Instruments de Crédit Et de Paiement: Stéphane Piédelièvre [PDF]

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Zitiervorschau

Stéphane Piédelièvre

10e édition

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Instruments de crédit et de paiement

DE CRÉDIT ET DE PAIEMENT

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I NSTRUMENTS

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COURS DALLOZ Série Droit privé

Sous la direction de Marie-Anne Frison-Roche Professeur à Sciences Po (Paris)

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I NSTRUMENTS DE CRÉDIT ET DE PAIEMENT 10e édition

2018

Stéphane Piédelièvre Professeur à l’Université Paris-Est

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IV

Le pictogramme qui figure ci-contre mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, particulièrement dans le domaine de l’édition technique et universitaire, le développement massif du photocopillage. Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres et de revues, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisation de l’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).

31-35, rue Froidevaux - 75685 Paris Cedex 14 Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, tout comme le fait de la stocker ou de la transmettre sur quelque support que ce soit, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée pénalement par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. ISBN 978-2-247-17969-5

© ÉDITIONS DALLOZ – 2018

ACPR Ann. dr. com. Banque BOCC Bull. civ. Bull. crim. Bull. Joly Ch. réun. Civ. CMCC Com. Crim. D. affaires D. DC Defrénois DH DP Dr. sociétés Gaz. Pal.

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A BRÉVIATIONS

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution Annales de droit commercial Revue Banque Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres civiles Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambre criminelle Bulletin Joly (mensuel d’information des sociétés) Cour de cassation, chambres réunies Cour de cassation, chambre civile Crédit de mobilisation des créances commerciales Cour de cassation, chambre commerciale Cour de cassation, chambre criminelle Dalloz Affaires Dalloz (Recueil) Dalloz critique Répertoire du notariat Defrénois Dalloz hebdomadaire Dalloz périodique Droit des sociétés Gazette du Palais

ACPR Ann. dr. com. Banque BOCC Bull. civ. Bull. crim. Bull. Joly Ch. réun. Civ. CMCC Com. Crim. D. affaires D. DC Defrénois DH DP Dr. sociétés Gaz. Pal.

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A BRÉVIATIONS

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution Annales de droit commercial Revue Banque Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres civiles Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambre criminelle Bulletin Joly (mensuel d’information des sociétés) Cour de cassation, chambres réunies Cour de cassation, chambre civile Crédit de mobilisation des créances commerciales Cour de cassation, chambre commerciale Cour de cassation, chambre criminelle Dalloz Affaires Dalloz (Recueil) Dalloz critique Répertoire du notariat Defrénois Dalloz hebdomadaire Dalloz périodique Droit des sociétés Gazette du Palais

VI

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Abréviations

IR Informations rapides J.-Cl. Juris-Classeur JCP Juris-Classeur Périodique JDI Journal de droit international (Clunet) Jour. not. Journal des notaires et des avocats LEDB L’Essentiel du droit bancaire LPA Les Petites affiches Obs. Observations RD banc. fin. Revue de droit bancaire et financier (depuis 1999) RD bancaire et Revue de droit bancaire et de la bourse bourse (jusqu’en 1999) Req. Cour de cassation, chambre des requêtes Rev. crit. législ. et jur. Revue critique de législation et de jurisprudence RJ com. Revue de jurisprudence commerciale RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires RLDA Revue Lamy droit des affaires RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial S. Sirey (Recueil) Somm. Sommaire T. com. Tribunal de commerce TIP Titre interbancaire de paiement TUP Titre universel de paiement

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I NTRODUCTION

Toutes les formes de l’activité commerciale sont concernées par les questions de crédit et de paiement. Ces questions sont, en effet, fondamentales pour la trésorerie de l’entreprise. Le crédit de trésorerie est essentiel pour chaque entreprise qui est souvent obligée d’accorder des délais de paiement à ses clients. Elle a donc, de ce fait, elle-même besoin d’un tel crédit. Elle va alors essayer d’obtenir des disponibilités immédiatement par le biais des créances à terme qu’elle possède. Pour cela, elle utilisera des instruments de crédit. Les instruments de paiement lui sont également nécessaires, comme ils le sont d’ailleurs aux particuliers, pour éviter des manipulations d’espèces. Ils apparaissent comme des instruments de simplification des paiements, tant internes qu’internationaux qui offrent une relative sécurité au créancier et au débiteur. Les établissements de crédit sont au centre de ces opérations. Ils sont des acteurs obligés de la plupart des opérations de paiement. Depuis l’ordonnance du 15 juillet 2009 sur la fourniture de service et de paiement, ils subissent une concurrence partielle des établissements de paiement qui peuvent ouvrir à leurs clients des comptes dits « de paiement », ce qui permettra à ces derniers de jouer un rôle important, du moins en théorie, en matière de carte bancaire, de virement et de prélèvement. Une directive européenne du 18 septembre 2000 a créé un statut d’établissement

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Introduction

européen de monnaie électronique. Ces établissements sont des personnes morales autres que des établissements de crédit qui émettent sous forme de monnaie électronique des moyens de paiement. La matière a été modifiée compte tenu de l’adoption d’une directive du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice. Là encore, les établissements de crédit sont mis en concurrence. Il est en effet prévu que les émetteurs de monnaie électronique sont les établissements de monnaie électronique et les établissements de crédit. Les établissements de crédit interviennent très souvent lors de la création ou lors du paiement des instruments de crédit. Ce rôle des banques influence fortement ces matières. Il existe une importante tendance à la répétition et à la standardisation des opérations. Pour autant, ce droit n’est pas statique ; il est en perpétuelle évolution. Il a toujours su s’adapter aux évolutions du commerce et aux avancées de la technique. De nouveaux procédés sont apparus ces dernières décennies. On peut légitimement penser que dans un avenir relativement proche, de nouveaux moyens seront développés par la pratique. 2

Pendant longtemps, seuls les effets de commerce ont joué ce rôle d’instruments de crédit avec la lettre de change, le billet à ordre et les warrants et d’instruments de paiement avec le chèque. Certains ont douté que ce dernier doive être considéré comme un effet de commerce 1. Mais comme sa réglementation a été en grande partie copiée sur celle de la lettre de change, on ne voit pas pourquoi il ne devrait pas être qualifié d’effets de commerce puisqu’il en présente les critères. Leur succès a tenu à certaines de leurs caractéristiques qui dérogent à plusieurs principes classiques de droit civil. Leur développement a également été facilité par l’adoption d’un droit uniforme des effets de commerce qui n’a pourtant permis qu’une

1 . Par ex. de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 27 ; Le Cannu, Granier et Routier no 10 ; Gavalda et Stoufflet, no 175-3 ; en sens contraire, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1912 ; v. également Bonneau, « À propos du refus de considérer le chèque comme un effet de commerce », Mélanges Jeantin, p. 323.

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Introduction

unification partielle de la matière. Ils offrent une grande sécurité à leur porteur et ils circulent facilement. Leur grande sécurité tient à leurs conditions de constitution et à leur rigueur d’exécution. Les effets de commerce sont des titres formalistes qui constatent l’engagement de payer une somme déterminée au porteur. Leur validité dépend en grande partie de leur apparente régularité. Ils sont en quelque sorte des titres abstraits, car ils ne dépendent pas de l’opération sous-jacente qui est pourtant à l’origine de leur création. La forme l’emporte souvent sur le fond. Lors de l’échéance, aucun délai de grâce est admis et il existe une solidarité des différents signataires du titre. Ils sont régis par la règle de l’inopposabilité des exceptions. Les effets de commerce circulent aisément et ils peuvent ainsi faire l’objet de plusieurs transmissions, ce qui devient assez rare en pratique. Ils jouent fréquemment un rôle de monnaie. Leur circulation s’opère non par les procédés du droit civil qui sont lourds à mettre en œuvre, mais par la technique beaucoup moins formaliste de l’endossement. Les effets de commerce ont été en quelque sorte les victimes de leurs succès et de leur absence de souplesse. Devant leur multiplication, les établissements bancaires ont trouvé le coût économique de leur traitement trop onéreux, en raison des importantes manipulations de papiers qu’imposent ces titres. Ils ont aussi voulu tenir compte des possibilités qu’offre désormais l’informatique. Or le support papier qu’ils nécessitent freine, pour ne pas dire empêche, la généralisation des traitements informatiques. De plus, les effets de commerce circulent beaucoup moins que par le passé. Ce fait est particulièrement marqué pour les chèques, puisqu’actuellement la plupart d’entre eux sont barrés et non endossables, sauf au profit d’une banque ou d’un établissement de crédit. Il se retrouve en grande partie pour la lettre de change. Souvent, l’effet est créé en vu de sa remise à un banquier par la technique de l’escompte. Il est extrêmement rare que ce dernier l’endosse au profit d’un nouveau porteur. La généralisation de la lettre de change relevé-papier a accentué ce phénomène. Leur réglementation actuelle se concilie parfois difficilement avec la dématérialisation des opérations bancaires. Il serait néces-

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Introduction

saire que les dispositions relatives aux effets de commerce soient en partie modernisées. Il existe déjà une forte tendance au remplacement de la circulation des titres par la circulation des informations qui les concernent. Malgré la réforme du droit de la preuve par la loi du 13 mars 2000 qui concerne seulement le droit de la preuve, l’écrit papier et l’écrit électronique ne jouent pas le même rôle. Les effets de commerce nécessitent toujours un support papier. 4

Pour cela, la pratique et le législateur ont créé des titres moins formalistes lors de leur constitution, ou en tout cas nécessitant moins de manipulations, qui ne sont pas, ou peu, destinés à circuler. Ce phénomène a été accentué par la multiplication des opérations que les établissements de crédit sont amenés à traiter et par le développement de l’informatique qui permet une réduction des coûts de traitement. À côté des effets de commerce ayant une fonction de crédit sont apparus d’autres instruments de crédit permettant à un commerçant de mobiliser ses créances à court terme. Le phénomène s’est manifesté avec la création du crédit de mobilisation des créances commerciales qui n’a pas eu le succès escompté. Il s’est poursuivi avec la loi du 2 janvier 1981 créant la cession de créances professionnelles par bordereau qui a eu plus de succès. Même si ce procédé ressort plus de l’étude des techniques bancaires, il faut inclure dans l’étude des instruments de crédit des développements sur l’affacturage, puisqu’en vertu de cette opération une société d’affacturage s’engage, moyennant la perception d’une commission, à acheter et donc à régler tout ou partie des créances que son client possède contre des tiers 1. Le chèque n’est également plus, loin s’en faut, le seul instrument de paiement. De nouveaux instruments comme les cartes de crédit, les virements, les avis de prélèvement, les titres universels de paiement, les titres interbancaires de paiement ou le télépaie-

1 . V. incluant l’étude de l’affacturage dans les moyens de paiement et de crédit, par ex., Putman, no 273 s.

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Introduction

ment se développent rapidement 1. La monnaie électronique a été réglementée par une loi du 28 janvier 2013. À terme, on pourrait voir apparaître une monnaie virtuelle. Certains de ces nouveaux instruments, comme les cartes de crédit, ont d’ailleurs parfois une nature mixte à la fois de crédit et de paiement. Le droit européen joue un rôle de plus en plus important en ce domaine. Il ne faut pas pour autant en conclure à une disparition du rôle des effets de commerce. Ils coexistent avec ces nouveaux instruments de crédit et de paiement. Les instruments de crédit et de paiement entrent dans un cadre bancaire. Ils nécessitent l’existence d’un support technique, à savoir un compte bancaire. Ce dernier devient un support indispensable de l’activité bancaire. On a pu dire qu’il était « le dénominateur commun des règlements opérés par les divers instruments de paiement et de crédit » 2. Plan. Cet ouvrage sera divisé en deux parties : la première consacrée aux instruments de crédit (PREMIÈRE PARTIE) et la seconde aux instruments de paiement (DEUXIÈME PARTIE). Mais auparavant, il sera nécessaire d’étudier dans un titre préliminaire la théorie des comptes (TITRE PRÉLIMINAIRE).

1 . Là encore pour des raisons tenant au découpage des matières, certaines de ces techniques ressortent également de l’étude du droit bancaire. Pour l’étude de l’ensemble de ces mécanismes de paiement, Devèze et Pétel, no 386 s. 2. Putman, no 1.

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T ITRE PRÉLIMINAIRE

L A THÉORIE DES COMPTES 6

Les comptes bancaires sont devenus les supports indispensables de l’activité économique. Les commerçants sont tenus d’avoir un compte bancaire. La plupart des salaires et des traitements sont payés par chèques ou par virements. Des textes assez nombreux imposent que les paiements soient effectués par chèques, virements ou cartes. Pour certaines activités professionnelles, la tenue d’un compte spécifique est obligatoire. Les règlements en espèces se raréfient, si l’on excepte ceux d’un faible montant, et ils sont d’ailleurs souvent suspectés, en raison des risques de fraudes fiscales qu’ils génèrent. En revanche, « les règlements par compte représentent le dénouement de toutes les opérations d’utilisation d’instruments de crédit ou de paiement » 1. Les comptes apparaissent comme les instruments nécessaires des relations entre les banquiers et leurs clients. À côté de ces comptes bancaires, il existe depuis l’ordonnance du 15 juillet 2009 sur la fourniture de service et de paiement des comptes de paiement qui peuvent être ouverts par les établissements de paiements. Il s’agit de comptes détenus au nom d’un ou de plusieurs utilisateurs de service de paiement et qui sont utilisés uniquement aux fins de l’exécution d’opérations de paiement. On se trouve en

1 . Putman, no 142.

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présence de comptes avec une finalité particulière, puisqu’ils servent seulement à certaines opérations de paiement 1. En matière de chèques, le tiré est nécessairement un établissement de crédit, puisque l’article L. 131-4 du Code monétaire et financier dispose que « le chèque ne peut être tiré que sur un établissement public, un prestataire de services d’investissement, le Trésor public, la Caisse des dépôts et consignations, la Banque de France… ». Les établissements de paiement ne peuvent pas avoir la qualité de tiré. De son côté, la lettre de change est souvent le support d’opérations d’escompte. En ce cas, le client remet une traite à son banquier qui lui en paie le montant, en créditant son compte. Pourtant, les opérations dites « de banque » ne s’effectuent pas nécessairement par comptes ; elles se font également parfois par caisse. Cette technique concerne des opérations isolées qui feront l’objet d’un paiement immédiat au guichet de la banque. Mais à partir du moment où il existe des relations durables entre un client et un banquier, le compte devient nécessaire. Il est nécessaire d’essayer de mieux cerner la notion de compte 2. Il apparaît comme un instrument de règlement. Le banquier détient les fonds de son client. Il les reçoit, il les porte au crédit du compte de ce dernier et il lui en restitue le montant ou à son ordre. Le compte devient un instrument de crédit, lorsque le banquier permet à son client de rendre son compte débiteur. On l’a défini comme « un document comptable qui retrace les opérations effectuées par le client dans sa relation avec un établissement de crédit » 3. Il existe deux effets, du mécanisme du compte qui apparaissent comme des caractéristiques inhérentes à ce mécanisme : l’effet novatoire et l’indivisibilité 4. L’effet novatoire signifie que la somme et, plus largement, toute créance remise en

1 . Piédelièvre, « L’ordonnance du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement », Gaz. Pal. 6-8 sept. 2009, p. 5 et 10-12 sept. 2009, p. 6 ; Bouteiller, « La transposition en droit français des dispositions européennes régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement », JCP E 2009. 1897. 2. V. Aymeric, Essai sur une théorie générale du compte en droit privé, éd. Panthéon-Assas, 2008 ; Grua, « Qu’est-ce qu’un compte en banque ? », D. 1999. 255 ; Martin, « De l’idée de compte », Mélanges AEDBP, II, Banque 285. 3. Bonneau, no 323. 4. Piédelièvre et Putman, no 224 s.

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La théorie des comptes

compte est transformée en un article de ce compte. On assiste ainsi à la perte d’individualité de la créance inscrite en compte, selon un mécanisme de type novatoire. L’indivisibilité simplifie les règlements entre les correspondants en compte. Les créances qu’ils remettent en compte réciproquement ne sont pas considérées comme des créances distinctes, indépendantes les unes des autres, mais comme des éléments d’un compte unique, indivisible, dont seul le solde est à considérer. Les comptes peuvent être classés en plusieurs catégories : les comptes courants, les comptes de dépôt, les comptes sur livrets et les comptes dits « spéciaux » 1. Certains sont rémunérés, par exemple les comptes sur livrets, d’autres ne l’ont pas été pendant longtemps, comme les comptes de dépôt, et plus largement des comptes à vue. Ce principe, posé par l’article L. 312-3 du Code monétaire et financier, avait été réaffirmé par la Commission bancaire, il y a peu de temps. Pourtant, il n’est pas compatible avec certaines règles du droit communautaire. La Cour de justice des Communautés européennes, par un arrêt du 5 octobre 2004 a considéré que « l’article 43 CE s’oppose à la réglementation d’un État membre qui interdit à un établissement de crédit, filiale d’une société d’un autre État membre, de rémunérer les comptes à vue libellés en euros, ouverts par les résidents du premier État membre » 2. La rémunération est possible depuis le 1er mars 2005. Certains comptes sont dits « à vue ». Le client a la faculté de retirer à tout moment le solde créditeur de son compte. En cas de compte à terme, les sommes sont bloquées jusqu’à l’expiration d’une durée fixée au moment du dépôt. Les comptes individuels ont un seul titulaire. Il existe deux catégories de comptes collectifs 3. Le compte peut être en indivision. Il est soumis au droit commun des articles 815 et suivants 1 . V. Belot, « Compte de dépôt et compte courant en matière bancaire (de la dualité à l’unité) », RJ com. 1985. 41 ; Trouche-Doerflinger, « La distinction entre compte de dépôt et compte courant », LPA 12 juin 1998 ; Prüm, « De la distinction entre compte de dépôt et compte courant », RD bancaire 2003. 153 ; Routier, « La distinction entre compte courant et compte de dépôt », Banque hors-série mars 2014. 72 ; Villemonteix, « Compte de dépôt et compte courant », Journ. soc. oct. 2015. 12. 2. CJCE, 5 oct. 2004, sur lequel Piédelièvre, « Feu vert de la CJCE pour les comptes rémunérés », D. 2004. 2770. 3. Lasserre Capdeville, « Les comptes ayant plusieurs titulaires », Journ. soc. oct. 2015. 26.

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Instruments de crédit et de paiement

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du Code civil. Son fonctionnement nécessite le consentement de tous les indivisaires 1. Une procuration pourra être donnée à un ou plusieurs d’entre eux pour la gestion, ce qui permet au compte de fonctionner avec une seule signature. Le compte peut être joint 2. Les époux utilisent fréquemment cette possibilité 3. Il apparaît comme une illustration de la solidarité active prévue par les articles 1311 et suivants du Code civil. Cette solidarité ne se présume pas ; elle doit être expressément stipulée 4. Chaque titulaire est créancier pour le tout de la restitution de tous les fonds déposés sur le compte. Chacun d’entre eux peut faire fonctionner seul le compte et faire toutes les opérations. En cas de désaccord entre les titulaires, il n’appartient pas au banquier de prendre parti ; il doit traiter les ordres au fur et à mesure de leur arrivée 5. Sauf si la demande lui en a été faite, il n’est pas tenu d’envoyer des relevés de compte à chaque titulaire. Il doit cependant informer l’autre titulaire d’une demande de clôture du compte 6. Chaque compte bancaire fait l’objet d’une identification. Le relevé d’identité bancaire (RIB) contient différents éléments permettant d’identifier le titulaire d’un compte bancaire. On trouve ainsi les noms et prénoms, les identifiants du compte bancaire à savoir le code banque, le numéro de compte, le code guichet et la clé RIB. On retrouve aussi le nom de l’établissement bancaire où est domicilié le compte, les codes IBAN et BIC. Le RIB est un moyen simple pour être payé, puisqu’il permet notamment aux personnes auxquelles on le communique d’effectuer un virement bancaire (employeur, allocations). On peut également l’utiliser pour faciliter des prélèvements automatiques. Le code IBAN (International Bank Account Number) est formé de vingt-sept chiffres et lettres. Il est utilisé pour réaliser des transactions bancaires, notamment avec des pays de l’Union européenne.

1 . Paris, 7 juill. 1981, D. 1982. IR 335, obs. Vasseur ; RTD com. 1982. 595, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. Deschanel, « La convention de compte joint », Banque 1982. 1229 et 1344 ; D. Martin, « Aspects juridiques du compte joint », RD bancaire 1988. 4. 3. Dupuis, « Une institution dérogeant aux règles des régimes matrimoniaux : le compte bancaire joint », D. 1988. 39 ; « Les incidences de la loi du 23 décembre 1985 sur la pratique bancaire du compte joint », RD bancaire 1988. 79. 4. Civ. 1re, 16 juin 1992, Bull. civ. I, no 179 ; D. 1993. Somm. 216, obs. Delebecque. 5. Paris, 1er mars 1994, Banque 1994. 94, note Guillot. 6. Com. 9 nov. 1993, Bull. civ. IV, no 383.

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La théorie des comptes

Les deux premières lettres correspondent d’ailleurs au pays où est domicilié le compte. Le code BIC, aussi appelé Swift code, est indiqué sur le RIB. Il s’agit de l’identifiant international de la banque, formé de lettres et de chiffres. Chaque établissement bancaire possède son propre code mentionnant son nom. Malgré tout, il existe également certaines règles générales applicables à tous les comptes bancaires (CHAPITRE 1). La principale distinction est celle qui oppose les comptes courants et les comptes de dépôt. Les critères de distinction sont en apparence relativement simples, même s’il existe actuellement une tendance au rapprochement entre ces deux catégories de compte 1. En théorie, le critère de distinction entre ces deux catégories devrait être simple à mettre en œuvre. Par le compte courant, les parties s’entendent pour porter en compte toutes les opérations génératrices de créances réciproques entre elles et de ne procéder au règlement qu’après la fusion de celles-ci qui fera apparaître le solde lors de la clôture. De son côté, le compte de dépôt enregistre toutes les opérations de caisse entre le banquier et son client qui modifieront le dépôt initial effectué lors de l’ouverture du compte. La différence essentielle entre ces deux catégories tient dans la possibilité de remises réciproques. Dans le compte de dépôt les remises sont unilatérales, car elles émanent seulement du client, alors que dans le compte courant elles sont réciproques. Mais en pratique, la distinction est souvent délicate à mettre en œuvre. La difficulté tient au fait que les comptes bancaires n’ont pas fait l’objet d’une réglementation d’ensemble. On est souvent obligé de se référer à la volonté commune des parties qui n’est pas toujours explicite 2. Récemment, la Cour de cassation a considéré que « l’assimilation du compte de dépôt au compte courant, non conforme à la réalité du fonctionnement du premier, normalement mouvementé uniquement par des versements ou des retraits dans la limite du disponible, permet à la banque d’éluder les obligations

1 . V. cependant Cass., avis, 9 oct. 1992, JCP 1993. II. 22024, note Morgan Rivery-Guillaud ; JCP E 1993. I. 302, note Gavalda et Stoufflet qui précise que, contrairement à la solution existant en matière de compte courant, l’inscription en compte de dépôt ne vaut pas en principe paiement. 2. Malgré tout, la qualification retenue par les parties ne lie pas le juge ; par ex., Civ. 1re, 15 mars 2005, JCP E 2005. 1135, note Bonhomme ; RTD com. 2005. 574, obs. Legeais.

Instruments de crédit et de paiement

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posées par l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier, concernant les services liés à l’ouverture d’un compte de dépôt et la notification par écrit de la décision motivée de clore un tel compte, de sorte que la clause litigieuse, qui a pour effet de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-àvis du professionnel, crée ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties » 1. Le compte de dépôt déroge aux règles du compte courant pour tout ce qui concerne les intérêts et le principe de généralité. Il atténue les règles d’indivisibilité et l’effet novatoire. Le premier est celui des non-commerçants, alors que le second est celui des commerçants. Le compte de dépôt suit pour l’essentiel les règles générales applicables à l’ensemble des comptes bancaires. En revanche, l’originalité du compte courant est beaucoup plus marquée, ce qui impose des développements spécifiques (CHAPITRE 2).

1 . Civ. 1re, 8 janv. 2009, RD banc. fin. mars-avr. 2009. 42, obs. F.-J. Crédot et T. Samin.

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C HAPITRE 1

Les règles applicables à tous les comptes bancaires 10

La convention de compte bancaire précise les différentes relations juridiques entre un banquier et son client. Pendant longtemps, elle était soumise au principe de la liberté contractuelle. Cependant, la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite « loi MURCEF », a partiellement réglementé, dans un but de protection de la partie réputée faible, le cadre contractuel entre un client et un banquier 1. Depuis plusieurs années les obligations mises à la charge de ce dernier se sont multipliées. Ces obligations ont été partiellement refondues par l’ordonnance du 15 juillet 2009 qui n’a pas toutefois bouleversé les solutions existantes, puisque le droit français était déjà très protecteur. Leur développement risque d’être source de petits litiges. Le législateur a voulu éviter un recours systématique aux tribunaux. Pour cette raison, il a institué un médiateur bancaire. Il ne s’agit pas d’une médiation judiciaire au sens des articles L. 131-1 et suivants du Code de procédure civile. Cette forme de médiation

1 . Stoufflet, « Nouvelles interventions législatives dans les relations entre les établissements de crédit et leurs clients », RD bancaire 2002. 36.

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gratuite est limitée aux litiges nés de la convention de compte de dépôt et aux prestations liées ou à primes. Les médiateurs sont nommés par les établissements de crédit en leur sein ou parmi des personnes extérieures, pourvu qu’elles soient compétentes et impartiales. Le client sera informé de son existence dans la convention de compte et dans les relevés de compte ; toutefois il ne sera pas obligé de recourir à la médiation ; il pourra assigner directement le banquier. Le médiateur est tenu de statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Chaque médiateur devra établir un compte rendu annuel et le transmettre au gouverneur de la Banque de France et au président du comité consultatif. À cet effet, l’article L. 614-6 du Code monétaire et financier a créé un Comité de la médiation bancaire chargé d’étudier les rapports des médiateurs, d’établir un bilan annuel, de préciser les modalités d’exercice de l’activité des médiateurs et de veiller à leur indépendance. Le plus souvent, la convention de compte comprend deux volets. Le premier est constitué de ce que l’on peut appeler le service minimum bancaire. Le second comprend les aspects plus spécifiques de la relation contractuelle entre les parties. Malgré tout, ce contrat présente une unité qui se retrouve tant lors de l’ouverture du compte (SECTION 1) que lors de son fonctionnement (SECTION 2) ou de sa clôture (SECTION 3).

S ECTION 1

L'ouverture du compte bancaire 11

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse comme la conclusion d’un contrat. On lui applique en principe les règles du droit commun des contrats, prévues par les articles 1128 et suivants du Code civil 1.

1 . L’ouverture d’un compte bancaire débouche parfois sur une infraction pénale, comme le démontre un arrêt de la cour de cassation du 1er juin 2011 qui a indiqué que « l’ouverture d’un compte bancaire dans le seul but de se faire délivrer un chéquier destiné à créer l’apparence d’une solvabilité et l’utilisation consécutive des formules de chèque, en vue de l’obtention de la remise de marchandises, avec le dessein formé, dès l’origine, de ne pas en payer le prix, forment un stratagème caractérisant les manœuvres frauduleuses constitutives de l’escroquerie » Crim., 1er juin 2011, D. 2011. 1621, obs. Bombled.

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Traditionnellement, la convention de compte s’analysait en un contrat consensuel. Mais il existe en la matière un développement du formalisme, tout du moins lorsque le client est une personne physique agissant à des fins non professionnelles. Initialement l’article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier, dû à la loi MURCEF du 11 décembre 2001, prévoyait que « la gestion de compte de dépôt est réglée par une convention écrite passée entre le client et son établissement de crédit ». Elle doit en préciser les différentes modalités (fonctionnement, tarification…). Cette disposition avait fait l’objet d’une suspension en raison de son caractère irréaliste. En contrepartie, les banquiers avaient signé, le 9 janvier 2003, une charte bancaire par laquelle ils s’engageaient à rendre plus transparente la tarification liée au fonctionnement et à la gestion des comptes 1. La suspension de la loi MURCEF expirant le 1er février 2005, il était nécessaire que le législateur intervienne de nouveau. Il l’a fait par l’article 106 de la loi de finances du 30 décembre 2004. Ces règles ont été légèrement retouchées par l’ordonnance du 15 juillet 2009. L’article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier prévoit que pour tous les comptes de dépôt ouverts par des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, la gestion d’un compte de dépôt des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels est réglée par une convention écrite, sur support papier ou sur un autre support durable, passée entre le client et son établissement de crédit. Cette obligation s’applique également aux comptes de paiement. Jusqu’au 31 décembre 2009, les établissements de crédit devaient informer, au moins une fois par an, leurs clients n’ayant pas signé de convention de compte de dépôt, de la faculté d’en conclure une. Les conventions de compte comportent parfois certaines clauses abusives 2. Pour cette raison, la commission des clauses 1 . Bouteiller, « La mise en œuvre des nouvelles relations entre les banques et leurs clients », JCP E 2003. 312 ; Piédelièvre, « Remarques sur la charte relative aux conventions de compte dépôt », RTD com. 2003. 467 ; Stoufflet, « La charte relative aux conventions de compte de dépôt », RD banc. fin. 2003. 122. 2. Civ. 1re, 8 janv. 2009, RD banc. fin. mars 2009. 42, obs. Crédot et Gérard ; adde Raymond, « Les clauses abusives dans les conventions de compte de dépôt », RD banc. fin. mai 2006. 41.

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abusives avait émis une recommandation pour éliminer certaines clauses abusives des conventions de compte 1. Un décret du 18 mars 2009, pris en application de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, a dressé une liste de clauses réputées non écrites (clauses noires) et de clauses présumées abusives (clauses grises) qui ont vocation à s’appliquer aux comptes bancaires, même s’il prévoit certaines exonérations pour les instruments et services financiers. Le Code monétaire et financier prévoit désormais une obligation précontractuelle d’information, toujours pour les clients personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles. Selon son article L. 312-1-1 I alinéa 5, « avant que le client ne soit lié par cette convention, l’établissement de crédit lui fournit lesdites conditions sur support papier ou sur un autre support durable. L’établissement de crédit peut s’acquitter de cette obligation en fournissant au client une copie du projet de convention de compte de dépôt ». La suite du texte précise que si, à la demande du client, cette convention est conclue par un moyen de communication à distance ne permettant pas à l’établissement de crédit de se conformer à ces formalités, ce dernier satisfait à ses obligations aussitôt après la conclusion de la convention de compte de dépôt. L’acceptation de la convention de compte de dépôt est formalisée par la signature du ou des titulaires du compte. À tout moment de la relation contractuelle, l’établissement de crédit est tenu de fournir à la demande de l’utilisateur les termes de la convention de compte de dépôt sur support papier ou sur un autre support durable. Il ne peut jamais refuser de fournir un support papier si cela lui est demandé. Un décret du 27 mars 2014 insère un article D. 312-1-1 dans le Code monétaire et financier qui donne la définition des dénominations que les établissements de crédit sont tenus d’utiliser dans leurs plaquettes tarifaires. La convention de compte présente un certain particularisme. On se trouve en présence d’un contrat d’adhésion, d’une conven-

1 . Recomm. no 05-02, BOCC 20 sept. 2005.

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tion cadre, conclue intuitu personae. Les obligations mises à la charge du banquier ne cessent pas d’augmenter sous la pression du droit de la consommation 1. Il est nécessaire de préciser certaines règles relatives au consentement (§ 1) et à la capacité et aux pouvoirs (§ 2).

§ 1. Le consentement 12

Le consentement du client ne suscite pas de difficulté. De plus en plus souvent, il est tenu, du moins en fait, de se faire ouvrir un compte auprès d’un établissement de crédit ou du Trésor public, voir auprès d’un établissement de paiement. Il est assez rare qu’il puisse véritablement négocier le contenu du contrat. Le contrat est d’adhésion dans la mesure où les principales clauses lui sont imposées par le banquier. Elles ne doivent cependant pas avoir un caractère abusif. De son côté, le consentement du banquier amène à s’interroger sur la possibilité de refuser une ouverture de compte (A) et sur les différentes vérifications qu’il est amené à effectuer (B). Le développement des idées consuméristes dans les conventions de compte a conduit à une multiplication des obligations d’information (C).

A. Le refus d'ouverture de compte 13

Pendant longtemps, il était admis en doctrine 2 et en jurisprudence 3 qu’un banquier n’était pas tenu d’ouvrir un compte à un nouveau client. On justifiait cette solution par le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et par le fait que l’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en un contrat conclu intuitu personae. Elle avait reçu une consécration législative par l’article 58, alinéa 1er, de la loi du 24 janvier 1984. Selon cette disposition, « toute personne qui s’est vu refuser l’ouverture d’un compte de dépôt par plusieurs établissements de crédit et qui, de

1. 2. 1re 3.

Rodriguez, « Les obligations liées à l’ouverture d’un compte », Journ. soc. oct. 2015. 17. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 186 ; Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, éd., no 65 ; Hamel, « Le droit de refuser l’ouverture d’un compte », Banque 1959. 6. Par ex., T. com. Seine, 27 juin 1960, Gaz. Pal. 1960. 2219 ; Banque 1960. 535, obs. Marin.

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ce fait, ne dispose d’aucun compte, peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit ou l’une des personnes visées à l’article 8 auprès duquel elle pourra ouvrir un tel compte ». L’article 5 du décret du 24 juillet 1984 imposait seulement au banquier de notifier son refus. Le refus du banquier n’avait pas un caractère discrétionnaire. Il pouvait engager sa responsabilité sur le fondement de la théorie de l’abus de droit, si le client éconduit démontrait la faute du banquier et le préjudice qui en résultait pour lui 1. Malgré tout, de telles hypothèses étaient rares en pratique. La situation se présente désormais différemment depuis la loi du 29 juillet 1998 sur la lutte contre les exclusions. L’article L. 312-1 du Code monétaire et financier dispose qu’« à droit à l’ouverture d’un compte de dépôt dans l’établissement de crédit de son choix, sous réserve d’être dépourvu d’un tel compte en France : 1° Toute personne physique ou morale domiciliée en France ; 2° Toute personne physique résidant légalement sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne n’agissant pas pour des besoins professionnels ainsi que toute personne physique de nationalité française résidant hors de France » 2. On assiste à l’émergence d’un véritable droit au compte, même s’il faut relever que ce droit s’applique uniquement au compte de dépôt 3. Ce droit ne paraît pas devoir s’appliquer aux comptes de paiement. Malgré tout, le principe posé par l’alinéa 1er de l’article L. 312-1 n’est pas aussi absolu qu’il n’y paraît au premier abord. Le demandeur doit fournir à la banque une attestation sur l’honneur qu’il n’est titulaire d’aucun autre compte. Le banquier a alors la faculté de refuser l’ouverture sollicitée. L’article L. 312-1 impose aux banques qui refusent d’ouvrir un compte de remettre systémati-

1 . Gavalda, « Les refus du banquier », JCP 1962. I. 1727. 2. Hugon, « Le droit au compte », Mélanges Cabrillac, p. 483 ; Samin, « Article 137 de la loi sur les exclusions, Droit au compte, droit au chèque », Banque et droit 1999. 3 ; Stoufflet, « Un élargissement du droit aux services bancaires. La refonte de l’article 58 de la loi bancaire par l’article 137 de la loi du 29 juillet 1998 », RD bancaire et bourse 1998. 153. 3. Pour une illustration T. com. Créteil, 2e ch., 6 déc. 2011, RD banc. fin. janv.-févr. 2012. 2, obs. Crédot et Samin.

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quement et sans délai une attestation de refus d’ouverture de compte 1. Le client a alors la possibilité de saisir la Banque de France afin qu’elle désigne un établissement de crédit. Plus encore, l’établissement de crédit, auteur du refus, est tenu de proposer, s’il s’agit d’une personne physique, d’agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte. La loi du 26 juillet 2013 ouvre la possibilité à certains acteurs sociaux d’entreprendre les démarches auprès de la Banque de France 2. Le banquier désigné ne peut pas refuser d’ouvrir le compte ; il est alors obligé de conclure le contrat. Comme on l’a fait remarquer, « l’établissement de crédit désigné par la Banque de France qui refuse d’ouvrir un compte encourt des sanctions disciplinaires » 3. Il doit ouvrir le compte dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces qui lui sont nécessaires pour procéder à cette ouverture. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sanctionne les banquiers qui ne respectent pas cette obligation 4. Le législateur a voulu éviter que le banquier obligé d’ouvrir un compte ne le clôture immédiatement ou tout moins rapidement. Pour cette raison, il en a limité les hypothèses de résiliation unilatérale de sa part. L’une des conditions suivantes doit être remplie : « 1° Le client a délibérément utilisé son compte de dépôt pour des opérations que l’organisme a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales ; 2° Le client a fourni des informations inexactes ; 3° Le client ne répond plus aux conditions de domicile ou de résidence définies au I ;

1 . Roussille, Loi SRAB : incidences sur les relations des banques avec leur clientèle, JCP E 2013. 1661. 2. Il s’agit des départements, des caisses d’allocations familiales, des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, des associations ou fondations à but non lucratif dont l’objet est d’accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les intérêts des familles ou encore des associations de consommateurs agréées. 3. Stoufflet, « Un élargissement du droit aux services bancaires, La refonte de l’article 58 de la loi bancaire par l’article 137 de la loi du 29 juillet 1998 », préc. 4. ACPR, 3 juill. 2013, LEDB sept. 2013, p. 7, no 118, obs. Lasserre Capdeville ; ACPR, 11 avr. 2014, LEDB juin 2014 p. 1, no 70, obs. J.-P. Kovar ; également ACPR, décision, no 2013-04.

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4° Le client a ultérieurement ouvert un deuxième compte de dépôt en France qui lui permet d’utiliser les services bancaires de base ; 5° Le client a fait preuve d’incivilités répétées envers le personnel de l’établissement de crédit ; 6° L’établissement est dans l’une des situations prévues à l’article L. 561-8. » Les établissements de crédit pourront limiter les services liés à l’ouverture du compte de dépôt aux services bancaires de base, mais ils seront tenus de les fournir. L’article D. 312-5 du Code monétaire et financier énumère limitativement ces services de base. Ils comprennent : l’ouverture, la tenue et la clôture du compte ; un changement d’adresse par an ; la délivrance à la demande de relevés d’identité bancaire ou postale ; la domiciliation de virements bancaires ou postaux ; l’envoi mensuel d’un relevé des opérations effectuées sur le compte ; la réalisation des opérations de caisse ; l’encaissement de chèques et de virements bancaires ou postaux ; les dépôts et les retraits d’espèces au guichet de l’organisme teneur, de compte ; les paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ou postal ; des moyens de consultation à distance du solde du compte ; une carte de paiement à autorisation systématique, si l’établissement de crédit est en mesure de la délivrer, ou, à défaut, une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires sur les distributeurs de billets de l’établissement de crédit et deux formules de chèques de banque par mois ou moyens de paiement offrant les mêmes services. Le législateur s’est efforcé de rendre ce droit au service bancaire plus effectif en prévoyant la fourniture de carte de paiement à autorisation systématique. Ce service bancaire de base n’a pas obtenu le succès que l’on pouvait attendre. Il profiterait à un peu plus de 20 000 personnes, alors qu’il existe en France à peu près deux millions d’interdits bancaires. La raison en est que certains établissements de crédit, plutôt que de risquer de devoir fournir des services de base gratuits à un client, préfèrent le conserver, en limitant au maximum les services qu’elle lui offre. Ces services de base sont désormais

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également offerts aux particuliers qui ont connu un incident de paiement caractérisé lié aux crédits Les banques se voient désormais tenues de proposer une offre de service peu onéreuse aux personnes dites « défavorisées » 1. L’article L. 312-1-3 du Code monétaire et financier prévoit que « les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité (...) une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident ». Cette offre spécifique est proposée pour un tarif ne pouvant dépasser trois euros par mois. La situation de fragilité financière du client titulaire du compte est appréciée par l’établissement teneur de compte à partir de l’existence d’irrégularités de fonctionnement du compte ou d’incidents de paiement, ainsi que de leur caractère répété constaté pendant trois mois consécutifs et du montant des ressources portées au crédit du compte. Le banquier peut également prendre en compte les éléments dont il aurait connaissance et qu’il estime de nature à occasionner des incidents de paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte. De même sont considérées en situation de fragilité financière les personnes au nom desquelles un chèque impayé ou une déclaration de retrait de carte bancaire est inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques ou les débiteurs dont la demande tendant au traitement de leur situation de surendettement a été déclarée recevable. Le législateur a prévu diverses mesures d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement. L’Association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement a adopté une charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement homologuée par arrêté du ministre chargé de l’Économie, après avis du Comité consultatif du secteur financier et du

1 . Lasserre Capdeville, « Une nouvelle catégorie de clients : les personnes en situation de fragilité financière », Banque et droit nov. 2014. 13.

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Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières. Cette charte est applicable à tout établissement de crédit. Selon l’article L. 312-1-1 A du Code monétaire et financier, « cette charte a pour objet de renforcer l’accès aux services bancaires et de faciliter l’usage de ces services, en particulier en ce qui concerne les moyens de paiement, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Elle a également pour objet de mieux prévenir le surendettement de ces personnes ». Elle précise notamment les modalités d’information des clientèles concernées par les offres de paiement alternatif. De son côté, L. 312-1-1 A du Code monétaire et financier qu’« un observatoire de l’inclusion bancaire chargé de collecter des informations sur l’accès aux services bancaires des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, sur l’usage que ces personnes font de ces services bancaires et sur les initiatives des établissements de crédit en la matière. Cet observatoire est également chargé de définir, de produire et d’analyser des indicateurs relatifs à l’inclusion bancaire visant notamment à évaluer l’évolution des pratiques des établissements de crédit dans ce domaine ».

B. Les vérifications du banquier 16

La jurisprudence a exigé du banquier, faute pour lui d’engager sa responsabilité, d’opérer certaines vérifications (2). Depuis quelques années le législateur lui en impose également plusieurs (1). 1. Les vérifications légales

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Selon l’article R. 312-2 du Code monétaire et financier, il appartient au banquier de vérifier préalablement à l’ouverture d’un compte, le domicile et l’identité du postulant, qui est tenu de présenter un document officiel portant sa photographie. Une obligation similaire est prévue par l’article L. 561-5 du Code monétaire et financier qui indique qu’avant d’entrer en relation d’affaires avec leur client ou de l’assister dans la préparation ou la réalisation d’une transaction, les établissements de crédit identifient leur client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif de la relation d’affaires par des moyens adaptés et vérifient ces éléments d’iden-

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tification sur présentation de tout document écrit probant. Cette obligation s’applique à tous les comptes servant à l’encaissement de chèques, donc par exemple à l’ouverture d’un compte sur livret 1. La vérification doit porter sur l’identité et sur l’adresse du client. La vérification de l’identité diffère suivant que le client est une personne morale ou une personne physique. Pour les personnes morales, le banquier est tenu de vérifier les pouvoirs du représentant qui agit pour le compte de la société. Pour les personnes physiques, la vérification doit être effectuée au moyen d’un « document officiel portant sa photographie ». Une carte nationale d’identité ou un permis de conduire a été réputée suffisante 2. Mais à l’inverse, a été jugée insuffisante une carte de séjour ou un certificat de réfugié politique 3. Si le compte doit être ouvert au profit de plusieurs personnes, l’identité de chacun d’eux devra être vérifiée 4. La vérification doit être d’autant plus importante que la situation paraît suspecte au banquier. Enfin, l’article L. 561-5 du Code monétaire et financier, issu de la loi relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, impose une vérification de l’identité véritable des personnes au bénéfice desquelles un compte est ouvert, lorsqu’il apparaît au banquier que les personnes qui demandent l’ouverture du compte pourraient ne pas agir pour leur propre compte. Le banquier doit s’assurer de l’adresse de son client. Elle peut être établie par la présentation d’une facture d’électricité, de gaz ou des télécommunications. L’article R. 313-2 du Code monétaire et financier prévoit désormais que l’adresse figurant sur une carte nationale d’identité vaut justification de domicile. Cette vérification s’effectue le plus souvent par l’envoi d’une lettre dite « d’accueil ». Si cette lettre ne lui est pas retournée, la banque pourra en déduire que l’adresse fournie est exacte. La jurisprudence semble faire de cet envoi une précaution minimale 5.

1 . Paris, 17 avr. 1989, Gaz. Pal. 1989. 2. 521, note A. Piédelièvre ; RTD com. 1989. 700, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. Paris, 9 juin 1981, D. 1981. IR 495, obs. Vasseur. 3. Com. 3 avr. 1990, Bull. civ. IV, no 105. 4. Com. 24 mars 1992, Bull. civ. IV, no 124 ; Banque 1992. 646, obs. Rives-Lange. 5. Com. 12 mars 1996, RD bancaire et bourse 1996. 172, obs. Crédot et Gérard.

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La question se pose alors de savoir, si le banquier peut se contenter d’envoyer une lettre simple ou s’il est nécessaire qu’il adresse une lettre recommandée avec avis de réception. Le principe est que la lettre simple suffit 1. La lettre recommandée avec avis de réception devient toutefois nécessaire, s’il existe des circonstances particulières 2. 2. Les vérifications jurisprudentielles 19

Les vérifications jurisprudentielles se caractérisent par le fait qu’elles sont occasionnelles. Le banquier doit principalement s’assurer de la capacité et des pouvoirs de la personne sollicitant l’ouverture du compte. Une banque a été ainsi déclarée responsable pour avoir ouvert un compte professionnel à un salarié, ce qu’elle n’aurait pas dû faire, puisque le compte servait à un usage domestique 3. Il en va de même, si un établissement de crédit n’a pas vérifié les pouvoirs d’une personne agissant pour le compte d’autrui 4. En revanche, il n’est pas nécessaire qu’il s’assure de la profession actuelle ou passée de son client 5 ou de l’honorabilité de ce dernier 6, ce qui serait d’ailleurs impossible à effectuer pratiquement. Les vérifications les plus importantes concernent les groupements en cours de formation. L’hypothèse la plus fréquente est celles des sociétés en formation. Il est possible de leur ouvrir un compte bancaire 7. Le compte ne peut pas encore être ouvert au nom du groupement, puisqu’il ne bénéficie pas encore de la personnalité morale. Il sera généralement ouvert au nom des fondateurs. Il appartiendra au banquier d’effectuer les vérifications prévues pour l’ouverture des comptes aux personnes physiques. Elle doit en outre s’assurer de la réalité du projet de constitution 8.

1 . Com. 6 avr. 1993, RTD com. 1993. 548, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. Com. 17 janv. 1968, JCP 1969. II. 15839, note Stoufflet. 3. Toulouse, 6 mai 1992, D. 1993. 555, note Le Tourneau. 4. Com. 26 mars 1973, RTD com. 1973. 839, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 5. Nîmes, 12 oct. 1988, Banque 1989. 98, obs. Rives-Lange. 6. Com. 25 janv. 1977, Bull. civ. IV, no 24. 7 . Garraud, « L’ouverture d’un compte chèque au nom d’une société en formation », Bull. Joly 1992. 728. 8. Com. 8 oct. 1985, Bull. civ. IV, no 229.

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Certaines banques ont pris l’habitude d’apposer après le nom des personnes physiques titulaires la mention « société en formation ». Cette mention n’a aucune valeur. En tout état de cause, dès qu’il existe des situations particulières, les vérifications du banquier sont plus importantes 1.

C. Les obligations d'information mises à la charge du banquier 20

L’obligation d’information apparaît comme l’une des manifestations les plus marquantes de la pénétration des idées consuméristes dans d’autres branches du droit et notamment dans le droit bancaire. Il a d’abord imposé au banquier d’informer ses clients et même plus largement le public sur le prix des services qu’il propose. Cette obligation doit être exécutée lors de l’ouverture du compte. Dans un arrêt du 13 mars 2001, la Cour de cassation a précisé qu’un établissement de crédit ayant omis de porter à la connaissance d’un nouveau client auquel il ouvre un compte les conditions d’utilisation de ce compte et le prix de ses différents services, n’est pas déchu du droit de percevoir le prix de ses prestations de service et les frais y afférents, dès lors qu’il a, a posteriori, recueilli l’accord du client sur son droit à leur perception et sur leur montant ; que cet accord peut résulter, pour l’avenir, de leur inscription dans un relevé d’opérations dont la réception par le client n’a été suivie d’aucune protestation ou réserve de sa part 2. L’article D. 312-6 du Code monétaire et financier prévoit la gratuité des services bancaires de base. Dans un souci de transparence, l’alinéa 1er de l’article L. 3121-1 du Code monétaire et financier prévoit désormais que « les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition, sur support papier ou sur un autre support durable, de leur clientèle et du public les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt, selon des modalités fixées par un arrêté du ministre chargé de l’économie ».

1 . Com. 22 nov. 2011, RD banc. fin. mars-avr. 2012. 37, obs. Crédot et Samin où le banquier devait vérifier l’agrément de la société sollicitant l’ouverture du compte. 2. Com. 3 mars 2001, RTD com. 2001. 743, obs. Cabrillac.

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Cette disposition s’applique pour les comptes de dépôt ouverts par des personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles. Un arrêté du 29 juillet 2009 prévoit que l’information du public sur les tarifs liés à la gestion d’un compte de dépôt doit se faire par voie d’affichage, de manière visible et lisible, et de dépliants tarifaires en libre-service, dans les locaux de réception du public. Les conditions générales applicables aux produits et services liés à la gestion d’un compte de paiement ou d’un compte de dépôt doivent être mises gratuitement à la disposition de la clientèle et du public par tout moyen approprié. Des négociations sur les tarifs ont toujours lieu actuellement. Des actions en justice ont été parfois intentées par certaines associations de consommateurs qui se plaignent du coût des services bancaires 1. Le principe demeure toujours que les établissements de crédit sont libres de fixer les prix qu’ils entendent pratiquer 2. L’arrêté du 29 juillet 2009 précise les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt. Les mentions informatives sont très nombreuses. Parmi les plus importantes, il est possible de citer celles relatives à la durée de la convention et à ses conditions de renouvellement, aux modalités d’ouverture d’un compte de dépôt, aux produits et aux services dont le client bénéficie ou peut bénéficier dans le cadre de cette convention, ce qui englobe les moyens de paiement mis à sa disposition, aux commissions et tarifs pratiqués, aux dates de valeur si elles sont pratiquées, les conséquences d’une position débitrice non autorisée et les conditions de transfert, de résiliation ou de clôture du compte. En cas de non-délivrance immédiate d’un chéquier, la situation du titulaire du compte de dépôt est réexaminée périodiquement. La convention informe le titulaire du compte sur

1 . Routier, « Multiplication des frais et des commissions de banque », D. 2006. 985. 2. Civ 1re, 30 juin 2004, Bull. civ. I, no 190 ; D. 2005. 1828, note Mazeaud, qui statue pour un contrat de coffre-fort ; mais sa solution est transposable à la convention de compte. La Cour relève que le client qui bénéficiait d’un préavis d’un mois pour résilier la convention avait été informé du changement tarifaire six mois avant l’expiration du contrat et qu’il bénéficiait du temps nécessaire pour s’adresser à la concurrence. Il n’était pas démontré en quoi il avait été contraint de se soumettre aux conditions de la banque en renouvelant un contrat qu’elle restait libre de ne pas poursuivre.

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les modalités de réexamen. La convention rappelle la réglementation sur le chèque sans provision. Il convient de relever l’existence d’une obligation spéciale d’information prévue par l’article 1649 A du Code général des impôts. Selon cette disposition, toutes les personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces doivent déclarer à l’administration des impôts l’ouverture et la clôture des comptes de toute nature. Une nouvelle obligation d’information est apparue il y a peu, à savoir une information sur la mobilité bancaire. En ce domaine, la Fédération bancaire française avait adopté le 6 juillet 2009 une norme professionnelle qui ne présente pas de caractère obligatoire puisqu’elle n’a pas encore fait l’objet d’une approbation par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, conformément à la procédure prévue à l’article L. 612-29-1 du Code monétaire et financier. Lors de la réforme du droit de la consommation par la loi du 17 mars 2014, l’article L. 312-1-7 reprend en grande partie cette norme, qui s’applique aux comptes de dépôt et aux comptes de paiement ouverts auprès de tous les prestataires de services de paiement et détenus par les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Cette disposition prévoit notamment l’information gratuite par les établissements de crédit de leurs clients sur la mobilité bancaire et un service d’aide à la mobilité bancaire proposé par l’établissement d’arrivée. Si l’établissement d’arrivée ou de départ ne respecte pas les obligations qui lui incombent dans le cadre de cette procédure, aucun frais en résultant ni aucune pénalité de ce chef ne peuvent être mis à la charge du client. Selon l’article R. 312-4-4 II, « la documentation relative à la mobilité bancaire mentionnée à l’article L. 312-1-7 que les établissements de crédit sont tenus de mettre gratuitement sans condition à la disposition de leurs clients précise de façon claire les informations suivantes : 1° Le rôle de l’établissement d’arrivée et de l’établissement de départ à chacune des étapes de la procédure de mobilité bancaire, telle qu’elle est prévue à l’article L. 312-1-7 ; 2° Les délais d’accomplissement des différentes étapes ;

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3° Les informations que le titulaire de compte devra éventuellement communiquer ; 4° Les modalités de saisine du service de relations avec la clientèle aux fins de recevoir d’éventuelles réclamations ; 5° La possibilité de recourir au processus de médiation mentionné à l’article L. 316-1 ». Si le client souhaite bénéficier de ce service, l’établissement d’arrivée recueille son accord formel pour effectuer en son nom les formalités liées au changement de compte afin que les virements et prélèvements réguliers se présentent sur le nouveau compte, ainsi que les coordonnées bancaires de son établissement de départ. Les notions de virement récurrent ou de virement régulier mentionnées à l’article L. 312-1-7 s’entendent de toute opération présentée au moins deux fois, par le même émetteur, au crédit du compte du client au cours des treize mois précédant l’accord formel. Ce système a été renforcé par la loi du 6 août 2015, avec toujours le même objectif, celui de favoriser la concurrence entre les établissements de crédit 1. Il est prévu que l’établissement de crédit de départ, teneur du compte de dépôt que le client souhaite clôturer, propose sans frais ni pénalités, dans les cinq jours ouvrés qui suivent la demande de clôture du compte, un récapitulatif des opérations automatiques et récurrentes ayant transité sur ce compte au cours des treize derniers mois. L’établissement d’arrivée communique, dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de l’ouverture d’un nouveau compte, les coordonnées du nouveau compte bancaire aux émetteurs de prélèvements et de virements réguliers, sur la base des informations fournies par le client. Pour les comptes de dépôt ouverts pour des personnes physiques agissant à des fins professionnelles, l’article L. 312-1-6 dispose que cette convention nécessite un écrit entre le client et l’établissement de crédit. Un arrêté du 1er septembre 2014 précise les principales mentions qui devront y figurer. On y retrouve des informations relatives à l’établissement de crédit, aux comptes de

1 . Delpech, « Mobilité bancaire : apports de la loi pour la croissance et l’activité », D. 2015. 1765.

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dépôt, à la communication entre le client et son banquier, les conditions tarifaires et les dispositions générales relatives à la convention de compte. Le développement des obligations mises à la charge des établissements de crédit notamment en matière de comptes de dépôt. Le législateur a voulu éviter un recours systématique aux tribunaux. Pour cette raison, il a institué un médiateur bancaire 1. Les médiateurs sont nommés par les établissements de crédit soit leur sein ou parmi des personnes extérieures, pourvu qu’elles soient compétentes et impartiales. La possibilité pour un banquier de choisir pour médiateur un de ses membres apparaît assez choquante pour résoudre ce qui est malgré tout un différent. Le but est d’éviter que cette nouvelle forme de résolution des difficultés n’impose des contraintes financières trop importantes aux établissements de crédit. L’existence de la médiation et ses modalités d’accès devront figurer sur la convention de compte de dépôt, ainsi que sur les relevés de compte. Toutefois, le client ne sera pas obligé de recourir à la médiation ; il pourra assigner directement le banquier. La loi est muette sur les conditions de saisine du médiateur. Lorsqu’il est saisi, il sera tenu de statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Cette dernière suspend la prescription pendant ce délai. Il se contente de rendre des recommandations. Les constatations et les déclarations que le médiateur recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties. Chaque médiateur devra établir un compte rendu annuel et de le transmettre au Gouverneur de la Banque de France et au Président du comité consultatif du secteur financier. À cet effet, l’article L. 614-6 du Code monétaire et financier a créé un Comité de la médiation bancaire chargé d’étudier les rapports des médiateurs, d’établir un bilan annuel, de préciser les modalités d’exercice de l’activité des médiateurs et de veiller à leur indépendance.

1 . Bonhomme, « Aspects bancaires de la loi MURCEF », Banque et droit mars-avr. 2002-2 ; Bonneau, « Des nouveautés bancaires et financières dans la loi no 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier, » JCP E 2002. 120 ; Daigre, « Loi MURCEF et droit bancaire », JCP 2002. I. 117.

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§ 2. La capacité et les pouvoirs 23

Pour la capacité 1, on doit envisager successivement la situation du mineur et celle du majeur protégé. Lorsque le mineur est émancipé, l’article 413-6 du Code civil prévoit qu’il est pleinement capable. Il n’a cependant pas la possibilité d’exercer le commerce. Le banquier, lors de l’ouverture du compte, devra s’assurer que ce compte n’est pas destiné à être le support d’une activité commerciale. Pour le mineur non émancipé, l’ouverture et le fonctionnement d’un compte à son nom nécessitent, du moins en théorie, l’intervention de son représentant légal. Malgré ce principe, de nombreuses banques ouvrent des comptes de dépôt à des mineurs qui les font fonctionner sous leur seule signature 2. Le plus souvent, elles demandent l’autorisation des représentants légaux, ce qui n’a aucune valeur juridique. Pourtant, la jurisprudence admet, du moins de manière implicite, la validité d’une telle ouverture 3. On justifie souvent cette solution par un recours au principe suivant lequel le mineur a une capacité évolutive lui permettant parfois d’agir par lui-même pour les actes de la vie civile 4. Certaines dispositions prévoient expressément cette activité bancaire indépendante du mineur, comme l’article L. 221-4 du Code monétaire et financier ou le décret du 2 mars 1996 créant le « livret jeune ». L’article 498 du Code civil prescrit l’ouverture d’un compte au nom du mineur, lorsque le tuteur ou l’administrateur légal reçoivent des fonds pour le compte de leur pupille. En application de l’article 414-1 du Code civil, tout compte bancaire ouvert par une personne majeure, agissant sous l’empire d’un trouble mental, pourra être annulé. Pour les majeurs protégés, l’article 427 prévoit que la personne chargée de la mesure de protection ne peut procéder ni à la modification des comptes ou

1 . Calendini, « La banque et les personnes protégées », LPA 21 mai 1984. 2. Delgado, « Réflexion sur la pratique bancaire et les mineurs non émancipés », JCP N 1994. 283 ; Huet, « Détournement (bancaire) de mineurs ? », D. 1987. 215 ; Kengne, « Les banques et les mineurs », LPA 5 févr. 1997. 3. Civ. 1re, 12 nov. 1998, JCP 1999. II. 10055, note Garé. 4. Stoufflet, « L’activité juridique du mineur non émancipé », Mélanges Voirin, p. 794 ; Lasserre Capdeville, « Le compte en banque du mineur », RD banc. fin. mars-avr. 2008. 11.

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livrets ouverts au nom de la personne protégée, ni à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un établissement habilité à recevoir des fonds du public. Le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut toutefois l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande. En cas de tutelle, il appartient au tuteur d’ouvrir un compte et de le faire fonctionner. Toutefois, le juge a la possibilité d’élargir la capacité du majeur en tutelle. Il pourrait l’autoriser à ouvrir un compte et à le faire fonctionner. Le majeur sous curatelle a la possibilité d’ouvrir un compte, mais avec l’assistance du curateur 1. Le majeur sous sauvegarde de justice a la faculté de se faire ouvrir seul un compte. Le banquier qui ouvre un compte à une personne morale ou à un représentant doit s’assurer de la réalité des pouvoirs. Mais la principale question concerne l’autonomie bancaire des époux. L’article 221 du Code civil prévoit que chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel. Le banquier est dispensé de tout contrôle sur l’origine des fonds et de l’utilisation qui peut en être faite par le titulaire du compte. L’article 221, alinéa 2 du Code civil dispose en effet qu’« à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt ». Il n’a également pas à se préoccuper du régime matrimonial adopté par les époux. La jurisprudence interprète de manière extensive cette disposition. Elle considère que, dans l’hypothèse où un chèque a été émis à l’ordre de deux époux en règlement de la vente d’un bien indivis et où il a été endossé par eux, un conjoint a « le pouvoir suffisant d’encaisser seul le montant du chèque sur son compte » 2. En tout état de cause, la logique du droit bancaire l’emporte sur les règles du droit des régimes matrimoniaux 3.

1 . Sur la responsabilité d’une banque qui a ouvert un compte sans l’assistance du curateur, Versailles, 29 avr. 1988, D. 1989. 251, note Massip. 2. Com. 21 nov. 2000, RTD com. 2001. 199, obs. Cabrillac. 3. Pour une illustration récente Civ. 1re, 8 juill. 2009, D. 2009. 1970, note Egéa qui rappelle que « d’une part, que l’article 221 du Code civil réserve à chaque époux la faculté de se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l’autre, d’autre part, que le banquier dépositaire ne doit, aux termes de l’article 1937 du même code, restituer les fonds déposés qu’à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir ».

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S ECTION 2

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Le fonctionnement du compte 25

Le fonctionnement du compte amène à s’interroger sur les obligations mises à la charge du banquier (§ 1), sur les intérêts et les commissions qu’il peut demander à son client (§ 2) et sur les saisies dont il peut faire l’objet (§ 3).

§ 1. Les obligations du banquier 26

Pendant la durée de fonctionnement du compte, le banquier doit tenir le compte (A), le surveiller (B) ; il est astreint au secret professionnel (C). Il reste également tenu à certaines obligations d’information (D).

A. L'obligation de tenir le compte 27

Il appartient au banquier de tenir le compte de son client et de respecter les ordres que ce dernier lui transmet lui-même ou par l’intermédiaire d’un mandataire 1. Il inscrit les opérations au débit ou au crédit du compte de son client. Il doit le faire immédiatement. Il existe cependant une pratique bancaire, dite « des dates de valeur ». En cas de dépôt par le client, le jour de valeur sera postérieur au jour du dénouement de l’opération. En cas de retrait ou de paiement, la banque inscrit l’opération à un jour antérieur à la date effective de l’opération. On a parfois considéré que cette pratique constituait une rémunération du banquier qui engagerait des frais pour la réalisation de l’opération sollicitée par le client 2. La jurisprudence a dû se prononcer sur le bien-fondé de cette pratique qui a fait l’objet de nombreuses critiques. Elle l’a fait, en se référant à l’article 1131 du Code civil alors applicable

1 . Le banquier peut rapporter la preuve du mandat par tout moyen, puisqu’il n’est pas partie à ce contrat. Civ. 1re, 3 juin 2015, D. 2015. 1588, note Tehrani ; Gaz. Pal. 8 mars 2016. 60, obs. HouinBressand. 2. Guillot, obs. sous Com. 29 mars 1994 et 7 juin 1994, Banque 1994. 91.

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qui prévoyait que « l’obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet » 1. Elle l’admet, lorsqu’elle est justifiée par le dénouement de l’opération. Elle l’a condamnée pour défaut de cause, lorsque le dénouement de l’opération est immédiat 2. Particulièrement net est en ce sens un arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 1995 qui casse, sur le fondement de l’article 1131, une décision des juges du fond qui avaient admis les dates de valeur, alors qu’en « statuant ainsi, alors que l’opération litigieuse, autre que des remises de chèques en vue de leur encaissement n’impliquerait pas que, même pour le calcul des intérêts, les dates de crédit ou de débit soient différées ou avancées, la cour d’appel a violé le texte susvisé » 3. Ce système, qui n’était pas favorable à l’utilisateur, qui n’était en réalité pas justifié et qui indirectement conduisait à une opacité tarifaire, a désormais pris fin, d’abord pour les opérations de paiement soumises à l’ordonnance du 15 juillet 2009. La loi tendant à favoriser l’accès au crédit des PME a posé une règle similaire pour les chèques, que ce soit au débit ou au crédit du compte. Les nouvelles règles sont prévues par l’article L. 133-14 du Code monétaire et financier, texte d’ordre public. Les établissements prestataires de service de paiement ne peuvent retarder les opérations de crédit et anticiper celles de débit. Il existe désormais trois règles. D’abord, la date de valeur d’une somme portée au crédit du compte du bénéficiaire ne peut être postérieure à celle du jour ouvrable au cours duquel le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Ce même prestataire est tenu de mettre le montant de l’opération à disposition du bénéficiaire après que son propre compte a été crédité. Ensuite, la date de valeur du débit inscrit au compte de paiement du payeur ne peut être antérieure

1 . Sur la critique de ce recours à la théorie de la cause, Mouly, « Bilan provisoire d’une critique des dates de valeur », RJDA 1993. 503. 2. Com. 6 avr. 1993, Bull. civ. IV, no 138, JCP 1993. II. 22062, note Stoufflet ; D. 1993. 310, note Gavalda ; RJ com. 1993. 262, note Grua ; RTD com. 1993. 549, obs. Cabrillac et Teyssié ; v. également Com. 21 mai 1996, RTD com. 1996. 507, obs. Cabrillac. 3. Com. 10 janv. 1995, D. 1995. 229, note Gavalda.

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au jour où le montant de l’opération de paiement est débité de ce compte. Enfin, lorsqu’une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels verse des espèces sur un compte auprès d’un prestataire de services de paiement, dans la devise de ce compte, le prestataire de services de paiement veille à ce que le montant versé soit mis à disposition et reçoive une date de valeur aussitôt que les fonds sont reçus. Pour les autres déposants, le montant versé est mis à disposition et il reçoit une date de valeur au plus tard le jour ouvrable suivant celui de la réception des fonds. Le banquier engage sa responsabilité lorsqu’il commet une erreur de nature comptable 1. Tel est le cas s’il omettait de créditer le compte de son client et si, ultérieurement, il refusait le paiement d’un chèque pour défaut de provision. Le fait qu’une erreur soit due à un traitement informatique n’est pas de nature à exonérer le banquier de sa responsabilité. L’erreur devra faire l’objet d’une rectification. Elle pourrait faire l’objet d’une action en répétition. Une difficulté se pose en cas d’approbation par le client des relevés de compte qui lui sont adressés. Ces relevés jouent un important rôle probatoire. Le silence du client vaut-il nécessairement acceptation des écritures y figurant ? La jurisprudence est abondante en ce domaine et parfois contradictoire. Actuellement, elle considère que cette attitude vaut approbation des écritures portées sur le relevé 2. Cette solution est généralement justifiée par un usage. Mais il est nécessaire que le client bénéficie d’un délai pour pouvoir contester. Assez souvent, les relevés de compte précisent les délais de contestation qui sont en général de deux mois. Passé ce délai, il existe seulement une présomption de régularité qui peut être combattue. Par un arrêt du 10 février 1998, la Cour de cassation a indiqué que « si la réception sans protestation ni réserve des avis de virements et des relevés de compte fait présumer l’existence et l’exécution des opérations qu’ils indiquent, elle n’empêche pas le client, pendant le délai convenu

1 . Vézian, La responsabilité du banquier, 3e éd., p. 51 s. 2. Com. 10 mai 1994, Bull. civ. IV, no 170 ; adde M. Storck, « Le silence du client après réception d’un avis d’opéré portant sur des opérations de bourse », RD banc. fin. 1992. 12.

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ou, à défaut, pendant le délai de la prescription, de reprocher à celui qui a effectué ces opérations d’avoir agi sans mandat » 1. Cette solution a été reprise par un arrêt du 3 novembre 2004 2.

B. L'obligation de surveiller le compte 29

On affirme souvent que le banquier, en application du principe de non-ingérence, n’a pas à se préoccuper de l’origine ou de la destination des ordres qui lui sont transmis en cours de fonctionnement du compte 3. Cette obligation serait la conséquence du secret des affaires 4. Elle est sans doute surtout due à la multiplicité des affaires que traite un banquier. Ce principe est souvent rappelé par la jurisprudence. Un arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 1999 en fournit une parfaite illustration. Les juges du fond avaient retenu la responsabilité d’une banque en raison de l’octroi d’un prêt de restructuration. Or le plan de restructuration n’aurait pas été sérieux. Ils sont censurés, car « le banquier n’a pas à s’immiscer dans la gestion des affaires de son client » 5. Pourtant ce principe n’a pas une portée absolue et il existe des limites légales ou jurisprudentielles. L’article L. 561-10-2 du Code monétaire et financier prévoit que certaines opérations importantes qui se présentent dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraissent pas avoir de justification économique ou d’objet licité, doivent faire l’objet de la part de l’organisme financier d’un examen particulier. En ce cas, l’organisme financier se renseigne auprès de son client sur l’origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de la transaction et l’identité de la personne qui en bénéficie 6.

1 . Com. 10 févr. 1998, Bull. civ. IV, no 63 ; RTD com. 1998. 394, obs. Cabrillac. 2. Com. 3 nov. 2004, Bull. civ. IV, no 187 ; D. 2005. 579, note Naudin ; RTD com. 2005. 150, obs. Cabrillac ; Gaz. Pal. 7 juin 2005, p. 25, note Piédelièvre indiquant que « l’absence de protestation du client dans le délai d’un mois de la réception des relevés de compte n’emporte, selon la convention des parties, qu’une présomption d’accord du client sur les opérations y figurant laquelle ne prive pas celui-ci de la faculté de rapporter, pendant la durée de prescription légale, la preuve d’éléments propres à l’écarter » ; également Com. 13 nov. 2012, Bull. civ. IV, no 205. 3. Com. 30 janv. 1990, Banque 1990. 535, obs. Rives-Lange. 4. Vézian, « La responsabilité du banquier », no 82. 5. Com. 11 mai 1999, Bull. civ. IV, no 95 ; JCP E 1999. 1730, note Legeais ; Com. 14 oct. 2008, RD banc. fin. janv.-févr. 2009. 40, obs. F.-J. Crédot et T. Samin ; pour un rappel récent : Com. 12 juill. 2017, LEDB févr. 2018 2, obs. Lasserre Capdeville. 6. Pour une illustration Com. 22 nov. 2011, RD banc. fin. mars-avr. 2012. 37, obs. Crédot et Samin.

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De manière plus large, l’article L. 561-15 du Code monétaire et financier, prévoit que les établissements de crédit doivent déclarer au service traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins dit « TRACFIN » les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme. Il en va de même pour les sommes ou les opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale. La jurisprudence impose aux établissements de crédit un devoir de surveillance renforcée, lorsque les circonstances l’imposent. Il en va notamment ainsi en cas d’anomalies apparentes 1, ou s’ils n’ont pas surveillé d’éventuelles remises de chèques par des personnes frappées par une interdiction d’émettre de tels titres. Il leur appartient également de contrôler l’utilisation des prêts par leurs clients en cas de crédits spécialisés 2. 30

L’obligation de surveiller le compte astreint le banquier à de nouvelles obligations pour les comptes inactifs. Les établissements de crédit les établissements de monnaie électronique et les établissements de paiement sont tenus de recenser chaque année les comptes inactifs ouverts dans leurs livres. Selon l’article L. 312-19 du Code monétaire et financier « un compte est considéré comme inactif : 1° Soit à l’issue d’une période de douze mois au cours de laquelle les deux conditions suivantes sont remplies : a) Le compte n’a fait l’objet d’aucune opération, hors inscription d’intérêts et débit par l’établissement tenant le compte de frais et commissions de toutes natures ; b) Le titulaire du compte, son représentant légal ou la personne habilitée par lui ne s’est pas manifesté, sous quelque forme que

1 . Com. 30 oct. 1984, Bull. civ. IV, no 285 ; Com. 12 juill. 2017, préc., qui se montre stricte sur cette question de l’existence d’une anomalie apparente. 2. Com. 18 mai 1993, Bull. civ. IV, no 190.

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ce soit, auprès de cet établissement ni n’a effectué aucune opération sur un autre compte ouvert à son nom dans les livres de l’établissement. La période de douze mois est portée à cinq ans pour les comptes sur lesquels sont inscrits des titres financiers, les comptes sur livret, les comptes à terme et les comptes sur lesquels sont inscrits des avoirs et dépôts au titre des produits d’épargne mentionnés au titre II du Livre II. Lorsque les sommes déposées sur un compte ou les titres inscrits en compte sont indisponibles pendant une certaine période en vertu de stipulations contractuelles ou de l’existence d’une sûreté conventionnelle, la période de cinq ans commence à courir au terme de la période d’indisponibilité ; 2° Soit, si son titulaire est décédé, à l’issue d’une période de douze mois suivant le décès au cours de laquelle aucun de ses ayants droit n’a informé l’établissement tenant le compte de sa volonté de faire valoir ses droits sur les avoirs et dépôts qui y sont inscrits ». Lorsqu’un compte est considéré comme inactif, l’établissement tenant ce compte en informe le titulaire, son représentant légal ou la personne habilitée par lui et lui indique les conséquences qui y sont attachées 1. Les établissements de crédit les établissements de monnaie électronique et les établissements de paiement publient chaque année, chacun pour ce qui le concerne, le nombre de comptes inactifs ouverts dans leurs livres et le montant total des dépôts et avoirs inscrits sur ces comptes. Les dépôts et avoirs inscrits sur les comptes inactifs devront être déposés à la Caisse des dépôts et consignations dans un délai de deux ans après la date du décès du titulaire du compte ou dans les autres hypothèses dans un délai de dix ans à compter de la date de la dernière opération. Les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations qui n’ont pas été réclamées par leurs titulaires ou par leurs ayants 1 . V. CEDH 29 janv. 2013, no 66610/09, Zolotas c/ Grèce, RD bancaire et bourse 2013. 79, indiquant que les États ont l’obligation positive de protéger le citoyen et prévoir ainsi l’obligation des banques, compte tenu des conséquences fâcheuses que peut avoir la prescription, de tenir informé le titulaire d’un compte inactif de l’approche de la fin du délai de prescription et lui donner ainsi la possibilité d’interrompre la prescription.

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droit sont acquises à l’État à l’issue d’un délai de vingt-huit ans à compter de la date de leur dépôt à la Caisse des dépôts et consignations en cas de décès et de vingt ans dans les autres cas. Jusqu’à l’expiration de ces délais, les sommes ainsi déposées sont détenues par celle-ci pour le compte des titulaires ou de leurs ayants droit.

C. Le secret professionnel du banquier 31

Le secret professionnel du banquier est prévu par l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier qui indique que tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui à un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit ou qui est employée par celui-ci est tenu au secret professionnel 1. Ce secret professionnel s’applique également aux établissements de paiement. Le secret professionnel ne joue pas à l’égard du titulaire du compte. Il en va de même pour ses représentants, pour ses héritiers ou pour ses légataires universels, hormis l’hypothèse si le secret était personnel au défunt 2, ou des commissaires aux comptes en vertu de l’article L. 225-36 du Code de commerce. En revanche, le banquier n’a pas la possibilité de transmettre des informations au conjoint du titulaire du compte ou aux associés non dirigeants d’une entreprise 3. Le problème essentiel consiste à déterminer les informations qui sont couvertes par le secret professionnel. On affirme généralement que seules les informations confidentielles sont concernées 4. Selon la jurisprudence, ces informations sont

1 . Bertrel, « Obligation au secret professionnel du banquier », BRDA 1991, no 14 ; Crédot, « Le secret bancaire, son étendue et ses limites, la fourniture de renseignements commerciaux par les banques », LPA 17 févr. 1993 ; Gavalda, « Le secret bancaire français », DPCI 1990. 57 ; Ghica-Lemarchand, « Une certaine idée du secret bancaire, » Mélanges Decocq, p. 279 ; Lasserre Capdeville, « Le secret bancaire en 2007 », RLDA 2008. 1493 ; Routier, « Le secret bancaire face au juge civil et commercial en droit français », RLDA mai 2010. 55. 2. Com. 30 mai 2007, D. 2007. 1722, obs. Avena-Robardet. 3. Paris, 20 mars 1990, RD bancaire et bourse 1990. 402, obs. Crédot et Gérard. 4. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2282.

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celles qui comportent un degré de précision important, par opposition aux informations dites « générales » 1. La Cour de cassation a ainsi indiqué que le secret professionnel à laquelle sont tenus les établissements de crédit leur interdit de fournir à un client qui en formule la demande des renseignements autres que simplement commerciaux d’ordre général et économique sur la solvabilité d’un autre de leurs clients 2. Le secret bancaire n’a pas une portée absolue. Le client pourrait y renoncer de manière expresse 3. Cette solution d’abord jurisprudentielle a fait l’objet d’une consécration législative par la loi du 4 août 2008, puisque l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier prévoit que les établissements de crédit peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire. La question se pose souvent de savoir si le banquier peut se retrancher derrière le secret professionnel pour refuser de communiquer des documents, alors qu’il est assigné en responsabilité. La jurisprudence classiquement répondait par l’affirmative 4, sauf bien entendu dans l’hypothèse où son client l’aurait délié de son obligation. À l’inverse, si la demande de communication de pièces émane du client, bénéficiaire du secret auquel il renonce par sa demande, le banquier contre lequel le procès est intenté ne peut lui opposer le secret 5. Un certain assouplissement est intervenu par un arrêt du 11 octobre 2011 où la Cour de cassation considère qu’« ayant relevé que la communication de ces pièces intervenait dans un litige opposant les banquiers respectivement présentateur et tiré des chèques litigieux aux tireurs, qui leur reprochaient un comportement fautif en l’absence de vérification des endossements frauduleux opérés par leur comptable, de sorte que les 1 . Versailles, 23 mars 1994, D. 1994. Somm. 328, obs. Vasseur. 2. Com. 18 sept. 2007, D. 2007. 2466, obs. Delpech. 3. Com. 11 avr. 1995, Bull. civ. IV, no 121 ; RTD com. 1995. 635, obs. Cabrillac. 4. Par exemple Com. 13 nov. 2003, JCP E 2004. 736, no 6, obs. Stoufflet ; RD banc. fin. 2004. 242, obs. Crédot et Gérard ; Com. 25 janv. 2005, Bull. civ. IV, no 13 ; D. 2005. 485, obs. Avena-Robardet ; RTD com. 2005. 395, obs. Legeais ; Banque et droit mai-juin 2005. 70, obs. Bonneau. 5. Sauf pour les informations couvertes par le secret de l’instruction, Com. 10 déc. 2003, D. 2004. 209, obs. Delpech ; RTD com. 2004. 351, obs. Legeais.

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règles du secret bancaire ne pouvaient être invoquées, la cour d’appel a pu ordonner la production en copie recto verso des chèques litigieux à la demande de leur tireur » 1. Mais surtout, le législateur a prévu la levée du secret bancaire dans plusieurs hypothèses. Le secret professionnel ne peut être opposé à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale. Mais il est opposable au juge civil, malgré l’article 10 du Code civil en vertu duquel chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité, sauf motifs légitimes. Or le secret bancaire constitue un tel motif 2. Toutefois ce principe comporte certaines exceptions, notamment en matière de divorce. Selon l’article 259-3 du Code civil, les époux doivent se communiquer et communiquer au juge tous les renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial. Son alinéa 2 ajoute que le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé. On peut également citer l’article 152-2 du Code des procédures civiles d’exécution, l’article L. 611-4 du Code de commerce, l’article L. 621-54 de ce même code et l’article L. 562-8 du Code monétaire et financier. En outre, il ne peut être opposé à une commission de surendettement, à l’administration fiscale, à l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou à l’autorité des marchés financiers. Le Code monétaire et financier prévoit une dérogation importante au secret bancaire dans un but de coopération communautaire. L’autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut transmettre des informations aux autorités chargées, dans d’autres États, de l’agrément ou de la surveillance des établissements de crédit ou des établissements financiers sous réserve de réciprocité et à condition que ces autorités soient elles-mêmes soumises au secret professionnel avec les mêmes garanties qu’en France. 1 . Com. 11 oct. 2011, D. 2011. 2532, note Avena-Robardet ; LEDB déc. 2011. 1, note Routier ; JCP 2012. 1388, note Lasserre Capdeville. 2. Com. 8 juill. 2003, Bull. civ. IV, no 119 ; JCP 2004. II. 10068, note Gibirila ; Banque et droit janv.févr. 2004. 54, obs. Bonneau.

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La Commission des communautés européennes peut être, pour l’exercice de sa mission, destinataire de ces informations, sous réserve que les personnes destinataires soient elles-mêmes soumises au secret professionnel.

D. Les obligations d'information 32

Si la plupart des obligations d’information se situe lors de l’ouverture de la convention de compte, le banquier reste tenu de certaines obligations lors du déroulement de la convention de compte et notamment lors de sa modification. Pour les clients personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles, l’article L. 312-1-1 II du Code monétaire et financier dispose que « tout projet de modification de la convention de compte de dépôt est fourni sur support papier ou sur un autre support durable au client au plus tard deux mois avant la date d’application envisagée ». Selon les modalités prévues dans la convention de compte de dépôt, l’établissement de crédit informe le client qu’il est réputé avoir accepté la modification s’il ne lui a pas notifié, avant la date d’entrée en vigueur proposée de cette modification, qu’il ne l’acceptait pas. Si le client refuse la modification proposée, il peut résilier la convention de compte de dépôt sans frais, avant la date d’entrée en vigueur proposée de la modification. L’article L. 312-1-1 III envisage l’hypothèse où l’établissement de crédit propose de nouveaux services à son client. Les informations relatives à ces nouvelles prestations devront faire l’objet d’un contrat-cadre de services de paiement similaire à celui existant lors de la conclusion de la convention de compte. Le teneur du compte devra lui fournir les conditions de ces nouveaux services sur support papier ou sur un autre support durable. Si, à la demande du client, cette convention est conclue par un moyen de communication à distance ne permettant pas à l’établissement de crédit de fournir ces supports, l’établissement de crédit satisfait à ses obligations aussitôt après la conclusion de la convention modificative.

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§ 2. Les intérêts et les commissions perçus par le banquier 33

Pendant longtemps, les soldes créditeurs des comptes à vue ne donnaient pas lieu à des intérêts en faveur du client. L’interdiction de rémunérer les comptes à vue a été remise en cause par la Cour de justice des Communautés européennes. Un arrêt du Conseil d’État avait posé une question préjudicielle auprès de la Cour de justice des Communautés européennes 1. En l’espèce, la Commission bancaire avait interdit à une banque de rémunérer les comptes à vue de ses clients. Le Conseil d’État a été saisi d’un recours contre cette décision. Il a sursis à statuer et il a interrogé la Cour de justice des Communautés européennes. Selon cette dernière, « l’article 43 CE s’oppose à la réglementation d’un État membre qui interdit à un établissement de crédit, filiale d’une société d’un autre État membre, de rémunérer les comptes à vue libellés en euros, ouverts par les résidents du premier État membre » 2. Pour le moment peu d’établissements de crédit rémunèrent les comptes de dépôt. La rémunération a toujours été possible pour les comptes à terme. De son côté, le solde débiteur des comptes est productif d’intérêts. Pour le compte courant, les intérêts courent de plein droit. Pour les comptes de dépôt, il est nécessaire qu’il existe une convention entre le banquier et son client 3. Il existe d’ailleurs une obligation précontractuelle d’information. Lorsqu’un relevé de compte est fourni en application des stipulations de la convention visée à l’alinéa précédent et que celui-ci indique, à titre d’information, qu’un montant de découvert est autorisé, il mentionne immédiatement après, dans les mêmes caractères, le taux annuel effectif global, quelle que soit la durée du découvert autorisé considéré. Une difficulté s’était posée pour les clauses dites « de variations de taux ». Fallait-il leur appliquer l’article 1129 du Code civil alors

1 . CE 5 nov. 2002, D. 2002. 3294. 2. CJCE 5 oct. 2004 sur lequel Piédelièvre, « Feu vert de la CJCE pour les comptes rémunérés », préc. 3. Com. 4 déc. 1990, Banque 1991. 324, obs. Rives-Lange.

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applicable ? Après avoir commencé par répondre par l’affirmative, la jurisprudence admet la validité de cette stipulation 1. Le banquier ne peut prétendre aux intérêts conventionnels que si leur taux a été fixé par écrit 2. Cette obligation, prévue par l’article 1907 du Code civil, concerne aussi bien le taux d’intérêt que le taux effectif global. Selon, la Cour de cassation, si l’omission, dans un contrat de prêt d’argent, de l’indication du taux effectif global de l’intérêt conventionnel n’entraîne pas la nullité du contrat, il résulte de la combinaison des articles 1907, alinéa 2, du Code civil et L. 313-2 du Code monétaire et financier qu’en matière de prêt d’argent, l’exigence d’un écrit mentionnant le taux effectif global est une condition de la validité de la stipulation d’intérêt et que, dès lors, il ne peut être fait application du taux stipulé dans le contrat sans que les juges aient à rechercher si l’omission d’une telle mention est de nature à induire l’emprunteur en erreur sur les conditions du prêt 3. Mais la jurisprudence considère que l’article L. 314-5 du Code de la consommation, s’il impose la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un prêt, ne fait pas obligation au prêteur, en cas de stipulation de révision du taux d’intérêt originel selon l’évolution d’un indice objectif, d’informer l’emprunteur de la modification du taux effectif global résultant d’une telle révision 4. Le taux annuel de l’intérêt se détermine par référence à l’année civile qui comporte 365 ou 366 jours et non par rapport à l’année bancaire qui en comporte seulement 360 5. La capitalisation des intérêts suit des règles différentes suivant que l’on se trouve en présence d’un compte de dépôt ou d’un compte courant. Cette distinction ne se justifie pas juridiquement. 1 . Com. 9 juill. 1996, Defrénois 1996. 1363, obs. D. Mazeaud ; JCP E 1996. II. 861, obs. Stoufflet. 2. Civ. 1re, 9 févr. 1988, Bull. civ. I, no 34 ; Com. 12 avr. 1988, Bull. civ. IV, no 130 ; Banque 1988. 590, obs. Rives-Lange ; JCP E 1988. II. 15204, note Gavalda et Stoufflet ; RTD civ. 1988. 733, obs. Mestre. 3. Civ. 1re, 24 juin 1981, Bull. civ. I, no 233 ; D. 1982. 397, note Boizard ; Defrénois 1982. 418, obs. Aubert ; RTD civ. 1982. 429, obs. Rémy ; Banque 1982. 236, obs. Martin ; RTD com. 1981. 809, obs. Cabrillac et Teyssié ; JCP 1982. II. 19713, note Vasseur ; Civ. 1re, 14 févr. 1995, JCP 1995. II. 22402, note Chartier ; D. 1995. 341, note Piédelièvre. 4. Civ. 1re, 20 déc. 2007, Bull. civ. IV, no 396 ; JCP 2008. II. 10044, note Gourio ; Gaz. Pal. 11 mars 2008, p. 15, note Piédelièvre. 5. Com. 10 janv. 1995, Bull. civ. IV, no 8 ; Banque 1995. 93, obs. Guillot ; Gaz. Pal. 29 août 1995, p. 10, note A. Piédelièvre ; D. 1995. 229, note Gavalda ; D. 1996. Somm. 114, note Libchaber ; JCP 1995. II. 22475, Auckenthaler ; Com. 17 janv. 2006, D. 2006. 439, obs. Avena-Robardet.

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Pour les comptes de dépôt, il est nécessaire de respecter les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code civil, c’est-à-dire qu’il doit exister une convention expresse et qu’il doit s’agir d’intérêts dus au moins pour une année entière 1. Pour le compte courant, il est admis depuis longtemps en vertu d’un usage que l’article 1343-2 ne s’applique pas 2. Les commissions s’analysent comme les rémunérations que prend un banquier pour les services qu’il rend. Elles sont normalement fixées d’un commun accord entre le banquier et son client. Mais en réalité, elles sont imposées par le banquier à son client. Par exemple, les cartes de crédit sont facturées, comme les virements. Malgré tout, le législateur intervient parfois en ce domaine pour limiter certaines commissions. Il a ainsi par exemple modéré les frais perçus par les établissements de crédit lors des incidents de paiement. La jurisprudence a tendance à sanctionner les commissions et les frais abusifs 3. Les frais bancaires font, depuis plusieurs années, l’objet d’un encadrement croissant par les textes législatifs et réglementaires, comme en cas d’incidents de paiement. Les plafonds fixés par le législateur ne tenaient pas compte de la pratique des commissions d’intervention, généralement facturées par les établissements bancaires en plus des frais d’incidents. Ces commissions d’intervention, débitées à chaque émission de créance depuis un compte non provisionné, rémunèrent l’analyse par la banque de la situation individuelle du consommateur en cas de demande de paiement en l’absence de provision suffisante. Le législateur les a réglementés 4. Les établissements de crédit sont tenus d’informer leur clientèle et le public sur les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt. Cette information doit se faire par voie d’affichage, de manière

1 . Civ. 1re, 4 déc. 1990, JCP E 1992. II. 288, note Belloir-Caux. 2. Req. 12 mars 1851, DP 1851. 1. 290. V. également sur l’ensemble de la question, Schmidt, « Sur la prétendue capitalisation des intérêts d’un découvert en compte », RD bancaire et bourse 1989. 120. 3. Routier, « Multiplication des frais et commissions de banque : vers la reconnaissance de l’abus et d’un “barratage passif ?” », D. 2006. 985. 4. Piédelièvre, « La loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires », D. 2013. 2110.

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visible et lisible, et de dépliants tarifaires en libre-service, dans les locaux de réception du public. Depuis la loi du 3 janvier 2008, les établissements de crédit sont tenus d’indiquer à leurs clients le montant des sommes perçues au titre des services liés à la convention de compte.

§ 3. La saisie portant sur un compte bancaire 35

Le crédit d’un compte bancaire constitue une créance dont le client est titulaire à l’encontre du banquier. Il est assez intéressant pour d’éventuels créanciers du créancier de saisir ce solde. La matière a été profondément remaniée par la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution qui figure maintenant dans le Code des procédures civiles d’exécution 1. Les différents comptes bancaires peuvent faire l’objet d’une saisieattribution ou d’une saisie conservatoire. Il n’y a pas lieu de distinguer entre le compte de dépôt et le compte courant. Le banquier est tenu d’indiquer au tiers saisissant la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie. La jurisprudence a précisé qu’il est « tenu de satisfaire spontanément à son obligation de renseignement » 2. En aucun cas, le banquier n’est fondé à opposer le secret bancaire à la demande du saisissant tendant à connaître la nature et la position des comptes ouverts dans ses livres au nom du débiteur 3. En cas de nonrespect de cette obligation le banquier s’expose, s’il ne justifie pas d’un motif légitime, à payer les sommes dues au créancier et, en

1 . Calendini, « De quelques problèmes liés à la saisie des comptes bancaires », LPA 26 févr. 1992 ; « La saisie-attribution de compte bancaire », LPA 9 févr. 1994 ; Crédot, « Les aspects bancaires de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution », LPA 24 avr. 1992 ; Crédot et Gérard, « Aspects bancaires de la réforme des procédures civiles d’exécution », RD bancaire et bourse 1993. 2 ; Croze, « Saisie-attribution bancaire : les mystères de l’article 47 de la loi du 9 juillet 1991 », LPA 6 janv. 1993 ; Gibirila, « La saisie-attribution d’un compte bancaire », Journ. soc. oct. 2015. 30 ; Mouly, « Les saisies de compte bancaire », LPA 26 mai 1993 ; « Procédures civiles d’exécution et droit bancaire », RTD civ. 1993, no spéc., p. 65. 2. Civ. 2e, 28 oct. 1999, Bull. civ. II, no 162. 3. Civ. 2e, 1er juill. 1999, Gaz. Pal. 12 févr. 2000. Somm. 12, obs. Véron ; D. affaires 1999. 1362, obs. J.F.

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cas de négligence fautive, ou de déclaration inexacte ou mensongère ; il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts 1. Ces saisies produisent d’importantes conséquences. La saisieattribution et la saisie conservatoire bloquent le montant du solde au profit du créancier saisissant. En cas de saisie-attribution, la propriété de la créance est immédiatement transférée au créancier saisissant. En cas de saisie conservatoire, ce dernier bénéficie du privilège du gagiste. Il est parfois délicat en pratique de déterminer le montant du solde disponible. Il est d’abord nécessaire d’exclure certaines sommes qui sont réputées insaisissables. La théorie du compte bancaire voudrait que ces sommes, qui perdent leurs caractéristiques propres, fusionnent avec les autres articles du compte. La conséquence en serait alors que les créanciers auraient la faculté de saisir l’intégralité du solde créditeur du compte. Pour des raisons sociales, le législateur n’a pas laissé la logique du compte jouer toutes ses conséquences. L’article L. 112-4 du Code des procédures civiles d’exécution a posé en principe que les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables. L’article R. 112-5 ajoute que « lorsqu’un compte est crédité du montant d’une créance insaisissable en tout ou partie, l’insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte ». L’article R. 162-4, alinéa 1er, du Code des procédures civiles d’exécution prévoit le cas où les sommes insaisissables proviennent de créances à échéances périodiques, comme les rémunérations du travail, les pensions de retraite, les sommes payées à titre d’allocations familiales ou d’indemnités de retraite. Le titulaire du compte peut demander que ces sommes lui soient immédiatement remises, déduction faite des sommes venues en débit depuis l’inscription de la créance. L’insaisissabilité s’applique alors à l’intégralité du solde créditeur du compte 2. L’article R. 112-6

1 . Décr. du 31 juill. 1992, art. 60 ; cf. Dedessus-Le Moustier, « L’obligation de renseignement du tiers saisi dans la saisie-attribution », JCP 1998. I. 106 ; Mondolini, « L’obligation déclarative du tiers saisi dans la saisie-attribution », RD bancaire et bourse 1998. 117. 2. Civ. 2e, 12 juill. 2007, Dr. et proc. 2007. 357, obs. Salati ; Procédures 2008. 11, obs. Perrot ; RD banc. fin. mars-avr. 2008. 35, obs. Piédelièvre.

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vise l’hypothèse où un compte, alimenté par des rémunérations du travail, fait l’objet d’une procédure de paiement direct sur le fondement de la loi du 2 janvier 1973 relative au paiement direct des pensions alimentaires. Le tiers saisi doit laisser au saisi une somme équivalent au montant du revenu de solidarité active. Pour les gains et salaires des époux mariés sous un régime communautaire, l’article 1414, alinéa 1er, du Code civil prévoit que ceux d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l’obligation a été contractée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants 1. Or le plus souvent, ces sommes sont versées sur un compte bancaire. L’article R. 162-9 du Code des procédures civiles d’exécution précise les conditions de la saisie de ce compte. Le dispositif ainsi mis en place ne s’applique pas aux dettes ménagères. Il est laissé immédiatement à la disposition de l’époux commun en bien une somme équivalent, à son choix, au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédant la saisie ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les douze mois précédant la saisie. 37

Une somme à caractère alimentaire doit être laissée au débiteur saisi. Le décret du 11 septembre 2002 a institué un dispositif d’accès d’urgence aux sommes à caractère alimentaire figurant sur un compte saisi. Le système a été partiellement modifié par la loi du 12 mai 2009 dite « de simplification du droit et d’allégement des procédures » 2. Désormais, l’article L. 162-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « le tiers saisi laisse à disposition du débiteur personne physique, dans la limite du solde créditeur du ou des comptes au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d’un montant égal au montant forfaitaire, pour un allocataire seul » du revenu de solidarité active. On a remplacé le déclenchement du dispositif de mise à disposition par un acte de volonté du saisi par un déclenchement automatique. Cette règle s’applique également à l’avis à tiers détenteur.

1 . Cf. Simler, « De quelques lacunes du dispositif législatif relativement à la saisissabilité des revenus en régime de communauté », Mélanges Béguin, Litec, p. 697. 2. Hoonakker, « Le RSA bancaire ou la mise à disposition automatique d’une somme à caractère alimentaire sur un compte bancaire saisi », D. 2010. 1890.

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Lorsque le tiers saisi laisse à la disposition du débiteur personne physique une somme à caractère alimentaire, il est tenu d’avertir immédiatement le débiteur. Le tiers saisi informe immédiatement l’huissier de justice ou le comptable public chargé du recouvrement du montant laissé à disposition du titulaire du compte ainsi que du ou des comptes sur lesquels est opérée cette mise à disposition. En cas de pluralité de comptes, la demande concerne seulement un compte. Une mise à disposition est effectuée au regard de l’ensemble des soldes créditeurs ; la somme est imputée, en priorité, sur les fonds disponibles à vue. En outre, en cas de saisies de comptes ouverts auprès d’établissements différents, l’huissier de justice ou le comptable public chargé du recouvrement détermine le ou les tiers saisis chargés de laisser à disposition la somme mentionnée au premier alinéa ainsi que les modalités de cette mise à disposition. Il en informe les tiers saisis. Un débiteur ne peut bénéficier d’une nouvelle mise à disposition qu’en cas de nouvelle saisie intervenant à l’expiration d’un délai d’un mois après la saisie ayant donné lieu à la précédente mise à disposition. Pendant ce délai, la somme ainsi laissée au débiteur demeure à la disposition du débiteur. Les sommes à caractère alimentaire mises à disposition du titulaire du compte viennent en déduction du montant des créances insaisissables dont le versement pourrait ultérieurement être demandé ou obtenu par le titulaire du compte. Il faut ensuite dénouer les opérations en cours. Selon l’article L. 162-1 du Code des procédures civiles d’exécution, dans le délai de quinze jours ouvrables qui suit la saisie-attribution et pendant lequel les sommes laissées au compte sont indisponibles, ce solde peut être affecté à l’avantage ou au préjudice du saisissant par certaines opérations dès lors que leur date est antérieure à la saisie. Au crédit figurent les remises faites antérieurement, en vue de leur encaissement, de chèques ou d’effets de commerce dès lors qu’il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie. Au débit, on trouve l’imputation des chèques remis à l’encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés et les retraits par billetterie effectués antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires

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ont été effectivement crédités avant la saisie. Une faveur est accordée au banquier escompteur. Les effets de commerce remis à l’escompte et non payés à leur présentation ou à leur échéance, lorsqu’elle est postérieure à la saisie, peuvent être contrepassés dans le délai d’un mois à compter de la saisie-attribution. Le solde saisi attribué n’est affecté par ces éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour du règlement. Le texte n’envisage pas l’hypothèse où la liquidation des opérations en cours a fait apparaître un bonus. Il ne semble pas que le saisissant puisse en profiter 1. Si la liquidation a fait apparaître un malus, il faut d’abord imputer ce négatif sur les sommes non saisies, mais indisponibles. Si l’excédent est insuffisant, l’imputation s’opérera sur les sommes saisies, donc au détriment du créancier saisissant. 39

Il existe également certaines procédures particulières. On peut citer le recouvrement des pensions alimentaires. Toutefois la principale hypothèse concerne l’avis à tiers détenteur (ATD) qui a longtemps été considéré comme une procédure spécifique, dérogatoire aux règles du droit commun de la saisie-arrêt, puisqu’elle avait un effet attributif immédiat. Aujourd’hui son particularisme est moins marqué, dans la mesure où ses effets sont identiques à ceux d’une saisie-attribution 2. Cette procédure est très ancienne, puisqu’elle a été instituée par une loi du 12 novembre 1808 pour favoriser le recouvrement des impôts privilégiés. Elle autorise le Trésor public à appréhender les créances de sommes d’argent que des contribuables ont sur des tiers. Cette procédure est particulièrement large, car elle peut être utilisée pour tous les droits qui bénéficient de l’un des privilèges généraux du Trésor ainsi que

1 . En ce sens Bonhomme, no 451. 2. Il est impossible d’appliquer à l’avis à tiers détenteur d’autres règles relatives à la saisie-attribution. Pour la Cour de cassation, « si l’avis à tiers détenteur comporte l’effet d’attribution immédiate prévu à l’article 43 de la loi du 9 juillet 1991, impliquant le droit pour le comptable public de recourir aux dispositions de l’article 64 du décret du 31 juillet 1992, aucune disposition légale ne prévoit l’application à l’avis à tiers détenteur des autres règles relatives à la saisie-attribution » (Ch. mixte, 26 janv. 2007, Bull. civ. ., no 1 ; Gaz. Pal., 9 oct. 2007, p. 10, note Brenner ; Dr. et proc. 2007. 220, note Putman ; RD banc. fin. janv.-févr. 2007. 25, obs. Piédelièvre).

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pour les pénalités d’assiette et de recouvrement qui leur sont appliquées. La mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur nécessite une notification de l’avis au tiers détenteur et une autre notification au redevable de l’impôt. Elle est beaucoup plus souple que celle existant en matière de saisie-attribution. Selon l’article L. 263 du Livre des procédures fiscales, « l’avis à tiers détenteur a pour effet d’affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l’encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles ». La suite de cette disposition précise qu’il comporte l’effet d’attribution immédiate prévu à l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution. Le droit européen s’intéresse à la saisie conservatoire des comptes bancaires. Le 10 mai 2011, le Parlement européen a élaboré, à l’attention du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne, une résolution contenant en annexe des recommandations relatives à la saisie conservatoire des avoirs bancaires et à un instrument européen organisant la transparence du patrimoine des débiteurs 1. Cette résolution a reçu une consécration avec le règlement du 15 mai 2014. Selon son article 1er, « le présent règlement instaure une procédure au niveau de l’Union permettant à un créancier d’obtenir une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires (ci-après dénommée “ordonnance de saisie conservatoire” ou “ordonnance”) qui empêche que le recouvrement ultérieur de sa créance ne soit mis en péril par le transfert ou le retrait de fonds jusqu’à concurrence du montant précisé dans l’ordonnance, détenus par le débiteur ou

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1 . Sur laquelle Cavaillé, « Commentaire sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires », Dr. et proc., suppl. mars 2012. 5 ; Fradin et Nourissat, « Recouvrement des créances en Europe. Une future ordonnance européenne de saisie conservatoire », JCP 2011. 1146 ; E. Guinchard, « Espace judiciaire civil européen », RTD eur. 2011. 871 ; Payan, « Saisie européenne des avoirs bancaires et transparence patrimoniale : les jalons posés par le Parlement européen », LPA, 1er-2 sept. 2011 ; Piédelièvre, « Droit communautaire et saisie de comptes bancaires », RD bancaire 2011. 172 ; « La saisie des comptes bancaires européens : à propos de la proposition de règlement européen », dans Un recouvrement de créances sans frontière ?, Larcier, 2013, p. 13 ; Zwickel, « Vers un règlement sur la saisie bancaire européenne », dans La justice civile européenne en marche, Dalloz, 2012, p. 231.

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pour le compte du débiteur sur un compte bancaire tenu dans un État membre ». Il est applicable depuis le 18 janvier 2017. L’article 7 du règlement du 15 mai 2014 prévoit que le juge délivre l’ordonnance de saisie conservatoire lorsque le créancier a fourni suffisamment d’éléments de preuve pour le convaincre qu’il est urgent de prendre une mesure conservatoire sous la forme d’une ordonnance de saisie conservatoire, parce qu’il existe un risque réel qu’à défaut d’une telle mesure, le recouvrement ultérieur de sa créance soit empêché ou rendu sensiblement plus difficile. Fort classiquement, le débiteur n’est pas informé de la demande d’ordonnance de saisie conservatoire. L’objectif est de préserver l’effet de surprise de la mesure. La mise en œuvre de la mesure conservatoire démontre tout l’intérêt de cette procédure. Selon l’article 22 du règlement, « une ordonnance de saisie conservatoire délivrée dans un État membre conformément au présent règlement est reconnue dans les autres États membres sans qu’une procédure spéciale soit requise et est exécutoire dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant sa force exécutoire soit nécessaire ». L’ordonnance de saisie sera exécutée par sa signification ou sa notification à la (ou aux) banque gérant les comptes visés. Le débiteur devra être avisé immédiatement après que la mesure a pris effet, afin de pouvoir faire valoir ses moyens de défense.

S ECTION 3

La clôture du compte bancaire 41

Le législateur n’a pas voulu que le titulaire d’un compte bancaire devienne en quelque sorte prisonnier de son compte. Il a, au contraire voulu qu’il puisse changer facilement d’établissement teneur de compte. Pour cela les démarches doivent lui être facilitées. En matière de mobilité bancaire, la Fédération bancaire française avait adopté le 6 juillet 2009 une norme professionnelle qui ne présentait pas de caractère obligatoire puisqu’elle n’avait

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pas fait l’objet d’une approbation par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, conformément à la procédure prévue à l’article L. 612-29-1 du Code monétaire et financier. L’article L. 312-1-7 du Code monétaire et financier reprend en grande partie cette norme, qui s’applique aux comptes de dépôt et aux comptes de paiement ouverts auprès de tous les prestataires de services de paiement et détenus par les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Cette disposition prévoit principalement : – la gratuité de la clôture de tout compte de dépôt ou sur livret ; – l’information gratuite par les établissements de crédit de leurs clients sur la mobilité bancaire ; – un service d’aide à la mobilité bancaire proposé par l’établissement d’arrivée ; – un récapitulatif, sans frais ni pénalités, des opérations récurrentes ayant transité sur le compte de l’établissement de départ au cours des treize derniers mois ; – un mécanisme de transmission, par l’établissement d’arrivée, des coordonnées du nouveau compte bancaire aux émetteurs de prélèvements ; – et une information sur l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés au changement de domiciliation bancaire. Cette disposition introduit en outre un dispositif spécifique d’information de l’ancien titulaire du compte pour les chèques présentés au paiement sur un compte clos depuis moins de treize mois, afin d’éviter les interdictions bancaires qui peuvent en découler. Cette information pourrait être faite par exemple par téléphone, courriel ou courrier. Ce système a été complété et amélioré par la loi du 6 août 2015 1. En cas de clôture du compte dans l’établissement de départ, celui-ci informe gratuitement, durant une période de treize mois à compter de la date de clôture du compte, par tout moyen 1 . Lasserre Capdeville, « Le renforcement des dispositions facilitant la mobilité bancaire », JCP E 2015. 823.

