Le Grand Livre Du Marketing by Jean-Marie Ducreux [PDF]

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JEAN-MARIE DUCREUX (ESCP, MBA Columbia et DES Sciences Éco) a commencé sa carrière professionnelle en créant une entreprise de services aux États-Unis, avant de rejoindre le Boston Consulting Group à Paris. Il a ensuite dirigé la filiale française de Seagram, puis la filiale française d’ICI, puis deux entreprises de taille moyenne dans le domaine de l’ingénierie et des technologies. Administrateur de plusieurs sociétés de services, il a été Senior Advisor au Boston Consulting Group. Professeur affilié à l’ESCP-Europe, il est l’auteur de La Formation dans tous ses états, de Stratégie : les clés du succès concurrentiel et du Grand livre de la stratégie aux éditions Eyrolles.

La démarche marketing assure à qui la connaît pérennité, croissance et rentabilité. Il est donc essentiel d’en maîtriser les fondamentaux. À l’heure d’Internet et de la dématérialisation de l’information, cet ouvrage permet d’identifier les invariants de la réussite. Ancré dans la réalité d’aujourd’hui, ce guide complet offre une approche pédagogique illustrée par de nombreux exemples et plus de 200 figures. >> Connaître pour comprendre Rassemblez le maximum d’informations sur le marché, les clients, la concurrence, les tendances et la dynamique du marché et organisez ces informations de manière à ce qu’elles soient utilisables et utilisées. >> Positionner pour durer Apprenez comment définir un positionnement stratégique rentable et durable et déterminez le modèle économique qui l’accompagne.

barbarycourte.com

>> Concevoir pour convaincre Découvrez comment concrétiser votre positionnement en organisant les différentes composantes de votre offre (produits, services, prix, communication, distribution) avec pertinence et cohérence.

Auteur de plusieurs ouvrages de référence, JEAN-MARIE DUCREUX est professeur affilié à l’ESCP-Europe.

Code éditeur : G54980 ISBN : 978-2-212-54980-5

>> Déployer pour réussir Sachez mobiliser l’ensemble de vos ressources pour vous implanter durablement sur le marché et utilisez les indicateurs adaptés à vos besoins.

JEAN-MARIE DUCREUX

Conquérir et consolider son avantage concurrentiel jour après jour

Le grand livre du marketing

Introduction C+KOMAVAN

Première partie Connaître pour comprendre Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui

JEAN-MARIE DUCREUX

Chapitre 2. Analyser l’environnement de l’entreprise Chapitre 3. Anticiper le monde de demain Chapitre 4. Confronter l’entreprise à son environnement

Deuxième partie Positionner pour durer

Le grand livre du

marketing

Chapitre 1. Mener la segmentation stratégique Chapitre 2. Modéliser le positionnement stratégique Chapitre 3. Cristalliser le positionnement Chapitre 4. Pérenniser le positionnement Focus. Un exemple de repositionnement : Valentine

Troisième partie Concevoir pour convaincre Chapitre 1. Ajuster les ressources marketing Chapitre 2. Dynamiser les produits services

> Connaître pour comprendre > Positionner pour durer > Concevoir pour convaincre > Déployer pour réussir

Chapitre 3. Gérer activement les prix Chapitre 4. Valoriser la distribution Chapitre 5. Intégrer la communication Focus. Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Quatrième partie Déployer pour réussir Chapitre 1. Réunir les conditions de réussite Chapitre 2. Assurer l’adaptation internationale Chapitre 3. Formaliser le plan marketing

Bibliographie Index des mots clés Index des graphiques Glossaire des termes anglais Table des matières

28 € 54980_montage_185_2k.indd 1

155 x 240 mm + rabats de 100 mm - 18,5 mm

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Conquérir et consolider son avantage concurrentiel jour après jour

JEAN-MARIE DUCREUX (ESCP, MBA Columbia et DES Sciences Éco) a commencé sa carrière professionnelle en créant une entreprise de services aux États-Unis, avant de rejoindre le Boston Consulting Group à Paris. Il a ensuite dirigé la filiale française de Seagram, puis la filiale française d’ICI, puis deux entreprises de taille moyenne dans le domaine de l’ingénierie et des technologies. Administrateur de plusieurs sociétés de services, il a été Senior Advisor au Boston Consulting Group. Professeur affilié à l’ESCP-Europe, il est l’auteur de La Formation dans tous ses états, de Stratégie : les clés du succès concurrentiel et du Grand livre de la stratégie aux éditions Eyrolles.

La démarche marketing assure à qui la connaît pérennité, croissance et rentabilité. Il est donc essentiel d’en maîtriser les fondamentaux. À l’heure d’Internet et de la dématérialisation de l’information, cet ouvrage permet d’identifier les invariants de la réussite. Ancré dans la réalité d’aujourd’hui, ce guide complet offre une approche pédagogique illustrée par de nombreux exemples et plus de 200 figures. >> Connaître pour comprendre Rassemblez le maximum d’informations sur le marché, les clients, la concurrence, les tendances et la dynamique du marché et organisez ces informations de manière à ce qu’elles soient utilisables et utilisées. >> Positionner pour durer Apprenez comment définir un positionnement stratégique rentable et durable et déterminez le modèle économique qui l’accompagne. >> Concevoir pour convaincre Découvrez comment concrétiser votre positionnement en organisant les différentes composantes de votre offre (produits, services, prix, communication, distribution) avec pertinence et cohérence.



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Le grand livre du marketing

Introduction C+KOMAVAN

Première partie Connaître pour comprendre Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui

JEAN-MARIE DUCREUX

Chapitre 2. Analyser l’environnement de l’entreprise Chapitre 3. Anticiper le monde de demain Chapitre 4. Confronter l’entreprise à son environnement

Deuxième partie Positionner pour durer

Le grand livre du

marketing

Chapitre 1. Mener la segmentation stratégique Chapitre 2. Modéliser le positionnement stratégique Chapitre 3. Cristalliser le positionnement Chapitre 4. Pérenniser le positionnement Focus. Un exemple de repositionnement : Valentine

Troisième partie Concevoir pour convaincre Chapitre 1. Ajuster les ressources marketing Chapitre 2. Dynamiser les produits services

> Connaître pour comprendre > Positionner pour durer > Concevoir pour convaincre > Déployer pour réussir

Chapitre 3. Gérer activement les prix Chapitre 4. Valoriser la distribution Chapitre 5. Intégrer la communication Focus. Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Quatrième partie Déployer pour réussir Chapitre 1. Réunir les conditions de réussite Chapitre 2. Assurer l’adaptation internationale Chapitre 3. Formaliser le plan marketing

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JEAN-MARIE DUCREUX (ESCP, MBA Columbia et DES Sciences Éco) a commencé sa carrière professionnelle en créant une entreprise de services aux États-Unis, avant de rejoindre le Boston Consulting Group à Paris. Il a ensuite dirigé la filiale française de Seagram, puis la filiale française d’ICI, puis deux entreprises de taille moyenne dans le domaine de l’ingénierie et des technologies. Administrateur de plusieurs sociétés de services, il a été Senior Advisor au Boston Consulting Group. Professeur affilié à l’ESCP-Europe, il est l’auteur de La Formation dans tous ses états, de Stratégie : les clés du succès concurrentiel et du Grand livre de la stratégie aux éditions Eyrolles.

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Première partie Connaître pour comprendre Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui

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Chapitre 2. Analyser l’environnement de l’entreprise Chapitre 3. Anticiper le monde de demain Chapitre 4. Confronter l’entreprise à son environnement

Deuxième partie Positionner pour durer

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marketing

Chapitre 1. Mener la segmentation stratégique Chapitre 2. Modéliser le positionnement stratégique Chapitre 3. Cristalliser le positionnement Chapitre 4. Pérenniser le positionnement Focus. Un exemple de repositionnement : Valentine

Troisième partie Concevoir pour convaincre Chapitre 1. Ajuster les ressources marketing Chapitre 2. Dynamiser les produits services

> Connaître pour comprendre > Positionner pour durer > Concevoir pour convaincre > Déployer pour réussir

Chapitre 3. Gérer activement les prix Chapitre 4. Valoriser la distribution Chapitre 5. Intégrer la communication Focus. Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Quatrième partie Déployer pour réussir Chapitre 1. Réunir les conditions de réussite Chapitre 2. Assurer l’adaptation internationale Chapitre 3. Formaliser le plan marketing

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Introduction C+KOMAVAN

Première partie Connaître pour comprendre Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui

JEAN-MARIE DUCREUX

Chapitre 2. Analyser l’environnement de l’entreprise Chapitre 3. Anticiper le monde de demain Chapitre 4. Confronter l’entreprise à son environnement

Deuxième partie Positionner pour durer

Le grand livre du

marketing

Chapitre 1. Mener la segmentation stratégique Chapitre 2. Modéliser le positionnement stratégique Chapitre 3. Cristalliser le positionnement Chapitre 4. Pérenniser le positionnement Focus. Un exemple de repositionnement : Valentine

Troisième partie Concevoir pour convaincre Chapitre 1. Ajuster les ressources marketing Chapitre 2. Dynamiser les produits services

> Connaître pour comprendre > Positionner pour durer > Concevoir pour convaincre > Déployer pour réussir

Chapitre 3. Gérer activement les prix Chapitre 4. Valoriser la distribution Chapitre 5. Intégrer la communication Focus. Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Quatrième partie Déployer pour réussir Chapitre 1. Réunir les conditions de réussite Chapitre 2. Assurer l’adaptation internationale Chapitre 3. Formaliser le plan marketing

Bibliographie Index des mots clés Index des graphiques Glossaire des termes anglais Table des matières

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Le grand livre du marketing

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Jean-Marie Ducreux

Le grand livre du marketing

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Éditions d’Organisation Groupe Eyrolles 61, bd Saint-Germain 75240 Paris cedex 05 www.editions-organisation.com www.editions-eyrolles.com

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’Éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2011 ISBN : 978-2-212-54980-5

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SOMMAIRE

INTRODUCTION. C+KOMAVAN .................................................

7

Première partie Connaître pour comprendre ..............................................

11

CHAPITRE 1. CONNAÎTRE LE CLIENT D’AUJOURD’HUI ........................

13

CHAPITRE 2. ANALYSER L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE ..............

35

CHAPITRE 3. ANTICIPER LE MONDE DE DEMAIN ................................

45

CHAPITRE 4. CONFRONTER L’ENTREPRISE À SON ENVIRONNEMENT......

59

© Groupe Eyrolles

Deuxième partie Positionner pour durer .......................................................

67

CHAPITRE 1. MENER LA SEGMENTATION STRATÉGIQUE ......................

69

CHAPITRE 2. MODÉLISER LE POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE ..............

83

CHAPITRE 3. CRISTALLISER LE POSITIONNEMENT ...............................

101

CHAPITRE 4. PÉRENNISER LE POSITIONNEMENT ................................

109

5

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Le grand livre du marketing

Troisième partie Concevoir pour convaincre ...............................................

135

CHAPITRE 1. AJUSTER LES RESSOURCES MARKETING...........................

137

CHAPITRE 2. DYNAMISER LES PRODUITS SERVICES .............................

147

CHAPITRE 3. GÉRER ACTIVEMENT LES PRIX ......................................

169

CHAPITRE 4. VALORISER LA DISTRIBUTION ......................................

191

CHAPITRE 5. INTÉGRER LA COMMUNICATION ..................................

209

Quatrième partie 241

CHAPITRE 1. RÉUNIR LES CONDITIONS DE RÉUSSITE ..........................

243

CHAPITRE 2. ASSURER L’ADAPTATION INTERNATIONALE ....................

259

CHAPITRE 3. FORMALISER LE PLAN MARKETING ................................

283

BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................

293

INDEX DES MOTS CLÉS ................................................................

295

INDEX DES FIGURES ....................................................................

297

GLOSSAIRE DES TERMES ANGLAIS ..................................................

305

TABLE DES MATIÈRES ..................................................................

307

© Groupe Eyrolles

Déployer pour réussir ........................................................

6

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Introduction

© Groupe Eyrolles

C+KOMAVAN

Jusqu’à une période récente, le marketing pouvait sembler un « art » plutôt facile : les évolutions étaient lentes, les niveaux de rentabilité souvent stables, les marchés bien définis et protégés à l’intérieur de frontières confortables, les actionnaires peu exigeants, les technologies en progression régulière mais sans rupture majeure. Quelques gimmicks marketing, de belles campagnes, des packagings réussis, un trade marketing sophistiqué tenaient lieu de stratégie marketing. Puis, le XXIe siècle est arrivé et la tourmente avec lui. La concurrence s’est rapidement exacerbée, le rythme d’innovation et de mondialisation s’est brutalement accéléré, la visibilité s’est violemment raccourcie alors qu’il faut faire des investissements souvent de plus en plus lourds. Les entreprises routinières et peu réactives, focalisées sur le court terme, n’ont pas vu le client évoluer ni les nouveaux entrants arriver. Certaines ont été balayées, d’autres ont dû se réveiller dans la douleur. De 1920 à 1990, la part du commerce mondial dans le PNB mondial est restée stable autour de 15 % ; depuis 1990, la part du commerce dans le PNB mondial n’a cessé de croître pour représenter aujourd’hui près de 30 %. Le nombre de pays qui ont rejoint

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Or, dès lors qu’il y a commerce, transports, monnaie, échange d’informations, il y a standardisation et concurrence accrue. Les cinq pays les plus exportateurs représentaient 50 % des exportations mondiales en 1990 et 35 % en 2005. La concurrence entre pays et la concurrence entre entreprises sont plus vives que jamais. Chaque entreprise doit donc mener à sa manière sa recherche de l’avantage concurrentiel. L’avantage concurrentiel initial est toujours celui de la compétitivité par les coûts et par les prix. Comme on le verra ultérieurement, les coûts et les prix tendent à baisser en monnaie constante sur de très longues périodes pour des raisons variées dont la recherche de standardisation et l’augmentation des volumes. Dans un second temps, et notamment lorsque la croissance d’un marché donné ralentit, la recherche de l’avantage concurrentiel ne passe plus nécessairement par la compétitivité des coûts et des prix, mais par la valeur attribuée au bien ou au service, valeur générée par différentes formes de différenciation telles que qualité, service, fiabilité, etc. ! La dynamique concurrentielle crée ainsi un renouvellement permanent d’offres s’appuyant sur un nouvel avantage concurrentiel, parfois d’autant plus fugitif qu’il est mineur. Cette fugacité croissante de l’avantage concurrentiel se matérialise par la disparition d’entreprises et par l’apparition de nouveaux entrants. La création d’entreprises n’a jamais été aussi forte : de nombreuses entreprises de petite ou moyenne taille créées récemment prospèrent sur la base d’une innovation, d’une invention, d’une capacité commerciale mise en œuvre avec succès. Le raccourcissement du cycle de vie des produits est spectaculaire : la durée de vie moyenne d’un modèle de châssis de voiture est passée de huit ans il y a vingt ans à quatre ans aujourd’hui. La durée de vie d’un téléphone portable est passée de vingt-deux mois il y a six ans à seize mois aujourd’hui.

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© Groupe Eyrolles

la World Trade Organization (WTO) est passé de 85 en 1980 à 150 en 2005. Le transport maritime a pratiquement doublé depuis 1975. La masse de produits expédiés de Chine vers les États-Unis augmente d’environ 9 à 12 % par an, soit un flux annuel supplémentaire de containers arrivant aux États-Unis de 1,5 million, c’està-dire la capacité annuelle du port de Vancouver.

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C+KOMAVAN

Le comportement des clients, qu’ils soient le consommateur final, la grande entreprise ou la PME, a accompagné, voire suscité dans certains cas des adaptations profondes de la part des entreprises. Par exemple, les clients veulent utiliser certains produits tels que des locomotives, des copieuses, des vélos… sans nécessairement en être propriétaires. La politique de prix se fonde alors sur l’usage et non sur la propriété. Cette évolution a été une source d’innovation majeure en matière de politique de prix. L’explosion d’Internet a modifié et continuera de modifier en profondeur la communication et la distribution. La communication traditionnelle a explosé avec la multiplication des écrans d’ordinateurs ou de téléphones et des canaux TV. Le client est plus sollicité que jamais et doit gérer une déferlante d’informations. Les distributeurs classiques sont pris entre le « mortar », le « click » et le « click and mortar »1. Face à un avenir qui semble difficilement prévisible, la réflexion marketing est-elle devenue inutile ? En effet, s’il est de plus en plus difficile d’anticiper les évolutions de notre environnement, ne fautil pas se focaliser sur la réactivité plutôt que sur la réflexion et la prise en compte des phénomènes de fond ? Comme le dit si bien Paul Valéry : « Les événements sont l’écume des choses. Mais c’est la mer qui m’intéresse. » Un des objectifs de cet ouvrage est précisément de construire une démarche qui privilégie la « mer » et non « l’écume ». La pandémie du court-termisme qui frappe la société diminue nos capacités à mettre les événements en perspective et en prospective. La culture numérique nous dicte son rythme. Que la visibilité soit réduite rend encore plus importante cette anticipation car les bénéfices n’en seront que plus grands. Se battre uniquement sur le terrain de la réactivité à la poursuite de l’« écume », c’est s’engager dans une course permanente sans vision ni ligne directrice et accepter d’être en permanence malmené par les clients, les concurrents, les fournisseurs et toutes les parties prenantes de la vie économique. À long terme, c’est prendre un risque majeur sur la pérennité de l’entreprise. Parce

1.

Littéralement « clic et mortier » décrit une entreprise de l’économie traditionnelle qui a aussi une activité sur Internet.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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qu’elle donne de l’avance en début de course, qu’elle permet de s’adapter aux évolutions et qu’elle évite d’être pris au dépourvu face aux ruptures, une démarche marketing construite est une contribution essentielle à la sécurisation de l’entreprise. C+komavan, mais plus ça change, plus c’est la même chose : les raisons qui ont fait les succès passés feront les succès futurs. La démarche marketing permettra d’identifier les invariants de la réussite. La démarche marketing proposée s’articule en quatre étapes : • première étape : connaître pour comprendre. L’objectif est de rassembler le maximum d’informations sur le marché, les clients, la concurrence, les tendances et la dynamique du marché et d’organiser ces informations de manière à ce qu’elles soient utilisables et utilisées ; • deuxième étape : positionner pour durer. L’objectif ici est de définir le positionnement stratégique qui va être suivi, notamment de déterminer le modèle économique qui l’accompagne ; • troisième étape : concevoir pour convaincre. Dans cette étape, l’entreprise doit concrétiser le positionnement en organisant les différentes composantes de son offre (produits, services, prix, communication, distribution) d’une manière pertinente et cohérente ; • quatrième étape : déployer pour réussir. Rien ne sert d’avoir un plan marketing très élaboré si les parties prenantes ne sont pas fortement impliquées dans l’élaboration et dans le déploiement de ce plan et ne disposent pas des indicateurs adaptés.

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Première partie

Connaître pour comprendre

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Chapitre 1

CONNAÎTRE LE CLIENT D’AUJOURD’HUI

« Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, c’est le client. »

© Groupe Eyrolles

Henry Ford

Ce chapitre est le plus long de cet ouvrage ; c’est le chapitre fondateur, celui qui parle de l’essentiel : le client. Il traite bien sûr du client final, le consommateur, mais aussi de l’entreprise en tant que client. • Le consommateur – Le consommateur d’aujourd’hui – Les tendances à court terme – Les études et recherches en marketing • L’entreprise – Les achats sont le résultat d’une demande dérivée avec des objectifs spécifiques – De multiples individus sont impliqués parfois de manière très complexe – Des processus, des règles et des standards d’achat sont en général définis

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Le résultat d’exploitation d’une entreprise résulte de la différence entre les produits d’exploitation et les charges d’exploitation. En termes moins comptables, la formule s’écrit :

C’est donc le client qui écrit la première ligne du compte d’exploitation. Si le client n’écrit pas la première ligne, il est inutile, en fait nuisible, d’écrire la seconde. Comme l’a si bien écrit Sam Walton, le fondateur de Wal-Mart, la plus grande chaîne de distribution mondiale : « C’est le client qui a le pouvoir. Toutes les forces de l’entreprise doivent donc être mobilisées vers et pour le client ; cette remarque est d’une banalité affligeante !! Et pourtant l’histoire des entreprises déborde de situations où le client n’a pas été la première préoccupation. » Quelques exemples : • 1975 : lancement du Betamax par Sony ; • 1976 : lancement du système VHS vidéo par JVC ; • 1978 : la part de marché du VHS devient supérieure à celle du Betamax ; • 1980 : le Betamax a perdu la bataille. Pourtant, le Betamax est techniquement supérieur : résolution horizontale, ratio bruit-signal… ; de plus, il est le premier sur le marché. Mais, les besoins du client qui achète un magnétoscope sont clairs : enregistrer au moins deux heures (durée d’un film ou d’un match) ; or, à l’origine, le Betamax ne peut enregistrer qu’une heure ; pour le client, les termes de l’alternative sont donc simples : enregistrer un film complet avec une résolution inférieure ou enregistrer la moitié d’un film avec une résolution supérieure. Les clients ont choisi. Ce n’est pas l’entreprise qui juge de la supériorité du produit mais ses clients… ; à ce titre, la supériorité n’est jamais décrétée, elle est perçue. Elle se définit comme la meilleure réponse apportée aux besoins des clients. Les clients n’achètent pas le produit qu’on leur vend. Les clients achètent un concept qui dérive de l’utilisation, de l’application qu’ils comptent avoir du produit et/ou du service que l’entreprise leur a vendu.

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© Groupe Eyrolles

Ventes – Coûts = Résultat

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Connaître le client d’aujourd’hui

Au salon automobile de Detroit en janvier 2007, un journaliste interroge Bob Lutz, directeur général de General Motors, et lui pose une première question : « Est-ce que vos mauvaises ventes sont dues à des problèmes de qualité ? – Il y a trois ans j’avais honte, nous devions nous battre contre cette tradition américaine qui consiste à négliger les détails, mais aujourd’hui vous ne pourriez pas trouver une voiture japonaise ou allemande aussi bien assemblée que les nôtres. – Vous êtes surtout présents sur les gros 4x4, les SUV et les pick-up, un marché en déclin… – GM n’a pratiquement pas senti le déclin ; nous avons même gagné de la part de marché grâce à nos nouveaux véhicules qui sont plus efficaces que ceux de Toyota ou de Nissan, et en ce qui concerne les pick-up nous avons battu notre record en 2006 avec plus d’un million d’unités vendues1. » En décembre 2008, le président du groupe General Motors, Rick Wagoner, se rend au Sénat américain pour obtenir des financements publics ; il déclare : « Nous sommes ici au Sénat américain parce que nous avons fait des bêtises ; nous n’avons pas réussi à être suffisamment flexibles et nous n’avons pas investi dans des véhicules moins gourmands en carburant qui est ce que veut le marché américain2. »

Cet aveuglement n’est ni propre aux grandes entreprises, ni nouveau. Le dirigeant de petite ou moyenne entreprise confronté à une livraison en retard, un appel urgent de son banquier ou une difficulté de production n’a guère le temps de placer le client au centre de l’entreprise. L’autisme n’est pas loin. Cette incapacité de beaucoup d’entreprises à mettre le client en première ligne n’est guère nouvelle. Dès 1960, dans un article célèbre intitulé « Marketing Myopia3 », Theodore Levitt dénonçait la « myopie » dont sont frappées certaines firmes. À l’inverse, certaines entreprises ont mis le client ou plutôt les clients au centre de leur démarche.

© Groupe Eyrolles

Cisco – John Chambers, le PDG de Cisco : « Je passe actuellement la moitié de mes journées avec les clients ; d’ici deux ans, je passerai les deux tiers de mon temps avec eux et je doublerai le nombre de rendez-vous. » Procter&Gamble – « Le consommateur est le patron » chez P&G ; chaque 23 avril (en référence au 23 avril 1985 quand Coca-Cola lança à grands renforts médiatiques le New Coke qui fut un échec spectaculaire), les salariés doivent se demander ce qu’ils font pour améliorer la vie des consommateurs. 1. 2. 3.

Wall Street Journal, janvier 2007. Financial Times du 5 décembre 2008. Theodore Levitt, « Marketing Myopia », Harvard Business Review, juilletaoût 1960.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Ikea – Écoutons Lea Kumpelainen, en charge de la stratégie assortiment au siège d’Almhult d’Ikea : « Comprendre et anticiper au mieux les attentes des clients ; cette connaissance très pointue du client fait d’Ikea le leader mondial de l’équipement de la maison. Nous observons comment les gens vivent, quels problèmes ils rencontrent et nous essayons d’imaginer des solutions simples et pratiques pour leur faciliter l’usage de leur foyer. » « Nous nous fions peu aux études de marché ; nous écoutons ce qu’elles révèlent, mais nous ne faisons pas ce qu’elles conseillent ; nous nous appuyons sur les informations qui remontent du terrain »

Or connaître le client aujourd’hui est de plus en plus difficile malgré des moyens et des outils de plus en plus performants. En effet, • les attentes des différents publics se complexifient et parfois se contredisent : – attentes affichées, attentes virtuelles, attentes cachées, etc., – plaisir, immédiateté, irrationnel, émotionnel, – consommateurs, acheteurs, prescripteurs, distributeurs, actionnaires, etc., – ambiguïté des positionnements ; • les horizons de temps se raccourcissent : – durée de vie des produits de plus en plus brève, – temps de développement des nouveaux produits, – comportement « zappeur » des consommateurs, – slalom permanent dans l’hyperchoix ; • la concurrence se complexifie : – concurrence directe et indirecte, – concurrence de substitution, – accélération des dynamiques concurrentielles ; • les horizons géographiques s’éloignent et se rapprochent : – interpénétrations régionales, – standardisation des produits, – mondialisation et globalisation, – « virtualisation » des produits/services, – cocooning, repli sur son microcosme ; • les enjeux financiers augmentent : – développement, complexification, lancements ; coûts des échecs, – non-concordance des horizons de temps.

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« Ikea attire un ensemble éclectique de clients (de l’étudiant au yuppie) qui auparavant faisaient leur shopping auprès de plusieurs types de magasins. »

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Connaître le client d’aujourd’hui

L’expression générique « le client » comprend en fait une très grande variété de clients : il peut s’agir en effet du client/consommateur/ client final, du client « grande entreprise » ou du client « PME »… Au sein de chacune de ces catégories, nombreuses sont les segmentations possibles avec des besoins, des comportements associés et des modes de décision spécifiques. Connaître un marché, c’est mener des études, mais aussi… sortir de son bureau, observer les flux, aller dans la rue, aller chez les clients et surtout bannir l’anthropomorphisme. Dans le roman Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part1 d’Anna Gavalda, la vendeuse résume brillamment son approche : « Notez qu’à part l’énergie dépensée pour gérer ma gérante, je me défends pas mal. Donnez-moi n’importe quelle cliente, je vous l’habille de pied en cap. Sans oublier les accessoires. Pourquoi ? Parce que je la regarde. Avant de la conseiller, je la regarde. »

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Le consommateur Il était une fois l’âge d’or du marketing de masse caractérisé par des innovations puissantes, des marques fortes, des super/hypermarchés en forte croissance, peu de médias présentant des programmes intergénérationnels (Dallas), une structure familiale simple et standard, bref des consommateurs prévisibles et en masse. Mais aujourd’hui, c+komavan. « Pour la première fois, le consommateur est le patron, chose fascinante et effrayante, car tout ce que nous faisions ou tout ce que nous savions ne marche plus », affirme Kevin Roberts, directeur général de Saatchi&Saatchi. La croissance des marques de distributeurs du pas cher au meilleur, un nouvel environnement de distribution, l’explosion d’Internet, des audiences fragmentées (Sex in the City, Desperate Housewifes, Femmes de footballeurs…), une diversité accrue de structure familiale ont déstabilisé des marchés devenus beaucoup moins prévisibles et un consommateur à l’identité précaire, assailli de doutes en tout genre : • déracinement progressiste : mondialisation, craintes multiples, plombiers polonais, maternités tardives ; 1.

Le Dilettante, 1999 (première édition).

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• affaiblissement des structures sociales en place ; fin du rôle central du travail ; • doutes sur l’entreprise (rappel auto : Toyota, Mercedes, médicaments qui se révèlent inefficaces ou dont les effets secondaires peuvent être dangereux voire mortels, Enron, Northern Rock, Société Générale, retraites chapeau, GM, stock-options…) ; • perte de cadre établi et durable : papillonnage, zapping, réseau d’amis virtuels, instantanéité. Consommateurs débordés par le nombre de références : 150 références de whisky, plus de 400 références de yaourts dans les hypers, plus de 100 références de brosses à dents, etc. ; • agression commerciale permanente par les spams ; volonté d’appropriation du quotidien : connexion permanente ; augmentation de la traçabilité – syndrome 06 (symbole du téléphone portable) + Wi-Fi ; • crise du lien social, familial, individuel (celui qui fait tenir ensemble une personnalité) ; réenracinement nostalgique et retour de la communauté ; désinvestissement du futur (fin du progrès) ; baisse de l’engagement politique (chute des utopies), etc.

Le consommateur d’aujourd’hui Le consommateur est aujourd’hui un individu déboussolé en recherche de sens ; l’entreprise elle-même est à la recherche du client perdu : • la moitié des grignoteurs de biscuits pour enfants ont plus de 35 ans ; • 12 millions des 45 millions de consommateurs de LU ont plus de 50 ans ; • 71 % des consommateurs de Nesquick ont plus de 15 ans ; 10 millions d’entre eux ont plus de 35 ans ; • 35 % des lingettes pour bébés sont achetées par des foyers qui n’ont pas d’enfants ; • 17 % des utilisateurs de crèmes féminines pour le visage sont des hommes ;

Au travers d’identifications multiples, chacun est son propre Pygmalion pour produire sa propre existence. Les consommateurs sont toujours à quelques clics de la concurrence et deviennent eux-mêmes par les informations qu’ils échangent de véritables vecteurs de communication, un média à part entière. Ils deviennent ainsi une source d’informations privilégiées à l’heure où l’influence de la publicité de masse (« la ménagère de moins de 50 ans ») s’étiole. Ils attendent une offre totalement spécifique ; la communication doit être adaptée à chaque canal mais cohérente sur l’ensemble des canaux ; la brutalité des messages, le marketing de proximité, la vague anticool et le retour du mauvais goût dans

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• 26 % des femmes utilisent des déodorants masculins.

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Connaître le client d’aujourd’hui

la mode remettent en cause les modèles du marketing de masse. Quête de sens et d’identité, hypersegmentation, audiences plus fragmentées, coût croissant des médias, efficacité douteuse et/ou mal mesurée sont les fondements d’un nouveau marketing qui prend en compte l’interaction avec le consommateur et qui permet aux entreprises de proposer des offres individualisées. • Clarins : « Votre peau est aussi unique que votre ADN » ; My Blend, la dernière ligne cosmétique de Clarins, propose à ses clientes de leur concocter sur mesure la crème dont leur peau a besoin. • Intel : d’ici quatre ou cinq ans, on pourra disposer sur un PC de la puissance d’un énorme data center ; « Votre médecin pourra alors à partir de votre corps finement modélisé vous prescrire l’exacte posologie pour soigner votre angine » (Stéphane Nègre, DG Intel France). • La Poste : « Il faut anticiper des attentes, des frustrations des envies qui ne sont pas toujours exprimées ; désormais, chacun peut affranchir son courrier avec des timbres à sa propre effigie » (Jean-Paul Bailly, directeur général de La Poste). • Essilor : « Un verre conçu uniquement pour vous selon la façon dont chacun bouge la tête et les yeux. »

Les tendances à court terme

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Les tendances les plus impactantes de l’offre actuelle semblent être les suivantes. • Le « tout service » (dématérialisation) : à l’origine, l’objectif de la Smart était de passer de la voiture à la mobilité. Dans un contexte de centres-ville saturés et de sensibilité grandissante à la pollution, Smart se proposait de changer les données du déplacement en ville et voulait placer ses clients au sein d’une « chaîne de mobilité » : – une petite urbaine à deux places, économique, de 250 cm seulement ; – des formules de location novatrices (une Smart louée 11 mois de l’année et une grosse berline pour les vacances) ; – l’intégration du véhicule dans la chaîne de transport en cas de déplacement « multi-modal » du client ; – une assurance et un forfait d’entretien totalement intégrés ; – des parkings dédiés aux périphéries des grandes villes européennes ; – des centres de distribution/entretien/réparation permettant d’obtenir un véhicule personnalisé en moins de trois heures.

