Histoire 2de Nathan Le Quintrec Livre Du Professeur by Collectif, Guillaume Le Quintrec (Editor) [PDF]

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Zitiervorschau

HISTOIRE

2

de

Nouveau programme

2019

Guide pédagogique Sous la direction de

Guillaume LE QUINTREC Caroline BARCELLINI

Juliette HANROT

Mathias BURGÉ

Laurène JACOB

Agrégé d’histoire Professeur au lycée Rabelais à Meudon (92)

Professeure au lycée Frédéric Mistral à Fresnes (94)

Léo CAYEUX

Guillaume LE QUINTREC

Agrégé d’histoire, ancien élève de l’École normale supérieure Professeur en section européenne au lycée Louise Weiss à Achères (78)

Agrégé d’histoire, ancien élève de l’École normale supérieure Professeur en classes préparatoires au lycée Fénelon à Paris (75)

Valentin CHÉMERY

Florian LOUIS

Agrégé d’histoire Professeur au lycée Guillaume Apollinaire à Thiais (94)

Agrégé d’histoire Professeur au lycée Jean-Jacques Rousseau à Sarcelles (95)

Défendin DÉTARD

Laurent PECH

Agrégée d’histoire Professeure au lycée Jean-Baptiste Corot à Savigny-sur-Orge (91)

Agrégé d’histoire Professeur au lycée Évariste Galois à Noisy-le-Grand (93)

Agrégée d’histoire Professeure en section internationale britannique au lycée Camille Sée à Paris (75)

Professeur au collège Victor Hugo à Cachan (94)

Coordination pédagogique : Juliette HANROT

Édition : Anne Chauvellier, Françoise Laurent et Lucile Foucher Mise en page : Frédérique Buisson © Nathan 2019 – 25, avenue Pierre de Coubertin, 75013 Paris ISBN : 978-2-09-172830-8

Sommaire

Le programme de 2de

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Chapitre introductif. Périodiser l’histoire

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Thème 1 – Le monde méditerranéen : les empreintes de l’Antiquité et du Moyen Âge Chapitre 1. La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

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Chapitre 2. La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations

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15 35

Thème 2 – XVe-XVIe siècle : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation intellectuelle Chapitre 3. L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

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Chapitre 4. Renaissance, humanisme et réformes : mutations culturelles et religieuses de l’Europe

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45 57

Thème 3 – L’État à l’époque moderne : France et Angleterre Chapitre 5. L’affirmation de l’État dans le royaume de France Chapitre 6. Le modèle britannique et son influence

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69 83

Thème 4 – Dynamiques et ruptures dans les sociétés des XVIIe et XVIIIe siècles Chapitre 7. Les Lumières et le développement des sciences Chapitre 8. Tensions mutations et crispations de la société d’ordres

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© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

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Le guide du lycéen

Ce guide est destiné à aider les lycéens à développer ou renforcer de bonnes méthodes de travail. Les pages 16 à 23 s’appuient sur les avancées de la recherche en sciences cognitives. L’ouvrage de Mark A. McDaniel, Henry L. Roediger et Peter C. Brown (éditions Markus Haller, 2016) Mets-toi ça dans la tête ! : Les stratégies d'apprentissage à la lumière des sciences cognitives, donne un aperçu très clair de l’état de la recherche et des conséquences pratiques qui en découlent pour la réussite de l’apprentissage. Il permettra au professeur d’animer facilement des séances d’accompagnement utiles et efficaces pour compléter ce cahier.

Programme d’histoire 2de : Les grandes étapes de la formation du monde moderne ■■ L’enseignement

de l’histoire au lycée

◗◗Finalités L’enseignement de l’histoire a pour visées : – la construction d’une réflexion sur le temps : outre l’acquisition de grands repères, l’élève doit comprendre ce qu’est un événement, une permanence, une continuité, une rupture, une mutation, une évolution pour saisir la manière dont des sociétés se transforment dans le temps ; – le développement d’une réflexion sur les sources : l’élève apprend comment la connaissance du passé est construite à partir de traces, d’archives et de témoignages, et affine ainsi son esprit critique ; – l’initiation au raisonnement historique : l’élève apprend à évaluer les ressources et les contraintes d’un événement, d’un contexte humain, temporel ou spatial, à comprendre les interrogations et les choix des acteurs individuels et collectifs, à appréhender les conséquences de leurs actions à court, moyen et long terme ; – le développement d’une aptitude à replacer les actions humaines et les faits dans leur contexte et dans leur époque ; – la prise de conscience par l’élève de son appartenance à l’histoire de la nation, de l’Europe et du monde, ainsi que des valeurs, des connaissances et des repères qui contribuent au développement de sa responsabilité et de sa formation civique ; – le développement de la culture générale des élèves. ◗◗Un programme chronologique et structurant L’organisation du programme est chronologique ; l’exigence de cohérence requiert des choix qui sont compatibles avec une vision large de l’histoire et permettent, dans la continuité des programmes de la scolarité obligatoire, différentes approches. Le programme de la classe de seconde, intitulé « Grandes étapes de la formation du monde moderne » revient sur des périodes abordées à l’école primaire et au collège. Il couvre un temps long qui permet d’initier les élèves à une réflexion sur la notion de période historique et de leur donner des repères chronologiques. Il approfondit également la connaissance de l’époque moderne et de ses mutations profondes. L’étude de la Révolution française ouvre le programme de première, lequel mène aux lendemains de la Première © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Guerre mondiale. Les deux axes directeurs de ce programme sont l’affirmation des nations en Europe aux dépens des empires et la transformation politique et sociale de la France entre la Révolution et la Grande Guerre. Le programme de la classe terminale élargit la dimension internationale. À partir de la crise des années 1930, il interroge le jeu des puissances et l’évolution des sociétés jusqu’à nos jours. ◗◗Des thèmes associant le récit historique et des « points de passage et d’ouverture »

Chaque thème est structuré en chapitres ; le programme propose des axes pour traiter ceux- ci. La parole du professeur joue un rôle essentiel : elle garantit la cohérence, dégage les évolutions d’ensemble et les moments-charnières, met en place le contexte général de la période. Deux à quatre « points de passage et d’ouverture » sont indiqués pour chaque chapitre. Ces « points de passage et d’ouverture » mettent en avant des dates-clefs, des lieux ou des personnages historiques. Chacun ouvre un moment privilégié de mise en œuvre de la démarche historique et d’étude critique des documents. Il s’agit d’initier les élèves au raisonnement historique en les amenant à saisir au plus près les situations, les contextes et le jeu des acteurs individuels et collectifs. Les « points de passage et d’ouverture » sont associés au récit du professeur. Ils confèrent à l’histoire sa dimension concrète. Ils ne sauraient toutefois à eux seuls permettre de traiter le chapitre. Le professeur est maître de leur degré d’approfondissement, qui peut donner lieu à des travaux de recherche documentaire, individuels ou collectifs, et à des restitutions orales et écrites.

■■ Classe

de seconde : « Grandes étapes de la formation du monde moderne » (48 heures)

La classe de seconde répond à un triple objectif : consolider les acquis de la scolarité obligatoire, nourrir la culture générale des élèves et étudier la formation du monde moderne. Pour cela, le programme s’ouvre sur un repérage chronologique d’ensemble qui invite 5

à conduire une réflexion sur la périodisation en histoire. Le premier thème vise à réactiver et à enrichir les connaissances des élèves. Sont ainsi d’abord convoqués, autour du thème directeur de la Méditerranée, quelques jalons et héritages essentiels de l’Antiquité et du Moyen Âge. Les thèmes qui suivent couvrent la période allant du XVe au XVIIIe siècle ; ils ambitionnent de faire saisir aux élèves les grandes dynamiques politiques, culturelles, économiques et sociales qui sont au principe de la formation du monde contemporain : élargissement des horizons, autonomisation culturelle des individus, affirmation du rôle de l’État, émergence de nouveaux modèles politiques qui entrent en conflit. Ces dynamiques sont nourries par l’accroissement de la circulation des hommes, des biens, des capitaux, des connaissances et des idées ainsi que par le progrès scientifique et technique.

◗◗Introduction : la périodisation (2 heures) L’introduction est l’occasion de rappeler comment l’histoire a été divisée en quatre grandes périodes, avec, pour marquer chacune d’entre elles, le choix d’une dateclé (476, 1453/1492, 1789). On montre que le choix de ces dates qui servent de marqueurs ne va pas de soi : ainsi, on retient 1453 ou 1492 pour les débuts de l’époque moderne, selon ce qu’on souhaite mettre en exergue. Il convient aussi de présenter les formes de périodisation (exemples : dynasties, ères, époques, Âges, siècles, ...). Le but n’est pas de réaliser un inventaire mais d’introduire l’idée que le temps a lui-même une histoire et que cette histoire a été soumise à des évolutions, dans le temps et dans l’espace. Une frise chronologique peut être construite puis enrichie au fil de l’année, y compris sous forme numérique.

◗◗Thème 1 : Le monde méditerranéen : empreintes de l’Antiquité et du Moyen Âge (10-12 heures) • Chapitre 1. La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à rappeler que l’Antiquité méditerranéenne est le creuset de l’Europe. On peut pour cela : – d istinguer des temps, des figures et des constructions politiques ayant servi de référence dans les périodes ultérieures ; – montrer comment Athènes associe régime démocratique et établissement d’un empire maritime ; – montrer comment Rome développe un empire territorial immense où s’opère un brassage des différents héritages culturels et religieux méditerranéens.

Points de passage et d’ouverture

• Périclès et la démocratie athénienne. • Le principat d’Auguste et la naissance de l’empire romain. • Constantin, empereur d’un empire qui se christianise et se réorganise territorialement.

• Chapitre 2. La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations

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Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer comment des civilisations entrent en contact, nouent des relations et connaissent des conflits dans un espace marqué par les monothéismes juif, chrétien et musulman. On peut mettre en avant : – l’émergence de grands ensembles de civilisation ; – les contacts et les heurts entre Chrétienté et Islam ; – l’hétérogénéité religieuse et politique entre Rome et Byzance et au sein du monde musulman ; – la persistance de la circulation de biens, d’hommes et d’idées dans cet espace méditerranéen relié à l’Europe du Nord, à l’Asie et l’Afrique.

Points de passage et d’ouverture

• Bernard de Clairvaux et la deuxième croisade. • Venise, grande puissance maritime et commerciale.

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

◗◗Thème 2 : XVe-XVIe siècle : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation intellectuelle (11-12 heures) • Chapitre 3. L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer le basculement des échanges de la Méditerranée vers l’Atlantique après 1453 et 1492, ainsi que le début d’une forme de mondialisation. On peut mettre en avant les conséquences suivantes en Europe et dans les territoires conquis : – la constitution d’empires coloniaux (conquistadores, marchands, missionnaires, …) ; – une circulation économique entre les Amériques, l’Afrique, l’Asie et l’Europe ; – l’esclavage avant et après la conquête des Amériques ; – les progrès de la connaissance du monde ; – le devenir des populations des Amériques (conquête et affrontements, évolution du peuplement amérindien, peuplement européen, métissage, choc microbien).

Points de passage et d’ouverture

• L’or et l’argent, des Amériques à l’Europe. • Bartolomé de Las Casas et la controverse de Valladolid. • Le développement de l’économie « sucrière » et de l’esclavage dans les îles portugaises et au Brésil.

• Chapitre 4. Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer comment l’effervescence intellectuelle et artistique de l’époque aboutit à la volonté de rompre avec le « Moyen Âge » et de faire retour à l’Antiquité. On peut mettre en avant : – l’imprimerie et les conséquences de sa diffusion ; – un nouveau rapport aux textes de la tradition ; – une vision renouvelée de l’Homme qui se traduit dans les lettres, arts et sciences ; – les réformes protestante et catholique qui s’inscrivent dans ce contexte.

Points de passage et d’ouverture

• 1508 – Michel-Ange entreprend la réalisation de la fresque de la Chapelle Sixtine. • Érasme, prince des humanistes. • 1517 – Luther ouvre le temps des réformes.

◗◗Thème 5 : L’État à l’époque moderne : France et Angleterre (11-12 heures) • Chapitre 5. L’affirmation de l’État dans le royaume de France

Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer l’affirmation de l’État en France dans ses multiples dimensions ainsi qu’à caractériser la monarchie française. On peut mettre en avant : – le rôle de la guerre dans l’affirmation du pouvoir monarchique ; – l’extension du territoire soumis à l’autorité royale ; – le pouvoir monarchique et les conflits religieux ; – le développement de l’administration royale, la collecte de l’impôt et le contrôle de la vie économique ; – la volonté du pouvoir royal de soumettre la noblesse ; les limites de l’autorité royale.

Points de passage et d’ouverture

• 1539 – L’ordonnance de Villers-Cotterêts et la construction administrative française. • Colbert développe une politique maritime et mercantiliste, et fonde les compagnies des Indes et du Levant. • Versailles, le « roi-soleil » et la société de cour. • L’Édit de Nantes et sa révocation.

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• Chapitre 6. Le modèle britannique et son influence

Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer comment l’ébauche d’un gouvernement représentatif ainsi que la définition de grands principes et de droits fondamentaux inspirent les philosophes au cours du XVIIIe siècle, et aboutit à la fondation d’un nouveau régime politique doté d’une constitution écrite avec la naissance des États-Unis d’Amérique. On peut mettre en avant : – l’évolution politique et sociale anglaise à la fin du XVIIe siècle ; – l’affirmation des droits du Parlement face à la couronne anglaise, autour de la révolution de 1688 ; – l’influence du régime britannique sur des philosophes des Lumières ; – le retournement par les colons américains des valeurs anglaises contre leur métropole ; – la rédaction d’une constitution et ses enjeux ; – les limites de l’application des principes démocratiques (esclaves, Indiens d’Amériques…) ; – l’influence de l’intervention française sur les esprits et la situation financière du royaume de France.

Points de passage et d’ouverture

• 1679 et 1689 – L’Habeas Corpus et le Bill of Rights, le refus de l’arbitraire royal. • Voltaire, l’Angleterre et la publication des Lettres philosophiques ou Lettres anglaises : 1726 -1733. • Washington, premier président des États-Unis d’Amérique.

◗◗Thème 4 : Dynamiques et ruptures dans les sociétés des XVIIe et XVIIIe siècles (11-12 heures) • Chapitre 7. Les Lumières et le développement des sciences

Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer le rôle capital de l’esprit scientifique dans l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles. On peut mettre en avant : – l’essor de l’esprit scientifique au XVIIe siècle ; – sa diffusion et l’extension de ses champs d’application au XVIIIe siècle (par exemple par L’Encyclopédie) ; – le rôle des physiocrates en France ; – l’essor et l’application de nouvelles techniques aux origines de la « révolution industrielle » ; – le rôle de femmes dans la vie scientifique et culturelle.

Points de passage et d’ouverture

• Galilée, symbole de la rupture scientifique du XVIIe siècle. • 1712 – Thomas Newcomen met au point une machine à vapeur pour pomper l’eau dans les mines. • Émilie du Châtelet, femme de science.

• Chapitre 8. Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

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Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer la complexité de la société d’ordres. On peut mettre en avant : – le poids de la fiscalité et des droits féodaux sur le monde paysan ; – une amélioration progressive de la condition des paysans au XVIIIe siècle ; – le monde urbain comme lieu où se côtoient hiérarchies traditionnelles (juridiques) et hiérarchies nouvelles (économiques) ; – le maintien de l’influence de la noblesse ; – les femmes d’influence dans le monde politique, littéraire, religieux, ...

Points de passage et d’ouverture

• 1639 - La révolte des Va Nu-pieds et la condition paysanne. • Riches et pauvres à Paris. • Un salon au XVIIIe siècle (le salon de madame de Tencin par exemple). • Les ports français et le développement de l’économie de plantation et de la traite

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Chapitre introductif Périodiser l’histoire ■■ Présentation

de la question

Ce bref chapitre introductif présente une double ambition. En premier lieu, rappeler dès le début de la classe de Seconde les grands découpages périodiques canoniques assimilés par les élèves durant les années de collège et qui structurent le programme d’histoire qu’ils auront à traiter durant l’année qui débute. En second lieu, questionner lesdits découpages, non pas tant pour les contester que pour bien faire prendre conscience aux élèves du fait que leur relativité et leur artificialité n’excluent pas leur utilité à condition de ne pas en être prisonnier et d’en user en connaissance de cause. Pour mener un tel travail, on peut en premier lieu s’appuyer sur les progrès historiographiques des trente dernières années relatifs à la construction du temps historique. Les travaux de l’historien allemand Reinhart Koselleck, repris et développés en France par François Hartog, peuvent à ce titre constituer un bon point de départ. Ils permettent en effet, par le recours à la notion de « régime d’historicité » par exemple, de mettre en exergue le caractère évolutif du rapport au temps des sociétés et, par là même, la dimension historique et construite de la conscience temporelle. On peut dès lors naturellement s’interroger sur les fondements desdites constructions et leur utilité. Une fois ces préalables épistémologiques fondamentaux posés, on peut revenir sur les différents types de périodisation (époques, règnes, siècle, ères, etc.) en montrant les forces et les faiblesses de chacun d’entre eux. Ce faisant, il importe d’insister non seulement sur l’historicité des périodisations, mais également sur leur relativité géographique : les périodisations occidentales, bien que devenues largement universelles, demeurent le plus souvent inadaptées à l’étude de sociétés non-occidentales. Il s’agit donc de faire prendre conscience aux élèves que la meilleure périodisation n’existe pas dans l’absolu, mais qu’elle est celle qui est adaptée à l’objet d’étude auquel on l’applique et qu’elle doit donc toujours être pensée préalablement à l’étude de celui-ci au risque d’en déformer la compréhension. ■■ Bibliographie ◗◗Articles et revues ––Le numéro 17 de la Revue Atala consacre un riche dossier à l’« Actualité de la périodisation en histoire » © Nathan 2019 – Histoire 2nde – coll. G. Le Quintrec

> MANUEL PAGES 30-39 (2014), consultable en ligne : https://www.lycee-chateaubriand.fr/revue-atala/2014/06/03/47/ ––Jean Le Bihan et Florian Mazel : « La périodisation canonique de l’histoire : une exception française ? » dans Revue historique, n° 680, 2016, p. 785-812 : https:// www.cairn.info/revue-historique-2016-4-page-785.htm ––Dipesh Chakrabarty, Provincialiser l’Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique, Éditions Amsterdam, 2009. ––Olivier Dumoulin et Raphaël Valery (dir.), Périodes. La construction du temps historique, Actes du Ve Colloque d’Histoire au présent, 1989, Éditions de l’EHESS, « Histoire au présent », 1991. ––Jack Goody, Le vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Gallimard, 2010. ◗◗Ouvrages généraux ––François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et conscience du temps, Seuil, 2003. ––Reinhart Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique du temps historique, Éditions de l’EHESS, 2000. ––Reinhart Koselleck, L’expérience de l’histoire, Seuil, 1997. ––Jean Leduc, « Période, périodisation », dans Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia (dir.), Historiographies. Concepts et débats, Gallimard, « Folio histoire », 2010. ––Jean Leduc, Les Historiens et le temps. Conceptions, problématiques, écritures, Seuil, « Points Histoire », 1999. ––Jacques Le Goff, Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ?, Seuil, 2014. ■■ Plan

du chapitre

Prévu pour être traité en deux heures, ce chapitre introductif doit avant tout s’appuyer sur l’étude de cas concrets et/ou la réalisation d’une frise chronologique. C’est pourquoi les éléments de cours sont réunis en une seule double-page synthétique (p. 32-33). Un large choix de documents permet ensuite au professeur d’étudier une période historique débattue (« le Moyen Âge », p. 34-35), d’amener les élèves à décentrer leur regard en se penchant sur les problèmes de périodisation d’un pays 9

non-occidental (« Périodiser l’histoire au Niger », p. 36) ou encore de s’interroger sur la pertinence de la notion de « siècle » au travers d’une confrontation entre les périodisations de deux grands historiens du XXe siècle, Éric J. Hobsbawm et René Rémond (« Le XXe siècle : court

ou long ? », p. 37). Enfin, une double-page « Travailler autrement » propose des pistes pour faire réaliser par les élèves une frise chronologique à l’aide d’outils numériques simples.

Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture de chapitre >>MANUEL PAGES 30-31

• Doc. Une représentation de l’histoire au XIXe siècle

Ce détail de l’immense frise de plus de six mètres de long réalisée au XIXe siècle par le pasteur américain Sebastian C. Adams permet d’entrer de plain-pied dans les problématiques de la périodisation. On y voit, en premier lieu, que l’auteur a dû procéder à une périodisation multiple pour tenir compte, dans le sens vertical, des différences de contexte géographique. Plusieurs périodisations cohabitent donc à une même époque selon l’espace sur lequel on porte son attention. Dans la période ici considérée, l’empire romain domine néanmoins largement, intégrant l’ensemble du monde méditerranéen. Dans le sens horizontal, on peut s’intéresser à la manière dont l’auteur opère ses césures entre périodes. C’est ici le règne qui prédomine, chaque souverain se voyant attribuer une couleur distincte. Mais certains événements et monuments jugés cruciaux sont également représentés, qui permettent de montrer que les règnes seuls ne suffisent pas à rendre compte du basculement d’un âge à un autre.

Une période débattue : le Moyen Âge >>MANUEL PAGES 34-35

• Doc. 1. Le repoussoir médiéval

Dans ce texte, le médiéviste français Jérôme Baschet revient sur l’histoire de la notion de « Moyen Âge ». Une période à l’histoire de laquelle est consacré l’ouvrage dont provient cet extrait et que l’auteur a choisi de titrer significativement « La civilisation féodale », plutôt que « La civilisation médiévale ». Ce choix, qui n’est pas anodin, témoigne en effet de la gêne suscitée par la notion de « Moyen Âge », qui demeure jusqu’aujourd’hui empreinte d’une lourde charge péjorative, compliquant trop souvent sa juste appréhension. En revenant, grâce à ce texte, sur la genèse de cette appellation, on peut d’emblée faire prendre conscience aux 10

élèves du fait que les choix de périodisation et, avec eux, de nomination, sont tout sauf anodins et doivent donc toujours être questionnés. • Doc. 2. Le Moyen Âge vu par un manuel scolaire de 1946

Cet extrait d’un manuel scolaire français du milieu des années 1940 illustre, par l’image et par le texte, une certaine vision traditionnelle et dépréciative d’un Moyen Âge sombre et arriéré. Son étude permet tout à la fois de mettre en lumière la façon dont sont construites et diffusées les périodes historiques, mais également de comprendre l’utilité sociale et politique de tels procédés. En l’occurrence, la construction rétrospective de l’image d’un Moyen Âge obscur et primitif permet de mieux mettre en valeur, par contraste, les périodes lui ayant succédé. En dévalorisant un temps passé (le Moyen Âge), il s’agit donc d’en valoriser d’autres (l’Antiquité) et de montrer par contraste le présent sous un jour des plus favorables. Les élèves doivent donc être amenés à comprendre que ce type de document nous en dit autant, sinon plus, sur la période à laquelle il a été réalisée et son rapport au temps et à l’histoire, que sur le Moyen Âge dont il a pourtant prétention de rendre compte. • Doc. 3. Un ou des Moyen(s) Âge(s) ?

Ce texte offre une présentation synthétique par l’historienne Laure Verdon des subdivisions traditionnelles du Moyen Âge. Haut Moyen Âge, Moyen Âge central et bas Moyen Âge sont, en effet, autant de « périodes dans la période » médiévale, dont on peut interroger la cohérence et la pertinence. Leur existence témoigne surtout de la nécessité qu’éprouvent les historiens d’adapter systématiquement leurs périodisations aux objets qu’ils étudient, ce qui les conduit à devoir fréquemment réagencer, voire congédier, les périodisations conventionnelles. Tout en étant concurrentes, ces différentes périodisations sont aussi complémentaires dans la mesure où, si elles peuvent se recouper de manière contradictoire, elles peuvent aussi, comme c’est le cas ici, s’imbriquer les unes dans les autres. • Doc. 4. Quelles bornes chronologiques pour le Moyen Âge ?

Cet extrait d’un article de la médiéviste Claude Gauvard revient sur les débats suscités par la fixation du © Nathan 2019 – Histoire 2nde – coll. G. Le Quintrec

début et de la fin du Moyen Âge. En amont, autour de l’idée d’une « Antiquité tardive », c’est la question de savoir si la chute de l’empire romain d’Occident a réellement constitué une rupture majeure qui fait débat parmi les historiens. En aval, il s’agit de s’interroger sur la signification et la portée réelle de la découverte du « Nouveau Monde » par Christophe Colomb : constituet-elle la fin du Moyen Âge ou bien plutôt la propagation de ses structures à un espace plus vaste, selon la lecture chère à Jacques Le Goff, qui défendait l’idée d’un « long Moyen Âge », s’étendant jusqu’au XVIIIe siècle ? • Doc. 5. Un autre Moyen Âge

Avec cet extrait de l’Histoire du Japon médiéval de Pierre-François Souyri, on s’interroge sur la relativité géographique des découpages chronologiques. Forgée par et pour l’Occident, la notion de Moyen Âge peut-elle être utilisée à propos d’autres aires civilisationnelles ? On montrera, dans le cas présent, que si Pierre-François Souyri répond de manière positive à cette question en appliquant l’idée de Moyen Âge au Japon, il n’en est pas moins contraint d’en modifier très sensiblement les contours chronologiques pour lui conférer une pertinence. ➡➡Réponses aux questions

1. L’expression « Moyen Âge » est apparue à la fin du XVe siècle. Estimant incarner une « Renaissance » de l’Antiquité assimilée à un âge d’or, les humanistes italiens construisent alors la figure dépréciative d’une longue nuit barbare d’un millénaire durant laquelle l’Occident aurait stagné dans le déclin. Le Moyen Âge est donc « moyen » en ce qu’il est intermédiaire et ne se définit pas par ce qu’il est mais par ce qu’il n’est pas : il est une parenthèse dénuée d’intérêt et de mérites, qui vient rompre la prétendue continuité entre Antiquité et modernité. 2. Cette illustration à destination d’un public scolaire donne du Moyen Âge l’image d’une période caractérisée par une opposition entre riches seigneurs (incarnés ici par le château-fort) et pauvres paysans croulant sous le travail des champs. Tant l’architecture du château que celle des habitations paysannes témoignent d’un âge architecturalement loin du raffinement supposé de l’Antiquité. Le texte insiste non seulement sur la dureté du labeur paysan, mais sur la promiscuité et le manque d’hygiène qui caractériseraient alors les campagnes. Autant de clichés qui, cinq siècles après l’invention de la notion de Moyen Âge, perdurent encore aujourd’hui. 3. Inventée par des Européens, la notion de Moyen Âge reflète leurs préoccupations et leur histoire. Rien ne l’illustre mieux que les événements considérés comme constituant les bornes de la période. La chute de l’empire romain d’Occident en 476 d’une part, témoigne du peu de cas fait de l’Orient « byzantin » au travers duquel l’empire romain se perpétue pendant près de mille ans. © Nathan 2019 – Histoire 2nde – coll. G. Le Quintrec

La « découverte » de l’Amérique par les Européens en 1492 d’autre part constitue également un événement du seul point de vue des Européens, puisque les Américains ne les avaient pas attendus pour « découvrir » la terre sur laquelle ils vivaient.

4. Les historiens subdivisent généralement le Moyen Âge en trois sous-périodes : – le haut Moyen Âge, qui court du Ve au Xe siècle, est marqué par l’imposition de la domination des royaumes germaniques sur l’Occident romain et la fusion progressive entre ces deux civilisations ; – le Moyen Âge central, qui s’étend du X e au XIVe siècle, est caractérisé par le délitement des institutions impériales germaniques et une certaine prospérité démographique et économique ; – le bas Moyen Âge, qui couvre les XIVe et XVe siècles, est marqué par les crises agricoles et sanitaires et la multiplication des guerres.

5. Considérer l’année 476 comme faisant charnière entre deux époques historiques distinctes est pour le moins discutable. D’abord parce que l’affaiblissement du pouvoir des empereurs romains d’Occident a commencé bien plus tôt et que 476 n’est que l’achèvement d’un processus dont la plupart des effets se sont déjà manifestés antérieurement. Ensuite, la chute de l’empire romain d’Occident ne doit pas faire négliger la perpétuation de l’empire romain d’Orient. Enfin, les continuités sont nombreuses en termes économiques et culturels entre les derniers siècles de l’Antiquité et les premiers siècles du Moyen Âge, deux périodes que certains historiens ont donc proposé de réunir pour constituer une époque à part entière sous le nom d’« Antiquité tardive ». L’année 1492 fait également question dans la mesure où la « découverte » de l’Amérique par les Européens n’a pas fondamentalement changé la structure de leur civilisation, qui est demeurée marquée par le féodalisme, la seigneurie, et la prédominance de l’agriculture. Ce n’est qu’avec les révolutions politiques et industrielles des XVIIIe et XIXe siècle que l’Europe change fondamentalement de visage et, partant, d’époque. C’est pourquoi Jacques Le Goff aimait à parler d’un « long Moyen Âge », s’étendant du IIIe au XIXe siècle

6. Pierre-François Souyri transpose la notion européocentrique de Moyen Âge à l’étude de l’histoire du Japon. Une telle opération est, selon lui, justifiée par le fait qu’on peut repérer, dans le Japon du XIIe au XVIe siècle, des structures sociales proches de celles de l’Occident médiéval. On notera toutefois que le Moyen Âge japonais ainsi construit ne correspond chronologiquement pas à son modèle européen. Surtout, il n’est plus défini comme lui par ce qui le précède et ce qui lui succède, mais par référence à une période européenne censée éclairer ses ressorts. Il n’a donc plus de « moyen » que le nom. 7. Si elle s’est imposée tant dans le langage quotidien que dans le vocabulaire des historiens, la notion

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Vision cyclique de l’histoire

Humanistes italiens

Bas Moyen Âge

Valorisation de l’Antiquité

Une invention du XVIe siècle européen

Une période hétérogène

Idée de « Renaissance »

Une notion à connotation péjorative

Âge « obscur »

Une période avec limites chronologiques discutables

Le Moyen Âge

476 : rupture à relativiser

Moyen Âge central Haut Moyen Âge

Une période avec limites géographiques discutables

Une notion occidentalocentrique

de Moyen Âge n’en demeure pas moins problématique. D’abord parce qu’elle est porteuse d’une lourde charge péjorative insufflée par ses inventeurs et dont elle peine à se départir. Ensuite parce que les césures choisies pour la délimiter sont loin de constituer de véritables ruptures historiques sur bien des plans. Qui plus est, la période ainsi réunie se caractérise par une forte hétérogénéité qui a conduit les historiens à la subdiviser en sous-périodes. Enfin, c’est une notion qui n’a de sens que dans un cadre occidental et qui se révèle donc inadaptée à l’élaboration d’une histoire décloisonnée ou globale faisant toute leur place aux autres parties du monde. ➡➡Réaliser une carte mentale

Voir ci-dessus.

Périodiser l’histoire au Niger : l’exemple d’un manuel scolaire des années 1960 >>MANUEL PAGE 36

• Doc. 1. Extrait du manuel Histoire du Niger

Ce manuel scolaire nigérien contemporain des indépendances africaines permet d’aborder le séquençage du temps historique dans un contexte non-occidental. L’importance de la tradition orale, dans une région du monde pour laquelle les archives écrites disponibles ne remontent pas aussi loin qu’ailleurs, est ici soulignée. Elle bouscule les chronologies classiques, s’agissant notamment du passage de la préhistoire à l’histoire. • Doc. 2. Sommaire du manuel Histoire du Niger

Ce second extrait du manuel scolaire témoigne des difficultés à « décoloniser » le récit historique. Si les auteurs sont bien conscients de l’impossibilité d’appliquer la 12

1492 : extension géographique plus que fin du Moyen Âge

Moyen Âge Japonais ?

périodisation occidentale à l’histoire de leur pays, ils ne parviennent pas à s’en passer totalement. C’est pourquoi ils reprennent le nom des périodes de l’histoire occidentale et tentent de les transposer à celle du Niger en en changeant les ancrages chronologiques. Ils distinguent donc un Moyen Âge et une Modernité nigérienne, dont la situation dans le temps diffère sensiblement de celles des périodes éponymes canoniques. ➡➡Réponses aux questions

1. Les auteurs utilisent la métaphore de la « nuit » pour désigner la période préhistorique, car celle-ci se définit par le fait qu’elle n’a pas laissé de documents textuels ou iconographiques derrière elle qui rendraient possible son étude. Les historiens en sont donc réduits à travailler à partir des rares traces archéologiques laissées par les populations de ladite période. La Préhistoire est donc ici présentée comme un âge « obscur » en ce que sa connaissance demeure entravée par l’absence de sources permettant de l’étudier en profondeur.

2. L’invention de l’écriture, qui permet de léguer des documents témoignant d’une époque à la postérité, marque le passage de la Préhistoire à l’histoire. Dans le cas nigérien, l’arrivée de l’écriture avec les envahisseurs arabes est beaucoup plus tardive qu’en Occident, ce qui explique que la Préhistoire s’y achève beaucoup plus tard. 3. La périodisation de l’histoire nigérienne proposée par les auteurs du manuel reprend le nom de certaines périodes de l’histoire occidentale : « Moyen Âge » et « Époque moderne ». Mais en contexte nigérien, ces périodes ne correspondent pas en termes chronologiques à leurs équivalents occidentaux. Le « Moyen Âge » nigérien va de l’Hégire à la conquête marocaine. Il commence et s’achève donc plus tard que son homologue occidental. Quant à la modernité, elle ne commence qu’à © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

la fin du XVIe siècle et est le produit de l’effritement de l’empire songhaï. 4. L’année 1960 constitue un tournant historique majeur dans la mesure où elle voit de nombreux pays d’Afrique subsaharienne accéder à l’indépendance. L’événement est un peu pour le Niger l’équivalent de la Révolution pour la France et, même si les auteurs n’emploient pas le mot, on peut imaginer que l’année 1960 marque en quelque sorte pour eux l’avènement de l’« époque contemporaine » de l’histoire de leur pays. 5. L’exemple du Niger illustre la difficulté à adapter à un contexte non-occidental les périodisations canoniques de l’histoire qui ont été conçues par et pour les Occidentaux. Une telle transposition n’est néanmoins pas impossible, à la condition d’adapter les bornes chronologiques des différentes périodes aux réalités du contexte civilisationnel auquel on les applique et d’en justifier la pertinence. Reste à savoir si ce type de transposition, pour être possible, est pour autant utile ou nécessaire. Ne vaudrait-il pas mieux forger des périodisations neuves, conçues spécialement pour la zone étudiée ? La volonté de transposer coûte que coûte les périodes occidentales au reste du monde ne témoigne-t-elle pas de la persistance d’un occidentalocentrisme dont il faudrait résolument se débarrasser pour mieux aborder la spécificité de chaque situation géohistorique ?

Le XX siècle : court ou long ? e

>>MANUEL PAGE 37

• Doc. 1. Le « court XXe siècle » selon Eric J. Hobsbawm

Dans cet extrait de son best-seller sur l’histoire du XXe siècle, l’historien britannique Eric. J. Hobsbawm revient sur les raisons qui l’ont poussé à parler d’un « court » XXe siècle, par opposition à un « long » XIXe siècle, auquel il a consacré une célèbre trilogie. C’est l’occasion de mettre en lumière la relativité de la notion de « siècle » et la nécessité, pour l’historien, de ne pas la prendre au pied de la lettre et de savoir en adapter les contours à son objet d’étude. • Doc. 2. Le XXe siècle selon René Rémond

Dans ce texte tiré de son manuel d’histoire du XXe siècle, l’historien français René Rémond montre que les périodisations sont toujours susceptibles d’évolution et donc sujettes à controverse. Ainsi, s’il avait longtemps fait sien le modèle hobsbawmien d’un « court » XXe siècle se clôturant à l’orée des années 1990 avec

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

la chute de l’URSS, il explique pourquoi un tel découpage a été depuis lors remis en cause par les attentats du 11 septembre 2001, qui pourraient bien s’avérer constituer une césure historique plus importante que la fin de la guerre froide et rallonger d’une décennie le XXe siècle des historiens. ➡➡Réaliser une comparaison sous forme de tableau Eric Hobsbawm

René Rémond

Britannique

Française

1994

2002

Événement marquant le début du XXe siècle

Première Guerre mondiale

Première Guerre mondiale

Événement marquant la fin du XXe siècle

Fin de l’URSS

Attentats du 11 septembre 2001

77 ans

87 ans

Nationalité Date de rédaction du texte

Durée du XXe siècle (en années) Subdivision du XXe siècle

I – 1914-1945 II – 1945-1973 III – 1973-1991

I – 1914-1939 II – 1939-2001

Créez votre propre périodisation >>MANUEL PAGES 38-39

Ce manuel de collège britannique est destiné aux élèves de KS3 ou Key Stage 3, ce qui correspond à la tranche d’âge 11-14 ans, sans plus de précision. En effet, une certaine liberté pédagogique est laissée aux équipes enseignantes pour aborder les éléments du programme dans l’ordre qui leur convient. Ce choix n’est cependant pas individuel, mais fait au sein de l’équipe dirigée par un Head of Departement, un des enseignants qui dirige l’équipe d’histoire. La périodisation du Moyen Âge est très variable au Royaume-Uni. On trouve fréquemment l’idée que celui-ci démarre avec la chute de l’Empire Romain et se termine à la fin du XVe siècle et des grandes découvertes. Dans le système secondaire cependant, l’année 1066 est souvent présentée comme une rupture importante. La période qui précède (476-1066) est encore parfois appelée the Dark Ages ou présentée comme la première moitié du Moyen Âge ou Early Middle Ages. La date rupture pour marquer la fin du Moyen Âge est parfois 1485 (avènement de Henry VII, qui ouvre la dynastie des Tudor) ou 1509 (avènement de Henry VIII). On trouve aussi la date de 1500 en couverture des manuels de KS3. La date de 1492 n’est en revanche pas usitée.

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Chapitre 1 La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines > MANUEL PAGES 40-71 ■■ Présentation

de la question

Nous avons fait le choix de traiter dans un seul chapitre, conformément à ce qu’indique le programme, l’histoire de l’Antiquité gréco-romaine. Il s’agit de comprendre comment le monde des cités grecques d’un côté, et l’empire romain de l’autre, ont participé à la formation de nos sociétés contemporaines. La photographie d’ouverture du chapitre permet ainsi de montrer aux élèves non seulement les vestiges de l’antiquité grecque, ceux du théâtre d’Hérode Atticus, construit au IIe siècle après J.-C. par un célèbre écrivain athénien, membre d’une grande famille qui consacra une part importante de sa fortune à la construction de bâtiments (évergétisme), mais aussi la fonction que ces vestiges peuvent encore occuper de nos jours. Tombé en ruine après la mort d’Hérode Atticus, ce théâtre, qui pouvait accueillir 5000 spectateurs, avait d’excellentes capacités acoustiques et une très vaste scène en marbre blanc (35 mètres de diamètre). Seul le grand mur en pierre qui supportait la partie arrière des gradins a été conservé. La scène et les gradins ont été largement restaurés dans les années 1950 (restauration et pierres d’origine visibles sur la photographie) et accueillent aujourd’hui des représentations théâtrales dont chaque année le « Festival d’Athènes », de mai à septembre. Le chapitre vise ainsi à montrer aux élèves l’héritage et les empreintes de ces civilisations sur notre société, selon deux axes qui constituent les deux double-pages de cours : – la naissance de la démocratie à Athènes, qui s’accompagne de son expansion territoriale, que l’on peut assimiler à une forme d’impérialisme maritime. L’étude des débats qui traversent ce régime permet de questionner nos régimes politiques actuels ; – la construction d’un nouveau régime, l’Empire, lié à l’expansion territoriale de l’empire romain et qui s’accompagne d’une « romanisation », ou tout au moins d’un brassage culturel et religieux à l’origine d’un socle culturel commun dans le monde méditerranéen. ◗◗Impérialisme et démocratie à Athènes L’historiographie s’est considérablement développée depuis une trentaine d’années. L’idée qu’Athènes est le modèle par excellence de la démocratie directe est aujourd’hui largement remise en question. Ainsi les historiens ont montré que l’Assemblée du peuple ne réunit © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

qu’une fraction des citoyens (6 000 en moyenne sur les 30 000 que compte la cité au IVe siècle av. J.-C.). Le pouvoir du demos réside surtout dans l’élection et le contrôle des magistrats (reddition de comptes) gérant les affaires de la cité. Si l’on ne peut plus présenter Athènes comme une « démocratie modèle », privilégier le cas athénien reste pertinent en raison de la très riche documentation dont les historiens disposent (sources littéraires, archéologiques et épigraphiques).

Les travaux consacrés à l’Antiquité archaïque ont montré que l’émergence des cités-États dans le monde grec s’accompagne d’expérimentations politiques, qui ont progressivement donné forme à la démocratie. Loin de naître ex nihilo au Ve siècle, la démocratie a connu une lente mise en place fondée sur l’ouverture progressive de la citoyenneté au demos, dans un contexte de crises politiques et sociales, entre les réformes de Solon (594 av. J.-C.) et celles de Clisthène (508-507).

Cette mise en place de la démocratie athénienne est indissociable de la cinquantaine d’années entre la fin des guerres médiques et la guerre du Péloponnèse, durant lesquelles la cité se constitue un empire (archè). Les victoires militaires contre l’Empire perse ont apporté prestige et richesse à la cité. Le trésor de la « ligue de Délos », issu du tribut versé par les cités « alliées » à Athènes, et transféré en 454 av. J.-C. dans le temple du Parthénon, servit notamment à financer les immenses travaux de l’Acropole, saccagée par les Perses en 480. Il a aussi permis de verser une indemnité de présence (le misthos), destinée à compenser la perte d’une journée de travail aux membres de l’Héliée, de la Boulè, puis aux magistrats. Les citoyens les plus modestes (les zeugites et les thètes) sont désormais incités à participer réellement à la vie politique de la cité. Ils reçurent par ailleurs peu à peu des droits politiques (les Zeugites sont admis à l’archontat en 457 av. J.-C.) en réponse à leur participation à l’armée et à l’aura dont celle-ci est couronnée suite aux victoires de Marathon (490 av. J.-C.) et de Salamine (480 av. J.-C.), qui consacrent la supériorité militaire de la phalange hoplitique et de la flotte de rameurs athéniennes. Suprématie militaire et démocratie sont donc étroitement associées à Athènes au Ve siècle. Le IVe siècle av. J.-C. correspond à l’affaiblissement de la puissance maritime athénienne, vaincue par Sparte lors de la guerre du Péloponnèse puis soumise à la Macédoine à la suite de la bataille de Chéronée en 338.

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Pourtant, le IVe siècle ne reste pas moins marqué par une forte vitalité de la vie démocratique, contrairement à l’idée simpliste qui oppose l’exemplarité démocratique du Ve siècle à sa décomposition au siècle suivant. L’historien M. H. Hansen précise que, si les Athéniens s’interrogent désormais sur la nature de leur régime et sur la meilleure constitution politique – thèmes centraux dans les œuvres de Platon et d’Aristote, c’est moins le signe d’une crise du régime que celui d’une grande modernité et d’un pragmatisme politique. Démocratie directe/démocratie représentative, débats institutionnels et politiques, définition de la citoyenneté, guerre et démocratie, impérialisme politique et militaire : l’héritage athénien est à l’origine de notre culture politique contemporaine. La dimension patrimoniale du sujet est évidente.

■■ Bibliographie ◗◗Sur l’impérialisme et la démocratie à Athènes au Ve siècle av. J.-C. Sources littéraires

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––Aristote, Constitution d’Athènes, trad. Michel Sève, « Le Livre de Poche », 2006. ––Id., Le Politique, 5 vol., CUF, 1960-1989. ––Démosthène, Harangues, Les Belles Lettres, 1976. ––Hérodote, L’Enquête, Livres V à IX, « Folio classique », Gallimard, 1990. ––Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, 5 vol., CUF, 1953-1981. ––Xénophon, Helléniques, CUF, 1936-1948. ––Pseudo-Xénophon, La Constitution des Athéniens, dans Œuvres complètes, vol. 2, Garnier-Flammarion, 1967. Sources épigraphiques

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––Bertrand Jean-Marie, Inscriptions historiques grecques, Les Belles Lettres, 1992. ––Brulé Pierre, L’Histoire par les sources. La Grèce d’Homère à Alexandre, Hachette supérieur, 1997. ––Brun Patrice, Impérialisme et démocratie à Athènes, Inscriptions de l’époque classique, Armand Colin, 2005. ––Pouilloux Jean, Choix d’inscriptions grecques, Les Belles Lettres, 1960. Sur l’histoire grecque

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––Amouretti Marie-Claire, Ruzé Françoise, Le monde grec antique, Hachette Supérieur, 1990. ––Cabanes Pierre, Introduction à l’histoire de l’Antiquité, Armand Colin, 2019. ––Carlier Pierre, Le IV e siècle grec jusqu’à la mort d’Alexandre Le Grand, Seuil, 1995. 16

––Lefèvre François, Histoire du monde grec antique, « Le Livre de Poche », 2007. Consulter notamment la 3e partie consacrée à l’époque classique. ––Lévy Edmond, La Grèce au Ve siècle de Clisthène à Socrate, Le Seuil, 1995. Sur la cité en Grèce et à Athènes

●●

––Azoulay Vincent, Athènes, citoyenneté et démocratie au V e siècle avant J.-C., Documentation photographique, dossier n° 8111, mai-juin 2016.

––Hansen Mogens Herman, Polis et Cité-État, Les Belles Lettres, 2001.

––Id., Polis. Une introduction à la cité grecque, Les Belles Lettres, 2008. ––Lonis Raoul, La Cité dans le monde grec. Structures, fonctionnement, contradictions, Nathan université, 1994.

––Mosse Claude, Le Citoyen dans la Grèce antique, Nathan université, « 128 », 1993.

––Id., Les Institutions grecques à l’époque classique, Armand Colin, « Cursus », 1999. Guerre et citoyenneté

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––Sur le thème « Guerres et sociétés dans les mondes grecs » (au programme du concours de l’Agrégation et du CAPES), voir la bibliographie réalisée par Patrice Brun, Historiens et géographes, juillet-août 1999, p. 299-311.

––Ducrey Pierre, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Hachette, « Pluriel », 1985. ––Garlan Yvon, La Guerre dans l’Antiquité, Nathan-Université, 1999. ––Id., Guerre et économie en Grèce ancienne, La Découverte, 1989.

––Mosse Claude, Guerres et sociétés dans les mondes grecs, de 490 à 322 av. J.-C., Jacques Marseille Éditions, 1999. ◗◗Sur Rome et son empire Sources

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––Aelius Aristide, Éloges grecs de Rome, traduit et commenté par Laurent Pernot, Les Belles Lettres, 1997. ––Auguste, Res Gestae Divi Augusti, Hauts faits du divin Auguste, texte établi et traduit par John Scheid, Les Belles Lettres, 2007. ––Suetone, Vies des douze Césars, Flammarion, 1990. ––Tacite, Vie d’Agricola, Les Belles Lettres, 1997.

––Sur la fin de l’Empire romain, consulter le recueil de sources commentées : Chastagnol André, Le Bas-Empire, Armand Colin, 1991. Ouvrages généraux

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––Cristol Michel, Nony Daniel, Rome et son empire, Hachette Supérieur, 2003. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

––Deniaux Elisabeth, Rome, de la Cité-État à l’Empire. Institutions et vie politique, « Carré Histoire », Hachette, 2001. ––Jacques François, Scheid John, Rome et l’intégration de l’Empire. 44 av. J.-C.-260 ap. J.-C. Tome I : « Les Structures de l’empire romain », PUF, 1990. ––Le Glay Marcel, Voisin Jean-Louis, Le Bohec Yann, Histoire romaine, PUF, 1991. ––Lepelley Claude (dir.), Rome et l’intégration de l’Empire. 44 av. J.-C.-260 ap. J.-C. Tome II : « Approches régionales du Haut-Empire romain », PUF, 1998. ––Le Roux Patrick, Le Haut-Empire romain en Occident d’Auguste aux Sévères, Seuil, « Nouvelle Histoire de l’Antiquité », 1998. ––Sartre Maurice, Le Haut-Empire romain. Les provinces de Méditerranée orientale d’Auguste aux Sévères, Seuil, « Nouvelle Histoire de l’Antiquité », 1997. Ouvrages spécialisés

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––Le Bohec Yann, L’Armée romaine sous le HautEmpire, « Antiquités-Synthèses », Picard, 2018 [1991]. ––Nicolet Claude, Le Métier de citoyen dans la Rome républicaine, Gallimard, « Tel », 1989. L’ouvrage reste une introduction incontournable à l’étude de la citoyenneté romaine, même s’il porte sur une période hors-programme. (L’ouvrage de référence pour la période impériale n’a pas été traduit en français : A. N. SherwinWhite, The Roman Citizenship, Oxford, 1973.) ––Scheid John, La Religion des Romains, Armand Colin, « Cursus », 1998. ––Veyne Paul, « Qu’était-ce qu’un empereur romain ? » dans L’Empire gréco-romain, Le Seuil, 2006. ––Yavetz Zvi, La Plèbe et le Prince. Foule et vie politique au Haut-Empire, Maspéro, 1984.

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

◗◗Sur la ville de Rome ––Perrin Yves, Rome, ville et capitale. Paysage urbain et histoire (IIe siècle av. J.-C.-IIe siècle ap. J.-C.), Hachette, « Carré histoire », 2001. ◗◗Sur la Gaule romaine ––Ferdiere Alain, Les Gaules, II e s. av. J.-C.-V e s. ap. J.-C., Armand Colin, « U », Paris, 2005. ◗◗Sur la romanisation de l’empire ––Le Roux Patrick, « La romanisation en question », dans Annales, histoires, sciences sociales, 2004/2. ◗◗Catalogue d’exposition ––Auguste, RMN-Grand-Palais, 2014. ◗◗Revue ––« Auguste, fondateur d’Empire », L’Histoire, n° 395, janvier 2014. Lire notamment les articles de Frédéric Hurlet et de Catherine Virlouvet sur Auguste et ceux de Sylvie Crogniez-Petrequin sur la poste impériale. ◗◗Atlas Les éditions Autrement proposent trois atlas très efficaces pour couvrir le sujet :

––Delpirou Aurélien, Canepari Eleonora, Parent Sylvain et Rosso Emmanuelle, Atlas historique de Rome, IXe siècle av. J.-C. - XXIe siècle ap. J.-C., Autrement, 2013. ––Badel Christophe, Atlas de l’Empire romain, Construction et apogée : 300 av. J.-C. - 200 ap. J.-C., Autrement, 2017.

––Inglebert Hervé, Atlas de Rome et des barbares, IIIe-VIe siècle ap. J.-C., La fin de l’Empire romain en Occident, Autrement, 2018.

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Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture de chapitre >>MANUEL PAGES 40-41

• Doc. Théâtre ou odéon d’Hérode Atticus, construit en 160 au pied de l’Acropole à Athènes

Cette photographie d’ouverture permet de montrer aux élèves non seulement les vestiges de l’antiquité grecque, ceux du théâtre d’Hérode Atticus, construit au IIe siècle après J.-C. par un célèbre écrivain athénien, membre d’une grande famille qui consacra une part importante de sa fortune à la construction de bâtiments (évergétisme), mais aussi la fonction que ces vestiges peuvent encore occuper de nos jours. Tombé en ruine après la mort d’Hérode Atticus, ce théâtre, qui pouvait accueillir 5 000 spectateurs, avait d’excellentes capacités acoustiques et une très vaste scène en marbre blanc (35 mètres de diamètre). Seul le grand mur en pierre qui supportait la partie arrière des gradins a été conservé. La scène et les gradins ont été largement restaurés dans les années 1 950 (restauration et pierres d’origine visibles sur la photographie) et accueillent aujourd’hui des représentations théâtrales, dont chaque année le « Festival d’Athènes », de mai à septembre.

Repères • Athènes >>MANUEL PAGES 42-43

Les frises chronologiques invitent les élèves à bien réaliser la contemporanéité entre les deux aspects du chapitre (Grèce et Rome) : entre l’apogée de la cité démocratique d’Athènes (Grèce classique) puis de la Grèce hellénistique d’un côté et la République romaine de l’autre. • Doc 1. Athènes dans le monde grec (Ve-IVe siècles av. J.-C.)

Athènes y apparaît à son apogée, elle se trouve à la tête d’un empire maritime formé des cités alliées, membres de la ligue de Délos après ses victoires militaires sur l’Empire perse. Mais, à partir de la fin du Ve siècle, elle se heurte aux puissances régionales : Sparte et ses alliés de la ligue du Péloponnèse, puis le royaume de Macédoine, avec à sa tête Philippe II.

Repères • Rome >>MANUEL PAGES 44-45

Au début du IIIe siècle après J.-C., l’Empire romain s’étend sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. La 18

formation de cet empire remonte aux lendemains de la victoire de Rome contre Hannibal lors de la Seconde Guerre punique en 202 av. J.-C et s’achève avec la conquête de la Dacie par Trajan (98-117).

L’Empire est défendu par les légions romaines, appuyées par des troupes auxiliaires recrutées parmi les pérégrins, dont les camps sont répartis tout au long des frontières. Ces camps constituent des foyers actifs de romanisation (création de colonies, accession des vétérans à la citoyenneté romaine). Au IIe siècle ap. J.-C., ce réseau de camps est consolidé en certains endroits par un mur et des ouvrages fortifiés : le mur d’Hadrien, dont il subsiste des vestiges importants de nos jours, est ainsi construit en 127 ap. J.-C. On donne à ce dispositif le nom de limes. Parmi les nombreux adversaires que les Romains s’efforcent de repousser aux frontières figurent tout particulièrement les Germains en Occident et les Parthes en Orient. À partir du milieu du IIIe siècle, la menace barbare aux frontières se fait de plus en plus pressante. Les Goths envahissent la Mésie en 251 ; Antioche est pillée par les Sassanides en 253 ; en Occident, les Allamans pénètrent en Gaule. L’administration de cet immense empire territorial est un point essentiel pour comprendre le fonctionnement de l’Empire et le creuset culturel qu’il a constitué. Les territoires formant l’Empire romain ont ainsi été transformés en province (à l’exception de l’Italie) ou ont été parfois confiés pendant un certain temps à des princes clients de Rome (Hérode le Grand, par exemple, avant la formation de la province de Syrie-Palestine). À l’origine, la provincia désigne le domaine de compétence d’un magistrat. Les provinces sont gouvernées par des promagistrats, préteurs ou consuls sortis de charge selon les provinces. Auguste a procédé en 27 av. J.-C. à un nouveau partage des provinces entre lui-même et le Sénat. Les provinces sénatoriales sont attribuées à des magistrats tirés au sort, tandis que l’empereur nomme les gouverneurs placés à la tête des provinces impériales, qui portent le titre de légats d’Auguste propréteurs (même lorsqu’il s’agit d’anciens consuls). Il faut mettre à part le cas de l’Égypte, dont l’importance stratégique est cruciale, en particulier pour les approvisionnements en blé : elle est gouvernée par un préfet d’Égypte, recruté dans l’ordre équestre, alors que les légats sont recrutés dans l’ordre sénatorial. Mais il convient de noter que les cités du monde grec qui désormais font partie de l’Empire romain ont conservé leur identité et leur fonctionnement politique, ce qui permet aux empereurs et aux gouverneurs de s’appuyer sur cet échelon de pouvoir, facilitant l’administration d’un empire immense. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Périclès et la démocratie athénienne >>MANUEL PAGES 50-51

La lecture de la dernière phrase de l’éloge funèbre de Périclès par Thucydide « Ce gouvernement portait le nom de démocratie, en réalité c’était le gouvernement d’un seul homme » (doc. 1) permet de nous interroger sur cette personnalité bien connue de la cité athénienne et sur son rôle dans le perfectionnement des institutions démocratiques. Alors que son action politique le situe dans la mouvance démocratique, ce qui l’amena à s’opposer au parti des « gens de biens » (kaloi kagathoi) incarné par la figure de son grand rival Cimon, il apparaît, dans les écrits de ses contemporains et dans ceux de Plutarque (IIe siècle ap. J.-C.), comme une sorte de monarque qui se sert de la façade de la démocratie pour affirmer sa puissance. Par-delà ce portrait controversé il convient ici de comprendre son rôle dans la démocratie athénienne au point de parler de « siècle de Périclès » pour désigner le Ve siècle. • Doc. 1. Le portrait de Périclès

Thucydide (v. 460-399) est un auteur grec qui raconte la guerre du Péloponnèse (affrontement entre Athènes et Sparte). La vie de l’auteur est mêlée à cette guerre, puisqu’il y prit part lui-même en tant que stratège. Mais un échec militaire en 424 lui valut d’être exilé. Il se consacra alors à l’écriture de l’histoire de son temps. Il ne fait ni l’histoire d’Athènes, ni celle de la Grèce, mais il cherche à dégager le sens du conflit en rapportant des événements récents de manière précise, afin de comprendre de manière rationnelle l’enchainement des faits. Contemporain de Périclès, il dresse dans cet extrait un portrait à la fois empreint d’admiration, mais aussi de lucidité du grand stratège athénien. • Doc. 2. L’instauration du misthos

La Constitution d’Athènes est un document exceptionnel découvert par hasard à la fin du XIXe siècle au dos d’un papyrus égyptien datant du Ier siècle ap. J.-C. Il s’agit d’une monographie traitant du système politique d’Athènes et de son évolution. Ce texte est généralement attribué à Aristote ou tout au moins à ses disciples, dont il aurait supervisé le travail. • Doc. 3. La grandeur d’Athènes

Le document 3 est écrit beaucoup plus tard que le document 1, au IIe siècle ap. J.-C. par Plutarque, un historien romain qui est l’auteur de La Vie des hommes illustres. L’auteur s’est nourri de sources écrites notamment, car il n’a pas pu connaître Périclès (à la différence de Thucydide) : c’est donc pour nous une source indirecte, une source de seconde main. Elle peut être moins fiable du fait de l’écart temporel, qui entraîne une © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

déformation de la vision des choses. Le portrait dressé ici par Plutarque de Périclès est plus ambivalent et moins favorable que celui de Thucydide. • Doc. 4. L’Acropole après les travaux de reconstruction

Ce document est une aquarelle représentant une reconstitution de l’Acropole à la fin du Ve siècle av. J.-C. lors de la tenue de la fête des Panathénées. En plus des différents édifices de la colline sacrée, on peut donc y voir la procession faisant l’ascension par les escaliers menant aux Propylées. ➡➡Réponses aux questions

1. Périclès possède, d’après l’auteur, toutes les qualités requises d’un grand homme d’État. Né vers 494, Périclès appartient par sa mère à la famille aristocratique des Alcméonides, il est le petit-neveu de Clisthène. Son père Xanthippe, ostracisé en 485 puis rappelé, dirige en tant que stratège la flotte athénienne à la bataille de Mycale. Il est ainsi issu de grandes familles aristocratiques de traditions démocratiques, ce qui lui vaut « de la considération ». « La profondeur de son intelligence », qui a été éveillée pendant sa jeunesse par la fréquentation de philosophes, de poètes et d’artistes (on lui sait des liens avec le sophiste Protagoras, le sculpteur Phidias, l’historien Hérodote et les poètes Eschyle et Sophocle), lui permit de se faire élire 15 fois de suite stratège. Cette « autorité personnelle » dont parle Thucydide, il la tient de ses qualités exceptionnelles d’orateur. Contrairement aux démagogues, il aurait la capacité à s’opposer à la foule sans jamais la flatter dans ses discours, ce qui lui vaut l’admiration de Thucydide mais aussi de ses adversaires. Ainsi le comique Eupolis, dans ses Dèmoi, le dit « le meilleur de tous pour parler », qui « chaque fois qu’il montait à la tribune, comme les bons coureurs, l’emportait de dix pieds par la parole sur les orateurs ». Thucydide lui prête des discours admirables par leur longueur et leur forme, tel que l’éloge funèbre des premiers morts de la guerre du Péloponnèse (doc. 5 p. 55). Il est cependant difficile de savoir ce qui relève de Périclès et de Thucydide dans ce discours rapporté par l’historien. À ses qualités intellectuelles, Thucydide ajoute son honnêteté : « il était d’un désintéressement absolu ». Aucune des nombreuses critiques dont il fait par ailleurs l’objet ne mettent en doute cet aspect. Il a indéniablement les qualités d’un grand homme d’État. Notons cependant que Thucydide n’aborde pas ses capacités militaires, alors que sa fonction de stratège l’a amené à diriger de nombreuses expéditions. 2. Aristote évoque ici la rivalité entre Cimon, fils de Miltiade (de la famille aristocratique des Philaïdes), stratège victorieux pendant les guerres médiques, et Périclès. Ils sont chacun les représentants de deux tendances politiques : Cimon celui du parti de l’aristocratie, peu porté aux changements et à l’extension du pouvoir au demos ; 19

Périclès celui du peuple, favorable au plus grand accès de tous au pouvoir politique. Aristote le précise : « Avec lui (Périclès) la constitution devint encore plus démocratique ». 3. Le misthos est une indemnité journalière versée aux citoyens qui consacrent de leur temps au service de la cité. Il est d’abord créé pour les héliastes (« le salaire des tribunaux ») et d’un montant de trois oboles, puis la pratique est étendue aux bouleutes, aux magistrats et enfin au demos siégeant à l’Ecclesia. Cette mesure est qualifiée par Aristote de « très populaire », car elle permet à tous les citoyens, même les plus pauvres, ceux qui ne peuvent pas se permettre de perdre une journée de travail, de s’investir dans la vie politique. Il s’agit d’une réforme parfaitement démocratique car elle a pour but de dégager la participation à la vie de la cité des contingences économiques de chacun. Sous forme d’anecdote, Aristote présente dans le texte les conditions dans lesquelles le misthos a été institué. À le lire, il s’agirait d’une réforme démagogique, et avant tout d’une rivalité politique entre Cimon et Périclès. Ce dernier ne pouvant pas rivaliser sur ses fonds propres avec la générosité de son adversaire « qui nourrissait encore bon nombre de ses concitoyens », choisit de « donner au peuple l’argent du peuple ». Au-delà de la rivalité politique et des intérêts personnels, il faut comprendre ici que s’opposent deux manières de penser et de permettre l’entretien du demos : la manière propre à la tradition aristocratique, qui est de créer des liens de dépendance entre le donateur et le peuple qui devient son  obligé, et une autre manière, plus proche de la pensée démocratique, qui est de réduire autant que possible les liens de dépendances personnelles en faisant donner une indemnité par la communauté civique. Périclès s’emploie ainsi à défaire les relations de clientèle qui étaient très fortes dans la cité aristocratique. 4. L’œuvre de Périclès ne se limite pas à des réformes politiques, elle est aussi édilitaire et c’est ce que les documents 3 et 4 nous amènent à montrer. La grandeur et le prestige de la cité athénienne se trouvent ainsi incarnés dans les grands travaux de reconstruction initiés par Cimon, puis largement repris par Périclès. Saccagée par les Perses lors du siège d’Athènes en 480, un chantier exceptionnel débuta sur la colline sacrée de la cité. Les Propylées et le Parthénon sont réalisés à l’initiative de Périclès et financés en partie grâce au trésor de Délos : « il s’est attiré les insultes de tous, pour avoir transporté de Délos à Athènes le trésor commun des Grecs ». Outre le transfert du trésor de Délos à Athènes, on sait effectivement que Périclès est à l’origine d’un décret décidant d’utiliser une part du trésor de la ligue pour le chantier et donc pour le prestige de sa cité. Plutarque évoque le mécontentement des cités alliées, qui voient leur phoros (tribut) dépensé pour le rayonnement de la puissance athénienne et non pour les besoins de la défense commune, comme cela devait être théoriquement le cas. 20

Aujourd’hui, les historiens nuancent le bien-fondé de cette accusation, car le trésor était aussi constitué pour une part du butin gagné dans les expéditions militaires et non seulement du tribut des cités de la ligue de Délos. Plutarque laisse apparaître l’image d’un Périclès qui serait un roi bâtisseur. Pourtant, force est de noter que, loin de pouvoir agir comme un empereur romain faisant preuve d’évergétisme, Périclès devait soumettre tous les projets, les plans, les financements au vote de l’Ecclesia ou de la Boulè. Le demos conserva la responsabilité de ces grands travaux, qui ont glorifié la communauté civique dans son ensemble et non servi les intérêts personnels d’un Périclès.

5. La question de synthèse invite à montrer le lien étroit entre la guerre et l’impérialisme athénien d’un côté et le perfectionnement du régime démocratique de l’autre. La démocratie athénienne a cette particularité de s’être épanouie et expérimentée dans un contexte de guerre au Ve siècle av. J.-C. (guerres médiques puis guerres du Péloponnèse). Périclès, qui s’impose dans la vie politique au milieu du Ve siècle face au parti de l’aristocratie, a mené une action cohérente en faveur de l’accès du demos au pouvoir dans un contexte où celui-ci joue un rôle déterminant dans les victoires militaires d’Athènes (phalanges hoplitiques et flottes des rameurs). En instaurant le misthos, il facilite la participation politique de tous et réduit les réseaux de clientèles aristocratiques. En faisant financer par la cité le grand chantier de reconstruction de l’Acropole, il assure le rayonnement culturel et l’admiration d’Athènes (cf. la précieuse statue chryséléphantine d’Athéna réalisée par Phidias) dans le monde grec et il met à disposition de la communauté civique des édifices culturels et religieux, qui accueillent notamment chaque année la fête des Panathénées. On touche bien ici au cœur de la pratique de la démocratie. Ces réalisations ont été possibles dans le contexte de la domination d’Athènes sur les cités de la ligue de Délos et les revenus qu’elle procure à la cité (phoros versés et butins des expéditions militaires).