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approprié et dans un délai de trois jours ouvrés, le titulaire du compte clôturé ayant bénéficié du service d’aide à la mobilité de la présentation de toute opération de virement ou prélèvement sur compte clos. Cette information est faite au moins une fois par émetteur impliqué. Il en va de même de la présentation d’un chèque sur compte clos. L’ancien titulaire du compte clôturé est aussi informé par l’établissement de départ qu’il a l’obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut régulariser sa situation. De la présentation d’un chèque sur compte clos. L’ancien titulaire du compte clôturé est également informé par l’établissement de départ qu’il a l’obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut régulariser sa situation. La clôture du compte va entraîner certaines obligations à la charge de l’établissement d’arrivée. L’article R. 312-4-4 III du Code monétaire et financier prévoit que « dans l’accord formel le client mentionne : 1° L’annulation de tous les ordres de virement permanent présents sur son compte d’origine² ainsi que la date de fin d’émission des virements permanents par l’établissement de départ ; 2° S’il demande ou non la clôture du compte ouvert dans l’établissement de départ ; 3° En cas de demande de clôture du compte d’origine, la date à compter de laquelle il souhaite que le solde positif éventuel de ce compte soit transféré sur le nouveau compte ouvert auprès de l’établissement d’arrivée ». De plus, l’établissement de départ informe, par courrier ou autre support durable, le titulaire de compte des obligations en suspens ou de toute autre circonstance de nature à empêcher le transfert du solde et la clôture de son compte. Sauf demande expresse du client, l’établissement de départ ne résilie pas les instruments de paiement avant la date de clôture donnée par le titulaire de compte. L’article R. 312-4-4 VI du Code monétaire et financier prévoit que dès réception de l’accord formel du client, l’établissement de départ doit annuler les ordres de virement permanent, transférer (en cas de demande de clôture de compte) sur le compte détenu

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auprès de l’établissement d’arrivée le solde positif éventuel du compte d’origine et, bien sûr, clôturer ce compte si la demande lui en est faite. En cas d’ouverture d’un compte auprès d’un établissement situé dans un autre État membre de l’Union européenne, l’établissement de départ, teneur du compte de dépôt que le client souhaite clôturer, propose gratuitement, dans les six jours ouvrés qui suivent la demande de clôture du compte, un récapitulatif des opérations automatiques et récurrentes ayant transité sur ce compte au cours des treize derniers mois. Il est nécessaire désormais d’envisager les hypothèses de clôture, avant d’en dégager les conséquences 1. L’ordonnance du 15 juillet 2009 a modifié les règles relatives à la résiliation du compte qui figurent désormais à l’article L. 3121-1 du Code monétaire et financier, tout du moins lorsque le titulaire du compte est une personne physique agissant à des fins non professionnelles. Le client peut résilier la convention de compte de dépôt à tout moment ; il n’y a pas lieu de distinguer entre les contrats à durée déterminée et les contrats à durée indéterminée. Il est possible de stipuler un préavis qui ne peut être supérieur à trente jours. Au-delà de six mois, la convention de compte de dépôt peut être résiliée sans frais. En deçà de six mois, les frais de résiliation doivent être proportionnés aux coûts induits par cette résiliation. L’établissement de crédit peut résilier une convention de compte de dépôt conclue pour une durée indéterminée moyennant un préavis d’au moins deux mois. Les frais régulièrement imputés pour la prestation de services de paiement ne sont dus par le client qu’au prorata de la période échue à la date de résiliation de la convention de compte de dépôt. S’ils ont été payés à l’avance, ces frais sont remboursés au prorata. Il existe également un délai de résiliation spécifique en cas d’établissement de crédit désigné par la Banque de France pour faire respecter le droit au compte. L’article L. 312-1 du Code monétaire et financier prévoit que toute décision de clôture de

1 . Rakotovahiny, « La clôture d’un compte bancaire », Journ. soc. oct. 2015. 38.

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compte à l’initiative de l’établissement de crédit désigné par la Banque de France doit faire l’objet d’une notification écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information. Cette résiliation ne peut intervenir que dans l’un des six cas énumérés par l’article L. 312-1 IV. Un délai de deux mois minimum de préavis est octroyé au titulaire du compte. Ce préavis fait l’objet d’un courrier sur support papier, envoyé gratuitement au client. La décision de résiliation est motivée sauf lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public. La décision de résiliation à l’initiative de l’établissement est adressée, pour information, à la Banque de France. L’établissement de crédit informe le client « dans son courrier de résiliation », de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés à la résiliation de la convention de compte de dépôt. Hormis cette hypothèse, le principe demeure celui en vertu duquel il est toujours possible aux parties de mettre fin d’un commun accord à leur accord de volonté. Lorsque le compte a été ouvert pour une durée déterminée, il prend fin automatiquement au jour de l’échéance. Mais dans la majorité des hypothèses, il a été ouvert pour une durée indéterminée. Chacune des parties a alors la possibilité de mettre fin à la convention. En conséquence, le compte continue à fonctionner tant qu’il n’a pas été clôturé. Il n’en résulte pas que le banquier peut résilier le compte à tout moment. Il lui appartient de respecter un préavis qui est souvent prévu par le contrat ou qui, sinon, doit être raisonnable. Le compte bancaire est une convention conclue intuitu personae. Le décès du titulaire du compte ou son incapacité entraînent la clôture du compte. Il faut également tenir compte de l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du client 1. 43

Des difficultés se posent pour les comptes dits « inactifs », c’est-àdire ceux qui n’enregistrent pas d’opérations pendant un certain

1 . Cette hypothèse vise principalement les comptes courants. Aussi sera-t-elle envisagée avec cette question.

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délai. Selon l’article L. 312-19 du Code monétaire et financier, un compte est considéré comme inactif : 1° Soit à l’issue d’une période de douze mois au cours de laquelle les deux conditions suivantes sont remplies : a) Le compte n’a fait l’objet d’aucune opération, hors inscription d’intérêts et débit par l’établissement tenant le compte de frais et commissions de toutes natures ou versement de produits ou remboursement de titres de capital ou de créance ; b) Le titulaire du compte, son représentant légal ou la personne habilitée par lui ne s’est pas manifesté, sous quelque forme que ce soit, auprès de cet établissement, ni n’a effectué aucune opération sur un autre compte ouvert à son nom dans les livres de l’établissement. La période de douze mois est portée à cinq ans pour les comptes sur lesquels sont inscrits des titres financiers, les comptes sur livret, les comptes à terme et les comptes sur lesquels sont inscrits des avoirs et dépôts au titre des produits d’épargne mentionnés au titre II du Livre II. Lorsque les sommes déposées sur un compte ou les titres inscrits en compte sont indisponibles pendant une certaine période en vertu de dispositions légales, de stipulations contractuelles ou de l’existence d’une sûreté conventionnelle, la période de cinq ans commence à courir au terme de la période d’indisponibilité ; 2° Soit, si son titulaire est décédé, à l’issue d’une période de douze mois suivant le décès au cours de laquelle aucun de ses ayants droit n’a informé l’établissement tenant le compte de sa volonté de faire valoir ses droits sur les avoirs et dépôts qui y sont inscrits ». Lorsqu’un compte est considéré comme inactif, l’établissement tenant ce compte en informe par tout moyen à sa disposition le titulaire, son représentant légal, la personne habilitée par lui ou, le cas échéant, ses ayants droit connus de l’établissement, et leur indique les conséquences qui y sont attachées. Les dépôts et avoirs inscrits sur les comptes inactifs sont déposés à la Caisse des dépôts et consignations. Les délais dans lesquels ces dépôts doivent intervenir varient selon les hypothèses. Ils sont prévus par l’article L. 312-20. Les sommes ainsi déposées et qui n’ont pas été réclamées deviennent la propriété de l’État à l’expi-

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ration d’un délai, selon les cas, de vingt ou de vingt-sept ans à compter de leur dépôt. Les effets de la clôture sont relativement simples dans leur principe. Les relations contractuelles entre le client et son banquier cessent pour l’avenir. Le client est tenu de restituer tous les instruments de paiement en sa possession, qu’il s’agisse des formules de chèques ou des cartes de paiement. Le banquier ne peut plus enregistrer d’opérations qui ont été initiées postérieurement à la clôture. Il s’ouvre une période de liquidation qui permettra d’apurer les opérations en cours entre les parties. Cette période est assez longue pour le compte courant ; elle l’est moins pour le compte de dépôt. Une fois la liquidation achevée, on dégagera un solde définitif qui représente la créance de l’une des parties sur l’autre. En application de l’article L. 110-4 du Code de commerce, cette créance se prescrit par cinq ans 1.

1 . Com. 8 mars 2005, Bull. civ. IV, no 43 ; RTD com. 2005. 573, obs. Legeais.

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SYNTHÈSE

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La théorie des comptes

La convention de compte bancaire précise les différentes relations juridiques entre un banquier et son client. Le plus souvent, elle comprend deux volets. Le premier est constitué de ce que l’on peut appeler le service minimum bancaire. Le second comprend les aspects plus spécifiques de la relation contractuelle entre les parties. Ouverture du compte bancaire

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse comme la conclusion d’un contrat. On lui applique en principe les règles du droit commun des contrats, prévues par les articles 1128 et suivants du Code civil. Même si l’on se trouve en présence d’un contrat consensuel, un écrit est très souvent établi. Le consentement et la capacité présentent parfois un certain particularisme. Le consentement du client ne suscite pas de difficulté. Il faut seulement relever que de plus en plus souvent, il est tenu de se faire ouvrir un compte. Il est assez rare qu’il puisse véritablement négocier le contenu du contrat. Les principales clauses lui sont imposées par le banquier. Elles ne doivent cependant pas avoir un caractère abusif. De son côté, le banquier est parfois obligé d’ouvrir un compte et il est tenu d’effectuer différentes vérifications. La capacité amène à regarder la condition du mineur et celle de majeur protégé. Les pouvoirs posent la question de l’autonomie bancaire des époux.

Fonctionnement du compte

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Le fonctionnement du compte amène à étudier les obligations mises à la charge du banquier, les intérêts et les commissions qu’il peut demander à son client et enfin les saisies dont le compte peut faire l’objet. Pendant la durée de fonctionnement du compte, le banquier doit tenir le compte, le surveiller. Il est également astreint au secret professionnel. Les soldes créditeurs des comptes à vue donnent rarement lieu au versement d’intérêts aux clients. De son côté, le solde débiteur des comptes est productif d’intérêts. Le crédit d’un compte bancaire constitue une créance dont le client est titulaire à l’encontre du banquier. Il est assez intéressant pour d’éventuels créanciers du créancier de saisir ce solde. La matière a été profondément remaniée par la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution qui figure désormais de l’exécution forcée. Clôture du compte bancaire

Un compte bancaire est clôturé dans plusieurs hypothèses, dont le décès de l’une des parties, son incapacité ou sa résiliation. Il s’ouvre alors une période de liquidation qui permet d’apurer les relations entre les parties.

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Le compte courant 45

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C HAPITRE 2

Lorsque deux personnes s’accordent pour porter en compte toutes les opérations génératrices de créances réciproques entre elles et de ne procéder au règlement qu’après la fusion de celles-ci qui fera apparaître un solde à la clôture, on est en présence d’un compte courant 1. Pour la jurisprudence, il « est caractérisé par la possibilité de remises réciproques s’incorporant dans un solde pouvant, dans la commune intention des parties, varier alternativement au profit de l’une ou de l’autre » 2. Le compte est dit « courant », parce qu’il enregistre une série d’opérations. S’il est possible que cette technique puisse être utilisée dans des relations avec des non-commerçants 3, dans la grande majorité des hypothèses elle permettra de faciliter les rapports entre un établissement de crédit et son client commerçant. L’opération est ancienne 4. Cette technique semble être apparue vers le XIIe siècle dans les villes commerçantes italiennes. Cette origine explique les difficultés que les juristes ont toujours à le

1 . Vasseur et Marin, Les comptes bancaires, t. 1, 1966 ; M.-T. Rives-Lange, Le compte courant en droit français, 1969. 2. Com. 17 déc. 1991, Bull. civ. IV, no 289 ; RTD com. 1992. 651, obs. Cabrillac et Teyssié ; Banque 1992. 529, obs. Rives-Lange. 3. Com. 2 mars 1976, Bull. civ. IV, no 81. 4. Coriat, « La reconnaissance d’un contrat bancaire : le compte courant », RTD com. 1989. 597 ; Desgorges, « Relecture de la théorie du compte courant », RTD com. 1997. 383.

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La théorie des comptes

rattacher à des catégories juridiques existantes. Il est apparu entre des personnes en relations suivies d’affaires qui traitent entre elles un grand nombre d’opérations de même nature. Plutôt que d’envisager chaque opération de manière indépendante, les parties incluent l’ensemble des opérations réalisées pendant une période déterminée dans un compte unique. Le résultat de ces différentes opérations se compensera et seul le solde de ces opérations donnera lieu à un règlement. Cette technique est très utilisée dans la pratique. Elle ne fait pas l’objet d’une réglementation législative d’ensemble. Seules quelques dispositions éparses font allusion à elle. Il n’est donc pas étonnant que ses règles soient déterminées par la jurisprudence, par la pratique et par la doctrine. Pour cette raison, il subsiste toujours certaines hésitations en cette matière. On le constatera aussi bien pour les caractéristiques du compte courant (SECTION 1), que pour la question de l’entrée des créances en compte courant (SECTION 2) ou enfin que pour son règlement (SECTION 3).

S ECTION 1

Les éléments caractéristiques du compte courant 46

Comme il existe en la matière une certaine imprécision, il faut essayer de déterminer la nature juridique (§ 1) et les critères d’existence du compte courant (§ 2).

§ 1. La nature juridique du compte courant 47

La détermination de la nature juridique du compte courant doit être examinée au regard de sa technique de fonctionnement et de sa finalité. Différentes techniques ont été proposées pour expliquer le fonctionnement du compte courant 1. La novation interviendrait

1 . On laissera de côté la théorie proposée par M. Didier, « Monnaie de compte et monnaie bancaire », Études Flour, p. 139, pour qui l’entrée d’une créance en compte courant s’analyse en une opération de change permettant la transformation d’une monnaie en une autre monnaie.

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Le compte courant

lors de l’entrée de la créance en compte. Cette dernière disparaît avec les accessoires dont elle est munie pour devenir un article de compte. Il y a effectivement extinction de l’obligation ancienne, il n’y a pas véritablement apparition d’une obligation nouvelle. Pour cette raison, il est difficile d’admettre que l’on se trouve en présence d’une novation 1. Cette théorie est d’autant plus difficile à admettre qu’on la combinait avec l’indivisibilité qui explique que la créance éteinte vienne former un tout avec les autres éléments du compte. Tous les éléments deviennent alors inséparables, jusqu’à la clôture du compte qui rendra le solde disponible. Mais l’idée d’indivisibilité est en net recul, ne serait-ce qu’en raison de la possibilité qui existe de saisir le montant du solde provisoire. Pourtant cette théorie a reçu une forme de consécration légale par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 4 juillet 2006, a indiqué que « les créances professionnelles cédées à titre de garantie, lorsqu’elles sont portées au crédit d’un compte courant, sont éteintes par la novation qui s’attache à leur inscription en compte, en devenant de simples articles de celui-ci » 2. La deuxième est la compensation 3. Pour certains, son fonctionnement serait fondé sur des compensations successives ; chaque créance serait réglée par une créance inverse. Chaque créance serait éteinte par une novation en article de compte. Il existerait une balance de type comptable, conséquence d’une compensation générale, qui permettrait de faire apparaître un solde à la clôture. Cette théorie a parfois reçu un certain écho dans plusieurs dispositions légales. Par exemple, l’article L. 624-18 du Code de commerce parlait, avant son abrogation par l’ordonnance du 18 décembre 2008, de compensation en compte courant. S’il est certain que les écritures en compte seront effectuées par des positions se compensant au débit et au crédit, il n’est pas certain que l’explication soit totalement satisfaisante. On considère souvent qu’elle fait abstraction de la notion même de compte courant ; celui-ci implique qu’il y ait une transformation de la créance 1 . V. pourtant Gavalda et Stoufflet, Droit bancaire, 6e éd., no 301. 2. Com. 4 juill. 2006, D. 2006. 2028, obs. Delpech ; également Com. 13 déc. 2005, RD banc. fin. nov.déc. 2006. 10, obs. Crédot et Samin. 3. Sur l’ensemble de cette théorie, Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 232 s.

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1. 2. 3. 4.

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remise en compte, voire une extinction. La pratique admet en effet que l’entrée en compte éteint la créance même si la compensation ne peut s’opérer, lorsqu’elle ne fait qu’accroître le solde débiteur 1. Selon la troisième, le compte courant est un mécanisme de règlement. Cette expression est parfois utilisée par la jurisprudence 2. Cette conception, la plus communément admise, met l’accent sur l’autonomie de cette institution. Selon l’image célèbre de Thaller, le compte courant est un creuset dans lequel viennent se fondre les créances remises et laissant apparaître un solde unique, conséquence de cette fusion. « Le règlement des créances portées au compte est réalisé par un phénomène d’agglomération qui les amalgame et les réduit en un bloc homogène, en vue d’une liquidation globale à la clôture. » 3 Cela explique que d’une part la créance passée en compte disparaisse et d’autre part que les sûretés qui pouvaient la garantir disparaissent également 4, à moins que cette créance ait fait l’objet d’une affectation spéciale voulue par les parties. Cette analyse permet également d’expliquer la finalité du compte courant. On le constate, le compte courant ne se laisse pas réduire à une figure classique du droit civil ou du droit commercial. On se trouve donc en présence d’une convention sui generis. Le compte courant est à la fois un mécanisme financier et un mécanisme de garantie. Le mécanisme financier est sans doute l’intérêt essentiel de la convention. Les parties en relations d’affaires souhaitent principalement un apurement immédiat et successif de toutes leurs créances. Ceci est d’autant plus intéressant que l’on va substituer à une multiplicité de créances, une créance unique, celle dite « de solde ». Chaque créance, à partir du moment où elle est fongible, certaine, liquide et exigible va se fondre dans le solde provisoire du compte. Elle sera payée à ce moment. Ce solde provisoire présente donc la caractéristique d’être fluctuant. Il permet à un instant donné de connaître la position du compte et donc de savoir qui est créancier et qui est débiV. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2332. V. Com. 8 déc. 1987, JCP 1988. II. 20927, note Jeantin ; Banque 1988. 16, obs. Rives-Lange. V. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2333. V. cette admission sur l’idée de novation, Com. 10 juin 1949, JCP 1949. II. 5106, note H. Cabrillac.

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teur. Autrefois, il était seulement considéré comme une position comptable. Désormais, on admet qu’il a une véritable existence juridique qui produit d’importantes conséquences pratiques. 49

1. 2. 3. 4.

Le mécanisme de garantie apparaît encore comme une conséquence du phénomène de fusion. Chaque créance entrant immédiatement en balance vient en déduction de la créance opposée qui se trouve par là même payée. Comme on a pu le dire, « l’affectation des différentes opérations à leur garantie réciproque fait du compte courant un instrument qui réalise pour chacune des parties une auto-protection réciproque » 1. Pour cette raison, il existe en pratique une stipulation fréquente : l’affectation générale. Toutes les créances seront portées au compte, même si elles ne sont pas exigibles, ce qui bien entendu renforce l’effet de garantie. Une partie ne peut pas de sa seule volonté refuser l’entrée en compte courant d’une créance. Même si elles ne figurent qu’au différé, leur affectation tend à résorber le solde du compte et elle permettra l’allégement du solde débiteur. Dès qu’elles auront acquis les caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité, elles passeront immédiatement au disponible du compte. Elles sont en quelque sorte des quasi-sûretés. Les parties ont toute latitude pour aménager le principe d’affectation globale. Il leur appartient de définir les créances qui doivent figurer dans le compte. Si elles sont restées muettes sur cette question, on considère que seules sont affectées les créances « nées de rapports d’affaires normaux entre parties » 2. À propos d’une remise particulière, il arrive assez souvent que les parties conviennent d’une affectation spéciale, c’est-à-dire qu’il fasse échapper une créance qui aurait dû entrer en compte 3. Tel est le cas par exemple d’un client qui remet une somme d’argent à son banquier pour payer un créancier déterminé. Le banquier qui méconnaîtrait cette affectation engagerait sa responsabilité tant à l’égard de son client 4 qu’à l’égard du tiers bénéficiaire de cette

Vasseur et Marin, Les comptes bancaires, no 221. Sur cette notion cf. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 247. Sur la preuve de l’affectation spéciale, Com. 20 févr. 1990, D. 1991. Somm. 34, obs. Vasseur. Com. 19 mai 1998, RTD com. 1998. 903, obs. Cabrillac.

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affectation 1, s’il en résultait pour eux un préjudice. L’autre hypothèse fréquente d’affectation spéciale concerne les créances assorties de sûretés légales ou conventionnelles. La Cour de cassation a indiqué que si le banquier est tenu de respecter l’affectation spéciale donnée par son client à une remise, dérogeant ainsi au principe de l’affectation générale au compte courant des créances réciproques des parties, c’est à la condition que cette affectation spéciale lui ait été demandée lors de la remise et que, sauf dispositions légales contraires, il l’ait acceptée 2.

§ 2. Les critères d'existence du compte courant 50

Les mécanismes bancaires sont souvent informels et il est parfois nécessaire de déterminer si effectivement les parties « travaillent en compte courant ». En effet, même si l’on fait fréquemment signer au client une déclaration d’ouverture de compte courant, la réalité de son existence dépendra de la réunion d’un élément intentionnel (A) et d’un élément matériel (B).

A. L'élément intentionnel 51

Il est indispensable qu’existe une convention entre les parties, montrant leur intention d’établir un tel compte 3, compte tenu de ses effets spécifiques et compte tenu de la multiplication des règles particulières au compte de dépôt. Si l’on s’en tient aux seules règles civiles, les intérêts des sommes remises en compte courant courent de plein droit dès leur entrée en compte 4. Les conditions de l’anatocisme prévues par l’article 1343-2 du Code civil sont écartées. Les intérêts produisent eux-mêmes intérêts dès leur report 5. L’accord de volonté peut être express ou tacite. En son absence, on se trouverait seulement en présence d’une simple

1 . Com. 19 avr. 1985, Banque 1985. 854, obs. Rives-Lange. 2. Com. 3 juill. 2012, Bull. civ. IV, no 141, Banque et droit, sept. 2012. 17, note Bonneau ; JCP E 2012. 1646, note Stoufflet. 3. Com. 23 oct. 1974, JCP 1974. II. 17761, note Stoufflet. 4. Com. 15 juill. 1986, D. 1987. Somm. 291, obs. Vasseur. 5. Par ex., Com. 22 mai 1991, Banque 1991. 758, obs. Rives-Lange ; D. 1991. 428, note Gavalda.

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1. 2. 3. 4.

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Le compte courant

description comptable des créances réciproques et l’effet de fusion de celles-ci ne se réaliserait pas. Seuls les effets de la compensation légale pourraient alors s’appliquer. En aucun cas, la qualification de compte courant ne peut résulter de la seule dénomination des parties 1, pas plus d’ailleurs que l’appellation de compte de dépôt ne lie le juge qui pourra requalifier la convention des parties en compte courant. La convention doit comporter certains éléments qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement indiqués de manière explicite par les parties. Le premier tient à l’intention des parties de fusionner les créances par leur entrée dans le compte 2 ; il ne faut pas oublier que celui-ci est un mécanisme de garantie. Le second se situe dans la même perspective. Il s’agit de la généralité de l’affectation ; toutes les créances, sauf limitations conventionnelles, doivent être remises en compte. Il existe certaines clauses usuelles. La convention de compte courant prévoit le montant des intérêts et des commissions. Elle indique la durée du préavis de résiliation. Le banquier mentionne fréquemment s’il accorde un découvert à son client et à quelles conditions. Il reste à déterminer comment cette convention peut être prouvée. La convention intervenant entre un banquier et un commerçant pourra être prouvée par tous moyens, en application de l’article L. 110-3 du Code de commerce 3. La preuve est donc variable et elle peut dépendre des circonstances. Elle pourra résulter de la signature de la déclaration d’ouverture de compte courant. Les banquiers fournissent d’ailleurs à leurs clients des imprimés d’ouverture de compte portant la mention « compte courant ». Même s’ils ne lient pas le juge, la preuve résulte parfois de la dénomination des parties. Elle sera souvent déduite de l’étude des écritures comptables 4. Cette preuve est désormais facilitée par l’article R. 312-1 du Code monétaire et financier. Selon cette disposition, lorsqu’ils Com. Com. Com. Com.

17 déc. 1991, RD bancaire 1992. 57, obs. Crédot et Gérard. 13 févr. 1996, Banque 1996. 96, obs. Guillot. 5 déc. 1995, Bull. civ. IV, no 284. 5 oct. 2004, JCP E 2005. 133, note Piédelièvre.

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ouvrent un compte, les établissements de crédit doivent informer leurs clients sur les conditions d’utilisation du compte, le prix des différents services auxquels il donne accès et les engagements réciproques de l’établissement et du client.

B. L'élément matériel 53

L’élément matériel est constitué par ce que l’on appelle l’alternance ou la réciprocité des remises. Cet « enchevêtrement » est un élément essentiel et sa conjonction avec l’élément intentionnel permettra de déterminer l’existence du compte courant. Il est donc nécessaire de le préciser. Mais auparavant, il importe de dégager la notion de remise. « Le terme remise désigne la créance destinée à être réglée en compte » 1. La remise peut donc être définie comme l’inscription de la créance en compte qui opérera son règlement. Mais elle est également susceptible de revêtir deux autres sens : la tradition matérielle d’un bien dont la valeur est portée en compte et l’opération dont le résultat est porté en compte. La remise doit être effectuée en propriété. Classiquement, on affirmait que cette créance devait être certaine, liquide et exigible. Cette exigence paraît tout à fait logique. En effet, lorsqu’elle comprend ces trois qualités, elle peut être payée. En outre, pour pouvoir fusionner avec les autres créances figurant dans le compte, elle doit être fongible. La conséquence en était que les créances qui ne présentaient pas ces qualités devaient rester en dehors du compte courant. Désormais, on considère que toutes les créances figurent dans le compte courant. Pour cette raison, on distingue le disponible du différé 2. Le disponible comprend toutes les créances qui sont fongibles, certaines, liquides et exigibles. De son côté, le différé constitue en quelque sorte un mécanisme d’attente pour des créances auxquelles manque une (ou plusieurs) de ces qualités. Tel est le cas par exemple des créances à terme ou de celles sous condition.

1 . Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 241. 2. M.-T. Rives-Lange, « Le différé du compte courant, partie distincte du disponible », JCP 1969. I. 2289 ; Bonhomme, « Reconnaissance ou négation du différé du compte courant », Mélanges Mouly, t. 2, p. 275.

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Le compte courant

Elles ne sont pas alors payées ; elles le seront uniquement lorsqu’elles auront acquis les qualités leur faisant défaut et les empêchant de figurer immédiatement au disponible. Le passage du différé au disponible s’opère automatiquement. La notion de réciprocité implique une virtualité, une possibilité de remises enchevêtrées. Cette exigence tient au fait qu’en l’absence de réciprocité, les remises ne pouvant se compenser de manière comptable, le fonctionnement du compte courant serait impossible. En l’absence de cet élément, la qualification de compte courant ne pourra pas être retenue 1. De même, si l’une des parties n’a plus l’intention d’effectuer des remises, il y aura lieu à clôture du compte 2. Il n’est pas obligatoire que les remises soient continuellement réciproques ; il suffit qu’il existe une possibilité de réciprocité 3. On s’est parfois interrogé sur la nécessité d’une alternance dans les remises. La condition d’enchevêtrement effectif n’est pas nécessaire et elle n’est d’ailleurs pas utile, à partir du moment où il existe une faculté de remises réciproques. Cette question de la réciprocité diffère de celle du découvert réciproque, car un compte peut ne jamais être débiteur pour l’une des parties 4. On considère généralement que la qualification de compte courant ne résulte pas du fait que le solde du compte puisse être alternativement créditeur ou débiteur. Comme on l’a indiqué, « il ne faut pas confondre la possibilité de découvert et la réciprocité des remises » 5. Pourtant, telle n’est pas la position de la jurisprudence 6.

1 . Com. 19 févr. 2008, D. 2009. 1044, obs. Martin. 2. Com. 5 juill. 1971, D. 1971. Somm. 227. 3. Com. 23 mars 1993, RTD com. 1994. 80, obs. Cabrillac et Teyssié. 4. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 242 ; Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2329. 5. Bonneau, no 343. 6. Com. 26 nov. 2002, Bull. civ. IV, no 287 ; Com. 8 janv. 2009, RD banc. fin. janv.-févr. 2009. 43, obs. Crédot et Samin.

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S ECTION 2

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L'entrée des créances en compte courant L’entrée des créances en compte courant est fondamentale. En raison du caractère de généralité, la remise, par l’effet de la fusion, sera soumise à la règle de l’indivisibilité (§ 1). Cette entrée en compte s’effectue d’ailleurs de deux manières, au disponible et au différé (§ 2).

§ 1. La remise en compte et l'indivisibilité 55

Le compte courant forme un ensemble dont les différents articles sont des éléments 1. De ce fait, le remettant ne peut pas être considéré comme le créancier du récepteur en raison de la remise. Le solde positif ou négatif d’un côté ou de l’autre sera seulement dégagé lors de la clôture. Pour cette raison, le solde du compte sera seulement exigible le jour de la clôture du compte. Mais cette liaison des articles en compte (A) ne fait pas obstacle aux conséquences de la position de celui-ci (B).

A. La liaison des articles en compte 56

À chaque remise se produit un phénomène de fusion et de règlement en compte. Les créances entrées au disponible perdent toute individualité ; elles seront alors soumises au régime juridique du compte 2. Le règlement global est repoussé à la clôture du compte. Il en résulte plusieurs conséquences. Aucun article de compte ne peut servir au règlement d’une opération déterminée, sauf si les deux parties sont d’accords. Cette solution apparaît comme la conséquence du fait que tous les articles de compte forment un tout destiné au règlement final. De même, une fois entrée en compte, une créance ne peut plus faire l’objet d’une saisie. Dans l’hypothèse où la convention des parties

1 . Calais-Auloy, « L’idée d’indivisibilité et le compte courant », LPA 14 avr. 2000. 2. Com. 4 juill. 2006, Bull. civ. IV, no 158 ; JCP E 2006. 2455, note Ansaloni.

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aurait exclu du compte certaines catégories de créances, aucune compensation ne pourrait s’opérer entre un article de compte et une créance ou une dette laissée hors compte. Cette règle comporte certaines atténuations dans les rapports entre le titulaire du compte et les tiers. En ce cas, la jurisprudence admet qu’il puisse exister une certaine autonomie entre certains articles 1. Mais l’exception la plus importante résulte de la contrepassation des effets de commerce impayés, puisque par cette opération le banquier reporte le montant d’un effet de commerce impayé au débit du compte courant de son client. 57

Pour la plupart les règles sur le paiement sont exclues. S’il y a, ce qui est fréquent, une ouverture de crédit en compte courant, le client qui utilise les fonds ne rembourse pas ce crédit, lorsqu’il effectue des remises. Il peut donc toujours utiliser les disponibilités à la hauteur consentie par le banquier. Les règles d’imputation des paiements, prévues par les articles 1343-1 du Code civil ne s’appliquent pas, puisque la remise n’a pas pour fonction d’éteindre une autre dette, pas plus qu’à régler les intérêts avant le capital 2. En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde des entreprises à l’encontre du client, la remise effectuée pendant la période suspecte échappe à la nullité de droit prévue par l’article L. 6321-3o du Code de commerce. En revanche, la nullité facultative de l’article L. 632-2 de ce même code s’appliquera dès lors que le banquier réceptionnaire avait connaissance de l’état de cessation des paiements du remettant 3.

B. La position du compte 58

Autrefois, on faisait jouer au solde provisoire du compte courant un rôle uniquement comptable. La jurisprudence avait décidé que « tant que le compte reste ouvert, il n’y a ni créance ni dette, mais

1 . V. pour un compte de syndic de copropriété, Civ. 3e, 19 janv. 1994, Bull. civ. III, no 8 ; D. 1994. 576, note D. Martin. 2. Civ. 19 nov. 1929, DP 1930. 1. 37, note Hamel. 3. Com. 24 oct. 1995, RTD com. 1996. 97, obs. Cabrillac.

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seulement des articles de crédit et de débit, et c’est par la balance finale seule que se déterminent les qualités de créancier et de débiteur jusque-là en suspens » 1. Désormais, même si ceci n’est peut-être pas entièrement conforme au principe d’indivisibilité, certaines conséquences importantes découlent du solde provisoire. Ces effets diffèrent suivant que la position est créditrice (1) ou débitrice (2). 1. La position créditrice

59

1. 2. 3. D.

Dans l’hypothèse où la position du titulaire du compte est créditrice, il a la faculté d’utiliser ce solde provisoire. Cette position est considérée comme une provision qui lui permet par exemple de tirer un chèque sur le banquier. Le client a également la possibilité de procéder à des retraits de fonds ou d’effectuer des virements. Il pourrait exercer l’action paulienne de l’article 1341-2 du Code civil pour faire révoquer certains actes d’appauvrissement frauduleux de l’autre partie 2. Ce solde provisoire fait partie de l’actif du client. Mais pendant longtemps, on considérait que les créanciers n’avaient pas la possibilité de le saisir. On justifiait cette solution par l’idée que pendant le fonctionnement du compte, il n’y avait ni créance ni dette. Cette solution a été abandonnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 novembre 1973 qui a indiqué que « le solde provisoire du compte courant ne peut être distrait du gage général » 3 Cette solution a reçu une consécration légale avec la loi du 9 juillet 1991 qui figure dans le Code de l’exécution. Selon l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution, « l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires ». En réalité, on ne se trouve pas véritablement en présence d’une attribution immédiate, mais plutôt d’une affectation. Le montant du solde du compte courant

Civ. 24 juin 1903, DP 1903. 1. 472. Civ. 1re, 6 déc. 1988, Banque 1989. 339, note Rives-Lange. Com. 13 nov. 1973, Bull. civ. IV, no 325 ; adde Rives-Lange, « La saisissabilité du compte courant », 1974. 101.

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ne sera, en effet, versé au créancier saisissant qu’après la liquidation des opérations en cours. L’acte de saisie entraîne une indisponibilité du solde du compte. Il importe peu que le montant de ce solde soit supérieur au montant de la saisie. Pour cette raison, l’article R. 211-21, alinéa 2, prévoit qu’il peut être mis fin à cette indisponibilité par la constitution d’une garantie irrévocable. Le créancier a également la possibilité d’exercer une saisie conservatoire sur le solde du compte courant. Lorsque le créancier n’est pas muni d’un titre exécutoire, la saisie conservatoire doit être autorisée par le juge qui vérifie si la créance, cause de la saisie, paraît fondée en son principe. Selon l’article L. 523-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le solde du compte ainsi saisi devient « indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ». L’indisponibilité est ici seulement partielle. Elle s’accompagne d’une affectation exclusive au profit du créancier saisissant, puisque « la saisie emporte de plein droit consignation des sommes indisponibles et produit les effets prévus à l’article 2350 du Code civil ». Le créancier bénéficie des mêmes droits qu’un créancier gagiste. 2. La position débitrice 60

Si la position du client est débitrice, elle doit figurer au passif dans les bilans des sociétés. En cas de société en nom collectif, l’associé qui se retire est tenu du solde provisoire au jour du retrait. Le solde débiteur du compte est productif d’intérêts de plein droit. Le montant de l’intérêt est fixé conventionnellement, sous réserve du respect des dispositions relatives à l’usure. Toutefois, le banquier n’aura droit qu’au taux légal si le montant de l’intérêt conventionnel n’a pas été fixé par écrit 1. Assez souvent, lorsque le compte de son client devient débiteur, le banquier va exiger des sûretés pour garantir le solde définitif. Si le client est, peu de temps après la constitution de la garantie, soumis à une procédure de redressement et de liquidation judiciaire, on doit s’interroger sur l’éventuelle application de l’article L. 632-1-6o du Code de commerce. Cette disposition

1 . Civ. 1re, 9 févr. 1988, Bull. civ. I, no 34 ; Com. 12 avr. 1988, Bull. civ. IV, no 130 ; Banque 1988. 590, obs. Rives-Lange ; JCP E 1988. II. 15204, note Gavalda et Stoufflet.

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frappe de nullité de droit les sûretés portant sur les biens du débiteur pour garantir une dette antérieure. Se pose alors la question de savoir si la sûreté couvre le débit du compte tel qu’il existait lors de la constitution ou une éventuelle augmentation 1. Après une période d’incertitude, la jurisprudence a indiqué que les juges du fond devaient « rechercher si une dette concomitante ou postérieure à la constitution avait pris naissance avant la clôture du compte sous la forme d’une avance nouvelle » 2. Pour ce faire, les juges du fond doivent se livrer à une analyse minutieuse du compte 3. 61

Certaines incertitudes existent également en cas de résiliation d’un cautionnement sans limitation de durée d’un compte courant 4. Il est certain que la caution ne sera plus tenue des dettes nées postérieurement à la résiliation. À l’inverse, elle sera tenue pour le montant du solde provisoire au jour de la résiliation. Mais la jurisprudence a indiqué que les juges du fond doivent « rechercher si le débit du solde provisoire existant au jour de la révocation du cautionnement n’a pas été effacé par les remises subséquentes et si le solde débiteur actuellement réclamé, après clôture définitive du compte, ne résulte point d’avances effectuées postérieurement à la révocation de l’engagement de la caution » 5. En cas de continuation de fonctionnement du compte courant, la garantie disparaît rapidement, même si le solde définitif est débiteur. En tout état de cause, tant que le compte n’est pas clôturé, le banquier ne peut pas poursuivre la caution, car il ne peut exercer aucun recours contre le débiteur principal, même en cas de continuation du compte courant après l’ouverture du redressement judiciaire 6.

1 . Rives-Lange, « Le sort des sûretés consenties en période suspecte pour garantir le solde d’un compte courant en cours de fonctionnement », Mélanges Cabrillac, p. 423. 2. Com. 11 févr., 22 juin et 16 déc. 1970, JCP 1971. II. 16704, note Gavalda ; D. 1971. 450, note Rives-Lange ; RTD com. 1971. 154 et 407, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; Com. 15 janv. 1980, Gaz. Pal. 1980. 1. Pan. 235, obs. A. Piédelièvre. 3. Com. 10 janv. 1983, Banque 1984. 108, obs. Rives-Lange. 4. M. Cabrillac, « Obligation de couverture, obligation de règlement et cautionnement du compte courant », Mélanges Mouly, t. 2, p. 293. 5. Com. 22 nov. 1972, Bull. civ. IV, no 298 ; RTD com. 1973. 309, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; Com. 26 janv. 1977, Bull. civ. IV, no 47. 6. Com. 3 janv. 1995, Bull. civ. IV, no 1, RTD com. 1995. 631, obs. Cabrillac.

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Le compte courant

Les banquiers ont cherché certaines parades pour contrecarrer cette jurisprudence. Ils peuvent clore le compte. Mais ils doivent respecter un préavis pendant lequel les remises subséquentes amenuiseront le solde existant au jour de la révocation. Aussi les banques ont-elles parfois introduit, dans le contrat de cautionnement, une stipulation au terme de laquelle la caution, résiliant son engagement, est tenue de payer le solde définitif, à concurrence du montant du solde provisoire au jour de la résiliation, sans que l’on tienne des remises ultérieures. De même, il est possible de stipuler une clause d’affectation spéciale des remises ultérieures. Selon la Cour de cassation, ces stipulations ne sont contraires « ni au principe d’indivisibilité du compte courant, ni au caractère accessoire du cautionnement » 1. En revanche, elle déclare nulle, la clause d’exigibilité immédiate du solde provisoire, en raison de sa contrariété avec l’article 2290 du Code civil 2.

§ 2. L'entrée en compte 62

L’entrée en compte des créances s’effectue au disponible (A) ou au différé (B). Dans la première hypothèse, la créance est immédiatement intégrée dans le compte, ce qui permet la fusion. Dans la seconde, la créance est en attente d’obtention des qualités nécessaires pour fusionner.

A. L'entrée au disponible 63

L’entrée au disponible s’analyse comme la véritable entrée en compte qui suscitera une modification de la position, car elle produira un effet de règlement. En effet, les créances seront payées par l’effet de fusion. Cette extinction serait la conséquence d’un effet novatoire : la créance serait en quelque sorte novée en un article de compte. Cette explication, même si elle est juridiquement peu satisfaisante, a le mérite de montrer la transformation

1 . Com. 6 juill. 1983, Bull. civ. IV, no 203, RTD com. 1984. 317, obs. Cabrillac et Teyssié ; Com. 9 juin 1992, Bull. civ. IV, no 228. 2. Com. 20 juin 1995, JCP E 1996. II. 807, note Piédelièvre.

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La théorie des comptes

qui s’est opérée du fait du mécanisme du compte courant. De son côté, la jurisprudence a posé en principe que « la passation en compte vaut paiement » 1. Il serait plus exact de dire qu’elle équivaut à un paiement. La modification de la position du compte montre bien que l’intention des parties est réalisée, obtenir un règlement financier global par la possibilité de remises réciproques. Or bien souvent, l’inclusion d’une créance en compte courant ne fait qu’augmenter la position créditrice d’une des parties. La convention de compte courant est fondée sur la confiance entre les deux partenaires. L’un des correspondants accepte d’être payé, car il sait qu’il existera dans l’avenir des remises en sens inverse qui opéreront une sorte de compensation. L’entrée au disponible a pour conséquence d’éteindre la créance. Cette dernière ne peut plus être recouvrée individuellement 2. Elle cesse d’être productive d’intérêts. Elle perd sa nature originaire. Par exemple, si elle était civile, elle perd du fait de son entrée en compte ce caractère. La prescription applicable à la créance ne s’applique plus 3. En cas d’affacturage, l’inscription par le factor vaut paiement. La quittance subrogatoire doit être établie à ce moment. Toutes les sûretés qui garantissaient cette créance disparaissent 4.

B. L'entrée au différé 64

1. 2. 3. 4.

Vont entrer au différé, les créances qui ne peuvent pas être actuellement payées, parce qu’elles ne présentent pas les caractères de fongibilité, de certitude, de liquidité et d’exigibilité. Il ne s’agit donc pas ici d’une entrée en compte au sens strict du terme. Les créances sont dans une position d’attente. Comme il ne peut y avoir de paiement, l’effet de fusion ne se produira pas. Les créances subsistent donc telles quelles. Au moment où le paiement

Com. Com. Com. Com.

25 janv. 1955, Bull. civ. III, no 42 ; D. 1957. 287, note Neel. 8 juill. 1997, JCP E 1998. 321, note Gavalda et Stoufflet. 22 déc. 1981, Bull. civ. IV, no 455. 19 mars 1980, D. 1981. IR 17, obs. Vasseur.

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Le compte courant

deviendra possible, un passage du différé au disponible se produira automatiquement. Ces créances jouent un rôle important de garantie, car elles sont affectées à la garantie des créances existant en sens inverse. Pour cette raison, elles ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie indépendamment du solde compte courant. Le remettant ne peut plus de sa seule volonté les céder. Elles sont prises en compte pour savoir, en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du remettant, si des sûretés ont été ou non constituées pendant la période suspecte. La question se pose de savoir si toutes les créances peuvent figurer au différé ou si elles doivent présenter certaines caractéristiques. Pour certains auteurs, toutes les créances qui ne sont pas fongibles, certaines, liquides et exigibles y entrent 1. Pour d’autres, seules les créances non exigibles y figureraient 2. Pratiquement, cette question est très importante en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde des entreprises à l’encontre du remettant 3. Il s’agit de déterminer les créances qui pourront venir en compensation avec le solde créditeur du compte en faveur du banquier. La jurisprudence a une conception restrictive des créances pouvant être inscrites au différé du compte courant, puisqu’elle y admet seulement celles non exigibles 4.

1 . Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 241. 2. Bonneau, no 342. 3. Stoufflet, « Incidence du redressement judiciaire d’une société sur le solde créditeur du compte courant », RD bancaire et bourse 1990. 180 ; Bac, « L’effet de garantie du compte courant est-il un leurre en cas de procédure collective ? », JCP E 1999. 308. 4. Com. 6 févr. 1996 (2 arrêts), Bull. civ. IV, no 34 ; RTD com. 1996. 306, obs. Cabrillac ; JCP E 1997. I. 635, obs. Gavalda et Stoufflet ; Com. 7 avr. 1998, RTD com. 1998. 653, obs. Cabrillac ; JCP E 1998. 1143, note Stoufflet ; v. toutefois l’infléchissement opéré par Com. 1er mars 2005, JCP E 2005. 952, note Scholastique.

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S ECTION 3

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La théorie des comptes

Le règlement du compte courant 65

Si le principe de la clôture du compte courant est relativement simple (§ 1), il faut observer que cette clôture suppose une période de liquidation qui est susceptible de poser certaines difficultés (§ 2).

§ 1. La clôture du compte

Il convient de préciser les causes (A) et les effets (B) de la clôture du compte courant.

A. Les causes de clôture 66

Le compte courant est soumis aux mêmes causes de clôture que les autres comptes bancaires. Si la convention est à durée déterminée, elle s’éteindra par l’arrivée du terme. Si, ce qui est plus fréquent, elle est à durée indéterminée, elle peut être résiliée unilatéralement par l’une des parties. Elle prend fin par le décès ou la mise en état d’incapacité. Deux hypothèses, compte tenu de leur importance en matière de compte courant, méritent quelques explications : l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’une des parties et l’absence de fonctionnement du compte.

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Pendant de nombreuses années, l’ouverture d’une procédure collective débouchait sur la clôture du compte courant. Cette solution était classiquement expliquée par l’intuitus personae de la convention. Le droit des procédures collectives n’a pas consacré de disposition spécifique à cette question. Mais l’article L. 622-13 du Code de commerce prévoit, « que l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur ». La suite de cette disposition ajoute qu’aucune résiliation ne peut intervenir du seul fait de l’ouverture d’une telle procédure.

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68

Après une période d’incertitude et une controverse doctrinale, la jurisprudence a posé en règle que le caractère intuitu personae d’un contrat ne faisait pas obstacle à la possibilité qu’a l’administrateur légal de demander sa continuation 1. À l’inverse, la liquidation judiciaire entraîne la clôture du compte 2. D’importantes difficultés pratiques se posent en cas de continuation du compte courant par l’administrateur. Elles tiennent à la réglementation spécifique du droit du redressement judiciaire. Le solde débiteur du compte constitue une créance antérieure pour le banquier. L’article L. 622-24 du Code de commerce lui impose de déclarer sa créance. Il est soumis à la suspension des poursuites de l’article L. 622-21 et à l’interdiction des paiements de l’article L. 622-7. Il est donc impératif de procéder à un arrêté provisoire des comptes pour chiffrer la créance du banquier. La clôture peut aussi résulter de l’absence de fonctionnement matériel du compte courant. Il en est ainsi au cas où les remises ne sont plus effectuées et dans l’hypothèse où l’on peut constater une absence de réciprocité. Mais se pose alors la question de la détermination du moment où l’un de ces événements se produit. Il arrive fréquemment que des comptes soient mis en léthargie 3. De plus pour que l’on soit en présence d’un compte courant, il suffit qu’il y ait une possibilité de remises réciproques. Il s’agit d’une question de fait. Il doit exister une forte probabilité de reprise d’activité du compte 4.

B. Les effets de la clôture 69

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Le compte courant

La clôture va permettre de dégager la créance du solde. Cette créance résultera de la balance des différents articles de compte. Mais elle est également une créance unitaire qui bénéficie éventuellement de ses propres garanties. Cette créance est certaine,

1 . Com. 8 déc. 1987, Bull. civ. IV, no 266 ; JCP 1988. II. 20927, note Jeantin ; adde Anselme-Martin, « Pour un retour à la clôture du compte courant bancaire en cas de redressement judiciaire du client », RD bancaire et bourse 1997. 55 ; Crédot, « À propos de la continuation du compte courant pour l’application de l’article 37 de la loi du 25 janv. 1985 », LPA 23 juin 1989 ; Soinne, « La continuation du compte courant après le jugement d’ouverture », Gaz. Pal. 1988. 1, doctr. 128. 2. Com. 20 janv. 1998, RTD com. 1998. 393, obs. Cabrillac. 3. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 265. 4. Com. 23 mars 1993, RD bancaire et bourse 1993. 156, obs. Crédot et Gérard.

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La théorie des comptes

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liquide et exigible. Elle pourrait tout à fait faire l’objet d’une saisie de la part des créanciers de la partie créditrice. Étant donné que le compte est clos, les différentes commissions ne sont plus dues au banquier. Dans l’hypothèse où le solde est débiteur pour le client, celui-ci doit verser des intérêts au banquier tant qu’il n’aura pas payé ce solde. Cette solution est tout à fait logique, puisqu’il bénéficie d’un crédit. Reste alors à déterminer le taux de ces intérêts. Après une période d’incertitude, la jurisprudence a décidé qu’après la clôture du compte, à défaut d’accord écrit entre les parties pour reconduire le taux conventionnel, le solde produit des intérêts au taux légal 1. La capitalisation des intérêts est alors soumise aux règles prévues par les articles 1343-2 et suivants du Code civil. Une même personne ouvre parfois plusieurs comptes courants chez un même banquier 2. Lorsque ces comptes sont clôturés au même moment et que certains sont créditeurs pour le client alors que d’autres sont débiteurs, il est tentant pour un banquier d’essayer d’opérer une compensation entre les différents soldes. Le principe est que chaque compte est indépendant 3. Ils doivent faire l’objet d’une liquidation séparée, ce qui exclut la compensation. Pour contourner cette solution, les banquiers ont imaginé certaines stipulations contractuelles 4. Ils ont inséré des clauses dites « d’unité de compte ou de fusion ». Elles permettent d’insérer dans un compte unique toutes les opérations passées entre un banquier et son client et qui étaient jusque-là enregistrées sur différents comptes. La jurisprudence en admet la validité 5. Il serait même possible de pouvoir faire fusionner des comptes de nature différente. La Cour de cassation se montre relativement large en ce domaine. Elle a ainsi considéré que « l’unité d’un compte n’est incompatible ni avec l’existence de chapitres libellés en devises

1 . Com. 17 mars 1981, Gaz. Pal. 1981. 2. Pan. 275, obs. A. Piédelièvre ; Com. 11 juill. 1984, Gaz. Pal. 1985. 1. Pan. 5, obs. A. Piédelièvre. 2. Piédelièvre, « La pluralité de comptes ouverts à une seule personne », Journ. soc. oct. 2015. 23. 3. Com. 14 avr. 1975, Bull. civ. IV, no 98. 4. D. Martin, « Des techniques d’affectation en garantie des soldes des comptes bancaires », D. 1987. 229. 5. Paris, 24 mars 1988, RTD com. 1989. 96, obs. Cabrillac et Teyssié ; D. 1988. 556, note D. Martin.

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Le compte courant

étrangères dès lors que, celles-ci étant convertibles, une balance peut être calculée à chaque établissement de solde, ni avec l’existence d’intérêts différenciés selon les opérations auxquels ils se rapportent, ni avec l’établissement de relevés séparés pendant le cours du fonctionnement de ce compte » 1. Mais à l’inverse, il ne peut y avoir clause de fusion entre un compte titre et un compte courant, ne serait-ce qu’en raison de l’absence de fongibilité du compte titre 2. Les conséquences de la fusion des comptes tournent autour de l’idée que désormais, on a substitué à une pluralité de comptes un compte unique. Les banquiers se font également parfois consentir des lettres de compensation qui les autorisent à effectuer une compensation entre les différents soldes. L’intérêt essentiel des clauses de compensation consiste à prémunir le banquier contre les risques d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de son client. Leur efficacité a suscité des interrogations qui ne sont pas encore toutes levées. Un point est certain : lorsque la convention de compensation est conclue pendant la période suspecte, elle ne pourra pas toujours produire ses pleins effets, puisqu’elle peut tomber sous le coup de la nullité facultative. Hormis cette hypothèse, la clause de compensation peut jouer malgré l’ouverture de la procédure. L’article L. 622-7 du Code de commerce prévoit cette possibilité qui a pendant longtemps été discutée 3. Dans l’hypothèse où le compte est créditeur pour le client, la question s’est posée de savoir si le banquier est tenu de remettre ce montant à son client ou s’il peut attendre la fin des opérations de liquidation pour effectuer ce versement. Selon certains, ce solde servirait de garanties aux opérations en cours de liquidation 4. La jurisprudence a commencé par se prononcer en ce sens 5.

1 . Com. 28 sept. 2004, RTD com. 2005. 153, obs. Cabrillac ; Banque et droit janv.-févr. 2005. 69, obs. Bonneau ; RD bancaire 2005. 2, obs. Crédot et Gérard. 2. Com. 16 déc. 2014, JCP E 2015. 1060, note Legeais ; RD bancaire 2015. 28, obs. Crédot et Samin. 3. Calendini, « La compensation des créances dans le redressement judiciaire », Banque et droit maijuin 1992. 76 ; Legras de Grandcourt, « L’interdiction ou la licéité de la compensation en matière de procédure collective », Rev. pro. coll. 1990. 119 ; également Bonhomme, « Variations sur la compensation en compte », in Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec, p. 425. 4. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 270. 5. Com. 6 févr. 1996, Bull. civ. IV, no 34.

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La théorie des comptes

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On se demande si cette solution n’a pas été remise en cause par un arrêt du 7 avril 1998, dont l’interprétation est difficile. La Cour a affirmé que « la banque ne pouvait pour garantir le paiement des créances incertaines pouvant en résulter ultérieurement retenir le solde créditeur du compte courant » 1. On a fait cependant valoir que cette solution vaudrait uniquement pour un compte en cours de fonctionnement 2. Il existe également un recours spécifique en cas d’opération d’escompte. Il est admis depuis longtemps qu’un banquier peut contrepasser après la clôture du compte courant les effets de commerce escomptés avant cette clôture 3. Cela signifie qu’il reportera le montant de la lettre de change au débit du compte courant de son client. Les effets de la contre-passation après clôture du compte sont très avantageux pour le banquier escompteur. Il est nécessaire de distinguer suivant que le remettant est soumis à une procédure collective ou qu’il est in bonis. Dans la première hypothèse, hormis l’hypothèse très exceptionnelle en pratique où le solde du compte lui permet d’être totalement désintéressé, le banquier conserve l’intégralité de ses droits sur l’effet de commerce. Il pourra ainsi agir contre les différents signataires de l’effet. Mais il est parfois nécessaire de tenir compte des acomptes et des sommes reçues sur le montant du solde débiteur que le banquier doit produire dans la procédure collective. Est-il tenu ou non de déduire de la créance déclarée ce qui lui a été versé par les signataires de l’effet ? Une distinction s’impose. Si le tiers ayant payé le montant de l’effet n’était pas engagé dans les liens de la solidarité cambiaire, comme un tiré non accepteur, les sommes reçues devront être déduites par le banquier lors de sa production. En revanche, si le tiers ayant payé le montant de l’effet était engagé dans les liens de la solidarité cambiaire, le banquier n’a pas à déduire de sa production les sommes reçues, jusqu’à complet paiement de sa créance. Cette solution résulte de la théorie dite « des coobligés », prévue par les articles L. 622-31

1 . Com. 7 avr. 1998, JCP E 1998. 1143, note Stoufflet ; RTD com. 1998. 653, obs. Cabrillac. 2. Cabrillac, obs. sous Com. 7 avr. 1998, préc. 3. Civ. 10 mars 1852, DP 1852. 1. 77.

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Le compte courant

et suivants du Code de commerce. Elle est particulièrement avantageuse pour le banquier et elle est de nature à inciter au recours de la technique de l’escompte en compte courant. En cas de contre-passation après clôture du compte courant, lorsque le client est toujours in bonis, le banquier conserve la propriété de l’effet de commerce. Mais il est tenu de déduire de sa créance les acomptes qu’il a reçus.

§ 2. La période de liquidation 72

La clôture du compte courant arrête évidemment les opérations qui y sont relatives. Mais une période de liquidation, plus ou moins longue, s’ouvre. Certaines créances ont été portées au différé, puisqu’elles ne présentaient pas les quatre conditions pour entrer au disponible. Elles y passeront dès lors qu’elles deviendront exigibles. Pourtant le compte courant a cessé de fonctionner. Le phénomène de fusion ne peut plus se produire. Le but du passage au disponible consiste, par un jeu d’écriture, de dégager le solde définitif. On assistera alors à une compensation purement comptable qui ne vaudra pas paiement. Le passage au disponible, lors de la période de liquidation, ne produit pas obligatoirement règlement. Seule peut s’opérer une compensation de droit commun. Les créances conservent leur individualité et les sûretés qui les garantissent subsistent 1. Cette solution a d’abord été posée pour la contre-passation des effets de commerce impayé 2. Le solde définitif ne sera connu qu’une fois que la dernière créance sera passée au disponible.

1 . Com. 15 nov. 1977, RTD com. 1978. 145, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 2. Civ. 19 nov. 1888, S. 1889. 1. 409 ; pour un rappel récent de cette solution, malgré la réforme du droit du redressement et de la liquidation judiciaire, Com. 17 mars 1998, JCP E 1998. 1642, note Lecène-Marénaud ; RTD com. 1998. 648, obs. Cabrillac.

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SYNTHÈSE

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La théorie des comptes

Lorsque deux personnes s’accordent pour porter en compte toutes les opérations génératrices de créances réciproques entre elles et de ne procéder au règlement qu’après la fusion de celle-ci qui fera apparaître un solde à la clôture, on se trouve en présence d’un compte courant. Éléments caractéristiques du compte courant

Comme il existe en la matière une certaine imprécision, il faut essayer de déterminer la nature juridique et les critères d’existence du compte courant. La détermination de la nature juridique du compte courant doit être examinée au regard de sa technique de fonctionnement et de sa finalité. Différentes techniques ont été proposées : celle de la compensation et celle du règlement. Selon la formule de Thaller, le compte courant est un creuset dans lequel viennent se fondre les créances remises et laissant apparaître un solde unique, conséquence de cette fusion. Le compte courant est à la fois un mécanisme financier et un mécanisme de garantie. Il est un mécanisme financier, car les parties en relations d’affaires souhaitent essentiellement un apurement immédiat de leurs créances réciproques. Il est un mécanisme de garantie, car chaque créance, entrant immédiatement en balance, vient immédiatement en déduction de la créance opposée qui se trouve par là même payée. Le compte courant nécessite la réunion d’un élément intentionnel et d’un élément matériel. Il est indispensable qu’existe une convention, un accord de volonté entre les parties, sinon, il n’y aurait qu’une simple description comptable de créances réciproques et l’effet de fusion de celles-ci ne se réaliserait pas. L’élément matériel est constitué par ce que l’on appelle l’alternance ou la réciprocité des remises.

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Entrée des créances en compte

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Le compte courant

L’entrée des créances en compte est essentielle. La remise par l’effet de la fusion sera soumise à la règle de l’indivisibilité. Cette entrée en compte des créances s’effectue de deux manières. Le compte courant forme un ensemble dont les différents articles sont des éléments. De ce fait, le remettant ne peut pas être considéré comme le créancier du récepteur en raison de la remise. Le solde positif ou négatif d’un côté ou de l’autre sera seulement dégagé lors de la clôture. Pour cette raison, le solde du compte sera seulement exigible le jour de la clôture du compte. Mais cette liaison des articles en compte ne fait pas obstacle à ce que le solde provisoire produise certaines conséquences. L’entrée des créances s’effectue au disponible ou au différé. L’entrée au disponible constitue la véritable entrée en compte qui suscitera une modification de celui-ci, car elle produira un effet de règlement. Vont entrer au différé les créances qui ne peuvent pas être actuellement payées. Lorsqu’elles pourront être payées, elles passeront automatiquement au disponible. Règlement du compte courant

Si le principe de la clôture du compte courant est relativement simple, il faut observer que cette clôture suppose une période de liquidation qui est susceptible de poser certaines difficultés. Il existe différentes causes de clôture qui ont pour but de déterminer la créance du solde. Cette créance résultera de la balance des articles. La clôture du compte arrête les opérations. Mais comme certaines remises ont été portées au différé. Il est donc nécessaire de faire passer ce qui était au différé vers le disponible.

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L ES INSTRUMENTS DE CRÉDIT 73

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P REMIÈRE PARTIE

Les instruments de crédit ne se confondent pas avec une opération de crédit. Cette dernière est définie par l’article L. 313-1 du Code monétaire et financier comme « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie ». Les instruments de crédit supposent la création d’un titre, lors d’une opération commerciale ou de crédit, permettant une mobilisation de ce crédit. Le fournisseur de crédit a ainsi la possibilité de se refinancer. Ils permettent le financement d’opérations commerciales à court terme. Traditionnellement, les effets de commerce représentaient la majorité, pour ne pas dire l’intégralité des instruments de crédit (TITRE 1). Mais aujourd’hui, le législateur a créé de nouveaux instruments de crédit qui ne peuvent pas être assimilés à des effets de commerce 1. Leur but est d’ailleurs de les concurrencer en proposant des instruments moins formalistes et par conséquent plus souples. Il sera nécessaire d’étudier ces nouveaux instruments de crédit (TITRE 2).

1 . V. Com. 15 déc. 1992, RTD com. 1993. 346, obs. Cabrillac considérant que le bordereau de cession de créances professionnelles n’est pas un effet de commerce.

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T ITRE 1

L ES EFFETS DE COMMERCE 74

Notre droit ne comporte pas de définition de l’effet de commerce. Seules quelques dispositions éparses, par exemple l’article L. 6321-4o du Code de commerce relatif à la sauvegarde des entreprises, emploient cette expression. Pourtant, historiquement, cette notion est ancienne, puisque la lettre de change est par exemple apparue au Moyen Âge dans les foires. On a pu définir l’effet de commerce comme « un titre négociable qui constate l’existence au profit du porteur d’une créance à court terme et sert à son paiement » 1. Les effets de commerce se caractériseraient par cinq éléments, la négociabilité, un objet monétaire, un engagement de payer, un paiement à court terme et un usage de recevoir le titre en paiement 2. Cette notion recouvre des institutions différentes ce qui fait d’eux des instruments de crédit ou des instruments de paiement. Sans prétendre à l’exhaustivité, les plus importants sont la lettre de change, le billet à ordre, le warrant et le chèque. Cette catégorie n’est pas fermée. Le législateur crée parfois de nouveaux effets de commerce. La création de la facture protestable par l’Ordonnance du 28 septembre 1967 en fournit une illustration relativement

1 . Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 190. 2. Gavalda et Stoufflet, no 1.

Les instruments de crédit

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récente. De même, il redonne un regain d’intérêt à des effets de commerce tombés en léthargie. La loi du 14 décembre 1985, modifiée depuis à plusieurs reprises, désormais partiellement intégrées dans le Code monétaire et financier, consacrant les titres de créances négociables, a permis une nouvelle utilisation des billets au porteur. 75

La caractéristique essentielle de l’effet de commerce tient à sa négociabilité qui déroge en grande partie aux règles du droit civil. Il est également formaliste, abstrait et régit par le principe de l’inopposabilité des exceptions. La négociabilité s’analyse comme un procédé de transmission propre au droit commercial qui diffère de la cessibilité de droit commun. La cession de créance, prévue par l’article 1690 du Code civil, était souvent inadaptée en droit commercial, en raison de son coût et de sa lourdeur, puisqu’elle requérait, pour pouvoir produire ses pleins effets, un acte authentique 1. La réforme du droit des contrats et des obligations a modifié partiellement cette solution. L’article 1323 du Code civil dispose que le transfert de la créance s’opère à la date de l’acte. Il est opposable aux tiers dès ce moment. Toutefois, l’article 1324 ajoute que la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. La circulation de l’effet de commerce s’effectue par tradition ou beaucoup plus fréquemment par endossement. La tradition consiste dans la remise de la main à la main du titre. L’endossement consiste dans l’apposition au dos du titre d’une signature par le porteur du titre appelé endosseur. Cette transmission produit des effets supérieurs à ceux de la cession de droit commun, puisque l’endosseur ne se contente pas de garantir l’existence de la créance, mais qu’il en garantit solidairement le paiement. Les effets de commerce circulent beaucoup moins aujourd’hui. La négociabilité influence également en grande partie la nature juridique de l’effet de commerce. Son but consiste à éteindre un rapport juridique préexistant. Peu importe que ce der-

1 . Sur ce formalisme par ex. Cabrillac, Droit des obligations, 6e éd., no 405 s.

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nier soit civil ou commercial. Mais dès que l’effet est mis en circulation, il devient abstrait, en ce sens que le rapport préexistant s’efface. Le porteur ne peut pas et il ne veut pas connaître ce rapport. L’effet de commerce se caractérise par la règle de l’inopposabilité des exceptions. Les exceptions qui auraient pu être invoquées à l’encontre de l’endosseur ne pourront plus l’être à l’encontre du nouveau porteur. Une sorte de purge s’est opérée. Ce principe de l’inopposabilité des exceptions explique l’importance en cette matière de l’élément formel. L’effet de commerce se présente sous la forme d’un titre qui représente le droit au paiement. Il se détache de sa cause initiale. Le porteur est en droit de se fier à la seule apparence de l’effet. Le formalisme est donc imposé, en cette matière, pour la validité même du titre. Comme on a pu le dire, « le papier absorbe l’obligation » 1. Cette importance du titre a amené certains auteurs à considérer que ce droit verserait dans l’amoralisme 2. Le trait ne doit pas être exagéré, car le droit des effets de commerce n’accorde jamais de protection à un porteur de mauvaise foi. L’importance de l’élément formel s’explique par le fait que l’effet de commerce ne constate pas seulement un engagement commercial. Il va surtout jouer un rôle de monnaie. L’effet représente une somme d’argent déterminée payable à court terme, expliquant ainsi son aspect de crédit à court terme. Le législateur consacre parfois ce rapprochement entre l’effet de commerce et la monnaie. Par exemple, l’article L. 632-1-4o du Code de commerce fait échapper à la nullité de la période suspecte aussi bien le paiement en numéraire que celui en effet de commerce. Malgré tout, l’importance de cet élément formel devient un handicap, car il ne permet pas d’utiliser toutes les possibilités offertes par le traitement informatique, ce qui accentue les frais de traitement. Le support papier devient synonyme de lourdeur. Cependant rapprochement ne signifie pas identité. L’effet de commerce présente d’importantes différences avec la monnaie 3.

1 . Roblot, no 88. 2. Didier, « Éthique et droit des affaires », D. 1993. 17. 3. Le Cannu, Granier et Routier no 308.

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Les instruments de crédit

À la différence de cette dernière, un effet de commerce est émis lors d’une opération déterminée qui lui sert de support. Seule la monnaie permet un règlement immédiat. Dans un effet de commerce, la stipulation d’un terme est essentielle. Le propos doit être nuancé pour le chèque qui est un pur instrument de paiement ne comportant pas ou presque d’idée de crédit. Mais même en ce cas, le règlement effectif sera seulement opéré quelques jours après la remise du chèque par le débit du compte du tireur 1. Le paiement en monnaie offre toute sécurité, alors que le paiement par un effet de commerce n’est garanti, du moins lors de l’émission du titre, que par la seule signature de l’émetteur. Pour autant, il ne faut pas en conclure que tous les effets de commerce sont identiques et obéissent aux mêmes règles. Pour s’en tenir pour le moment aux seuls effets qui constituent des moyens de crédit, on doit distinguer la lettre de change (SOUS-TITRE 1), du billet à ordre et des warrants (SOUS-TITRE 2).

1 . En ce sens Putman, no 10.

L A LETTRE DE CHANGE 78

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S OUS-TITRE 1

La loi ne donne aucune définition de la lettre de change. Il s’agit d’un titre par lequel une personne dénommée tireur donne l’ordre à une autre personne appelée tiré de payer à une date déterminée à une troisième personne dite « bénéficiaire », une certaine somme d’argent. Elle porte souvent en pratique le nom de traite. On a parfois reproché à cette définition de ne plus correspondre au rôle actuel de la lettre de change dans l’économie moderne 1. Il est vrai qu’elle ne fait pas ressortir qu’elle est à la fois un procédé de paiement, notamment par le jeu des endossements et un instrument de crédit, principalement par la technique de l’escompte. Mais elle présente l’avantage de montrer les caractéristiques essentielles de cette opération. Historiquement, la lettre de change a été conçue comme un moyen de paiement. Elle semble être apparue au Moyen Âge 2. Un émetteur demandait à un correspondant sur une autre place de remettre une somme d’argent au porteur de la lettre (cambium trajectium). Bien entendu, ce correspondant se faisait rémunérer pour le service rendu. Un intérêt pouvait ainsi être stipulé, malgré la prohibition canonique. On parlait du prix de la distanciae loci.

1 . Cf. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1974. 2. V. Didier, p. 298 s.

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Puis petit à petit, l’idée de crédit s’est dégagée. La traite n’est plus payable immédiatement. Il en résulte que l’acquéreur tiré aura le temps de revendre la marchandise qu’il a acquise, avant que l’effet ne soit présenté au paiement. De son côté, le vendeur, le plus souvent, remettra la lettre de change à son banquier qui, en quelque sorte, l’achètera, en l’escomptant. Ce rôle bancaire deviendra très important à partir de la fin du XVIIe siècle. Actuellement, le rôle d’instrument de paiement a beaucoup diminué, du moins en droit interne, compte tenu de l’existence de moyens de paiement plus simples, comme le chèque ou les inscriptions en compte. Il subsiste en matière internationale 1, car il permet d’éviter des transferts de fonds. Le rôle d’instrument de crédit perdure, même si le législateur a créé de nouveaux instruments de mobilisation. Il faut aujourd’hui ajouter un rôle financier ou bancaire 2. Il s’agit d’effets financiers, car ils ne correspondent pas à des livraisons de marchandises ou à des prestations de service par opposition aux effets commerciaux qui correspondent à des livraisons de marchandises ou à des prestations de service. On parle alors d’effets de cautionnement, d’effets de mobilisation ou de crédits d’acceptation. La lettre de change s’analyse en un acte de commerce par la forme, puisque, selon l’article L. 110-1 du Code de commerce, « la loi répute acte de commerce : entre toutes personnes, les lettres de change » 3. Cette formule signifie que toute personne qui appose sa signature sur une traite effectue un acte de commerce. Mais cette signature ne lui conférera pas pour autant la qualité de commerçant 4. La réglementation actuelle de la lettre de change a été, en grande partie, remaniée depuis le Code de commerce de 1807, en raison de son internationalisation et de son rôle bancaire. Après de longues discussions, ce droit a été en partie unifié par trois conventions internationales signées à Genève, le 7 juin 1930. La première porte sur le règlement uniforme du droit de la lettre de

1 . Jacquet et Delebecque, Droit du commerce international, 2e éd., no 344 et 345. 2. V. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1920. 3. Sur les actes de commerce par la forme, v. par ex. Piédelièvre, Actes de commerce, commerçants et fonds de commerce, 11e éd., no 19 s. 4. Pour l’acceptation d’une lettre de change par un artisan, Com. 11 mai 1993, Bull. civ. IV, no 179.

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change, la deuxième sur le règlement des conflits de lois en matière de lettre de change et la troisième sur le timbre fiscal. Un décret-loi du 30 octobre 1935 a introduit ces dispositions en droit français, en modifiant la rédaction du Livre I, titre VII du Code de commerce. Elles figurent actuellement aux articles L. 511-1 et suivants du Code de commerce. Cette réglementation apparaît à certains égards vieillissante. Elle présente cependant le mérite d’avoir permis l’adoption d’une conception d’ensemble de la matière. Malgré leurs qualités, ces conventions n’ont pas été une totale réussite, pour plusieurs raisons. La première, inhérente à toute convention internationale, tient aux divergences d’interprétation de la convention par les différentes juridictions étatiques 1. Les deux autres raisons sont plus graves. D’une part, l’unification a été partielle, puisque les pays anglo-saxons n’ont pas adhéré à cette convention, car ils lui reprochaient d’avoir adopté un droit d’origine continentale. D’autre part, comme entre les pays signataires d’importantes divergences étaient apparues, les conventions de Genève ont été obligées de prévoir des réserves sur des points parfois importants, ce qui nuit à l’homogénéité de l’unification du droit. Pour tenter d’aboutir à une véritable unité, la Commission des Nations unies pour le droit commercial essaie de créer une nouvelle catégorie d’effets de commerce qui aurait une vocation uniquement internationale, qui serait facultative et qui serait régie par une loi uniforme 2. Ce projet a été adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1988. Mais pour le moment il n’est pas entré en vigueur, faute d’avoir été ratifié par un nombre suffisant d’État, puisque seulement six d’entre eux ont adopté cette nouvelle lettre de change. Cette convention est très inspirée du droit anglo-saxon. Pour appréhender le droit de la lettre de change, il est nécessaire d’étudier successivement sa création (CHAPITRE 1), sa circulation (CHAPITRE 2) et son paiement (CHAPITRE 3).

1 . Lescot, « L’interprétation judiciaire des règles du droit uniforme », JCP 1963. I. 1756. 2. Bloch, « Un espoir déçu ? La Convention des Nations unies sur les lettres de change et les billets à ordre internationaux », JDI 1992. 907 ; Roblot, « Le projet de la CNUDCI pour la création d’une lettre de change internationale », Mélanges Vincent, p. 361.

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C HAPITRE 1

La création de la lettre de change 83

La lettre de change est créée en raison de l’existence d’un rapport fondamental. Il s’agit du rapport préexistant entre le tireur et le tiré, ou pour être plus précis de la dette du second envers le premier. Lors de l’émission d’une lettre de change, une provision sera déposée chez le tiré, ou au plus tard elle le sera au jour de l’échéance de la traite. De son côté, le tireur remet la lettre de change à un bénéficiaire, parce que celui-ci lui fournit ou lui fournira une contrepartie. En cas d’endossement, l’endosseur transmet l’effet à un nouveau porteur, car il est, ou il sera, tenu à son égard. L’obligation cambiaire résultera de l’apposition de signatures sur le titre. Elle présente plusieurs caractéristiques. Elle est toujours commerciale et ce, quelle que soit la qualité des signataires. Son exécution est stricte, car elle est soumise à une procédure simplifiée de recouvrement et les délais de grâce sont impossibles. Elle se voit appliquer un formalisme très important, nécessaire pour sa validité et son efficacité. Ce formalisme est indispensable pour assurer une bonne circulation de l’effet. Il apparaît comme un facteur de sécurité pour ceux qui apposeront leur signature sur la traite, car il leur suffira de vérifier la régularité formelle du titre.

La lettre de change

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Cette obligation présente un certain degré d’abstraction. Malgré tout, la jurisprudence annule des traites inspirées par des motifs illicites ou immoraux 1, du moins dans les rapports entre les parties à l’illicéité. Cela signifie qu’elle est indépendante tant à l’égard du rapport fondamental qu’à l’égard des autres obligations cambiaires souscrites par d’autres signataires de la lettre de change. L’indépendance de l’obligation cambiaire vis-à-vis du rapport fondamental est démontrée par la survie de ce dernier rapport. Elle ne veut pas dire pour autant qu’il n’existe pas parfois une interdépendance entre les obligations cambiaires et les rapports fondamentaux 2. Ainsi la jurisprudence a-t-elle admis qu’un porteur, agissant sur le terrain cambiaire, se prévale d’une clause attributive de compétence, insérée dans le rapport fondamental 3. La création de la lettre n’emporte pas novation du rapport fondamental 4. En conséquence, le créancier pourra agir sur le terrain cambiaire ou sur le terrain du rapport fondamental. Par exemple, la jurisprudence a décidé que la prescription de l’action cambiaire n’empêchait pas le porteur d’agir sur le fondement du rapport fondamental 5. Le caractère abstrait se manifeste aussi par l’indépendance des signatures. Chacun des engagements cambiaires souscrits est autonome et chaque signataire est tenu dans la mesure et dans la limite de sa signature, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier la validité et l’étendue des engagements des autres signataires. La caractéristique essentielle de la lettre de change lors de sa création tient à son aspect formel (SECTION 1). Mais il est aussi évident que cette création ne pourra pas être effectuée sans la réunion d’un certain nombre de conditions de fond (SECTION 2).

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1 . Pour un exemple assez récent, Com. 19 juill. 1982, Gaz. Pal. 1983. 1. Pan. 9, obs. A. Piédelièvre. 2. V. Devèze et Pétel, no 190 et 191. 3. Com. 5 mars 1991, Bull. civ. IV, no 96. 4. Civ. 28 avr. 1900, DP 1901. 1. 17, note Thaller ; Civ. 12 nov. 1946, S. 1947. 1. 121, note Lescot ; Com. 8 juill. 1997, RTD com. 1997. 654, obs. Cabrillac. 5. Com. 4 mars 1957, Bull. civ. III, no 81.

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S ECTION 1

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La création de la lettre de change

L'aspect formel de la lettre de change 85

Les formalités, assez nombreuses depuis la convention de Genève, sans doute dues à l’influence du droit allemand, s’expliquent par le fait que tout porteur de la lettre de change doit pouvoir se fier à son apparence. Le formalisme apparaît comme une source de sécurité qui permettra une circulation facile du titre. Ces formalités se situent au moment de l’émission de la lettre de change (§ 1), ou éventuellement ultérieurement, si des modifications interviennent (§ 2).

§ 1. Les formalités de la lettre de change lors de son émission 86

Les lettres de change sont des actes sous seing privé. Elles pourraient être dressées par acte authentique. À l’origine, elles étaient intégralement écrites à la main. Actuellement, elles sont toutes établies sur des formules préétablies, extraites d’un carnet à souches. Ces formules, depuis un arrêté du 5 novembre 1982, doivent être conformes à une norme AFNOR NF K 11-030. Elles nécessitent un support papier. Pour le moment, elles ne peuvent pas être créées sur un support magnétique, même si depuis la réforme du 21 juin 2004 l’écrit électronique est admis par les articles 1108-1 et 1108-2 du Code civil. Les lettres de change sont généralement rédigées en un exemplaire unique. Mais l’article L. 511-72 du Code de commerce prévoit que la lettre de change peut être tirée en plusieurs exemplaires 1. Les exemplaires doivent être identiques et par conséquent comporter les mêmes mentions et les mêmes signatures. L’intérêt de cette possibilité apparaît principalement en cas de perte ou de vol de l’un des exemplaires. De son côté, l’article

1 . Sur cette faculté peu utilisée par la pratique, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1947, Didier, p. 311.

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La lettre de change

L. 511-75 de ce même code indique que tout porteur d’une traite a la faculté d’en faire des copies. La copie, au sens de cette disposition, peut circuler comme l’original. Toutefois, pour des raisons pratiques, les parties préfèrent recourir à des photocopies, même si celles-ci ne peuvent pas se substituer à l’original 1. L’article L. 511-1 du Code de commerce énumère les différentes mentions obligatoires devant figurer sur la traite (A). L’alinéa 2 de cette disposition indique que le titre dans lequel une des mentions fait défaut ne vaut pas comme lettre de change, ce qui conduit à envisager les sanctions en cas de non-respect de ce formalisme (B).

A. Les mentions obligatoires 87

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Selon l’article 511-1 du Code de commerce, « la lettre de change contient : 1o la dénomination de lettre de change insérée dans le texte même du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ; 2o le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ; 3o le nom de celui qui doit payer ; 4o l’indication de l’échéance ; 5o celle du lieu où le paiement doit s’effectuer ; 6o le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait ; 7o l’indication de la date et du lieu où la lettre est créée ; 8o la signature de celui qui émet la lettre. Cette signature est apposée à la main ou par tout procédé non manuscrit ». Chacune de ces formalités répond à une raison précise. La dénomination de lettre de change sert à attirer l’attention des signataires sur la gravité de leur engagement qui obéit à des règles spécifiques et contraignantes. Elle permet également de la dissocier d’autres effets de commerce. Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée tient au fait que la lettre de change comporte un ordre de paiement.

1 . Devèze et Pétel, no 146.

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1. 2. 3. 4. 5.

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La création de la lettre de change

L’ordre conditionnel est prohibé, qu’il s’agisse d’une condition suspensive ou d’une condition résolutoire. Toutefois, une obligation pourrait être imposée à un porteur, comme une remise de documents au tiré à l’échéance, ce qui est le cas pour les traites dites « documentaires » 1. L’ordre ne peut pas avoir une prestation non monétaire, il aura nécessairement pour objet le paiement d’une somme déterminée. La somme doit être inscrite en lettre et/ ou en chiffres. L’article L. 511-4 du Code de commerce prévoit qu’en cas de contradiction entre les chiffres et les lettres, préférence sera donnée à la mention en lettres 2. L’article L. 511-29 du Code de commerce prévoit la possibilité de payer dans une monnaie autre que celle du lieu de paiement. En principe, la stipulation d’un intérêt est interdite. Pour contourner cette solution, prévue par l’article L. 511-3 de ce même code, il suffit au tireur d’incorporer les intérêts, lors de l’émission, au montant de la lettre de change 3. Comme il appartient au tiré de payer, au jour de l’échéance, le montant de la lettre de change, son nom doit être indiqué, afin que le porteur de l’effet puisse s’adresser à lui. La jurisprudence a refusé qu’une acceptation du tiré puisse suppléer l’absence de désignation du tiré 4. En revanche, elle admet la désignation de ce tiré par son nom commercial, dès lors qu’il n’existe pas de possibilité de confusion ou d’erreur 5. Même si le Code de commerce n’impose pas, au titre des mentions obligatoires, l’adresse du tiré, celle-ci est nécessaire pratiquement, puisque la dette cambiaire est quérable. Il est possible que plusieurs personnes soient désignées comme tirées, si leur désignation est effectuée sur la traite. L’article L. 511-2, alinéa 2, du Code de commerce admet que le tireur soit en même temps le tiré. L’indication de l’échéance permet au porteur de connaître le moment auquel il pourra demander le paiement de la traite. L’article L. 511-22 du Code de commerce prohibe, à peine de nullité, Sur ces traites par ex. de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 193. Com. 13 janv. 1982, JCP 1982. IV. 114. Com. 12 juill. 1971, RTD com. 1972. 128, obs. Cabrillac et Rives-Lange. Com. 24 févr. 1965, Banque 1965. 557, obs. Marin. Amiens, 15 oct. 1993, JCP 1994. II. 22258, note Massot-Durin.

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La lettre de change

les lettres de change à échéances successives. Ce même article L. 511-22 précise également que l’échéance est fixée uniquement de quatre manières, et ce à peine de nullité. Une lettre de change peut être tirée à vue, à un certain délai de vue, à un certain délai de date ou à jour fixe. Si aucune échéance n’a été indiquée, l’article L. 511-1, alinéa 5, du Code de commerce prévoit que la lettre de change sera payable à vue. L’indication du lieu où le paiement sera effectué est fondamentale pour le porteur qui, tenu de demander le paiement à l’échéance, doit savoir où s’adresser. L’article L. 511-1 V du Code de commerce dispose qu’en l’absence de cette indication, le lieu de paiement sera celui désigné à côté du nom du tiré 1. Il est assez fréquent, en pratique, qu’il existe une clause de domiciliation dans un établissement de crédit. Prévue par l’article L. 511-2, alinéa 4, de ce même code, cette clause ne confère pas la qualité de partie à l’opération cambiaire au domiciliataire qui est seulement un mandataire ou plus rarement un gérant d’affaires 2. La responsabilité de l’établissement de crédit domiciliataire est celle d’un mandataire professionnel, telle que prévue par l’article 1992, alinéa 2, du Code civil. L’effet doit comporter le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait. La jurisprudence pose en principe que l’emploi d’initiales est insuffisant 3. Mais elle admet un tel emploi pour les personnes morales, lorsqu’il n’entraîne dans l’esprit du tiré aucune incertitude ni ambiguïté 4. Contrairement à la solution retenue par le droit anglo-saxon, l’effet ne peut, au moment de sa création, être émis en blanc ou au porteur. Pourtant, et cela affaiblit la portée du principe, l’article L. 511-2 du Code de commerce permet au tireur de cumuler cette qualité avec celle de bénéficiaire.

1 . Pour une application récente Com. 26 mai 2010, Bull. civ. IV, no 96 ; Banque et droit sept.-oct. 2010. 35, obs. Bonneau ; Dr. et proc. 2010. suppl. no 10, p. 27, obs. Piédelièvre précisant que ce texte n’exige pas que l’indication de ce lieu figure au recto de la lettre de change. 2. Revel, « Le contrat de domiciliation d’effets de commerce », JCP CI 1976. 12282 ; également Gavalda et Stoufflet, no 109. 3. Com. 20 janv. 1981, D. 1981. IR 304, obs. Vasseur. 4. Com. 12 nov. 1992, Bull. civ. IV, no 349.

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1. no 2. 3. 4. 5. 6. 7.

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La création de la lettre de change

La lettre de change doit indiquer sa date et son lieu de création. La mention de la date 1 est fondamentale, ne serait-ce que parce qu’elle permet de vérifier si le tireur était capable et s’il bénéficiait de pouvoirs suffisants. Surtout, la date constitue le point de départ du délai de présentation ou du délai de paiement pour les lettres de change créées à un certain délai de date et pour celles créées à vue. Cette date est opposable aussi bien aux signataires de la traite qu’aux tiers, car les formalités de l’article 1377 du Code civil sur la date certaine ne s’appliquent pas aux effets de commerce 2. La preuve de l’inexactitude de la date s’effectue par tous moyens 3. L’inexactitude de la date n’est pas sanctionnée par la nullité. La mention du lieu de création est principalement dictée par des considérations de droit international privé, car elle détermine souvent la loi applicable aux différents engagements et aux recours cambiaires. Si cette mention fait défaut, l’alinéa 5 de l’article L. 511-1 du Code de commerce prévoit que le lieu désigné à côté du nom du tireur sera réputé être le lieu de création. Il est enfin prévu que l’effet doit porter la signature du tireur. En pratique, on trouve le plus souvent, bien qu’ils ne s’agissent pas de mentions obligatoires, son nom et son adresse. Normalement cette signature figure au recto du titre 4. Depuis la loi du 16 juin 1966, le tireur a la possibilité de donner une signature par un procédé non manuscrit 5. Les juges du fond adoptent parfois des solutions excessives, par exemple en acceptant qu’un codechiffres vaille signature du tireur 6. Il est nécessaire qu’il existe véritablement une signature, ce qui n’est pas le cas de l’apposition d’un cachet commercial 7. En tout état de cause, cette mention est indispensable, car elle matérialise l’engagement du tireur qui

Une date illisible conduit à la nullité de la lettre de change, Com. 29 mars 1994, Bull. civ. IV, 127 ; D. 1994. Somm. 183, obs. Cabrillac. Paris, 28 janv. 1931, Gaz. Pal. 1931. 2. 95. Sur cette question, v. Roblot, no 130. V. Com. 29 nov. 1994, Bull. civ. IV, no 354 excluant son apposition sur le timbre fiscal. Gavalda, « La validité de certaines signatures à la griffe d’effets de commerce », JCP 1966. I. 2034. Paris, 11 janv. 1995, D. 1996. Somm. 36, obs. Cabrillac. Com. 25 avr. 2006, Bull. civ. IV, no 98.

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La lettre de change

est d’ailleurs la première personne à souscrire une obligation de nature cambiaire. La question se pose de savoir si l’article 1366 du Code civil qui a admis la validité de la signature électronique, s’appliquait aux différentes signatures apposées sur une lettre de change. Une réponse négative s’impose 1. En effet, la signature constitue un élément de validité de l’effet.

B. Les sanctions en cas de défaut de l'une des formalités obligatoires 91

Selon l’article L. 511-1, alinéa 2, du Code de commerce, « le titre dans lequel une des mentions indiquées aux alinéas précédents fait défaut, ne vaut pas comme lettre de change » 2. La fin de cette disposition énonce quelques hypothèses de suppléances légales qui ont déjà été envisagées. La jurisprudence étend parfois au-delà de ces prescriptions légales, ce formalisme par équivalent, lorsque des formalités similaires à celles exigées légalement ont été effectuées 3. Une telle solution semble pourtant peu compatible avec l’esprit et la finalité du formalisme cambiaire. Le mot de défaut doit être pris dans un sens strict. On ne peut y assimiler le caractère mensonger d’une des mentions obligatoires. On lui appliquera les règles du droit commun de la simulation prévue par l’article 1321 du Code civil. Normalement, le titre est valable. La disposition mensongère est inopposable aux tiers qui eux pourront s’en prévaloir. Normalement toute lettre de change incomplète est nulle 4, du moins comme engagement cambiaire. Cette nullité est d’ordre public. En conséquence, elle peut être soulevée d’office par le juge 5, même si elle ne peut pas l’être pour la première fois devant

1 . En ce sens, Cabrillac, obs. RTD com. 2001. 194 ; Rép. min. no 25110, 30 nov. 2000, JCP E 2000. 2026 ; contra Malecki, « Regards sur le formalisme cambiaire à l’heure de la signature électronique », JCP E 2000. 2036. 2. V. Lescot, « De l’omission des mentions essentielles de la lettre de change », Ann. dr. com. 1928. 275 ; Crionnet, « De l’omission des mentions obligatoires de la lettre de change », D. 1989. 129. 3. Par ex., Com. 9 nov. 1970, Bull. civ. IV, no 297. 4. Pour une absence de date, Com. 7 oct. 1987, D. 1988. Somm. 51, obs. Cabrillac ; pour une absence d’indication du tiré, Com. 24 févr. 1965, Banque 1965. 557, obs. Marin. 5. Com. 16 juill. 1973, Bull. civ. IV, no 243.

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la Cour de cassation 1. Le principe de la nullité comporte deux tempéraments, la régularisation et l’application de la théorie de la conversion des actes juridiques. 1. La régularisation 92

La régularisation permet de valider un acte à l’origine nul, en lui apportant l’élément faisant défaut. Elle suppose un accord des différents acteurs et elle ne peut donc pas émaner d’une volonté unilatérale. Ses effets sont simples. Si elle est effectuée convenablement, elle permettra à l’acte juridique d’avoir une pleine efficacité. Cette hypothèse est fréquente en matière de lettres de change, en raison principalement de la remise de traite dite « en blanc ». La Cour de cassation a ainsi indiqué que « si l’indication du nom du bénéficiaire est une condition de validité de la lettre de change, son omission peut être réparée avant présentation de l’effet, à moins que celui-ci comporte une mention suivant laquelle il n’était pas destiné à être complété ou mis en circulation ou que soit établie la connaissance par le bénéficiaire de ce qu’il aurait été complété contrairement à la volonté du tiré » 2. En conséquence, une lettre de change régularisée sera considérée à l’égard de tous avoir été régulière dès son origine, lui permettant de produire rétroactivement ses pleins effets 3, du moins si tous les signataires ont donné leur accord à cette validation 4. Il est désormais nécessaire de voir quelles mentions peuvent être régularisées et jusqu’à quel moment cette faculté est ouverte. La régularisation ne permet pas de remédier à l’absence de n’importe laquelle des mentions obligatoires. On considère parfois que le manquement est trop important pour permettre une consolidation de la traite. Il existe également une tendance de la jurisprudence actuelle à minimiser le nombre de régularisations, pour les limiter à des vices réputés minimes. Ne peuvent pas être régularisées les traites auxquelles manquent la dénomination de lettre de change, la signature du tireur, le lieu et la date d’émission 5.

1 . Com. 25 oct. 1972, Bull. civ. IV, no 264. 2. Com. 9 févr. 2016, JCP N 2016. 1213, obs. Delebecque. 3. Par ex., Com. 9 mars 1971, Bull. civ. I, no 75 ; JCP 1971. II. 16900, note Groslières ; Com. 4 oct. 1971, Bull. civ. IV, no 223. 4. V. Com. 10 mai 1989, JCP 1989. II. 21345, note Putman. 5. V. Com. 25 mai 1988, JCP 1989. II. 21345, note Putman.

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La lettre de change

Lorsque la régularisation est possible, il est nécessaire de déterminer jusqu’à quel moment elle demeure possible. A priori, elle peut être exercée jusqu’au jour de la présentation au paiement. Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont, en effet, indiqué que la régularité de l’effet s’apprécie au jour de la présentation au paiement et non au jour de l’émission 1. Après cette date, la lettre de change ne pourra plus être sauvée. 2. L’application de la théorie de la conversion des actes juridiques

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Il arrive parfois qu’en raison de l’omission d’une mention obligatoire, le juge considère que la lettre de change est nulle en tant qu’effet de commerce, mais qu’il décide que ce titre incomplet peut produire certains effets. La jurisprudence a ainsi admis qu’un titre comportant une clause à ordre et toutes les mentions prescrites pour la validité d’un billet à ordre valait comme billet à ordre 2. Il est toutefois nécessaire que le paiement par billet à ordre soit possible 3. Mais le plus souvent, elle permettra de prouver des engagements souscrits en application du droit commun ; la traite irrégulière sera alors considérée comme un commencement de preuve par écrit 4. Un arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 1998 en fournit une bonne illustration. Elle a indiqué qu’une mention d’acceptation portée sur une lettre de change nulle « peut être retenue, selon le droit commun, comme preuve écrite de la promesse du signataire de payer le tireur, voire tout tiers ultérieurement indiqué par lui si le titre est établi à son ordre » 5.

1 . Com. 19 oct. 1965, D. 1966. 5 ; Com. 9 mars 1976, Bull. civ. IV, no 85. 2. Com. 18 mars 1959, RTD com. 1959. 909, obs. Becqué et Cabrillac. 3. Com. 6 déc. 2011, Gaz. Pal. 3-4 févr. 2012. 28, obs. Houin-Bressand. 4. Par ex., Com. 10 févr. 1971, Bull. civ. IV, no 42. 5. Com. 24 mars 1998, RTD com. 1998. 647, obs. Cabrillac ; RJ com. 1999. 225, obs. Gibirila ; sur l’ensemble de cette question, Boujeka, « La conversion par réduction : contribution à l’étude des nullités des actes juridiques formels », RTD com. 2002. 223.

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§ 2. Les modifications ultérieures de la lettre de change 95

Normalement, après l’émission de la lettre de change, aucune modification ultérieure ne devrait pouvoir intervenir. En effet, en raison du caractère formel des effets de commerce, le signataire est seulement tenu de ce qu’il connaissait au moment de sa signature. Ses droits n’ont pas à être changés du fait d’une modification ultérieure. Par dérogation à ce principe, pendant sa vie, de nouvelles mentions, opposables à tous les signataires, même antérieurs, pourront être apposées par des personnes autres que le tireur. Il en existe quatre. D’abord, le tiré peut accepter l’effet ; en ce cas il sera définitivement tenu et il n’aura plus la possibilité de se dégager. Ensuite, le tiré accepteur a la faculté d’opérer une domiciliation, en général chez un banquier. Le domiciliataire est un mandataire du tiré. Toujours ensuite, l’effet peut être avalisé. Enfin, et c’est de loin l’hypothèse la plus fréquente, le bénéficiaire a la possibilité de transmettre l’effet par endossement de la traite à un tiers.

S ECTION 2

Les conditions de fond de la création de la lettre de change 96

Étant un acte juridique, la lettre de change est soumise aux conditions du droit commun des actes juridiques. Mais en tant qu’acte de commerce, elle présente une certaine spécificité qui se manifeste à trois points de vue. Le créateur du titre, c’est-à-dire le tireur, doit remplir certaines conditions (§ 1). Il est également nécessaire qu’il existe un rapport fondamental dénommé provision (§ 2). Ce rapport fondamental est parfois reconnu par le tiré au moyen d’une acceptation (§ 3).

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§ 1. Les conditions chez le tireur 97

Au moment de la création de la lettre de change, seule la volonté du tireur intervient ; il donne un ordre de paiement au tiré. Trois conditions en sa personne méritent un examen : son consentement (A), sa capacité (B) et ses pouvoirs (C).

A. Le consentement du tireur 98

99

Comme tous les actes juridiques, la lettre de change nécessite un consentement non vicié de la part de son auteur, c’est-à-dire du tireur. Ce consentement se matérialise par sa signature qui est d’ailleurs une des mentions obligatoires, prévue par l’article L. 511-1-8o du Code de commerce. Reste à déterminer quelle pourrait être l’influence sur le titre d’un vice du consentement ou d’un défaut de consentement. Il est unanimement admis que le tireur qui a donné un consentement vicié n’est pas valablement engagé. Mais il faut également tenir compte de la règle de l’inopposabilité des exceptions qui l’empêchera de se prévaloir de ce vice envers un porteur de bonne foi. L’hypothèse de l’absence de consentement diffère. Pratiquement, elle résulte d’une falsification de la signature du tireur ou d’une altération de l’effet. En cas de falsification, selon la doctrine, le tireur ne peut pas être engagé cambiairement, car il n’a pas donné son consentement à la création du titre 1. On considère cependant qu’il pourrait engager sa responsabilité civile, s’il avait, par ses agissements, facilité la falsification. Mais cela ne signifie pas pour autant que la lettre de change soit inexistante. Elle sera considérée comme valable à l’égard des autres signataires, en application du principe de l’indépendance des signatures. Une solution similaire est prévue en cas d’altération de la lettre de change. L’altération se définit comme une modification apportée à une traite sans le consentement du tireur ou des signataires antérieurs. L’article L. 511-77 du Code de commerce indique qu’en

1 . Putman, no 53 ; Gavalda et Stoufflet, no 32 et, en jurisprudence, Civ. 17 déc. 1884, DP 1885. 1. 102.

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ce cas, les signataires postérieurs à l’altération sont tenus dans les termes du texte altéré et que les signataires antérieurs, donc le tireur, le sont dans les termes du texte originaire, même si le porteur est de bonne foi 1.

B. La capacité

100 Comme la lettre de change s’analyse en un acte de commerce par

la forme, le tireur doit avoir la capacité pour effectuer des actes de commerce ; il n’est pas nécessaire qu’il ait la qualité de commerçant. Ces règles de capacité sont très strictes 2. Elles s’appliquent à tout signataire d’une lettre de change qui souscrit une obligation de nature cambiaire. On considère que le commerce, fondé sur l’idée de spéculation, présente certains dangers. En conséquence, il convient de ne pas permettre la création de traites à des personnes inexpérimentées, comme les mineurs, à des personnes ne jouissant pas de toutes leurs facultés, comme les majeurs protégés ou à des personnes en état de dépendance, comme les consommateurs. 101 Le mineur. L’article L. 511-5 du Code de commerce indique que les lettres de change souscrites par des mineurs non négociants sont nulles. Un mineur, même émancipé, ne peut pas émettre une traite, même si désormais, l’article L. 121-2 du Code de commerce dispose que « le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal de grande instance s’il formule cette demande après avoir été émancipé » 3. Il est impossible de couvrir cette incapacité par une autorisation parentale. Le représentant du mineur a, sans doute, la possibilité de tirer l’effet pour le compte de l’incapable, même si pratiquement cette faculté sera extrêmement rare, car on ne voit pas trop quel pourrait être l’intérêt du mineur 4. 1 . Com. 11 janv. 1972, Bull. civ. IV, no 17 ; Com. 12 oct. 1993, JCP 1995. II. 22378, note Bazin. 2. Menjucq, « L’incapable majeur en droit des affaires », JCP N 1999. 836. 3. Sur l’aptitude du mineur à passer des actes de commerce, Piédelièvre, Actes de commerce, commerçants et fonds de commerce, 11e éd., no 58 ; sur la solution en matière de lettre de change, Roblot, no 97 ; Le Cannu, Granier et Routier no 383. 4. En ce sens, Gavalda et Stoufflet, no 26.

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On se trouve en présence d’une nullité de protection, donc d’une nullité relative qui pourra être invoquée uniquement par le mineur ou par son représentant légal. Cette nullité sera opposable au porteur de l’effet, même si celui-ci est de bonne foi 1. Mais en application du principe de l’indépendance des signatures cambiaires, l’article L. 511-5, alinéa 2, du Code de commerce indique que les autres signataires du titre demeurent tenus envers le porteur 2. Il est également possible d’invoquer à l’encontre du mineur les règles de l’enrichissement injuste, s’il a tiré un enrichissement du fait de sa signature sur l’effet. En tout état de cause, si le mineur commet un délit ou un quasi-délit lors de sa signature sur l’effet, il devra réparer le préjudice en résultant pour le porteur. La jurisprudence exige la démonstration que ce mineur a eu conscience de sa faute 3. 102 Le majeur protégé. Pour le majeur protégé, il est nécessaire de distinguer suivant le régime de protection. Mais même en l’absence d’un tel régime, l’engagement du tireur créant une lettre de change pourrait être annulé sur le fondement de l’article 414-1 du Code civil, s’il est prouvé que son consentement a été donné à un moment où il souffrait d’un trouble mental. L’article 473 du Code civil frappe le majeur en tutelle d’une incapacité générale. Il lui est donc impossible d’émettre une lettre de change. Le représentant du majeur pourrait aux mêmes conditions que celui du mineur tirer un effet pour le compte de l’incapable. Le majeur en curatelle a la faculté de souscrire une traite avec l’aide de son curateur 4. Puisqu’un majeur sous sauvegarde de justice n’est frappé d’aucune incapacité, il peut émettre une traite. Mais l’article 435 du Code civil permet la réduction des engagements qu’il a contractés en cas d’excès ou leur rescision pour lésion. 103 Le consommateur. L’article L. 314-21 du Code de la consommation indique que les dispositions de l’article L. 511-5 du Code de commerce sont applicables aux lettres de change et aux billets à ordre 1. 2. 3. 4.

Par ex. Com. 28 oct. 1969, Bull. civ. IV, no 318. Com. 21 déc. 1959, D. 1960. 262. Req. 15 nov. 1898 et 21 mars 1899, S. 1899. 1. 225, note Wahl. En ce sens par ex. Roblot, no 102.

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souscrits ou avalisés par les emprunteurs même majeurs à l’occasion des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier, au sens que leur donne ce Code. Le non-respect de cette disposition est sanctionné civilement par la nullité et pénalement. Le législateur a considéré que le système protecteur qu’il a instauré pourrait être facilement contourné par les règles cambiaires, notamment celle de l’inopposabilité des exceptions et celles interdisant les délais de grâce. Le consommateur est sur ce point assimilé par le législateur à un mineur donc à un incapable. La Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’appliquait aussi bien pour les effets souscrits (ou avalisés) lors de l’octroi du crédit que pour ceux qui le seraient postérieurement 1. À l’inverse, une directive européenne du 22 décembre 1986 sur la protection des consommateurs permet l’utilisation des lettres de change, même si elle autorise les États membres à prendre des mesures plus strictes, dans un but de protection, que celles contenues dans la directive.

C. Les pouvoirs

104 Il est très fréquent qu’un tireur souscrive une lettre de change

pour le compte d’autrui. L’hypothèse où une traite est émise par le représentant légal d’une personne morale en est l’illustration la plus importante. On applique ici les règles du mandat et pour cela on parle de tirage par mandataire. Le particularisme du droit cambiaire tient à ce qu’à côté de la représentation classique, il existe des hypothèses où le représentant, agissant pour le compte d’autrui, se présente comme le créateur du titre. On se trouve en présence d’un tirage pour compte. 105

Le tirage par mandataire. Le tirage par mandataire est fréquent en

pratique. Le droit cambiaire n’impose ici aucun formalisme strict. Il suffit que le mandataire fasse précéder sa signature d’une formule indiquant sans équivoque possible sa qualité. Les pouvoirs s’apprécient au jour de l’émission de la lettre de change. La juris-

1 . Civ 1re, 30 sept. 1997, RTD com. 1998. 181, obs. Cabrillac.

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prudence a parfois appliqué la théorie du mandat apparent 1. En cas d’émission d’une lettre de change par une personne morale, l’organe dirigeant doit préciser le titre auquel il agit. En vertu d’un usage bancaire, le banquier escompteur n’est pas tenu de vérifier l’étendue des pouvoirs des signataires 2. Pour les sociétés, les restrictions statutaires aux pouvoirs légaux des dirigeants sont inopposables aux tiers, sauf si ceux-ci ont eu une connaissance personnelle de ce dépassement de pouvoirs 3. En application des règles du mandat, le mandataire signataire ne sera pas tenu cambiairement, alors que le mandant assumera toutes les conséquences résultant de la lettre de change. L’article L. 511-5, alinéa 3, du Code de commerce prévoit que quiconque appose sa signature sur une lettre de change comme représentant d’une personne pour laquelle il n’avait pas le droit d’agir, est obligé lui-même en vertu de la lettre et, s’il a payé, il a les mêmes droits que le prétendu représenté. Il en est de même du représentant qui a dépassé ses pouvoirs. Cette disposition traite de la même manière l’absence de pouvoir et le dépassement de pouvoir. Le prétendu représentant sera obligé cambiairement 4 et à l’inverse le prétendu représenté ne le sera pas. 106 Le tirage pour compte. Par le tirage pour compte, le tireur, bien qu’agissant pour le compte d’autrui, se présente vis-à-vis des tiers comme le véritable créateur de la lettre de change, alors que le donneur d’ordre demeure dans l’ombre. Cette possibilité est prévue par l’article L. 511-2, alinéa 3, du Code de commerce. On se trouve en présence d’une forme de commission. Dans l’ordre juridique interne, ce procédé sert à cacher, pour des raisons commerciales ou autres, le nom du tireur réel, ou il est utilisé comme procédé de recouvrement et de mobilisation des créances commerciales. Les tiers à cette convention connaissent uniquement le tireur pour compte qui est en conséquence tenu envers eux comme l’est tout tireur. Aucune action de nature cambiaire ne peut être inten1. 2. 3. 4.

Par ex., Com. 11 oct. 1971, Bull. civ. IV, no 232 ; Com. 19 juin 1973, Bull. civ. IV, no 215. Com. 23 mai 1989, Banque 1989. 1086, obs. Rives-Lange. Com. 25 juin 1985, Rev. sociétés 1985. 829, note Daigre. Com. 19 mars 1958, RTD com. 1958. 580, obs. Becqué et Cabrillac.

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tée par eux contre le donneur d’ordre. Les règles du mandat s’appliquent aux relations entre le donneur d’ordre et le tireur pour compte. Leur convention est de nature extra-cambiaire 1. Ces règles s’appliquent également au rapport entre le donneur d’ordre et le tiré. L’article L. 511-7, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit qu’il appartient au donneur d’ordre de fournir la provision. En conséquence, le tiré pourrait se retourner contre le donneur d’ordre, s’il a payé sans avoir reçu la provision 2.

