Chirurgiens Le chirurgien faisait partie du « Corps royal des Arts et Métiers », comprenant 44 métiers. Il était placé avec le cirier, le charcutier, l’épicier, etc. Ce corps venait après celui des marchands. Tous les corps de métiers obligeaient leurs membres à se grouper en cellules, jurandes ou communautés. Chaque jurande était placée sous l’autorité du lieutenant du premier chirurgien du roi. La communauté de Saint-Côme était alors très réputée. Des règles strictes de confraternité existaient et faisaient la spécificité de chaque communauté, ce qui explique le climat familial de la chirurgie, ainsi que le nombre de dynasties. On laissait la boutique à son gendre, à son fils. Ainsi, les dynasties chirurgicales étaient une constante dans l’histoire des arts de guérir aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant à partir de 1750, la chirurgie n’est plus considérée comme un corps de métier, mais comme un art libéral à part entière. La vaste réforme de la chirurgie et de ses spécialités, débutée en 1699, achevait donc de mettre sur un pied d’égalité chirurgie et médecine [2, 5, 6, 8]. Formation. Pour devenir chirurgien, il fallait suivre un long apprentissage d’une dizaine d’années chez un maître, et gravir les échelons d’apprenti, de compagnon, d’aspirant, jusqu’au chef-d’œuvre, comme pour l’ensemble des artisans. Cependant, le 23 avril 1743, les Lettres Patentes du Roi reconnaissent la chirurgie comme étant l’égale de la médecine. On passe alors de l’apprentissage aux études, ce qui est une véritable révolution, le maître ou l’expert devenant un lettré, comme son confrère le médecin [1]. Exercice. Les chirurgiens, thérapeutes polyvalents, sont bien représentés dans le royaume au XVIIe siècle. Il y a au moins un chirurgien pour un gros village. Aucun élément chiffré sérieux n’est disponible concernant le XVIIe siècle. Cependant, on est en mesure, grâce à des textes officiels réalisés à partir du e XVIII siècle, de chiffrer de manière précise le nombre de chirurgiens dans les grandes villes (452 à Tours, 306 à Dijon, ...), chiffres auxquels il faut rajouter les chirurgiens ruraux, travaillant hors des jurandes. L’effectif des maîtres en chirurgie est bien supérieur à celui des médecins. Il existe des différences très grandes entre les chirurgiens, du plus réputé au plus modeste, du maître de Saint-Côme au chirurgien rural. Le premier, savant, très versé dans l’art des opérations, approche une clientèle riche et aisée, participe à la formation, à l’apprentissage des jeunes. Le second, chirurgien de campagne, vit beaucoup plus modestement, et souvent, pour survivre, bénéficie de l’aide de la paroisse. En outre, sa situation matérielle l’oblige à exercer en plus une activité artisanale, à posséder un petit commerce ou à travailler la terre. D’après l’étude des archives du monde rural de la France de l’Ancien Régime, il semble que le principe du maître en chirurgie à qui l’on confie l’école et l’entretien de l’église soit très répandu. En outre, presque tous les chirurgiens assurent la vente des substances médicinales, ce qui arrange un peu les choses. On disait, en parlant de ce commerce : « les chirurgiens se sauvent par les spécifiques » [4, 6, 8]. Empiriques et charlatans Outre les scientifiques (tels que Fauchard et ses contemporains, experts pour les dents ou chirurgiens) qui font payer cher leurs services, circule parmi la population une cohorte d’opérateurs ambulants. En effet, le manque de clarté et les querelles entre médecins, chirurgiens et chirurgiens barbiers profitent aux charlatans. Aussi, à partir du XVIe siècle ceux-ci se multiplient. À Paris, les charlatans se regroupent autour du Pont Neuf, lieu où les Parisiens aiment flâner. Ils opèrent sur les champs de foire, attirent les badauds au son de la trompette et à grands renforts de boniments. Le charlatan, dans son discours attrayant, vante son habileté manuelle, ainsi que les mérites de ses baumes et onguents, lotions, opias et autres remèdes, le but étant de les vendre à un prix exorbitant à la foule crédule. Certains assurent même qu’ils ont le pouvoir de faire repousser les dents. Si quelques-uns ont une habileté réelle et un rôle important pour la population modeste, la plupart usent d’une supercherie grossière : ils ont souvent un complice dans la foule,

3

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

jouant le faux malade qui, suite à la manœuvre du charlatan, recrache une dent entourée d’une membrane pleine de sang de poulet, le sourire aux lèvres. Évidemment, si la dent est extraite facilement et sans douleur, c’est grâce au remède qu’il a pris auparavant, d’où la nécessité d’acheter les remèdes du charlatan ! Il faut reconnaître, à la décharge de ces bonimenteurs, que s’ils ne soignent pas le peuple, ils ont au moins le mérite de le divertir, de lui fournir des moments agréables, parfois comiques. Ils font rêver la foule en décrivant leurs voyages, souvent fictifs. Aussi, à cette époque va-t-on voir ces hommes comme on irait au théâtre. Si les charlatans étaient appréciés du petit peuple, ils n’amusaient guère les chirurgiens de la Faculté. Certains même démissionnent devant leur multiplication. Ainsi, Pierre Dionis (1643-1718), premier chirurgien de Madame la duchesse de Bourgogne exposa ses critiques en ces termes : « La plupart de ces arracheurs abusent de leurs talents pour tromper le public, faisant croire qu’ils n’ont besoin que de leurs doigts ou d’un bout d’épée pour emporter les dents les plus enracinées. Mais un chirurgien ne doit point connaître ces tours de souplesse, et c’est la probité qui doit être la règle de toutes ces actions. Il faut qu’il se distingue de ceux qui veulent en imposer aux autres ». Les experts pour les dents témoignent également de leur opposition quant à ces « arracheurs de dents ». Ainsi, Fauchard leur reproche, entre autres, d’avoir trop souvent « trompé et rebuté le public » [10, 11, 13, 14].

État des sciences à l’époque de Fauchard Héritage de la Renaissance La science en général, et l’art dentaire en particulier font un grand bond en avant à l’époque de la Renaissance. L’apparition de l’imprimerie révolutionne la littérature scientifique. Les écrits sont multipliés, ce qui entraîne une démocratisation de la science. La médecine et l’art dentaire ne sont, bien sûr, pas en reste. L’anatomie fait des progrès considérables grâce à Léonard de Vinci (1452-1519) qui décrit les sinus de la face et leurs rapports avec les racines des molaires, entre autres. Il publia en outre un essai sur la forme des dents, leurs fonctions et leurs caractéristiques. Vésale (1514-1564), dont l’ostéologie de la face est un véritable chef-d’œuvre, témoigne également de ces progrès. Fallope (1523-1562) découvre l’odontogenèse, et donne la première bonne description du follicule dentaire. Eustachi (1500-1574), contrairement à Galien, ne pense pas que les dents sont des os et décrit très précisément leur anatomie, leur embryologie et le phénomène de la sénescence pulpaire. N’oublions pas Urbain Hémard (1548-1616 ; celui que Fauchard appelle « l’auteur du petit livre »), qui écrit, en langue française, en 1582, le premier ouvrage entièrement consacré aux dents : « Recherches sur la vraye anatomie des dents, nature et propriétés d’icelles avec les maladies qui leur adviennent, par Urbain Hémard, chirurgien de Monseigneur le Révérendissime et illustrissime Cardinal d’Armagnac et Lieutenant pour les chirurgiens en la sénéchaussée et diocèse de Rouergue » [15]. Ambroise Paré (1516-1590, chirurgien des rois de France Henri II, Henri III, François II et Charles IX) est le premier à envisager l’art dentaire d’une manière moderne. Il décrit assez clairement la pulpite, l’arthrite aiguë, les abcès dentaires, sans toutefois en tirer de conclusions thérapeutiques. En outre, il recommande l’usage des prothèses : « Quand les dents sont tombées, il faut en adapter d’autres d’os ou d’ivoire qui sont excellentes à cet effet. Lesquelles seront liées aux autres avec du fil commun d’or ou d’argent. » Cependant, si Paré eut une réputation immense de son vivant, ce n’est pas tant grâce aux progrès qu’il fit réaliser à l’art dentaire qu’aux nombreux services qu’il rendit sur les champs de bataille des guerres de religion du XVIe siècle [16].

4

Nouvel enjeu du XVIIe siècle : la recherche de la vérité [4, 6, 17] L’obsession de tout le XVIIe siècle, et la passion du suivant, est la recherche de la vérité, dans tous les domaines. Dans les sciences, dans la nature et dans l’homme. Comment, à ce titre, ne pas citer Descartes (1596-1650) dont l’ouvrage le plus fameux porte le titre de « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » (1637) ? Toute la méthodologie des sciences, lentement élaborée au long du siècle, reposera sur le principe posé par Descartes : par l’usage méthodique de la raison, débarrassée des sens trompeurs, la conscience peut partir à la conquête de la vérité. Le nouvel enjeu des sciences est posé : la quête de la vérité. Accomplissant les promesses de la Renaissance, le XVIIe siècle, dans sa quête de la vérité, sera le temps d’une triple mutation : révolution philosophique, constitution d’une physique expérimentale et quantitative, naissance d’une chimie scientifique. Révolution philosophique et démontage de la science des Anciens [17, 18] Dans ses « Règles pour la direction de l’esprit et la recherche de la vérité » (1620-1628), Descartes explique que, selon lui, les sens sont trompeurs, qu’il faut douter et se méfier des apparences pour dissiper les illusions. En conséquence de son raisonnement, il affirme que le corps, dont on peut douter, est radicalement séparé de la pensée. La seule certitude est notre pensée : je pense, donc je suis (cogito, ergo sum). C’est le dualisme cartésien, l’homme étant constitué de deux substances distinctes. Les conséquences de cette notion de dualisme seront notables dans l’évolution de la doctrine médicale (Descartes, faut-il le rappeler, fut, sinon médecin, du moins anatomophysiologiste à ses heures). Il publiera un livre fondamental intitulé « De l’homme ». Dans le climat de révolution philosophique du XVIIe siècle, Francis Bacon (1561-1626, homme d’État et philosophe anglais) défend l’idée d’une nouvelle philosophie de la nature, fondée non pas sur les anciennes doctrines, mais sur une exploration active s’instruisant de l’expérience, sur une attitude neuve à l’égard du monde. Il propose également une nouvelle méthode de raisonnement : l’induction. Au XVIIe siècle, tout un pan de la science antique s’apprête à être démantelé. En effet, Galileo Galilei, dit Galilée (15641642), bien qu’adhérant au système de Copernic (remplaçant le système « traditionnel » ptoléméen, présentant sept points déterminant une nouvelle astronomie, comme par exemple le mouvement continu des planètes, toutes dans le même sens ; la révolution copernicienne s’étant déroulée au XVIe siècle), remet en cause le vieux principe aristotélicien (selon Aristote, le monde était fondé sur la distinction entre le monde céleste incorruptible et le monde corruptible des éléments) et, en ce sens, bouleverse l’astronomie de son temps. Adaptant une lunette qu’il tourne vers le ciel, il observe le mouvement changeant des astres. Il entreprend de substituer au paradigme d’Aristote, statique et structuré par des causes subtiles et des forces impénétrables, un modèle dynamique et gouverné par des lois universelles. Ainsi, il affirme que le Ciel et la Terre appartiennent au même système cosmique et qu’il existe une seule physique, une seule science du mouvement qui vaut aussi bien pour le monde céleste que pour le monde terrestre. Au crépuscule du XVIIe siècle, Newton (1642-1727) achèvera le travail de Galilée et publiera ses « Principes mathématiques de la philosophie naturelle ». C’est bien toute une partie de la science des Anciens qui s’est irrémédiablement effondrée : l’homme peut désormais mesurer l’univers, le comprendre et en écrire les lois. Enfin, depuis des siècles, les alchimistes s’efforçaient de percer le secret de la matière : là encore, les travaux scientifiques du e XVII siècle devaient démonter la science des Anciens. Jean Rey, médecin et chimiste à ses heures, remettra sérieusement en cause les trois principes de l’alchimie classique (sel, soufre, mercure). Un peu plus tard, en 1660, Robert Boyle (1627-1691) Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

abandonnera tout à fait ces vieux principes, postulant que la matière est faite de « petits agrégats primaires de minuscules particules » [17]. En médecine, le démontage de la science antique débute au e XVII siècle avec la résolution d’une des plus grandes questions de la physiologie. En effet William Harvey (1578-1657), en décrivant la circulation sanguine, dément plus de deux mille ans de physiologie inconsistante. Et, plus encore que cette description, il fonde une conception expérimentale de la physiologie. Harvey ne dispose en réalité que de données expérimentales très modestes qui n’apportent guère plus d’éléments que ses prédécesseurs. Cependant, en homme de science du XVIIe siècle, il se libère de la doctrine des Anciens et ose une vision nouvelle. Cette mutation intellectuelle lui ayant ouvert les yeux, il sut tirer la juste leçon d’observations soigneusement choisies. Harvey aborde la question de la circulation sanguine d’un point de vue nouveau et caractéristique d’une époque de mathématique de la nature : il utilise le calcul pour aboutir à son théorème final. Ainsi, en estimant le volume de sang contenu en moyenne dans le cœur et en le multipliant par le nombre de contractions que ce dernier effectue en un temps donné, il obtient un volume qui excède largement la quantité de sang contenue dans le corps. La conclusion s’impose à lui : « On doit nécessairement en conclure que le sang des animaux est animé d’un certain mouvement circulatoire et que ce mouvement est perpétuel. » Enfin, reconnaissant l’absence évidente de communication entre les deux ventricules, il énonce son théorème final : « Tels sont les organes et le tracé du transit du sang et de son circuit : d’abord de l’oreillette droite au ventricule, du ventricule à travers les poumons jusqu’à l’oreillette gauche, et de là, dans le ventricule gauche, dans l’oreillette et dans toutes les porosités des organes, dans les veines et, par les veines, vers la base du cœur où le sang revient rapidement. » C’est l’amorce d’une approche quantitative de la médecine. Cependant, Harvey déclenche une tempête dans l’Europe entière. Galien (131-201, dit « Prince de la médecine » considéré comme le deuxième père fondateur de la médecine antique, après Hippocrate) lui-même est outragé et avec lui la doctrine médicale classique. Guy Patin (1601-1672), doyen de la faculté des sciences de Paris, opposé à toute évolution de la science médicale, qualifie la théorie de Harvey de « paradoxale, inutile, fausse, impossible, absurde et nuisible ». Ce n’est finalement qu’en 1675, soit près de vingt ans après la mort de William Harvey, que Dionis reçoit de Louis XIV l’autorisation d’enseigner, contre l’avis du doyen de la Faculté, la doctrine harveyenne. C’est la consécration de la première conquête de la physiologie moderne. Constitution de la physique expérimentale et quantitative [15, 17, 18] École iatromécanique. Comme nous l’avons vu plus haut, Descartes a publié un livre intitulé « De l’Homme », dans lequel il explique rationnellement que la machine humaine fonctionne grâce à un principe simple, semblable au mécanisme d’une pompe thermique. Le cœur, animé d’un feu sans lumière, réchauffe et produit l’expansion du sang. Par une réaction en chaîne et grâce à l’action de différents clapets, les muscles se contractent, passivement en quelque sorte. Dans ce système, l’homme est devenu une machine, dont l’âme n’est plus requise pour créer le mouvement, tous les processus physiologiques pouvant s’interpréter à l’aide de la métaphore de la machine. Selon lui, les mouvements volontaires et le langage résultent de la transformation de pensées issues elles-mêmes de l’âme siégeant dans la glande pinéale. Descartes remet donc en cause la théorie vitaliste (théorie selon laquelle la vie est un principe en soi, différent de l’âme pensante et de l’organisme, et par lequel l’être vivant est organisé). Cependant, le schématisme de ce modèle ne répondait qu’à la simplification abusive des théories iatrochimistes, et cette conception iatromécanique n’eut qu’une influence mineure sur la doctrine médicale du e XVII siècle. Stomatologie

Cependant, l’œuvre de Descartes, « De l’Homme », eut une importance capitale dans un autre domaine. En adoptant une approche physique du fonctionnement de la machine humaine, il ouvrit la porte à d’autres recherches, notamment dans le domaine physiologique. C’est l’amorce d’un mouvement qui s’épanouira pleinement au XVIIIe siècle. Physiologie. Si Harvey utilise les calculs pour démontrer le principe de la circulation sanguine, c’est Santorio (1561-1636) qui, le premier, systématise le recours aux mathématiques pour conceptualiser les phénomènes physiologiques. Il introduit la métrologie en médecine : encore une fois, la démarche des Anciens, résidant dans une approche purement qualitative, est abandonnée, pour lui préférer une approche quantitative, dont les résultats se sont avérés positifs en physique. Ainsi, par exemple, il fut le premier à proposer l’usage du thermomètre pour évaluer la température corporelle, ou du pulsomètre pour apprécier objectivement la fréquence du pouls. Il publia en 1614 « De statica medicina », qui connut un succès considérable et accrédita définitivement l’importance des mesures lors des expériences de physiologie. Naissance de la chimie scientifique École iatrochimique. Les thèses de Paracelse (1492-1541, médecin alchimiste), attaquant le système de Galien (le traitement galénique repose sur l’axiome « contraria contrariis » ; il soigne la maladie par son contraire. Il utilise également une pharmacopée composée de centaines de remèdes essentiellement d’origine végétale, prescrits en monothérapie), alimentant un long débat tout au long du XVIIe siècle. Les partisans de cette réforme de la pensée médicale sont dénommés iatrochimistes. Les adeptes de l’iatrochimie défendent l’usage de l’antimoine (métal rare, rencontré sous forme de cristaux mixtes naturels), fidèles aux idées de Paracelse qui rappelait l’appui de ce dernier à la thérapeutique nouvelle dans sa « Grande Chirurgie ». Ces médecins sont donc favorables à une « médecine chimique », et entendent promouvoir une interprétation entièrement chimique du corps humain. Là encore, Guy Patin, fervent adepte du galénisme académique, fait s’abattre la foudre sur les médecins partisans des médicaments chimiques. Cependant, ironie de l’histoire, en 1658, Louis XIV est atteint d’une forte fièvre qui résiste aux méthodes classiques telles que la saignée et autres remèdes anciens. Inquiets, les médecins royaux décident de s’en remettre à... l’antimoine, remède chimique par excellence. C’est un succès complet, le roi est guéri très rapidement. Suite à cet épisode, les remèdes chimiques sont autorisés par la faculté de médecine, et l’iatrochimie peut se développer sans entraves. Séduit par la médecine chimique, Van Helmont (1577-1644) devait, par ses travaux scientifiques, ouvrir la voie de la pharmacologie clinique. Attaché aux théories de Paracelse, il en repoussa néanmoins le système de correspondances symboliques. Selon lui, devant un trouble pathologique, il fallait systématiquement essayer diverses substances afin de trouver le médicament spécifique au trouble (mercure, antimoine ou autres métaux surtout). Ce principe devait être la voie définitive de la pharmacologie clinique. Fidèle à la tendance du siècle à démonter les anciennes théories, Sylvius (1616-1672) réfuta la théorie des humeurs. C’était selon lui un principe abstrait dont il fallait se délivrer, et il la remplaça par celle des acides et des alcalis. Leur combinaison pouvait agir favorablement (digestion), ou négativement (fièvre), dans le cas d’un déséquilibre. À cette époque donc, une simplification abusive du fonctionnement de l’homme amena les iatrochimistes à considérer que tout n’était que conflit entre acides et alcalis. Sylvius proposa une thérapeutique exclusivement chimique pour neutraliser les composants en excès. L’école iatrochimique porta ainsi des coups sévères à l’édifice galénique et resta, en ce sens, fidèle à l’esprit de son siècle. Néo-hippocratisme. Pour Thomas Sydenham (1624-1689), médecin anglais passionné par l’étude clinique des maladies, si le galénisme a vécu, les deux écoles (iatrochimique et iatromécanique) s’épuisent dans une vaine querelle. Selon lui, ainsi que le disait non sans pertinence un certain Jean Riolan : « tandis que les médecins se contredisent, les malades meurent... », les débats théoriques n’avaient pas eu d’incidence majeure sur la

5

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

pratique clinique des médecins, et n’avaient apporté que peu de profit aux patients. Il fallait donc proposer une autre voie : il la nommera néo-hippocratisme, reprenant quelques idées de base du père de la médecine. Il prônera un examen clinique minutieux, en s’attachant particulièrement à la description de la maladie et à la recherche de signes diagnostiques, pour appliquer une thérapeutique spécifique. Il préconisera l’emploi des remèdes chimiques nouveaux, mais, tout restant fidèle à Hippocrate, ne rejettera ni les saignées ni les purges. Thomas Sydenham, tout en étant ouvert aux idées nouvelles (les remèdes chimiques), témoigne d’un « retour » à la tradition clinique, en préconisant l’examen attentif du malade. Justement, une invention optique allait modifier le regard du médecin sur le corps, révélant un univers nouveau [7, 17, 18]. Monde microscopique [6, 17, 18] Nouveau regard sur le corps. Comme nous l’avons vu plus haut, Galilée avait adapté une lunette astronomique qui lui avait permis de découvrir le mouvement des astres. En 1609, il eut l’idée d’appliquer le même principe à l’infiniment petit. Ces premières observations furent consacrées aux insectes. Cependant, ce n’est qu’à partir de 1625 que le microscope se développa, et des modèles de plus en plus sophistiqués virent le jour, le reléguant ainsi au rang d’objet d’amusement et de curiosité dans les salons de la bonne société européenne. Il faudra attendre le milieu du XVIIe siècle pour que quelques hommes de science s’intéressent réellement à cette innovation, qui devait donner naissance à la « première révolution biologique ». En 1659, Malpighi (1628-1694), un des premiers adeptes de l’observation microscopique, publia « De viscerum structura », qui fut le premier texte fondateur de l’anatomie microscopique. Ce devait être le début d’une longue série puisque, à partir de 1661, Malpighi publia régulièrement ses découvertes dans ses « Lettres » et ce, jusqu’à la fin de ses jours. Ses observations microscopiques furent un apport considérable à la science de son temps, et il n’est pas erroné de considérer Marcello Malpighi comme le père fondateur de l’histologie. L’autre grand acteur des premiers temps de la microscopie fut Van Leeuwenhoek (1632-1723). Après avoir fabriqué plusieurs microscopes rudimentaires (une lentille simple enchâssée entre deux plaques de métal), il passa la majeure partie de sa vie à observer toutes sortes d’objets de taille infime. Il nota toutes ses observations et, jusqu’à sa mort en 1723, les adressa à la Royal Society. Entre le milieu du XVIIe siècle et 1723, tout passa sous les microscopes de Van Leeuwenhoek et, parmi ses nombreuses découvertes, citons par exemple les globules sanguins, les cellules en bâtonnets de la rétine, ou encore les premières bactéries observées dans le tartre des dents. Van Leeuwenhoek observa également l’existence de corpuscules munis d’un flagelle, présents dans le sperme de nombreuses espèces animales. Le microscope venait ainsi de relancer un débat très ancien : celui de l’origine de la vie. Débat sur l’origine de la vie. Là encore, le XVIIe siècle devait permettre de démonter les vieilles théories admises jusqu’à présent. Ainsi, s’il était admis que les animaux provenaient de l’accouplement d’un mâle et d’une femelle, on croyait aussi au mythe de la génération spontanée. Selon Aristote, Ambroise Paré ou Van Helmont, certains animaux (crapauds, insectes, souris, rats...) pouvaient naître de l’inerte par la putréfaction, ou simplement par contact avec un linge sale. Plusieurs travaux scientifiques (Redi, Harvey), dans la seconde moitié du e XVII siècle, permirent de réfuter cette idée de génération spontanée, et de poser le concept fondamental de l’embryologie moderne : « ex ovo omnia », tous les animaux sont engendrés par un œuf. À la suite de la découverte des corpuscules munis d’un flagelle chez l’homme et de l’œuf chez la femme, une nouvelle conception vit le jour : le préformationnisme. Le nouvel être en gestation existait tout entier, en modèle réduit, à l’état de germe. La question était de savoir si le germe se développait sur le modèle de l’œuf (ovistes) ou du spermatozoïde (spermatistes).

6

Ce débat entre spermatistes et ovistes, qui se poursuivit avec passion au XVIII e siècle, peut paraître absurde aujourd’hui. Cependant, il reflétait la mutation essentielle de la pensée médicale du XVII e siècle. En effet, la première révolution biologique, consécutive à l’invention du microscope, confronta la médecine à de nouvelles questions, de nouveaux enjeux, l’obligeant à se pencher sur de nouveaux aspects du corps humain, et à remettre en cause les anciennes théories (notamment le galénisme). Découvertes scientifiques relatives à l’art dentaire au XVIIe siècle La fin du XVIIe siècle est féconde en découvertes scientifiques concernant les dents et la cavité buccale. On reconnaît la participation du sang nourricier de la dent à la circulation générale, d’où il découle une pathologie nouvelle mentionnée par Fauchard : l’inflammation de la pulpe ou du ligament. En outre, Nuck localise les ganglions de la face et Wharton (1614-1673), Sténon (1638-1686) et Bartholinus découvrent les canaux excréteurs des glandes salivaires. Enfin, grâce à la mise au point du microscope, l’étude précise de la mandibule est effectuée par Ruysch (1638-1731) en 1694. Sténon et Malpighi réalisent l’étude des structures fines de la langue. Van Leeuwenhoeck met en évidence la composition de la dent en structure tubulaire, Malpighi la structure fibrillaire de l’émail, et Ruysch découvre une troisième substance, qui n’est autre que le cément. Rappelons enfin que Van Leeuwenhoeck découvre, en 1683, la présence de bactéries dans la plaque dentaire [19, 20].

Sciences médicales au siècle des Lumières Le XVIIIe siècle est marqué par le développement exceptionnel des sciences et des arts. La fureur d’apprendre est générale. L’homme semble vouloir sortir de l’obscurantisme qui était jusque-là souvent de rigueur. Les intellectuels proposent un idéal clair et tolérant d’humanisme dont la Déclaration des droits de l’homme de 1789 sera l’expression. Ainsi au XVIIIe siècle, plus encore qu’au siècle précédent, les scientifiques, dans leur quête de vérité, s’efforcent de comprendre les phénomènes observables au moyen de lois. Ces lois sont formulées à partir d’expériences, et non plus à partir de raisonnements a priori ou d’enseignements hérités des Anciens. Le XVIIIe siècle voit l’émergence d’une pensée rationaliste et critique, en continuité avec le XVIIe siècle. Suite aux progrès immenses de la physiologie et de la microscopie d’une part, et à la chute des théories galénistes d’autre part, les hommes de science du XVIIIe siècle éprouvent le besoin de forger de nouveaux concepts, de synthétiser et de donner un sens à tous ces nouveaux acquis scientifiques. Ils vont ainsi créer des « systèmes médicaux », édifices théoriques constituant les derniers avatars d’une médecine philosophique. Ce mouvement n’aura que peu d’effets sur l’avancement des connaissances cliniques. Aussi dès le siècle suivant, ces systèmes seront abandonnés. Ce sera alors l’avènement de la médecine expérimentale, conduite par Claude Bernard, souhaitant que celle-ci soit « la négation formelle de toute espèce de système ou de doctrines ». Aussi ne nous attarderons-nous pas à la description de ces systèmes médicaux. Essor de la physiologie expérimentale Suite à la formidable découverte d’Harvey sur la circulation sanguine au XVIIe siècle, les scientifiques du XVIIIe remirent en question toutes les théories de la physiologie antique. Ce gigantesque chantier débuta avec la découverte du mécanisme de la digestion, puis de l’épineux problème de la génération (même si la théorie épigénétique, théorie selon laquelle le développement d’un être est organisé par une « succession de divisions cellulaires au cours desquelles s’établit progressivement la différenciaton en tissus et organes », dans sa version définitive, ne sera formulée qu’au XIXe siècle). Si Harvey introduit, dès le XVIIe siècle, la notion d’expérimentation en physiologie, ce Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

n’est qu’avec ses travaux sur la digestion et la génération que les scientifiques décrivirent des protocoles rigoureux de physiologie expérimentale, et les rendirent systématiques. Le XVIIIe siècle voit ainsi l’essor de la physiologie expérimentale. Succès de la collaboration entre physiciens et chimistes. Une des plus grandes réussites du XVIIIe siècle dans la recherche physiologique fut la découverte des échanges gazeux au cours de la respiration. Si cette notion est capitale d’un point de vue physiologique, c’est surtout la démarche qui a permis de la découvrir qui est un succès. En effet, c’est la première fois qu’il existe une collaboration entre plusieurs domaines de la science, au service d’un seul et même but. Physiciens et chimistes ont partagé leurs connaissances et confronté leurs points de vue, unis par le même désir d’élucider une grande question physiologique de la médecine. La notion même de communauté scientifique venait de voir le jour [2, 17, 18]. Apport des recherches sur l’électricité. Rappelons que, dès 1666, Malpighi, puis Van Leeuwenhoek, avaient observé au microscope l’existence de cellules particulières, les fibres. Sténon, en 1667, notait, en observant un muscle, que ces fibres étaient dotées d’une contractilité propre. L’hypothèse était émise que ces fibres seraient capables d’accomplir toutes les fonctions physiologiques, selon un processus appelé « irritabilité ». Haller (1708-1777, physiologiste et botaniste), grand physiologiste empreint des idées de son siècle, reprend, sur des bases expérimentales, les idées énoncées, et en effectue une synthèse. Il soumet les tissus musculaires d’animaux vivants à des stimuli mécaniques, thermiques ou chimiques. Il conclut que l’irritabilité est spécifique au muscle, et qu’il faut distinguer des terminaisons nerveuses. Pour Haller, la contraction musculaire est indépendante des nerfs : l’esprit de l’animal n’est donc pas en cause lors du mouvement musculaire. Ce n’est qu’en 1791, grâce au développement des recherches sur l’électricité, qu’une autre théorie put voir le jour. Galvani (1737-1798) découvrit que le contact d’une patte de grenouille avec une machine électrique provoquait une contraction musculaire. Les nerfs, conduisant le fluide électrique, devaient donc constituer la source de l’irritabilité musculaire. La voie fut ainsi ouverte pour le développement des recherches sur l’électrophysiologie neuromusculaire [17]. À la fin du XVIIIe siècle, toutes les grandes questions sur les fonctions physiologiques avaient été élucidées, et les anciennes théories démystifiées. Preuve s’il en est du dynamisme des scientifiques du siècle des Lumières. Naissance de l’anatomie pathologique Au cours du XVIIIe siècle, les scientifiques effectuèrent une synthèse remarquable des connaissances anatomiques accumulées jusqu’alors, parfois en les enrichissant. Ce siècle fut aussi celui de la publication de traités d’anatomie prestigieux, tant scientifiques (les observations sont de plus en plus minutieuses) qu’artistiques (les progrès de l’impression aidant). Au cours de ce siècle, on nota une évolution fondamentale de l’anatomie : de science pure, exclusivement descriptive, elle se transforma en une science appliquée, à la chirurgie notamment. L’anatomie avait ainsi une utilité pratique, puisque sa connaissance pouvait éclairer l’exercice dans d’autres disciplines. Parallèlement, suite aux bouleversements scientifiques du e XVII siècle, la conception de la maladie n’était plus dépendante du modèle hippocratique ou galéniste. On ne considérait plus la maladie comme un état général, dont les troubles physiques n’étaient que des épiphénomènes. Grâce aux progrès de la physiologie et de la microscopie d’une part, et aux différents systèmes médicaux développés au XVIIIe siècle d’autre part, la maladie était considérée comme la conséquence du trouble d’un organe. Par conséquent, lors des dissections, les anatomistes s’attachent à noter les altérations liées à la pathologie. Ce sont les balbutiements de l’anatomie pathologique. Il faut attendre les travaux de Morgagni (1682-1771) pour que soient posés les fondements méthodologiques de l’anatomie pathologique. Le fruit de son labeur, soixante années d’observations méticuleuses et systématiques, fut publié dans son Stomatologie

immense traité « Des lieux et des causes des maladies recherchées par l’anatomie ». Le grand mérite de Morgagni fut de systématiser une méthode de recherche anatomopathologique soigneuse et éprouvée. Il attache une importance capitale à la qualité des observations, mais aussi aux données cliniques. Il note systématiquement toutes les données concernant le décès du patient, ainsi que ses conditions de vie passées, ses habitudes. Il cherche également à faire la part entre les altérations post-mortem et les altérations ante mortem [2, 17, 18]. Médecine « irrationnelle » Au cours du XVIIIe siècle, on note l’existence de mouvements en marge du progrès des Lumières, notamment le magnétisme de Mesmer (1734-1815), témoignant de l’ambivalence de ce siècle. Mesmer n’a pas inventé le magnétisme puisque celui-ci était connu depuis l’Antiquité et que d’illustres prédécesseurs l’utilisaient déjà pour soigner divers maux. Ainsi, Paracelse recommandait l’usage d’aimants pour soigner les plaies, tout comme Ambroise Paré. Au XVIIe siècle, plusieurs traités sur le magnétisme furent publiés, notamment « De l’art magnétique » de Kircher en 1643, ou celui du chevalier Digby, grand ami de Descartes. Mesmer, fasciné par les progrès scientifiques, notamment dans les domaines de la physique et de l’électricité, était profondément frustré de constater les faiblesses des thérapeutiques de son époque. Il rêvait de développer une thérapeutique universelle, tirée de la nature, inspirée des progrès de la science. Il développa le magnétisme en s’appuyant sur les récentes découvertes en physique et en électricité. Il élabora tout d’abord le concept de la « gravité animale », en référence aux travaux sur la gravitation et la mécanique des astres, puis il en vint aux notions de « fluide subtil » et de « magnétisme animal ». Le fondement de la méthode de Mesmer reposait sur la polarité inverse du patient et du magnétiseur. Celui-ci, par imposition de ses mains, pouvait rétablir l’équilibre par « transfusion magnétique ». On remarque clairement l’influence des travaux scientifiques de l’époque dans les méthodes de Mesmer, de même que dans son « Mémoire sur la découverte du magnétisme animal », publié en 1778. Le magnétisme de Mesmer connaît un grand succès. Mesmer, dépassé par l’ampleur des demandes, imagine un procédé pour que les patients puissent adapter sa méthode chez eux, en l’absence de magnétiseur. C’est alors l’avènement des « séances magnétiques », très en vogue dans tous les salons, y compris et surtout - les plus brillants. Dans un grand baquet, on mélange de la limaille de fer et de l’eau acidulée, puis on recouvre le tout de bois. Des barres de fer en sortent, ainsi que des cordes : les patients peuvent ainsi saisir les barres, et former entre eux des « chaînes magnétiques » à l’aide des cordes. Grâce à cette adaptation du procédé de Mesmer, on peut donc profiter des bienfaits du magnétisme même sans contact avec le « fluide subtil » du magnétiseur. Ces séances connaissent un immense succès. Le magnétisme de Mesmer est également employé pour les douleurs dentaires. En effet, l’anesthésie faisant toujours défaut au XVIIIe siècle, le magnétisme est parfois préféré pour éviter d’avoir recours aux opérateurs pour les dents. Ainsi, le magnétiseur attire la douleur par électro-aimant et l’extraction est rendue moins douloureuse. Une des techniques en vogue au e XVIII siècle est de traiter la douleur dentaire en appliquant des « tracteurs métalliques ». Notons néanmoins que l’histoire ne dit pas combien de temps dure le soulagement des maux de dents... Cependant, le magnétisme fut assez rapidement victime de son succès. Un bon nombre de personnes profitèrent de l’engouement de la population pour se déclarer magnétiseurs. Si certains possédaient réellement le « fluide subtil », ils furent vite oubliés, devant la prolifération de personnages peu scrupuleux, étrangers au concept même du magnétisme, profitant de leurs patients, financièrement et physiquement. Devant la multiplication des attouchements sur les patientes, le mouvement

7

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

magnétique fut rapidement balayé, avec pour conclusion que « le traitement magnétique ne peut être que dangereux pour les mœurs ». L’épisode magnétique reflétait bien le contraste du siècle des Lumières, partagé entre deux époques, comme le disait Auguste Comte, hésitant entre « l’âge métaphysique et l’âge positif ». Si la médecine des Lumières témoignait de ces hésitations, la Révolution y mit un terme en créant une rupture, en médecine comme dans d’autres domaines, et marqua l’avènement d’une vision radicalement nouvelle [11, 17].

Évolution scientifique de la dentisterie À l’aube du XVIIIe siècle, une situation complexe... En 1699, la situation de la dentisterie se présente sous deux facettes. Une science d’une part, et une pratique d’autre part, qui s’ignorent totalement. Théorie de l’art dentaire. Nous connaissons assez bien la théorie, présente dans tout le corpus médical de l’Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance. Les grands maîtres du monde scientifique, malgré leur manque d’intérêt pour le sujet, ne peuvent ignorer la pathologie et la thérapeutique dentaires dans leurs ouvrages. Ainsi, Gysel distingue différents ouvrages consacrés à l’art dentaire : • quelques ouvrages encyclopédiques, pour le grand public, ayant connu un grand succès alors, mais devenus illisibles aujourd’hui, comme le livre d’Urbain Hémard « Recherches sur la vraye anatomie des dents » (cf. supra) ; • de nombreux chapitres (assez brefs toutefois) consacrés aux maladies de la bouche, dans des traités généraux de chirurgie, comme ceux de Guy de Chauliac (1300-1368, médecin anatomiste, médecin des papes Clément VI, Innocent VI, Urbain V) ou d’Ambroise Paré. • quelques petits livres scientifiques ou thèses doctorales, à propos de l’anatomie dentaire ou des pathologies de la bouche, comme le « Libellus de dentibus » de Eustachi ; Il ne cite qu’un seul livre qui prend « timidement l’aspect d’un ouvrage didactique spécialisé ». C’est une œuvre anglaise, qui n’a jamais été traduite en français, de Charles Allen, publiée en 1687 : « Operator of the teeth ; Curious observations on difficult parts of surgery relating to the teeth » [1, 16, 21]. Cette science de la thérapeutique dentaire reste strictement théorique, elle n’est qu’une dentisterie des livres. Les médecins qui donnent, qui écrivent ces conseils n’ont jamais, ni de près ni de loin, soigné les dents malades, ils n’ont jamais pu constater l’inanité des traitements qu’ils indiquent. Pratique de l’art dentaire. La deuxième facette, l’activité dentaire pratique, est, dans sa grande majorité, le fait des empiriques et charlatans totalement étrangers au monde des arts de guérir. En effet s’il y a, dans la capitale, quelques dentateurs sédentaires, leur très petit nombre ne peut sensiblement modifier la situation. Le contact entre la science et la pratique n’existe pas. Pour l’art dentaire, rien ne passe entre une thérapeutique abstraite et une activité de très faible niveau dans l’ensemble [1]. Essor des sciences odontologiques au XVIIIe siècle Rôle décisif de Pierre Fauchard. Dans les premières années du siècle, l’instauration d’une formation correcte pour les experts pour les dents est longue à mettre en place. Ainsi, les premiers experts ont mauvaise réputation, le niveau des étudiants est bas et l’on peut considérer que durant les premières décennies du XVIIIe siècle, la qualité des soins dispensés par l’expert est médiocre. Cependant, malgré l’insuffisance de la formation des experts en ce début de siècle, l’art dentaire commence à être reconnu et respecté dans le monde des arts de guérir, grâce au développement d’activités spécifiques à la profession (développement des thérapeutiques buccales, de la prothèse, mais également des théories relatives à la dentisterie), au détriment de la pratique empirique des charlatans. Ainsi durant les premières décennies de ce siècle, on assiste à une véritable promotion de la dentisterie, notamment grâce à la publication en 1728 de l’ouvrage

8

encyclopédique de Pierre Fauchard « Le Chirurgien Dentiste ou Traité des Dents », ouvrage qui surprend l’Europe entière. Avant ce traité, la littérature dentaire consistait majoritairement en ouvrages populaires sans aucune valeur scientifique. Cette littérature n’était que superficielle, se contentant d’étudier les grands maux de l’époque comme le scorbut, ou alors des cas inhabituels de tumeurs ou de malformations buccales. Les deux volumes du traité de Fauchard apportent la preuve, écrite, que l’art du dentiste est bien, comme l’avait voulu l’édit de 1699, une activité scientifique sérieuse nécessitant une parfaite formation chirurgicale. À partir de ce moment, l’art dentaire, conduit par Fauchard, commence à donner les premiers signes d’une ère de progrès qui étonneront le monde des arts de guérir, et qui feront de la dentisterie une profession à part entière. Émules de Fauchard. Dans les années mêmes de la parution du livre de Fauchard se constitue une lignée de praticiens soucieux de relever le niveau de leur profession et profonds admirateurs de Pierre Fauchard. Encouragés par ses travaux, ils publient à leur tour des ouvrages qui vont contribuer aux progrès de l’art dentaire. Dès 1737, Gerauldy publie son « Traité sur l’art de conserver ses dents », en soulignant la nécessité de remédier aux déficiences d’un « art presque aussi peu connu qu’il est généralement exercé ». Il affirme écrire dans un but scientifique « de sorte que ceux qui se destinent à la profession que j’exerce, pourront profiter des lumières de l’expérience de quarante années acquises ». Cependant, si Gerauldy acquiert une véritable réputation, il n’en demeure pas moins plus proche des dentistes du XVIIe siècle que de Fauchard auquel, d’ailleurs, il ne fait aucune allusion. Il reste très marqué par les conceptions empiriques du siècle passé, ses méthodes paraissant souvent aléatoires et ses principes très élémentaires. Néanmoins, dans la recherche des causes, il se montre novateur. Ainsi, pour la carie par exemple, il voit la cause dans « le reste des aliments acides et le séjour qu’ils font sur les dents » [8, 22, 23]. L’influence de Fauchard a été, en revanche, très directe sur Bunon (1702-1748). Celui-ci exerce d’abord l’art dentaire sans aucun titre, puis est admis comme consultant à la cour grâce à son ami, le chirurgien du roi Lapeyronie. Il est examiné puis reçu chirurgien-dentiste à Paris en 1739. Bunon est fortement marqué par Fauchard dont il fait longuement l’éloge. Il a étudié longuement le « Chirurgien-Dentiste » et il a tenté, lui aussi, de travailler pour la science et pour l’avenir. Il souhaite lutter contre les nombreux préjugés relatifs à l’art dentaire et le rationaliser. Il publie en 1743 l’« Essai sur les maladies des dents », puis en 1746 ses « Expériences et démonstrations faites à l’hôpital de la Salpêtrière et à Saint-Côme ». Cependant, Bunon, certainement trop novateur pour l’époque, doit faire face à l’incompréhension de ses contemporains et, parmi eux, particulièrement Fauchard. Il meurt prématurément en 1748, laissant une œuvre qui, bien qu’inachevée et largement incomprise, sera reconnue par la suite comme un élément capital à l’essor de l’art dentaire. Bunon mérite sans conteste d’être réhabilité et a sa place parmi les plus grands maîtres de la recherche odontologique [8, 10, 23, 24]. Bourdet (1722-1789), en 1757, chirurgien de la reine, dentiste reçu au collège de Saint-Côme, fait paraître ses « Recherches et observations sur toutes les parties de l’art du dentiste », traité le plus important depuis le « chirurgien-dentiste ». Son œuvre est intéressante et mérite sa place aux côtés de celle de Fauchard. Rappelons qu’il est anobli par le roi à l’occasion de l’inauguration du Collège royal de chirurgie au printemps 1768 [19, 24, 25]. Lécluse, artiste de l’Opéra et dentiste, publie, en 1750, des observations dans « Nouveaux éléments d’odontologie ». Il est l’ami de Voltaire, et est nommé dentiste du roi de Pologne. Enfin, Jourdain, élève de Lécluse, est un des meilleurs praticiens de l’époque. On lui doit des articles dans le Journal de Médecine et de nombreuses publications, notamment « Essais sur la formation des dents » en 1776 [19, 23, 24]. Les termes de chirurgien-dentiste, même d’odontotechnie, sont, à partir de ce moment, de plus en plus courants, preuve d’une réelle évolution de la science comme du vocabulaire. Le mouvement est lancé : la seconde moitié du XVIIIe siècle est riche en praticiens célèbres et en découvertes importantes. Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

Réveil scientifique et organisation de la profession. La fin du siècle des Lumières marque, comme nous l’avons vu précédemment, un véritable essor des sciences nouvelles, et l’odontologie ne reste pas en marge de ce mouvement. En effet, si la mise en place des experts pour les dents a été longue, liée à la médiocrité de leur savoir, à partir des années 1740, grâce aux travaux de Fauchard, et ceux de ses émules (Bunon, Gerauldy, Martin, Bourdet, Lécluse), l’art dentaire connaît un essor sans précédent. Ainsi, on assiste à un véritable réveil scientifique, et de nombreuses découvertes voient le jour, comme en témoignent le dentier à ressort de Fauchard en 1740 ou la clé d’extraction de Garengeot cette même année. Plusieurs inventions révolutionnent la pratique de l’art dentaire, comme la création du miroir endobuccal en 1743 par Levet, ou la découverte de l’éclairage endoscopique en 1769 par Arnaud de Ronsil. Par ailleurs, la porcelaine fait son apparition sur le marché de la prothèse vers 1770 et, en 1791, Camper décrit son angle facial, posant ainsi les premiers jalons de la céphalométrie [3, 20]. Mais les progrès ne concernent pas seulement la pratique. En effet, les contemporains de Fauchard publient de nombreux traités permettant une nette évolution des théories. Lécluse publie un ouvrage concernant la protection des dents contre les caries en 1755, Bunon tente de trouver l’étiologie de la carie dentaire, Mouton publie son « Essai et odontotechnie » sur les couronnes en or et autres métaux, et Bourdet pose les principes de l’hygiène buccodentaire, ainsi que de la stabilité des prothèses [20]. De plus, la profession commence à s’organiser réellement : des communications scientifiques se multiplient auprès du Collège de chirurgie, et, suite aux découvertes de chacun, des relations confraternelles commencent à s’installer. Ainsi, en cette fin de siècle, la France est un exemple en matière de chirurgie dentaire. La profession de chirurgiendentiste devient réalité et l’on assiste à un véritable essor scientifique dans ce domaine. Notons que cette odontologie des experts manifeste de suite sa spécificité. L’activité trivalente du praticien de l’art dentaire le met à l’abri des risques d’intégration venant du médecin, du chirurgien, ou du tabletier. Ce dernier point est capital et sera le garant, pour les temps à venir, de l’autonomie de la science et de la pratique odontologiques. Étudions à présent l’œuvre à l’origine de ce tournant, « Le traité des dents » de Fauchard, et essayons de comprendre en quoi cette œuvre a pu bouleverser le monde de l’art dentaire et le sortir du chaos dans lequel il se trouvait.

■ Rôle décisif de Pierre Fauchard En 1728, à Paris, Pierre Fauchard, expert pour les dents, publie un livre intitulé « Le Chirurgien Dentiste ou Traité des Dents ». Cet ouvrage important, en deux volumes, traite des maladies des dents, de leurs complications et de leurs traitements. Il possède de nombreuses planches illustrées, aussi bien sur l’anatomie dentaire que sur l’instrumentation, et est accompagné de nombreuses observations personnelles de l’auteur concernant des cas intéressants rencontrés dans son exercice quotidien. Cette œuvre n’a absolument rien de comparable aux ouvrages précédents, notamment en raison de son intérêt scientifique, et sera d’ailleurs rééditée à plusieurs reprises (première édition en 1728, seconde en 1746, la dernière, posthume, en 1786) (Fig. 1) [26].

Étude analytique et critique de l’œuvre [26] Il serait bien évidemment trop facile de juger l’œuvre de Fauchard par rapport aux connaissances actuelles. La liste d’élixirs et d’opiats qu’il fournit au début de son premier tome n’a, il est vrai, souvent rien à envier aux drogues miraculeuses vendues par les charlatans du Pont Neuf. Mais l’étude de son œuvre, replacée dans le contexte du début du XVIIIe siècle et des travaux de ses contemporains, permettra de se rendre compte que les pratiques de Fauchard (ainsi que ses doctrines) sont Stomatologie

Figure 1. Portrait de Pierre Fauchard (1678-1761), par J.-B. Scotin, frontispice du « Chirurgien-dentiste », Paris, 1728.

souvent originales, novatrices et ingénieuses. Aussi tâcheronsnous ici de confronter les idées de Fauchard à celles, fort instructrices, de ses contemporains.

Hygiène et prophylaxie dentaire Pierre Fauchard insiste beaucoup sur l’importance de l’hygiène buccodentaire. Il y consacre en effet deux chapitres : « De l’utilité des dents, et du peu de soin que l’on prend pour les conserver », et « Le régime, et la conduite que l’on doit tenir, pour conserver les dents ». Ces deux chapitres sont complétés par un troisième sur la « manière d’entretenir les dents blanches, et d’affermir les gencives. Opiats, poudres et liqueurs utiles, ou contraires à cet usage ». Hygiène d’ordre général [10, 19] À l’époque de Fauchard, et malgré les progrès de la science, l’origine des maladies étant souvent inconnue, la théorie des humeurs pouvait encore apparaître comme la cause universelle des troubles. Ainsi, Martin pense que les maux de dents proviennent souvent « d’une grande chaleur d’entrailles ou d’une bile échauffée ». De même, Fauchard affirme que la carie a souvent pour cause « un vice de la lymphe pectante en quantité et en qualité ». Par conséquent, l’hygiène dentaire commence par des soins d’ordre général, comme en témoigne cet extrait : « Le régime de vie que l’on observe, le trop dormir, le trop veiller, la vie trop sédentaire ou trop turbulente, ne contribuent pas peu à la conservation ou à la perte des dents (...). Toutes les passions violentes capables d’altérer la digestion, d’aigrir ou d’épaissir la masse du sang, d’occasionner des obstructions, et d’empêcher les sécrétions et excrétions qui doivent s’exécuter journellement pour la conservation et le maintien de la santé peuvent être mises au rang des causes intérieures qui produisent les maladies des dents » (T. I, p. 100). Le second point fondamental est l’hygiène alimentaire, qui doit commencer avant la naissance et ce, pour tous les auteurs, y compris Fauchard. Ainsi, le régime alimentaire de la mère et celui de la nourrice sont essentiels pour la première dentition de l’enfant. En outre, Fauchard est persuadé que les catégories aisées de la société sont plus affectées par les maladies dentaires, particulièrement la carie, en raison de leur plus grande consommation de sucres. Ainsi, selon Fauchard : « Le premier soin que nous devons avoir par rapport au régime de vivre convenable pour la conservation des dents, et en même temps de la santé se renferme à choisir des aliments d’un bon suc, qu’il faut mâcher très exactement » (T. I, p. 64). Il ajoute que « Les confitures, les dragées et tous les aliments sucrés ne contribuent pas peu à la

9

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

destruction des dents ; parce que le suc gluant qui en provient, s’insinue entre les gencives, et se colle contre les dents ; et qu’il y a dans le sucre un acide pénétrant et corrosif, ainsi que l’analyse chimique le fait connaître, qui cause tôt ou tard du dérangement. Aussi remarque-t-on que ceux qui font un grand usage de ces poisons séduisants, sont plus sujets aux maux de dents, et les perdent plus tôt que les autres » (T. I, p. 66). « Ceux qui aiment les sucreries et qui en usent fréquemment ont rarement les dents belles. » Il conseille un peu plus loin « (...) après avoir mangé des sucreries, de se laver la bouche avec de l’eau tiède pour dissoudre et enlever par ce dissolvant ce qui pourrait être resté dans les gencives ou contre les dents » (T. I, p. 66). Les effets nocifs des sucreries ont également été soulignés par Martin, Gerauldy, Bunon et Dionis. Si l’effet nocif du sucre est clairement reconnu, Fauchard, tout comme Martin, déconseille aussi la consommation d’aliments « forts », dont il dresse une liste impressionnante : « Le trop grand usage des légumes, tels que sont les choux, les poireaux, les ciboules, les navets, les pois verts ; celui de la chair du pourceau, des viandes et des poissons salés, du fromage, du lait, (...) est préjudiciable aux dents puisque toutes ces choses produisent un mauvais chile » (T. I, p. 65). Bunon et Gerauldy, quant à eux, ne parlent pas d’aliments forts, mais proscrivent les fruits verts et acides. En outre, si tous les dentistes reconnaissent qu’il est nuisible de faire des efforts avec les dents, seul Fauchard insiste réellement sur ce point : « Les précautions à prendre d’ailleurs pour conserver les dents, consistent à ne pas mâcher, casser ou couper des aliments ou d’autres corps trop durs, et à ne faire aucun effort avec elles, comme font ceux qui follement cassent des noyaux, coupent des fils (...) » (T. I, p. 67). Tous les dentistes soulignent l’effet nuisible du passage du chaud au froid pour les dents, sans pour autant pouvoir l’expliquer. Fauchard tente d’apporter une explication : « Cette diversité de liqueurs chaudes et froides est capable d’arrêter et de fixer les humeurs même le suc nourricier dans les dents et que ces matières ainsi fixées venant à fermenter une fois et à rompre le tissu de la dent, causent la carie qui le détruit absolument » (T. I, p. 70). Enfin, Fauchard affirme qu’il faut éviter d’abuser de ce qui noircit les dents. Si la pipe use les dents, la fumée de tabac (le tabac a été introduit en France par Jean Nicot 1530-1600) est préjudiciable d’une part parce qu’elle salit les dents, d’autre part parce qu’« un air froid venant immédiatement à frapper les dents, ces deux extrêmes peuvent donner occasion à la fixation de quelque humeur dans la dent même, dans les gencives (...), ce qui peut occasionner des douleurs, des fluxions très incommodes, et même la carie qui est le plus fâcheux de ces accidents » (T. I, p. 68). Toutefois, Fauchard ajoute également que le tabac peut avoir des vertus bénéfiques : « Je sais aussi que la fumée de tabac peut contribuer à la conservation des dents, en procurant l’évacuation des humeurs surabondantes qui pourraient, en agissant sur elles, les détruire » (T. I, p. 69). Hygiène locale [10, 11, 19, 22, 27] À l’époque de Fauchard, l’objectif semble déjà être de « prévenir plutôt que guérir », et l’hygiène apparaît comme le meilleur moyen de suppléer aux insuffisances de l’art dentaire. Ainsi, Fauchard considère la négligence des dents comme son principal ennemi, et il propose des visites régulières de la bouche, dès l’enfance, par un dentiste expérimenté. De même, Bunon recommande d’accoutumer l’enfant très jeune à prendre soin de ses dents, et de montrer aux parents qui l’accompagnent les mérites des soins préventifs. Si la plaque dentaire (alors désignée par les termes de tartre, tuf, humeur visqueuse, limon...) est reconnue comme étant le principal agent cariogène, Fauchard pense cependant qu’elle est plus nuisible aux gencives qu’aux dents elles-mêmes. En s’attaquant aux gencives, elle provoque le déchaussement des dents. En outre, il est le premier à différencier la plaque (ou limon) du tartre et pressent le lien de cause à effet entre les deux : « Ces limons précèdent ordinairement le tuf ou tartre des dents, et en sont comme l’ébauche, puisque c’est de ce limon que se forment les couches de tartre » (T. I, p. 106). Quoi qu’il

10

Figure 2. Planche 2 : représentation d’un corps tartareux. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 181.

en soit, il voit clairement la nécessité d’empêcher la formation d’amas de tartre et, dans le cas où le tartre devient pierreux, il faut de toute urgence se rendre chez le dentiste qui réalise alors le nettoyage complet de la bouche. Ainsi selon Fauchard : « le tartre peut former des tumeurs relativement considérables adhérentes aux dents et qui doivent être extraites pour permettre la mastication » (cf. Planche 2, T. I, p. 181) ou encore : « Pour prévenir ces fâcheux évènements (...) il faut détacher avec grand soin le tartre » (T. I, p. 224), ce qu’il fait à l’aide de cinq instruments : le bec d’âne, le bec-de-perroquet, le burin à trois faces, le canif à tranchant convexe, et le crochet en Z (Fig. 2) (pour la planche : cf. infra). Concernant les soins quotidiens, Pierre Fauchard marque un très net progrès par rapport aux autres dentistes. Ainsi, De Fleurimont recommande de se laver la bouche le matin et de frotter les gencives et les dents avec son doigt. Quant à Martin, il conseille simplement de se laver la bouche à l’eau fraîche et de passer un linge fin. Les conseils de Fauchard sont plus exhaustifs. En effet, il recommande de « s’en tenir, après qu’on se sera fait nettoyer les dents, à se laver la bouche tous les matins avec de l’eau tiède, en se frottant les dents de bas en haut et de haut en bas, par dehors et par dedans, avec une petite éponge des plus fines trempée dans la même eau : il est encore mieux de mêler avec cette eau un quart d’eau-de-vie pour fortifier davantage les gencives et s’affermir les dents » (T. I, p. 74). L’éponge peut être remplacée par une racine de guimauve soumise à une préparation spéciale : « Ce qu’il y a de très convenable pour se frotter les dents, c’est le bout d’une racine de guimauve bien préparée ; elle blanchit sans offenser les gencives » (T. I, p. 75). Notons que Gerauldy et Martin préconisent également l’usage des racines. En outre, Fauchard recommande d’user du « demi-rond » du cure-dent : ce ne doit être ni une pointe d’argent, d’or ou d’acier, ni une épingle, ni un objet de cuivre ou de fer, car ces instruments risqueraient de provoquer une réaction fâcheuse : « à cause que la salive en détache des sels vitrioliques qui sont capables de corroder les dents ». Il préconise l’emploi d’une plume déliée, tout comme Bunon, qui conseille d’enlever chaque matin le limon et d’ôter avec une plume les particules demeurées entre les dents. Par ailleurs, Bunon recommande de se frotter verticalement les dents avec une éponge, ce qui offre peu de nouveauté par rapport à Fauchard. Si la brosse à dents (souvent faite de crin) apparaît pour la première fois à Paris au XVIIe siècle, Fauchard (tout comme De Fleurimont, en déconseille formellement l’usage : « ces matières Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

sont trop rudes et leur fréquent usage pratiqué indiscrètement, détruit souvent les gencives et les dents » (T. I, p. 74) [28]. Fauchard recommande également l’usage de différents produits pour le nettoyage des dents. Son premier souci est de distinguer les poudres, opiats et autres lotions qu’il préconise, de ceux vendus par les charlatans et autres « distributeurs de remèdes ». Il proscrit les poudres dentifrices et les composés de briques, de porcelaine et de pierre ponce usant l’émail, comme aussi le sel d’albâtre, l’alun, le talc, les sels de tartre, de plomb. Il rappelle également la prudence dans l’usage des acides, tels le suc d’oseille, les jus de citron (que Martin utilise dans une de ses recettes), de l’esprit de vitriol et de sel, car ils déposent une couleur jaune inenlevable et abîment les gencives. Cependant, si Fauchard ridiculise les charlatans, il n’en demeure pas moins que les recettes qu’il préconise surprennent, tant par leur composition (cervelle de lièvre, sang tiré de la crête-de-coq, urine humaine...) que par leur distribution (opiats, élixirs, lotions, eaux dentifrices...). Cependant, notons qu’aucun dentiste n’a rompu la tradition des préparations personnelles, créant d’innombrables recettes toutes plus énigmatiques les unes que les autres (Bunon, Bourdet, Martin...). Certains auteurs ont reproché à Fauchard sa stagnation thérapeutique, tant le hasard et la fantaisie semblent être à la base de ses préparations. Toutefois, Fauchard reste empreint des idées de son siècle et, malgré les avancées des sciences médicales, la thérapeutique médicamenteuse ne peut encore se libérer des traditions. D’une part, les remèdes chimiques ont bien du mal à se faire une place parmi tous les remèdes ancestraux, d’origine animale ou végétale, d’autre part, les modes de distributions n’ont évolué que très tardivement. On mesure ainsi les progrès que devait réaliser la chimie pour arriver à la composition de pâtes dentaires aux qualités chimiques éprouvées.

Ergonomie L’œuvre de Fauchard est intéressante car elle est aussi un témoignage sur les conditions de travail de l’époque. Elle évoque les difficultés de vision et d’éclairage. En outre, Pierre Fauchard s’intéresse à la position de travail, de même qu’au rôle et à la fonction des mains. Il cherche à réduire le nombre d’instruments ainsi qu’à modifier la forme et le poids des manches. Cet homme apparaît donc comme un précurseur de l’ergonomie. Soulignons que Fauchard exerce dans des conditions très privilégiées. Il possède un cabinet et se fait assister par un élève. C’est l’un des premiers praticiens à sélectionner un type de siège qui puisse satisfaire au confort du malade et du dentiste. Ainsi, selon Fauchard, lorsque le praticien reçoit dans son cabinet, il doit faire asseoir le malade « sur un fauteuil ferme et stable dont le dossier sera garni de crin ou d’un oreiller mollet, plus ou moins élevé et renversé suivant la taille de la personne, ses pieds portant à terre, et surtout suivant celle de l’opérateur » (T. II, p. 17) ; « Le dentiste s’élèvera ou s’abaissera plus ou moins, inclinant d’ailleurs son corps et sa tête plus ou moins – lorsqu’une personne a perdu l’action des muscles releveurs ou abaisseurs de la tête » (T. II, p. 18), ou pour des raisons pathologiques. « S’il s’agit de travailler a ses dents les plus enfoncées dans la capacité de sa bouche, il faudra substituer au fauteuil le canapé, le sofa ou le lit... à la faveur d’oreillers ou coussins bien placés ». « Je suis surpris que la plupart de ceux qui se mêlent d’ôter les dents, fassent asseoir les personnes à terre, ce qui est indécent et malpropre et surtout pour les femmes enceintes situation qui leur est nuisible » (T. II, p. 133). Fauchard dispose de chaise, et de deux fauteuils : un de hauteur normale et un autre bas de siège. Pour opérer, il considère l’orientation de la lumière diurne et son meilleur moment (ce qui restreint certaines opérations). Il se fait assister par un élève ou bien par un ou une domestique. En règle générale, Fauchard montre son souci d’assurer un confort à son malade et une protection dans ses interventions. C’est, dit-il, qu’il « faut considérer les obstacles que forment dans les opérations sur les dents, la situation des joues, celle de la langue et celle des lèvres. » On doit protéger « la commissure des lèvres par un linge fin ». En outre, il utilise « une petite plaque entre la joue et la dent qui Stomatologie

Figure 3. Planche 1 : représentation des deux mâchoires et de leurs dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 41.

doit être cautérisée... cette plaque doit avoir un petit manche, elle doit être d’argent ou de fer blanc, et faite quasi en forme de cuiller » (T. II, p. 83). Fauchard dit qu’en maintes circonstances, lorsqu’il faut opérer sur la mâchoire supérieure pour plus de facilité « il faut mettre un genou en terre » (T. II, p. 174). Suivant la place d’une dent et le genre de soins à lui donner, il décrit la position de l’opérateur, les mouvements des bras et des doigts. Il recommande la prudence et l’application, ce qui permet de supposer que l’exercice n’est pas aisé [11, 29].

Anatomie et physiologie [4, 19, 25, 30] En anatomie, comme en physiologie, le corps des chirurgiens avait certainement acquis une incontestable supériorité sur la médecine, dès les premières décennies du XVIIIe siècle. Plus penchés vers l’expérimentation, les chirurgiens avaient recouru à la dissection et à l’étude précise de l’anatomie humaine. Le microscope pouvait apporter des éléments nouveaux et corriger des erreurs. Il n’en reste pas moins qu’à la fin du Grand Siècle, l’anatomie de la région maxillobuccale demeure imparfaitement connue et les théories des praticiens se trouvent ainsi soumises à quelques préjugés et erreurs grossières. La définition même des dents reste imprécise à la fin du e XVIII siècle. Pour la plupart des dentistes comme pour Fauchard, la dent fait partie du squelette. C’est un os d’une qualité particulière, plus dure, plus blanche, plus solide que les autres os. Pour Fleurimont cependant, « les dents sont des extrémités comme les cheveux ». Rappelons néanmoins que Bartholomeo Eustachi, dès le XVIe siècle, pensait que les dents ne faisaient pas partie du squelette et n’avaient donc rien à voir avec l’os (voir chapitre sur « l’héritage de la Renaissance ») [2]. Fauchard a un sens de l’observation très poussé. Il s’oblige à coucher sur papier tout ce qu’il voit, avec des termes qui peuvent paraître naïfs aujourd’hui, puisqu’il n’existe pas encore de nomenclature précise pour décrire ce qu’il observe. Il fait ainsi une description remarquable des incisives, canines, « petites » et « grosses » molaires, ainsi qu’une reproduction soignée de ces dents (planche 1, T. I, p. 41, et planche 27 T. II, p. 210) : « Dans chaque dent, on distingue deux parties : la première est celle qui paraît en dehors, n’étant point renfermée dans l’alvéole : on la nomme le corps de la dent (...). La seconde partie est cachée dans l’alvéole : elle se nomme la racine de la dent » (T. I, p. 5) (Fig. 3, 4). Fauchard fait également allusion au système endodontique de la dent : « une cavité dans toute la longueur des racines »,

11

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

Figure 4. Planche 27 : figures de dents extraordinaires. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 210.

aboutissant à « une plus grande qui se termine dans le commencement de la dent (...) tapissée d’une membrane qui sert de soutien aux petits vaisseaux sanguins et aux nerfs qui se distribuent dans l’intérieur de la dent (...). » (T. I, p. 6). Fauchard donne par ailleurs une bonne description des éléments de soutien de la dent, et entrevoit même l’importance d’avoir un parodonte sain pour conserver les dents en bon état, et son rôle essentiel dans le soutien de la dent : « Le principal usage des gencives, est de rendre les dents plus fermes et plus stables dans les alvéoles (...). Les gencives sont les conservatrices des dents » (T. I, p. 219). Par ailleurs, Fauchard se fait l’écho du problème de l’analyse anatomophysiologique de la dent. En effet, à cette époque, certains dentistes pensent que la dent est insensible, la douleur provenant de la gencive, alors que d’autres considèrent que la dent est reliée à la gencive par un nerf principal. Fauchard concilie les deux opinions opposées : en tant qu’os, la dent est insensible, mais le réseau de vaisseaux et de nerfs qui tapissent la cavité intérieure la rendent très sensible : « À ne considérer les dents simplement comme des os, on peut dire qu’elles sont insensibles, mais si on les considère comme des parties munies, recouvertes et tapissées de membranes, de vaisseaux et de nerfs, on ne doit pas leur refuser la qualité d’être sensibles, ainsi que toutes les autres parties du corps » (T. I, p. 135). De plus, il affirme la présence de filets nerveux répandus dans tout le corps de la dent. Des erreurs égarent les autres dentistes sur ce point, comme Gerauldy : « il y a de petits trous qui donnent entrée aux nerfs » [25]. Le système d’évolution des dents reste encore plus imprécis que leur anatomie. Les dentistes de l’époque préfèrent souvent éluder la question, ne mentionnant que vaguement l’existence de « germes » ou de « noyaux ». Martin, par exemple, reste très prudent : « il me suffit de savoir que Dieu est le créateur de toutes choses, et je laisse à Messieurs les philosophes à convenir de la multiplicité de leurs sentiments sur les causes secondes ; car c’est un labyrinthe où s’égarent la plupart des gens qui pensaient y pénétrer (...) ». Il faudra attendre Fauchard pour que l’examen de la genèse des dents se dégage des préjugés du passé, et apparaisse plus scientifique, sans que, toutefois, il n’ait aucunement approché l’analyse biophysiologique. Bunon parle de l’accroissement « concressif » des dents avec une certaine intuition. Cependant, si tous les dentistes ont constaté les différentes phases de dentition, le phénomène reste mal connu [4, 25]. Ainsi, une grande querelle s’ouvrit entre les différents dentistes pour savoir si les dents de lait, qui tombent si

12

facilement, ont ou non des racines. Les avis furent partagés durant tout le XVIIe siècle, cependant, à partir du XVIIIe siècle, la plupart des dentistes se prononcent en faveur de l’existence de racines, tout comme Fauchard : « Ces vingt premières dents ne sont pas sans racines, comme le vulgaire et quelques auteurs le disent. Il est bien vrai qu’il n’en paraît presque point, lorsqu’elles tombent d’elles-mêmes ; mais si on les ôte avant qu’elles soient chancelantes ou prêtes à tomber, on y en trouve qui sont à proportion de leur corps, aussi longues, aussi fortes, et presque aussi dures que celles des secondes dents » (T. I, p. 8). Fauchard s’intéresse particulièrement à l’éruption dentaire et aux phénomènes qui y sont liés. Toutefois, le phénomène de leur résorption reste pour lui une énigme. Il réfute néanmoins la théorie de Bunon en ironisant : « J’ai tâché de réfuter (...) l’opinion d’un nouvel auteur sur le prétendu frottement qui use la racine des dents de lait. Cet auteur qui s’est fait annoncer dans la Gazette de Hollande avec des éloges qui le mettent au-dessus de tous les auteurs qui l’ont précédé (...) est enfin parvenu à remarquer que les dents de lait ont des racines (...) » (T. I, p. 55). Enfin, Fauchard, tout comme Bunon, rétablit la vérité au sujet des dents « œillères ». En effet, nombre de dentistes pensaient que ces dents, souvent les canines maxillaires, étaient liées subtilement à certains organes de la tête, par différents filets nerveux. Citons par exemple Martin, qui affirme que ces dents sont appelées « œillères » « par le rapport et le commerce qu’elles ont avec les parties des yeux », ou encore Gerauldy : « on dit dents œillères parce que les nerfs qui servent au mouvement des yeux fournissent quelques filets à leurs racines. Ainsi, on ne doit les arracher qu’avec précaution et dans un cas de nécessité ». Grâce à l’existence de ces dents, expliquait-il, les névralgies survenaient à l’occasion de douleurs dentaires. Par conséquent, celles-ci devaient être extraites avec d’infinies précautions, et seulement en cas de nécessité absolue (la croyance voulait que l’extraction d’une dent œillère rende aveugle). Fauchard, mais également Bunon, démentent l’existence de ces dents œillères. Fauchard, après avoir prouvé tout l’intérêt qu’il porte à l’anatomie, montre également son engouement pour les dernières découvertes scientifiques de l’époque. Les savants avaient en effet rapidement tiré parti du microscope optique, développé par Van Leeuwenhoek (1632-1723) (voir plus haut). Ainsi, Fauchard avouait-il sa curiosité concernant les derniers travaux de La Hire sur l’histologie dentaire.

Carie et douleur dentaire Connaissance de la carie dentaire [18, 29-31] À la base de la thérapeutique des XVIIe et XVIIIe siècles, se situe une méconnaissance parfois totale de la nature de la carie dentaire. À cette époque, la théorie des vers dentaires était encore très courante. Ainsi, Andry (1658-1742), célèbre dentiste contemporain de Fauchard, expliquait : « Les vers s’engendrent par la malpropreté. Le ver, extrêmement petit, a une tête ronde marquée d’un point noir. C’est ce que j’ai observé au microscope ». De même, elle est suggérée dans les écrits de Dionis et si, par la suite, Bunon n’y croit guère, Fauchard, tout en réfutant l’étiologie purement vermineuse de la carie, reste prudent : « Il y a des observations qui font foi des vers dentaires, rapportées par des auteurs illustres. N’en ayant jamais vu, je ne les exclus, ni ne les admets. Cependant, je conçois que la chose n’est pas physiquement impossible (...) ». Il ajoute : « Quoi qu’il en soit, ces vers n’étant point la seule cause qu’il s’agit de combattre en telle occasion, leur existence ne demande aucun égard particulier. » (T. I, p. 131-132) [18]. Selon Fauchard, la carie (« maladie qui détruit les dents ») peut avoir pour origine des facteurs internes ou externes. Les causes internes sont encore assez populaires à cette époque (fondées sur la théorie des humeurs) : « Les causes intérieures sont celles qui se trouvent dans la masse du sang, ou dans le vice particulier de la lymphe » (T. I, p. 144). Les causes externes sont en revanche plus novatrices : « Les coups, les efforts Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

violents, l’usage de la lime, l’application de certains corps, l’air, la salive altérée, les impressions de chaud et de froid et certains aliments » (T. I, p. 144). Par ailleurs, pour la plupart des praticiens, la carie est un mal contagieux : une dent en gâte une autre. Ainsi pour Bunon, il n’y a « rien de si contagieux que la carie », et elle se développe même par symétrie. Par conséquent, il préfère ôter une dent atteinte que de voir se développer quatre dents cariées au lieu d’une. Pour Fauchard également, la carie est contagieuse : « (...) pour empêcher que la carie ne se communique aux voisines » (T. I, p. 155). Notons que la somme des connaissances de Fauchard sur la carie est impressionnante pour l’époque. À la lumière de ses observations, il dénombre douze « espèces de caries du corps de la dent », qu’il partage en « deux espèces et plusieurs en particulier » (T. II, p. 74), classification complexe s’il en est. Il décrit avec précision la pathogénie des différentes sortes de caries, distingue la « carie molle et pourrissante » de la « carie sèche », les caries superficielles, profondes et très profondes, ainsi que les caries compliquées de fractures. Il observe également des caries du collet et de la racine : « J’ai vu aussi des caries attaquer les racines des dents et la voûte de leur fourchure » (T. I, p. 153). Il distingue également les caries selon qu’elles se situent sur la face extérieure, intérieure ou latérale de la dent. Thérapeutiques Remèdes [19]. Aux incertitudes concernant la nature même de la carie s’ajoute une ignorance des moyens thérapeutiques. À cette époque, la thérapeutique est dominée par la pharmacie où la superstition, pour ne pas dire la sorcellerie, le disputait à l’empirisme. La plupart des remèdes employés contre la carie ou l’odontalgie sont l’héritage de croyances ancestrales, et leur efficacité paraît souvent douteuse. Tous les dentistes de l’époque recommandent l’usage de ces remèdes, même les plus sérieux et les moins suspects de charlatanerie. Ainsi, Martin conseille pour la gingivite chez l’enfant « des pattes de taupes pendues au col de l’enfant ». Bunon dresse une liste très hétéroclite de tous les produits employés à son époque. Quant à Fauchard, s’il reconnaît que si la cervelle de lièvre ou la graisse de vieux coq, comme le préconisent la plupart des praticiens, sont utiles, il leur préfère la « moelle de veau, dont on frotte le visage de l’enfant » (T. I, p. 53), ou une décoction d’orge, de raisins, de figues et de sucre candi. Par ailleurs, Martin, Gerauldy, Bunon, et Fauchard insistent sur l’efficacité des cataplasmes, souvent placés sur la tempe du côté de la dent atteinte, contre l’odontalgie. Cependant, si le XIXe siècle a permis de reconnaître l’efficacité de certaines essences de plantes (notamment girofle et cannelle), d’autres produits semblent absolument contre-indiqués, comme les lotions sucrées (sucre candi de Fauchard), ou les acides puissants (vitriol, citron), préjudiciables aux dents et aux gencives. Enfin, citons deux remèdes fréquemment employés par les praticiens de cette époque qui, s’ils paraissent quelque peu surprenants, ont néanmoins un fondement scientifique. Tout d’abord, l’emploi de l’urine humaine en bain de bouche, héritée de l’Égypte ancienne, préconisée par Martin, Bunon et Fauchard notamment. À propos de l’urine, Fauchard affirme : « J’ai beaucoup soulagé par le remède suivant plusieurs qui avaient presque toutes les dents cariées et que des fluxions et des douleurs tourmentaient fréquemment » (T. I, p. 167). Des expériences physiologiques ont montré les pouvoirs de l’urée : prise en dissolution dans l’eau, elle a une action fortement diurétique, elle est décongestionnante et faiblement antiinflammatoire. Cette pratique ancestrale était donc fondée sur l’observation, et la science a permis par la suite d’expliquer autrement que par la suggestion ce traitement au demeurant surprenant. Enfin, citons l’emploi fréquent de l’eau-de-vie par les praticiens, qui s’explique par les pouvoirs reconnus de l’alcool comme anesthésique et antiseptique. Ainsi, par l’intermédiaire de ces produits naturels, les praticiens avaient des intuitions parfois très justes, mais qui n’ouvraient la voie à Stomatologie

aucune analyse scientifique, en particulier chimique, et ne permettaient donc pas d’isoler les agents chimiques susceptibles d’agir avec force et précision. Soins curatifs [19, 22]. Dès cette époque, les praticiens disposent de principes disposés à un bel avenir. Ainsi, tous les dentistes insistent sur la nécessité de soigner la carie à ses débuts, un trop grand progrès de la maladie obligeant à l’extraction de cette dent. Si Martin et Gerauldy préfèrent extraire la dent dès qu’elle est douloureuse, au fil des années, les dentistes tentent de plus en plus de sauver la dent atteinte. Au début du XVIIIe siècle, les quatre modes de soin principaux sont le limage (ou le ruginage), l’emploi d’essences de cannelle ou de girofle, la cautérisation au fer rouge et l’obturation au plomb. Lorsque ces moyens ont échoué, on a recours à l’extraction. Selon tous les dentistes, lorsque la carie est peu profonde, le grand remède consiste à limer la partie cariée : « Il y a aussi des caries qui sont si superficielles (...), qu’elles ne permettent pas au coton imbibé avec l’essence ou au plomb d’y tenir, en ce cas, il faut les ruginer ou les limer (...) » (T. II, p. 64) (pour plus de détails sur le limage : voir le chapitre relatif à l’orthodontie). Pour Fauchard et Fleurimond, si la carie est plus pénétrante, il faut nettoyer la cavité et appliquer un coton imbibé de cannelle ou de girofle : « Si la carie a pénétré et qu’elle cause de la douleur, après avoir emporté la carie, mettre tous les jours dans la cavité cariée un peu de coton roulé et imbibé d’essence de cannelle ou de girofle » (T. II, p. 64). À la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle, la cautérisation, malgré les douleurs qu’elle entraîne, n’en est pas moins fréquente et recommandée par l’ensemble des dentistes (y compris Martin et Gerauldy). Les déboires dentaires de Louis XIV peuvent témoigner de l’engouement pour cette technique : « Les avis de M. Félix et de M. Dubois furent soutenus du mien, qu’il n’y avait que le feu actuel capable de satisfaire aux besoins de ce mal (...) Le 10 janvier, on y appliqua quatorze fois le bouton de feu, dont M. Dubois, qui l’appliquait, paraissait plus las que le roi qui le souffrait (...) » (Journal de la Santé du Roi, écrit pas les médecins Vallot, Daquin et Fagon). L’emploi des cautères est très important dans la thérapeutique de Fauchard. Outre les cautères actuels (boutons de feu : instruments de fer rougis au feu), il prend des tiges métalliques rondes, longues, fines « comme des aiguilles à tricoter », et « des bouts de fil d’archal » (laiton étiré) pour mieux cautériser dans les cavités étroites. Si, toutefois, la carie progresse et que « la cavité s’agrandit, causée par l’air et la salive altérée et mêlée avec des aliments (...), il est alors nécessaire de la plomber » (T. II, p. 83). Notons par ailleurs que Fauchard repousse les autres méthodes de cautérisation, celles d’opérateurs prometteurs de guérison qui « cautérisent les oreilles avec un fer rouge, ce qu’ils appellent barrer la veine », comme l’enseigne « le célèbre M. Valsalva, médecin italien (...) » (T. I, p. 157). Pour Hémard et bien d’autres praticiens, « les remèdes distillés dans l’oreille sont de grands effets », et ils les appliquent couramment [10]. Dès la fin du XVIe siècle, on avait recours au nettoyage de la cavité carieuse et à son obturation. Toutefois, la technique restait très imparfaite (de courte durée qui plus est) et l’opération était difficile (instruments inadéquats, mauvaises conditions...) et coûteuse (emploi de feuilles d’or pour obturer la cavité). Fauchard propose des solutions thérapeutiques simples et modernes à la fois. Pour nettoyer la carie, il se sert de quatre instruments : le foret à ébiseler (avec une extrémité pyramidale en pointe), la rugine en bec-de-perroquet pointue (avec une pointe à trois faces), la rugine en bec-de-perroquet mousse, et la rugine en alène (à pointe tranchante à deux faces) (cf. planche 14, T. II, p. 65) (Fig. 5). Ensuite, il procède différemment selon le stade de la carie : « Quand une dent est légèrement cariée, il suffit d’en ôter la carie (...) et d’en remplir la cavité cariée avec du plomb » (T. I, p. 162). Il utilise pour cela de minces feuilles de plomb, foulées à l’aide d’instruments rappelant nos fouloirs modernes (planche 15, T. II, p. 79) (Fig. 6). Fauchard considère l’emploi de l’or pour obturer les cavités comme un simple luxe et une dépense inutile, possédant des

13

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

Figure 5. Planche 14 : instruments servant à ruginer la carie des dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 65.

Figure 6. Planche 15 : instruments servant à plomber les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 79.

propriétés bien inférieures à celles du plomb ou de l’étain battu : « ils sont préférables à l’or ; parce qu’ils se lient et s’accommodent mieux aux inégalités qui se trouvent dans les cavités cariées, qui sont ainsi moins exposées à se gâter de plus en plus » (T. II, p. 68). Dans le cas d’une carie pénétrante, si elle « cause de la douleur », Fauchard préconise, comme nous l’avons vu plus haut, après avoir nettoyé la carie, de placer dans la cavité un coton imbibé d’huile de girofle pendant quelques jours. Lorsque la douleur cesse, il nettoie à nouveau la dent et la plombe. Si la douleur ne cesse pas, il cautérise la dent (cf. planche 16, T. II, p. 86), et il faut « quelques mois après, plomber la dent, si la disposition de la cavité cariée le permet » (T. I, p. 163). Toutefois, l’obturation au plomb n’est acceptable que dans les caries superficielles : « si (...) on est assuré de la profondeur de la carie ; il n’y a point d’autre parti à prendre que d’ôter la dent » (T. II, p. 77) (Fig. 7).

14

Figure 7. Planche 16 : instruments servant à cautériser les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 86.

Fauchard expose également les premiers balbutiements de l’endodontie, sans toutefois en connaître les bases fondamentales du traitement (diagnostic, préparation et obturation canalaire) et, à aucun moment, il n’envisage l’obturation canalaire. Il consacre en effet un chapitre complet à la trépanation, où il explique qu’une fois la cavité nettoyée, « on ouvrira et l’on élargira le canal, ou la cavité intérieure de la dent, avec un équarissoir, ou perforatif proportionné à ce canal ; on prendra une aiguille assez fine et assez longue dont les brodeurs se servent (...) et on introduira la pointe de cette aiguille le plus avant qu’il se pourra dans le fond de la cavité de la dent, ce qu’on fera deux ou trois fois de suite (...) » (T. I, p. 169). Il attend 2 ou 3 mois avant de plomber la dent, et place en temporisation un coton imbibé d’huile de girofle. La cessation des douleurs signe, pour Fauchard, la guérison de la dent, il semble donc satisfait quand la nécrose de la dent est totale. Fauchard ne se résout à l’extraction d’une dent qu’après de nombreux essais malheureux de conservation, fait assez original en cette époque où les arracheurs de dents sont légion. Ainsi, s’il suit les recommandations d’Urbain Hémard : « Les dents cariées auxquelles on ne peut remédier par les huiles de cannelle ou de girofle, le cautère actuel ou le plomb, doivent être ôtées de leur alvéole (...) » (T. I, p. 155), il émet cette réserve : « Après l’administration de tous ces remèdes (...), lorsque cette douleur trop violente ne revient pas, que le malade peut manger sur la dent, et que c’est une des incisives, canines ou petites molaires, parce que celles-ci servant à l’ornement de la bouche, (...) il faut toujours éviter de l’ôter, quand il est possible » (T. I, p. 157) [22].

Chirurgie et pathologie buccale Extractions À l’époque de Fauchard, l’extraction reste une intervention très fréquente. Ainsi, Dionis note : « La sixième opération que les dents demandent consiste à les arracher ; elle est la plus usitée et on peut la voir pratiquer tous les jours. Il est peu de personnes à qui l’on n’en arrache quelqu’une ; il y a des gens si impatients que dès la moindre douleur ils font sauter leurs dents. » Toutefois, elle est bien souvent pratiquée de la façon la plus fantaisiste, et, pour une opération si courante, les techniques employées par les praticiens semblent encore rudimentaires. Ainsi, Dionis explique sa méthode : « L’on fait asseoir à terre ou sur un carreau seulement celui à qui l’on veut arracher une dent : l’opérateur se met derrière lui et ayant engagé la tête Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

Figure 8. Planche 18 : déchaussoir, poussoir et crochet. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 149.

Figure 9. Planche 19 : davier. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 150.

entre ses deux cuisses, il la lui fait un peu hausser ; la bouche du patient étant ouverte, il y remarque la dent gâtée, afin de ne prendre pas l’une pour l’autre, puis avec le déchaussoir, il sépare la gencive de cette dent qu’il empoigne ensuite avec l’instrument qui lui aura semblé le plus convenable, auquel il fait faire la bascule pour extraire cette dent. Quand on ne l’a pas manquée, le malade en se penchant crache sa dent avec le sang qui sort de la gencive (...) ». Il est vrai que les dentistes avouent discrètement des erreurs assez conséquentes : « Si l’on fait arracher une dent pour une autre (...) » [14]. Cependant, notons à leur décharge que les opérations ne sont pas facilitées par un matériel de chirurgie trop rudimentaire. Certains instruments ont, dans leurs principes, passé les générations, mais leur simplicité extrême réclame une habileté que les praticiens sont loin de tous posséder. Fauchard, quant à lui, détermine avec rigueur les indications d’extraction dentaire : pour l’orthodontie, d’ordre esthétique ou fonctionnel, ou enfin lorsque les moyens thérapeutiques précédents n’ont pas réussi. L’extraction est, dans ce cas, un échec thérapeutique pour Fauchard, comme nous l’avons vu plus haut. Il décrit avec une grande précision les instruments à utiliser, ainsi que leurs techniques d’utilisation. Il se sert de cinq instruments dont le plus important est le déchaussoir, qui « sert à détacher les gencives du corps de la dent » (T. II, p. 130), ancêtre des syndesmotomes actuels. Puis viennent le poussoir (planche 18, T. II, p. 149), qui « sert à ôter les dents, leur racines, ou chicots, en poussant de dehors en dedans » (T. II, p. 132), sorte d’élévateur, le crochet, et le davier (cf. planche 19, T. II, p. 150), ou la pincette (planche 20, T. II, p. 151), ainsi nommée « parce qu’elle pince et presse le corps de la dent qu’on veut ôter » (T. II, p. 142), espèce de davier particulière. Il en existe de différentes formes selon le type de dents à extraire. Puis, le levier, ou élévatoire dont il ne se sert que très rarement, à la différence d’Hémard et des autres praticiens, cet instrument selon lui « étant plus propre à casser une dent, qu’à l’ôter » (T. II, p. 148). Enfin le pélican, auquel il consacre un chapitre complet, car il a mis au point un pélican amélioré (voir le chapitre sur les instruments) (Fig. 8, 9). Concluons ce chapitre sur les propos de Fauchard qui lui rendent honneur encore aujourd’hui : « Ce n’est qu’avec regret que je me détermine à ôter les dents à cause de l’importance de leur usage ». Si chacun avait les mêmes égards, on conserverait autant de dents que l’on en détruit mal à propos, et on n’aurait pas autant de mépris pour ceux que l’on appelle « arracheurs de dents » (T. II, p. 130) [19].

Réimplantation et transplantation

Stomatologie

La chirurgie de Fauchard ne se limite cependant pas aux simples extractions. Fauchard relate ainsi dans le chapitre 30 du tome I cinq cas de transplantation et de réimplantation dentaires. Il est en accord avec Dupont, qui, en 1647, est catégorique : « Les dents qui vont de travers (...) je les relève et les replante au niveau et à l’égal des autres. » Nous avons enregistré tout au long de l’activité de Fauchard des raisons variées qui l’ont amené à retirer et à réimplanter, certaines pour calmer la douleur par rupture du paquet vasculonerveux, d’autres dans le but de restaurer l’esthétique et la fonction. Cependant, il s’agit toujours de dents monoradiculées. Notons que Fauchard n’a pas inventé la méthode de réimplantation car, avant lui, beaucoup d’autres dentistes ont réussi à affermir les dents naturelles, et à les remplacer par d’autres implantées dans les alvéoles, et dit-il « des dents transplantées (...) se sont conservées plusieurs années fermes et solides » (T. II, p. 183). Il établit une liste de recommandations à respecter impérativement. Ainsi, selon lui, cela peut se faire aisément « Pourvu néanmoins que cette dent pût être ôtée sans se casser, sans faire éclater quelques portions de l’alvéole, et sans faire quelque déchirement considérable à la gencive » (T. I, p. c377). Par ailleurs, « quand par quelque accident on ôte une dent saine, il faut toujours la remettre le plus promptement possible dans son même alvéole, et le plus souvent, elle s’y raffermit » (T. I, p.c382). Il pensait de plus à faire des contentions par ligature de la dent réimplantée pendant quelques jours, jusqu’à la disparition de la mobilité. Certains dentistes ont néanmoins émis des réserves à l’encontre de ces techniques. Ainsi Jean Riolan, célèbre anatomiste du XIIe siècle, qui se demande « si lorsque l’on a arraché une dent, on peut en mettre une autre à mesme temps en sa place, qui estant bien agencée dans la coche, se reprenne avec la gencive, et s’y attachant fortement, ne soit en rien dissemblable des autres, tant pour bien mascher, que pour les autres choses (...) Je veux croire, que ceux qui considèrent que les dents ont une vie (...) n’auront jamais la pensée qu’une dent étrangère est mise à la place d’une arrachée, y puisse faire aussi bien sa fonction que les autres, y estre aussi bien placée et arrestée, bien que certains médecins le veuillent persuader au peuple (...) ». Fauchard, quand à lui, écrit « On avait cru, et plusieurs croient encore, qu’il n’est pas possible que les dents se réunissent et se raffermissent dans leurs alvéoles, lorsqu’elles en ont été entièrement séparées ; on avait encore plus de peine à concevoir, qu’une dent transplantée dans une bouche étrangère,

15

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

Figure 10. Planche 5 : trois instruments servant aux maladies des gencives. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 278.

pût se réunir et s’y raffermir. (...) Les heureux succès que nous en avons vus, nous en prouvent incontestablement la possibilité » (T. I, p. 388). Pour conclure, Fauchard reconnaît que ses opérations de réimplantation et de transplantation « ne réussissent pas toutes ; et il s’en trouve qui ne sont pas de longue durée, par le défaut d’une juste proportion entre la figure des racines de ces dents, et la capacité ou forme intérieure des alvéoles où l’on veut les placer » (T. I, p. 391) [12, 22]. Pathologie buccale Dans son chapitre VI (T. I, p. 99) « Causes générales des maladies essentielles, symptomatiques, accidentelles et relatives aux dents, aux alvéoles et aux gencives : le pronostic, diagnostic et dénombrement de ces maladies », Fauchard regroupe les maladies relatives à la cavité buccale en trois classes : les maladies dentaires provoquées par des causes externes pour la première, les maladies de la partie radiculaire des dents dans la deuxième, et, pour la troisième classe, les maladies accidentelles causées par les dents, totalisant ainsi 103 maladies (T. I, p. 106117). On peut donc constater ici que Fauchard, outre les maladies strictement dentaires, s’intéresse aux pathologies des tissus environnants de la dent, devenant ainsi en quelque sorte le premier dentiste complet, omnipraticien de l’histoire. Les maladies des éléments de soutien de la dent sont bien isolées par Fauchard. En ce qui concerne les lésions gingivales, Fauchard traite le gonflement des gencives par l’ablation du tartre, la scarification des gencives « Si les gencives sont gonflées (...) il faut, pour les dégorger, faire des scarifications multipliées et suffisantes, avec la lancette, ou le déchaussoir bien tranchant » (T. I, p. 268), voire l’extirpation des portions excédantes : « Lorsque les gencives sont tellement gonflées, excroissantes, qu’elles excèdent leur niveau naturel, on emporte le plus près que l’on peut, tout ce qui est détaché des dents (...) avec des ciseaux droits ou courbes bien tranchants » (T. I, p. 268), une préfiguration de la ginigivectomie (cf. planche 5, T. I, p. 278) (Fig. 10). Fauchard se montre également un grand précurseur quand il reconnaît les causes multifactorielles des maladies parodontales. Il envisage ainsi une étiologie locale : « La cause la plus ordinaire de cette maladie est le tartre qui s’accumule autour des dents » (T. I, p. 222), et une étiologie générale, qui tient compte du facteur constitutionnel, puisqu’il reconnaît que certaines maladies particulières peuvent induire une parodontopathie, comme par exemple le scorbut, qu’il a largement observé et traité pendant ses années de chirurgie navale, et auquel il

16

Figure 11. Planche 4 : représentations d’un épulis pétrifié. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 236.

consacre le chapitre 22 de son traité. Ainsi, Fauchard complète ses traitements locaux (qui consistent en l’application de remèdes, scarifications et/ou gingivectomies) par un traitement général prescrit par un médecin, dans le cas où la maladie parodontale serait la manifestation d’une maladie générale, et conseille une hygiène de vie compatible avec une bonne santé buccodentaire. Fauchard connaît en outre les « ulcères des gencives », les « gonflements », les « abcès » ou les « fistules » des gencives. En ce qui concerne les aphtes, ulcères et petits chancres, il propose de les soigner « en les touchant légèrement avec l’esprit d’alun, ou avec de l’esprit de vitriol, ou celui de sel, ou celui de soufre, ou avec le vitriol de Chypre, ou l’alun ». Il conseille encore l’eau spiritueuse, dessicative, balsamique et antiscorbutique dont il a composé la recette (T. I, p. 53). Mis en présence d’un épulis, « excroissance charnue excédant le niveau de la surface des gencives » (T. I, p. 227), il en apprécie tout d’abord le volume et la situation, puis procède à son ablation en trois temps : incision gingivale, trépanation osseuse, résection de la tumeur, dont il laisse par ailleurs des descriptions remarquables (cf. planche 4, T. I, p. 236) (Fig. 11). Concernant les parulies, « abcès qui se forment aux gencives par fluxion et inflammation, quelquefois par congestion, épanchement et infiltration » (T. I, p. 238), il propose l’avulsion des dents cariées en rapport avec l’abcès. Cependant, si la « douleur et la tension s’y opposent, et qu’il faille différer de les ôter, on a recours en attendant à la saignée (...), aux lavements (...) » (T. I, p. 241). Le trismus fait également l’objet de ses études. Il en découvre certaines causes, et emploie l’ouverture forcée, mais progressive avec un élévateur, ou un spéculum, s’il estime urgent de le lever (cf. infra, planche 3, T. I, p. 215). Par ailleurs, il pressent le pouvoir générateur de l’os. Il pratique en effet régulièrement des résections osseuses, et a connaissance de l’ostéite, qu’il nomme « carie de l’os » (T. I, p. 266). Mais c’est grâce à son admirable connaissance de l’anatomie, des pertes tissulaires telles les fentes palatines, communications buccosinusiennes, qu’il établit les bases de la prothèse maxillofaciale. Il met ainsi au point des obturateurs palatins remarquables pour leur simplicité, leur ingéniosité, et leur usage pratique. Certes, ils n’avaient encore rien à voir avec les obturateurs modernes, mais la construction adroite de ces « machines », Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

Figure 12. Planche 39 : exemple d’obturateur. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 320.

fondées sur des principes de mécanique, marquait réellement un net progrès sur tous les précédents (cf. planche 39, T. II, p. 320) (Fig. 12). Comment clore ce chapitre sans parler de la « maladie de Fauchard » ? Si l’affection a certainement existé dans un lointain passé (puisqu’on trouve des lésions indiscutables sur les maxillaires néolithiques), c’est Fauchard, en 1746, qui en a donné la première description complète sous le nom de scorbut des gencives. Il décrit ainsi précisément la pyorrhée alvéolodentaire, page 275 du tome I : « Il est encore une espèce de scorbut, de laquelle je pense qu’aucun auteur n’a point encore pris le soin de parler, et qui sans intéresser les autres parties du corps, attaque les gencives, les alvéoles et les dents ». Magitot, qui confirme par cette référence précise la priorité de Fauchard, appelle cette maladie ostéopériostite alvéolodentaire, en rappelant différentes appellations antérieures données par Jourdain (suppuration conjointe des alvéoles et des gencives, 1778), par Toirac (pyorrhée interalvéolodentaire, 1823), par Oudet (même appellation, 1835), et par Marchal de Calvi (gingivite expulsaire, 1861). T. David (1861-1892), futur auteur d’une bibliographie de l’art dentaire, adopte la dénomination de Magitot et l’appelle maladie de Fauchard (1885), dénomination qui sera désormais adoptée universellement, malgré la redescription de la pyorrhée, en 1840, J.M. Riggs (1810-1885) [13]. Problème de l’anesthésie Le problème de la douleur provoquée par les opérations de chirurgie dentaire se pose et en ce sens celui de l’anesthésie. Celle-ci est totalement ignorée par les praticiens de l’époque, Fauchard y compris, car elle a été attribuée à la charlatanerie. En effet, certains empiriques ou arracheurs de dents usaient de soporifiques ou d’eau-de-vie pour enivrer leurs patients. Le corps chirurgical, refusant sans discernement toute pratique susceptible de l’assimiler à ces saltimbanques, préfère négliger complètement cette question. Il y eut pourtant des travaux scientifiques dans ce domaine avant le XVIIe siècle, comme Paracelse qui connaissait « l’eau blanche », plus connue sous le nom d’éther, ainsi que la teinture d’opium, ou Della Porta qui, dès le XVIe siècle recommandait les vapeurs de pavot et de solanacée. De même, Fleurimont, dans un ouvrage intitulé « Fleur des remèdes contre le mal aux dents », affirmait que le stafisagria broyé dans un linge et mâché provoquait le sommeil en une demi-heure. Il semble que ces travaux n’aient pas eu d’écho auprès des praticiens du XVIII e siècle puisque c’est seulement en 1844 que la première anesthésie sera réalisée, par Horace Wells [6]. Stomatologie

Figure 13. Planche 9 : instruments servant à nettoyer les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 15.

Par conséquent, les opérations restent extrêmement douloureuses au XVIIIe siècle, provoquant des chocs parfois graves, allant jusqu’à la syncope, d’autant plus que des pratiques affaiblissantes (comme la saignée) sont toujours très populaires. Tout cela concourt à renforcer la crainte du dentiste, aboutissant à des absurdités : le préjugé populaire défend par exemple de toucher à la bouche des enfants, des femmes enceintes et des nourrices. Gerauldy lui-même déconseille de soigner les dents d’une femme enceinte, tout en reconnaissant la nature purement psychologique du danger. Il faudra que Bunon et Fauchard mettent tout le poids de leur autorité pour démentir de tels préjugés [19, 22].

Instruments Dans son œuvre, Fauchard donne un grand nombre d’informations sur les instruments qu’il utilise : ainsi, sur les 42 planches que contient son ouvrage, 23 concernent le matériel qu’il utilise : • instruments pour nettoyer des dents (bec-d’âne, bec-deperroquet, burin, canif et crochet, cf. planche 9, T. II, p. 15) (Fig. 13) ; • instruments pour ôter les dents (déchaussoir, poussoir, crochet, davier : pour les planches voir supra). Au sujet du pélican, il distingue le pélican de type « tiretoire », ou « levier », destiné à l’extraction des dents antérieures, du pélican classique pour l’extraction des dents postérieures (cf. planche 21, T. II, p. 202) (Fig. 14) ; • instruments pour soigner les dents (ruginer, plomber, cautériser), les limer ou les affermir (pour les planches, se référer aux chapitres correspondants) ; • instruments pour ouvrir la bouche, notamment en cas de trismus (cf. planche 3, T. I, p. 215) (Fig. 15) ; En outre, la taille d’une cavité dans la dent étant chose très difficile avec les instruments anciens, Fauchard met au point une machine à manivelle, mais il se servait surtout d’un archet de bijoutier pour actionner un foret (cf. planche 30, T. II, p. 241) [11, 13] (Fig. 16).

Prothèse Si Fauchard n’a pas inventé la prothèse, on peut en revanche lui attribuer le fait de lui avoir apporté ses premières bases scientifiques. D’une part, il décrit, encore une fois avec une

17

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

Figure 14. Planche 21 : levier et pélican. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 202.

Figure 15. Planche 3 : trois instruments servant à ouvrir la bouche. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome I, p. 215.

Figure 16. Planche 30 : chevalet monté avec son foret. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 241.

Figure 17. Planche 29 : quatre instruments servant à fabriquer les pièces ou dents artificielles (lime, tournevis, compas et lime à trois quarts). Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome I, p. 241.

Prothèse amovible totale et partielle grande minutie, tout ce qui a été fait avant lui et, d’autre part, il propose de le perfectionner, adoptant une démarche pédagogique indiscutable. Fauchard est le premier à réserver la place qu’elle mérite à la prothèse et à en énoncer clairement les principes. Il passe tout d’abord en revue les différents matériaux utilisés à son époque, dents d’homme, os d’hippopotame, de bœuf ou de cheval. Il décrit également les instruments servant à réaliser les prothèses (cf. infra, planche 29, T. I, p. 241), ainsi que quelques procédés de laboratoire (Fig. 17). En excellent clinicien qu’il est, Fauchard s’appuie sur ce qui a été fait par le passé pour mettre au point de nouvelles prothèses. S’il est un des premiers dentistes à avoir fait à la prothèse la place qui lui revient, cette dernière demeure, malgré tout, plus esthétique que fonctionnelle.

18

Concernant la prothèse mobile partielle ou totale, rappelons que Fauchard ne connaît pas la prise d’empreinte, pourtant mise au point avec de la cire en 1700 par Purmann. Il parvient néanmoins à appareiller des édentés totaux en prenant des mesures au compas, en utilisant des patrons de papier et en faisant des essayages fréquents. Il est toutefois confronté au problème de la stabilité du dentier inférieur et de l’accrochage du dentier du haut que ses contemporains accrochent aux gencives ou au maxillaire supérieur au moyen de fils fixés par perforation. Il s’insurge contre cet artifice : « J’espère (...) qu’on se corrigera de plusieurs abus qui consistent à percer la gencive de part en part pour y suspendre avec des fils métalliques des pièces osseuses simulant des dents » (T. II, p. 245), et propose à la place de soutenir la prothèse supérieure par une attelle métallique, maintenue par des ligatures ou par un ressort Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

Figure 18. Planche 37 : représentation d’un double dentier monté par deux ressorts. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 291.

introduit dans une fente et engagée dans une fente correspondante de l’appareil du bas. Dans ce dernier cas, des ressorts (reliant les arcades dentaires) et une adhérence (résultant d’une adaptation très soignée) donnent une stabilité et un confort jusque-là inconnus (cf. planche 37, T. II, p. 291). Mais Fauchard, en plus d’être un artisan habile, est également un homme de science. Ainsi, il est le premier à avoir l’idée de stabiliser la prothèse maxillaire totale à l’aide d’une cavité de vide. Ces prothèses pouvaient selon lui tenir grâce à leur ajustement parfait sur les gencives et à la pression exercée par les joues. Fauchard, sans doute en raison de moyens insuffisants, n’a jamais réussi à stabiliser ses prothèses avec ce principe, cependant, il a le mérite d’avoir ouvert la voie à beaucoup d’autres travaux qui se révèleront fondamentaux, citons notamment Gardett en 1800, Rogers et Gilbert en 1842 et Fattet en 1847 (Fig. 18) [13]. De plus, les nombreux inconvénients des prothèses amovibles en os d’animaux ont poussé Fauchard à tenter de les améliorer. Il essaie ainsi de remplacer les matériaux d’origine animale, inesthétiques, sales et nauséabonds par des matériaux artificiels, incorruptibles et plus esthétiques. Notons que Guillemeau avait déjà essayé de résoudre ce problème en employant de la cire blanche fondue dans un peu de gomme élénic, de la poudre de mastic blanc, de corail et de perles. Fauchard, quant à lui, s’inspire des yeux émaillés de la prothèse oculaire, et applique une lame d’or ou d’argent sur la face externe de la prothèse en hippopotame. À l’aide d’une lime, il préfigure la forme des dents sur cette lame. La partie dentaire est ensuite émaillée avec des teintes claires, imitant les dents, et la partie gingivale avec un rouge qui simule la gencive. La lame est enfin vissée sur la base d’os d’hippopotame. Fauchard connaît les techniques d’émaillage, mais ignore que la porcelaine peut être appliquée à l’art dentaire. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que Dubois de Chemant en fera la découverte [13]. Bourdet, en 1757, remplace les simples plaques de Fauchard par des cuvettes retenant mieux l’émail rouge. Il sait stabiliser les prothèses totales du bas, en utilisant leur propre poids. Les dents sont ajustées au fond des alvéoles à l’aide de fines épingles. Il se sert aussi de plaques d’ivoire d’hippopotame dans lesquelles sont fixées des dents humaines encadrées de fausses dents taillées dans le bloc. Par ailleurs, Fauchard traite également les pertes de substance palatine par des obturateurs dont il améliore la fixation (cf. supra) [3, 6, 13, 19, 20, 22]. Stomatologie

Figure 19. Planche 34 : représentation de dentiers artificiels, notamment la dent à tenon. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 255.

Prothèse fixée C’est cependant dans le domaine de la prothèse fixée que Fauchard se montre un véritable précurseur, notamment en décrivant pour la première fois la dent à tenon, ainsi que l’ancêtre du bridge. Ainsi, lorsque les racines sont bonnes, Fauchard fixe sur elles des couronnes artificielles à l’aide d’un pivot noyé dans un ciment spécial à base de gomme-laque, de térébenthine de Venise et de poudre de corail blanc. À nouveau, il décrit avec une grande minutie les étapes de préparation : débarrasser la racine des tissus cariés et nécrosés, évider le canal avec un équarrissoir monté sur un manche, percer la dent prothétique avec un foret à archet, puis la limer pour obtenir un bon ajustage de la racine. Le tout étant réuni par un tenon qui « doit être bien ajusté, et peu dentelé autour afin qu’il s’en trouve plus affermi » (cf. planche 34, T. II, p. 255). Notons que Mouton est en progrès sur Fauchard avec ses « calottes d’or » émaillées pour leur donner l’apparence de dents naturelles. En outre, Bourdet, en 1757, perfectionne l’œuvre de Fauchard en se servant d’une vis comme moyen de fixation. Et pour éviter la fluxion très souvent consécutive à la mise en place du tenon, il introduit préalablement dans le canal une aiguille rougie au feu (Fig. 19) [13]. Dans le cas où la prothèse ne peut être fixée sur des dents entières et où il n’existe plus que des racines inutilisables, Fauchard conçoit des montages qui appartiennent à la préhistoire du bridge (devenu courant vers 1840) : des couronnes d’or placées sur des dents saines peuvent servir d’appui à un pont soutenant une ou plusieurs dents artificielles. Il décrit en outre un appareil fait de deux dents à tenon, deux incisives latérales, solidarisées avec les deux centrales manquantes (cf. planche 35, T. II, p. 257). C’est la première description d’un bridge moderne, rudimentaire peut-être, dont Fauchard est sans aucun doute l’inventeur. Il faudra néanmoins attendre 1810 pour que la notion de « pont » ou bridge, soit clairement définie et décrite par Gardette et Lafargue (Fig. 20) [20, 31].

Orthodontie Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les opérations d’arrangement des dents n’existent quasiment pas : l’orthodontie est pratiquement inconnue. La seule méthode parfois suggérée pour redresser les dents consiste à les enlever pour les replanter droit immédiatement après, mais cette opération, lorsque les dentistes n’en nient pas totalement la possibilité, réussit rarement. Fauchard, le premier, parle avec quelques détails des déviations

19

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

Figure 20. Planche 35 : représentation de dentiers artificiels, notamment du dentier à tenons. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 257.

et des erreurs de position des dents. Il ne définit pas à proprement parler l’orthodontie, la terminologie lui faisant défaut, mais y consacre un chapitre complet dans son tome II « Des dents tordues, mal arrangées et luxées, des instruments et des remèdes qui servent à opérer quand on redresse et qu’on affermit les dents ». Son souci est de porter remède aux alignements défectueux des dents pour améliorer leurs qualités masticatoires, rétablir l’esthétique et les désordres fonctionnels liés à ces malpositions. Il est en effet le premier à mettre en évidence le rôle de la denture dans les grandes fonctions de l’organisme : • la digestion : selon lui, un bon articulé rendra les dents plus « propres à briser et à mordre parfaitement les aliments les plus durs » (T. I, p. 61) ; • la phonation : « l’arrangement et la figure des dents forment dans la bouche deux espèces d’enceintes capables de réunir et de modifier les sons de la voix d’une manière harmonieuse qui charmera l’oreille » (T. I, p. 61) ; • la respiration : « les dents bien conservées empêchent l’air de rentrer et de sortir trop rapidement par la bouche (...) » (T. I, p. 62). Les objectifs fonctionnels, exception faite de la déglutition, sont exposés avec bon sens. Toutefois, si, pour Fauchard, le but de l’orthodontie n’est pas uniquement esthétique, comme beaucoup de praticiens le pensent à l’époque, et qu’elle peut rétablir la fonction, la fonction ne peut, elle, être responsable de malpositions dentaires, pas plus qu’elle n’est capable de rétablir un alignement dentaire. Pour arriver à ses fins, Fauchard emploie le limage, les traitements mécaniques (liens avec des fils cirés, ou en or ou en argent, des lamelles et des coins), le redressement brusqué, ou l’extraction si nécessaire. La lime était un outil très utilisé par les dentistes qui permettait une action d’usure ou de fractionnement de l’émail si résistant à entamer. Le limage était une opération longue et pénible pour le malade dont il fallait maintenir la tête « le sujet sera assis sur un siège stable, la tête appuyée sur le dossier de siège (...) tenue par un serviteur que l’on place pour cet effet derrière le fauteuil » (T. II, p. 42), mais aussi pour le praticien afin d’éviter les dérapages, l’obligeant à prendre des positions fatigantes (jusqu’à l’apparition des appareils rotatifs). Fauchard utilise huit espèces de limes (cf. planches 10 et 11 T. II, p. 50-51) : « hachée au couteau en tous sens, mince et plate

20

Figure 21. Planche 11 : instruments servant à limer les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 50.

Figure 22. Planche 10 : instruments servant à limer les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 51.

(...) soit taillée au ciseau, plate. Les autres un peu complémentaires sont pointues, ou recourbées, demi-rondes, enfin rondes et pointues : la queue de rat. La lime doit être d’un bon acier, pas trop douce, pas trop rude ». Il recommande de les passer « de dehors en dedans, et de dedans en dehors », et de « mettre sur la commissure des lèvres le linge fin » afin de ne pas les abîmer avec les limes (T. II, p. 39-41) (Fig. 21, 22). La dent peut être limée dans le sens mésiodistal, dans le cas où l’espace restant ne suffirait pas pour remettre la dent dans le rang, mais aussi en hauteur, pour rechercher une occlusion équilibrée. À ce propos, Fauchard fait « remarquer que la plupart de ceux qui liment les dents pour les rendre égales en longueur (...) les rendent droites et quarées par le bout (...). Il faut être de mauvais goût pour les limer ainsi (...), c’est pourquoi (...), on doit limer les angles de leurs extrémités et les arrondir un peu (...) » (T. II, p. 37). Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

Figure 23. Planche 17 : instruments servant à affermir les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 128.

Notons que Martin n’est pas partisan du limage : « Il est désavantageux de se faire limer les dents pour de légères considérations, parce que cette opération les ébranle » (T. II, p.31). Fauchard, s’il reste adepte de cette technique, n’en recommande pas moins de considérer l’épaisseur de l’émail et de limer avec circonspection. Dans son chapitre XXVII, Fauchard présente « douze observations sur les dents difformes et mal arrangées », qui concernent des enfants de 9 à 14 ans. Ses opérations consistent en des limages et des rectifications d’emplacement à l’aide du pélican, sans prévoir ni attendre les expansions des maxillaires. Les dents limées sur leurs faces latérales restaient donc mutilées. Chez les sujets jeunes, Fauchard reprend les idées de Celse et pense qu’on parvient parfois à redresser les dents par pression digitale : « Il faut tenter d’abord de les redresser avec les doigts, ce qui se fait à plusieurs reprises dans le cours de la journée » (T. II, p. 95). Si cette opération ne suffit pas, Fauchard utilise des fils d’or ou d’argent (cf. planche 17, T. II, p. 128), de la soie cirée ou, si la malposition est plus importante, des lames d’or ou d’argent « dont la longueur ne doit pas excéder les deux dents droites entre lesquelles sont celles qui sont penchées » (T. II, p. 96). La lame doit être « moindre que la hauteur des dents », et appliquée du côté de la dent penchée. Fauchard connaît les notions de force motrice et de bras de levier, même s’il n’emploie pas ces mots : « Si une dent n’est pas suffisante pour contrebalancer l’effort que les fils ou la lame sont obligés de faire, il faut se servir de plusieurs dents droites, parce que deux dents affermies ont plus de force qu’une seule » (T. II, p. 100) (Fig. 23). En 1757, Bourdet reprend la méthode de Fauchard, en augmentant la longueur de la lame métallique et en la perforant de trous pour le passage des fils, rappelant nos arcs de redressement actuels. Pour les cas les plus importants, ou, chez les adultes, pour accélérer le traitement, Fauchard utilise son pélican et ses pincettes pour réaliser une luxation extemporanée de la dent déviée : « Après que j’eus ôté ces trois canines, j’ébranlai avec le pélican les incisives dérangées pour les ramener (...) dans le même ordre qu’elles doivent être naturellement. Après quoi je me servis de leurs voisines pour assujettir les dents que j’avais redressées, par le moyen de fils cirés, que je laissai environ quinze jours » (T. I, p. 363). Il reste toutefois prudent quant à cette technique : « on doit bien prendre garde dans toutes ces opérations à ne pas trop détacher les dents de leurs alvéoles, Stomatologie

parce qu’elles seraient en danger de ne pas se raffermir aisément » (T. II, p. 172). C’est ce qu’il appelle le « redressement brusqué ». Minutieusement, Fauchard donne les indications des extractions à visée orthodontique : « Lorsqu’une dent mal située nuit à l’arrangement des autres dents, (...) qu’elle blesse la langue ou les joues, qu’elle choque la vue par difformité, et qu’elle ne peut être logée dans le rang des autres dents, il faut nécessairement l’ôter » (T. II, p. 92). Il repousse les extractions prématurées comme traitement des anomalies. Par ailleurs, dans l’atrésie maxillaire, il propose l’extraction symétrique des prémolaires. Enfin, rappelons qu’à cette époque, les accidents les plus divers atteignent les gens dans leur intégrité physique, d’où l’intérêt porté par les praticiens aux plaies de la bouche, de la tête et de la face. Ainsi, en 1679, Martin résume les thérapeutiques à propos des accidents « qui viennent par des chutes et par des coups ». Il pense qu’« il ne faut pas négliger de voir un habile chirurgien qui, par son adresse puisse remettre toutes ces choses dans leur ordre naturel », mais tous ne connaissant pas les thérapeutiques, il propose de les résumer. Il est indéniable que Fauchard s’est inspiré des conseils de Martin. Pour clore ce chapitre, citons cette phrase, très à propos, de Besombes : « Si l’orthodontie de Fauchard nous semble bien l’orthodontie de “grand-père”, elle était pour l’époque pleine d’innovations et de trouvailles » [16, 29, 32].

Pédodontie Fauchard connaît les liens étroits unissant l’orthodontie à la pédodontie. Il se soucie en effet de la conservation de l’intégrité morphologique de la dent lactéale jusqu’à l’époque normale de sa chute, « mais pas au-delà », idée encore bien actuelle aujourd’hui. Il égratigne au passage Bunon, « l’auteur du petit livre », comme il l’appelle, partisan de l’extraction systématique des deuxièmes molaires de lait en cas de manque de place. Cette généralisation lui paraît abusive, puisque, selon lui : « Je ne vois pas que cette opération puisse produire un bon effet ; parce que ces dernières molaires de lait étant ôtées, les dents voisines trouvent à la vérité des places vides pour s’étendre et occupent totalement, ou en partie, leur place » (T. I, p. 90). De la même manière, contrairement à Bunon qui pense que dès que la dent lactéale est ôtée, la définitive fait éruption, Fauchard certifie que si une dent temporaire est enlevée trop tôt, sa remplaçante poussera avec retard, voire pas du tout. C’est pourquoi, il déclare : « Il faut (...) différer le plus qu’il est possible de tirer les dents des enfants, lorsqu’elles ne sont point chancelantes » (T. II, p. 195). Par ailleurs, si Fauchard observe une relation entre les maladies de l’enfance et les anomalies de structures dentaires, c’est Bunon le premier qui recherche les causes de ce qu’il nomme « érosion » : « C’est avant la sortie des dents et dans le temps que la couronne est encore sous la gencive et dans l’alvéole que se forme l’érosion (...) » souligne-t-il, après avoir observé à la Salpêtrière de nombreux cas d’érosion. Les conceptions étiopathogéniques de Fauchard sont encore très liées aux auteurs antiques, et notamment à Hippocrate (Livre de la sortie des dents, Aphorismes), Galien, et Celse, mais, en bon clinicien qu’il est, il laisse dans son ouvrage des tableaux cliniques précis, décrits avec exactitude. Ils révèlent d’ailleurs des complications dramatiques que nous ne rencontrons plus guère maintenant. Il ne peut s’empêcher d’« enseigner des remèdes » au grand public. Reflets d’une époque révolue, ces remèdes peuvent parfois prêter à sourire, comme les frictions gingivales qu’il recommande, à l’aide de cervelle de lièvre, ou de sang de la crête-de-coq fraîchement coupée. Par ailleurs, pour faciliter l’éruption des dents de lait et diminuer les douleurs, Fauchard conseille des mélanges de mauve et d’eau de guimauve, des décoctions d’orge mondé, racines de guimauve, de tremper un linge fin dans ces préparations et d’en humecter souvent la gencive (8, p. 52-53). Si l’enfant présente fièvre et convulsions, il préconise la saignée et les lavements. Il préconise également l’incision gingivale « si tous ces remèdes ne soulagent pas l’enfant, si la gencive est rouge, gonflée et tendue, si l’on voit ou l’on sent au travers de la gencive, le corps de la dent (...). Il

21

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

faut faire cette opération promptement avec l’extrémité d’un déchaussoir bien tranchant (...) » (T. I, p. 54). En plus de ces traitements locaux, il conseille également, et assez prudemment d’ailleurs, « les remèdes généraux ordonnés par un médecin » (T. I, p. 54) [16, 22, 29, 32, 33].

Intérêt scientifique de l’œuvre de Fauchard Fauchard n’a certes pas tout inventé. Il n’était peut-être même pas le praticien le plus doué de son temps. Le miracle Fauchard existe cependant quand on songe à la pauvreté de la littérature odontologique avant lui (cf. supra). Non seulement le « Chirurgien-Dentiste », quant à son contenu et sa valeur scientifique, dépasse tous les ouvrages précédents, mais en plus, c’est le premier ouvrage didactique aussi bien à l’intention des particuliers qu’aux praticiens. Examinons à présent les différents apports de cette œuvre à l’art dentaire [6].

Revalorisation de la profession Pierre Fauchard déplore les faiblesses de sa profession, et constate que : « les plus célèbres chirurgiens ayant abandonné cette partie de l’art, ou du moins l’ayant peu cultivée, leur négligence a été cause que des gens sans théorie et sans expérience s’en sont emparés et la pratiquent au hasard, n’ayant ni principe, ni méthode ! Ce n’est que depuis environ 1700 que dans la ville de Paris on a ouvert les yeux sur cet abus » (préface du Traité des dents). Dans la préface de son traité, il analyse les causes de ces insuffisances, et fait état de ses opinions sur le retard des connaissances et l’inexistence de l’enseignement. Il pose pour la première fois les conditions indispensables à l’essor de l’art dentaire [22]. Tout d’abord, Fauchard regrette le retard des connaissances dans son domaine : « il faut convenir que cette partie de la chirurgie, qui regarde les maladies de la bouche, a été jusqu’à présent la plus négligée (...). Quoique la chirurgie en général se soit beaucoup perfectionnée dans ces derniers temps, qu’on ait fait d’importantes découvertes dans l’anatomie et dans la manière d’opérer, les dentistes n’y trouvent pas encore, à beaucoup près, des secours suffisants pour les guider dans toutes leurs opérations » (préface du Traité des dents). Le praticien constate avec désolation que le perfectionnement de la chirurgie générale n’a pas influencé l’art dentaire. Fauchard dénonce surtout l’insuffisance des connaissances des spécialistes euxmêmes : beaucoup obtiennent des brevets d’experts pour les dents « quoique plusieurs d’entre eux ne soient munis que d’un savoir au-dessous du médiocre ». Constat d’autant plus désolant que, pour Fauchard, l’art dentaire est très délicat, et requiert « une main légère, sûre, adroite, et une parfaite théorie » (préface du Traité des dents). Fauchard est le premier « chirurgien-dentiste » (le titre est nouveau) à écrire un livre sur une activité à laquelle il s’est consacré et qu’il a longtemps pratiquée, il est ainsi le premier à réunir la théorie et la pratique, et il insiste sur l’importance de cette réunion : « Les opérations que la chirurgie met en usage pour les guérir demandent aussi différentes connaissances et la pratique seule ne suffit pas pour porter ces opérations à leur perfection, à moins qu’elle ne soit dirigée par une étude exacte de l’anatomie de la bouche ». Ainsi, tout en soulignant l’importance de l’expérience de la pratique, Fauchard pense que la chirurgie dentaire « demande une connaissance aussi parfaite qu’elle est rare », et « il faut conclure que la science requise pour être un parfait dentiste n’est pas si bornée que plusieurs se l’imaginent » (préface du Traité des dents). De plus, le retard des connaissances remarqué par Fauchard est de plus en plus irrémédiable en raison de l’inexistence de l’enseignement. Fauchard le déplore comme une des causes essentielles de la stagnation de la science : « On ne connaît au reste ni cours public, ni cours particulier de chirurgie, où la théorie des maladies des dents soit amplement enseignée, et où l’on puisse s’instruire à fond de la pratique de cet art » (préface du Traité des dents). Enfin, Fauchard déplore la trop grande sujétion de l’art dentaire à l’égard de la chirurgie générale. Pour lui, c’est au chirurgien-dentiste qu’incombe la tâche de juger ses futurs

22

confrères et, par conséquent, de les former. Il réclame ainsi à plusieurs reprises la présence d’un dentiste, praticien réputé, dans les jurys d’examen, mais en vain [1]. Si l’art dentaire existait avant Fauchard, il se transmettait alors de père en fils ou de maître à élève comme un secret jalousement gardé, ensemble de « recettes » qui faisait la gloire d’un particulier. Fauchard, au contraire, donne l’exemple, et souligne la nécessité de publier des traités complets, exhaustifs sur la question afin de pallier les faiblesses de sa profession. Ainsi, il n’hésite pas à tout révéler de son art : « Pour suppléer à ce défaut d’instruction (...) je donnerai l’exemple (...). J’offre au public le fruit de mes soins et de mes veilles, espérant qu’il pourra être de quelque utilité à ceux qui veulent exercer la profession de chirurgien dentiste », « j’en donne au préjudice de mon propre intérêt la description la plus exacte qu’il m’a été possible » (préface du Traité des dents). C’est en quelque sorte une démarche pédagogique : il s’agit de former de bons dentistes, des praticiens qui seraient aussi hommes de science [1, 22]. Pour conclure, Fauchard peut également être considéré comme un militant de la première heure pour l’indépendance de la profession, ainsi que sur la nécessaire compétence des praticiens pour en relever le prestige : « Si chacun ne se mêlait que d’une seule profession, et qu’il en fût bien instruit, on ne verrait pas si souvent arriver ces sortes d’accident ; mais tant de gens s’ingèrent de travailler aux dents, quoiqu’ils soient d’une autre profession, que je crois qu’il y aura bientôt plus de dentistes, que de personnes affligées de maux de dents » (T. II, p. 196).

Esprit nouveau Le « Traité des dents » est un véritable ouvrage encyclopédique montrant où est arrivé l’art dentaire au début du XVIIIe siècle. Fauchard le conçoit comme une œuvre en réaction contre les piètres conditions d’exercice d’alors, ainsi qu’il l’explique dans sa préface. Il met à la disposition de tous, et c’est là l’un de ses plus grands mérites, l’état de ses connaissances, conceptions étiologiques, et acquisitions thérapeutiques, le tout dans les moindres détails. L’ouvrage se situe pleinement dans ce courant intellectuel qui caractérise si bien le XVIIIe siècle, à savoir ce besoin de connaître et de comprendre, qui aboutira à l’élaboration de l’« Encyclopédie » dès 1751. En scientifique qu’il est, Fauchard est le premier à aborder l’art dentaire de manière observatrice et rationnelle, laissant dans son ouvrage d’incomparables tableaux cliniques sur les maladies dentaires et buccales, encore valables de nos jours pour la plupart. C’est également dans une démarche scientifique qu’il invite le lecteur à comprendre ses thérapeutiques, au fil de ses observations. C’est enfin lui qui définit, sans les nommer faute d’une terminologie adéquate, les différentes spécialités de l’art dentaire moderne (prothèse, parodontologie, hygiène, orthodontie, soins conservateurs, stomatologie). En publiant « Le Chirurgien-Dentiste », Fauchard relève la profession de l’état d’ignorance dans lequel elle se trouve. Son traité marque le début d’un véritable réveil scientifique, incitant de nombreux dentistes à poursuivre l’œuvre de pionnier de Fauchard. Ainsi grâce à Pierre Fauchard et à ses émules, c’est véritablement à la naissance d’une science à laquelle on assiste dans le deuxième quart du XVIIIe siècle. Fauchard marque un tournant dans l’histoire de l’art dentaire, non pas particulièrement par des découvertes importantes, mais bien plutôt par l’esprit nouveau qui l’animait : il a sagement employé son sens critique pour juger du niveau des connaissances de son temps. Il a donc introduit avant tout dans l’art dentaire un esprit nouveau : celui de la méthode, de l’exactitude scientifique, de l’expérimentation. À la lecture de son ouvrage, on est étonné par la précision des descriptions, par la finesse et la justesse des remarques, par le désir de prouver et non seulement de convaincre par la simple parole, par la volonté de clarifier, dans son propre intérêt, les résultats de son expérience. Ainsi, comme il l’écrit : « J’ai pris grand soin de n’avancer rien dans ce traité que ce que j’ai exactement vérifié par la pratique. Pour cette raison, je me suis abstenu d’expliquer un grand nombre de faits très curieux qui concernent les dents et leurs maladies parce que Stomatologie

Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10

cette discussion aurait pu m’engager à hasarder des conjectures vagues sur des choses qui ne sont pas encore suffisamment connues » (préface du Traité des dents). À maintes reprises, on remarque nettement l’intérêt que Fauchard porte aux sciences de son époque. Ainsi, il fait preuve d’un véritable esprit scientifique et n’hésite pas à s’appuyer sur les récentes découvertes de son temps. Traitant de l’anatomie dentaire par exemple, il fait référence à une observation sur l’émail faite au microscope par La Hire en 1699. De plus, il a eu lui-même l’occasion d’utiliser à plusieurs reprises ces microscopes : « Je me suis servi des excellents microscopes de M. de Manteville et j’ai fait avec ces microscopes un grand nombre d’expériences, tant sur la carie des dents nouvellement ôtées, que sur la matière tartareuse de différente consistance qui s’amasse autour d’elles (...) » (T. I, p. 152). En outre, on note l’intérêt qu’il porte aux travaux des chimistes de son époque lorsqu’il cite les récentes analyses chimiques relatives au sucre et à l’acide (T. I, p. 66) [1, 19].