Certes, le déroulé pratique n’a pas été exactement celui prévu, mais le concept a donné naissance à de nombreux services dans

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le domaine des transports (vélo), ou de l’informatique (puissance informatique partagée). • Le « tout électronique » (désintermédiation) : en 2001, le « tourisme en ligne » est devenu le premier secteur du commerce électronique. L’e-banking, les e-assurances, les e-tickets, le courtage en ligne ont commencé à envahir la vie quotidienne. La communication traditionnelle est remise en question car la multiplication des écrans (nombre de chaînes TV, téléphone, etablettes, publi-écrans…) permet de régler l’arbitrage ancien entre richesse et complexité des contenus et étendue du champ d’action/nombre de personnes touchées. Richesse du contenu Contenu riche, peu diffusé

Internet Multiplication des écrans (TV, téléphone)

PERSONNALISATION DES MESSAGES

Contenu simple, très diffusé

Champ d’action

La fin de l’arbitrage richesse/champ d’action

notre relation à la consommation dépasse l’objet et sa possession ; elle recouvre une part grandissante de symbolique, d’émotionnel et de relationnel ; « Le lien importe souvent plus que le bien » (comportements symboliques, logiques communautaires…).

• « Si vous pouvez combiner la technologie et la fantaisie de vos 6 ans, vous êtes en mesure de créer quelque chose de très puissant et de très différent dans l’esprit des gens : un “produit émotionnel”. Plus qu’un objet : un signe de reconnaissance culturel et tribal » (Nicolas Hayek, SMH).

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• Le « tout expérience » (imagination) :

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• « De distributeurs de produits alimentaires, nous sommes devenus des créateurs de solutions pour mieux vivre. Cinq nouvelles valeurs sont ainsi promues autour de la marque : la confiance, l’authenticité, la découverte, la relation et la facilité. Cette approche nous amène à privilégier l’innovation sociologique sur l’innovation technologique et à rechercher des alliances et des partenariats dans tous les domaines » (André Tordjman, Auchan). • « Au-delà du produit qui est connu, notre ambition est de créer une image, de provoquer des débats, d’être un acteur social » (Luciano Benetton, Benetton). • « Notre métier peut se définir autour de trois composantes principales : l’innovation, le service et le divertissement (sense of fun). C’est cette approche qui nous permet de transgresser toutes les logiques et de surmonter tous les obstacles » (Richard Branson, Virgin). • « Un restaurant trois étoiles est un endroit où les gens viennent partager des émotions. Le repas est un événement. En réalité, nous n’offrons pas de la nourriture à nos clients. Ce que nous leur proposons est immatériel, éthéré : quelque chose comme un conte de fées. Nous leur vendons du rêve » (Troisgros). • « On a aimé : la métamorphose des lieux la nuit lorsque les flammes de mille bougies créent une ambiance féerique où tout semble flotter sur l’eau ; l’orchidée chaque jour renouvelée et la douceur du linge ; la belle alliance de l’hôtel avec Guerlain… » (magazine Marie Claire).

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• Le « tout gratuit » (démonétisation) : face à l’abondance d’offres gratuites ou à très bas coût, le consommateur ou l’acheteur d’entreprise s’habitue à des offres gratuites ou à des combinaisons d’offres où l’une des composantes est gratuite : – Linux (Linus Torvald), – Kazaa (Niklas Zennström/Pelle Törnberg), – Skype (Niklas Zennström/Pelle Törnberg), – Metro (Pelle Törnberg), – téléphone portable offert avec le forfait, – Ryan Air : vendredi 16 h, Florence : 0 €, – consultations juridiques gratuites (mairies, associations), – gratuité des Sanisettes, – le mobile gratuit dans la rue (Free HD, Neuf) via les réseaux communautaires, – courtage en ligne : Bank of America, Zecco.com, – « volez ce livre », – Deezer, Firefox Source : Daniel Cohen, La Mondialisation et ses ennemis du bon usage de la piraterie, Florent Latrive, Édition Exils.

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Sites C2C Sites C2C combinés avec des sites du commerce

Conversation boyfriend/ girlfriend

Études avec un ami

Partage de contenu

Création de communautés

Converser tout en regardant la TV

Jeux en ligne

Suivi médical

Cosurveillance de la maison

Exemple de sites C2C

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Cette évolution, soulignée par de nombreuses études et ouvrages, modifie en profondeur la relation à la valeur des biens et services. • Le « tout collaboratif » : « What’s mine is yours » (ce qui est à vous est à moi) est le titre d’un ouvrage de Botsman et Rodgers qui décrit le phénomène de consommation collaborative qui s’est développé avec les espaces de partage interactif rendus possibles par le Web 2.0. C’est le « commerce » C2C, entre clients et entre consommateurs. Ainsi, le site Netflix permet d’échanger et de louer un ensemble de biens et de services tels que des vêtements, des jouets pour enfants, des sources d’énergie ou des maisons de vacances. De même, Zipcar est un site de partage de véhicules qui regroupent plus de 400 000 membres. Pourquoi en effet dépenser une partie significative de ses revenus dans une voiture qui reste la majorité de son temps au parking ? De nombreux sites se développent qui permettent de partager des sacs à main (Bag Borrow), des voyages (Couch Surfing) ou toutes sortes d’objets usagés (Freecycle). OhmyNews est un journal en ligne sud-coréen écrit par 60 000 reporters citoyens qui y contribuent. Il est devenu l’un des médias les plus influents de Corée et compte jusqu’à 700 000 visites par jour. Treadless est un site en ligne qui sollicite les internautes pour qu’ils proposent des idées de dessins de nouveaux T-shirts ; la communauté vote et les meilleurs dessins sont imprimés et vendus en ligne ; les gagnants reçoivent un prix. En septembre 2007, le site a ouvert son premier magasin à Chicago. Comme le tout gratuit, le tout collaboratif remet en cause la relation fournisseur/client et la valeur des biens et services. Mais signe-t-il pour autant la fin du « j’achète donc je suis » ?

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Connaître le client d’aujourd’hui

Les études et recherches en marketing Traditionnellement, pour cerner le consommateur, le marketing a recours à trois grands types d’études et de recherches présentés dans le tableau ci-dessous : Définitions

Exemples

Moyens

Formalisation et visualisation de situations simples ou complexes du marché

Dynamique concurrentielle, démographique, CSP, comportement du consommateur…

Panels, monographies, études de marché, classements…

Les études explicatives

Mise en évidence de variables causales et de leur pondération dans un phénomène

Sensibilité à différentes sollicitations, aux prix, CSP…

Analyse de régression dynamique, variance, modélisation…

Les études exploratoires

Recherche inductive permettant une généralisation à partir d’un échantillon limité

Attente consommateur, réaction à une nouveauté, anticipation des ruptures…

Entretiens en profondeur, tests projectifs, Delphi, mégatendances…

Les études descriptives

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Une typologie des études de marché

Pour mener à bien ces études, trois méthodologies sont utilisées : • les méthodologies qualitatives ont deux fonctions : d’une part, explorer afin de préparer une quantification et, d’autre part, comprendre comment un problème se pose et comment modéliser un univers ; • les méthodologies quantitatives qui visent à mesurer les variables dont dépendent les attitudes ou les comportements en mettant en relief des corrélations ; elles sont mises en œuvre à partir de sondages représentatifs ; • enfin les panels qui, à partir d’un échantillon représentatif, permettent de suivre l’évolution des marchés sur un univers défini et à périodicité fixée. Beaucoup d’entreprises accumulent des études de marché mais ne parviennent pas à distiller cette recherche colossale en une réponse claire à la question : quelles sont les attentes de nos clients ? Comme le dit Lea Kumpelainen (Ikea), « nous nous fions peu aux études de marché ; nous écoutons ce qu’elles révèlent, mais nous ne faisons pas ce qu’elles conseillent ; nous nous

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appuyons sur les informations qui remontent du terrain ». Il faut donc aller beyond the numbers (au-délà des chiffres) et entrer dans les cuisines, les Frigidaire, les magasins et les têtes. Comprendre est important, mais il faut aussi ressentir. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises vont plus loin et mettent le client à une contribution active, au point que l’on parle parfois de « consom’acteurs » ; en voici quelques exemples : • Nokia : le service Original Graffiti permet au client de créer sur Internet sa propre façade de téléphone et de la transmettre via le Web à une unité de production qui lui retournera sous quelques jours son œuvre originale ; « C’est un argument fidélisant qui a beaucoup d’incidences sur la préférence de la marque » ; • L’Oréal : 3 000 étudiants planchent sur le cas Biotherm Homme dans le cadre du l’Oréal Marketing Award, jeu concours organisé dans le monde entier ; « C’est une façon de rester en contact avec une population jeune qui a une vision précise de la marque et une certaine forme d’expertise car ce sont des clients très exigeants » ; • Casino : les clients experts ; Microsoft : les beta testeurs ; Cyrillus : les acheteuses fictives ; • Findus a installé une dizaine de caméras dans les cuisines de familles françaises ; « En regardant les pratiques réelles des consommateurs, nous avons par exemple compris qu’ils consommaient beaucoup de poissons surgelés nature. Nous avons amélioré notre offre avec des portions plus pratiques et désormais nous dépassons Iglo, alors qu’en 2004 ses parts de marché étaient 7 fois supérieures » (Matthieu Lambeaux, directeur de Findus France) ; • Groupe agroalimentaire Marie : fin des études réalisées par des cabinets spécialisés et mise en place de groupes pluridisciplinaires (marketing, commercial, R&D, production…) qui interagissent avec des consommateurs dans le cadre de réunions interactives. De nombreux nouveaux produits sont nés de cette méthode en partant de réflexions de consommateurs qui, par exemple, cherchaient à allier qualité nutritionnelle et simplicité d’utilisation : les gratins aux poissons qui permettent aux mamans de donner du poisson à leurs enfants. Conséquences managériales : « Les différents métiers participent désormais au processus d’innovation et sont mutualisés au service du consommateur » ;

Achetez, mangez, vivez, les études s’inspirent maintenant de la vraie vie, comme le souligne les protagonistes : « On s’est inspiré de la télérealité ; cela nous a permis de recouper certaines conclusions issues de sondages. Mais d’autres ont été totalement remises en cause. Car en plaçant des caméras chez les gens, il n’y a plus de résultats biaisés, comme c’est le cas avec le déclaratif. Tout ce que

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• Danone fait goûter ses produits à des internautes qui partagent leurs points de vue sur un blog créé à leur intention : « Home Use Blog ».

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l’on observe est 100 % vrai » (Steven Liebermann, directeur marketing Findus). « Cette opération Caméra salle de bains avait pour objectif de nous reconnecter avec la réalité de l’utilisation de nos produits en faisant sortir les équipes marketing de leur ghetto » (Bruno Piacenza, PDG de Henkel France). Dans le domaine des études et recherches en marketing, l’impact des nouvelles technologies est multiple ; dans certains pays (Australie, Japon, États-Unis), Internet est en passe de détrôner les sondages en face à face ; ce mode de recueil progresse spectaculairement dans le monde avec le développement d’Internet et la génération de données. Il en est de même avec l’exploration de données (data mining), l’analyse prédictive, le développement des algorithmes… Les avantages de ces évolutions sont nombreux : réduction des coûts, information plus précise, retour plus rapide.

L’entreprise

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De nombreuses firmes ont des clients « consommateur » (B2C) et des clients « entreprise » (B2B). Michelin vend à la fois aux constructeurs d’automobiles, mais aussi au client final qui change ses pneus. Procter&Gamble vend des lessives au grand public, mais aussi des savonnettes aux hôtels et des détergents au service nettoyage des entreprises. Accenture, PWC, Valeo, SAP, Pinguely, Volvo Trucks, BCG, NCR, Caterpillar, Airbus, Sun Microsystems, Alstom, Intel, Veolia, Siebel, Norbert Dantressangle, Air Liquide, GE Medical, Publicis...

Saint-Gobain, Michelin, IBM, Lafarge, AXA, Metro, La Seigneurie, Sanofi, Essilor,HP, Gan, Ricoh, Rank Xerox, Beghin-Say…

EDF, SNCF, Procter&Gamble, L’Oréal, BNP, SocGen, Danone, Accor, Air France, Renault, Hertz, Nestlé, Moët&Chandon, Colgate, Chronopost, France Telecom, Microsoft, Total, Compaq, Lactel…

B2B

Chanel, Rolex, Carrefour, Bic, Benetton, Vuitton, Avi, Décathlon, Nikon, Festina, Picard, Mont Blanc, Honda…

B2C

Profil relatif des types de clients

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Les principales caractéristiques de l’achat en milieu industriel ou en B2B sont bien entendu très différentes de l’achat B2C : • les achats sont le résultat d’une demande dérivée avec des objectifs spécifiques ; • de multiples individus sont impliqués parfois de manière très complexe ; • des processus, des règles et des standards d’achat sont en général définis. En fait, les objectifs de l’entreprise qui achète sont simples : elle veut acheter le bon produit, dans la bonne quantité, au bon prix, pour une disponibilité au bon moment et au bon endroit. Y parvenir est une autre affaire. La relation entre les acheteurs et les vendeurs varie considérablement selon les marchés. Le nombre de clients est en effet très variable : Dassault vendant le Rafale s’adresse à un nombre très réduit de clients potentiels ; Areva vendant une centrale nucléaire a un nombre de clients potentiels très faible. Mais Lafarge a à la fois quelques très gros clients et des millions d’artisans dans le monde. De plus, dans certains cas, entre le vendeur et l’acheteur existent une concurrence directe, une concurrence de substitution ou une concurrence de clients. Certains des clients de Saint-Gobain peuvent soit acheter des bouteilles, soit décider de les produire euxmêmes (« make or buy ») – ainsi, Perrier avait sa propre fabrication (la Verrerie du Languedoc de Vergèze) –, soit utiliser d’autres types d’emballage (acier, aluminium, brique, PET, fontaine, etc.). Par exemple, Arianespace a créé sa propre compagnie d’assurances au vu des primes très élevées demandées par les compagnies traditionnelles. Enfin, les vendeurs sont confrontés à une tendance lourde qui est la réduction du nombre de fournisseurs et la désintermédiation ; ainsi, Dell, l’un des principaux constructeurs mondiaux de PC, a procédé récemment à une réorganisation dans lequel il a invité ses fournisseurs à s’organiser de manière efficace et a réduit leur nombre par trois. De même, Sony, dans le cadre d’un de ses nombreux programmes de réduction de coûts, s’est focalisé sur la réduction du nombre de composants utilisés : celui-ci est passé de 840 000 à 100 000 dont 20 % propres à Sony, les 80 % restants étant des composants standard utilisés par les autres fabricants ; le nombre de fournisseurs est passé de 4 700 à 1 000.

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Les achats sont le résultat d’une demande dérivée avec des objectifs spécifiques L’achat est a priori rationnel, résultant de décisions souvent collégiales avec des critères de coût, de rentabilité, d’utilisation, de livraison et la recherche d’une bonne adéquation produits/ besoins. Il peut s’agir d’achats répétitifs, auquel cas le marché sera normalisé et contrôlé avec un système d’indexation des prix ou il peut s’agir d’un achat important et ponctuel qui se traduira par un cahier des charges, des essais, etc. La notion de demande dérivée induit un décalage de temps entre le moment où la décision doit être prise et le moment où ses conséquences se concrétisent, comme le montre dans l’exemple ci-dessous la problématique du producteur d’aluminium qui doit prendre certaines décisions d’achat quinze ans avant que les passagers ne montent dans l’avion. Passagers

Agences de voyages

Tour operators

Compagnies aériennes Avions Autres matériaux Équipements

Part des matériaux composite dans le corps ou les ailes d’un avion par type 777 : 11 % ; 787 : 50 % (fibre de carbone) A380 : 30 % ; A350XWB : 53 %

Aluminium

Bauxite

Capacité

Électricité

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La notion de demande dérivée – Le cas de l’aluminium

Le processus d’achat va être différent selon le type des produits ou des services achetés ; il peut en effet s’agir : • de produits de routine, incorporés de manière quotidienne dans la vie d’entreprise (par exemple le ciment pour l’entreprise de BTP) ;

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• de produits à fort levier qui apporte une plus-value significative au produit final (par exemple, de l’acier anticorrosion pour un fabricant automobile) ; • de produits stratégiques qui sont un composant critique du produit final (par exemple le microprocesseur pour un fabricant d’ordinateurs) ; • de produits goulots d’étranglement : un produit qui joue un rôle mineur dans le processus, mais qui peut néanmoins le stopper (par exemple, le dioxyde de titane ou la boîte en aluminium pour un producteur de peinture) ; • de projets, c’est-à-dire d’un ensemble packagé de produits, de services et de travail qui prend place dans le cadre d’une transaction complexe destinée à créer des actifs intangibles et/ou tangibles dont pourra bénéficier l’acheteur sur une période de temps importante (par exemple, l’intégration système pour un opérateur de téléphonie mobile).

Connaître de manière approfondie le client « entreprise » est donc primordial mais difficile. La bonne question à se poser est celle-ci : « qui est le client ? ». En effet, le ou les décideurs sont au carrefour d’un double réseau : d’une part, un réseau formel ou informel interne à l’entreprise dont sont membres les utilisateurs, les acheteurs, les contrôleurs, etc. et, d’autre part, un réseau informel, externe à l’entreprise de conseillers, de contractants, d’« influenceurs » divers ainsi que d’institutions susceptibles d’avoir un mot à dire… Ainsi, les laboratoires pharmaceutiques ont-ils un utilisateur final (le patient), mais ils doivent avant tout traiter avec les multiples administrations impliquées dans le domaine de la santé, ainsi que les médecins et les pharmaciens : l’accès au marché (market access) est pour le moins complexe. Au sein du réseau interne, le rôle de chacun de ces intervenants est variable en intensité et dans le temps ; en effet, le processus d’achat va passer par plusieurs étapes comme le montre le schéma ci-dessous :

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De multiples individus sont impliqués parfois de manière très complexe

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Connaître le client d’aujourd’hui

Reconnaissance du problème

Identification du besoin

Recherche d’information

Évaluation des alternatives

Sélection des solutions et des fournisseurs

Évaluation post-achat

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Processus de décision

La première étape est la reconnaissance du problème, en général initiée par l’utilisateur du produit ou du service concerné qui recherche une solution optimale à son besoin. La deuxième étape consiste à traduire ce problème en une identification des besoins qui peut aller jusqu’à la définition de spécifications ; des conseillers peuvent alors intervenir et aider par leur expérience à la recherche et à l’orientation des choix possibles en prenant en compte des facteurs complémentaires (garantie, compatibilité, etc.). À partir de là, un autre intervenant, probablement de la direction des achats, va coordonner et formaliser le processus et lancer une recherche critique des fournisseurs. Sur la base de leur réponse, le décideur (c’est-à-dire celui qui engage les fonds et prend la responsabilité), l’utilisateur, les conseillers vont entrer en jeu pour examiner les offres et commencer les négociations. Le choix du ou des fournisseurs sera ensuite effectué avec un rôle prépondérant donné au décideur final et à la direction des achats. Enfin, la dernière étape qui consiste à examiner les performances obtenues lors de l’utilisation du produit ou du service sera menée par l’utilisateur. Même si l’acheteur ou le comité achats coordonne au mieux l’ensemble du processus, même si les différents intervenants convergent tous vers la meilleure solution, comme le suggère le schéma ci-dessous, chacun peut avoir son propre « agenda », son propre « timing ». Bien connaître le client et le fonctionnement de ce réseau interne n’est en effet pas chose facile.

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Conseillers/ contrôleurs

Utilisateurs

Comité d’achat Acheteurs

Décideurs

Prescripteurs/influenceurs

Un réseau interne à l’entreprise

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**

Recherche critique des fournisseurs Examen des offres et négociations

*

Choix du ou des fournisseurs Examens des performances antérieures

***

*

*

*

**

* ***

Rôle des parties prenantes par étapes

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*** ** ***

*** *

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Définition des caractéristiques produit/service

Acheteurs

*

Décideurs

***

Filtres

Conseillers

Identification et formulation du besoin

Prescripteurs

Utilisateurs

Le processus est donc complexe par le nombre d’intervenants dont le rôle et le poids varient selon les étapes ; la combinaison des différentes étapes et du rôle de chaque intervenant dans le processus montre que celui-ci varie selon les étapes du processus, comme le suggère la grille de lecture ci-dessous :

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Connaître le client d’aujourd’hui

Ce processus de décision interne peut être plus ou moins structuré. Ainsi, la plupart des grandes entreprises industrielles allemandes fonctionnent avec des centrales d’achat organisées autour d’acheteurs et de techniciens. Les seuls fournisseurs habilités à livrer l’entreprise sont ceux présélectionnés et référencés selon plusieurs niveaux (consultation, possibilité de commande, probabilité de commandes). Les listes sont établies par les acheteurs. Les entreprises référencées doivent présenter une certification et le processus est souvent audité par un cabinet extérieur. Les fournisseurs reçoivent des notes : • A après le référencement ; • B en cas de problème de livraison ou de litige ; • C en cas de problème sérieux qui, dans beaucoup de cas, entraîne un déréférencement. Mais le processus de décision interne est potentiellement impacté plus ou moins fortement par le réseau externe à l’entreprise. En effet, l’entreprise peut avoir un recours à un réseau formalisé de consultants ou de cabinets d’ingénierie qu’elle rémunère pour leurs avis et leurs conseils ; dans certains cas, elle est amenée à prendre en compte un réseau informel d’acteurs qui vont jouer un rôle direct ou indirect dans le marché cible. Ce rôle peut être plus ou moins intense selon les marchés et il convient donc de situer la position relationnelle de l’entreprise dans ce réseau. Une cartographie du réseau doit décrire l’intégralité des relations et distinguer les liens forts (famille, amis…) et les liens faibles (relations diverses…). Les relations ne sont pas uniquement directes et unidirectionnelles mais aussi bidirectionnelles. Elles peuvent aussi changer de signe et passer du positif ou négatif ; la cartographie doit permettre de formaliser les réponses aux questions suivantes : • les liens de communication : qui parle à qui ? • les liens formels : qui reporte à qui ? • les liens affectifs : qui apprécie qui ? • les liens matériels : qui transfère des ressources ou de l’argent à qui ? • les liens de proximité : qui est physiquement proche de qui ? • les liens de connaissance : qui connaît qui ?

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Ce type de cartographie, par exemple dans le cas d’une avantvente de longue durée, doit évidemment être mis à jour fréquemment car les parties prenantes évoluent dans le temps. Dans le cas réel présenté ci-dessous, les deux réseaux, interne et externe, sont pris en compte pour suivre le rôle de chacun et les moments forts. Il concerne l’achat d’un système de réfrigération pour une usine. Interviennent les parties prenantes internes à l’entreprise et celles externes à l’entreprise à différents stades du processus de décision. En noir : interne En bleu : externe

Évaluation des besoins Spécifications

Approbation du budget préliminaire

Recherche d’alternatives

Évaluation des fournisseurs

Sélection

Ingénieurs de production et de maintenance

%

%

%

%

%

Directeur d’usine

majeur

%

majeur

mineur

majeur

Contrôleur de gestion

%

%

%

%

%

Direction des achats

%

%

%

%

%

Direction générale

%

majeur

%

%

mineur

Consultant engineering

mineur

%

majeur

majeur

majeur

Sous-traitants/ contractant

%

%

%

%

%

Fabricant de l’équipement

%

%

%

%

%

Rôle des parties prenantes par étapes – Mise en place d’un système de refroidissement dans une usine

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Source : American Marketing Association.

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Connaître le client d’aujourd’hui

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Des processus, des règles et des standards d’achat sont en général définis La plupart des clients « entreprise » déclarent que leur premier objectif est d’obtenir un bon prix ; l’expérience et les études montrent qu’il n’en est rien et que ce qu’ils veulent avant tout, c’est une relation avec leurs fournisseurs qui respectent un certain nombre de principes. Dans une étude menée en 2009 auprès de plus de 1 200 entreprises aux États-Unis et en Europe, le cabinet McKinsey a constaté qu’il y a une grande différence entre ce que disent les clients et leur comportement. Les clients insistent pour dire que le prix est le facteur dominant qui influence leur opinion sur la performance d’un fournisseur et donc leur décision d’achat ; pourtant à l’examen attentif de l’évaluation des fournisseurs par les acheteurs, le facteur le plus important s’est révélé être les caractéristiques du produit et du service, mais avant tout la qualité de la relation avec le fournisseur ; les deux éléments les plus négatifs dans la relation ont été, à hauteur de 20 %, une connaissance insuffisante de la part du vendeur de ses propres produits et de ceux de la concurrence, et à hauteur de 35 % trop de contacts (en personne, par téléphone). Or, trouver le juste milieu entre trop de contacts et pas assez requiert une connaissance approfondie du client et de ses besoins. Ainsi, le « calendrier de contacts » avec la grande entreprise doit prendre en compte à la fois l’actualité du fournisseur, mais aussi les événements qui jalonnent la vie de son client : développement en cours, processus industriel, situation financière, lancement de nouveaux produits… Pour s’assurer de la bonne connaissance continue des clients, les grandes entreprises industrielles mettent en place des équipes placées sous la direction d’un responsable compte clé (key account managers ou KAM) ; le rôle de ces équipes est d’être en contact permanent avec le client, d’identifier les besoins futurs et bien sûr de répondre aux attentes immédiates. Ainsi, dans la construction automobile, certains fournisseurs ont jusqu’à 40 personnes présentes sur les sites de production. Des systèmes similaires existent dans le monde du service. C’est ainsi que Goldman Sachs a créé dans les années 1970 un département modelé sur les organisations industrielles, Investment Banking

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Services (IBS), avec pour rôle de trouver les clients nouveaux et d’identifier les services que la banque pouvait leur offrir et en confier l’exécution aux spécialistes ; cette évolution s’est matérialisée par la création des senior bankers qui, grâce à une connaissance fine de la stratégie industrielle et financière de leurs clients, deviennent vite des interlocuteurs indispensables aux grandes entreprises. Ainsi, le senior banker peut intervenir avec un esprit d’équipe et de collaboration qui surmonte les difficultés fonctionnelles ; d’une manière pratique, chez Goldman Sachs on dit plutôt « nous » que « je » ; il y a peu de patrons exerçant seul ses responsabilités : tous sont co-head. Il est fréquent que les clients reçoivent un appel de GS avant même que les autres banquiers aient seulement pensé à décrocher leur téléphone.

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Chapitre 2

ANALYSER L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE

« Parler est un besoin, écouter est un art. » J.W. von Goethe

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Ce chapitre vous permet de découvrir les principales méthodologies les plus utilisées pour décrire l’environnement autour de trois thèmes : • L’analyse de l’environnement • Le cycle de vie du marché • L’analyse de la concurrence

Une entreprise évolue au sein d’un système économique global, son environnement, où se confrontent des acteurs et où s’exercent de nombreuses forces sur lesquelles elle a en général peu de poids. La compréhension de cet environnement et plus particulièrement de l’environnement concurrentiel est un préalable à toute décision, permettant de s’assurer de l’adéquation entre l’environnement externe et les ressources internes.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Une stratégie marketing n’est pas bonne ou mauvaise en soi : elle dépend du terrain d’affrontement, des forces en présence et de ses propres ressources. Bien appréhender l’environnement passe par plusieurs étapes : connaître l’environnement ou les pays où opère l’entreprise, comprendre l’évolution du secteur et ses caractéristiques, et notamment sa croissance ; construire une représentation des forces concurrentielles et en anticiper la dynamique, faire une synthèse de l’ensemble de ces informations. Certaines entreprises qui réalisent l’importance de cette fonction mettent en place des systèmes de veille permanente couvrant l’ensemble des éléments qui composent le « macroenvironnement » de l’entreprise (démographie, technologie, législation) et le « microenvironnement » (demande, offre, publics concernés…) Le graphique ci-dessous visualise ces différents éléments :

Macroenvironnement

gis

ltu

lat

Cu

ion

Microenvironnement



re

Entreprise

ie

ie om

Publics Démographie

Les composantes de l’environnement de l’entreprise

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log

Éc

no

on

ma

Organisation

De

ch

fre

Te

Of

nd

e

Produit Service

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Analyser l’environnement de l’entreprise

L’analyse de l’environnement L’analyse environnementale PESTEL consiste à décrire et à analyser les composantes majeures de l’environnement (politique, économique, socio-culturelle, technologique, environnementale et juridique) et à évaluer leur dynamique et leur influence sur l’entreprise et sa stratégie. Ces informations regroupent l’ensemble des données politiques, sociales et économiques concernant le secteur. Dans de nombreux cas, elles sont rassemblées par le syndicat professionnel ou la fédération du secteur qui les maintient à jour ; elle recouvre les domaines suivants : • Politique : réglementations du secteur, législation sociale et législation du travail, politiques fiscales, politiques douanières, législation sur l’environnement, etc. ; • Economie : statistiques et tendances macroéconomiques, coût du travail, impact de la globalisation, changement d’environnement économique ; • Socio-culturel : populations concernées par le produit ou le service, attitude vis-à-vis du secteur, attitude de la presse vis-àvis du secteur, changements socio-culturels ; • Technologie : impact des changements technologiques, impact d’Internet, impact de la réduction des coûts de communication, transferts de technologie ; • Environnement : contraintes et opportunités environnementales ; réglementations ; perspectives, modifications susceptibles d’intervenir dans les activités du secteur (recyclage…) ; • Législation : environnement juridique du secteur ; propriété intellectuelle, contraintes particulières au secteur.

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Le cycle de vie du marché Le cycle de vie du marché est un outil simple qui permet de prendre en compte les différentes étapes par lesquelles passe la vie d’un produit ou d’un marché ; le graphique présenté cidessous identifie les quatre phases traditionnelles.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Chiffre d'affaires du secteur

Temps

Étape 1

Étape 2

Étape 3

Étape 4

Lancement

Croissance

Maturité

Déclin

Source : Theodore Levitt, « Exploit the Product Life Cycle », Harvard Business Review, novembre-décembre 1965.

La première phase est celle de l’émergence du marché ou du lancement d’un produit ; cette phase concerne un ou quelques innovateurs : c’est la mise en œuvre d’une innovation technologique, commerciale voire financière, la mise en commun de fonctionnalités ou compétences dispersées, qui va permettre la naissance d’un nouveau produit, bien ou service. Le premier entrant, c’est-à-dire l’innovateur, bénéficie d’un avantage de temps ; il essuie aussi les premières difficultés et doit s’ajuster aux besoins des utilisateurs ; si ces précurseurs adoptent le produit, le marché entrera dans une seconde phase, celle de la croissance. Cette phase va attirer de nouveaux concurrents ; la bataille pour les parts de marché va être intense ; les produits et services vont être plus nombreux ; la qualité des produits s’améliore, la dynamique du marché est forte ; la rentabilité comptable des concurrents peut être bonne, même si les flux nets de liquidités sont négatifs. C’est une période où les investissements sont importants, soit sous forme d’immobilisations pour créer les capacités nécessaires à la production, soit sous forme de dépenses, par exemple marketing pour bâtir une marque ou créer un réseau et, bien entendu, financer le besoin en fonds de roulement.

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Le cycle de vie du marché

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Analyser l’environnement de l’entreprise

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Le leader du marché défend sa position, alors que les challengers doivent croître plus vite que le marché pour améliorer leur position relative. C’est donc une période qui réclame une capacité financière solide, une méthodologie d’amélioration des processus de fabrication afin de réduire les coûts, un potentiel de commercialisation fort afin de mettre les produits à la disposition des utilisateurs, une organisation mobilisée sur la croissance. Puis la croissance du marché va diminuer et celui-ci va entrer dans une phase de maturité ; la demande tend à être saturée, les utilisateurs ou les consommateurs deviennent plus exigeants sur les caractéristiques du produit ; les concurrents marginaux commencent à réaliser que leur forte croissance passée ne leur a pas permis de gagner des parts de marché ; la concurrence se fait sur les prix ; certains concurrents entament des stratégies de segmentation fine afin d’éviter la concurrence des prix ; d’autres se retirent du marché. Commencent à apparaître trois types d’environnement : un environnement compétitif, où l’élément déterminant est la capacité des concurrents à continuer de baisser leurs prix ; un environnement sophistiqué, où les concurrents cherchent à se différencier par un meilleur marketing, un meilleur service aprèsvente, une meilleure qualité produit, des produits spécifiques, des marques fortes, des réseaux de distribution très complets, etc. ; et un environnement banal, dans lequel les concurrents proposent des produits indifférenciés. Enfin vient la phase de déclin du secteur ; le nombre de concurrents se réduit, des substituts viennent concurrencer les produits ou les services existants ; il n’y a plus d’investissements. Les restructurations aident à la diminution du nombre de concurrents. L’objectif durant cette période de déclin est essentiellement financier : il s’agit de maximiser le flux net de liquidités.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Phase Lancement

Croissance

Maturité

Déclin

Croissance

moyenne

forte

faible

négative

Potentiel

fort

fort

Faible

nul

Concurrence

limitée

vive

décroissante

faible

Stabilité

incertaine

volatile

croissante

rigidifiée

Barrière

faible sauf brevet

évolutive

forte

Stratégie

innover

croître

consolider

valoriser

Flux net de liquidités

négatif

négatif

positif

positif

Facteurs critiques de succès

technologie production

forces commerciales

productivité générale

maîtrise des coûts ou segmentation

Caractéristiques

Les différentes caractéristiques de chacune des phases

L’analyse de la concurrence Une des approches les plus complètes de l’analyse concurrentielle est celle proposée par Michael Porter ; elle consiste à considérer que toute entreprise cherche à obtenir un avantage concurrentiel et que, pour y parvenir, elle doit prendre en compte et maîtriser cinq forces :

Entrants potentiels

Fournisseurs

Clients distributeurs

Produits de substitution

Source : Michael Porter, Choix stratégiques et concurrence, Economica, 1982.