§ 2. La provision 107

Devant l’impossibilité de concilier les différents systèmes juridiques, l’article 16 de l’annexe II de la Convention de Genève a prévu que « la question de savoir si le tireur est obligé de fournir provision à l’échéance et si le porteur a des droits spéciaux sur cette provision reste en dehors de la loi uniforme. Il en est de même pour toute autre question concernant le rapport sur la base duquel a été émise la traite ». Selon l’article L. 511-7, alinéa 2, du Code de commerce, « il y a provision si, à l’échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est fournie est redevable au tireur, ou à celui pour le compte de qui elle est tirée, d’une somme au moins égale au montant de la lettre de change ». Cette provision apparaît comme un des aspects du principe initial de la lettre de change. Comme le tireur est créancier, il donne l’ordre à son débiteur, le tiré, de payer 3. Il bénéficie donc d’une créance de somme d’argent. Il est nécessaire d’envisager les caractéristiques (A) et la preuve (B) de cette provision, avant de voir la question des effets de complaisance (C).

A. Les caractéristiques de la provision 108 La provision, selon l’article L. 511-7, alinéa 1er, du Code de com-

merce, doit être faite par le tireur ou par celui pour le compte de 1 . Com. 19 févr. 1968, JCP 1969. II. 15730, note Lescot. 2. Sur la possibilité pour le tiré d’opposer au donneur d’ordre devenu porteur l’absence ou l’insuffisance de la provision, Com. 29 nov. 1994, Bull. civ. IV, no 353 ; RTD com. 1995. 173, obs. Cabrillac. 3. V. Marty, « Le rapport de la créance fondamentale et du titre avec la provision de la lettre de change », RTD com. 1978. 307.

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qui la lettre de change sera tirée. Le tireur qui n’a pas constitué la provision engage sa responsabilité envers le tiré, lorsque ce dernier se voit réclamer le paiement par un porteur 1. Elle s’analyse comme une créance du tireur contre le tiré, que celle-ci soit civile ou commerciale. Cette caractéristique résulte de l’article L. 511-7, alinéa 2, de ce même code. Cette créance prend obligatoirement la forme d’une somme d’argent. La jurisprudence définit la provision comme une créance éventuelle d’un tireur contre un tiré, susceptible d’exister à l’échéance 2. La provision résulte le plus souvent d’opérations commerciales courantes, comme des ventes ou des prestations de service. Elle résulte également d’un prêt, non soumis aux règles du droit de la consommation, octroyé par le tireur au tiré, d’une ouverture de crédit consenti par un banquier ou du solde du compte courant d’un tireur, le client auprès du tiré, le banquier 3. Elle permet également la création des effets dits « de cautionnement » 4. Un tiré accepte une lettre de change afin qu’un tireur porteur consente un crédit à un tiers. Cette provision doit avoir une cause licite même si cette notion a disparu 5. Toutefois, l’annulation de la provision pour illicéité ou immoralité n’entraîne pas la nullité de la lettre de change. Il est, en effet, nécessaire de tenir compte de la règle de l’inopposabilité des exceptions, en vertu de laquelle le porteur de bonne foi obtiendra le paiement de l’effet. 109 La caractéristique essentielle de la provision tient à ce que, contrairement à la solution admise pour le chèque, son existence n’est pas requise lors de l’émission de l’effet, mais seulement au jour de son paiement. Cette différence se justifie par le fait que le chèque est un instrument de paiement, alors que la lettre de change est principalement un instrument de crédit. Elle doit être d’un montant au moins égal au montant de l’effet 6. Lorsque la 1 . Le Cannu, Granier et Routier no 419. 2. Com. 29 janv. 1974, Bull. civ. IV, no 37. 3. Sur la distinction à opérer suivant qu’à l’échéance de l’effet le compte permet ou non de constituer la provision, Devèze et Pétel, no 193. 4. La jurisprudence a validé ces effets, Com. 12 nov. 1973, RTD com. 1974. 306, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 5. V. de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 118. 6. Com. 23 févr. 1983, Bull. civ. IV, no 79.

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dette du tiré est d’un montant inférieur à celui de l’effet, la jurisprudence considère qu’il n’y a pas provision 1, même si elle accorde au porteur de la traite un droit exclusif sur cette provision 2. Des difficultés apparaissent en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde des entreprises, si la provision est fournie pendant la période suspecte pour une traite émise antérieurement 3. Sa constitution encourra la nullité prévue par l’article L. 632-1-6o du Code de commerce. 110

La provision doit être certaine au jour du paiement de la lettre de change. Mais comme la provision est considérée comme une garantie de paiement, la jurisprudence n’exige pas que la créance soit liquide et exigible 4. Il en résulte que la provision ne doit pas avoir disparu entre le jour de l’émission de la traite et le jour de son échéance 5. La provision peut être affectée d’un terme ou d’une modalité 6. Il est possible que soit stipulée une affectation spéciale de provision. Cette situation se présente, lorsqu’un tireur est créancier à plusieurs titres d’un tiré. Il a la faculté d’indiquer sur la traite ou par acte séparé la créance constituant la provision de la lettre de change 7.

B. La preuve de la provision 111

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

Les règles de preuve revêtent une grande importance, compte tenu du rôle que le droit français accorde à la provision. Elles diffèrent suivant que la lettre de change a fait ou non l’objet d’une acception. Pour le moment, on envisagera uniquement l’hypothèse où la traite n’a pas été acceptée. Il est nécessaire d’étudier tour à tour la charge de la preuve et les modes de preuve pouvant être utilisés.

Com. 23 févr. 1983, préc. Civ. 18 janv. 1937, S. 1937. 1. 89, note Rousseau. Sur cette question, v. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1975. Com. 24 mars 1969, Bull. civ. IV, no 110 ; Com. 27 oct. 1992, Bull. civ. IV, no 324. Com. 28 juin 1983, Bull. civ. IV, no 191 ; RTD com. 1984. 115, obs. Cabrillac et Teyssié. Com. 20 mars 1984, RTD com. 1984. 697, obs. Cabrillac et Teyssié. Chambéry, 17 mai 1977, RTD com. 1977. 743, obs. Cabrillac et Teyssié.

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La lettre de change

En application de l’article 1353 du Code civil, il appartient à celui qui invoque la provision d’en rapporter la preuve 1. L’article L. 511-49, alinéa 2, du Code de commerce en fournit une illustration en indiquant que, pour écarter le recours d’un porteur négligent, le tireur doit établir qu’il a constitué la provision. De même, la jurisprudence a indiqué que tout porteur doit prouver l’existence de la provision, s’il agit contre le tiré 2. Selon certains, « la portée de ce fardeau ne doit pas être exagérée » 3. La jurisprudence se monterait assez souple et elle se contenterait du fait que celui qui invoque la provision établisse des éléments la rendant vraisemblable. Ainsi par exemple, a-t-elle admis qu’un porteur établisse que des marchandises ont été livrées 4. 112

Les modes de preuve sont ceux du droit commun, puisque la provision est une créance extérieure au titre. Si la créance est de nature civile, les règles prévues par les articles 1363 et suivants du Code civil s’appliqueront. Si elle est commerciale et si elle est souscrite par des commerçants, la preuve sera libre en application de l’article L. 110-3 du Code de commerce. En tout état de cause, la preuve est libre, lorsque la contestation porte uniquement sur les conditions d’exécution de cette créance 5.

C. Les effets de complaisance 113

Pris dans un sens large, l’effet de complaisance se définit comme la création par un tireur avec l’accord d’un tiré d’une lettre de change dont les parties savent, dès l’apparition du titre, que la provision fera défaut. Le tiré s’est donc engagé alors qu’il ne devait rien au tireur 6. Avant d’envisager le régime juridique des effets de complaisance, il est nécessaire de les définir.

1 . Le Cannu, Granier et Routier no 423 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 121 ; Gavalda et Stoufflet, no 85 ; Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1978. 2. Par ex., Com. 5 nov. 1956, Bull. civ. III, no 234. 3. Devèze et Pétel, no 196. 4. Com. 16 juin 1987, RD bancaire et bourse 1988. 152, obs. Crédot et Gérard. 5. Com. 5 nov. 1956, préc. 6. Madray, « Des effets dits de complaisance », Rev. crit. législ. et jur. 1935. 496 ; Massart, « Les effets de complaisance en question », LPA 18 juin 1991, p. 27.

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La création de la lettre de change

La définition des effets de complaisance. Il est classique de dissocier

les bons effets de complaisance, des mauvais effets de complaisance 1. La différence entre ces deux catégories tiendrait au fait que, par un bon effet de complaisance, le tireur et le tiré ne cherchent pas à nuire aux tiers, alors que, par un mauvais effet de complaisance, ils cherchent à tromper des tiers, le plus souvent un banquier escompteur. Mais, il est préférable de qualifier d’effets de complaisance uniquement ceux destinés à duper les tiers 2, même s’il est parfois difficile en pratique de savoir si tel est le cas 3. Le but d’un effet de complaisance consiste à permettre à un tireur, encore dénommé complu, connaissant des difficultés financières d’obtenir d’un banquier un crédit qu’il n’aurait normalement jamais obtenu, avec la complicité d’un tiré, encore appelé complaisant. Ces effets prennent deux formes principales. 115 La première est appelée effets de cavalerie 4. Le tireur va obtenir d’une tierce personne qu’elle s’engage en tant que tiré accepteur. Celle-ci acceptera la souscription de la traite, en raison de rapports le plus souvent de famille et d’affaires, et parce que le tireur lui a promis que la lettre de change ne lui serait pas présentée à l’échéance. Théoriquement, le tiré complaisant n’aura donc pas à payer l’effet. La seconde concerne les effets dits « croisés ». En ce cas, deux lettres de change identiques vont être émises. Le tireur de la première lettre sera le tiré de la seconde et le tiré de la première sera le tireur de la seconde. L’opération permet à chacun des intervenants d’obtenir du crédit par le mécanisme de l’escompte. Là encore, il n’existe aucune opération réelle entre ces personnes. La situation est dangereuse en raison de la fausse apparence d’activité ainsi créée chez le tireur, en réalité en difficultés. Il continue ainsi son activité professionnelle, alors qu’en fait il est 1 . Par ex., Putman, no 72 et 73 ; Chaput et Schödermeier, no 101 et 102. 2. En ce sens, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1980 ; Devèze et Pétel, no 180 ; Gavalda et Stoufflet, no 35. 3. Sur les difficultés de distinction, v. Bonhomme, no 132, note 39 et sur les différents indices permettant la détection d’effets de complaisance, Devèze et Pétel, no 181. 4. Hamel, « Comment défendre l’escompte contre la cavalerie », DH 1933. 85.

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dans une situation proche de la cessation des paiements. Ces effets de complaisance permettent une survie artificielle de l’entreprise, conduisant à une aggravation de la situation de ses partenaires. De plus, les chances de paiement du porteur de la traite, le plus souvent un banquier escompteur, sont relativement faibles. 116 En revanche, on ne peut pas qualifier d’effets de complaisance les hypothèses dans lesquelles un tiré, par sa signature, accorde un crédit au tireur. Le procédé est cette fois régulier, car leur but ne consiste pas à tromper des tiers. Là encore, ce résultat sera obtenu par une acceptation de la lettre de change. Pratiquement sont concernés les effets dits « d’ouverture de crédit », ceux dits « de cautionnement » et ceux dits « de renouvellement ». La première catégorie permet à un tiré accepteur d’opérer une ouverture de crédit au profit de son client le tireur 1. La deuxième catégorie permet au tireur d’obtenir du crédit auprès d’un banquier, en lui fournissant une garantie particulièrement efficace 2, celle du tiré accepteur qui joue un rôle de caution. La troisième catégorie permet une mobilisation d’une créance à long terme. Cette technique permet également le refinancement d’un banquier mobilisateur 3. En représentation de cette créance, on émet une lettre de change à court terme, en général trois mois. Il est initialement prévu que cette lettre ne sera pas payée à l’échéance, mais qu’elle sera remplacée par une nouvelle traite, également payable à trois mois. Ce procédé est parfois risqué, car il est impossible d’opposer à un porteur de bonne foi le fait que la lettre de change créée est un effet de renouvellement 4. L’opération peut se renouveler plusieurs fois. 117 Le régime juridique des effets de complaisance. En théorie, la création d’effets de complaisance est pénalement sanctionnée, car elle peut être constitutive d’une escroquerie 5. Mais pratiquement, en plus de la preuve du caractère mensonger de la lettre de change, l’infraction suppose la démonstration de circonstances précises et 1. 2. 3. 4. 5.

Req. 17 nov. 1909, DP 1912. 1. 281, note Lacour. Req. 12 mars 1928, S. 1928. 1. 361, note Lescot. Gavalda et Stoufflet, no 35. Com. 14 mars 1989, RD bancaire et bourse 1989. 209, obs. Crédot et Gérard. V. Crim. 28 janv. 1959, Bull. crim. no 72.

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extérieures 1, rendant assez rare les poursuites du chef de cette infraction. Si l’émission d’effets de complaisance a eu pour conséquence de retarder l’ouverture d’une procédure de sauvegarde des entreprises, le tireur s’exposera à l’application des règles de la banqueroute, en application de l’article L. 654-2-1o de ce même code 2. Le tiré et le banquier qui a escompté de tels effets en connaissance de cause peuvent être poursuivis comme complice 3. Il faut désormais s’attacher à la valeur de ces effets de complaisance. Classiquement et en dehors de tout support textuel, la doctrine majoritaire 4 et la jurisprudence 5 considèrent que ces effets sont nuls. Ils auraient une cause illicite, car elle serait contraire à l’ordre public. Avec la disparition de cette notion, la nullité sera fondée sur l’article 6 du Code civil. Pourtant, certains indiquent que, depuis la Convention de Genève, les effets de complaisance sont valables en raison de leur régularité formelle 6, ce qui semble être la meilleure explication, parce que la provision n’est pas une condition de validité d’une lettre de change 7. En réalité, ces positions ne sont pas aussi inconciliables qu’il y paraît au premier abord. Elles démontrent qu’il est nécessaire de dissocier les conséquences d’un tel effet dans les rapports entre le tireur et le tiré ou vis-à-vis d’un tiers porteur de bonne foi. 118

Dans les rapports entre le tireur et le tiré, l’obligation cambiaire ne produit aucun effet 8. En conséquence, le tiré a la faculté de refuser d’exécuter l’engagement qu’il a souscrit. Cette situation apparaît principalement dans l’hypothèse où le tireur est, au jour de l’échéance de la traite, le porteur. Mais si le tiré a payé un tiers porteur de bonne foi, il bénéficie d’un recours contre le tireur.

1 . Crim. 20 juin 1983, RTD com. 1984. 124, obs. Cabrillac et Teyssié ; Crim. 19 sept. 1994, Bull. Joly 1994. 1309, note Barbieri ; cf. également Dekeuwer, « La mobilisation des créances fictives à l’épreuve des qualifications pénales de faux et d’escroquerie », JCP E 1995. I. 451. 2. Par ex., Crim. 6 déc. 1993, Bull. crim. no 370. 3. Paris, 30 juin 1983, RTD com. 1984. 115, obs. Cabrillac et Teyssié. 4. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1982 ; Gavalda et Stoufflet, no 36 ; Hamel, Lagarde et Jauffret, no 1798 ; Putman, no 38. 5. Civ. 16 juill. 1928, S. 1929. 1. 57, note Lescot ; Com. 28 févr. 1964, Bull. civ. III, no 453. 6. Le Cannu, Granier et Routier, no 422. 7 . De Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 134. 8. Gavalda et Stoufflet, no 36 ; Devèze et Pétel, no 184.

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La lettre de change

On considère aujourd’hui que ce recours est fondé sur l’enrichissement injuste 1, ce qui le rendra souvent illusoire. À l’égard d’un tiers de bonne foi, l’effet de complaisance produit les effets normaux de toute lettre de change. Tous les signataires, qu’il s’agisse du tireur, du tiré, d’un endosseur précédent ou d’un donneur d’aval, sont tenus envers lui 2. Cette solution est fondée sur la règle de l’inopposabilité des exceptions et sur l’apparente régularité du titre émis. La bonne foi du tiers est présumée, conformément aux règles du droit commun. Il sera considéré comme étant de mauvaise foi, lorsqu’il aura connaissance du caractère complaisant de la lettre de change 3. La situation du banquier escompteur est souvent assez ambiguë à cet égard. Comme on l’a fait remarquer, « il arrive fréquemment que le banquier ne veuille pas interrompre brutalement le mécanisme de « cavalerie » dont il est victime, et accepte, en pleine connaissance de cause, d’escompter des effets de complaisance » 4. La convention d’escompte est alors nulle. Cependant, la jurisprudence lui reconnaît une action en répétition des sommes versées 5.

§ 3. L'acceptation du tiré 119

1. 2. 3. no 4. 5. 6.

L’acceptation se définit comme un engagement souscrit par le tiré de payer le montant de la lettre de change à l’échéance. Elle fait naître contre le tiré un engagement cambiaire, indépendant de toute idée de provision 6. Le porteur aura face à lui un nouveau débiteur principal ; sa garantie de paiement sera augmentée. À l’heure actuelle, malgré de nombreux avantages, la plupart des lettres de change ne sont pas présentées à l’acceptation, compte tenu du formalisme et du coût de cette opération. De nombreuses entreprises refusent systématiquement d’accepter les traites.

Nancy, 14 mars 1952, JCP 1952. II. 7233, note Toujas. Req. 10 mars 1915, S. 1916. 1. 5, note Lyon-Caen ; Civ. 16 juill. 1928, S. 1929. 1. 57, note Lescot. Com. 11 mars 1959, RTD com. 1959. 908, obs. Becqué et Cabrillac ; Com. 21 juin 1977, Bull. civ. IV, 177 ; D. 1978. 113, note Lucas de Leyssac ; RTD com. 1977. 744, obs. Cabrillac et Rives-Lange. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 494. Com. 21 juin 1977, préc. Com. 13 mai 1996, Bull. civ. IV, no 88.

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La création de la lettre de change

Il appartient au porteur qui désire obtenir une acceptation du tiré de présenter l’effet à ce dernier. La présentation à l’acceptation a, en principe, un caractère facultatif pour le porteur de la traite 1. Cependant, l’article L. 511-15, alinéa 2, du Code de commerce indique que, dans toute lettre de change, le tireur peut stipuler qu’elle devra être présentée à l’acceptation. L’alinéa 5 de cette même disposition prévoit que tout endosseur a également la possibilité d’effectuer une telle stipulation, sauf si elle a été déclarée non acceptable par le tireur. Le porteur qui ne satisferait pas à cette obligation de présentation serait considéré comme négligent et il perdrait ses recours cambiaires 2. La présentation à l’acceptation peut être interdite par une clause dite « non acceptable », on parle alors de traite pro forma. Il est nécessaire de commencer par envisager les manifestations de l’acceptation (A), puis ses effets (B) avant de voir les conséquences d’un défaut d’acceptation (C).

A. Les manifestations de l'acceptation 120 L’acceptation aggrave la situation du tiré. Pour cela, elle a le plus

souvent un caractère facultatif 3. Ce principe comporte deux exceptions. Conventionnellement, le tiré a la possibilité de promettre d’accepter toutes les lettres de change qui seront tirées sur lui. Un refus d’acceptation de sa part serait sanctionné par les règles du droit commun de la responsabilité contractuelle 4. L’article L. 511-15, alinéa 9, du Code de commerce prévoit que, lorsque la lettre de change est créée en exécution d’un contrat, passé entre commerçants, relatif à des fournitures de marchandises et que le tireur a satisfait à ses obligations, le tiré est tenu d’accepter la traite à l’expiration d’un délai conforme aux usages commerciaux. Le refus d’acceptation est sanctionné par la déchéance du terme stipulé pour le paiement du prix.

1 . Com. 1er févr. 1977, Bull. civ. IV, no 35 ; RTD com. 1977. 332, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. V. Nguyen Xuan Chanh, « La déchéance des droits du porteur de la lettre de change pour inexécution de ses obligations au regard de la présentation de l’effet à l’acceptation », D. 1979. 77. 3. Req. 18 juill. 1904, DP 1905. 1. 457. 4. Chanteux-Bui, « Le refus d’accepter une lettre de change », RTD com. 1978. 707, spéc. 724 s.

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La lettre de change

L’article L. 511-15, alinéa 1er, du Code de commerce indique que la lettre de change peut être présentée à l’acceptation jusqu’à l’échéance, au domicile du tiré, par le porteur, ou par un simple détenteur. L’article L. 511-16, alinéa 2, de ce même code précise que le porteur de l’effet n’est pas obligé de s’en dessaisir. Le plus souvent, la présentation est adressée au tiré par la voie postale. Le tiré sera déclaré responsable, aux conditions du droit commun, s’il ne renvoie pas l’effet 1 ou s’il le renvoie tardivement 2. L’alinéa 1er de l’article L. 511-16 prévoit que le tiré peut demander qu’une seconde présentation lui soit faite le lendemain de la première, lui permettant ainsi d’obtenir un délai de réflexion. L’acceptation est soumise à certaines conditions (1), elle présente un caractère irrévocable (2) et elle peut être effectuée par intervention (3). 1. Les conditions de l’acceptation

L’acceptation est soumise à des conditions de fond et à des conditions de forme. 122 Les conditions de fond de l’acceptation. En tant qu’acte juridique, l’acceptation est soumise aux règles du droit commun des actes juridiques. Étant aussi un engagement cambiaire, elle est également régie par les règles gouvernant cette matière, notamment celles relatives aux pouvoirs et à la capacité. L’article L. 511-17, alinéa 3, du Code de commerce dispose que « l’acceptation est pure et simple ; mais le tiré peut la restreindre à une partie de la somme ». L’alinéa 4 de l’article L. 511-17 indique que toute autre modification apportée par l’acceptation aux énonciations de la lettre de change équivaut à un refus d’acceptation. L’article L. 511-18, alinéa 2, de ce même code prévoit cependant que, si la lettre est payable au domicile du tiré, celui-ci peut, dans l’acceptation, indiquer une adresse du même lieu où le paiement doit être effectué. En tout état de cause, l’accepteur est tenu dans les termes de son acceptation. Cette solution vise aussi bien l’acceptation conditionnelle que celle avec réserves 3. 121

1 . Com. 12 févr. 1974, JCP 1975. II. 17961, note Cabrillac. 2. Com. 12 mai 1976, Bull. civ. IV, no 164. 3. Com. 18 janv. 1955, D. 1955. 188, note Goré ; JCP 1955. II. 8602, note Lescot.

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La création de la lettre de change

Le Code de commerce prohibe donc l’acceptation conditionnelle. Peu importe qu’il s’agisse d’une acceptation donnée sous condition résolutoire ou suspensive ou d’une acceptation comportant des réserves. Ces acceptations sont traitées comme des défauts d’acceptation. Mais il autorise les acceptations partielles. La règle se justifie aisément. Il est possible qu’il ait seulement reçu une provision partielle ou que sa dette soit partiellement éteinte 1. 123 Les conditions de forme de l’acceptation. L’article L. 511-17, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que l’acceptation est écrite sur la lettre de change. Elle s’exprime par le mot accepté ou par tout autre mot équivalent. Elle est signée par le tiré. La simple signature du tiré apposée au recto du titre vaut acceptation 2. La loi du 16 juin 1966 permettant la signature à la griffe ne vise pas la signature du tiré. Elle doit donc toujours être manuscrite 3. L’acceptation n’a pas, en principe, à être datée. Par exception, la date devra être mentionnée, si la lettre de change est payable à un certain délai de vue ou s’il a été stipulé une clause d’acceptation dans un délai déterminé. L’acceptation ne peut pas être donnée par acte séparé. Pour la jurisprudence, une telle acceptation serait dépourvue de tout effet cambiaire ; elle constituerait seulement une promesse de paiement qui oblige l’accepteur selon les règles du droit commun 4. 2. Le caractère irrévocable de l’acceptation

124 L’acceptation présente un caractère irrévocable. « Cet engagement

perdrait sa valeur de garantie si le tiré pouvait se dédire » 5. À partir du moment où le tiré s’est dessaisi du titre, l’acceptation est devenue définitive. La jurisprudence a ainsi décidé qu’un tiré ne pouvait pas se rétracter téléphoniquement auprès d’un banquier, même si l’effet n’est pas encore parvenu entre les mains du porteur 6. 1 . Gavalda et Stoufflet, no 72. 2. Il importe peu que la signature du tiré accepteur figure en dehors du cadre préimprimé, Com. 3 mai 2006, JCP 2006. IV. 2183. 3. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1992. 4. Com. 22 févr. 1954, RTD com. 1954. 367, obs. Becqué et Cabrillac. 5. Putman, no 48. 6. Com. 2 juill. 1969, JCP 1970. II. 16427, note Langlois ; RTD com. 1969. 1051, obs. Cabrillac et Rives-Lange.

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La lettre de change

Mais en cas de signature par erreur du tiré, l’article L. 511-20 du Code de commerce lui permet de biffer l’acceptation avant la restitution de l’effet. En ce cas, l’acceptation est censée être refusée. Pour éviter les difficultés probatoires, ce même article indique que, sauf preuve contraire, la radiation est réputée avoir été faite avant la restitution du titre. Selon l’alinéa 2 de l’article L. 511-20, si le tiré a fait connaître, avant la remise du titre d’abord accepté puis biffé, son acceptation par écrit au porteur ou à un signataire quelconque, il est tenu envers ceux-ci dans les termes de son acceptation. 3. L’acceptation par intervention 125

Réglementée par l’article L. 511-66 du Code de commerce, l’acceptation par intervention est aujourd’hui très peu pratiquée. Son but est de permettre à un tiers, même s’il est par ailleurs signataire de la lettre de change, d’accepter la traite par intervention au lieu et place du tiré. Les conséquences du refus d’acceptation seront ainsi évitées. Faute de précision, elle est réputée donnée par le tireur. L’acceptation par intervention interdit au porteur d’exercer un recours immédiat contre le bénéficiaire de son intervention et les signataires subséquents. L’accepteur par intervention est obligé envers le porteur et envers les endosseurs postérieurs à celui pour le compte duquel il est intervenu, de la même manière que celui-ci.

B. Les effets de l'acceptation

126 L’article L. 511-19 du Code de commerce dispose que « par l’accep-

tation, le tiré s’engage à payer la lettre de change à l’échéance ». Le porteur est en droit d’agir directement contre lui, sans avoir à prouver l’existence de la provision 1. Il devient débiteur principal de la traite. L’acceptation ne s’analyse pas en un paiement, car l’engagement fondamental survit 2. L’obligation cambiaire du tiré accepteur présente plusieurs caractéristiques. D’abord en vertu de l’article L. 511-44, alinéa 1er, 1 . V. Com. 13 mai 1986, Bull. civ. IV, no 88 ; Banque 1987. 306, obs. Rives-Lange. 2. Com. 16 juin 1981, Bull. civ. IV, no 275 ; D. 1982. IR 174, obs. Cabrillac.

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La création de la lettre de change

du Code de commerce, le tiré sera solidairement tenu avec les autres signataires. Par le mécanisme de quasi-solidarité, il prend la place du tireur à l’égard du porteur 1. En application des articles 873, alinéa 2, et 1405 du Code de procédure civile, il pourrait être judiciairement condamné à verser une provision ou se voir appliquer une procédure d’injonction de payer. L’article L. 511-2 du Code des procédures civiles d’exécution permet que des mesures conservatoires soient prises à son encontre, en dehors de toute autorisation judiciaire. Ensuite, il sera obligé commercialement, même s’il n’est pas commerçant et même si la dette, dont il était tenu, n’était pas commerciale 2. Enfin, il sera soumis aux rigueurs d’exécution cambiaire. 127 Mais l’acceptation produit également deux autres conséquences importantes, l’une relative à la provision et l’autre relative à la purge des exceptions. Selon les alinéas 4 et 5 de l’article L. 511-7 du Code de commerce, l’acceptation suppose la provision. Elle en établit la preuve à l’égard des endosseurs. Ces alinéas semblent limiter cette présomption aux relations entre le tiré accepteur et les endosseurs. Elle consolide donc les droits du porteur sur la provision. Mais la jurisprudence étend cette présomption aux relations entre le tiré accepteur et le tireur demeuré porteur 3. La force de cette présomption a posé certaines difficultés. Dans les rapports entre le tireur et le tiré, la présomption a toujours été réputée simple, permettant au tiré de prouver qu’il n’a pas reçu provision 4. Dans les relations entre le porteur et le tiré accepteur, la jurisprudence a commencé par affirmer le caractère irréfragable de la présomption 5. Mais actuellement, il est admis que la présomption est simple 6. 128 L’acceptation opère également une purge des exceptions. Le tiré accepteur étant tenu, aux termes de l’article L. 511-19, alinéa 1er, 1 . Civ. 28 déc. 1927, S. 1928. 1. 121, note Lyon-Caen ; DP 1929. 1. 13, note Chéron. 2. Com. 5 déc. 1949, JCP 1950. II. 5829, note Larguier. 3. Par ex., Com. 24 oct. 1977, Bull. civ. IV, no 241. 4. Com. 4 juill. 1966, JCP 1967. II. 15037, note Lescot ; Com. 1er avr. 1981, Bull. civ. IV, no 174. 5. Req. 13 févr. 1928, DP 1929. 1. 13, note Chéron. 6. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2000 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 424 ; Gavalda et Stoufflet, no 85 ; Devèze et Pétel, no 197 ; Chaput et Schödermeier, no 95.

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La lettre de change

du Code de commerce, d’un engagement direct, il ne peut opposer au porteur les exceptions qu’il pouvait opposer au tireur ou à l’endosseur, sauf si le porteur, en acquérant la lettre, a agi sciemment à son détriment, pour reprendre la formule de l’article L. 511-12. Mais cette purge des exceptions ne s’applique pas aux relations entre le tireur porteur et le tiré accepteur 1.

C. Le refus d'acceptation

129 Le tiré est rarement tenu d’accepter une lettre de change. Il a donc,

en principe, la faculté de refuser d’accepter 2. Ce refus peut être explicite. Il résulte d’un acte du tiré manifestant sans équivoque sa volonté. Mais il revêt aussi parfois un caractère implicite. Il découlera alors du comportement du tiré. Ce refus tient aussi à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde des entreprises à l’encontre du tiré. L’article L. 511-39 du Code de commerce prévoit que le défaut d’acceptation doit être constaté par un « protêt faute d’acceptation ». Il s’agit d’un acte authentique dressé par un officier ministériel, le plus souvent un huissier. Il doit respecter un certain nombre de règles de forme, prévues par l’article L. 511-52, alinéa 1er, et L. 511-53 du Code de commerce. La lettre de change peut contenir une clause de dispense de protêt 3 qui se matérialise souvent par les formules sans frais, retours sans frais ou sans protêt. Le porteur doit, selon l’article L. 511-42, alinéa 1er, donner avis du défaut d’acceptation à son endosseur dans les quatre jours ouvrables suivant le jour du protêt ou celui de la présentation en cas de clause de retour sans frais. L’endosseur devra à son tour transmettre l’avis à son propre endosseur dans les deux jours ouvrables suivant le jour où il a reçu l’avis. On remonte ainsi jusqu’au tireur. Le non-respect de ces obligations est sanctionné 1 . Req. 13 et 26 mai 1942, JCP 1942. II. 1935, note Lescot ; D. 1943. 86, note Chéron ; Com. 22 mai 1991, Bull. civ. IV, no 170. 2. Cf. Chanteux-Bui, « Le refus d’accepter une lettre de change », RTD com. 1978. 707 ; également Vasseur, « Réflexions sur le régime juridique du porteur de traites non acceptées », D. 1985. 199. 3. Sur les effets de cette clause, lorsqu’elle est insérée par le porteur ou lorsqu’elle est insérée par un endosseur ou un avaliseur, de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 176.

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La création de la lettre de change

par des dommages-intérêts, sans qu’ils puissent excéder le montant de la traite. 130 Le tiré refusant d’accepter une lettre de change ne sera pas tenu par la traite. Le dernier alinéa de l’article L. 511-15 du Code de commerce rend immédiatement exigible la créance du tireur contre le tiré, tout en laissant subsister l’échéance de l’effet 1. Mais s’il a reçu provision, il la devra au porteur de la traite, si celui-ci en démontre l’existence. Le protêt faute d’acceptation permet au porteur d’exercer un recours contre les garants de la lettre de change. Aucun ordre n’est imposé dans l’exercice de ce recours. Mais il a également la faculté d’attendre l’échéance et ce protêt faute d’acceptation le dispensera de la présentation pour le paiement et du protêt faute de paiement. Le montant du recours comporte la somme indiquée par l’effet, les intérêts s’ils en avaient été stipulés et les frais. En cas de paiement avant l’échéance, l’article L. 511-45, alinéa 2, de ce même code prévoit que déduction sera faite d’un escompte sur le montant de la traite.

1 . Com 1er févr. 1977, Bull. civ. IV, no 35 ; RTD com. 1977. 332, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; Com. 4 déc. 1979, Gaz. Pal. 1980. 1. 371, note Dupichot.

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SYNTHÈSE

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La lettre de change

La création d’une lettre de change est due à l’existence d’un rapport fondamental, c’est-à-dire d’une dette du tiré à l’encontre du tireur. Conditions de forme

La création d’une traite se caractérise par l’existence d’un formalisme important qui résulte en grande partie de son caractère abstrait : en vertu de l’article L. 511-1 du Code de commerce, le titre doit comporter huit mentions obligatoires. Certaines sont relatives au paiement, alors que d’autres concernent les différentes parties à l’opération. Si l’une de ces mentions fait défaut, le titre ne vaut pas comme lettre de change. Toutefois, la jurisprudence admet certaines possibilités de régularisation par le porteur : celles-ci sont en principe possibles jusqu’au jour de la présentation au paiement, mais, elle a actuellement tendance à restreindre les hypothèses de régularisation, en considérant les mentions omises comme essentielles. Conditions de fond

Étant un acte juridique, la lettre de change est soumise aux conditions du droit commun des actes juridiques. Lors de sa création, seule la volonté du tireur intervient. Il doit donner son consentement, avoir la capacité pour faire des actes de commerce, puisque la traite est un acte de commerce par la forme, et avoir des pouvoirs suffisants, lorsqu’il souscrit l’effet pour le compte d’autrui. La lettre de change présente également un certain particularisme : sa création résulte de l’existence d’un rapport dénommé provision parfois reconnu par le tiré par une acceptation.

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Provision

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La création de la lettre de change

Selon l’article L. 511-7 du Code de commerce, la provision doit être faite par le tireur ou par celui pour le compte de qui la lettre de change sera tirée. Elle s’analyse comme une créance du tireur contre le tiré. Comme ce tireur est créancier, il donne ordre à son débiteur le tiré de payer. La provision se caractérise par le fait qu’elle doit seulement exister au jour du paiement. Si elle fait défaut, on se trouve alors en présence d’effets de complaisance. Sa preuve diffère suivant que la lettre de change a fait ou non l’objet d’une acceptation. Acceptation

Par l’acceptation, le tiré prend l’engagement de payer le montant de la lettre de change à l’échéance. Il souscrit ainsi un engagement de nature cambiaire qui renforce la garantie de paiement du titre. Le porteur bénéficiaire de la traite aura face à lui un nouveau débiteur principal. Mais le tiré n’est qu’exceptionnellement tenu d’accepter une lettre de change ; il a donc la faculté de refuser de l’accepter.

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C HAPITRE 2

La circulation de la lettre de change 131

Instrument de crédit et de paiement, la lettre de change joue un rôle de monnaie. Cette fonction nécessite que la traite puisse facilement circuler et qu’elle offre au porteur une grande sécurité. Elle présente un caractère de créance et elle se caractérise par une idée essentielle, la négociabilité. Dans le droit commun, la cession de créance, pour produire ses pleins effets, était soumise à l’article 1690 du Code civil. Aux termes de cette disposition, « le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur ». Son alinéa 2 ajoutait que « néanmoins le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ». Le débiteur cédé devait être solennellement averti de la cession de la créance dont il est tenu, sans avoir cependant à donner son consentement à une telle opération. Cette nécessité d’une information s’expliquait juridiquement par le principe de l’effet relatif des conventions. Elle tenait également au besoin pour le débiteur de savoir qui est son créancier. La solution est légèrement modifiée depuis la réforme du droit des contrats et des obligations. L’article 1323 du Code civil dispose désormais que le transfert de la créance s’opère à la date de l’acte.

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La lettre de change

Il est opposable aux tiers dès ce moment. Toutefois, l’article 1324 ajoute que la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. La lourdeur de ce formalisme imposé par l’article 1690 du Code civil est apparue depuis longtemps inadaptée en droit commercial où les règles de forme ont un rôle spécifique, pour répondre aux impératifs de simplicité et de rapidité nécessaires à cette matière 1. Aussi le droit commercial a-t-il prévu des formes simplifiées de cessions de créances et produisant des effets supérieurs à celles de droit commun, puisqu’elles sont généralement régies par la règle de l’inopposabilité des exceptions. 132

La négociabilité répond à ces impératifs du commerce. On définit les titres négociables, comme ceux transmissibles « selon l’une des techniques du droit commercial qui dépend elle-même de la forme du titre : endossement pour un titre à ordre, tradition pour un titre au porteur vif, virement pour un titre scriptural (nominatif ou au porteur) » 2. Les titres au porteur ne mentionnent pas le nom du titulaire du droit correspondant, mais un numéro d’ordre et la mention qu’ils seront payables à leur porteur. Le transfert de droit s’opère par la remise matérielle du titre. Les titres nominatifs portent le nom du créancier. L’organisme émetteur conserve un registre spécial sur lequel sont inscrits les noms des différents titulaires des droits. Le transfert de ces titres s’effectue entre les parties par l’échange des consentements et à l’égard des tiers par l’inscription de la cession sur les registres tenus par l’établissement émetteur. Les titres à ordre se caractérisent par une clause dite à ordre (« payer à X. ou à son ordre »), permettant une transmission du titre par un endossement. Le cédant, ou endosseur, appose sa signature au dos du titre avec facultativement le nom du cessionnaire, ou endossataire, auquel le débiteur devra payer la dette. La lettre de change se range dans la catégorie des titres à ordre.

1 . Sur cette spécificité du formalisme, Piédelièvre, Actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, 11e éd., no 60. 2. Sousi-Roubi, Lexique banque et bourse, 5e éd., vo « Titres négociables ».

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La circulation de la lettre de change

La technique de l’endossement permet le plus souvent la transmission de la propriété du titre ; on parle alors d’endossement translatif (SECTION 1). Mais le droit du change connaît également des variétés particulières d’endossement (SECTION 2).

S ECTION 1

L'endossement translatif de la lettre de change 133

L’endossement translatif permet la transmission de la lettre de change 1. Cette opération, sauf clause contraire, peut se répéter plusieurs fois, et même en théorie à l’infini. L’article L. 511-8 du Code de commerce dispose que « toute lettre de change, même non expressément tirée à ordre, est transmissible par la voie de l’endossement ». Cette simplicité de transmission explique en partie le succès de l’opération d’escompte qui se définit comme « une opération de crédit assise sur la remise d’un effet de commerce conférant des droits contre un tiers et dont le paiement est garanti par le remettant » 2. Hormis cette hypothèse, la lettre de change circule désormais peu. Le tireur a toujours la possibilité de stipuler une clause « non à ordre ». En ce cas, l’effet sera seulement transmissible selon les modes du droit commun de la cession de créances des articles 1322 et suivants du Code civil. Mais en pratique, cette hypothèse est rare 3. Il est nécessaire d’envisager successivement les conditions (§ 1) et les effets (§ 2) de l’endossement translatif. L’apparition de la lettre de change relevé qui facilite le traitement des traites accentue cette tendance à la diminution de la circulation (§ 3).

1 . La simple remise matérielle ne confère pas la qualité de porteur légitime de la traite, Com. 13 oct. 1970, Bull. civ. IV, no 265 ; v. également pour un billet à ordre, Com. 19 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982. 1. Pan. 111, obs. Piédelièvre. 2. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 481. 3. V. pourtant Com. 9 avr. 2013, Dr. et proc. 2013, suppl. no 8, p. 22, obs. Piédelièvre ; D. 2013. 988, obs. Delpech, JCP E, 2013. 1447, obs. Boujeka.

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La lettre de change

§ 1. Les conditions de l'endossement 134

L’endossement est soumis à des conditions de forme (A) et à des conditions de fond (B).

A. Les conditions de forme

Les conditions de forme de l’endossement translatif sont assez strictes, car il permet de réaliser un paiement, ce qui explique son formalisme. L’endossement doit être pur et simple. Sont donc prohibés l’endossement partiel qui est nul et l’endossement conditionnel dont la condition est réputée non écrite. Les impératifs de sécurité conduisent à considérer que les endossements biffés sont considérés comme non écrits 1. L’article L. 511-8, alinéa 7, du Code de commerce indique que l’endossement doit être inscrit sur la lettre de change ou sur une feuille qui y est attachée, encore dénommée allonge. Il est nécessairement donné par écrit. Il n’existe pas de place obligatoire. Il doit être signé par l’endosseur. Depuis la loi du 16 juin 1966, la signature peut être apposée par des procédés mécaniques ou grâce à une griffe 2. La signature est obligatoire. La jurisprudence a par exemple indiqué que l’endossement ne pouvait pas résulter d’un bordereau de remise 3 ou d’un relevé bancaire non contesté 4. Il existe également une présomption simple d’endossement translatif. En l’absence de précision contraire, une signature portée au dos de la traite vaut endossement translatif 5. 136 Bien qu’importante pratiquement, la date n’est pas une mention obligatoire de l’endossement. Elle permet d’apprécier et de vérifier la capacité de l’endosseur et surtout de voir à quel moment le transfert de droit a été effectué, ce qui présente un grand intérêt, notamment en cas de saisie ou de procédure collective. À partir du moment où une date est indiquée, elle doit, sous peine de faux, 135

1 . Com. 5 mars 1956, JCP 1956. II. 9369, note Roblot. 2. L’apposition d’un cachet commercial n’équivaut pas à une signature, Com. 25 avr. 2006, JCP 2006. IV. 2122. 3. Com. 24 nov. 1992, Bull. civ. IV, no 370 ; D. 1993. Somm. 317, obs. Cabrillac. 4. Com. 4 janv. 1994, RJDA 1994. 690. 5. Com. 25 févr. 1992, Bull. civ. IV, no 90.

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La circulation de la lettre de change

être exacte. On considère généralement que la postdate, moins dangereuse, n’est pas visée par l’article L. 511-14, alinéa 3, du Code de commerce 1. L’article L. 511-14, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit la possibilité d’un endossement postérieur à l’échéance de la lettre de change. Cependant, l’endossement postérieur au protêt faute de paiement, ou fait après l’expiration du délai fixé pour dresser protêt produit seulement les effets d’une cession ordinaire. Pour éviter les difficultés liées à l’absence de date, l’alinéa 2 de l’article L. 511-14 du Code de commerce présume, de manière simple, que l’endossement sans date est réputé avoir été fait avant l’expiration du délai fixé pour dresser protêt. Mais au cas où il ne serait pas fait état, dans un protêt, de la mention de la signature de l’endosseur, la contestation du contenu de ce protêt devra être effectuée par la procédure d’inscription de faux 2. 137 L’endossement revêt trois formes. Il est dit « nominatif », lorsque le nom de l’endossataire est expressément indiqué. Il peut être au porteur et dans ce cas l’article L. 511-8, alinéa 6, du Code de commerce indique qu’il vaut comme endossement en blanc. Cette solution se concilie difficilement avec la prohibition de l’émission d’une lettre de change au porteur, prévue par l’article L. 511-1-6o de ce même code 3. Lorsque l’endossement se réduit à la seule signature de l’endosseur, il est dit « en blanc ». Cette hypothèse se rencontre fréquemment en pratique. L’article L. 511-9 du Code de commerce prévoit que le porteur pourra remplir le blanc de son nom, du nom d’une autre personne, endosser l’effet de nouveau en blanc ou à une autre personne ou enfin remettre la traite à un tiers, sans remplir le blanc et sans l’endosser. 138 L’endossement comporte parfois certaines mentions facultatives. Ces mentions ne modifient jamais les droits et les obligations des porteurs antérieurs. Sans prétendre à l’exhaustivité, il est possible d’en énumérer quelques-unes. L’article L. 511-10, alinéa 2, du Code de commerce prévoit qu’un endosseur peut interdire un 1 . Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2026 ; Gavalda et Stoufflet, no 45. 2. Com. 10 janv. 1984, Bull. civ. IV, no 10 ; RTD com. 1984. 491, obs. Cabrillac et Teyssié. 3. En ce sens, Le Cannu, Granier et Routier, no 394.

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La lettre de change

nouvel endossement. La suite de cette disposition indique qu’il n’est pas alors tenu à la garantie envers les personnes auxquelles la lettre de change est ultérieurement endossée 1. L’alinéa 1er de l’article L. 511-10 lui offre également la faculté, contrairement au tireur, de stipuler une clause de non garantie. Certaines de ces mentions sont similaires à celles qu’un tireur peut stipuler, qu’il s’agisse par exemple d’une clause de retours sans frais ou sans protêt ou de l’indication d’un recommandaire. Il s’agit, selon l’article L. 511-65, alinéa 1er, du Code de commerce, d’une personne désignée par le tireur, un endosseur ou un avaliseur qui acceptera ou paiera l’effet à la place du tiré.

B. Les conditions de fond 139

1. 2. 3. 4. 5.

Du fait de l’endossement, l’endosseur s’engage cambiairement. Par conséquent, son consentement doit être libre, il doit avoir la capacité et les pouvoirs de s’engager cambiairement 2 et l’endossement doit être licite, sous réserve de la règle de l’inopposabilité des exceptions. Mais surtout pour pouvoir valablement transmettre la traite, encore faut-il être porteur légitime. La notion de porteur légitime est sans rapport avec la détention de l’effet 3 ou sa propriété au sens du droit commun 4. Le porteur légitime se définit comme la personne dont le nom figure à la dernière place sur la lettre de change ou sur l’allonge, à la suite d’une chaîne régulière d’endossements, même si, ajoute l’article L. 511-11 du Code de commerce, le dernier endossement est en blanc. Là encore prédomine le principe de la régularité formelle du titre, nécessaire pour assurer sa sécurité de circulation. L’endossataire doit avoir la faculté de vérifier, si l’endosseur peut valablement lui transmettre l’effet. Ainsi la jurisprudence a-t-elle décidé que la chaîne des endossements n’est rompue par une fausse signature que si celle-ci est apparente 5. Elle a aussi parfois décidé

V. Paris, 11 déc. 1984, RTD com. 1985. 330, obs. Cabrillac et Teyssié. Com. 23 mai 1989, Banque 1989. 1086, obs. Rives-Lange. Com. 20 nov. 1974, RTD com. 1975. 565, obs. Cabrillac et Rives-Lange. Com. 27 févr. 1990, RTD com. 1991. 73, obs. Cabrillac et Teyssié. Com. 30 nov. 1982, Bull. civ. IV, no 385.

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La circulation de la lettre de change

que si une erreur apparaît dans la chaîne des endossements, celle-ci n’est pas interrompue 1. L’article L. 511-11, alinéa 2, du Code de commerce prévoit que si une personne a été dépossédée d’une traite par perte ou par vol, le porteur justifiant d’une suite ininterrompue d’endossements ne sera tenu de se dessaisir de la dette que s’il l’a acquise de mauvaise foi ou si, en l’acquérant, il a commis une faute lourde. 140 On n’exige pas de l’endossataire la capacité de s’engager cambiairement, mais seulement celle de recevoir un paiement. Son consentement est le plus souvent tacite. L’endossement peut être effectué au profit d’un tiers ou, aux termes de l’article L. 511-8, alinéa 3, du Code de commerce, au profit d’un précédent signataire de l’effet, qu’il s’agisse du tireur, du tiré ou d’un endosseur. On s’est parfois demandé, lorsque l’endossement est effectué au profit du tiré, si la dette de ce dernier ne s’éteignait pas par confusion. Compte tenu du caractère abstrait de l’engagement cambiaire, la réponse est négative 2, permettant ainsi au tiré d’éventuellement remettre en circulation la lettre de change.

§ 2. Les effets de l'endossement 141

Les effets de l’endossement sont différents et beaucoup plus importants que ceux produits par une cession de créance de droit commun dans laquelle le cédant ne garantit pas la solvabilité du débiteur et où le cessionnaire n’a en principe aucun recours contre le cédant en cas de défaillance du cédé. Ils confèrent en grande partie son originalité au droit cambiaire. L’endossement a un effet translatif (A), un effet de garantie (B) et il est régi par le principe de l’inopposabilité des exceptions (C).

1 . Par ex., Com. 9 mars 1976, RTD com. 1974. 754, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; v. cependant, Com. 30 mai 1995, RTD com. 1995. 815, obs. Cabrillac, pour une simple erreur de lettres, en réalité importante, car source d’ambiguïté. 2. V. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2031, qui comparent cette situation avec celle d’une société qui rachète ses propres titres.

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A. L'effet translatif

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La lettre de change

L’article L. 511-9 du Code de commerce dispose que « l’endossement transmet tous les droits résultant de la lettre de change ». Par cet effet translatif, le titre (1) et la provision (2) sont transmis. 1. La transmission du titre

142 L’endossement emporte sans aucune formalité la transmission des

droits résultant du titre, à supposer bien entendu que l’endosseur ait la qualité de porteur légitime. Cela comporte l’ensemble des droits cambiaires, par exemple le droit de demander l’acceptation, celui de demander le paiement ou celui d’endosser la lettre de change. L’endossement entraîne également automatiquement la transmission des accessoires 1, ce qui vise principalement les garanties personnelles et réelles. Le législateur est parfois intervenu pour réglementer certaines transmissions de sûretés attachées à des traites. À titre d’illustration, on peut citer l’article L. 525-6 du Code de commerce relatif au nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement et l’article 60-1 du décret du 14 octobre 1955 relatif à la publicité foncière. La doctrine 2 et la jurisprudence 3 admettent que cette transmission concerne les sûretés, aussi bien conventionnelles que légales. Il suffit qu’il existe un lien entre la traite et l’accessoire. Une incertitude était née pour la clause de réserve de propriété. La Cour de cassation y a mis fin en précisant que « la réserve de propriété constitue l’accessoire de la créance du vendeur lui garantissant le paiement du prix et que l’endossement d’une lettre de change transmet au porteur la propriété de la provision avec ses accessoires » 4. En revanche, elle a exclu la transmission d’un contrat d’assurance-crédit qu’elle ne considère pas comme un accessoire 5. 1 . Cf. Cabrillac, « Les accessoires de la créance », Mélanges Weill, p. 107. 2. Bonhomme, no 180 ; Gavalda et Stoufflet, no 50 ; Devèze et Pétel, no 237 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 399 ; Putman, no 66 ; Roblot, no 281 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 222. 3. Par ex., Civ. 11 déc. 1940, DC 1943. 49, note Trasbot ; Com. 20 mars 1984, Bull. civ. IV, no 241. 4. Com. 11 juill. 1988, Banque 1988. 932, obs. Rives-Lange ; RTD com. 1988. 657, obs. Cabrillac et Teyssié. 5. Com. 15 févr. 1992, Bull. civ. IV, no 86 ; D. 1992. 349, note Gavalda.

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Ce transfert des sûretés s’effectue, en principe, au jour de la remise du titre à l’endossataire 1. Mais la convention des parties peut retarder ce moment 2. 2. La transmission de la provision 143

La transmission de la provision n’a pas été réglementée par la Convention de Genève. Contrairement au droit français, certains pays, comme les pays anglo-saxons ou ceux ayant des législations fortement imprégnées de tradition germanique, ne posent pas en principe le transfert de la provision. L’article L. 511-7, alinéa 3, du Code de commerce dispose que « la propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs de la lettre de change ». Cette solution se justifierait par la volonté implicite des parties et elle pourrait donc être écartée par une convention contraire, qui aurait cependant une efficacité limitée aux rapports entre les parties 3. Ce principe est à rapprocher de l’alinéa 2 de ce même article qui prévoit que la provision doit exister au jour de l’échéance de la traite. Pour cela, on a proposé de réécrire cette règle sous la forme suivante : « Le porteur de la lettre acquiert un droit exclusif sur la créance qui appartiendra au tireur contre le tiré à l’échéance. » 4 Cette transmission est indépendante de toute idée d’acceptation. Elle s’effectue pour les traites non acceptées 5 et même pour les lettres de change comportant une clause non acceptable 6. En cas de provision partielle, le porteur acquerra un droit sur cette provision partielle 7. Cependant ce droit sur la provision du porteur est fragilisé, si celle-ci a été constituée pendant la période suspecte pour une lettre de change émise antérieurement 8. La provision, assimilée à une constitution de sûretés, sera soumise à la nullité de l’article L. 632-1 du Code de commerce. Elle pourrait

1 . Com. 13 déc. 1948, RTD com. 1949. 504, obs. Houin ; v. la même solution en matière d’escompte, Com. 20 mars 1962, JCP 1962. II. 12747, note Rives-Lange. 2. Com. 20 mars 1984, Bull. civ. IV, no 109. 3. Gavalda et Stoufflet, no 87. 4. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1979. 5. Com. 20 mars 1984, RTD com. 1984. 697, obs. Cabrillac et Teyssié. 6. Com. 14 déc. 1970, RTD com. 1971. 409, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; Com. 28 juin 1983, D. 1984. 444, note Endréo. 7 . Civ. 18 janv. 1937, S. 1937. 1. 89. 8. Sur cette question, par ex., Devèze et Pétel, no 199.

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La lettre de change

également se voir appliquer la nullité facultative de l’article L. 632-2 de ce même code, puisque cette disposition vise tous les actes du débiteur. 144 En réalité, le porteur bénéficie, selon l’opinion majoritaire, seule-

ment d’un droit éventuel 1 sur la provision qui ne prendra véritablement consistance qu’au jour de l’échéance. Selon la Cour de cassation, « le porteur d’une lettre de change même non acceptée a un droit exclusif sur la provision, c’est-à-dire sur la créance que le tireur possède, au jour de l’échéance de l’effet contre le tiré » 2. Comme on a pu l’écrire, « jusqu’à la date de l’échéance, le droit de propriété est sans objet, le porteur n’a qu’une enveloppe vide ; à l’échéance, la créance du tireur contre le tiré vient sous le nom de provision se glisser dans l’enveloppe » 3. La qualification de propriété de la provision se justifie parce qu’il existe en cette matière un aspect d’exclusivité et parce que d’une certaine façon, le porteur acquiert en principe un droit opposable à tous qui se matérialisera à des moments différents suivant que la lettre de change a fait l’objet ou non d’une acceptation. Mais l’emploi du mot propriété est inexact, ne serait-ce qu’en raison de l’absence de matérialité de la provision. En tout état de cause, les droits du porteur sont assez souvent fragiles. Leur étendue varie suivant que la lettre de change a été ou non acceptée. 145

La lettre de change acceptée. Par l’acceptation, le tiré s’est engagé à payer la lettre de change à l’échéance. Elle consolide les droits du porteur sur la provision et par voie de conséquence le tireur ne peut plus en disposer, puisqu’elle est sortie de son patrimoine. En aucun cas, le tireur n’aura la possibilité de la récupérer 4. Ainsi qu’on l’a indiqué, « l’acceptation n’a d’autre but et d’autre effet que de consolider le droit du porteur sur la provision » 5. L’accep-

1 . V. cependant Le Cannu, Granier et Routier, no 426 pour qui ce droit n’est jamais éventuel. 2. Civ. 18 janv. 1937, préc. 3. Jestaz, « Le tireur conserve-t-il la disponibilité de la provision après l’émission d’une lettre de change ou d’un chèque ? », RTD com. 1966. 881. 4. Roblot, no 195. 5. Vasseur, « Réflexions sur le régime juridique des traites non acceptées », D. 1985. 199, spéc. 201.

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tation apparaîtrait ici comme « un mode simplifié d’opposabilité de la cession de créance » 1. Les conséquences pratiques de cette consolidation sont importantes pour le porteur de l’effet. La jurisprudence avait posé en principe que les créanciers du tireur n’avaient plus la possibilité d’effectuer une saisie arrêt sur la créance qu’il possédait contre le tiré 2. Cette solution s’applique désormais à la saisie attribution. Dans le même ordre d’idée, elle avait décidé qu’un sous-traitant ne pouvait pas exercer son action directe contre le maître de l’ouvrage, tiré accepteur, sur lequel un entrepreneur principal a tiré une traite remise à l’escompte 3. Cette solution est maintenue, bien que la loi du 2 janvier 1981 ait inséré un article 13-1 à la loi du 31 décembre 1975 interdisant à un entrepreneur principal de céder la partie de la créance correspondant à la partie des travaux sous traités 4. En cas de procédure de sauvegarde des entreprises, le représentant des créanciers n’aura pas la possibilité de revendiquer auprès du tiré la valeur représentée par la provision 5. 146 La lettre de change non acceptée. Lorsque la lettre de change n’est

pas acceptée, les droits du porteur sur la provision sont beaucoup plus fragiles 6. En effet la jurisprudence, sans véritablement toujours l’énoncer, part de l’idée qu’avant l’échéance son droit est simplement éventuel. Or antérieurement cette date, certains événements sont de nature à faire disparaître la provision. Pratiquement, il en résulte que les droits du porteur sur la provision deviendront, le plus souvent, irrévocables uniquement au jour de l’échéance, à condition que cette provision existe toujours à cette date.

1 . Le Cannu, Granier et Routier, no 426. 2. Civ. 17 déc. 1850, DP 1851. 1. 29 ; Bordeaux, 6 janv. 1986, Banque 1986. 290, obs. Rives-Lange. 3. Com. 18 févr. 1986, Gaz. Pal. 1986. 2. Pan. 506, obs. A. Piédelièvre ; Banque 1986. 925, obs. Rives-Lange ; JCP 1987. II. 20750, note Synvet. 4. Com. 4 juill. 1989, Bull. civ. IV, no 211 ; JCP 1990. II. 21396, note Synvet ; Banque 1989. 976, obs. Rives-Lange ; JCP E 1989. II. 15661, note Dubois ; D. 1991. 369, note Bloch ; v. Com. 18 nov. 1997, RTD com. 1998. 180, obs. Cabrillac, précisant que l’article 13-1 ne s’applique pas aux endossements d’effets acceptés ou payés par le tiré ; v. également Talau, « Le porteur d’une lettre de change, le sous-traitant et la provision », JCP E 1999. 996. 5. De Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 142 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 426. 6. Jestaz, « Le tireur conserve-t-il la propriété de la provision après l’émission d’une lettre de change ou d’un chèque ? », préc. ; Hécart, « Réflexions à propos de la traite non acceptée », D. 2003. 539.

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Ainsi elle décide qu’avant l’échéance, le tireur a la possibilité de réclamer le montant de sa créance et qu’en lui versant le montant de la provision le tiré effectue un paiement valable 1. De même, elle considère que la créance de provision s’éteint en cas de compensation entre le tireur et le tiré 2. Elle a aussi admis la souscription par le tiré d’un billet à ordre du porteur, ce qui privait le porteur du droit à la provision 3. Elle s’est également prononcée dans l’hypothèse d’un conflit entre un banquier tiers porteur d’un effet tiré par un entrepreneur principal sur le maître de l’ouvrage et un sous-traitant exerçant son action directe. Comme la provision n’est acquise par le porteur de l’effet non accepté que lors de l’échéance, la Cour de cassation donne la préférence au soustraitant, à partir du moment où il a exercé son action directe avant l’échéance 4. Cependant, la convention des parties, la jurisprudence ou l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du tireur consolident parfois les droits du porteur d’une lettre de change non acceptée. 147 Les parties ont toujours la possibilité, lors de la création de l’effet, de stipuler par une convention cambiaire ou non l’affectation d’une créance à la provision 5. La provision est alors indisponible pour le tireur et elle est donc acquise au porteur 6. Pour certains, il s’agirait d’une cession à terme de la créance au profit du porteur 7. La jurisprudence considère que les droits du porteur sur la provision empêchent les créanciers du tireur d’effectuer une saisieattribution sur la créance de provision 8. Elle admet également que le porteur puisse effectuer une saisie-attribution entre les mains du tiré et qu’il soit adressé au tiré une défense de payer le tireur 1 . Com. 24 avr. 1972, Bull. civ. IV, no 119 ; D. 1972. 686, note Roblot ; Com. 1er févr. 1977 ; RTD com. 1977. 332, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; Com. 10 janv. 1989, Bull. civ. IV, no 13. 2. Com. 18 mars 1986, D. 1987. 72, note Cabrillac ; Com. 22 févr. 1994, Bull. civ. IV, no 70 ; JCP 1994. II. 22267, rapport Rémery. 3. Com. 28 juin 1983, RTD com. 1984. 115, obs. Cabrillac et Teyssié. 4. Com. 4 déc. 1984, JCP 1985. II. 20445, note Synvet ; D. 1985. 181, note Bénabent ; Banque 1985. 642, obs. Rives-Lange ; également Vasseur, « Réflexions sur le régime juridique des traites non acceptées », préc. 5. Roblot, no 198 ; Gavalda et Stoufflet, no 88. 6. Com. 28 févr. 1962, Bull. civ. III, no 134. 7 . Devèze et Pétel, no 203. 8. Com. 29 nov. 1982, Bull. civ. IV, no 374 ; D. 1983. IR 246, obs. Cabrillac.

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qui doit être expresse et dépourvue d’ambiguïté 1. Elle conditionne cette faculté pour le porteur à la possibilité de rapporter la preuve de l’existence de la provision à la date d’échéance 2. La consolidation des droits du porteur résulte également de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre du tireur 3 ou d’une cession totale de l’entreprise. L’article L. 643-1 du Code de commerce prévoit la déchéance du terme à l’encontre du débiteur soumis à cette procédure. À partir du jugement prononçant la liquidation judiciaire ou de la décision de cession totale, le droit du porteur n’est plus éventuel 4. 148 L’ensemble des solutions données pour le porteur d’une lettre de change non acceptée est particulièrement incohérent, puisque tantôt tout ou partie des droits du porteur sur la provision seront définitivement fixés lors de la transmission de la traite et tantôt, le plus souvent, ils ne le seront qu’au jour de l’échéance de l’effet. Pourtant, la solution donnée par l’article L. 511-7, alinéa 3, du Code de commerce est claire, la propriété de la provision est transmise aux porteurs successifs. Or certaines des solutions dégagées par la Cour de cassation n’appliquent pas ce principe du transfert de la propriété. Il est, sans doute, préférable de considérer que le porteur d’une lettre de change acceptée ou non a toujours « un droit de créance et que ce droit n’est jamais éventuel » 5.

B. L'effet de garantie

149 L’article L. 511-10, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que

l’endosseur est garant de l’acceptation et du paiement d’une traite. De son côté, l’article L. 511-44, alinéa 1er, de ce même code dispose que « tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change sont tenus solidairement envers le porteur ». Ces 1 . Com. 24 avr. 1972, préc. ; Com. 10 juill. 1973, Bull. civ. IV, no 241 ; v. également, Com. 1er févr. 1977, Bull. civ. IV, no 35, indiquant que cette défense de paiement ne peut pas résulter d’une demande d’acceptation. 2. Com. 3 mai 1995, D. 1996. 292, note Gibirila. 3. V. la critique de cette solution par Parrot, « Les droits du porteur sur la provision d’une lettre de change non acceptée au cas de redressement ou de liquidation judiciaire du tireur », JCP E 1991. I. 158. 4. De Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 142 ; Gavalda et Stoufflet, no 88. 5. Le Cannu, Granier et Routier, no 426, pour qui le problème se pose en question d’opposabilité du droit aux tiers.

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solutions diffèrent du droit commun de la cession de créance, où l’article 1326 du Code civil indique que le cédant est garant de l’existence de la créance, mais pas de la solvabilité du débiteur, sauf lorsqu’il s’y est engagé, et jusqu’à concurrence du prix qu’il a pu retirer de la cession de sa créance. Le droit de la lettre de change connaît un cas de solidarité légale qui confère une garantie de paiement particulièrement efficace. Plus le titre circule, plus les chances de paiement du porteur augmentent, puisqu’il va trouver face à lui plusieurs débiteurs. Cette solution se combine sans difficulté avec le principe de l’indépendance des signatures 1. Il signifie qu’un signataire est tenu au paiement du montant de l’effet du seul fait de sa signature indépendamment des autres signataires et qu’il ne peut pas opposer au porteur une exception qu’aurait pu lui opposer un autre signataire. Le porteur a donc la possibilité d’actionner n’importe lequel des signataires. L’article L. 511-45 du Code de commerce prévoit que le porteur d’une lettre de change impayée peut réclamer aux codébiteurs solidaires : le montant de la lettre de change non acceptée ou non payée avec les intérêts, s’il en a été stipulé ; les intérêts au taux légal à partir de l’échéance et les frais du protêt, ceux des avis donnés ainsi que les autres frais 2. 150 On se trouve en présence d’une solidarité imparfaite. En effet l’article L. 511-78, alinéa 5, du Code de commerce prévoit que l’interruption de la prescription n’a d’effet que contre celui à l’égard duquel l’acte interruptif a été fait. À partir de cette disposition, la doctrine considère que tous les effets secondaires de la solidarité sont exclus 3. Cette solidarité présente parfois un certain particularisme. Le porteur de l’effet a la faculté d’agir contre n’importe lequel des signataires, individuellement ou collectivement, sans être astreint à observer l’ordre dans lequel ils se sont obligés. L’action intentée 1 . Le Cannu, Granier et Routier, no 339 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 224. 2. Indiquant que le porteur d’une lettre de change peut réclamer à celui contre lequel il exerce son recours les intérêts au taux légal à partir de l’échéance Com. 30 juin 2009, Banque et droit sept.oct. 2009. 22, obs. Bonneau ; D. 2009. 1888, obs. Delpech ; Dr. et proc. 2010. suppl. no 4, p. 15, obs. Piédelièvre. 3. Putman, no 67 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 341 ; Devèze et Pétel, no 289 ; Gavalda et Stoufflet, no 90 ; Roblot, no 241 ; Chaput et Schödermeier, no 156.

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contre un des obligés n’empêche pas d’agir contre les autres, même ceux postérieurs à celui qui a été d’abord poursuivi. Mais contrairement au droit commun de la solidarité, la liberté de choix du porteur n’est pas absolue. À l’échéance, il doit commencer par s’adresser au tiré. Si le tiré ne paie pas, il bénéficiera alors d’une liberté de choix 1. De même, dans le droit commun, l’article 1317 du Code civil prévoit la division du recours du codébiteur solidaire ayant payé. L’article L. 511-44, alinéa 3, du Code de commerce indique que la solidarité profite même au signataire d’une traite qui a remboursé celle-ci. Ce principe de la solidarité comporte un tempérament conventionnel. L’article L. 511-10, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que l’endosseur peut stipuler une clause dite « sans garantie » ou « à forfait » par laquelle il s’exonère de sa garantie de paiement. L’alinéa 2 de l’article L. 511-10 lui permet de s’exonérer de toute garantie seulement envers les porteurs auxquels l’endossataire transmet la lettre de change. En application du formalisme cambiaire, ces stipulations doivent figurer sur le titre 2. En revanche, le tireur n’a jamais la possibilité de s’exonérer de sa garantie de paiement.

C. L'inopposabilité des exceptions 151

Dans le droit commun de la cession de créance, le cessionnaire n’a pas plus de droit que le cédant. Cette règle est généralement exprimée par l’adage nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet. Elle est formulée à l’article 1324 du Code civil qui dispose que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut également opposer les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable, telles que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes ». La lettre de change

1 . Gavalda et Stoufflet, no 90 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 225. 2. Roblot, no 158.

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connaît un principe opposé, celui dit « de l’inopposabilité des exceptions » 1. L’article L. 511-12 du Code de commerce dispose que « les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n’ait agi sciemment au détriment du débiteur ». Énoncée pour l’endossement, cette règle est générale et elle caractérise les effets de commerce. La jurisprudence l’applique ainsi dans les relations entre le tiré accepteur et le premier porteur, donc en l’absence de tout endossement 2. Si le principe de l’inopposabilité des exceptions est acquis (1), son fondement donne toujours lieu à controverse (2). 1. Le principe de l’inopposabilité des exceptions

La règle de l’inopposabilité des exceptions permet une bonne circulation de la lettre de change. Elle empêche que la multiplicité des endossements affaiblisse le titre. Chacune des transmissions opère une purge des exceptions. Le porteur ne risque ainsi pas de se voir opposer un refus de paiement parce qu’un des signataires antérieurs de la traite bénéficiait d’une exception. Autrement dit, le porteur ne peut pas se voir opposer les exceptions qui auraient pu être soulevées dans un rapport précédent. Cette règle n’a cependant pas une portée absolue et elle connaît certaines limites. 153 La règle de l’inopposabilité des exceptions. Pour comprendre l’efficacité de la règle de l’inopposabilité des exceptions, il est nécessaire d’en déterminer les bénéficiaires avant de voir les exceptions inopposables. Deux conditions doivent être réunies en la personne du porteur de l’effet pour qu’il bénéficie de cette règle 3. Il est nécessaire 152

1 . V. Bouteron, « De l’inopposabilité des exceptions à l’action directe du tireur d’une lettre de change acceptée », Gaz. Pal. 1955. 1. Doctr. 1 ; Carry, « La règle de l’inopposabilité des exceptions », Mélanges Simonius, p. 29 ; Daigre, « De la preuve des exceptions opposables par le débiteur d’une traite », RTD com. 1977. 651 ; Desbois, « De la règle de l’inopposabilité des exceptions dans l’endossement des titres civils », Rev. crit. législ. et jur. 1931. 314 ; Diener, « La mauvaise foi du banquier au sens de l’article 121 du Code de commerce », D. 1977. 97 ; Reuter, « La mauvaise foi de l’article 121 du Code de commerce », RTD com. 1974. 439 ; Roblot, « Application de la notion d’inopposabilité en droit commercial », Mélanges Voirin, p. 710. 2. Com. 7 oct. 1963, Bull. civ. III, no 391 ; RTD com. 1964. 366, obs. Becqué et Cabrillac ; Com. 21 avr. 1970, Bull. civ. IV, no 128. 3. Bonhomme, no 185 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 395 ; Gavalda et Stoufflet, no 54 ; Devèze et Pétel, no 244.

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d’avoir la qualité de porteur légitime au sens que lui donne l’article L. 511-11 du Code de commerce. Il s’agit aussi bien du bénéficiaire de l’effet, que d’un endossataire ou du garant ayant réglé le montant de la traite. En cas de recouvrement par un mandataire, celui-ci aura par définition les mêmes droits que son mandant. Les ayants cause universels d’un porteur sont dans la même situation que lui 1. La règle s’appliquerait également à l’ensemble des transmissions universelles, par exemple aux fusions de sociétés 2. La règle devra être invoquée à l’encontre d’un débiteur cambiaire. L’article L. 511-12 du Code de commerce employant la formule « personne actionnée en vertu de la lettre de change », il faut en conclure que seule une action cambiaire emporte le bénéfice de l’inopposabilité des exceptions. En revanche, cette règle sera écartée pour des poursuites engagées sur le terrain du droit commun, comme celles exercées à l’encontre d’un tiré nonaccepteur 3. Il en irait aussi de même pour une personne qui aurait reçu une lettre de change en vertu d’une cession de créance de droit commun. 154

L’article L. 511-12 du Code de commerce exclue du domaine de l’inopposabilité des exceptions celles issues des rapports personnels entre le porteur poursuivant et le débiteur poursuivi cambiairement. Cette exclusion est dans la logique du fondement de la règle de l’inopposabilité des exceptions qui a été instaurée pour faciliter la bonne circulation de la lettre de change, lui permettant ainsi de parfois jouer un rôle de monnaie. Or dans cette hypothèse, la circulation du titre et par voie de conséquence sa sécurité ne sont pas en cause. Ainsi le tiré accepteur peut-il opposer au tireur porteur, l’absence, la nullité ou l’insuffisance de la provision 4. Il en va de même en cas de compensation entre le débiteur cam-

1 . Pour un héritier ou un légataire, Com. 5 févr. 1958, Bull. civ. III, no 60. 2. Gavalda et Stoufflet, no 54. 3. Le Cannu, Granier et Routier, no 401. 4. Par ex., Req. 13 mai 1942, JCP 1942. II. 1935, note Lescot ; Com. 26 juill. 1948, JCP 1948. II. 4536, note Toujas ; Com. 3 juin et 4 juill. 1966 ; RTD com. 1967. 205, obs. Becqué et Cabrillac ; également, Lescot, « Des exceptions opposables par le tiré au tireur d’une lettre de change », JCP 1952. I. 252.

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biaire et le porteur 1. L’absence de consentement, mais non les vices du consentement 2 du débiteur apparent peut toujours être opposé au porteur puisque, par définition, ce débiteur n’est pas partie à l’opération cambiaire 3. Reste à essayer de déterminer les exceptions inopposables au porteur. Le débiteur cambiaire ne peut pas opposer au porteur, excepté s’il est lui-même tireur, une exception tirée du rapport fondamental, par exemple sa nullité 4 ou sa disparition 5. Cette solution se justifie par le fait que ce rapport demeure extérieur aux liens cambiaires. En application du principe du formalisme cambiaire, les exceptions fondées sur un vice non apparent de l’effet sont inopposables. Le porteur est en droit de se fier à l’apparente régularité de la lettre de change. Tel est le cas des clauses ne figurant pas sur la traite 6. Cela explique également que le débiteur cambiaire ne puisse pas se prévaloir à l’encontre du porteur d’une exception qu’il possède contre un autre signataire. 155 Les limites à la règle de l’inopposabilité des exceptions. Les limites à la règle de l’inopposabilité des exceptions s’expliquent par trois raisons. D’abord, on considère parfois que le souci de protection d’une personne l’emporte sur la sécurité du titre, pourtant régulier en apparence. Ensuite, en raison du vice, le porteur aurait dû connaître l’exception. Enfin, le porteur était de mauvaise foi, car il connaissait l’existence de l’exception. Dans ces deux dernières hypothèses, il ne mérite pas d’être protégé. Il est admis qu’un incapable doit être protégé contre les effets d’une signature apposée par lui sur une lettre de change 7. Cette protection concerne aussi bien le mineur, que le majeur protégé ou que désormais le consommateur. On veut éviter qu’une personne réputée en état d’infériorité ne soit soumise aux rigueurs du droit 1 . Req. 6 févr. 1906, S. 1907. 1. 65, note Lyon-Caen ; contra mais à tort, Paris, 15 oct. 1986, D. 1987. Somm. 69, obs. Cabrillac. 2. Com. 2 juill. 1969, JCP 1970. II. 16427, note Langlois, où une erreur de l’accepteur sur l’existence de la provision était invoquée. 3. Com. 12 déc. 1973, Banque 1974. 644, obs. L. Martin. 4. Pour la violation d’une règle d’ordre public, Civ. 1er juill. 1931, DP 1932. 1. 12, note Laurent. 5. Aix, 19 janv. 1976, D. 1977. IR 191, pour une extinction de la dette. 6. Pour une clause de compétence stipulée entre un tireur et un tiré accepteur, Com. 5 mars 1991, Bull. civ. IV, no 96. 7 . Par ex., Civ. 19 févr. 1856, S. 1856. 1. 301 ; Paris, 17 juill. 1894, DP 1895. 2. 25, note Thaller.

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cambiaire. L’incapable ou son représentant ont la faculté d’invoquer cette exception pour se soustraire à une demande de paiement d’un porteur. L’incapacité de l’un des signataires ne remet pas en cause les engagements des autres signataires qui demeurent tenus envers le porteur. Le porteur n’est également pas protégé contre les vices apparents de la traite qui pourront lui être opposés par le débiteur cambiaire actionné, puisqu’il peut et qu’il doit en avoir connaissance par un examen sommaire. Pratiquement sont visées les hypothèses où il manque sur l’effet une des mentions obligatoires prévues par l’article L. 511-1 du Code de commerce 1 ou celles où une mention interdite est apposée. 156 Mais surtout le porteur de mauvaise foi ne peut pas se prévaloir de la règle de l’inopposabilité des exceptions. Selon l’article L. 511-12 du Code de commerce, le porteur sera considéré de mauvaise foi si, en acquérant la lettre de change, il a agi sciemment au détriment du débiteur. La Convention de Genève a fait sur ce point œuvre de compromis entre la conception française qui se contentait de la connaissance de l’exception et la conception anglaise qui exigeait une véritable intention frauduleuse. Il a appartenu à la Cour de cassation de définir le sens peu explicite par lui-même de la formule employée par l’article L. 511-12 in fine du Code de commerce. Selon elle, « le législateur a réservé le cas où le porteur a eu conscience en consentant à l’endossement du titre de causer un dommage au débiteur cambiaire par l’impossibilité où il le mettait de se prévaloir, vis-à-vis du tireur ou d’un précédent endosseur d’un moyen de défense issu des relations avec ce dernier » 2. Cette définition de la mauvaise foi est assez souvent reprise, parfois sous des formulations un peu différentes, par nombre de décisions de la Cour de cassation 3. Pourtant, elle n’a pas mis fin aux controverses 4. 1 . Pour une absence de date, Com. 22 nov. 1978, Bull. civ. IV, no 274. 2. Com. 26 juin 1956, JCP 1956. II. 9600, note Roblot ; Banque 1957. 483, obs. Marin ; RTD com. 1957. 147, obs. Becqué et Cabrillac. 3. Par ex., Com. 6 nov. 1957, Bull. civ. III, no 298 et 299 ; Com. 29 juin 1964, JCP 1964. II. 13949, note Gavalda. 4. Cf. Diener, « La mauvaise foi du banquier au sens de l’article 121 du Code de commerce », préc. ; Reuter, « La mauvaise foi de l’article 121 du Code de commerce », préc.

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Il est nécessaire que le porteur ait eu une connaissance de l’exception opposable et de son caractère justifié. Il en résulte qu’une imprudence ou une négligence du porteur sont considérées comme insuffisantes par la jurisprudence 1. La mauvaise foi se distingue de la faute civile. Le porteur doit aussi avoir eu conscience de causer un préjudice au débiteur cambiaire. On a indiqué qu’une telle conscience implique cumulativement que « le porteur ait eu connaissance précise de l’exception opposable et de son bien-fondé » et qu’il « ait su d’après les circonstances de la cause que l’exception subsisterait jusqu’à l’échéance et qu’en raison de sa nature elle aurait été opposée par le débiteur au porteur antérieur ». Les juges du fond apprécient souverainement cette conscience du préjudice, sous le contrôle de la Cour de cassation 2. Normalement, les juges des référés ne sont pas compétents pour se prononcer sur la mauvaise foi, hormis le cas d’évidence 3. En application de l’article 1240 du Code civil, la responsabilité du porteur fautif pourrait être engagée.

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158 Il semble que la jurisprudence récente ait parfois tendance, dans

certains cas, à élargir la définition de la mauvaise foi, tout au moins lorsque les porteurs sont des banquiers escompteurs. La question se pose principalement dans l’hypothèse où un banquier escompteur connaît la situation déficitaire de son client, le tireur et qu’il sait que celui-ci ne pourra pas fournir au tiré le montant de la provision à l’échéance. La jurisprudence est relativement incertaine dans cette hypothèse, car certaines décisions admettent la mauvaise foi du banquier escompteur 4, alors que d’autres non 5. Par exemple, elle a considéré que le prononcé d’une liqui-

1 . Par ex., Com. 27 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2. Pan. 285, obs. A. Piédelièvre ; Com. 27 avr. 1985, Bull. civ. IV, no 139 ; Com. 20 mai 2003, RJDA 2003. 1237. 2. Com. 24 mars 1992, Bull. civ. IV, no 130. 3. Com. 9 déc. 1974, Bull. civ. IV, no 323. 4. Par ex., Com. 25 juin 1985, Gaz. Pal. 1985. 2. Pan. 284, obs. A. Piédelièvre ; Com. 13 janv. 1987, 1re esp., Gaz. Pal. 1987. 2. Pan. 17, obs. A. Piédelièvre ; Com. 10 juin 1997, RTD com. 1997. 485, obs. Cabrillac. 5. Par ex., Com. 1er juill. 1980, Bull. civ. IV, no 283 ; Com. 9 mai 1990, Banque 1990. 1212, obs. RivesLange.

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dation judiciaire ne constitue pas, à lui seul, un élément de nature à caractériser la mauvaise foi du banquier escompteur 1. La mauvaise foi doit, pour reprendre la formule de l’article L. 511-12 du Code de commerce, exister au moment où le porteur acquiert la lettre de change. La jurisprudence applique strictement ce principe 2. La date à prendre en compte est donc le plus souvent celle de l’endossement. On admet que la mauvaise foi est constituée, si une exception, pas encore née, a pu être considérée comme vraisemblable au moment de l’endossement 3. Une difficulté est apparue dans l’hypothèse où une banque a accepté de prendre un effet à l’escompte, puis a contrepassé et a repris l’effet à l’escompte. La jurisprudence a décidé que la bonne foi du banquier s’appréciait à la date de la seconde acquisition 4. Conformément aux principes généraux du droit de la preuve, il appartient au débiteur cambiaire actionné de démontrer la mauvaise foi du porteur, lui permettant ainsi de se dégager de son obligation 5. La bonne foi est présumée. Malgré une certaine tendance actuelle de la jurisprudence à admettre plus largement la mauvaise foi du banquier escompteur, la preuve à rapporter par le débiteur est délicate. Comme on l’a indiqué, l’objet de la preuve se divise en plusieurs branches : « La connaissance du vice par leur porteur, la certitude du débiteur d’invoquer cette exception, la connaissance de cette intention par le porteur. » 6 La preuve est libre 7. Assez souvent un recours à l’expertise sera nécessaire. 2. Le fondement de l’inopposabilité des exceptions 159

Déterminer le fondement de la règle de l’inopposabilité des exceptions est important, car il permet de dégager la nature juridique de la lettre de change. Cette recherche ne devra pas faire oublier qu’originairement cette règle répondait à des nécessités pratiques. La Convention de Genève n’a pas pris parti sur cette question.

1 . Com. 16 juin 2009, Dr. et proc. 2010. suppl. no 4, p. 14, obs. Piédelièvre. 2. Req. 2 mars 1935, DP 1936. 1. 80 ; Com. 31 janv. 1984, Gaz. Pal. 1984. 1. Pan. 138, obs. A. Piédelièvre ; Com. 18 mai 1993, Bull. civ. IV, no 191. 3. Gavalda et Stoufflet, no 55. 4. Com. 2 mai 1977, D. 1977. IR 400, obs. Vasseur. 5. Com. 13 janv. 1982, Bull. civ. IV, no 15. 6. Diener, « La mauvaise foi du banquier au sens de l’article 121 du Code de commerce », préc., no 33. 7 . Req. 19 oct. 1938, Gaz. Pal. 1938. 2. 897 ; Com. 23 oct. 1990, RJDA 1991. 54.

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Il est nécessaire d’envisager ces différentes théories 1, avant de voir celle pouvant être retenue. 160 Les différentes explications. Les auteurs du XIXe et du début du XXe

siècle avaient décomposé le mécanisme cambiaire en trois contrats. Un contrat préalable serait intervenu entre le bénéficiaire et le tireur pour l’exécution duquel la lettre de change est créée. Il existerait entre le tiré et le tireur un mandat et entre l’endosseur et l’endossataire une cession de créance. Cette solution n’explique pas l’ensemble des solutions existantes en matière cambiaire et notamment le mécanisme de l’inopposabilité des exceptions. Pour cela, Thaller avait proposé de combiner les notions de délégation et de cautionnement 2. En créant l’effet et en le remettant au bénéficiaire, le tireur délègue à celui qui est son créancier, le tiré qui est son débiteur. Le preneur n’a pas la possibilité de réclamer immédiatement le montant de la traite au tiré ; il doit attendre l’échéance. Le tiré joint alors sa signature à celle du tireur qui lui a demandé, par la délégation renfermée dans le titre, de se constituer son répondant. Il existe une délégation non par voie de dation, mais par voie de promesse du tiré qui réaliserait un véritable cautionnement. Le tiré consent à se laisser déléguer à tous ceux qui composeront la chaîne des porteurs. Le tireur et les endosseurs ont accepté de s’obliger vis-à-vis de toutes les personnes que les porteurs successifs se substituent à eux-mêmes. Cette théorie a été critiquée aussi bien sur le fondement de la délégation que sur celui du cautionnement 3. La délégation suppose l’accord des trois parties le délégué, le délégant et la délégataire. Or tant que le tiré n’a pas accepté, la délégation fait défaut. Pourtant la lettre de change existe dans cette hypothèse. Le recours au cautionnement suscite des objections plus importantes. Si le tiré accepteur était une caution solidaire, il bénéficierait d’un recours contre le tireur pour ce qu’elle a payé, ce qui est impossible pour la lettre de change.

1 . V. Didier, p. 298 s. 2. Thaller, « Nature juridique du titre de crédit », Ann. dr. com. 1906. 55 et 1907. 5 et 97. 3. Roblot, no 85 ; Hamel, Lagarde et Jauffret, no 1422 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 345 ; Putman, no 52.

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Devant l’impossibilité d’expliquer le principe de l’inopposabilité des exceptions par les techniques du droit civil traditionnel, certains se sont tournés vers des thèses d’origine allemande, celle de l’acte abstrait et celle de l’acte juridique unilatéral. Les tenants de l’acte abstrait 1 se sont inspirés de la stipulation romaine qui liait les parties par le prononcé de certaines paroles sacramentelles. Pour la lettre de change, le débiteur serait lié par le seul fait qu’il a créé ou endossé le titre. La remise du titre, marquant sa conclusion, s’analyserait en une promesse de somme d’argent, indépendante des relations entre le tireur et le tiré et entre celles entre le tireur et le porteur. Chaque endossement formerait un nouveau contrat. Cette théorie n’est pas entièrement reçue par notre système juridique 2, même s’il existe incontestablement en matière de lettre de change un certain degré d’abstraction 3. La théorie de l’acte juridique unilatéral a récemment fait l’objet d’un regain d’intérêt. Selon certains, « l’idée d’engagement par manifestation unilatérale de volonté ne mérite pas la faveur médiocre dans laquelle elle est aujourd’hui tenue par la doctrine française de droit cambiaire » 4. Cette théorie, qui aurait d’ailleurs inspiré les auteurs de la Convention de Genève, considère que tout souscripteur, peu importe sa qualité, qui appose sa signature sur la lettre de change s’oblige directement envers tout possesseur par la seule manifestation de sa volonté à en payer le montant lors de l’échéance. Mais cette théorie s’oppose avec certaines solutions traditionnelles. Il est admis que le débiteur cambiaire actionné a seulement la possibilité d’opposer au porteur les exceptions tirées de leur rapport personnel. Dans le même ordre d’idée, ce débiteur n’a pas la possibilité d’arguer d’un vice du consentement à l’égard de n’importe quel porteur. La théorie de l’acte juridique unilatéral conduit à des solutions différentes.

1 . Sur cette théorie, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1932. 2. V. pour l’annulation d’une lettre de change en raison d’une cause illicite, par ex., Com. 19 juill. 1982, Gaz. Pal. 1983. 1. Pan. 9, obs. A. Piédelièvre. 3. Gavalda et Stoufflet, no 7. 4. V. Putman, no 52 ; v. également de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 68.

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162 La justification du principe de l’inopposabilité des exceptions. Une

grande partie de la doctrine 1 reprend l’analyse dualiste proposée par Lescot et Roblot 2. Pour ces auteurs, le rôle de la volonté, ou pour être plus précis, celui de l’échange des consentements est primordial. Il explique les rapports fondamentaux unissant les différentes parties aux rapports cambiaires. Chacun de ces rapports est causé, expliquant que le débiteur cambiaire puisse opposer au poursuivant les exceptions tirées de leur rapport personnel. Mais à partir du moment où le titre circule, il aurait une valeur propre indépendante de la volonté qui lui a donné naissance. Cette apparence de régularité expliquerait l’impossibilité d’opposer les vices non apparents de la traite et notamment ceux tirés du rapport fondamental. Cette proposition, et notamment l’utilisation de la théorie de l’apparence, explique de manière satisfaisante la nature juridique de la lettre de change et justifie la règle de l’inopposabilité des exceptions. On protège ici le tiers qui a fait confiance à une situation apparemment régulière 3. La sécurité de paiement de la traite sort renforcée par une telle analyse. On a parfois reproché à cette théorie de ne pas être en conformité avec la solution dégagée en cas d’incapacité du débiteur cambiaire, puisque ce vice a toujours été déclaré opposable au porteur. Mais une cette solution est en réalité parfaitement logique. En retenir une autre aurait soustrait des personnes incapables aux règles qui assurent leur protection. On fait ici prévaloir l’intérêt de l’incapable sur celui du porteur de bonne foi.

§ 3. Les lettres de change relevées 163

1. 2. 3. sur

La transmission matérielle et plus largement le traitement des lettres de change donne un gros travail matériel de manipulation aux banquiers escompteurs, en raison de l’existence du support papier. Ceux-ci ont voulu tirer profit de l’informatisation de leur

Par ex., Gavalda et Stoufflet, no 7 ; Devèze et Pétel, no 141 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 347. Lescot et Roblot, t. 1, no 119 et 120. « L’apparence n’est plus substituée à la réalité, elle crée un droit autonome », Calay-Auloy, Essai la notion d’apparence en droit commercial, 1959, no 209.

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système pour alléger leur tâche et pour réduire les coûts de traitement. Pour arriver à ce résultat, la pratique a créé la lettre de change relevé 1. Son apparition remonte à une loi du 2 juillet 1973. La présentation de la lettre de change au débiteur est effectuée au moyen d’un relevé et non de l’effet lui-même, ce qui explique le nom de lettre de change relevé. L’effet est créé sur un support papier normal. On parle de lettre de change relevé-papier (A). Il s’agit d’un effet de commerce 2 dont le recouvrement s’effectuera grâce à des techniques informatiques. On se trouve seulement en présence d’une informatisation des effets de commerce. Pour être plus précis, une lettre de change relevé est avant tout une lettre de change échangée sous forme d’enregistrements informatiques. Mais dans certaines hypothèses, le support papier a été intégralement supprimé et de véritables effets informatiques ont été créés (B). Mais ils ne pourront pas être considérés comme des effets de commerce même s’ils jouent en pratique un rôle important. Une réponse ministérielle du 30 novembre 2000 avait fait état d’une éventuelle modification des lettres de change relevées 3. Il a existé un projet gouvernemental étudiant « les avantages que peut présenter la création d’une lettre de change électronique qui viendrait se substituer à la technique actuelle de la lettre de change relevé ». On est en présence de créations de la pratique bancaire.

A. La lettre de change relevé-papier

164 La caractéristique de la lettre change relevé-papier tient à ce la

combinaison d’un support papier avec des documents informatiques. Son but est de transférer les informations relatives à la lettre de change et non le titre lui-même. De nombreuses règles classiques de la lettre de change sont partiellement modifiées 4. Initialement, une lettre de change classique sera émise. Elle devra 1 . Vasseur, « La lettre de change relevé », RTD com. 1975. 203 ; Leclerc et Gérard, « L’évolution du droit des effets de commerce sous l’influence de l’informatique », RD bancaire et bourse 1989. 153. 2. Comp. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 330, pour qui la lettre de change relevé « est plutôt une technique de recouvrement qu’un titre bien défini ». 3. Rép. min. no 25110, 30 nov. 2000, JCP E 2000. 2026. 4. En ce sens, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1954.

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notamment respecter l’ensemble des mentions obligatoires de l’article L. 511-1 du Code de commerce. De telles traites pourraient être acceptées ou avalisées, même si pratiquement cela sera assez rare. L’informatique impose un formalisme supplémentaire 1. Doivent être ajoutées sur la traite les coordonnées bancaires du tiré que celui-ci avait communiqué au tireur par la remise d’un relevé d’identité bancaire. La lettre de change relevé-papier comporte toujours une clause de retour sans frais qui dispense de dresser protêt en cas de non-paiement à l’échéance. Elle comprend également une domiciliation du tireur chez un banquier. Ce formalisme supplémentaire est nécessaire, non pour la validité de l’effet, mais pour son traitement informatisé. L’ensemble du système est normalisé. Même si cela est assez rare en pratique, la lettre de change relevé-papier peut faire l’objet d’une présentation à l’acceptation 2. Toutes ces données seront reproduites sur une bande magnétique par le banquier. Celui-ci conservera également le support papier qui ne circulera plus. En théorie, les règles du droit commun de l’endossement s’appliquent. Mais à partir du moment où il y a eu encodage informatique, il est rare que la traite circule. Comme on l’a remarqué, « la lettre de change relevé est créée en vue de sa remise directe au banquier ; de fait, l’escompte de la lettre de change relevé prend la forme d’un tirage à l’ordre du banquier escompteur lui-même » 3. 165

Le paiement s’effectuera sans présentation du support papier ; il s’opérera de banque à banque. Un calendrier très précis devra être respecté. Il semble en pratique ne pas poser de difficultés. La Cour de cassation a indiqué qu’en « l’absence de convention contraire,

1 . Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 1954-1 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 524 ; Bonhomme, no 233 ; Gavalda et Stoufflet, no 134 ; Devèze et Pétel, no 301 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 386 ; Chaput et Schödermeier, no 341 ; Putman, no 15. 2. Com. 30 juin 1998, D. 1999. Somm. 150, obs. Cabrillac. 3. Le Cannu, Granier et Routier, no 527 ; v. aussi sur cette question, Vasseur, « La lettre de change relevé », préc., no 19.

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(le tireur) est censé avoir adhéré au règlement de la chambre de compensation en émettant une lettre de change » 1. Neuf ou dix jours avant l’échéance de la traite, la banque ayant reçu la bande magnétique la transmet par le système CORE 2. Il est admis que cette présentation des bandes magnétiques équivaut à la présentation au paiement des lettres de change. Une fois certains tris effectués, la bande magnétique sera adressée au banquier domiciliataire. Celui-ci, le dernier jour ouvrable avant l’échéance, enverra à son client un relevé comportant un bon à payer. Le paiement s’effectue par le renvoi du bon à payer par le tiré. L’absence de renvoi de ce bon équivaut à un refus de paiement. En cas de non-paiement de l’effet, le refus sera transposé sur la bande magnétique par le banquier domiciliataire qui la transmettra à la banque du tireur de nouveau par le système interbancaire de compensation. Le défaut de paiement ouvre les recours cambiaires de droit commun. La création des lettres de change sous forme papier reste impérative lorsque le tireur veut conserver la possibilité de recourir au droit cambiaire, lorsque l’acceptation du tiré doit figurer sur la lettre de change, lorsque le tireur souhaite remettre la lettre de change relevé à l’escompte, lorsque l’effet doit faire l’objet d’un aval (la notion d’aval n’apparaît pas sur la lettre de change relevé) dématérialisée ou lorsque le tireur souhaite dresser un protêt, en cas de non-paiement ou de refus d’acceptation de l’effet de commerce.

1 . Com. 28 nov. 1995, Bull. civ. IV, no 271 ; JCP E 1996. II. 814, note Gavalda ; Com. 12 mars 1996, RTD com. 1996. 506, obs. Cabrillac. 2. L’entreprise STET (système technologique d’échange et de traitement), fondée en 2004 à l’initiative de BNP Paribas, de la BPCE, du Crédit Agricole, du Crédit Mutuel et de la Société Générale, assure la compensation des moyens de paiement de détail, 36 produits différents au total (virements, TIP, lettres de change, images chèques, opérations cartes…) entre l’ensemble des banques françaises. STET a mis au service de la communautaire bancaire française une plateforme CORE. CORE signifie COmpensation REtail, soit Compensation des paiements de détail. Il s’agit d’un système d’échange interbancaire qui a remplacé le SIT (Système Interbancaire de Télécompensation) courant 2008. Toutes les banques en France peuvent échanger des paiements en passant par CORE.

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B. La lettre de change relevé-magnétique 166 En cas de lettre de change relevé-magnétique, le support papier

fait entièrement défaut, puisqu’elle créée par le logiciel de gestion du tireur, sous forme d’un enregistrement informatique. Il est donc impossible de la considérer comme un effet de commerce. En cette matière, compte tenu des mentions obligatoires prévues par l’article L. 511-1 du Code de commerce, le support papier est indispensable. La conséquence en est alors que l’ensemble des règles régissant la lettre de change ne s’appliquera pas à la lettre de change relevé-magnétique 1. Comme l’a indiqué de manière très nette la Cour de cassation, « la lettre de change-relevé magnétique ne repose pas sur un titre soumis aux conditions de validité de l’article L. 511-1 du Code de commerce et constitue un simple procédé de recouvrement de créance dont la preuve de l’exécution relève du droit commun » 2. Il n’existe par exemple ni transfert de la propriété de la provision, ni règle de l’inopposabilité des exceptions pas plus que de garanties de paiement. Ce système permet à de grandes entreprises d’émettre des factures sur des bandes magnétiques. Elle constitue un simple procédé de recouvrement de créance 3. Le mécanisme de paiement de la lettre de change relevémagnétique est assez proche pour ne pas dire identique de celui de la lettre de change relevé-papier. Il suffira au créateur du titre de télétransmettre un fichier à sa banque, qui se chargera de l’encaissement en transmettant les bandes vers le système CORE. On se trouve ici dans une figure juridique assez voisine de l’avis de prélèvement 4.

1 . Vasseur, « La lettre de change relevé », préc., no 37. 2. Com. 2 juin 2015, JCP E 2015. 1466, note Rodriguez. 3. La preuve de son exécution relève du droit commun, Com. 2 juin 2015, JCP E 2015. 1466, obs. Rodriguez. 4. Vasseur, « La lettre de change relevé », préc., no 37 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 524 ; Gavalda et Stoufflet, no 138.

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S ECTION 2

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Les endossements particuliers de la lettre de change 167

L’endossement ne sert pas uniquement à transférer à un porteur l’ensemble des droits résultant d’une lettre de change. Il existe également deux types d’endossement, prévus par les articles L. 511-13, alinéas 1er et 4, du Code de commerce, qui n’auront jamais de caractères translatifs, celui à titre de procuration (§ 1) et celui à titre de gage encore appelé pignoratif (§ 2).

§ 1. L'endossement à titre de procuration 168 L’endossement à titre de procuration se rencontre fréquemment

en pratique. Au moyen d’un endossement, une lettre de change sera remise à un tiers endossataire, afin que celui-ci reçoive le paiement pour le compte de l’endosseur qui demeure le propriétaire de l’effet. Généralement cet endossataire est un banquier. Les conditions de fond de cette opération ne présentent pas une grande originalité. Il suffit que l’endosseur ait la capacité et les pouvoirs de conclure un contrat de mandat. De nombreuses règles résultent du contrat de mandat. Les parties, pour arriver à un résultat similaire, ont également la possibilité d’utiliser le mandat de droit commun 1. Ce mandat sera nécessairement donné par acte séparé et il ne sera pas soumis aux règles du droit cambiaire. L’article L. 511-13, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit des règles spécifiques de forme pour l’endossement à titre de procuration. Il doit contenir la mention « valeur en recouvrement », « pour encaissement », « par procuration » ou toute autre mention impliquant un mandat. La formule « valeur en compte » n’a pas été jugée suffisante pour caractériser l’endossement à titre de procuration ; la jurisprudence a considéré qu’elle s’analysait en un

1 . Gavalda et Stoufflet, no 65 ; Devèze et Pétel, no 249.

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endossement translatif 1. Ce formalisme assez strict s’explique par la nécessité de dissocier l’endossement opérant un transfert de propriété de celui n’opérant pas de transfert de la propriété. 169 Il arrive malgré tout qu’un endossement comporte seulement la signature de l’endosseur, sans autre mention. On parle d’endos en blanc. Il est pratiquement difficile en ce cas de savoir si une traite a été remise à l’encaissement ou si elle a été remise à l’escompte 2. Il existe une présomption d’endossement translatif, donc de remise à l’escompte. La présomption n’est cependant pas irréfragable. La jurisprudence admet que dans les rapports entre les parties à l’endossement la preuve est libre 3. Dans les rapports avec les tiers, on applique les mêmes règles que celles prévues pour la simulation 4. Les tiers, et notamment le tiré, peuvent choisir de s’en tenir à l’apparence du titre, c’est-à-dire au caractère translatif de l’endossement, ou décider de prouver par tous moyens que l’endossement a été donné à titre de procuration. 170

1. 2. 3. 4. no 5.

L’article L. 511-13, alinéa 3, du Code de commerce apporte une précision, dérogatoire au droit commun, relative à la durée de ce mandat. L’endossement par procuration ne prend pas fin par le décès du mandant ou par la survenance de son incapacité. La jurisprudence a étendu la portée de cette règle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde des entreprises à l’encontre du mandant 5. L’article L. 511-13, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que vis-à-vis des tiers le porteur peut exercer tous les droits dérivant de la lettre de change. La suite de cette disposition, fort logiquement puisqu’il n’est pas propriétaire de la lettre de change, lui interdit d’effectuer un endossement translatif, mais elle lui permet d’effectuer à son tour un endossement à titre de procuration. En tant que mandataire, le plus souvent rémunéré, l’endossataire doit exécuter sa mission avec diligence et conformément aux ordres reçus, en préservant au mieux les intérêts de l’endosseur. Il aura

Paris, 9 juill. 1980, Banque 1981. 1452, obs. L. Martin ; RJ com. 1981. 301, note Delebecque. Sur les intérêts et les difficultés de cette distinction, Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 318. Com. 3 mai 1971, Bull. civ. IV, no 119 ; RTD com. 1972. 127, obs. Cabrillac et Rives-Lange. Roblot, no 298 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 410 ; Bonhomme, no 190 ; Gavalda et Stoufflet, 64 ; Devèze et Pétel, no 250. Com. 20 avr. 1948, D. 1948. 375 ; RTD com. 1948. 698, obs. Houin.

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pour cela les mêmes droits que l’endosseur vis-à-vis des signataires de la traite. Ces derniers, en application de l’article L. 51113, alinéa 2, du Code de commerce, pourront lui opposer les exceptions dont ils bénéficiaient à l’encontre de l’endosseur, mais non celles qu’ils possèdent contre l’endossataire 1. Pratiquement, l’endossataire doit faire tout ce qui est en son possible pour que soient mis en œuvre les droits attachés à la traite 2. Il lui appartient de vérifier la régularité formelle du titre qui lui a été transmis, le présenter au paiement dans le délai légal et prendre les mesures nécessaires, en cas de non-paiement à l’échéance, par exemple un protêt faute de paiement, même si fréquemment il est stipulé une clause le dispensant de faire dresser protêt. S’il a obtenu le paiement, il devra transmettre les sommes à son endosseur. En tout état de cause, conformément aux règles générales du mandat, il a une obligation de rendre compte de sa mission. L’endossataire engage sa responsabilité contractuelle envers l’endosseur en cas de manquement à sa mission, si celui-ci a subi un préjudice 3. Les banquiers endossataires stipulent généralement des clauses élisives de responsabilité. Ces clauses ont été déclarées valables 4. Toutefois, il leur est impossible de s’exonérer d’une faute lourde ou dolosive 5.

§ 2. L'endossement pignoratif 172

1. 2. no 3. D. 4. 5. 6. no

Le but de l’endossement pignoratif consiste à permettre au titulaire d’une lettre de change d’obtenir des fonds grâce à elle, sans toutefois en perdre la propriété. Ce propriétaire va obtenir un prêt ou une ouverture de crédit 6. En garantie, il va consentir au prêteur un gage portant sur la traite. Compte tenu des échéances des effets qui sont à court terme, assez souvent trois mois, cet

Civ. 8 avr. 1856, DP 1856. 1. 201 ; Req. 12 janv. 1869, DP 1872. 1. 125. Sur le point de savoir si le mandataire doit recueillir l’acceptation du tiré, Gavalda et Stoufflet, 65. Par ex., Com. 17 janv. 1984, Gaz. Pal. 1984. 1. Pan. 130, obs. A. Piédelièvre ; Paris, 13 janv. 1984, 1984. IR 306, obs. Vasseur. Paris, 9 juill. 1980, préc. Pour l’admission de telles fautes, Com. 18 oct. 1971, JCP 1972. II. 17053, note Vézian. Il importe peu que la créance garantie soit civile ou commerciale, Com. 26 janv. 1971, Bull. civ. IV, 24 ; RTD com. 1971. 1051, obs. Cabrillac et Rives-Lange.

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endossement permet seulement la couverture de crédit eux aussi à court terme. Une telle affectation est effectuée en utilisant les règles du droit commun du gage, soit au moyen de l’endossement pignoratif prévu par l’article L. 511-13, alinéas 4 et 5, du Code de commerce 1. La mise en gage d’effets de commerce prend aussi assez souvent la forme d’opérations de pensions. De même, une loi du 31 décembre 1969, désormais intégrée dans le Code monétaire et financier, destinée à faciliter la garantie de crédits mobilisés sur le marché hypothécaire, prévoit une affectation en nantissement de créances constatées par des effets de commerce. En cas d’endossement pignoratif, l’endosseur est le constituant du gage et l’endossataire est le créancier bénéficiaire de la sûreté. L’article L. 511-13, alinéa 4, du Code de commerce prévoit qu’un tel endossement doit contenir la mention « valeur en garantie », « valeur gage » ou toute autre mention impliquant un nantissement. La signature de l’endosseur doit suivre cette mention. En l’absence de cette mention, l’endossement est présumé translatif. Mais ce gage pourrait être constaté par tous moyens 2. L’endosseur doit avoir la capacité pour s’engager cambiairement, car il devient garant du paiement de l’effet. 173 Ce même article L. 511-13, alinéa 4, du Code de commerce prévoit que le porteur peut exercer tous les droits dérivant de la lettre de change, mais qu’un endossement fait par lui ne vaut que comme endossement à titre de procuration 3. Il se fera payer du montant de la traite par l’un des signataires, ce qui éteindra en tout ou en partie sa dette par compensation. S’il existe un excédent, il restituera à l’endosseur le surplus. Cet exercice des droits cambiaires est d’ailleurs pour lui une obligation, puisque l’article 2344 du Code civil prévoit que le créancier gagiste répond de la perte, de la détérioration du gage qui serait survenu par sa négligence. Par exemple à défaut de paiement, il sera tenu de faire dresser un protêt faute de paiement. 1 . Hamel, « L’aval en pension », Banque 1957. 707 ; Normand, « Les opérations bancaires de pension », RTD com. 1966. 791. 2. Com. 20 juin 1972, Bull. civ. IV, no 200. 3. La Cour de cassation a admis un réendossement au profit du précédent porteur, ce qui permettait une extinction du gage, Com. 21 avr. 1975, Bull. civ. IV, no 109.

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La circulation de la lettre de change

L’alinéa 5 de l’article L. 511-13 indique que les obligés ne peuvent pas invoquer contre lui les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec l’endosseur, à moins que le porteur, en recevant la lettre n’ait agi sciemment à son détriment. Cette formule est interprétée dans le même sens que celui que l’on lui a donné pour l’article L. 511-12 du Code de commerce 1. Mais l’endossataire bénéficie également des prérogatives inhérentes aux créanciers gagistes. Si l’échéance de sa créance est antérieure à celle de la lettre de change, il pourrait plutôt que d’attendre l’échéance, demander sa réalisation conformément à l’article L. 521-3 du Code de commerce.