La ligue de Délos : une forme d’impérialisme athénien >>MANUEL PAGE 52

L’étude de documents vise à montrer comment, dans le contexte des guerres médiques, la ligue de Délos, une alliance librement consentie de cités de la mer Égée, s’est rapidement transformée en instrument au service de la puissance athénienne. Athènes mit en place au cours du Ve siècle av. J.- C., une véritable thalassocratie (« pouvoir sur les mers ») en mer Égée. Thucydide, dans La guerre du Péloponnèse, est notre principale source littéraire (doc. 1). De nombreuses inscriptions retrouvées sur l’Acropole attestent par ailleurs de l’évolution de la © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

nature de la ligue de Délos et de la soumission imposée aux cités « alliées » (doc. 2 et 3). Patrice Brun, dans Impérialisme et démocratie à Athènes (2005), propose de nombreuses sources épigraphiques commentées qui peuvent fournir des textes intéressants pour illustrer cet aspect. • Doc. 1. L’évolution de la ligue de Délos

Thucydide, dans La guerre du Péloponnèse, est notre principale source littéraire et conditionne largement notre connaissance de l’évolution de la nature de la ligue de Délos. Il montre ainsi comment les alliés devinrent des sujets (hypèkooi) dans un processus qui conduisit à l’affrontement avec Sparte dans la guerre du Péloponnèse. • Doc. 2. Athènes et la cité de Chalcis

De nombreuses inscriptions retrouvées sur l’Acropole attestent de l’évolution de la nature de la ligue de Délos et de la soumission imposée aux cités « alliées ». L’inscription concernant la cité de Chalcis témoigne indirectement des tentatives de rébellions et de l’affirmation de la suprématie d’Athènes, puisque les Athéniens imposent aux Chalcidiens de prêter un serment qui réactive l’alliance de Délos. • Doc. 3. Le décret sur les monnaies

Le décret sur les monnaies, qui nous est parvenu sous forme d’inscriptions retrouvées de manière fragmentaire dans plusieurs cités alliées, est aussi connu sous le nom de « décret de Cléarque », avec une datation incertaine (425/422 av. J.-C.). Par ce texte, Athènes, cherche à imposer son étalon monétaire, de poids et de mesures à toutes les cités de l’alliance. ➡➡Réponses aux questions

1. La ligue de Délos est née dans le contexte des guerres médiques. Initialement sous commandement spartiate, les Grecs choisirent de placer Athènes à la tête des expéditions militaires contre l’Empire perse. Les excès du régent spartiate Pausanias, dont la conduite s’apparente à celle d’un tyran selon Thucydide (I, 95), puis le choix de Sparte de ne pas mener d’expéditions lointaines et de se limiter au Péloponnèse, amenèrent Athènes à prendre la tête de la lutte. L’efficacité des trières athéniennes menées par Thémistocle en 480 à Salamine assura le prestige militaire à la cité de l’Attique. En 478, les Athéniens prirent la tête d’une alliance défensive et offensive, dirigée contre les perses, dont le siège se trouvait sur l’île de Délos, au milieu de l’archipel des Cyclades (cf. carte p. 43). Thucydide indique que « le principe officiel était de ravager le territoire du Roi en représailles pour les dommages subies » (I, 96).

2. Il s’agit d’une alliance organique (summachia) des cités de la mer Égée dans laquelle Athènes assure l’hégémonie (c’est-à-dire la direction militaire), mais dans © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

laquelle les alliés sont autonomes (« coalition de cités indépendantes »). Le pouvoir est théoriquement exercé par un collège des alliés, qui se réunissent dans le sanctuaire de Délos et où chaque cité a une voix, comme Athènes elle-même (« ayant chacune voix délibérative dans les assemblées communes »). Pour mener les expéditions militaires, on pouvait compter sur la flotte athénienne, mais aussi sur des contributions en vaisseaux et équipages fournies par les cités alliées et, à défaut, une contribution financière (phoros) conservée sur l’île de Délos. Bien que la ligue de Délos apparaisse comme une alliance de cités indépendantes, elle possède dès le début tous les éléments qui vont permettre à Athènes d’en assurer le contrôle : c’est Athènes qui a fixé le montant du premier phoros, c’est elle qui en assure la levée par le biais de ses hellénotames (trésoriers) et qui est donc en capacité d’intervenir si une cité refuse de fournir son dû. 3. D’après des sources plus tardives, du IVe siècle, un accord appelé « Paix de Callias » (du nom du supposé négociateur athénien) est conclu avec les Perses en 449/448, garantissant l’autonomie des cités grecques d’Asie et démilitarisant une bande côtière de 70 km en Asie mineure. Si l’authenticité de cette paix a fait l’objet de débats historiographiques (aucune allusion chez Thucydide), la période qui lui est consécutive est effectivement marquée par la suspension de l’affrontement gréco-perse. Mais cette paix annule surtout l’une des raisons d’être de la ligue de Délos. Pourquoi payer une contribution militaire quand il n’y a plus de guerre ? Pourtant la ligue n’est pas dissoute et Athènes maintient sa pression sur les cités alliées refusant qu’elles dérogent à l’alliance (« elle se trouva aux prises avec ceux de ses alliés qui voulaient secouer le joug »). L’impérialisme athénien, qui avait certes des prédispositions antérieures, se dévoile alors au grand jour. Les sources épigraphiques, telle que l’inscription concernant la cité de Chalcis (doc. 3), témoignent indirectement des tentatives de rébellions et de l’affirmation de la suprématie d’Athènes. La pression est d’autant plus mal vécue par les cités alliées qu’Athènes tend de plus en plus à intégrer les fonds communs du trésor de Délos à ses ressources propres. En 454, le trésor est déplacé à Athènes et en 450/449, un décret sur proposition de Périclès décide d’utiliser 5000 talents de la réserve de la ligue pour la reconstruction de l’Acropole (cf. doc. 3 p. 50). Les Athéniens réprimèrent violemment les cités qui refusaient de verser le phoros, comme ce fut le cas de la cité de Chalcis. Face à une tentative de sécession, Athènes impose aux habitants de la cité de Chalcis en 446 av. J.-C. de prêter un serment dans lequel ils s’engagent à lui rester fidèles et à ne pas apporter d’aide à des cités ou à des individus qui chercheraient à se rebeller. Ainsi Athènes rend impossible toute future rébellion ou défection. Chalcis s’engage aussi à défendre Athènes face à ses ennemis potentiels 21

(« je me porterai au secours du peuple des Athéniens et je le défendrai »). Ce serment est une manière de réactiver le serment initial de la ligue de Délos, mais sans aucune référence cette fois-ci à la menace perse. Athènes contrôle la politique extérieure de Chalcis. Ce décret montre aussi que la suprématie athénienne passe par l’économie. En effet, il rappelle l’engagement de Chalcis à verser un tribut, dont le montant est fixé par les Athéniens. Le lien entre ce tribut et le financement des expéditions militaires, comme c’était le cas initialement, s’éclipse derrière une contribution financière qui semble ne relever que d’une forme d’impérialisme économique. Dans ce décret, on ne trouve pas ici de forme d’impérialisme politique (contrairement au décret d’Athènes pour la cité d’Erythrées, p. 71) ; Athènes ne cherche pas à y imposer une constitution démocratique. Les Athéniens sont effectivement surtout soucieux de leurs intérêts stratégiques et financiers et ils s’accommodent visiblement des différents régimes, pourvu qu’ils demeurent fidèles à l’alliance.

Pour Thucydide, les alliés ont leur part de responsabilité dans ce processus de soumission : en se déchargeant sur Athènes de tout engagement militaire contre les Perses, ils se sont mis en eux-mêmes en position d’infériorité (La guerre du Péloponnèse, I, 75). Plutarque ne dit pas autre chose (doc. 3 p. 50) par la bouche de Périclès : « Vous ne devez aucun compte de ces sommes aux alliés, puisque vous faites la guerre pour eux et maintenez les Barbares au loin ». L’historien François Lefèvre (Histoire du monde grec antique, 2007) précise que cela correspond à la conception grecque de la liberté, qui ne s’arrête pas là où commence celle d’autrui, mais qui se réalise pleinement dans la domination exercée sur les autres. « Nous ne sommes pas les premiers à nous comporter de la sorte. On a toujours vu le plus fort placer le plus faible sous sa coupe », rappelle Thucydide, de manière certes cynique (I, 77). Il montre ainsi comment les alliés devinrent des sujets (hypèkooi) dans un processus qui conduisit à l’affrontement avec Sparte dans la guerre du Péloponnèse. 4. Le décret sur les monnaies, qui nous est parvenu sous forme d’inscriptions retrouvées de manière fragmentaire dans plusieurs cités alliées, est aussi connu sous le nom de « décret de Cléarque » avec une datation incertaine (425/422 av. J.-C.). Par ce texte, Athènes cherche à imposer son étalon monétaire, de poids et de mesures à toutes les cités de l’alliance « même s’ils ne le veulent pas ». C’est indéniablement une forme d’impérialisme économique qui a des fins commerciales. D’après les travaux de l’historienne Frédérique Duyrat (« Les étalons monétaires grecs », dans Dialogues d’histoire ancienne, 2014), les effets n’en sont pas nettement visibles dans les monnayages des cités de la mer Égée. L’étalon monétaire athénien s’impose davantage par son abondance. 22

5. Pour cette question, il convient de reprendre les éléments de réponse apportés ci-dessus. On peut suivre le plan suivant : – Une alliance librement consentie dans un contexte de guerres contre les Perses – … qui évolue graduellement vers un impérialisme athénien – … au service des intérêts économiques de la cité athénienne.

La fête des Panathénées, la cité d’Athènes en représentation >>MANUEL PAGE 53

Cet ensemble de documents présente la fête des Panathénées, consacrée à la divinité poliade d’Athènes, divinité protectrice de la cité, Athéna Polias. Cette fête comporte une triple dimension qu’il s’agira de mettre en évidence et d’analyser : une fête religieuse, une fête civique réalisant la cohésion de la cité démocratique et une fête mettant en scène le rayonnement d’Athènes au sein du monde grec. Il convient de distinguer la fête des Grandes Panathénées (organisée tous les 4 ans et qui se déroule sur presqu’une semaine car on y organise des concours musicaux, gymniques, hippiques avant la grande procession et les sacrifices) de la fête des Petites Panathénées, qui a lieu chaque année sur un ou deux jours, au mois Hécatombaion (juillet) et qui comporte essentiellement procession et sacrifices. • Doc. 1. La procession des Panathénées

Il s’agit d’une partie de grande procession (pompé), que Phidias et son atelier ont représentée sur la frise ionique du mur intérieur du Parthénon et qui constitue une source inestimable sur le déroulement de la fête des Grandes Panathénées, tout en étant un chef d’œuvre de l’art grec classique. • Doc. 2. L’organisation de la fête

Ce document est un décret du IVe siècle qui reprécise l’organisation de la fête des Petites Panathénées. Voté par l’Ecclesia, il atteste d’une fête organisée par la communauté civique. • Doc. 3. Décret augmentant le tribut versé par les alliés

Ce document témoigne du rôle des cités alliées dans la fête et notamment du tribut et des offrandes qu’elles se doivent d’apporter à Athènes à cette occasion. Au-delà de l’organisation de la fête, ce décret atteste une fois de plus de l’impérialisme athénien sur les cités de la mer Égée. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

➡➡Réponses aux questions

1. Les élèves pourront suivre le parcours de la procession en prenant le plan de la ville d’Athènes (doc. 2 p. 43). La grande procession (pompé) cheminait à travers la ville d’Athènes : partant de la porte du Dipylon et suivant le tracé de la voie sacrée, elle traversait l’Agora puis gravissait l’Acropole en y accédant par son entrée monumentale, les Propylées, longeait le temple du Parthénon et s’achevait devant l’autel d’Athéna. Là, on remettait à Athéna son péplos, tissu sacré représentant les exploits de la déesse. Ce simple parcours a une dimension symbolique, puisque la procession traverse les hauts lieux de la vie politique et sacrée, l’itinéraire faisant symboliquement la jonction entre les principaux centres de la ville (le centre politique qu’est l’Agora et le centre religieux, l’Acropole). Arrivée devant l’autel d’Athéna Hygiéia, la procession s’arrêtait et la cérémonie se poursuivait par deux sacrifices évoqués dans le décret sur l’organisation de la fête. Un premier sacrifice avait lieu sur l’autel de la déesse, qui se trouvait à l’est des vestiges du vieux temple. Puis suivait le second sacrifice sur l’autel d’Athéna Polias, une Hécatombe (sacrifice de 100 bovins). Un sacrifice sanglant (thusia) suivait un rituel précis : « l’assommeur de bœuf » est chargé de frapper la victime avec une hache, puis le sacrificateur l’égorgeait de manière à ce que son sang jaillisse sur l’autel. Ensuite s’effectuait le partage entre la part des Dieux et celle des hommes : les os étaient dépecés puis brûlés sur l’autel, les fumées montant au ciel constituant la nourriture divine, alors que la chair était distribuée à la population. 2. À partir de la frise et du décret d’organisation, on peut repérer les nombreux acteurs que la fête fait intervenir. Il y a d’abord l’assemblée du peuple, qui vote la loi, et la Boulè, qui la fait appliquer sous forme de décret, ce qui apparaît explicitement dans le document 2. Le décret mentionne la présence des magistrats de la cité et des hiéropes, qui sont des fonctionnaires spéciaux chargés de l’organisation de la fête. Ce sont tous des acteurs politiques. Dans la procession et grâce à la frise, dont nous n’avons ici que quelques fragments, nous savons que les cavaliers sont présents (citoyens les plus riches) mais aussi des femmes, et notamment les ergastines, qui sont les jeunes filles de bonnes familles élues par les citoyens pour broder le péplos offert à la déesse lors de la cérémonie. Les animaux sont conduits par les sacrificateurs ; les porteurs d’offrandes et de jarres sont des métèques, des étrangers venus probablement des cités alliées et qui apportent leurs offrandes. Ces derniers « participent à la procession au même titre que les colons » (doc. 3). La pluralité des acteurs, qui ne se réduisent pas au seul corps civique, témoigne de la fonction intégratrice de la fête, associant tous les habitants de l’Attique. 3. À l’issue du premier sacrifice, la répartition de la viande est très hiérarchisée, comme en atteste le début du décret (qui n’est pas reproduit ici dans le manuel) : « distribuent cinq parts de viande aux prytanes trois parts © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

aux neufs archontes, une aux trésoriers de la déesse, une aux hiéropes, trois aux stratèges et aux taxiarques ». Il s’agirait d’une survivance de la cité aristocratique. En revanche, le second sacrifice dont il est question dans l’extrait proposé, est la grande hécatombe (en principe, cent bovins mais le nombre de victimes sacrifiées dépendait en réalité de l’état des finances de la cité). Il donne lieu à un partage des viandes de manière indifférenciée et selon le principe de l’isonomie (égalité devant le partage), fondamentale dans la démocratie athénienne – chaque dème recevant une part proportionnelle au « nombre de citoyens qu’il aura délégués à la procession ». La distribution des parts de viande et le repas communautaire se déroulaient au Céramique (carte 2, p. 43) où d’ailleurs les archéologues ont retrouvé plus de cent amphores panathénaïques. 4. Les étrangers sont associés à la fête. Ils participent d’abord à la procession, suivant le cortège avec les Athéniens, et représentant les Alliés qui étaient invités à participer. Par ailleurs, plusieurs décrets athéniens envers les cités alliées attestent, comme c’est le cas de l’inscription du document 3, des envois de bœufs et de panoplies demandées aux cités alliés (cf. décret de la cité d’Athènes à propos de la cité d’Erythrées, p. 71). 5. La fête des Panathénées a un rayonnement dans tout le monde grec ; chaque cité alliée ou colonie y était associée et devait y contribuer par des offrandes. Elle est l’occasion de montrer la richesse (sacrifice sanglant de cent bovins, qui est le plus prestigieux) et la puissance de la cité, d’autant que les étrangers sont invités à y assister comme témoins de la grandeur d’Athènes. Lors de la fête des Grandes Panathénées (tous les 4 ans), les concours comportaient des épreuves qui étaient ouvertes à tous les Grecs et des spondophores étaient envoyés par Athènes dans les cités de la mer Égée pour annoncer la trêve sacrée des Panathénées, à l’instar des concours panhelléniques. Cette fête a aussi un objectif civique indéniable : elle est organisée par les institutions politiques et invitent tous les habitants à y participer, au-delà des seuls citoyens puisque des femmes sont présentes et jouent même un rôle important (les ergastines). Enfin, il s’agit bien sûr d’une fête religieuse en l’honneur de la divinité protectrice de la cité, célébrée sous ses différents épithètes. Cette fête honore donc la déesse Athéna tout en exaltant le patriotisme de la cité et en assurant son rayonnement.

Guerre et démocratie à Athènes >>MANUEL PAGES 54-55

Dans le monde grec et à Athènes en particulier, les cités sont composées de communautés qui participent à la vie politique, mais qui ont aussi le devoir de combattre pour 23

défendre leur territoire. Guerre et citoyenneté allaient donc de pair dans la Grèce antique. À Athènes, cette imbrication, bien connue des historiens du fait des nombreuses sources, entraîne un lien presque consubstantiel entre la puissance militaire de la cité et la mise en place de la démocratie au cours du Ve siècle av. J.-C. C’est ce lien que les documents cherchent à mettre en lumière. Il s’agit de comprendre comment la thalassocratie athénienne a permis de renforcer l’expérience démocratique. Les « repères » présentent, sous forme de tableau, les quatre catégories définies par le réformateur Solon, la place de chacune d’elle dans la vie de la cité et leur rôle dans l’armée. Ils permettent aux élèves de comprendre ce qu’est un citoyen-soldat à Athènes. • Doc. 1. La supériorité de la démocratie

Le document 1 est un extrait des Histoires d’Hérodote. Il commence sa grande histoire en prose sur les guerres médiques ainsi : « Hérodote d’Halicarnasse présente ici les résultats de son enquête, afin que le temps n’abolisse pas les travaux des hommes et que les grands exploits accomplis soit par les Grecs, soit par les barbares, ne tombent pas dans l’oubli ; et il donne en particulier la raison du conflit qui mit ces deux peuples aux prises. » Au livre V de ses Histoires, Hérodote évoque le conflit qui, de 511 à 479 av. J.-C., oppose la Grèce aux Perses menés par Darius. Si, pour l’historien, les événements naissent de la volonté et de l’action des hommes, il exprime clairement ses propres idées à travers les paroles qu’il prête aux personnages qui peuplent son ouvrage. Le thème principal de sa pensée apparaît explicitement dans l’extrait fourni dans le manuel (V, 78) : la puissance militaire d’Athènes est explicitement corrélée, pour Hérodote, à son régime politique : des hommes libres et égaux en droit politique défendent mieux leur cité que les barbares qui se battent sous la contrainte et la peur du maître. • Doc. 4. Une trière athénienne et Doc. 2. Démocratie et service dans l’armée

Le document 4 est un fragment d’un bas-relief en marbre (dit le « relief de Lénormant » découvert sur l’Acropole) représentant une trière. À partir de la fin du VIe siècle av. J.-C, les Athéniens se lancèrent dans la construction d’un navire d’un nouveau type (remplaçant la pentekontère de l’époque archaïque, un bateau de 50 rameurs), très maniable, doté d’un faible tirant d’eau et pouvant atteindre des vitesses bien supérieures grâce aux trois rangs de rameurs superposés. Sur une trière, en plus du triérarque (commandant du navire), des membres d’équipage et d’une dizaine d’hoplites chargés de l’abordage, 170 rameurs constituaient la force d’impulsion du navire. Ces derniers étaient recrutés parmi les citoyens les plus pauvres (les thètes). En 480 av. J.-C., les trières athéniennes menées par Thémistocle montrèrent leur efficacité en remportant la bataille de Salamine contre 24

la flotte perse, pourtant bien supérieure numériquement. Si Hérodote célèbre la victoire d’une armée constituée d’hommes libres, de citoyens-soldats sur celle d’un tyran, en revanche Pseudo-Xénophon, dans le document 2, en tant que virulent opposant à la démocratie, y voit le triomphe du petit peuple. Alors que la bataille de Marathon, en 490, avait consacré le prestige des hoplites athéniens recrutés parmi les citoyens suffisamment riches (cf. Repères, p. 54), celle de Salamine ouvre la porte aux revendications politiques des rameurs poursuivant la démocratisation de la cité (« ce sont les pilotes, les chefs des rameurs qui font la puissance de la cité, beaucoup plus que les hoplites, les nobles et les honnêtes gens »). Ils obtiennent ainsi, dans la seconde moitié du Ve siècle av. J.-C., un rôle politique à la hauteur de leur importance militaire. • Doc. 5. L’éloge de la démocratie par Périclès

Le document 5 est un extrait de la longue oraison funèbre que Périclès aurait prononcé devant le peuple athénien en l’honneur des guerriers morts au cours de la première année de la guerre du Péloponnèse. Retranscrit par Thucydide dans La Guerre du Péloponnèse, ce discours exalte la puissance d’Athènes, son régime politique, qui lui vaut sa supériorité dans le monde grec. Considéré comme un des premiers historiens, Thucydide élimine de son récit l’intervention des Dieux et cherche les causes rationnelles de l’enchaînement des faits. S’il intercale dans son récit plusieurs discours reproduisant le plus vraisemblablement possible les paroles prononcées (ici par Périclès), c’est pour montrer l’importance de la parole à Athènes : tout s’y décidait par la parole dans l’enceinte de l’Ecclesia notamment. Contemporain de Périclès, Thucydide est un fervent admirateur du grand stratège, en qui il voit l’incarnation du génie politique. • Doc. 3. Athènes face à la menace macédonienne

Le document 3 est chronologiquement le plus tardif de l’ensemble des documents de la double-page. Il propose un extrait d’une des harangues du célèbre homme politique et orateur athénien Démosthène. Au milieu du IVe siècle av. J.-C., la cité d’Athènes est confrontée à la montée en puissance de la Macédoine, avec à sa tête le roi Philippe II. En 351 av. J.-C., il n’y avait plus de doute sur le risque que la Macédoine faisait peser sur la cité. Démosthène, qui fait partie de ceux qui pensaient qu’Athènes demeurait malgré tout, la grande puissance maritime de la Grèce et qu’elle devait défendre ses intérêts et son régime politique par tous les moyens, exhorte alors ses concitoyens (notamment dans la Première Philippique) à repenser son plan de défense. Il réclamait notamment une armée nationale (constituée de citoyens-soldats) bien équipée et bien préparée, contrairement à l’usage qui s’était mis en place progressivement depuis le début du IVe siècle av. J.-C. de recourir à des troupes de mercenaires (composées de fugitifs ou d’aventuriers prêts à louer leurs services aux plus offrants). Il © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

fallait aussi, pour Démosthène, en finir avec les hésitations, les délibérations sans effet de l’Ecclesia, les accusations du demos contre les stratèges tenus responsables des défaites militaires (« cessez de vous accuser les uns les autres »), mais qui selon lui résultaient au contraire d’opérations militaires confiées à des bandes de mercenaires sans engagement patriotique. Ses incessants appels à mobiliser l’énergie des citoyens pour repousser l’ennemi s’accompagnent d’une vigoureuse dénonciation des intentions des macédoniens (« c’est par-dessus tout, notre système politique qu’il combat »). Mais en vain, rien ne fut fondamentalement changé dans les habitudes prises : Athènes perd son indépendance à la bataille de Chéronée en 338. ➡➡Réponses aux questions

1. Documents

Informations prélevées 4 catégories de citoyens, définies selon les revenus.

Repères

Obligation de servir dans l’armée (selon ses revenus et sa capacité à financer son armement).

Doc. 2

« tout le monde participe aux magistratures, par tirage au sort et élection » « la parole est accordée à tout citoyen qui la demande » « Nous intervenons tous personnellement dans le gouvernement de la cité ».

Doc. 5

Importance de la parole / du débat avant la prise de décision et le passage à l’action.

5. Il s’agit d’une question de synthèse qui doit amener les élèves à reprendre les éléments étudiés de manière précise dans les réponses précédentes.

La réponse organisée peut suivre le plan suivant : 1) La victoire de la démocratie sur la tyrannie : la supériorité militaire d’une armée de citoyens-soldats (doc. 1 et 5) 2) Le prestige de la flotte et l’extension des droits politiques aux plus pauvres (Repères, doc. 2 et 3) 3) Défendre la démocratie et ses valeurs face à l’ennemi (doc. 3 et 5)

Fonctionnement de la démocratie athénienne L’égalité des droits se met progressivement en place au cours du Ve siècle pour tous les citoyens, quel que soit leurs revenus.

Droits politiques qui s’ouvrent progressivement aux zeugites et aux thètes, pouvant accéder à toutes les magistratures au cours du IVe siècle. « il paraît juste à Athènes que les pauvres et le peuple l’emportent sur les nobles et les riches »

régime politique (« c’est, par-dessus tout, notre système politique qu’il combat »). Effectivement, après la défaite de Chéronée, la démocratie athénienne survit quelques années et est finalement abolie en 322 : une garnison macédonienne s’installe au Pirée et un régime oligarchique est mis en place.

Le principat d’Auguste et la naissance de l’Empire romain >>MANUEL PAGES 56-57

Cette extension des droits politiques aux citoyens les plus pauvres résulte du prestige des rameurs et débouche sur le pouvoir du demos, conçu ici comme le petit peuple (vision négative de la démocratie par Pseudo-Xénophon). Droit de tous les citoyens de siéger à l’Ecclesia, d’exercer des magistratures, de prendre la parole (temps de parole limité et mesuré par la clepsydre) devant les citoyens. La délibération collective y apparaît comme une caractéristique essentielle (que l’on retrouve aussi dans l’extrait d’Hérodote, doc. 1).

2. À partir du document 2, il s’agit de montrer comment l’extension des droits politiques des rameurs, qui recrutent parmi les thètes, résulte du prestige de la flotte athénienne après la victoire de Salamine notamment.

3. Les victoires militaires sont présentées comme résultant de l’organisation politique de la cité, aussi bien chez Hérodote (doc. 1) que chez Thucydide (doc. 5). La liberté politique, l’engagement de citoyens-soldats qui ont des droits politiques et donc de réelles motivations pour défendre leur cité, la délibération collective dans la manière de préparer la guerre, sont autant d’arguments que l’on retrouve dans les documents. 4. Philippe de Macédoine est une menace pour l’indépendance de la cité d’Athènes, mais aussi pour son © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Au Ier siècle av. J.-C., la République romaine entre dans une grave crise politique et sociale, dans un contexte d’expansion territoriale de la petite cité du Latium. D’une part, le fonctionnement de la République romaine n’a pas changé, alors qu’il n’est plus adapté à la taille d’un territoire qui s’étend à la péninsule italienne et, d’autre part, les inégalités sociales s’accroissent du fait de la concentration des terres, théoriquement propriété collective (ager publi), entre les mains d’une minorité. Les cités italiennes finissent par se soulever contre Rome en 90-89 et obtiennent la citoyenneté pour l’ensemble des hommes libres de la péninsule.

Dans les années qui suivent, la République connaît une crise interne qui s’apparente à un climat de guerre civile. L’importance prise par les généraux auréolés de leurs conquêtes militaires amène ceux-ci à se hisser et à se maintenir à la direction de l’État, grâce au soutien de leurs troupes de fidèles légionnaires. Ainsi, de Sylla à César, les grands généraux, conquérants de l’Empire, se livrent à des affrontements – la victoire d’un camp entraînant des listes de proscriptions –, et cherchent à instituer une forme de pouvoir personnel, court-circuitant les instances traditionnelles du pouvoir de la Rome républicaine. L’avènement du principat d’Auguste à la suite de sa victoire sur Antoine à Actium en 31 av. J.-C. a pour principale conséquence de mettre un terme aux affrontements qui ont déchiré l’aristocratie romaine au cours du Ier siècle av. J.-C. Auguste se présente comme le restaurateur de la paix civile.

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Toute l’habileté d’Auguste a été d’instituer un pouvoir d’essence monarchique en préservant la façade des institutions républicaines. Il n’est pas inutile de rappeler que l’opposition entre la République et l’Empire est une commodité de langage des historiens modernes : pour les Romains, l’État gouverné par un empereur restait la respublica et il n’existe aucun équivalent latin au mot « empereur » (le mot imperator est en revanche intraduisible, d’autant que, suivant un usage institué par César, les empereurs romains en ont fait leur prénom). • Doc. 1. Auguste vu par lui-même

Il s’agit d’un extrait des Res gesta Divi Augusti, que Auguste a rédigé lui-même peu de temps avant sa mort et dans lequel il dresse un bilan politique de son action. À la mort d’Auguste en 14 ap. J.-C., le sénat en fit la lecture, comme une forme de testament, puis le texte fut gravé, sur sa volonté, sur deux plaques de bronze placées à l’entrée de son mausolée. Si cette version ne nous est pas parvenue, en revanche, on dispose de quatre copies fragmentaires retrouvées dans des cités de l’empire romain. La diffusion de ce document dans les provinces de l’empire atteste de la circulation de l’information (cf. p. 60-61 : création de la poste impériale) et d’un deuil auquel tout le monde a été associé. • Doc. 2. La famille impériale

En 13 av. J.-C., le Sénat décide la construction d’un autel dédié à la Pax Augusta, en l’honneur du retour d’Auguste après trois années d’absence pour mener des opérations de pacification en Espagne et en Gaule. L’Ara Pacis est une sorte de petit temple à ciel ouvert, enclos de murs fermés par une porte. En son centre se trouvait un autel destiné à faire des sacrifices lors de cérémonies publiques. Le tout était en marbre blanc et couvert de bas-reliefs d’une grande qualité. La partie du bas-relief reproduite dans le manuel est le cortège d’une série de membres de la famille d’Auguste : il s’agit, pour Auguste, de montrer l’union et la fécondité de sa domus dans une scène qui se veut exemplaire mais pourtant assez loin de la réalité. • Doc. 3. Auguste vu par Dion Cassius

Dion Cassius est un historien romain en langue grecque qui a vécu à la fin du IIe siècle et au début du IIIe siècle. Sénateur, il a exercé des magistratures de haut rang. Dans son Histoire romaine, il retrace de manière détaillée l’histoire de Rome, de sa fondation aux années 220 ap. J.-C. • Doc. 4. Le culte impérial en Gaule narbonnaise

À la mort d’Auguste, on voit apparaître dans plusieurs cités de l’empire un culte impérial en son honneur. Ce phénomène résulte d’une synthèse de plusieurs éléments : d’abord la tradition, qui voulait que dans le monde hellénistique, des rois, des hommes politiques recevaient des honneurs divins, comme ce fut le cas d’Alexandre le Grand. Mais à Rome même, il y avait déjà le précédent 26

de César, mortel devenu divin (Auguste était d’ailleurs le « fils du divinisé césar »). Dans la mise en place du culte impérial, à côté de l’initiative d’Auguste et des siens, il ne faut pas sous-estimer les initiatives locales. C’est le cas de l’autel de Narbonne, qui a été élevé à l’initiative de la collectivité entre 11 et 13 ap. J.-C (« la plèbe de Narbonne a placé sur le forum un autel »). ➡➡Réponses aux questions

1. Depuis le début du Ier siècle av. J.-C., les institutions de la République traversent une profonde crise marquée par des guerres civiles violentes (conflit entre Sylla et Marius puis entre Pompée et César). C’est dans ce contexte trouble qu’Octave arrive sur le devant de la scène politique à 19 ans : il recrute illégalement, en 44 av. J.-C., une armée destinée à venger la mémoire de César. Avec le soutien de Cicéron, il entre au Sénat puis est élu consul en 43. Il se voit alors confier par le peuple romain la charge de triumvir pour cinq ans aux côtés d’Antoine et Lépide, ce qui est l’occasion de proscrire violemment ses ennemis politiques. À l’origine de la domination d’Auguste, on trouve ainsi un pouvoir acquis par la force. Entre 32 et 31 av. J.-C., Octave mène la guerre contre Antoine, alors qu’il n’a, à cette date, plus aucun pouvoir légal. Pourtant, il est chargé par « l’Italie tout entière » (doc. 1) de mener la guerre contre Antoine, installé en Égypte avec Cléopâtre, ce qui faisait craindre à l’élite romaine un déplacement de la capitale de l’empire à Alexandrie. Sa victoire lors de la bataille d’Actium en 31 lui ouvre les portes de la conquête de l’Égypte et le laisse seul maître de l’empire. Dès lors, le moteur de son action politique est le retour à la légalité, ainsi que de faire oublier les origines troubles et violentes de son accession au pouvoir. En 27 av. J.-C., « après avoir éteint les guerres civiles, étant en possession du pouvoir absolu avec le consentement universel, je [Auguste] transférai la République de mon pouvoir dans la libre disposition du Sénat et du peuple romain » (doc. 1). Pourtant, ce retour à la norme n’est qu’une apparence et Octave a bien l’intention de garder sa position prééminente. Ainsi, la même année, à l’issue d’un partage des provinces de l’empire avec le sénat, lui revient le gouvernement des provinces qui ne sont pas encore totalement pacifiées et donc des forces armées importantes. Les sénateurs ou légats qu’il place à la tête de ces provinces impériales ne dépendent que de lui. Ceci lui donne un imperium (pouvoir) proconsulaire (le pouvoir consulaire initialement d’une durée d’un an est accordée de manière indéterminée). Ce pouvoir militaire lui est aussi accordé en 19 av. J.-C., à l’intérieur de l’enceinte de Rome, alors que la tradition voulait que jusque-là, un général en arme ne pouvait franchir la limite du territoire sacré de Rome (le pomerium). Il détient donc un pouvoir militaire dont aucun de ses prédécesseurs n’a disposé. De plus, pour le remercier d’avoir rendu ses pouvoirs exceptionnels, le Sénat lui décerne une série d’honneurs, © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

dont le surnom d’« Auguste » (qui signifie « grand » et « sacré »), qui lui donne un pouvoir presque divin (pouvoir religieux). « Il se fit appeler Auguste, ce qui signifiait qu’il avait quelque chose de plus que les hommes », précise Dion Cassius. En 23 av. J.-C., il reçoit la puissance tribunitienne (alors que cette magistrature ne pouvait normalement être exercée que par un plébéien et qu’elle est désormais entre les mains d’un membre d’une des plus anciennes familles romaines). Ce pouvoir civil lui permet de s’opposer à n’importe quelle décision d’un magistrat ou sénateur, de modifier les lois. La puissance tribunitienne est le principal fondement du pouvoir impérial (doc. 3). Le fondement de son pouvoir réside bien dans la force et dans la victoire militaire, il le dit presque explicitement dans les Res gestae (doc. 1), mais il s’est efforcé d’ancrer son pouvoir dans la légalité. Tous les pouvoirs dont il dispose, il les a obtenus « légalement » du Sénat et du peuple romain. 2. Auguste présente le principat sous son meilleur jour, se présentant comme celui qui a rétabli la chose publique (Res publica restituta) afin de permettre le bon fonctionnement des institutions romaines, conformément à ce qui existait avant les guerres civiles du Ier siècle. Le pouvoir dont il dispose, certes important (« je l’emportais sur tous en autorité »), il l’a reçu pour son œuvre et pour avoir « rendu la liberté à la République opprimée par la tyrannie ». Loin de l’avoir usurpé, il insiste sur le fait que c’est le Sénat lui-même qui lui a accordé ces pouvoirs (« le sénat par décrets honorifiques me coopta dans son ordre », « il m’accorda l’imperium »). Pourtant, à lire le texte de Dion Cassius, la vision qui nous est proposée est bien différente. Ce serait au contraire un régime monarchique qui ne dit pas son nom. Serait-ce une ruse d’Auguste qui aurait tiré des conclusions de l’assassinat de César, soupçonné de vouloir restaurer la monarchie ? C’est ce que Dion Cassius laisse comprendre, et l’interprétation que certains historiens ont faite du régime d’Auguste (dans le sillage de l’historien britannique Ronald Syme en 1939). La situation est cependant plus complexe, d’autant que Dion Cassius écrit au début du IIIe siècle ap. J.-C., alors que le régime impérial avait largement évolué par rapport à la période d’Auguste. Le principat d’Auguste ne peut pas s’interpréter à la lumière de ce que ses successeurs ont fait du régime impérial. 3. Auguste prépara non seulement le déroulement de ses funérailles mais aussi les modalités de sa succession. Cette stratégie se trouva confrontée à deux difficultés majeures : transmettre un pouvoir qui n’est pas de nature héréditaire (qu’il a obtenu par ses victoires militaires et que le Sénat et le peuple lui ont accordé à titre personnel pour son action) et trouver un successeur au sein de sa famille. Or la dynastie fondée par Auguste ne cessa de se recomposer du fait des nombreux décès qui la toucha et du hasard qui voulut qu’il n’eut qu’une fille biologique, © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Julie. Sa stratégie dynastique apparaît explicitement sur une paroi latérale de l’Ara Pacis. On y voit, comme dans une procession, la famille impériale, avec en tête Auguste (1) lui-même. Il est suivi d’Agrippa (2), son fidèle second qu’il donna en mariage à sa fille Julie, et de cette union naquit deux fils aînés : Caius (3) et Lucius, qui furent adoptés par Auguste en 17 av. J.-C. et considérés comme ses successeurs. Tibère (5) est déjà présent dans la stratégie dynastique à la date de réalisation de l’Ara Pacis. Fils d’un premier mariage de Livie (4), la seconde épouse d’Auguste, il épousa Julie après la mort d’Agrippa en 12 av. J.- C. La mort brutale de Lucius et Caius (en 2 et 4 ap. J.-C.) amena Auguste à associer Tibère aux pouvoirs impériaux pour en faire son successeur. L’objectif d’Auguste était d’assurer la continuité du régime en élaborant une politique dynastique. Ainsi, à sa mort en 14 ap. J.-C., le pouvoir fut transmis par le Sénat à son fils adoptif Tibère. 4. Si ce type de culte est ancien dans la partie orientale de l’empire, il a été adopté assez spontanément par l’Occident et le pouvoir a laissé faire, voire incité ces pratiques car il perçoit vite, dans ces manifestations, la possibilité de créer une cohésion de l’Empire. Dans le cas présent, la cité de Narbonne choisit spontanément de construire un autel et de le consacrer à un culte dédié à Auguste : cela s’explique par sa volonté de faire perdurer le lien privilégié qu’elle entretient avec l’Empereur. En effet, Narbonne profite d’une aura exceptionnelle et d’un statut privilégié par rapport aux autres civitates de la Narbonnaise : Auguste lui-même y a séjourné et en a fait la capitale de la nouvelle province gauloise. Le culte impérial témoigne des liens de fidélité entre le peuple et son empereur. 5. Pour cette question de synthèse, il convient de reprendre les éléments de réponses ci-dessus. Pour l’historienne Catherine Virlouvet, « qualifier uniquement le principat d’Auguste de monarchie laisse dans l’ombre les évolutions de cette période et ne rend sans doute pas justice au dessein d’Auguste ». ➡➡Réaliser une carte mentale

Pour ce travail, il convient de bien identifier les différents pouvoirs détenus par Auguste et de comprendre de qui il les tient. De nombreux éléments de réponse sont ci-dessus. Il faut bien noter qu’Auguste détient le pouvoir militaire de ses victoires militaires (acte fondateur de la bataille d’Actium notamment) alors qu’il tient ses pouvoirs civil et religieux du sénat et du peuple. Enfin, c’est Auguste lui-même qui a élaboré la stratégie dynastique afin d’ancrer dans la durée le régime qu’il a mis en place.

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Les documents 4 et 5 montrent que les Romains ont aussi largement intégré dans leur propre culture et panthéon des divinités orientales, notamment avec ici le cas d’un temple à Isis, situé à Pompéi.

par exemple) et le seul signe de la présence romaine est la représentation d’Auguste sous les traits d’un pharaon. Les officiers de l’armée romaine stationnée à Talmis viennent d’ailleurs y rendre un culte marqué par le plus profond syncrétisme (« ô Mandoulis, fils de Zeus »). 2. La romanisation de la Bretagne passe ici par la construction d’édifices publics et par un urbanisme qui se calque sur le plan de Rome (forum, thermes notamment), par l’éducation et la langue latine et par le port de la toge, qui devient un attribut de la romanité. 3. Pourtant, la vision de Tacite est ici loin d’être un plaidoyer en faveur de la romanisation et un rejet simple de la culture des Bretons. La fin de l’extrait en atteste (« peu à peu, on céda aux séductions du vice »), énumérant les éléments moralement néfastes de la culture romaine et précisant que, sous couvert de civiliser ce peuple, « c’était un élément de leur esclavage ». Ces remarques peuvent surprendre, dans un texte qui se veut l’éloge du conquérant et de l’action du gouverneur Agricola. Mais d’après Anne-Marie Ozanam, à qui l’on doit l’introduction à la version du texte de Tacite édité par les Belles Lettres, « elles expriment en fait un réel malaise de la conscience romaine, déchirée entre le goût du progrès et le regret d’un passé mythique, perçu comme plus pur ». Les barbares bretons apparaissent non seulement comme dotés de « qualités naturelles » mais aussi comme plus proches de la nature et de ses vertus que la civilisation romaine, qui les dénature et éventuellement les entraîne vers une décadence morale. 4. Pompéi, situé au sud de la péninsule italienne – dont le site a particulièrement bien été protégé « grâce » à l’éruption volcanique du Vésuve en 79 ap. J.-C., qui a enfoui la cité sous une pluie de cendres volcaniques –, possédait un temple en l’honneur de la divinité orientale Isis (doc. 4), divinité qui apparaît comme particulièrement importante dans la mesure où le temple a été reconstruit en priorité après le tremblement de terre de 62 ap. J.-C. et dont le financement de la rénovation permet au fils de Numérius (doc. 5) d’accéder à l’ordre des décurions « du fait de ses libéralités ». 5. Le concept de romanisation apparaît donc comme réducteur car la civilisation romaine s’est enrichie des cultures indigènes, et inversement ces dernières n’ont pas adopté « littéralement » la civilisation romaine. Au contraire, elles ont su conserver leur propre culture en y associant des éléments venus de Rome. Les historiens parlent désormais de brassage culturel, de métissage, voire de créolisation, dans le sillage des travaux de J. Webster. L’image de sociétés indigènes passives face à l’influence romaine est à remettre en cause face au syncrétisme religieux et culturel dont les territoires de l’empire attestent.

➡➡Réponses aux questions

➡➡Extraire et classer les informations

La civilisation romaine dans l’Empire >>MANUEL PAGES 58-59

Cette étude de documents vise à interroger le concept de romanisation, qui remonte aux travaux des historiens du XIXe siècle (notamment Theodor Mommsen) et qui désigne l’intégration complète et programmée des territoires conquis par Rome. Or, depuis la fin des années 1990, les historiens remettent en question ce concept, accusé de figer la réflexion sur la conquête romaine et de ne pas prendre en considération l’incorporation dans la civilisation romaine d’éléments des cultures indigènes. Sur ce sujet, il convient de se reporter à l’article de Patrick Le Roux cité dans la bibliographie. Effectivement, les Romains n’ont pas cherché à imposer leurs dieux. Comme les Grecs avant eux, leur panthéon s’est même enrichi de l’apport de divinités étrangères. Dépourvue de tout contenu dogmatique, la religion romaine, comme la religion grecque, repose avant tout sur l’observance de rites. Le pluralisme religieux au sein de l’empire est donc de règle. Les documents proposés ont pour objectif de faire réfléchir au concept de romanisation. • Doc. 1. Le temple de Kalabsha et Doc. 2. La prière d’un officier romain

Ces documents témoignent de l’incorporation de la figure d’Auguste, représenté en pharaon dans le temple de Kalabsha édifié en Basse-Nubie près de la cité de Talmis. L’édifice en pierre des sables fut construit par les Romains sous le principat d’Auguste et était dédié à la déesse de la fertilité Mandoulis, identification nubienne d’Horus. Auguste est ici intégré aux dynasties égyptiennes, posant en costume stéréotypé et faisant des offrandes à la divinité du temple. Il s’agit donc d’une intégration d’éléments de la culture romaine au sein de la culture locale. • Doc. 3. L’exemple de la Bretagne

Ce document, extrait de la Vie d’Agricola de Tacite, est l’illustration canonique du concept de romanisation, même si l’analyse de texte est plus complexe car le discours comporte des remarques négatives à l’encontre de la civilisation romaine. • Doc. 4. Le temple d’Isis à Pompéi et Doc. 5. Inscription gravée à l’entrée du temple d’Isis à Pompéi

1. Le temple de Kalabsha est très caractéristique du style ptolémaïque. Les divinités égyptiennes sont identifiables à leurs attributs classiques (Horus à tête de faucon,

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Pour compléter ce tableau, reprendre les trois axes que les documents explorent (cf. présentation des documents ci-dessus). © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Rome et son empire territorial >>MANUEL PAGES 60-61

En deux siècles de conquête, l’empire romain s’est considérablement agrandi et les distances entre Rome, le siège du pouvoir et les provinces sont très longues. Au-delà du découpage du territoire en provinces, à la tête desquelles sont placés des sénateurs et autres légats en assurant le gouvernement, Auguste comprend vite la nécessité de créer un système permettant de transmettre ses directives aux territoires conquis afin d’en garder le contrôle. • Doc. 1. Une voie romaine

La Via Appia est une voie romaine de plus de 500 km de long partant de Rome et longeant la côte tyrrhénienne jusqu’aux Pouilles. Construite à partir de 312 av. J.-C., elle est très bien conservée et nombreux vestiges (notamment des mausolées) sont encore visibles le long de cette voie. • Doc. 2. Une voiture romaine

Ce bas-relief est une représentation d’une voiture à 4 roues appelée rheda qui sillonnait les voies romaines, elle pouvait transporter jusqu’à dix passagers. • Doc. 3. La création de la poste par Auguste

Suétone atteste le premier dans sa Vie d’Auguste de ce que les historiens appellent aujourd’hui « la poste romaine » et dont la création semble revenir à Auguste. L’objectif politique et militaire est explicite : être informé le plus rapidement possible des événements survenus dans les provinces. • Doc. 4. Un éloge de l’Empire romain

Il s’agit d’un extrait de l’Éloge de Rome, écrit par P. Ælius Aristide, qu’il rédigea lors d’un voyage qu’il fit depuis sa région natale (la Mysie, située au NordOuest de l’Asie Mineure, à l’ouest de la Bithynie) vers l’Italie et Rome. Possédant la citoyenneté smyrniote et la citoyenneté romaine (dont le port de la tria nomina atteste), il fait partie de ses élites locales (de culture grecque), qui admirent le fonctionnement politique de l’Empire romain. Pour Laurent Pernot, cet « éloge n’est pas seulement l’expression de satisfaction et de gratitude. Il revêt une valeur de prière et d’exhortation. Il indique sur quelles bases s’opère et se perpétue le ralliement des élites grecques à la domination romaine ». • Doc. 5. L’aqueduc de Nicomédie

Cet extrait de la correspondance entre Pline le Jeune, alors gouverneur de Bithynie, et l’empereur Trajan est une source intéressante pour les historiens. Elle permet de percevoir la manière dont les empereurs contrôlaient leurs provinces et met en lumière plusieurs aspects de leur vie au IIe siècle ap. J.-C. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

➡➡Réponses aux questions

1. Le fonctionnement de la poste romaine s’appuie sur un système de « voitures », qui permettaient de transporter le messager ou des documents écrits destinés au gouverneur d’une province. La correspondance entre Pline le Jeune et l’empereur Trajan est un exemple de ces messages qui devaient circuler via la poste romaine. Ces voitures et messagers empruntaient un réseau de voies romaines qui couvraient le littoral du bassin méditerranéen. 2. Le service de transport créé par Auguste et qui est désigné, à partir du IIIe siècle, par le terme de cursus publicus, n’est pas une poste au sens actuel du terme, dans la mesure où elle ne transporte pas de biens et de messages émanant de particuliers. Elle est un instrument de gouvernement, puisqu’il est « très facile [à l’empereur] de diriger le monde entier sans se déplacer, aux moyens de lettres qui arrivent sitôt écrites, comme portées par des ailes » (doc. 4). Le document 5 est un bon exemple de ces lettres qui circulaient, permettant à l’empereur de connaître l’avancement des travaux en adduction d’eau à Nicomédie et à Pline de rendre des comptes extrêmement précis de la situation. 3. Une partie importante de l’éloge de P. Ælius Aristide concerne la conception romaine de la citoyenneté. Contrairement aux cités grecques, qui n’accordaient que rarement le droit de cité à des étrangers, les Romains ont très largement diffusé la citoyenneté en dehors du territoire de la cité, et ce même en dehors de l’Italie, dont tous les habitants étaient devenus citoyens romains dans le courant du Ier siècle av. J.-C. En effet, pour les Romains, la citoyenneté est disjointe du territoire où la cité est implantée : le peuple romain est bien plus large que la population de la cité de Rome. Le discours d’Aristide est la preuve même de l’intérêt politique de cette mesure : elle favorise l’adhésion des notables de l’Empire, devenus citoyens romains, à l’œuvre civilisatrice de Rome. Du fait de la diffusion de la citoyenneté romaine, l’opposition traditionnelle entre Romains et Grecs est désormais dépassée. La ligne de partage sépare désormais les Romains et les non Romains : en faisant accéder des peuples autrefois considérés comme barbares à la citoyenneté, Rome a étendu les frontières du monde civilisé. Cela a aussi des conséquences militaires pour Aristide, puisque Rome n’a pas besoin de se maintenir par la force, l’adhésion à l’Empire étant acquise d’autant que les empereurs s’appuient sur les élites locales, dont le pouvoir est maintenu à l’échelle de leur cité pour assurer la gestion de territoires parfois très éloignés de Rome : « Les habitants les plus importants et les plus puissants de chaque endroit gardent pour vous leur propre patrie. » Aristide rend donc hommage à la stratégie romaine, qui a été de conserver le cadre administratif et politique préexistant dans les cités et de s’appuyer dessus pour assurer l’ordre politique d’un empire territorial immense. 4. Nicomédie est une cité grecque située dans la province de Bithynie au Nord de l’Asie Mineure. Bien que 29

la région soit très éloignée géographiquement de Rome, la correspondance révèle d’abord comment l’empereur intervient personnellement dans des questions locales de construction d’un aqueduc et de gaspillage financier, questions purement locales qui auraient pu être réglées sans remonter jusqu’à Rome car ne relevant pas de la politique. Ce document atteste aussi de l’importance des constructions caractéristiques de la civilisation romaine (aqueduc, ici) et de la volonté des cités de réaliser ces édifices, bien que cela affecte lourdement leurs finances. 5. Pour cette question de synthèse, deux aspects doivent être abordés : – l’importance de la poste romaine, qui permet la circulation de messages tels que le document 4 : les empereurs restant ainsi en contact avec les gouverneurs des provinces le plus régulièrement possible ; – le rôle de l’élite locale, qui adhère à l’Empire romain, notamment par l’obtention de la citoyenneté romaine et le maintien des systèmes politiques préexistants, qui restent le cadre de la vie politique quotidienne des populations intégrées à l’empire.

Constantinople. Il permettait de transporter l’eau venant de l’extérieur de la ville jusqu’au grand palais. • Doc. 3. La fondation de Constantinople

La Chronique pascale est un texte anonyme écrit au VIIe siècle et qui présente les faits en les rangeant année après année. Il s’agit d’une source chrétienne (« l’an 301 après l’ascension du Seigneur »), bien postérieure au règne de Constantin, mais qui adopte un point de vue très favorable à ce dernier. • Doc. 4. Plan de Constantinople au IVe siècle ap. J.-C.

Constantinople est construite à l’emplacement de la vieille cité grecque de Byzance (créée vers 667 av. J.-C.), qui possède un site géographique exceptionnel. Le détroit du Bosphore traverse la ville et constitue un point de passage entre l’Asie et l’Europe. Entre la mer Noire et la mer de Marmara, un cours d’eau appelé la Corne d’Or assure l’alimentation en eau douce de la ville. Intégrée dans l’Empire romain dès le Ier siècle av. J.-C., Constantin et ses successeurs l’agrandissent et en font une nouvelle capitale orientale de leur Empire. • Doc. 5. Regard d’historiens

Constantin à la tête d’un empire qui se réorganise et se christianise >>MANUEL PAGES 62-63

Les menaces barbares pressantes aux frontières entraînent une transformation du pouvoir impérial, qui dépend de plus en plus de l’armée. Celle-ci absorbe une grande partie des ressources de l’Empire et doit se réorganiser pour défendre un territoire soumis à la pression et aux incursions à son limes. Les empereurs délaissent de plus en plus souvent leur capitale, Rome, au profit des villes proches des frontières comme Trèves, Milan, Nicomédie. C’est dans ce contexte que Constantin, fils du tétrarque Constance Chlore, succède à son père en 306 après avoir été proclamé par ses troupes. Après une période de guerres civiles, Constantin vainc son rival Maxence à la bataille du Pont de Milvius. Il est désormais le seul maître de l’Occident. • Doc. 1. L’édit de Milan

En 313, Constantin et Licinius se rencontrèrent à Milan pour définir une nouvelle politique à l’égard du christianisme. Par ce texte, ils reconnaissent la liberté de culte aux chrétiens (et aux autres religions), ouvrant la voie à la christianisation de l’Empire. • Doc. 2. L’aqueduc de Valens

L’aqueduc de Valens a été construit par les Romains au IVe siècle ap. J.-C. dans le cadre d’un nouveau système d’approvisionnement d’eau pour la ville de 30

Les sources sur le Bas-Empire et les réformes administratives et militaires menées par Constantin étant difficilement exploitables par les élèves, nous avons fait le choix ici de proposer un texte d’historien qui les évoque. ➡➡Réponses aux questions

1. L’édit de Milan reconnaît la liberté de culte aux chrétiens, mettant fin à des périodes de persécution. Le christianisme s’est en effet étendu dans tous les milieux et dans plusieurs régions de l’empire (notamment en Asie mineure et au Proche-Orient), mais il a souffert de plusieurs suspicions : d’abord parce que le fondateur de cette nouvelle religion, Jésus, a été condamné comme agitateur par les Romains, ensuite parce que les chrétiens refusent de participer au culte impérial (contraire au monothéisme), alors que celui-ci est obligatoire pour les citoyens romains et un signe d’obéissance et de respect à l’empereur. Les persécutions contre les chrétiens ne sont pas menées de manière continue mais deviennent plus vigoureuses au milieu du IIIe siècle et sous Dioclétien qui, en 303, publie quatre édits de persécution, interdit le culte chrétien, ordonne la destruction des lieux de cultes et l’arrestation des chrétiens et des membres du clergé. Alors que l’empire résiste aux attaques barbares, les positions affirmées de certains chrétiens qui s’opposent à servir dans l’armée au nom que l’on ne peut pas défendre Dieu et César (c’est le cas de Tertullien), entraînent la sévérité et la répression impériale. L’édit de Milan met fin à ce cycle de persécutions et constitue un premier pas vers l’adoption du christianisme comme religion d’État sous Théodose Ier à la fin du IVe siècle. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

2. Constantin a attaché son nom à la fondation d’une nouvelle capitale, Constantinople. La décision est prise en 324 et l’inauguration de la ville a lieu en 330. Constantinople est construite sur l’ancienne Byzance. Ce choix est avant tout stratégique : le centre de gravité de l’empire s’est déplacé en Orient dans tous les domaines et la pression barbare justifie l’installation de la capitale sur un site stratégique (détroit du Bosphore) et fortifié, plus facile à défendre et plus proche des incursions barbares. Il convient cependant de noter que Rome reste la capitale, même si l’empereur en est souvent absent.

3. L’auteur de la Chronique pascale est très favorable à Constantin : « Constantin, empereur digne de louanges ». Dans la lignée des auteurs chrétiens (Eusèbe de Césarée ou Lactance), l’auteur loue l’empereur pour avoir ouvert la voie au triomphe du christianisme. Baptisé sur son lit de mort en 337, d’après les sources chrétiennes, il se serait rallié au christianisme bien avant, prenant une série de mesures favorables à l’Église chrétienne et présidant le concile de Nicée en 325.

4. L’auteur de la Chronique pascale précise que Constantinople « prenait le titre de “seconde Rome”. Deuxième capitale certes, mais aussi capitale qui cherche à imiter Rome. Constantinople occupait elle aussi sept collines, possédait un forum, un capitole, un Sénat (doc. 3 et 4). Le fait symbolique de transférer le Palladium de Rome à Constantinople n’est pas anodin. La vieille statue de Pallas était considérée comme une précieuse relique, amenée de Troie par Énée. Elle était conservée dans le temple des Vesta, ce qui confirme son caractère sacré pour les Romains. Mais à la différence de Rome, Constantinople est une capitale chrétienne dont le paysage est marqué par les églises, dont celle des Saints-Apôtres, auprès de laquelle Constantin fit ériger son mausolée.

5. Premier empereur à reconnaître officiellement le christianisme, à l’origine d’une nouvelle dynastie qui reste au pouvoir jusqu’en 363 et fondateur d’une nouvelle capitale en Orient, Constantinople, il est aussi un grand réformateur, ce qui fait de lui l’empereur le plus important depuis Auguste.

Il est ainsi à l’origine de grandes réformes administratives : il fait frapper une nouvelle monnaie d’or (le solidus = le sou), qui restera l’étalon international pendant des siècles. Il revient à une véritable monarchie au niveau central. Au niveau régional, il crée les préfectures régionales du prétoire, réorganisant les circonscriptions de l’administration provinciale. Dans le domaine militaire, il développa l’armée de l’intérieur, le comitat, plus mobile et qui suit l’empereur, contrairement aux troupes stationnées aux frontières (les ripenses). Les comitenses étaient mieux payés que les autres et installés en garnison à l’arrière du limes dans les villes à proximité des arsenaux. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

L’histoire et la géographie, des inventions grecques >>MANUEL PAGE 64

Cette page de documents est destinée à montrer aux élèves que l’histoire et la géographie sont des sciences inventées par les Grecs, dont nous sommes les héritiers directs d’un point de vue culturel. • Doc. 1. Le métier d’historien

Thucydide est considéré comme un des premiers historiens. Dans La guerre du Péloponnèse, il a cherché les causes de l’enchainement des événements en essayant d’adopter une démarche rigoureuse propre au travail de l’historien. Il est le premier à véritablement réfléchir à la méthode historique. • Doc. 2. L’utilité de la géographie

Strabon rédige au début du Ier siècle ap. J.-C., une encyclopédie géographique comportant 17 livres et suivant un plan régional (un livre par région de l’empire romain). Dans le livre I, il expose ses intentions et l’intérêt de sa démarche. • Doc. 3. Le monde selon Strabon

Cette gravure est bien postérieure, mais elle est cependant conforme à la vision des choses de Strabon et à la connaissance de l’humanité que les anciens avaient. ➡➡Réponses aux questions

1. Souvent témoin des événements qu’il rapporte, il est soucieux de restituer le plus exactement possible les discours et les propos entendus (« en m’efforçant de respecter le mieux possible l’esprit de leur discours »). Il évoque aussi sa préoccupation de vérifier ses sources d’information (« j’ai évité de prendre mes informations du premier venu ») : il s’agit donc d’une réflexion sur la fiabilité des informations. Il évoque enfin la divergence de certains témoignages, qui l’amène à réfléchir au statut du témoin, à la subjectivité de celui-ci ou à la recomposition des souvenirs, due à l’éloignement des faits rapportés. Il évoque aussi la difficulté de retranscrire des discours pour être au plus proche de la parole des acteurs politiques. 2. Thucydide accorde, dans la trame de son récit, une place importante à la parole des hommes politiques tel que Périclès, dont la longue oraison funèbre est rapportée au livre III et dont un extrait est dans le manuel, page 55. 3. Strabon s’adresse ici aux hommes politiques en insistant sur l’apport de la géographie pour la gestion des provinces et pour les opérations militaires. Le savoir géographique a donc une utilité politique indéniable. 4. On peut identifier trois continents sur cette représentation du monde : en rose, l’Europe, en jaune l’Asie et en vert l’Afrique. La partie du monde la plus 31

conforme à la réalité est le continent européen, et plus exactement les pays du pourtour méditerranéen : c’est effectivement la partie la mieux explorée et sur laquelle s’étend la domination romaine. La partie orientale de l’Asie est très incertaine, ainsi que la partie méridionale de l’Afrique, dont le contour n’est pas connu. De manière générale, on peut constater que plus on s’éloigne de la mer Méditerranée, moins la maîtrise cartographique est précise, et donc la connaissance géographique très approximative. Mais force est de constater que cette représentation du monde n’a pas été dépassée au Moyen Âge et qu’il faudra attendre le XVe siècle, avec les Grandes Découvertes, pour que la cartographie évolue véritablement.

De la Rome antique à la Rome fasciste >>MANUEL PAGE 65

Ces documents permettent une ouverture visant à montrer aux élèves l’instrumentalisation dont le passé peut faire l’objet. Mussolini arrive au pouvoir en octobre 1922 en Italie et place Rome au cœur de son projet politique. Sa biographe officielle, Margherita Sarfatti, évoque l’amour impétueux de Mussolini dans sa jeunesse pour l’antiquité romaine : « Le visage dur de l’adolescent avait appris à se pencher sur les livres de ses pères : le latin. Et les Mémoires de César, le savoir de Tacite, le poème d’Énée, toute la réalité de rêve de ce village de bandits perdu au milieu des collines du Latium et devenu capitale du monde, donnant au monde lois et santé, le fascinait comme un mythe ». • Doc. 1. Le Colisée de Rome

L’amphithéâtre flavien, plus connu sous le nom de Colisée, construit au Ier siècle ap. J.-C. est le plus grand amphithéâtre de l’Empire et un symbole de l’architecture impériale. C’est là qu’étaient organisés les combats de gladiateurs et les naumachies, spectacles grandioses imposant le recours à une machinerie très sophistiquée. • Doc. 2. Le palais de la Civilisation et du Travail

Cet édifice, connu aussi sous le nom de « Colisée carré » fait partie d’un quartier entier réalisé par Mussolini afin de célébrer le 20e anniversaire de la marche sur Rome. Une grande exposition universelle EUR devait s’y tenir en 1942 et, pour Mussolini, était « destinée à rester, pour les siècles, avec des édifices qui auront la proportion de Saint-Pierre et du Colisée ». Si l’exposition ne s’y est jamais tenue à cause de la guerre, en revanche, restent les édifices du quartier, qui était destiné à devenir un nouveau centre politique, culturel et administratif de Rome. Le « Colisée carré » est le 32

bâtiment le plus célèbre du quartier EUR, emblématique de l’architecture fasciste. • Doc. 3. Mussolini saluant la foule devant la statue de Jules César, 1935, Rome

Il s’agit d’une photo de Mussolini saluant la foule romaine à côté de la statue de Jules César. ➡➡Réponses aux questions

1. Le projet de Mussolini prend forme dans la politique urbanistique qu’il lance pour sa capitale. Il proclame la volonté d’en faire une « Troisième Rome », après celle des empereurs romains et des papes. Les exemples des travaux réalisés sous Mussolini sont nombreux et de deux types : il s’efforça d’abord de remettre à l’honneur les ruines de l’antiquité (le percement de la Via dei Fori Imperiali reliant le Palazzo Venezia, devenu quartier général de Mussolini au Colisée a pour but de libérer les ruines de la Rome antique des vieux quartiers médiévaux). Il fit aussi construire des édifices prestigieux dans un style néo-classique, tel que le palais de la Civilisation et du Travail. Il s’agit d’un cube blanc monumental, réalisé en béton armé pour la structure et en travertin pour l’intégralité du parement, d’où sa couleur blanche et lisse. Il est composé de six niveaux avec neuf arches chacun ; les arches abritent 26 statues représentant les allégories des vertus et des arts. Largement inspiré du Colisée romain, cet édifice n’a cependant jamais été ouvert au public mais a souvent servi de décor de cinéma dès la fin des années 1940. 2. La référence à l’Antiquité romaine se manifeste aussi dans les symboles et les rites adoptés par le fascisme. Le salut fasciste, bras droit levé, paume tendue, est inspiré d’un geste de salutation dans la société romaine. La photo de Mussolini saluant la foule romaine à côté de la statue de Jules César (doc. 3) témoigne de cette inspiration et de la volonté du Duce de se placer dans la continuité des empereurs romains. 3. Les références à la Rome antique furent utilisées par Mussolini pour exalter la grandeur de l’Italie et faire du fascisme l’héritier de l’Empire romain.

Mettez en images votre leçon d’histoire >>MANUEL PAGES 66-67

En fonction des capacités techniques des élèves et de leur motivation, il est possible de les encourager à créer une vidéo. Ils peuvent pour cela utiliser leur smartphone puis des logiciels comme MovieMaker (gratuit sur Microsoft Windows) ou IMovie (gratuit sur Mac dans une version tout à fait suffisante). Le logiciel Audacity (gratuit aussi) permet par ailleurs de travailler la bande son de manière indépendante et d’enregistrer, de jouer, © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

d’importer et d’exporter des données en plusieurs formats. Pour éviter d’utiliser les logiciels fournis par les géants du web (GAFAM), vous pouvez vous tourner vers les outils fournis par Framasoft. Cette association française propose un ensemble d’outils concrets et pratiques sous

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licence libre, sans publicité et créés de manière coopérative. Leur but est de proposer une alternative à tous les services offerts par les GAFAM. Leur outil Framaslide permet de créer des diaporamas. Il n’est pas proposé dans le manuel car, à l’heure où nous l’imprimions, il était encore dans sa version beta.

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Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations > MANUEL PAGES 72-97 ■■ Présentation

de la question

◗◗La Méditerranée médiévale, quel espace, quelle périodisation ?