Les cinq forces

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Intensité concurrentielle

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Analyser l’environnement de l’entreprise

Ce modèle est un outil d’analyse stratégique et marketing qui permet de simuler une situation de concurrence. Il consiste donc à hiérarchiser ces cinq forces de manière à déterminer les éléments stratégiques qu’il convient de maîtriser pour obtenir un avantage concurrentiel. L’attrait intrinsèque d’un secteur d’activité résulte du jeu de ces forces. Quand l’entrée potentielle dans un secteur est facile (pas ou peu de barrières à l’entrée), les concurrents existants sont peu protégés des nouveaux entrants. Il en est de même lorsque les menaces de substitution sont fortes : le secteur est peu attractif. Quand le nombre de clients est faible et donc leur pouvoir individuel fort, l’attractivité du secteur est réduite. Enfin, si le nombre de fournisseurs est réduit, leur pouvoir sur les entreprises est fort, diminuant ainsi l’attrait du secteur. Ces forces se combinent pour déterminer l’intensité de la lutte concurrentielle du secteur. Qui sont les concurrents ? Qui propose des biens et services ou des produits proches ? Quelle est leur capacité financière ? Quelle est la nature de leur avantage ? Quelle est la pérennité de leur stratégie ? L’intensité concurrentielle s’accroît d’autant plus que les quatre autres forces décrites ci-dessus sont défavorables. La structure concurrentielle dépend aussi du cycle de vie du produit et de la phase dans laquelle se trouve le marché. Dans un secteur en développement, la concurrence tend à être fragmentée : il y a un nombre élevé de concurrents, les risques concurrentiels sont élevés, l’activité marketing est forte. La rentabilité est médiocre. À l’inverse, dans les secteurs matures, l’activité concurrentielle est moins forte, en particulier quand un leader reconnu « gère » le secteur ; les concurrents n’ont pas les moyens de remettre en question son leadership ; le niveau de prix est suffisamment élevé pour permettre à un concurrent marginal de survivre et, bien sûr, pour permettre au leader qui bénéficie d’un avantage de coûts de dégager une rentabilité très élevée. De plus, la concurrence doit être envisagée non seulement en considérant des produits qui sont en lutte frontale, mais aussi en prenant en compte les produits qui, de manière indirecte, sont en concurrence (par exemple acier/aluminium/plastique en automobile).

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Eau du robinet, eau minérale, vin

Concurrence générique Concurrence intersegment

Boissons aux fruits, gazeuses ou non, soft drinks, bières non alcoolisées

Concurrence interproduit

Pepsi, marques de distributeurs de cola

Source : Mercator.

Par exemple, dans le domaine des boissons, Coca-Cola est en concurrence frontale avec Pepsi et les marques de distributeurs de cola ; mais il y a aussi une concurrence intersegment avec les boissons gazeuses ou non aux fruits et les soft drinks ; enfin, il y a une concurrence générique avec l’eau du robinet ou l’eau minérale. En aval de l’entreprise se trouvent les distributeurs et les clients finaux. Selon la structure de la distribution, selon le nombre de clients, le rapport de forces entre l’entreprise et ses distributeurs ou ses clients n’est pas le même. Par exemple, dans les périodes où la croissance est forte et les concurrents nombreux, la grande distribution bénéficie d’un rapport de forces favorable : c’est en effet elle qui choisit ses fournisseurs et qui alloue à ceux qu’elle a choisis des parts plus ou moins importantes de linéaire. À l’inverse, lorsque la croissance est ralentie et que le secteur s’est structuré autour d’un nombre réduit de concurrents forts, la grande distribution peut difficilement envisager de ne pas distribuer le numéro 1 ou le numéro 2 du marché. Quand les magasins Leclerc ont « délisté » la marque Danone, ils ont dû revenir en arrière quelques mois après.

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Les différents niveaux de concurrence

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Analyser l’environnement de l’entreprise

En amont de l’entreprise se trouvent les fournisseurs ; là aussi s’établit un rapport de forces entre l’entreprise et ses partenaires. Les rapports de force avec les fournisseurs sont régis par leurs tailles relatives ; dans les secteurs concentrés, les principaux opérateurs peuvent être tentés de s’intégrer en amont en laissant une place réduite aux fournisseurs ; à l’inverse, dans les secteurs atomisés, le poids des fournisseurs est déterminant. La quatrième force prise en compte par le modèle de Michael Porter est celle des produits de substitution, qui, par la concurrence qu’ils exercent sur les produits existants, peuvent menacer le succès stratégique d’une entreprise. Cette force est extrêmement vive puisqu’elle représente le cœur même du système : c’est elle qui permet de remplacer des produits existants par des produits nouveaux présentant un avantage de coûts ou des fonctionnalités nouvelles. Le CD a pratiquement remplacé le disque vinyle : il est plus petit, il offre une qualité de reproduction meilleure, il est moins cher. Il est lui-même menacé par d’autres formes de stockage et de diffusion de données (clé USB, téléchargement…). La technologie a été un formidable accélérateur de cette force de substitution. Même dans les secteurs réputés traditionnels, les risques de substitution existent. Ainsi, pendant très longtemps, vignerons et négociants n’ont considéré que les bouchons en liège, dont le leader mondial est la société française Sabaté. Mais depuis quelques années, notamment dans l’hémisphère Sud, les viticulteurs utilisent les bouchons synthétiques et même parfois les capsules métalliques. Les bouchons synthétiques représentent aujourd’hui un tiers des bouteilles en Australie. De même, les capsules métalliques, qui existent en Suisse depuis longtemps, représentent 20 % du marché australien et 10 % du marché néozélandais. Sabaté, qui a mal anticipé cette évolution, a réagi tardivement à cette concurrence de substitution. Enfin, la cinquième force est celle que représentent les entrants potentiels qui peuvent être attirés par un nouveau marché et provoquer des bouleversements importants dans la structure de celui-ci. La menace que représentent aujourd’hui les nouveaux entrants est plus importante qu’elle ne l’était dans le passé pour deux raisons principales. D’une part, la fluidité croissante des

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compétences entre entreprises, par le biais des progiciels, des consultants, des technologies et des mutations de salariés, rend les barrières traditionnelles moins opérantes. C’est ainsi que l’on peut voir des entrants nouveaux dans des secteurs traditionnels en cours de consolidation, tels que l’automobile avec l’arrivée des producteurs asiatiques. D’autre part, la volonté des entreprises d’utiliser au mieux leurs actifs existants les amène à entrer dans des secteurs « nouveaux » qui partagent certains de ces actifs : quand Vuitton se lance dans la mode, c’est pour utiliser son réseau de vente, initialement créé pour des articles de maroquinerie.

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Chapitre 3

ANTICIPER LE MONDE DE DEMAIN

« Ne pas prévoir, c’est déjà gémir. » Léonard de Vinci

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Ce chapitre parle du futur. Woody Allen, à la question : « Pourquoi vous intéressez-vous au futur ? », répond : « C’est parce que je vais y passer le restant de mes jours. » • Les mégatendances – Exemples de mégatendances centrées sur la vie sociale et économique – Exemples grande consommation • Les panels d’experts – La méthode Delphi Une des fonctions du marketing est d’anticiper le monde de demain afin de préparer une offre pertinente. Anticiper le monde de demain requiert une vision particulière car, comme le dit Picasso : « Le futur est pareil à la beauté, tout est dans l’œil de celui qui regarde. »

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Le marketeur va distinguer les zones de certitude (le vieillissement de la population, le développement de la Chine, la dynamique des écrans en tout genre…), qui vont permettre d’exprimer des prévisions, et les zones d’incertitude (le comportement du consommateur, les nouvelles maladies, l’évolution de la technologie, les catastrophes écologiques…), pour lesquelles il se livrera à un exercice de prospective avec l’humilité que requiert le constat suivant : « Je sais ce que je sais, je sais ce que je ne sais pas, je ne sais pas ce que je ne sais pas. » Niveau d’incertitude

Caractéristiques de la prospective

Caractéristiques de la prévision

Multiple et incertain, ruptures, « quelque chose de différent peut surgir »

Unique et certain, « plus de la même chose »

Moyen, long terme

Court, moyen terme

Variables

Qualitative, quantifiable ou non subjective, connue ou cachée

Quantitative, objective, connue

Relations

Dynamique, structures progressives

Statique, structures constantes

Méthodes

Élaboration de scénarii qualitative et stochastique (« multivariables »)

Déterminisme et quantitative, modèles économétriques et mathématiques

Mégatendances, Delphi préactive ou proactive (« le futur désiré »)

Passive ou réactive (« le futur subi »)

Futur Horizons de temps

Attitude vis-à-vis du futur

Source : Savoir anticiper, P. Gabilliet ; The Forgotten Half of Change, L. de Brabandere ; Manuel de prospective stratégique, M. Godet ; Les Futuribles.

Prévisions et prospective

« La chance favorise l’esprit préparé. » Les horizons de temps pertinents varient d’un secteur à un autre. Ainsi, dans certaines industries comme l’industrie minière, le long terme signifie au moins dix ans voire vingt ou trente ans. En revanche, dans d’autres industries comme les téléphones mobiles ou les ordinateurs, le long terme peut être de l’ordre de trois ans. Cette relativité a pour consé-

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Louis Pasteur

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Anticiper le monde de demain

quence que la traduction en nombre d’années du long terme ne sera pas la même pour toutes les entreprises : un plan marketing pour une entreprise présente dans un cycle long sera au minimum établi sur une période de cinq ans alors que le plan établi pour une entreprise présente dans un cycle court s’inscrira plutôt dans une perspective à trois ans. Réfléchir à un horizon long nécessite d’étudier les grands changements pour les cinq, dix ou vingt ans à venir, afin de s’y préparer et d’identifier les moyens de les influencer dans l’intérêt de l’entreprise. Il s’agit d’explorer les futurs, d’anticiper l’incertitude et de s’y préparer en déterminant les manières possibles de participer à ces futurs. La prospective est la démarche qui vise, dans une perspective déterministe, à se préparer aujourd’hui à demain. Elle ne consiste pas à prévoir l’avenir, mais à élaborer des possibles sur la base de données disponibles (états des lieux, tendances lourdes, phénomènes d’émergences) en recourant à des méthodologies appropriées qui ne se contentent pas de prolonger les tendances passées, mais au contraire permettent d’envisager les ruptures. L’approche exploratoire aide à anticiper ce qui peut arriver Position de départ

Situation réelle

Futur désiré

Point de vue

Le sujet qui sait

Le sujet qui agit

Examiner différents futurs en explorant les tendances les plus plausibles

Explorer les conditions nécessaires pour atteindre un objectif

Simulation des chemins qui mènent à ces futurs

Examen des différents chemins qui arrivent à un futur certain en remontant le temps

Objectif

Méthodes

Hier © Groupe Eyrolles

L’approche normative aide à explorer ce qui peut être fait

Aujourd’hui

demain

Hier

Aujourd’hui

Demain

Source : Savoir anticiper, P. Gabilliet ; The Forgotten Half of Change, L. de Brabandere ; Manuel de prospective stratégique, M. Godet.

Savoir anticiper : deux approches

Parmi celles-ci figurent les mégatendances et les panels d’experts.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Le néologisme « mégatendances » provient du titre du livre de John Naisbitt : Megatrends : Ten New Directions Transforming Our Lives1. Mais le véritable initiateur de la démarche est peut-être Paul Valéry qui, dans son ouvrage Regards sur le monde actuel (1931), écrivait : « Les événements sont l’écume des choses. Mais c’est la mer qui m’intéresse. » Les mégatendances sont d’ordre macroéconomique, social, sociétal et bien sûr microéconomique. Elles vont façonner l’environnement dans lequel les entreprises opèrent. Anticiper leur impact permettra de profiter de vents favorables plutôt que d’aller à contre-courant. Comprendre comment elles peuvent interagir entre elles et donc comment elles peuvent bouleverser les systèmes concurrentiels permettra de se positionner favorablement. Comment une tendance devient-elle une mégatendance ? Selon Matthias Horx, le futurologue et spécialiste des nouvelles tendances, quatre conditions doivent être réunies : • elle doit durer au moins trente ans ; • elle est omniprésente : dans la vie quotidienne, la politique, la culture et l’économie ; • elle est toujours un phénomène mondial ; • elle désigne une évolution qui peut temporairement perdre de sa vigueur sans pour autant s’effondrer (concept de backlash resistance). Dans le monde d’aujourd’hui, qui se modifie plus par ruptures que par évolutions continues, l’analyse des mégatendances doit être conduite de manière très agressive et profonde, non conventionnelle, voire « dérangeante », sans oublier que la réalité dépasse souvent la fiction. Dans le film Minority Report de Steven Spielberg (2002), un journal électronique apparaît dans l’une des scènes qui se passe en 2054. Epson a présenté en… 2006 la feuille électronique la plus fine du monde, concrétisant la naissance du papier électronique au MIT en 1998 ; Plastic Logic construit à Dresde, en 1.

Warner Books, 1982 (première édition).

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Les mégatendances

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Anticiper le monde de demain

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Allemagne, la première usine mondiale de papier électronique flexible. Les fournisseurs d’encre encapsulée tels que E-Ink sont prêts. La méthodologie mégatendances vise à permettre la prise en compte d’éventuelles ruptures, en conduisant la réflexion non pas du point de départ, connu de tous, mais en considérant le point d’arrivée et en remontant les étapes nécessaires pour y parvenir. La démarche permet de simuler les conséquences sur le monde économique, la consommation et l’investissement de la matérialisation rapide d’une mégatendance. La première étape de la démarche consiste à présélectionner un nombre réduit de mégatendances sur lesquelles focaliser la réflexion. Cette sélection peut être organisée selon deux axes en fonction du type de croissance recherchée : • d’une part, un axe retenant les tendances génératrices de croissance par l’offre ou par la demande ; • d’autre part, un axe prenant en compte l’étendue de l’impact : un nombre réduit de segments ou de nombreux segments. La deuxième étape consiste pour chacune des mégatendances retenues à investiguer quatre questions : • quelles sont les raisons qui renforceraient cette mégatendance ? • quels sont les freins à cette mégatendance ? • quelles sont les opportunités pour l’activité ? • quelles sont les menaces sur l’activité ? La troisième consiste à formaliser les réponses afin de construire un arbre d’opportunités suggérant les passages obligés pour parvenir à les saisir, comme le montre l’exemple en page suivante.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Besoins

Opportunités Logements

Abri Terrains

Routes Fleuves, lacs et mer Mobilité Rail Urbanisation Air Eau Consommables

Énergie Déchets Lignes fixes

Communication Sans fil

Logements famille/mono, chauffage, éclairage Logements modulaires Bureaux (permanents, nomades) Commerces (permanents, éphémères) Réseau (urbain, intervilles) (éclairage) Voitures (personnelles, partagées) Camions, ferroutage, « meroutage » Bus, tramway Vélos, motos… Réseau (urbain et périurbain, intervilles) Matériel roulant Aéroports (proximité, taille, desserte) Avions (taille, rotation...) Production Distribution Production Distribution Recyclage/Destruction Enlèvement Réseau/Infrastructure Équipements Infrastructure Équipements

Source : J.-M. Ducreux, R. Abate et N. Kachaner, Le Grand Livre de la stratégie, Eyrolles, 2010.

Urbanisation : arbre des opportunités

C’est une analyse de ce type qui a amené Ikea a créé des maisons modulaires. Les bibliothèques de mégatendances sont nombreuses : de ces bibliothèques ont été extraites deux séries d’exemples, l’une centrée sur la vie sociale et économique, l’autre consacrée au consommateur final.

La connectivité technologique va transformer la manière dont les gens vivent et interagissent. Les individus, les entreprises, les États sont en train d’apprendre à faire le meilleur usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Des nouveaux développements dans des domaines tels que la biotechnologie, la technologie laser et les nanotechnologies vont nous emmener dans un monde très différent, en termes de produits et de services, du monde actuel.

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Exemples de mégatendances centrées sur la vie sociale et économique

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Anticiper le monde de demain

L’utilisation très facile de l’information va changer l’économie du savoir. Savoirs et connaissances sont aujourd’hui accessibles à tous ; en même temps, les connaissances deviennent de plus en plus spécialisées. L’utilisation d’outils de recherche tels que Google fait d’une information quasiment infinie une information disponible immédiatement de manière pertinente. L’accès à l’information est devenu quasiment universel. La transformation qui va en résulter est considérable. De nouveaux modèles de production, d’accès, de distribution et de propriété du savoir et des connaissances émergent. Les conurbations s’étendent, l’habitat individuel devient plus étroit, les nations se rapprochent. Le développement de mégacentres urbains va accentuer les pressions sur les écosystèmes régionaux et l’environnement de multiples manières. Les risques de catastrophes naturelles consécutives aux changements climatiques augmentent, ainsi que la criminalité. Un monde en mutation renforce les besoins de sécurité et d’un environnement sur lequel on peut compter. Le trafic augmente, car les personnes et les biens matériels parcourent des distances de plus en plus grandes autour du globe. Un Européen parcourait en moyenne 17 kilomètres par jour en 1970, comparé à 35 kilomètres trente ans plus tard. La mobilité a son prix. La circulation routière enregistre des taux de croissance annuels de 2 à 3 %, et le nombre de voitures quintuplera jusqu’en 2030. Le ciel sera également plus encombré : le nombre de passagers aériens augmente de 5 % annuellement, et le volume du fret aérien triplera probablement durant ces trente prochaines années.

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Exemples de grande consommation « Nous sommes en 2024, il est 7 h 31, quelque part en Europe. Nicole Tobler-Lee est en retard. Elle emmène son fils Liu à la crèche et doit être à 8 h 30 tapantes à une réunion de la direction de son entreprise. D’habitude, ce sont les grands-parents qui le déposent, mais ils sont partis pour une semaine de randonnée à ski dans les monts Yanshan, en Chine. Un séjour offert par la grand-mère au grand-père pour ses 75 ans1. » Cette scène, à première vue très banale, comporte des détails inhabituels. Ces derniers dénotent des changements culturels mondiaux qui sont l’expression de ce que l’on appelle les mégatendances. 1.

Source : Crédit Suisse.

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Voici 10 mégatendances qui vont impacter le secteur des biens à destination du grand public : Bien-être, culte du corps, santé Recherche de l’authenticité, racines, cocooning Hédonisme, relaxation, convivialité Eve-olution des valeurs féminines, influence Consommation hybride, bipolarisation Accélération de la vie, court-termisme Ego-tactiques, individualisation des règles collectives Exploration, voyages, curiosité Insécurité, terrorisme, crises « Jeunisme », marché senior, attitude hédoniste Source : J.-M. Ducreux, R. Abate et N. Kachaner, Le Grand Livre de la stratégie, op. cit.

Bien-être, culte du corps, santé : les consommateurs sont de plus en plus conscients de leur santé. Les entreprises proposant des « alicaments » ont donc de l’avenir. Les consommateurs recherchent également des produits plus « purs », d’où l’importance croissante des ingrédients biologiques. La croissance dans ces segments sera de plus de 10 % par an. Recherche de l’authenticité, racines, cocooning : la cellule familiale se définit de moins en moins comme base de la consommation. La vie en célibataire prend de l’ampleur, on vit plus longtemps, et les enfants reviennent de plus en plus souvent vivre à la maison, par exemple après les études. L’espoir de vivre plus longtemps permet de planifier tout autrement projets de carrière et de famille. Hédonisme, relaxation, convivialité : les consommateurs recherchent des produits qui leur procureront plus de sensations. Ils sont donc prêts à essayer de nouveaux produits. La nourriture devient de plus en plus un moyen d’échapper au stress de la vie quotidienne. L’alimentation dite « de confort » permet à la majorité des

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Exemples de mégatendances dans le secteur des biens de consommation

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consommateurs de satisfaire leur désir de prendre du temps pour profiter de la vie. Malgré la tendance à l’individualisme, de nombreux consommateurs cherchent à s’identifier à un groupe dont les normes et les valeurs les attirent. Ils le font en adoptant un modèle de consommation particulier. De ce fait, la vente de produits éthiques est en plein essor. EVE-olution des valeurs féminines, influence : au début du XXe siècle, on ne recensait que 2 % de femmes dans les universités et seulement 5 % de la population avait accès à l’enseignement supérieur. Les femmes très diplômées étaient donc rares. Depuis, elles n’ont cessé de combler leur retard et, depuis l’an 2000, elles constituent plus de la moitié des étudiants. Cette évolution a des répercussions très étendues. Du fait de ce relèvement du niveau d’études, la planification de la carrière tient une place plus grande dans les projets des femmes, les femmes dépensent leur argent plus rapidement que les hommes, ce qui soutient fortement la consommation. Consommation hybride, bipolarisation : le marché de la grande consommation va changer et s’étendre de manière très significative. Près d’un milliard de nouveaux consommateurs vont entrer dans le monde de la consommation dans la décennie qui vient en franchissant le seuil de 5 000 dollars de revenus annuels par foyer. Ces consommateurs vont, dans un premier temps, concentrer leurs achats sur les biens de première nécessité puis, dans un second temps, s’ouvrir à tous les biens de grande consommation et d’équipement. Le montant de ces dépenses va passer d’environ quatre trillions de dollars à neuf trillions en 2015, c’est-à-dire presque le niveau de l’Europe occidentale. Dans les économies les plus développées, les changements de consommation vont être profonds avec un écartèlement des modes de consommation. Quel que soit l’endroit où ils vivent, les consommateurs vont bénéficier d’accès à de multiples informations concernant les produits et les marques. Au cours de ces dernières années, les consommateurs qui ont vu leur pouvoir d’achat diminuer se sont habitués à trouver des produits de luxe à bas prix. Les consommateurs à fort revenus, de leur côté, sont devenus plus regardants sur les prix en fonction de leur implication dans le produit.

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Accélération de la vie, court-termisme : les consommateurs cherchent toujours à gagner plus de temps ; 82 % des consommateurs en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord définissent le gain de temps comme une priorité. Dans les dix ans à venir, la consommation de produits prêts à l’emploi devrait doubler. La mode de l’échange d’informations en temps réel est repris par les sociétés qui l’intègrent dans leurs produits… L’intelligence collective couplée avec le temps réel et le mélange des informations engendre des produits nouveaux et des applications mélangeant les données du consommateur et ses déplacements en temps réel. Le développement des ventes flash, tant pour les clubs privés (avec parrainage) que pour les ventes de masse qui ne durent qu’une journée est illustratif de cette vision. Les transactions boursières se font en une nanoseconde. Ego-tactiques, individualisation des règles collectives : les consommateurs recherchent de plus en plus des produits adaptés à leur style de vie, et désirent acheter des produits dont ils tireront un bénéfice personnel. L’individualisme est croissant. Les producteurs devront cibler leurs produits sur des groupes de consommateurs de plus en plus restreints, et répondre à leurs critères de saveur et de quantité. Exploration, voyages, curiosité : l’accès à l’information, combinée avec la recherche de soi amène les individus à des explorations de toutes sortes et à la recherche de références, soit envers soi-même (multiplication des psychologies), soit vers l’extérieur de manière historique (généalogie, racines…), soit géographique (vers d’autres cultures et d’autres modèles). Insécurité, terrorisme, crises : dans un monde ultracommunicant, la propagation des crises est ultrarapide ; les clivages de toute nature engendrent des réactions violentes ; les groupuscules non formalisés communiquent entre eux de manière très facile ; les virus informatiques se développent à grande vitesse (multiplication par 10 tous les deux ans). « Jeunisme », marché senior, attitude hédoniste : les personnes âgées se comportent de plus en plus comme des jeunes, alors que les consommateurs plus jeunes souhaitent vivre comme des adultes. Les producteurs qui développent des produits répondant

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à ces aspirations ont de l’avenir. Les consommateurs jeunes ont un budget personnel de plus en plus important et développent de plus en plus tôt la fidélité à un produit. Les plus âgés recherchent des produits correspondant à une société où la notion de vieillesse est bannie. Ce développement lié à une couverture médicale toujours plus performante sollicite la santé publique car les prétentions aux soins médicaux augmentent et les coûts associés également. Le vieillissement de la population dans les pays les plus développés va nécessiter des ajustements d’efficacité du secteur public. Sans gain de productivité, les coûts liés aux retraites et à la santé publique vont exploser. Mais le problème ne se limite pas aux pays développés : les pays en voie de développement vont devoir eux-mêmes faire des choix en ce qui concerne les services sociaux et le rôle de la fonction publique dans le domaine de la santé et des retraites.

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Les panels d’experts Le monde évolue à une vitesse accélérée, notamment dans le domaine de la technologie. Facebook, en moins de douze ans, a quintuplé sa taille pour atteindre 500 millions d’utilisateurs. Plus de 4 milliards de personnes sur Terre ont des téléphones mobiles. Cette vitesse du changement amène un reformatage de beaucoup d’entreprises, notamment de la manière dont elles gèrent leurs compétences et leurs actifs et le type de structure qu’elles peuvent mettre en place. Comprendre les implications de ce grand changement n’est pas facile. Certaines entreprises se dotent de fonctions spécialisées pour anticiper ou accompagner ces changements et en tirer le meilleur parti. Ainsi Google s’est doté d’un chief economist et Microsoft d’un chief environmental strategist. La réunion d’experts d’un sujet donné est une manière de confronter les points de vue afin de dégager des zones de convergence. De tels panels peuvent être réunis de manière informelle (par exemple lors de conférences ou de tables rondes) ou formelle (en utilisant des méthodes de formalisation des discussions et des points de vue). La méthode Delphi en est un exemple.

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La méthode Delphi L’objectif est d’apporter des réponses convergentes d’experts à des problèmes particulièrement complexes et lourds : combien faut-il d’aéroports autour de Paris ? Faut-il construire tel ou tel équipement ? Comment se nourrira l’humanité lorsqu’il y aura plus de 10 milliards d’habitants sur Terre ? Le principe de la méthode est qu’un groupe d’experts est soumis à plusieurs séries de questionnaires. Après chaque série, une synthèse anonyme des réponses leur est remise, ainsi que les argumentaires ayant conduit à ces réponses. Les experts sont ensuite invités à revoir leurs réponses précédentes à la lueur de ces éléments. Il est généralement constaté qu’à la suite de ce processus (qui peut être réitéré plusieurs fois si nécessaire), les divergences s’estompent et que les réponses convergent vers la « meilleure » réponse. Il existe plusieurs manières de mettre en œuvre la méthodologie. Néanmoins, on retrouvera à chaque fois les trois étapes suivantes :

Phase 1 – Formulation du problème C’est une étape fondamentale dans la réalisation d’un Delphi. En effet, dans une méthode d’experts, l’importance de la définition précise du domaine d’investigation est d’autant plus grande qu’il faut être bien certain que les experts recrutés ont tous la même notion de ce domaine.

Phase 2 – Choix du panel À l’origine de la méthode, le panel était principalement constitué d’experts ; la notion d’experts a ensuite évolué pour inclure d’autres parties prenantes à la question (utilisateur, fournisseur, collectivités…). Le questionnaire est envoyé au panel d’experts. Des questionnaires successifs sont envoyés afin de diminuer la dispersion des opinions et de préciser l’opinion consensuelle médiane. Au cours du deuxième tour, les experts, informés des résultats du premier tour, doivent fournir une nouvelle réponse et surtout sont tenus de la justifier si elle est fortement déviante par rapport au groupe.

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Phase 3 – Déroulement pratique et exploitation des résultats

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Au cours du troisième tour, on demande à chaque expert de commenter les arguments des déviants. Quant au quatrième tour, il donne la réponse définitive : opinion consensuelle médiane et dispersion des opinions (intervalles interquartiles). L’un des avantages du Delphi est la quasi-certitude d’obtenir un consensus à l’issue des questionnaires successifs. Par ailleurs, l’information recueillie au cours de l’enquête sur les tendances, ruptures et événements déterminants pour l’évolution future du problème étudié est généralement riche et abondante.

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Chapitre 4

CONFRONTER L’ENTREPRISE À SON ENVIRONNEMENT

« Les vraies richesses sont les méthodes. »

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Friedrich Nietzsche

L’objectif de ce chapitre est de confronter l’entreprise à son environnement ; il couvre le sujet très classique des forces et faiblesses de l’entreprise et l’identification des opportunités et des menaces. • Les forces • Les faiblesses • Les opportunités • Les menaces • La synthèse SWOT L’analyse SWOT permet de synthétiser la confrontation de l’entreprise avec son environnement. Cette confrontation va nourrir la réflexion sur le marketing stratégique et particulièrement la définition du positionnement.

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À ce stade de la démarche, l’entreprise a une bonne connaissance de ses clients ; s’il s’agit de clients grande consommation, elle a une bonne connaissance du comportement du consommateur, des attentes de la distribution et elle a intégré les tendances à court terme ; s’il s’agit d’un client entreprise, elle a pris en compte leur complexité et dressé une cartographie des réseaux internes et externes. Puis elle a élargi la compréhension de son environnement via notamment l’analyse PESTEL et la prise en compte des différentes forces concurrentielles actives sur le marché, y compris celles représentées par les produits de substitution et les nouveaux entrants potentiels. Elle a identifié les facteurs clés de succès dans le secteur. Enfin, elle s’est livrée à un exercice prospectif afin d’intégrer les dimensions du long terme dans sa réflexion. Il importe maintenant d’organiser ces informations d’une manière utilisable et de confronter l’entreprise à son environnement afin de conduire la réflexion sur le positionnement stratégique de l’entreprise. Ainsi, l’analyse va consister à effectuer un double diagnostic : • un diagnostic externe, qui identifie les opportunités et les menaces présentes dans l’environnement ; • un diagnostic interne, qui identifie les forces et les faiblesses de la firme ; on peut comparer avec profit la perception des forces et faiblesses de l’entreprise par elle-même et la perception des forces et faiblesses de l’entreprise par ses clients, concurrents, fournisseurs et autres acteurs externes. Ce diagnostic, développé à Harvard au milieu des années 1960, généralement connu sous le nom de SWOT (de l’anglais Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats), peut être utilisé de deux manières : soit de manière relativement superficielle pour permettre d’avoir rapidement une vue d’ensemble de la situation, soit d’une manière plus sophistiquée et plus approfondie qui en constitue un véritable outil d’élaboration du positionnement stratégique. Dans ce cas, un certain nombre de règles sont à respecter : • les points retenus doivent être vérifiables et précis. Mieux vaut dire : « Un avantage de 10 euros à la tonne sur la matière première » plutôt que : « Un bon rapport qualité-prix » ; • mieux vaut une courte liste d’éléments significatifs plutôt qu’une très longue liste qui mélange les priorités ;

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Confronter l’entreprise à son environnement

• les constats et éventuellement les options générés par l’analyse doivent être utiles, utilisés et réutilisés ultérieurement dans le processus de recherche du positionnement ; • l’analyse doit être menée au bon niveau selon les objectifs : produits, division ou groupe. L’analyse SWOT est un schéma simple mais puissant pour permettre à l’entreprise de capitaliser sur ses forces, d’anticiper les menaces et de prendre le meilleur avantage possible des opportunités qui se présenteront. Elle combine ses différents facteurs pour aider au choix du positionnement.

Les forces Les forces sont les aspects positifs internes que contrôle l’entreprise et sur lesquels elle peut bâtir dans le futur : • Quels avantages a l’entreprise ? • Que fait-elle mieux que quiconque sur le marché ? • Quelles ressources uniques a-t-elle ? • Y a-t-il des ressources dont elle dispose dans de meilleures conditions que les concurrents ? • Quelles sont, d’après les clients et d’après les concurrents, les forces de l’entreprise ? Cette analyse doit être construite d’un point de vue interne, mais aussi en prenant en compte l’avis des clients et des parties prenantes sur le marché. Les forces doivent être évaluées de manière relative, notamment par rapport à la concurrence : ainsi, si tous les concurrents offrent des produits de haute qualité, alors un processus de production de haute qualité n’est pas une force, c’est une nécessité.

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Les faiblesses Les faiblesses sont les aspects négatifs internes, mais qui sont également contrôlés par organisation, et pour lesquels des marges d’amélioration importantes existent. Afin de fiabiliser leur évaluation, il peut être utile de se référer aux meilleures pratiques du secteur (benchmark).

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• Qu’est-ce que l’entreprise peut améliorer ? • Qu’est-ce qu’elle devrait éviter ? • Qu’en pensent les parties prenantes sur le marché, notamment les clients et les concurrents ?

• Quels sont les facteurs qui font perdre des ventes ? De même, ces questions doivent être considérées aussi bien sur une base interne qu’externe. Est-ce que les parties prenantes à l’extérieur de l’entreprise voient des faiblesses que l’entreprise elle-même ne voit pas ? À l’inverse, l’entreprise voit-elle en elle des faiblesses que les parties prenantes externes ne voient pas ? Est-ce que les concurrents font mieux que l’entreprise ? Ce recensement doit être conduit de manière réaliste, il vaut mieux que les vérités déplaisantes apparaissent le plus tôt possible.