1 . Com. 13 mai 1981, Bull. civ. IV, no 227.

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SYNTHÈSE

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La lettre de change

La lettre de change est un titre destiné à circuler. Sa transmission s’effectue par la technique de l’endossement translatif. Il existe également deux autres formes d’endossement : l’endossement à titre de procuration et l’endossement pignoratif. Conditions de l’endossement translatif

L’endossement translatif doit respecter des conditions de forme et des conditions de fond. Les principales conditions de forme sont prévues par l’article L. 511-8, alinéa 7, du Code de commerce. L’endossement doit être inscrit sur la lettre de change ou sur une feuille attachée au titre, appelée allonge. Il est nécessairement donné par écrit. Bien qu’importante en pratique, la date n’est pas une mention obligatoire de l’endossement. Les conditions de fond apparaissent comme la conséquence du fait que l’endosseur s’engage cambiairement. Son consentement doit être libre, il doit avoir la capacité et les pouvoirs de s’engager par le droit du change. Surtout pour pouvoir transmettre l’effet, l’endosseur doit être un porteur légitime. Le porteur légitime se définit comme la personne dont le nom figure à la dernière place sur la lettre de change ou sur l’allonge, à la suite d’une chaîne régulière d’endossement. Effets de l’endossement translatif

Cet endossement comporte un effet translatif, un effet de garantie et il est régi par la règle de l’inopposabilité des exceptions. L’effet translatif est prévu par l’article L. 511-9 du Code de commerce qui prévoit que l’endossement transmet tous les droits résultant de la lettre de change. Le titre et la provision sont transmis à l’endossataire, dénommé aussi porteur.

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La circulation de la lettre de change

L’effet de garantie résulte de l’article L. 511-44, alinéa 1er, du Code de commerce en vertu duquel l’endosseur est solidairement tenu du paiement du titre avec les autres signataires envers le porteur. On se trouve en présence d’une solidarité imparfaite. L’inopposabilité des exceptions signifie que les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas, en principe, opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs. Cette règle permet une bonne circulation de la traite, puisque chacune des transmissions opère une purge des exceptions. Endossement à titre de procuration

Par cet endossement, la lettre de change sera remise à un tiers endossataire, afin qu’il reçoive le paiement pour le compte de l’endosseur qui demeure le propriétaire de l’effet. Endossement pignoratif

Cet endossement permet au porteur de mettre en gage la lettre de change. L’endosseur est le constituant du gage et l’endossataire est le bénéficiaire de la sûreté.

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C HAPITRE 3

Le paiement de la lettre de change 174

La lettre de change peut circuler jusqu’à son échéance. Une fois ce jour arrivé, le porteur devra présenter la traite au tiré pour en obtenir le paiement. Le paiement est fondamental en cette matière, compte tenu du rôle de monnaie souvent joué par la lettre de change. Sa sécurité est accrue par l’existence de certaines garanties (SECTION 1). Sa mise en œuvre suppose réunies certaines modalités (SECTION 2) et son exécution ouvrira à son auteur certains recours cambiaires (SECTION 3).

S ECTION 1

Les garanties de paiement de la lettre de change 175

L’un des avantages du recours à la lettre de change tient à la sécurité de paiement offert au porteur. La traite doit être présentée au tiré. Sa sécurité est renforcée en cas d’acceptation de l’effet. Mais son originalité et son efficacité tiennent à ce que les autres signataires de l’effet restent tenus. En conséquence, plus le titre circule, plus il comporte de signatures et plus les garanties de

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La lettre de change

paiement se renforcent, puisqu’à défaut d’exécution de son engagement par le tiré, le tireur et les endosseurs demeurent obligés solidairement envers le porteur. Mais il est également possible qu’en plus de ces garanties légales soient souscrites d’autres garanties qui vont renforcer la sécurité de paiement de l’effet. Le paiement pourrait être garanti par une hypothèque qui se transmet en même temps que la lettre de change, si le notaire a mentionné sur l’effet que la sûreté a été créée en représentation de cette créance 1. Il peut aussi être garanti par un gage portant souvent sur les marchandises 2. On se trouve alors en présence de traites documentaires. Il existe surtout, en cette matière, une garantie spécifique assez fréquemment utilisée en pratique, l’aval 3. L’aval se définit comme un engagement cambiaire donné par une personne, appelée donneur d’aval, avaliste ou avaliseur, que la lettre de change sera payée à l’échéance 4. Il est réglementé par l’article L. 511-21 du Code de commerce. Son alinéa 1er indique que « le paiement d’une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval ». Il s’analyse en une variété particulière de cautionnement 5. Toutefois, la forme cambiaire amène quelques dérogations par rapport aux règles du droit commun du cautionnement 6. Certaines conditions de validité sont nécessaires (§ 1) pour que l’aval puisse produire ses effets (§ 2). 1 . Sur l’ensemble de cette question et sur son caractère peu usité en pratique, Gavalda et Stoufflet, no 50. 2. V. de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 193. 3. V. Abrahams, « L’aval de la lettre de change », RTD com. 1958. 493 ; Besson, « L’aval sans indication du débiteur garanti », RTD com. 1960. 493 ; Calvo, « L’aval anonyme des lettres de change », LPA 28 déc. 1990, p. 6 ; Goré, « L’aval de la lettre de change sans indication du débiteur garanti », D. 1957. 105 ; Hubrecht, « Le bénéficiaire d’un aval imprécis en matière de lettre de change », Gaz. Pal. 1960. 1. 84 ; Issa-Sayegh, « Bilan de l’interprétation jurisprudentielle de l’article 130, alinéa 6, du Code de commerce », JCP 1975. I. 2726 ; Lescot, « Aval de la lettre de change et preuve du cautionnement », JCP CI 1964. 74309 ; Montout-Roussy, « La situation juridique ambiguë du donneur d’aval », D. 1974. 197 ; Nguyen Xuan Chanh, « L’aval en blanc de la lettre de change », Ann. faculté Clermont-Ferrand 1972. 9 ; Sigalas, « Aval de la lettre de change et cautionnement du rapport fondamental », RTD com. 1964. 489 ; Sinay, « La situation juridique du donneur d’aval », RTD com. 1953. 17. 4. L’aval ne peut être donné que pour la garantie d’un engagement cambiaire, Com. 19 févr. 1991, RTD com. 1991. 416, obs. Cabrillac et Teyssié. 5. Bonhomme, no 185 ; Hamel, Lagarde et Jauffret, no 282 ; Ripert et Roblot par Germain et Delebecque, no 2005 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 182 ; Gavalda et Stoufflet, no 91 ; Putman, no 85 ; Devèze et Pétel, no 219 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 441 ; v. cependant Derrida, « De la solidarité commerciale », RTD com. 1953. 329, no 30. 6. Pour l’exclusion des obligations d’information prévues pour le droit du cautionnement Com. 16 juin 2009, Gaz. Pal. 7-11 août 2009, p. 16, note Piédelièvre.

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Le paiement de la lettre de change

§ 1. Les conditions de validité de l'aval 176

Un aval ne peut être valablement donné que pour la garantie d’un engagement cambiaire 1. En cas de lettre de change irrégulière, les règles spécifiques à l’aval ne s’appliquent plus et il ne reste plus au créancier qu’à essayer de démontrer l’existence d’un cautionnement 2 ; il est toutefois nécessaire de tenir compte du jeu éventuel des mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation 3. Il nécessite également que certaines conditions de forme (A) et de fond (B) soient respectées.

A. Les conditions de forme de l'aval

L’article L. 511-21, alinéa 3, du Code de commerce indique que l’aval peut être donné sur la lettre de change elle-même ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu. 177 L’aval donné sur la lettre de change. En cas d’aval porté sur la lettre de change, l’alinéa 4 de l’article L. 511-21 précise qu’il est exprimé par la formule « bon pour aval » ou par toute autre formule équivalente. Il est signé par le donneur d’aval. Cette signature est nécessairement manuscrite. La Cour de cassation a réaffirmé ce principe pour un aval donné par télex. Selon elle, la signature ne pouvait pas « résulter de la mention d’un numéro dans le texte d’un télex, s’agirait-il d’une clé informatique » 4. La consécration de la signature électronique prévue par l’article 1366 du Code civil ne paraît pas devoir remettre en cause cette solution. Il se pose parfois la question de savoir si la signature apposée par un dirigeant de société constitue un engagement personnel ou si cela engage la société. La jurisprudence considère que le représentant s’engage personnellement par sa simple signature, dès lors qu’elle

1 . Com. 19 févr. 1991, RTD com. 1991 416, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. Com. 12 mars 2013, Gaz. Pal. 5-6 juill ; 2013. 15, obs. Rouaud ; Dr. et proc. 2013. suppl. no 8, p. 22, obs. Piédelièvre. 3. Com. 27 sept. 2016, JCP E 2016. 1588, obs. Legeais. 4. Com. 26 nov. 1996, Bull. civ. IV, no 285 ; RTD com. 1997. 119, obs. Cabrillac ; JCP E 1997. 906, note Bonneau ; Gaz. Pal. 20-21 juin 1997. Somm. 32, obs. Piédelièvre, pour un aval par acte séparé, mais la solution vaut aussi l’aval porté sur la traite.

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n’est pas accompagnée d’autres indications sur la lettre de change 1. L’aval doit nécessairement être donné par écrit. Le droit cambiaire déroge donc en partie au droit commun de la preuve en droit commercial. L’aval ne pourra pas être prouvé par l’aveu ou le serment prêté par le donneur d’aval. Un aval donné oralement serait inefficace sur le plan cambiaire, mais il pourrait valoir comme cautionnement de droit commun, si la preuve pouvait en être rapportée 2. Hormis cette nécessité, l’aval n’est, selon la Cour de cassation, « soumis à aucune formule sacramentelle » 3. 178

Pour autant, l’identification du donneur d’aval doit être certaine. Certaines difficultés apparaissent, lorsqu’une traite est acceptée par le représentant légal d’une société et que ce dernier avalise en son nom propre l’effet. Aucun problème ne se pose lorsque le représentant a clairement manifesté son intention d’engager sa société par une acceptation et de s’engager personnellement par un aval : les deux engagements produiront leurs effets normaux. La situation devient plus délicate en présence d’une signature unique. La jurisprudence a admis que cette signature unique vaille à la fois comme acceptation et comme aval 4. Une telle solution ne suscite pas l’adhésion, car, comme on a pu le faire remarquer, « on conçoit mal qu’une signature manuscrite unique soit imputable à deux êtres juridiques distincts, la société tirée et la personne physique du dirigeant » 5. La position de la jurisprudence apparaît plus justifiée, lorsqu’un dirigeant a signé deux fois la traite sans préciser en quelle qualité ; elle considère que l’une des signatures vaut comme acceptation et que l’autre vaut comme aval 6.

1 . Com. 13 sept. 2011, no 10-20.504 sur lequel, Quiquerez, « “Piqûre de rappel” sur l’aval personnel d’un dirigeant (au sujet de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 septembre 2011) », RD banc. fin. mars-avr. 2012. Étude 7. 2. Pour des rares exemples de cette preuve, Req. 23 oct. 1894, S. 1895. 1. 174 ; Civ. 10 mai 1909, DP 1911. 1. 439. 3. Req. 10 juill. 1895, DP 1896. 1. 570. 4. Com. 2 févr. 1981, Gaz. Pal. 1981. 2. 423, note Dupichot ; RTD com. 1981. 566, obs. Cabrillac et Teyssié. 5. Dupichot, note sous Com. 2 févr. 1981, préc. 6. Com. 13 janv. 1987, RTD com. 1987. 224, obs. Cabrillac et Teyssié.

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L’aval par acte séparé. Traditionnellement admise par le droit

français, mais très souvent rejetée par les droits étrangers, la validité de l’aval par acte séparé fut longuement discutée, lors de la Convention de Genève. Devant l’impossibilité de parvenir à un accord, une réserve a reconnu, à chaque État signataire, la faculté d’admettre sur son territoire un aval par acte séparé, ce qu’a fait le droit français. Sa valeur est similaire à celle d’un aval donné sur une lettre de change 1. Il présente d’importants avantages pratiques, dans la mesure où il ne circule pas et où il permet par un acte unique de garantir une multiplicité de traites ou des traites pas encore émises 2. Son auteur s’engage en général uniquement au profit d’un porteur déterminé. Il est possible toutefois d’objecter à son encontre qu’il se concilie assez difficilement avec le formalisme cambiaire. L’article L. 511-21, alinéa 3, du Code de commerce impose qu’en plus des conditions de forme de l’aval donné sur la lettre de change, l’aval par acte séparé indique le lieu où il est donné. À défaut de cette formalité, il ne constituerait plus une garantie cambiaire 3. Il pourrait seulement éventuellement être considéré comme un cautionnement 4 ou comme un commencement de preuve de cautionnement 5. Cette formalité supplémentaire tient à la divergence entre les différentes législations. En droit international privé, le juge doit vérifier si la loi du donneur d’aval autorise ou non cette possibilité. Comme il est matériellement distinct de la lettre de change, l’aval par acte séparé doit comporter un lien avec le titre. Aussi la jurisprudence exige-t-elle que soient mentionnés les traites garanties, le montant de la garantie et sa durée 6. Elle se montre cependant assez souple en se contentant que le montant et la durée de la garantie soient énoncés dans un écrit extérieur à

1. 2. 3. 4. 5. 6.

Com. 23 mars 1982, Bull. civ. IV, no 118. Gavalda et Stoufflet, no 94. Com. 2 janv. 1972, Bull. civ. IV, no 16. Par ex., Civ. 7 mars 1944, D. 1945. 73, note Hamel. Par ex., Com. 21 janv. 1969, Bull. civ. IV, no 21. Civ. 7 mars 1944, préc.

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La lettre de change

l’aval 1. De même, il devra respecter la mention manuscrite de l’article 1376 du Code civil 2.

B. Les conditions de fond de l'aval

180 En vertu de l’article L. 511-21, alinéa 2, du Code de commerce,

l’aval peut être fourni par un tiers ou par un signataire de la lettre de change. Il est soumis aux règles du droit commun des contrats et à certaines règles spécifiques du droit cambiaire. Lorsqu’il est fourni par un tiers, ce dernier doit avoir la capacité commerciale, puisque cet engagement fait naître contre lui une obligation de type cambiaire. Selon la jurisprudence, « si l’engagement d’aval sur une lettre de change est de nature commerciale, il est valable même si son souscripteur n’est pas commerçant, dès lors qu’il a la capacité pour l’être, et cet avaliste peut être poursuivi cambiairement sans qu’il y ait à rechercher s’il avait un intérêt patrimonial à l’opération commerciale à l’occasion de laquelle l’effet a été émis » 3. Les dirigeants de sociétés doivent être munis des pouvoirs nécessaires pour engager leurs sociétés, comme ceux prévus pour les sociétés anonymes par les articles L. 225-35 et L. 225-68 du Code de commerce. Si le donneur d’aval est marié sous un régime communautaire, en application de l’article 1415 du Code civil, l’avaliste ne pourra engager les biens communs qu’avec le consentement exprès de son conjoint 4. Malgré tout, il échappe à certaines règles du droit du cautionnement 5. Par exemple, l’aval qui garantit le paiement d’un titre cambiaire ne constitue pas le cautionnement d’un concours financier accordé par un établissement de crédit à une entreprise, de telle sorte que l’avaliste ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier relatif à l’obligation d’information de 1 . Par ex., Rouen 21 sept. 1973, D. 1974. 246, note Roblot ; RTD com. 1974. 128, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 2. Devèze et Pétel, no 221 ; Gavalda et Stoufflet, no 94 ; Roblot, no 251 ; Putman, no 87. 3. Com. 1er oct. 1996, RTD com. 1997. 120, obs. Cabrillac. 4. Com. 4 févr. 1997, D. 1997. 478, note Piédelièvre. 5. Piette et Lasserre Capdeville, « L’avaliste ne peut invoquer l’application du droit régissant le cautionnement », D. 2014. 518.

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la caution 1. Plus récemment, elle a considéré que l’aval donné sur la lettre de change ou sur le billet à ordre est uniquement astreint au formalisme cambiaire, ce qui exclue le jeu des mentions manuscrites 2. À ces conditions traditionnelles, la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 juin 1997, en avait ajouté une supplémentaire en exigeant que l’aval fourni par un dirigeant de société soit proportionné à ses revenus et à son patrimoine 3. Cette solution semblait avoir été abandonnée, tout au moins en grande partie, par un arrêt du 8 octobre 2002 qui a statué pour un cautionnement, mais dont la solution peut être transposée à l’aval 4. Puis la jurisprudence l’avait de nouveau admise 5. Le législateur, par la loi du 1er août 2003 sur l’initiative économique, a entendu généraliser le principe de proportionnalité. Selon l’article L. 332-1 du Code de la consommation, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » 6. On aurait pu penser que cette disposition s’appliquait à l’aval. Mais là encore, la Cour de cassation a écarté l’application des règles du droit de la consommation. Par un arrêt du 30 octobre 2012, elle a considéré que « l’aval, en ce qu’il garantit le paiement d’un titre dont la régularité n’est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l’avaliste n’est pas fondé à rechercher la responsabilité de la

1 . Com. 16 juin 2009 D. 2009. 1755, obs. Delpech ; JCP E 2010. 1035, note Dumont-Lefrand. 2. Com. 5 juin 2012, D. 2012. 1604, obs. Delpech ; JCP E 2012. 1501, note Piédelièvre. 3. Com. 17 juin 1997, JCP E 1997. II. 1007, note Legeais ; Dr. sociétés oct. 1997, p. 8, obs. Bonneau ; D. 1998. 308, note Casey ; RTD civ. 1998. 157, obs. Crocq ; LPA 27 mai 1998, p. 33, note Piédelièvre. 4. Com. 8 oct. 2002, JCP E 2002. 1730, note Legeais ; JCP 2003. II. 10017, note Picod ; Defrénois 2003. 456, note Piédelièvre. 5. Com. 11 juin 2003, LPA 9 avr. 2004, p. 12, note Guerchoun ; Civ. 1re, 9 juill. 2003, Gaz. Pal. 23-25 mai 2004, p. 15, obs. Piédelièvre. 6. Houtcieff, « Les dispositions applicables au cautionnement issues de la loi pur l’initiative économique », JCP 2003. I. 161 ; Piédelièvre, « La réforme de certains cautionnements par la loi du 1er août 2003 », Defrénois 2003. 1371.

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banque pour manquement au devoir de mise en garde ni pour violation de l’article L. 341-4 du Code de la consommation » 1. La question est plus ouverte de savoir si l’aval d’un effet de commerce est nul lorsque la lettre de change est nulle. La jurisprudence est incertaine en ce domaine. La Cour de cassation a indiqué que l’aval porté sur un billet à ordre irrégulier peut constituer un cautionnement 2. À partir du moment où l’aval s’est transformé en un cautionnement, il est soumis à toutes les règles s’appliquant à cette dernière sûreté, notamment les mentions manuscrites des articles L. 341-2 et L. 311-3 3. Mais plus récemment, elle a considéré que l’aval d’un effet de commerce irrégulier en raison d’un vice de forme est lui-même nul et ne vaut pas promesse de porte-fort 4. Supprimant une controverse, la Convention de Genève a admis la possibilité pour une personne, déjà tenue par une obligation cambiaire, de l’avaliser. En raison de la solidarité unissant les différents signataires de l’effet, un tel aval a une utilité pratique réduite. Il est donc admis uniquement, s’il améliore la situation du porteur et s’il n’a pas été donné par le tiré accepteur. 181

N’importe lequel des signataires d’une traite peut être garanti par un aval, qu’il s’agisse du tireur, du tiré accepteur, d’un endosseur ou d’un autre donneur d’aval. L’article L. 511-21, alinéa 6, du Code de commerce envisage l’hypothèse où cette indication manquerait. L’aval est alors présumé donné pour le tireur. Le caractère réfragable ou irréfragable de cette présomption a profondément divisé la doctrine et la jurisprudence. Les juges du fond avaient commencé par affirmer le caractère simple de la présomption 5. Puis par cinq décisions du 23 janvier 1956, la Cour de cassation avait opté pour le caractère irréfragable

1 . Com. 30 oct. 2012, Bull. civ. IV, no 195 ; D. 2013. 1706, obs. Crocq ; Banque et Droit nov-déc. 2012. 54, obs. Jacob ; Gaz. Pal. 5-6 déc. 2012. 17, obs. Piédelièvre ; également Civ. 1re 19 déc. 2013, Gaz. Pal., 19-20 mars 2014. 16, obs. Dumond-Lefrand ; Com. 20 avr. 2017, Dr. et proc. 2017. suppl. no 10, p. 224, obs. Piédelièvre. 2. Com. 5 juin 2012, préc. 3. Com. 27 sept. 2016, préc. 4. Com. 8 sept. 2015, RD bancaire 2015. 187, obs. Legeais. 5. Par ex., T. com. Seine, 6 janv. 1949, JCP 1949. II. 4946, note Roblot ; T. com. Seine, 17 juin 1949, JCP 1949. II. 5174, note Roblot.

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de la présomption 1. Devant la résistance de certaines juridictions du fond, les chambres réunies de la Cour de cassation ont dû réaffirmer le caractère irréfragable de cette présomption 2. Certains juges du fond ont essayé de contourner cette solution par une utilisation des règles du droit commun du cautionnement. La Cour de cassation a alors indiqué que la mention aval sans indication du débiteur portée sur la lettre de change ne constituait pas un commencement de preuve de garantie donnée par une personne autre que le tireur 3. Cette solution, même si elle paraît parfois inéquitable, se justifie compte tenu du formalisme cambiaire 4, en vertu duquel on doit considérer que l’article L. 51121, alinéa 6, du Code de commerce pose plus une règle de forme qu’une règle de fond. La présomption de l’article L. 511-21, alinéa 6, du Code de commerce ne s’applique pas à l’aval par acte séparé. En ce cas, la preuve peut être effectuée par tous moyens 5. De même, la Cour de cassation a admis que la présomption soit écartée, si l’aval donné sur la lettre de change est réitéré par un acte séparé comportant l’indication du nom du bénéficiaire. En ce cas, l’engagement séparé permet de rétablir la volonté réelle des parties d’après le droit commun du cautionnement 6.

1 . Com. 23 janv. 1956, JCP 1956. II. 9166, note Roblot ; RTD com. 1956. 289, obs. Becqué et Cabrillac. 2. Ch. réun., 8 mars 1960, D. 1961. 209, note Hamel ; JCP 1960. II. 11616, note Roblot ; RTD com. 1960. 366, obs. Becqué et Cabrillac ; Banque 1960. 601, obs. Marin ; adde Besson, « L’aval sans indication du débiteur garanti », préc. Cette solution est régulièrement reprise par la Cour de cassation, par ex., Com. 19 juill. 1982, Bull. civ. IV, no 279 ; Gaz. Pal. 1983. 1. Pan. 8, obs. A. Piédelièvre ; Com. 30 juin 1998, JCP E 1998. 1452, note Bonneau, précisant que cette présomption ne peut pas être contredite par une prestation de serment. 3. Com. 2 mars 1964, JCP 1964. II. 3686, note Lescot ; Banque 1964. 574, obs. Marin. 4. V. l’approbation de cette solution par Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2008 ; Goré, « L’aval de la lettre de change sans indication du débiteur garanti », préc. ; pour sa critique, Hamel, Lagarde et Jauffret, no 1473 ; Abrahams, « L’aval de la lettre de change », préc. ; Besson, « L’aval sans indication du débiteur garanti », préc. 5. Com. 14 févr. et 14 mars 1961, Bull. civ. III, no 86 et 135. 6. Com. 13 avr., 2 et 15 mai 1961, Bull. civ. III, no 155, 185 et 207 ; Com. 11 févr. 1986, Gaz. Pal. 1986. 2. Pan. 508, obs. A. Piédelièvre.

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§ 2. Les effets de l'aval

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182 L’aval souscrit sur une lettre de change et l’aval par acte séparé

produisent des effets identiques 1. Mais l’avaliste par acte séparé est seulement tenu envers la personne à qui il a promis sa garantie. Il ne sera pas tenu de plein droit à l’égard des porteurs successifs. Il est nécessaire d’étudier les rapports du donneur d’aval avec le porteur (A) avant de voir les recours dont bénéficie l’avaliseur (B).

A. Les rapports du donneur d'aval avec le porteur 183 Les rapports du donneur d’aval avec le porteur sont déterminés

par la nature juridique spécifique de l’aval. Le donneur d’aval est à la fois un garant et un débiteur cambiaire. Ce dualisme est marqué par les alinéas 7 et 8 de l’article L. 511-21 du Code de commerce. Le premier prévoit que le donneur d’aval est tenu de la même façon que celui dont il s’est porté garant. Le second indique que l’engagement est valable alors que l’obligation qu’il a garantie serait nulle pour toute autre cause de vice de forme. 184 L’application du droit du cautionnement solidaire. Étant une caution

solidaire, l’avaliseur ne pourra invoquer ni bénéfice de discussion, ni bénéfice de division. Cette assimilation lui permettra d’invoquer à l’encontre du porteur les exceptions dont dispose le débiteur principal, en plus de ses propres exceptions. Plusieurs conséquences en découlent. Hormis lorsqu’il a garanti le tiré accepteur ou le tireur 2, le donneur d’aval pourra se prévaloir de la négligence du porteur. L’identité de traitement se retrouve encore en cas de défaut de paiement. L’avis mentionnant l’un de ces défauts devra être envoyé à l’avaliseur, dès lors qu’on doit en adresser un au débiteur garanti. De même, le donneur d’aval a la possibilité d’opposer au porteur la prescription que pourrait invoquer le débiteur garanti 3.

1 . Com. 25 nov. 1974, RTD com. 1975. 564, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 2. Com. 2 févr. 1965, RTD com. 1965. 437, obs. Becqué et Cabrillac. 3. Req. 2 août 1904, S. 1905. 1. 185, note Bernard ; Com. 8 mars 1971, Bull. civ. IV, no 70.

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Outre ces décharges découlant du caractère accessoire de l’engagement, le donneur d’aval sera parfois libéré pour des raisons tirées du contrat de cautionnement. Comme caution, l’avaliseur bénéficiera de l’article 2314 du Code civil, il sera déchargé, s’il démontre ne pas avoir pu être subrogé dans les droits du porteur pour recourir contre le débiteur garanti à la suite d’une faute ou d’une négligence du porteur 1. La question a été plus discutée pour savoir si le donneur d’aval bénéficie ou non des dispositions de l’article 2316 de ce même code aux termes duquel la prorogation d’échéance accordée par le créancier au débiteur principal ne décharge pas la caution. La jurisprudence semble désormais admettre le jeu de cette disposition en matière d’aval 2. 185 L’application de la réglementation spéciale des effets de commerce.

Comme toute obligation cambiaire, l’engagement du donneur d’aval est régi par le principe de l’inopposabilité des exceptions. Le donneur d’aval ne peut pas opposer à un porteur de bonne foi les exceptions qu’il aurait pu invoquer à l’encontre d’un autre signataire. De plus, l’article L. 511-21, alinéa 8, du Code de commerce indique que son engagement est valable, alors même que l’obligation serait nulle pour toute autre cause qu’un vice de forme. Il s’agit d’une conséquence du formalisme cambiaire. À partir du moment où la régularité formelle du titre fait défaut, aucune signature ne peut faire valablement produire d’effets aux obligations cambiaires. Bien que libéré sur le terrain cambiaire, la signature de l’avaliste constitue parfois un élément permettant de démontrer l’existence d’un cautionnement 3. En application de l’article de l’article L. 511-21, alinéa 8, du Code de commerce, l’aval produira ses effets, alors même que l’obligation du débiteur principal serait nulle par exemple pour un vice du consentement, pour une illicéité ou une immoralité de la cause. Cependant le donneur d’aval sera dégagé de son engagement, s’il démontre la mauvaise foi du porteur 4.

1 . Com. 5 janv. 1957, Bull. civ. III, no 7 ; Com. 20 juill. 1973, Bull. civ. IV, no 259. 2. Com. 12 juin 1978, RTD com. 1979. 247, obs. Cabrillac et Rives-Lange, pour un aval par acte séparé. 3. Com. 24 avr. 1990, Bull. civ. IV, no 119 ; Gaz. Pal. 1990. 2. Somm. 488, obs. A. Piédelièvre. 4. Req. 10 janv. 1944, JCP 1944. II. 2586, note Lescot ; Com. 28 janv. 1975, Bull. civ. IV, no 24.

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B. Les recours du donneur d'aval

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186 Le donneur d’aval n’est jamais tenu du règlement définitif ; il est

seulement garant. Il pourra recourir contre la personne qu’il a garantie ou contre les autres personnes tenues en vertu de la lettre de change. Il est également nécessaire d’envisager l’hypothèse d’une pluralité d’aval et donc de voir les rapports entre coavalistes. 187

Le recours du donneur d’aval contre le débiteur garanti. Le recours

du donneur d’aval contre le débiteur garanti fait de nouveau apparaître le dualisme de l’aval qui est à la fois un cautionnement et un engagement cambiaire comportant un recours spécifique. Dans le droit commun du cautionnement, la caution, après son paiement, bénéficie contre le débiteur garanti de deux recours, l’un personnel et l’autre subrogatoire. On s’est interrogé sur l’existence de ces deux recours en matière d’aval, car l’article L. 511-21, alinéa 9, du Code de commerce prévoit que, lorsqu’il paie la lettre de change, l’avaliseur acquiert les droits résultant de la lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la traite. Même si certains considèrent le recours personnel prévu par l’article 2305 du Code civil incompatible avec le mécanisme cambiaire 1, il paraît incontestable que ce recours qui appartient à toute caution civile ou commerciale, s’applique pour l’aval 2. Cette solution est d’ailleurs indirectement prévue par l’article L. 511-46 du Code de commerce indiquant que le donneur d’aval ayant exécuté son engagement peut recourir pour la somme payée, pour les intérêts légaux depuis le versement et pour les frais qu’il a engagés. La question de l’existence d’un recours subrogatoire a été plus discutée. En raison des termes de l’article L. 511-21, alinéa 9, du Code de commerce, certains ont soutenu que les droits du donneur d’aval ayant exécuté son engagement seraient indépendants de

1 . Ancel, Le cautionnement des dettes de l’entreprise, 1re éd., no 641 ; Sinay, « La situation juridique du donneur d’aval », préc., no 29. 2. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, 4e éd., no 559.

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ceux du précédent porteur 1, excluant ainsi les règles de l’action subrogatoire. Pour d’autres, l’article L. 511-21, alinéa 9, serait la transposition au droit cambiaire des articles 1346 et 2316 du Code civil 2. La jurisprudence a, quant à elle, admis l’application du recours subrogatoire de l’article 2306 3. Cette solution semble la meilleure. Comme l’article L. 511-21, alinéa 9, ne déroge pas véritablement au principe de subrogation, il semble normal que le donneur d’aval puisse invoquer à son choix l’article 2306 ou l’article L. 511-21, alinéa 9. En revanche, la déchéance prévue par l’article 2308 du Code civil à l’encontre de la caution ayant payé le créancier sans en avoir averti le débiteur principal ne semble pas s’appliquer au donneur d’aval 4. Le donneur d’aval bénéficie également d’un recours spécifique au droit cambiaire, prévu par l’article L. 511-21, alinéa 9, du Code de commerce. Selon la jurisprudence, lorsqu’il a régulièrement payé, l’avaliseur acquiert « un droit propre et personnel que l’article L. 511-21, alinéa 9, du Code de commerce définit dans les mêmes termes que celui du porteur de bonne foi » 5. Par exemple, s’il est de bonne foi, il bénéficie de la règle de l’inopposabilité des exceptions. 188 Le rapport entre co-avaliseurs. Lorsque plusieurs avaliseurs ont

donné leur garantie à une même personne, tous sont solidairement tenus. Le bénéficiaire de la sûreté a la faculté de s’adresser à n’importe lequel d’entre eux. Une fois le paiement opéré, le donneur d’aval actionné bénéficie d’un recours contre les autres garants, en application de l’article 2310 du Code civil 6. Il en résulte qu’il pourra recourir contre les autres avaliseurs, chacun pour sa part et portion 7. En cas d’insolvabilité de l’un d’entre eux, la perte causée par cette situation se répartit sur les autres.

1 . Lescot et Roblot, t. 1, no 508 ; Roblot, no 255. 2. Gavalda et Stoufflet, no 97 ; Chaput et Schödermeier, no 125 ; Bonhomme, no 210 ; Devèze et Pétel, no 226. 3. Com. 26 mai 1961, Bull. civ. III, no 204 ; RTD com. 1961. 892, obs. Becqué et Cabrillac. 4. En ce sens, Gavalda et Stoufflet, no 97. 5. Com. 23 nov. 1959, Bull. civ. III, no 393 ; Banque 1961. 39, obs. Marin. 6. Contra Hamel, Lagarde et Jauffret, no 1476. 7 . Besançon, 13 févr. 1974, D. 1975. 230, note Crionnet ; RTD com. 1975. 331, obs. Cabrillac et RivesLange.

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S ECTION 2

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Les modalités de paiement de la lettre de change 189 Le paiement de la lettre de change intervient au jour de son

échéance. Il appartient au porteur de présenter à ce moment la traite au tiré 1. En pratique désormais le plus souvent, elle se trouve entre les mains d’un banquier qui sera chargé de son recouvrement en qualité de mandataire. L’article L. 511-26, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que la dette cambiaire est quérable. Cette solution se justifie aisément. Une lettre de change circule ou du moins peut circuler et, par voie de conséquence, le tiré ignore le nom du porteur. Si le tiré refuse le paiement, certains recours s’ouvriront. Mais le tiré peut également régler le montant de l’effet. La procédure est particulièrement formaliste et, faute pour lui de la respecter, le porteur risquerait d’être considéré comme un porteur négligent et il serait alors déchu de certains recours cambiaires. Il est nécessaire d’envisager successivement le moment de la présentation au paiement (§ 1), les modalités de la présentation et du paiement (§ 2) et l’opposition au paiement (§ 3).

§ 1. Le moment de la présentation au paiement 190 La présentation au paiement s’effectue au jour de l’échéance par

la production de l’original du titre (A). La jurisprudence considère insuffisante la remise d’une photocopie 2. En aucun cas le porteur ne pourrait effectuer cette démarche avant l’arrivée du terme. De même, l’article L. 511-28, alinéa 2, du Code de commerce dispose que « le tiré qui paye avant l’échéance le fait à ses risques et périls ». Le défaut de présentation produit certaines conséquences (B).

1 . Nguyen Xuan-Chanh, « Présentation au paiement de la lettre de change », RJ com. 1980. 253. 2. Com. 20 nov. 1974, Bull. civ. IV, no 295.

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A. La présentation à l'échéance 191

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Selon l’article L. 511-1-4o du Code de commerce, l’indication de l’échéance est une des mentions obligatoires de la lettre de change. L’échéance se définit comme la date à laquelle le porteur pourra exiger le paiement de la traite. Les articles L. 511-22 à L. 511-25 du Code de commerce réglementent de manière très précise les questions relatives à l’échéance, notamment celle de sa détermination et celle de la computation des délais. L’article L. 511-22 du Code de commerce prévoit qu’une lettre de change peut être tirée à vue, à un certain délai de vue, à un certain délai de date ou à jour fixe. Il indique également que les effets à d’autres échéances ou à des échéances successives sont nuls 1. En cas de lettre de change à vue, le porteur peut présenter l’effet dès son émission et au plus tard dans un délai d’un an à compter de sa création. L’article L. 511-23, alinéa 1er, du Code de commerce précise que le tireur peut abréger ce délai ou en stipuler un plus long et que les endosseurs ont uniquement la faculté de l’abréger. Ces lettres sont assez rares en pratique. L’article L. 511-24, alinéa 1er, du Code de commerce indique que l’échéance d’une lettre de change à un certain délai de vue est déterminée par la date de l’acceptation ou par celle du protêt. Si l’acceptation n’est pas datée, comme l’exige en ce cas l’article L. 511-17, alinéa 2, de ce même code, celle-ci sera réputée, à l’égard de l’endosseur, avoir été donnée le dernier jour du délai prévu pour la présentation à l’acceptation. Lorsque la lettre de change est payable à un certain délai de date, le délai court du jour de la création du titre. Ce délai est librement fixé par l’émetteur. Il s’agit de la modalité la plus fréquemment stipulée. Assez souvent, elles sont payables à quatrevingt-dix jours.

1 . Ainsi qu’on l’a fait remarquer, « la pratique, notamment du commerce international, ne respecte guère cette prohibition. Le moyen de la tourner est aisé (tirer autant de traites qu’il y a d’échéances) mais coûteux », Devèze et Pétel, no 261. Cependant pour une application de la nullité, Pau, 5 févr. 1987, Banque 1987. 521, obs. Rives-Lange.

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Il est possible que la lettre de change soit stipulée payable à jour fixe. Le terme doit être certain. Le jour du paiement est alors fixé par le tireur. Aucun calcul de délai n’est alors nécessaire. 192 Les articles L. 511-24 et L. 511-25 du Code de commerce apportent plusieurs précisions sur la manière de déterminer les échéances. Ils permettent ainsi de résoudre certaines ambiguïtés 1. L’échéance d’une lettre de change tirée à plusieurs mois de date ou de vue a lieu à la date correspondante du mois où le paiement doit être effectué. À défaut de date correspondante, l’échéance a lieu le dernier jour de ce mois. Quand une lettre de change est tirée à un ou plusieurs mois et demi de date ou de vue, on compte d’abord les mois entiers. Si l’échéance est fixée au commencement, au milieu (mi-janvier, mi-février, etc.) ou à la fin du mois, on entend par ces termes, le 1er, le 15 ou le dernier jour de ce mois. Les expressions huit jours ou quinze jours s’entendent, non d’une ou de deux semaines, mais d’un délai de huit ou quinze jours effectifs. L’expression demi-mois indique un délai de quinze jours. Sauf clause contraire, si une lettre de change est payable à jour fixe dans un lieu où le calendrier diffère de celui du lieu de l’émission, la date de l’échéance est fixée d’après le calendrier du lieu de paiement. De même pour les lettres de change tirées entre deux places et payables à un certain délai de date, le jour de l’émission est déterminé en fonction du lieu de calendrier et la date de paiement est fixée en conséquence. 193 La présentation au paiement ne peut pas être effectuée un jour férié. L’article L. 511-80 du Code de commerce assimile aux jours fériés légaux, ceux où, aux termes des lois en vigueur, aucun paiement ne peut être exigé ni aucun protêt dressé 2. L’article L. 511-79 du Code de commerce prévoit qu’en ce cas le paiement sera exigible le premier jour ouvrable qui suit. L’article L. 511-26, alinéa 1er, de ce même code dispose que le porteur d’une traite 1 . Dans l’hypothèse où l’année n’aurait pas été indiquée sur la traite, la preuve peut en être rapportée par tous moyens. À défaut de preuve contraire, la jurisprudence considère qu’il s’agit de l’année d’émission, Com. 25 oct. 1972, RTD com. 1973. 602, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 2. Sur l’ensemble de la question, Bouteron, « Jours fériés, variations sur l’article 181 du Code de commerce », Gaz. Pal. 1952. 1. doctr. 53.

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payable à jour fixe ou à un certain délai de date ou de vue doit présenter l’effet au paiement le jour où elle est payable ou l’un des deux jours ouvrables qui suivent. Mais un décret du 29 octobre 1940, dû aux circonstances de guerre, mais jamais abrogé depuis lors et donc toujours en application, a porté à dix jours le délai pendant lequel la présentation au paiement pouvait valablement être effectuée. Ce caractère obligatoire d’un bref délai présente une grande importance en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du tiré. L’article L. 632-3 du Code de commerce prévoit que le paiement de la lettre de change, pendant la période suspecte, n’est pas en principe sanctionné par la nullité de droit ou la nullité facultative de la période suspecte. Pendant longtemps, la jurisprudence exigeait que la traite ait circulé. Désormais cette exigence a été supprimée et il importe peu que l’effet ait ou non circulé 1. L’alinéa 2 de l’article L. 632-3 indique que l’administrateur ou le représentant des créanciers peut exercer une action en rapport contre le tireur, s’il est établi qu’il avait connaissance de la cessation des paiements 2. 194 Le droit de la lettre de change n’admet aucun délai de grâce 3, sauf si la présentation est empêchée par un événement de force majeure 4, démontrant bien les rigueurs d’exécution du droit cambiaire. L’article 1343-5 du Code civil ne s’appliquera donc pas. Ce principe supporte toutefois deux exceptions. La première est que la France a utilisé une réserve pour proroger les échéances en cas de mobilisation de l’armée, de fléau, de calamité publique ou d’interruption des services publics 5. La seconde est plus intéressante. Il s’agit de déterminer si une prorogation peut résulter d’un accord entre le porteur et le tiré 6, 1 . Com. 28 janv. 2004, D. 2004. 201, obs. Lienhard ; JCP E 2004. 878, note Piédelièvre. 2. Sur cette action, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 3141. 3. Cf. Com. 14 juin 1971, JCP 1973. II. 17310, note Groslière ; RTD com. 1972. 129, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 4. Sur cette notion et ses conséquences, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2069. 5. On peut par exemple citer la loi du 2 déc. 1963 en faveur des Français rapatriés, cf. Nîmes, 22 mai 1968, RTD com. 1969. 132, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; le décret du 28 mai 1968 à la suite des événements de mai 1968, v. Com. 21 juin 1971, D. 1971. 533, note Larroumet, RTD com. 1971. 1052, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; adde Hamel, « Les effets de commerce et la guerre », DH 1940. 9. 6. Une prorogation d’échéance ne pourrait pas être opposée à un tiré n’ayant pas accepté ce report, Com. 23 mars 1993, D. 1993. Somm. 318, obs. Cabrillac.

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afin de faire profiter ce dernier d’un nouveau délai de paiement. La situation diffère de celle résultant d’un effet dit « de renouvellement », puisqu’ici il ne s’agit pas de créer un nouvel effet, mais seulement d’augmenter la durée de vie d’un effet déjà existant. Le caractère impératif de l’échéance ne s’oppose pas à une prorogation. Cependant, elle produit assez souvent des effets limités. En effet, elle ne s’applique pas automatiquement aux autres signataires de la lettre de change 1, ce qui est logique, car ces personnes n’ont pas donné leur accord à cet acte qui aggrave leur situation 2. Ils seront tenus par la prorogation uniquement, s’ils l’ont acceptée 3.

B. Les conséquences du défaut de présentation 195

1. 2. du 3.

L’article L. 511-26, alinéa 1er, du Code de commerce impose au porteur d’une lettre de change de la présenter au paiement au jour de son échéance. Cette solution est dictée par le fait que le tiré s’attend à être actionné en paiement ce jour-là. Par exception, l’article L. 511-39 du Code de commerce prévoit deux hypothèses dans lesquelles la présentation au paiement n’est pas nécessaire et donc dont le défaut ne produit aucune conséquence. L’alinéa 4 de l’article L. 511-39 prévoit que le protêt faute d’acceptation dispense de la présentation au paiement du protêt faute de paiement. Son alinéa 6 indique qu’en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre du tiré accepteur ou non ou à l’encontre du tireur d’une traite non acceptable, la production du jugement d’ouverture suffit pour permettre au porteur d’exercer ses recours. Si le porteur ne respecte pas cette obligation de présentation, l’article L. 511-30 du Code de commerce prévoit qu’à défaut de présentation de la traite au paiement le jour de son échéance, ou l’un des deux jours ouvrables qui suivent, le tiré, et d’ailleurs plus largement tout débiteur cambiaire, a la faculté d’en remettre le

Com. 18 janv. 1955, D. 1955. 188, note Goré ; Banque 1955. 242, obs. Marin. V. cependant les doutes de certains pour l’avaliseur tenu, en vertu de l’article L. 511-21, alinéa 7, Code de commerce, dans les mêmes termes que celui dont il s’est porté garant, Roblot, no 320. Com. 20 nov. 1990, RTD com. 1991. 72, obs. Cabrillac et Teyssié.

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Le paiement de la lettre de change

montant en dépôt à la Caisse des dépôts et consignations, aux frais, risques et périls du porteur. Cette consignation n’équivaut pas à un paiement 1. Si le porteur n’effectue pas les diligences nécessaires pour obtenir le paiement de la lettre de change, il sera alors considéré comme négligent et il sera donc déchu de certains de ses recours. De manière plus générale, en application des principes généraux de la responsabilité civile, le porteur s’expose à devoir indemniser un ou plusieurs signataires de l’effet, si le défaut de présentation leur a causé un préjudice.

§ 2. Les modalités de la présentation et du paiement 196 On distinguera les modalités de la présentation (A), avant de voir

celles du paiement (B).

A. Les modalités de la présentation 197

La présentation est a priori effectuée au domicile du tiré ou au lieu fixé sur la lettre de change. Mais aujourd’hui en pratique, les effets sont souvent domiciliés chez un banquier, appelé banquier domiciliataire. La présentation doit alors être effectuée en ce lieu. Il était également prévu par l’article L. 511-26, alinéa 2, du Code de commerce que la présentation à une chambre de compensation équivaut à une présentation au paiement. Depuis le 3 mai 1994, le comité français d’organisation et de normalisation bancaire a supprimé l’échange d’effets de commerce en chambre de compensation. La présentation est désormais effectuée par des systèmes dématérialisés et plus précisément par le système CORE 2. La circulation du titre est remplacée par un transfert des données de la lettre de change.

1 . Sur les conséquences en cas de jugement d’ouverture d’une procédure collective, Devèze et Pétel, no 265. 2. V. Bonhomme, no 206 et 211 ; Piédelièvre et Putman, no 351 s.

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B. Les modalités du paiement

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La lettre de change

198 Il est nécessaire de dissocier le paiement proprement dit de sa

preuve.

199 Le paiement. Plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’il

soit libératoire à l’égard du tiré et pour que la dette cambiaire soit éteinte. Certaines d’entre elles dérogeront aux règles du droit commun du paiement. Ce paiement doit être opéré rapidement par le tiré. Le paiement peut être effectué par intervention, même si cette procédure est assez rare en pratique 1. L’article L. 511-65, alinéa 2, du Code de commerce prévoit qu’un tiers peut intervenir et payer à la place de l’un des débiteurs cambiaires. À défaut d’une telle indication, le paiement est considéré comme fait pour le tireur. Si le porteur refusait le paiement de ce tiers, il perdrait ses recours contre ceux qui normalement auraient dû être libérés. Ce tiers acquerra les droits résultant de la traite contre celui pour lequel il a payé et contre ceux qui sont tenus vis-à-vis de ce dernier en vertu de la lettre de change. L’article L. 511-28, alinéa 3, du Code de commerce impose un paiement de bonne foi de la part du tiré. Pour cela, il est obligé, lui ou son mandataire, de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs. La présomption de bonne foi sera écartée en cas de démonstration de sa fraude, de sa faute intentionnelle ou de sa faute lourde. 200 En cas de clause de domiciliation, la jurisprudence décide que cette clause ne vaut pas, par elle-même, mandat de payer, même pour les lettres de change acceptées. Il est nécessaire qu’un avis spécial soit adressé par le tiré mandant au banquier mandataire 2. Il semble même possible de donner un ordre permanent de paiement 3. Un paiement, sans avis, opéré par le mandataire serait inopposable au tiré 4. De même si les fonds sont insuffisants pour 1 . Sur cette technique, par ex., Le Cannu, Granier et Routier, no 213 ; Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2077. 2. Par ex., Paris, 7 avr. 1973, JCP 1973. II. 17555, note Gavalda. Il appartient au banquier mandataire de rapporter la preuve du contrat de mandat. Pour des instructions téléphoniques, Versailles, 4 nov. 1987, D. 1988. 133, note Estoup. 3. V. Gavalda et Stoufflet, no 109 ; Putman, no 92 ; Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 322. 4. Par ex., Com. 8 juin 1982, Bull. civ. IV, no 221 ; Gaz. Pal. 1982. 2. Pan. 339, obs. A. Piédelièvre.

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Le paiement de la lettre de change

payer l’ensemble des effets présentés le même jour, le banquier domiciliataire n’a pas la possibilité d’effectuer un choix ; il doit demander des instructions à son client 1. La jurisprudence a précisé que le banquier domiciliataire ayant payé sans mandat, n’a pas la possibilité de demander la restitution de la somme versée au porteur, si celui-ci a reçu ce qui lui était dû 2. Le banquier domiciliataire engage sa responsabilité en cas de non-respect des ordres reçus. S’il a payé le montant d’un effet, même accepté, en l’absence d’instruction du tiré, ce dernier aura la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts d’un montant équivalent à celui de la traite, même si son préjudice est inférieur 3. Il engage également sa responsabilité envers le porteur en cas de refus de paiement injustifié 4. Mais en aucun cas, le mandataire ne doit être considéré comme un garant solidaire du paiement du montant de l’effet 5. 201 La lettre de change doit obligatoirement indiquer le montant de la somme due. Les contestations sur le montant de la traite sont en conséquence assez rares. L’article L. 511-29 du Code de commerce résout la question de la monnaie de paiement. Le principe est que l’effet est payé dans la monnaie du lieu de paiement. Il est théoriquement possible qu’une clause prévoit un paiement en monnaie étrangère. Originairement, le paiement de l’effet s’effectuait en espèces. Puis, on a autorisé le paiement par chèques. Or, il est possible que le chèque ne soit pas payé en raison d’un défaut de provision, alors que le porteur s’est dessaisi de l’effet. Il ne sera pas considéré comme payé. En effet, l’article L. 131-67 du Code monétaire et financier dispose que « la remise d’un chèque en payement, accepté par un créancier n’entraîne pas novation. En conséquence, la créance originaire subsiste, avec toutes les garanties, qui y sont attachées jusqu’à ce que ledit chèque soit payé ». Le porteur du chèque devra, pour sauvegarder ses droits, faire dresser 1. 2. 3. 4. 5.

Paris, 7 juin 1990, RTD com. 1990. 613, obs. Cabrillac et Teyssié. Com. 23 avr. 1976, D. 1977. 562, note Vermelle. Com. 30 nov. 1999, RTD com. 2000. 149, obs. Cabrillac. Com. 23 nov. 1999, RTD com. 2000. 150, obs. Cabrillac. Paris, 20 avr. 1964, Banque 1965. 503, obs. Marin.

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protêt dans les dix jours. Le tiré aura l’obligation de restituer le titre, faute sinon de se voir appliquer les peines de l’abus de confiance. Le paiement peut aussi être effectué par virement. Mais aujourd’hui, la majorité des lettres de change est payée par des procédés plus modernes 1. Il est admis depuis longtemps que la présentation d’un effet à une chambre de compensation équivaut à un paiement. Actuellement, les traites seront réglées par le système CORE. L’ensemble de la procédure est intégralement dématérialisé. 202 Le droit commun du paiement, prévu par l’article 1342-4 du Code civil, pose que, sauf clause contraire, le paiement est indivisible. Le droit cambiaire connaît une solution différente, puisque l’article L. 511-27, alinéa 2, du Code de commerce prévoit qu’un porteur ne peut pas refuser un paiement partiel. Cette solution se justifie par le fait qu’un tel paiement dégage d’autant les personnes solidairement tenues au paiement. Le tiré a la possibilité d’exiger que la mention de ce paiement partiel figure sur le titre et que quittance lui en soit donnée. En tout état de cause, le porteur est tenu de faire protester l’effet pour le surplus. Lorsque le paiement est effectué de manière régulière entre les mains du porteur, le tiré sera doublement libéré. D’une part, la dette cambiaire dont il était tenu est éteinte. D’autre part, il y a également extinction du rapport juridique préexistant, s’il en existait un, qui avait amené le tiré à s’engager. Le tiré possédera un recours contre le tireur, s’il a réglé le montant de l’effet, sans avoir reçu provision. Les autres signataires sont aussi libérés. Dans l’hypothèse où le paiement aurait été effectué par un autre obligé, celui-ci bénéficiera d’un recours contre les signataires antérieurs. 203 La preuve du paiement. L’article L. 511-27, alinéa 1er, du Code de commerce indique que le tiré peut exiger, en payant la lettre de change, qu’elle lui soit remise acquittée par le porteur. La mention acquittée, compensée ou toute formule équivalente ne fait pas preuve par elle-même du paiement, car elle est souvent apposée par avance 2. 1 . Sur lesquels, par ex., de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 274 s. ; Putman, no 93 s. 2. Gavalda et Stoufflet, no 110 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 464 ; Roblot, no 343.

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Le paiement de la lettre de change

La remise du titre revêt une plus grande importance probatoire. En effet, l’article 1342-9 du Code civil dispose que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération ». Sous l’empire de l’article 1282, la question s’était posée de la force de cette présomption. Dans un ancien arrêt, la Cour de cassation avait admis le caractère réfragable de cette présomption 1. Puis, dans un arrêt du 30 juin 1980, elle avait décidé dans une formule sans équivoque que la présomption établie par l’article 1282 du Code civil est péremptoire aussi bien en matière civile qu’en matière commerciale 2. On considérait que la jurisprudence avait réglé cette question de la manière la plus satisfaisante 3. Il était cependant toujours possible de contester le caractère volontaire de la remise du titre 4. La question est désormais réglée par l’article 1342-9. La remise du titre n’est pas une obligation, puisque l’article L. 511-27, alinéa 1er, du Code de commerce emploie la formule, « le tiré peut exiger ». De plus, compte tenu du développement des procédés de recouvrement informatisés, les traites ne sont pas restituées.

§ 3. L'opposition au paiement 204 Dans le droit commun, les créanciers d’une personne ont la possi-

bilité de pratiquer, entre les mains d’un tiers, une opposition au paiement des sommes dues à leur débiteur. Traditionnellement, en droit civil, le payement fait par le débiteur à son créancier, au mépris d’une saisie ou d’une opposition, n’est pas valable à l’égard des créanciers saisissants ou opposants. L’article L. 511-31 du Code de commerce pose un principe inverse, qui s’applique à l’ensemble 1 . Req. 18 août 1852, DP 1853. 1. 3. 2. Com. 30 juin 1980, Bull. civ. IV, no 280 ; RTD com. 1981. 107, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; D. 1982. 53, note Parléani. On s’est demandé si la Cour de cassation n’était pas revenue sur cette solution par un arrêt du 22 juin 1983, Com. 22 juin 1983, Gaz. Pal. 1984. 1. Pan. 28, obs. Dupichot ; RTD com. 1984. 305, obs. Cabrillac et Teyssié. Mais elle a réaffirmé le caractère péremptoire de la présomption le 6 mai 1991, Com. 6 mai 1991, Bull. civ. IV, no 158. 3. Gavalda et Stoufflet, no 110 ; contra Le Cannu, Granier et Routier, no 464 ; Cabrillac et Rives-Lange, obs. sous Com. 30 juin 1980, préc. ; Dupichot, note sous Com. 30 juin 1980, préc. 4. Com. 3 déc. 1985, Bull. civ. IV, no 285 ; RTD civ. 1986. 603, obs. Mestre.

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La lettre de change

des signataires de la traite, en interdisant les oppositions ; il pose un principe d’insaisissabilité de la créance cambiaire 1. Cette disposition apparaît comme une manifestation de la rigueur cambiaire 2 ; elle se justifie par la circulation de l’effet. Deux exceptions sont cependant prévues. Certains auteurs admettent également l’opposition, si le porteur est frappé d’une incapacité 3. La première concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire du porteur. Cette solution s’explique par le particularisme du droit des procédures collectives. On craint que le débiteur soumis à cette procédure ne détourne tout ou partie des fonds qui lui seraient adressés, au détriment des créanciers. Il appartient à l’administrateur ou au liquidateur d’effectuer cette opération. La seconde résulte de la perte de la lettre de change. Elle s’applique à l’ensemble des dépossessions involontaires. On autorise un porteur dépossédé à interdire au tiré de payer le montant de la traite au nouveau porteur. Elle permettra ainsi de régler le conflit entre le porteur dépossédé et le porteur actuel. On considère que le porteur actuel l’emporte à partir du moment où il a la qualité de porteur légitime au sens de l’article L. 511-11, alinéa 2, du Code de commerce et s’il n’a pas acquis la lettre de change de mauvaise foi ou si, en l’acquérant, il n’a pas commis de faute lourde 4. La mauvaise foi consiste dans la connaissance par le porteur actuel de l’origine de l’effet 5. Il y aura faute lourde, lorsque le porteur actuel n’a pas tenu compte d’une circonstance qui démontrait un vol ou un détournement. 205 S’il veut obtenir un paiement, le porteur dépossédé devra reconstituer la traite et fournir certaines garanties. Cette procédure est strictement réglementée par les articles L. 511-32et suivants du Code de commerce qui envisagent plusieurs hypothèses. L’article 1 . V. pour un billet à ordre, mais la solution serait similaire pour une lettre de change Com. 27 sept. 2005, Bull. civ. IV, no 182 ; D. 2006. 1614, note Boujeka ; RD bancaire nov.-déc. 2005, p. 23, obs. Piédelièvre ; RTD com. 2006. 166, obs. Legeais ; Banque et droit janv.-févr. 2006, p. 57, obs. Bonneau. 2. Théry, « Un texte pour l’éternité ? À propos de l’article 149 du Code de 1807 », in Le Code de commerce 1807-2007, Dalloz, p. 329. 3. Roblot, no 334 ; Gavalda et Stoufflet, no 116 ; Devèze et Pétel, no 269. 4. Com. 21 déc. 1959, D. 1960. 262. 5. V. Roblot, note sous T. com. Seine, 26 janv. 1955, JCP 1956. II. 9502.

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Le paiement de la lettre de change

L. 511-32 prévoit qu’en cas de pluralité d’exemplaires de la lettre de change, le porteur, si la traite n’était pas acceptée, a la faculté d’en demander le paiement sur présentation de l’exemplaire subsistant. L’article L. 511-33 du Code de commerce indique, toujours en cas de pluralité d’exemplaires, lorsque la traite avait été acceptée, que le porteur doit obtenir une ordonnance du juge et fournir une caution. S’il existait un seul exemplaire de l’effet, l’article L. 511-34 du Code de commerce autorise le porteur à en percevoir le montant par une ordonnance du juge, en justifiant de sa propriété par ses livres et en donnant caution. L’article L. 511-36 de ce même code lui donne aussi la possibilité d’essayer de reconstituer le titre. Pour se faire, il s’adresse à son endosseur qui s’adressera à son tour à son propre endosseur et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on aboutisse au tireur.

S ECTION 3

Les recours cambiaires 206 Il arrive que le tiré refuse de payer le montant de la lettre de

change 1. Le porteur a alors la possibilité d’agir contre les autres signataires qui sont tenus solidairement au paiement de l’effet (§ 2). Mais ces recours supposent, au préalable, qu’il ait fait établir un protêt faute de paiement (§ 1).

§ 1. Le protêt faute de paiement 207 Classiquement, le protêt se définit comme la constatation par un

officier public, généralement un huissier, à la demande du porteur, que le tiré refuse de payer le montant de la lettre de change qui lui est présentée 2. Ce protêt a une double fonction probatoire. 1 . Pour la Cour de cassation, « sauf convention contraire, le tireur d’une lettre de change acceptée, tenu par sa signature cambiaire d’une obligation indépendante, ne peut opposer au porteur la nonexécution du titre obtenu par ce dernier contre le tiré », Com. 20 févr. 2007, Bull. civ. IV, no 54 ; D. 2007. 2646, note Matsopoulo. 2. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2083 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 468 ; Devèze et Pétel, no 281 ; Gavalda et Stoufflet, no 119 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 282 ; Didier, p. 331 ; Bonhomme, no 225.

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La lettre de change

Il démontre le refus de paiement du tiré. Il prouve également que le porteur a respecté son obligation de présenter le titre au paiement au tiré le jour de l’échéance. Il informe également les tiers de la situation financière du tiré et de ses difficultés 1, par la publicité par voie de registres existant auprès du greffe du tribunal de commerce 2. En pratique ces protêts, compte tenu de leur formalisme et de leur coût, sont rarement dressés. Pourtant, il est nécessaire d’envisager le caractère obligatoire du protêt (A), avant de voir les exceptions (B).

A. Le caractère obligatoire du protêt

208 L’article L. 511-39 du Code de commerce pose le principe du carac-

tère obligatoire du protêt faute de paiement. Ce protêt, acte formaliste, doit se suffire à lui-même et il ne peut être complété ou régularisé par des éléments extrinsèques 3. Le porteur qui ne le dresserait pas perdrait certains recours cambiaires. Ce protêt, qu’aucun autre acte ne peut remplacer, est particulièrement formaliste et en partie archaïque. Pour les lettres de change payables à jour fixe ou à un certain délai de date ou de vue, le protêt doit être dressé l’un des deux jours ouvrables qui suivent le jour où la lettre de change est payable. Ce délai a été porté à dix jours par un décret du 29 octobre 1940. Pour les lettres de change payables à vue, le protêt doit être effectué dans le délai prévu pour dresser le protêt faute d’acceptation, donc dans un délai d’un an à compter de l’émission de la traite. Les dispositions relatives à la prorogation d’échéance, par exemple celles relatives aux jours fériés ou à la force majeure, s’appliquent au protêt faute de paiement. En pratique, ces délais sont allongés d’un mois compte tenu de l’obligation qui est faite aux huissiers, par l’article 635-1-2o du Code général des impôts, d’enregistrer dans ce délai les protêts.

1. 2. 11e 3.

Le Cannu, Granier et Routier, no 467 ; Devèze et Pétel, no 281. Sur le registre des protêts, cf. Piédelièvre, Actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, éd., no 185. Com. 2 mars 2010, D. 2010. 705, obs. Delpech ; RD banc. fin. 2010. 81, obs. Crédot et Samin.

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Le paiement de la lettre de change

Le protêt sera dressé au lieu indiqué sur le titre où le paiement devait être effectué. L’article L. 511-52 in fine du Code de commerce indique de manière totalement archaïque qu’en cas de fausse indication de domicile, le protêt est précédé d’un acte de perquisition. Lorsque l’effet comporte une clause de domiciliation, il sera dressé chez le domiciliataire 1. Selon l’article L. 511-53 du Code de commerce, il contient la transcription littérale de la lettre de change, de l’acceptation, des endossements et des recommandations qui y sont indiquées et la sommation de payer le montant de la traite. Il énonce la présence ou l’absence de celui qui doit payer, les motifs du refus de payer et éventuellement le refus de signer. Une copie doit être laissée au tiré. 209 Ce protêt doit également faire l’objet de mesures de publicité aux fins d’information des tiers 2, pour les traites acceptées. Comme on l’a indiqué, « les protêts sont un des clignotants fréquemment caractéristiques de la cessation des paiements du débiteur et donc du redressement judiciaire, si ce n’est de banqueroute » 3. L’huissier, aux termes de l’article L. 511-55 du Code de commerce, a l’obligation, dans les quinze jours de sa date, de transmettre deux copies du protêt au greffe du tribunal de commerce. Chaque greffe tient un registre des protêts. Le greffier tient un état nominatif des protêts par ordre alphabétique. À l’expiration d’un délai d’un mois à compter du jour du protêt et pendant un an à compter de cette date, toute personne, sous certaines réserves 4, pourra se faire délivrer, à ses frais, un extrait de l’état nominatif. Une autre mesure de publicité est assurée par la Banque de France. Elle tient un fichier des incidents de paiement qui en permet une centralisation 5. Les établissements de crédit sont tenus de déclarer à ce fichier les lettres de change acceptées et les lettres de change non acceptées donnant lieu à un crédit de mobilisation de créances commerciales non garanti dont le montant unitaire 1 . Com. 16 déc. 1975, Bull. civ. IV, no 305 ; RTD com. 1976. 379, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 2. V. la loi du 2 août 1949 relative à la publicité des protêts et son décret d’application du 24 juin 1950, lui-même partiellement modifié par un décret du 12 nov. 1956. 3. Chaput et Schödermeier, no 151. 4. Sur ces précautions, de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 286. 5. Cette procédure est prévue par une instruction de la Banque de France du 28 août 1986, JCP 1986. III. 59220.

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La lettre de change

est égal ou supérieur à 1 600 euros 1. Seuls les établissements de crédit ont accès à ces informations. 210 Théoriquement, le porteur impayé est soumis à une autre obliga-

tion. Selon l’article L. 511-42, alinéa 1er, du Code de commerce, le porteur doit donner avis du défaut de paiement à son endosseur dans les quatre jours ouvrables qui suivent le protêt ou la présentation au paiement, en cas de clause de retour sans frais. Son alinéa 3 prévoit que dans les deux jours ouvrables qui suivent l’avis, l’endosseur doit à son tour prévenir son propre endosseur et ainsi de suite, en remontant jusqu’au tireur. Le non-respect de ces dispositions est seulement sanctionné par les règles de la responsabilité civile. Pratiquement, les parties insèrent fréquemment dans le titre une clause de non-responsabilité qui est valable. Par exemple, les conventions de compte courant comportent presque toujours une renonciation par le client à tout avis de non-paiement par le porteur d’une lettre de change 2.

B. Les exceptions au caractère obligatoire du protêt 211

Certaines exceptions ont un caractère légal, alors que d’autres sont conventionnelles.

212

Les exceptions légales. Les exceptions légales au caractère obligatoire du protêt se regroupent autour de trois idées. La première, prévue par l’article L. 511-50, alinéa 4, du Code de commerce, est due à la force majeure. Si un événement de force majeure dure plus de trente jours à compter de l’échéance, les recours pourront être exercés, sans que ni la présentation ni la confection d’un protêt ne soient nécessaires. La deuxième tient au caractère inutile du protêt. L’article L. 511-39, alinéa 4, de ce même code indique que le protêt faute d’acceptation dispense d’un protêt faute de paiement. La troisième, la plus fréquente, tient à l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du tiré, accepteur ou non,

1 . Pour une annulation d’une déclaration d’incident de paiement fait par erreur, Com. 17 oct. 1995, RTD com. 1996. 91, obs. Cabrillac. 2. Par ex. Com. 22 déc. 1981, Bull. civ. IV, no 455.

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Le paiement de la lettre de change

démontrant ainsi de manière certaine son insolvabilité ou celle du tireur d’une traite non acceptable 1. 213 Les exceptions conventionnelles. Le porteur est dispensé de faire dresser un protêt faute de paiement, s’il a été stipulé sur la traite une clause « sans frais », de « retour sans frais » ou « sans protêt ». Cette clause est apposée sur la plupart des lettres de change. Si elle n’était pas indiquée sur la traite, mais seulement sur les conditions générales, elle n’aurait pas de valeur cambiaire 2. Elle peut être insérée par n’importe lequel des signataires de l’effet. Assez souvent, elle est le fait du tireur, lors de la création du titre, elle s’applique alors, en vertu de l’article L. 511-43, alinéa 4, du Code de commerce, à tous les signataires. En revanche, lorsqu’elle est stipulée par un endosseur, elle produit, toujours en vertu de l’article L. 511-43, alinéa 4, ses effets uniquement à l’égard de celui-ci. Le porteur qui n’a pas fait dresser protêt ne pourra pas être considéré comme négligent. Si néanmoins, il prenait l’initiative d’en faire dresser un, il en supporterait seul les frais. La jurisprudence est assez incertaine sur la question de savoir si une telle confection est en soi source de responsabilité 3, ce qui est la meilleure solution, ou s’il faut démontrer l’intention de nuire pour engager la responsabilité du porteur 4. Cette clause ne dispense cependant pas le porteur de présenter la traite à l’échéance, ni d’effectuer les avis. Il appartient à celui qui se prévaut du nonrespect de la présentation ou de la non-confection d’un avis d’en rapporter la preuve 5.

1 . Cela tient à ce que « l’émission par le tireur devient un acte très suspect », Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2087. 2. Devèze et Pétel, no 282 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 469. 3. En ce sens, Poitiers, 6 févr. 1951, RTD com. 1952. 374, obs. Becqué et Cabrillac ; Lyon, 18 nov. 1959, Banque 1962. 270, obs. Marin. 4. En ce sens, Paris, 8 juin 1961, JCP 1962. II. 12657, note Lescot. 5. Putman, no 95.

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§ 2. Les recours du porteur

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La lettre de change

214 Lorsque le tiré a refusé de payer le montant de l’effet, le porteur,

si un protêt a été dressé dans les hypothèses où il est nécessaire, bénéficiera de recours contre les autres signataires de la traite (A), sous réserve que les délais de prescription n’aient pas éteint son action (B).

A. Les différents recours

Les recours du porteur contre les différents signataires de l’effet apparaissent comme une conséquence de la solidarité cambiaire. Le porteur peut choisir d’agir collectivement ou contre l’un d’entre eux. Le tireur ou un garant quelconque, informé par le porteur ou par tout autre moyen, a la possibilité de retirer la lettre de change de la circulation en la payant. L’article L. 511-38 du Code de commerce prévoit que les recours cambiaires peuvent être exercés avant l’échéance en cas de refus total ou partiel d’acceptation, si un protêt faute d’acceptation a été dressé, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du tiré, de cessation de ses paiements, même non constatée par un jugement, ou en cas de saisies de ses biens demeurées infructueuses ou enfin en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du tireur d’une traite stipulée non acceptable. 216 Ces recours sont fréquemment amiables. Le porteur devra remettre au signataire actionné l’effet et un compte acquitté. Ils prennent une physionomie particulière dans l’opération de rechange prévue par les articles L. 511-62 et suivants du Code de commerce. Toute personne ayant le droit d’exercer un recours a alors la faculté de se rembourser grâce à une nouvelle lettre de change tirée à vue sur l’un de ses garants et payable au domicile de celui-ci 1. Si le recours amiable n’aboutit pas, le porteur aura la faculté d’exercer une action en justice devant le tribunal de commerce contre les différents signataires. Le tribunal territorialement 215

1 . Sur l’ensemble de cette question, Roblot, no 400 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 290.

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compétent sera déterminé selon les principes prévus par l’article 46 du Code de procédure civile. L’existence d’une clause attributive de compétence dans le contrat entre le tireur et le tiré est sans effet, si l’action en garantie est exercée par un tiers porteur 1. En revanche, elle produira effet, si la demande de paiement émane du tireur 2. L’article 1405 du Code de procédure civile prévoit que le recouvrement d’une lettre de change acceptée peut être effectué par la procédure d’injonction de payer, même si cette procédure ne s’harmonise pas totalement avec les rigueurs du droit cambiaire. L’article L. 511-2 du Code des procédures civiles d’exécution permet des saisies conservatoires, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une autorisation préalable du juge, en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée. La voie du référé-provision est également ouverte au porteur 3. 217

Le porteur qui n’accomplit pas en temps voulu les diligences qui lui sont imposées ne pourra pas exercer l’ensemble des recours prévus par le droit cambiaire 4. Le porteur sera considéré négligent, s’il n’a pas fait dresser protêt faute de paiement, dans le délai légal, s’il n’a pas présenté la traite au paiement en cas de clause sans frais, s’il n’a pas présenté et fait protester la lettre payable à vue dans un délai d’un an et s’il n’a pas dressé protêt faute d’acceptation, dans le cas d’une clause imposant la présentation à l’acceptation. L’article L. 511-49 du Code de commerce sanctionne le porteur négligent par la déchéance de ses droits cambiaires contre le tireur et contre les autres coobligés, à l’exception du tiré accepteur. L’exclusion du tiré accepteur se justifie, car « il assume un engagement principal dont la conservation ne dépend pas du protêt et qui ne peut s’éteindre que par la prescription » 5. Le porteur

1 . Paris, 9 nov. 1965, JCP 1966. II. 14819, note Lescot. 2. Colmar, 24 févr. 1966, JCP 1967. II. 14965, note Lescot. 3. Pour le versement d’une provision d’un montant égal à celui de l’effet, Com. 17 févr. 1987, Banque 1987. 727, obs. Rives-Lange ; RTD com. 1987. 544, obs. Cabrillac et Teyssié. 4. Nguyen Xuan Chanh, « La déchéance des droits du porteur de la lettre de change pour inexécution de ses obligations au regard de la présentation de l’effet à l’acceptation et au paiement », D. 1979. 77. 5. Roblot, no 413.

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conserve ses droits contre l’avaliste du tiré accepteur, puisque celui-ci est tenu de la même façon que celui pour qui il s’est porté garant 1. Comme l’article L. 511-49 n’est pas d’ordre public, les parties peuvent renoncer à s’en prévaloir 2. Cette même disposition prévoit que la déchéance n’a lieu à l’égard du tireur que s’il justifie avoir fait provision à l’échéance 3. Le porteur conserve cependant ses recours extra-cambiaires. L’article L. 511-45 du Code de commerce détaille l’ensemble des sommes que le porteur non négligent est en droit d’exiger des codébiteurs solidaires. Bien entendu, il peut réclamer le montant de la lettre de change impayée augmenté des intérêts, s’il en a été stipulé. Au principal peuvent s’ajouter des intérêts au taux légal courant à partir de l’échéance 4. Si l’effet est présenté tardivement, les intérêts seront uniquement dus à compter de la présentation 5. Possibilité est également prévue pour le porteur de se faire rembourser les frais de protêt, ceux liés aux avis donnés ainsi que les autres frais 6.

B. Les délais de prescription

218 Les actions cambiaires doivent être exercées rapidement, expli-

quant la relative brièveté des délais de prescription. Fondés sur une idée de présomption de paiement, ils ont un effet libératoire, sauf si le créancier, comme le permet l’article L. 511-78, alinéa 6, du Code de commerce, a déféré le serment au débiteur ou à ses héritiers 7 ou sauf en cas d’aveu du débiteur 8. En revanche, les rapports juridiques préexistants ne se sont pas soumis à ces pres-

1 . Par ex., Com. 2 févr. 1965, JCP 1965. II. 14207, note Lescot ; Com. 30 nov. 1981, Bull. civ. IV, no 417. 2. Civ. 4 janv. 1910, S. 1911. 1. 3, note Bourcart ; Com. 13 mars 1957, Bull. civ. III, no 102. 3. Si le tireur demeure tenu, le donneur d’aval le sera également, v. pour un billet à ordre, mais la solution serait identique pour une lettre de change, Paris, 25 oct. 1996, D. affaires 1997. 52. 4. Com. 19 janv. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2. 212, note Dupichot ; Com. 30 juin 2009, Banque et droit sept.-oct. 2009. 22, obs. Bonneau ; D. 2009. 1888, obs. Delpech ; Dr. et proc. 2010. suppl. no 4, p. 15, obs. Piédelièvre. 5. Com. 4 mars 1980, Bull. civ. IV, no 112. 6. Sur les autres frais, v. Roblot, no 338. 7 . Sur la possibilité de déférer le serment au donneur d’aval, Com. 8 mars 1971, Bull. civ. IV, no 70. 8. Com. 9 mai 1977, Bull. civ. IV, no 126 ; Com. 13 janv. 1987, Bull. civ. IV, no 12.

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criptions et les délais de droit commun s’appliquent à eux 1. La conséquence en est qu’ils pourraient être exercés, alors que l’action cambiaire est prescrite. L’article L. 511-78 du Code de commerce fixe trois délais de prescription 2. Toutes les actions cambiaires exercées contre le tiré accepteur se prescrivent par trois ans à compter de la date d’échéance. Les actions du porteur contre les endosseurs et contre le tireur se prescrivent par un an à partir de la date du protêt dressé en temps utile ou de celle de l’échéance, en cas de clause de retour sans frais. Les actions des endosseurs les uns contre les autres et contre le tireur se prescrivent par six mois à partir du jour où l’endosseur a remboursé l’effet ou du jour où il a été lui-même actionné. 219 Le calcul des délais de prescription s’opère selon les règles du droit commun 3. L’article L. 511-78, alinéa 4, du Code de commerce prévoit deux événements interrompant la prescription, l’action en justice ou la reconnaissance de dette par acte séparé. Cette liste ne présente pas un caractère limitatif et les causes d’interruption de droit commun s’appliquent également 4. Lorsque l’acte interruptif a disparu, une nouvelle prescription identique à la précédente recommence à courir. Cependant, en cas de jugement de condamnation ou en cas de reconnaissance de dette par acte séparé 5, puisqu’il y a alors novation, le délai qui recommence à courir est celui de droit commun, donc celui de trente ans. Selon l’article L. 511-78, alinéa 5, du Code de commerce, l’interruption de la prescription n’a d’effet que contre celui à l’égard duquel l’acte interruptif a été fait. Cette solution démontre une nouvelle fois le caractère imparfait de la solidarité cambiaire. L’article L. 511-78 du Code de commerce ne comporte aucune disposition relative à la suspension de la prescription. La doctrine majoritaire considère que la prescription court contre les inca1 . Com. 21 mai 1974, Bull. civ. IV, no 165. 2. Les actions exercées contre un avaliste se prescrivent de la façon dont se prescrit l’action de la personne pour qui il s’est porté garant, T. com. Seine, 6 janv. 1949, JCP 1949. II. 4946, note Roblot. 3. V. sur ces différents calculs, Devèze et Pétel, no 296. 4. Dijon, 4 févr. 1994, RTD com. 1994. 754, obs. Cabrillac. 5. Com. 10 juin 1986, Bull. civ. IV, no 120 ; Gaz. Pal. 1987. 1. Somm. 19, obs. A. Piédelièvre.

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pables majeurs et les mineurs 1. Mais en application de l’article L. 621-40 du Code de commerce, la prescription doit être considérée comme suspendue par le jugement d’ouverture de la procédure collective.

1 . Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2107 ; Gavalda et Stoufflet, no 132 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 480.

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SYNTHÈSE

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Le paiement de la lettre de change

Au jour de l’échéance, le porteur de la lettre de change devra la présenter au tiré, pour en obtenir le paiement. Sa sécurité peut être renforcée par une garantie cambiaire : l’aval. Sa mise en œuvre suppose réunies certaines modalités et son exécution permettra à son auteur d’exercer certains recours cambiaires. Aval

Il se définit comme un engagement cambiaire donné par une personne, appelée le plus souvent donneur d’aval, que la lettre de change sera payée à l’échéance. Il s’analyse en une variété particulière de cautionnement. Il peut être donné sur la lettre de change elle-même, ou sur une allonge, ou par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu. Il est fourni pas un tiers ou par un signataire de la lettre de change. L’aval souscrit sur une lettre de change ou l’aval par acte séparé produisent des effets identiques. Le donneur d’aval est à la fois un garant et un débiteur cambiaire. En conséquence, il est tenu de la même façon que celui pour qui il s’est porté garant et son engagement sera valable, alors que l’obligation qu’il a garantie serait nulle, pour toute autre cause qu’un vice de forme. Modalités de paiement

Au jour de l’échéance de la lettre de change, il appartient au porteur de la présenter au paiement au tiré. Cette présentation s’opère par la production du titre. Faute d’effectuer les diligences nécessaires, le porteur serait réputé négligent. Contrairement à la solution retenue par le droit commun, les oppositions à paiement sont, sauf rares exceptions, interdites. Lorsque le paiement est effectué de manière régulière entre les mains du porteur, le tiré sera doublement libéré. La dette cam-

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biaire dont il était tenu est éteinte. Il en va de même du rapport juridique préexistant qui avait amené le tiré à s’engager. Les autres signataires sont également libérés. Recours cambiaires

Lorsque le tiré refuse de payer le montant de la lettre de change, le porteur a la possibilité d’agir contre les autres signataires qui sont tenus solidairement, s’il a fait au préalable dresser un protêt. Le protêt faute de paiement se définit comme la constatation par un officier public que le tiré refuse de payer le montant de la lettre de change qui lui est présentée. Le protêt a, en principe, un caractère obligatoire. Mais pratiquement, la majorité des traites comporte une clause dispensant le porteur de faire dresser un protêt. En cas de refus de paiement de la lettre de change par le tiré, le porteur, s’il a fait dresser protêt, bénéficiera d’un recours contre les autres signataires de la traite, sous réserve que les délais de prescription n’aient pas éteint son action.

L E BILLET À ORDRE ET LES WARRANTS

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S OUS-TITRE 2

220 Le billet à ordre est un titre par lequel une personne s’engage à

payer à l’ordre d’une autre personne, dite « bénéficiaire », une certaine somme d’argent à une date déterminée. Le billet à ordre a une structure beaucoup plus simple que la lettre de change, puisqu’il met en cause uniquement deux personnes, le souscripteur de l’effet et le bénéficiaire. De son côté, le warrant s’analyse comme un billet à ordre souscrit par un commerçant qui donne, en garantie de sa signature, des marchandises déposées dans un magasin général ou qu’il s’engage à conserver sur lui. Ici, on se trouve en réalité en présence d’un billet à ordre garanti par un nantissement sur marchandises. En raison de ce nantissement, ce billet à ordre subira quelques aménagements. Pour cela, l’étude du billet à ordre (CHAPITRE 1) précédera celle des warrants (CHAPITRE 2).

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Le billet à ordre 221

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C HAPITRE 1

Le billet à ordre est un titre négociable et un effet de commerce dont le particularisme tient à ce que, lors de sa création, il fait seulement intervenir deux personnes, un souscripteur et un bénéficiaire. Le premier s’engage à payer au second ou à son ordre une somme déterminée à une certaine échéance. Le Code de commerce réglemente le billet à ordre dans ses articles L. 512-1 à L. 512-7, dans la rédaction que leur a donné le décret-loi du 30 octobre 1935. L’ensemble de ces dispositions a pour origine la Convention de Genève qui a remanié cette matière, en même temps que la lettre de change. Pour cette raison, de nombreuses dispositions du billet à ordre renvoient aux articles relatifs à la lettre de change. Cette similitude de nature juridique entre la lettre de change et le billet à ordre explique d’ailleurs que la jurisprudence ait admis qu’une traite incomplète comportant une clause à ordre et toutes les mentions obligatoires du billet à ordre vaille billet à ordre 1. Historiquement, le billet à ordre semble être apparu avant la lettre de change. Dans l’Ancien droit, ces billets devinrent rapidement suspects, car ils permirent assez souvent d’effectuer des prêts usuraires 2. Avec la disparition de la crainte de l’usure, le billet à

1 . Com. 18 mars 1959, RTD com. 1959. 909, obs. Becqué et Cabrillac. 2. Roblot, no 471.

Le billet à ordre et les warrants

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ordre a fait l’objet d’un regain de faveur, puisque le Code de commerce de 1807 l’a réglementé et qu’il l’a admis dans les promesses civiles. Malgré tout, il n’a jamais joué un rôle comparable à celui de la lettre de change. 222 Actuellement, il existe une tendance à la diversification des rôles du billet à ordre. On favorise son essor, tout en ayant toujours à son égard certaines méfiances. On retrouve une évolution similaire à celle de la lettre de change ; on assiste au développement du billet à ordre relevé qui est calqué sur la lettre de change relevé. Au XXe siècle sont apparus, dans les ventes de fonds de commerce, les billets de fonds qui aujourd’hui deviennent plus rares, car il est devenu exceptionnel que le vendeur fasse crédit à l’acquéreur. L’acheteur d’un fonds de commerce bénéficiant de délais de paiement émet des billets à ordre, encore appelés billets de fonds, qui correspondent aux diverses échéances stipulées dans le contrat de cession. Le vendeur bénéficie de la garantie résultant des mécanismes cambiaires et il peut ainsi mobiliser sa créance. Cette mobilisation est facilitée par le fait que les sûretés et notamment le privilège du vendeur sont transmis à l’endossataire 1. De manière plus générale, les billets à ordre ont été utilisés par certaines grandes entreprises pour régler leurs créanciers fournisseurs. Plutôt que de passer par la technique de la lettre de change, elles imposaient la création de billets à ordre prévoyant une date d’échéance à leur convenance. Pour tenter d’éviter certains excès, le législateur, dans l’article L. 512-8 du Code de commerce, a prévu que le règlement par billet à ordre n’est permis au débiteur que s’il a été expressément prévu par les parties et mentionné sur la facture 2. Même en ce cas, si le billet à ordre n’est pas parvenu au créancier dans les trente jours qui suivent l’envoi de la facture, le créancier peut émettre une lettre de change que le débiteur est tenu d’accepter 3. Le billet à ordre permet également la mobilisation de créances bancaires. La loi du 2 janvier 1981, désormais intégrée au Code 1 . Civ. 11 déc. 1940, DC 1943. 49, note Trasbot ; Civ. 19 févr. 1946, JCP 1946. II. 3113, note Toujas. 2. L’article L. 512-8 concerne les rapports entre le créancier et le débiteur et il ne constitue pas une condition de validité du titre, Com. 12 févr. 1991, D. 1991. Somm. 216, obs. Cabrillac. 3. V. Cabrillac et Teyssié, obs. RTD com. 1985. 788.

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Le billet à ordre

monétaire et financier facilitant le crédit aux entreprises permet aux établissements de crédit ayant acquis des créances professionnelles de se refinancer par des titres de mobilisation qui prennent souvent la forme de billets à ordre. Les banques y recourent aussi sous les appellations de billet à ordre négociable ou de certificat interbancaire pour mobiliser des prêts et des emprunts entre établissements de crédit sur le marché interbancaire 1. En revanche, le régime juridique du billet à ordre ne s’applique pas aux billets de trésorerie, bien que ces deux institutions ne soient pas très éloignées l’une de l’autre 2. Le billet à ordre joue à la fois un rôle de paiement et un rôle de garantie, ce qui influencera ses caractéristiques (SECTION 1), sa circulation (SECTION 2) et ses effets (SECTION 3).

S ECTION 1

Les caractéristiques du billet à ordre 223 En tant qu’acte juridique, le billet à ordre est soumis aux règles

de formation du droit commun des actes juridiques. Les articles L. 512-3 et L. 512-4 du Code de commerce renvoient également, « en tant qu’elles ne sont pas incompatibles avec la nature de ce titre », à diverses dispositions du droit de la lettre de change. Comme cette dernière, le billet à ordre est un titre à ordre (§ 1). Mais contrairement à elle, il s’agit d’un titre tantôt civil et tantôt commercial (§ 2).

§ 1. Le caractère formel du billet à ordre 224 Titre formel, le billet à ordre nécessite un écrit. Il doit nécessaire-

ment comporter certaines mentions obligatoires énumérées par l’article L. 512-1 du Code de commerce (A). Certaines mentions facultatives peuvent aussi être stipulées (B).

1 . Bordenave, « Les cipa et les cifin auront-ils du succès ? », Banque 1989. 546. 2. Cf. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 401.

Le billet à ordre et les warrants

A. Les mentions obligatoires

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225 Il est nécessaire d’envisager les différentes mentions obligatoires,

avant de voir les sanctions en cas d’omission d’une ou de plusieurs d’entre elles. Elles sont, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par la nature spécifique du billet à ordre, assez semblables à celles prévues par l’article L. 511-1 du Code de commerce pour la lettre de change. Le billet à ordre comporte une clause à ordre, qui n’est jamais sous-entendue, et la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction du titre. Il contient la promesse pure et simple de payer une somme d’argent. L’engagement de payer est nécessairement pur et simple et il ne saurait comporter aucune condition. Comme il constate un engagement unilatéral de payer et qu’il peut avoir un caractère civil, la question de l’application de la mention manuscrite de l’article 1376 du Code civil s’est posée. La jurisprudence en a écarté l’application compte tenu du caractère spécifique de la réglementation du billet à ordre 1. 226 Le billet à ordre doit indiquer son échéance. Puisque l’article L. 512-3 du Code de commerce renvoie aux articles L. 511-22 à L. 511-25 de ce même code, il peut être souscrit à vue, à un certain délai de vue, à un certain délai de date ou à jour fixe. L’article L. 512-1, alinéa 2, du Code de commerce précise en outre que s’il n’indique pas son échéance, le billet à ordre est considéré comme payable à vue. Le lieu de paiement doit aussi être indiqué. Ce paiement peut être domicilié chez un tiers, donc chez un banquier. L’alinéa 3 de l’article L. 512-1 prévoit qu’à défaut d’indication spéciale le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur. Il faut que le billet précise le bénéficiaire ou celui à l’ordre duquel le paiement doit être effectué. Le billet à ordre doit désigner la date et le lieu de souscription. En cas d’omission du lieu de souscription, le titre est réputé, par l’article L. 512-1, alinéa 4, du Code de commerce, être souscrit 1 . Paris, 1er mars 1977, D. 1978. IR 337, obs. Cabrillac.

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Le billet à ordre

dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur. Le souscripteur a l’obligation de signer le titre 1. Il existe sur ce point une différence importante avec la lettre de change. La loi du 16 juin 1966 permettant la signature par des procédés non manuscrits ne vise pas le billet à ordre et ne s’applique donc pas à lui ; la signature sera obligatoirement manuscrite 2. 227 En cas de non-respect de l’une des énonciations obligatoires, l’article L. 512-2, alinéa 1er, du Code de commerce, prévoit que ce titre ne vaut pas comme billet à ordre. La suite de cette disposition prévoit quelques hypothèses de suppléances légales. La régularisation est parfois possible 3. Lorsque le nom du bénéficiaire fait défaut, la jurisprudence décide que ce titre ne vaut pas comme billet à ordre, mais seulement comme billet au porteur 4. Pourtant ce titre sera considéré comme un effet de commerce 5. Le porteur d’un titre au porteur bénéficiera notamment de la règle de l’inopposabilité des exceptions 6. En tout état de cause, ce titre pourrait valoir comme promesse de paiement ou comme commencement de preuve par écrit d’une telle promesse 7. Mais en ce cas, à partir du moment où un tel titre comporte une clause à ordre, il pourrait circuler par voie d’endossement 8. Le débiteur ayant signé est tenu directement par le titre envers tout porteur de bonne foi.

1 . V. Com. 18 oct. 1994, RJDA 1994. 1341, déclarant valable un billet à ordre signé par le souscripteur, mais dont la signature a été portée à tort dans une case aval. 2. Gavalda et Stoufflet, no 140 ; Devèze et Pétel, no 322 ; Roblot, no 486 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 487. 3. Com. 13 sept. 2011, RD banc. fin. nov.-déc. 2011. 187, obs. Crédot et Samin indiquant « que, loin de s’être borné à affirmer que l’identité du nom entre le souscripteur et le bénéficiaire n’entraîne pas la nullité du billet à ordre, l’arrêt retient que l’endossement au profit de la banque lui confère la qualité de bénéficiaire du titre, que par ce seul motif, dont il résulte que le billet à ordre respectait par suite de l’endossement du titre à un tiers les exigences légales, la cour d’appel a exactement décidé que le billet à ordre n’était pas nul ». 4. Com. 17 juill. 1984, RTD civ. 1985. 378, obs. Mestre ; Com. 1er mars 1994, Bull. civ. IV, no 95. 5. Cf. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2127 ; Putman, no 105. 6. Civ. 31 oct. 1906, S. 1908. 1305, note Lyon-Caen. 7 . Pour une absence d’indication de la date de création du titre, Com. 3 avr. 1984, Banque 1985. 199, obs. Rives-Lange. 8. Req. 15 mars 1892, DP 1893. 1. 309 ; Paris, 30 sept. 1986, D. 1987. Somm. 70, obs. Cabrillac, décision rendues sous l’empire de l’article 1690 du Code civil.

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B. Les mentions facultatives

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228 Il est possible d’insérer dans un billet à ordre la plupart des men-

tions facultatives que l’on peut trouver dans une lettre de change. Parmi celles-ci, on peut citer, à titre d’illustration, la clause de domiciliation, qui présente une grande utilité pour les billets à ordre relevés, ou celle de dispense de protêt en cas de nonpaiement. Toutefois, le particularisme du billet à ordre conduit à en exclure certaines. La clause à ordre, de l’essence du billet à ordre, ne pourrait être écartée par une stipulation contraire. Sont nécessairement exclues les clauses non acceptables ou les clauses dispensant de l’établissement d’un protêt faute d’acceptation.

§ 2. Le caractère civil ou commercial du billet à ordre 229 Contrairement à la lettre de change qui est un acte de commerce

par la forme, le billet à ordre aura un caractère civil ou commercial suivant la nature du rapport fondamental qui est à son origine. Cette distinction, justifiée uniquement par des raisons historiques 1, présente quelques conséquences pratiques pour la détermination des juridictions compétentes et pour connaître la capacité que doit avoir un signataire. Les différences traditionnelles entre l’acte de commerce et l’acte civil relativement à la solidarité et à la prescription n’existent pas pour le billet à ordre. Toutes deux se voient appliquer les règles prévues pour la lettre de change, compte tenu du renvoi effectué par l’article L. 512-3 du Code de commerce. On s’aperçoit qu’il existe une tendance à élargir les règles du droit commercial. Le billet à ordre est commercial lorsqu’il est l’accessoire d’une opération commerce ou lorsqu’il a été souscrit par un commerçant pour les besoins de son commerce. Dans ces hypothèses, le tribunal de commerce sera compétent en cas de difficultés. Il a également compétence, lorsque le billet à ordre portera à la fois des signatures

1 . Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2117.

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de commerçants et des signatures de non commerçants 1. De même, en cas de titre comportant uniquement des signatures civiles le renvoi par le tribunal de commerce au tribunal de grande instance ne sera effectué que s’il est requis par le défendeur 2. La capacité diffère en principe, puisque le billet à ordre commercial requiert la capacité commerciale et que le billet à ordre civil requiert seulement la capacité civile. Cette différence s’estompe depuis que l’article L. 313-13 du Code de la consommation interdit, compte tenu du renvoi à l’article L. 511-5 du Code de commerce, la souscription de billets à ordre par des consommateurs, à l’occasion d’opérations de crédits à la consommation ou de crédits immobiliers.

S ECTION 2

La circulation du billet à ordre

230 En tant qu’effet de commerce, le billet à ordre circule par la voie

de l’endossement 3 (§ 1). Comme pour la lettre de change, pour limiter les manipulations matérielles, on assiste à un développement de l’informatisation des billets à ordre avec le billet à ordre relevé (§ 2).

§ 1. L'endossement du billet à ordre 231

Le billet à ordre peut faire l’objet d’un endossement translatif, d’un endossement pignoratif ou d’un endossement à titre de procuration. Seul l’endossement translatif présente certains caractères originaux. Il permet le plus fréquemment de réaliser une opération d’escompte. Il a aussi parfois lieu à titre de garantie 4.

1 . V. cependant la compétence du tribunal de grande instance pour trancher, à l’occasion d’un litige de sa compétence, une question de nullité pour dol d’avals portés sur des billets à ordre, Paris, 15 févr. 1969, D. 1970. Somm. 58. 2. Com. 13 mai 1997, Bull. civ. IV, no 139 ; Defrénois 1998. 664, obs. J. Honorat. 3. Une simple remise du titre n’opère pas transmission, Com. 27 févr. 1990, Bull. civ. IV, no 56. 4. V. Com. 14 mars 1989, RTD com. 1989. 694, obs. Cabrillac et Teyssié.

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Pour l’essentiel, les règles de l’endossement translatif en matière de lettres de change s’appliquent en raison du renvoi opéré par l’article L. 512-3 du Code de commerce aux articles L. 511-8 à L. 511-14 de ce même code. Ainsi l’endosseur souscrit un engagement cambiaire et est garant du paiement, même s’il est possible de stipuler une clause contraire. Dans le même ordre d’idée, le porteur est protégé par la règle de l’inopposabilité des exceptions 1, sauf s’il a agi sciemment au détriment du débiteur 2. Le souscripteur d’un billet à ordre a aussi la possibilité d’invoquer contre le bénéficiaire, resté porteur, l’extinction de la créance née du rapport fondamental 3. 232 Mais il existe un particularisme de l’endossement translatif pour le billet à ordre. Comme il n’existe pas de provision, il ne peut pas exister de transfert de la propriété de la provision 4. La conséquence est particulièrement importante en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du souscripteur, puisqu’il lui est impossible de réclamer la propriété de la provision. Le porteur devra produire sa créance et concourir avec les autres créanciers. Pourtant, la jurisprudence fait parfois jouer un certain rôle à la créance du bénéficiaire. Elle considère que le porteur d’un billet à ordre a la possibilité de se prévaloir de l’ensemble des garanties que comporte la créance du bénéficiaire 5. En réalité, cette solution se justifierait par le fait que « seules sont transmises avec le billet à ordre les sûretés accessoires à l’engagement cambiaire du souscripteur » 6. De même, en cas de conflit opposant un banquier escompteur d’un billet à ordre et un sous-traitant, la Cour de cassation a énoncé que « l’endossement lui ayant transféré tous les droits résultant du billet à ordre, la banque était devenue propriétaire de la créance de l’entrepreneur principal sur le maître de 1 . Par ex., Com. 20 févr. 1990, Bull. civ. IV, no 46. 2. Par ex., Com. 10 déc. 1968, Bull. civ. IV, no 351. 3. Com. 25 oct. 1976, Bull. civ. IV, no 265. 4. En ce sens, de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 312 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 490 ; Putman, no 112 ; v. appliquant à tort les règles de la provision au billet à ordre, Com. 3 mars 1987, D. 1988. Somm. 6, obs. Derrida. 5. Pour des billets de fond, Civ. 11 déc. 1940, préc. ; Civ. 18 févr. 1946, préc. 6. Devèze et Pétel, no 330.

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Le billet à ordre

l’ouvrage, qui, dès lors, ne devait plus rien à celui-ci » 1. Enfin, elle a considéré que le souscripteur d’un billet à ordre dispose, en qualité de tiers saisi, d’un intérêt à agir pour s’opposer au paiement de cette créance cambiaire par nature insaisissable, et dont il pourrait avoir à répondre 2.

§ 2. Le billet à ordre relevé

233 Le billet à ordre relevé obéit à des règles similaires à celles prévues

pour les lettres de change relevé 3. Un billet à ordre classique est soumis aux articles L. 512-1 et suivants du Code de commerce. Le bénéficiaire qui a reçu ce titre le remet à un banquier. Celui-ci transférera l’ensemble des informations contenues sur le titre sur une bande magnétique. Ce billet comporte une clause de retour sans frais et une clause de domiciliation chez le banquier. Le paiement s’effectue également par l’intermédiaire du système CORE. Le billet à ordre relevé a pour but de simplifier et d’accélérer la présentation au paiement. Tout retard, par rapport aux délais de droit commun, préjudiciable au remettant peut être source de responsabilité civile pour la banque 4.

S ECTION 3

Les effets du billet à ordre

234 Les effets du billet à ordre se font par comparaison avec ceux

produits par une lettre de change. En effet, les articles L. 512-3 et L. 512-4 du Code de commerce renvoient à nombre de dispositions du droit de la lettre de change. Il est donc nécessaire de relever leurs différences (§ 1) et leurs ressemblances (§ 2).

1 . Com. 5 mars 1991, Bull. civ. IV, no 95 ; JCP E 1992. II. 289, note Crionnet ; v. également l’analyse de cet arrêt, par Putman, no 113. 2. Com. 27 sept. 2005, Bull. civ. IV, no 182 ; D. 2006. 1614, note Boujeka ; RD banc. fin. nov.-déc. 2005. 23, obs. Piédelièvre. 3. Sur l’ensemble de cette question, Le Cannu, Granier et Routier, no 530 s. 4. Paris, 19 mars 1987, D. 1988. Somm. 49, obs. Cabrillac.

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§ 1. Les différences entre le billet à ordre et la lettre de change 235 Les différences entre la lettre de change et le billet à ordre

tournent toutes autour de l’idée suivant laquelle le billet à ordre met seulement en présence, du moins lors de sa souscription, deux protagonistes. Le souscripteur cumule sur sa tête les qualités de tireur et de tiré. Les règles de la lettre de change seront écartées chaque fois qu’elles impliquent que le tireur soit distinct du tiré. Ainsi, l’article L. 512-6 du Code de commerce indique que le souscripteur d’un billet à ordre est obligé de la même manière que l’accepteur d’une lettre de change. L’acceptation n’existe donc pas en cette matière. De même, la provision n’a pas à intervenir, puisqu’elle s’analyse comme la créance du tireur contre le tiré et que l’article L. 512-3 du Code de commerce ne renvoie pas à l’article L. 511-7 de ce même code 1. Il n’existe pas de novation par remise du billet. Enfin, l’aval doit préciser pour le compte de qui il est donné. À défaut d’une telle indication, l’article L. 512-4 du Code de commerce prévoit qu’il est réputé avoir été donné pour le compte du souscripteur du billet à ordre. Cette présomption a un caractère irréfragable 2.

§ 2. Les ressemblances entre le billet à ordre et la lettre de change

236 Les ressemblances entre le billet à ordre et la lettre de change

apparaissent principalement lors de leur paiement. Le paiement du billet à ordre peut être garanti par un aval, ce qui est assez fréquent en pratique. Selon l’article L. 512-4 du Code de commerce, il est soumis aux mêmes conditions que l’aval d’une lettre de change. L’aval est donné sur le titre, soit par acte séparé, 1 . Com. 15 déc. 1947, S. 1948. 1. 41, note Lescot ; JCP 1948. II. 4130, note Roblot. 2. Com. 10 oct. 1962, Banque 1963. 117, obs. Marin.

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Le billet à ordre

s’il indique le lieu où il a été donné 1. L’avaliste sera tenu de la même façon que celui pour qui il s’est engagé. Son engagement est autonome par rapport à celui des autres signataires du billet à ordre 2. Le paiement effectif du billet à ordre est soumis aux dispositions relatives à la lettre de change. Il existe cependant un particularisme pour déterminer l’échéance d’un billet à ordre payable à un certain délai de vue. L’article L. 512-7 du Code de commerce indique qu’il doit être présenté dans un délai d’un an à compter de sa souscription. Les délais de présentation sont identiques à ceux prévus pour la lettre de change. Le défaut de paiement impose au porteur de faire dresser un protêt, sauf en cas de clause sans frais ou de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire du souscripteur. Il doit aussi adresser un avis à son endosseur, qui lui-même le transmettra à son propre endosseur et ainsi de suite, faute sinon d’être qualifié de porteur négligent 3. Le porteur non négligent bénéficie d’un recours contre chaque signataire. Le billet est soumis aux mêmes prescriptions que la lettre de change.

1 . Com. 24 janv. 1989, RTD com. 1989. 274, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. Com. 15 mai 1984, RTD com. 1985. 331, obs. Cabrillac et Teyssié. 3. En ce cas, il conserve un recours contre le souscripteur, Com. 14 oct. 1980, D. 1981. IR 301, obs. Cabrillac.

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SYNTHÈSE

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Le billet à ordre et les warrants

Le billet à ordre est un effet de commerce par lequel une personne, dite « souscripteur », s’engage à payer à une seconde personne, dite « bénéficiaire », ou à son ordre une somme déterminée à une certaine échéance. Il est réglementé par les articles L. 512-1 à L. 512-7 du Code de commerce. Il existe une similitude de nature juridique entre le billet à ordre et la lettre de change. Pour cela, de nombreuses dispositions du billet à ordre renvoient aux articles relatifs à la lettre de change. Caractéristiques du billet à ordre

Le billet à ordre est un titre formel qui a tantôt un caractère civil, tantôt un caractère commercial. Titre formel, le billet à ordre nécessite un écrit. Il doit comporter certaines mentions obligatoires. Malgré quelques hypothèses de suppléances légales, le titre incomplet ne vaut pas comme billet à ordre. Contrairement à la lettre de change qui s’analyse comme un acte de commerce par la forme, le billet à ordre aura un caractère civil ou commercial suivant la nature juridique du rapport fondamental qui est à son origine. Circulation du billet à ordre

Comme tous les effets de commerce, le billet à ordre circule par la voie de l’endossement translatif. L’endosseur souscrit un engagement cambiaire et il est garant du paiement. Le porteur sera protégé par la règle de l’inopposabilité des exceptions. Comme il n’existe pas de provision, l’endossement du billet à ordre n’emporte pas transfert de la propriété de la provision. Le billet à ordre peut aussi faire l’objet d’un endossement à titre de procuration et d’un endossement pignoratif.

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Effets du billet à ordre

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Le billet à ordre

Ils se font par comparaison avec ceux produits par une lettre de change. Les différences entre le billet à ordre et la lettre de change tournent autour de l’idée suivant laquelle, lors de sa souscription, le billet à ordre met seulement en présence deux protagonistes. Le souscripteur cumule sur sa tête les qualités de tireur et de tiré. L’acceptation et la provision n’existent pas. Les ressemblances entre le billet à ordre et la lettre de change apparaissent lors du paiement. Les délais de présentation et le paiement effectif du billet à ordre sont soumis aux dispositions de la lettre de change. Il en va de même pour les conséquences du défaut de paiement.

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Les warrants

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C HAPITRE 2

237 Les warrants se définissent comme une forme particulière de

billets à ordre dont le paiement est garanti par un gage. Le billet à ordre est souscrit le plus souvent par un commerçant qui donne à un créancier en garantie certaines marchandises déposées dans un magasin général ou gardées par lui. Il existe donc deux grandes catégories de warrants, ceux dans les magasins généraux (SECTION 1) qui comportent une dépossession et ceux sans déplacement (SECTION 2) qui ne comportent pas de dépossession. Le recours aux warrants devient rare en pratique.

S ECTION 1

Les warrants dans les magasins généraux 238 L’apparition des warrants est due à la création des magasins géné-

raux 1 par une loi du 28 mai 1858, pour rassurer les banquiers à la suite d’une crise économique. Leur réglementation actuelle date d’une ordonnance du 6 août 1945 qui figure désormais aux

1 . V. Granger, « Le warrant des magasins généraux », in Le gage commercial, préf. Hamel, p. 156.

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articles L. 522-1 et suivants du Code de commerce 1. Les magasins généraux sont des entrepôts et des docks dans lesquels les commerçants déposent les marchandises dont ils n’ont pas une utilité immédiate. Lorsque des marchandises sont déposées dans des magasins généraux, le commerçant va recevoir du magasin un récépissé-warrant. Ce titre se sépare en deux. Le récépissé permettra au déposant de récupérer ses marchandises. Le warrant, quant à lui, s’analyse en une forme de billet à ordre. Ce système a été copié sur le droit anglais. Il est nécessaire d’envisager successivement l’émission (§ 1), puis la circulation (§ 2) et enfin le paiement (§ 3) de ces warrants.

§ 1. L'émission du warrant

239 L’émission du warrant suppose la réunion de conditions de forme

et de conditions de fond. Le formalisme du warrant se caractérise par l’existence de mentions obligatoires au recto et au verso du titre. Le warrant pourrait aussi comporter certaines mentions facultatives comme une clause non à ordre ou une clause de dispense de protêt 2. L’article L. 522-24 du Code de commerce impose que soient mentionnés au recto le nom, la profession et le domicile du déposant ainsi que la nature de la marchandise déposée et les indications propres à en établir l’identité et à en déterminer la valeur. La pratique y fait également figurer la date du dépôt et la signature de l’exploitant du magasin général 3. Au verso, on trouve des indications qui sont, en réalité, celles de tout billet à ordre. L’article L. 522-25 du Code de commerce impose l’apposition de la dénomination de warrant. En vertu de l’article L. 522-29, alinéa 2, le warrant doit énoncer le montant intégral, en capital et intérêts, de la créance garantie, la date de son échéance et le nom, la profession et le domicile du créancier.