Traiter du Moyen Âge nécessite forcément une réflexion sur le choix des bornes chronologiques pour délimiter la période. La notion même de Moyen Âge est de plus en plus discutée. Le programme reste cependant dans une acception classique de la périodisation de l’histoire ; cela permet de circonscrire le sujet du chapitre aux XIe-XVe siècles : le XIe siècle correspond au début des avancées chrétiennes en Al Andalous, l’Espagne musulmane, et aboutit à la première croisade en 1095 ; en 1453, date que le programme utilise comme début de la séquence suivante (le chapitre 1 du thème 2), les Ottomans prennent Constantinople et mettent un coup d’arrêt définitif à la puissance byzantine, en déclin sur toute la période. À la fin du XVe, de nouvelles dynamiques émergent entre les grands ensembles politiques et envers les multiples communautés religieuses ; les expulsions des juifs et des musulmans des royaumes ibériques à partir de 1492 en sont le témoin. Durant ces cinq siècles, la mer Méditerranée constitue le cœur des échanges commerciaux. Elle est une zone de confluence humaine entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Il est important de conserver le plus possible cette contextualisation large, en ne se concentrant pas sur les rives de la mer mais en observant cet espace en lien avec les espaces périphériques évoqués. La Méditerranée est non seulement un espace de circulation, mais aussi de coexistence entre trois grands ensembles qui présentent chacun une relative homogénéité, à défaut d’unité, sur les plans politiques, linguistiques, culturels et religieux : l’Occident latin, l’Empire byzantin et les territoires musulmans. ◗◗Des contacts entre des « civilisations » Ce deuxième chapitre du programme invite à analyser et à comprendre les contacts, sous toutes leurs formes, entre trois « civilisations ». La notion de civilisation se comprend ici dans une acception retravaillée depuis le début du XXIe siècle, par Robin Collingwood par exemple (« Ce que ’’la civilisation’’ veut dire », Cités, 2002/4 n° 12). On peut définir la civilisation comme l’ensemble de traits caractéristiques qui permettent de définir © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

des ensembles de populations, d’organisations politiques, d’espaces, à une époque donnée. Cette notion ne fige pas forcément des blocs dans une identité immuable, il faut en effet bien concevoir une civilisation comme un cadre de pensée poreux dans lequel les échanges, les influences extérieures et les métissages sont possibles.

Ces civilisations sont à penser comme des grands ensembles culturels inscrits dans des territoires mais aussi ouverts aux influences extérieures. Le programme évoque à juste raison la présence essentielle en Méditerranée des trois grands monothéismes : juif, chrétien et musulman. On ne peut néanmoins pas limiter la question aux seules oppositions religieuses. Il est important de considérer ces ensembles sous une pluralité de critères incluant le fait religieux mais aussi linguistique, politique et social. La religion est un fait total dans la mesure où il est pleinement intégré dans de nombreuses stratégies économiques et politiques, de la part des communautés qui détiennent le pouvoir comme des minorités qui doivent vivre sous les règles extérieures à leur communauté, comme c’est le cas des juifs en territoires chrétiens et musulmans ou des musulmans vivant en territoires conquis par les chrétiens à partir du XIe siècle (Espagne, Orient). ◗◗Des échanges multiples en Méditerranée Cette question connaît de nombreux renouvellements scientifiques depuis le début des années 2000, autant dans l’analyse des échanges commerciaux ou intellectuels entre les communautés que dans le regard porté aux affrontements militaires, à travers la question des violences en particulier. Les échanges commerciaux ont longtemps été présentés comme un élément pacificateur au milieu de relations très conflictuelles et souvent violentes, caractérisant la période médiévale. Cette analyse est cependant réévaluée dans les études historiques récentes. Les stratégies mises en place par la République de Venise pour se tailler une thalassocratie en Méditerranée en attestent : le commerce peut être un facteur créateur de tensions, voire de conflits. Le dossier documentaire proposé sur Venise met en avant l’ambiguïté existant entre des échanges créateurs de lien social et des enjeux politique et militaire liés aux dominations commerciales. 35

Ces contacts, protéiformes dès le XIe siècle, reposent sur des acteurs et des espaces jouant le rôle essentiel d’intermédiaires. Les marchands, en particulier, sont des passeurs incontournables qui s’inscrivent dans des stratégies sociales qui dépassent largement les limites de leur espace culturel, comme le montre le deuxième dossier documentaire sur le commerce. Les échanges sont très intenses dans certaines grandes villes portuaires (Alexandrie, Acre, Marseille, Constantinople) mais aussi dans les zones de front de conquête, rendues multiculturelles par les vagues successives de domination : la Sicile, sur laquelle un dossier documentaire est proposé, l’Espagne (le grand centre intellectuel Tolède en particulier) ou les États latins d’Orient. À l’intérieur même des villes, certains lieux constituent des points de rencontre et d’échanges entre les différentes communautés : les quartiers de commerce, dans lesquels se côtoient des marchands de toutes origines ainsi que des lieux de loisirs comme les bains. Ces espaces de contact ont été particulièrement mis en avant par les études historiques récentes. Ils constituent des aires de métissage, de construction de nouvelles cultures caractérisées par les mélanges religieux, linguistiques et sociaux. Dans ce cadre, des notions anachroniques sont à éviter comme le concept d’intolérance ou à l’inverse de tolérance, dont les acceptions contemporaines ne correspondent pas à la réalité de sociétés médiévales, inégalitaires par essence et reposant sur des statuts très hiérarchisés, fondés sur les distinctions religieuses (les groupes ne reconnaissant pas le culte en vigueur dans un pays sont considérés comme inférieurs par nature). Cette distinction n’empêche pas des attitudes au quotidien, voire des décisions politiques du pouvoir, qui tendent vers une protection des minorités religieuses : les communautés différentes sont acceptées et leur existence est entretenue par les pouvoirs en place justement parce que leur présence permet de maintenir la hiérarchie statutaire entre les groupes. L’étude consacrée aux Juifs dans l’Espagne chrétienne le montre (p. 86). Enfin, les contacts entre les différentes civilisations peuvent s’avérer violents. Les campagnes militaires ont été étudiées depuis plusieurs décennies et témoignent surtout d’une instrumentalisation du fait religieux par des autorités soucieuses d’affirmer leur autorité (le pape, lors des deux premières croisades par exemple, Saladin se présentant comme le chantre de l’unité des musulmans à la fin du XIIe siècle également). Il est donc important de montrer que les croisades et le jihad comportent une dimension politique forte, dans laquelle le discours religieux n’est qu’une partie des motifs de guerre.

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■■ Bibliographie ◗◗Ouvrages généraux ●●Sur le contexte politique de cette vaste zone géographique :

––Jansen Ph., Nef A. et Picard C., La Méditerranée entre pays d’islam et monde latin (milieu Xe-milieu XIIIe siècle), Sedes, 2000. ––Jehel G., La Méditerranée médiévale de 350 à 1450, Armand Colin, 1992. ––« Atlas de la Méditerranée », L’Histoire, Hors-série, n° 1, 2012. Sur le monde musulman 

●●

––Picard C., Le monde musulman du XIe au XVe siècle, Armand Colin, 2014. ––Edde A.-M., Pouvoirs en Islam : X e-XVe siècle, La documentation française, 2015. ––Garcin J.-C. (dir.), États, sociétés et cultures du monde musulman médiéval, Xe-XVe siècle, PUF, coll. « Nouvelle Clio », 3 vol., 1995-2000. Sur l’occident chrétien

●●

––Kaplan M. (dir.), Histoire médiévale / Tome 2, Le Moyen Âge XIe-XV e siècles, Bréal, 1998. ––Mayeur J.-M., Pietri Ch. et L. (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours. Tome V : Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), Desclée, 1993. Sur l’Empire byzantin 

●●

––Ducellier A., Byzance et le monde orthodoxe, 3e édition, Armand Colin, 2006. ––Laiou A. et Morrison C. (dir.), Le monde byzantin. Tome III : Byzance et ses voisins (1204-1453), PUF, 2001. Sur les communautés juives en Méditerranée 

●●

––Germa A., Lellouche B. et Patlagean E. (dir.), Les Juifs dans l’Histoire, Champ Vallon, 2009. Pour les communautés juives. ◗◗Ouvrages spécialisés ●●Sur les affrontements et contacts violents entre communautés

––Balard M., Croisades et Orient latin : XIe-XVe siècle, 3e édition, Armand Colin, 2017. Sur les croisades en Orient. ––Cahen C., Orient et Occident au temps des croisades, Aubier, 1983. ––Nirenberg D., Neighboring Faiths: Christianity, Islam and Judaism in the Middle Ages and Today, Chicago, Chicago University Press, 2014. Sur les processus de violences en Espagne. ––Maalouf A., Les Croisades vues par les Arabes, J’ai Lu, 1999. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

●●Sur les échanges commerciaux en Méditerranée 

––Malamut E. et Ouerfelli M. (dir.), Les échanges en Méditerranée médiévale : Marqueurs, réseaux, circulations, contacts, PUF, 2012. ––Rüdiger J., « Thalassocraties médiévales : pour une histoire politique des espaces maritimes », dans Abdellatif Rania, Benhima Yassir, König Daniel, Ruchaud Elisabeth (dir.), Acteurs des transferts culturels en Méditerranée médiévale, 2012. ––Jehel G., L’Italie et le Maghreb au Moyen Âge : conflits et échanges du VIIe au XVe siècle, PUF, Oldenbourg Verlag, 2001. ––Picard Ch., La Mer des califes. Une histoire de la Méditerranée musulmane, VIIe-XIIe siècle, Le Seuil, 2015. Pour approfondir les connaissances sur les trois monothéismes ●●

––Attias J.-C. et Benbassa E., Dictionnaire de civilisation juive, Larousse, 1998. ––Attias J.-C. et Benbassa E., Petite histoire du judaïsme, Librio, 2007. ––Corbin A. (dir.), Histoire du Christianisme, Seuil, 2007.

––Chelini J., Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Fayard, rééd. 2010.

––Encyclopédie de l’Islam, Leyde, Brill, 3e éd. en cours d’édition depuis 2007. Disponible en ligne : https:// referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopediede-l-islam/ ––Amir-moezzi M. et Lory P., Petite histoire de l’islam, Librio, 2007. ◗◗Compilations de sources littéraires médiévales

––Guyotjeannin O., Les Sources de l’histoire médiévale, Le Livre de Poche, 1998.

––Gabrieli F., Chroniques arabes des croisades, Sindbad-Acte Sud, 2014. ◗◗Sites internet

––http://classes.bnf.fr/idrisi/ : un site très riche sur les apports culturels de la civilisation musulmane, et en particulier autour de la figure d’al-Idrisi. ––https://www.imarabe.org/fr/decouvrir-le-monde-arabe/ sciences

––https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/sicile/ : un site très fourni sur la Sicile médiévale.

Commentaire des documents et réponses aux questions ■■ Plan

du chapitre

Comme le préconise le programme, le chapitre débute par une présentation des trois grands ensembles de civilisation qui coexistent autour de la mer Méditerranée : l’Empire byzantin, le monde musulman et l’occident chrétien. La leçon souligne en particulier les fractures et l’hétérogénéité qui existent entre eux et au sein de chacun de ces ensembles (cours 1). Ceci permet, dans un second temps, de présenter les affrontements militaires issus des conquêtes chrétiennes, les croisades en Orient et en Espagne, et les ripostes musulmanes, mais aussi les situations conflictuelles produites par ces affrontements, vécues par les communautés chrétiennes, musulmanes et juives (cours 2). Les contacts ne sont pas uniquement conflictuels et le cours s’attache donc, dans un troisième temps, à envisager les autres formes de relations, comme les échanges commerciaux et culturels (cours 3). Le chapitre comprend aussi cinq dossiers documentaires permettant de préciser la grande diversité des contacts autour de la Méditerranée, tout en réalisant des focus sur des acteurs et des espaces au cœur des relations entre civilisations. Le premier dossier propose une étude © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

des affrontements militaires entre chrétiens et musulmans. Il permet de rentrer dans le cœur des logiques de croisade et de djihad. Le deuxième dossier permet d’étudier les échanges commerciaux au sein de l’espace méditerranéen et les contacts commerciaux avec les régions environnantes (Europe du Nord, Afrique, Asie). Le troisième dossier propose une étude originale sur la situation de la communauté juive dans l’Espagne chrétienne. Le quatrième dossier se concentre sur la figure de Bernard de Clairvaux, un clerc au cœur de la deuxième croisade. Le cinquième dossier propose d’étudier en détail la thalassocratie vénitienne. Le sixième dossier propose un regard sur la Sicile, une terre de contact entre toutes les civilisations méditerranéennes.

Ouverture >>MANUEL PAGES 72-73

• Doc. Carte extraite de l’Atlas catalan

Abraham Cresques, cartographe juif majorquin, réalise vers 1375 un ensemble de six portulans représentant le 37

monde, de l’océan Atlantique à la Chine. Cet ensemble de parchemins, appelé Atlas catalan, est une des œuvres majeures d’une école de cartographie très dynamique à Majorque durant le XIVe siècle et jusqu’au début de l’époque moderne. L’auteur lui-même est un témoin des contacts intenses entre communautés en Espagne et des mobilités nombreuses en Méditerranée : issu de la communauté juive de catalogne, il travaille avec des cartographes chrétiens (son fils, lui aussi cartographe, se convertit ensuite au catholicisme) et mène plusieurs voyages en France pour répondre à des commandes du roi Charles V ainsi qu’en Aragon. Il s’agit d’un portulan, c’est-à-dire d’une carte marine. Elle est construite selon les besoins spécifiques des navigateurs. Elle indique tous les ports accessibles ainsi que la direction des vents dominants. Destinée à être tournée selon la direction à emprunter, elle présente des inscriptions permettant une lecture simple sans imposer un sens unique de lecture de la carte. Toutes les écritures sont orientées vers la Méditerranée, élément central de la carte. Le détail et la justesse dans le dessin des littoraux témoigne par ailleurs de la connaissance de cette mer Méditerranée, en comparaison avec les contours moins nets des rives Atlantiques et de la Baltique. Cette carte se veut également extrêmement détaillée dans les indications politiques : les souverainetés sont indiquées par des mentions d’héraldiques (drapeaux). Les capitales et villes royales sont représentées. Pour les élèves, cette cartographie a le mérite d’instaurer dès le début de ce chapitre un contexte plus large que les territoires bordant la Méditerranée : les espaces plus éloignés sont visibles, comme le Nord de l’Afrique (la Nubie notamment), le Proche orient et l’essentiel de l’Europe, jusqu’à la Baltique.

de placer la zone méditerranéenne dans un contexte d’échanges entre l’Europe du Nord, l’Afrique et l’Orient.

La Méditerranée, une zone d’affrontements violents >>MANUEL PAGES 82-83

Cette double page met en lumière les affrontements militaires entre chrétiens et musulmans, mettant en regard les croisades en Orient et les guerres en Espagne liées à la Reconquista. Elle confronte les points de vue chrétien (à travers l’appel à la croisade du pape Urbain II) et musulman (à travers l’appel au djihad de Saladin). Ce dossier permet d’étudier la dimension religieuse dans les justifications des affrontements militaires en Méditerranée. Il met également en avant des figures historiques, les souverains Saladin et Louis IX notamment, comme acteurs centraux de ces affrontements. • Doc. 1. L’appel du pape Urbain II à la première croisade

Il s’agit d’un extrait des chroniques de Foucher de Chartres, Histoire du pèlerinage de Jérusalem, au XIIe siècle, retranscrivant le discours tenu lors du concile de Clermont en 1095 par le pape, appelant les chrétiens d’occident à partir en croisade. • Doc. 2. Affrontement lors de la Reconquista

Nous proposons une illustration de scène de bataille entre armées chrétienne et musulmane. Cette enluminure est tirée du manuscrit du roi d’Aragon Cantigas de Alfonso au XIIIe siècle. • Doc. 3. Le départ en croisade du roi Saint Louis

Repères >>MANUEL PAGES 74-75

Cette double page offre des repères temporels et spatiaux clairs afin de contextualiser la période et la zone étudiées dans ce chapitre. Une frise chronologique permet de souligner les bornes de la période du Moyen Âge étudiée dans ce chapitre : de l’An Mil au début du XIVe siècle. Cette période constitue selon la tradition historique le « Moyen Âge central » ; la page de repères chronologiques replace celui-ci dans le temps long du Moyen Âge. On indique en particulier deux évènements qui marquent profondément les contacts en mer Méditerranée à la fin du Moyen Âge : la prise de Constantinople par les Turcs en 1453 et la prise de Grenade par les rois catholiques espagnols en 1492. La carte, centrée sur la mer Méditerranée, localise les principaux lieux évoqués durant le chapitre, tout en proposant un cadre plus large. L’échelle choisie permet 38

Il s’agit d’une miniature issue du manuscrit Vie et miracles de Monseigneur Saint Louis de Guillaume de Saint-Pathus, chroniqueur du XIVe siècle. Cette enluminure présente le départ en croisade du roi de France Louis IX dans une démarche hagiographique issue de la tradition médiévale des récits de miracles (le souverain est ainsi représenté avec une auréole, sur un fond d’or). • Doc. 4. Saladin appelle au djihad

Ce texte est tiré des œuvres du chroniqueur arabe Abû Shâma, né en 1203 à Damas, auteur du Livre des deux jardins, consacré au règne de Saladin. ➡➡Réponses aux questions

1. Les arguments du pape sont les suivants : le devoir des chrétiens est de porter secours à d’autres chrétiens en danger, sur la demande de Dieu ; la menace des Turcs, de plus en plus pressante et de plus en plus étendue sur tous les territoires chrétiens ; enfin, les combattants obtiendront en échange la rédemption (le pardon de leurs péchés). © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

2. Tous les chrétiens d’occident doivent partir en croisade : le pape appelle les évêques à encourager toutes les catégories sociales (doc. 1), les chevaliers comme les paysans, les riches comme les pauvres. Les souverains eux-mêmes y participent, comme Louis IX (doc. 3). 3. Les symboles religieux visibles sur les images sont la croix du Christ, portée par les soldats, notamment sur les boucliers de croisés (doc. 3) et en étendard (doc. 2), la représentation de la Vierge Marie et du Christ enfant en étendard (doc. 2). La sainteté de la lutte est représentée par l’auréole autour de la tête de Saint Louis (doc. 3). 4. Les musulmans doivent réagir aux croisades en s’armant pour défendre et reconquérir les territoires musulmans, menacés par les invasions chrétiennes. Ils doivent s’unir pour défendre la foi musulmane. 5. Cette question impose la rédaction d’une synthèse pour répondre à la problématique posée : comment la religion légitime-t-elle la guerre entre chrétiens et musulmans ? Du côté des musulmans comme du côté des chrétiens latins, les guerres ont pour origine essentielle des appels lancés par les chefs politiques et religieux : le pape Urbain II appelle les chrétiens d’occident à lancer une croisade en Orient lors du concile de Clermont de 1095 ; le sultan Saladin encourage vivement les arabes musulmans à s’unir pour chasser les chrétiens des territoires qu’il juge appartenir à l’islam. Ces appels doivent localement être relayés par les puissants. Ainsi, les guerres doivent, en théorie, mobiliser tous les fidèles ; le roi de France Louis IX part en croisade entre 1248 et 1254. La religion est donc le facteur permettant d’unifier les combattants venus de territoires variés, mais se mobilisant pour la défense d’une même foi. Les guerres sont justifiées par la nécessité de lutter contre une menace lancée par une autre religion. Les ennemis sont présentés comme des mécréants ou des « infidèles », selon les mots de Saladin. Ces ennemis sont décrits comme des destructeurs et des meurtriers, qui n’ont pour autre objectif que d’anéantir la vraie religion. Ainsi, la lutte contre les mécréants prend avant tout la forme d’un combat pour la défense de sa propre religion. Urbain II, par exemple, met en avant l’appel au secours lancé par les chrétiens d’Orient menacés par les musulmans ; Saladin appelle à repousser la menace grandissante des chrétiens en Orient. Puisqu’ils combattent au nom de leur Dieu, les combattants musulmans et chrétiens se voient promettre des récompenses de même nature : une rémission des péchés, notamment celui de tuer, et une place au paradis.

➡➡Faire un tableau de synthèse Dans l’Occident chrétien

Dans les territoires musulmans

Les personnes appelées à combattre

Les princes et souverains chrétiens et tous les fidèles.

Tous les fidèles musulmans.

Les motifs de la guerre

Venir en aide aux chrétiens d’Orient. Repousser l’avancée des armées musulmanes.

Défendre et reconquérir les territoires musulmans contre les invasions chrétiennes. Réunir tous les musulmans pour défendre la foi musulmane.

La récompense assurée aux combattants

Obtenir le salut de Dieu, c’est-à-dire le pardon des péchés.

Obtenir le salut d’Allah. Obtenir la sécurité en tant que croyant.

Comment considèrent-ils leurs ennemis ?

Les musulmans sont considérés comme des envahisseurs ; ils représentent donc une menace et comme des « païens », donc ne respectant pas la vraie foi.

Les chrétiens sont considérés comme des ennemis envahisseurs et destructeurs, des « infidèles » et « mécréants », donc dans l’erreur religieuse.

La mer Méditerranée, un espace commercial majeur >>MANUEL PAGES 84-85

Cette double page présente les échanges commerciaux, très intenses, et culturels entre les grandes aires de civilisation au Moyen Âge et propose des sources d’une grande diversité (actes officiels, récits de voyage…). L’étude permet de souligner le dynamisme du commerce en Méditerranée, ainsi que les échanges culturels qui s’en suivent. • Doc. 1. Traité entre le sultan mamelouk Qâlâwûn et la République de Gênes (13 mai 1290)

Ce document diplomatique, traduit par l’historien Claude Cahen, présente quelques-unes des mesures prises dans le cadre d’accords commerciaux entre Gênes et le sultan mamelouk d’Égypte à la fin du XIIIe siècle. Ces mesures soulignent à quel point les relations pouvaient être constructives, le sultan octroyant aux marchands génois de larges avantages économiques, à la fois dans le port d’Alexandrie et dans tout le territoire égyptien. • Doc. 2. Contrat entre un marchand marseillais et un marchand égyptien

Il s’agit d’un accord stipulant une reconnaissance de transaction entre un commerçant chrétien de Marseille, Bernard de Manduel, et un marchand d’Alexandrie, Alfaquin. D’une grande richesse, ce texte donne à voir les transactions financières parfois complexes, reposant sur la confiance, entre des acteurs économiques issus de deux aires culturelles différentes. • Doc. 3. Dinar, monnaie d’or frappée dans la ville d’Acre au milieu du XIIIe siècle

Ces pièces de monnaie utilisées dans les transactions au sein de cette ville des États latins d’Orient est aussi © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

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appelée « besant » par les chrétiens. L’objet représente parfaitement les échanges et mélanges culturels qui ont lieu dans une ville très cosmopolite comme Acre. En effet, la croix chrétienne frappée au centre de la pièce est associée à des inscriptions en arabe. • Doc. 4. Les routes commerciales en Méditerranée

Cette carte présente les principaux axes commerciaux qui traversent la Méditerranée, mais également ceux qui relient cette zone aux espaces voisins : l’Europe du Nord, l’Afrique, l’Orient. La carte souligne l’intégration des espaces méditerranéens dans des circuits commerciaux plus vastes, permettant de faire circuler des marchandises d’Asie (épices, soie) jusqu’en Europe du Nord (tissus, bois, par exemple). • Doc. 5. Le commerce dans les États latins d’Orient

Ce texte est un témoignage d’une grande richesse, livré par le voyageur arabe de la fin du XIIe siècle, Ibn Jubayr (ce texte est tiré de son œuvre traduite sous le titre Voyages). Lors d’un pèlerinage à La Mecque, Ibn Jubayr fait étape à Acre ; il dépeint une ville extrêmement vivante, tirant sa richesse des va-et-vient permanents de marchands originaires de tous les espaces méditerranéens, mais aussi d’Orient. La ville elle-même est un monde d’échanges commerciaux et culturels intenses, ce qui va de pair avec une organisation stricte (caravansérails pour chaque communauté, douanes) permettant la cohabitation entre les communautés. ➡➡Réponses aux questions

1. Les acteurs du commerce méditerranéen sont des cités marchandes italiennes : Gênes, Venise, Pise, les souverains des territoires musulmans (le sultan mamelouk par exemple), des marchands issus des grands ports de toute la Méditerranée (Marseille, Alexandrie, Acre, par exemple), les marchands caravaniers qui traversent les territoires musulmans depuis l’Afrique ou l’Asie (évoqués par Ibn Jubayr dans le doc. 5) et l’administration des ports marchands, les douanes en particulier. 2. Acre est un port de l’est de la Méditerranée, situé dans les États latins d’Orient, territoires chrétiens enserrés dans les territoires musulmans. 3. La pièce présente un symbole chrétien, la croix, entourée d’inscriptions en arabe. 4. Les pouvoirs chrétiens et musulmans se montrent très conciliants vis-à-vis des marchands étrangers : mise en place d’avantages et exonérations selon des alliances avec un État, accueil dans des zones spéciales du port. L’objectif est de favoriser les échanges commerciaux tout en contrôlant les entrées et sorties des populations étrangères. 5. Le contrat lie un marchand marseillais, Bernard de Manduel et un marchand égyptien, Alfaquin. Il stipule un achat par Alfaquin d’épices et plantes venues d’Asie. Cette transaction s’est effectuée à crédit. Le texte est une reconnaissance du montant qu’Alfaquin doit rembourser à Bernard de Manduel. Nous notons aussi l’intervention

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d’un intermédiaire à Ceuta (au Maroc), peut-être un intermédiaire traducteur. 6. Cette question impose la rédaction d’une synthèse pour répondre à la problématique posée : comment le commerce en Méditerranée contribue-t-il à pacifier les relations entre chrétiens et musulmans ? Des acteurs d’origines diverses, de religions différentes nouent des contacts très étroits en échangeant des marchandises : les marchands se lient par des contrats commerciaux, qui les engagent financièrement, comme c’est le cas pour le marchand musulman égyptien Alfaquin et le marchand chrétien de Marseille Bernard de Manduel. Ces liens juridiques sont censés éviter des conflits et des violences entre les individus en cas de marchandises perdues ou non payées. Ces contrats imposent aussi aux marchands d’accorder leur confiance aux autres, quelle que soit leur origine ou leur foi. Ainsi Alfaquin scelle un contrat avec Bernard de Manduel par une promesse « de bonne foi ». Les États signent entre eux des traités diplomatiques pour favoriser les échanges commerciaux. Ces accords dépassent les clivages religieux et politiques. Le sultan égyptien Qalâwûn accorde, par exemple, de nombreux privilèges à la République de Gênes en faveur de leurs marchands. Dans les grands ports en particulier, les rencontres et les échanges quotidiens sont intenses entre des individus musulmans, chrétiens orthodoxes et chrétiens d’Occident venus de pays très différents. Dans ces lieux s’opèrent même des mélanges culturels : dans la ville d’Acre par exemple, port chrétien situé sur le littoral des États latins d’Orient, les monnaies frappées au XIIIe siècle présentent des inscriptions en arabe tout en maintenant le symbole de la croix chrétienne. ➡➡Mettre en récit 

Les éléments de réponse à la question 6 peuvent constituer les bases de la lettre à rédiger. Il faudra mettre en avant les échanges économiques, les accords juridiques passés par les marchands et les échanges culturels. Il serait intéressant de situer l’action de ce marchand à Alexandrie, lieu de privilèges pour les génois (doc 1). La présentation doit reprendre les grands codes du genre épistolaire : date et lieu de rédaction en entête, formule d’adresse au destinataire (« Cher… »), formule de politesse finale et signature.

Les juifs : une minorité dans l’Espagne chrétienne >>MANUEL PAGE 86

Cette page permet d’étudier plus précisément la situation de la communauté juive dans l’Espagne reconquise par les rois chrétiens, en particulier en Castille durant © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

le règne du roi Alphonse X, souverain du XIIIe siècle, ouvert aux apports culturels musulmans mais aussi très actif dans la codification des relations entre les communautés de son royaume. • Doc. 1. Partie d’échecs entre un juif et un musulman, vue par des chrétiens

Cette miniature est issue du Livre des jeux dont la rédaction a été demandée par Alphonse X en 1283. C’est un ouvrage qui recense de nombreux jeux de société, essentiellement inspirés des arabes. Un juif, reconnaissable à son chapeau aux larges bords et un musulman, portant un turban, jouent ensemble aux échecs. Cette image met en scène un idéal de cohabitation pacifique et d’échanges entre les différentes communautés religieuses, et la bonne intégration des juifs dans des activités sociales, comme les jeux. Il ne s’agit là que d’une vision que le souverain cherche à diffuser ; il convient donc bien de relativiser les analyses angéliques que les élèves pourraient développer. Les cohabitations entre communautés religieuses oscillent entre conflits et relations pacifiques selon les époques et selon les régions. • Doc. 2. La législation du roi de Castille Alphonse X sur les juifs

Ce texte législatif émane du grand Code mis en place par le même souverain, la loi dite des « Sept parties » (Siete Partidas). Ce texte contient de nombreuses mesures contraignantes envers les juifs du royaume, les excluant des fêtes chrétiennes par exemple. Le but de ces lois est de maintenir une distinction claire entre les communautés. Il faut se garder de parler de tolérance ou d’antisémitisme, notions anachroniques et inexactes pour la situation présente : ces lois ont pour vocation première de délimiter des statuts clairs entre juifs et chrétiens, afin d’entretenir une coexistence et un équilibre, souvent précaire, entre les communautés. Les lois maintiennent, par exemple, l’existence des synagogues en nombre constant. ➡➡Réponses aux questions

1. L’objectif de la loi d’Alphonse X est de fixer les Juifs dans le royaume, tout en leur réaffirmant la possibilité qui leur est accordée de respecter leurs préceptes religieux (loi I). Le souverain maintient les synagogues existantes pour le culte juif. Si aucune nouvelle synagogue n’est autorisée, celles qui existent déjà doivent être entretenues (loi IV). 2. Les lois interdisent aux juifs de se mêler à la vie des chrétiens et de tisser des liens d’amitié avec eux : interdiction de participer aux fêtes religieuses chrétiennes (loi II), ou aux repas organisés par des chrétiens (loi VIII). Les lois interdisent également le prosélytisme (lois I et VII). 3. L’image représente un juif, reconnaissable à son chapeau aux larges bords, et un musulman portant un turban qui jouent ensemble aux échecs. Cette image laisse © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

penser que les communautés se côtoyaient et échangeaient régulièrement de façon pacifique. 4. Dans une petite réponse rédigée et organisée, on attend les éléments suivants : – des communautés bien intégrées : idéal de cohabitation pacifique, de dialogue, à travers l’image du partage d’activités ; – des communautés tolérées (acceptées, sans toutefois avoir les mêmes droits), mais tenues à l’écart : maintien du culte juif avec ses lieux de culte, mais interdits sociaux nombreux (interdiction de se mêler aux fêtes chrétiennes, de nouer de relations amicales avec les chrétiens). Par peur du mélange, de la conversion des chrétiens au judaïsme, les juifs sont acceptés mais clairement distingués des chrétiens, par leurs vêtements par exemple (cf. rouelle jaune portée par les juifs en France et en Aragon).

Bernard de Clairvaux et la deuxième croisade >>MANUEL PAGE 87

L’étude de la figure de Bernard de Clairvaux est un point de passage inscrit dans le programme officiel. Cette page souligne le rôle de ce clerc dans le lancement de la deuxième croisade, ainsi que dans la constitution d’un ordre de moines soldats, les Templiers, qui joue un rôle essentiel dans les États latins d’Orient. Une infographie présente les grandes dates de la vie de Bernard de Clairvaux. L’ordre du Temple (dont les membres sont appelés les « Templiers ») est fondé par un noble champenois parti en pèlerinage au début du XIe siècle. Il est reconnu officiellement sous le nom de « milice des pauvres chevaliers du Christ et du temple de Salomon » en 1120 (lors du concile de Naplouse), car le roi de Jérusalem lui donne une partie du palais appelé alors (à tort) le temple de Salomon. Dès les débuts, tous les membres font vœu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance (vœux habituels dans les ordres réguliers) ainsi que celui de protéger les pèlerins. Une règle propre leur est donnée en 1129 à la suite du concile de Troyes, le nom consacré devient alors « ordre du Temple ». • Doc. 1. Les Templiers partant au combat

Cette fresque de la chapelle du monastère de Cressac en Charente, de 1170, présente des moines sortant de leur forteresse, avec leur équipement de chevalier. Cette scène est associée à la bataille de la Bocquée (plaine de la Bekaa) en 1163, non loin du Krak des chevaliers. • Doc. 2. Les recommandations de Bernard de Clairvaux aux Templiers

Bernard de Clairvaux participe en 1129 à la rédaction de la règle du nouvel ordre monastique des Templiers à 41

la demande des moines. Il adosse à ce texte un long discours appelé De laude novae militiae (De l’éloge de la nouvelle milice) définissant le rôle sacré des moines en Terre sainte. Deux buts sont définis par Bernard de Clairvaux : protéger militairement les lieux saints chrétiens en Terre sainte et tuer les ennemis des Chrétiens. ➡➡Réponses aux questions

1. Les personnages représentés sont des moines templiers, équipés comme des chevaliers car ils partent combattre les armées musulmanes.

2. Bernard de Clairvaux explique que la violence est portée contre les musulmans. Or ces derniers sont jugés comme œuvrant pour le mal, ne respectant pas Dieu. La violence serait perpétrée pour la défense des chrétiens, par la volonté du Christ lui-même. 3. Les croisés agissent au nom de Dieu ; on leur promet donc le salut de leur âme s’ils sont tués lors des combats, c’est-à-dire le paradis. On leur promet même le statut de défenseur des chrétiens.

4. Bernard de Clairvaux est l’un des instigateurs de la deuxième croisade. Il relaie l’appel du pape à partir en croisade devant l’abbaye de Vézelay en 1146. Il parvient à convaincre le roi de France à partir en croisade. Enfin, il est à l’origine de la fondation de l’ordre des Templiers, constitué pour défendre la Terre sainte.

5. Pour la réalisation de l’exposé, il faudra d’abord rappeler ce qu’est l’Église et qui sont les acteurs qui interviennent lors de cette croisade.

Quelques conseils d’organisation : – en groupes relativement restreints (2 à 3 élèves), les élèves doivent partir des documents de la page du dossier (p 87), ainsi que sur les pages 82-83 ; – les recherches sur Bernard de Clairvaux, le pape et l’ordre des Templiers doivent se poursuivre au CDI, en bibliothèque ; – la présentation peut s’appuyer sur un diaporama qui reprend le plan : une page par sous-partie. On y présente des documents iconographiques (cartes, enluminures…) mais très peu de texte : seulement quelques mots-clés ; – à l’oral, veiller à répartir équitablement la parole : chaque sous-partie peut être prise en charge par un élève différent.

Venise, grande puissance méditerranéenne >>MANUEL PAGES 88-89

Le dossier présente une étude imposée par le programme sur Venise, grande puissance maritime et commerciale. Il s’agit, à travers des documents de natures variées, de comprendre les caractéristiques de la thalassocratie mise en place par la cité des Doges en 42

Méditerranée à partir de la fin du XIe siècle. Une chronologie, reprenant les jalons historiques essentiels de cette période, est proposée. • Doc. 1. Accord entre l’empereur byzantin et Venise (1082)

À la suite d’une campagne de conquête menée contre Byzance par les Normands de Sicile au nord de la Grèce (prise de Dyrrachion en 1081 par Robert Guiscard), l’empereur Alexis Comnène sollicite l’aide de Venise pour repousser la menace normande. En échange, la cité italienne obtient un statut privilégié défini dans un chrysobulle, c’est-à-dire un décret d’une très haute valeur juridique. De nombreux avantages commerciaux et diplomatiques sont accordés par l’empereur byzantin à Venise. • Doc. 2. Une vision de Venise

Cette miniature peinte est extraite d’une édition du début du XVe siècle du Livre des merveilles de Marco Polo. Au-delà de quelques représentations oniriques comme les lions au premier plan à gauche (symboles de la cité), la scène montre une circulation intense sur la mer. On voit notamment le palais des Doges (en haut à gauche) paré de statues de chevaux en bronze, volées lors du sac de Constantinople en 1204. • Doc. 3. Le réseau commercial de Venise au XIIIe siècle

Cette carte localise les sites de présence vénitienne tout autour de la méditerranée : – les possessions (en orange) sont des territoires contrôlés pleinement par Venise ; la cité des Doges appuie sa domination commerciale sur un ensemble de ports dans lesquels elle possède des avantages très importants (des quais, des bâtiments d’accueil, des exonérations de taxes douanières parfois) ; – les comptoirs, répartis sur tout le pourtour de la Méditerranée et jusqu’au Nord de la Mer Noire, sont des ports dans lesquels Venise possède des installations (quais, entrepôts) et des avantages financiers. • Doc. 4. Accord entre les barons francs de Syrie et Venise (1123)

Ce texte est extrait des chroniques de l’archevêque de Tyr, Guillaume de Tyr. Il présente une concertation entre les grands seigneurs du royaume chrétien de Jérusalem et Venise. L’intervention militaire de cette dernière est obtenue pour mener des batailles contre des cités côtières. La puissance militaire vénitienne est clairement reconnue. En contrepartie de cette aide, Venise obtient des avantages très importants dans les villes reconquises. • Doc. 5. Le pillage de Constantinople par les croisés (1204)

Le texte de Robert de Clari, acteur du pillage de la capitale byzantine, en souligne les motifs économiques © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

et met l’accent sur le rôle moteur de Venise, qui s’octroie la moitié du butin. ➡➡Réponses aux questions

1. Les avantages commerciaux recherchés par Venise sont : – des revenus financiers (par exemple : 20 livres par an, données par l’empereur, distribuées aux églises vénitiennes à Constantinople) ; – le contrôle et l’usage exclusif de quartiers entiers de villes portuaires, sous forme d’entrepôts et de quais de déchargement (ex : quartier de Perama à Constantinople), voire de rues avec leurs églises et bains (dans les États latins d’orient). Cela permet de se constituer des comptoirs, c’est-à-dire des territoires concédés à Venise pour l’usage commercial par la puissance à qui appartient le port ; – l’autorisation de commercer librement, donc d’être totalement exonéré des taxes et droits de douane, dans les États latins d’orient et dans tout l’Empire byzantin. 2. Venise s’affirme comme l’allié protecteur de l’Empire byzantin sur le plan militaire en intervenant à la fin du XIe siècle. Cependant, en 1171, l’Empereur byzantin tente de diminuer l’influence de Venise sur son territoire et exclut les marchands vénitiens. Les relations se tendent et cela conduit en 1204 à une campagne de représailles organisée par Venise : le sac de Constantinople par les croisés et le pillage de ses richesses. 3. Venise est à la tête d’un vaste réseau de ports commerciaux sur tout le pourtour de la Méditerranée, obtenu grâce à sa puissance militaire : des navires de combat, les galères, sont chargés d’escorter les bateaux de commerce. Cette flotte militaire est l’une des plus puissantes de Méditerranée, capable de mener les croisés dans une conquête contre Constantinople en 1204. 4. Pour répondre à la problématique, les éléments suivants sont attendus : – une flotte militaire très puissante capable de protéger les navires marchands et de mener des guerres ; – la puissance militaire permet de nouer des relations diplomatiques avec les États latins d’orient et surtout avec l’Empire byzantin, et ainsi d’obtenir des avantages commerciaux ; – la cité marchande se constitue un vaste réseau commercial tout autour de la Méditerranée : comptoirs, colonies. ➡➡Réaliser un diaporama

Le diaporama doit être clair et donc simple : une page pour l’introduction, puis une page par sous-partie. La première page doit être consacrée au titre de l’exposé : « Venise, une grande puissance en Méditerranée »), suivi de la problématique. Une page doit être consacrée à l’introduction dans laquelle il faut localiser Venise et définir ce qu’est une « thalassocratie ». © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Dans chacune des pages suivantes, on présente des documents iconographiques (cartes, enluminures…) mais très peu de texte : seulement quelques mots-clés. Les élèves doivent partir des documents de la page du dossier (p. 88-89). Les recherches doivent se poursuivre au centre de documentation, en bibliothèque. Les ressources sur internet peuvent être mobilisées (site de l’office du tourisme de Venise : https://www.venise.net/ histoire).

La Sicile, un carrefour entre les civilisations en Méditerranée >>MANUEL PAGES 90-91

La Sicile est un espace de contacts très intenses entre les différentes civilisations de Méditerranée, puisqu’il s’agit d’un ancien territoire musulman puis byzantin, conquis par une dynastie normande, donc catholique d’occident et reconnue par le pape. À partir du XIe siècle, elle est une terre sur laquelle se côtoient des populations arabes musulmanes, juives, chrétiennes orthodoxes et latines (notamment des Normands et des Lombards). Une chronologie, en ouverture de ce dossier, met en avant les grandes étapes des changements politiques jusqu’à l’arrivée des Normands. Elle souligne aussi la persistance de tensions, qui prennent parfois la forme de flambées de violences, entre les communautés. Si de nombreux échanges et métissages existent en Sicile, la bienveillance des rois chrétiens vis-à-vis des musulmans est fluctuante selon la situation globale du royaume. • Doc 1. Roger II couronné roi de Sicile par le Christ

Cette mosaïque, construite au XIIe siècle pour l’église de la Martonara à Palerme, présente le roi normand, catholique, couronné par le Christ selon des codes artistiques byzantins : fond d’or, imposition directe de la main du Christ sur la couronne royale, dédicace royale (« Rogerios Rex ») en langue latine mais en lettres grecques. • Doc 2. Un voyageur arabe à Palerme

Ce texte d’Ibn Jubayr, voyageur arabe de la fin du XIIe siècle (tiré de son œuvre traduite sous le titre Voyages), présente un regard positif sur le règne de Guillaume II de Sicile (1168-1189). Les populations musulmanes bénéficient de nombreux droits et de quartiers d’habitation propres. Le royaume de Sicile est dépeint comme une terre de mélanges culturels : les influences arabes sont fortes sur les populations chrétiennes. • Doc. 3. Le manteau de Roger II

Ce manteau royal est une œuvre de broderie et d’orfèvrerie réalisée par des artistes musulmans ou chrétiens 43

travaillant dans les ateliers royaux à Palerme. Ce vêtement témoigne des influences culturelles multiples à l’œuvre dans le royaume de Sicile, du moins à la cour du roi. • Doc. 4. Une administration plurilingue

Cette miniature présente une scène de cour : le roi Guillaume II est à la dictée face à trois notaires représentant la langue grecque, le latin et l’arabe. Les lois du royaume de Sicile et de nombreux actes officiels étaient en effet transcrits dans les trois langues simultanément durant le XIIe siècle. ➡➡Réponses aux questions

1. Cette mosaïque témoigne de l’influence byzantine par l’esthétique de la mise en scène : le Christ couronne le roi en posant la couronne sur sa tête, légèrement penchée. Le fond est d’or ; les inscriptions sont en grec. 2. Le royaume normand de Sicile utilise le grec, le latin et l’arabe dans son administration pour permettre au roi de diriger un territoire occupé par des populations arabes, grecques et normandes, parlant des langues différentes. 3. Roger II se fait réaliser un manteau royal portant des thèmes inspirés de l’Afrique du Nord (présence d’un palmier et d’un chameau) et portant des écritures arabes. Le manteau porte même une mention de la date de création selon le calendrier musulman. 4. La communauté musulmane est tolérée par les rois de Sicile car un nombre important de croyants musulmans sont présents à la cour royale à partir du moment où ils conservent la pratique de leur religion discrète, voire secrète. Hors du palais, les musulmans bénéficient de mosquées, de quartiers d’habitations et de marchés (les souks) propres, ils sont donc acceptés, tout en étant tenus à l’écart des chrétiens. 5. Plusieurs passages du doc. 2 montrent une influence des musulmans sur les chrétiens : le roi lui-même « lit Doc. 1 Influence byzantine (grecque)

et écrit l’arabe » (l. 10) ; « la parure des chrétiennes est celle des femmes des musulmans » (l. 22-23) ; « elles portent en somme toute la parure des femmes des musulmans, y compris les bijoux, les teintures et les parfums » (l. 26-28).

6. Cette question demande de : – présenter les communautés présentes en Sicile ; – montrer comment les souverains normands réutilisent les symboles des différentes cultures dans la représentation de leur pouvoir ; – montrer le rôle des différentes communautés dans l’entourage du roi ; – évoquer les limites de leur intégration. Le tableau de synthèse, ci-dessous, permet de relever et de classer tous les aspects de cette cohabitation de plusieurs cultures sur le territoire sicilien. ➡➡Faire un tableau de synthèse

Voir ci-dessous.

Concevez une évaluation en ligne >>MANUEL PAGES 92-93

Cette activité est conçue avec Google Form. Dans une démarche de dégooglisation d’internet, vous pouvez proposer aux élèves d’utiliser Framaforms, sous licence libre. Il n’est pas utilisé dans le manuel car, à l’heure où nous imprimions, il était encore dans sa version beta. Il est à présent disponible. Faire concevoir des évaluations aux élèves est une stratégie d’apprentissage encouragée par l’état de la recherche en sciences cognitives. C’est le principe du testing. Les utiliser fréquemment favorise l’acquisition du savoir et du savoir-faire.

Doc. 2

Influence musulmane

Doc. 4 Présence du grec parmi les langues de l’administration. Des grecs travaillent comme interprètes pour les rois.

Présence de musulmans à la cour du roi et à son service (ex. : cuisinier). Guillaume II lit et parle l’arabe. Influence musulmane sur les chrétiens  (ex. : les parures des femmes).

Influence normande ou latine

Doc. 3

Représentation artistique des rois sur un mode byzantin : mosaïque, f ond d’or, Christ. Roger II se fait faire un manteau royal portant des thèmes et des écritures arabes. Le manteau porte même une mention de la date de création selon le calendrier musulman.

Le roi est normand, écrit en latin.

Présence de l’arabe parmi les langues de l’administration. Des arabes travaillent comme interprètes pour le roi.

Présence du latin parmi les langues de l’administration. Des italiens ou normands travaillent comme interprètes pour le roi.

Statut des chrétiens

Ils vivent séparément des musulmans.

Statut des musulmans

Ils continuent à exercer leur culte : en secret près du roi, librement dans Palerme : existence de mosquées et appel à la prière.

Présence d’artistes musulmans dans l’entourage du roi (dans les ateliers royaux).

Les emplois administratifs sont ouverts aux musulmans.

Ils vivent dans des quartiers distincts de ceux des chrétiens. Mais ne pas oublier qu’il existe des violences contre ces communautés (cf. repères).

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Chapitre 3  L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » > MANUEL PAGES 98-125 ■■ Présentation

de la question

Le chapitre 3 constitue le chapitre d’entrée dans l’époque moderne selon la périodisation que les élèves auront déjà travaillée. Il s’intéresse à l’élargissement du regard porté sur le monde par les Européens et au basculement des échanges commerciaux, des économies européennes, de la Méditerranée vers l’espace atlantique. L’avancée de l’Empire Ottoman en Méditerranée orientale et dans les Balkans pousse les Européens à rechercher de nouvelles routes commerciales vers l’Asie et stimule un nouvel esprit de croisade. Les explorations maritimes espagnoles et portugaises dans l’Atlantique aboutissent à ce qui sera appelé au XIXe siècle « Les Grandes Découvertes » : la découverte de nouveaux territoires (un continent : l’Amérique), la rencontre de nouvelles civilisations et la mainmise sur de nouvelles richesses, de nouveaux produits. Ce basculement du monde se traduit par la colonisation progressive du continent américain, l’exploitation de ses richesses par les Européens et la destruction des civilisations autochtones. Le commerce entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique se développe : les richesses du « Nouveau Monde » sont envoyées vers l’Europe, qui s’enrichit. Pour faciliter l’exploitation de celles-ci sur le continent américain, les Portugais mettent en place la traite atlantique, bouleversant les économies et la démographie des continents africain et américain. L’augmentation des flux écologiques, migratoires, commerciaux et culturels dans l’espace atlantique constitue une première forme de mondialisation. Pour saisir la densité historique de ce chapitre et des questions historiographiques qu’il aborde et permet de mobiliser (histoire globale, histoire connectée, histoire coloniale, histoire économique et sociale, histoire environnementale, histoire culturelle, histoire des systèmes de représentation…), tout en respectant les cadrages proposés par le programme, nous avons choisi de proposer plusieurs études de documents originaux (en plus de celles imposées par les points de passage et d’ouverture). Il s’agit de laisser aux enseignants le choix le plus large, pour aborder les questions posées par ce chapitre.

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■■ Bibliographie ◗◗Sur les « Grandes Découvertes » et la colonisation de l’Amérique

––Chaliand Gérard, Miroirs d’un désastre – Chronique de la conquête espagnole de l’Amérique, L’Aube, 2005. ––Chaunu Pierre, Conquête et exploitation des nouveaux mondes, PUF, 1991. ––Colomb Christophe, La découverte de l’Amérique. Tomes I et II, La Découverte, 2002. ––Cortés Hernán, La conquête du Mexique, La Découverte, 2007. ––Godinho Vittorino Magalhaes, Les Découvertes XVeXVI e siècle : une révolution des mentalités, Autrement, 1990. ––Gruzinski Serge, La Colonisation de l’imaginaire : Sociétés indigènes et occidentalisation dans le Mexique espagnol (XVIe-XVIIIe siècle), Gallimard, 1988. ––Las Casas Bartolomé, Très brève relation de la destruction des Indes, La Découverte, 2004. ––Lebrun François, L’Europe et le monde : XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, Armand Colin, 1990. ––Léry Jean, Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil, Le livre de poche, 1994. ––Manh-Lot Marianne, Bartolomé de las Casas et le droit des Indiens, Payot, 2005. ––Todorov Tzvetan, La conquête de l’Amérique. La question de l’autre, Seuil, 1991. ––Wachtel Nathan, La vision des vaincus. Les Indiens du Pérou devant la conquête espagnole (1530-1570), Gallimard, « Folio », 1992. ––« Les Grandes Découvertes », La Documentation photographique, n° 6075, février 1985. ◗◗Sur la traite négrière atlantique ––Dorigny Marcel, Gainot Bernard, Atlas des esclavages, Autrement, 2006 ––Pétré-Grenouilleau Olivier, Les Traites négrières. Essai d’histoire globale, Gallimard, 2004.

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◗◗Sur le concept de première mondialisation ––Boumediene Samir, La colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Monde » (1492-1750), Éditions des Mondes à faire, 2016. ––Crosby Alfred W., Ecological Imperialism: the Biological Expansion of Europe, 900-1900, Cambridge University Press, 2004. ––Douki Caroline, Minard Philippe, « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? Introduction », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 54-4bis, n° 5, 2007. ––Grataloup Christian, Géohistoire de la mondialisation : Le temps long du monde, Armand Colin, 2007. ––Gruzinski Serge, Les Quatre Parties du Monde, La Martinière, 2004. ■■ Plan

du chapitre

Le chapitre s’ouvre sur trois leçons. La première s’intéresse aux « découvertes » effectuées par les Européens à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, la deuxième à la colonisation et à l’exploitation du continent américain, la troisième à cette première mondialisation qui émerge dans l’espace atlantique au XVIe siècle.

Viennent ensuite six études de documents, toutes problématisées autour d’une question essentielle posée par le programme. Trois d’entre elles couvrent les points de passage et d’ouverture du programme. La première aborde les questions de navigation et d’exploration qui ont rendu possible ces découvertes et l’élargissement des horizons géographiques des Européens. La deuxième s’intéresse à l’exploitation des richesses en minerais précieux (or et argent) du « Nouveau Monde » et à leur exportation vers l’Europe (premier point de passage du programme). La troisième aborde la question du développement de l’économie sucrière en Amérique et les débuts de la traite atlantique (deuxième point de passage). La quatrième est construite autour de la figure de Bartolomé de Las Casas et de la question du statut des Amérindiens qui fait débat en Europe au milieu du XVIe siècle (troisième point de passage). La cinquième interroge la « rencontre » qui s’opère en Amérique entre les Européens et de nouvelles civilisations, à travers l’exemple de l’empire Aztèque, et en tentant de saisir le regard porté par les autochtones sur la destruction de leur civilisation. La dernière propose de s’intéresser à une question scientifique, culturelle et environnementale : à la circulation des savoirs botaniques entre l’Europe et l’Amérique, à la découverte de nouvelles espèces de plantes et à leur diffusion dans le monde.

Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture de chapitre >>MANUEL PAGES 98-99

• Doc. Amerigo Vespucci découvrant l’Amérique

L’illustration proposée comme document d’ouverture est une gravure de Théodore Galle réalisée d’après un tableau de Jan Van der Straet aux alentours de 1590. On y voit le navigateur florentin Amerigo Vespucci, l’un des premiers explorateurs européens à avoir considéré les terres découvertes par Christophe Colomb en 1492 comme un nouveau continent, mettre pied sur un « Nouveau Monde » représenté dans tout ce qu’il a de plus fascinant. La nature y est luxuriante, les animaux semblent étranges et il se dégage d’emblée un fort sentiment d’exotisme. Le navigateur, tenant en main des instruments de navigation, ainsi qu’une croix (symbole de l’évangélisation) et un drapeau (symbole de la colonisation), est représenté au premier plan, tout juste suivi par deux de ses caravelles, prenant contact avec une femme amérindienne. Celle-ci, nue sur son hamac, évoque une humanité à la fois sauvage, simple et désirable. Les 46

indigènes, représentés à l’arrière-plan évoquent, eux, une représentation tout aussi commune des Amérindiens chez les Européens : celle de barbares et de cannibales, qu’il convient d’évangéliser et de civiliser.

Repères >>MANUEL PAGES 100-101

La première chronologie permet de situer, dans le programme de Seconde, la période couverte par le chapitre qui s’ouvre. La deuxième chronologie propose de mettre en regard le temps long des « Grandes Découvertes », depuis le Moyen Âge, temps de l’expansion de l’Empire ottoman, des premières explorations portugaises dans l’Atlantique, mais aussi de l’apogée de grandes civilisations amérindiennes, et de saisir leurs conséquences jusqu’à l’époque contemporaine (les colonisations espagnoles et portugaises du continent américain ne prennent fin qu’au XIXe siècle). © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

La troisième chronologie invite à situer précisément le déroulé des événements abordés dans le chapitre. La carte de la page 101 permet de mettre en regard les principales explorations maritimes et l’élargissement du monde, des horizons géographiques des Européens.

Explorer les mers lointaines >>MANUEL PAGES 108-109

L’objectif de cette double page est de montrer et faire comprendre aux élèves les conditions de navigation, souvent difficiles, des explorateurs partis à la découverte du monde. Cinq documents sont ici mobilisés. Trois textes (doc. 2, 3 et 5), tous de la même nature (journaux de bord, récits de voyages), rédigés par des acteurs majeurs des principales explorations qui ont permis aux Européens d’élargir leurs horizons géographiques. Deux documents iconographiques viennent compléter ce dossier. • Doc. 1. La traversée du Pacifique avec Magellan

Le document 1 est un extrait d’un manuel de navigation richement illustré, publié par Jacques de Vaulx en 1583 (Les Premières Œuvres) ; il permet de saisir l’importance de la transmission des techniques de navigation et des instruments, qui facilitent les explorations lointaines. • Doc. 2. La traversée du Pacifique avec Magellan

Ce texte d’Antoine Pigafetta est tiré de son ouvrage Navigation et découvrement de l’Inde supérieure et îles de Malucque, publié entre 1526 et 1536. Antoine Pigafetta, membre de l’équipage de Magellan (qui rentrera vivant de l’expédition autour du monde) nous expose les difficultés rencontrées par les marins, en particulier concernant le manque d’eau, de nourriture et les maladies qui les touchent. • Doc. 3. La traversée de l’Atlantique par Vespucci

Le texte d’Amerigo Vespucci (tiré de sa lettre à l’ambassadeur de Florence en France et datant de 1502) permet de saisir l’importance des aléas climatiques. Il invite à questionner aussi ce désir d’aventure et cette soif d’inconnu qui animent les navigateurs partis sur les mers lointaines. • Doc. 4. Une carte du monde au XVIe siècle

Ce planisphère, réalisé par le géographe allemand Martin Waldseemüller, est le premier qui donne le nom d’« Amérique » au nouveau continent découvert par Christophe Colomb quinze ans plus tôt. Il permet d’interroger, dès le début du XVIe siècle, les effets des découvertes sur la représentation du monde des Européens et la médiatisation de celle-ci à travers des documents nombreux. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

• Doc. 5. La traversée de l’océan Indien avec Vasco de Gama

Le document 5 est un extrait de la Relation anonyme du voyage de Vasco de Gama, attribuée à Alvaro Velho (membre de l’équipage), datant de 1499. Il permet de saisir l’importance du contact avec les populations locales lors des cabotages le long des côtes africaines et du rôle des « pilotes » dans la navigation. ➡➡Réponses aux questions

1. Les trois voyages évoqués par les documents sont ceux de Vasco de Gama (doc. 5), explorateur portugais, qui en 1598 est le premier navigateur à contourner le continent africain par le cap de Bonne Espérance pour relier les Indes et la côte de Calicut. Le second voyage (doc. 3) est celui réalisé par le navigateur florentin Amerigo Vespucci, qui en 1501, se lance pour le compte de l’Espagne sur les traces de Christophe Colomb en empruntant la route de l’Ouest et en traversant l’Atlantique. Il est l’un des premiers à comprendre que les terres découvertes sont un nouveau continent.

Le troisième voyage présenté est celui de Fernand de Magellan et de son second, Sebastian Elcano. Partis en 1519, ils entreprennent de faire le premier tour du monde en cherchant un passage au sud de l’Amérique (aujourd’hui appelé détroit de Magellan). Magellan meurt au cours du voyage, mais les survivants de son équipage parviennent à rallier Séville en 1522, après avoir réalisé le premier voyage autour du monde. 2. Ces voyages s’inscrivent dans le vaste mouvement d’exploration qui débute à la fin du XVe siècle et se poursuit tout au long du XVIe siècle. Elles s’accompagnent d’une volonté de mieux connaître le monde et d’enregistrer les découvertes réalisées dans des documents scientifiques (cartes, plans, planisphères, portulans…) destinés à être diffusés dans toute l’Europe. Ces documents permettent aux Européens d’élargir leurs horizons géographiques et de mieux connaître le monde. On le voit sur le planisphère de Martin Waldseemüller : le monde, centré sur l’Europe, s’élargit, semble s’étendre à ses marges. Le continent américain (représenté de manière encore partielle) apparaît pour la première fois en tant que tel ; les côtes asiatiques, dessinées elle aussi de manière encore hésitante, tendent néanmoins à préciser leurs contours.

3. Les documents 2 et 3 nous permettent de saisir les difficultés rencontrées par les navigateurs et leurs équipages. Antoine Pigaffetta (membre de l’équipage de Magellan) fait état des difficultés liées au manque de nourriture, à l’absence d’eau potable et salubre sur le navire et aux maladies qui touchent les marins (comme le scorbut). La longue traversée de l’océan Pacifique et l’impossibilité, pour l’équipage, d’accoster et donc de se ravitailler pendant plusieurs mois constitue l’un des principaux défis rencontrés par les navigateurs lors de cette 47

expédition. Amerigo Vespucci évoque, lui, les conditions météorologiques qui peuvent poser problème aux marins (pluie, tempête, vents, mer agitée…). 4. Les instruments de navigation tels l’astrolabe, le quadrant (présentés dans le document 3) la boussole, les portulans ou encore le nocturlabe (qui permet de mesurer le temps en fonction de la position des étoiles et de calculer les marées) présenté dans le document 1 sont autant de moyens qui permettent aux marins de se repérer et de s’orienter dans l’espace, sur des mers inconnues et souvent hostiles. Ils permettent aux navigateurs de trouver une direction, d’effectuer des calculs pour repérer leur position dans l’espace, d’identifier les courants marins, de trouver un port d’escale et facilitent donc leurs explorations. 5. Le document 5 nous montre l’importance jouée par le « pilote » sur les navires. Il s’agit ici d’un pilote indigène, donné en cadeau par le roi du Kenya pour aider Vasco de Gama à rallier la côte de Calicut. Ce pilote, qui connaît les côtes, les routes maritimes à emprunter, les ports d’escale, aide les navigateurs à s’orienter sur des mers qu’ils ne connaissent pas et est aussi en mesure de faire le lien, une fois à terre, avec les nouvelles populations rencontrées. 6. L’élève doit ici rédiger un texte argumenté et structuré reprenant les informations qu’il a déjà prélevées dans les documents pour répondre aux questions précédentes. En introduction : reprise du contexte des « Grandes Découvertes » (motivations, déroulement, développement des explorations maritimes et acteurs de celles-ci), problématisation (« Quelles sont les conditions de navigation des explorateurs qui partent à la découverte du monde » ?) 1) Des conditions de navigation périlleuses et difficiles – Maladies, manque d’eau et de nourriture (doc. 2) – Conditions météorologiques (doc. 3) 2) De nouveaux outils de navigation au service des explorations maritimes – Des outils de navigation qui facilitent les explorations européennes (doc. 1, 3, et 4) – Un désir d’aventure (doc. 3) – Les intermédiaires qui facilitent l’exploration (doc. 5) Conclure sur le renouvellement de la vision du monde qui découle de ces explorations. ➡➡Mettre en récit

Il s’agit de mettre en récit les informations prélevées par l’élève dans les documents et de rédiger la page du journal de bord d’un navigateur. L’élève peut s’inspirer des trois textes présents dans la double page. Il faut recenser dans les documents trois types d’informations : les difficultés rencontrées par les marins dans leurs voyages, les désirs et les ambitions qui les animent, les moyens techniques qui les aident dans leurs périples. Le cours (p. 102-103) peut aussi être utilisé. Les questions 48

formelles, de rédaction (rédaction à la première personne, mention de la date, structure du récit, soin apporté au style…) peuvent constituer un critère d’évaluation de cet exercice.

L’or et l’argent, des Amériques à l’Europe >>MANUEL PAGES 110-111

Les documents rassemblés dans cette double page sont de natures et de sources très diverses. L’objectif est d’être en mesure de proposer un traitement à la fois large, mais aussi précis et problématisé de ce point de passage obligatoire du programme et de laisser aussi au professeur le choix de pouvoir insister tel ou tel aspect de la question, en fonction du temps qu’il souhaite lui accorder dans son cours. • Doc. 1. Les mines d’argent de Potosi

Le document 1, une gravure de Théodore de Bry (tirée de L’Histoire des Amériques et du Nouveau Monde paru en 1596), permet de saisir l’importance du travail des Amérindiens, exploités par les Européens, dans la mainmise sur les richesses en métaux précieux. La mine de Potosi (Bolivie) représentée ici, est l’une des plus importantes et des plus célèbres mines d’argent exploitées par les Espagnols (on la retrouve dans de nombreuses sources). • Doc. 2. Le mythe de l’Eldorado

Les documents 2 et 4 permettent de saisir l’importance des imaginaires et des représentations, voire des fantasmes, sur la présence d’or en grande quantité en Amérique. Le mythe de l’Eldorado (tiré de L’Histoire générale et naturelle des Indes publiée en 1539 par Gonzalo Fernandez de Oviedo), révèle la puissance des représentations européennes et la vision d’un « Nouveau Monde » aux richesses abondantes. • Doc. 3. Quantité de métaux précieux venus d’Amérique enregistrés à Séville • Doc. 5. Séville, la ville des merveilles

Le document 3 permet de mesurer dans le temps les quantités de métaux précieux (or et argent) arrivés à Séville au cours du XVIe siècle. Le document 5, un extrait de L’Histoire de Séville de Alonso Morgado (parue en 1587) invite à réfléchir sur les conséquences de cet afflux de métal précieux dans les sociétés européennes, et l’enrichissement qui en découle. • Doc. 4. Une vision des Espagnols

Ce document iconographique, tiré de la Nouvelle chronique du bon gouvernement de Felipe Guaman Poma de Ayala (qui affirme descendre de la dynastie inca), invite à réfléchir sur l’image que renvoient les Espagnols aux populations locales. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

➡➡Réponses aux questions 

1. Les Européens se représentent l’Amérique comme un continent riche et mystérieux. Les mythes véhiculés avant et pendant la conquête, tel celui de l’Eldorado, relaté par Gonzalo Fernandez de Ovideo (un mythe qui raconte qu’un roi indigène serait si riche qu’il s’enduirait d’or tous les matins) ou encore celui des Cités d’or (des cités supposément construites en métaux nobles et pierres précieuses) stimulent et accentuent le désir, la volonté des Européens de s’emparer de ces richesses. C’est cette vision d’Européens avides d’exploiter les richesses en métaux précieux du « Nouveau Monde » qui émerge de l’illustration de Poma de Ayala : dans son dessin, l’Espagnol est en effet représenté comme un homme qui ne se nourrit que d’or. 2. Pour exploiter les richesses du « Nouveau Monde », et alors qu’ils ne sont pas encore assez nombreux sur le continent pour le faire, les Européens ont recours au travail des populations indigènes. Ce sont les Amérindiens qui travaillent dans les mines, d’abord comme des esclaves (avant la condamnation de l’Église de cette pratique en 1537), puis souvent par le recours au travail forcé. La gravure de Théodore de Bry montre ces indigènes au travail dans les mines d’argent de Potosi, dans des conditions difficiles. 3. Les flux d’or et d’argent à destination de l’Europe augmentent à la suite de la découverte et de la conquête du « Nouveau Monde ». Pour l’argent, cette augmentation est massive et continue entre les années 1500 et les années 1600. On passe ainsi de 0 tonne arrivant à Séville depuis l’Amérique entre 1500 et 1503, à un début de commerce timide jusque dans les années 1540-1560 (le temps que la domination coloniale et l’exploitation des richesses se mettent en place), puis à une véritable explosion à partir de 1561 et jusqu’à la fin du siècle (4810,7 tonnes d’argent importées d’Amérique à Séville). Pour l’or, la progression est d’abord linéaire et continue : elle passe de 14 118 kg entre 1503 et 1520 à 67 577 kg entre 1541 et 1560. Elle ralentit ensuite. 4. L’afflux de métaux précieux enrichit les sociétés européennes. À Séville par exemple, comme nous le montre Alonso Morgado, l’arrivée de l’or américain semble redynamiser le commerce de la ville. Grâce à lui, de nombreuses « merveilles » sont amenées à Séville pour y être échangées par les négociants de toute l’Europe. Les marchands de Séville, tout comme l’aristocratie, s’enrichissent et construisent des maisons ouvertes vers l’extérieur, aux façades richement décorées, comme pour afficher leur richesse aux yeux des passants. 5. L’élève doit ici rédiger un texte argumenté et structuré reprenant les informations qu’il a déjà prélevées dans les documents pour répondre aux questions précédentes.