Apports directs dans l’évolution des techniques L’art dentaire de Fauchard est très souvent novateur et original, empreint des grandes idées de son siècle. Fauchard possède sans nul doute une très grande maîtrise de son art, ainsi qu’une large ouverture d’esprit. Les apports directs de Fauchard sont de plusieurs ordres concernant les conditions d’exercice du praticien. Comme nous l’avons vu dans le chapitre consacré à l’ergonomie, Fauchard est un praticien soucieux du bien-être du patient : il améliore les conditions de soins, établit les données d’un fauteuil « intelligent », ancêtre du fauteuil moderne, et recommande même d’allonger les personnes en mauvais état de santé. Dans le même esprit, il déconseille d’asseoir à terre les patients à qui l’on extrait une dent (s’il donne une grande importance au confort du patient, rappelons toutefois que Fauchard n’envisage pas d’anesthésie). En outre, Fauchard est l’un des premiers à manifester de l’intérêt à la question de l’hygiène lors des soins. Ainsi, il recommande de bien nettoyer les instruments, de passer le métal à la flamme pour le désinfecter, d’user de linges bien propres et de s’essuyer régulièrement les doigts. De plus, il détruit le préjugé selon lequel le contact des instruments d’acier est préjudiciable aux dents, tout comme Bunon et Bourdet par la suite. Enfin, suite aux travaux de Fauchard, tous les dentistes s’acharnent à perfectionner les instruments qu’il préconise. À l’image du pélican modifié par Fauchard, chacun donne des schémas précis de tel ou tel instrument, soulignant l’avantage de telle transformation. On note de plus une nette tendance à la diversification des instruments de chirurgie (limes, rugines, déchaussoirs, leviers, poussoirs, daviers, pélicans, plomboirs...). Du temps de Fauchard, il y eut d’autres praticiens aussi doués que lui, mais qui ne firent rien pour faire progresser leur art. Les traitements conservateurs étaient jusque-là à peu près inexistants, et les extractions étaient de rigueur. Avec Fauchard apparaît le souci de soigner les dents cariées et surtout d’éviter l’extraction. Sa doctrine peut être résumée en deux principes qui vont diriger l’action des meilleurs praticiens de son temps : d’une part, « Il faut conserver autant que possible les dents que l’on peut guérir, sans les détruire », d’autre part, « Il faut imiter la nature autant qu’il est possible ». Les efforts de Fauchard se révélant fructueux dans plusieurs domaines, on observe nettement le progrès des techniques dans les premières décennies du siècle des Lumières. Concernant les soins de la carie, on enregistre de grands progrès. Les praticiens insistent sur la nécessité de sauver la dent autant que possible. Si la carie n’est pas douloureuse, ils conseillent d’utiliser la lime ou la rugine (bien que Fauchard souligne le risque qu’il y a de limer inconsidérément). Les techniques de plombage sont développées, ainsi, dès que la carie devient douloureuse, les praticiens procèdent à l’application du cautère actuel, mais surtout de plus en plus au plombage de la dent après nettoyage de la cavité carieuse. Progressivement, les praticiens délaissent le plomb et lui préfèrent l’or ou l’étain. Stomatologie

Lorsqu’il n’est pas possible de sauver la dent, les praticiens procèdent à son extraction. Cependant, tous insistent sur l’importance des précautions à prendre pour cet acte qui n’est pas anodin, malgré la réputation de facilité que cette intervention avait par le passé. L’œuvre de Fauchard marque la véritable naissance de l’orthodontie et, par la suite, durant tout le XVIIIe siècle, elle va faire des progrès spectaculaires. Ses successeurs immédiats n’apportent guère que de légères retouches à ses méthodes d’orthodontie. Il insiste sur l’importance de l’examen préalable des mâchoires, pour établir le diagnostic et déterminer le plan de traitement. Enfin, Fauchard ouvre la voie à d’importants progrès en matière de prothèse dentaire. En effet, c’est le premier à avoir l’idée du bridge, bien que celui-ci soit rudimentaire, ainsi que de la dent à pivot, première couronne de substitution valable. Concernant la prothèse amovible complète, il en rend l’utilisation plus facile en proposant une nouvelle méthode de fixation par un système de ressorts, et déconseille de percer les mâchoires pour maintenir les prothèses. Dès la seconde moitié du e XVIII siècle, l’idée d’utiliser des dents minérales (au lieu de dents humaines ou d’hippopotame) voit le jour.

■ Conclusion Il aura fallu attendre le XVIIIe siècle pour que l’exercice de l’art dentaire soit confié à de véritables professionnels, les experts pour les dents, qui appliquent systématiquement une approche rationnelle et scientifique. Cet exercice devient ainsi une activité spécifique nécessitant une parfaite théorie et pratique, s’affranchissant de la tutelle des médecins, chirurgiens, empiriques et charlatans. Le siècle des Lumières voit l’éveil de l’odontologie moderne tant dans les techniques scientifiques mises en œuvre que dans l’organisation de la profession. Durant de nombreux siècles, l’art dentaire fut dominé par l’improvisation, l’empirisme et le pragmatisme, confié à des artisans qui appliquaient aux dents une démarche aussi aléatoire qu’improbable. L’approche spécifique de l’univers dentaire commence avec l’édit de 1699 créant le titre d’expert pour les dents et se confirme avec les Lettres Patentes du Roi de 1768 réglementant la formation des experts. C’est dans ce contexte porteur que Pierre Fauchard, modèle de moralisme et d’idéalisme, marque définitivement par ses travaux la spécificité de la profession et lui donne une dimension à la fois technique, scientifique et déontologique. Le dentiste moderne est né, affranchi de toute tutelle, valorisé et respecté comme seul détenteur d’un savoir spécifique. Ainsi, Weinberger (chirurgiendentiste, membre de la Pierre Fauchard Academy), écrit-il en 1941 dans son ouvrage « Pierre Fauchard, surgeon-dentist », évoquant l’ouvrage du maître : « (...) Ce livre a fait de la dentisterie une profession ». L’évolution de l’odontologie s’est inscrite dans le vaste mouvement général de découvertes et de progrès du XVIIe siècle et surtout du grand siècle, le XVIII e siècle. « Le chirurgiendentiste ou traité des dents », par son esprit novateur et ses apports directs et concrets à l’évolution des techniques et de la pratique, a largement contribué à revaloriser l’art dentaire, le plaçant au niveau de la chirurgie, le faisant ainsi passer de son âge artisanal à son âge scientifique et médical. L’œuvre de Pierre Fauchard traite de manière quasi exhaustive de tous les aspects de notre dentisterie moderne : importance de l’hygiène dans la prévention, analyse anatomophysiologique de la dent et de son environnement buccal, thérapeutique et chirurgie spécifique, traitements prothétiques, orthodontie, pédodontie, approche ergonomique de l’intervention, etc. Indépendamment de son apport personnel, il a eu le mérite de créer le climat d’émulation nécessaire pour initier tout un courant de recherches et de progrès (travaux de Bunon, Bourdet, Mouton, Martin, Lécluse, Gerauldy) qui a potentialisé les résultats de ses propres travaux et contribué à donner à la profession de chirurgien-dentiste ses lettres de noblesse. Tous les dentistes qui lui furent contemporains ont unanimement reconnu son mérite. De même, les plus grands noms de la science de l’époque le recommandent ou

23

22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard

font appel à lui, comme le botaniste Jussieu ou le Collège royal de chirurgie. Si, à partir du milieu du XVIIIe siècle, l’art dentaire connaît un essor sans précédent grâce aux travaux de Fauchard et de ses émules, il ne progressera malheureusement que peu durant le e XIX siècle, cela en grande partie à cause de la Révolution française. De plus, le statut précaire des chirurgiens-dentistes ne résistera pas à la tourmente de 1789, permettant à quiconque le désirant de devenir dentiste, sans suivre aucune formation que ce soit. Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXe siècle que l’art dentaire, s’appuyant sur les bases du siècle précédent, notamment de Fauchard, entrera à nouveau dans une ère de progrès. Par la suite, la dentisterie ne cessera de progresser et d’évoluer. Aujourd’hui, l’art dentaire n’échappe pas au mouvement général de recherches scientifiques et techniques. Il continue d’évoluer et de s’enrichir de toutes les découvertes qui transforment progressivement et irrémédiablement l’exercice de la profession du dentiste. Notre exercice, aujourd’hui, doit beaucoup à Fauchard. Il a su convaincre de la spécificité de l’art dentaire et de la nécessité d’en faire une discipline à part, avec ses savoirs propres et ses pratiques singulières. Il a, incontestablement, donné l’impulsion déterminante dans l’évolution de l’art dentaire moderne. On peut dire qu’il a véritablement révolutionné la profession. C’est à ce titre que l’on peut très justement considérer Pierre Fauchard comme le père de la dentisterie moderne.

[10] Daigne V. Histoire de la carie dentaire dans les civilisations européennes et moyen-orientales des origines au XVIIe siècle. [thèse de chirurgie dentaire], Paris V, 2003. [11] Capelle AC. L’art dentaire aux XVIIe et XVIIIe siècles : essai d’iconographie. [thèse de chirurgie dentaire], Paris V, 1996. [12] Schalk C. Pierre Fauchard, père de la dentisterie au XVIIIe siècle. Quelques praticiens célèbres à son époque, en Europe, et en Amérique. [thèse de chirurgie dentaire], Nancy 1, 1993. [13] Dechaume M, Huard P. Histoire illustrée de l’art dentaire. Paris: Roger Dacosta; 1977 (620p). [14] Allemand P. La charlatanerie concernant l’art dentaire aux XVIIe et e XVIII siècles. [thèse de chirurgie dentaire], Paris V, 1981. [15] Cocher E. De dolore dentium-Celsius-Scribinius-Aurelianus, trois médecins dont les écrits éclairent d’un jour nouveau l’histoire de l’art dentaire. [thèse de chirurgie dentaire], Paris V, 1998. [16] Tronquez E. Pierre Fauchard : sa vie, son œuvre, sa contribution à l’odontologie moderne. [thèse de chirurgie dentaire], Lille, 2002. [17] Dachez R. Histoire de la médecine de l’Antiquité au XXe siècle. Paris: Tallandier; 2004. [18] Rossi P. Aux origines de la science moderne. Paris: Éditions du Seuil; 2004 (392p). [19] Pujol M. Contribution à l’histoire de l’art dentaire dans la première moitié du XVIIIe siècle. [thèse de chirurgie dentaire], Paris VII, 1983. [20] Rayssiguier D. Apports à l’histoire de l’art dentaire en France. [thèse de chirurgie dentaire], Clermont-Ferrand, 1997. [21] Gysel C. La carrière du dentiste Fauchard. Rev Belg Méd Dent 1978;4: 433-8. [22] Rouvier S. Histoire de l’art dentaire en France du XIVe au XVIIe siècles : croyances et pratiques populaires. [thèse de chirurgie dentaire], Reims, 2002. [23] Dagen G. Quelques élèves de Fauchard. Inf Dent 1953;26:708-11. [24] Feredj-Narboni I. Histoire de l’art dentaire de l’Antiquité à nos jours. [thèse de chirurgie dentaire], Paris VII, 1985. [25] Gabelle M. Le chirurgien dentiste français aux XVIIe et XVIIIe siècles. [thèse de chirurgie dentaire], Lille, 1987. [26] Fauchard P. Le chirurgien dentiste ou traité des dents. Vol I. Paris: Pierre Jean Mariette; 1728. [27] Boyer G. Comment se débarrasser du ver dans la dent. J Dent Que 2001;38(3):133. [28] Bogopolsky S. La brosse à dents ou l’histoire de la « mal aimée ». Paris: Édition CdP; 1995 (101p). [29] Angot J. Fauchard et son œuvre : étude analytique et critique. [thèse de chirurgie dentaire], Paris VII, 1985. [30] Chopier B. Les mythes de la dent en France : leurs conséquences dans la vie courante. [thèse de chirurgie dentaire], Nantes, 1986. [31] Cecconi JL. Le début de la prothèse fixée. Rev Fr Odontostomatol 1961; 7:204-7. [32] Besombes A. Pierre Fauchard orthodontiste. Rev Belg Méd Dent 1963; 5:109-21. [33] Besombes A. Pierre Fauchard pédontologue. Rev Fr Odontostomatol 1961;7:194-203.

.

■ Références [1]

Caron P, Granier D, Morgenstern H, Vidal F. De l’expert pour les dents au docteur en chirurgie dentaire. Histoire d’un diplôme, 1699-1892. Chir Dent Fr 1992;Vol 1, 2, 3. André-Bonnet JL. Histoire générale de la chirurgie dentaire. Lyon: Édition du Fleuve; 1955. André-Bonnet JL. Histoire générale de la chirurgie dentaire depuis les temps primitifs jusqu’à l’époque moderne et principalement en France. Paris: Édition Société des Auteurs modernes; 1910 (318p). Lorignel-Lavastine M. Histoire générale de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et de l’art vétérinaire. Paris: Albin Michel; 1936 (681p). Bauquis-Mouret F. Histoire et évolution de l’enseignement de l’art dentaire en France. [thèse de chirurgie dentaire], Strasbourg, 1986. Halioua B. Histoire de la médecine. Paris: Masson; 2001 (242p). Pecker A. La médecine à Paris du XIIIe au XXe siècles. Paris: Édition Hervas; 1984 (527p). Besombes A, Dagen G. Pierre Fauchard et ses contemporains. Paris: Société des publications médicales et dentaires; 1961. Cecconi JL. Notes et mémoires pour servir à l’histoire de l’art dentaire en France. Paris: Expansion Scientifique Française; 1961.

[2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]

F. Semur, Chirurgien-dentiste. Centre municipal de santé, M. Tenine, 94500 Champigny-sur-Marne, France. J.-B. Seigneuric, Spécialiste des Hôpitaux des Armées ([email protected]). Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, Hôpital d’instruction des Armées Begin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Semur F., Seigneuric J.-B. Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-000-A-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels

24

Iconographies supplémentaires

Vidéos / Animations

Documents légaux

Information au patient

Informations supplémentaires

Autoévaluations

Stomatologie

ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-001-A-10

22-001-A-10

Biologie du développement de la face et du cou. Acquisitions récentes d’embryologie génétique G Couly S Bennaceur

R é s u m é. – La création, par génie génétique, de souris mutantes, dans lesquelles un gène a été inactivé, par recombinaison homologue, a permis de faire de grands progrès dans la compréhension du développement craniofacial et cervical. Un certain nombre de gènes exprimés durant la gastrulation et la neurulation ont ainsi été identifiés, nombreux sont ceux qui le sont dans les structures dérivées de la crête neurale. Ces gènes sont en 1997 : Goosecoid, Hox, Dlx, Msx, Otx, Emx, Pax...

Introduction

© Elsevier, Paris

« Depuis les années 1970 avec l’avènement du génie génétique, l’unité du vivant a été portée à un point que personne n’aurait pu imaginer auparavant. Tous les êtres qui vivent sur cette terre, quel que soit leur milieu, leur taille, leur mode de vie, qu’il s’agisse de limace, de homard, de mouche, de girafe ou d’être humain, tous s’avèrent composés de molécules à peu près identiques et même de la levure à l’homme, persistent des groupes de molécules donc de gènes qui restent étroitement associés pour assurer des fonctions générales comme la division de la cellule ou la transmission de signaux de la membrane au noyau de la cellule. La biologie se trouve ainsi placée devant un redoutable paradoxe : des organismes présentant des formes très différentes sont construits à l’aide des mêmes batteries de gènes. La diversité des formes est due à de petits changements dans des systèmes de régulation qui gouvernent l’expression de ces gènes. La structure d’un animal adulte résulte du développement de l’embryon qui lui donne naissance. Qu’un gène soit exprimé un peu plus tôt ou un peu plus tard pendant ce développement, il fonctionne en plus grande importance dans des tissus un peu différents et le produit final, l’animal adulte, en sera profondément modifié. C’est ainsi que malgré leurs énormes différences, poissons et mammifères ont à peu près les mêmes gènes, de même que crocodiles et moineaux... Des variations considérables de formes animales peuvent être introduites à plusieurs niveaux, simplement en bricolant le réseau des nombreux gènes régulateurs qui déterminent le moment et le lieu où sont exprimés tel ou tel gène. C’est la similitude des gènes gouvernant le développement embryonnaire dans l’organisme très différent qui finalement rend possible l’évolution de forme complexe... » (Discours de réception du professeur François Jacob à l’Académie française le vendredi 21 novembre 1997, Le Monde des Livres du même jour, feuillet VI [17]). La découverte des gènes du développement constitue une dimension nouvelle du développement embryologique en achevant de démontrer son déterminisme génétique moléculaire. Nous n’en sommes encore qu’au début de l’ensemble de ces découvertes. Cet article tente d’en faire le point fatalement incomplet. Ces acquisitions ont bénéficié de la construction de souris homozygotes ou hétérozygotes ayant des gènes de développement

Gérard Couly : Professeur des Universités, praticien hospitalier, institut d’embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France (Pr Le Douarin), 94270 Nogentsur-Marne, France, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale de l’enfant, hôpital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. Selim Bennaceur : Praticien hospitalier, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale de l’enfant (Pr G Couly), hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Couly G et Bennaceur S. Biologie du développement de la face et du cou. Acquisitions récentes d’embryologie génétique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-001-A-10, 1998, 7 p.

inactivés par recombinaison homologue. L’inactivation de ces gènes lors du développement embryonnaire a permis d’objectiver des malformations organiques, faisant ainsi suspecter fortement leur rôle déterminant lors du développement. Ces gènes qui s’expriment pour la plupart lors de la gastrulation et de la neurulation codent pour des facteurs de transcription.

Gènes du développement et leur méthode d’étude [1, 12, 20, 34] Les gènes du développement sont des régions spécifiques du génome constituées d’acide désoxyribonucléique (ADN), dont la fonction est de permettre la construction d’un individu. Ce sont des gènes régulateurs d’autres gènes. C’est dire que ces gènes, grâce à une stratégie qui commence seulement à être décryptée, sont le point de départ, dès l’œuf fécondé, d’une cascade de phénomènes emboîtés, d’une combinatoire assurant le plan d’organisation d’un individu. Ces gènes confèrent aux cellules préfigurant les organes une identité de position. Toute perturbation du fonctionnement de ces gènes aboutit soit à une transformation dite homéotique (par exemple anomalie de transition des vertébrés), soit à des malformations, dont certaines sont incompatibles avec la vie. Embryologie et génétique sont ainsi depuis quelques dizaines d’années non pas concurrentielles mais bel et bien complémentaires et coopératives [17]. Les gènes du développement sont tour à tour responsables du plan de base et des polarités de l’embryon : axe antéropostérieur (tête et queue), orientation dorsoventrale, latéralité. Ils déterminent des compartiments cellulaires, compartiments dans lesquels les cellules vont acquérir des spécifications particulières sous forme de phénotypes nouveaux grâce à d’autres gènes du développement situés en aval des premiers (voir l’exemple des gènes Hox). Il existe plusieurs grandes familles de gènes du développement impliquées dans la construction embryonnaire et dans la détermination de l’identité positionnelle des cellules. La plus connue est la famille des gènes HOM chez la mouche drosophile, et son équivalent chez l’homme : les gènes Hox [10]. Ces gènes sont dits à « homéoboîte » et sont des séquences génétiques codant pour des facteurs de transcription qui sont des protéines dites à « homéodomaine ». L’homéodomaine de la protéine est une séquence d’acides aminés qui se lie à 1’ADN : c’est là semble-t-il le rôle clé en cascade du gène et de sa protéine transcrite. D’autre part, la position du gène sur le chromosome détermine la limite antérieure de son activité dans les territoires embryonnaires : il existe ainsi une correspondance « topologique » entre gène et forme. Plus le gène est placé du côté 5’ sur le chromosome, plus la limite antérieure de son domaine d’expression se trouve placée en arrière dans le corps de l’embryon. Ainsi, apparaît une règle de colinéarité à la fois spatiale et temporelle qui permet de considérer que ces gènes fournissent à chacune des parties du corps où ils s’expriment une identité, c’est-à-dire une information de position.

22-001-A-10

BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE LA FACE ET DU COU. ACQUISITIONS RÉCENTES D’EMBRYOLOGIE GÉNÉTIQUE

Tableau I. – Dérivés de la crête neurale des vertébrés. Dérivés mésectodermiques céphaliques

Cellules nerveuses ■ Neuroblastes bipolaires (somatosensibles) ■ Neuroblastes multipolaires Cellules des ganglions du système nerveux autonome – à phénotype cholinergique (parasympathique et entérique) – à phénotype adrénergique (sympathique) Cellules gliales

Cellules pigmentaires Cellules endocriniennes (phénotypes peptidiques) et paraendocriniennes

– Squelette facial et de la voûte du crâne (os et cartilages) – Odontoblastes (dents) – Paroi arcs aortiques (IIIe, IVe, VIe) – Derme de la face et du cou, muscles horripilateurs et calvarium – Conjonctif thymus, parathyroïdes, thyroïde, glandes salivaires et lacrymales, hypophyse – Participation à la musculature faciale – Sclérotique, muscles ciliaires, choroïde – Méningites prosencéphaliques Ganglions rachidiens Ganglions des nerfs crâniens (V, VII, X, XI)

– De Schwann – Satellites des ganglions du système nerveux périphérique – Glie entérique – Cellules C à calcitonine (thyroïde) – Cellule I et II du corps carotidien – Glande médullosurrénale et paraganglions

Nous rappellerons qu’à partir de l’œuf fécondé (pénétration du spermatozoïde dans l’ovule) cette cascade d’événements emboîtés fait apparaître diverses formes phénoménales : proliférations mitotiques cellulaires régulées par des facteurs de croissance et des oncogènes, organisation de l’embryon en morula puis en blastula, puis en deux couches cellulaires, puis en trois couches de cellules par gastrulation. Le développement craniofacial débute chez les vertébrés dès le stade de la gastrulation, au moment où le mésoblaste cellulaire se répartit entre les feuillets ecto- et endoblastiques. Puis ce développement prend toute sa signification lors de la neurulation, par la fermeture du tube neural qui constitue le déterminant de la migration des cellules de la crête neurale qui porte l’information depuis le système nerveux à la face ventrale de ce dernier afin d’assurer le développement volumétrique de la face et du cou. Les cellules de la crête neurale se différencient en de nombreux phénotypes (tableau I) et coopèrent avec le mésoderme issu de la gastrulation dans la genèse des muscles et des vaisseaux cervicofaciaux. Des déformations conjointes, véritable topogenèse du développement, mettent en œuvre des plicatures, des accolements, des cicatrisations, des adhésions et des morts cellulaires médiés également par des gènes. Les migrations cellulaires, véritable trafic de cellules guidées par des protéines extracellulaires, puis la stabilisation spatiotemporelle de ces cellules en fin de migrations avec différenciation dans une voie particulière, permettent les premiers agrégats par reconnaissance biochimique de surface et par là même la formation des rudiments des futurs organes. L’ensemble de ces phénomènes est sous la dépendance de décideurs génétiques que sont les gènes du développement, gènes qui ont une fonction particulière à un moment donné, constituant avec d’autres gènes situés en amont ou en aval une chaîne hiérarchisée.

Stomatologie

Gènes Hox et code Hox

(fig 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7)

Histoire de la drosophile [4, 14, 16, 17, 27, 28, 35] Les mutations affectant le développement chez la drosophile ont conduit à la découverte et l’isolement de gènes responsables de la mise en place du plan d’organisation compartimentée de la future mouche dès les stades précoces de l’embryogenèse. Il s’agit de gènes codant pour des protéines régulatrices capables de contrôler le fonctionnement d’autres gènes grâce à leur capacité de se lier à des régions déterminées de l’ADN. Le complexe HOM-C est une famille de gènes possèdant une séquence de 180 paires de bases appelée « homéoboîte » qui code pour un homéodomaine peptique de 60 acides aminés, responsable de l’activité régulatrice de la protéine qui le porte. Le clonage du premier gène à homéoboîte, responsable de la mutation antennapedia chez la drosophile, a eu lieu au début des années 1980. La mutation antennapedia appartient aux mutations dites « homéotiques » caractérisées par la transformation d’une structure en une autre. Ainsi, dans la mutation antennapedia, l’antenne est remplacée par une patte. Une série de mutations homéotiques ont été décrites chez la drosophile et l’analyse génétique qu’en a réalisée Lewis [21] a révélé qu’elles correspondent à des gènes distribués linéairement sur un même chromosome, formant ainsi les complexes « ultrabithorax » (Ubx) et « antennapedia » (Antp) (ils portent ainsi le nom de complexe HOM-C). Les gènes qui contrôlent le développement embryonnaire chez la drosophile sont nombreux ; ceux du complexe HOM-C interviennent en aval d’une cascade où d’autres gènes régulateurs sont responsables de la détermination des axes de polarité antéropostérieure et dorsoventrale et de la mise en place des segments de la mouche. Les gènes du complexe HOM-C sont particulièrement affectés à la détermination de l’identité segmentaire. Une particularité générale de tous les gènes « sélecteurs » qui contrôlent le développement est qu’ils possèdent une ou plusieurs séquences nucléotidiques codant pour un domaine protéique capable de se lier à l’ADN. L’homéoboîte est l’un de ceux-ci, d’autres motifs tels que la pair box ou les « doigts de Zn » confèrent aussi aux protéines qui les contiennent le rôle de facteurs de transcription.

DROSOPHILE

BX-C

ANT-C Abd-B

Abd-A

Ubx

Antp

Scr

Dfd

Pb

Lab Hox-2

2,5

2,4

2,3

2,2

2,1

2,6

2,7

2,8

EMBRYON DE SOURIS

Comment ont été repérés les premiers gènes du développement ? Comment sont-ils étudiés ? La drosophile, le nématode, les embryons d’oiseaux (poulet et caille), les embryons d’amphibiens (xénopes et tritons), le poisson zebrafish et la souris sont actuellement les organismes modèles choisis pour étudier les gènes du développement et leur rôle dans celui-ci. Nous ne détaillerons pas les techniques d’étude de ces gènes. Nous citerons les diverses méthodes tour à tour utilisées en permettant aux lecteurs d’être renvoyés à la bibliographie [1, 12]. Ces méthodes sont : – mutagenèse chimique chez la drosophile ; – isolement par homologie de gènes du développement chez les vertébrés (ceux-ci ont été isolés sur la base de leur similitude avec les gènes de la drosophile) ; – étude des profils d’expression d’un gène du développement, soit par immunocytochimie permettant de révéler la localisation de la protéine codée par ce gène grâce à un anticorps spécifique, soit par hybridation in situ ; – analyse fonctionnelle par expression ectopique ou mutation ou par interférence avec l’expression et la fonction. page 2

1 Comparaison entre les domaines d’expression des gènes HOM-C de la drosophile et ceux du complexe Hox de la souris. Les gènes à homéoboîte du complexe HOM-C de la drosophile sont distribués sur un seul chromosome et s’expriment chez la larve à des niveaux et à des stades correspondant à leur position sur le chromosome. Les gènes exprimés dans la tête (Lab, Pb) sont situés en 3’ sur la molécule d’ADN et sont les premiers à être transcrits. Les gènes des complexes Hox de la souris sont répartis en quatre groupes sur quatre chromosomes différents. Le même principe de colinéarité contrôle leur expression selon l’axe antéropostérieur de l’embryon. La limite antérieure d’expression des gènes Hox se situe entre les rhombomères 2 et 3 (cf fig 2, 3 et 4) [8].

BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE LA FACE ET DU COU. ACQUISITIONS RÉCENTES D’EMBRYOLOGIE GÉNÉTIQUE

Stomatologie

13

12

11

10

9

8

7

6

5

4

3

2

22-001-A-10

Groupes paralogues

1

R1 R2 Postérieur

R3 R4

R5

R6

R7

R8

Antérieur

Abd-B Abd-A

Ubx

Antp

Scr

Dfd

Zen

pb

lab

BX-C

ANT-C (3)

A13

A11

A10

A9

A7

A6

A5

A4

A3

A2

A1

HOX-A (7) HOMME

1,10

1,9

1,8

1,7

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,11

1,6

Hox-A (6) Souris

B9

B8

B7

B6

B5

B4

B3

B2

B1

HOX-B (17) HOMME

2,5

2,4

2,3

2,2

2,1

2,6

2,7

2,8

2,9

Hox-B (11) Souris

B1 C13

C12

C11

C10

C9

C8

C6

C5

C4

HOX-C (12) HOMME

3,9

3,8

3,7

3,6

3,2

3,1

3,3

3,4

3,5

Hox-C (15) Souris

D13

D12

D11

D10

D9

D8

D4

D3

D1

HOX-D (2) HOMME

4,8

4,7

4,6

4,5

4,4

4,3

4,2

4,1

4,9

Hox-D (2) Souris

200

160

120

80

40

20

10

B3

B2

1

2

Lab

Pb

B4+

3

4

Hoxa Hoxa

A

Intron 8

g.2382A->T

Exon 4

g.13185_13186insAG

Exon 10

1

2

Protéine

Phénotype

p.A158_Q178del Exclusion de l'exon 7 p.K53X Protéine tronquée

Hypoplasique sévère (AD) Hypoplasique localisé (AD)

p.P422fsX448

Hypoplasique picté (AR)

Hart et al. 2003 [44] Kida et al. 2002 [45] Hart et al. 2003 [46] Kim et al. 2005 [47] Kim et al. 2005 [47]

3

ÉNAMÉLINE 4

5

g.8344delG

Intron 9

p.N97fsX277

Hypoplasique picté (AD)

g.4806A>C

Intron 6

p.M7-Q157del

Hypoplasique (AD)

4q13.3

2

5

1

4

Références Rajpar et al. 2001[42] Mardh et al. 2002 [43]

3

5' Exon 1

3' Exon 2/3/4/5

Exon 6 Exon 7

Exon 8 Exon 9

Exon 10

Figure 9. Mutations du gène codant pour l’énaméline. AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.

pertes prématurées des dents, spontanément ou suite à un traumatisme très mineur. En effet, les racines sont anormalement courtes, voire absentes. Leur forme est caractéristique, conique et pointue à l’apex, leur donnant un aspect trapu, globulaire. Les dents pluriradiculées présentent fréquemment un taurodontisme sévère, correspondant à la fusion des racines sur une importante hauteur. Les chambres pulpaires ainsi que les canaux sont oblitérés par un tissu d’aspect dentinaire. L’oblitération pulpaire peut n’être que partielle. Dans ce cas, l’atteinte radiculaire est modérée (Fig. 14). Certaines dents présentent une ligne radioclaire, simple ou double, en forme de croissant ou de demi-lune, parallèle à la jonction amélocémentaire, en guise de réminiscence pulpaire. [81, 102, 103] Enfin, on note la présence de nombreuses lésions périapicales, souvent sans connexion avec une quelconque affection carieuse. La physiopathologie de cette dysplasie radiculaire et ses fondements moléculaires restent flous. Certains incriminent la composante épithéliale qui, par invagination, a un rôle de création de la longueur de la racine, et d’autres, la composante mésenchymateuse à l’origine de la formation de la dentine radiculaire. [104]

Anomalies de structure non isolées ou syndromiques Émail Amélogenèse imparfaite associée à une néphrocalcinose Cinq cas de néphrocalcinose ont été rapportés dans la littérature en association avec une amélogenèse imparfaite hypoplasique généralisée et hypominéralisée/hypocalcifiée. [105109] Les tableaux cliniques montrent une microdontie, un émail jaune très hypoplasique, voire des résorptions coronaires, des retards d’éruption ou des dents retenues et une gencive hyperplasique. L’échographie rénale met en évidence une néphrocalcinose bilatérale souvent asymptomatique. Ces néphrocalcinoses passent longtemps inaperçues et sont recherchées en cas d’énurésie, d’infections urinaires récurrentes, de pyélonéphrites ou lors de passage d’un calcul dans l’urine. Les taux sériques de Stomatologie

calcium, de phosphate, de 2(OH) vitamine D3, de phosphatase alcaline, d’hormone paratyroïdienne (PTH) et d’ostéocalcine sont normaux. En revanche, les taux urinaires de calcium et de citrate sont diminués. Tous les cas rapportés ont une transmission autosomique récessive. La fréquence de cette affection pourrait être sous-estimée car l’atteinte rénale, le plus souvent silencieuse, n’est pas recherchée systématiquement dans les AIH. La protéine mutée n’est pas encore connue, il devrait s’agir d’une protéine commune entre la dent et le rein, probablement une protéine impliquée dans les transports de phosphate et de calcium. L’albumine, l’ostéopontine et la calbindine-D28k ont été évoquées. Ces trois protéines interviennent dans le métabolisme calcique et la physiopathologie de la dent et du rein. Amélogenèse imparfaite associée à un désordre rétinien Deux cas d’amélogenèse imparfaite ont été associés à une dystrophie des cônes et bâtonnets. Ces patients souffrent de photophobie, de nystagmus dans les premières années de vie ainsi que d’altérations de la vision des couleurs (dyschromatopsie) et une perte de la vision centrale conduisant rapidement à une acuité visuelle très faible. [110, 111] Ces patients présentent une forme récessive hypoplasique hypominéralisée d’amélogenèse imparfaite (MIM 217080). Le locus de cette pathologie a été localisé sur le chromosome 2 en q11. [112] Le gène CNGA3 (codant pour la sous-unité a du cGMP des canaux ioniques des photorécepteurs des cônes) a été suspecté, mais aucune mutation n’a été mise en évidence. Deux autres gènes constituent des candidats potentiels : INPP4A (inositol-polyphosphate-4phosphatase) et LYG2 (codant pour une lysozyme). [111]

Syndrome tricho-dento-osseux Cette pathologie, autosomique dominante, présente un tableau clinique dentaire très proche de l’amélogenèse imparfaite (MIM 190320). Cependant, le diagnostic différentiel est rapidement réalisé au vu des autres manifestations de ce syndrome. En effet, ces patients présentent des cheveux frisés à la naissance, se raidissant avec l’âge, et des atteintes osseuses (augmentation de la densité des os craniofaciaux, et une typologie de face longue). [113] Les altérations des os et des

11

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Mutations 1

Localisation

Protéine

Phénotype

Exon 2

p.W4X

Hypoplasique lisse

p.15-A8delinsT Perte de 4 AA remplacés par une thréonine dans le peptide signal

Hypoplasique lisse

g.11G>4

2

g.14_22

Exon 2

3

g.1148_*47del

Exon 3-6

4

g.3455delC

Exon 5

AMÉLOGÉNINE

5

g.3458delC

Exon 5

6

g.3781C>4

Exon 6

7

g.3803A>T

8

g.3958delC

Exon 6

9

g.3993delC

Exon 6

Xp22.1 10

g.4046delC

Exon 6

p.0 Protéine sévèrement tronquée p.T51I Perte d'un site de phosphorylation p.P52fsX53 Codon stop prématuré=>protéine tronquée au résidu 74

p.P70T (extrémité N-terminale)

p.H77L Extrémité N-terminale proche du site de clivage de MMP-20 p.H129fsX187 Codon stop en 126 p.Y141fsX187 Modification de l'extrémité N-terminale p.P158fsX187 Codon stop en 126 => protéine tronquée des 18 AA terminaux p.L181fsX187 Codon stop en126, perte des 18 AA terminaux p.E191X Codon stop => protéine tronquée de 15 AA

LagerströmFermer et al. 1995 [54]

Hypominéralisation

Lagerström et al. 1991[56]

Hypoplasie

Lench et Winter 1995 [57]

Hypoplasique/ hypominéralisé

Aldred et al. 1992 [58]

Hypomature

Collier et al. 1997 [59] Hart et al. 2000 [60] Ravassipour et al. 2000 [61]

Hypominéralisé

Hart et al. 2002 [62]

Hypoplasique lisse

Sekiguchi et al. 2001[54]

Hypoplasique lisse

Greene et al. 2002 [63]

Hypoplasique lisse

Lench et Winter 1995 [57] Aldred et al. 2002 [64]

Hypoplasique/ hypominéralisé

Kindelan et al. 2000 [65] Hart et al. 2002 [62]

Hypoplasique

Lench et Winter 1995 [57]

11

g.4114delC

Exon 6

12

g.4144G>T

Exon 6

13

g.2T>C

Exon 2

p.M1T

Hypoplasique

Kim et al. 2004 [66]

14

g.11G>C

Exon 2

p.W4S (dans le peptide signal)

Hypoplasique

Kim et al. 2004 [66]

1 2 13 14

3

4 5

6

8

9

10 11

12

5'

3' Exon 1 Exon 2 Exon 3 Figure 10.

Exon 4 Exon 5 Exon 6

Exon 7

Mutations du gène codant pour l’amélogénine. AA : acide aminé.

cheveux sont inconstantes et parfois non décelables. Seule l’altération dentaire est constante. En effet, l’observation dentaire montre un émail hypoplasique générant une microdontie de sévérité variable, mais surtout un taurodontisme des dents pluriradiculées permettant de les différencier de la majorité des AIH isolées. [114] Le locus de cette pathologie se situe sur le chromosome 17 en q21.3-q22, région codant pour deux homéogènes DLX 3 et

12

Références Sekiguchi 2001[54]

DLX7. [115] Des mutations ont été décrites sur DLX3. [116, 117] DLX7 ne semble pas impliqué dans cette pathologie. Une analyse du développement osseux a montré que les sites d’ossification endochondrale sont affectés comme ceux d’ossification membraneuse. Des travaux fonctionnels sur Dlx3 [118] et une cartographie des facteurs de transcription (Ghoul-Mazgar et al., 2005) montrent que l’ensemble des cellules élaborant des tissus minéralisés en sont des cibles. Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Phénotype clinique

Denture temporaire

Denture permanente

{

Dents opalescentes brun-bleuté Attrition variable

Dents opalescentes brun-bleuté Attrition variable

Teinte, forme et taille normales

pulpaire { Oblitération Racines courtes

Dysplasie dentinaire de type I (Radiculaire) (DD-I)

Gène

Denture permanente

{

Teinte, forme et taille normales Mobilité importante

?

Omim

Diagnostic

Denture temporaire

Phénotype radiologique

Figure 11. Phénotypes de dentinogenèse imparfaite de type II (avec l’aimable autorisation du docteur V. Roy, service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie Garancière). A, C, D et E. Photographies intrabuccales de dents atteintes de DGI II. On note la teinte caractéristique ambrée, bleutée, opalescente des dents associée ou non à une attrition des couronnes. B et D. Radiographies panoramiques de patients atteints de DGI II. On note la forme globulaire des couronnes des prémolaires et molaires et l’oblitération totale de la pulpe. G. Macrophotographie d’une dent atteinte de DGI II. On note une absence de volume pulpaire (× 1,8). H. Coupe histologique en microscopie optique montrant une dentine dysplasique avec des canalicules éparses d’organisation anarchique (× 210). I. Coupe histologique en microscopie optique montrant la présence des inclusions cellulaires au sein de la dentine oblitérant le volume pulpaire (× 420). J. Coupe histologique témoin de dentine montrant la structure canaliculaire typique de la dentine circumpulpaire (× 420).

125400

Oblitération pulpaire Volume pulpaire élargi partielle ou totale

{

Oblitération pulpaire totale Oblitération pulpaire partielle

Dentinogénèse imparfaite (DGI-II) Phénotype de l'isolat de Brandywine (DGI-III)

Dysplasie dentinaire de type II (coronaire) (DD-II)

SIALOPHOSPHOPROTÉINE DENTINAIRE

125500

125490

125420

Figure 12. Arbre décisionnel. Aide au diagnostic des altérations héréditaires de la dentine.

Stomatologie

13

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Mutations

Substitution C > T codon 45

1

DSPP

Localisation

2

Transversion CCA > ACA codon 17

3

Transversion G > T codon 18

Exon 3

Protéine

Phénotype

Références

Q45X (insertion codon stop exon 3)

?

Zhang et al. 2001[95]

P17T

DGI-II + DFNA 39

Xiao et al. 2001[96]

DGI-II + DFNA 39

Xiao et al. 2001[96]

DGI-II et III

Kim et al. 2001[97]

Exon 2

V18F

Exon 3

4

Transition G > A Intron 3

Intron 3

Perte de l'exon 3

DGI-II + DFNA 39

Xiao et al. 2001[96]

5

Transversion T > G codon 6

Exon 2

Y6D

DD-II

Rajpar et al. 2001[87]

6

Transition C > T Codon 15

Exon 2

A15V

DGI-II - DFNA 39

Malmgren et al. 2004 [98]

7

Transversion A > T

Exon 4

R68W

DGI-II - DFNA 39

Malmgren et al. 2004 [98]

8

Délétion 36bp, insertion 18bp

Exon 5

DGI-III

Dong et al. 2001[99]

9

Substitution C > G nucléotide 1188

Intron 2

DGI-II + DFNA 39

Kim et al. 2004 [100]

4q21.3

6 5

2 9 31

4

7

8

5'

3' Exon 1

Exon 2 Exon 3

Exon 4

Exon 5

DSP DPP

Figure 13. Mutations du gène codant pour la sialophosphoprotéine dentinaire (DSPP) décrites dans des familles atteintes de dentinogenèse imparfaite de type II et III associées ou non à des pertes d’audition (DFNA 39).

Ia

Ib

Ic

Id

C

Figure 14. Dysplasie dentinaire de type I radiculaire. A. Radiographie panoramique d’un patient atteint de DDI (avec l’aimable autorisation de la faculté de médecine dentaire d’Aman, Jordanie). B. Coupe histologique sagittale de la 46 montrant l’oblitération pulpaire totale. C. Classification des dysplasies dentinaires de type I proposée par O’Carroll et al., 1991.

Autres associations Outre ces trois pathologies très caractéristiques, la littérature contient de nombreuses descriptions de cas cliniques réunissant une amélogenèse imparfaite à des manifestations syndromiques. Un tableau (Tableau 2) tente de récapituler les syndromes les plus représentatifs.

14

À cette liste s’ajoute aussi des cas sporadiques associant une dysplasie de l’émail et une dysplasie squelettique (platyspondylie), [119] des carcinomes des glandes salivaires, des pertes d’audition, [120] une anomalie cérébrale, des cataractes bilatérales, [121] une onycholyse avec hyperkératose, ou encore des hypofonctions des glandes sudoripares. [122] Stomatologie

Stomatologie

Tableau 2. Syndromes associés à des altérations de l’émail. Syndrome

OMIM

Transmission

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

Syndrome amélo-onychohypohidrotique

104570

AD

– Onycholyse

– Émail hypoplasique et hypocalcifié

– Kératose pilaire

– Rétention dentaire

Locus (gène), protéine

– Dermatite séborrhéique – Hypohidrose Syndrome LADD (lacrimoauriculo-dento-digital)

149730

AD

– Atrésie des canaux lacrymaux

– Hypominéralisation de l’émail

– Anomalie du pouce (hypoplasie, absence, pouce digitiforme triphalangé)

– Hypodontie

– Pavillon de l’oreille malformé

– Incisives en tournevis

– Microdontie

– Surdité neurosensorielle – Agénésie/hypoplasie des glandes salivaires Lenz-Majewski (nanisme hyperostotique)

151050

AD

– Sclérose et hyperostose progressive et généralisée du squelette

Dysplasie de l’émail

– Retard de fermeture des fontanelles – Retard statural – Retard mental – Excès de peau, avec lit veineux trop visible – Brachydactylie avec syndactylie Michaels

603641

AD

– Surdité neurosensorielle

AIH

– Carcinome neuroendocrine des glandes salivaires Syndrome ODDD

164200

AD

(dysplasie oculo-dento-digitale)

– Nez fin avec hypoplasie des ailes

– Hyperplasie de la mandibule

6q21-q23.2

– Microphtalmie, microcornée, cataracte

– Microdontie

(GJA1)

– Syndactylie des 3e, 4e et 5e doigts

– Amélogenèse imparfaite

Connexine-43

– Cheveux fins – Anomalies neurologiques : spasticité, calcifications cérébrales Pili torti-hypoplasie de l’émail Sclérose tubéreuse

AD 191100

AD

– Pili torti

– Hypoplasie de l’émail

– Kératose pilaire

– Microdontie

– Épilepsie

9q34 (TSC1)

– Retard mental inconstant

16p13.3 (TSC2)

– Angiofibromes cutanés – Angiomyolipome rénal – Retard d’apprentissage Syndrome de Prader-Willi

176270

AD

– Stature courte

– Hypoplasie de l’émail des dents surnuméraires

240300

AR

– Maladie d’Addisson

Protéine ribonucléaire N – Hypoplasie de l’émail

± hypoparathyroïdie ± candidose mucocutanée chronique

CIA : communication intraventriculaire ; CAV : communication auriculoventriculaire ; CA : communication auriculaire ; AIH : amélogenèses imparfaites héréditaires.

21q22.3 (AIRE) Auto-immune regulator gene

15

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Syndrome APECED (polyendocrinopathie autoimmune, candidose et dysplasie ectodermique)

15q11.1-q12 (Snrpn)

absence de contribution – Obésité paternelle (délétion, – Hypotonie musculaire disomie uniparentale) – Hypogonadisme

Syndrome Syndrome d’Ellis Van Creveld

OMIM 225500

Transmission AR

(dysplasie chondroectodermique)

Manifestations cliniques – Nanisme à membre court (mésomélique)

Anomalies dentaires – Freins gingivaux multiples

Locus (gène), protéine 4p16

– Polydactylie postaxiale ou mésoaxiale

– Dents néonatales

– Malformations cardiaques : CIA, CAV

– Hypominéralisation de l’émail

2 gènes en tandem (EVC1 et AVC2)

– Brachydactylie avec hypoplasie des ongles Épidermolyse bulleuse dystrophique (HallopeauSiemens)

226600

Syndrome de Kohlschutter

226750

AR

AR

– Lésions bulleuses récurrentes avec cicatrisation dystrophique et adhérences

– Épilepsie

– Anomalies buccales multiples (microstomie, ankyloglossie, atrophie du palais...)

3q21.3

– Légère hypoplasie de l’émail

Collagène VII

(COL7A1)

– Émail de type AIH hypocalcifié

– Régression psychomotrice dans l’enfance – Démence et décès prématuré – Ataxie et spasticité Maladie de Krabbe

245200

AR

– Maladie neurodégénérative létale dans l’enfance

(leukodystrophie à cellules globoïdes)

– Régression psychomotrice

Déficit en galactocéréboside-bgalactosidase

– Cécité et surdité progressives

Hypoplasies et hypominéralisation de l’émail

14q31 (GALC)

– Tétraparésie spastique progressive – Épilepsie rebelle

Syndrome LOGIC (laryngoonycho-cutaneous syndrome)

245660

Mucopolysacharidose IV

253000

AR

– Dystrophie des ongles et onycholyse

Émail de type AIH

– Lésions cutanées faciales ulcérohémorragiques AR

18q11.2 (LAMA3)

Hypoplasies amélaires

16q24.3

– Hypoparathyroïdie congénitale

– Microdontie

1q42-q43

– Retards de croissance et mental

– Hypoplasies amélaires

(TBCE)

– Dysostose multiplex

(Morquio type A et B)

– Platyspondylie sévère

Déficience en galactosamine-6sulfatase

– Déformation thoracique sévère – Infiltration des tissus mous – Opacités cornéennes – Surdité

Syndrome de Sanjad-Sakati

241410

AR

– Dysmorphies multiples – Faciès caractéristique (nez et yeux enfoncés, lèvres fines, micrognatie, microcéphalie, lobes des oreilles larges et souples) Verloes Syndrome de Goltz

601216 305600

(hypoplasie dermique focale)

AR XLD

– Retard statural modéré

– AIH

– Platyspondylie

– Hypodontie

– Syndrome complexe, souvent très asymétrique

– Asymétrie faciale

– Atrophie cutanée en plages, avec hernie du tissu graisseux et papillomes périorificiels

– Hypoplasies amélaires – Hypodonties

– Microphtalmie colobomateuse – Syndactylie, oligodactylie, hypoplasie des membres – Létal in utero chez le garçon Syndrome de Heimler Stomatologie

Trisomie 21

234580 190685

– Surdité neurosensorielle (progressive)

– Hypoplasie

– Leuconychie avec lignes de Beau

– Hypominéralisation de l’émail des dents permanentes

– Retard mental

– Hypominéralisation de l’émail

– Faciès typique

– Hypodontie

– malformation cardiaque (CA, CIV, ...) CIA : communication intraventriculaire ; CAV : communication auriculoventriculaire ; CA : communication auriculaire ; AIH : amélogenèses imparfaites héréditaires.

? Trisomie 21

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

16

Tableau 2. (Suite) Syndromes associés à des altérations de l’émail.

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Dentine Ostéogenèse imparfaite associée à une dentinogenèse imparfaite L’ostéogenèse imparfaite (OI) ou maladie de Lobstein ou maladie des os de verre survient chez environ un individu sur 10 000. L’ostéogenèse imparfaite se caractérise par une fragilité osseuse associée radiologiquement à une ostéoporose avec amincissement des corticales et ossification insuffisante de la voûte crânienne (donnant un aspect d’os wormiens aux clichés du crâne). Comme souvent dans ce type d’anomalies, les ostéogenèses imparfaites forment un groupe hétérogène divisé sur des critères radiologiques et cliniques en quatre types par Sillence et al. [123] Il s’y ajoute trois nouvelles formes dont les altérations ne concernent pas le collagène de type I. Dans le type II, létal, les fractures nombreuses surviennent dès la vie intra-utérine. Dans les types I, III et IV, elles surviennent surtout après l’acquisition de la marche, même si des fractures antepartales et postpartales peuvent s’observer. Très schématiquement, cette diversité se traduit par une atteinte osseuse allant d’une fragilité excessive avec des fractures plus ou moins nombreuses ou précoces (parfois plusieurs centaines au cours de la vie). Ces fractures peuvent entraîner des déformations des os (incurvation des os longs faisant penser à un rachitisme), des raccourcissements des os longs, des tassements vertébraux, une déformation de la voûte crânienne. Les sclérotiques sont souvent fines et bleutées (la finesse des conjonctives oculaires provoque un déplacement de la réfraction vers le bleu). Le plus souvent, on retrouve également un nanisme, une laxité ligamentaire et cutanée et une surdité (hypoacousie par malformation des osselets). Les ostéogenèses imparfaites de types I consistent en une diminution quantitative du collagène de type I tandis que les types II, III et IV cumulent une altération quantitative et qualitative. L’OI peut toucher uniquement l’os, sans altération dentaire associée, mais on retrouve également un continuum allant d’une dentine de structure apparemment normale à des formes sévères de dentinogenèse imparfaite. D’un point de vue terminologique, ces altérations dentinaires sont appelées dentinogenèse imparfaite pour certains et dents opalescentes pour d’autres. Le groupe de travail sur la nomenclature internationale et la classification des ostéochondrodysplasies (1997) recommande de parler de dents opalescentes quand les anomalies dentinaires sont associées à une ostéogenèse et de réserver le terme de dentinogenèse imparfaite quand il n’y a pas d’ostéogenèse imparfaite associée. La présence de dents opalescentes ne dépend pas du type d’ostéogenèse imparfaite. Toutes les atteintes du collagène de type I peuvent donner cette manifestation dentaire, la matrice dentinaire étant composée à 90 % de collagène de type I. Les ostéogenèses imparfaites sont liées à des altérations du collagène de type I. Le collagène est une protéine hétérotrimérique constituée par deux chaînes a1, et une chaîne a2. Ces trois chaînes constituent une triple hélice (a [I] 2 a [I]). Les gènes sont portés par les chromosomes 17 et 7 codant respectivement les chaînes a1 (COL1A1 17q21.31-q22) et a2 (COL1A2 7q22.1). Les mutations de ces gènes peuvent également donner d’autres pathologies : le syndrome d’Ehlers-Danlos pour le COL1A1 [124] et 1A2, [125] des ostéoporoses [126] et des dissections artérielles [127] pour le COL1A1. Plusieurs centaines de mutations ont été identifiées pour ces deux gènes. [128] Ces mutations peuvent être des insertions, des délétions, des substitutions, des faux-sens ou des décalages de cadre de lecture. Elles sont répertoriées dans la base de données de Dalgleish, [129] et retrouvées sur le site Internet http://www.le.ac.uk./genetics/ collagen/. La glycine est l’acide aminé le plus fréquemment substitué. Cela s’explique notamment par le fait qu’il représente 70 % des acides aminés du collagène. C’est le plus petit acide aminé hydrophobe, apolaire, permettant un minimum d’encombrement stérique et donnant une plus grande flexibilité à la chaîne protéique. Les acides aminés le remplaçant sont plus volumineux, voire chargés, ce qui modifie considérablement la configuration de la triple hélice de collagène. Stomatologie

Ces mutations, selon leur localisation et leur nature, peuvent gêner la formation intracellulaire, la sécrétion ou l’assemblage extracellulaire en fibrille du collagène conduisant aux nombreuses variations phénotypiques observées. Par voie de conséquence, ces défauts matriciels perturbent alors la minéralisation. Et pourtant, il est difficile d’établir des relations entre la nature, le lieu de la mutation et le phénotype. La littérature s’intéresse peu aux manifestations orofaciales des ostéogenèses imparfaites. Deux auteurs cependant ont réalisé des études cliniques plus spécifiquement dentaires permettant ainsi de chiffrer la prévalence des altérations faciales. [130, 131] Selon Malmgren, les manifestations dentaires les plus fréquentes sont : • des dents opalescentes : 42 % ; • des malocclusions (classe III : 70 % au lieu de 3-8 % dans la population générale ; articulé inversé, béance antérieure). Plus l’ostéogenèse imparfaite est sévère, plus la malocclusion est importante. On trouve aussi des agénésies, des taurodontismes, des impactions de la deuxième molaire et des éruptions ectopiques plus fréquemment que dans la population générale. Les altérations dentaires associées aux ostéogenèses imparfaites sont cliniquement très similaires à celles des dentinogenèses imparfaites isolées : dents opalescentes facilement abrasées avec des pertes d’émail. Une fois encore, la dentition temporaire est plus sévèrement atteinte que la dentition permanente. Les couronnes ont un aspect globuleux du fait de l’importante constriction cervicale. La taille et la forme des racines varient parfois. Enfin, la pulpe est oblitérée ou présente des calcifications. [132] Ces auteurs, ainsi que Petersen et al., [133] ont montré qu’il n’existe aucune corrélation entre le degré de coloration dentaire et le type ou la sévérité de l’ostéogenèse imparfaite. De même, l’atteinte de la denture temporaire n’implique pas forcément celle de la denture permanente. Au sein d’une même famille, les anomalies dentaires peuvent être très variables, certains sujets ayant des dents opalescentes et d’autres non. Toutefois Malmgren et Lindskog [134] établissent une corrélation entre la sévérité de l’ostéogenèse imparfaite et l’atteinte ultrastructurale de la dentine. O’Connell et Marini [130] observent des cas cliniques où des dents d’aspect normal présentent les caractéristiques radiologiques de la dentinogenèse imparfaite. De même, Waltimo et al., [135] Lygidakis et al. [136] montrent que des dents cliniquement et radiologiquement saines présentent cependant un aspect histologique de dentinogenèse imparfaite. Ces différentes observations suggèrent que les altérations dentinaires sont probablement sous-évaluées dans les cas d’ostéogenèse imparfaite. Hypophosphatasie (MIM 241500, 146300, 241510) C’est une maladie caractérisée par une altération de la minéralisation osseuse et dentaire liée à un défaut d’activité de la phosphatase alcaline sérique et osseuse. Les manifestations osseuses sont variables, allant d’une absence de minéralisation à la naissance à des fractures pendant l’enfance. Cliniquement, on distingue quatre formes (néonatale, infantile, juvénile et adulte) en fonction de l’âge de révélation de la maladie. Le gène impliqué, TNAP, code pour la phosphatase alcaline non-tissu spécifique. Il est fortement exprimé dans l’os, le foie, le rein, et surtout dans les lignées cellulaires qui minéralisent leurs matrices comme les ostéoblastes et les odontoblastes. Les fonctions physiologiques de la phosphatase alcaline sont mal définies. Elle interviendrait probablement dans l’hydrolyse du phosphate inorganique. [137, 138] Hotton et al. [139] ont montré une différence des schémas d’expression entre l’os et la dent, potentiellement à l’origine des variations phénotypiques entre l’atteinte osseuse et dentinaire. Le gène est porté par le chromosome 1 au locus p36.1-p34. De nombreuses mutations ont déjà été rapportées. La forme

17

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

adulte est de transmission dominante tandis que les formes néonatales et infantiles sont récessives. [140] Ces patients ont un taux sérique et urinaire de phosphatase alcaline diminué. D’un point de vue dentaire, les hypophosphatasies se caractérisent par une perte prématurée des dents temporaires. Ainsi, l’odontologiste est le premier à pouvoir diagnostiquer la forme adulte face à ce signe d’alerte. Ces dents ont des chambres pulpaires élargies, la zone de prédentine s’épaissit progressivement vers l’apex. Le cément est hypo-, voire aplasique. On constate une perte de l’os alvéolaire des régions antérieures. Dans les formes d’odontohypophosphatasie, l’atteinte dentaire est la seule manifestation clinique. [141] Rachitisme hypophosphatémique lié à l’X (HVDRR hypophosphatemic vitamin D resistant rickets) (MIM 307800, 307810) Cette pathologie dominante liée à l’X (Xp22.2-22.1) présente des manifestations dentinaires caractéristiques. Elle fait partie de la large famille des hypophosphatémies familiales où l’on décrit des formes autosomiques dominantes, récessives et des cas sporadiques. Cette pathologie est abordée dans le chapitre sur les mutations des gènes impliqués dans la croissance. Syndrome de Goldblatt (MIM 184260) Décrits par Goldblatt et al., [142] ces patients présentent une association entre une dysplasie spondylométaphysaire, une hyperlaxité ligamentaire et une dentinogenèse imparfaite. L’atteinte métaphysaire permet d’écarter le diagnostic d’ostéogenèse imparfaite avec certitude. Les patients présentent une taille réduite, sans fracture osseuse malgré l’aspect ostéoporotique de leur squelette. Leurs sclérotiques sont blanches. Bonaventure et al. 1992 ont étudié un cas similaire de dysplasie spondylo-épi-métaphysaire et trouvé une anomalie du collagène de type II dans le cartilage ainsi qu’un taux réduit d’acide ribonucléique messager (ARNm) des deux chaînes a du collagène de type I. Maroteaux et al. 1996 [143] rapportent un syndrome qu’ils baptisent « odontochondrodysplasie » (MIM 184095) qui semble similaire aux cas précédents. Syndrome de Schimke ou dysplasie immuno-osseuse (MIM 242900) Cette pathologie autosomique récessive combine une dysplasie spondyloépiphysaire à une altération immunitaire progressive. Cette anomalie du développement touche les os, les lymphocytes T, les reins et la peau. Ces patients présentent un retard de croissance sévère. Le gène de la protéine mutée, SMARCAL1, est porté par le chromosome 2 au locus q34q36. Ce gène code pour une protéine impliquée dans le remodelage de la chromatine régulant l’expression génique. Da Fonseca [144] décrit une atteinte dentaire de type dentinogenèse imparfaite (dents globuleuses avec une sévère constriction cervicale, opalescentes, racines très fines, oblitération pulpaire partielle, voire totale). Autres syndromes Kantaputra [145] décrit un syndrome de dysplasie squelettique caractérisé par un retard de croissance staturale, associé à un cou anormalement court, une platyspondylie, une proéminence abdominale et une dépression nasale. Au plan dentaire, on observe chez ce patient une hypodontie associée à des dents temporaires et permanentes opalescentes. Radiologiquement, ces dents présentent une constriction cervicale sévère, une hauteur coronaire réduite, une absence de racine et une oblitération de la chambre pulpaire. Ces dents ressemblent à celles atteintes de dysplasie dentinaire de type I avec en plus des caractéristiques de dentinogenèse imparfaite à savoir l’aspect globulaire et la teinte. Rien dans l’histoire du patient ou de sa famille ne permet d’expliquer ce phénotype. D’autres syndromes sont rapportés (Tableau 3) et certains restent encore non étiquetés.

18

■ Mutations de gènes initiaux impliqués dans la signalisation du patron morphogénétique Définitions L’agénésie d’une ou de plusieurs dents est l’anomalie la plus commune chez l’homme. [146] Son incidence varie de 1,6 % à 9,6 % – à l’exclusion des troisièmes molaires dont l’agénésie atteint 20 % de la population. [147] L’agénésie des dents temporaires est beaucoup plus faible (0,4 à 0,9 %). Ces pourcentages sont très variables selon la population étudiée du fait de la multifactorialité de cette pathologie. Ces données ont été reprises par Polder et al. [148] dans une méta-analyse. Ils rapportent que : • 83 % des personnes atteintes d’agénésies ont une à deux dents manquantes (hypodontie) ; • l’agénésie de plus de six dents (oligodontie) ne touche que 0,14 % de la population ; • les femmes sont 1,37 fois plus susceptibles que les hommes ; • les agénésies maxillaire et mandibulaire ne montrent pas de différences significatives. Les dents les plus fréquemment concernées sont celles dites de fin de série : seconde prémolaire inférieure (3,4 %) et incisive latérale maxillaire (2,2 %). [149] Les agénésies des premières molaires, des canines et de l’incisive centrale supérieure sont extrêmement rares. Ces agénésies peuvent être isolées ou associées à d’autres anomalies dans de multiples syndromes. L’absence de développement dentaire non syndromique résulte de l’action de facteurs génétiques mais également environnementaux (irradiation, chimiothérapie etc.). Le mode de transmission autosomique dominant prédomine dans les familles atteintes d’hypodontie et d’oligodontie avec souvent une pénétrance incomplète et une expressivité variable. Cette variabilité concerne le nombre et la région des agénésies, ainsi que les anomalies dentaires associées (microdonties, taurodontismes, rotations, retards de formation, d’éruption ou encore ectopies d’éruption). Une transmission sur le mode récessif est décrite dans certains cas, associée au locus 16q12.1. [150] Enfin, des modèles multifactoriels polygénétiques, [151] voire associés à l’X [152] ont été décrits. D’un point de vue terminologique, on parle d’hypodontie (MIM 106600) pour les agénésies de moins de six dents (Fig. 15) et d’oligodontie quand elle dépasse six dents (MIM 604625) (Fig. 16). L’absence totale de dent, anodontie (MIM 206780) (Fig. 17), est extrêmement rare à l’état isolé et serait l’état homozygote de la pathologie décrite par Witkop des incisives latérales maxillaires conoïdes ou absentes (« pegged or missing ») (MIM150400). [153, 154] Les agénésies isolées intéressent surtout les dents permanentes, elles concernent rarement les dents temporaires. Une forte corrélation existe entre l’hypodontie en denture temporaire et permanente. [155, 156] Plus rarement (0,5 % de la population [157]), le nombre de dents peut être augmenté par la présence d’éléments surnuméraires, souvent de forme fruste. En général, ils restent inclus et sont découverts fortuitement sur une radiographie lorsqu’ils gênent l’éruption des dents permanentes.

Anomalies dentaires de nombre isolées : gènes impliqués PAX9, AXIN2 PAX9 Cette famille de facteurs de transcription PAX joue un rôle dans la mise en place du patron embryonnaire. Ils se caractérisent par un homéodomaine appelé « paired domain » composé de deux motifs « hélice-boucle-hélice ». Dans le développement dentaire, Pax9 s’exprime de façon précoce dans le mésenchyme avant tout autre signal morphogénétique lui conférant certainement un rôle inducteur de Bmp4, Msx1, Lef1. En effet, les Stomatologie

Stomatologie

Tableau 3. Syndromes associés à des altérations de la dentine. Syndrome

OMIM

Transmission

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

Locus (gène), protéine

Calcinose tumorale

211900

AR

– Racines courtes

2q24-q31

114120

AD

– Calcifications hétérotypiques sous-cutanées périarticulaires

– Teinte normale

(GALNT 3)

– Hyperphosphatémie

– Oblitération pulpaire

Glycosyltransférase

– Taux élevé de vitamine D

– Dysfonctions de l’ATM

12p13.3

– Taux de calcium et de PTH normaux

– Anomalie de la muqueuse buccale

(FGF23)

– Hyperlaxité cutanée

– Calcifications pulpaire

9q34.2-q34.3

– Cicatrices atrophiques

– Dysfonction de l’ATM

(COL5A1)

– Hyperlaxité articulaire

– Anomalie de la muqueuse buccale

2q31

Syndrome d’Ehlers-Danlos type classique (ex-type I et II)

130000 (EDSI)

AD

130010 (EDSII)

(COL5A2) Collagène type V Syndrome d’Ehlers-Danlos type hypermobile

130020 (EDSIII)

AD

– Hyperlaxité articulaire généralisée

– Dysfonction de l’ATM

6p21.3

– Hyperextensibilité cutanée

– Anomalie de la muqueuse buccale

(TNXB)

(ex-type III)

Ténascine 2q31 (COL3A1) Collagène type III

Syndrome d’Ehlers-Danlos type vasculaire (ex-type IV)

130050 (EDSIV)

AD

– Peau fine, translucide

– Dysfonction de l’ATM

2q31

– Fragilité ou rupture artérielle/intestinale/utérine

– Anomalie de la muqueuse buccale

(COL3A1) Collagène type III

– Contusions – Caractéristiques faciales Syndrome d’Ehlers-Danlos type kyphoscoliose

225400 (EDSVI)

AR

(229200)

(ex-type VI)

– Laxité ligamentaire généralisée

– Dysfonction de l’ATM

1p36.3-p36.2

– Hypotonie musculaire

– Anomalie de la muqueuse buccale

(PLOD) Lysyl hydroxylase

– Scoliose congénitale ou progressive – Fragilité sclérotique (rupture du globe oculaire)

Syndrome d’Ehlers-Danlos type arthrochalasie (ex-type VIIA, VIIB)

130060 (EDSVIIA, AD VIIB)

– Hypermobilité articulaire sévère généralisée avec subluxations récurrentes – Luxation congénitale bilatérale de la hanche

– Dysfonction de l’ATM

17q21.31-q22

– Anomalie de la muqueuse buccale (caractéristique)

(COL1A1)

± anomalies dentinaires

(COL1A2)

7q22.1 Collagène type I

Syndrome d’Ehlers-Danlos type dermatosparaxis

225410 (EDSVIIC) AR

Fragilité cutanée sévère

– Dysfonction de l’ATM

5q23

Excès de peau par perte d’élasticité

– Hyperplasie gingivale

(ADAMTS2) Procollagène

– Hypodontie

1 N-terminal peptidase

(Ex type VIIC)

– Microdontie – Anomalies de forme et de teinte des dents – Anomalies radicullaires Syndrome d’Ehlers-Danlos (autres)

305200

XL

« lié àl’X » (EDSV)

– Dysfonction de l’ATM

2q34

130080

AD

« Parodontite associée » (EDSVIII)

– Anomalie de la muqueuse buccale

(FN)

225310

?

« Déficit en fibronectine » (EDSX)

Fibronectine

147900

AD

« Familial hypermobilité » (EDSXI)

5q35.1q35.2

130070

?

« Progeroid EDS »

(XGPT1) Galactosyltransférase

19

PTH : hormone parathyroïdienne ; AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; ATM : artère temporomandibulaire.

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

– Calcification pulpaire

Syndrome

OMIM

Syndrome d’Elsahy-Waters 211380 (syndrome brachio-squeletto-génital)

Transmission

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

AR ou XLR

– Hypertélorisme

– Kystes dentigères

– Nez volumineux

– Aspect de dysplasie dentinaire de type I

Locus (gène), protéine

– Hypoplasie maxillaire – Hypospadias – Retard mental Syndrome d’Hallermann-Streiff (dyscéphalie oculomandibulaire)

234100

AD ?

– Nez fin et pincé

– Oblitération pulpaire

– Hypoplasie mandibulaire

– Dentine radiculaire anormale

– Microphtalmie

– Hypoplasie amélaire

– Cataracte congénitale

– Hypodontie

– Atrophie cutanée faciale

– Dents surnuméraires

– Hypotrichose

– Dents néonatales

– Petite taille Syndrome de Morris

125440

AD

– Ostéosclérose généralisée

Aspect de dysplasie dentinaire de type I

Syndrome de Sanfilippo

III A 252900

AR

– Maladie neurodégénérative progressive

Oblitération pulpaire par de la dentine irrégulière

(mucopolysaccharidose type III)

– Peu de signes de surcharge (discrète infiltration des traits, dysostose mineure, pas d’hépatosplénomégalie)

17q25.3 (SGSH) N-sulfoglucosamine sulfohydrolase

III B 252920

17q21 (NAG) N-acétyl-alpha-D-glucosaminidase

III C 252930

Chr 14

III D 252940

12q14 (GNS) N-acétylglucosamine-6-sulfatase

Syndrome de Sly (mucopolysaccharidose VII)

253220

Syndrome de Singleton-Merten

182250

AR

AD ?

Très variable : de forme létale in utero (hydrops) à des formes avec peu de signes de surcharge et sans retard mental

Anomalies dentinaires

– Calcifications aortiques

– Aspect de dysplasie dentinaire de type I

– Ostéoporose

– Hypodontie

– Acro-ostéolyse – Faiblesse musculaire PTH : hormone parathyroïdienne ; AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; ATM : artère temporomandibulaire.

7q21.11 (GUSB) Déficit en b-glucuronidase

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

20

Tableau 3. (Suite) Syndromes associés à des altérations de la dentine.

Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Figure 15. Hypodontie (avec l’aimable autorisation du docteur Vi-Fane). A. Agénésie d’une incisive latérale maxillaire et d’une seconde prémolaire mandibulaire. B. Agénésie symétrique des deuxièmes prémolaires mandibulaires. C. Rétention des incisives centrales mandibulaires temporaires due à l’agénésie des incisives permanentes. D. Agénésie symétrique des incisives latérales maxillaires.

souris, invalidées à l’état homozygote, ont un arrêt du développement dentaire au stade de bourgeon ainsi que d’autres anomalies craniofaciales (fentes, anomalies osseuses et cartilagineuses). Actuellement, plusieurs mutations du gène PAX9 porté par le chromosome 14 (14q21-q13) ont été identifiées dans des familles présentant des oligodonties des molaires [158] (Fig. 18, 19). [158-166] Toutes les mutations associées à des agénésies décrites dans la littérature génèrent une perte de fonction.

AXIN2 Cette protéine est impliquée dans la formation d’un complexe protéique responsable de la stabilité des b-caténines intervenant dans la voie de signalisation Wnt [167, 168] (mai 1999) (Fig. 20). Cette voie de signalisation participe à la Stomatologie

Figure 16. Oligodonties isolées (A, B) ou associées à des anomalies de forme (C, D). A. Agénésie de 17 dents associée à un retard d’évolution des premières molaires du côté gauche. B. Agénésie de 11 dents. C. Agénésie de 8 dents temporaires et dents permanentes associée à une macrodontie des incisives centrales permanentes, un élargissement du volume pulpaire et à des dents conoïdes. D. Agénésie de 11 dents associée à une importante microdontie.

morphogenèse de nombreux organes. Ce gène est également impliqué dans le cancer colorectal héréditaire. Récemment, des néoplasies colorectales prédisposant au cancer ont été retrouvées associées à une oligodontie. [169] La mutation de ce gène conduit à une activation de la voie Wnt en bloquant son effet de rétrocontrôle négatif. Il semble en effet que non seulement la voie Wnt mais surtout le niveau d’activation de cette voie, différentiel dans le temps, soient importants pour le développement dentaire. Une suractivation de cette voie peut conduire à la formation de dents surnuméraires et inversement une perte d’activation conduit à des agénésies.

21

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Figure 17. Anodontie. A. Photographie de face. B. Radiographie mandibulaire.

Stockton 2000

100

Nieminen et al. 2001

90 80 70

Das et al. 2002 Frazier-Bowers 2002

60 50

Lammi et al. 2003

40 30

Das et al. 2003

20 10

Jumlongras 2004

Mostowska 2003

Klein et al. 2005

0

es

3

m

re ai ol

s es

2

m

s

re

ai

ol

es

1

s

re

ai

ol

s

re

ai

ol

ém

m

es

2

pr

es

s re

ai

ol

ém pr

1

n ni ca

es

s ive s i c In

l

e al ér at

es

s

s ve isi c In

l ra

Toutes mutations confondues

nt ce

Figure 18. Phénotypes dentaires liés aux mutations de PAX9. Diagramme représentant la répartition des agénésies dentaires des cas publiés atteints d’une mutation du gène PAX9. [155-163]

Anomalies dentaires de nombre intermédiaires entre formes isolées et formes syndromiques : MSX1 MSX1 Partant de l’étude clinique, des pathologies moléculaires du facteur de transcription MSX1 ont été associées à des agénésies dentaires. Dans une famille présentant des agénésies des deuxièmes prémolaires et des troisièmes molaires – suivant un mode autosomique dominant – a été identifié le locus du gène MSX1 sur le chromosome 4 (4q16). [28] Cette mutation est le deuxième exemple historique en odontogénétique, 5 ans après la première mutation découverte dans le gène de l’amélogénine (AIH1). [56] D’autres mutations de MSX1 sont associées à des agénésies et à différentes combinaisons de fentes labiales et/ou palatines, ainsi qu’à des malformations des ongles (Fig. 21, 22). [28-30, 107, 170-172] Avec les anomalies dentaires, les fentes orofaciales (« Oro Facial Cleft » [OFC]) sont les anomalies les plus fréquentes (1/500 à 1/2 500). Ces fentes peuvent être labiales (« cleft lip » [CL]) ou palatines (cleft palate [CP]) selon l’origine embryonnaire différente, isolées ou de formes syndromiques (Fig. 23). La prévalence de l’hypodontie augmente avec la sévérité de la fente. De nombreux gènes sont candidats pour ces formes isolées : • OFC1 (MIM 119530) 6p24.3 HGP22 et AP2 ; • OFC2 (MIM 602966) 2p13 TGFa ;

22

• • • •

OFC3 (MIM 600757) 19q13 BCL3 ; OFC4 (MIM 608371) 4q ; OFC5 (MIM 608874) 4p16.1 MSX1 ; OFC6 (MIM 608864) 1q32-q41 IRF6. Les souris homozygotes invalidées pour Msx1 montrent en effet une fente palatine, mais également une déficience de l’os alvéolaire, un arrêt du développement des molaires au stade de bourgeon et une absence d’incisive. À l’état hétérozygote, les souris ne présentent pas d’atteinte dentaire. [18] Slayton et al. [147] suggèrent que chez les patients porteurs de fente labiale et/ou palatine, l’hypodontie en dehors des régions de la fente serait aussi due aux gènes responsables des fentes, MSX1 et TGF b3. En effet, MSX1 est un homéogène particulièrement impliqué dans la morphogenèse dentaire et orofaciale et plus précisément dans les phénomènes de régionalisation (« patterning »). Il intervient dès les stades précoces d’interactions ectomésenchymateuses, ce qui explique que ses mutations peuvent empêcher le développement des germes dentaires et conduire à des agénésies. MSX1 compte de nombreux polymorphismes. Ces légères modifications de séquence génomique donnent différents allèles codant pour la même protéine, mais ils pourraient augmenter le risque de présenter certaines pathologies. On ne dispose encore que de peu de données sur la régulation d’expression de MSX1. Quelques cibles cellulaires ont été décrites : • la cycline D1 régulée positivement et conduisant à une inhibition de la différenciation ; [26] Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Mutations AA (nucléotide)

1

2

Localisation

1-BP INS 219ins G

Protéine

Phénotype

Références

Oligodontie (de 9 à 19 dents)

Stockton et al. 2000 [159]

Exon 2

Oligodontie (de 11 à 29 dents) + molaires temporaires + réduction taille

Nieminen et al. 2001[160]

Oligodontie (de 21 à 26 dents) + molaires temporaires

Das et al. 2002 [161]

Hypodontie (de 2 à 18 dents)

Das et al. 2003 [158]

Exon 2

K114X (A340T)

- 025 AA

3

Del 44 à 100 kb

Exon 2

4

K91E (A27G)

Exon 2

5

L21P (T62C)

Exon 2

Oligodontie (de 8 à 19 dents) ± fentes

Das et al. 2003 [158]

6

288 BP INS

Exon 2

Oligodontie (de 13 à 14 dents)

Das et al. 2003 [158]

7

R26W (C76T)

Exon 2

Oligodontie (de 12 à 18 dents)

Lammi et al. 2003 [163]

8

R28P (G83C)

Exon 2

9

Cins 793

Exon 4

10

Gly51Ser (G151A)

Exon 2

11

A1G Codon initiation

PAX 9

14q12.q13

11

8

7 10 1

Jumlongras et al. 2004 [165]

Oligodontie (de 17 dents)

Frazier-Bowers et al. 2002 [162]

Oligodontie molaires

Protéine tronquée

Mostowska et al. 2003 [164]

Oligodontie (de 13 dents)

Oligodontie (de 18 à 23 dents) + dents temporaires

Exon 1

5'

4

Klein et al. 2005 [166]

9

3'

PD 5' UTR Exon 1

Exon 2 5 6

Figure 19.

Stomatologie

- 177 AA

Exon 3

Exon 4

3' UTR

2

Mutations du gène codant pour PAX9.

23

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

- WNT APC Axine

DÉGRADATION DE LA β-CATÉNINE

βcat GSK3β

ABSENCE DE RÉGULATION TRANSCRIPTIONNELLE

Figure 20. Voie de signalisation Wnt. En l’absence de signal Wnt, les b-caténines sont phosphorylées par le GSK3b en présence d’un complexe comprenant entre autres l’axine et APC. Elles sont alors ubiquitinylées et dégradées par le protéasome. En l’absence de Wnt, le GSK3b est inhibé et les b-caténines s’accumulent dans le cytoplasme et passent dans le noyau pour contrôler la transcription de gènes cibles. VEGF : vascular endothelial growth factor.

+ WNT Axine

APC

GÈNES CIBLES : - Cycline D1 (prolifération) - Cox2 (survie) - MMP-7 (protéolyse) - Laminine g2 (adhésion cellulaire) - VEGF (angiogenèse)

++ GSK3β

LEF/TCF

βcat

100 90 80

Vastardis et al. 1996

70

Jumlongras et al. 2001

60

Lidral 2002

50

Van Den Boogart et al. 2000

40

Nieminen 2003

30

De Muynck et al. 2004

20

Toutes mutations confondues

10 0

es

3

m

re ai ol

s es

2

m

s

re

ai

ol

es

1

s

re

ai

ol

m

es

2

s

re

ai

ém pr

ol

es

1

s re

ai

ém pr

ol

n ni ca

es

s ve isi c In

e al ér at

es

s

l

ive cis In

l ra

s

nt ce

Figure 21. Phénotypes dentaires liés aux mutations de MSX1. Diagramme représentant la répartition des agénésies des cas publiés atteints d’une mutation du gène MSX1 [28-30, 167, 168].

• Myo-D (gène maître du développement musculaire) [27] et Cbfa1 (impliqué dans le développement du squelette) sont régulés négativement. [173] De nombreux promoteurs d’autres gènes présentent des séquences de liaison pour MSX1 (par exemple WNT1 [174]). Un ARN antisens de MSX1 a été mis en évidence par Blin-Wakkach et al. [173] et vient très certainement compliquer les phénomènes de régulation via les ARNm, les interactions protéine-ARN ou la liaison au promoteur. MSX1 est également responsable d’une forme syndromique d’oligodontie, appelée syndrome de Witkop (ou « Tooth and Nail Syndrome » [TNS] MIM 189500) qui appartient à la grande famille des dysplasies ectodermiques. [30] Ces patients n’ont pas de problème de sudation et présentent des cheveux normaux. Le syndrome de Witkop se caractérise par des agénésies allant d’une ou deux dents à une hypodontie sévère et une dystrophie des ongles (poussant lentement et de forme bombée et striée). Les ongles des pieds sont plus sévèrement atteints. L’incisive centrale mandibulaire est très fréquemment affectée. Les dents présentes peuvent être atteintes d’anomalies de structure de l’émail prenant un aspect d’amélogenèse imparfaite de type hypominéralisé/hypomature. [175] L’étude histologique des ongles des souris invalidées pour Msx1 montre une absence

24

d’invagination de l’épithélium, corrélée à l’absence d’expression de Msx1 dans le mésenchyme sous-jacent. [30] Ainsi, MSX1 et PAX9 sont indispensables dans le développement dentaire. L’haplo-insuffisance de MSX1 affecte le développement de toutes les dents, préférentiellement les troisièmes molaires et les secondes prémolaires. Au contraire, un taux réduit de PAX9 affecte plus particulièrement le développement des molaires. L’effet d’haplo-insuffisance de PAX9 sur les incisives et les prémolaires est probablement secondaire à la déficience de MSX1. Ces deux gènes interviendraient dans la même voie de signalisation. Les mutations de ces deux gènes touchent souvent l’homéodomaine, altérant ainsi la liaison avec l’acide désoxyribonucléique (ADN). La localisation des agénésies reflèterait l’altération d’une certaine combinaison d’homéogènes. Sharpe propose pour cela un « homéocode dentaire », c’està-dire que chaque dent serait spécifiquement le résultat d’une action en association de certains homéogènes. [176] Pour Frazier et al., [177] l’agénésie des incisives aurait une signature génétique non MSX1-PAX9. Une autre part de l’explication des variations phénotypiques revient également à la localisation de leurs mutations et à leurs effets sur la structure et la fonction de la protéine. Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Mutations AA (nucléotide)

Localisation

Phénotype

Références

1

R196P (G587C)

Exon 2

Oligodontie de 8 à 15 dents (maxi/mandi symétrique)

Vastardis et al. 1996 [28]

2

M61K (T182A)

Exon 1

Oligodontie de 9 à 17 dents (maxi/mandi symétrique)

Lidral et Reising 2002 [170]

3

Del C (250)

5' UTR

Agénésies molaires

Fraziers-Bowers 2003

4

S105X (C314A)

Exon 1

Hypodontie/oligodontie de 4 à 16 dents (symétrique) ± fentes

Van Den Boogaard et al. 2000 [29]

Exon 2

Oligodontie de 11 à 28 dents (maxi/mandi symétrique) + dysgénésie des ongles (mains et pieds) Syndrome de Witkop

Jumlongras et al. 2001[30]

Hypodontie/oligodontie de 3 à 25 dents + retard mental Anomalie cardiaque Fentes Syndrome de Wolf-Hirschhorn

Nieminem et al. 2003 [171]

Oligodontie de 14 à 16 dents

De Muynck et al. 2004 [172]

MSX 1

S202X (C605A)

5

6

Del gène AR

7

Q187X C559T

Exon 2

4p16.1

3

2

4

5' Exon 1

Exon 2

3' UTR

Mutations du gène codant pour MSX1. maxi : maxillaire ; mandi : mandibulaire.

Anomalies dentaires de nombre par défaut de forme syndromique Dysplasie ectodermique Les dysplasies ectodermiques sont des pathologies rares touchant 7/10 000 naissances mais regroupant un très grand nombre d’entités cliniques (plus de 170) présentant toutes des altérations du développement des dérivés ectodermiques. Ces dysplasies sont de diagnostic aisé lorsqu’elles affectent en totalité la triade « cheveux, peau, dents » (Fig. 24). • cheveux fins, secs, cassants et peu nombreux (atrichose, hypotrichose) ; • peau fine, lisse, sèche (anhidrose, hypohidrose) caractérisée par l’absence ou l’altération des glandes sudoripares donc de la sudation, ainsi que des anomalies des ongles ou des glandes mammaires ; • dents manquantes (anodontie, oligodontie), retards d’éruption et dents conoïdes. La classification clinique des dysplasies ectodermiques repose sur la topographie des anomalies des phanères, sur la persistance ou l’absence de sudation et sur les anomalies associées (ankyloblépharon, fentes labiopalatines, ectrodactylie etc.). Ces patients présentent de sévères crises d’hyperthermie durant la petite enfance causant parfois la mort. Le manque de sécrétions trachéobronchiques les rend très susceptibles aux infections respiratoires, parfois mortelles. L’absence de glandes salivaires et lacrymales est également observée. Stomatologie

3'

HD 5' UTR

Figure 22.

5 7 1

La dysplasie ectodermique peut être isolée ou associée à d’autres anomalies dans de multiples syndromes. Nous décrirons ici plus particulièrement les formes isolées appelées « dysplasie ectodermique » (Tableau 4). Les formes syndromiques sont en partie répertoriées dans le Tableau 5. La mise en évidence des gènes responsables des dysplasies ectodermiques a conduit à une relative simplification de la nosologie : plusieurs formes cliniquement distinctes sont rapportées à des mutations d’un même gène. Plusieurs gènes codant pour des protéines impliquées dans la voie de signalisation de NF-kappa-B sont impliqués. Seul l’ED 2 se différencie cliniquement et ne constitue pas une altération de la voie du NF-kappa-B. En effet, ces patients ont une fonction normale des glandes sébacées, une alopécie totale, une dystrophie sévère des ongles, une hyperpigmentation de la peau (surtout au niveau des articulations), et une dentition normale. La connexine 30 est une protéine constitutionnelle des jonctions de type communicantes (« gap ») impliquées dans la communication cellulaire. [178] NF-kappa-B est une protéine de régulation qui intervient dans de nombreux processus déjà connus : inflammatoire, immunitaire, oncogénique, de protection contre l’apoptose et maintenant le développement. La dysplasie ectodermique hypo- ou anhidrotique liée à l’X est le syndrome semi-dominant le plus fréquent de cette famille. Une mutation spontanée de la souris Tabby a été identifiée en 1951 [179] avec un phénotype similaire aux ectodysplasies humaines avec des anomalies cuspidiennes des molaires. Par

25

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Figure 23. Fentes labiales et/ou palatine. Cas 1 : Fente labiale et palatine bilatérale. A1. Photographie intrabuccale. A2. Photographie de face. A3. Radiographie panoramique. Cas 2 : Fente palatine unilatérale. B1. Photographie de face. B2 et B3. Photographies en vue occlusale des arcades maxillaire et mandibulaire.

Figure 24. Dysplasie ectodermique. A, B, C et D. Photographies de face. E, F et G. Photographies intrabuccales montrant de multiples agénésies et des dents conoïdes.

clonage positionnel, le gène muté de l’ectodysplasine A1 (ED1) a été mis en évidence. [180] Appartenant à la superfamille des tumour necrosis factor (TNF), l’ectodysplasine-A est responsable du plus grand nombre des dysplasies ectodermiques. Il en existe deux isoformes EDA-A1 et EDA-A2 qui ne diffèrent que par l’insertion de deux acides aminés dans le domaine TNF (par l’utilisation d’un site d’épissage alternatif). Ces protéines transmembranaires trimériques de type II possèdent trois domaines fonctionnels : un court domaine N-terminal intramembranaire, un large domaine C-terminal extracellulaire contenant une portion de type collagénique (Gly-X-Y) 19 (notamment impliqué dans la trimérisation de ce récepteur nécessaire à son activité), un site de clivage furine et un domaine TNF. De nombreuses mutations ont été rapportées (64 en 2001 [181] de tous types : large délétion, insertions, faux sens, non-sens). Cependant, aucune corrélation évidente

26

génotype/phénotype n’a pu être établie. En revanche, une de ces mutations ne donne qu’un phénotype dentaire. [182] Ces ectodysplasines ont leurs récepteurs spécifiques EDAR et XEDAR respectivement pour les isoformes I et II. EDAR est une protéine transmembranaire de type I dont le domaine intracellulaire contient un domaine de mort (domaine fonctionnel impliqué notamment dans l’apoptose). Les mutations de ce gène sont responsables d’une forme autosomique dominante de dysplasie ectodermique. XEDAR est une protéine transmembranaire de type III ne contenant pas de domaine de mort codée par le chromosome X. À ce jour, elle n’est impliquée dans aucun syndrome connu. La Figure 25 [183-185] résume cette voie de signalisation complexe. La perturbation de chaque acteur de cette voie conduit à une dysplasie ectodermique : • EDARADD muté dans son domaine de mort ; [186] Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Tableau 4. Classification des gènes et des protéines impliquées dans les dysplasies ectodermiques (Lamartine, 2003).

[79]

Transmission

Locus

Gène/protéine

OMIM

Modèle animal

XLR

Xq12-13.1

ED 1/ectodysplasine-A1 (EDA1)

305100

Souris Tabby (« ta »)

Dysplasie ectodermique hypohidrotique AD (ED 3)

2q11-q13

EDAR/récepteur de l’ectodysplasine (EDA-A1R)

129490

Souris Downless (« dl »)

Dysplasie ectodermique hypohidrotique AR

2q11-q13

EDAR/EDAR

224900

Souris Crinkled (« cr »)

1q42.2-q43

EDARADD/EDARADD

13q12

GJB6/connexine 30 Cx30

Dysplasie ectodermique anhidrotique (ED 1) « syndrome de Christ-SiemensTouraine »

Dysplasie ectodermique hidrotique

AD

129500

(ED 2) « syndrome de Clouston »

• Traf 6 : les protéines Traf sont impliquées dans l’activation de facteur de transcription via la superfamille des TNF. Il a été montré que Traf 6 régulerait différentes cascades de signalisation impliquées dans la réponse immunitaire immédiate et spécifique et dans l’homéostasie de l’os. [187] Cette protéine est notamment impliquée dans les voies de l’interleukine 1 (IL1), CD40, LPS et RANKL ; • EDA, EDAR, EDARADD sont exprimés dans le nœud de l’émail et régulent la morphogenèse des cuspides. Cette même fonction est attribuée à Traf 6 avec une influence encore plus importante. [188] Ces patients présentent une ostéopétrose et un défaut du remodelage osseux dus à une altération de fonction des ostéoclastes. Cette protéine serait nécessaire à l’activation des ostéoclastes peut-être par l’intermédiaire de RANK ; [189] • IKKc : la mutation du gène codant pour la protéine NEMO, au locus Xq28, est responsable d’une autre pathologie ectodermique, l’incontinentia pigmenti (MIM 308300) dominante liée à l’X. Les femmes atteintes présentent des lésions linéaires de Blashko. Ces lésions évoluent en quatre stades : érythème, vésicules, pustules (stade 1, chez le nourrisson), lésions verruqueuses (stade 2, chez l’enfant), hyperpigmentation (stade 3, de l’enfance à l’âge adulte), pâleur (stade 4) associées à des anomalies du développement des dents, des yeux, des cheveux, et du système nerveux central. Certaines mutations de IKKc sont associées à une pathologie récessive liée à l’X (MIM 300291). Les signes principaux sont une dysplasie ectodermique, un déficit immunitaire et, dans certains cas, une ostéoporose. [190] Cette immunodéficience semble affecter plutôt la réponse immunitaire à médiation humorale. Dans certains cas, la réponse des lymphocytes T est également perturbée. NEMO aurait donc un rôle activateur des lymphocytes B et de la commutation (« switche ») des immunoglobulines (Ig) via le CD40. [191] Ainsi, la voie Edar régule l’initiation, la morphogenèse et la différenciation de multiples organes épidermiques. Durmowicz et al. [192] ont montré l’activation du promoteur de l’ectodysplasine par Lef1 et b-caténine suggérant que, en amont, ce gène soit régulé par la voie Wnt déjà impliquée dans les agénésies dentaires. De plus, l’ectodysplasine régulerait les voies de Bmp4 et Shh. De façon intéressante, le traitement par une ectodysplasine recombinante d’une souris atteinte a montré la restitution d’un phénotype normal dans la descendance. C’est le premier exemple de correction permanente d’un défaut génétique par protéine recombinante. [193]

Syndrome d’Axenfeld-Rieger (MIM 180500, 601090) Cette pathologie est une malformation des tissus endothéliaux dérivés des crêtes neurales s’exprimant particulièrement au niveau des yeux. Au niveau oculaire, l’anomalie touche le clivage de la chambre antérieure et peut se manifester par la persistance d’un embryotoxon postérieur et par des synéchies entre l’iris et la cornée conduisant à des glaucomes. D’autres Stomatologie

signes ayant une pénétrance incomplète et une expressivité variable accompagnent ces anomalies oculaires : hypodontie, réduction de la taille des dents, couverture cutanée anormale du cordon ombilical, perte d’audition et anomalies squelettiques des membres (Fig. 26). Deux gènes codant pour des facteurs de transcription ainsi que deux autres locus ont été associés à ce syndrome. Le gène PITX2 (« pituitary homeobox transcription factor 2 ») situé sur le chromosome 4 (4q25-q26) code pour un facteur de transcription à homéodomaine de la famille « pairedbicoid ». Il est impliqué dans la voie de signalisation de SHH (Sonic Hedgehog), dans la morphogenèse des dents, et dans la maturation du collagène, ce qui explique les malformations oculaires et dentaires. De plus, il régule Bmp4 et Fgf8, facteurs de croissance clés du développement dentaire. FOXC1 est un autre facteur de transcription liant l’ADN via un « forkhead domain » intervenant dans la formation de l’œil. Des mutations de ce gène (6p25) peuvent conduire également à des syndromes de Rieger. Enfin, des analyses de liaison ont montré une association avec les locus 11p13 et 16q23.2. PAX6 et MAF sont deux candidats fortement suspectés. [194]

Syndromes de la ligne médiane et holoprosencéphalie L’holoprosencéphalie (HPE) est un défaut de développement complexe touchant le cerveau antérieur dans lequel les deux hémisphères ne sont pas correctement séparés et dont la prévalence est de 1/16 000 naissances et 1/250 conceptions. [195] Il se transmet sur un mode autosomique dominant ou récessif. Le thalamus et la glande pituitaire peuvent également présenter des malformations. Dans les formes les plus sévères (alobaire), le cerveau est de petite taille et ne présente pas de fissure interhémisphérique. Les anomalies faciales sont associées dans 80 % des cas. Elles sont très vastes allant d’une simple absence d’une incisive centrale (Fig. 27) à la cyclopie en passant par tous les intermédiaires : agénésie de l’ethmoïde, du nez, du prémaxillaire, du philtrum de la lèvre et parfois une sténose des orifices piriformes. Dans les formes lobaires, les deux hémisphères sont développés et la scissure est soit complète, soit incomplète. Enfin, les formes semi-lobaires regroupent des anomalies cérébrofaciales de gravité intermédiaire. Dans certaines formes légères, les dysmorphies faciales sont les seuls signes pathologiques (hypertélorisme, perturbation de l’olfaction et incisive centrale unique), voire une simple asymétrie faciale. La littérature rapporte plus de cas sporadiques que de cas familiaux. Des critères uniquement cliniques permettent de les différencier. [196, 197] L’expression phénotypique de l’HPE est très variable et l’étiologie hétérogène, à la fois environnementale et génétique. De nombreux gènes ont été incriminés : SHH, TGIF, ZIC2, SIX3, PTCH, TDGF1, GLI2, FAST1, DHCR7 et d’autres restent à découvrir (Tableau 6). Plusieurs peuvent être mutés chez un même patient. [196, 198]

27

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Tableau 5. Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome

OMIM

Transmission

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

Locus (gène) protéine

Hypodontie + chute prématurée des dents permanentes

3q27

– Hypodontie

12q24.1

– Ectopie

(TBX3)

Syndromes avec dysplasie ectodermique Syndrome ADULT

103285

AD

(acro-dermato-ungual-lacrimaltooth)

– Cheveux fins et clairsemés – Hypotrichose – Dysplasie des ongles

(TP63) P63

– Hypohidrose – Perte prématurée des cheveux – Syndactylie et/ou main fendue – Hypo/aplasie mammaire – Obstruction du canal lacrymal – Taches de rousseur Syndrome cubitomammaire

181450

AD

(ulnar-mammary syndrome)

– Hypoplasie des glandes mammaires et apocrines – Hypoplasie du rayon cubital ou polydactylie postaxiale

T-box gène type 3

– Hypogénitalisme et retard pubertaire chez les hommes – Malformations anales – Malformations urogénitales Syndrome EEC (ectrodactylyectodermal dysplasia – clefting)

129900 (EEC1) AD

– Cheveux fins et clairsemés

– Hypodontie

7q11.2-q21.3

602077 (EEC2)

– Hypotrichose

– Dents conoïdes

Chr 19

604292 (EEC3)

– Dysplasie des ongles

3q27

– Hypohidrose

(TP63)

– Ectrodactylie/syndactylie

P63

– Fentes labiales et/ou palatines – Obstruction du canal lacrymal – Hydronéphrose – Kératite avec photophobie Syndrome de Hay-Wells

106260

AD

OU syndrome AEC (ankyloblepharon-ectodermal defectcleft lip/palate)

– Cheveux fins et clairsemés

– Hypodontie

3q27

– Hypotrichose

– Dents conoïdes

(TP63) P63

– Dysplasie des ongles – Hypohidrose – Pili torti – Ankyloblépharon – Dermatite du scalp – Kératose palmoplantaire – Fente labiopalatine ou palatine

Syndrome de Rapp-Hodgkin

129400

AD

– Cheveux fins et clairsemés

– Hypodontie

3q27

– Hypotrichose

– Dents conoïdes

(TP63) P63

– Pili torti – Dysplasie des ongles – Hypohidrose – Dermatite du scalp – Kératose palmoplantaire – Fente labiopalatine ou palatine Dysplasie ectodermique avec fragilité cutanée

604536

AR

– Cheveux fins et clairsemés

1q32

– Dysplasie des ongles

(PKP1) Plakophiline 1

– Hypohidrose – Érythème – Lésions bulleuses induites par la friction Dysplasie ectodermique de l’île Marguerite

225060 225000

OU syndrome CLPED1 (cleft lip/palate – ectodermal dysplasia syndrome) OU syndrome de ZlotogoraMartinez

AR

– Dysplasie des ongles

Hypodontie

11q23-q24

– Pili torti

(PVRL1)

– Syndactylie

Nectine 1

– Fentes labiopalatines – Retard mental (inconstant)

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.

28

Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Tableau 5. Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome

OMIM

Transmission

Syndrome de Böök

112300

AD

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

Locus (gène) protéine

Syndromes avec anomalies cutanées prédominantes – Hyperhidrose palmoplantaire

Hypodontie prémolaire

– Chevelure grisonnant précocement Melano leukodermie

246500

AR

– Mélanoleukodermie

Hypodontie

– Retard mental – Nanisme – Hypotrichose Syndrome de RothmundThomson

268400

AR

– Poïkilodermie avec photosensitivité

– Retard d’éruption

8q24.3

– Dystrophie unguéale – Cataracte

– Dents surnuméraires ou manquantes

– Petite taille

– Microdontie

(RECQLA) Hélicase de la famille Werner (WRN) et Bloom (BLM)

– Hypoplasie radiale – Prédisposition aux tumeurs mésenchymateuses Syndrome de Schöpf-SchulzPassarge

224750

AR

OU syndrome tricho-odontoonychodermique Hypertrichose-surdité-anomalies dentaires

307150

Syndrome de Goltz

305600

XLR

XLD

OU hypoplasie dermique en aire

– Kératose palmoplantaire

– Sévère hypodontie

– Alopécie progressive – Kystes palpébraux

– Perte prématurée des dents temporaires

– Hypertrichose généralisée

– Anomalie de forme

– Surdité

– Éruption anarchique

– Syndrome complexe souvent très asymétrique – Hypodontie – Hypoplasie/atrophie cutanée en plages asymétriques

– Hypoplasies amélaires

– Hypo-/hyperpigmentation en plage

– Asymétrie faciale

Xq24-q27

Xp22.31

– Papillomes périorificiels – Dysplasies unguéales – Syndactylie ou ectrodactylie – Microphtalmie ou colobome létal in utero chez le garçon Syndromes avec dysmorphie faciale prédominante Syndrome d’Alagille

118450

AD

– Visage triangulaire

Hypodontie

20p12

– Embryotoxon postérieur

(JAG1)

– Hypoplasie des canaux biliaires → cirrhose

Jagged-1

– Vertèbres en aile de papillon – Cardiopathies – Sténoses artérielles pulmonaires Syndrome d’Apert

101200

AD

(Acro-céphalo-syndactylie)

– Craniosténose (acrocéphalies)

– Hypodontie

10q26

– Syndactylie complète (mains en moufle)

– Retard et éruption ectopique

(FGFR2) Récepteur aux FGF type 2

– Retard mental

– Encombrement dentaire – Malocclusions Syndrome de Crouzon

123500

AD

– Craniosténose avec exophtalmie

– Hypodontie

10q26

– Hypertélorisme

– Dents surnuméraires

(FGFR2) Récepteur aux FGF type 2

strabisme divergent – Hypoplasie maxillaire

4p16.3

+ acanthose nigricans

(FGFR3) Récepteur aux FGF type 3 (plus rarement) Syndrome BCD (blepharo-cheilodontic)

119580

AD

– Fermeture incomplète des paupières (lagophtalmos)

Oligodontie et dents conoïdes

– Ectropion de la paupière inférieure – Distichiasis – Hypertélorisme – Fente labiopalatine – Communication interauriculaire AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif. Stomatologie

29

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Tableau 5. (Suite) Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome

OMIM

Transmission

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

Locus (gène) protéine

Syndrome de Kabuki

147920

AD ?

– Fentes palpébrales larges avec éversion de la paupière inférieure

– Hypodontie Duplication (incisives, prémolaires) 8p22-8p23.1

– Faciès particulier

– Microdontie

– Hypotonie – Retard statural – Retard mental Syndrome KBG

Syndrome LADD (lacrimoauriculo-dentodigital)

148050

149730

AD

AD

OU lacrymo-auriculo-radiodental

– Hypertélorisme

– Macrodontie des incisives

– Sourcils larges

– Fusion des incisives

– Retard statural

– Hypodontie

– Retard mental

– Dysplasie amélaire

– Atrésie des canaux lacrymaux

– Hypodontie

– Hypoplasie/absence des glandes salivaires

– Incisives latérales maxillaires en « grains de riz »

– Visage rond

– Oreilles dysplasiques, en conques – Surdité neurosensorielle – Anomalie du pouce (hypoplasie, absence, pouce digitiforme triphalangé)

– Hypominéralisation de l’émail – Microdontie – Taurodontisme

Dysplasie otodentaire

166750

AD

Surdité progressive

– Agénésies et dents surnuméraires – Dents globuleuses – Taurodontisme

Syndrome de Rubinstein-Taybi

180849

AD

– Microcéphalie – Fentes palpébrales antimongoloïdes – Nez convexe avec collumelle saillante – Pouces et hallux larges – Retard mental et de croissance – Risque de formation tumorale

Syndrome de Saethre-Chotzen

Syndrome de Van Der Woude

101400

606713

AD

AD

119300

Syndrome de Verloes-Koulischer

603446

AD ?

– Craniosynostose

AR

(CREBBP)

– Hypodontie

CREB binding protein

– Dents surnuméraires

22q13.2

– Dent néonatale

(EP300)

– Retard d’éruption

E1A binding protein

Hypodontie

7p21 (TWIST)

– Asymétrie faciale

TWIST

– Syndactylies cutanées

10q26, 4p16.3 Parfois FGFR2 et FGFR3

– Fistules de la lèvre inférieure

Hypodontie

1q32-q41

– Fentes labiales et/ou palatines

(IRF6)

– Rarement : ankyloblépharon /synéchies maxillomandibulaires

Facteur régulateur de l’interféron 6

– Agénésie médiane du maxillaire – Syndactylie

243800

16p13

– Ptosis

– Anomalies réductionnelles des doigts Syndrome de Johanson-Blizzard

– Cuspide supplémentaire sur les incisives

– Hypoplasie des ailes du nez

Absence des incisives supérieures et des canines Oligodontie sévère

– Aplasie cutanée du scalp – Cheveux « incoiffables » – Retard de croissance – Insuffisance pancréatique – Hypothyroïdie – Surdité – Retard mental Syndrome de Sensenbrenner

218300

(dysplasie cranioectodermique)

AR

– Scaphocéphalie

– Hypodontie

– Hypotrichose

– Fusions

– Petite taille

– Microdontie

– Thorax étroit

– Taurodontisme

– Néphropathie tubulo-interstitielle

– Dysplasies de l’émail

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.

30

Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Tableau 5. (Suite) Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome

OMIM

Syndrome de Tuomaala-Haapanen 211730

Transmission

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

AR

– Distichiasis

Anodontie

OU syndrome oculo-ostéocutané

Locus (gène) protéine

– Cataracte – Hypopigmentation généralisée – Petite taille – Retard mental

Syndromes orofaciodigitaux (OFD)

Signes communs aux divers OFD :

Plus de 12 types identifiés

– hamartomes linguaux

– freins gingivolabiaux multiples – langue plurilobée

Syndrome OFD type 1

311200

OU syndrome de Papillon-LéagePsaume

300170

XLD (létal chez le M)

Signes communs aux divers OFD : hypodontie (incisives latérales supérieures surtout)

– Syndactylie

– Agénésie ou dent surnuméraire

– Dystopie des canthi

– Hypoplasie amélaire

– Hypoplasie des ailes du nez

– Malpositions dentaires

– Polydactylie préaxiale

– Fente médiane de la lèvre supérieure

Xp22.3-p22.2 (CXORF5)

– Maladie polykystique des reins – Malformations cérébrales (peu fréquentes) : agénésie du CC, hypoplasie cérébelleuse Syndrome OFD type 2

252100

AR

OU syndrome de Mohr

– Fente médiale de la lèvre supérieure

Dent néonatale

– Perte d’audition – Polydactylie pré- et postaxiale – Malformations cardiaques

Syndrome OFD type 4

258860

AR

OU syndrome de Mohr-Majewski

– Fente médiane de la lèvre supérieure – Polydactylie pré- et postaxiale – Malformations cardiaques – Malformations cérébrales, – Hypoplasie des tibias

Syndrome OFD type 6

277170

AR

OU syndrome de Varadi-Papp

– Fente labiopalatine – Agénésie du vermis cérébelleux – Polysyndactylies des mains et des pieds – Anomalies squelettiques

Syndrome d’Aarskog

305400

XLR

(facio-digito-genital dysplasia)

– Hypertélorisme

Hypodontie

– Ptosis

Xp11.21 (FGD1)

– Brachydactylie avec syndactylies cutanées – Scrotum en châle – Petite taille – Anomalies génitales Syndrome de Coffin-Lowry

303600

XLR

– Microcéphalie – Hypertélorisme sévère – Macrostomie – Lèvres épaisses, l’inférieure éversée

– Hypodontie (incisives Xp22.1-p22.2 latérales) (RSK2) – Perte prématurée des Kinase dents ribosomale

– Scoliose – Mains courtes avec doigts fuselés – Retard mental – Petite taille Les femmes conductrices ont fréquemment un phénotype atténué Syndrome oculo-auriculovertébral (inclus : syndrome de Goldenhar et microsomie hémifaciale)

164210

Sporadique

– Hypoplasie unilatérale ou bilatérale (asymétrique) des 1er et 2e arcs

Oligodontie du côté hypoplasique

14q32

– Colobome palpébral – Dermoïde épibullaire (Goldenhar) – Hypoplasie mandibulaire – Hypoplasie et position antérieure du pavillon de l’oreille – Macrostomie – Anomalies de segmentation vertébrale – Malformations cardiaques

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.

Stomatologie

31

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Tableau 5. (Suite) Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome

OMIM

Transmission

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

Locus (gène) protéine

Syndrome de Williams-Beuren

194050

Microdélétion

– Dysmorphie caractéristique (microcéphalie, hypertélorisme, nez court et retroussé, lèvres épaisses, l’inférieure éversée)

– Anomalie de forme

7p11.23 Microdélétion : syndrome de gènes contigus, incluant notamment : l élastine, LIMK1, RFC2, CYLN2

– Malformations cardiaques ± sténose pulmonaire

– Incisive en tournevis – Hypodontie – Microdontie

– Hypercalcémie – Retard mental avec comportement spécifique

Trisomie 21

190685

Chromosomique

– Retard mental – Faciès typique – Malformation cardiaque

– Agénésies des dents temporaires et permanentes

21q22.3

– Incisives latérales maxillaire en grain de riz – Hypominéralisation de l’émail Syndrome de Rogers

263540

AR

– Polydactylie postaxiale

– Oligodontie

– Prognathisme

– Macrodontie

– Dysplasie des pavillons

– Fusion des incisives

– Fusions vertébrales

– Dysplasie amélaire

Syndromes avec anomalie oculaire prédominante – Microphtalmie ou microcornées

– Microdontie

6q22-q24

– Nez étroit avec hypoplasie des ailes

– Oligodontie

(GJA1)

OU syndrome oculo-dento-osseux

– Syndactylie des 4e et 5e doigts

OU syndrome de MeyerSchwickerath

– Hyperostose des corticales

– Perte prématurée des Connexine 43 dents

– Leucodystrophie

– Anomalies amélaires

Syndrome ODD (oculodentodigital)

164200

AD

– Spasticité Syndrome OFCD

300166

(syndrome oculo-facio-cardiodental)

XLD (létal chez les garçons)

– Cataracte

– Oligodontie

Xp11.4

– Microphtalmie

– Retard d’éruption

(BCOR)

– Face longue

– Radiculomégalie, BCL6 fusion ± hyperodontie corépresseur

– Nez à pointe bifide – Malformations cardiaques Syndrome de Lenz

309800

XLR

– Microcéphalie

– Hypodontie (Incisives Xq27-28 latérales) (forme – Dents conoïdes principale)

– Scoliose

– Taurodontisme

Gène inconnu

– Anomalies digitales (syndactylie, polydactylie préaxiale)

microdontie

Xp11.4

– Microphtalmie colobomateuse – Dysplasie des pavillons

(BCOR) BCL6 corépresseur

– Retard mental – Anomalies urogénitale et cardiaque Syndrome de Nance-Horan

302350

XLR

Cataracte ± microcornée

– Hypodontie

Xp22

– Dents conoïdes

(NHS)

– Dents en tournevis

NHS

– Dents surnuméraires Présente aussi chez les conductrices Syndrome CODAS (cérébro-oculo- 600373 dento-auriculo-squelettique)

AD ?

– Cataracte

– Retard d’éruption

– Nez retroussé bifide

– Anomalie de forme des cuspides

– Dysplasie des pavillons – Anomalies vertébrales – Retard mental Syndromes avec anomalie osseuse prédominante – Dysplasie des ongles

– Hypodontie

4p16

OU de Curry-Jones

– Petite taille

– Dents conoïdes

(EVC1)

OU dysostose acrofaciale

– Hypertélorisme

– Hypoplasie de l’émail ± incisive centrale unique

NB : même gène que le syndrome d’Ellis-Van Creveld (AR)

Syndrome de Weyers

193530

AD

– Polydactylies postaxiale des mains/pieds – Anomalie mandibulaire

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.

32

Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Tableau 5. Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome

OMIM

Transmission

Syndrome de Kantaputra

-

AD

Manifestations cliniques

Anomalies dentaires

– Symphalangie distale

– Microdontie des incisives supérieures

– Hypoplasie unguéale

Locus (gène) protéine

– Calcification pulpaire – Hypodontie Syndrome de Seckel

Syndrome de Rao-Morton

– Nanisme très sévère à début anténatal

– Hypodontie

606744

– Microcéphalie très sévère

– Hypoplasie de l’émail (ATR)

608664

– Rétrognathie

14q23

– Hypersensibilité à la mitomycine en culture

Locus SCKL3

– Retard mental

18p11.31q11.2 Locus SCKL2

210600

601668

AR

AR

– Chondrodysplasie spondyloépimétaphysaire – Laxité ligamentaire

– Incisives inférieures conoïdes

– Platyspondylie

– Oligodontie

3q22-q24

– Coloration anormale Syndrome de Jeune

208500

AR

OU dystrophie thoracique asphyxiante

– Nanisme chondrodysplasique à prédominance rhizomélique

– Oligodontie

15q13

– Dysplasie unguéale

– Dents néonatales

4p16

– Chondrodysplasie avec brièveté acromésomélique des membres

– Hypodontie (incisives (EVC1) mandibulaires et 2es 4p16 molaires) (EVC2) – Microdontie limbine – Éruption retardée

– Étroitesse thoracique – Polydactylie postaxiale – Dysplasie rénale kystique avec néphronophtysie

Syndrome d’Ellis-Van Creveld

225500

AR

OU dysplasie chondroectodermique

– Polydactylie postaxiale des mains et des pieds – Malformations cardiaques : CIA, CAV

– Dents conoïdes – Hypominéralisation amélaire – Freins gingivaux multiples Dysplasie anauxétique

607095

AR

– Chondrodysplasie spondylométaépiphysaire

Hypodontie

– Retard statural sévère et membres courts – Prognathisme – Retard mental Dysplasie diastrophique

226900

AR

– Chondrodysplasie épimétaphysaire

Hypodontie

5q32-q33.1 (DTDST) Transporteur de sulfate

– Fente palatine – Pieds bots – Malposition des pouces – Scoliose Anomalie de Klippel-Feil

148900

Sporadique Rarement AD Hétérogène

– Fusion congénitale des vertèbres cervicales ± thoraciques hautes (4 types distincts)

Oligodontie des dents temporaires et permanentes

8q22-23 (PAX1) 20q11

– Cou court – Surdité – Fente palatine – Malformation – Retard de croissance – Anomalie rénale AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.

SHH Sonic Hedgehog joue un rôle critique dans le développement du cerveau et du système nerveux central ainsi que dans la régionalisation dorsoventrale. Les souris invalidées à l’état homozygote présentent une HPE. [199] Une mutation non-sens de SHH a été mise en évidence sur huit membres d’une même famille (trois avec une SMMCI [solitary median maxillary Stomatologie

factor],1 atrésie choanale, deux phénotypes normaux). PTCH codant pour le récepteur de SHH présente également des mutations donnant un phénotype de HPE. [200] ZIC2 ZIC2 est un facteur de transcription impliqué dans la neurulation. Il serait plus particulièrement retrouvé dans les formes présentant seulement quelques anomalies faciales. [201]

33

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

EDA-A1

Plusieurs hypothèses ont été évoquées : hyperactivation de la lame dentaire, division du germe dentaire. On les trouve le plus fréquemment dans le secteur incisif maxillaire (dent de forme conoïde en position médiane appelée mésiodens) mais les secteurs molaires peuvent également être afffectés. Certains syndromes ont parmi leurs caractéristiques une polyodontie.

EDA-A2

EDAR TRAF 3-6

EDARADD TRAF 1-3(5-6) Apoptose cellulaire

IKKs

JNK

IKKs

Dysostose cléidocrânienne (MIM 119600)

NF-k-B NF-k-B

Transcription de gènes

A

IKKγ IKKα

IKKβ

P

P I-kappa-B

I-kappa-B

Dégradation par le protéasome

NF-kappa-B dimérique

NF-kappa-B libre

Membrane nucléaire

B Figure 25. Voie de transduction EDAR/XEDAR. A. Les ectodysplasines fixées sur leurs récepteurs déclenchent un signal intracellulaire conduisant à l’activation de la voie du NF-kappa-B. Xedar interagit directement avec les molécules TRAF (receptor-associated factor) tandis que Edar nécessite l’implication d’une protéine adaptatrice Edaradd (qui se fixe sur le domaine de mort). Xedar active également la voie JNK mais son implication dans le développement des dérivés ectodermiques n’a pas été mise en évidence. De plus, Edaradd, comme tout TNFRs avec domaine de mort, serait capable d’induire l’apoptose cellulaire. L’absence de certains organes (glandes, dents...) ou leurs hypoplasies trouveraient ici une explication, mais cela reste à prouver. Enfin, Xedar activerait la voie des MAPK. [180, 181] B. Le complexe de kinase IKK (I-kappa-B kinase) IKKa/IKKb/IKK (NEMO) phosphoryle I-kappa-B (inhibiteur de NF-kappa-B) qui alors s’ubiquitine et est dégradé par le protéasome libérant ainsi le dimère de NF-kappa-B. [182]

SIX3 SIX3 est un homéogène impliqué dans le développement de l’œil, et dans la formation de la ligne médiane. TGIF TGIF est également un facteur de transcription à homéodomaine inhibant la voie de signalisation du TGFb en bloquant l’action des protéines SMAD. Il contribuerait, pour un faible pourcentage, aux HPE. [201]

Anomalies de nombre par excès de forme syndromique Beaucoup plus rares que les anomalies par défaut, elles restent souvent sporadiques et l’étiologie en est obscure.

34

Décrite classiquement comme un syndrome, cette pathologie à transmission autosomique dominante se caractérise par de nombreuses anomalies du développement osseux et du système alvéolodentaire. Les anomalies squelettiques communément retrouvées sont une hypoplasie, voire une aplasie des clavicules (permettant aux patients de faire se toucher leurs deux épaules), un épaississement de la calvaria se manifestant par une bosse frontale, une persistance de la grande fontanelle. Les anomalies dentaires sont sévères : dents surnuméraires nombreuses, retard d’éruption, voire rétention des dents permanentes, donnant cliniquement un tableau de pseudoanodontie (Fig. 28). Mundlos [202, 203] a montré une liaison avec le locus 6p21 sur le bras court du chromosome 6, codant pour un facteur de transcription spécifiquement osseux, CBFA 1 (core-binding factor A1). Cette approche de génétique humaine a permis la découverte de ce gène, parallèlement aux études de promoteur de l’ostéocalcine et dans la même période (pour revue [11]). Ce gène RUNX2 (famille des gènes runt en contenant 3) code pour la sous-unité a d’un facteur de transcription hétérodimérique PEBP2/CBF. Cette sous-unité a comporte un domaine hautement conservé, le domaine Runt permettant la liaison à l’ADN et à la sous-unité b. Ce domaine Runt contient également un signal de localisation nucléaire (nuclear localization signal [NLS]). Enfin, l’extrémité C-terminale de cette protéine est une région riche en proline, sérine et thréonine (domaine PST) impliquée dans les interactions avec d’autres facteurs de transcription, coactivateurs ou corépresseurs. [204] L’haplo-insuffisance, c’est-à-dire la perte hétérozygote de fonction de ce facteur de transcription, est suffisante pour engendrer la pathologie. [205] Comme dans toutes ces pathologies génétiques, la diversité des phénotypes est considérable allant de phénotype ostéoporotique sévère à des cas où les anomalies dentaires sont les seules manifestations. [206, 207] Les auteurs ont essayé d’établir un lien entre le génotype et le phénotype (selon la localisation de la mutation dans le domaine Runt) sans conclusion probante. L’invalidation du gène est létale à la naissance pour les souris homozygotes avec une absence totale d’os ; tandis que les formes hétérozygotes montrent des anomalies très similaires à celles de la dysplasie cléidocrânienne. [208] CBFA 1 est donc un facteur primordial de l’ostéogenèse qu’elle soit endochondrale ou intramembranaire. Il contrôlerait la différenciation des cellules préostéoblastiques en cellules ostéoblastiques durant le développement et, en postnatal, il contrôlerait le dépôt de matrice osseuse par les ostéoblastes différenciés [209] ainsi que la résorption osseuse par les ostéoclastes [210] (cf. supra « Facteurs de transcription tissu-spécifiques »). RUNX2 a donc un rôle primordial dans la mise en place et la régulation du tissu osseux, très spécifiquement. Cette potentialité tissulaire a récemment permis d’apporter un élément de réponse en cancérologie face à la constatation d’une localisation préférentiellement osseuse des métastases de cancers du sein. En effet, ces cellules cancéreuses expriment RUNX2 de façon ectopique. [211]

Polypose rectocolique familiale (syndrome de Gardner) (MIM 175100) Il s’agit d’une polypose familiale adénomateuse autosomique dominante atteignant les trois feuillets embryonnaires. On retrouve ainsi des risques de tumeur maligne au niveau de la peau (caractérisée par une hyperpigmentation), du squelette (ostéomes, notamment au niveau du crâne et du maxillaire, [212] Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

Figure 26. Syndrome de Rieger. Cas 1 : A. Photographie de face. B. Photographie intrabuccale montrant la persistance de dents temporaires (cercles bleus). C. Radiographie panoramique montrant la persistance de dents temporaires et des agénésies multiples (étoiles blanches). Cas 2 : D. Photographie intrabuccale. E. Radiographie panoramique montrant une importante oligodontie. F. Photographie de face.

Figure 27. Holoprosencéphalie (HPE). A. Photographie intrabuccale d’un patient présentant une forme fruste d’HPE avec une incisive centrale médiane unique. B. Radiographie panoramique mettant en évidence une incisive centrale médiane unique.

des kystes épidermoïdes), et des cancers colorectaux. Les anomalies dentaires sont diverses : dents impactées, dents surnuméraires, agénésies et anomalies de la forme des racines. Le gène impliqué dans cette pathologie est APC situé au locus 5q21.q22. [213] Ce gène est impliqué dans la voie de signalisation Wnt (Fig. 19). Dans les familles atteintes, les manifestations orofaciales peuvent être les premières et permettre le dépistage précoce de cette pathologie avant la transformation des polypes intestinaux en cancer colorectal. [214] Les syndromes associés aux anomalies de nombre sont extrêmement nombreux, le Tableau 5 répertorie les plus fréquentes. Stomatologie

■ Mutations des gènes impliqués dans la croissance PTH, PTHrp et leurs récepteurs PTH Les mutations du gène codant pour l’hormone parathyroïdienne (située au locus 11p15.3-p15.1) sont responsables d’une forme isolée d’hypoparathyroïdie, de transmission autosomique récessive ou dominante (MIM 146200). Cette pathologie est

35

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

Tableau 6. Gènes impliqués dans l’holoprosencéphalie (HPE). Type d’HPE

Localisation chromosomique

Gène

OMIM

HEP 1

21q22.3

HEP 2

2p21

SIX3

157170

HEP 3

7q36

SHH

142945

HEP 4

18p11.3

TGIF

142946

HEP 5

13q32

ZIC 2

603073

HEP 6

2q37.1-q37.3

?

605934

HEP7

9q22

PTCH

601309

3p21.31

TDGF1/CRIPTO

8q24

FAST1

2q14

GLI2

236100

caractérisée par une hypocalcémie et une hyperphosphatémie dues à une sécrétion déficiente de PTH. [215] Les dents présentent des hypoplasies amélaires ainsi que des hypominéralisations amélaires et dentinaires et des calcifications vasculaires dans la pulpe. [216] Une seconde pathologie s’apparente à celle-ci, il s’agit de l’ostéodystrophie d’Albright ou pseudohypoparathyroïdisme (MIM 103580). Cette pathologie est également la manifestation d’une résistance à la PTH due à une mutation du gène GNAS1 (20q13.11) codant pour une sous-unité régulatrice de protéine G empêchant l’action de la PTH et d’autres hormones. Ces patients présentent une petite taille, une obésité, un visage rond, des calcifications sous-cutanées, une brachymétacarpie, une brachydactylie et un retard mental associé à une hypocalcémie, une hyperphosphatémie et un taux élevé de PTH. D’un point de vue dentaire, on retrouve un retard d’éruption, des

anomalies squelettiques (béances antérieures) et une hypoplasie amélaire. Des ankyloses de l’articulation temporomandibulaire sont parfois décrites. [217]

PTHrp et récepteur PPR, récepteur commun à la PTH (hormone parathyroïdienne) et à la parathyroid hormone related peptide (PTHrp), joue un rôle dans la régulation de l’homéostasie phosphocalcique chez l’adulte, mais a également un rôle crucial dans le développement embryonnaire, particulièrement du squelette. Il intervient dans le processus d’ossification endochondrale responsable de toute la formation du squelette appendiculaire et axial (Fig. 29). [218] Les mutations inactivant ce récepteur sont à l’origine d’une dysplasie osseuse létale appelée chondrodysplasie de Blomstrand (MIM 215045). Le phénotype est similaire à celui des souris invalidées homozygotes, à savoir des membres courts traduisant l’accélération de l’ossification. [219, 220] À l’inverse, les mutations activant ce récepteur génèrent un retard de la formation osseuse (dû à un retard de différenciation chondrocytaire) caractérisant la chondrodysplasie métaphysaire de Jansen (MIM 156400). Les patients présentent des membres courts, déformés, une taille réduite, une sévère hypercalcémie et une hypophosphatémie moyenne. [221] Une troisième pathologie a été corrélée à une mutation activatrice de ce gène situé au locus 3p22-p21.1, l’enchondromatose, dans laquelle les patients présentent des tumeurs bénignes de l’os. [222] Au niveau dentaire, PPR est exprimé dans la papille et PTHrp au niveau de l’épithélium dentaire et de l’organe de l’émail. Ce dernier semble être indispensable aux phénomènes d’éruption. Les études de transgenèse chez la souris ont montré que le PTHrp intervient dans la régulation spatiotemporelle de l’os alvéolaire et des ostéoclastes autour des germes dentaires. [223] De plus, Calvi et al. [224] ont montré que le PPR est impliqué

Figure 28. Dysostose cléidocrânienne (avec l’aimable autorisation du docteur V. Roy). A. Radiographie panoramique d’une patiente de 9 ans atteinte de dysostose cléidocrânienne. On note la présence de deux odontomes en position médiane maxillaire empêchant l’évolution des incisives centrales, ainsi que la transposition des incisives latérales et canines maxillaires. B. Radiographie panoramique 1 an après extraction des odontomes maxillaires. Apparition de nouveaux odontomes dans les secteurs prémolaires droits. C. Photographie intrabuccale en cours de traction orthodontique des incisives centrales maxillaires. D. Macrophotographie d’un des odontomes coloré au bleu de toluidine montrant une invagination d’émail dans la dentine (× 1,8). E. Macrophotographie d’une incisive temporaire colorée au bleu de toluidine (× 1,8).

36

Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

PTHrp

CHONDROCYTES DE RÉSERVE

PTHR1 IHH

CHONDROCYTES PROLIFÉRATIFS CHONDROCYTES HYPERTROPHIQUES

Figure 29. Voie de signalisation PTH/PTHrp (d’après Strewler [215]). Le PTHrp est sécrété par les chondrocytes de la partie la plus distale qui plus tard donnera le périchondre. Il va alors activer la prolifération des chondrocytes et inhiber leurs différentiations terminales. Le récepteur du PTHrp (PPR PTH/PTHrp receptor) est exprimé au niveau des chondrocytes préhypertrophiques et des ostéoblastes. Ihh (Indian Hedgehog) est un marqueur des chondrocytes pré-hypertrophiques qui induit le production de PTHrp en rétrocontrôle de la différenciation chondrocytaire.

dans la différenciation odontoblastique et, par voie de conséquence, améloblastique. Fort de ces constats, l’investigation phénotypique dentaire reste à faire chez l’homme.

Métabolisme de la vitamine D La vitamine D est une hormone essentielle au contrôle de l’homéostasie phosphocalcique. Il existe deux sources de vitamine D : une source exogène alimentaire et une source endogène par synthèse au niveau de la peau. La synthèse de vitamine D est amorcée dans les kératinocytes à la suite d’une exposition solaire. Par hydroxylations successives au niveau du foie puis du rein, la forme active de cette hormone (la 1,25-dihydroxyvitamine D3 [1,25(OH)2D3]) est libérée. Elle va alors se lier à un récepteur nucléaire qui est un facteur de transcription contrôlant l’expression de gènes cibles de la vitamine D. Son rôle majeur est de stimuler l’absorption du calcium et du phosphate dans le duodénum et de stimuler la réabsorption du calcium et du phosphate par le néphron. Elle assure ainsi un apport d’ions nécessaires à la biominéralisation. Toute perturbation du métabolisme de la vitamine D peut provoquer un rachitisme et/ou une ostéomalacie. Le rachitisme correspond à une anomalie de minéralisation affectant les plaques de croissance et donc ne s’observe que chez les individus en période de croissance. L’ostéomalacie correspond aux défauts de minéralisation de tout autre site. Trois pathologies génétiques sont associées à des perturbations de ce métabolisme : le rachitisme pseudovitamine D déficient de type I et II (VDDRI et VDDRII) et le rachitisme hypophosphatémique lié à l’X (HVDRR). [225]

Rachitisme pseudovitamine D-déficient (PDDR ou VDDRI vitamin D-dependent rickets type I) (MIM 264700) C’est une maladie rare due à un défaut de formation de la vitamine D au niveau rénal. Il est dû à une altération de l’activité d’une enzyme rénale, la 25-hydroxyvitamine D 1a-hydroxylase, générant un manque de conversion de la 25 (OH) D3 en 1,25 (OH) 2D3. [226] Sans traitement, ces patients présentent un important retard de croissance associé à une hypotonie, et un rachitisme (hypominéralisation, notamment Stomatologie

sous les plaques de croissance). Au niveau sérique, on retrouve une hypocalcémie et un taux diminué de 1,25 (OH) 2 D 3 . L’hypocalcémie provoque une hyperparathyroïdie secondaire. La phosphatémie ainsi que la concentration de 25(OH)D3 peuvent être normales, voire augmentées. [227, 228] Les travaux de Labuda [229] ont permis de localiser cette mutation sur le bras long du chromosome 12 en q14. Elle se transmet sur le mode autosomique récessif. Les phénotypes observés dans les cas de rachitisme héréditaire vitamine D-déficient sont similaires à ceux rencontrés dans le cas de rachitisme carentiel. Les dents présentent des hypoplasies amélaires, des défauts dentinaires, un élargissement des chambres pulpaires, des racines courtes et des microdonties localisées. Zambrano et al. [230] les décrivent hypoplasiques de couleur jaune-brun. À la différence des VDDRII et HVDDR, ces auteurs ne retrouvent pas de lésions périapicales. Le traitement de cette maladie consiste en un apport de vitamine D et permet de rapidement normaliser les paramètres sériques et radiologiques. De même, la myopathie disparaît rapidement. Un diagnostic précoce permet donc de prévenir les déformations osseuses et une prise en charge dentaire adaptée. Le diagnostic différentiel avec le rachitisme hypophosphatémique lié à l’X se fait sur la sévérité de la maladie, l’absence de myopathie et l’absence de diminution de calcium sanguin. La réponse à la vitamine D est moins bonne.