1 . Scholer, « Le régime juridique du warrant », RJ com. 1980. 725. 2. Le Cannu, Granier et Routier, no 504. 3. Le Cannu, Granier et Routier, no 504 ; Devèze et Pétel, no 343.

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Les warrants

Le titre doit être daté et signé par son émetteur. La signature est obligatoirement manuscrite. Le non-respect de ce formalisme est sanctionné par la nullité du warrant. On admet cependant que si les mentions devant figurer au verso du titre sont complètes, il pourrait valoir comme billet à ordre de droit commun 1. Les conditions de fond sont celles du droit commun. L’article L. 522-1 du Code de commerce réserve la création de warrants aux industriels, commerçants, agriculteurs ou artisans. Les marchandises doivent être déposées dans un magasin général ayant reçu un agrément. Les biens déposés doivent exclusivement être des matières premières, des marchandises, des denrées ou des produits fabriqués.

§ 2. La circulation du warrant 240 La circulation du warrant s’effectue, comme pour tous les effets

de commerce, par un endossement translatif. Mais il présente en cette matière un particularisme. Outre le fait de permettre une bonne circulation du titre, il est une condition de l’existence même du titre qui ne peut exister qu’après un premier endossement 2. Cette règle est rendue nécessaire par le fait que ce premier endossement constitue le gage ; elle s’analyse, en réalité, en une mesure de publicité. L’article L. 522-29, alinéa 3, du Code de commerce prévoit que ce premier endossement doit être immédiatement transcrit sur les registres du magasin, avec les énonciations dont il est accompagné. Aucun délai n’est cependant imposé. Il est fait mention de cette transcription sur le warrant. Les endossements ultérieurs présentent beaucoup moins de particularisme. Ils permettent la transmission du titre. Les règles du droit commun des effets de commerce s’appliquent à eux 3.

1 . Le Cannu, Granier et Routier, no 504 ; Devèze et Pétel, no 343. 2. Com. 20 oct. 1965, D. 1966. 353, note Cabrillac. 3. Roblot, no 528.

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222

Par exemple, le porteur bénéficie de la règle de l’inopposabilité des exceptions et l’endosseur est garant solidaire du paiement. Ils résultent d’une signature sur le titre. Il existe une règle particulière tenant à ce que l’endossataire a la possibilité d’exiger la transcription de l’endossement sur les registres tenus par les magasins généraux. Le propriétaire de la marchandise peut ainsi facilement connaître l’identité du porteur, ce qui facilite le paiement. L’endossement pourrait également être donné à titre de procuration. En revanche, on ne voit pas quel pourrait être l’intérêt d’un endossement pignoratif.

§ 3. Le paiement du warrant

241 Le paiement doit être effectué au porteur du warrant par le pro-

priétaire de la marchandise déposée, c’est-à-dire par le porteur du récépissé. Le paiement est normalement effectué au jour de l’échéance. Conformément aux règles des effets de commerce, le débiteur ne bénéficie d’aucun délai de grâce. En revanche, l’article L. 522-30, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit une règle spécifique en indiquant que le porteur du récépissé a la possibilité de payer, avant l’échéance, la créance garantie par le warrant. L’alinéa 2 de ce même article précise que si le porteur du warrant n’est pas connu ou si, étant connu, il n’est pas d’accord avec le débiteur sur le paiement anticipé, la somme due, y compris les intérêts jusqu’à l’échéance, est consignée auprès de l’administration du magasin général qui en demeure responsable. En l’absence de paiement, apparaît le dualisme du warrant qui est à la fois un gage et un effet de commerce. En conséquence, le porteur bénéficiera d’un recours fondé sur le gage, lui permettant de réaliser sa sûreté et d’un recours cambiaire. L’article L. 522-23, alinéa 1er, du Code de commerce en précise l’ordre, en indiquant que le porteur n’a de recours contre l’emprunteur et les différents endosseurs qu’après avoir exercé ses droits sur la marchandise et en cas d’insuffisance.

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Les warrants

242 La réalisation du gage est réglementée par les articles L. 522-31 à

L. 522-33 du Code de commerce qui déroge sur certains points à celle du gage commercial prévu par l’article L. 521-3 du Code de commerce. Le porteur a l’obligation de faire dresser protêt. Dans les huit jours qui suivent le protêt, le porteur doit, sans aucune formalité de justice, faire procéder à la vente publique des marchandises. La vente est effectuée en respectant les formes et les conditions posées par l’article L. 322-8 du Code de commerce sur les ventes publiques de marchandises en gros. Le porteur doit être diligent, puisque l’article L. 522-33, alinéa 3, du Code de commerce indique qu’il perd son recours contre les endosseurs, s’il n’a pas fait procéder à la vente dans le mois qui suit la date du protêt. Selon l’article L. 522-32 de ce même code, le créancier est payé de sa créance sur le prix par privilège et par préférence aux autres créanciers. Il est cependant primé par les créances des contributions indirectes, des taxes d’octroi et des droits de douane dus par la marchandise et celles des frais de vente, de magasinage et autres frais pour la conservation de la chose. À défaut de paiement intégral lors de la réalisation du gage, le porteur bénéficie des recours cambiaires, tels qu’ils résultent du billet à ordre. Le seul particularisme résulte de l’article L. 522-33, alinéa 2, du Code de commerce. Le délai fixé par l’article L. 511-42 du Code de commerce, pour l’exercice des recours contre les endosseurs, c’est-à-dire l’avis du défaut de paiement, ne court que du jour où la vente des marchandises est réalisée.

224

S ECTION 2

Les warrants sans dépossession

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Le billet à ordre et les warrants

243 Les warrants sans dépossession sont des instruments de crédit qui

prennent la forme de gage sans dépossession 1. Il faut envisager les différents warrants sans dépossession (§ 1), avant de voir les mesures de protection du créancier (§ 2).

§ 1. Les différents warrants sans dépossession

244 Il existe quatre catégories de warrants, le warrant agricole, le war-

rant hôtelier, le warrant pétrolier et le warrant industriel. Le warrant agricole a été créé par une loi du 18 juillet 1898, remplacée par une loi du 30 avril 1906, elle-même modifiée par un décret-loi du 18 septembre 1935. Ces dispositions ont été intégrées dans le Code rural par une loi du 22 juillet 1993. Cette sûreté, aux termes de l’article L. 342-1 du Code rural et de la pêche maritime, est réservée aux agriculteurs 2, au sens que lui donne l’article 2 de la loi du 30 décembre 1988 sur l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social. Le warrant grève l’ensemble des produits de l’exploitation, récoltes, produits transformés ou animaux 3. L’agriculteur conserve l’administration de ses biens. En vertu de l’article L. 342-8, il a la possibilité de disposer des biens warrantés qui ne pourront cependant être remis à l’acquéreur qu’après le désintéressement du créancier. Ce warrant se transmet par endossement. Le créancier muni d’un warrant agricole bénéficie d’un droit de préférence. Il est titulaire d’un droit de rétention fictif qu’il

1 . V. sur l’ensemble de cette question, Piédelièvre, Les sûretés, 2e éd., no 441 s. ; Mestre, Putman et Billiau, Droit spécial des sûretés réelles, 1re éd., no 912 s. 2. Pour la nullité d’un warrant agricole constitué par un commerçant, Com. 3 mars 1969, D. 1970. 489. 3. Sur le jeu de la subrogation réelle en cas de biens fongibles, Com. 15 juill. 1986, JCP 1986. II. 20695.

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perdra, s’il demande la vente des biens 1. Ce droit sera, en vertu de l’article L. 642-25 du Code de commerce, sera reporté sur le prix de vente en cas de liquidation judiciaire du débiteur, ce qui lui confère une importante protection 2. 245 Le warrant hôtelier a été créé par une loi du 8 août 1913, modifiée par une loi du 17 mars 1915, sensiblement sur le modèle du warrant agricole. Sa réglementation figure désormais aux articles L. 523-1 et suivants du Code de commerce. Destiné à garantir les emprunts effectués par un hôtelier pour les besoins de sa profession, il porte sur le mobilier commercial, le matériel et l’outillage servant à l’exploitation de l’hôtel. L’emprunteur conserve le droit de vendre les objets warrantés à l’amiable et avant le paiement de sa créance, même sans le concours du prêteur, mais leur tradition à l’acquéreur ne peut être opérée que lorsque le créancier a été désintéressé. Ce warrant a presque totalement disparu, car le nantissement du fonds de commerce protège mieux les intérêts du créancier. Ses formalités de constitution sont particulièrement lourdes. Si le débiteur n’est pas propriétaire des locaux servant à l’exploitation hôtelière, un avis doit être adressé au propriétaire par acte extrajudiciaire. Ce dernier aura la faculté de faire opposition, si certains loyers sont impayés. Ce warrant est détaché d’un registre à souche ; il s’agit d’un titre à ordre délivré par le greffier du tribunal de commerce. Il circule par la voie de l’endossement. Tous ceux qui ont signé ou endossé un warrant sont tenus à la garantie solidaire envers le porteur. Ce warrant se réalise selon les règles prévues par les articles L. 141-5 et suivants du Code de commerce pour le nantissement sur fonds de commerce. Le porteur peut auparavant exercer des recours cambiaires contre les signataires du titre. 246 Le warrant pétrolier a été créé par une loi du 21 avril 1932 pour permettre aux compagnies pétrolières de se constituer des sûretés sur les stocks de pétrole et de produits dérivés. Sa réglementation figure dans les articles L. 524-1 et suivants du Code de commerce. Comme la garantie porte sur des biens fongibles, la compagnie 1 . Com. 9 avr. 1991, RTD com. 1991. 286, obs. Bouloc. 2. Com. 4 mars 2003, D. 2003. Somm. 1627, obs. Le Corre ; JCP 2003. I. 174, no 11, obs. Cabrillac.

Le billet à ordre et les warrants

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peut librement disposer des biens grevés, à condition de maintenir le stock à hauteur prévu par le warrant. Le warrant pétrolier bénéficie d’un régime comparable à celui du warrant hôtelier, pour sa délivrance et lors de son exécution à l’encontre des signataires. Son originalité tient à ce que, si la valeur des stocks diminue de plus de 10 %, les créanciers ont la possibilité de mettre en demeure le débiteur de reconstituer des stocks pour atteindre une valeur suffisante, ou de demander le remboursement immédiat de ce qui leur est dû. 247 Le warrant industriel a été instauré par une loi du 12 septembre 1940, modifiée par une ordonnance du 6 août 1945 et par un décret du même jour 1. Il permet aux industriels, bénéficiaires de lettres d’agrément, c’est-à-dire de lettres adressées par plusieurs ministères à certains professionnels pour fabriquer des produits, d’utiliser ces produits stockés chez eux pour fournir une garantie à un créancier. Le titre est établi par le greffier du tribunal de commerce. Il circule par la voie de l’endossement qui produit des effets similaires à ceux d’un billet à ordre. Il en résulte notamment une solidarité de l’ensemble des signataires du titre. En cas de non-paiement à l’échéance, le gage sera réalisé ou le créancier exercera ses recours cambiaires.

§ 2. Les mesures de protection du créancier 248 L’inconvénient essentiel des warrants sans déplacement tient à ce

que le débiteur conserve la possession des biens gagés. Ces biens étant des meubles corporels, le droit de suite du créancier risque d’être fréquemment paralysé par le jeu de l’article 2276 du Code civil, lorsque le tiers acquéreur est de bonne foi 2. Pour limiter ces risques, il existe deux mesures de protection du créancier. La première consiste à appliquer au débiteur qui détourne les objets warrantés les peines de l’abus de confiance. 1 . Durand, « Le warrant industriel », in Le gage commercial, p. 477 ; Roblot, « Le warrant industriel, instrument de la politique des lettres d’agrément », Rev. sociétés 1943. 204 ; Schlogel, « Le warrant industriel », Banque 1946. 32. 2. Civ. 1re, 18 déc. 2001, Bull. civ. I, no 326 ; JCP N 2002. 889, note Gimonprez.

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Mais surtout, ces warrants sont soumis à des mesures de publicité qui ont pour but de remplacer la dépossession. Mis à part le warrant agricole qui se constate par un titre établi par le greffier du tribunal d’instance, les autres warrants sont inscrits sur un registre tenu par le tribunal de commerce. La publicité a pour conséquence de rendre les warrants opposables aux tiers.

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T ITRE 2

L ES NOUVEAUX INSTRUMENTS DE CRÉDIT

249 Pendant de nombreuses années, les effets de commerce ont consti-

tué l’intégralité des instruments de crédit. Le porteur d’une traite pouvait seulement mobiliser sa créance commerciale par la technique de l’escompte qui se définit comme une opération par laquelle un banquier « achète » un effet de commerce non échu, le plus souvent une lettre de change 1, moyennant une retenue. L’expression d’escompte vise à la fois l’opération elle-même et la rémunération du banquier. Dans ce dernier cas, on parle fréquemment de taux de l’escompte. L’escompte est un procédé de crédit, puisque le bénéficiaire d’un effet de commerce obtiendra le paiement immédiat d’un titre non échu. On se trouve en présence d’un crédit à court terme permettant un aide de trésorerie. Cette technique, en raison de l’utilisation des mécanismes cambiaires, offre une très grande sécurité à l’établissement de crédit dispensateur de crédit. Pour mieux comprendre cette opération, il est

1 . L’escompte peut également porter sur un chèque, même s’il est nécessairement plus rare, puisqu’il est payable à vue. Pour des illustrations, Com. 24 oct. 1977, D. 1978. 507, note Contamine-Raynaud ; adde Cabrillac, « Du décret-loi du 30 octobre 1935 au chèque instrument de crédit », Mélanges Roblot, p. 401.

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nécessaire de préciser sommairement ses caractéristiques et son déroulement. L’opération d’escompte peut être appréhendée à la fois de manière juridique et de manière économique. En conséquence, il convient de dégager successivement sa nature juridique et sa nature économique. La nature juridique de l’escompte a suscité des divergences. Il existe deux grandes tendances : l’une analyse cette technique comme un contrat classique et l’autre y voit une opération originale 1. Trois possibilités de rattacher l’escompte à une opération classique ont été avancées. Certains ont assimilé l’escompte à un prêt 2. Cette analyse a été proposée afin de soumettre cette opération à la législation sur l’usure. Comme le banquier remet immédiatement le montant de l’effet non échu à son client, on se trouverait en présence d’un prêt. La remise du titre à la banque serait simplement une garantie pour celle-ci. Mais le banquier ne crédite le compte du remettant que « sous réserve d’encaissement » ou « sauf bonne fin ». Il s’agit d’une simple avance du banquier jusqu’au paiement de la lettre de change. Pour d’autres, l’escompte s’analyserait en un achat de titre. Les fonds correspondant au montant de l’effet seraient remis en échange du transfert de propriété de celui-ci. Mais le banquier, en ne prenant la traite que sous réserve d’encaissement, montre bien qu’il n’entend pas devenir purement et simplement propriétaire de l’effet. Pour d’autres, il faudrait combiner les opérations de prêt et d’achat. À la base, il y aurait échange de deux valeurs en propriété (achat), mais le banquier, entendant rejeter l’aléa du non-paiement sur le remettant, ne ferait à ce dernier qu’une avance (prêt) 3. Cette conception revient à assimiler l’escompte au prêt. Finalement, il est possible et sans doute préférable de considérer que l’escompte est fondé sur les techniques classiques du droit cambiaire. Il s’analyse en une translation du titre au banquier par 1 . Sur l’ensemble de la question, Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 481. 2. Pour une admission de cette qualification en jurisprudence, Com. 6 mai 1964, D. 1965. 468, note Gavalda. 3. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 481 ; Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 239.

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le biais d’un endossement qui permettra une fourniture de crédit, garantie par l’action cambiaire existant au profit du bénéficiaire. L’importance pratique de l’escompte est liée à l’utilisation de la lettre de change. Elle présente un intérêt économique tant pour le remettant que pour le banquier. Pour le remettant, elle permet une avance de fonds sur un effet non échu, ce qui constitue une aide de trésorerie pour l’entreprise. Pour le banquier, les avantages sont multiples. D’abord, il perçoit un intérêt et des commissions, lorsqu’il escompte un effet de commerce. Le mode de rémunération lui est très favorable ; il doit être stipulé par écrit. L’intérêt est calculé sur le nominal de la traite et non sur la somme effectivement versée ; il a parfois été calculé avec une année de 360 jours et il est calculé sur un nombre minimum de jours. Ensuite, il a toujours la possibilité de procéder à un réescompte. Il transmet ses effets par la voie de l’endossement et il obtient ainsi de nouvelles disponibilités lui permettant de consentir de nouveaux crédits. Enfin, il bénéficie des garanties offertes par le droit cambiaire 1. Pour envisager le déroulement de l’opération d’escompte, il convient de se placer sur un plan chronologique qui amène à envisager successivement la mise en place de place de cette opération, puis ses conséquences. 250 La mise en place de l’opération d’escompte suppose la réunion

de conditions de fond et de conditions de forme. Les conditions de fond sont relatives au consentement. Le consentement des parties est nécessaire, mais encore faut-il qu’il s’agisse d’un consentement en vue de l’escompte. Le consentement du banquier présente parfois certaines particularités. Il peut prendre l’effet « pour examen » ou « en vue de l’escompte ». On se trouve en présence d’un escompte sous condition suspensive. Il se réserve la faculté d’escompter ou de ne pas escompter après examen. Il est fréquem-

1 . L’avantage est particulièrement important dans certaines hypothèses de conflits entre des personnes qui se prétendent cessionnaires d’une même créance. Ainsi en cas de conflit entre un soustraitant et un banquier escompteur d’une lettre de change acceptée ou payée, préférence sera donnée au second. Com. 18 nov. 1997, RTD com. 1988. 180, obs. Cabrillac ; adde Talau, « Le porteur d’une lettre de change, le sous-traitant et la provision », JCP E 1999. 996 ; Bonneau, « Plaidoyer en faveur du sous-traitant s’opposant au banquier escompteur d’une lettre de change », Mélanges Vasseur, p. 27.

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ment stipulé une clause « sauf bonne fin » ou « sous réserve d’encaissement ». Cette clause démontre que le banquier n’entend pas assurer le risque d’impayé de l’effet. Il se réserve la possibilité d’exercer un recours contre le remettant, si le tiré ne paie pas le jour de l’effet. Il faut également citer le forfait d’escompte qui s’analyse en une hypothèse de ducroire de banque. Le consentement doit être donné par les parties en vue de l’opération d’escompte. Cette exigence permet de distinguer l’escompte d’opérations voisines, comme l’avance sur effet remis simplement pour encaissement et l’achat d’effets. Dans la première hypothèse, on se trouve en présence d’un endossement de procuration qui confère au banquier le mandat de percevoir la traite à l’échéance. Le banquier peut alors consentir une avance sur le titre dont le client est bénéficiaire. Dans la seconde hypothèse, le banquier devient purement et simplement propriétaire de l’effet. L’opération d’escompte se présente sous deux formes. En cas d’escompte par caisse, le banquier acquiert un effet déterminé qu’il paie 1. En cas de crédit d’escompte, le banquier s’engage à acquérir, pendant un certain délai, toutes les lettres de change que son client lui transférera, mais à concurrence d’un certain montant. 251 Les conditions de fond sont relatives aux remises que doivent se faire les parties au contrat d’escompte. Le remettant doit transférer le titre au banquier. Ce transfert s’opère par les procédés cambiaires. Le banquier peut être nommément désigné comme bénéficiaire de la traite émise par son client. En émettant directement au profit d’une banque, ce dernier opère une mobilisation immédiate de la créance et il obtient directement des liquidités. La lettre de change peut également être endossée en blanc ou au nom du banquier 2. On se trouve parfois en présence d’un escompte fournisseur. Le plus souvent la remise est effectuée par le tireur ou le bénéficiaire. Mais il arrive que le tiré accepteur remette le titre au 1 . Il est « en droit d’effectuer un tri entre les effets certains et les effets incertains », Com. 22 avr. 1980, Bull. civ. IV, no 162. 2. Le banquier ne commet pas un refus abusif, lorsqu’il refuse de prendre à l’escompte un effet, au motif que le remettant ne lui a pas fourni certains renseignements sollicités, Com. 30 nov. 1999, Bull. civ. IV, no 212.

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banquier, les fonds étant transmis au tireur. On parle d’escompte à l’envers qui permet sous des formes diverses de faciliter le crédit au fournisseur, si son client tiré a une surface financière solide. De son côté, le banquier doit transférer le montant de la lettre de change au remettant. Cette remise, même si elle peut être effectuée sous d’autres formes, s’opère généralement par une inscription au crédit du compte courant du remettant. La somme transférée correspond au montant de l’effet, déduction étant faite de la rémunération du banquier 1. Elle comprend deux éléments : les intérêts et les commissions. Cette rémunération est partiellement soumise aux dispositions sur l’usure. L’article R. 313-3 du Code de la consommation précise les modalités de calcul du taux effectif global en matière d’escompte. Les intérêts constituent la rémunération du crédit fourni et ils sont calculés sur le montant de l’effet. Les commissions rémunèrent les services rendus aux clients. On signalera simplement la commission d’endos qui est proportionnelle au montant de l’effet, mais indépendante de sa durée, la commission de présentation à l’encaissement qui est fixe, la commission d’acceptation, la commission d’avis de sort ou la commission sur remise brûlante, permettant une rémunération supplémentaire d’un banquier qui sinon ne percevrait qu’un intérêt très faible en raison de la proximité d’échéance de la lettre de change. 252 Les conséquences de l’opération d’escompte sont que le banquier a la possibilité de se servir de l’effet qui lui a été transféré. Mais l’un de ses intérêts se présente, lorsque le banquier n’est pas payé du montant de l’effet au jour de l’échéance. Il bénéficie alors de plusieurs recours. Il peut utiliser les recours cambiaires contre tous les signataires de la traite. Il possède également un recours fondé sur le contrat d’escompte qui l’autorise à demander au remettant le remboursement de l’avance qu’il lui a faite 2. Cependant en pratique, le banquier est lié à son client par une convention de compte courant. Le plus souvent en l’absence de 1 . Sur le montant de cette rémunération, v. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 496. 2. V. L’admission de ce recours par Com. 30 janv. 1996, Bull. civ. IV, no 27 ; D. 1996. 320, note Rives-Lange ; RTD com. 1996. 302, obs. Cabrillac.

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paiement par le tiré, il effectuera une contre-passation, c’est-àdire qu’il reportera le montant de la lettre de change au débit du compte courant de son client 1. La contre-passation apparaît comme l’expression de la créance cambiaire du banquier 2. Il en résulte que le banquier ne pourra contrepasser qu’en cas de défaut de paiement par le tiré à l’échéance, que s’il n’est pas déchu de ses rapports cambiaires en tant que porteur négligent et que si le montant de la contre-passation est égal au montant de la créance cambiaire. La contre-passation peut avoir lieu pendant le fonctionnement du compte courant ou après sa clôture. Lorsque le compte fonctionne et que le client est in bonis, elle équivaut à un paiement. Le banquier perd alors tous droits sur l’effet contrepassé 3. Cette solution est parfois désavantageuse pour lui. Pour cette raison, il peut préférer conserver la lettre de change et exercer les recours cambiaires contre les différents signataires. Après la clôture du compte ou en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du remettant, la contre-passation ne vaut plus paiement. Le banquier conserve la propriété de l’effet et donc les différents recours cambiaires 4. 253 L’escompte apparaît comme une opération présentant de nombreux avantages pour les différentes parties. Elle a été en quelque sorte victime de son succès. L’abondance des effets escomptés rend leur manipulation onéreuse. La pratique a donc imaginé de nouvelles techniques. La mobilisation des créances commerciales se réalise également par la technique de la cession de créances professionnelles (CHAPITRE 1) et par celle de l’affacturage (CHAPITRE 2).

1 . Synvet, « La contre-passation en compte courant : un vieux problème toujours d’actualité », Mélanges Derruppé, p. 193 2. Elle présente pour lui un caractère facultatif, Com. 1er févr. 1961, JCP 1962. II. 12670, note RivesLange. 3. Com. 20 mars 1979, Bull. civ. IV, no 108. 4. Com. 9 mai 1990, Banque 1990. 1212, obs. Rives-Lange.

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C HAPITRE 1

La cession de créances professionnelles 254 L’utilisation des effets de commerce comme instrument de crédit,

si elle a l’avantage de procurer une grande sécurité au créancier, principalement en raison des effets de l’endossement translatif, présente l’inconvénient d’être une procédure lourde pour les banquiers, ne serait-ce que parce que chaque opération d’escompte nécessite une lettre de change 1. Aussi depuis longtemps cherchet-on une technique plus simple permettant aux entreprises, désireuses d’obtenir du crédit, de transférer globalement leurs créances à terme, par un procédé qui ne soit pas soumis au formalisme de l’article 1690 du Code civil tel qu’il existait avant la réforme du droit des obligations. Dans un premier temps, une ordonnance du 28 septembre 1967, pour faciliter la mobilisation des créances commerciales à court terme, a créé les factures et les bordereaux protestables. Le système n’a pas eu le succès escompté. Pour cela, il a été en parti abrogé par une loi du 2 janvier 1981. Il ne subsiste plus actuellement que le crédit de mobilisation des créances commerciales (CMCC) non garanti. Le commerçant détenant une série de 1 . Putman, no 120 ; Chaput et Schödermeier, no 296.

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créances sur son client va les regrouper selon leurs échéances et il établira un billet à ordre souscrit en faveur d’un banquier. Ce dernier fera une avance au commerçant d’un montant égal à celui du billet à ordre, déduction faite d’un intérêt. Le commerçant reste titulaire des créances commerciales. Les paiements qui lui seront faits lui permettront de rembourser les crédits. Si le commerçant était défaillant, le banquier bénéficierait à la fois d’un recours cambiaire, car il est porteur d’un billet à ordre, et d’un recours de droit commun pour l’avance qu’il a consentie. 255 Mais surtout la loi du 2 janvier 1981, dite « loi Dailly », complétée par un décret du 9 septembre 1981, a prévu la possibilité d’une cession ou d’un nantissement, plus rare en pratique, de créances professionnelles par bordereau, souvent dénommé bordereau Dailly 1. Une multitude de créances envers plusieurs débiteurs et à des échéances diverses peut être transférée par un cédant en une seule fois au moyen de ce bordereau à un établissement de crédit cessionnaire. N’ayant pas eu au départ le succès espéré, la réglementation de cette cession a été partiellement modifiée par la loi du 24 janvier 1984. Elle figure désormais aux articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier. Son développement actuel est certain et elle concurrence de plus en plus l’escompte, même si elle n’offre pas au créancier la même sécurité juridique que lui. Le Code monétaire et financier prévoit deux utilisations possibles du bordereau. La première permet la transmission des créances (SECTION 1) et la seconde fait de lui un instrument de crédit (SECTION 2).

1 . Schmidt et Gramling, « La loi no 81-1 du 2 janvier 1981, facilitant le crédit aux entreprises », D. 1981. 217 ; Gavalda, « La cession et le nantissement à un banquier des créances professionnelles », D. 1981. 199 et 330 ; Stoufflet et Chaput, « L’allégement de la forme des transmissions de créances liées à certaines opérations de crédit », JCP 1981. I. 3044 ; Vasseur, « L’application de la loi Dailly », D. 1982. 273.

S ECTION 1

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La cession de créances professionnelles

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L'utilisation du bordereau pour la transmission des créances 256 Le bordereau de la loi Dailly doit être intitulé « acte de cession de

créances professionnelles » ou « acte de nantissement des créances professionnelles ». L’intitulé précise la portée de l’acte 1. En tout état de cause, le bordereau ne suppose pas, pour l’opposabilité de l’opération aux tiers, le respect des formalités de l’article 1690 du Code civil pour la cession avant la réforme du droit des contrats et des obligations ou de l’article 2337 de ce même code pour le gage. Le débiteur devra bien évidemment être averti de l’opération ; l’information se fera par une notification. Pour pouvoir produire ses pleins effets (§ 2), la cession ou le nantissement par bordereau doit respecter certaines conditions (§ 1).

§ 1. Les conditions de la cession ou du nantissement par bordereau 257

Le mécanisme du bordereau dit « Dailly » est subordonné au respect de conditions de forme (A) et de conditions de fond (B).

A. Les conditions de forme

Le bordereau Dailly nécessite pour sa validité la réunion de plusieurs mentions obligatoires. Le formalisme est encore très présent. En conséquence, la rédaction d’un écrit s’avère nécessaire. Parmi ces mentions, on doit dissocier en raison de leur importance les signatures des autres mentions du bordereau. 258 Les signatures. Le bordereau doit être obligatoirement signé par le cédant qui effectue la transmission à titre de propriété ou à titre de gage. À l’origine, la signature devait nécessairement avoir un 1 . V. refusant toute valeur à un bordereau comportant à la fois les mentions de cession et de nantissement, Com. 8 nov. 1994, RTD com. 1995. 455, obs. Cabrillac.

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caractère manuscrit. Compte tenu des inconvénients de cette solution, l’article L. 313-25 du Code monétaire et financier dispose désormais que « la signature est apposée à la main ou par tout procédé non manuscrit ». Le non-respect de cette formalité est sanctionné par la nullité 1. Il est fréquent, en pratique, qu’un cédant personne morale soit représenté par un de ses organes. En ce cas, le défaut ou le dépassement de pouvoirs sera sanctionné par l’inopposabilité dont seul le cédant pourra se prévaloir 2. La signature du débiteur n’est pas nécessaire, comme l’a rappelé la Cour de cassation en indiquant que « la désignation du débiteur cédé n’est pas une mention obligatoire du bordereau, mais seulement d’identification des créances cédées » 3. La solution ainsi adoptée peut surprendre au premier abord, car on pourrait penser que cette mention est indispensable pour que le cessionnaire puisse recouvrer sa créance. Mais le législateur a adopté un parti plus réaliste, celui de la nécessité de l’individualisation de la créance qui nécessitera souvent, en pratique, l’indication du débiteur cédé. Le débiteur peut accepter une ou plusieurs créances contenues dans le bordereau. En ce cas selon l’article L. 313-29 du Code monétaire et financier, cet engagement doit être constaté, à peine de nullité, par un écrit intitulé « acte d’acceptation ou du nantissement d’une créance professionnelle » 4. Cet écrit doit être signé par le débiteur. Mais comme le Code monétaire et financier n’a pas visé cette hypothèse, la signature sera obligatoirement manuscrite. L’acceptation ne pourra pas, en conséquence, être présumée ou tacite 5. 259 La jurisprudence a quelque peu atténué ce formalisme, en indiquant que l’écrit, constitutif de l’acte d’acceptation au sens de l’article L. 313-29 du Code monétaire et financier, peut être établi 1 . Cf. Bonhomme, no 258. 2. Com. 21 sept. 2010, Bull. civ. IV, no 138 ; D. 2010. 2220, obs. Delpech. 3. Com. 1er févr. 2011, Dr. et proc. 2011. suppl. no 10, p. 24, obs. Piédelièvre ; D. 2011. 508, obs. Delpech. 4. V. Com. 5 nov. 1991, Bull. civ. IV, no 328 ; RTD com. 1992. 431, obs. Cabrillac et Teyssié, indiquant que « les actes d’acceptation ne sont valables que s’ils sont exactement rédigés dans les termes énoncés par la loi » ; également Com. 22 févr. 1994, Bull. civ. IV, no 69. 5. Com. 29 nov. 1994, Bull. civ. IV, no 353 ; RTD com. 1995. 172, obs. Cabrillac.

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et conservé sur tout support, y compris par télécopie, dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ont été vérifiées, ou ne sont pas contestées 1. Cette solution a reçu une consécration légale par la loi du 13 mars 2000. Désormais, l’article 1366 du Code civil dispose que « l’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». L’acceptation, contrairement à la solution prévue par l’article L. 511-17, alinéa 4, du Code de commerce pour la lettre de change, peut être conditionnelle ou comporter des réserves. La jurisprudence a ainsi admis qu’une acceptation puisse avoir lieu sous condition que le cédant exécute ses obligations envers le cédé. Elle a alors décidé que l’exception d’inexécution pourrait être opposée par le débiteur cédé acceptant au cessionnaire 2. L’acceptation ne peut pas intervenir antérieurement à la date du bordereau 3. Cette solution tient au fait qu’avant cette date le banquier n’est pas un cessionnaire. L’acceptation qui ne respecte pas ce formalisme ne produit aucun effet. Tel est le cas de l’engagement de payer pris par le cédé à l’égard du cessionnaire en dehors des formes de l’acceptation 4. On s’est parfois demandé si une acceptation irrégulière ne valait pas notification au débiteur cédé lui enjoignant de ne pas payer le cédant 5. Une réponse négative s’impose, car les deux institutions n’ont pas la même finalité 6. Cette solution semble consacrée par la Cour de cassation 7. En tout état de cause, à partir du moment où un bordereau de cession de créances professionnelles n’est pas régulier en la forme, l’engagement de payer sous-

1 . Com. 2 déc. 1997, RTD com. 1998. 187, obs. Cabrillac ; D. 1998. 192, note Martin ; JCP E 1998. 178, note Bonneau. 2. Com. 2 juin 1992, Bull. civ. IV, no 215. 3. Com. 8 févr. 2000, RTD com. 2000. 425, obs. Cabrillac ; D. 2000. 567, note Chagol. 4. Com. 29 oct. 2003, RTD com. 2004. 137, obs. Cabrillac. 5. Vasseur, obs. D. 1988. Somm. 280. 6. V. les arguments développés par Devèze et Pétel, no 366 ; également Cabrillac et Teyssié, obs. RTD com. 1987. 555. 7 . Com. 7 janv. 1997, RTD com. 1997. 300, obs. Cabrillac.

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crit par le débiteur cédé ne vaut pas acceptation au sens du Code monétaire et financier 1. L’acceptation ne peut pas intervenir de manière anticipée. Si tel était le cas, elle serait sans effet. Cependant, elle peut faire l’objet d’une confirmation par un acte d’acceptation conforme aux prescriptions de l’article L. 313-29 du Code monétaire et financier, à condition d’avoir été signée postérieurement à la date mentionnée sur le bordereau 2. 260 Les effets de cette acceptation, assez rare en pratique, sont similaires à ceux de l’acceptation d’une lettre de change. En effet, le débiteur s’engage à payer directement l’établissement de crédit et l’article L. 313-29, alinéa 2, du Code monétaire et financier prévoit qu’il ne peut, en ce cas, opposer à l’établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l’établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n’ait agi sciemment au détriment du débiteur. Comme le principe de l’inopposabilité des exceptions est formulé de la même façon que pour la lettre de change 3, la doctrine en déduisait que l’article L. 313-29 du Code monétaire et financier devait recevoir la même interprétation que l’article L. 511-12 du Code de commerce 4. Logiquement, cette interprétation a été consacrée par la Cour de cassation qui a pris parti sur le sens de la formule « a agi sciemment au détriment du débiteur » 5. Le recouvrement de la créance peut, en cas d’acceptation, être poursuivi par le banquier cessionnaire au moyen de la procédure d’injonction de payer, prévue par l’article 1405 du Code de procédure civile. Il est possible que la transmission de créances s’effectue par un procédé informatique. En ce cas, le bordereau de cession doit, 1 . Com. 16 oct. 2007, D. 2007. 2728, obs. Delpech ; Dr. et proc. mai-juin 2008. 12, obs. Piédelièvre. 2. Com. 3 nov. 2015,Gaz. Pal. 8 mars 2016. 68, obs. Moreil. 3. Pour des applications jurisprudentielles de ce principe, Com. 3 déc. 1991, Bull. civ. IV, no 370 ; Banque 1992. 644, obs. Rives-Lange ; Com. 19 mai 1992, Bull. civ. IV, no 189. 4. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2428-8 ; Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 569. 5. Com. 2 déc. 1997, préc., qui indique que le banquier cessionnaire doit avoir connaissance de la situation irrémédiablement compromise de sa cliente.

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outre l’indication du moyen par lequel les créances sont transmises, être revêtu de toutes les mentions exigées par l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier, c’est-à-dire le nombre et le montant global des cessions 1. 261 Les autres mentions. Outre la dénomination du titre intitulé selon

les cas « acte de cession de créances professionnelles » 2 ou « acte de nantissement des créances professionnelles » et la signature du cédant, l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier prévoit d’autres mentions obligatoires. Le bordereau doit indiquer que l’acte est soumis aux dispositions du Code monétaire et financier, et comporter le nom ou la dénomination sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire. Cette nécessité d’identifier le cessionnaire condamne la possibilité de créer un bordereau au porteur. L’article L. 313-25, alinéa 2, précise que le bordereau peut être stipulé à ordre. Mais il n’est alors transmissible, en vertu de l’article L. 31326, qu’à un autre établissement de crédit. L’article L. 313-23 du Code monétaire et financier impose la désignation ou l’individualisation des créances cédées ou données en nantissement ou des éléments susceptibles d’effectuer cette désignation ou cette individualisation, notamment par l’indication du débiteur, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s’il y a lieu, de leur échéance 3. La jurisprudence considère que la désignation du débiteur cédé n’est pas une des mentions obligatoires, mais qu’elle constitue l’un des moyens permettant d’identifier les créances cédées 4. Le caractère inexact de la désignation du débiteur cédé est sans conséquence dès lors que l’identification des créances résulte d’autres éléments du bordereau 5. De même, le défaut d’indication du montant précis

1 . Com. 20 févr. 2007, RTD com. 2007. 423, obs. Legeais ; Gaz. Pal. 21 juill. 2007, p. 48, note Bonhomme. 2. Pour une omission de l’adjectif « professionnelles » qui a exclu l’application des dispositions du Code monétaire et financier : Com. 13 sept. 2017, Banque et droit nov.-déc. 2017. 29, obs. Bonneau. 3. Pour une hypothèse de désignation insuffisante en raison de mentions erronées, Com. 21 juin 1994, Bull. civ. IV, no 223. 4. Com. 7 juin 2006, RD banc. fin. nov.-déc. 2006. 13, obs. Crédot et Samin ; également Com. 1er févr. 2011, D. 2011. 508, obs. Delpech ; Dr. et proc. nov. 2011, supplément droit du recouvrement, p. 24, obs. Piédelièvre. 5. Com. 7 juin 2006, préc.

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de la créance cédée n’est pas une cause de nullité 1. Lorsqu’un bordereau comporte des créances inexistantes, l’opération de cession peut être constitutive d’une escroquerie 2. Sauf en cas d’acceptation, il appartient à l’établissement de crédit cessionnaire de prouver l’existence d’une créance déniée par le prétendu débiteur 3. 262 L’article L. 313-23 du Code monétaire et financier prévoit la possibilité d’une transmission des créances cédées ou nanties par un procédé informatique. Le but de ces nouvelles dispositions est de permettre d’associer l’utilisation du bordereau de cessions de créances professionnelles avec la lettre de change relevé. En ce cas, il suffit que le bordereau indique le moyen par lequel elles sont transférées, leur nombre et leur montant global. Selon l’alinéa 5 de l’article L. 313-23, en cas de contestation portant sur l’existence ou sur la transmission d’une de ces créances, le cessionnaire pourra prouver par tous moyens, que la créance objet de la contestation est comprise dans le montant global porté sur le bordereau. Comme on l’a fait remarquer, « l’allégement du formalisme trouve sa contrepartie dans la dévolution de la charge de la preuve » 4. 263 Selon le dernier alinéa de l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier, le titre dans lequel une des mentions obligatoires fait défaut ne vaut pas comme acte de cession ou de nantissement des créances professionnelles 5. Il en va de même en cas d’absence de production des bordereaux de cession de créances due à une impossibilité matérielle 6. L’opération vaut cession ou nantissement de droit commun. Mais son efficacité est nécessairement limitée aux rapports entre les parties, tout du moins pour le gage puisque les formalités prévues par l’article 2337 du Code civil, nécessaires pour rendre l’opération opposable aux tiers, n’ont pas 1 . Com. 4 nov. 2014, no 13-21201. 2. Crim. 22 févr. 1993, Bull. crim. no 83 ; JCP E 1994. II. 530, note Véron. 3. Com. 18 oct. 1994, Bull. civ. IV, no 290 ; Com. 18 févr. 1997, RTD com. 1997. 299, obs. Cabrillac. 4. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 540. 5. Com. 9 avr. 1991, Bull. civ. IV, no 121 ; RTD com. 1991. 421, obs. Cabrillac et Teyssié ; Banque 1991. 1086, obs. Rives-Lange ; Com. 13 nov. 2003, RJDA 2004. 466. 6. Com. 25 févr. 2003, RTD com. 2003. 555, obs. Cabrillac ; Banque et droit nov.-déc. 2003. 55, obs. Bonneau.

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été respectées. Pour la cession de créances, l’article 1323 du Code civil prévoit désormais que le transfert de la créance s’opère à la date de l’acte et est opposable aux tiers dès ce moment. L’article L. 313-23 du Code monétaire et financier n’impose pas comme mention obligatoire du bordereau sa date. Mais l’article L. 313-25, alinéa 2, indique que la date est apposée par le cessionnaire, et l’article L. 313-27, alinéa 1er, de ce code prévoyait que la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau 1. Cette solution a été modifiée par la loi du 1er août 2003. L’article L. 313-27, alinéa 1er, indique que la cession sera opposable « à la date apposée sur le bordereau lors de la remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances… ». En cas de contestation sur cette date, la charge de la preuve pèse sur l’établissement de crédit cessionnaire ; cette preuve peut être rapportée par tous moyens, ce qui pratiquement sera très difficile 2.

B. Les conditions de fond

Les conditions de fond sont relatives aux personnes intervenant à l’opération et aux créances transmissibles. 264 Les personnes pouvant intervenir à l’opération. L’article L. 313-23 du Code monétaire et financier indique que le cédant doit être une personne morale de droit privé ou de droit public ou une personne physique agissant dans l’exercice de son activité professionnelle. On constate une différence entre les personnes morales et les personnes physiques. Pour les premières, la loi ne donne aucune indication relativement à leurs activités 3. Pour les secondes, la créance doit obligatoirement résulter de l’exercice d’une activité professionnelle ; la nature de cette activité importe peu. Le cessionnaire ne peut être qu’un établissement de crédit. L’expression d’établissement de crédit doit être prise dans le sens 1 . Com. 28 oct. 1986, D. 1986. 592, note Vasseur ; RTD com. 1987. 89, obs. Cabrillac et Teyssié ; JCP 1987. II. 20735, note Stoufflet ; Com. 14 juin 2000, JCP E 2001. 518, note Virassamy. 2. Com. 3 juill. 2012, Bull. civ. IV, no 448 ; Dr. et proc. oct. 2012, supplément droit du recouvrement, p. 27, obs. Piédelièvre. 3. V. Com. 3 janv. 1996, Bull. civ. IV, no 3, indiquant que, pour une personne morale, il n’était pas nécessaire de vérifier que les créances étaient nées de son activité professionnelle.

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que lui a donné la loi bancaire du 24 janvier 1984 et figurant désormais à l’article L. 511-1 du Code monétaire et financier. Ce cessionnaire doit avoir consenti un crédit à court, à moyen ou à long terme au cédant. A priori, le débiteur cédé ne devrait pas remplir de conditions spécifiques, puisqu’il est tiers à cette opération et que normalement il lui importe peu de régler le montant de sa dette au cédant ou au cessionnaire. Mais comme l’acceptation renforce son engagement et qu’elle le conduit à être tenu plus sévèrement envers le cessionnaire qu’il ne l’était à l’encontre du cédant, le cédé doit être une personne morale de droit privé ou de droit public ou une personne physique ayant souscrit sa dette lors de son activité professionnelle. 265 Les créances transmissibles. Le but de la loi Dailly a été de permettre la cession et le nantissement des créances commerciales. La loi du 24 janvier 1984 a supprimé cette exigence. Désormais l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier vise toute créance qu’un créancier peut détenir sur un tiers. Par définition, cette créance doit être cessible. Le meilleur exemple d’incessibilité est prévu par l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. En vertu de cette disposition, l’entrepreneur ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché et du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement. La créance peut donc avoir aussi bien un caractère contractuel que délictuel. Ces créances doivent avoir un caractère professionnel aussi bien du côté du créancier que de celui du débiteur, ce qui exclue les créances détenues sur des consommateurs. En vertu de l’alinéa 2 de l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier, « peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances d’un acte déjà intervenu et à intervenir mais dont le montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés ». Les créances échues peuvent être cédées, même à titre de garantie 1. 1 . Com. 8 janv. 1991, Bull. civ. IV, no 8 ; RD bancaire et bourse 1991. 96, obs. Crédot et Gérard.

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Il est possible que les créances contiennent des stipulations relatives à leur transmission. La question s’est alors posée de leurs effets en cas de cession Dailly. La Cour de cassation a considéré « qu’une cession de créance professionnelle effectuée selon les modalités prévues par les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier produit ses effets et est opposable aux tiers ainsi qu’au débiteur cédé dans les conditions prévues par ces dispositions légales, auxquelles aucune autre condition ne peut être ajoutée dans le contrat générateur de la créance » 1. Il est possible que parfois certaines créances fictives soient transférées par le cédant au cessionnaire. Cette remise de factures inexistantes accompagnée d’un bordereau Dailly pourrait être constitutive d’un faux en écriture privée 2 ou d’une escroquerie 3.

§ 2. Les effets de la cession ou du nantissement par bordereau 266 Les effets de la cession et du nantissement par bordereau Dailly

ont pour conséquence de conférer un droit au cessionnaire sur la créance transmise (A). Mais ce droit risque d’entrer en conflit avec des tiers qui invoquent également des droits sur la créance transmise (B).

A. Les droits du cessionnaire sur la créance transmise 267 Les droits du cessionnaire sur la créance transmise nécessitent que

l’on envisage les rapports entre le cessionnaire et le cédant (1) et ceux entre le cessionnaire et le débiteur cédé (2). Il sera également nécessaire d’envisager les conséquences de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire (3).

1 . Com. 11 oct. 2017, JCP 2017 1381, note Borga ; RTD civ. 2017. 861, obs. Barbier. 2. Crim. 30 mars 1992, Bull. crim., no 132 ; JCP E 1992. Pan. 1355, obs. Véron. 3. Crim. 22 févr. 1993, préc.

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1. Les rapports entre le cessionnaire et le cédant 268 Les rapports entre le cessionnaire et le cédant sont en apparence

relativement simples. L’article L. 313-24 du Code monétaire et financier dispose que « même lorsqu’elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d’un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée ». La cession permet au banquier d’effectuer une opération voisine de l’escompte. Le banquier a avancé le montant des créances qui lui ont été transférées ; le paiement de ces créances par le débiteur cédé lui remboursera le crédit qu’il a octroyé. Le nantissement offre une garantie au banquier ayant consenti un crédit à son client. Le transfert de propriété s’opérera lors de l’apposition de la date sur le bordereau par le cessionnaire. Ce transfert confère une très grande efficacité au procédé car la jurisprudence considère qu’« en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance » 1. Ce transfert de propriété au cessionnaire est provisoire, et il implique, de la part de celui-ci, une obligation de restitution de la créance cédée une fois que la garantie a épuisé ses effets 2. La jurisprudence a admis que ce nantissement puisse être constitué temporairement par une mention portée sur le bordereau 3. 269 Lorsque le montant de la créance cédée par bordereau Dailly est supérieur à celui de la créance garantie, le cédant conserve le droit d’obtenir du cédé le paiement de l’excédent 4. La conséquence de ce transfert de la propriété de la créance est que, puisque le cédant n’est plus propriétaire de la créance, il n’a pas la possibilité de 1 . Com. 19 déc. 2006, D. 2007. 344, note Larroumet ; RTD civ. 2007. 160, obs. Crocq ; JCP 2007. 10067, rapp. Cohen-Branche et note Legeais ; RD banc. fin. mars-avr. 2007. 52, obs. Crédot et Samin ; Gaz. Pal. 23-24 mai 2007. 11, note Piédelièvre. 2. Com. 22 nov. 2005, D. 2005. 3081, obs. Delpech ; RTD com. 2006. 169, obs. Legeais ; Defrénois 2006. 601, obs. Savaux ; Banque et droit mars-avr. 2006. 67, obs. Bonneau ; sur les conséquences lorsque la convention de crédit entre le cédant et le cessionnaire se double d’une relation de compte, Com. 4 juill. 2006, D. 2006. 2028, obs. Delpech. 3. Com. 16 mai 2000, D. 2000. somm. 392, obs. Piédelièvre. 4. Com. 3 nov. 2010, RTD civ. 2011. 156, obs. Crocq ; RTD com. 2011. 393, obs. Legeais ; RD banc. fin. mars-avr. 2011. 42, obs. Crédot et Samin ; Banque et droit janv.-févr. 2011. 31, obs. Bonneau ; JCP 2011. 112 note Aynès.

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modifier l’étendue des droits attachés aux créances représentées par ce bordereau 1. Bien entendu, le cédant ne devra pas recevoir le paiement de sa créance. Cependant, l’article L. 313-28 du Code monétaire et financier prévoit indirectement que le cédant puisse recevoir le paiement pour le compte du cessionnaire. Cette solution est assez fréquente en pratique, car elle facilite la gestion du cessionnaire. Une convention cadre prévoit généralement les modalités de versement des sommes au cessionnaire. L’article L. 313-27, alinéa 3, du Code monétaire et financier indique qu’outre la créance sont également transmises au cessionnaire, sauf convention contraire, les sûretés, les garanties et les accessoires attachés à chaque créance. Il s’agit aussi bien des sûretés réelles que des sûretés personnelles. La solution est sur ce point identique à celle prévue dans le droit commun de la cession de créance par l’article 1321, alinéa 3, du Code civil. La question s’était posée de savoir si parmi les accessoires de la créance figurait la clause de réserve de propriété. La jurisprudence a finalement répondu par l’affirmative 2. Cette solution a été en quelque sorte confirmée par la réforme du droit des sûretés qui a fait entrer en cette matière les sûretés fondées sur la propriété. Parmi les accessoires transmis, on peut citer les clauses d’arbitrage 3, le titre exécutoire du cédant contre la caution du cédé 4 ou l’action en justice contre le cédé 5. 270 Le particularisme de la cession de créances professionnelles tient à ce que, en vertu de l’article L. 313-24, alinéa 2, du Code monétaire et financier, le cédant est, sauf clause contraire, garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement. La garantie du cédant porte donc sur l’existence de la créance cédée et sur la solvabilité du débiteur cédé 6. Le droit commun de la cession de créance connaît un principe inverse ; 1 . Com. 8 nov. 1994, RTD com. 1995. 455, obs. Cabrillac. 2. Com. 15 mars 1988, Bull. civ. IV, no 106 et 114. 3. Civ. 2e, 20 déc. 2001, Bull. civ. ., II, no 198. 4. Com. 5 févr. 2008, D. 2008. 542, obs. Delpech. 5. Com. 27 mai 2014, Banque et droit sept. 2014. 18, obs. Bonneau ; Com. 18 nov. 2014, JCP E 2015. 1101, note Marty. 6. Com. 1er févr. 2011, D. 2011. 509, note Delpech ; Dr. et proc. 2011. suppl. no 10, p. 24, obs. Piédelièvre.

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l’article 1326 du Code civil prévoit que celui qui cède une créance à titre onéreux garantit l’existence de la créance et de ses accessoires, à moins que le cessionnaire l’ait acquise à ses risques et périls ou qu’il ait connu le caractère incertain de la créance. En application du droit commun de la solidarité, le cessionnaire n’aura pas à observer d’ordre dans ses poursuites. Il a la possibilité de recourir contre le cédant, sans avoir auparavant actionné le débiteur cédé, du moins, tant que la cession n’a pas été notifiée à ce dernier. La Cour de cassation a, en effet, considéré que le cessionnaire d’une créance professionnelle qui a notifié la cession bénéficie d’un recours en garantie contre le cédant, garant solidaire, sans avoir à justifier préalablement d’une poursuite judiciaire contre le débiteur cédé ou même de sa mise en demeure, est cependant tenu de justifier d’une demande amiable adressée à ce débiteur ou de la survenance d’un événement rendant impossible le paiement 1. Il est toutefois possible de stipuler une clause contraire 2. Cette distinction s’explique par les conséquences de la notification qui oblige le cédé à se libérer entre les mains du cessionnaire et par l’idée de garantie contenue dans l’article L. 313-24, alinéa 2 3. En cas de cession à titre de garantie d’une créance professionnelle, seul le cessionnaire peut réclamer au débiteur le paiement total de la créance cédée, même lorsque son montant excède celui de la créance garantie, le cédant ne retrouvant ses droits à agir qu’après le remboursement intégral de la dette garantie ou la renonciation du cessionnaire à tout ou partie de la créance cédée 4. Cette solution est logique. Il est nécessaire de dissocier deux périodes, conséquences du fait que l’on se trouve en présence d’une cession à titre de garantie qui emporte un transfert de propriété. Ce transfert de propriété au cessionnaire est provisoire, et il implique, de la part de celui-ci, une obligation de resti1 . Com. 18 sept. 2007, Banque et droit janv. 2008. 23, obs. Bonneau ; JCP E 2007. 2377, obs. Stoufflet ; Dr. et proc. mai-juin 2008. 11, obs. Piédelièvre ; Com. 18 janv. 2017, Dr. et proc. avr. 2017. 11, obs. Piédelièvre ; Banque et droit mars avr. 2017 36, obs. Bonneau. 2. Com. 5 juin 2012, Bull. civ. IV no 112 ; RTD com., 2012 600, obs. Legeais. 3. V. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 574. 4. Com. 18 nov. 2014, RTD com. 2015. 343, obs. Legeais, Banque et droit janv.-févr. 2015. 41, obs. Bonneau.

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tution de la créance cédée une fois que la garantie a épuisé ses effets 1. Dans ce cas, le cédant retrouve l’intégralité de ses prérogatives à l’encontre du débiteur cédé. Mais tant que tel n’est pas le cas, le cessionnaire est seul propriétaire avec toutes les conséquences qui en résultent. 2. Les rapports entre le cessionnaire et le débiteur cédé

La cession de créances par bordereau Dailly présentait l’avantage d’être beaucoup moins formaliste pour l’opposabilité de la cession ou du nantissement au tiers et principalement au débiteur cédé que ne l’était la cession de créance de droit commun de l’article 1690 du Code civil. L’inconvénient est moindre depuis la réforme du droit des contrats et des obligations, puisque l’article 1324 dispose que la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. Selon l’article L. 313-27, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à compter de la date portée sur le bordereau lors de la remise 2. Mais pour appréhender les rapports entre le cessionnaire et le débiteur cédé, il est nécessaire d’envisager les modes de recouvrement de la créance cédée, avant de voir les exceptions pouvant être opposées par le débiteur cédé. 272 Les modes de recouvrement de la créance cédée. Le recouvrement de la créance cédée se présente différemment suivant que la cession a été ou non notifiée au débiteur cédé. En règle générale, la cession par bordereau Dailly n’est pas notifiée au débiteur cédé. Le recouvrement des créances professionnelles est assuré par le cédant pour le compte du cessionnaire 3, en vertu d’un mandat tacite ou exprès. Assez fréquemment un contrat-cadre entre le cédant et le cessionnaire prévoit ce mandat 4. En ce cas, le débiteur cédé doit se libérer entre les mains du cédant ; son paiement est satisfactoire et donc la créance est 271

1 . Com. 22 nov. 2005, D. 2005. 3081, obs. Delpech ; RTD com. 2006. 169, obs. Legeais ; Defrénois 2006. 601, obs. Savaux ; Banque et droit mars-avr. 2006. 67, obs. Bonneau. 2. Com. 26 nov. 2003, RTD com. 2004. 138, obs. Cabrillac. 3. Putman, no 133 ; Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2428-7 ; adde Le Maigat, « La protection du débiteur cédé face au caractère occulte de la “cession Dailly” », RD banc. fin. 2002. 92. 4. De Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 366.

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éteinte. Il semble que le débiteur cédé, ayant eu connaissance de la cession, pourrait valablement se libérer entre les mains du cessionnaire 1. Ce procédé facilite le travail de l’établissement de crédit dispensateur de crédit qui joue alors un rôle purement financier. Mais il présente des dangers en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du cédant. L’article L. 313-28 du Code monétaire et financier prévoit que le cessionnaire peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du cédant. À compter de cette notification, le débiteur ne se libère valablement qu’auprès du cessionnaire 2. S’il se libérait entre les mains du cédant, il s’expose à devoir payer une seconde fois en application du principe « qui paie mal paie deux fois » 3. Cette notification s’effectue par tous moyens, à condition de respecter les mentions figurant dans l’article R. 313-15 du Code monétaire et financier. La charge de la preuve de la notification pèse sur le cessionnaire. Elle a pour conséquence de révoquer le mandat, le plus souvent tacite, de recouvrement donné au cédant. Elle n’entraîne pas d’obligations nouvelles pour le cédé qui notamment n’a pas d’obligation d’information vis-à-vis du cessionnaire sur les créances cédées 4. Le cédé engagerait cependant sa responsabilité, conformément aux principes généraux, en cas de collusion frauduleuse avec le cédant. 273 Les exceptions pouvant être opposées par le débiteur cédé. Normalement, le débiteur cédé a la possibilité d’opposer au cessionnaire les exceptions qu’il pouvait opposer au cédant. Il en va différemment en cas d’acceptation par le débiteur cédé, puisque, dans ce cas, il a souscrit un engagement direct envers le cessionnaire. Mais hormis cette hypothèse, le transfert de la créance n’opère pas purge des exceptions 5. La créance est transmise avec les vices 1 . Devèze et Pétel, no 374. 2. Com. 17 mars 2004, LPA 17 déc. 2004. 18, note Tchotourian ; Com. 17 déc. 2013, Banque et droit mars-avr. 2014. 26, obs. Bonneau, Gaz. Pal. 2014. 2245, obs. Bonhomme. 3. Com. 17 déc. 2013, Gaz. Pal., 16-18 mars 2014. 17, obs. Moreil. 4. Com. 24 mars 1992, Banque 1993. 87, obs. Rives-Lange ; Com. 29 nov. 1994, Bull. civ. IV, no 352. V. cependant, Com. 13 févr. 1996, JCP 1996. II. 22725, note Routier, précisant que, lorsqu’un débiteur a pris l’initiative de fournir une information au cessionnaire, il doit l’avertir des événements ultérieurs concernant cette créance. 5. Com. 30 juin 1992, Bull. civ. . IV, no 252 ; Com. 9 févr. 1993, Bull. civ. . IV, no 51.

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La cession de créances professionnelles

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qui l’affectaient. Mais étant tiers à la cession, le cédé ne peut opposer au cessionnaire les exceptions résultant de cette convention 1. Les exceptions opposables sont multiples. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer, à titre d’illustration, la nullité ou l’inexécution 2 du contrat d’où est issue la créance. Il n’est pas nécessaire que l’exception se soit manifestée avant la cession 3. La jurisprudence considère que l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance du cessionnaire au passif de la procédure collective du cédant ne fait pas obstacle à ce que le débiteur cédé puisse opposer au cessionnaire l’exception d’inexécution de son obligation par le cédant 4. La même solution s’applique pour une remise de dette ou pour un délai de paiement accordé par le cédant au débiteur cédé, à la condition cependant cette fois que la remise ou le délai aient eu lieu avant la date apposée sur le bordereau. 274 Certaines difficultés apparaissent en cas de compensation 5. Le débiteur cédé peut-il opposer au cessionnaire l’exception de compensation née de ses rapports avec le cédant ? Il est certain que, si les conditions de la compensation légale étaient réunies avant la date apposée sur le bordereau, le débiteur cédé pourra se prévaloir de la compensation 6, puisque, par définition, la créance n’a pas pu être transmise, car elle n’existait plus. Lorsque les conditions de la compensation sont seulement réunies après la date portée sur le bordereau, elle ne semble plus possible, puisque la condition de réciprocité fait désormais défaut. Pourtant, il est nécessaire d’opérer une distinction suivant que la cession a fait ou non l’objet d’une notification 7. Jusqu’à la 1 . Com. 19 mai 1992, Bull. civ. . IV, no 189. 2. Com. 9 févr. 1993, Bull. civ. . IV, no 51 ; RTD com. 1993. 347, obs. Cabrillac et Teyssié. 3. Pour l’opposabilité d’une exception de non-conformité apparue après une notification, Com. 30 mai 1995, Bull. civ. IV, no 157 ; également Com. 9 févr. 1993, préc. 4. Com. 1er avr. 2008, Gaz. Pal. 29 juill. 2008, p. 49, note Bonhomme ; Gaz. Pal. 29 juill. 2009, p. 58, note Le Corre. 5. Ammar, « Cession Dailly et compensation », Banque et Droit 1996. 3 ; également Legeais, « Les rapports de l’établissement de crédit cessionnaire de créances professionnelles et des débiteurs cédés », RD banc. fin. 1990. 148. 6. Com. 18 juill. 1989, Bull. civ. IV, no 227 ; D. 1990. Somm. 215, obs. A. Honorat ; JCP E 1991. II. 108, note Goré. 7 . En ce sens, Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 568 ; Devèze et Pétel, no 376.

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notification de la cession, la compensation demeure possible 1. Comme on l’a indiqué, « la compensation étant un double paiement, une compensation intervenue dans les rapports entre cédant et débiteur cédé après la cession devrait pouvoir être invoquée à l’encontre du cessionnaire » 2. En revanche, une fois la notification effectuée, le mandat de recouvrement octroyé au cédant a disparu et par voie de conséquence la compensation n’est plus possible 3. Cependant, ce principe de solution ne s’applique pas en cas de compensation de dettes connexes. La cession de l’une d’elles ne leur fait pas perdre leur réciprocité 4. La Cour de cassation admet que la compensation puisse intervenir, même postérieurement à la notification de la créance 5. On considère alors que l’exception existait déjà, du moins en virtualité, avant le transfert de la propriété de la créance. 3. L’ouverture d’une procédure collective 275

L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du cédant est susceptible d’infléchir certaines règles de la cession de créances professionnelles 6. La cession par bordereau constitue un mode normal de paiement échappant à la nullité de la période suspecte prévue par l’article L. 632-1-4 7. La question s’est posée de savoir si le transfert de créances professionnelles par un cédant pendant la période suspecte ne risquait pas d’être annulé en application de l’article L. 632-1-6 8. La Cour de cassation a indiqué que, comme la cession de créance consentie dans les formes du Code monétaire et financier transfère la propriété de la créance cédée lorsqu’elle est effectuée pour garantir le paiement du solde d’un compte courant et sans stipulation de prix, cette cession n’est pas constitutive d’un

1 . Com. 14 déc. 1993, Bull. civ. IV, no 469 ; RTD com. 1994. 332, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. Devèze et Pétel, no 376. 3. Com. 26 avr. 1994, Banque déc. 1994. 91, obs. Guillot. 4. Com. 5 nov. 2013, Gaz. Pal., 16-18 mars 2014. 16, obs. Moreil. 5. Com. 8 févr. 1994, JCP 1995. II. 22455, note Ammar ; Com. 27 juin 1995, RTD com. 1995. 824, obs. Cabrillac. 6. Piédelièvre et Putman, no 528 ; Bonhomme, « Mobilisation de créances et procédures collectives », dans Contentieux bancaire des procédures collectives, Bruyland, 2014, p. 73. 7 . Com. 30 mars 1993, RTD civ. 1993. 582, obs. Mestre. 8. Schmidt, « La cession de créances professionnelles au regard des articles 107 et 108 de la loi du 25 janv. 1985 », RD bancaire et bourse 1987. 83.

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La cession de créances professionnelles

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droit de nantissement sur un bien du débiteur 1. Elle a également écarté l’application de la nullité facultative de l’article L. 632-2, si la cession s’inscrivait dans le cadre d’une « convention de cession de créances en garantie de concours » conclue antérieurement à la date de cessation des paiements 2. Une difficulté est apparue pour les créances à exécution successive, dans l’hypothèse où le cessionnaire a acquis la créance antérieurement à l’ouverture de la procédure, mais dont la prestation, cause de la créance, a été réalisée postérieurement à l’ouverture de la procédure. Dans un premier temps, la Cour de cassation avait considéré que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement » 3. On ne peut nier que cette solution porte atteinte à l’efficacité de la cession de créances professionnelles. Pour cette raison, l’article L. 313-27 du Code monétaire et financier a été partiellement modifié par la loi du 1er août 2003 ; il prévoit que la cession « devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date d’échéance ou d’exigibilité des créances ». La jurisprudence a alors opéré un revirement en indiquant que, dans cette hypothèse, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement 4. 276 Le mandat de recouvrement donné de manière expresse ou tacite au cédant par le cessionnaire présente certains dangers en cas de procédure collective du premier. Deux hypothèses sont à distinguer. Si la créance n’est pas encaissée lors de l’ouverture de la procédure, le cessionnaire ne court, en théorie, aucun risque, puisque le cédant ou l’administrateur devra lui verser le montant 1 . Com. 28 mai 1996, Bull. civ. IV, no 151 : D. 1996. Somm. 390, obs. Piédelièvre ; RTD civ. 1996. 671, obs. Crocq. 2. Com. 20 févr. 1996, Bull. civ. IV, no 56 ; D. 1996. Somm. 82, obs. A. Honorat. 3. Com. 20 avr. 2000, JCP E 2000. 1134, note Legeais ; D. 2000. 717, note Larroumet. 4. Com. 7 déc. 2004, Bull. civ. IV, no 213 ; D. 2005. 230, note Larroumet ; JCP E 2005. 231, note Raby ; RTD com. 2005. 155, obs. Cabrillac ; Banque et droit mars-avr. 2005. 50, obs. Bonneau ; v. également Com. 22 nov. 2005, préc.

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de l’encaissement. En tout état de cause, le cessionnaire a toujours la possibilité de notifier la cession au débiteur cédé. Si la créance a été encaissée lors de l’ouverture de la procédure, les chances de paiement du cessionnaire sont plus limitées. Comme ces sommes ne peuvent être identifiées dans le patrimoine du cédant, le cessionnaire devra produire pour le montant sa créance dans la procédure. Mais ces sommes peuvent avoir été reçues par un banquier dit « réceptionnaire ». Les cessionnaires ont, dans cette hypothèse, essayé de revendiquer ces sommes. La jurisprudence, après avoir admis cette revendication 1, déclare désormais que le banquier réceptionnaire n’est pas tenu à restitution envers le cessionnaire 2. 277 Une difficulté s’est posée dans l’hypothèse où un établissement de crédit ayant déclaré à la liquidation judiciaire du cédant, pour son montant total, une créance garantie par des cessions de créances professionnelles, a reçu, avant l’ouverture de cette procédure collective, des paiements de la part des débiteurs cédés. Faut-il considérer que ces paiements doivent, ou non, être déduits du montant total de la créance déclarée lors de l’admission de cette créance au passif du cédant ? Selon la Cour de cassation, « lorsque la cession de créances professionnelles par bordereau est consentie à titre de garantie, les règlements effectués avant l’ouverture de la procédure collective du cédant par le débiteur cédé entre les mains du cessionnaire restent acquis à ce dernier tant que les créances garanties par cette cession ne sont pas payées, l’excédent éventuel n’étant restitué qu’après ce paiement » 3. À cette occasion, elle précise également que lorsque la cession est consentie à titre de garantie d’un crédit, le cessionnaire ne peut déclarer à la procédure collective du cédant que sa créance de remboursement du crédit octroyé, à l’exclusion de la créance qu’il 1 . Com. 28 oct. 1986, Bull. civ. IV, no 194. 2. Com. 4 juill. 1995, Bull. civ. IV, no 203 ; D. 1996. Somm. 208, obs. Piédelièvre ; JCP 1995. II. 22553, note Legeais ; RTD civ. 1995. 934, obs. Crocq ; D. 1995. 488, note Martin et Synvet ; adde Bonneau, « La négation de l’obligation de restitution pesant sur le banquier réceptionnaire de fonds ou un revirement attendu », D. affaires 1995. 79 ; v. également Com. 23 avr. 2003, RTD com. 2003. 556, obs. Cabrillac étendant cette solution au cessionnaire qui, en l’absence de notification, avait préventivement demandé au banquier du cédant de lui faire parvenir les fonds correspondant à des créances cédées si ceux-ci étaient versés sur le compte que le cédant avait ouvert chez lui. 3. Com. 30 juin 2015, RTD civ. 2015. 666, obs. Crocq ; JCP 2015. 1095, note Coupet.

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La cession de créances professionnelles

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détient en vertu de la garantie du paiement des créances cédées due par le cédant. Selon elle, « il n’y a pas une créance au titre de la créance garantie et une autre au titre de la garantie ». La Cour de cassation a également indiqué, ce qui favorise une nouvelle fois le cessionnaire que « la cession de créances professionnelles faite à titre de garantie implique la restitution du droit cédé au cas où la créance garantie viendrait à être payée et n’opère qu’un transfert provisoire de la titularité de ce droit, la restitution de la créance au cédant restant subordonnée à l’épuisement de l’objet de la garantie consentie, l’arrêt en déduit à bon droit qu’elle ne constitue pas le paiement de la créance garantie » 1.

B. Les concours du cessionnaire et d'un tiers invoquant un droit sur les créances 278 Il arrive qu’outre le cessionnaire, un tiers prétende avoir égale-

ment un droit sur les créances, objets de la cession. Assez souvent, la résolution de ce conflit dépend de la comparaison entre la date portée sur le bordereau qui rend la cession opposable aux tiers et celle du droit concurrent. De manière plus générale, l’article 1325 du Code civil dispose que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ». La comparaison entre les dates apposées sur chacun des bordereaux permet de résoudre le conflit entre deux cessionnaires successifs de mêmes créances 2. Le premier cessionnaire, c’est-à-dire le premier qui a apposé une date sur un bordereau, sera préféré 3. Il est parfois nécessaire de tenir compte des notifications qui ont pu intervenir. Si le cédé a reçu une seule notification, il doit payer l’auteur de cette dernière, même si un banquier est titulaire d’une cession antérieure. Si le cédé a reçu des notifications de chacun des banquiers, priorité sera donnée au titulaire de la cession la plus ancienne 4. 1 . Com. 22 mars 2017, RD bancaire 2017 no 133, obs. Houin-Bressand. 2. Cabrillac, « Les conflits entre les cessionnaires d’une même créance transmise par bordereau », D. 1990. 127 ; Larroumet, « Le conflit entre cessionnaires successifs d’une créance transmise par bordereau », JCP E 1990. II. 15877. 3. Com. 5 juill. 1994, RTD com. 1995. 172, obs. Cabrillac. 4. Com. 12 janv. 1999, Bull. civ. IV, no 8, RTD com. 1999. 479, obs. Cabrillac.

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La règle de l’antériorité s’applique au conflit entre un cessionnaire et une société d’affacturage ayant reçu la créance par subrogation et à celui entre un cessionnaire et un banquier escompteur. Pour l’affacturage, si le paiement avec subrogation est antérieur, le factor l’emporte 1. Si le paiement avec subrogation est postérieur, le cessionnaire Dailly prime 2. En cas d’escompte, les solutions sont légèrement infléchies par la spécificité du droit cambiaire 3. En cas de lettre de change acceptée ou échue avant la date portée sur le bordereau de cession, le banquier escompteur l’emporte 4. À l’inverse, si la lettre de change est non acceptée ou non échue à la date portée sur le bordereau, le cessionnaire l’emporte. 279 Le même principe de solution joue en cas de conflit entre le cessionnaire et un créancier saisissant du cédant. L’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution forcée prévoit que, par la saisie attribution, le créancier saisissant obtient immédiatement l’attribution de la créance saisie disponible. Si la saisie a été effectuée avant la date apposée sur le bordereau, le cessionnaire ne pourra plus l’appréhender, puisqu’elle ne figure plus dans le patrimoine du cédant. En revanche, si la saisie est postérieure, elle est nécessairement inefficace. 280 Il en va de même en cas de conflit entre le cessionnaire et un créancier muni d’une clause de réserve de propriété 5. Il faut supposer qu’une marchandise soit vendue avec une clause de réserve de propriété. Or, il est possible que l’acheteur revende cette marchandise à un sous-acquéreur avant d’avoir payé le prix et qu’il cède sa créance de prix par un bordereau Dailly. Dans l’hypothèse où l’acheteur est soumis à une procédure collective, l’article L. 624-18 du Code de commerce permet au titulaire de la clause de réserve de propriété d’exercer une revendication sur le prix de 1 . Paris, 25 sept. 1989, D. 1990. Somm. 254, obs. Vasseur. 2. Com. 19 mai 1992, Bull. civ. IV, no 190. 3. V. Putman, no 141. 4. Cette solution résulte des conséquences de l’acceptation en vertu de laquelle le tiré accepteur s’est engagé à payer le montant de la traite au jour de l’échéance ; v. Com. 19 déc. 2000, Bull. civ. IV, no 200 ; RTD civ. 2001. 393, obs. Crocq. 5. V. Martin, « Du conflit relatif à la créance du prix de revente d’une marchandise acquise sous réserve de propriété », D. 1983. 323 ; Cabrillac, « Réserve de propriété, bordereau Dailly et créance de prix de revente », D. 1988. 225.

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vente. Le cessionnaire et le créancier titulaire de la clause sont donc en concours pour obtenir un paiement du sous-acquéreur. La Cour de cassation donne la préférence au créancier muni d’une clause de réserve de propriété, car elle considère qu’il a été subrogé le jour de la revente par l’acquéreur initial de la marchandise, donc avant la cession de créance par bordereau 1. 281 Le concours peut enfin mettre aux prises un cessionnaire de l’intégralité d’une créance d’un marché privé et un sous-traitant 2. L’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 prévoit que, sauf s’il obtient un cautionnement, l’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement. Or il arrive que, malgré cette disposition, certains entrepreneurs cèdent ou nantissent l’intégralité de la créance. Si le sous-traitant n’est pas payé par l’entrepreneur principal, il exerce son action directe et il entre alors en concours avec le cessionnaire Dailly. La Cour de cassation a tranché ce conflit en faveur du soustraitant qui est systématiquement préféré au cessionnaire Dailly, sans qu’il y ait lieu de comparer les dates respectives de la cession et celle de l’exercice de l’action directe 3. Cette préférence donnée au sous-traitant concerne seulement la fraction de créance correspondant aux travaux effectués par le sous-traitant.

1 . Com. 20 juin 1989, Bull. civ. IV, no 197 ; Banque 1989. 760, obs. Rives-Lange ; D. 1989. 431, note Pérochon ; RTD com. 1989. 702, obs. Cabrillac et Teyssié. 2. V. Bachelot, « Le banquier et le sous-traitant », Banque et droit 1989. 155 ; Synvet, « Nouvelles variations sur le conflit opposant banquiers et sous-traitants », JCP 1990. I. 3425 ; Romani, « La protection des sous-traitants de marchés dans le conflit les opposant aux banquiers bénéficiaires de transferts de créances », D. 1990. 179. 3. Com. 22 nov. 1988, RTD com. 1989. 281, obs. Cabrillac et Teyssié ; JCP 1989. II. 15574, note Dubois ; RJ com. 1988. 252, note Gavalda ; Banque 1989. 211, obs. Rives-Lange.

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S ECTION 2

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L'utilisation du bordereau comme instrument de crédit 282 Il arrive souvent qu’un banquier ayant consenti un crédit et ayant

acquis des créances professionnelles par un bordereau Dailly ait besoin de se refinancer. Le Code monétaire et financier met à sa disposition deux techniques lui permettant de mobiliser ces créances auprès d’un autre établissement de crédit. L’article L. 313-25 autorise l’insertion dans le bordereau d’une clause à ordre, permettant sa transmission, mais seulement au profit d’un autre établissement de crédit. La mobilisation résultera de l’endossement au profit d’une autre banque. Le Code monétaire et financier, dans ses articles L. 313-30 et suivants, organise également une procédure de mobilisation plus originale 1. Selon son article L. 313-30, l’établissement de crédit cessionnaire ou nanti de créances professionnelles peut, à tout moment, émettre des titres destinés à la mobilisation de tout ou partie des crédits consentis. De son côté, l’article L. 313-31 prévoit que les opérations de crédit à court terme n’ayant pas entraîné une cession ou un nantissement des créances professionnelles au profit de l’établissement de crédit prêteur, peuvent aussi donner lieu à l’émission par celui-ci de titres destinés à la mobilisation de tout ou partie des crédits consentis. Ces crédits peuvent être constatés par un bordereau appelé « acte de cession de créances financières ». Une fois le titre créé, on met à la disposition du porteur du titre les bordereaux. Ce titre offre une assez grande sécurité à l’établissement mobilisateur ou aux porteurs ultérieurs. L’article L. 313-33 du Code monétaire et financier indique, en effet, que les droits attachés aux titres de mobilisation portent sur l’intégralité des créances désignées sur les bordereaux, ainsi que de leurs

1 . V. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2428-13 s. ; Devèze et Pétel, no 383 s. ; Bloch, « Vers un renforcement de la cession de créances à titre de garantie ? », Mélanges Tricot, p. 3.

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La cession de créances professionnelles

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accessoires. Le porteur du bordereau bénéficie des mêmes droits que le porteur d’une lettre de change, puisque l’article L. 313-32 de ce code renvoie aux articles L. 511-8 à L. 511-14 du Code de commerce.

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SYNTHÈSE

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Depuis longtemps, les entreprises ont cherché à transférer globalement leurs créances à terme, par un procédé qui ne soit pas soumis au formalisme de l’article 1690 du Code civil, alors applicable. Le Code monétaire et financier a prévu la possibilité d’une cession ou d’un nantissement de créances professionnelles par bordereau, souvent dénommé bordereau Dailly. Conditions de la cession ou du nantissement par bordereau

Le mécanisme du bordereau Dailly est subordonné au respect de conditions de forme et de fond. Le bordereau de cession ou de nantissement ne doit obligatoirement être signé que par le cédant, la signature du débiteur n’étant pas nécessaire. Mais il peut accepter une ou plusieurs créances contenues dans le bordereau. Cet engagement doit, à peine de nullité, être constaté par un écrit. Ses conséquences sont similaires à celles résultant de l’acceptation d’une lettre de change. Outre la dénomination du titre, le bordereau doit indiquer que l’acte est régi par le Code monétaire et financier et comporter le nom ou la dénomination sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire. Il est nécessaire de désigner ou d’individualiser les créances cédées ou nanties. Le cédant doit être une personne morale de droit privé ou de droit public ou une personne physique agissant dans l’exercice de son activité professionnelle. Le cessionnaire ne peut être qu’un établissement de crédit. Les créances transmissibles doivent avoir un caractère professionnel aussi bien du côté du créancier que du débiteur.

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La cession de créances professionnelles

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Effets de la cession ou du nantissement par bordereau

La cession ou le nantissement par bordereau Dailly ont pour conséquence de conférer un droit au cessionnaire sur la créance transmise. Il existe un risque de conflit avec des tiers qui invoquent également des droits sur la créance transmise. La cession ou le nantissement par bordereau transfère au cessionnaire la propriété de la créance. Assez souvent, ils ne sont pas notifiés aux débiteurs cédés. Le recouvrement des créances est effectué par le cédant pour le compte du cessionnaire, en vertu d’un mandat. En cas de notification, le débiteur cédé ne se libérera valablement qu’auprès du cessionnaire. Hormis le cas d’acceptation, le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire les exceptions qu’il pouvait opposer au cédant. Il arrive qu’outre le cessionnaire, un tiers prétende avoir également des droits sur les créances cédées. Fréquemment, la résolution de ce conflit dépend de la comparaison entre la date portée sur le bordereau qui rend la cession opposable aux tiers avec celle du droit concurrent. Le premier cessionnaire sera préféré.

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L'affacturage

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C HAPITRE 2

283 Par le contrat d’affacturage, une personne dite « factor » s’engage,

moyennant la perception d’une commission, à acheter et donc à régler tout ou partie des créances que son client, appelé adhérent, possède contre des tiers. Cette technique, créée en Angleterre, s’est développée pour remédier aux besoins des relations commerciales de cette dernière avec l’Amérique du Nord, à partir du XVIIe siècle. Mais sa véritable internationalisation s’est produite à partir des années 1960, époque où elle a d’ailleurs fait sa véritable apparition en France. Ce contrat a fait l’objet d’une réglementation internationale par la Convention d’Ottawa du 12 mai 1988 1. L’affacturage, malgré son coût élevé qui demeure un handicap 2, présente de nombreux avantages pour les entreprises. Rodière en distinguait trois : du point de vue économique, le factoring s’analyse en trois opérations : c’est un louage d’ouvrage, en ce que le factor rend des services à son cocontractant et le dispense d’avoir un service de recouvrement et au besoin un service contentieux, c’est en outre un service financier d’escompte 1 . Bonneau, no 633. 2. La commission correspondant à la rémunération du factor est calculée par rapport au montant de la créance. Si elle était excessive et si elle ne correspondait pas au service, elle pourrait être réduite, Cabrillac et Rives-Lange, obs. sous Paris, 2 avr. 1975, RTD com. 1975. 342. Elle est généralement comprise entre 1 et 3 % du montant de la créance. Sur ce point, Rives-Lange et ContamineRaynaud, no 485.

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et c’est le factoring qui a mieux pris dans les pays angloaméricains qu’en France, pays où l’escompte se pratique traditionnellement, c’est enfin une assurance-crédit 1. Les deux premières opérations doivent être analysées en des services accessoires à la troisième. L’achat ferme des créances caractérise véritablement l’affacturage. Le factor supporte le risque d’impayé. Dans l’hypothèse où la convention a laissé au factor une possibilité de sélection, si ce dernier refuse certaines créances, il peut se charger d’essayer de les recouvrir au lieu et place de son client appelé adhérent 2. Le client conserve alors le risque d’impayé. On ne peut pas qualifier cette opération d’affacturage. Il arrive malgré tout que le factor consente des avances à son client 3. 284 Le factor règle son client par une inscription sur un compte courant ouvert chez lui par ce dernier. Lorsque la créance transférée est à terme, le dernier paiement peut être effectué au terme prévu ou immédiatement. Dans cette dernière hypothèse, on est en présence d’une véritable opération de crédit où le factor, en plus de sa commission, prend, comme tout prêteur, des intérêts. Le mécanisme de transfert de créances est bien la prestation spécifique et caractéristique de l’affacturage ; il est de son essence. Souvent, l’affacturage apparaît comme une opération permettant l’octroi de crédit à l’entreprise adhérente. Très fréquemment, le factor règle le montant des créances transférées avant l’échéance de ces dernières par une inscription au compte courant de l’adhérent. Cette opération permet alors le financement des entreprises. Il s’ensuit un double avantage pour l’adhérent. Il n’a plus besoin de recourir au crédit bancaire, lors de l’exécution du marché, puisque, par définition, le prix réglé correspond au marché. Il évite également les risques d’un nouveau recours au crédit en cas de difficultés de règlement par le débiteur. 1 . Rodière, note sous Com. 21 nov. 1972, D. 1974. 213. Également Gavalda et Stoufflet, « Le contrat dit de factoring », JCP 1966. I. 2044, no 28 bis s. 2. Dans cette hypothèse, il agit comme simple mandataire. L’opération est alors totalement extérieure au contrat d’affacturage, Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 605. Le mandataire est seulement tenu de reverser les sommes qu’il a effectivement encaissées Gavalda et Stoufflet, « Le contrat dit de factoring », préc., no 40. 3. Piédelièvre et Putman, no 533.

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285 L’affacturage est un procédé qui se développe actuellement. Les

sociétés d’affacturage ont multiplié les produits et les services qu’ils proposent à leurs clients. L’affacturage avec mandat de gestion, également appelé home service ou affacturage semiconfidentiel, permet de remettre à un factor des créances clients et d’obtenir du financement. En revanche, la gestion du poste clients est entièrement à la charge de l’entreprise. Le factor ne fera que le financement et l’entreprise devra faire la gestion de ses créances, le recouvrement et les encaissements. En cas d’impayés, la société d’affacturage se tournera vers l’entreprise pour récupérer les financements effectués. L’affacturage avec recours, ou affacturage délégué, permet de remettre à un factor des créances clients et d’obtenir du financement. En revanche, la gestion du poste clients est entièrement à la charge de l’entreprise. Le factor ne fera que le financement et l’entreprise devra faire la gestion de ses créances, le recouvrement et les encaissements. Là encore, en cas d’impayés la société d’affacturage se tournera vers l’entreprise pour récupérer les financements effectués. En cas d’affacturage dit « client », un factor gère, dans le cadre d’un contrat, le poste clients d’une entreprise en achetant ses factures, en recouvrant ses créances et en garantissant les créances sur ses débiteurs. On peut en rapprocher l’affacturage dit « confidentiel » qui permet de remettre à un factor des créances non notifiées, c’est-à-dire sans la mention subrogative qui indique que cette créance a été cédée à une société d’affacturage. Ce procédé est utilisé par les entreprises qui ne souhaitent pas que leurs clients règlent directement une société d’affacturage. L’affacturage délégué permet de remettre à un factor des créances notifiées, c’est-à-dire avec la mention subrogative qui indique que cette créance a été cédée à une société d’affacturage, tout en conservant la gestion des créances et leur recouvrement. La différence avec l’affacturage confidentiel est que le client est informé que la facture a été remise à une société d’affacturage, mais qu’il paie toujours directement l’adhérent. Il est désormais nécessaire d’envisager le transfert des créances qui s’opère le plus souvent par la technique de la subrogation conventionnelle (SECTION 1), avant d’envisager la convention entre le factor et son client (SECTION 2) et le recouvrement des créances transmises (SECTION 3).

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S ECTION 1

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Le transfert des créances par subrogation conventionnelle 286 Le contrat conclu entre le factor et son client prévoit toujours le

mécanisme de transfert des créances. Plusieurs techniques étaient envisageables, même si très rapidement la cession de créance a été écartée, compte tenu du formalisme de l’article 1690 du Code civil. La pratique ne semble pas vouloir se servir de la cession et du nantissement des créances professionnelles, aménagées par le Code monétaire et financier, bien qu’il ait consacré une disposition à l’affacturage 1. En revanche, elle a tout de suite utilisé la technique de la subrogation conventionnelle. Il est néanmoins nécessaire de vérifier si toutes les conditions de cette institution sont respectées (§ 1) et de voir comment l’information du débiteur doit être effectuée (§ 2).

§ 1. L'affacturage et les conditions de validité de la subrogation conventionnelle 287 La subrogation personnelle consiste à substituer au créancier ini-

tial un autre créancier. Elle s’analyse en un transfert de créance au subrogé 2. L’adhérent est créancier de son client. Au lieu d’être réglé par ce dernier, il va être payé par le factor. Par ce paiement, le factor est subrogé dans la créance du client sur le débiteur. Selon l’article 1346-1 du Code civil, « la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant

1 . Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2400, note 1. 2. Marty et Raynaud et Jestaz, Les obligations, t. 2, Le régime, 2e éd., no 381.

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son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse. Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens. » En premier lieu, il doit exister un paiement, ce même si l’on s’est interrogé sur un relatif déclin de cette condition 1. Ici le factor règle la créance par une inscription sur un compte courant qu’il a ouvert à l’adhérent. La jurisprudence a admis depuis longtemps qu’une inscription en compte équivaut à un paiement 2. En deuxième lieu, il doit exister une concomitance entre la subrogation et le paiement. En effet, la subrogation ne peut être consentie avant le paiement, car ce dernier est une condition d’existence de cette institution. Traditionnellement, la jurisprudence se montre assez souple sur cette règle 3, même si selon la Cour de cassation, il incombe « au subrogé d’établir la concomitance de la subrogation » 4. La concomitance sera établie lorsque le factor, une fois la facture acceptée portant mention de la subrogation, crédite le compte de son adhérent du montant de la facture. Dans cette hypothèse, on est en présence d’une subrogation sous condition suspensive de paiement. En troisième lieu, la subrogation doit être expresse. Peu importent les termes employés, on est libre d’utiliser ou de ne pas utiliser le mot subroger, même si d’après Planiol 5, la seule manière de marquer la subrogation est d’employer le mot subroger. En tout cas, il ne doit exister aucun doute sur la volonté du créancier de subroger dans ses droits et actions le tiers qui l’a réglé. Cette exigence ne pose, dans la majorité des hypothèses, 1 . Chaumette, « La subrogation personnelle sans paiement ? », RTD civ. 1986. 33. 2. Com. 25 janv. 1955, JCP 1955. II. 8547 bis, note H. Cabrillac ; D. 1957. 287, note Néel ; cf. également Paris, 3 mai 1985, D. 1986. IR 308, obs. Vasseur ; RTD com. 1986. 537, obs. Cabrillac et Teyssié. 3. Com. 29 janv. 1991, Bull. civ. IV, no 48 ; RTD civ. 1991. 531, obs. Mestre. 4. Civ. 1re, 23 mars 1999, Bull. civ. I, no 105 ; RTD civ. 2000. 330, obs. Mestre et Fages. 5. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. II, 4e éd., no 480.

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aucune difficulté en la matière. En effet, une quittance subrogative, signée par l’adhérent, est adressée au factor en même temps que les factures.

§ 2. L'information du débiteur 288 Bien que la subrogation conventionnelle ait été préférée à la ces-

sion de créance pour son absence de formalité, une information du débiteur est nécessaire en matière d’affacturage. Cette exigence est tout à fait logique, même si la subrogation produit ses effets et si elle devient opposable aux tiers dès le jour du paiement. Le reproche que l’on pouvait adresser à l’article 1690 du Code civil n’était pas de prévoir une information du débiteur, mais d’imposer des formes trop contraignantes. En effet, faute d’information, le débiteur ne peut pas connaître le changement de créancier qui a été opéré, puisqu’il n’a pas à intervenir pour donner son accord au transfert de créances par subrogation conventionnelle. La conséquence de ce défaut d’information est que le paiement effectué entre les mains du créancier originaire est satisfactoire. Au contraire, une fois la notification opérée, le débiteur a nécessairement pris connaissance du changement de créancier par le mécanisme de la subrogation conventionnelle. Si néanmoins il réglait le montant de la créance au créancier originaire, son paiement ne serait plus satisfactoire. En effet, il ne pourrait alors être considéré que comme de mauvaise foi. Le factor, véritable créancier, pourrait le contraindre à un second paiement alors satisfactoire 1. 289 La notification de la subrogation n’est soumise à aucune exigence

particulière de forme. Il s’agit d’un des avantages qui ont amené les sociétés pratiquant l’affacturage à recourir à ce mécanisme. Il suffit que l’attention du débiteur soit suffisamment attirée sur le changement de créancier. Il s’agit d’une question de fait. Il appartiendra aux juges du fond de vérifier si l’information du débiteur

1 . Il s’agit d’une application de la maxime « qui mal paie deux fois ».

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a été ou non effectuée 1. La meilleure solution, pour éviter tout risque d’équivoque, est que les factors ajoutent sur la facture le terme de subrogation. De son côté, le débiteur n’a pas d’obligation d’information visà-vis du factor. La Cour de cassation a ainsi indiqué que « le débiteur n’est pas tenu d’informer le créancier subrogé du paiement qu’il a effectué au profit du créancier subrogeant, avant d’avoir eu connaissance de la subrogation » 2.

S ECTION 2

La convention entre le factor et son client 290 La convention d’affacturage présente certains caractères qu’il est

nécessaire de relever. Le contrat est innomé, synallagmatique, continu, à titre onéreux et marqué d’un fort intuitus personae. La convention est généralement conclue pour une durée indéterminée, ce qui permet à chacune des parties de le résilier, moyennant le respect d’un préavis. Par cette convention, le client s’est engagé à transférer ses créances ou une partie seulement d’entre elles au factor. En raison de la subrogation conventionnelle, le tiers débiteur n’a pas à intervenir ni à donner son avis. Avant de déterminer les obligations de chacune des parties, il est nécessaire de préciser la durée de ce contrat, car la nature même de la convention nécessite une certaine durée. L’opération « n’a de véritable sens que si elle porte sur une masse de créances commerciales durant une certaine période » 3. La nécessité pour 1 . Com. 4 oct. 1982, Bull. civ. IV, no 287 ; Gaz. Pal. 1983. Pan. 1, obs. A. Piédelièvre ; D. 1983. IR 411, obs. Vasseur, « Attendu que pour rejeter en partie la demande, la cour d’appel a énoncé qu’il convenait de considérer que les paiements opérés directement par la société Kate à la société Gutman et s’élevant à 17 684,60 F devaient être considérés comme libératoires et que, compte tenu des paiements intervenus, la créance de la société Gutman s’étant éteinte n’avait pas pu être transmise. Attendu qu’en statuant ainsi sans rechercher si les paiements invoqués avaient été effectués avant que la société Kate ait été informée de la subrogation dont bénéficiait la SFF, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». 2. Com. 18 mars 1997, RTD com. 1997. 492, obs. Cabrillac ; adde Com. 20 janv. 1998, JCP 1998. II. 10121, note Dagorne-Labbé. 3. Gavalda et Stoufflet, « Le contrat dit de factoring », préc., no 19.

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chacune des parties de compenser, pour l’une le coût de l’opération, pour l’autre le risque de l’opération, impose cette stabilité. Mais, même si la durée de la convention est généralement fixée à un an minimum, le factor conserve toujours un moyen indirect de cesser l’achat des créances. Dans la grande majorité des hypothèses, il bénéficie d’un pouvoir d’approbation. Il lui suffira de rejeter l’intégralité des créances de son client. Ainsi, si indirectement le contrat aura pris fin puisqu’aucune opération ne sera effectuée avant l’échéance. Les conventions d’affacturage comportent presque toujours une clause d’exclusivité ou principe de globalité. Ces clauses peuvent être totales ou partielles. Elles sont totales, lorsque le client s’engage à remettre au factor l’intégralité des créances. Elles sont, au contraire, partielles lorsque l’adhérent s’engage seulement à remettre une catégorie de créances. De plus, l’adhérent s’engage généralement à ne traiter avec aucun autre factor. Cette clause est une conséquence logique de l’opération. Compte tenu du coût relativement élevé de ce contrat, il faut empêcher que le client n’opère une sélection dans ses créances. Il ne doit pas transférer uniquement les créances douteuses et conserver les bonnes, sinon l’équilibre de l’opération serait remis en cause. Dans la majorité des contrats, le factor exigera de l’adhérent que la sélection porte sur l’intégralité des créances ou sur l’intégralité d’une catégorie de créances. 291 Une autre obligation importante du client est de fournir au factor les renseignements qu’il possède sur le débiteur. Il ne s’agit pas uniquement du double des factures qui matérialisent les livraisons, mais aussi des renseignements commerciaux. En effet, le contrat doit être exécuté dans un esprit de collaboration et en tout état de cause de bonne foi. L’adhérent, s’il a connaissance de risques susceptibles de mettre en péril la créance du factor, est tenu d’immédiatement lui en faire part. Ainsi, s’il existe des contestations entre le client et le débiteur, le factor doit être immédiatement averti, car ces contestations sont souvent des obstacles au recouvrement normal des créances. Ce devoir de sincérité implique que le client ne cherche pas à tromper le factor par la remise de fausses factures ou de factures

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périmées. La créance doit exister ou apparemment exister lors de son transfert. En cas de présentation de fausses factures, donc de remise de fausses pièces justificatives, l’adhérent pourrait être poursuivi pour escroquerie 1. La dernière obligation pour l’adhérent consiste à payer les commissions au factor. Généralement, le factor prélève sur chaque remise de factures une commission d’affacturage correspondant aux frais de gestion du factor, incluant le coût des éventuelles relances et recouvrement qu’il pourrait être amené à effectuer, une commission de financement correspondant à l’avance de trésorerie consentie. Cette commission est exprimée sous la forme d’un taux appliqué au montant financé et sur la durée du financement et une participation à un fonds de garantie destiné à couvrir le risque de factures impayées. La somme versée dans ce fond correspond à un pourcentage du montant de chaque facture conformément aux dispositions prévues dans le contrat. Le factor demande aussi parfois le paiement de frais annexes, par exemple des frais de dossiers. 292 Le factor est également tenu à certaines obligations. La principale

consiste dans le règlement des factures. Pour les factures approuvées, il doit en régler le montant et ce qu’il soit ou non remboursé par le débiteur. La convention d’affacturage prévoit dans la majorité des hypothèses un pouvoir d’approbation. Pour les créances non approuvées, le factor agit comme mandataire. Il ne paiera le montant à son client que si, au préalable, il a lui-même été payé par le débiteur. Assez souvent, il est possible de combiner cette technique avec une assurance-crédit. La société d’affacturage propose à l’adhérent de souscrire un contrat d’assurance-crédit ; elle lui avance le montant des créances et elle se fait déléguer le bénéfice de l’assurance-crédit. En cas d’impayé, le factor déclenche l’assurance, ce qui lui évite d’avoir à contrepasser le montant des factures impayées. En cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du client, les règlements que le factor aura effectué

1 . Crim. 3 juin 1985, Bull. crim. no 214 ; RTD com. 1986. 134, obs. Cabrillac et Teyssié ; D. 1986. IR 318, obs. Vasseur ; D. 1986. IR 408, obs. Roujou de Boubée.

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ne tombent pas sous le coup de la nullité de la période suspecte, prévue par l’article L. 632-1 du Code de commerce 1. Le factor peut procéder à une certaine sélection. Son pouvoir serait discrétionnaire. Toutefois, en pratique, il ne doit pas être utilisé de façon trop systématique. Un corollaire de l’obligation pour le client de fournir l’intégralité de ses créances est que le factor ne doit pas se limiter à l’achat des factures sans risque et refuser celles présentant un certain risque, même s’il paraît difficile d’exiger du factor qu’il prenne une facture dont il est certain qu’elle restera impayée. Toute l’opération est fondée sur un équilibre entre les factures sans risques et les factures à risques, sinon elle ne présente plus d’intérêt pour le client et son intérêt financier disparaît. Pour les factures approuvées ou celles qui sont situées dans le montant fixé par lui, le factor à l’obligation de les régler. Le principe est le règlement à l’échéance 2. Une fois le transfert opéré, il se substituera donc à son client. Devenu propriétaire de la créance, le factor prendra en principe seul les décisions concernant cette créance. Il est donc logique qu’à l’échéance il tente de recouvrir cette dernière. Mais il doit le faire avec correction et selon les usages commerciaux. Cette action ne doit pas, en effet, nuire aux relations commerciales qui unissent l’adhérent et le débiteur. Il doit donc, avant toute mesure coercitive contre le débiteur, informer l’adhérent 3.

1 . Com. 17 juin 1980, Bull. civ. IV, no 259 ; RTD com. 1981. 125, obs. Cabrillac et Teyssié ; D. 1981. IR 475, obs A. Honorat. 2. Mais il ne s’agit que d’un principe puisque le factor peut régler immédiatement certaines créances à terme et ainsi réaliser une opération de crédit. Mais il est possible que le client de la société d’affacturage puisse prélever par anticipation sur son compte courant le montant des créances transférées. En ce cas, la société d’affacturage perçoit une rémunération supplémentaire ; elle est également tenue de faire figurer le taux effectif global (Civ. 1re, 30 mai 2006, Bull. civ. I, no 277 ; RTD com. 2006. 895, obs. Legeais). 3. Gavalda et Stoufflet, « Le contrat dit de factoring », préc. no 52.

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S ECTION 3

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Le recouvrement des créances transmises 293 Par le mécanisme de la subrogation, le factor prend la place du

créancier originaire. Il résulte du jeu de la subrogation que le débiteur ne peut plus valablement se libérer qu’entre les mains de la société d’affacturage 1, sauf s’il n’a pas été informé de la subrogation 2. En tout état de cause, le factor acquiert les créances telles qu’elles existent dans le patrimoine du client, avec ses avantages et ses vices. Il est donc nécessaire de voir les exceptions pouvant être opposées par le débiteur (§ 1), avant d’envisager d’éventuels conflits entre des banquiers cessionnaires d’une même créance (§ 2).

§ 1. Les exceptions pouvant être opposées par le débiteur 294 Classiquement, on distingue les exceptions inhérentes à la dette

de celles qui y demeurent extérieures. Il est également nécessaire d’envisager l’interférence du droit de la sauvegarde, du redressement et de la liquidation judiciaire. La première catégorie vise principalement les hypothèses où le débiteur refuse de régler l’intégralité ou une partie de sa dette au factor en invoquant une absence totale ou partielle de dette. Par le mécanisme de la subrogation conventionnelle, le factor reçoit la dette telle qu’elle existait dans le patrimoine de l’adhérent. La règle « nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet » s’applique ici 3. 1 . Com. 22 oct. 1991, Bull. civ. IV, no 299 ; RD bancaire et bourse 1992. 115, obs. Crédot et Gérard. 2. Cette libération produit également s’il a accepté une lettre de change avant d’avoir été informé, Com. 26 avr. 2000, Bull. civ. IV, no 230. 3. Com. 9 mai 1977, Bull. civ. IV, no 125 ; D. 1978. IR 105, obs Vasseur ; RTD com. 1978. 385, Cabrillac et Rives-Lange ; comp. la solution donnée dans le droit commun de la cession de créance par Com. 12 janv. 2010, Dr. et proc. 2010. 121, note Putman affirmant qu’« en cas de cession de créance, le débiteur peut invoquer contre le cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette même si elles sont apparues postérieurement à la notification de la cession ».

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Tant que le débiteur n’a pas été informé de la subrogation, il peut valablement se libérer entre les mains de l’adhérent. Si le paiement a été ainsi opéré, le factor ne bénéficie d’aucun recours contre lui puisque la dette est éteinte. Mais une fois informé du transfert de la créance, il doit régler le factor. Si néanmoins il versait la somme entre les mains du débiteur, ce paiement ne serait pas satisfactoire. Il devrait donc nécessairement en cas de demande du factor le régler. Toutes les exceptions inhérentes à la créance sont a priori opposables par le débiteur au factor. Le contrat d’affacturage ne doit pas aggraver la position du débiteur. Le fait que l’exception se soit déclarée antérieurement ou postérieurement à la subrogation ne change pas la solution 1. Ainsi, dans toutes les hypothèses où le contrat entre l’adhérent et le débiteur est annulé, même si la créance a déjà été transférée au moment du prononcé de la nullité de l’opération, le factor ne pourra pas obtenir de règlement. Il est également nécessaire de savoir si le débiteur, qui estime avoir droit à des dommages-intérêts moratoires en raison par exemple de l’exécution tardive de la prestation promise, peut les imputer sur la somme qu’il doit verser au factor. La jurisprudence n’a pas non plus, semble-t-il, été amenée à trancher la question en la matière. Mais une telle possibilité a été admise pour la cession de créance. Une telle solution doit être transposée à la subrogation conventionnelle et donc à l’affacturage. Comme dans les hypothèses précédentes, l’idée sous-jacente est que la créance n’a pu être transférée par l’adhérent au factor que sous réserve des exceptions nées du rapport contractuel. 295 La seconde catégorie concerne principalement la compensation. La difficulté tient au fait qu’au créancier originaire est substitué un nouveau créancier. Contrairement à la cession de créance, le Code civil ne règle pas directement la question de la compensation en cas de subrogation conventionnelle. 1 . Rives-Lange, « Le factoring », Bull. transp. 1973. 314 : « la créance est transmise avec tous ses vices, ses aléas déjà réalisés ou virtuels. Dès lors, les exceptions inhérentes à la créance sont toujours opposables par le débiteur au factor ; il n’y a pas à distinguer selon que l’exception est apparue avant ou après la subrogation ; la créance est transmise au factor avec le vice qui l’affecte ; peu importe que le mal se révèle plus tard. »

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La compensation légale ne pourra pas être invoquée par le débiteur si la créance invoquée n’a acquis qu’après le transfert les caractères requis pour cette institution 1, car, comme le transfert de créance a été opéré, l’adhérent n’en est plus titulaire ; il n’est plus créancier. Le fait que le débiteur devienne à son tour créancier de l’adhérent n’a plus sur ce point d’influence. La seule hypothèse où une compensation pourrait intervenir serait celle où le débiteur deviendrait créancier du factor. Si le terme de la créance se situe après son transfert, ce qui sera le cas dans la majorité des hypothèses, l’exception de compensation légale ne pourra jamais être soulevée par le débiteur contre le factor. En effet, la nécessaire condition d’exigibilité des deux dettes fait défaut. L’hypothèse qui pose difficulté est celle où la créance présente, en apparence, tous les caractères imposés par la compensation légale, avant sa transmission au factor. Il faut déterminer si la créance ainsi transférée était ou non éteinte. Si elle n’existait plus, le factor n’aurait aucune possibilité de recouvrement contre le débiteur. De même, en cas d’extinction partielle, le factor ne pourrait recouvrir que pour la fraction subsistante. Il existe une règle particulière en cas de compensation de créances connexes. Dans cette hypothèse, la jurisprudence a indiqué que « si en principe la compensation légale ne joue qu’autant qu’elle s’est produite antérieurement à la subrogation, le débiteur peut s’opposer au créancier subrogé une créance postérieure dès lors qu’elle est connexe à celle que le créancier subrogeant avait contre lui » 2. 296 Il faut également envisager le sort du recours du factor contre le débiteur en cas d’exécution des commandes après le jugement déclaratif. Il faut supposer que le factor a payé des factures correspondant à des marchandises vendues par son client, soumis à la procédure collectives, mais non encore fabriquées et livrées. En ce cas, la jurisprudence considère qu’il ne peut pas se prévaloir de la subrogation pour appréhender les créances nées du fait de l’exécution des commandes postérieurement au jugement déclaratif 3. 1 . Com. 29 mai 1979, Bull. civ. IV, no 177 ; D. 1980. IR 209, obs. Vasseur. 2. Soc. 7 mai 1987, Bull. civ. V, no 294 ; RTD com. 1988. 103, obs Cabrillac et Teyssié ; RTD civ. 1988. 139, obs. Mestre. 3. Com. 21 nov. 1972, D. 1974. 213, note Rodière ; Com. 16 juill. 1979, D. 1981. 224, note Mestre.