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En introduction : rappeler le contexte de colonisation et d’exploitation du continent américain par les Espagnols et les Portugais et problématiser : « comment les Européens se représentent-ils et profitent-ils des trésors de l’Amérique ? » 1) La vision d’un monde riche – Mythes et fantasmes européens (doc. 1) – Des européens perçus comme des prédateurs (doc. 4) 2) L’exploitation des minerais précieux – Le travail des Amérindiens (doc. 1) – L’exportation des richesses vers l’Europe (doc. 3) 3) L’enrichissement des sociétés européennes (doc. 5) – L’afflux de richesses en Europe – La stimulation du commerce européen – L’enrichissement et la transformation des villes européennes (Séville) Conclure sur les effets de la colonisation et de l’exploitation des richesses sur le continent américain. ➡➡Classer des informations dans un tableau

L’élève doit, pour chaque thème proposé dans ce tableau, identifier les documents dont il aura besoin. Il lui faut ensuite sélectionner dans les documents les informations qui lui permettront d’illustrer le thème et de remplir, sous forme de notes synthétiques, le tableau. Documents La vision d’un monde riche

doc. 2

Informations essentielles Mythes et fantasmes des Européens sur les richesses du « Nouveau Monde ». Développement de récits autour de l’existence de l’Eldorado ou des Cités d’Or. Stimulation du désir d’exploration et de conquête par cet espoir de découvrir de grandes richesses.

Les Européens vus par les indigènes

doc. 4

Européens considérés comme avides de richesses. Européens représentés comme des « mangeurs d’or » par Poma de Ayala. Image véhiculée : prédation des richesses.

L’exploitation des minerais précieux des Amériques

doc. 1 doc. 3

Exploitation des mines de Potosi (argent, Bolivie) par les Amérindiens. Recours à l’esclavage, puis au travail forcé. Conditions de travail difficiles. L’exploitation augmente tout au long du XVIe siècle (ce qui permet l’augmentation des transferts vers l’Europe).

Le transfert des richesses vers l’Europe

doc. 3 doc. 5

Flux d’or et d’argent vers Séville en augmentation au cours du XVIe siècle. Augmentation constante et de plus en plus importante (exponentielle) pour l’argent. Ralentissement pour l’or à partir des années 1560.

49

Le développement d’une économie « sucrière » et de l’esclavage dans les îles portugaises et au Brésil >>MANUEL PAGES 112-113

Cette double page interroge le deuxième point de passage obligatoire du chapitre. Il s’agit ici de tenter d’analyser les causes et modalités de la mise en place, à partir du XVIe siècle, d’un nouveau type d’économie sur le continent américain, et avec lui d’un nouveau type de commerce (la traite négrière atlantique). Il s’agit ici d’étudier les prémices, la mise en place de cette économie « sucrière » d’exportation par les Portugais, d’abord dans les îles de l’océan Atlantique qu’ils contrôlent (comme Madère ou Sao Tomé), puis au Brésil. Le manque de maind’œuvre sur le continent américain – la population est décimée par les conquêtes et le choc microbien –, les incite à avoir recours à une main-d’œuvre servile, transportée d’Afrique occidentale (où les Portugais sont déjà bien implantés) vers le continent américain. La généralisation progressive de ce commerce entre l’Afrique et l’Amérique aboutit à ce que l’on appelle la traite atlantique, commerce auquel d’autres puissances européennes viendront participer à partir du XVIe et du XVIIe siècle. • Doc. 1. Une plantation sucrière au Brésil

Ce document nous permet de comprendre l’organisation de ces grandes plantations sucrières organisées par les Portugais dans leur colonie brésilienne. Le tableau réalisé par Frans Prost au milieu du XVIIe siècle permet en effet d’identifier les acteurs et les processus de production. • Doc. 2. La traite atlantique aux XVe et XVIe siècle

Cette carte, centrée sur l’océan Atlantique, permet de montrer les étapes de la mise en place de la traite atlantique aux XVe et XVIe siècles ainsi que les territoires concernés. • Doc. 3. Les principales régions d’arrivée des esclaves (en milliers)

Ce document comptabilise (à partir des travaux réalisés par Olivier Pétré-Grenouilleau dans son ouvrage de référence Les traites négrières. Essai d’histoire globale, paru en 2004) le nombre d’esclaves arrivés sur le continent américain entre le XVIe et le XIXe siècle et permet d’identifier les principales régions d’arrivée des esclaves (et donc les puissances impliquées dans la traite). • Doc. 4. La capture d’esclaves au Sénégal en 1446

Les documents 4 et 5 évoquent tous les deux la capture des esclaves par les Portugais, et permettent de saisir l’évolution des techniques de prédation. Le document 4, tiré de la Chronique de Guinée de Gomes Earnes de Zurara, montre comment, au milieu du XVe siècle, les 50

Portugais capturent eux-mêmes un certain nombre d’esclaves pour les transporter soit à Lisbonne, soit dans les îles de l’Atlantique qu’ils contrôlent. • Doc. 5. La mise place d’un commerce avec les seigneurs locaux

Le document 5, tiré des Voyages en Afrique noire de Alvise Ca’Da Mosto, montre qu’à la même période, les Portugais entrent en contact avec des seigneurs d’Afrique occidentale pour leur acheter des esclaves contre des produits manufacturés, et ainsi témoigne de la mise en place progressive d’un système commercial qui aboutira à ce que l’on connaît sous le nom de « commerce triangulaire ». ➡➡Réponses aux questions

1. Au fur et à mesure qu’ils colonisent l’Amérique (le Brésil principalement), et qu’ils tentent d’en accaparer les richesses en y mettant en place une économie d’exportation de produits exotiques (de sucre en particulier), les Portugais se confrontent au manque de main d’œuvre sur le continent américain (les populations amérindiennes sont décimées par le choc microbien). Ils ont besoin de main d’œuvre pour travailler dans leurs plantations. Déjà implantés (via des comptoirs) sur les côtes d’Afrique occidentale, et alors qu’ils pratiquent depuis le XVe siècle le commerce des esclaves (à destination du Portugal ou des îles qu’ils contrôlent dans l’océan Atlantique – Sao Tomé, Madère), ils parviennent progressivement à faire venir des esclaves depuis les côtes africaines vers leur colonie brésilienne pour les faire travailler dans les plantations. Ce commerce se met en place au XVe siècle, s’accélère au XVIe et se développe jusqu’au XIXe siècle. Au XVIe siècle, c’est au Brésil et dans l’Amérique continentale espagnole qu’arrivent principalement ces esclaves (doc. 3). Les Espagnols ne sont pas directement impliqués dans la traite mais achètent des esclaves aux négriers portugais en Amérique. 2. Les Portugais capturent d’abord eux-mêmes, comme on peut le lire dans le document 4, des esclaves africains sur les côtes du Golfe de Guinée. Les conditions de capture semblent improvisées (et cruelles) et le commerce des esclaves encore peu systématisé. Mais dès le milieu du XVe siècle, certains navigateurs, marchands, mettent en place un système commercial qui implique des intermédiaires locaux… la traite s’organise, et le nombre d’esclaves déportés en Amérique explose. Dans le document 5 on voit Ca’Da Mosto repartir avec cent esclaves, qu’il a achetés au seigneur de Budomel contre des draps, des étoffes et des chevaux. 3. Entre le XVIe et le XIXe siècle, le commerce des esclaves pratiqué par les puissances européennes dans l’océan Atlantique explose. On passe de 789 930 esclaves enregistrés à leur arrivée en Amérique entre les années 1519-157 à 5 682 300 entre 1576 et 1800. Le commerce semble ralentir au XIXe siècle (interdiction de la traite par © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

le Traité de Vienne en 1815) mais il demeure important. Le Brésil est une zone importante d’arrivée des esclaves, tout comme l’Amérique continentale espagnole. Mais à partir du XVIIe siècle, les Antilles, ou l’Amérique continentale britannique deviennent des espaces importants, ce qui souligne le poids grandissant du Royaume-Uni, de la France ou des Pays-Bas dans la colonisation du continent américain à cette période. 4. Olivier Pétré-Grenouilleau avance le chiffre de 9 349 830 esclaves débarqués sur les côtes américaines entre 1519 et 1867. Selon lui, le nombre total d’esclaves partis d’Afrique s’élève à 11 061 800. Cette différence de près de 2 000 000 de personnes s’explique par la très forte mortalité en mer pendant le voyage, qui s’effectue dans des conditions particulièrement difficiles. 5. L’élève doit ici rédiger un texte argumenté et structuré reprenant les informations qu’il a déjà prélevées dans les documents pour répondre aux questions précédentes. Introduire sur l’exploitation des nouvelles colonies par les Européens après la conquête (recours à la main d’œuvre amérindienne avant qu’elle soit décimée par le choc microbien). Problématiser à partir de la question posée : « Comment s’est mis en place un système économique et commercial fondé sur l’exploitation des esclaves africains ? ». 1) Les raisons de la mise en place de la traite négrière : le développement d’une économie sucrière et d’exportation en Amérique (doc. 1) 2) La capture des esclaves sur les côtes africaines (doc. 4 et 5) 3) La mise en place d’un système commercial d’envergure (doc. 2 et 3) Conclure sur le développement de ce commerce au XVIIe et XVIIIe siècles et sur la participation d’autres puissances européennes. ➡➡Réaliser un diaporama

L’élève doit ici réaliser un diaporama, qu’il pourra présenter (seul ou en groupe) à la classe. Il lui faut intégrer les informations prélevées dans les documents de manière synthétique (pour aider à la prise de notes des camarades, ne retenant que l’essentiel). Le plan proposé doit être enrichi de « points » importants à aborder, et illustré par des exemples précis tirés des documents. 1) Les débuts de la traite négrière entre l’Afrique et le Portugal 2) La mise en place de la traite atlantique pour fournir en esclaves les plantations sucrières 3) L’ampleur de la traite du XVIe au XIXe siècle et son bilan humain

Bartolomé de Las Casas et la controverse de Valladolid >>MANUEL PAGES 114-115

• Doc. 1. Les sacrifices humains des Aztèques

La représentation d’un sacrifice humain tirée du Codex Magliabecchi permet d’illustrer la critique virulente de cette pratique effectuée par Sepúlveda dans son livre, pratique « barbare » qui justifie selon lui la soumission et le traitement qui doit être réservé à ces « hommes inférieurs ». • Doc. 2. La violence des Espagnols

Cette gravure de Théodore de Bry, illustrant la version française du livre de Las Casas (publié sous le titre Tyrannies et cruautés des Espagnols en 1598), donne à voir les pratiques cruelles visant les Amérindiens et la violence de la domination espagnole en Amérique. • Doc 3 et 4. Le point de vue de Juan Ginés de Sepúlveda et de Bartolomé de Las Casas sur les Amérindiens

La controverse de Valladolid, qui voit s’affronter dans la ville espagnole du même nom les théologiens Bartolomé de Las Casas et Juan Ginès de Sepúlveda en 1550 à la demande de l’empereur Charles Quint, est souvent présentée comme un événement majeur, un « tournant » dans la prise en compte du sort des populations indigènes par les Européens. Pourtant, si cet événement a été raconté et mis en scène dans des livres d’histoire ou de fiction et médiatisé par des films, aucune source ne témoigne d’un réel aboutissement, d’une décision officielle prise après le débat. Les historiens ne disposent d’ailleurs d’aucun document, d’aucune archive, d’aucune retranscription des débats (dont la tenue est pourtant bien authentifiée). C’est donc à partir de sources « extérieures » à ce débat qu’il faut saisir le rôle joué par Las Casas dans les débats sur la colonisation et le statut des indigènes en Amérique. Les deux acteurs de la controverse ont beaucoup écrit, avant celle-ci, pour présenter leur vision de la colonisation espagnole du continent américain : Juan Ginès de Sepúlveda publie en 1544 Des justes causes de la guerre (doc. 3), ouvrage qui justifie la conquête et la colonisation de l’Amérique par les Espagnols et, avec elle, la soumission des peuples autochtones. Bartolomé de Las Casas publie, lui, en 1552 sa Très brève relation de la destruction des Indes (doc. 4), ouvrage dans lequel il dénonce avec vigueur le traitement des Amérindiens par les colons espagnols, sans pour autant remettre en cause le processus de colonisation et d’évangélisation du continent américain. ➡➡Réponses aux questions 

1. Juan Ginès de Sepúlveda considère les Amérindiens comme un peuple, une civilisation inférieure et le statut qui doit leur être accordé ne peut pas être le même, selon © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

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lui, que celui des Européens. Il les qualifie « d’hommelets », d’hommes « médiocrement humains ». En réponse à ce statut, aucun droit ne doit leur être spécifiquement accordé par l’empereur ; seule leur soumission s’impose. Pour Bartolomé de Las Casas, les Amérindiens appartiennent à l’humanité ; ils sont, selon lui, des créatures de Dieu et méritent donc le même respect et le même statut que les Européens. En cela, ils ont droit à la liberté, à la propriété et au respect. Mais ils doivent néanmoins être évangélisés de manière pacifique. 2. Le jugement porté par Sepúlveda sur les civilisations amérindiennes est sévère. Pour lui, les indigènes ne connaissent ni l’art ni la science, ne disposent pas de lois écrites, ignorent la propriété et la religion. La pratique du sacrifice humain chez les Aztèques (doc. 1) illustre selon lui cette « barbarie » des Amérindiens et leur refuse tout accès à la « civilisation ». 3. À l’inverse, Las Casas considère que la « barbarie » est du côté des Espagnols. Il énumère dans l’extrait du texte retranscrit dans le document 4 les qualités des civilisations amérindiennes (leur organisation politique, par exemple). Face à eux, les conquistadores et les colons espagnols sont présentés comme des prédateurs, des hommes sans scrupule, assoiffés de richesses et à la cruauté sans borne. Cette cruauté est illustrée par la gravure de Théodore de Bry (doc. 2) : on y voit des Espagnols frapper, pendre et immoler des Amérindiens (hommes, femmes, enfants) dans une représentation très réaliste et saisissante. 4. Introduire sur la violence de la domination et de l’exploitation du « Nouveau Monde » et de ses habitants par les Espagnols. Présenter brièvement Las Casas grâce à sa biographie. Problématiser à partir de la question posée : « Quel rôle joue Bartolomé de Las Casas dans les débats sur la colonisation et le statut des Indigènes ? » 1) La dénonciation des violences coloniales par Las Casas 2) Un plaidoyer pour la défense des populations amérindiennes et pour leur évangélisation 3) Le débat avec Sepúlveda : la controverse de Valladolid. Conclure sur l’absence de réelle décision à l’issue de la controverse. ➡➡Rédiger une biographie

L’élève doit ici rédiger une biographie problématisée de Las Casas. Cet exercice permet de se confronter à ce genre, et de réfléchir sur les choix qui s’imposent dans la narration de la vie de tel ou tel personnage. L’élève doit pouvoir s’aider de la biographie (très synthétique) de la page 114 pour amorcer son travail. La problématique du dossier doit aussi l’aider à orienter son récit de la vie de Las Casas. Enfin, les élèves peuvent faire des recherches personnelles pour compléter cette biographie. Trois étapes peuvent ensuite être suivies pour rédiger la biographie : 52

1) Las Casas, un missionnaire en Amérique – Son parcours d’homme d’Église – Les ambitions de son départ pour l’Amérique – La manière dont il entend convertir les populations amérindiennes 2) Las Casas, défenseur des Amérindiens et pourfendeur des excès de la colonisation espagnole – Le regard porté par Las Casas sur les Amérindiens – Sa critique du comportement des colonisateurs espagnols – Les droits qui méritent d’être accordés aux indigènes 3) Las Casas, acteur de la controverse de Valladolid et contradicteur de Sepúlveda – Le cadre de la controverse – Les positions de Sepúlveda concernant les Amérindiens – La médiatisation de ce débat à travers l’Europe – L’absence de décision officielle concernant le statut des Amérindiens

La rencontre des mondes : les Aztèques face à la conquête espagnole >>MANUEL PAGES 116-117

• Documents

Cet ensemble documentaire interroge la manière dont les Aztèques ont perçu la conquête et la destruction de leur civilisation par les Espagnols (Hernan Cortès soumet l’empire aztèque en 1521). Elle rassemble des sources iconographiques tirées des codex, ces livres richement illustrés que les Aztèques produisaient avant la conquête. De ces sources, il ne reste majoritairement que les codex coloniaux, rédigés après les conquêtes espagnoles, recopiés, illustrés par des artistes espagnols, mexicains ou métisses, mais souvent commandés par les vainqueurs. Ces sources, quoique reconstruites, permettent néanmoins de s’intéresser au regard des populations soumises. Les documents 1 et 3 sont tirés du Codex Duran, rédigé à partir d’une chronique aztèque par le moine Diego Duran entre 1576 et 1581. Les documents 2 et 4 sont eux issus de L’Histoire de Tlaxcala, écrite sous la supervision de Diego Muñoz Camargo en 1585, et qui raconte l’histoire de la cité de Tlaxcala, alliée aux Espagnols contre l’Empire aztèque. ➡➡Réponses aux questions 

1. Les illustrations rassemblées dans cette double page permettent de saisir différentes étapes de la conquête de l’empire aztèque par Hernan Cortès et ses hommes. Le document 1 donne à voir l’arrivée des conquistadores sur leur caravelle, pointant du doigt le Nouveau Monde (et eux-mêmes désignés du doigt par l’espion de l’empereur Moctezuma). © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Dans le document 2, on voit une phase essentielle de la conquête : celle de la soumission de Moctezuma et de l’aristocratie aztèque, qui offrent des présents à Cortès (et à son interprète, la Malinche). Cette image symbolise la reddition des Aztèques mais illustre aussi les négociations qui existent entre les conquérants et les populations soumises. Le document 3 présente le massacre de la noblesse de Mexico-Tenochtitlan par les hommes de Cortès (alors que celui-ci est temporairement absent de la ville). Le document 4 montre la destruction de la civilisation aztèque par les missionnaires franciscains (qui brûlent objets d’arts, statues sacrées, codex…). On voit dans ces deux dernières images la violence du processus de colonisation et de soumission des peuples amérindiens. 2. Dans ces illustrations, plusieurs « types » de personnages européens, qui participent au processus de conquête et de colonisation, émergent. Dans le document 1, on identifie des navigateurs, postés sur leur caravelle à quelques encablures de la côte. Dans le document 2, on voit Cortès, le conquistador, ainsi que ses soldats, venus conquérir et soumettre le « Nouveau Monde ». Dans le document 3, ce sont encore des soldats qui sont représentés, cette fois en armures et solidement armés, en train de massacrer la noblesse aztèque. Enfin, les missionnaires, ces religieux envoyés d’Europe pour convertir (parfois de force) les populations locales, sont aisément identifiables dans le document 4. 3. La Malinche est une femme originaire d’une tribu soumise par les Aztèques. Elle est offerte à Cortès lors de la conquête de l’empire aztèque. Elle joue néanmoins auprès de lui un rôle majeur : interprète, conseillère, elle permet à Cortès d’entrer facilement en contact avec les tribus soumises par les Aztèques. Elle devient par ailleurs sa maîtresse et tous les deux ont un enfant, considéré encore aujourd’hui à travers ce métissage comme le premier Mexicain moderne. 4. Dans le document 2, on voit Cortès, secondé par son interprète et conseillère la Malinche, assis, le visage paisible, en conversation avec l’empereur Moctezuma qui lui apporte des présents, témoignages de sa soumission au conquistador. Dans cette scène, chacun des deux chefs semble négocier, discuter posément. Mais les militaires (armés), placés derrière le conquistador sur cette illustration, signifient bien que la force est du côté des Espagnols (Moctezuma n’a pas d’hommes en armes derrière lui). Dans le document 3, cette fois, la confrontation est violente : les hommes de Cortès massacrent avec une grande violence la noblesse Aztèque lors d’une cérémonie religieuse. Ces deux confrontations résument d’une certaine manière le processus de conquête de l’empire aztèque par les Espagnols, avec d’un côté la négociation, la © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

conciliation, la diplomatie (que Cortès sait utiliser pour se faire des alliés et recruter des troupes sur place chez les peuples soumis par les Aztèques), et de l’autre, la violence destructrice de la conquête. 5. Introduire sur la conquête du Mexique et la destruction de l’empire par Hernan Cortès. Présenter le personnage (voir les biographies). Reprendre la question posée en problématique : « Comment la destruction de l’Empire aztèque a-t-elle été perçue par les populations soumises ? ». 1) Les étapes de la conquête 2) La représentation des Espagnols 3) Soumission et destruction de l’empire aztèque Conclure sur le processus d’acculturation réciproque qui s’enclenche avec la colonisation du Mexique et sur la figure de la Malinche. ➡➡Mettre en récit

L’enjeu de l’exercice est de rédiger, pour chaque illustration, un dialogue (une dizaine de lignes pour chaque image) le plus réaliste possible, construisant un récit de la conquête du Mexique par les Espagnols à partir du regard des Amérindiens. Il est important d’identifier pour chaque image : – les personnages en présence ; – leur statut social. Par exemple, pour les Espagnols : conquistadores, navigateurs, militaires, missionnaires… Et pour les Aztèques : aristocrates, prêtres, captifs ; – leur rôle dans la conquête ; – la manière dont ils vivent et se représentent la conquête : ce qu’ils peuvent en penser, ce qu’ils peuvent en dire ; – la situation dans laquelle ces personnages interviennent. À partir de ces informations, il faut construire un scénario pour chaque illustration : résumer en une phrase ce qui se passe, ce qui se dit. Faire ensuite dialoguer les personnages. Le registre de langue et le style peuvent s’adapter en fonction du statut social de chaque personnage mais doit rester soutenu ou courant (et non familier ou vulgaire). On peut imaginer que cet exercice puisse ensuite prendre la forme d’une bande-dessinée.

La circulation des savoirs : l’exemple de la botanique >>MANUEL PAGES 118-119

La découverte du « Nouveau Monde » s’accompagne de la découverte de nouvelles espèces de plantes. L’expression « échange colombien », forgée par A. Crosby en 1972 pour désigner l’échange biologique intercontinental faisant suite à la découverte de l’Amérique, 53

traduit à la fois la découverte de ces nouvelles espèces de plantes par les Européens (plantes qu’ils rapportent en Europe) mais aussi le transfert d’espèces cultivées en Europe, en Afrique ou en Asie vers le continent américain (voir doc. 2 p. 107). La découverte de nouvelles espèces, la volonté d’introduire ces plantes en Europe stimulent le travail des botanistes (doc. 2) et traduit une forme de circulation intercontinentale des savoirs et des pratiques agricoles et alimentaires. À travers cet exemple de la botanique, il s’agit de comprendre les circulations intellectuelles, scientifiques (mais aussi leurs implications pratiques) qui se tissent dans l’espace atlantique au XVIe siècle et illustrent cette première forme de mondialisation, qui émerge à l’époque moderne. Les documents 1 et 3 s’intéressent au cas de la tomate, dont le foyer originel de culture est situé au Pérou, mais qui va être domestiquée et introduite dans d’autres parties du globe. Ce fruit demeure mystérieux aux botanistes européens, comme le montre le texte du botaniste flamand Rembert Doedens (doc. 1). L’ananas (doc. 5), dont Jean de Léry raconte la découverte dans son Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil (1578), semble combler les attentes olfactives et gustatives d’Européens friands d’exotisme. C’est aussi en Amérique que les Européens découvrent la culture du tabac (doc. 4), cultivé et utilisé par les Amérindiens. La gravure d’André Thevet montre les pratiques de culture, mais aussi l’utilisation qu’en font les indigènes. ➡➡Réponses aux questions

1. Les trois plantes évoquées dans les documents sont la tomate, le tabac et l’ananas. Chacune de ces plantes est aujourd’hui connue mondialement, et intégrée aux pratiques alimentaires et culturelles de nombreuses sociétés. À l’époque cependant, la tomate n’a pas quitté son foyer originel de culture au Pérou. Quant à l’ananas ou au tabac, c’est au Brésil que Jean de Léry et André Thevet font leur découverte. 2. Le travail des botanistes est avant tout un travail minutieux de description des espèces rencontrées. Ils les dessinent, les décrivent, les inventorient, les classent dans des herbiers. De nombreuses gravures viennent illustrer les traités de botanique du XVIe siècle pour montrer à la communauté scientifique (qui émerge en Europe) les nouvelles espèces découvertes en Amérique. Après la description vient le temps du classement des espèces, en fonction de leurs qualités, de leurs spécificités (doc. 1) mais aussi et souvent, en comparaison d’espèces déjà connues en Europe. 3. La découverte du « Nouveau Monde » s’accompagne de nombreuses publications de récits de voyages des explorateurs européens partis à la découverte de l’Amérique.

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4. La tomate illustre la notion d’échange colombien. Les Espagnols découvrent ce fruit au Pérou, et l’implantent peu à peu au Mexique qu’ils occupent déjà. Puis, la tomate est transportée en Europe par les marchands espagnols, et domestiquée sur le continent. Les Français et les Britanniques l’implantent à leur tour dans leurs colonies du continent américain (en Amérique du Nord) au XVIIIe siècle. Les Espagnols lui font traverser le Pacifique pour la faire découvrir aux marchands asiatiques au XVIIe siècle. On voit ici à l’œuvre, à travers la circulation de cette plante, les relations commerciales complexes qui se tissent entre les continents à l’époque moderne, et les influences qu’elles peuvent avoir sur les pratiques agricoles, et sur les cultures alimentaires, des sociétés qui entrent en contact avec ce produit (aujourd’hui mondialement connu et considéré sur chaque continent comme un aliment familier). 5. Introduire sur la notion d’échange colombien et l’importance des transferts écologiques à l’œuvre dans la première mondialisation au XVIe siècle. Problématiser à partir de la question posée : « quelles ont été les conséquences de la découverte de nouvelles plantes par les Européens ? ». 1) La découverte de nouvelles espèces de plantes en Amérique 2) Le travail d’observation et de description des botaniques et des explorateurs 3) Une mondialisation écologique : l’exemple de la tomate Conclure sur les modifications des habitudes alimentaires de part et d’autre de l’Atlantique. ➡➡Mettre en récit

L’élève doit, pour chaque thème proposé dans ce tableau, identifier les documents dont il aura besoin. Il lui faut ensuite sélectionner dans les documents les informations qui lui permettront d’illustrer le thème et de remplir, sous forme de notes synthétiques, le tableau. Documents mobilisés Les nouvelles plantes découvertes

doc. 1, 2, 4 et 5.

L’intérêt des Européens

doc. 1, 4 et 5

Informations essentielles Plusieurs espèces de plantes : tomate, ananas, tabac. Fascination de Jean de Léry. Illustrations savantes ou dans les récits de voyages. Étrangeté des plantes découvertes.

Le travail des botanistes L’échange colombien

doc. 2, 3 et 5 doc. 3

Travail d’observation, de description et de classification. Voyages de la tomate : relever les étapes de sa mondialisation.

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Créez des capsules video >>MANUEL PAGES 120-121

La vidéo proposée en étape 2 est disponible sur Canal Savoir, un site canadien (Québec), un « organisme sans but lucratif qui a pour objet d’exploiter et de développer sa station de télévision (en ondes depuis 1984) dédiée à la diffusion et à la vulgarisation des connaissances ». Dans l’extrait proposé, Denys Delâge présente son ouvrage co-écrit avec Jean-Philippe Warren, Le piège de la liberté : les peuples autochtones dans l’engrenage des

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

régimes coloniaux (Boréal, 2018). Sa thèse est qu’en plus du choc microbien qui a décimé jusqu’à 95 % des populations indigènes du continent aux XVIe et XVIIe siècles, d’autres fléaux ont bouleversé les premières sociétés américaines : christianisation, colonisation, assimilation, assujettissement politique, capitalisme, sciences, technologies, etc. Le portrait de la dépossession autochtone est tel que, pour le professeur émérite de l’Université Laval, il n’est plus possible de traiter de l’histoire de la colonisation sans parler abondamment d’exploitation, de violence et même de génocide.

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Chapitre 4 Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe > MANUEL PAGES 126-153 ■■ Présentation

de la question

◗◗Renaissance et humanisme La première occurrence du terme de « renaissance » en France remonte au XIVe siècle dans un sens religieux de « régénérescence par le baptême ». Mais c’est un Italien qui lui donne son acception artistique. En effet, le terme « renaissance » est utilisé pour la première fois par l’artiste florentin Giorgio Vasari en 1550 (rinascita) pour décrire une forme de redécouverte de l’Antiquité dans les arts et les lettres, loin de l’influence médiévale du gothique venu du nord de l’Europe. Cette vision italienne de l’histoire est déjà en germes chez l’humaniste Pétrarque (1304-1374), qui rejette le medium aevium (Moyen Âge) pour privilégier un retour à la grandeur oubliée de Rome et à l’héritage antique.

Doté d’une majuscule, le terme de « Renaissance » est une invention du XIXe siècle, lorsque l’historien français Jules Michelet l’utilise pour délimiter une période allant de Christophe Colomb à Galilée. Dans son Histoire littéraire avant le XII e siècle (1839-1840), Jean-Jacques Ampère recense « trois renaissances » : la renaissance carolingienne des VIIIe et IXe siècles, renaissance du XIIe siècle et celle qui débute en Italie aux XIII-XIVe siècles pour se diffuser dans le reste de l’Europe aux XV-XVIe siècles.

Mais cette vision de la Renaissance pose différents problèmes historiographiques, débattus au XXe siècle. Les historiens se sont en effet interrogés sur les origines médiévales de la Renaissance, sur sa durée et sur sa fin. Pour Jean Delumeau, elle s’étendrait de 1320 à 1620, pour Eugenio Garin, de 1350 à 1600, pour Peter Burke, de 1336 à 1627 ou encore pour Bartolomé Bennassar, de 1460 à 1560). Depuis Jacob Burckhardt (La civilisation de la Renaissance en Italie, 1860), l’idée communément admise est que la Renaissance est partie d’Italie. Or, d’autres foyers autonomes se sont développés, apportant leurs caractéristiques propres (la peinture à l’huile dans les Flandres, par exemple). L’expansion géographique de la Renaissance pose ainsi question : l’historiographie actuelle utilise le terme de « renaissances » au pluriel en caractérisant des foyers indépendants (Flandres, région rhénane, duché de Bourgogne, cour d’Alphonse d’Aragon, etc.). Pour périodiser, il faut donc régionaliser. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

L’historien Peter Burke (La Renaissance européenne, 1998) a ouvert la voie en remettant en cause la théorie du diffusionnisme italien et a établi différents critères de réception du modèle italien, de l’assimilation au rejet. Ainsi, au sein du Saint-Empire romain germanique, l’humanisme italien est critiqué par des humanistes comme le poète allemand Conrad Celtis (1459-1508). Le terme de « Renaissance » désigne donc plus un mouvement qu’une période et est directement relié à celui d’« humanisme ». Pourtant, le terme d’humanisme n’est créé qu’au XVIIIe siècle avant de se diffuser au XIXe siècle : si le mot umanista désigne dans l’Italie du XIVe siècle le professeur de langues anciennes, il n’a pas le même sens que le mot « humaniste », utilisé pour désigner les grandes figures intellectuelles comme Érasme. En 1963, l’historien André Chastel définit l’humanisme comme un mouvement intellectuel européen caractérisé par un retour aux sources antiques et une valorisation de l’esprit critique, assimilant par là-même la période de la Renaissance à celle de l’Humanisme (L’Âge de l’Humanisme). Dans ce souci d’élever l’esprit humain, les humanistes portent une attention toute particulière à l’éducation de l’enfant, d’où de nombreux traités de pédagogie. L’humanisme ne désigne donc pas un courant de pensée philosophique mais plutôt un état d’esprit poussant les humanistes de la Renaissance aux échanges épistolaires, aux rencontres, aux voyages (comme ceux d’Érasme) et aussi aux publications imprimées, rendues possibles par l’invention des caractères mobiles d’imprimerie en 1450 par le graveur allemand Gutenberg. Cependant, la Renaissance ne saurait se limiter au renouvellement des arts et à la naissance d’une « république des lettres » (respublica literaria, selon Érasme). En effet, comme le rappelle Jean-Marie Le Gall (Défense et illustration de la Renaissance, 2018), cette période est « la Renaissance des arts et des lettres et celle des fers et des feux ». C’est durant les XVe-XVIe siècles que se développent l’Inquisition, la chasse aux sorcières, l’antisémitisme d’État avec l’expulsion des Juifs d’Espagne, l’amplification de la traite des Noirs (O. Pétré-Grenouilleau, Les Traites négrières, 2004), les guerres de religion et l’intolérance religieuse, les guerres d’Italie mûes par les appétits territoriaux. Si ce concept de « Renaissance » est critiqué, voire parfois rejeté aujourd’hui, il n’en reste pas moins 57

un concept opérant pour comprendre un vaste mouvement culturel qui a bouleversé la vie des Européens aux XVe-XVIe siècles. ◗◗Les réformes au XVIe siècle En 1970, le livre de Pierre Chaunu, Le Temps des Réformes, a cherché à montrer les racines profondes de la réforme protestante au cœur du Saint-Empire romain germanique et sa diffusion rapide. En effet, dès le XIVe siècle, un impérieux besoin de réformes se fait sentir chez des Européens avides de réponses aux malheurs du temps (peste, guerres, difficultés climatiques). De même, les protestants (Luther, Calvin et Zwingli) sont les héritiers de la théologie médiévale. La naissance des réformes, avec la publication des thèses de Luther en 1517, pose la question de son lien direct à l’humanisme (dans son rapport à l’esprit critique), en rupture avec la période médiévale. Mais le discours de Luther s’ancre aussi dans une tradition ancienne. De même, la réformation catholique puise ses origines dans le mouvement de la réforme grégorienne menée par le pape Grégoire VII au XIe siècle. ◗◗Les enjeux du chapitre L’intitulé du chapitre relie les trois termes « renaissance, humanisme et réformes religieuses » à la notion de « mutations » de l’Europe. Il s’agit de caractériser les transformations que connaît l’Europe des XVe et XVIe siècles selon deux caractéristiques annoncées : la volonté de rupture avec le Moyen Âge et le retour à l’Antiquité. L’humanisme est caractérisé dans sa « vision renouvelée de l’Homme qui se traduit dans les lettres, les arts et les sciences ». Cette vision apparaît non seulement dans les traités d’éducation des humanistes, mais aussi dans leurs échanges sur l’esprit critique à promouvoir. Les arts doivent aussi être étudiés dans leurs différentes dimensions, afin de montrer la nouvelle vision qu’ils donnent de l’Homme aux XVe-XVIe siècles : une comparaison avec des œuvres d’époques antérieures est donc à privilégier pour donner sens à ce que la Renaissance artistique a de neuf. Les sciences démontrent que le retour à l’Antiquité seul ne permet pas de comprendre le monde mais que l’expérimentation érigée en méthode scientifique devient (avec Vésale, par exemple) un outil au service du progrès de la connaissance. Enfin, les réformes protestante (Luther, Calvin, réforme anglicane) et catholique (concile de Trente) sont à étudier dans ce contexte de bouleversement intellectuel qui caractérise la Renaissance : il est donc possible de relier les deux en décrivant, par exemple, les échanges épistolaires entre Érasme et Luther. Tous deux ont bien des méthodes similaires pour aborder la traduction de la Bible, mais ils s’opposent dans leurs rapports à l’Église. Chacun donne d’ailleurs lieu à un point de passage et 58

d’ouverture. Enfin, celui consacré à Michel-Ange porte sur l’année 1508, à savoir le moment où cet artiste débute la réalisation de la fresque de la chapelle Sixtine, achevée et inaugurée en 1512. Le point de passage invite donc à se concentrer sur la voûte de la chapelle Sixtine dont on pourra faire avec les élèves une visite virtuelle. Concernant la Renaissance artistique, le chapitre en propose des exemples variés (Michel-Ange, François Ier, Jan Van Eyck, Albrecht Dürer). ■■ Bibliographie ◗◗Ouvrages généraux sur l’Humanisme et la Renaissance

––P. Brioist, La Renaissance, 1470-1570, Atlande, « Clefs concours », 2003. ––H. Daussy, P. Gilli, M. Nassiet, La Renaissance (vers 1470-vers 1560), Belin, 2003. ––P. Hamon, Les Renaissances, 1453-1559, « Histoire de France », Belin, 2009. ––J.-M. Le Gall, Défense et illustration de la Renaissance, PUF, 2018. ––J.-M. Le Gall, Les humanistes en Europe, XV eXVIe siècles, Ellipses, 2018. ––M. Paoli, M.-S. Masse (dir), La Renaissance ? Des Renaissances ? (VIIIe-XVIe siècles), Klincksieck, 2010. ––C. Trotot, L’Humanisme et la Renaissance, Flammarion, « Anthologie », 2009 (une anthologie de textes d’humanistes européens). ◗◗Ouvrages d’histoire de l’art sur les « renaissances artistiques »

––É. Pommier, Comment l’art devient l’Art dans l’Italie de la Renaissance, Gallimard, « Bibliothèque illustrée des Histoires », 2007. ––C. Harbison, La Renaissance dans les pays du Nord, Flammarion, « Tout l’art », 1995. ––H. Zerner, L’art de la Renaissance en France, l’invention du classicisme, Flammarion, « Tout l’art », 1996 (2002). ◗◗Ouvrages sur les réformes du XVIe siècle ––P.-O. Léchot, La Réforme (1517-1564), PUF, « Que sais-je ? » 2017. ––N. Lemaître, L’Europe et les Réformes au XVIe siècle, Ellipses, 2008. ◗◗Ouvrages sur les points de passage et d’ouverture

––M. Arnold, Luther, Fayard, 2017. ––J.-P. Duteil, Érasme, Ellipses, 2019. ––D. Rivoletti et A. Lepoittevi, Michel-Ange, Canopé, « Histoire des arts », 2014. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

◗◗Revues ––P. Brioist, « L’Europe de la Renaissance », La documentation photographique, n° 8049, 2006. ––« La Renaissance, un big bang culturel », L’Histoire, n° 43, avril-juin 2009. ––« Allemagne, 1500, l’autre Renaissance », Revue L’Histoire, n° 387, mai 2013. ––« La Renaissance de François Ier », L’Histoire, n° 68, juillet-septembre 2015. ––« Luther. 1517, le grand schisme », L’Histoire, n° 75, avril-juin 2017. ––« La Renaissance », Philosophie magazine, Hors-série, n° 38, été 2018. ◗◗Sites internet  Portail Éduthèque : https://www.edutheque.fr/accueil. html Ce portail du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse rend accessible des milliers de ressources de grands établissements publics à caractère culturel et scientifique. Un moteur de recherche permet d’accéder à tout type de document grâce à une recherche par motclé. Par exemple, le terme de « renaissance » donne accès à 880 ressources issues de partenaires comme la BnF, la Cité de l’architecture et du patrimoine, la Cité de la musique, le musée du Louvre, etc. ● Musée national de la Renaissance à Écouen (Val d’Oise, 95) : https://musee-renaissance.fr/ ● Musées du Vatican : http://www.museivaticani.va/ content/museivaticani/fr/collezioni/musei/cappella-sistina/tour-virtuale.html (pour une visite virtuelle de la Chapelle Sixtine) ●

◗◗Émissions de radio La Fabrique de l’Histoire, France Culture « Histoire de la Renaissance, 4/4 », 31/10/2013) : https://www. franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/histoire-de-la-renaissance-44 ● Une série de quatre émissions de radio de La Fabrique de l’Histoire, France Culture (« Sous le vernis de ●

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la Renaissance », 24 au 27/04/2017) : https://www. franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/sousle-vernis-de-la-renaissance ● Concordance des temps, France Culture (« Érasme l’Européen », 17/11/2018) : https://www.franceculture. fr/emissions/concordance-des-temps/erasme-leuropeen ■■ Plan

du chapitre

Comme le veut le programme, le chapitre insiste d’abord sur la naissance de l’humanisme comme nouvelle manière de penser l’homme aux XVe-XVIe siècles (cours 1), puis il décrit la Renaissance aux XVeXVIe siècles (cours 2) et s’achève avec la présentation des réformes religieuses dans l’Europe du XVIe siècle, protestantes d’abord puis la réponse catholique ensuite (cours 3). Les dossiers suivent l’ordre des chapitres (humanisme, renaissance et réformes). Le dossier consacré à Érasme permet de mettre en regard la vie et la représentation d’Érasme avec ses écrits, pour comprendre pourquoi il incarne le type même de l’humaniste (jusqu’à donner son nom à un célèbre programme d’échange universitaire européen !). Deux dossiers, plus courts, invitent à réfléchir à deux thèmes importants de l’humanisme : la question de l’éducation (p. 138) et l’imprimerie mise au service de l’humanisme (p. 139). Le point de passage consacré à Michel-Ange insiste, comme y invite le programme, sur la voûte de la chapelle Sixtine, dans son rapport à l’antique. Ensuite, deux dossiers portent sur deux caractéristiques de la Renaissance décrits dans le cours 2 : la perspective (p. 142) et l’affirmation de l’artiste (p. 143). Une double page consacrée à François Ier, un roi humaniste de la Renaissance, permet aussi d’ancrer la Renaissance dans l’histoire de France, tout en montrant comment les notions d’humanisme et de Renaissance sont liées à travers l’action de ce roi mécène. Enfin, les dossiers documentaires s’achèvent par une double page consacrée à Martin Luther et à la naissance du protestantisme.

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Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture de chapitre >>MANUEL PAGES 126-127

• Doc. L’Adoration des mages

Ce tableau est une bonne entrée en matière pour comprendre les enjeux de la Renaissance, de l’humanisme et des réformes. Tout d’abord, inscrivant cette scène de l’adoration dans un décor de ruines, il illustre un certain goût de l’artiste pour l’Antiquité et peut-être aussi une forme de paganisme par rapport au christianisme (ambivalence de l’héritage antique). Ensuite, il représente non seulement une famille de mécènes, les Médicis, des humanistes florentins (Pic de la Mirandole, Marsile Ficin) mais aussi l’artiste lui-même, ce qui est rare au Moyen Âge, mais devenu courant à la Renaissance. Enfin le rapport à Dieu est ici empreint de dévotion puisque toute la cour des Médicis se rend aux pieds de la Sainte Famille pour adorer Jésus-Christ. On assiste, avec ce tableau, à une rhétorique de l’individu mais dans un contexte de dévotion catholique qui reste très forte.

Érasme, « prince des humanistes » >>MANUEL PAGES 136-137

Ce dossier documentaire présente quelques repères biographiques de l’humaniste Érasme, une carte de ses voyages, un portrait peint par Holbein le Jeune et des textes écrits par Érasme et par l’imprimeur bâlois Froben. • Doc. 1. Les voyages d’Érasme

Construite à partir des écrits d’Érasme et de sources biographiques, cette carte donne un aperçu des voyages de cet humaniste qui utilisa le terme de « république des lettres » pour désigner la société d’humanistes à laquelle il se sent appartenir. Certains noms (l’écrivain Budé et l’imprimeur Froben) sont d’ailleurs mentionnés dans les documents 2 et 3. Les régions fréquentées par Érasme correspondent aux principaux foyers de la Renaissance. Si les voyages d’Érasme sont caractéristiques de la constitution d’un humanisme européen fédéré par la connaissance de la langue latine et la critique des textes, il conviendra de rappeler que le voyage caractérise certes l’humaniste mais n’est pas une condition nécessaire pour le définir comme tel. Avant les voyages, la circulation des idées par les imprimés et par les lettres rassemble ces humanistes européens. Au regard de cette carte, on comprend mieux pourquoi le programme d’échange éducatif européen a pris le nom d’Erasmus. 60

• Doc. 2. La diffusion des savoirs

Écrite le 21 février 1517, cette lettre au Français Guillaume Budé (1467-1540) est un témoignage de sincère amitié de la part d’Érasme. Un des plus grands lettrés de son temps, Guillaume Budé, reçoit en 1522, à la demande du roi François Ier, la charge de la bibliothèque royale de Fontainebleau qui abrite la collection royale de manuscrits anciens. Dans cette lettre, issue d’une longue correspondance entre 1516 et 1528, Érasme complimente son ami Budé et lui fait part de ses conseils de lecture (Thomas More ou encore Thomas Linacre). Cette lettre est un moyen pour comprendre le goût d’Érasme et la naissance d’une « république des lettres ». • Doc. 3. Lettre de l’imprimeur Johann Froben à Érasme

Écrite en mars 1518 par l’imprimeur bâlois Johann Froben à Érasme, cette lettre témoigne du rôle joué par l’imprimerie dans la diffusion des idées des humanistes. En 1516, Érasme propose une première édition d’une traduction nouvelle du Nouveau Testament, basé sur le texte grec original qui remet en question la Vulgate (voir définition p. 130 du manuel). La première édition fut confiée à Froben, qui évoque dans sa lettre une « édition précédente », à savoir celle de 1516. Une quatrième édition est publiée en 1527. Le lien d’amitié, si fort entre les deux hommes, est scellé par le parrainage du plus jeune fils de Froben par Érasme. Imprimer Érasme est à la fois un gage de succès éditorial et une preuve de confiance de l’intéressé. • Doc. 4. Un portrait d’Érasme

En 1521, à Bâle, Érasme est contraint de s’exiler en raison de son opposition à la Réforme protestante mais il y rencontre en 1523 le peintre allemand Holbein le Jeune (1497-1543). Le peintre réalise au total trois portraits d’Érasme. Deux portraits sont respectivement conservés au musée du Louvre (Paris) et au Kunstmuseum (Bâle). Celui reproduit ici est visible à la National Gallery de Londres. C’est justement sur les recommandations d’Érasme auprès de Thomas More que le peintre Holbein le Jeune est introduit auprès du roi d’Angleterre Henri VIII. Sur ce tableau, le peintre représente Érasme à la manière de l’érudit humaniste entouré de livres dans un décor antiquisant (pilastre de style renaissance aux motifs grotesques). L’humaniste y apparaît serein, dans un riche vêtement fourré, signe de son rang social. Il pose les deux mains sur un livre à la couverture rouge sur la tranche duquel une inscription grecque peut se traduire par « le travail d’Hercule d’Érasme de Rotterdam » : une référence à la publication des Lettres de Saint-Jérôme © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

à Bâle en 1516. Ce portrait, étonnant de réalisme, peut aussi être comparé aux portraits réalisés par Dürer. • Doc. 5. Revenir aux sources des textes sacrés

Dans une lettre au pape Léon X, l’humaniste Érasme justifie son entreprise de traduction du Nouveau Testament quand l’Église ne reconnaît que la traduction établie en latin par Saint-Jérôme, la Vulgate. Érasme y décrit sa méthode (revenir aux sources antiques en accompagnant la nouvelle version d’un appareil critique), tout en justifiant son texte par un retour au message originel du Christ. Cette nouvelle traduction se diffuse justement au moment où, un an plus tard, Martin Luther s’oppose au pape dans ses thèses publiées à Wittenberg. Cet extrait concentre donc toute l’ambivalence d’un humaniste qui exerce son esprit critique tout en restant fidèle au pape. ➡➡Réponses aux questions

1. Érasme appartient à la « république des lettres » car la carte du document 1 présente ses voyages dans les différents foyers humanistes de son temps (Flandres, Paris, région de Londres, Italie du nord) et il y rencontre des écrivains de toutes nationalités (le Français Guillaume Budé ou l’Anglais Thomas More), mais aussi des imprimeurs qui lui permettent de diffuser ses écrits. Hormis les voyages, les lettres comme celle du document 2 sont un moyen de se sentir appartenir à cette communauté de lettrés : Érasme conseille des lectures à Guillaume Budé et le félicite pour son travail. Enfin son portrait témoigne de sa rencontre avec le peintre Hans Holbein le Jeune à Bâle. Peintres, imprimeurs et écrivains ont le sentiment d’appartenir à cette élite intellectuelle. 2. Dans ce tableau, les livres (posés sur la table ou apparaissant dans le cabinet d’étude) sont le témoignage de l’érudition de l’humaniste. Les caractères grecs anciens, le décor du pilastre sont des références à l’Antiquité. 3. Pour traduire le Nouveau Testament, Érasme se réfère à « la fidélité de l’origine grecque » et en compare les différentes versions. Il fait donc preuve d’esprit critique et informe le lecteur des modifications qu’il a apportées (« nous avons joint nos annotations »). 4. Érasme puise ses connaissances dans les sources antiques en consultant les manuscrits « les plus anciens et les plus corrects ». Il fait donc référence aux sources grecques du Nouveau Testament. Dans cette lettre, il évoque aussi les « anciens théologiens » : il s’agit sûrement de Saint-Jérôme dont il publie une édition des Lettres dès 1516. 5. Le travail des imprimeurs est essentiel pour diffuser les écrits d’Érasme. Dans le document 3, Froben décrit les « quatre cents exemplaires de l’édition précédente » du Nouveau Testament qu’il lui reste à vendre. Réaliser autant d’exemplaires en si peu de temps était évidemment impossible au Moyen Âge. Le document 2 présente différents ouvrages imprimés parus ou sur le point de © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

paraître, comme les travaux de Thomas Linacre, imprimés à Paris par l’imprimeur Bade. 6. Érasme incarne le type même de l’humaniste de la Renaissance. Il prône un retour aux sources antiques en proposant par exemple de revenir aux sources du Nouveau Testament pour mieux le traduire. Il défend l’esprit critique, dans sa lettre au pape Léon X, pour mieux servir la parole de Dieu en la débarrassant de ses scories médiévales. Ensuite, il croit en l’individu et s’enthousiasme pour les publications de son temps en citant les travaux de Thomas More, Guillaume Budé. Enfin, ses écrits sont diffusés grâce au travail des imprimeurs, qui sont aussi éditeurs comme le Bâlois Johann Froben. ➡➡Réaliser une carte mentale

Doc. 4 : Érasme est représenté à la façon des humanistes avec… des livres couverts d’inscriptions en grec ancien dans un décor de cabinet d’études (rideau vert et pilastre antiquisant). Doc. 5 : Érasme est un humaniste car il étudie différemment… en revenant aux sources grecques du Nouveau Testament et en proposant une version débarrassée des ajouts ultérieurs (« fidélité de l’origine grecque »). Doc. 5 : Érasme est un humaniste car il s’inspire des… écrits des « anciens théologiens » (probablement Saint-Jérôme) tout en y ajoutant des annotations personnelles. Doc. 1, 2 et 3 : Érasme est un humaniste car ses voyages lui permettent de… rencontrer d’autres lettrés en Europe. La carte du document 1 présente ses voyages dans les différents foyers humanistes de son temps (Flandres, Paris, région de Londres, Italie du nord) et il y rencontre des écrivains de toutes nationalités (le Français Guillaume Budé ou l’Anglais Thomas More), mais aussi des imprimeurs qui lui permettent de diffuser ses écrits. Hormis les voyages, les lettres comme celle du document 2 sont un moyen de se sentir appartenir à cette communauté de lettrés : il conseille des lectures à Guillaume Budé et le félicite pour son travail. Le document 3 témoigne du lien d’amitié fort entre l’humaniste Érasme et l’imprimeur Froben qui le remercie de la confiance qu’il lui témoigne en faisant appel à ses services.

L’éducation humaniste >>MANUEL PAGE 138

L’éducation est un souci constant chez les humanistes, car l’esprit critique doit s’apprendre dès le plus jeune âge ; de nombreux écrivains, comme Rabelais, le mentionnent dans leurs romans (Pantagruel) ou rédigent de courts textes sur le sujet (Érasme, Juan Luis Vivés). Ce dossier propose une sélection de documents visant à faire comprendre le modèle d’éducation porté par les humanistes. 61

• Doc. 1. L’éducation selon Montaigne

Dans ses Essais, publiés pour la première fois à Bordeaux en 1580, l’écrivain Montaigne consacre des parties entières à l’éducation des enfants. Rejetant tant le modèle scolastique dominant à l’université que les précepteurs ignares, il défend l’idée d’une émancipation de l’individu par la formation de l’esprit critique et l’autonomie de jugement. Cette lettre est criante d’actualité pour comprendre les méfaits d’une éducation qui oublie de privilégier la qualité du savoir dispensé sur la quantité. • Doc. 2. Un moine mathématicien et son élève

Ce tableau rappelle le rôle joué par le clergé dans l’éducation durant toute la Renaissance. Ici, la représentation très réaliste du moine franciscain Luca Pacioli (le fondateur de la comptabilité moderne) le représente en compagnie de son élève Guidobaldo Ier de Montefeltre, un noble italien duc d’Urbino. Dans son enseignement, le moine associe à la fois l’apprentissage par le livre mais aussi les démonstrations mathématiques par l’expérimentation. • Doc. 3. L’éducation selon Érasme

Dans sa lettre au duc de Clèves, Érasme décrit les caractéristiques d’une bonne éducation. Il y privilégie le bien-être de l’enfant, l’apprentissage par le jeu, la bienveillance du professeur. ➡➡Réponses aux questions

1. Selon Montaigne, un mauvais éducateur ne cesse de répéter ce qu’il a appris et déverse une quantité de connaissances non critiquées dans la tête de l’enfant (« on ne cesse de criailler à nos oreilles, comme si l’on versait dans un entonnoir »). Un mauvais éducateur ne demande à son élève que de répéter et non de comprendre (« lui répéter les mots de la leçon »). 2. Les deux textes favorisent le bien-être de l’enfant. Le document 1 évoque le goût des études, qui doit être privilégié (« lui faisant goûter les choses, les choisir et les discerner d’elle-même »). Le document 3 privilégie le plaisir dans l’étude pour favoriser les apprentissages (« l’agrément est plus captivant que la subtilité ») et compare l’étude au jeu (« à un jeu et non à un travail »). 3. Ce moine s’appuie à la fois sur des sources écrites (comme en témoigne l’index posé sur un livre) pour apprendre les mathématiques à son élève mais aussi sur des figures géométriques et des expérimentations. La connaissance par les livres seuls ne suffit pas, il faut faire des expériences. 4. Dans leurs écrits, Montaigne et Érasme critiquent les modèles d’éducation du passé pour en proposer de nouveaux. Selon Montaigne, un précepteur doit avoir « plutôt la tête bien faite que bien pleine » et ce qui compte n’est donc pas la quantité de savoir assimilé mais la qualité. Il ne s’agit pas seulement de répéter sans comprendre les mots d’une leçon mais « de lui en donner leur sens et 62

leur substance ». Ce modèle repose sur la foi en l’homme et en sa capacité à comprendre et assimiler les savoirs. Pour Érasme, l’éducation ne doit pas se restreindre à des « connaissances multiples ou désordonnées » mais l’enfant doit apprendre « celles qui conviennent à son âge ». Ainsi, ce modèle est humaniste en cela qu’il porte une attention non plus seulement dans les connaissances, mais aussi dans celui qui les reçoit.

L’imprimerie : une technique au service de l’humanisme >>MANUEL PAGE 139

• Doc. 1. Un atelier d’imprimerie au XVIe siècle

Ce document est une gravure qui représente un atelier d’imprimerie vers 1500, donc aux débuts de l’imprimerie. Le nom de cet imprimeur de Mayence, Peter Schoeffer, figure sur la gravure. L’image est narrative en cela qu’elle représente les différentes étapes nécessaires à l’impression d’un feuillet. • Doc. 2. L’imprimerie et l’Église

L’Église voit dans l’invention de l’imprimerie à la fois un outil au service de la diffusion de ses idées mais aussi un risque pour son monopole du savoir. En effet, au Moyen Âge, la majorité des manuscrits sont rédigés par des moines qui les transcrivent en y ajoutant ou en y retirant parfois des passages. Avec la diffusion de l’imprimerie, l’Église perd ce monopole sur la connaissance. C’est pourquoi le pape Innocent VIII émet le 14 novembre 1487 un texte de loi, une bulle, qui cherche à règlementer la diffusion des textes imprimés. ➡➡Réponses aux questions

1. L’imprimerie est une innovation technique, c’està-dire l’application d’une découverte dans le processus de production. En effet, la presse est connue depuis le Moyen Âge, mais l’utilisation de caractères mobiles par Gutenberg transforme son usage en permettant d’imprimer des textes. Des ouvriers assemblent les caractères mobiles dans un composteur pour former les lignes d’un texte puis les placent sur une plaque pour former un texte. Un autre ouvrier étale de l’encre avec une balle de crin sur la plaque. Un autre y dépose une feuille de papier. La presse est abaissée et la feuille est imprimée. Une fois répétée, l’opération permet de fabriquer des livres en un temps record par rapport aux manuscrits médiévaux. 2. Les imprimeurs peuvent ainsi facilement diffuser les idées sous la forme de libelles (feuilles volantes) ou sous la forme d’ouvrages reliés comme ici (les feuillets en tas au premier plan). 3. L’Église souhaite contrôler les textes diffusés par l’imprimerie. Ainsi, les textes jugés conformes à la foi (« conformes aux bonnes mœurs ») doivent pouvoir se © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

diffuser, alors que les textes jugés contraires aux positions de l’Église ne doivent pas l’être (« sans qu’on les laisse jamais se répandre »). L’Église exerce donc un pouvoir de censure en empêchant la diffusion de certains écrits grâce à l’action de l’officier du palais du pape à Rome ou des évêques dans les diocèses. 4. Pour préparer au mieux les élèves à l’épreuve orale du baccalauréat, ce type d’exercice peut être encouragé lors d’activités en classe, en limitant le temps d’exposé oral à 5 minutes, à l’aide d’un chronomètre par exemple. L’élève est tiré au sort, forçant toute la classe à travailler et son exposé peut donner lieu à une note sur 10. Les critères d’évaluation peuvent prendre en compte les critères suivants : – sur 5 points (aisance à l’oral, vocabulaire soutenu, attitude sérieuse) ; – sur 5 points (capacité à décrire l’imprimerie comme une innovation technique et à montrer que la diffusion des textes imprimés est un enjeu de pouvoir, avec la censure exercée par l’Église quelques décennies après son invention par Gutenberg). Pour les élèves les plus timides, ce travail peut être enregistré sur un poste informatique (grâce à une webcam) ou sur le smartphone de l’élève et envoyé au professeur grâce à l’ENT de l’établissement.

Michel-Ange (1475-1564) et la voûte de la chapelle Sixtine >>MANUEL PAGES 140-141

Ce dossier documentaire a pour objectif d’étudier un point de passage et d’ouverture en montrant en quoi le décor de la voûte réalisé par Michel-Ange est caractéristique de la Renaissance. Il propose donc une vue partielle de cette voûte (mais la voûte est visible dans sa totalité sous la forme de visite virtuelle sur le site des musées du Vatican), un focus sur un élément de la voûte mis en regard d’une sculpture antique. Le programme invite à travailler sur la voûte de la chapelle et non sur l’autre fresque de Michel-Ange, le Jugement dernier, réalisée plusieurs décennies plus tard. • Doc. 1. Vue d’une partie de la voûte de la chapelle Sixtine

Cette vue de la voûte permet de se rendre compte de la profusion des décors et des personnages. On peut engager un dialogue avec les élèves en partant de leur impression générale, en projetant par exemple au tableau la voûte et en leur posant les questions suivantes : quelle technique est utilisée ? où peut-on voir cette œuvre ? qu’est-ce qui vous interpelle ? qu’est-ce qui attire votre attention ? © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

On peut partir des impressions générales de l’élève pour l’amener à caractériser le travail de Michel-Ange : des corps puissants pour parler de la terribilità (style puissant et grandiose propre à Michel-Ange), les illusions d’optique pour évoquer l’usage du trompe-l’œil. L’étude d’une œuvre d’art doit partir de la sensibilité de l’élève et constituer une éducation à l’art ; elle ne peut être seulement l’illustration d’une notion historique. L’animation permettra à l’enseignant d’avoir des contenus supplémentaires nécessaires à la compréhension de l’œuvre. • Doc. 2. La sibylle de Libye

Ce détail de la voûte nous permet de voir la représentation par Michel-Ange d’une femme, prêtresse d’Apollon, la sibylle de Libye. Les épaules larges et le buste musclé ne sont pas sans rappeler la sculpture massive des corps nus masculins que Michel-Ange réalise (par exemple avec son David entre 1501 et 1504, donc juste avant de réaliser cette fresque). Michel-Ange est avant tout connu comme un sculpteur, même s’il peint en 1506-1507 le Tondo Doni, dont la position de la Vierge Marie et l’éclat des étoffes rappellent la sibylle ici représentée. • Doc. 3. Un modèle antique

Michel-Ange a découvert les antiquités d’abord dans le jardin de Laurent le Magnifique à Florence puis à Rome dans les jardins du pape, au Belvédère. Le pape protège les antiquités et encourage de nouvelles découvertes, comme celle du Laocoon en 1506. Ce buste antique, dont le temps a eu raison des membres et de la tête, n’en est pas moins un modèle et une source d’inspiration pour le modelé du corps donné par Michel-Ange à ses personnages. L’épaule droite est comme ramassée sur le flanc droit alors que l’épaule gauche, cachée ici, s’étire vers le haut, entraînant une torsion du dos et des muscles. Cette torsion du corps, chère à Michel-Ange, est reproduite sur de nombreux personnages représentés sur cette fresque ; l’élève pourra s’amuser à les repérer. • Doc. 4. Schéma explicatif d’une partie de la voûte

Ce schéma permet à l’élève de connaître le programme iconographique et donc d’associer le texte du document 4 à l’image du document 1. ➡➡Réponses aux questions

1. La partie centrale de la voûte représente des scènes tirées de la Genèse avec de gauche à droite : – Dieu (drapé rose) séparant la lumière des ténèbres (une diagonale sépare la partie blanche en bas de l’image de la partie sombre en haut) ; – Dieu crée le Soleil (on voit en effet le disque jaune du Soleil) ; – Dieu sépare la Terre de l’eau (il survole une vaste étendue d’eau) ; – création d’Adam (la scène la plus célèbre : Dieu touche du doigt Adam nu sur le sol) ; 63

– création d’Ève (la femme émerge du flanc d’Adam selon la tradition) ; – péché originel (on reconnaît le serpent autour de l’arbre de la connaissance et Adam et Ève chassés du paradis). 2. Michel-Ange donne l’illusion de la profondeur, soit par des effets de perspective rendus par l’architecture peinte de part et d’autre des sibylles par exemple (doc. 2), soit par la taille des personnages qui diminuent en se rapprochant du centre de la voûte (doc. 1). 3. Le mouvement de torsion du modèle antique et la musculature de ses épaules rappellent le mouvement de torsion visible sur la sibylle de Libye. 4. La voûte de la chapelle Sixtine (1508-1512) est caractéristique de la Renaissance artistique. Par l’emploi de référents antiques (sibylles), d’éléments d’architecture antique peints en trompe-l’œil (pilastres formés de putti), cette voûte puise son inspiration dans l’Antiquité. De plus, le modelé même des personnages s’inspire de modèles antiques connus, comme le Torse du Belvédère. Ensuite, Michel-Ange utilise des effets de perspective et joue avec les illusions d’optique : cette technique témoigne aussi d’une nouvelle vision du monde, propre à la Renaissance artistique. Enfin, la référence à la nudité d’Adam et à d’autres personnages montrent clairement une rupture par rapport à l’esthétique médiévale : sans être sexualisé, le corps nu masculin est représenté comme un idéal de perfection divine. D’ailleurs, le corps de la femme, considérée comme tentatrice par l’Église catholique à cette époque, reste couvert d’un drapé. ➡➡Réaliser la carte mentale

Pour réaliser la carte mentale, on peut inviter l’élève à lire le cours sur la Renaissance artistique (p. 132) et à le transformer en notes pour en repérer les caractéristiques. Ensuite, fort de ces connaissances, l’élève pourra déceler dans les documents la source d’inspiration de MichelAnge, la technique utilisée et le type de corps représenté : – Quelle source d’inspiration ? En comparant les documents 2 et 3, l’élève pourra voir la référence au modèle antique mais l’analyse du document 1 apportera d’autres éléments de réponse. – Quelle technique ? La première réponse pourrait être la technique de la fresque (on peut rappeler que cette technique est bien maîtrisée par les Romains), mais la lecture du cours invite aussi à rechercher les nouvelles techniques de représentation, comme la perspective. – Quel type de corps ? Le corps représenté est un corps idéalisé (forte musculature, presque disproportionnée) et un corps nu aussi, pour le corps d’Adam (donc un corps idéal car à l’image de Dieu).