Rachitisme pseudovitamine D-résistant (VDDRII vitamin D-dependent rickets type II) (MIM 277420, 277440) Le récepteur nucléaire de la vitamine D appartient à la superfamille des récepteurs nucléaires stéroïdiens. Comme tous les facteurs de transcription, il présente un site de liaison à des sites spécifiques de l’ADN des régions promotrices des gènes cibles appelés VDRE (vitamin D response elements). Pour être actif, il doit interagir avec un récepteur rétinoïque RXR (retinoid X recepteur) pour former un hétérodimère. De nombreuses protéines coactivatrices rejoignent ce complexe pour initier la transcription. Le rachitisme pseudovitamine D-déficient de type II est une pathologie récessive rare due à une mutation de ce récepteur. Les patients présentent très tôt un rachitisme, une hypocalcémie, une hypophosphatémie et une hyperparathyroïdie secondaire. Ils souffrent de douleurs osseuses, de faiblesses musculaires, voire d’hypotonies. L’hypocalcémie peut également être responsable de crises convulsives. Dans certains cas, les patients ont une alopécie totale. [231] Sur le plan dentaire, on retrouve des altérations amélaires, des microdonties et des retards d’éruption. Nishino et al. rapportent cependant des anomalies dentinaires, un élargissement des chambres pulpaires et pas d’altération amélaire. [232] Sur le plan sérique, ils présentent une concentration élevée de 1,25 (OH)2D3, ce qui distingue cette pathologie du VDDRI. À un stade plus avancé cependant, cette concentration est diminuée. Les concentrations de PTH et la phosphatase alkaline sont augmentées. Le gène codant pour ce recepteur se situe sur le chromosome 12 au locus q12-q14. De nombreuses mutations ont été décrites. Ces mutations peuvent réduire son activité ou totalement l’abolir et rendre les patients totalement résistants à la vitamine D (pour revue Malloy et al. [233, 234]). Il a été montré que les gènes impliqués dans les amélogenèses imparfaites héréditaires (amélogénine et énaméline) ont une expression stimulée par la vitamine D. [54] Ainsi, les formes carentielles et génétiques du rachitisme constituent, sur le plan dentaire, une phénocopie de ces pathologies amélaires héréditaires. Malgré l’intérêt scientifique de l’analyse du phénotype dentaire dans les dysfonctions héréditaires des grandes voies de régulation endocrinienne de la croissance, la recherche clinique dans ce domaine présente de grandes lacunes. Des travaux expérimentaux rigoureux sur la régulation de l’expression des gènes dentaires par voie hormonale sont rarissismes, de par les

37

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

• défaut de minéralisation et chute prématurée des dents dans la forme fruste de l’hypophosphatasie résultant de la mutation du gène de la phosphatase alcaline non-tissu spécifique TNAP dans ce qui est nommé l’odontohypophosphatasie. Pour ce faire, l’interface entre odontologiste, stomatologiste, chirurgien maxillofacial et médecin demande à être développée pour permettre un diagnostic précoce et une prise en charge qui tiennent compte des progrès actuels de la génétique. Une telle collaboration permettrait un meilleur phénotypage dentaire des syndromes. Le diagnostic d’une maladie génétique n’est pas sans implication pour le patient et sa famille. La prise en charge par un spécialiste généticien et pas seulement par l’odontologiste facilite l’acceptation de la maladie et confère au patient un interlocuteur référant. Un réseau national d’odontogénétique fédérant des sites de consultation mixte a été constitué, impliquant Bordeaux, Nantes, Paris, Strasbourg, Toulouse et Versailles en 2005. Ce réseau s’adosse à des laboratoires de recherche plus fondamentale, à même d’explorer les mécanismes cellulaires et de réfléchir à des innovations thérapeutiques. Ce regroupement, sur un thème relativement orphelin, tout au moins en France, le développement dentaire, s’est fixé comme objectif de définir un consensus de diagnostic, d’explorer la structure et la fonction de certains gènes dentaires, et d’analyser les mutations sur le plan clinique et physiopathologique.

difficultés à reproduire in vitro des cellules dentaires conservant leurs phénotypes contrairement à la situation dans les ostéoblastes. [72]

Rachitisme hypophosphatémique lié à l’X (HVDRR hypophosphatemic vitamin D resistant rickets) (MIM 307800, 307810) Biologiquement, il s’accompagne de la persistance d’une hypophosphatémie et d’une hyperphosphaturie dues à un défaut de réabsorption du phosphate inorganique rénal et intestinal. La régulation du métabolisme de la vitamine D est également perturbée, donnant une concentration anormale de 1,25-dihydroxyvitamine D3. Deux hypothèses physiopathologiques ont été évoquées, un problème au niveau du transporteur sodium-dépendant du phosphate et une altération dans le métabolisme de la 1,25(OH)2 vitamine D3 (car on note une anomalie d’hydroxylation de la 25-hydroxyvitamine D). La protéine en cause est une métallopeptidase, appelée PHEX, dont le mode d’action est inconnu. Ces patients ont une taille réduite, des déformations des membres dues à une minéralisation altérée. Les dents présentent une chambre pulpaire élargie en direction de la jonction amélodentinaire (proéminence des cornes pulpaires). On retrouve ainsi de nombreuses lésions périapicales sans pathologie carieuse faisant suite à des expositions pulpaires fréquentes une fois la couche d’émail abrasée. [235] D’un point de vue histologique, l’émail est normal, seule la dentine est atteinte. Sous la jonction amélodentinaire, on trouve une importante couche de dentine interglobulaire. Le front de minéralisation montre une large zone où les calcosphérites ont mal fusionné. [236] L’analyse du contenu minéral de la dentine montre un taux plus élevé de sodium et plus faible de magnésium comparativement aux dents témoins. Les espaces interglobulaires présentent un excès de zinc qui est probablement responsable de ces défauts de minéralisation. Même si, structurellement, l’émail paraît normal, son attrition rapide signe sans doute un défaut de minéralisation. [237, 238] La forte prévalence de lésions périapicales pourrait être expliquée par la présence de microcraquelures facilitant l’invasion bactérienne. [239, 240]



Acanthosis nigricans : maladie rare de la peau caractérisée par des plaques rugueuses, l’apparition de végétations papillaires plus ou mois brunâtres siégeant aux aisselles, au cou et sur les muqueuses (langue et lèvres). Ankyloglossie : adhérence vicieuse de la langue. Ankyloblépharon : adhérence du bord libre des deux paupières. Clinodactylie : déformation des doigts. Colobome : absence de certaines structures de l’œil par non-fusion de la suture intraoculaire. Ectropion : renversement en dehors des paupières. Hypotélorisme : réduction de l’écartement des yeux. Hypotrichose : développement réduit ou nul de la pilosité. Lentigine : petites taches brunes hyperpigmentées circonscrites. Mélanoleukoderma : marbrure de la peau. Microstomie : diminution de la taille de la bouche. Onychodystrophie : anomalie des ongles. Platyspondylie : aplatissement des corps vertébraux. Poïkylodermie : hyperpigmentation puis atrophie de la peau. Polydactylie : augmentation du nombre de doigts. Polysyndactylie : doigts anormalement courts et soudés. Tachypnée : accélération du rythme ventilatoire. Radiculomégalie : allongement et élargissement de la racine des dents.

■ Conclusion Pour des raisons didactiques et par tradition dans la littérature, une classification des pathologies génétiques et des gènes impliqués dans les anomalies dentaires s’effectue sur une division binaire : les formes isolées et les formes syndromiques. Ce concept d’« isolé » se fonde sur la notion de spécificité cellulaire de l’expression des gènes, les amélogénines de l’émail, la DSPP de la dentine, mais également de l’atteinte suspectée d’un seul tissu. Ce constat est actuellement battu en brèche par la découverte progressive d’expression « ectopique » de ces protéines, notamment dans le tissu osseux, bien qu’à un niveau plus modéré. Ainsi, une anomalie dentaire isolée constitue un signe d’appel sur le plan général qui doit faire passer en revue d’autres systèmes. L’investigation de l’os et de la surdité devrait être systématique face à une dentinogenèse imparfaite, de même qu’une recherche d’atteinte ectodermique ou oculaire devrait accompagner toute hypodontie. Peut-être faudra-t-il envisager la même évolution pour les amélogenèses imparfaites face aux associations rénales et oculaires décrites ? Réciproquement, dans différents gènes dont la mutation produit en général une cohorte d’anomalies associées aux défauts dentaires, de par l’expression et la fonction plus ubiquitaire de gènes mutés, des cas isolés d’atteintes dentaires sont rapportés : • dents surnuméraires et RUNX2 dans le syndrome cléidocrânien ; • agénésies dentaires isolées et ectodysplasine A associée à une dysplasie ectodermique fruste ;

38

Glossaire

.

■ Références [1] [2] [3]

Cobourne MT, Sharpe PT. Tooth and jaw: molecular mechanisms of patterning in the first branchial arch. Arch Oral Biol 2003;48:1-4. Thesleff I. Developmental biology and building a tooth. Quintessence Int 2003;34:613-20. Robinson C, Brookes SJ, Shore RC, Kirkham J. The developing enamel matrix: nature and function. Eur J Oral Sci 1998;106(suppl1): 282-91. Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

[4]

[5] [6]

[7]

[8]

[9]

[10]

[11] [12]

[13]

[14]

[15]

[16]

[17]

[18]

[19]

[20]

[21]

[22]

[23] [24] [25] [26]

Kawasaki K, Suzuki T, Weiss KM. Genetic basis for the evolution of vertebrate mineralized tissue. Proc Natl Acad Sci USA 2004;101: 11356-61. Saygin NE, Giannobile WV, Somerman MJ. Molecular and cell biology of cementum. Periodontol 2000 2000;24:73-98. Qin C, Baba O, Butler WT. Post-translational modifications of sibling proteins and their roles in osteogenesis and dentinogenesis. Crit Rev Oral Biol Med 2004;15:126-36. Fisher LW, Fedarko NS. Six genes expressed in bones and teeth encode the current members of the SIBLING family of proteins. Connect Tissue Res 2003;44(suppl1):33-40. Davideau JL, Papagerakis P, Hotton D, Lezot F, Berdal A. In situ investigation of vitamin D receptor, alkaline phosphatase, and osteocalcin gene expression in oro-facial mineralized tissues. Endocrinology 1996; 137:3577-85. Berdal A, Hotton D, Pike JW, Mathieu H, Dupret JM. Cell- and stagespecific expression of vitamin D receptor and calbindin genes in rat incisor: regulation by 1,25-dihydroxyvitamin D3. Dev Biol 1993;155: 172-9. Bailleul-Forestier I, Davideau JL, Papagerakis P, Noble I, Nessmann C, Peuchmaur M, et al. Immunolocalization of vitamin D receptor and calbindin-D28k in human tooth germ. Pediatr Res 1996;39(4Pt1): 636-42. Yang X, Karsenty G. Transcription factors in bone: developmental and pathological aspects. Trends Mol Med 2002;8:340-5. Liu W, Toyosawa S, Furuichi T, Kanatani N, Yoshida C, Liu Y, et al. Overexpression of Cbfa1 in osteoblasts inhibits osteoblast maturation and causes osteopenia with multiple fractures. J Cell Biol 2001;155: 157-66. Nakashima K, Zhou X, Kunkel G, Zhang Z, Deng JM, Behringer RR, et al. The novel zinc finger-containing transcription factor osterix is required for osteoblast differentiation and bone formation. Cell 2002; 108:17-29. Zhou YL, Lei Y, Snead ML. Functional antagonism between Msx2 and CCAAT/enhancer-binding protein alpha in regulating the mouse amelogenin gene expression is mediated by protein-protein interaction. J Biol Chem 2000;275:29066-75. Sasaki T, Ito Y, Xu X, Han J, Bringas Jr. P, Maeda T, et al. LEF1 is a critical epithelial survival factor during tooth morphogenesis. Dev Biol 2005;278:130-43. Morasso MI, Grinberg A, Robinson G, Sargent TD, Mahon KA. Placental failure in mice lacking the homeobox gene Dlx3. Proc Natl Acad Sci USA 1999;96:162-7. Zhang Z, Song Y, Zhang X, Tang J, Chen J, Chen Y. Msx1/Bmp4 genetic pathway regulates mammalian alveolar bone formation via induction of Dlx5 and Cbfa1. Mech Dev 2003;120:1469-79. Satokata I, Maas R. Msx1 deficient mice exhibit cleft palate and abnormalities of craniofacial and tooth development. Nat Genet 1994; 6:348-56. Lezot F, Thomas B, Hotton D, Forest N, Orestes-Cardoso S, Robert B, et al. Biomineralization, life-time of odontogenic cells and differential expression of the two homeobox genes MSX-1 and DLX-2 in transgenic mice. J Bone Miner Res 2000;15:430-41. Orestes-Cardoso SM, Nefussi JR, Hotton D, Mesbah M, OrestesCardoso MD, Robert B, et al. Postnatal Msx1 expression pattern in craniofacial, axial, and appendicular skeleton of transgenic mice from the first week until the second year. Dev Dyn 2001;221:1-3. Veis A, Tompkins K, Alvares K, Wei K, Wang L, Wang XS, et al. Specific amelogenin gene splice products have signaling effects on cells in culture and in implants in vivo. J Biol Chem 2000;275:41263-72. Gibson CW, Yuan ZA, Hall B, Longenecker G, Chen E, Thyagarajan T, et al. Amelogenin-deficient mice display an amelogenesis imperfecta phenotype. J Biol Chem 2001;276:31871-5. Thesleff I. Epithelial-mesenchymal signalling regulating tooth morphogenesis. J Cell Sci 2003;116(Pt9):1647-8. Miletich I, Sharpe PT. Neural crest contribution to mammalian tooth formation. Birth Defects Res C Embryo Today 2004;72:200-12. Thomas BL, Sharpe PT. Patterning of the murine dentition by homeobox genes. Eur J Oral Sci 1998;106(suppl1):48-54. Hu G, Lee H, Price SM, Shen MM, Abate-Shen C. Msx homeobox genes inhibit differentiation through upregulation of cyclin D1. Development 2001;128:2373-84.

Stomatologie

[27] Odelberg SJ, Kollhoff A, Keating MT. Dedifferentiation of mammalian myotubes induced by msx1. Cell 2000;103:1099-109. [28] Vastardis H, Karimbux N, Guthua SW, Seidman JG, Seidman CE. A human MSX1 homeodomain missense mutation causes selective tooth agenesis. Nat Genet 1996;13:417-21. [29] van den Boogaard MJ, Dorland M, Beemer FA, van Amstel HK. MSX1 mutation is associated with orofacial clefting and tooth agenesis in humans. Nat Genet 2000;24:342-3. [30] Jumlongras D, Bei M, Stimson JM, Wang WF, DePalma SR, Seidman CE, et al. A nonsense mutation in MSX1 causes Witkop syndrome. Am J Hum Genet 2001;69:67-74. [31] Witkop CJ. Hereditary defects in enamel and dentin. Acta Genet Stat Med 1957;7:236-9. [32] Backman B, Holm AK. Amelogenesis imperfecta: prevalence and incidence in a northern Swedish county. Commun Dent Oral Epidemiol 1986;14:43-7. [33] Sundell S, Koch G. Hereditary amelogenesis imperfecta. I. Epidemiology and clinical classification in a Swedish child population. Swed Dent J 1985;9:157-69. [34] Witkop Jr. CJ. Amelogenesis imperfecta, dentinogenesis imperfecta and dentin dysplasia revisited: problems in classification. J Oral Pathol 1988;17:547-53. [35] Nusier M, Yassin O, Hart TC, Samimi A, Wright JT. Phenotypic diversity and revision of the nomenclature for autosomal recessive amelogenesis imperfecta. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2004;97:220-30. [36] Backman B. Amelogenesis imperfecta--clinical manifestations in 51 families in a northern Swedish county. Scand J Dent Res 1988;96: 505-16. [37] Aldred MJ, Savarirayan R, Crawford PJ. Amelogenesis imperfecta: a classification and catalogue for the 21st century. Oral Dis 2003;9: 19-23. [38] Wright JT, Hart PS, Aldred MJ, Seow K, Crawford PJ, Hong SP, et al. Relationship of phenotype and genotype in X-linked amelogenesis imperfecta. Connect Tissue Res 2003;44(suppl1):72-8. [39] Hart PS, Hart TC, Simmer JP, Wright JT. A nomenclature for X-linked amelogenesis imperfecta. Arch Oral Biol 2002;47:255-60. [40] MacDougall M. Dental structural diseases mapping to human chromosome 4q21. Connect Tissue Res 2003;44(suppl1):285-91. [41] Karrman C, Backman B, Dixon M, Holmgren G, Forsman K. Mapping of the locus for autosomal dominant amelogenesis imperfecta (AIH2) to a 4-Mb YAC contig on chromosome 4q11-q21. Genomics 1997;39: 164-70. [42] Rajpar MH, Harley K, Laing C, Davies RM, Dixon MJ. Mutation of the gene encoding the enamel-specific protein, enamelin, causes autosomal-dominant amelogenesis imperfecta. Hum Mol Genet 2001; 10:1673-7. [43] Mardh CK, Backman B, Holmgren G, Hu JC, Simmer JP, ForsmanSemb K. A nonsense mutation in the enamelin gene causes local hypoplastic autosomal dominant amelogenesis imperfecta (AIH2). Hum Mol Genet 2002;11:1069-74. [44] Hart TC, Hart PS, Gorry MC, Michalec MD, Ryu OH, Uygur C, et al. Novel ENAM mutation responsible for autosomal recessive amelogenesis imperfecta and localised enamel defects. J Med Genet 2003;40:900-6. [45] Kida M, Ariga T, Shirakawa T, Oguchi H, Sakiyama Y. Autosomaldominant hypoplastic form of amelogenesis imperfecta caused by an enamelin gene mutation at the exon-intron boundary. J Dent Res 2002; 81:738-42. [46] Hart PS, Michalec MD, Seow WK, Hart TC, Wright JT. Identification of the enamelin (g.8344delG) mutation in a new kindred and presentation of a standardized ENAM nomenclature. Arch Oral Biol 2003;48:589-96. [47] Kim JW, Seymen F, Lin BP, Kiziltan B, Gencay K, Simmer JP, et al. ENAM Mutations in Autosomal-dominant Amelogenesis Imperfecta. J Dent Res 2005;84:278-82. [48] Hart PS, Wright JT, Savage M, Kang G, Bensen JT, Gorry MC, et al. Exclusion of candidate genes in two families with autosomal dominant hypocalcified amelogenesis imperfecta. Eur J Oral Sci 2003;111: 326-31. [49] ChosackA, Eidelman E, Wisotski I, Cohen T.Amelogenesis imperfecta among Israeli Jews and the description of a new type of local hypoplastic autosomal recessive amelogenesis imperfecta. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1979;47:148-56.

39

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

[50] Hart PS, Hart TC, Michalec MD, Ryu OH, Simmons D, Hong S, et al. Mutation in kallikrein 4 causes autosomal recessive hypomaturation amelogenesis imperfecta. J Med Genet 2004;41:545-9. [51] Lyon MF. Lyonisation of the X Chromosome. Lancet 1963;2: 1120-1. [52] McLarty EL, Giansanti JS, Hibbard ED. X-linked hypomaturation type of amelogenesis imperfecta exhibiting lyonization in affected females. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1973;36:678-85. [53] Bailey DM, Affara NA, Ferguson-Smith MA. The X-Y homologous gene amelogenin maps to the short arms of both the X and Y chromosomes and is highly conserved in primates. Genomics 1992;14: 203-5. [54] Sekiguchi H, Kiyoshi M, Yakushiji M. DNA diagnosis of X-linked AI using PCR detection method of the human amelogenin gene. Dent Jpn (Tokyo) 2001;37:109-12. [55] Lagerstrom-Fermer M, Nilsson M, Backman B, Salido E, Shapiro L, Pettersson U, et al. Amelogenin signal peptide mutation: correlation between mutations in the amelogenin gene (AMGX) and manifestations of X-linked amelogenesis imperfecta. Genomics 1995;26: 159-62. [56] Lagerstrom M, Dahl N, Nakahori Y, Nakagome Y, Backman B, Landegren U, et al. A deletion in the amelogenin gene (AMG) causes X-linked amelogenesis imperfecta (AIH1). Genomics 1991;10: 971-5. [57] Lench NJ, Winter GB. Characterisation of molecular defects in X-linked amelogenesis imperfecta (AIH1). Hum Mutat 1995;5: 251-9. [58] Aldred MJ, Crawford PJ, Roberts E, Thomas NS. Identification of a nonsense mutation in the amelogenin gene (AMELX) in a family with X-linked amelogenesis imperfecta (AIH1). Hum Genet 1992;90: 413-6. [59] Collier PM, Sauk JJ, Rosenbloom SJ, Yuan ZA, Gibson CW. An amelogenin gene defect associated with human X-linked amelogenesis imperfecta. Arch Oral Biol 1997;42:235-42. [60] Hart S, Hart T, Gibson C, Wright JT. Mutational analysis of X-linked amelogenesis imperfecta in multiple families. Arch Oral Biol 2000;45: 79-86. [61] Ravassipour DB, Hart PS, Hart TC, Ritter AV, Yamauchi M, Gibson C, et al. Unique enamel phenotype associated with amelogenin gene (AMELX) codon 41 point mutation. J Dent Res 2000;79:1476-81. [62] Hart PS, Aldred MJ, Crawford PJ, Wright NJ, Hart TC, Wright JT. Amelogenesis imperfecta phenotype-genotype correlations with two amelogenin gene mutations. Arch Oral Biol 2002;47:261-5. [63] Greene SR, Yuan ZA, Wright JT, Amjad H, Abrams WR, Buchanan JA, et al.Anew frameshift mutation encoding a truncated amelogenin leads to X-linked amelogenesis imperfecta. Arch Oral Biol 2002;47: 211-7. [64] Aldred MJ, Hall RK, Kilpatrick N, Bankier A, Savarirayan R, Lamande SR, et al. Molecular analysis for genetic counselling in amelogenesis imperfecta. Oral Dis 2002;8:249-53. [65] Kindelan SA, Brook AH, Gangemi L, Lench N, Wong FS, Fearne J, et al. Detection of a novel mutation in X-linked amelogenesis imperfecta. J Dent Res 2000;79:1978-82. [66] Kim JW, Simmer JP, Hu YY, Lin BP, Boyd C, Wright JT, et al. Amelogenin p.M1T and p.W4S mutations underlying hypoplastic X-linked amelogenesis imperfecta. J Dent Res 2004;83:378-83. [67] Aldred MJ, Crawford PJ, Roberts E, Gillespie CM, Thomas NS, Fenton I, et al. Genetic heterogeneity in X-linked amelogenesis imperfecta. Genomics 1992;14:567-73. [68] Snead ML, Zeichner-David M, Chandra T, Robson KJ, Woo SL, Slavkin HC. Construction and identification of mouse amelogenin cDNA clones. Proc Natl Acad Sci USA 1983;80:7254-8. [69] Delgado S, Casane D, Bonnaud L, Laurin M, Sire JY, Girondot M. Molecular evidence for precambrian origin of amelogenin, the major protein of vertebrate enamel. Mol Biol Evol 2001;18:2146-53. [70] Lyngstadaas SP, Risnes S, Sproat BS, Thrane PS, Prydz HP.Asynthetic, chemically modified ribozyme eliminates amelogenin, the major translation product in developing mouse enamel in vivo. EMBO J 1995;14: 5224-9. [71] Paine ML, Zhu DH, Luo W, Bringas Jr. P, Goldberg M, White SN, et al. Enamel biomineralization defects result from alterations to amelogenin self-assembly. J Struct Biol 2000;132:191-200. [72] Papagerakis P, MacDougall M, Hotton D, Bailleul-Forestier I, Oboeuf M, Berdal A. Expression of amelogenin in odontoblasts. Bone 2003;32:228-40.

40

[73] Veis A. Amelogenin gene splice products: potential signaling molecules. Cell Mol Life Sci 2003;60:38-55. [74] Giannobile WV, Somerman MJ. Growth and amelogenin-like factors in periodontal wound healing. A systematic review. Ann Periodontol 2003;8:193-204. [75] Atasu M, Biren S, Mumcu G. Hypocalcification type amelogenesis imperfecta in permanent dentition in association with heavily worn primary teeth, gingival hyperplasia, hypodontia and impacted teeth. J Clin Pediatr Dent 1999;23:117-21. [76] Lykogeorgos T, Duncan K, Crawford PJ, Aldred MJ. Unusual manifestations in X-linked amelogenesis imperfecta. Int J Paediatr Dent 2003; 13:356-61. [77] Aldred MJ, Savarirayan R, Lamande SR, Crawford PJ. Clinical and radiographic features of a family with autosomal dominant amelogenesis imperfecta with taurodontism. Oral Dis 2002;8:62-8. [78] Shields ED, Bixler D, el-Kafrawy AM. A proposed classification for heritable human dentine defects with a description of a new entity. Arch Oral Biol 1973;18:543-53. [79] Lamartine J. Towards a new classification of ectodermal dysplasias. Clin Exp Dermatol 2003;28:351-5. [80] Witkop Jr. CJ. Hereditary defects of dentin. Dent Clin North Am 1975; 19:25-45. [81] Seow WK, Shusterman S. Spectrum of dentin dysplasia in a family: case report and literature review. Pediatr Dent 1994;16:437-42. [82] Silva TA, Lara VS, Silva JS, Garlet GP, Butler WT, Cunha FQ. Dentin sialoprotein and phosphoprotein induce neutrophil recruitment: a mechanism dependent on IL-1beta, TNF-alpha, and CXC Chemokines. Calcif Tissue Int; 2004 [Epub ahead of print]. [83] Crosby AH, Scherpbier-Heddema T, Wijmenga C, Altherr MR, Murray JC, Buetow KH, et al. Genetic mapping of the dentinogenesis imperfecta type II locus. Am J Hum Genet 1995;57:832-9. [84] MacDougall M, Simmons D, Luan X, Gu TT, DuPont BR. Assignment of dentin sialophosphoprotein (DSPP) to the critical DGI2 locus on human chromosome 4 band q21.3 by in situ hybridization. Cytogenet Cell Genet 1997;79:121-2. [85] Dean JA, Hartsfield Jr. JK, Wright JT, Hart TC. Dentin dysplasia, type II linkage to chromosome 4q. J Craniofac Genet Dev Biol 1997;17: 172-7. [86] MacDougall M. Refined mapping of the human dentin sialophosphoprotein (DSPP) gene within the critical dentinogenesis imperfecta type II and dentin dysplasia type II loci. Eur J Oral Sci 1998;106(suppl1):227-33. [87] Rajpar MH, Koch MJ, Davies RM, Mellody KT, Kielty CM, Dixon MJ. Mutation of the signal peptide region of the bicistronic gene DSPP affects translocation to the endoplasmic reticulum and results in defective dentine biomineralization. Hum Mol Genet 2002;11: 2559-65. [88] MacDougall M, Jeffords LG, Gu TT, Knight CB, Frei G, Reus BE, et al. Genetic linkage of the dentinogenesis imperfecta type III locus to chromosome 4q. J Dent Res 1999;78:1277-82. [89] MacDougall M, Zeichner-David M, Slavkin HC. Characterization of extracellular and nascent dentin phosphoproteins. Connect Tissue Res 1989;22:71-7. [90] MacDougall M, Simmons D, Luan X, Nydegger J, Feng J, Gu TT. Dentin phosphoprotein and dentin sialoprotein are cleavage products expressed from a single transcript coded by a gene on human chromosome 4. Dentin phosphoprotein DNA sequence determination. J Biol Chem 1997;272:835-42. [91] Ritchie HH, Wang L. The presence of multiple rat DSP-PP transcripts. Biochim Biophys Acta 2000;1493:27-32. [92] Butler WT. Dentin matrix proteins. Eur J Oral Sci 1998;106(suppl1): 204-10. [93] Butler WT, Brunn JC, Qin C, McKee MD. Extracellular matrix proteins and the dynamics of dentin formation. Connect Tissue Res 2002;43: 301-7. [94] Boskey A, Spevak L, Tan M, Doty SB, Butler WT. Dentin sialoprotein (DSP) has limited effects on in vitro apatite formation and growth. Calcif Tissue Int 2000;67:472-8. [95] Zhang X, Zhao J, Li C, Gao S, Qiu C, Liu P, et al. DSPP mutation in dentinogenesis imperfecta Shields type II. Nat Genet 2001;27: 151-2. [96] Xiao S, Yu C, Chou X, Yuan W, Wang Y, Bu L, et al. Dentinogenesis imperfecta 1 with or without progressive hearing loss is associated with distinct mutations in DSPP. Nat Genet 2001;27:201-4. Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

[97] Kim JW, Hu JC, Lee JI, Moon SK, Kim YJ, Jang KT, et al. Mutational hot spot in the DSPP gene causing dentinogenesis imperfecta type II. Hum Genet 2005;116:186-91. [98] Malmgren B, Lindskog S, Elgadi A, Norgren S. Clinical, histopathologic, and genetic investigation in two large families with dentinogenesis imperfecta type II. Hum Genet 2004;114:491-8. [99] Dong J, Gu T, Jeffords L, Macdougall M. Dentin phosphoprotein compound mutation in dentin sialophosphoprotein causes dentinogenesis imperfecta type III. Am J Med Genet A 2005;132: 305-9. [100] Kim JW, Nam SH, Jang KT, Lee SH, Kim CC, Hahn SH, et al. A novel splice acceptor mutation in the DSPP gene causing dentinogenesis imperfecta type II. Hum Genet 2004;115:248-54. [101] Sreenath T, Thyagarajan T, Hall B, Longenecker G, D’Souza R, Hong S, et al. Dentin sialophosphoprotein knockout mouse teeth display widened predentin zone and develop defective dentin mineralization similar to human dentinogenesis imperfecta type III. J Biol Chem 2003;278:24874-80. [102] Kalk WW, Batenburg RH, Vissink A. Dentin dysplasia type I: five cases within one family. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1998;86:175-8. [103] Comer TL, Gound TG. Hereditary pattern for dentinal dysplasia type Id: a case report. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2002;94:51-3. [104] Shankly PE, Mackie IC, Sloan P. Dentinal dysplasia type I: report of a case. Int J Paediatr Dent 1999;9:37-42. [105] Lubinsky M, Angle C, Marsh PW, Witkop Jr. CJ. Syndrome of amelogenesis imperfecta, nephrocalcinosis, impaired renal concentration, and possible abnormality of calcium metabolism. Am J Med Genet 1985;20:233-43. [106] Phakey P, Palamara J, Hall RK, McCredie DA. Ultrastructural study of tooth enamel with amelogenesis imperfecta in AI-nephrocalcinosis syndrome. Connect Tissue Res 1995;32:253-9. [107] Hall RK, Phakey P, Palamara J, McCredie DA. Amelogenesis imperfecta and nephrocalcinosis syndrome. Case studies of clinical features and ultrastructure of tooth enamel in two siblings. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1995;79:583-92. [108] Dellow EL, Harley KE, Unwin RJ, Wrong O, Winter GB, Parkins BJ. Amelogenesis imperfecta, nephrocalcinosis, and hypocalciuria syndrome in two siblings from a large family with consanguineous parents. Nephrol Dial Transplant 1998;13:3193-6. [109] Normand de la Tranchade I, Bonarek H, Marteau JM, Boileau MJ, Nancy J. Amelogenesis imperfecta and nephrocalcinosis: a new case of this rare syndrome. J Clin Pediatr Dent 2003;27:171-5. [110] Jalili IK, Smith NJ. A progressive cone-rod dystrophy and amelogenesis imperfecta: a new syndrome. J Med Genet 1988;25: 738-40. [111] Michaelides M, Bloch-Zupan A, Holder GE, Hunt DM, Moore AT. An autosomal recessive cone-rod dystrophy associated with amelogenesis imperfecta. J Med Genet 2004;41:468-73. [112] Downey LM, Keen TJ, Jalili IK, McHale J, Aldred MJ, Robertson SP, et al. Identification of a locus on chromosome 2q11 at which recessive amelogenesis imperfecta and cone-rod dystrophy cosegregate. Eur J Hum Genet 2002;10:865-9. [113] Wright JT, Kula K, Hall K, Simmons JH, Hart TC. Analysis of the tricho-dento-osseous syndrome genotype and phenotype. Am J Med Genet 1997;72:197-204. [114] Crawford PJ, Aldred MJ. Amelogenesis imperfecta with taurodontism and the tricho-dento-osseous syndrome: separate conditions or a spectrum of disease? Clin Genet 1990;38:44-50. [115] Hart TC, Bowden DW, Bolyard J, Kula K, Hall K, Wright JT. Genetic linkage of the tricho-dento-osseous syndrome to chromosome 17q21. Hum Mol Genet 1997;6:2279-84. [116] Price JA, Bowden DW, Wright JT, Pettenati MJ, Hart TC. Identification of a mutation in DLX3 associated with tricho-dento-osseous (TDO) syndrome. Hum Mol Genet 1998;7:563-9. [117] Price JA, Wright JT, Walker SJ, Crawford PJ, Aldred MJ, Hart TC. Tricho-dento-osseous syndrome and amelogenesis imperfecta with taurodontism are genetically distinct conditions. Clin Genet 1999;56: 35-40. [118] Hassan MQ, Javed A, Morasso MI, Karlin J, Montecino M, van Wijnen AJ, et al. Dlx3 transcriptional regulation of osteoblast differentiation: temporal recruitment of MSX2, dlx3, and dlx5 homeodomain proteins to chromatin of the osteocalcin gene. Mol Cell Biol 2004;24:9248-61. Stomatologie

[119] Verloes A, Jamblin P, Koulischer L, Bourguignon JP. A new form of skeletal dysplasia with amelogenesis imperfecta and platyspondyly. Clin Genet 1996;49:2-5. [120] Michaels L, Lee K, Manuja SL, Soucek SO. Family with low-grade neuroendocrine carcinoma of salivary glands, severe sensorineural hearing loss, and enamel hypoplasia. Am J Med Genet 1999;83: 183-6. [121] Seow WK, Needleman HL, Smith LE, Holtzman D, Najjar S. Enamel hypoplasia, bilateral cataracts, and aqueductal stenosis: a new syndrome? Am J Med Genet 1995;58:371-3. [122] Witkop Jr. CJ, Brearley LJ, Gentry Jr. WC. Hypoplastic enamel, onycholysis, and hypohidrosis inherited as an autosomal dominant trait. Areview of ectodermal dysplasia syndromes. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1975;39:71-86. [123] Sillence DO, Senn A, Danks DM. Genetic heterogeneity in osteogenesis imperfecta. J Med Genet 1979;16:101-16. [124] Nuytinck L, Freund M, Lagae L, Pierard GE, Hermanns-Le T, De Paepe A. Classical Ehlers-Danlos syndrome caused by a mutation in type I collagen. Am J Hum Genet 2000;66:1398-402. [125] Schwarze U, Hata R, McKusick VA, Shinkai H, Hoyme HE, Pyeritz RE, et al. Rare autosomal recessive cardiac valvular form of Ehlers-Danlos syndrome results from mutations in the COL1A2 gene that activate the nonsense-mediated RNA decay pathway. Am J Hum Genet 2004;74:917-30. [126] Uitterlinden AG, Burger H, Huang Q, Yue F, McGuigan FE, Grant SF, et al. Relation of alleles of the collagen type Ialpha1 gene to bone density and the risk of osteoporotic fractures in postmenopausal women. N Engl J Med 1998;338:1016-21. [127] Mayer SA, Rubin BS, Starman BJ, Byers PH. Spontaneous multivessel cervical artery dissection in a patient with a substitution of alanine for glycine (G13A) in the alpha 1 (I) chain of type I collagen. Neurology 1996;47:552-6. [128] Di Lullo GA, Sweeney SM, Korkko J, Ala-Kokko L, San Antonio JD. Mapping the ligand-binding sites and disease-associated mutations on the most abundant protein in the human, type I collagen. J Biol Chem 2002;277:4223-31. [129] Dalgleish R. The human type I collagen mutation database. Nucleic Acids Res 1997;25:181-7. [130] O’Connell AC, Marini JC. Evaluation of oral problems in an osteogenesis imperfecta population. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1999;87:189-96. [131] Malmgren B, Norgren S. Dental aberrations in children and adolescents with osteogenesis imperfecta. Acta Odontol Scand 2002;60:65-71. [132] Ogunsalu C, Hanchard B. Familial tarda type osteogenesis imperfecta with dentinogenesis imperfecta Type I. Case report. Aust Dent J 1997; 42:175-7. [133] Petersen K, Wetzel WE. Recent findings in classification of osteogenesis imperfecta by means of existing dental symptoms. ASDC J Dent Child 1998;65:305-9. [134] Malmgren B, Lindskog S. Assessment of dysplastic dentin in osteogenesis imperfecta and dentinogenesis imperfecta. Acta Odontol Scand 2003;61:72-80. [135] Waltimo J, Ojanotko-Harri A, Lukinmaa PL. Mild forms of dentinogenesis imperfecta in association with osteogenesis imperfecta as characterized by light and transmission electron microscopy. J Oral Pathol Med 1996;25:256-64. [136] Lygidakis NA, Smith R, Oulis CJ. Scanning electron microscopy of teeth in osteogenesis imperfecta type I. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1996;81:567-72. [137] Watanabe H, Hashimoto-Uoshima M, Goseki-Sone M, Orimo H, Ishikawa I. A novel point mutation (C571T) in the tissue-non-specific alkaline phosphatase gene in a case of adult-type hypophosphatasia. Oral Dis 2001;7:331-5. [138] Spentchian M, Merrien Y, Herasse M, Dobbie Z, Glaser D, Holder SE, et al. Severe hypophosphatasia: characterization of fifteen novel mutations in the ALPL gene. Hum Mutat 2003;22:105-6. [139] Hotton D, Mauro N, Lezot F, Forest N, Berdal A. Differential expression and activity of tissue-nonspecific alkaline phosphatase (TNAP) in rat odontogenic cells in vivo. J Histochem Cytochem 1999;47: 1541-52.

41

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

[140] Sawai H, Kanazawa N, Tsukahara Y, Koike K, Udagawa H, Koyama K, et al. Severe perinatal hypophosphatasia due to homozygous deletion of T at nucleotide 1559 in the tissue nonspecific alkaline phosphatase gene. Prenat Diagn 2003;23:743-6. [141] Herasse M, Spentchian M, Taillandier A, Keppler-Noreuil K, Fliorito AN, Bergoffen J, et al. Molecular study of three cases of odontohypophosphatasia resulting from heterozygosity for mutations in the tissue non-specific alkaline phosphatase gene. J Med Genet 2003; 40:605-9. [142] Goldblatt J, Carman P, Sprague P. Unique dwarfing, spondylometaphyseal skeletal dysplasia, with joint laxity and dentinogenesis imperfecta. Am J Med Genet 1991;39:170-2. [143] Maroteaux P, Briscioli V, Lalatta F, Bonaventure J. Odontochondrodysplasia. Arch Pediatr 1996;3:549-54. [144] da Fonseca MA. Dental findings in the Schimke immuno-osseous dysplasia. Am J Med Genet 2000;93:158-60. [145] Kantaputra PN. Dentinogenesis imperfecta-associated syndromes. Am J Med Genet 2001;104:75-8. [146] Graber LW. Congenital absence of teeth: a review with emphasis on inheritance patterns. J Am Dent Assoc 1978;96:266-75. [147] Slayton RL, Williams L, Murray JC, Wheeler JJ, Lidral AC, Nishimura CJ. Genetic association studies of cleft lip and/or palate with hypodontia outside the cleft region. Cleft Palate Craniofac J 2003;40: 274-9. [148] Polder BJ, Van’t Hof MA, Van der Linden FP, Kuijpers-Jagtman AM. A meta-analysis of the prevalence of dental agenesis of permanent teeth. Community Dent Oral Epidemiol 2004;32:217-26. [149] Symons AL, Stritzel F, Stamation J. Anomalies associated with hypodontia of the permanent lateral incisor and second premolar. J Clin Pediatr Dent 1993;17:109-11. [150] Ahmad W, Brancolini V, ul Faiyaz MF, Lam H, ul Haque S, Haider M, et al.Alocus for autosomal recessive hypodontia with associated dental anomalies maps to chromosome 16q12.1. Am J Hum Genet 1998;62: 987-91. [151] Brook AH, Elcock C, al-Sharood MH, McKeown HF, Khalaf K, Smith RN. Further studies of a model for the etiology of anomalies of tooth number and size in humans. Connect Tissue Res 2002;43: 289-95. [152] Burzynski NJ, Escobar VH. Classification and genetics of numeric anomalies of dentition. Birth Defects Orig Artic Ser 1983;19:95-106. [153] Witkop Jr. CJ. Agenesis of succedaneous teeth: an expression of the homozygous state of the gene for the pegged or missing maxillary lateral incisor trait. Am J Med Genet 1987;26:431-6. [154] Hoo JJ. Anodontia of permanent teeth (OMIM # 206780) and pegged/missing maxillary lateral incisors (OMIM # 150400) in the same family. Am J Med Genet 2000;90:326-7. [155] Pirinen S, Kentala A, Nieminen P, Varilo T, Thesleff I, Arte S. Recessively inherited lower incisor hypodontia. J Med Genet 2001;38: 551-6. [156] Pirinen S,Arte S,Apajalahti S. Palatal displacement of canine is genetic and related to congenital absence of teeth. J Dent Res 1996;75:1742-6. [157] Grahnen H, Granath LE. Numerical variation in primary dentition and their correlation with the permanent dentition. Odont Revy 1961;4: 348-57. [158] Das P, Hai M, Elcock C, Leal SM, Brown DT, Brook AH, et al. Novel missense mutations and a 288-bp exonic insertion in PAX9 in families with autosomal dominant hypodontia. Am J Med Genet 2003;118A: 35-42. [159] Stockton DW, Das P, Goldenberg M, D’Souza RN, Patel PI. Mutation of PAX9 is associated with oligodontia. Nat Genet 2000;24:18-9. [160] Nieminen P, Arte S, Tanner D, Paulin L, Alaluusua S, Thesleff I, et al. Identification of a nonsense mutation in the PAX9 gene in molar oligodontia. Eur J Hum Genet 2001;9:743-6. [161] Das P, Stockton DW, Bauer C, Shaffer LG, D’Souza RN, Wright T, et al. Haploinsufficiency of PAX9 is associated with autosomal dominant hypodontia. Hum Genet 2002;110:371-6. [162] Frazier-Bowers SA, Guo DC, Cavender A, Xue L, Evans B, King T, et al.Anovel mutation in human PAX9 causes molar oligodontia. J Dent Res 2002;81:129-33. [163] Lammi L, Halonen K, Pirinen S, Thesleff I, Arte S, Nieminen P. A missense mutation in PAX9 in a family with distinct phenotype of oligodontia. Eur J Hum Genet 2003;11:866-71. [164] Mostowska A, Kobielak A, Biedziak B, Trzeciak WH. Novel mutation in the paired box sequence of PAX9 gene in a sporadic form of oligodontia. Eur J Oral Sci 2003;111:272-6.

42

[165] Jumlongras D, Lin JY, Chapra A, Seidman CE, Seidman JG, Maas RL, et al. A novel missense mutation in the paired domain of PAX9 causes non-syndromic oligodontia. Hum Genet 2004;114:242-9. [166] Klein ML, Nieminen P, Lammi L, Niebuhr E, Kreiborg S. Novel mutation of the initiation codon of PAX9 causes oligodontia. J Dent Res 2005;84:43-7. [167] Douglas KR, Brinkmeier ML, Kennell JA, Eswara P, Harrison TA, Patrianakos AI, et al. Identification of members of the Wnt signaling pathway in the embryonic pituitary gland. Mamm Genome 2001;12: 843-51. [168] Seidensticker MJ, Behrens J. Biochemical interactions in the wnt pathway. Biochim Biophys Acta 2000;1495:168-82. [169] Lammi L, Arte S, Somer M, Jarvinen H, Lahermo P, Thesleff I, et al. Mutations in AXIN2 cause familial tooth agenesis and predispose to colorectal cancer. Am J Hum Genet 2004;74:1043-50. [170] Lidral AC, Reising BC. The role of MSX1 in human tooth agenesis. J Dent Res 2002;81:274-8. [171] Nieminen P, Kotilainen J, Aalto Y, Knuutila S, Pirinen S, Thesleff I. MSX1 gene is deleted in Wolf-Hirschhorn syndrome patients with oligodontia. J Dent Res 2003;82:1013-7. [172] De Muynck S, Schollen E, Matthijs G, Verdonck A, Devriendt K, Carels C. A novel MSX1 mutation in hypodontia. Am J Med Genet 2004;128A:401-3. [173] Blin-Wakkach C, Lezot F, Ghoul-Mazgar S, Hotton D, Monteiro S, Teillaud C, et al. Endogenous Msx1 antisense transcript: in vivo and in vitro evidences, structure, and potential involvement in skeleton development in mammals. Proc Natl Acad Sci USA 2001;98: 7336-41. [174] Willert J, Epping M, Pollack JR, Brown PO, Nusse R. A transcriptional response to Wnt protein in human embryonic carcinoma cells. BMC Dev Biol 2002;2:8. [175] Hodges SJ, Harley KE. Witkop tooth and nail syndrome: report of two cases in a family. Int J Paediatr Dent 1999;9:207-11. [176] Tucker A, Sharpe P. The cutting-edge of mammalian development;how the embryo makes teeth. Nat Rev Genet 2004;5:499-508. [177] Frazier-Bowers SA, Pham KY, Le EV, Cavender AC, Kapadia H, King TM, et al. A unique form of hypodontia seen in Vietnamese patients: clinical and molecular analysis. J Med Genet 2003;40:e79. [178] Zhang XJ, Chen JJ, Yang S, Cui Y, Xiong XY, He PP, et al. A mutation in the connexin 30 gene in Chinese Han patients with hidrotic ectodermal dysplasia. J Dermatol Sci 2003;32:11-7. [179] Falconer DS, Fraser AS, King JW. The genetics and development of ″crinkled″, new mutant in the house mouse. J Genet 1951;50: 324-44. [180] Kere J, Srivastava AK, Montonen O, Zonana J, Thomas N, Ferguson B, et al. X-linked anhidrotic (hypohidrotic) ectodermal dysplasia is caused by mutation in a novel transmembrane protein. Nat Genet 1996;13: 409-16. [181] VisinoniAF, de Souza RL, Freire-Maia N, Gollop TR, Chautard-FreireMaia EA. X-linked hypohidrotic ectodermal dysplasia mutations in Brazilian families. Am J Med Genet 2003;122A:51-5. [182] Schneider P, Street SL, Gaide O, Hertig S, Tardivel A, Tschopp J, et al. Mutations leading to X-linked hypohidrotic ectodermal dysplasia affect three major functional domains in the tumor necrosis factor family member ectodysplasin-A. J Biol Chem 2001;276:18819-27. [183] Mikkola ML, Thesleff I. Ectodysplasin signaling in development. Cytokine Growth Factor Rev 2003;14:211-24. [184] Wisniewski SA, Kobielak A, Trzeciak WH, Kobielak K. Recent advances in understanding of the molecular basis of anhidrotic ectodermal dysplasia: discovery of a ligand, ectodysplasinAand its two receptors. J Appl Genet 2002;43:97-107. [185] Smahi A, Courtois G, Rabia SH, Doffinger R, Bodemer C, Munnich A, et al. The NF-kappaB signalling pathway in human diseases: from incontinentia pigmenti to ectodermal dysplasias and immunedeficiency syndromes. Hum Mol Genet 2002;11:2371-5. [186] Headon DJ, Emmal SA, Ferguson BM, Tucker AS, Justice MJ, Sharpe PT, et al. Gene defect in ectodermal dysplasia implicates a death domain adapter in development. Nature 2001;414:913-6. [187] Wong BR, Josien R, Choi Y. TRANCE is a TNF family member that regulates dendritic cell and osteoclast function. J Leukoc Biol 1999;65: 715-24. [188] Ohazama A, Courtney JM, Tucker AS, Naito A, Tanaka S, Inoue J, et al. Traf6 is essential for murine tooth cusp morphogenesis. Dev Dyn 2004; 229:131-5. Stomatologie

Odontogénétique ¶ 22-001-A-05

[189] Lomaga MA, Yeh WC, Sarosi I, Duncan GS, Furlonger C, Ho A, et al. TRAF6 deficiency results in osteopetrosis and defective interleukin-1, CD40, and LPS signaling. Genes Dev 1999;13:1015-24. [190] Doffinger R, Smahi A, Bessia C, Geissmann F, Feinberg J, Durandy A, et al. X-linked anhidrotic ectodermal dysplasia with immunodeficiency is caused by impaired NF-kappaB signaling. Nat Genet 2001;27: 277-85. [191] Jain A, Ma CA, Liu S, Brown M, Cohen J, Strober W. Specific missense mutations in NEMO result in hyper-IgM syndrome with hypohydrotic ectodermal dysplasia. Nat Immunol 2001;2:223-8. [192] Durmowicz MC, Cui CY, Schlessinger D. The EDA gene is a target of, but does not regulate Wnt signaling. Gene 2002;285:203-11. [193] Gaide O, Schneider P. Permanent correction of an inherited ectodermal dysplasia with recombinant EDA. Nat Med 2003;9:614-8. [194] Lines MA, Kozlowski K, Walter MA. Molecular genetics of AxenfeldRieger malformations. Hum Mol Genet 2002;11:1177-84. [195] Matsunaga E, Shiota K. Holoprosencephaly in human embryos: epidemiologic studies of 150 cases. Teratology 1977;16:261-72. [196] Nanni L, Ming JE, Bocian M, Steinhaus K, Bianchi DW, DieSmulders C, et al. The mutational spectrum of the sonic hedgehog gene in holoprosencephaly: SHH mutations cause a significant proportion of autosomal dominant holoprosencephaly. Hum Mol Genet 1999;8: 2479-88. [197] Lazaro L, Dubourg C, Pasquier L, Le Duff F, Blayau M, Durou MR, et al. Phenotypic and molecular variability of the holoprosencephalic spectrum. Am J Med Genet 2004;129A:21-4. [198] Nanni L, Schelper RL, Muenke MT. Molecular genetics of holoprosencephaly. Front Biosci 2000;5:D334-D342. [199] Schell-Apacik C, Rivero M, Knepper JL, Roessler E, Muenke M, Ming JE. SONIC HEDGEHOG mutations causing human holoprosencephaly impair neural patterning activity. Hum Genet 2003; 113:170-7. [200] Ming JE, Kaupas ME, Roessler E, Brunner HG, Golabi M, Tekin M, et al. Mutations in PATCHED-1, the receptor for SONIC HEDGEHOG, are associated with holoprosencephaly. Hum Genet 2002;110: 297-301. [201] Dubourg C, Lazaro L, Pasquier L, Bendavid C, Blayau M, Le Duff F, et al. Molecular screening of SHH, ZIC2, SIX3, and TGIF genes in patients with features of holoprosencephaly spectrum: mutation review and genotype-phenotype correlations. Hum Mutat 2004;24:43-51. [202] Mundlos S, Mulliken JB, Abramson DL, Warman ML, Knoll JH, Olsen BR. Genetic mapping of cleidocranial dysplasia and evidence of a microdeletion in one family. Hum Mol Genet 1995;4:71-5. [203] Mundlos S, Otto F, Mundlos C, Mulliken JB, Aylsworth AS, Albright S, et al. Mutations involving the transcription factor CBFA1 cause cleidocranial dysplasia. Cell 1997;89:773-9. [204] Yoshida T, Kanegane H, Osato M, Yanagida M, Miyawaki T, Ito Y, et al. Functional analysis of RUNX2 mutations in Japanese patients with cleidocranial dysplasia demonstrates novel genotype-phenotype correlations. Am J Hum Genet 2002;71:724-38. [205] Mundlos S. Cleidocranial dysplasia: clinical and molecular genetics. J Med Genet 1999;36:177-82. [206] Zhou G, Chen Y, Zhou L, Thirunavukkarasu K, Hecht J, Chitayat D, et al. CBFA1 mutation analysis and functional correlation with phenotypic variability in cleidocranial dysplasia. Hum Mol Genet 1999; 8:2311-6. [207] Tessa A, Salvi S, Casali C, Garavelli L, Digilio MC, Dotti MT, et al. Six novel mutations of the RUNX2 gene in Italian patients with cleidocranial dysplasia. Hum Mutat 2003;22:104. [208] Aberg T, Cavender A, Gaikwad JS, Bronckers AL, Wang X, WaltimoSiren J, et al. Phenotypic changes in dentition of Runx2 homozygotenull mutant mice. J Histochem Cytochem 2004;52:131-9. [209] Ducy P, Starbuck M, Priemel M, Shen J, Pinero G, Geoffroy V, et al. A Cbfa1-dependent genetic pathway controls bone formation beyond embryonic development. Genes Dev 1999;13:1025-36. [210] Geoffroy V, Kneissel M, Fournier B, Boyde A, Matthias P. High bone resorption in adult aging transgenic mice overexpressing cbfa1/runx2 in cells of the osteoblastic lineage. Mol Cell Biol 2002;22:6222-33. [211] Barnes GL, Javed A, Waller SM, Kamal MH, Hebert KE, Hassan MQ, et al. Osteoblast-related transcription factors Runx2 (Cbfa1/AML3) and MSX2 mediate the expression of bone sialoprotein in human metastatic breast cancer cells. Cancer Res 2003;63:2631-7. Stomatologie

[212] Sayan NB, Ucok C, Karasu HA, Gunhan O. Peripheral osteoma of the oral and maxillofacial region: a study of 35 new cases. J Oral Maxillofac Surg 2002;60:1299-301. [213] Karazivan M, Manoukian K, Lalonde B. Familial adenomatous polyposis or Gardner syndrome--review of the literature and presentation of 2 clinical cases. J Can Dent Assoc 2000;66:26-30. [214] Wolf J, Jarvinen HJ, Hietanen J. Gardner’s dento-maxillary stigmas in patients with familial adenomatosis coli. Br J Oral Maxillofac Surg 1986;24:410-6. [215] Sunthornthepvarakul T, Churesigaew S, Ngowngarmratana S. A novel mutation of the signal peptide of the preproparathyroid hormone gene associated with autosomal recessive familial isolated hypoparathyroidism. J Clin Endocrinol Metab 1999;84:3792-6. [216] LagardeA, Kerebel LM, Kerebel B. Structural and ultrastructural study of the teeth in a suspected case of pseudohypoparathyroidism. J Biol Buccale 1989;17:109-14. [217] Gomes MF, Camargo AM, Sampaio TA, Graziozi MA, Armond MC. Oral manifestations of Albright hereditary osteodystrophy: a case report. Rev Hosp Clin Fac Med Sao Paulo 2002;57:161-6. [218] Strewler GJ. The physiology of parathyroid hormone-related protein. N Engl J Med 2000;342:177-85. [219] Jobert AS, Zhang P, Couvineau A, Bonaventure J, Roume J, Le Merrer M, et al. Absence of functional receptors for parathyroid hormone and parathyroid hormone-related peptide in Blomstrand chondrodysplasia. J Clin Invest 1998;102:34-40. [220] Karperien M, van der Harten HJ, van Schooten R, Farih-Sips H, den Hollander NS, Kneppers SL, et al. A frame-shift mutation in the type I parathyroid hormone (PTH)/PTH-related peptide receptor causing Blomstrand lethal osteochondrodysplasia. J Clin Endocrinol Metab 1999;84:3713-20. [221] Bastepe M, Raas-Rothschild A, Silver J, Weissman I, Wientroub S, Juppner H, et al. A form of Jansen’s metaphyseal chondrodysplasia with limited metabolic and skeletal abnormalities is caused by a novel activating parathyroid hormone (PTH)/PTH-related peptide receptor mutation. J Clin Endocrinol Metab 2004;89:3595-600. [222] Hopyan S, Gokgoz N, Poon R, Gensure RC, Yu C, Cole WG, et al. A mutant PTH/PTHrP type I receptor in enchondromatosis. Nat Genet 2002;30:306-10. [223] Kitahara Y, Suda N, Kuroda T, Beck F, Hammond VE, Takano Y. Disturbed tooth development in parathyroid hormone-related protein (PTHrP)-gene knockout mice. Bone 2002;30:48-56. [224] Calvi LM, Shin HI, Knight MC, Weber JM, Young MF, Giovannetti A, et al. Constitutively active PTH/PTHrP receptor in odontoblasts alters odontoblast and ameloblast function and maturation. Mech Dev 2004; 121:397-408. [225] Saint-Arnaud R, Dardenne O, Glorieux FH. Étiologie moléculaire des rachitismes vitamino-dépendants héréditaires. Med Sci (Paris) 2001; 17:1289-96. [226] Glorieux FH, Arabian A, Delvin EE. Pseudo-vitamin D deficiency: absence of 25-hydroxyvitamin D 1 alpha-hydroxylase activity in human placenta decidual cells. J Clin Endocrinol Metab 1995;80: 2255-8. [227] Glorieux FH. Rickets, the continuing challenge. N Engl J Med 1991; 325:1875-7. [228] Glorieux FH, Delvin E. Pseudo vitamin D deficiency rickets. In: Norman AW, Bouillon R, Thomasset M, editors. Vitamin D: gene regulation. Structure-function analysis and clinical application. Berlin: Walters de Gruyer; 1991. p. 235-8. [229] Labuda M, Morgan K, Glorieux FH. Mapping autosomal recessive vitamin D dependency type I to chromosome 12q14 by linkage analysis. Am J Hum Genet 1990;47:28-36. [230] Zambrano M, Nikitakis NG, Sanchez-Quevedo MC, Sauk JJ, Sedano H, Rivera H. Oral and dental manifestations of vitamin D-dependent rickets type I: report of a pediatric case. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2003;95:705-9. [231] Malloy PJ, Xu R, Peng L, Peleg S,Al-AshwalA, Feldman D. Hereditary 1,25-dihydroxyvitamin D resistant rickets due to a mutation causing multiple defects in vitamin D receptor function. Endocrinology 2004; 145:5106-14. [232] Nishino M, Kamada K, Arita K, Takarada T. Dentofacial manifestations in children with vitamin D-dependent Rickets type II. Shoni Shikagaku Zasshi 1990;28:346-58. [233] Malloy PJ, Feldman D. Vitamin D resistance. Am J Med 1999;106: 355-70. [234] Malloy PJ, Pike JW, Feldman D. The vitamin D receptor and the syndrome of hereditary 1,25-dihydroxyvitamin D-resistant rickets. Endocr Rev 1999;20:156-88.

43

22-001-A-05 ¶ Odontogénétique

[235] Pereira CM, de Andrade CR, Vargas PA, Coletta RD, de Almeida OP, Lopes MA. Dental alterations associated with X-linked hypophosphatemic rickets. J Endod 2004;30:241-5. [236] Murayama T, Iwatsubo R, Akiyama S, Amano A, Morisaki I. Familial hypophosphatemic vitamin D-resistant rickets: dental findings and histologic study of teeth. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2000;90:310-6. [237] Hillmann G, Geurtsen W. Pathohistology of undecalcified primary teeth in vitamin D-resistant rickets: review and report of two cases. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1996;82:218-24.

[238] Shields ED, Scriver CR, Reade T, Fujiwara TM, Morgan K, Ciampi A, et al. X-linked hypophosphatemia: the mutant gene is expressed in teeth as well as in kidney. Am J Hum Genet 1990;46:434-42. [239] Goodman JR, Gelbier MJ, Bennett JH, Winter GB. Dental problems associated with hypophosphataemic vitamin D resistant rickets. Int J Paediatr Dent 1998;8:19-28. [240] Chaussain-Miller C, Sinding C, Wolikow M, Lasfargues JJ, Godeau G, Garabedian M. Dental abnormalities in patients with familial hypophosphatemic vitamin D-resistant rickets: prevention by early treatment with 1-hydroxyvitamin D. J Pediatr 2003;142:324-31.

M. Molla. Inserm U714, universités Paris 7 et Paris 6, Institut biomédical des Cordeliers, 15, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. I. Bailleul-Forestier, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. Fédération de génétique, service de stomatologie et de chirugie maxillofaciale, hôpital Robert Debré, 68, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. C. Artaud, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. A. Verloes, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Fédération de génétique, service de stomatologie et de chirugie maxillofaciale, hôpital Robert Debré, 68, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. C. Naulin-Ifi, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. J. Elion, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Fédération de génétique, service de stomatologie et de chirugie maxillofaciale, hôpital Robert Debré, 68, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. A. Berdal, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). Inserm U714, universités Paris 7 et Paris 6, Institut biomédical des Cordeliers, 15, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France. Service de biologie, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5 rue Garancière, 75006 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Molla M., Bailleul-Forestier I., Artaud C., Verloes A., Naulin-Ifi C., Elion J., Berdal A. Odontogénétique. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-A-05, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels

44

Iconographies supplémentaires

Vidéos / Animations

Documents légaux

Information au patient

Informations supplémentaires

Autoévaluations

Stomatologie

Stomatologie [22-001-A-20]

Développement embryonnaire de la face

G Couly : professeur d'université Paris V, stomatologie et chirurgie maxillo-faciale pédiatriques Hôpital Necker-Enfants Malades, 75015 Paris, institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France (Pr Le Douarin) France

© 1990 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Haut de page

INTRODUCTION La morphogenèse est la procédure biologique reproductible qui permet à un individu de prendre forme vivante, « de prendre corps », à partir de l'oeuf fécondé. Pour ce faire, il parcourt le périlleux chemin biologique qui le mène des étapes de l'embryogenèse à celles de l'adulte mature et autonome. La réflexion sur la morphogenèse des êtres est une préoccupation ancienne de l'humanité déjà explicitée chez les Grecs comme Aristote (l'épigenèse), Héraclite d'Ephèse (formes biologiques et conflit) ou le poète romain Lucrèce (De la nature des choses). En 1651 et 1677, les découvertes respectives de l'ovule par Harvey et du spermatozoïde par Van Leeuwenhoek, grâce à l'invention préalable du premier microscope, furent déterminantes pour les réflexions ultérieures du XVIIIe siècle concernant l'embryogenèse causale [15]. Durant la première moitié de ce siècle, l'opposition entre les préformistes, qui pensaient que le spermatozoïde était un être en miniature (l'homonculus), et les défenseurs de l'épigenèse (Harvey), ou développement par étapes, fut vive jusqu'en 1759, date où Wolff, en décrivant par l'observation les étapes morphologiques successives du développement de l'embryon de poulet, montra grâce à cette stable reproductivité la validité de l'épigenèse. L'ère de l'embryologie descriptive commençait alors. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour que Driesch ouvre l'ère de l'embryologie expérimentale en confirmant par l'existence des oeufs à régulation la prééminence de l'épigenèse embryologique, appelée par la suite par Waddington « paysage épigénétique » (« epigenetic landscape ») [112]. Au XXe siècle, des techniques expérimentales nouvelles (ablation et greffe microchirurgicales, irradiations localisées, utilisation de traceurs radioactifs) ont permis de recueillir des données précieuses sur certains processus comme les mouvements cellulaires ou les territoires présomptifs. Plus près de nous, grâce à l'observation au microscope électronique et la mise au point d'outils issus de la biologie et de la génétique moléculaires, de nombreux chercheurs s'attachent actuellement à analyser la

morphogenèse à l'échelle moléculaire. L'oeuf fécondé va croître par mitoses successives et se structurer en lignées par différenciation cellulaire. Les cellules embryonnaires nous apparaissent ainsi automatisées et programmées. Mais encore aujourd'hui nous ne savons presque rien des interactions [115] qui fondent les phénomènes biologiques d'induction, de champs morphogénétiques, d'informations dites de position [118] entre les populations cellulaires de l'embryon. Nous sommes loin encore de cette connaissance de la « sociologie cellulaire » de l'être que souhaitait Chandebois [15]. Le programme génétique est probablement la structure clé du développement biologique, mais nous sommes démunis et sans réponse pour comprendre comment la structure génétique peut coder une procédure à trois dimensions, voire à quatre, celle du développement biologique. Des penseurs comme Thom ont proposé depuis quelques années des modélisations mathématiques issues de la topologie pour expliciter les dynamiques morphologiques de la gastrulation ou de la neurulation par exemple [101, 102, 103] . De nombreux êtres vivants présentent une configuration de type « géométrique » de leur organisation générale adulte, adaptée aux contraintes physiques de leur environnement (D'Arcy Thompson) [32, 97].

Haut de page

BIOLOGIE DU DÉ VELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DU PÔLE CÉ PHALIQUE Le développement embryonnaire du pôle céphalique des vertébrés, et donc de l'homme, est un scénario complexe dont nombre de situations sont actuellement bien documentées. Nous n'en ferons pas l'historique. C'est au cours de la neurulation, c'est-à-dire à partir de l'ectoblaste lors de la troisième semaine, que se mettent en place les tissus qui vont contribuer à former le pôle céphalique : le système nerveux central et ses enveloppes protectrices ; les récepteurs faciaux neurosensoriels entourés de mésenchyme squelettogène, issus de la crête neurale ; les structures cervico-thoraciques antérieures entourant l'extrémité de l'endoderme ou intestin pharyngien. C'est au cours de cette étape de la neurulation que diverses défaillances développementales peuvent se manifester et être responsables de malformations céphaliques reconnaissables pour certaines par échographie chez le foetus et pour d'autres chez le nouveau-né. Longtemps décrit dans sa globalité ou explicité par la tératologie expérimentale [38, 109] ou par le biais de l'étude des malformations spontanées [78, 107, 108, 113], le développement embryonnaire du pôle céphalique possède ses propres outils d'analyse expérimentale et causale qui ont évolué au cours du XXe siècle. Parmi ceux-ci, les destructions de territoires embryonnaires (par chirurgie ou par radiothérapie) [14, 116], les marqueurs colorés et radioactifs, les greffes homologues et hétérologues ont permis de décrypter certains phénomènes généraux du développement [59, 60, 61]. D'autres, comme les chimères, l'identification cellulaire par anticorps monoclonaux, sont d'une grande utilité dans l'étude des mouvements cellulaires, des différenciations tissulaires préludant à la forme des organes. Un de ceux-là, découvert il y a quinze ans par Le Douarin [67, 68] dans le laboratoire de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France est, à ce point de vue, très performant (fig. 1). Il s'agit de la chimère caille-poule construite par greffe microchirurgicale et qui a permis d'apporter une quantité impressionnante d'informations sur la formation des êtres biologiques. La signification biologique de la tête ou son plan général d'organisation ont attiré nombre de philosophes, d'écrivains ou de scientifiques [87, 88, 114]. Goethe et Oken ont émis au XVIIIe siècle l'idée d'une segmentation de la tête intitulée ultérieurement « théorie vertébrale du crâne » [100]. Celle-ci peut évidemment être critiquée car trop schématique,

mais paradoxalement les données récentes de la biologie du développement embryonnaire précoce, en particulier celles concernant la régionalisation de la crête neurale au niveau céphalique, et la mise en évidence de gènes homéotiques lors de la différenciation cellulaire, ont relancé ce débat passionnant [1, 54, 78, 114]. La tête est à ce jour reconnue comme système biologique de perception et de communication de grande densité fonctionnelle (succion, mastication, déglutition, ventilation) et investie de charges éthologiques. Le pôle céphalique présente encore au cours de son développement une exceptionnelle unité à partir du feuillet neurectoblastique. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'oeil, la mandibule ou le septum cardiaque ont une communauté d'origine à partir des cellules de la crête neurale céphalique (CNC), ce qui nécessite bien évidemment une approche globale du développement embryonnaire.

Haut de page

PHÉ NOMÈNES CELLULAIRES DE L'EMBRYOGENÈSE De l'oeuf fécondé jusqu'à l'être achevé, le développement par croissance coordonnée de l'embryon met en jeu divers phénomènes cellulaires : l'induction des champs morphogénétiques, la division, l'adhérence, la différenciation, les déplacements et la mort cellulaire. Les biologistes s'accordent actuellement pour admettre que les phénomènes cellulaires mis en jeu lors du développement requièrent des procédures coopérantes génétiques et épigénétiques.

Induction et champs morphogénétiques

[11, 15, 36, 115]

Un tissu embryonnaire n'en induit un autre à se différencier ou à s'engager dans une voie particulière que si le second présente un état biologique compétent. La nature biochimique des substances inductrices serait protéinique. Le mode de transmission ou d'action de l'agent biochimique inducteur est encore mal compris. Pour certains, il nécessiterait le contact entre les deux tissus : l'induit et l'inducteur. Les contacts cellulaires auraient alors un rôle décisif dans le transfert de l'agent inducteur. Dans d'autres circonstances, la transmission de protéines inductrices pourrait se faire à distance. Les inductions successives entre les différents tissus de l'embryon semblent être une des conditions nécessaires à l'individualisation de champs morphogénétiques. Ce sont des territoires embryonnaires qui ne présentent pas encore de différenciation organique, mais qui préfigurent l'ébauche présomptive d'un organe avant certains mouvements morphogénétiques (voir la cartographie des territoires présomptifs de la face dans la plaque neurale et ses bords [fig. 3]). Si un tel territoire est retiré, l'embryon futur en sera dépourvu faute de régulation quantitative et qualitative.

Mitose, croissance tissulaire, synthèse d'ARN messager Dès la conception, l'oeuf se divise en 2, 4, 8, 16, 2n cellules durant la segmentation grâce à la présence d'ARN messager de l'ovocyte. Conjointement, cette petite masse de cellules est l'objet d'organisation temporo-spatiale tissulaire due aux premières ségrégations et différenciations des lignées (c'est ce qui se passe lors de l'individualisation des trois feuillets : endoderme, ectoderme, mésoderme). Ces ségrégations cellulaires, dont l'origine génétique est admise, témoignent encore du fait que le développement est sous-tendu par l'activité mitotique des cellules. Les signaux régulant ou déclenchant l'importance quantitative de ces mitoses sont en rapport avec la différenciation précoce de leur phénotype. A la gastrulation, des synthèses nouvelles de protéines sont codées par les ARN messagers du génome embryonnaire. Chez les mammifères, il semble exister un

asynchronisme entre l'importance des mitoses et la synthèse rapide des ARN messagers. Le déclenchement de la différenciation cellulaire dépendrait du nombre préalable de ces mitoses mais, dans l'ensemble, ces données demeurent fragmentaires.

Membrane plasmique, cytosquelette, collage cellulaire

[10]

Les cellules embryonnaires ne sont pas des robots biologiques ; environnement joue un rôle capital dans leur comportement. Pour cela, disposent d'une organisation et d'organites intracytoplasmiques ; elles limitées par une membrane plasmique spécifique régulant les échanges l'environnement.

Membrane plasmique

leur elles sont avec

[10]

Chaque cellule embryonnaire, comme du reste l'ensemble des cellules de l'organisme, est délimitée par un système complexe de membrane. Ce n'est pas une simple interface entre la cellule et son milieu. C'est une structure active dans les relations cellules-cellules. Cette membrane est faite d'une double couche de glycolipides et de glycoprotéines intrinsèques et spécifiques de chaque cellule. Ces membranes sont des barrières de contrôle de sortie et d'entrée de tous les messages intercellulaires. Du reste, l'expression morphologique de ces phénomènes est observable. C'est par exemple l'exocytose sécrétoire d'une hormone peptidique ou l'endocytose d'un virus. D'autres phénomènes plus difficilement accessibles à l'observation mettent en jeu des trafics moléculaires dans cette membrane. Ce sont les perméations ou phénomènes de mise en relation du milieu extracellulaire avec le cytoplasme par transfert de certains messagers (tels que ions, acides aminés, hormones stéroïdes) et les transductions qui ne permettent pas la pénétration intracellulaire du messager, mais seulement sa liaison à la surface de la membrane plasmique, assurant ainsi le passage de l'information qu'il transporte vers le cytoplasme [10]. (Nous verrons le rôle de cette transduction dans la différenciation des préodontoblastes en odontoblastes.)

Cytosquelette Le cytosquelette est la charpente intracellulaire puisqu'il est formé d'un système d'organites contrôlant les mouvements et les déformations de la cellule. Il est formé de microtubules, de tubuline et de microfilaments d'actine. Le cytosquelette des cellules de la plaque neurale joue un rôle très important dans les déformations et les mouvements de celle-ci et dans sa transformation morphologique en gouttière, puis sa fermeture par contact jonctionnel postérieur [57] .

Collage intercellulaire

[15, 110]

L'élaboration de la forme des embryons ou de leurs organes en développement n'a lieu que si l'adhérence cellulaire est réalisée, sinon un être biologique ne serait qu'un tas de cellules dissociées et n'aurait aucune chance d'existence. Les contacts entre les cellules de l'embryon existent dès que celui-ci est fait de deux cellules. Les inductions, c'est-à-dire les séquences des phénomènes bio-chimiques aboutissant à la différenciation cellulaire, débutent au stade de la gastrulation et résultent d'interactions spécifiques mutuelles entre divers groupes de cellules (groupes inducteurs et compétents à subir cette induction). Ces interactions se font soit sous la forme de contact cellulaire direct avec échange de facteurs moléculaires de type protéinique soit à distance. Ces inductions successives entre groupes cellulaires finissent par assurer la cohésion et l'adhérence des

cellules mises en contact qui glycoprotéique de surface [15].

s'agrègent

grâce

à

une

reconnaissance

Edelman [39, 40] a mis en évidence un ensemble de molécules intervenant dans l'adhérence intercellulaire lors de l'étape de la neurulation : les CAM (ou « cell adhesive molecules »). Les NCAM (ou « neural cell adhesive molecules ») siègent sur tous les corps cellulaires des neurones en croissance. Ces molécules sont des protéines de la surface externe de la membrane plasmique. Elles peuvent être repérées par immunofluorescence par fabrication d'anticorps. Ceuxci sont capables d'inhiber l'adhérence des cellules. Plusieurs CAM ont été identifiées : LCAM (sur les cellules hépatiques embryonnaires), NGCAM (sur les cellules neurogliales du système nerveux central [37, 105]). La molécule responsable de l'adhérence des cellules neurales est une chaîne protéique à trois domaines. La NCAM d'une cellule se lie à une autre NCAM d'une autre cellule et ce homophiliquement. Les protéines de surface et d'adhérence cellulaire disparaissent lorsque les cellules épithéliales deviennent mésenchymateuses (quand les cellules de la crête neurale débutent leur migration). L'adhérence des cellules permet leur agrégation et intervient dans la construction de « patron morphogénétique » dont l'étude est une préoccupation de toute la biologie moderne. A côté des déterminants moléculaires de la morphogenèse, ont été identifiés des facteurs diffusibles. Ceux-ci sont des facteurs de croissance et de différenciation permettant le développement harmonieux des tissus. Ce sont des polypeptides qui avaient été proposés depuis de nombreuses années par les embryologistes comme étant les molécules servant de support à la communication entre les cellules embryonnaires au cours du développement. Grâce aux progrès de la biochimie et de la culture de cellules, un grand nombre d'entre eux sont maintenant identifiés et leur mécanisme d'action élucidé. Certains ont été identifiés par exemple lors des phénomènes de cicatrisation ou lors de la croissance des tumeurs malignes. Leur purification à homogénéité et surtout leur clonage génétique ont permis de leur attribuer des fonctions précises. NGF (« nerve growth factor »), EGF (« epidermal growth factor ») sont les plus connus et forment avec le TGF (« tumors growth factor ») une classe moléculaire commune qui se fixe sur le même groupe de récepteurs cellulaires. PDGF (« platelet derived growth factor ») est encore une famille de facteurs de croissance qui se trouvent en grande quantité sur les plaquettes et dans certaines cellules tumorales malignes. FGF (« fibroblast growth factor ») a une structure moléculaire basique ou acide et a été découvert dans les tissus nerveux en croissance ainsi que dans de nombreuses tumeurs malignes. Les cellules immunitaires en croissance et en différenciation (lymphocytes B par exemple) sont stimulées par les interleukines, le messager chimique de l'immunogenèse.

Apparition des phénotypes cellulaires L'environnement embryonnaire local semble coopérer avec le matériel génétique pour jouer le rôle déterminant dans la différenciation cellulaire. En étudiant le développement de la musculature et du squelette ostéocartilagineux du bourgeon de membre antérieur chez l'oiseau, Wolpert [117, 118] en tire argument pour proposer que les cellules embryonnaires se différencient, s'agrègent en organes ou acquièrent de nouvelles propriétés en fonction de signaux locaux, soit par contact avec d'autres cellules par rapport auxquelles elles vont orienter leur différenciation, soit en puisant localement dans leur environnement l'information nécessaire à leur différenciation, par contact avec la matrice extracellulaire ou la membrane basale : c'est l'information de position. Ainsi, les processus biologiques mis en jeu lors de la différenciation et de l'expression des divers phénotypes des cellules de la crête neurale en cours ou en fin de migration auraient un déterminisme extracellulaire [47, 48, 49, 65]. Les cellules épithéliales du neurectoderme sont capables de devenir des cellules à compétence mésenchymateuse aux propriétés invasives et migrantes. C'est le phénomène biologique constaté lors de l'individualisation des cellules de la crête neurale pour lesquelles une modification ou une perte des composants protéiniques des membranes plasmiques assurant la reconnaissance et le collage intercellulaires sont incriminées [110]. Ces mêmes cellules, totipotentes avant

leur migration du bourrelet neural, vont par contre se différencier au cours de celle-ci et, en définitive, acquérir des phénotypes très divers, soit au contact des membranes basales de l'endoderme pharyngien ou de l'ectoderme facial, soit au contact d'autres cellules déjà présentes sur leur lieu de fin de migration ou au contact de la matrice extracellulaire. C'est le cas des ostéocytes et des chondrocytes du mésenchyme facial [47, 48, 49, 73, 79].

Matrice extracellulaire et membrane basale Deux composants extracellulaires interviennent activement lors du développement et de la différenciation cellulaire, ce sont la matrice extracellulaire et la membrane basale [6, 10, 47, 48, 49, 65, 73, 79, 84, 96].

Membrane basale La membrane basale est un feutrage de glycoprotéines mucofibrillaires, de collagène de type IV, de laminine et de glycosaminoglycans dont la présence est capitale pour les phénomènes de la différenciation. Cette membrane sépare la matrice conjonctive intercellulaire de la cellule elle-même. Elle siège à la base des épithéliums en général. Cette membrane basale est une frontière anatomique et une zone d'échanges physiologiques. Elle a une action sur la différenciation et le fonctionnement cellulaire en tant que facteur modulant l'environnement en interagissant directement avec les membranes plasmiques. La membrane basale favorise encore les migrations des cellules mésenchymateuses par guidage de contact et est aussi une voie de migration possible pour d'autres cellules sous les épithéliums.

Matrice extracellulaire, fibronectines et migration cellulaire

[10, 37, 40, 105, 110]

La matrice extracellulaire est constituée de collagène de types I et III et de fibronectines. Celles-ci, largement présentes dans l'organisme adulte, sont les mieux connues des molécules de guidage et d'adhésion. C'est une classe de glycoprotéines multifonctionnelles divisée en deux groupes, soluble et fibrillaire sur les cellules. La forme soluble est trouvée dans le plasma, le liquide céphalorachidien et le liquide amniotique. La forme fibrillaire est fabriquée par une grande variété de cellules. C'est un constituant de la matrice extracellulaire. L'interaction entre les fibronectines et les cellules en migration est assurée par un récepteur spécifique de surface qui interagit avec une zone précise de la molécule. Les fibronectines et ces récepteurs constituent un système important d'adhésion qui règne dans la matrice extracellulaire ; ce système joue encore un rôle clé dans de multiples processus de l'embryologie, comme évidemment l'adhésion, la migration et la formation de patrons biologiques (forme des organes).

Mort cellulaire de l'embryogenèse ou nécrose morphogénétique

[24, 44, 66]

Le développement de l'embryon et du foetus humain et en général de tous les vertébrés est ponctué par la mort cellulaire, isolée, ou de groupement cellulaire, transitoire ou déjà organisé en structure rudimentaire (Glucksmann [44]). Ce phénomène se manifeste à une période de morphogenèse active de l'être biologique et aurait pour origine de subtils mécanismes environnementaux extracellulaires qui aboutiraient au suicide de la cellule par mécanisme enzymatique lysosomial. Nombreux sont les exemples qui illustrent ce phénomène sans distinction d'origine des tissus. Certains correspondent à la fermeture ou à l'ouverture ou à l'individualisation de structures sacculaires ou tubulaires. Ce sont, à titre d'exemple, les morts cellulaires de la membrane pharyngienne vers le 21e jour, assurant la communication de l'intestin céphalique avec le stomodaeum, celles des cordons épithéliaux des paupières contribuant à l'ouverture de ces dernières vers le 6e mois foetal. D'autres permettent la disparition d'un organe

rudimentaire transitoire ou d'un groupement cellulaire remplacé par un autre appareil telle la disparition des pro- et mésonéphros (reins primitifs cervical et thoracique) alors que se met en place le métanéphros (rein lombaire). Les poches ecto- et endobranchiales et leurs fentes ont une existence tout aussi temporaire alors que se développent dans leur environnement les parathyroïdes, le thymus ou des formations lymphoïdes. D'autres morts cellulaires correspondent à la disparition définitive d'organes, tel le cartilage de Meckel vers le 6e mois, de l'appendice caudal primitif, des pédicules organiques des glandes comme la thyroïde ou l'hypophyse. Kosaka [66] a montré que la mort cellulaire embryonnaire de l'ectoderme de recouvrement des bourgeons de la face lors de leur mise en contact est nécessaire dans la fusion de ces derniers. Le mécanisme cytochimique invoqué dans la réalisation des fentes stomodéales est corroboré par les travaux de Green et Pratt, (Couly [24]. Ces derniers ont mis en évidence le rôle des enzymes lysosomiaux dans les morts cellulaires épithéliales, des bords internes des procès palatins lorsque ces derniers fusionnent pour former le palais secondaire chez le rat. Ces auteurs ont encore démontré qu'en bloquant l'activité lysosomiale de l'ectoderme palatin, il était possible de déclencher une fente palatine par la « non-mort » cellulaire de celui-ci. Kosaka [66] objective en microscopie électronique l'existence de cellules spécialisées lors de la fusion ectodermique, contemporaine de la mort cellulaire, entre les bourgeons nasaux internes et maxillaires. Les cellules lysées de l'ectoderme sont alors phagocytées par des cellules embryonnaires spécialisées mésenchymateuses situées sous la basale. D'autres organes en développement sont l'objet de mort cellulaire tels les centres des sutures membraneuses crâniennes et les sillons mésodermiques interdigitaux permettant ainsi l'individualisation des doigts [24].

Haut de page

NEURULATION ET É BAUCHE CÉ PHALIQUE  [11, 15, 36, 46, 50, 109] La neurulation est l'étape embryonnaire au cours de laquelle les futures structures céphaliques s'individualisent. Trois stades embryonnaires vont préluder à celui de la neurulation : morula, blastula, gastrula. Nous les rappellerons succinctement.

Morula L'oeuf fécondé ou zygote se segmente en 2, 4, 8, 16... cellules ou blastomères. La morula ainsi formée se creuse d'une cavité appelée blastocyste peu avant l'implantation utérine vers le 6e jour.

Blastula Au cours de la deuxième semaine, la blastula augmente en taille au gré de l'accroissement du nombre des mitoses. La cavité blastocystique est au maximum de son volume (c'est la période prémorphogénétique). L'embryon est alors constitué de deux feuillets, l'ectoblaste et l'entoblaste, qui semblent présenter déjà une polarité dorso-ventrale.

Gastrula Au cours de la troisième semaine, on assiste à une ségrégation des premières lignées cellulaires aboutissant par arrangement temporo-spatial à la mise en

place des trois feuillets et de leur polarité céphalo-caudale : l'ectoblaste, destiné à la formation du système nerveux central, du revêtement cutané et du mésenchyme cervico-céphalique ; les cellules de l'ectoblaste migrent en profondeur par invagination pour former le chordomésoblaste ; le chordomésoblaste est l'ébauche de l'ensemble du squelette, des muscles squelettiques, du système cardio-vasculaire, des reins et du conjonctif ; l'entoblaste fournira l'ensemble du tube digestif et de l'arbre respiratoire.

Neurula et neurulation (fig. 2, 3, 4, 5, 6 et 7) Au cours de la quatrième semaine, la destinée de chacun des trois feuillets est soumise à une grande complexité morphogénétique. Chacun d'eux présente des mouvements et migrations cellulaires contribuant à l'apparition des stades morphologiques intermédiaires dont l'imagerie dynamique, parfois fugace, est toujours coordonnée dans le temps et dans l'espace. Vers le 21e jour, le chordomésoblaste induit l'ectoblaste sus-jacent à devenir le tissu neuroblastique ou neurectoblastique déterminé à devenir la plaque neurale. L'épiblaste et les crêtes neurales vont s'individualiser en bordure de la plaque neurale. Macroscopiquement [57], la plaque neurale a la forme d'une raquette à grosse extrémité antérieure et dont l'extrémité postérieure se rétrécit. Microscopiquement [57], elle est constituée de cellules jointives, cylindriques hautes dans sa partie centrale et cubiques dans sa partie périphérique. La cartographie et les déformations de la plaque neurale ont été déterminées dans sa partie antérieure par construction de chimères caille-poule dans le laboratoire de l'institut d'embryologie du Collège de France (fig. 3). Ces chimères ont été construites par greffes microchirurgicales de territoires précis de la plaque et du bourrelet (homotopes et homochromes), de l'embryon de caille vers l'embryon de poulet. Ces expériences ont montré que les territoires présomptifs du prosencéphale sont déterminés dès le stade de la plaque neurale et sont bordés par le bourrelet ectodermique qui devient, dans la région antérieure et médiane, l'antéhypophyse et l'épithélium olfactif et celui de la fosse nasale. Plus en arrière, le bourrelet fournit la peau des régions nasales, frontales et prémaxillaires. Ainsi, la plaque neurale et ses bords forment des unités embryonnaires neurosensorielles ou endocriniennes constituées par la contiguïté de la placode ou ébauche de l'organe correspondant et de son aire neurologique de projection. L'antéhypophyse est en effet en contiguïté avec l'hypothalamus, l'épithélium placodal olfactif avec le rhinencéphale télencéphalique et l'ectoderme nasofrontal borde le toit du télencéphale (fig. 3). Les mouvements de la plaque neurale ont fait l'objet également d'investigations. Dès que l'ectoblaste est induit par le chordomésoblaste sous-jacent, il devient la plaque neurale ou neurectoblaste. Celui-ci subit de profondes modifications structurelles qui ont pour conséquence la genèse de déformations déterminantes pour le développement de la tête, la mise en place des organes céphaliques et la compréhension de leurs malformations précoces. Ces déformations ont été étudiées par Jacobson [57] sur la neurula d'amphibiens grâce à des simulations sur ordinateur et modélisation mathématique couplée à la comparaison des phénomènes in vivo. La plaque neurale se déforme par modifications cytosquelettiques des cellules du pavage cellulaire puisque chaque cellule s'allonge grâce à la contraction des microfilaments. Ce phénomène est réalisé sans modification de volume cellulaire et sans mitose supplémentaire. Les déformations cellulaires ne concernent pas toutes les cellules du neurectoblaste. Seules, celles qui sont situées au-dessus de la corde subissent ce type de modification. La conséquence de celle-ci est une transformation macroscopique de la plaque dans le temps et dans l'espace, qui, rappelons-le, est la clé de la compréhension de la céphalogenèse. La plaque neurale s'allonge dans le sens antéro-postérieur (elle triple approximativement sa longueur). Elle s'élargit dans sa partie antérieure (elle

passe de 300 à 600 microns). Deux reliefs paramédians droit et gauche apparaissent alors entre les 20e et 25e jours chez l'homme, ces reliefs ont une direction antéro-postérieure ; simples élevures au début, ils deviennent de véritables bords d'une centaine de microns de hauteur qui déterminent ainsi différentiellement un sillon médian dans la plaque ou gouttière neurale. La partie la plus antérieure de la plaque manifeste un mouvement déterminant d'enroulement qui fait basculer les territoires antérieurs et dorsaux en position ventrale. C'est dans ces conditions que le territoire présomptif antéro-médian de l'antéhypophyse se retrouve à la face inférieure du diencéphale, c'est-à-dire à la partie postéro-supérieure du futur stomodéum (fig. 7). Il en est de même pour la placode olfactive qui se retrouve à la face inférieure du télencéphale. L'ensemble de ces malformations et mouvements : allongement, élargissement antérieur, formation des bourrelets neuraux, enroulement et bascule dorso-ventrale des territoires antérieurs de la plaque, sont parfaitement objectivés en microscopie électronique à balayage (fig. 4, 5 et 6).

Fermeture de la gouttière neurale Au cours de la troisième semaine, les bourrelets neuraux s'accolent. Les contacts jonctionnels postérieurs nécessaires à cet accolement transforment la gouttière neurale en un tube. Cet accolement débute classiquement dans la future région du rhombencéphale et progresse en avant et en arrière. Il s'agit d'un véritable collage grâce aux protéines de surface des cellules venant en contact. (La NCAM est une protéine dont la responsabilité serait incriminée dans la reconnaissance et le collage des cellules du neurectoblaste : voir chapitre : Phénomènes cellulaires de l'embryogenèse) (fig. 6A, B, C).

Conséquences des mouvements de la neurulation Neuropore antérieur, notion inexacte Alors que la gouttière neurale manifeste encore ses mouvements d'allongement et d'enroulement, l'accolement des bourrelets progresse en avant et suit conjointement la bascule ventrale des territoires antérieurs. Cette dynamique morphologique longtemps méconnue a pour conséquence de rendre discutable la notion de neuropore antérieur. La microscopie électronique à balayage a parfaitement objectivé que l'accolement des bourrelets neuraux se prolongeait jusque sous la face inférieure du diencéphale. Du reste, le passage en position ventrale de l'antéhypophyse est la conséquence du mouvement d'enroulement de la plaque neurale dans cette région.

Ségrégation des lignées cellulaires dans la plaque neurale (fig. 8 et 9) L'accolement du bourrelet neural par contact jonctionnel postérieur a pour conséquence les ségrégations des futures lignées cellulaires du neurectoblaste, ségrégations qui correspondent aux futures cellules entrant dans la constitution du pôle céphalique. Trois groupements cellulaires ont ainsi débuté leur différenciation : les neuroblastes du tube neural (ou futures cellules neuronales et gliales du système nerveux central) ; les cellules de l'ectoderme qui fourniront les placodes épiblastiques à l'origine des ganglions sensoriels et l'épiblaste céphalique (futur épiderme) ; les cellules des crêtes neurales (au niveau d'accolement du bourrelet neural).

Développement du tube neural (fig. 10)

L'ensemble de la gouttière neurale est fermé en un tube à la fin du premier mois embryonnaire. Ce tube est alors une structure annulaire faite de la juxtaposition de grandes cellules dont celles de topographie centrale deviendront les neuroblastes centraux et les cellules gliales. C'est à partir de cette couche centrale que se réalisent les migrations neuronales vers la partie corticale. Au niveau céphalique, l'évolution morphologique du tube neural est particulière. A la fin du premier mois, le tube neural est formé de trois puis de cinq vésicules. le prosencéphale (ou cerveau antérieur) deviendra le diencéphale et le télencéphale, lui-même sera subdivisé en deux vésicules paires et symétriques ; le mésencéphale restera indivis ; le rhombencéphale (ou tronc cérébral) deviendra le métencéphale, puis le cervelet et le myélencéphale. La constitution des trois, puis des cinq vésicules neurales contribue encore à l'allongement du tube neural, à son développement volumétrique et à l'exagération de l'enroulement de sa partie antérieure qui vient recouvrir l'ébauche cardiaque. Le massif facial devra se développer dans l'espace situé entre la face ventrale du tube et cette ébauche.

Placodes épiblastiques et épiblaste

[31]

(fig. 11)

La fermeture du tube neural par collage a eu pour conséquence l'individualisation par ségrégation des cellules de la crête neurale, des cellules neuroblastiques et des cellules de l'épiblaste. Au niveau céphalique, le revêtement épiblastique deviendra la peau de la tête et du cou mais, dans certaines régions de ce revêtement, existent des épaississements appelés placodes dont le rôle est de fournir des neurones qui par migration entreront dans la constitution des ganglions sensoriels des nerfs crâniens. Le schéma qui est représenté fournit la topographie de ces placodes telle qu'elle a été déterminée par construction de chimères caille-poule [31]. Au niveau céphalique et chez les vertébrés, on distingue les placodes suivantes : les placodes olfactives qui deviennent les nerfs olfactifs autour desquels se développeront les bourgeons nasaux internes et externes ; les placodes optiques qui deviennent le cristallin ; les placodes épibranchiales, c'est-à-dire trigéminée, géniculée, acousticofaciale ou otique, glosso-pharyngienne et vagale.

Haut de page

CRÊTES NEURALES CÉ PHALIQUES (CNC)  [67, 68, 69, 70, 71, 72] (FIG. 12) Les crêtes neurales sont les reliefs des bourrelets neuraux lors du stade de la gouttière neurale. Constituée de cellules de l'ectoblaste primaire, cette région de plicature droite et gauche siège entre ce qui deviendra le tube neural en dedans et l'épiblaste en dehors. Les crêtes neurales sont connues grâce à leurs propriétés biologiques développementales depuis les travaux de His en 1868, qui les appelait alors les « crêtes ganglionnaires ». Lorsque le collage des bourrelets neuraux s'effectue, les cellules ectoblastiques jointives situées au niveau de cet accolement perdent leur statut épithélial stationnaire pour devenir mobiles et mésenchymateuses. Ce phénomène qui n'est pas encore complètement élucidé à l'heure actuelle est la clé de l'individualisation de ce groupement cellulaire transitoire appelé crête neurale, dont le comportement biologique est

déterminant pour le développement de la tête. His [52], Horstadius [55], Raven [91] (chez les amphibiens par expérience d'excision) Johnston [59, 60, 61, 62], Chibon (par ablation et greffe orthotopique, hétérotopique et marquage de matériel neural à la thymidine tritiée) et plus récemment Le Douarin [67, 68] (fig. 12) (par construction de chimères caillepoule) ont tour à tour permis de comprendre le comportement biologique de ces cellules [79]. Il convient d'emblée de distinguer les cellules des crêtes neurales céphaliques (CNC), de celles du niveau troncal (CNT).

CNT (fig. 13) Au niveau du tronc de l'embryon, durant la quatrième semaine de gestation, la CNT se fragmente conjointement à la segmentation métamérique du mésenchyme somitique. Les amas cellulaires d'origine neurectoblastique forment les ébauches des ganglions spinaux. Ces constatations expérimentales objectivent qu'il existe ainsi une métamérisation des cellules des CNT en rapport avec la métamérisation du mésenchyme somitique.

CNC Régionalisation

[69, 70, 71, 72]

(fig. 12, 14 et 15)

En raison de la particularité du développement du tube neural céphalique (trois puis cinq vésicules) et de la proximité des placodes épiblastiques, il est classique de distinguer, dans la continuité de la crête neurale céphalique, trois amas cellulaires régionalisés. Les cellules de la CN prosencéphalo-mésencéphalique ou trigéminée : quantitativement importantes, ces cellules sont situées dans la région du futur prosencéphale postérieur et du mésencéphale et s'individualisent à proximité de la placode trigéminée. Les cellules de la CN rhombencéphalique antérieure ou facio-acoustique : elles sont situées à proximité de la placode otique au niveau du futur métencéphale et font suite aux cellules de la CN précédente. Les cellules de la CN rhombencéphalique postérieure ou glosso-pharyngée vagale : située au niveau du rhombencéphale postérieur et des trois premiers somites, cette crête neurale est à proximité des placodes vagales et glossopharyngées. Les interactions entre placodes épiblastiques et cellules de la crête neurale sont très importantes comme nous le verrons lors de la gangliogenèse sensorielle crânienne. La régionalisation de la crête neurale céphalique ou pseudo-segmentation n'est pas stricte. Il existe des chevauchements entre ces groupements cellulaires permettant des régulations quantitatives en cas de défaillance (fig. 15).

Migration

[67, 68, 79]

(fig. 12 et 14)

Après leur individualisation ou formation, les cellules des CNC forment deux colonnes bilatérales et symétriques sous l'épiblaste de couverture de l'embryon au-dessus du tube neural. Elles vont migrer, c'est-à-dire présenter un comportement invasif dans l'organisme embryonnaire, proche de celui de certaines cellules métastatiques du cancer. Pour migrer, elles doivent perdre leur compétence de cellules épithéliales jointives et stationnaires pour devenir des cellules mobiles de type mésenchymateux. Leur migration se fait selon une direction dorso-ventrale entre l'ectoderme et le tube neural jusqu'à la face inférieure de celui-ci, dans une matrice extracellulaire riche en acide hyaluronique et en fibronectine. Elles parcourent ainsi 400 à 600 microns.

Deux courants de migration sont discernables. Un courant antérieur ophtalmo-ventral les mène autour de l'ébauche du cerveau antérieur dont le développement volumétrique est rapide au cours de la cinquième semaine, et autour des ébauches des vésicules optiques. Ce courant se dirige ensuite vers les placodes olfactives qui passent, comme nous l'avons vu précédemment, de la position dorsale à la position ventrale au gré de l'enroulement céphalique primitif. Un deuxième courant branchial (cervical), latéral, de direction également ventrale, envahit les racines des ébauches aortiques dorsales et entoure l'intestin céphalique antérieur (futur pharynx). Ces cellules entrent en contact avec des cellules déjà présentes de type mésodermique et vont devenir les structures mésenchy-mateuses des arcs branchiaux.

Mitose et phénotype cellulaire (tableau I) Au cours de leur migration, les cellules des crêtes neurales céphaliques se divisent activement. L'importance quantitative de ces mitoses au cours de la cinquième semaine de gestation est responsable du début du bourgeonnement des ébauches de la face et des arcs branchiaux (sur lequel nous reviendrons). Conjointement, arrivées sur le site final de fin de migration, ces cellules se différencient en phénotypes variés et ce grâce à des signaux locaux, biochimiques, issus de l'environnement de chaque type de cellules. Il ne semble pas dans l'état actuel des recherches que les cellules des CNC soient déterminées avant leur migration. L'ensemble des dérivés issus des cellules de la crête neurale est fourni dans le tableau I [67, 68]. Une fois leur migration terminée, les cellules des crêtes neurales vont se trouver distribuées, en général, dans l'ensemble de l'organisme embryonnaire et plus particulièrement dans la tête selon trois modalités différentes : soit sous forme de cellules dispersées au niveau des surfaces épithéliales (pigmentaires) ou le long de structures vasculaires (plexus) ou nerveuses (cellules de Schwann) ; soit agrégées en des structures cohésives (ganglions, plexus) au sein d'une matrice mésenchymateuse ; soit organisées et différenciées en mésenchyme spécialisé dans le massif facial : os, cartilages, conjonctifs, graisse, muscles. L'odontoblaste ou cellule sécrétant la matrice de la dentine mérite une mention particulière car ce n'est qu'en 1984 que Lumsden [73] démontre définitivement que l'odontoblaste est issu de la crête neurale céphalique (voir chapitre du développement dentaire).

Haut de page

DÉ VELOPPEMENT EMBRYOLOGIQUE DU MASSIF FACIAL ET DU COU

Origine de l'ectoderme cervico-facial et oral Au stade de la neurula, l'ectoderme facial et cervical est localisé dans la bordure de la plaque neurale. La peau naso-frontale est située dans le bourrelet neural antérieur, immédiatement contigu à la zone présomptive de l'antéhypophyse. L'ectoderme des bourgeons maxillaires et mandibulaires ainsi que celui des arcs branchiaux et de la langue se présentent sous l'aspect de bandes bien délimitées sur les bords de la neurula (fig. 16).

Origine du mésenchyme cervico-facial

[67, 68, 74, 75, 76, 82, 83, 84]

(fig. 16)

Le mésenchyme est la structure cellulaire entrant dans la constitution de tous les tissus de la face et du cou à l'exception de ceux qui forment les couvertures ectoet endodermiques. Ce mésenchyme a une double origine : mésodermique et ectoblastique (ou neurectoblastique).

Mésenchyme mésodermique Il a pour origine la plaque précordale et le mésoderme latéral et para-axial. Meier et Noden [74, 82] ont montré que le mésoderme céphalique para-axial et précordal présentait une certaine segmentation ou métamérie (ou encore somitomérie). Très rapidement au cours du développement céphalique, ce mésoderme contracte des rapports avec le mésenchyme d'origine ectodermique ou neurectodermique pour coopérer avec ce dernier à la morphogenèse de nombreuses structures tissulaires, en particulier les muscles cervicaux et faciaux (peauciers, masticateurs, du plancher buccal et de la région antérieure du cou). Le mésoderme para-axial fournit encore plus spécifiquement le squelette cartilagineux de la base du crâne (corps de l'occipital et du sphénoïde et une partie du calvarium ou voûte du crâne).

Mésenchyme ectoblastique (fig. 17) Ce mésenchyme est produit par la crête neurale. neurectoblaste ou de mésectoderme (Platt [89]).

Il

porte

le

nom

de

De nombreuses expériences ont apporté la preuve de l'origine neurectoblastique du mésenchyme céphalique : extirpation et transplantation chez l'amphibien, techniques de marquage cellulaire par les colorants vitaux (Horstadius [55] et Sellman [94]) et la thymidine tritiée (Chibon [13]). Chez les vertébrés supérieurs, les études sont moins nombreuses et sont réalisées sur l'embryon de poulet : méthode d'extirpation (Hammond et Yntema [51]) ou marquage cellulaire isotopique (Johnston [59, 60, 61, 62]). Enfin, plus récemment, grâce à la construction d'embryons chimères caille-poulet, Le Douarin [67, 68] et Le Lièvre [69, 70, 71, 72] ont précisé la contribution de la crête neurale céphalique dans l'élaboration du mésenchyme céphalique grâce au caractère durable du marquage naturel utilisé et ont ainsi démontré les différentes possibilités morphogénétiques des cellules dérivées des CNC (voir tableau I). Chibon [14] observe, lors de l'ablation de la CNC, une extrême réduction du mésenchyme céphalique et des dents. La peau est directement appliquée sur l'encéphale, les yeux sont au contact de l'encéphale et saillants à l'extérieur ; la capsule optique est entourée de très peu de mésenchyme et fait saillie elle aussi à l'extérieur. Les muscles sont directement recouverts par la peau. L'ablation de la crête neurale antérieure prosencéphalique entraîne dans l'ensemble une absence du bourgeon naso-frontal, celle de la crête rhombencéphalique antérieure se traduit par l'absence de mandibule et celle de la crête neurale rhombencéphalique postérieure provoque un raccourcissement de la région cervicale par carence mésenchymateuse au niveau des troisième et quatrième arcs branchiaux. La déficience de la région cervicale de l'embryon en mésenchyme exprime ainsi une répercussion de la déficience du mésectoderme branchial. Par contre, l'absence pratiquement totale du mésenchyme branchial n'empêche pas la constitution normale des poches endodermiques et des fentes branchiales. Il y a en définitive un déficit important du développement de la région ventrale du cou par rapport à sa partie dorsale qui, elle, se développe normalement. Chez l'embryon humain, à 25 jours, le mésoderme facial quantitativement très restreint est présent primitivement autour du tube neural et se trouve envahi par les cellules neurectodermiques. L'arrivée de ces coulées cellulaires adjointes à leur potentialité de prolifération va déclencher le développement volumétrique des différents bourgeons faciaux et branchiaux et être à l'origine de leur fusion et ainsi avoir un rôle fondamental dans le développement et la constitution du massif facial (fig. 17 A, B).

Bourgeons faciaux et arcs branchiaux

[80]

(fig. 18 et 19 A, B)

Au cours des cinquième et sixième semaines embryonnaires, l'importance quantitative des mitoses des cellules de la crête neurale en migration à la face inférieure du cerveau primitif est responsable du développement des bourgeons faciaux et des arcs branchiaux. Ceux-ci finissent par entrer en contact les uns avec les autres (certains sur la ligne médiane, d'autres latéralement) puis à fusionner. Ce phénomène de fusion nécessite au moins que soient assurées trois conditions biologiques : des bourgeons de volume suffisant pour se rencontrer (le développement volumétrique est assuré quantitativement par les cellules de la crête neurale) ; la compétence de l'ectoderme de recouvrement des bourgeons pour la mort cellulaire (voir chapitre des phénomènes biologiques du développement) ; des propriétés physico-chimiques du liquide amniotique (tenso-activité, température, teneur en protéines et acides aminés...) aptes à assurer le contact ectodermique.

Formation du palais primaire: le stomodéum

[80]

(fig. 19, 20 et 21)

Le bourgeon frontal initialement déterminé par l'éminence du prosencéphale est le siège, sur sa face inférieure et ventrale, du développement des bourgeons nasaux internes et externes (BNI et BNE). Ce sont des massifs cellulaires, entourant les deux placodes olfactives se développant grâce aux mitoses des cellules des CNC. Latéralement, les bourgeons maxillaires (BM) ont plus l'apparence de digitations et se développent sous les ébauches optiques. Au cours de la sixième semaine, les BM viennent en contact avec les BNI et BNE. Ces contacts fusionnels ectodermiques constituent le mur épithélial de Hochstetter [53, 111] . Sa disparition, en quelques jours, vers la fin de la sixième semaine, par mort cellulaire, permet la constitution d'un massif cellulaire mésenchymateux continu entre les BM droit et gauche et les BNI et BNE : c'est le palais primaire (fig. 21). Kosaka [66] a étudié la zone de contact ectodermique entre les BNI, BNE et les BM. Cette zone est constituée d'un épithélium dont les cellules ont un gros noyau et un abondant cytoplasme au niveau duquel des « gap-jonctions » ou jonctions de contact et des desmosomes assurent le collage ; puis les cellules de cette zone, ou mur épithélial, se lysent et sont phagocytées soit par des cellules mésenchymateuses sous-jacentes de la crête neurale, soit par des cellules d'ectoderme adjacentes. Le mésenchyme de la crête neurale sous-jacente aurait pour Kosaka [66] le rôle déclenchant de la mort cellulaire. L'absence de mort cellulaire, quelle qu'en soit la cause, est responsable de la persistance de l'ectoderme sur ces bourgeons. Ce dernier se différencie en épiderme et derme, ce qui est responsable d'une fente labiale ou labio-maxillaire (fig. 22). La constitution de cette fente au cours de la sixième semaine va gêner ultérieurement la migration des odontoblastes et des myocytes avec pour conséquence des anomalies de l'organisation musculaire naso-labiale et un trouble important de l'odontogenèse dans le secteur de l'incisive latérale du maxillaire. Le défaut de fusion ectodermique peut d'autre part intéresser les autres bourgeons faciaux et branchiaux et être responsable de fentes colobomateuses, macrostomiques et médiomentonnières (fig. 23).

Palais secondaire

[41, 80]

(fig. 24, 25, 26 et 27)

Au cours de la septième semaine, les BM continuent leur développement volumétrique en arrière du palais primaire et viennent en un contact médian toucher l'éperon descendant du septum du bourgeon nasal et former ainsi le palais secondaire. Ferguson a étudié ce phénomène chez les mammifères. Au cours de la septième semaine, les lames palatines croissent verticalement le long des faces latérales

de la langue puis s'élèvent au-dessus du dos de celle-ci et finissent par fusionner pour former le palais secondaire. Le phénomène d'élévation des lames palatines serait la conséquence d'une augmentation volumétrique des procès palatins générée par l'hydratation d'acide hyaluronique présent en grande quantité. L'adhérence des berges palatines est possible grâce à la mort cellulaire de l'ectoderme de recouvrement au niveau des zones de contact ectodermique [24]. Les cellules des CNC en migrant pénètrent cette zone de fusion ; puis la différenciation en muqueuses buccale et nasale débute sous le contrôle d'interactions épithélio-mésenchymateuses faisant intervenir la matrice extracellulaire et des facteurs solubles (collagène, EGF...) dont le rôle est double : stimulation ou inhibition de la croissance de l'épithélium et synthèse de facteur moléculaire par les cellules du mésenchyme. Les gènes cellulaires de différenciation dans telle ou telle voie de l'épithélium (nasale ou buccale) sont exprimés en réponse aux stimulations moléculaires de la matrice extracellulaire. Il est ainsi permis, pour certains défauts palatins tout au moins, d'incriminer la défaillance de phénomènes moléculaires. Chez tous les vertébrés, le développement du palais osseux et du voile du palais est le résultat de la fusion des procès palatins des bourgeons maxillaires. Nous verrons par la suite le rôle que joue le massif lingual dans la fermeture du palais secondaire, grâce à la synchronisation neuro-musculaire des premières séquences orales gnoso-praxiques. (Il existe une participation mésenchymateuse des deuxième et troisième arcs à la formation du voile du palais.) Les bourgeons mandibulaires droit et gauche (futur premier arc) fusionnent dès la fin de la cinquième semaine sur la ligne médiane au-dessus de l'ébauche cardiaque. Les bourgeons mandibulaires font partie de l'appareil branchial et sont recouverts en grande partie par de l'ectoderme contribuant à former le plancher de la bouche. Dans la région mésiale de cette fusion et en arrière de celle-ci, les bourgeons linguaux débutent leur développement volumétrique (voir chapitre de la langue). Le volume du bourgeon mandibulaire est assuré par les mitoses des cellules des CNC qui migrent du niveau mésencéphalique postérieur et rhombencéphalique. L'ensemble des bourgeons faciaux (BNI, BNE, BM supérieur et mandibulaire) en convergeant et en fusionnant va délimiter en totalité la cavité stomodéale tapissée d'ectoderme exclusivement. Le stomodéum est en communication avec l'ébauche du pharynx en arrière puisque la membrane pharyngienne, accolement de l'ectoderme et de l'endoderme céphalique, s'est résorbée vers le 21e jour.

Remarques concernant le développement de l'antéhypophyse (fig. 28 et 29) L'antéhypophyse, dont l'ébauche est à ce stade la poche de Rathke, provient classiquement d'une invagination ectodermique du plafond du stomodéum. En fait, c'est la dynamique morphologique de l'étape de la neurulation qui a contribué par enroulement céphalique du tube neural à faire passer l'ébauche de l'antéhypophyse primitivement dans la plaque neurale antérieure dans la région postérieure du plafond du stomodéum.

Embryogenèse de l'appareil branchial A à G)

[109]

(fig. 14, 15, 17, 30, 31 et 32

S'il est un territoire de l'embryon qui subit de profonds remaniements au cours de son développement, l'appareil branchial, qui préside à l'organogenèse du plancher buccal et de la partie ventrale du cou, est celui-là. L'archétype de l'appareil branchial des vertébrés est formé de six arcs droits et gauches audessus de l'ébauche cardiaque. Chez l'embryon humain, vers le 30e jour, cinq arcs sont individualisés, le sixième est vestigial et représenté par son artère. Chaque arc est ainsi constitué à ce stade : de mésenchyme issu de la CNC rhombencéphalique et de mésoderme ; ce

mésenchyme fournit un squelette ostéo-cartilagineux, un noyau musculaire et un tronc artériel, branche de l'aorte ; d'un nerf propre, nerf issu du tronc cérébral. Chaque arc est recouvert par de l'ectoderme en dehors (qui deviendra par la suite après fusion la peau cervicale et thoracique antéro-supérieure) et par une couverture épithéliale endodermique en dedans qui deviendra la muqueuse du pharynx, c'est-à-dire le segment le plus antérieur de l'endoderme ou intestin céphalique. Ces arcs sont séparés les uns des autres par des sillons internes et externes. Les sillons externes sont les poches ectoblastiques et les sillons internes sont les poches endoblastiques. Vers le 40e jour embryonnaire, l'appareil branchial est le siège d'un remaniement morphologique important. Au niveau du premier arc, la première poche ectodermique persiste dans sa partie dorsale et deviendra le conduit auditif externe. La première fente deviendra la membrane tympanique, et la première poche endodermique la caisse du tympan et la trompe d'Eustache (tableau II). Le deuxième arc se développe de façon volumétriquement importante et semble venir recouvrir en dehors les troisième et quatrième arcs en isolant ainsi le sinus ectoblastique (futur sinus cervical) qui disparaîtra par la suite par mort cellulaire. Par contre, au niveau des deuxième, troisième, quatrième et cinquième arcs, les poches endodermiques vont demeurer séparées par du mésenchyme et vont soit disparaître, soit être le siège de développement d'organes ou de glandes (tableau II). L'augmentation volumétrique et en longueur du tube neural est responsable de l'enroulement du pôle céphalique autour de l'ébauche cardiaque avec pour conséquence le télescopage des arcs au contact de cette ébauche. La CNC rhombencéphalique continue de migrer dans les deuxième, troisième, quatrième et cinquième arcs et fournit le mésenchyme des parois des arcs aortiques (aorte, artère pulmonaire en particulier et septum inter-auriculo-ventriculaire). Des kystes épithéliaux ectodermiques ou endodermiques amygdaloïdes, des fistules, des fibrochondromes peuvent être diversement retrouvés en association chez le même nourrisson (tableau III). Le sinus cervical peut persister sous l'aspect de kystes et fistules résiduels siégeant au quart inférieur du bord antérieur du muscle sterno-cléidomastoïdien. Dans leur ensemble, les destinées des arcs branchiaux, des poches ecto- et endoblastiques et des fentes branchiales sont représentées dans le tableau II.

Développement du pavillon de l'oreille La pavillon de l'oreille est formé par la confluence de cinq petits tubercules de mésenchyme provenant de la CNC rhombencéphalique. Ces tubercules apparaissent vers le 40e jour au pourtour de la première fente ectobranchiale qui devient elle-même le conduit auditif externe. Trois bourgeons dérivent de la berge mandibulaire de cette fente (ectoderme et mésenchyme issus du premier arc) alors que deux bourgeons se forment aux dépens de la berge hyoïdienne, c'est-à-dire du mésenchyme et de l'ectoblaste du deuxième arc. Les cellules se différencient alors en cartilage hyalin. Le pavillon a terminé sa formation vers trois mois et demi. Ainsi, chaque pavillon d'oreille est un marqueur qualitatif et quantitatif du développement des premier et deuxième arcs branchiaux.

Développement des glandes salivaires (fig. 33)

d'invagination ectoblastique de la cavité stomodéale vers la septième semaine, respectivement dans le plancher et la face interne du premier arc mandibulaire. Chaque invagination devient un bourgeon qui s'enfonce dans le mésenchyme branchial en se divisant en cordons cellulaires qui deviennent au cours du troisième mois les premiers canaux excréteurs en se creusant d'une lumière.

Haut de page

DIFFÉ RENCIATION DU MÉ SENCHYME CÉ PHALIQUE

Chondrogenèse et ostéogenèse Développement du squelette céphalique 38, 39, 40 et 41)

[47, 48, 49, 89]

(fig. 34, 35, 36, 37,

Dans le mésoderme branchial, Le Lièvre et Le Douarin [67, 68, 72] montrent la localisation et la différenciation des cellules mésectodermiques en ostéoblastes et en chondroblastes et ce principalement dans le cartilage de Meckel et l'os hyoïde. En effet, chez les vertébrés, les cartilages de Meckel, de la sclère, de la capsule otique, de l'oreille externe et de la capsule nasale sont formés de cellules de la crête neurale qui se sont différenciées au contact de la basale de l'épithélium oral et des arcs branchiaux (Hall [47, 48, 49]). De même, l'ostéogenèse de membrane de la face est initiée à son début par des interactions avec l'épithélium oral à partir de ces mêmes cellules [6, 47, 48, 49, 95] (tableau IV). Par contre, le mésoderme para-axial fournit les trois pièces cartilagineuses du corps de l'occipital, le calvarium et le corps du sphénoïde [104].

Embryogenèse du cartilage de Meckel

[51]

Chez les amphibiens, Horstadius [55] et Hall [49] ont montré que le cartilage de Meckel se forme par interactions du mésenchyme de la crête neurale en migration au contact de l'endoderme pharyngien. Chez les oiseaux, comme chez les mammifères [49], c'est l'épithélium oral du premier arc qui interagit avec le mésectoderme de la CNC pour induire la chondrogenèse du cartilage de Meckel. L'ossification de membrane de la face se forme dans les mêmes conditions. De nombreux travaux se fondant sur les recombinaisons tissulaires spécifiques et hétéro-spécifiques ont démontré que l'ostéogenèse membraneuse de la mandibule, du maxillaire et du palais, ainsi que les os périorbitaires et squamosaux, nécessite en premier lieu l'interaction entre l'ectomésenchyme local issu de la CNC avec la basale de l'épithélium correspondant. Les cellules ectomésenchymateuses se différencient en cellules osseuses. Il semble que cette propriété inductive de l'épithélium oral soit présentée par d'autres épithéliums, tels que celui du dos ou de l'abdomen, alors que cette aptitude de l'épithélium oral est très exclusive lors de l'odontogenèse. Cette propriété est d'autre part limitée dans le temps pour chaque espèce. Pour Hall, l'origine de cette interaction réside dans les composants de la membrane basale de l'épithélium, grâce à la présence du collagène et des protéoglycans hydroxylés qui seraient le signal initial biochimique des cellules ectomésenchymateuses pour débuter leur différenciation en phénotypes ostéoblastiques.

Embryogenèse des articulations temporo-mandibulaires et de l'appareil masticateur (fig. 42 A à D)

Les articulations temporo-mandibulaires humaines sont des articulations de substitution couplées, apparues récemment au cours de l'évolution aux confins du neurocrâne et du splanchnocrâne. Appendu sur la face ventrale du neurocrâne, le splanchnocrâne (ou appareil de soutien de l'extrémité antérieure du tube intestinal) est représenté, chez l'homme, au stade embryonnaire, par les arcs viscéraux dont le premier est celui qui préside à l'organogenèse de la partie dynamique de l'appareil masticateur. Les rapports du neurocrâne et du splanchnocrâne sont très intimes au voisinage de la capsule otique : la face externe de cette dernière répond à la future paroi interne de la caisse du tympan. Elle entre en contact avec les cartilages de Meckel et de Reichert. Cet ensemble est surmonté en dehors par le squamosozygomatique en cours d'ossification. Alors que, chez les vertébrés non mammifères, c'est l'os articulaire de l'extrémité postérieure du cartilage de Meckel qui s'articule avec l'os carré du crâne en une articulation typique, à partir des reptiles mammaliens et chez l'homme, les exigences de la vie aérienne ont bouleversé ces rapports, transformant l'articulaire et le carré en marteau et enclume respectivement, osselets de la chaîne tympano-ossiculaire de transmission de l'onde acoustique (fig. 43). De nouveaux rapports articulaires ont dû s'établir secondairement au cours de l'évolution entre l'extrémité postérieure de l'os dentaire (condyle mandibulaire) et la face ventrale de l'os squamosal. Les articulations temporo-mandibulaires humaines actuelles se sont substituées aux articulations du carré et de l'articulaire. Entre l'os dentaire et l'os squamosal, se trouve interposé du mésenchyme qui se fragmente et préside à l'élaboration des surfaces articulaires et de l'ensemble ménisco-capsulo-musculaire. De sorte que le comportement biologique et pathologique, apparemment si particulier, des articulations temporomandibulaires s'explique parfaitement par les avatars de leur origine phylogénétique. Deux centres osseux président à l'élaboration du squelette articulaire. Ces deux centres ont la particularité d'apparaître synchroniquement chez l'embryon ; ils sont constitués de cellules issues de la crête neurale rhombencéphalique (fig. 44 A, B).

Noyau condylien des préchondroblastes (Petrovic

[86]

)

Pour Augier [5], l'extrémité condylienne de l'os apparaît à 10 semaines dans le mésenchyme sous l'aspect d'un volumineux noyau cartilagineux qui remplit un gros espace du premier arc. Il est envahi superficiellement par l'ossification ; sa direction générale de croissance est dorsale. Des mouvements articulaires existent déjà chez l'embryon de 12 semaines et sont objectivés par la présence de deux fentes articulaires.

Noyau zygomatico-squamosal, ostéo-membraneux Ce centre apparaît dans le neurocrâne en débutant son ossification vers 9-10 semaines. Il dessine d'abord le processus zygomatique et s'étend en avant à la rencontre du malaire ; en dedans, il se dirige horizontalement, constituant le plafond de la cavité glénoïde et son condyle ; il s'étale en haut et en arrière sur la paroi latérale du crâne. Sa direction générale de croissance est ventrale. Le synchronisme d'apparition existe au sein de l'appareil masticateur entre les structures qui constituent des ensembles fonctionnels. Chez l'embryon de 10 semaines, apparaissent les noyaux osseux malaires, squamoso-zygomatiques, la branche montante et le muscle masséter. Les os dentaires (mandibule) et maxillaires débutent leur ossification membraneuse à la même époque embryonnaire puisque les lames alvéolaires

externes, du postmaxillaire et du noyau principal de la mandibule, apparaissent synchroniquement entre le 50e et le 70e jour. C'est encore à 10 semaines qu'apparaissent : les noyaux de l'ali-post-sphénoïde ou future aile du sphénoïde, le coroné, le squamosal et le muscle temporal, puis le muscle ptérygoïdien interne, le muscle ptérygoïdien externe, la ptérygoïde et le noyau condylien de la mandibule, sur lequel s'insère déjà le muscle ptérygoïdien externe.

Articulation temporo-mandibulaire, analogie avec une suture membraneuse (fig. 45 et 46) Les maquettes osseuses qui concourent à la réalisation du rapport osseux sont caractérisées par le synchronisme d'apparition de leurs points d'ossification. Le noyau condylien mandibulaire et le squamosal apparaissent chez l'embryon vers la 10e semaine. Entre ces maquettes osseuses est interposé un tissu dans lequel apparaissent les fentes articulaires vers le début du 3e mois in utero. Le tissu interposé entre les deux maquettes osseuses chez l'embryon et le foetus présente une analogie histologique totale avec une suture membraneuse et se continue avec la suture tympanosquameuse. Le tissu recouvrant le condyle mandibulaire et le squamosal présente les mêmes aspects histologiques que ceux du ménisque tout au long de la vie (chez le nouveau-né et chez l'adulte). Le tissu ménisco-capsulaire et le tissu de recouvrement osseux se continuent sans aucune transition avec les périostes mandibulaires et squamosaux, tout en recevant les insertions musculaires du masséter, du temporal, du ptérygoïdien externe et du ptérygoïdien interne (fig. 45 et 46). Pour Petrovic, l'accroissement du compartiment cellulaire condylien se fait par prolifération non pas de chondroblastes différenciés, mais de préchondroblastes, cellules jeunes non encore différenciées, sensibles aux facteurs mécaniques, assurant une croissance appositionnelle. La zone des préchondroblastes est ainsi plus proche des sutures crâniennes et faciales que des cartilages de conjugaison. Ces arguments, tirés de l'embryologie (origine à partir des cellules des crêtes neurales de l'ensemble des structures osseuses et mésenchymateuses de l'articulation), de l'histologie et des mécanismes de croissance, font de cette articulation l'analogue d'une suture membraneuse mobile toute la vie.

Relations oto-méniscales chez le foetus et le nouveau-né Immatures sur le plan anatomique chez le foetus à la naissance, les articulations temporo-mandibulaires sont toutefois capables d'assurer l'efficience de la succion grâce à l'ébauche méniscale interposée entre les deux noyaux articulaires. Cette formation conjonctive préside à la constitution du ménisque et de ses freins, des surfaces articulaires, de la capsule et des ligaments. Cet ensemble est à la fois une entité embryologique et une entité fonctionnelle. Chez le foetus à la naissance, il persiste encore entre le tympanal et le squamosal, non soudés, les marques de la continuité embryologique originale sous l'aspect du frein méniscal postérieur, isthme conjonctivo-vasculaire qui fait communiquer la vascularisation de la muqueuse de la caisse du tympan avec la très riche vascularisation de l'articulation temporo-mandibulaire foetale et néonatale. L'articulation risque de payer cher cette disponibilité infectieuse potentielle (Couly et coll. [18]).

Embryogenèse des ganglions sensoriels des nerfs crâniens et du système nerveux sympathique et parasympathique Embryogenèse des ganglions sensoriels des nerfs crâniens

[31]

sensoriels des nerfs crâniens mixtes. Ces placodes ont une existence transitoire. Les cellules qui les constituent migrent en profondeur, se différencient en neuroblastes bipolaires et vont s'agréger avec d'autres cellules originaires de la crête neurale céphalique qui se différencient également en neurones pour former les ganglions sensoriels des nerfs crâniens mixtes (ces ganglions sont les équivalents des ganglions spinaux de la racine postérieure de la moelle) (fig. 47 et 48). Ces ganglions crâniens sont : le ganglion trigéminé de Gasser ; le ganglion géniculé du nerf facial ; les ganglions pétreux et jugulaires du nerf glosso-pharyngien ; le ganglion plexiforme du nerf pneumogastrique.

Embryogenèse du système nerveux sympathique et parasympathique 68] (fig. 49)

[67,

Le sympathique et le parasympathique forment le système nerveux autonome des vertébrés. Ces deux protagonistes, loin de s'opposer, vont coopérer : le parasympathique assure les grandes fonctions, le sympathique permet à l'individu de s'adapter au stress (tableau I et fig. 49).

Parasympathique Les neuroblastes multipolaires à phénotype cholinergique qui fournissent l'ensemble du système nerveux parasympathique ont pour origine la crête neurale rhombencéphalique. Ils constituent le parasympathique bulbaire formé de noyaux centraux d'origine bulbaire et dont le rôle est d'assurer les sécrétions et motricités viscérales, lacrymales, nasales, salivaires, pulmonaires, digestives et cardiaques. Ce système parasympathique possède des ganglions préviscéraux qui au niveau céphalique sont les ganglions ciliaires, de Meckel, otiques, sousmaxillaires (les ganglions juxtapulmonaires, juxtacardiaques et myentériques appartiennent également au parasympathique).

Sympathique A la différence du parasympathique, le système nerveux sympathique a une origine plus diffuse à partir des neuroblastes à phénotype adrénergique issus de la crête neurale du 7e au 23e somite. Le système nerveux sympathique cervicofacial et cérébral a pour origine les éléments neuroblastiques thoraciques supérieurs qui sont organisés en ganglions cervicaux (inférieur stellaire, moyen inconstant et supérieur) (voir l'anatomie pour l'organisation viscérale et vasculaire du sympathique cervico-céphalique).

Organogenèse des arcs aortiques et du septum cardiaque 50)

[63, 67, 70]

(fig.

Six arcs aortiques droits et gauches sont individualisés au cours de la cinquième semaine, anastomosant les parties ascendantes et les parties descendantes de l'aorte. Les cellules endothéliales vasculaires des arcs ont une origine mésodermique, par contre, les tuniques musculaires médiales et les adventices ont pour origine les cellules de la crête neurale rhombencéphalique. Il en est ainsi des différents arcs aortiques : le troisième arc (tronc branchio-céphalique et artère carotide primitive), le quatrième arc (crosse aortique) et le sixième arc (artère pulmonaire et canal artériel). Ces cellules envahissent encore l'ébauche cardiaque pour en constituer le septum inter-aortico-pulmonaire.