Les nouveaux instruments de crédit

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§ 2. Les conflits entre des banquiers cessionnaires d'une même créance 297 Il arrive qu’outre le factor, un tiers prétende également avoir cer-

tains droits sur la créance transmise. La résolution de ces conflits passe parfois par une comparaison entre la date de la subrogation conventionnelle et celle du droit concurrent. Tel est le cas par exemple lorsqu’une créance a été transférée par une cession de créances professionnelles et par affacturage 1. Des difficultés liées aux restitutions apparaissent parfois, lorsqu’un créancier reçoit un paiement indu de la créance. Tel est le cas par exemple d’un débiteur auquel une cession de créance a été notifiée, puis qui apprend l’existence d’une convention d’affacturage et qui paie la société d’affacturage. Pour que l’action en répétition de l’indu prospère, il est nécessaire que le factor ait été subrogé et non qu’il ait agi comme chargé du recouvrement de la créance 2. 298 Le concours peut mettre aux prises un factor et un sous-traitant. L’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 prévoit que, sauf s’il obtient un cautionnement, l’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement. Or il arrive que, malgré cette disposition, certains entrepreneurs cèdent ou nantissent l’intégralité de la créance. Si le sous-traitant n’est pas payé par l’entrepreneur principal, il exerce son action directe et il entre alors en concours avec le factor. La difficulté tient au fait que l’article 13-1 ne vise pas la subrogation. Malgré tout, comme la subrogation s’analyse en un procédé de transmission d’une créance, cette disposition s’applique 3. Cette préférence donnée au sous-traitant concerne seulement la fraction de créance correspondant aux travaux effectués par le sous-traitant. 1 . Com. 3 janv. 1996, Bull. civ. IV, no 2 ; JCP 1996. II. 22682, note Stoufflet ; RTD civ. 1997. 475 ; obs. Crocq. 2. Com. 2 oct. 2007, Banque et droit janv. 2008. 24, obs. Bonneau ; Dr. et proc. mai-juin 2008. 12, obs. Piédelièvre. 3. V. Bonneau, no 607 et en jurisprudence Com. 22 nov. 1988, Bull. civ. IV, no 319 ; D. 1989. 212, note Bénabent ; RTD com. 1989. 281, obs. Cabrillac et Teyssié.

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299 Un conflit peut également apparaître entre un factor et un créan-

cier muni d’une clause de réserve de propriété 1. Il faut supposer qu’une marchandise soit vendue avec une clause de réserve de propriété. Or il est possible que l’acheteur revende cette marchandise à un sous-acquéreur avant d’avoir payé le prix et qu’il cède sa créance de prix par le mécanisme de l’affacturage. Si l’acheteur est soumis à une procédure collective, l’article L. 624-18 du Code de commerce permet au titulaire de la clause de réserve de propriété d’exercer une revendication sur le prix de vente. Le factor et le créancier titulaire de la clause sont donc en concours pour obtenir un paiement du sous-acquéreur. La Cour de cassation donne la préférence au créancier muni d’une clause de réserve de propriété, car elle considère qu’il a été subrogé le jour de la revente par l’acquéreur initial de la marchandise, donc avant la transmission de la créance par subrogation 2. En revanche, si la créance de prix de revente a été payée avant l’ouverture de la procédure de redressement et de liquidation judiciaire, le vendeur, muni de la clause de réserve de propriété, est primé par le factor 3.

1 . V. Martin, « Du conflit relatif à la créance du prix de revente d’une marchandise acquise sous réserve de propriété », D. 1983. 323 ; Cabrillac, « Réserve de propriété, bordereau Dailly et créance de prix de revente », D. 1988. 225. 2. Com. 27 juin 1989, Bull. civ. IV, no 205 ; RTD com. 1990. 269, obs. Martin-Serf ; Com. 26 avr. 2000, Bull. civ. IV, no 89 ; adde Dom, « Affacturage et procédures collectives », Act. proc. coll. 16 juin 2000. 3. Com. 11 déc. 1990, Bull. civ. IV, no 322 ; RTD com. 1991. 436, obs. Bouloc.

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SYNTHÈSE

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Par le contrat d’affacturage, une personne, appelée factor, s’engage, moyennant la perception d’une commission, à acheter tout ou partie des créances que son client possède contre des tiers. Cette technique est apparue en France dans les années soixante. Transfert des créances par subrogation conventionnelle

Plusieurs mécanismes étaient envisageables pour effectuer le transfert des créances entre le factor et son client. La pratique utilise quasi exclusivement le mécanisme de la subrogation conventionnelle. Par la subrogation, on substitue au créancier initial un nouveau créancier. On assiste donc à un transfert de la créance au subrogé, c’est-à-dire le factor. La subrogation nécessite la réunion de trois conditions, il doit exister un paiement, une concomitance entre la subrogation et le paiement et elle doit être expresse. La technique de la subrogation a été préférée à celle de la cession de créances, en raison de son absence de formalité. Malgré tout, une information du débiteur sera nécessaire en matière d’affacturage. En son absence, le débiteur ne peut pas connaître le changement de créancier et le paiement qu’il effectuerait entre les mains du créancier originaire serait satisfactoire. Convention entre le factor et son client

Le contrat d’affacturage est innomé, synallagmatique, continu, à titre onéreux et marqué d’un fort intuitu personae. Ces conventions comportent presque toujours une clause d’exclusivité ou principe de globalité. Par ces clauses, le client s’engage à remettre au factor l’intégralité de ses factures ou l’intégralité d’une catégorie de créances. De son côté, le factor a la faculté de procéder à une certaine sélection.

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Recouvrement des créances transmises

Par le mécanisme de la subrogation, le factor prend la place du créancier originaire. Il résulte du jeu de la subrogation que le débiteur ne peut plus valablement se libérer qu’entre les mains de la société d’affacturage, sauf s’il n’a pas été informé de la subrogation. En tout état de cause, le factor acquiert les créances telles qu’elles existent dans le patrimoine du client, avec ses avantages et ses vices. Malgré tout, le débiteur a la possibilité d’opposer au factor certaines exceptions. Parfois, plusieurs banquiers se prétendent cessionnaires d’une même créance, ce qui implique alors la résolution de certains conflits.

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D EUXIÈME PARTIE

300 Dans notre économie moderne, l’ensemble des paiements ne peut

plus être effectué au moyen d’espèces monétaires. Pour éviter de lourdes et importantes manipulations de monnaie fiduciaire, il existe certains instruments de paiement. Il en résulte une circulation importante de la monnaie scripturale 1. En conséquence, le paiement de nombreuses créances nécessite l’intervention d’un établissement bancaire ou assimilé. Le paiement fait alors intervenir au moins trois personnes, et assez souvent quatre, au lieu de deux. En effet, au créancier et au débiteur s’ajoute au moins un banquier, puisque l’article L. 311-1 du Code monétaire et financier prévoit que relève du monopole bancaire « la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement ». La situation est légèrement modifiée depuis l’ordonnance du 15 juillet 2009 qui a transposé une directive du 13 novembre 2007 2.

1 . V. Rives-Lange, « La monnaie scripturale », Mélanges Cabrillac, p. 405 ; Didier, « Monnaie de compte et compte bancaire », Études Flour, p. 138. 2. Piédelièvre, « L’ordonnance du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement », Gaz. Pal. 6-8 sept. 2009, p. 5, et 10-12 sept. 2009, p. 6 ; Bouteiller, « La transposition en droit français des dispositions européennes régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement », JCP E 2009. 1897.

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Une des innovations de cette réforme a consisté dans la création des établissements de paiement. L’un des buts de la directive du 13 novembre 2007 a été d’ouvrir ce marché à une nouvelle catégorie d’acteurs, les établissements de paiement 1. Le nouvel article L. 521-1 du Code monétaire et financier dispose que « les prestataires de services de paiement sont les établissements de paiement et les établissements de crédit ». La plupart des services de paiement peut désormais être effectuée par les établissements de paiement. On assiste sur ce point à un infléchissement du monopole bancaire. On risque à terme d’avoir un partage de marché entre les établissements de crédit et les établissements de paiement sur ce secteur, ce qui est d’ailleurs le but du législateur. Malgré tout, certains services ont été exclus de leur compétence. Tel est le cas pour les instruments sur support papier, ce qui vise principalement le chèque. Les établissements de paiement peuvent encaisser ces titres, mais ils ne peuvent pas avoir la qualité de tiré. Selon l’article L. 311-3, sont considérés comme des moyens de paiement tous les instruments qui permettent à toute personne de transférer des fonds, quel que soit le support ou le procédé technique utilisé. Le banquier n’acceptera les ordres de paiement de son client que si, préalablement, il a reçu de ce dernier des fonds. 301

Le chèque a été pendant de nombreuses années le principal moyen de paiement. Mais, comme la lettre de change, il a été victime de son succès. Titre formaliste comportant un support papier, il nécessite de nombreuses manipulations qui engendrent un coût de traitement élevé que les banques dénoncent régulièrement. Il est émis environ deux milliards de chèques par an et le montant de traitement de l’un d’entre eux tournerait autour de 0,75 euro. Pour la première fois en 2003, le nombre de paiement par cartes bancaires a été supérieur à celui effectué par des chèques. Ce mouvement est inéluctable, même s’il est peu probable que l’on assiste à une disparition de ce moyen de paiement. Les banques vou-

1 . Bouthinon-Dumas, « La directive sur les services de paiement et la concurrence entre les établissements de paiement et les banques », RTD com. 2009. 59.

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draient diminuer le nombre de chèques par deux dans les cinq prochaines années. Aussi d’autres moyens de paiement, dont le but est de réduire les frais de traitement, sont apparus, comme la monnaie électronique 1. Il est certain que le développement du commerce électronique 2 entraînera sans doute un recours fréquent à cette monnaie qui aura comme caractéristique principale d’être entièrement dématérialisée. L’article 1er de la directive du 18 septembre 2000 la définit comme « la valeur monétaire représentant une créance sur l’émetteur stockée sur support électronique, émise contre remise des fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur monétaire émise et qui est acceptée comme moyen de paiement par des entreprises autres que l’institution émettrice ». La matière a été récemment modifiée compte tenu de l’adoption d’une directive du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements ; elle devait être transposée avant le 30 avril 2011. Un rappel à la transposition avait d’ailleurs été adressé à la France. Cela fut fait par la loi du 28 janvier 2013. L’objectif de la directive est de supprimer les obstacles à l’entrée sur le marché et de faciliter l’accès à l’activité d’émission de monnaie électronique et son exercice. Elle définit la monnaie électronique comme une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique. La dématérialisation peut être plus importante avec l’apparition des porte-monnaie virtuels. La valeur disponible est représen-

1 . Vasseur, « Le paiement électronique », JCP 1985. I. 3206 ; Cabrillac, « Monétique et droit du paiement », Études de Juglart, p. 83 ; Vivant, « La monnaie électronique », LPA 15 sept. 1986, p. 85 ; Lucas de Leyssac et Lacaze, « Le paiement en ligne », JCP 2001. I. 302. 2. Selon l’article 14 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, « le commerce électronique est l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou services ».

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tée par des informations et elle stockée sur l’ordinateur du débiteur ou sur un serveur. 302 Mais il existe également d’autres instruments en grande partie

dématérialisés dont l’utilisation devient beaucoup plus fréquente. Sans être exhaustif, on peut citer le virement, les avis de prélèvement et les cartes de crédit 1. La plupart de ces moyens de paiement a fait l’objet d’une réglementation d’ensemble avec l’ordonnance du 15 juillet 2009. Le titre III du Livre Ier du Code monétaire et financier comprend désormais trois chapitres. Le chapitre Ier intitulé « Le chèque bancaire et postal » et le chapitre II dénommé « La lettre de change et le billet à ordre » ne sont que peu affectés par l’ordonnance du 15 juillet 2009, si ce n’est pour des modifications mineures, notamment pour tenir compte de la création des établissements de paiement, puisque la directive sur les services de paiement ne s’appliquent pas à eux. Tel n’est pas le cas du chapitre III qui est dénommé les règles applicables aux autres instruments de paiement et qui remplace les chapitres jusqu’alors relatifs aux cartes bancaires et au virement. On ne distingue plus les instruments de paiement. On édicte une réglementation unique qui a vocation à s’appliquer à plusieurs instruments de paiement, principalement les cartes de crédit, les virements et les prélèvements. 303 Pour le moment, l’utilisation de ces nouvelles techniques de paie-

ment n’entraîne pas de frais pour l’utilisateur lors de chaque paiement. Dans le but de favoriser la transparence et la concurrence, la directive sur les services de paiement prévoyait que le prestataire de services de paiement ne devrait pas empêcher le bénéficiaire de réclamer au payeur des frais liés à l’utilisation d’un instrument de paiement spécifique. L’idée qui est véhiculée par ce principe est simple : le coût de fonctionnement de l’instrument de paiement est supporté par son utilisateur, ce qui n’est pas toujours le cas. Si l’on prend l’exemple des cartes de crédit, on s’aperçoit qu’une grande partie du coût de l’opération de paiement est sup-

1 . Pour une tentative de théorie générale de ces ordres de paiement, Grua, « Sur les ordres de paiement en général », D. 1996. 172.

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portée par le bénéficiaire et qu’une faible partie l’est par le payeur qui supporte seulement une cotisation annuelle. Mais le droit français a préféré utiliser une option offerte par la directive pour prohiber la technique dite « du surcharging ». Cette solution est préférable, car elle écarte le risque d’une tarification abusive qui aurait pour conséquence de réduire le recours à un instrument de paiement donné. Pour cette raison, l’article L. 112-11 du Code monétaire et financier, prévoit que les prestataires de services de paiement ne peuvent limiter contractuellement la possibilité pour un bénéficiaire d’appliquer des frais ou de proposer une réduction au payeur pour l’utilisation d’un instrument de paiement donné. Toute stipulation contraire est nulle et de nul effet. De son côté, l’article L. 112-12 prévoit que lorsque le bénéficiaire d’un paiement propose une réduction au payeur pour l’utilisation d’un instrument de paiement donné, il l’en informe avant l’engagement de l’opération de paiement. En tout état de cause, le bénéficiaire ne peut appliquer de frais pour l’utilisation d’un instrument de paiement donné 1. Pour le moment, il existe donc pour les utilisateurs une certaine neutralité des moyens de paiement. 304 Le droit européen est intervenu en cette matière pour poser des règles communes aux différents services de paiement. La directive sur les services de paiement, dite « SDP 1 », est entrée en vigueur le 1er novembre 2009. Son objectif consistait à permettre l’harmonisation à l’échelle européenne des règles applicables à certains services de paiement. Elle régissait le traitement de certaines opérations de paiement ainsi que les relations entre une banque et son client. Cette directive a été modifiée par une directive du 25 novembre 2015, dite « SDP 2 ». Elle a été transposée en droit interne par l’ordonnance du 9 août 2017, elle-même complétée par deux décrets du 31 août 2017 et par cinq arrêtés 2. Elle est 1 . L’alinéa 2 de l’article L. 112-2 prévoit qu’« il ne peut être dérogé à cette interdiction que dans des conditions définies par décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, compte tenu de la nécessité d’encourager la concurrence et de favoriser l’utilisation de moyens de paiement efficaces ». 2. Lasserre Capdeville, « Nouvelle réforme des services de paiement : la « DSP 2 » est transposée. À propos de l’ordonnance no 2017-1252 du 9 août 2017 », JCP 2017. 923.

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entrée en vigueur le 13 janvier 2018. L’un des principaux apports de cette directive réside dans la création de deux nouveaux services de paiement le service d’initiation de paiement consistant à initier un ordre de paiement à la demande d’un utilisateur à partir d’un compte de paiement détenu auprès d’un autre PSP et le service d’information sur les comptes consistant à fournir des informations consolidées concernant un ou plusieurs comptes de paiement détenus par l’utilisateur auprès d’un ou de plusieurs autres prestataires de services de paiement. La DSP 2 consacre le rôle de l’Autorité bancaire européenne en matière de services de paiement puisqu’elle sera en charge non seulement du règlement des éventuels différends entre les autorités compétentes des États membres, mais également de la mise en place d’un registre central des établissements de paiement européens. Enfin, elle crée des obligations en matière de gestion des risques opérationnels et de sécurité, elle met en place une procédure de notification des incidents et elle systématise l’authentification forte du client. 305 Il est devenu aujourd’hui indispensable que chaque particulier, même s’il connaît des difficultés financières qui ont conduit à une interdiction d’émettre des chèques, puisse bénéficier de moyens de paiement. La gamme de moyens de paiement alternatifs au chèque (GPA) a été mise en place à partir de 2004 par la Fédération bancaire française. Elle comprend notamment, outre l’autorisation d’un petit nombre de virements et de prélèvements par mois, une carte bancaire à autorisation systématique, qui permet d’interroger le solde avant chaque paiement et, ainsi, de prévenir tout dépassement de découvert autorisé. Elle a été rénovée. De nouveaux « bons usages » professionnels de la Fédération bancaire française sont entrés en vigueur le 30 juin 2011. Pourtant, ce système n’a pas eu le succès escompté. On évalue entre 100 000 et 200 000 personnes le nombre de clients bénéficiant d’une GPA, contre 1,6 million de personnes inscrites au fichier central des chèques. Le législateur, par la loi du 26 juillet 2013 a posé une obligation de proposition de la GPA 1. Selon l’article L. 312-1-3, alinéa 2, 1 . Piédelièvre, « La loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires », D. 2013. 2110.

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du Code monétaire et financier, « les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard, notamment, au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident ». Certains moyens de paiement peuvent également être des moyens de crédit. Ce phénomène est très marqué pour certaines cartes de crédit ; il l’est moins pour le chèque qui ne peut pas pour autant être qualifié de pur instrument de paiement 1. L’étude du chèque (TITRE 1) précédera celle des nouveaux moyens de paiement (TITRE 2).

1 . Cf. Cabrillac, « Du décret-loi du 30 octobre 1935 au chèque instrument de crédit », Mélanges Roblot, p. 401. Ce crédit à court terme résulte de la pratique suivant laquelle le montant du chèque remis à l’encaissement est mis à la disposition immédiate du client, donc avant son paiement. Sur la validité de cette opération, Com. 17 juill. 1987, Bull. civ. IV, no 180 ; RTD com. 1988. 96, obs. Cabrillac et Teyssié.

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L E CHÈQUE

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T ITRE 1

306 Le chèque se définit comme un titre par lequel une personne, dite

« tireur », donne l’ordre à une banque (ou un établissement de crédit assimilé), dite « tirée », de payer à vue une somme d’argent au profit d’une troisième personne dite « porteur ». La nature civile ou commerciale du chèque dépend de l’opération sous-jacente. Il sera considéré comme un acte de commerce lorsqu’il est émis à l’occasion d’une opération commerciale ou s’il permet d’effectuer un paiement entre commerçant. Le chèque est apparu relativement récemment, puisqu’il a été introduit en France, à l’imitation du droit anglais, par une loi du 14 juin 1865. Cette loi a été modifiée à plusieurs reprises. L’unification du droit du chèque a été effectuée par la conférence de Genève. Trois conventions ont été adoptées le 11 mars 1931. La première porte loi uniforme sur le chèque, la deuxième sur les conflits de lois et la troisième sur le timbre. Elles présentent les mêmes inconvénients que les Conventions de Genève sur la lettre de change. Pour arriver à un accord, les Conventions de Genève ont permis aux États signataires d’émettre des réserves, possibilité dont la France a usé. L’unification a été partielle. Ce phénomène a été accentué par l’absence de ratification par certains pays, dont les États anglo-saxons 1. Ces conventions ont été introduites en 1 . V. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2154.

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droit français par un décret-loi du 30 octobre 1935. Elles ont été intégrées dans le Code monétaire et financier. 307 La Convention de Genève portant loi uniforme sur le chèque a fait l’objet de nombreuses modifications. La matière a peu été touchée par l’ordonnance du 15 juillet 2009 qui a exclu de son champ d’application les instruments de paiement sur support papier, si ce n’est pour des modifications mineures, notamment pour tenir compte de la création des établissements de paiement. Les principales modifications ont eu pour but de lutter contre les chèques sans provision. Une loi du 3 janvier 1972 a commencé par renforcer les sanctions encourues par les auteurs de tels chèques. Elle comportait également des dispositions relatives à la certification et à la justification de l’identité du tireur. Avant même d’avoir été véritablement appliquées, nombre de ses dispositions ont été modifiées par une loi du 3 janvier 1975 et un décret du 3 octobre 1975. Là encore, le but était de lutter contre l’augmentation des chèques sans provision. Mais les moyens pour y parvenir diffèrent en partie. L’accent est plus mis sur la prévention et sur l’augmentation des obligations du tiré, sans pour autant que l’aspect répressif soit abandonné 1. En raison d’un nouvel échec, le législateur est de nouveau intervenu par une loi du 30 décembre 1991, complétée par un décret du 22 mai 1992 2. De nombreuses sanctions pénales sont remplacées par des sanctions civiles et fiscales. Elle a également prévu une faculté de régularisation et elle améliore le système d’information. Mais ce phénomène n’a pas été endigué, ne serait-ce qu’en raison du fort développement du surendettement des particuliers. 308 Le support papier rend lourd le traitement du chèque. Pour cette raison, d’autres moyens de paiement moins formalistes ont été 1 . Sur le caractère irréaliste des sanctions pénales en matière de chèques sans provision, Putman, no 238. 2. Sur cette loi, Chaput, « La loi no 91-1382 du 30 décembre 1991, relative à la sécurité des chèques et des cartes de paiement », D. 1992. 101 ; Crédot et Gérard, « La loi no 91-1382 relative à la sécurité des chèques et des cartes de paiement », RD bancaire et bourse 1992. 54 ; Guével, « La loi no 91-1382 du 30 décembre 1991, relative à la sécurité des chèques et des cartes de paiement et le décret d’application no 92-456 du 22 mai 1992, ou le sacre discret de la “bancarisation” », Journ. not. 20 juin 1992, p. 753 ; Vasseur, « Le chèque sans provision en France 1865-1992 », JCP 1992. I. 3562.

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développés. L’informatisation fait toutefois une apparition en cette matière. Depuis 2001, s’est mis en place ce que l’on appelle la circulation d’« images chèques » qui consiste à envoyer, par un procédé informatique, les seules informations nécessaires au traitement du chèque. La banque remettante crée une image chèque et la transmet au système CORE (Compensation Retail) géré par la société interbancaire STET (Système technologiques d’échange et de traitement) qui effectue la compensation. Il existe en la matière un règlement du 29 octobre 2001 du Comité de la réglementation bancaire et financière. L’adhésion à ce système est obligatoire, mais un établissement de crédit à toujours la possibilité de recourir à une présentation matérielle. Le scannage des titres a facilité cette dématérialisation qui s’est généralisée depuis la fermeture en juin 2002 de la chambre de compensation de Paris. Le banquier qui présente le chèque devra vérifier la régularité formelle du titre et il sera tenu de s’assurer de la conformité des informations qu’il transmet par un procédé dématérialisé. Si l’établissement de crédit remettant a un doute sur l’authenticité du chèque, il aura toujours la faculté de le faire circuler matériellement. Le banquier du tiré pourra toujours demander une remise matérielle du titre. Selon la Fédération bancaire française, 98 % des chèques utilisent déjà le procédé de l’échange d’images chèques. Les 2 % restant concernent des chèques d’un montant important, des chèques hors normes, des chèques marqués circulants à la demande de la banque tirée ou des chèques transmis de façon aléatoire à l’initiative du banquier remettant. L’avantage de ce système est qu’il permet une conciliation entre le formalisme cambiaire et l’informatique. Son inconvénient tient à ce qu’il ne permet pas de vérifier la signature du tireur. La responsabilité du tiré sera accrue, puisque lui seul est en mesure d’effectuer cette vérification. Comme l’a indiqué la Cour de cassation, « la banque tirée est tenue de vérifier la régularité formelle du titre et, en s’abstenant elle prend un risque dont elle doit assumer les conséquences » 1. 1 . Com. 9 juill. 2002, RTD com. 2002. 710, obs. Cabrillac.

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309 On assiste à l’apparition de chèques dits « virtuels ». Ils ont été

créés aux États-Unis et ils ont été lancés en France, notamment par le Caisse d’épargne. Leur utilisation se limite aux paiements en ligne. Leur but est d’offrir un moyen de paiement sécurisé et de permettre une détection des chèques sans provision. L’utilisateur de ces chèques doit s’inscrire sur l’espace e-commerce de la caisse d’épargne en lui fournissant notamment les coordonnées du compte à débiter. Il recevra alors un identifiant et il pourra alors commander ces chèques virtuels. Il pourra payer ses achats en ligne en communiquant son identifiant et le numéro du chèque. En aucune façon, ce chèque électronique ne pourra être considéré comme un effet de commerce et comme un chèque au sens du Code monétaire et financier. Par conséquent, les règles spécifiques à cette catégorie ne s’appliqueront pas. Ils seront régis par les stipulations contractuelles. 310

Malgré l’apparition de nouveaux moyens de paiement, comme les cartes de paiement, le chèque reste très utilisé en pratique, compte tenu des multiples rôles qu’il est susceptible de jouer. Il est avant tout un moyen de paiement. Il n’offre pourtant pas pour le bénéficiaire une certitude de paiement, car le chèque est parfois émis sans provision. On lui a aussi reproché à une certaine époque de favoriser la fraude fiscale. Pour tenter de limiter ce rôle, la loi de finances du 29 décembre 1978 a modifié l’article L. 131-71 du Code monétaire et financier. En principe sont délivrées des formules de chèques barrés d’avance et rendues, par une mention expresse du banquier, non transmissibles par voie d’endossement, sauf au profit d’un établissement de crédit, d’une caisse d’épargne ou d’un établissement assimilé 1. En principe, un créancier a toujours la possibilité de refuser un paiement par chèque 2. En tout état de cause selon l’article L. 131-15 du Code monétaire et financier, toute personne qui remet un chèque en paiement doit justifier de son identité au moyen d’un document officiel portant sa photographie. Ce créan-

1 . Gavalda, « Le chèque prébarré et non endossable », D. 1979. 189. 2. Req. 3 mars 1930, S. 1931. 1. 249, note Esmein ; Com. 19 juill. 1954, D. 1954. 629.

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cier a la faculté de refuser le paiement par chèque, si le tireur ne justifie pas de son identité. Pourtant, il arrive que le législateur impose le paiement par chèque. L’article L. 112-6 du Code monétaire et financier dispose que : « Ne peut être effectué en espèces ou au moyen de monnaie électronique le paiement d’une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur et de la finalité professionnelle ou non de l’opération. Au-delà d’un montant mensuel fixé par décret, le paiement des traitements et salaires est soumis à l’interdiction mentionnée à l’alinéa précédent et doit être effectué par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal ou à un compte tenu par un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement. » Ces seuils sont fixés par l’article D. 112-3. Le principal seuil s’élève à 1 000 euros pour les paiements effectués par les professionnels. Le non-respect de cette disposition est sanctionné par une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 % des sommes indûment réglées en numéraires. Ces règles ne s’appliquaient pas notamment aux règlements effectués par des particuliers non commerçants. Toutefois, depuis peu, les paiements en liquide sont également limités à 1 000 euros. En cas de procédure de sauvegarde des entreprises, le porteur d’un chèque émis avant l’ouverture de la procédure peut en exiger le paiement, même si la procédure est ouverte lors de la présentation au paiement, s’il existe une provision suffisante. Il appartient au porteur de prouver que la date d’émission du chèque est antérieure à l’ouverture de la procédure 1. La jurisprudence considère que le paiement par chèque échappe à la nullité de la période suspecte 2. Cette solution exclut l’application de la nullité facultative prévue par l’article L. 632-2 du Code du commerce. L’article L. 632-3 prévoit cependant que l’administrateur ou le mandataire bénéficie d’une action en rapport contre le bénéficiaire, s’il est démontré que ce dernier avait connaissance de l’état de cessation des paiements du tireur au moment où il a reçu le chèque. 1 . Com. 31 janv. 2006, D. 2006. 573, obs. Avena-Robardet ; RD banc. fin. mai-juin 2006. 13, obs. Crédot et Samin ; JCP E 2006. 2776, note Guerchoun. 2. Com. 14 mars 2000, RTD com. 2000. 418, obs. Cabrillac.

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La remise d’un chèque permet également de réaliser un don manuel 1. La tradition, nécessaire pour tous les dons manuels, est le plus souvent réalisée par la remise du titre 2. Cette solution se justifie par le fait que le donataire acquiert immédiatement la propriété de la provision. La libéralité est réalisée dès l’émission du chèque. Certaines difficultés sont cependant apparues, lorsque la provision fait défaut lors de la présentation du chèque au paiement. La Cour de cassation a résolu cette question en indiquant que le don manuel par chèque supposait, pour qu’il y ait un dépouillement actuel et irrévocable, l’existence d’une provision dont le donataire devient propriétaire 3. Comme le chèque est un titre nécessitant un écrit, se pose la question de sa valeur probatoire. Peut-il, du moins lorsqu’il est régulier, constituer un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable l’existence de la créance invoquée par le bénéficiaire à l’encontre du tireur ? Après avoir distingué entre le chèque non endossé et le chèque endossé, la Cour de cassation pose en principe que le premier 4 et le second 5 ne peuvent pas être considérés comme des commencements de preuve par écrit.

312

Le chèque va-t-il disparaître ? Le rapport d’Emmanuel Constans et Georges Pauget sur « L’avenir des moyens de paiement en France », rendu public en avril 2012, débute par le constat qu’« une nouvelle révolution des moyens de paiement est en marche. Celle des paiements par Internet, par téléphone mobile, des paiements sans contact, de la mort annoncée du chèque » 6. L’objectif principal de ce rapport est la réduction de moitié en cinq ans du nombre

1 . Arrighi, « Le don manuel par chèque », D. 1980. 165 ; Boujeka, « Des libéralités par chèque », D. 2003. 2712. 2. Par ex., Civ. 1re, 24 mai 1976, JCP 1978. II. 18806, note Gavalda ; Defrénois 1977. 462, obs. Champenois ; Civ. 1re, 4 nov. 1981, Defrénois 1982. 1378, obs. Champenois ; RTD civ. 1982. 781, obs. Patarin. 3. Par ex., Civ. 1re, 11 juin 1991, Defrénois 1991. 1134, obs. Champenois. 4. Civ. 1re, 18 juill. 1995, JCP 1995. II. 25554, note Piédelièvre. 5. Civ. 1re, 3 juin 1998, Defrénois 1999. 99, note Piédelièvre. 6. Constans, Pauget, « L’avenir des moyens de paiement en France », mars 2012, (en ligne) : http:// www.banque-france.fr/ccsf/fr/publications/telechar/autres/rapport_avenir_moyens_paiement.pdf ; également Bousquet, Une disparition annoncée du chèque : concrétisation et appréciation du processus, RD bancaire et financier 2013 étude 2 ; Lasserre Capdeville, « Rapport Pauget et Constans : l’avenir des moyens de paiement en France », RD bancaire et financier 2012, alerte 13 ; Devèze, « L’agonie du chèque », in Mélanges Le Cannu, 2014, p. 457.

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Le chèque

de chèques émis en France. Cette volonté est en partie due aux banques qui considèrent que le coût de traitement des chèques est élevé alors que la remise des formules de chèque demeure gratuite. Elle a été reprise par un rapport sur la stratégie nationale sur les moyens de paiement publié en octobre 2015. Mais pour le moment, le chèque subsiste toujours, puisqu’il en est émis environ 2 milliards par an pour un montant de 1 200 milliards. Pour qu’il puisse disparaître, il serait nécessaire que les banques proposent gratuitement un nouvel instrument de paiement, ce qu’elles ne sont pas disposées à faire. Il existe également un certain attachement de la population française à cet instrument. 313 Le chèque doit être considéré comme un effet de commerce 1, même si certains préfèrent seulement dire que son régime juridique s’apparente à celui des effets de commerce 2. Il s’analyse comme un mécanisme sui generis 3, même si on a parfois tenté d’expliquer son mécanisme par un mandat de payer donné au tiré par le tireur 4, par une délégation par voie de dation 5 ou par la lettre de change à vue 6. Il existe cependant d’importantes différences entre le chèque et la lettre de change. Le chèque n’est pas un acte de commerce par la forme. Il sera commercial, s’il est créé par un commerçant pour les besoins de son commerce 7. Cette distinction est importante, par exemple, pour déterminer la juridiction compétente rationae materiae. Il est principalement un instrument de paiement. Mais comme la lettre de change, le chèque s’incorpore dans un titre négociable. Il obéit aux principes généraux des effets de commerce tant lors de sa création (CHAPITRE 1) que lors de sa circulation (CHAPITRE 2) ou lors de son paiement (CHAPITRE 3).

1 . Roblot, no 11 ; Hamel, Lagarde et Jauffret, no 1654 ; plus nuancés, de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 465. 2. Le Cannu, Granier et Routier, no 27 ; Gavalda et Stoufflet, no 175-3. 3. En ce sens, par ex., de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 465. 4. Bouteron, Le chèque, théorie et pratique, 1re éd., p. 138 s. 5. Thaller et Percerou, Traité élémentaire de droit commercial, t. 2, 8e éd., no 1639. 6. Thaller et Percerou, op. cit., no 1640. 7 . En faveur de sa commercialisation, puisqu’il est devenu un titre bancaire, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2159.

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C HAPITRE 1

La création du chèque 314

La création d’un chèque nécessite au préalable l’ouverture d’un compte bancaire. Le banquier n’était jamais obligé d’en ouvrir un. Mais compte tenu de l’importance pratique qu’ont pris les comptes, l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier indique désormais que toute personne physique, résidant en France, dépourvue d’un compte de dépôt, a droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix. La suite de cette disposition prévoit que ces établissements pourront limiter leurs services aux services bancaires de base, et donc qu’ils ne seront pas toujours tenus de fournir un chéquier à leur client. Au moment de l’ouverture du compte, le banquier est tenu d’effectuer certaines vérifications 1. Il doit préalablement à cette ouverture, constater le domicile et l’identité du postulant qui est tenu de présenter un document officiel portant sa signature. Les caractéristiques et les références de ce document sont enregistrées par le banquier. Ce dernier ne doit pas se contenter de l’indication du domicile portée sur la pièce d’identité 2. La vérification est généralement effectuée par la fourniture en plus d’une quittance de loyer, de gaz, d’électricité… En règle générale, ils envoient à

1 . Cette obligation s’applique à tout compte permettant d’encaisser un chèque et donc au compte sur livret, Paris, 17 févr. 1989, Gaz. Pal. 1989. 2. 521, note A. Piédelièvre. 2. Com. 9 oct. 1985, Bull. civ. IV, no 233 ; Gaz. Pal. 1986. 1. Somm. 177, obs. A. Piédelièvre.

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Le chèque

leurs clients une lettre dite « d’accueil » 1 qui leur permet de vérifier la réalité de l’adresse indiquée par les documents fournis. Il n’est pas nécessaire, sauf circonstances exceptionnelles, que soit envoyée une lettre recommandée 2. Des examens supplémentaires sont parfois exigés des banquiers. Si le client, demandant l’ouverture du compte, est commerçant, ils doivent lui demander un extrait du registre des commerces et des sociétés 3 qui leur permettra de vérifier que leur futur client n’est pas soumis à une procédure collective. Ils doivent aussi prendre des précautions supplémentaires pour les sociétés en formation 4. 315

Même s’il a accepté d’ouvrir un compte bancaire, le banquier n’est pas toujours obligé de délivrer des chéquiers. Même si les différentes vérifications mises à sa charge ont été respectées, il pourrait voir sa responsabilité engagée, s’il commet une faute lors de la remise d’un chéquier 5. L’article L. 131-71 du Code monétaire et financier dispose que tout banquier, par décision motivée 6, peut refuser de délivrer au titulaire d’un compte les formules de chèques autres que celles qui sont remises pour un retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou pour une certification. Cette obligation de motivation tient à ce « même si elle est laissée à la discrétion de la banque, la délivrance d’un chéquier est la conséquence de l’ouverture d’un compte » 7. Il peut également, à tout moment, demander la restitution des formules antérieurement délivrées 8. Avant de délivrer des chéquiers, le banquier devra effectuer des vérifications supplémentaires qui ont pour but de lutter contre les chèques sans provision. Il lui appartient de consulter la Banque de France qui centralise les incidents de paiement et les mesures

1 . Com. 12 mars 1996, D. affaires 1996. 615. 2. Com. 6 avr. 1993, RTD com. 1994. 275, obs. Cabrillac et Teyssié. 3. Com. 19 juin 1990, Bull. civ. IV, no 177 ; RTD com. 1991. 74, obs. Cabrillac et Teyssié. 4. V. Putman, no 206 ; v. en jurisprudence, Com. 6 févr. 1990, Bull. civ. IV, no 34. 5. Par ex., Com. 19 juin 1990, préc. 6. « La nouvelle obligation de motivation ne crée pas d’obligation nouvelle, mais ouvre la possibilité de contester les motifs », Putman, no 207. 7 . Com. 6 févr. 1990, Bull. civ. IV, no 34. 8. Le banquier n’est pas, comme en matière d’ouverture de crédit, tenu de respecter un préavis, Com. 6 mai 1997, JCP 1997. II. 996, note Piédelièvre.

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La création du chèque

d’interdiction 1. Il pourra ainsi vérifier auprès de la Banque de France si son nouveau client fait ou non l’objet d’une mesure d’interdiction d’émettre des chèques. Actuellement les chèques sont gratuits. Il s’agit d’une contrepartie à l’absence de rémunération des comptes de dépôt qui subsiste toujours. Compte tenu du coût de traitement de ces effets, les banques souhaitent qu’ils deviennent payants. Cette solution n’a pas été remise en cause malgré la possibilité désormais offerte aux banques de rémunérer les comptes de dépôt. 316 Pour être créé, le chèque doit respecter certaines conditions. Mais il ne sera véritablement émis que lorsque le tireur s’en sera dessaisi de manière irrévocable au profit du bénéficiaire. La date de création du chèque et celle de son émission ne coïncident pas nécessairement ; la première ne fait pas présumer la seconde. Il est nécessaire que la date d’émission soit prouvée par le porteur 2. Cette preuve est libre, puisqu’il s’agit d’un fait juridique. Le chèque s’analyse comme un titre littéral. Il est nécessaire d’envisager ses conditions de forme (SECTION 1), puis ses conditions de fond (SECTION 2). Le non-respect de certaines de ces conditions constitue parfois une infraction (SECTION 3). Il faudra envisager également les différentes variétés de chèques (SECTION 4).

S ECTION 1

Les conditions de forme de la création du chèque 317

Comme tous les effets de commerce, le chèque ordinaire est un titre formaliste dont les mentions revêtent une grande importance. On retrouve l’idée suivant laquelle le titre doit se satisfaire à luimême. Le droit du chèque sanctionne d’ailleurs le non-respect des

1 . Sur le système original de sanctions prévu par l’article L. 131-81 du Code monétaire et financier, cf. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 304. 2. Com. 31 janv. 2006, D. 2006. 573, obs. Avena-Robardet ; RD banc. fin. mai-juin 2006. 13, obs. Crédot et Samin ; JCP E 2006. 2776, note Guerchoun.

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Le chèque

mentions obligatoires (§ 2). À côté des mentions obligatoires (§ 1), figurent parfois certaines mentions facultatives (§ 3).

§ 1. Les mentions obligatoires 318 Le particularisme du formalisme en matière de chèque tient à son

rôle de qualification. Par le formalisme on a pu considérer que constitue un véritable chèque le chèque dit « omnibus ». Il s’agit d’une formule de chèque sur laquelle le nom du tireur n’est pas indiqué et qui, détenue par les agences bancaires, permet aux clients d’opérer des retraits de fonds 1. Ce titre comporte, en réalité, toutes les mentions obligatoires. Le chèque suppose un support matériel (A) sur lequel les différentes mentions obligatoires seront apposées (B).

A. Le support matériel du chèque 319

L’article L. 131-2 du Code monétaire et financier impose que le chèque soit rédigé sur un support papier. Le plus souvent, le tireur se servira des formules qui lui ont été délivrées par le banquier. Mais la question se pose régulièrement de savoir si un tireur pourrait utiliser une formule autre ou une feuille de papier quelconque. Rien dans le Code monétaire et financier n’impose l’utilisation d’un imprimé normalisé. Aussi la majorité de la doctrine 2 et de la jurisprudence se prononce en faveur de la validité des chèques sur papier libre 3. Mais on a, à juste titre, critiqué la validité des chèques émis sur papier libre 4. On considère d’une part qu’à partir du moment où le législateur impose aux établissements de crédit d’opérer préalablement à la remise d’un chéquier certaines vérifications, il a implicitement condamné la pratique des chèques sur papier libre.

1 . Le Cannu, Granier et Routier, no 50. 2. Devèze et Pétel, no 20 ; Gavalda et Stoufflet, no 179 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 475 ; Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2160. 3. Paris, 2 oct. 1986, RD bancaire et bourse 1987. 8, obs. Crédot et Gérard ; v. cependant TGI Lyon, 16 avr. 1996, Gaz. Pal. 1996. 2. 624, refusant d’admettre la validité d’un chèque établi sur du papier hygiénique au motif que sa fragilité empêchait l’encaissement. 4. Le Cannu, Granier et Routier, no 54.

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La création du chèque

D’autre part, de tels chèques ne permettent pas d’appliquer les règles posées par la loi du 29 décembre 1978 qui pose le principe du chèque barré non endossable et qui impose un droit de timbre pour les formules non pré-barrées et endossables. Malgré tout, la jurisprudence continue à admettre la validité des chèques sur papier libre 1. 320 Les établissements de crédit insèrent généralement dans les

contrats conclus avec leurs clients une clause prévoyant qu’ils n’accepteront que les formules qu’ils délivrent. L’inconvénient de cette stipulation, valable entre les parties, tient à son inopposabilité aux tiers, et notamment au porteur. À son égard, le titre demeure valable et l’établissement de crédit tiré devra le payer 2. Mais, comme le tireur a violé une obligation contractuelle, il pourrait alors voir sa responsabilité engagée et il pourrait se voir retirer l’usage des chèques 3. L’utilisation la plus fréquente de ces chèques concerne ce que l’on appelle les chèques de casino. Ils permettent à des clients n’ayant plus d’espèces d’emprunter auprès du casino pour continuer à jouer. Ces chèques sont rédigés par les joueurs sur papier libre ou plus souvent sur des formules mises à leur disposition par le casino. La validité de ces chèques a longtemps été discutée. En effet, l’article 1965 du Code civil dispose que « la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’un pari ». Les rapports entre le créancier, tiers bénéficiaire, et le débiteur, tireur, étaient classiquement considérés comme entachés d’une cause illicite ou désormais, ils sont contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs. La jurisprudence n’a pas une position aussi nette et elle opère une distinction, parfois assez difficile à mettre en œuvre pratiquement et en réalité assez artificielle 4. Elle pose en principe qu’un chèque dit « de casino » n’est pas en soi illicite, puisque la loi

1 . Paris, 2 oct. 1986, préc. 2. Paris, 2 oct. 1986, préc. 3. Gavalda et Stoufflet, no 179 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 475. 4. V. Civ. 1re, 3 mai 1988, Bull. civ. I, no 124, qui qualifie d’accord de commodité des avances faites pendant une soirée à un joueur qui, en fin de soirée, a refusé de signer un chèque de casino.

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Le chèque

autorise ces établissements 1. Mais si l’avance est effectuée pour permettre au joueur de continuer à jouer, alors le chèque devient illicite 2.

B. Les différentes mentions 321

L’article L. 131-2 du Code monétaire et financier impose le respect de six mentions obligatoires. Selon l’article L. 131-2, le chèque doit contenir la dénomination de chèque, insérée dans le texte même du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre. La formule la plus employée est la suivante : « Payez contre ce chèque… » Cette dénomination permet principalement de le dissocier d’une lettre de change. Le chèque comporte également le mandat pur et simple de payer une somme d’argent. Il contient donc nécessairement l’indication d’un montant. Il n’existe pas de possibilité pour le tireur de prétendre avoir commis une erreur sur l’unité monétaire 3. Le passage à l’euro n’a pas suscité sur ce point de nombreuses difficultés. Certes la pratique particulièrement dangereuse du chèque en blanc est admise. Mais pour pouvoir être payé par le tiré, il devra être complété avant sa remise à l’encaissement. L’article L. 131-10 du Code monétaire et financier impose que le montant soit écrit à la fois en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le chèque vaut pour la somme inscrite en toutes lettres. Le chèque dont le montant est inscrit plusieurs fois en toutes lettres ou en chiffres, ne vaut, en cas de différence, que pour la somme moindre 4. Étant un instrument de paiement, la somme indiquée ne peut pas être productive d’intérêts. Aussi l’article L. 131-8 du Code monétaire et financier répute non écrite toute stipulation d’intérêts dans le chèque.

1 . Ch. mixte, 14 mars 1980, Bull. civ. no 3 ; RTD com. 1980. 577, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; Gaz. Pal. 1980. 1. 290, concl. Robin ; Crim. 21 oct. 1991, D. 1992. IR 16. 2. Civ. 1re, 31 janv. 1984, D. 1985. 40, note Diener ; Civ. 1re, 20 juill. 1988, Bull. civ. IV, no 257 ; D. 1989. Somm. 88, obs. Cabrillac. 3. Com. 17 juin 1970, RTD com. 1971. 141, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 4. Paris, 30 sept. 1982, D. 1983. IR 42, obs. Cabrillac.

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La création du chèque

Il arrive de plus en plus fréquemment que les chèques soient remplis par des procédés mécaniques et qu’ils comportent seulement l’indication de la somme en chiffres. Le procédé est valable, car le Code monétaire et financier n’exige pas que le montant soit indiqué à la fois en chiffres et en lettres. Il n’existe, en théorie, aucun montant minimal ou maximal. 322 Le chèque est par définition payable à vue, puisqu’il s’analyse en

un instrument de paiement. Il est donc impossible de stipuler une clause ayant pour conséquence de subordonner le paiement à un terme ou à une condition. Est ainsi condamnée la pratique dite « des chèques papillons » par laquelle un tireur interdit à un porteur de présenter le titre au paiement avant une certaine date. 323 La détermination du tiré permet au porteur de savoir à qui s’adres-

ser pour obtenir le paiement du titre. Le tiré est nécessairement un établissement de crédit. L’article L. 131-4, alinéa 1er, du Code monétaire et financier mentionne que, si le tiré n’est pas un établissement de crédit, le titre n’est pas valable comme chèque. De son côté, l’article L. 131-5, alinéa 1er, de ce même code prévoit que le tiré ne peut pas accepter un chèque. Pour faciliter la localisation, le chèque doit aussi indiquer le lieu où le paiement doit s’effectuer. Il est en conséquence nécessaire que soit précisée l’agence ou la succursale qui gère le compte du tireur. Toute acceptation portée sur le titre serait réputée non écrite. En cas d’absence d’indication du lieu de paiement, l’article L. 131-3, alinéa 2, du Code monétaire et financier prévoit que le lieu désigné à côté du nom du tiré est réputé être le lieu de paiement. Si plusieurs lieux sont mentionnés à côté du nom du tiré, le chèque est payable au premier lieu indiqué. À défaut de ces indications, le chèque sera payable au lieu où le tiré a son principal établissement. 324 La date et le lieu où le chèque est créé présente une grande impor-

tance pratique. Le lieu de présentation offre un intérêt en droit international privé, pour déterminer la loi applicable. Elle intéresse parfois les délais de présentation. Le chèque sans indication du lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du tireur.

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Le chèque

Selon la jurisprudence, la date d’un chèque s’entend de l’indication, non seulement de l’année, mais encore du mois et du jour où il est créé 1. Elle revêt une grande importance, puisqu’on apprécie la capacité et les pouvoirs du tireur à ce moment. Elle fixe le point de départ du délai de présentation et de celui de prescription. Le transfert de la propriété de la provision s’opère à cette date. À cette date, le porteur a acquis la propriété de cette provision. Il en résulte plusieurs conséquences. Le décès ou l’incapacité du tireur postérieurement à l’émission n’affecte pas les droits du porteur. Il en va de même en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre du tireur 2. Le chèque postdaté n’est pas nul 3. Selon l’article L. 131-31, alinéa 2, du Code monétaire et financier, le chèque présenté au paiement avant le jour indiqué comme date d’émission est payable le jour de la présentation 4. Cette disposition permet de lutter contre la pratique des chèques postdatés. L’auteur d’un chèque, outre d’éventuelles sanctions pénales, s’expose à une amende fiscale égale à 6 % du montant du chèque. Pour les chèques dits « de garantie », il arrive qu’ils soient remis sans mention de date. La jurisprudence considère que le bénéficiaire d’un tel titre peut le remettre à l’encaissement après l’avoir lui-même complété par une date, dès lors que l’absence de datation du chèque résulte d’un accord non équivoque des parties et que le bénéficiaire ne fait ainsi que conférer au titre son usage de chèque de garantie 5. 325 La signature du tireur doit obligatoirement être manuscrite. Le banquier conserve un exemplaire de la signature du tireur. La loi du 16 juin 1966 autorisant la signature à la griffe ne s’applique pas au chèque. On considère pourtant parfois que par convention entre le tireur et le tiré la signature à la griffe pourrait être 1 . Com. 24 juin 1997, RTD com. 1997. 655, obs. Cabrillac. 2. Com. 12 janv. 2010, RD banc. fin. mars-avr. 2010. 45, obs. Crédot et Samin. ; RLDA juin 2010. 27, note Gibirila. 3. Montpellier, 12 oct. 1932, Gaz. Pal. 1933. 1. 106. 4. Com. 16 juin 1992, Bull. civ. IV, no 235 ; RTD com. 1992. 648, obs. Cabrillac et Teyssié ; Com. 3 juin 2003, RTD com. 2003. 782, obs. Cabrillac ; Banque et droit nov.-déc. 2003. 53, obs. Bonneau. 5. Com. 22 sept. 2015, Gaz. Pal. 8-10 nov. 2015, obs. Houin-Bressand.

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La création du chèque

admise 1. Mais cette proposition se concilie difficilement avec le caractère strict du formalisme cambiaire. Malgré tout, la plupart des établissements de crédit, pour des raisons pratiques, admettent pour certaines grandes entreprises les signatures à la griffe. En revanche, les autres signatures portées sur un chèque n’ont pas à être obligatoirement manuscrites. En aucun cas, le tireur ayant signé le titre ne peut s’exonérer de sa garantie.

§ 2. Les sanctions en cas de défaut d'une mention obligatoire 326 Selon l’article L. 131-3, alinéa 2, du Code monétaire et financier,

le titre dans lequel une des mentions obligatoires fait défaut ne vaut pas comme chèque 2. Le tiré a la faculté de s’adresser au tireur pour lui demander de régulariser le titre en complétant la mention omise 3. La suite de cette disposition prévoit cependant quelques hypothèses de suppléances légales. Pour autant un chèque auquel il manque une mention a une certaine valeur juridique. Il ne vaut pas comme titre cambiaire, mais il sert parfois à prouver une promesse de payer sous seing privé ou comme commencement de preuve par écrit d’une telle promesse, s’il remplit les conditions posées par l’article 1376 du Code civil 4. Il est également possible que le chèque soit altéré. En ce cas, l’article L. 131-58 du Code monétaire et financier prévoit que les signataires postérieurs à cette altération sont tenus dans les termes du texte altéré et que les signataires antérieurs le sont dans les termes du texte originaire. On se trouve en présence d’une application de l’indépendance des signatures 5.

1 . De Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 481. 2. Civ. 1re, 26 janv. 1977, Bull. civ. I, no 54 ; Civ. 1re, 26 janv. 1988, Bull. civ. I, no 23 ; Gaz. Pal. 1988. 1. Somm. 257, obs. A. Piédelièvre. 3. Paris, 5 juill. 1952, JCP 1952. II. 7139, note Cabrillac. 4. Par ex., Civ. 1re, 8 juill. 1986, RTD com. 1987. 84, obs. Cabrillac et Teyssié ; Com. 16 déc. 2014, Banque et Droit mai-juin 2015. 26, obs. Helleringer. 5. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2164 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 490.

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Le chèque

§ 3. Les mentions facultatives 327 Le chèque comporte parfois certaines mentions facultatives. Parmi

celles-ci, trois se retrouvent très fréquemment, celle relative à l’indication du bénéficiaire, celle interdisant l’endossement et celle relative au barrement. Contrairement à la solution retenue pour la lettre de change, l’indication du bénéficiaire n’est pas une mention obligatoire du chèque 1. Il est également possible qu’un chèque comporte plusieurs bénéficiaires. En cas de désignation alternative, le paiement pourra être effectué par le tiré au profit de n’importe lequel des bénéficiaires. En cas de désignation cumulative, le paiement par le tiré devra être effectué au profit de tous les bénéficiaires, ou de l’un d’entre eux avec l’accord des autres. La banque qui crédite le compte d’un seul des bénéficiaires, sans avoir obtenu l’accord de l’autre engage sa responsabilité, en raison de sa faute 2. La jurisprudence se montre assez souple pour l’indication de cette mention, puisqu’elle considère que l’inscription du numéro de compte sur le titre désigne le titulaire du compte comme bénéficiaire 3. L’article L. 131-6 du Code monétaire et financier prévoit trois possibilités pour désigner le bénéficiaire d’un chèque. Il peut être stipulé payable à une personne dénommée avec une clause « non à ordre » ou une clause équivalente, on parle de chèque nominatif. Il sera alors transmissible uniquement en application des règles du droit commun de la cession de créances. On parle de chèque à ordre, lorsqu’il est libellé au profit d’une personne dénommée ou à son ordre. Il se transmet alors par la voie de l’endossement. Il peut être stipulé payable au porteur. Le chèque sans indication du bénéficiaire vaut comme chèque au porteur. L’article L. 131-7 du Code monétaire et financier autorise le tireur à se porter bénéficiaire du chèque. Cette opération lui permet de retirer de l’argent de son compte dans l’agence tenant

1 . Paris, 14 juin 1983, D. 1984. IR 69, obs. Cabrillac. 2. Com. 3 janv. 1996, Bull. civ. I, no 1 ; RTD com. 1996. 300, obs. Cabrillac. 3. Com. 1er déc. 2015, Gaz. Pal. 8 mars 2016. 61, obs. Houin-Bressand.

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La création du chèque

son compte ou, pour un montant généralement limité, dans une autre agence 1. 328 La clause interdisant l’endossement se retrouve sur pratiquement toutes les formules délivrées par les établissements de crédit 2. Selon l’article L. 131-71, alinéa 3, du Code monétaire et financier, sauf demande contraire du tireur, les formules de chèque sont stipulées non transmissibles par voie d’endossement, sauf au profit d’une banque, d’une caisse d’épargne ou d’un établissement assimilé 3. La circulation du chèque pourra cependant être effectuée par tradition, à condition qu’aucun nom de bénéficiaire n’ait été porté sur le titre 4. De même, l’article L. 131-16, alinéa 2, du Code monétaire et financier prévoit la possibilité de stipuler une clause non à ordre. En ce cas, la transmission du titre s’opère dans la forme et avec les effets d’une cession de créances de droit commun. 329 Le barrement du chèque est prévu par les articles L. 131-44 et L. 131-46 du Code monétaire et financier. Le chèque barré ne peut être payé par le tiré qu’à un banquier, à un chef de bureau de chèques postaux ou à un client du tiré. Classiquement, on considérait qu’il présentait l’avantage de restreindre les risques de perte ou de vol 5. Théoriquement facultatif 6, le chèque barré constitue aujourd’hui la règle. Selon l’article L. 131-71 de ce même code, l’administration fiscale peut obtenir, à tout moment, sur sa demande, communication de l’identité des personnes auxquelles sont délivrées des formules de chéquiers non barrés. Le but de cette disposition est fiscal. Le barrement s’opère en traçant deux lignes parallèles apposées au recto du titre. Selon l’article L. 131-44, alinéa 1er, du Code 1 . Sur la nature juridique de cette opération, Gavalda et Stoufflet, no 188. 2. Gavalda, « Le chèque prébarré et non endossable », D. 1979. 189. 3. Sur la responsabilité du banquier qui paie un chèque qui avait été endossé à une personne n’ayant pas la qualité d’établissement de crédit, malgré la clause non endossable, Com. 26 nov. 1996, Bull. civ. IV, no 283. De même, le bénéficiaire d’un tel chèque ne peut exiger que le montant du chèque soit remis à un tiers, Com. 9 oct. 1997, RTD com. 1998. 182, obs. Cabrillac. 4. Com. 12 nov. 1996, Bull. civ. IV, no 265. 5. V. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2170. Ces auteurs ajoutent que, comme ce chèque sert à créditer le compte du client, il remplace parfaitement la monnaie fiduciaire. 6. Pour les hypothèses où l’utilisation d’un chèque barré est obligatoire, v. de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 501.

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Le chèque

monétaire et financier, il est effectué par le tireur ou par un porteur. Mais aujourd’hui, le barrement est le plus souvent déjà imprimé lors de la remise des formules de chèques par le banquier à son client. En aucun cas, il ne peut être biffé. Il est général ou spécial. Il est dit « général », lorsqu’il ne porte entre les deux barres aucune désignation ou la mention banquier ou un terme équivalent. Il est dit « spécial », si le nom d’un banquier est inscrit entre les deux barres. Selon l’article L. 131-44, alinéa 4, le barrement général peut être transformé en barrement spécial, mais le barrement spécial ne peut être transformé en barrement général. 330 Le barrement a pour conséquence que le chèque devra être payé uniquement aux personnes désignées par l’article L. 131-45, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, à savoir un banquier ou à un client du tiré. Cette dernière notion a suscité des difficultés d’interprétation. Certains juges du fond ont eu une interprétation stricte et ils ont uniquement considéré comme clients, les personnes en relation d’affaires antérieures et habituelles avec le banquier 1. La Cour de cassation se montre moins exigeante, puisqu’elle indique que le présentateur du chèque aura la qualité de client dès lors que le banquier aura procédé à la vérification de son identité et de son domicile 2. En cas de barrement spécial, le paiement devra être effectué uniquement entre les mains du banquier mentionné entre les deux barres. De même, un banquier ne peut acquérir un chèque barré que de l’un de ses clients, d’un chef de bureau des chèques postaux ou d’un autre banquier. Le banquier qui ne respecte pas ces règles sera responsable du préjudice causé à hauteur du montant du chèque. 331 Selon l’article L. 131-28 du Code monétaire et financier, le paiement d’un chèque peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval. Cette garantie est extrêmement rare en pratique. Tout signataire du titre, à l’exception du tiré, a la possibilité de se porter donneur d’aval. Il en va de même des tiers. L’aval est 1 . Paris, 26 janv. 1957, RTD com. 1957. 416, obs. Becqué et Cabrillac ; Paris, 12 mai 1958, JCP 1958. II. 10711, note Cabrillac ; Versailles, 18 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980. 1. 392, note Dupichot. 2. Com. 7 févr. 1962, RTD com. 1962. 341, obs. Becqué et Cabrillac ; Com. 25 avr. 1967, JCP 1967. II. 15306, note Gavalda.

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La création du chèque

donné sur le chèque ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu. Il est exprimé par les mots « bon pour aval » ou par toute autre formule équivalente ; il est signé par l’avaliste. Il doit indiquer pour le compte de qui il est donné. À défaut, il est réputé donné pour le tireur. Ses effets sont identiques à ceux de l’aval d’une lettre de change. Une clause de retour sans frais ou sans protêt pourrait également être stipulée. Fréquente pour les lettres de change, cette clause se retrouve assez rarement en matière de chèque, car, en ce cas, le tireur fait lui-même douter de l’existence de la provision. Une clause de domiciliation pourrait également être insérée. Le tiers doit être un banquier ou un bureau de chèques postaux.

S ECTION 2

Les conditions de fond de la création du chèque 332 Les conditions de fond de l’émission du chèque sont relatives aux

parties (§ 1) et à la provision (§ 2).

§ 1. Les parties

L’émission d’un chèque met en relation au minimum trois personnes, le tireur (A), le tiré (B) et le bénéficiaire (C) qui doivent, toutes trois, remplir certaines conditions.

A. Le tireur

333 Le tireur est la personne qui prend l’initiative de la création d’un

chèque en vue de sa remise à un tiers pour effectuer un paiement et en ce cas il a un but extinctif ou, plus rarement, pour effectuer une donation. L’article L. 131-67 du Code monétaire et financier précise le sens à donner à l’expression de paiement par chèque. Selon cette disposition, la remise d’un chèque en paiement, accepté par un créancier, n’entraîne pas novation. En conséquence, la créance originaire subsiste, avec toutes ses garanties

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Le chèque

jusqu’à ce que ledit chèque soit payé. La libération intervient seulement à la date de l’encaissement 1. Selon la jurisprudence, l’émission d’un chèque consiste en sa création et en sa mise en circulation 2. Il doit respecter les conditions du droit commun des actes juridiques et plus spécifiquement celles relatives au consentement (1), à la cause, même si normalement depuis la réforme du droit des contrats ce terme ne devrait plus être employé (2), à la capacité (3) et aux pouvoirs (4). 1. Le consentement

334 L’absence de consentement est fréquemment invoquée en cas de

falsification de la signature du tireur. Il est nécessaire de distinguer le chèque faux du chèque falsifié, pour savoir qui du tireur ou du tiré sera responsable 3. Un chèque faux est irrégulier dès l’origine. Le chèque est falsifié, lorsqu’il a été régulièrement créé et qu’il subit postérieurement une modification. Lorsque le chèque est faux dès sa création, le tiré qui a payé ne sera pas libéré 4. Cette solution s’explique par le fait que le titre remis au banquier n’a jamais eu la valeur d’un chèque, ne serait-ce qu’en raison de l’absence de consentement du tireur lors de sa création. Le tiré méconnaît en payant le montant du chèque également la règle posée par l’article 1342-2 du Code civil aux termes duquel « le payement doit être fait au créancier ou à la personne désignée pour le recevoir ». Il sera responsable même s’il n’a pas commis de faute. Cette solution cède en cas de faute du tireur 5. Le tiré pourrait s’exonérer de toute responsabilité, s’il réussit à démontrer que la faute commise par le titulaire du compte était la cause exclusive du dommage 6.

1 . Civ. 17 déc. 1924, S. 1925. 1. 19, rapport Colin, v. également Req. 21 mars 1932, DP 1933. 1. 65 ayant indiqué que « la remise d’un chèque par un débiteur à son créancier ne le libère pas immédiatement et ne réalise pas un paiement, qui ne sera effectué qu’au moment de l’encaissement du chèque ». 2. Com. 18 déc. 1990, Bull. civ. IV, no 326 ; D. 1991. Somm. 216, obs. Cabrillac. 3. Sur cette distinction, par ex., Putman, no 198 ; adde Leguevaques, « Chèque falsifiés ou faux et responsabilité du banquier », Gaz. Pal., 1996. 1191. 4. Par ex., Com. 3 janv. 1978, Bull. civ. IV, no 3 ; Com. 24 févr. 1987 ; Gaz. Pal. 1987. 2. Pan. 443, obs. A. Piédelièvre ; Banque 1987. 624, obs. Rives-Lange ; Com. 9 févr. 1993, Bull. civ. IV, no 52 ; Com. 26 nov. 1996, Bull. civ. IV, no 283. 5. Com. 12 juill. 2017, Dr. et proc. nov. 2017. 21, obs. Piédelièvre. Sur la nécessité de démontrer alors une faute du tireur, Com. 9 juill. 1996, Bull. civ. IV, no 202 ; RTD com. 1996. 696, obs. Cabrillac. 6. Com. 28 janv. 2014, Gaz. Pal., 16-17 mars 2014. 12, obs. Houin-Bressand.

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La création du chèque

En cas de falsification, en revanche, le chèque a été valablement créé et le tireur a donné son consentement 1. Le paiement du tiré le libère. La réalité du mandat donné au tiré n’est pas contestable, puisque la signature du tireur est apposée sur le chèque. Hormis l’hypothèse de la falsification du nom du bénéficiaire, le tireur ne peut pas se prévaloir d’une violation de l’article 1342-2 du Code civil. Il en va toutefois différemment en cas de fautes du banquier. Celles-ci tournent autour de l’idée que le tiré a manqué à son devoir de vigilance, ce qui est par exemple le cas lors d’une falsification grossière, lors d’une altération du titre ou en l’absence de vérification 2. La jurisprudence a considéré comme une négligence imputable à un banquier le fait d’avoir ouvert sans précaution suffisante le compte sur lequel l’auteur du détournement avait encaissé le chèque litigieux 3. Il en va de même en cas de falsification d’un chèque dit « de banque », car, selon la Cour de cassation, le banquier aurait dû utiliser un procédé de marquage infalsifiable 4. Il engage également sa responsabilité, comme fournisseur de crédit, s’il a payé un chèque, en l’absence de toute autorisation de découvert, alors que le solde du compte était négatif 5. Il faut que le tireur fournisse un consentement exempt de vices, ce qui pose assez peu de difficultés. 2. La cause

335 La cause de la création du chèque devait exister et ne pas être

illicite et immorale. La disparition de cette notion ne devrait pas modifier les solutions existantes dans la mesure où le Code civil dans ses articles 1162 et 1163 utilise les termes de contrepartie et 1 . Com. 13 févr. 1996, Bull. civ. IV, no 45 ; RD bancaire et bourse 1996. 119, obs. Crédot et Gérard ; Com. 5 nov. 2002, Bull. civ. IV, no 158 ; JCP E 2003. 36, obs. Bonneau ; Com. 16 oct. 2007, RD banc. fin. mars-avr. 2008. 24, obs. Crédot et Samin ; Dr. et proc. nov.-déc. 2008. 29, obs. Piédelièvre. 2. Com. 3 déc. 2002, Bull. civ. IV, no 183, D. 2003. 1786, note Djoudi ; RTD com. 2003. 340, obs. Cabrillac ; Com. 10 déc. 2003, Bull. civ. IV, no 200 ; Gaz. Pal. 23-25 mai 2004, p. 12, obs. Piédelièvre ; également Com. 15 févr. 2011, no 10-15.268 dans une hypothèse où l’absence de consultation de ses relevés de compte par une épouse pendant plusieurs mois a facilité les agissements frauduleux de son mari. 3. Com. 23 juin 2004, D. 2004. 2373. 4. Com. 11 févr. 2003, JCP E 2003. 806, note Gauberti qui relève en outre que la mention de la somme n’avait pas été portée en lettres. 5. Com. 4 mars 2008, RD banc. fin. juill.-août 2008. 45, obs. Crédot et Samin ; Dr. et proc. nov.-déc. 2008. 29, obs. Piédelièvre.

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Le chèque

de but. L’existence de la cause a suscité des interrogations pour certains chèques dits « de garantie » 1, encore appelés en pratique, de manière impropre chèques de cautions. Si ce chèque est provisionné, sa validité ne fait aucun doute. On considérait classiquement qu’il était nul, faute de cause, en cas d’absence ou d’insuffisance de provision. Cependant, la jurisprudence indique désormais qu’« un chèque ne serait pas nul par le fait que son bénéficiaire serait informé de l’absence ou de l’insuffisance de la provision lors de l’émission » 2. L’illicéité de la cause était fréquemment invoquée pour les chèques de casino. La jurisprudence, compte tenu du caractère licite des activités de casino, ne considérait pas la cause comme illicite 3. Elle le devenait en cas de prêts consentis par le casino pour permettre à un client de continuer à jouer 4. Compte tenu de la réforme des contrats, désormais on parlera de convention contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. En cas d’absence ou d’illicéité de la cause, le chèque était nul, du moins dans les rapports entre le tireur et le bénéficiaire, car il est nécessaire de tenir également compte de la règle de l’inopposabilité des exceptions. La nullité sera inopposable aux tiers de bonne foi. 3. La capacité

336 Normalement, le mineur non émancipé ne peut pas accomplir

d’actes juridiques, donc il lui est impossible d’émettre des chèques. Cependant, ce principe doit être nuancé. Plus le mineur approche de l’âge de la majorité, plus on considère qu’il a la faculté d’effectuer certains actes de la vie courante. Certaines banques délivrent à ces mineurs des chéquiers (et/ou des cartes de crédit) leur permettant de régler des dépenses de la vie courante. Parfois, elles demandent au représentant légal du mineur de conférer au mineur un mandat exprès. Ainsi le mineur est-il juridiquement le représentant du titulaire du compte, ce qui est parfaitement licite 5. 1 . V. Bouteron, « Le chèque dit de garantie », Gaz. Pal. 1955. 1. doctr. 15. 2. Com. 12 janv. 1993, Bull. civ. IV, no 3 ; v. sur la possibilité d’exercer une action en répétition de l’indu en cas d’utilisation abusive de ce chèque par le bénéficiaire, Com. 22 juin 1993, D. 1993. IR 161. 3. Ch. mixte, 14 mars 1980, RTD com. 1980. 577, obs. Cabrillac. 4. Civ. 1re, 30 juin 1998, Bull. civ. I, no 229. 5. Huet, « Détournement (bancaire) de mineurs ? », D. 1987. 215.

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En revanche, le mineur émancipé, capable de la plupart des actes de la vie civile, a la possibilité d’émettre des chèques. Sa capacité est pourtant partiellement limitée. En application de l’article L. 121-2 du Code de commerce, il ne peut pas être commerçant. Il lui est impossible de tirer des chèques pour l’exercice de cette activité. 337 Pour les majeurs, il est nécessaire de distinguer selon le régime de protection. Le majeur en tutelle est dans l’impossibilité d’émettre des chèques. Cependant, le juge a la possibilité de lui restituer une capacité partielle, et donc de lui permettre de tirer des chèques. Le majeur sous curatelle peut valablement tirer des chèques. Mais comme seuls les actes d’administration lui sont permis, l’émission de chèques ne doit pas lui permettre de faire emploi de capitaux, donc des actes de disposition. En tout état de cause, il est possible pour le juge d’accroître soit de diminuer sa capacité. Il pourrait donc lui interdire toute utilisation de chèques. Le majeur sous sauvegarde de justice a une pleine capacité pour émettre des chèques. Ces actes, donc ses chèques, sont cependant rescindables pour lésion ou réductibles en cas d’excès. Un chèque émis par un majeur non protégé, mais agissant sous l’empire d’un trouble mental, pourrait être annulé en application de l’article 414-1 du Code civil, ou plus exceptionnellement sur le fondement de l’article 901 de ce même code, si le titre a servi à effectuer une donation. Le chèque émis par une personne incapable est nul. Le souci de protection des incapables conduit, comme en matière de lettre de change, à admettre que la nullité est opposable même à un porteur de bonne foi 1. Mais en application du principe de l’indépendance des signatures, l’article L. 131-11 du Code monétaire et financier indique que la nullité de la signature de l’incapable ne s’étend pas aux autres signatures apposées sur le titre. Les autres signataires demeurent tenus. Il est impossible, en revanche, d’assimiler une personne faisant l’objet d’une interdiction bancaire, pour quelque raison que ce

1 . Paris, 10 oct. 1912, Gaz. Pal. 1912. 2. 411.

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soit, à un incapable. En effet, l’article L. 131-35, alinéa 1er, du Code monétaire et financier prévoit que le chèque émis par une personne pourtant frappée par une mesure d’interdiction est valable et qu’il doit en conséquence être payé par le tiré. 4. Les pouvoirs

Les règles de pouvoirs suscitent plusieurs interrogations suivant que le compte a un titulaire unique ou une pluralité de titulaires. 338 Les pouvoirs en cas de compte à titulaire unique. Les questions de pouvoirs sont liées au droit des régimes matrimoniaux, au droit de la sauvegarde, du redressement et de la liquidation judiciaire et au mécanisme de la représentation. Pour les époux mariés, ces questions sont réglées par le régime primaire impératif ; le régime matrimonial adopté importe peu. Selon l’article 221 du Code civil, chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titre en son nom propre. Son alinéa 2 prévoit qu’à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres. Chaque époux peut librement émettre des chèques sur son compte. La jurisprudence interprète extensivement cette disposition. Elle a admis qu’un chèque, émis à l’ordre des deux époux et endossé par eux, puisse être remis à l’encaissement par l’un d’entre eux pour faire verser les fonds sur un compte personnel. Selon la Cour de cassation, cet époux avait le pouvoir suffisant d’encaisser seul le montant du chèque sur son compte 1. L’article 222 du Code civil protège le bénéficiaire du chèque, puisqu’à son égard le tireur avait le pouvoir de faire seul cet acte. L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire n’emporte pas automatiquement clôture du compte 2. Le pouvoir d’émettre des chèques par le tireur est partiellement modifié par cette procédure. En cas de liquidation judiciaire, l’article L. 622-9 du Code de commerce prévoit le dessaisissement du débiteur des pouvoirs d’administration et de disposition de ses biens. Il lui est donc désormais impossible 1 . Com. 21 nov. 2000, RTD com. 2001. 199, obs. Cabrillac. 2. Sur cette question, Devèze et Pétel, no 34.

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d’émettre un chèque. En cas de redressement judiciaire, aucune réponse de principe ne peut être donnée. Tout dépend de la mission conférée à l’administrateur. L’article L. 621-22 lui confère une mission de surveillance, et en ce cas le débiteur continue à tirer des chèques, soit une mission d’assistance, et en cas le débiteur devra pour émettre des chèques obtenir la signature de l’administrateur qui sera apposée au côté de la sienne, ou bien une mission d’administration de l’entreprise, et en ce cas le débiteur sera dessaisi et il ne pourra plus émettre de chèques. 339 Le chèque est fréquemment émis par un mandataire, agissant pour le nom et le compte du tireur. Tel est toujours le cas pour les personnes morales où les chèques sont tirés par les représentants légaux 1. Ce mandat est révocable. Conformément à l’article 2005 du Code civil, cette révocation produira effet uniquement à compter de sa notification au tiré. L’article L. 131-12 du Code monétaire et financier prévoit que le mandataire sans pouvoir ou le mandataire ayant dépassé ses pouvoirs est personnellement engagé, alors que le mandant, pourtant titulaire du compte, ne l’est pas. Si le banquier paie le chèque, alors qu’il avait connaissance de la révocation ou du dépassement de pouvoirs, son paiement ne serait pas libératoire. Il pourrait cependant éventuellement exercer une action sur le fondement de l’enrichissement sans cause contre le mandant 2 ou une action en répétition de l’indu contre le prétendu bénéficiaire payé par erreur 3. Ces actions sont cependant plus théoriques que réellement pratiques 4. Il est également possible, bien que l’hypothèse soit assez rare pratiquement, de prévoir un tirage pour compte. Comme pour la lettre de change, on se trouve en présence d’une forme de commission. Le tireur pour compte se présente vis-à-vis des tiers comme le créateur du chèque, alors que le donneur d’ordre demeure dans l’ombre. 1 . V. pour les hypothèses des personnes morales en cours de formation, cf. de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 513. 2. Com. 13 janv. 1978, Bull. civ. IV, no 28 ; RTD com. 1978. 278, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 3. Aix, 2 oct. 1975, JCP 1977. II. 18752, note Tardieu-Naudet. 4. « Le tiré savait le mandataire révoqué et on pourra lui rétorquer sa propre responsabilité qui viendra pour le moins réduire les sommes qu’il pourra réclamer », Putman, no 202 ; v. aussi Civ. 1re, 18 juill. 1979, JCP 1980. II. 19238, concl. Gulphe.

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340 Les pouvoirs en cas de compte à pluralité de titulaires. Les pouvoirs

en cas de compte à pluralité de titulaires diffèrent suivant que l’on se trouve en présence d’un compte indivis ou d’un compte joint. Le compte indivis, assez peu fréquent en pratique, est soumis au droit commun de l’indivision. Son fonctionnement, et donc l’émission d’un chèque, nécessite souvent l’accord de tous les indivisaires. Ces derniers ont toujours la possibilité de donner un mandat à l’un d’entre eux. Le compte joint est beaucoup plus fréquent, surtout dans les rapports entre époux. Chaque cotitulaire a la possibilité de faire fonctionner seul le compte, donc de tirer des chèques. On trouve ici une des applications les plus importantes de la solidarité active, prévue par l’article 1311 du Code civil. Le banquier tiré stipule généralement une solidarité passive à son profit qui lui permet, en cas de solde négatif du compte, de recourir pour le montant de ce solde contre n’importe lequel des cotitulaires 1.

B. Le tiré 341

Selon l’article L. 131-4 du Code monétaire et financier, « le chèque ne peut être tiré que sur un établissement de crédit, un prestataire de services d’investissement, autre qu’une société de gestion de portefeuilles, le Trésor public, la Caisse des dépôts et consignations, la Banque de France, ayant au moment de la création du titre, des fonds à la disposition du tireur et conformément à une convention expresse ou tacite d’après laquelle le tireur a le droit de disposer de ces fonds par chèque ». Un chèque tiré sur une personne n’entrant pas dans l’énumération légale serait nul. Son tireur, en vertu de l’article L. 131-69 du Code monétaire et financier, s’expose à une amende fiscale de 6 % du montant du chèque, sans qu’elle puisse être inférieure à 0,75 euro. Les établissements de paiement ne peuvent avoir la qualité de tiré. L’article L. 131-7 du Code monétaire et financier interdit que le chèque soit tiré sur le tireur lui-même. Par exception, cette

1 . Le cotitulaire du compte n’est pas personnellement tenu envers le bénéficiaire par le chèque émis par l’autre titulaire, Com. 8 mars 1988, Bull. civ. IV, no 102, Banque 1988. 821, obs. Rives-Lange ; RTD civ. 1989. 77, obs. Mestre.

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possibilité est admise dans le cas où il s’agit d’un chèque tiré entre différents établissements d’un même tireur et à condition que ce chèque ne soit pas au porteur. On parle alors de chèque de banque. Ces chèques offrent aux bénéficiaires une grande sécurité.

C. Le bénéficiaire

342 Quel que soit son mode de désignation, on exige seulement du

bénéficiaire qu’il ait la capacité de recevoir un paiement. Le mineur non émancipé ou le majeur en tutelle ne peuvent pas être désignés comme bénéficiaires d’un chèque. Le chèque devra être payé à leurs représentants. En revanche le mineur émancipé ou le majeur en curatelle peuvent l’être. Pour les époux mariés, chaque conjoint a la possibilité d’être bénéficiaire d’un chèque. Pour les époux mariés sous le régime légal, l’article 1424 du Code civil prévoit qu’ils ne peuvent, l’un sans l’autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations. Si malgré tout, en paiement de l’une de ces opérations, un seul des époux était désigné comme bénéficiaire d’un chèque, ce chèque sera considéré comme valable.

§ 2. La provision

343 La provision n’est pas définie par le Code monétaire et financier.

Elle s’analyse comme la créance que possède le tireur contre le tiré. Elle n’est pas une condition de validité du chèque 1 ; elle apparaît cependant comme « une garantie inhérente au chèque » 2. Pour cela, elle est fondamentale, puisque le porteur du titre n’en obtiendra pas le paiement, si elle est inexistante ou insuffisante.

1 . Le Cannu, Granier et Routier, no 96 ; Devèze et Pétel, no 39 ; Gavalda et Stoufflet, no 195 ; Bonhomme, no 303 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 530. 2. Putman, no 225.

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Le chèque

Il est nécessaire de commencer par envisager les caractères de cette provision (A), avant de voir les sanctions en cas de chèque sans provision (B).

A. Les caractères de la provision

344 L’article L. 131-4, alinéa 1er, du Code monétaire et financier pré-

cise qu’il y a provision si le tiré a « au moment de la création du titre, des fonds à la disposition du tireur ». Ce dernier doit avoir conclu avec le tiré « une convention expresse ou tacite d’après laquelle le tireur a le droit de disposer de ces fonds par chèque ». La provision doit avoir un caractère préalable pour le chèque ; la Convention de Genève avait laissé à chaque État la liberté de choisir le moment où la provision doit exister. Elle est exigée lors de l’émission du chèque. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle indiqué qu’en cas d’envoi de chèque par la voie postale, l’émission du chèque se réalise par son envoi 1. La provision doit être constituée à ce moment. En revanche, elle doit seulement exister au jour de l’échéance pour la lettre de change. Juridiquement cette différence tient à ce que le chèque est essentiellement un instrument de paiement et que la traite est principalement un instrument de crédit. Mais comme on l’a fait remarquer, « il s’agit là d’une exigence purement théorique, car si la provision est constituée au jour de la présentation du chèque au paiement, son éventuelle absence antérieure ne sera pas sanctionnée : seul le refus de paiement par le tiré conduit, en effet, à mettre en œuvre les règles sanctionnant l’émission de chèque sans provision » 2. La provision doit être suffisante et disponible. Elle doit être maintenue jusqu’à l’encaissement du chèque, ou jusqu’à l’expiration du délai de prescription ; elle a donc un caractère irrévocable. En conséquence, il est en principe interdit au tireur de bloquer ou de retirer le montant de la provision après l’émission du chèque. Il existe pourtant « une disponibilité de fait » 3, lorsqu’un second 1 . Com. 18 déc. 1990, Bull. civ. IV, no 326. 2. Devèze et Pétel, no 46. 3. Pour reprendre la formule de Jestaz, « Le tireur conserve-t-il la disponibilité de la provision après l’émission d’une lettre de chèque ou d’un chèque ? », RTD. com. 1966. 881, no 19.

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chèque a été tiré, alors qu’un premier, pas encore présenté au paiement, a épuisé la provision. Le porteur du second chèque sera payé, s’il présente en premier son titre 1. 345 Dérogeant au principe de la charge de la preuve posé par l’article 1353 du Code civil, l’article L. 131-4, alinéa 3, du Code monétaire et financier fait peser sur le tireur la charge de la preuve de la provision 2. Cette preuve pourra être effectuée par tous moyens, puisque le tiré est un commerçant. Cependant pour les chèques tirés sur le Trésor public ou sur la caisse des dépôts et consignations, les modes de preuve sont ceux du droit civil 3. 346 Certaines difficultés sont apparues, lorsque le tireur a ouvert plusieurs comptes chez un même tiré. Faut-il tenir compte de la position globale de l’ensemble des comptes et considérer qu’il y a absence de provision uniquement si le solde global est négatif, ou doit-on regarder uniquement la position du compte sur lequel le chèque a été tiré ? La jurisprudence a justement posé le principe d’indépendance des différents comptes 4. L’existence et le caractère suffisant de la provision s’apprécient uniquement par rapport au compte sur lequel le chèque a été tiré. Cependant, par exception, on se référera au solde global, lorsqu’il aura été stipulé entre le tireur et le tiré une convention dite « d’unité de compte » 5. 347 La provision résulte de fonds déposés chez le banquier tiré par la remise de monnaie fiduciaire, par un virement ou par la remise d’un effet de commerce. Toutefois dans cette dernière hypothèse, la remise n’est pas toujours suffisante. Si les effets de commerce sont remis à titre d’escompte, cette remise vaut provision. En revanche, si les effets de commerce sont remis à titre d’encaissement, cette remise ne vaut pas provision. Cette dernière sera constituée au jour de leur paiement effectif. La jurisprudence a ainsi décidé que le montant d’un chèque en instance d’encaissement ne peut constituer une provision disponible 6. Cette solution 1 . V. Jestaz, « Le tireur conserve-t-il la disponibilité de la provision après l’émission d’une lettre de change ou d’un chèque ? », préc. 2. Crim. 19 déc. 1957, Banque 1958. 178, obs. Marin ; Com. 4 déc. 1979, JCP E 1980. II. 8456. 3. V. Le Cannu, Granier et Routier, no 104. 4. Com. 14 avr. 1975, Bull. civ. IV, no 98 ; RTD com. 1975. 881, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 5. Aix, 6 oct. 1982, D. 1983. 231, note Delebecque. 6. Com. 4 mars 1986, Bull. civ. IV, no 37 ; Gaz. Pal. 1986. 2. Pan. 505, obs. A. Piédelièvre ; D. 1987. 25, note Cabrillac.

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reçoit exception, si le banquier consent, ce qui est fréquent en pratique, une avance à son client. La jurisprudence décide que cette avance vaut provision 1. Elle se montre assez large en ce domaine, puisqu’elle considère qu’« en l’absence de provision préalable suffisante, un banquier en débitant le compte de son client du montant d’un chèque émis par lui et présentant les apparences de la régularité, lui consent une facilité de caisse sur sa demande implicite » 2. La provision résulte aussi parfois d’une ouverture de crédit 3. Aucune difficulté ne se pose en cas d’ouverture de crédit expresse. La provision est alors constituée, du moins tant que le tireur reste dans la limite du crédit octroyé par le tiré 4. Si l’ouverture de crédit est à durée déterminée, elle ne pourra pas être révoquée avant la survenance du terme. Pour les ouvertures de crédit à durée indéterminée, il est nécessaire de distinguer celles consenties à des particuliers et celle consenties à des entreprises. Les premières sont soumises au droit commun des contrats. Par conséquent, elles sont révocables à tout moment, à condition de ne pas être abusives. Les secondes sont régies par l’article L. 313-12 alinéa 1er, du Code monétaire et financier qui impose la fixation d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours et une notification écrite. La difficulté essentielle a longtemps concerné la durée du préavis. Le décret du 30 décembre 2005 a inséré dans le Code monétaire et financier un article D. 313-14-1 disposant que « le délai de préavis minimal mentionné à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 313-12 est de soixante jours pour toutes les catégories de crédits » 5. L’article L. 313-12, alinéa 2, sanctionne le non-respect de ce délai par la nullité de la rupture du concours. Cette sanction paraît peu opportune et en grande partie illusoire. L’idée du législateur était pourtant simple. Puisque la 1 . Paris, 19 mars 1979, RTD com. 1979. 779, obs. Cabrillac et Rives-Lange ; Paris, 2 juin 1980, RTD com. 1981. 109, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 2. Com. 30 mars 2010, D. 2010. 1013, obs. Delpech, et 1527, note Lasserre Capdeville ; RD banc. fin. juill.-août 2010. 123, obs. Crédot et Samin. 3. Sur cette notion Piédelièvre et Putman, no 497 s. 4. Sur les difficultés suscitées par le solde d’un compte courant, Putman, no 230 ; v. également Com. 10 mai 1989, RTD com. 1989. 695, obs. Cabrillac et Teyssié. 5. Piédelièvre, « Le préavis en cas de rupture de crédit à durée indéterminée », D. 2006. 434.

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rupture est irrégulière, on doit la considérer comme non avenue. Tout se passe alors comme si la promesse de crédit n’avait pas été révoquée. Le banquier, pour cesser son concours, sera tenu de procéder à une nouvelle rupture qui cette fois devra respecter le délai de soixante jours. Les effets de la révocation sont identiques dans ces deux hypothèses. Les chèques émis antérieurement à la notification de la révocation devront être payés, même en cas de présentation postérieure 1. Pendant la durée du préavis, l’ouverture de crédit continue à s’exécuter. Il est par conséquent possible pour un tiré de refuser le paiement d’un chèque si le montant du découvert est dépassé 2. 348 Les facilités de caisse ont suscité de nombreuses difficultés. Le tiré

consent ici une simple tolérance. La frontière entre la facilité de caisse et l’ouverture de crédit tacite est délicate à mettre en œuvre pratiquement. Elle est pourtant très importante pratiquement, puisque le banquier tiré peut, à tout moment et sans condition, mettre fin à une facilité de caisse 3 ; il n’est jamais tenu de la renouveler. En revanche, pour une ouverture de crédit tacite, il doit respecter le plafond qu’il a accordé. Le chèque est valablement émis. En tout état de cause, pour révoquer son engagement, il devra respecter un préavis ou agir de manière non abusive. Pendant plusieurs années, la chambre criminelle et la chambre commerciale de la Cour de cassation ont eu des critères de distinction différents. La chambre criminelle avait commencé par indiquer « que sans doute la provision peut résulter d’un prêt ou d’une ouverture de crédit consentie par le tiré, sous sa responsabilité, au tireur, mais qu’il ne peut en être ainsi que si cet engagement du tiré est formel et préalable et a pour effet de constituer dans les comptes de la banque, au profit du tireur, un avoir dûment constaté » 4. De son côté, la chambre commerciale avait une conception plus souple de l’ouverture de crédit, puisqu’elle n’exi-

1. 2. 3. 4.

Com. 21 juill. 1981, Bull. civ. IV, no 327. Com. 31 oct. 2006, Bull. civ. IV, no 213 ; Banque et droit févr. 2007. 27, obs. Bonneau. Com. 13 janv. 1982, Gaz. Pal. 1982. 1. Pan. 178, obs. A. Piédelièvre. Crim. 19 déc. 1957, RTD com. 1958. 356, obs. Becqué et Cabrillac.

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geait pas que cette dernière se matérialise par une inscription au crédit du compte du tireur 1. Peu à peu, la chambre criminelle a adopté la position de la chambre commerciale 2. Aujourd’hui, on considère qu’une tolérance exceptionnelle ne s’analyse jamais en une ouverture de crédit 3. Cette dernière suppose une répétition, même si elle peut être tacite 4.

B. Les sanctions en cas de chèque sans provision 349 L’un des inconvénients essentiel de l’utilisation du chèque comme

instrument de paiement tient au grand nombre d’incidents de paiement résultant d’une absence de provision. Normalement, un tiré n’est jamais tenu de payer un chèque sans provision. L’article L. 131-73 du Code monétaire et financier prévoit que « les banques peuvent, après avoir informé par tout moyen approprié le titulaire des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante ». Pour tenter d’endiguer le développement de ce phénomène 5, le législateur est intervenu à plusieurs reprises. La création par la loi du 2 août 1917 d’un délit d’émission de chèque sans provision n’a eu aucun effet dissuasif. Les lois du 2 janvier 1972 et du 3 janvier 1975 ont partiellement dépénalisé l’émission de chèques sans provision. Ce phénomène a été amplifié par la loi du 30 décembre 1991, complété par un décret du 22 mai 1992. Ces deux textes sont intégrés dans le Code monétaire et financier Il n’existe plus aujourd’hui de « délit spécifique d’émission de chèque sans provision » 6. Le caractère essentiel de cette dernière réforme tient à l’accentuation du rôle dévolu aux banquiers tirés. « L’intention du législateur a manifestement été non seulement de dépénaliser, mais 1 . Com. 12 nov. 1974, Bull. civ. IV, no 282 ; RTD com. 1975. 334, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 2. Crim. 9 juill. 1978, D. 1978. 705, rapp. Robert ; RTD com. 1979. 131, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 3. Par ex., Com. 30 juin 1992, Bull. civ. IV, no 251. 4. Par ex., Com. 4 mars 1986, préc. ; Com. 29 juin 1993, Bull. civ. IV, no 269. 5. Les chèques faisant l’objet d’une déclaration à la Banque de France représentent entre 0,13 et 0,15 % du nombre de chèques émis . 6. Véron, Droit pénal des affaires, 4e éd., p. 238.

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aussi de « déjudiciariser » le chèque sans provision » 1. D’une certaine façon, ils ont été investis d’une « parcelle du pouvoir judiciaire » 2. Ce rôle est à la fois préventif et répressif. Les banquiers sont tenus d’effectuer certaines vérifications lors de la remise de chéquiers. Ils doivent interroger la Banque de France chargée de centraliser les incidents de paiement pour savoir si son nouveau client est ou non frappé d’une interdiction d’émettre des chèques. Surtout, l’article L. 131-72 du Code monétaire et financier leur interdit de délivrer des formules de chèques au titulaire du compte ou à son mandataire à compter d’un incident de paiement, non régularisé, relevé au nom du titulaire du compte pour défaut de provision suffisante. Les banquiers ont également un rôle préventif dans la mesure où ils ont l’obligation d’informer le tireur de l’absence de provision avant de procéder au rejet du titre. Pour la jurisprudence, cette information devait être préalable au rejet du chèque, sans pouvoir être adressée de manière générale et anticipée 3. Elle doit être transmise pour chaque chèque sans provision 4. En application des principes généraux de la preuve en matière d’obligation d’information, il appartient au banquier de démontrer avoir exécuté son obligation. La Cour de cassation se montre assez réaliste en la matière en décidant qu’il doit seulement prouver qu’il a adressé cette information au tireur avant le rejet du chèque émis sans provision, sans avoir à démontrer que ce dernier l’a reçu 5. La jurisprudence a précisé la sanction en cas d’absence de respect de cette obligation par le banquier tiré. Selon elle, « le préjudice résultant du défaut de délivrance de l’information prévue par l’article L. 131-73, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d’approvisionner 1 . Putman, no 233. 2. Pour reprendre la formule de Cabrillac, « Servitude et grandeur bancaires ou le nouveau droit des émissions de chèque sans provision », D. 1975. 51, no 7. 3. Com. 14 mars 2006, RD bancaire et fin. 2006 comm. 89, obs. Crédot et T. Samin ; Banque et Droit juill.-août 2006. 5, obs. Th. Bonneau. 4. Com. 30 sept. 2008, RJDA 2008, no 1303. 5. Com. 19 nov. 2013, Gaz. Pal., 16-18 mars 2014 12, obs. Houin-Bressand ; également Com. 7 févr. 2012, Banque et droit mai-juin 2012. 19, obs. Bonneau.

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celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque » 1. L’idée sous-jacente au raisonnement de la Haute juridiction est que si le tireur avait été convenablement informé, il aurait pu effectuer une régularisation. On envisagera désormais uniquement le rôle du banquier tiré, lorsqu’un chèque sans provision aura été tiré (1). Puis, on s’attachera à la situation d’un tireur ayant émis un tel chèque (2). 1. Le rôle du banquier tiré

Les fonctions qui ont été octroyées au banquier tiré ont pour corollaire sa responsabilité. 350 Les fonctions du banquier. En cas d’émission d’un chèque sans provision, le banquier doit envoyer une lettre d’injonction et déclarer l’incident de paiement auprès de la Banque de France. Cette lettre doit comporter certaines mentions obligatoires énumérées par l’article 1er d’un arrêté du 20 avril 2011 2. Selon l’article L. 131-73, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, le banquier tiré qui a refusé le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en informe dans le même temps les

1 . Com. 14 juin 2016, RD bancaire nov. 2016. 40, obs. Crédot et Gérard ; Dr. et proc. avr. 2017. 9, obs. Piédelièvre. 2. Il doit comporter : « 1° Le numéro du compte ainsi que les éléments permettant l’identification précise du tiré ; 2° L’indication, le cas échéant, que le titulaire du compte est cotitulaire du compte pour lequel il n’a été désigné aucun responsable en cas d’incident de paiement ou qu’il a été désigné responsable en cas d’incident de paiement en application de l’article L. 131-80 du même code ; 3° La date à laquelle le paiement en tout ou partie du chèque a été refusée ; 4° Un rappel des principales dispositions législatives et réglementaires applicables, en particulier les sanctions encourues en cas de violation de l’interdiction d’émettre des chèques prévues à l’article L. 163-2 du même code ; 5° L’information selon laquelle le titulaire du compte sera inscrit au fichier central des chèques et les références de l’ensemble de ses comptes bancaires tirés de chèques, sous réserve, le cas échéant, des dispositions relatives aux comptes collectifs et celles relatives aux comptes ouverts par les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée seront portées au fichier national des chèques irréguliers ; 6° Le fait que le titulaire du compte dispose d’un droit d’accès et de rectification des données le concernant enregistrées dans ces fichiers et les modalités d’exercice de ce droit ».

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mandataires de son client. Lorsqu’un incident de paiement survient sur le même compte après un précédent incident non régularisé, une nouvelle injonction est adressée au moyen d’une lettre simple. Il est précisé au titulaire que l’interdiction en cours continuera de s’exécuter jusqu’à régularisation de tous les chèques impayés. La lettre d’injonction précise les moyens par lesquels la faculté de régularisation peut être exercée. Le titulaire du compte recouvre la possibilité d’émettre des chèques lorsqu’il justifie avoir, à la suite de cette injonction adressée après un incident de paiement, réglé le montant du chèque impayé ou constitué une provision suffisante et disponible destinée à son règlement par les soins du tiré. Lorsque tel est le cas, un document attestant de cette régularisation est remis ou adressé par le tiré au titulaire. L’adoption de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée a en partie infléchi les solutions classiques. Un article L. 131-86-1 du Code monétaire et financier a été créé pour tenir compte de la pluralité de patrimoine. Jusqu’alors l’interdiction d’émettre des chèques et de se voir délivrer des formules de chèque valait pour l’ensemble des comptes bancaires détenus par une même personne physique. Désormais, le débiteur aura la possibilité d’émettre des chèques au titre de son activité professionnelle si l’incident de paiement ayant entraîné une interdiction d’émettre a pour origine un chèque émis sur l’un de ses comptes à usage non professionnel et inversement, il pourra émettre des chèques au titre de son activité domestique si l’interdiction a pour origine un chèque émis sur un compte professionnel. 351

L’article L. 131-73 impose au banquier d’informer préalablement au refus de paiement d’informer le tireur sur les conséquences du défaut de provision. En quelque sorte, on offre une dernière chance au tireur pour qu’il régularise la situation avant que la procédure d’interdiction soit mise en garde. Par cette mesure, le législateur entend réduire le nombre des interdits bancaires. L’information doit être pertinente, en ce sens qu’elle ne doit pas être une simple indication des conséquences encourues du fait de l’émission d’un chèque sans provision. Elle doit notamment

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mentionner le chèque rejeté 1. En cas de pluralité de chèques impayés, l’avertissement doit mentionner chacun des chèques 2. Mais le banquier tiré n’a pas à conseiller le tireur. La loi sur le droit au logement a ajouté un alinéa à l’article L. 131-73 prévoyant que les frais perçus par le tiré en cas de chèque sans provision sont limités par décret. Selon l’article D. 131-25 du Code monétaire et financier, les frais bancaires perçus par le tiré à l’occasion du rejet d’un chèque, pour défaut ou insuffisance de provision, comprennent l’ensemble des sommes facturées par le tiré au titulaire du compte, quelles que soient la dénomination et la justification de ces sommes. Les frais bancaires perçus par le tiré à l’occasion du rejet d’un chèque ne peuvent excéder un montant de 30 euros pour les chèques d’un montant inférieur ou égal à 50 euros et un montant de 50 euros pour les chèques d’un montant supérieur à 50 euros. Cependant, ces plafonds ne tiennent pas compte de la pratique des commissions d’intervention, généralement facturées par les établissements bancaires en plus des frais d’incidents. Ces commissions d’intervention, débitées à chaque émission de créance depuis un compte non provisionné, rémunèrent l’analyse par la banque de la situation individuelle du tireur en cas de demande de paiement en l’absence de provision suffisante. Ces commissions n’étaient pas réglementées. L’article L. 312-1-3 du Code monétaire et financier dispose que « les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire sont plafonnées, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Parmi ces personnes, celles qui souscrivent l’offre mentionnée au deuxième alinéa du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en appli-

1 . Com. 31 mai 2005, Bull. civ. IV, no 119 ; RTD com. 2005. 814, obs. Cabrillac ; Com. 16 juin 2009, Dr. et proc. 2010. suppl. no 4, p. 12, obs. Piédelièvre également, Com. 14 mars 2006, RTD com. 2006. 455, obs. Legeais ; Banque et droit juill.-août 2006. 59, obs. Bonneau qui a précisé que cette obligation d’information était due même si le client avait émis sciemment un chèque sans provision. 2. Com. 30 sept. 2008, Banque et droit déc. 2008. 19, obs. Bonneau ; Com. 18 janv. 2011, Dr. et proc. 2011. suppl. no 10, p. 21, obs. Piédelièvre.

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cation de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des plafonds spécifiques ». Pour le législateur, les difficultés d’un consommateur ne doivent pas être une source de revenus pour un établissement de crédit. La mesure d’interdiction se limite aux chèques dits « de paiement ». Cette solution se justifie par le fait que la plupart des salaires et des traitements sont versés par virement. Les intéressés doivent pouvoir en disposer 1. Les articles R. 131-15 et suivants du Code monétaire et financier précisent les modalités de cette régularisation. Le législateur n’a pas fixé de délai pour l’envoi de cette lettre d’injonction. Pour la jurisprudence, l’envoi doit être immédiat 2. Des règles particulières existent pour les comptes collectifs. Il est alors nécessaire qu’un « bouc émissaire » 3 soit nommé. L’article L. 131-80 du Code monétaire et financier prévoit que, lorsque l’incident de paiement est le fait de l’un quelconque des titulaires d’un tel compte, ce « bouc émissaire » sera frappé d’une interdiction d’émettre des chèques aussi bien sur ce compte que sur les autres comptes dont il pourrait être titulaire. Pour les autres titulaires, l’interdiction se limitera au seul compte collectif. Si aucun titulaire n’a été désigné, l’interdiction s’appliquera à tous les titulaires du compte tant pour le compte collectif que pour les comptes qu’ils détiennent individuellement. 352 La loi du 30 décembre 1991 avait prévu, à défaut de régularisation, une interdiction d’émettre des chèques pour le tireur pendant une durée de dix ans qui court à compter de l’envoi de la lettre d’injonction. La loi du 15 mai 2001, qui a modifié l’article L. 131-78 du Code monétaire et financier, a ramené cette interdiction à cinq ans. Cette nouvelle disposition s’applique aux interdictions en cours. Cette interdiction est souvent qualifiée de déchéance 4. L’article L. 131-84 du Code monétaire et financier fait obligation au banquier tiré de déclarer l’incident de paiement auprès de 1. 2. 3. 4.

Cf. Véron, Droit pénal des affaires, p. 244. Crim. 19 mai 1980, D. 1980. 513, note Gavalda. Pour reprendre la formule de Putman, no 231. Le Cannu, Granier et Routier, no 157 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 547.

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la Banque de France. L’article R. 131-26 du Code monétaire et financier prévoit que cette déclaration doit être effectuée par le tiré dans les deux jours ouvrés suivant le refus de paiement du chèque. La Banque de France joue un rôle centralisateur 1. Une fois informée d’un incident de paiement, elle consulte le fichier des comptes bancaires (FICOBA) qui est tenu par l’administration fiscale. Elle connaîtra ainsi la liste des comptes dont le tireur est titulaire. Elle informera les autres établissements bancaires de l’interdiction bancaire du titulaire. Selon l’article R. 131-42, alinéa 3, ces établissements seront réputés avoir eu connaissance de cette information au plus tard le troisième jour suivant sa réception. Le procureur de la République peut demander communication de ces informations. 353 La responsabilité du banquier. L’accroissement du rôle des banques

dans la lutte contre les chèques sans provision a eu pour conséquence d’augmenter leur responsabilité. Cette responsabilité est de nature civile ou de nature pénale. L’article L. 131-81 du Code monétaire et financier prévoit la responsabilité civile du banquier. Cette responsabilité est originale puisque le tiré sera tenu de payer le montant du chèque, quel qu’il soit, malgré l’absence, l’insuffisance ou l’indisponibilité de la provision. En cas de résistance injustifiée, le banquier tiré s’expose à être condamné à des dommages-intérêts supplémentaires. L’article L. 131-83, alinéa 1er, de ce même code indique qu’il ne pourra plus, une fois le paiement effectué, être subrogé dans les droits du porteur, alors qu’en principe le tiré ayant payé le montant d’un chèque sans provision bénéficie de la subrogation. Cette responsabilité est encourue, si le chèque a été émis au moyen d’une formule dont il aurait dû obtenir la restitution en vertu de l’injonction prévue par l’article L. 131-73 de ce même code, sauf s’il démontre avoir mis en œuvre les diligences prévues par cet article, ou si le banquier a délivré, en connaissance de cause, des chéquiers à un tireur, malgré l’interdiction dont ce dernier était frappé.

1 . Sur ce nouveau rôle, Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 306.

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L’article L. 131-82 du Code monétaire et financier prévoit une forme spéciale de responsabilité du banquier tiré qui s’apparente à une garantie de paiement pour les chèques d’un faible montant. Selon cette disposition, le tiré doit obligatoirement payer, nonobstant l’absence ou l’insuffisance de provision, tout chèque établi sur une formule délivrée par lui d’un montant égal ou inférieur à 15 euros. En ce cas, le titulaire du compte et le tiré sont légalement réputés avoir conclu lors de la délivrance de la formule une convention portant ouverture de crédit irrévocable 1. Ces chèques ne pourront jamais être considérés comme émis sans provision, puisque d’autorité, le législateur les a réputés provisionnés. 354 Pour éviter le paiement fractionné d’une dette supérieure à 15 euros, l’article R. 163-1 du Code monétaire et financier sanctionne par une amende prévue pour les contraventions de la 5e catégorie quiconque qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, exige ou provoque la remise d’un ou de plusieurs chèques d’un montant inférieur à 15 euros. Les sanctions pénales sont prévues par l’article L. 163-10 du Code monétaire et financier qui réprime par une amende de 1 200 euros, notamment l’omission par le tiré des incidents de paiement, l’absence de respect de la procédure d’injonction de payer ou la délivrance d’un chéquier à une personne frappée d’une interdiction d’émettre des chèques. 2. La situation du tireur ayant émis un chèque sans provision 355

Le tireur ayant émis un chèque sans provision est en principe interdit d’émettre des chèques pendant cinq ans. Actuellement, deux millions de personnes sont frappées par une interdiction bancaire. Le droit des procédures collectives apporte certaines dérogations à ce principe. L’article L. 626-13 du Code de commerce dispose que lorsque le débiteur a fait l’objet d’une interdiction d’émettre des chèques conformément à l’article L. 131-73 du Code monétaire et financier, mise en œuvre à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant le jugement d’ouverture de la procédure, le tribunal peut prononcer la suspension des effets de cette mesure

1 . Les conventions contraires seraient réputées non écrites, v. Chaput et Schödermeier, no 255.

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pour une durée n’excédant pas le plan de continuation. De même, l’article L. 643-12 du Code de commerce, dû à la loi du 29 juillet 1998, indique que la clôture de la liquidation judiciaire suspend les effets de la mesure d’interdiction d’émettre des chèques dont le débiteur fait l’objet, au titre de l’article L. 131-73. La suite de cette disposition précise que si les créanciers recouvrent leur droit de poursuites individuelles, la mesure d’interdiction reprend à compter de la délivrance du titre exécutoire prévu par le dernier alinéa de l’article L. 643-12 du Code de commerce. D’autres dérogations sont prévues par le droit du surendettement des particuliers. En cas d’effacement d’une créance résultant d’un chèque impayé valant régularisation, la banque teneur du compte informe la Banque de France de la suppression de l’interdiction d’émettre des chèques notifiés précédemment au débiteur en application de l’article L. 131-73 du Code monétaire et financier. La commission de surendettement établira une attestation qu’elle adressera au débiteur. Il appartiendra ensuite à l’établissement de crédit, teneur du compte, d’aviser la Banque de France de cette régularisation au plus tard le deuxième jour ouvré suivant la remise par le débiteur de ladite attestation mentionnant que l’incident de paiement a été régularisé. Une solution particulière est prévue en cas de procédure de rétablissement personnel. L’article L. 733-17 du Code de la consommation prévoit que les dettes effacées en application d’une telle procédure valent régularisation des incidents au sens de l’article L. 131-73 du Code monétaire et financier. Il existe une nouvelle hypothèse pour l’auteur de chèques sans provision de recouvrer la faculté d’émettre des chèques. 356 L’article L. 131-79 du Code monétaire et financier prévoit que les

contestations relatives à l’interdiction d’émettre des chèques sont de la compétence de la juridiction civile 1. Cette action n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, la juridiction saisie peut, y compris en référé, ordonner la suspension d’émettre des chèques en cas de contestation sérieuse.