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La perspective : une nouvelle manière de représenter le monde >>MANUEL PAGE 142

La confrontation de ces deux documents permet de voir que la technique de la perspective se diffuse dans toute l’Europe, tant dans les foyers artistiques du nord (représentés ici par Van Eyck) qu’en Italie (avec Léonard de Vinci). • Doc. 1. La Vierge au Chancelier Rolin de Jan Van Eyck

C’est un tableau célèbre du peintre flamand Jan Van Eyck. Une analyse est proposée dans le manuel numérique (ainsi qu’une animation), mais l’écoute d’une émission de France Culture consacrée à ce tableau serait vraiment passionnante (L’heure du documentaire, émission du 10 août 2015 : https://www.franceculture.fr/ emissions/l-heure-du-documentaire/la-vierge-au-chancelier-rolin-de-van-eyck). Il faut retenir que les peintres du Nord pratiquent beaucoup la gravure et qu’un peintre comme Jan Van Eyck est aussi un enlumineur accompli. Le tableau pourrait être étudié à la loupe pour y percevoir des détails de quelques millimètres. Il peut donner lieu à une étude en classe plus approfondie en partant de l’analyse sensible des élèves sous la forme d’un jeu de piste. On pourrait projeter ce tableau sans autre indication et poser une série de questions : – Quel sentiment vous inspire ce tableau ? – Qu’est-ce qui vous interpelle ? – Qui sont ces personnages ? – Pourquoi le tableau semble ouvert sur le monde ? L’apport de connaissances annexes pourrait venir dans un second temps pour éclairer le regard. • Doc. 2. La perspective par Léonard de Vinci (1452-1519)

L’année 2019 donne lieu à une série d’événements consacrés aux cinq cents ans de la mort de Léonard de Vinci. Ce peintre, ingénieur, génial inventeur est le parfait exemple de l’humaniste, qui a puisé aussi son inspiration auprès des Anciens (Vitruve, par exemple), tout en proposant des techniques nouvelles, comme la perspective en peinture. ➡➡Réponses aux questions

1. Dans son Traité de la peinture, Léonard de Vinci décrit deux types de perspectives : une perspective dite linéaire, qui diminue les proportions selon la distance représentée (« à proportion de leur distance ») et une perspective aérienne, qui donne le sentiment du lointain en bleuissant l’horizon (« qui consiste dans l’affaiblissement des couleurs »). © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

2. Le tableau de Jan Van Eyck donne à voir ces deux types de perspective : la perspective linéaire est visible par l’écart de proportions entre les personnages du premier et du second plan, mais aussi par le dallage au sol, alors que la perspective aérienne s’observe par le bleuissement des montagnes au fond du tableau, comme si la vision se troublait. 3. Aucune réponse type n’est attendue puisqu’il s’agit d’effet produit, donc il faut écouter la sensibilité de l’élève. On peut cependant faire des propositions : la perspective linéaire permet d’agrandir l’horizon du tableau et donne comme un grand souffle d’air à la scène (c’est l’horizon de tous les possibles) ; la perspective aérienne ouvre encore plus vers les lointains, vers l’inconnu et est comme un appel au voyage. 4. La perspective est une technique qui s’appuie sur les illusions d’optique pour donner l’impression à l’œil humain qu’une surface en deux dimensions peut avoir une troisième dimension par des effets de profondeur suggérés. En effet, le document 1 est une véritable fenêtre ouverte sur deux villes, de part et d’autre d’un cours d’eau et le regard se perd dans les montagnes au loin. Le document 2 théorise les deux techniques. Pour comprendre la différence, l’élève est amené à chercher des œuvres de périodes passées qui n’utilisent pas la perspective : par exemple, le document 2 p. 88, dont les effets de profondeur ne sont rendus que par la taille des personnages et non par des rapports de proportions. 5. La question invite à prendre la place d’un guide-conférencier pour décrire en quoi l’usage des perspectives dans ce tableau permet de représenter différemment le monde. Cet exercice permet à nouveau de valoriser l’oral de l’élève, tout en prenant appui sur un jeu de rôle pour faciliter la prise de parole. Le travail peut être préparé à la maison en demandant à l’élève de trouver un autre tableau (soit du Moyen Âge sans effet de perspective, soit un tableau de la même période avec un effet de perspective).

L’affirmation de l’artiste >>MANUEL PAGE 143

La rhétorique de l’individu telle que définie dans l’historiographie s’observe tant dans le soin que les humanistes apportent à l’éducation que dans la nouvelle vision que les artistes ont d’eux-mêmes. Les artistes sont élevés au rang de génie. Alain Erlande-Brandenburg parle même d’un « sacre de l’artiste » (titre de son livre) pour décrire la création à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance. • Doc. 1. Un autoportrait d’Albrecht Dürer

Un des artistes les plus connus de la Renaissance allemande, Albrecht Dürer (1471-1528) est un graveur et un peintre. Son souci du détail, propre à la gravure, se © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

retrouve dans ses tableaux. Mais c’est aussi un artiste qui a réalisé de très nombreux autoportraits à plusieurs moments de sa vie. L’autoportrait est un signe de l’affirmation de l’artiste et une caractéristique incontestable de la Renaissance. L’artiste s’affirme alors comme sujet de contemplation et signe systématiquement son œuvre. • Doc. 2. Michel-Ange vu par Giorgio Vasari

Vasari est un peintre connu pour être l’auteur d’une des premières histoires de l’art contenant des biographies des artistes de son temps. Publiées en 1550 du vivant des contemporains qu’il décrit, ses Vies sont l’occasion de montrer le rapport des artistes avec leurs mécènes. Cependant, ce travail doit aussi être pris avec le recul critique nécessaire : Vasari souhaite décrire une forme de supériorité des artistes italiens par rapport au nord de l’Europe, d’où est arrivé le style gothique caractéristique, selon lui, des âges obscurs du Moyen Âge. ➡➡Réponses aux questions

1. Vasari qualifie Michel-Ange de « génie qui fût universel dans tous les arts » : en effet, il est capable de dessiner, de peindre, de sculpter et il est doué en architecture.

2. Michel-Ange est un artiste très convoité, non seulement par les différents papes qui se sont succédé à Rome (de Jules II pour la chapelle Sixtine à Paul IV pour la chapelle Pauline), mais aussi par des souverains étrangers (le roi François Ier lui a commandé des œuvres).

3. L’autoportrait signé est une façon de s’affirmer en tant qu’artiste en donnant à voir sa propre image comme objet de contemplation. L’œuvre de Vasari est une autre manière d’affirmer une catégorie de personnes comme faisant partie du monde artistique : d’une certaine manière, c’est la naissance de la critique qui fait et défait les artistes. 4. L’artiste acquiert donc un nouveau statut social. Fort de ses qualités, il peut être soutenu par un mécène (pape, roi, empereur). Par exemple, la voûte de la chapelle Sixtine est commandée en 1508 à Michel-Ange par le pape Jules II. Ensuite, l’artiste se représente et donc affirme sa personnalité en utilisant comme Dürer un monogramme en guise de signature. Les vies des artistes de la Renaissance deviennent même des sujets de livres.

François Ier (1494-1547), un roi humaniste de la Renaissance >>MANUEL PAGES 144-145

Ce dossier documentaire vise à inscrire la Renaissance dans un contexte français très influencé par l’Italie tout en présentant un exemple de mécène avec le roi François Ier. Dans ce contexte humaniste de la Renaissance, 65

l’Europe du XVIe siècle est dominée par trois rois importants (Henri VIII d’Angleterre, Charles Quint et le roi François Ier), qui rivalisent chacun pour attirer le plus d’artistes. Le mécénat est donc aussi un instrument de pouvoir et d’affirmation de sa puissance. • Doc. 1. L’éloge d’un roi humaniste

Pierre du Chastel (vers 1480-1552) est un lettré humaniste qui dirigea un temps le Collège des lecteurs royaux, créé en 1530 par le roi François Ier, puis il fut nommé par le roi en 1540 maître de sa bibliothèque, d’abord à Blois puis à Fontainebleau. Il rédige donc une apologie du roi humaniste après la mort de François Ier en 1547. • Doc. 2. La Renaissance à Fontainebleau

Cette vue de la galerie de François Ier au château de Fontainebleau présente les caractéristiques d’un intérieur inspiré de la Renaissance italienne : les fresques et les sculptures en stuc remplacent les tapisseries de ce château, dont la construction débute au Moyen Âge. Il offre donc un exemple type d’influence italienne en France. • Doc. 3. Une représentation du roi

Sur ce détail de la fresque L’ignorance chassée, le roi François Ier est représenté en empereur romain couronné de lauriers et se dirigeant vers la lumière (référence platonicienne au mythe de la caverne). En se faisant représenter ainsi, il veut montrer au monde ou au moins à la cour qu’il est un humaniste ami de la connaissance et rejetant l’ignorance matérialisée par ces individus à la vue entravée. • Doc. 4. Un artiste italien à la cour de France

Benvenuto Cellini (1500-1571) est appelé à la cour par le roi François Ier pour y réaliser des œuvres. Le roi l’accueille, lui finance le logement et lui verse un salaire afin de lui permettre de commencer son travail. Dans ses mémoires, il raconte ce voyage en France et l’accueil que le roi lui réserve. Il détaille surtout le salaire qui lui est versé ; ces sources matérielles sont précieuses pour l’historien.

pénétrant dans le temple de la connaissance, donc soutenant les artistes (doc. 3). Enfin, dans le document 4, l’artiste italien Cellini décrit son accueil chaleureux à la cour de Fontainebleau. 3. Le document 2 donne à voir des représentations de nus antiques tant masculins que féminins d’après l’inspiration du modelé antique. Le document 3 présente un temple d’inspiration antique avec ses colonnes corinthiennes ; le roi François Ier y est vêtu à l’antique, tel un empereur romain.

4. Le Rosso et Primatice, les artistes italiens qui ont réalisé la fresque (doc. 3) pour François Ier, le représentent à la manière des empereurs romains, entrant dans le temple de la connaissance, donc comme un roi porté par des idéaux humanistes. Benvenuto Cellini le décrit comme un roi généreux, qui verse un salaire régulier à l’artiste en plus du coût des commandes qu’il lui passe. Le roi commande à Cellini des statues de dieux et déesses, ce qui montre ainsi son goût pour l’Antiquité. 5. François Ier est un mécène humaniste de la Renaissance. L’élève est donc amené à sélectionner ses arguments dans les différents documents après avoir analysé les termes du sujet : > un mécène : personne qui protège les artistes et leur commande des œuvres ; > un humaniste : personne qui prône un retour aux sources antiques et un épanouissement de l’individu ; > de la Renaissance : mouvement culturel qui s’étend du XVe au XVIe siècle. Après explicitation des termes, les deux idées directrices peuvent être les suivantes : – il soutient financièrement les artistes (doc. 1, 2 et 4). – il défend un retour aux sources antiques (doc. 1, 2, 3 et 4). ➡➡Compléter un tableau Il soutient financièrement les artistes (= mécène) Doc. 1

➡➡Réponses aux questions

1. Selon Pierre du Chastel, François Ier est un roi humaniste car il favorise le développement de l’étude des langues anciennes (« il les a édifiées et plantées en son peuple ») en soutenant financièrement les lettrés de son royaume. De plus, le roi François Ier présente un vif intérêt pour l’étude des humanités : en effet, Pierre du Chastel décrit le goût du roi pour les « livres sacrés et les histoires » mais aussi pour les « traductions ». Enfin, c’est un lettré car il parle et connaît la langue française. 2. François Ier peut être qualifié de roi mécène car il fait venir deux artistes italiens, Le Rosso et Primatice entre 1534 et 1539 pour décorer son château de Fontainebleau (doc. 2). Il se fait représenter comme un empereur romain

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« Il a […] rémunéré généreusement des hommes […] capables de lire et de traduire en tous arts ».

Il défend un retour aux sources antiques et un épanouissement de l’individu (= humaniste) Il avait un projet de collèges pour les écoliers pauvres.

Il salarie des lettrés dont il s’entoure comme dans sa bibliothèque, confiée à Pierre du Chastel. Doc. 2

Il accueille à Fontainebleau des artistes italiens, Le Rosso et Primatice.

Doc. 3

Doc. 4

Il leur fait réaliser entre 1534 et 1539 des statues en stuc sur le modèle antique et des fresques, dans la galerie. Il se fait représenter sur une des fresques sous les traits d’un empereur romain.

Il finance non seulement une rente annuelle pour Cellini mais il lui verse une somme supplémentaire pour chaque commande.

Il souhaite des flambeaux représentant dieux et déesses antiques pour ses repas.

Le tableau invite à sélectionner les informations tirées des documents pour répondre à la question : « en quoi le © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

roi François Ier est-il un mécène humaniste de la Renaissance ? ». On peut ajouter des colonnes reprenant les idées directrices vues précédemment.

formant le Saint-Empire romain germanique, il témoigne de sa curiosité et de son agacement devant la diffusion rapide du protestantisme, à peine 20 ans après les premiers écrits de Luther. ➡➡Réponses aux questions

Martin Luther et la naissance du protestantisme >>MANUEL PAGES 146-147

Ce dossier documentaire rassemble des repères biographiques, deux écrits de Luther, une vision de la diffusion de ses idées par un Italien catholique et une gravure d’un Allemand favorable au protestantisme. L’objectif est de montrer en quoi le discours de Luther est en rupture avec la doctrine officielle de l’Église catholique. • Doc. 1. Les critiques de Luther contre l’Église

Ce document, très connu, présente certains points de vue de Luther qui entrent en contradiction avec ceux de l’Église catholique incarnée par le pape. Dès la 2e thèse, Luther remet en question le pouvoir du prêtre, qui a un pouvoir de confession. Il sape les fondements de l’autorité ecclésiale en se concentrant avant tout sur la parole de Dieu et sur la seule foi. • Doc. 2. Luther contre le pape

Cette image témoigne de l’utilisation de l’imprimerie par les protestants pour diffuser leur discours anticatholique. On y voit Luther sur le parvis d’une église tenant ouvertes les Saintes Écritures et de la main droite la lumière de la foi. Sa seule foi lui permet de faire reculer un monstre tout droit sorti du bestiaire médiéval (une sorte de griffon) représentant le pape (reconnaissable à sa tiare à trois couronnes). Derrière lui, un autre moine catholique s’enfuit aussi, la tête entourée d’abeilles avec des rats coiffés d’un chapeau rouge, peut-être celui des théologiens catholiques. • Doc. 3. La justification par la foi

Dans De la liberté du chrétien (1520), Luther souhaite exposer ses idées au plus grand nombre. L’utilisation de l’imprimerie lui offre une audience formidable et permet de diffuser très rapidement ses idées en Europe. Sa doctrine centrale consiste à valoriser la foi au-dessus des œuvres. Cette idée a eu du succès, notamment dans les classes populaires qui n’avaient pas les moyens de donner à l’Église, à un moment aussi où, depuis le XIVe siècle, les chrétiens du Moyen Âge pratiquent de nouvelles formes de piété, plus intimistes mais aussi parfois plus austères (la devotio moderna). • Doc. 4. Les conséquences des écrits de Luther en Europe

Nicolas Tiepolo est un diplomate catholique, ambassadeur de Venise. Lors de sa visite des États allemands © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

1. Luther adresse une série de critiques à l’Église et au pape dans ses thèses de 1517 : – rejet de la confession par le prêtre (thèse 2, doc 1) ; – rejet des indulgences au profit des dons faits aux pauvres (thèse 45) ; – critique directe du pape qui veut construire la basilique Saint-Pierre de Rome avec l’argent des fidèles (thèse 86). Selon le doc. 3, le salut passe par la foi exclusivement, et non par les œuvres : la foi suffit au chrétien, ce que Luther appelle la « liberté chrétienne ».

2. Les idées de Luther se diffusent par l’imprimerie : en effet, Tiepolo évoque ceux qui « ont écrit et fait imprimer toutes leurs opinions en langue vulgaire ». 3. L’ambassadeur vénitien est de confession catholique et, dans sa cité, le protestantisme est interdit. Il s’étonne donc de la situation dans les États allemands et ne voit pas cette situation avec optimisme (« ce qui cause partout une confusion extrême »). 4. Le document date de 1617 et fut probablement gravé par l’auteur pour célébrer le centenaire de la publication des 95 thèses de Luther.

5. L’image permet de toucher un public plus large : un public analphabète, qui n’a pas donc accès à l’écrit. Elle mobilise des référents simples : le moine portant la lumière et les Écritures est facilement identifiable, alors que la tiare papale associée au monstre est tout aussi facile à repérer. 6. Pour montrer que les idées de Luther sont en rupture avec le discours officiel de l’Église, l’élève peut disposer ses idées au brouillon dans un tableau à deux colonnes en écrivant à gauche ce que veut l’Église et le pape et, à droite, ce que pense Luther.

➡➡Faire un jeu de rôle

Pour organiser le jeu de rôle, il faut au préalable identifier les opinions des personnages : – le marchand allemand est protestant et reprend les idées de Luther (à retrouver dans les documents 1 et 3) ;

– Nicolas Tiepolo adopte le même ton distancié mais un peu dédaigneux que dans le document 4.

On peut aussi demander aux élèves de noter les grandes idées de leurs personnages au brouillon et d’interpréter un dialogue devant la classe sous la forme d’un échange de cinq minutes. Au préalable, les élèves doivent s’assurer d’une fin à leur histoire : est-ce que les deux personnages échangent poliment ? ou est-ce que l’intolérance religieuse prime sur les échanges ? 67

Jeu de simulation : Auriez-vous été catholique, luthérien ou réformé ?

Ce jeu est inspiré des pratiques pédagogiques anglosaxonnes qui n’hésitent pas à proposer des jeux de rôle aux élèves. Cette activité relève de ce qu’on appelle au Royaume-Uni un decision making exercise.

>>MANUEL PAGES 148-149

Si, en 1560, 2 millions de Français se sont convertis au protestantisme, le chiffre tombe à 1,25 million au moment de l’édit de Nantes, soit 9 % d’une population elle-même en régression (14 millions d’habitants). (Source : Patrick Cabanel, Histoire des protestants en France: XVIe-XXIe siècle, Fayard, 2012.)

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Chapitre 5 L’affirmation de l’État dans le royaume de France > MANUEL PAGES 154-179 ■■ Présentation

de la question 

Au collège, les élèves ont découvert la notion de « monarchie absolue ». Toutefois, le terme « absolutisme » n’apparaît qu’au XIXe siècle et semble mal choisi pour expliquer le fonctionnement de la monarchie d’Ancien Régime à des élèves. En effet, ces derniers croient à tort que le roi, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, peut faire ce que bon lui semble. Le terme de « monarchie administrative » est dorénavant privilégié car il permet de mieux souligner la construction et la montée de l’État. Si le cœur du chapitre est occupé par le XVIIe siècle et le règne de Louis XIV, il ne néglige pas pour autant les étapes de la mise en place de la monarchie administrative au XVIe siècle et les difficultés que cette dernière rencontre lors des guerres de Religion. Toutefois, c’est bien sous le règne de Louis XIII, et encore plus de Louis XIV, que la monarchie se renforce, pour connaître son apogée lors des dernières années du règne du « Roi-Soleil ». En effet, aux XVe et XVIe siècles, les rouages administratifs du royaume sont peu efficaces. Alors que, sous François Ier, 4 500 officiers existaient, ce chiffre est multiplié par 10 sous Louis XIV. Ainsi, l’administration s’étoffe avec l’apparition d’inspecteurs des bois et forêts, de la marine, des finances, etc. En conséquence, la monarchie s’étend : le territoire national, qui était très réduit sous Charles VII, voit ses frontières repoussées par le biais de guerres de conquête. À la mort de Louis XIV, le tracé des frontières ressemble quasiment aux délimitations actuelles de la France. De plus, la monarchie parvient à collecter bien plus efficacement les différents impôts mis en place, et ainsi à renforcer son autorité. Pour ce faire, elle s’appuie sur de puissants ministres, à l’instar de Richelieu, Mazarin et Colbert (voir manuel, p. 166-167). Toutefois, le pouvoir du roi n’est pas illimité. On peut même estimer que le peuple possède un certain pouvoir. Ainsi, lorsque Henri de Navarre devient Henri IV, c’est bien lui qui se convertit au catholicisme pour contenter les 17 millions de sujets catholiques de son royaume, et non l’inverse. Les limites du pouvoir sont visibles dans de nombreux domaines, attestant du fait que le roi n’est pas un despote. En effet, le souverain doit respecter les lois fondamentales du royaume. Il ne peut, par exemple, choisir son successeur. Louis XIV lui-même ne parvient © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

pas à faire passer un édit autorisant les bâtards à régner, ce qui prouve que le roi n’est pas libre de choisir son successeur. Le roi doit également dialoguer avec les parlements, qui se considèrent comme les représentants de la « nation ».

L’Église constitue elle aussi un contre-pouvoir : elle peut excommunier le roi. Elle a privé, par exemple, Louis XIV de la communion lors de son aventure avec la marquise de Montespan. Néanmoins, face aux tensions religieuses qui animent le royaume au XVIe siècle, le souverain veut assurer la cohésion religieuse entre ses sujets. Il parvient donc à contrôler la vie religieuse du royaume, par exemple à travers la signature des édits de Nantes et de Fontainebleau (voir manuel, p. 170-171). Par ailleurs, les souverains aux XVIe et XVIIe siècles semblent bien connaître leur royaume. François Ier, Henri IV mais même Louis XIV se déplacent. Toutefois, à partir du moment où la cour se sédentarise, les successeurs de Louis XIV s’éloignent de leurs sujets.

Ainsi, le Roi-Soleil connait bien son royaume, notamment grâce aux guerres. Les différents conflits qui étayent son règne lui permettent d’imposer son autorité. En effet, Louis XIV combat à la tête de ses armées. Si Louis XV mène encore des armées, Louis XVI, quant à lui, perd totalement sa qualité de « roi de guerre » (d’après l’expression consacrée par les travaux de Joël Cornette). La mise en scène du pouvoir par la guerre joue donc un rôle extrêmement important dans l’affirmation de l’autorité et de la légitimité des souverains. Si Louis XIV est passé maître dans « l’art de la communication », François Ier déjà avait à cœur de travailler son image, comme l’attestent les fresques de la galerie François Ier au château de Fontainebleau (voir p. 144-145 du manuel).

Louis XIV maîtrise parfaitement son image, mais également les gentilshommes de son royaume. En construisant Versailles, ce dernier parvient à contrôler la noblesse en la gardant au plus près de lui et en imposant à la Cour l’étiquette. Grâce à l’étiquette, le souverain parvient à soumettre la noblesse et à éviter ainsi toute révolte, comme celle qu’il avait connue durant ses jeunes années et qui l’avait profondément marqué : la Fronde. Les ensembles documentaires proposés dans ce chapitre reprennent les points de passage mentionnés dans 69

le programme : l’ordonnance de Villers-Cotterêts, la politique économique de Colbert, Versailles et la société de cour mais aussi l’édit de Nantes et sa révocation. Plusieurs documents traitant des relations complexes qui lient la noblesse et le pouvoir, ainsi que de la question de l’affirmation du pouvoir par la guerre, permettent d’aborder d’autres enjeux importants de ce chapitre. Pour mieux étudier l’affirmation de l’État dans le royaume de France, les différents enjeux abordés ci-dessus ont été divisés en trois grandes leçons. La première traite de l’affirmation de l’État moderne à travers les questions de l’extension des frontières, de la construction administrative du royaume et de la mise en scène du souverain. La deuxième revient sur les deux grandes priorités du souverain pour asseoir son autorité et légitimer son pouvoir : l’économie et la cohésion religieuse du royaume. Enfin, la dernière traite des limites de l’autorité royale en questionnant la notion de monarchie absolue. ■■ Bibliographie ◗◗Ouvrages généraux ––Bély Lucien, Dictionnaire de l’Ancien régime, PUF, 2010. ––Bély Lucien, La France moderne 1498-1789, PUF, 2013. ––Chaline Olivier, La France au XVIIIe siècle, Belin, 2005. ––Grenier Jean-Yves, Béguin Katia et Bonzon Anne, Dictionnaire de la France moderne, Hachette, 2003. ––Nassiet Michel, La France au XVIIe siècle : société, politique, cultures, Belin, 2006.

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◗◗Sur l’affirmation de la monarchie ––Bély Lucien, La France au XVIIe siècle. Puissance de l’État, contrôle de la société, PUF, 2009. ––Cornette Joël, Absolutisme et Lumières 1652-1783, Hachette, 2008 ––Cornette Joël, Affirmation de l’État absolu 1492-1652, Hachette, 2014 ––Cornette Joël, « La monarchie absolue », La documentation photographique n° 8057, mai-juin 2007. ––Cornette Joël, Les années cardinales : chronique de la France 1599-1652, Sedes, 2000. ––Cornette Joël, Le roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand siècle, Payot, 2000. ––Drévillon Hervé, Les rois absolus 1629-1715, Belin, 2014. ––Elias Norbert, La société de cour, Flammarion, 2008. ◗◗Biographies ––Le Fur Didier, François Ier, Perrin, 2015. ––Petitfils Jean-Christian, Louis XIV, Perrin, 2008. ––Vergé-Franceschi Michel, Colbert (1619-1683), La politique du bon sens, Payot, 2005. ◗◗Sources ––Devèze Michel et Marx Roland, Textes et documents d’histoire moderne, SEDES, 1967. ––Mémoires de Saint-Simon, Gallimard, 1990. ––Voltaire, Le siècle de Louis XIV, Gallimard, 2015. ◗◗Sitographie https://chateauversailles-recherche.fr/

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Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture de chapitre >>MANUEL PAGES 154-155

• Doc. L’entrée du roi dans une ville, une démonstration d’autorité

Après la mort de Philippe IV d’Espagne, le 17 septembre 1665, Louis XIV réclame au nom de son épouse Marie-Thérèse, fille du défunt, des villes et territoires situés au nord et à l’est du royaume en vertu du « droit de dévolution ». Ce droit donne aux enfants du premier lit la propriété exclusive des biens paternels au détriment des enfants du second. S’ensuit la guerre de Dévolution (1667-1668), qui se termine par la paix d’Aix-la-Chapelle. Louis XIV s’empare de douze places fortes, dont Lille et Douai. Ce conflit est donc marqué par de nombreux sièges de villes, suivis de l’entrée du roi dans les cités vaincues. Ces événements sont l’occasion pour le souverain d’affirmer sa toute puissance militaire, mais font aussi l’objet de mise en scène de la part des artistes. Peintre flamand, Van der Meulen se voit confier vers 1664 la charge de « peintre des conquêtes du Roi » par Colbert. Ses toiles plaisent tellement à Louis XIV que ce dernier lui demande de l’accompagner dans toutes ses opérations militaires. Van der Meulen contribue par ses nombreux tableaux à « fabriquer » l’image de Louis XIV. Ce tableau illustre tout à fait la volonté de mises en scène du pouvoir. Cette cérémonie est en effet minutieusement organisée et dépeinte, pour montrer l’autorité du souverain à ses sujets. La majesté royale est tout autant incarnée ici par le roi que par la reine : on peut voir, au centre du tableau, des ecclésiastiques s’agenouiller en signe de respect devant le carrosse de la reine. Le roi, bien que perdu au milieu de la foule, est aisément repérable : richement vêtu et assis sur sa monture, il fait face au spectateur. À l’arrière-plan apparaît la ville vaincue, en partie détruite. Le peuple observe et attend l’arrivée du couple royal dans la ville.

question de l’extension du royaume au-delà des mers et des océans, en Amérique notamment. La carte ne fait pas apparaître le domaine royal, dans un souci de simplification et pour faciliter la compréhension de la géographie administrative par les élèves. Apparaît néanmoins la distinction financière et fiscale entre pays d’État, d’élection et d’imposition : dans les pays d’élection, la perception de l’impôt se fait directement par des agents royaux alors que les pays d’État ont plus d’autonomie. Ces derniers ont conservé leur assemblée représentative des trois ordres (états provinciaux), dont le rôle principal est de négocier le montant de l’impôt avec le gouvernement, d’en assurer la répartition et d’en contrôler la collecte. Enfin, dans les pays d’imposition, ce sont les intendants qui prennent en charge l’administration fiscale. Ces territoires, parmi les derniers à être rattachés au royaume, ne possédaient avant leur union au royaume aucune réelle administration fiscale.

L’ordonnance de Villers-Cotterêts >>MANUEL PAGE 164

L’ordonnance de Villers-Cotterêts est avant tout connue pour être l’acte fondateur de la primauté et de l’exclusivité du français dans les documents officiels du royaume de France. Pour renforcer le pouvoir monarchique et pour faciliter la bonne compréhension des actes administratifs et judiciaires, l’État impose qu’ils soient rédigés en français. Ainsi, l’ordonnance a avant tout pour objectif de rendre l’administration plus accessible. Si cette ordonnance participe effectivement à la construction administrative de la France, elle n’est pas le seul document à l’origine du renforcement de l’administration royale. Toutefois, il est vrai qu’elle institue ce qui deviendra l’état civil. L’ordonnance se veut également œuvre de transformation judiciaire. Elle règlemente la procédure criminelle, et ainsi systématise et rationalise la justice. • Doc. 1. L’ordonnance de Villers-Cotterêts

Repères >>MANUEL PAGES 156-157

• Doc. 1. L’autorité royale en France du XVe au XVIIe siècle

Cette carte permet d’appréhender l’extension du royaume, de la fin du XVe siècle à la fin du règne de Louis XIV. Les flèches, symbolisant les importations de métaux et de denrées coloniales, permettent d’aborder la © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Bien que l’ordonnance de Villers-Cotterêts ne soit pas le seul document ayant permis la rationalisation de l’administration française, elle met en place des avancées majeures. Première grande innovation : l’enregistrement des baptêmes (donc des naissances) par les curés des paroisses. Ce sont des ordonnances ultérieures, celle de Blois de 1579 et de Saint-Germain-en-Laye en 1667, qui prescriront aussi l’enregistrement des décès et des mariages. 71

De plus, l’ordonnance coïncide avec l’éveil en France d’une langue nationale, bien que le latin demeure encore la langue des échanges internationaux. C’est en latin, par exemple, qu’écrivent et communiquent les humanistes du XVIe siècle. Enfin, l’ordonnance met également en place un certain nombre de dispositions juridiques, qui ont pour objectif de codifier le fonctionnement de la justice. ➡➡Réaliser une carte mentale

Aspects administratifs L’ordonnance marque les débuts de l’encadrement administratif d’une société dont on peut désormais recenser les membres. En effet, comme l’énoncent les articles 50 à 53, le document a pour but d’obliger les curés à tenir un registre exact des baptêmes. Aspects judiciaires En parallèle, l’ordonnance met un place d’importantes réformes judiciaires. Celles-ci modifient les règles de la procédure criminelle. L’article 139, notamment, enjoint les juges à réagir prestement pour accélérer les procédures criminelles, sous « peine de suspension, de privation de leurs offices, et autres amendes arbitraires ». Autorité royale L’ordonnance met en lumière un souci de rationalité et d’unification des procédures, dont le pouvoir royal se proclamait l’ordinateur et le maître d’œuvre. Le préambule du document comporte des expressions courantes de diplomatique. Une ordonnance étant une loi applicable dans tout le royaume, concernant plusieurs matières, c’est le souverain qui s’exprime sur le papier : « François, par la grâce de Dieu, roi de France ».

• Doc. 1. Arrêt du Parlement de Paris contre les duels

L’État condamne fortement le duel, qui est vu comme une atteinte à la justice royale. De plus, les souverains s’inquiètent de l’hécatombe qui touche la noblesse, particulièrement à la fin du XVIe siècle. À cette époque, les édits d’interdiction se multiplient : à celui de 1599, dont un extrait est proposé ici, s’ajoutent les édits de 1602, 1613, 1617, 1623, etc. Preuve que l’arrêt de 1599 n’eut que peu d’impact ! Pour la noblesse, le duel était le moyen de braver une autorité royale grandissante. L’arrêt du 26 juin 1599 est pris suite à un procès instruit au Parlement de Paris contre deux duellistes : Hector Durandi et Barthélémy Jully. • Doc. 2. Un duelliste décapité

François de Montmorency-Bouteville est un gentilhomme issu d’une des plus anciennes et prestigieuses familles de la noblesse française. Après avoir obtenu le titre de comte de Luxe, il sert Louis XIII aux sièges de Saint-Jean-d’Angély de Montauban, de Royan et de Montpellier pour écraser des révoltes huguenotes. Après s’être battu à de multiples reprises en duel, il suscite la colère de Louis XIII, qui refuse de lui pardonner. François de Montmorency décide d’exprimer son mécontentement en allant se battre en plein jour à Paris. Cependant, Richelieu venait de prendre un édit (1626) interdisant le duel sous peine de mort en cas de récidive. Les précédents édits royaux menaçaient déjà de la peine capitale tous les auteurs de duels, mais la sentence était très rarement appliquée. François de Montmorency, pour avoir défié l’édit royal le 12 mai 1627, et malgré les demandes de grâce faites par divers membres de la haute noblesse, est décapité en place de Grève le 22 juin. • Doc. 3. « Une sanglante tragédie pour l’État »

Le pouvoir et la noblesse >>MANUEL PAGE 165

Les relations entre la noblesse et le pouvoir royal sont complexes. Traditionnellement, la noblesse a pour rôle de défendre le royaume, mais aussi de participer à son administration et à sa gestion en tant que bras droit du gouvernement. Mais face au renforcement de l’autorité monarchique sous Henri IV et Louis XIII et à la fermeté des cardinaux Richelieu et Mazarin, la noblesse s’agace et s’inquiète d’être mise à l’écart. Lors de la minorité de Louis XIV, elle n’accepte pas l’idée que le pouvoir réside entre les mains du cardinal Mazarin, jugé trop puissant. De plus, le Parlement de Paris ambitionne de participer au gouvernement du royaume alors qu’il n’est qu’une institution judiciaire, et certains princes de sang font savoir leur volonté de s’impliquer davantage dans la direction des affaires. Cet ensemble documentaire propose d’analyser les tensions entre noblesse et monarchie à travers la question de l’interdiction des duels. 72

Cet extrait des Mémoires du cardinal de Richelieu met en lumière les inquiétudes du pouvoir royal au sujet des duels et de leurs conséquences. Le cardinal ne remet pas en question la pratique ancestrale du duel, tant qu’elle n’a « été en usage que pour repousser les injures particulières ». Mais il dénonce ses dérives et sa mise en scène par les gentilshommes : par cette pratique, la noblesse semble souiller la dignité et la justice royales ainsi que les lois de la monarchie. C’est bien l’autorité royale, d’après le cardinal, qui est remise en question. ➡➡Réponses aux questions

1. Tout d’abord, le duel est condamné comme un défi à la justice royale. Hector Durandi et Barthélémy Jully se sont, d’après le Parlement de Paris, affranchis de la justice française. En préférant venger leurs querelles en duel, ces gentilshommes ont refusé d’avoir recours à la justice traditionnelle et se sont donc rendus coupables de non respect de la justice royale. De plus, le duel est condamné comme un défi à l’autorité de l’Église. Ce sont donc surtout les « commandements de © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Dieu » que les deux duellistes ont remis en question. En effet, l’Église considère le duel comme un suicide. 2. Le duel de 1627 est particulièrement grave car il prend place après l’édiction d’un nombre important de textes officiels condamnant cette pratique, preuve que les deux duellistes n’ont que peu de respect pour les lois du royaume. De plus, il a pris place sur la place Royale à Paris. D’après le cardinal de Richelieu, les duellistes ont choisi Paris, un lieu public, et plus précisément la place Royale pour s’afficher et ainsi remettre en question l’autorité du Parlement et de l’État. 3. L’État français décide d’interdire les duels pour asseoir son autorité. En effet, la monarchie traverse une période difficile au début du XVIIe siècle, son pouvoir étant souvent remis en question par la noblesse. Le duel est une pratique ancienne, qui permet aux gentilshommes de réparer une offense, et celle-ci se développe fortement à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. Ces duels sont de plus en plus nombreux, car la noblesse cherche ainsi à s’affirmer face à un État qui devient de plus en plus puissant. L’État cherche donc à interdire les duels pour discipliner la noblesse et combler les fragilités de son pouvoir. Mais c’est un bras de fer qui débute dès l’édiction du premier arrêt, en 1599, entre noblesse et pouvoir royal, car les gentilshommes refusent de plier, voyant le duel comme une prérogative fondamentale de la noblesse. Le pouvoir hésite longuement avant de condamner à mort les coupables. Louis XIII, déterminé, fait décapiter François de Montmorency en 1627. Son illustre ascendance n’a pas été suffisante pour le protéger de la détermination royale.

La politique économique de Colbert >>MANUEL PAGES 166-167

Pour faire face aux dépenses croissantes du royaume, tout particulièrement dans le domaine militaire, Colbert multiplie les initiatives économiques. Issu d’une famille de riches marchands et banquiers, il entre au service du roi à la mort de Mazarin. Il invente sa propre version du mercantilisme, le colbertisme, dont l’objectif est d’augmenter les exportations et de réduire les importations. Pour limiter les importations, il instaure un protectionnisme fort. Il incite en parallèle les meilleurs artisans d’Europe à venir travailler en France pour disposer des produits de la meilleure qualité possible et créé des manufactures d’État (tapisseries de Beauvais, des Gobelins) ou privées (Saint-Gobain). Il améliore aussi les infrastructures en créant des routes pour faciliter le commerce. Il développe la marine marchande pour vendre les produits, et la marine militaire pour protéger les convois. Enfin, il favorise la création de compagnies © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

commerciales : compagnie des Indes orientales, occidentales, du Levant et du Sénégal. • Doc. 1. Un cours d’économie

Peu de documents existent sur les débuts de la carrière de Colbert. Mais la période débutant en 1664, date du Mémoire sur le commerce, est plus richement documentée. Dans l’extrait proposé, Colbert propose un cours d’économie : il énonce les principes et avantages du mercantilisme, bien que ce terme n’apparaisse qu’au XVIIIe siècle. Il revient également sur la rivalité militaire et économique qui oppose les Français aux Hollandais. • Doc. 2. Un entrepreneur hollandais en France

Josse Van Robais (1630-1685) est un manufacturier en draps d’origine hollandaise. Il vient s’établir à Abbeville, dans le nord du royaume, en 1665 sur la demande de Colbert. Ce dernier encourage la fabrication de produits de luxe destinés à l’exportation. Pour ce faire, il invite en France les meilleurs entrepreneurs et compagnons étrangers afin d’y introduire les techniques les plus performantes. La Lettre autorisant le hollandais Josse Van Robais à créer une manufacture de draps fins à Abbeville énonce un certain nombre de privilèges que reçoit l’établissement, qui obtient le titre de manufacture royale. • Doc. 3. La compagnie des Indes orientales

Les Hollandais avaient créé dès 1602 une compagnie des Indes orientales, preuve de la domination des Provinces-Unies dans le commerce maritime au début du XVIIe siècle. En France, c’est Colbert, bien plus tard, qui fonde la compagnie française des Indes orientales et la compagnie française des Indes occidentales en 1664. La compagnie des Indes orientales reçoit le monopole du commerce avec l’océan Indien et les terres à épices. Son administration est confiée à douze directeurs, huit représentants des actionnaires et à quatre inspecteurs royaux. Son assemblée est présidée par le contrôleur des Finances. Toutefois, la compagnie dépérit à la fin du XVIIe siècle. Elle est absorbée en 1719 par la nouvelle compagnie des Indes, qui centralise tout le commerce du royaume avec les pays d’outre-mer. • Doc. 4. La manufacture des Gobelins

La manufacture des Gobelins, créée en 1662 mais transformée en 1667 en « manufacture royale des meubles de la Couronne » sous l’impulsion de Colbert, s’inscrit dans l’élaboration d’un mécénat d’État. Elle a deux objectifs : tout d’abord produire du mobilier, des gravures, des ouvrages d’argenterie et des tapisseries à destination des demeures royales et de l’exportation. De plus, elle doit participer à la consolidation de la figure monarchique. En effet, le règne personnel de Louis XIV débute en 1661. Cette date correspond également à la mise en place d’un répertoire de symboles, de références, telles que le Soleil et Apollon (voir doc. 2, p.168). La 73

scène représente ici la visite du roi, le 15 octobre 1667, après le changement de statut de la manufacture. ➡➡Réponses aux questions

1. Le mercantilisme repose sur le principe « qu’il n’y a que l’abondance d’argent dans un État qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance ». Pour Colbert, l’objectif est de faire entrer de grandes quantités d’argent dans le royaume. En conséquence, Colbert encourage la création de manufactures pour favoriser la production de produits de qualité, qui pourront être vendus à prix élevés à l’étranger, favorisant ainsi l’entrée de devises dans le royaume. De plus, pour permettre l’application du mercantilisme en France, le commerce maritime doit être renforcé. 2. Les Hollandais sont des précurseurs mercantilistes : ils fondent les premières compagnies maritimes et possèdent de nombreux navires. De plus, les Provinces-Unies développent leur activité industrielle, orientée vers l’exportation. La France entame alors une véritable « guerre d’argent » contre Amsterdam, qui domine les mers et le commerce international. Pour Colbert, ce que l’un gagne, l’autre le perd ; le marché, c’est la guerre. En conséquence, il cherche à attirer dans le royaume de France les meilleurs artisans étrangers, notamment hollandais. C’est le cas de Van Robais, qui est autorisé à ouvrir une manufacture de draps fins à Abbeville. Mais, malgré les politiques efficaces menées par Colbert, la Hollande devance toujours la France. 3. L’État français encourage l’installation de Van Robais en France pour permettre la production de produits de qualité, ici des « draps fins », via l’édification d’une manufacture. En effet, en augmentant la production de produits de luxe, l’État français cherche à renforcer les exportations et ainsi à faire entrer de grandes quantités d’argent dans le Royaume. De plus, les Hollandais sont réputés pour leur savoir-faire textile au XVIIe siècle. Enfin, la France cherche également à s’imposer face à son grand rival commercial. La couronne propose de nombreux avantages à Van Robais pour l’encourager à s’installer en France. Tout d’abord, Van Robais a le droit de commercer avec n’importe quelle ville française, puisqu’il est précisé « qu’il lui sera permis de commettre la vente des draps de sa fabrique à de telles personnes que bon lui semblera, tant dans cette ville de Paris qu’aux autres de notre royaume ». Les avantages ne sont toutefois pas qu’économiques : Louis XIV donne à Van Robais et à tous ses ouvriers, d’origine hollandaise, la « nationalité » française. De plus, Van Robais bénéfice d’une aide financière car Louis XIV ordonne qu’il « soit payé et délivré comptant la somme de 12 000 livres audit entrepreneur ». Enfin, cette lettre octroie un privilège de taille à la manufacture : Louis XIV interdit toute reproduction ou contrefaçon des draps fabriqués par Van Robais (« nous avons fait défense à tous ouvriers et à autres 74

personnes [...], d’imiter ou contrefaire la marque desdits draps, pendant le temps de vingt années »).

4. La compagnie des Indes orientales a plusieurs objectifs. En premier lieu, elle participe au développement du commerce vers « les Indes et mers orientales ». Mais ses objectifs ne sont pas uniquement économiques : elle se doit aussi de conquérir des territoires au nom de la France et de les mettre en valeur, notamment en développant l’esclavage. Ainsi, sa création a pour but de donner à la France un outil de commerce international avec l’Asie et de concurrencer les puissantes Compagnies européennes fondées au XVIIe siècle, comme la compagnie anglaise des Indes orientales et surtout la compagnie néerlandaise des Indes orientales. Pour mener à bien ces missions, elle jouit d’un nombre important de privilèges. Tout d’abord, elle obtient le monopole du commerce « depuis le cap de Bonne-Espérance jusque dans toutes les Indes et mers orientales, même depuis le détroit de Magellan […], dans toutes les mers du Sud, pour le temps de cinquante années consécutives ». De plus, la compagnie est propriétaire des terres qu’elle a conquises et des biens qui s’y trouvent, et prend donc en charge leur administration et leur exploitation.

5. Colbert et Louis XIV sont facilement identifiables par leur tenue, en haut à gauche du tableau : tunique noire pour Colbert, tenue rouge pour le souverain qui se tourne en direction de son principal ministre. La figure royale est ainsi mise en valeur par la couleur rouge ainsi que par l’effet de vide créé à ses pieds. Le roi est sensiblement plus grand que les autres hommes situés sur le même plan que lui, signe de sa majesté.

Cette peinture a pour objectif de valoriser l’artisanat somptuaire français. Différents corps de métiers apparaissent au premier plan : certains artisans déplacent des pièces d’orfèvrerie ou d’argenterie, d’autres une pièce d’ébénisterie, d’autres une tapisserie roulée sous le bras. Si la scène semble être désorganisée au premier regard, elle permet en réalité de souligner la diversité des productions de cette manufacture.

6. La politique économique de Colbert s’inspire des principes du mercantilisme et prend le nom de colbertisme. Le contrôleur général des finances est convaincu que la puissance et la richesse d’un État repose sur l’accumulation des réserves en or et argent. Pour permettre la constitution d’un important stock d’or, Colbert cherche à encourager les exportations de produits manufacturés tout en freinant les importations de produits étrangers. C’est pour répondre à cette logique que Colbert encourage la création de grandes manufactures royales, qui ont pour rôle de fabriquer des produits de grande qualité, qui seront ainsi vendus à prix élevés à l’étranger. De la même façon, les compagnies des Indes orientales et occidentales sont créées pour développer le commerce maritime français et permettre aux royaumes de rivaliser avec les autres grandes puissances commerciales © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

européennes. Colbert compte sur ces compagnies pour accroître les importations de métaux précieux depuis les colonies.

Versailles. Il règne donc à la Cour une confusion entre privé et public : tous les gestes y sont accomplis comme autant de signes donnant à lire l’ordre social.

➡➡Classer des informations

• Doc. 1. La noblesse et la cour

Caractéristiques du colbertisme

Exemples tirés des documents

La réflexion sur les métaux précieux

Doc. 1 : « il n’y a que l’abondance d’argent qui fasse la différence de [la] grandeur [d’un État] et de sa puissance ». Doc. 3 : « Appartiendra à ladite compagnie […] tous droits de seigneurie sur les mines d’or et d’argent, cuivre, plomb, et tous autres minéraux ».

La lutte contre la concurrence étrangère

Doc. 1 : « Les Hollandais et autres étrangers font une guerre perpétuelle à ces mines ».

Le développement des manufactures en France

Doc. 2 : « […] et d’établir en icelle une manufacture de draps fins ».

Une politique commerciale volontariste

Doc. 2 : « Nous permettons et accordons audit Van Robais de venir s’habituer dans ladite ville d’Abbeville avec cinquante ouvriers hollandais ».

Doc. 4 : Colbert encourage la création de manufacture royale, dont celle des Gobelins, pour renforcer la fabrication de produits de luxe. La manufacture des Gobelins est spécialisée dans la production de meubles et de tapisseries. Doc. 4 : la manufacture des Gobelins a été créée sur ordre royal. De plus, les productions qui en sortent sont souvent consacrées à la glorification du souverain. Doc. 2 et 3 : ce sont des textes royaux qui sont à l’origine de l’installation de Van Robais en France et de la création de la compagnie des Indes. Ces documents traduisent l’implication de l’État dans l’économie du royaume au XVIIe siècle.

Versailles, le « Roi-Soleil » et la société de cour >>MANUEL PAGES 168-169

C’est en 1682 que Louis XIV et la Cour s’installent à Versailles. Jusqu’à cette date, le roi et sa Cour se déplacent fréquemment : les courtisans et la famille royale séjournent au palais du Louvre, puis aux Tuileries, dans les châteaux de Saint-Germain-en-Laye, de Vincennes, et de Fontainebleau. Les travaux versaillais sont confiés à des artistes tels qu’André le Nôtre, Louis Le Vau, Charles Le Brun ou encore Jules Hardouin-Mansart. Le château offre suffisamment d’espaces pour loger les courtisans et devient ainsi le symbole d’une noblesse prête à tout pour vivre près du roi. La stratégie mise en place par Louis XIV fonctionne : sous son œil, les Grands ne complotent plus. Leur principal objectif est de plaire et servir : la supériorité sociale s’affirme dans la soumission politique et symbolique à l’étiquette. Louis XIV, en vivant à Versailles entouré de la noblesse, devient plus intimidant, majestueux, et contrôle toute la société de cour. Cette expression, popularisée par l’ouvrage de Norbert Elias (1969), met en lumière les liens de dépendance qui existent entre les courtisans et les plus puissants à © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Les Mémoires de Saint-Simon sont une œuvre posthume de Louis du Rouvroy, duc de Saint-Simon. Le récit couvre une trentaine d’années, de 1691 à 1723, soit la fin du règne de Louis XIV et le début de la Régence. Après une carrière militaire, Louis de Saint-Simon joue un rôle politique important sous la Régence. Il relate dans ses Mémoires d’amusantes anecdotes mettant en lumière les rouages de la société de Cour. Mais son témoignage ne se limite pas à de fins mots : il offre un regard précis sur les relations entre les courtisans et le souverain. Ainsi, dans l’extrait proposé, Saint-Simon analyse les mécanismes des relations entre courtisans et pouvoir royal : les courtisans cherchent par tous les moyens à obtenir les faveurs et la reconnaissance du souverain. • Doc. 2. Louis XIV en Apollon

Le quadrige solaire est très souvent représenté sous le règne de Louis XIV. Ici, Apollon sort du temple du Soleil, tenant sa lyre, et conduit son char survolé par l’Aurore et entouré des Heures. Louis XIV se fait représenter à de multiples reprises sous les traits d’Apollon, le dieu du soleil et des arts. Il veut ainsi souligner son attrait pour les arts, sa puissance et son rayonnement, tant physique qu’intellectuel. Joseph Werner est un peintre suisse dont la réputation se répand dans toute l’Europe durant la seconde moitié du XVIIe siècle. Louis XIV l’appelle à sa cour pour qu’il compose plusieurs sujets allégoriques. • Doc. 3. Une fête en 1668

André Félibien (1619-1695) est historiographe, mais également architecte. Il décrit ici la deuxième fête de Louis XIV à Versailles, connue sous le nom du Grand Divertissement royal. Pour célébrer sa victoire sur l’Espagne, Louis XIV veut organiser une fête à la mesure de l’événement. Il dépense la somme de 117 000 livres, soit le tiers de celle qu’il consacrera à Versailles pendant toute l’année 1668. Il veut aussi que cette fête soit très différente de celle organisée pendant une semaine en 1664 : celle de 1668 est réalisée en été, sur une seule date, et sans thème particulier. Elle prend la forme d’une fastueuse promenade pleine de surprises. Le roi ouvre son divertissement par la visite de sa dernière réalisation : le bassin du Dragon et son jet. Les convives le suivent ensuite pour une collation au bosquet de l’Étoile. Enfin, le roi se rend en carrosse au carrefour du futur bassin de Saturne pour assister à la première représentation de George Dandin de Molière. • Doc. 4. Le château de Versailles en 1668

Peint par Pierre Patel (1604-1676), ce tableau représente le Versailles de 1668, dont le palais est encore inachevé. À cette date, le roi ne s’est installé que 75

récemment à Versailles : les éléments visibles sont donc représentatifs des priorités du souverain, comme les jardins. Versailles apparaît bien comme un perpétuel chantier. Toutefois, le palais présenté ici, bien qu’inachevé, est déjà un instrument de puissance et de prestige. ➡➡Réponses aux questions 

1. Le quotidien, à Versailles, est rythmé par les fêtes, les jeux, les promenades dans les jardins, mais également par de nombreuses cérémonies visant à structurer l’étiquette. Sont ainsi mentionnés dans le document le coucher du souverain et ses repas. Lors de ces événements, seuls les courtisans les plus en vue peuvent être spectateur ou jouer un rôle. Louis XIV a fait construire Versailles pour mieux contrôler la noblesse. En effet, le souverain souhaite avoir au plus près de lui les nobles pour s’assurer de leur fidélité et de leur soumission. Il est profondément marqué par les événements de la Fronde et a donc décidé de contrôler les moindres faits et gestes des courtisans. En premier lieu, il attire à Versailles la noblesse en l’installant dans des appartements. Les courtisans les plus puissants ont accès aux appartements les plus grands. De nombreux nobles quittent ainsi leurs terres et leurs demeures pour venir vivre au plus près du souverain, et sont dépendants de ce dernier pour obtenir un logement. De plus, Louis XIV domestique la noblesse en mettant en place un système de distinction et de récompenses. Pour bénéficier de ses faveurs, les courtisans cherchent à se faire remarquer en dépensant des sommes colossales « en habits, en équipages, en bâtiments, en jeux. ». L’objectif du souverain est très clair : forcer la noblesse à rechercher ardemment son attention, et ainsi la réduire « à dépendre entièrement de ses bienfaits pour subsister ». 2. Le « Roi-Soleil » fait du motif du soleil rayonnant un symbole emblématique, voire obsessionnel, de son règne. En se faisant représenter sous les traits d’Apollon, Louis XIV cherche à mettre en avant sa puissance, son autorité et son attrait pour les arts. Une lumière traduisant tout autant sa beauté physique que son intelligence se dégage du souverain ici. Les chevaux symbolisent, quant à eux, la fougue et la détermination du jeune roi. 3. À travers cette fête, Louis XIV cherche tout d’abord à célébrer une grande victoire militaire. Le traité d’Aixla-Chapelle met fin à la guerre de Dévolution et fait du roi de France l’un des souverains les plus puissants d’Europe. En effet, ce dernier obtient un nombre important de places-fortes dans le nord du royaume. Mais ce n’est pas que la grandeur militaire de la France que Louis XIV veut mettre en avant : par cette fête, c’est aussi la richesse, l’opulence et le raffinement de la cour que le souverain veut souligner. André Félibien insiste avant tout ici sur la profusion de mets, leur élégante mise en scène et la splendeur du spectacle proposé par Louis XIV. 4. En premier lieu, c’est la grandeur du palais qui frappe le spectateur. Celui-ci se situe au cœur de la toile 76

et en occupe une large partie. Il prend une telle place qu’il efface toute trace humaine. On ne distingue que le roi et son carrosse, accompagnés de soldats à cheval, en bas à droite, qui entrent dans le palais. Les ouvriers ne sont pas représentés, preuve que c’est la volonté royale qui est à l’origine du projet versaillais et que le souverain est le seul à décider. Par ailleurs, les jardins, à l’arrière-plan, occupent également une superficie importante sur la toile. Leur taille, mais également leur forme géométrique, traduisent non seulement la démesure du projet, mais aussi le contrôle de la monarchie sur la nature, qu’elle est capable de redessiner selon ses envies. Les montagnes sont, quant à elles, totalement imaginaires : le palais ne se situe pas dans une région montagneuse ! Elles témoignent ici, encore une fois, du contrôle exercé par le souverain, qui a su aménager l’ancienne plaine marécageuse pour y construire un canal permettant d’alimenter les jardins et le palais en eau. 5. Louis XIV a utilisé Versailles pour affirmer son autorité, et ce dès la construction du palais. À l’origine simple pavillon de chasse construit par Louis XIII, son fils en fait un véritable palais, à la mesure de ses ambitions. Ce n’est pas tant la taille impressionnante du palais que les travaux d’aménagement qu’a nécessités sa construction qui traduisent la démesure du projet. Versailles se situe dans une zone inhospitalière car marécageuse, et Louis XIV a fait creuser un grand canal et mettre en place un complexe système d’acheminement de l’eau pour permettre la viabilité des jardins et du palais. De plus, Louis XIV fait du château un outil de contrôle de la noblesse. Traumatisé par la révolte nobiliaire de la Fronde, le souverain décide d’installer les nobles au plus près de lui. En faisant de la cour l’accomplissement et l’aboutissement de toute carrière nobiliaire, Louis XIV encourage les grandes familles du royaume à délaisser leurs demeures provinciales au profit d’appartements à Versailles. Or c’est bien Louis XIV qui décide d’octroyer les logements à telle ou telle famille, selon son bon vouloir. Les courtisans sont donc placés sous la dépendance de leur souverain, à la recherche de la moindre faveur de sa part. Pour ce faire, cette noblesse est prête à tous les sacrifices, financiers notamment. C’est dans cette logique que Louis XIV met également en place l’étiquette. Elle a pour but de magnifier la splendeur du souverain, mais également de contrôler tous les faits et gestes de la noblesse. Les courtisans espèrent être appelés par le roi pour participer à telle ou telle cérémonie, à l’instar du Coucher. Les fêtes constituent également un vecteur d’affirmation de l’autorité royale : elles sont l’occasion d’une mise en scène des victoires militaires, mais aussi de la richesse et du raffinement de la monarchie française. Enfin, les murs et les jardins de Versailles sont ornés de représentations de la figure royale, Louis XIV ayant mis en place un programme iconographique codé et rigoureux : il se fait notamment représenter sous les traits © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

d’Apollon pour alimenter son image de « Roi-Soleil », illuminant la France de sa beauté, de son attrait pour les arts et de ses aptitudes militaires. ➡➡Faire un diaporama

1) Un projet grandiose… Doc. 4 : il peut être intéressant ici de retravailler l’image grâce au logiciel choisi par l’élève. Par exemple, en traçant des flèches vers les éléments à mettre en lumière, comme les jardins et le canal, la présence du souverain au premier plan et la grandeur du palais en luimême. Doc. 3 : les fêtes organisées à Versailles sont tout autant sublimes que le palais qui les accueille. La profusion de mets, tous plus raffinés les uns que les autres, et leur mise en scène, soulignent le caractère grandiose du palais royal. 2) … visant à glorifier le souverain... Doc. 2 : les élèves pourraient également ici retravailler l’image en la redécoupant pour en souligner les éléments les plus importants. Par exemple, il serait intéressant de distinguer la figure royale, baignée de la lumière du soleil. Une autre caractéristique à souligner ici sont les références à la mythologie gréco-romaine : Louis XIV se fait représenter sous les traits d’Apollon, conduisant un quadrige. Son attrait pour les arts est tout autant mis en avant que ses capacités à diriger. S’il est ici représenté conduisant un quadrige, ce char incarne surtout symboliquement sa capacité à diriger le pays et l’armée. Doc. 3 : les fêtes, notamment celles organisées en cas de victoire militaire, sont également un moyen de mise en scène du pouvoir royal. En proposant une fête aussi impressionnante et en demandant à un historiographe d’en faire le récit, Louis XIV cherche à glorifier son autorité ainsi que la puissance de la monarchie française. 3) ... et à contrôler la noblesse. Doc. 1 : les élèves pourront faire apparaître certains éléments parmi ceux mentionnés ci-dessous : – « Les fêtes fréquentes, les promenades particulières à Versailles, les voyages furent des moyens que le roi saisit pour distinguer et pour mortifier en nommant les personnes qui à chaque fois en devaient être […] ». N’importe quel événement, activité à Versailles est l’occasion pour Louis XIV de distinguer parmi les aristocrates ceux qui seront récompensés de la masse des courtisans. On pourrait même dire que le souverain manipule la noblesse, en l’installant au plus près de lui et en s’appuyant sur la « jalousie, les petites préférences » et sur « son art à éveiller les espérances que ces petites préférences et ces distinctions faisaient naître ». C’est par les rivalités qu’il fait apparaître entre les courtisans que le souverain parvient à régner : il fait sienne la devise « diviser pour mieux régner ». © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

– En installant la noblesse à Versailles, Louis XIV peut l’observer quotidiennement à loisir car « aucun ne lui échappait ». – En conséquence, la noblesse s’endette pour lui plaire et se faire remarquer, car son goût pour la magnificence et la profusion, « il le tourna en maxime par politique ». Les courtisans sont prêts à tout pour se faire remarquer, notamment à dépenser leur argent dans les jeux de tables, les carrosses et les habits.

L’édit de Nantes et sa révocation >>MANUEL PAGES 170-171

L’édit de Nantes de 1598 marque la fin des guerres de religion en France en imposant la paix entre catholiques et protestants après 36 ans de guerre civile. Mais il s’agit avant tout d’un acte de souveraineté voulu et imposé par Henri IV, car les édits antérieurs dont il s’inspire avaient été aussitôt remis en cause. Si le but immédiat est la paix civile, l’objectif reste l’unité religieuse du royaume. En effet, si le roi souhaite l’établissement d’une « bonne paix », c’est pour permettre à ses sujets de la « Religion Prétendue Réformée » de revenir à la « vraie religion ». Ainsi, l’édit tolère les protestants, en espérant qu’ils reviendront ensuite au catholicisme. L’édit a nécessité de longues négociations et débouche sur un compromis : l’égalité civile est instituée entre catholiques et protestants mais la pratique du culte protestant est limitée. L’édit de Fontainebleau, connu également sous le nom de Révocation de l’édit de Nantes, est signé en octobre 1685 par Louis XIV. Il interdit tout exercice de la religion protestante et toute émigration des protestants. Mais l’entreprise d’éradication du protestantisme débute dès 1661 : le jeune souverain interdit progressivement la plupart des professions aux protestants, et fait peu à peu démolir leurs temples. Pourtant, l’objectif de Louis XIV est le même que celui de Henri IV : convaincre les protestants de rejoindre le giron catholique. D’ailleurs, d’après Louis XIV, la majorité des sujets de la Religion Prétendue Réformée se sont déjà convertis à la religion catholique. En conséquence, l’édit de Nantes est devenu inutile. Ainsi, ces deux édits traduisent la forte implication du pouvoir moderne dans les questions religieuses, avec pour objectif l’unification du royaume, à une époque où les tensions entre les différentes branches chrétiennes sont très fortes. • Doc. 1. L’édit de Nantes

L’édit comporte 92 articles et est « perpétuel et irrévocable », signifiant qu’il ne peut être révoqué par un nouvel édit. La plupart des dispositions sont en faveur des protestants : comme l’atteste l’extrait proposé ici, 77

ces derniers obtiennent la liberté de conscience, l’égalité avec les catholiques en matière d’éducation et dans l’accès à toutes les dignités et charges publiques. Toutefois, le culte protestant est limité et n’est autorisé que dans certains lieux. Il est notamment interdit à la cour, à Paris et à moins de cinq lieues de la capitale. D’autres dispositions sont en faveur de l’Église catholique : ainsi, les messes catholiques sont seules autorisées dans la plupart des villes. De plus, la messe doit être rétablie partout, y compris dans les régions qui s’étaient largement tournées vers le protestantisme. Enfin, les curés des paroisses perçoivent la dîme de la part des protestants. L’édit devait être enregistré par les parlements, mais certains y sont très hostiles. Henri IV doit, par exemple, l’imposer au parlement de Paris. • Doc. 2. L’édit de Fontainebleau

En 1685, le roi signe l’édit de Fontainebleau : il considère que la plupart des protestants sont devenus catholiques, rendant caduc l’édit de Nantes. L’édit comporte 12 articles et est extrêmement répressif : il supprime la liberté de culte et interdit les écoles protestantes, interdit l’émigration des protestants ne souhaitant pas abjurer et punit les « nouveaux convertis » qui reviendraient au protestantisme. Le dernier article de l’édit semble laisser, au premier abord, la liberté de conscience aux réformés. En réalité, de nombreux protestants sont emprisonnés pour avoir refusé d’abjurer. L’interdiction d’émigrer est un cas unique au XVIIe siècle : l’édit contraint les dissidents à se convertir, sans même leur laisser la possibilité de quitter le territoire. • Doc. 3. Les « dragonnades »

Le début du règne de Louis XIV est une période de paix religieuse. Mais c’est à partir de 1661, lorsque le souverain décide d’exercer personnellement le pouvoir, que l’édit de Nantes commence à être appliqué de façon restrictive. En 1680, les persécutions commencent. Les dragons répandent la terreur pour obtenir des conversions forcées, c’est le temps des « dragonnades ». Les dragons sont des soldats envoyés chez les protestants, logés par ces derniers et ayant l’autorisation de piller et de ruiner leurs hôtes. Les dragons se font donc nourrir et payer, et quand l’argent est épuisé, ils peuvent vendre les meubles de la famille. Les violences se poursuivent jusqu’à ce que la famille abjure. Ces « dragonnades » sont très efficaces, puisque les curés enregistrent suite à la première dragonnade (en 1681 en Poitou) presque 38 000 conversions. Les dragonnades se répandent rapidement dans tout le sud du royaume et à l’est vers le Dauphiné et la vallée du Rhône, et se poursuivent après la révocation de l’édit de Nantes. • Doc. 4. Le bilan de Vauban

Si l’édit de Fontainebleau est largement salué par les catholiques, des voix discordantes s’expriment. Parmi elles, Vauban (1633-1707), maréchal de France. Il rédige 78

ainsi trois mémoires qu’il adresse au roi en 1689, 1692 et 1693. L’extrait proposé ici provient du premier mémoire. Il y dresse la liste des « maux très dommageables à l’État », découlant de la révocation de l’édit de Nantes. Il mentionne ainsi l’émigration de 100 000 personnes, qui a considérablement appauvri le royaume. Les protestants ont aussi emmené avec eux leur savoir-faire, certains métiers, notamment textiles, demandant des qualifications particulières. Ainsi, certaines exportations de productions artisanales et industrielles se sont effondrées, les produits étant désormais fabriqués à l’étranger. De plus, Vauban s’inquiète de l’application rigoureuse de cet édit, notamment des fortes vagues de répression, celles-ci risquant augmenter le nombre de fuites hors du royaume. Enfin, il est préoccupé par le développement de la martyrologie protestante. ➡➡Réponses aux questions

1. L’article 22 met en place une certaine forme d’égalité entre sujets protestants et catholiques, ici dans le domaine de l’éducation et de la santé. En effet, les protestants auront tout autant le droit que les catholiques d’accéder aux « université, collèges et écoles » ainsi qu’aux « hôpitaux, maladreries et aumônes publiques ». De plus, l’article 27 donne l’accès aux protestants à toutes les dignités et charges publiques. De plus, l’édit de Nantes affirme non seulement la liberté de conscience, mais aussi la liberté de culte des réformés. C’est ce qu’affirment les articles 6 et 9. Ainsi, les protestants pourront « vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de cestui notre royaume et pays de notre obéissance, sans être enquis, vexés, molestés ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience ». L’article 9 les autorise également à pratiquer librement leur culte « en toutes les villes et lieux de notre obéissance », mais uniquement dans certaines places autorisées. 2. L’édit de Fontainebleau met en place un certain nombre de mesures, Tout d’abord, la destruction des temples de la Religion Prétendue Réformée (article 1). De plus, l’article 4 enjoint les pasteurs refusant de se convertir à quitter le royaume, alors que l’article 10 interdit aux protestants de fuir « sous peine pour les hommes des galères et de confiscation de corps et de biens pour les femmes ». L’article 7, quant à lui, ordonne la suppression des écoles protestantes. 3. Les « dragonnades » vont à l’encontre des principes de liberté de conscience et de culte établis par l’édit de Nantes. Cette technique de conversion forcée est utilisée dès 1681, c’est-à-dire avant la signature de la révocation. Alors que l’édit de Nantes garantissait la liberté de conscience, les réformés sont obligés d’accueillir et de subvenir aux besoins des « dragons ». Les convertis au catholicisme, quant à eux, sont exemptés du logement des soldats. Le gentilhomme, mentionné comme « hérétique » sur la gravure, signe sa © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

conversion sous la pression et la violence du dragon se situant debout face à lui, fusil pointé sur lui. Alors que l’édit de Nantes devait ramener la paix civile dans le royaume, il apparaît à travers les dragonnades que les violences et les persécutions reprennent sous le règne de Louis XIV. 4. D’après Vauban, l’édit de Fontainebleau a été très néfaste à la France pour plusieurs raisons. Bien que Vauban se range du côté des catholiques et encourage la conversion des protestants, il conteste la violence de la répression et ses conséquences. Tout d’abord, il pointe du doigt les effets néfastes de l’émigration des sujets protestants, car ces derniers « ont emporté avec [eux] plus de trente millions de livres de l’argent le plus comptant ». De plus, les réformés ont aussi emporté avec eux leur savoir-faire et leurs techniques, ce qui a considérablement affaibli les « arts et manufactures particulières », alors que ces dernières « attiraient en France un argent très considérable de toutes les contrées d’Europe ». C’est donc le commerce qui a le plus pâti de l’émigration protestante, mais aussi les armées françaises : des matelots français protestants ont rejoint les flottes et armées ennemies. 5. Les édits de Nantes et de Fontainebleau sont révélateurs de l’implication du pouvoir dans les questions religieuses. En effet, ces deux édits visent le même objectif, mentionné clairement dans l’édit de Nantes : « ne laisser aucune occasion de troubles et différends entre nos sujets ». Alors que Henri IV cherche à ramener la paix civile dans le royaume et à mettre un terme aux guerres de religion, Louis XIV lui veut rétablir l’unité religieuse en France. Par ailleurs, si Henri IV offre un certain nombre de libertés aux protestants, de culte et de conscience, et garantit l’égalité civile, il apparaît que celles-ci sont limitées. Ainsi, le pouvoir refuse que des ouvrages protestants soient diffusés en dehors des places fortes que les Réformés ont obtenues et où ils peuvent pratiquer librement leur religion. La liberté de culte n’est donc pas totale : le culte protestant est interdit à Paris et dans un rayon de cinq lieues autour de la capitale. Mais Louis XIV n’hésite pas à casser les dispositions prises par son aïeul. Il ne respecte plus l’édit de Nantes dès les années 1660, en persécutant de plus en plus les sujets protestants. Dès 1681, il organise des « dragonnades » visant à convertir de force les réformés. Enfin, l’édit de Fontainebleau marque l’apogée de sa politique religieuse : le souverain révoque l’édit de Nantes et oblige les protestants à se convertir, tout en leur interdisant de quitter le royaume. L’émigration protestante est malgré tout très forte, ce que déplore Vauban dès 1689. Si les pasteurs ont été conduits de force aux frontières, nombreux sont les protestants qui ont réussi à les suivre. Le commerce extérieur et l’économie française en ont fortement pâti, alors même que les « réelles » conversions à l’intérieur du royaume n’ont été que peu nombreuses. L’édit de Fontainebleau n’a pas été très efficace, puisque © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

de nombreux « nouveaux convertis » n’étaient en réalité que des convertis de façade, continuant à pratiquer en secret le culte protestant. ➡➡Classer les informations dans un tableau  Deux édits royaux

Politique religieuse du roi

Situation des protestants

Édit de Nantes

Henri IV ne veut « laisser aucune occasion de troubles et différends entre nos sujets ». C’est donc bien la paix civile qu’il veut ramener dans le royaume, après les guerres de religion.