Embryogenèse du derme facial et cervical

[69]

et du mésenchyme cervical

Les cellules dérivées des crêtes neurales céphaliques vont constituer le derme de la face et des régions ventro-latérales du cou. Il semble que le derme des régions dorsales céphaliques ne soit pas d'origine neurectodermique. Des mélanoblastes sont retrouvés dans le derme, dérivant de la crête neurale mais en quantité nettement moins importante qu'au niveau troncal. Enfin, les cellules adipeuses du derme profond ont une origine mésectodermique. Les cellules dérivées de la CNC vont fournir encore les portions mésenchymateuses des dérivés glandulaires pharyngés. Ces cellules sont encore retrouvées dans les travées interlobulaires et dans la médullaire des lobes du thymus, les cellules parafolliculaires à calcitonine de la thyroïde et le conjonctif situé entre les cordons cellulaires des parathyroïdes. De même, ce mésectoderme constitue les glandes linguales et le tissu adipeux péritrachéal. Dans l'ensemble, les cellules de la crête neurale vont constituer le conjonctif lâche du plancher buccal, de la langue et de la face latéro-ventrale du cou. La limite dorsale de ce dernier se situe au niveau de la vésicule otique et des artères carotides internes. Aucune cellule de la crête neurale n'est retrouvée en arrière de la corde dorsale.

Embryogenèse des enveloppes de l'oeil

[61]

L'oeil est constitué d'une vésicule optique, émanation du diencéphale. Cette vésicule optique préside à l'élaboration de la rétine sensorielle et pigmentaire. Autour de cette vésicule optique primitive, vers le 40e jour, affluent les cellules de la crête neurale prosencéphalique et mésencéphalique qui vont se différencier en diverses enveloppes et structures. Ce sont : la choroïde ou leptoméninge de l'oeil ; la sclérotique ; l'épithélium interne de la cornée ; les fibroblastes du stroma ; les cellules pigmentaires de l'iris ; le mésenchyme assurant les insertions musculo-tendineuses des muscles oculomoteurs sur la sclérotique (fig. 51 A, B, C).

Myogenèse faciale et céphalique (fig. 52) La musculature striée cranio-faciale est constituée de trois groupes musculaires : muscles extrinsèques de l'oeil, muscles hypoglossiques, muscles branchiomériques d'où sont issus les muscles peauciers, masticateurs et hyoïdiens. La musculature faciale et cervicocéphalique est faite de myotubes et de tissu conjonctif. Les myocytes ou myoblastes vont en fusionnant former les myotubes. Ils ont pour origine le mésoderme para-axial, latéral et précordal. Les cellules conjonctives ont pour origine la CNC. Diverses approches morphologiques et biochimiques ont permis de considérer plusieurs classes de myoblastes dont la fusion provoque la formation des myotubes différents par leur aspect, le nombre de leurs noyaux, leur dépendance vis-à-vis du milieu de culture et la nature des protéines contractiles synthétisées préférentiellement (actine et myosine). Meier [74, 75, 76] et Noden [82, 83, 84] montrent que le mésenchyme précordal et para-axial est à l'origine des myocytes des muscles volontaires de la tête (muscles oculomoteurs, de la langue, du cou, et masticateurs). Johnston [59] montre encore que, chez l'embryon de poulet, au niveau de chaque arc branchial, le noyau musculaire mésodermique a pour origine le mésenchyme somitique. En fait, le marquage cellulaire de Le Douarin [67, 68] a permis de mettre en évidence l'invasion de ce mésoderme par les cellules de la CNC. De fait, les cellules des muscles striés dérivés de ce mésoderme et étudiées en microscopie électronique ont montré les relations intimes entre les cellules mésodermiques et mésectodermiques. Les cellules de la crête neurale participent ainsi dans une certaine mesure à l'histogenèse des muscles striés céphaliques, puisqu'elles se

différencient non seulement musculaires proprement dites.

en

éléments

conjonctifs,

mais

en

cellules

Les muscles peauciers faciaux [43] ont pour origine les cellules de la CNC du niveau rhombencéphalique qui migrent chez l'homme à partir du 35e jour dans les ébauches du premier et du deuxième arcs en se différenciant en mésenchyme. Les cellules de la crête neurale agissent en coopération avec les myocytes du mésoblaste para-axial qui envahit secondairement l'ébauche faciale embryonnaire en lui fournissant des informations de différenciation. Le blastème musculaire indivis de la musculature faciale à fibres striées apparaît vers le 35e jour embryonnaire. Il est issu du tissu mésenchymateux de l'arc hyoïdien (deuxième arc branchial). Il s'étend sur les régions céphaliques en avant et en arrière de l'oreille, dans les futures régions occipitales et faciales. A partir de l'ébauche du peaucier occipital postérieur, se formeront par différenciation le muscle peaucier occipital et les muscles postérieurs du pavillon de l'oreille. L'ébauche du peaucier antérieur facial se résout en deux couches distinctes : un peaucier profond à partir duquel se formeront les muscles de l'orifice buccal ; un peaucier superficiel (ou platysma), bien différencié à la fin de la 7e semaine, qui fournira les muscles peauciers périorificiels de l'oeil, du nez et le peaucier du cou. La musculature peaucière est différenciée vers le 50e jour chez l'embryon humain (Gasser [43]). Les myocytes fusionnent pour assurer l'organogenèse des myotubes de l'orbiculaire des lèvres et des structures musculaires des confins naso-labiaux. Les cellules de la crête neurale se différencient en derme et tissu adipeux. Dans ces conditions, les myotubes forment le vermillon de la lèvre rouge et finissent, après l'achèvement de la fusion des bourgeons, par souscroiser le philtrum dont l'origine est le bourgeon naso-frontal. (L'aspect du vermillon est dû à la présence de musculature de l'orbiculaire et de ses vaisseaux vus par transparence au travers d'un derme mince) (fig. 54 A).

Fentes labio-maxillaires et dysmigration cellulaire musculaire (fig. 53 A, B, C) Le défaut de fusion ectodermique des bourgeons maxillaires (BM) et nasaux internes (BNI) lors de la 6e semaine postconceptionnelle (quelles qu'en soient la ou les causes : absence de commande de mort cellulaire ectodermique, perturbation biochimique du liquide amniotique, insuffisance volumétrique du développement des bourgeons eux-mêmes) a pour conséquence la réalisation de fente, variable dans son importance mais toujours de grande stabilité topographique. La non-réalisation de ce stade a une première conséquence pour l'embryogenèse des structures mésenchymateuses : la dysmigration globale des cellules de la crête neurale, ce qui perturbe l'organogenèse des muscles, du squelette ostéo-cartilagineux (que nous n'envisagerons pas) et des dents. Les myocytes et les cellules ectomésenchymateuses de la crête neurale de la musculature peaucière migrent ventralement à partir de la région rhombencéphalique en passant par les bourgeons maxillaires et ce de façon contemporaine de la fusion des bourgeons faciaux. Cette migration ne peut alors se faire de façon correcte, lorsque la fente est constituée. Les myocytes et les cellules de la crête neurale vont se masser quantitativement dans le bourgeon maxillaire supérieur, c'est-à-dire dans la berge externe de la fente et, alors qu'ils y sont « séquestrés », ils s'y différencient normalement en myotubes, en derme et en conjonctif. Quatre conséquences sont objectivables.

Absence d'anatomie peaucière normale de la berge externe

indivise, une sorte de sphéroïde musculaire, bien contractile et ce synchroniquement avec le reste de la musculature faciale dans lequel il n'est pas possible de distinguer véritablement l'orbiculaire interne, les fibres du nasolabial, le myrtiforme et le transversus nasalis.

Vide musculaire de la berge interne Les muscles peauciers n'ont pas pris leur insertion normale dans la berge interne : le tubercule latéral de la sous-cloison soulevé par le crus mésial du cartilage alaire n'a pas reçu dans son derme le faisceau alaire et columellaire du naso-labial ; l'orbicularis oris est en deux parties, une partie interne et une partie externe.

Valve nasale antérieure inexistante Le transversus nasalis ne prend pas insertion dans le plancher narinaire et sa contraction élève latéralement la berge externe et l'aile du nez, élévation aggravée par la contraction des muscles peauciers, releveurs communs et releveurs propres de la lèvre supérieure.

Absence des muscles dans le lambellule médian lors des fentes labio-maxillaires bilatérales (fig. 54 A, B) Lorsque le défaut de fusion est bilatéral, les trois ébauches de la lèvre supérieure sont totalement autonomisées. Les myocytes et les cellules mésenchymateuses de la crête neurale sont alors massés dans les deux berges externes maxillaires. La partie cutanée lambellulaire médiane qui dérive des bourgeons nasaux internes devient normalement le philtrum (mais isolé). Elle est dépourvue de muscles et pauvre en mésenchyme. Aucune régulation par les migrations cellulaires de la crête neurale frontale n'a été possible. Les coupes sériées de pièce anatomique et les biopsies ont bien démontré cette situation.

Développement embryonnaire de la langue et neurophysiologie de l'oralité (voir également fig. 30 et 31) Le massif lingual se développe dans les régions médianes et internes des premier, deuxième, troisième et quatrième arcs branchiaux (fig. 55). La couverture épithéliale de la langue provient du plancher du stomodéum et de la future zone ventrale du pharynx embryonnaire, c'est-à-dire de territoires différents. Elle est ectodermique et dépend du premier arc branchial pour la partie antérieure mobile de la langue innervée par le trijumeau et le nerf facial, et serait endodermique, car se formant à partir des faces endodermiques des deuxième, troisième et quatrième arcs, pour la région basale dont l'innervation sensorielle et sensitive dépend du glosso-pharyngien et du pneumogastrique (pour la zone valléculaire et épiglottique) ; cette présomption d'origine endodermique est renforcée par la présence sur la base de la langue de formations lymphoïdes correspondant à la compétence lymphopoïétique de l'endoderme. Dans cette couverture épithéliale à double origine ecto- et endodermique, se différencient au cours du deuxième mois embryonnaire des papilles qui comportent des récepteurs sensitifs épicritiques, nociceptifs et thermiques ainsi que des récepteurs gustatifs des bourgeons du goût [9] : ceux-ci sont en grand nombre dans les papilles caliciformes qui marquent classiquement la frontière entre la langue mobile couverte d'ectoderme et la base de la langue couverte d'endoderme : c'est le V lingual. L'ensemble des messages transite dans les noyaux du tronc cérébral du trijumeau pour la sensibilité générale et du facial et glosso-pharyngien pour la sensorialité gustative.

Le mésenchyme de la langue a pour origine les cellules des crêtes neurales des niveaux mésencéphaliques et rhombencéphaliques [71, 72]. Ce mésenchyme, d'origine neurectodermique, se différencie après migration en tissu cellulaire de soutien intralingual entre les muscles, en glandes muqueuses et en fibres musculaires (et ce en très petite quantité) (fig. 56). La musculature linguale, le troisième constituant de la langue, proviendrait des cellules myoblastiques du mésoderme para-axial des quatre ou cinq premiers somites céphaliques droits et gauches, après migration le long de la paroi du pharynx vers le plancher du stomodéum [81, 82, 83, 84]. Les cellules ectomésenchymateuses issues des CNC et les myoblastes issus des premiers somites céphaliques vont converger vers le plancher des quatre premiers arcs branchiaux au-dessus de l'ébauche cardiaque et vont assurer le développement volumétrique des ébauches bourgeonnantes de la langue. A la fin de la quatrième semaine, le corps de la langue (future partie mobile) est formé par trois reliefs dans le plancher du stomodéum à la face postérieure des premier et deuxième arcs. Deux de ces reliefs appelés tubercules latéraux encadrent un troisième relief, le tuberculum impar. Les deux tubercules latéraux se développent rapidement, refoulant ainsi en arrière le tuberculum impar qui reste médian. La racine de la langue (la base) est à ce stade représentée par de petits tubercules saillant dans le plancher postérieur du stomodéum au niveau des troisième et quatrième arcs ; ils croissent rapidement et deviennent les copules. L'ensemble de ces ébauches bourgeonnantes, par déplacement relatif dépendant du développement des arcs branchiaux, fusionne vers le 40e jour embryonnaire dans le plancher stomodéal non encore cloisonné par le palais secondaire. Le développement volumétrique de l'ébauche linguale est alors très actif. L'invagination thyroïdienne est déjà objectivable à la jonction du tuberculum impar et des copules, invagination qui laissera par la suite comme marqueur développemental résiduel le foramen caecum ou jonction triple des ébauches de la langue. La musculature somitique de la langue est innervée par les deux nerfs hypoglosses qui sont des nerfs de type rachidien appartenant à la colonne somitique antérieure de la moelle. Ces noyaux hypoglossiques se sont trouvés incorporés dans le contenu crânien au cours de l'évolution des espèces par le biais de l'augmentation volumétrique du cerveau. Ainsi, l'occipital, os de la base du crâne formé par la fusion des trois ébauches primitives vertébrales isolées (sclérotome), va constituer, avec les deux nerfs hypoglosses et la musculature de la langue (myotome), une unité embryologique [5].

Neurophysiologie du développement de l'oralité Rapports avec le palais secondaire (fig. 24) La fin de l'organogenèse de la langue a lieu vers le 50e jour. La langue emplit alors le volume de la cavité stomodéale fermée en avant par le palais primaire. A partir de cette époque, les afférences sensorielles de la totalité de la sphère orale débutent leur colonisation centripète vers le tronc cérébral (jonctions axonales que contractent les fibres nerveuses des ganglions crâniens avec les récepteurs tégumentaires). Ce phénomène est conjointement associé au développement centrifuge des efférences motrices des nerfs trijumeau, facial, glossopharyngien et pneumogastrique et de celles de la partie haute du rachis cervical qui aboutissent à l'établissement d'une jonction myoneuronale dans la langue, les muscles masticateurs, les muscles pharyngés et les muscles du cou. Vers le 60e jour embryonnaire, c'est au niveau de la sphère orale que l'on peut constater les premières séquences motrices de l'embryon et objectiver ainsi le passage subtil de l'embryon non encore animé à l'embryon animé ou foetus. Le développement myoneuronal [56] est une séquence très vulnérable puisque pouvant être irréversiblement perturbé par des agressions toxiques, en particulier l'alcool, médicamenteuses (neuroleptiques) ou physiques (hyperthermiques). C'est au cours de ce 3e mois, entre les 10e et 11e semaines postconceptionnelles, que s'ébauchent le réflexe de l'ouverture buccale à la stimulation labiale, la déflexion céphalique et l'approche des mains au contact des lèvres et des points cardinaux de la face. L'animation motrice de la langue

est objectivable par l'ébauche du réflexe de succion à 10 semaines et la déglutition vers la 13e semaine. Nous soulignons encore la précession de la succion sur la déglutition. Le défaut de synchronisation de cette séquence motrice céphalique et orale, par anomalie de la neurogenèse du rhombencéphale, perturbe l'intégration normale de la langue dans la cavité buccale anatomique ; elle reste alors dans la fosse nasale, ce qui empêche la fermeture du palais secondaire. La démonstration de ce phénomène est assurée chez la rate gestante par administration de neuroleptique, ce qui a eu pour effet, vers le 11e jour, de déclencher des fentes vélo-palatines par retard de maturation myoneuronale céphalique et orale des embryons [41]. Les documents dont nous disposons chez l'homme [80] (fig. 57 A,B) attestent bien de l'ensemble de ces séquences motrices qui constituent le début de la motricité orale et dont la défaillance précoce, vers le 60e jour embryonnaire, constitue le phénomène premier responsable du syndrome de Robin néonatal [25] . Dans ce syndrome, la fente vélo-palatine est alors un exceptionnel marqueur encore visible à la naissance. L'étape de l'animation motrice embryonnaire orale achève de démontrer l'importance du tronc cérébral dans le contrôle neurophysiologique de l'activité motrice de la langue intégrée dans les structures oro-pharyngées et vis-à-vis des régulations respiratoire, cardiaque et digestive de même localisation neuro-anatomique. Pendant le reste de la vie foetale, le foetus va devoir roder et entraîner le couple succion-déglutition soit en suçant ses doigts ou ses orteils, soit en déglutissant le liquide amniotique dont les quantités vont croissantes pour atteindre deux litres au moment du terme, ce qui assure le maintien et la maturation des fonctions rénales. Cette activité de succion-déglutition engrammée pendant la vie foetale demande l'efficacité neuroanatomique de toutes les paires nerveuses du tronc cérébral (fig. 58). (Elle est objectivable en échographie dès la 15e semaine.) C'est dire que la défaillance de ce couple moteur aura pour conséquence le rétrognathisme par défaut de stimulation condylienne et le palais creux par défaut de conformation palatine par la pression linguale. Le couple succion-déglutition est un automatisme réflexe dont le centre est bulbaire et qui est déclenché par toutes les stimulations orales, que ce soit au niveau de la lèvre supérieure ou de la muqueuse de la région du prémaxillaire. Son efficacité est vitalement requise dès la naissance afin d'assurer l'oralité alimentaire du nouveau-né.

Embryogenèse de la glande thyroïde

[46]

(fig. 56 et 59)

Le développement embryologique de la glande thyroïde est lié à celui du massif lingual car ces deux organes contractent initialement des rapports étroits. Au 60e jour embryonnaire, le foramen caecum correspond à l'ébauche épithéliale endodermique de la glande thyroïde, à la jonction ectoderme-endoderme du futur V lingual. L'ébauche thyroïdienne s'invagine en profondeur au cours du 3e mois et migre en laissant le canal thyréo-glosse de Bochdalek, vestige de cette invagination qui, par mort cellulaire, disparaît vers le 4e mois. L'ébauche thyroïdienne croise en avant ou traverse le mésenchyme chondrogénique de l'os hyoïde, puis passe devant les cartilages thyroïde et cricoïde, et se stabilise sous forme d'une glande bilobulée réunie par un isthme à la hauteur des deuxième, troisième et quatrième anneaux trachéaux. La persistance du reliquat embryonnaire du canal d'invagination à épithélium respiratoire, ou son tractus fibreux résiduel, correspond à tout ou partie du trajet allant du foramen caecum de la base de la langue à l'isthme thyroïdien médian du cou. Des formations kystiques à contenu muqueux ou des thyroïdes aberrantes accessoires peuvent être décelées le long du trajet de ce reliquat de canal d'invagination.

Embryogenèse dentaire Les dents sont des composants naturels de l'organisation craniofaciale des vertébrés et plus particulièrement des mammifères. Chaque dent constitue un modèle exceptionnel de développement, de cytodifférenciation et d'organisation spatiale. Qu'il soit spatulé ou tuberculé, chaque organe dentaire est ainsi

une matrice propre. L'embryogenèse du système dentaire est indissociable de l'embryogenèse céphalique car les dents sont issues de la neurulation. L'étude embryologique des ébauches dentaires débute vers la fin du XIXe siècle. Platt [89], Sellman [94], Horstadius [55], Chibon démontrent chez l'embryon d'amphibien que les cellules de la crête neurale fournissent le mésenchyme à partir duquel se développent la dentine et la papille, et que l'ectoderme oral fournit l'émail. Miller [77], Kollar [64, 65], Ruch [93] entreprennent l'étude du rôle respectif dans le déterminisme de la forme finale de la dent (le pattern) de l'ectoderme et des cellules mésenchymateuses. Mais, chez les mammifères, l'étude des potentialités odontogéniques du mésenchyme n'est pas aisée à réaliser en raison même des difficultés d'accès des embryons à la manipulation in situ. Ce n'est qu'en 1984 que Lumsden [73] démontre pour la première fois que l'odontoblaste des mammifères est une cellule provenant de la crête neurale céphalique et que l'ectoderme du premier arc semble être le déterminant embryologique initial dans la genèse de la forme de la couronne et la position de la dent (placode épiblastique dentaire). Chez l'homme [7], le développement embryologique des dents est également la conséquence de la coopération biologique de deux groupements cellulaires issus de l'ectoderme et de l'ectomésenchyme. A la fin du 1er mois embryonnaire, les cellules protagonistes de l'organogenèse des dents sont : l'ectoderme du stomodéum formé de couches cellulaires cubiques profondes et fusiformes superficielles ; cette composante épithéliale est séparée de l'ectomésenchyme sous-jacent par la membrane basale ; l'ectomésenchyme issu des cellules des CNC des niveaux mésencéphaliques et rhombencéphaliques est responsable de l'augmentation volumétrique rapide des bourgeons de la face ; dans ceux-ci, les branches du nerf trijumeau entouré de cellules de Schwann sont déjà présentes.

Stade des lames primitives et dentaires Lame primitive Des épaississements épithéliaux apparaissent dès le début du 2e mois embryonnaire, à la face linguale des bourgeons nasaux, maxillaires et mandibulaires. Ceux-ci s'enfoncent dans l'ectomésenchyme pour constituer la lame primitive (ou mur cellulaire plongeant). Autour d'elle, s'organisent d'importantes condensations cellulaires mésenchymateuses, au sein desquelles sont reconnues de nombreuses mitoses. Le mur plongeant assure en se creusant la séparation entre les régions superficielles et maxillo-mandibulaires.

Lame dentaire A partir du versant interne du mur plongeant se forme une expansion épithéliale interne, pénétrant profondément l'ectomésenchyme : c'est la lame dentaire, qui est cernée par une condensation de cellules ectomésenchymateuses au niveau desquelles des renflements épithéliaux apparaissent, les futurs bourgeons.

Bourgeons ou ébauches dentaires Dans la continuité de la lame dentaire, des renflements épithéliaux s'individualisent par places et s'organisent morphologiquement en coiffant les cellules mésenchymateuses toujours très actives sur le plan mitotique. Entre les renflements épithéliaux, la lame dentaire involuera partiellement, morcelée par

bourgeon dentaire est alors formé : d'une composante épithéliale ; d'une composante ectomésenchymateuse ; d'une limitante de mésenchyme en cours de condensation qui deviendra le sac dentaire.

Stade de la cupule Le germe évolue rapidement sur le plan morphologique. La coiffe épithéliale prend progressivement la forme d'une cupule en augmentant de surface. Celle-ci est limitée par deux couches cellulaires : une interne qui préfigure la future différenciation en adamantoblastes, ou épithélium adamantin interne (EAI), elle-même recouverte d'une couche cellulaire ou stratum intermedium ; une externe limitant en dehors le reticulum étoilé, ou épithélium adamantin externe (EAE). La membrane basale située entre l'épithélium adamantin interne de la cupule et les cellules ectomésenchymateuses est formée de fibres de collagène, de réticuline et de glycoprotéines. L'ectomésenchyme apparaît alors condensé sous la cupule épithéliale et présente de nombreuses mitoses dans lesquelles pénètrent les premiers éléments vasculaires et apparaissent des cellules à différenciation schwanniennes qui vont préfigurer la pulpe.

Différenciation des odontoblastes et des adamantoblastes

[65, 73]

La différenciation de ces deux types cellulaires ne se conçoit actuellement que dans le cadre des interactions entre l'épithélium adamantin et l'ectomésenchyme. L'ensemble de ces interactions constitue un excellent modèle d'étude des interactions tissulaires en embryologie, en général.

Induction des cellules de la crête neurale La première de ces interactions cellulaires est celle des cellules de la crête neurale qui en fin de migration induisent l'épithélium buccal, sous lequel elles se sont localisées en fin de migration, à devenir l'épithélium adamantin interne. Chibon a montré que l'ablation microchirurgicale de la crête neurale chez les amphibiens, en supprimant ainsi quantitativement les cellules issues de celle-ci, provoque l'absence de formation de l'organe adamantin ; il n'y a pas formation de l'organe dentaire. Chibon a encore montré qu'il existait une régionalisation précise de la crête neurale vis-à-vis du déterminisme de la forme et de la position des dents futures dans la cavité buccale. Les interactions tissulaires réciproques et successives se manifestent entre l'ectomésenchyme de la crête neurale et l'épithélium adamantin par contiguïté, ce qui détermine la différenciation de ces cellules dans des voies qui vont les amener à sécréter la protéine de l'émail pour les unes et la protéine de la dentine pour les autres.

Adamantoblaste Les cellules de l'épithélium adamantin interne ou préadamantoblaste prennent alors une forme prismatique en se rangeant en colonnes, perpendiculairement à la membrane basale. Au contact de la prédentine déversée dans l'espace basal

de l'émail.

Odontoblaste Les cellules ectomésenchymateuses de la pulpe à proximité de la membrane basale se rangent en palissade, perpendiculairement à celle-ci, et ne tardent pas à former une rangée continue étroitement unie. Puis, chacune de ces cellules s'allonge et présente les signes microscopiques d'une intense activité d'élaboration cytoplasmique : la matrice dentinaire est excrétée par exocytose. Celle-ci ne tarde pas à débuter sa minéralisation. Slavkin [95, 96] et Ruch [93] ont montré que la différenciation en odontoblastes des cellules ectomésenchymateuses de la crête neurale n'est possible qu'au contact des améloblastes, après l'expression d'un nombre fixé de mitoses. Cette situation est réciproque pour la différenciation en améloblastes des cellules de l'épithélium buccal. Il s'agit d'un véritable couple morphogénétique odontoblaste-améloblaste qui, par collaboration étroite successive et action réciproque, contribue au développement de l'ébauche dentaire. Si l'un des groupements cellulaires vient à être défaillant sur le plan biologique, le développement dentaire est perturbé. Les odontoblastes comme les améloblastes élaborent puis déversent dans la matrice extracellulaire, située dans l'espace qui les sépare, de nombreuses vésicules de sécrétion qui, dans l'état actuel de nos connaissances, jouent un rôle majeur dans le transfert direct d'informations entre ces deux types cellulaires. Dès que les odontoblastes sécrètent la prédentine qui se calcifie progressivement, les améloblastes élaborent la protéine de l'émail (améline) qui, elle, se minéralise à son tour. A partir de cette interface initiale embryonnaire, les fronts de dentine et d'émail vont s'éloigner l'un de l'autre, tout comme les cellules qui ont contribué à l'élaboration initiale des matériaux calcifiés.

Déterminisme de la forme de la couronne

[73]

(fig. 60 F et G, H, 61)

L'organe en cloche Le déterminisme de la forme de la couronne a fait l'objet de recherche de la part de Lumsden (1988) [73]. Si les constituants cellulaires d'un bourgeon dentaire sont dissociés, aucune matrice ni vésicule de sécrétion ne sont objectivées. En fait les déterminismes épithélial et pulpaire ont été objectivés expérimentalement à des moments différents de l'embryogenèse dentaire dans le rôle de la forme définitive de la couronne. Ainsi, la forme de la couronne dépendrait de la détermination qualitative régionale de l'épithélium buccal car l'association d'un ectomésenchyme quelconque d'embryon de souris de neuf jours avec un épithélium buccal de la région antérieure du stomodéum produit une incisive tandis que son association avec l'épithélium buccal postérieur produit une molaire. Pour ce faire, Lumsden [73] étudie le développement des ébauches dentaires de souris en homogreffes intraoculaires par recombinaisons de crête neurale prémigratoire de souris avec de l'ectoderme de diverses origines. La recombinaison de la crête neurale céphalique du niveau rhombencéphalique avec de l'ectoderme oral du premier arc produit des dents normales avec des structures parodontales correctement développées. Cette expérience démontre bien que l'odontoblaste sécrétant la matrice de la dentine est originaire de la crête neurale céphalique chez les mammifères, comme chez les amphibiens. Cette expérience démontre encore que la compétence des cellules de la CNC s'exprime déjà avant la migration. Lorsque la recombinaison tissulaire concerne la CNC du même territoire avec de l'ectoderme non céphalique, seuls de l'os, du cartilage, du tissu nerveux se forment. Aucune ébauche dentaire ne se développe alors. Par contre, des ébauches dentaires apparaissent lorsque de la crête

neurale du niveau troncal est recombinée avec de l'ectoderme du premier arc, démontrant ainsi que la compétence odontogénique de la crête neurale n'est pas uniquement localisée au niveau céphalique. Ces expériences objectivent ainsi le rôle déterminant de l'ectoderme du premier arc jusqu'au 9e jour de gestation chez la souris dans la localisation, la forme générale de la dent et principalement celle de la couronne. Pour Lumdsen [73], l'ectoderme oral et sa basale porteraient ainsi les directives qualitatives de localisation et de forme coronaires, alors que la crête neurale fournirait l'aspect quantitatif à la dent (volume de la dentine, volume de la papille, forme des racines).

Formation des racines (fig. 60 H) La dentinogenèse radiculaire apparaît au niveau de la zone de réflexion entre épithéliums adamantins interne et externe (région du futur collet). Cette zone de réflexion s'enfonce progressivement dans le mésenchyme recouvert par la papille. C'est la gaine épithéliale d'Hertwig. On ne sait pas encore s'il s'agit d'un phénomène relatif par ascension coronaire ou d'une morphogenèse primitive. Les odontoblastes demeurés au contact du feuillet interne de la gaine épithéliale élaborent la dentine radiculaire. Il n'y a plus d'émail formé.

Formation du cément et du desmodonte Le cément serait formé par les fibroblastes du follicule au contact de la dentine radiculaire après résorption de la gaine d'Hertwig. Des fibres de collagène issu du follicule viennent s'incorporer à la matrice cémentoïde. En conclusion, de ces études embryologiques, il est permis de déduire que l'ectoderme buccal serait organisé en placodes épiblastiques dentaires spécifiques pour chaque dent, chacune de ces placodes en constituant la composante qualitative puisque l'ectoderme est déterminant pour le site, la position de celle-ci et la forme de sa couronne. Par contre, les cellules odontoblastiques issues de la crête neurale céphalique en constitueraient la composante quantitative et interviendraient dans le volume de la dentine et de la pulpe. Couly et Monteil [26] ont proposé une classification neurocristopathique embryologique des anomalies dentaires. On pourrait également proposer une classification placodale ectodermique de ces anomalies (tableau IV).

Dysmigration des odontoblastes et fente labio-maxillaire (fig. 62) La crête neurale antérieure fournit les odontoblastes des incisives qui migrent dans le bourgeon naso-frontal. Le courant cellulaire est toujours perturbé par la présence du défaut fusionnel des bourgeons. Tous les cas de figures dysmigratives sont retrouvés lors de la morphogenèse perturbée de l'incisive latérale lactéale et adulte, que l'on constate en clinique humaine : lorsque le courant cellulaire migrateur des odontoblastes se répartit de part et d'autre de la fente, les deux incisives lactéales et adultes sont représentées par deux ébauches, une pour chacune des berges de la fente ; lorsque le courant cellulaire odontoblastique se passe sur la berge externe, les incisives latérales lactéales et adultes se forment sur la berge externe. C'est l'inverse en cas de migration dans la berge interne ; parfois, le courant cellulaire est absent ou alors ne s'exprime pas phénotypiquement : on assiste à une absence des bourgeons dentaires incisifs latéraux. Dans d'autres circonstances, le courant cellulaire peut migrer dans le septum nasal et déclencher l'organogenèse d'une dent ectopique. Ce fait souligne la compétence de l'ectoderme nasal pour l'amélogenèse en réponse à l'induction des odontoblastes de la crête neurale. Enfin, le courant cellulaire odontoblastique peut encore être le point de départ de dysorganoplasie dentaire odontoïde ou prendre l'apparence d'odontomes variés

ou de malformation dentaire (fusion secondaire des ébauches, dans les fentes incomplètes, d'incisive latérale). En cas de fente labio-maxillaire bilatérale, ces dysorganoplasiques sont bilatéraux et/ou combinés.

divers

cas

de

figures

Références [1]

ALBERCH P, KOLLAR E Strategies report. Development 1988 ; 103 : 25-30

of

[2]

ALEKSIC S Congenital ophtalmoplegia in microsomia. Neurology 1976 ; 26 : 638-644

[3]

ANDRE JM, JACQUIER A, PICARD L La neurofibromatose de Recklinghausen. Pathogénie : conception actuelle. Ann. Chir. Thorac. Cardiovasc. 1977 ; 16 : 175-185

[4]

AREY L.E. - Developmental anatomy. 7th ed. - W.B. Saunders Co., ed., Philadelphia, London, 1965.

[5]

AUGIER. - Développement du squelette céphalique. In : Poirier P., Charpy A. (eds). Traité d'anatomie humaine T. 1. - Masson et Cie, éd., Paris, 1931.

[6]

BEE J, THOROGOOD P The role of issue interactions in the skeletogenic differenciation of avian neural crest cells. Dev. Biol. 1980 ; 78 : 47-62

[7]

BENOIT R., LEMIRE M. - Embryologie dentaire. - Julien Prélat, éd., Paris, 1979.

[8]

BOLANDE RP The neurocristopathies. Hum. Pathol. 1974 ; 5 : 409-429

[9]

BRADLEY R.M. - Development of the taste bud and gustatory papillae in human fetuses. Bosma J. (ed.). Oral sensation and perception. The mouth of the infant. 3rd Symposium. C. Thomas (ed.). - Springfield, 1974, pp. 137-162.

[10]

DARNELL J., LODISH H., BALTIMORE D. - La cellule : biologie moléculaire. 1 vol. 1232 p. Vigot, éd., Paris, 1988.

[11]

CHIBON P. - Embryologie causale des vertébrés. - PUF, éd., Paris, 1977.

[12]

CHIBON P L'origine de l'organe adamantin des dents. Etude au moyen du marquage nucléaire de l'ectoderme stomodéal. Ann. Embryol. Morphog. 1970 ; III : 2

[13]

CHIBON P Un système morphogénétique remarquable : la crête neurale des vertébrés. Ann. Biologique 1974 ; 13 : 9-10

[14]

CHIBON P Etude expérimentale par ablations, greffes et autoradiographie de l'origine des dents chez l'amphibien urodèle pleurodèle. Arch. Oral. Biol. 1967 ; 12 : 745-753

[15]

CHANDEBOIS R. - Morphogenèse des animaux pluricellulaires. - Maloine, éd., Paris, 1976.

[16]

COULY G La dynamique de croissance céphalique. Le principe de conformation organofonctionnelle. Actualités Odonto-Stomatol. 1977 ; 117 : 63-96

[17]

COULY G Le mésethmoïde cartilagineux humain. Son rôle morphogénétique facial. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac. 1980 ; 81 : 135-151

[18]

COULY G, GUILBERT P, CERNEA J, BERTRAND Ch A propos de l'articulation temporomandibulaire du nouveau-né. Les relations oto-méniscales. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac. 1976 ; 77 : 673-684

[19]

COULY G Morphogenèse temporo-mandibulaire. Actualités Odont. Stomat. 1979 ; 128 : 793809

[20]

COULY G Les neurocristopathies du bourgeon nasofrontal (les syndromes ethmoïdiens). Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac. 1981 ; 82 : 213-225

[21]

COULY G, JACQUIER A, ANDRE JM Crêtes neurales céphaliques morphogenèse cranio-faciale : neurocristopathies. Rev. Maxillofac. 1980 ; 81 : 332-348

[22]

COULY G Le syndrome de Di George, neurocristopathie rhombencéphalique exemplaire. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac. 1983 ; 84 : 103-108

[23]

COULY G, LELIEVRE-AYER C Malformations latéro-faciales associées à des anomalies du tronc cérébral et des nerfs crâniens. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac. 1983 ; 84 : 254-263

[24]

COULY G Les morts cellulaires Maxillofac. 1982 ; 83 : 3-7

[25]

COULY G Nouvelle conception de la maladie et du syndrome de Pierre Robin, dysneurulation du rhombencéphale. Rev. Stom. Chir. Maxillofac. 1983 ; 84 : 225-232

[26]

COULY G, MONTEIL J Classification neurocristopathique Stomatol. Chir. Maxillofac. 1982 ; 83 : 293-298

[27]

COULY G, LE DOUARIN NM The fate map of the cephalic neural primordium at the presomitic to the 3-somite stage in the avian embryo. Craniofacial Developement 1988 ; 103 : 101-114

[28]

COULY G, LE DOUARIN NM Mapping of the early neural primordium in quail-chick chimeras. I. Developmental relationships between placodes, facial ectoderm and prosencephalon. Dev. Biol. 1985 ; 110 : 422-439

[29]

COULY G, LE DOUARIN NM Mapping of the early neural primordium in quail-chick chimeras. II. The prosencephalic neural plate and neural folds : implications for the genesis of cephalic human congenital abnormalities. Dev. Biol. 1987 ; 120 : 198-214

de

head

development

oculo-auriculovertebral

l'organogenèse. Rev.

des

:

dysplasis

workshop hemifacial

et troubles Stomatol.

Stomatol.

anomalies

de la Chir.

Chir.

dentaires. Rev.

[30]

COULY G, AICARDI J Malformations associées de la face et du cerveau chez le nourrisson et l'enfant. Arch. Fr. Pédiatr. 1988 ; 45 : 99-104

[31]

D'AMICO-MARTEL A, NODEN DM Contributions of placodal and neural crest cells to avian cranial peripheral ganglia. Am. J. Anat. 1983 ; 166 : 445-468

[32]

D'ARCY THOMPSON. - On Growth and Form. (Abridged ed.). - J.T. Bonner (ed.). - Cambridge University Press, ed., Cambridge, 1971.

[33]

DELAIRE J, TESSIER P, TULASNE JF et coll Aspects cliniques radiographiques de la dysostose maxillo-nasale. Syndrome naso-maxillo-vertébral, à propos de 34 nouveaux cas. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac. 1979 ; 80 : 68-82

[34]

DELAIRE J. - In : Chateau M. (ed.). Orthopédie dentofaciale. T. 1 : Bases fondamentales. Julien Prélat, éd., Paris, 1975.

[35]

DE MYER W 1) The median cleft face syndrome. Differential diagnosis of cranium bifidum, occultum, hypertelorism, and median cleft nose, lip and palate. Neurology 1967 ; 17 : 961971 DE MYER W. - 2) Classification of cerebral malformations. Original article. - Birth Defects, Vol. VII, 1, 1971, 7, (1), 78-93. DE MYER W 3) The face predicts the brain diagnosis significance of median facial anomalies for holoprosencephaly (arhinencephaly). Pediatrics 1964 ; 34 : 256-263 DE MYER W 4) Median facial malformations and malformations. Birth Defects 1975 ; 11 (7) : 151-181

their

implications

for

brain

[36]

DOLLANDER A., FENART R. - Eléments d'embryologie. - - Flammarion, éd., Paris, 1970

[37]

DUBAND JL, THIERY JP Appearance and distribution of fibronection during chick embryo gastrulation and neurulation. Dev. Biol. 1982 ; 94 : 337-350

[38]

DUHAMEL B. - Morphogenèse pathologique. - Masson et Cie, éd., Paris, 1966.

[39]

EDELMAN GM Cell adhesion molecules. Science 1983 ; 219 : 450-457

[40]

EDELMAN GM Une approche Science 1984 ; 80 : 92-100

[41]

FERGUSON MWJ Palate development. Craniofacial Development 1988 ; 103 : 41-60

[42]

FRANCESCHETTI A La Méd. 1944 ; 1 : 60-66

[43]

GASSER RF The development of the facial muscles in man. Am. J. Anat. 1967 ; 120 : 357376

[44]

GLUCKSMANN A Cell death in normal vertebrate ontogeny. Biol. Rev. 1951 ; 26 : 59-86

[45]

GORLIN, GOODMANN. - The face in genetics disorders. 2nd ed. - Mosby Cy, ed., Saint Louis.

[46]

GRASSE P.P. - Embryologie humaine, tome XVI. In : Traité de zoologie. - Masson et Cie, éd., Paris, 1981.

[47]

HALL BK Patterning of connective report. Development 1988 ; 103 : 171-174

[48]

HALL BK Distribution of osteo and chondrogenic neural crest-derived cells and ostogenically inductive epithelia in mandibular arches of embryonic chicks. J. Embryol. Exp. Morphol. 1982 ; 68 : 127-136

[49]

HALL B.K. - Developmental and cellular skeletal biology. - Academic Press, ed., New York, 1978.

[50]

HAMILTON W.J., BOYD J.D., MOSSMAN H.W. - Human embryology, 3rd ed. - W. Heffer Sons, Ltd, ed., Cambridge, 1964.

[51]

HAMMOND WS, YNTEMA CL Depletion of pharyngeal arch cartilages following extirpation of cranial neural crest in chick embryos. Ann. Anat. 1964 ; 56 : 26-34

[52]

HIS W. - Untersuchungen über die erste Anlage des Wirbeltierleibes. Die erste Entwicklung des H[a][ac]h[/ac][ac]uml;[/ac][/a]ncnens. In : Ei F.C.W. (ed.) - Vogel, ed., Leipzig, 1968.

[53]

HOCHSTETTER F Uber die Bildung der inneren Nasen gänge oder primitiven Choanen. Anat. Anz. 1891 ; 6 : 145-151

[54]

HOLLAND PWH Homeobox genes Development 1988 ; 103 : 17-24

[55]

HORSTADIUS S. - The neural crest : its properties and derivatives in the light of experimental research. - Oxford Univ. Press, ed., London, 1950.

[56]

HUMPHREY L The development of trigeminal nerve fibers to the oral mucosa compared with their development to cutaneous surfaces. J. Comp. Neurol. 1966 ; 126 : 91-108

[57]

JACOBSON AG, GORDON R Charges in the shape of the developing vertebrate nervous system analyzed experimentally, mathematically and by computer simulation. J. Exp. Zool. 1976 ; 197 : 191-246

[58]

JACQUIER A. - La crête neurale et sa pathologie. - Thèse Médecine Nancy, 1977, 102.

[59]

JOHNSTON MC A radioautographic study of the migration and fate of cranial neural crest cells in the chick embryo. Anat. Rec. 1966 ; 156 : 143-156

[60]

JOHNSTON MC The neural crest Defects 1975 ; 11 (7) : 1-18

[61]

JOHNSTON MC, NODEN DM, HAZELTON RD, COULOMBRE JL, COULOMBRE AJ Origins of avian ocular and periocular tissues. Exp. Eye Res. 1979 ; 29 : 27-45

[62]

JOHNSTON MC Abnormalities of craniofacial development development. Craniofacial Development 1988 ; 103 : 241-244

moléculaire

dysostose

de

la

morphogenèse. Pour

mandibulo-faciale. Bull.

and

in

tissues

the

abnormalities

in

Acad.

the

head,

vertebrate

of

the

:

Suisse

face

la

Sc.

discussion

head. Craniofacial

and

discussion

brain. Birth

report

in

[63]

KIRBY ML, GALE TF, STEWART DE Neural crest cells contribute to normal aorticopulmonary septation. Science 1983 ; 220 : 1059-1061

[64]

KOLLAR EJ, BAIRD G Tissue interactions in embryonic mouse tooth germs. II. Inductive role of the dental papilla. J. Embryol. Exp. Morphol. 1970 ; 24 : 173-186

[65]

KOLLAR E.J. - Epithelial-mesenchymal interaction in the mammalian integument. In : Sawyer R.H., Fallon J.F. (eds) : Epithelial-mesenchymal interactions in development. - Praeger Publishers, ed., New York, 1983, pp. 27-50.

[66]

KOSAKA K, HAMA K, ETO K Light and electron microscopic study of fusion of facial prominences. Anat. Embryol. 1985 ; 173 : 187-201

[67]

LE DOUARIN N.M. - The neural crest. - Cambridge Univ. Press, ed., Cambridge, 1982.

[68]

LE DOUARIN N, LE LIEVRE C Demonstration de l'origine neurale des cellules à calcitonine du corps ultimobranchial chez l'embryon de poulet. CR Acad. Sci. (III) 1970 ; 270 : 2857-2860

[69]

LE LIEVRE C, LE DOUARIN N Origine ectodermique du derme de la face et du cou chez l'embryon d'oiseau. CR. Acad. Sci. (III) 1974 ; 278 : 517-520

[70]

LE LIEVRE C, LE DOUARIN N Contribution du mésectoderme à la genèse des arcs aortiques chez l'embryon d'oiseau. CR. Acad. Sci. (III) 1973 ; 276 : 383-386

[71]

LE LIEVRE C. - Contribution des crêtes neurales à la genèse des structures céphaliques et cervicales chez les oiseaux. - Thèse Sciences, Nantes, 1976, No CNRS AD 12279.

[72]

LE LIEVRE C Rôle des cellules mésectodermiques issues des crêtes neurales céphaliques dans la formation des arcs branchiaux et du squelette viscéral. J. Embryol. Exp. Morphol. 1974 ; 31 : 453-477

[73]

LUMSDEN AGS Spatial organization of the epithelium and the role of neural crest cells in the initiation of the mammalian tooth germ. Development 1988 ; 103 : 155-170

[74]

MEIER S Development of the chick embryo mesoblast : formation of the embryonic axis and establishment of the metameric pattern. Dev. Biol. 1979 ; 73 : 25-45 [crossref]

[75]

MEIER S Development of the chick embryo mesoblast : morphogenesis of the prechordal plate and cranial segments. Dev. Biol. 1981 ; 83 : 49-61

[76]

MEIER S Somite formation and its relationship mesoderm. Cell Differ 1984 ; 14 : 235-243

[77]

MILLER WA Inductive changes in tooth development. J. Dent. Res. 1969 ; 48 (suppl) : 719725

[78]

MOORE G, IVENS A, CHAMBERS J , et al. The application of molecular genetics to detection of craniofacial abnormality. Craniofacial Development 1988 ; 103 : 233-240

[79]

MORRISS G., THOROGOOD P.V. - An approach to cranial neural crest cell migration and differenciation in mammalian embryos. In : Johnson MH (ed) : Development in mammals, vol. 3. - Elsevier North Holland Inc., ed., Amsterdam, 1978, pp. 363-412.

[80]

NISHIMURA H., SEMBA R. - Prenatal development of the human with special reference to craniofacial structures : an atlas. - US Department of Health, Education and Welfare, ed., Bethesda, 1977.

[81]

BATES NOBLE The early development of the hypoglossal musculature in the cat. Am. J. Anat. 1948 ; 83 : 329-355

[82]

NODEN DM Origins and patterning of cranio-facial mesenchymal tissues. J. Craniofac. Dev. Biol. (suppl.) 1986 ; 2 : 15-31

[83]

NODEN DM Patterning of avian cranio-facial muscles. Dev. Biol. 1986 ; 116 : 347-356

[84]

NODEN DM Interactions and fates mesenchyme. Development 1988 ; 103 : 121-130

[85]

PATTEN B.M. - Human embryology, 3rd ed. - McGraw Hill Book Company, ed., New York, 1968.

[86]

PETROVIC. - In : Chateau M. (ed.). Orthopédie dento-faciale. T. 1 : Bases fondamentales. Julien Prélat, éd., Paris, 1975.

[87]

PIRLOT P. - Morphologie évolutive des chordes. - Presses Universitaires de Montréal, éd., Montréal, 1971.

[88]

PIVETEAU J. - Des premiers vertébrés à l'homme. - Albin Michel, éd., Paris, 1963.

[89]

PLATT JB Ectodermic origin of the cartilages of the head. Anat. Anz. 1893 ; 8 : 506-509

[90]

PROBST. - Holoprosencephalies. - Springer Verlag, ed., Berlin, 1979.

[91]

RAVEN CP Experiments on the origin of the sheath cells and sympathetic neuroblasts in Amphibia. J. Comp. Neurol. 1937 ; 67 : 220-240

[92]

ROYER P. - 18 leçons de biologie du développement. - Fayard, éd., Paris, 1975.

[93]

RUCH J.V. - Epithelial-mesenchymal interactions. In : Butler W. (ed.) : The chemistry and biology of mineralized connective tissues. - Ebsco Media, Inc, ed., Birmingham AL, 1985, pp. 54-62.

[94]

SELLMAN S Some experiments on the determination Ambyostoma. Odont. Tidskr 1946 ; 54 : 1-128

[95]

SLAVKIN HC Regional specification of cell-specific gene expression during craniofacial development. J. Craniofac. Genet. Dev. Biol. 1985 ; 1 : 57-66

[96]

SLAVKIN H.C., SNEAD M.L., ZEICHNER-DAVID M., BRINGAS P. Jr., GREENBERG G.L. Amelogenin gene expression during epithelio-mesenchymal interactions. In : Trelstad RL (ed.) : The role of extracellular matrix in development. - A.R. Liss Inc., ed., New York, 1984, pp. 221-253.

[97]

STEVENS P.S. - Les formes dans la nature. Coll. Sciences Ouvertes. - Seuil, éd., Paris, 1978.

to

metameric

of

patterning

avian

of

the

of

the

craniofacial

larva

teeth

in

[98]

SULIK KK, COOK CS, WEBSTER WS Teratogens and craniofacial malformations : relationships to cell death. Craniofacial Development 1988 ; 103 : 213-232

[99]

TESSIER P. - Chirurgie plastique orbito-palpébrale. Nouvelle classification anatomique des fentes faciales. - Masson et Cie, éd., Paris, 1977.

[100] TESTUT L. - Anatomie humaine. - Doin, éd., Paris, 1911. [101] THOM R. - Stabilité structurelle et catastrophes. In : Structure et dynamique des systèmes. Maloine Doin, éd., Paris, 1976. [102] THOM R. - Stabilité structurelle et morphogenèse. - Inter Editions, éd., Paris, 1977. [103] THOM R. - Modèles mathématiques de la morphogenèse. - Bourgeois, éd., Paris, 1981. [104] THOROGOOD P The developmental skull. Development 1988 ; 103 : 141-154

specification

of

the

vertebrate

[105] THIERY JP Mechanisms of cell migration in the vertebrate embryo. Cell Differ. 1984 ; 15 : 115 [106] TORPIN R. - Foetal malformations caused by amnion rupture. C.C. Thomas ed. - Springfield, 1968. [107] TRIDON P., THIRIAT M. - Malformations associées de la tête et des extrémités. - Masson et Cie, éd., Paris, 1966. [108] TRIDON P. - Les dysraphies de l'axe nerveux. - Doin, éd., Paris, 1959. [109] TUCHMANN-DUPLESSIS H. - Embryologie. Travaux pratiques. - Masson et Cie, éd., Paris, 1971. - Malformations congénitales des mammifères. - Masson et Cie, éd., Paris, 1971. [110] TUCKER GC, DUBAND JL, DUFOUR S, THIERY JP Cell-adhesion and substrate-adhesion molecules : their instructive roles in neural crest cell migration. Development 1988 ; 103 : 81-94 [111] VEAU V, POLITZER G Embryologie Path. 1936 ; 13 : 275-326

du

bec-de-lièvre.

Le

palais

primaire. Ann.

Anat.

[112] WADDINGTON Ch. - a) The strategy of the genes. Allen and Unwin, eds, London, 1957. b) The evolution of an evolutionist. - Cornell University Press, ed., Ithaga, New York, 1957. [113] WARKANY J. - Congenital malformations. - Year Book Medical Publishers Inc., ed., Chicago, 1971. [114] WEDDEN SE, RALPHS JR, TICKLE C Pattern formation in the facial primordia. Craniofacial Development 1988 ; 103 : 61-62 [115] WOLFF E. - Les interactions tissulaires du cours de l'organogenèse. - Dunod, éd., Paris, 1969. [116] WOLFF E Recherches expérimentales sur l'otocéphalie et les malformations fondamentales de la face, mémoire préliminaire. Arch. Anat. (Strasbourg) 1934 ; 18 : 229-261 [117] WOLPERT L Craniofacial development Development 1988 ; 103 : 245-250

:

a

summing

up. Craniofacial

[118] WOLPERT L La formation de patrons au cours du développement biologique. Pour la Science 1978 ; 22 : 79-91

© 1990 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 : Le chimérisme caille-poule. Les cellules de caille (A) sont très facilement différenciées des cellules de poulet (B) car leur chromatine est dense.

Fig 2 :

Fig 2 : Neurulation et formation de la crête neurale. Evolution des feuillets embryonnaires à 15, 21 et 30 jours.

Fig 3 :

Fig 3 : Carte des territoires présomptifs de la plaque neurale de l'embryon d'oiseau au stade 3 somites. (1) adénohypophyse ; (2) hypothalamus ; (3) épithélium de la cavité nasale ; (4) plancher du télencéphale ; (5) placode olfactive ; (6) ectoderme du bec supérieur et du diamant ; (7) vésicules optiques ; (8) neurohypophyse ; (9) toit du télencéphale ; (10) diencéphale ; (11) hémiépiphyse ; (12) ectoderme et crête neurale prosencéphalique caudale (pointillé léger) ; (13) crête neurale mésencéphalique rostrale (pointillé dense) ; (14) mésencéphale.

Fig 4 :

Fig 4 : Vue de dessus de la plaque neurale d'embryons de vertébrés en microscopie électronique à balayage (document de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France).

Fig 5 :

Fig 5 : Evolution morphologique de la plaque neurale : fermeture dorsale par contact jonctionnel postérieur des bourrelets (documents de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France). La barre = 100 microns.

Fig 6 :

Fig 6 : La neurulation. Evolution de la fermeture de la gouttière neurale en un tube par contact

jonctionnel postérieur. A. Vue dorsale de l'embryon de vertébré en microscopie électronique à balayage (embryon d'oiseau à 4 somites). B. Détails de l'accolement dorsal des lèvres de la gouttière neurale à partir de la figure 6 A (document de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France). C. Vue schématique de la fermeture antérieure de la plaque neurale au stade 3 somites.

Fig 7 :

Fig 7 : Développement de l'antéhypophyse (A). Evolution de la greffe microchirurgicale du bourrelet antérieur neural à 2, 3 et 5 somites (a, b, c). Le marquage est retrouvé au niveau de la poche de Rathke chez l'embryon de 4 jours et de 6 jours (d, e).

Fig 8 :

Fig 8 : Schéma de la cartographie précoce de la plaque neurale au cours de la troisième semaine embryonnaire (coupe horizontale).

Fig 9 :

Fig 9 : Evolution du tissu embryonnaire neuroblastique lors de la fermeture du tube neural. L'épiblaste, les crêtes neurales (CN) et le tube neural (TN) sont identifiés morphologiquement au cours de cette fermeture (documents de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France).

Fig 10 :

Fig 10 : Evolution morphologique du tube neural qui passe progressivement de 3 vésicules (25e jour) à 5 vésicules (35e jour).

Fig 11 :

Fig 11 : Cartographie de l'épiblaste. Cette cartographie expose la position des diverses placodes épiblastiques qui sont à l'origine des ganglions sensoriels des nerfs crâniens ainsi que la cartographie de la crête neurale qui participe pour une part à la formation de ces ganglions sensoriels.

Fig 12 :

Fig 12 : Migration de la crête neurale à partir du bourrelet neural. La crête neurale (CN) et le tube

neural (TN) sont objectivés par l'intermédiaire d'une greffe de caille chez l'embryon de poulet (voir la fig. 1) (documents de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France).

Fig 13 :

Fig 13 : Migration de la crête neurale troncale. A partir de la crête ganglionnaire, les cellules de la crête neurale vont passer soit entre l'ectoderme et le somite, soit entre le tube neural et le somite, soit à l'intérieur même du somite, soit vont rester entre la partie postérieure du tube neural et la partie dorsale du somite pour former le ganglion sensoriel.

Fig 14 :

Fig 14 : Schéma de l'extrémité céphalique de l'embryon humain au début du 2e mois. Ce schéma objective les coulées cellulaires de la crête neurale qui migrent des régions prosencéphaliques et rhombencéphaliques vers la face inférieure du tube neural afin d'assurer sous l'épiblaste de

couverture le début du bourgeonnement de la face. P.opt : placode optique. P.ot : placode otique. BM : bourgeon maxillaire.

Fig 15 :

Fig 15 : Chevauchement des territoires de migration des cellules des crêtes neurales céphaliques en correspondance avec le devenir du tube neural d'où elles ont migré.

Fig 16 :

Fig 16 :

Le mésenchyme d'origine mésodermique reste postérieur et fournit des dérivés musculosquelettiques dorsaux. Par contre, la crête neurale qui migre sous le tube neural va fournir du mésenchyme (ectomésenchyme ou mésectoderme) qui va coopérer avec le mésenchyme mésodermique pour former la quasi-totalité des structures faciales et cervicales tout en assurant le développement des bourgeons de la face.

Fig 17 :

Fig 17 : Schéma du développement des bourgeons de la face au début du 1er mois embryonnaire. BNI : bourgeon nasal interne. BM : bourgeon maxillaire.

Fig 18 :

Fig 18 : Evolution morphologique du pôle céphalique de l'embryon humain au cours du 2e mois. A, B, C, D. Développement volumétrique et fusion des bourgeons de la face, grâce aux mitoses des cellules des crêtes neurales (CN). Les bourgeons de la face finissent par circonscrire une cavité appelée le stomodéum. BNF : bourgeon naso-frontal. BNE : bourgeon nasal externe. BNI : bourgeon nasal interne. BM : bourgeon maxillaire. Pl.olf : placodes olfactives. S : stomodéum. BMd : bourgeon mandibulaire. E, F. Entre les 50e et 60e jours, le massif facial de l'embryon acquiert une personnalité foetale. L'ébauche des bourgeons de l'oreille est objectivable au fond et en arrière du premier sillon ectobranchial. G. Développement embryologique de la lèvre supérieure : les bourgeons maxillaires (BM) droit et gauche viennent encadrer et sous-croiser le futur philtrum provenant des bourgeons nasaux internes (BNI). (BNE : bourgeons nasaux externes).

Fig 19 :

Fig 19 : A. La face embryonnaire humaine vers le 42e jour. Aspect de l'ébauche du massif facial d'un embryon humain de 42 jours en microscopie électronique à balayage (document Nilsson).

B. Représentation schématique de la figure 19 A avec l'ectomésenchyme neural et les myocytes envahissant l'espace sous-ectodermique de l'ébauche faciale. Ce schéma résume l'ensemble des défaillances potentielles de la fusion des bourgeons et par là même le dessin des futures fentes faciales.

Fig 20 :

Fig 20 : A. Vue latérale d'un embryon humain au début du 1er mois embryonnaire. B. Coupe sagittale de ce même embryon objectivant dans cette partie paralatérale l'existence du début du bourgeonnement de la face, les ébauches des placodes olfactives et optiques et le début de la gangliogenèse des nerfs crâniens. POL : placodes olfactives. POP : placodes optiques. RH : rhombencéphale. G : ganglion de Gasser. A : arcs branchiaux. C. La placode olfactive (POL) est cernée par les bourgeons nasaux interne (BNI) et externe (BNE).

Fig 21 :

Fig 21 : Le palais primaire. A. Vue latérale d'un embryon humain de 42 jours, intéressant les régions faciales et thoracocervicales. Cet embryon présente le même aspect morphologique que la figure 19 A. B. Coupe horizontale de l'embryon précédent passant par le palais primaire. PP : palais primaire. BNI : bourgeon nasal interne. BM : bourgeon maxillaire. C. Détails de la coupe horizontale 21 B objectivant le mur épithélial de Veau : accolement entre le bourgeon nasal interne et le bourgeon maxillaire. D. Vue microscopique (× par 600) de la mort cellulaire siégeant au niveau du mur épithélial tel qu'il est représenté en microscopie sur la figure 21 C. E. Le palais primaire : détails de la figure 21 B. F. Schéma en vue inférieure du palais primaire et du toit du stomodéum chez l'embryon humain de 38 jours. Cette vue objective encore la présence de la poche de Ratkhe au niveau du toit et dans la partie postérieure du stomodéum (5). Bourgeon nasal interne (3). Bourgeon nasal externe (2). Bourgeon maxillaire (4). Ce schéma objective encore la condensation cellulaire entre les bourgeons nasaux internes correspondant au futur septum primaire (1).

Fig 22 :

Fig 22 : Schéma du défaut de fusion du bourgeon nasal interne et du bourgeon maxillaire, explicitant la possibilité de réalisation de fente labio-maxillaire par le processus de non-mort cellulaire.

Fig 23 :

Fig 23 : Schéma des défauts de fusion potentielle des cinq bourgeons péristomodéaux entrant dans la constitution du massif facial. A. Vue de face. B. Vue palatine.

Fig 24 :

Fig 24 : Le palais secondaire. Macrophotographie en coupe horizontale d'un embryon humain de 42 jours objectivant les procès palatins (PP) du palais secondaire.

Fig 25 :

Fig 25 : Coupe horizontale de l'embryon humain de 42 jours passant par le massif lingual et le plancher

buccal, objectivant l'importance du volume de la langue (L), remplissant la totalité du stomodéum, encadré par les procès palatins (PP) des bourgeons maxillaires.

Fig 26 :

Fig 26 : Les palais primaire et secondaire en vue de dessous à 45 jours.

Fig 27 :

Fig 27 : Schéma du stomodéum d'un embryon de 50 jours objectivant la présence du septum (2) du palais primaire (1) et les procès palatins (3). Le massif lingual est à ce stade constitué de deux tubercules latéraux volumineux (6). Le tuberculum impar (5) est réduit. 4 : pharynx.

Fig 28 :

Fig 28 : Développement de la poche de Rathke et de l'antéhypophyse étudié par chimérisme caille-poule (A). A. A 0 somite, la zone présomptive de l'antéhypophyse est située dans le bord antérieur du bourrelet neural (A). B. C. A 3 somites et à 4 jours, la poche de Rathke et l'antéhypophyse sont localisées au gré de l'enroulement céphalique dans la partie basale du diencéphale, c'est-à-dire au niveau du toit du stomodéum.

Fig 29 :

Fig 29 : La poche de Rathke (R) est localisée dans le toit du stomodéum vers le 30e jour embryonnaire.

Fig 30 :

Fig 30 : L'appareil branchial à 5 semaines embryonnaires. La coupe correspond à la zone A-B de la figure 16 : ce schéma objective les poches endobranchiales des arcs no 1, 2, 3, 4, 5. Le développement du 2e arc venant télescoper le 3e et le 4e arc détermine le sinus cervical ectodermique.

Fig 31 :

Fig 31 : Schéma de l'évolution des arcs branchiaux à 6 semaines. Dans le plancher buccal primitif, c'està-dire au niveau du versant ectodermique du premier arc, est objectivée l'ébauche linguale sous l'aspect des deux tubercules latéraux et du tuberculum impar. Dans les poches endobranchiales, se sont formées l'amygdale (II), les parathyroïdes et le thymus (III). TL : tubercules latéraux de la langue. TI : tuberculum impar de la langue. C : copula de la langue. E : épiglotte.

Fig 32 :

Fig 32 : A. Les arcs branchiaux (vue extérieure) : présence des sillons ectodermiques. B. Schéma des arcs branchiaux en coupe, objectivant la présence dans chaque arc d'un arc aortique, d'un noyau mésenchymateux préludant la musculature, d'une veine et d'un nerf. C. Les arcs aortiques de l'appareil branchial ; le système d'arc réunit les aortes dorsales et ventrales. D. Schéma des poches endobranchiales. E. Les ganglions des nerfs crâniens à destinée branchiale : - nerf trijumeau (V), - nerf facial (VII), - nerf glossopharyngien (IX), - nerf pneumogastrique (X). Le grand hypoglosse (XII) est un nerf somitique moteur à destinée linguale. F. Coupe parasagittale de la région céphalique d'un embryon de 32 jours, objectivant la présence des ganglions des nerfs crâniens (G : ganglion de Gasser ; J : ganglion jugulaire du nerf glossopharyngien ; P : ganglion plexiforme du nerf pneumogastrique). G. Détail du ganglion de Gasser (G). Deux nerfs sont déjà objectivables : nerf maxillaire (M) et nerf mandibulaire (MD).

Fig 33 :

Fig 33 : Ebauche ectodermique de la glande sous-maxillaire chez un embryon humain de 42 jours en coupe frontale au niveau du plancher de la bouche (× par 160). SM : bourgeon sous-maxillaire. On distingue encore sur cette coupe le nerf lingual (L) et l'ébauche du ganglion sous-maxillaire (GM).

Fig 34 :

Fig 34 : Schéma de l'ébauche du développement de la base du crâne cartilagineuse chez un embryon de 50 jours. mes : mésethmoïde. co : capsule optique. bs : basi-sphénoïde. oc : occipital. T : télencéphale. M : mésencéphale. R : rhombencéphale.

Fig 35 :

Fig 35 : Schéma du développement de la base du crâne cartilagineuse chez un foetus de 10 semaines. mes : mésethmoïde. co : capsule optique. bs : basi-sphénoïde. oc : occipital. T : télencéphale. M : mésencéphale. R : rhombencéphale.

Fig 36 :

Fig 36 : Tête d'un foetus humain de 12 semaines en coupe sagittale. Cette macrophotographie objective la présence de la plaque cartilagineuse basale du crâne. M : mésethmoïde. BS : basi-sphénoïde. O : occipital.

Fig 37 :

Fig 37 : Schéma représentant l'origine du squelette facial. Les structures naso-fronto-prémaxillaires et les incisives ainsi que le frontal ont pour origine la crête neurale antérieure mésencéphalique. Les structures squelettiques maxillo-mandibulo-zygomatiques ont pour origine la crête neurale rhombecéphalique.

Fig 38 :

Fig 38 : Les os du squelette du massif facial ont pour origine la crête neurale. Il existe une participation des cellules de la crête neurale à la formation du temporal, de la grande aile du sphénoïde et du frontal. Les cellules des crêtes neurales participent encore à la formation de l'apophyse styloïde et de l'os hyoïde. 1 : frontal, 2 : nasal, 3 : inguis, 4 : prémaxillaire, 5 : postmaxillaire, 6 : dentaire, 7 : malaire, 8 : sphénoïde, 9 : temporal, 10 : pariétal, 11 : pétreux, 12 : occipital, 13 : hyoïde et styloïde, 14 : cartilages laryngiens.

Fig 39 :

Fig 39 : Radiographie du squelette céphalique d'un foetus de 5 mois, objectivant déjà l'évolution de la minéralisation squelettique.

Fig 40 :

Fig 40 : : Radiographie du squelette céphalique d'un foetus de 6 mois, objectivant l'importance de l'ossification des os de membrane tant périencéphaliques que faciaux. vue de profil.

Fig 41 :

Fig 41 : Radiographie du squelette céphalique d'un foetus de 6 mois, objectivant l'importance de l'ossification des os de membrane tant périencéphaliques que faciaux. vue de face.

Fig 42 :

Fig 42 : Schéma du développement de la région temporo-mandibulaire chez le foetus.

Fig 43 :

Fig 43 : Coupe sagittale de la région temporo-mandibulaire et tympanique d'un foetus de 5 mois. Cette coupe objective la continuité entre le ménisque, le ligament tympano-malléolaire antérieur et ainsi la large communication entre la caisse du tympan et les espaces périarticulaires temporomandibulaires. C : condyle. M : marteau. E : enclume. LT : ligament tympano-malléolaire antérieur. ME : ménisque.

Fig 44 :

Fig 44 : Coupe sagittale du premier arc d'un foetus de 11 semaines. A. La coupe passe par l'ébauche de l'articulation temporo-mandibulaire. C : condyle. T : muscle temporal. MA : os malaire. MT : marteau. B. La figure objective le noyau préchondroblastique du condyle (C), le ménisque (ME) et l'ébauche de la racine transverse du zygoma (Z).

Fig 45 :

Fig 45 : L'articulation temporo-mandibulaire chez un foetus de 4 mois. A. Coupe transversale de l'articulation temporo-mandibulaire objectivant le condyle (C), le ménisque (ME), le muscle ptérygoïdien externe (PTE), s'insérant sur le condyle et le ménisque, et la surface articulaire squamosale (S). B. Détails de la région ménisco-condylo-squamosale objectivant la similitude des structures histologiques du ménisque et des surfaces articulaires squamosales et condyliennes.

Fig 46 :

Fig 46 : Analogie de l'articulation temporo-mandibulaire avec une suture mobile.

Fig 47 :

Fig 47 : Origine et développement des neurones entrant dans la constitution des ganglions des nerfs crâniens. Le ganglion de Gasser du trijumeau, le ganglion géniculé du nerf facial, le ganglion jugulaire et pétreux du glosso-pharyngien, le ganglion plexiforme du pneumogastrique ont des neurones dont l'origine est à la fois la placode et la crête neurale rhombencéphalique. Le nerf hypoglosse est un nerf somitique moteur et a pour origine les neuroblastes unipolaires du système nerveux central (tout comme les neurones moteurs entrant dans la constitution des 3e, 4e et 6e nerfs crâniens). Le nerf olfactif, le nerf optique et le nerf acoustique sont des nerfs sensoriels.

Fig 48 :

Fig 48 : Coupe sagittale paralatérale d'un embryon de 30 jours, objectivant la présence des ganglions des nerfs crâniens mixtes. G : ganglion de Gasser. GEN : ganglion géniculé. J : ganglion jugulaire. PL : ganglion plexiforme.

Fig 49 :

Fig 49 : Origine du système nerveux autonome. A. et B. Les neuroblastes multipolaires à phénotype cholinergique dont l'origine est la crête neurale du niveau rhombencéphalique vont former la totalité du système nerveux parasympathique (parasympathique bulbaire (B), système sécrétoire céphalique et plexus nerveux mésentériques intestinaux). Par contre, le système sympathique provient de la crête neurale troncale du 7e au 24e somite. Il est formé de neuroblastes multipolaires à phénotype adrénergique. C. Origine et organisation du sympathique.

Fig 50 :

Fig 50 : Dérivés cervico-thoraciques des crêtes neurales rhombencéphaliques. A. Les parois des arcs aortiques (3e, 4e et 6e) proviennent de la crête neurale rhombencéphalique. La crête neurale entre dans la constitution des parois de l'artère pulmonaire et de l'aorte et participe à la cloison inter-auriculo-ventriculaire. B. La crête neurale rhombencéphalique fournit le mésenchyme entrant dans la constitution des glandes cervicales et thoraciques : parathyroïdes, thyroïde, thymus, et fournit encore les cellules C de la thyroïde à calcitonine, le derme cervical et le corpuscule carotidien.

Fig 51 :

Fig 51 : Contribution des cellules des crêtes neurales aux enveloppes de l'oeil. A. Migration vers la cupule optique, chez l'embryon humain de 30 jours, des crêtes neurales mésencéphaliques et prosencéphaliques. B. Les cellules des crêtes neurales vont former la sclérotique, la choroïde, l'épithélium interne de la cornée et participent aux muscles de l'iris. C. Coupe sagittale de l'ébauche optique d'un embryon humain de 40 jours, objectivant la condensation des cellules de la crête neurale autour de la vésicule optique formée des deux rétines (rétine optique : RO ; rétine pigmentaire : RP).

Fig 52 :

Fig 52 : Schéma de l'origine somitomérique et somitique des muscles céphaliques, de leur innervation et de l'origine présumée de leurs tissus conjonctifs (d'après Noden [83]).

Fig 53 :

Fig 53 : Organisation peaucière de la face et fente labio-maxillaire. A. Le mésenchyme de la crête neurale rhombencéphalique envahit les ébauches faciales à partir du 45e jour, accompagné de l'ébauche nerveuse du nerf facial. Ces cellules vont constituer le mésenchyme du peaucier facial primitif qui apparaît alors dans les régions occipito-frontales, orbitaires, nasales, orbiculaires, buccales et cervicales. B. L'absence de coalescence entre les bourgeons nasaux internes et maxillaires perturbe l'organogenèse musculaire naso-labiale. Les myocytes restent alors « massés » dans le bourgeon maxillaire. C. Architecture musculaire de la fente labio-maxillaire unilatérale : 1. Cartilage alaire. 2. Tubercule latéral de la sous-cloison. 3. Orbiculaire interne. 4. Releveur commun. 5. Transverse du nez. 6. Chef naso-labial de l'orbiculaire. La musculature peaucière se différencie dans la berge externe de la fente. Ce phénomène a pour conséquence une désorganisation des confins musculaires naso-labiaux. Ce schéma fournit l'architecture musculaire de la fente unilatérale labio-maxillaire.

Fig 54 :

Fig 54 : Organisation musculaire dans les fentes labio-maxillaires bilatérales. A. Les bourgeons maxillaires (BM) contribuent à former la lèvre extra-philtrale et le vermillon. B. Représentation schématique de la musculature peaucière naso-labiale en cas de fente labiomaxillaire bilatérale. La musculature faciale naso-labiale provient des myocytes qui migrent latéralement dans les bourgeons maxillaires. T : transversus. B : buccinateur. NL : naso-labial. RC : releveur commun. Or : orbiculaire.

Fig 55 :

Fig 55 : Origine de la couverture épithéliale de la langue : la partie mobile a pour origine l'ectoderme du 1er arc innervé par le trijumeau (Ve paire), celle de la base de langue a pour origine la face endodermique des 2e, 3e et 4e arcs.

Fig 56 :

Fig 56 : Origine du mésenchyme de la langue. Le mésenchyme lingual a une double origine. Il provient de la crête neurale rhombencéphalique et mésencéphalique (A) après migration et des 4 ou 5 premiers somites occipitaux (B) pour les myocytes de la musculature (schéma d'un embryon de 30 jours).

Fig 57 :

Fig 57 : Début de l'oralité motrice du foetus (d'après Nishimura

[80]

).

A. Embryon humain de 50 jours. La langue est dans le stomodéum non encore cloisonné par le palais secondaire (langue : L ; palais secondaire : PS). B. A la fin du deuxième mois, l'ensemble de la mise en oeuvre des activités sensorimotrices de

la nuque contribuant à la déflexion céphalique, de la langue et des premières activités orales permet à la langue d'intégrer la cavité buccale anatomique et d'assurer par ce mouvement relatif la fermeture du palais secondaire (PS).

Fig 58 :

Fig 58 : L'ensemble de l'activité sensorimotrice de l'oralité du foetus (succion et déglutition) est assuré par cinq nerfs du tronc cérébral (trijumeau, facial, glosso-pharyngien, pneumogastrique, hypoglosse).

Fig 59 :

Fig 59 : Pathologie du tractus thyréo-glosse résiduel. 1-4 : trajet du tractus thyréo-glosse résiduel. 2-3 : kyste du tractus thyréo-glosse. 5 : thyroïde linguale.

Fig 60 :

Fig 60 : Evénements biologiques de l'odontogenèse. A. Au 35e jour embryonnaire, les cellules ectomésenchymateuses de la crête neurale viennent en contact avec la basale de l'ectoderme oral. EO : ectoderme oral du premier arc. EM : ectomésenchyme maxillaire de la crête neurale. B. Au 50e jour embryonnaire, apparition de lame primitive ou mur plongeant (MP) correspondant au début de la morphogenèse dentaire ; le mur plongeant est entouré d'une condensation de mésenchyme. EO : épithélium oral. EM : ectomésenchyme. C. La lame dentaire. Début de la formation du bourgeon dentaire (BD). D. Développement de la cupule dentaire au cours du 2e mois. EAI : épithélium adamantin interne. EAE : épithélium adamantin externe. GE : gelée de l'émail. P : ébauche de la papille. E. Formation du germe dentaire au cours du 3e mois : l'organe en cloche. La cytodifférenciation des préodontoblastes (PO) et préadamantoblastes (PA) est très active. P : papille. VX : vaisseaux. F. L'organisation anatomique du germe dentaire correspond à la fin de la cytodifférenciation des protagonistes cellulaires et au début de la minéralisation avec formation des matrices de l'émail et de la dentine.

G. Dépôt de la matrice (M) dans l'espace intercellulaire séparant adamantoblastes (A) et odontoblastes (O). H. Morphogenèse des racines. Les racines se forment à partir de la gaine épithéliale d'Hertwig (H) constituée d'odontoblastes radiculaires (OR). Germes dentaires d'une première molaire lactéale maxillaire à 4 mois.

Fig 61 :

Fig 61 : Schéma des interactions de l'ectomésenchyme de la crête neurale devenant les odontoblastes avec l'épithélium buccal fournissant les adamantoblastes, lors de l'organogenèse dentaire.

Fig 62 :

Fig 62 : Le courant migratoire des odontoblastes de la crête neurale fournissant l'incisive latérale est le plus souvent clivé en deux ébauches dentaires par le défaut de fusion entre le bourgeon nasal interne et le bourgeon maxillaire (responsable de la formation de la fente labio-maxillaire (a et b).

Tableau III. - Kystes, fistules et reliquats embryonnaires originaires de l'appareil branchial. M�senchyme 1er

Arc

- Kyste branchial et dermo�de (plancher buccal et

parotidien) 2e

- Kyste cervical

Arc

Poche ectoblastique - Fistule pr�auriculaire

- Kyste amygdalo�de

- Fibrochondromes pr�tragiens

pharyngien

et jugaux - Fistule auriculoparotidienne - Kyste et fistule du sinus

- Kyste amygdalo�de

cervical

cervical

(cervicoamygdaliens)

- Fibrochondromes cervicaux 3e Arc

- Kyste cervical (r�gion

- Kyste et fibrochondromes de la base du cou

omohyo�dienne) 4e

Arc

Poche entoblastique

- Kyste, fistule - Fibrochondrome pr�sternoclaviculaire

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-001-A-30 – 4-014-C-50

22-001-A-30 4-014-C-50

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant G Couly

Résumé. – La croissance craniofaciale est assujettie à l’expansion volumétrique des organes neurosensoriels de la tête (cerveau, yeux, langue, complexe de la capsule nasale olfactive). Ces organes, portés par le squelette ancien de la base du crâne, d’origine enchondrale, qui agit sur un second squelette superficiel de type membraneux par une expansion adaptée des sutures ou robots adaptables de la squelettogenèse, dont le déterminisme génétique et les facteurs de croissance, qui assurent leur développement, sont aujourd’hui mieux connus. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : croissance craniofaciale, suture, fibroblast growth factor, fibroblast growth factor receptor, transforming growth factor, bone morphogenic protein.

Introduction La tête est constituée de deux régions : le crâne, protégeant le cerveau et la face, comportant les récepteurs neurosensoriels du cerveau (optique, auditif, olfactif, gustatif), ainsi que l’appareil masticateur (os, dents et muscles). La croissance de cet ensemble organique composite est complexe. Les organes en présence ne grandissent pas à la même vitesse. Les squelettes n’ont pas les mêmes origines et fonctions. Le squelette de la base du crâne, d’origine mésodermique, a un rôle de support alors que le squelette superficiel membraneux, spécifique de la tête et originel de la crête neurale, a un rôle de protection et n’est pas, semble-t-il, seul responsable de son développement. Il paraît ainsi assujetti à la croissance volumique des organes qu’il enveloppe ou protège. À la période embryonnaire, au cours de laquelle les organes céphaliques se différencient, succède une période de croissance tissulaire et de maturation fonctionnelle, la céphalogenèse, qui dure du 3e mois fœtal jusqu’à la 20e année. Au début du 3e mois fœtal, les structures et organes céphaliques sont en place : le cerveau et ses récepteurs neurosensoriels faciaux sont élaborés ; les muscles masticateurs pelvilinguaux, oculomoteurs et cervicaux sont différenciés ; les maquettes squelettiques cartilagineuses de la base du crâne et membraneuses superficielles de la face sont présentes [1, 2]. Jusqu’à 6 ans, le pôle céphalique est, topologiquement, une boule en expansion. Le volume de la tête a alors atteint 80 à 90 % de sa valeur. À partir de cet âge, la croissance volumétrique est relayée par les phénomènes d’ostéoarchitecturation d’origine biomécanique et rythmée par la mise en place de la denture adulte et la statique céphalique (fig 1).

Gérard Couly : Professeur, directeur de l’Institut d’embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale pédiatriques, hôpital NeckerEnfants Malades, 149-161, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

1

Développement céphalique du fœtus et de l’enfant. Comparaison entre volumes facial et cérébral chez le fœtus et l’adulte. À la naissance, le volume facial présente 1/8e du volume crânien. En 20 ans, la face triple sa hauteur et double sa largeur. Le cerveau triple son volume entre la naissance et 2 ans. Ce développement massique monofactoriel est terminé entre 3 et 5 ans.

Squelettogenèse et thèque fibropériostée céphalique. Deux squelettes céphaliques CARTILAGE PRIMAIRE, CARTILAGE SECONDAIRE [12, 16, 18, 20]

Le tissu osseux céphalique s’élabore à partir de deux types cellulaires : les chondroblastes des centres de cartilages primaires et les préostéoblastes des sites de cartilages secondaires (ou sutures). Les chondroblastes sont localisés dans la base du crâne et constituent les compartiments de croissance des synchondroses ou centre de croissance, homologues des cartilages de croissance des membres et sensibles, comme eux, aux mêmes influences. Les préostéoblastes des sutures constituent des sites de croissance secondaire du squelette membraneux superficiel. Ce dernier s’élabore dans une enveloppe fibropériostée, formée de l’ensemble des cellules primordiales ostéoformatrices qui constitue chez le fœtus l’ébauche

Toute référence à cet article doit porter la mention : Couly G. Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-001-A-30, Pédiatrie/Maladies infectieuses, 4-014-C-50, 2002, 10 p.

150 577

EMC [313]

22-001-A-30 4-014-C-50

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

2

Les contraintes de compression ou d’étirement transforment le mésenchyme ostéoformateur respectivement en tissu osseux cartilagineux ou membraneux (d’après Kummer et Pauwels).

Tissu osseux (primaire)

Ossification enchondrale

Compression (pression hydrostatique)

Cartilage articulaire

Os secondaire (lamellaire)

Disques et ménisques

Tendon de glissement

Mé se nc hy me

Tissu osseux (primaire)

Tendon Déformation (étirement)

Ossification membranaire

CROISSANCE DU NEUROCRÂNE

[2, 3, 10]

du squelette et qui s’ossifie directement sans étape intermédiaire cartilagineuse. La contiguïté des maquettes cartilagineuses faciales (capsule nasale et cartilage de Meckel) et du squelette membraneux nous suggère qu’il existe un précurseur cellulaire commun aux deux lignées des cartilages primaires et des sites secondaires. Pour Hall [12], les cartilages primaires de la face seraient les initiateurs indispensables à l’ostéogenèse membraneuse. L’unicité originelle des structures squelettogéniques de membrane suggère que l’ensemble du crâne membraneux se forme à partir d’une structure fibropériostée comportant un même précurseur ostéoblastique. Ce serait alors les facteurs biomécaniques locaux (la pression ou la tension) qui transformeraient les compartiments cellulaires squelettoblastiques respectivement en cartilage primaire ou en cartilage secondaire des sutures selon un schéma proposé par Pauwels [17] (fig 2).

Formé d’une base cartilagineuse, ou chondrocrâne, et d’une voûte ostéomembraneuse, le neurocrâne est le squelette de support et de protection de l’encéphale et de ses récepteurs sensoriels. La base du crâne de l’homme passe successivement par les stades embryonnaires mésenchymateux, fœtal cartilagineux, puis osseux. Elle est formée par l’assemblage des régions occipitales, otiques, sphénoïdales et ethmoïdales [9]. La chronologie d’apparition des points d’ossification de la base du crâne cartilagineuse est connue depuis Augier [ 2 ] (tableau I). Entre chacune des régions cartilagineuses de la base qui s’ossifient chez le fœtus persistent des synchondroses qui ont un comportement biologique de croissance bipolaire analogue à celui des cartilages des vertébrés et des membres.

Au cours du 3e mois, l’ébauche du squelette céphalique du fœtus est en place. Il comporte :

Développement rapide du cerveau et des yeux

– un châssis de cartilage primaire ou chondrocrâne, ébauche de la base cartilagineuse du crâne ; celle-ci prolonge en avant les corps vertébraux et comporte latéralement des expansions ou capsules logeant les récepteurs sensoriels optiques, gustatifs, olfactifs et auditifs du cerveau ; – des tiges de cartilage primaire formant le squelette primitif des arcs branchiaux (cartilage de Meckel du premier arc, cartilage de Reichert du second arc) ; – une enveloppe fibropériostée superficielle d’os membraneux, séparés par des sutures, entourant le cerveau et ses récepteurs sensoriels, constituant par là même les os faciaux et périencéphaliques. D’un point de vue systématique, nous envisageons le développement fœtal du squelette céphalique en distinguant le squelette péricérébral ou neurocrâne (base cartilagineuse et voûte ostéomembraneuse) du squelette facial comportant également une partie cartilagineuse (cartilages de Meckel, de Reichert et capsule nasale cartilagineuse), et le squelette membraneux superficiel. 2

La précocité du développement du cerveau et des organes neurosensoriels est prépondérante dans le déterminisme volumétrique de la tête. Chez le fœtus, le développement de la masse cérébrale est très rapide. Pendant la période fœtale, la surveillance de la croissance du diamètre bipariétal est une préoccupation des échographistes. Après la naissance, le cerveau a encore une croissance volumétrique très importante puisqu’il double son volume entre la naissance et 6 mois, et le triple entre la naissance et 2 ans. Cette expansion volumétrique et ses caractéristiques biométriques sont utilisées après la naissance par les pédiatres pour surveiller mensuellement le développement cérébral. Classiquement, il n’y a plus de croissance cérébrale après 4 ou 5 ans. L’augmentation faible du périmètre crânien constatée après cet âge devient asymptomatique jusqu’à 20 ans et est due à plusieurs phénomènes : diploétisation des os du crâne qui augmentent d’épaisseur, pneumatisation du frontal à partir de 10 ans, augmentation du volume du muscle temporal à partir de la molarisation adulte vers 6 ans et épaississement du tégument céphalique, en particulier l’hypoderme. La masse cérébrale en croissance a, sur son enveloppe

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

Tableau I. – Âge d’apparition des centres céphaliques d’ossification cartilagineuse et membraneuse chez l’embryon et le fœtus (d’après Augier [2]). 30e jour

60e jour

90e jour

Centres osseux de la base du crâne • Occipital

- sus-



- exo-



• Temporal

Synchondrose du sphénoïde Ces synchondroses vont persister à la naissance entre les pièces primitives du sphénoïde, c’est-à-dire le basisphénoïde, ou corps, les alipostsphénoïdes, ou grandes ailes et aliprésphénoïdes, ou petites ailes. Ces synchondroses ont disparu vers la fin de la première année. Cartilage sphénoethmoïdal

- basi• Sphénoïde

22-001-A-30 4-014-C-50

Ce cartilage n’est pas une synchondrose, il provient de l’ossification de substitution de la partie postérieure de la capsule nasale et devient les lames orbitaires du frontal.



- basi-



- alipost-



- alipré-



(pétreux)



• Ethmoïde

•–

Capsule nasale embryonnaire et chondroethmoïde du fœtus

[2, 5, 8]

(fig 3)

Centres ostéomembraneux - Mandibule



- Articulation temporomandibulaire - Prémaxillaire et postmaxillaire - Malaire

• • •

- Squamosal



- Tympanal



- Frontal



- Pariétal



- Ptérygoïde



- Palatin



- Vomer



- Nasal



- Lacrymal



ostéo-fibro-périostée, une action déterminante expansive dont la réponse est assurée par la croissance des sutures crâniennes ou site de croissance. Les yeux ont une évolution volumétrique équivalente à celle du cerveau puisque la fin de leur croissance a lieu vers 4 ou 5 ans.

Biologie et topographie des synchondroses de la base du crâne [1, 2, 3, 9]

Le rôle des synchondroses, ou cartilages primaires, est déterminant pour la croissance sagittale et transversale de la base du crâne et, par voie de conséquence, pour celle de la face. Elles disparaissent à des époques variables de la vie fœtale et postnatale. Synchondroses de l’occipital Les deux synchondroses exo-sus-occipitales disparaissent au cours de la 3e année. Les deux synchondroses basi-exoccipitales persistent jusqu’à 10 ans. La synchondrose sphéno-occipitale ne disparaîtra qu’à 20 ans. Elle assure la croissance sagittale de la base du crâne. Sa synostose contribue à la soudure des corps de l’occipital et du sphénoïde. Les synchondroses occipitales témoignent de l’origine plurivertébrale de celui-ci. Synchondroses du temporal L’os temporal est formé d’une partie cartilagineuse, ou os pétreux, et de deux os membraneux : le tympanal et le squamosal. Les synchondroses entre le pétreux et l’occipital d’une part et la grande aile du sphénoïde d’autre part se ferment entre 1 et 3 ans.

La capsule nasale est une structure cartilagineuse primaire des confins craniofaciaux du fœtus et du jeune enfant. C’est le squelette cartilagineux primordial de la face. Chez le fœtus de 4 mois, la capsule est formée d’un massif facial cartilagineux creusé de deux structures tubulaires à section ovalaire, séparée par une épaisse lame médiane préfigurant le septum du nez. En arrière, la capsule nasale se continue par le cartilage sphénoethmoïdal et par le chondrosphénoïde. La capsule nasale embryonnaire est l’ébauche du chondroethmoïde, c’est un organe dont la croissance cartilagineuse primaire est très active chez le fœtus. Dans sa périphérie et au contact du feuillet externe du périchondre vont se former les ébauches des os propres du nez, des os frontaux, les unguis et les deux prémaxillaires. Les documents histologiques démontrent que, pendant la vie fœtale et jusqu’à 2 ans, le chondroethmoïde est le véritable squelette facial de l’enfant. Il porte, puis positionne les pièces squelettiques membraneuses naso-fronto-prémaxillaires et orbitaires internes. L’évolution du chondroethmoïde fœtal est complexe. Dans le massif chondroethmoïdien, il est classique de distinguer trois structures qui n’ont pas le même comportement biologique de croissance. L’une est médiane, c’est le mésethmoïde (septum et ses ailerons latéraux, cartilages triangulaires, cartilages alaires) dont la croissance et l’ossification durent 20 à 25 ans. Les deux autres structures sont latérales, ce sont les ectethmoïdes, à vocation olfactive, formant les masses latérales et les lames criblées dont les rapports supérieurs se font avec les nerfs olfactifs. Le mésethmoïde cartilagineux a, pendant les 4 à 5 premières années, période au cours de laquelle se forme l’épine nasale du frontal, une action de propulsion et de positionnement sur les os nasaux frontaux et prémaxillaires, contribuant ainsi à la formation du sinus frontal dont les conditions d’apparition sont, semble-t-il, assujetties au clivage à partir de 6 ans entre les deux tables de l’os frontal. La table interne reste au contact de la dure-mère du cerveau qui a terminé son développement volumétrique alors que la table externe subit le mouvement de propulsion du mésethmoïde ; le clivage entre les deux tables du frontal fait apparaître un espace colonisé par les cellules aériennes de l’ethmoïde. Le septum mésethmoïdien est envahi progressivement par l’ossification : – centre de la crista galli à la naissance ; – centre septal médian au cours des 4 premières années ; – ossification enchondrale dans la partie basse prémaxillaire. Le septum cartilagineux encadré par les deux lames vomériennes constitue, les 4 à 5 premières années, une structure composite proche sur le plan biomécanique du contre-plaqué qui pourrait jouer un rôle primordial dans l’amortissement et la stabilité du massif facial lors de la succion et lors de la mise en jeu des contraintes de mastication. 3

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

22-001-A-30 4-014-C-50

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses 4

4

* B

2 1

3

* C

* A 1

* D 3 Mésethmoïde et son rôle dans la croissance naso-fronto-prémaxillaire et la pneumatisation du frontal. A. Mésethmoïde fœtal (M). Coupe frontale à 5 mois. B. Le mésethmoïde détermine la distance entre les deux branches montantes maxillaires et ainsi la distance intercanthale interne, et la hauteur du massif facial fixe.

C. Le mésethmoïde propulse les os propres du nez (1) et la partie basse des os frontaux (2) et tracte le prémaxillaire (3) ; poussée du cerveau (4). D. Formation du sinus frontal à partir de 6 ans. Lors de l’arrêt de la croissance cérébrale, la table interne du frontal reste au contact de la dure-mère. La continuité de la poussée de croissance du mésethmoïde fait apparaître différentiellement le sinus frontal (1) par clivage entre les tables interne et externe du frontal.

Squelette facial

puis ostéocytes. En bordure de la suture, de nombreuses cellules de type chondroïde forment ce cartilage secondaire. La région centrale de la suture présente des aspects histologiques de mort cellulaire où l’on identifie parfois l’existence d’une zone vasculaire réalisant l’aspect d’une véritable fente articulaire. De nombreuses fibres de collagène sont tendues d’une berge chondroïde à l’autre de la suture. Elles sont de type tendineux, adaptées biomécaniquement à l’étirement. Elles se continuent du reste sans transition avec les périostes superficiel et profond de surface. Un certain régime de tension et d’étirement doit régner dans la suture pour maintenir cet aspect histologique. Ce régime se maintient pendant la croissance des organes céphaliques, c’est ce qui se passe par exemple pour le système sutural crânien lors de la croissance cérébrale pour lequel le périoste profond est la dure-mère. Vers 4 ans, lorsque la croissance volumétrique du cerveau se termine, le nombre des mitoses de la partie centrale des sutures diminue également, faute de sollicitation, et l’ossification marginale finit par envahir l’espace sutural précédemment en activité. La suture se ferme progressivement par indentation et s’engrène. Les os de la voûte ont alors terminé leur développement de surface de manière adaptée au volume cérébral et protègent le cerveau. Ils vont alors débuter une nouvelle période biologique, celle de leur diploétisation par l’action biomécanique des contraintes de la mastication. La suture membraneuse apparaît ainsi comme un robot biologique asservi à l’expansion volumétrique des organes neurosensoriels de la tête. La croissance de la suture et son ossification semblent être deux phénomènes biologiquement indépendants [17] . Les histoires naturelles de la pathologie du développement du crâne cérébral abondent en exemples étayant cette dépendance expansive du développement biologique des sutures. Déjà signalées par Augier [2] , puis par Delaire [11] , les anomalies du développement cérébral (en excès par hydrocéphalie, en défaut par microcéphalie, ou par anomalies asymétriques unilatérales cérébrales) entraînent des anomalies concomitantes et conjointes volumétriques des os du crâne. Les os de la voûte

Le squelette facial comporte également deux précurseurs : – l’un cartilagineux primaire, ou chondrocrâne facial, est représenté par le mésethmoïde qui persiste et le cartilage de Meckel qui se résorbe ; – l’autre est ostéomembraneux de topographie superficielle et forme le squelette facial proprement dit. Ce dernier croît à partir d’un système de sutures ou site de croissance riche en ostéoblastes appartenant à la thèque superficielle fibropériostée. SUTURE OU SITE DE CARTILAGE SECONDAIRE, ROBOT DE LA CROISSANCE MEMBRANEUSE [4, 10, 11, 12, 13, 16, 18, 19, 20]

Des travaux expérimentaux et des études génétiques récentes ont été consacrés au comportement biologique de la suture membraneuse céphalique en activité (qu’elle soit crânienne ou faciale). Des descriptions histologiques et une proposition de modèle de développement par signaux génétiques ont été fournies. L’existence de mort cellulaire a été mentionnée par Ten Cate [20] lors de la mise en tension de la suture. Les sutures de la face (comme du reste les sutures du crâne) n’ont pas d’activités spontanées de croissance et d’ossification. Pour qu’elle les présente, la suture doit être mise en tension. Ce stimulus biomécanique est lui-même la conséquence de poussées organiques sous-jacentes ou de contrainte expansive engendrée par un flux [15]. La réponse histologique de la suture à l’étirement se caractérise par l’expression de nombreuses mitoses cellulaires dans la partie centrale. Ces cellules ont l’apparence de fibroblastes. L’importance quantitative de ces mitoses assure l’élargissement de la suture. Les cellules les moins jeunes, constituant le cartilage secondaire de la suture proprement dite, cellules précurseurs de l’ossification, se retrouvent alors sur les bords de celle-ci où existe une ossification marginale sériée : ostéoblastes 4

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

Croissance faciale et croissance crânienne

12 11 10 9

ORGANES CÉPHALIQUES SUSCITANT LA CROISSANCE MEMBRANEUSE DE LEUR SQUELETTE DE PROTECTION [8, 10, 15, 18, 19]

1

Le squelette ostéomembraneux céphalique subit pendant les périodes fœtales et postnatales les poussées conjointes et sousjacentes d’organes, moteurs uniques de la croissance ostéomembraneuse adaptables. Ces poussées sont doubles et combinées :

2 3

4 5

8 7 6

4 Les os membraneux et cartilagineux du crâne, de la face, ainsi que l’os hyoïde ont pour origine la crête neurale céphalique (en grisé sur le dessin). 1. Nasal ; 2. lacrymal ; 3. zygoma ; 4. maxillaire ; 5. mandibule ; 6. os hyoïde ; 7. occipital ; 8. temporal ; 9. squamotemporal ; 10. sphénoïde ; 11. pariétal ; 12. frontal. paraissent ainsi des marqueurs qualitatifs et quantitatifs de la croissance cérébrale. Les sutures elles-mêmes peuvent présenter des anomalies de leur comportement biologique, en particulier, ne pas avoir de réponse mitotique lors de leur mise en tension. Ainsi est constitué le riche domaine séméiologique des craniosténoses, associées du reste à d’autres sténoses des sutures faciales. L’ensemble des os de membrane du crâne et de la face, leurs sutures de croissance (ainsi que la dure-mère) sont issus de la crête neurale céphalique, qui n’expriment aucun gène Hox (fig 4, 5, 6). Des gènes de développement et des facteurs de croissance ont été identifiés comme intervenant lors du développement embryonnaire et du fonctionnement biologique de la suture. MSX2 dont l’expression est régulée par BMP4, intervient dans la régulation de fibroblast growth factor 2 (FGF2), Twist et transforming growth factor 2 (TGF 2) [16]. La figure 7 résume l’expression des différents gènes et facteurs de croissance mis en évidence lors des différentes étapes du développement de la croissance et de l’ossification des sutures, comme site de croissance adaptable.

* A 5

22-001-A-30 4-014-C-50

A. Squelette membraneux céphalique d’un fœtus de 7 mois et demi. a. Frontal ; b. pariétal ; c. squamosal ; d. grande aile du sphénoïde ; e. malaire ; f. postmaxillaire ; g. prémaxillaire ; h. mandibule. Les os membraneux céphaliques ont été artificiellement assemblés. B. Sutures craniofaciales chez le fœtus et le nouveau-né.1. Fontanelle antérieure ; 2. suture coronale entre frontaux et pariétaux ; 3. suture sagittale entre les

– les unes ont pour origine la base du crâne et le squelette cartilagineux branchial, ce qui assure ainsi le positionnement spatial du futur squelette membraneux fœtal ; – les autres, organofonctionnelles, de nature biomécanique par étirement, proviennent des poussées de croissance centrifuge et conformatrice de la masse de l’encéphale, des yeux, des muscles masticateurs, de la langue. Ces organes sont responsables de la croissance adaptée des pièces membraneuses qui entrent dans la constitution de leur espace de protection. Il faut ainsi souligner la passivité et la plasticité des os membraneux, fraction ajustable du squelette céphalique et facial. Ce dernier n’a pas l’initiative de sa croissance, mais est le vassal des poussées organiques sous-jacentes. Le système nerveux central et ses récepteurs sensoriels, de même que le comportement neuromusculaire apparaissent ainsi comme les principaux instigateurs du développement céphalique. Le squelette membraneux facial, issu lui-même de l’étape de la neurulation puisque formé de cellules neurales en fin de migration, reste encore, au cours de son étape de croissance, asservi au système nerveux et conserve ainsi sa caractéristique neurale [9]. RÔLE DE LA BASE DU CRÂNE ET DES SYNCHONDROSES [3]

D’origine cartilagineuse, la formation de la base du crâne est réglée par le programme génétique. Son développement et sa croissance, sous la dépendance des synchondroses, sont contrôlés par les

* B pariétaux ; 4. suture lambdoïde entre les pariétaux et l’occipital ; 5. suture et fontanelle bregmatiques ; 6. suture métopique entre les frontaux ; 7. suture entre pré- et postmaxillaires ; 8. suture interpariétosquameuse ; 9. suture maxillomalaire ; 10. suture zygomatomalaire ; 11. suture frontomalaire ; 12. suture nasomaxillaire ; 13. suture frontonasale ; 14. suture médiomentonnière.

5

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

22-001-A-30 4-014-C-50

1

2.3

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

5

4

6

* B

Étirement

6

A. Suture métopique du fœtus de 8 mois en coupe transversale. B. Événements cellulaires lors de la mise en tension de la suture. 1. Mitoses de fibroblastes dans les bords de la suture ; 2. ossification de membrane directe des ostéoblastes puis ostéocytes ; 3. formation osseuse ; 4. région centrale de la suture où siègent de nombreuses morts cellulaires ; 5. fibres de collagène avec cellules fibroblastiques jeunes formant la thèque fibropériostée ; 6. téguments de couverture (peau).

* A 4

4 2

1

3

6

3 2

2

2

2

2

2

2

4 FGFR

BMP

FGF

MSX

B1B2 B3

1.2.3

2.4.7

2.9

12

gène Twist

2 Ostéoblastes

3 Front d'ossification des ostéocytes

2 4

Ap

CBFA1

Collagène I II III

6

3 5 3 2

* A

TGF

1 Suture en formation

6

6 2

2

IGF

* B

7

Composants et acteurs moléculaires d’une suture céphalique en croissance (A) et au cours de la fermeture (B). A. Suture en croissance. 1. Centre mitotique de la suture, siège d’apoptose cellulaire ; 2. couche de précurseurs ostéoblastiques ; 3. fronts d’ossification marginale ; 4. périostes superficiels et profonds (ou duremère s’il s’agit d’os crâniens) ; 6. os formé des pièces d’os de membrane. B. Suture en cours de fermeture en 5. C. Facteurs de croissance et de transcription, récepteurs et composants de la matrice extracellulaire qui sont exprimés ou identifiés lors des différents stades de développement de la suture. TGF : transforming growth factor ; FGFR : fibroblast growth factor receptor ; BMP : bone morphogenic protein ; FGF : fibroblast growth factor ; IGF : insulin-like growth factor ; BSP : test de la bromesulfonephtaléine.

4 Dure-mère ou périoste

5 Suture en cours de fermeture ou fusion

6 Os membraneux

BSP I et II

mêmes molécules (facteurs de croissance et hormones) que celles qui interviennent dans le squelette. Les forces mécaniques dans les normes physiologiques seraient sans action sur elle. Les deux capsules orbitaires du chondrosphénoïde positionnent dans l’espace les apex des cônes orbitaires. Les deux capsules otiques, futurs os pétreux des temporaux, positionnent les os membraneux, squamosaux et du même coup les condyles de la mandibule. En somme, la base du crâne cartilagineuse assure en partie le positionnement spatial des pièces membraneuses de recouvrement céphalique. Ce type de relation est aujourd’hui inconnu. La fin de la croissance de la base du crâne confère à cette dernière sa forme héréditaire et impose ainsi à la voûte sur laquelle 6

* C elle s’implante sa forme brachycéphale ou dolichocéphale. Elle confère encore à la face son profil nasomaxillaire et son diamètre transversal. OS MEMBRANEUX DE LA VOÛTE CRÂNIENNE

La voûte du crâne est constituée par juxtaposition d’os de membrane dont l’ossification apparaît en plein mésenchyme sans modèle cartilagineux préexistant. Ces os membraneux sont séparés par des sutures et présentent sur leurs bords des sites de croissance secondaire qui leur permettent de croître en surface puis de s’ossifier de manière adaptée à la croissance volumétrique du cerveau. Les pièces osseuses membraneuses complètent le squelette d’origine

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

22-001-A-30 4-014-C-50

Tableau II. – Chronologie de l’ossification de la capsule nasale et des os membraneux à son contact. Âge supposé 30e jour 40e jour 60e jour

Longueur vertex-coccyx

90e jour 120e jour

10 mm 15 mm 25 mm 30 mm 34 mm 36 mm 70 mm 130 mm

5 mois

150 mm 158 mm 200 mm

Naissance 3e mois 1re année 2e année 2 - 4 ans 18 ans

Date d’apparition des os de membrane au contact du nez cartilagineux

Devenir osseux enchondral de la capsule nasale - Apparition des capsules nasales

Pré- et postmaxillaires Frontal, palatin Vomers Nasal Lacrymal Union des vomers et du centre paraseptal vomérien - Début de l’ossification des masses latérales ethmoïdes (ectethmoïde) : - cornet inférieur - bulle ethmoïdale - cornet moyen - Début ossification de l’uncus - cornet supérieur - lame papyracée - lame criblée (ectethmoïde)

Union des masses latérales Début de l’ossification de la crista galli (mésethmoïde) Fin de l’ossification des lames criblées Début de l’ossification de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde (mésethmoïde) Soudure des vomers et de la lame perpendiculaire

cartilagineuse de la base pour réaliser le squelette encéphalique. Ces os sont les frontaux droit et gauche, les pariétaux droit et gauche, les squamosaux droit et gauche.

Croissance du massif facial Ce squelette membraneux est soumis à l’effet du développement organique des yeux, de l’ethmoïde cartilagineux, de la langue, et de la loge masticatrice avec une chronologie particulière puisque, parmi ces conformateurs organiques, ce sont les yeux qui ont terminé le plus précocement leur croissance. RÔLE DES GLOBES OCULAIRES

Union des frontaux

masses latérales, finissent leur croissance et ossification vers 4 ans, en déterminant la position des deux os planum et par conséquent, la distance entre les deux contenus orbitaires appréciée par la distance intercanthale, celle-ci étant ainsi biométriquement déterminée par le chondrocrâne. Le mésethmoïde [5] est une puissante structure médiane comportant des ailerons cartilagineux latéraux ayant une action de « bélier » sur le massif naso-fronto-prémaxillaire et palatin en refoulant la table externe du frontal, les os propres du nez tractant les branches montantes des prémaxillaires et le prémaxillaire lui-même. Cette action expansive stimule l’ensemble des sutures membraneuses séparant ces os et détermine par voie de conséquence le profil nasofrontal.

[21]

Les globes oculaires en croissance chez le fœtus et jusqu’à 5 ans ont une action expansive sur la partie membraneuse de leurs orbites : le malaire, le frontal, le maxillaire, l’unguis, l’apophyse pyramidale du palatin. Cette croissance volumétrique ajustée est assurée par les sutures frontomalaire, sphénomalaire, maxillo-unguino-ethmoïdale et sphénofrontale. L’action expansive du contenu orbitaire sur la grande aile du sphénoïde, synchondrofibrose, semble être le positionnement angulaire de celle-ci par rapport à l’axe antéropostérieur du crâne. Les microphtalmies par embryopathie ou fœtopathie s’accompagnent de micro-orbitisme volumétrique conjoint. Les prothèses expansives, mises en place par Rodallec dans les orbites trop petites chez les nourrissons atteints de microphtalmie afin d’augmenter leur contenance volumétrique, objectivent que la fraction ajustable du squelette orbitaire est bien la partie membraneuse. Celle-ci demeure chez le jeune enfant apte à la réponse expansive de la prothèse tant que le système sutural le permet. À l’inverse, les tumeurs congénitales du globe oculaire (rétinoblastome) s’accompagnent d’orbites volumétriquement monstrueuses constatées dès la naissance et correspondant à l’hyperstimulation de ce même système sutural. RÔLE DE L’ETHMOÏDE CARTILAGINEUX FŒTAL ET POSTNATAL (tableau II)

L’ethmoïde cartilagineux est un puissant organe centrofacial constituant la charpente primitive de la face et de l’étage antérieur de la base du crâne. Il est formé des deux ectethmoïdes droit et gauche et du mésethmoïde médian. Les ectethmoïdes, ou futures

ACTION DU FLUX AÉRIEN

[14]

Les résultats expérimentaux concernant l’action du flux aérien sur la croissance nasomaxillaire sont contradictoires. Il semble malgré tout que le flux aérien nasal auquel la fosse nasale membraneuse s’oppose par une compliance bien réelle dont la valeur est de 2 cm d’eau/s ait une action lentement expansive sur le segment inférieur de celle-ci, c’est-à-dire sur le plancher narinaire et la région de la fosse nasale correspondant au méat inférieur. Les enfants atteints d’imperforation congénitale unilatérale des choanes et non opérés présentent des défauts du développement de la partie pelvienne de la fosse nasale homolatérale. LANGUE, CROISSANCE FŒTALE ET POSTNATALE DU PALAIS DES MAXILLAIRES

¶ Palais, procès alvéolaire global

[7]

(fig 8)

La langue dans la bouche est une proie des dents. Elle défend âprement son territoire oral en entrant en conflit avec la face interne de celles-ci. Du fait de sa constitution histologique, équivalente à celle de la fibromuqueuse gingivale, et de sa structure osseuse spongieuse, proche de celle de l’alvéole, l’ensemble anatomique constitué par la voûte palatine osseuse et sa fibromuqueuse nous paraît proche globalement du procès alvéolaire dont il partage la très grande plasticité. On comprend alors que cet ensemble palatin puisse supporter en se conformant les contraintes de pression de la langue lors de la succion (0,5 kg/force) en prenant un profil sagittal concave qui épouse harmonieusement la convexité complémentaire 7

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

22-001-A-30 4-014-C-50

1

4 2 3

3

2 1 5

* A 8

* B

Croissance, positionnement et conformation du palais. A. Les six pièces constitutives du palais fœtal et du nourrisson et leurs systèmes suturaux. B. Schéma explicitant les actions conjuguées que subissent les pièces squelettiques du palais : prémaxillaire (1), postmaxillaire (2), palatin (3). Ces actions sont la traction et le positionnement spatial par le mésethmoïde (4) et la conformation fonctionnelle par le massif musculaire lingual (5).

linguale. Ce phénomène est ainsi mis en jeu régulièrement lors de la succion fœtale et, évidemment, lors de la succion postnatale.

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

fonction, portés par cet os. Ces muscles sont ceux de la langue et de la propulsion mandibulaire mis en jeu lors des séquences orales de succion et déglutition chez le fœtus et le nourrisson, puis ceux de la régulation oropharyngée de la ventilation à partir de la naissance puis lors de l’avènement de la praxie orale à la cuillère et de la mastication en denture de lait puis adulte. La croissance mandibulaire est encore médiatisée par les gaines périostées sur lesquelles s’insèrent les muscles masticateurs. La mandibule acquiert à partir de 6 ans une architecture diploétique dans les tables de laquelle s’individualisent progressivement des zones de renfort, ou piliers haversiens, d’os compact suscitées par les contraintes de la mastication à amortir, minimiser et transmettre.

Centres de croissance à cartilage secondaire de la mandibule Il est classique de distinguer, outre le centre de croissance cartilagineux secondaire du condyle, des centres moins bien individualisés, caractérisés par la présence de tissus cartilagineux secondaires très actifs mitotiquement correspondant aux insertions musculopériostées mandibulaires. Ce sont : – le centre angulaire correspondant au couple musculaire massétéroptérygoïdien interne ; – le centre coronoïdien, région d’insertion du tendon du temporal ;

RÔLE DE LA LOGE MASTICATRICE

L’ensemble de la musculature masticatrice (muscles élévateurs et leurs espaces graisseux de glissement) a, par l’intermédiaire de ses périoste et aponévrose d’insertion, une action de positionnement sur l’os malaire et l’arche zygomatique avant même leur action d’architecturation sur ces mêmes os. C’est le muscle temporal qui assure avant tout cette action sur le complexe squelettique zygomato-malo-squamosal, par le biais des sutures zygomatomalaires, sphénomalaires sphénosquamosales. La croissance squelettique de cet ensemble contribue à l’élargissement du canal temporal. Les séquelles de poliomyélite unilatérale du trijumeau de l’enfance s’accompagnent d’atrophie musculaire masticatrice et d’un très important défaut de développement squelettique du canal temporal et de la mandibule. RÉSORPTION FŒTALE DU CARTILAGE DE MECKEL

Le cartilage de Meckel est le premier squelette de l’arc mandibulaire. Sa partie dorsale devient le marteau et l’enclume. Ceux-ci vont, après ossification, constituer avec l’étrier dans la caisse du tympan la chaîne ossiculaire de l’audition. Le reste du cartilage, flanqué en dehors de l’os membraneux dentaire, ou mandibule, se résorbe progressivement par mort cellulaire et disparaît vers le 6e mois fœtal. Une partie tout antérieure de ce cartilage est incorporée dans la symphyse de la mandibule par calcification. Le cartilage de Meckel n’a qu’un rôle très limité dans la croissance mandibulaire, essentiellement de type membraneux. CROISSANCE FŒTALE ET POSTNATALE DE LA MANDIBULE [6, 18, 19]

La mandibule, ou os dentaire, supplée progressivement pendant la vie fœtale le cartilage de Meckel, squelette primitif du premier arc qui se chondrolyse vers 6 mois. La mandibule est un os d’origine membraneuse dont la croissance est réalisée par du tissu cartilagineux secondaire. Après la période d’organogenèse (les 2 premiers mois embryonnaires), au cours de laquelle se forme la future branche horizontale au contact du périchondre externe du cartilage de Meckel et s’individualise le centre cartilagineux secondaire du condyle, la croissance fœtale et postnatale de la mandibule apparaît comme un phénomène secondaire, sans autonomie propre. Cette croissance est suscitée directement ou indirectement par l’ensemble des gaines périostées des muscles en 8

– le centre de la symphyse sur lequel s’insèrent les muscles digastriques et les muscles géniens ; ce centre interposé entre les deux maquettes osseuses mandibulaires a disparu vers la fin de la première année, ce qui assure la fusion de celles-ci ; – le centre de la branche horizontale et son périoste de recouvrement.

Cartilage secondaire condylien et succion [6, 8]

Le fœtus est équipé d’un appareil suceur très précocement opérationnel. Les muscles de la langue, ceux du revêtement oral (orbiculaire des lèvres et buccinateurs), du plancher buccal, et les propulseurs de la mandibule (les muscles ptérygoïdiens externes) assurent la capture et la vidange du mamelon ou de la tétine à partir de la naissance. La déglutition qui succède à la succion met en jeu le péristaltisme pharyngien. La majeure partie des nerfs du tronc cérébral participe au fonctionnement neurophysiologique de la succion-déglutition (nerfs trijumeau, facial, glossopharyngien, pneumogastrique, hypoglosse). Les muscles ptérygoïdiens externes apparaissent ainsi les médiateurs indispensables de la croissance cartilagineuse secondaire du condyle par le biais de la structure fonctionnelle de croissance de celui-ci. En effet, le ptérygoïdien externe s’insère sur le ménisque qui forme une coiffe conjonctive qui s’incruste dans le cartilage condylien en y envoyant des invaginations en « doigt de gant ». Les informations de tension des ptérygoïdiens externes, transmises au ménisque et à sa coiffe conjonctive lors des contractions de celui-ci pendant la succion, constituent un système fonctionnel de croissance qui permet au cartilage condylien secondaire de se développer comme une suture membraneuse en réponse aux tensions locales : mitose des préchondroblastes dans la zone de tension, ossification classique de rattrapage. Le cartilage secondaire de croissance condylien fait ainsi partie d’un ensemble anatomomicroscopique de croissance raffiné. Il se développe comme un cartilage secondaire recevant ses informations de tension de la part de la coiffe conjonctive du ménisque. L’activité de croissance de ce cartilage pendant la vie fœtale est intense, attestée par les études histologiques et par la longueur des travées osseuses formées, visualisées radiologiquement à la naissance. La direction de ces travées est en quelque sorte l’image des déplacements mandibulaires nécessités par les

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

translations antéropostérieures contemporaines des mouvements de succion de la langue. Si, pendant la période de succion postnatale, le cartilage de croissance est encore mitotiquement très actif, à la fin de la 2e année, ce dernier a en revanche pratiquement disparu ; ces constatations plaident en faveur d’une signification ou d’une permanence biologique fonctionnelle de type succionnel de ce cartilage secondaire, l’avènement de la mastication n’étant plus un stimulant de translation et de tension suffisant. Deux applications directes en sémiologie clinique pédiatrique peuvent être proposées : les nourrissons à succion défaillante ou ceux qui sont microglossiques, ont un palais creux et étroit et ces mêmes nourrissons présentent une petite mandibule (rétrognathisme) par défaut de stimulation condylienne mandibulaire. Cette morphologie est également constatée dans le syndrome de Pierre Robin en période postnatale. La mandibule retrouve ensuite une forme et une taille satisfaisantes au gré de la praxie orale de la mastication démontrant ainsi l’importance de la composante épigénétique fonctionnelle périostée du développement postnatal de cet os. La région symphysaire qui a incorporé le cartilage de Meckel pendant la vie fœtale termine sa synostose suturale vers la fin de la première année. La symphyse s’épaissit dans le sens antéropostérieur et les tables externes et internes s’individualisent entre 3 et 6 ans avant l’éruption des incisives adultes. Les branches horizontales augmentent en hauteur et leurs tables s’épaississent entre 3 et 6 ans. L’allongement antéropostérieur des branches horizontales serait la conséquence d’une apposition périostée constante et active au bord postérieur des branches montantes. En somme, après une période fœtale et postnatale brève au cours de laquelle il est possible d’individualiser des centres ostéogéniques propres mandibulaires (le centre condylien secondaire étant le plus indiscutable), la forme finale de la mandibule apparaît asservie et adaptée à la fonction neuromusculaire orale assurée par la langue et l’ensemble de la musculature masticatrice.

Croissance des articulations temporomandibulaires Les articulations temporomandibulaires ont un développement embryologique proche de celui des sutures membraneuses : apposition de deux centres osseux de cartilage secondaire, interposition d’une structure conjonctive méniscale, maillon d’une chaîne de croissance dépendant de facteurs biomécaniques tensionnels générés par les contractions des muscles ptérygoïdiens externes. La physiologie de ces articulations est encore paradoxalement proche d’une pseudarthrose mobile. Au cours de leur croissance, les articulations temporomandibulaires vont s’isoler définitivement du contenu de la caisse du tympan vers la fin de la première année. En effet, le frein méniscal postérieur se continue par le marteau et l’enclume jusqu’à ce que la suture tympanosquameuse se synostose définitivement à cette époque. Ce phénomène est dû à l’origine embryologique branchiale commune des constituants de l’articulation et de la chaîne tympano-ossiculaire. Cette situation embryologique branchiale exceptionnelle explique la gravité des arthrites temporomandibulaires qui compliquent les otites moyennes méconnues de la première année. Le développement rapide du volume cérébral lors des 3 premières années est responsable du passage de la racine transverse du

22-001-A-30 4-014-C-50

zygoma de la position latérocrânienne à la position sousbasicrânienne, ce qui fait réaliser à l’ensemble articulaire une migration relative conjointe sous la base du crâne. Cette situation exceptionnelle permet à l’articulation de se mettre en condition biomécanique d’amortissement des contraintes qu’elle a à supporter à partir de 6 ans par le biais des poutres composites os, muscles de la loge masticatrice (cf l’article 22-000-A-20 de l’Encyclopédie médico-chirurgicale).

Croissance coordonnée du massif facial et de la mandibule. Rôle de l’occlusion dentaire [19]

Pour Pétrovic, la croissance en longueur de la mandibule est assujettie à la position du maxillaire et ce, afin de maintenir la permanence de l’occlusion des dents durant la période d’éruption de celles-ci. Cette permanence constituerait le déterminant fonctionnel essentiel. Cette conception de la croissance régulée de la mandibule à finalité occlusale apparaît très judicieuse ; Pétrovic a fourni un modèle de croissance faciale dont la régulation est de type cybernétique. Ainsi, la croissance du maxillaire supérieur qui porte les dents, lui-même positionné par le chondrocrâne ethmoïdien, informe par le relais musculaire de la langue qui agit comme un comparateur, les muscles masticateurs (principalement les muscles ptérygoïdiens), qui modifient la position de la mandibule, afin de maintenir de manière optimale la qualité de l’occlusion. La modification tensionnelle des muscles masticateurs agit localement sur le système résorption-apposition périostée de l’os mandibulaire. Ce modèle n’est, semble-t-il, plus valable en période antédentaire, ou antéocclusale ; en effet, chez le fœtus et le nourrisson, la croissance en longueur de la mandibule semble assurée par l’intense activité de croissance du condyle par le biais des informations tensionnelles directes des ptérygoïdiens externes mis en jeu lors de la succion. Le degré de liberté de la croissance mandibulaire est alors plus grand à cette période.

Apoptose cellulaire et pathologie du fonctionnement sutural Craniosynostose et mutation du gène « MSX2 » Cette mutation s’accompagne d’une augmentation de cellules ostéogéniques du front d’ossification et d’une réduction du nombre de mort cellulaire ou apoptose de la partie centrale de la suture. Craniosynostose et apoptose cellulaire suturale La mutation de FGFR2 des ostéoblastes des sutures des malades atteints du syndrome d’Apert ou des maladies de Crouzon s’accompagne d’un nombre élevé de morts cellulaires suturales ou apoptoses. Mutations actives des gènes du récepteur FGF Elles sont associées à des fusions suturales rapides et précoces. Dysostose crânienne Elle serait en rapport avec le gène CBFA1.

Références ➤

9

22-001-A-30 4-014-C-50

Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant

Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses

Références [1] Arey LE. Developmental anatomy. Philadelphia : WB Saunders, 1965 [2] Augier M. Développement du squelette céphalique. In : Poirier P éd. Traité d’anatomie humaine. Paris : Masson, 1931 [3] Bosma JF. Development of the basicranium. Bethesda : National Institute of Health, 1976 [4] Chateau M. Orthopédie dento-faciale. T1 : Bases fondamentales, T2 : Diagnostic et traitement. Paris : J Prélat, 1975 [5] Couly G. Le mésethmoïde cartilagineux humain. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1980 ; 81 : 135-151 [6] Couly G. Structure fonctionnelle du condyle mandibulaire humain en croissance. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1980 ; 81 : 152-163 [7] Couly G. Pour une glossologie : gnosies et praxies linguales. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1987 ; 88 : 64-70

10

[8] Couly G. Développement céphalique. Paris : CdP éditeur, 1991 [9] Couly G, Coltey PM, Le Douarin NM. The triple origin of skull in higher vertebrates: a study in quail-chick chimeras. Development 1993 ; 117 : 409-429 [10] Delaire J. Orthopédie dento-faciale. T1 : Bases fondamentales. Paris : J Prélat, 1976 [11] Enlow DH. The human face. New York : Hoeber, 1968 [12] Hall BK. Cartilage. Development, differentiation and growth. New York : Academic Press, 1963 [13] Le Diascorn H. Anatomie et physiologie des sutures de la face. Paris : J Prélat, 1971 [14] Macnamara JA. Naso-respiratory function and cranio-facial growth. Ann Arbor : University of Michigan, 1979 [15] Moss ML. The primary role of functional matrices in facial growth. Am J Orthod 1969 ; 65 : 556-578

[16] Opperman LA. Cranial sutures as intramembranous. Bone growth sites. Dev Dyn 2000 ; 219 : 472-485 [17] Pauwels F. Biomécanique de la hanche saine et pathologique. Berlin : Springer-Verlag, 1977 [18] Petrovica A, Stutzmann J. Contrôle de la croissance postnatale du squelette facial. Actual Odontostomatol 1979 ; 128 : 811-841 [19] Scott JH. Dento-facial development and growth. New York : Pergamon Press, 1967 [20] Ten Cate AR, Freeman G, Dickinson JB. Sutural development: structure and its response to rapid expansion. Am J Orthod 1977 ; 71 : 622-636 [21] Tessier P, Delaire J, Billet J, Landais H. Développement de l’orbite. Ses incidences sur la croissance faciale. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1965 ; 66 : 27-38

¶ 22-001-B-15

Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire G. Malka, O. Trost, A. Danino, P. Trouilloud Espace ostéo-fascio-cutané incomplètement fermé, la loge submandibulaire se situe aux confins du plancher buccal, des régions supra- et infrahyoïdiennes, carotidienne et mandibulaire. Elle a la forme d’un prisme triangulaire dont la paroi inférolatérale constitue la voie d’abord. La paroi supérolatérale correspond à la mandibule ; la paroi médiale, musculaire, contient les éléments vasculonerveux. Les parois antérieure et postérieure répondent aux pôles de la glande submandibulaire. La loge submandibulaire est essentiellement habitée par la glande submandibulaire ; les principaux éléments vasculonerveux étant les vaisseaux faciaux, les veines linguales, les nerfs lingual et hypoglosse, l’artère linguale. La voie d’abord de la loge submandibulaire traverse successivement la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS), la graisse puis le feuillet superficiel du fascia cervical superficiel contenant la veine faciale. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Loge submandibulaire ; Morphologie ; Rapports anatomiques ; Glande submandibulaire ; Éléments vasculonerveux ; Voie d’abord

Plan ¶ Introduction

1

¶ Situation

1

¶ Forme, orientation et description Paroi inférolatérale Paroi supérolatérale Paroi médiale Paroi postérieure Paroi antérieure

1 2 2 2 2 2

¶ Contenu de la loge submandibulaire Vaisseaux et nerfs Glande submandibulaire

3 3 4

¶ Voie d’abord chirurgicale de la glande submandibulaire

5

■ Introduction La loge submandibulaire est un espace ostéo-fascio-musculaire incomplètement fermé, occupé par la glande submandibulaire. Cette loge se projette superficiellement sur la région suprahyoïdienne latérale de Tillaux, [1] décrite sous le terme de trigone submandibulaire par Sobotta. [2] Elle est limitée en profondeur par le muscle mylohyoïdien qui la sépare du plancher de la bouche.

(qui recouvre la mandibule) et le muscle mylohyoïdien (qui la sépare du plancher de la bouche en dedans et en haut). Superficiellement le trigone submandibulaire répond aux régions voisines : • en avant à la région suprahyoïdienne médiane de Tillaux ; • en bas à l’os hyoïde et à la région infrahyoïdienne ; • en arrière à la région carotidienne et au trigone carotidien délimité par le sterno-cléido-mastoïdien, le ventre postérieur du digastrique et le muscle omohyoïdien ; • en haut, à la région mandibulaire.



Loge submandibulaire aux confins • • • • •

du plancher buccal ; de la région suprahyoïdienne ; de la région infrahyoïdienne ; de la région carotidienne ; de la région mandibulaire.

■ Situation

■ Forme, orientation et description

La loge submandibulaire est palpable entre l’index placé latéralement au niveau du plancher de la bouche et le pouce placé en avant et en dessous de l’angle de la mandibule dans le trigone submandibulaire. Elle se place entre le corps de la mandibule en haut et les deux ventres du muscle digastrique en bas. Elle est dans l’angle dièdre entre le fascia cervical superficiel

La loge submandibulaire s’inscrit dans un prisme triangulaire dont le grand axe est oblique en bas en avant et en dedans. Il présente à décrire trois faces principales (inférolatérale, supérolatérale et médiale), trois arêtes (inférieure, latérale et supérieure) et deux bases (antérieure et postérieure) qui correspondent aux deux pôles de la glande submandibulaire.

Stomatologie

[3]

1

22-001-B-15 ¶ Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire

Paroi supérolatérale

(Fig. 2)

Elle est formée par la face médiale du corps de la mandibule qui présente une dépression au-dessous de la ligne mylohyoïdienne : c’est la fossette submandibulaire, sous-jacente au site d’implantation des trois dernières molaires. En arrière de cette fossette s’insère sur la mandibule le muscle ptérygoïdien médial.

Paroi médiale

Figure 1. Paroi inférolatérale (vue inférieure). 1. Glande submandibulaire ; 2. tronc veineux thyro-linguo-facial ; 3. veine jugulaire interne ; 4. artère carotide commune ; 5. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 6. muscle sternohyoïdien ; 7. os hyoïde ; 8. muscle digastrique ; 9. muscle mylohyoïdien ; 10. artère faciale ; 11. veine faciale.