1 . Pour la détermination de la juridiction civile compétente, v. Putman, no 233.

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En tout état de cause, le tireur a la possibilité d’éviter une telle interdiction en régularisant la situation. Cette faculté est possible pendant toute la durée de l’interdiction 1. « Elle traduit la volonté du législateur de permettre aux émetteurs simplement négligents ou imprudents de recouvrer l’usage du chèque de paiement, aussi indispensable dans la vie personnelle que professionnelle. » 2 De manière assez surprenante, compte tenu de la rédaction de l’article L. 131-74 du Code monétaire et financier prévoyant que tout versement effectué par le tireur sur le compte duquel a été émis le titre impayé est affecté en priorité à la constitution d’une provision pour le paiement intégral de celui-ci, la jurisprudence a considéré que l’affectation d’un versement du tireur en priorité à la constitution d’une provision pour le paiement d’un chèque impayé suppose qu’il ait opté pour cette modalité de régularisation en demandant qu’à cet effet la provision soit bloquée 3. En tout état de cause, le titulaire du compte, pour recouvrer le droit d’émettre des chèques, doit, en vertu de l’article L. 131-79 du Code monétaire et financier, avoir réglé le montant du chèque impayé ou constitué une provision suffisante et disponible destinée à son règlement par les soins du tiré. L’article L. 131-73 du Code monétaire et financier prévoit que tout versement effectué par le tireur sur le compte duquel a été émis le chèque impayé est affecté en paiement à la constitution d’une provision pour le paiement intégral de celui-ci. L’article R. 131-22 indique que la somme versée pour régulariser et constitutive de la provision redevient disponible à l’expiration d’un délai d’un an si une nouvelle présentation du chèque n’a pas été effectuée ou immédiatement si le tireur justifie du règlement par la remise du chèque au tiré. Le tireur devait en outre payer une pénalité libératoire au Trésor public. L’article 36 II de la loi du 1er juillet 2010 a supprimé ce système aux motifs que cette sanction empêchait pour partie la réinsertion bancaire du tireur. 1 . Youego, « La régularisation de l’incident d’émission de chèque sans provision », RD banc. fin. sept.oct. 2005. 41. 2. Véron, Droit pénal des affaires, p. 246. 3. Com. 22 févr. 2005, Bull. civ. IV, no 30 ; JCP E 2005. 865, note Stoufflet.

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S ECTION 3

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Le chèque

Les infractions lors de l'émission du chèque 357

La loi du 30 décembre 1991, même si elle a dépénalisé une partie du droit du chèque, n’a pas supprimé toutes les infractions pouvant être commises lors de l’émission du titre. Des infractions pénales sont prévues en cas de falsifications et de contrefaçons, en cas de violation des mesures d’interdiction bancaire, en cas de blocage ou de retrait de provision et en cas d’acceptation ou d’endossement d’un chèque sans provision. La loi du 30 décembre 1991 a généralement accentué la répression. L’article L. 163-3 du Code monétaire et financier prévoit que seront punis d’un emprisonnement de sept ans et d’une amende de 750 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui auront contrefait ou falsifié un chèque, ceux qui, en connaissance de cause, auront fait usage ou tenté de faire usage d’un chèque contrefait ou ceux qui, en connaissance de cause, auront accepté de recevoir un chèque contrefait ou falsifié. Peu importe que l’on se trouve en présence d’un faux matériel ou d’un faux intellectuel. La contrefaçon ou la falsification et l’utilisation d’un chèque contrefait ou falsifié s’analysent en deux délits distincts. L’infraction consistant dans la falsification d’un chèque ne nécessite pas, pour être constituée, la démonstration d’un préjudice subi par la victime. Le délit a un caractère formel 1. Les chèques contrefaits ou falsifiés seront, en outre, confisqués et détruits.

358 L’article L. 163-2, alinéa 3, du Code monétaire et financier indique

que sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement toute personne qui, au mépris de l’injonction qui lui a été adressée, aura émis un chèque ou plusieurs chèques. Les mêmes peines s’appliquent au mandataire qui, en connaissance de cause, aura émis un chèque au mépris de l’injonction.

1 . Crim. 8 janv. 2003, D. 2003. 2037, note Djoudi.

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La création du chèque

359 L’article L. 163-2, alinéa 1er, du Code monétaire et financier punit

d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement toute personne qui, avec l’intention de porter atteinte aux droits d’autrui, aura, après l’émission d’un chèque, retiré par quelque moyen que ce soit, dont le transfert ou le virement, tout ou partie de la provision ou fait dans les mêmes conditions défense au tiré de payer 1. Des difficultés sont intervenues pour interpréter l’expression « intention de porter atteinte aux droits d’autrui ». Une véritable intention dolosive doit exister. En conséquence, la seule connaissance par le tireur de l’absence de provision 2 ou sa mauvaise foi 3 ne sont pas suffisantes pour constituer l’infraction. L’alinéa 2 de l’article L. 163-2 du Code monétaire et financier applique les mêmes peines à toute personne qui, en connaissance de cause, aura accepté ou endossé un chèque sans provision. L’infraction ne s’applique pas à ceux qui ont seulement la détention matérielle du titre 4.

S ECTION 4

Les différentes variétés de chèques 360 Les différentes variétés de chèques sont des titres proches du

chèque bancaire. Le législateur en crée d’ailleurs régulièrement de nouvelles. Tel est le cas, par exemple du chèque emploi-service. Prévu, à titre expérimental, par une loi du 20 décembre 1993, ce procédé a été confirmé par la loi du 29 janvier 2006. Il s’analyse comme un titre de paiement à finalité particulière. Il sert uniquement à payer certains services rendus par des employés de maison

1 . Cabrillac, « Variations nouvelles sur des airs anciens ou les délits de retraits et de blocage de provision après 1991 », Mélanges Larguier, p. 57. 2. Crim. 13 avr. 1983, Bull. crim. no 238 ; D. 1984. 461, note Bouloc ; RTD com. 1983. 439, obs. Cabrillac et Teyssié. 3. Crim. 17 juill. 1980, JCP 1981. II. 19589, note Gavalda. 4. Crim. 13 mars 1973, Bull. crim. no 123 ; Crim. 10 mai 1978, Bull. crim. no 146.

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au profit des particuliers. Son particularisme est démontré par le fait que le chèque-service se compose d’un chèque et d’un volet social. Ce volet social tient à ce que ce chèque fait aussi office de contrat de travail. Sur le même modèle, on a créé le chèque emploi associatif, le chèque emploi pour les très petites entreprises et le chèque emploi jeune été. En revanche, la Cour de cassation a considéré que les chèques cadeaux ne sont pas des instruments de paiement, mais des moyens de transférer des créances sur des débiteurs prédéterminés 1. On pourrait également citer le chèque restaurant, le chèque vacances, le chèque transport et le chèque d’accompagnement personnalisé. Ces différents titres ne présentent pas d’unité. Certains comme le chèque certifié (§ 1) dérogent seulement à certaines règles classiques du chèque ordinaire. D’autres ou le chèque de voyage (§ 2) bénéficient d’un statut particulier. Pendant longtemps, le chèque postal a bénéficié d’un statut spécifique. Depuis la loi du 20 mai 2005, il est devenu le « chèque bancaire et postal » ; il est désormais soumis aux règles du droit commun du chèque, prévu par les articles L. 131-1 et suivants du Code monétaire et financier.

§ 1. Le chèque certifié 361

La certification de chèque a été introduite dans le droit français du chèque par une loi du 28 février 1941. Sa réglementation est actuellement due à l’article L. 131-14 du Code monétaire et financier et à l’article R. 131-2. D’une certaine façon, elle remédie à l’interdiction faite au tiré d’accepter un chèque. En cas de certification, la provision d’un chèque est bloquée, sous la responsabilité du tiré, au profit du bénéficiaire, jusqu’au terme du délai de présentation, soit pendant un délai de huit jours. Elle accorde, pour un délai relativement bref, une garantie de paiement. Une fois, le délai de huit jours expiré, la provision redevient disponible. Pour cette raison, un banquier ne peut être tenu pour responsable d’un défaut de provision en cas de présentation à l’encaissement

1 . Com. 6 juin 2001, D. 2001. 2124, note Delpech ; adde Stoufflet, « La notion de moyen de paiement dans la loi bancaire », RD banc. fin. 2000. 111.

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La création du chèque

tardive, malgré l’absence de provisions au moment de la certification 1. Elle a certes commis une faute, mais il n’existe pas de lien de causalité entre la faute et le préjudice subi par le porteur. La question est discutée de savoir si, en cas de certification, les chèques tirés antérieurement doivent être payés, malgré le blocage de la provision, en cas bien entendu de provision insuffisante pour tous les honorer. La majorité de la doctrine considère que le tiré n’a pas la faculté d’utiliser la provision bloquée pour payer d’autres chèques, même si, selon elle, le transfert de la propriété de la provision a été opéré 2. 362 La faculté de demander la certification appartient au tireur et au porteur 3. À partir du moment où il existe une provision suffisante, le tiré ne peut pas s’y opposer. Il a cependant la possibilité de remplacer le chèque certifié par un chèque de banque. En pratique, les banques et les créanciers préfèrent recourir à cette dernière technique 4. Le créancier porteur a la faculté de refuser un chèque ordinaire, dès lors qu’il avait demandé un paiement par un chèque certifié ou par un chèque de banque 5. L’article R. 131-2 du Code monétaire et financier dispose que « la certification résulte de l’apposition sur le chèque par le tiré d’une formule comportant, outre sa signature, les mentions relatives à la certification et à la date de celle-ci, au montant pour lequel le chèque a été établi et la désignation de l’établissement tiré ». Ces mentions doivent être apposées au moyen d’un procédé de marquage ou d’impression indélébile offrant toute garantie de sécurité.

1 . Com. 11 juill. 2000, RTD com. 2000. 986, obs. Cabrillac. 2. Le Cannu, Granier et Routier, no 17 ; Devèze et Pétel, no 66 ; cependant en sens contraire Gavalda et Stoufflet, no 193. 3. Sur l’obligation du tireur de solliciter la certification au tiré, en cas de demande du bénéficiaire, Civ. 1re, 27 févr. 1990, Bull. civ. I, no 56 ; RTD com. 1990. 613, obs. Cabrillac et Teyssié. 4. Djoudi, « L’intégrité du chèque de banque », Gaz. Pal. 11-12 sept. 2009, p. 5. 5. Com. 27 févr. 1996, RTD com. 1996. 304, obs. Cabrillac.

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§ 2. Le chèque de voyage

Le chèque

363 Le chèque de voyage, parfois encore appelé traveller’s cheque 1,

ne peut pas être véritablement considéré comme un chèque au sens technique de ce mot. Il s’apparente plutôt au rôle que jouait sans doute la lettre de change au Moyen Âge 2. Pour cela, il ne peut être considéré ni comme un chèque bancaire 3, ni comme un billet de banque 4. Il s’agit seulement d’un titre à ordre 5. Les chèques de voyage ne sont pas soumis au Code monétaire et financier. Ils ne font d’ailleurs l’objet d’aucune réglementation spécifique. Ils sont uniquement régis par les règles prévues dans les conditions générales de l’établissement émetteur. Ce titre, bien que cela ne soit pas obligatoire, est émis par un établissement de crédit pour permettre au porteur de se faire payer une somme d’argent déterminée auprès d’un établissement ou d’une succursale de l’émetteur. Au moment de sa remise, le bénéficiaire du chèque doit signer le titre. Il comporte le plus souvent une clause à ordre et il est donc transmissible par la voie de l’endossement. Le paiement par la succursale ou par l’agence de l’émetteur est effectué au preneur soit à l’endossataire. Le porteur devra contresigner le titre. 364 L’avantage du chèque de voyage tient à ce qu’il offre au porteur certaines garanties en cas de perte ou de vol. L’exigence d’une seconde signature sur le titre est peu protectrice, compte tenu des possibilités d’imitation des signatures. L’incident doit faire l’objet d’une opposition auprès de l’établissement émetteur. Or généralement, les conditions générales prévoient que les bénéficiaires des chèques de voyage ayant fait opposition sont remboursés. Malgré ces avantages, les chèques de voyage subissent de plus en plus la concurrence des cartes de crédit qui permettent d’effectuer facilement et avec une relative sécurité des paiements à l’étranger.

1 . V. Despax, « Les traveller’s cheques », RTD com. 1957. 323 ; Rives-Lange, « Le chèque de voyage en droit français », Études de droit contemporain, Travaux de l’Institut de droit comparé de Paris, t. XXX. 2. En ce sens, de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 666. 3. Par ex., Crim. 25 mars 1955, RTD com. 1956. 91, obs. Becqué et Cabrillac ; Crim. 20 janv. 1960, D. 1961. 56, note Despax. 4. Crim. 16 janv. 1963, D. 1963. 517, note Despax. 5. En ce sens, Jeantin et Le Cannu, no 158.

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SYNTHÈSE

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La création du chèque

Le chèque se définit comme un titre par lequel une personne, dite « tireur », donne l’ordre à une banque, dite « tirée », de payer à vue une somme d’argent au profit d’une troisième personne, dite « porteur ». La création d’un chèque nécessite au préalable l’ouverture d’un compte bancaire. Avant de délivrer des chéquiers, le banquier devra effectuer certaines vérifications qui ont pour but principal de lutter contre les chèques sans provision. Conditions de forme de l’émission du chèque

Comme tous les effets de commerce, le chèque est un titre formaliste dont les mentions revêtent une grande importance. Le chèque doit être rédigé sur un support papier. Malgré le principe de la validité des chèques sur papier libre, le plus souvent, le tireur se servira des formules qui lui ont été délivrées par le banquier. Six autres mentions sont imposées ; la dénomination de chèque, le mandat pur et simple de payer une somme d’argent, l’écriture de la somme en chiffres et en lettres, la détermination du tiré, la date et le lieu du paiement et la signature du tireur. Malgré quelques hypothèses de suppléances légales, le titre dans lequel une des mentions obligatoires fait défaut, ne vaut pas comme chèque. Trois mentions facultatives se rencontrent fréquemment en matière de chèque : l’indication du bénéficiaire, l’interdiction de l’endossement, sauf au profit d’une banque, et le barrement. Conditions de fond de l’émission du chèque

Ces conditions sont relatives aux parties et à la provision. L’émission d’un chèque met en relation au minimum trois personnes, le tireur, le tiré et le bénéficiaire. Le tireur est la personne qui prend l’initiative de la création d’un chèque en vue de sa remise à un tiers, le plus souvent pour effectuer un paiement. Il

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Le chèque

doit avoir la capacité et les pouvoirs pour émettre un chèque. Le tiré est nécessairement une banque ou un établissement assimilé. Le bénéficiaire peut être désigné de plusieurs manières. Il y a provision, si le tiré a, au moment de la création du titre, des fonds à la disposition du tireur. Il est nécessaire que la provision ait un caractère préalable. Le tireur ayant émis un chèque sans provision, est en principe interdit d’émettre des chèques pendant cinq ans. Le tireur a cependant la possibilité d’éviter cette interdiction, en régularisant la situation. Pour tenter de limiter les chèques sans provision, le législateur a accentué les pouvoirs dévolus aux banquiers tirés. Ce rôle est à la fois préventif et répressif. Diversité des chèques

Le chèque certifié se caractérise par le fait que la provision est bloquée, sous la responsabilité du tiré, au profit du porteur, jusqu’au terme du délai de présentation. Le chèque de voyage est émis par une banque pour permettre au porteur de se faire payer une somme d’argent déterminée auprès d’un établissement ou d’une succursale de l’émetteur.

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C HAPITRE 2

La circulation du chèque 365 Le chèque, comme tout effet de commerce, est un titre destiné à

circuler. Cependant par nature, sa transmission est plus rare que celle d’une lettre de change, puisqu’il est payable à vue. La circulation du chèque est désormais encore exceptionnelle en pratique, compte tenu du fait que la très grande majorité des chèques est non endossable, sauf au profit d’une banque ou d’un établissement assimilé. Le plus souvent, le chèque est transmis une seule fois au profit du banquier du bénéficiaire, pour être encaissé. Il bénéficie des modes simplifiés de transmission, spécifiques aux effets de commerce. Il est donc nécessaire de distinguer l’endossement translatif (SECTION 1) des autres formes d’endossement (SECTION 2).

S ECTION 1

L'endossement translatif 366 L’article L. 131-16 du Code monétaire et financier prévoit que le

chèque stipulé payable au profit d’une personne dénommée avec ou sans clause à ordre est transmissible par la voie de l’endossement. En revanche, si le chèque comporte une mention non négociable, sa transmission s’effectuera dans la forme et avec les effets de la cession de créance de droit commun. Les chèques au porteur

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Le chèque

se transmettent par tradition. Ces modes de transmission sont assez rares pratiquement. En tout état de cause, ils produisent des effets moins complets que ceux résultant de l’endossement translatif. 367 La réglementation de l’endossement translatif en matière de chèque est similaire à celle prévue pour la lettre de change. Il a pour but de transmettre à l’endossataire tous les droits résultant du chèque. Il facilite la pratique des escomptes 1. Le client du banquier escompteur obtient ainsi du crédit, puisqu’il est autorisé à utiliser, avant l’encaissement effectif du titre, les fonds correspondant au montant du chèque 2. Comme on l’a fait remarquer, « aucun contrat en la forme n’est en pratique dressé. L’existence de cette convention se déduit donc de l’endos, qui n’est pourtant que le support juridique de la transmission de la propriété de la provision » 3. Il en résulte nécessairement des incertitudes pour savoir si le banquier a voulu consentir un escompte ou s’il effectue seulement une opération d’encaissement. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire d’envisager les conditions de l’endossement translatif (§ 1) avant de voir ses conséquences (§ 2).

§ 1. Les conditions de l'endossement translatif

368 Selon l’article L. 131-19 du Code monétaire et financier, l’endosse-

ment doit être inscrit sur le chèque ou sur une allonge. L’endossement ne peut pas être effectué par le tiré. Il ne peut être partiel, il doit être signé par l’endosseur. Cette signature est apposée à la main ou par tout procédé non manuscrit. Elle devrait être accompagnée de la mention « payer à l’ordre de… » ou d’une formule équivalente, même si aucune formule sacramentelle n’est exigée. L’endossement conditionnel est prohibé. Toute condition à laquelle il est subordonné est réputée non écrite. Il en va de même 1 . En règle générale, l’escompte de chèque ne nécessite pas le versement d’intérêts et de commissions. Sur ce point, de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 577. 2. Sur l’admission de la licéité de cette opération, Com. 15 juin 1976, Bull. civ. IV, no 203 ; Com. 3 janv. 1978, RTD com. 1978. 137, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 3. Gavalda et Stoufflet, no 209.

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La circulation du chèque

pour l’endossement partiel qui est nul. Le banquier récepteur est tenu de vérifier la régularité de la chaîne des endossements 1. La désignation de l’endossataire n’est pas nécessaire, puisque l’article L. 131-20 du Code monétaire et financier prévoit la possibilité d’un endossement en blanc. Cette disposition indique que le nouveau porteur peut remplir le blanc, de son nom, soit du nom d’une autre personne, ou endosser le chèque de nouveau en blanc, ou à une autre personne ou remettre le chèque à un tiers, sans remplir le blanc et sans l’endosser. L’article L. 131-2, alinéa 2, du Code monétaire et financier prévoit que l’endosseur peut interdire tout nouvel endossement. Lorsque tel est le cas, il n’est pas tenu à la garantie envers les personnes auxquelles le chèque est ultérieurement endossé. Si l’endossement n’indique pas de date, il sera présumé avoir été fait avant le protêt 2 ou avant l’expiration du délai de présentation. À peine de faux, l’antidate est prohibée. 369 L’endossement pose fréquemment des difficultés de qualification. En effet le plus souvent, il est matérialisé par la signature de l’endosseur sans que ce dernier ait précisé s’il entendait effectuer un endossement translatif ou un endossement à titre de procuration. L’enjeu est d’importance, puisqu’en cas d’endossement translatif l’endossataire a acquis la propriété du chèque, alors qu’en cas d’endossement à titre de procuration, il est mandataire de l’endosseur. On déduit classiquement de la combinaison des articles L. 131-20 et L. 131-26 du Code monétaire et financier l’existence d’une présomption d’endossement translatif 3. La force de cette présomption diffère suivant les hypothèses. Selon la jurisprudence, la présomption est réfragable dans les relations entre l’endosseur et l’endossataire 4. Mais de plus en plus fréquemment, elle considère que les mentions « sauf bonne fin » ou « sauf encaissement » 1 . Com. 28 oct. 2008, D. 2008. 2862, obs. Avena-Robardet ; JCP E 2008. 2426, note Stoufflet ; Dr. et proc. mai-juin 2009. 16, obs. Piédelièvre. 2. Com. 13 oct. 1970, Bull. civ. IV, no 265. 3. Par ex., Le Cannu, Granier et Routier, no 74 ; Devèze et Pétel, no 60 ; Bonhomme, no 323 ; Putman, no 237. 4. Com. 5 déc. 1955, JCP 1956. II. 9134, note Cabrillac ; Com. 23 mai 1977, D. 1977. IR 397, obs. Vasseur ; Com. 9 janv. 1990, D. 1990. 485, note Martin.

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Le chèque

apposées sur des bordereaux de remises sont insuffisantes pour renverser la présomption 1. En revanche, la présomption est irréfragable dans les relations entre les parties à l’endossement et les tiers 2, même si pour certains, ces tiers devraient avoir la faculté de renverser cette présomption 3.

§ 2. Les conséquences de l'endossement translatif

370 L’endossement translatif entraîne la transmission de la provision (A),

la solidarité des différents signataires (B) et l’inopposabilité des exceptions (C).

A. La transmission de la provision

L’article L. 131-20 du Code monétaire et financier dispose que « l’endossement transfert tous les droits résultant du chèque et notamment la propriété de la provision » 4. Cette règle apparaît comme la conséquence du principe en vertu duquel le tireur s’est dessaisi de la provision au profit du bénéficiaire lors de la création du chèque 5. Mais en pratique dans la majorité des hypothèses, il est seulement nécessaire que la provision soit constituée lors de la présentation au paiement du chèque. En ce cas, le porteur acquiert seulement la propriété de la provision au moment où elle est constituée 6. Ce transfert de la propriété de la provision n’oblige pas le tiré à en bloquer le montant jusqu’à la présentation au paiement du chèque par le porteur. Cette solution qui fragilise les droits de ce porteur se justifie par le fait que le tiré ne connaît pas, dans la majorité des hypothèses, ni la création du chèque ni son endossement. Mais à partir du moment où le tiré a connaissance de l’émission du 1 . Com. 13 mai 1981, Bull. civ. IV, no 226 ; D. 1982. IR 171, obs. Cabrillac ; D. 1982. 241, note Vasseur. 2. Com. 16 mai 1977, D. 1977. IR 397, obs. Vasseur ; Com. 9 janv. 1990, préc. 3. Gavalda et Stoufflet, no 209 ; Bonhomme, no 312. 4. Com. 18 déc. 1990, Bull. civ. IV, no 326 ; D. 1991. Somm. 216, obs. Cabrillac. 5. V. Jestaz, « Le tireur conserve-t-il la disponibilité de la provision après l’émission d’une lettre de change ou d’un chèque ? », RTD com. 1966. 881. Pour l’application de ce principe, par ex., Civ. 3e, 4 janv. 1967, Bull. civ. III, no 8. 6. Le Cannu, Granier et Routier, no 75.

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La circulation du chèque

chèque, ce qui se produit principalement en cas d’opposition même non valable de la part du tireur, la jurisprudence décide que le tiré doit bloquer le montant de la provision 1. Même si cette solution est souvent critiquée en doctrine 2, elle apparaît comme « une conséquence logique de l’idée de la propriété de la provision » 3. 371 Certaines difficultés apparaissent en cas de provision insuffisante. Il est nécessaire de distinguer l’hypothèse d’un chèque unique de celle d’une pluralité de chèques. En cas d’émission d’un chèque avec une provision insuffisante, l’endossataire acquiert la propriété de la provision partielle. Le banquier qui n’informe pas le porteur de l’existence d’une provision partielle engage sa responsabilité. En cas de pluralité de chèques présentés simultanément au paiement et d’insuffisance de provision pour tous les honorer, ce conflit sera résolu en tenant compte de leurs dates d’émission. On commencera par payer le plus ancien et on suivra l’ordre chronologique 4. 372 Ce transfert immédiat de la propriété de la provision explique que l’article L. 131-36 du Code monétaire et financier indique que ni le décès du tireur ni son incapacité survenant après l’émission ne modifient les effets du chèque 5. Le même principe de solution s’applique en cas de procédure collective du tireur, à partir du moment où la provision existait au moment de l’ouverture de cette procédure 6. Selon l’article L. 632-3 du Code de commerce, les nullités de la période suspecte, qu’elles soient de droit ou facultatives, ne portent pas atteinte à la validité du paiement d’un chèque. Il n’en serait autrement que si l’on démontrait que le porteur du chèque connaissait l’état de cessation des paiements du tireur. 1 . Par ex., Req. 18 juin 1946, JCP 1946. II. 3252, rapport Lescot ; RTD com. 1948. 110, obs. Houin ; Com. 9 janv. 1990, D. 1990. 485, note Martin. 2. V. Cabrillac, « Le tiré doit-il immobiliser au profit du porteur la provision d’un chèque frappé d’une opposition par le tireur ? », JCP 1946. I. 569 ; Le Cannu, Granier et Routier, no 106 ; Devèze et Pétel, no 51. Ces auteurs reprochent principalement à la solution dégagée par la jurisprudence de conférer des effets plus importants à l’opposition que ceux produits par un visa ou une certification. 3. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2195. 4. Sur l’ensemble de cette question, cf. Devèze et Pétel, no 53 ; Gavalda et Stoufflet, no 202. 5. V. cependant, Endréo, J.-Cl. Comm., fasc. 505, no 90 qui justifie aussi cette solution par le caractère irrévocable du mandat de payer donné par le tireur. 6. La jurisprudence fait peser la charge de la preuve sur le porteur, Com. 12 mars 1996, RTD com. 1996. 501, obs. Cabrillac.

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Le chèque

Les mêmes règles devraient également s’appliquer en cas de saisie-attribution du compte bancaire du tireur. Mais désormais, l’article L. 162-1 du Code des procédures civiles d’exécution modifie cette solution 1. Le tiré doit indiquer le montant du solde du compte existant au jour de la saisie. Le compte est alors bloqué. Cependant dans un délai de quinze jours à compter de la saisie, certaines opérations antérieures à la saisie pourront être passées au crédit ou au débit de ce compte. Mais l’article L. 162-1 vise uniquement, « l’imputation des chèques remis à l’encaissement ou portés au compte antérieurement à la saisie et revenus impayés ». On doit en déduire qu’il est impossible d’imputer au débit du compte les chèques émis antérieurement à la saisie et présentés au paiement postérieurement 2, bien que le transfert de la propriété de la provision se soit produit avant la procédure de saisie.

B. La solidarité 373

Selon l’article L. 131-21 du Code monétaire et financier, l’endosseur est, sauf clause contraire, garant du paiement. On retrouve ici une application du principe de l’indépendance des signatures. En effet, l’article L. 131-51 précise que toutes les personnes obligées en vertu d’un chèque sont tenues solidairement envers le porteur. Ce dernier a le droit d’agir contre toutes ces personnes, individuellement ou collectivement, sans être astreint à observer l’ordre dans lequel elles se sont obligées. Ce droit appartient également à tout signataire d’un chèque qui a remboursé celui-ci. L’action intentée contre un des obligés n’empêche pas d’agir contre les autres même postérieurs à celui qui a d’abord été poursuivi.

C. L'inopposabilité des exceptions

374 Selon l’article L. 131-25 du Code monétaire et financier, « les per-

sonnes actionnées en vertu du chèque ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec 1 . Sur les saisies de compte bancaire, v. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 209 s. 2. Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2299 ; Devèze et Pétel, no 52 ; Pérochon et Bonhomme, no 805 ; cependant considérant que les chèques pourraient être payés, de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 579, note 1.

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La circulation du chèque

le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant le chèque, n’ait agi sciemment au détriment du débiteur ». La transmission du titre opère une purge des vices du titre. La sécurité du porteur en sort renforcée. Pour se prévaloir de cette règle, le porteur du chèque doit avoir la qualité de porteur légitime. Le détenteur du titre sera considéré comme porteur légitime, s’il justifie de son droit par une suite ininterrompue d’endossement, même si le dernier endossement est en blanc. Il est nécessaire que l’endossement ait été effectué avant la constitution du protêt ou avant l’expiration du délai de présentation, faute sinon de seulement produire les effets d’une cession de droit commun 1. 375 Le domaine de l’inopposabilité des exceptions en matière de chèque est relativement proche, pour ne pas dire similaire, de celui dégagé pour la lettre de change, même si la circulation du chèque est moindre. On considère que demeure opposable à tous l’incapacité de l’un des signataires. La sécurité du titre est primée par la protection des incapables. Il en va de même pour les irrégularités formelles du chèque, en raison du principe du formalisme cambiaire, pour l’irrégularité d’une signature et pour les exceptions nées des rapports personnels entre la personne actionnée et le porteur. En revanche, sont inopposables notamment les exceptions tirées d’une nullité du rapport fondamental. Seul un porteur de bonne foi est protégé par le jeu de la règle de l’inopposabilité des exceptions. L’article L. 131-25 du Code monétaire et financier emploie, comme l’article L. 511-12 du Code de commerce pour la lettre de change, la formule agir « sciemment au détriment du débiteur ». En conséquence, il convient de transposer les solutions données par la jurisprudence pour l’article L. 511-12 au chèque 2.

1 . Com. 17 oct. 1995, Bull. civ. IV, no 235 ; RTD com. 1996. 93, obs. Cabrillac. 2. En ce sens, Le Cannu, Granier et Routier, no 79 ; Gavalda et Stoufflet, no 214 ; Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2202 ; de Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 580 ; Chaput et Schödermeier, no 216.

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S ECTION 2

Les autres formes d'endossement

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Le chèque

376 Le chèque, comme la lettre de change, peut également faire l’objet

d’un endossement à titre de procuration ou d’un endossement pignoratif. Le rôle de l’endossement pignoratif est nécessairement réduit en matière de chèque, puisque l’on se trouve en présence d’un titre tiré à vue 1. Le rôle de l’endossement à titre de procuration est plus important. Tout chèque, même s’il n’est pas endossable, peut faire l’objet d’un endossement à titre de procuration. Ce type d’endossement ne s’analyse pas en un acte de disposition, mais en un acte d’administration 2. La réglementation de l’endossement à titre de procuration est prévue par l’article L. 131-26 du Code monétaire et financier. Il se matérialise par l’apposition de la mention « valeur en recouvrement », « pour encaissement », « par procuration » ou par toute autre mention impliquant un mandat. L’endossataire peut à son tour endosser le chèque, mais uniquement à titre de procuration 3. Par dérogation aux règles du droit commun du mandat, l’alinéa 3 de l’article L. 131-26 indique que le mandat ne prend pas fin par le décès du mandant ou par la survenance de son incapacité. Le chèque est généralement endossé au profit d’un banquier en vue de son encaissement. Il arrive fréquemment que le banquier mandataire consente une avance sur encaissement à son client et qu’il crédite immédiatement le compte de son client mandant. Pour certains, en raison de la généralisation de cet usage, le banquier mandataire qui reporterait l’inscription du montant du chèque au jour de son encaissement devrait en informer son mandant, faute sinon d’engager sa responsabilité 4. Si le chèque est impayé, le banquier mandataire est en droit de demander le rem-

1 . Pourtant pour une application récente en jurisprudence, Com. 8 mars 1988, Bull. civ. IV, no 102. 2. Sur ce point, Jeantin et Le Cannu, no 55. 3. Grenoble, 10 mars 1977, Banque 1978. 524, obs. Martin. Il engage sa responsabilité en cas de mauvais choix, Com. 17 mars 1975, Bull. civ. IV, no 82. 4. Cabrillac, Le chèque et le virement, 5e éd., no 178 ; également Gavalda et Stoufflet, no 211.

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La circulation du chèque

boursement de son avance 1. Il effectue cette opération par la technique de la contre-passation 2. Le banquier ayant fait l’avance du montant d’un chèque sous réserve d’encaissement a la faculté d’exercer une contre-passation à l’encontre de son client, sans avoir au préalable à recourir contre le tireur 3. 377 Le banquier mandataire est responsable de ses manquements, conformément à l’article 1992 du Code civil. Il doit ainsi effectuer certaines vérifications 4, comme s’assurer de la régularité de la chaîne des endossements 5. Il est tenu de présenter le chèque au paiement 6. La présentation doit normalement être effectuée dans les délais légaux. Mais la jurisprudence considère que le délai prescrit pour l’exercice des recours cambiaires ne s’impose pas au mandataire 7. En cas d’absence de paiement, il lui appartient de sauvegarder les recours cambiaires de l’endosseur 8. Il est fréquent que le banquier mandataire insère des clauses limitatives de responsabilité. Ces clauses produisent effet à la condition que l’endosseur en ait eu connaissance. En tout état de cause, conformément aux principes généraux régissant la responsabilité contractuelle, elles n’exonèrent pas le banquier en cas de faute lourde ou dolosive.

1 . Com. 17 juill. 1987, Bull. civ. IV, no 180. 2. Com. 31 janv. 2006, D. 2006. 573, obs. Avena-Robardet ; RD banc. fin. mai-juin 2006. 13, obs. Crédot et Samin ; JCP E 2006. 2776, note Guerchoun. 3. Com. 13 nov. 2012, D. 2012. 2732, obs. Avena-Robardet ; Dr. et proc. mars 2011 suppl. recouvrement p. 11, obs. Piédelièvre ; JCP 2012. 1269, obs. Lasserre Capdeville. 4. « Il faut cependant relativiser cette obligation, car elle se heurte à l’obligation inverse de noningérence que le banquier assume envers son client », Devèze et Pétel, no 62. 5. Com. 26 mars 1973, Bull. civ. IV, no 132 ; RTD com. 1973. 839, obs. Cabrillac et Teyssié. 6. Pour une responsabilité due à une erreur sur l’agence bancaire à qui l’endossataire devait présenter le titre, T. com. Seine, 10 mars 1958, RTD com. 1958. 588, obs. Becqué et Cabrillac. 7 . Com. 6 févr. 1978, Bull. civ. IV, no 50 ; RTD com. 1979. 279, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 8. Sur l’ensemble de cette question, Le Cannu, Granier et Routier, no 87.

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SYNTHÈSE

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Le chèque

Le chèque, comme tout effet de commerce, est un titre destiné à circuler. Cependant, sa transmission est plus rare que celle d’une lettre de change, puisqu’il est payable à vue. Elle s’effectue par la technique de l’endossement. Endossement translatif

L’endossement translatif a pour but de transférer à l’endossataire tous les droits résultant du titre. L’endossement doit être inscrit sur le chèque ou sur une allonge. Il ne peut être partiel et il doit être signé par l’endosseur. La désignation de l’endossataire n’est pas nécessaire, puisque l’endossement en blanc est autorisé. La majorité des chèques est non endossable, sauf au profit d’une banque ou d’un établissement de crédit. En conséquence, le chèque est transmis une seule fois au profit du banquier du bénéficiaire, pour être encaissé. L’endossement translatif entraîne la transmission de la provision. Ce transfert n’oblige pas le tiré à en bloquer le montant jusqu’à la présentation au paiement du chèque par le porteur. La solidarité des différents signataires permet au porteur d’agir individuellement ou collectivement contre toutes les personnes obligées en vertu du chèque. En vertu de la règle de l’inopposabilité des exceptions, les personnes actionnées en vertu du chèque ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou les porteurs antérieurs, sauf si le porteur, en acquérant le chèque, a agi sciemment au détriment du débiteur.

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Autres formes d’endossement

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La circulation du chèque

Le chèque peut faire l’objet d’un endossement à titre de procuration ou d’un endossement pignoratif. Le rôle de l’endossement pignoratif est nécessairement réduit, puisque l’on se trouve en présence d’un titre tiré à vue. L’endossement à titre de procuration est généralement effectué au profit d’un banquier en vue de l’encaissement du chèque.

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C HAPITRE 3

Le paiement du chèque 378 Selon l’article L. 131-67 du Code monétaire et financier, la remise

d’un chèque en paiement, acceptée par un créancier, n’entraîne pas novation. La créance originaire subsiste donc, avec toutes les sûretés qui y sont attachées, jusqu’au paiement du chèque. En conséquence, le paiement par chèque sera libératoire lors de l’encaissement du chèque 1. Comme on l’a indiqué, « la remise du chèque ne réalise pas un paiement ; c’est le paiement qui le réalise » 2. Mais on prend parfois en compte la date de la remise du chèque, par exemple pour le paiement des primes d’assurance 3 ou pour le paiement des cotisations de sécurité sociale 4. Il s’agirait d’un « commencement d’exécution du paiement » 5. En tout état de cause, en cas d’envoi par la voie postale, on prend en considé-

1 . Civ. 17 déc. 1924, S. 1925. 1. 19, rapport Colin. 2. Putman, no 208 ; également sur cette question Sériaux, « Conception juridique d’une opération économique : le paiement », RTD civ. 2004. 225. 3. Civ. 1re, 2 déc. 1968, JCP 1969. II. 15775, concl. Lindon, note Besson ; adde Durry, « Le “paiement” de la prime d’assurance au moyen d’un chèque sans provision », JCP 1984. I. 3161. 4. Par ex., Soc. 17 mai 1972, D. 1973. 129, note Gavalda ayant indiqué que « lorsque le paiement est effectué par chèque, le débiteur n’est réputé avoir acquitté sa dette qu’à la date où le créancier a effectivement reçu ledit chèque, que celui-ci lui ait été remis ou envoyé, et sous réserve qu’il soit ultérieurement honoré » ; Soc. 4 juill. 1983, Bull. civ. V, no 386. 5. Pour reprendre la formule de Jeantin et Le Cannu, no 98.

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Le chèque

ration la date de réception du chèque et non celle de son envoi 1, sauf en matière fiscale 2. Quoi qu’il en soit, le chèque pour pouvoir jouer son rôle de règlement doit être effectivement payé. Pour cela, il doit faire l’objet d’une remise au paiement (SECTION 1), ce qui n’empêche pas qu’il puisse faire l’objet d’incidents de paiement (SECTION 2). Lorsque le chèque a été régulièrement présenté et si la provision est suffisante, le tiré a l’obligation de payer immédiatement le montant du chèque, puisque l’article L. 131-1-1 prévoit que « la date de valeur d’une opération de paiement par chèque libellé en euros ne peut différer de plus d’un jour ouvré de la date retenue pour sa comptabilisation sur un compte de dépôts ou sur un compte de paiement ». Selon l’article L. 131-37, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, le tiré peut exiger, en payant le chèque, que le titre lui soit remis par le porteur avec la mention acquittée et la signature de ce dernier. Une simple signature au dos du chèque suffit puisque l’article L. 131-18, alinéa 5, de ce même code dispose que « l’endossement au tiré ne vaut que comme quittance ». La remise du chèque acquitté vaut présomption simple de libération du tiré. Le refus injustifié par le banquier de payer un chèque engage la responsabilité de celui-ci pour le dommage causé au tireur. Ce paiement s’opère, ce qui est devenu exceptionnel, en numéraire ou, ce qui se produit dans l’immense majorité des hypothèses, par une inscription au crédit du compte du porteur.

1 . Par ex., Soc. 4 juill. 1983, préc. 2. CE, 25 nov. 1968, JCP 1970. II. 16337, note Cozian.

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S ECTION 1

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Le paiement du chèque

La remise au paiement 379 Pour pouvoir être payé, il est nécessaire que le chèque soit pré-

senté au paiement 1 (§ 1) et que le banquier tiré effectue certaines vérifications (§ 2).

§ 1. La présentation au paiement En théorie, le chèque peut être présenté par son porteur ou par tout mandataire de celui-ci. Il pourra se faire payer en espèces au guichet du tiré 2. Mais dans la majorité des hypothèses, le porteur remet le titre à son propre banquier qui se charge alors de son encaissement. Ce phénomène est accentué par le fait que la plupart des chèques sont barrés. En ce cas, seules certaines personnes énumérées par le Code monétaire et financier auront la faculté de les encaisser. Le banquier, chargé du recouvrement engage sa responsabilité contractuelle en tant que mandataire envers son client remettant pour les fautes qu’il commet dans sa mission 3 et sa responsabilité délictuelle envers les tiers auxquels il cause un dommage 4. 380 Le chèque s’analyse comme un titre payable à vue. Il peut donc être présenté au paiement dès son émission. Selon l’article L. 131-32 du Code monétaire et financier, un chèque émis et payable en France métropolitaine doit être présenté au paiement dans le délai de huit jours. En cas d’émission d’un chèque en dehors de la France métropolitaine et payable en métropole le délai passe à vingt jours ou à soixante-dix jours suivant que le lieu d’émission est situé en Europe ou hors d’Europe. L’alinéa 3 de l’article L. 131-32 précise que « les chèques émis dans un 1 . Pour un rappel du principe suivant lequel le paiement suppose l’encaissement du chèque Civ. 3e, 1er juill. 2009, D. 2009. 1960. 2. V. Rives-Lange et Contamine-Raynaud, no 310. 3. Par ex., Com. 3 janv. 1996, Bull. civ. IV, no 1 ; JCP 1996. II. 22617, note Bonneau, où un banquier a effectué l’encaissement d’un chèque comportant deux bénéficiaires et a crédité le compte d’un seul, sans obtenir l’accord de l’autre. 4. Sur les différentes hypothèses de responsabilité délictuelle, v. Devèze et Pétel, no 69.

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Le chèque

pays riverain de la Méditerranée sont considérés comme émis en Europe ». L’article L. 131-35 du Code monétaire et financier indique que le tiré doit payer même après l’expiration du délai de présentation, sous réserve que la prescription d’un an, qui court à compter de l’expiration du délai de présentation, ne soit pas intervenue. L’article 25 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ramène ce délai à six mois. Le délai de huit jours présente cependant une grande importance pour les chèques certifiés dont la provision est seulement bloquée pendant ce délai et pour les recours du porteur en cas de non-paiement du chèque. La prescription d’un an de l’action du porteur contre le tiré ne repose pas sur une idée de présomption de paiement 1 ; on voit assez souvent en elle une forme de délai de validité du chèque 2. Le point de départ de ces délais est le jour porté sur le chèque comme date d’émission. Mais les délais ne comprennent pas le jour qui leur sert de point de départ. Les délais courent donc le lendemain de l’émission du chèque. Si le dernier jour du délai est un jour férié légal, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable qui en suit l’expiration. En tout état de cause, les jours intermédiaires sont compris dans la computation des délais. Conformément aux principes généraux du droit cambiaire, aucun délai de grâce n’est admis. Toutefois, l’article L. 131-55 du Code monétaire et financier permet une prorogation de délai, lorsque la présentation du chèque a été rendue impossible par un événement de force majeure. 381 Normalement, la présentation du chèque s’effectue au lieu indiqué sur le titre. Mais actuellement le plus souvent, la présentation est opérée auprès du système interbancaire de télé-compensation. En vertu de l’article L. 131-34 du Code monétaire et financier, une telle présentation équivaut à la présentation au paiement 3.

1 . Cette présomption ne peut être combattue par l’aveu, Com. 20 nov. 1984, Bull. civ. IV, no 312 ; Gaz. Pal. 1985. 1. Pan. 67, obs. A. Piédelièvre. 2. Cabrillac, Le chèque et le virement, 5e éd., no 288 ; Devèze et Pétel, no 70. 3. Les règles prévues par les chambres de compensation s’imposent seulement aux banquiers adhérents et non à leurs clients, Com. 16 mai 1984, Bull. civ. IV, no 165.

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Le paiement du chèque

§ 2. Les vérifications du tiré

382 Le banquier tiré, avant de payer le chèque qui lui est présenté, a

l’obligation de procéder à certaines vérifications, sous peine d’engager sa responsabilité 1, hormis l’hypothèse où il réussit à démontrer que sa faute n’est en aucune façon la cause du dommage et que c’est celle du tireur qui en est la cause exclusive 2. Celles-ci concernent bien évidemment la régularité du titre ; mais elles peuvent également amener un banquier à être tenu à un devoir de vigilance à l’égard d’un document accompagnant un chèque 3. Compte tenu du développement de l’informatisation des procédures de traitement des chèques, l’ensemble de ces vérifications n’est pas toujours effectué. Aux termes d’une analyse économique, les tirés considèrent que le montant des dommagesintérêts qu’ils seront tenus de verser en raison d’un défaut de vérification est inférieur au coût d’un contrôle systématique. Le banquier tiré doit s’assurer de l’absence d’opposition à paiement et vérifier la régularité formelle du titre qui lui est présenté 4. Il lui appartient de vérifier que le chèque comporte les différentes mentions obligatoires, prévues par l’article L. 131-2 du Code monétaire et financier. Dans les hypothèses où le chèque est endossable, l’article L. 131-38, alinéa 2, de ce même code lui impose de vérifier la régularité de la chaîne des endossements, mais non les signatures des endosseurs 5. Cette dernière solution se justifie par le fait que le tiré ne connaît pas ces signatures. Mais doit-il aller plus loin et effectuer d’autres vérifications en présence d’un chèque, notamment lorsque celui-ci est tiré sur une banque étrangère ? La jurisprudence répond classiquement par la négative 6. Il n’est par exemple pas tenu de vérifier l’identité du bénéficiaire 7. 1 . V. toutefois la limite posée par Com. 11 mai 2010, Banque et Droit juill.-août 2010. 132, obs. Bonneau ; JCP E 2010. 2008, no 35 s. obs. Stoufflet ; Dr. et proc. 2011. suppl. no 4, p. 9, obs. Piédelièvre dans une hypothèse où le tireur avait accepté toutes les opérations litigieuses. 2. Com. 22 mai 2013, Dr. et proc. 2013. suppl. no 8, p. 21, obs. Piédelièvre 3. Com. 12 nov. 2008, RD banc. fin. mars-avr. 2009. 40, obs. Crédot et Samin. 4. Com. 16 mars 2010, RD banc. fin. juill.-août 2010. 124, obs. Crédot et Samin. 5. Paris, 26 nov. 1986, RD bancaire et bourse 1987. 87, obs. Crédot et Gérard ; Com. 26 janv. 2010, RD banc. fin. juill.-août 2010. 122, obs. Crédot et Samin. 6. Com. 8 mars 2011, Dr. et proc. 2011. suppl. no 10, p. 21, obs. Piédelièvre. 7 . Com. 9 févr. 2016, JCP E 2016. 1292, obs. Causse.

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Le chèque

383 Le tiré est aussi tenu de s’assurer de l’identité et des pouvoirs de

la personne qui lui remet le chèque au paiement. En cas de chèque à personne dénommée, il doit contrôler l’identité du porteur. En cas de chèque au porteur, aucune vérification d’identité n’est nécessaire. Cette obligation ne pose généralement pas de problème, puisque désormais la grande majorité des chèques est présentée par un banquier mandataire. La procuration résulte de l’endossement et donc de la signature de l’endosseur. Le banquier récepteur, chargé de l’encaissement d’un chèque, est donc tenu de vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur le titre 1. Le tiré est également tenu de contrôler la signature du tireur 2. Pour cela, il conserve un spécimen de la signature de ce dernier. Dans l’hypothèse où il existerait une discordance apparente et grossière, il engagerait sa responsabilité s’il payait néanmoins le titre 3. À l’inverse, il ne commettra pas de faute, lorsque la signature du tireur est bien imitée et qu’elle correspond donc à l’exemplaire conservé par le banquier 4. Il n’est toutefois pas tenu d’effectuer une expertise graphologique 5. Le critère de distinction est celui du bon professionnel normalement diligent 6. 384 Le tiré doit vérifier l’existence d’une provision suffisante. En vertu de l’article L. 131-70, alinéa 2, du Code monétaire et financier, il engagerait sa responsabilité, s’il refusait de payer un chèque, malgré la présence d’une provision suffisante 7. En cas d’absence de provision, le paiement ne sera pas effectué par le tiré, sauf si celui-ci consent une avance au tireur ou sauf obligation légale de paiement. En cas de provision partielle, le tiré effectuera un paiement partiel 8. L’article L. 131-37, alinéa 2, contrairement à la solution du droit commun posée par l’article 1244 du Code civil, impose au porteur d’accepter un tel paiement. Cette solution se justifie par le fait que ce paiement libère d’autant les garants. 1 . Com. 28 oct. 2008, D. 2008. 2862, obs. Avena-Robardet ; JCP E 2008. 2426, note Stoufflet ; Dr. et proc. mai-juin 2009. 16, obs. Piédelièvre. 2. Sur l’ensemble de la question, Putman, no 199. 3. Com. 4 nov. 1976, JCP 1977. II. 18750, note Stoufflet ; Com. 10 juin 1980, Bull. civ. IV, no 252. 4. Par ex., Com. 23 juin 1981, Bull. civ. IV, no 290. 5. Par ex., Com. 10 juill. 1957, Gaz. Pal. 1957. 2. 272. 6. Com. 9 juill. 1996, Bull. civ. IV, no 202. 7 . Com. 8 mai 1979, D. 1979. IR 535, obs. A. Honorat. 8. Com. 8 janv. 1991, RTD com. 1991. 264, obs. Cabrillac et Teyssié.

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Le paiement du chèque

En tout état de cause, le porteur est en droit d’exiger le paiement jusqu’à concurrence de la provision. Le banquier est également tenu de refuser le paiement du chèque en cas d’utilisation frauduleuse. Tel est le cas si un établissement de crédit suspecte son client de procéder à un circuit d’effets de complaisance constituant un comportement gravement répréhensible 1. 385 Des obligations supplémentaires ont été mises à sa charge par un

arrêté du 26 avril 2002 portant homologation du règlement de la COB du 18 avril 2002 relatif aux obligations de vigilance des banques en matière de chèques au fin de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme 2. L’ordonnance du 30 janvier 2009 a voulu accentuer la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme 3. Elle a refondu le titre VI du Livre V du Code monétaire et financier intitulé « obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement des activités terroristes et les loteries, jeux et paris prohibés ». Selon l’article 561-1 du Code monétaire et financier, « les personnes autres que celles mentionnées à l’article L. 562-1 (parmi lesquelles figurent les établissements de crédit et les établissements de paiement), qui, dans l’exercice de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, sont tenues de déclarer au procureur de la République les opérations, dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes qu’elles savent provenir de l’une des infractions mentionnées à l’article L. 562-2 ». Lorsqu’elles ont fait de bonne foi une telle déclaration, ces personnes bénéficient d’une forme d’immunité. Aucune poursuite pénale fondée sur la violation du secret ne pourra être intentée contre les dirigeants et les

1 . Com. 8 mars 2005, Bull. civ. IV, no 45 ; RTD com. 2005. 571, obs. Cabrillac et Legeais. 2. Piédelièvre et Putman, no 199 s. ; Bouloc, « De quelques aspects du délit de blanchiment », RD bancaire 2002. 151 ; La prévention du blanchiment d’argent, in « Actualité des devoirs du banquier », RD bancaire 2002. 359 ; Crédot et Bouteiller, « Commentaire de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux », ALD 1990. 158. 3. Bonnard, « Lutte contre le blanchiment de capitaux », JCP E 2009. 1273 ; Cutajar, « Droit du blanchiment : une ordonnance nécessaire, mais à parfaire », D. 2009. 821.

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Le chèque

préposés ayant fait cette déclaration et aucune action en responsabilité ne pourra être exercée contre eux. Le but du législateur est que le moindre soupçon doit faire l’objet d’une dénonciation. Les établissements de crédit étaient notamment tenus de déclarer au traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), les sommes inscrites dans leurs livres qui pourraient provenir du trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées et les opérations qui portent sur des sommes qui pourraient provenir du trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées. L’ordonnance du 30 janvier 2009 a étendu le champ de la déclaration de soupçon qui s’applique également aux établissements de paiement. Selon l’article L. 561-15 du Code monétaire et financier, ces personnes sont tenues de déclarer au TRACFIN, les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme. 386 Les établissements de crédit et les établissements de paiement doivent effectuer un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite. Dans ce cas, elles se renseignent auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie. Selon la Cour de cassation, « l’obligation de vigilance imposée aux organismes financiers en application de l’article L. 563-3 du Code monétaire et financier n’a pour seule finalité que la détection de transactions portant sur des sommes de trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées ; qu’aux termes des articles L. 563-5 et L. 563-6 du même code, la méconnaissance de l’obligation d’examen particulier de certaines opérations importantes est sanctionnée disciplinairement ou administrativement par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ; seuls le service institué à l’article L. 562-4 et l’autorité de contrôle peuvent obtenir communication des pièces qui se rattachent à ces opérations et ces informations ne peuvent être recueillies à d’autres fins que celles

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Le paiement du chèque

prévues au titre de la lutte contre le blanchiment des capitaux ; il en résulte que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation d’obligations résultant de ces textes pour réclamer des dommages-intérêts à l’établissement financier » 1. Enfin, ces établissements ont l’obligation de déclarer au TRACFIN toute opération pour laquelle l’identité du donneur d’ordre ou du bénéficiaire effectif ou du constituant d’un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d’un patrimoine d’affectation reste douteuse.

S ECTION 2

Les incidents de paiement 387 Les incidents de paiement résultent parfois d’une interdiction de

payer faite au tiré, et l’on parle alors d’opposition (§ 1), ou plus souvent d’un défaut de paiement qui conduit à la constitution d’un protêt et qui ouvre certains recours (§ 2).

§ 1. L'opposition

388 L’opposition a pour objet d’immobiliser la provision entre les

mains du tiré et donc de lui interdire de payer le montant d’un chèque 2. Comme on l’a fait remarquer, cette faculté heurte deux principes importants du droit du chèque, le transfert immédiat de la propriété de la provision et le mandat irrévocable de payer conféré au tiré 3. Pour cela, le droit du chèque la considère comme exceptionnelle. L’article L. 131-35 du Code monétaire et financier semble seulement autoriser le tireur à recourir à une telle mesure. Pourtant, une partie importante de la doctrine admet qu’un porteur puisse faire opposition 4. Cette extension apparaît difficilement compatible avec le caractère restrictif de l’opposition. Mais 1. 2. de 3. 4. Le

Com. 28 avr. 2004, JCP E 2004. 830, note Stoufflet ; RTD com. 2004. 578, obs. Cabrillac. V. Romani, « L’opposition du tireur au paiement d’un chèque », D. 1985. 35 ; Youego, « Domaine l’opposition au paiement par chèque », RD banc. fin. mai-juin 2005. 51. De Juglart et Ippolito par Dupichot et Guével, no 592. Cabrillac, Le chèque et le virement, no 303 ; Gavalda et Stoufflet, no 241 ; Devèze et Pétel, no 99 ; Cannu, Granier et Routier no 140.

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Le chèque

elle est nécessaire. Le tireur qui s’est dessaisi volontairement d’un chèque n’a plus la possibilité de faire opposition 1. Si ce chèque a été perdu ou volé, le porteur doit avoir la faculté de faire opposition. Cette immobilisation de la provision s’applique aussi bien aux chèques bancaires qu’aux chèques postaux 2. 389 Traditionnellement, il n’était admis d’opposition au paiement par

chèque que dans trois hypothèses : en cas de perte 3, en cas de vol 4, ou en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du porteur. La jurisprudence a limité la portée de l’opposition en cas de liquidation judiciaire. L’opposition ne peut plus être admise, s’il est établi que le chèque a été remis au liquidateur judiciaire 5. L’affirmation est ici plus novatrice et elle semble s’éloigner de la lettre de l’article L. 131-35. En réalité, la Cour de cassation fait respecter l’esprit de cette disposition. À partir du moment où il y a liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi et par conséquent il n’a plus la possibilité d’encaisser le montant du chèque. Il existe également le risque qu’il détourne le montant de ce chèque qui doit pourtant figurer à l’actif de la procédure. Le paiement qui serait ainsi effectué par le porteur serait nul. La solution est tout autre, lorsque le chèque a été remis au liquidateur. Celui-ci a pouvoir pour le recevoir et les risques de détournement sont supprimés. Le paiement effectué par le tireur est alors valable. L’opposition n’a plus de raison d’être. La loi du 30 décembre 1991 a ajouté un cas supplémentaire à l’énumération donnée par l’article L. 131-35, alinéa 2, du Code monétaire et financier : l’utilisation frauduleuse du chèque. Le contenu de ce nouveau cas, non défini par le législateur, devra être précisé par la jurisprudence 6. Celle-ci semble s’engager dans

1 . Com 18 févr. 2004, RTD com. 2004. 577, obs. Cabrillac. 2. Com. 18 avr. 2000, D. 2000. 245, note Daleau. 3. Les articles L. 131-40 à L. 131-43 du Code monétaire et financier prévoient un système de reconstitution d’un titre perdu ou volé identique à celui prévu pour la lettre de change. 4. V. Diener, « L’opposition au paiement d’un chèque volée a-t-elle encore un sens ? », D. 1984. 88. La jurisprudence a étendu au vol l’extorsion par violence, Com. 26 juin 1979, RTD com. 1979. 780, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 5. Com. 8 juill. 2008, D. 2008. 2140, note Delpech ; Dr. et proc. nov.-déc. 2008. 30, obs. Piédelièvre. 6. Cf. Paris, 27 mai 1994, RTD com. 1994. 531, obs. Cabrillac et Teyssié, où la Cour a admis la fraude pour un chèque qui devait être restitué au porteur et qui, pourtant, a été présenté au paiement ; adde Com. 24 oct. 2000, RTD com. 2001. 195, obs. Cabrillac.

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une conception extensive. L’énumération donnée par cette disposition a un caractère limitatif qui empêche toute possibilité d’admission d’un nouveau cas d’opposition. La jurisprudence a déclaré l’opposition impossible en cas de redressement judiciaire du tireur 1, de dépossession volontaire du tireur par escroquerie ou par dol 2 ou en cas de violation de la réglementation du démarchage à domicile 3. Une difficulté s’est posée pour les chèques dits « de garantie ». Ces chèques sont d’usage fréquent. Leur remise évite souvent au débiteur d’avoir à déposer une somme d’argent à titre de garantie. Or il arrive que le porteur encaisse immédiatement l’effet. Aussi certains tireurs ont-ils essayé de faire opposition. La jurisprudence a déclaré illicite cette opposition 4. L’opposition est, depuis la loi du 30 décembre 1991, soumise à une exigence de forme prévue par l’article L. 131-35, alinéa 2, du Code monétaire et financier. Le tireur doit immédiatement confirmer son opposition par écrit, quel que soit le support de cet écrit. Le plus souvent, il recourt à la lettre recommandée avec avis de réception. De son côté, le tiré, en application de l’alinéa 3 de l’article L. 131-35, doit informer le tireur des sanctions encourues en cas d’opposition fondée sur des causes autres que celles prévues par la loi. De même, en vertu de l’article L. 131-84, il est tenu d’aviser la Banque de France en cas d’opposition pour perte ou vol de chèque. Le bénéficiaire d’un chèque peut agir en mainlevée de l’opposition tant que celle-ci garde effet, jusqu’à la prescription de l’action contre le tiré, laquelle est interrompue par la demande de mainlevée 5. La Cour de cassation calque donc le délai l’action en mainlevée d’opposition sur celui de l’action du porteur contre le tiré.

1 . Com. 12 mars 1996, RTD com. 1996. 501, obs. Cabrillac. 2. Com. 4 juin 1991, Bull. civ. IV, no 201. 3. Com. 21 juin 1994, Bull. civ. IV, no 224. 4. Com. 24 oct. 2000, RTD com. 2001. 195, obs. Cabrillac ; Com. 17 nov. 1998, RTD civ. 1999. 156, obs. Crocq ; D. 1999. Somm. 304, obs. Piédelièvre ; adde Aubry, « Réflexions sur le chèque remis en garantie », D. 2000. 555. 5. Com. 27 nov. 2012, D. 2013 214, obs. Lasserre Capdeville ; également Youego, Quelques précisions sur la prescription de l’action en mainlevée de l’opposition au paiement du chèque, RLDA févr. 2013. 25.

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390 Les conséquences de l’opposition dépendent de son caractère jus-

tifié ou non. Une opposition injustifiée doit immédiatement être levée en référé, à la demande du tireur 1. Compétence est donnée au juge des référés, même dans le cas où une instance au principal est engagée. En aucun cas, ce juge a la faculté de prévoir une mise sous séquestre des fonds 2. À plusieurs reprises, la jurisprudence a considéré que le tireur qui a fait opposition en dehors des hypothèses légales devait être considéré comme un tireur n’ayant pas fait provision 3. La solution est parfaitement logique, dans la mesure où, dans ces hypothèses, le tireur empêche le paiement du chèque. De même et pour la même raison, l’action cambiaire contre le tireur subsiste, lorsque ce dernier a effectué une opposition irrégulière 4. Lorsque l’opposition est justifiée, elle a pour conséquence de révoquer le mandat de payer qui a été conféré au tiré. Autrement dit, il lui est désormais interdit de payer le montant du chèque. La jurisprudence considère également que le banquier tiré doit dès l’opposition immobiliser le montant de la provision 5. Classiquement, on considérait qu’en aucun cas le tiré ne pouvait être juge de la validité de l’opposition 6. Cette analyse ne semble plus pouvoir être retenue depuis la réforme du 30 décembre 1991, puisque l’article R. 131-51 indique que, si le tiré reçoit une opposition non fondée sur l’un des cas prévus par l’article L. 131-35, alinéa 2, du Code monétaire et financier, il adresse au titulaire du compte une lettre lui indiquant pourquoi cette opposition ne peut être admise 7. Le banquier doit donc véri1 . Com. 12 oct. 1982, Bull. civ. IV, no 314 ; Gaz. Pal. 1983. 1. Pan. 29, obs. A. Piédelièvre ; v. Berchon, « La mainlevée par le juge des référés de l’opposition du tireur au paiement d’un chèque », RJ com. 1988. 325. 2. Com. 17 mai 1988, Bull. civ. IV, no 161. 3. Com. 4 juin 1991, Bull. civ. IV, no 201 ; RTD com. 1991. 616, obs. Cabrillac et Teyssié ; RD banc. fin. 1991. 227, obs. Crédot et Gérard. 4. Com. 27 sept. 2011, D. 2011. 2845, note Lasserre Capdeville ; Gaz. Pal. 3-4 févr. 2012. 17, obs. Rouaud ; adde Djoudi, « La survie à la prescription de l’action du porteur contre le tireur qui a procédé à une opposition irrégulière », RLDA déc. 2011. 29. 5. Com. 20 juin 1977, D. 1978. 398, note Gavalda ; JCP 1978. II. 18808, note Vézian ; RTD com. 1977. 338, obs. Cabrillac et Rives-Lange. 6. Com. 9 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2. Pan. 229, obs. A. Piédelièvre. 7 . En ce sens, Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2205 ; Vasseur, « Le banquier est-il en droit de payer un chèque frappé d’opposition par le tireur pour un motif autre que ceux prévu par la loi ? », JCP 1992. I. 3598.

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fier que le motif invoqué pour l’opposition figure dans l’énumération légale. Mais il n’a pas à vérifier de la réalité du motif d’opposition invoqué 1.

§ 2. Le protêt et les recours faute de paiement 391

En cas de chèque impayé ou de chèque payé partiellement lors de la présentation, le porteur est normalement tenu de faire dresser protêt. Sa procédure d’établissement est similaire à celle prévue pour la lettre de change. Selon l’article L. 131-48 du Code monétaire et financier, le protêt doit être fait avant l’expiration du délai de présentation. Si la présentation a lieu le dernier jour du délai, le protêt peut être établi le premier jour ouvrable suivant. Une clause de dispense de protêt pourrait être valablement stipulée. Mais pratiquement, une telle clause se rencontre rarement, car cela revient pour un tireur à indiquer que le chèque ne sera peut-être pas payé. Cette formalité du protêt est lourde, coûteuse et peu usitée. Le porteur qui n’effectue pas cette formalité sera considéré comme négligent. Le législateur a également créé des attestations de défaut de paiement. En aucun cas, ces attestations se substituent au protêt. L’article L. 131-73 du Code monétaire et financier prévoit qu’à défaut de paiement du chèque dans le délai de trente jours à compter de sa première présentation ou de constitution de la provision dans le même délai, le porteur peut gratuitement demander au tiré un certificat de non-paiement. En cas de nouvelle présentation, l’envoi est automatiquement passé à un nouveau délai de trente jours. La notification ou la signification de ce certificat vaut commandement de payer. Si dans un délai de quinze jours à compter de la notification ou de la signification, l’huissier n’a pas reçu une justification du paiement du chèque et des frais, il délivre un titre exécutoire 2.

1 . Com. 8 oct. 2002, D. 2002. 2940, note Avena-Robardet ; Com. 16 juin 2015, RD banc. 2015. 178, obs. Crédot et Samin. 2. En cas de chèque émis par un tiers ayant payé la dette du débiteur, le certificat de non-paiement ne vaut comme titre exécutoire qu’à l’encontre du tireur, Com. 18 oct. 2005, D. 2005. 3011, obs. Delpech.

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Le chèque

392 Le porteur d’un chèque impayé bénéficie des différents recours

cambiaires. En conséquence, il peut agir contre le tireur, ou s’il en existe contre les endosseurs et les donneurs d’aval. Ces différents signataires sont solidairement tenus. Le signataire qui a payé le porteur pourra à son tour recourir contre les signataires antérieurs, s’il en subsiste. L’article L. 131-52 du Code monétaire et financier indique que le porteur peut obtenir le montant du chèque non payé, les intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation et les frais de protêt, d’avis et plus largement tous les autres frais engagés. De son côté, l’article L. 131-53 de ce même code précise que celui qui a payé bénéficie de la faculté de réclamer à ses garants la somme intégrale qu’il a payée, les intérêts au taux légal de cette somme à compter du jour du paiement et les frais engagés. Ces actions cambiaires sont enserrées dans des délais de prescription prévus par l’article L. 131-59 du Code monétaire et financier. L’action du porteur contre les endosseurs et contre le tireur se prescrit par six mois à compter de l’expiration du délai de présentation. Les actions des divers obligés les uns contre les autres se prescrivent par six mois à partir du jour où l’obligé a remboursé le chèque ou du jour où il a été lui-même actionné. 393 Mais dans la majorité des hypothèses, le porteur sera considéré

comme négligent ; il perd normalement ses recours cambiaires. L’article L. 131-59, alinéa 2, du Code monétaire et financier limite en grande partie les conséquences de cette déchéance. Selon cette disposition, en cas de déchéance ou de prescription, il subsiste une action cambiaire contre le tireur qui n’a pas fait provision 1 ou les autres obligés qui se seraient enrichis injustement. En tout état de cause, puisque la remise du chèque n’a pas emporté novation, le porteur conserve son action tirée de ses rapports fondamentaux avec les signataires du chèque 2, avec toutes les

1 . « Par hypothèse, lorsque le problème se pose, le tireur n’a pas fait provision », Devèze et Pétel, no 84 ; v. sur le délai de prescription de l’action, Com. 3 mai 2016, JCP 2016. 611, obs. Dumoulin ; RLDA juill. 2016, obs. Piédelièvre. 2. V. accordant à un banquier escompteur négligent une action en remboursement contre le remettant, Com. 30 janv. 1996, Bull. civ. IV, no 27 ; D. 1996. 320, note Rives-Lange.

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caractéristiques qu’elle comporte. Un chèque prescrit, même s’il ne vaut pas reconnaissance de dette 1, constitue parfois un commencement de preuve par écrit du rapport fondamental 2.

1 . Com. 5 févr. 1991, Bull. civ. IV, no 54, D. 1991. Somm. 217, obs. Cabrillac. 2. Civ. 1re, 8 juill. 1986, Bull. civ. I, no 203 ; RTD com. 1987. 84, obs. Cabrillac et Teyssié.

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SYNTHÈSE

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Le chèque

Le chèque est un moyen de payer une créance originaire. La remise d’un chèque en paiement n’entraîne pas novation. Cette créance originaire subsiste jusqu’à ce que le chèque soit payé. Le paiement par chèque sera libératoire lors de l’encaissement du chèque. Remise au paiement

Pour pouvoir être payé, il est nécessaire que le chèque soit présenté au paiement et que le banquier tiré effectue certaines vérifications. En théorie, le chèque peut être présenté par son porteur qui se fera payer en espèces au guichet du tiré. Mais dans la majorité des hypothèses, le porteur remet le titre à son propre banquier qui se charge alors de son encaissement. Titre payable à vue, le chèque peut être présenté au paiement dès son émission. Cette présentation s’effectue, en principe, dans un délai de huit jours. Le tiré doit payer, même après l’expiration du délai de présentation, sous réserve que la prescription d’un an, bientôt de 6 mois, ne soit pas intervenue. Aucun délai de grâce n’est admis. Il appartient au banquier tiré de s’assurer de l’absence d’opposition à paiement et de vérifier la régularité formelle du titre qui lui est présenté. Il est tenu de s’assurer de l’identité et des pouvoirs de la personne qui lui remet le chèque au paiement. Il doit contrôler la signature du tireur et le caractère suffisant de la provision. Incidents de paiement

Ces incidents résultent d’une opposition ou d’un défaut de paiement qui conduisent à la constitution d’un protêt et qui ouvre certains recours.

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Le paiement du chèque

L’opposition a pour objet d’immobiliser la provision entre les mains du tiré et donc de lui interdire de payer le montant d’un chèque. L’opposition est seulement possible en cas de perte, de vol, de redressement ou de liquidation judiciaire du porteur ou en cas d’utilisation frauduleuse du chèque. Elle doit être effectuée par écrit. En cas de chèque impayé ou de chèque payé partiellement, le porteur, sauf dispense conventionnelle, est tenu de faire dresser un protêt. Le porteur d’un chèque impayé bénéficie des différents recours cambiaires, sauf s’il est considéré comme négligent. Il peut agir contre le tireur, ou, s’il en existe, contre les endosseurs et les donneurs d’aval.

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T ITRE 2

L ES NOUVEAUX MOYENS DE PAIEMENT

394 Les banquiers reprochent fréquemment aux chèques leur coût de

traitement et leur caractère gratuit, puisqu’il demeure un titre essentiellement gratuit, car le principe dit du « ni ni » subsiste toujours de fait 1. Pour cette raison, ils tentent d’en limiter l’utilisation et ils ont cherché à développer de nouveaux moyens de paiement qui sont moins onéreux et qui leur permettent souvent d’obtenir une rémunération. Le phénomène est loin d’être achevé et on peut s’interroger sur l’existence à terme d’une véritable monnaie électronique. De même l’apparition du commerce électronique, due au développement d’Internet, entraînera nécessairement une adaptation des moyens de paiement, voire la création de nouvelles techniques 2.

1 . Selon la CJCE, « l’article 43 CE s’oppose à la réglementation d’un État membre qui interdit à un établissement de crédit, filiale d’une société d’un autre État membre, de rémunérer les comptes à vue libellés en euros, ouverts par les résidents du premier État membre », CJCE, 5 oct. 2004, RTD com. 2004. 792, obs. Legeais ; D. 2005. 370, note Boujeka ; adde Alfandari, « La rémunération des comptes à vue : la fin du “ni ni” », JCP E 2005. 1897 ; Piédelièvre, « Feu vert de la CJCE pour les comptes rémunérés », D. 2004. 2770 ; Stoufflet, « La fin de l’interdiction de la rémunération à vue ? L’arrêt de la CJCE du 5 octobre 2004 », RD banc. fin. 2004. 437. La conséquence aurait pu en être la disparition du principe ni rémunération des comptes ni paiement des chèques. Mais les établissements de crédit ont majoritairement préféré rester dans le statu quo antérieur. 2. Djoudi et Loiseau, « L’état du paiement en ligne », RD banc. fin. 2004. 292.

Les instruments de paiement

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Mais ces moyens de paiement virtuel sont encore limités. Malgré tout, certains d’entre eux commencent à être connus et à susciter des interrogations. Tel est le cas du bitcoin. Il peut être défini comme une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans avoir à recourir à la monnaie légale 1. Il comprend les trois fonctions traditionnelles de la monnaie, à savoir il représente une unité de compte standardisée, il facilite les transactions commerciales et il permet de stocker une valeur pouvant être utilisée ultérieurement. Mais il ne s’agit pas d’une monnaie ayant cours légal. Il semble se rapprocher de la monnaie électronique. Mais il existe une grande différence entre les deux qui tient au fait que le bitcoin n’est pas assorti d’une garantie légale de remboursement à tout moment et à la valeur nominale. Le bitcoin est créé au sein d’une communauté d’internautes, souvent appelés « mineurs », qui ont installé sur leurs unités informatiques connectées à internet un logiciel libre qui va créer, selon un algorithme, les unités de compte bitcoin qui seront ensuite allouées à chaque mineur en récompense de sa participation au fonctionnement du système. L’objectif est de limiter la création de bitcoins pour leur donner un caractère spéculatif. Une fois créés, ils sont stockés au sein d’un « coffre-fort » électronique sur l’ordinateur, la tablette ou le portable de l’utilisateur. Il est ensuite possible de les transférer par le biais d’internet, de manière anonyme, entre les membres de la communauté. Des plates-formes internet se sont créées pour permettre l’achat et la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal. 395 Il faut également citer le développement des monnaies locales complémentaires 2. Dans plus d’une trentaine de territoires, on peut faire ses courses en monnaie locale : avec l’eusko en pays basque, en sol violette à Toulouse… On dénombre presque une quarantaine de monnaies alternatives en circulation en France… 1 . Bourdeau, « Propos sur les crypto-monnaies » », RD banc. 2016, dossier 39 ; Marain, « Le bitcoin à l’épreuve de la monnaie », AJ contrat 2017. 522. 2. Ould Ahmed, « Les monnaies locales complémentaires : enjeux et impacts pour la monnaie officielle », RD banc. 2016, dossier 40.

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Leur essor doit beaucoup à la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Ce texte reconnaît les monnaies locales complémentaires comme moyen de paiement dès lors qu’elles sont à l’initiative de structures relevant des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Leur caractéristique tient à ce qu’elles sont devenues des monnaies légales, tout en n’ayant pas de cours légal 1. 396 D’autres moyens qui ont pris une importance considérable, à savoir les cartes de crédit et le virement et ses dérivés. Même si certains de ces nouveaux moyens de paiement avaient fait l’objet de dispositions éparses, il n’a pas existé pendant longtemps de réglementation d’ensemble de ces nouveaux instruments. La liberté contractuelle jouait donc un rôle important en cette matière avec tous les excès auxquels cela peut conduire, ce qui explique d’ailleurs que la commission des clauses abusives soit plusieurs fois intervenue en ce domaine. Pourtant actuellement les cartes de crédit font l’objet de critiques de plus en plus nombreuses. On leur reproche une certaine lourdeur dans les procédures d’authentification, l’existence de plafonds et les risques de fraude existant pour les paiements à distance. La deuxième directive sur les services de paiement du 8 octobre 2015 (DSP 2) a offert un cadre juridique pour la création de nouveaux services de paiement. Par exemple, un client qui utilise un compte bancaire en ligne a le droit d’avoir recours à des logiciels, dispositifs ou applications de paiement fournis par une partie tierce agréée, et de faire exécuter ses paiements par ce fournisseur. 397 La volonté d’améliorer la concurrence dans le domaine bancaire voulue par le droit européen passait également par une réglementation de certaines opérations de paiement proposées aux utilisateurs. Telle est une partie de l’objet de l’ordonnance du 15 juillet 2009 qui a introduit dans notre système juridique la directive 2007/64/CE du Parlement et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement 2. On trouve également la 1 . Mathey, « La nature juridique des monnaies alternatives à l’épreuve du paiement », RD banc. 2016, dossier 41. 2. Piédelièvre, « L’ordonnance du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement », Gaz. Pal. 6-8 sept. 2009, p. 5 et Gaz. Pal. 10-12 sept. 2009, p. 6 ; Bouteiller,

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volonté de protéger les consommateurs. Ces derniers bénéficieront, en effet, de ces dispositions dans leur État, même lorsqu’ils s’adressent à un établissement agréé dans un État membre de l’Union, puisque le contrat sera régi par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle. Le chapitre III du titre III du Livre Ier du Code monétaire et financier est dénommé les règles applicables aux autres instruments de paiement et il remplace les chapitres jusqu’alors relatifs aux cartes bancaires et au virement. On ne distingue plus ces différents instruments de paiement. On édicte une réglementation unique qui a vocation à s’appliquer à plusieurs instruments, principalement les cartes de crédit, les virements et les prélèvements. 398 Pour autant, il en résulte un système particulièrement complexe pour au moins trois raisons. La première tient au domaine d’application de cette nouvelle réglementation. Son domaine est limité à deux égards. D’une part, il est cantonné aux services de paiement en euros ou dans une devise de l’union européenne et délivré entre deux prestataires de services de paiement situés au sein de l’Espace économique européen. D’autre part, le droit français a maintenu les dispositions qui existaient jusqu’alors pour les cartes de crédit pour les appliquer aux opérations de paiement par carte réalisées en dehors de l’Union européenne. La deuxième est que le Code monétaire et financier dissocie deux catégories d’utilisateurs. Il considère que les consommateurs et les entreprises ne se trouvent pas dans la même situation ; par conséquent, ils ne requièrent pas un niveau de protection identique. Il importe de garantir les droits des consommateurs au moyen de dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par contrat, cet encadrement se justifie de manière moins symptomatique pour les entreprises, réputées plus à même de négocier les contrats. Cette idée est traduite par l’article L. 133-2 du Code monétaire et financier qui dispose que « sauf dans les cas où l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, il peut être dérogé par contrat aux dispositions de « La transposition en droit français des dispositions européennes régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement », JCP E 2009. 1897.

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l’article L. 133-1-1, du deuxième alinéa de l’article L. 133-7, des articles L. 133-8, L. 133-19, L. 133-20, L. 133-22, L. 133-23, L. 133-25, L. 133-25-1, L. 133-25-2 et au I de l’article L. 133-26 ». La France n’a pas voulu utiliser la possibilité qui était offerte aux États membres d’assimiler à des consommateurs les microentreprises. On a une nouvelle illustration de la poussée des idées consuméristes dans les opérations bancaires. 399 La troisième raison est qu’il est nécessaire d’effectuer des distinctions selon les instruments de paiement, puisqu’il existe des règles particulières pour ceux d’un faible montant. Selon l’article D. 133-7 du Code monétaire et financier, un instrument de paiement est considéré comme réservé à des paiements de faibles montants lorsque le contrat-cadre de service de paiement relatif à cet instrument précise qu’il permet de réaliser exclusivement des opérations de paiement ne dépassant pas unitairement 30 euros, ou qu’il a une limite de dépenses de 150 euros ou qu’il ne permet pas de stocker plus de 150 euros. Ils devraient constituer un moyen simple et bon marché de régler des biens et des services de faible prix, même si pour le moment ils n’en ont eu aucun succès en France, en raison de leur coût. Le législateur considère qu’ils ne doivent pas être soumis à des exigences excessives. Les exigences d’information et les règles d’exécution qui leur sont applicables seront limitées aux informations essentielles. Leur régime est prévu par l’article L. 133-28 du Code monétaire et financier. On peut notamment relever que le payeur ne pourra pas révoquer l’ordre de paiement après l’avoir transmis ou après avoir donné son consentement à l’exécution de l’opération de paiement au bénéficiaire ou que le prestataire de services de paiement n’est pas tenu de notifier à l’utilisateur de services de paiement le refus de l’ordre de paiement si l’utilisateur de paiement en a connaissance lors de la passation de son ordre de paiement. 400 Le but de cette nouvelle réglementation consiste à renforcer la protection des utilisateurs de ces nouveaux instruments. Le législateur a voulu offrir aux consommateurs un cadre juridique protecteur. On retrouve une nouvelle fois une illustration de la volonté qui existe en droit bancaire depuis plusieurs années de

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rééquilibrer les relations contractuelles 1. Cela explique que l’on ait augmenté les obligations et la responsabilité des établissements de crédit ou des établissements de paiement. Elle tend également à limiter les frais résultant de l’utilisation de ces instruments. Fort logiquement, on considère qu’il est essentiel pour l’utilisateur de services de paiement de connaître les frais réellement appliqués aux services de paiement afin de faire son choix. Le prestataire de services de paiement ne peut imputer de frais à l’utilisateur de services de paiement pour l’accomplissement de ses obligations d’information. Le principe de limitation des frais en cas d’incident de paiement est généralisé. Selon l’article D. 133-5 du Code monétaire et financier, « constitue un incident de paiement tout rejet d’un ordre de paiement reçu par le prestataire de services de paiement du payeur en raison d’un défaut ou d’une insuffisance de provision, quel que soit le moyen de paiement utilisé ». L’article D. 133-6 précise que pour les incidents de paiement autres que le rejet d’un chèque, les frais perçus par le prestataire de services de paiement du payeur au titre d’un incident ne peuvent excéder le montant de l’ordre de paiement rejeté, dans la limite d’un plafond de 20 euros. 401 Certaines règles applicables aux nouveaux instruments de paiement ont été modifiées en raison de l’adoption de la deuxième directive de service de paiement du 8 octobre 2015 dite « SDP 2 ». Elle a été transposée en droit interne par l’ordonnance du 9 août 2017, elle-même complétée par deux décrets du 31 août 2017 et par cinq arrêtés 2. Elle est entrée en vigueur le 13 janvier 2018. Deux nouveaux services de paiement sont créés, ceux dits « d’initiation de paiement » et ceux dits « d’information sur les comptes ». Selon l’article 4 de la directive du 25 novembre 2015, les services d’initiation de paiement consistent « à initier un ordre de paiement à la demande de l’utilisateur de services de paiement concernant un compte de paiement détenu auprès d’un autre prestataire de services de paiement ». La suite de cette disposition ajoute 1 . Piédelièvre, « Les nouvelles relations contractuelles entre les banquiers et les consommateurs », JCP E 2005. 1134. 2. Lasserre Capdeville, « Nouvelle réforme des services de paiement : la « DSP 2 » est transposée. À propos de l’ordonnance no 2017-1252 du 9 août 2017 », JCP 2017. 923.

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que ces services « interviennent dans les paiements dans le cadre du commerce électronique en établissant une passerelle logicielle entre le site internet du commerçant et la plate-forme de banque en ligne du prestataire de services de paiement gestionnaire du compte du payeur en vue d’initier des paiements par l’internet sur la base d’un virement ». L’objectif consiste à effectuer un paiement direct de compte à compte permettant aux clients de faire des achats en ligne, sans passer par l’intermédiaire de leurs cartes de paiement. L’avantage pour le commençant tient à ce qu’il est certain que le paiement a bien été initié. Ainsi, les biens peuvent être livrés ou les services fournis sans délai. L’article L. 133-40 du Code monétaire donne des indications sur la mise en œuvre de ce nouveau service. Toujours selon l’article 4 de la directive du 25 novembre 2015, les services d’information sur les comptes sont des services en lignes « consistant à fournir des informations consolidées concernant un ou plusieurs comptes de paiement détenus par l’utilisateur de services de paiement soit auprès d’un autre prestataire de services de paiement, soit auprès de plus d’un prestataire de services de paiement ». Ils permettent à l’utilisateur de services de paiement d’avoir une vue d’ensemble de sa situation financière à tout moment et de gérer au mieux ses finances personnelles. Jusqu’à présent, les prestataires de services de paiement comportaient principalement les établissements de crédit, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique. L’ordonnance du 9 août 2017 ajoute à cette liste les prestataires de services d’information sur les comptes. Selon l’article L. 522-1 II du Code monétaire et financier, « les prestataires de services d’information sur les comptes sont les personnes physiques ou morales, autre que les établissements de crédit, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement et les personnes mentionnées au II de l’article L. 521-1, qui fournissent à titre de profession habituelle le service d’information sur les comptes mentionnés au 8° du II de l’article L. 314-1 à l’exclusion de tout autre service de paiement ». 402 Avec l’objectif de toujours mieux protéger le client, l’ordonnance du 9 août 2017 a développé l’authentification forte et elle a renforcé les procédures de contestation du client.

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En vertu de l’article L. 133-4 f du Code monétaire et financier, « une authentification forte du client s’entend d’une authentification reposant sur l’utilisation de deux éléments ou plus appartenant aux catégories “connaissance” (quelque chose que seul l’utilisateur connaît), “possession” (quelque chose que seul l’utilisateur possède) et “inhérence” (quelque chose que l’utilisateur est) et indépendants en ce sens que la compromission de l’un ne remet pas en question la fiabilité des autres, et qui est conçue de manière à protéger la confidentialité des données d’authentification ». Cette authentification forte est nécessaire dans trois hypothèses, à savoir lorsque le payeur accède à son compte de paiement en ligne, lorsqu’il initie une opération de paiement électronique ou lorsqu’il exécute une opération par le biais d’un moyen de communication à distance, susceptible de comporter un risque de fraude en matière de paiement ou de toute autre utilisation frauduleuse. Le nouvel article L. 133-18 du Code monétaire et financier dispose, pour les contestations d’opérations de paiement non autorisées, que le prestataire de services du payeur devra rembourser au payeur le montant de l’opération non autorisée « immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ». Des règles particulières sont prévues lorsque l’opération a été initiée par l’intermédiaire d’un prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement. Dans ce cas, en effet, le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte devra rembourser immédiatement, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, au payeur le montant de l’opération non autorisée. 403 La mesure la plus emblématique concerne les instruments de paiement dotés de données de sécurité personnalisées. L’article L. 133-19 prévoyait que le payeur supporte, avant l’opposition, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 150 euros. Ce montant passe, désormais, à 50 euros.

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De nouvelles hypothèses d’irresponsabilité du payeur sont encore envisagées, notamment en cas d’opérations de paiement non autorisées effectuées sans utilisation des données de sécurité personnalisées, de perte ou de vol d’un instrument de paiement ne pouvant être détecté par le payeur avant le paiement ou de perte due à des actes ou à une carence d’un salarié, d’un agent ou d’une succursale d’un prestataire de services de paiement ou d’une entité vers laquelle ses activités ont été externalisées. L’étude des règles actuelles relatives à ces nouveaux instruments de paiement (CHAPITRE 2), nécessite qu’au préalable soit effectuée une présentation de ces différents instruments, car derrière une réglementation unitaire se cachent malgré tout des moyens de paiement différents reposant sur des mécanismes spécifiques (CHAPITRE 1). Même si elle n’est pas pour le moment très utilisée, une place particulière devra être faite à la monnaie électronique (CHAPITRE 3).

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C HAPITRE 1

Les différents instruments de paiement 404 Depuis quelques années, certains moyens de paiement ont pris

une importance considérable, à savoir les cartes de crédit (SECTION 1) et le virement et ses dérivés (SECTION 2). Les banquiers ont développé ces instruments de paiement dont le traitement est moins onéreux que pour le chèque et qui leur permettent d’obtenir une rémunération, puisque ces moyens ne sont pas gratuits.

S ECTION 1

Les cartes de crédit 405 Les cartes de crédit sont devenues, depuis une vingtaine d’années,

un moyen de paiement dont l’importance ne cesse de croître et qui supplante le chèque 1. Matériellement, elles se présentent, en vertu d’une norme ISO 2894, sous la forme standard d’un rec1 . V. Bertrand et Le Clech, La pratique du droit des cartes, 1re éd. ; dir. Gavalda, Les cartes de paiement, 1980 ; Gavalda, Les cartes de paiement et de crédit, 1994 ; Cabrillac, « Monétique et droit de paiement », Mélanges de Juglart, p. 83 ; Froment, « L’innovation dans les paiements », Banque 1993. 52 ; Huet, « Droit de l’informatique, panorama sur les cartes de paiement », D. 1986. 298 ; Lucas de Leyssac, « Cartes bancaires », RD banc. fin. 1991. 2 ; Martin, « La carte de paiement et la loi (ou la puce maltraitée) », D. 1992. 277 ; Sousi-Roubi et Gérard, « Les dispositions communautaires en matière de cartes », RD banc. fin. 1989. 97 ; Vasseur, « Le paiement électronique aspects juridiques », JCP E 1986. II. 14641.

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tangle plastifié d’une longueur de 86 mm, d’une largeur de 54 mm et d’une épaisseur de 0,76 mm. Elles sont dotées d’un microprocesseur (encore appelé puce électronique) et/ou d’une bande magnétique. Elles mettent généralement en place trois personnes, un émetteur, un créancier, souvent appelé fournisseur, et un titulaire encore dit « porteur ». Comme on l’a indiqué, « la carte est au point de contact de la civilisation du papier et de celle de l’informatique. Elle porte, en caractères apparents, des écrits embossés et une signature manuscrite. Elle est surtout vecteur d’informations numérisées sur piste magnétique et puce électronique. » 1 Compte tenu de leur diversité, il est nécessaire de commencer par dresser une typologie des différentes cartes de crédit 2. Les premières cartes ont été émises par certains grands magasins, dans le but de fidéliser leur clientèle. On les dénomme souvent cartes privatives. Elles permettent à ces commerçants de proposer à leurs clients des promotions et de leur accorder des facilités de paiement. Les clients signent simplement une facture pour leurs différents achats qu’ils régleront ultérieurement par chèque ou par virement. Ces cartes sont expressément autorisées par l’article L. 511-7-5o du Code monétaire et financier, bien que non émises par un établissement de crédit ou un établissement de paiement. Elles présentent l’inconvénient de n’être utilisables qu’auprès de l’établissement émetteur. Aussi certains établissements financiers, à l’origine le Diners Club et l’American Express, ont émis des cartes permettant à leurs titulaires de régler des prestations de service ou le montant de leurs achats auprès de toute personne ayant adhéré au système. On parle alors de cartes universelles. Leur particularisme tenait initialement à ce que l’établissement de crédit ne tient pas le compte bancaire du titulaire de la carte. L’émetteur paie les créanciers du titulaire. Ce dernier le remboursera ensuite par chèques ou virements.

1 . Lucas, Devèze et Frayssinet, Droit de l’informatique, 1re éd., no 926. 2. Piédelièvre et Putman, no 325.

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406 Les banques ont alors élaboré leur système de cartes bancaires.

Ces cartes ont également un caractère universel. Mais dans ce cas, l’émetteur tient en même temps le compte du titulaire de la carte. Pour se rembourser, il lui suffit de débiter le compte de son client. Ces banques se sont regroupées. Il existe actuellement deux grands réseaux, le réseau Carte bleue Visa et le réseau EurocardMastercard qui se sont réunis au sein de l’important GIE cartes bancaires. Ce GIE, dans la mesure où il domine le marché des cartes bancaires, se voit périodiquement reprocher des pratiques anti-concurrentielles. Il a dû notamment s’engager auprès de l’Autorité de la concurrence à revoir le système des commissions interbancaires 1. On distingue parfois les cartes de paiement et les cartes de retrait. Constitue une carte de paiement toute carte émise par un établissement de crédit ou assimilé permettant à son titulaire de retirer ou de transférer des fonds. Constitue une carte de retrait, toute carte émise par un établissement de crédit ou assimilé permettant exclusivement à son titulaire de retirer des fonds. Seules les cartes émises par un établissement de crédit ou un établissement de paiement peuvent être qualifiés d’instruments de paiement. 407 Par une délibération no 2013-358 du 14 novembre 2013, la CNIL a adopté une recommandation concernant le traitement des données relatives à la carte de paiement en matière de vente de biens ou de fourniture de services à distance. Pour elle, l’emploi du numéro de la carte de paiement comme identifiant commercial n’est pas légitime. La collecte du numéro de carte a en effet uniquement comme objectif de réaliser une transaction, de réserver un bien ou un service, de créer un compte de paiement pour faciliter les achats ultérieurs sur le site du commerçant, offrir des solutions de paiement dédiées à la vente à distance par des prestataires de services de paiement et de lutter contre la fraude à la carte de paiement. Les données strictement nécessaires à la réalisation d’une transaction sont le numéro de la carte, la date d’expiration et le 1 . Sur ce point, cf. obs. Delpech, D. 2011. 1006.

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cryptogramme visuel. Un commerçant en ligne ne peut pas demander la transmission d’une copie de la carte de paiement même si le cryptogramme visuel et une partie des numéros sont masqués. Lorsque les données relatives à la carte sont conservées en ligne par le commerçant afin d’éviter au consommateur de ressaisir son numéro de carte lors d’un achat ultérieur, le consentement préalable de ce dernier est obligatoire. Dans ce cas, des mesures de sécurité supplémentaires sont préconisées, par exemple le masquage de tout ou partie du numéro de la carte lors de son affichage ou de son stockage. Le titulaire de la carte doit recevoir une notification des failles de sécurité conduisant à la compromission de ses données bancaires afin de prendre les mesures nécessaires devant limiter les risques de réutilisation frauduleuse de la carte. 408 La mise en place du mécanisme des cartes de crédit suppose que les parties aient intérêt à recourir à cette technique de paiement. Pour le banquier émetteur, l’avantage tient à ce qu’il est rémunéré. Il perçoit du porteur une commission annuelle et du fournisseur une commission sur chaque opération. Il n’existe pas de manipulations de papiers, comme en matière de chèques. Pour le porteur, le recours à une carte de crédit est source de simplification et d’avantages. La simplification est particulièrement importante pour la majorité des règlements effectués à l’étranger, alors que le paiement par chèque est délicat pour ne pas dire impossible. Les fournisseurs se plaignent assez souvent du coût élevé du paiement par cartes de crédit. Mais en contrepartie, ce mode de règlement leur confère une garantie de paiement supérieure à celle qu’offre le chèque. Son inconvénient tient à l’importance actuelle des risques de fraude 1. Le mécanisme des cartes de crédit a pour objet de procurer un paiement à un créancier, le fournisseur (§ 2). Il suppose au préalable la mise en place de relations contractuelles entre les différents protagonistes (§ 1).

1 . V. depuis la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001, la mise de place de l’Observatoire de la sécurité des cartes, cf. Delauze, « Le renforcement des droits du porteur face aux risques liés à l’utilisation de la carte de crédit », RJ com. 2002. 265 ; Lasserre Capdeville, « La répression de la fraude à la carte bancaire : état des lieux », Banque et droit mai-juin 2005. 26 ; Martin, « La carte de paiement et la loi, ou la puce maltraitée », D. 1992. 277.

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§ 1. La mise en place des relations contractuelles

409 Le banquier émetteur est au centre des relations contractuelles

suscitées par la création d’une carte de crédit. Il va conclure deux contrats, l’un avec le futur porteur, afin que ce dernier puisse payer par carte (A), et l’autre avec le fournisseur qui va accepter d’être payé par carte (B).

A. Le contrat entre l'émetteur et l'adhérent Un banquier n’est jamais tenu de délivrer à un client qui a ouvert un compte chez lui une carte de crédit ou à son mandataire. Il bénéficie d’une faculté de sélection. On considère qu’il existe en la matière un fort intuitu personae. Sa décision de ne pas délivrer une telle carte est susceptible d’être déclarée abusive. Ce principe connaît désormais une limite prévue par l’article D. 312-5-11o du Code monétaire et financier. Parmi les services bancaires de base figure « une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l’établissement de crédit qui l’a émise ». Dans l’hypothèse où il décide de lui en accorder une, l’émetteur doit effectuer certaines vérifications, notamment la capacité du futur porteur 1. L’adhérent peut aussi bien être une personne physique qu’une personne morale. Dans ce dernier cas, le contrat de carte de crédit stipule souvent une solidarité entre la personne morale titulaire du compte et le porteur de la carte 2. Pour les comptes collectifs, notamment les comptes joints et pour les comptes des personnes morales, plusieurs cartes de crédit peuvent être émises. Les sociétés recourent fréquemment au système des cartes dites « de sociétés ». Plusieurs cartes sont émises sur le compte de la société et elles sont adressées à des salariés de l’entreprise afin qu’ils règlent leurs frais professionnels courants. 1 . V. imposant l’assistance du curateur pour un majeur en curatelle, Civ. 1re, 21 nov. 1984, D. 1985. 287, note Lucas de Leyssac. Cependant certaines banques offrent à des mineurs non émancipés des cartes de crédit lorsqu’elles leur ouvrent un compte, v. Huet, « Détournement “bancaire” de mineurs ? », D. 1987. 215. 2. Com. 24 févr. 1987, Bull. civ. IV, no 117.

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Elles prévoient elles aussi la solidarité de la société et de l’utilisateur. 410 La convention conclue entre l’émetteur et l’adhérent est un

contrat d’adhésion souvent appelé contrat adhérent. Le regroupement des émetteurs en réseaux amène une standardisation des contrats. L’émetteur effectue sa demande en remplissant un écrit préétabli, dont la plupart des clauses ne sont pas négociables. Le contrat prévoit le type de carte remis à l’adhérent. Les cartes dites « de retrait » permettent seulement à l’adhérent de retirer des espèces auprès de distributeurs automatiques de billets. Les cartes dites « de paiement » autorisent les adhérents à retirer des fonds et à payer des fournisseurs. Certaines de ces cartes, dites « à débit différé », offrent des facilités de remboursement, puisque celui-ci n’aura lieu qu’en fin de mois. Les dispositions du Code de la consommation relatives au crédit à la consommation ne s’appliquent pas à ces cartes, puisque l’article L. 312-4 du Code de la consommation exclue du champ d’application de cette réglementation les crédits consentis pour une durée totale inférieure ou égale à un mois. Les cartes dites « de crédit », outre les fonctions de retrait et de paiement, permettent aux adhérents de bénéficier d’une ligne de crédit. Il s’agit généralement de crédit revolving. Assez souvent, cette carte déclenche l’application des dispositions protectrices du Code de la consommation. Le contrat est généralement conclu pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Il est fréquemment prévu que l’émetteur n’est pas tenu au renouvellement et même qu’il peut à tout moment retirer à l’adhérent l’usage de sa carte de crédit, sans avoir à donner de motifs. Cette solution s’applique uniquement si une stipulation contractuelle en ce sens a été insérée dans le contrat. À défaut, la décision de l’émetteur devra être motivée 1. Certains événements, comme le décès de l’adhérent ou l’ouverture à son encontre d’une procédure collective, mettent automatiquement fin au contrat. Il réserve le droit, assez exorbitant, à l’émetteur de modifier en cours de contrat le contenu de

1 . Com. 26 mai 2004, RD banc. fin. 2004. 244, obs. Crédot et Gérard.

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celui-ci, sans avoir à obtenir le consentement de l’adhérent 1. Celui-ci doit cependant être informé de la modification. En cas de désaccord, il dispose alors généralement d’un délai d’un mois pour résilier le contrat. Le contrat prévoit généralement que la carte demeure la propriété de l’émetteur. Il la reprend d’ailleurs pour la détruire en fin d’utilisation. L’adhérent est seulement titulaire de la carte qui lui est strictement personnelle. Il est uniquement bénéficiaire d’une sorte de droit d’usage. 411 Chacune des parties au contrat souscrit des obligations. L’obligation de l’émetteur consiste principalement à régler le montant des dépenses payées par l’adhérent au moyen de sa carte de crédit. Il est cependant nécessaire d’opérer une distinction. À concurrence d’un certain montant, l’émetteur est garant du paiement, c’est-àdire qu’il devra régler le créancier de l’adhérent, même si ce dernier est insolvable. Au-delà de ce montant, l’émetteur agit comme un mandataire chargé d’effectuer les paiements pour le compte de l’adhérent. Il paiera à concurrence du montant du solde créditeur de l’adhérent. L’adhérent quant à lui s’engage à utiliser personnellement la carte de crédit et donc à ne pas la prêter. Pour cela, et également pour limiter les risques de fraude, il est tenu de signer sa carte. En contrepartie de la remise d’une carte de crédit, l’adhérent verse une cotisation annuelle dont le montant dépend du type de carte. Il s’engage également à rembourser le banquier émetteur, conformément aux stipulations contractuelles. Ce remboursement est indépendant des relations unissant l’adhérent et le fournisseur. Il est donc impossible à l’adhérent d’opposer à l’émetteur les exceptions qu’il pourrait opposer au fournisseur. La carte de crédit restant la propriété de l’émetteur, l’adhérent supporte une obligation de restitution, lorsqu’il est mis fin au contrat.

1 . Cette clause devra désormais respecter l’article L. 314-13 III du Code monétaire et financier qui prescrit de communiquer 2 mois à l’avance tout projet de modification. Celui-ci est réputé accepté sauf avis contraire de l’adhérent.

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B. Le contrat entre l'émetteur et le fournisseur 412 Le fournisseur qui souhaite accepter des paiements par carte de

crédit doit adhérer au groupement carte bancaire. L’adhésion est normalement effectuée pour une durée indéterminée. La résiliation est donc possible pour chacune des parties à tout moment. La convention, souvent appelée convention fournisseur, prévoit que certains événements affectant le fournisseur, comme la cessation d’activité ou le manquement à certaines de ses obligations, entraînent automatiquement la résiliation. Le fournisseur a la possibilité de s’affilier à plusieurs réseaux. Là encore, chacune des parties souscrit certaines obligations. L’émetteur s’engage principalement à payer les factures. Il est cependant nécessaire de distinguer suivant que l’émetteur garantit ou non le paiement. Jusqu’à concurrence d’un certain montant, fixé contractuellement par les parties, l’émetteur s’engage à payer, même en l’absence de provision. Cependant le banquier émetteur peut refuser le paiement en cas de faute du fournisseur. En cas de dépassement du montant, le fournisseur a la possibilité de demander un accord de dépassement. En cas d’absence de garantie de paiement, l’émetteur agit comme mandataire. Pourtant fréquemment, il crédite immédiatement le compte du fournisseur. Mais il le fait seulement au titre d’une avance. Si le compte de l’adhérent ne comporte pas de provision, l’émetteur peut, dans un délai de six mois, débiter le compte du fournisseur. 413 Des règles particulières dérogeant aux règles générales sont souvent prévues pour les ventes à distance. La convention prévoit généralement qu’en cas de contestation de la transaction par le débiteur de l’opération, le banquier émetteur aura la faculté de contre-passer. La Cour de cassation a eu à se prononcer sur la validité de ces stipulations. Selon elle, « l’arrêt, fait l’exacte application de la loi du contrat, dès lors qu’il retient que les conditions particulières du contrat litigieux ont pour vocation de préciser ou de déroger aux conditions générales, faisant ainsi prévaloir les premières sur les dernières ; qu’il n’est pas discuté que les opérations litigieuses sont intervenues lors de ventes par correspondance régies par des conditions spécifiques ; qu’il relève encore,

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qu’en cas de contestations éventuelles sur les transactions émanant des titulaires de la carte, en application des conditions particulières, la banque émettrice pouvait contre-passer les opérations litigieuses au débit du compte du fournisseur ; qu’il résulte de ces stipulations que, dans cette hypothèse, la clause de la garantie de paiement de la banque émettrice, prévue aux conditions générales, ne peut pas avoir d’effet, même si un accord a été donné par le centre d’autorisation » 1. 414 Le fournisseur s’engage à accepter les paiements par cartes de

crédit. Il doit informer le public de son affiliation au réseau. Il lui est interdit d’augmenter les prix en cas de paiement par cartes, ce qui reviendrait à faire supporter à ses clients le montant des commissions qu’il doit verser à l’émetteur, puisque le droit français prohibe la pratique dite « du surcharging ». Pour des opérations d’un faible montant, il a la faculté d’interdire le paiement par cartes, si ses clients en sont informés. Il est tenu d’effectuer certaines vérifications, notamment la conformité de la signature de l’émetteur et l’absence d’opposition. Il lui appartient de transmettre au centre de traitement de l’émetteur les factures ou les enregistrements électroniques. Le règlement s’effectue au moyen d’une facture. Un double est remis au client et l’original sera transmis au banquier du fournisseur qui l’adressera à son tour au banquier de l’émetteur de la carte. Le banquier émetteur qui règle le montant de la facture sera subrogé dans les droits du fournisseur. Le fournisseur verse également certaines commissions qui rémunèrent l’émetteur. Leur montant diffère selon les réseaux. Une partie de ces commissions est fixe. Elle correspond aux loyers pour le matériel mis à sa disposition par l’émetteur, son appartenance à un ou plusieurs réseaux, au service de paiement et au service de garantie. Une partie est proportionnelle et elle dépend du nombre et du montant d’opérations traitées. Ces commissions sont à la base de litiges qui opposent depuis plusieurs années les commerçants au groupement des cartes bancaires.

1 . Com. 6 déc. 2005, Bull. civ. IV, no 238 ; RTD com. 2006. 166, obs. Legeais.

Les nouveaux moyens de paiement

415

Il existe des règles relatives aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte. À chaque fois qu’une transaction est réglée au moyen d’une carte bancaire, la banque qui affilie le commerçant verse à la banque émettrice de la carte une commission proportionnelle au montant de la transaction. Cette commission appelée commission interbancaire de paiement ou commission d’interchange, permet de transférer les coûts afférents au risque de fraude et d’insolvabilité de la banque émettrice vers la banque acquéreuse. Les frais bancaires relatifs aux encaissements par carte pèsent donc énormément dans les coûts des commerçants. Ces coûts sont indirectement répercutés sur les consommateurs. Les commerçants pourraient être tentés d’appliquer une surfacturation dite « surcharging », en fonction du moyen de paiement utilisé par leur client. Cette pratique, permise en Europe par la Directive sur les services de paiement et aux États-Unis, n’est toutefois pas autorisée en France même si elle est déjà mise en œuvre par certains sites Internet. Mais ils répercutent nécessairement ces frais sur leur prix, surtout compte tenu de la multiplication des paiements par cartes. Le règlement du 9 juin 2015 applicable depuis le 9 décembre 2015 relatif aux commissions d’interchange prévoit des plafonds pour les commissions d’interchange appliquées aux opérations de paiement liées aux cartes de débit ou de crédit des consommateurs et il interdit la surfacturation pour ces types de cartes. Pendant une période de transition de vingt-deux mois, les plafonds sur les commissions d’interchange pour les cartes de débit et de crédit s’appliquait uniquement aux opérations transfrontières, c’est-à-dire lorsqu’un consommateur utilise sa carte dans un autre pays ou lorsqu’un détaillant fait appel à une banque dans un autre pays. Désormais, ces plafonds s’appliquent également aux opérations de paiement à l’intérieur d’un même pays. Ces plafonds sont fixés à 0,2 % de la valeur de l’opération pour les cartes de débit et à 0,3 % pour les cartes de crédit.