Les protestants obtiennent la liberté de conscience et de culte. De plus, ils accèdent à une certaine forme d’égalité civile avec les catholiques : les enfants protestants pourront être instruits, tout autant que les enfants catholiques. Enfin, les réformés les plus pauvres pourront bénéficier de l’aumône publique.

Toutefois, l’édit de Nantes est un édit de « tolérance ». Ainsi, le pouvoir ne fait que tolérer les protestants dans le royaume, en espérant qu’ils reviendront ensuite au catholicisme.

Toutefois, cette liberté de culte n’est que partielle. Les protestants ne peuvent pratiquer leur culte à Paris et dans un rayon de 20 km autour de la capitale.

« Dragonnades »

Louis XIV s’oppose à l’édit de Nantes, car celui-ci va à l’encontre de l’unité religieuse du royaume. Il persécute les protestants, et ce dès les années 1660. C’est à partir des années 1680 que cette répression se renforce, avec notamment les « dragonnades ». Comme l’atteste le doc. 3, les dragonnades sont une technique de conversion forcée qui repose sur la violence et l’intimidation.

L’édit de Nantes n’est plus respecté par le pouvoir. Les protestants sont à nouveau persécutés et perdent leur liberté de conscience et de culte.

Édit de Fontainebleau

L’étape suivante de la politique religieuse de Louis XIV est la révocation de l’édit de Nantes, en 1685. Le souverain ne tolère qu’une seule religion dans le royaume : le catholicisme. L’existence du protestantisme remet en question l’unité religieuse de la France, l’autorité du pouvoir, ainsi que la puissance du royaume.

Les réformés doivent se convertir et n’ont pas le droit de quitter le royaume. Les pasteurs, quant à eux, sont reconduits aux frontières. Les écoles protestantes sont fermées. Les protestants sont profondément traumatisés par les « dragonnades » et l’édit de Fontainebleau. C’est toute la structuration de leur communauté qui s’effondre, leurs pasteurs et leurs écoles ayant disparu.

La guerre et l’affirmation du pouvoir royal >>MANUEL PAGES 172-173

Dans son ouvrage Le Roi de guerre (Payot, 2000), Joël Cornette décortique le rôle de la guerre dans la construction de la souveraineté royale. En effet, le roi n’a cessé, dès le XVIe siècle, de cristalliser en sa personne et en sa fonction l’exercice de la force. Le souverain est donc 79

celui qui ordonne et fait la guerre en personne, à la tête de ses armées. La guerre est aussi le principal instrument par lequel la monarchie met en scène les représentations et les outils symboliques de sa souveraineté. La guerre est donc la manifestation la plus spectaculaire du pouvoir et de la puissance de l’État. Cette double page propose d’analyser les ressorts guerriers de l’affirmation de l’autorité royale, aux XVII et XVIIIe siècles. • Doc. 1. Statue équestre de Louis XIII

Cette estampe n’est pas la seule que nous possédons représentant la statue de Louis XIII, place Royale. Stefano Della Bella la représenta aussi, à la même époque. Ces représentations permettent de visualiser ce monument, aujourd’hui disparu car fondu pendant la Révolution française. La statue a depuis été remplacée par un autre modèle en marbre, au XIXe siècle. • Doc. 2. Éloge de Louis XIV par Charles Perrault

Charles Perrault est avant tout connu pour ses contes et le rôle qu’il joua dans la querelle des Anciens et des Modernes. Il est aussi à l’origine de nombreux textes louant Louis XIV, et participa à ce titre à l’édification du mythe du « Roi-Soleil ». Cette ode est rédigée à l’occasion du mariage du souverain le 9 juin 1660 avec Marie-Thérèse d’Espagne. L’extrait proposé ici permet d’étudier le rôle joué par les écrivains et le monde des lettres dans l’affirmation du pouvoir royal et la construction de la figure d’un souverain tout puissant et autoritaire. • Doc. 3. Médaille célébrant la victoire de Fleurus (1690)

Ce document permet de mettre en lumière la diversité des supports utilisés par le pouvoir royal pour diffuser l’image du roi guerrier. Les références à l’antiquité gréco-romaines sont ici évidentes, tout comme la glorification du souverain en tant que dirigeant des armées. La bataille de Fleurus opposa la France aux Provinces-Unies, au Saint-Empire, à l’Espagne et à l’Angleterre. Elle s’inscrit dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), qui éclata suite à l’annexion, en temps de paix, de territoires allemands par Louis XIV. • Doc. 4. Louis XV en guerre dans la Flandre

Ce tableau permet de prolonger l’analyse de la figure du roi guerrier jusqu’au XVIIIe siècle. La guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) est un conflit européen qui découle de la mort de l’empereur Charles VI de Habsbourg. Sa fille Marie-Thérèse hérite des possessions familiales (notamment en Autriche, Bohème) mais, faute d’héritier mâle, le nouveau titulaire du Saint Empire romain germanique est resté en suspens. En conséquence, la France s’allie à la Prusse, la Saxe, l’Espagne, la Pologne, la Sardaigne et la Bavière contre l’Autriche, espérant lui arracher des provinces. Cette guerre étant très coûteuse pour la France et extrêmement 80

impopulaire, la couronne met en scène et magnifie les grandes victoires. Ainsi, ce tableau illustre le siège de Menin en 1744, qui se solde par la prise de la ville par les armées françaises. ➡➡Réponses aux questions

1. L’image du roi guerrier se diffuse certes par les lettres, mais d’autres supports sont envisagés par le pouvoir pour la rendre visible de tous les sujets. Le doc. 1 représente non seulement la statue équestre de Louis XIII, mais également la foule présente, observant la représentation du souverain. Cette statue est placée au centre de la place Royale (actuelle place des Vosges), en plein cœur de Paris. Cette place est symbolique de la puissance du pouvoir royal, car elle fut construite au XVIIe siècle sous les ordres de Henri IV et inaugurée lors des fiançailles de Louis XIII et d’Anne d’Autriche. De nombreuses médailles ont été frappées à l’époque moderne, pour célébrer des événements importants de la vie de la famille royale (comme les naissances), ou encore des victoires militaires. Ces médailles étaient vendues et permettaient donc la diffusion de l’image du roi. Ici, c’est la figure militaire et religieuse du souverain qui est mise en avant. 2. En bon courtisan, Charles Perrault compose une Ode sur le mariage du roi. C’est donc pour bien se faire voir du souverain que l’homme de lettres énonce les qualités de Louis XIV dans ce texte. Perrault devient par la suite un conseiller privilégié de Colbert, qui en fait l’un de ses principaux « conseillers en communication ». Mais c’est surtout dans le contenu de l’extrait et le choix des mots qu’apparaît l’ampleur de la propagande mise en place par le pouvoir. En effet, Perrault interpelle directement le Soleil, en lui demandant de « reconnaître » que Louis XIV « est comme [lui] sans pareil ». Le « Roi-Soleil » est ici présenté comme l’égal de l’astre solaire. De plus, l’énumération des qualités du souverain est impressionnante : il est « juste », « digne » et « vaillant ». Mais ce sont avant tout ses qualités militaires qui sont soulignées ici. Empreint d’une « ardeur guerrière », il semble presque invincible. Perrault assimile même Louis XIV à une divinité, et le Soleil lui-même semble s’y méprendre en le confondant avec le « Dieu des Combats ». 3. En premier lieu, il apparaît que les souverains sont bien souvent représentés sous les traits d’empereur romain. Louis XIII est vêtu d’une tenue rappelant celle des centurions romains. De plus, les références à la mythologie romaine sont nombreuses : l’ode de Perrault et la médaille mentionnent le dieu Mars, dieu de la guerre. 4. Louis XV se situe au premier plan de l’œuvre, à droite. Il est facilement reconnaissable grâce à sa tenue rouge qui le détache du reste de l’œuvre. La robe blanche © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

de sa monture attire également l’œil. Le reste du tableau oscille autour des tons bruns, ce fort contraste permettant de souligner la dignité royale. C’est donc tout d’abord le choix des couleurs qui met en avant le souverain. De même, la lumière est dirigée sur lui, tandis que le reste du tableau est plus sombre. De plus, Louis XV apparaît comme le meneur de ses armées et le preneur de décision : il tend sa main droite vers la ville défaite (comme l’atteste la fumée s’échappant des bâtiments). Le maréchal de Saxe, héros de la guerre de Succession d’Autriche, lui fait face et se décoiffe pour signifier son humilité face au souverain. Enfin, la composition de l’œuvre, en plusieurs plans, permet également de mettre Louis XV en avant : il domine de sa hauteur la ville, qui occupe tout l’arrière-plan du tableau. 5. La guerre est utilisée pour affirmer l’autorité du roi par le biais de différents supports. Statues, œuvres picturales et littéraires mais aussi médailles permettent de véhiculer l’image du roi de guerre. Si les œuvres littéraires et picturales ne sont accessibles qu’aux élites et aristocrates, les statues, elles, sont plus largement visibles. Lorsque le pouvoir installe place Royale une statue équestre de Louis XIII, la stratégie est évidente : placée en plein cœur de Paris, cette statue est ainsi visible par tous les Parisiens. La représentation littéraire et picturale de la guerre s’appuie sur de nombreuses références à l’Antiquité. Ainsi, les souverains sont représentés sous les traits des empereurs romains et sont bien souvent comparés au dieu de la guerre Mars. C’est leur détermination, leur courage et leur toute puissance qui sont soulignés. Ce sont également leurs qualités de stratège qui sont mises en lumière,

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

comme sur le tableau de Pierre Nicolas Lenfant. Grâce à la mise en scène des victoires militaires, l’autorité du roi est consolidée et la monarchie affirme sa puissance et sa légitimité. ➡➡Rédiger un court texte fictif

Les élèves devront être attentifs à la mise en forme de leur travail. Il s’agit ici d’une lettre : ils peuvent donc s’appuyer sur leurs cours de français pour revoir les codes du genre épistolaire. Avant de rédiger, les élèves devront s’attacher à lister les caractéristiques des œuvres proposées dans ce dossier (références à l’Antiquité ; qualités du souverain mises en avant, etc.). Ils pourront ensuite décider du sujet de leur œuvre et de sa composition. Souhaitent-ils opter pour une scène de siège ? de bataille ? pour un simple portrait du souverain en tenue militaire ? Enfin, ils pourront réfléchir aux procédés artistiques et, pour cela, s’inspirer des œuvres proposées dans le dossier : quelles couleurs choisiront-ils ? Comment feront-ils pour que le souverain se détache des autres éléments représentés sur le tableau ?

Mettez en scène une journée de Louis XIV >>MANUEL PAGES 174-175

Il peut être intéressant de travailler en équipe avec les professeurs de langue pour comparer les étiquettes de la cour d’Espagne ou d’Angleterre à celles de la France par exemple.

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Chapitre 6 Le modèle britannique et son influence > MANUEL PAGES 180-211 ■■ Présentation

de la question

Le programme invite à étudier les interactions entre la naissance d’un modèle politique – le gouvernement représentatif – et l’apparition de nouvelles idées philosophiques de part et d’autre de l’Atlantique au cours du XVIIIe siècle. Il s’agit donc, d’abord, de comprendre comment une monarchie parlementaire se met en place au cours du XVIIe siècle en Angleterre et quelle influence ce système politique a eue sur les philosophes des Lumières. Nous nous attacherons également à analyser les causes de la révolte des treize colonies américaines du Royaume-Uni et la mise en place d’une République fédérale, qui eurent toutes deux une influence majeure sur l’histoire politique et intellectuelle des États européens. ◗◗L’établissement d’un régime parlementaire en Angleterre

La mise en place d’une monarchie parlementaire constitue une innovation politique majeure dans l’Angleterre de l’époque moderne. Même si un Parlement existe depuis le XIIIe siècle dans ce pays, il faut se garder de toute lecture téléologique de l’histoire d’Angleterre, qui aurait vu la liberté triompher de la tyrannie à l’occasion de la Première révolution anglaise (1642-1651), également appelée « Grande Rébellion » ou « Guerre civile anglaise » (English Civil War). Cette vision d’un triomphe des « libertés ancestrales anglaises » contre un souverain gouvernant « à la française » a longtemps prévalu dans l’historiographie whig en Angleterre, mais elle doit aujourd’hui être fortement nuancée. D’une part, il apparaît que la tentative des premiers Stuart d’imposer la monarchie absolue en Angleterre, conforme aux théories politiques du temps, ne rencontre pas d’opposition majeure au sein de la population. Au contraire, la contestation naît au sein d’une élite politique et intellectuelle, les seigneurs et les parlementaires puritains, qui souhaitent limiter le pouvoir du roi et, ainsi, le partager avec lui. La révolte est donc révélatrice de la faiblesse de l’État, dépourvu d’armée permanente et incapable de lever des impôts régulièrement pour financer ses dépenses. D’autre part, l’opposition entre le roi et les parlementaires se cristallise particulièrement sur les questions religieuses, qui divisent l’Angleterre et l’Europe. Les presbytériens, favorables à une organisation religieuse laissant une grande liberté doctrinale et organisationnelle aux paroisses, en viennent à contester © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

le souverain, chef de l’Église anglicane. Ce sont encore des divergences politico-religieuses, très ancrées dans le contexte du temps, qui conduisent à la radicalisation de la révolte contre Charles Ier. Au cours de cette rébellion, de grands droits et libertés sont affirmés : consentement à l’impôt, droit de tout sujet à la sûreté de sa personne et à un jugement équitable, réunion régulière du Parlement, garant des « libertés anglaises ». Après l’expérience républicaine et la dictature d’Oliver Cromwell (1649-1660), la monarchie est restaurée en Angleterre et les Stuart sont rappelés sur le trône. Les tensions religieuses entre Charles II puis Jacques II et les parlementaires conduisent à une seconde rébellion (16881689), qualifiée de « Glorieuse Révolution », car elle se déroule en douceur. La monarchie absolue est abolie et les catholiques exclus de facto puis de jure du pouvoir : le Parlement offre la couronne au prince protestant Guillaume d’Orange, époux de Marie d’Angleterre, puis confirme l’exclusion de tout catholique de la succession royale par l’Acte d’Établissement de 1701. Par ailleurs, les parlementaires imposent aux souverains un Bill of Rights pour pouvoir régner. Ces décisions marquent une rupture dans l’histoire politique de l’Angleterre : une monarchie parlementaire est née. Ce modèle politique, qui est conforté au cours du XVIIIe siècle, devient alors un modèle pour les philosophes des Lumières. ◗◗La révolution et l’indépendance américaine Les colonies américaines sont très attentives aux débats européens. Les idées de liberté et la philosophie des Lumières, notamment les œuvres de John Locke et de Montesquieu, sont lues et commentées des élites américaines. Cette effervescence intellectuelle se traduit par une remise en cause progressive de la tutelle britannique, considérée comme contraire aux droits fondamentaux du peuple des colonies, dans la mesure où celui-ci n’a pas voix au chapitre au parlement britannique.

C’est en puisant dans les textes des philosophes européens des Lumières, mais aussi dans la tradition libérale britannique (Habeas Corpus et Bill of Rights) que les révolutionnaires américains justifient leur rébellion. Ils produisent à leur tour un large corpus de discours et de traités qui viennent enrichir la bibliothèque libérale. Inspirés des auteurs européens, la révolution américaine génère ainsi ses propres textes (à commencer par la Déclaration d’indépendance et la Constitution), qui 83

vont en retour influencer les Européens, et notamment les Français qui participent avec ferveur à la révolution américaine quelques années avant de lancer la leur. ■■ Bibliographie ◗◗Ouvrages généraux sur l’Angleterre ––« Les Anglais, la nation impériale », L’Histoire, n° 77, octobre-décembre 2017. ––P. Chassaigne, Histoire de l’Angleterre des origines à nos jours, Flammarion, « Champs histoire », 2015. ––S. Lebecq et al., Histoire des Îles Britanniques, PUF, « Quadriges », 2013. ◗◗L’Angleterre à l’époque moderne ––Y.-M. Bercé, « Les Aventures de Charles II d’Angleterre », L’Histoire, n° 144, mai 1991. ––B. Cottret et al., Histoire des îles Britanniques du XVIe au XVIIIe siècle, Armand Colin, 2005. ––B. Cottret, Histoire d’Angleterre : XVIe-XVIIIe siècle, PUF, 2015. ––M. Duchein, « La “glorieuse révolution” anglaise », L’Histoire, n° 177, décembre 1988. ––J.-P. Genet, « À l’origine des droits de l’homme : l’Habeas Corpus », L’Histoire, n° 10, mars 1979. ––C. Hill, « Cromwell et la révolution anglaise », L’Histoire, n° 5, octobre 1978. ––S. Jettot et F.-J. Ruggiu, L’Angleterre à l’époque moderne : des Tudors aux derniers Stuarts, 1485-1714, Armand Colin, 2017. ––C.-E. Levillain, « Guillaume III, rival méconnu de Louis XIV », L’Histoire, n° 358, novembre 2010. ––R. Marx, Religion et société en Angleterre : de la Réforme à nos jours, PUF, 1978. ––A. Mioche, Les Grandes dates de l’histoire britannique, Hachette Supérieur, 2017. ––F.-J. Ruggiu, « Un roi sur l’échafaud. Le procès de Charles Ier d’Angleterre », L’Histoire, n° 229, février 1999. ––H. Tomlinson, « Samuel Pepys, le père de la Royal Navy », L’Histoire, n° 50, novembre 1982. ––E. Tuttle, Les Îles Britanniques à l’âge moderne, 14851783, Hachette Supérieur, 1996. ◗◗Sur la révolution américaine

––Bourdin P., Chappey J.-L., Révoltes et révolutions en Europe et aux Amériques (1773-1802), CNED-SEDES, 2004. ––Calvet R., Révoltes et révolutions en Europe et aux Amériques, 1773-1802, Armand Colin, « U », 2005. ––Cottret B., La Révolution américaine : La quête du bonheur 1763-1787, Perrin, 2004. ––Kaspi A., L’Indépendance américaine, 1763-1789, Gallimard, 1976. ––Kerjan, L., George Washington, « Folio », 2015. ––Marienstras É., L’Amérique et la France : deux révolutions, Publications de La Sorbonne, 1990. ––Marienstras É., Wulf N., Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005. ––Rallet, J.-M, George Washington. L’homme qui ne voulait pas être roi, Ellipses, 2015. ––Trudel M., La Révolution américaine, Boréal, 1991. ––Vincent B., La Révolution américaine 1775-1783, Presses Universitaires de Nancy, 1985. ––Wood G. S., La Création de la République américaine, 1776-1787, Belin, 1991. ■■ Plan

du chapitre

Une double-page de repères permet de mieux situer les révolutions anglaise et américaine dans l’espace et le temps. Suivent trois doubles pages de cours consacrées respectivement à l’établissement d’un régime parlementaire en Angleterre, à l’exportation de ce modèle et à ses répercussions, notamment en Amérique du Nord, et enfin à l’élaboration et au rayonnement du modèle américain. Trois doubles pages de documents permettent d’aborder le modèle britannique : une consacrée au rejet de l’absolutisme, une à l’Habeas Corpus et au Bill of Rights et une aux Lettres anglaises de Voltaire. Cinq autres sont consacrées à la révolution américaine. On y étudie d’abord la montée des tensions entre les colonies et leur métropole. Le rôle de Thomas Paine, véritable passeur d’idées entre les deux rives de l’Atlantique, fait l’objet d’une attention particulière. Des dossiers sont également consacrés au rôle des Noirs et des Indiens dans la guerre d’indépendance, ainsi qu’à celui de la France. Enfin, une double page permet de traiter le point de passage consacré à George Washington.

––Bajou V. (dir.), Versailles et l’indépendance américaine, Gourcuff Gradenigo, 2016.

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Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture de chapitre >>MANUEL PAGES 180-181

• Doc. L’autorité royale remise en cause

Ce tableau de Johannes Adam Simon, La statue du roi d’Angleterre George III abattue, réalisé au milieu du XIXe siècle, donne une vision idéalisée d’un épisode qui s’est produit à New-York le 9 juillet 1776. On y voit une statue du roi d’Angleterre George III renversée sous les yeux d’une foule d’Américains. Dans la réalité, ce sont des esclaves noirs, et non des Indiens, qui se chargèrent de la besogne sur ordre de leur propriétaire. Dans ce qu’il montre (la rupture avec l’Angleterre) comme dans ce qu’il cache (la présence d’esclaves) et ce qu’il idéalise (la mise en scène d’une communion entre colons et Indiens), ce tableau illustre à la fois la radicalité de la révolution américaine et ses limites.

Le rejet du modèle absolutiste >>MANUEL PAGES 190-191

Cette étude de documents a pour objectif de faire comprendre aux élèves les causes de l’échec du modèle absolutiste en Angleterre. • Doc. 1. Portrait de Charles Ier

Ce portrait en pied et de trois-quarts du roi d’Angleterre, Charles Ier, âgé de 33 ans et qui règne alors depuis 1625, représente le souverain en majesté. Ce tableau a été commandé à une époque où ce dernier règne seul, c’est-à-dire sans convoquer le Parlement, depuis quatre ans. Le monarque est richement vêtu, ses atours mêlant soie, dentelle, cuir fin, fils d’or et plumes bouffantes. Sa prétention à exercer un pouvoir absolu est représentée, d’une part, par la présence de symboles de l’autorité royale dans le décor – les regalia (le sceptre, la couronne fermée et l’orbe) – et, d’autre part, par le port d’un manteau rouge, emblème de la puissance dans la peinture occidentale. • Doc. 2. La Pétition du Droit

Dans cet extrait de la Pétition du Droit, texte rédigé par la Chambre des Communes et présenté au roi après son acceptation par la Chambre des Lords en 1628, le Parlement proteste contre l’augmentation des impôts pour financer la guerre entre l’Angleterre et l’Espagne (1625-1630) et contre l’emprisonnement de cinq chevaliers du Middlesex, qui ont refusé de se soumettre à © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

l’impôt royal. Les parlementaires évoquent à la fois l’article 19 de la Grande Charte (Magna Carta) de 1215, qui interdisait l’emprisonnement de tout Anglais né libre sans jugement de ses pairs, et deux statuts médiévaux interdisant la levée d’impôt sans l’accord des hommes libres du royaume. Il s’agit donc d’un des textes fondateurs des « libertés anglaises » et de la limitation du pouvoir monarchique, même si les pétitionnaires restent alors très respectueux de l’autorité royale et n’expriment aucune velléité révolutionnaire. • Doc. 3. L’exécution du roi

Ce tableau, L’Exécution de Charles Ier, attribué à l’artiste flamand John Weesop, qui a exercé la majeure partie de sa carrière en Angleterre, représente l’exécution du roi Charles Ier, le 30 janvier 1649, devant le palais de Whitehall. La scène principale, située au centre du tableau, se produit quelques secondes après l’exécution du roi. Sur une estrade recouverte d’un drap noir, on observe un billot, à côté duquel se trouve le corps agenouillé et décapité du roi défunt. Cinq hommes, tous vêtus de noir, la couleur des puritains, entourent le roi. On reconnaît un bourreau – dont l’identité nous est encore inconnue, car il portait un masque – qui porte une hache ensanglantée, tandis qu’un autre personnage présente la tête sanguinolente de Charles Stuart à une foule nombreuse et composée d’hommes et de femmes de tous âges. L’émotion est forte, une femme s’étant évanouie au premier plan et plusieurs personnages semblant frappés de stupeur. À gauche, dans la foule, une femme détourne son regard de la scène et prie, probablement pour l’âme du roi. Tournée face au spectateur, elle semble créer un lien avec lui. Par ailleurs, un enfant, symbole de l’innocence, debout sur les épaules de son père, montre le corps du roi. Le peintre, reprenant le thème pictural de l’Ecce Homo, pourrait ainsi révéler sa sensibilité monarchiste. Les quatre médaillons, qui entourent la scène, enrichissent la lecture de ce tableau. Ils introduisent un effet narratif dans cette œuvre, puisque le premier montre le roi lors de son procès, le deuxième le roi se rendant à l’échafaud, le troisième le bourreau tenant la tête du roi défunt et le dernier des spectateurs trempant leur mouchoir dans le sang royal. Cette présentation, qui enrichit la compréhension des derniers jours de la vie de Charles Stuart, pourrait également recevoir une interprétation favorable au monarque défunt : il s’agirait de montrer plusieurs stations conduisant à sa passion et à la mise en place d’un culte au roi martyr par une partie du peuple anglais. Il est certain que des gravures représentant la même scène ont été diffusées dans toute l’Europe, particulièrement dans les milieux monarchistes, puis jacobites. 85

• Doc. 4. Le réquisitoire de John Cook

Ce document est extrait du compte-rendu officiel des débats tenus lors du procès de Charles Ier, en janvier 1649. Il s’agit plus précisément du réquisitoire prononcé par John Cook, avocat général de la République (Commonwealth) d’Angleterre. Par cet acte, l’État anglais met donc officiellement en accusation son roi, l’accusant de plusieurs crimes, ce qui est une innovation juridique puisque, jusqu’alors, un principe d’irresponsabilité du souverain valait selon l’adage « le roi ne peut mal faire ». Ce faisant, l’Angleterre voit naître l’idée de responsabilité du souverain inhérente à tout État de droit. ➡➡Réponses aux questions

1. Dans ce portrait, Charles Ier est présenté comme un souverain absolu en raison de sa tenue, mais également du décor. En effet, ses habits sont faits de matières précieuses (la soie, la dentelle, le cuir fin) et sont cousus de fil d’or, soulignant la majesté du prince. Par ailleurs, le roi est drapé d’un manteau pourpre, couleur de la puissance dans la peinture occidentale. Enfin, trois objets, que l’on peut identifier comme des regalia, symbolisent le pouvoir royal : le sceptre ou bâton de commandement, l’orbe, qui représente la vocation du roi à gouverner le monde (il aurait donc un imperium universel), et la couronne fermée, attribut des empereurs. 2. Dans ces deux documents, les parlementaires reprochent deux choses principales au roi. Premièrement, il est accusé d’outrepasser son droit, qui est théoriquement « limité » (doc. 4, l. 3) en imposant des taxes à son peuple sans le consentement du Parlement (doc. 2, l. 3 à 9) et en jugeant et emprisonnant les sujets qui refuseraient de se soumettre à cette taxation (doc. 2, l. 11 à 16 et 20 à 28). Autrement dit, il lui est reproché de vouloir exercer « un pouvoir illimité et tyrannique » (doc. 4, l. 10-11), c’est-à-dire de se comporter en souverain absolu n’acceptant aucune limitation de son pouvoir par ses sujets. Deuxièmement, il est accusé d’être responsable de la guerre civile anglaise, qui fait rage depuis 1642, et d’avoir ainsi trahi le peuplement représenté par le Parlement (doc. 4, l. 13 à 15). 3. Dans la Pétition du droit, les parlementaires s’adressent au roi « humblement » en l’appelant « Votre très excellente Majesté » (l. 2-3) et « Votre Majesté » (l. 16-17) alors que, dans son réquisitoire, John Cook s’adresse à lui de manière plus triviale en l’appelant « Charles Stuart » (l. 1 et 18). Cela révèle qu’entre 1628 et 1649, les parlementaires ont perdu le respect qu’ils avaient pour le souverain, qui n’est plus vu comme un personnage supérieur à ses sujets. 4. Cette scène représente les instants qui suivent la décapitation de Charles Ier le 30 janvier 1649 devant le palais londonien de Whitehall. Elle se divise en deux parties. Au centre, à l’arrière-plan, cinq officiers puritains, reconnaissables à leur robe noire, ont participé à l’exécution du roi. Ils sont situés sur une estrade, sur laquelle 86

on aperçoit le corps agenouillé et sans tête du roi défunt. Deux personnages, probablement des bourreaux, tiennent la hache encore tâchée de sang ayant servi à décapiter le roi et la tête sanguinolente de Charles Ier. Face à eux, au premier plan, se tient une foule nombreuse, composée d’hommes et de femmes de tous âges, venue assister au spectacle. Enfin, de part et d’autre de la scène centrale, quatre médaillons représentent les événements précédents et succédant cette exécution.

On peut imaginer que le peintre a une sensibilité monarchiste, dans la mesure où il représente des scènes d’émotion dans la foule. Au premier plan, une femme s’évanouit et, devant la scène, un enfant, symbole de l’innocence, montre le roi de son doigt. Par ailleurs, dans le dernier médaillon, certains spectateurs trempent leur mouchoir dans le sang royal, comme pour en conserver une relique. Il pourrait s’agit d’une référence aux martyrs chrétiens auxquels le roi serait assimilé. Cependant, ces indices sont relativement discrets, et la majorité des visages restent malgré tout paisibles. Il est donc difficile de soutenir cette thèse avec certitude sans connaître les positions personnelles de l’auteur et les commanditaires de cette œuvre.

5. D’après l’ensemble de ces documents, l’échec du modèle absolutiste en Angleterre s’explique par plusieurs raisons. Premièrement, il semble que la volonté du roi d’exercer un pouvoir monarchique absolu ait été mal acceptée par les parlementaires. Les tensions entre le roi et les membres du Parlement semblent être nées du refus d’une taxation sans consentement et d’une justice arbitraire. Autrement dit, il semble nettement qu’une partie de la population anglaise souhaitait limiter le pouvoir royal pendant le règne de Charles Ier. Par ailleurs, il apparaît que les critiques contre le roi se sont radicalisées après la guerre civile anglaise. En effet, en 1649, le roi est qualifié de tyran et « [d]’ennemi public et implacable de la République d’Angleterre » (doc. 4, l. 21-22). ➡➡Rédiger un compte rendu

En lisant la consigne, l’élève doit rapidement identifier trois axes pouvant guider la lecture des documents, mais aussi structurer son compte rendu : 1) Charles Ier est un roi absolu…

2) … qui a rencontré l’opposition du Parlement d’Angleterre… 3) … ce qui l’a conduit sur l’échafaud.

L’Habeas Corpus et le Bill of Rights >>MANUEL PAGES 192-193

Cette étude de documents a pour objectif de présenter deux des textes fondateurs des « libertés anglaises », rédigés à dix ans d’intervalle par le Parlement, qui © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

souhaite limiter les pouvoirs du souverain. Affirmant des droits fondamentaux, notamment en matière de fiscalité, de justice et de droit parlementaire, le pays se dote ainsi d’une Constitution non écrite, qui établit définitivement le rejet de l’arbitraire. • Doc. 1. L’Habeas Corpus

Ce document est extrait d’une loi adoptée par le Parlement d’Angleterre en 1679, qui dispose que toute personne arrêtée sur ordre du roi doit être présentée dans les trois jours devant un juge, qui peut décider de sa libération. Autrement dit, elle affirme le droit de tout sujet à la sûreté de sa personne. Elle s’inscrit dans un contexte de forte tension entre Charles II et le Parlement au sujet de l’exclusion du fils du roi, Jacques d’York, de la succession, au motif qu’il était catholique. Pour mater cette contestation, Charles II fait emprisonner de nombreux opposants et en déportent certains dans les colonies, où ils sont soustraits à la compétence des tribunaux anglais. La loi d’Habeas Corpus est une étape fondamentale dans la constitution d’un État de droit, dans lequel l’autorité du souverain est limitée et son action respectueuse des libertés individuelles. • Doc. 2. Marie Stuart et Guillaume d’Orange recevant la couronne

Ce tableau, peint plus de cent ans après l’accession au trône de Guillaume d’Orange et de Marie Stuart, représente une scène restée célèbre de la « Glorieuse Révolution ». Revenons sur les faits : alors que Jacques II arrive au pouvoir sans difficulté en 1685, il rencontre rapidement une opposition parlementaire car il multiplie les gestes en direction des catholiques. En avril 1688, il leur accorde la liberté de culte. À cette fin, il demande à tous les prêtres du royaume de lire, dans leur paroisse, une déclaration d’indulgence. Sept évêques s’y refusent, ce qui conduit à leur emprisonnement, rappelant les abus de Charles Ier qui avaient conduit à la rédaction d’une Pétition du Droit (1628) puis à une première révolution (1642-1651). Par ailleurs, en juin 1688, le roi obtient un fils, Jacques Edouard, avec sa seconde épouse, Marie de Modène. En raison des règles de succession, prévoyant alors la primogéniture masculine, cet événement laisse craindre que le prochain souverain ne soit catholique. C’en est trop pour le Parlement, qui fait appel à la fille aînée du roi, Marie Stuart, et à son époux, perçu comme le champion européen du protestantisme pour avoir tenu en échec le roi de France, Louis XIV, et obtenu la reconnaissance de l’indépendance des Provinces-Unies en 1678. Guillaume débarque en Angleterre en novembre 1688, entraînant la fuite de Jacques II en France. En janvier 1689, un Parlement-Convention constate la vacance du pouvoir et offre la couronne conjointement à Marie et à son époux, sous réserve que tous deux acceptent et signent une Déclaration des Droits (Bill of Rights) complétant les « libertés anglaises ». © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

C’est ce dernier épisode qui est représenté ici par le peintre James Northcote. On y observe les deux souverains recevant les regalia de la main de l’évêque de Londres, Henry Compton. Le couronnement aurait dû être réalisé par William Sancroft, mais celui-ci ne reconnaissait pas la destitution de Jacques II. On remarquera que les deux souverains sont représentés côte à côte, à la même hauteur, et qu’ils se tiennent la main, symbolisant la co-monarchie. On observe qu’il ne s’agit pas d’un simple couronnement, puisqu’un personnage semble lire un document aux souverains, qui le regardent et l’écoutent avec attention. Il s’agit de George Savile, marquis d’Halifax, choisi par la chambre des Communes pour présenter la Déclaration des Droits à Guillaume et Marie. Enfin, on constatera que le sujet de la scène n’est pas tant le couronnement lui-même, la couronne n’étant pas encore placée sur la tête des monarques, que le texte fondateur des « libertés anglaises », comme le suggère le titre et le jeu de regards entre les personnages principaux. On peut en conclure qu’au début du XIXe siècle, à une époque où la monarchie parlementaire est un régime bien établi au Royaume-Uni, il semble plus important au Parlement, commanditaire de ce tableau, de représenter l’établissement de lois fondamentales du royaume que l’accession au pouvoir de tel ou tel souverain. • Doc. 3. La Déclaration des Droits

Voir commentaire du document 2 pour le contexte historique.

Ces extraits de la Déclaration des Droits présentent une liste de droits jugés par le Parlement d’Angleterre. Par rapport aux textes fondateurs des « libertés anglaises », ce document est innovant dans la mesure où il affirme non seulement des libertés individuelles (consentement à l’impôt), mais surtout des limites à l’autorité du roi (soumission à l’autorité des lois, impossibilité de lever et entretenir une armée en temps de paix sans l’accord du Parlement, régularité des sessions parlementaires) et des règles parlementaires (liberté des élections, liberté de parole au sein du Parlement). Ce faisant, ce texte ouvre la voie à un régime parlementaire et à la mise en place d’un État de droit. • Doc. 4. Figurine à l’effigie de John Wilkes

Cette figurine en porcelaine de Derby, fabriquée vers 1765-1770, représente le journaliste et parlementaire John Wilkes. Opposant notoire du roi George III, il est emprisonné en 1763, ce qui déclenche des émeutes à Londres en faveur de la liberté de la presse. Il devient dès lors le symbole du combat pour les « libertés anglaises ». Malgré les tentatives du gouvernement d’invalider son élection, il est désigné à la Chambre des Communes à cinq reprises par les électeurs du Middlesex entre 1768 et 1774. Cette bataille politique suscite une campagne d’opinion massive en faveur de celui qui est perçu comme un martyr de la liberté. 87

Ce document est intéressant à plus d’un titre. Premièrement, il montre, par la référence au Bill of Rights, sur lequel le personnage pose sa main droite et au Traité du gouvernement civil du philosophe John Locke (1690), qui se situe à ses pieds, que le combat de John Wilkes s’inscrit dans une tradition politique et philosophique de défense des « libertés anglaises ». Par ailleurs, la production de telles figurines par la manufacture de Derby, qui connaît alors une large diffusion même si elle reste un produit de luxe, révèle l’acculturation du peuple anglais au thème des « libertés anglaises ». En effet, pendant plus d’un siècle, le combat contre les abus du pouvoir royal avait été mené principalement par les parlementaires et au profit du renforcement du pouvoir du Parlement. Désormais, au XVIIIe siècle, de larges mouvements d’opinion se structurent et réclament des libertés politiques, faisant naître l’ébauche d’une démocratie en Angleterre. ➡➡Réponses aux questions

1. La loi d’Habeas Corpus exige qu’un individu ne puisse pas être arrêté ou emprisonné sans cause légale. Pour ce faire, elle ordonne aux officiers de justice de présenter tout prévenu devant une cour de justice sous un délai de trois jours afin que la légalité de son arrestation soit vérifiée. Ce document présente un point commun avec la Magna Carta, dans la mesure où cette dernière posait déjà, en 1215, le principe d’interdiction des arrestations arbitraires. 2. Les documents 2 et 3 révèlent qu’une monarchie parlementaire se met en place en Angleterre à l’occasion de la Glorieuse Révolution. En effet, dans le document 2, on observe que le roi et la reine ne se voient offrir la couronne qu’à condition qu’ils acceptent la Déclaration des Droits qui leur est présentée. D’ailleurs, les deux souverains n’ont d’yeux que pour le porteur du document et le titre du tableau est The Bill of Rights et non Couronnement de Marie Stuart et de Guillaume d’Orange, montrant que les rois ont moins d’importance que les règles constitutionnelles du royaume. Le document 3 nous permet d’accéder au contenu de cette déclaration. Elle contient un rappel de certaines « libertés anglaises » déjà affirmées dans d’autres textes, notamment le Petition of Rights, mais elle précise les pouvoirs du Parlement et organise son fonctionnement. Ainsi, ce document, qui limite le pouvoir royal, instaure bien une monarchie parlementaire. 3. Ce document est une figurine en porcelaine produite à Derby vers 1765-1770. Elle représente le journaliste et parlementaire whig, John Wilkes, connu pour s’être opposé au roi George III. Il est rapidement devenu une figure du combat pour la liberté d’expression. Ce personnage est représenté debout à côté d’un meuble, sur lequel est posé le Bill of Rights et au pied duquel se trouve le traité politique du philosophe John Locke sur le gouvernement civil. Par son attitude, Wilkes 88

apparaît comme un protecteur ou un descendant de la tradition philosophique et politique anglaise, qui protège les libertés individuelles. Cet objet étant produit en plusieurs exemplaires dans la manufacture de Derby, on peut supposer qu’il a permis à la population anglaise de se familiariser avec le thème des « libertés anglaises », jusqu’alors défendues essentiellement par le Parlement. Cependant, même si un large mouvement d’opinion se structure pour défendre Wilkes autour du slogan Wilkes and Liberty, on peut penser que ce type de figurine, très précieuse et sûrement très onéreuse, a essentiellement touché les classes les plus favorisées de la population britannique. 4. Les textes fondateurs des « libertés anglaises » expriment le refus de l’arbitraire royal car, d’une part, ils limitent le pouvoir du souverain, qui ne peut lever des impôts ou une armée sans le consentement du Parlement, et, d’autre part, ils accordent le droit à tout sujet de se prémunir contre des arrestations injustifiées. Autrement dit, ces textes soumettent le souverain à des règles, alors que le principe même de la souveraineté est théoriquement de n’accepter aucune limite à ses décisions. ➡➡Réaliser une carte mentale

Si l’élève ne parvient pas à suivre la consigne en autonomie, les conseils suivants peuvent lui être donnés : – pour la 1re branche de la carte mentale, l’élève doit identifier le titre des documents 1 et 3, puis compléter la liste des textes fondateurs en se reportant à la boîte repères p. 192, au B. p. 184 et au document 2 p. 190. – pour la 2e branche de la carte mentale, l’élève doit relever dans les documents 1, 3 et 4 les libertés évoquées. Pour le document 4, il devra bien lire la biographie de John Wilkes pour comprendre la liberté qui est en jeu. – pour la 3e branche de la carte mentale, l’élève doit comparer les acteurs qui mènent le combat pour les libertés anglaises dans les documents 1 à 3 et ceux qui le mènent dans le document 4. Encore une fois, la biographie de John Wilkes doit être bien lue. Il peut également être expliqué à l’élève que la porcelaine de Derby était fabriquée dans une manufacture en plusieurs milliers d’exemplaires. Il s’agissait d’un produit de luxe, qui a néanmoins connu une large diffusion en Angleterre au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Voltaire et les Lettres anglaises >>MANUEL PAGES 194-195

Cette étude de documents a pour objectif de montrer l’influence de l’Angleterre sur la pensée de Voltaire. Comme d’autres philosophes ont pu le faire, Voltaire convoque un exemple étranger pour mieux analyser et critiquer le système politique français. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

• Doc. 1. Un « gouvernement sage »

Ce document et les deux suivants sont extraits du même ouvrage, les Lettres anglaises ou Lettres philosophiques, publié en 1733 à Londres, où l’auteur a vécu entre 1726 et 1729. Dans ce premier extrait, tiré de la 8e lettre, « Sur le Parlement », Voltaire vante les mérites de la monarchie limitée. • Doc. 2. Le négociant et le courtisan

Dans ce second extrait, tiré de la 10e lettre « Sur le commerce », Voltaire soutient que la liberté du commerce est la cause principale de la puissance anglaise. En miroir, il donne une image ridicule de la société française, dans laquelle la bourgeoisie commerçante est freinée dans son ascension sociale par la noblesse. • Doc. 3. Le pluralisme religieux

Dans ce dernier extrait, tiré de la 6e lettre, « Sur les presbytériens », (c’est-à-dire les calvinistes britanniques), Voltaire s’émerveille de la liberté de culte qui existe au Royaume-Uni. Outre que cela crée une harmonie sociale, l’auteur soutient que cela participe à la prospérité de la Grande-Bretagne, puisqu’il place tous ces personnages à la Bourse de Londres, lieu emblématique du commerce international qui se développe rapidement au XVIIIe siècle. • Doc. 4. Voltaire anglophone

Ce document est une lettre officielle adressée à Voltaire le 20 mai 1727 pour lui accorder une pension de 200 livres. Ce cadeau, probablement une largesse royale, prouve que la couronne voit d’un bon œil l’installation du philosophe à Londres. D’ailleurs, sans que l’on sache si c’est une erreur ou une stratégie, le prénom du philosophe a été anglicisé en « Francis », peut-être pour favoriser son intégration dans la société britannique. • Doc. 5. Londres et Paris

Voltaire, comme la plupart des philosophes des Lumières, entretient une abondante correspondance avec des penseurs européens. En 1733, dans une lettre adressée à un pasteur suisse, Joseph Vernet, il vante la « tolérance » en matière de religion. L’emploi de ce mot est intéressant car, jusqu’alors, il avait un sens largement négatif, tolérer signifiant « supporter à contrecœur quelque chose que l’on rejette » au XVIe et au XVIIe siècle. Pour la première fois dans les écrits de Voltaire, le mot prend le sens positif qu’on lui connaît aujourd’hui. Ce document est également précieux pour l’historien qui cherche à comprendre le contexte de rédaction et de publication des Lettres anglaises, dans la mesure où Voltaire, craignant la censure royale, déclare qu’il ne souhaite pas qu’elles soient publiées en France. Son combat semble vain, à une époque où les écrits ne circulent pas © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

de manière contrôlée et où les droits d’auteur ne sont pas encore créés. ➡➡Réponses aux questions

1. Aux lignes 1 à 8, Voltaire affirme que l’Angleterre est le seul pays à être doté d’une monarchie où les pouvoirs du roi sont limités grâce à la résistance du peuple. Il est vrai que, dans l’Europe absolutiste du XVIIIe siècle, le Royaume-Uni fait figure d’exception. Par ailleurs, la « résistance » (l. 3) et les « mers de sang » font référence à l’histoire anglaise, marquée par deux révolutions. Il faut cependant noter, contrairement à ce qu’écrit Voltaire, que la Glorieuse Révolution s’est passée sans violence. Enfin, aux lignes 8 à 10, Voltaire évoque la mise en place d’un régime parlementaire, dans lequel les chambres des Pairs et des Communes ont un pouvoir d’arbitrage. L’adoption de la loi d’Habeas Corpus en 1679, la rédaction de la Déclaration des Droits en 1689 ou la création de la loi d’Établissement en 1701 confirment bien ce rôle dévolu au Parlement dans le système politique britannique. 2. Voltaire insiste sur le commerce dans son éloge de l’Angleterre car il considère que c’est le fondement de la « grandeur de l’État » anglais (l. 4). Par ailleurs, il juge que le commerce n’est pas assez développé en France en raison de l’influence qu’exerce la noblesse à la cour, comme on le voit dans le second paragraphe.

3. Dans les documents 3 et 5, Voltaire donne un sens positif au mot « tolérance ». Par ce mot, il désigne la capacité de personnes issues de communautés religieuses différentes à « [vivre] toutes assez bien ensemble » (doc. 3, l. 4) ou encore à « [vivre] en paix et heureuses » à la dernière ligne du même document.

4. D’après la lettre à Joseph Vernet, Voltaire hésitait à publier les Lettres anglaises en France car il craignait des « persécutions » par le pouvoir royal (l. 9), qui pouvaient prendre la forme d’une censure voire, pire, d’un emprisonnement. Par ailleurs, il craint la réaction de l’opinion française qualifiée de « dévote » et de « frivole » (l. 18-19), qui risque de ne pas comprendre ses positions philosophiques et l’accuser d’être impie.

5. Cette lettre témoigne de l’intégration de Voltaire à la société anglaise pour deux raisons. D’une part, on voit que la couronne britannique le reçoit aimablement, puisqu’elle lui accorde une pension de 200 livres. D’autre part, Voltaire étant appelé « Francis », on peut imaginer que le philosophe avait anglicisé son prénom pour faciliter sa prise de contact avec la société anglaise. Néanmoins, on peut nuancer cette idée en notant que les personnes les plus éduquées en Angleterre parlaient généralement le français. 6. Le modèle anglais fait évoluer la pensée de Voltaire sur trois sujets principaux qui lui permettent de critiquer la situation française. Premièrement, dans la 8e lettre anglaise, Voltaire considère que le système

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politique britannique est admirable car il est parvenu à limiter le pouvoir du roi en imposant un contre-pouvoir, celui du Parlement. A contrario, en France, le pouvoir du souverain est quasi illimité et les sujets ne sont pas prémunis contre l’arbitraire royal. Deuxièmement, Voltaire est admiratif de la place accordée à la bourgeoisie commerçante en Grande-Bretagne, alors qu’en France la noblesse contrôle la vie politique. Enfin, en observant la cohabitation entre une pluralité de religions en Angleterre, Voltaire forge un concept qui devient central dans sa philosophie : celui de tolérance religieuse. ➡➡Réaliser un entretien

Pour réaliser ce travail, les élèves doivent procéder en deux étapes. 1) Ils doivent identifier 3 axes dans la consigne (le plan politique, le plan social et le plan religieux) puis chercher dans les documents à quoi correspondent ces trois thèmes dans la philosophie de Voltaire. 2) Une fois ce repérage effectué, les élèvent peuvent imaginer le dialogue entre un penseur français fréquentant Le Procope, un café où se réunissaient souvent les philosophes des Lumières, et Voltaire, qui revient d’Angleterre. Ce dialogue peut se construire autour des trois axes identifiés précédemment. Conseil 1 : il peut être intéressant de placer cette discussion après 1734, lorsque des versions françaises des Lettres anglaises circulent sur le continent. Conseil 2 : pour que la discussion entre les deux personnages soit nourrie, les élèves ont intérêt à imaginer que l’interlocuteur de Voltaire est soit complètement ignorant de l’Angleterre, posant alors des questions naïves auxquelles le philosophe pourra répondre pour l’instruire, soit hostile au Royaume-Uni, un débat d’idées s’engageant alors entre les deux personnages.

La montée des tensions entre le Royaume-Uni et ses colonies >>MANUEL PAGES 196-197

• Doc. 1. Le « massacre de Boston » (5 mars 1770)

Cette gravure propose une reconstitution des événements survenus à Boston le 5 mars 1770, qualifiés de « massacre » par les Insurgents qui les érigèrent en véritable mythe fondateur de leur lutte. Suite à une altercation entre des manifestants américains contestant les nouvelles taxes imposées par Londres et des soldats britanniques, ces derniers ouvrent le feu, faisant 7 morts parmi les protestataires. La gravure, réalisée par un leader insurgé, Paul Revere, met en scène un affrontement manichéen et déséquilibré : à droite, vêtus de 90

leur uniforme rouge, les soldats britanniques au visage impassible tirent à bout pourtant sur la foule des contestataires désarmés à droite. Au sol, gisent les victimes de la répression. Cette mise en scène acte le divorce entre les colons et l’Angleterre et vise à noircir un peu plus l’image de cette dernière dans les esprits indécis. • Doc. 2. Une question de principe

Ce discours du député virginien Patrick Henry illustre le credo fondamental des insurgés américains : No taxation without representation. Ce qu’ils contestent n’est en effet pas le fait de payer des impôts, mais le fait de ne pas avoir leur mot à dire sur la fixation de leur montant. Retournant contre leur métropole ses propres principes, ils estiment que le paiement de l’impôt leur donne un droit de regard sur son prélèvement et son usage. En conséquence, dès lors qu’ils ne sont pas représentés au parlement britannique, ils estiment que ce dernier n’est pas légitime à prendre des décisions les concernant, et en premier lieu à leur faire payer des impôts. • Doc. 3. Le parlement virginien réagit aux Coercive Acts

Cette résolution témoigne de la solidarité des colons de Virginie à l’égard de ceux du Massachussetts. Ceux-ci s’étaient en effet vu imposer de lourdes sanctions par Londres à la suite de la Boston Tea Party. Cette commune opposition à la tutelle britannique permet aux colons d’unir leurs forces pour mieux la contester. Elle préfigure le choix du régime fédéral, qui sera finalement retenu une fois l’indépendance obtenue. • Doc. 4. Le goudron et les plumes

Cette célèbre gravure offre une vision anglaise du soulèvement américain. Les insurgés y sont présentés comme des rebelles violents et forcenés avec lesquels toute négociation semble en conséquence impossible. Le recours à la répression à leur encontre s’en trouve par là même justifié. • Doc. 5. Une question de principe

Cette adresse, rédigée par les colonies insurgées à destination du peuple britannique, vise à justifier le choix de l’insurrection qui est le leur. John Hay, qui en est l’auteur, commence par vanter les mérites du peuple britannique et du modèle libéral dont il est à l’origine. Un éloge qui lui permet ensuite de pointer le fait que la politique britannique en Amérique contrevient aux principes fondamentaux dudit modèle. Ce qui justifierait le bras de fer engagé par les colonies à l’encontre de leur métropole : les premières seraient pour ainsi dire « plus britanniques que la Grande-Bretagne » elle-même, qui n’appliquerait pas réellement les principes dont elle se prévaut. C’est donc en retournant contre la Grande-Bretagne les valeurs dont elle tire sa fierté et en la mettant devant ses contradictions que les colons espèrent convaincre du bienfondé de leurs initiatives. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

➡➡Réponses aux questions

1. Les colons s’opposent aux taxes que veut leur imposer l’Angleterre car ils ne sont pas représentés au Parlement britannique. Ils estiment donc que celui-ci ne dispose pas de la légitimité pour leur imposer de telles taxes. Deux solutions seraient ainsi envisageables : soit les colonies continuent à n’être pas représentées au parlement mais elles ne doivent alors pas payer de taxes ; soit elles consentent à payer les taxes en question, mais elles doivent alors disposer de représentants au parlement. Il est en effet essentiel que ceux qui payent les taxes participent librement à leur établissement afin d’éviter toute dérive.

2. On voit sur cette gravure un représentant de l’État anglais, l’agent des impôts John Malcolm, maltraité par des colons en colère qui le forcent à boire du thé (un des produits dont la taxation avait suscité la contestation). À l’arrière-plan a été représentée la Boston Tea Party tandis qu’une affiche portant la mention Stamp Act (du nom de l’une des taxes imposées par Londres et contestées par les colons) est apposée, à l’envers, sur le tronc d’un arbre de la liberté dont l’une des branches porte une corde dont on pressent qu’elle pourrait finir autour du cou du malheureux percepteur.

3. Alors que dans le document 1, les insurgés sont représentés comme d’innocentes victimes de la brutalité anglaise, ils sont au contraire figurés en persécuteurs dans le document 2 où ils s’attaquent en groupe à un homme isolé. Ce contraste s’explique par la nature différente des deux documents : le premier a été réalisé par un insurgé et doit servir à la propagande anti-anglaise, tandis que le second, réalisé par un Anglais, a au contraire pour objectif de décrédibiliser les insurgés américains en les représentant comme des brutes.

4. L’« attaque » dénoncée par les députés virginiens désigne la répression des insurgés du Massachussetts. Il s’agit d’une allusion aux Coercive Acts, rebaptisés Intolerable Acts par les insurgés. Il s’agit d’une série de mesures coercitives adoptées par Londres en 1774 en réponse à la Boston Tea Party. La « nation » à laquelle John Hay fait élogieusement référence au début du texte est la nation britannique. Ses « amis » et « enfants » sont les colons britanniques qui en proviennent et s’estiment trahis par les leurs qui les traitent en inférieurs et non en égaux, en contradiction flagrante avec les principes dont ils sont les porteurs.

5. Issus pour la plupart du Royaume-Uni, les colons nord-américains n’avaient a priori aucune raison de se dresser contre leur métropole. C’est la multiplication des taxes imposées par Londres, et surtout le fait que ces taxations ne s’accompagnaient pas d’une représentation au Parlement, qui finit par provoquer la rupture. Une rupture justifiée aux yeux des colons par les principes mêmes dont se prévalait l’Angleterre et qu’elle n’appliquait pas les concernant. Très tôt, les colonies insurgées © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

comprennent qu’il leur faut s’unir pour espérer l’emporter dans le bras de fer qui les oppose à leur métropole. C’est ainsi qu’elles affichent leur solidarité à l’égard du Massachussetts lorsque celui-ci fait l’objet de mesures de répression décidées par Londres à la suite de la Boston Tea Party. Sont ainsi posés les préludes de ce qui deviendra, une fois l’indépendance proclamée, les États-Unis d’Amérique. ➡➡Réaliser un diaporama

1) Les causes de l’opposition : documents 2 et 5 2) La radicalisation de l’opposition : documents 1 et 4 3) La structuration de l’opposition : document 3

Thomas Paine, un Anglais partisan de l’indépendance américaine >>MANUEL PAGE 198

• Doc. 1. Pourquoi l’indépendance ?

Rédigé par un Anglais et écoulé en quelques mois à plus de 150 000 exemplaires, ce célèbre pamphlet défendant l’indépendance américaine a beaucoup contribué à populariser la cause des Insurgents, tant dans les colonies américaines qu’au Royaume-Uni et dans le reste de l’Europe. Paine y établit un argumentaire détaillé expliquant non seulement pourquoi l’indépendance américaine est selon lui souhaitable, mais en fait inéluctable. La retarder ne serait donc d’aucun intérêt. Ce faisant, il fait d’une pierre deux coups en motivant le camp indépendantiste et en décourageant le camp loyaliste, dont le combat est assimilé à une lutte d’arrière-garde vouée à l’échec. ➡➡Réponses aux questions

1. Selon Thomas Paine, l’indépendance des colonies américaines favoriserait leur développement et leur prospérité. Si la tutelle britannique a pu leur être utile au début, elles ont selon lui désormais atteint un niveau de maturité qui leur impose de s’en émanciper. Cela aurait notamment pour avantage de simplifier leur administration en n’ayant pas à subir les contraintes qu’impose la distance entre les colonies et leur métropole et qui ralentit considérablement son gouvernement. 2. Pour Paine, l’indépendance des colonies américaines est inéluctable car leur situation est aberrante et ne peut donc durer. Car s’il arrive qu’un vaste État (un « continent ») maintienne sous sa tutelle une île, l’inverse semble plus difficile. C’est pourtant la situation des colonies américaines qui sont plus vastes et bientôt plus peuplées que leur métropole. Celle-ci ne peut donc prétendre les maintenir sous sa coupe bien longtemps. Leur indépendance n’est qu’une question de temps et de bon sens. Lutter contre n’est donc d’aucun intérêt. 91

3. Par ses nombreux voyages entre l’Angleterre, les colonies d’Amérique et la France, Thomas Paine a joué un rôle crucial de passeur d’idéaux révolutionnaires. Il a facilité la structuration et surtout la diffusion des idéaux indépendantistes américains, contribuant à les faire accepter par une partie de l’opinion publique anglaise, et à les faire rayonner en France. 4. Contre les arguments de Paine, le roi George III ferait valoir qu’il est faux que « le véritable intérêt de l’Amérique consiste à ne plus dépendre de la Grande-Bretagne ». Il insisterait pour ce faire sur tous les bénéfices que l’Amérique tire de sa mère-patrie, en faisant référence à la guerre de Sept ans. Il pourrait alors expliquer que celle-ci, bénéfique aux colons, a coûté cher à leur métropole, qui est donc légitimement en droit de leur demander en contrepartie une contribution financière.

La Déclaration d’indépendance (1776)

par Londres à ses colonies, ainsi qu’à la répression exercée contre les insurgés qui les dénonçaient. 4. Le fait même de reconnaître des droits aux hommes, d’affirmer leur égalité fondamentale, et de le proclamer publiquement à la face du monde, témoigne de l’influence de la pensée des Lumières sur les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance. La reconnaissance d’un droit à l’insurrection contre tout pouvoir qui s’opposerait à l’application desdits droits est également typique de la pensée des Lumières. 5. Droits proclamés par les députés américains

Droit à la vie, à la liberté, à la recherche du bonheur et à l’insurrection contre un pouvoir liberticide.

Reproches adressés au Royaume-Uni par les députés américains

L’Angleterre n’aurait pas respecté les droits à l’égalité, à la recherche du bonheur et à la juste représentation de ses citoyens américains.

Décisions prise par les députés américains

Proclamation de l’indépendance des colonies américaines à l’égard de leur métropole.

Influence de la philosophie des Lumières

Reconnaissance de l’égalité des hommes et insistance sur leurs droits fondamentaux « inaliénables », dont le non-respect autorise l’insurrection.

>>MANUEL PAGE 199

• Doc. 1. Déclaration d’indépendance des treize États-Unis d’Amérique (4 juillet 1776)

Comme son titre l’indique, ce texte canonique est d’abord une proclamation d’indépendance. Mais il est aussi et surtout une déclaration des droits de l’homme dont l’influence sera grande, notamment sur les révolutionnaires français qui s’en inspireront pour partie pour rédiger leur propre déclaration d’août 1789. ➡➡Réponses aux questions

1. La séparation à laquelle fait référence le texte est celle que proclame la déclaration d’indépendance entre l’Angleterre et ses colonies américaines devenues indépendantes : « tout lien politique » est désormais dissous entre les colonies et leur ancienne métropole. 2. La Déclaration d’indépendance américaine reconnaît aux hommes des « droits inaliénables », à commencer par celui à la vie (autrement dit à la sécurité, en premier lieu contre les abus de l’État), à la liberté et, plus original, à la « recherche du bonheur ». En conséquence, tout gouvernement qui contreviendrait auxdits droits serait considéré comme illégitime, ce qui était le cas, selon les colons, du gouvernement britannique, qui ne les traitait pas sur un pied d’égalité. Par la lourdeur et la distance du lien qui les rattachait à Londres, les colonies s’estimaient bridées dans leur quête du bonheur. Qui plus est, les rédacteurs insistent sur l’importance du « consentement des gouvernés » à l’autorité gouvernementale. 3. La « longue suite d’abus et d’usurpations » à laquelle il est fait référence dans la déclaration est une allusion aux nombreuses taxes et mesures vexatoires imposées 92

Les Indiens dans la révolution américaine >>MANUEL PAGE 200

• Doc. 1. La proclamation royale de 1763

Cette proclamation est adressée par le roi aux colons américains afin d’encadrer leur expansion vers l’Ouest dans le souci de ne pas relancer les conflits avec les populations indiennes qui y vivent. • Doc. 2. Les instructions de Washington

Rédigée durant la guerre d’indépendance, cette lettre témoigne de la volonté des insurgés de trouver des renforts combattants, en les recrutant par exemple parmi les populations indiennes, qui sont pourtant a priori peu concernées par ce conflit entre Britanniques. ➡➡Réponses aux questions

1. La proclamation royale de 1763 vise à apaiser les relations avec les Indiens en sanctuarisant certaines de leurs terres convoitées par les colons américains. C’est donc contre ces derniers qu’est dirigée cette proclamation. Cette opposition royale à l’extension des colonies vers l’Ouest, destinée à apaiser les indiens, attise en retour la colère des colons, contribuant à leur volonté d’indépendance. 2. La manière dont le roi George III parle des terres indiennes est contradictoire car d’un côté, il insiste pour que ces terres leurs soient réservées, mais de l’autre, il les désigne par l’expression « nos terres ». Il ne considère donc pas que ces terres appartiennent aux Indiens, © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

mais bien qu’elles sont siennes et qu’il ne fait que leur en consentir l’usage, qui pourrait donc n’être que temporaire. 3. Selon Washington, les combattants indiens sont susceptibles de « rendre d’excellents services » aux troupes insurgées. Leur connaissance du terrain américain en ferait notamment de bons « éclaireurs et troupes légères ». Sans doute parce qu’il doute de leur loyauté, il n’envisage pas de les constituer en bataillons autonomes, mais plutôt de les mélanger aux troupes insurgées. 4. Pour obtenir l’engagement de combattants indiens dans ses troupes, Washington confie le soin à des négociateurs de leur accorder des concessions, vraisemblablement des terres réservées. Il utilise donc la même stratégie que George III pour tenter de ne pas se mettre les Indiens à dos. 5. Bien que le conflit entre les colons et leur métropole ne concerne a priori pas les Indiens, ceux-ci ont pris une part active à la guerre. En effet, chacun des deux camps a cherché à les enrôler à ses côtés, à la fois en leur faisant diverses promesses (notamment de terres) et en les recrutant comme combattants auxiliaires.