Les opportunités

Les menaces Les menaces sont les problèmes, obstacles ou limitations extérieurs, qui peuvent empêcher ou limiter le développement de l’entreprise. Elles sont souvent hors de son champ d’influence.

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Les opportunités sont les possibilités extérieures positives, dont on peut éventuellement tirer parti, dans le contexte des forces et des faiblesses actuelles. Elles se développent hors du champ d’influence de l’entreprise. Quelles sont les opportunités ouvertes à l’entreprise ? Quelles sont les tendances et les mégatendances dont elle est consciente et qui lui sont favorables ? Ces opportunités peuvent résulter de changements de technologie, de changements sur le marché ; elle peut aussi résulter de changements politiques, environnementaux, législatifs, de changements de mode de consommation, de style de vie, d’évolution démographique. Une manière utile de regarder les opportunités est de les comparer aux forces et d’évaluer si l’entreprise est en mesure de les saisir ; il est aussi utile de regarder les faiblesses et de voir si les opportunités identifiées peuvent permettre de les réduire ou de les éliminer.

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Confronter l’entreprise à son environnement

• Quels sont les obstacles auxquels l’entreprise fait face ? • Que font les concurrents et quel impact leurs actions peuvent avoir sur l’entreprise ? • Est-ce que les conditions de fonctionnement du secteur sont en train de changer ou s’apprêtent à changer ? • Est-ce que les évolutions technologiques sont une source de fragilisation ? • Y a-t-il une faiblesse qui peut véritablement remettre en cause l’activité ? Cette analyse peut être très riche en mettant en avant ce qui doit être fait et en plaçant les problèmes en perspective.

La synthèse SWOT Ce recensement sérieux, complet, mais privilégiant les éléments les plus significatifs et soulignant les priorités, peut alors être présenté sous la forme synthétique suivante : Forces

Faiblesses

Qu’est-ce que l’entreprise fait bien ? A-t-elle des ressources uniques sur lesquelles elle peut capitaliser ? Qu’est-ce que les autres parties prenantes voient comme ses forces ?

Qu’est-ce que l’entreprise peut améliorer ? Où a-t-elle moins de ressources que les autres ? Qu’est-ce que les autres identifient comme ses faiblesses ?

Menaces

Opportunités

Quelles tendances peuvent menacer l’entreprise ? Que font les concurrents ? À quelles menaces les faiblesses de l’entreprise l’exposent-elle ?

Quelles sont les opportunités ouvertes à l’entreprise ? Quelles sont les tendances qui lui confèrent un avantage ? Comment peut-elle transformer ses forces en opportunités ?

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Synthèse SWOT

Une manière souvent très intéressante d’utiliser l’outil SWOT est de le conduire pour certains de ses concurrents. Une telle analyse donnera des indications très précieuses sur la manière de se battre contre eux.

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• Dématérialisation des produits et multiplication des opportunités de différenciation • Développement des modes de distribution du fait de facteurs exogènes (Internet) et du fait de l'évolution de l'encadrement réglementaire (directive européenne) • Multiplication des accès à l'information (descendante et montante) • Opportunité de réussir un marketing individualisé

Menaces

• Concurrence vive : guerre des prix, nouveaux entrants, nouveaux modèles économiques • Banalisation des produits et des services et multiplication de l'offre • Communication de grande envergure menée par la concurrence pour toucher le particulier • Saturation des marchés • Délocalisation de la production des offres

Externes

Opportunités

Internes

Forces

Faiblesses

• Produit concurrentiel de par son rôle central • Anticipation du développement via Internet • Contacts auprès de grands groupes • Manque d'expertise marketing • Pas d'outils informatiques adaptés pour une analyse approfondie de la clientèle • Activité XX pas dans le cœur de métier • Stratégie commerciale fondée sur le produit et non sur le consommateur

Exemple d’analyse SWOT

Ce recensement des facteurs étant fait et qualifié, l’étape suivante consiste à comprendre comment ils interagissent. Il s’agit de voir comment tirer parti de la situation au mieux. Il convient lors de cette phase d’explorer systématiquement les dix possibilités offertes par l’analyse. Le schéma ci-dessous établit les relations entre les facteurs de l’analyse SWOT :

Liste des forces

Comment maximiser les Liste des opportunités opportunités ?

Approche externe

Liste des menaces

Comment minimiser les menaces ?

Comment maximiser les forces ?

Liste Examiner en des faiblesses quoi les forces permettent de Comment maîtriser les minimiser les faiblesses faiblesses ?

Comment utiliser les forces pour tirer parti des opportunités ?

Comment corriger les faiblesses en tirant parti des opportunités ?

Comment utiliser les forces pour réduire les menaces ?

Comment minimiser les faiblesses et les menaces ?

Examiner en quoi les opportunités permettent de minimiser les menaces

Relation entre les facteurs de l’analyse SWOT

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Approche interne

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Confronter l’entreprise à son environnement

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L’entreprise présente dans plusieurs pays doit mener des analyses similaires dans chaque pays important pour elle. En effet, les opportunités et les menaces peuvent varier significativement d’un pays à l’autre. Un recensement peut permettre de transférer d’un pays à l’autre des opportunités ou d’anticiper les menaces. Il en est de même des forces et des faiblesses : ainsi de telle entreprise qui a découvert dans sa filiale argentine un produit très prometteur qu’elle a ensuite diffusé dans de nombreux pays par les autres filiales. L’analyse SWOT permet de synthétiser la confrontation de l’entreprise avec son environnement. Cette confrontation va nourrir la réflexion sur le marketing stratégique et particulièrement la définition du positionnement.

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Deuxième partie

Positionner pour durer

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Chapitre 1

MENER LA SEGMENTATION STRATÉGIQUE

« Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. » Francis Blanche

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Ce chapitre aborde le sujet essentiel de la segmentation stratégique. En utilisant les documents publiés par McKinsey et le Boston Consulting Group, ainsi que diverses études, il met en évidence le phénomène de bipolarisation des marchés et identifie les positionnements qui en résultent. • La bipolarisation des marchés • Le positionnement et les modèles économiques associés

Les marchés, sauf dans leur vie initiale, ne sont pas homogènes. Et ce d’autant plus qu’ils sont matures. À l’origine d’un marché, en effet, l’offre est réduite. Mais lorsque le marché devient mature, il se complexifie et les concurrents multiplient les offres. Aussi est-il

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nécessaire de comprendre leur fonctionnement et les besoins des clients afin de construire une offre adaptée à la typologie de clientèle visée, qu’il s’agisse du consommateur final ou d’une entreprise. L’objectif est donc de segmenter les marchés en fonction d’un certain nombre de critères. Selon les critères retenus, on va définir un premier niveau de segmentation – une segmentation « dure », résistante au long terme, dite « segmentation stratégique » ou « macrosegmentation » – et un second niveau de segmentation – une segmentation fine, orientée sur le court-moyen terme, dite « segmentation marketing » ou « microsegmentation ». La segmentation stratégique est l’exercice qui consiste à identifier les domaines d’activité homogènes dans un secteur ou un marché donné, notamment en prenant en compte les phénomènes et les modèles économiques ainsi que les barrières qui permettent de protéger l’activité. Cet exercice permet d’identifier la manière de créer des avantages économiques durables dans le long terme. Son objectif est de déterminer le positionnement stratégique de l’offre et de définir le modèle économique associé. La segmentation marketing est l’action d’analyser le marché et de regrouper certains types de consommateurs ou de firmes en sousgroupes homogènes partageant des besoins et des valeurs identiques et adoptant des comportements d’achat et de consommation semblables permettant de développer des produits ou des services adaptés et de les promouvoir par des ressources marketing appropriées. Son objectif est d’affiner et de finaliser le marketing mix. Segmentation marketing

A pour objectif la définition d’un positionnement stratégique structurant à long terme.

Vise à diviser les clients en groupes caractérisés par les mêmes besoins ou comportements d’achat.

Prend en compte les éléments structurants du marché, notamment la bipolarisation des marchés, les structures économiques et les business models.

Prend en compte des critères sociodémographiques, géographiques et économiques, des éléments de personnalité, de style de vie et de comportement.

Permet de définir un modèle économique (business model) durable et profitable.

Permet d’adapter l’offre aux clients, de sélectionner des cibles fines et d’affiner le mix.

Long terme.

Court et moyen terme.

Les deux niveaux de segmentation

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Segmentation stratégique

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Mener la segmentation stratégique

Ce chapitre est centré sur la segmentation stratégique ; la segmentation marketing sera prise en compte dans la partie « concevoir », qui traite du marketing opérationnel.

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La bipolarisation des marchés L’impact et les sources de segmentation varient très significativement selon le taux de croissance et la maturité du marché. L’analyse du cycle de vie du marché permet d’en comprendre les raisons. En effet, les barrières stratégiques – c’est-à-dire tout élément intervenant dans la conception, la production ou la commercialisation d’un bien ou d’un service qui rend difficile ou coûteuse l’entrée d’un nouveau concurrent sur ce segment – sont de différentes natures et leur rôle varie dans le temps. Ainsi les barrières financières peuvent être un obstacle insurmontable pour des concurrents qui souhaitent entrer dans un secteur nouveau pour eux. L’intensité capitalistique du métier, la taille de l’investissement nécessaire à la production, le désavantage de coûts liés à la non-expérience, l’impossibilité de bénéficier des économies d’échelle peuvent se révéler des obstacles insurmontables. Les barrières commerciales peuvent aussi se révéler des obstacles formidables pour le nouvel entrant : au nombre de celles-ci, la puissance de la marque, la force du réseau de distribution, la maîtrise logistique sont des éléments déterminants. Par exemple, presque toutes les marques de luxe constituent des réseaux de magasins situés dans les quartiers les plus recherchés des grandes villes du monde ; cette stratégie a un coût élevé et constitue une barrière commerciale visible, mais aussi une barrière financière plus insidieuse : l’intensité capitalistique croissante du secteur protège les acteurs existants et rend coûteuse l’arrivée de nouveaux entrants ; le prix du ticket d’entrée augmente. Le niveau de prix peut aussi se révéler un obstacle majeur s’il contraint le nouvel entrant à essuyer des pertes pendant de longues périodes ; Intel, en menant une stratégie de prix agressifs et de renouvellement fréquent de produits avec des performances améliorées, rend difficile l’entrée d’un nouveau venu dans ce secteur, où le numéro 2, AMD, est à peine rentable.

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Les barrières liées aux ressources, aux compétences et au savoirfaire sont, de manière croissante, déterminantes. Elles peuvent se matérialiser de manière explicite, par exemple par des brevets ou des propriétés intellectuelles. Elles peuvent aussi être plus difficiles à identifier dans le cas, par exemple, d’une entreprise capable d’utiliser au mieux les compétences individuelles et collectives. C’est ainsi que certaines entreprises ont une capacité à mettre sur le marché de manière beaucoup plus rapide que d’autres des nouveaux produits ; c’est ainsi que certaines entreprises ont une capacité à mieux recruter que d’autres ; c’est ainsi que certaines entreprises ont une plus grande capacité à capitaliser sur le savoirfaire et les compétences. Les facteurs clés de succès (et donc les barrières) varient selon la maturité du secteur. En période de forte croissance et notamment de lancement, ce sont la nature et les qualités du produit qui sont les composants décisifs : le produit doit en effet être accepté et demandé par les utilisateurs et les consommateurs ; ce sont ses caractéristiques techniques ou fonctionnelles qui en feront un succès. Une fois le produit lancé et accepté par les utilisateurs, l’objectif est de permettre à des utilisateurs potentiels toujours plus nombreux d’avoir un accès facile au produit ; c’est donc la distribution qui est un élément clé : le produit doit être présent dans plus de points de vente et dans plus de régions. Dans cette période de forte croissance, les changements concurrentiels peuvent prendre place plus facilement qu’en période de maturité ; de nouveaux concurrents sont susceptibles de faire leur entrée à tout instant et de prospérer. En revanche, dès que la croissance ralentit, la concurrence se bat dans un marché devenu plus difficile ; la demande et donc l’offre se complexifient ; le client devient plus exigeant et peut exercer son choix face à une offre étendue en fonction de ses propres critères. Le marché se segmente. Lorsque la croissance ralentit, on observe une double évolution des produits à partir de la même gamme initiale : d’une part, des produits qui répondent à une sophistication des usages, ce qui entraîne une augmentation des prix, et, d’autre part, des produits qui répondent à une popularisation des usages avec un abaisse-

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Mener la segmentation stratégique

Volume Expansion

Maturité Déclin

Décollage

Expérimentation

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Utilisateurs/Acheteurs

Peu nombreux Essais Adopteurs initiaux

Adopteurs croissants Production croissante

Nombreux acheteurs Popularisation

Saturation du marché Affinage des besoins : prix/ sophistication

Bipolarisation très forte

Structure concurrentielle

Temps

Peu de concurrents

Entrée de concurrents Production indifférenciée Rôle de distribution

Intensification de la concurrence

Lutte pour conserver les parts de marché Premières faillites

Réduction du nombre de concurrents

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Cycle de vie classique d’un produit

ment continu des prix. La gamme initiale reste présente longtemps de manière importante grâce à une thématique qui reconnaît que le prix n’est pas le plus bas et que la qualité ou la différenciation n’est pas la plus forte, mais que la combinaison des deux en fait une offre très acceptable : c’est le rapport qualité/prix qui sert de critère de décision au client. Cette évolution très caractéristique des marchés matures entraîne une bipolarisation croissante des marchés ; elle est symbolisée par le schéma en page suivante.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Sophistication des usages Augmentation des prix

Popularisation des usages Abaissement des prix

Gamme initiale

Le segment de marché qui représentera à terme la majeure partie des volumes du marché est celui qui capitalisera sur la popularisation des usages accompagnée d’un abaissement des prix ; un autre segment significatif est celui qui capitalisera sur la sophistication des usages, accompagnée d’une augmentation des prix. Enfin subsistera une partie du marché où les concurrents qui n’auront pas fait de choix se retrouveront dans une situation difficile en essayant de promouvoir un produit banal. Ce phénomène de bipolarisation a été mis en évidence de nombreuses manières : ainsi, le Boston Consulting Group a conduit des études sur le thème « Trading up-trading down ». Elles montrent que, dans la plupart des secteurs, la part de marché des produits haut de gamme et la part de marché de l’offre compétitive sont en croissance au détriment parfois très fort du marché milieu de gamme. Les graphiques ci-dessous montrent cette évolution dans le domaine de l’automobile, de la télévision, de l’épicerie, des hôtels, des compagnies aériennes, des machines à laver, de la confection, de la nourriture pour animaux…

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Évolution des marchés vers la bipolarisation

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Mener la segmentation stratégique

Automobile part de marché en unités 100

+8

50

-12

+4

0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E

Télévision part de marché (dollars) 100 +33 50 -40 +7

0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E

Hôtels

part de marché en nombre 100

+2 -15

50 +13 0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E

Épicerie part de marché (dollars) 100

+1 -24

50 +23 0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E

Compétitif

Milieu

Haut de gamme

xx

Variation de part de marché

Source : J.-M. Ducreux, R. Abate, N. Kachaner, Le Grand Livre de la stratégie, op. cit.

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Exemple de bipolarisation des marchés (1)

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Compagnies aériennes part de marché (passagers) 100

+6 -22

50

+16 0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E

Machines à laver part de marché (dollars) 100

+11 -16

50

+5 0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E

Alimentation animaux domestiques part de marché (dollars) 100 +24 50 -32 +8

0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E

Confection féminine part de marché (dollars) 100

+9

50

-18 +9

0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 E Compétitif

Milieu

Haut de gamme

xx

Changement de part de marché

Source : Idem.

Le même phénomène d’évolution des marchés « vers le haut » et « vers le bas » a été mis en évidence par McKinsey dans le cadre d’une étude mondiale portant sur 25 secteurs économiques. Sous le titre « The Vanishing Middle », l’étude montre une croissance supérieure de 8,7 % à celle du marché pour les offres high end, une croissance de 4,2 % pour les offres no-frills/value et un déclin de l’offre « milieu de gamme ». Certes, l’offre milieu de gamme reste en volume la plus importante et à ce titre une concurrence nombreuse peut s’y maintenir et répondre ainsi à un certain type de demande ; mais les opportunités de croissance et d’innovation sont dans les deux segments extrêmes du marché.

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Exemple de bipolarisation des marchés (2)

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Mener la segmentation stratégique

Taux moyen de croissance annuelle de segments par rapport au secteur 1999-2004 Haut de gamme Milieu de gamme

8,7

– 5,7

Compétitif

4,2 croissance moyenne des secteurs étudiés

Source : McKinsey.

La disparition du milieu

Cette tendance « vers le haut » est attribuée à la hausse des revenus, au pourcentage croissant de femmes qui travaillent, ainsi qu’à la recherche de valeurs esthétiques ou émotionnelles. La tendance vers le bas est, elle, attribuée à l’incertitude du futur, à la disponibilité d’informations comparatives immédiates, ainsi qu’à la « professionnalisation » des achats.

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L’évolution du marché européen de l’automobile reflète parfaitement cette bipolarisation : le haut de gamme a progressé de 1990 à 2006 de 800 000 véhicules (2 millions de véhicules en 1990, 2,8 millions en 2006) ; le bas de gamme, représenté par les catégories économique inférieure et moyenne inférieure a lui aussi progressé (la catégorie économique inférieure est en effet passée de 4 millions de véhicules à 5,15 millions de véhicules en 2006) ; la catégorie moyenne inférieure a aussi progressé passant sur la même période de 3,65 millions d’unités vendues à 4,8 millions d’unités vendues. En revanche, la catégorie moyenne supérieure est en forte chute ; de 3 millions d’unités en 1990, elle est passée à 1,8 million d’unités en 2006.

Une étude menée par le Boston Consulting Group montre effectivement que cette bipolarisation est systématique, mais qu’elle se produit à un rythme variable selon les secteurs. L’étude, menée sur une douzaine de secteurs de grande consommation, montre que, dans certains cas, la partie bas de gamme croît plus vite (par exemple pour l’eau minérale ou les aliments en conserve). À l’inverse dans les domaines de la viande, du meuble, de l’aménagement de la maison ou des ordinateurs personnels, c’est la partie haut de gamme qui tend à croître le plus vite. Le phénomène n’est pas nouveau, comme le constate Hans Stråberg, CEO d’Electrolux : « La bipolarisation n’est pas un phénomène récent. Dans le secteur de l’équipement de la maison, les utilisateurs ont doublé le budget qu’ils consacrent à leur maison

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

« compétitif »

« haut de gamme »

% 60

40 Nombre de personnes allant vers le haut 20 de gamme

0

- 20 Nombre de personnes allant vers le compétitif

Viande

Ordinateurs personnels

Maison

Restaurant

Ameublement

Literie

Voitures

Cuisines

Nourriture animaux domestiques

Café

Gastronomie

Glace

Surgelés

Chocolat

Boisson au alcoolisées

Snack

Fast food

Conserves

- 60

Eaux en bouteille

- 40

Source : Silverstein Michael J. & Neil Fiske Trading up - The New American Luxury, Penguin Group.

Évolution de la bipolarisation par secteurs (États-Unis)

Une étude menée par McKinsey sur le marché des réfrigérateurs a mis en évidence le taux de croissance par segments de prix : 1. 2. 3.

Source : McKinsey, Quarterly n° 4, 2006. Journal du dimanche du 6 décembre 2009. La Tribune du 18 avril 2009.

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en quinze, vingt ans ; ils dépensent plus pour leur cuisine. Vous pourriez cuisiner sur un feu de camp, mais malgré cela les gens dépensent 2 000 dollars pour une cuisinière à induction1. » Mais il s’est accéléré avec la crise financière et économique comme le souligne Arthur Sadoun, PDG de Publicis France : « La récession a accéléré des mutations structurantes. Les consommateurs se sont radicalisés. Ils font le tri entre les marques qu’ils vont continuer à consommer et celles qu’ils abandonnent. Des marques se renforcent et gagnent des parts de marché ; d’autres sont vouées à disparaître car elles n’ont plus d’utilité fonctionnelle et émotionnelle ; aujourd’hui, l’alimentaire est un secteur en pleine concentration où un certain nombre de marques disparaissent. Celles qui vont subsister sont celles à forte valeur ajoutée. Les marques qui feront la différence seront celles qui offrent de la qualité, de l’innovation et qui jouent un rôle dans la vie des gens… Le consommateur est encore prêt à payer pour une belle innovation ; c’est pour cette raison que l’iPhone écrase tous les autres smartphones. Parallèlement, pour faire des économies, on achète des marques de distributeurs. Les marques intermédiaires sont vouées à disparaître.2 » Ce phénomène de polarisation touche la plupart des secteurs comme le remarque Pierre Perron, directeur général de Sony-Ericsson France : « Pour les modèles d’entrée de gamme, le segment des prépayés reste très dynamique tandis que le très haut de gamme augmente légèrement ; le milieu de gamme souffre. On assiste à une vraie bipolarisation du marché3. »

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Mener la segmentation stratégique

Gamme de prix

Croissance de volume, 2000-2003, en %

Croissance en valeur par rapport à la moyenne du marché, 2000-2003, en %

Part de marché estimée 0

> 900 750-900

20,7

14,4

650-749

0,2

– 4,2

550-649

0,7

– 3,7

450-549

– 3,7

– 7,5

250-349

– 3,0

2,1

< 150

Marques traditionnelles

– 0,6

4,6

150-249

100

– 2,1

1,4

350-449

50

Nouvelles marques

– 1,4

5,3 24,3

Nouvelles marques

5,0 Moyenne du marché

Source : McKinsey.

Un exemple de polarisation croissante : le secteur du réfrigérateur en Europe

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En volume, les taux de croissance les plus élevés sont constatés pour les offres supérieures à 900 euros et les offres inférieures à 150 euros ; en valeur, seuls ces deux segments sont en croissance ; tous les segments intermédiaires décroissent. Plus la bipolarisation est avancée, plus les écarts de prix entre produits ou services dans un « même » secteur vont être importants ; on observe en effet des prix qui continuent de baisser pour les concurrents retenant un positionnement de compétitivité et à l’inverse des prix qui peuvent monter fortement pour les concurrents qui se positionnent sur la différenciation. Les écarts de prix constatés sur les marchés matures ne sont pas de l’ordre du pourcentage, mais sont fréquemment dans des ratios très élevés, tant pour les biens de consommation courante que pour les biens d’achat moins fréquent. Entre l’eau du robinet et le brumisateur acheté en pharmacie, l’écart de prix au litre est de 1 à 4 000. Entre le Paris-Barcelone d’Air France et le Beauvais-Gerone de Ryanair l’écart de prix peut être de 1 à 10. Entre une montre grande série sans marque vendue 8 euros et la Tourbillon Enzo fabriquée par Girard-Perregaux vendue 190 000 euros, l’écart de prix est considérable. Même constat entre un stylo Bic et un stylo Dunhill. Même constat dans la confection féminine, comme le montre l’image en page suivante.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

30 £

5£ 3,79 £

16 £ Robe-pull 845 £ Chemise 275 £ Bottines 465 £ 2 350 £

105 £

Robe-pull 35 £ Chemise 50 £ Bottines 65 £

10 £

886 £

32 £ 445 £ Source : montage de l’auteur.

Le prix et la bipolarisation

Dans les marchés industriels, cette bipolarisation des marchés existe aussi, bien qu’elle soit en général plus difficile à mettre en évidence, les prix étant moins publics. C’est ainsi qu’Alcan, leader mondial de l’aluminium, positionne ses activités de manière différente selon les caractéristiques du marché : « Dans les produits manufacturés et l’emballage, nous apportons de la valeur ajoutée à nos clients grâce au développement de nouveaux produits. Nous avons des clients qui sont prêts à payer le prix pour des produits innovants de qualité, notamment les constructeurs automobile. Dans la bauxite et le métal de base, nous sommes un producteur à bas coûts : c’est la seule manière de survivre sur un marché de commodités1. » Sur le marché des grues mobiles, les concurrents se positionnent de la même manière : Tadano, Kato, Groves ou Coles adoptent un positionnement compétitif, Liebherr, AMHoist ou Manitowoc un positionnement différent avec des écarts de prix significatifs. Une tonne d’acier pour poutrelle simple coûte 150 dollars/tonne, mais une poutre de 22 mètres fabriquée dans une usine du Benelux et destinée à un gratte-ciel à New York, au moins 10 fois plus. 1.

Richard Evans in La Tribune du 27 avril 2005.

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Quand cet électricien d’origine modeste qu’était Henry-Frederick Royce appliqua sa devise (« Recherchez la perfection dans tout ce que vous faites, prenez le meilleur de ce qui existe et améliorez-le ; et si cela n’existe pas, créez-le ») à la fabrication de la Silver Ghost, il mit sur le marché une voiture au prix de 1 400 livres, alors que les concurrentes proposées par De Dion Bouton se vendait… 200 livres, un ratio de 1 à 7. Aujourd’hui, l’écart de prix entre les voitures les moins chères (Logan à 8 000 euros) et les voitures les plus chères (Bentley Azure Convertible Mulliner à 376 485 dollars ou la Rolls-Royce Corniche Convertible à 363 990 dollars) est dans un ratio de 1 à 40.

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Mener la segmentation stratégique

Le positionnement et les modèles économiques associés Si le positionnement stratégique retenu est celui de la compétitivité, l’objectif sera alors de concrétiser cet avantage sur le marché en s’assurant une croissance en volume. Si le choix qui a été fait est celui de la différenciation, la direction devra identifier les caractéristiques propres à son offre susceptibles de créer une différence avec les offres concurrentes. Quel que soit le secteur d’activités, dès lors que la croissance est ralentie, ces deux types de positionnement sont susceptibles de rencontrer le succès, à condition que les bons paramètres aient été bien identifiés et mis en valeur. Les entreprises bénéficiant de volumes importants, soit sur l’ensemble du marché, soit sur des segments de marché résultant d’une politique de prix compétitifs, ou, au contraire, les entreprises très spécialisées capables de gérer leur prix à la hausse bénéficient d’une rentabilité élevée, alors que les entreprises intermédiaires, qui ne sont pas compétitives en prix mais qui sont trop importantes pour se positionner sur des « niches » ont une rentabilité dégradée. Ainsi, ce phénomène s’observe de manière claire dans le transport aérien. D’une part, certaines compagnies aériennes traditionnelles qui ont choisi d’offrir à leurs clients un niveau de service élevé dans toutes les classes, un nombre de destinations très élevé soit en direct, soit via un système performant de correspondances, en partenariat, des schémas d’incitation en fonction des « miles » parcourus, le transport gratuit des bagages, la possibilité de modifier la plupart des réservations… Malgré des résultats financiers soumis à certaines fluctuations, Lufthansa, Air France ou British Airways restent profitables. D’autre part, des compagnies qui offrent un service limité, exclusivement des dessertes moyen-courrier point à point entre aéroports secondaires, souvent loin des grandes agglomérations. Les avions et le service ont été « simplifiés » et standardisés pour réduire l’investissement et les coûts de maintenance. Ryanair et EasyJet connaissent des rentabilités élevées.

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Mais les compagnies au positionnement incertain ont des mauvais résultats ; beaucoup ont disparu ou sont amenées à disparaître.

Dans ces conditions de ralentissement de la croissance et de bipolarisation des marchés, les entreprises sont donc contraintes de choisir des positionnements clairs, comme le recommande Jack Welch, l’emblématique président de General Electric :

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5927_.book Page 82 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12

LE GRAND LIVRE DU MARKETING

• « Mon conseil en matière de stratégie, c’est de rechercher la débanalisation.

• Acharnez-vous à proposer des produits et services qui se distin-

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guent des autres et les clients vous seront attachés comme par de la colle. • Certes, il y a des entreprises qui sont capables de l’emporter en jouant sur les leviers de coûts et du service dans une ambiance extrêmement compétitive (comme Dell et Wal-Mart), mais c’est vraiment difficile ; on n’a pas le droit à l’erreur. »

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5927_.book Page 83 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12

Chapitre 2

MODÉLISER LE POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE

« Si vous ne savez où aller, n’importe quel chemin peut vous y conduire »

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Talmud

Ce chapitre décrit les modèles économiques qui sous-tendent le positionnement. • Le positionnement de différenciation – Le produit service comme source de différenciation – La distribution comme source de différenciation – La marque comme source de différenciation – Le client comme source de différenciation – La construction du modèle économique • Le positionnement de compétitivité – L’équation de la réussite – Le rôle de la perception

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

La bipolarisation des marchés a des implications importantes pour les entreprises, à la fois par les opportunités de croissance qu’elle génère et par les différences de rentabilité qu’elle entraîne. En effet, le comportement éclaté des prix en phase de ralentissement de croissance, et les modèles économiques qui les sous-tendent se traduisent par des écarts de rentabilité significatifs, mis en évidence par Michael Porter et présentés ci-dessous de manière schématique : Retour sur investissement

Différenciation

Compétitivité/prix

Banalisation Volume actuel ou potentiel

Le principe en est simple : les entreprises bénéficiant de volumes importants grâce à une politique de prix compétitifs ou, au contraire, les entreprises très spécialisées sur des petits volumes, capables de gérer leur prix à la hausse, bénéficient d’une rentabilité élevée, alors que les entreprises intermédiaires, qui ne sont pas compétitives en prix, mais qui sont trop importantes pour se positionner sur des « niches », ont une rentabilité dégradée. Les entreprises qui ont investi pour gagner de la part de marché et devenir le leader du marché et qui continuent de le faire pour conserver des prix compétitifs ont une bonne rentabilité. À l’inverse, les entreprises spécialisées sur des niches ont certes des volumes limités, mais bénéficient de prix élevés, gage d’une qualité de service ou d’image de marque qui lui apportent des marges importantes. L’entreprise banale qui ne bénéficie ni de prix compétitifs, car elle manque de volume, ni de prix élevés, se retrouve dans la situation intermédiaire inconfortable avec une rentabilité médiocre.

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Profitabilité et positionnement

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Modéliser le positionnement stratégique

Ce constat peut être mené dans la plupart des secteurs économiques. Ainsi, dans le domaine de la confection féminine, les marques de grand volume bénéficient de très fortes rentabilités (Inditex, la maison mère de Zara, dégage une rentabilité des capitaux propres supérieure à 40 %). Les marques haut de gamme sont elles aussi réputées profitables, alors qu’une marque intermédiaire comme Morgan connaît ou a connu des moments difficiles. Dans l’électronique grand public, même constat entre Samsung et son positionnement compétitif (marge commerciale annoncée de 11,9 %), Sony qui s’est laissé piéger par la banalisation (marge commerciale de 3,4 %) et Bang Olufsen ou Apple avec leur positionnement de différenciation (marge nettement supérieure à 10 %). Ainsi, entre 2000 et 2010, la capitalisation boursière de Sony est passée de 128 milliards à 33 milliards de dollars alors que sur la même période, celle d’Apple est passée de 8 milliards à 177 milliards de dollars. H&M Zara

Dior Chanel

Bang & Olufsen Apple

Camaïeu Morgan

Samsung

Sony

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Exemple de courbe en U

Les exemples pourraient être multipliés, le constat serait toujours le même : la profitabilité est structurellement plus élevée dans les positionnements « compétitif » ou « différencié » que dans le positionnement banal. La détermination du positionnement est donc une étape déterminante de la démarche marketing. Certes, le U peut être plus ou moins accentué en fonction de l’intensité de la bipolarisation, mais le phénomène reste le même. Cette accentuation progressive du U est apparue très nettement dans le domaine des compagnies aériennes aux États-Unis. Avant la déréglementation initiée par le Président Reagan, de nombreuses compagnies coexistaient avec des microspécificités ; la clé du succès était l’excellence opérationnelle ; les rentabilités n’étaient pas très différenciées. Puis la bipolarisation s’est accentuée ; de nouveaux entrants sont arrivés, de nouveaux modèles économiques

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Différenciation Différenciation Différenciation

Compétitivité

Compétitivité

Compétitivité

Banal

Banal

Banal

Secteurs peu concurrentiels secteurs réglementés écarts de prix faibles l’excellence opérationnelle est critique

Secteurs concurrentiels secteurs en cours de déréglementation la recherche du positionnement est critique et difficile pour les entreprises traditionnelles

Secteurs très concurrentiels secteurs déréglementés nouveaux entrants impact de la technologie écarts de prix élevés entre les positionnements réelles difficultés pour le positionnement banal

Exemple d’évolution de la courbe en U

sont apparus (low cost mais aussi flottes privées, avions-taxis, location partagée…) ; les compagnies traditionnelles, culturellement plus rigides, ont eu du mal à s’adapter ; beaucoup ont disparu et le secteur a connu de longues périodes de pertes. L’une des conséquences de ces phénomènes économiques est que le choix du positionnement stratégique est critique pour la profitabilité à long terme de l’entreprise. Le positionnement est un acte fort qui dicte la cohérence des décisions. « Prendre position, pour une entreprise comme pour une personne, c’est affirmer son point de vue, préciser ce que l’on est et veut être mais aussi ce que l’on n’est pas et ne veut pas être. Ce que l’on apporte de meilleur ou de différent1. » Trois positionnements stratégiques sont possibles, dont deux, exclusifs l’un de l’autre, sont plus porteurs d’avenir. 0%

50%

100%

1. Clair 2. Durable

4. Cohérent avec la culture de l’entreprise

Qu’est-ce qu’un bon positionnement ? 1.