Paroi inférolatérale

(Fig. 1)

C’est la paroi à travers laquelle se fait l’abord chirurgical de la glande submandibulaire. Elle comprend les plans superficiels avec successivement en allant vers la profondeur : • la peau épaisse mobile, extensible ; • le tissu cellulaire sous-cutané qui communique avec celui des régions voisines. Il comprend successivement : C une couche externe riche en graisse ; C le système musculoaponévrotique superficiel (superficial musculo-aponevrotic system ou SMAS). [4, 5] Individualisé pour la chirurgie des « lifting » cervicofaciaux, il a des dénominations variées : « morphologic unit » pour Skoog, [6], « sliding tectonic plate » pour Lemmon et Hamra ; [7] pour Fontaine il correspond au fascia superficialis dans le dédoublement duquel se trouve le muscle platysma ; [8] C c’est dans l’épaisseur de ce fascia superficialis que se trouvent les vaisseaux et les nerfs superficiels : branches de l’artère submentale (issue de l’artère faciale), veines affluentes de la veine jugulaire antérieure, vaisseaux lymphatiques issus de la face qui rejoignent les ganglions profonds, les nerfs moteurs issus du nerf facial : rameau du cou (ou branche cervicofaciale de la nomenclature française traditionnelle), et les nerfs sensitifs qui rejoignent la branche transverse du plexus cervical superficiel issue de la deuxième racine cervicale ; C une couche interne graisseuse ; • la lame superficielle du fascia cervical s’insère en haut sur le corps de la mandibule, en bas, sur l’os hyoïde, en arrière sur le ligament stylohyoïdien.

(Fig. 3)

Elle s’étend de la ligne mylohyoïdienne de la mandibule en haut, à l’os hyoïde en bas. Elle est limitée en arrière par le ventre postérieur du muscle digastrique qui perfore le tendon du muscle stylohyoïdien au-dessus de la grande corne de l’os hyoïde. Elle est limitée en avant par le ventre antérieur du muscle digastrique qui rejoint la fossette digastrique de la mandibule. Elle est formée par un fascia qui est souvent très fin qui recouvre deux muscles : • le muscle hyoglosse s’insère sur la grande corne de l’os hyoïde en bas, ses fibres ont une direction oblique en haut et en avant et vont rejoindre les autres muscles de la langue. Il disparaît sous le muscle mylohyoïdien avec lequel il ménage un hiatus ; • les fibres postérieures du muscle mylohyoïdien relient la ligne mylohyoïdienne de la mandibule et le corps de l’os hyoïde. Le bord postérieur de ce muscle, oblique en avant et en bas, ménage un interstice avec le ventre postérieur du digastrique. Au fond de cet interstice apparaît le muscle hyoglosse plus profond.



Paroi médiale

• Ventre postérieur du muscle digastrique • Nerf hypoglosse • Muscle mylohyoïdien

Paroi postérieure Elle est formée par le ligament mandibulo-stylo-hyoïdien, fascia ligamentaire tendu entre l’angle de la mandibule et le ligament stylohyoïdien. Ce ligament est mentionné sous le nom de tractus angulaire par Seward en 1968 dans un article concernant la chirurgie de la lithiase de la glande submandibulaire. [9] Il sépare la loge submandibulaire de la loge parotidienne et de la région carotidienne en arrière, et il constitue un repère chirurgical intéressant dans la chirurgie de la région (Shimada) [10], c’est sous ce ligament que se trouve l’artère faciale.



Paroi postérieure

• Ligament mandibulo-stylo-hyoïdien • Surplombant l’artère faciale • Repère chirurgical

“ • • • •

2

Paroi inférolatérale

Peau Tissu cellulaire sous-cutané SMAS : artère et veine submentales Nerf facial (rameau du cou)

Paroi antérieure Elle correspond au ventre antérieur du muscle digastrique dont la disposition peut être variable (Peker). [11] Stomatologie

Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire ¶ 22-001-B-15

Figure 2. A. Paroi supérolatérale (vue médiale). 1. Muscle mylohyoïdien ; 2. mandibule ; 3. peau ; 4. fascia superficialis ; 5. muscle platysma ; 6. os hyoïde ; 7. fascia cervical superficiel : feuillet direct ; 8. fascia cervical superficiel : feuillet réfléchi ; 9. muscle ptérygoïdien médial. B. Paroi supérolatérale (vue médiale). Schéma simplifié. 1. Muscle géniohyoïdien ; 2. muscle mylohyoïdien ; 3. os hyoïde ; 4. glande submandibulaire ; 5. mandibule. C. Paroi supérolatérale (vue supérieure). 1. Muscle mylohyoïdien ; 2. muscle digastrique ; 3. os hyoïde ; 4. glande submandibulaire ; 5. mandibule.

■ Contenu de la loge submandibulaire La glande submandibulaire forme l’élément le plus volumineux de la loge submandibulaire. Avant de décrire cette glande,



Prisme triangulaire

• Paroi inférolatérale = voie d’abord • Paroi supérolatérale, mandibulaire • Paroi médiale musculaire, contenant les éléments vasculonerveux • Parois antérieure et postérieure répondant aux pôles antérieur et postérieur de la glande submandibulaire

Stomatologie

nous envisageons les vaisseaux et les nerfs qui traversent cette loge et constituent les rapports de la glande.

Vaisseaux et nerfs

(Fig. 4)

L’artère faciale naît de l’artère carotide externe dans la région carotidienne. Elle passe sous le ventre postérieur du muscle digastrique et à la face profonde du muscle stylohyoïdien avant de pénétrer dans la loge submandibulaire où elle chemine sur la face profonde de la glande avant d’aller rejoindre le bord inférieur du corps de la mandibule puis la région génienne. Elle donne quatre branches le long de ce trajet : l’artère palatine ascendante qui rejoint le pharynx, l’artère ptérygoïdienne pour le muscle ptérygoïdien interne, l’artère submandibulaire pour la glande submandibulaire et l’artère submentale pour la région submentale. La veine faciale vient de la région génienne, croise le bord inférieur du corps de la mandibule avant de rejoindre la loge submandibulaire ; elle chemine sur la face superficielle de la

3

22-001-B-15 ¶ Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire

Figure 3. Paroi médiale (vue latérale). 1. Muscle stylohyoïdien ; 2. paroi pharyngée ; 3. muscle styloglosse ; 4. muscle digastrique ; 5. muscle hyoglosse ; 6. muscle mylohyoïdien ; 7. muscle géniohyoïdien ; 8. mandibule.

glande submandibulaire puis la face superficielle du ventre postérieur du muscle digastrique. Elle se termine au niveau du tronc veineux thyro-linguo-facial. Les veines linguales superficielles croisent la face latérale du muscle hyoglosse au-dessus de l’os hyoïde, au-dessous du nerf hypoglosse pour aller rejoindre le tronc veineux thyro-linguo-facial. Les vaisseaux lymphatiques sont satellites des veines, drainent la langue, le plancher de la bouche et une partie de la face. Ils se jettent dans deux groupes nodaux : les nœuds lymphatiques préglandulaires, sur la face superficielle de la glande submandibulaire, près de l’artère submentale et les nœuds lymphatiques rétroglandulaires à la face profonde de la glande. Le nerf hypoglosse (XII) passe à la face profonde du ventre postérieur du muscle digastrique pour rejoindre la loge submandibulaire où il chemine sur la face externe du muscle hyoglosse avant de disparaître sous le muscle mylohyoïdien. Le triangle de Pirogoff est formé par le nerf hypoglosse, le bord postérieur du muscle mylohyoïdien, et le ventre postérieur du muscle digastrique : c’est dans ce triangle que se projette l’artère linguale qui est découverte en incisant le muscle hyoglosse au-dessous du nerf hypoglosse.

Glande submandibulaire

(Fig. 5) [12]

C’est une glande salivaire de 6 à 8 g, lobulée, gris rosé, décrite pour la première fois par Thomas Wharton. [13] Elle a classiquement le volume d’une grosse amande, elle est prolongée par une expansion qui occupe l’hiatus entre muscle mylohyoïdien et muscle hyoglosse, c’est à ce niveau qu’émerge le canal submandibulaire qui rejoint le plancher de la bouche puis la base du frein de la langue. Elle présente trois faces principales : • une face supérolatérale qui se moule sur la paroi supérolatérale et une face supéromédiale qui se moule sur la paroi supéromédiale sur laquelle se trouvent le nerf hypoglosse et les veines linguales superficielles ; • la face inférolatérale est en rapport avec les plans superficiels de la voie d’abord de la glande, la veine faciale creuse une gouttière sur cette face ;

4

Figure 4. A. Contenu de la loge submandibulaire (vue latérale). 1. Nerf lingual ; 2. muscle styloglosse ; 3. artère carotide externe ; 4. muscle stylohyoïdien ; 5. artère faciale ; 6. artère carotide interne ; 7. artère carotide commune ; 8. nerf hypoglosse ; 9. muscle digastrique ; 10. muscle mylohyoïdien ; 11. canal submandibulaire ; 12. artère dorsale de la langue (artère ranine). B. Contenu de la loge submandibulaire (vue latérale). SH : muscle stylohyoïdien ; DG : ventre postérieur du muscle digastrique ; HG : muscle hyoglosse ; MYLOH : muscle mylohyoïdien ; GH : muscle génioglosse. 1. Processus styloïde de l’os temporal ; 2. nerf lingual ; 3. nerf hypoglosse ; 4. artère faciale ; 5. artère linguale ; 6. artère carotide externe ; 7. os hyoïde ; 8. ostium du canal de Wharton.

• la face postérieure ou pôle postérieur de la glande correspond au pédicule vasculaire. Elle adhère souvent à l’artère faciale et à la veine faciale à ce niveau. Il convient de contrôler ces deux vaisseaux lors de la chirurgie de cette glande. La glande submandibulaire se draine dans le canal submandibulaire (autrefois de Wharton) qui a un trajet oblique en avant et en dedans. Il croise le nerf lingual qui le cravate de dehors en dedans ainsi que l’artère dorsale de la langue. Il domine alors l’éminence sublinguale pour s’aboucher à l’ostium du canal submandibulaire situé au sommet de la caroncule sublinguale, de part et d’autre du frein de la langue. Stomatologie

Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire ¶ 22-001-B-15

1

4

6

5

3

2

Figure 6. Voie d’abord de la loge submandibulaire. 1. Artère faciale ; 2. veine faciale ; 3. rameau mentonnier du nerf facial ; 4. angle mandibulaire ; 5. rebord basilaire de la mandibule ; 6. muscle sterno-cléidomastoïdien (bord antérieur).

Figure 5. Coupe horizontale de la tête en C3. 1. Nerf lingual ; 2. muscle styloglosse ; 3. tonsile pharyngée ; 4. muscle stylopharyngien ; 5. muscle stylohyoïdien ; 6. artère carotide interne ; 7. nerf vague ; 8. veine jugulaire interne ; 9. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 10. muscle digastrique ; 11. glande parotide ; 12. artère carotide externe ; 13. glande submandibulaire ; 14. nerf alvéolaire inférieur ; 15. glande sublinguale ; 16. vaisseaux faciaux.

• le SMAS. C’est dans l’épaisseur de ce fascia superficialis que se trouvent les vaisseaux et les nerfs superficiels : branches de l’artère submentale (issue de l’artère faciale), veines affluentes de la veine jugulaire antérieure, vaisseaux lymphatiques issus de la face qui rejoignent les ganglions profonds, les nerfs moteurs issus du nerf facial : rameau du cou (ou branche cervicofaciale de la nomenclature française traditionnelle), et les nerfs sensitifs qui rejoignent la branche transverse du plexus cervical superficiel issue de la deuxième racine cervicale ; • une couche interne graisseuse. La glande submandibulaire apparaît alors sous le feuillet superficiel du fascia cervical superficiel avec la veine faciale.





Contenu de la loge submandibulaire

Voie d’abord de la loge submandibulaire

• • • • •

• Peau • Tissu cellulaire sous-cutané • SMAS • Graisse • Feuillet superficiel du fascia cervical superficiel contenant la veine faciale

Glande submandibulaire Artère et veine faciales Veines linguales Nerfs lingual et hypoglosse Artère linguale

■ Voie d’abord chirurgicale de la glande submandibulaire Elle correspond à la paroi inférolatérale de la loge submandibulaire. Elle se dessine (Fig. 6) sur un patient tête tournée du côté opposé et nuque en légère hyperextension. Les repères anatomiques sont le bord basilaire de la mandibule, l’angle de la mandibule, l’artère faciale repérée dans la fossette qu’elle imprime au bord basilaire de la mandibule, la veine faciale en arrière. L’incision cutanée se fait sous le bord basilaire afin d’éviter le rameau mentonnier du nerf facial, en avant de l’artère, sur un trajet de 5 cm. Elle intéressera successivement : • la peau ; • le tissu cellulaire sous-cutané ; Stomatologie

■ Références [1] [2] [3] [4]

[5]

Tillaux P. Traité d’anatomie topographique avec applications à la chirurgie. Paris: Asselin et Houzeau édition; 1900. Sobotta J. Atlas d’anatomie humaine. Paris: Maloine; 1977. Patel M, Cressel J. Précis d’anatomie médico-chirurgicale. Paris: Maloine; 1928. Mitz V, Peyronie M. The superficial musculo-aponeurotic system (SMAS) in the parotid and cheek area. Plast Reconstr Surg 1976;58: 80-8. Tessier P. Le SMAS, sa petite histoire. Ann Chir Plast 1981;26:191-2.

5

22-001-B-15 ¶ Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire

[6] [7] [8] [9]

Skoog T. Plastic surgery, new methods and refinements. Philadelphia: WB Saunders; 1974. Lemmon ML, Hamra ST. Skoog rhytidectomy: a five-year experience with 577 patients. Plast Recontr Surg 1980;65:283-97. Fontaine C. Le système musculo-aponévrotique superficiel de la face. Anatomie humaine et comparée. [thèse pour le doctorat d’État en biologie humaine], Amiens, 1989. Seward GR. Anatomic surgery for salivary calculi. IV Calculi in the intraglandular part of the submandibular duct. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1968;25:670-8.

[10] Shimada K, Davis WJ, DiDio LJ. The mandibulo-stylo-hyoid ligament. Surg Radiol Anat 1986;8:67-70. [11] Peker T, Turgut HB, Anil A. Bilateral anomaly of anterior bellies of digastric muscles. Surg Radiol Anat 2000;22:119-21. [12] Bastian D. Les glandes orales (ou salivaires). In: Anatomie clinique : tête et cou. Paris: Springer-Verlag; 1996. p. 105-16. [13] Wharton T. Adenographia universalis, sive glandarum totius corporis descriptio. London: Erck; 1656.

G. Malka ([email protected]). O. Trost. Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Général, 3, rue du Faubourg Raines, BP 1519, 21033 Dijon cedex, France. Laboratoire d’anatomie, Faculté de Médecine, 7, boulevard de-Lattre-de-Tassigny, 21000 Dijon, France. A. Danino. Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Général, 3, rue du Faubourg Raines, BP 1519, 21033 Dijon cedex, France. P. Trouilloud. Laboratoire d’anatomie, Faculté de Médecine, 7, boulevard de-Lattre-de-Tassigny, 21000 Dijon, France.

Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels

6

Iconographies supplémentaires

Vidéos / Animations

Documents légaux

Information au patient

Informations supplémentaires

Autoévaluations

Stomatologie

¶ 22-001-B-36

Anatomie sensitive de la face N. Istria, B. Ricbourg La face est innervée pour sa plus grande partie par le nerf trijumeau (Ve paire crânienne). Certaines régions (cou, angle mandibulaire, oreille) sont innervées par d’autres branches sensitives (plexus cervical superficiel, VII bis, nerf vague). Il existe trois gros troncs importants pour le trijumeau : le nerf ophtalmique de Willis (lui-même formé de trois branches : les nerfs nasal, frontal et lacrymal) donne la sensibilité de la partie supérieure du visage notamment via le nerf supraorbitaire. Ce nerf, faisant issue au niveau du foramen supraorbitaire, peut bénéficier d’une anesthésie locorégionale tronculaire à ce niveau pour une chirurgie de la zone du front ; le nerf maxillaire supérieur dont la branche principale (le nerf infraorbitaire) passe par la fissure orbitaire inférieure, dans le plancher orbitaire puis dans le canal et le foramen infraorbitaires. Le nerf infraorbitaire fait donc issue pour donner la sensibilité de l’étage moyen de la face (paupière inférieure, joue, aile du nez, lèvre supérieure, arcade dentaire supérieure). Cette branche infraorbitaire peut être anesthésiée par un bloc sensitif à la sortie du foramen, facilitant une chirurgie cutanée de l’étage moyen de la face ; le nerf mandibulaire et sa branche terminale, le nerf mentonnier (faisant issue au foramen mentonnier après avoir cheminé dans la mandibule depuis la lingula mandibulaire ou épine de Spix). Dans sa portion intramandibulaire (nerf alvéolaire inférieur), il innerve l’arcade dentaire inférieure. Dans sa partie extramandibulaire (nerf mentonnier), il donne la sensibilité du menton et de la lèvre inférieure. Un bloc anesthésique locorégional peut être pratiqué au foramen mentonnier, voire au niveau de la lingula. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Ganglion de Gasser sensitif ; Fissure orbitaire supérieure ; Foramen ovale ; Foramen grand rond ; Nerf et foramen supraorbitaires ; Nerf et foramen infraorbitaires ; Nerf et foramen mentonniers ; Ganglion ptérygopalatin ; Anesthésie tronculaire ; Contingent moteur du V3

Plan ¶ Introduction

1

¶ Nerf ophtalmique de Willis Branche lacrymale Branche frontale Branche nasociliaire

2 2 2 3

¶ Nerf maxillaire supérieur

3

2

¶ Nerf mandibulaire Tronc antérieur Tronc postérieur

4 4 5

3

¶ Plexus cervical superficiel

6

¶ Conclusion

7

8 1

V1

4

9 10 11

V2

12

5 6

V3

7

■ Introduction L’innervation sensitive de la face (Fig. 1) dépend de la Ve paire crânienne (le nerf trijumeau) qui possède la racine sensitive la plus grosse faisant issue du tronc cérébral. Les noyaux sensitifs et moteurs se situent au niveau de la protubérance du tronc cérébral. Le nerf trijumeau est donc un nerf mixte sensitivomoteur, les branches sensitives pour l’innervation cutanée de la face et les branches motrices pour les muscles masticateurs [1]. Stomatologie

Figure 1. Points d’émergence des nerfs sensitifs de la face. 1. Auriculotemporal ; 2. zygomaticotemporal ; 3. zygomaticofacial ; 4. infraorbitaire ; 5. buccal ; 6. grand auriculaire ; 7. mentonnier ; 8. supraorbitaire ; 9. supratrochléaire ; 10. lacrymal ; 11. infratrochléaire ; 12. nasal externe.

1

22-001-B-36 ¶ Anatomie sensitive de la face

.

.

Les corps cellulaires des branches sensitives se situent dans le ganglion de Gasser qui présente une organisation somatotopique correspondant aux trois branches afférentes. Le nerf trijumeau sort du tronc cérébral au niveau de l’incisure trijéminale du pont dans sa portion antérolatérale (la racine motrice se situe plus médialement). Il peut exister à ce niveau un conflit entre le V et l’artère cérébelleuse supérieure qui, en formant une boucle près du nerf, peut être responsable de névralgies trijéminales. Une intervention chirurgicale de décompression est possible dans certains cas (intervention de Janetta). La branche sensitive fait relais au niveau du ganglion trijéminal de Gasser situé sur la face antérosupérieure de la partie pétreuse de l’os temporal situé dans un dédoublement de la dure-mère (le cavum trijéminal) [2]. La racine motrice passe en dessous du ganglion de Gasser. Le nerf trijumeau doit son nom aux trois branches principales efférentes du ganglion de Gasser (issues de son bord antéroexterne) qui sont, d’avant en arrière : • V1 (nerf ophtalmique de Willis) ; • V2 (nerf maxillaire) ; • V3 (nerf mandibulaire). Le nerf ophtalmique dans sa portion intracrânienne chemine dans la partie latérale du sinus caverneux puis sort du crâne au niveau de la fissure orbitaire supérieure. Le nerf maxillaire sort au niveau du foramen grand rond. Le nerf mandibulaire fait issue au niveau du foramen ovale. Ces branches donnent alors la sensibilité de la face, de l’orbite, des fosses nasales et de la cavité buccale. Le plexus cervical superficiel (PCS) distribue l’innervation sensitive de l’angle mandibulaire (l’encoche massétérine) et du cou par les branches C2, C3, C4. Ces branches forment le nerf grand auriculaire (branches antérieures et postérieures) ; une branche cervicale transverse et une branche supraclaviculaire.

Figure 3. Nerfs supraorbitaire et supratrochléaire en dissection. 1. Nerf supraorbitaire, branche latérale profonde ; 2. nerf supraorbitaire, branche médiale superficielle ; 3. foramen supraorbitaire ; 4. nerf supratrochléaire.

■ Nerf ophtalmique de Willis (Fig. 2–5) Le V1 sort du crâne par la fissure orbitaire supérieure puis donne plusieurs branches cheminant dans la cavité orbitaire. Dans le sinus caverneux, les trois branches de division du V1 sont : • nerf lacrymal ; • nerf frontal ; • nerf nasociliaire.

Branche lacrymale La plus externe, elle vient innerver la glande lacrymale. Mais des branches végétatives sont transportées par le V2 via sa branche zygomatique et s’anastomosent avec le nerf lacrymal.

Figure 4.

Nerf supraorbitaire et nerf supratrochléaire en dissection.

Elle donne de plus la sensibilité tégumentaire externe de l’œil et innerve la conjonctive oculaire (réflexe cornéen).

Branche frontale Plus médiale, elle se dirige le long du toit de l’orbite où elle se divise en deux branches (supraorbitaire et supratrochléaire) qui évoluent jusqu’au rebord orbitaire supérieur [3].

Nerf supraorbitaire Plus latéral, il peut contourner la margelle au niveau d’une échancrure ou traverser l’os frontal au niveau d’un foramen supraorbitaire. Une portion assez courte du nerf évolue en souspériosté, puis le nerf supraorbitaire se divise en deux branches : • une branche latérale profonde qui suit à environ 1 cm de la ligne temporale supérieure entre le périoste et la galéa. C’est en s’approchant de la suture coronale que des branches terminales traversent la galéa pour innerver le cuir chevelu à ce niveau ; • une branche médiale superficielle qui va traverser rapidement le muscle frontal pour donner des branches d’innervation pour le front et le cuir chevelu dans sa partie la plus antérieure.

Nerf supratrochléaire Figure 2. Étage supérieur de la face et foramen supraorbitaire. 1. Foramen supraorbitaire ; 2. échancrure supraorbitaire ; 3. fissure orbitaire supérieure ; 4. canal optique ; 5. fissure orbitaire inférieure.

2

Il contourne plus médialement le rebord supraorbitaire au niveau d’une échancrure pour remonter vers la partie médiane du front et donner son innervation cutanée après avoir traversé le muscle [4]. Stomatologie

Anatomie sensitive de la face ¶ 22-001-B-36

Figure 6. Étage moyen de la face et foramen infraorbitaire 1. Foramen zygomaticofacial ; 2. foramen infraorbitaire.

Figure 5. Naissance du nerf nasal externe V1 en dissection. Branche du nerf ethmoïdal antérieur (V1) (naissance à la jonction os nasal-cartilage triangulaire).

Branche nasociliaire La plus médiale, elle passe dans l’anneau de Zinn, suit la paroi interne de l’orbite où le nerf nasal pourra donner une branche ethmoïdale postérieure (pour la muqueuse ethmoïdale et sphénoïdale) et une branche ethmoïdale antérieure qui traverse l’ethmoïde par son foramen antérieur et innerve la muqueuse ethmoïdale et nasale (gouttière olfactive et sinus frontal) par sa branche nasale interne ainsi que l’os nasal, alors que la branche nasale externe fait issue entre l’os nasal et le cartilage triangulaire à environ 7 mm de la ligne médiane. Il innerve la partie basse du dorsum nasal, la pointe du nez et l’aile narinaire en association avec le nerf infraorbitaire. Après avoir donné le nerf ethmoïdal antérieur, cette branche donne le nerf infratrochléaire ayant une direction opposée au supratrochléaire. Elle donne la sensibilité du haut du dorsum nasal, de la glabelle et de la région canthale interne. La branche ciliaire donne des branches d’innervation pour l’œil. Il est à noter que le nerf ophtalmique donne, par ses branches intracrâniennes, des rameaux pour la dure-mère frontale, occipitale, pour la tente du cervelet (nerf récurrent d’Arnold) ainsi que des filets anastomotiques pour les nerfs III (pour mydriase), IV, et le plexus péricarotidien.



Figure 7. Nerfs infraorbitaire et zygomaticofacial en dissection. 1. Margelle orbitaire inférieure ; 2. nerf zygomaticofacial ; 3. nerf infraorbitaire et pédicule vasculaire.

Point fort

Le nerf ophtalmique donne la sensibilité : • du front ; • de la paupière supérieure ; • de la muqueuse de la partie supérieure des fosses nasales ; • des sinus frontal, ethmoïdal et sphénoïdal ; • du globe oculaire ; • de la dure-mère frontale/occipitale.

■ Nerf maxillaire supérieur (Fig. 6–8)

Figure 8. Rapports du nerf infraorbitaire et du plancher de l’orbite. 1. Passage du nerf infraorbitaire dans le plancher de l’orbite ; 2. nerf zygomaticofacial ; 3. nerf infraorbitaire. [5-7]

La sortie du crâne s’effectue à travers le foramen grand rond après avoir suivi la portion inférolatérale du sinus Stomatologie

caverneux. Il passe ensuite dans l’arrière-fond de la fosse ptérygopalatine au niveau de sa partie supérieure (au-dessus

3

22-001-B-36 ¶ Anatomie sensitive de la face

de l’artère maxillaire). Il s’établit à ce niveau plusieurs branches de division ainsi qu’une anastomose importante avec le nerf vidien et le ganglion ptérygopalatin via le nerf ptérygopalatin. Le nerf vidien, branche du VII, traverse le canal ptérygopalatin pour ensuite traverser le ganglion ptérygopalatin [8] ; il véhicule les branches végétatives de la sécrétion lacrymale en passant par le nerf zygomatique. Le ganglion ptérygopalatin reçoit une branche afférente contenant les voies lacrymales (nerf vidien) ; il forme, avec ses fibres sympathiques et parasympathiques, un complexe trijéminosympathique. Ses branches efférentes sont les rameaux nasaux (pour les cornets et méat moyen) et le rameau pharyngien (orifice tubaire du pharynx, partie postérieure de la cloison). Il gère les fibres sécrétoires et vasomotrices du réseau lacrymal, nasal et tubaire [9]. Il peut être responsable d’algies vasculaires de la face pouvant faire l’objet d’infiltration ou d’alcoolisation [10]. Les premières branches naissent dès la fosse ptérygopalatine avec les nerfs grand et petit palatins qui effectuent leur descente vers le palais et font issue respectivement à travers les foramens petit et grand palatins. Le nerf grand palatin innerve le palais jusqu’à sa portion antérieure (donne lors de sa descente des fibres au cornet inférieur) alors que le petit palatin donne des fibres en direction opposée, à savoir vers le voile du palais et la tonsille [11]. Un rameau nasopalatin donne l’innervation du septum nasal puis traverse l’os palatin dans sa portion antérieure par le canal incisif pour donner enfin des fibres pour la partie antérieure du palais et des anastomoses avec les branches terminales du nerf grand palatin [12]. Le palais est donc innervé d’une part via les nerfs grand et petit palatins et d’autre part via le nerf nasopalatin [13, 14]. Un rameau pharyngien (nerf pharyngien) innerve les deux tiers antérieurs du rhinopharynx. Le nerf zygomatique se situe proche de la paroi externe de l’orbite d’arrière en avant et proche du nerf lacrymal puisque les fibres lacrymales provenant du nerf vidien viennent s’anastomoser à ce dernier. Une bifurcation s’effectue ensuite pour donner un nerf zygomaticotemporal [15] traversant la paroi externe de l’orbite et faisant issue au-dessus de l’arcade zygomatique. La deuxième branche, le nerf zygomaticofacial, traverse le malaire par un canal et sort par son foramen latéralement au nerf infraorbitaire, dans l’axe du canthus externe [16]. Le nerf maxillaire continue sa course en passant par la fissure orbitaire inférieure et passe sous le plancher orbitaire dans le canal infraorbitaire [17-20] ; des branches alvéolaires supérieures et postérieures vont innerver les alvéoles du bloc prémolomolaire en passant en arrière de la paroi postérieure du sinus maxillaire en pénétrant dans les canaux dentaires postérieurs au niveau de la tubérosité maxillaire. Des filets nerveux innervent l’os maxillaire et la muqueuse du sinus maxillaire [21]. Les branches alvéolaires supérieures et antérieures pour le massif incisivocanin [22] passent en avant de la paroi antérieure du sinus maxillaire (distribue des fibres à la muqueuse du méat inférieur). Le rameau infraorbitaire sort de son foramen pour innerver la paupière inférieure (donne des filets anastomotiques avec le nerf lacrymal et infratrochléaire), la partie antérieure de la joue, l’aile narinaire en complément avec le nerf nasal externe et enfin la lèvre supérieure (portion cutanée et muqueuse) [23]. Ce nerf infraorbitaire peut bénéficier d’un bloc sensitif sélectif [24, 25]. Il est à noter que des anastomoses ont été décrites avec le nerf facial [26]. Le V2 innerve donc la gencive et son arcade dentaire supérieure. Par ses branches intracrâniennes (rameau méningé moyen), le V2 innerve la dure-mère temporale et pariétale ainsi que l’artère méningée moyenne.

4



Point fort

Le nerf maxillaire donne la sensibilité : • de la joue ; • de la paupière inférieure ; • de l’aile narinaire ; • de la lèvre supérieure ; • les branches profondes donnent la sensibilité de la muqueuse nasale inférieure, des dents, des gencives et du maxillaire supérieur.

■ Nerf mandibulaire (Fig. 9–11) La sortie du crâne s’effectue par le foramen ovale (avec l’artère petite méningée) au niveau de la base du crâne. Il est considéré comme un nerf mixte puisqu’il possède un contingent sensitif cutanéomuqueux et un contingent moteur pour les muscles de la manducation. Le tronc sensitivomoteur ainsi formé évolue sur 1,5 cm de long, et un contact étroit existe avec le ganglion otique sur sa face interne [27]. Dès sa sortie, il passe dans la fosse infratemporale où il donne deux troncs (antérieur et postérieur) et un rameau récurrent (méningé) qui passe la base du crâne par le foramen petit rond avec l’artère méningée moyenne [28].

Tronc antérieur Il donne les trois nerfs temporaux.

Nerf temporomassétérin Par ses branches motrices, il permet la contraction du temporal (branche profonde postérieure) et du masséter [29]. C’est d’une de ces branches que naît le filet sensitif de l’articulation temporomandibulaire (ATM) [30].

Nerf temporal moyen profond Il s’agit d’une branche profonde exclusive au muscle temporal [31].

Rameau temporobuccal Plus antérieur, il possède une branche ascendante motrice (nerf temporal profond antérieur) et une branche descendante sensitive (nerf buccal) se divisant à la face externe du buccinateur pour donner la sensibilité cutanée (filets superficiels) et

Figure 9. Étage inférieur de la face et foramen mentonnier. 1. Os alvéolaire ; 2. foramen mentonnier ; 3. os basilaire. Stomatologie

Anatomie sensitive de la face ¶ 22-001-B-36

Figure 10. Nerf mentonnier V3. A. 1. Nerf mentonnier ; 2. filets muqueux ; 3. filets cutanés (traversant le muscle orbiculaire). B. 1. Branches à destinée cutanée pour le menton et la lèvre inférieure ; 2. ramifications terminales du nerf mentonnier ; 3. branches destinées à la muqueuse labiale et vestibulaire.

muqueuse (filets profonds) de la joue allant de la commissure labiale à l’encoche massétérine. De plus, le rameau superficiel donne une anastomose avec le nerf facial.

Tronc postérieur Il donne quatre branches.

Nerf sensitif auriculotemporal [32] Il permet de donner la sensibilité de la région temporale, de la partie supérieure de l’oreille, de l’ATM [33] et de la parotide. Il faut savoir que des branches végétatives véhiculées par le nerf petit pétreux profond (issu du IX) permettent l’innervation sécrétoire de la parotide via les relais par le ganglion otique. D’autres fibres innervent le tympan (plus ou moins le conduit auditif externe) et les vaisseaux méningés. On trouvera ensuite, plus en dedans, le nerf du muscle ptérygoïdien médial, le nerf du muscle tenseur du tympan et celui du tenseur du voile du palais. Plus bas, dans l’espace ptérygomandibulaire (entre les deux muscles ptérygoïdiens), le nerf mandibulaire se divise en nerf lingual et en nerf alvéolaire inférieur.

Nerf alvéolaire inférieur Il pénètre dans le ramus au niveau de la lingula mandibulaire (épine de Spix) [34] pour cheminer dans le canal alvéolaire où il distribue les rameaux sensitifs pour le bloc prémolomolaire inférieur [35-37]. Stomatologie

B Innervation sensitive et gustative de la langue Zone d'innervation du nerf vague (X) Zone d'innervation du nerf glossopharyngien (IX) Zone d'innervation du nerf lingual : - fibres du V3 pour la sensibilité - fibres du VII bis pour la gustation Figure 11. A. Rapports du nerf alvéolaire inférieur et de l’épine de Spix. 1. Palais dur ; 2. nerf alvéolaire inférieur pénétrant dans l’épine de Spix ; 3. nerf lingual ; 4. corps de la mandibule ; 5. langue. B. Nerf lingual. Innervation sensitive et gustative de la langue. En vert, zone d’innervation du nerf vague (X) ; en rose, zone d’innervation du nerf glossopharyngien ((IX) ; en bleu : zone d’innervation du nerf lingual : fibres du V3 pour la sensibilité ; fibres du VII bis pour la gustation.

La sortie de la mandibule s’effectue au niveau du foramen mentonnier [38, 39] en regard de la canine ou de la première prémolaire pour donner le nerf mentonnier innervant le menton et la lèvre inférieure (cutanée et muqueuse) [40-42], alors que le rameau pour le bloc incisivocanin inférieur continue sa course dans la mandibule jusqu’à la ligne médiane symphysaire. Le nerf alvéolaire inférieur peut subir

5

22-001-B-36 ¶ Anatomie sensitive de la face

un bloc sensitif au niveau de la lingula, permettant des gestes chirurgicaux sur son territoire d’innervation [43-47].

Nerf lingual Il évolue dans la région mandibulopharyngienne dans l’espace interptérygoïdien ; il traverse les muscles styliens et passe sous le ligament ptérygomandibulaire [48]. Formant une courbe vers l’avant, il accompagne le muscle styloglosse puis continue au niveau de la face interne de la mandibule, contourne le canal de Wharton pour s’en éloigner à la partie moyenne du corpus mandibulaire afin d’innerver la langue et le plancher buccal [49, 50]. Il faut noter que le contingent trijéminal permet la sensibilité tactile [51]. La sensibilité gustative s’effectue donc par le biais de la corde du tympan (branche du VII bis) et gère topographiquement les deux tiers antérieurs de la langue (le tiers postérieur étant innervé par le IX). La corde du tympan véhicule également des fibres végétatives sécrétoires pour les glandes submandibulaires et sublinguales. Il existe également, venant du nerf dentaire inférieur et proche du nerf lingual, les nerfs des muscles mylohyoïdien [52-54] et du ventre antérieur du muscle digastrique (ventre postérieur innervé par le VII) appartenant au contingent moteur du V3. Le V3 véhicule aussi la sensibilité proprioceptive des muscles de la mimique.



Point fort

Le nerf mandibulaire donne la sensibilité : • cutanée de la région temporale, de la joue, de la lèvre inférieure et du menton ; • muqueuse de la joue, des gencives et de la lèvre inférieure, ainsi que les deux tiers antérieurs de la langue (via le VII bis) ; • il innerve l’os mandibulaire et l’arcade dentaire inférieure ; • ses branches intracrâniennes sensibilisent le territoire de l’artère méningée moyenne (fosse cérébrale moyenne) ; • il véhicule les fibres végétatives des glandes salivaires et les branches motrices pour les muscles masticatoires.

■ Plexus cervical superficiel (Fig. 12) Il est formé par les branches des racines C2, C3 et C4. Les branches motrices sont constituées par le plexus cervical profond. Il émerge de la profondeur en arrière du muscle sterno-cléidomastoïdien (SCM), puis donne quatre branches sensitives destinées à l’ensemble du territoire cutané du cou, de la face postérieure de la tête et des épaules [55]. Anastomosées deux à deux, ces branches donnent trois anses cervicales. Les branches antérieures de C1, C2, C3 et C4 sortent au bord postérieur du SCM. Nerf grand auriculaire 2e anse cervicale [56] : • branche antérieure (encoche massétérine, auricule), anastomosée avec les fibres parotidiennes et le nerf facial ; • branche postérieure (pavillon de l’oreille et région mastoïdienne) anastomosée avec le petit occipital. Nerf cervical transverse (transverse du cou) 2e anse : innervation cutanée du cou, sus-hyoïdienne et cervicale antérieure. Nerf supraclaviculaire 4e anse : innervation cutanée basse du cou : • fibres antérieures ou suprasternales (région SCM et sternale) ; • fibres moyennes ou supraclaviculaires (région supra/infraclaviculaire) ;

6

Figure 12. Plexus cervical superficiel (PCS) : branche antérieure du nerf grand auriculaire à destinée de l’encoche massétérine. Issue au bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien.

• fibres postérieures ou supra-acromiales (moignon de l’épaule). C Nerf petit occipital : 2 e anse cervicale : deux rameaux (antérieur et postérieur) pour la région mastoïdienne et occipitale.

Innervation de l’oreille Elle est mixte. La partie supérieure de l’oreille est innervée par les fibres du nerf auriculotemporal (V3). La partie postéro-inférieure du pavillon, le conduit auditif externe et le lobule sont innervés par les rameaux auriculaires du plexus cervical superficiel [57]. La conque ainsi que la partie externe du conduit auditif (zone de Ramsay Hunt) est innervée par l’intermédiaire du Wrisberg (VII bis). La branche auriculaire du pneumogastrique (X) assure l’innervation sensitive de la partie profonde du conduit auditif et de la partie inférieure du tympan. La caisse du tympan, quant à elle, est innervée par le nerf de Jacobson ou nerf tympanique, branche du glossopharyngien. Comme le plexus cervical profond, le plexus cervical superficiel peut bénéficier de bloc anesthésique sélectif (par exemple le nerf grand auriculaire) [58]. Stomatologie

Anatomie sensitive de la face ¶ 22-001-B-36

■ Conclusion La plus grande partie de l’innervation tégumentaire de la face est véhiculée par les branches de la V e paire crânienne (Fig. 13,14). La plupart des branches terminales ont des orifices de sortie qui présentent peu de variations anatomiques : les foramens supra- et infraorbitaire ainsi que le foramen mentonnier sont alignés sur une ligne virtuelle dans l’axe de la pupille centrée (Fig. 1). La connaissance de ces repères a un intérêt réel dans les voies d’abord chirurgicales mais aussi en vue d’effectuer des blocs

anesthésiques tronculaires dans le but d’une intervention sans anesthésie générale ou bien à titre purement antalgique pour le patient. Cependant, certaines zones restent innervées par d’autres nerfs, à savoir le plexus cervical superficiel pour le cou ou encore l’oreille, elle-même innervée aussi par le VII bis (zone de Ramsay Hunt) et parfois par le X (conduit auditif externe).

> Remerciements : Professeur Di Marino (laboratoire d’anatomie de Marseille), professeur Vacher (laboratoire d’anatomie de Paris). .

■ Références [1]

[2] [3] [4] [5] [6] [7] [8]

[9]

[10] [11] Figure 13. Topographie de l’innervation sensitive des trois branches du nerf trijumeau. L’angle mandibulaire (encoche massétérine) est innervé par la branche antérieure du nerf grand auriculaire (plexus cervical superficiel).

[12] [13] [14] [15] [16]

V1 [17] [18]

V2

[19] [20]

V3

PCS [21]

[22] Figure 14. Topographie de l’innervation des trois territoires du nerf trijumeau. V1 : nerf ophtalmique de Willis ; V2 : nerf maxillaire ; V3 : nerf mandibulaire ; PCS : plexus cervical superficiel. Stomatologie

[23]

Keravel Y, Sindou M. Vues anatomiques commentées du nerf trijumeau. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-001-E-10, 1980 : 4p. Legent F, Perlemuter L, Quere M. Anatomie. Nerfs crâniens et organes correspondants. Paris: Masson; 1974. Kimura K. Relations between the frontal nerve and the foramina (notches) in the supraorbital margin. Kaibogaku Zasshi 1963;38:341-7. Desikan KV, Mehta VK. Pure neuritic leprosy of supra-orbital nerve--as unusual presentation. Indian J Lepr 2001;73:359-60. Hwang K, Suh MS, Chung IH. Cutaneous distribution of infraorbital nerve. J Craniofac Surg 2004;15:3-5. Leo JT, Cassell MD, Bergman RA. Variation in human infraorbital nerve, canal and foramen. Ann Anat 1995;177:93-5. Shankland 2nd WE. The trigeminal nerve. Part III: The maxillary division. Cranio 2001;19:78-83. Ruskell GL. Orbital passage of pterygopalatine ganglion efferents to paranasal sinuses and nasal mucosa in man. Cells Tissues Organs 2003; 175:223-8. Evans TH. Unlisted nerve branches of the maxillary division of the trigeminal nerve (fifth cranial) which are related to nerve association of the lacrimal and salivary systems. Am J Ophthalmol 1959;47:225-6. Sanders M, Zuurmond WW. Efficacy of sphenopalatine ganglion blockade in 66 patients suffering from cluster headache: a 12- to 70-month follow-up evaluation. J Neurosurg 1997;87:876-80. Methathrathip D, Apinhasmit W, Chompoopong S, Lertsirithong A, Ariyawatkul T, Sangvichien S. Anatomy of greater palatine foramen and canal and pterygopalatine fossa in Thais: considerations for maxillary nerve block. Surg Radiol Anat 2005;27:511-6. Diallo B, Ndiaye-Faty C, Dia-Tine S, Larroque G. The position of the nasopalatine and anterior palatine nerve foramina. Dakar Med 1995; 40:139-42. Perrott JW. Anatomical aspects of palatine anaesthesia. Med J Aust 1964;33:257-60. Langford RJ. The contribution of the nasopalatine nerve to sensation of the hard palate. Br J Oral Maxillofac Surg 1989;27:379-86. Totonchi A, Pashmini N, Guyuron B. The zygomaticotemporal branch of the trigeminal nerve: an anatomical study. Plast Reconstr Surg 2005; 115:273-7. Martins C, Li X, Rhoton Jr. AL. Role of the zygomaticofacial foramen in the orbitozygomatic craniotomy: anatomic report. Neurosurgery 2003;53:168-73. Kazkayasi M, Ergin A, Ersoy M, Tekdemir I, Elhan A. Microscopic anatomy of the infraorbital canal, nerve, and foramen. Otolaryngol Head Neck Surg 2003;129:692-7. Yanagisawa E, Yanagisawa K. Endoscopic view of the infraorbital nerve. Ear Nose Throat J 1999;78:226-8. Triandafilidi E, Anagnostopoulou S, Soumila M. The infraorbital foramen (the position of the infraorbital foramen in man). Odontostomatol Proodos 1990;44:87-91. Kim HK, Lee YS, Kho HS, Yum KW, Chung SC. Facial and glossal distribution of anaesthesia after inferior alveolar nerve block. J Oral Rehabil 2003;30:189-93. Murakami G, Ohtsuka K, Sato I, Moriyama H, Shimada K, Tomita H. The superior alveolar nerves: their topographical relationship and distribution to the maxillary sinus in human adults. Okajimas Folia Anat Jpn 1994;70:319-28. Carsolio Diaz CM, Escudero Morere PG. Upper and medial alveolar nerves. Study of their frequency and point of origin in 100 cases. An Fac Odontol 1989;25:5-20. Ahuja S, Datta A, Krishna A, Bhattacharya A. Infra-orbital nerve block for relief of postoperative pain following cleft lip surgery in infants. Anaesthesia 1994;49:441-4.

7

22-001-B-36 ¶ Anatomie sensitive de la face

[24] Tengtrisorn S, McNab AA, Elder JE. Persistent infra-orbital nerve hyperaesthesia after blunt orbital trauma. Aust N Z J Ophthalmol 1998; 26:259-60. [25] Mayer MN, Bennaceur S, Barrier G, Couly G. Infra-orbital nerve block in early primary cheiloplasty. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997;98: 246-7. [26] Hwang K, Han JY, Battuvshin D, Kim DJ, Chung IH. Communication of infraorbital nerve and facial nerve: anatomic and histologic study. J Craniofac Surg 2004;15:88-91. [27] Shimokawa T, Akita K, Sato T, Ru F, Yi SQ, Tanaka S. Penetration of muscles by branches of the mandibular nerve: a possible cause of neuropathy. Clin Anat 2004;17:2-5. [28] Kim HJ, Kwak HH, Hu KS, Park HD, Kang HC, Jung HS, et al. Topographic anatomy of the mandibular nerve branches distributed on the two heads of the lateral pterygoid. Int J Oral Maxillofac Surg 2003; 32:408-13. [29] Hwang K, Kim YJ, Chung IH, Song YB. Course of the masseteric nerve in masseter muscle. J Craniofac Surg 2005;16:197-200. [30] Davidson JA, Metzinger SE, Tufaro AP, Dellon AL. Clinical implications of the innervation of the temporomandibular joint. J Craniofac Surg 2003;14:235-9. [31] Kwak HH, Ko SJ, Jung HS, Park HD, Chung IH, Kim HJ. Topographic anatomy of the deep temporal nerves, with references to the superior head of lateral pterygoid. Surg Radiol Anat 2003;25:393-9. [32] Gulekon N, Anil A, Poyraz A, Peker T, Turgut HB, Karakose M. Variations in the anatomy of the auriculotemporal nerve. Clin Anat 2005;18: 15-22. [33] Davidson JA, Metzinger SE, Tufaro AP, Dellon AL. Clinical implications of the innervation of the temporomandibular joint. J Craniofac Surg 2003;14:235-9. [34] Devi R, Arna N, Manjunath KY. Balasubramanyam. Incidence of morphological variants of mandibular lingula. Indian J Dent Res 2003; 14:210-3. [35] Nordin M, Hagbarth KE. Mechanoreceptive units in the human infraorbital nerve. Acta Physiol Scand 1989;135:149-61. [36] Wadu SG, Penhall B, Townsend GC. Morphological variability of the human inferior alveolar nerve. Clin Anat 1997;10:82-7. [37] Goldberg MH. Frequency of trigeminal nerve injuries following third molar removal. J Oral Maxillofac Surg 2005;63:1783. [38] Igbigbi PS, Lebona S. The position and dimensions of the mental foramen in adult Malawian mandibles. West Afr J Med 2005;24:184-9. [39] Duker J. Mental foramen projected over the apex of the mandibular right second premolar. Quintessence Int 2005;36:243. [40] Smajilagic A, Dilberovic F. Clinical and anatomy study of the human mental foramen. Bosn J Basic Med Sci 2004;4:15-23. [41] Anil A, Peker T, Turgut HB, Gulekon IN, Liman F. Variations in the anatomy of the inferior alveolar nerve. Br J Oral Maxillofac Surg 2003; 41:236-9. [42] Alsaad K, Lee TC, McCartan B. An anatomical study of the cutaneous branches of the mental nerve. Int J Oral Maxillofac Surg 2003;32: 325-33. [43] Kanno CM, de Oliveira JA, Cannon M, Carvalho AA. The mandibular lingula’s position in children as a reference to inferior alveolar nerve block. J Dent Child 2005;72:56-60.

[44] Arcuri C, Bartuli FN, Germano F, Docimo R, Cecchetti F. Bilateral anesthesia into Spix’s spine. Ten years’ experience. Minerva Stomatol 2004;53:93-9. [45] El-Sharrawy E, Yagiela JA. Anesthetic efficacy of different ropivacaine concentrations for inferior alveolar nerve block. Anesth Prog 2006;53: 3-7. [46] Arcuri C, Muzzi F, Docimo R, Fusco E, Pauri F, Rossini PM. Somatosensory evoked potentials of inferior alveolar nerve. J Oral Maxillofac Surg 2006;64:594-9. [47] Varghese BT, Koshy RC, Sebastian P, Joseph E. Combined sphenopalatine ganglion and mandibular nerve, neurolytic block for pain due to advanced head and neck cancer. Palliat Med 2002;16:447-8. [48] Kim SY, Hu KS, Chung IH, Lee EW, Kim HJ. Topographic anatomy of the lingual nerve and variations in communication pattern of the mandibular nerve branches. Surg Radiol Anat 2004;26:128-35. [49] Tamatsu Y, Gasser RF. Development of the sensory nerves to the dorsum of the tongue in staged human embryos. Clin Anat 2004;17: 99-106. [50] Zur KB, Mu L, Sanders I. Distribution pattern of the human lingual nerve. Clin Anat 2004;17:88-92. [51] Stewart PA. The sensory component of the trigeminal nerve. Maxillary and mandibular divisions. Univ Tor Dent J 1989;2:32-5. [52] Hwang K, Han JY, Chung IH, Hwang SH. Cutaneous sensory branch of the mylohyoid nerve. J Craniofac Surg 2005;16:343-6. [53] Sato I, Sunohara M, Ueno R, Yoshida S. Branch of mylohyoid and lingual nerves on submandibular and submental triangles. Okajimas Folia Anat Jpn 2004;81:45-8. [54] Bennett S, Townsend G. Distribution of the mylohyoid nerve: anatomical variability and clinical implications. Aust Endod J 2001;27: 109-11. [55] Egasse D. Superficial cervical plexus, spinal nerve and external jugular vein. Ann Dermatol Venereol 2002;129(4Pt1):450-2. [56] Ginsberg LE, Eicher SA. Great auricular nerve: anatomy and imaging in a case of perineural tumor spread. AJNR Am J Neuroradiol 2000;21: 568-71. [57] Pandit JJ, Dutta D, Morris JF. Spread of injectate with superficial cervical plexus block in humans: an anatomical study. Br J Anaesth 2003; 91:733-5. [58] Masters RD, Castresana EJ, Castresana MR. Superficial and deep cervical plexus block: technical considerations. AANA J 1995;63:235-43.

Pour en savoir plus www. chups. jussieu. fr/polys/neuro/semioneuro/POLY. Chp. 3. 6. 5. htmlANATOMIE/Web_anat/Nerfs/Trijumeau/Trijumeau. htmunivbrest. fr/S_Commun/Biblio/ANATOMIE/. . . /Trijumeau/Nerfs_palais. Htm. www. alrf. asso. fr/site/agora/per/b_deleuze_2005. htm. www. sfar. org/sfar_actu/ca97/html/ca97_016/97_16. htm. www. urgence-pratique. com/2articles/medic/Bloc. htm. www. anatomie-humaine. com. home. nordnet. fr/~mbaroncini/PAGES/CHAP2. HTM. http://www. univbrest. fr/S_Commun/Biblio/ANATOMIE/Web_anat/fr. wikipedia. org/wiki/Nerf_trijumeau.

N. Istria ([email protected]). B. Ricbourg. Service de chirurgie maxillofaciale, Centre hospitalier universitaire Minjoz, boulevard Flemming, 25000 Besançon, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Istria N., Ricbourg B. Anatomie sensitive de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-B-36, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels

8

Iconographies supplémentaires

Vidéos / Animations

Documents légaux

Information au patient

Informations supplémentaires

Autoévaluations

Stomatologie

Stomatologie [22-001-D-15]

Biomécanique osseuse cranio-maxillo-faciale

Jean-Claude Ferré : Médecin stomatologiste compétent en ODMF, docteur d'Etat en biologie humaine, docteur en sciences odontologiques, ancien assistant hospitalo-universitaire Claude Chevalier : Ingénieur (Arts et Métiers et Supelec) Jean-Louis Helary : Ingénieur (Ecole Centrale de Paris) Albert-Yves Le Cloarec : Ingénieur de recherche, docteur ès sciences René Legoux : Ingénieur (ENSM) Jo Le Tenneur : Professeur des Universités, chef du service de traumatologie au CHRU de Nantes Jean-Pierre Lumineau : Stomatologiste, chirurgien maxillofacial, ES de biologie appliquée aux sports Henri Mora : Ingénieur civil du Génie maritime Jean-Yves Barbin : Professeur émérite des Universités, ancien professeur titulaire de la chaire d'anatomie, ancien chirurgien des Hôpitaux Centre nantais d'études et de réalisations biomécaniques, 15, rue Charles-Monselet, 44000 Nantes France

Résumé Sans nier la nécessité des études classiques et conscient que la biomécanique ne saurait se limiter à des expériences de physique ardues, ou bien à des calculs, l'étude en commun de celle-ci par une équipe mixte de médecine et d'ingénieurs permet une meilleure compréhension des solutions mécaniques retenues par la nature. A l'inverse, l'examen attentif des structures mécaniques élaborées en ingénierie de pointe, et tout particulièrement en aéronautique, peut éclairer l'anatomiste grâce aux problèmes de similitude. Nous envisagerons d'abord les propriétés mécaniques de l'os puis la biomécanique de la base du crâne, de la face et de la calvaria, avant de terminer par celle de la mandibule [23] . © 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Haut de page

PROPRIÉ TÉ S MÉ CANIQUES DE L'OS

Elles sont relativement mal connues, et ceci à tort, par les orthodontistes. En effet, leur étude par les moyens classiques s'avère déboucher sur un échec, l'os étant un matériau singulier difficilement mesurable et ne répondant pas aux lois classiques de la résistance des matériaux.

Techniques classiques d'étude de l'os : un constat d'échec ? De nombreux arguments militent en faveur d'un tel constat.

Essais en conditions statiques et dynamiques - Résultats approximatifs On a voulu appliquer à l'os les méthodes courantes utilisées en métallurgie : soit mesurer la déformation à l'étirement jusqu'à la rupture, d'éprouvettes d'os cortical (essais en condition statique) (fig. 1) , soit, à l'aide de techniques déjà plus élaborées , procéder à des essais en condition dynamique, dont d'ailleurs les résultats ne sont pas toujours superposables à ceux obtenus par la méthode précédente. Malheureusement, les constantes qui en résultent sont une approximation très insuffisante pour le biomécanicien car, si l'os travaille le plus souvent dans le domaine élastique, il travaille aussi dans le domaine plastique si l'effort est plus longtemps maintenu. Il est également sujet au fluage dans le cas de contraintes très longtemps maintenues, propriété utilisée en orthopédie dento-maxillo-faciale pour le déplacement unitaire des dents (reculs molaires ou canines) (fig. 1).

Non-prise en compte de l'anisotropie de l'os, une impasse majeure Ces études supposent que le matériau, objet de l'expérience, possède une symétrie mécanique, c'est-à-dire que ses propriétés mécaniques soient identiques quelle que soit la direction considérée, bref, qu'il soit isotrope. Or, ce n'est pas le cas pour l'os qui est un corps anisotrope pur, c'est-à-dire ne possédant aucune symétrie mécanique, contrairement à l'opinion d'Evans [11].

Standardisation du matériau osseux ? Un mythe Ces mêmes expériences imposent, évidemment, d'être effectuées à partir d'un matériau identique, prélevé et conservé dans les mêmes conditions. Elles impliquent donc la nécessité d'un « os standard » et, que, ainsi, des échantillons de corticale haversienne mandibulaire, fémorale ou tibiale aient sensiblement les mêmes propriétés mécaniques, non seulement chez un même individu, mais aussi pour la même pièce osseuse (la mandibule par exemple) d'un individu à l'autre. Ceci est pratiquement irréalisable et les palliatifs utilisés (nombreux prélèvements sur des tibias ou des fémurs de boeufs, applications de méthodes statistiques) sont un pis-aller.

Trop de variables dans les conditions d'expérience On ne peut comparer deux échantillons d'os s'ils n'ont pas été conservés de manière identique. Or, on sait actuellement que tout mode de conservation autre que la congélation ou la méthode de Ringer perturbe les conditions d'expérience. Le dessèchement des pièces conservées provoque, en effet, une augmentation du module de Young ainsi que de la résistance à la traction. Seraient-elles alors analogues à certains composites (au sens physique des matériaux de ce terme) à matrice dégradable sous l'influence d'agents extérieurs ? Il en est de même pour la température : à celle du corps, la variation des caractéristiques à l'os doit être tenue pour négligeable ; en revanche, entre 8 et 40 °C, le module de Young et la contrainte à la rupture diminuent . Ceci conduit à poser un deuxième problème théorique : la matrice de l'os ne serait-elle pas thermoplastique ? L'influence de l'âge du sujet sur lequel sont effectués les prélèvements est également un paramètre qui doit être pris en compte : en effet, la résistance de l'os à la compression est

pratiquement stable la vie durant, mais il n'en est pas de même pour celle à la traction qui diminue déjà vers l'âge de 50 ans en même temps qu'apparaît un néoremaniement haversien. Ainsi, les échantillons doivent être prélevés sur des sujets approximativement du même âge.

Chaque pièce osseuse est singulière Les propriétés mécaniques d'un os considéré ne sont pas identiques à celles d'une autre pièce du squelette. Car la résistance d'un os in vivo est nettement supérieure à celle d'un os isolé. Non seulement parce que ce dernier n'est plus irrigué par le sang et la lymphe, mais aussi et surtout parce que les muscles en tension réalisent un véritable haubanage permettant d'harmoniser les contraintes en compression et de diminuer les contraintes en flexion. Bref, par des « astuces de montage », la nature tente de pallier les insuffisances de l'os devant certains types de contraintes et partiellement au flambage. Dernier argument enfin, il faut constamment garder à l'esprit que le « design » d'une pièce osseuse, c'est-à-dire sa forme et sa structure, représente le meilleur compromis possible entre le matériau utilisé et les contraintes qu'elle est destinée à subir et que cette architecture, labile, peut se modifier pour s'adapter continuellement aux modifications de sens ou d'intensité des contraintes (et bien évidemment à la pathologie) [31]. Ainsi, Swansson a-t-il proposé le classement suivant dans l'ordre d'une résistance décroissante : traction : radius, ulna, fibula, tibia, humérus, fémur ; compression : fémur, tibia ?, humérus, fibula, ulna ?, radius ; flexion : ulna, tibia, humérus, fémur.

Notion de matériau composite On ne peut comprendre le comportement mécanique de l'os sans faire appel à la notion de matériaux composites. Ceux-ci, bien qu'ils existent dans la nature, les arbres par exemple, ont le plus souvent été créés de toutes pièces par l'homme. Prenons le plus ancien et le plus connu d'entre eux, le béton armé. Il est constitué de deux phases : une phase de renforcement : le treillis de fer à béton, et une matrice : le béton à charge-gravier. Bien entendu, les composites actuels sont autrement sophistiqués (les carbones-carbones, les carbones époxy, les kevlar époxy, les fibres de verre époxy, etc.). Or, on sait que, du fait de l'hétérogénéité de sa structure polyphasique, l'os est un matériau bien plus résistant que ne laisseraient supposer les caractéristiques de ses constituants. Ainsi, son comportement est-il voisin de celui des composites renforcés multidirectionnellement. A travers ce comportement analogique, il devient alors possible d'avoir une approche plus réaliste des réponses du tissu osseux aux sollicitations mécaniques extérieures. Reprenons notre exemple du béton armé : comme l'os, celui-ci résiste mal à la traction. Les ingénieurs eurent alors l'idée de le précontraindre en tendant des câbles d'acier avant la coulée du béton. Dans l'os, cette précontrainte [32] est réalisée par la mise sous tension des fibres collagènes avant la fixation sur celles-ci des cristaux d'hydroxyapatite (fig. 2, 3 et 4). Enfin, les propriétés mécaniques d'une pièce osseuse varient en relation inverse avec sa densité en ostéons [26]. Pour expliquer ce phénomène, réel, on a invoqué des problèmes de délaminage entre ces derniers et la substance fondamentale de l'os. Tel n'est pas notre avis : l'os doit être considéré comme un composite résilient, c'est-à-dire volontairement affaibli par des relations matrice-fibres de collagène faibles [14]. En cas de choc, il se produit des microfissures elles-mêmes autoréparables et non une rupture de l'os (fig. 5).

Notion de structure sandwich

L'os cortical et l'os spongieux n'ont ni la même structure histologique ni les mêmes propriétés mécaniques, mais ce n'est pas parce que celles du tissu spongieux, considérées isolément, sont très faibles comparées à la bonne résistance de l'os cortical que son rôle est pour cela moins important. Ils coexistent presque toujours, en effet, au sein d'une même pièce squelettique. La mandibule par exemple est constituée d'un étui cortical en U rigide renforcé à sa partie occlusale par des raidisseurs (les cloisons interdentaires) et à remplissage aréolaire [20]. Nous avons précisé qu'il s'agissait d'une structure à revêtement travaillant [13]. On retrouve le même type de construction au niveau de la calvaria dont les os constitutifs sont formés de deux lames d'os compact (les lames interne et externe) prenant en sandwich la diploé, structure spongieuse également aréolaire mais plus dense que celles du fémur et de la mandibule. La base du crâne elle-même répond à un principe identique puisqu'elle est renforcée par de solides poutres également à remplissage aréolaire telles que le clivus et les pyramides pétreuses. Pour comprendre ce type de construction, il faut faire appel aux techniques de l'avion : les voilures de celui-ci sont classiquement constituées de deux peaux en aluminium externe et interne prenant en sandwich (d'où leur nom) une structure en nid d'abeilles réalisée soit en carton kraft, soit en clinquant d'aluminium. La rigidité obtenue grâce à cette combinaison est sans commune mesure avec celle de ses éléments constitutifs. Au total, toute méthode d'analyse ne prenant pas en compte une pièce osseuse dans sa totalité, replacée dans son environnement musculaire, est-elle insuffisante. L'étude biomécanique des pièces squelettiques telle qu'elle doit être conduite afin de définir et d'élaborer les solutions prothétiques de remplacement optimales (prothèses de hanche, de genou ou d'épaule) impose de repenser totalement l'outil expérimental et d'emprunter ses techniques à l'ingénierie de pointe.

Techniques modernes d'étude de l'os Comment étudier cette matière vivante qui ne respecte pas la propriété fondamentale de tout matériau usuel : l'isotropie ? Comment, et à l'aide de quelles techniques, appréhender un matériau qui ne permet pas d'établir, par des mesures, les bases nécessaires à tout calcul (module de Young, limite élastique, etc.) ? Comment, enfin, imaginer l'application des méthodes classiques de calcul à un matériau qui refuse de se comporter comme n'importe quel autre matériau ? Tels étaient les problèmes à résoudre. Nous y sommes parvenus en appliquant systématiquement en parallèle deux méthodes complémentaires empruntées à l'ingénierie de pointe* : les modèles physicomathématiques (méthode des éléments finis) ; l'interférométrie holographique.

Méthode des éléments finis Certains des problèmes qui se posent à l'ingénieur sont très voisins de ceux auxquels se heurte l'anatomiste ou le biomécanicien. Or, la méthode des éléments finis (ou modélisation physicomathématique), technique devenue classique en ingénierie , permet de contourner certains de ceux-ci. Devant une telle similitude de préoccupation, nous nous sommes demandé dès 1979 (date de notre premier modèle, à l'époque, bidimensionnel) si une telle technique n'était pas transposable, avec profit, à la mandibule.

Principe élémentaire Calculer une structure en éléments finis consiste à élaborer un « modèle » plus simple que la structure à étudier mais en présentant les mêmes propriétés mécaniques. Ainsi, pour la mandibule, un plan de masse a été réalisé à partir de coupes anatomiques en série. Cette maquette est ensuite découpée en petits éléments quadrangulaires (d'où le nom de méthode des éléments finis), réunis les uns aux autres par leurs sommets appelés noeuds (fig. 6 et 7). L'ordinateur calcule alors le déplacement de ces noeuds ainsi que celui de leurs arêtes (3 angles et 3 vecteurs) qui sont pour cette raison dits à 6 degrés de liberté (fig. 8), ceci pour chaque cas de sollicitations mécaniques extérieures à l'élément. Sont également pris en compte chacun des muscles constituant le système suspenseur de la mandibule [26] dont la direction dans l'espace est schématisée, et la force qu'ils exercent pour maintenir la mandibule au repos, et donc en état d'équilibre, déterminée. Bref, la mandibule est ainsi remise « en situation ».

Application à l'os, ses difficultés La méthode des éléments finis a été créée pour le cas des matériaux isotropes. Comment alors l'appliquer à l'os ? Nos premières recherches ont été orientées vers l'établissement de règles et l'élaboration de modèles d'abord bi- puis rapidement tridimensionnels dont on ne savait initialement pas s'ils représentaient effectivement la réalité, mais dont on pouvait étudier le comportement sous certaines hypothèses afin de le comparer à celui du modèle humain. Peu à peu, par retouches aux règles initiales, il a été possible de valider des modèles fiables qui ont ensuite été traités comme des matériaux usuels, c'est-à-dire isotropes, ceci grâce à des processus d'itération autorisés par la puissance de l'ordinateur utilisé, les règles de base étant modifiées au vu des résultats (fig. 9). Mais revenons au point de départ : celui de la validation d'un premier modèle : il fallait une structure qui soit la plus indépendante possible tout en permettant des vérifications simples des efforts et des comportements. Le choix de la mandibule s'imposait de luimême puisqu'en clinique l'emplacement exact des traits de fracture est parfaitement connu [7]. L'expérimentation portait donc sur la recherche des formes, des résistances des différents tissus osseux, des zones d'insertion des muscles et des efforts développés par ceux-ci lors des déplacements de la mâchoire. Le modèle établi devait, pour être valable, reproduire la forme et l'emplacement des traits de fracture lors des chocs appliqués à la mandibule, et recouper les efforts mesurables. C'est bien ce qui a été obtenu (fig. 10 et 11). Cette première démarche justifiait donc l'approche mais demandait une confirmation sur un système plus complexe : hanche-fémur, par exemple. Là encore, les résultats obtenus montrent qu'un modèle peut être proposé qui semble validé par recoupement, puisqu'il a même permis de prévoir des épaississements de la corticale interne du fémur, liés à la pose de l'implant depuis sa queue jusqu'à l'épiphyse distale. Dès lors, la méthode s'applique à des systèmes qui associent des métaux à des matériaux vivants. Un immense champ d'investigations s'offre à nous puisqu'il devient maintenant possible de prévoir le comportement de telle ou telle prothèse, de déterminer quelle surface d'appui sera nécessaire, et surtout de prévoir la « souplesse » du système en cas de chocs... En résumé, le calcul devient l'outil idéal pour la conception de nouvelles prothèses qui n'ont aucune raison de respecter des formes « anatomiques » puisque les matériaux utilisés ont des caractéristiques intrinsèques très différentes de celles du tissu vivant.

Interférométrie holographique La méthode des éléments finis reposant sur un a priori mathématique, il semble intéressant d'observer, en direct, ce qui se passe réellement dans une mandibule soumise à des contraintes statiques.

Principe succinct Cette méthode récente consiste à fixer sur un même support deux hologrammes correspondant à deux états de contraintes légèrement différents d'un objet donné. Après développement, le support, éclairé par le rayon laser de lecture, restitue les deux images enregistrées qui sont superposées. Or, l'état de vibration de la lumière s'additionnant point par point, ou bien ces vibrations lumineuses s'amplifient, si elles sont en phase, ou bien elles s'annulent, dans le cas inverse, se traduisant sur l'interférométrie par des franges noires dites lignes d'isodéplacement. Premier avantage de l'interférométrie holographique : elle permet, grâce à ces lignes d'isodéplacement, de visualiser le sens et l'intensité des déformations sous contrainte de la pièce, objet de l'expérience. Deuxième avantage : elle met en évidence les déformations localisées et anormales de la structure de celle-ci. Nous y reviendrons. Pour cette expérimentation, nous avons utilisé dans un montage plusieurs mandibules de cadavre isolées de leurs muscles. Dans ce même montage, elles ont été ensuite remplacées par une équerre métallique d'un solide polycristallin simulant leur forme puis par un bloc de carbone-carbone.

Phénomènes singuliers Sous l'effet des contraintes, apparaissent des franges dont le nombre croît en relation directe avec l'augmentation de celles-ci jusqu'à une certaine valeur pour laquelle elles se brouillent du fait de leur trop grand nombre. Si l'on relâche progressivement la contrainte, le même cycle se reproduit en sens inverse. Mais, premier phénomène singulier, il se produit un retournement des franges : initialement perpendiculaires au grand axe de la mandibule, en début de compression, elles décrivent progressivement un cycle de 360° dans le sens des aiguilles d'une montre (pour une mandibule vue par sa face latérale gauche), jusqu'au brouillage. A la décompression, ce phénomène se reproduit mais en sens inverse (fig. 12). Or, celui-ci n'existe pas si les mêmes contraintes sont appliquées à la « mandibule » métallique. On le retrouve en revanche, si ces dernières sont appliquées à un bloc de carbone-carbone en trois dimensions (3D). Ce retournement des franges, caractéristique des matériaux composites, milite en faveur d'un comportement analogique de la mandibule par rapport à ceux-ci. Deuxième phénomène singulier : entre la phase de charge et celle de décharge, il subsiste une déformation résiduelle, l'os déformé ne reprenant pas son état initial malgré l'arrêt des contraintes : il tend, et tend seulement, dans le temps (0 + x) à reprendre celui-ci (fig. 13). Ce phénomène, baptisé hystérésis mécanique, complique encore le travail du biomécanicien... et de l'orthopédiste dento-maxillo-facial ! Troisième phénomène singulier : il existe en des endroits bien localisés une aberration des franges traduisant une anomalie de la structure même du matériau. Or, ces endroits correspondent aux localisations anatomocliniques des fractures mandibulaires. Ceci est à rapprocher de travaux précédents [13] : si, à l'aide de la méthode des éléments finis, on tente par stimulation de reproduire les fractures mandibulaires, ceci n'est possible qu'à la seule condition que les muscles suspenseurs de la mandibule soient pris en compte. Si, en revanche, on étudie les déformations d'une mandibule isolée sous contrainte (privée de ses muscles, ce qui est le cas pour les expérimentations en interférométrie holographique), on constate que ce siège des traits de fractures correspond soit à une inversion du sens du flambage, soit à une inversion du sens de la déformation des corticales médiales et latérales. Bref, même en l'absence de prise en compte des muscles, ce sont des endroits « où il se passe quelque chose ». Et s'ils correspondaient à des « fusibles mécaniques » ? On sait que, lorsque les ingénieurs ne peuvent empêcher la rupture d'une pièce, ils programment celle-ci aux endroits les moins dommageables pour eux. Ainsi, les lieux des traits de fractures correspondraient à des zones de contraintes maximales et de résilience augmentée. C'est ainsi que, du fait de sa nature même, de son organisation et de son environnement musculaire, et des propriétés mécaniques - si différentes de celles des matériaux usuels qui en découlent, l'application des classiques méthodes d'étude à l'os est inadéquate. Sans garder à l'esprit un certain nombre de notions fondamentales : celles de matériaux

composites, de structure sandwich, de haubanage musculaire, il n'est guère possible de comprendre ce matériau qui ne réagit comme aucun matériau usuel. Seule l'application à celui-ci des techniques les plus élaborées en ingénierie de pointe ou en physique de matériaux permet de progresser dans sa compréhension théorique débouchant sur des applications pratiques. Quand, par exemple, optimiser les plaques d'ostéosynthèse ou les implants grâce à celles-ci ?

Haut de page

BIOMÉ CANIQUE DE LA BASE DU CRÂ NE ET DE LA FACE Selon la classique image de Testut, la base du crâne serait comparable à un bateau à quille dont la carène, renforcée par des varangues, présenterait, entre celles-ci, des zones de faiblesse. Cette comparaison tient bien compte de la quille, le châssis endochondral basicrânien profondément enfoui dans la face, mais, surtout, elle postule implicitement que les « limites mécaniques » excèdent largement les régions anatomiques, et que devraient également être prises en compte la poupe de la carène : l'écaille de l'occipital qui n'y appartient pourtant anatomiquement pas et, à la limite, le pont : la calvaria, l'une comme l'autre participant pourtant à la rigidité de l'ensemble céphalique.

Matériel et méthodes A l'aide de nombreuses coupes sériées épaisses effectuées sur crâne sec et soit parallèles aux plans frontal, sagittal médian ou de Francfort, ou bien de couples obliques pratiquées perpendiculairement au grand axe des pyramides pétreuses, nous avons tenté de vérifier et de préciser avec l'oeil du biomécanicien, de l'ingénieur ou de l'anatomiste, la topographie et le rôle des différentes poutres de renforcement, lorsqu'elles existent et, si elles manquent, nous avons essayé de dégager alors les solutions mécaniques retenues.

Première constatation De l'étude de ces différentes coupes, il résulte : que deux zones fondamentalement différentes de par leur organisation mécanique, et dont la selle turcique constitue la frontière, s'opposent : ventralement, la fosse crânienne antérieure s'étendant de celle-ci à l'os frontal ; dorsalement, la fosse crânienne postérieure à laquelle il faut adjoindre l'écaille de l'os occipital jusqu'au sillon du sinus transverse pour la lame interne et les lignes nuchales supérieures (et suprême) pour la lame externe ; la fosse crânienne moyenne étant une zone de transition ; que ces deux types d'organisation mécanique correspondent à deux fonctions bien différentes : la fosse crânienne antérieure semble avoir été « pensée » pour résister aux contraintes liées à la mastication ; les fosses crâniennes moyenne et postérieure paraissent « dessinées » pour supporter celles développées par la statique cervicale et lors des mouvements de la tête.

Fosse crânienne postérieure Théories classiques

Composée du clivus, auquel il faut adjoindre l'écaille de l'os occipital, elle serait renforcée par un système de poutres ainsi schématisé depuis Benninghoff (fig. 14) : deux poutres pétreuses (fig. 14, no 3) naissant au niveau clinoïdiens postérieurs et longeant respectivement les bords ventraux pyramides pétreuses ; un anneau circulaire renforçant le foramen magnum auquel vient occipitale postérieure (fig. 14, no 5) à sa partie toute dorsale ; deux piliers mastoïdiens craniofaciaux solidarisant la calvaria à la piliers que nous n'avons jamais retrouvés (fig. 14, no 4).

Structures mécaniques réellement observées

des processus et dorsaux des s'unir la poutre base du crâne,

[15]

Si la fosse crânienne postérieure est bien renforcée par un système de poutres, la disposition et la constitution de celles-ci semblent assez différentes de celle décrite par Benninghoff. L'anneau circulaire de renfort du foramen magnum est en réalité un anneau brisé car soudé à la partie dorsale du clivus sphénoïdal. C'est sur cet anneau, au niveau de sa face caudale et près du clivus, que sont situés les condyles occipitaux, euxmêmes supportés par un renfort. Le clivus n'est pas renforcé latéralement par la partie initiale de la poutre pétreuse dorsale. C'est au contraire une large poutre creuse à remplissage aréolaire, triangulaire selon une coupe effectuée sur le plan sagittal médian. De nombreux auteurs, dont Couly, partagent cette opinion. Nous avons observé avec Barbin l'existence constante, dans cette zone clé, d'un troisième renfort sous la forme de deux jambes de forces bilatérales, que nous avons appelé les renforts clivoforaminiens. Elles s'étendent du bord latéral du clivus à l'union de son tiers moyen et de son tiers dorsal et présentent leur maximum d'épaisseur au niveau du tubercule jugulaire, constituant le toit du canal de l'hypoglosse pour venir mourir en s'amincissant par une large base triangulaire, un « congé », partie sur l'anneau périforaminien, partie sur la zone latérale de l'écaille de l'os occipital (fig. 15). Précisons que les jambes de force ou les renforts s'unissent toujours aux pièces crâniennes qu'elles sont destinées à rigidifier par cette surface triangulaire, le « congé ». Ceci est un dispositif habituel en mécanique où le rayon de celui-ci est calculé par ordinateur : au-dessous d'un rayon minimal, le renfort casse au niveau du congé (fig. 16). De même, lorsqu'un orifice est percé dans une pièce, une carlingue d'avion par exemple, son pourtour est nécessairement renforcé pour éviter les « criques ». Clivus, arc périforaminien et jambes de force clivoforaminienne représentent un premier sous-ensemble mécanique destiné à maintenir constant l'angle clivoforaminien. Les contraintes exercées par les puissants muscles du cou, lors des mouvements de flexion-extension, se situent en effet à ce niveau et auraient tendance à ouvrir cet angle, le moment de la force étant représenté par la distance lignes nuchales-condyles M-M' (fig. 17). Comme le clivus, les pyramides pétreuses ne sont pas renforcées au niveau de leur bord ventral et caudal. Ce sont aussi des poutres creuses quadrangulaires et pyramidales, percées de nombreux orifices et également à structure aréolaire, peut-être d'ailleurs sensiblement plus dense que le clivus. Les poutres décrites correspondent en fait à l'épaisseur des angles correspondants. La base de cette pyramide pétreuse s'appuie, comme cela est mécaniquement logique, sans solution de continuité sur le processus mastoïdien dont nous avons précisé dans le cadre d'un autre travail qu'il n'était pas un pilier mais une structure-coque à parois minces, destiné à obtenir avec une extrême légèreté, mais au prix d'un encombrement augmenté, une rigidité maximale. Pyramides pétreuses et processus mastoïdien : le V pétromastoïdien représente

un deuxième sous-ensemble mécanique destiné, au cours des mouvements combinés ou non de roulis et de rotation de la tête, liés à la contraction des muscles sterno-cléido-mastoïdiens (SCM) et de certains muscles nuchaux, à assurer la rigidité de la fosse crânienne postérieure. La contraction en effet du muscle SCM développe un mouvement de flexion empruntant grossièrement le trajet de la pyramide pétreuse et aboutissant, ici encore, à des contraintes en cisaillement au niveau des bords latéraux du clivus (fig. 18). L'écaille de l'os occipital, enfin du foramen magnum au sillon du sinus transverse est une zone de transition. Elle appartient certes à la calvaria, à la rigidité de laquelle elle participe mais elle intervient aussi dans celle de la fosse crânienne postérieure dont elle représente le troisième sous-ensemble mécanique. En effet, la contraction des muscles SCM tend à fermer le V pétromastoïdien et à l'abaisser, tandis que celle des muscles de la nuque tend à ouvrir l'angle clivoforaminien (fig. 19). Pour s'opposer à ces contraintes en cisaillement, l'écaille de l'os occipital a une structure type sandwich - lames interne et externe denses avec remplissage en nid d'abeilles du diploé. Ajoutons qu'elle est précontrainte grâce à la mise sous tension des fibres collagènes avant le dépôt des cristaux d'hydroxyapatite (Bonnuci et Ascenzi) . Par ailleurs, la crête occipitale interne et les deux berges du sillon transverse jouent le rôle de raidisseur.

Fosses crâniennes antérieure et moyenne Théories classiques

[10]

Les descriptions classiques sont ici plus floues : deux systèmes de renforcement dont l'un, accessoire, ont été schématisés : la crête frontale interne qui appartiendrait à un hypothétique « arc frontooccipital », renfort endocrânien continu de la calvaria. En réalité, homologue de la crête occipitale interne, c'est une nervure naissant de la crista galli, et destinée à renforcer l'os frontal, mais qui intervient également dans la rigidité du toit des cavités nasales ; le système de renfort sphénofrontal (fig. 14 no 1 et 2) serait constitué de deux poutres, l'une ventrale, empruntant le trajet du bord ventral des petites ailes de l'os sphénoïde, le deuxième, le bord dorsal de celles-ci, du processus clinoïdien antérieur à la lame interne du carrefour sphénotemporal où elle s'unit à la précédente et à la lame interne de la calvaria, à l'aide d'un volumineux « congé », au droit - est-ce un hasard ? - de la naissance du tendon du muscle temporal.

Structures mécaniques réellement observées

[19]

On ne peut comprendre la biomécanique de la fosse crânienne antérieure sans avoir constamment à l'esprit trois notions essentielles : la fosse crânienne antérieure et la face forment un « ensemble mécanique indissociable », chaque élément constitutif participant à la rigidité de l'autre et réciproquement ; cet ensemble mécanique présente une rigidité maximale pour un poids minimal ; il est creusé, dans un but d'allégement, de nombreuses cavités : les cavités orbitaires, nasales, mais aussi les sinus maxillaires, ethmoïdaux dont le rôle mécanique est primordial. Tout s'éclaire alors, et il apparaît que la nature a fait appel, avant la lettre, à des « solutions aéronautiques ». On sait que la carlingue des avions, qui se présente comme un caisson unique, est renforcée par des « cadres » renforts circulaires disposés à distance régulière et tout particulièrement là où existent des surcontraintes, les emplantures d'ailes par exemple. Il en est de même pour la

face, à cette différence près que celle-ci est un système à caissons multiples, chacun de ceux-ci étant lui-même renforcé par des « cadres ». La partie antérieure de la fosse crânienne antérieure et la face doivent leur rigidité à un triple système de caissons : médialement, les cavités nasales ; latéralement, les cavités orbitaires ; crânialement les sinus maxillaires. Le caisson double, cavités orbitaires - sinus maxillaire, est renforcé à sa partie tout antérieure par un cadre commun, constitué du bord supraorbitaire de l'os frontal, du bord infraorbitaire et du processus frontal, de l'os maxillaire, ce dernier délimitant l'orifice antérieur des fosses nasales, et latéralement, par l'os zygomatique et son processus frontal. Ce cadre, à l'exception du processus frontal de l'os maxillaire, est constitué d'os dense. Plus en arrière, les cavités orbitaires et les sinus maxillaires sont séparés par une mince lame papyracée tandis que ces derniers sont « raidis » latéralement par le processus pyramidal et en bas par les crêtes alvéolaires de l'os maxillaire (fig. 20). Médialement, le rôle des cellules ethmoïdales, avec leurs fines cloisons parallèles, nous semble important. Ce sont des « raidisseurs ». Cette solution est d'utilisation courante en aéronautique (fig. 21). Le « positionnement », dans le plan frontal, des demi-cadres orbitosinusiens est assuré par deux jambes de force sagittales prenant appui sur l'os temporal : les processus zygomatiques (fig. 22).

Fosse crânienne moyenne Au niveau de la partie caudale de la fosse crânienne antérieure et de la face, ainsi que de la fosse crânienne moyenne, les solutions mécaniques retenues sont plus complexes comme le révèlent les coupes frontales passant par le centre de la selle turcique. Au centre, se trouve le sinus sphénoïdal, généralement impair, mais qui peut se présenter comme une structure bilobée à parois épaisses. Examiné avec l'oeil du biomécanicien ou avec celui de l'ingénieur, à qui il a été demandé de « refaire les plans », cette région est à l'évidence une zone de surcontraintes. Le sinus sphénoïdal s'appuie en effet sur une solide poutre, grossièrement horizontale, constituée dans le sens latéromédial par le tubercule articulaire de l'os temporal et le bord inférieur des grandes ailes de l'os sphénoïde, qui viennent mourir en s'amincissant sur le corps de ce même os (fig. 23). Au-dessous de cette poutre, deux structures reprennent les efforts développés au niveau du palais dur pour les transmettre à celle-ci latéralement, les processus ptérygoïdiens, structures de renfort en V, et médialement les cavités nasales. Au-dessus de cette poutre (fig. 24), les efforts sont repris par le bord postérieur des petites ailes de l'os sphénoïde (poutre sphénotemporale), solides jambes de force qui renvoient les efforts à la lame interne de la calvaria. On peut d'ailleurs s'interroger sur le rôle mécanique du sinus sphénoïdal. Comme le sinus frontal, il occupe un « carrefour mécanique » que l'on peut définir comme un lieu où arrivent et d'où partent des contraintes. Un tel dispositif existe sous le nom de « gousset » dans les grandes charpentes métalliques, constituées de tubes creux, lesquels convergent toujours vers un noeud central. Le but de ce dispositif complexe est d'assurer la stabilité de la « semelle alvéolaire » dans les trois plans de l'espace lors de la mastication mais aussi d'encaisser les contraintes exercées par les muscles manducateurs sur leurs zones d'insertion calvariennes (fig. 25).

Haut de page

BIOMÉ CANIQUE DE LA CALVARIA (VOÛ TE DU CRÂ NE)  [16] Ainsi que nous l'avons déjà précisé, la calvaria participe à la rigidité du squelette céphalique. Comme pour la base du crâne, les auteurs classiques font appel à un système de poutres de renforcement. Pour ne pas alourdir inutilement ce travail nous renvoyons, pour leur description, [12] le lecteur au Rouvière et Delmas [29] ou au Chateau [15].

Rôle réel des arcs et des piliers de renforcement Au niveau de la lame externe les arcs latéraux cranial et caudal ainsi que les lignes nuchales sont essentiellement des crêtes d'insertion musculaires destinées à renforcer la lame externe de la calvaria, là où les contraintes en traction développées par la contraction des muscles sont maximales. Rappelons que l'insertion linéaire d'un muscle ou d'un tendon puissant se traduit le plus souvent par une crête (la ligne âpre du fémur par exemple) ou plus rarement par une gorge (l'incisure mastoïdienne, ex-rainure du M digastrique) afin d'en augmenter la surface d'insertion. Au niveau de la lame interne, la crête frontale interne est une nervure de renforcement de même que la crête occipitale interne.

Structure mécanique de la calvaria Théories modernes Si les « poutres » et les « travées » de renforcement, classiquement décrites, n'interviennent que très accessoirement dans l'inertie de la calvaria, à quel dispositif attribuer celle-ci ? La structure mécanique de la calvaria fait appel au principe des structures sandwich précédemment énoncées : elle présente en effet des lames interne et externe de substance compacte prenant en sandwich le diploé, structure également aréolaire et à orientation aléatoire. C'est de cette structure, lorsque les facteurs rigidité maximale et poids minimal revêtent une importance majeure, que dépend bien l'inertie de la calvaria. Un bon exemple d'un tel dispositif est représenté par la structure de tuyaux de canalisation en PVC (fig. 25). Du fait de leur longueur, ceux-ci ont une évidente tendance à la flexion. Pour éviter celle-ci, certains constructeurs (Sogecan) ont eu l'idée de donner, à la même matière, le PVC, deux étapes physiques différentes : les parties externe et interne du tuyau (les lames interne et externe ?) se présentent comme deux couches minces et denses enserrant une couche intermédiaire aréolaire, et donc de densité moindre. Poursuivant notre comparaison anatomie-génie aéronautique et spatial dans l'espoir que les solutions retenues par l'ingénieur puissent éclairer l'anatomiste, nous leur avons demandé comment ils reconstruiraient aujourd'hui la calvaria. Il apparaît que, mécaniquement (mais non biologiquement), les lames externe et interne sont analogues à des coques en toile de carbone époxy entrecroisées sur au moins deux épaisseurs, aboutissant ainsi à une structure à revêtement bidirectionnel, entre lesquelles serait noyé un remplissage soit en nid d'abeilles, soit en polystyrène expansé, etc. Les plis (ou les nervures de renforcement), représentés par les crêtes frontale et occipitale internes, la protubérance occipitale interne, les berges du sillon du sinus transverse, seraient réalisés en intercalant des épaisseurs supplémentaires de tissus carbone époxy à fibres parallèles représentant autant de nervures ou de

raidisseurs. Nous nous sommes par ailleurs interrogés sur la manière dont la fosse crânienne postérieure, dont l'épaisseur est minime et qui est souvent translucide à la transillumination, était organisée pour subir les contraintes puissantes développées par la lame externe sur et entre les lignes nuchales par la contraction des muscles de la région postérieure du cou. Rappelons d'abord qu'il s'agit de contraintes en traction, auxquelles, on le sait, l'os résiste nettement moins bien qu'aux contraintes en compression. Comment ce problème a-t-il été résolu ? Par des raidisseurs supplémentaires, mais aussi et surtout, comme nous l'avons vu, parce que l'os est un matériau polyphasique non homogène qui ne se rompt pas brutalement comme le verre ou l'acier, mais progressivement, car à chaque interphase, une partie des contraintes est absorbée tangentiellement.

Haut de page

BIOMÉ CANIQUE DE LA MANDIBULE  [22] L'étude des corrélations entre la forme et la structure de la mandibule (son « design »), envisagée en fonction des contraintes qu'elle subit, pose des problèmes multiples. En effet, certaines théories, pourtant encore admises, élaborées pour tenter d'expliquer son inertie ou les conditions mécaniques de son fonctionnement, ne correspondent plus aux lois récentes de la résistance des matériaux. Mieux, il existe, comme nous l'avons vu, une inadéquation totale entre l'objet à étudier, la mandibule (ou l'os), et les méthodes classiques d'expérimentation devenues obsolètes. Prenant acte de cet état de fait, nous avons été contraints de repenser l'outil expérimental. Le bilan qui en résulte se résume à quatre hypothèses qu'il a fallu vérifier. Rappelons que pour cela, nous avons appliqué les méthodes de calcul utilisées lors de la conception et de l'élaboration des grandes structures métalliques, telles les plates-formes de forage « off shore ». Il a donc fallu concevoir un « modèle », c'est-à-dire remplacer une structure réelle par une structure virtuelle, simplifiée mais « équivalente », possédant des propriétés mécaniques identiques à la première. C'est cette méthode devenue classique, la « méthode des éléments finis », qui a été transposée à l'étude mécanique de la mandibule.

Première théorie : la mandibule, une structure à revêtement travaillant Classiquement, depuis Benninghoff, l'inertie de la mandibule serait assurée, pour la majorité des auteurs, par un système de poutres ou de travées de renforcement, disposées dans la spongieuse, et dans la corticale. La quantité de matériaux osseux resterait à peu près constante. Seule varierait la disposition de ce système. Dans les théories les plus modernes, les travées intraspongieuses et intracorticales correspondraient et seraient caractéristiques de l'espèce animale et de son type de mastication [25]. L'existence de renforcements corticaux nous semble admissible ne serait-ce que comme un éventuel renfort au niveau des insertions musculaires (et des surcontraintes développées par celles-ci), mais il s'agit d'un renfort local, n'intervenant que peu dans l'inertie globale de la mandibule. Quant à l'adaptation fonctionnelle de la spongieuse, sous forme de travées et de fibres de renforcement, elle nous apparaît discutable. Des microradiographies sériées et effectuées dans les trois plans de l'espace par le professeur Dhem montrent, d'ailleurs, qu'il n'existe pas chez l'homme de renforcement intraspongieux, que la structure de celle-ci est alvéolaire à orientation aléatoire, même s'il existe des zones de densité différente, probablement en relation avec l'intensité des contraintes subies. Il n'a pas non plus été retrouvé de système trabéculaire organisé intracortical . C'est encore en nous inspirant des techniques aéronautiques et spatiales que

nous avons formulé notre hypothèse de structure à revêtement travaillant. La spongieuse est équivalente au « nid d'abeilles » (structure aréolaire régulière en « kraft », en clinquant d'aluminium ou en Nomex) utilisé dans la construction des ailes d'avion (bidimensionnel) ou peut-être mieux, aux billes de polystyrène expansé (tridimensionnel) de la construction de plaisance, le principe étant le même. Son rôle est de maintenir constants la forme de l'étui cortical et l'écartement de ses parois, quelles que soient les contraintes appliquées, en sachant que l'inertie de la mandibule est assurée majoritairement par ce dernier. Ce système est celui qui permet une inertie maximale pour une légèreté maximale, au prix d'une économie importante de matériaux, mais aussi d'une organisation structurale complexe. On retrouve d'ailleurs cette notion fondamentale dans la totalité du squelette céphalique. Cette théorie n'est nullement une vue de l'esprit puisqu'elle a été vérifiée. Pour ce faire, on teste d'abord la validité du modèle en lui appliquant des sollicitations d'effets connus : on sait en effet que, par exemple, un choc appliqué à la pointe du menton entraînera, selon son intensité, différentes fractures, séquentielles ou non, de la mandibule dont les formes anatomocliniques sont parfaitement codifiées. Sur le modèle, elles se traduisent par des lignes d'isocontraintes maximales recouvrant pratiquement les lignes de fracture ! Ainsi, toute hypothèse à valider est-elle incorporée au modèle sur lequel sont alors stimulés des chocs. Si les lignes d'isocontraintes apparaissent, coïncidant avec les traits habituels de fracture, l'hypothèse est déclarée valable. Au contraire, si l'hypothèse est fausse, les lignes d'isocontraintes peuvent être totalement aberrantes.

Deuxième théorie : la mandibule, structure suspendue en porte-à-faux On sait depuis Robinson que les articulations temporomandibulaires ne subissent que de faibles pressions au cours de la mastication, et qu'elles sont anormalement incapables d'en supporter d'importantes. Ce sont, en réalité, des « pions de centrages », dispositif utilisé en mécanique pour guider une cinématique complexe. Le calcul des moments des forces de serrage a permis de démontrer que la mandibule avait un appui virtuel dans la région spigienne et que les muscles élévateurs, réalisant un véritable système musculaire suspenseur, contribuaient, comme les câbles des ponts suspendus, à encaisser chocs et pressions. Après avoir vérifié sur notre modèle la validité de cette hypothèse, nous avons modifié celui-ci en le replaçant en appui condylien. Dans ces conditions et lors de l'application de contraintes statiques identiques à celles du cas précédent, apparaissent alors des lignes d'isocontraintes totalement aberrantes, simulant des formes anatomocliniques de fractures quasi inconnues. La mandibule, structure suspendue en porte-à-faux, est intégrée dans un système craniofacial, lui-même en déséquilibre. Ce dispositif suppose un système de commandes particulièrement complexe, que l'on retrouve en robotique, et qui autorise une précision de mouvements sans commune mesure avec ce que l'on observe dans les structures classiques. Ce dispositif assure également au système un pouvoir adaptatif sans équivalent.

Troisième théorie : les « fusibles mécaniques », le dispositif de sauvegarde des rochers Lors des traumatismes mandibulaires, l'impactage des rochers par les condyles est assez exceptionnel. Rappelons que la sauvegarde des rochers semble due à la conjonction de trois facteurs bien particuliers : musculaire, articulaire, mandibulaire. Musculaire : admettre la théorie de la mandibule suspendue comme un hamac, par ses muscles élévateurs, permet de saisir qu'en cas de traumatismes, une partie de l'énergie cinétique engendrée par ceux-ci sera déjà absorbée, au moins partiellement, par le système musculaire. Articulaire : car il existe un ensemble associant articulation temporomandibulaire et vaisseaux, constitués essentiellement par les plexus veineux ptérygoïdiens. C'est le réseau veineux de la fosse infratemporale. Il

reçoit les veines méningées moyennes, les veines temporales profondes, celles du canal ptérygoïdien ainsi que les éléments veineux temporomandibulaires, parotidiens et tympaniques. Ce plexus qui se draine dans les veines maxillaires joue le rôle d'un coussinet amortisseur (comment alors supposer de fortes pressions infra-articulaires ?). Par ailleurs, la présence d'une pression, certes faiblement positive, mais néanmoins réelle, dans la partie méniscotemporale de la capsule et la disposition des plexus veineux jouent un rôle majeur dans la dispersion des pressions anormalement exercées à ce niveau. Mandibulaire : les expériences menées en commun avec GEC-Alsthom (éléments finis) et l'Aérospatiale Aquitaine (interférométrie holographique) ont permis de mettre en évidence l'aspect peut-être le plus original de ce dispositif de sauvegarde des rochers : ce sont les « fusibles mécaniques ». En mécanique, lorsque pour une raison quelconque, la ou les fractures d'une pièce sont impossibles à éviter, des zones de faiblesses, les « fusibles mécaniques », sont localisées par calcul, là où elles s'avèrent évidemment les moins dommageables, ceci signifiant que si l'ingénieur sait ne pouvoir empêcher la rupture d'une pièce, il programme celle-ci à sa convenance. Ces fusibles mécaniques correspondent aux formes anatomocliniques des fractures mandibulaires. Nous avons pu démontrer à l'aide du modèle, modifié et adapté à cette expérience, que la déformée générale de la mandibule (ou sa déformation si l'on préfère) variait en fonction de la charge statique et de sa direction, que ces zones de fractures correspondaient soit à des inversions de sens du vrillage de la mandibule, soit à des inversions du sens de la déformation des corticales internes ou externes, ou de la seule corticale externe. Ceci recoupe entièrement les « phénomènes singuliers » : inversions ou divergences de franges, chevauchement de celles-ci ou franges en boucles, que nous avons observés en interférométrie biographique. On retrouve les mêmes phénomènes de face, semblant apparemment travailler pour leur propre compte au niveau du fémur et l'on peut se demander si, comme ce dernier, la mandibule ne se comporte pas comme un « modèle à facettes ». Quoi qu'il en soit, en cas de traumatisme appliqué à la pointe du menton, il se produit une série de fractures séquentielles et programmées d'arrière en avant, intéressant selon l'intensité croissante de ce traumatisme, d'abord la région sous-condylienne, puis la région angulaire, enfin, les zones paramédiane et médiane.

Quatrième théorie : la mandibule « composite hétérogène précontraint » renforcée multidirectionnellement L'une des caractéristiques principales de l'os, rendant particulièrement ardue l'étude de ses propriétés mécaniques (cf. supra), est qu'il ne possède pas de symétrie mécanique. Ceci signifie que les propriétés mécaniques varient selon la direction dans l'espace. De plus, pour compliquer encore le problème, l'os travaille essentiellement dans le domaine plastique et peu dans le domaine élastique. Il est très sensible au fluage : propriété de continuer à se déformer sous l'effet d'une pression maintenue constante durant un assez long laps de temps. Par ailleurs, l'interférométrie holographique a démontré qu'il présentait un phénomène d'« hystérésis mécanique », ceci signifiant qu'après déformations il tend, mais tend seulement, à retrouver sa forme initiale. Ces notions essentielles obligent à reconsidérer le problème du déplacement dentaire et celui de la récidive : contrairement en effet aux idées admises, si pour déplacer une dent il convient d'appliquer des pressions faibles, celles-ci doivent être continues et non discontinues ceci afin de travailler évidemment dans le domaine élastique, mais surtout d'utiliser le phénomène de fluage sous pression maintenue. Lorsque le phénomène de recul est amorcé, il devient très rapide. Aussi, doit-on le plus souvent, dès le début du recul, diminuer la pression exercée, sous peine de voir apparaître des phénomènes de version ou de rotation en dépit des précautions prises. Ce phénomène se traduit par un tableau clinique particulier : 24 heures après l'application de la force, apparaît une légère douleur qui se prolonge le plus souvent ainsi pendant 24 heures. Elle correspond à la mise en charge de l'os alvéolaire et au passage de celui-ci dans le domaine plastique puis dans celui du

fluage. C'est seulement lorsque cette douleur disparaîtra, parce qu'une partie de cette force constante aura été absorbée par l'os, que la dent se déplacera par fluage. Ce phénomène est très comparable à un procédé industriel utilisé pour former des pièces et appelé l'« extrusion ». Il consiste à appliquer à un métal ou un alliage donné une pression donnée (généralement très élevée dans ce cas). Selon la ductibilité du métal, le procédé est utilisé soit à chaud, soit à froid. Cette pression est maintenue constante. Pendant un certain temps correspondant à la mise en charge du métal, rien ne se produit. Puis tout à coup, la pression, maintenue constante, diminue spontanément. Ceci est dû au fait que le métal ou l'alliage utilisé a quitté le domaine élastique pour le domaine plastique, voire le fluage. Il se déplace alors. L'« hystérésis mécanique », propriété qu'a l'os après déformation de tendre, mais tendre seulement, à retrouver sa forme initiale avons-nous précisé, explique probablement certaines récidives partielles, que ne peuvent totalement expliquer des troubles de la musculature orofaciale ou de la langue. On conçoit donc la nécessité d'une contention prolongée, celle-ci devant être dynamique et non statique. Le but d'une contention dynamique consiste à faire travailler les dents et si possible chacune d'entre elles dans la nouvelle position donnée, afin que les charges qu'elles subissent contribuent à une nouvelle organisation de l'os. Ceci est le principe de « positionneur ». Les expériences en interférométrie démontrent que la mandibule a un comportement mécanique voisin de celui des composites carbone-carbone renforcés tridimensionnellement. La même expérience, reprise à l'aide de la méthode des éléments finis, confirme en les précisant ces résultats et permet de mettre en évidence la reprise séquentielle des efforts par un système de fibres de renforcement multidirectionnel. Ceci n'infirme nullement notre théorie de structure à revêtement travaillant, mais induit que si la spongieuse est bien une structure aréolaire sans système de renforcement, les travées longitudinales parfois observées dans la corticale ne sont qu'un aspect limité d'un système plus complexe, multidirectionnel, dont jusqu'à présent, seul un des éléments unidirectionnels a été isolé. Cette assimilation de l'os à un matériau polyphasique non homogène, sandwich tissu compact - tissu spongieux, explique sa résistance aux fractures, puisqu'il se rompt de façon progressive, à chaque interface, une partie des contraintes étant absorbée tangentiellement.

Haut de page

CONCLUSION L'application de méthodes d'ingénierie à l'étude de la structure d'une pièce anatomique osseuse remise en situation autorise la discussion de certaines idées reçues. Elle a surtout permis d'élaborer et de vérifier des hypothèses modernes plus conformes aux lois de la résistance des matériaux et particulièrement de ceux, modernes, créés par l'homme. Cette méthodologie nouvelle semble, par la puissance des moyens de calcul, revêtir une importance majeure dans la mesure où, appliquée à telle ou telle pièce anatomique osseuse ou telle articulation, elle permet d'en calculer les caractéristiques avec une précision non encore atteinte. Pour donner un exemple précis de la fiabilité de ce type d'expériences lourdes, précisons qu'en calculant à l'aide de la méthode des éléments finis, puis en contrôlant les résultats à l'aide de l'interférométrie holographique, des fémurs équipés ou non de prothèses de hanche de types différents, nous avons prédit que l'introduction de celles-ci entraînerait, quel qu'en soit le type utilisé, un épaississement de la corticale de la face postéromédiale du fémur au droit et audessous de la queue de la prothèse. Reprenant ses cas (1 700) de patients opérés à l'aide d'une prothèse de Charnley, Bechtol, à Los Angeles, a confirmé que cette hypertrophie apparaissait en effet là où l'avaient située les calculs.

Les études que nous poursuivons depuis plus de dix ans dans le cadre du Centre nantais d'études et de réalisations biomécaniques et dans celui du Laboratoire d'anatomie de l'UER de médecine de Nantes (Pr Barbin), consacrées d'abord à la biomécanique de la mandibule, puis à celle de la calvaria (voûte du crâne) et enfin, très récemment, à celle de la base du crâne et de la face, permettent une vue globale de la biomécanique de l'extrémité céphalique. Elles permettent d'éclairer la pathologie des fractures mandibulaires ou de la face, celle des conséquences mécaniques des grands bridges maxillaires. Elles ont évidemment des implications en orthopédie dentofaciale ainsi qu'en implantologie orale, puisqu'il est aisé de déterminer par calcul les zones où les implants ont le moins de chances d'être tolérés.

Références [1]

ASCENZI A, BONNUCI E The tensile properties of single osteons. Anat Rec 1957 ; 158 : 375386

[2]

ASCENZI A, BONNUCI E The Anat 1964 ; 58 : 160-183

[3]

BAERT G. Contribution à l'étude du comportement mécanique de l'os [Thèse]. Bordeaux. 1986

[4]

BONFIELD W, CLARK EA Elastic deformation of compact bone. J Mater Sci 1973 ; 8 : 15901594

[5]

BONFIELD W, DATTA PK Young's modulus of compact bone. J Biomech 1974 ; 7 : 147-149

[6]

BRASH JL, SKORECKI J Determination of the modulus of elasticity of bones by a vibration method. Med Biol Engin Comput 1970 ; 8 : 389-393

[7]

CHAMPY M, LODDE JP Etude des contraintes dans la mandibule fracturée chez l'homme. Mesures théoriques et vérifications par jauges extensométriques in situ. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1977 ; 78 : 545-551

[8]

COLLIER RJ, BURCKARDT CB, LIN HH. Optical holography. Academic Press. New York. 1971

[9]

COULY G. Biomécanique osseuse maxillofaciale, généralités. Encycl Med Chir (Paris, France). Stomatologie. 22001 D15. 1980

[10]

DEFFEZ JP Base de l'étage moyen de la face, les sites et les facteurs de croissance du maxillaire : données actuelles. Actual Odonto-Stomatol 1979 ; 128 : 647-668

[11]

EVANS JG. Stress and strain in bones. CC Thomas. Springfield. 1957

[12]

FERRÉ JC La mandibule, une structure aéronautique ? Considérations sur la structure mécanique de la mandibule. Orthod Fr 1980 ; 51 : 375-389

[13]

FERRÉ JC. La mandibule, une structure suspendue à matériaux composites, à revêtement travaillant ? (Approche à l'étude de la structure de la mandibule à l'aide des méthodes modernes utilisées en ingénierie) [Mémoire pour le DERBH]. Amiens. 1983

[14]

FERRÉ JC. Approche biomécanique à l'étude de la structure de la mandibule [Thèse]. Amiens. 1986

[15]

FERRÉ JC. Orthopédie dentofaciale. In : Chateau ed. Biomécanique du squelette céphalique. Tome I : Bases scientifiques. CDP. Paris. 1993 ; pp 231-251

[16]

FERRÉ JC, BARBIN JY Réflexions Fr 1986 ; 57 : 729-739

[17]

FERRÉ JC, BARBIN JY, LAUDE M, HELARY JL A physiomathematical approach to the structure of the mandible. Anat Clin 1984 ; 6 : 45-52

[18]

FERRÉ JC, CHEVALIER C, ROBERT R , et al. Reflexions on the mechanical structure of the base of the skull and on the face. Part 1 : Classical theories, observed structures. Surg Radiol Anat 1989 ; 11 : 41-48

[19]

FERRÉ JC, CHEVALIER C, ROBERT R, LE CLOAREC AY, BARBIN JY Reflexions on the mechanical structure of the base of the skull and on the face. Part 2 : Discussion, current concepts and theories. Surg Radiol Anat 1989 ; 11 : 135-140

[20]

FERRÉ JC, HELARY JL, LUMINEAU JP, LEGOUX R. A study of the structure of mandibule based on modern engineering method. Anat Clin 1982 ; 4 : 11-14 et 197-204

[21]

FERRÉ JC, LEGOUX R, HELARY JL et coll Application des techniques de modélisation à l'étude structurale de la mandibule sous contraintes. Anat Clin 1985 ; 7 : 183-192

[22]

FERRÉ JC, LEGOUX R, HELARY JL , et al. Study of the mandible under static constraints by holographic interferometry. New biomechanical deductions. Anat Clin 1985 ; 7 : 193-203

[23]

FROST H. Introduction to biomechanics. Thomas Publisher. Springfield. 1966

[24]

HALL MG. The architecture of bones. Thomas Publisher. Springfield. 1966 ; pp 197-200

[25]

JOURDE J, VANNEUVILLE C Etude des lignes de force du maxillaire inférieur par la méthode des lignes de fissuration colorées. Rev Stomatol Maxillofac 1971 ; 72 : 27-38

[26]

KRAUSS H On the mechanical properties and behavior of human compact bones. Adv Biomed Engin Med Phys 1968 ; 2 : 169-204

[27]

LAUDE M, THILLOY G, Fr 1976 ; 47 : 533-539

ultimate

sur

RIGGS E Les

la

tensile

structure

attaches

strengh

of

mécanique

basicrâniennes

single

de

du

la

osteons. Acta

calvaria. Orthod

massif

facial. Orthod

[28]

MEYER HV Die Architektur des spongiosa. Arch Anat Physiol 1867 ; 34 : 615-628

[29]

ROUVIERE M, DELMAS A. Anatomie humaine, description topographique et fonctionnelle. Tome 1 : Tête et cou. Masson. Paris. 1973

[30]

SEDEL L Propriétés mécaniques de l'os. Rev Chir Orthop 1974 ; 60 : 643-656

[31]

SWANSSON SA Mechanical properties of bone. Adv Biomed Engin Med Phys 1971 ; 1 : 137187

[32]

WEINMANN, SICHER. Bone and joint. Mosby. Saint Louis. 1947

© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 : Courbes de Hooke d'un acier polycristallin. A noter les différences entre le domaine élastique (1) et plastique (2).

Fig 2 :

Fig 2 :

L'os est un matériau composite précontraint (Currey). Knèse a comparé l'os à un matériau précontraint comme le béton armé précontraint. L'apatite joue le rôle du ciment et le collagène celui des fers à béton. La précontrainte naîtrait d'une croissance différente entre l'apatite et le collagène. Le premier grandissant plus vite serait en précontrainte.

Fig 3 :

Fig 3 : Mise en évidence de la précontrainte dans les lamelles de l'ostéon. (D'après Ascenzi et Benvenutti, 1977).

Fig 4 :

Fig 4 :

L'os est un matériau polyphasique - Ruptures comparées d'un matériau monophasique (comme le verre) et d'un matériau polyphasique (fibre de verre) où les contraintes s'épuisent tangentiellement dans l'interphase (Gordon).

Fig 5 :

Fig 5 : A. Renforcement unique : sous l'influence d'un choc, rupture de la pièce. B. Renforcements multiples à faibles liaisons dispersées : apparition de microfissures mais pas de rupture de la pièce. (D'après Albugues et Ferré).

Fig 6 :

Fig 6 : Modèle physicomathématique « spatial » de la mandibule. A partir d'un « plan de masse » la mandibule est découpée en petits éléments, d'où le nom de « méthode des éléments finis ».

Fig 7 :

Fig 7 : Chaque élément est réuni aux autres éléments par ses sommets appelés noeuds.

Fig 8 :

Fig 8 : Déformation d'un élément sous contraintes.

Fig 9 :

Fig 9 : Pour chaque cas de contraintes, l'ordinateur calcule instantanément le déplacement des noeuds (3 angles et 3 vecteurs) (noeuds à 6 degrés de liberté).

Fig 10 :

Fig 10 : Apparition de lignes d'isocontraintes maximales à l'endroit où siègent les fractures pour une sollicitation à direction oblique appliquée à la pointe du menton.

Fig 11 :

Fig 11 : Même cas de figure mais sur la face externe. Une fois le modèle élaboré, les hypothèses de recherche à vérifier y sont incorporées, et la fiabilité de celui-ci et, partant, des hypothèses incluses, est testée en lui appliquant des sollicitations dont le résultat est parfaitement connu.

Fig 12 :

Fig 12 : a, b, c. Décomposition d'un retournement : à départ en précontrainte à appui.

Fig 13 :

Fig 13 : Courbes de Hooke d'un acier polycristallin (A) et d'une mandibule (B) et/ou d'une matière plastique. Phénomène d'hystérésis mécanique.

Fig 14 :

Fig 14 : Architecture de la base du crâne : centre de résistance, poutres, piliers (d'après Benninghoff). 1 et 2. poutres sphénofrontales ; 3. poutres pétreuses ; 4. piliers mastoïdiens ; 5. arc frontooccipital (partie initiale) ou poutre occipitale postérieure.

Fig 15 :

Fig 15 : Poutre sphénoforaminienne.

Fig 16 :

Fig 16 : Exemple de « congés » au niveau du renforcement d'une pièce (document Aérospatiale, Et. de Nantes).

Fig 17 :

Fig 17 : Contraintes engendrées par la contraction des muscles du cou. 2 et 3. lignes nuchales ; R. résistance (condyles occipitaux) ; M-M'. moment de la force F. La contraction des muscles du cou engendre des contraintes en cisaillement au niveau de la jonction cilvoforaminienne avec tendance à l'ouverture de cet angle.

Fig 18 :

Fig 18 : Contraintes engendrées par la contraction des muscles sterno-cléido-mastoïdiens. M-M' : moment de la force.

Fig 19 :

Fig 19 : Deux volumineuses poutres sphéno-pétro-mastoïdiennes transmettent les forces exercées au niveau de la mastoïde par le système musculaire et, en particulier, les muscles sterno-cléidomastoïdiens à la selle turcique (1). Les poutres clivoforaminiennes renforcent l'anneau périforaminien et s'opposent au mouvement de flexion engendré à ce niveau par le moment développé par les muscles s'insérant sur et entre les lignes nuchales (2). L'os, constituant les parois de la fosse crânienne postérieure, lui-même précontraint, et les renforts exocrâniens représentés par les lignes nuchales, et endocrâniens représentés par la poutre occipitale et les berges du sillon du sinus tranverse, maintiennent constant l'angle du V pétreux (3). M : mastoïdes ; R : résistances (condyles) ; niveau du clivus.

Fig 20 :

R : résultante des forces ; FF : forces de flexion au

Fig 20 : Cavité orbitaire et sinus maxillaire « raidis » latéralement par les cellules ethmoïdales.

Fig 21 :

Fig 21 : Airbus : encadrement de la porte passager (document Aérospatiale Et. de Nantes). A noter le renforcement autour de la porte et les raidisseurs parallèles présentant une certaine analogie

avec les cellules ethmoïdales.

Fig 22 :

Fig 22 : Selon Deffez « Base de l'étage moyen de la face. Les sites et les facteurs de croissance du maxillaire : données actuelles » (AOS no 128, 1979, 647-668). A noter les caissons représentés par les cavités orbitaires, les fosses nasales et les sinus maxillaires. Le positionnement frontal de ces cadres est assuré par des jambes de force dorsoventrales : les processus zygomatiques.

Fig 23 :

Fig 23 : Plan schématique de la zone sphénoïdale. Les effets FF' développés au cours de la mastication, sont transmis par les parois des fosses nasales (FS) et les processus ptérygoïdiens (PT) jusqu'à la pointe horizontale temporosphénoïdale. Ils sont, de là, renvoyés au sinus sphénoïdal (SS), puis repris par les jambes de force sphénotemporales (PAS). VPT : force exercée par les muscles temporaux.

Fig 24 :

Fig 24 : Sphénoïde et poutre horizontale temporosphénoïdale : reprise des efforts par le bord postérieur des petites ailes de l'os sphénoïdal (jambe de force sphénotemporale).

Fig 25 :

Fig 25 : Grossissment d'une section d'un tube en PVC. A noter la densité et l'organisation différente du PVC au niveau de la partie centrale et des parties externe et interne. Une telle organisation de la matière rappelle étrangement celle du diploé (document aimablement fourni par la société Sogecan, 152, boulevard Malesherbes, 75017 Paris).

* Grâce à la collaboration de : GEC-Alsthom, Et. ACB (Nantes) ; MBH Technologies (Nantes) ; l'Aérospatiale Aquitaine (Bordeaux).

Stomatologie [22-001-B-20]

Muscles peauciers de l'extrémité céphalique. Système musculoaponévrotique superficiel (SMAS)

B Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale Centre hospitalier universitaire, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex France

Résumé Tous les muscles peauciers ont, par définition, une insertion cutanée ; les peauciers de la tête dérivent, par différenciation progressive, d'un peaucier primitif cervicofacial : le platysma ; primitivement étendu à toute la face, il en occupe encore chez l'homme la partie inférieure, et entre en connexion avec un grand nombre d'autres muscles peauciers, voire avec ceux qui recouvrent la voûte crânienne ; tous sont innervés par le nerf facial. De façon un peu artificielle on classe les muscles peauciers de la tête et du cou en deux plans, un plan profond (muscles orificiels) et un plan superficiel (SMAS) (fig. 1 et 2) . Les muscles peauciers possèdent un certain nombre de caractères communs [22] : ils présentent, dans leur forme typique, une insertion osseuse fixe, et une insertion cutanée mobile ; l'insertion osseuse peut être remplacée par une insertion fibreuse ou périostée ; ils sont disposés radialement ou concentriquement autour des orifices agissant comme dilatateurs ou constricteurs ; la plupart des muscles peauciers n'ont pas de gaine aponévrotique sauf le platysma ; un certain nombre de muscles sont continus avec les muscles voisins, soit par accolement des deux bords sur un certain trajet, soit le plus souvent par échange de fibres musculaires ; la musculature faciale est particulièrement variable d'un sujet à l'autre. Le SMAS est une structure anatomochirurgicale strictement superficielle dérivée du platysma primitif et ne présentant aucune insertion osseuse. Il est composé uniquement du muscle platysma, du muscle risorius et de leurs expansions. Sa connaissance est précieuse pour la réalisation de certains « liftings » cervicofaciaux. © 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Haut de page

NOMINA ANATOMICA OU PNA C'est la nomenclature anatomique internationale qu'il faut maintenant utiliser

[24]

.

Muscles de l'oreille externe Musculus auricularis anterior (auriculaire antérieur), superior (supérieur), posterior (postérieur).

Muscles du front et de la voûte du crâne M occipitalis (occipital). M frontalis (frontal). M procerus (pyramidal).

Muscles périorbitaires et palpébraux M orbicularis oculi (orbiculaire des paupières). M corrugator supercilii (sourcilier).

Muscles du nez M compressor nasi (transverse du nez). M dilatator naris (dilatateur des narines). M depressor septi (myrtiforme).

Muscles des lèvres M zygomaticus major (grand zygomatique). M zygomaticus minor (petit zygomatique). M levator labii superioris alaeque nasi (releveur de la lèvre et de l'aile du nez). M levator anguli oris (canin). M depressor anguli oris (triangulaire des lèvres). M depressor labii inferioris (carré du menton).

M buccinator (buccinateur). M orbicularis labii (orbiculaire des lèvres). M protractores (incisifs).

Muscles composant le SMAS M risorius (risorius de Santorini). M platysma (peaucier du cou).

Haut de page

MUSCLES DU PLAN PROFOND

Muscles de l'oreille externe Muscles auriculaire antérieur et temporal superficiel (fig. 2, 3 et 4, no 18 et 18 bis) Musculus (m) auricularis anterior (auriculaire antérieur) est situé en avant de l'oreille, dans la partie inférieure de la région temporale, un peu audessus de l'arcade zygomatique. Mince, il a une forme rayonnée, et ses faisceaux dirigés obliquement en haut et en avant sont issus d'un sommet postérieur. Sa longueur est de 2 cm environ. Rapports Sa face superficielle est recouverte par les vaisseaux temporaux et la graisse préauriculaire ; sa face profonde repose sur l'aponévrose temporale. Le muscle temporal superficiel (fig. 3) occupe la partie antérieure de la région temporale, entre les muscles frontalis et le muscle auriculaire supérieur. C'est un muscle vaste, mais très mince, de forme quadrilatère.

Musculus auricularis superior (auriculaire supérieur) (fig. 3 et 4, no 19) Le muscle auriculaire supérieur, ou élévateur de l'oreille, est un muscle large, radié, mais mince. Il s'insère d'une part (insertion fixe) en haut sur le bord latéral de l'aponévrose épicrânienne, d'autre part (insertion mobile) au pavillon de l'oreille.

Musculus auricularis posterior (auriculaire postérieur) (fig. 2, 3 et 4, no 20) Le muscle auriculaire postérieur, ou rétracteur de l'oreille, est situé dans la région mastoïdienne, en arrière de l'oreille ; il s'insère d'une part (insertion fixe) à la base de l'apophyse mastoïde et à la partie voisine de l'occipital, d'autre part (insertion mobile) à la convexité de la conque.

Action des muscles auriculaires Ces muscles sont disposés en demi-cercle autour de l'oreille. Prenant leur point fixe sur les os ou sur l'aponévrose épicrânienne, ils tirent sur le pavillon dans le sens des rayons que représentent leurs fibres. L'auriculaire antérieur avec le temporal superficiel est protracteur ; l'auriculaire supérieur est un élévateur direct ; l'auriculaire postérieur, un rétracteur. Tous sont dilatateurs de l'orifice externe du conduit auditif. Cette action est d'ailleurs purement théorique. Tandis que beaucoup d'animaux peuvent dilater et resserrer l'orifice de l'oreille, et surtout diriger celle-ci à la recherche des sons, au point que le chat n'a pas moins de vingt-cinq muscles actifs, l'homme a perdu cette faculté [22].

Muscles des paupières Les muscles des paupières et des sourcils ont tous pour action soit de rétrécir la fente palpébrale, et de diminuer par conséquent la quantité de lumière qui pénètre dans l'oeil, en même temps que de le protéger contre des corps étrangers, soit d'agrandir cet orifice. Les premiers sont des constricteurs, ils comprennent l'orbiculaire des paupières, le sourcilier et le pyramidal ; les seconds sont des dilatateurs.

Musculus orbicularis oculi (orbiculaire des paupières) (fig. 5, no 2) Ce muscle occupe les paupières et la circonférence de l'orbite. C'est un muscle plat, disposé en ellipse à grand axe transversal autour de la fente palpébrale. On distingue dans chaque orbiculaire deux portions : la portion palpébrale, portion fondamentale du muscle, limitée à la paupière même ; elle est composée de deux demi-anneaux à insertions fibreuses sur leurs deux extrémités. La portion orbitaire, portion secondaire, entoure l'arcade orbitaire en dehors des paupières ; elle forme un anneau unique et presque complet à insertion osseuse. Les cartilages tarses qui constituent le squelette des paupières sont attachés à leurs extrémités, à une bandelette fibreuse appelée ligament palpébral ou canthus (interne ou externe). Le canthus interne se divise en deux faisceaux direct et réfléchi s'insérant sur l'unguis en arrière et l'apophyse montante du maxillaire supérieur en avant. Dans cette bifurcation se trouve le sac lacrymal. Le canthus externe est divisé en deux ligaments dont le principal s'insère sur l'apophyse montante du malaire à 2 mm en arrière du rebord orbitaire [7]. Le muscle ciliaire ou muscle de Riolan, faisceau marginal de la portion palpébrale, occupe le bord libre de la paupière. Le muscle de Horner est appliqué contre la face postérieure du canthus interne contre le sac lacrymal, réalisant un sphincter.

Rapports Le muscle palpébral, ou orbiculaire interne est étendu en couche mince translucide, sur le tarse des paupières ; ses fibres décrivent des courbes à concavité postérieure moulées en quelque sorte sur le globe de l'oeil. Le muscle orbitaire ou orbiculaire externe, plus vaste, plus épais, s'étend dans la région du sourcil, celle de la tempe et dans la partie supérieure de la joue. Par sa face antérieure, il est en rapport avec la peau, ici épaisse et adipeuse à

laquelle il adhère.

Action L'orbiculaire des paupières est un sphincter. Le muscle palpébral détermine l'occlusion régulière, habituelle de l'ouverture palpébrale. Le muscle orbiculaire externe lui, entre en jeu en se contractant surtout dans l'occlusion avec effort ; il a pour antagoniste le frontal, pour muscles synergiques le sourcilier et le pyramidal. L'orbiculaire est innervé par le VII, tandis que son antagoniste direct, le releveur de la paupière supérieure, reçoit sa motricité du III. Dans la paralysie faciale, l'oeil restera donc ouvert, tandis que la chute de la paupière supérieure caractérise la paralysie du releveur.

Musculus corrugator supercilii (muscle sourcilier) (fig. 1 et 6, no 13) Le muscle corrugator supercilii est situé sur l'arcade sourcilière. Il s'insère d'une part (insertion fixe) par deux ou trois faisceaux à l'arcade sourcilière, sur son extrémité interne, un peu au-dessus de la suture frontonasale, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la moitié interne du sourcil.

Rapports Court, ramassé à son origine, aplati, étalé à sa terminaison, le corrugator se dirige d'abord en haut et un peu en dehors, puis devient horizontal ; sa direction générale suit l'arcade osseuse sur laquelle il se moule. Le corrugator est relativement profond, il n'est nulle part sous-cutané. Sa face antérieure est recouverte par le pyramidal, le frontal et l'orbiculaire ; elle adhère à la peau du sourcil par les fibres qu'elle lui envoie à travers les interstices de ces muscles. Sa face postérieure joue à la surface de l'arcade sourcilière ; elle recouvre les vaisseaux et nerfs sous-orbitaires. Le muscle est tout entier noyé dans une graisse molle, qui forme un coussinet adipeux et qui atteste que le sourcil est un tégument facial et non crânien.

Action Le corrugator est le muscle qui fronce le sourcil ; il détermine les rides verticales glabellaires ou rides du lion .

Musculus procerus (pyramidal) (fig. 1 et 6, no 15) Le procerus occupe la partie supérieure du dos du nez et la bosse frontale moyenne. Il est constitué par une petite languette qui se moule sur l'os propre du nez. Il s'insère d'une part (insertion fixe), à sa partie inférieure, au cartilage latéral du nez et au périoste des os propres du nez, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la région intersourcilière.

Rapports Le procerus est vertical sur une longueur de 12 à 15 mm. Par sa face antérieure, le procerus est sous la peau. Par sa face postérieure, il répond aux cartilages latéraux, aux os propres du nez et à la bosse frontale moyenne.

Action Le procerus est l'antagoniste du frontal. Le frontal est élévateur de la peau du front, qu'il plisse et détend. Le pyramidal est abaisseur de la peau frontale qu'il tend et déplisse. Prenant son point fixe en bas, il exerce une traction verticale, qui porte sur la région intersourcilière et sur la tête du sourcil ; il détermine la formation d'un sillon transversal dans l'espace intersourcilier.

Muscles du nez Le nez possède des muscles qui lui sont propres et d'autres qui sont communs avec la lèvre supérieure. On peut les grouper ainsi au point de vue de leur action sur l'orifice des narines : muscles dilatateurs : transverse du nez, dilatateur des narines, releveurs superficiel et profond ; muscles constricteurs ; myrtiforme, triangulaire des lèvres.

Musculus compressor nasi (transverse du nez) (fig. 6, no 16) Ce muscle est placé transversalement sur la partie moyenne du nez au-dessus du sillon horizontal qui limite en haut l'aile du nez. Il est mince, plat. Il s'insère d'une part (insertion fixe) à une aponévrose qui recouvre le dos du nez, d'autre part (insertion mobile) à la peau du sillon nasolabial.

Rapports Triangulaire, le transverse a son sommet ramassé en un faisceau épais, arrondi, dirigé en arrière et en bas tandis que sa base mince, étalée est parallèle à l'arête médiane du nez ; sa face externe adhère à la peau.

Action Le transverse du nez est un muscle dilatateur ; il retrousse la narine, mais il est surtout le muscle sensuel. Duchenne l'a nommé le muscle de la lascivité, il vaudrait mieux dire de la sensualité, car il exprime toutes les nuances de la volupté, depuis les sensations délicates jusqu'à la passion lubrique.

Musculus dilator naris (dilatateur des narines) (fig. 6, no 21)

peau.

Action C'est un dilatateur vrai, c'est-à-dire qu'il ne retrousse pas l'angle de la narine comme le font les élévateurs ou le transverse, mais il écarte l'aile du nez de la ligne médiane et agrandit la courbe que dessine la valve externe des narines.

Musculus depressor septi (muscle myrtiforme) (fig. 6, no 25) Ce muscle est situé au-dessous de l'aile du nez, entre cette aile et le bord alvéolaire du maxillaire inférieur. On le découvre immédiatement en incisant la muqueuse buccale au-dessus de l'incisive latérale. Il s'insère d'une part (insertion fixe) aux saillies alvéolaires de l'incisive latérale et de la canine, d'autre part (insertion mobile) à toute la circonférence postérieure de l'orifice des narines. Le depressor septi a une direction verticale ; le muscle est profond. Sa face externe est recouverte par la muqueuse buccale. Sa face interne recouvre la face antérieure du bord alvéolaire.

Action Le depressor septi est essentiellement abaisseur de l'aile du nez qu'il tire en bas et en arrière. Quand cet effet est bien prononcé, la voix nasonne, d'où le nom de muscle nasillard donné au myrtiforme ; à l'état mimique, elle accompagne les expressions de sévérité, de timidité, les émotions tristes, la douleur physique.

Muscles des lèvres (fig. 1 et 2) La musculature des lèvres comprend deux systèmes de fibres, un système périphérique de fibres radiées qui rayonnent sur toute la circonférence de l'orifice buccal, et un système central de fibres circulaires, traversé perpendiculairement par les fibres radiées. Les fibres radiées sont dilatatrices. A ces fibres vient se joindre le peaucier du cou qui, par un faisceau à peu près constant de sa portion externe, s'insère à l'angle des lèvres. Les fibres circulaires sont groupées en un seul muscle impair et unique, l'orbiculaire des lèvres, qui est le constricteur ou sphincter de la bouche. L'orbiculaire est à son tour renforcé par un système de fibres antéropostérieures appelées muscle compresseur des lèvres, et par des muscles qui lui sont parallèles et disposés derrière lui en arc de cercle, les incisifs supérieur et inférieur.