Les Noirs dans la révolution américaine >>MANUEL PAGE 201

• Doc. 1. Jefferson et la traite négrière

Ce paragraphe rédigé par Jefferson et qui fut finalement retiré de la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 témoigne des dissensions entre colonies à propos de la question esclavagiste. Leur non résolution à cette date explique les difficultés que connaîtra ensuite l’Union et qui aboutiront à la guerre de Sécession. • Doc. 2. Une pièce d’un dollar sierra-léonais de 1791

Cette pièce permet d’évoquer le sort de certains des Noirs loyalistes après l’indépendance. Conformément aux engagements pris à leur égard, le Royaume-Uni procéda à leur affranchissement. Comme de nombreux autres loyalistes, beaucoup prirent alors le chemin de l’exil, notamment vers la Sierra Leone, où les Britanniques tentaient alors de réimplanter des esclaves arrachés d’Afrique par la traite. ➡➡Réponses aux questions

1. Jefferson reproche à George III d’avoir fait pratiquer la traite négrière transatlantique, et de s’être opposé aux mesures abolitionnistes destinées à y mettre un terme. 2. Si Jefferson commence par rappeler le soutien de George III à la traite négrière, c’est pour mieux dénoncer la duplicité dont il ferait à présent preuve en poussant les Noirs américains à combattre contre les colons dont certains sont esclavagistes. George III pousserait ainsi © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

les Noirs américains à commettre des « crimes » contre les colons pour venger le crime esclavagiste dont ils furent victimes. Instigateur du second de ces crimes, il fut aussi complice du premier. C’est donc contre lui plus que contre les colons que Noirs et colons devraient se retourner solidairement. 3. Ce passage abolitionniste n’a finalement pas été inclus à la Déclaration d’indépendance car il ne pouvait qu’attiser les dissensions entre les colonies insurgées. Celles du Sud en particulier, dont l’économie de plantation reposait sur l’exploitation d’une main-d’œuvre servile, n’étaient pas favorable à l’abolition de l’esclavage. 4. La pièce d’un dollar sierra-léonaise est ornée d’un symbole montrant une poignée de main entre un noir et un blanc. Il s’agit d’insister sur la fraternité unissant les noirs américains engagés dans le camp loyaliste et le Royaume-Uni. Une fois celui-ci vaincu, la promesse d’affranchissement qui avait été faite aux Noirs en échange de leur engagement est tenue sous la forme de l’affranchissement et du transfert de ceux-ci vers la Sierra Leone. Il était en effet difficilement envisageable pour les loyalistes, noirs ou non, de demeurer sur le sol américain une fois l’indépendance des États-Unis actée, ce qui explique que beaucoup d’entre eux furent contraints à l’exil. 5. Les droits reconnus aux hommes par la Déclaration d’indépendance de 1776, à commencer par l’égalité et la liberté, ne bénéficièrent pas à tous les habitants des États-Unis. L’absence de toute mention de l’esclavage dans le texte témoigne de la gêne que suscitait cette question entre les colons, qui préférèrent la passer sous silence pour ne pas se diviser dans la lutte qu’ils menaient alors contre le Royaume-Uni. Même quand des droits furent reconnus aux noirs, par Jefferson ou par George III, on peut y voir une démarche intéressée visant à s’assurer de leur soutien autant qu’une réelle conviction.

La Fayette : un Français aux côtés des révolutionnaires américains >>MANUEL PAGE 202

• Doc. 1. Les raisons d’un engagement

Dans ces mémoires rédigés peu après sa participation à la révolution américaine et bien avant le déclenchement de la Révolution française, La Fayette revient sur les motivations et les modalités de son engagement aux côtés des Insurgents. • Doc. 2. Sur les champs de bataille américains

Cette gravure illustre la dimension militaire de l’engagement de La Fayette au service de la révolution 93

américaine, rappelant plus précisément sa participation à la bataille décisive de Yorktown. ➡➡Réponses aux questions

1. Les « entraves » et « vexations » auxquelles fait référence La Fayette sont les mesures imposées par Londres à ses colonies américaines et qui suscitèrent leur insurrection. Par le choix de ces termes, La Fayette les présente comme une volonté délibérée de la part de Londres de brider le libre développement des colonies américaines pour les maintenir sous sa coupe, voire de les humilier pour affirmer sa supériorité sur elles. 2. La Fayette affirme s’être engagé aux côtés des Insurgents pour défendre la liberté menacée par George III. Selon lui, le combat des indépendantistes américains dépassait en effet largement leur seule cause. À travers eux, c’était le sort de « l’ensemble de l’humanité » qui était en jeu : qu’ils soient vaincus, et c’étaient les espoirs de liberté des peuples du monde entier qui s’en seraient trouvés douchés. Au contraire, leur victoire donnerait des idées et des ailes à d’autres peuples à travers le monde, à commencer par les Français. 3. L’engagement de La Fayette est compliqué par plusieurs facteurs. D’abord, son jeune âge et sa faible expérience militaire le rendent peu crédible, voire peu utile, auprès de ses interlocuteurs américains qui cherchent en Europe des soutiens a priori plus décisifs. D’autre part, il doit échapper à la surveillance des espions français et anglais qui pourraient faire échouer son entreprise si elle était découverte. Au moment où il s’engage, la France n’a en effet pas encore noué d’alliance officielle avec les insurgés américains. 4. La Fayette soutient d’abord les insurgés américains en plaidant leur cause auprès des Français, par exemple dans ces Mémoires. Mais il les soutient aussi en prenant directement part aux combats contre les troupes loyalistes durant la guerre d’indépendance, participant notamment à la victoire indépendantiste de Yorktown en 1781. 5. L’engagement de La Fayette dans la révolution américaine illustre celui de nombreux autres Français et Européens. Il repose d’abord sur une identification à la cause des insurgés, perçus comme les représentants d’une cause plus grande qu’eux : la liberté. C’est donc la volonté de défendre et de faire triompher les idéaux des Lumières qui préside à cet engagement. Il ne faut pas non plus exclure dans celui-ci une part d’exaltation et de désir d’aventure chez ce jeune noble de bonne famille. Sur le terrain américain, La Fayette a essentiellement une activité militaire. Mais son utilité pour la cause américaine est aussi diplomatique : il œuvre à populariser la cause américaine en France, ce qui contribue à nouer une alliance officielle entre les deux pays.

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L’influence de la révolution américaine en France >>MANUEL PAGE 203

• Doc. 1. Une victoire célébrée

Cette allégorie illustre l’usage fait par la propagande royale française de la victoire des indépendantistes américains à laquelle la monarchie s’enorgueillit d’avoir participé tout en s’inquiétant de ses effets potentiellement déstabilisateurs en France. Il s’agit donc de vanter une révolution (américaine) pour mieux en désamorcer une autre potentielle (française). • Doc. 2. Les avantages de la révolution américaine

Cette évaluation de la portée de la Révolution américaine par Brissot permet d’illustrer la manière dont cet épisode influença nombre de ceux qui devinrent, quelques années plus tard, des acteurs majeurs de la Révolution française. ➡➡Réponses aux questions

1. La femme coiffée de plumes est une allégorie de l’Amérique. Le bonnet phrygien au sommet de sa lance est un symbole d’émancipation et de liberté qui sera repris par les révolutionnaires français en 1789. Le fauve vaincu, à ses pieds, est une allégorie de l’Angleterre terrassée par les révolutionnaires. 2. L’auteur de cette image insiste jusqu’à l’excès sur le rôle joué par la France dans l’indépendance américaine et sur les liens indéfectibles qui se sont par-là même noués entre les deux pays (d’où la présence de Benjamin Franklin, très apprécié des Français, et de George Washington). Le rôle prêté à la France et à son roi, qualifié de « libérateur » de l’Amérique et, par l’affaiblissement de l’Angleterre, des mers, est quelque peu exagéré. En plaçant le coq gaulois, symbole de la France, et le portrait de Louis XVI, son roi, au sommet d’un monument fleurdelisé, l’auteur tend à présenter la victoire des insurgés américains comme étant d’abord une victoire française. Par une telle mise en scène, la monarchie française cherche, en s’affichant solidaire des populaires révolutionnaires américains, à se placer « du bon côté de l’histoire » et ainsi à se prémunir contre une révolution qui pourrait la viser. 3. Pour pouvoir publier cet éloge de la révolution américaine qui, par certains aspects, est aussi un appel à une révolution française, Brissot a dû surmonter l’obstacle de la censure royale. C’est pourquoi son texte est imprimé à Londres et non en France. C’est paradoxalement dans la patrie de George III, dénoncée comme liberticide par une monarchie française qui se gargarise de son soutien aux révolutionnaires américains, que Brissot doit aller pour pouvoir faire entendre sa voix contestatrice. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

4. Pour Brissot, la révolution américaine a le mérite d’avoir fait parler d’elle et donc des idéaux des Lumières au nom desquels elle était menée. Mais surtout, elle a créé un précédent qui fera réfléchir à deux fois les souverains du monde entier avant de prendre des mesures liberticides. Et ce d’autant plus que les États-Unis offrent désormais un asile aux révolutionnaires du monde entier, qui s’en trouvent d’autant plus enhardis. 5.

fonction suprême, mais également ce qu’il pense qu’il reste à faire pour son pays et les conseils qu’il prodigue à ses successeurs pour y parvenir. ➡➡Réponses aux questions

Cette image rappelle que c’est d’abord par les armes que Washington s’est fait connaître à la faveur de la guerre d’indépendance. Et que c’est de ses victoires militaires qu’il tire la légitimité qui lui permet d’accéder à la présidence de la République.

1. Ces deux images illustrent les deux facettes de la vie de Washington avant son accession à la présidence. Il est d’abord un grand propriétaire terrien à la tête d’un vaste domaine, recourant à une main-d’œuvre servile. Il est par ailleurs un chef militaire qui s’avère vite redoutable, ce qui lui vaut, au terme de la guerre d’indépendance, une aura considérable qui facilite son accession au pouvoir. 2. Dans la première phrase de son discours d’investiture, Washington affiche sa modestie. À l’en croire, il avait choisi de se retirer définitivement de la vie publique une fois la guerre terminée, afin de jouir d’une retraite bien méritée. Ce ne serait que face à l’ampleur et à l’insistance des appels en faveur de son accession au poste de président qu’il aurait, contraint et forcé, fini par accepter. Le parallèle avec le héros romain Cincinnatus est ici transparent. 3. George Washington partage avec les autres pères fondateurs des États-Unis une foi en l’exceptionnalité et en l’exemplarité de son pays. Selon lui, celui-ci serait élu de Dieu et de ce fait béni par la Providence. On trouve là une préfiguration de la doctrine de la Destinée manifeste, qui sera théorisée au siècle suivant pour justifier l’expansion du pays vers l’Ouest. 4. Le discours d’adieu de Washington a pour leitmotiv l’unité. Tout en reconnaissant que le peuple américain est pluriel, il considère en effet que ce qui fait son unité est plus fort que ce qui fait sa diversité. En conséquence, il appelle ses concitoyens à préserver l’union entre les différentes républiques et à ne pas céder aux affres de la guerre civile. 5. C’est précisément au nom de la préservation de l’unité nationale américaine que Washington n’hésite pas à recourir à la force pour réprimer les insurgés qui contestent en 1794 l’augmentation des taxes sur le whisky. Le fait est d’autant plus notable que c’est précisément d’une protestation contre les taxes qu’était partie la révolution américaine une décennie plus tôt. 6. C’est avant tout grâce aux succès militaires remportés durant la guerre d’indépendance que George Washington s’impose, une fois l’indépendance obtenue et les institutions établies, comme le candidat idéal à la présidence de la République. Dans cette fonction, il œuvre avant toute chose à préserver et à consolider l’indépendance et l’unité de la jeune République.

• Doc. 5. Le dernier discours du Président

➡➡Classer des informations

Doc. 1

Bénéficiaires de la révolution américaine

Perdants de la révolution américaine

Les révolutionnaires américains

L’Angleterre

La monarchie française qui les a soutenus Doc. 2

Les souverains de l’Europe entière, y compris Louis XVI

Les amis de la Liberté dans le monde entier

George Washington : du général au président >>MANUEL PAGES 204-205

• Doc. 1. Le premier discours du président

Ce discours permet d’évoquer les circonstances dans lesquelles George Washington se retrouve porté à la présidence de la jeune république américaine. Il offre aussi un utile support pour étudier la manière dont il construit son image publique. Une image reposant sur la modestie et la figure de l’homme providentiel. • Doc. 2. La révolte du whisky

Ce document montre George Washington dans l’exercice de ses fonctions présidentielles, n’hésitant pas à recourir à la force pour mettre un terme à une rébellion fiscale. C’est ici le chef d’État intransigeant, quoique ne renonçant jamais à négocier, qui est mis en avant. • Doc. 3. Le domaine de Mont Vernon

Cette image permet d’aborder l’homme privé derrière le président. Il rappelle que Washington était un grand propriétaire terrien propriétaire d’esclaves. • Doc. 4. Washington sur le champ de bataille

Cet extrait du célèbre discours d’adieu de Washington est à mettre en regard avec le document 1, son discours d’investiture. On mesure ainsi mieux le chemin que son auteur estime avoir parcouru depuis son accession à la © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Voir tableau page suivante.

95

L’arrivée au pouvoir Doc. 1

Un poste obtenu presque contre son gré. Washington sort de sa retraite car on l’y pousse, pour l’intérêt supérieur de la nation.

Doc. 2

96

La nation américaine Le peuple américain est élu de Dieu. Grâce à cette bénédiction, il est promis à servir de « phare » à l’humanité.

Il est le garant du maintien de l’unité nationale.

Doc. 3

Avant d’être appelé au pouvoir, Washington s’était retiré dans sa propriété de Mont Vernon.

Doc. 4

C’est sur les champs de bataille de la guerre d’indépendance que Washington a acquis sa popularité.

Doc. 5

Le rôle de président

Créez une carte mentale numérique et collaborative >>MANUEL PAGES 206-207

L’outil Coggle utilisé ici permet de créer trois cartes mentales gratuitement. Il est aussi possible de travailler avec le logiciel libre et gratuit Framindmap. Cependant celui-ci ne permet pas d’insérer des images. Les cartes peuvent être modifiées à plusieurs, mais pas en temps réel.

Une nation divisée par la question de l’esclavage.

Le président se pose en père de la nation, à laquelle il prodigue ses conseils pour assurer la perpétuation de sa prospérité.

La nation américaine se renforce avec le temps : elle n’est plus seulement un assemblage d’immigrés, mais un peuple à part entière.

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Chapitre 7 Les Lumières et le développement des sciences MANUEL PAGES 212-237 ■■ Introduction Les sciences peuvent être définies aujourd’hui comme les modes d’interrogation de la nature fondés sur la raison, l’observation ou l’expérimentation. Cette définition n’a rien d’évident et elle fait elle-même partie de l’histoire des sciences : qu’est-ce que la science, qu’est-ce qu’elle n’est pas, faut-il en parler au singulier ou au pluriel ? Les réponses à ces questions ont considérablement varié selon les époques… La démarcation entre le scientifique et le non-scientifique, entre la science et la pseudo-science, la définition même de la scientificité est donc un enjeu essentiel de l’histoire des sciences. Par exemple, la séparation entre l’astronomie et l’astrologie, rejetée hors du domaine de la science, ne se fait qu’au XVIIIe siècle ; Kepler fut un grand astronome et un grand astrologue… Newton s’intéressa beaucoup à l’alchimie, ce qui gêne parfois ses admirateurs : à sa mort en 1727, les ouvrages d’alchimie représentaient un dixième de sa bibliothèque. On peut dire que la science, dans sa définition actuelle, est apparue à l’époque dite moderne (XVIe-XVIIIe siècles). La science « moderne » ou « classique », c’est la science telle que nous la définissons encore aujourd’hui. Dans les critères qui ont contribué à définir la « modernité » par opposition au Moyen Âge, la science joue un rôle important, aux côtés du capitalisme, de la mondialisation ou de la Renaissance artistique.

Beaucoup d’auteurs ont parlé d’une « révolution scientifique », de Copernic à Newton, en passant par Galilée, Kepler, Descartes, Bacon. Le XVIIe siècle est celui où la science moderne naît, s’autonomise et s’institutionnalise (les savants se regroupent dans des académies, mettent en place des normes, etc.). Le XVIIIe siècle est celui où la science se diffuse et se vulgarise, dans le contexte de l’idéologie des Lumières. Le XVIII e siècle a parfois été vu par les historiens des sciences comme une période un peu terne, de « consolidation » après la révolution scientifique du XVIIe siècle. Il faut cependant rappeler que les progrès de la science ont continué au XVIIIe siècle, notamment en chimie (Lavoisier) et dans les sciences naturelles qui s’organisent (les termes « biologie » et « géologie » apparaissent à la fin du XVIIIe siècle). Il faut aussi et surtout souligner que l’idée d’une consolidation des sciences peut être prise dans un sens très positif, comme © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

le fait Laurence Brockliss (Science, Universities and Other Public Spaces, chap. 3 du volume de la Cambridge History of Science consacré au XVIIIe siècle) : «  Bien que les historiens des sciences aient toujours privilégié le XVIIe siècle comme l’âge de la révolution scientifique, il est bien clair que cette affirmation ne tient la route que si l’attention reste concentrée sur les activités d’un petit groupe de philosophes expérimentaux, d’astronomes et de mathématiciens dont les recherches ont posé les fondations de la science moderne. Si la révolution scientifique est vue comme une période plus vaste au cours de laquelle l’approche mathématique et phénoménologique galiléenne et newtonienne entra dans les mentalités de l’élite européenne et américaine, alors cette révolution a eu lieu au XVIIIe siècle. Au XVIIe siècle, les philosophes expérimentaux étaient des marginaux, souvent objets de ridicule, s’efforçant d’obtenir l’approbation du prince et de la cour et de légitimer leurs activités en singeant le comportement du courtisan dans leur pratique de recherches. Au XVIIIe siècle, leurs successeurs sortirent de l’ombre et, bénéficiant du statut posthume d’icône acquis dans toute l’Europe par Newton, accédèrent à la reconnaissance sociale ». La réflexion historique doit donc interroger le rapport entre sciences et société. Le philosophe, à l’image de David Hume, veut être le « Newton des sciences morales ». Les savants se mettent au service du progrès social et/ou despotisme éclairé. « L’arithmétique politique » se développe : on parle aussi de la statistique (le terme apparaît à la fin du XVIIIe siècle et son étymologie renvoie à l’État, c’est l’information étatique). La science commence à être vulgarisée dans des livres destinés au grand public. Le premier à le faire en France est Fontenelle (1657-1757). Il publie en 1686 les Entretiens sur la pluralité des mondes, un dialogue mondain où l’on explique à une marquise la physique cartésienne et l’astronomie (plus de 30 éditions du vivant de l’auteur). Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences de 1699 à 1740, Fontenelle écrit l’histoire de l’académie et rédige les éloges des académiciens. Francesco Algarotti (17121764) publie en italien en 1737 et en français en 1738 (et dans toutes les langues européennes) Le Newtonisme pour les dames, où il vulgarise l’optique. En 1789, dans la préface de son Dictionnaire de chimie, James Keir écrit : « La diffusion d’une culture générale et d’un goût 97

pour la science, dans toutes les classes et dans chaque nation d’Europe ou d’origine européenne, semble être la caractéristique de notre temps ». ■■ Bibliographie Les publications en langue française se sont récemment multipliées, parce que l’histoire des sciences a été choisie comme sujet des concours de recrutement (ENS de Lyon, agrégation et CAPES d’histoire). Dans une bibliographie en augmentation, beaucoup d’ouvrages sont cependant peu utilisables, parce que leurs auteurs abusent d’un style technique et jargonnant. On propose ici une sélection d’ouvrages d’accès facile et centrés sur le programme. ◗◗Ouvrages généraux ––Belhoste Bruno, Histoire de la science moderne. De la renaissance aux Lumières, Armand Colin, « Cursus », 2016. ––Grimoult Cédric, Science et société au XVIIIe siècle, Ellipses, 2016. ––Grell Chantal et Robert Halleux, Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés en Europe, de la fin du XVe siècle à la fin du XVIIIe siècle, Armand Colin, « Horizon », 2016. ––Mazauric Simone, Histoire des sciences à l’époque moderne, Armand Colin, 2009. ––Rossi Paolo, Aux origines de la science moderne, « Points », 1999.

––« La folie des sciences au siècle des Lumières », Historia, numéro spécial, mars-avril 2016. ––Sciences et curiosités à la cour de Versailles, sous la direction de Béatrix Saule et Catherine Arminjon, RMN / Château de Versailles, 2010. ◗◗Instruments de travail ––Blay Michel et Halleux Robert (dir.), La science classique, XVIe-XVIIIe siècle. Dictionnaire critique, Flammarion, 1998. ––Poirier Jean-Pierre et Labrousse Christian, La science en France. Dictionnaire biographique des scientifiques français de l’an mille à nos jours, Jean-Cyrille Godefroy, 2017. ––Millet Audrey et Pautet Sébastien, Sciences et techniques, 1500-1789, documents, Atlande, 2016. ◗◗Monographies ––Minois Georges, Galilée, PUF, « Que-sais-je ?», 2000. ––Maury Jean-Pierre, Newton et la mécanique céleste, « Découvertes », Gallimard, 1990.

––Madame Du Châtelet. La femme des Lumières, sous la direction d’Élisabeth Badinter et Danielle Muzerelle, BnF, 2006 [catalogue d’exposition]. ––Émilie Du Châtelet, éclairages et documents nouveaux, études réunies par Ulla Kölving et Olivier Courcelle, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude sur le XVIIIe siècle, 2008.

Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture >>MANUEL PAGES 212-213

• Doc. Expérience sur un oiseau dans une pompe à air

Ce tableau bien connu de Joseph Whright of Derby reste la meilleure entrée en matière, car il permet de faire comprendre beaucoup de choses aux élèves. La scène représentée est la reproduction d’une expérience célèbre, faite avec l’instrument scientifique « star » de l’époque : la pompe à air (mise au point en 1659 par Boyle et Hooke). Le sujet du tableau est donc la science moderne, expérimentale, qui démontre par des preuves. La manière utilisée par le peintre, avec l’usage spectaculaire du clair-obscur, rappelle la peinture religieuse, mais ici la foi est remplacée par la vérité scientifique. 98

L’expérience est faite dans un intérieur privé, pour un public familial, aristocratique ou du moins aisé : on voit ici que la science est devenue une mode, un spectacle, une passion pour les élites cultivées, qui font appel à des démonstrateurs professionnels. Au centre du tableau, fixant le spectateur, on voit le savant-démonstrateur et la machine pneumatique (cf. doc. 5, p. 225), dans laquelle le vide va bientôt asphyxier un oiseau. À gauche, deux hommes et un jeune garçon sont absorbés par le spectacle. En pleine lumière, deux petites filles sont effrayées ou attristées par la conséquence de l’expérience, tandis que leur père tente de leur expliquer le phénomène. À droite du tableau, un jeune assistant manœuvre la cage de l’oiseau. Le peintre Joseph Whright était proche du milieu des industriels de Birmingham et des conférenciers scientifiques. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Galilée, la science en procès >>MANUEL PAGES 220-221

Le programme invite à analyser Galilée comme le « symbole de la rupture scientifique du XVIIe siècle ». C’est bien lui, en effet, qui porte le coup de grâce au système aristotélicien, à la séparation entre le monde supralunaire et le monde sublunaire, entre l’astronomie et la physique. Cette rupture entraîne sa condamnation par l’Église, qui a concilié Aristote avec le christianisme et qui considère le géocentrisme comme un dogme. Le procès de Galilée fait bien de lui un symbole, un martyr de la science. Galilée espérait convaincre l’Église. Il avait été soutenu par le cardinal Maffeo Barberini, élu pape en 1623 sous le nom d’Urbain VIII et il sous-estimait sans doute le conservatisme de l’institution. À la différence de Copernic, qui présentait prudemment l’héliocentrisme comme une hypothèse de travail, Galilée est un polémiste talentueux, très sûr de lui, agressif dans la controverse. Aujourd’hui, l’Église catholique présente le procès de Galilée comme une regrettable confusion entre la science et la foi, un « douloureux malentendu » : « La représentation géocentrique du monde était communément admise dans la culture du temps comme pleinement concordante avec l’enseignement de la Bible, dont certaines expressions prises à la lettre semblaient constituer des affirmations du géocentrisme. Le problème que se posèrent donc les théologiens de l’époque est celui de la compatibilité de l’héliocentrisme et de l’Écriture. […] La majorité des théologiens ne percevaient pas la distinction formelle entre l’Écriture sainte et son interprétation, ce qui les conduisit à transposer indûment dans le domaine de la doctrine de la foi une question de fait relevant de l’investigation scientifique. […] À partir du siècle des Lumières et jusqu’à nos jours, le cas Galilée a constitué une sorte de mythe […]. Dans cette perspective, le cas Galilée était le symbole du prétendu refus par l’Église du progrès scientifique, ou bien de l’obscurantisme « dogmatique » opposé à la libre recherche de la vérité. […] Une tragique incompréhension réciproque a été interprétée comme le reflet d’une opposition constitutive entre science et foi. Les élucidations apportées par les récentes études historiques nous permettent d’affirmer que ce douloureux malentendu appartient désormais au passé ». Discours du pape Jean-Paul II devant l’Académie pontificale des sciences, 31 octobre 1992. (© Libreria Editrice Vaticana) Les historiens des sciences ont travaillé sur le « mythe Galilée », en montrant comment le procès de 1633 a été utilisé par les adversaires de l’Église pour pourfendre l’obscurantisme de celle-ci, en exagérant parfois le sort réservé à Galilée. Il est important de montrer aux élèves comment s’est construite cette figure du martyr de la science. Il n’en reste pas moins vrai que Galilée a été © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

condamné parce que l’Église considérait le géocentrisme comme une vérité intangible. • Doc. 1. Un grand savant toscan

Le document 1 (détail de la fresque du peintre Cecco Bravo décorant une pièce de la Casa Buonarroti à Florence, 1636) est peu connu : c’est l’une des rares représentations de Galilée contemporaines du savant. • Doc. 2. Les erreurs d’Aristote

Le document 2 est un extrait du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, publié en 1632 par Galilée. Ce passage a été choisi parce qu’il est facile à comprendre et permet aux élèves de montrer comment Aristote est « déboulonné » par Galilée. On peut ici souligner que Galilée était un « génie de la communication » : il écrit en italien, et non en latin, pour toucher un public très large, et il utilise un dispositif très habile. Le dialogue feint la neutralité dans la présentation des deux systèmes, mais personne n’est dupe. Sagredo et Salviati sont des personnages réels, deux amis de Galilée disparus prématurément. Salviati est un jeune aristocrate florentin disciple de Galilée. Sagredo, qui accueille les interlocuteurs dans son palais vénitien, joue le rôle de l’honnête homme ouvert aux idées nouvelles pourvu qu’elles ne soient pas trop complexes. Simplicio formule les objections traditionnelles, balayées par Salviati. • Doc. 3. Galilée devant l’Inquisition

Le document 3 (Galilée devant l’inquisition, tableau de Cristiano Banti, 1857) et le document 4 (Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, I. chapitre CXXI, 1756) montrent comment la philosophie des Lumières et les adversaires de l’Église ont exalté la figure du martyr de la science. ➡➡Réponses aux questions

1. Pour remettre en cause le système géocentrique d’Aristote, Salviati utilise des arguments scientifiques exposés avec une sorte de force tranquille : « Nous pouvons, bien mieux qu’Aristote, raisonner des choses du Ciel », c’est-à-dire pratiquer la science astronomique. Ces arguments sont les fondements mêmes de la science moderne. Le premier est l’observation : grâce au télescope, les contemporains de Galilée sont « de trente à quarante fois plus proches qu’Aristote » des corps célestes et ils peuvent y observer des choses qui étaient invisibles pour Aristote, comme les taches sur le Soleil. Au savoir théorique (selon Aristote, le Soleil et les astres sont immuables et parfaits), Galilée oppose l’observation et l’expérimentation. Le second argument consiste à tirer les conclusions logiques de l’observation en dégageant les lois mathématiques qui expliquent le fonctionnement de l’Univers. Partant d’une observation concrète (« toutes les planètes sont parfois plus près, parfois plus loin de la Terre »), Galilée en déduit que la Terre ne peut pas être le centre du monde. 99

2. Galilée est représenté appuyé à une balustrade, sa tête posée dans sa main gauche, dans une position qui semble évoquer une forme de fatigue ou de lassitude (poids des années et du travail ? amertume après sa condamnation ?). Il tient dans sa main droite une lunette et il a posé devant lui un livre ouvert, où l’on peut voir un schéma astronomique. Il incarne donc clairement ici l’astronomie, même si ses travaux concernent aussi largement la physique. Galilée met précisément un terme à la séparation aristotélicienne entre le monde supralunaire et le monde sublunaire et il montre que l’astronomie et la physique obéissent aux mêmes règles mathématiques. 3. Cette fresque date de 1636 et elle exalte Galilée comme un grand savant, l’un des « Toscans illustres » auquel les propriétaires de ce palais florentin veulent rendre hommage. Or, Galilée a été condamné quelques années plus tôt, en 1633, par l’Inquisition et placé en résidence surveillée dans les environs de Florence. Cela signifie que, dans le milieu intellectuel florentin, on savait que Galilée avait raison et que l’Église l’a condamné à tort, à contretemps de l’évolution de la science (l’héliocentrisme a déjà été avancé par Copernic presque cent ans auparavant). 4. Voltaire applique à Copernic et Galilée les termes « vérité », « raison », « véritable système du monde », « vraie philosophie » et « gloire » ; à l’Inquisition, il applique les termes « honte » et « force des préjugés ». Il oppose ainsi, d’un côté une philosophie fondée sur la raison, et de l’autre une « congrégation de théologiens », qui détient le pouvoir mais dont les jugements sont du domaine de la foi. La leçon que Voltaire tire du procès de Galilée, c’est qu’il faut radicalement séparer la raison et la foi, la science et la religion. 5. Ce tableau date de 1857 : l’Italie est alors en plein Risorgimento ; elle est en train de s’unifier aux dépens de l’Autriche et aussi de l’Église, car les États du pape constituent un obstacle à l’unité italienne. La composition du tableau est très simple et efficace, dramatisant le face-à-face entre le savant et l’Inquisition. La scène se déroule dans une pièce assez sombre et étroite, dans une atmosphère presque étouffante de prison, accentuée par l’absence de profondeur (le fond du tableau est occupé par un mur gris, frontal, sans ouverture aucune). La partie gauche du tableau montre trois juges de l’Inquisition, dans leur habit ecclésiastique. Le plus important est debout, pointant du doigt l’acte d’accusation déplié sur un bureau et jetant sur Galilée un regard accusateur et sévère. La partie droite du tableau est occupée par Galilée, debout, qui fait face à ses juges. Son visage semble exprimer la détermination, la certitude d’avoir raison (« et pourtant elle tourne ! »). Il est légèrement auréolé par une tache de lumière, comme si le peintre, détournant la symbolique catholique, voulait en faire une sorte de saint, de martyr de la science face à l’obscurantisme de l’Inquisition. Entre les deux éléments du tableau (le tribunal et Galilée), à l’arrière-plan, le peintre a placé contre le mur du fond 100

un retable (triptyque) posé sur un autel : c’est sans doute une manière de rappeler que l’Inquisition se fonde sur la doctrine (orthodoxe ou hérétique), sur la foi, et non sur la raison. Le message du peintre est donc très clair : Galilée est une victime de l’Église.

La Rivista di Firenze commente ainsi le tableau en 1857 : « Banti ne pouvait pas choisir un sujet qui soit plus important pour tous ceux qui éprouvent l’amour de la patrie […]. Galilée, chercheur audacieux et infatigable des secrets de la science, qui, pour avoir affirmé une innocente vérité astronomique est appelé devant ce ténébreux tribunal et, comme s’il était un vaurien d’étudiant, interrogé et sévèrement réprimandé […]. Sur le visage du moine, on voit s’exprimer toute la sauvagerie de l’ignorance » (texte cité dans Pietro Redondi, Galilée hérétique, trad. de l’italien par Monique Aymard, Gallimard, 1985). 6. Cf. Réponses aux questions précédentes.

➡➡Réaliser un diaporama

On peut répartir ainsi les documents : 1) Un nouveau type de science… – Doc. 1 et 2

2) … qui se heurte à l’Église catholique et à la tradition… – Doc. 3 et 4 et éventuellement une autre iconographie relative au procès ou un extrait du verdict condamnant Galilée 3) … et connaît une postérité glorieuse aux XVIIIe et XIXe siècles – Doc. 3 et 4 et éventuellement un autre document sur l’utilisation de Galilée par les adversaires de l’Église.

Des académies pour la science >>MANUEL PAGES 222-223

Les académies ont joué un rôle important dans la « révolution scientifique » du XVIIe siècle. Centrées sur l’expérimentation et non sur l’enseignement, soutenues par l’État et non par l’Église, elles se différencient des universités (même si l’historiographie récente invite à ne pas exagérer l’opposition entre les académies et les universités). • Doc. 1. Le règlement de l’Académie des sciences de 1699

L’Académie des sciences fondée par Colbert en 1666 reste une institution officieuse. Elle est profondément réorganisée en 1699, sous le nom d’« Académie royale des sciences ». Elle passe alors d’une trentaine de membres à 70 et devient une institution officielle. « Avec la refondation de 1699, ce n’est donc pas seulement une institution qui est renouvelée, ce sont les pratiques © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

savantes sous leur forme académique qui connaissent une mutation en profondeur : elles se normalisent sur le plan épistémologique, se professionnalisent sur le plan social et s’enrôlent au service de la monarchie sur le plan politique. […] L’Académie des sciences désormais monopolise, ou presque, toutes les forces vives de la pratique scientifique » (Simone Mazauric). Elle comprend 62 membres, avec 4 statuts hiérarchisés.

Les pensionnaires sont les seuls à percevoir une pension régulière. Les honoraires et les pensionnaires sont les seuls à voter pour désigner les nouveaux membres. La plupart des membres appartiennent à une « classe » (discipline scientifique) : géométrie, astronomie mécanique, anatomie… Statut 10 honoraires, dont le Président et le Vice-Président 20 pensionnaires

12 associés français

12 adjoints

dont le Secrétaire perpétuel ( + 8 étrangers) et le Trésorier perpétuel •D  oc. 2. Page de titre du traité de chimie publié par Lavoisier en 1789

Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794), fermier général, directeur de la Régie des poudres et salpêtres, membre éminent de l’Académie des sciences, est au sommet de sa gloire quand il publie en 1789 son Traité élémentaire de chimie, où il expose les bases de la chimie moderne. On sait que son épouse Marie-Anne, née Paulze, l’a beaucoup aidé, notamment en réalisant les planches gravées qui illustrent le traité (cf. le portrait qu’elle commanda à David, p. 233). • Doc. 3. Les objectifs de la Royal Society

Robert Hooke (1653-1703) a joué un rôle central dans la création de la Royal Society. Assistant de Robert Boyle (1627-1691), il a mis au point avec lui en 1659 la pompe à air. Emblématique de la coopération entre techniciens et savants, Hooke est nommé en 1663 curator of experiments de la Royal Society (son salaire est payé par Boyle). Il a contribué à la rédaction des statuts de la Royal Society. • Doc. 4. La fondation de l’Académie des sciences de Paris

Henri Testelin (1616-1695) est un peintre de cour de Louis XIV, secrétaire de l’Académie royale de peinture et de sculpture et théoricien de l’art. • Doc. 5. L’utilité des académiciens

Condorcet, spécialiste du calcul des probabilités, est l’un des fondateurs des sciences sociales et de la statistique (appelée alors « arithmétique politique »). Il joue un rôle important pour défendre et moderniser l’Académie des sciences dans les années 1780. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

➡➡Réponses aux questions

1. L’État joue un rôle fondamental dans les académies, surtout en France. Le document le plus clair de ce point de vue est le tableau d’Henri Testelin (doc. 4), qui met en scène la fondation de l’Académie des sciences de Paris par Louis XIV en 1666. Louis XIV trône au centre de l’image, tandis que Colbert, qui joue entre autres le rôle d’un ministre de la culture et de la communication, lui présente les principaux membres de la nouvelle académie, représentés dans la partie gauche du tableau. De droite à gauche, derrière Colbert, on voit : Charles Perrault (1628-1703), conseiller de Colbert ; l’abbé Jean-Baptiste du Hamel (1624-1706), premier secrétaire de l’Académie ; Pierre de Carcavi (1603-1684), mathématicien, bibliothécaire du Roi ; Jean Picard (1620-1682), astronome ; Christiaan Huygens (16291695), physicien néerlandais ; Jean-Dominique Cassini (1625-1712), astronome italien, directeur de l’Observatoire ; Philippe de La Hire (1640-1718), mathématicien ; l’abbé Edmé Mariotte (1620-1684), physicien ; Jacques Borelly (1623-1689), médecin et chimiste. Le règlement de 1699 (doc. 1) émane explicitement du roi si l’on se réfère à son titre : Règlement ordonné par le Roi pour l’Académie royale des sciences. Son article XXXI confirme que l’académie est sous l’autorité du Roi (« si le Roi l’ordonne ») et son article XLVIII montre que les travaux des académiciens sont financés par l’État. Dans le cas anglais (doc. 3), l’État joue aussi un rôle, mais plus discret : l’académie s’intitule Royal Society et elle travaille « pour l’honneur du Roi, fondateur de la Société ». Charles II, en effet, accorde en 1662 une charte qui officialise l’existence de la Société. Une deuxième charte de 1663 lui donne son nom complet : The Royal Society of London for Promoting Natural Knowledge. Mais elle a été créée en 1660, à l’initiative des savants, et le patronage royal est moins direct qu’en France (financement autonome). 2. La science, telle qu’elle est définie par les académies, a plusieurs caractéristiques : – elle est fondée sur l’expérimentation. La Royal Society doit « avancer la connaissance des choses naturelles […] par des expériences » (doc. 3) et l’Académie des sciences doit vérifier et refaire toutes les expériences (doc. 1, art. XXIX) ; – elle doit formuler les lois rationnelles expliquant le monde, proposer « un système complet de solide philosophie, qui explique tous les phénomènes produits par la nature ou par l’art, et qui fournisse un compte-rendu rationnel des causes des choses » (doc. 3) ; – elle doit viser l’utilité en cherchant les applications pratiques et en s’intéressant aux techniques (appelées à l’époque les arts mécaniques, les arts et métiers). La Royal Society (doc. 3) travaille « pour l’utilité de son royaume » et s’intéresse explicitement aux aspects techniques et industriels : « les arts utiles, les manufactures, les pratiques mécaniques, les engins et inventions ». 101

L’Académie des sciences (doc. 1) est chargée d’examiner les machines et inventions pour sélectionner celles qui méritent un privilège royal, c’est-à-dire une sorte de brevet d’exploitation (art. XXXI) ; – elle requiert la neutralité. La Royal Society (doc. 3) ne doit pas se mêler « de théologie, de métaphysique, de morale, de politique » et l’Académie des sciences (doc. 1) interdit à ses membres toute « aigreur » quand ils sont en désaccord et les invite à exposer leurs différends avec « ménagement » (art. XXVI) ; – elle est internationale. La Royal Society (doc. 3) travaille « pour le bien général du genre humain » et elle admet en son sein des membres étrangers. L’Académie des sciences (doc. 1) entretient des liens « avec les divers savants, soit de Paris ou des provinces du royaume, soit même des pays étrangers » (art. XXVI). 3. La science est omniprésente dans le tableau de Testelin (doc. 4), par les savants des différentes disciplines qui y sont représentés bien sûr, mais aussi par divers objets et références rassemblés dans cette scène imaginaire. La scène est encadrée par deux globes, terrestre (à gauche) et céleste (à droite), qui font référence à la géographie, la géodésie (mesure du globe), l’astronomie. Cette dernière est figurée aussi par le sextant devant le globe céleste (instrument de navigation astronomique), par l’observatoire de Paris à l’arrière-plan et par la sphère armillaire suspendue en haut à gauche de l’image (et qui figure le système géocentrique de Ptolémée ?). Des squelettes d’animaux (dont une girafe) au fond à gauche font référence aux sciences naturelles, tandis que la carte du canal des Deux-Mers rappelle les grands travaux hydrauliques de l’ingénieur Riquet. Sur la table à laquelle le roi est accoudé, on aperçoit une horloge, des traités scientifiques et des planches, notamment un plan de fortifications, domaine d’application des sciences utile au royaume et illustré par Vauban. 4. Les académies sont un moyen d’accéder à la célébrité, car elles confèrent aux savants qu’elles reçoivent comme membres la reconnaissance officielle. La page de titre du célèbre Traité de chimie publié par Lavoisier en 1789 (doc. 2) l’illustre bien : la légitimité de l’auteur est étayée par son appartenance à de nombreuses académies et autres sociétés savantes, tellement nombreuses que la liste n’est pas exhaustive et se termine par un etc. ! Parmi elles, on trouve en premier l’Académie des sciences de Paris, puis diverses sociétés françaises, puis la Royal Society de Londres et des académies d’Europe et même des États-Unis (Philadelphie). Pour publier un ouvrage où il se prévaut de son titre d’académicien, l’auteur doit avoir l’agrément de l’Académie des sciences, comme l’indique son règlement (doc. 1, art. XXX). Les auteurs qui n’appartiennent pas à l’Académie des sciences sont donc moins légitimes, moins célèbres, et ils en conçoivent souvent de l’amertume, à l’image de Marat, futur révolutionnaire et savant raté. Condorcet, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences (doc. 5), défend l’Académie 102

contre les critiques de Marat : les travaux de ce dernier n’avaient pas d’intérêt et l’académie doit être une « barrière contre le charlatanisme ». Condorcet va plus loin, en affirmant que l’Académie doit rendre les savants « indépendants de l’opinion populaire ». Il fait ici allusion à une certaine dérive des sciences à la fin du XVIIIe siècle vers le spectaculaire, le sensationnel. Le savant doit chercher la « célébrité et la gloire » par ses « ouvrages » et non en cherchant à séduire le public par des « tours de charlatan ». La mode des expériences sur l’électricité avait ainsi engendré l’imposture de Mesmer, devenu la coqueluche de Paris avec son « fluide magnétique ». ➡➡Écrire une lettre

Il s’agit du brouillon d’une réponse faite par Condorcet, alors secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, à une lettre anonyme. L’auteur de celle-ci dénonce « l’esprit de corps », qui rend les académies « difficiles », c’est-à-dire qu’il les perçoit comme un « club » fermé, défendant ses privilèges. Condorcet lui répond en faisant référence à « l’affaire de M. Marat », puis en défendant les trois « utilités incontestables » des académiciens. Les élèves doivent suivre le plan de ce brouillon et développer les trois fonctions du système académique en utilisant les documents 1 à 4 : – la première utilité des académies est « d’être une barrière toujours opposée au charlatanisme » (utiliser les doc. 1 et 2 pour expliquer que les académies ont pour mission d’examiner toutes les théories et de valider toutes les expériences. Expliquer ensuite : « c’est pour cela que tant de gens s’en plaignent » et définir le terme « charlatanisme ») ; – la deuxième utilité est de « maintenir dans les sciences les bonnes méthodes et d’empêcher aucune branche des sciences d’être absolument abandonnée (à l’aide des doc. 1 et 2, définir les méthodes scientifiques, puis utiliser le doc. 4 pour montrer que l’académie promeut toutes les sciences) ; – la troisième utilité est de rendre les savants « indépendants de l’opinion populaire », en fondant leur réputation sur leurs ouvrages et non sur des « tours de charlatan » (expliciter cette dernière expression, puis s’appuyer sur les doc. 1 et 2 pour montrer le rôle des académies dans les publications scientifiques).

Émilie du Châtelet, femme de science >>MANUEL PAGES 224-225

Ce « point de passage » du programme permet d’aborder concrètement le travail scientifique au siècle des Lumières, tout en introduisant le genre dans la réflexion des élèves. Émilie du Châtelet est l’une des premières femmes considérées comme une savante à part entière, à égalité avec les hommes. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

• Doc. 1. « Une créature pensante »

Ce texte assez connu, écrit en préface à sa traduction en français de Mandeville, analyse d’une manière très claire et très moderne « l’infériorité » des femmes comme le résultat de l’inégalité d’éducation entre les sexes. • Doc. 2. Portrait de Mme du Châtelet

Ce tableau représentant une femme de science a été peint par une femme, ce qui le rend doublement exceptionnel. Il montre que Madame du Châtelet appartient à la haute société et qu’elle a accédé à une certaine reconnaissance comme femme de science. • Doc. 3. Le travail scientifique

Cet extrait d’une lettre à Maupertuis permet notamment de montrer aux élèves le rôle très important de la correspondance dans la « République des sciences ». • Doc. 4. Éloge funèbre de la marquise dans une revue suisse

Ce texte, peu connu, est la notice nécrologique publiée par le Journal helvétique, peu après la mort d’Émilie du Châtelet, le 10 septembre 1749 à l’âge de 42 ans, une semaine après avoir accouché (embolie pulmonaire consécutive à une infection puerpérale). • Doc. 5. Machine pneumatique pour un cabinet de physique

Cet instrument scientifique est emblématique de la physique expérimentale du XVIIIe siècle. C’est un objet de luxe, à la finition très soignée, recherché par l’élite éclairée à laquelle appartiennent Émilie du Châtelet et Voltaire, ce qui permet de faire réfléchir les élèves sur les usages sociaux de la science. ➡➡Réponses aux questions

1. « L’expérience de physique » que ferait Émilie du Châtelet, si elle était roi, consisterait à faire « participer les femmes à tous les droits de l’humanité, et surtout à ceux de l’esprit », c’est-à-dire avant tout à donner aux filles le même enseignement qu’aux garçons. Émilie du Châtelet veut en quelque sorte généraliser ce qu’elle a constaté pour elle-même : grâce à son éducation, elle est devenue « une créature pensante ». Les femmes sont exclues de la science « par le vice de leur éducation » et elles sont en droit de « réclamer contre leur éducation ». En faisant cette réforme, on démontrerait que « l’entendement » des femmes est « en tout si semblable à celui des hommes ». Émilie du Châtelet imagine ainsi une sorte d’expérience de « physique sociale », elle applique la méthode scientifique à la société : on peut démontrer l’égalité intellectuelle entre les sexes en instaurant au préalable l’égalité d’éducation. 2. Ce portrait représente Madame du Châtelet avec les attributs classiques de la féminité, puisqu’elle tient une fleur dans la main gauche, et des éléments en rapport © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

avec la science : elle tient un compas dans sa main droite ; elle est accoudée à une table sur laquelle est posée une sphère armillaire (maquette de l’Univers), une règle et des papiers (croquis ?) ; elle a derrière elle une bibliothèque avec d’imposants volumes. Elle est donc représentée en scientifique, spécialiste d’astronomie et de mathématiques, mais aussi comme une aristocrate à la mode de son temps. Ce portrait montre bien ce qu’était Émilie du Châtelet : tout en s’affirmant comme une intellectuelle, elle assumait sa féminité, sa coquetterie vestimentaire, ce qui avait conduit son ami et amant Voltaire à la surnommer « Madame Pompon Newton ». 3. Madame du Châtelet présente elle-même ses relations intellectuelles avec les savants d’une manière simple et modeste : « Le hasard me fit connaître des gens de lettres qui prirent de l’amitié pour moi et je vis avec un étonnement extrême qu’ils en faisaient quelque cas » (doc. 1). Le Journal helvétique (doc. 4) précise en quelque sorte la pensée d’Émilie du Châtelet : « Messieurs de Maupertuis, de Voltaire, et plusieurs autres eurent toutes ses inclinations. […] À la compagnie de ces grands hommes, la marquise du Châtelet prit du goût pour les hautes sciences, j’entends celles qui ne sont pas d’ordinaire à la portée des femmes ». Le terme « inclinations » doit s’entendre ici dans tous les sens du terme, puisque Maupertuis et Voltaire furent pour elle à la fois des compagnons de travail, des amis et des amants. La fréquentation des savants a donc permis à la marquise de « se faire dans le monde et dans la République des Lettres un nom » (doc. 4), alors que ce milieu est à l’époque réservé aux hommes. Elle a eu du mal à vaincre les préjugés sexistes, puisque beaucoup la pensaient incapable d’avoir elle-même écrit les livres qu’elle signait et pensaient qu’ils étaient l’œuvre de ses amis masculins. Émilie du Châtelet décrit exactement ce qu’on appelle aujourd’hui un plafond de verre, c’està-dire une barrière invisible qui empêche d’accéder au sommet : les femmes « semblent arrêtées par une force invincible en deçà de la barrière » (doc. 1). La lettre à Maupertuis (doc. 3) confirme la difficulté pour une femme d’être reconnue comme compétente en science : Émilie a eu « la hardiesse de composer un mémoire pour l’académie des sciences » en même temps que Voltaire et elle n’en revient pas à l’idée que son mémoire pourrait être publié par l’Académie. 4. La première forme du travail scientifique effectué par Madame du Châtelet est l’expérimentation. Pour attirer Maupertuis au château de Cirey, elle lui écrit : « Vous trouverez ici un très beau cabinet de physique et vous y pourrez faire toutes les expériences que vos lumières vous feront imaginer » (doc. 3). Comme les riches amateurs de son temps, elle a aménagé avec Voltaire à Cirey un espace de travail doté des instruments scientifiques « dernier cri » vendus par l’abbé Nollet, l’un des plus grands spécialistes de la « physique expérimentale ». La 103

machine pneumatique (doc. 5), permettant de faire des expériences sur le vide, était l’une des plus courues. La deuxième forme du travail scientifique consiste à publier des ouvrages, par exemple à rédiger un mémoire pour l’Académie des sciences, qui a choisi le feu comme sujet d’un concours. Émilie du Châtelet demande à Maupertuis (doc. 3) de relire soigneusement son texte avant qu’il ne soit imprimé, pour qu’elle puisse y faire d’éventuelles corrections. On voit bien ici que la « République des lettres » (ou des sciences) est un espace de travail en commun, grâce à la correspondance échangée, aux rencontres entre savants (à Cirey), aux relectures croisées… Le Journal helvétique, en évoquant « les ouvrages qui l’ont occupée, nuit et jour, pendant près de vingt ans » (doc. 4), rappelle qu’Émilie du Châtelet a publié des livres importants dans le domaine des « hautes sciences », notamment la traduction et le commentaire des Principia de Newton. 5. Cf. Réponses aux questions précédentes. ➡➡Rédiger un argumentaire

Dans l’introduction de la lettre, rappeler que le nom des rues est une manière pour chaque municipalité d’honorer des personnalités jugées importantes. Puis prendre quelques exemples prouvant que les femmes sont sous-représentées par rapport aux « grands hommes ». Montrer qu’Émilie du Châtelet est l’une des plus grandes figures de la science au XVIIIe siècle en rappelant son œuvre (première colonne du tableau). Souligner ensuite les difficultés qu’elle a rencontrées (deuxième colonne du tableau), c’est-à-dire les préjugés sexistes de son époque. Conclure en rappelant qu’elle a accédé cependant à une certaine reconnaissance dès le XVIIIe siècle (troisième colonne du tableau) et qu’elle a toute sa place parmi les grand(e)s scientifiques en France.

Angélique du Coudray et la science de l’accouchement >>MANUEL PAGE 226

L’action d’Angélique du Coudray est un exemple concret d’une démarche scientifique au service direct de la population française. C’est aussi un cas rare où une femme a pu prendre des initiatives en faveur des femmes, avec le soutien des autorités. • Doc. 1. La « machine » de Madame du Coudray

Le seul exemplaire conservé du mannequin de Madame du Coudray est conservé à Rouen, au musée Flaubert et d’histoire de la médecine (situé dans le pavillon de l’Hôtel-Dieu où est né Flaubert, qui était le fils d’un chirurgien). 104

• Doc. 2. Une lettre de l’intendant de Picardie

L’intendant est le plus haut représentant du roi dans une circonscription appelée généralité. C’est un commissaire, et non un officier ayant acheté sa charge, et ses attributions sont très larges. On voit ici que la monarchie administrative et ses intendants ont des préoccupations sociales au XVIIIe siècle. ➡➡Réponses aux questions

1. François d’Agay, intendant de Picardie, adresse cette lettre aux chirurgiens et médecins d’Amiens. Il leur demande de désigner l’un d’entre eux pour qu’il assiste au cours d’accouchement que Madame du Coudray va bientôt donner à Amiens. Ce chirurgien doit être muni d’une somme de 200 livres pour acheter la « machine » utilisée par Angélique de Coudray lors de son cours. Il devra ensuite « lui-même donner tous les ans dans sa ville un cours d’accouchement […] aux sages-femmes du district ». Ce texte témoigne d’une inversion du rapport traditionnel entre les sexes, puisque l’intendant demande aux chirurgiens d’aller suivre les cours de Madame du Coudray, c’est-à-dire aux hommes d’être formés par une femme. C’est une situation exceptionnelle à l’époque, qui peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit du corps des femmes. 2. Les sages-femmes ont encore une formation sommaire dans la France du XVIIIe siècle. C’est pour améliorer cette formation que Madame du Coudray donne des « cours publics d’accouchement aux femmes des villes et des campagnes ». Dans les campagnes, une paysanne, nommée matrone, aide les femmes à accoucher. Dans les villes, on trouve des sages-femmes stricto sensu, contrôlées par la municipalité sous l’autorité des chirurgiens. Le texte semble surtout concerner les matrones, puisqu’il envisage de donner des cours d’accouchement aux sages-femmes du district dans la saison où « elles ne sont point occupées aux travaux de la campagne » et que le but de l’intendant est de « tirer la plupart des sages-femmes des campagnes de l’ignorance où elles se trouvent ». 3. La machine de Madame du Coudray est un mannequin en tissu, grandeur nature, de l’appareil génital féminin et du fœtus. Il relève d’une démarche scientifique, expérimentale, puisqu’il s’agit de reproduire la situation d’accouchement de la manière la plus réaliste possible, pour apprendre aux sages-femmes les bons gestes. 4. L’intendant de Picardie affirme agir pour le bien de l’humanité, en mettant la science de l’accouchement au service de tous. Cette affirmation est caractéristique de la rhétorique des Lumières : faire progresser l’humanité par la science, avec l’aide d’une administration rationnelle. Ici, « l’art des accouchements » peut faire reculer l’ignorance, la science peut améliorer la formation des sages-femmes. Cette ignorance est « regardée généralement comme un des plus grands fléaux dont l’humanité © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

soit affligée », parce qu’elle favorise la mortalité infantile et la mort de la mère en couches. Les contemporains sont persuadés que la France se dépeuple et que la « race s’abâtardit », notamment à cause des séquelles physiques consécutives aux mauvais accouchements. L’action de Madame du Coudray se situe donc dans le contexte d’une politique nataliste et elle a contribué effectivement à faire reculer la mortalité (mais il est quasiment impossible d’avancer des chiffres moyens pour la France, tant les disparités régionales sont grandes : voir Scarlett Beauvalet-Boutourye, La population française à l’époque moderne, Belin, 2008).

L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : la science à la portée de tous >>MANUEL PAGE 227

L’Encyclopédie doit nécessairement être étudiée dans ce chapitre, pour deux raisons. D’abord parce que l’entreprise extraordinaire menée avec succès par Diderot et d’Alembert témoigne de l’engouement des élites éclairées du XVIIIe siècle pour la science : la révolution scientifique se poursuit au siècle des Lumières par la diffusion accélérée des recherches et des progrès dans tous les domaines. Ensuite parce que les articles et les planches de l’Encyclopédie sont aujourd’hui pour les historiens de précieuses sources sur la situation des sciences et des techniques dans le troisième quart du XVIIIe siècle. • Doc. 1. Une planche sur la manufacture de tapisserie des Gobelins

La planche choisie concerne une manufacture modèle, propriété de l’État. On peut faire le lien avec le chapitre 5, page 167, qui évoque la création de la manufacture des Gobelins en 1662 par Colbert, dans le cadre du mercantilisme. Ce document permet de faire réfléchir les élèves sur le rôle de l’image dans le développement des sciences et techniques : facilement diffusée par la gravure et l’imprimerie, l’image est un langage universel et souvent plus efficace qu’un long texte descriptif. On peut signaler que la publication des planches de l’Encyclopédie fut retardée par une polémique. Diderot fut en effet accusé en 1759 d’avoir copié les planches de l’Académie des sciences, qui dirigeait un vaste programme intitulé Descriptions des arts et métiers et dirigé par Réaumur, puis par Duhamel du Monceau. • Doc. 2. Un extrait de l’article « expérimental »

L’article « expérimental », rédigé par d’Alembert et publié en 1756, expose d’une manière très claire l’histoire de la physique et le rôle joué dans la révolution © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

scientifique par les académies, en opposition aux universités. ➡➡Réponses aux questions

1. Dans cet article, D’Alembert fait en quelque sorte l’histoire de la physique, passée d’Aristote (IVe siècle avant notre ère) à Descartes (première moitié du XVIIe siècle), puis de Descartes à Newton (fin du XVIIe siècle et début du XVIIIe). D’Alembert oppose deux générations : celle de Descartes et celle de Newton. La première génération est celle qui a remplacé la physique des « commentateurs d’Aristote » par celle de Descartes (ce qui marquait un premier progrès) et qui s’est opposée, surtout en France, à Newton et à sa physique expérimentale. Cette « génération ennemie de ces grands hommes » (Newton et d’autres savants comme Boyle) « s’est éteinte » au début du XVIIIe siècle et « une génération nouvelle s’est élevée », celle qui a adopté la physique expérimentale de Newton, notamment, en France, Clairaut, Maupertuis, Voltaire et Émilie du Châtelet. D’Alembert explique très justement que les universités et les académies de France ont « résisté » pendant un certain temps à la physique de Newton parce que celle-ci venait d’Angleterre. 2. Dans l’article, D’Alembert oppose nettement les universités, tournées vers le passé, aux académies, plus promptes à adopter la physique expérimentale. Les universités sont des structures d’enseignement secondaire et supérieur créées par l’Église au XIIIe siècle. La faculté dominante est la théologie et l’enseignement y est fondé sur l’aristotélisme (mis en conformité avec le dogme chrétien). En France, les universités ont progressivement adopté Descartes au cours du XVIIe siècle, le premier à proposer un système capable de remplacer celui d’Aristote. Les académies ne sont pas des structures d’enseignement, mais des institutions rassemblant les savants, avec le soutien plus ou moins marqué de l’État, pour promouvoir les sciences. D’Alembert place explicitement les académies dans le camp de la modernité (ici la physique expérimentale), en soulignant l’avance de l’Angleterre par rapport à la France. En effet, la Royal Society a adopté dès l’origine les travaux de Newton, alors que « les académies de France s’y prêtèrent plus lentement ». Quand D’Alembert écrit cet article en 1756, il estime que la physique expérimentale l’a partout emporté, y compris dans les universités « auxquelles les académies semblent aujourd’hui donner le ton ». 3. D’Alembert affirme que Newton a jeté « les fondements d’une révolution » et que « la génération suivante » a achevé cette révolution scientifique. L’expression est parfaitement justifiée, puisque Newton a proposé un nouveau système du monde, fondé sur la loi de la gravitation universelle, et définitivement lancé la physique expérimentale, développée par la Royal Society et par ses disciples hollandais et français. 105

4. Selon son sous-titre, l’Encyclopédie est le Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Le terme arts, employé sans adjectif ou dans l’expression « arts mécaniques », désigne les techniques. Diderot et D’Alembert veulent proposer un panorama complet des sciences de leur époque, mais aussi de toutes les activités artisanales (métiers), industrielles (manufactures), agricoles. Les techniques sont essentielles dans la révolution scientifique, parce que la démarche expérimentale requiert des techniciens et parce que la science du XVIIIe siècle se donne pour objectifs prioritaires le progrès et l’utilité. Les illustrations ou planches jouent un rôle majeur, en complément du texte, pour présenter les machines, les outils, les procédés techniques, etc. Ici, la planche permet d’expliquer aux lecteurs le fonctionnement d’un métier à tisser de la célèbre manufacture des Gobelins, fleuron de l’industrie du luxe française. Le titre de la planche (coupé dans le manuel) indique : « Tapisserie de haute lisse des Gobelins. Vue du métier monté avec la nouvelle machine pour faciliter le bandage des fils avec deux hommes seulement. Développement de cette machine. » 5. Cf. Réponses aux questions précédentes.

Les physiocrates : la science appliquée à l’agriculture >>MANUEL PAGES 228-229

Le programme invite explicitement à étudier « le rôle des physiocrates en France » dans le cadre du développement des sciences. Les physiocrates sont un peu les inventeurs de la science économique, ils ont donc toute leur place dans une réflexion sur la diversification des champs de la science au XVIIIe siècle. Ils incarnent bien l’esprit des Lumières, qui valorise la science pour son utilité, comme facteur de progrès. Leur pensée est cependant complexe, puisqu’ils font de l’agriculture la seule vraie source de richesse, ce qui peut quand même sembler paradoxal pour une pensée modernisatrice. Les textes de Quesnay et de ses disciples sont souvent des textes techniques, d’une lecture difficile : nous essayons ici de proposer des documents accessibles aux élèves et formant un dossier très cohérent. • Doc. 1. Les riches fermiers et leurs chevaux

François Quesnay a écrit en 1756-1757 plusieurs articles pour l’Encyclopédie (« Fermiers », « Grains », « Hommes »). Il faut faire réfléchir les élèves sur la nature de ce document et sur le fait que Quesnay ait été choisi comme auteur par d’Alembert et Diderot. • Doc. 2. Monseigneur le Dauphin labourant et Doc. 3. « Deux hommages rendus à l’agriculture »

Le sens de la gravure est éclairé par l’article des Éphémérides du citoyen, journal des physiocrates, ce 106

qui permet de montrer que les physiocrates forment un groupe de pression, avec une stratégie de communication. • Doc. 4. Emblème de la société royale d’agriculture de Paris

Cette médaille est techniquement ce qu’on appelle à l’époque moderne une devise, avec un « corps » (la figure) et une « âme » (la sentence). La devise est un emblème associant un symbole (ici la charrue) et une formule qui l’explique. ➡➡Réponses aux questions

1. Quesnay veut s’appuyer sur les « riches fermiers » pour moderniser l’agriculture, parce qu’ils sont les seuls à pouvoir investir dans des chevaux pour tirer la charrue et qu’une charrue tirée par des chevaux laboure deux fois plus de terre en une journée qu’une charrue tirée par des bœufs. Tout le raisonnement de Quesnay est fondé sur une opposition entre deux types de locataires de la terre (fermiers et métayers) d’une part, et deux types d’animaux de trait d’autre part (chevaux et bœufs). Les métayers, qui versent en nature une part de la récolte au propriétaire (la moitié ici, selon Quesnay), labourent avec les bœufs fournis par le propriétaire. Les fermiers, qui paient un loyer fixe en argent au propriétaire, ont les moyens d’acheter des chevaux, beaucoup plus efficaces pour le labour. La même exploitation peut être labourée par quatre chevaux ou par douze à dix-huit bœufs selon Quesnay.

2. Le correspondant du journal rapporte un événement qui s’est produit le 15 juin 1768 : le dauphin, c’est-àdire le fils aîné et héritier du roi Louis XV, alors qu’il était en promenade près d’un champ, a voulu lui-même conduire la charrue. Cet événement est ensuite représenté dans une gravure de 1769. On y voit le jeune prince (futur Louis XVI) s’appliquant à labourer, sous les yeux de son « gouverneur » et suivi de ses petits frères (le comte de Provence, futur Louis XVIII, et le comte d’Artois, futur Charles X). Cet événement a clairement été mis en scène par les physiocrates, pour montrer que l’agriculture est une préoccupation majeure de l’État royal. Les Éphémérides du citoyen sont l’organe de presse des physiocrates et le lecteur qui rapporte de manière anonyme cet événement est en fait Quesnay lui-même. La gravure permet ensuite de magnifier l’événement et d’en élargir la portée auprès du grand public. Monseigneur le Dauphin labourant est au centre de l’image, dans une riante campagne. Des deux côtés, les valets et gardes regardent la scène avec admiration, tandis qu’à l’arrière-plan des paysans saluent le prince avec déférence. Le rapprochement avec la Chine au début de l’article est banal à l’époque : c’est une allusion au rituel printanier de l’ouverture du premier sillon par l’empereur de Chine. Ce rituel, rapporté par les jésuites, évoqué par Montesquieu dans L’esprit des lois, était un exemple pour les physiocrates du rôle fondamental que l’État doit accorder à l’agriculture. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

3. L’article de Quesnay dans l’Encyclopédie (doc. 1) et le tableau (doc. 2) présentent des points communs. Sur l’image, la charrue est tirée par des chevaux et non par des bœufs ; on peut observer aussi au fond une herse tirée par un cheval. La campagne où se situe cette scène est prospère et riante : les paysans sont bien habillés, les chevaux eux-mêmes portent des sortes de pompons ! Bref, la gravure confirme visuellement le raisonnement du texte : chevaux de labour = agriculture efficace (grâce aux fermiers).