Maurice Lévy, Les 100 Mots de la communication, PUF, coll. « Que sais-je ».

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3. Réalisable • Marché • Finance • Compétences • Opérations

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Modéliser le positionnement stratégique

Le positionnement stratégique doit comprendre plusieurs éléments : d’une part, un marché cible (pour qui ?) ; d’autre part, un bénéfice unique (pourquoi le client achète-t-il ?) Et enfin un cadre de référence concurrentielle (que vend-on ? Face à quel concurrent ?). Positionnement

Différenciation

Caractéristiques du marché

– Petit/moyen – Croissant ou stable – Clientèle dispersée

– Important – Croissant ou stable – Clientèle dispersée

– Limité – Stable, décroissant – Demande concentrée

Caractéristiques stratégiques

Importance des barrières à l’entrée : – marque, image – distribution, qualité – prix

Concurrence frontale Concentration croissante

– Peu de moyens de différenciation – Rentabilité faible ou aléatoire

Comportement des prix

Hausse

Baisse

Stable ou erratique

Modèle économique

Superposition de coûts valorisables

Modèle économique de rotation des actifs

Contrôle opérationnel

Stratégie marketing

« Class marketing »

« Mass marketing »

Ventes

Bénéfices clients

Produit/service très adapté aux besoins exprimés ou latents

Économie pour le client

Rapport qualité/prix

Personnalisée

Électronique/ simplifiée

Variable

Nature de la relation

Compétitivité

Banalisation

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Les caractéristiques des trois positionnements

Le positionnement de différenciation suppose une clientèle dispersée, sensible à un certain nombre de critères tels que la distribution, la qualité et le service après-vente, la marque, l’image, etc. Il suppose une gestion des prix plutôt orientée à la hausse. Le modèle économique est celui de la superposition des coûts valorisables. En d’autres termes, il s’agit d’offrir aux clients des « plus » qui sont importants pour lui et qui justifient à ses yeux le prix élevé ; proposer des « plus » non valorisés par le client ne fait que réduire la marge. Ce type de positionnement permet aux clients d’avoir une offre très adaptée à leurs besoins exprimés ou latents. À la différence des stratégies de compétitivité qui s’appuient sur

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

un avantage concurrentiel unique, le prix, les positionnements de différenciation sont très variés, laissant place à de nombreux concurrents qui vont chacun jouir d’un avantage unique. C’est une des raisons pour lesquelles, dans les secteurs matures, on trouve de très nombreuses références, chacune visant à satisfaire les besoins spécifiques d’un client ou d’un groupe de clients : l’offre devient complexe. Le positionnement de compétitivité suppose, d’une part, un marché important, mais aussi une clientèle relativement dispersée ; la concurrence y est forte car frontale. En effet, chaque concurrent a pour principal argument de vente son prix bas. Le modèle économique s’appuie sur plusieurs paramètres : d’une part, des éléments économiques (coût très contrôlé et rotation des actifs élevée) et, d’autre part, une perception par le client ou l’utilisateur que le prix est effectivement bas. Le positionnement de banalisation est d’une nature différente ; d’une manière générale, il n’est pas choisi mais subi. En effet, dans certaines conditions de marché (marché de taille réduite et/ou demande concentrée), il y a à la fois peu d’opportunités de différenciation et pas nécessairement les volumes suffisants pour être compétitifs sur les prix. La rentabilité s’en ressent évidemment. Ces positionnements sont sous-tendus par des modèles économiques intégrant des composantes de différentes natures (marketing, économique, financière…) ainsi que des compétences et des cultures spécifiques. Dans un monde concurrentiel dynamique, ces modèles économiques sont en évolution constante, soit de manière continue, soit sous l’impact de nouveaux entrants créant des discontinuités, voire des ruptures.

Pour réussir dans le long terme, les positionnements de différenciation doivent reposer sur une ou des différenciations significatives et perceptibles, valorisées par le client afin d’être rentables pour l’entreprise et défendables à terme. Que l’on soit dans le domaine de la grande consommation ou dans le domaine des produits et services vendus aux entreprises, nombreuses sont les

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Le positionnement de différenciation

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Modéliser le positionnement stratégique

sources de différenciation ; de manière schématique, on peut les regrouper en quatre grandes catégories : produit/service, distribution, marque, client. La recherche en marketing qui permet de calquer une offre précise sur une demande préidentifiée et de mieux l’adapter à l’attente des clients est une source importante d’opportunités de différenciation. Au marketing de masse a succédé le marketing segmenté, voire, dans certains cas, le marketing individualisé (one to one). C’est ainsi que, dans de nombreux secteurs, on trouve une prolifération de références : il suffit pour s’en convaincre de regarder le rayon yaourts d’un hypermarché ou d’entrer dans une boutique de téléphonie. Autour des quatre grands thèmes que sont le produit/service, la distribution, la marque et le client, les sources de différenciation sont nombreuses.

Le produit/service comme source de différenciation

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Le produit/service est une des plus puissantes sources de différenciation tant en B2C qu’en B2B ; en voici des exemples dans les deux catégories. Dans le domaine du jouet, domaine difficile où la plupart des producteurs délocalisent leur production pour faire face à la pression sur les coûts et les prix, la société allemande Playmobil continue de faire fabriquer l’ensemble de sa gamme en Europe. Chaque année ses rayons sont pris d’assaut par les consommateurs au moment de Noël. Depuis la création de ses personnages articulés en 1974 (avec une tête qui tourne et des bras et jambes habiles et des accessoires qui s’adaptent aux personnages, qu’il s’agisse de chevaliers, d’indiens ou d’ouvriers de la construction), la société reçoit tous les ans des centaines de lettres d’enfants qui lui font part de leurs idées. Ainsi, la ferme, un des thèmes les plus vendus, a été remise au goût du jour avec des engins agricoles plus modernes ; de même la locomotive du train est équipée d’un phare qui s’allume. Le secret de Playmobil, c’est l’écoute attentive de sa clientèle, combinée à la qualité des produits due à la maîtrise de l’ensemble du processus de production. En effet, les petits personnages, dont près de 2 milliards d’exemplaires ont déjà été vendus, sont fabriqués grâce à des technologies innovantes d’injection ; pour lancer une centaine de produits nouveaux, il faut fabriquer environ 750 moules, soit un investissement d’environ 20 millions d’euros. La qualité du produit, difficile à imiter, crée une différenciation durable : le chiffre d’affaires continue de croître : il est passé de 254 millions d’euros en 2001 à plus de 500 millions d’euros aujourd’hui. Au début des années 1990, James Dyson, ingénieur au chômage, passe l’aspirateur à la demande de sa femme et trouve malcommode le système de sac à changer. En 1993,

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il lance en Grande-Bretagne le premier aspirateur sans sac, sous le nom de Dual Cyclone. Aujourd’hui, sa part de marché est de 50 % en Grande-Bretagne. Aux ÉtatsUnis, la marque Dyson a vendu 890 000 unités en 2004 avec une gamme débutant à 399 dollars, alors que le prix moyen du marché est de 100 dollars. En France, où le prix moyen des aspirateurs est de 92 euros, Dyson a vendu 600 000 unités depuis l’origine, avec un prix moyen de 367 euros, et capturé 50 % du marché haut de gamme. La supériorité technologique du produit caractérisé par l’absence de sac, son design original et innovant ont été renforcés par une communication mettant en avant le bénéfice permis par ce nouveau produit : « le premier aspirateur sans perte d’aspiration » (« the first vacuum cleaner that does not lose suction »). Les résultats sont à la hauteur de la pertinence de la stratégie de différenciation : en 2006, le chiffre d’affaires s’est élevé à 800 millions d’euros et le résultat net à 170 millions.

Dans le domaine industriel, les sources de différenciation par le produit et le service sont très nombreuses et la plupart du temps particulièrement durables : le produit/service est une source puissante de différenciation. Jusque dans les années 1990, Vallourec était un pot-pourri d’activités allant de la construction à l’engineering en passant par la métallurgie et l’acier ; l’entreprise connaissait une croissance anémique. À partir de cette période, elle s’est recentrée sur ses métiers de base, se débarrassant d’opérations périphériques et se spécialisant dans les tuyaux d’acier utilisés dans le forage pétrolier et dans les usines électriques de production d’électricité : « Nous nous sommes réorientés nous-mêmes vers le haut du marché1. » Aujourd’hui les ventes dépassent 7,5 milliards d’euros et les résultats atteignent 1,4 milliard.

« Les trois grands recherchent des solutions pour réduire les coûts à travers les effets d’échelle ; nous sommes une firme de taille moyenne et nous avons une approche stratégique différente, déclare M. Spuhler président et actionnaire à 70 %. Nous produisons des familles de produits qui peuvent être altérés pour s’adapter aux besoins

1.

Pierre Verluca PDG in Business Week du 14 mai 2007.

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Dans le domaine de l’industrie ferroviaire, la bataille est rude entre les trois grands groupes généralistes du secteur, Alstom, Bombardier et Siemens ainsi que GE, spécialisé dans les locomotives destinées au fret. Les parts de marché des trois concurrents frontaux sont très proches et comprises entre 15 et 20 %. Face à ces grands concurrents qui se battent sur la standardisation, les effets d’échelle et la réduction des coûts, se développe une entreprise suisse positionnée par une forte différenciation sur le produit et le service. Stadler est une entreprise qui a réalisé en 2005 un chiffre d’affaires de 603 millions de francs suisses, soit le double de 2002 ; les ventes 2006 se sont élevées à 704 millions de francs suisses ; elle comptait 18 employés en 1989 et 1 750 en 2005 ; la croissance est soutenue. Elle fabrique des wagons et se trouve sur le même marché que les trois grands : Siemens, Bombardier, Alstom.

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du client : écartement des voies, longueur des véhicules, hauteur des accès, double étage, trains régionaux, trains de banlieue… L’industrie du véhicule ferroviaire est dans une phase complexe et dynamique de restructuration ; des entreprises sont acquises, fusionnées et repositionnées. Dans certains cas, elles disparaissent totalement du marché. Dans un tel environnement, il est crucial pour une entreprise de taille moyenne de s’assurer que son positionnement est en phase avec ses ressources financières et humaines. Stadler Rail, en se focalisant sur les segments de marché régionaux et périurbains et sur les services de transport ferroviaire léger, entend rester le numéro 1 sur le marché des véhicules ferroviaires. Stadler Rail se positionne comme le fournisseur complémentaire des grands fabricants comme Alstom, Bombardier ou Siemens1. »

La distribution comme source de différenciation Une autre source de différenciation possible est la distribution choisie et maîtrisée. Posséder sa distribution propre est une manière de contrôler la destination du produit et de diminuer le potentiel de distribution des concurrents.

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Ainsi, Louis Vuitton ouvre des magasins dans toutes les villes qui ont un potentiel. Ce faisant, la marque s’assure de l’approvisionnement et de la destination des produits et limite le potentiel laissé à ses concurrents ; la distribution, à cause du coût d’investissement que représente l’ouverture de magasins constitue en effet une barrière difficile à franchir pour des concurrents plus petits. De plus, contrôler sa distribution permet de s’assurer du niveau des prix : « L’année dernière, alors que je visitais l’un de mes magasins Vuitton, un certain nombre de clients sont venus me trouver et m’ont remercié de n’avoir jamais mis les produits en solde ; c’était au moment où les department stores aux États-Unis commençaient à s’inquiéter de la tendance négative de la saison et avaient commencé à baisser leurs prix jusqu’à 60 % avant Noël. Parce que Vuitton a pour politique de ne jamais solder ses produits et n’a pas de distributeur intermédiaire ni de grossistes, nous n’avons jamais répondu à ces baisses de prix. Si vous ne vendez pas votre produit en solde, les clients ont le sentiment qu’ils achètent quelque chose qui garde sa valeur2. »

Sans nécessairement investir financièrement dans sa distribution, une entreprise peut privilégier certains canaux de distribution pour renforcer sa différenciation. Ainsi, les producteurs de parfums privilégient les canaux spécialisés qui contribuent et renforcent leur image de marque en apportant un vrai service aux clients : gamme extrêmement étendue, essayages et tests, salons de maquillage, emballage cadeau, etc. C’est en utilisant ces 1. 2.

Financial Times du 19 septembre 2006. Interview de Bernard Arnault, président de LVMH, Financial Times du 15 février 2009.

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argumentations que les parfumeurs ont obtenu le droit de ne pas distribuer leurs produits dans les hypermarchés qui n’apportent pas le même service et de pratiquer une distribution sélective.

La marque comme source de différenciation

Modèle A

Modèle B

7 8,9 15,4

7,1 9,2 13,7

201 km/h 30,7 secondes

201 km/h 31 secondes

Moteur

6 V cylindres 2664 cc

6 V cylindres 2494 cc

Options

Stéréo 6 hp Vitres teintées GPS Roues alliage léger Sièges électriques Synthétiseur de voix Siège cuir

Option Option Option Option Option NA Option

100

105

Consommation Vitesse stabilisée 90 km/h Vitesse stabilisée 120 km/h Usage urbain Performance Vitesse Accélération (0-1 000 m)

Prix

Comparaison de deux voitures

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Voici les principaux éléments de comparaison de deux voitures dont la consommation, les performances et les caractéristiques du moteur sont similaires. L’une (A) est livrée avec toutes les options au prix catalogue de 100. La voiture B, quant à elle, est livrée sans options au prix catalogue de 105. Pour la rendre tout à fait comparable à la voiture A, il convient d’ajouter toutes les options, ce qui la met à un prix catalogue d’environ 130. Ainsi, toutes choses égales d’ailleurs, le prix de B est supérieur de l’ordre de 30 % à la voiture A ; pourquoi les clients acceptent-ils de payer 30 % de plus une voiture qui, sur le plan technique, semble très comparable ? De plus, les ventes de la voiture B sont nettement supérieures à celle de la voiture A.

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La voiture A est une Renault, la voiture B une BMW. Quelle est la valeur de la marque BMW ? 22 milliards, répond Interband. La valeur d’une marque est difficile à estimer ; les systèmes comptables traditionnels ne savent pas les prendre en compte, sauf lorsqu’elles sont acquises dans le cadre d’une fusion. Les nouvelles normes comptables engagent les entreprises à faire des estimations de la valeur de leur marque. Chaque année, l’organisme Interbrand se livre à une estimation des grandes marques mondiales. En 2010, la marque la plus valorisée était Coca-Cola (70 milliards de dollars) devant IBM (64), Microsoft (61), Google (43), General Electric (42), McDonald’s (33), Intel (32). Le palmarès recense aussi bien des marques industrielles, telles que Cisco (23 milliards), Oracle (15 milliards) ou SAP (12 milliards), que des marques grand public, comme Gillette (23 milliards) et BMW (22 milliards).

Pour beaucoup de firmes de biens de grande consommation ou pour des entreprises industrielles, la marque est un actif stratégique de première importance qui résulte d’un investissement considérable au fil du temps. Les marques reposent sur deux dimensions différentes et complémentaires, les valeurs rationnelles ou fonctionnelles et les valeurs émotionnelles ou symboliques. Plus que le nom, ou le logo, elles concrétisent le positionnement de la firme.

Le client comme source de différenciation Identifier une nouvelle clientèle ou sa clientèle existante en fonction de ses caractéristiques sociologiques ou en fonction du mode d’utilisation du produit est aussi une source de différenciation fructueuse. Dans une telle démarche, la différenciation provient tout autant du bien vendu par l’entreprise que du lien qu’elle tisse avec sa clientèle.

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Ainsi, le magazine Biba s’applique avec succès à attirer « les femmes qui travaillent ». En se repositionnant par une focalisation sur une clientèle spécifique, Leroy Merlin a réussi à obtenir des performances économiques supérieures à celles de ses concurrents. Le marché du bricolage est en faible croissance (environ 5 % par an). Au début des années 2000, Castorama en est le leader devant Leroy Merlin qui s’interroge sur son positionnement. À cette époque, Leroy Merlin observe que 80 % des bricoleurs sont des femmes, qu’elles ont une approche « décoration/ home », alors que les hommes qui bricolent ont une approche « gros travaux techniques » et considèrent le magasin de bricolage comme un magasin de jouets pour adultes. Avant tout le monde, Leroy Merlin a compris que la femme est la prescriptrice d’achat dans l’univers de la maison, mais qu’elle est aussi actrice puisqu’elle dépense environ 1 200 euros en moyenne par an dans les magasins de

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bricolage. Sur cette base, Leroy Merlin décide de modifier son positionnement et d’évoluer d’un positionnement banal vers un positionnement différencié en faisant du client ou plutôt de la cliente la source de différenciation. Leroy Merlin adopte une nouvelle mission : « Et vos envies prennent vie ». Castorama maintient son positionnement banal sur le thème : « Tout pour le bricolage ». Leroy Merlin déploie son nouveau positionnement autour de quatre thèmes : • modification de l’assortiment, avec une diminution de 40 % des références techniques et une augmentation de 30 % des références décoration ambiance ; sur les 60 000 références vendues en magasin, 40 000 sont prescrites par la centrale d’achat, mais chaque directeur peut puiser dans un catalogue de 100 000 produits pour adapter son offre à la demande locale ; • réorganisation des achats et des magasins autour de deux espaces : les espaces techniques (clous, perceuse) et les espaces décoration coordonnés par style ; • nouvelle communication sur le thème « Du côté de chez » animée par une femme, une revue intitulée Du côté de chez vous et les fiches de la consultante décoration de Leroy Merlin. Outre la communication TV sur le même thème, certains magasins développent des communications originales comme des lip dub mettant en scène tous les rayons du magasin (plus de 800 000 connexions sur YouTube) ; • formation : la formation représente environ 5 % de la masse salariale, soit trois fois plus que la moyenne. Dans le cadre de ce nouveau positionnement, les chefs de rayon spécialistes techniques dans leur domaine sont devenus des consultants décoration. Ils ont appris à se mettre dans la situation des clients pour en faire de véritables experts et pour les orienter vers la meilleure solution. La marque a ainsi réussi à projeter une image de modernité, de dynamisme, d’avant-gardisme en rupture avec une concurrence « banale ». En se repositionnant sur la différenciation, la firme a pu reconquérir une position de leader ; sa rentabilité a fortement augmenté avec un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros et un résultat net de 250 millions d’euros, mais surtout un chiffre d’affaires/m2 qui atteint 4 100 euros alors que celui de Castorama est estimé à 2 700 euros/m2.

Une fois les sources de différenciation identifiées, il convient de s’assurer qu’elles peuvent contribuer à la création d’un modèle économique pérenne et rentable : le client doit en effet être prêt à payer le prix de cette différence. Il est donc nécessaire de bien connaître le client et de partir à sa découverte. Une bonne approche consiste à offrir des solutions développées conjointement par le client et le fournisseur. Comme le montre le schéma ci-contre, l’offre n’est pas prédéterminée à l’avance, elle évolue en fonction des demandes manifestées par le

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La construction du modèle économique

achats

assemblage

Fourniture de peinture comme une commodité vendue au volume

achats

assemblage

Vente de peinture en fonction du nombre de voiture peintes

Réduction des déchets de 20 %

Diminution des coûts; accès privilégié à de nouvelles couleurs

achats

Développement de produits spécifiques

R&D

Élimination des goulets d’étranglement Amélioration de la qualité Meilleure gestion des problèmes environnementaux

Prise en charge de l’atelier peinture

assemblage

SOLUTION APRÈS REPOSITIONNEMENT

R&D

SOLUTION AVANT REPOSITIONNEMENT

R&D

expédition

expédition

expédition

Augmentation de la fidélité grâce à une offre unique et spécifique

Assistance pour le choix des couleurs

marketing

marketing

marketing

Chaîne de valeur ajoutée simplifiée du constructeur

OFFRE BASF

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CLIENT

BÉNÉFICES

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Ventes supplémentaires Satisfaction client meilleur support des carrossiers

Assistance pour le choix des couleurs par les carrossiers

service

service

service

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Source : McKinsey.

Positionnement de différenciation – Création d’un modèle économique

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client et en fonction de la manière dont le fournisseur peut y répondre. C’est ainsi que BASF a mis en place avec un constructeur automobile une solution peinture qui intervient à plusieurs étapes du processus complet de fabrication des véhicules, de la conception au service après-vente en passant par l’assemblage des véhicules : BASF se substitue au constructeur automobile pour tout ce qui concerne la recherchedéveloppement ayant trait à la peinture et au revêtement ; il opère lui-même la cabine peinture ; ce faisant, il a permis une réduction sensible de la consommation de peinture par véhicule et une réduction des déchets de l’ordre de 20 % ; BASF se charge ainsi de traiter l’aspect environnemental de l’application peinture ; il est intervenu conjointement avec le département marketing pour mettre au point des nouveaux revêtements (couleur, aspect, finition…). Enfin, BASF offre aux concessionnaires et aux carrossiers des services qui leur permettent de réparer les accidents de tôle grâce à des couleurs et des procédés qui facilitent l’obtention rapide de la teinte exacte recherchée. Ce faisant, BASF a changé son mode de facturation : au lieu de vendre de la peinture au volume, le principe de facturation retenu est le nombre de véhicules peints.

Construire et faire vivre un positionnement de ce type requiert une vigilance permanente, la capacité à se débarrasser des activités qui ne permettent pas la combinaison des différents facteurs et la puissance d’innovation pour enrichir et renforcer le positionnement et faire évoluer le modèle.

Le positionnement de compétitivité C’est en s’appuyant sur un positionnement de compétitivité que de nombreuses entreprises sont apparues sur des marchés traditionnels, bouleversant à la fois les habitudes des consommateurs et des clients et la structure concurrentielle : Zara, Ryanair, Dell, Boursorama, H&M, EasyJet sont des entreprises jeunes qui ont développé des modèles économiques forts et ont révolutionné leur secteur. Elles présentent toutes des caractéristiques communes, à savoir des coûts maîtrisés, une rotation des actifs élevée et savent communiquer aux clients une perception de prix très bas.

Le positionnement de compétitivité suppose de maîtriser deux facteurs clés : d’une part, la compétitivité économique de l’offre (soit grâce à des coûts réduits, soit grâce à une utilisation d’actifs réduite, soit une combinaison des deux) et, d’autre part, la percep-

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L’équation de la réussite

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tion qu’en a le client ou l’utilisateur. Toutes les entreprises qui ont réussi à tirer le meilleur parti de ce positionnement compétitif ont toujours remarquablement maîtrisé la perception qu’avait le client de leur offre.

réussite = compétitivité × perception L’équation de la réussite Ryanair est un exemple spectaculaire de réussite d’un nouvel entrant positionné en compétitivité qui maîtrise à la fois les éléments clés de la compétitivité et la perception qu’en a le client : • les coûts sont réduits : Ryanair économise annuellement environ 3 millions d’euros en ayant des sièges en imitation cuir, réduit l’espace entre les sièges (76 cm contre 81 cm sur Air France), sans poches à l’arrière des sièges pour faciliter le nettoyage, en utilisant des aéroports secondaires (Beauvais, près de Paris, 70 % moins cher que CDG – Hann, 90 % moins cher que Francfort). Le ratio personnel par passager est inférieur de 60 % à celui des compagnies régulières, 98 % des ventes se font par Internet ; • en ayant seulement deux types d’avion, Ryanair optimise ses coûts de maintenance et la capacité du personnel volant à s’adapter d’un avion à l’autre ; en réduisant le temps au sol, Ryanair peut faire voler ses avions moyen-courrier de douze à treize heures par jour, soit environ deux vols de plus par jour que les avions moyen-courrier d’Air France. Le coût moyen par siège moyen-courrier s’élève à moins de 50 euros chez Ryanair, 56 euros chez EasyJet et 114 euros chez Air France ; • les prix apparents sont très bas ; il arrive même que ceux-ci – hors taxes et frais complémentaires – soient négatifs ; à ces prix apparents, il convient d’ajouter le prix des services (bagages, achat en ligne, qui représentait 10 % du chiffre d’affaires en 2000, mais 20 % en 2009). En fait, le prix réel d’un billet sur Ryanair pour un Beauvais-Gérone comparé à Paris-Barcelone est inférieur d’environ 20 % à celui d’une compagnie traditionnelle.

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Son concurrent EasyJet applique des principes très similaires : « Nous ne faisons que des vols directs, sans correspondance, nos rotations sont rapides, entre 20 et 30 minutes et notre flotte est homogène, essentiellement des A319 et A320. Nous ne touchons en rien au modèle économique qui nous permet d’être 50 % moins chers que les compagnies traditionnelles1 ».

1.

F. Bacchetta, directeur d’EasyJet Europe du Sud, in Challenges, décembre 2010.

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Le rôle de la perception La réussite de ce modèle économique repose sur la « pureté » du positionnement : plus la perception du prix est claire, plus le client est confiant dans sa démarche d’achat. Il est donc nécessaire de trouver la bonne logique de « martèlement » du prix bas, en utilisant une communication forte et répétitive et les symboliques de communication du prix bas. Prenons l’exemple de Wal-Mart. Deux facteurs sont critiques dans le positionnement de Wal-Mart : d’une part, les prix qui sont effectivement les plus bas du marché et qui s’alignent très vite dans l’hypothèse où un concurrent voisin ferait une offre plus basse et, d’autre part, des campagnes de communication soutenue, qui se terminent toujours par ces quelques mots : « Tous les jours des prix bas », (« everyday low prices »). Ce positionnement est renforcé par quatre symboliques : • la symbolique de l’économie d’échelle : pour rendre visibles les achats en masse, et donc bon marché, qu’effectue Wal-Mart, les directeurs de magasin multiplient lots de produits, produits en vrac, palettes, têtes de gondole ; • la symbolique de l’économie systématique : l’ensemble du magasin donne l’impression que celui-ci est géré a minima (toit sommaire en tôle ondulée, parking simplifié, carrelage et éclairage simplistes…) ; • la symbolique de la bonne affaire : podiums, têtes de gondole, annonces et balisages très agressifs, grandes opérations promotionnelles, produits à peine sortis de leur emballage, produits sans marque, etc. ; • la symbolique de la désintermédiation : palettes en bois, transpalettes, tout est fait pour laisser penser au consommateur qu’il est plus dans un entrepôt que dans un magasin.

Curieusement, un an plus tard, la même histoire se reproduit. En effet, après avoir engagé une nouvelle directrice de la section vêtement (15 % du CA), Claire Watts, Wal-Mart tente de monter en gamme son offre de vêtements, de biens d’équipement et d’électronique et se déclare lui-même un vendeur de produits de 1.

Wall Street Journal du 12 septembre 2006.

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Mais le moindre écart par rapport à cette ligne directrice est sévèrement sanctionné par le client. Le modèle doit être pur. Ainsi, « au début de l’année 2006, Wal-Mart a cessé de mettre l’accent sur son message de prix bas afin d’attirer les consommateurs sur des produits plus à la mode, pensant que les consommateurs s’étaient totalement appropriés le positionnement “everyday low prices”. Dès l’été, les ventes commençaient à fléchir. Le groupe revient alors très vite à sa communication sur les prix, affichant dans tous les magasins des signaux : “Nous vendons moins cher” (“we sell for less”)1. »

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Modéliser le positionnement stratégique

bon rapport qualité-prix. Cette initiative se traduit notamment par le lancement de Metro 7. Mais la demande pour les vêtements ne satisfait pas les attentes de l’entreprise qui finit par renoncer ; Claire Watts remet sa démission et le groupe reconnaît qu’il avait besoin de revenir à des produits plus basiques1. Le consommateur est très facilement déstabilisé dès lors qu’il est sensible aux prix et qu’il perd ses repères. Wal-Mart l’a encore expérimenté en 2010 aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Aux États-Unis, Wal-Mart s’est engagé dans une campagne de réduction de prix agressive, déstabilisant le consommateur habitué à avoir tous les jours des prix bas (« everyday low prices »). L’échec a été immédiat, et Wal-Mart est revenu à son concept action alley où les produits sont entassés, jouant ainsi sur la symbolique du volume. En Angleterre, « la chaîne Asda, qui appartient à Wal-Mart, a perdu de la part de marché après avoir introduit des promotions à court terme, à l’encontre de sa promesse historique de produits bas2 ». Ces brefs dépositionnements ont été perçus négativement par les consommateurs. Les perceptions négatives étant globalisantes, les clients de Wal-Mart se sont rendu compte que quelque chose changeait et que, dans un des rayons du magasin, les prix étaient moins compétitifs. Ils ont généralisé ce constat à l’ensemble du magasin. Les magasins ont connu une baisse de fréquentation et une érosion du chiffre d’affaires. Dans les trois cas, les directions du marketing avaient simplement oublié le principe du fondateur de Wal-Mart, Sam Walton : « Vous n’avez qu’un boss : LE CLIENT. Le client peut virer n’importe qui dans une entreprise, du président au simple employé, simplement en allant dépenser son argent ailleurs. »

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Zara et H&M sont deux entreprises de confection relativement récentes en concurrence frontale avec le même positionnement de compétitivité. Mais elles s’appuient sur deux modèles économiques différents, le point commun étant néanmoins que le client ou la cliente doit percevoir la compétitivité prix. Zara a bâti son modèle sur la rotation des actifs plus que sur la réduction des coûts, alors que H&M s’appuie sur la réduction des coûts, mais subit un niveau moyen de stock plus important. La durée traditionnelle entre le design d’un vêtement et le moment où il est mis en magasin est de l’ordre de neuf à quatorze mois ; chez Zara, ce processus prend environ trois semaines. Le rythme chez Zara n’est pas donné par les collections annuelles et les défilés ; chez Zara, 200 designers sont en liaison constante avec les magasins pour saisir l’air du temps et réagir rapidement à la demande. Un directeur de magasin peut proposer des modifications à un article ou même proposer un nouveau modèle qui sera évalué par les designers de la Corogne. Ainsi, Zara produit environ 4 500 nouveaux styles et 20 000 nouveaux articles par an. Lorsqu’un article est rapidement en rupture, le directeur du magasin peut passer une commande de réassort électronique. Il y a deux livraisons par semaine ; le

1. 2.

Herald Tribune du 21 juin 2007, Lauren Coleman-Lochner, Bloomberg News. Wall Street Journal du 17 novembre 2010.

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taux de rotation du stock est de 11, soit deux à trois fois celui de l’industrie. Du fait de cette diversité, les coûts sont probablement supérieurs à ceux de certains concurrents (environ 20 %), mais le poids des soldes et des invendus est plus faible (environ 15 % contre 30-40 % pour la concurrence). Zara ne communique pratiquement pas, mais utilise beaucoup les symboliques de la compétitivité. La rentabilité des capitaux engagés est supérieure à 40 %. « Chez H&M, nous sommes dans une constante ambivalence ; nous faisons de la haute couture à bas prix, utilisons des top modèles pour vanter du low cost, vendons de la lingerie comme des manteaux ; la société est très centralisée tout en pratiquant la décentralisation, hyper créative avec une structure très balisée. Notre force, c’est la combinaison des paradoxes », déclare Nils Vinge, directeur des relations investisseurs. « Notre modèle réclame une énorme planification ; nous travaillons sur trois collections en même temps : celle du moment, celle de l’année suivante et celle de l’année d’après. À H&M, le réassort n’existe pratiquement plus ; l’enseigne ne craint pas les ruptures. Elle propose constamment de nouvelles collections ; livrées chaque jour mais prévues jusqu’à un an à l’avance. Cela crée une forme d’excitation qui génère des ventes, puisque la cliente sait que le lendemain le produit aura peut-être disparu », affirme Margareta van den Bosch, directrice du style.

Les positionnements décrits dans ce chapitre sont en général les plus purs ; on observe en effet que ceux-ci (Dior et Zara, Lufthansa et Ryanair, etc.) sont les plus rentables. Bien sûr, entre ces deux extrêmes il y a place pour de nombreuses entreprises qui vont bénéficier de positionnements qui, sans être aussi purs, clairs et limpides que ceux évoqués ci-dessus, vont leur permettre de dégager des profits certes moins importants mais néanmoins satisfaisants. Par ailleurs, il peut exister des déplacements de la carte concurrentielle et des positionnements : certains concurrents peuvent entamer des déplacements par exemple d’un positionnement banal vers un positionnement de différenciation, très rarement d’un déplacement d’un positionnement banal vers un positionnement de compétitivité. Enfin il arrive que des entreprises bénéficiant d’un positionnement clair le perdent, dégradant ainsi leur profitabilité de manière durable. De nombreuses entreprises ont des positionnements qui sans être aussi clairs et purs bénéficient de profitabilités honorables.

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H&M communique de multiples manières : publicité TV avec la robe à 9,99 euros, une newsletter et la publicité autour de la collection annuelle d’un couturier.