Système périphérique de fibres radiées (fibres dilatatrices) o

Musculus zygomaticus major (grand zygomatique) (fig. 1, 2 et 7, n 7) Le zygomaticus major occupe la partie centrale de la joue, de la pommette à la commissure des lèvres. C'est un muscle étroit, allongé, assez épais. Il s'insère d'une part (insertion fixe) par son extrémité postérieure à l'os malaire, d'autre part (insertion mobile) par son extrémité antérieure au tégument des lèvres dans la région de la commissure, en partie à la peau, en partie à la muqueuse.

Rapports Le zygomaticus major est dirigé obliquement, à 45° environ en bas, et en dedans. Sa face externe est en rapport avec la peau de la joue.

Action Le zygomaticus major détermine par sa contraction l'ascension oblique de la commissure des lèvres en haut et en dehors ; il agit comme dilatateur de la bouche dans la préhension des aliments, la respiration difficile ; son rôle mimique est considérable ; contracté seul, il est le muscle de la grimace ; associé à l'orbiculaire des paupières (occlusion légère de l'oeil) et aux releveurs de la lèvre supérieure, il est le muscle de la joie.

o

Musculus zygomaticus minor (muscle petit zygomatique) (fig. 1 et 2, n 6) Le zygomaticus minor est situé dans la région sous-orbitaire, obliquement dirigé en avant entre le zygomaticus major en arrière et le releveur profond en dedans. C'est un petit muscle allongé. Sa présence n'est pas constante. Il s'insère d'une part (insertion fixe) à la partie inférieure de l'os malaire, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la lèvre supérieure ; il est souvent en rapport avec la portion externe de l'orbiculaire palpébral et il est entouré par l'atmosphère adipeuse de la joue. Sa face interne est en rapport avec le canin et la veine faciale.

Action Ce muscle élève en haut et en dehors la partie externe de la lèvre supérieure ; c'est donc un releveur ou élévateur de la lèvre.

Musculus levator labii superioris alaeque nasi (l'association de deux muscles) (fig. 1 et o 2, n 3) Muscle releveur superficiel (fig. 1 et 2) Ce muscle est l'élévateur commun de la lèvre et de l'aile du nez. Il occupe le sillon nasogénien. Allongé, étroit en haut, élargi à sa partie inférieure, il descend d'abord verticalement, puis un peu obliquement en dehors. Il s'insère, d'une part (insertion fixe), à la face externe de l'apophyse montante du maxillaire supérieur et au rebord orbitaire, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la lèvre supérieure, près de la commissure, et à la partie postérieure de l'aile du nez.

Muscle releveur profond (fig. 1 et 2) Le muscle releveur profond est situé au-dessous et en dehors du releveur superficiel. Il est mince, quadrilatère. Il s'insère d'une part (insertion fixe) en haut au rebord orbitaire dans ses deux tiers internes, d'autre part (insertion mobile) en bas à la peau de la lèvre supérieure et à l'aile du nez. Le releveur profond est dirigé en bas et en dedans.

Action Les deux muscles releveurs superficiel et profond agissent synergiquement, aboutissent à une élévation directe de la lèvre supérieure et de l'aile du nez. Les releveurs, en dilatant la bouche et les narines, sont des muscles inspirateurs ; ils contribuent aussi au flair. Leur action expressive se manifeste dans deux

circonstances principales, le mécontentement, le chagrin et dans le pleurer.

o

Musculus levator anguli oris (muscle canin) (fig. 1 et 8, n 5) Le muscle canin occupe la fosse canine du maxillaire supérieur. Sa forme est quadrilatère. Il s'insère d'une part (insertion fixe) en haut à la fosse canine et à la base de l'apophyse montante du maxillaire supérieur, d'autre part (insertion mobile) en bas à la peau des lèvres de la commissure à la ligne médiane.

Rapports Le levator anguli oris est dirigé un peu obliquement en bas et en dehors. C'est un muscle profond mais il devient superficiel à son extrémité inférieure. Le pédicule sous-orbitaire sépare le canin du releveur profond ; l'artère faciale passe en dessous de son extrémité inférieure.

Action Il élève la commissure en haut et en dedans.

o

Musculus depressor anguli oris (triangulaire des lèvres) (fig. 1, 2 et 9, n 11) Le depressor anguli oris occupe la partie de la joue qui limite en dehors le menton. Il est large, aplati, volumineux. Triangulaire, il s'insère d'une part (insertion fixe) en bas sur la ligne oblique externe du maxillaire inférieur dans son tiers antérieur, d'autre part (insertion mobile) par son sommet à la peau de la lèvre supérieure, de la commissure jusqu'au sillon médian et même le squelette cartilagineux du nez. C'est un muscle tout à fait superficiel adhérant intimement à la peau.

Action Il abaisse la commissure en bas et en dehors. Son rôle purement physiologique paraît être bien restreint et se rapporter surtout à la mastication et à la respiration difficile. Le rôle physionomique est au contraire des plus importants. Le triangulaire est, avec le sourcilier, un des muscles caractéristiques de l'expression humaine. Duchenne [10] l'a nommé le muscle de la tristesse ; mais par d'autres associations musculaires il traduit aussi le dégoût, le mépris, la jalousie, la haine. Il est donc affecté surtout aux passions tristes et sombres, et avec les autres abaisseurs de la lèvre inférieure appartient au masque tragique, tandis que le masque comique est caractérisé surtout par l'agilité musculaire de la lèvre supérieure et du nez.

o

Musculus depressor labii inferioris (carré du menton) (fig. 1 et 2, n 12) Ce muscle très mince occupe la partie latérale du menton et la lèvre inférieure. Il s'insère d'une part (insertions fixes) par en bas au tiers inférieur de la ligne oblique externe de la mandibule, d'autre part (insertions mobiles) en haut à la peau de la lèvre inférieure et en partie à sa muqueuse. Il est oblique en haut et en dedans. Ce muscle est situé superficiellement. En dehors, il est recouvert par le triangulaire qu'il croise à angle droit.

Action C'est un abaisseur de la lèvre inférieure. Il l'abaisse en bas et en dehors. La lèvre est quelquefois renversée en dehors. Avec d'autres muscles de la face se traduit l'ironie.

Musculus levator menti (muscle de la houppe du menton) C'est un faisceau musculaire, assez puissant, de forme conoïde, juxtaposé sur la ligne médiane à celui du côté opposé. Ce muscle s'insère d'une part (insertion fixe) par son sommet à la saillie alvéolaire de l'incisive externe et de la canine, d'autre part (insertion mobile) par sa base à la peau du menton, dans sa partie la plus saillante.

Action Il est élévateur de la peau du menton qu'il fronce fortement en forme de saillies et de plis rayonnants (corrugator menti), et aussi de la lèvre inférieure qu'il courbe en arc à concavité inférieure et qu'il renverse un peu en dehors. Il agit dans la mastication, surtout pour repousser les débris alimentaires, et dans l'occlusion avec effort, la protraction des lèvres, par suite dans le baiser, l'insufflation. Il prend part aussi à l'articulation des sons, notamment pour les voyelles o, u et pour les consonnes b, f, g, m, p, v, et joue un rôle important dans le marmottement, les prières à voix basse. Comme muscle physionomique, il concourt à l'expression de l'hésitation, du doute, du dédain, du dégoût. On l'a appelé le musculus superbus, bien qu'il caractérise plutôt le mépris que l'orgueil.

o

Musculus orbicularis labii (muscle orbiculaire des lèvres) (fig. 1 et 2, n 10) L'orbiculaire des lèvres (sphincter des lèvres) occupe l'épaisseur des lèvres supérieure et inférieure. Sa forme est celle d'un large anneau elliptique à grand diamètre transversal comme la fente buccale qu'il entoure complètement. L'orbiculaire externe est la partie périphérique du muscle. Elle est large, mince, au moins sur ses parties latérales. Sa largeur correspond aux deux tiers externes de la largeur totale de la lèvre. L'orbiculaire interne ou m sphincter oris est un anneau compact qui occupe le bord libre renflé de chaque lèvre. Il est marginal par rapport à la fente buccale, concentrique par rapport à l'orbiculaire externe. Sa hauteur ou largeur équivaut à la moitié interne de la largeur totale de la lèvre ; il empiète sur l'orbiculaire externe. Ses fibres s'étendent d'une extrémité à l'autre de la fente buccale. L'orbiculaire dans son ensemble est le muscle majeur de l'occlusion de la bouche, il reçoit des fibres des muscles dilatateurs et superficiels particulièrement au niveau des commissures. Les muscles compresseurs des lèvres et les incisifs renforcent son action constrictrice.

o

Muscle compresseur des lèvres ou muscle de Klein (fig. 10, n 27) Dans l'épaisseur des lèvres, près du bord libre, se trouve un muscle formé par des fibres à direction sagittale, qui se fixent à la peau et à la muqueuse. Son action est de favoriser la succion et particulièrement celle du sein par le nouveau-né. Le mamelon, étant saisi par la bouche à l'aide de l'orbiculaire et des incisifs, fournit un plan rigide qui permet la contraction d'avant en arrière du muscle de Klein.

Muscles incisifs (fig. 11) Les muscles incisifs (adductores anguli, protractores, protrusores) sont situés dans la partie postérieure des lèvres. Ces petits muscles sont horizontaux. Il y a de chaque côté un incisif supérieur et un incisif inférieur, annexés chacun à la lèvre correspondante. Leur action a pour effet de porter les commissures en avant et en dedans, déterminant la protraction des lèvres. Ils fonctionnent synergiquement avec l'orbiculaire interne dans la succion, la préhension des liquides, le baiser, l'expression de la moue, de la bouderie, de la petite bouche.

Modiolus (fig. 2 et 12)

[3]

L'ensemble des muscles superficiels font se mouvoir les lèvres essentiellement par action sur la commissure ; ils se terminent par un entrecroisement en partie tendineux constituant un noyau fibreux paracommissural, le modiolus, ainsi nommé du fait de l'aspect en moyeu de roue ; cette zone, très adhérente à la peau, doit être préservée lors des commissurotomies et inversement peut être utilisée dans les réanimations musculaires après paralysie faciale.

Muscles de la joue Musculus buccinator (muscle buccinateur) (fig. 8, no 9) Le muscle buccinateur, muscle de la trompette, est le muscle essentiel de la joue, dont il constitue le plan profond conjointement avec la muqueuse buccale. Large, épais, quadrilatère, il est très profond et constitue avec celui du côté opposé, un muscle creux, infundibuliforme. Ce muscle s'insère (insertion fixe) par son bord postérieur sur trois lignes en fer à cheval ouvert en avant ; en haut sur le bord alvéolaire qui répond aux trois dernières molaires maxillaires voire à la tubérosité ; en bas l'insertion se fait sur la ligne oblique externe de la mandibule depuis son origine jusqu'au voisinage du trou mentonnier ; l'insertion postérieure se fait sur le ligament intermaxillaire ou aponévrose buccinatopharyngienne, sur toute sa hauteur. En avant (insertion mobile), les fibres se terminent sur la muqueuse de la commissure des lèvres et de la partie adjacente des lèvres. Le ligament intermaxillaire ou ptérygomaxillaire joint le crochet de l'aile interne de l'apophyse ptérygoïde à l'extrémité postérieure de la ligne oblique interne ou ligne mylohyoïdienne. Ce ligament donne attache au buccinateur en avant et au constricteur supérieur du pharynx en arrière.

Rapport Le buccinateur s'étend en longueur du pharynx aux lèvres, en hauteur d'un bord alvéolaire à l'autre. La direction générale de ses fibres est antéropostérieure. Il forme avec la muqueuse buccale le plan profond de la joue et le plancher de la fosse adipeuse que contient cette partie de la face. La face externe est en rapport avec la branche montante du maxillaire inférieur, les muscles masticateurs et la boule de Bichat. Elle est longée par l'artère et la veine faciales qui la coupent obliquement, par l'artère transverse de la face, l'artère buccale et le nerf du même nom, enfin par le canal de Sténon, émané de la parotide, qui chemine obliquement entre ses fibres pour aller s'ouvrir dans le vestibule de la bouche. Sa face interne est appliquée contre la muqueuse buccale avec laquelle elle fait corps.

Action C'est un muscle cavitaire, plus viscéral que peaucier. Son action produit des effets différents suivant l'état de vacuité ou de réplétion de la cavité buccale. Si la bouche est vide et si les lèvres sont relâchées, il agit comme dilatateur transversal ; il tire horizontalement en dehors la fente buccale qu'il allonge. Ce mouvement est antagoniste de celui de l'orbiculaire des lèvres et surtout des incisifs. Si, la bouche étant vide, la fente buccale est tout à la fois fermée par le sphincter oris et projetée en avant par les incisifs, le buccinateur s'enfonce dans la cavité buccale et produit un creux dans la joue que le sujet semble avaler. Si la bouche est remplie par de l'air ou des substances solides ou liquides et l'ouverture buccale fermée par l'orbiculaire, le buccinateur distendu comprime le contenu de la cavité et l'expulse, ou vers le pharynx, ou à travers les lèvres entrouvertes. L'action du buccinateur se manifeste surtout dans la mastication, dans la succion énergique. Il expulse l'air dans le siffler, le souffler, le jeu des instruments à vent.

Aponévrose buccale ou buccinatrice Le muscle buccinateur est recouvert par une lame fibreuse qui se continue en arrière avec l'aponévrose péripharyngienne. Elle sépare le buccinateur de la masse adipeuse de la joue et limite en avant les déplacements de cette boule mobile.

Muscles du scalp Muscle occipitofrontal et galéa (fig. 3, 4 et 6) Les m. occipitalis et frontalis sont réunis par l'aponévrose épicrânienne ou galéa. On peut la considérer comme le tendon intermédiaire d'un muscle digastrique occipitofrontal. Le m occipitalis (no 22) est plat, mince, de forme quadrilatère. Sa largeur est d'environ 5 à 6 cm et sa hauteur de 3 cm. Le muscle occipital est dirigé un peu obliquement en haut et en avant. Il s'insère d'une part (insertion fixe) à la ligne courbe supérieure de l'os occipital dans ses deux tiers externes et à la partie postérieure de la région mastoïdienne, d'autre part (insertion mobile) au bord postérieur de l'aponévrose épicrânienne. Le muscle est tapissé sur ses deux faces par un dédoublement de l'aponévrose épicrânienne. Le m frontalis (no 1) occupe la région frontale, la région des sourcils et l'espace intersourcilier. Il est large, mince, quadrilatère. Il s'insère d'une part (insertion fixe) par son bord supérieur curviligne au bord antérieur de l'aponévrose épicrânienne, d'autre part (insertion mobile) par son bord inférieur à la peau de la région sourcilière et de la région intersourcilière ou glabelle ; au niveau du sourcil, les fibres musculaires croisent perpendiculairement les fibres du sourcilier et de l'orbiculaire, à travers le coussinet adipeux de cette région.

Rapports

antérieure adhère intimement à la peau et sa dissection est difficile. Sa face postérieure ou profonde glisse sur le périoste à l'aide d'une couche celluleuse, siège des bosses sanguines. Les artères frontale et sus-orbitaire, ainsi que les veines et nerfs de même nom, situés d'abord contre l'os à leur émergence orbitaire, ne tardent pas à se bifurquer en branches cutanées principales, qui s'engagent et cheminent entre peau et muscle.

Action du muscle occipitofrontal Le m occipitalis, est un tenseur de l'aponévrose épicrânienne qu'il attire en bas et en arrière. Prenant son point fixe sur l'aponévrose épicrânienne, l'action du m frontalis consiste essentiellement dans l'élévation du sourcil.

Galéa aponeurotica ou aponevrosis epicranialis (fig. 4, no 26)

[18]

La galéa est une lame fibreuse qui recouvre la convexité du crâne sur laquelle elle se moule. De nombreux synonymes ont été employés : épicrâne, aponévrose épicrânienne, galéa aponévrotique, centre tendineux de la région crânienne. En fait, il faut comprendre que cette lame fibreuse est interposée entre les différents muscles peauciers du crâne et tout particulièrement les muscles frontaux, occipitaux, auriculaires supérieurs et postérieurs. C'est ainsi qu'on a pu la considérer comme le tendon intermédiaire du muscle digastrique occipitofrontal. Grossièrement quadrilatère à surface courbe, on lui reconnaît quatre bords (antérieur, postérieur, droit, et gauche) et deux faces : superficielle et profonde.

Structure (fig. 13)

[23]

L'épicrâne est fait de trois feuillets se séparant au niveau des insertions musculaires périphériques : un feuillet superficiel identifié ou assimilé au fascia superficialis, lame porte-vaisseau ; un feuillet moyen tendineux qui fait suite aux fibres musculaires occipitofrontales ; un feuillet profond constitué des lames suprapériostiques et lame sousépicrânienne, relativement épais, et séparant le feuillet moyen de l'espace décollable dit de Merckel. Tous ces feuillets sont unis pour constituer la galéa et sont perforés de multiples orifices livrant passage aux éléments vasculaires et nerveux.

Galéa dans la région temporale

[1]

Du fait de la présence du muscle temporal et de l'arcade zygomatique, la terminaison de la galéa est imprécise et discutée suivant les auteurs. Le feuillet superficiel contient les vaisseaux temporosuperficiels. Le feuillet profond descend sur l'aponévrose temporale. Il se perd ensuite sous l'arcade zygomatique dans les téguments des régions massétérines et malaires, après avoir émis par sa face profonde des tractus fibreux s'insérant sur la face externe de l'arcade zygomatique et de l'aponévrose temporale. Certains auteurs décrivent la galéa en continuité avec le SMAS facial.

Haut de page

MUSCLES DU PLAN SUPERFICIEL

Muscle peaucier ou platysma (fig. 9 et 14, no 24) Le platysma occupe la région antérieure et latérale du cou. Par ses extrémités, il s'étend sur la région pectorale et sur la région faciale. C'est un muscle large, très mince, irrégulièrement quadrilatère à grand axe vertical. Il s'insère : en bas, à la peau de la région pectorale supérieure ; en arrière, à l'aponévrose cervicale superficielle et aux aponévroses parotidienne et massétérine ; en haut, à la base de l'éminence mentonnière sur le bord inférieur de la mandibule, en remontant jusqu'à la ligne oblique externe ; à la peau de la commissure des lèvres et à la peau de la partie inférieure de la joue. Sa direction générale est légèrement oblique. Son bord antérieur est presque vertical, tandis que le bord postérieur est d'autant plus oblique que les faisceaux musculaires accessoires s'étagent sur une plus grande hauteur. Les deux platysma, convergeant l'un vers l'autre, se rencontrent par leurs bords antérieurs et s'entrecroisent sur la ligne médiane au-dessous du menton.

Rapports Le peaucier est engainé dans un fascia à deux feuillets que l'on peut considérer comme une émanation du fascia superficialis et qui s'unit avec lui au niveau des insertions thoraciques. Sa face antérieure est en rapport avec la peau. Sa face postérieure, également tapissée par son fascia, couvre une vaste étendue et des régions très différentes. Elle est en rapport avec l'aponévrose cervicale superficielle, dont elle est séparée par une couche de tissu cellulaire lâche, permettant le glissement du plan tégumentaire. Le bord antérieur rectiligne est la partie la plus épaisse, surtout en haut ; on le voit dans la contraction du muscle se détacher en relief vigoureux (signe de Babinski du cou). Le bord postérieur, très oblique, est mince et comme perdu dans le tissu cellulaire sous-cutané. La veine jugulaire antérieure, à son origine cutanée sous-mentale, est d'abord par-dessus le peaucier, puis elle perfore pour devenir sous-platysmale. La veine jugulaire externe est contenue sous le platysma en haut dans un dédoublement de la gaine du sternomastoïdien ; plus bas elle rampe sur l'aponévrose susclaviculaire. Les nerfs du plexus cervical superficiel et les ganglions lymphatiques sont également sous-jacents au platysma.

Action Le platysma soulève la peau du cou qui se tend au-devant du sternomastoïdien. Chez le vieillard, dont la mandibule, atrophiée, remonte vers le maxillaire supérieur, le platysma subit une certaine tension, qui lui fait abaisser et écarter

les angles des lèvres provoquant les plis d'amertume. Sur la face antérieure du cou en cas de fonte du tissu graisseux sous-cutané, il est responsable des fanons cervicaux. Le platysma est innervé par la branche cervicofaciale du VII.

Applications chirurgicales Le platysma constitue l'essentiel du SMAS et sa remise en tension est essentielle pour certains « liftings ». Il est le support vasculaire du lambeau musculocutané de Baron Tessier (fig. 15 et 16) .

Musculus risorius (risorius) (fig. 14, no 23) Le risorius est situé sur la partie moyenne de la joue. C'est un muscle toujours grêle, souvent extrêmement mince, de forme triangulaire à base postérieure. Il s'insère d'une part (insertion fixe), par sa base, à l'aponévrose parotidienne, d'autre part (insertion mobile), par son sommet, dans la peau de la commissure des lèvres. Il est tout à fait superficiel.

Action Le muscle de Santorini écarte les commissures et allonge la bouche dans le sens transversal. Il est un auxiliaire des muscles du rire.

Haut de page

SYSTÈME MUSCULOAPONÉ VROTIQUE SUPERFICIEL OU SMAS Il s'agit d'une structure anatomique dont les éléments constituants ont fait l'objet de très nombreux travaux et publications. Initialement imaginé par Tessier [25], décrit et publié par Mitz et Peyronie en 1976 [20] il a été redécrit par de nombreux auteurs, tant français qu'anglo-saxons . Nous ne retiendrons que les points qui nous semblent majeurs et admis pour tous ou presque... Le SMAS est constitué essentiellement par le platysma et le risorius. Le SMAS est situé dans un dédoublement du fascia superficialis. Il émet des prolongements : vers le haut, vers la partie postérieure du muscle frontalis et le fascia temporal ; vers l'arrière, sur l'aire parotidienne adhérant fortement à la capsule glandulaire ; vers le bas dans le creux sus-claviculaire. En fait tout devient simple si on admet [8] qu'il est le reliquat musculaire du fascia superficialis, tapissant l'ensemble des téguments de l'individu et présent chez l'animal sous forme du pannicule charnu lui permettant de frissonner et de mobiliser sa peau par rapport aux plans profonds. Dès lors il est clair que le SMAS peut être décrit à tous les niveaux, mais le SMAS

« utile » et chirurgical doit être limité au platysma, au risorius et à leurs expansions immédiates. Le SMAS présente fibroaponévrotique.

donc

une

composante

active

musculaire

et

passive

L'intérêt chirurgical vient des adhérences à la peau par l'intermédiaire de septi fibreux unissant la face superficielle du SMAS à la face profonde du derme. Ainsi l'isolement chirurgical du SMAS au cours d'un « lifting » cervicofacial va permettre de tracter la peau en tractant le muscle (fig. 16). Le SMAS, à notre sens, doit donc être considéré comme un moyen de traction cutanée. Les limites de cette action seront liées aux adhérences aux plans profonds (points fixes orbitaire, mandibulaire, zygomatique) [13]. Le SMAS est innervé par le nerf facial qui l'aborde par sa face profonde ; sa dissection doit donc être particulièrement atraumatique pour le préserver. Inversement, le SMAS constitue une protection pour le nerf et la dissection des plans sous-cutanés bénéficiera de ce repère.

Références [1]

HASSAN ABUL, VON DRASEK ASCHER, ACLAND RD Surgical anatomy and blood supply of the fascial layers of the temporal region. Plast Reconstr Surg 1986 ; 77 : 17-24

[2]

BARRON JN, EMMET AJ Subcutaneous pedicle flaps. Br J Plast Surg 1965 ; 18 : 51-78

[3]

BELLAVOIR A. Anatomie des lèvres. In : Levignac ed. Chirurgie des lèvres. Masson. Paris. 1991 ; pp 3-9

[4]

CAIX P, GOIN JL, MODSCHIEDLER T « Total SMAS lift » ou le lifting facial profond par voie temporale : rapport préliminaire. Ann Chir Plast Esthet 1992 ; 37 : 67-74

[5]

CHASSAGNE JF. La mimique faciale et ses troubles. Thèse Doctorat en Médecine. Nancy. 1976 ; 393 p

[6]

CORMAN L. Nouveau manuel de morphopsychologie. Stock. Paris. 1967 ; pp 1-125

[7]

COULY G, HUREAU J, TESSIER P The anatomoy of the external palpebral ligament in man. J Maxillo Fac Surg 1976 ; 4 : 195-197

[8]

COULY G, HUREAU J, VAILLANT JM Le Plast 1975 ; 20 : 171-182

[9]

DELMAR H Anatomie des plans Esthet 1994 ; 39 : 527-555

[10]

DUCHENNE DE BOULOGNE GB. Mécanisme de la physionomie humaine. Analyse électrophysiologique de l'expression des passions applicables à la pratique des arts plastiques. Vve Renourad. Paris. 1862

[11]

FARAH A. Lifting 9O. Contribution à l'étude anatomique et intérêt chirurgical. Thèse Doctorat en Médecine. Nantes. 1990 ; 140 p

[12]

FLOT F, CHASSAGNE JF, RAPHAEL B, MELEY M, BRICE M, STRICKER M Le peaucier du cou : intérêt chirurgical. Ann Chir Plast Esthet 1981 ; 26 : 52-57

[13]

FURNAS DW The retaining ligaments of the cheek. Plast Reconstr Surg 1989 ; 83 : 11-16

[14]

GOLA R, CHOSSEGROS C, CARREAU P Anatomie chirurgicale de la région parotidienne. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1994 ; 95 : 395-410

[15]

GOSAIN A, YOUSIF NJ, MADIEDO G, LARSON DL, MATLOUB HS, SANGER JR Surgical anatomy of the SMAS : a reinvestigation. Plast Reconstr Surg 1993 ; 92 : 1254-1263

[16]

JOST G, LEVET Y Parotid fascia and face lifting : a critical evaluation of the SMAS concept. Plast Reconstr Surg 1984 ; 74 : 42-51

[17]

LEVET Y Discussion surgical anatomy of the SMAS : a reinvestigation. Plast Reconstr Surg 1993 ; 92 : 1264-1265

[18]

LIBERSA C, LAUDE M A Pathol 1964 ; 12 : 149-152

[19]

MITZ V The superficial musculo-aponeurotic system in the upper lip : an anatomic study in cadavers (Discussion). Plast Reconstr Surg 1985 ; 75 : 493-494

[20]

MITZ V, PEYRONIE M The superficial musculo-aponeurotic system (SMAS) in the parotid and cheek area. Plast Reconstr Surg 1976 ; 58 : 80-88

[21]

PENSLER JM, WARD JW, PARRY SW The superficial musculo-aponeurotic system in the upper lip : an anatomic study in cadavers. Plast Reconstr Surg 1985 ; 75 : 488-492

[22]

POIRIER, CHARPY. Anatomie humaine (Tome 2. 1). Masson. Paris. 1902 ; pp 306-367

[23]

RICBOURG B. Artères et veines de la face et du cuir chevelu. [Thèse]. Paris. 1974 ; 15 p

fascia

superficiels

propos

de

de

superficialis la

face

l'aponévrose

et

céphalique. Ann du

cou. Ann

Chir

épicrânienne. Arch

Chir Plast

Anat

[24]

ROUVIERE H. Anatomie Humaine (Tome 1) revu par Delmas A. Masson. Paris. 1974 ; pp 151166

[25]

TESSIER P Le SMAS.. sa « petite histoire ». Ann Chir Plast Esthet 1981 ; 26 : 191-192

[26]

TESTUT L, LATARGET A. Traité d'anatomie humaine. Doin. Paris. 1948 ; pp 736-762

[27]

THALLER SR, KIM S, PATTERSON H , et al. The sub-muscular aponeurotic system (SMAS). An histologic and comparative anatomy evaluation. Plast Reconstr Surg 1990 ; 86 : 690-696

© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 : 1. Musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 3. m levator labii superioris alaeque nasi ; 4. m levator labii superioris ; 5. m levator anguli oris ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 8. m masseter ; 9. m buccinator ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 12. m depressor labii inferioris ; 13. m corrugator supercilii ; 14. m temporalis ; 15. m procerus ; 16. m compressor nasi ; 17. m levator mentis.

Fig 2 :

Fig 2 : 1. musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 3. m levator labii superioris alaeque nasi ; 4. m levator labii superioris ; 5. m levator anguli oris ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 9. m buccinator ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 12. m depressor labii inferioris ; 13. m corrugator supercilii ; 14. m temporalis ; 15. m procerus ; 16. m compressor nasi ; 18. m auricularis anterior ; 18 bis. m temporalis superficialis ; 19. m auricularis superior ; 20. m auricularis posterior ; 21. m dilatator naris ; 22. m occipitalis ; 23. m risorius ; 24. m platysma.

Fig 3 :

Fig 3 : 1. musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 18. m auricularis anterior ; 18 bis. m temporalis superficialis ; 19. m auricularis superior ; 20. m auricularis posterior ; 22. m occipitalis ; 26. m galea.

Fig 4 :

Fig 4 : Scalp (vue supérieure). 1. musculus (m) frontalis ; 18. m auricularis anterior ; 18 bis. m temporalis superficialis ; 19. m auricularis superior ; 20. m auricularis posterior ; 22. m occipitalis ; 26. m galea.

Fig 5 :

Fig 5 : Musculus (m) orbicularis oculi. a. portion orbitaire ; b. portion palpébrale ; c. ligament externe ; d. faisceau musculaire interne ; e. canthus interne.

Fig 6 :

Fig 6 : 1. musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 13. m corrugator supercilii ; 15. m procerus ; 16. m compressor nasi ; 21. m dilatator naris ; 25. m depressor septi.

Fig 7 :

Fig 7 : Dissection anatomique de la région latérale superficielle de la face. - Les filets du nerf facial VII ont été disséqués et isolés. - Le muscle zygomatique major a été isolé.

Fig 8 :

Fig 8 : Plans profonds de la joue. a. canal de Sténon ; 5. musculus (m) levator anguli oris ; 9. m buccinator ; 10. m orbicularis labii.

Fig 9 :

Fig 9 : Dissection anatomique. Isolement du musculus depressor anguli oris.

Fig 10 :

Fig 10 : Lèvres, coupe antéropostérieure schématique. a. peau ; b. muqueuse ; 5. m levator anguli oris ; 10. m orbicularis labii ; 12. m depressor labii inferioris ; 27. m compressor labii.

Fig 11 :

Fig 11 : Muscles incisifs supérieurs et inférieurs.

Fig 12 :

Fig 12 : Constitution du modiolus. 5. musculus (m) levator anguli oris ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 23. m risorius ; 24. m platysma ; 28. modiolus.

Fig 13 :

Fig 13 : Plans constituant le cuir chevelu (d, e, f). a. voûte osseuse crânienne ; b. périoste ; c. espace décollable de Merckel ; d. galéa ; e. fascia superficialis ; f. peau.

Fig 14 :

Fig 14 : Système musculoaponévrotique superficiel (en grisé) et plans musculaires profonds. 6. musculus (m) zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 23. m risorius ; 24. m platysma ; 28. modiolus.

Fig 15 :

Fig 15 : Malade présentant un dermato-fibrosarcome de Darrier et Ferrand. A. Lésion et plan de l'exérèse et de la reconstruction. B. Exérèse (avec vérification anatomopathologique extemporanée). C. Ascension du lambeau musculocutané du peaucier du cou. D. Lambeau en place ; fermeture du site donneur.

Fig 16 :

Fig 16 : Intervention pour lifting cervicofacial. - Le SMAS a été isolé sur ses deux faces jusqu'au sillon nasogénien. - La traction sur le SMAS mettra en tension la peau située plus en avant et va aider l'évaluation de la résection cutanée.

Stomatologie [22-001-B-30]

Système artériel cervico-maxillo-facial

Bernard Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, CHU Besançon, boulevard Fleming, 25000 Besançon France Jean-Michel Bugniet : Assistant hospitalo-universitaire Laboratoire d'anatomie, faculté de médecine de Besançon France

Résumé La connaissance des réseaux artériel, veineux et lymphatiques cervicoencéphaliques demeure en 1996 une priorité pour le chirurgien cervico-maxillo-facial. Les acquisitions thérapeutiques récentes autorisées par le développement des techniques d'imagerie moderne et des biomatériaux ne doivent pas demeurer des « audaces médicochirurgicales ». Les bases anatomiques, indispensables à la maîtrise de l'acte chirurgical, ne doivent pas plus être méconnues par les jeunes chirurgiens que rejetées par les plus confirmés. L'exposé des systèmes artériel, veineux et lymphatique cervicoencéphalique est basé sur l'anatomie topographique classique. Il en sera corrélé à la description des principales voies d'abord chirurgicales. © 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Haut de page

SYSTÈME ARTÉ RIEL (FIG 1) La riche complexité du réseau artériel cervicoencéphalique est issue de deux systèmes, antérieur ou carotidien, et postérieur ou vertébro-subclavier. La crosse aortique constitue une véritable plate-forme de lancement qui, par une disposition asymétrique, émet des collatérales de premier ou de second ordre qui se répartissent en artères de transit (artères carotides internes, vertébrales) ou en artères de distribution (artères carotides externes, subclavières). Le polygone de Willis forme, à la base du crâne, le réceptacle du flux artériel issu des artères cervicoencéphaliques.

Nous décrirons successivement : l'artère carotide primitive (ACP) ; l'artère carotide interne (ACI) ; l'artère carotide externe (ACE) ; l'artère subclavière (ASC) ; l'artère vertébrale (AV) ; le réseau collatéral anastomosant ; les artères cervicoencéphaliques.

Haut de page

ARTÈRE CAROTIDE PRIMITIVE OU ARTÈRE CAROTIDE COMMUNE

Origine (fig 1) Les ACP gauche et droite ont une origine distincte : il en résulte des divergences de trajet, de direction, de longueur et de rapports. L'ACP gauche naît de la portion horizontale de la crosse aortique entre le tronc artériel brachiocéphalique (TABC) et celui de l'ASC gauche, en situation thoracique. L'ACP droite naît de la bifurcation du TABC à la frontière du cou et du thorax (vestibule médiastinal).

Trajet et direction Dès sa naissance, l'ACP gauche chemine obliquement en haut et en dehors légèrement en arrière et parfois en avant. Puis, au niveau de l'articulation sternochondro-claviculaire, elle change de direction en même temps que de région pour affecter un trajet cervical vertical et ascendant. L'ACP droite est entièrement située dans la région cervicale antérieure dès sa naissance. Elle se dirige d'abord en haut et en dehors et devient progressivement verticale, parallèlement à l'ACP gauche. Les deux ACP sont alors situées de part et d'autre de la trachée, du larynx et du pharynx. Les ACP ne présentent aucune flexuosité. Si l'ACP droite est rectiligne, l'ACP gauche décrit une courbure discrète à concavité dirigée vers le dehors. L'ACP gauche excède en longueur l'ACP droite de la longueur du TABC (5 cm). Les différences de naissance et de trajet sont expliquées par l'embryologie car les ACP dérivent du troisième segment intermédiaire (portion d'aorte primitive ascendante comprise entre les extrémités antérieures des troisième et quatrième arcs aortiques). À gauche, le quatrième segment intermédiaire et le quatrième arc aortique forment la crosse aortique. À droite, le quatrième arc aortique donne naissance à l'ASC droite, alors que le quatrième segment intermédiaire forme le TABC. Ces notions expliquent que l'ACP gauche naisse directement de l'aorte.

Terminaison Les deux ACP se terminent au niveau d'un plan horizontal joignant le bord supérieur du cartilage thyroïde au bord inférieur de la quatrième vertèbre cervicale (C4). Elles bifurquent en deux branches terminales, les ACI et ACE. La bifurcation carotidienne est parfois située plus haut, entre le cartilage thyroïde et l'os

hyoïde, voire au-dessus de l'os hyoïde. Elle se rencontre parfois plus bas, au niveau du cartilage cricoïde.

Rapports Nous envisagerons les rapports des ACP successivement dans le thorax et dans le cou.

Rapports intrathoraciques de l'ACP gauche (fig 2) Dès son origine sur la convexité de la portion horizontale de la crosse, l'ACP gauche occupe une situation très en arrière du médiastin antérieur. Le TABC se trouve en avant et en dedans, l'ASC gauche est en arrière et en dehors. Les rapports de l'ACP gauche sont : en avant, le manubrium sternal par l'intermédiaire du thymus chez l'enfant ou son résidu chez l'adulte (corps de Waldeyer) ; le cul-de-sac médiastinocostal antérieur s'écarte pour former le triangle interpleural supérieur, en arrière duquel se trouve le tronc veineux brachiocéphalique gauche ; celui-ci, après avoir croisé l'ASC et le nerf phrénique gauches, vient horizontalement recouvrir l'ACP gauche ; entre artère et veine s'insinuent les nerfs cardiaques supérieurs issus du nerf pneumogastrique ; en arrière, l'ACP gauche se tient assez loin du plan prévertébral ; elle répond à l'ASC gauche et à l'origine de l'AV gauche d'une part, et au canal thoracique d'autre part ; ce dernier décrit un trajet d'abord vertical à gauche de la ligne médiane en montant derrière l'oesophage ; puis, il croise l'oesophage à son bord gauche pour se porter en arrière et en dedans de l'ASC gauche ; il se déplace en avant et en haut, se rapproche de l'ACP gauche et s'engage entre cette dernière en dedans et l'ASC gauche en dehors, avant de décrire sa crosse ; en dedans, l'ACP gauche répond d'avant en arrière : au TABC qui s'en écarte ; à la trachée et à l'angle dièdre trachéo-oesophagien qui contient le nerf récurrent gauche, sa chaîne ganglionnaire et l'artère oesophagotrachéale ; en dehors, l'ACP gauche entre en rapport avec la plèvre médiastine et le poumon gauche à sa face interne par l'intermédiaire du nerf pneumogastrique ; ce dernier est d'abord postérieur à l'ACP gauche, puis il croise sa face externe pour passer devant l'artère et rejoindre la face antérolatérale gauche de la crosse aortique ; il abandonne alors le nerf récurrent gauche ; la veine intercostale supérieure gauche croise l'ACP gauche en dehors, dans sa portion horizontale ; l'ACP gauche forme la limite antérieure du quadrilatère de Bourgery, qui reconnaît comme limites supérieure la veine intercostale supérieure gauche et inférieure la crosse de l'aorte, et en arrière l'ASC gauche ; enfin, le nerf phrénique et les vaisseaux diaphragmatiques constituent des rapports plus lointains en avant et en dehors.

Rapports intrathoraciques de l'ACP droite Son origine se trouve en avant du vestibule médiastinal, en arrière de l'articulation sterno-chondro-claviculaire dont elle est séparée par le confluent veineux de Pirogoff (terminaison de la veine jugulaire interne [VJI]). L'ACP droite est alors repérée par l'interstice séparant les deux chefs sternal et claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Elle répond essentiellement à la trachée en dedans qui en est plus proche que de l'ACP gauche. En dehors, l'ACP droite entre en rapport avec l'ASC droite dont elle s'éloigne et avec l'AV droite. Le nerf pneumogastrique droit croise la face externe de l'ACP droite pour rejoindre la face antérieure de l'ASC droite où il abandonne son rameau récurrent. Le nerf pneumogastrique droit passe entre l'ACP droite en

dedans et l'AV droite en dehors.

Rapports des ACP dans le cou Les ACP gauches et droites affectent dans le cou des rapports sensiblement analogues. Les différences rapportées dans la portion thoracique s'estompent progressivement : les ACP vont cheminer de chaque côté des axes trachéooesophagien, puis laryngopharyngé, occupant les régions carotidiennes. Chaque ACP est enfermée dans un espace prismatique triangulaire à la coupe, appelé gouttière carotidienne. Nous décrirons ses rapports avec les parois et le contenu de cette gouttière.

Rapports avec les parois de la gouttière carotidienne (fig 3) Nous décrirons trois parois : postérieure, interne et antéroexterne. La paroi postérieure de cette gouttière est ostéomusculaire : elle est constituée des apophyses transverses des vertèbres cervicales dont le plan est matelassé par les muscles prévertébraux. L'ACP repose devant les apophyses transverses, en dedans de leurs tubercules antérieurs, dans la concavité tendue entre les spondyles et les tubercules précités. Le tubercule de la septième vertèbre cervicale marque le début de l'ascension de l'AV le long du rachis dans les trous transversaires, accompagnée de la veine vertébrale [VV] et par le nerf vertébral, pour cheminer en arrière et en dehors de l'ACP homolatérale. Le tubercule antérieur de la sixième vertèbre cervicale ou tubercule de Chassaignac est plus saillant et surplombe la septième apophyse. Les muscles prévertébraux sont en avant, les muscles de la flexion (muscles long du cou et grand droit antérieur de la tête) recouverts par l'aponévrose prévertébrale ; latéralement sont les muscles de l'inclinaison (muscles droits latéraux, intratransversaires et scalènes), tapissés par l'aponévrose préscalénique. Le nerf phrénique et les collatérales musculaires de l'artère cervicale ascendante cheminent dans l'épaisseur de cette aponévrose. Le sympathique cervical chemine contre l'aponévrose prévertébrale : il présente au niveau du tubercule de Chassaignac un ganglion cervical moyen inconstant. L'artère thyroïdienne inférieure, branche de l'ASC, se place entre la paroi postérieure ostéomusculaire et l'ACP. Elle affecte un trajet transversal de dehors en dedans et se dirige vers la face antérieure du muscle scalène antérieur. Elle se coude sous le tubercule de Chassaignac pour se diriger en bas et en dedans. Elle décrit ainsi une boucle devant l'AV pour contracter des rapports intimes avec la chaîne sympathique. Puis, elle dessine une deuxième courbe concave en avant, en dehors et un peu en haut, à la face profonde de l'ACP pour redresser sa trajectoire sur la convexité du paquet vasculonerveux. La paroi interne de cette gouttière est viscérale. Elle est constituée par les viscères du cou en avant de la trachée et du larynx, qui sont étroitement proches de l'ACP droite. Le plan postérieur est représenté par l'oesophage et la face latérale du pharynx. Ceux-ci sont légèrement déjetés sur la gauche, le muscle constricteur inférieur du pharynx étant en rapport étroit avec l'ACP gauche. La paroi est complétée par les lobes latéraux du corps thyroïde, recouverts par les muscles sternothyroïdien et sterno-cléido-hyoïdien. En arrière, les cloisons sagittales de Charpy unissent les bords de l'oesophage à l'aponévrose prévertébrale. Dans l'angle trachéo-oesophagien chemine le nerf récurrent gauche accompagné de la chaîne lymphatique récurrentielle : à droite, le nerf récurrent est moins profond. Il atteint la trachée au niveau de son sixième anneau. Les ACP sont parallèles à la trachée dans cette loge, à 12 mm à droite et 10 mm à gauche de cette dernière. Les viscères cervicaux sont opératoirement indépendants du paquet vasculonerveux car leur gaine (viscérale) est bien individualisable de la gaine vasculaire. La paroi antéroexterne de cette gouttière est musculaire. Les plans juxtaposés de cette paroi constituent des plans de couverture de l'ACP et de sa bifurcation.

Le trajet de l'artère carotide primitive se projette sur la peau en une ligne oblique en haut, en dehors et en arrière : elle unit l'épiphyse claviculaire antérieure à la région rétromandibulaire comprise entre l'angle de la mandibule en avant et la mastoïde en arrière. L'incision opératoire épouse cette ligne sur le bord antérieur du muscle sternocléido-mastoïdien. La dissection reconnaît successivement les téguments, le tissu cellulaire sous-cutané, le platysma enveloppé par le fascia superficialis. On retrouve alors les branches du plexus cervical transverse et la branche suprasternale. Les veines superficielles sont représentées par la veine jugulaire externe (VJE), qui surcroise le bord externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien, et par la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher, qui longe le bord antérieur du même muscle. Le plan charnu du muscle sterno-cléido-mastoïdien est postérieur : ce dernier est compris entre deux feuillets de l'aponévrose cervicale superficielle dédoublée. Son orientation est oblique en haut, en arrière et en dehors, croisant le trajet de l'ACP qui est vertical. Le muscle sterno-cléido-mastoïdien constitue le muscle satellite de l'ACP. Sur un plan plus postérieur se trouve le muscle omohyoïdien qui croise l'artère à sa partie moyenne pour se diriger obliquement en arrière et en dehors. Il limite l'ACP en deux portions : la portion subomohyoïdienne est dangereuse pour le chirurgien en raison du risque de conflit avec les gros vaisseaux de la base du cou. La portion supraomohyoïdienne est dite chirurgicale car de dissection plus aisée.

Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne (fig 4) Les organes présents dans la gouttière carotidienne définissent le pédicule vasculonerveaux jugulocarotidien. Ce dernier comprend la VJI en dehors, l'ACP en dedans et le nerf vague ou X, qui siège dans l'angle dièdre postérieur constitué par ces deux vaisseaux. Dans son trajet de haut en bas, la VJI tend à déborder l'artère par devant, pour se retrouver franchement antérieure par rapport à l'ACP à la base du cou. Ces trois organes sont enveloppés dans une gaine conjonctive commune ou gaine vasculaire du cou. L'artère et la veine sont cependant séparées l'une de l'autre par le septum de Langenbeck, cloison celluleuse conjonctive. Les rapports de la face externe de la gaine vasculaire contre la veine jugulaire interne sont représentés par les ganglions lymphatiques de la chaîne jugulaire interne, ou ganglions cervicaux profonds. Le plus volumineux est le ganglion supraomohyoïdien de Poirier, au-dessus du tendon intermédiaire du muscle homonyme. Les ganglions antérieurs et postérieurs de la même chaîne sont en rapport avec l'ACI. On retrouve la branche descendante de l'hypoglosse en avant de l'ACP : elle s'unit à la branche descendante interne du plexus cervical profond pour former l'anse de l'hypoglosse qui émet des rameaux destinés aux muscles subhyoïdiens. Cette anse est située au-dessus du croisement du pédicule vasculonerveux pour le muscle omohyoïdien. En avant de l'ACP, se trouve la face postérieure du lobe latéral thyroïdien homolatéral. Ce dernier est creusé d'une gouttière verticale par l'artère, où la gaine périthyroïdienne adhère intimement à la gaine vasculaire (la libération de ces adhérences constitue un temps important des thyroïdectomies). L'artère thyroïdienne inférieure atteint le pôle inférieur du lobe latéral autour du nerf récurrent après avoir dessiné une double courbure en S qui la porte successivement en arrière, puis en dedans de l'ACP. L'artère thyroïdienne supérieure aborde le pôle supérieur du lobe thyroïdien en passant en dedans, puis en avant de l'ACP. Elle émet trois branches terminales. Les veines thyroïdiennes supérieure, moyenne et inférieure précroisent l'ACP avant de grossir respectivement les veines jugulaire interne, thyro-linguo-faciale et le tronc veineux brachiocéphalique. Elles représentent par leur taille trois pédicules constituants veineux des ligaments latéraux externes de la thyroïde (Gérard-Marchant). Les

nerfs

cardiaques

supérieurs

du

vague

et

moyen

du

sympathique

accompagnent l'ACP les uns en avant, les autres en arrière. Le canal thoracique décrit une crosse à concavité inférieure et antérieure pour se jeter au niveau du confluent de Pirogoff dans la veine sous-clavière (VSC) gauche : il enjambe ce faisant l'ASC gauche et croise en arrière et en dehors l'ACP gauche. Le canal thoracique pénètre alors dans un quadrilatère vasculaire orienté obliquement vers l'avant et le dehors, limité en bas par l'ASC gauche préscalénique, en haut par l'artère thyroïdienne inférieure, en avant et en dedans par l'ACP et le nerf pneumogastrique, et en arrière et en dehors par l'artère et la veine vertébrales.

Terminaison de l'ACP (rapports) Les derniers centimètres de l'ACP sont en rapport étroit avec la paroi pharyngée en avant et en dedans. Celle-ci est constituée par le muscle constricteur inférieur du pharynx recouvert par l'aponévrose latérale homonyme. L'ACP répond également en avant et superficiellement au bord antérieur du muscle sternocléido-mastoïdien et à la bandelette maxillaire de Charpy, qui unit ce dernier à l'angle de la mandibule. En dedans, l'ACP entre en rapport avec la corne du cartilage thyroïde et la membrane thyrohyoïdienne. En arrière et en dedans du plan artériel se trouve le corpuscule rétrocarotidien d'Arnold, ou glomus carotidien. Il est souvent situé au-dessus de la bifurcation, son pôle inférieur s'unissant à la fourche carotidienne par l'intermédiaire du petit ligament de Mayer dans lequel cheminent les rameaux glomiques. Enfin, l'ACP répond en dehors et en avant à la terminaison du tronc veineux thyro-linguo-facial dans la VJI au niveau de l'angle inférieur du triangle de Farabeuf.

Calibre Les ACP ont un calibre moyen d'environ 9 à 10 mm. Leur portion terminale est le siège d'une dilatation fusiforme, le bulbe ou sinus carotidien. Elle est prolongée sur la naissance des deux branches terminales, plus volontiers sur l'ACI que sur l'ACE. Il s'agit d'une zone intervenant dans la régulation tensionnelle par l'intermédiaire de barorécepteurs pariétaux.

Distribution et division L'ACP est une artère de transit dont le flux sanguin est réservé à ses deux branches terminales ; l'ACE se trouve en position antéro-interne à la naissance : elle vascularise la face, le cou, la boîte crânienne et la dure-mère. L'ACI naît en situation postéroexterne : elle traverse le cou sans abandonner de collatérales, pour assurer la vascularisation de l'encéphale. L'ACP fournit quelques branches au corpuscule carotidien ou rameaux glomiques.

Variations anatomiques L'ACP peut se terminer en une bifurcation comprenant, outre les ACI et ACE, une artère thyroïdienne supérieure. Testut cite également la possibilité de bifurcation avec des artères pharyngienne inférieure, thyroïdienne inférieure ou laryngée. Enfin, l'ACP peut ne pas se bifurquer et gagner le sinus caverneux en abandonnant au fur et à mesure de son trajet les branches habituelles de l'ACE.

Haut de page

ARTÈRE CAROTIDE EXTERNE ET SES COLLATÉ RALES

Artère carotide externe (fig 5) Origine L'ACE constitue la branche antéro-interne de l'ACP, le plus souvent au niveau du plan horizontal joignant le bord supérieur du cartilage thyroïde à l'apophyse transverse de la C4.

Trajet et direction L'ACE affecte un trajet d'ensemble en forme de S qui, à partir de sa situation antérieure et interne initiale, la conduit en haut et en dehors. Chemin faisant, elle croise les faces antérieure, puis externe, de l'ACI pour se diriger verticalement dans la gouttière carotidienne vers l'angle de la mandibule. Elle traverse alors les muscles du bouquet de Riolan pour rejoindre la parotide au travers de la région sous-parotidienne antérieure. Elle pénètre enfin dans la glande pour bifurquer en deux branches terminales. L'artère temporale superficielle adopte la même direction, alors que l'artère maxillaire interne est oblique à angle droit. Le trajet de l'ACE est divisé en trois segments : cervical, sous-angulomaxillaire ou sous-digastrique, et intraparotidien. Elle est d'abord un élément de la gouttière carotidienne jusqu'au ventre postérieur du muscle digastrique (segment cervical) où elle décrit une courbe à convexité externe. Passant sous le ventre postérieur du muscle digastrique, elle dessine une courbe à convexité interne, qui la rapproche de la paroi latérale du pharynx.

Terminaison L'ACE se bifurque en artère temporale superficielle et maxillaire interne dans la glande parotide, en regard du bord postérieur du col du condyle mandibulaire. Plus rarement, la bifurcation est décrite sous la glande, derrière la branche montante de la mandibule, au-dessus de l'angle de la mâchoire.

Rapports Ils sont étudiés le long du trajet de l'ACE et divisés en trois régions : la région cervicale correspond à la portion artérielle comprise entre l'origine et le ventre postérieur du muscle digastrique ; l'artère siège dans la gouttière carotidienne ; elle est superficielle et facilement accessible au geste chirurgical ; la seconde région répond au passage de l'ACE sous le ventre postérieur du muscle digastrique et le muscle stylohyoïdien ; elle traverse alors le diaphragme stylien pour gagner l'espace subparotidien antérieur en quittant la région carotidienne ; dans la troisième région, l'artère appartient à l'espace subparotidien antérieur et à la loge parotidienne ; dans ces seconde et troisième régions, l'ACE est profonde et mal accessible.

Rapports à l'origine de l'ACE Dès leur origine, les ACI et les ACE adoptent un trajet divergent. L'ACE est placée en avant et en dedans de l'ACI. Tout au long de son trajet oblique en haut et en dehors, l'ACE contourne l'ACI en avant pour adopter une situation externe. Les deux artères carotides sont unies par le ligament intercarotidien de Rieffel, qui constitue une lame conjonctive vasculaire intercarotidienne. Le glomus carotidien est placé en arrière de la bifurcation de l'ACP et de l'origine de l'ACE. Il est relié à ces deux artères par une formation conjonctive, le ligament de Mayer. Les veines du pôle supérieur du glomus se glissent entre les deux artères pour rejoindre le tronc veineux thyro-linguo-facial ou les veines pharyngées. Le plexus intercarotidien d'Arnold est constitué par la confluence de rameaux nerveux issus du ganglion cervical supérieur du système sympathique, du ganglion plexiforme ou de sa branche ascendante. L'origine de l'ACE est accolée en dedans à la membrane thyrohyoïdienne et au muscle constricteur inférieur du pharynx (paroi pharyngée).

Rapports de la région cervicale (fig 1) L'ACE chemine dans la gouttière carotidienne : elle contracte des rapports avec les parois et le contenu de cette gouttière.

Rapports avec les parois de la gouttière carotidienne Ils ont été détaillés avec les rapports de l'ACP : nous rappellerons que la gouttière carotidienne affecte une forme triangulaire, prismatique. Elle présente trois parois à la description, respectivement externe, interne et postérieure. La paroi externe (couvercle de la région carotidienne) est revêtue des plans de couverture. On reconnaît successivement la peau, le platysma, le tissu cellulaire sous-cutané et le fascia superficialis traversé par des vaisseaux et nerfs superficiels (branche cervicale transverse du plexus cervical superficiel, branche cervicofaciale de la septième paire). La VJE croise la face externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien : elle envoie une branche à la veine jugulaire antérieure [VJA] qui longe le bord antérieur du muscle. Ce dernier, compris dans un dédoublement de l'aponévrose cervicale superficielle, constitue à lui seul la paroi externe de la gouttière carotidienne. Sa bandelette d'insertion faciale à la mandibule, ou bandelette de Charpy, recouvre en effet les vaisseaux carotidiens. La paroi interne est constituée par l'os hyoïde et la membrane thyrohyoïdienne. En arrière, elle est représentée par les muscles constricteurs moyen et inférieur du pharynx, doublés de l'aponévrose latérale du pharynx. La paroi postérieure est plus éloignée de l'ACE. Elle est représentée par les apophyses transverses cervicales et les muscles prévertébraux, doublés par l'aponévrose cervicale profonde devant laquelle on rencontre le cordon du sympathique cervical.

Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne successivement, de dehors Nous décrirons celluloganglionnaire, veineux, nerveux et artériel.

en

dedans,

les

plans

Le plan celluloganglionnaire, situé sous le muscle sterno-cléidomastoïdien, regroupe en une lame ganglionnaire les nombreux ganglions de la chaîne jugulaire interne (ganglions cervicaux profonds). Le plus volumineux d'entre eux, ou ganglion de Küttner, est situé sous le ventre postérieur du muscle digastrique. Le plan veineux est constitué par la VJI qui chemine en arrière et en dehors de l'ACE, en recouvrant l'ACI. La face antérieure de la VJI reçoit trois collatérales importantes : les veines facile, linguale et thyroïdienne supérieures. Ces trois veines peuvent se jeter isolément dans la jugulaire en

croisant séparément l'ACE : le plus souvent, elles confluent pour former un court tronc commun, le tronc veineux thyro-linguo-facial. Ce dernier croise sous l'os hyoïde les premières branches de l'ACE et, cheminant en bas et en arrière, rejoint la VJI sous le cartilage thyroïde. Les veines pharyngiennes participent parfois à la constitution de ce tronc veineux, qui devient alors thyro-linguo-pharyngo-facial. Le plan nerveux est constitué par le nerf vague (X) et le nerf grand hypoglosse (XII). Le premier est situé dans l'angle dièdre postérieur jugulocarotidien : il est séparé de l'ACE par l'ACI. Le nerf grand hypoglosse passe au contact de l'ACE et de ses branches qu'il croise en dehors. Il décrit une courbe à convexité inférieure au niveau de l'artère occipitale, la courbe de l'hypoglosse. La VJI en arrière, le tronc veineux thyro-linguo-facial en avant et le nerf grand hypoglosse en haut délimitent un triangle à sommet inférieur, le triangle de Farabeuf. Le plan artériel s'inscrit dans l'aire du triangle de Farabeuf : il est constitué par l'ACE et l'émergence antérieure de ses premières collatérales (thyroïdienne supérieure, linguale, faciale et occipitale). L'artère thyroïdienne supérieure est souvent masquée par le tronc veineux thyro-linguo-facial. Elle se dirige en bas et en avant en décrivant une courbe à convexité supérieure. L'artère linguale décrit une courbe à courbe à concavité supérieure vers l'os hyoïde. L'artère faciale, plus haut située, rejoint le ventre postérieur du digastrique en traversant obliquement, d'arrière en avant et de bas en haut, le triangle de Farabeuf. L'artère occipitale se détache de la face postérieure de l'ACE et affecte un trajet vers l'arrière, en haut et en dehors. Le nerf grand hypoglosse abandonne sa branche descendante en avant de l'ACI, et le nerf du muscle thyrohyoïdien en avant de l'ACE. Le nerf laryngé supérieur croise l'ACE au niveau de l'os hyoïde. Enfin, le plexus carotidien externe est constitué de fins rameaux nerveux issus du nerf vague et du ganglion cervical supérieur du sympathique cervical.

Rapports sous le ventre postérieur du digastrique Au niveau du ventre postérieur du digastrique, l'ACE traverse le diaphragme stylien pour pénétrer dans l'espace subparotidien antérieur. Elle franchit ainsi le bouquet de Riolan (ligament et muscle stylohyoïdiens, muscle styloglosse et ligament stylomaxillaire), qui l'isole de la paroi pharyngée. L'ACE gagne alors l'espace subparotidien antérieur, alors que l'ACI, dont elle n'est séparée que par le diaphragme stylien, monte dans l'espace subparotidien postérieur. L'ACE décrit alors un coude pour rejoindre le pharynx dans la région paraamygdalienne. Elle répond à l'amygdale palatine, au nerf glossopharyngien et au rameau lingual du facial.

Rapports parotidiens L'ACE pénètre dans la région parotidienne et se plaque à la face postérieure de la glande en formant une gouttière. Puis, elle s'enfonce dans la glande à sa jonction tiers inférieur - deux tiers supérieurs, en se dirigeant vers le condyle mandibulaire, pour donner naissance à ses deux branches terminales. Dans la région parotidienne, l'ACE répond à un plan veineux profond et un plan nerveux superficiel. Le plan veineux est constitué de la VJE et de ses branches d'origine (veines maxillaire interne, temporale superficielle, auriculaire postérieure et occipitale). L'ACE est parfois entourée de fins rameaux veineux grêles, les veines carotides externes, qui rejoignent le tronc thyro-linguo-facial. Le plan nerveux correspond aux nerfs facial, auriculotemporal et au rameau parotidien du plexus cervical superficiel. L'ACE est entourée du plexus carotidien externe, parfois associé, dans le voisinage de l'artère auriculaire postérieure, au ganglion sympathique « de Scarpa ».

Branches collatérales de l'ACE (fig 6)

[6]

L'ACE donne habituellement naissance à six branches collatérales principales. On décrit, de bas en haut, les artères : thyroïdienne supérieure ; linguale ; faciale ; pharyngienne ascendante ; occipitale ; auriculaire postérieure. L'ACE donne naissance également à des branches inconstantes ou accessoires. Nous retiendrons les artères palatine ascendante, laryngée supérieure, musculaires du cou (sterno-cléido-mastoïdien, stylohyoïdien, ventre postérieur du digastrique et masséter) et l'artère accessoire de la glande submandibulaire.

Artère thyroïdienne supérieure (fig 7) Origine Cette artère, dont les ramifications se rendent au larynx et au corps thyroïde, naît au niveau ou un peu au-dessus de la bifurcation de la carotide primitive, parfois même de ce vaisseau ; plus rarement, elle se détache d'un tronc commun avec la linguale. Elle se porte d'abord transversalement en avant et légèrement en bas ; après un trajet de 5 à 10 mm, elle se courbe pour se diriger presque verticalement en bas, vers le lobe correspondant du corps thyroïde, dans lequel elle se termine. Dans sa portion descendante, elle est recouverte par l'omohyoïdien et le sternothyroïdien. Son calibre, toujours considérable, est en raison inverse de celui des autres thyroïdiennes et en rapport direct avec le volume du corps thyroïde.

Branches collatérales Dans sa première portion horizontale, l'artère throïdienne supérieure donne : un rameau subhyoïdien qui suit le bord inférieur de l'os hyoïde et se ramifie dans les muscles qui s'insèrent à cet os ; la branche sternomastoïdienne moyenne, très grêle, qui pénètre dans le bord antérieur du muscle où elle se termine ; elle peut naître directement de la carotide externe ; l'artère laryngée supérieure, qui constitue une véritable branche de bifurcation ; elle naît de la courbure formée par la portion horizontale avec la portion descendante de l'artère thyroïdienne supérieure, s'engage sous le muscle thyrohyoïdien, traverse la membrane thyrohyoïdienne avec le nerf laryngé supérieur, et se divise dans le larynx en rameaux ascendants et rameaux descendants, qui se distribuent aux muscles et à la muqueuse du larynx, de l'épiglotte et de la base de la langue ; l'artère laryngée inférieure ou cricothyroïdienne ; de volume assez grêle qui se porte transversalement au-devant de la membrane cricothyroïdienne et s'anastomose sur la ligne médiane avec celle du côté opposé.

Branches terminales L'artère thyroïdienne supérieure aborde le corps thyroïde par le sommet de son lobe latéral et se divise en trois branches terminales : une branche externe, qui longe le côté du lobe latéral ; une branche interne, qui s'infléchit en dedans pour suivre le bord

supérieur de la glande ; une branche postérieure, qui gagne la face postérieure de la glande, sur les côtés de la trachée. Toutes ces branches sont flexueuses et donnent naissance à de nombreux rameaux qui s'anastomosent dans l'épaisseur du corps thyroïde, entre eux, avec les rameaux venus de la thyroïdienne inférieure du même côté et avec les rameaux des deux thyroïdiennes du côté opposé.

Artère linguale (fig 8) Origine L'artère linguale naît de la carotide externe près de la grande corne de l'os hyoïde, généralement à 1 cm au-dessus de l'artère thyroïdienne supérieure.

Trajet Elle se porte en haut et en dedans, recouverte par le ventre postérieur du digastrique, le nerf grand hypoglosse et la veine linguale ; elle atteint ainsi le bord postérieur du muscle hypoglosse et s'engage sous sa face profonde. Reposant sur les muscles constricteur moyen du pharynx et génioglosse, elle est recouverte par l'hyoglosse, le nerf grand hypoglosse accompagné des veines linguales, la glande submandibulaire et la peau. Au niveau de la grande corne de l'os hyoïde, la linguale donne un rameau suprahyoïdien qui suit la face supérieure de l'os. Sous la face profonde du muscle hypoglosse, l'artère linguale donne une branche importante, la dorsale de la langue, qui monte se ramifier dans la muqueuse de la base de la langue et envoie souvent des rameaux en bas vers l'épiglotte, en haut vers les piliers : la dorsale de la langue naît ordinairement au point où le digastrique croise le trajet de l'artère linguale : la circulation n'y est donc pas arrêtée en cas de ligature de la linguale dans le triangle hypo-glossohyoïdien (triangle de Pirogoff) ; pour obtenir une hémostase complète de la langue, il faut lier la linguale à son origine même dans le triangle, dit triangle de Béclard.

Terminaison Arrivée au bord antérieur du muscle hypoglosse, l'artère linguale se bifurque en artère sublinguale et artère ranine. L'artère sublinguale se dirige en avant dans le sillon que délimitent le mylohyoïdien en dehors, le géniohyoïdien et le génioglosse en dedans ; elle est située en dehors du canal de Wharton et s'engage avec lui sous la face profonde de la glande sublinguale : les rameaux du nerf lingual croisent en remontant sa face interne. La plus grande partie de ses branches se terminent dans la glande sublinguale, les autres se distribuent aux fibres du génioglosse ou remontent dans la muqueuse gingivale qui revêt la face interne du maxillaire inférieur. L'artère ranine, grosse de 1,5 à 2 mm (Krause), monte entre les muscles génioglosse et lingual inférieur, accompagnée des deux veines linguales profondes, passe au-dessous du nerf lingual, et se dirige vers la pointe de la langue en décrivant des sinuosités nombreuses. Dans la partie moyenne de la langue, l'artère linguale profonde est éloignée de 1,5 cm du dos de l'organe. Dans ce trajet, l'artère donne des rameaux destinés aux muscles et à la muqueuse : les uns descendants, plus minces, les autres ascendants, se dirigeant obliquement en haut et presque alternativement en dedans et en dehors. Vers la base de la langue et au-dessus du septum, il existe de nombreuses anastomoses entre les rameaux musculaires superficiels et muqueux. Au-dessus du frein, une branche constante de 1 mm de diamètre forme une anastomose arciforme avec la branche

analogue du côté opposé, l'arc ranin, dont quelques fins ramuscules vont à la muqueuse du frein. En pratique, la ligature d'une artère linguale permet une chirurgie relativement peu hémorragique du côté homolatéral ; une infiltration de vasoconstricteur local peut parfois s'y substituer.

Artère faciale ou maxillaire externe (fig 9) Origine L'artère faciale, remarquable par son volume et ses flexuosités, naît de la face antérieure de la carotide externe, à quelques millimètres au-dessus de l'origine de l'artère linguale, parfois au même point que celle-ci, ou par un tronc commun.

Trajet Elle se porte en avant et en haut, contournant la glande submandibulaire et le bord du maxillaire, sur lequel elle apparaît au-devant du masséter et se dirige alors obliquement vers le sillon nasolabial, puis dans la vallée nasogénienne.

Terminaison Elle se termine en s'anastomosant avec la controlatérale sur le dos du nez.

Rapports À son origine, l'artère est profondément située, comme l'artère linguale : recouverte par le bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien, elle est au-dessous du digastrique et du stylohyoïdien, au-dessus de l'artère linguale, qui lui est presque parallèle, et du nerf hypoglosse ; elle est accompagnée de la veine faciale, plus superficielle. Plus haut, l'artère s'engage sous la face profonde des muscles digastrique et stylohyoïdien, presque au contact de la paroi pharyngienne, formée à ce niveau par le constricteur moyen. Au-dessus du digastrique, l'artère décrit une courbe à concavité inférieure qui la conduit sous le bord inférieur du maxillaire. L'arc, l'étendue et la forme de cette courbe sont des plus variables. Dans la partie terminale de sa courbure, la faciale contourne le bord supérieur de la glande submandibulaire, creusant une encoche, parfois très profonde, dans le tissu glandulaire. L'étendue des rapports de l'artère avec la glande varie suivant la forme et le rayon de la courbe. Arrivée sur le bord inférieur de la mandibule, la faciale monte sur la face externe de cet os, parallèlement au bord antérieur du masséter, recouverte à ce niveau par le peaucier et la peau. Puis, elle se dirige obliquement en avant et en haut, vers l'aile du nez et la vallée nasogénienne. Dans cette dernière partie de son trajet, elle repose sur le buccinateur, le canin et le transverse du nez ; elle est recouverte par le peaucier, le triangulaire des lèvres, le grand et le petit zygomatique qui la croisent obliquement, et enfin par l'élévateur de la lèvre supérieure et quelques rameaux du facial. La veine faciale est située en arrière et en dehors de l'artère ; elle forme la corde de l'arc que décrit celle-ci. C'est ordinairement entre les deux vaisseaux que l'on trouve les ganglions lymphatiques géniens.

Branches collatérales

L'artère faciale donne, de bas en haut : la palatine inférieure ou ascendante : cette branche naît parfois du tronc même de la carotide ; elle passe sous les muscles styliens, appliqués sur la paroi pharyngienne, et se rend au voile du palais, à l'amygdale (artères tonsillaires) et jusqu'à la trompe d'Eustache ; l'artère submentale [9] : plus volumineuse que la précédente, elle naît de la faciale au niveau du bord inférieur du maxillaire, et se dirige horizontalement en avant : appliquée sur la face interne de l'os, elle suit les attaches du mylohyoïdien jusqu'aux insertions du digastrique ; la submentale affecte un rapport important avec le bord supérieur de la glande submandibulaire, logé dans l'angle dièdre formé par la face interne de la mâchoire et la face externe du mylohyoïdien ; la submentale donne des rameaux à la glande submandibulaire et au mylohyoïdien ; des rameaux externes, qui contournent le bord inférieur du maxillaire, irriguent la peau, le peaucier et s'anastomosent avec les branches terminales (mentonnières) de l'alvéolaire inférieure ; ces branches montent jusqu'à la lèvre ; les branches ptérygoïdiennes : grêles, elles se détachent de la faciale, au moment où celle-ci contourne les insertions inférieures du muscle ptérygoïdien interne et s'épuisent dans ce muscle ; les branches massétérines : généralement petites, elles abordent le muscle par son bord antérieur ; les artères coronaires labiales : au nombre de deux, une inférieure, une supérieure, les coronaires naissent de la faciale au niveau de la commissure des lèvres ; elles cheminent, flexueuses, dans l'épaisseur des lèvres et vont s'anastomoser sur la ligne médiane, avec les coronaires labiales du côté opposé, formant ainsi un cercle artériel complet autour de l'orifice buccal ; les rameaux faciaux : sur son trajet facial, l'artère émet des rameaux qui vont aux muscles et aux téguments de la région, en s'anastomosant avec les rameaux de la temporale superficielle (artère transverse de la face) et de la maxillaire interne (artères buccale, suborbitaire, alvéolaire) ; l'artère de l'aile du nez : d'un volume variable, elle naît du tronc facial à la hauteur de la narine, et se divise en deux rameaux : l'un, inférieur, suit le bord externe de l'orifice de la narine ; l'autre, supérieur, ascendant, longe le bord supérieur de l'aile du nez ; du rameau inférieur naît parfois l'artère de la souscloison, quand elle n'est pas fournie par l'arcade des coronaires supérieures ; l'artère de l'aile du nez s'anastomose avec l'artère coronaire supérieure et avec l'artère nasale, branche de l'ophtalmique ; elle constitue souvent la branche terminale de la faciale, qui donne alors un rameau insignifiant, montant dans le sillon nasogénien [7].

Branche terminale Très réduite après l'émission des branches précitées, la faciale (devenue l'artère angulaire) monte sur les faces latérales du nez, donne quelques ramuscules aux muscles et aux téguments voisins, et se termine en s'anastomosant avec la branche nasale de l'ophtalmique et avec son équivalent venu du côté opposé, formant alors l'arcade dorsale du nez.

Artère pharyngienne ascendante Cette artère naît de la face interne et postérieure de la carotide, au voisinage de l'origine de la faciale et de la linguale ; elle monte verticalement, appliquée sur le pharynx. C'est essentiellement une artère du pharynx.

Artère auriculaire postérieure (fig 5) L'auriculaire postérieure, qui se rend au pavillon de l'oreille et à la partie avoisinante du cuir chevelu, naît de la face postérieure de la carotide ; elle naît parfois d'un tronc commun avec l'occipitale.

L'auriculaire postérieure se dirige en haut et un peu en arrière, suivant le bord supérieur du muscle digastrique, appliquée sur la face externe du muscle stylohyoïdien ; puis, elle s'infléchit et se porte verticalement en haut, vers le bord antérieur de l'apophyse mastoïde, où elle se divise en ses branches terminales, l'auriculaire et la mastoïdienne. Les rapports de l'auriculaire avec la parotide sont des plus variables : quelquefois, elle est tout entière en dehors de la glande ; beaucoup plus souvent, dès sa naissance, elle pénètre dans la glande et en ressort au niveau de la pointe de l'apophyse mastoïde.

Branches collatérales L'auriculaire postérieure donne : l'artère stylomastoïdienne, qui naît dans l'épaisseur de la glande parotide, passe immédiatement en dehors du nerf facial et pénètre avec lui dans l'aqueduc de Fallope ; des rameaux parotidiens dans la glande ; des rameaux auriculaires, qui se perdent dans la peau de la face postérieure du pavillon ; des rameaux musculaires et mastoïdiens tégumentaires.

Branches terminales Au-dessous du conduit auditif externe, l'artère auriculaire postérieure se divise en deux branches terminales : une branche supérieure ou auriculaire, qui monte dans le sillon auriculocrânien, donne des rameaux à la face crânienne du pavillon et quelques rameaux perforants à sa face externe, dans la région de l'hélix et de l'anthélix ; une branche postérieure ou mastoïdienne, dont les rameaux se portent en arrière aux téguments de la région mastoïdienne, au muscle occipital ; ils s'anastomosent avec les rameaux de l'occipitale en arrière, et avec ceux de la temporale superficielle en avant.

Artère occipitale (fig 10) L'artère occipitale naît de la face postérieure de la carotide externe, à peu près au même niveau que la linguale et la faciale. Elle se dirige obliquement en haut et en arrière jusqu'au niveau de l'apophyse transverse de l'atlas ; là, elle se réfléchit pour se diriger horizontalement en arrière et en haut, sous le splénius où elle se recourbe pour devenir verticalement ascendante dans sa dernière portion. Presque superficielle à son origine, elle devient bientôt très profonde, pour redevenir superficielle vers sa terminaison.

Rapports À son origine, l'artère est croisée par le bord antérieur du sterno-cléidomastoïdien ; puis elle s'enfonce et vient au contact de la veine jugulaire interne, sur une longueur de plus de 1 cm. Entre l'artère et la veine s'insinue le nerf hypoglosse qui se réfléchit autour de l'occipitale pour se porter en bas et en arrière. De là, elle suit le bord inférieur du digastrique et ne tarde pas à s'engager sous ce muscle. Le nerf spinal, oblique en bas, en dedans et en arrière, s'insinue aussi entre la veine jugulaire interne et l'artère, dont il croise perpendiculairement la face profonde. L'occipitale arrive ainsi jusqu'à la face

sous le bord postérieur du splénius, et apparaît dans l'espace laissé libre entre les insertions supérieures du sterno-cléido-mastoïdien et du trapèze. Devenue superficielle, elle repose sur l'occipital, recouverte par l'aponévrose épicrânienne et la peau, engainée dans un lacis fibreux dense, qui rend sa dissection très difficile. L'occipitale est flexueuse, en raison de la mobilité de la région qu'elle parcourt ; ses rameaux terminaux se répandent dans le cuir chevelu de toute la région occipitopariétale postérieure. Elle s'anastomose avec l'occipitale du côté opposé, avec l'auriculaire postérieure, avec la temporale superficielle.

Branches collatérales Dans son long trajet, l'occipitale donne de nombreuses collatérales ; les principales sont : l'artère sternomastoïdienne supérieure, qui naît de l'occipitale au moment où l'hypoglosse vient la croiser, se réfléchit autour de ce nerf et se dirige transversalement en dehors, pour pénétrer la face profonde du sterno-cléidomastoïdien dans lequel elle se termine ; l'artère stylomastoïdienne, qui se détache plus souvent de l'auriculaire postérieure ; des branches musculaires pour les muscles traversés ; une artère cervicale postérieure (Cruveilhier), parfois considérable, qui descend entre le splénius et le complexus jusqu'à la partie supérieure du cou ; une artère méningée postérieure, qui pénètre dans le crâne par le trou déchiré postérieur ou par le trou occipital (Cruveilhier).

Branches terminales Elles sont au nombre de deux : l'une, externe, se porte en dehors et en avant, et vient s'anastomoser avec l'auriculaire postérieure ; l'autre, interne, très longue et flexueuse, monte sur les côtés de la ligne médiane, jusqu'au sommet du crâne, distribuant ses ramifications terminales au muscle occipital et au cuir chevelu. L'un de ses rameaux pénètre dans le trou pariétal (rameau pariétal) et se répand dans la dure-mère sous-jacente, où il s'anastomose avec les ramifications supérieures de la méningée moyenne.

Branches terminales de l'artère carotide externe Artère maxillaire interne (fig 10) Origine L'artère maxillaire interne, branche de bifurcation profonde de la carotide externe, plus volumineuse que la temporale, s'étend du col du condyle au sommet de la fosse ptérygomaxillaire.

Trajet La maxillaire interne naît de la carotide externe, au niveau du col du condyle ; elle s'engage aussitôt dans une boutonnière formée par le bord interne du condyle et le bord postérieur, épaissi, de l'aponévrose ptérygoïdienne : c'est la boutonnière rétrocondylienne de Juvara. Le nerf auriculotemporal sort par cette boutonnière, au-dessus de l'artère. La maxillaire interne se dirige en avant et en dedans, dans la loge du ptérygoïdien latéral, appliquée sur la face externe, près du bord inférieur de ce

muscle, qui peut être dit « son muscle satellite ». À partir de ce point, l'artère se dirige, très flexueuse, en avant et en dedans, vers le trou sphénopalatin, fond de la fosse ptérygomaxillaire. Elle passe tantôt en dedans (voie profonde), tantôt en dehors (voie externe) du ptérygoïdien latéral. Ces deux variétés sont presque d'une égale fréquence. Variété profonde : la maxillaire interne, appliquée sur le bord inférieur de la face interne du ptérygoïdien latéral, décrit une première courbe à concavité inférieure ; puis, elle se relève et se dirige vers l'apophyse ptérygoïde ; un peu au-dessous de la base de celle-ci, elle s'applique à l'aile ptérygoïdienne externe, qu'elle creuse parfois en gouttière, et s'engage obliquement de bas en haut entre les deux faisceaux du ptérygoïdien latéral. Arrivée à la face externe de ce muscle, la maxillaire interne, devenant très flexueuse, décrit une nouvelle courbe à concavité supérieure, et vient s'appliquer à la partie supérieure de la tubérosité maxillaire ; elle creuse souvent une gouttière ou fossette sur celle-ci, et, suivant la partie supérieure de cette tubérosité, elle va traverser l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire pour s'engager dans le trou sphénopalatin, à partir duquel elle appartient aux fosses nasales, et prend le nom d'artère sphénopalatine. Variété externe : dans cette variété, la maxillaire interne pour arriver au trou sphénopalatin, suit la face externe du ptérygoïdien externe, cheminant dans l'interstice ptérygotemporal, au milieu du tissu fibrograisseux qui se trouve entre l'extrémité inférieure du muscle temporal et la face externe du ptérygoïdien latéral. Après avoir dépassé le ptérygoïdien, l'artère s'applique sur la tubérosité du maxillaire et se termine de la même façon que dans la variété profonde.

Branches collatérales (fig 11) La maxillaire interne émet quatorze branches collatérales ; l'habitude est de classer ces collatérales en : supérieures ou ascendantes (cinq) ; inférieures ou descendantes (cinq) ; externes ou antérieures (deux) ; internes ou postérieures (deux).

Artère tympanique De très petit volume, elle naît de la maxillaire interne près du col du condyle, elle pénètre à côté de la corde du tympan dans un conduit spécial pour arriver dans l'oreille moyenne.

Artère méningée moyenne Remarquable par son volume et son long trajet, elle constitue la plus considérable des branches de la maxillaire interne ; elle irrigue la plus grande partie de la dure-mère et toute la région temporopariétale du crâne. La méningée moyenne naît de la maxillaire interne en dedans du ptérygoïdien latéral et monte obliquement vers le trou petit rond dans lequel elle s'engage. Dans le crâne, elle se dirige en dehors et en avant, creusant un profond sillon dans la paroi osseuse de la fosse cérébrale moyenne ; après un trajet de 2 à 4 cm, elle se divise en deux branches. Dans le crâne, la méningée moyenne donne : quelques rameaux à la dure-mère de la fosse sphénoïdale et au ganglion de Gasser ; un rameau qui pénètre avec le nerf pétreux supérieur dans l'aqueduc de Fallope ; des rameaux orbitaires, qui pénètrent dans l'orbite par la fente ethmoïdale

et s'anastomosent avec l'ophtalmique ; quelques rameaux qui pénètrent par la suture pétrosquameuse et se rendent dans l'oreille moyenne. Les branches terminales de la méningée moyenne sont au nombre de deux. L'antérieure gagne l'extrémité externe de la petite aile du sphénoïde et arrive à l'angle du pariétal. La branche postérieure, plus petite, se dirige en haut et en arrière et se ramifie sur la portion écailleuse du temporal et sur la portion inférieure et postérieure du pariétal. Sur une radiographie de crâne, en vue de profil, le tronc et les deux branches terminales de l'artère moyenne se traduisent par une impression sur l'os pouvant à tort en imposer pour un trait de fracture. En fait, ces artères proéminent sur la face externe de la dure-mère et creusent sur la table interne des os du crâne des gouttières arborescentes, parfois transformées en canaux osseux sur certains points de leur trajet.

Petite méningée (Lauth) Inconstante, elle naît tout près de la méningée moyenne, dont elle n'est très souvent qu'un rameau.

Artère alvéolaire inférieure Elle naît du tronc de la maxillaire interne, au moment où celle-ci contourne le bord inférieur du muscle ptérygoïdien externe ; puis, elle se dirige en bas et en avant, appliquée sur la face interne du maxillaire inférieur par l'aponévrose interptérygoïdienne épaissie à ce niveau en ligament sphénomaxillaire. En dedans de l'épine de Spix, l'alvéolaire inférieure pénètre avec le nerf alvéolaire inférieur dans le canal dentaire, qu'elle suit dans toute son étendue. Au niveau des 34/35 ou 44/45, elle se divise en deux branches : l'une, mentonnière, émerge par le trou mentonnier et se rend aux téguments labiaux inférieurs et du menton ; l'autre, incisive, continue la direction de l'alvéolaire jusqu'à la symphyse, où elle se perd dans le diploé. Ses rameaux collatéraux, rameaux dentaires, en nombre égal à celui des racines des dents correspondantes, montent vers les dents, dans lesquelles ils pénètrent par l'orifice placé au sommet de la racine de celles-ci ; d'autres rameaux diploïques, vont au diploé de la mandibule. Le rameau mylohyoïdien se détache de l'alvéolaire au moment où celle-ci va pénétrer dans l'orifice du canal dentaire ; il creuse sur la face interne du maxillaire un sillon qui descend vers le muscle mylohyoïdien dans lequel le rameau se termine. L'artère du nerf lingual naît de l'alvéolaire inférieure avant son entrée dans le canal, elle se porte en avant et en dedans, et, après un trajet de quelques millimètres, elle aborde le nerf lingual qu'elle suit jusqu'à la langue dans laquelle elle se termine.

Artère massétérine L'artère massétérine, petite, se porte obliquement en bas et en dehors, au-devant du col du condyle, passe dans l'échancrure sigmoïde avec le nerf massétérin, en avant duquel elle est placée, et pénètre dans la partie supérieure du masséter par la face profonde de celui-ci.

Artères ptérygoïdiennes De très petit volume et en nombre très variable, elles se rendent aux muscles ptérygoïdiens.

Artère temporale profonde postérieure Elle naît très souvent d'un tronc commun avec l'alvéolaire, tronc temporodentaire de Juvara, ou directement de la maxillaire interne près de son origine. Le tronc temporodentaire, long de quelques millimètres, naît au niveau de la face interne du ptérygoïdien latéral, descend obliquement en avant, en dehors et se divise immédiatement en : une branche inférieure, qui continue le trajet primitif (l'artère alvéolaire inférieure) ; une branche supérieure qui se recourbe brusquement autour du bord inférieur du muscle ; c'est la temporale profonde postérieure. La temporale profonde postérieure monte verticalement sur la face externe du ptérygoïdien, et atteint la crête du sphénoïde. Là, elle se divise presque aussitôt en deux branches qui rampent sur le périoste, sous la face profonde du muscle temporal, et s'anastomosent avec la temporale profonde antérieure et la temporale moyenne.

Artère buccale Elle naît du tronc de la maxillaire au point où celui-ci atteint la tubérosité maxillaire, et aborde les insertions postérieures du buccinateur ; elle se répand alors sur la face externe de ce muscle, formant un plexus en rapport avec la terminaison du canal de Sténon. Ses branches terminales vont aux parois buccales et aux nombreuses glandes que l'on trouve sur la face interne du buccinateur. La buccale, à ce niveau, s'anastomose avec la faciale, avec l'alvéolaire et l'infraorbitaire.

Artère temporale profonde antérieure Cette branche, assez volumineuse, naît de la maxillaire interne, au moment où cette artère décrit ses sinuosités sur la tubérosité du maxillaire ; elle monte dans la graisse qui sépare le bord antérieur du temporal de la paroi antérieure de la fosse temporale, et se trouve ainsi plus temporale antérieure que temporale profonde. Flexueuse, elle donne au muscle de nombreux rameaux qui s'anastomosent avec ceux des artères temporale moyenne, temporale profonde postérieure et temporale superficielle. Elle émet constamment des rameaux qui passent par les trous du malaire dans l'orbite, où ils s'anastomosent avec l'artère lacrymale qu'ils peuvent même suppléer.

Artère alvéolaire Née sur la tubérosité du maxillaire, elle se dirige en bas et en avant, d'abord assez adhérente à l'os sur lequel elle est comme bridée par une lame fibreuse dépendant du périoste. Elle émet deux ou trois rameaux qui pénètrent dans les canaux dentaires postérieurs et se ramifient dans les racines des grosses molaires, dans la muqueuse des gencives et dans celle du sinus maxillaire (rameaux dentaires postérieurs et rameaux gingivaux). Son tronc se divise en plusieurs rameaux qui forment, sur la tubérosité maxillaire et sur le buccinateur, un plexus.

Artère infraorbitaire

flexuosités sur la tubérosité maxillaire, va gagner l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire. Elle se dirige transversalement en avant, et, après un trajet de quelques millimètres, pénètre dans la gouttière creusée sur la paroi inférieure de l'orbite ; elle suit cette gouttière et vient émerger par le trou infraorbitaire avec le nerf maxillaire supérieur. Dans la fente sphénomaxillaire, elle donne une branche orbitaire qui se divise en deux rameaux : l'un se porte en avant vers la paupière inférieure où il s'épuise ; l'autre se rend dans la glande lacrymale. Dans le canal infraorbitaire, l'artère donne une branche qui descend dans le conduit dentaire supérieur et antérieur, et se rend à la pulpe des incisives et des canines. Arrivée à l'orifice antérieur du canal infraorbitaire, l'artère s'épanouit en un bouquet de branches : les ascendantes, palpébrales, s'anastomosent avec les rameaux de l'ophtalmique ; les descendantes vont aux muscles et à la peau de la joue ; les internes, nasales, se rendent aux téguments du nez ; d'autres, externes, vont sur la pommette et s'anastomosent avec les branches de la transverse faciale.

Artère vidienne Très grêle, elle naît de l'artère maxillaire interne tout près du trou sphénopalatin, se dirige immédiatement en arrière, passe en dehors du ganglion sphénopalatin, traverse l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire et pénètre dans le canal vidien, accompagnée par le nerf vidien. Arrivée sous la muqueuse du pharynx, elle se termine sur la partie latérale de la voûte, dans le voisinage de la trompe à laquelle elle donne des rameaux.

Artère palatine supérieure Elle naît de la maxillaire interne tout au fond de la fosse ptérygomaxillaire et descend aussitôt dans le canal palatin postérieur ; arrivée à l'orifice inférieur de ce canal, elle se réfléchit et se dirige horizontalement en avant entre la voûte et la muqueuse palatines ; très sinueuse, elle trace de profondes gouttières sur le palais osseux. Sa branche principale chemine dans la gouttière osseuse qui longe le bord alvéolaire, jusqu'au conduit palatin antérieur dans lequel elle envoie un rameau (rameau nasal), qui s'anastomose avec la terminaison de la sphénopalatine (artère de la cloison) ; elle donne des rameaux gingivaux et alvéolaires. Peu après son origine, avant de s'engager dans le conduit palatin postérieur, la palatine supérieure fournit des rameaux staphylins, qui pénètrent par les conduits palatins accessoires et se distribuent aux muscles, à la muqueuse et à l'épaisse couche glandulaire de la voûte du palais, jusqu'à l'orifice de la trompe.

Artère ptérygopalatine (pharyngienne supérieure) Encore plus grêle que la vidienne, elle se porte en arrière, traverse le conduit ptérygopalatin, et se ramifie dans la muqueuse de la voûte en s'anastomosant avec la vidienne.

Terminale de la maxillaire interne : artère sphénopalatine (fig 12 et 13) Au trou sphénopalatin, la maxillaire interne, très réduite de volume, prend le nom de sphénopalatine et pénètre dans la fosse nasale correspondante. À l'extrémité postérieure du méat supérieur, la sphénopalatine se divise en deux branches : l'une, interne, artère de la cloison, descend obliquement en avant et vient pénétrer dans le conduit palatin antérieur, où elles s'anastomose avec la palatine supérieure ; l'autre, externe, artère des cornets et des méats, donne successivement

trois rameaux, qui suivent horizontalement les cornets, et s'épuisent dans la muqueuse qui les recouvre ; le réseau vasculaire de la pituitaire est très riche.

Artère temporale superficielle (fig 14) L'artère temporale superficielle naît dans la parotide au niveau du condyle mandibulaire : elle adopte un trajet vertical et superficiel pour vasculariser l'hémiface supérieure homolatérale et les deux tiers antérieurs du cuir chevelu. Elle fournit les artères transversales de la face, zygomato-orbitaire, temporale profonde postérieure, auriculaire antérieure, avant de se diviser en deux branches terminales, frontale et pariétale. La description précise est faite dans un autre chapitre

[11]

.

Systématisation de l'artère carotide externe Les branches terminales et collatérales de l'ACE naissent habituellement proches les unes des autres : cette disposition permet de décrire deux bouquets artériels, à l'origine et à la terminaison de l'ACE. Le bouquet inférieur ou hyoïdien est situé en bas du tronc carotidien externe dans le triangle de Farabeuf. Il regroupe les artères thyroïdiennes supérieure, linguale, faciale, pharyngienne ascendante et occipitale. Le bouquet supérieur ou parotidien est formé par les deux branches terminales (temporale superficielle et maxillaire interne). Cette systématisation rend compte de l'analogie entre système artériel carotidien et système veineux jugulaire : l'équivalent carotidien externe est représenté par l'anastomose entre les deux confluents veineux parotidien et hyoïdien, ou veine carotide externe (Launay).

Haut de page

ARTÈRE CAROTIDE INTERNE

Origine L'ACI constitue la branche de bifurcation postéroexterne de l'ACP. Si l'ACE est principalement destinée au cou, au massif facial et à la dure-mère, l'ACI représente l'artère du cerveau et de la cavité orbitaire. La naissance de l'ACI s'inscrit dans un plan horizontal passant en avant par le bord supérieur du cartilage thyroïde, et en arrière par l'apophyse transverse de la quatrième vertèbre cervicale (C4).

Trajet L'ACI adopte un trajet vertical vers la base du crâne. Si elle se trouve en situation postéroexterne à son origine, elle se dirige en haut et en dedans vers le pharynx pour croiser l'ACE homolatérale, qui s'éloigne du pharynx. L'ACI monte en arrière du diaphragme stylien rejoindre l'espace subparotidien postérieur (espace rétrostylien), qu'elle traverse de bas en haut pour rejoindre l'orifice externe du canal carotidien à la base du crâne.

Elle pénètre verticalement dans ce dernier, puis se coude à angle droit, devient horizontale et se dirige en avant et en dedans vers l'orifice interne et supérieur du canal carotidien. Elle pénètre alors dans le sinus caverneux qu'elle va parcourir dans toute son étendue. Elle devient de nouveau verticale, puis redevient horizontale vers l'avant et le dedans. Elle se coude à nouveau, se redresse dans la partie antérieure du sinus caverneux et retrouve un trajet vertical pour traverser la paroi supérieure du sinus, légèrement concave en arrière. Elle parvient enfin à l'étage moyen du crâne : son trajet, court, (3 à 4 mm) l'amène au niveau de l'apophyse clinoïde antérieure, au-dessus de la tente hypophysaire, à sa quadrifurcation terminale. L'ACI décrit plusieurs courbures tout au long de son trajet intrapétreux et intracrânien. Sa double courbure intracrânienne, en S italique, constitue le siphon carotidien d'Egas Moniz. Elle présente parfois des flexuosités dans son trajet cervical, qui peuvent l'amener au contact de la paroi latérale du pharynx.

Terminaison L'ACI se termine en quatre branches terminales, après avoir donné naissance à la volumineuse artère ophtalmique. Ces branches terminales sont fortement divergentes à leur origine et dans leur trajet initial. Ce sont les artères cérébrales antérieure, cérébrale moyenne (sylvienne), choroïdienne antérieure et communicante postérieure. À leur terminaison, les deux ACI ne sont distantes que de 15 à 20 mm.

Rapports Nous étudierons les rapports de l'ACI de son origine à sa terminaison, en découpant son trajet en cinq portions : dans la portion cervicale, les ACI et ACE cheminent de concert dans la partie supérieure de la région carotidienne, sous le ventre postérieur du digastrique ; dans la portion rétrostylienne (subparotidienne postérieure), l'ACI diverge de l'ACE dont elle est séparée par le diaphragme stylien ; la portion intrapétreuse correspond au canal carotidien ; la portion intrasinusienne caverneuse ; la portion terminale est endocrânienne. À son origine, l'ACI est postéroexterne par rapport à l'ACE, qui est en situation antéro-interne. L'ACI croise la face postérieure de l'ACE pour se poster en situation interne. Les deux vaisseaux s'enroulent en « pas de vis » (Paturet) sous le ventre postérieur du digastrique. Les deux carotides sont unies à leur origine par des tractus fibreux formant le ligament intercarotidien de Rieffel. En arrière, dans la gouttière carotidienne, se trouve le glomus carotidien ou corpuscule rétrocarotidien.

Rapports carotidiens de la portion cervicale Ils concernent essentiellement la gouttière carotidienne pour ses parois et son contenu.

Rapports avec les parois de la gouttière carotidienne Ils ont été décrits en détail pour l'ACE.

Classiquement, le muscle sterno-cléido-mastoïdien recouvre complètement l'origine des deux carotides interne et externe. Tillaux a montré que l'extension de la tête associée à une rotation controlatérale découvre la bifurcation carotidienne. Cette installation est adoptée lors de l'abord chirurgical du trépied carotidien.

Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne (fig 4) L'ACI est en situation profonde dans la gouttière : elle poursuit la direction de l'ACP et appartient comme celle-ci à la constitution du paquet vasculonerveux du cou. Ce paquet contient, outre l'ACI en dedans, la VJI en dehors et le X. Ces organes sont entourés par la gaine conjonctive vasculaire du cou, où les vaisseaux sont séparés par une mince cloison ou septum de Langenbeck. La VJI descend verticalement dans la gouttière : elle déborde l'ACI en arrière et reçoit le tronc veineux thyro-linguo-facial à sa face antérieure. Le nerf grand hypoglosse se glisse entre la VJI en dehors, le nerf vague et l'ACI en dedans. Le trajet du grand hypoglosse est variable dans cette région : il décrit habituellement sa courbe sous la branche sterno-cléido-mastoïdienne de l'artère occipitale. En arrière, l'ACI répond au sympathique cervical, en dehors elle croise obliquement le nerf laryngé supérieur (issu du nerf vague) et l'artère pharyngienne ascendante. En dehors, l'ACI répond aux ganglions lymphatiques cervicaux profonds (chaîne jugulaire interne). De la bifurcation au ventre postérieur du digastrique, les ACI et ACE sont en contact pour se séparer au niveau de ce muscle. L'ACI glisse derrière les muscles styliens en dedans du ventre postérieur du digastrique, alors que l'ACE traverse le diaphragme stylien entre le stylohyoïdien en dehors et le styloglosse en dedans, opposant la fourche stylienne à la fourche carotidienne.

Rapports carotidiens dans l'espace subparotidien postérieur Rapports avec les parois de l'espace L'espace subparotidien postérieur ou rétrostylien est limité en arrière par les apophyses transverses des deux premières vertèbres cervicales, doublées des muscles prévertébraux et de l'aponévrose cervicale profonde. En dedans, on retrouve la paroi latérale du pharynx (constricteurs moyen et supérieur). En avant, le ventre postérieur du digastrique s'associe aux trois muscles styliens irradiant en éventail de l'apophyse styloïde. En dehors, les muscles sterno-cléidomastoïdien, digastrique et l'apophyse mastoïde complètent la paroi. En haut, l'espace correspond aux orifices de la base du crâne ; en bas, il communique largement avec la gouttière carotidienne.

Rapports avec les organes de l'espace Les rapports de l'ACI avec la VJI sont différents de ceux de la portion cervicale. L'ACI s'écarte en avant et en dedans de la VJI avant d'aborder la base du crâne : ces deux vaisseaux délimitent entre eux l'espace inter-jugulo-carotidien, avant de se rejoindre à la partie inférieure de l'espace rétrostylien. Le X, issu du trou déchiré postérieur, se rapproche de l'ACI après avoir présenté le renflement du ganglion plexiforme. Ce dernier est situé en arrière de l'ACI qu'il enserre de ses rameaux pharyngiens et du nerf laryngé supérieur. Le nerf grand hypoglosse est issu du trou condylien antérieur. Il contourne le ganglion cervical supérieur du sympathique avant de descendre entre l'ACI et le nerf vague en dedans, et la VJI en dehors. Le nerf glossopharyngien est également vertical, mais il décrit sa crosse plus haut que le grand hypoglosse. Il croise en dehors l'ACI, abandonne la branche descendante du glossopharyngien et s'anastomose plus bas avec le nerf vague pour former une anse concave vers le haut. La branche externe du spinal croise également l'ACI : rameaux communicants vers les premiers nerfs cervicaux, rameaux pharyngiens et nerf cardiaque supérieur. Le rameau carotidien du sympathique vient s'accoler à l'ACI pour la suivre dans son trajet intrapétreux.

Rapports carotidiens intrapétreux Rapports à l'entrée du canal carotidien L'ACI pénètre dans le canal carotidien, creusé dans le rocher, par le trou carotidien. Cet orifice est orienté en bas, en dedans et en arrière. En arrière et en dehors de la carotide se trouvent le trou déchiré postérieur et le golfe de la jugulaire interne. Il sépare la carotide du X et du spinal. En arrière et en dedans, l'ACI répond à l'anastomose du glossopharyngien avec une branche du facial (anse de Haller).

Rapports dans le canal carotidien L'ACI épouse rigoureusement les parois du canal carotidien, tout au long de son trajet intrapétreux : elle adhère à ses parois inextensibles et ne présente aucun battement artériel (Paturet). Le trajet carotidien peut être étudié en deux portions, verticale et horizontale, raccordées par un segment courbe : dans la portion verticale (tympanique), l'ACI répond en avant à la trompe d'Eustache et au petit nerf pétreux, en arrière au limaçon et en dehors à la caisse du tympan ; dans le segment courbe, l'ACI suit un trajet intertubolimacéen puisque placée entre la trompe en avant, en dehors et en bas, et le limaçon en arrière, en dedans et en haut ; dans la portion horizontale (apexienne) la carotide répond en bas au pharynx et à la trompe, en haut à la dure-mère sphénoïdienne, au nerf trijumeau, au ganglion de Gasser et au lobe temporal (face inférieure) ; en avant, le petit et le grand nerf pétreux superficiels reçoivent un rameau sympathique du plexus carotidien pour constituer le nerf vidien, qui croise l'artère et quitte le crâne par le trou déchiré antérieur ; en arrière, la carotide répond au sinus pétreux inférieur et à l'étage postérieur du crâne (cervelet) par l'intermédiaire de l'apex du rocher.

Rapports à la sortie du canal carotidien L'ACI entre dans le sinus caverneux.

Rapports carotidiens dans le sinus caverneux Rapports carotidiens à sa terminaison

Calibre Le calibre de l'ACI décroît régulièrement de son origine (8 à 9 mm) à sa terminaison.

Collatérales L'ACI est essentiellement une artère de transit, réservant le flux sanguin à la vascularisation encéphalique. Elle envoie néanmoins quelques branches collatérales avant de participer à la constitution du polygone de Willis.

Collatérales cervicales L'ACI peut, rarement, donner naissance à une artère pharyngienne accessoire et à un rameau pour le ganglion cervical supérieur du sympathique.

Collatérales intrapétreuses De ce trajet sont issus les rameaux ostéopériostiques du canal carotidien, l'artère carotidotympanique et les rameaux pour le limaçon.

Collatérales intracrâniennes (fig 15) L'ACI envoie un rameau anastomotique pour l'artère vidienne, des rameaux méningés, les artères hypophysaires, avant de donner naissance à l'artère ophtalmique et aux artères optotubérositaires. Artères hypophysaires : elles participent à la constitution du système posthypophysaire. Artère ophtalmique : elle vascularise l'oeil et ses annexes, les paupières, les téguments des régions sourcilière et frontale ainsi que les cellules ethmoïdales. Après son origine à la face postérieure de l'ACI, l'artère ophtalmique adopte un trajet horizontal en avant et en dehors, pour traverser le canal optique d'arrière en avant en compagnie du nerf optique. Puis, elle devient sinueuse et surcroise le nerf optique, longe le bord supérieur du muscle droit interne, contourne en dessous la poulie de réflexion du muscle grand oblique pour se terminer au-dessus de l'angle interne de l'oeil en s'anastomosant à plein canal avec l'artère faciale par l'artère angulaire. Les collatérales de l'artère ophtalmique naissent dans sa portion intraorbitaire, se répartissant en : artères oculaires : artère du nerf optique ; artère centrale de la rétine ; artère ciliaire postérieure ; artères musculaires oculaires ; artères annexielles : artère lacrymale ; artère supraorbitaire ou frontale externe ; artère palpébrale interne ; artère frontale interne ou supratrochléaire ; artères ethmoïdales antérieures et postérieures. Artères optotubérositaires : elles sont réparties en deux groupes, antérieur et postérieur. Elles vascularisent le nerf optique, le chiasma, la bandelette optique et le tuber cinereum.

Collatérales terminales Elles se détachent en bouquet de l'ACI et sont destinées au cerveau et aux plexus choroïdes (quatrième ventricule excepté). Artère cérébrale antérieure. Artère cérébrale moyenne ou sylvienne : elle représente la plus volumineuse collatérale terminale et mesure environ 5 mm de calibre à son origine. Elle poursuit le trajet endocrânien de l'ACI et adopte une direction transversale en dehors : la cérébrale moyenne constitue ainsi par ses particularités de calibre et de trajet le réceptacle principal des embolies carotidiennes. Artère choroïdienne antérieure. Artère communicante postérieure. Variations

Haut de page

ARTÈRE SUBCLAVIÈRE (FIG 16) L'ASC naît du TABC à droite et de la crosse de l'aorte à gauche : son origine, son trajet et ses rapports sont distincts selon le côté considéré.

Origine À droite, l'ASC naît du TABC qui bifurque en ACP en avant et en dedans, ASC en arrière et en dehors. Le repère cutané est l'articulation sternochondro-claviculaire (première vertèbre dorsale : D1). À gauche, l'ASC naît dans le thorax, de la crosse aortique dont elle représente la dernière collatérale, soit contre le flanc gauche de la trachée, soit contre le flanc gauche de l'oesophage. La troisième vertèbre dorsale (D3) constitue le repère habituel.

Trajet et direction À droite, l'ASC se dirige en haut, en avant et en dehors. Elle contourne le dôme pleural, se porte en bas et en dehors, atteint la première côte et s'engage entre les muscles scalènes. Elle décrit une courbe à concavité inférieure. À gauche, l'ASC monte verticalement du médiastin à l'orifice supérieur du thorax, puis s'infléchit comme à droite sur le dôme pleural en décrivant une courbe toutefois plus accentuée. L'ASC gauche est plus externe et plus postérieure que l'ASC droite : sa courbure est transversale, sa concavité regarde en bas, en dehors et en avant. À droite, la courbure est oblique et la concavité regarde en bas, en dedans et en arrière.

Terminaison, longueur et calibre Les deux ASC se terminent au sommet du creux axillaire, sous le milieu de la clavicule, et se suivent sans limite nette avec les artères axillaires. L'ASC gauche est plus longue de 3 cm que l'ASC droite, qui est plus volumineuse (10 mm de calibre à droite, 8 à 9 mm à gauche).

Collatérales Hormis les artères petites cervicales (grêles et inconstantes), l'ASC émet dix branches collatérales issues de six troncs : préscaléniques : AV, artère mammaire interne, tronc cervico-intercostal, tronc thyro-bicervico-scapulaire ; interscaléniques : artères scapulaires postérieure et supérieure.

Artère vertébrale Elle sera décrite infra.

Artère mammaire interne (artère thoracique interne) Origine : naissance sur l'ASC antéro-inférieure en regard du tronc thyrobicervico-scapulaire. Trajet : oblique vers le bas, en avant et en dedans, derrière la VSC, en dehors du nerf phrénique, elle descend verticalement derrière le sternum, en arrière des muscles intercostaux, en avant de la plèvre. Elle est satellite de ses deux veines et de lymphatiques (chaîne mammaire interne). Terminaison : en regard du sixième espace intercostal, en deux branches, externe thoracophrénique et interne abdominale. Collatérales : artères péricardiques antérieures : supérieure et inférieure ; artère diaphragmatique supérieure : satellite du nerf phrénique, rameaux diaphragmatiques, péricardiques, pleuraux et ganglionnaires ; artères intercostales antérieures : des six premiers espaces, deux artères par espace, anastomotiques avec les artères intercostales postérieures d'origine aortique et subclavière ; branches perforantes : segments thoraciques antérieurs, muscle grand pectoral et glande mammaire ; branches sternales : des six premiers espaces, pour le sternum, les muscles triangulaires du sternum et grand pectoral ; branches thymiques : artères thymiques latérales et accessoires. Branches terminales : branche thoracophrénique : longe le diaphragme, donne les artères intercostales des septième, huitième, neuvième espaces et se ramifie dans les deux derniers espaces ; branche abdominale : poursuit le trajet de l'artère mammaire interne, traverse le diaphragme dans la fente de Larrey et chemine dans la gaine postérieure du muscle grand droit qu'elle irrigue ; elle s'anastomose par des branches terminales aux branches terminales de l'artère épigastrique au niveau de l'ombilic. Artère mammaire interne accessoire : inconstante, née de l'ASC ou de l'artère mammaire interne, elle se distribue à l'hémithorax supérieur antérieur et latéral.

Tronc cervico-intercostal Origine : né de l'ASC postérosupérieure en regard de l'artère mammaire interne. Trajet : oblique en bas et en arrière, il croise le ganglion stellaire, rejoint le col de la première côte. Terminaison : bifurcation en artère intercostale supérieure et cervicale profonde : l'artère intercostale supérieure descend verticalement pour donner les trois premières intercostales, avec des rapports variables pour le ganglion stellaire ; elle vascularise aussi les muscles splénius du cou, grand complexus et l'oesophage ; l'artère cervicale profonde, plus grêle, monte vers l'arrière audessus de la première côte, croise les septième et huitième nerfs cervicaux pour gagner la région cervicale postérieure ; elle vascularise les muscles petit et grand complexus, transversaire du cou et les muscles de la nuque. L'artère cervicale profonde s'anastomose constamment à la branche cervicale postérieure de l'artère vertébrale.

Tronc thyro-bicervico-scapulaire (Farabeuf) (fig 15) Origine : il naît de la face supérieure de l'ASC, volumineux mais court (6 à 12 mm de longueur). Trajet : il monte obliquement en avant (très grande variabilité). Terminaison : en quatre branches terminales : l'artère thyroïdienne inférieure, branche la plus interne, monte jusqu'au niveau de la sixième vertèbre cervicale ; elle décrit alors deux

crosses : une première à convexité supérieure vers le bas et le dedans, une seconde à convexité inférieure, vers le dedans et la trachée, sur le pôle inférieur du lobe latéral thyroïdien ; elle donne naissance à : des rameaux musculaires (sterno-cléido-mastoïdien et sternothyroïdien, long du cou et prévertébraux) ; des rameaux trachéaux et oesophagiens ; l'artère laryngée postérieure anastomotique avec l'artère laryngée supérieure de l'artère thyroïdienne supérieure ; des artères parathyroïdiennes et thymiques ; trois branches terminales (inférieure, postérieure et interne) anastomotiques avec les artères thyroïdiennes supérieure homolatérale et inférieure controlatérale ; l'artère cervicale ascendante, grêle, elle monte en avant du plan scalénovertébral, en dedans du nerf phrénique ; elle se termine à la hauteur de la troisième vertèbre cervicale en irriguant les muscles prévertébraux, scalène antérieur, angulaire de l'omoplate et grand droit antérieur de la tête ; elle fournit des rameaux radiculaires ; l'artère cervicale transverse superficielle est l'artère du trapèze ; elle se dirige en dehors et en arrière, croise les muscles scalènes, le nerf phrénique et se distribue au muscle trapèze par trois ou quatre rameaux, au contact du nerf spinal ; l'artère suprascapulaire, oblique en bas et en dehors, se place derrière la clavicule, croise l'omoplate pour rejoindre la fosse supraépineuse par l'échancrure coracoïdienne ; elle croise le bord externe de l'épine pour se distribuer dans la fosse supraépineuse, avec le nerf subscapulaire ; elle livre les : artère du subclavier ; artère sterno-cléido-mastoïdienne inférieure ; artère de la fosse supraépineuse (supraépineux, trapèze) ; branche acromiale (trapèze, deltoïde) ; artère de l'omoplate ; artères innominées pour les muscles subclavier, scalène antérieur, subscapulaire, supra- et subépineux ; elle s'anastomose aux artères scapulaires postérieure et inférieure (cercle périscapulaire).

Artère scapulaire postérieure Origine : c'est la dernière et la plus externe des grosses branches de l'ASC. Elle naît à la face supérieure de l'ASC dans sa portion interscalénique. Le tronc primaire inférieur du plexus brachial est en arrière. Trajet : initialement en arrière du muscle scalène antérieur, elle monte obliquement en arrière et en dehors, franchit les branches du plexus brachial, puis croise en avant les muscles scalènes moyen et postérieur, et l'angulaire de l'omoplate. Elle descend ensuite vers l'angle supérieur de l'omoplate, longe le bord spinal entre les insertions des muscles rhomboïdes en arrière et petit dentelé en avant. Terminaison : à l'angle inférieur de l'omoplate, elle s'anastomose avec l'artère scapulaire inférieure, branche de l'artère axillaire. Segmentation : le trajet de l'artère scapulaire postérieure se divise en portions : horizontale, à la base du creux supraclaviculaire (portion cervicale) ; verticale, descendante, à la partie profonde de la région scapulaire (portion scapulaire) ; le coude, séparant les deux portions siège sous le muscle trapèze au-dessus de l'angle supérieur de l'omoplate contre les muscles angulaires de l'omoplate ; l'artère est satellite en dedans de la veine homonyme et du nerf spinal (branche externe) ; elle se divise en deux branches terminales, trapézienne et scapulaire. Collatérales : portion horizontale : branches musculaires : scalènes et angulaire de l'omoplate ; branche trapézienne, oblique en bas et en dehors de la fosse postérieure au muscle ; elle se ramifie en rameaux étagés, croise en arrière la branche externe du nerf spinal ; rameaux pour le muscle sus-épineux ; rameaux au plexus brachial ; au niveau du coude : anastomose avec l'artère de la fosse

supraépineuse, issue de l'artère scapulaire supérieure ; portion verticale : branches musculaires supra- et subépineuses, subscapulaire, rhomboïde, petit et grand dentelés, long dorsal.

Artère scalénique (Stahel) Origine : très variable, cette artère inconstante peut naître directement de l'ASC (proche de l'artère scapulaire postérieure) ou en tant que collatérale de cette dernière. Trajet : vertical, entre la face postérieure du muscle scalène antérieur et le plexus brachial.

Anastomoses et territoire de l'ASC Réseau anastomotique L'ASC s'anastomose avec :

;

ASC controlatérale par les artères vertébrales et thyroïdiennes inférieures

l'aorte thoracique par les anastomoses artérielles intercostales mammaires internes ; les artères axillaires par les artères scapulaires inférieure, postérieure et supérieure (cercle périscapulaire) ; l'ACE par les artères thyroïdiennes inférieure et supérieure ; l'ACI par les deux artères vertébrales ; le tronc basilaire et le polygone de Willis ; l'artère iliaque externe par l'artère épigastrique et l'artère mammaire interne.

Territoire de l'ASC L'ASC constitue une artère de transit pour le membre supérieur (via l'artère axillaire) autant qu'une artère de distribution régionale. Par ses collatérales, elle vascularise : la paroi thoracique et le diaphragme (trois premières artères intercostales et artère mammaire interne) ; la paroi abdominale (artère mammaire interne) ; les muscles et téguments cervicaux (artères cervicales, vertébrale, scapulaire supérieure et thyroïdienne inférieure) ; la région scapulaire et dorsale (artères scapulaires) ; la glande mammaire (artère mammaire interne) ; la thyroïde et le larynx (artère thyroïdienne inférieure) ; l'encéphale, le bulbe et la moelle épinière (artère vertébrale, tronc basilaire).

Rapports de l'ASC L'ASC offre à décrire des rapports avec le squelette intrathoracique pour l'ASC gauche, et cervicaux pour la crosse des ASC gauche et droite.

Rapports avec le squelette

dans la région supraclaviculaire, dans le cadre osseux délimité par la première côte, et parfois une côte cervicale, et la clavicule (notion de fente ou pince costoclaviculaire).

Rapports intrathoraciques de l'ASC gauche L'ASC gauche est située en haut et à gauche dans le médiastin postérieur.

Rapports de la crosse des ASC La crosse des ASC traverse le défilé des muscles scalènes et présente à décrire trois portions : la portion préscalénique (précostale) ; la portion interscalénique (supracostale) ; la portion postscalénique (postcostale). La portion préscalénique siège à l'orifice supérieur du thorax et à la base du cou. Les rapports de l'ASC varient de droite à gauche : à droite et à son origine, la portion préscalénique répond à la bifurcation du TABC ; à droite, et sur tout son trajet, l'ASC siège à la partie postérieure du creux supraclaviculaire où la complexité de ses rapports rend compte de la difficulté de son abord chirurgical ; à gauche, la portion préscalénique est plus profonde ; le nerf vague a croisé l'ASC dans son trajet thoracique et abandonne le récurrent plus bas, sous la crosse aortique ; l'ACP gauche est plus antérieure que la droite ; le canal thoracique se dirige en bas, en dehors et en avant à la hauteur de la septième vertèbre cervicale ; il passe en dehors de l'ACP, décrit une crosse à concavité inférieure pour rejoindre la VSC ; par rapport à l'ASC gauche, le canal thoracique est successivement rétro-, supra- et préartériel. La portion interscalénique : l'ASC et le plexus brachial franchissent le défilé des scalènes, espace triangulaire dont la base est inférieure et le sommet supérieur. L'ASC répond : en bas, à la face supérieure de la première côte ; en avant, au tendon du muscle scalène antérieur, croisé par le nerf phrénique en avant ; la VSC est devant, séparée de l'ASC par le tendon du scalène antérieur ; les quatre branches préscaléniques de l'ASC sont supérieures à la VSC (scapulaire supérieure, cervicale transverse superficielle et cervicale ascendante) ; en arrière, aux deux muscles scalènes moyen et postérieur et au nerf du muscle grand dentelé ; en haut, à l'artère scapulaire postérieure, aux troncs primaires du plexus brachial qui sont au-dessus et en arrière de l'ASC contre le muscle scalène moyen. La portion postscalénique : l'ASC occupe la base du creux supraclaviculaire (triangle omoclaviculaire). Celui-ci est limité par les muscles trapèze en arrière, sterno-cléido-mastoïdien en avant, et par la clavicule en bas. L'ASC est recouverte en avant par la peau et le tissu cellulaire souscutané, le platysma enveloppé par le fascia tranversalis, les branches supraclaviculaires du plexus cervical superficiel. L'aponévrose cervicale superficielle recouvre ce creux : elle est tendue entre la clavicule en bas et les muscles trapèze (en arrière) et sterno-cléido-mastoïdien (en avant). La VJE perfore cette aponévrose pour rejoindre le confluent jugulo-subclavier. L'aponévrose cervicale moyenne engaine le muscle omohyoïdien qui, contournant le muscle scalène antérieur, se dirige en haut, en avant et en dedans. Le muscle omohyoïdien divise la région en deux triangles, l'un inférieur (omoclaviculaire), l'autre supérieur (omotrapézien) : le triangle omoclaviculaire représente la région d'abord classique de l'ASC ; elle répond à la VSC en avant, appliquée contre le « mur » de la clavicule doublée du muscle subclavier ; le nerf du muscle subclavier croise la VSC en avant ; l'artère scapulaire supérieure croise la face antérieure de l'ASC et de la VSC dans son trajet rétroclaviculaire, ainsi que la VJE qui rejoint le confluent veineux jugulo-subclavier ; le triangle omotrapézien permet la convergence des cordons du

plexus brachial, à sa partie externe et inférieure ; le trajet de l'artère scapulaire postérieure a déjà été décrit (cf supra).

Rapports de l'ASC à sa terminaison Sous la clavicule, l'ASC prend le nom d'artère axillaire. Elle s'engage alors dans la fente costoclaviculaire ou espace clavi-coraco-costal.

Abord chirurgical de l'ASC L'ASC est électivement abordée par voie cervicale transversale : l'abord combiné axillo-subclavier représente une alternative intéressante par l'extension d'aval qu'elle procure.

Voie cervicale transversale Après une incision horizontale supraclaviculaire, la section du platysma et de l'aponévrose cervicale superficielle conduit à la ligature de la VJE et à la section partielle du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Les branches superficielles du plexus cervical doivent être respectées. L'aponévrose cervicale moyenne est incisée, la VJI est mobilisée sur lacs tandis que le muscle omohyoïdien est sectionné. Le nerf vague est au contact de la VJI. Abord rétro- ou postscalénique : en dehors de la VJI, le muscle antérieur est sectionné en respectant le nerf phrénique et en contrôlant le canal thoracique à gauche ou la grande veine lymphatique à droite. L'accès à l'ASC sous-jacente est centré sur le tronc thyro-cervico-scapulaire. Abord préscalénique : en dedans de la VJI, il s'agit d'une voie interjugulocarotidienne. Après écartement du muscle sterno-cléido-mastoïdien, l'ACP est contrôlée et réclinée en dedans, exposant la veine vertébrale qui est croisée par l'artère thyroïdienne inférieure en haut, le sympathique et l'anse de Vieussens en bas (risque de syndrome de Claude Bernard-Horner). L'ASC peut être contrôlée en amont ou en aval de l'artère vertébrale : le nerf récurrent peut être lésé à la face antérieure de l'ASC gauche. Extensions possibles : cléidectomie ; sternotomie médiane verticale ; thoracotomie antéro- ou postérolatérale gauche.

Haut de page

ARTÈRE VERTÉ BRALE (FIG 16) L'AV est la première branche de l'ASC : elle se destine principalement à l'encéphale.

Origine L'AV naît de la face supérieure de l'ASC, au niveau de la première vertèbre dorsale. L'AV gauche poursuit le trajet vertical de l'ASC gauche intrathoracique, disposition favorisant les embolies cérébrales à gauche.

Trajet L'AV présente un trajet multicontourné. Dès sa naissance, elle gagne la profondeur du creux supraclaviculaire, en haut et en arrière, puis elle pénètre dans le canal des apophyses transverses des vertèbres cervicales (au niveau de la cinquième ou de la sixième) qu'elle suit jusqu'à l'axis. Elle change de direction, longeant en dedans l'arc postérieur de l'atlas horizontalement, et décrit une courbe à concavité antéro-interne qui la porte vers les masses latérales de l'atlas. Elle perfore la membrane occipitoatloïdienne, la dure-mère et contourne le bulbe rachidien de bas en haut, d'arrière en avant et de dehors en dedans. Elle pénètre alors par le trou occipital dans le crâne, où elle se termine.

Terminaison, calibre L'AV s'unit sur la ligne médiane avec l'AV controlatérale, au niveau du sillon bulboprotubérantiel, pour former le tronc basilaire. L'AV gauche (4 mm de diamètre) est plus volumineuse que l'AV droite.

Collatérales Branches cervicales : elles sont très grêles ; l'AV donne à chaque trou de conjugaison : des artères musculaires (muscles prévertébraux et intertransversaires du cou, muscles de la nuque) ; des artères radiculaires, satellites des nerfs rachidiens ; des rameaux ostéoarticulaires ; Branches intracrâniennes : artère méningée postérieure ; artère spinale postérieure ; artère spinale antérieure ; artère cérébelleuse inférieure ; artère olivaire.

Rapports L'AV présente des rapports à la base du cou, dans le canal transversaire, à la base du crâne, dans le canal rachidien et dans le crâne.

Références [1]

Deplus S, Gillot C. Le drainage veineux profond de la tête et du cou. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 : 409-430

[2]

Fontaine C, Drizenko A. Les artères de la tête et du cou. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 : 397-407

[3]

Hidden G. Le drainage lymphatique de la tête et du cou. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 : 431-443

[4]

Martin D, Pascal JF, Baudet J The submental island flap : a new donor site. Anatomy and clinical applications as a free or pedicle flap. Plast Reconstr Surg 1993 ; 92 : 867872 [crossref]

[5]

Merland SS. Artériographie super-sélective des branches de la carotide externe. Données actuelles sur la vascularisation cervico-céphalique normale. [thèse]. Paris, 1973

[6]

Nakajima H, Imanishi N, Minabe T The arterial anatomy of the temporal region and the vascular basis of various temporal flaps. Br J Plast Surg 1995 ; 48 : 439-450

[7]

Nishihara J, Takeuchi Y, Miki T, Itoh M, Nagahata S Anatomical study on valves of human facial veins. J Cranio-Maxillofac Surg 1995 ; 23 : 182-186

[8]

Poirier P, Charpy A, Nicolas A. Traité d'anatomie humaine. Paris : Masson, 1974

[9]

Ricbourg B. Artères et veines cutanées de la face et du cuir chevelu. [thèse]. Paris, 1974

[10]

Ricbourg B Vascularisation cutanée de la face. In: Encycl Med Chir (Ed.) Stomatologie, 22001-C50 Paris Elsevier: 1990; 10 [interref]

[11]

Rouvière H, Delmas A. Anatomie humaine. Tome 1. Paris : Masson, 1974

[12]

Testut L. Traité d'anatomie humaine. Paris : Doin, 1911

[13]

Whetzel TP, Mathes SJ Arterial anatomy of the face : an analysis of vascular territories and perforating cutaneous vessels. Plast Reconstr Surg 1992 ; 89 : 591-60

© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 : Vue générale latérale de la tête et du cou. 1. Artère supraorbitaire ; 2. artère supratrochléaire ; 3. artère nasale dorsale ; 4. artère angulaire ; 5. artère temporale antérieure ; 6. artère infraorbitaire ; 7. artère sphénopalatine ; 8. artère palatine descendante ; 9. artère alvéolaire postérosupérieure ; 10. artère buccale ; 11. artère labiale coronaire supérieure ; 12. muscle buccinateur et canal de Sténon ; 13. muscle constricteur pharyngé supérieur ; 14. artère labiale coronaire inférieure ; 15. glande submandibulaire (sous-maxillaire) ; 16. artère mentale ; 17. artère faciale ; 18. artère submentale ; 19. artère suprahyoïdienne ; 20. artère carotide externe ; 21. artère laryngée supérieure ; 22. artère thyroïdienne supérieure ; 23. artère cricoïdienne ; 24. artère carotide commune gauche ; 25. artère vertébrale ; 26. artère subclavière ; 27. muscle scalène antérieur ; 28. tronc thyrocervical ; 29. artère suprascapulaire ; 30. tronc costocervical ; 31. muscle scalène moyen ; 32. artère cervicale transverse ; 33. artère thyroïdienne inférieure ; 34. artère cervicale ascendante ; 35. tronc sympathique ; 36. nerf cervical cardiaque supérieur ; 37. nerf phrénique ; 38. nerf vague (X) ; 39. artère carotide interne ; 40. artère pharyngée ascendante ; 41. nerf hypoglosse (XII) ; 42. artère occipitale et branche sterno-cléido-mastoïdienne ; 43. artère linguale ; 44. artère faciale ; 45. nerf glossopharyngé (IX) ; 46. artère tonsillaire ; 47. artère palatine ascendante ; 48. artère auriculaire postérieure ; 49. artère mylohyoïdienne ; 50. artère pharyngée ascendante ; 51. artère maxillaire ; 52. artère temporale superficielle ; 53. artère transverse de la face ; 54. artère alvéolaire inférieure (et branche linguale) ; 55. artère méningée moyenne ; 56. artères temporales profondes.

Fig 2 :

Fig 2 : Rapports de l'artère primitive commune gauche. 1. Artère carotide externe ; 2. artère laryngée supérieure ; 3. membrane thyrohyoïdienne ; 4, 5. muscle constricteur inférieur du pharynx ; 6. muscle cricothyroïdien ; 7. glande thyroïde ; 8. nerf laryngé récurrent gauche ; 9. veines thyroïdiennes inférieures ; 10. artère carotide commune droite ; 11. veine brachiocéphalique gauche ; 12. nerf phrénique ; 13. artère mammaire interne ; 14. crosse de l'aorte ; 15. artère et veine subclavières ; 16. canal thoracique ; 17. anastomoses nerveuses entre récurrent et nerf cervical cardiaque supérieur ; 18. veine thyroïdienne moyenne ; 19. artère thyroïdienne inférieure ; 20. veine jugulaire interne ; 21. artère carotide commune gauche ; 22. nerf vague (X) ; 23. sinus carotidien ; 24. artère thyroïdienne supérieure ; 25. tronc veineux thyro-linguo-pharyngo-facial ; 26. artère carotide interne.

Fig 3 :

Fig 3 : Coupe horizontale du cou en C7. 1. Veine jugulaire antérieure ; 2. veines thyroïdiennes inférieures ; 3. trachée ; 4. oesophage ; 5. nerf laryngé récurrent ; 6. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 7. muscle long du cou ; 8. artère et veine vertébrales ; 9. tronc primaire du plexus brachial ; 10. veine jugulaire externe ; 11. muscle trapèze ; 12. muscle longissimus de la tête (petit complexus) ; 13. muscle semiépineux de la tête (grand complexus) ; 14. muscle multifide (transversaire épineux) ; 15. muscle splénius de la tête ; 16. muscle longissimus du cou (transversaire du cou) ; 17. huitième nerf rachidien cervical ; 18. muscle scalène moyen et dorsal ; 19. muscle scalène ventral ; 20. nerf phrénique ; 21. nerf vague (X) ; 22. artère carotide commune ; 23. veine jugulaire interne ; 24. muscle platysma (peaucier du cou) ; 25. lobe latéral gauche de la thyroïde ; 26. muscle sterno-cléido-hyoïdien ; 27. muscle sternothyroïdien.