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Les différents instruments de paiement

§ 2. Le paiement par carte de crédit 416 Les cartes de crédit permettent à leurs titulaires de retirer des

espèces ou d’effectuer des paiements. La nature juridique du paiement par carte, du moins quand le paiement est garanti par l’émetteur, se rapproche sans doute beaucoup de celle d’une délégation de créance, le titulaire de la carte faisant office de délégant, l’émetteur de délégué, le fournisseur de délégataire 1. Lorsqu’elles servent à effectuer des paiements, leur utilisation n’emporte pas novation. L’extinction interviendra lors de l’inscription définitive de la somme au crédit du compte du fournisseur. En conséquence, à défaut de paiement, le fournisseur pourra agir contre l’adhérent au titre du rapport sous-jacent. Le paiement par carte a posé certaines difficultés de preuve. En tout état de cause, il présente un caractère irrévocable. Les difficultés de preuve tenaient au fait que généralement l’adhérent ne signe pas son ordre de paiement ; il tape seulement son code secret sur le clavier qui lui est présenté. Parfois même, il ne compose même pas son numéro secret. En cas de difficultés, se sont posées les questions de la valeur de cette signature magnétique ou des conséquences de l’absence de toute signature. Lorsque l’acte est mixte, les règles du droit commun de la preuve des actes juridiques prévues par les articles 1359 et suivants du Code civil s’appliquent. Si le montant du paiement est inférieur à 1 500 euros, la preuve est libre et les enregistrements informatiques sont de nature à emporter la conviction sur l’existence d’un ordre de paiement de la part de l’adhérent 2. Tel ne serait plus le cas, si l’on démontrait un dérèglement du système informatique. Pour les paiements d’un montant supérieur à 1 500 euros, les contrats types de cartes bancaires stipulent des clauses prévoyant que les enregistrements des appareils automatiques ou leur repro1 . En ce sens, Billiau, La délégation de créance, LGDJ, no 444 ; Piédelièvre et Putman, no 328 ; comp. Grua, « Sur les ordres de paiement en général », D. 1996. 172 ; Lucas de Leyssac, « Les cartes de paiements et le droit civil », in dir. Gavalda, Les cartes de paiement, Economica, p. 55 s. 2. Montpellier, 9 avr. 1987, RTD com. 1988. 265, obs. Cabrillac et Teyssié ; RTD civ. 1988. 758, obs. Mestre ; JCP 1988. II. 20984, note Boizard ; RD bancaire et bourse 1987. 125, obs. Crédot et Gérard.

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duction constituent une preuve des opérations effectuées au moyen d’une carte de crédit. Comme la Cour de cassation permet l’existence des conventions portant sur les modes de preuve, elle a admis la validité de ces clauses 1. Il faut désormais tenir compte de l’admission de la signature électronique par la loi du 13 mars 2000. L’article 1367 du Code civil indique qu’elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.

S ECTION 2

Le virement et ses dérivés 417

Le virement se définit comme un transfert de fonds d’un compte vers un autre compte. Il s’opère par un jeu d’écriture 2. Le compte du donneur d’ordre sera débité et celui du bénéficiaire sera crédité. Il fait intervenir un ou deux banquiers. Il évite l’emploi de la monnaie. Les risques de perte ou de vol sont écartés, même s’ils ne sont pas totalement écartés 3. Ce mode de paiement a facilement été informatisé. L’article L. 632-1-4o du Code de commerce le considère comme un mode normal de paiement. Le banquier mandaté ne sera tenu d’exécuter l’ordre qui lui est donné uniquement si le compte présente un solde positif. Outre son rôle d’instrument de paiement, le virement permet d’effectuer des libéralités. Le virement apparaît au premier abord comme un moyen de paiement particulièrement intéressant. L’informatisation du système bancaire a favorisé son essor. L’État en a d’ailleurs souvent favorisé l’usage. Le virement présente cependant certains inconvénients pour les utilisateurs du virement qui tiennent principalement à son coût économique, tout du moins lorsqu’il s’agit de virements effectués au profit d’un bénéficiaire qui a son compte

1 . Civ. 1re, 8 nov. 1989, Bull. civ. IV, no 342 ; JCP 1990. II. 21576, note Virassamy ; RTD civ. 1990. 81, obs. Mestre ; RTD com. 1990. 79, obs. Cabrillac et Teyssié ; D. 1990. 369, note Gavalda ; D. 1990. Somm. 327, obs. Huet. 2. V. Martin, « Aspects juridiques du virement », RD bancaire et bourse 1989. 149 ; Rives-Lange, « La monnaie scripturale », Mélanges Cabrillac, p. 405. 3. Pour une illustration Com. 31 janv. 2017, Gaz. Pal. 13 juin 2017, obs. Houin-Bressand ; Dr. et proc. nov. 2017. 22, obs. Piédelièvre.

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dans une autre banque que celle du donneur d’ordre. Malgré tout, il a servi de modèle à certains nouveaux moyens de paiement. Pour cette raison, l’étude du virement (§ 1) précédera celle des dérivés du virement (§ 2).

§ 1. Le virement

418 Jeu d’écriture de compte à compte, l’analyse juridique du virement

a suscité certaines difficultés. On l’a parfois qualifié de cession de créance ou de délégation. Selon la première proposition, le donneur d’ordre transférerait au bénéficiaire le montant de son solde de compte créditeur, c’est-à-dire sa créance contre le banquier. Mais l’admission de cette première théorie aurait supposé que soit respecté le formalisme de l’article 1690 du Code civil alors applicable, ce qui en pratique était totalement irréaliste. Selon la seconde, on se trouverait en présence d’une délégation parfaite. Le donneur d’ordre serait le délégant, le banquier serait le délégué et le bénéficiaire serait le délégataire. Le premier inviterait le deuxième à s’engager envers le troisième. Cette analyse a été contestée, car, contrairement au droit commun de la délégation, le bénéficiaire du virement ne donne pas de décharge au donneur d’ordre. De plus, elle ne permet pas d’expliquer l’hypothèse du virement effectué par une personne entre deux comptes dont elle est titulaire 1. Actuellement, on considère que le virement est constitutif d’une remise de monnaie scripturale 2. Le virement se décompose en deux opérations ; la première est de type préparatoire et la seconde est d’exécution. 419 La préparation du virement nécessite que le titulaire du compte donne un ordre à son banquier, afin que celui-ci transfère des fonds. Le banquier n’a jamais la possibilité d’agir d’office. Pendant toute cette période, le futur bénéficiaire n’acquiert pas de droit à l’encontre du banquier qui a reçu l’ordre. Il ne peut pas exiger que les fonds lui soient remis. L’ordre ne peut donc jamais valoir paiement, ce qui signifie que le donneur demeure débiteur. Cet ordre est 1 . Ripert et Roblot par Delebecque et Germain, no 2309. 2. Rives-Lange, « La monnaie scripturale », Mélanges Cabrillac, p. 405 ; Didier, « Monnaie de compte et compte bancaire », Études Flour, p. 139 ; v. son adoption en jurisprudence par Com. 22 juill. 1986, D. 1987. Somm. 299, obs. Vasseur.

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constitutif d’un mandat. Il doit donc respecter toutes les conditions du droit commun des contrats et celles spécifiques du mandat. Les questions de consentement, de capacité et de pouvoirs ne suscitent pas de difficultés particulières. Le donneur d’ordre et le banquier doivent donner leur consentement à l’opération. Il faut que le donneur d’ordre ait la capacité et les pouvoirs pour disposer des fonds déposés sur le compte. De son côté, la cause a suscité quelques interrogations. On considère généralement que le virement constitue un acte abstrait. Il s’agit d’une conséquence du fait qu’il s’analyse en une remise de monnaie scripturale. Le virement s’analyse en un contrat consensuel. Malgré tout, dans la majorité des hypothèses, ne serait-ce que pour des raisons de preuve et des raisons d’identification du donneur d’ordre, il est donné par écrit, que ce soit un écrit sur support papier ou désormais un écrit sous forme électronique. Le plus souvent, les banquiers remettent à leurs clients des formules préétablies. La jurisprudence a posé en principe qu’« aucune disposition n’impose qu’un ordre de virement, même émanant d’un non-commerçant, soit rédigé par écrit » 1. La preuve de l’ordre suscite une difficulté. Peut-elle résulter de l’absence de protestation du donneur d’ordre du débit de son compte lors de la réception de ses relevés de compte ? La jurisprudence considère que ce silence constitue une présomption simple d’approbation 2. 420 Le fait que le virement s’analyse en un mandat produit plusieurs conséquences importantes. La principale obligation du banquier mandataire consiste à exécuter conformément aux instructions de son client l’ordre qui lui a été transmis dans un bref délai. Il pourrait pourtant refuser d’exécuter un ordre, lorsque le compte de son client est insuffisamment provisionné. L’ordre de virement pourrait aussi être paralysé en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre du donneur d’ordre ou en cas de saisie attribution pratiquée sur le compte de ce dernier par un créancier. Le banquier est 1 . Civ. 1re, 1er juill. 1997, Bull. civ. I, no 218 ; adde Com. 4 juin 1996, RD bancaire et bourse 1997. 165, obs. Crédot et Gérard. 2. Civ. 1re, 1er juill. 1997, préc. ; pour l’admission de la preuve contraire, Com. 10 févr. 1998, RTD com. 1998. 394, obs. Cabrillac ; Com. 7 janv. 2004, RD banc. fin. 2004. 92, obs. Crédot et Gérard.

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tenu d’exécuter l’ordre conformément aux instructions qui lui ont été données et avec diligence. Il doit effectuer certaines vérifications et notamment il lui appartient de s’assurer de l’authenticité de l’ordre, par exemple en contrôlant la signature de l’auteur de l’ordre ou en s’assurant des pouvoirs de ce dernier 1. Les ordres de virement peuvent être donnés par voie électronique. Le banquier devra alors s’assurer de la régularité de l’opération qui devra avoir respecté un processus d’identification. Comme tout mandataire, il doit informer son mandant, lorsque sa mission se heurte à d’importantes difficultés. De manière générale, il est soumis à la même responsabilité qu’un mandataire à titre onéreux. En outre, il est dépositaire des fonds de son client et sa responsabilité sera engagée sur le fondement de ce contrat, s’il exécute un ordre qui se révélera ultérieurement faux, même si la falsification est indécelable. Le donneur d’ordre, comme tous les mandants en application de l’article 2004 du Code civil, a la possibilité de librement révoquer son ordre, sauf si celui-ci avait été stipulé irrévocable. Il est nécessaire de déterminer jusqu’à quel moment cette faculté lui est accordée. Après certaines hésitations, la jurisprudence a décidé que la révocation était possible jusqu’au jour où les sommes sont sorties de son compte, c’est-à-dire jusqu’à l’inscription au débit de son compte 2. En outre, l’ordre devient caduc en cas de décès du donneur d’ordre ou en cas de survenance d’une incapacité 421 L’exécution du virement va permettre au donneur d’ordre d’effectuer un paiement. Le banquier ne peut refuser d’exécuter l’ordre qui lui est donné, sauf si le montant du compte ne permet pas de réaliser l’opération demandée. Il doit exécuter l’ordre qui lui a été donné avec célérité, faute sinon pour lui de commettre une faute et donc d’engager sa responsabilité que ce soit à l’égard de son client ou d’un tiers. Mais encore faut-il que les conditions de la responsabilité soient réunies 3. Lorsqu’elle exécute, de manière ponctuelle, un ordre de virement bien qu’il n’existe pas de provi1 . Com. 10 févr. 1998, préc. 2. Com. 26 janv. 1983, D. 1983. IR 469, obs. Vasseur ; RTD com. 1984. 129, obs. Cabrillac et Teyssié. 3. Com. 30 nov. 2010, Dr. et proc. 2011. suppl. no 10, p. 22, obs. Piédelièvre.

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sion préalable suffisante, la banque consent une facilité de caisse à son client. Si une difficulté de paiement apparaissait, elle devrait en informer immédiatement le client. Le virement doit être accepté par son bénéficiaire. Cette acceptation peut être expresse, mais le plus souvent elle est tacite et elle résulte de son silence lors de la réception du relevé de comptes. Il s’opère par deux écritures distinctes. Le compte du donneur d’ordre est débité du montant du virement et le compte du bénéficiaire est crédité de ce même montant. Il existe nécessairement un décalage dans le temps entre ces deux écritures. Pour la jurisprudence, « le virement vaut paiement dès réception des fonds par le banquier du bénéficiaire qui les détient pour le compte de son client » 1. Le paiement est devenu définitif et il ne peut être remis ultérieurement en cause, du moins en principe. Une nuance doit être apportée en cas de paiement par erreur. L’erreur peut être une erreur sur la personne du bénéficiaire ou sur le montant à transférer. La résolution de cette difficulté diffère suivant que l’erreur a été commise par le donneur d’ordre ou par le banquier. Dans la première hypothèse, le donneur d’ordre devra exercer une action en répétition de l’indu contre le bénéficiaire. Dans la seconde hypothèse, le banquier a commis une faute. Il lui appartiendra alors d’indemniser le donneur d’ordre, en raison d’une mauvaise exécution de sa mission et il bénéficiera également d’une action en répétition de l’indu contre le bénéficiaire. 422 Assez souvent, l’opération de virement nécessite l’intervention de deux banquiers : celui du donneur d’ordre et celui du bénéficiaire. Ce dernier agit comme mandataire du bénéficiaire. Il reçoit mandant d’encaisser les fonds. Ce mandat est rarement express, car un banquier gestionnaire d’un compte bénéficie d’un mandat général d’encaissement 2. Il lui appartient d’effectuer certaines vérifications, comme le nom du bénéficiaire, et de ne pas se contenter d’en affecter le montant au compte de son client 3.

1 . Com. 3 févr. 2009, JCP 2009. II. 10045, note Barbiéri ; JCP E 2009. 1227, note Stoufflet ; Dr. et proc. mai-juin 2009, obs. Piédelièvre. 2. D. Martin, « Aspects juridiques du virement », RD bancaire et bourse 1989. 149. 3. Com. 29 janv. 2002, D. 2002. 716, note A. Lienhard ; RTD com. 2002. 354, obs. Cabrillac ; Com. 10 mai 2006, JCP 2004. IV. 2250.

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§ 2. Les dérivés du virement

423 Le virement a servi de modèle aux instruments de paiement que

sont l’avis de prélèvement et le titre interbancaire de paiement. L’avis de prélèvement est pratiqué en cas de relations suivies entre un créancier et un débiteur. Il comporte deux conventions, et plus précisément deux mandats. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient établis par écrit. D’une part, un débiteur donne mandat à l’un de ses créanciers pour lui permettre d’émettre des avis de prélèvement sur son compte bancaire. Quelques jours avant l’échéance, le créancier informera le débiteur de l’envoi de l’avis au banquier. Le débiteur pourra ainsi vérifier le montant de la créance. D’autre part, le débiteur donne mandat à son banquier d’exécuter les avis qui lui seront présentés par le créancier. Ce dernier mandat est toujours révocable ; la clôture du compte par le client entraîne automatiquement révocation. Le banquier devra exécuter la mission qui lui est confiée, sauf si le compte de son client n’est pas suffisamment provisionné ou s’il a reçu de ce dernier une opposition à paiement. Le titre interbancaire de paiement (TIP) est apparu le 1er février 1988 ; il a remplacé le titre universel de paiement. Il a pris assez rapidement de l’importance en raison de son utilisation par France Télécom et par EDF. Un débiteur va recevoir de son créancier une facture qui comprend une annexe détachable, le titre interbancaire de paiement qu’il signe et qu’il adresse au centre de traitement qui lui est indiqué. Lors du premier paiement le débiteur est tenu de fournir un relevé d’identité bancaire. Le créancier transmet par un procédé informatique le titre au banquier du débiteur. Il s’analyse en un ordre de virement à échéance. Le compte du débiteur sera débité au jour de l’échéance mentionnée sur le titre. Malgré tous ses avantages, le TIP vient de disparaître de la scène juridique (depuis le 1er février 2016), car il n’était pas compatible avec le marché européen des paiements (SEPA). Il est remplacé par le TIP SEPA. Mais il existe une différence de nature importante entre ces deux types de titres. Le TIP SEPA s’analyse

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en un ordre de prélèvement, donc pour reprendre le langage des nouveaux instruments de paiement, une opération de paiement ordonnée par le bénéficiaire. Le nouveau système n’offre plus la même sécurité pour le créancier.

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SYNTHÈSE

Cartes de crédit

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Les différents instruments de paiement

Apparues il y a une vingtaine d’années, les cartes de crédit sont devenues un moyen de paiement dont l’importance croît et qui concurrence de plus en plus le chèque. On distingue les cartes de paiement et les cartes de retrait. Constitue une carte de paiement, toute carte émise par un établissement de crédit ou assimilé permettant à son titulaire de retirer ou de transférer des fonds. Constitue une carte de retrait, toute carte émise par un établissement de crédit ou assimilé permettant seulement à son titulaire de retirer des fonds. Le mécanisme de la carte de crédit suppose la mise en place de relations contractuelles entre le banquier, son client et le créancier. Les cartes de crédit ont pour objet de procurer un paiement à un créancier. Le banquier émetteur est au centre des relations contractuelles résultant de la création d’une carte de crédit. Un banquier n’est jamais tenu de délivrer à un client, dit « adhérent », qui a ouvert un compte chez lui une carte de crédit. Il bénéficie d’une faculté de sélection. Ce contrat d’adhésion est généralement conclu pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Il existe également un contrat entre l’émetteur et le créancier, encore dit « fournisseur ». Le fournisseur qui désire accepter des paiements par carte de crédit doit adhérer au groupement carte bancaire. Les cartes de crédit permettent, le plus souvent, à leur titulaire de retirer des espèces, ou d’effectuer des paiements. Lorsqu’elles servent à effectuer des paiements, leur utilisation n’emporte pas novation de la créance originaire. L’extinction interviendra lors de l’inscription définitive de la somme au crédit du compte du fournisseur.

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Virement

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Le virement se définit comme un transfert de fonds d’un compte vers un autre compte. Il s’opère par un jeu d’écriture. Le compte du donneur d’ordre sera débité et celui du bénéficiaire sera crédité. Il a servi de modèle à certains nouveaux moyens de paiement. La préparation du virement nécessite que le titulaire du compte donne un ordre à son banquier, afin que celui-ci transfère des fonds. Pendant toute cette période, le futur bénéficiaire n’acquiert pas de droit à l’encontre du banquier qui a reçu l’ordre. Il ne peut pas exiger que les fonds lui soient remis. L’ordre ne peut donc jamais valoir paiement. Cet ordre est constitutif d’un mandat. Il doit donc respecter toutes les conditions du droit commun des contrats et celles spécifiques du mandat. L’exécution du virement va permettre au donneur d’ordre d’effectuer un paiement. Il doit être accepté par son bénéficiaire. Cette acceptation peut être expresse, mais le plus souvent elle est tacite et elle résulte de son silence lors de la réception du relevé de comptes. Il s’opère par deux écritures distinctes. Le compte du donneur d’ordre est débité du montant du virement et le compte du bénéficiaire est crédité de ce même montant. Le virement a servi de modèle aux nouveaux instruments de paiement que sont l’avis de prélèvement et le titre universel de paiements.

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C HAPITRE 2

Les règles applicables aux nouveaux instruments de paiement 424 L’Union européenne, dans la perspective du marché unique et de

l’espace unique européen des paiements 1, a élaboré, dans la directive 2007/64/CE du Parlement et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement, un régime juridique d’ensemble de ces nouveaux moyens de paiement. L’ordonnance du 15 juillet 2009 a introduit ces dispositions en droit interne et elle a apporté de nombreuses innovations pour les règles applicables aux nouveaux instruments de paiement 2. Elle a également 1 . Prüm, « Vers un espace européen des paiements », RD banc. fin. mai-juin 2004. 167, « Après l’euro, l’espace unique européen des paiements », RD banc. fin. mai-juin 2007. 1 ; Van Den Bosch et Mathey, « Le marché unique des services de paiements en Europe », RD banc. fin. juill.-août 2008. 59. 2. Piédelièvre, « L’ordonnance du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement », Gaz. Pal. 6-8 sept. 2009, p. 5 et 10-12 sept. 2009, p. 6 ; Bouteiller, « La transposition en droit français des dispositions européennes régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement », JCP E 2009. 1897 ; Mathey, « La réforme des services de paiement », RD banc. fin. janv.-févr. 2010. étude 1 ; également dossier « Les services de paiement après l’ordonnance no 2009-866 du 15 juillet 2009 », JCP E 2010. 1031 avec les contributions de Bonneau, « Le domaine d’application de l’ordonnance », Bonhomme, « Le déclenchement de l’opération de paiement », Torck, « L’exécution et la contestation des opérations de paiement », Gérard, « L’utilisation frauduleuse des instruments de paiement » ; et dossier « Le droit des services de paiement : tentative de clarification », avec les contributions de Abadie, « La directive SEPA du 13 novembre 2007 et sa transposition au sein des États membres », Lachet, « Les conditions à l’exécution d’une opération de paiement », Boucart, « Les nouvelles obligations du banquier », Roussille, « Les établissements de paiement », Lassere Capdeville, « La contestation des opérations de paiement non autorisées », Rodriguez, « La contestation des opérations de paiement autorisées ».

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changé en grande partie le vocabulaire existant en cette matière en posant de nouveaux termes. Le payeur est une personne qui donne un ordre de paiement. Le bénéficiaire est le destinataire des fonds ayant fait l’objet d’une opération de paiement. L’utilisateur de service de paiement est la personne qui utilise un service de paiement en qualité de payeur ou de bénéficiaire. Les prestataires de services de paiement sont les personnes habilitées à fournir des services de paiement à titre de profession habituelle, ce qui englobe les établissements de crédit et ceux de paiement. De son côté, l’article L. 133-4 du Code monétaire donne certaines définitions. Les données de sécurité personnalisées s’entendent des données personnalisées fournies à un utilisateur de services de paiement par le prestataire de services de paiement à des fins d’authentification. Un identifiant unique s’entend d’une combinaison de lettres, de chiffres ou de symboles indiquée à l’utilisateur par le prestataire de services de paiement, que l’utilisateur doit fournir pour permettre alternativement ou cumulativement l’identification certaine de l’autre utilisateur de services de paiement et de son compte de paiement pour l’opération de paiement. Un instrument de paiement s’entend, alternativement ou cumulativement, de tout dispositif personnalisé et de l’ensemble de procédures convenu entre l’utilisateur de services de paiement et le prestataire de services de paiement et utilisé pour donner un ordre de paiement. Un jour ouvrable est un jour au cours duquel le prestataire de services de paiement du payeur ou celui du bénéficiaire exerce une activité permettant d’exécuter des opérations de paiement. Une authentification forte du client s’entend d’une authentification reposant sur l’utilisation de deux éléments ou plus appartenant aux catégories « connaissance » (quelque chose que seul l’utilisateur connaît), « possession » (quelque chose que seul l’utilisateur possède) et « inhérence » (quelque chose que l’utilisateur est) et indépendants en ce sens que la compromission de l’un ne remet pas en question la fiabilité des autres, et qui est conçue de manière à protéger la confidentialité des données d’authentification. Les données de paiement sensibles s’entendent des données, y compris les données de sécurité personnalisées, qui sont susceptibles d’être

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Les règles applicables aux nouveaux instruments…

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utilisées pour commettre une fraude. Pour les activités des prestataires de services de paiement fournissant le service d’initiation de paiement et des prestataires de services de paiement fournissant le service d’information sur les comptes, le nom du titulaire du compte et le numéro de compte ne constituent pas des données de paiement sensibles. 425 Il est nécessaire de préciser les opérations de paiement qui entrent dans le champ d’application de la nouvelle réglementation. En vertu de l’article L. 133-3 I du Code monétaire et financier, « une opération de paiement est une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire ». Cela vise les virements, les prélèvements, les paiements par carte bancaire. Certaines exclusions sont à opérer. Tel est le cas pour les paiements effectués en espèces, les instruments de paiement papier, donc le chèque, les effets de commerce, les instruments de paiement privatifs, comme les cartes délivrées par certaines enseignes et les opérations de paiement réalisées par le truchement d’un appareil de télécommunication ou d’un dispositif numérique ou informatique. La définition des opérations de paiement reprend le principe suivant lequel une telle opération est indépendante de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire. Le principe est classique pour les instruments de paiement. L’établissement de crédit ou l’établissement de paiement ne peut pas et ne veut pas connaître les relations qui unissent le créancier et le débiteur. Le principe suivant lequel l’utilisation d’un tel instrument n’emporte pas novation est maintenu. Ces nouvelles règles nécessitent que l’on envisage successivement la réalisation de l’opération de paiement (SECTION 1), avant de voir les difficultés qui peuvent en résulter (SECTION 2). En cas de détournement de ces instruments par un tiers, certaines sanctions pénales sont prévues (SECTION 3).

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S ECTION 1

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Les nouveaux moyens de paiement

La réalisation de l'opération de paiement 426 La réalisation de l’opération de paiement nécessite que le payeur

donne son consentement (§ 1). Le prestataire de services de paiement est tenu d’exécuter cet ordre avec célérité (§ 2). Il importe également de préciser les obligations des parties (§ 3).

§ 1. Le consentement à l'opération de paiement

L’article L. 133-6 I du Code monétaire et financier pose le principe suivant lequel le paiement doit faire l’objet d’un ordre de paiement (A). Cet ordre peut être révoqué jusqu’au moment où il est devenu irrévocable (B). Des sanctions sont prévues en cas d’absence d’ordre (C).

A. L'ordre de paiement

L’ordre de paiement nécessite un consentement du payeur et une acceptation du prestataire de services de paiement. 427 Le consentement du payeur. Toute opération de paiement doit être au préalable autorisée par le payeur. Cette règle tout à fait logique est énoncée par l’article L. 133-6 du Code monétaire et financier. Son alinéa 2 ajoute que le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent convenir que le payeur pourra donner son consentement à l’opération de paiement après l’exécution de cette dernière. On ne voit pas trop quelles hypothèses sont visées par cette disposition. Le consentement est donné sous la forme convenue entre le payeur et son prestataire de services de paiement. Cette règle semble comporter des exceptions. En effet, le déclenchement de l’opération de paiement peut être l’œuvre du payeur, par exemple en cas de virement, du bénéficiaire, comme en cas de prélèvement ou en de collaboration entre le payeur et le bénéficiaire, par exemple pour les cartes de crédit. Le consente-

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ment est donné sous la forme convenue entre le payeur et son prestataire de services de paiement. Mais même dans ces hypothèses, le payeur a initialement donné son consentement pour qu’un paiement soit effectué par virement ou par carte bancaire. 428 L’article D. 133-1 du Code monétaire et financier donne la possibilité de prévoir certaines règles spécifiques pour le consentement. Lorsqu’un instrument de paiement spécifique est utilisé pour donner le consentement, le payeur et le prestataire de services de paiement peuvent convenir de limites de dépenses pour les opérations de paiement exécutées avec ledit instrument de paiement. Selon l’article D. 133-1, alinéa 2, si la convention de compte de dépôt ou le contrat-cadre de services de paiement le stipule, le prestataire de services de paiement peut se réserver le droit de bloquer l’instrument de paiement, pour des raisons objectivement motivées ayant trait à la sécurité de l’instrument de paiement, à la présomption d’une utilisation non autorisée ou frauduleuse de l’instrument de paiement ou au risque sensiblement accru que le payeur soit dans l’incapacité de s’acquitter de son obligation de paiement. Cette règle concerne essentiellement les cartes de crédit. La mise en œuvre de cette disposition risque d’être difficile à effectuer pour les prestataires de services de paiement, car une mauvaise appréciation de leur part sera de nature à engager leur responsabilité. Le prestataire de services est alors tenu d’informer le payeur du blocage de l’instrument de paiement et des raisons de ce blocage, si possible avant que l’instrument de paiement ne soit bloqué et au plus tard immédiatement après, sauf si cette information risque de poser des problèmes de sécurité, ce qui vise sans doute certaines décisions prises en cas de lutte contre le blanchiment des capitaux. L’utilisateur peut demander à tout moment le déblocage, déblocage qui, en tout état de cause, doit intervenir lorsque la raison qui l’a motivé a disparu. 429 L’acceptation du prestataire de services de paiement. Une fois ce consentement donné, le prestataire de services de paiement est en principe tenu d’exécuter l’ordre donné dès sa réception. Le moment de réception de l’ordre de paiement présente donc une grande importance pratique. Le principe est simple et logique : le moment de réception est le moment où l’ordre de paiement est

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reçu par le prestataire de services de paiement du payeur. Mais le payeur et le prestataire de services de paiement peuvent convenir que l’exécution de l’ordre de paiement commencera un jour donné ou à l’issue d’une période déterminée ou le jour où le payeur aura mis les fonds à la disposition de son prestataire de services de paiement, le moment de réception est réputé être le jour convenu. En tout état de cause, dans ces deux hypothèses, si le moment de réception n’est pas un jour ouvrable pour le prestataire de services de paiement du payeur, l’ordre de paiement est réputé avoir été reçu le jour ouvrable suivant. Enfin, le prestataire de services de paiement peut établir une heure limite proche de la fin d’un jour ouvrable au-delà de laquelle tout ordre de paiement reçu est réputé reçu le jour ouvrable suivant. L’ordre doit être exécuté en totalité pour le montant prévu. Le prestataire de services de paiement du payeur et celui du bénéficiaire ainsi que leurs intermédiaires intervenant pour la réalisation d’une opération de paiement ne peuvent pas prélever des frais sur le montant transféré. Selon l’article L. 133-11 du Code monétaire et financier, le bénéficiaire doit recevoir l’intégralité du montant prévu. Cependant, le bénéficiaire peut convenir avec son prestataire de services de paiement que ce dernier prélève préalablement les frais qui lui sont dus sur le montant transféré. Dans ce cas, le montant total de l’opération de paiement et les frais sont séparés dans l’information donnée au bénéficiaire. Si d’autres frais devaient être déduits du montant transféré, l’article L. 133-11, alinéa 3, effectue une distinction. Lorsque l’opération de paiement est ordonnée par le payeur, le prestataire de services de paiement du payeur veille à ce que le bénéficiaire reçoive le montant total de l’opération. Lorsque l’opération de paiement est ordonnée par le bénéficiaire ou par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire veille à ce que celui-ci reçoive le montant total de l’opération de paiement. 430 Par exception, le prestataire de services de paiement peut refuser d’exécuter l’ordre qui lui est donné. Ces refus concernent essentiellement les virements et les ordres de prélèvement. Le fait qu’un consentement soit donné ne veut pas obligatoirement dire que

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celui-ci sera obligatoirement exécuté. Le refus doit être motivé. En ce cas, le prestataire le notifie à l’utilisateur et il lui en donne les motifs, sauf si une disposition législative lui interdit de le faire. La notification du refus doit intervenir au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre de paiement. Il peut être prolongé d’un jour ouvrable supplémentaire pour les opérations de paiement ordonnées sur support papier. Ce refus peut donner lieu à une tarification.

B. La révocation de l'ordre de paiement 431

Il est toujours possible pour le payeur de revenir sur le consentement qu’il a donné, tant que son ordre de paiement n’est pas devenu irrévocable. La solution résulte de l’idée de mandat de payer qui est donné par l’utilisateur au prestataire de services. Le payeur révoque le mandat qu’il avait donné. Cette solution était déjà admise par exemple pour le virement où la jurisprudence avait considéré que la révocation par le donneur d’ordre était possible jusqu’au jour où les sommes sont sorties de son compte 1. L’article L. 133-8 du Code monétaire et financier précise le moment où l’ordre de paiement devient irrévocable, en effectuant certaines distinctions qui dépendent du point de savoir qui a initié l’ordre de paiement. Lorsque l’opération de paiement est initiée par le bénéficiaire ou par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire, le payeur ne peut révoquer l’ordre de paiement après avoir transmis l’ordre de paiement au bénéficiaire ou donné son consentement à l’exécution de l’opération de paiement au bénéficiaire. Si l’opération de paiement est initiée par un prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement mentionné à l’article L. 3141 II 7°, le payeur ne peut révoquer l’ordre de paiement après avoir donné son consentement à ce que le prestataire de services de paiement fournissant le service d’initiation de paiement initie l’opération de paiement. Toutefois, en cas de prélèvement et sans préjudice du droit à remboursement de l’article L. 133-25, le

1 . Com. 26 janv. 1983, D. 1983. IR 469, obs Vasseur ; RTD com. 1984. 129, obs. Cabrillac et Teyssié.

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payeur peut révoquer l’ordre de paiement au plus tard à la fin du jour ouvrable précédant le jour convenu pour le débit des fonds. L’article L. 133-8 III prévoit également que « dans le cas où il a été convenu entre l’utilisateur qui a ordonné l’opération de paiement et son prestataire de services de paiement que l’exécution de l’ordre de paiement commencera un jour donné ou à l’issue d’une période déterminée ou le jour où le payeur aura mis les fonds à la disposition de son prestataire de services de paiement, l’utilisateur de services de paiement peut révoquer l’ordre de paiement au plus tard à la fin du jour ouvrable précédant le jour convenu ». Enfin, une révocation pourrait intervenir en cas d’accord du payeur et de l’utilisateur.

C. Les sanctions en cas d'absence d'ordre de paiement 432 L’absence de consentement du payeur est sanctionnée simple-

ment : l’opération de paiement est réputée ne jamais avoir été donnée. Par conséquent, il bénéficiera d’un droit au remboursement. Son délai de contestation est de treize mois. Cependant, sauf si l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent décider de déroger à ce délai pour le raccourcir. Les règles adoptées en cette matière sont particulièrement favorables pour le payeur. En effet, à partir du moment où il émet une contestation, l’article L. 133-23 du Code monétaire et financier prévoit qu’il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

§ 2. L'exécution de l'ordre de paiement 433 Le Code monétaire et financier a voulu accélérer l’exécution des

ordres de paiement. Pour cette raison, il a posé des règles assez strictes qui se sont progressivement mises en place. Il existe deux régimes, le premier est celui qui est devenu impératif à compter du 1er janvier 2012. Le second était transitoire et conventionnel.

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Ces dispositions s’appliquent aux opérations de paiement effectuées en euros et aux opérations de paiement entraînant une seule conversion entre l’euro et la devise officielle d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ne relevant pas de la zone euro, à condition que la conversion requise soit effectuée dans cet État et que, en cas d’opérations de paiement transfrontalières, le transfert transfrontalier s’effectue en euros. Elles s’appliquent également aux autres opérations sauf convention contraire entre l’utilisateur de services de paiement et son prestataire de services de paiement. En cas de convention, ce délai ne peut dépasser quatre jours ouvrables à compter du moment de réception de l’ordre de paiement. Le principe posé par l’article L. 133-13 du Code monétaire et financier est celui dit « du J + 1 ». Le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre de paiement. Ce délai peut être prolongé d’un jour ouvrable supplémentaire pour les opérations de paiement ordonnées sur support papier. Lorsque le bénéficiaire d’un paiement n’est pas titulaire d’un compte auprès du prestataire de services de paiement, les fonds sont mis à sa disposition par le prestataire de services de paiement qui reçoit les fonds dans ces mêmes délais. 434 L’ordonnance du 15 juillet 2009 a condamné le système des dates de valeur dans l’article L. 133-14, disposition qui est d’ordre public. Elles tournent autour de la même idée : les établissements prestataires de services de paiement ne peuvent pas retarder les opérations de crédit et anticiper celles de débit 1. La date de valeur d’une somme portée au crédit du compte du bénéficiaire ne peut pas être postérieure à celle du jour ouvrable au cours duquel le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéfi1 . Rappr. dans la jurisprudence antérieure relative au virement, Civ. 2e, 13 mai 1987, JCP 1988. II. 20923, note Delebecque et Putman ; Com. 18 sept. 2007, JCP E 2007. 2499, note Mathey ; Banque et droit 2007. 116, 27, obs. Bonneau ; Com. 3 févr. 2009, RD banc. fin. sept.-oct. 2009. 41, obs. Crédot et Samin ; CCC avr. 2009. 14, obs. Leveneur ; Dr. et proc. mai-juin 2009, Cah. dr. recouvrement 15, obs. Piédelièvre.

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ciaire. Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire met le montant de l’opération à disposition du bénéficiaire immédiatement après que son propre compte a été crédité, y compris pour les opérations de paiement qui se déroulent au sein d’un seul et même prestataire de services de paiement, lorsque, pour sa part : il n’y a pas de conversion ou il y a conversion entre l’euro et la devise d’un État membre ou entre les devises de deux États membres. Lorsqu’une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels verse des espèces sur un compte auprès d’un prestataire de services de paiement, dans la devise de ce compte, le prestataire de services de paiement veille à ce que le montant versé soit mis à disposition et qu’il reçoive une date de valeur aussitôt que les fonds sont reçus. Pour les autres déposants, le montant versé est mis à disposition et il reçoit une date de valeur au plus tard le jour ouvrable suivant celui de la réception des fonds.

§ 3. Les obligations des parties 435 Il convient de dissocier les obligations du payeur (A) de celles du

prestataire de services de paiement (B).

A. Les obligations du payeur

Les obligations du payeur sont calquées sur celles qui existaient en matière de carte de crédit pour l’adhérent. Ce dernier s’engageait à utiliser personnellement sa carte et donc à ne pas la prêter. Pour cela, et également pour limiter les risques de fraude, il devait signer sa carte. Cette obligation subsiste toujours. Il était tenu d’une obligation d’utilisation personnelle et de confidentialité. Il doit immédiatement déclarer la perte ou le vol de la carte, en faisant opposition. Selon l’ancien article L. 132-2, alinéa 2, du Code monétaire et financier, l’opposition pouvait seulement être effectuée en cas de perte, de vol ou d’utilisation frauduleuse de la carte ou des données liées à son utilisation ou de redressement et de liquidation judiciaire. L’article 133-16 du Code monétaire et financier prévoit que dès qu’il reçoit un instrument de paiement, l’utilisateur de services

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de paiement prend les mesures nécessaires pour préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisées. Cela signifie par exemple pour une carte de crédit qu’il ne doit pas communiquer son code confidentiel à autrui. Il est en outre tenu d’utiliser l’instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation. 436 Le payeur est également tenu à une obligation similaire à celle d’opposition qui existe toujours en matière de chèque et qui existait pour les cartes de crédit. En vertu de l’article L. 133-17 du Code monétaire et financier, « lorsqu’il a connaissance de la perte, du vol, du détournement ou de toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, l’utilisateur de services de paiement en informe sans tarder, aux fins de blocage de l’instrument, son prestataire ou l’entité désignée par celui-ci ». De plus, si le paiement est effectué par une carte de crédit permettant à son titulaire de retirer ou de transférer des fonds, il peut être fait opposition au paiement en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du bénéficiaire, tant que le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire n’a pas été crédité du montant de l’opération de paiement. L’énumération ainsi faite a un caractère limitatif, puisqu’elle contrevient au caractère irrévocable du paiement par un instrument de paiement. Elle diffère en partie de celle qui existait pour les cartes de crédit. On doit notamment relever que l’utilisation frauduleuse a été remplacée par l’utilisation non voulue, ce qui est une notion plus large, même si elle est moins juridique. Le Code monétaire et financier ne prescrivait pas de forme particulière pour l’opposition en matière de carte de crédit. La plupart des conventions prévoyaient que l’opposition s’opérait dans les meilleurs délais par téléphone et qu’elle devait être confirmée par écrit. Elle devait, le plus souvent être accompagnée du numéro de la carte bancaire. En cas d’opposition téléphonique, un numéro d’enregistrement de l’opposition était communiqué au titulaire de la carte. Il lui appartenait de le noter et de le conserver. Cette pratique subsiste 1. 1 . Rousille, Contestation et opposition au paiement par carte bancaire, Gaz. Pal. 2 juin 2012, p. 7.

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La déclaration du payeur doit intervenir dans les délais les plus brefs, ce qui est une notion peu précise. Le délai ne peut, en tout état de cause, excéder quelques jours. Le Code monétaire et financier facilite parfois la preuve de l’opposition, puisque selon l’article D. 133-3 du Code monétaire et financier, « lorsqu’un utilisateur de services de paiement a utilisé les moyens mis à sa disposition par son prestataire de services de paiement conformément au II de l’article L. 133-15, pour l’informer de la perte, du vol ou du détournement de son instrument de paiement, le prestataire de services de paiement fournit au client, sur demande de ce dernier et pendant dix-huit mois à compter de l’information faite par celui-ci, les éléments lui permettant de prouver que ce dernier a procédé à cette information ». Certaines solutions dégagées pour les cartes de crédit vont sans doute perdurer. Par exemple, la jurisprudence avait considéré que l’opposition devait être faite avant que les sommes aient été versées par le banquier du titulaire de la carte au banquier du créancier 1. Cette solution est tout à fait logique, car l’obligation de l’émetteur de la carte consiste principalement à régler avec célérité le montant des dépenses payées par l’adhérent au moyen de sa carte de crédit. Il est impossible de rechercher sa responsabilité pour avoir convenablement exécuté l’ordre qui lui a été donné. De même, la Cour de cassation se montre stricte pour savoir si une opposition a été effectuée dans les meilleurs délais 2. 437 L’opposition produit des conséquences importantes, puisque, tant qu’elle n’est pas effectuée, l’adhérent demeure tenu, même en l’absence de faute de sa part, des débits frauduleux antérieurs à son opposition, dans la limite d’un plafond prévu par l’article L. 133-19 qui améliore la responsabilité de l’utilisateur d’un moyen de paiement. Le payeur supporte, avant l’opposition, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 50 euros. Toutefois, la responsabilité du payeur n’est pas engagée en cas d’opération de paiement non autorisée effec1 . Com. 11 oct. 2011, D. 2011. 2588, obs. Delpech ; Act. proc. coll. 2011. alerte 287, obs. Regnaut Moutier. 2. Com. 28 juin 2011, Dr. et proc. 2011, suppl. no 10, p. 22, obs. Piédelièvre.

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tuée sans utilisation des données de sécurité personnalisées, de perte ou de vol d’un instrument de paiement ne pouvant être détecté par le payeur avant le paiement ou de perte due à des actes ou à une carence d’un salarié, d’un agent ou d’une succursale d’un prestataire de services de paiement ou d’une entité vers laquelle ses activités ont été externalisées. Il en va de même si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées. Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument. La fin de l’article L. 133-19 apporte une importante limite à cette atténuation de responsabilité. Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’agissements frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à son obligation de faire opposition. L’idée de négligence grave devra être précisée par la jurisprudence. On peut penser qu’elle donnera une solution similaire à celle qu’elle a adoptée en matière de carte de crédit. En ce domaine, la Cour de cassation a eu une conception très restrictive de la faute lourde, puisqu’elle a considéré « qu’en cas de perte ou vol d’une carte bancaire, il appartient à l’émetteur de la carte qui se prévaut d’une faute lourde de son titulaire, au sens de l’article L. 132-3 du Code monétaire et financier, d’en rapporter la preuve ; que la circonstance que la carte ait été utilisée par un tiers avec composition du code confidentiel est, à elle seule, insusceptible de constituer la preuve d’une telle faute » 1. On peut se demander si la Cour n’a pas infléchi sa position par un arrêt du 25 octobre 2017 où elle considère que le fait d’avoir communiqué son nom, son numéro de carte bancaire, la date d’expiration de celle-ci et le cryptogramme figurant au verso 1 . Com. 2 oct. 2007, JCP E 2007. 2376, obs. Bouteiller ; JCP 2008. II. 10014, note Bazin ; D. 2007. 2604, note Avena-Robardet ; RD banc. fin. 2007. 206, obs. Crédot et Samin ; D. 2008. 454, note Boujeka ; Dr. et proc. mai-juin 2008. 11, obs. Piédelièvre ; Civ. 1re, 28 mars 2008, D. 2008. 1136, obs. Avena-Robardet ; RTD com. 2008. 607, obs. Legeais ; Com. 21 sept. 2010, Dr. et proc. 2011, suppl. no 4, p. 9, obs. Piédelièvre.

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de la carte peut être constitutif d’une négligence grave 1. Même si cela est assez rare en pratique, la jurisprudence donne quelques exemples d’une telle faute 2. Si l’on se place sur le terrain de la charge de la preuve, la Cour de cassation a indiqué qu’il appartient au banquier « de rapporter la preuve que l’utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations » 3. Elle accentue ainsi la protection du payeur en rendant particulièrement difficile la preuve par le prestataire de services de paiement de la négligence, sans pour autant la rendre impossible 4. Elle considère que l’utilisation des données personnelles n’est pas en soi un élément de preuve.

B. Les obligataires du prestataire de services de paiement 438 L’obligation essentielle du prestataire de services de paiement

consiste à exécuter avec célérité l’ordre de paiement qui lui a été transmis. Il est également tenu de trois autres obligations. Le prestataire de services de paiement est tenu de remettre au payeur un instrument de paiement fiable. Les dispositifs de sécurité personnalisée ne doivent pas être accessibles à d’autres per-

1 . Com. 25 oct. 2017, LEDB déc. 2017 1, obs. Piédelièvre ; JCP E 2017. 1685, note Legeais ; Banque et droit janv.-févr. 2018. 20, obs. Bonneau, qui censure une décision d’un juge de proximité ayant condamné une banque à rembourser les sommes débitées aux motifs « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, au regard des circonstances de l’espèce, si Mme X n’aurait pas pu avoir conscience que le courriel qu’elle avait reçu était frauduleux et si, en conséquence, le fait d’avoir communiqué son nom, son numéro de carte bancaire, la date d’expiration de celle-ci et le cryptogramme figurant au verso de la carte, ainsi que des informations relatives à son compte SFR permettant à un tiers de prendre connaissance du code 3D Secure ne caractérisait pas un manquement, par négligence grave » ; v. également Com. 28 mars 2018, no 16-20.018. 2. Com. 16 oct. 2012, JCP E 2012 1680, note Piédelièvre indiquant qu’« après avoir relevé que M. X... avait indiqué aux services de police, en déclarant le vol de sa carte, qu’il avait laissé comme d’habitude cette carte dans son véhicule et son code confidentiel dans la boîte à gants, l’arrêt retient qu’il résulte de son propre aveu qu’il a commis une imprudence grave en laissant son code personnel à proximité de sa carte de retrait dans un lieu sans surveillance ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a fait ressortir que M. X... avait agi avec une imprudence constituant une faute lourde. » ; Com. 17 mai 2017, no 15-28.209. 3. Com. 18 janv. 2017, Dr. et proc. mars 2017. 23, obs. Piédelièvre ; Banque et droit mars-avr. 2017. 32, obs. Bonneau ; JCP E 2017. 1122, note Rodriguez. 4. Aix-en-Provence 24 mai 2017, LEDB sept. 2017. 1, obs. Lasserre-Capdeville ; Dr. et proc. nov. 2017. 23, obs. Piédelièvre.

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sonnes que l’utilisateur. Là encore, le législateur a édicté certaines règles favorables pour le payeur, puisque l’article L. 133-15 fait supporter au prestataire de services de paiement le risque lié à l’envoi au payeur d’un instrument de paiement ou de tout dispositif de sécurité personnalisé de celui-ci. Il ne doit pas effectuer d’envoi forcé d’un instrument de paiement ; il doit être sollicité. Il existe malgré tout un tempérament tout à fait logique à cette règle, lorsqu’un instrument de paiement déjà donné à l’utilisateur de services de paiement doit être remplacé, ce qui est le cas des cartes de crédit qui ont une durée de vie limitée. Il est tenu d’une obligation de blocage de l’instrument de paiement, lorsqu’il aura reçu une demande d’opposition.

S ECTION 2

Les difficultés résultant de l'opération de paiement 439 Les difficultés résultant de l’opération de paiement tiennent en

grande partie d’une mauvaise exécution d’un ordre de paiement. L’article 133-22 du Code monétaire et financier précise que, lorsque l’ordre de paiement est donné par le payeur, son prestataire de services de paiement est responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard du payeur jusqu’à réception du montant de l’opération de paiement par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Ensuite, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard du bénéficiaire. Pour le moment, comme par le passé, ces difficultés devraient concerner essentiellement les cartes de crédit. Ces difficultés résultant de l’opération ont pour origine une contestation émise par le payeur. Normalement, ces difficultés devraient se rencontrer dans deux hypothèses. La première est celle d’une opération de paiement qui n’a pas été autorisée par le payeur qui, par définition, n’a pas donné son consentement (§ 1). La seconde concerne une autorisation donnée par le payeur, mais mal exécuté par le prestataire de services de paiement (§ 2). En ce

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cas, le consentement a été donné, mais il n’a pas été correctement exécuté. Le législateur a instauré une troisième hypothèse de contestation plus surprenante et qui n’emporte pas la conviction, puisqu’il s’agit d’une opération autorisée par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire (§ 3). Le prestataire de services l’exécute convenablement. Pourtant sa responsabilité pourra être recherchée, bien qu’il ait parfaitement respecté le consentement du payeur.

§ 1. L'opération de paiement non autorisée par le payeur

440 Le Code monétaire et financier ouvre les possibilités de contesta-

tions d’un ordre de paiement par le payeur pendant un délai beaucoup plus long que celui qui existait auparavant, par exemple en matière de carte bancaire, puisqu’il était de soixante-dix jours et que l’on pouvait conventionnellement l’étendre à cent vingt jours. L’article L. 133-24 prévoit que l’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement. Cette preuve résultera le plus souvent de la fourniture des relevés de compte. Cependant, sauf si l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent décider de déroger à ce délai pour le raccourcir, ce qui sera sans doute fréquemment le cas en pratique. Au plan probatoire, la tâche est également facilitée au payeur, puisqu’en vertu de l’article L. 133-23 du Code monétaire et financier le prestataire de services devra démontrer que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. L’utilisation de l’instrument ne permet pas de démontrer la faute ou la négligence du payeur. La difficulté probatoire est ren-

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forcée par l’alinéa 2 de l’article L. 133-23 qui dispose que « l’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. » La logique voudrait que l’on ne donne pas de valeurs probatoires aux enregistrements uniquement dans l’hypothèse où il est démontré qu’ils ne sont pas fiables ou, à tout le moins, lorsque l’on peut légitimement douter de leur fiabilité. 441 Si l’opération n’a pas été effectivement autorisée par le payeur, il convient de dissocier deux hypothèses. La première est celle de droit commun. L’article L. 133-18 du Code monétaire prévoit que le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l’opération non autorisée. Cela revient à rétablir le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. Outre le montant de l’opération, il faut y inclure des éventuels frais que le prestataire de services a pu percevoir et qui par définition sont sans cause. La fin de cette disposition prévoit que le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent décider contractuellement d’une indemnité complémentaire. Cette hypothèse se rencontrera exceptionnellement en pratique. La seconde est celle des opérations non autorisées effectuées avec un instrument de paiement comportant un dispositif de sécurité personnalisé. Concrètement, ces règles concernent essentiellement les cartes de crédit et plus accessoirement les virements effectués à distance avec un code personnalisé. La responsabilité dépendra en principe du point de savoir si le payeur a ou non fait régulièrement opposition. Pour les opérations effectuées postérieurement à cette formalité, il ne supportera aucune perte. Pour les opérations antérieures, ses pertes seront plafonnées à 50 euros. En tout état de cause, la responsabilité du payeur n’est pas enga-

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gée en cas d’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation du dispositif de sécurité personnalisé. Il en va de même si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées ou en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument.

§ 2. L'opération de paiement mal exécutée par le prestataire de services de paiement 442 Le délai pour contester et la preuve à rapporter pour une opération

de paiement mal exécutée par le prestataire de services de paiement sont similaires à ceux prévus pour les opérations de paiement non voulues par le payeur. Pour connaître les responsabilités, il est nécessaire de distinguer selon que l’ordre de paiement a été donné directement par le payeur ou par l’intermédiaire du bénéficiaire. En tout état de cause, les prestataires de services de paiement ont toujours la possibilité de se décharger de toute responsabilité en démontrant la faute ou la négligence de leurs clients. Si l’ordre de paiement est donné par le payeur, son prestataire de services de paiement est responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard de celui-ci jusqu’à réception du montant de l’opération de paiement par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Ensuite, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard du bénéficiaire. Si le prestataire de services de paiement du payeur est déclaré responsable de l’opération de paiement mal exécutée, il restitue sans tarder son montant au payeur, ce qui comprend le montant de l’opération et les éventuels frais. Finalement, il rétablit le compte débité dans la situation qui aurait prévalu si l’opération de paiement mal exécutée n’avait pas eu lieu. Si le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est déclaré responsable, au titre du premier alinéa, il met immédiatement le montant de l’opération de paiement à la

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disposition du bénéficiaire et, si besoin est, il crédite son compte du montant correspondant. 443 Lorsqu’une opération de paiement est ordonnée par le bénéficiaire ou par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est responsable à l’égard du bénéficiaire de la bonne transmission de l’ordre de paiement au prestataire de services de paiement du payeur. Dès lors qu’il a transmis l’ordre au prestataire de services de paiement du payeur, celui-ci devient responsable à l’égard du bénéficiaire du traitement immédiat de l’opération de paiement. Une fois, la somme remise entre les mains du prestataire de services du bénéficiaire, celui-ci redevient responsable ; il est tenu de transférer immédiatement la somme ainsi reçue. Il est une hypothèse dans laquelle l’ordre de paiement ne pourra pas être considéré comme ayant mal été exécuté par un prestataire de services de paiement. L’article L. 133-21 du Code monétaire et financier prévoit qu’un ordre de paiement exécuté conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est réputé régulièrement exécuté en ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l’identifiant unique. « Si l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n’est pas responsable de la mauvaise exécution de l’opération de paiement. » 1 Les prestataires de services de paiement sont tenus de s’efforcer de récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement. Celui du bénéficiaire communique à celui du payeur toutes les informations utiles pour récupérer les fonds. Si le prestataire de services de paiement du payeur ne parvient pas à récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement, il met à disposition du payeur, à sa demande, les informations qu’il détient pouvant documenter le recours en justice du payeur en vue de récupérer les fonds. Si cela est conventionnellement prévu, ils peuvent imputer des frais de recouvrement aux utilisateurs de services de paiement.

1 . Com. 24 janv. 2018, LEDB mars 2018. 1, obs. Piédelièvre.

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§ 3. L'ordre de paiement par l'intermédiaire du bénéficiaire 444 L’ordonnance du 15 juillet 2009 introduit une nouvelle hypothèse

de responsabilité du prestataire de services de paiement qui n’emporte absolument pas la conviction : celle des opérations de paiement autorisée initiée par ou via le bénéficiaire. Ce peut être par exemple l’hypothèse de la réservation à distance d’une chambre d’hôtel. L’article L. 133-25 du Code monétaire et financier dispose que « le payeur a droit au remboursement par son prestataire de services de paiement d’une opération de paiement autorisée, ordonnée par le bénéficiaire ou par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire, si l’autorisation donnée n’indiquait pas le montant exact de l’opération de paiement et si le montant de l’opération dépassait le montant auquel le payeur pouvait raisonnablement s’attendre en tenant compte du profil de ses dépenses passées, des conditions prévues par son contrat-cadre et des circonstances propres à l’opération ». La Cour de cassation avait partiellement adopté une solution similaire pour les cartes de crédit 1. Le payeur doit présenter sa demande de remboursement avant l’expiration d’une période de huit semaines à compter du jour où les fonds ont été débités. Dans un délai de dix jours ouvrables suivant la réception de cette demande de remboursement, le prestataire de services de paiement rembourse le montant total de

1 . Com. 24 mars 2009, RD banc. fin. mai-juin 2009. 47, obs. Crédot Samin ; JCP E 2009. 1619. Dans cette espèce, des époux avaient réservé une chambre d’hôtel par internet. À cette occasion, ils ont donné le numéro de la carte bancaire de Mme l’épouse. Ils n’ont pas donné suite à leur projet. Leur compte a été ultérieurement débité à l’initiative de l’hôtel d’une somme de 780 euros à titre de pénalité. Le juge de proximité a refusé de faire droit à leur demande de remboursement aux motifs que le numéro de la carte de crédit, sa date de validité et le cryptogramme visuel à trois chiffres ont été communiqués volontairement sur le site internet de l’hôtel par Mme l’épouse, que la communication par le titulaire de la carte autorisait la banque, au vu de ces données transmises par le commerçant à payer et à débiter le compte. Au visa de l’article 1134 du Code civil, le jugement est cassé. Pour la Haute juridiction, « en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que Mme X…, qui n’avait communiqué à distance les données figurant sur sa carte bancaire que pour garantir la réservation d’une chambre d’hôtel, sur un formulaire précisant que cette communication ne donnerait lieu à aucun débit, avait donné un mandat de payer, et qu’à défaut d’un tel mandat, la banque était tenue de restituer la somme débitée ».

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l’opération de paiement, ou il justifie son refus de rembourser, en indiquant la possibilité de recourir à la procédure de médiation. L’article L. 123-25-1 indique que pour les prélèvements, le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent convenir dans la convention de compte de dépôt ou dans le contratcadre de services de paiement que le payeur a droit au remboursement par son prestataire de services de paiement, même si les conditions à l’article L. 133-25 ne sont pas satisfaites. Le prestataire de services de paiement ne peut refuser ce remboursement. De nombreux établissements de crédit ont intégré cette possibilité dans les conventions de compte. 445 Si l’on se place sur le terrain des conséquences pratiques, cela signifie que pour les paiements à distance initiés par ou via le bénéficiaire, il existerait en réalité deux catégories d’ordre : ceux définitifs et ceux en quelque sorte en germe. Mais l’établissement de crédit, teneur du compte ne peut pas savoir, lorsque le paiement est déclenché s’il l’est à bon escient. Il peut encore moins savoir quand l’ordre de paiement qui était jusque-là en germe est devenu définitif. La solution légale revient à parfois faire supporter aux banquiers la charge de la preuve du caractère irrévocable de l’ordre de paiement, ce qui est irréaliste. Juridiquement, le principe posé par l’article L. 133-25 s’harmonise difficilement avec les notions de consentement et d’indépendance du moyen de paiement par rapport à l’opération sous-jacente. En apparence, le titulaire de la carte de crédit avait donné son consentement. À partir du moment où il transmet les données figurant au recto de sa carte de crédit à celui qui sera peut-être son créancier, il a nécessairement enclenché le processus de paiement. Si celui-ci est activé, la banque doit exécuter le mandat de payer qui lui est donné. Une telle opération est nécessairement indépendante de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire. L’établissement de crédit ne peut pas et il ne veut pas connaître les relations qui unissent le créancier et le débiteur. Cette hypothèse fait supporter aux prestataires de services de paiement une responsabilité, alors qu’ils ont normalement exécuté leur mission et qu’aucune faute ne peut leur être reprochée. Le

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législateur a considéré qu’en fournissant un instrument de type carte bancaire ou prélèvement, ils créent un risque dont ils doivent répondre. Mais en réalité, le risque a été initié par le payeur qui a donné son consentement pour l’opération de paiement, tout en sachant que le montant de cette opération était indéterminé. L’article L. 133-25-2 du Code monétaire et financier prévoit que, par dérogation à ce régime, « le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent convenir dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat-cadre de services de paiement que le payeur n’a pas droit à remboursement lorsqu’il a donné son consentement à l’exécution de l’opération de paiement directement à son prestataire de services de paiement et, le cas échéant, que les informations relatives à la future opération de paiement ont été fournies au payeur ou mises à sa disposition de la manière convenue, au moins quatre semaines avant l’échéance, par le prestataire de services de paiement ou par le bénéficiaire ».

S ECTION 3

Les infractions relatives aux nouveaux instruments de paiement 446 Devant la recrudescence des détournements par un tiers, liée

en partie au développement du commerce électronique, l’article 141-4 du Code monétaire et financier prévoit que la Banque de France doit s’assurer de la sécurité des moyens de paiement, donc des nouveaux instruments de paiement, ce qui vise principalement les cartes de crédit. Elle peut recommander au prestataire de services de paiement de prendre des mesures destinées à améliorer les garanties de sécurité. Il a été créé un Observatoire de la sécurité des cartes bancaires. Créé par la loi du 9 décembre 2016, l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSMP) est une instance destinée à favoriser l’échange d’informations et la concertation entre toutes les

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parties concernées (consommateurs, commerçants et entreprises, autorités publiques et administrations, banques et gestionnaires de moyens de paiement) par le bon fonctionnement des moyens de paiement et la lutte contre la fraude. À ce titre, l’OSMP reprend toutes les missions précédemment dévolues à l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement créé en 2001, auquel il succède, sur un périmètre élargi à l’ensemble des moyens de paiement scripturaux. Il est tenu d’établir chaque année un rapport qui sera remis au ministre de l’Économie et transmis au Parlement. Conformément aux articles L. 141-4 et R. 141-1 du Code monétaire et financier, les attributions de l’OSMP sont de trois ordres : il assure le suivi de la mise en œuvre des mesures adoptées par les émetteurs, les commerçants et les entreprises pour renforcer la sécurité des moyens de paiement ; il est chargé d’établir des statistiques en matière de fraude. À cette fin, les émetteurs de moyens de paiement adressent au secrétariat de l’Observatoire les informations nécessaires à l’établissement de ces statistiques. L’Observatoire émet des recommandations afin d’harmoniser les modalités de calcul de la fraude sur les différents moyens de paiement scripturaux ; il assure une veille technologique en matière de moyens de paiement scripturaux, avec pour objet de proposer des moyens de lutter contre les atteintes à la sécurité des moyens de paiement. À cette fin, il collecte les informations disponibles de nature à renforcer la sécurité des moyens de paiement et les met à la disposition de ses membres. Il organise un échange d’informations entre ses membres dans le respect de la confidentialité de certaines informations. Les moyens de paiement couverts par l’Observatoire sont le virement, le prélèvement, la carte de paiement, la monnaie électronique, le chèque, la lettre de change et le billet à ordre. 447 Les infractions relatives aux nouveaux instruments de paiement ne diffèrent pas de celles existant en matière de chèque. Le détournement d’un instrument de crédit par un tiers peut déboucher sur une incrimination de droit commun, qu’il s’agisse d’un vol, d’une escroquerie ou d’un abus de confiance. Le Code monétaire et financier a également prévu des infractions spécifiques pour ces nouveaux instruments de paiement

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L’article L. 163-3 du Code monétaire et financier prévoit une incrimination spécifique aux cartes de crédit. Selon cette disposition, seront punis d’un emprisonnement de sept ans et d’une amende de 750 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui auront contrefait ou falsifié un instrument de paiement, ceux qui, en connaissance de cause, auront fait usage ou tenté de faire usage d’un instrument de paiement contrefait ou falsifié ou ceux qui, en connaissance de cause, auront accepté de recevoir un paiement au moyen d’un instrument de paiement contrefait ou falsifié. En outre, les instruments contrefaits seront confisqués et détruits. Il en va de même des matières, machines, appareils, instruments, programmes informatiques ou de toutes données qui ont servi ou qui étaient destinés à servir à la fabrication des instruments, sauf s’ils ont été utilisés à l’insu du propriétaire. L’article L. 163-4-1 du Code monétaire et financier puni de sept années d’emprisonnement et de 750 000 euros le fait, pour toute personne, de fabriquer, d’acquérir, de détenir, de céder, d’offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou toutes données conçus ou spécialement adaptés pour commettre des infractions relatives aux instruments de paiement. Ces machines seront également confisquées. Le tribunal peut prononcer l’interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue par l’article 131-26 du Code pénal ainsi que l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une activité professionnelle ou sociale, en application des dispositions des articles 131-27 et 131-28 du Code pénal. Le tribunal peut aussi interdire au condamné, pour une durée de cinq ans, d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés.

SYNTHÈSE

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L’ordonnance du 15 juillet 2009 a apporté de nombreuses innovations pour les règles applicables aux nouveaux instruments de paiement. Une opération de paiement est une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, ordonnée par le payeur ou le bénéficiaire. Cela vise les virements, les prélèvements, les paiements par carte bancaire. Certaines exclusions sont à opérer. Tel est le cas pour les paiements effectués en espèces, les instruments de paiement papier, donc le chèque, les effets de commerce, les instruments de paiement privatifs, comme les cartes délivrées par certaines enseignes et les opérations de paiement réalisées par le truchement d’un appareil de télécommunication ou d’un dispositif numérique ou informatique. Réalisation de l’opération de paiement

La réalisation de l’opération de paiement nécessite que le payeur donne son consentement. Le prestataire de services de paiement est tenu d’exécuter cet ordre avec célérité. Il importe également de préciser les obligations des parties. L’article L. 133-6 I du Code monétaire et financier pose le principe suivant lequel le paiement doit faire l’objet d’un ordre de paiement. Cet ordre peut être révoqué jusqu’au moment où il est devenu irrévocable. Des sanctions sont prévues en cas d’absence d’ordre. Le Code monétaire et financier a voulu accélérer l’exécution des ordres de paiement. Le principe adopté est celui dit « du J + 1 » ; il est posé par l’article L. 133-13 du Code monétaire et financier. Le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au

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plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre de paiement. Dès qu’il reçoit un instrument de paiement, l’utilisateur de services de paiement prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés. Cela signifie par exemple pour une carte de crédit qu’il ne doit pas communiquer son code confidentiel à autrui. L’obligation essentielle du prestataire de services de paiement consiste à exécuter avec célérité l’ordre de paiement qui lui a été transmis. Difficultés résultant de l’opération de paiement

Les difficultés de l’opération de paiement résultent en grande partie d’une mauvaise exécution d’un ordre de paiement. Lorsque l’ordre de paiement est donné par le payeur, son prestataire de services de paiement est responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard du payeur jusqu’à réception du montant de l’opération de paiement par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Ensuite, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard du bénéficiaire. Ces difficultés résultant de l’opération ont pour origine une contestation émise par le payeur. Ces difficultés devraient se rencontrer dans deux hypothèses. La première est celle d’une opération de paiement qui n’a pas été autorisée par le payeur qui, par définition, n’a pas donné son consentement. La seconde concerne une autorisation donnée par le payeur, mais mal exécutée par le prestataire de services de paiement. La troisième hypothèse est celle d’une opération autorisée par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire.

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C HAPITRE 3

La monnaie électronique 448 Depuis plusieurs années de nouveaux moyens de paiement, dont

le but est de réduire les frais de traitement, sont apparus, comme la monnaie électronique 1. Il est certain que le développement du commerce électronique 2 entraînera sans doute un recours fréquent à cette monnaie qui aura comme caractéristique principale d’être entièrement dématérialisée. L’article 1er de la directive du 18 septembre 2000 la définit comme « la valeur monétaire représentant une créance sur l’émetteur stockée sur support électronique, émise contre remise des fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur monétaire émise et qui est acceptée comme moyen de paiement par des entreprises autres que l’institution émettrice ». Cette directive a été transposée par un arrêté du 10 janvier 2003 qui homologue un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière no 2002-13. L’originalité de cette technique tient à ce qu’elle ne peut pas être qualifiée d’effets de commerce. Elle présente également la caractéristique de ne pas nécessiter l’existence d’un support papier. 1 . Vasseur, « Le paiement électronique », JCP 1985. I. 3206 ; Cabrillac, « Monétique et droit du paiement », Études de Juglart, p. 83 ; Vivant, « La monnaie électronique », LPA 15 sept. 1986. 85 ; Lucas de Leyssac et Lacaze, « Le paiement en ligne », JCP 2001. I. 302. 2. Selon l’article 14 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, « le commerce électronique est l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou services ».

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La matière a été modifiée compte tenu de l’adoption d’une directive du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements Son objectif est de supprimer les obstacles à l’entrée sur le marché et de faciliter l’accès à l’activité d’émission de monnaie électronique et son exercice. Elle devait être transposée avant le 30 avril 2011. C’est désormais chose faite avec la loi du 28 janvier 2013 1. 449 Ce procédé n’a pas rencontré le succès escompté. Il suffit de regarder le nombre d’établissements actuellement agréés en France en qualité « d’établissement de monnaie électronique » pour s’en convaincre : L’analyse d’impact annexée au projet de loi déposé à l’Assemblée nationale recensait seulement 5 établissements. Les raisons en étaient sans doute une réglementation peu adaptée. La directive du 16 septembre 2009 et la loi du 28 janvier 2013 ont eu pour objectif de donner un nouveau cadre juridique aux émetteurs de monnaie électronique. On a institué une nouvelle catégorie d’acteur dans le secteur des paiements : l’établissement de monnaie électronique. En effet, le règlement de 2002 prévoyait que les établissements de monnaie électronique ne constituaient qu’un sous-ensemble des établissements de crédit, qui seuls pouvaient émettre de la monnaie électronique. On les a dotés d’un statut spécifique. L’article L. 525-1 du Code monétaire et financier prévoit que « les émetteurs de monnaie électronique sont les établissements de monnaie électronique et les établissements de crédit ». Lorsqu’ils émettent de la monnaie électronique sont également considérés comme des émetteurs de monnaie électronique, la Banque de France et l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, le Trésor public et la Caisse des dépôts et consignations. Il est interdit aux autres personnes d’émettre une telle monnaie.

1 . Lasserre Capdeville, « La réforme de la monnaie électronique en droit français. Un nouveau droit pour un réel essor ? », JCP 2013. 278 ; May et Roche, « La transposition de la DME2 : apports et questions subsistantes », Banque et droit, mai 2013. 10 ; Medjaoui, « Quelques remarques concernant la monnaie électronique à l’épreuve des des notions de compte et de monnaie scripturale », Banque et droit, mai 2013. 3 ; Moreil, « La directive DME2 enfin transposée », D. 2013. 1150 ; Piédelièvre et Lair, « La monnaie électronique après la loi du 28 janvier 2013 », JCP E 2013. 1108.

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La monnaie électronique

Les émetteurs de monnaie électronique peuvent recourir, dans les limites de leur agrément, aux services d’une ou plusieurs personnes en vue de distribuer, pour leur compte, la monnaie électronique et effectuer la mise en circulation de monnaie électronique, y compris le rechargement de monnaie électronique et le remboursement de monnaie électronique. Il convient de commencer par définir la monnaie électronique (SECTION 1) avant de préciser son régime juridique (SECTION 2).

S ECTION 1

La définition de la monnaie électronique 450 On peut concevoir de deux manières différentes la monnaie élec-

tronique, en dissociant le porte-monnaie électronique et la « monnaie réseau ». Le porte-monnaie électronique désigne des cartes à circuits intégrés, multi-usages, rechargeables, stockant une valeur monétaire sur des supports dont les détenteurs sont propriétaire. Ils sont par conséquent détachés des comptes bancaires. Une telle monnaie électronique permet d’effectuer des paiements de détail directement entre échangistes, sans intervention d’un intermédiaire, grâce à des lecteurs installés dans les points de vente. Contrairement au paiement en espèces, dans la plupart des systèmes existants, la monnaie électronique reçue par le créancier ne peut être réutilisée. Elle doit être convertie et donc reversée sur le compte bancaire du bénéficiaire. La « monnaie réseau » est une forme de monnaie électronique qui, grâce à des logiciels spécialisés intégrés aux ordinateurs personnels, peut être transférée pour s’acquitter de paiements via des réseaux de télécommunication comme internet. Le droit de l’Union européenne s’est rapidement intéressé à cette nouvelle technique. L’article 1er de la directive du 18 septembre 2000 l’avait définie comme « la valeur monétaire représentant une créance sur l’émetteur stockée sur support électronique, émise contre remise des fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur monétaire émise et qui est acceptée

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comme moyen de paiement par des entreprises autres que l’institution émettrice ». L’originalité de cette technique tient à ce qu’elle ne peut pas être qualifiée d’effets de commerce. Elle présente également la caractéristique de ne pas nécessiter l’existence d’un support papier. 451

La monnaie électronique n’a pas eu le succès escompté. Rares sont les établissements financiers à avoir sollicité un agrément. On peut citer la SFPMEI, qui gère Moneo, et Paypal. À signaler également Ticket Surf, qui commercialise des coupons dans les bureaux de tabac pour le paiement en ligne et qui a été la première société commerciale à obtenir l’agrément en tant qu’émetteur, ou Limonetik, convertissant les chèques-cadeaux ou points de fidélité par exemple en instruments de paiement alternatifs sur le web. Le principal procédé consiste dans le porte-monnaie électronique dont Moneo est le promoteur en France. Une personne remet à l’établissement de crédit dont elle est cliente une somme d’argent. En contrepartie, le banquier charge sur le porte-monnaie électronique du bénéficiaire des unités. Lorsqu’il désire effectuer un paiement, le client transfère alors à son créancier des unités. Ce dernier demandera alors à l’établissement de crédit de lui convertir les différentes unités. Par cette technique, le risque d’une absence ou d’une insuffisance de provision est écarté, puisque le banquier ne chargera le porte-monnaie que si le compte de son client était au préalable provisionné. Un minimum de remboursement peut être prévu, sans pouvoir excéder 10 euros. Moneo utilise la carte de crédit comme support. L’article L. 315-9 prévoit que la valeur monétaire maximale stockée sous forme électronique et utilisable au moyen d’un support physique est fixée par décret. L’article D. 315-9 indique que les plafonds « sont les suivants : 1° la valeur monétaire maximale stockée sous forme électronique et utilisable au moyen d’un support physique est fixée à 10 000 euros ; 2° le montant maximal de chargement en espèces, ou en monnaie électronique non soumise aux obligations prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-6 dans les conditions prévues au 5° de

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La monnaie électronique

l’article 561-16, au moyen du support mentionné au 1°, est fixé à 1 000 euros par mois calendaire ; 3° le montant maximal de retrait en espèces au moyen du support mentionné au 1°, est fixé à 1 000 euros par mois calendaire ; 4° le montant maximal de remboursement en espèces au moyen du support mentionné au 1°, est fixé à 1 000 euros ». Selon l’article L. 315-1 du Code monétaire et financier, « la monnaie électronique est une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement définies à l’article L. 133-3 et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ». Les unités de monnaie électronique sont dites « unités de valeur », chacune constituant une créance incorporée dans un titre. Chacune des unités de monnaie électronique est émise sans délai contre la remise de fonds. Elle ne peut être émise que pour une valeur nominale égale à celle des fonds collectés en contrepartie.

S ECTION 2

Le régime juridique de la monnaie électronique 452 L’objectif de la directive du 16 septembre 2009 et de la loi du

28 janvier 2013 consiste à permettre le développement de nouveaux services innovants et sûrs pour la monnaie électronique, à faciliter l’accès au marché pour les nouvelles entreprises et à encourager une véritable concurrence entre tous les acteurs du marché. Encore faut-il qu’elle bénéficie d’un régime juridique adapté. Il convient d’envisager la conclusion du contrat de monnaie électronique (§ 1) avant de le remboursement de cette monnaie (§ 2).

Les nouveaux moyens de paiement

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§ 1. La conclusion du contrat de monnaie électronique Le recours à la technique de la monnaie électronique suppose la conclusion d’un contrat entre l’émetteur et son client. On retrouve en la matière la volonté d’informer et de protéger ce client. Elle se retrouve d’ailleurs au stade de l’offre de contracter. Avant tout contrat ou offre liant les parties, les conditions contractuelles sont communiquées, en français sauf volonté contraire des parties, sur support papier ou sur un autre support durable dans des termes clairs et aisément compréhensibles au détenteur de monnaie électronique. Chaque unité de monnaie électronique est émise sans délai contre la remise de fonds ; elle ne peut être émise que pour une valeur nominale égale à celle des fonds collectés en contrepartie. Il est interdit à tout émetteur de monnaie électronique qui collecte des fonds de verser sur ces fonds une rémunération ou tout autre avantage liés à la durée de détention de monnaie électronique. Le contrat liant l’émetteur et le détenteur de monnaie électronique établit les conditions et le délai de remboursement des unités de monnaie électronique. Le principe est que ce remboursement doit être fait sans frais. Le contrat précise que le remboursement est effectué à la valeur nominale des unités de monnaie électronique. 453 En cas de litige, on a étendu à la monnaie électronique le système de médiation bancaire. On retrouve les défauts de cette technique qui n’a de médiation que le nom. Le législateur a voulu éviter un recours systématique aux tribunaux. Toutefois, le client ne sera pas obligé de recourir à la médiation ; il pourra assigner directement le banquier. L’article L. 316-1 du Code monétaire et financier dispose que « tout établissement de crédit, de monnaie électronique ou de paiement désigne un ou plusieurs médiateurs chargés de recommander des solutions aux litiges avec des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, relatifs aux services fournis et à l’exécution de contrats conclus dans le cadre du présent titre et du titre II du présent Livre et relatifs aux pro-

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La monnaie électronique

duits mentionnés aux titres Ier et II du Livre II. Les médiateurs sont choisis en raison de leur compétence et de leur impartialité ». Le médiateur est tenu de statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Celle-ci suspend la prescription conformément aux conditions de l’article 2238 du Code civil. Les constatations et les déclarations que le médiateur recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties. Cette procédure de médiation est gratuite.

§ 2. Le remboursement de la monnaie électronique 454 L’une des originalités de la monnaie électronique résulte de la

possibilité de remboursement. Comme l’avait relevé la directive du 16 septembre 2009, il était nécessaire que la monnaie électronique soit remboursable pour préserver la confiance des détenteurs de monnaie électronique. Afin de préserver l’originalité de cet instrument de paiement, elle ajoutait que la possibilité de remboursement n’implique pas, en soi, que les fonds reçus en échange de monnaie électronique soient considérés comme des dépôts. Il n’est pas étonnant que le Code monétaire et financier comprenne une section relative aux modalités de remboursement de la monnaie électronique. Une nouvelle section 12 consacrée aux « modalités de remboursement de la monnaie électronique » a été inséré le chapitre III du titre III du Livre Ier du Code monétaire et financier. Le remboursement doit être effectué en monnaie fiduciaire ayant cours légal ou par une opération de paiement, selon le choix opéré par le détenteur de monnaie électronique. Les parties peuvent également convenir que le remboursement sera effectué par transmission de fonds, c’est-à-dire un service de paiement pour lequel les fonds sont reçus de la part d’un payeur, sans création de comptes de paiement au nom du payeur ou du bénéficiaire, à la seule fin de transférer un montant correspondant vers un bénéficiaire. Le remboursement peut porter sur tout ou partie de la monnaie électronique détenue sauf si la demande de remboursement inter-

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vient dans le délai d’un an à compter du terme stipulé au contrat ou dans le cadre de la résiliation du contrat. Ce remboursement est en principe gratuit. Par exception, il peut devenir onéreux, selon l’article L. 133-31 du Code monétaire et financier, « lorsque les parties sont liées par un contrat prévoyant expressément un terme, elles peuvent convenir de frais de remboursement exclusivement dans les cas suivants : 1° la demande de remboursement est antérieure au terme du contrat ; 2° le détenteur de monnaie électronique résilie le contrat avant son terme ; 3° le détenteur de monnaie électronique demande le remboursement plus d’un an et un jour après le terme du contrat ». Le montant de ces frais doit être en en rapport avec les coûts réellement supportés par l’émetteur de monnaie électronique. Une autre originalité de la réglementation de la monnaie électronique est de reposer sur une base conventionnelle. Une section 3 du nouveau chapitre V du Livre III du titre 1er du Code monétaire et financier relatif à « l’émission et la gestion de monnaie électronique » a été consacrée aux obligations contractuelles. Elle prévoit notamment que l’émetteur de monnaie électronique doit informer le détenteur sur les conditions et les délais de remboursement de la monnaie électronique et rappeler que le remboursement est effectué à la valeur nominale des unités de monnaie électronique. Il doit aussi, le cas échéant, mentionner la nature et le détail des frais qui sont fixés pour le remboursement de la monnaie électronique. Il n’est pas prévu de permettre aux parties de déroger à ces dispositions lorsque le détenteur est une personne autre qu’une personne physique agissant pour des besoins non professionnels.

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B IBLIOGRAPHIE

BONHOMME, Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 12e éd., 2017. BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien, 11e éd., 2015. CHAPUT et SCHÖDERMEIER, Effets de commerce, chèques et instruments de paiement, PUF, 2e éd., 1998. COURET, DEVÈZE et HIRIGOYEN, Droit du financement, Lamy, 2017. DECOCQ, GÉRARD et MOREL-MAROGER, Droit bancaire, Banque, 2e éd., 2014. DE JUGLART et IPPOLITO, par DUPICHOT et GUÉVEL, Les effets de commerce, Montchrestien, 3e éd., 1996. DEVÈZE et PÉTEL, Droit commercial, Instruments de paiement et de crédit, Montchrestien, 1992. DIDIER, La monnaie, des valeurs mobilières, des effets de commerce, PUF, 1999. GAVALDA et STOUFFLET, Effets de commerce, chèques, carte de paiement et de crédit, Litec, 8e éd., 2012 ; Droit bancaire, Litec, 9e éd., 2015. HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET, Traité de droit commercial, Dalloz, t. 2, 1966. HOUTCIEFF, Droit commercial. Actes de commerce. Commerçants. Fonds de commerce. Contrats commerciaux. Concurrence. Instruments de paiement et de crédit, Sirey, 4e éd., 2016. LE CANNU, GRANIER ET ROUTIER, Instruments de paiement et de crédit, Titrisation, Dalloz, 9e éd., 2016 LEGEAIS, Opérations de crédit, LexisNexis, 2015.

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Bibliographie

LESCOT et ROBLOT, Les effets de commerce, t. 1 et 2, Rousseau, 1953. NEAU-LEDUC, Droit bancaire, Dalloz, 5e éd., 2015. PIÉDELIÈVRE et PUTMAN, Droit bancaire, Economica, 1re éd., 2011. PUTMAN, Moyens de paiement et de crédit, PUF, 1995. RIPERT et ROBLOT, par DELEBECQUE et GERMAIN, Traité de droit commercial, LGDJ, t. 2, 17e éd., 2004. RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, Droit bancaire, Dalloz, 6e éd., 1995. ROBLOT, Les effets de commerce, Sirey, 1975.

Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes.

A

- subrogation 286 s.

Acceptation, 119 s. - caractère facultatif, 119 - caractère irrévocable, 124 - conditions de fond, 122 - conditions de forme, 123 - effets, 126 - intervention, 125 - provision, 127 , 145 s. - purge des exceptions, 128 - refus d’acceptation, 129 s. Actes de commerce, 80 Affacturage, 2 , 283 s. - compensation, 295 - compte courant, 284 - conflits, 297 - devoir de sincérité, 291 - information, 288 - notification, 289 - principe de globalité, 290 - règlement des factures, 292

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I NDEX ALPHABÉTIQUE

conventionnelle,

Aval, 175 s. - cautionnement solidaire, 184 - conditions de fond, 180 s. - conditions de forme, 177 s. - effets, 182 s. - inopposabilité des exceptions, 185

-

par acte séparé, 179 s. présomption, 181 preuve, 177 recours du donneur d’aval,

186 s.

- recours personnel, 187 - recours subrogatoire, 187 Avis de prélèvement, 4 , 424

B

Banque de France, 347 Billet à ordre, 221 s. - aval, 235 - capacité, 229

436

C Carte de crédit, 405 s. - carte de paiement, 406 - carte privative, 405 - carte de retrait, 406 - commission d’interchange, 415 - comptes collectifs, 409 - contrat d’adhésion, 410 - convention sur la preuve, 416 - cotisation, 411 - durée, 410 - mandataire, 410 - paiement, 416 s. - preuve, 416 - réseaux, 406 - surcharging, 413 - ventes à distance, 413 Cession de créances, 131 , 151 , 254 , 271 - acceptation, 258 s. - activité professionnelle, 263 - bordereau, 266 - compensation, 274 - conditions de fond, 263 s. - conditions de forme, 257 s.

-

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- caractère civil, 229 - caractère commercial, 229 - clause à ordre, 223 - échéance, 224 - formalisme, 222 s. - mentions facultatives, 229 - mentions obligatoires, 223 s. - paiement, 236 - relevé, 233 Billets de fond, 222 Bitcoin, 394

Index alphabétique

conflits de droit, 278 s. créances cessibles, 265 date, 263 exceptions opposables, 273 s. inopposabilité des exceptions,

260

- mandat de recouvrement, 276 - nantissement, 268 - nullité, 258 - paiement, 271 s. - professionnelles, 254 s. - recouvrement de la créance cédée, 272 s. - redressement et liquidation judiciaires, 275 s. - signature, 258 s. - sous-traitance, 265 - sûretés, 268 - transfert de propriété, 268 s. Chèque, 306 s. - aval, 331 - barrement, 329 s. - bénéficiaire, 327 s. , 342 s. - capacité, 336 s. - cause, 335 - certifié, 361 - chambre de compensation, 381 - chèque de casino, 320 - chèque en blanc, 321 - compte indivis, 340 - compte joint, 340 - conditions de fond, 332 s. - conditions de forme, 317 s. - consentement, 339 - convention de Genève, 308 s. - date, 324 - délai de paiement, 380

437

-

délivrance des chéquiers, 314 s. don manuel, 311 mandataire, 339 mentions facultatives, 327 s. mentions obligatoires, 318 s. nullité, 326 obligation du paiement par –,

310

-

opposition, 387 s. paiement, 378 s. pouvoir, 337 présentation au paiement, 379 s. preuve, 311 recours, 391 s. responsabilité du banquier, 315 signature du tireur, 325 support papier, 319 tirage pour compte, 339 tiré, 341 tireur, 333 s. vérification du banquier, 314 ,

382 s.

- de voyage, 363 Clause de réserve de propriété, 294 Compte, 5 s. - à terme, 7 - à vue, 7 - adresse, 17 - capacité, 19 s. - clôture, 41 s. - commissions, 33 - consentement, 11 s. - date de valeur, 27 - en indivision, 7 - identité, 16 - incapable, 23 - intérêts, 33

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Index alphabétique

- joint, 7 - mineur, 23 - ouverture, 11 s. - pouvoirs, 23 - refus d’ouverture, 13 s. - saisie, 35 - secret professionnel, 31 - société en formation, 19 - surveillance du compte, 29 - tenue du compte, 26 s. - vérification, 16 Compte courant, 7 , 45 s. - affectation globale, 49 - cautionnement, 60 - clôture, 65 s. - compensation, 46 - différé, 63 - disponible, 62 - élément matériel, 53 s. - fusion, 49 - indivisibilité, 55 - intérêts, 60 - nature juridique, 46 s. - novation, 46 - procédure collective, 67 - réciprocité, 54 - remises, 53 , 55 - saisie, 59 - solde définitif, 69 - solde provisoire, 58 s. - sûretés, 60 Comptes - de dépôt, 7 - de paiement, 5 Crédit de mobilisation des créances commerciales, 254

438

Effets de cautionnement, 80 , 116 Effets de commerce, 2 , 72 s. , 311 , 347

Effets de complaisance, 113 s. - définition, 114 - effets de cavalerie, 115 - effets dits « croisés », 115 - nullité, 117 - redressement et liquidation judiciaire, 115 Endossement, 2 - à titre de procuration, 167 s. , 376 s.

- pignoratif, 172 s. , 376 Endossement translatif (billet à ordre), 231 s. Endossement translatif (chèque), 328 , 366 s. - conditions, 368 s. - présomption, 369 - redressement et liquidation judiciaire, 372 - saisie-attribution, 372 - solidarité, 373 - transmission de la provision, 370 s.

Endossement translatif (lettre de change), 133 s. - allonge, 134 - conditions de fond, 139 s. - conditions de forme, 134 s. - date, 136 - effet translatif, 141 s. - en blanc, 137 - mentions facultatives, 138

-

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E

Index alphabétique

porteur, 137 propriété, 144 s. solidarité, 151 s. transmission de la provision,

143 s.

- transmission du titre, 142 Escompte, 249 s. - achat de titre, 249 - conditions de fond, 251 - conditions de forme, 250 - contrepassation, 252 - nature juridique, 249 - prêt, 249 - réescompte, 249 Établissement de paiement, 1 , 6 , 300

F

Falsification et contrefaçon - chèque, 357 s. - nouveaux instruments de paiement, 446 s.

I

Incapacité, 155 - limites à la règle de -, 155 s. - mauvaise foi du porteur, 156 s. - preuve, 158 - vices apparents, 155 Inopposabilité des exceptions (chèque), 374 s. Inopposabilité des exceptions (lettre de change), 151 s. - acte abstrait, 161 - acte juridique unilatéral, 161 - apparence, 162

439

-

bénéficiaires, 153 cautionnement, 160 délégation, 160 endossement, 151 exceptions inopposables, 154 fondement de la règle de -,

159 s.

L Lettre de change, 78 s. - à un certain délai de date, 171 - à un certain délai de vue, 171 - à vue, 171 - capacité, 100 s. - cause illicite et immorale, 84 - chambre de compensation, 201 - consentement du tireur, 94 s. - conventions de Genève, 81 - conversion des actes juridiques, 94 - défaut de présentation, 195 - délai de grâce, 194 - échéance, 191 s. - formalisme, 85 s. - mentions obligatoires, 87 s. - modalités de paiement, 198 s. - montant du paiement, 201 - opposition, 204 s. - paiement, 189 s. - paiement par intervention, 198 - paiement partiel, 202 - payable à jour fixe, 171 - porteur négligent, 217 - pouvoirs, 104 s. - prescription, 218 s. - présentation au paiement, 193 - preuve du paiement, 203 s.

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Index alphabétique

- prorogation 194

conventionnelle,

- recours du porteur, 214 s. - régularisation, 92 s. - relevé, 163 - signature du tireur, 90 - tirage par mandataire, 104 - tirage pour compte, 105 - tireur, 97 s. Lettre de change relevé magnétique, 166 Lettre de change relevé papier, 164 s.

- bande magnétique, 164 - domiciliation, 164 - paiement, 165

M

Monnaie - électronique, 300 - fiduciaire, 300 - scripturale, 300 Monnaie électronique, 448 s.

N

Négociabilité, 75 , 132 Nouveaux instruments de paiement, 424 s. - acceptation, 429 - blocage de l’instrument de paiement, 428 - consentement, 427 s. - contestations, 440 s. - dates de valeur, 434 - exécution de l’ordre de paiement, 433 s.

440

O Opérations de crédit, 73

P Protêt (chèque), 391 s. Protêt (lettre de change), 207 s. - caractère obligatoire, 208 - délai, 208 - exceptions au caractère obligatoire du -, 211 s. - protêt faute d’acceptation, 129 - protêt faute de paiement, 207 s. - publicité, 209 Provision (chèque), 343 s. - absence de provision, 349 s. - banque de France, 352 - caractères, 344 - comptes collectifs, 349 - définition, 343 - facilités de caisse, 348 - interdiction d’émettre des chèques, 355 s.

-

ouverture de crédit, 347 paiement fractionné, 311 pénalité libératoire, 356 pluralité de compte, 346 preuve, 345

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- opérations de paiement, 425 - opposition, 436 s. - ordre de paiement, 426 s. - principe du J+1, 433 - refus d’exécution de l’ordre de paiement, 430 - révocation de l’ordre de paiement, 431

Index alphabétique

- régularisation, 352 , 355 - responsabilité du banquier tiré, 353 s.

- rôle du banquier tiré, 349 s. Provision (lettre de change), 107 s. - acceptation, 127 - caractères, 110 - définition, 108 - existence, 109 - preuve, 111 - redressement et liquidation judiciaire, 109 - transmission, 143 s.

S

Saisie-attribution, 35 s. , 147 , 372 Sous-traitance, 260 , 281

T

Télépaiement, 4 Titres - à ordre, 132 - interbancaires de paiement, 4 , 423

- universels de paiement, 4 , 423

V

Virements, 4 , 417 s. - capacité, 419 - consentement, 419 - exécution, 421 - mandat, 420 - ordre, 419 s.

441

W Warrant, 237 s. - agricole, 244 - endossement, 240 - formalisme, 239

-

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Index alphabétique

hôtelier, 245 industriel, 247 magasins généraux, 238 paiement, 241 s. pétrolier, 246 réalisation du gage, 242

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TABLE DES MATIÈRES

A BRÉVIATIONS .............................................................................................................................................

V

I NTRODUCTION ............................................................................................................................................

1

L A THÉORIE DES COMPTES

7

T ITRE PRÉLIMINAIRE

...................................................

C HAPITRE 1 Les règles applicables à tous les comptes

bancaires

.......................................................................................................................................................

S ECTION 1 L'ouverture du compte bancaire

...................................................

§ 1. Le consentement ......................................................................................................................... A. Le refus d'ouverture de compte .............................................................................. B. Les vérifications du banquier ................................................................................... C. Les obligations d'information mises à la charge du banquier .............................................................................................................................................. § 2. La capacité et les pouvoirs ........................................................................................... S ECTION 2 Le fonctionnement du compte

............................................................

§ 1. Les obligations du banquier ........................................................................................ A. L'obligation de tenir le compte .............................................................................. B. L'obligation de surveiller le compte ................................................................ C. Le secret professionnel du banquier ................................................................ D. Les obligations d'information .................................................................................. § 2. Les intérêts et les commissions perçus par le banquier ........ § 3. La saisie portant sur un compte bancaire ..................................................

13 14 17 17 22 25 30 32 32 32 35 38 41 42 45

444

........................................................

51

.............................................................................................................

58

S ECTION 3 La clôture du compte bancaire

• Synthèse du chapitre

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Table des matières

C HAPITRE 2 Le compte courant

............................................................................................

61

S ECTION 1 Les éléments caractéristiques du compte § 1. La nature juridique du compte courant .......................................................... § 2. Les critères d'existence du compte courant ............................................ A. L'élément intentionnel ...................................................................................................... B. L'élément matériel .................................................................................................................

62 62 66 66 68

S ECTION 2 L'entrée des créances en compte courant .................... § 1. La remise en compte et l'indivisibilité ........................................................... A. La liaison des articles en compte ........................................................................ B. La position du compte ........................................................................................................ § 2. L'entrée en compte ................................................................................................................. A. L'entrée au disponible ....................................................................................................... B. L'entrée au différé ..................................................................................................................

70 70 70 71 75 75 76

S ECTION 3 Le règlement du compte courant ................................................. § 1. La clôture du compte ............................................................................................................. A. Les causes de clôture .......................................................................................................... B. Les effets de la clôture ..................................................................................................... § 2. La période de liquidation ................................................................................................

78 78 78 79 83

• Synthèse du chapitre

84

courant

.............................................................................................................................................................

P REMIÈRE PARTIE T ITRE 1

.............................................................................................................

L ES INSTRUMENTS DE CRÉDIT

...............................

87

...................................................................................

89

........................................................................................

93

L ES EFFETS DE COMMERCE

S OUS-TITRE 1 L A LETTRE DE CHANGE

C HAPITRE 1 La création de la lettre de change

.......................................

97

S ECTION 1 L'aspect formel de la lettre de change ............................ § 1. Les formalités de la lettre de change lors de son émission ....................................................................................................................................... A. Les mentions obligatoires ............................................................................................. B. Les sanctions en cas de défaut de l'une des formalités obligatoires ....................................................................... § 2. Les modifications ultérieures de la lettre de change .................

99 99 100 104 107

445

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Table des matières

S ECTION 2 Les conditions de fond de la création

de la lettre de change

..............................................................................................................

§ 1. Les conditions chez le tireur ...................................................................................... A. Le consentement du tireur ............................................................................................ B. La capacité ........................................................................................................................................ C. Les pouvoirs .................................................................................................................................... § 2. La provision ..................................................................................................................................... A. Les caractéristiques de la provision ................................................................ B. La preuve de la provision ............................................................................................... C. Les effets de complaisance .......................................................................................... § 3. L'acceptation du tiré ............................................................................................................. A. Les manifestations de l'acceptation ................................................................ B. Les effets de l'acceptation ........................................................................................... C. Le refus d'acceptation ........................................................................................................

• Synthèse du chapitre

.............................................................................................................

C HAPITRE 2 La circulation de la lettre de change

107 108 108 109 111 113 113 115 116 120 121 124 126 128

..............................

131

.......................................................................................................................................................

133 134 134 136 137 138 143 145 154 155 158

S ECTION 1 L'endossement translatif de la lettre

de change

§ 1. Les conditions de l'endossement .......................................................................... A. Les conditions de forme ................................................................................................... B. Les conditions de fond ....................................................................................................... § 2. Les effets de l'endossement ....................................................................................... A. L'effet translatif ........................................................................................................................ B. L'effet de garantie .................................................................................................................. C. L'inopposabilité des exceptions ............................................................................ § 3. Les lettres de change relevées ................................................................................ A. La lettre de change relevé-papier ........................................................................ B. La lettre de change relevé-magnétique ........................................................ S ECTION 2 Les endossements particuliers

de la lettre de change

..............................................................................................................

§ 1. L'endossement à titre de procuration .............................................................. § 2. L'endossement pignoratif ..............................................................................................

• Synthèse du chapitre

.............................................................................................................

C HAPITRE 3 Le paiement de la lettre de change

....................................

159 159 161 164 167

S ECTION 1 Les garanties de paiement de la lettre

de change

.......................................................................................................................................................

167

446

international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889453591:88866217:196.200.176.177:1581096339

Table des matières

§ 1. Les conditions de validité de l'aval ................................................................... A. Les conditions de forme de l'aval ........................................................................ B. Les conditions de fond de l'aval ........................................................................... § 2. Les effets de l'aval ................................................................................................................. A. Les rapports du donneur d'aval avec le porteur ................................ B. Les recours du donneur d'aval ................................................................................. S ECTION 2 Les modalités de paiement

de la lettre de change

..............................................................................................................

§ 1. Le moment de la présentation au paiement ............................................. A. La présentation à l'échéance ..................................................................................... B. Les conséquences du défaut de présentation ....................................... § 2. Les modalités de la présentation et du paiement ........................... A. Les modalités de la présentation ......................................................................... B. Les modalités du paiement .......................................................................................... § 3. L'opposition au paiement ............................................................................................... S ECTION 3 Les recours cambiaires

................................................................................

§ 1. Le protêt faute de paiement ......................................................................................... A. Le caractère obligatoire du protêt ....................................................................... B. Les exceptions au caractère obligatoire du protêt ......................... § 2. Les recours du porteur ....................................................................................................... A. Les différents recours ........................................................................................................ B. Les délais de prescription .............................................................................................

• Synthèse du chapitre

.............................................................................................................

S OUS-TITRE 2 L E BILLET À ORDRE ET LES WARRANTS C HAPITRE 1 Le billet à ordre

169 169 172 176 176 178 180 180 181 184 185 185 186 189 191 191 192 194 196 196 198 201

............................................

203

...................................................................................................

205

S ECTION 1 Les caractéristiques du billet à ordre

..............................

§ 1. Le caractère formel du billet à ordre ................................................................ A. Les mentions obligatoires ............................................................................................. B. Les mentions facultatives ............................................................................................. § 2. Le caractère civil ou commercial du billet à ordre .......................... S ECTION 2 La circulation du billet à ordre

...................................................

§ 1. L'endossement du billet à ordre ............................................................................. § 2. Le billet à ordre relevé ......................................................................................................

207 207 208 210 210 211 211 213

447

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Table des matières

S ECTION 3 Les effets du billet à ordre ................................................................. § 1. Les différences entre le billet à ordre et la lettre de change ......................................................................................................................................................... § 2. Les ressemblances entre le billet à ordre et la lettre de change .........................................................................................................................................................

213

• Synthèse du chapitre

.............................................................................................................

216

C HAPITRE 2 Les warrants

..............................................................................................................

219

S ECTION 1 Les warrants dans les magasins généraux .................. § 1. L'émission du warrant ......................................................................................................... § 2. La circulation du warrant ............................................................................................... § 3. Le paiement du warrant ....................................................................................................

219 220 221 222

S ECTION 2 Les warrants sans dépossession ................................................. § 1. Les différents warrants sans dépossession ............................................ § 2. Les mesures de protection du créancier ......................................................

224 224 226

T ITRE 2

L ES NOUVEAUX INSTRUMENTS DE CRÉDIT

......................................

C HAPITRE 1 La cession de créances professionnelles S ECTION 1 L'utilisation du bordereau

pour la transmission des créances

214 214

229

.................

235

....................................................................

237

§ 1. Les conditions de la cession ou du nantissement par bordereau .............................................................................................................................................. A. Les conditions de forme ................................................................................................... B. Les conditions de fond ....................................................................................................... § 2. Les effets de la cession ou du nantissement par bordereau .............................................................................................................................................. A. Les droits du cessionnaire sur la créance transmise .................. B. Les concours du cessionnaire et d'un tiers invoquant un droit sur les créances ........................................................................................................

237 237 243 245 245 255

S ECTION 2 L'utilisation du bordereau comme instrument

de crédit

..........................................................................................................................................................

258

• Synthèse du chapitre

.............................................................................................................

260

C HAPITRE 2 L'affacturage

............................................................................................................

263

S ECTION 1 Le transfert des créances par subrogation

conventionnelle

.................................................................................................................................

266

448

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Table des matières

§ 1. L'affacturage et les conditions de validité de la subrogation conventionnelle .................................................................................. § 2. L'information du débiteur .............................................................................................. ............

269

..................

273 273

S ECTION 2 La convention entre le factor et son client S ECTION 3 Le recouvrement des créances transmises

§ 1. Les exceptions pouvant être opposées par le débiteur ............. § 2. Les conflits entre des banquiers cessionnaires d'une même créance ...........................................................................................................................

• Synthèse du chapitre D EUXIÈME PARTIE T ITRE 1

.............................................................................................................

L ES INSTRUMENTS DE PAIEMENT

L E CHÈQUE

266 268

276 278

...................

281

..................................................................................................................................

289

C HAPITRE 1 La création du chèque

...............................................................................

297

S ECTION 1 Les conditions de forme de la création

du chèque

.......................................................................................................................................................

§ 1. Les mentions obligatoires .............................................................................................. A. Le support matériel du chèque ................................................................................ B. Les différentes mentions ................................................................................................ § 2. Les sanctions en cas de défaut d'une mention obligatoire ... § 3. Les mentions facultatives ..............................................................................................

299 300 300 302 305 306

S ECTION 2 Les conditions de fond de la création

du chèque

.......................................................................................................................................................

§ 1. Les parties ......................................................................................................................................... A. Le tireur ................................................................................................................................................ B. Le tiré ...................................................................................................................................................... C. Le bénéficiaire .............................................................................................................................. § 2. La provision ..................................................................................................................................... A. Les caractères de la provision .................................................................................. B. Les sanctions en cas de chèque sans provision ................................. ........

332

......................................

333 334 336

S ECTION 3 Les infractions lors de l'émission du chèque S ECTION 4 Les différentes variétés de chèques

§ 1. Le chèque certifié ...................................................................................................................... § 2. Le chèque de voyage .............................................................................................................

• Synthèse du chapitre

309 309 309 316 317 317 318 322

.............................................................................................................

337

449

international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889453591:88866217:196.200.176.177:1581096339

Table des matières

C HAPITRE 2 La circulation du chèque

......................................................................

339

S ECTION 1 L'endossement translatif

........................................................................

339 340 342 342 344 344

§ 1. Les conditions de l'endossement translatif ............................................ § 2. Les conséquences de l'endossement translatif .................................. A. La transmission de la provision ............................................................................. B. La solidarité .................................................................................................................................... C. L'inopposabilité des exceptions ............................................................................ .............................................

346

.............................................................................................................

348

S ECTION 2 Les autres formes d'endossement

• Synthèse du chapitre

C HAPITRE 3 Le paiement du chèque S ECTION 1 La remise au paiement

............................................................................

351

.....................................................................................

353 353 355

§ 1. La présentation au paiement ...................................................................................... § 2. Les vérifications du tiré ................................................................................................... S ECTION 2 Les incidents de paiement

.........................................................................

§ 1. L'opposition ..................................................................................................................................... § 2. Le protêt et les recours faute de paiement ..............................................

• Synthèse du chapitre T ITRE 2

.............................................................................................................

L ES NOUVEAUX MOYENS DE PAIEMENT

...............................................

C HAPITRE 1 Les différents instruments de paiement S ECTION 1 Les cartes de crédit

366 369

...................

379

...........................................................................................

379 383 383 386 389

§ 1. La mise en place des relations contractuelles ..................................... A. Le contrat entre l'émetteur et l'adhérent ................................................. B. Le contrat entre l'émetteur et le fournisseur ...................................... § 2. Le paiement par carte de crédit .............................................................................. S ECTION 2 Le virement et ses dérivés

......................................................................

§ 1. Le virement ........................................................................................................................................ § 2. Les dérivés du virement ....................................................................................................

• Synthèse du chapitre

359 359 363

.............................................................................................................

390 391 395 397

C HAPITRE 2 Les règles applicables aux nouveaux

instruments de paiement

...................................................................................................

S ECTION 1 La réalisation de l'opération de paiement

...................

399 402

450

international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889453591:88866217:196.200.176.177:1581096339

Table des matières

§ 1. Le consentement à l'opération de paiement ........................................... A. L'ordre de paiement .............................................................................................................. B. La révocation de l'ordre de paiement .............................................................. C. Les sanctions en cas d'absence d'ordre de paiement ................. § 2. L'exécution de l'ordre de paiement ................................................................... § 3. Les obligations des parties ......................................................................................... A. Les obligations du payeur ............................................................................................. B. Les obligataires du prestataire de services de paiement ......

402 402 405 406 406 408 408 412

S ECTION 2 Les difficultés résultant de l'opération

de paiement

..................................................................................................................................................

§ 1. L'opération de paiement non autorisée par le payeur ................ § 2. L'opération de paiement mal exécutée par le prestataire de services de paiement ................................................................................................................ § 3. L'ordre de paiement par l'intermédiaire du bénéficiaire ........

413 414 416 418

S ECTION 3 Les infractions relatives aux nouveaux ......................................................................................................

420

.............................................................................................................

423

instruments de paiement • Synthèse du chapitre

C HAPITRE 3 La monnaie électronique

......................................................................

425

.....................

427

S ECTION 2 Le régime juridique de la monnaie électronique ... § 1. La conclusion du contrat de monnaie électronique ........................ § 2. Le remboursement de la monnaie électronique ..................................

429 430 431

B IBLIOGRAPHIE ..........................................................................................................................................

433

I NDEX ALPHABÉTIQUE ........................................................................................................................

435

S ECTION 1 La définition de la monnaie électronique

Les effets de commerce  es nouveaux instruments L de crédit Le chèque  es nouveaux instruments L de paiement

international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889457667:88866217:196.200.176.177:1581931872

Instruments de crédit et de paiement

Destiné aux étudiants de Licence 3 et Master 1 de droit, cet ouvrage intéressera également les praticiens.

L3 M1

Stéphane Piédelièvre

est professeur à l’Université Paris-Est.

TOUT ce qu’il faut SAVOIR pour RÉUSSIR son EXAMEN ISBN 978-2-247-17969-5 8269129

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