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Chapitre 3

CRISTALLISER LE POSITIONNEMENT

« Dans vos phrases, n’utilisez qu’un sujet, un verbe, un complément direct ; quand vous aurez besoin d’un adjectif, venez me trouver. » Georges Clemenceau

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Dans ce très court chapitre, sont envisagées les diverses manières de décrire le positionnement de l’entreprise en termes simples et impactants. Cet exercice de cristallisation du positionnement est difficile. Pour mieux vous en rendre compte, je vous invite à aller consulter sur Internet les sites des entreprises de votre choix et de rechercher la manière dont elles parlent d’elles-mêmes et de leur positionnement.

Dans un monde de plus en plus décentralisé, où la déconstruction modifie profondément les liens entre les entreprises et au sein des entreprises, dans un monde où les incertitudes sont croissantes et où la non-concordance des temps entre la stratégie, le marketing, la finance, les clients, etc. est la règle, les entreprises ont plus que

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jamais besoin d’exprimer clairement la direction qu’elles prennent, le positionnement qui est le leur et le modèle économique qui le sous-tend. C’est la cristallisation du positionnement par quelques mots qui va donner la direction à tous les mouvements de l’entreprise et fédérer les énergies. Cristalliser un positionnement de compétitivité, c’est exactement ce qu’a fait Henry Ford au moment du lancement de la Ford T : « Je vais construire une voiture pour la plus grande multitude. Elle sera si bon marché que toute personne gagnant un bon salaire sera capable d’en posséder une et de bénéficier avec sa famille du plaisir de rouler dans les grands espaces. Quand j’aurai réussi, tout le monde sera capable de s’offrir une voiture et tout le monde en aura une. Les chevaux auront disparu de nos routes, l’automobile sera un fait acquis. Et nous donnerons à un grand nombre de personnes un emploi avec de bons salaires. » Cette cristallisation peut prendre diverses formes appelées, selon les entreprises, identité, vision, valeurs, mission, slogan, « base line »… bien que ces mots recouvrent des réalités très différentes, comme le montrent les définitions ci-dessous : • identité : ce qui fait qu’une chose est exactement de même nature qu’une autre ; • vision : action de voir, de se représenter en esprit ; vision de l’avenir. « Aucun savant ne confond la vision d’une vérité avec la démonstration d’une vérité » (Ribot) ; la vision s’inscrit dans un horizon de temps long ou très long ; • valeurs : hiérarchie établie entre les principes moraux ; énoncent une appréciation ; les valeurs ont un caractère intemporel ; • mission : charge donnée à quelqu’un d’accomplir une tâche définie ; fonction temporaire qui s’inscrit dans un horizon de temps à court ou à moyen terme et qui est tournée vers l’action ; • slogan : formule concise et frappante qui exprime une idée qu’un émetteur veut diffuser ou autour de laquelle il veut rassembler ; • base line : phrase qui ponctue une annonce publicitaire. Le terme vient originellement de la phrase de signature se trouvant traditionnellement sous le texte d’une publicité de presse.

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Cristalliser le positionnement

Apple a révolutionné l’informatique personnelle dans les années 1970 avec la sortie de l’Apple II et a réinventé l’ordinateur personnel dans les années 1980 avec le lancement du Mac. Aujourd’hui, Apple reste le leader du marché en matière d’innovation avec ses ordinateurs de bureau et ordinateurs portables, son système d’exploitation Mac OS X, iLife et ses applications professionnelles sans équivalent. Apple mène aussi la révolution musicale numérique avec les lecteurs numériques iPod et le service en ligne iTunes Store, l’iPad… Ce positionnement est cristallisé d’une manière extrêmement simple : « Think Different ».

La cristallisation du positionnement peut parfois prendre des formes moins impactantes ; elle n’en reste pas moins critique pour engager l’entreprise dans la direction qu’elle s’est choisie. Ainsi, le groupe LVMH, composé de nombreuses marques et de nombreuses maisons, cristallise ce positionnement de la manière suivante : • ambassadeur de l’art de vivre occidental en ce qu’il a de plus raffiné, LVMH veut symboliser l’élégance et la créativité, et apporter du rêve dans la vie par ses produits et par la culture qu’ils représentent, alliant tradition et modernité ; • dans ce cadre, cinq impératifs constituent des valeurs fondamentales partagées par tous les acteurs du groupe LVMH. Ces valeurs et l’ensemble des aspects qu’elles recouvrent ont fait l’objet d’une large réflexion à travers les sociétés du Groupe :

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– être créatifs et innovants, – rechercher l’excellence dans les produits, – préserver passionnément l’image de nos marques, – avoir l’esprit d’entreprise, – être animés de la volonté d’être les meilleurs.

Quelle que soit la forme qu’elle revêt, quel que soit le public auquel elle s’adresse (clients ou collaborateurs de l’entreprise…), cette cristallisation marque une étape importante du marketing stratégique. Elle est critique pour s’assurer que la mise en œuvre du positionnement retenu est conforme à l’objectif, que sa perception par les clients est claire, facile, durable de telle sorte qu’ils peuvent se l’approprier et que les énergies internes sont bien focalisées dans la même direction. La recherche de la cristallisation du positionnement va s’effectuer de manière très différente selon qu’il s’agit d’un positionnement de compétitivité ou d’un positionnement de différenciation. Dans le cas du positionnement de compétitivité, il n’y a qu’un objectif : celui de s’assurer d’une maîtrise des coûts, d’une maîtrise des actifs et de leur perception par le client ou l’utilisateur.

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La cristallisation retenue est donc uniquement centrée sur cet objectif de compétitivité. Cela ne signifie pas qu’il est plus facile de la traduire par des mots, mais cela signifie que le message est totalement focalisé. Dans le cas d’un positionnement de différenciation, il existe de nombreuses manières de concrétiser ce positionnement puisque les sources de différenciation (produits/services, distribution, marque, clients) sont multiples ; il en résulte que la formalisation peut prendre des formes très différentes, faire appel à des univers très variés, comprendre des mots ou des associations de mots originaux ou curieux et intégrer des éléments émotionnels, subjectifs, esthétiques… Le schéma ci-dessous présente des exemples de formalisation en fonction du positionnement retenu ; si celui-ci est axé sur la compétitivité, tous les mots utilisés y font référence de manière très simple et très directe. En revanche, dans les positionnements de différenciation, on retrouve des éléments de nature différente, le point commun semblant être l’émotion. The first vacuum cleaner that does not lose suction Vous ne viendrez plus chez nous par hasard Faire du ciel le plus bel endroit sur terre Et vos envies prennent vie

Everyday low prices Elf les prix bas * Ce serait moche de payer plus More value for less Changer pour la banque la moins chère

Différenciation

Compétitivité

Banalisation

La démarche 3C (collecter, catalyser, cristalliser) permet d’avancer dans la cristallisation du positionnement de différenciation : • la première étape consiste à collecter tous les éléments qui contribuent à définir l’entreprise – notamment historiques –, ainsi que tous les éléments et les mots qui sont apparus comme saillants dans les études préalables, telles que l’analyse des mégatendances et les études et recherches concernant le client.

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Cristallisation du positionnement (exemples)

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Cristalliser le positionnement

Cette collecte doit comprendre des éléments rationnels factuels, mais aussi des éléments émotionnels. Analyser la manière dont les concurrents ou des acteurs dans d’autres secteurs formalisent leur positionnement est aussi très contributif ; • la seconde étape consiste à organiser les réponses et les éléments obtenus en un ensemble cohérent permettant de générer un nombre réduit de thèmes susceptibles de déboucher sur la cristallisation du positionnement ; • la troisième étape consiste à rechercher la formulation la plus pertinente afin de définir et de valoriser le positionnement retenu. Elle doit donner un élan, de l’émotion, des défis. Cette étape est évidemment très difficile et navigue entre deux écueils : soit la formulation est contenue en une phrase très impactante et le risque est que nul ne s’y reconnaisse (« Notre rêve est un monde sans pauvreté »), soit elle est éparpillée dans de nombreuses phrases et perd alors son impact. Que l’entreprise soit dans le domaine industriel ou grand public, elle doit cristalliser son positionnement ; pour l’entreprise industrielle, c’est l’opportunité de fédérer ses collaborateurs autour d’une ligne directrice partagée ; pour l’entreprise grand public, c’est l’opportunité de fédérer ses collaborateurs et de se doter d’une ligne directrice pour sa communication grand public. Ainsi, General Electric se livre systématiquement à ce travail de formalisation du positionnement pour chacune de ces divisions à l’intention des collaborateurs de l’entreprise. Certes, il n’est pas facile de mettre de l’émotion dans les produits industriels que commercialise GE, mais il y a néanmoins un élan dans chacune des « missions ». En voici quelques exemples : « Électroménager General Electric est un des plus importants fabricants d’appareils électroménagers dans le monde. Depuis 1907, nous avons continuellement proposé de nouveaux produits pour améliorer la vie des gens et économiser l’électricité. Nous continuons cet héritage aujourd’hui avec des innovations comme le four Advantium, le système Harmony pour les vêtements et plus. © Groupe Eyrolles

Éclairage Notre entreprise est née avec l’invention de la première lampe à incandescence dans le monde. Un siècle plus tard, GE apporte toujours de la lumière au monde. Nous continuons d’innover en proposant des technologies d’éclairage tel que les diodes fluorescentes qui fonctionnent avec plus d’efficacité, des coûts moindres et avec un impact réduit sur l’environnement.

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Rail GE a mis sur les rails plus de 15 000 locomotives, y compris notre série révolutionnaire EvolutionSérie, qui réduit les émissions de 40 %. Nous proposons aussi de la maintenance, de la réparation et des améliorations, des systèmes de signalisation et de communication et du suivi par Internet des infrastructures ferroviaires. Sécurité GE propose continuellement de nouvelles technologies pour aider les propriétaires à gérer leur maison, rendre les écoles plus sûres, améliorer la sécurité aérienne, etc. De plus nous pouvons intégrer de nouvelles technologies de la sécurité avec les systèmes existants. Eau Depuis plus d’un siècle, GE traite l’eau et les déchets des entreprises industrielles. Parmi nos innovations figurent les technologies de purification qui permettent de recycler jusqu’à 90 % des déchets. Les efforts comme ceux-ci assurent que cette ressource vitale est renouvelée pour les générations futures. Santé GE fait évoluer le traitement de la santé dans plus d’une centaine de pays avec sa vision d’un modèle basé sur la prévention, se focalisant sur les diagnostics précoces, les interventions et la prévention. Et, comme le monde évolue vers l’hôpital digital, nous montrons la voie avec des technologies pour gérer le patient, proposer des systèmes d’imagerie médicale et d’information1. » La manière dont L’Oréal a défini son positionnement est riche en émotions : « Nous avons la conviction que la cosmétique rencontre un rêve universel ; la quête de la beauté et du bien-être. En effet, elle touche chacun dans son intimité et son désir d’expression personnelle. Elle donne confiance en soi et permet de s’ouvrir aux autres. Elle démontre ainsi chaque jour son utilité. C’est pourquoi nous avons choisi de mettre notre recherche et notre expertise au service des hommes et des femmes du monde entier pour contribuer de notre métier » à répondre à ce besoin essentiel de bienêtre dans toute sa diversité.

Le 2 septembre 2004, Carlos Ghosn entre dans l’Ohsanbashi Hall à Yokohama pour présenter six nouveaux modèles d’un seul coup, du jamais-vu chez un constructeur japonais. Cette présentation s’accompagna d’un discours inattendu dont le premier mot frappa les esprits : « shift ». Puis il expliqua ce que cette notion de shift impliquait : « En changeant notre manière de penser, nous changeons 1.

Rapport annuel, site General Electric.

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De même, Danone a choisi d’exprimer son positionnement par la phrase suivante : « Partout dans le monde, faire grandir, mieux vivre et s’épanouir les hommes en leur apportant chaque jour une alimentation meilleure, des goûts plus variés, des plaisirs plus sains », ce qui est très différent du positionnement banal de l’un de ses concurrents : « Satisfaire chaque jour les besoins de tous partout dans le monde. »

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Cristalliser le positionnement

le regard que nous portons sur les choses, la façon dont nous agissons, la façon dont nous réagissons à ce qui se passe autour de nous. Cette évolution dans les valeurs qui sont les nôtres touche tout ce qui fait de Nissan ce qu’elle est. Elle implique que nous fassions évoluer les produits, les services, la technologie, les comportements, les performances. Shift, c’est à la fois notre identité et notre manière de fonctionner. » Ainsi, « shift » symbolise l’idée d’une entreprise qui cherche à voir les choses différemment, sous un autre angle, suivant une perspective nouvelle1. Dans la cristallisation de la différenciation n’oublions pas les superlatifs. À cet égard, la proposition de BMW est révélatrice : « Notre ethos trouve son expression dans la poursuite sans compromis du superlatif. Le résultat ? Des marques avec un profil unique des automobiles et des motos qui fascinent les gens tout autour du monde et qui chaque jour gagnent des légions de nouveaux admirateurs2. »

La manière de cristalliser les différents positionnements est résumée de manière schématique dans le tableau ci-dessous : Émotion Esthétique Valeur …

Prix Prix Prix …

Différenciation

Compétitivité

Banalisation

Cristallisation du positionnement

Peut-être la manière la plus élégante de faire passer le message de l’émotion, de l’esthétique ou des valeurs est-elle la poésie. C’est en tout cas ce qu’a pensé Michael Aidan, lorsque, directeur marketing Europe de Tropicana, il a écrit ce poème publié dans ESCP magazine : « Dans un marché typique dit de “commodités” Une marque Premium en croissance se trouvait

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Elle croissait en volume, plus encore en valeur Atteignant des niveaux qui parfois faisaient peur

1. 2.

Cf. Jean-Marie Dru, La Publicité autrement, Gallimard, 2007. Source : site BMW.

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Les bonnes explications ne manquaient pas, la preuve Mais aucune franchement n’était vraiment très neuve : Une qualité produit supérieure et constante Un prix très élevé qui n’aide pas la demande Une communication si simple qu’elle impacte les ventes Et des innovations qui font qu’on redemande Pourtant, comme partout, les erreurs furent nombreuses Mais aucune vraiment ne fut calamiteuse Une analyse profonde montra ce que l’on savait Et par là, confirma ce que faire il fallait La suite me demanderez-vous, vers où nous mène-t-elle ? Encore un peu plus haut, toujours plus près du ciel, Aller vers le plaisir, quitter le fonctionnel, Tenter de faire rêver du jus à la bouteille Au classique carton, gourmandise ajoutons À la publicité, une goutte d’émotion ; Le thème du tennis, en guise de promotion, Avec des porte-parole à belle réputation, Et tout ce qu’il faut de plus, digne d’un grand chelem Pour faire que tout le monde, même Justine Hénin aime Enfin et pour finir ce ne serait pas complet, Si de nouveaux parfums jamais bus n’arrivaient Et de nouvelles gammes, misant sur la santé Avec une nouvelle forme, pour mieux la distinguer. Il n’y a aujourd’hui que deux positionnements

1.

Publié avec l’aimable autorisation de Michael Aidan.

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Celui du moins coûteux, ou l’autre, du mieux-disant1. »

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Chapitre 4

PÉRENNISER LE POSITIONNEMENT

« Celui qui ne prévoit pas les choses lointaines s’expose à des malheurs prochains. »

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Confucius

Ce chapitre vise à inscrire dans le temps le positionnement ; il envisage les risques et les difficultés, et propose par de nombreux exemples les voies qui permettent d’assurer la pérennité de l’entreprise. • Le risque de dépositionnement • La difficulté du multipositionnement • La régénération permanente du positionnement – La reconquête du positionnement perdu – L’évolution du modèle de base – La revitalisation du modèle économique – La débanalisation • La tentation de l’ambivalence identrificatrice

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1.

Louis Pastina, directeur des opérations du New York Stock Exchange à propos du fait que les ordres sont maintenant exécutés en 5 millisecondes, contre 105 avant la mise en place d’un nouveau système, remplaçant le système antérieur qui avait 33 ans. La part de marché du NYSE est maintenant de 29 %, soit la moitié de ce qu’elle était en mars 2008 avec l’arrivée d’une concurrence nouvelle et intense. (Source : Wall Street Journal du 3 juillet 2009.)

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« On est locataire de son succès », disait Marcel Bleustein-Blanchet. Quand la concurrence s’intensifie, il devient de plus en plus difficile à une activité ou à une entreprise de se maintenir année après année parmi les meilleures. Les cycles de vie des produits, des technologies, des modèles économiques et des outils de management sont de plus en plus courts. Être leader sur son marché n’est plus suffisant pour s’assurer un succès durable. Les nouveaux entrants potentiels sont présents dans tous les domaines, armés de modèles économiques nouveaux, prêts à exploiter la moindre faiblesse des entreprises ou des activités matures. Les entreprises qui parviennent à se renouveler ne se concentrent pas sur des produits, des marchés et des clients précis ; elles savent qu’elles devront de toute façon évoluer avec le marché et avec la concurrence. Elles s’attachent donc à faire vivre leur positionnement et à le dynamiser en permanence. Malheureusement, toutes n’y parviennent pas : il est parfois plus difficile de durer que d’arriver. La menace de déstabilisation est en effet permanente, même pour les firmes qui paraissent les plus établies. La Bourse de New York, le New York Stock Exchange, établie de longue date, subit aujourd’hui l’assaut de nouveaux entrants et perd de la part de marché à grande vitesse : « Pour les concurrents qui sont arrivés sur le marché récemment, les barrières concurrentielles sont faibles ; ils peuvent ainsi arriver avec les technologies les plus récentes et sans les contraintes propres à un grand marché 1. » Assurer la pérennité du positionnement est une tâche ardue qui réclame une vigilance de tous les instants car les risques sont nombreux : • 1. le risque de dépositionnement ; • 2. la difficulté du multipositionnement ; • 3. la régénération permanente du positionnement ; • 4. la tentation de l’ambivalence identificatrice.

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Pérenniser le positionnement

Le risque de dépositionnement L’erreur majeure que peut faire un directeur du marketing est de faire perdre le positionnement à la marque ou à l’entreprise dont il a la charge. Un positionnement clair est en effet un actif de très grande valeur. Mais il peut arriver qu’une entreprise perde son positionnement, il est alors très difficile de le retrouver. Retour sur investissement

Différenciation

Compétitivité prix

Banalisation Volume actuel ou potentiel

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Les risques de dépositionnement Sony est une grande entreprise japonaise qui a longtemps eu un positionnement de différenciation basée sur des produits fortement innovants ; dans les années 1950, Sony sort le premier transistor commercial ; dans les années 1960, le téléviseur Trinitron ; dans les années 1970, le Walkman, devenu emblématique de ce positionnement ; dans les années 1980, le disque compact et, dans les années 1990, la PlayStation. Puis, au début des années 2000, la belle machine à innover se détraque avec le chien robot Aibo, lancé puis oublié, et de nombreux produits défaillants : écran en panne, walkman qui fond, lecteur DVD déformant, caméra vidéo incapable d’enregistrer, batteries qui prennent feu… « Cette liste croissante de produits défaillants rend très difficile de croire à la renaissance de Sony1. » Ainsi, Sony a perdu son positionnement différent basé sur l’innovation pour devenir une entreprise banale dont l’objectif était d’avoir des clients qui écoutent des disques Sony sur une chaîne Sony, regardent des films Sony sur du matériel Sony, jouent à la PlayStation Sony et ouvrent un compte à la banque Sony. Elle a donc multiplié les lancements de produits, souvent en imitant des produits existants (me-too product), comme le montre le tableau en page suivante.

1.

Financial Times du 25 novembre 2006.

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6 Md USD Mini-disc 1991 CD DAT 1982

Produits

Walkman 1979 Miniéléments Radiostransistors 1955

Catégories

Audio

Magnéto phones 1952

Moniteurs informatiques Moniteurs professionnels Couleur 1968 N&B 1960 Télé visions

Stéréos : maison et voiture

9 Md USD TVHD

Trans mission Navigation automobile 1/2” home et laser 1992 8mm numérique et bande 1985 Vidéo

Beta

Projecteurs

9 Md USD

8 Md USD Drives, PC LCDs 1992 Lasers Composants

ICs 1990

8 Md USD Personal intelligent communicators Cellulaires numériques Automation industrielle Télécom.

Contenu

Columbia Music et EPIC 1988

Films et contenu 1989

19 Md USD

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Malheureusement, aujourd’hui, l’entreprise n’est leader dans aucun segment de marché (sauf les caméras vidéo numériques) : elle est distancée par Samsung dans les téléviseurs, par Apple dans les baladeurs, par Nintendo et Microsoft dans les jeux. Elle est devenue un conglomérat éclectique avec des activités n’ayant que peu de rapport entre elles : elle est devenue banale. Voici le commentaire d’un magazine sur l’oreillette Bluetooth de Sony Ericsson : « Cette oreillette sans

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La prolifération des références chez Sony

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Pérenniser le positionnement

prétention et d’entrée de gamme a l’avantage de la simplicité. Il suffit de poser le doigt sur l’oreillette pour ouvrir ou couper la communication. Le son est correct sans plus, mais il est suffisant pour une communication ou pour écouter la radio le micro est correct et vous permet de vous faire entendre sans avoir à crier1. » Vous avez dit banal ?

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Comme le souligne l’analyste Tatsuya Mizuno (de l’agence de notation Fitch Rating) : « Dans le passé, Sony avait créé Sony Premium en inventant des produits qui le distinguaient des autres fabricants ; ça sera un vrai challenge de regagner cette position d’innovateur. » Perdre son positionnement est extraordinairement coûteux : la capitalisation boursière de Sony est passée de 128 milliards de dollars en l’an 2000 à 33 milliards en 2010 alors que, sur la même période, la capitalisation boursière d’Apple est passée de 8 à 177 milliards de dollars. Au début des années 2000, Conforama est le numéro 1 français du meuble et le numéro 2 de l’électroménager ; son résultat en 2000 est égal à 9,6 % du chiffre d’affaires. L’aventure a commencé en 1967 avec l’ouverture d’un premier magasin à Lyon. En l’an 2000, la firme a environ 200 magasins en France et est présente en Espagne et au Portugal. Son positionnement de compétitivité est symbolisé par son slogan publicitaire : « Le pays où la vie est moins chère ». Puis, en 2001, la firme embauche un nouveau directeur général et engage une évolution de son positionnement ; son nouveau slogan : « Le bien-être ça n’attend pas » est très révélateur : il n’est plus fait mention de la compétitivité. La firme développe une nouvelle identité visuelle, un nouveau concept de magasins et une nouvelle offre pour apporter une réponse plus pertinente (!) aux consommateurs et rajeunir son image ; elle se fixe pour objectif de faciliter l’accès au bien-être chez soi. Ce début de dépositionnement entraîne une confusion chez les clients traditionnels ; les résultats s’en ressentent puisque le résultat net de 2004 s’établit à 7,3 % et celui de 2005 à 5,6 % du chiffre d’affaires. En 2005, alarmé par la baisse des résultats, le conseil d’administration nomme un nouveau patron avec une mission précise : « Maintenant on doit refaire du Confo. » Le nouveau patron comprend qu’il doit revenir à un positionnement plus clair sur la compétitivité et le traduit par un nouveau slogan publicitaire : « Bien chez-soi, bien moins cher » où l’on reparle de la compétitivité prix. Comme le souligne le communiqué de presse publié à l’époque, Conforama change sa signature publicitaire, fait évoluer sa stratégie de communication et réaffirme sa vocation de discounter. Le distributeur revient alors vers des meubles plus traditionnels et moins de meubles design et de meubles contemporains, améliore la logistique et fait baisser les prix avec des campagnes publicitaires sur le thème « des prix de ouf ». Malheureusement, ce repositionnement tardif ne se matérialise pas par la rentabilité : le résultat de 2009 s’établit à 2,4 % du chiffre d’affaires et Conforama perd sa place de numéro 1. Le dépositionnement a été perçu par les consommateurs. Cette perception semble durable.

1.

Challenges, n° 230, 28 octobre 2010.

113

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Les hypermarchés Carrefour France connaissent une problématique similaire ; en effet, à son origine au milieu des années 1960, Carrefour a adopté un positionnement de compétitivité très affirmé soutenu par des campagnes de publicité centrées sur les prix, notamment avec la publication régulière d’un indice des prix. Mais progressivement ce positionnement s’est étiolé : • la symbolique d’effet d’échelle mentionnée précédemment à propos de WalMart (cf. page 98) n’est plus toujours présente, notamment lorsqu’il arrive qu’un magasin mette en vente un jacuzzi à 3 000 euros (centre commercial « Le Collégien » à Torcy) ; • la symbolique de désintermédiation est elle aussi atténuée : des magasins très beaux, avec du parquet au sol dans les rayons textiles, des salles de bains et des cuisines présentées en situation, des rayons cosmétiques avec des lumières tamisées ; • pour le client du magasin, comprendre le prix final auquel il achète un produit compte tenu des promotions, des cartes de fidélité, des 3 pour 2 et des 2+1, etc. relève du calcul mental rapide. « Bien que réputé pour l’étendue de son offre et la qualité de ses marques, Carrefour traîne toujours une image d’enseigne chère. Son attractivité prix baisse tandis que celle de Leclerc augmente1. » ; 23 % des clients trouvent que l’enseigne propose des prix d’attaque attractifs, contre 44 % chez Leclerc. Comme le souligne le président Lars Olofsson : « Nous n’avons pas un problème de prix, nous avons un problème d’image prix2 » ; mais la communication sur le thème « Le positif est de retour » ne parle toujours pas de prix. Les résultats (part de marché, bénéfices) se ressentent de cette dégradation du positionnement.

Le risque de dépositionnement stratégique est important. Une fois la perception du client entachée de suspicion, l’entreprise se trouve en effet prise dans un engrenage qu’il est difficile d’arrêter. Mener à bien un positionnement de compétitivité et conserver le cap requièrent une obstination et une constance quotidienne, bref une culture très spécifique.

Chaque positionnement s’appuie sur un modèle économique qui lui est propre et qui nécessite une culture d’entreprise et des compétences bien spécifiques : la vendeuse de Zara a pour mission de veiller au désordre apparent du magasin et de remettre 1. 2.

Source : TNS World panel in La Tribune, septembre 2008. Le Figaro du 13 octobre 2009.

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La difficulté du multipositionnement

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Pérenniser le positionnement

les vêtements en rayon au moment opportun ; la vendeuse d’une boutique Dior a pour mission d’écouter et de comprendre les attentes de sa cliente en lui apportant des réponses individualisées. Deux cultures bien différentes. Se pose alors la question pour certaines entreprises de mener simultanément un positionnement de différenciation et un positionnement de compétitivité. Même si elles ne sont pas très nombreuses, certaines entreprises font cohabiter les deux types de positionnement, mais en conservant des chaînes de valeur bien spécifiques et séparées et en maintenant des modèles économiques clairs (Swatch, Happy/Monceau Fleurs…) ; d’autres, au contraire, perdent un peu leur latin en mélangeant les genres (Accor, par exemple). Le groupe Swatch comprend 18 marques, 156 ateliers, emploie 21 000 salariés et produit 17 millions de montres par an (soit 1,5 % du marché en volume et 25 % en valeur). Le chiffre d’affaires s’élevait en 2006 à 3,12 milliards d’euros et le résultat net à 467 millions d’euros : • 50 % de ce chiffre d’affaires est réalisé par des montres de luxe : Omega, Breguet, Longines, Jaquet Droz, Blancpain… ; cette activité, construite autour d’une stratégie de différenciation, représenterait plus des deux tiers des bénéfices du groupe ; • 17 % du chiffre d’affaires est constitué par des marques d’entrée de gamme telles que Swatch, Flik Flak, Endura au positionnement stratégique clair basé sur la compétitivité ; cette activité représenterait moins de 20 % des résultats du groupe ; • 10 % du chiffre d’affaires est constitué par des marques « milieu de gamme » (Calvin Klein, Tissot, Hamilton, Certina, Mido…) ; • enfin, 23 % du chiffre d’affaires est généré par la joaillerie et la fabrication de mouvements.

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Dans les faits, la direction générale laisse les activités dont les positionnements sont très différents se gérer de manière relativement autonome tant sur le plan industriel que sur le plan commercial. Sur le plan industriel, la Swatch est fabriquée à la chaîne, une première en Suisse dans le domaine de l’horlogerie. Outre la fabrication en chaîne, afin de réduire les coûts, la Swatch (contraction de Swiss et de Watch) requiert une centaine de composants de moins qu’une montre traditionnelle (soit 51 pièces) et bénéficie d’un procédé de fabrication spécifique : dans les alvéoles du boîtier plastique, deux modules préassemblés sont rivetés par ultrasons ; le verre est soudé directement sur le boîtier. Montre bon marché, elle fait l’objet d’un renouvellement permanent qui en fait un objet courant de grande consommation de masse. Elle est vendue

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dans des boutiques Swatch ou dans des « corners » propres à Swatch ainsi que dans des points de vente indépendants à des prix allant de 10 à 120 euros pour un prix moyen de 48 euros ; depuis son lancement en 1983, elle a été produite à plus de 350 millions d’exemplaires. Les entreprises du groupe qui suivent un positionnement de différenciation ont des modèles économiques avec des fonctionnements industriels et commerciaux totalement différents. Sur le plan industriel, pas de production en série. Les ingénieurs du groupe mettent au point des mouvements extrêmement sophistiqués, complexes, ainsi que des mouvements présentant des caractéristiques exceptionnelles, telles que, par exemple, la Delirium Tremens (dont le nom est bien révélateur d’une stratégie de différenciation) ou la 1 735 de Blancpain (vendue 600 000 euros) et constituée de 750 pièces assemblées par un maître horloger pendant un an), ou la montre la plus fine du monde (moins de 2 mm). Ces mouvements sont produits à la main par des maîtres artisans très qualifiés. Quant à l’approche commerciale et marketing, elle est spécifique à chaque marque et bien entendue très différente de l’approche Swatch.

Dans les deux cas évoqués ci-dessus, Swatch, et Monceau Fleurs/ Happy des positionnements différents n’ont en commun que leurs actionnaires. Mais, de toute évidence, les « commonalités » entre les activités sont réduites. Au contraire, tout est fait pour que les modes de fonctionnement restent bien séparés : modèles économiques spécifiques, production séparée, marketing spécifique, forces commerciales propres, formation spécifique, marques spécialisées… Comme le déclare le CEO d’Electrolux, Hans Stråberg : « Nous avons décidé que nous pouvions gagner de l’argent

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Happy est une chaîne de distribution de fleurs qui appartient aux mêmes actionnaires que Monceau Fleurs ; le positionnement de chaque enseigne est radicalement différent. Monceau Fleurs se positionne en différenciation avec un modèle économique qui repose sur des magasins de grande taille en général situés à un coin de rue, un personnel important (en moyenne 12 personnes), de nombreuses références (300 en moyenne) et une capacité à donner des conseils personnalisés aux clients. Monceau Fleurs cristallise son positionnement par le slogan : « On vous en donne plus ». Happy se positionne sur la compétitivité avec des prix agressifs (environ 1,90 euro par fleur contre 4 euros chez un détaillant de quartier), n’a pas de chambre froide, la décoration est réduite, la caisse enregistreuse est intégrée à la table d’emballage pour limiter les déplacements du personnel ; l’approvisionnement se fait en grande quantité au Kenya ou en Thaïlande de même que les bolducs et les feuilles d’emballage achetés en Pologne ; quatre salariés par magasin et une formation spéciale pour emballer les bouquets en quatre gestes précis. Happy propose en moyenne 50 références de fleurs et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 000 euros par jour contre 800 à 1 000 pour un magasin classique.

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Pérenniser le positionnement

aux deux pôles du marché, à condition de séparer les business models. Par exemple, une des conditions est de séparer les forces commerciales. D’un côté, vous vendez des réfrigérateurs de base ; vos commerciaux cherchent à réaliser du volume à un certain niveau de prix. D’un autre côté, vous travaillez avec des consommateurs et des détaillants qui vous achètent des “solutions cuisine” pour des besoins spécifiques. La même force de vente ne peut pas jouer les deux rôles. Et même si la même personne le pouvait, vous devez vous focaliser pour mieux servir le détaillant1. » Dans le secteur de l’hôtellerie, la chaîne Marriott fait partie des rares entreprises qui réussissent à maîtriser le succès aux deux pôles du marché, alors que son point d’ancrage initial est l’hôtellerie bon marché. À l’origine, en 1927, J. Willard et Alice Marriott ouvrent un restaurant-bar A&W à Washington ; l’entreprise se développe et prospère en ouvrant des restaurants-bars ; en 1957, les deux partenaires ouvrent un hôtel « milieu de gamme », The Twin Bridge Motor Hotel à Arlington (Virginie) ; aujourd’hui, les hôtels milieu de gamme sous les marques Marriott et Renaissance représentent encore 47 % de l’activité du groupe ; ce chiffre descendra à 35 % à l’horizon 2008-2010 car le groupe, conscient du phénomène de bipolarisation, investit beaucoup dans le haut de gamme avec la marque RitzCarlton acquise en 1995 et dans la partie compétitive du marché avec la marque Courtyard by Marriott. Aujourd’hui, Marriott dispose de 60 hôtels Ritz-Carlton dans dix-neuf pays offrant 19 000 chambres en concurrence directe avec Four Seasons (62 hôtels dans 26 pays et 16 000 chambres). Par ailleurs, la part de l’offre économique dans le portefeuille de Marriott a augmenté de 11 % sur la dernière décennie avec un million de chambres supplémentaires sous les marques Courtyard, SpringHill et Fairfield. Le groupe n’ajoute de la capacité que dans le haut de gamme et dans le bas de gamme, reconnaissant que la rentabilité du milieu de gamme est inférieure au coût du capital.