Fig 4 :

Fig 4 : Rapports nerveux des vaisseaux carotidiens (côté droit, vue externe). 1. Ganglion jugulaire ; 2. ganglion plexiforme ; 4. ganglion cervical supérieur du sympathique ; 5. artère occipitale ; 6. racine rachidienne ; 7. muscle digastrique (ventre postérieur) ; 8. rameau externe du nerf spinal ; 9. nerf cardiaque supérieur du sympathique ; 10. racine rachidienne ; 11. chaîne sympathique cervicale ; 12. plexus cervical (branche descendante interne) ; 13. veine jugulaire interne ; 14. nerf vague (X) ; 15. anse cervicale ; 16. nerf du ventre postérieur de l'omohyoïdien ; 17. muscle omohyoïdien (ventre postérieur) ; 18. nerf inférieur du sterno-cléido-hyoïdien ; 19. muscle omohyoïdien (ventre antérieur) ; 20. nerf du ventre antérieur de l'omohyoïdien ; 21. branche descendante de l'hypoglosse (XII) ; 22. artère carotide commune ; 23. artère thyroïdienne supérieure ; 24. nerf supérieur du sterno-cléidohyoïdien ; 25. nerf laryngé supérieur ; 26. nerf du thyrohyoïdien ; 27. muscle digastrique (ventre antérieur) ; 28. artère carotide externe ; 29. artère linguale ; 30. artère faciale ; 31. nerf glossopharyngien (IX) ; 32. nerf hypoglosse (XII) ; 33. artère palatine ascendante ; 34. artère maxillaire ; 35. artère temporale superficielle ; 36. artère carotide interne ; 37. ganglion d'Andersch ; 38. nerf de Jacobson.

Fig 5 :

Fig 5 : Région bicarotidienne. 1. Apophyse styloïde ; 2. nerf facial (VII coupé) ; 3. apophyse mastoïde ; 4. muscle sternocléido-mastoïdien (coupé) ; 5. muscle digastrique (ventre postérieur coupé) ; 6. artère occipitale ; 7. nerf glossopharyngien (XI) ; 10. anse cervicale ; 8. racine antérieure ; 9. racine postérieure ; 11. artère carotide interne ; 12. artère pharyngée ascendante ; 13. nerf du sinus carotidien ; 14. veine jugulaire interne ; 15. nerf vague (X) ; 16. artère carotide commune ; 17. artère thyroïdienne supérieure ; 18. artère laryngée supérieure ; 19. os hyoïde ; 20. nerf du thyrohyoïdien ; 21. muscle digastrique (ventre antérieur) ; 22. artère linguale ; 23. artère carotide externe ; 24. nerf hypoglosse (XI) ; 25. muscle mylohyoïdien ; 26. artère faciale (VII) ; 27. muscle hyoglosse ; 28. nerf glossopharyngien (IX) ; 29. artère auriculaire postérieure ; 30. muscle stylohyoïdien ; 31. artère carotide externe ; 32. artère maxillaire ; 33. artère transverse de la face ; 34. artère temporale superficielle.

Fig 6 :

Fig 6 : Vue schématique de la distribution artérielle. 1. Artère temporale superficielle ; 2. artère auriculaire postérieure ; 3. artère occipitale et branches du sterno-cléido-mastoïdien ; 4. artère pharyngée ascendante ; 5. artère carotide interne ; 6. artère carotide externe ; 7. artère carotide commune ; 8. tronc thyrocervical (tronc thyro-bicervico-scapulaire) ; 9. tronc brachiocéphalique ; 10. artère vertébrale ; 11. muscle omohyoïdien (ventre supérieur) ; 12. artère thyroïdienne supérieure ; 13. muscle digastrique (ventre antérieur) ; 14. artère faciale ; 15. artère linguale ; 16. artère maxillaire ; 17. artère transverse de la face.

Fig 7 :

Fig 7 : Région pharyngoépiglottique (vue postérieure). 1. Langue ; 2. os hyoïde ; 3. nerf laryngé supérieur ; 4. branche interne ; 5. branche externe ; 6. artère thyroïdienne supérieure ; 7. nerf vague ; 8. artère carotide commune ; 9. glande thyroïde ; 10. glande parathyroïde supérieure ; 11. artère cervicale ascendante ; 12. glande parathyroïde inférieure ; 13. nerf laryngé récurrent gauche ; 14. artère vertébrale ; 15. tronc thyro-bicervico-scapulaire ; 16. artère subclavière gauche ; 17. oesophage ; 18. trachée ; 19. tronc brachiocéphalique ; 20. artère subclavière droite ; 21. artère suprascapulaire ; 22. artère cervicale transverse ; 23. nerf récurrent laryngé droit ; 24. artère thyroïdienne inférieure ; 25. muscle cricopharyngé ; 26. muscle constricteur pharyngé inférieur ; 27. artère carotide commune ; 28. artère laryngée supérieure ; 29. artère thyroïdienne supérieure ; 30. artère carotide interne ; 31. artère carotide externe ; 32. membrane thyrohyoïdienne ; 33. épiglotte.

Fig 8 :

Fig 8 : Plancher buccal (vue latérale). 1. Muscle constricteur pharyngé supérieur ; 2. muscle palatoglosse ; 3. nerf lingual ; 4. ganglion submandibulaire (sous-maxillaire) ; 5. artère et veine linguales profondes ; 6. canal de Warthon ; 7. artère du frein ; 8. artère et veine sublinguales ; 9. muscle géniohyoïdien ; 10. muscle hyoglosse ; 11. veine linguale ; 12. os hyoïde ; 13. artère suprahyoïdienne ; 14. muscle constricteur inférieur du pharynx ; 15. artère carotide externe ; 16. veine jugulaire interne ; 17. tronc commun thyro-linguo-facial ; 18. veine rétromandibulaire ; 19. veine faciale ; 20. artère linguale ; 21. artère dorsale de la langue ; 22. muscle stylohyoïdien ; 23. muscle stylopharyngé ; 24. muscle digastrique (ventre postérieur coupé) ; 25. muscle styloglosse.

Fig 9 :

Fig 9 : Artère faciale. 1. Artère temporale superficielle ; 2. muscle masséter ; 3. artère maxillaire ; 4. artère carotide externe ; 5. glande parotide ; 6. artère glandulaire submandibulaire ; 7. artère faciale ; 8. veine jugulaire interne ; 9. tronc veineux thyro-linguo-facial ; 10. os hyoïde ; 11. veine faciale ; 12. glande submandibulaire (sous-maxillaire) ; 13. artère submentale ; 14. artère massétérine ; 15. muscle orbiculaire ; 16. plexus alvéolaire ; 17. muscle risorius ; 18. muscle zygomatique major ; 19. muscle zygomatique minor ; 20. artère de l'aile du nez ; 21. artère faciale ; 22. veine faciale.

Fig 10 :

Fig 10 : Artère maxillaire. 1. Artère supraorbitaire ; 2. artère supratrochléaire ; 3. artère ophtalmique : 4. artère nasale dorsale ; 5. artère angulaire ; 6. artère infraorbitaire ; 7. artère et nerf buccaux ; 11. artères alvéolaires supérieures ; 8. postérieures ; 9. moyennes ; 10. antérieures ; 12. muscle ptérygoïdien moyen et artère ptérygoïdienne ; 13. nerf lingual ; 14. ligament ptérygomandibulaire ; 15. artère mentale ; 16. artère faciale ; 17. artère submentale ; 18. artère carotide externe ; 19. artère linguale ; 20. artère faciale ; 21. muscle stylohyoïdien ; 22. muscle digastrique (ventre postérieur) ; 23. artère et nerf mylohyoïdiens ; 24. nerf facial ; 25. ligament sphénomandibulaire ; 26. artère et nerf alvéolaires inférieurs ; 27. artère temporale superficielle ; 28. artère auriculaire postérieure ; 29. artère maxillaire ; 30. artère méningée moyenne ; 31. nerf auriculotemporal ; 32. ligament latéral de l'articulation temporomandibulaire ; 33. artère et nerf massétérins ; 34. muscle ptérygoïdien latéral et artère ptérygoïdienne ; 37. artères et nerfs temporaux profonds ; 35. antérieurs ; 36. postérieurs.

Fig 11 :

Fig 11 : Artère maxillaire (distribution). 1. Artère suborbitaire ; 2. artères alvéolaires supérieures ; 3. artère palatine supérieure ; 4. artère alvéolaire ; 5. artère buccale ; 6. artère massétérine ; 7. artère du nerf lingual ; 8. artère alvéolaire inférieure ; 9. artère temporale superficielle ; 10. artère tympanique ; 11. artère méningée moyenne ; 12. artère méningée accessoire ; 13. artères ptérygoïdiennes ; 14. artère temporale profonde postérieure ; 15. artère temporale profonde antérieure ; 16. artère vidienne ; 17. artère ptérygopalatine ; 18. artère sphénopalatine.

Fig 12 :

Fig 12 : Artère maxillaire (terminaison). 1. Artère infraorbitaire ; 2. artère sphénopalatine ; 3. artère nasale postérolatérale ; 4. branche septale postérieure ; 5. artère alvéolaire supérieure ; 6. anastomose dans le canal incisif ; 7. artère palatine postérieure ; 8. artère palatine descendante (dans la fosse ptérygopalatine) ; 9. artère buccale ; 10. artère palatine descendante dans son trajet palatin ; 11. artères ptérygoïdiennes ; 12. artère massétérine ; 13. artère alvéolaire inférieure ; 14. muscle styloglosse ; 15. artère faciale ; 16. artère carotide externe ; 17. artère tonsillaire ; 18. muscle constricteur pharyngé supérieur ; 19. branches tonsillaires ; 20. artère palatine ascendante ; 21. artère pharyngée ascendante ; 22. artère temporale superficielle ; 23. artère auriculaire profonde ; 24. artère tympanique antérieure ; 25. nerf auriculotemporal ; 26. artère méningée moyenne ; 27. artère méningée accessoire ; 30. artères et nerfs temporaux profonds ; 28. antérieurs ; 29. postérieurs ; 31. artère du canal ptérygoïdien ; 32. artère pharyngée ; 33. artère sphénopalatine ; 34. foramen sphénopalatin.

Fig 13 :

Fig 13 : Vascularisation des fosses nasales. 1. Branche antéroseptale, antérolatérale et nasale externe de l'artère ethmoïdale antérieure ; 2. anastomose dans le canal incisif ; 3. branche alaire de l'artère nasale latérale (de l'artère faciale) ; 4. artère palatine descendante ; 5. foramen palatin postérieur ; 6. foramen palatin postérieur accessoire ; 7. branches postérolatérales nasales de l'artère sphénopalatine ; 8. artère carotide externe ; 9. artère maxillaire ; 10. foramen sphénopalatin ; 11. artère sphénopalatine ; 12. branche postéroseptale de l'artère sphénopalatine ; 13. branches septales et latérales nasales de l'artère ethmoïdale postérieure.

Fig 14 :

Fig 14 : Artère temporale superficielle (branches collatérales). 1. Branche temporofrontale ; 2. artère transverse de la face ; 3. artère du tragus ; 4. troncs des auriculaires antérieures ; 5. tronc de l'artère temporale superficielle ; 6. artère zygomaticomalaire ; 7. branche pariétale ; 8. artère temporale moyenne.

Fig 15 :

Fig 15 : Région supraclaviculaire. 1. Veine jugulaire interne ; 2. artère carotide externe ; 3. artère cervicale ascendante ; 4. nerf phrénique ; 5. artère thyroïdienne inférieure ; 6. muscle scalène antérieur ; 7. artère cervicale transverse ; 8. artère suprascapulaire ; 9. tronc costocervical ; 10. artère et veine subclavières ; 11. tronc thyrocervical ; 12. tronc brachiocéphalique ; 13. veine jugulaire interne (coupée) ; 14. nerf laryngé récurrent ; 15. artère carotide commune ; 16. nerf vague ; 17. artère vertébrale ; 18. glande thyroïde (réclinée) ; 19. ganglion sympathique cervical moyen.

Fig 16 :

Fig 16 : Région supraclaviculaire : distribution artérielle. 1. Artère cervicale profonde ; 2. tronc des intercostales ; 3. première artère intercostale ; 4. deuxième artère intercostale ; 5. os scapulaire (omoplate) ; 6. artère mammaire interne ; 7. tronc costocervical ; 8. artère subclavière ; 9. tronc thyrocervical ; 10. artère suprascapulaire ; 11. artère carotide commune ; 12. artère cervicale transverse ; 13. artère thyroïdienne inférieure ; 14. artère cervicale ascendante ; 15. artère vertébrale.

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-001-B-40

22-001-B-40

Système lymphatique de la tête et du cou B Ricbourg

Résumé. – Le drainage lymphatique de la tête et du cou est complexe, mais schématiquement, on peut décrire un collier ganglionnaire péricervical situé à la jonction entre tête et cou et un ensemble proprement cervical. Le premier ensemble comprend six groupes répartis en ganglions ou nœuds occipitaux, mastoïdiens, parotidiens, submandibulaires, géniens et submentaux ; le territoire principal de drainage est celui de l’ensemble des téguments et de la cavité buccale. L’ensemble proprement cervical comporte les ganglions retrouvés dans le cou, qu’ils soient superficiels ou profonds. Le territoire qu’ils drainent se situe aussi bien dans les cavités du massif facial que dans le cou, avec son axe aérodigestif donnant attache au corps thyroïde. Bien souvent, en pathologie, c’est l’adénopathie qui fait découvrir la maladie et c’est ainsi que nous décrirons une sorte de cartographie en exposant pour chaque région son drainage lymphatique. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : drainage lymphatique, collier ganglionnaire péricervical,, ganglion de Küttner, ganglions occipitaux, mastoïdiens, parotidiens, submandibulaires, géniens et submentaux.

Introduction

Le drainage lymphatique de la tête et du cou est complexe, mais schématiquement, on peut décrire :

La connaissance des lymphatiques est essentielle aussi bien pour les infections que pour la recherche de la diffusion de processus néoplasiques. Rappelons quelques notions importantes :

– un collier ganglionnaire péricervical situé à la jonction entre tête et cou ;

– les vaisseaux lymphatiques suivent prioritairement les grands axes veineux ; – les ganglions sont les relais (ou nœuds) ; ils constituent les adénopathies en pathologie ; – les dents n’ont pas de drainage lymphatique ; seule la muqueuse en possède ; – l’exploration radiologique (tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique [IRM]) ne concerne que les ganglions, les voies lymphatiques n’étant pas isolables radiologiquement chez le sujet vivant. Habituellement, le clinicien se trouve confronté à deux types de problèmes : – la découverte d’une tumeur cervicofaciale fait rechercher les métastases ganglionnaires dans les nœuds de drainage habituels du siège de la lésion primitive ; – inversement, la découverte d’un ganglion métastatique apparemment isolé fait rechercher la lésion primitive. Souvent, il existe une bonne correspondance entre ganglion et territoire de drainage. Ceci permet donc d’établir une sorte de cartographie des lymphatiques. Mais l’on sait que les variations anatomiques et les anastomoses lymphatiques sont particulièrement riches. Les explorations tant cliniques que radiologiques sont donc systématiques, mais guidées par une cartographie que nous exposerons. Cette description est essentiellement guidée par le résultat des travaux de Mme le Professeur G Hidden [2].

– un ensemble proprement cervical que l’on distinguera en superficiel et profond.

Collier ganglionnaire péricervical Le collier ganglionnaire péricervical (Poirier et Cuneo) (fig 1) enlace la partie supérieure du cou à sa jonction avec l’extrémité céphalique. Il comprend six groupes répartis en ganglions occipitaux, mastoïdiens, parotidiens, sous-maxillaires, géniens et sous-mentaux. GROUPE OCCIPITAL

Il regroupe trois types de ganglions : superficiels, sousaponévrotiques, sous-musculaires ou sous-spléniens.

¶ Ganglions superficiels Ils sont souvent deux, situés soit en arrière des insertions supérieures du muscle sterno-cléido-mastoïdien, soit proches des insertions du muscle trapèze, sous la peau occipitale. Ils sont en rapport avec l’artère occipitale (branche externe) et le grand nerf occipital d’Arnold.

¶ Ganglion sous-aponévrotique Le plus souvent unique, il repose sur le muscle splénius.

¶ Ganglions sous-musculaires Bernard Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service de chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier universitaire Jean Minjoz, 25030 Besançon, France.

Au nombre de deux ou trois, ces ganglions sont sous le muscle splénius (Rouvière).

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ricbourg B. Système lymphatique de la tête et du cou. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-001-B-40, 2000, 7 p.

Système lymphatique de la tête et du cou

22-001-B-40

1 5

6 2

Stomatologie

– groupe superficiel et préauriculaire : région frontale, racine du nez, paupière supérieure, moitié externe de paupière inférieure, pavillon de l’oreille conduit auditif externe, lèvre supérieure, joue et trompe d’Eustache ; – groupe préauriculaire inférieur : parotide, nez, paupière supérieure, muqueuse jugale et gencives molaires ; – groupe intraglandulaire : parotide, téguments frontaux, pariétaux, glande lacrymale, tympan et trompe d’Eustache. Efférences : – la voie rétroglandulaire se jette dans la chaîne veine jugulaire interne (VJI) ;

7 3

– la voie veineuse suit la VJE et s’abouche dans la chaîne jugulaire interne ; – la troisième est une voie artérielle qui suit l’artère carotide externe et se jette dans un ganglion sous-digastrique de la chaîne de la VJI. GROUPE SOUS-MAXILLAIRE (SUBMANDIBULAIRE)

4

Les ganglions sont sous-aponévrotiques. Ils se répartissent à la face interne, sous la branche horizontale de la mandibule. Rouvière les classe en cinq groupes : – groupe préglandulaire : un à deux ganglions proches des vaisseaux submentaux ; – groupe prévasculaire : un ganglion volumineux contre l’artère faciale et en avant de la veine faciale ;

1

Ganglions cervicaux superficiels. 1. Ganglions parotidiens ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions submentaux ; 4. ganglions satellites de la veine jugulaire antérieure ; 5. ganglions rétroauriculaires (mastoïdiens) ; 6. ganglions occipitaux ; 7. ganglions satellites de la veine jugulaire externe.

Afférences : la zone occipitale du cuir chevelu et les régions cutanées et profondes de la partie supérieure de la nuque. Efférences : elles se rendent aux ganglions latéraux profonds du cou, notamment à la chaîne suivant le nerf spinal. GROUPE MASTOÏDIEN OU RÉTROAURICULAIRE

Les ganglions sont peu volumineux, deux ou plus, inconstants chez l’adulte. Ils siègent en avant des insertions antérieures et supérieures du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Afférences : les téguments postérieurs de l’oreille et les lymphatiques de la région pariétale. Efférences : le groupe postérieur de la chaîne jugulaire interne. GROUPE PAROTIDIEN

Il regroupe trois types de ganglions (superficiels, sousaponévrotiques extraglandulaires, profonds intraglandulaires).

– groupe rétrovasculaire : un à deux ganglions en arrière de la veine faciale ; – groupe rétroglandulaire : un à deux ganglions inconstants en arrière de la glande, en dedans et sous l’angle mandibulaire ; – groupe intracapsulaire : exceptionnel. Afférences : ils drainent la lymphe de la lèvre inférieure, de la partie latérale du menton, du nez, de la joue, des gencives, de la partie interne des paupières, du « V » lingual et de la partie antérieure de la langue, des glandes submandibulaire et sublinguale, et enfin du plancher buccal. Efférences : la chaîne jugulaire interne. GROUPE GÉNIEN OU FACIAL

Ce sont des ganglions de petit volume, intercalés dans le réseau lymphatique satellite des vaisseaux faciaux. Nous individualiserons : – le ganglion mandibulaire : sous-cutané, en avant du muscle masséter, il repose sur le muscle triangulaire des lèvres, en avant de l’artère faciale ; – les ganglions buccinateurs (deux à quatre). Rouvière distingue un amas antérieur proche de la commissure labiale et un amas postérieur proche de la pénétration du canal de Sténon dans le muscle buccinateur ;

¶ Ganglions superficiels

– le ganglion nasogénien ou sous-orbitaire : inconstant, il est proche de la veine faciale, dans le sillon nasogénien ;

Au nombre de deux à quatre, ils sont préauriculaires, en avant ou au-dessus du tragus, le long des vaisseaux temporaux superficiels.

– le ganglion malaire : exceptionnel, il se trouve sous et en dehors de l’angle externe de l’œil. Afférences : les voies lymphatiques des régions géniennes, sousorbitaires, nasales. Efférences : le groupe génien se draine dans les ganglions submandibulaires.

¶ Ganglions sous-aponévrotiques, extraglandulaires Ils appartiennent à la loge sous l’aponévrose : – ganglions préauriculaires ou supérieurs ; – ganglions sous-auriculaires ou inférieurs, non loin de l’issue de la veine jugulaire externe (VJE), hors de la parotide.

¶ Ganglions profonds, intraglandulaires Ils siègent dans la glande, près de la VJE et du nerf facial. Afférences : 2

GROUPE SUBMENTAL OU SUS-HYOÏDIEN

Les ganglions sont de nombre variable et situés entre les ventres antérieurs des deux muscles digastriques. Afférences : ils drainent la lymphe du menton, de la lèvre inférieure, des joues, de la gencive inférieure, du parodonte des incisives et canines inférieures, du plancher buccal et de la pointe de la langue.

Stomatologie

Système lymphatique de la tête et du cou

22-001-B-40

Efférences : le groupe submental se draine dans la chaîne jugulaire interne et dans les ganglions submandibulaires homo- ou controlatéraux.

Système proprement cervical Ce sont les ganglions retrouvés dans le cou, qu’ils soient superficiels ou profonds. Le territoire qu’ils drainent se situe aussi bien dans les cavités du massif facial que dans le cou, avec son axe aérodigestif donnant attache au corps thyroïde. GANGLIONS PROFONDS OU GANGLIONS JUXTAVISCÉRAUX (fig 2)

3

¶ Groupe sublingual ou lingual Inconstants, ces ganglions centrent les troncs collecteurs de la langue. Les ganglions latéraux émaillent les lymphatiques satellites des vaisseaux linguaux. Les ganglions médians s’intercalent sur les trajets des lymphatiques centraux, entre les deux muscles génioglosses. Efférences : le groupe sublingual se draine dans les ganglions submandibulaires et sus-hyoïdiens homo- ou controlatéraux, et dans les deux chaînes jugulaires internes.

1

2

3 Triangle lymphatique du cou. 1. Chaîne jugulaire interne ; 2. chaîne cervicale transverse ; 3. chaîne spinale.

¶ Groupe rétropharyngien Les ganglions latéraux [2] siègent en avant des masses latérales de l’atlas, au contact du bord latéral de la paroi du pharynx, en avant

1 4

2

3

de l’aponévrose prévertébrale. Les ganglions médians, inconstants, se retrouvent sur la face postérieure du pharynx, au-dessus de l’os hyoïde. Afférences : le groupe rétropharyngien draine les fosses nasales et les sinus de la face, le palais osseux et membraneux, l’oreille moyenne et la muqueuse pharyngée. Efférences : le groupe rétropharyngien se draine dans les ganglions externes de la chaîne jugulaire interne.

¶ Ganglions juxtaviscéraux proprement dits Groupe prépharyngé : ces ganglions siègent en avant de la membrane cricothyroïdienne et sont intercalés entre les ganglions laryngés subglottiques et les ganglions thyroïdiens. Groupe préthyroïdien : les ganglions sont regroupés en avant du corps thyroïde. Groupe prétrachéal : les ganglions sont regroupés en avant de la trachée. Groupe récurrentiel (chaîne récurrentielle de Rouvière) : les ganglions sont disséminés sur les faces latérales de la trachée, le long du trajet des nerfs récurrents gauche et droit. À gauche, la chaîne est en avant du nerf, à droite elle est en arrière. Ce groupe est le plus important (quatre à dix ganglions) des ganglions juxtaviscéraux. Afférences : corps thyroïde, larynx, trachée, œsophage et les efférences du groupe prétrachéal. Efférences : la chaîne jugulaire interne ou dans le confluent veineux jugulo-sous-clavier à droite et le canal thoracique à gauche, soit directement, soit par l’intermédiaire de ganglions médiastinaux. GANGLIONS CERVICAUX LATÉRAUX (fig 3)

Ils sont superficiels ou profonds.

¶ Ganglions cervicaux latéraux superficiels Ils sont regroupés dans la chaîne jugulaire externe qui chemine le long de la VJE.

2

Ganglions cervicaux juxtaviscéraux. 1. Ganglion rétropharyngien latéral ; 2. ganglions cervicaux profonds latéraux ; 3. ganglions latéraux trachéaux ; 4. ganglion rétropharyngien médian.

¶ Ganglions cervicaux latéraux profonds Ils sont noyés dans une atmosphère cellulograisseuse qui s’étend sur la région carotidienne, le creux sus-claviculaire, se prolonge en 3

22-001-B-40

Système lymphatique de la tête et du cou

arrière sous le muscle trapèze vers les régions sus- et sous-épineuses, communique vers le bas avec les régions thoraciques antérieure et axillaire. Adoptant la classification de Rouvière, nous décrirons successivement la chaîne jugulaire interne (satellite de la VJI), la chaîne du nerf spinal (satellite de la branche externe du nerf spinal), et la chaîne cervicale transverse (satellite de l’artère cervicale transverse). – Chaîne jugulaire interne : elle comprend des ganglions externes par rapport à la VJI et des ganglions antérieurs : – ganglions externes : ils suivent le bord externe de la VJI depuis le ventre postérieur du muscle digastrique jusqu’au décroisement du muscle omohyoïdien. À la partie inférieure du trajet, les ganglions sont rétrojugulaires. La chaîne se termine au confluent jugulo-sous-clavier (veineux) de Pirogoff par un tronc collecteur volumineux. À droite, il peut emprunter la grande veine lymphatique. À gauche, il se jette directement dans le confluent veineux ou dans le canal thoracique ;

Stomatologie

sus-sternal. La chaîne jugulaire antérieure se draine à la base du cou dans les chaînes jugulaire interne ou cervicale transverse.

¶ Chaîne jugulaire externe Elle comporte un à trois ganglions disposés sur le trajet de la VJE entre son émergence de la glande parotide à sa pénétration dans le feuillet superficiel du fascia cervical.

Drainage des différents territoires de la tête et du cou (G Hidden) LYMPHATIQUES DES TÉGUMENTS (fig 4)

¶ Téguments du cuir chevelu

– moyen : il repose entre le tronc thyro-linguo-facial et le bord supérieur de l’omohyoïdien ;

Très sinueux et multianastomotiques, les lymphatiques des téguments de la voûte crânienne sont en avant de l’aponévrose épicrânienne et du muscle fronto-occipital. La région frontotemporale se draine dans les ganglions parotidiens préauriculaires. La région pariétale est tributaire des ganglions mastoïdiens (afférences rétroauriculaires) puis des ganglions cervicaux profonds et parotidiens inférieurs. La région occipitale correspond aux ganglions occipitaux et aux ganglions cervicaux latéraux profonds.

– inférieur : exceptionnel, il siège entre le muscle omohyoïdien et la terminaison de la VJI.

¶ Téguments du cou

– ganglions antérieurs : ils sont en avant de la VJI et se divisent en trois groupes selon Rouvière (supérieur, moyen et inférieur) : – supérieur : compris entre le bord inférieur du muscle digastrique et le tronc veineux thyro-linguo-facial ; c’est le ganglion de Küttner ;

– Chaîne du nerf spinal : elle est satellite de la branche externe du nerf spinal. Elle débute au bord postérieur du muscle sterno-cléidomastoïdien, glisse sous le muscle trapèze, et se termine le long du bord supérieur de la fosse sous-épineuse. Elle conflue avec l’extrémité externe de la chaîne cervicale transverse, au niveau de l’« amas ganglionnaire sous-trapézien cervical » (Rouvière). La chaîne du nerf spinal comprend cinq à dix ganglions. Elle est tendue entre la chaîne jugulaire interne en haut et la chaîne cervicale transverse en bas.

Région suprahyoïdienne : ganglions submentaux, parotidiens inférieurs et chaîne jugulaire externe.

– Chaîne cervicale transverse : elle est disposée transversalement dans le cou, satellite postérieur de l’artère et des veines cervicales transverses. Elle s’étend de l’extrémité inférieure de la chaîne du nerf spinal au confluent veineux jugulo-sous-clavier. Son ganglion le plus interne est le ganglion de Troisier. Afférences des ganglions latéraux profonds : – la chaîne jugulaire interne collecte la lymphe de la partie antérieure de la tête et du cou, ainsi que des collecteurs des fosses nasales, du larynx, de l’oreille, de la langue, du palais, des glandes salivaires, des amygdales et du corps thyroïde ; – la chaîne du nerf spinal collecte la lymphe issue de la partie postérieure et latérale du cuir chevelu, de la nuque et de la région latérale de l’épaule et du cou ; – la chaîne cervicale transverse recueille les efférences de la chaîne du nerf spinal, ainsi que la lymphe des régions mammaire, antérolatérale du cou et du membre supérieur. Efférences des ganglions latéraux profonds : elles aboutissent soit directement dans le confluent veineux jugulo-sous-clavier, soit dans le canal thoracique (à gauche) ou dans la grande veine lymphatique (à droite).

1

6 5 2

4

3

GANGLIONS CERVICAUX SUPERFICIELS (fig 1)

¶ Chaîne jugulaire antérieure (Rouvière) Elle regroupe quelques petits ganglions situés en dessous de l’aponévrose cervicale superficielle contre la veine jugulaire antérieure. À la base du cou, on retrouve des ganglions dans l’espace 4

4 Drainage lymphatique des plans superficiels. 1. Ganglions parotidiens ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions submentaux ; 4. ganglions cervicaux profonds ; 5. ganglions occipitaux ; 6. ganglions rétroauriculaires (mastoïdiens).

Stomatologie

Système lymphatique de la tête et du cou

22-001-B-40

1 1 2 2 3

5

Drainage lymphatique du rhinopharynx. 1. Ganglion rétropharyngien latéral ; 2. chaîne jugulaire interne.

6 Drainage lymphatique du vestibule buccal. 1. Ganglions parotidiens ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions submentaux.

Région subhyoïdienne : chaînes jugulaires antérieure et interne. Région sterno-cléido-mastoïdienne : chaînes jugulaire interne, antérieure et externe, et ganglions parotidiens. Région subclaviculaire : chaînes du nerf spinal ou cervicale transverse. Région postérieure du cou : chaînes du nerf spinal ou cervicale transverse en bas, ganglions occipitaux en haut.

Drainage de la cavité nasale et de la partie nasale du pharynx La cavité nasale et la partie nasale du pharynx ont un drainage commun (fig 5), dirigé vers les ganglions latéropharyngiens et les ganglions les plus crâniaux, jugulodigastriques, de la chaîne jugulaire interne. L’étage olfactif de la cavité nasale envoie des collecteurs supérieurs directement aux ganglions rétropharyngiens : ils cheminent sous la muqueuse de la paroi supérieure du pharynx. Il se draine également par des collecteurs plus bas situés, en direction d’un plexus prétubaire situé en avant de l’ostium pharyngien de la trompe auditive (orifice de la trompe d’Eustache), plexus vers lequel convergent des collecteurs issus de l’étage respiratoire et de la face crâniale du voile du palais. Du plexus prétubaire émanent deux groupes de collecteurs : les uns traversent la paroi pharyngée latérale et aboutissent aux ganglions jugulodigastriques, les autres atteignent l’angle latéral du pharynx et rejoignent les ganglions rétropharyngiens latéraux. Les collecteurs de la partie nasale du pharynx traversent soit l’angle latéral du pharynx, soit sa paroi postérieure près de la ligne médiane : avec ou sans relais dans les ganglions rétropharyngiens latéraux, ils conduisent la lymphe vers les ganglions jugulodigastriques.

Drainage de la cavité orale et de la partie orale du pharynx Le drainage lymphatique de la cavité orale et de la partie orale du pharynx est plus diversifié. Il faut distinguer : – les lymphatiques du vestibule oral (vestibule de la bouche) (fig 6) : le long des gouttières vestibulaires, supérieure et inférieure, court un plexus lymphatique. Il se draine, pour la gouttière supérieure,

1 2

3

7 Drainage lymphatique du plancher buccal. 1. Ganglions subdigastriques (ganglions de Küttner) ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. chaîne jugulaire interne. vers les ganglions submandibulaires, en longeant les vaisseaux faciaux, parfois par des collecteurs labiaux vers les ganglions parotidiens infra-auriculaires. Pour la gouttière inférieure, il se draine vers les ganglions parotidiens infra-auriculaires, submandibulaires et submentaux, éventuellement des deux côtés ; – les lymphatiques du plancher oral (fig 7) et du versant lingual ou oral, de la gencive inférieure se rendent soit aux ganglions submandibulaires, soit au groupe antérieur de la chaîne jugulaire interne, ganglions jugulodigastriques échelonnés du muscle digastrique au muscle omohyoïdien et particulièrement au ganglion de Küttner. Les collecteurs issus de la face orale de la gencive supérieure, ceux du palais dur et de la face orale du voile du palais se répartissent en trois groupes, d’avant en arrière : – les plus antérieurs traversent le muscle buccinateur et suivent les vaisseaux faciaux vers les ganglions submandibulaires antérieurs ; 5

22-001-B-40

Système lymphatique de la tête et du cou

Stomatologie

1 2

1 2

8

3

Drainage lymphatique du trigone et de la commissure maxillomandibulaire. 1. Ganglions subdigastriques (ganglions de Küttner) ; 2. ganglions submandibulaires.

10

Drainage lymphatique de la langue. 1. Ganglions submentaux ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions subdigastriques (ganglions de Küttner).

1

2

9

Drainage lymphatique de la tonsille palatine. 1. Ganglion subdigastrique (ganglion de Küttner) ; 2. chaîne spinale.

– des collecteurs moyens cheminant sous la muqueuse orale puis à la face profonde de la glande submandibulaire rejoignent les groupes latéraux profonds du cou, antérieur et latéral, au niveau de l’étage sous-digastrique ; – la troisième voie, postérieure, se rend aux ganglions rétropharyngiens latéraux ; le drainage est bilatéral pour les collecteurs émanés du palais dur et du voile du palais. La région charnière de la commissure intermaxillaire et du trigone rétromolaire (fig 8) possède une aire de drainage lymphatique étendue depuis les ganglions rétropharyngiens latéraux (Cachin) jusqu’à l’aire submandibulaire, en passant par les ganglions sousdigastriques antérieurs et latéraux. La tonsille palatine (fig 9), les arcs palatoglosse et palatopharyngien (amygdale et piliers du voile) se drainent essentiellement vers les ganglions jugulodigastriques latéraux, parfois vers les éléments supérieurs des ganglions satellites du nerf accessoire, ou vers les nœuds rétropharyngiens latéraux [1]. Les lymphatiques de la langue (fig 10) peuvent être divisés en quatre groupes (Rouvière) [6] : – les collecteurs apicaux se drainent vers les ganglions submentaux, mais peuvent atteindre, après relais dans ces derniers ou directement, le groupe antérieur des ganglions latéraux profonds du cou à l’étage moyen, jugulo-omo-hyoïdien ; – les collecteurs issus des bords de la langue vont aux ganglions submandibulaires ou aux éléments antérieurs de la chaîne jugulaire interne jugulodigastrique (ganglion de Küttner), du muscle digastrique au muscle omohyoïdien ; 6

– les collecteurs centraux gagnent de manière bilatérale les ganglions submandibulaires et les ganglions antérieurs, supérieurs ou moyens, échelonnés le long de la VJI. Langue mobile et plancher de la cavité orale partagent ainsi le même territoire de drainage, avec bilatéralité fréquente, constante pour les régions proches de la ligne médiane ; – les collecteurs issus de la racine de la langue en arrière du « V » lingual, se dirigent vers les ganglions sous-digastriques de manière bilatérale. Cependant, la communauté du réseau d’origine et l’absence de démarcation précise entre les diverses régions de la langue expliquent l’atteinte possible des ganglions submandibulaires à partir d’une lésion de la base de la langue.

Drainage du larynx Le drainage lymphatique du larynx s’oriente de manière différente de part et d’autre de l’étage glottique, « l’étage glottique étant plus une barrière qu’une zone lymphatique » (Cachin). Les lymphatiques de l’étage supraglottique du larynx et ceux de l’étage inférieur du pharynx forment de chaque côté un pédicule qui traverse la membrane thyrohyoïdienne par l’orifice du nerf et des vaisseaux laryngés supérieurs : les collecteurs se séparent alors pour se rendre aux différents ganglions échelonnés le long de la VJI, du muscle digastrique au muscle omohyoïdien. Les collecteurs de l’étage infraglottique émergent par un pédicule antérieur et deux pédicules dorsolatéraux : – le pédicule antérieur émerge de la membrane cricothyroïdienne, et avec ou sans relais dans les ganglions prélaryngés ou prétrachéaux (bilatéralité possible), rejoint les ganglions satellites de la veine jugulaire antérieure ; – les pédicules dorsolatéraux se terminent dans les ganglions les plus élevés des chaînes paratrachéales, satellites des nerfs laryngés inférieurs.

Drainage de la glande thyroïde Les collecteurs lymphatiques de la glande thyroïde peuvent être schématisés de la manière suivante (Lassau) [3] :

Stomatologie

Système lymphatique de la tête et du cou

– des collecteurs médians supra-isthmiques se rendent soit aux ganglions prélaryngés, soit au groupe antérieur (éléments supérieur ou moyen) de la chaîne jugulaire interne ;

22-001-B-40

Drainage de la trachée cervicale

– des collecteurs médians infra-isthmiques se drainent vers les ganglions prétrachéaux, pouvant descendre jusqu’aux ganglions médiastinaux ventraux ;

Le drainage lymphatique de la trachée cervicale, comme celui de l’étage infraglottique du larynx, intéresse, d’une part en avant les ganglions prétrachéaux, d’autre part latéralement les chaînes latérotrachéales ou récurrentielles.

– des collecteurs émanés du sommet des lobes latéraux, satellites du pédicule thyroïdien supérieur, rejoignent des ganglions très haut situés : rétropharyngiens latéraux ou jugulodigastriques ;

Drainage de l’œsophage cervical

– des collecteurs nés de la face latérale des lobes latéraux, disposés transversalement, se jettent dans les éléments moyens du groupe antérieur satellite de la VJI ;

Le drainage de l’œsophage cervical est moins bien connu, l’organe étant difficile à injecter : il intéresserait, pour Rouvière, les ganglions satellites de la VJI et les ganglions latérotrachéaux.

– du pôle inférieur des lobes latéraux se détachent des collecteurs prévasculaires, croisant la face latérale de la VJI pour rejoindre un ganglion bas situé du groupe latéral, et d’autres plus médians, satellites de la veine thyroïdienne inférieure, et rejoignant les ganglions de la chaîne cervicale transverse ;

Références

– de la face médiale des lobes latéraux se détachent des collecteurs gagnant les ganglions des chaînes paratrachéales, satellites du nerf laryngé inférieur. En résumé, il faut retenir l’extrême diffusion en hauteur du drainage lymphatique de la glande thyroïde, la bilatéralité possible de ce drainage au niveau de l’isthme thyroïdien, et enfin la possibilité d’anastomoses entre le réseau lymphatique de la glande thyroïde et celui de la trachée.

[1] Cachin Y, Guerrier Y, Pinel J. Les adénopathies cervicales néoplasiques. Paris : Arnette, 1969 [2] Hidden G. Le drainage lymphatique de la tête et du cou. In : Anatomie clinique. Tome 3 : Tête et cou. Paris : Springer-Verlag, 1996 : 431-443 [3] Lassau JP, Hidden G, Hurau J, Alexandre JH, Chevrel JP. Les voies de drainage lymphatique du corps thyroïde chez l’adulte. CR Assoc Anat 1966 ; 132 : 610-617 [4] Netter FH. Atlas of human body. Paris : EMI, 1995 [5] Poirier P, Cuneo B. Les lymphatiques. In : Poirier P, Charpy A éd. Traité d’anatomie humaine. Tome II, Fascicule 4. Paris : Masson, 1902 [6] Rouvière H. Anatomie des lymphatiques de l’homme. Paris : Masson, 1932 [7] Spitalier JM, ColonnaD’Istria, J. La chirurgie des métastases ganglionnaires cervicales. . Paris : Masson, 1961

7

Stomatologie [22-001-B-35]

Système veineux cervico-maxillo-facial

Bernard Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, CHU Besançon, Bd Fleming, 25000 Besançon. France

© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Haut de page

ORGANISATION GÉ NÉ RALE On peut considérer l'extrémité cervicocéphalique comme constituée de trois couches concentriques : neurovertébrale, musculoviscérale, superficielle. Chaque couche possède un système veineux qui lui est propre. Ainsi :

:

la couche profonde neurovertébrale contient : les veines de l'axe nerveux (moelle épinière) ; les veines méningées ; les veines squelettiques et en particulier le complexe transversaire de la colonne cervicale ; la deuxième couche viscéromusculaire contient les principaux troncs individualisés ;

les veines jugulaires internes (VJI) et veines jugulaires postérieures (VJP)

la terminaison des veines subclavières ; les veines brachiocéphaliques ; des grands plexus veineux se situent également dans cette couche ; ils sont annexés aux muscles (masticateurs), ailleurs ils sont développés à la surface de certaines cavités (cavité orale et pharynx, cavité nasale) ; des plexus sont également situés au contact ou à l'intérieur des glandes et en particulier la glande thyroïde et la glande submaxillaire ; la troisième couche située dans l'enveloppe sous-cutanée contient les veines superficielles et en particulier les veines jugulaires externes (VJE) et les veines jugulaires antérieures (VJA).

Haut de page

CARACTÈRES FONCTIONNELS DU DRAINAGE VEINEUX Les veines de l'extrémité cervicocrânienne ont certaines caractéristiques qui leur sont propres. Le retour veineux se fait de façon efficace vers la veine cave supérieure. Plusieurs facteurs entrent en compte dans cette efficacité et l'on doit citer la force de gravité, la force d'aspiration de la pompe thoracique, la pulsion procurée par les battements des parois artérielles mobilisant le sang veineux vers la veine cave supérieure. La contraction des muscles constitue également un facteur primordial d'évacuation du sang veineux, permettant par exemple au niveau de l'orifice buccal de chasser le sang veineux de façon ascendante pour rejoindre la veine faciale. Enfin, il est notable que les veines de l'extrémité céphalique n'ont que très peu de valvules. Dans 93 % des cas, il s'agit de valves bicuspides. Concernant les veines superficielles, elles sont présentes 8/10 à la confluence du tronc faciolingual [5]. Un autre élément fonctionnel est l'équilibre entre les systèmes jugulaires internes et jugulaires externes. Ces deux systèmes sont unis par des anastomoses dont les plus remarquables se font entre la veine faciale aboutissant à la VJI et la veine maxillaire aboutissant à la VJE. Les principaux plexus sont les suivants : le plexus alvéolaire situé au niveau de la tubérosité maxillaire communiquant avec le corps adipeux de la bouche (boule de Bichat) ; le plexus de l'articulation temporomandibulaire ; les plexus des muscles manducateurs (temporaux, massétérins, ptérygoïdiens) ; les plexus pharyngés ; les plexus de la cavité nasale ; les plexus des muscles de la région suboccipitale ; le plexus thyroïdien.

Par ailleurs, au niveau de la couche la plus profonde, on retrouve les plexus vertébraux interne et externe. Ces plexus ont un rôle fonctionnel important par leur capacité de rétention sanguine ; ils sont placés en dérivation et peuvent régulariser le débit veineux. Architecture du drainage veineux : certains troncs sont totalement indépendants de l'architecture artérielle comme la VJE et la VJA ; d'autres sont satellites ou contigus aux axes artériels comme la VJI.

Veine jugulaire interne (fig 1 et 2) Origine La VJI naît, au niveau du trou déchiré postérieur, du réceptacle des veines encéphaliques et orbitaires, et des sinus intracrâniens.

Trajet Oblique en bas, en avant et en dehors, la VJI rejoint la face postérieure de l'artère carotide interne (ACI) pour la contourner progressivement vers le

dehors. Son calibre varie de 9 à 16 mm.

Terminaison La VJI s'unit à la veine subclavière (VSC) homolatérale en regard de l'articulation sterno-chondro-claviculaire pour former le tronc veineux brachiocéphalique qui reçoit également le canal thoracique à gauche et la grande veine lymphatique à droite.

Collatérales La VJI reçoit, tout au long de son trajet, les veines répondant aux branches artérielles du système carotidien. Leur variabilité est importante, mais elles peuvent être décrites en trois troncs veineux principaux : thyro-linguo-pharyngofacial, temporomaxillaire et auriculo-occipital (Testut) .

Tronc veineux thyro-linguo-pharyngo-facial La veine thyroïdienne supérieure conflue souvent avec les veines linguales et faciales (tronc thyro-linguo-facial de Farabeuf) après un trajet oblique en haut et en dehors à partir du bord supérieur du corps thyroïde. Elle reçoit des veinules laryngées et pharyngiennes. La veine laryngée supérieure peut s'anastomoser directement avec la VJI. La veine thyroïdienne moyenne quitte le bord inférieur de la glande pour se jeter en dehors dans la VJI à son tiers moyen. Les veines thyroïdiennes inférieures gagnent directement les troncs veineux brachiocéphaliques ou la veine cave supérieure. Veine linguale : les veines profondes, dorsales et ranines, convergent en un tronc commun court : les veines profondes de la langue (deux à quatre) sont satellites de l'artère linguale et forment un véritable plexus ; les veines dorsales cheminent sur le dos de la langue entre musculeuse et muqueuse ; elles reçoivent des veinules épiglottiques et amygdaliennes ; les veines ranines quittent le frein de la langue pour rejoindre en arrière le contact du nerf grand hypoglosse et le tronc de la veine linguale ; elles sont séparées de l'artère linguale par le muscle hyoglosse. La veine faciale draine le territoire de l'artère faciale. Elle naît à l'angle interne de l'oeil, traverse obliquement la face de haut en bas et de dedans en dehors pour croiser la mandibule et rejoindre la VJI dans le cou. Elle reçoit : les veines de l'aile du nez ; le tronc labio-septo-columellaire ; le plexus alvéolaire (veines suborbitaires, palatine supérieure, vidienne et sphénopalatine) ; les veines massétérines antérieures ; la veine submentale ; les veines submandibulaires. Veines pharyngiennes ; deux plexus communiquent entre eux : le plexus sous-muqueux, bien développé en arrière, est connecté aux veines du voisinage (linguales, thyroïdiennes et oesophagiennes) et au plexus péripharyngien, par des veines perforantes qui cheminent sous le muscle constricteur inférieur du pharynx ; le plexus externe reçoit, outre ces veines perforantes, des branches ptérygopalatines méningées et des rameaux de la veine sphénopalatine ; il s'organise en un réseau de veines volumineuses réunies par des arcades transversales et par des troncs verticaux le long des parois latérales du pharynx. Ainsi s'établit une voie collatérale profonde latéropharyngée doublant la voie jugulaire interne.

Tronc veineux temporomaxillaire Il résulte de l'union des veines temporales superficielles (veines temporale moyenne, auriculaire antérieure, transverses de la face et parotidiennes) et maxillaire (plexus ptérygoïdien et plexus alvéolaire).

Tronc veineux auriculo-occipital Il réunit les veines auriculaire postérieure et occipitale. Ce tronc peut être volumineux ; il draine essentiellement le cuir chevelu dans sa moitié postérieure .

Rapports La VJI appartient au paquet vasculonerveux du cou : elle traverse successivement, de haut en bas, le trou déchiré postérieur et la fosse jugulaire, l'espace subparotidien postérieur, la région carotidienne et la base du cou.

Rapports avec les éléments du paquet vasculonerveux du cou La VJI, les artères carotides primitives (ACP), les ACI et le nerf vague (X) forment le paquet vasculonerveux. La VJI est en haut postéroexterne à l'ACI, puis externe à l'ACP, puis antéroexterne à la base du cou. Le X emprunte l'angle dièdre formé par la VJI et l'ACP : il est compris avec les vaisseaux dans un manchon conjonctivovasculaire (gaine vasculaire) cloisonné par le septum de Langenbeck. De nombreux ganglions lymphatiques recouvrent la face externe de la VJI (chaîne jugulocarotidienne).

Rapports au trou déchiré postérieur La VJI est séparée par le ligament jugulaire des nerfs spinal, vague, du sinus pétreux inférieur et de l'artère méningée postérieure (branche de l'artère pharyngienne ascendante).

Rapports dans la fosse jugulaire Cette excavation du rocher contient le golfe de la VJI, très proche de la caisse du tympan, du canal carotidien et du canal de Jacobson. En dehors, le trou stylomastoïdien contient le nerf facial et l'artère stylomastoïdienne. En dedans, le canal condylien livre passage au nerf grand hypoglosse.

Rapports dans l'espace sous-parotidien postérieur (espace rétrostylien) Rapports avec les parois de l'espace En arrière : les apophyses transverses de C1 à C4 doublées en avant des muscles grand et petit droit antérieur de la tête, long du cou. En avant : le diaphragme stylien. Ce rideau musculoaponévrotique est tendu de la base du crâne (styloïde) à la paroi pharyngée latérale et au gonion de la mandibule. Sa portion interne correspond à l'aponévrose stylopharyngée, sa portion moyenne est constituée par les muscles stylopharyngien, styloglosse et stylohyoïdien (bouquet de Riolan). Sa portion externe est formée par le ligament stylomandibulaire. La

VJI répond au muscle stylohyoïdien, au nerf facial et à la parotide. En dehors : le muscle sterno-cléido-mastoïdien et le ventre postérieur du digastrique. En dedans : le constricteur supérieur du pharynx. En haut : le rocher et les condyles occipitaux. En bas : l'espace subparotidien postérieur se poursuit avec la gouttière carotidienne.

Rapports avec le contenu de l'espace La VJI est postéroexterne, l'ACI est antéro-interne. Ces deux vaisseaux sont accompagnés par les nerfs du trou déchiré postérieur (en dedans de la VJI) et par le nerf grand hypoglosse (postéro-interne à la VJI). Le sympathique (ganglion cervical supérieur) est en arrière et en dedans de la VJI : s'en détachent le nerf cardiaque supérieur et les rameaux carotidiens. Le X est en dedans de la VJI : il émet le nerf laryngé supérieur et le nerf cardiaque supérieur du vague. Le nerf glossopharyngien (IX) passe entre l'ACI en dedans, le nerf vague et la VJI en dehors. Il se ramifie en une anastomose pour le nerf facial (anse de Haller), des rameaux pharyngiens et des rameaux carotidiens dont le nerf du sinus carotidien (Hering). Le nerf grand hypoglosse (XII) est en arrière et en dedans de la VJI. Il croise le sympathique, l'ACI et le nerf vague et s'insinue entre la VJI et l'ACI pour amorcer sa courbe sous la branche sterno-cléido-mastoïdienne de l'artère occipitale. Le nerf spinal (XI) envoie une branche interne au nerf vague et une branche externe qui croise la VJI le plus souvent en avant. Le nerf spinal aborde le muscle sterno-cléido-mastoïdien par sa face profonde. Il est satellite de la chaîne ganglionnaire du nerf spinal. Le nerf facial (VII) répond à la VJI en dehors. Il émet l'anse de Haller, les nerfs auriculaires postérieurs, du ventre postérieur du digastrique, du muscle stylohyoïdien et le nerf lingual. La VJI répond aux artères occipitale auriculaire postérieure, pharyngienne ascendante, aux veines pharyngiennes et à la parotide.

Rapports dans la région carotidienne Après avoir franchi le ventre postérieur du digastrique longé par l'artère occipitale, la VJI aborde la gouttière carotidienne et ses éléments vasculonerveux.

Rapports avec la paroi de la gouttière carotidienne La gouttière carotidienne, prismatique, est constituée de trois parois (interne, externe et postérieure). La paroi externe est constituée de dehors en dedans par les téguments, le platysma, le plexus cervical superficiel, la VJE et le muscle sterno-cléidomastoïdien. La paroi interne est séparée de la VJI par les ACP et ACI, et le nerf vague. Elle est représentée par le lobe latéral de la thyroïde, la trachée, le pharynx et l'oesophage. La paroi postérieure regroupe les muscles prévertébraux, les apophyses transverses des vertèbres cervicales, les muscles scalènes et leur aponévrose.

Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne Les rapports de la VJI seront décrits au-dessus et en dessous du muscle omohyoïdien, après un rappel des rapports de la VJI avec les vaisseaux carotidiens.

Rapports de la VJI avec les vaisseaux carotidiens Sous le ventre postérieur du digastrique, l'ACI est antérieure et interne à la VJI. Au niveau du bord supérieur du cartilage thyroïde, l'ACP bifurque en ACI, postéroexterne, et l'artère carotide externe (ACE) antéro-interne. La VJI est en dehors et en arrière de l'ACE. L'artère occipitale est l'unique branche de l'ACE en rapport avec la VJI. Le nerf vague est postérieur. Le glomus carotidien, en arrière de la bifurcation de l'ACI, est en arrière de la VJI. Sous la bifurcation, la VJI devient antéroexterne à l'ACP. Ces divers éléments sont contenus dans la gaine jugulocarotidienne.

Rapports de la VJI au-dessus de l'omohyoïdien La VJI répond à la bifurcation carotidienne. Elle repose sous le muscle sternocléido-mastoïdien, qu'elle croise en X : elle en est séparée par les ganglions lymphatiques de la chaîne jugulaire interne répartis entre le digastrique (ventre postérieur) et l'omohyoïdien. Ils sont nombreux. Le ganglion sous-digastrique (Küttner) et le ganglion supraomohyoïdien (Poirier) sont les plus volumineux. Sous le muscle sterno-cléido-mastoïdien, la branche externe du nerf spinal croise la VJI (en avant le plus souvent). Plus bas, le tronc veineux thyro-linguo-facial aborde la VJI. La VJI en arrière, le tronc thyro-linguo-facial en avant et le nerf grand hypoglosse en arrière délimitent le triangle de Farabeuf. Ce dernier contient, en avant et en dedans de la VJI, l'ACI, l'ACE et les artères thyroïdienne supérieure, linguale et faciale. L'artère pharyngienne ascendante naît de la face postérieure de l'ACE et rejoint rapidement la paroi pharyngée latérale. Seule l'artère occipitale, née en haut du triangle de Farabeuf, croise la VJI pour rejoindre le digastrique. La branche descendante du nerf grand hypoglosse descend en avant de l'ACI et de la VJI. Au-dessus du tendon intermédiaire de l'omohyoïdien, cette branche s'anastomose avec la branche descendante interne du plexus cervical en formant en avant de la VJI l'anse de l'hypoglosse. Le nerf laryngé supérieur est séparé de la VJI par le plan carotidien.

Rapports de la VJI au-dessous de l'omohyoïdien La VJI devient de plus en plus antérieure à l'ACP pour rejoindre le confluent de Pirogoff. Le nerf vague croise la face postérieure de la VJI pour se placer derrière la VSC et devant l'ASC (artère subclavière). En avant, la VJI est recouverte par l'aponévrose cervicale moyenne dont elle est séparée par les ganglions inférieurs de la chaîne jugulaire interne. En arrière, la VJI répond à l'artère thyroïdienne inférieure, au ganglion cervical moyen du sympathique, au nerf phrénique (en avant du muscle scalène antérieur) et à l'artère cervicale ascendante. En dedans, la VJI répond au lobe latéral de la thyroïde, au nerf récurrent accompagné de sa chaîne lymphatique récurrentielle.

Rapports de la VJI à sa terminaison La VJI quitte la paroi postérieure de la gouttière carotidienne, passe en arrière du chef claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien et gagne le creux supraclaviculaire. La VJI surcroise l'ASC et s'unit à la VSC pour former le confluent veineux jugulo-sous-clavier de Pirogoff. En avant, la VJI répond à la clavicule, à l'articulation sterno-chondroclaviculaire et au muscle sterno-cléido-mastoïdien. En arrière, la VJI répond à droite au tronc artériel brachiocéphalique (TABC), à l'origine de l'ASC et recouvre l'ACP. À gauche, l'ASC est plus postérieure et l'ACP plus superficielle. Le nerf vague croise à droite l'ASC et abandonne le nerf récurrent droit. À gauche, le nerf vague croise la face postérieure de la VJI pour gagner le médiastin postérieur où il abandonne le nerf récurrent gauche sous la crosse aortique. En dedans, la VJI répond au thymus et à la trachée dont elle est séparée par l'ACP. En dehors, la VJI répond à l'ASC, à l'anse de Vieussens, au sympathique et au nerf phrénique. Les collatérales de l'ASC (tronc thyro-bicervico-scapulaire,

tronc costocervical et artère vertébrale [AV]) sont en dehors et en arrière de la VJI. Au niveau du confluent de Pirogoff, les veines jugulaires externe, antérieure et vertébrale convergent pour rejoindre le confluent soit isolément, soit en formant des troncs communs. La VJE est oblique en bas et en dedans, toujours en dehors de la VJI. La VJA croise en avant la VJI et de dedans en dehors, la veine vertébrale (VV) rejoint la VSC. Le canal thoracique à gauche, la grande veine lymphatique à droite, rejoignent également le confluent veineux.

Veine jugulaire externe (fig 3) La VJE est une veine superficielle de la face latérale du cou. Elle naît dans la région parotidienne, surcroise le muscle sterno-cléido-mastoïdien, et rejoint le creux supraclaviculaire.

Origine La VJE naît dans la parotide, à partir du confluent veineux parotidien, alimenté par les veines temporale superficielle, maxillaire, auriculaire postérieure et occipitale. La VJE résulte de l'anastomose d'un tronc antérieur, temporomaxillaire (ou veine faciale postérieure) et d'un tronc postérieur, auriculotemporal. Après un court tronc commun intraglandulaire, ces deux troncs veineux se divisent en deux branches : la veine communicante intraparotidienne (anastomotique avec la veine faciale ou le tronc veineux thyro-linguo-facial) et une branche superficielle qui constitue la VJE. Le confluent veineux parotidien est drainé par deux voies : une voie superficielle (VJE) et une voie profonde (veine communicante, complétée par les petites veines carotides de Launay).

Trajet La VJE est oblique en bas, en dehors et en arrière pour quitter la parotide. Elle surcroise la face externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien, traverse de haut en bas le creux supraclaviculaire et perfore les aponévroses cervicales superficielle et moyenne. Elle décrit alors une crosse à concavité antérieure qui la place sous le chef claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien.

Terminaison La VJE se déverse dans la VSC, près de l'angle veineux de Pirogoff. Sa terminaison est variable : elle peut se jeter dans la VJI, ou fusionner avec la VJA pour rejoindre la VSC. Le calibre de la VJE est variable (5 à 9 mm). Il est en rapport inverse avec celui des VJI et VJA. La VJE présente deux valvules qui sont peu efficaces. L'une siège à sa partie moyenne, l'autre est ostiale à son embouchure dans la VSC.

Collatérales à la naissance de la VJE Veine temporale superficielle Elle draine le territoire de l'artère homonyme. Cette veine naît de la confluence

avant du tragus, entre l'artère en avant et le nerf auriculotemporal en arrière. Ce tronc pénètre dans la parotide, et s'unit au niveau du col du condyle à la veine maxillaire pour former le tronc temporomaxillaire. À l'origine, la veine temporale superficielle s'anastomose sur la ligne médiane avec son homologue controlatérale, en avant avec les veines frontales et supraorbitaires, en arrière avec les veines auriculaire postérieure et occipitale. La branche postérieure communique avec le sinus longitudinal supérieur par la veine émissaire pariétale de Santorini qui emprunte le trou pariétal. Elle reçoit les veines : tégumentaires temporales et malaires ; transversales de la face ; auriculaires antérieures ; de l'articulation temporomandibulaire ; du canal de Sténon ; de la parotide.

Veine maxillaire (interne) (fig 4) Elle naît dans l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire de la confluence de la veine sphénopalatine (veine nasale postérieure), des veines vidiennes, des veines pharyngées supérieures (veines ptérygopalatines) et des veines pharyngées inférieures. La veine maxillaire constitue avec ses affluents les plexus ptérygoïdiens dans la région ptérygomaxillaire, de part et d'autre du muscle ptérygoïdien externe. Au niveau du col du condyle, les plexus ptérygoïdiens fusionnent en une veine simple ou double (maxillaire) qui s'engage avec l'artère homonyme et le nerf auriculotemporal dans la boutonnière rétrocondylienne de Juvara. Elle contourne le col du condyle de dedans en dehors et pénètre dans la parotide. Les plexus ptérygoïdiens sont regroupés en un plexus antérieur et un plexus postérieur. Le plexus antérieur, en avant du muscle ptérygoïdien externe, occupe la région ptérygomaxillaire. Il reçoit les veines du plexus alvéolaire, les veines émissaires du trou grand rond (Nuhn), la veine dentaire inférieure, les veines temporales profondes ptérygoïdiennes, massétérines supérieures et parfois la veine nasale supérieure. Le plexus postérieur occupe l'espace maxillopharyngé où il répond au nerf maxillaire inférieur (mandibulaire). Il reçoit les veines méningées moyennes, la petite veine méningée, les veines émissaires du sinus caverneux, du trou ovale et les veines tympaniques. Ces deux plexus sont anastomotiques à travers le muscle ptérygoïdien externe. Ils communiquent avec le plexus alvéolaire (qui se draine pour partie dans la veine maxillaire, pour partie dans la veine faciale), avec les veines pharyngiennes tributaires de la VJI et les veines articulaires temporomandibulaires. La veine maxillaire reçoit : les veines méningées moyennes antérieure et postérieure issues des lacs sanguins voisins du sinus longitudinal supérieur ; satellites des branches de l'artère méningée moyenne, elles quittent le crâne par le trou petit rond ; la veine alvéolaire inférieure : elle quitte la mandibule par l'orifice supérieur du canal dentaire en drainant les dents de la mandibule et une partie du sang veineux du plancher de la bouche (veine mylohyoïdienne) ; elle se jette soit dans le plexus ptérygoïdien antérieur, soit dans la veine maxillaire ; les veines temporales profondes ; satellites des artères, elles drainent le muscle temporal et les veines osseuses de la fosse temporale ; les veines massétérines supérieures ; les veines ptérygoïdiennes ; nombreuses, elles drainent les muscles ptérygoïdiens interne et externe.

Veine auriculaire postérieure

la région. Elle emprunte le sillon rétroauriculaire, satellite de l'artère homonyme, et croise la face externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien pour pénétrer dans la parotide. Elle reçoit : les veinules auriculaires (pavillon) ; les veines occipitales superficielles ; les veines tégumenteuses mastoïdiennes ; la veine stylomastoïdienne.

Veine occipitale Superficielle à son origine, elle traverse le muscle trapèze et s'engage sous le muscle splénius en dehors, en avant et en bas, puis sous le petit complexus. Elle atteint la mastoïde puis, longeant le ventre postérieur du muscle digastrique, elle croise le muscle sterno-cléido-mastoïdien et pénètre dans la parotide par sa face postérieure. Dès son origine, elle est anastomotique avec : les veines occipitales superficielles ; la veine auriculaire postérieure ; le pressoir d'Hérophile ; la VJP ; la VV. Dans son trajet, elle reçoit : la veine émissaire mastoïdienne (qui provient du sinus latéral) ; des veines musculaires de la nuque et du cou parmi lesquelles la veine cervicale postérieure et la veine sterno-cléido-mastoïdienne supérieure.

Collatérales de la VJE pendant son trajet La VJE reçoit : dans la région parotidienne : les veines du canal de Sténon ; les veines articulaires temporomandibulaires ; des veinules parotidiennes ; des veines massétérines ; dans la région sterno-cléido-mastoïdienne : la veine occipitale superficielle ; la veine sous-cutanée postérieure du cou ; au niveau de sa crosse : la veine scapulaire postérieure (ou veine transverse du cou) ; la veine scapulaire supérieure (ou veine suprascapulaire) ; une branche anastomotique de la veine céphalique.

Anastomoses de la VJE La VJE s'anastomose : avec les sinus crâniens de la dure-mère par : ses branches d'origine (veine temporale superficielle, plexus ptérygoïdiens et veine occipitale) ; ses veines émissaires (veines émissaires pariétale, mastoïdienne, ou issues du sinus caverneux) ; avec les veines rachidiennes et la VJP par les branches profondes de la veine occipitale ; avec la VJA par la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher ;

avec la VJI par : les veines carotides externes de Launay ; la veine communicante intraparotidienne ; le plexus alvéolaire ; avec la veine céphalique par l'anastomose céphalojugulaire.

Rapports de la VJE Dans la parotide, la VJE se trouve à l'union du tiers externe et des deux tiers internes de la glande. Elle répond : superficiellement, au nerf facial qui se divise en branches temporofaciale, transversofaciale et cervicofaciale ; profondément, à l'ACE et sa collatérale intraparotidienne, l'artère auriculaire postérieure ; en avant, à la branche montante de la mandibule, doublée en dedans par le muscle ptérygoïdien interne, en dehors par le muscle masséter ; en arrière, au muscle sterno-cléido-mastoïdien ; aux ganglions lymphatiques intraparotidiens.

La VJE quitte la parotide et croise le muscle sterno-cléido-mastoïdien au niveau de la grande corne de l'os hyoïde. Dans la région sterno-cléido-mastoïdienne, la VJE répond : superficiellement, au platysma et aux branches suprasternale et supraclaviculaire du plexus cervical superficiel ; profondément, à la branche cervicale transverse du plexus cervical superficiel qui s'interpose entre la VJE et le muscle sterno-cléidomastoïdien ; en avant, à la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher ; en arrière, à la branche auriculaire du plexus cervical superficiel (la branche mastoïdienne est plus postérieure). Dans le creux supraclaviculaire, la VJE occupe le triangle supraclaviculaire, limité en bas par la clavicule, en avant par le muscle sternocléido-mastoïdien et en arrière par le trapèze. Elle perfore l'aponévrose cervicale superficielle, chemine entre les aponévroses superficielle et moyenne où elle baigne dans une nappe graisseuse contenant des ganglions lymphatiques. Puis elle perfore l'aponévrose cervicale moyenne sous le muscle omohyoïdien en décrivant sa crosse. La VJE répond : superficiellement, aux téguments, au platysma et à la branche supraclaviculaire du plexus cervical superficiel ; profondément, au muscle scalène antérieur, qui la sépare du plexus brachial, et aux artères cervicale ascendante, cervicale transverse superficielle et scapulaire supérieure ; la branche externe du nerf spinal, au bord externe du trapèze, est plus postérieure ; en avant, à la VJE, aux ganglions de la chaîne jugulaire et au bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien ; en arrière, au bord antérieur du muscle trapèze dont elle est séparée par le ventre postérieur du muscle omohyoïdien. À sa terminaison, la VJE s'abouche dans la VSC dans sa portion antérieure et supérieure en dehors de la VJA ou entre la VJA et la VV. Elle répond : en avant, au chef claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien et à la clavicule ; en arrière, à la VSC et à l'ASC plus postérieure ; entre les deux vaisseaux cheminent (de dedans en dehors) le nerf vague qui abandonne à droite son récurrent sous l'ASC, le sympathique et son anse subclavière de Vieussens, le nerf phrénique et le nerf du muscle subclavier ; en dedans, au sinus de la VJI qui reçoit la veine thyroïdienne inférieure ; en haut, à l'angle veineux de Pirogoff (VSC, VJA, VV, canal thoracique à gauche et grande veine lymphatique à droite).

Veine jugulaire antérieure (fig 5)

Située à la partie antérieure du cou, la VJA est proche de la ligne médiane. Son territoire de drainage est plus modeste que celui de la VJE. La VJA s'étend de la région mentonnière, où elle est superficielle, à la région basicervicale où elle est profonde.

Origine La VJA naît superficiellement dans la région suprahyoïdienne médiane, dans le tissu cellulaire sous-cutané recouvrant le muscle mylohyoïdien. Elle résulte de la fusion de la veine submentale superficielle (distincte des veines submentales satellites de l'artère homonyme) avec une branche veineuse anastomotique issue de la veine faciale.

Trajet La VJA chemine d'avant en arrière jusqu'à l'os hyoïde qu'elle croise en avant. Elle descend verticalement dans la région subhyoïdienne pour perforer l'aponévrose cervicale superficielle à deux travers de doigt de la fourchette sternale. Alors sous-aponévrotique, elle décrit un angle droit pour emprunter un trajet horizontal en dehors, gagner la région carotidienne sous le muscle sterno-cléidomastoïdien. Son calibre est de 5 mm environ.

Terminaison La VJA se jette dans la VSC au niveau de l'angle veineux de Pirogoff, soit isolément, soit par un tronc commun avec la VJE.

Collatérales La VJA ne reçoit que des veinules musculaires et tégumentaires des régions supra- et subhyoïdiennes, ainsi que des veinules laryngées. L'arcade des jugulaires (anastomose horizontale entre les deux VJA) reçoit normalement des veinules thymiques et médiastinales par son bord inférieur, et la veine médiane du cou (inconstamment) par son bord supérieur.

Rapports La VJA reconnaît deux portions, l'une verticale supra- et subhyoïdienne (paramédiane), l'autre horizontale où elle parcourt l'espace suprasternal, la région carotidienne et l'angle veineux de Pirogoff. Dans sa portion verticale, la VJA est intercalée entre les deux ventres antérieurs digastriques. Puis, sous l'os hyoïde, la VJA est comprise dans un dédoublement de l'aponévrose cervicale superficielle et elle répond en arrière aux muscles thyrohyoïdien, sterno-cléido-mastoïdien et à la membrane thyrohyoïdienne. Dans sa portion horizontale, la VJA répond : en avant au muscle sterno-cléido-mastoïdien ; en arrière, aux muscles sternothyroïdien et sterno-cléido-hyoïdien, à la VJI et au nerf vague qu'elle croise transversalement ; en bas, à la fourchette sternale, à l'articulation sterno-chondroclaviculaire et à la clavicule.

- Rapports à la terminaison : cf VJE. Tout au long de son trajet, la VJA est satellite d'un tronc collecteur lymphatique (voie jugulaire antérieure de Rouvière) et par des ganglions, surtout au niveau suprasternal.

Anastomoses La VJA s'anastomose avec : la VJA controlatérale par l'arcade des jugulaires, constante, et par une arcade veineuse transversale inconstante immédiatement subhyoïdienne ; la VJE par la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher ; la VJI par son anastomose de naissance avec la veine faciale, et par des veinules dépendant de la veine thyroïdienne supérieure.

Veine jugulaire postérieure Décrite par Walther, la VJP est une veine profonde de la nuque : elle doit être décrite comme un « canal de dérivation de la veine vertébrale » (Paturet). Son calibre varie en sens inverse de celui de la VV.

Origine La VJP se détache du plexus veineux sous-occipital, en arrière du ligament occipitoaxoïdien postérieur, dans le triangle de Tillaux. Elle naît de l'union des branches des veines condyliennes postérieures, de la veine émissaire mastoïdienne et de la VV.

Trajet et rapports La VJP est d'abord oblique en bas et en dedans vers la ligne médiane. Elle croise le muscle grand oblique de la tête à sa face postérieure, puis se dirige verticalement en dedans des tubercules postérieurs des apophyses transverses cervicales. Elle repose sur le muscle intertransversaire épineux, et elle est recouverte par le muscle grand complexus. Au niveau de la septième vertèbre cervicale, elle s'infléchit en bas et en dehors et s'insinue entre la septième apophyse transverse et la première côte.

Terminaison Elle se jette à la face postérieure du confluent jugulo-subclavier ou dans le tronc veineux innominé.

Collatérales et anastomoses La VJP reçoit des veines musculaires de la nuque (surtout des plexus situés entre les muscles grand complexus et intertransversaire). La VJP s'anastomose avec : la VV à chaque espace intertransversaire ; la VJP controlatérale par une anastomose horizontale, immédiatement au-dessus de l'apophyse épineuse de l'axis ; cette

anastomose reçoit la veine médiane de la nuque ; la veine vertébrale postérieure (ou veine cervicale profonde) à chaque espace intertransversaire.

Veine vertébrale La VV s'étend du trou occipital à la région basicervicale. Elle n'est satellite de l'AV que dans sa portion cervicale. La VV est grêle, parfois dédoublée, toujours en dehors de l'artère homonyme.

Origine La VV naît profondément dans la nuque, sous le trou occipital, en arrière du ligament occipitoatloïdien postérieur, sous le muscle grand droit postérieur de la tête. Elle se détache du plexus veineux suboccipital, et reçoit trois branches anastomotiques issues des veines condyliennes postérieures, de la VJP et de la veine occipitale.

Trajet et rapports La VV se dirige d'abord en dehors, au-dessus de l'AV qui la sépare du premier nerf rachidien cervical. Satellite de l'AV, elle traverse le triangle de Tillaux, passe sous le muscle petit oblique de la tête pour se couder à angle droit au niveau de l'apophyse transverse de l'atlas. Elle descend alors verticalement dans les trous transversaires des vertèbres cervicales, avec l'AV. Dans le canal transversaire, la VV est en dehors de l'AV. Elle est croisée obliquement par les nerfs cervicaux qui séparent les vaisseaux vertébraux des muscles intertransversaires postérieurs. En avant, la VV répond aux muscles intertransversaires antérieurs. À sa sortie du trou intertransversaire de la septième vertèbre cervicale, la VV s'engage en bas et en avant dans l'aire de Waldeyer pour se placer en dehors et en avant de l'AV. Elle passe au-dessus de l'ASC, longe l'artère thyroïdienne inférieure en dedans.

Terminaison La VV se jette soit isolément, soit par un tronc commun avec la VJP, dans le confluent veineux jugulo-subclavier, en arrière et sous la terminaison de la VJI. Parfois, elle forme avec la veine cervicale descendante (veine vertébrale antérieure) un tronc commun appelé tronc veineux cervicovertébral. Ce tronc rejoint la VSC à sa face postéro-inférieure. Seule la terminaison de la VV est valvulée.

Collatérales La VV reçoit : les trois veines anastomotiques d'origine ; des branches musculaires antérieures (muscles prévertébraux) par les plexus veineux prévertébraux ; des branches musculaires postérieures, soit directement, soit par les plexus veineux rachidiens postérieurs ; les veines émissaires des trous de conjugaison ;

la veine cervicale profonde (veine vertébrale postérieure) ; la veine cervicale descendante (veine vertébrale antérieure de Lauth).

Références [1]

Deplus S, Gillot C. Le drainage veineux profond de la tête et du cou. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 : 409-430

[2]

Fontaine C, Deplus S, Gillot C. Vascularisation des plans superficiels de la tête et du cou. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 : 75-85

[3]

Larrabee WF, Makielski KH. Surgical anatomy of the face. New York : Raven Press, 1993

[4]

Netter FH. Atlas of human anatomy. New York : Raven Press, 1993

[5]

Nishihara J, Takeuchi Y, Miki T, Itoh M, Nagahata S Anatomical study on valves of human facial veins. J Cranio-Maxillofac Surg 1995 ; 23 : 182-186

[6]

Paturet G. Traité d'anatomie humaine. Paris : Masson, 1958, vol 3

[7]

Poirier P, Charpy A, Nicolas A. Traité d'anatomie humaine. Paris : Masson, 1974

[8]

Ricbourg B. Artères et veines cutanées de la face et du cuir chevelu. [thèse]. Paris, 1974

[9]

Ricbourg B Vascularisation cutanée de la face. In: Encycl Med Chir (Ed.) StomatologieOdontologie I, 22-001-C50 Paris Elsevier: 1990; 10 [interref]

[10]

Rouvière H, Delmas A. Anatomie humaine. Paris : Masson, 1974 ; tome I

[11]

Saban Y, Polselli R. Atlas of surgical anatomy of the face and neck. Paris : Masson, 1994

[12]

Testut L. Traité d'anatomie humaine. Paris : Doin, 1911

© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 : Vascularisation superficielle du cou. 1. Os hyoïde ; 2. muscle platysma (coupé) ; 3. veine faciale ; 4. muscle sterno-cléido-hyoïdien ; 5. muscle omohyoïdien (coupé) ; 6. artère carotide commune ; 7. muscle thyrohyoïdien ; 8. muscle sterno-cléido-mastoïdien (coupé) ; 9. artère et veine thyroïdiennes supérieures ; 10.

nerf du muscle sternothyroïdien ; 11. veine jugulaire interne ; 12. muscle sternothyroïdien ; 13. anse cervicale ; 14. plexus brachial ; 15. muscle omohyoïdien (ventre supérieur coupé) ; 16. muscle omohyoïdien (ventre inférieur) ; 17. muscle sterno-cléido-mastoïdien (coupé) ; 18. muscle pectoralis major ; 19. muscle sternothyroïdien ; 20. os claviculaire ; 21. muscle sternocléido-mastoïdien ; 22. muscle platysma (coupé) ; 23. nerfs supraclaviculaires ; 24. muscle trapèze ; 25. glande thyroïde ; 26. nerfs cervicaux transverses ; 27. cartilage thyroïde ; 28. nerf auriculaire postérieur ; 29. veine jugulaire antérieure ; 30. veine jugulaire externe ; 31. veine communicante ; 32. veine jugulaire interne ; 33. glande parotide ; 34. veine rétromandibulaire ; 35. glande submandibulaire (sous-maxillaire) ; 36. muscle mylohyoïdien ; 37. nerf facial (rameau mentonnier) ; 38. muscle digastrique.

Fig 2 :

Fig 2 : Drainage veineux profond de la tête et du cou. 1. Muscle mylohyoïdien ; 2. tronc thyro-linguo-facial ; 3. veine jugulaire externe ; 4. veines thyroïdiennes inférieures ; 5. veine subclavière droite ; 6. veine cave supérieure ; 7. veines thymiques ; 8. veine brachiocéphalique gauche ; 9. veine subclavière gauche ; 10. veine jugulaire antérieure ; 11. veine thyroïdienne moyenne ; 12. veine jugulaire interne ; 13. veine thyroïdienne supérieure ; 14. veine rétromandibulaire ; 15. veine faciale.

Fig 3 :

Fig 3 : Veines faciale et temporale superficielle (d'après Fontaine C, Deplus S, Gillot C [2]). 1. Veines frontales ; 2. veines palpébrales ; 3. veine angulaire ; 4. veines nasales externes ; 5. veine labiale supérieure ; 6. veines commissurales ; 7. veine labiale inférieure ; 8. veine submentale ; 9. veine faciale ; 10. veine faciale profonde ; 11. veine transverse de la face ; 12. veine temporale superficielle ; 13. veine zygomaticomalaire ; 14. veines pariétales.

Fig 4 :

Fig 4 : Plexus veineux de la région maxillaire (d'après Fontaine C, Deplus S, Gillot C [2]). 1. Veines ethmoïdales ; 2. veines vorticineuses ; 3. veine sphénopalatine ; 4. veine du canal ptérygoïdien ; 5. veines temporales profondes ; 6. veine temporale superficielle ; 7. veine maxillaire ; 8. veine jugulaire externe ; 9. plexus ptérygoïdien (plan médian) ; 10. plexus ptérygoïdien (plan latéral) ; 11. veine alvéolaire inférieure ; 12. veine faciale ; 13. veine faciale profonde ; 14. plexus alvéolaire ; 15. veine infraorbitaire ; 16. veine ophtalmique inférieure ; 17. veine ophtalmique supérieure ; 18. veine frontale.

Fig 5 :

Fig 5 : Drainage veineux rachidien cervical (d'après Deplus S, Gillot C

[1]

).

1. Veine émissaire mastoïdienne ; 2. veines occipitales ; 3. plexus occipital ; 4. veine jugulaire postérieure ; 5. veine vertébrale ; 6. veine subclavière ; 7. veine vertébrale antérieure ; 8. veine cervicale profonde.

¶ 22-001-C-50

Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu B. Ricbourg Densité extrême et variabilité, telles sont les caractéristiques vasculaires majeures propres à la peau faciale et au cuir chevelu. La chirurgie de la face et tout particulièrement cutanée à visée carcinologique prend un essor sans précédent. En effet de nouveaux lambeaux à visée réparatrice sont décrits régulièrement ; ils sont cutanés, fasciocutanés, musculocutanés, ou à pédicule sous-cutané. C’est ce qui rend la connaissance de la vascularisation cutanée faciale indispensable à tout chirurgien maxillofacial et plasticien. La chirurgie faciale requiert la connaissance des axes artériels mais aussi de leurs collatérales. Enfin et surtout la survie du lambeau va dépendre de son drainage veineux ; une incision à contre-courant provoque au minimum un œdème d’amont ; mais toute faute de tracé ignorant la veine de drainage risque d’aboutir à une mortification au moins partielle du lambeau à destinée réparatrice ; rarement l’escarification est totale. L’ignorance anatomique génère l’inconscience chirurgicale ; ainsi, l’intervention réparatrice devient alors téméraire, voire fautive et peut faire entrer dans un contexte juridique... C’est dire l’importance fondamentale de ces lignes. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vascularisation ; Face ; Lambeau cutané

Plan ¶ Matériel

1

¶ Méthodes Injection intravasculaire de produit radio-opaque Injection sélective de colorant Artériographie hypersélective de la carotide externe in vivo Thermographies par plaques cutanées Stéthoscope à ultrasons ou effet doppler

1 1 2 2 2 2

¶ Grands axes artériels et veineux de la face et du cuir chevelu Étude analytique Conception d’ensemble de l’irrigation artérielle de la face

2 3 5

¶ Drainage veineux de la face et du cuir chevelu Architecture du drainage veineux Quatre systèmes verticaux de drainage veineux Arcades horizontales

6 6 6 6

¶ Drainage lymphatique de la face

6

¶ Points chirurgicaux de la vascularisation cutanée faciale Lambeaux cutanés à vascularisation périphérique Lambeaux cutanés à vascularisation par la profondeur Prothèses d’expansion et vascularisation cutanée Transplants par microanastomose vasculaire Greffes faciales

7 7 7 8 8 8

■ Matériel Les bases anatomiques qui sont présentées ici sont le fruit de travaux réalisés dans le Laboratoire d’Anatomie de Paris (Professeur André Delmas) durant de nombreuses années ; plus récemment nous avons pu travailler au Laboratoire d’Anatomie de Nice (Professeur André Bourgeon). Stomatologie

Les sujets sur lesquels nous avons étudié [1] se répartissent ainsi : • plus de 100 sujets adultes frais d’amphithéâtre ; • 20 malades, qui, en vue de bénéficier d’une chimiothérapie intra-artérielle régionale, ont subi au préalable un cathétérisme rétrograde par voie temporale superficielle ; • quatre fœtus. Les cas cliniques (environ 1500) ont été réalisés dans le service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie du CHU de Besançon ; cette confrontation anatomoclinique est essentielle dans la compréhension de la vascularisation.

■ Méthodes Injection intravasculaire de produit radio-opaque Nous avons utilisé une résine autopolymérisable, contenant du minium radio-opaque, appelée « radio-corrodant ». Les injections étaient sélectives ou globales du système vasculaire étudié. Les sujets injectés ont subi ensuite différents procédés anatomiques [2-5] : • dissection fine, voire utilisant un microscope opératoire (Fig. 1); • radiographies globales de la pièce anatomique injectée ; • radiographies des téguments prélevés (technique de Salmon) (Fig. 2) [5] : cette technique consiste à prélever l’ensemble des téguments aux vaisseaux injectés et à les étaler sur une plaque radiographique permettant d’obtenir des radiographies extrêmement précises des moules vasculaires ; • diaphanisation de Spalteholz : après une préparation identique, ce procédé chimique permet après de nombreux et différents bains, d’obtenir la transparence des parties molles (essentiellement par dissolution des graisses), alors que les produits injectés ne sont pas dissous et restent visibles ;

1

22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu

Figure 1. Dissection de l’artère temporale superficielle (ATS) après injection de résine autopolymérisable.

Figure 2. faciale.

Artériographie cutanée selon Salmon. Orifice buccal. Artère

• corrosions : ici l’injection de la résine est suivie de destruction lente des tissus par un acide, une base, voire de l’eau de Javel ; l’intérêt de cette méthode est de permettre une juxtaposition des vaisseaux et du squelette permettant de mieux se situer dans l’espace ; les résultats présentés sont le travail du Dr Chignon Sicard du CHU de Nice ; • coupes macroscopiques sériées d’épaisseur constante de 1 cm (Fig. 3): elles sont l’équivalent des coupes tomodensitométriques ou obtenues par résonance magnétique ; la définition des coupes anatomiques est encore bien supérieure à celles-ci ; ces coupes sont faites dans les trois plans de l’espace.

Injection sélective de colorant [6] Sur le cadavre, l’injection de colorants de type bleu de méthylène permet d’évaluer un territoire vasculaire ; l’inconvénient du procédé est de ne pas contrôler la pression d’injection et donc d’imprégner un territoire plus étendu que physiologiquement. Chez le sujet vivant, ces injections de colorants permettent d’obtenir une carte précise des territoires artériels [1].

Artériographie hypersélective de la carotide externe in vivo (Fig. 4, 5) [7, 8] L’artériographie hypersélective est devenue très courante dans les services de neuroradiologie. Cette exploration est pour nous complémentaire de celle des radiographies pratiquées sur le cadavre. Elle permet de visualiser le remplissage artériel suivi du drainage veineux précoce.

2

Figure 3. A. Coupe (d’une série) horizontale ou axiale d’une tête injectée. B. Même coupe radiographiée.

Thermographies par plaques cutanées Cette technique a été peu utilisée car trop grossière pour la face.

Stéthoscope à ultrasons ou effet doppler Il peut être utilisé pour le repérage des axes vasculaires.

■ Grands axes artériels et veineux de la face et du cuir chevelu Tous les troncs artériels sont d’origine carotidienne externe, sauf ceux issus de l’artère ophtalmique, elle-même terminale de la carotide interne. Il n’est pas de notre propos de reprendre toute l’anatomie descriptive des artères et veines de la face, décrite dans une autre partie de cet ouvrage. Seuls les points importants pour la vascularisation cutanée sont détaillés [9]. Stomatologie

Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu ¶ 22-001-C-50

Ainsi, cinq types d’AF sont décrits : • type I : terminaison nasale à plein canal dans la faciale controlatérale ; • type II : terminaison angulaire classique ; • type III : terminaison coronaire supérieure ; • type IV : dédoublée avec une artère faciale longue ; • type V : terminaison paramandibulaire. Branches collatérales Segment I : artère massétérine, artère sous-mentale dont le territoire cutané est particulièrement important [12-15]. Segment II : artère coronaire labiale inférieure, artère faciale longue, artère du sillon nasogénien, artère cutanée de la pommette qui se termine dans le cercle artériel périorbitaire [1, 16, 17]. Segment III : artère coronaire labiale supérieure, artère du pied de l’aile narinaire. Segment IV : artère infra-alaire, artère supra-alaire périorificielle [18].

Figure 4. Diaphanisation d’une hémiface.

Plans de passage Segment I : collée sur le rebord mandibulaire, palpable. Segments II et III : l’artère est profonde passant sous les muscles du système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) (risorius, grand et petit zygomatiques). Segment IV : superficielle dans l’hypoderme. Calibre Le calibre va progressivement en décroissant depuis les 2 mm du segment I jusqu’à 1 mm en fin de segment III. Rapports avec la veine faciale La veine est constamment située en arrière de l’artère mais dans un même plan. Territoire cutané Bien que sujet à variations, il comprend : • la région génienne inférieure ; • les deux lèvres supérieure et inférieure ; • le revêtement cutané du nez.

Artère temporale superficielle (ATS) [19-24] Cette artère, moins décrite que la faciale, vascularise, en fait, un territoire étendu sur l’hémiface supérieure et sur le cuir chevelu.

Figure 5.

Corrosion d’une tête montrant l’artère faciale et l’ATS.

Étude analytique Artère faciale (AF) [1, 10-18] Origine, trajet [1, 10] Issue de la carotide externe, elle apparaît à la face au niveau du rebord mandibulaire. Nous lui distinguons quatre segments faciaux : • segment I : l’artère est fixe, palpable à 3 cm en avant de l’angle mandibulaire ; • segment II : elle est oblique en direction du pied de l’aile narinaire ; il se termine au niveau de la commissure labiale ; • segment III : caractérisé par la naissance de la coronaire labiale supérieure, il se termine au pied de l’aile narinaire ; • segment IV : il correspond à l’anastomose entre les faciales droite et gauche sous forme de l’arcade dorsale du nez. Terminaison Elle est discutée. Pour les auteurs classiques, c’est l’anastomose avec l’artère angulaire issue de l’ophtalmique. Suivant Mitz [11], nous avons retrouvé exceptionnellement cette disposition (4 %), la terminaison nasale étant largement prépondérante (78 %). Stomatologie

Origine, trajet [19, 20] L’origine se fait toujours par bifurcation de la carotide externe en ATS et artère maxillaire. Trajet : nous lui distinguons trois segments : • segment I : profond intraparotidien ; • segment II : sous-cutané profond ; • segment III : sous-cutané superficiel ; l’émergence de l’artère dans le tissu cellulaire sous-cutané se fait en un point défini par Eustathianos [21]. Ce point est situé 4-5 mm en avant du tragus, sur une ligne unissant le bord supérieur du conduit auditif externe à la partie moyenne du bord supérieur du sourcil. Terminaison Classiquement en deux branches temporofrontale et temporopariétale ; parfois la branche collatérale zygomatomalaire par son importance peut représenter l’équivalent d’une terminale (Salmon) [6]. Branches collatérales Segment I : artère transverse de la face (ATF). Segment II : • rameaux articulaires ; • rameaux auriculaires ; • artère du muscle temporal. Segment III : artère zygomatomalaire (AZM). Son importance nous a fait décrire une typologie à l’ATS [19] : • type I (80 %) : AZM naissant directement du tronc de l’ATS, elle est volumineuse, pouvant simuler une terminale ;

3

22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu

• type II (20 %) : AZM mineure issue de la branche temporofrontale. Branches terminales Branche temporofrontale. Antérieure, elle est oblique et ascendante. Souvent sinueuse, elle dessine une courbe à concavité postérosupérieure passant entre 2 et 3 cm en arrière du rebord orbitaire. Elle donne de nombreuses branches pour le sourcil, le front (moitié externe), le cuir chevelu. Son calibre est toujours important, supérieur à 1,4 mm. Branche temporopariétale. Postérieure, elle monte plus ou moins verticale, semblant poursuivre la direction du tronc de l’ATS. Ses branches sont toutes pour le cuir chevelu. Son repérage chirurgical est simple : elle est située toujours dans une bande de 2 cm de large axée sur le conduit auditif externe et parallèle au plan frontal. Plans de passage [22, 23] Les segments I et II sont profonds. Le segment III voit l’artère et ses branches comprises dans un dédoublement du fascia superficialis. Cela a donné lieu au développement des lambeaux du fascia temporal. Calibre Le calibre initial de l’artère est 2 mm. Il va progressivement en diminuant et reste important pour la branche temporofrontale. Rapports avec la veine temporale Une veine accompagne en arrière chaque branche artérielle ; elles sont situées dans le même plan que les artères dans le dédoublement du fascia superficialis. Cependant dans de nombreux cas, une veine est unique, large et chemine entre les deux branches de bifurcation artérielle terminale. Elle se poursuit habituellement en se projetant au niveau du sillon préauriculaire. Une compensation se fait par le biais d’un tronc commun veineux auriculopariétal aboutissant au sillon rétroauriculaire. La veine temporale s’unit dans la parotide avec la veine maxillaire pour former la veine jugulaire externe. Territoire cutané • • • • •

Il est très étendu et comprend : la moitié supérieure de la région génienne ; la moitié supérieure du pavillon de l’oreille ; la région temporale ; le tiers externe du front ; la moitié antérieure du cuir chevelu dépassant largement la ligne médiane.

Artère auriculaire postérieure (AAP)(Fig. 6) [1, 24, 25] Elle partage avec le tronc des auriculaires antérieures, issu de l’ATS, la vascularisation du pavillon de l’oreille. Origine, trajet Branche collatérale de la carotide externe ; elle peut naître par un tronc commun avec l’artère occipitale. Trajet : obliquement ascendante en arrière, elle se dirige vers la pointe de l’apophyse mastoïde, puis vers le sillon auriculomastoïdien où elle se termine. Terminaison Elle bifurque en : • branche antérieure auriculaire ; • branche postérosupérieure mastoïdienne. Branches collatérales Elles sont à destinée du pavillon de l’oreille (lobule, hélix, conque, rameaux perforants) et de la peau mastoïdienne. Plans de passage Profonde à son origine, superficielle depuis son passage à la pointe mastoïdienne.

4

Figure 6. Diaphanisation d’un pavillon auriculaire : artère auriculaire postérieure.

Calibre Il est de 1 mm dans son trajet superficiel. Veine auriculaire postérieure. Elle est habituellement beaucoup plus importante que l’artère ; souvent elle est commune avec la veine occipitale. La veine est en arrière de l’artère, mais il n’y a aucun parallélisme avec elle, d’où la difficulté des transplants rétroauriculaires. Elle rejoint la veine jugulaire externe proche de son origine. Territoire cutané. La moitié inférieure du pavillon de l’oreille et du conduit auditif externe, la peau mastoïdienne.

Artère occipitale (AO) [1, 26] Artère du cuir chevelu, elle possède un calibre et un territoire importants. Origine Elle naît en profondeur de la carotide externe, parfois d’un tronc commun avec l’AAP. Trajet Nous lui distinguons trois segments : • segment I : vasculaire profond dans l’espace jugulocarotidien. • segment II : musculaire profond sous les muscles de la nuque, flexueuse, ascendante postérieure. • segment III : sous-cutané superficiel après avoir perforé le muscle trapèze. C’est le segment chirurgical. Branches terminales La terminaison se fait par bifurcation en deux branches latérale et médiale, toutes deux ascendantes dans le cuir chevelu et s’anastomosant avec les rameaux postérieurs issus de la branche pariétale de l’ATS. Branches collatérales Segment I : • l’artère sternocléidomastoïdienne supérieure est constante et irrigue les deux tiers supérieurs du muscle homonyme ; • l’artère stylomastoïdienne naît dans 60 % des cas de l’occipitale. Segment II : les rameaux musculaires sont nombreux et certains sont constants ; en particulier on peut citer : Stomatologie

Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu ¶ 22-001-C-50

Origine, trajet C’est la seule branche collatérale de la carotide interne ; elle chemine dans la cavité orbitaire donnant de nombreuses branches viscérales orbitaires. Terminaison En artère nasale, qui elle-même prend le nom d’angulaire. Branches collatérales faciales

Figure 7. Dissection après injection artérielle : branches collatérales de l’ophtalmique.

• l’artère splénienne de Salmon [6] ; • l’artère méningée postérieure. Segment III : une artère est retrouvée dans les deux tiers des cas ; elle naît au sommet de la courbe initiale de l’occipitale et se dirige transversalement vers la ligne médiane ; nous l’appelons l’artère occipitale transverse [1]. Plans de passage Les segments I et II sont profonds. Le segment III est superficiel ; comme l’ATS, il est compris dans un dédoublement du fascia superficialis. Deux points sont d’incidence pratique chirurgicale : • le point d’émergence sous-cutané : il est fixe ; pour le trouver, il suffit de repérer la protubérance occipitale externe et de suivre la ligne courbe occipitale supérieure ; l’émergence de l’artère se fait sur cette ligne à 3,5-4 cm de la ligne médiane. Ce repérage est intéressant pour tracer les lambeaux de cuir chevelu ou mettre en place les prothèses d’expansion ; • le plan de passage de l’artère est collé sous l’aponévrose occipitofrontale ou galéa plus superficielle qu’elle. Calibre

Artère supraorbitaire. L’échancrure, ou canal supraorbitaire, est située à l’union du tiers médial et des deux tiers latéraux du rebord orbitaire supérieur. L’artère se divise en deux branches : • l’une est ascendante musculocutanée pour le muscle frontal et la peau sus-jacente ; elle se termine par anastomose avec la branche temporofrontale de l’ATS. • l’autre est horizontale externe pour le sourcil. Territoire cutané : un tiers moyen de l’hémifront, un tiers interne du sourcil. Artère supratrochléaire. Elle apparaît à la face au niveau de la poulie du grand oblique et donc à l’union des parois supérieure et interne de l’orbite. Elle monte verticale paramédiofrontale. Elle vascularise la peau médiofrontale, permettant les lambeaux médiofrontaux dits lambeaux indiens. Territoire cutané : un tiers moyen du front. Artères palpébrales. Un tronc commun naît de l’artère nasale et se divise rapidement en artères coronaires palpébrales supérieure et inférieure pour les paupières homonymes. Ces artères suivent le rebord ciliaire palpébral donnant des branches perpendiculaires. Très souvent l’artère supérieure est dédoublée. Plan de passage, calibre Le trajet des branches est entièrement sous-cutané. Le calibre est généralement inférieur à 1 mm. Territoire cutané Les branches collatérales de l’ophtalmique irriguent : • la moitié médiane du front et des sourcils ; • les deux paupières. L’artère angulaire s’anastomosant avec l’artère faciale, son territoire est variable suivant le niveau d’anastomose, mais comprend habituellement : • la région de l’angle interne de l’œil ; • la région paranasale supérieure.

Artères cutanées accessoires à terminaison faciale Artère infraorbitaire Branche collatérale de l’artère maxillaire, elle apparaît à la face en sortant du trou infraorbitaire s’épanouissant en de nombreux rameaux cutanés de la région infraorbitaire. Rameaux mentonniers

Dans le segment III, il est en moyenne de 1,5 mm et donc tout à fait accessible à une microsuture (réimplantation de scalp....) [1].

C’est la branche terminale de division externe de l’artère alvéolaire inférieure ; elle partage l’irrigation artérielle de la peau labiale inférieure avec l’artère coronaire labiale inférieure.

Rapports avec la veine occipitale

Rameaux cutanés de l’artère sublinguale

La veine occipitale est d’abord superficielle, adhérente à la face profonde de la galéa puis se bifurque en : • une branche musculaire qui constitue avec d’autres la veine jugulaire postérieure ; • une branche cutanée qui rejoint souvent la veine auriculaire postérieure.

Ils viennent de la branche de division inférieure de l’artère sublinguale. Ils partagent l’irrigation artérielle du menton avec les rameaux issus de l’artère sous-mentale.

Territoire cutané L’artère occipitale (AO) irrigue le cuir chevelu de toute la région occipitale et de la nuque.

Artère ophtalmique

[27]

(Fig. 7)

Elle appartient à la face par sa branche terminale l’artère nasale et par certaines de ses branches collatérales. Stomatologie

Conception d’ensemble de l’irrigation artérielle de la face Rappel embryologique La vascularisation céphalique est le résultat de l’anastomose des aortes ventrale et dorsale ; de ces anastomoses vont naître les deux systèmes carotidien externe et carotidien interne. Le système carotidien externe est d’abord prédominant, puis le développement prodigieux de l’encéphale va attirer à lui et

5

22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu

même monopoliser pratiquement tout le système carotidien interne (l’œil n’étant qu’un prolongement encéphalique...). Le système carotidien externe, lui, va prendre possession de toute la face, sauf de l’orbite et de ses annexes qui resteront sous la dépendance du système carotidien interne.

Chez l’adulte L’anatomie classique bâtit sa description sur le profil avec deux hémifaces droite et gauche. On peut proposer aussi de considérer la face en vue frontale comme une entité. Il existe trois systèmes anastomotiques : • le réseau médian centrofacial inférieur ; • le réseau médian frontopalpébral ; • le réseau latérofacial et du cuir chevelu. Réseau médian centrofacial inférieur Ce système est d’origine carotidienne externe ; dans cette conception les artères faciales droite et gauche se terminent en s’anastomosant l’une dans l’autre par une série d’arcades anastomotiques, successivement : • arcade sous-mentale ; • arcade coronaire inférieure ; • arcade coronaire supérieure ; • arcade dorsale du nez. Réseau médian frontopalpébral C’est le résultat de la projection de l’encéphale sur la face. Il dépend du système carotidien interne. Il est représenté par les branches cutanées de l’artère ophtalmique. Ce réseau va jouer un rôle de relais en anastomosant : • les réseaux centrofacial et latérofacial ; • le système carotidien interne et externe. Réseau latérofacial et du cuir chevelu Ces constituants sont l’ATS, l’AAP, l’AO. Les anastomoses se font largement entre eux mais également au travers de la ligne médiane.

■ Drainage veineux de la face et du cuir chevelu

anastomotiques transversales au niveau supraorbitaire pour l’une, submandibulaire pour l’autre.

Arcade supérieure Elle est constituée par, successivement : • l’arcade veineuse de la racine du nez ; • la veine supraorbitaire dont le trajet, totalement distinct de l’artère homonyme, suit le rebord supérieur de l’orbite ; • la branche frontozygomatique de la veine temporale superficielle ; • une branche supra-auriculaire reliant veine temporale superficielle et veine auriculaire postérieure. Sont formés ainsi deux confluents veineux intéressants : • canthal médial point de convergence des : C veine supraorbitaire ; C veine frontale supratrochléaire, nasale, angulaire, faciale ; C arcade veineuse de la racine du nez ; • canthal latéral point de convergence des : C veine supraorbitaire ; C veine frontozygomatique ; C tronc anastomotique supraorbitofacial.

Arcade inférieure Elle est constituée de : • la veine sous-mentale ; • la veine communicante intraparotidienne ; • une veine anastomotique jugulaire externe - veine occipitale profonde. On pourrait ajouter encore de multiples troncs de drainage anastomotique, mais nous ne voulons pas en faire l’énumération. Il faut pourtant citer un tronc oblique interne unissant l’extrémité externe de la veine supraorbitaire à la veine faciale, réalisant ainsi le cercle ou triangle périorbitaire.

■ Drainage lymphatique de la face (Fig. 8)

[30]

[1, 27-29]

Architecture du drainage veineux Le sang veineux issu du tissu sous-cutané qu’il soit facial ou du cuir chevelu, va se collecter en branches qui vont se réunir pour former des troncs de position assez variable mais avec une architecture proche d’un sujet à l’autre. On peut ainsi définir quatre axes de drainage cutané à direction verticale descendante reliés par deux arcades anastomotiques transversales. Classiquement il n’y avait pas de valves, mais des travaux récents montrent le contraire [28].

D’une manière générale, le drainage lymphatique est calqué sur le drainage veineux. Issus de multiples plexus dermiques, les lymphatiques se réunissent pour former de très fins canaux, qui vont créer, au niveau de la face, trois courants lymphatiques : • temporal superficiel plus ou moins horizontal, et aboutissant aux nœuds prétragiens ou intraparotidiens ; • facial, oblique en bas et en arrière, suivant le trajet de la veine faciale, et aboutissant aux nœuds submandibulaires qui entourent la glande submandibulaire ; • courant labial inférieur aboutissant aux nœuds sous-mentaux et au système jugulaire antérieur.

Quatre systèmes verticaux de drainage veineux Les quatre systèmes de drainage cutané à direction descendante et convergente : • le système occipito-auriculaire postérieur qui se jette dans la jugulaire externe, elle-même issue du système temporal superficiel ; • le système temporal superficiel se continuant par la veine jugulaire externe ; • le système de la veine faciale de terminaison jugulaire interne ; • le système labial inférieur et mentonnier à terminaison jugulaire antérieure ; à noter qu’il est totalement indépendant du système veineux facial.

Arcades horizontales Les quatre systèmes verticaux sur chaque hémiface sont reliés entre eux et avec les systèmes controlatéraux par deux arcades

6

Figure 8.

Drainage lymphatique des paupières. Stomatologie

Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu ¶ 22-001-C-50

■ Points chirurgicaux de la vascularisation cutanée faciale (Fig. 9) [31-35]

La lecture des traités classiques pourrait faire penser à une distribution ordonnée et territoriale des vaisseaux. La recherche anatomique confortée par la pratique chirurgicale montre que si, dans ses grandes lignes, le schéma est le plus souvent respecté les variations sont nombreuses. La vascularisation théorique est, le plus souvent, soumise à la réalité des anastomoses entre les différents vaisseaux voisins ; ainsi, tout territoire qui risquerait d’être mal vascularisé par atrophie de son vaisseau habituel, entraîne une hypertrophie vasculaire compensatrice venue du territoire adjacent (loi du balancement de Salmon). Il reste que l’on peut tirer de la connaissance anatomique des notions trouvant des applications immédiates en chirurgie plastique reconstructive et esthétique. En ce qui concerne la distribution terminale des vaisseaux, on sait l’existence de deux catégories de vaisseaux cutanés sur l’ensemble de l’individu : • d’une part, les vaisseaux musculocutanés ; • d’autre part, les vaisseaux cutanés purs. Ces derniers sont rarement rencontrés : • vaisseaux de la paroi abdominale inférieure ; • vaisseaux thoraciques latéraux... Ils ont donné lieu à la description de lambeaux libres ou non (groin-flap, lambeau mammaire externe). Cependant, au niveau de la face, l’épaisseur musculaire est excessivement fine et on peut assimiler au point de vue pratique les vaisseaux de la face et du cuir chevelu aux vaisseaux cutanés purs. Ils sont donc contenus dans le fascia superficialis et sous le SMAS. De leur surface partent perpendiculairement des collatérales se dirigeant vers la surface. Il est fondamental de noter que ces vaisseaux sont unis par un réseau anastomotique extrêmement dense et situé à la face profonde du derme. Au total, on va ainsi pouvoir classer les différents lambeaux faciaux suivant leur vascularisation dermique, pédiculaire, musculocutanée. C’est la classification habituelle.

Nous proposons une autre classification peut-être plus simple mais surtout basée sur un concept vasculaire simple : la peau est vascularisée soit par la périphérie, soit par la profondeur ; ainsi, pour nous il n’existe que deux catégories de lambeaux : • les lambeaux cutanés vascularisés par la périphérie et donc comportant un pédicule cutané ; • les lambeaux cutanés vascularisés par la profondeur et qui ne sont plus reliés à la peau environnante (l’incision cutanée les circonscrit). Il ne sera ici question que des lambeaux les plus utilisés en chirurgie plastique et reconstructive.

Lambeaux cutanés à vascularisation périphérique Il s’agit des lambeaux locaux classés en plastie de rotation, de glissement, de transposition. Ces lambeaux ne sont pas axés par un pédicule ; leur vascularisation d’origine dermique est aléatoire ; ce sont les lambeaux dits « au hasard ». La densité vasculaire extraordinaire de la face permet cependant d’enfreindre les lois habituelles de leur tracé (longueur = 1,5 fois la largeur). Ils sont très nombreux mais on peut citer les plus usuels : • plastie en H ; • lambeau nasogénien ; • lambeau en hachette ; • lambeau en LLL de Claude Dufourmentel ; • lambeau de reconstruction rétro-auriculaire (Fig. 10). Certains lambeaux ont leur vascularisation renforcée par la présence d’un pédicule artérioveineux dans leur attache cutanée : • lambeau de Léon Dufourmentel ; • lambeau de Converse ; • lambeau de Washio ; • lambeau frontomédian dit lambeau indien ; • lambeau frontonasal de Rieger Marchac. D’autres n’ont même pratiquement plus de peau autour du pédicule artérioveineux (Fig. 11). • lambeau hétérolabial d’Eslander-Abbé ; • lambeau hétéropalpébral.

Lambeaux cutanés à vascularisation par la profondeur (Fig. 12) Lambeaux à pédicule sous-cutané [30] Lambeau cerf-volant où l’apport vasculaire n’est pas isolé mais transite par le tissu sous-cutané sous-jacent au lambeau.

Lambeau à vascularisation musculocutanée Peu fréquents à la face, on peut citer : • lambeau du platysma ou peaucier du cou (Baron-Tessier) ; • lambeau musculocutané du sterno-cléido-mastoïdien.

Lambeaux en îlot ou Island-Flap (Fig. 13) [31-35]

Figure 9. Stomatologie

Nécrose distale d’un lambeau.

• Lambeau à base temporale superficielle pour reconstruction de cuir chevelu antérieur [34, 35]. • Lambeau pariétal de reconstruction sourcilière. • Lambeau frontal médian en îlot. • Lambeau nasogénien en îlot. • Lambeau sous-mental [12-15].

7

22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu

Figure 10. Lambeau à vascularisation périphérique. A. Dessin de l’exérèse et du lambeau. B. Exérèse. C. Libération du lambeau. D. Lambeau en place. E. État clinique 1 an après l’intervention.

Figure 11. Lambeau à vascularisation périphérique axée par un pédicule artérioveineux supratrochléaire. A. Dessin de l’exérèse et du lambeau. B. Exérèse. C. Libération du lambeau. D. Lambeau en place.

Pour tous ces lambeaux, il est capital de se souvenir que la présence d’une veine est indispensable. Tout manquement à cette règle entraîne la nécrose du lambeau. C’est seulement au niveau de la lèvre que la topographie pratiquement plexiforme du système veineux permet l’évacuation sanguine du lambeau hétérolabial.

Prothèses d’expansion et vascularisation cutanée Habituellement, la prothèse d’expansion est glissée dans le tissu sous-cutané sans axe vasculaire : elle provoque une hyperthermie retrouvée par photopléthysmographie et thermographie traduisant une augmentation de la densité vasculaire. Parfois, la prothèse d’expansion est glissée sous un territoire présentant un axe vasculaire : elle induit une augmentation de calibre de cet axe. Au total cependant, il est prudent de tracer les lambeaux sur la peau distendue par l’expansion en ne comptant que sur la

8

vascularisation dermique ; une attitude contraire risquerait d’entraîner des déboires.

Transplants par microanastomose vasculaire [36] Bien entendu, leur réalisation nécessite une connaissance précise des différents vaisseaux. Quelques zones donneuses faciales ont été décrites, mais elles sont peu utilisées car la mutilation au niveau de la face est toujours importante. Au niveau du cuir chevelu, les transferts sont possibles, mais la surface utilisable est peu étendue et les indications doivent être soigneusement pesées et mises en balance avec les possibilités des lambeaux classiques.

Greffes faciales Interventions d’exception à l’heure où nous écrivons ces lignes elles concrétisent la réalisation d’un certain rêve, mais impliquent, à l’évidence l’idéal de la connaissance anatomique et chirurgicale. Stomatologie

Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu ¶ 22-001-C-50

Figure 12. Lambeau à vascularisation par la profondeur/lambeau à vascularisation par le tissu sous-cutané : lambeau de Pers. A. EOA basocellulaire multirécidivé. B. Dessin de l’exérèse et du lambeau. C. Lambeau en place. D. État clinique à distance.

Figure 13. Lambeau à vascularisation par la profondeur/lambeau à vascularisation axée pédiculaire sous-cutanée ou lambeau en îlot : EOA basocellulaire multirécidivé. A. Exérèse faite et lambeau isolé. B. Mise en place du lambeau. C. Lambeau en place. D. État clinique à distance.

Stomatologie

9

22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu

■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6]

[7] [8]

[9]

[10]

[11]

[12]

[13]

[14] [15]

[16] [17] [18]

Ricbourg B. Artères et veines cutanées de la face et du cuir chevelu. [thèse médecine], Paris, 1975. Poirier P, Charpy A, Nicolas A. Traité d’anatomie humaine. Paris: Masson; 1896. Rouviere H, Delmas A. Anatomie humaine, tome I. Paris: Masson; 1974. Testut L. Traité d’anatomie humaine. Paris: Doin; 1911. Salmon M, Taylor G. Arteries of the skin. London: Churchill Livingstone; 1988. Whetzel TP, Mathes SJ. Arterial anatomy of the face: an analysis of vascular territories and perforating cutaneous vessels. Plast Reconstr Surg 1992;89:591-605. Lasjaunias P, Berenstein A. Surgical neuroangiography. Berlin: Springer-Verlag; 1987. Merland SS. Artériographie super-sélective des branches de la carotide externe. Données actuelles sur la vascularisation cervico-céphalique normale. [thèse médecine], Paris, 1973. Ricbourg B. La vascularisation cutanée. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales – Chirurgie plastique, 45-010, 1975 : 5p. Brue E, Bey E. L’artère faciale. Rappel embryologique, anatomie descriptive et fonctionnelle d’après une revue de littérature. Ann Chir Plast Esthet 2000;45:461-84. Mitz V, Ricbourg B, Lassau JP. Les branches faciales de l’artère faciale chez l’adulte. Typologie, variation et territoires cutanés respectifs. Ann Chir Plast 1973;18:339-50. Martin D, Baudet J, Mondie JM, Peri G. À propos du lambeau cutané sous-mental en îlot. Protocole opératoire. Perspectives d’utilisation. Ann Chir Plast Esthet 1990;35:480-4. Martin D, Pascal JF, Baudet J. The submental island flap: a new donor site. Anatomy and clinical applications as a free or pedicled flap. Plast Reconstr Surg 1993;92:867-73. Faltaous AA, Yetman RJ. The submental artery flap: an anatomic study. Plast Reconstr Surg 1996;97:56-62. Magden O, Edizer M, Tayfur V, Atabey A. Anatomic study of the vasculature of the submental artery flap. Plast Reconstr Surg 2004;114: 1719-23. Cahuzac M, Gouzi J. Recherches sur l’anatomie des artères coronaires des lèvres. Ann Anat Pathol (Paris) 1931;8:788-93. Ricbourg B. Vascularisation des lèvres. Ann Chir Plast Esthet 2002;47: 346-56. Ricbourg B. Vascularisation artérielle des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast 1981;26:237-42.

[19] Ricbourg B, Mitz V, Lassau JP. Artère temporale superficielle. Étude anatomique et déductions pratiques. Ann Chir Plast 1975;20:197-213. [20] Ndiaye A, Toure S, Diop FM, Ndiaye AS, Diallo BK, Sow MA. L’artère temporale superficielle : types anatomiques et applications cliniques au lambeau de fascia temporal superficiel. Morphologie 2004;88:155-9. [21] Eustathianos N. Étude anatomique sur les artères temporales superficielles. Ann Anat Pathol (Paris) 1932;9:678-84. [22] Abul-Hassan HS, von Drasek Ascher G, Acland RD. Surgical anatomy and blood supply of the fascial layers of the temporal region. Plast Reconstr Surg 1986;77:17-28. [23] Nakajima H, Imanishi N, Minabe T. The arterial anatomy of the temporal region and the vascular basis of various temporal flap. Br J Plast Surg 1995;48:439-50. [24] Pascone M, Papa G. The reverse auricular flap for reconstruction of extender defects of the lower eyelid. Br J Plast Surg 2005;58:806-11. [25] Song R, Song Y, Qi K, Jiang H, Pan F. The superior auricular artery and retroauricular arterial island flaps. Plast Reconstr Surg 1996;98: 657-70. [26] Sharma RK, Kobayashi K, Jackson IT, Carls FR. Vascular anatomy of the galeal occipitalis flap: a cadaver study. Plast Reconstr Surg 1996; 97:25-32. [27] McCarthy JG, Lorenc ZP, Cutting C, Rachesky M. The median forehead flap revisited: the blood supply. Plast Reconstr Surg 1985;76: 866-9. [28] Mitz V, Ricbourg B, Lassau JP. De quelques aspects radio-anatomiques des veines superficielles de la face. Ann Chir Plast 1974;19:221-33. [29] Nishihara J, Takeuchi Y, Miki T, Itoh M, Nagahata S. Anatomical study on valves of human facial veins. J Craniomaxillofac Surg 1995;23: 182-6. [30] Ricbourg B. Système lymphatique de la tête et du cou. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-B 40, 2000. [31] Baraer F, Loze S, Duteille F, Pannier M, Darsonval V. Le lambeau orbitonasogénien. Etude anatomique et clinique. Ann Chir Plast Esthet 2005;50:288-95. [32] Hofer SO, Posch NA, Smit X. The facial artery perforator flap for reconstruction of perioral defects. Plast Reconstr Surg 2005;115: 996-1005. [33] Riggio E, Spano A, Nava M. The forehead zygomatic-orbital arterybased island flap. Plast Reconstr Surg 2005;115:226-33. [34] Herman D, Boudard P, Martin D, Piller P. Les lambeaux du pédicule temporal superficiel. Paris: Masson; 1997. [35] Onishi K, Maruyama Y, Hayashi A, Inami K. Repair of scalp defect using a superficial temporal fascia pedicle VY advancement scalp flap. Br J Plast Surg 2005;58:676-80. [36] Ricbourg B. Les transplants cutanés temporaux. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales – Chirurgie plastique, 45-100, 1975 : 5p.

B. Ricbourg, Professeur des Universités, chef du service de chirurgie maxillofaciale et de stomatologie ([email protected]). CHU de Besançon, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ricbourg B. Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-C-50, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels

10

Iconographies supplémentaires

Vidéos / Animations

Documents légaux

Information au patient

Informations supplémentaires

Autoévaluations

Stomatologie

Stomatologie [22-003-H-10]

Arcades dentaires permanentes

Gérard Bresson : Chargé de cours à la faculté de chirurgie dentaire Paris VII, service d'anatomie dentaire Jean Romerowski : Professeur à la faculté de chirurgie dentaire Paris VII, responsable du service d'anatomie dentaire Faculté d'odontologie-chirurgie dentaire, 5, rue Garancière, 75006 Paris France

© 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Les arcades dentaires sont représentées ici selon les trois plans crâniens de référence : plan frontal (fig. 1 et 2), plan sagittal (fig. 3 et 4) et plan horizontal (fig. 5 et 6). Dans chaque plan, l'axe général des dents est inscrit : il représente une direction moyenne qui n'a rien d'absolu. Les inclinaisons des axes coronoradiculaires de chaque unité dentaire par rapport à la verticale dans le plan sagittal et dans le plan frontal sont données avec des valeurs extrêmes qui tiennent compte des évaluations de différents auteurs (fig. 7 et 8). Enfin, l'organisation des arcades et les relations occlusales sont traitées par ailleurs (Encycl. Méd. Chir. [Paris-France], Stomatologie-Odontologie I, 22-003-P-10). © 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 : Les arcades dentaires dans le plan frontal. Observation par la face vestibulaire.

Fig 2 :

Fig 2 : Les arcades dentaires dans le plan frontal. Observation par la face linguale.

Fig 3 :

Fig 3 : Les arcades dentaires dans le plan sagittal. Observation par la face vestibulaire.

Fig 4 :

Fig 4 : Les arcades dentaires dans le plan sagittal. Observation par la face linguale.

Fig 5 :

Fig 5 : L'arcade dentaire maxillaire dans le plan horizontal.

Fig 6 :

Fig 6 : L'arcade dentaire mandibulaire dans le plan horizontal.

Fig 7 :

Fig 7 : Orientation des axes coronoradiculaires de chaque unité dentaire dans le plan frontal (valeurs extrêmes).

Fig 8 :

Fig 8 : Orientation des axes coronoradiculaires de chaque unité dentaire dans le plan sagittal (valeurs extrêmes).

¶ 22-003-P-10

Articulation dentodentaire et fonction occlusale B. Tavernier, J. Romerowski, E. Boccara, C. Azevedo, G. Bresson Les notions de structure et d’adaptation sont des caractéristiques propres aux êtres vivants (Konrad Lorenz, 1973). L’appareil manducateur, comme tous les éléments constitutifs de l’être humain, n’échappe pas à cette règle. L’anatomie de l’occlusion et de l’articulation dentodentaire doit être analysée selon l’aspect fonctionnel de la manducation. Les propriétés remarquables des organismes vivants sont étroitement conditionnées par leurs structures. Toute modification structurelle entraîne des variations, voire la perte de l’activité biologique. Certains organes, bien que faisant partie d’un système complexe, sont des unités structurées et peuvent être étudiés en dehors de leur contexte systématique. La dent, en tant qu’organe, peut être divisée en unités structurales, dont l’étude permet d’éclairer le fonctionnement. L’occlusion s’établit à la fin du mouvement de fermeture ; lors de la mastication et de la déglutition. L’articulation dentodentaire fonctionne au début et pendant le mouvement de fermeture lors de la section du bol alimentaire par exemple. Enfin, l’articulation dentodentaire fonctionne lors de ce que l’on a encore coutume d’appeler parafonctions comme les crispations, bruxismes ou mâchonnements. Elle implique par conséquent des relations de contacts dentodentaires. L’ensemble de ces relations doit être étudié tant du point de vue statique (intercuspidie) que sur le plan de la cinématique mandibulaire (intercuspidation). L’occlusodontologie est un domaine complexe qui ne peut pas se restreindre à la seule étude des contacts dentodentaires. Un grand nombre de principes tentent et participent à la compréhension de ce domaine. L’analyse de ces principes montre leur faible niveau de preuve. L’articulation dentodentaire n’est pas figée. Elle s’établit avec la dentition, et fonctionne avec la denture. C’est une caractéristique intrinsèque de l’individu. Toute introduction d’un élément interférant avec l’occlusion entraîne un dysfonctionnement de l’appareil manducateur, voire une adaptation. L’étude, à partir de l’anatomie dentaire présentée ici, est effectuée par rapport à une normalité idéalisée qui peut servir de base à la compréhension de l’occluodontologie. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Intercuspidie ; Relation maxillomandibulaire ; Appareil manducateur ; Articulation dentodentaire

Plan ¶ Intercuspidie

1

¶ Anatomie incisive et canine

1

¶ Physiologie incisive et canine

2

¶ Anatomie occlusale des unités cuspidées Topographie et définitions Anatomie descriptive

2 2 2

¶ Physiologie de l’aire occlusale

4

¶ Organisation des arcades Agencement dans le plan horizontal Agencement dans le plan sagittal Agencement dans le plan frontal

5 6 6 6

¶ Relations statiques interarcades Relations antérieures Relations postérieures Relations maxillomandibulaires Relations mandibulomaxillaires

7 7 7 8 9

¶ Relations cinématiques Mouvement de propulsion Mouvements de latéralité Stomatologie

10 10 10

¶ Rôle des canines Protection canine Protection de groupe antérieur Protection de groupe postérieur

10 11 12 12

¶ Enveloppe des mouvements extrêmes et trajectoires fonctionnelles

13

■ Intercuspidie

[1-4]

L’intercuspidie est réalisée lorsque toutes les unités dentaires mandibulaires entrent en contact avec les unités dentaires antagonistes maxillaires. C’est l’occlusion habituelle ou occlusion de fonction. Ainsi, toutes les morphologies se trouvent impliquées dans ce type de relation.

■ Anatomie incisive et canine

[5-7]

Le groupe incisivocanin est caractérisé par l’existence d’un bord libre qui, au niveau canin, se dédouble pour créer les versants d’une cuspide [8-11]. Il est intéressant de noter que ces dernières structures au niveau mandibulaire sont concernées par

1

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

Figure 1. Les crêtes marginales des faces linguales sont de plus en plus convexes à partir de la crête marginale mésiale de l’incisive centrale jusqu’à la crête marginale distale de la canine maxillaire.

Figure 2. L’aire occlusale est limitée par l’arête marginale. M : versant mésial ; D : versant distal.

les contacts dentodentaires au cours de l’intercuspidie et de l’intercuspidation. Au niveau de l’arcade maxillaire, les crêtes marginales mésiales et distales qui bordent les fosses linguales assurent les contacts. Il s’agit de structures longitudinales dans le sens incisivocervical, convexes dans le sens mésiodistal. De ce point de vue, l’observation d’une denture naturelle non abrasée montre qu’en allant de la crête marginale mésiale de l’incisive médiale jusqu’à la crête marginale distale de la canine, ces structures deviennent de plus en plus convexes (Fig. 1). Cette observation a probablement des conséquences fonctionnelles qui ont été quelque peu obérées.

■ Physiologie incisive et canine

[12]

Le rôle essentiel des incisives et des canines concerne la réduction de volume du bol alimentaire (section et dilacération) afin de permettre l’écrasement de celui-ci par les unités cuspidées. Leur participation à la phase terminale de l’intercuspidation est éminemment critique : ceci sera analysé au cours de l’étude cinématique.

Figure 3. L’unité cuspidienne de Payne se compose d’une pointe (1), d’un versant mésial (2), d’un versant distal (3), d’un versant périphérique (4) et d’un versant central (5).

■ Anatomie occlusale des unités cuspidées Elle concerne les unités dentaires cuspidées tant au maxillaire qu’à la mandibule et constitue leur partie fonctionnelle essentielle. Elle participe fondamentalement à l’articulation dentodentaire et à l’occlusion. C’est elle qui assure essentiellement l’arrêt du mouvement d’élévation de la mandibule au cours du mouvement de fermeture.

Topographie et définitions Constituée par la conjonction de structures convexes, l’aire occlusale d’une unité cuspidée est limitée par l’arête marginale (le terme « table occlusale » suppose des surfaces planes, ce qui est impropre à la notion de convexité qui préside à la composition des faces occlusales) [13, 14]. Cette ligne fictive réunit les sommets cuspidiens par l’intermédiaire des versants cuspidiens mésiaux et distaux, et par la ligne faîtière des crêtes marginales (Fig. 2). Toutes les structures appartenant à l’aire occlusale sont dites centrales. Les autres structures sont par conséquent périphériques (les termes « internes » et « externes » sont improprement utilisés dans le langage courant : en effet, aucune des structures concernées ne se trouve à l’intérieur de la dent [« internes »]. Elles se situent toutes à la surface de celle-ci. Elles sont donc toutes « externes »).

Anatomie descriptive Les aires occlusales peuvent être considérées comme constituées de deux types de structure : les cuspides et les crêtes marginales. Les cuspides sont des éminences à caractère pyramidal : elles comportent un sommet, un versant central, un versant mésial,

2

Figure 4. L’affrontement de deux surfaces convexes n’assure aucune stabilité.

un versant distal et un versant périphérique (unité fonctionnelle de Payne [15]) (Fig. 3). Sur le plan fonctionnel, il est possible de distinguer deux types de cuspides : les cuspides primaires et les cuspides secondaires [16-20]. Les cuspides linguales maxillaires et les cuspides vestibulaires mandibulaires constituent le groupe des cuspides primaires, appelées également cuspides d’appui ou encore cuspides de centrée. Lorsque les arcades dentaires sont en intercuspidie, ces structures établissent des relations avec des zones réceptrices antagonistes : fosses centrales, fossettes proximales ou embrasures occlusales. Elles ont essentiellement un rôle de stabilisation et de calage des arcades dentaires au cours de la déglutition (Fig. 4–6) et participent à l’écrasement du bol alimentaire au cours de la mastication. Cette dernière fonction nécessite, en dehors d’une grande efficacité, une possibilité d’échappement du bol alimentaire. Pour répondre à la mise en œuvre de ces fonctions, les cuspides primaires sont, à cet égard, éminemment convexes (Fig. 7). Stomatologie

Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10

Figure 5. La rencontre d’une surface convexe avec deux surfaces convexes n’évite la rotation que dans un plan.

Figure 8. La pointe cuspidienne des cuspides secondaires se situe en dehors des relations dentodentaires antagonistes. Par son versant périphérique, la cuspide maintient la joue (cuspide vestibulaire maxillaire) ou la langue (cuspide linguale mandibulaire) à l’écart des aires occlusales. Figure 6. Une surface convexe en relation avec trois surfaces convexes assure un calage et simultanément l’échappement du bol alimentaire.

Figure 7. Le caractère morphologique fondamental de la cuspide primaire est une convexité marquée dans tous les sens.

Les cuspides secondaires, ou cuspides de préhension ou encore cuspides de guidage, sont les cuspides vestibulaires maxillaires et les cuspides linguales mandibulaires. Elles présentent une pointe cuspidienne qui se situe toujours en dehors de l’aire occlusale antagoniste lors de l’intercuspidie. Elles contribuent à la protection des lèvres, des joues (arcade maxillaire) et de la langue (arcade mandibulaire), par l’intermédiaire de leur portion périphérique (Fig. 8). Elles participent au maintien du bol alimentaire sur l’aire occlusale au cours de la mastication, par l’intermédiaire de leur portion centrale (Fig. 9). Leur morphologie est plus acérée, à peine convexe (Fig. 10). Les versants cuspidiens mésiaux et distaux, tout en demeurant convexes, ont tendance à être rectilignes (Fig. 10). Les crêtes marginales limitent dans les régions proximales l’aire occlusale. Ce sont des structures hémicylindriques, allongées dans le sens vestibulolingual (Fig. 11). Elles comportent un versant central qui forme la paroi de la fossette proximale et un versant périphérique qui constitue l’une des limites de l’embrasure occlusale. Les crêtes marginales de deux dents contiguës présentent un caractère de symétrie par rapport à un plan tangent passant par la zone proximale de contact (Fig. 12). Ainsi, toutes les structures décrites sont convexes dans leur ensemble. Leur juxtaposition donne naissance aux dépressions importantes de l’aire occlusale. Les sillons sont formés par la conjonction d’une ou de plusieurs surfaces convexes (Fig. 13). La conjonction de trois surfaces convexes induit une fossette (Fig. 14). Une fosse centrale est le résultat de la conjonction de trois ou de quatre convexités (Fig. 15). Les fosses n’existent que Stomatologie

Figure 9. Au cours de la mastication, la cuspide secondaire maintient le bol alimentaire sur l’aire occlusale (d’où le terme de « cuspide de préhension » qui lui est également donné).