4. La société royale d’agriculture de Paris a choisi comme symbole la charrue, représentée d’une manière réaliste et précise sur cette médaille en argent de 1786. La charrue est surmontée d’une citation en latin signifiant : « sa gloire naît de son utilité ». Ce genre de médailles était plutôt utilisé pour célébrer les victoires militaires ou diplomatiques du roi ; ici les canons et les armes ont été remplacés par une fière charrue ! Avec cette devise, l’objectif de la société royale d’agriculture de Paris est bien celui des physiocrates : la charrue est glorieuse parce qu’elle est utile ; l’agriculture est la base de la puissance française ; la modernisation de l’agriculture doit être la priorité du roi.

➡➡Rédiger un rapport

Dans une première partie, expliquer au roi que les chevaux sont des animaux de labour plus efficaces que les bœufs et que seuls les fermiers sont beaucoup plus en capacité d’acheter des chevaux que les métayers (doc. 1).

Dans une deuxième partie, rappeler au roi que l’intérêt affiché du Dauphin pour l’agriculture, médiatisé par les physiocrates, a commencé à agir sur l’opinion (doc. 2 et 3).

Dans une troisième partie, demander au roi de soutenir les initiatives de la société royale d’agriculture pour la modernisation de l’agriculture, en proposant quelques moyens d’action (conseils aux propriétaires pour privilégier le fermage, promotion du labour par les chevaux…). Dans la conclusion, comparer le roi à l’empereur de Chine (doc. 3).

La machine à vapeur de Thomas Newcomen (1712) >>MANUEL PAGES 230-231

Le programme a choisi comme point de passage la machine de Newcomen, alors qu’on met plus souvent l’accent sur celle de Watt. C’est une manière de remonter en arrière de plus d’un demi-siècle pour montrer que, dès le début du XVIIIe siècle, la science permet des innovations décisives pour l’économie. On pourra ici mettre en valeur le rôle des techniciens. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

• Doc. 1. Des pompes pour les mines

Cette notice sur les machines hydrauliques est issue de la série publiée par l’Académie des sciences de Paris et intitulée Descriptions des arts et métiers. Les volumes comportaient de nombreuses planches, qui furent pillées par Diderot pour L’Encyclopédie. On a conservé volontairement le titre complet de l’ouvrage, sur lequel on peut faire réfléchir les élèves, en soulignant l’intérêt des académiciens pour les techniques et les innovations et la dimension internationale des recherches. • Doc. 2. Expériences et essais

Jean-Théophile Desaguliers (1683-1744), huguenot réfugié en Angleterre, a joué un rôle considérable dans la diffusion du newtonisme sous la forme de la « physique expérimentale ». Dans ses démonstrations, Desaguliers présentait plusieurs types de machines, dont celle de Newcomen. Le texte est issu de la traduction française de son Cours de physique expérimentale, dont la version originale en anglais date de 1734. • Doc. 3. De Newcomen à Watt

Les élèves ayant des compétences scientifiques pourront aider leurs camarades à comprendre le fonctionnement de la machine de Newcomen et à voir les différences avec celle de Watt ! • Doc. 4. Le 300e anniversaire

Ce type de document permet d’introduire une dimension mémorielle et de réfléchir sur la notion d’invention / innovation. ➡➡Réponses aux questions

1. La machine à vapeur de Newcomen était plutôt appelée à l’époque « machine hydraulique » ou « pompe à feu ». L’expression « machine hydraulique » renvoie à sa fonction originelle : « nous comprendrons sous ce titre général les engins avec lesquels on élève les eaux de la mine » (doc. 1). L’un des principaux problèmes à résoudre dans les mines de charbon qui se développent au Royaume-Uni au XVIIIe siècle est en effet d’élever les eaux de ces mines, c’est-à-dire de les pomper. L’expression « pompe à feu » est plus précise, puisqu’elle renvoie à la fois à cette fonction et au moteur de la pompe : la vapeur produise par l’eau chauffée dans une chaudière à charbon.

2. La mise au point de la machine à vapeur doit beaucoup plus aux techniciens qu’aux scientifiques. Ses inventeurs, le forgeron Newcomen et le vitrier Calley sont des artisans, des techniciens, qui ont une certaine culture scientifique. Mais celle-ci reste assez restreinte, ce qui explique leurs tâtonnements selon Desaguliers (doc. 2) : « ils n’étaient ni philosophes pour comprendre les causes du mouvement, ni assez mathématiciens pour en calculer les forces et pour proportionner les parties de la machine ». Le mot « philosophes » renvoie ici à 107

la « philosophie naturelle », c’est-à-dire à la physique (expérimentale), celle qu’enseigne Desaguliers. Les inventeurs, donc, ne la maîtrisent pas et leur niveau en mathématiques est limité. Ils ont été aidés empiriquement par les « ingénieux ouvriers » de la région de Birmingham, capitale de la métallurgie britannique, qui leur ont montré comment fabriquer « les soupapes, les cliquets et les pistons » pour perfectionner la machine. Alors qu’ils installaient leur machine dans une mine de Wolverhampton, Newcomen et Calley ont donc profité de la proximité de Birmingham pour tirer parti des compétences techniques des ouvriers « métallos ». 3. Ce timbre commémoratif attribue à Newcomen un rôle majeur d’inventeur. Émis en 2012, le timbre célèbre le 300e anniversaire de l’invention en 1712 de la « machine à vapeur atmosphérique ». Thomas Newcomen prend ainsi sa place dans la galerie des grands hommes britanniques, puisque le timbre fait partie de la série Britons of distinction. En reproduisant une photographie du XIXe siècle, le timbre souligne l’importance de la machine de Newcomen pour l’économie britannique. On peut relever la précision de la légende, qui parle bien de machine atmosphérique, pour la distinguer de celle de Watt. 4. L’histoire de la machine à vapeur illustre très bien la complexité du processus d’invention (création d’un procédé ou instrument nouveau) et d’innovation (application d’une invention à l’économie). Il est souvent difficile de préciser le rôle de tel ou tel « inventeur » dans la chaîne des améliorations progressives et d’ailleurs, d’un ouvrage à l’autre, les historiens peuvent avoir une appréciation assez différente. Newcomen, ainsi, a bénéficié des travaux et expérimentations de ses prédécesseurs Papin et Savery. Ce dernier a d’ailleurs directement aidé Newcomen à mettre au point « sa » machine en 1712. Cette machine est la première « pompe à feu » opérationnelle dans les mines et largement utilisée en Angleterre puis en Europe. L’Écossais James Watt met au point en 1769 le moteur à double effet, progrès par rapport à la machine de Newcomen, qui utilise seulement la pression atmosphérique. 5. Cf. Réponses aux questions précédentes. ➡➡Rédiger un article

Dans l’introduction, évoquer le timbre commémoratif publié par la Poste royale de Grande-Bretagne (doc. 4), en critiquant son message. Dans une première partie, expliquer que Newcomen voulait mettre au point une pompe pour les mines

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(doc. 1) et qu’il n’était pas le premier à travailler dans ce sens (Repères).

Dans une deuxième partie, souligner les nombreux tâtonnements de Newcomen et le rôle du hasard dans son travail (doc. 2). Dans une troisième partie, attribuer à l’Écossais James Watt le rôle principal, en comparant sa machine à celle de Newcomen (doc. 3).

Conclure en soulignant la complexité du processus d’invention / innovation.

Créez une exposition >>MANUEL PAGES 232-233

• Étape 1

Poullain de la Barre écrit par exemple : « Les femmes sont aussi nobles, aussi parfaites et aussi capables que les hommes. Mais cela ne peut être établi qu’en refusant deux sortes d’adversaires : le premier est la pensée vulgaire, le second est l’ensemble de presque tous les savants ». « L’esprit n’a pas de sexe », que Simone de Beauvoir avait mise en épigraphe du Deuxième Sexe est une expression de Poullain de la Barre. Ce rapport parlementaire sur les femmes et les sciences permet de se rendre compte de la situation actuelle : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/ i1016.pdf • Étape 2

L’article « Dix-huitième siècle » consacré à Madame Lavoisier est disponible gratuitement sur Persée : http://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_2004_ num_36_1_2598 • Étape 3

Canva est un outil australien qui existe depuis 2012. La version gratuite est largement suffisante pour créer de très beaux visuels variés. • Étape 4

Ce guide du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine québécois peut être utile pour un projet ambitieux. https://www.mcc.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/ publications/ssim-guide-realiser-exposition.pdf

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Chapitre 8 Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres MANUEL PAGES 238-261 ■■ Présentation

de la question 

La notion de « société d’ordres » est connue des élèves : ils l’ont abordée au collège à plusieurs reprises, en classe de 5e et de 4e. Ce chapitre ne se veut donc pas une répétition de ce qui a été vu lors des années précédentes, mais propose au contraire d’approfondir la réflexion des élèves. Il a pour objectif de mettre en lumière les fortes inégalités et tensions qui existent au sein de cette société, non seulement entre les trois ordres mais aussi à l’intérieur même de ces ordres.

La notion d’«ordre » est déjà utilisée par les juristes sous l’Ancien Régime, dont Charles Loyseau qui fait apparaître ce terme dans son Traité des ordres et simples dignités en 1613 (voir manuel, p. 246). D’après les contemporains, la division de la société en ordres permet au clergé et à la noblesse, les deux ordres dominants, de maintenir leur influence sur la société grâce, notamment, à leurs privilèges. Ainsi, c’est le Tiers-État qui doit la grande majorité des impôts à l’État, dont la taille. Au sein du Tiers-État, c’est le monde paysan qui subit la plus forte pression fiscale : le paysan doit des impôts non seulement à la monarchie, mais également aux seigneurs et à l’Église (dîme). Et c’est principalement grâce à ces impôts que la noblesse parvient à maintenir son pouvoir sur la société aux XVIIe et XVIIIe siècles. Par ailleurs, la société d’ordres est extrêmement rigide et ne permet qu’en de très rares occasions l’élévation sociale. Au sein d’un même ordre, certains individus parviennent néanmoins à gravir les échelons de la société : par exemple, un riche laboureur pourra espérer se lancer dans le négoce grâce à sa fortune accumulée. Des formes de mobilité existent également entre les ordres. Ainsi, un membre de la haute bourgeoisie (financier, magistrat) pourra, grâce à sa richesse, rejoindre la noblesse de robe grâce à l’achat de charges anoblissantes (voir chapitre 5). Il existe d’autres ressorts pour obtenir un titre de noblesse : le roi peut en effet concéder des lettres d’anoblissement dans certains cas bien particuliers (voir doc. 4, p. 253). Toutefois, la société d’ordres est bien plus complexe qu’elle n’y paraît au premier abord. Les ordres sont très diversifiés, surtout le Tiers-État. Derrière cette expression se cachent des réalités extrêmement différentes : des mendiants, des journaliers, des domestiques, des artisans, © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

des compagnons de corps de métiers, mais aussi des bourgeois constituent cet ordre. Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, le second ordre ne se définit pas par son unité : au sein de la noblesse, les petits nobles de province, aux revenus limités, ne partagent que peu de points communs, hormis leurs privilèges, avec la haute noblesse. Il en est de même pour le clergé : le bas clergé, constitué de prêtres – pour certains peu éduqués – issus du petit peuple, ne peut espérer rejoindre la sphère du haut clergé, constituée de grands noms issus des plus illustres familles nobiliaires du royaume. Il semble donc presque plus pertinent d’analyser la société d’Ancien Régime par le prisme de la richesse. En effet, cette question transcende celle des ordres ; il existe des inégalités économiques au sein de chaque ordre. Ainsi, il y a plus de similitudes entre un curé de campagne et un petit propriétaire agricole qu’entre ce même curé et un évêque. Pour comprendre véritablement les caractéristiques et les enjeux de la société d’ordres, il faut non seulement distinguer les riches et les pauvres, mais aussi le monde des villes et le monde des campagnes. Si ces deux univers ne communiquent pas entre eux, la ville constitue néanmoins un lieu de rencontre entre les différents ordres et catégories sociales (voir manuel, p. 248-249). Il est vrai que ces catégories se croisent plus qu’elles ne se côtoient, mais l’essor des migrations paysannes et du poids démographique des villes renforcent la diversité des sociétés urbaines. Quant au monde des campagnes, il connaît quelques évolutions au XVIIIe siècle. Alors que les paysans du XVIIe siècle ont dû faire face à de grandes catastrophes climatiques, ceux du XVIIIe connaissent un climat moins rude. En parallèle, l’agriculture se modernise grâce à l’apparition de nouvelles techniques agricoles. Toutefois, ces progrès restent très relatifs. Les femmes d’influence des XVIIe et XVIIIe siècle ont été bien trop souvent réduites à la figure de la salonnière (Mme Geoffrin) ou de la favorite (comme la marquise de Pompadour). Pourtant, les femmes se distinguent dans de nombreux milieux : politique (Mme Roland, voir p. 257 du manuel), littéraire, religieux.... Si les femmes de lettres sont souvent dans l’ombre des hommes (comme l’épistolière Julie de Lespinasse), c’est malgré tout dans les salons qu’elles parviennent à mettre en avant leurs 109

œuvres. Ces salons sont de hauts lieux de sociabilité sous l’Ancien Régime, comme l’attestent les travaux d’Antoine Lilti. Ce sont en effet des lieux où les élites se rencontrent et où se pratique l’art de la conversation. Ce sont également des lieux où les philosophes des Lumières ont remis en question les inégalités sociales. Dans le domaine religieux, il est intéressant de mentionner le cas des abbesses de Fontevraud. Si cette abbaye, où vivent séparés hommes et femmes, est dirigée depuis sa création au XIIe siècle exclusivement par des femmes abbesses, ce n’est qu’au XVIIe siècle que celles-ci s’imposent véritablement et gagnent en autonomie. Ce chapitre vise donc à montrer la complexité de la société d’Ancien Régime, sans remettre en question la notion d’ordres, indéniable, mais en tentant de la questionner. Il est important de mettre à distance l’idée d’une unité de chaque ordre, notamment du second. La noblesse n’a jamais possédé une quelconque unité, c’est ce que prouvent les derniers travaux de Robert Descimon et Élie Haddad (Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2010). L’identité nobiliaire ne réside pas exclusivement dans la filiation, comme le prouve l’apparition de la noblesse de robe au XVIIe siècle. La noblesse d’épée, arc-boutée sur ses privilèges et ses traditions, s’oppose à cette nouvelle noblesse, issue des rangs de la bourgeoisie. Ainsi, la noblesse d’épée et la noblesse de robe ne se sont jamais réellement unifiées en un seul et même ordre au XVIIIe siècle. Bien au contraire, les familles les plus anciennes voient d’un très mauvais œil ceux qui ont bénéficié de la « savonnette à vilain » en achetant des charges anoblissantes. Le chapitre proposé ici reprend les points de passage présents dans le programme et propose deux ensembles documentaires supplémentaires. Le premier présente la société d’ordres et est indispensable pour comprendre le fonctionnement et les représentations de la société d’Ancien Régime (p. 246). Le second permet d’analyser les tensions qui divisent ancienne et nouvelle noblesse, ainsi que noblesse et bourgeoisie : les documents sélectionnés permettent ainsi d’aborder un aspect essentiel du chapitre (p. 252-253).

■■ Bibliographie ◗◗Outils de travail et ouvrages généraux : ––Bély Lucien, Dictionnaire de l’Ancien régime, PUF, 2010. ––Bély Lucien, La France moderne 1498-1789, PUF, 2013. ––Chaline Olivier, La France au XVIIIe siècle, Belin, 2005. ––Grenier Jean-Yves, Béguin Katia et Bonzon Anne, Dictionnaire de la France moderne, Hachette, 2003. ◗◗Vivre à Paris ––Burstin Haïm, Une révolte à l’œuvre. Le Faubourg Saint-Marcel, 1789-1794, Champ Vallon, 2005. ––Farge Arlette, Le peuple et les choses : Paris au XVIIIe siècle, Bayard Culture, 2015. ––Marraud Mathieu, De la ville à l’État, la bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe siècle, Albin Michel, 2009. ––Monnier Raymonde, Le Faubourg Saint-Antoine (1789-1815), Société des études robespierristes, 1981. ◗◗La société française d’Ancien Régime : nobles, paysans et femmes

––Descimon Robert, Haddad Elie, Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (XVIe-XVIIIe siècle), Les Belles Lettres, 2010. ––Godineau Dominique, Les femmes dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Armand Colin, 2015. ––Goubert Pierre, Les paysans français au XVIIe siècle, Hachette, 1994. ––Lilti Antoine, Le monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle, Fayard, 2005. ◗◗Sources ––Devèze Michel et Marx Roland, Textes et documents d’histoire moderne, SEDES, 1967. ––Mémoires de la baronne d’Oberkirch, Mercure de France, 2000. ––Mémoires de la marquise de la Tour du Pin, Mercure de France, 2018 ––Mémoires de Madame de Genlis, Mercure de France, 2007 ◗◗Sitographie ––http://parismuseescollections.paris.fr/fr/parcoursthematiques/vivre-a-paris-au-xviiie-siecle ––http://classes.bnf.fr/essentiels/albums/femmes/index. htm

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© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Commentaire des documents et réponses aux questions Ouverture

La société d’ordres >>MANUEL PAGES 238-239

• Doc. Louis XIV et son cortège traversant la foule

Peintre flamand, Van der Meulen se voit confier vers 1664 la charge de « peintre des conquêtes du Roi » par Colbert. Ses toiles plaisent tellement à Louis XIV que ce dernier lui demande de l’accompagner dans toutes ses opérations militaires. L’artiste représente ici non seulement la puissance du monarque, en peignant les instants précédant le lit de justice, mais également la diversité de la société d’Ancien Régime. En effet, Louis XIV se rend au Palais de justice pour forcer le Parlement de Paris à enregistrer un édit contesté. De plus, avec la statue de Henri IV, le peintre insiste sur la continuité dynastique et la grandeur des Bourbons. Mais l’intérêt de cette toile, au vu de l’intitulé du chapitre, réside surtout dans la foule représentée. On y distingue, bien entendu, le souverain dans son carrosse, entouré de ses soldats à cheval, mais surtout de ses hallebardiers, chargés de sa protection rapprochée. La diversité de la société d’Ancien Régime est visible au premier plan : on peut y déceler des hommes d’Église, des femmes, des habitants pauvres de Paris, ainsi que des femmes et des hommes plus distingués, issus de la noblesse. Paris est la ville la plus peuplée du royaume au XVIIe siècle : comme l’illustre cette toile, s’y côtoient en de rares occasions les différents ordres. Les travailleurs pauvres de la ville sont également visibles à l’arrière-plan de la toile.

Repères >>MANUEL PAGES 240-241

• Doc. 1. La société d’ordres, une société rigide

C’est un schéma de la société d’ordres qui ouvre ce chapitre et non une carte. En effet, l’objectif de cette page est de donner des repères aux élèves et des grilles de lecture pour mieux appréhender et comprendre le chapitre. La « carte » de la société française aux XVIIe et XVIIIe siècles prend logiquement la forme d’un schéma faisant apparaître les différentes catégories de la société, et les rares leviers d’élévation sociale.

>>MANUEL PAGE 246

Les ordres constituent le fondement de la société d’Ancien Régime. Ils divisent et hiérarchisent la société et permettent, d’après la majorité des juristes et des sujets, de garantir l’ordre et l’équilibre. La société d’ordres est donc largement acceptée au XVIIe siècle et les révoltes antifiscales qui agitent le royaume ne cherchent pas à la remettre en question. Toutefois, les tensions et les oppositions se font de plus en plus fortes au cours du XVIIIe siècle. L’augmentation quasi constante des impôts et la volonté de la bourgeoisie d’accéder à la noblesse, par exemple, génèrent un fort mécontentement et viennent bousculer les fondements de la société. Ces tensions deviennent visibles au XVIIIe siècle et s’expriment grâce aux Lumières (doc. 2), par le biais de nombreux supports (caricatures, gravures, œuvres littéraires, essais, etc.). • Doc. 1. La société d’ordres

Charles Loyseau (1566-1627), est un juriste qui, après une grande carrière en province, revient s’établir à Paris en tant qu’avocat au parlement de Paris. C’est à Châteauroux qu’il rédige de nombreuses œuvres emblématiques comme le Traité des seigneuries, le Traité des offices ou encore le Traité des ordres et simples dignités (doc. 1). Il s’intéresse tout particulièrement à la société française du début du XVIIe siècle, car il est à la fois témoin et partie prenante dans la lutte qui oppose la noblesse d’épée aux officiers royaux qui cherchent à rejoindre le second ordre en achetant des charges anoblissantes. Dans cet extrait, Loyseau insiste sur le bien-fondé de la société d’ordres : les ordres sont nécessaires pour garantir « l’ordre » général et l’harmonie. • Doc. 2. Une caricature de la société d’ordres

Le mot « caricature » apparaît pour la première fois en 1740 dans les Mémoires d’Argenson. De nombreuses caricatures ont été publiées au XVIIIe siècle, avant et pendant la révolution française, souvent anonymement. Certaines d’entre elles, comme celle proposée ici, critiquent la société d’Ancien Régime et les privilèges. Ici, le représentant du Tiers-État est dominé, écrasé et exploité par les représentants des deux autres ordres (clergé et noblesse). Il croule sous la taille, les impôts et les corvées (termes inscrits sur la pierre). ➡➡Réponses aux questions

1. D’après Loyseau, les ordres sont légitimes et indispensables au bon fonctionnement de la société car ils sont nécessaires à son unité et à son harmonie (« nous ne © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

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pourrions pas vivre ensemble en égalité de condition »). Certains doivent donc combattre (noblesse), d’autres sont au service de dieu (clergé), alors que d’autres obéissent (Tiers-État). En conséquence, « l’ordre général » est garanti. Enfin, la société d’ordres est légitime car elle s’inspire de la « hiérarchie céleste ». Cette expression renvoie à une idée encore répandue au XVIIe siècle, qui affirme que les anges sont inférieurs à Dieu, et qu’ils sont eux même divisés en trois groupes selon leur importance (les Séraphins, les Chérubins et les Trônes). 2. Trois personnages sont visibles et aisément distinguables par leurs habits : le premier est en habit de clerc, le second se détache par son épée, et le troisième est habillé plus simplement. Deux d’entre eux sont sur une pierre, qui écrase le troisième. Sur la pierre sont visibles les inscriptions « taille, impôts et corvées ». 3. Les trois personnages, avec leurs habits, représentent les ordres qui composent la société avant la Révolution : le clergé à gauche, la noblesse à droite et le Tiers État sous la pierre. La pierre symbolise les privilèges des deux premiers ordres, qui écrasent le Tiers État. En effet, les deux premiers ordres ne payent pas la taille. Le caricaturiste veut montrer que le Tiers État paye trop d’impôts et souffre de cette situation, et dénonce ainsi l’organisation injuste de la société d’Ancien Régime. 4. Les ordres s’opposent par la répartition des privilèges. Bien que certains groupes constitutifs du Tiers-État en possèdent, ce sont surtout la noblesse et le clergé qui détiennent les plus grands privilèges (comme l’exemption de la taille). De plus, les ordres n’ont pas le même rôle à jouer dans la société. Alors que le clergé est au service de Dieu et se doit d’accompagner les âmes, la noblesse a traditionnellement un rôle de commandement et de protection. Le Tiers-État doit donc obéir à ces deux ordres, travailler et payer la majorité des impôts. Les paysans doivent notamment des corvées à leur seigneur. En conséquence, de fortes tensions apparaissent à la fin du XVIIIe siècle. Le Tiers-État, par la voix des Lumières, remet en question les privilèges et l’organisation de la société en ordres. Il souhaite plus d’égalité, notamment en supprimant les privilèges fiscaux et en répartissant mieux les impôts. ➡➡Écrire un récit fictif argumenté

Forme : les élèves veilleront à soigner l’orthographe et l’expression. On leur demande ici de rédiger un récit : la forme est donc laissée libre, mais on peut imaginer que le paysan, analphabète, s’exprime à l’oral. Révolté, il pourrait s’exprimer avec force et véhémence en prenant à partie Charles Loyseau « Vous, qui [...] ». Les arguments du paysan devront être organisés : les élèves devront penser à utiliser des mots de liaisons. Fond : les élèves peuvent s’aider de la question 1 pour identifier les différents arguments de Loyseau. Par exemple, que pourrait penser le paysan de l’argument 112

suivant : « Nous ne pourrions par vivre ensemble en égalité de condition » ? Que pourrait-il y répondre ?

La révolte des Nu-Pieds et la condition paysanne >>MANUEL PAGE 247

La révolte des Nu-Pieds, appelée souvent à tort la révolte des Va Nu-Pieds, est révélatrice de certaines difficultés auxquelles doivent faire face les paysans sous l’Ancien Régime. Au XVIIe siècle, ces difficultés découlent principalement des conditions climatiques et d’une forte pression fiscale. Le soulèvement des paysans normands trouve ses origines au début des années 1620. En effet, la monarchie est en déficit depuis longtemps et, pour se financer, a recours à des expédients fiscaux (suppression de privilèges, augmentation des impôts, création d’impôts, etc.). L’intervention militaire française lors de la guerre de Trente Ans, à partir de 1635, renforce cette pression fiscale. La Normandie, étant l’une des plus riches provinces du royaume, est fortement concernée par ces réformes fiscales. • Doc. 1. Aux origines de la révolte

Bigot de Monville, président du Parlement de Normandie, s’opposa au chancelier Séguier et à sa décision d’interdire le Parlement. Il rédigea ses mémoires pendant l’interdiction du Parlement. L’extrait proposé revient sur les causes, lointaines et immédiates, de la révolte ainsi que sur son extension progressive au sein de la société normande. Il insiste également sur les motivations des révoltés. • Doc. 2. La répression de la révolte

La révolte des Nu-Pieds nous est connue principalement par le biais de deux sources : Le journal du voyage du chancelier Séguier en Normandie après la sédition des Nu-Pieds (doc. 2), et les Mémoires du président Bigot de Monville sur la sédition des Nu-Pieds et l’interdiction du Parlement de Normandie en 1639 (doc. 1). Pierre Séguier est chargé par la couronne de combattre la révolte des Nu-Pieds en Normandie. Il organise alors une répression très dure, exécutant de nombreux révoltés. L’extrait revient sur la violence de cette répression (exécutions, condamnations aux galères) dans le but de « servir d’exemple à la postérité ». ➡➡Réaliser un schéma

Les causes  Lointaines : Doc. 1 : « Avant que la guerre fût déclarée au roi d’Espagne, le peuple était surchargé de beaucoup d’impositions extraordinaires ». Immédiates : Doc. 1 : « On crut que [le sieur de la Benardière Poupinel] venait pour établir la gabelle et abolir l’usage du sel blanc ». © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

Les acteurs  Doc. 1 : « les paysans […] l’attaquèrent en son hôtellerie et le tuèrent ainsi que deux de ses serviteurs ». « Ce premier exemple fit soulever plusieurs paysans sous un chef qui se faisait nommer Jean Nudspieds et ceux de son parti, les Nu-Pieds. » « Ils se saisirent d’un des faubourgs d’Avranches et tinrent la campagne ». « le peuple, bien loin de les attaquer, leur fournissait secrètement des vivres ». Doc. 2 : « Le prêtre Bastard, un des plus séditieux, et un tanneur (nomme Maillard) ». Les caractéristiques Doc. 1 : « les paysans attaquèrent [le sieur de la Benardière Poupinel] en son hôtellerie et le tuèrent ainsi que deux de ses serviteurs ». Doc. 2 : « un tanneur (nommé Maillard), [qui] avait aidé à aller ruiner les maisons du Val Basin ». Les conséquences Il faut insister ici sur la violence de la répression. Doc. 1 : « À Avranches, M. Gassion fit une prompte justice de ceux qui furent pris les armes à la main ; on en pendit 12 ; les autres, moins chargés, condamnés aux galères ; et sont à la chaîne » ; « Le prêtre Bastard, un des plus séditieux, et un tanneur (nommé Maillard) […] et un nommé Dupont […] ont été exécutés à morts […] et ceux qui n’ont pu être pris, condamnés par contumace, par jugement du 8 mars 1640, en des peines telles qu’une telle rébellion méritait des réparations pour servir d’exemple à la postérité ».

Riches et pauvres à Paris >>MANUEL PAGES 248-249

Paris, aux XVII et XVIII  siècles, est une ville extrêmement bruyante et agitée. Les rues y sont encore sombres et étroites. Le quartier des Halles est le cœur de la capitale grâce à son marché. La ville accueille des populations très diversifiées, de la haute noblesse aux populations pauvres prenant en charge les petits métiers, en passant par les riches bourgeois. Les classes populaires sont de plus en plus nombreuses face à l’accroissement des migrations paysannes au XVIIIe siècle. Toutefois, les lieux où se côtoient ces différentes catégories sociales sont rares et les contrastes sociaux sont bien visibles dans l’espace parisien. e

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• Doc. 1. Paris au XVIIIe siècle

Le plan de Bretez dit « plan de Turgot » a été réalisé au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, à la demande de Michel-Étienne Turgot, prévôt des marchands de paris de 1729 à 1740. Par son coût et ses choix © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

artistiques, ce plan s’adresse à un petit nombre de lecteurs. Les rues sont démesurément élargies afin de mettre en valeur l’élévation des façades et la diversité de la ville. Le plan, réalisé à l’échelle 1/400, couvre la ville et les faubourgs d’alors, soit les actuels onze premiers arrondissements. • Doc. 2. Le jardin des Tuileries à la fin du XVIIIe siècle

Henriette Louise de Waldner de Freundstein (17541803), baronne alsacienne, est connue pour s’être rendue à trois reprises à Paris et pour avoir rédigé ses Mémoires. Farouchement attachée aux prérogatives de la noblesse, elle pose un regard juste et caustique sur les traditions et pratiques sociales des élites de la fin de l’Ancien Régime. Dans cet extrait, elle décrit le jardin des Tuileries et la pratique de la promenade, chère aux élites parisiennes. • Doc. 3. L’hôtel de Soubise

L’hôtel de Soubise, qui accueille actuellement les Archives nationales, se situe dans le quartier du Marais. Si les travaux ont débuté en 1371, c’est au début du XVIIIe siècle que l’hôtel prend son aspect actuel. En effet, celui-ci est racheté par la famille Rohan-Soubise en 1700 qui décide de refondre l’hôtel. • Doc. 4. Le faubourg Saint-Marcel

Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), fils de boutiquiers parisiens, est un écrivain français du mouvement des Lumières. Son Tableau de Paris comporte 12 volumes et mêle des descriptions de la capitale à des critiques acerbes des mœurs et de la société parisienne. Dans cet extrait, Mercier décrit le faubourg Saint-Marcel, situé dans le Sud-Est de la capitale. Malgré la création en 1663 de la manufacture royale des meubles et tapisseries de la Couronne (manufacture des Gobelins), la majorité de la population vivant dans le faubourg reste miséreuse. • Doc. 5. Occupations des hommes du faubourg Saint-Antoine

Ce graphique est extrait de la thèse de Raymonde Monnier sur le faubourg Saint-Antoine, dans laquelle elle insiste sur la faible occupation du faubourg (43 000 habitants, soit 7 % de la population parisienne à la fin du XVIIIe siècle). Le graphique nous montre que les activités économiques du faubourg sont très diversifiées, et induisent donc de grandes disparités au sein de la population. Le faubourg est peuplé de populations très pauvres (comme les journaliers), mais aussi de populations dont les revenus sont certes limités, mais relativement corrects (personnes travaillant dans les domaines de la domesticité, de l’ameublement, de l’alimentation, etc.). ➡➡Réponses aux questions

1. Paris s’étend aux XVIIe et XVIIIe siècles car les limites de la ville sont repoussées. Si, sur la rive droite, les délimitations ont peu évolué depuis la construction, 113

durant la deuxième moitié du XIVe siècle de l’enceinte de Charles V, sur la rive gauche l’extension des quartiers populaires, surtout du faubourg Saint-Marcel, est bien visible. Il en est de même à l’Est de la capitale au niveau du faubourg Saint-Antoine. Face aux migrations paysannes, ce sont donc les quartiers les plus pauvres qui s’étendent le plus. De plus, les quartiers les plus aisés de la capitale se transforment également : les aristocrates se font construire des hôtels particuliers dans les quartiers du Marais (cœur de Paris) et des Tuileries (Ouest de la capitale). Le quartier des Tuileries est le nouveau quartier privilégié par les élites, qui viennent s’installer à proximité de la place Vendôme. Des lieux de promenade apparaissent, comme le jardin des Tuileries et les boulevards plantés d’arbres. 2. Les nobles parisiens vivent dans des quartiers spécifiques (voir question 1) et habitent dans de magnifiques demeures (hôtels particuliers pour les nobles, grandes maisons pour les bourgeois). Ces élites sont à l’origine de la trépidante vie culturelle parisienne. Celles-ci apprécient se rendre à l’Opéra, pas uniquement pour profiter du spectacle mais avant tout pour se montrer. L’objectif est le même dans les promenades et jardins publics, comme le prouve le témoignage de la baronne, qui insiste fortement sur les tenues ostentatoires des promeneurs. 3. Bien que la baronne emploie le terme de « Parisiens », elle parle avant tout de la noblesse. En effet, il s’agit de la catégorie sociale la plus représentée au jardin des Tuileries. La baronne s’inquiète du fait que les nobles ne portent plus leurs épées, ou seulement lors de rares occasions, alors qu’il s’agit d’une prérogative importante de cet ordre. Comment différencier alors un noble d’un bourgeois se promenant également dans le parc ? Enfin, la baronne mentionne la présence de « femmes entretenues », à savoir des prostituées, qui cherchent à se faire passer pour des bourgeoises. En conséquence, la baronne craint qu’il ne soit plus possible de distinguer les différentes catégories sociales : noblesse, bourgeoisie et petit peuple. 4. Les habitants des faubourgs parisiens vivent en marge de la capitale, dans des quartiers pauvres et dangereux. Mercier ne les considère même pas comme des Parisiens ! Les conditions de vie y sont austères et difficiles : les familles s’entassent dans une seule et même pièce et ne possèdent que peu de biens matériels. Elles parviennent difficilement à payer leur loyer. Les habitants les plus pauvres ne peuvent se payer de véritables souliers et portent des sabots, réservés aux populations les plus démunis. Toutefois, ce faubourg n’est pas uniquement peuplé de mendiants : comme le prouve le doc. 5, une part non négligeable des hommes travaille dans le secteur domestique (17,4 %). Certains s’apparentent même à des artisans spécialisés (13,3 % travaillent dans le bâtiment ; 1,2 % dans l’ameublement, etc.). 114

5. Les contrastes sociaux s’inscrivent dans l’espace. Les quartiers les plus aisés se situent au cœur de la capitale, dans le Marais, et s’étendent aux XVIe et XVIIe siècles vers l’Ouest de la capitale autour de la place Vendôme et du jardin des Tuileries. Les quartiers les plus miséreux sont relégués en dehors des enceintes de la capitale, comme les faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine. Ces derniers s’étendent et voient leur population augmenter fortement. Les élites sont à l’origine de nombreux fantasmes et mythes au sujet de ces quartiers défavorisés, signe d’une forte crainte et méconnaissance. Enfin, certains lieux, rares, favorisent les rencontres entre les catégories sociales, comme les promenades et les jardins. Mais seuls les nobles et les bourgeois s’y croisent, les plus défavorisés ne sortant que très rarement des faubourgs. ➡➡Extraire et classer des informations Catégories

Riches

Pauvres

Lieux de vie (quartiers et habitats)

Marais

Faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel

Place Vendôme et quartier des Tuileries Hôtels particuliers et maisons bourgeoises

Occupations (métiers et loisirs)

Petits immeubles de quelques étages dans lesquels s’entassent des familles, qui vivent parfois dans une seule chambre

Opéra

Mendiants

Théâtre

Domestiques principalement.

Promenades et jardins (ex : Tuileries)

Artisans (ameublement, potiers, verriers, etc.). Petits métiers divers (boutiquiers, journaliers, etc.).

Lieux de rencontre entre les différentes catégories sociales

Opéra, théâtre, promenades et jardins publics (riches). Les habitants les plus pauvres ne sortent que très rarement des faubourgs.

Le salon de Madame Geoffrin, une femme d’influence au XVIIIe siècle >>MANUEL PAGES 250-251

Les salons apparaissent au XVIIIe siècle et viennent s’ajouter aux nombreux lieux de sociabilité qui existent dans les villes et à Paris plus particulièrement. Dans son ouvrage Le Monde des salons, Antoine Lilti explique que ces salons ne sont pas des lieux de discussion permettant de diffuser largement les idées des Lumières, mais plutôt des centres de la sociabilité mondaine, dévolus aux plaisirs de la table et du mot d’esprit, au théâtre de société comme aux intrigues politiques. S’il est réducteur de ne parler que des salonnières pour aborder la question du rôle joué par les femmes d’influence, il est néanmoins indéniable que ces salons ont permis aux femmes lettrées de jouer un rôle dans la société. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

• Doc. 1. Madame Geoffrin vue par une de ses contemporaines

Cet extrait des Souvenirs de Louise-Elisabeth Vigée-Lebrun permet d’ajouter un autre profil de femme à la typologie des femmes d’influence : celle de l’artiste. En effet, Vigée-Lebrun, issue d’une famille bourgeoise, connaît une carrière fulgurante. En 1778, elle devient peintre officiel de la reine, et est reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1783 malgré son sexe. Fervente monarchiste, elle part en exil pendant la Révolution française et écrit ses mémoires après son retour en France. Dans cet extrait, elle dresse un portrait de Mme Geoffrin, dont elle avait commencé à fréquenter le salon au tout début de sa carrière de portraitiste. Elle revient ici sur le parcours atypique de la salonnière et sur le rôle important qu’elle joua au sein de la société mondaine parisienne. • Doc. 2. Les invités de Madame Geoffrin

Marmontel est un philosophe des Lumières qui parvint à jouer un rôle important à la Cour grâce à la protection de Madame de Pompadour. Il loue un appartement chez Madame Geoffrin et fréquente son salon. Dans cet extrait, Marmontel présente le fonctionnement du salon de Madame Geoffrin, ainsi que le rôle primordial joué par cette dernière. Il en dresse le portrait d’une parfaite hôte, animant avec justesse son salon et soucieuse d’y accueillir des invités de tous horizons : artistes, écrivains, mais également hommes politiques français et étrangers. Dans cet extrait apparaît également la nécessité que représente, pour les ambitieux, le passage par un salon. La principale activité qu’ils y pratiquent, comme le mentionne Marmontel, est l’art de la conversation et du bon mot. • Doc. 3. Le salon de Madame Geoffrin

Commandé par Joséphine Beauharnais, ce tableau d’Anicet Lemonnier, extrêmement connu, présente pourtant une scène fictive. À aucun moment le salon de Madame Geoffrin n’accueillit simultanément tous ces hommes et femmes célèbres. Le but de ce portrait de groupe est en réalité de fixer pour la postérité tous ceux qui ont compté sur la scène mondaine, philosophique et artistique parisienne au cours du siècle des Lumières, bien au-delà des membres qui ont effectivement formé la société de Madame Geoffrin. Malgré la très large majorité d’hommes, certaines femmes se détachent dans cette assemblée, comme Mlle de Lespinasse, salonnière et épistolière française. Ainsi, cette œuvre nous prouve que les femmes tiennent des salons mais ne se contentent pas d’y accueillir des hommes ; elles y participent également. Ce tableau permet également d’analyser le cadre dans lequel ces réunions et déjeuners ont lieu : ici, le salon de Madame Geoffrin, richement décoré de tableaux et de tapis. Ce tableau se veut donc une représentation de l’apogée des Lumières. © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

➡➡Réponses aux questions

1. Les participants des salons sont issus des catégories les plus influentes de la société, comme l’atteste le document 1 : « Madame Geoffrin réunissait chez elle tout ce qu’on connaissait d’hommes distingués dans la littérature et dans les arts, les étrangers de marque, et les plus grands seigneurs de la cour ». Si tous ces individus animent la vie mondaine parisienne, il faut néanmoins distinguer les écrivains, les artistes et les hommes politiques. Madame Geoffrin accueille tout aussi bien des Français que des étrangers, mais « les plus considérables », pour qu’ils participent à la renommée de son salon. Les diplomates étrangers qui souhaitaient être invités au salon de Madame Geoffrin devaient en effet être munis de lettres de recommandation. Les plus grands philosophes des Lumières français sont passés par le salon de Madame Geoffrin : d’Alembert, Montesquieu, Rousseau, Marmontel... ainsi que des hommes politiques (le duc de Choiseul) et des femmes (Julie de Lespinasse). 2. Le terme de « salon » désigne une pratique (une réunion), mais aussi un lieu, à savoir une pièce dans un hôtel particulier. Le salon de Madame Geoffrin se situait au 372 rue Saint-Honoré, en plein cœur de la capitale. Ces réunions prennent la forme de dîners, c’est-à-dire de déjeuners à cette époque, comme l’atteste le document 2. « Madame Geoffrin avait fondé chez elle deux dîners : l’un, le lundi pour les artistes ; l’autre le mercredi pour les gens de lettres. Lors de ces repas, la principale activité était la conversation. Madame Geoffrin se devait, elle aussi, de maîtriser l’art de la conversation pour « égayer la table ». L’objectif des invités est avant tout de se faire voir : « il n’arrivait d’aucun pays ni prince, ni ministre, ni hommes ou femmes de nom qui, en allant voir Madame Geoffrin, n’eussent l’ambition d’être invités à l’un de [ses] dîners ». 3. Madame Geoffrin devait diriger et animer son salon et accroître sa réputation. Son salon est ainsi devenu l’un des plus réputés de la capitale, malgré ses humbles origines. S’étant enrichie et ayant gravi les échelons de la société grâce à son mariage, sa fortune lui permet de faire de sa demeure un rendez-vous incontournable des élites. Mais, comme le dit Marmontel, « son vrai talent était celui de bien conter ». Tout comme les participants des salons, elle maîtrise donc l’art oratoire. Enfin, Mme Geoffrin choisit avec intelligence ses invités : « il fût entré dans le plan de Madame Geoffrin d’attirer chez elle les plus considérables des étrangers qui venaient à Paris ». 4. Les salons permettent aux femmes de jouer un rôle dans la société, en tant que salonnières et en tant que participantes. C’est en ouvrant son propre salon que Madame Geoffrin parvient à s’imposer au sein de la société élitiste parisienne. D’ascendance bourgeoise, elle rejoint les cercles élitistes de la capitale grâce à son mariage avec Pierre-François Geoffrin. Issu également d’une famille bourgeoise, il est néanmoins très riche car à la tête de 115

la Manufacture royale de glaces de miroirs. Mais c’est surtout grâce à son salon, qu’elle ouvre en 1727, qu’elle parvient à côtoyer les plus grands aristocrates et nobles de son temps. Celui-ci se développe considérablement à la mort de son mari, en 1749. En effet, elle jouit d’une totale liberté pour le développer grâce à son héritage. Par ailleurs, en participant à des salons, les femmes artistes parviennent à se faire plus facilement reconnaître par leurs pairs, alors que la littérature et les arts sont encore des domaines largement masculins. Si les femmes s’illustrent de plus en plus dans ces domaines au XVIIIe siècle, elles ont encore des difficultés à obtenir la même reconnaissance que celle des hommes. ➡➡Réaliser une carte mentale

Les acteurs : hommes politiques, français et étrangers ; écrivains et dramaturges ; artistes (peintres et architectes) ; philosophes ; savants. Les lieux : l’hôtel particulier de Madame Geoffrin ; son salon. Les activités : déjeuners ; conversations autour de sujets variés : politiques, artistiques, philosophiques, etc. Les rôles : pratiquer l’art de la conversation ; se voir et se faire voir ; permettre aux femmes de jouer un rôle dans la société.

Jean-Baptiste Charpentier, l’artiste, est peintre du duc de Penthièvre à partir de 1762 environ. La scène se situe dans un salon de style Louis XV. Le peintre représente la famille avec grâce et naturel, dégustant du chocolat, popularisé en France par la reine Marie-Thérèse au XVIIe siècle. À gauche, le duc de Penthièvre regarde un médaillon enfermé dans un étui ; au centre, la princesse de Lamballe donne une friandise à un petit chien. Derrière elle, Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon joue avec une rose. • Doc. 2. L’ascension sociale des Joly de Fleury

Les Joly de Fleury, étudiés par Paul Bisson de Barthélémy et par David Feutry, sont une famille de magistrats parisiens originaires de Bourgogne. Le nom « Fleury » vient de la terre de Fleury, en Essonne actuelle, achetée par François Joly en 1602 et où Guillaume-François Joly de Fleury fit construire un château au début du XVIIIe siècle. L’arbre généalogique simplifié proposé permet d’étudier l’ascension sociale des magistrats provinciaux grâce à l’achat de charges anoblissantes. Bien que les Joly de Fleury deviennent des seigneurs dès 1602, ils n’accèdent à la noblesse que deux générations plus tard, lorsque Jean Joly achète une charge anoblissante qui permet à ses enfants de rejoindre la noblesse de robe. • Doc. 3. La noblesse et le commerce

Dès le XVIIe siècle, la noblesse la plus ancienne, dite d’épée, se sent menacée par la montée en puissance d’une nouvelle catégorie : la noblesse de robe. De plus, c’est au XVIIIe siècle qu’une autre catégorie sociale vient concurrencer la noblesse : la bourgeoisie, qui s’enrichit grâce à l’essor économique du royaume, notamment à travers l’activité portuaire (voir manuel, p. 254-255). Ainsi, la société d’ordres, bien qu’étant peu encline à évoluer et restant largement figée, est traversée par des évolutions et des tensions. En conséquence, la noblesse cherche à se renouveler, en se tournant par exemple vers de nouveaux secteurs d’activité, pour rester l’ordre dominant. De plus, elle continue à défendre avec véhémence ses privilèges pour se distinguer clairement de la bourgeoisie.

La noblesse, qu’elle soit d’épée ou de robe, est un ordre qui se caractérise par de nombreux privilèges et obligations. Un autre trait de sa condition, économique, est l’interdiction de faire le commerce. Cette interdiction paraît toute naturelle, à tel point qu’elle n’était pas exprimée avant le XVIIe siècle, car l’idée qu’un noble pouvait « trafiquer » aurait choqué les esprits. C’est lorsque certains gentilshommes commencèrent à s’intéresser à cette activité que l’idée selon laquelle les nobles ne pouvaient pratiquer le commerce sans déroger à leur rang fut clairement énoncée. Mais le développement du commerce maritime et de gros, qui faisait face à moins de préjugés, offrit la possibilité aux nobles de pratiquer cette activité. Colbert, souhaitant développer le commerce maritime, était opposé à l’idée de dérogeance. Plusieurs édits intermédiaires furent promulgués, jusqu’à ce que Louis XIV permette aux nobles de pratiquer n’importe quel commerce sans déroger en 1701.

• Doc. 1. Une famille de très haute noblesse

• Doc. 4. Un corsaire anobli

Anciennes et nouvelles élites >>MANUEL PAGES 252-253

Ce tableau illustre l’impact du commerce triangulaire sur les mœurs européennes et la diffusion de produits coloniaux dans les sphères les plus élevées de l’aristocratie d’Ancien Régime (ici, le chocolat). Mais cette œuvre est avant tout un portrait de la famille du duc de Penthièvre très représentatif de l’image que la haute noblesse souhaite diffuser d’elle-même. Le duc de Penthièvre fait partie de la famille royale de France, en qualité de petitfils de Louis XIV. 116

Un corsaire est un capitaine de la marine privée qui attaque les navires des pays ennemis du sien. Le corsaire a donc obtenu du gouvernement de son pays des lettres de course qui lui assurent la protection de la marine de son pays, et l’autorisent à attaquer les navires ennemis. C’est suite à la bataille du Texel, qui lui permit de reprendre du blé dérobé par les Hollandais aux Français et ainsi de sauver de la famine les Dunkerquois, que le corsaire Jean Bart fut anobli par Louis XIV. Cet extrait © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

montre qu’il est anobli en reconnaissance des actes de bravoure accomplis au service du royaume de France. Sur la lettre d’anoblissement apparaît une fleur de lys, rarement octroyée, récompensant un haut fait d’armes, ainsi qu’un sabre, indiquant l’origine militaire de l’anoblissement. ➡➡Réponses aux questions

1. La scène se déroule dans un salon privé, richement décoré, de style Louis XV. Les membres de cette famille boivent du chocolat, une boisson très prisée par les élites. Ces dernières sont les seules à pouvoir se payer cette denrée coloniale, considérée comme un produit de luxe. De plus, leurs tenues sont également des indicateurs de leur statut social et de leur mode de vie : on distingue de riches étoffes et des tissus de qualité. Par ailleurs, le duc de Penthièvre et son fils portent une écharpe bleue, signe d’appartenance à l’ordre militaire du Saint-Esprit, réservé aux nobles. Leurs gestes sont dignes et raffinés, ainsi que leur posture.

2. Les Joly de Fleury sont à l’origine une famille de magistrats de province (Bourgogne). C’est lorsqu’ils quittent la Bourgogne pour Paris que leur ascension sociale débute réellement. Celle-ci se fait en plusieurs étapes : – François Joly achète une seigneurie en 1602 ; – son fils Jean Joly achète une charge au Grand Conseil, qui donne la noblesse à ses descendants. Il quitte donc l’administration provinciale pour rejoindre l’administration centrale ; – son fils Jean-François Joly de Fleury, le premier à porter la particule, asseoit sa position par le biais d’un mariage avantageux, non pas avec une noble mais avec une jeune fille issue d’une grande famille de parlementaires ; – enfin, son fils Guillaume-François Joly de Fleury et ses trois petits-fils occupent des postes très élevés au Parlement de Paris (procureur général et président à mortier) et au sein du Conseil du Roi (contrôleur général des finances). 3. Le roi justifie l’anoblissement de Jean Bart, issu d’une famille de marins, grâce à plusieurs arguments. Tout d’abord, Louis XIV explique que son anoblissement permet d’encourager les officiers de la couronne « à faire des actions éclatantes » et à renforcer leur fidélité. En les distinguant, le roi espère également inscrire leurs actes dans la mémoire collective. De plus, Louis XIV justifie l’anoblissement de Jean Bart en mentionnant la dignité du corsaire, sa place élevée dans la hiérarchie militaire, ses actions et ses sacrifices et blessures.

4. Le type de commerce qui est compatible avec la noblesse est le commerce de gros, pris en charge par les négociants. Ces négociants servent d’intermédiaires entre les fabricants, les producteurs et les vendeurs. Les négociants sont donc ceux « qui n’auront point de boutiques © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

ouvertes ni aucun étalage et enseigne à leurs portes et maisons ». La noblesse ne peut donc s’abaisser à pratiquer un commerce ordinaire et avilissant. L’objectif de cet édit est de « faire fleurir le commerce dans [le] royaume ». Louis XIV poursuit ici l’entreprise entamée par Colbert : ce dernier souhaitait renforcer le commerce maritime français, et avait compris qu’il fallait pour cela compter sur une élite éclairée et riche. Se passer de la noblesse en la maintenant à l’écart du commerce maritime aurait constitué un frein considérable à l’expansion de l’économie française. 5. La noblesse se renouvelle aux XVIIe et XVIIIe siècles, politiquement et économiquement. Tout d’abord, elle se transforme suite à l’apparition d’une nouvelle caste : la noblesse de robe. Ces grands magistrats qui s’élèvent socialement grâce à l’achat de charges anoblissantes bousculent fortement les codes établis. Ce renouvellement est toutefois subi par la noblesse traditionnelle, qui voit d’un mauvais œil la volonté du gouvernement de s’appuyer sur des officiers de plus en plus nombreux. De plus, la noblesse se renouvelle en prenant en charge de nouvelles activités. Alors qu’elle avait traditionnellement pour rôle de protéger militairement le royaume et de conseiller le gouvernement, elle se tourne de plus en plus, à partir du XVIIe siècle, vers des activités économiques. Mais seul le commerce de gros et maritime n’entraîne pas la dérogeance. L’édit de 1701 découle d’une volonté étatique mais répond à une réelle volonté d’une frange importante de la noblesse de pratiquer des activités commerciales. Enfin, des individus peuvent ponctuellement obtenir un titre de noblesse en fonction de leurs actions, mérite et bravoure, comme le prouve le parcours de Jean Bart. Ces évolutions toutefois ne remettent pas en question les modes de vie nobiliaire. L’ancienne noblesse, tout comme les nouveaux anoblis qui adoptent les coutumes traditionnelles pour gagner en légitimité, continuent de se distinguer par leurs lieux de vie, leur apparence et leurs activités. ➡➡Réaliser un diaporama 

1) Les différents moyens d’intégrer la noblesse – Achat d’une charge anoblissante (doc. 2) – Obtention d’une lettre d’anoblissement de la part du souverain, après avoir réalisé des actions glorieuses et méritantes (doc. 4) 2) L’adaptation de la noblesse aux activités utiles Face au développement du commerce maritime, la noblesse se tourne de plus en plus vers le commerce extérieur. Le pouvoir royal autorise finalement les nobles à pratiquer le négoce sans risque de déroger en 1701 (doc. 3). 3) Le prestige conservé de la noblesse Malgré ces changements, la noblesse reste l’ordre dominant au sein de la société d’Ancien Régime. Elle continue de se distinguer et de marquer sa supériorité via 117

ses lieux de vie, son apparence (tenues) et ses coutumes et loisirs (doc. 1). Bien que la noblesse d’épée ne souhaite pas être assimilée à la noblesse de robe et aux récents anoblis, il est difficile de distinguer ces différentes catégories au XVIIIe siècle. Toutes ont adopté les mêmes modes de vie et traditions.

Les ports français, l’économie de plantation et la traite >>MANUEL PAGES 254-255

Grâce aux efforts entrepris par Colbert (voir chapitre 5), la mer joue un rôle extrêmement important dans l’économie du royaume. La France est devenue au XVIIIe siècle une grande puissance commerciale et maritime. Ainsi, les ports de Saint-Malo, Bordeaux, Nantes ou Marseille, qui avaient commencé à se développer sous la fin du règne de Louis XIV, connaissent leur apogée au XVIIIe siècle. C’est grâce à l’implantation de l’économie de plantation dans les colonies d’Amérique et au développement de la traite atlantique au XVIIe siècle que les ports français deviennent puissants au XVIIIe siècle. • Doc. 1. Le commerce avec les « îles à sucre »

Ce graphique nous apprend que les ports de Bordeaux, Nantes, Marseille et Rouen-Le Havre occupent une place prépondérante dans les échanges avec les Antilles. La hiérarchie entre les différents ports se redéfinit tout au long du XVIIIe siècle (le port de Nantes recule, alors que celui de Bordeaux gagne en importance). En 1787, les quatre ports réalisent 92 % du commerce avec les Antilles (chiffre calculé d’après leur part dans les recettes du domaine d’Occident). Ce chiffre très élevé s’explique notamment par les privilèges que possèdent ces différents ports, mais aussi pour Bordeaux, Nantes et Le Havre, par leur localisation sur la façade atlantique. • Doc. 2. La carrière d’un armateur nantais

Joseph Mosneron, armateur négrier nantais, naît en 1748. Il suit les souhaits de son père en devenant capitaine de navire. Il complète sa formation par un premier voyage à bord d’un navire négrier, Le Prudent. Il revient sur ce premier voyage éprouvant dans son Journal, dans lequel il relate également la carrière de son père. C’est à la mort de ce dernier en 1773 qu’il reprend les affaires commerciales de la famille. Le parcours de Jean Mosneron illustre l’importance de l’expérience et des voyages, qui jouent un rôle prépondérant dans la formation et la carrière des armateurs. • Doc. 3. Le port de Bordeaux

Joseph Vernet (1714-1789) est un peintre français à qui Louis XV a commandé 24 tableaux de ports de France pour informer de la vie dans ces ports et promouvoir la 118

marine française. Seuls dix ports ont été représentés : Marseille, Rochefort, Dieppe, Bandol, Toulon, Antibes, Sète, Bordeaux, Bayonne et La Rochelle. Lors de la commande, l’artiste a reçu un cahier des charges précis : le premier plan de chaque tableau devait faire figurer les activités spécifiques de la région. Vernet aime représenter la nature sur ses œuvres, notamment en donnant une grande place au ciel. Les 15 tableaux peints sont exposés à Paris au salon de peinture et de sculpture. Vernet fait imprimer de longues descriptions pour accompagner ses œuvres, dans un but didactique. • Doc. 4. Le voyage d’un navire négrier nantais

Les capitaines de navires, après avoir débarqué, doivent immédiatement se présenter devant le procureur du roi pour rendre compte de leur expédition. Le document proposé ici est un extrait de l’un de ces « rapports de mer », qui constituent des sources primordiales pour l’histoire de la traite. En effet, ces documents regorgent de détails sur le déroulement des expéditions. Ils débutent toujours par la présentation du navire et le serment du déclarant, à savoir le capitaine. Ils se poursuivent avec le récit de l’expédition, complété d’événements marquants. L’extrait proposé ici met en lumière les nombreux risques que comportent ces expéditions. Enfin, ces documents se terminent par une mention des changements intervenus dans la composition de l’équipage. ➡➡Réponses aux questions

1. Au XVIIIe siècle, les ports les plus dynamiques sont ceux de Bordeaux, Nantes, Marseille, Rouen-Le Havre mais aussi de La Rochelle et Saint-Malo. Alors que le port qui commerce le plus avec les Antilles au début du XVIIIe siècle est celui de Nantes, son hégémonie est remise en question au fil du siècle à la faveur de Bordeaux, très largement, mais aussi de Marseille et de Rouen-Le Havre. La prépondérance du port de Nantes au début du XVIIIe siècle s’explique par son implication dans la traite négrière : sur 3 307 voyages de traite effectués de 1713 à 1792 par des navires français, 1402 sont réalisés par des navires nantais. Mais le commerce avec les Antilles n’implique pas forcément la traite négrière. En effet, Bordeaux a su occuper une place de plus en plus importante dans la hiérarchie portuaire en se spécialisant dans le commerce en droiture. 2. Jean Mosneron, après une enfance passée en Bretagne, s’installe à Nantes, le port français le plus dynamique au début du XVIIIe siècle. Il débute sa carrière en tant que simple marin : il participe à des voyages vers les colonies et gravit tous les échelons, pour devenir finalement capitaine à 22 ans. Il se familiarise avec le commerce maritime en travaillant tout d’abord pour des armateurs. Ce n’est qu’après son mariage en 1735 qu’il cesse les voyages maritimes pour devenir luimême armateur. Mosneron contrôle toutes les étapes de © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

l’organisation d’un voyage maritime, de la construction des bâtiments de mer à la réception des marchandises. Il veut avoir un droit de regard total, car il est en partie propriétaire de ses navires : il risque gros si son navire est abîmé par la traversée. Mosneron semble avoir acquis la confiance du milieu négociant nantais, car c’est également grâce à des financements extérieurs que son entreprise connait le succès et qu’il s’enrichit considérablement. 3. On distingue au premier plan le quai, qui n’est pas encore aménagé à cette époque. Il s’agit plutôt d’une grève, constituée de pierres et de sable, qui longe la Garonne. Plusieurs personnages déambulent et travaillent sur ce quai : des marchands, ainsi que des bourgeoises qui observent l’agitation et l’activité. Au cœur du tableau, des bœufs tirent des barriques de vins, ce qui n’a rien d’étonnant : l’artiste veut mettre ici en avant les spécificités agricoles de cette grande région viticole. De belles façades bordent le fleuve, preuve de l’enrichissement et de l’embourgeoisement du port de Bordeaux au XVIIIe siècle. Le fleuve est large, permettant la circulation des voiliers, qui attendent la marée avant de repartir. Les barques permettent des charger et de décharger les navires qui reviennent ou s’apprêtent à repartir vers l’océan Atlantique. C’est l’intensité de l’activité portuaire qui est ici soulignée. Enfin, on distingue à l’arrière-plan les faubourgs, mais surtout le ciel qui occupe une très grande partie du tableau. La lumière provient de la gauche du tableau et se glisse entre les bâtiments pour éclairer le quai et mettre ainsi en valeur les activités et le dynamisme du port. L’État a passé cette commande auprès de Vernet pour mettre en avant la grandeur, la richesse et le dynamisme des ports français. L’artiste insiste ici sur l’intense activité maritime bordelaise. 4. Ce navire négrier part le 26 mars 1741 de Paimbœuf, situé la rive sud de l’estuaire de la Loire, à 45 km à l’ouest de Nantes, pour se diriger tout d’abord vers le golfe de Guinée. Son objectif est d’acheter des esclaves, et pour ce faire le navire longe progressivement la côte guinéenne : il arrive tout d’abord aux îles Bananes (Sierra Leone actuelle) le 2 mai, qu’il quitte le 21 mai pour se rendre au cap Mesurade (Libéria actuel). Le navire y reste du 31 mai au 4 septembre. Durant ce laps de temps, l’équipage achète 213 esclaves. Après avoir quitté la Mesurade le 4 septembre, le navire traverse l’Atlantique et arrive en Martinique le 1er novembre, où il vend au fort Saint-Pierre 183 esclaves (30 sont donc décédés durant la traversée). Il repart ensuite le 21 avril 1742, chargé de sucre et de café, en direction de Nantes. Il arrive le 24 juin à Paimbœuf. Le voyage, de la France à l’Afrique, de l’Afrique aux Caraïbes, puis jusqu’à Paimbœuf dure donc plus d’un an et est parsemé d’embûches et d’imprévus (conditions climatiques défavorables, décès et désertion de membres d’équipage, etc.) © Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec

5. Les ports français ont profité au XVIII e siècle de l’économie de plantation et de la traite. Grâce à la création d’un empire colonial français en Amérique et en Inde, dès le XVIe siècle, ils se sont considérablement développés. En effet, de nombreuses denrées coloniales (sucre, café, cacao, indigo, etc.) entraient dans le royaume de France via les principaux ports du royaume. De plus, face à la nécessité de mise en valeur des territoires d’outre-mer, le gouvernement français a encouragé le développement de l’activité de traite. Les bourgeois participant au commerce de la traite sont de plus en plus nombreux. En finançant des expéditions et des navires négriers, ils ont fait de la France une grande puissance négrière. En conséquence, la bourgeoisie portuaire française, composée d’armateurs, de négriers et de négociants, s’est considérablement enrichie. Elle a participé à l’embellissement et à l’enrichissement des ports français, tout particulièrement du port de Nantes. Ce dernier est en effet particulièrement impliqué dans le commerce de la traite négrière. Bordeaux, à l’inverse, s’est plutôt illustré dans le commerce en droiture. Si les ports atlantiques tels que La Rochelle, Saint-Malo et Le Havre, grâce à leur localisation sur la façade atlantique, jouissaient d’une position avantageuse pour participer au commerce maritime avec les colonies françaises et les comptoirs africains, Marseille n’était pas en reste. Mais c’est surtout grâce au commerce maritime avec le Levant et à divers privilèges accordés par l’État français dès le XVIIe siècle que le port de Marseille se développa. ➡➡Rédiger un texte argumenté

Un article de presse se doit d’être succinct. Ainsi, les élèves devront faire attention à ne pas négliger certains attendus formels : titre accrocheur, style percutant et incisif (sans être familier pour autant). Quant au fond de l’article, les élèves pourront proposer certains éléments parmi ceux mentionnés ci-dessous : 1) Les produits de l’économie de plantation intéressant les négociants français Repères : sucre, café, tabac, cacao ou encore indigo. Doc. 2 et 3 : pour mettre en valeur les plantations, une main d’œuvre nombreuse est nécessaire. Les négociants français en profitent et s’insèrent dans le marché de la traite négrière. Des navires négriers, chargés de produits manufacturés, d’armes et d’alcool, se rendent en Afrique pour acheter des esclaves qui seront ensuite vendus dans les territoires français d’Amérique. 2) Le travail dans les plantations réalisé par des esclaves déportés d’Afrique Repères, doc. 2 et doc. 3 : pour mettre en valeur les territoires d’outre-mer et travailler dans les plantations, des esclaves sont achetés en Afrique, principalement dans le golfe de Guinée. Le commerce des esclaves existe de longue date en Afrique, tout comme la traite atlantique qui a été mise en place par les Espagnols et les Portugais 119

au début du XVIe siècle. Les Français ne font donc que s’insérer dans un commerce déjà existant. 3) Les principaux ports français impliqués dans la traite négrière et/ou le commerce avec les Antilles. Repères, doc. 1, doc. 2 et doc. 3 : les principaux ports français impliqués dans la traite et le commerce avec les Antilles sont Nantes, Bordeaux, La Rochelle, SaintMalo, Rouen-Le Havre et Marseille. Nantes est le port qui se développe le plus au début du XVIIIe siècle, principalement grâce à la traite négrière. Ensuite, ce sont les grands ports maritimes de la façade atlantique qui s’enrichissent le plus grâce à leur localisation. Enfin, le port de Marseille joue également un rôle non négligeable dans le commerce avec les Antilles, bien qu’il soit plutôt tourné vers le Levant. Repères et doc. 3 : le port de Bordeaux se développe considérablement tout au long du XVIIIe siècle grâce

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au commerce en droiture. Le port, localisé sur une façade maritime extrêmement dynamique, bénéfice de cette localisation avantageuse pour développer son activité.

Organisez un débat sur la société d’ordres >>MANUEL PAGES 256-257

Pour compléter la fiche sur Mme Roland, on peut ajouter que, passionnée de botanique, elle a suivi des cours d’histoire naturelle et constitué un herbier aquatique que son mari exploite dans l’ouvrage qu’il publie en 1782, L’Art du tourbier.

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