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La régénération permanente du positionnement Aucun modèle économique n’est pérenne. La déconstruction est à l’œuvre. Sous l’effet de nombreux facteurs, elle s’accélère. Qu’elles le veuillent ou non, les entreprises doivent en permanence reconsidérer le modèle économique qui sous-tend leur positionnement sous peine de disparaître. Une telle démarche est cependant rarement spontanée. C’est le plus souvent en période de difficultés que les entreprises révisent leur modèle économique et le font 1.

Source : McKinsey. Quarterly n° 4, 2006.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

évoluer. Les modèles économiques sont comme la bicyclette, il faut avancer pour garder l’équilibre. Voici quelques manières de « garder l’équilibre » : • la reconquête du positionnement perdu (Lacoste) ; • l’évolution du modèle de base (Mercedès poids lourds, Monoprix) ; • la revitalisation du modèle économique (Cisco, Xerox) ; • la débanalisation (Primagaz).

L’entreprise Lacoste a été créée en 1933 par le tennisman René Lacoste associé au bonnetier André Gillier. Créatrice du polo orné d’un crocodile vert, elle a connu un développement spectaculaire dans le monde entier jusqu’aux années 1990. Puis le modèle économique basé sur une production réalisée essentiellement en France ou par des licenciés (comme Izod aux États-Unis) et une distribution à des revendeurs indépendants s’est essoufflé. Le positionnement, clair au départ, s’est progressivement érodé. Les années 1990 ont vu un fort ralentissement de la croissance des ventes ; aux États-Unis, les résultats sont devenus négatifs (5 millions de dollars de pertes en 1999) pour un chiffre d’affaires de 25 millions de dollars. La non-maîtrise de la distribution a entraîné une dégradation de l’image de marque : les polos Lacoste se trouvaient en effet en vente chez Wal-Mart bradés à 35 dollars. La marque s’est laissé dépositionner progressivement et s’est banalisée. La marque entreprend alors la reconquête de son positionnement antérieur, celui de la différenciation et reconstruit un modèle économique cohérent avec le positionnement recherché. Le producteur comprend alors que le contrôle de l’image de marque passe par le contrôle des magasins. Il reprend en main sa distribution, rachète distributeurs et licenciés. En gérant activement son portefeuille d’activités et en le recentrant sur Lacoste après la cession des marques Orly, Gil, Polichinelle, Scandale, etc., il génère suffisamment de liquidités pour ouvrir ses propres boutiques en Floride et à New York, où il investit plus de 70 millions d’euros pour s’installer sur la 5e avenue. Il compte aujourd’hui près

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La reconquête du positionnement perdu

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Pérenniser le positionnement

d’une centaine de boutiques aux États-Unis organisées selon un concept de magasins basés sur « la rondeur » et le blanc, permettant une lecture simplifiée de l’offre et sa mise en valeur. La transformation d’un magasin traditionnel en un nouveau magasin utilisant ce concept dégage dans la plupart des cas une augmentation de pratiquement 50 % des ventes au mètre carré : à chaque rénovation les vendeurs sont formés au code du haut de gamme. Le réseau compte aujourd’hui plus de 1 000 boutiques. Parallèlement, l’entreprise remet à plat son outil industriel, diminue les capacités de production en France et développe des usines à l’étranger. C’est aujourd’hui l’usine du Pérou qui alimente les ÉtatsUnis, chaque vêtement recevant une étiquette « Designed in France, made in Peru ». Le traditionnel polo Lacoste est aujourd’hui vendu 69 dollars, soit dans les boutiques Lacoste, soit dans des magasins chic tels que Bloomingdale’s, Barney’s ou Neiman Marcus. La remise en question forcée du modèle traditionnel et le repositionnement vers la différenciation, appuyé sur un nouveau modèle basé sur le contrôle de la distribution, s’avèrent un succès : le chiffre d’affaires mondial a été multiplié par 3 en dix ans pour atteindre en 2007 le montant de 1,6 milliard d’euros. La marque s’est débanalisée.

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L’évolution du modèle de base Mercedes est le plus gros producteur mondial de véhicules industriels, avec une très bonne gamme intermédiaire et une concurrence frontale avec les spécialistes tels que Volvo ou Scania dans la gamme haute. Lorsque le modèle traditionnel commence à s’éroder avec la diminution de la contribution des pièces détachées à cause du poids croissant des entreprises de location et de leasing) et que Mercedes voit son réseau de concessionnaires et d’agents s’affaiblir en partie parce que les véhicules sont plus fiables et en partie parce que le constructeur traite en direct les gros clients, l’entreprise réfléchit à faire évoluer son modèle économique. Elle constate alors que, sur la durée de vie d’un véhicule, la moitié lui échappe. Elle propose alors à certains de ses clients une modification de leurs relations non plus en vendant des véhicules, mais en vendant

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1.

Bernardo Sanchez Incera, directeur général, in Challenges, n° 77 du 26 avril 2007.

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l’utilisation du véhicule, ce qui permet à Mercedes de contrôler l’ensemble du processus qui est alors encadré par un contrat (contract hire) dont la profitabilité s’avère meilleure que la vente traditionnelle de véhicules industriels, notamment par une meilleure réalisation du prix net. Dans le domaine des biens de grande consommation, Monoprix fait évoluer son modèle économique vers toujours plus de services : baby-sitter, femme de ménage, garde-malade, jardinier, gardien pour surveiller la maison pendant les vacances… « Toute l’histoire de Monoprix est celle d’une adaptation permanente à son environnement. Au départ, quand les centres-villes étaient populaires, nous faisions du prix bas. Puis le profil des citadins a évolué. Notre positionnement aussi, en privilégiant la qualité et l’innovation1 ». La cible de Monoprix, ce sont des clients qui veulent du service et du choix et sont prêts à payer plus cher pour l’obtenir : produits hypoallergéniques, produits issus du commerce équitable et respectueux de l’environnement… Le distributeur veut incarner le raffinement plutôt que l’abondance : • nouveau design des marques propres : logo couleur prune, symbole de gourmandise ; emballage très épuré, sur fond blanc ; • nom des produits à rallonge si possible en VO (raviolis aux épinards = ravioli alla ricotta spinaci e grana padano) comme au restaurant ; • sandwichs : jambon-crudités (moins de 3 euros) = chiffonnade de jambon rôti-crudités sauce yaourt sur pain aux flocons de blé malté (4 euros) ; • remplacement de la musique d’ascenseur par Radio Monop’ qui diffuse des chroniques dans l’air du temps (signées Maryse) ; • rayon textile : aération de l’espace pour augmenter le plaisir d’achat : allée centrale élargie de 1 m à 1,4 m pour encourager la balade, hauteur des rayons réduite de 1,65 m à 1,4 m pour que le client puisse balayer l’ensemble du rayon, spots éclairant les vêtements, mannequins ; croissance du rayon : 8 %.

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Pérenniser le positionnement

Pour compléter son offre de services, Monoprix crée des petites surfaces alimentaires, les Monop’, ouverts jusqu’à minuit et offrant des gammes de produits frais qui peuvent être dégustés immédiatement ou à la maison. Ce positionnement différent assure à Monoprix un bénéfice d’exploitation exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires à plus de 8 %, soit le double des meilleurs opérateurs dans la distribution alimentaire traditionnelle.

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La revitalisation du modèle économique Créé par une équipe de chercheurs de l’université de Stanford en 1984 pour commercialiser une technologie de routeurs, Cisco connaît un développement rapide pendant ses premières années. Cependant, à partir de 1994, la croissance ralentit. En effet, les réseaux informatiques deviennent de plus en plus complexes, en évolution permanente et les clients commencent à privilégier les fournisseurs qui leur offrent des solutions couvrant toutes les technologies nécessaires. Ils exigent plus de fonctionnalités que celles que leur apportent les seuls routeurs Cisco. Ils demandent des solutions de réseaux qui incorporent de multiples technologies et de multiples outils. L’entreprise Cisco réalise alors qu’elle doit évoluer et devenir un fournisseur de solutions. Pour y parvenir, elle a deux options : soit investir beaucoup en recherche et développement pour développer les nouvelles technologies nécessaires, soit acquérir les produits et les technologies nécessaires par des acquisitions ciblées. Elle choisit la seconde option. La première acquisition sera Crescendo Communication, achetée en 1993 pour 90 millions de dollars. Suivront de nombreuses autres acquisitions. Cette stratégie du service permet aujourd’hui à Cisco de proposer à ses clients les solutions de réseau les plus complètes du marché. Le recours à des acquisitions a été systématisé ; une direction se consacre totalement aux acquisitions et à leur intégration. Ce transfert du produit vers les services permet à Cisco d’être une solution one stop shopping pour ses clients qui n’ont plus à s’adresser à de multiples fournisseurs pour monter leurs réseaux, diminuant ainsi les coûts d’intégration et améliorant la qualité du service rendu.

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Entre se transformer ou mourir, Xerox a choisi de se transformer. D’une entreprise classique qui vend des machines à faible marge et des consommables à forte marge, Xerox veut devenir une entreprise de services. Après avoir constaté que l’impression sur papier n’est qu’une petite partie de la chaîne du document, la firme propose de gérer toute cette chaîne à la place du client. Ainsi, Xerox veut devenir un interlocuteur spécialisé dans la gestion des documents, capable de distinguer l’information utile. C’est la raison de l’achat d’Affiliated Computer Services (ACS) principal acteur de l’externalisation du traitement des documents. Xerox est dès lors capable de proposer la prise en charge de toute la chaîne du document : la correspondance, la numérotation, l’indexation de tous les documents, la mise sous enveloppe, etc. Comme le déclare la présidente Ursula Burns : « Vous croyez que c’est l’impression qui coûte cher ? Erreur. Si une page imprimée vaut sept dollars, le coût de l’impression n’est que de un dollar. Le reste, c’est la chaîne de production du document, c’est là que nous pouvons faire baisser les coûts1. » Mais Xerox va plus loin en considérant un modèle économique dans lequel la firme va s’occuper non seulement du document imprimé, mais aussi du traitement de l’information, en donnant comme exemple le contrôle des véhicules par radar automatique ; Xerox propose une technologie qui analyse la photo prise par le radar, cherche à qui doit appartenir la plaque et vérifie ensuite qu’il y a bien correspondance entre le véhicule identifié et le numéro d’immatriculation.

Au début des années 2000, Primagaz est un fournisseur de GPL doté d’un positionnement banal parlant à ses clients de citernes et de prix du gaz à la tonne. Malgré un marché en croissance (les logements neufs ou la rénovation des systèmes de chauffage offrent chaque année 700 000 opportunités de vendre une solution de chauffage GPL), Primagaz constate une baisse importante du nombre de nouveaux clients créés chaque année, un taux de résiliation en hausse résultant en une création nette de nouveaux clients négative. 1.

Challenges n° 231 du 4 novembre 2010.

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La débanalisation

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Pérenniser le positionnement

Cette baisse trouve son explication par la prise de parts de marché de l’électricité en tant qu’énergie de chauffage alors même que celle-ci est plus chère (12,93 centimes d’euros du kilowattheure contre 7,37 du kilowattheure pour le GPL). De plus, Primagaz répond de moins en moins aux nouvelles attentes émergentes des consommateurs (prix des énergies, émissions de CO2, problématique du réchauffement climatique). L’entreprise constatant que son offre banalisée était substituée par des offres différentes s’engage dans une réflexion sur un nouveau positionnement. Celle-ci s’organise autour du conseil en énergie : au lieu de vendre du gaz en citernes, elle va proposer des « solutions énergie ». Ces solutions énergie vont s’organiser autour de 8 thèmes (extrait de la plaquette commerciale 2010) : • diagnostic et efficacité énergétique, • préconisations, • énergies renouvelables, • mise en œuvre par des partenaires, • financement, • l’énergie chez vous, • modes de consommation, • maintenance sécurité1.

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L’ensemble des 80 commerciaux ainsi que leurs managers vont être formés pendant douze mois au conseil en énergie qui, outre la connaissance technique, va comprendre des formations sur l’analyse des besoins du client. Pour aider à la prise de conscience, l’entreprise fait fabriquer une citerne rose bonbon, véritable buzz qui va devenir le symbole du changement chez l’ensemble des collaborateurs et contribuer à transformer l’entreprise. Quelques années après ce repositionnement, l’entreprise retrouve une croissance et une création nette positive de son nombre de clients, après quatre ans d’érosion, et consolide son repositionnement vers la différenciation en captant de nouveaux services (photovoltaïque, récupération d’eau de pluie…).

1.

Extrait de la plaquette commerciale 2010.

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La tentation de l’ambivalence identificatrice L’entreprise qui s’est créé un positionnement très fort peut parfois être tentée de s’aventurer aux frontières de ce positionnement. Les résultats à court terme sont souvent bons : en effet, l’entreprise positionnée en différenciation et jouissant d’un privilège de prix peut attirer de nouveaux clients en lançant un programme promotionnel de baisse des prix ; mais, à moyen terme, un tel changement est mal perçu par les clients traditionnels qui ont le sentiment que la marque n’a pas respecté ses engagements vis-à-vis d’eux. L’entreprise met ainsi en jeu son positionnement. Néanmoins, on observe dans certains domaines, soit, sur des périodes limitées dans le temps, une ambivalence éphémère (par exemple, quand H&M fait appel à de grands couturiers – Stella McCartney, Lanvin… pour créer des collections éphémères), soit le maintien d’une ambivalence systématique qui devient dès lors identificatrice. En 1970, Ralph Lauren gagna le City Award pour la création exclusive d’une ligne d’habillement pour homme ; puis, il créa une ligne pour les femmes taillée dans un style masculin. Cette ligne vit pour la première fois l’emblème de la marque : le cavalier joueur de polo. En 1972, il créa ses fameux polos manche courte sortis dans plus de 24 coloris. Les polos devinrent bientôt un classique. Ralph Lauren gagna la reconnaissance du public en fournissant la garde-robe du film Gatsby le Magnifique. Au cours des années 1980, il se lance dans la production d’accessoires pour la maison, afin de diversifier la gamme de produits de sa compagnie. C’est plus tard dans les années 1990, qu’il lance la ligne Polo Sport avec laquelle il connaît un grand succès. Le 11 juin 1997, Polo Ralph Lauren entra en Bourse, au New York Stock Exchange, avec pour symbole RL. L’ambivalence identificatrice se matérialise dans les produits, la distribution, les marques et les prix :

• la distribution : du magasin « flagship » de 1 500 m2 aménagé par les équipes internes spécialisées au petit magasin d’usine de l’île Maurice ou au corner du magasin d’État de Saïgon, l’étendue est grande ; • depuis Polo en 1967, Ralph Lauren a créé beaucoup d’autres marques : Purple Label, Ralph Lauren Collection, Polo Ralph Lauren, Polo Black Label, RRL (Double RL), RLX, Polo Golf, Polo Jeans Co, Rugby, Chaps ;

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• les produits : du costume trois pièces rayé au T-shirt siglé, de la robe du soir au jean préusagé, la gamme de produits proposés est extrêmement vaste et relativement inhabituelle dans ce secteur ;

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Pérenniser le positionnement

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• l’écart de prix entre les marques est parfois substantiel ; ainsi, dans le cas des polos l’écart peut atteindre un ratio de 1 à 20 ; avec la prolifération des imitations et des copies (en partie due à des accords de licence mal négociés), le polo Ralph Lauren bénéficie d’une grande diffusion et devient populaire ; et pourtant, dans ses magasins très bien agencés, Ralph Lauren vante aussi bien les marques très chères que les marques bon marché. Cette ambivalence semble pérenne et contribue à donner à cette marque sa spécificité.

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Focus

UN EXEMPLE DE REPOSITIONNEMENT : VALENTINE

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Ce moment de vie professionnelle est réel ; les chiffres sont fidèles mais ont été convertis en indices. C’est à cause de l’insistance d’un chasseur de tête et le pouvoir de conviction d’un Australien survolté que je me suis retrouvé dans ce bureau attenant à l’usine comme PDG de la Cie des Vernis Valentine (CVV). Le groupe britannique ICI avait acheté cette entreprise trois ans plus tôt et désespérait de voir un jour apparaître les premiers bénéfices. Ayant été recruté directement par la maison-mère, je n’y connaissais personne. Mais c’est avec la plus grande courtoisie que le directeur général adjoint, JS, m’a présenté l’entreprise et m’a fait visiter les différents sites et les différentes activités : peinture de décoration grand public, peinture carrosserie, peinture industrielle. La maison-mère m’avait auparavant expliqué ne pas comprendre comment cette entreprise, leader sur son marché avec une marque bien connue, engrangeait des pertes. Ma mission était claire : rétablir au plus

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vite la situation, notamment dans la division des peintures de décoration grand public qui semblait souffrir le plus. Le point de vue du directeur général adjoint était que la compagnie était proche de l’excellence opérationnelle, mais était pénalisée par la lourdeur d’un reporting qu’elle devait effectuer auprès du siège. Il a étayé ce point de vue lors de la visite de la principale usine, située à Grand-Quevilly près de Rouen. L’usine était en effet certifiée ISO 2002 et utilisait le logiciel SAP pour la gestion de production ; la qualité de service était bonne et tous les objectifs de sécurité, d’hygiène et d’environnement étaient parfaitement respectés. Il m’a indiqué que la marque Valentine détenait 16 % du marché grand public devant Avi (15 %), et Ripolin (8 %) ; qu’elle bénéficiait d’une excellente distribution avec un taux de distribution numérique (DN) et de distribution valeur (DV) en grandes surfaces de bricolage (GSB) excellent, très bon en grandes surfaces alimentaires et moyen chez les magasins indépendants. Elle n’est pas présente sur le marché professionnel. Il m’a indiqué à plusieurs reprises que les actionnaires étaient très impatients, très pointilleux sur le reporting et exigeaient sans arrêt de meilleures performances.

Le marché de la peinture est très segmenté en fonction de l’utilisation finale et des applicateurs. On y trouve en effet trois grands segments : • la décoration, elle-même sous-segmentée en marché grand public et marché professionnel ; • l’automobile, elle-même sous-segmentée en première monte et carrosserie ; • l’industrie qui recouvre de très nombreuses applications (industrielle, navale…) ainsi que de nombreuses technologies avec notamment les peintures en poudre. Le marché de la peinture de décoration est stable voire en déclin, attaqué par de nombreux phénomènes de substitution directe (papier peint, tissu, plafonds tendus…) et indirecte liés à la

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Puis j’ai rencontré les directeurs de division ; en ce qui concerne la division décoration, Yves et la directrice du marketing Élisabeth m’ont présenté le marché.

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Un exemple de repositionnement : Valentine

conception des immeubles et maisons. Au sein de ce marché, le segment professionnel est trois fois plus important que le segment grand public. Les produits ont techniquement peu évolué depuis longtemps, sauf quelques-uns sous la pression de l’environnement (la peinture au plomb a été interdite). Sur le marché grand public coexistent des marques connues depuis longtemps mais vieillottes et banalisées, de nombreuses petites marques locales peu connues (représentant 28 % du volume et 21 % du marché en valeur) ainsi que des marques de distributeurs (27 % en volume et 19 % en valeur). Les marques grand public communiquent peu, mettant en général en avant des caractéristiques fonctionnelles (application facile, pas d’odeur…). Il est vrai que les consommateurs sont peu impliqués : 70 % ignorent la marque achetée et 55 % d’entre eux ne se souviennent d’aucune publicité. Les prix sont peu différenciés entre les marques, mais sont globalement plus élevés que les marques distributeurs.

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Le marché professionnel est dominé par un leader fort : La Seigneurie, qui dispose d’environ 40 % du marché, contrôle sa propre distribution et bénéficie d’une belle rentabilité. Avi et Ripolin font partie du même groupe. Quelques opérateurs tels que Sikkens et Corona sont présents sur les deux marchés (grand public et professionnel), mais ont des parts de marché relativement faibles. Tollens est une marque un peu à part qui présente toujours des produits très innovants et bénéficient souvent de la recommandation des architectes. En consultant les rares études disponibles sur le marché, ma conviction a été vite faite et bien banale. Le marché était totalement mature et la bipolarisation était à l’œuvre avec, d’un côté, des marques distributeurs et des marques locales jouant sur la compétitivité prix, de l’autre quelques marques comme Tollens essayant de se démarquer par l’innovation, et les principales marques telles que Valentine, Corona, Avi, Ripolin se débattant dans la banalisation. Comme le dit Jack Welch, il faut rechercher la débanalisation. Aller vers la compétitivité n’était guère

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L’équipe a donc travaillé sur le concept de décoration. en élaborant plusieurs lignes directrices convergeant vers le même objectif, celui d’un repositionnement vers la différenciation : • recherche de nouveaux produits : il est toujours difficile pour le consommateur de faire le choix de sa peinture et de la couleur de telle sorte que 60 % des volumes vendus sont du blanc ; pour faciliter le choix du consommateur a été lancée la gamme des blancs nuancés ; puis la gamme première touche (un petit pot avec un pinceau incorporé qui permet de faire un essai en réel) ; • amélioration du service auprès des grandes surfaces de bricolage afin qu’elles aient toujours en linéaire les références recherchées par les clients ; d’où la mise en place d’un système de livraison performant et d’un indicateur de mesure OTIF (« On time In full ») suivi et partagé par tous les sites ; • hausse du prix moyen de vente, d’une part, par l’augmentation du prix des produits individuels, mais aussi par l’effet de la gamme ; • communication foncièrement différente auprès des consommateurs et surtout des consommatrices par des campagnes esthétiques. Cette ambition s’est traduite par la création d’un emblème fort et pertinent : la panthère noire, symbole de grâce, de

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possible, compte tenu d’une base de coût relativement élevée ; il fallait donc aller vers la différenciation. Parmi les sources de différenciation possibles, la plus forte nous est apparue comme étant le client. En effet, la plupart des études suggéraient que, dans un foyer, c’était en fait la femme qui prenait la décision et qui choisissait la peinture sur la base d’un projet de décoration, même si c’est son mari qui l’appliquait. Dans un marché très traditionnel où l’acte de peindre était vécu comme un acte technique voire laborieux, la marque a proposé un concept neuf qui a préempté une tendance forte : « la décoration ». La peinture est un des éléments qui participent à la personnalisation et à la décoration de la maison ; le concept permettait de passer de la peinture fonctionnelle (la marque AVI faisait campagne sur le thème : plus vite, sèche en quelques minutes, pas d’odeur) à la peinture esthétique qui embellit le cadre de vie.

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Un exemple de repositionnement : Valentine

souplesse et d’esthétique ancrée dans l’imaginaire populaire. La panthère capte les valeurs féminines montantes. Je suis allé soumettre cette stratégie de repositionnement vers la différenciation à la maison-mère qui m’a donné un accord du bout des lèvres à condition que les résultats viennent vite. Malheureusement, tel n’a pas été le cas puisque l’année n+1 a été la pire en termes de résultats. De plus, le concept publicitaire, très éloigné des normes de la profession a été accueilli avec réserve. J’ai dû faire plusieurs voyages au siège pour « acheter du temps ». Plusieurs éléments favorables ont commencé à se manifester lors de l’année n+2 : • d’une part, le privilège de prix par rapport à la concurrence directe est resté significatif et stable ; il devait beaucoup progresser dans les années ultérieures ;

160 140

Indice de prix

120 100 VALENTINE

80

AVI

60

RIPOLIN

40 20 0

1988 1989 1990 1991 1992 1993 Indice de prix vs 100 marques de distributeurs

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Source : AC Nielsen.

Évolution des indices de prix (sur six ans)

• d’autre part, grâce à une campagne de communication vraiment impactante, la notoriété de la marque a évolué favorablement.

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1988

1990

Valentine

19 %

26 %

2e marque

25 %

21 %

3e

19 %

13 %

marque

Source : FCB.

Évolution de la notoriété des marques (années 3 et 6)

Mais c’est seulement en année 3 que les parts de marché ont commencé à évoluer de manière significative.

% (DIY market, top coasts)

25 20 VALENTINE 15

AVI RIPOLIN

10 5 0

1986 1987 1988 1989 1990 1991 Parts de marché

Source : AC Nielsen.

Évolution des parts de marché (sur six ans)

Cette stratégie de « débanalisation », matérialisée par la superposition de coûts valorisables effectivement valorisés par la clientèle, a permis à la marque de connaître une forte progression de son chiffre d’affaires et un accroissement très sensible de sa part de marché, passée de 15 à 20 % en cinq ans. La combinaison hausse des volumes/hausse des prix s’est traduite par une forte augmentation du résultat. Des nouveaux produits ont été lancés

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Quant aux résultats financiers, ils ont progressé lentement pour véritablement décoller cinq ans après le démarrage de ce repositionnement.

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Un exemple de repositionnement : Valentine

Résultat d’exploitation (indice) 60 50 40

Année 30 d’acquisition par ICI 20

Année du recrutement

10 0 – 10 – 20 – 30 1

2

3

4

5

6

7

8 années

Évolution du résultat d’exploitation

pour valoriser l’activité « décoration » de l’utilisateur. La communication a mis en avant les produits innovants (crème de peinture, blancs nuancés, première touche, crème de laque…). Une campagne de publicité forte, originale et très différente des campagnes habituelles du secteur (« la panthère ») visant à fortement développer sa notoriété a été lancée. Celle-ci a augmenté rapidement, passant de 19 à 26 % en deux ans, les autres marques citées étant en baisse.

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La marque a ainsi réussi à projeter une image de modernité, de dynamisme, d’avant-gardisme en rupture avec son image vieillotte « les belles peintures » qui illustrait les murs le long des routes nationales et départementales. Dans un univers de la peinture banalisé et peu valorisant, la communication capitalisant sur une panthère noire apportait raffinement, reconnaissance, attribution, connivence émotionnelle en capitalisant sur les valeurs féminines montantes et en rendant justice à la femme en tant que planificatrice, créatrice, animatrice de l’ambiance et du décor du foyer. Je crois qu’il y a deux leçons à tirer de cette expérience : • quand on n’y voit pas très clair, que les données ne sont pas très nombreuses, que les ressources humaines sont mobilisées sur l’opérationnel et le court terme, il faut se rallier à un concept fort qui permettra de mobiliser les équipes et de redresser la situa-

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tion. À cet égard, le concept de positionnement s’est avéré très utile. Il a permis de fédérer les énergies dans la même direction tout en libérant la créativité ; • le temps est la dimension la plus difficile à gérer. J’ai eu la chance de pouvoir « acheter du temps » et n’ai jamais hésité à aller au siège partager les succès et les difficultés ; mais à cette époque, on pouvait raisonner en années ; je ne pense pas que ce soit le cas aujourd’hui.

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Troisième partie

Concevoir pour convaincre

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Chapitre 1

AJUSTER LES RESSOURCES MARKETING

« Ne me dites pas que ce problème est difficile ; s’il n’était pas difficile, ce ne serait pas un problème. » Maréchal Foch

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Ce chapitre ouvre la section consacrée au marketing opérationnel. Il vise à identifier les ressources marketing, que l’on appelle classiquement : « le marketing mix ». • Les ressources marketing • La segmentation marketing • L’ajustement de l’offre

Une fois son positionnement déterminé, la firme va matérialiser son offre. Pour ce faire, elle va utiliser les connaissances et les informations sur les clients, le marché et la concurrence qu’elle a recensées et organisées. À partir de cette connaissance et de cette compréhension, elle va construire son offre en s’efforçant de

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satisfaire au mieux les attentes des clients. Pour y parvenir, elle va utiliser les quatre composantes de l’offre marketing (communément appelée le « marketing mix »), les quatre P, : le produit, la promotion, le prix et enfin la place, c’est-à-dire la distribution dans un double objectif de séduction des clients et de consolidation du positionnement.

Produit/ service(s)

Promotion publicité

POSITIONNEMENT

Prix

Place contact

Le positionnement au centre des ressources marketing

Le « marketing mix » regroupe l’ensemble des éléments sur lesquels le marketing a un contrôle étroit. Ce sont ces ressources qui doivent être définies de manière cohérente et pertinente. Le produit/service : dans la démarche marketing, on considère que le produit n’est pas qu’une entité physique, mais un ensemble de relations techniques, commerciales, financières et personnelles entre un acheteur et un vendeur. Un produit n’est pas qu’un produit, c’est la perception de l’acheteur et/ou de l’utilisateur qui définit le produit. C’est pourquoi on considère que les trois composantes d’un produit sont : • le produit lui-même ; • le packaging et l’environnement des produits ; • les services qui lui sont associés. Un produit va se définir par de nombreuses composantes : qualité, caractéristique et performance, style et marques, conditionnement, gamme, garantie, service après-vente, autres services, etc.