Figure 10. Le caractère fondamental de la cuspide secondaire est de présenter des formes de contours peu convexes, à tendance rectiligne et développée.

sur les molaires maxillaires et mandibulaires. Elles se situent au centre de l’aire occlusale et constituent les zones réceptrices spécifiques de certaines cuspides primaires lors de l’occlusion. D’autres structures convexes, appelées bulbes secondaires ou bulbes accessoires, se situent de part et d’autre des versants centraux des cuspides (Fig. 16). Il s’agit de petites coulées

3

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

Figure 11. La crête marginale limite l’aire occlusale au niveau des parois proximales : c’est une structure hémicylindrique.

Figure 12. Les crêtes marginales de deux dents adjacentes obéissent à la règle de symétrie (effet de miroir).

Figure 13. à un sillon.

La conjonction de deux surfaces convexes donne naissance

Figure 15. Une fosse centrale naît de la conjonction de trois ou quatre surfaces convexes.

Figure 16. Les structures accessoires (bulbes et sillons) augmentent l’action sécante des aires occlusales et les possibilités d’échappement du bol alimentaire mises en œuvre par les structures principales.

Figure 17. L’aire occlusale occupe les 4/7es centraux (B et C) du plus grand diamètre vestibulolingual. V : face vestibulaire ; L : face linguale.

(règle des un septième). Enfin, toutes les aires occlusales d’une même arcade ont sensiblement la même dimension dans le sens vestibulolingual (Fig. 19).

■ Physiologie de l’aire occlusale

Figure 14. La conjonction de trois surfaces convexes induit une fossette triangulaire proximale.

d’émail, limitées par des sillons à fond mousse : les sillons secondaires ou sillons accessoires. Leur présence augmente l’efficacité manducatrice des unités cuspidées. Si le plus grand diamètre vestibulolingual est partagé en sept parties égales, l’aire occlusale occupe sensiblement les quatre septièmes centraux (Fig. 17). La cuspide primaire occupe les quatre septièmes du plus grand diamètre. Les trois septièmes sont occupés par la cuspide secondaire. L’aire occlusale est déportée dans son ensemble vers les cuspides secondaires (Fig. 18), c’est-à-dire vers la face vestibulaire sur les unités maxillaires, et vers la face linguale sur les unités mandibulaires

4

Lors de la fonction de mastication et de déglutition, l’action de l’ensemble des structures a pour objectif l’efficacité maximale [21]. Ainsi, les contacts interarcades favorisent un calage qui permet la contraction des muscles au cours de la déglutition. S’agissant de la mastication, le cheminement du bol alimentaire s’inscrit dans un parcours strict : après que le volume a été suffisamment réduit par l’action sécante des groupes incisivocanins, les aliments, comprimés au niveau des aires occlusales dans les couloirs formés par les gouttières intercuspidiennes antagonistes, sont écrasés par le retour vers l’intercuspidie (Fig. 20). Ils cheminent le long des sillons intercuspidiens et s’échappent par les espaces laissés vacants entre cuspides vestibulaires et linguales antagonistes (Fig. 21). Ils sont repris en charge et ramenés sur les aires occlusales par des mouvements complexes de la langue et des joues. Le processus se déroule de manière légèrement différente dans l’espace interproximal. L’action compressive de la cuspide oblige le bol alimentaire à se diriger, soit sur le versant central de la crête marginale antagoniste et à revenir sur l’aire occlusale, soit à Stomatologie

Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10

Figure 18. L’aire occlusale est déportée dans son ensemble vers la face vestibulaire (V) à l’arcade maxillaire et vers la face linguale (L) à l’arcade mandibulaire.

Figure 21. Au niveau des unités dentaires, le bol alimentaire est défléchi sur les versants périphériques des cuspides.

Figure 22. Au niveau des embrasures, la déflexion du bol alimentaire écrasé s’effectue sur la papille interdentaire.

Figure 19. Sur une même arcade, toutes les aires occlusales des unités cuspidées ont sensiblement le même diamètre vestibulolingual.

Figure 23. Les pressions appliquées sur la face occlusale d’une dent se transmettent aux tissus de soutien, d’abord à l’intérieur de la dent concernée, mais également, grâce aux zones proximales de contact, aux unités dentaires adjacentes. Chaque dent est « épaulée » par ses voisines dans les charges qu’elle subit. Figure 20. Le bol alimentaire est d’abord écrasé entre les aires occlusales antagonistes.

■ Organisation des arcades

s’écouler par l’embrasure occlusale en direction de l’embrasure vestibulaire ou en direction de l’embrasure linguale pour se défléchir sur la papille interdentaire (Fig. 22). Ainsi, la fonction « passive » de la zone interproximale de contact n’a, entre autres, de rôle à jouer que dans la protection des tissus parodontaux. Ces phénomènes fonctionnels sont révélateurs de l’importance de la réhabilitation morphologique des embrasures en odontologie restauratrice.

Bien qu’il soit possible d’établir une relation particulière à la fonction pour chaque structure constitutive des unités dentaires et une corrélation individuelle de l’anatomie des dents avec leur physiologie, à l’évidence, les unités dentaires ne peuvent pas fonctionner séparément les unes des autres. L’agencement intraarcades permet d’établir l’« unité fonctionnelle unimaxillaire », constituée d’unités travaillant de façon solidaire. La continuité des arcades est induite par l’existence de zones interproximales de contact. Elle répartit les efforts subis par une dent aux unités collatérales (De Stefanis) (Fig. 23).

Stomatologie

5

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

Figure 24. Dans le plan horizontal, les cuspides primaires, les cuspides secondaires et les sillons de coalescence sont organisés selon des courbes sensiblement parallèles (a à f).

Figure 25. Dans le plan sagittal, la courbe de Spee concerne, pour certains auteurs, les cuspides vestibulaires maxillaires, pour d’autres les cuspides vestibulaires mandibulaires. Spee n’a en fait décrit qu’une courbe intéressant les cuspides linguales maxillaires.

Agencement dans le plan horizontal En raison de la relative équivalence des dimensions vestibulolinguales des aires occlusales d’une même arcade [20], il est possible d’en déduire l’existence de courbes sensiblement parallèles dans le plan horizontal : courbe des cuspides primaires, courbe des cuspides secondaires et courbe des sillons de coalescence (Fig. 24). Cette vision est toutefois réductrice, car la courbe des cuspides linguales maxillaires subit une légère convergence vers la courbe des cuspides vestibulaires au niveau des prémolaires (Fig. 24 D). À la mandibule, cette convergence est même nettement plus prononcée en raison de la réduction du diamètre vestibulolingual des aires occlusales des prémolaires (Fig. 24 C).

Agencement dans le plan sagittal Partant de la cuspide vestibulaire de la première prémolaire, et se terminant en regard de la cuspide distale de la dernière molaire, les cuspides des deux arcades s’organisent selon une courbe, appelée courbe de Spee, dont la concavité est dirigée vers le haut [22] (Fig. 25). Cet agencement ordonne une relative convergence des axes coronoradiculaires des unités cuspidées vers le centre de cette courbe. Cette notion est héritée de la

théorie de la sphère développée au siècle dernier par George Monson et d’autres. Dans la réalité clinique, il semble que cette courbe et l’orientation axiale des unités cuspidées dans le sens mésiodistal soient le résultat des forces appliquées au cours de la fonction après que chaque unité dentaire a effectué son éruption et pendant que le tiers apical radiculaire effectue sa calcification [23].

Agencement dans le plan frontal Dans ce plan, la théorie de la sphère a voulu que se retrouvent des courbes concentriques dont les centres se trouveraient au niveau de l’apophyse crista-galli. En fait, l’organisation des unités dentaires dépend du niveau de la coupe étudiée. En regard des premières prémolaires, la ligne reliant les pointes cuspidiennes maxillaires peut être plane ou concave vers le bas. En regard des secondes prémolaires maxillaires, la ligne reliant les pointes cuspidiennes est droite ou convexe. Puis, la convexité s’accroît en regard des premières, puis des secondes molaires maxillaires (Wilson) [24] (Fig. 26). L’orientation des axes coronoradiculaires des différentes unités cuspidées est donc conditionnée par l’existence de ces

Figure 26. Dans le plan frontal, la convexité de la courbe passant par les pointes cuspidiennes va en diminuant depuis les deuxièmes molaires jusqu’aux premières prémolaires où elle peut s’inverser. L’association de la courbe dans le plan sagittal et des courbes dans le plan frontal répond au concept hélicoïde d’Ackermann.

6

Stomatologie

Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10

Figure 27. Dans le plan horizontal, les relations antérieures interarcades s’effectuent entre bords libres mandibulaires et crêtes linguales maxillaires. En raison de sa situation dans le plan sagittal, la canine mandibulaire peut entrer en relation avec deux crêtes linguales opposées (a) ou bien avec la crête marginale mésiale et l’arête linguale de son antagoniste (b) (cf. Fig. 29).

Figure 28. L’angle formé par les axes coronoradiculaires des incisives maxillaires et mandibulaires est de 135° ± 5°.

différentes courbes. La meilleure représentation de l’association des courbes dans le plan sagittal et dans le plan frontal semble être l’organisation des aires occlusales selon un hélicoïde [13] (Fig. 26).

■ Relations statiques interarcades L’étude des relations interarcades implique l’existence d’une situation clinique asymptomatique. Les dents doivent pouvoir se rencontrer librement sans qu’aucun signe pathologique n’altère les références énoncées précédemment. De manière conventionnelle le terme d’intercuspidie sera utilisé en tant que référence à la normalité. Cette relation mandibulomaxillaire conduit les unités cuspidées à des contacts simultanés et d’intensité équivalente. Les forces appliquées aux unités dentaires ont, dans ces conditions, une résultante superposable aux axes coronoradiculaires des dents.

Relations antérieures Dans le plan horizontal Les incisives et canines entretiennent, comme les unités cuspidées, au cours de l’intercuspidie, des relations de contact de type punctiforme. L’usure fonctionnelle transforme ces contacts en des plages plus ou moins importantes. Schématiquement, les bords incisifs des dents antérieures mandibulaires sont en contact avec les crêtes marginales des incisives et canines maxillaires (Fig. 27). En intercuspidie, toutes les dents antérieures arrivent en contact simultanément et avec la même intensité. Certaines malpositions peuvent altérer la qualité des relations interincisives. En tout état de cause (et pour des raisons fonctionnelles qui seront vues infra) les canines mandibulaires doivent toujours être en contact avec les canines maxillaires en position de référence. Parce qu’elles se situent au changement d’orientation des arcades, elles participent au calage de la mandibule sur l’arcade maxillaire, tant dans le plan frontal que dans le plan sagittal [17].

Dans le plan sagittal Classiquement, c’est-à-dire en classe I d’Angle, en intercuspidie, l’axe coronoradiculaire des incisives médiales maxillaires et mandibulaires forme un angle d’environ 135° (Fig. 28). Cliniquement, l’angle formé par les axes coronoradiculaires des incisives est moins important que la morphologie particulière des faces linguales maxillaires et des faces vestibulaires mandibulaires : il s’avère indispensable qu’existe un angle fonctionnel entre ces surfaces pour permettre le mouvement initial de protrusion (voir infra : mouvements-tests de propulsion). Stomatologie

Figure 29. Les contacts dentodentaires au niveau antérieur s’effectuent entre bords libres mandibulaires et structures convexes linguales maxillaires. L’incisive médiale mandibulaire entre en contact par la partie mésiale de son bord libre avec la crête marginale mésiale de l’incisive médiale maxillaire. L’incisive latérale mandibulaire entre en contact avec la crête marginale distale de l’incisive médiale maxillaire et avec la crête marginale mésiale de l’incisive latérale maxillaire. Selon l’importance du diamètre mésiodistal des incisives latérales, la canine mandibulaire entre en contact soit avec la crête marginale distale de l’incisive latérale maxillaire et la crête marginale mésiale de la canine maxillaire (a), soit avec la crête marginale mésiale et l’arête linguale de la canine maxillaire (b).

Dans le plan frontal Les relations de contact s’établissent entre le bord incisif de l’incisive médiale mandibulaire et la crête marginale mésiale de l’incisive médiale maxillaire, entre le bord incisif de l’incisive latérale mandibulaire et la crête marginale distale de l’incisive médiale maxillaire, et également la crête marginale mésiale de l’incisive latérale maxillaire. Les relations entre canines dépendent essentiellement de la valeur des diamètres mésiodistaux des incisives : soit que le versant mésial de la canine mandibulaire entre en relation avec la crête marginale distale de l’incisive latérale maxillaire, tandis que le versant distal de la canine mandibulaire entre en relation avec la crête marginale mésiale de la canine maxillaire, soit que le versant canin mésial mandibulaire entre en contact avec la crête marginale mésiale de la canine maxillaire, alors que le versant canin distal mandibulaire entre en relation avec l’arête linguale de la canine maxillaire (Fig. 29).

Relations postérieures Les cuspides primaires entrent en occlusion en intercuspidie. Elles ont des relations de contact avec des zones réceptrices qui peuvent être de trois types : fosses centrales, fossettes proximales ou embrasures occlusales. Toutefois, il est important de noter

7

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

Figure 32. La relation d’une cuspide décentrée peut se faire avec une fossette proximale de l’arcade antagoniste : c’est la relation d’une dent à une dent.

Figure 30. La relation d’une cuspide mésiolinguale maxillaire avec une fosse centrale antagoniste constitue un verrou d’occlusion maxillomandibulaire.

Figure 33. La relation d’une cuspide décentrée peut se faire avec une embrasure occlusale opposée : c’est la relation d’une dent à deux dents.

Verrous d’occlusion

Figure 31. La relation d’une cuspide distovestibulaire mandibulaire avec une fosse centrale antagoniste établit un verrou d’occlusion mandibulomaxillaire.

que, à aucun moment, la pointe des cuspides n’est concernée par des relations de contact avec les structures antagonistes. L’observation clinique permet de distinguer des cuspides primaires de qualité différente selon les zones réceptrices antagonistes. Ainsi, les cuspides primaires qui entrent en relation avec une fosse centrale constituent avec ces dernières structures les verrous d’occlusion. Il s’agit des cuspides mésiolinguales des molaires maxillaires (verrous d’occlusion maxillomandibulaires) (Fig. 30) et des cuspides distovestibulaires des molaires mandibulaires (verrous d’occlusion mandibulomaxillaires) (Fig. 31). Toutes les autres cuspides primaires : cuspides linguales des prémolaires maxillaires, cuspides distolinguales des molaires maxillaires, cuspides vestibulaires des prémolaires mandibulaires et cuspides mésiovestibulaires des molaires mandibulaires, peuvent se trouver dans deux situations : • soit en relation avec une fossette proximale antagoniste : la relation est alors de type cuspide-fossette (Fig. 32) ; • soit en relation avec une embrasure occlusale antagoniste : la relation est alors de type cuspide-embrasure (Fig. 33).

Relations maxillomandibulaires Elles concernent l’articulation des cuspides primaires maxillaires avec des zones réceptrices antagonistes.

8

Chaque verrou d’occlusion est mis en œuvre par la relation des cuspides mésiolinguales des molaires maxillaires avec les fosses centrales des molaires mandibulaires antagonistes. Les contacts sont obtenus par l’intermédiaire des versants mésiaux, distaux et centraux des cuspides. Les versants mésiaux et distaux des cuspides maxillaires entrent en relation avec les versants centraux des cuspides linguales mandibulaires. Le versant central maxillaire est, quant à lui, en relation avec le versant central de la cuspide distovestibulaire mandibulaire (Fig. 34, 35).

Autres cuspides primaires Relation cuspide-embrasure Dans ce type de relation, chaque cuspide primaire maxillaire entre en relation de contact, par l’intermédiaire de son versant mésial et de son versant distal, avec les versants périphériques des crêtes marginales qui limitent l’embrasure occlusale antagoniste (Fig. 34). Cette relation est également appelée « relation de une dent à deux dents ». Elle représente plus de 85 % des cas rencontrés en denture naturelle. La relation cuspide-embrasure est très souvent controversée en raison du risque d’injection d’aliments dans l’espace interdentaire au cours de la mastication. Cette assertion est démentie par les faits cliniques. En fait, cette relation est parfaitement viable dans la mesure où existent une continuité de l’arcade, grâce à l’existence de zones proximales de contact, et un calage lié à la présence de verrous d’occlusion (cf. supra) (Fig. 23). Relation cuspide-fossette Dans ce type de relation, la cuspide primaire maxillaire entre en relation avec la fossette proximale mésiale mandibulaire antagoniste. Les contacts s’effectuent entre le versant cuspidien distal maxillaire et le versant central de la crête marginale Stomatologie

Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10

Figure 34. Relations statiques maxillomandibulaires : les cuspides primaires maxillaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des embrasures occlusales mandibulaires.

Figure 36. Relations statiques mandibulomaxillaires : les cuspides primaires mandibulaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des embrasures occlusales maxillaires.

Figure 35. Relations statiques maxillomandibulaires : les cuspides primaires maxillaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des fossettes triangulaires distales mandibulaires.

Figure 37. Relations statiques mandibulomaxillaires : les cuspides primaires mandibulaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des fossettes triangulaires mésiales maxillaires.

mandibulaire d’une part, et entre le versant cuspidien mésial maxillaire et le versant central de la cuspide linguale mandibulaire antagoniste d’autre part (Fig. 35). Cette situation dite de « une dent à une dent » se rencontre dans les relations de classe II d’Angle.

intercuspidie, les versants cuspidiens mésiaux et distaux maxillaires entrent en contact avec les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires (Fig. 36, 37). Les versants centraux des cuspides vestibulaires mandibulaires entrent en contact avec les versants centraux des cuspides mésiolinguales maxillaires.

Relations mandibulomaxillaires Elles concernent l’articulation des cuspides primaires mandibulaires avec les zones réceptrices maxillaires.

Autres cuspides primaires

Verrous d’occlusion

Dans ce type de relation, les cuspides sont dirigées vers les embrasures occlusales antagonistes, et les contacts sont du même type que ceux décrits pour les relations maxillomandibulaires (Fig. 36).

Les verrous d’occlusion sont créés par la mise en relation des cuspides distovestibulaires des molaires mandibulaires avec les fosses centrales des molaires maxillaires antagonistes. En Stomatologie

Relation cuspide-embrasure

9

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

Figure 39. Dans le mouvement-test de protrusion, seules les incisives sont en contact.

Il est nécessaire de noter que les différents mouvementstests, effectués en clinique ou au laboratoire de prothèse, se déroulent à l’inverse des mouvements physiologiques : de l’intercuspidie vers des positions excentrées, alors qu’au cours de la fonction, les déplacements sont centripètes. Il est supposé que mouvements-tests et mouvements fonctionnels sont superposables, mais ce n’est pas démontré. Toutefois, en raison des contingences cliniques, il n’est possible d’utiliser que les mouvements-tests.

Mouvement de propulsion Figure 38. Les relations cuspide-fossette et cuspide-embrasure peuvent coexister sur une même arcade à condition qu’existent des verrous d’occlusion.

Relation cuspide-fossette Dans ce type de relation, les cuspides primaires mandibulaires s’orientent vers les fossettes mésiales des unités cuspidées maxillaires. La relation de contact s’effectue entre versant mésial de la cuspide vestibulaire mandibulaire et versant central de la crête marginale maxillaire, entre versant distal de la cuspide vestibulaire mandibulaire et versant central de la cuspide vestibulaire maxillaire, et, enfin, entre versant central de la cuspide vestibulaire mandibulaire et versant central de la cuspide linguale maxillaire (Fig. 37). Il n’existe pas de règle impérative concernant les relations de ces cuspides : la relation cuspide embrasure et la relation cuspide fossette sont physiologiquement acceptables et acceptées. De plus, elles peuvent parfaitement cohabiter sur une même arcade [19] (Fig. 38).

■ Relations cinématiques Dès qu’une partie du corps humain entre en mouvement, le contrôle et la régulation du déplacement s’effectuent grâce au phénomène de rétroaction (feedback). En effet, le système nerveux central est informé pas à pas de la position spatiale de l’os en mouvement et des diverses contractions et décontractions qu’il doit faire subir aux muscles moteurs, par une série de « capteurs » nerveux variés : les propriocepteurs. L’ensemble de l’appareil manducateur n’échappe pas à cette règle. Tous les éléments de l’ensemble musculo-odonto-articulaire sont pourvus de nombreuses terminaisons nerveuses, spécifiquement dévolues à la régulation de la cinématique mandibulaire. Parmi les capteurs nerveux, certains sont plus particulièrement chargés de renseigner le système nerveux central sur la position spatiale de la mandibule lorsque les dents ne sont pas en contact : propriocepteurs des articulations temporomandibulaires, fuseaux neuromusculaires, etc. D’autres interviennent plus spécifiquement dans la phase terminale de la mise en occlusion : les propriocepteurs desmodontaux. En effet, il a été montré que la proprioception desmodontale va en décroissant de l’incisive médiale à la dernière molaire [18, 25]. Si les travaux récents sur la mastication [26] sont examinés à la lumière des incidences proprioceptives vues précédemment, le rôle du secteur antérieur permet de définir les différents types de relation cinématique mandibulomaxillaire. Ainsi, l’anatomie dentaire occlusale n’est impliquée que dans la partie terminale des mouvements physiologiques.

10

La mandibule est projetée en avant suivant une trajectoire sensiblement parallèle au plan sagittal médian, guidée par le jeu neuro-musculo-articulaire. Lorsque ce mouvement s’effectue avec des contacts dentodentaires, on parle alors de protrusion ou de proclusion [27]. Le mouvement physiologique de l’incision s’effectue en sens inverse. Au cours de la partie terminale du mouvement fonctionnel, les bords incisifs des incisives mandibulaires glissent sur les crêtes marginales des faces linguales des incisives maxillaires (Fig. 39). Contrôlé par la proprioception desmodontale, conduit par les relations interincisives, le mouvement se termine en position d’intercuspidie. Durant ce trajet, seules les incisives sont en contact, les dents cuspidées n’intervenant qu’au moment ultime de l’intercuspidie. Ce type de relation cinématique dentodentaire peut être considéré comme une protection incisive. Du fait du contexte anatomophysiologique qui préside à la mise en œuvre de ce déplacement particulier, le corps mandibulaire n’effectue pas une translation homothétique. L’analyse géométrique du mouvement de propulsion montre, dans une première phase, un abaissement rapide de la trajectoire condylienne alors que le trajet incisif est moins incliné : l’ensemble du corps mandibulaire effectue une rotation autour des bords incisifs mandibulaires (Fig. 40). Dans la seconde phase du mouvement de propulsion, la trajectoire condylienne devient moins pentue alors que le trajet antérieur devient plus vertical : le corps mandibulaire effectue alors une rotation globale en sens inverse. (Fig. 41). C’est la rotation de la première phase du mouvement de propulsion qui impose la nécessité de l’angle fonctionnel décrit par Wirth (Fig. 42, 43).

Mouvements de latéralité Au cours de la mastication, la mandibule effectue d’abord un mouvement sensiblement vertical d’abaissement, se déplace ensuite latéralement du côté du bol alimentaire, puis le retour vers l’intercuspidation se réalise. Là encore, c’est dans la partie terminale du cycle qu’interviennent les différentes morphologies dentaires en antagonisme fonctionnel. Le côté impliqué est celui vers lequel s’effectue le déplacement mandibulaire (côté travaillant). Du côté opposé, il n’existe aucune relation de contact interarcades (côté non travaillant). En dehors de la canine, les incisives ne sont jamais impliquées dans ce déplacement. Quelquefois, elles peuvent accompagner la canine.

■ Rôle des canines En raison de la hauteur importante de leur couronne, de leur implantation radiculo-osseuse singulièrement puissante, de leur situation au changement d’orientation de l’arcade, de leur Stomatologie

Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10

Figure 40. Au cours de la phase initiale du mouvement de protrusion, le condyle mandibulaire parcourt une trajectoire à tendance verticale tandis que les bords incisifs mandibulaires se déplacent sur la partie la plus horizontale des faces linguales maxillaires. Ce phénomène induit une rotation du corps mandibulaire et un changement d’orientation de l’axe coronoradiculaire des incisives mandibulaires vers l’avant. Pour éviter toute contrainte, il est nécessaire qu’existe l’angle fonctionnel a.

Figure 41. Au cours de la phase suivante, le condyle mandibulaire parcourt une trajectoire plus horizontale alors que la trajectoire des bords incisifs mandibulaires devient plus verticale. L’ensemble du corps mandibulaire effectue une rotation dans le sens inverse de celle de la phase initiale.

proprioception desmodontale particulièrement développée, les canines interviennent de manière privilégiée dans les mouvements de diduction : elles représentent la première relation dentodentaire du mouvement d’intercuspidation [28] . Leurs récepteurs desmodontaux renseignent constamment le système nerveux central sur la position spatiale de la mandibule et provoquent la réponse musculaire appropriée. D’autres unités dentaires peuvent accompagner la canine dans la trajectoire mandibulaire terminale, mais il est impératif que les canines jouent leur rôle [29].

Protection canine Lorsque les canines interviennent seules dans la partie terminale du mouvement fonctionnel, et qu’aucune autre dent n’entre en relation de contact avant l’intercuspidie, la relation cinématique est de type protection canine (Fig. 44). Lors des Stomatologie

Figure 42. Au niveau des unités cuspidées, la nécessité d’un angle fonctionnel (a) entre la face vestibulaire mandibulaire et la face linguale maxillaire est imposée par la cinématique mandibulaire.

Figure 43. L’angle fonctionnel (a) permet le déplacement des unités antérieures sans contrainte au cours du mouvement mandibulaire de protrusion.

Figure 44. Dans le mouvement mandibulaire de latéralité, si les canines interviennent seules dans les contacts glissants, la relation cinématique est une protection canine pure.

mouvements-tests, en clinique ou au laboratoire de prothèse, le mouvement centrifuge provoque la désocclusion immédiate des dents postérieures. L’enregistrement des trajectoires, à l’aide d’un papier ou d’une toile de marquage, donne des résultats différents selon la position relative des canines (Fig. 45, 46).

11

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

Figure 45. Dans une relation de type protection canine pure, l’enregistrement des contacts indique les zones en relation en position de référence sur les unités cuspidées et le contact glissant sur l’arête linguale de la canine maxillaire. C’est la désocclusion immédiate des gnathologistes.

Figure 47. Au cours du mouvement de latéralité, du fait de l’abaissement du condyle controlatéral, le corps mandibulaire effectue un mouvement de rotation autour d’un axe passant par le bord libre de la canine maxillaire et le condyle homolatéral. Pour permettre cette rotation sans contrainte, un angle fonctionnel (a) est également nécessaire entre face vestibulaire mandibulaire et face linguale maxillaire.

Figure 48. Afin de permettre la rotation de l’ensemble du corps mandibulaire autour d’un axe passant par la canine et par l’articulation temporomandibulaire et la canine mandibulaire, un angle fonctionnel doit exister entre la face vestibulaire des unités cuspidées mandibulaires et les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires.

Figure 46. Dans une relation de type protection canine pure, en fonction de la position relative des canines en antagonisme, le contact glissant peut se dérouler sur la crête marginale mésiale, puis sur le versant mésial du bord libre de la canine maxillaire.

Comme cela a été montré pour le mouvement de propulsion au niveau des incisives, le mouvement de latéralité étant induit par un mouvement d’abaissement du condyle controlatéral qui aboutit à la rotation du corps mandibulaire autour d’un axe commun au condyle homolatéral et à la canine mandibulaire, l’existence d’un angle fonctionnel entre la face vestibulaire de la canine mandibulaire et la face linguale de la canine maxillaire se révèle indispensable (Fig. 47). Pour des raisons similaires, au niveau des unités cuspidées, un angle fonctionnel se révèle indispensable entre les faces vestibulaires mandibulaires et les versants centraux des cupides vestibulaires maxillaires (Fig. 48). Sur le plan de la pratique odontologique quotidienne, la nécessité de l’existence d’un angle fonctionnel au niveau des unités dentaires postérieures, implique que les unités mandibulaires soient achevées avant leur antagoniste maxillaire. En effet, une morphologie maxillaire achevée en premier conditionnerait la trajectoire de latéralité de la mandibule. Cette notion est absolument critique dans la situation de protection de groupe postérieure.

12

Figure 49. Au cours du mouvement mandibulaire de latéralité, des incisives peuvent accompagner la canine par des contacts glissants : il s’agit d’une protection de groupe antérieur.

Protection de groupe antérieur Au cours du mouvement fonctionnel ou au cours du mouvement-test, une ou plusieurs incisives peuvent accompagner les canines : il s’agit alors d’une protection de groupe antérieur (Fig. 49).

Protection de groupe postérieur De la même manière, si une ou plusieurs unités cuspidées accompagnent la canine, la relation cinématique fonctionnelle est alors une protection de groupe postérieur. La protection de groupe postérieur est totale lorsque sont associées toutes les unités cuspidées (Fig. 50). Dans le cas inverse, la protection de groupe postérieur est partielle (Fig. 51). L’enregistrement des trajectoires à l’aide d’un système de marquage quelconque Stomatologie

Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10

Figure 50. Dans une protection de groupe postérieur total, au cours du mouvement de latéralité mandibulaire, toutes les cuspides vestibulaires mandibulaires accompagnent les canines par des contacts glissants sur les cuspides vestibulaires maxillaires.

Figure 51. Dans une protection de groupe postérieur partiel, seules quelques cuspides vestibulaires sont impliquées dans les contacts continus.

Figure 53. En raison de l’organisation des relations interarcades dans le plan sagittal, les contacts glissants peuvent s’effectuer sur les crêtes marginales mésiales, puis sur les versants mésiaux des cuspides vestibulaires maxillaires.

tout état de cause, être transféré, sans risque, à aucune autre unité dentaire, en raison de la fragilité de leurs structures dentaires, de leurs tissus de soutien et de l’insuffisance de leur proprioception desmodontale. Enfin, la coexistence d’une protection canine d’un côté, et d’une protection de groupe postérieur du côté opposé, peut être parfaitement tolérée. Toutefois, lors de reconstructions prothétiques, il paraît souhaitable d’harmoniser les deux côtés sur le plan des relations cinématiques fonctionnelles [29].

■ Enveloppe des mouvements extrêmes et trajectoires fonctionnelles

Figure 52. Les contacts glissants s’enregistrent habituellement sur les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires.

montre deux possibilités liées aux relations interarcades dans le sens sagittal (Fig. 52, 53). Observées dans le sens centrifuge, au niveau du versant central de la cuspide mésiovestibulaire de la première molaire maxillaire, ces relations cinématiques peuvent donner lieu à une classification différente (De Pietro) : • si la trajectoire enregistrée mesure au moins 2 mm, il s’agit d’une fonction de groupe totale ; • si le contact glissant mesure de 1 à 2 mm, il s’agit d’une désocclusion progressive ; • enfin, si le trajet enregistré mesure moins de 1 mm, la désocclusion est dite retardée. Désocclusion retardée et désocclusion progressive ne sont en fait que deux aspects d’une protection de groupe postérieur partielle. Cette classification implique nécessairement la participation de la première molaire maxillaire et écarte toute protection de groupe postérieur partielle où les prémolaires seules accompagneraient la canine. L’absence de participation de la canine au mouvement mandibulaire de latéralité (en raison d’agénésie, de surplomb, de malposition, etc.) est un facteur prédisposant à la dysfonction du complexe stomatognathique. Elle explique certaines mastications unilatérales et certains bruxismes. Les différentes situations qui en résultent, si elles sont tolérées, sont strictement adaptatives. Le rôle prépondérant des canines ne peut, en Stomatologie

Toute l’histoire de l’odontologie a été dominée par la recherche sur la cinématique tout à fait particulière de l’appareil manducateur [30-35]. En effet, aucune partie du corps humain ne comporte un système de mobilisation qui repose sur deux articulations fonctionnant simultanément. Au point de départ, l’importante difficulté qui consiste à trouver des références pour la restauration de bouches totalement édentées a eu pour conséquence d’orienter les investigations uniquement sur la cinématique des articulations temporomandibulaires et sur sa résultante au niveau de l’articulation dentodentaire. De plus, les moyens techniques utilisés en leur temps ne permettaient que des systèmes graphiques appliqués à chaque plan de l’espace (plan frontal, plan sagittal et plan horizontal) sans que jamais la recomposition spatiale puisse être effectuée. Il en fut ainsi de l’arc gothique de Gysi dans le plan horizontal [13], du schéma de Posselt dans le plan sagittal et des « déterminants de l’occlusion » de l’école gnathologique [29, 30, 32]. Il en a résulté des concepts réducteurs dont l’odontologie moderne porte encore les traces. Les progrès technologiques ont permis d’approcher la cinématique mandibulaire à la fois d’un point de vue clinique [26] et d’un point de vue expérimental [36]. Grâce au gnathic replicator system [26], Gibbs et Lundeen ont retrouvé l’enveloppe des mouvements extrêmes de Posselt dans le plan sagittal et dans le plan frontal. Transposé au niveau de la cuspide mésiovestibulaire de la première molaire mandibulaire, l’enveloppe est réduite dans le plan sagittal (Fig. 54) et asymétrique dans le plan frontal (Fig. 55) et les cycles de la mastication étudiés par ces auteurs s’inscrivent bien dans cette enveloppe. Dans le plan horizontal, différentes études graphiques [19, 29, 30, 32-34] qui ne faisaient pas intervenir la canine dans le mouvement de latéralité, avaient permis l’élaboration d’une règle dont l’énoncé peut se résumer ainsi : « les trajectoires des

13

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

Figure 54. Dans le plan sagittal, l’enveloppe des mouvements extrêmes au niveau de la cuspide mésiovestibulaire de la première molaire mandibulaire est homothétique à celle qui se situe au niveau des incisives centrales mandibulaires.

Figure 56. Les trajectoires des cuspides primaires au cours du mouvement travaillant (T) et du mouvement non travaillant (NT) forment, au niveau des structures antagonistes, un angle ouvert vers la face distale des dents à la mandibule et ouvert vers la face mésiale des dents au maxillaire.

Figure 55. Dans le plan frontal, l’enveloppe des mouvements extrêmes est réduite et asymétrique au niveau de la cuspide de la première molaire mandibulaire par rapport à l’enveloppe des mouvements extrêmes au niveau des incisives centrales.

cuspides primaires au cours du mouvement travaillant et du mouvement non travaillant forment au niveau des structures antagonistes un angle ouvert vers la face distale des dents à la mandibule et ouvert vers la face mésiale des dents au maxillaire » (règle de Guichet [31]) (Fig. 56, 57). L’étude attentive des travaux cliniques de Gibbs et Lundeen, effectués sur des cycles de la mastication [26], et une recherche réalisée en stéréographie à l’aide d’un articulateur totalement programmable [36] comportant des guides canins variables, aboutissent à une conclusion différente. En effet, l’angle formé par la trajectoire travaillante et par la trajectoire non travaillante s’alignent à partir du moment où le guide antérieur présente une inclinaison d’environ 35° par rapport au plan d’occlusion. De plus, son ouverture s’effectue en sens inverse à celle énoncée par la règle si l’inclinaison antérieure est supérieure à ce chiffre

14

(Fig. 58). Cette différence de résultat est due au fait que les études antérieures ne tenaient aucun compte du rôle du groupe incisivocanin dans l’appareil manducateur et attribuaient la prépondérance à l’influence des guides condyliens. Certains auteurs ont essayé d’intégrer l’apport du guidage dans leur concept sans pourtant en donner toute l’importance [32, 33, 37-44]. Une réflexion, effectuée sur des données mathématiques, géométriques et expérimentales, permet d’affirmer qu’« un solide situé entre deux systèmes de guidage subit une influence dans son déplacement qui est inversement proportionnelle à la distance de ce solide à chacun des guides considérés ». Si l’on considère le déplacement de la cuspide mésiovestibulaire de la troisième molaire mandibulaire dans le mouvement de propulsion, se trouvant sensiblement à égale distance du guide postérieur condylien et du guide antérieur incisif, l’influence des deux guides est sensiblement équivalente (Fig. 59). Mais au fur et à mesure que les cuspides s’éloignent du guide postérieur et se rapprochent du guide antérieur, leur déplacement dans le mouvement de propulsion subit de plus en plus l’influence des groupes incisifs et de moins en moins celle des articulations temporomandibulaires (Fig. 60). En considérant le mouvement de latéralité où les canines sont impliquées, l’influence de ces dernières sur le déplacement relatif des cuspides d’appui devient prépondérante (Fig. 61). À la lumière de cette analyse, il apparaît nécessaire de revaloriser le guide incisivocanin par rapport aux guides articulaires. Sur le plan de la pratique odontologique quotidienne, la notion d’influence conduit à la nécessité d’utiliser un arc facial de transfert pour situer les différentes unités dentaires par rapport au guidage postérieur et surtout à étudier de manière approfondie le guidage canin et incisif. Stomatologie

Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10

Figure 59. Dans le mouvement mandibulaire de protrusion, la cuspide mésiovestibulaire de la troisième molaire mandibulaire se situe à égale distance du guide postérieur condylien et du guide antérieur incisif : elle subit une influence équivalente des deux guides.

Figure 57. Guichet suggère, comme moyen mnémotechnique, de représenter l’angle formé par les trajectoires travaillantes et non travaillantes par les pattes d’un oiseau lequel entrerait dans la cavité buccale par l’arcade mandibulaire et en sortirait par l’arcade maxillaire avec les pattes en l’air.

Figure 60. Dans le mouvement mandibulaire de protrusion, la cuspide vestibulaire de la seconde prémolaire se situe à environ 20 mm du guide antérieur incisif : elle subit une influence de 80 % de la part de ce guide. Elle se situe à environ 80 mm du guide postérieur condylien et subit de la part de celui-ci une influence de 20 %.

Figure 61. Dans le mouvement de latéralité, la cuspide vestibulaire de la seconde prémolaire mandibulaire est plus proche de la canine que des incisives : elle subit par conséquent une influence du guidage canin plus importante que dans le cas précédent.

Figure 58. L’introduction d’un guide antérieur dont l’inclinaison est supérieure à 35° par rapport au plan de référence (ce qui est la règle dans les cas de normoclusion) inverse l’ouverture de l’angle formé par les trajectoires travaillantes (T) et par les trajectoires non travaillantes (NT). Stomatologie

L’étude de l’anatomie de l’occlusion et de l’articulation dentodentaire, en partant de l’analyse structurelle des unités dentaires pour aboutir à une perception globale du complexe stomatognathique, permet de mettre en valeur un certain nombre de références indispensables à l’établissement d’un diagnostic étiopathogénique et, par conséquent, à la mise en œuvre du plan de traitement le mieux adapté aux différentes situations cliniques.

15

22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale

.

■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22]

Batarec E. Lexique des termes de prothèse dentaire. Paris: J Prélat; 1972. Dawson PE. Evaluation, diagnosis, and treatment of occlusal problems. St Louis: CV Mosby; 1989. Orthlieb JD, El Zoghby A, Kordi M, Perez C. La fonction de guidage : un modèle biomécanique pour un concept thérapeutique. Cah Prothese 2004;128:43-53. Slavicek R. Les principes de l’occlusion. Rev Orthop Dentofac 1983; 17:449-90. Amico D’. The canine teeth: normal functional relation of the natural teeth of man. J South Calif Dent Assoc 1958;26:1-74. Amico D’. Application of the concept of functional relation of the canine teeth. J South Calif Dent Assoc 1959;27:39-58. Romerowski J, Bresson G. Changing the teaching of dental anatomy to change the mental habits of the practitioners. Int J Periodont Rest Dent 1986;2:53-67. Fuller JJ, Deheny GE. Concise dental anatomy and morphology. Chicago: The Year Book Publishing; 1977. Jordan RE, Abrams L. Kraus’dental anatomy and occlusion. St Louis: CV Mosby; 1992. Lautrou A. Abrégé d’anatomie dentaire. Paris: Masson; 1986. Wheeler RC. A textbook of dental anatomy and physiology. Philadelphia: WB Saunders; 1968. Azerad J, Kalifa P. Physiologie de l’articulation temporomandibulaire. Rev Orthop Dentofac 1987;21:505-14. Ackermann F. Le mécanisme des mâchoires (naturelles et artificielles). Paris: Masson; 1963. Romerowski J, Bresson G. Anatomie dentaire fonctionnelle. Relations statiques. Vol 1 et 2. Paris: éditions Cahiers Prothèse; 1988. Payne EV. Functional waxing technique. Practical crown and bridge prosthodontics. The Blackinson Division. New York: McGraw Hill Book; 1962. Celenza FV. Occlusal morphology. Chicago: Quintessence Publishing; 1980. Lundeen HC. Introduction à l’anatomie occlusale. Paris: J Prélat; 1973 (39p). Riis D, Giddon D. Interdental discrimination of small thickness differences. J Prosthet Dent 1970;24:324-34. Stuart CE. Full mouth waxing technique. Chicago: Quintessence Publishing; 1983 (40p). Thomas PK, Tateno G. Gnathological occlusion. The Denar Corporation; 1979. Gaspard M. L’appareil manducateur et la manducation. 1e partie. Vol. 1 et 2. Paris: J Prélat; 1978-79. Cretot M. Aspect morphofonctionnel de la courbe d’occlusion. Cah Prothese 1986;55:153-66.

[23] Orthlieb JD. La courbe de Spee : un impératif physiologique et prothétique. Cah Prothese 1983;44:89-116. [24] Widdowson TW. Special on anatomy, physiology, dental histology. Vol. 1. London: John Bale, Sons and Curnows; 1939. [25] Kawamura Y, Nishiyama T, Funakoshi M. A study on topognosis of human tooth. J Osaka Univ Dent Sch 1967;7:1-5. [26] Gibbs CH, Lundeen HC. Jaw movements and forces during chewing and swallowing and their clinical significance. In: Advances in occlusion. Boston: John Wright PSG; 1982. p. 38. [27] CNO. Lexique d’occlusodontologie. Paris: Quintessence international; 2001. [28] Romerowski J, Bresson G. Du choix des relations mandibulomaxillaires en prothèse. Cah Prothese 1987;59:33-48. [29] Jeanmonod A. Occlusodontologie. Applications cliniques. Paris: éditions Cahiers Prothèse; 1988. [30] Aull AE. Condylar determinants of occlusal patterns. J Prosthet Dent 1965;15:826-46. [31] Guichet NF. Occlusion a teaching manuad. The Denar Corporation; 1970. [32] Huffman RW, Regenos JW. Principles of occlusion. London: H & R Press; 1973. [33] Lucia VO. Modern gnathological concept. Chicago: Quintessence Publishing; 1983. [34] Lundeen HC, Shryock CF, Gibbs CH. An evaluation of border movements: their character and significance. J Prosthet Dent 1978;40: 442-52. [35] Schuyler CH. Factors of occlusion applicable to restorative dentistry. J Prosthet Dent 1953;3:772-81. [36] Romerowski J, Bresson G. The influence of the mandibular lateral translation. Int J Prosthet 1990;3:185-201. [37] Katz GT. The determinants of human occlusion. University of Southern California, School of Dentistry; 1972. [38] Lee RL. Anterior guidance. In: Gibbs CH, Lundeen HC, editors. Advances in occlusion. Boston: John Wright PSG; 1982. [39] Lucia VO. The lingual surfaces of the upper anterior teeth. J Gnathol 1986;5:41-9. [40] McHorris W. The importance of the anterior teeth. J Gnathol 1982;1: 19-36. [41] Ogawa T, Koyano K, Suetsugu T. The influence of anterior guidance and condylar guidance on mandibular protrusive movement. J Oral Rehabil 1997;24:303-9. [42] Otake T, Mayanagi A, Tsuruta J, Nozawa K, Miura H, Hasegawa S. The role of posterior guidances under the altered anterior guidance. J Oral Rehabil 2002;29:1196-205. [43] Stuart CE. Overlap of the anterior teeth and its determinants. J Gnathol 1983;17:3-8. [44] Whipf HH. The physics of the anterior guidance and posterior disclusion. J Gnathol 1986;5:58-68.

B. Tavernier, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). J. Romerowski, Ancien Professeur. E. Boccara, Ancien assistant. C. Azevedo, Ancien assistant. G. Bresson, Ancien attaché de consultation. UFR d’odontologie, Paris VII, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Tavernier B., Romerowski J., Boccara E., Azevedo C., Bresson G. Articulation dentodentaire et fonction occlusale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-003-P-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels

16

Iconographies supplémentaires

Vidéos / Animations

Documents légaux

Information au patient

Informations supplémentaires

Autoévaluations

Stomatologie

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-003-S-10

22-003-S-10

Évolution de la denture permanente des Homininés PF Puech P Warembourg L Mascarelli

Résumé. – Les processus biologiques qui déterminent la structure de la dent de l’Homme moderne au cours de son développement (morphogenèse) puisent leur origine dans un plan d’expression génétique qui résulte de l’enchaînement évolutif des vertébrés au cours des temps (phylogenèse). Grâce à l’observation des animaux disparus (paléontologie) et à leur comparaison avec les animaux actuels (anatomie comparée), l’odontologie évolutive rend compréhensible la diversification des dents en reliant chaque innovation morphologique à un changement majeur du plan génétique des vertébrés. Les caractères craniodentaires, utilisés lors de l’examen de la diversification en Afrique des espèces fossiles, permettent de suivre l’évolution à l’origine des différentes espèces humaines (paléoanthropologie). Comme les caractères osseux et dentaires des primates actuels sont sous l’influence de l’environnement, l’évolution de la denture permanente des Homininés est analysée en fonction des différentes géographies (niches écologiques) et des progrès culturels qui constituent la préhistoire de l’Homme. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : dent, adaptation, paléoanthropologie, Australopithecus, homme fossile, évolution, environnement, alimentation.

Introduction L’odontologie évolutive à travers les différentes adaptations de l’organe dentaire met en évidence les caractères biologiques fondamentaux et la fonction de l’appareil dentaire des Homininés dont l’évolution a, en dernière instance, été soumise aux progrès culturels qui caractérisent l’Homme. – Tout d’abord, l’association d’informations qui concernent la morphologie dentaire des espèces actuelles et fossiles ainsi que les modifications produites par l’environnement sur les différents aspects de la dent permettent de mieux comprendre la fonction de l’appareil masticateur ; l’approche moléculaire venant contribuer à une meilleure connaissance des mutations successives. Il ressort que les différences fondamentales de forme et de fonction de la dent découlent d’une scission évolutive qui procure à l’espèce une plus grande efficacité pour se nourrir. Cette revue permet de mieux appréhender le fonctionnement des dents et d’indiquer les causes ou les mécanismes qui soutiennent les caractères. Ceux-ci acquièrent de ce fait une signification phylogénétique de première importance. – Nous avons ensuite analysé la période évolutive qui concerne les Homininés (le groupe qui inclut tous les primates bipèdes) en ce qui concerne essentiellement les aspects paléoécologiques, culturels et anatomiques. L’étude de l’ensemble des Homininés fossiles (qui comprend les Homininés archaïques, Australopithecus et Homo) illustre le rôle joué par l’écologie dans l’évolution dentritique sous

Pierre-François Puech : Docteur en sciences odontologiques, docteur en géologie des formations sédimentaires (option préhistoire), habilité à diriger des recherches à l’université de la Méditerranée, UMR 6569 du CNRS au Muséum national, BP 191, 30012 Nîmes cedex 4, France. Philippe Warembourg : Docteur en chirurgie dentaire, DEA quaternaire au Muséum national d’histoire naturelle, assistant hospitalo-universitaire, UFR odontologie de Nice, 11, rue Louis-Blanc, 06400 Cannes, France. Laurence Mascarelli : Docteur en chirurgie dentaire, spécialiste qualifiée en orthopédie dentofaciale, DEA quaternaire odontologie évolutive (Marseille), assistant hospitalo-universitaire, UFR odontologie de Nice, 3 place du Général-de-Gaulle, 06000 Nice, France.

forme de radiations plutôt que par une suite linéaire des espèces à l’origine de l’Homme actuel.

Caractères dentaires des Homininés et règne animal ORIGINE DE LA DENT

La biologie est une science expérimentale et historique. En effet, chaque organisme vivant aujourd’hui représente le dernier maillon d’une chaîne ininterrompue d’espèces successives [6]. Pour cette raison, la comparaison du patrimoine biologique met en évidence la séparation génétique des vertébrés et des invertébrés, et la date à - 600 millions d’années (fig 1). C’est à ce moment que la dent des vertébrés prend son origine. Les invertébrés n’ont pas de dents véritables, mais des odontoïdes formés d’un seul feuillet imprégné de chitine, de silice ou de sels calcaires. Les premiers vertébrés bien connus sont des poissons pourvus d’une carapace osseuse couverte d’une peau percée de petits tubercules coniques, les denticules. Ces denticules, ou odontodes, ont une base osseuse et sont constitués de dentine couverte d’émail et contenant une cavité pulpaire. L’odontode est le précurseur phylogénique des dents. Chez les vertébrés les plus primitifs dépourvus de mâchoires, les denticules sont présents sur le derme externe et pharyngien. La dent correspond à une différenciation de l’odontode en milieu buccal chez les poissons. Les dents sont des phanères dermoépidermiques de la muqueuse buccale apparues indépendamment des mâchoires. DENTS DES REPTILES

L’organisation de nouveaux modules procure quatre membres (tétrapodie) aux vertébrés qui quittent le milieu marin (- 360 millions

Toute référence à cet article doit porter la mention : Puech PF, Warembourg P et Mascarelli L. Évolution de la denture permanente des Homininés. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-003-S-10, 2001, 11 p.

150 526

EMC [257]

Évolution de la denture permanente des Homininés

22-003-S-10

Invertébrés

Vertébrés

Stomatologie/Odontologie

3

2

1

4 5

6

a

* A

b

600 millions d'années

1

1

Séparation génétique des animaux à l’origine de la dent. Les invertébrés sont pourvus d’odontoïdes formés à partir d’un feuillet. Les vertébrés possèdent des dents d’origine dermoépithéliale.

1 M

D

D

2

* B Évolution de l’occlusion des dents des reptiles. A. Vues occlusales. B. Vues vestibulaires. Stade 1 : haplodonte (occlusion monocuspide alternée). La dent des reptiles est cylindroconique. Stade 2 : triconodonte (occlusion tricuspide alternée). Chez les reptiles dits « mammaliens » ou thériodontes, on observe des dents coupantes à trois pointes. La triconodontie dérive par addition (ou bourgeonnement) de deux cuspides, l’une en avant de la cuspide primordiale (protocuspide) : le paracône à la mâchoire supérieure, le paraconide à la mandibule ; l’autre en arrière de la cuspide primordiale : le métacône à la mâchoire supérieure, le métaconide à la mandibule. M : mésial ; D : distal.

d’années). Les reptiles issus d’un ancêtre amphibien perfectionnent le système dentaire tout en conservant la dent conique ou cylindroconique à une pointe des poissons. Le rôle de ce type haplodonte (haplos = simple) est de saisir, retenir et déstructurer les aliments. Les dents sont nombreuses (polyodontie) et plus ou moins semblables (homodontie). Les dents se répartissent en plusieurs rangées sur le pourtour des mâchoires et parfois sur la voûte du palais. Le nombre de dentitions successives est élevé (polyphyodontie) avec un mode de remplacement latéral ou suivant un procédé qui participe à la fois du mode latéral et du mode vertical. L’attache des dents est généralement l’ankylose de la base sur l’os (dent acrodonte). Cependant, l’implantation peut se faire dans les alvéoles (mode thécodonte). Selon la terminologie d’Osborn [16], la dent simple est constituée du protocône au maxillaire et du protoconide à la mandibule. La fermeture de la bouche provoque une occlusion des dents qui est du type monocuspide alterné (stade 1) (fig 2). 2

A. Mouvements de fermeture de la mâchoire. a. reptiles ; b. mammifères. 1. Muscles des mâchoires ; 2. muscle temporal ; 3. apophyse coronoïde ; 4. apophyse zygomatique ; 5. angle ; 6. masséter. B. Fonctions occlusales des tubercules molaires. Action de cisaillement ou d’écrasement. Ces deux actions sont produites par le mouvement vertical avec un léger mouvement transversal de la surface occlusale : la face 1 broie, la face 2 tranche. DENTS DES REPTILES MAMMALIENS

* A

2

* B 3

M

2

Il y a 310 millions d’années, deux groupes se sont séparés des reptiles et ont développé un système de régulation thermique afin d’être moins dépendants des variations du climat : d’une part, la lignée des dinosaures et des oiseaux et, d’autre part, celle des reptiles mammaliens. La régulation de la température interne (homéothermie) des mammifères réclame plus de nourriture, ce qui nécessite un perfectionnement de la mécanique des mâchoires et des dents (fig 3A). Une évolution de l’occlusion des dents supérieures et inférieures a dû se faire pour rendre leurs rapports plus précis. Vers - 250 millions d’années, la première dent portée par le maxillaire supérieur, la canine, augmente de taille. Désormais, on distingue les incisives placées en avant sur le prémaxillaire et les dents postcanines, futures prémolaires et molaires. Les reptiles dits « mammaliens » sont alors nommés cynodontes (dents de chien) et les dents postcanines se compliquent en trois tubercules alignés (fig 2) (stade 2). Les racines sont enchâssées dans l’os alvéolaire et le nombre de dentitions de remplacement se réduit. CLASSE DES MAMMIFÈRES

Il y a 200 millions d’années, alors que le climat est favorable aux reptiles, les mammifères se développent sous la forme de petits animaux. Leur diversité initiale reflète les possibilités mécaniques offertes par la nouvelle articulation de la mandibule qui s’est libérée des os de l’audition. On distingue : – les Allothériens, aux molaires multituberculées et aux incisives à croissance prolongée ; cette lignée herbivore s’éteint vers - 35 millions d’années ; – les Protothériens (archaïques) et les Thériens (marsupiaux et placentaires), aux dents postcanines adaptées au cisaillement des aliments (fig 3B).

Évolution de la denture permanente des Homininés

Stomatologie/Odontologie

22-003-S-10

3

4

* A

4

1

* B

Évolution de l’occlusion des dents des mammifères. A. Vues occlusales. B. Vues vestibulaires. Stade 3 : trigonodonte (occlusion cunéiforme) ; au maxillaire supérieur : le trigone ; à la mandibule : le trigonide. Stade 4 : talonide de la molaire inférieure, prolongement peu élevé et en forme de cuvette dans lequel vient s’articuler le protocone (occlusion encastrante).

Le mammifère le plus ancien suffisamment complet pour être décrit est Morganucodon. Ce petit animal de 10 cm de long possède une tête (de 3 cm) qui est une véritable paire de mâchoires puisque celles-ci mesurent 1,5 cm. Ce Protothérien triconodonte (trois tubercules alignés) possède une double articulation des mâchoires puisque s’ajoute à l’articulation reptilienne des mâchoires (entre l’os articulaire de la mandibule et l’os carré du crâne), une articulation mammalienne (entre os dentaire et temporal). Les Protothériens disparaissent vers - 100 millions d’années. Chez les premiers Thériens, comme Kuehneotherium, les trois cuspides principales sont disposées en « triangle » (trigonodonte) (fig 4) (stade 3), la molaire devient complexe.

2

3

* A

* B 5

A. Évolution de la première molaire supérieure. 1. Les trois cuspides fondamentales ; 2. le pseudohypocône du bourrelet cingulaire (ou hypocône vrai de la face occlusale) peut être lié par un pli secondaire, pli nannopithex, au protocône ; 3. hypocône dégagé du cingulum lingual. B. Schéma du talonide sur lequel repose le protocône, et du talon en vue occlusale. L’hypocône assure la relation avec la dent antagoniste distale, l’occlusion devient engrenante.

Vers - 50 millions d’années, les prosimiens dont la mandibule est faite de deux os non soudés au niveau de la symphyse, développent un hypocône à la mâchoire supérieure. Cette innovation augmente la surface occlusale utile aux végétariens et assure une relation articulaire avec la dent antagoniste immédiatement distale ; l’occlusion devient engrenante (fig 5B) (stade 5). SINGES

DENT TRIBOSPHÉNIQUE

Les trois tubercules des Thériens ont une disposition triangulaire qui résulte de la migration de la cuspide primordiale (protocuspide) en direction linguale au maxillaire et en direction vestibulaire à la mandibule. Chaque dent se loge comme un coin entre les deux dents de l’arcade opposée (stade 3) (fig 4) (occlusion cunéiforme). Dès - 167 millions d’années, la molaire inférieure de certains mammifères se différencie par la formation d’un talonide situé plus bas et en arrière du trigonide (stade 4) (fig 4). Il y a environ 140 millions d’années, la lignée menant aux marsupiaux et aux placentaires possède un talonide constitué d’une cuspide subsidiaire, l’hypoconide, qui migre vestibulairement pour devenir coupante alors que se forme l’hypoconulide au contact de la dent distale. C’est la dent prétribosphénique [13]. Vers - 105 millions d’années, une troisième cuspide, l’entoconide, se forme pour élargir la surface d’écrasement. L’adaptation occlusale est dite tribosphénique (tribo : broyer ; sphèn : coin qui s’engrène dans l’antagoniste pour trancher).

Dès la naissance des singes (simiens), la dérive des continents les sépare en deux groupes : – les singes du Nouveau Monde, les Platyrhiniens, car les orifices du nez sont ouverts sur les côtés, ont trois prémolaires pour chaque hémiarcade dentaire ; – les singes de l’Ancien Monde, les Catarhiniens, au nez dont les orifices sont dirigés vers le bas, ont deux prémolaires par hémiarcade. Au contraire des prosimiens, les simiens ont la symphyse mandibulaire soudée et la mandibule se trouve verrouillée en occlusion par l’engrènement des canines. La saillie de la canine supérieure (lacératrice) nécessite un espace (diastème) pour se loger dans la rangée dentaire opposée (fig 6). L’occlusion de la canine supérieure avec la première prémolaire inférieure (C/P) sert d’aiguisoir. MOLAIRE DRYOPITHÉCIENNE

PREMIERS PRIMATES

Les primates, prosimiens et simiens, sont des mammifères dont le crâne, à l’origine tubulaire de quadrupèdes, devient plus volumineux et arrondi dans la lignée de quadrumanes (quatre mains) qui mène à l’Homme. Les plus archaïques, comme Purgatorius daté de - 70 millions d’années, ne sont connus que par quelques dents tribosphéniques. Sa formule dentaire est de 44 dents réparties en trois incisives, une canine, quatre prémolaires et trois molaires par hémiarcade. La molaire ne mesure que 2 mm de long. Ces prosimiens possèdent un caractère dentaire particulier, le pli nannopithex (nanus = nain) qui forme une crête à partir du protocône et se dirige vers l’angle postérolingual de la dent (fig 5A) (n° 2). Les dents à pli nannopithex n’ont pas d’hypocône vrai, mais un pseudohypocône.

Tout d’abord reconnu par Gregory [10] chez le dryopithèque, hominoïde fossile vieux de 10 millions d’années, cet arrangement des sillons de la molaire inférieure est présent chez le plus ancien Catarhinien actuellement connu, Aegyptopithecus vieux de 34 millions d’années. Les Catarhiniens ont 32 dents (comme l’Homme) et se divisent en : – cynomorphes pourvus d’une queue et d’un long museau ; leurs molaires inférieures ont généralement quatre cuspides réunies deux par deux (bilophodontes) ; – anthropomorphes aux incisives latérales supérieures spatulées et à la première molaire inférieure pourvue de cinq cuspides dont l’arrangement est dit « dryopithécien » lorsque l’hypoconide forme avec le métaconide la branche du Y du schéma occlusal (fig 7). Les anthropomorphes, dépourvus de queue, constituent la superfamille 3

Évolution de la denture permanente des Homininés

22-003-S-10

Prémolaires

Incisives

I

a

b

I1

C

P1

P2

C

Molaires

M

P3

6

Les Homininés ont abandonné la spécialisation des canines et prémolaires du singe. a. Mammifères primitifs (tarsier, lémur) ; b. singes du Nouveau Monde (ouistiti) ; c. singes de l’Ancien Monde (macaque) ; d. Homme.

Stomatologie/Odontologie

Vestibulaire Molaires supérieures Mésial

Distal

(situation encore vue chez les tarsiers)

Molaires inférieures Lingual Addition d'une quatrième cuspide sur les molaires supérieures ; perte de la cuspide mésiolinguale sur les molaires inférieures

M

S

La plupart des primates vivants

I Perte de la cinquième cuspide sur les molaires inférieures et antérieures

La cinquième cuspide des molaires inférieures se déplace vers l'extérieur c

I1

C

M

P3

S

S

I

I

Grands singes et premiers homidés d

I1

C

P3

MAMMIFÈRES ANCESTRAUX

Bilophodontie (dents dont les cuspides face à face sont réunies par des crêtes ou lophes)

Singes cynomorphes

M

7

des Hominoïdés (tableau I). Habitués à se suspendre aux branches des arbres, ils possèdent un crâne relativement haut et court.

Évolution de la molaire mammalienne.

Tableau I. – Superfamille des Hominoïdés. Classification utilisée : famille, sous-famille, genre

Diversité des Homininés et origine de la denture de l’Homme Les critères qui définissent morphologiquement l’Homme, comme la bipédie, le gros cerveau et les dents omnivores apparaissent et se renforcent après la divergence d’avec les singes effectuée il y a environ 7 millions d’années [3]. Les dents permanentes des Homininés permettent de proposer un enchaînement phylogénique qui suit les étapes d’une morphogenèse qui constitue l’anthropogenèse. Les relations buissonnantes, placées dans leur cadre géographique et culturel, distinguent les Homininés archaïques, Australopithecus et Homo (fig 8). Les phénomènes physiques naturels de la terre ont influencé les événements majeurs de l’évolution dentaire. PREMIERS HOMININÉS

¶ Homininés archaïques Impossible à classer en raison de leur caractère fragmentaire, ils présentent des traits dentaires très primitifs. Orrorin, daté de 6 millions d’années, possède une canine supérieure marquée par un sillon mésial vertical simiesque alors que l’émail des molaires est épais [27]. Ardipithecus, plus récent présente un émail fin comme celui des singes [11, 12, 30] ainsi qu’une première prémolaire inférieure à couronne asymétrique et à deux racines indiquant une relation canine supérieure-première prémolaire inférieure (C/P) archaïque.

¶ « Australopithecus anamensis » Gracile à petit cerveau, cet australopithèque parfaitement bipède vivait au Kenya, il y a 4 millions d’années [14]. 4

• Hominidé

- Homininé (Ardipithecus, Australopithecus, Homo) - Paniné (Pan, Gorilla)

• Pongidé

- Ponginé (Pongo)

• Hylobatidé

- Hylobatiné (Siamang, Gibbon)

Les dents jugales alignées en deux longues rangées parallèles rapprochées donnent à la mâchoire un contour en « U ». Le grand axe de la symphyse mandibulaire fortement incliné vers l’arrière prolonge le planum alvéolaire lingual jusqu’au niveau des deuxièmes prémolaires comme pour le chimpanzé. La canine supérieure à implantation verticale et la faible largeur dentaire intercanine approchent l’espèce du genre Homo [18]. La première prémolaire inférieure possède une couronne asymétrique et deux racines distinctes. L’émail qui recouvre les dents est épais.

¶ « Australopithecus afarensis » L’espèce datée entre 3,9 et 2,9 millions d’années présente une faible capacité crânienne (400 mL), une forte projection antérieure du massif facial et des membres supérieurs longs par rapport aux membres inférieurs (fig 9). Le spécimen le plus complet est celui d’une petite femme, « Lucy » , 1,10 m, dont le squelette est connu à 40 %. Sa mandibule fortement rétrécie en avant comporte deux longues rangées de dents postcanines, ce qui lui donne une forme en « V » [24]. La première prémolaire inférieure est pratiquement monocuspide car son épicrête descend vers la face linguale en ne rencontrant qu’une trace de métaconide (fig 10) [2]. Cette dent ne présente pas la forme sectoriale observée chez les sujets anthropoïdes et les détails microscopiques de l’usure mettent en

Évolution de la denture permanente des Homininés

Stomatologie/Odontologie

Homo sapiens 8 sapiens

Années 0

Diffusion des Homo sapiens sapiens Néanderthaliens

Première sépulture 100 000 ans

Afrique Proche-Orient

100 000

Homo néanderthalensis

Les Homininés (arbre phylogénétique).

Manifestation de l'art de 35 000 ans

Dispanition des Néanderthaliens

35 000

22-003-S-10

Europe Domestication du feu 400 000 ans

Homo heidelbergensis Asie 500 000

Disparition des Australopithèques

1 000 000

Homo erectus Homo ergaster

Paranthropus robustus Australopithecus boisei

Premier habitat 1 800 000 ans

Australopeithecus africanus 2 000 000 Paranthropes

Australopithecus aethiopicus

Premiers outils 2 600 000 ans

Homo habilis Homo rudolfensis

3 000 000 Australopithèques

HOMO

Australopithecus afarensis Australopithecus anamensis 4 000 000

Ardipithecus ramidus

Homininés archaïques 5 000 000

évidence une fonction de cisaillement associée à l’action de broyer qui caractérise les Homininés [17]. Les molaires, très volumineuses, augmentent de la première à la troisième : M1 < M2 < M3 et leur largeur vestibulolinguale est proportionnellement plus importante que chez les singes anthropomorphes (fig 10, 11, 12).

¶ « Australopithecus africanus » L’espèce, datée de 3 à 2 millions d’années, a été reconnue par Raymond Dart grâce à l’analyse d’un petit crâne provenant de Taung

en Afrique du Sud [4]. Il mesura les distances basion-prosthion et basion-inion qui donnent l’indice d’équilibre de la tête intermédiaire entre celui du chimpanzé et celui des premiers hommes. La station corporelle de l’espèce était donc imparfaitement relevée. D’autre part, le développement dentaire de l’enfant de Taung correspondait à celui des grands singes actuels qui présentent une deuxième molaire qui fait éruption avant la canine et les prémolaires ainsi qu’un âge d’éruption de notre dent de 6 ans (première molaire) vers 3-4 ans [1]. 5

Évolution de la denture permanente des Homininés

22-003-S-10

Australopithèques graciles

Paranthropus ou Australopithèques robustes

Australopithecus afarensis

Australopithecus africanus

Petite taille ; longs bras par rapport jambes ; fort dimorphisme sexuel

Petite taille ; dimorphisme sexuel moins marqué

Capacité crânienne

400/500 mL

400/500 mL

Forme du squelette

Bas, front plat ; prognathisme alvéolaire arcade sourcilière proéminente

Front plus haut ; face plus courte ; arcade sourcilière moins proéminente

Palais plat peu profond, incisives et canines relativement larges ; diastème entre seconde incisive et canine supérieur ; molaires taille modérée

Pas de diastème, molaires plus grandes

Très fortes mâchoires petites incisives et canines ; prémolaires et molaires trés développées

Trés fortes mâchoires ; petites incisives et canines ; prémolaires et molaires très développées

Sites

Afrique de l'Est

Afrique du Sud

Afrique de l'Est

Afrique du Sud

Dates

3,9 à 2,9 millions d'années

3,2 à 2,5 millions d'années

2,6 à 1,2 millions d'années

2à1 millions d'années

Physique

Mâchoires et dents

Paranthropus boisei

9

Stomatologie/Odontologie

Australopithèques.

Paranthropus robustus

Conformation puissante ; Conformation très dimorphisme puissante ; dimorphisme sexuel modéré ; sexuel marqué ; bras bras relativement longs relativement longs 410/500 mL Crêtes sagittale et nucale proéminentes face longue, large, plate ; torus sus-orbitaire massif

530 mL Crête sagittale ; face large, longue, plate ; torus sus-orbitaire modéré

10

La séparation de la lignée humaine d’avec les singes se reconnaît à la morphologie de la première prémolaire inférieure. L’Australopithecus afarensis permet de distinguer deux types de prémolaires inférieures (P3) monocuspides : les simiens ont développé une spécialisation coupante qui aiguise la canine supérieure alors que la lignée des Homininés s’est déspécialisée pour donner naissance à un tubercule supplémentaire : le métaconide. La couronne de P3 des Hommes présente une base au contour symétrique, et l’axe oblique transverse n’étire pas la surface occlusale.

Australopithèque AL-400

Le développement ralenti observé chez l’Homme est interprété comme un point fondamental de l’évolution des primates qui présentent, dans la série évolutive, un allongement de la durée de

6

l’enfance favorable pour la formation éducative. L’enfant de Taung appartenait donc à une nouvelle espèce que Dart baptisa : Australopithecus africanus (singe d’Afrique Australe).

Stomatologie/Odontologie

Évolution de la denture permanente des Homininés

22-003-S-10

* B

* A

12

Australopithecus afarensis, mandibule AL-400. Les dents postcanines forment deux rangées sensiblement parallèles et M1 < M2 ≤ M3. La première prémolaire inférieure a son axe transversal oblique et étiré vers l’arrière. GENRE « HOMO »

* C 11

La forme de l’arcade dentaire est dictée par la morphologie des dents. A. Mâchoire supérieure de chimpanzé. B. Mâchoire supérieure d’Australopithecus afarensis (AL-200). C. Mâchoire supérieure de l’Homme. L’Australopithecus afarensis est, par la forme de son arcade dentaire et la taille de ses dents de devant, proche du chimpanzé qui comme lui possède un palais plat peu profond et un canal incisif placé loin en arrière de la rangée dentaire. Chez 45 % des spécimens, il y a un intervalle, ou diastème, entre l’incisive et la canine. Ses molaires sont beaucoup plus grandes que celles du chimpanzé et de l’Homme actuel, rangées en ligne droite, sauf la dernière située un peu plus à l’intérieur, ce qui donne l’impression d’une amorce d’incurvation plus marquée. De grosses dents postcanines est un trait commun aux Australopithèques que l’on classe en Australopithèques graciles et en Paranthropes robustes.

Les dents jugales d’Australopithecus africanus sont en moyenne deux fois plus grandes que les nôtres alors que celles de « Lucy » sont 2,8 fois plus grandes [15]. La mégadontie des dents jugales caractérise les australopithèques.

¶ « Paranthropus » Il y a près de 2,5 millions d’années, des espèces très spécialisées représentées par des individus robustes au cerveau un peu plus gros que celui des australopithèques graciles se sont différenciées en Afrique de l’Est et du Sud, pour disparaître vers - 1 million d’années. Leur mode de locomotion bipède et l’appareil dentaire hyper-robuste sont des adaptations uniques (fig 12) ; pour cette raison, ces australopithèques sont également nommés Paranthropes ; diverses espèces existent : – Australopithecus robustus : reconnu en Afrique du Sud, son squelette facial monte très haut, effaçant le front. De profil, les pommettes placées très en avant masquent l’ouverture nasale ; – Australopithecus aethiopicus : cet Homininé est le plus ancien des Paranthropes (- 2,7 à - 2,2 millions d’années). Identifié en Afrique de l’Est, il se différencie des autres formes robustes par des incisives et des canines plus grandes [5] ; – Australopithecus boisei : cette espèce découverte à Olduvai (Tanzanie) présente un aspect robuste exagéré qui se manifeste dans la dentition, avec des dents antérieures excessivement petites comparées aux dents jugales, par des attaches musculaires développées et une crête sagittale sur le sommet des crânes masculins. Cette crête, qui existe aussi chez le gorille actuel, n’est pas présente chez les australopithèques graciles.

¶ Buissonnement des espèces La bipédie a libéré la main des australopithèques, mais nous ne savons pas si ceux-ci étaient capables de concevoir et de réaliser des outils. Les plus anciens outils connus datent d’une période où les australopithèques cohabitent avec de nouveaux Homininés dotés d’une capacité cérébrale sensiblement supérieure. Pour cette raison, on considère que les outils appartiennent à la première espèce humaine, nommée Homo habilis (homme habile). Cette arrivée fait suite à des modifications climatiques observées en Afrique de l’Est il y a 2,5 millions d’années. Yves Coppens constate que cette période charnière marque le début d’une période plus sèche, à végétation clairsemée, qui voit le déclin des grands singes au profit des babouins. C’est également le moment de disparition des australopithèques graciles et d’expansion des Paranthropes, plus robustes, aux mâchoires et aux dents faites pour réduire les aliments durs et abrasifs. Le cerveau plus volumineux des premiers hommes, accompagné de dents aux dimensions réduites, aurait favorisé l’apparition d’un nouveau mode de vie au régime alimentaire plus omnivore, composé de préférence de fruits et de roseaux immatures, de plantes aquatiques et de mollusques [21, 26]. « Homo habilis » De petite taille (1,15-1,30 m), cette espèce découverte à Olduvai (Tanzanie) possède un cerveau d’environ 600 mL et conserve de ses ancêtres le torus supraorbitaire. Connu en Afrique de l’Est et du Sud entre 2 et 1,6 millions d’années, sa face moyenne est réduite, ses incisives et canines sont larges alors que les dents postcanines inférieures sont étroites et allongées mésiodistalement [25]. La largeur réduite de la première molaire inférieure comparée à sa longueur est une indication morphologique simple qui sépare les premiers hommes des australopithèques [23]. « Homo rudolfensis » Cet homme représenté en Afrique de l’Est, du Kenya au Malawi, entre 2,4 et 2 millions d’années, possède un crâne plus haut que celui de Homo habilis de capacité voisine de 750 mL. La face ne présente pas de torus supraorbitaire alors que la face moyenne et le palais sont larges [29]. « Homo ergaster » Il apparaît en Afrique de l’Est vers 1,8 million d’années. Beaucoup plus grand qu’Homo habilis, sa taille peut atteindre 1,80 m et sa capacité crânienne 800 mL. Sa face, surmontée d’un bourrelet susorbitaire, est plus gracile que celle de ses prédécesseurs ; les dents 7

22-003-S-10

Évolution de la denture permanente des Homininés 13

Anté-Néanderthalien de Tautavel. La face est projetée en avant sous de forts bourrelets susorbitaires.

Stomatologie/Odontologie

(vestibulolinguale) qui, comparée à celle de la première molaire, sont caractéristiques [19]. « Homo sapiens » L’évolution ultime de l’Homme est caractérisée par une capacité crânienne moyenne de 1 400 mL, un développement des lobes frontaux, une réduction de la face, une gracialisation générale des os et des dents ainsi que par l’apparition du menton (fig 14). Les hommes actuels, tout d’abord connus en Europe sous le nom de Cro-Magnon, sont venus d’Afrique pourvus d’une anatomie moderne. Au Proche-Orient, voie de passage obligée vers l’Eurasie, les Homo sapiens ont une centaine de milliers d’années à Qafzeh et à Skhul, on recherche donc des formes hybrides avec l’homme de Néanderthal qui ne disparaît que beaucoup plus tard. En France, Homo sapiens apparaît brutalement il y a 35 000 ans et y remplace l’homme de Néanderthal au début de la dernière glaciation, vers - 30 000 ans.

sont plus petites et la bipédie est tout à fait moderne. Ces traits en font un ancêtre possible de tous les humains ultérieurs [29].

¶ Variabilité de l’expression des surfaces occlusales molaires

« Homo erectus »

Les molaires supérieures des Homininés portent trois tubercules fondamentaux qui forment le trigone, auquel s’ajoute un talon constitué par l’hypocône, dont la taille est chez l’homme actuel en série décroissante de la première molaire à la troisième. La variation de taille et de disposition des tubercules permet de reconnaître quatre grades d’expression (fig 15). Sur le flanc lingual du protocône peut se développer une cuspide accessoire : le tubercule de Carabelli. Ce trait peut prendre la simple forme d’un puits ou d’une fissure, il est très peu fréquent chez les peuples mongoloïdes. Sur la face vestibulaire du paracône, on note beaucoup moins fréquemment que pour la cuspide accessoire précédente, le tubercule de Bolk.

Une mandibule et deux crânes découverts à Dmanisi (Georgie) ont été attribués pour un temps à Homo erectus et datés de 1,8 million d’années [8]. Cependant, il semble bien que le terme Homo erectus convient davantage à un stade évolutif de la lignée humaine pour une période de 1 million d’années au cours de laquelle s’est effectué un buissonnement de morphologies en fonction des géographies. En Afrique, il serait Homo ergaster, et Homo erectus se serait alors propagé sur une bonne partie de l’Ancien Monde. À Java, les Pithécanthropes traduisent, entre 1,9 et 0,2 million d’années, une robustesse parfois exagérée. Homo erectus en Chine, de 1,7 à 0,5 million d’années, possède une capacité crânienne qui se développe de 750 à 1 250 mL. Les caractères dentaires très particuliers de la mandibule de Dmanissi prouvent que l’espèce est proche d’Homo habilis [20], alors que certains traits du crâne appartiennent à Homo ergaster [7]. Une approche très fine de la stratigraphie du site pourrait préciser les raisons de ces caractères en « mosaïque » [22]. « Homo sapiens » archaïque Une série de fossiles entre 600 000 et 100 000 ans, montre l’émergence graduelle en Afrique d’une nouvelle espèce : Homo sapiens archaïque. Parallèlement à cette évolution, il s’est produit en Europe une autre évolution qui a suivi des voies originales pour aboutir aux hommes de Néanderthal [28]. Au cours de cette période s’est produite une dispersion humaine à travers tout l’Ancien Monde. « Homo neanderthalensis » Une division s’est faite parmi les Homo erectus à partir de 700 000 ans lorsque les anté-Néanderthaliens se sont individualisés. Homo heidelbergensis (Allemagne), puis les crânes de Tautavel (fig 13) (France), de Petralona (Grèce), Sima de los Huesos (Espagne), Saccopastore (Italie), témoignent de l’installation progressive des Néanderthaliens. Comparés à leurs ancêtres, ils ont un corps trapu, un crâne volumineux et étiré ainsi qu’une face projetée vers l’avant suivant l’équilibre représenté (fig 14). Les dents sont dites taurodontes, le corps tendant à s’agrandir aux dépens des racines. Du fait de l’extension apicale de la chambre pulpaire, les couronnes sont moins galbées, plus cylindriques, et la furcation des racines se fait plus apicalement. Les dents antérieures sont très développées et leurs racines ont une épaisseur 8

Ces caractères sont diversement présents chez les Homininés ; cependant, le crâne de l’anté-Néanderthalien de Tautavel présente un schéma occlusal des molaires supérieures qui n’entre dans aucun des gabarits décrits ; le métacône est partagé en trois parties ciselant la région distale des couronnes. Aux molaires inférieures, les schémas occlusaux traduisent à la fois le nombre et l’importance des cuspides. Chez les Primates, le paraconide (cuspide mésiolinguale) disparaît dans les formes supérieures si bien que le trigonide ne compte plus alors que deux tubercules. Chez les anthropomorphes, Primates dépourvus de queue, le groupement pour la première molaire présente généralement un sillon au contact de l’hypoconide et du métaconide, ce qui produit un Y avec les autres sillons (fig 15). Chez l’homme de Tautavel, la première molaire de Arago XIII a un gabarit de type X 5. Une évolution très caractéristique concerne l’hypoconulide dont le gradient s’accroît de M1 à M3 chez les Cercopithecidae, qui sont des singes cynomorphes pourvus d’une queue, alors que chez les Hominoidae, anthropomorphes, l’hypoconulide possède un gradient de réduction de M1 à M3. L’enchaînement des vertébrés nous a permis de retracer l’origine de la dent et sa diversification. Les mammifères ont inventé la mastication et tissé des relations occlusales de plus en plus complexes. Enfin, l’Homme, en suivant les dispositions générales qui s’accentuent dans la lignée des primates, a modifié la relation des mâchoires. Cette évolution de la denture a été accompagnée des modifications morphologiques qui caractérisent nos dents permanentes. Le trait dentaire qui s’impose aux Homininés est lié à la station bipède ; il s’agit de la présence de deux tubercules sur une première prémolaire inférieure arrondie. C’est la marque de rupture avec l’évolution de nos cousins les singes qui développent un complexe centré sur les rapports canine supérieure-première prémolaire inférieure.

Évolution de la denture permanente des Homininés

Stomatologie/Odontologie

14

Anatomie comparée et équilibre de la face et du crâne de l’Homme de Néanderthal et de l’Homme moderne.

NÉANDERTHAL Shanidar I

La Ferassie I

Crâne long, plat et bas Occipital en « chignon »

Front bas fuyant Torus sus-orbitaire développé

}

Nez putôt large Espace rétromolaire

22-003-S-10

Trou mentonnier près de la première molaire

Étage moyen de la face projeté en avant Pas de réel menton

HOMO SAPIENS Qafzeh

Predmost 3 Front haut

Occipital arrondi

}

Nez plus petit

Apophyse mastoïde forte

Étage moyen de la face plus plat Menton

Trou mentonnier sous prémolaires

Pas d'espace rétromolaire

ÉQUILIBRE COMPARÉ Néanderthal

Homme moderne

117,5°

134°

La dédifférenciation dentaire à l’origine des Homininés provoque une gracilisation des racines des canines qui libère la partie alvéolaire de l’os basal des mâchoires. Le trou occipital peut alors s’ouvrir en position plus antérieure. La discontinuité à l’origine de l’Homme est marquée par un ralentissement du développement dentaire et la perte de la perte de la mégadontie postérieure ; un plus grand infléchissement de la base du crâne accompagne la diminution du prognathisme des mâchoires.

– la saillie de l’éminence mentonnière ; impossible à discerner dans l’espèce humaine immédiatement précédente, les Néanderthaliens, alors qu’on lui reconnaît certains éléments du menton (fig 16).

La dernière étape est celle de la genèse de l’Homme moderne pour lequel l’arrêt de la croissance antérieure des arcades alvéolaires parachève l’équilibre entre l’axe de gravité céphalique et celui du corps. L’arcade dentaire inférieure recule par rapport à l’arcade basiliaire osseuse, ce qui produit [9] :

L’odontologie évolutive, qui étudie les origines de l’Homme à travers ses caractères dentaires, sert diverses disciplines scientifiques voisines comme la biologie de l’évolution, l’écologie ou la biologie moléculaire et génétique. Celles-ci élargissent le domaine d’étude et ont déjà joué un grand rôle en éclaircissant les relations évolutives déduites de l’examen morphologique. Avec les progrès de la biologie, il faut sans doute s’attendre à de nouvelles hypothèses et à des réponses concernant les mécanismes qui interviennent dans cette évolution.

– pour la pemière fois chez les Homininés, l’occlusion croisée au niveau incisivocanin (psalidodontie), alors que les autres espèces de la lignée ont une occlusion en bout à bout (labidodontie) ;

Conclusion

Figures 15 et 16 et Références ➤ 9

Évolution de la denture permanente des Homininés

22-003-S-10

1

2

1

2

3

a a

b

3

4

Stomatologie/Odontologie

b 4

c

6

5

7

c

d

d

* A

e

f

g 8

* B

4

1

2

* C

3

15

A. Gabarit occlusal des molaires supérieures. a. Forme 4 ; b. forme 4 moins (4-) ; 1. paracône ; 2. métacône ; 3. protocône ; 4. hypocône ; c. forme 3 plus (3+) ; d. forme 3. B. Gabarit occlusal des molaires inférieures. a, b, c. Formes en Y6, Y5, Y4 (contact entre méta- et hypoconide) ; d, e. formes en +5, +4 ; f, g. formes en X5, X4 (contact entre proto- et entoconide). 1. Protoconide ; 2. hypoconide ; 3. hypoconulide ; 4. métaconide ; 5. entoconide ; 6. tuberculum sextum (entoconulide). Il peut exister un septième tubercule entre hypoconulide et tuberculum sextum : « tubercule 7 ». C. Grades du tuberculum sextum (sixième cuspide mandibulaire) et le tuberculum intermedium (métaconulide). (1) trace ; (2) petit ; (3) moyen ; (4) grand tubercule. Le grade 3 (2) lorsque le tubercule est égal au tubercule distal hypoconulide (1) ; Le grade 4 (4) lorsqu’il est plus grand. 3. Tuberculum intermedium (côté lingual entre métaconide et entoconide).

16

* A

10

* B

A. Homme de Néanderthal (Amud). Occlusion en bout à bout ; absence de menton ; le bord antérieur de la branche montante prend naissance en arrière de la troisième molaire. B. Homo sapiens : Homme moderne. Occlusion croisée au niveau incisivocanin ; saillie du menton ; le bord antérieur de la branche montante prend naissance au niveau de la deuxième molaire.

Stomatologie/Odontologie

Évolution de la denture permanente des Homininés

22-003-S-10

Références [1] Conroy GC, Vannier NW. Dental development of the Taung skull from computerized tomography. Nature 1987 ; 329 : 625-627 [2] Coppens Y. Évolution morphologique de la première prémolaire inférieure chez certains Primates supérieurs. CR Acad Sci Paris 1977 ; 285 : 1299-1302 [3] Coppens Y. Le Singe, l’Afrique et l’Homme. Paris : Fayard, 1983 : 111-144 [4] Dart RA. Australopithecus africanus, the man-ape of South Africa. Nature 1925 ; 115 : 195-199 [5] Dean MC. Homo and Paranthropus: similarities in the cranial base and developing dentition. In : Wood BA, Martin CB, Andrews P eds. Major topics in Primate and human evolution. Cambridge : Cambridge University Press, 1986 : 249-265 [6] Doolittle WF. Phylogenetic classification and the universal tree. Science 1999 ; 284 : 2124-2128 [7] Gabunia L, Abesalom V, Lordkipanidze D, Swisher CC, Ferring R, Justus A et al. Earliest Pleistocene hominid cranial remains from Dmanisi, Republic of Georgia: taxonomy, geological setting, and age. Science 2000 ; 288 : 1019-1025 [8] Gabunia L, Vekua A. A Plio-pleistocene hominid from Dmanisi, East-Georgia, Caucasus. Nature 1995 ; 373 : 509-512 [9] Granat J. Les arcades alvéolaires humaines. Étude morphologique et comparative par les méthodes statistiques. [thèse], Université Paris VI, 1974 [10] Gregory WK. Studies on the evolution of primates. Bull Am Mus Nat Hist 1916 ; 35 : 239-355

[11] Kay RF. The functional adaptations of primate molar teeth. Am J Phys Anthropol 1975 ; 43 : 195-216 [12] Kay RF. The nut-crakers: a new theory of the adaptations of the Ramapithecinae. Am J Phys Anthropol 1981 ; 55 : 141-155 [13] Kielan-Jaworowska Z, Crompton AW, Jenkins FA. The origin of egg-laying mammals. Nature 1987 ; 326 : 871-873 [14] Leakey MG, Felbel CS, McDougall I, Walker A. New fourmillion-year-old hominid species from Kanapoi and Allia Bay, Kenya. Nature 1995 ; 376 : 565-571 [15] McHenry HM. Implications of postcanine megadontia for the origin of Homo. In : Ancestors the hard evidence. New York : Alan Liss, 1985 : 178-183 [16] Osborn JW. The evolution of dentitions. Am Sci 1973 ; 61 : 548-559 [17] Puech PF. Usure des dents chez Australopithecus afarensis : examen au microscope du complexe canine supérieure/première prémolaire inférieure. CR Acad Sci Paris 1983 ; 296 : 1817-1822 [18] Puech PF. Australopithecus afarensis Garusi I, diversité et spécialisation des premiers Hominidés d’après les caractères maxillo-dentaires. CR Acad Sci Paris 1986 ; 303 : 1819-1824 [19] Puech PF. Two dental features to place the Neanderthals. Am J Phys Anthropol [suppl] 2000 ; 30 : 255 [20] Puech PF, Albertini H, Puech S, Chevaux J. Homo erectus many faces. In : Radlanski RJ, Renz H eds. Proceedings of the 10th symposium on dental morphology. Berlin : M and C Brünne, 1996 : 369-372

[21] Puech PF, Albertini H, Serratrice C. Tooth microwear and dietary patterns in early hominids from Laetoli, Hadar and Olduvai. J Hum Evol 1983 ; 12 : 721-729 [22] Puech PF, Warembourg P. Morphogenesis of silicate mineral branching deposits on the dental surface of Dmanisi, the first human in Eurasia. In : Proceedings of the 3rd international meeting on phytolith research. Tervuren : Royal Museum of Central Africa, 2000 [23] Suwa G, White TD, Howell FC. Mandibular postcanine dentition from the Shungura formation, Ethiopia: crown morphology, taxonomic allocations, and Plio-Pleistocene hominid evolution. Am J Phys Anthropol 1996 ; 101 : 247-282 [24] Taieb M. Sur la terre les premiers hommes. Paris : Laffont, 1985 : 118-152 [25] Tobias PV. The distinctiveness of Homo habilis. Nature 1966 ; 209 : 953-957 [26] Verhaegen M, Puech PF. Hominid lifestyle and diet reconsidered: paleo-environmental and comparative data. Hum Evol 2000 ; 15 : 151-162 [27] White TD, Suwa C, Asfaw B. Australopithecus ramidus, a new species of early hominid from Aramis, Ethiopia. Nature 1994 ; 371 : 306-312 [28] Wilus KJ, Whittaker RJ. The refugial debate. Science 2000 ; 287: 1406-1407 [29] Wood B. Origin and evolution of genus Homo. Nature 1992 ; 355 : 783-790 [30] Wood B, Brooks A. We are what we ate. Nature 1999 ; 400 : 219-220

11

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-003-S-20

22-003-S-20

La dent en anthropologie JP Lodter AM Grimoud M Boulbet-Mauger JP Gatignol A Zerbib

Résumé. – La dent en anthropologie est l’objet de recherches dans de nombreux domaines. Il s’agit au plan macroscopique de l’estimation de l’âge, du sexe et des phénomènes de sénescence mais aussi de l’analyse des variations des caractères morphologiques des dentures temporaire et permanente à travers les âges. Les organes dentaires sont également les témoins de modes de vie et de pathologies, à partir de l’étude de l’usure dentaire, des microstries, de la carie et des hypoplasies ; à ce niveau certains caractères différentiels relèvent de l’examen microscopique. À l’échelle moléculaire, la protection qu’offre la structure de la dent à la conservation de l’ADN d’un individu, en fait un matériau de choix en matière d’identification. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : dent, anthropologie, détermination de l’âge et du sexe, usures, caries, hypoplasie de l’émail, ADN pulpe dentaire, identification.

Introduction En anthropologie, l’organe dentaire représente un potentiel d’investigation attaché aux différents caractères qui témoignent de l’évolution, du mode de vie et de l’origine des individus et des populations. La dent, étant constituée des tissus les plus durs de l’organisme, est difficilement dégradée, même dans des conditions limites de conservation. De ce fait, les organes dentaires peuvent être les seuls éléments témoins de l’existence d’individus ou de populations disparus. Leurs caractères sont analysés à l’échelle macroscopique, microscopique et moléculaire. Ainsi, grâce à la richesse de ces renseignements, les domaines d’investigations de la recherche anthropologique en odontostomatologie intéressent l’histoire, la culture, la pathologie et l’identification. Les connaissances acquises permettent d’établir un lien entre passé et présent et de répondre malgré des incertitudes à de nombreuses interrogations.

époque face à la mort, puis il va être confronté à l’étude plus approfondie de l’échantillon biologique inhumé : nombre d’individus, âge, sexe. CALCUL DU NOMBRE MINIMUM D’INDIVIDUS DE LA SÉPULTURE

De nombreuses méthodes ont déjà été décrites pour le dénombrement du nombre minimum d’individus à partir des restes odontologiques : elles sont en fait directement issues du principe de la méthode de Baron [4]. Le nombre maximum de dents décomptées pour un numéro anatomique apparaît comme le nombre minimum d’individus (NMI) de la sépulture. Afin de ne pas décompter deux fois le même individu présentant une denture mixte, la dent de référence est celle qui obéit à des critères de sélection minimisant les erreurs : l’apexification doit être terminée pour les dents définitives (les dents immatures ne sont pas utilisées dans le calcul du NMI adultes) et la dent de référence doit être facilement reconnaissable afin de diminuer les biais intra- et interobservateurs. ESTIMATION DE L’ÂGE AU DÉCÈS DES INDIVIDUS

Apport de l’étude des dents présentes dans les sépultures Les dents sont les vestiges humains qui résistent le mieux aux outrages du temps. De nombreux éléments du corps humain disparaissent ou sont rapidement altérés ou détruits, les dents constituent alors de précieux témoignages des temps passés. Devant une sépulture, l’anthropologue doit tout d’abord analyser les pratiques funéraires, le comportement de l’homme vivant à cette

Jean-Philippe Lodter : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Anne-Marie Grimoud : Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier. Jean-Philippe Gatignol : Assistant hospitalo-universitaire. Alexandre Zerbib : Docteur en chirurgie dentaire attaché d’enseignement. Service d’odontologie, 3, chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse cedex 4, France. M Boulbet-Mauger : Docteur en chirurgie dentaire, 4, rue de Fontainebleau, 31400 Toulouse, France.

¶ Techniques utilisant les stades d’éruption et de calcification des dents pour les enfants et les adolescents L’estimation de l’âge au décès des enfants est rendue possible du fait de la correspondance entre leur âge et les stades d’éruption et de calcification des dents lactéales et immatures. Différentes classifications sont disponibles : les tables de Schour et Massler [77], d’Ubelaker [85] permettent de déterminer l’âge de la mort avec une forte probabilité ± 6 mois. Nortje [63] a même proposé une étude du développement de la racine de la dent de sagesse entre 16 et 19 ans, mais cette classification n’est pas utilisable dans l’étude d’échantillons dentaires isolés du fait du faible indice de confiance dans la détermination précise des dents de sagesse. Il faut tout de même signaler que l’âge dentaire de nos ancêtres est estimé grâce à des références établies à partir de populations

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lodter JP, Grimoud AM, Boulbet-Mauger M, Gatignol JP et Zerbib A. La dent en anthropologie. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-003-S-20, 2003, 12 p.

22-003-S-20

La dent en anthropologie

actuelles nord-américaines. Cela implique de ne pas tenir compte d’un décalage possible entre le développement des organes dentaires des populations actuelles et préhistoriques. De plus, l’étude des populations actuelles montre qu’il existe un décalage entre l’âge dentaire et l’âge civil.

¶ Techniques étudiant pour les individus adultes les phénomènes de sénescence L’ensemble de ces méthodes donne des résultats moins précis que les précédents. Technique d’estimation d’âge à deux critères dentaires de Lamendin [42] Simplifiant la méthode de Gustafson [28], Lamendin se base sur des dents monoradiculées. II note deux critères : – la parodontose : mesurée au compas à pointe sèche ou au pied à coulisse, rapportée à la longueur totale de la racine ; – la translucidité radiculaire : mesurée sur trame millimétrée sur négatoscope, également rapportée à la longueur totale de la racine. Cette technique récente ne détériore pas la dent à étudier et semble donner des résultats intéressants en odontologie légale. Étude de l’usure dentaire [38] Ici interviennent certains facteurs de variabilité qui induisent une marge d’erreur : la consistance de la nourriture, l’occlusion, le chemin de fermeture, les douleurs dentaires, les dents absentes ante mortem, les facteurs psychiques et les tics masticatoires, le sexe, la présence de terre et de sable dans les aliments, le mode de vie et de culture, les facteurs climatiques… Lovejoy [48], en étudiant l’usure des dents de la population de Libben pour 332 adultes, ne trouve pas de différence significative entre les hommes et les femmes et conclut que l’usure dentaire est un bon indicateur d’âge pour un échantillon de population donnée. Techniques étudiant le volume pulpaire [20] Les nombreux facteurs qui entraînent un rétrécissement pulpaire (agressions thermiques, caries, usure…) entravent la fiabilité de ces techniques. De plus, l’action du sol et de son microenvironnement [5] peut induire des phénomènes d’usure et de translucidité radiculaire comparables à ceux apparus physiologiquement : une fois inhumée, la dent continue à évoluer au niveau de sa structure et au bout d’un certain temps elle n’est plus à l’image de ce qu’elle était au moment du décès de l’individu.

¶ Techniques physique et chimique Étude de la structure cristalline amélaire et dentinaire Les variations cristallographiques de l’émail et de la dentine au cours de la vie peuvent être mesurées pour établir des tables de corrélation entre l’âge et la structure : mais ces tables présentent les mêmes faiblesses que les précédentes (en particulier changements de la structure cristallographique après la mort). Racémisation des acides aminés La racémisation est une conversion stéréo-isomérique de la forme L des acides aminés vers leur forme D. La forme L de ces molécules est principalement synthétisée chez les organismes vivants. Quand les acides aminés ne sont pas renouvelés, à la mort de l’individu ou dans les tissus calcifiés, la forme D apparaît jusqu’à atteindre un équilibre racémique. L’étude du ratio D/L peut permettre une détermination de l’âge de l’individu avec un intervalle de confiance variant selon les auteurs de 3 à 15 ans. En plus d’un haut niveau technique, cette méthode de détermination de l’âge au décès a pour inconvénient majeur de détruire le matériel anthropologique. ÉTUDE DU RECRUTEMENT FUNÉRAIRE

¶ Objectifs L’étude des populations du passé reste une science difficile et approximative faute de source écrite : l’anthropologue a pour rude 2

Stomatologie

tâche d’étudier les restes d’un monde de morts pour essayer de reconstituer le monde des vivants tel que ces morts l’ont connu [54]. Pour pallier l’absence de document écrit, l’anthropologue va étudier l’ensemble des éléments présents dans ces nécropoles : le matériel biologique et les éléments funéraires. Au début de l’archéologie, le mobilier semblait présenter plus d’intérêt que les vestiges humains mais cette habitude a changé progressivement : l’archéologie funéraire et l’anthropologie ont fusionné pour évoluer ensemble. L’étude des populations du passé passe maintenant par l’étude des ensembles sépulcraux et du recrutement funéraire mais aussi par l’étude de la biologie des populations. L’estimation de l’âge au décès des personnes inhumées nous donne la structure par âge de cette population et éventuellement celle de la population inhumant. Bien que passionnantes, ces estimations doivent être modulées pour différentes raisons : – la détermination de l’âge au décès des adultes de plus de 30 ans reste imprécise ; – connaît-on vraiment la période d’utilisation de l’espace funéraire au cours du temps ? – la population vivante a-t-elle eu un effectif constant ? – comment mettre en évidence les évènements ponctuels (court terme) sur une période d’utilisation de la nécropole qui peut s’étendre sur plusieurs millénaires (long terme) ? – la connaissance partielle des pratiques funéraires des populations anciennes (filtres culturels) pose le problème du recrutement des personnes inhumées ; – a-t-on fouillé tout le site ? La comparaison avec des modèles biologiques permet d’établir si le monde des morts étudié est assimilable à une population naturelle ou s’il présente des biais importants qui ne permettent pas de passer au monde des vivants.

¶ Construction de la table de mortalité La construction de la table de mortalité à partir de la répartition par âge des restes dentaires fait appel à une hypothèse qui stipule que la structure par âge de la population est constante et que son taux de natalité égale le taux de mortalité [62]. La durée d’utilisation des inhumations et des cimetières, souvent longue de plusieurs siècles, valide l’hypothèse d’un taux d’accroissement nul : les oscillations par rapport à un état stationnaire s’annulent sur le long terme. L’objectif de ces études est la mise en évidence des anomalies de la mortalité par rapport à une population de référence, nous rechercherons donc une répartition qui se rapproche le plus possible d’une mortalité classique : c’est le principe de conformité. La détermination de l’âge au décès des individus inhumés permet d’obtenir une répartition par classes d’âges de la population archéologique : les classes d’âge retenues sont 0, 1-4, 5-9, 10-14, 15-19 et > 20. Le modèle est constitué par un schéma de mortalité archaïque prenant en compte la totalité des possibilités démographiques des populations pré-jennériennes, c’est-à-dire avant la révolution industrielle. L’espérance de vie à la naissance de ces populations se situe entre 20 et 40 ans ; une population dont l’espérance de vie à la naissance ne dépasse pas 20 ans ne peut guère prétendre à sa survie sachant que les individus décèdent avant de pouvoir procréer. À l’inverse, une espérance de vie à la naissance de 40 ans ne se retrouve que pour les populations très favorisées. Quelle que soit l’espérance de vie à la naissance, la courbe des quotients de mortalité suit les mêmes modalités. La mortalité entre 0 et 4 ans est importante, le quotient entre 10 et 14 ans étant toujours le plus faible. Le rapport des décès entre 5 et 9 ans et 10 et 14 ans est toujours aux alentours de 2. Dans le cas où la diagnose sexuelle à partir des dents n’est pas définie, les courbes mixtes hommes/femmes sont utilisées. Si l’échantillon n’est pas assimilable à une population naturelle, c’està-dire si les données s’écartent trop de l’éventail des possibilités, il faut analyser les biais responsables de cette divergence :

La dent en anthropologie

Stomatologie – détermination de l’âge au décès des individus ;

– échantillon non représentatif à cause des multiples purges ; – filtres naturels (la taphonomie) ; – recrutement funéraire spécifique : filtres culturels (les nouveaunés sont enterrés ailleurs) ou évènements historiques particuliers (guerre, épidémie, catastrophe naturelle). Malheureusement, il est rare de trouver un échantillon dentaire représentatif d’une population naturelle, les biais inhérents à l’étude des restes dentaires isolés étant très importants ils faussent les résultats (sous-représentation des nouveau-nés, sous-représentation des individus dont l’usure dentaire est importante) ; mais l’application d’une méthode rigoureuse à plusieurs échantillons contemporains permet une comparaison statistique qui peut nous aider à mieux connaître nos ancêtres.

Variation des caractères morphologiques à travers les âges préhistoriques DENTS TEMPORAIRES

¶ Dimensions dentaires Les dents temporaires préhistoriques ont des dimensions plus ou moins analogues aux dents temporaires actuelles [32, 44, 79], bien que l’on enregistre une légère diminution proportionnelle des dimensions mésiodistale et vestibulolinguale, cette diminution est inférieure à 1 millimètre.

¶ Anomalies et variations des dents Les anomalies et les variations sont rares pour les dents temporaires préhistoriques. Les fréquences de ces anomalies, tant à l’époque préhistorique qu’aujourd’hui, sont, en Europe tout au moins, si faibles qu’il ne paraît pas possible d’en tirer des conclusions.

¶ Carie et usure dentaire Les caries observées sur les dents temporaires préhistoriques sont assez rares. Elles présentent différents stades de gravité, depuis la petite carie superficielle jusqu’à la lésion pulpaire. Du mésolithique à l’âge du Fer [9], les pourcentages de caries pour l’ensemble des dents temporaires vont de 0 à 5 % des dents examinées. Cependant, les pourcentages calculés sur de petits nombres de dents peuvent atteindre 9 %. Par ailleurs [60], dans le territoire de l’actuelle Hongrie, la faible fréquence de la carie des dents d’enfants aux périodes néolithique, du cuivre et du bronze est en corrélation avec une importante ingestion de fluor. Quant à l’usure des dents temporaires préhistoriques, elle était certainement plus marquée que celle des dents actuelles.

¶ Tartre et parodontopathie Le tartre peut se rencontrer sur la denture temporaire, mais il est à l’état de traces. Aucun auteur n’a jamais vu de parodontopathie dans la denture temporaire préhistorique. DENTS PERMANENTES

¶ Dimensions dentaires Différents travaux soulignent que les dimensions moyennes des dents de la période préhistorique ne s’écartaient pas sensiblement de celles des dents actuelles. Cependant, depuis cette période, les dimensions des couronnes des dents permanentes ont subi une

22-003-S-20

diminution légère et proportionnelle ; cette diminution étant en général de l’ordre d’une fraction de millimètre. Quant à la hauteur coronaire, elle ne peut pas être mesurée systématiquement dans toutes les séries de dents examinées, en raison de l’usure ou de la détérioration de certaines couronnes. Les mesures effectuées mettent en évidence des différences ≤ 1 mm environ, sauf pour les canines où elles atteignent de 1 à 2 mm environ, selon que les couronnes sont plus ou moins trapues. Il n’existe donc pas de différences importantes de dimensions par rapport aux dents actuelles [8]. Cependant, l’examen de nombreuses dentures, de populations de l’époque du bronze ancien (1700-1500 avant JC), comparé à celui de populations plus récentes, indiquerait qu’au cours des 3 500 ans qui viennent de s’écouler, il s’est produit une réduction du nombre des cuspides de toutes les molaires supérieures et de la première molaire inférieure. Mais cette réduction a été plus ou moins rapide selon les dents.

¶ Anomalies et variations dentaires de volume, de forme et de nombre Dans de nombreuses séries dentaires, la microdontie a été observée plusieurs fois pour l’incisive latérale supérieure et la dent de sagesse. La fréquence se situait pour diverses séries entre 0 et 0,6 %. La macrodontie n’a guère été observée. Si la fusion dentaire n’a jamais été décrite, la gémination d’une molaire avec une prémolaire a été observée deux fois : une fois à Rouffignac (époque Halstatt I) et une fois aux Matelles (néolithique) [11]. Les incisives en « pelle » dans l’ancienne population des Matelles, sont relativement nombreuses, soit 5,3 % de l’ensemble des dents examinées. Les molaires présentent une série d’autres particularités dignes de retenir l’attention : ainsi le taurodontisme, fusion des racines des deuxième ou troisième molaires en une racine pyramidale, a été observé dans plusieurs séries et le tubercule de Carabelli a été plusieurs fois décrit dans différentes séries ; ses dimensions allant de l’ébauche d’une dépression jusqu’à une sorte de cuspide bien développée ; mais l’usure souvent assez marquée de certaines dents rend difficile la détermination de la présence de ce tubercule. Le pourcentage de dents présentant un tubercule de Carabelli n’a jamais dépassé 2 %. L’hypercémentose radiculaire, plusieurs fois observée, n’était jamais généralisée à toutes les dents et ne concernait que les cas où elle était anormalement importante et déformait notablement la racine. Les anomalies par agénésie ou hypodontie sont, dans les recherches sur les dentures préhistoriques, parfois difficiles à apprécier à cause de la détérioration des mâchoires, mais restent rares pour les crânes examinés. Si les première et deuxième molaires sont très rarement (et même exceptionnellement) absentes, la troisième molaire l’est assez souvent. Les fréquences varient beaucoup selon les populations et les époques. Chez les peuples primitifs cependant, la tendance à la disparition de cette troisième molaire est beaucoup moins marquée que chez les peuples évolués contemporains.

¶ Tartre et parodontopathie

[56]

L’étude des dépôts de tartre présente l’intérêt de fournir des renseignements sur l’état du parodonte et sur certains aspects de l’alimentation des sujets étudiés. Mais l’appréciation de l’importance des dépôts est parfois impossible et souvent discutable. Sur presque toutes les dentures préhistoriques étudiées, les dépôts tartriques sont peu importants. L’appréciation des dépôts de tartre est réalisée selon des indices : l’indice 0 représente l’absence de tartre, l’indice 1 des dépôts minimes et discontinus, l’indice 2 des dépôts d’épaisseur moyenne (l à 2 mm environ) et étendus à un nombre plus ou moins élevé de dents, l’indice 3 des dépôts volumineux, recouvrant même dans certains cas plus ou moins complètement les couronnes 3

22-003-S-20

La dent en anthropologie

Stomatologie

dentaires. Un grand nombre de ces dépôts volumineux sont unilatéraux et leur présence est liée à l’absence de mastication sur une partie de la denture douloureuse. Soulignons également que les manipulations et le nettoyage des crânes détachent souvent des dépôts tartriques. Dans certaines dentures même tout le tartre a disparu post mortem. En ce qui concerne les parodontopathies, on retrouve souvent sur les crânes préhistoriques des irrégularités et des porosités du rebord alvéolaire attestant la présence de gingivite (notamment tartrique) et de parodontite chez un assez grand nombre d’adultes, ayant dépassé la trentaine. On peut aussi observer (surtout chez les sujets âgés) de nombreux cas de parodontopathie complexe (comme en témoignent les poches le long de certaines racines dentaires). La parodontopathie existait donc à l’époque préhistorique mais était moins fréquente qu’aujourd’hui. La durée moyenne de vie étant plus courte que la nôtre, les individus disparaissaient à l’âge où les parodontopathies deviennent fréquentes dans nos populations.

– l’époque actuelle : 40 à 60 % (80 à 100 % de la population). Il faut tenir compte d’une part du fait qu’une plus grande longévité entraîne une augmentation naturelle des lésions organiques, et d’autre part que les statistiques portant sur les jeunes populations européennes actuelles d’âge scolaire révèlent un important pourcentage de caries.

¶ Soins dentaires

– nombre de dents et de personnes atteintes en augmentation. Cette détérioration au cours des siècles subit une accélération chez les peuples primitifs actuels qui ont abandonné leurs coutumes et ont adopté les conditions de vie moderne ; on assiste, surtout parmi les enfants, à une destruction coronaire brutale, rapide, à point de départ cervical mais aussi occlusal.

Il n’est pas impossible que certaines dents perdues ante morten aient disparu par extraction. Si une certaine chirurgie odontologique existait dès la Haute Antiquité égyptienne, pour l’époque préhistorique les ouvrages sur l’histoire de l’odontostomatologie restent très discrets.

La carie dentaire de la Préhistoire à nos jours ÉVOLUTION DE LA CARIE DURANT LA PRÉHISTOIRE

¶ Premières manifestations Les ancêtres plus ou moins directs de l’homme, australopithèques, pithécanthropes, sinanthropes, n’ignoraient pas tout à fait la carie, de même plus près de nous les néandertaliens de Palestine. Mais les néandertaliens d’Europe en étaient curieusement indemnes. Au paléolithique supérieur, la carie n’a été signalée que sur un crâne solutréen français de la vallée du Roc en Charente par HenriMartin. C’est au mésolithique ancien français que la carie perd son caractère d’exception. À la période néolithique, bien que peu répandue, elle devient courante.

Évolution de la carie Elle s’effectue dans plusieurs directions, à savoir : – extension aux faces triturantes (dès la période gallo-romaine) et aux dents antérieures primitivement à peu près indemnes ; – destruction plus rapide et couronnes détruites plus nombreuses chez les jeunes Gallo-Romains ; – abaissement de l’âge des premières caries ; – denture temporaire affectée d’une manière sensible à partir du Moyen Âge ;

CARACTÉRISTIQUES DE LA CARIE PENDANT LA PRÉHISTOIRE

¶ Indice carieux Cet indice varie d’un site à l’autre entre 2 et 9 %. On ne saurait préciser dans quelle mesure cette variation est fonction de facteurs socio-culturels et alimentaires ou de facteurs constitutionnels ou raciaux. Ainsi, aucune relation n’a pu être établie entre la fréquence de la carie et un des éléments caractéristiques de la race, l’indice céphalique horizontal (rapport de la largeur maximale du crâne à sa longueur maximale multiplié par 100) en Europe néolithique.

¶ Rapports existant entre l’âge et la carie

Pourcentages de lésions carieuses

Sur cette question toutes les observations concordent : la carie à l’époque préhistorique est une maladie de l’adulte, l’adolescent en est préservé et si l’on met à part les assez rares caries de dents temporaires chez l’enfant, il en est de même pour celui-ci. La carie se développait en moyenne vers 18 ans et prenait son extension surtout après 30 ans. Les lésions carieuses augmentaient progressivement en nombre et en étendue chez l’adulte âgé. Ainsi, tout en admettant que la carie a été relativement fréquente au néolithique, il est reconnu qu’elle n’y apparaissait en général qu’après la trentaine. Dans l’ensemble, à ces époques, le nombre moyen de caries par sujet semble identique pour les deux sexes, ceci dans la mesure où il existe une différenciation sexuelle morphologique maxillocrânienne et sans oublier les erreurs éventuelles.

Les pourcentages sont définis, par rapport au nombre de dents examinées, du néolithique à l’époque actuelle pour les périodes suivantes [32] :

¶ Un hémimaxillaire ou un maxillaire est-il plus fréquemment atteint ?

¶ Du néolithique à nos jours Le nombre de pièces maxillodentaires, recueillies à l’occasion de fouilles archéologiques en Europe, a permis des études détaillées et statistiques assez précises. Un important matériel exhumé de tout le territoire français et collectionné au laboratoire d’anthropologie physique du Musée de l’Homme à Paris, permet de connaître quelques caractéristiques de la carie dentaire à cette époque.

– le néolithique ancien du Massif central : 2,81 % ; – l’ensemble du néolithique et l’âge des métaux en France : 3,81 % (10 à 30 % des individus) ; – la Gaule préromaine : 6,34 % ; – la Gaule romaine (cimetières burgondes et wisigothiques) : 11,35 % (30 à 40 % des individus) ; – le Haut Moyen Âge (cimetières francs de Spy et de Ciply, Belgique) 12,50 % [10] ; – du XVIIe au XIXe siècle (ossuaire de Marville, Meuse) : 23,4 % ; 4

Aucun auteur n’a trouvé de nette localisation préférentielle de la carie du côté gauche ou droit des maxillaires. Mais on constate que la carie est généralement plus fréquente au maxillaire supérieur [32].

¶ Dents permanentes les plus fréquemment atteintes par la carie Sur ce point tous les résultats concordent, les secondes prémolaires et les molaires sont les dents les plus atteintes, le maximum se situant (et parfois de loin) à la première molaire ; un grand nombre de caries se trouve aussi sur les deuxièmes molaires et même les dents de sagesse.

La dent en anthropologie

Stomatologie

En revanche, les dents antérieures sont généralement à peu près indemnes de caries [32]. Si l’on rapproche ces constatations des connaissances sur l’état actuel de la denture des populations blanches, on voit qu’il existe encore aujourd’hui de nettes différences de sensibilité à la carie pour les différents types de dents : la canine est la moins touchée, la première molaire l’est le plus et le bloc incisif inférieur est peu atteint.

22-003-S-20

1

Dent « rainurée » [25].

¶ Surface de la couronne dentaire la plus fréquemment atteinte par la carie [17, 34] On a soutenu que le collet de la dent était souvent atteint et qu’ainsi la lésion carieuse aux temps préhistoriques différait nettement des lésions actuellement observées. Ce qui tendrait à prouver que la maladie, au cours des âges, s’est profondément modifiée dans ses manifestations [58]. Pour Maytie [57], le siège de prédilection des lésions s’affirme au collet et le restera au-delà du Néolithique pendant un certain temps. L’auteur avoue cependant la difficulté à faire un diagnostic différentiel exact, après un examen macroscopique, entre les vraies caries du collet et les destructions cémentaires post mortem à ce niveau ; les fausses caries n’étant décelables qu’à l’examen histologique. En outre, il est bien connu que les puits d’émail (imperfections adamantines fréquentes chez les préhistoriques et jusqu’au Moyen Âge) peuvent aussi imiter grossièrement la carie.

2

Microstries à la surface amélaire [25].

¶ Rythme d’évolution des caries chez les néolithiques La plupart des caries restent limitées au voisinage de leur point de départ même chez les vieillards. Elles ne déterminent que rarement d’importantes pertes de substance ; néanmoins de nombreuses caries atteignent la pulpe. En d’autres termes, aucune constatation ne permet de confirmer que la carie dentaire progressait moins vite ou restait plus limitée à l’époque préhistorique qu’ultérieurement.

¶ Usure et carie

[59]

Une forte usure, en raison de la fréquence d’un articulé en bout à bout, n’est pas obligatoirement associée à un nombre moindre de caries. Ces deux altérations, l’une fonctionnelle et l’autre pathologique, sont observées à la fois sur la même arcade, l’usure étant précoce et constante. La coexistence de l’usure et de la carie est manifeste chez l’homme de Rhodésie et les Ibéro-Maurusiens (Mechta-Afalou) d’Afrique du Nord ainsi que chez les hommes de Lagoa Santa au Brésil (fin du paléolithique supérieur mésolithique). Actuellement, 22,22 % des aborigènes australiens, aux dents usées, vivant à l’état sauvage, sont atteints de caries profondes.

¶ Étiologie de la carie selon les époques L’indice carieux a augmenté au fil des siècles de façon régulière et persistante en Occident, en relation (mais sans parallélisme strict) avec l’utilisation d’une nourriture de plus en plus nocive pour la denture par son chimisme et sa consistance. Cet indice atteint un degré maximal chez les peuples primitifs devenus artificiellement « civilisés ». Cependant, quelques individus dans les mêmes conditions sont malgré tout épargnés grâce à une protection d’origine génétique. En effet, la trame organique des minéraux étant de nature protéinique, elle dépend du code génétique personnel. Ces différentes constatations confirment les hypothèses actuelles sur la double étiologie de la carie locale (alimentation, hygiène buccale) et générale (facteurs génétiques, hérédité).

Micro-usures et stries L’usure dentaire décrite initialement comme un processus pathologique a été par la suite assimilée à un phénomène biologique naturel, résultat des fonctions masticatrices et/ou paramasticatrices [60] . La mise en évidence à la surface dentaire de stigmates macroscopiques (fig 1) et/ou microscopiques (fig 2) les fait assimiler

à des marqueurs d’activité. En anthropologie, la modélisation de l’usure dentaire présente divers intérêts, appréhender les habitudes et régimes alimentaires, comprendre l’évolution technique des « sociétés » humaines et définir des « marqueurs » de population et des indicateurs d’habitudes et de régimes alimentaires. Seuls certains éléments, particules de sables et de grès par exemple, peuvent être à l’origine de micro-usures se matérialisant à la surface de l’organe dentaire par l’apparition de microstries [24]. Diverses études [25, 71, 87] suggèrent que les particules de silice d’origine végétale appelées phytolithes constituent la source abrasive majeure des végétaux. Cette structure solidifiée dans les tissus végétaux, adopte différentes tailles et formes en fonction des tissus et des plantes concernées. Walker [87, 88] est l’un des précurseurs de l’étude en microscopie électronique à balayage (MEB) des micro-usures localisées sur les structures amélaires et dentinaires. Les travaux de cet auteur débouchent sur une véritable « bibliothèque » de modèles types : herbivores, frugivores, carnivores charognards et non charognards, omnivores terrestres, de telle sorte qu’il espère ainsi, après analyse d’un échantillon dentaire d’hominidés fossiles, les situer dans un régime alimentaire particulier [52, 86]. Puech [70] établit que l’orientation et la longueur des stries dépendent de l’alimentation. Il différencie de façon formelle un végétarien d’un carnivore ; l’absence de phytolithes dans la viande expliquant le taux moins élevé de microstriations chez les carnivores. Grâce à l’isolement de phytolithes à la surface de l’émail dentaire humain [39, 40, 41] , on peut mieux préciser la schématisation des différents modes d’alimentation et approfondir notre connaissance sur l’influence que 5

La dent en anthropologie

22-003-S-20

l’alimentation et le mode de vie ont pu avoir sur les premiers hommes. Ces travaux encourageants ouvrent un large domaine d’investigation. Puech [72] essaie à travers la caractérisation de ces microstries - point d’application, sens, longueur, largeur, profondeur - de codifier les propriétés « physiques » des aliments ; il conclut que : – la densité détermine la charge abrasive du matériau mais également l’usage de la surface ; – la direction et le sens du mouvement sont délicats à préciser car l’entrée et la sortie du grain présentent le même aspect effilé, mais parfois, il est possible de déterminer le sens car le grain abrasif se fracture au cours de la coupe, ou alors l’entaille est produite par un outil opérant à la manière d’un poinçon ; ainsi, le sens des rainures peut être influencé par les propriétés physiques des particules abrasives, l’ampleur de la force abrasive, ou les caractéristiques structurales des surfaces d’émail usées ;

Stomatologie

¶ Hypothèses étiologiques L’hypothèse la plus communément acceptée est celle de l’utilisation ante mortem d’instruments à rapprocher du cure-dent dans un cadre de thérapeutique palliative ; en effet, l’usage de ces derniers laisse des stries microscopiques parallèles entre elles et perpendiculaires au grand axe de la dent au niveau des espaces interproximaux. Cette hypothèse, proposée par Ubelaker [85], est basée sur le fait que les rainures sont souvent associées aux problèmes carieux et parodontaux. Cette pratique provoque, par la création d’une zone de rétention, le développement de caries puis de problèmes parodontaux. FONCTION PARAMASTICATRICE DES DENTS COMME OUTIL

– la longueur rend compte de l’ampleur des mouvements du matériel abrasif ;

La littérature ethnologique permet d’établir l’importance des dents antérieures comme troisième main chez l’homme. Ce type de fonction paramasticatrice permet de définir différentes caractéristiques.

– la largeur rend compte de la taille de la particule abrasive elle-même ;

¶ Éléments macroscopiques

– la profondeur est intimement liée à la pression exercée lors de l’utilisation du matériel abrasif. Des travaux [52, 83] montrent l’interrelation entre la microstructure dentaire et la parafonction, ainsi la différence d’orientation des cristallites au sein de l’émail, par rapport à la surface occlusale de la dent, semble affecter la résistance de celui-ci à l’abrasion. L’analyse de la microstructure et des micro-usures dentaires donne donc de nouveaux éclairages sur l’interprétation des habitudes alimentaires. Toutefois, la consistance des aliments et leur contenu abrasif restent les variables principales influençant l’usure [52]. L’analyse des micro-usures dentaires en MEB se révèle être une méthode majeure dans la compréhension du mode alimentaire chez les animaux modernes et les fossiles [83, 86].

Les « rainures » indicateurs des habitudes culturelles La sollicitation de l’organe dentaire dans diverses fonctions paramasticatrices (outils, rites, habitudes) a pour conséquence l’apparition d’usure atypique de l’odonte ; de véritables rainures ou facettes d’aspect polymorphe s’individualisent ainsi à la surface amélodentinaire. RAINURES INTERPROXIMALES (« INTERPROXIMAL GROOVING »)

Les rainures interproximales sont observées non seulement chez les hominidés fossiles, de divers sites à travers l’Afrique, l’Asie et l’Europe, mais également au sein de populations plus contemporaines (aborigène d’Australie) [12]. Ces rainures présentent un certain nombre de caractéristiques.

¶ Éléments macroscopiques Ces éléments sont plus fréquemment localisés dans le secteur postérieur sur les prémolaires et les molaires, sur les dents maxillaires, sur les faces proximales et à la jonction amélocémentaire ou à proximité. Morphologiquement, ils se situent dans le sens horizontal, sont de forme semi-circulaire et présentent une variabilité dimensionnelle allant de 1 à 4 mm de diamètre.

¶ Éléments microscopiques La présence de cément, déposé secondairement le long des rainures, témoigne d’une irritation chronique des tissus dentaires et les striations longitudinales ou zones polies dans la rainure d’un mouvement de va-et-vient. 6

[89]

La localisation est très variable : faces proximales, occlusales et palatines, au maxillaire et à la mandibule, isolés ou symétriques ; morphologiquement leur variabilité est importante.

¶ Éléments microscopiques L’aspect microscopique en MEB est variable, allant de fines striations parallèles les unes aux autres avec une orientation linguolabiale à des striations plus larges d’orientations variables.

¶ Hypothèses étiologiques L’intervention des dents antérieures doit se situer dans la réalisation de tâches diverses : réalisation d’objets utilitaires (filets de pêche, paniers, sacs funéraires, cordages) [43], traction des peaux animales afin de les détendre [50], maintien d’un matériel abrasif entre les arcades dentaires associé à une découpe de celui-ci [40]. FONCTION PARAMASTICATRICE ASSIMILÉE À DES MUTILATIONS VOLONTAIRES

Dans le monde méso-américain, les pays Maya et Aztèque ont été les terres d’élection des mutilations dentaires [68]. Cette coutume a existé dès le début de la période préclassique inférieure (1 400 av JC). Différentes hypothèses rituelles ou esthétiques peuvent être envisagées. La description des différentes formes de mutilation (fig 3) est établie d’après la classification mise au point par l’anthropologue mexicain Romero [76]. Il existe ainsi de nombreuses mutilations des faces vestibulaires du bloc incisivocanin, représentées par des rainures à la jonction du tiers moyen et du tiers supérieur de la portion coronaire.

Hypoplasies dentaires L’émail dentaire peut présenter des anomalies, appelées hypoplasies, qui résultent d’atteintes systémiques ou locales lors de la formation de la dent. Ces dysplasies de l’émail peuvent être de forme circulaire ou linéaire, elles sont le témoignage de stress épisodiques survenant durant la croissance [37]. ORIGINE

Au cours de la calcification de l’émail, un trouble du stade formatif intervient au niveau d’une strie de Retzius et empêche la formation d’une partie de l’émail. Certains améloblastes qui habituellement sécrètent des protéines sont détruits et ne peuvent plus reprendre leur processus. Cet arrêt dû à un phénomène de stress va provoquer

La dent en anthropologie

Stomatologie

3

Schéma de mutilations volontaires de Romero [76].

22-003-S-20

alors les qualifier de sillons transversaux observables [ 2 2 ] (microscopiquement ou à l’œil nu) [6]. La notion de sévérité a aussi été évoquée en distinguant d’une part des hypoplasies linéaires de l’émail modérées, sévères ou relativement profondes et d’autre part des hypoplasies linéaires de l’émail superficielles peu profondes. Il a été établi que les dents antérieures sont plus hypoplasiées que les postérieures [27] et une plus faible épaisseur de l’émail rend la dent plus susceptible de présenter une hypoplasie ; l’incisive centrale maxillaire et la canine mandibulaire étant les deux dents les plus touchées. Goodman [27] suggère que les études des hypoplasies linéaires de l’émail ne devraient porter que sur ces deux dents ; cette approche conduirait à un gain de temps considérable associé à une perte d’information potentielle minime. Mais à l’inverse, certains auteurs préconisent une étude de l’ensemble des dents. USURE ET HYPOPLASIE

Il a été démontré que des hypoplasies linéaires de l’émail peuvent apparaître très tôt et se manifester près du bord occlusal de la dent mais souvent ce bord s’use par la suite. Cette usure physiologique, due à l’occlusion et à l’alimentation, peut fausser les études des hypoplasies linéaires de l’émail. CARENCE NUTRITIONNELLE ET HYPOPLASIE

des hypoplasies sous forme de stries ou de bandes horizontales plus ou moins larges [27] ; ce sont de nouveaux améloblastes qui assureront la reprise de la formation de l’émail. Durant plusieurs années, de la période intra-utérine jusqu’à l’enfance, trois à quatre épisodes d’arrêt de croissance peuvent ainsi se manifester sous l’effet d’un certain nombre de perturbations de la formation. Les hypoplasies linéaires de l’émail, caractérisées par une limite cuspidienne, point de départ de la lésion et une limite cervicale, sont très étudiées en anthropologie car leur nombre et leur localisation nous renseignent sur le niveau de stress d’une population et sur le moment où ces stress se sont manifestés. HYPOPLASIES ET LIGNES DE HARRIS

Les lignes de Harris ont été largement utilisées par les anthropologues, mais l’os, à l’inverse de l’émail dentaire, se remodelant en permanence, seules les hypoplasies linéaires de l’émail témoignent de manière indélébile des souffrances de l’organisme à un moment donné ; néanmoins, la perte des dents, pour des raisons physiologiques ou pathologiques, peut nous priver de ce témoignage. ÉTIOLOGIE

L’étiologie multifactorielle des hypoplasies linéaires de l’émail ne permet plus de considérer ces lésions uniquement comme des indicateurs de stress nutritionnels. Il a été établi une corrélation entre les hypoplasies linéaires de l’émail, la taille, le poids et le statut socio-économique d’un échantillon d’enfants mexicains de Solis [27]. La faible quantité de protéines animales du bol alimentaire et son manque de diversité semblent être responsables de la survenue de ces lésions [18]. Pour d’autres [90], les hypoplasies linéaires de l’émail reflètent une susceptibilité des enfants non immunisés vis-à-vis des maladies. La majorité de celles-ci étant de bon pronostic, les survivants présentent des hypoplasies linéaires de l’émail. Malheureusement, il n’y a pas de consensus quant à la méthodologie et au recueil des données concernant les hypoplasies linéaires de l’émail, l’hétérogénéité des définitions rend la comparaison des études difficile et l’absence de gradient de sévérité fait cruellement défaut [51]. Les hypoplasies linéaires de l’émail se traduisent par une diminution de l’épaisseur de l’émail à la surface externe de la dent [27] et on peut

Il existe un consensus sur