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Les ressources marketing

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Ajuster les ressources marketing

Le prix doit bien sûr être en cohérence avec le positionnement ; un prix élevé pour une offre différenciée, un prix compétitif pour une offre « low cost ». Cependant, on observe dans beaucoup cas que ce principe de cohérence n’est pas respecté et en tout cas pas perçu par le client. En effet, il est fréquent qu’un prix catalogue positionné vers le haut de gamme pour être en cohérence avec un positionnement différencié soit fortement altéré par un cumul de ristournes, remises et autres rabais sans compter les ristournes de fin d’années (RFA), de telle sorte que le « prix net net » effectivement facturé et payé par le client se révèle être très loin du prix tarif initialement prévu. La responsabilité d’attribution des ristournes est en effet souvent émiettée. Il en est de même des conditions de paiement qui, si elles sont trop laxistes, induisent en fait une ristourne supplémentaire. À l’inverse, il arrive que la complexité de la tarification ne permette pas à un client de réaliser le prix qu’il paye effectivement : une offre compétitive peut ainsi n’être pas perçue comme telle par le client simplement parce qu’une partie des ristournes lui seront données de manière différée et n’apparaîtront pas sur la facture. La place/distribution est le lieu réel ou virtuel où se rencontrent l’acheteur et le vendeur. Cette composante de l’offre marketing comprend deux grands aspects : la gestion du contact et la distribution physique. La distribution consiste à amener au bon endroit, au bon moment et en quantité adéquate des produits appropriés. L’objectif est donc de choisir les circuits de distribution et la logistique en fonction de leur cohérence avec la stratégie marketing en s’assurant de leur productivité, de leur contrôle et de leur souplesse. Aujourd’hui, cet aspect de l’offre marketing est en très forte évolution ; en effet, le développement très rapide d’Internet incite certaines firmes à mettre en place des stratégies de distribution multicanal : le client va choisir le canal de distribution qui lui convient à l’instant T. La promotion et la communication : on entend par ces termes tous les moyens utilisés pour faire connaître et mettre en avant le produit. Dans ce domaine, la révolution Internet joue un rôle tout à fait moteur. Aujourd’hui, en effet, plus besoin de campagne

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promotionnelle ou de campagne publicitaire coûteuses pour faire connaître une offre ; un site Internet bien conçu et des liens client clairement établis sont des moyens de faire connaître une offre. De plus, les sites Internet interactifs permettent de tenir compte des réactions et des avis des client sur telle ou telle offre. L’utilisation de ces ressources dépend du marché auquel la firme s’adresse : degré de maturité du marché, types de clients (individus ou entreprises) et bien entendu du positionnement retenu par l’entreprise. • 1. Le rôle de ces quatre moyens d’action n’est pas le même selon que la firme s’adresse aux consommateurs ou à une entreprise. D’une manière très générale, le rôle du produit et des services est très important en marketing industriel, alors que dans le marketing de grande consommation les quatre éléments jouent un rôle plus équilibré. Par ailleurs, lorsque l’entreprise s’adresse aux consommateurs finals, elle peut le faire soit directement si elle est intégrée en distribution soit par le biais de revendeurs qui vont eux-mêmes appliquer leur propre marketing mix, déformant ainsi éventuellement la perception de l’offre telle qu’elle a été conçue par le producteur. • 2. Le rôle n’est pas le même selon la nature des produits et particulièrement dans le domaine des services ; à la différence du produit, le service n’a pas de matérialité, il ne peut pas être gardé en stock et surtout l’utilisateur du service contribue à sa fabrication et à sa réalisation. Il est donc partie prenante dans le succès de l’opération : quand il réserve sur Internet un billet de train et l’imprime chez lui, l’utilisateur se substitue au fournisseur. Dans ces conditions, il est difficile pour le fournisseur de contrôler la qualité du service rendu car elle dépend en partie de la compétence de l’utilisateur à remplir les fonctions qui lui sont demandées. • 3. Le poids relatif et l’utilisation de ces quatre ressources ne sont évidemment pas les mêmes selon que le positionnement est de compétitivité ou de différenciation. Il importe à ce stade de veiller particulièrement, d’une part, à l’alignement de ces ressources avec le positionnement et, d’autre part, à la cohérence de ses ressources entre elles. Poursuivre une stra-

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Ajuster les ressources marketing

tégie de différenciation tout en affirmant avoir les prix les plus bas est susceptible de générer chez l’utilisateur une dissonance. Les éléments du marketing mix sont appréciés globalement par le client ; il est donc nécessaire qu’ils soient cohérents entre eux. • 4. Pour être convaincant, le marketeur doit utiliser de manière pertinente des ressources marketing mises à sa disposition ; la pertinence et la condition de l’efficacité. L’exemple ci-dessous concerne la vente de logiciels ; les études menées sur les attentes des clients montrent que le critère le plus important est la rapidité de sortie des mises à jour (rapidité de livraison), en deuxième lieu le prix, puis la qualité du produit et enfin le support technique. Concurrent 1 : part de marché 30 %

Concurrent 2 : part de marché 70 %

Rapidité de livraison

Prix

Qualité produit

Conseil technique

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Pertinence des fonctionnalités

Deux firmes sont présentes sur le marché, la firme A est meilleure que son concurrent sur les critères support technique et qualité du produit ; en revanche, elle est moins performante sur la rapidité de mise à disposition des mises à jour et sur le prix. Or, le critère numéro 1 pour les clients est la rapidité de mise à jour sur laquelle la firme B est nettement plus performante. Parce que la firme B concentre ses efforts sur ce qui est important pour l’utilisateur et qu’elle est y meilleure, elle dispose d’une part de marché nettement supérieure. Elle a mis au point une offre pertinente, c’est-àdire qui « parle » à l’utilisateur et donc qu’il valorise.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Pour optimiser son offre et la rendre pertinente et convaincante, l’entreprise va se livrer à la segmentation fine du marché. En effet, à l’extrême limite, une offre qui aura été conçue en fonction des attentes d’un seul utilisateur sera effectivement très convaincante. D’une manière plus réaliste, la segmentation est l’action de regrouper certains types d’utilisateurs en segments homogènes permettant de développer des produits ou des services adaptés et de les promouvoir par des ressources marketing pertinentes et appropriées. Des clients appartenant à un même segment présenteront des profils de consommation et d’utilisation très voisins. Ainsi, la segmentation consiste à fractionner un marché global en zones homogènes par rapport à des critères de sélection. La segmentation permet d’affiner l’offre marketing, la rendant ainsi plus pertinente. Un segment est ainsi un espace économique fermé, temporairement stable et indépendant. Il isole un niveau de cohérence au sein du marché global et facilite la mise en œuvre d’une offre adaptée. À terme, un segment peut évoluer, se déformer, se modifier, soit parce que les habitudes des utilisateurs ou des clients évoluent ou parce que la porosité avec les segments adjacents est devenue trop importante. Les segmentations tant dans le domaine de la grande consommation que dans le domaine industriel tendent aujourd’hui à être de plus en plus fines. Cette évolution est facilitée par la flexibilité des systèmes de production et l’approche de plus en plus individualisée des clients. Cette tendance à la microsegmentation ou à l’hypersegmentation favorise la pertinence de l’offre mise au point par le fournisseur, mais elle est en contrepartie susceptible de renchérir les coûts. Il faut donc trouver un bon arbitrage entre ces deux facteurs et définir le bon niveau de segmentation du marché. L’objectif de la segmentation est d’organiser l’action : pour qu’elle soit efficace, elle doit offrir des moyens de mesure (il faut en effet s’assurer de l’adéquation de la segmentation retenue avec les possibilités de production de la firme) ; elle doit être « actionnable », c’est-à-dire que les segments identifiés doivent pouvoir

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La segmentation marketing

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Ajuster les ressources marketing

Marketing one to one ciblage par individu

Marketing one to one très adapté dans les services

Marketing segmenté ciblage par segment

Marketing segmenté très pratiqué consommateur et industriel

Marketing de masse pas ou peu de ciblage

Marketing de masse ou indifférencié en perte d’influence

Niveau de segmentation

être atteints ; enfin, il faut que l’entreprise dispose des ressources pour construire et formaliser une offre susceptible de convaincre le segment identifié. Dans les marchés de grande consommation, les principaux critères de segmentation rencontrés sont la géographie, les critères sociodémographiques (âge, taille du foyer, catégories socioprofessionnelles, niveau d’éducation, génération…), les critères psychographiques (concentré, décalé, rigoriste…), les critères comportementaux (avantages recherchés, niveau d’utilisation, relation produit et fidélité à la marque), etc. À titre illustratif, le schéma cidessous présente un exemple classique de segmentation dans le domaine des montres : Originalité, à la mode

Segment 2 (20 %) SWATCH

Segment 1 (15 %)

BENETTON

20-35 ans

35-40 ans prof. intell.sup Segment 3 (25 %) CASIO employés/ouvriers KIPLÉ TAIWAN

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Luxe, prestige Prix élevé

Pour tous les jours Prix abordable

ROLEX CARTIER 55-65 ans chef d’entreprise Segment 5 (15 %)

SEIKO 45-55 ans OMEGA prof. interm.

Segment 4 (25 %)

Classique, intemporel

Segmentation B2C – Montres

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Dans les marchés industriels, les principaux critères de segmentation utilisés sont la taille de l’entreprise et le niveau de service attendu, le rythme et le volume d’utilisation, la localisation géographique… Ainsi, IBM a utilisé les critères de segmentation suivant : secteur, taille de l’entreprise, parts de marché détenues par IBM, potentiel d’achat et localisation. Sur cette base, IBM a défini quatre segments qui sont abordés de manière différente : • les 10 plus gros clients disposent d’un site Internet spécialisé contenant toutes les informations dont ils ont besoin ; une équipe de vente est dédiée ; chacun des comptes dispose en ligne de tous les outils d’interaction et de commandes avec IBM ; • les comptes clés (key account) qui bénéficient d’une relation personnalisée ; • les entreprises de taille moyenne avec qui IBM n’a pas de relation directe, mais qui sont traitées par des partenaires IBM qui leur vendent les logiciels et les applications ; • enfin, les entreprises plus petites ont accès à des produits et services IBM par le biais d’un réseau de distribution. Dans le domaine de l’acier, on rencontre le plus souvent trois segments : • les clients orientés sur le prix ; pour eux la meilleure offre est la moins chère ; • les clients orientés solution pour qui la valeur résulte des bénéfices et des conseils qu’il peuvent obtenir de leurs fournisseurs ; • les clients stratégiques (strategic-value customers) qui sont prêts à investir avec leurs fournisseurs et qui attendent de celui-ci qu’il s’implique dans leur propre activité en proposant des solutions spécifiques.

La segmentation va faciliter la compréhension fine des besoins du client ou du segment de clientèle. Il importe alors d’ajuster l’offre conçue par l’entreprise de manière à ce qu’elle « colle » aux besoins du client. Il est nécessaire d’être performant sur les critères qui sont importants pour le client ; il est inutile et en tout cas coûteux et non valorisé d’être performant sur des critères qui sont secondaires pour le segment de client retenu. Ajuster l’offre implique de fixer ses priorités. Le schéma ci-dessous présente une situation réelle dans laquelle les critères retenus sont les suivants : • 1. rapidité du service, • 2. prix, • 3. informations et formations, • 4. fiabilité de l’équipement,

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L’ajustement de l’offre

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Ajuster les ressources marketing

• • • • • •

5. respect des engagements, 6. fiabilité du logiciel, 7. extensions possibles, 8. références, 9. utilisation du langage local, 10. connaissances des problèmes du client. Dans la matrice des priorités, ces critères ont été pondérés en fonction de leur importance dans le processus de décision du client et en fonction de la perception que les clients ont de la performance du fournisseur sur chacun de ces critères :

4

1 7

1. Rapidité du service 2. Prix 3. Informations et formations 4. Fiabilité de l’équipement 5. Respect des engagements 6. Fiabilité du logiciel 7. Extensions possibles 8. Références 9. Utilisation du langage local 10. Connaissances des problèmes du client

5

Élevée 8

6 Importance du critère pour le client

3 10

Faible 9 2

Médiocre

Bonne

Perception par le client de la performance

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Matrice des priorités

L’analyse de cette matrice permet de dégager quatre types de situation : • les situations correspondant aux critères 2, 10 et 3 qui sont peu importants dans le processus de décision du client et pour lesquelles sa perception de la performance de l’offre est faible : il est inutile d’essayer d’améliorer la position de l’entreprise sur ces critères puisqu’ils sont mineurs pour le client ; • la situation du critère 9, peu important pour le client, mais dans laquelle la performance de l’entreprise est perçue bonne ; il est inutile de surinvestir sur ce critère mal valorisé par le client ;

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• les critères 1, 4, 5, 7 et 8 sont importants pour le client et ils ont

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une perception positive de l’offre de son fournisseur. Il importe de maintenir le niveau de performance adéquat ; • la principale priorité concerne le critère numéro 6, qui est important pour le client et dans laquelle il perçoit que la performance de l’entreprise est faible : c’est la priorité numéro 1. Ainsi, au lieu de disperser ses efforts sur les 10 critères identifiés, le marketing peut engager un maximum de ressources sur le critère numéro 6 en libérant des ressources sur les critères 2, 10, 3 et 9.

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Chapitre 2

DYNAMISER LES PRODUITS SERVICES

« Celui qui trouve sans chercher est celui qui a longtemps cherché sans trouver. »

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Gaston Bachelard

Ce long chapitre couvre le sujet essentiel du produit ou service proposé aux clients. • Les composantes d’un produit – Le produit – Le packaging – Les services • Le portefeuille de produits • L’innovation produit – L’amélioration de l’offre – L’élargissement du marché – Le renouvellement de l’avantage concurrentiel – L’innovation réactive – L’évaluation de l’innovation – Le processus d’innovation

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Un produit n’est pas qu’une entité physique, c’est aussi un ensemble de relations techniques, commerciales financières et personnelles entre un acheteur et un vendeur. Un produit n’est pas un produit, c’est la perception de l’acheteur et ou de l’utilisateur qui définit le produit. Un même produit peut avoir une dominante tangible ou intangible selon la manière dont il est proposé aux clients :

Sucre Télévision Raquette de tennis Jean Levi’s Voiture Boisson fraîche Traiteur Boissons alcoolisées Restauration rapide Entretien pelouse Vidange auto Dentiste Ménage Jean Diesel Services bancaires Cotisation tennis Voyages aériens Parcs loisirs Assurances Investissement pub Assurance décès

Dominante tangible

Dominante intangible

Ainsi, un jean Diesel vendu 230 euros dans un magasin spécialisé où il est bien présenté, où l’acheteur peut essayer en écoutant de la musique et en étant conseillé par un vendeur, est riche d’éléments intangibles que n’offre pas le jean sans marque acheté en promotion à 6 euros dans l’allée centrale d’une grande surface, sans essayage et sans conseil. Les composantes d’un produit sont donc nombreuses ; le produit peut être défini par sa qualité, ses caractéristiques et ses performances, son style et sa marque, son conditionnement, la gamme dans laquelle il s’inscrit, la garantie qu’il offre, le service aprèsvente qui l’accompagne ainsi que d’autres services.

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Produit ou service

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Dynamiser les produits services

Les composants d’un produit Un produit n’est pas qu’un produit, ce sont aussi les services qui lui sont associés et la manière dont il est présenté.

Le produit Les caractéristiques du produit doivent être cohérentes avec le positionnement retenu et alignées sur les besoins et les attentes du segment visé.

Maclntosh

Lisa

Grandes Entreprises

PME

Universités

Mixte bureauMaison

Éducation

Domestique

En 1982, Steve Jobs initie le développement d’une nouvelle famille de produits chez Apple : les ordinateurs Lisa et MacIntosh. Lisa était prévue pour être le cœur de cette nouvelle famille de produits représentant une nouvelle technologie justifiant un prix élevé. La ligne MacIntosh devait être le produit représentant un volume important avec un prix inférieur. Le segment de clientèle visé par Lisa était les grandes entreprises alors que les segments de clientèle visée par le MacIntosh étaient les PME, l’enseignement et les professions libérales. Le tableau ci-dessous présente les différents segments de marché pour les ordinateurs personnels en 1982 :

Performance Prix Fonctions Fiabilité Fonctionnalité Connectivité Support Logiciel Très important Significatif

Important Peu significatif

Source : Telelogic

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Les segments de marché pour les ordinateurs personnels en 1982 Il montre l’importance de certaines propriétés dans les différents segments à l’époque. Par exemple, le logiciel et le support technique étaient des critères importants pour les grandes entreprises, alors que le prix était important pour les PME et l’utilisation domestique. Dans les colonnes de droite figurent les caractéristiques de Lisa et de MacIntosh. La focalisation de Lisa sur la facilité

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

d’usage par exemple n’était pas un critère important pour les grandes entreprises. Ce qui était important pour les grandes entreprises était la connectivité et le support, qui n’étaient pas du tout pris en compte dans l’offre de Lisa. Des conclusions similaires peuvent être faites pour le MacIntosh, même si ce produit colle mieux aux besoins de ces segments de marché. L’inadéquation entre les caractéristiques de l’offre et les attentes fines des clients ont condamné ces deux produits à l’échec.

Réussir la mise au point d’un produit suppose en effet une très bonne connaissance des besoins fins du client et la capacité à y répondre en mettant en place les fonctionnalités qui conviennent. Pour identifier les besoins, les entreprises ont recours à des études de marché et des remontées clients ; elles complètent l’analyse par l’indication de la perception qu’a le client de leurs performances, comme le montre le tableau ci-dessous : Critères

Importance et évaluation

Commentaires

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Qualité

La régularité est critique

Innovation

Attente de nouveautés

Logistique

Le respect des délais est très important

Flexibilité

Capacité de réaction

Service

Tous les services sont attendus

Technologie

Possibilité de développement partagé

Relationnel

Trouver le bon dosage

Gamme

Étendue de la gamme Importance du critère pour le client Perception du client de la performance de A Perception du client de la performance de B

Pour chaque critère de performance sont indiqués l’importance du critère pour le client, sa perception de l’offre des concurrents A et B. Par exemple, sur le critère qualité, très important pour le client, le concurrent A est plus performant que B. Mais sur le critère innovation, très important pour le client, aucun des deux n’est au niveau de performance attendu. Une telle analyse permet de

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Adéquation service/besoins

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Dynamiser les produits services

déterminer les critères sur lesquels il est nécessaire de progresser pour ajuster l’offre. C’est la compréhension fine des besoins des clients qui permet en effet d’ajuster une offre produit adéquate, comme le souligne Pierre Bourrier, vice-président d’Arcelor : « Les problèmes posés aux architectes ne concernent pas directement la production d’acier. Leurs préoccupations sont relatives aux exigences d’espace, de qualité, de lumière, de confort, des états de surface. Nous devons les traduire en “solutions acier” avec nos produits ou en les mariant avec d’autres matériaux. Par exemple, pour le confort thermique, nous associons acier, plaque de plâtre et laine de verre. Nous présentons une offre de produits de plus en plus innovants et à très forte valeur ajoutée tels les aciers Arceo avec des revêtements métalliques déposés sous vide. On est capable de déposer sur de la tôle d’acier une fine couche d’inox ou de titane. Arcelor propose la solution “global floor” qui permet des portées libres de murs, poteaux ou colonnes jusqu’à 18 mètres avec intégration dans le plancher des services et solutions techniques1. »

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En adoptant un positionnement de différenciation et en se focalisant sur un segment de clients technologiques, Aubert et Duval est devenu un partenaire incontournable des gros clients de l’aéronautique, de l’énergie ou de la défense. En se spécialisant sur les pièces critiques des industries de haute technologie, notamment dans le domaine aéronautique (aile du A380 ou du B777, éléments de train d’atterrissage du 350 XWB, éléments du moteur M 88 du Rafale, barre en acier de turbines à gaz d’Alstom ou de General Electric), dans un monde où la concurrence est très forte à la fois entre les producteurs et entre le type de solutions, Aubert et Duval a fait un choix de positionnement simple : délaisser les marchés de gros volumes et se concentrer sur le très haut de gamme. « Nous nous comparons un peu à BMW, dit son président Georges Duval. Sur certains alliages complexes, nos prix peuvent atteindre plus de 100 euros le kilo soit de 10 à 100 fois plus cher que les aciers de base. Ce qui compte, ce n’est pas la taille, c’est d’être leader sur des marchés très ciblés. » Pour y parvenir, Aubert et Duval dispose de deux atouts : • des équipements exceptionnels : à Issoire, la firme dispose de la presse de matriçage la plus puissante du monde, elle peut exercer une pression de 65 000 tonnes pilotée au millimètre. À Pamiers, elle possède une autre presse géante de 40 000 tonnes. Deux usines sont en cours de construction destinées notamment à la transformation du titane ;

1.

Les Échos du 13 avril 2006.

151

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• un savoir-faire unique en Europe qui lui permet d’utiliser au mieux ses équipements et de développer en partenariat avec les clients des nouveaux produits. Comme le souligne le directeur des achats matières et pièces d’Airbus : « Aubert et Duval nous apporte beaucoup d’expertise sur les nouveaux matériaux. »

Un « écran radar » est une représentation qui permet de comparer les perceptions qu’ont les consommateurs de produits concurrents sur un certain nombre de critères, comme le montre le schéma cidessous : Fonctionnalité 5

Service

4

Usage

3 2 1

Performance

0

Qualité

Prix

A B C D

Documentation

Design

Écran radar des préférences des consommateurs

Dans cet exemple, le produit A est mieux perçu que ses concurrents sur quatre critères ; le produit D a une typologie de différenciation caractéristique, en privilégiant performance et design, mais en étant perçu comme le plus cher. Avant de lancer un nouveau produit, certaines entreprises utilisent des analyses de perception de ce type et appliquent le principe du 60/40 : le produit ne sera mis sur le marché que si, lors des tests, il a 60 % de perceptions favorables par rapport à sa concurrence.

Le packaging est une composante du produit particulièrement importante dans le monde de la grande consommation, où 55 % des acheteurs y attachent beaucoup d’attention. Pour certains produits, les coûts de packaging sont importants : 30 % pour la bière, 60 % pour les chocolats. Par ailleurs, sur certains marchés très concurrentiels où

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Le packaging

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Dynamiser les produits services

les sources de différenciation sont réduites tels que les parfums ou les ordinateurs portables, le design est une composante importante de l’offre. Le packaging est l’ensemble des éléments matériels qui, sans faire partie du produit lui-même, sont vendus avec lui pour faciliter son transport, son stockage, la présentation linéaire et l’utilisation par le client. Schématiquement, le packaging a quatre rôles : • un rôle pratique pour assurer la protection du produit, le transport, le stockage tout en respectant les réglementations ; • la commodité : avec une ergonomie étudiée il facilite l’utilisation par le client ; • un rôle promotionnel pour faciliter la présentation en linéaire et l’identification du produit dans le lieu de vente ; • un rôle de communication en tant que représentant d’une marque. De plus, il doit prendre en compte une tendance de fond et respecter des critères environnementaux et écologiques. Dans le domaine de la grande consommation, un des plus grands designers du siècle dernier, Raymond Loewy (1893-1986), s’est illustré par des designs devenus emblématiques : 1940

1954

1967

Raymond Loewy 1893-1986

Designs conçus par Raymond Loewy

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Les services La part des services associés aux produits croît très vite. L’étude réalisée par McKinsey présentée ci-dessous montre que : • le taux de croissance des produits seuls dans le domaine des biens durables est négatif de 3 % par an ; • les services destinés aux professionnels indépendants croissent de 5 % par an ; • les services financiers augmentent de 3 % par an ; • les services associés à des produits (embedded services) croissent de 7 % par an.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Part des Services liés à des produits en % 100 %

1 887 $ milliard

2 328 $ milliards

2 260 $ milliards

Services liés à des produits

~ 500 $ milliard

Croissance moyenne annuelle 2000-2004 en %

Biens durables

–3

Services liés à des produits Biens durables

7

Services professionnels Services financiers 1995

2000

5

3

2004

Source : Annual Report Bloomberg, Bureau of Economic Analysis, US Department of Commerce – McKinsey Analysis. Traduction de l’auteur.

Croissance des services associés aux produits

Par exemple, la société Fenwick fabrique et commercialise des chariots élévateurs ; en moyenne les ventes annuelles s’élèvent à 15 000 chariots élévateurs. Mais le parc en service est supérieur à 150 000 appareils. Les services connexes représentent 50 % de son chiffre d’affaires : location et gestion du parc, télésurveillance du matériel de manutention, formation des caristes, etc. Il en est de même dans les biens de grande consommation où les distributeurs de produits électroménagers ou de produits électroniques proposent des services après-vente, des services en ligne, etc. Ainsi, Darty propose en accompagnement de l’achat d’un PC le « pack Sérénité » qui accompagne le client tout au long de la vie du produit : résolution des problèmes, traitement des virus et des pannes, sauvegarde de données…

Un produit est rarement seul, mais s’inscrit dans une gamme. La gestion active de la gamme est une partie importante des fonctions du marketing ; elle va s’organiser autour de trois types d’action : • modifier l’offre produit (mix produit) : changer les caractéristiques de produits, modifier le niveau de qualité, modifier les fonctionnalités, modifier le style… afin d’améliorer l’adéquation avec les attentes du client ; • retirer des produits est la fonction qu’aucun directeur du marketing ne veut mener. Néanmoins, ne pas le faire conduit certaines

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Le portefeuille de produits

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Dynamiser les produits services

entreprises à avoir des catalogues totalement pléthoriques où la loi des 80/20 s’applique probablement de manière systématique (20 % des produits représentent 80 % des ventes). Pourtant, retirer un produit du marché peut être fait de différentes manières, soit brutalement en le déréférençant, mais plus fréquemment en augmentant son prix progressivement ; • lancer de nouveaux produits est en revanche une tâche favorite qui repose sur la capacité d’innovation de l’entreprise. Le schéma ci-dessous représente le portefeuille de produits d’une entreprise américaine spécialisée dans les pièces automobiles, Delphi. Ce portefeuille a été rendu public lorsque l’entreprise, en grande difficulté financière, a dû se soumettre au Chapitre 11 (le régime américain des faillites). Division électrique

Division, propulsion et dynamique

Division AHG Profitabilité

Moyenne Faible

Faible

Faible

Moyenne

Moyenne

Forte

Forte

Profitabilité

Forte

Profitabilité

Faible

Moyenne

Forte

Croissance du marché

Faible

Moyenne

Forte

Croissance du marché

Faible

Moyenne

Forte

Croissance du marché

= 1 Mrd de $ Delphi Revenu estimé

Source : Chapter 11 First day slide, Delphi website, Nov 2002 UBS report, traduction de l’auteur.

Le portefeuille de produits Delphi

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Dans chacune de ces grilles ont été positionnés les produits en fonction de deux critères : la profitabilité et la croissance du marché. En conservant des produits à faible profitabilité et en faible croissance, tels que de nombreux produits dans la division propulsion et tous les produits dans la division AHG, la firme a pénalisé les gammes de produits présents dans les secteurs en forte croissance et où la rentabilité était bonne. Delphi n’a pas priorisé ses ressources. Gérer activement le portefeuille de produits est un impératif.

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L’innovation est le principal moteur de la croissance. Qu’il s’agisse de mise sur le marché de nouveaux produits, d’amélioration de la production grâce à des méthodes innovantes plus efficaces, de modifications de processus, toutes ces innovations permettent aux entreprises et aux entrepreneurs de bénéficier d’un avantage comparatif et donc d’améliorer leur position concurrentielle. Par construction, ces avantages sont temporaires puisque le processus se répète avec l’émergence de nouvelles innovations chez des entreprises existantes ou avec l’apparition de nouveaux acteurs. Ainsi se crée une dynamique vertueuse de croissance positive, comme le souligne Nicholas Donofrio, vice-président d’IBM en charge de l’innovation et de la technologie : « Nous avons inventé les disques durs il y a une soixantaine d’années, les PC il y a une vingtaine d’années, comme les écrans couleurs à cristaux liquides avec Toshiba. Or nous ne sommes aujourd’hui dans aucun de ces métiers parce que nous estimons ne pas être en mesure de les amener là où ils doivent aller, par exemple vers le marché de la grande consommation. » D’un point de vue microéconomique, l’innovation est un facteur majeur de croissance. C’est même en fait le facteur essentiel mis en avant par les directions générales d’entreprises pour assurer la pérennité des activités de la firme. L’innovation permet de mettre sur le marché des produits moins chers, ou des produits correspondant mieux aux attentes des consommateurs et des clients, elle permet d’améliorer les processus de production des entreprises, de créer des dynamiques vertueuses… Mais l’innovation est difficile et la route est longue. On estime d’une manière globale que près de 80 % des lancements de nouveaux produits ne délivrent pas les résultats attendus ; même les entreprises les plus aguerries en marketing peuvent connaître des échecs retentissants. Qui ne se souvient du lancement par Coca-Cola du New Coke, lancé en mai 1985 après avoir subi plus de 100 000 tests et reçu le support d’une campagne de publicité impressionnante ? Le Coca-Cola classique fut commercialisé à nouveau trois mois après le lancement du New Coke. Il poursuit sa carrière. Le New Coke a disparu.

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L’innovation produit

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Une des raisons qui expliquent ce taux d’échec important, notamment dans le domaine de la grande consommation, est la multiplication des références qui débordent le consommateur ; qu’on en juge : • plus de 2 millions de livres référencés chez Amazon ; • 1,4 milliard de références chez eBay ; • plus de 750 nuances de peinture rouge chez Lowe’s ; • 35 000 références en moyenne dans un supermarché (3 000 dans les années 1950).

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Il en résulte que 53 % des femmes ne trouvent pas le produit qu’elles recherchent en confection, que 50 % des consommateurs ne savent pas comment utiliser les fonctionnalités de leurs appareils électroniques, et que les consommateurs n’utilisent en moyenne que trois cycles de lavage alors que les possibilités se chiffrent par dizaines. Comme le dit un consommateur : « Avoir à prendre seize décisions différentes avant de commander une simple tasse de café ne me frappe pas comme étant un progrès significatif ; pour moi, c’est plutôt un poids. » Une autre consommatrice : « On vient juste de m’offrir un nouveau grille-pain. Son panneau de contrôle me semble marginalement moins compliqué que celui de Jumbo Jet ; il comprend treize boutons et quatre leviers ». Qu’une innovation échoue n’est pas une anomalie ; une approche différente pour l’innovation suivante peut être salutaire car, comme l’écrit Albert Einstein, « la folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent ». Malgré les risques d’échecs, beaucoup d’entreprises mettent en place des stratégies d’innovation. C’est pourquoi certaines entreprises mettent l’accent sur l’innovation en engageant de manière significative des efforts de recherche et développement. Pour soutenir la croissance à deux chiffres de son chiffre d’affaires, L’Oréal consacre chaque année 3 % de son chiffre d’affaires à la recherche. La démarche consiste à conquérir ou à créer des espaces adjacents au métier de base initial : le soin du cheveu par les professionnels. Autour de ce savoir-faire, L’Oréal s’est engouffré dans de nombreux espaces adjacents : cosmétique féminine, eaux de toilette et parfums, cosmétique masculine… Près de 3 000 scientifiques travaillent dans 14 laboratoires en France, aux États-Unis ou en Chine. S’y ajoutent 13 centres d’évaluation des produits. Chaque année, L’Oréal dépose plus de 500

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brevets par an. Parmi ses dernières découvertes figure la molécule antiâge ProXylane mise au point en 2006 : elle a permis à L’Oréal d’attaquer un marché nouveau, celui des seniors, marché en forte croissance avec le vieillissement de la population. Pour répondre mieux aux besoins des clients, L’Oréal dispose à Chicago d’un laboratoire qui travaille sur les peaux et les cheveux d’origine africaine et à Shanghai d’un centre similaire pour l’Asie. L’entreprise américaine 3M, parfois surnommée « la Machine à innover », consacre elle aussi un budget important à la recherche. La part des produits créés depuis 2000 dans les ventes 2006 représente 40 % d’un chiffre d’affaires de 18 milliards de dollars. Le résultat net représente presque 15 % de ce chiffre et la valorisation boursière (environ 65 milliards de dollars en 2004) est révélatrice de la création de valeur générée par la croissance liée à l’innovation. L’entreprise qui a inventé le Scotch, le Scotchgard, le Scotch-Brite, le Post-it consacre en effet plus d’un milliard de dollars à la recherche par an. Les chercheurs sont regroupés sur le campus de Saint Paul dans le Minnesota et jouissent d’une grande liberté de recherche, liberté organisée autour de trois thèmes directeurs : • toute idée est bonne à investiguer ; si une idée sort trop d’un champ de recherche prédéfini, le chercheur peut être détaché et bénéficier d’un budget pour poursuivre durant une période convenue ses travaux dans la direction qui lui semble la bonne. Une recherche qui ne débouche pas n’est pas condamnable. L’erreur non plus. Rappelons en effet que l’invention du Post-it résulte d’une erreur de manipulation au cours d’une expérience ; • afin de mobiliser les chercheurs et de les inciter à travailler en équipe, 3M utilise le programme Six Sigma qui, grâce à un usage intensif des statistiques, permet à l’entreprise de partager un langage commun et de mesurer les performances, notamment en termes de temps. C’est ainsi que l’agrément pour la crème dermatologique Aldara a été obtenu auprès de la Food and Drug Administration avec treize semaines d’avance ; la documentation concernant la recherche sur le produit étant centralisée sur un seul disque d’ordinateur remplaçant quatre tonnes de documentation papier ;

« Si une idée nouvelle ne semble pas d’abord absurde, elle n’a pas grand avenir », estimait Einstein. C’est peut-être en vertu de ce principe que Google a lancé son programme de recherche de traduction automatique statistique (statistical machine translation), ouvrant ainsi un nouvel espace adjacent ; en comparant des textes déjà traduits, le logiciel identifie statistiquement des structures qui se répètent et qui serviront de base à des traductions

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• pour mieux comprendre les attentes de ses clients, voire anticiper leurs besoins, 3M détache des salariés 3M à temps complet chez certains d’entre eux ; ils ont pour mission de poser une seule question : « Quels sont vos plus gros problèmes à résoudre ? » Cette logique permet de s’assurer que l’innovation trouvera son marché et qu’aucun espace adjacent n’est exclu a priori.

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futures. Les premiers résultats (par exemple arabe-anglais) ont été spectaculaires. En contextualisant les traductions, le système évite certaines erreurs ; par exemple, l’erreur du traducteur russe qui a traduit « chancellor » par « Führer » à propos de Gerhard Schroeder déclenchant un incident diplomatique – alors que, statistiquement, l’association « Führer » et « Schroeder » n’a pratiquement aucune chance d’exister. Il est à noter que le responsable du programme chez Google est allemand. La principale difficulté d’application est le besoin d’avoir de nombreux textes originaux et leur traduction, ce qui pénalise certaines langues, notamment africaines. Pour stimuler l’innovation et éviter qu’elle ne se referme sur ellemême, Nike a mis en place un laboratoire de recherche-développement en charge de poursuivre l’innovation à long terme appelé « Explore ». « J’ai créé Explore parce que je craignais que l’innovation chez Nike ne devienne trop insulaire », déclare le directeur général Mark Parker. C’est grâce à ce programme que Nike a pu travailler en coopération avec Steve Jobs et Apple pour lancer le programme Nike Plus. Les chaussures développées dans le cadre de ce programme envoient des messages concernant, par exemple, la distance et le temps de course du porteur à son iPod qui peut ensuite les envoyer à son ordinateur ; ce produit a connu un grand succès et a contribué à créer une communauté en ligne de coureurs échangeant et partageant des informations. Suite au succès de cette approche, Nike s’est réorganisé pour être plus à l’écoute du client. Aujourd’hui plus de matrice produit-marques mais une organisation en six catégories de clients (customer focus) telles que course, basket, fitness… Une des voies qui facilitent l’innovation est effectivement « l’innovation ouverte » : l’idée est que les entreprises, en regardant audelà de leur propre organisation, peuvent avoir un meilleur accès à des idées, des savoirs, des technologies auxquels elles n’auraient pas eu accès en se contentant d’utiliser leurs propres ressources. Ainsi, dans plusieurs secteurs, se développent des réseaux d’innovation qui proposent leurs propres créations, ou répondent à des demandes d’entreprise. Par exemple, des entreprises telles que Lite-On-Technology ou Compal Electronics, toutes deux basées à Taïwan, sont susceptibles de fournir des concepts et des designs

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de produits dans le domaine de l’électroménager, des produits électroniques et des produits de technologie. En fait, ces entreprises ont accès à des réseaux de création. C’est de cette manière que l’iPod a été conçu : en mobilisant un large réseau d’apporteurs de technologie, PortalPlayer a pu répondre à la demande de Steve Jobs de délivrer des sons de haute qualité en utilisant des technologies bon marché. Aujourd’hui, l’innovation se développe au sein d’écosystèmes qui vont au-delà des limites traditionnelles de l’entreprise. Dans une perspective que l’on pourrait appeler Schumpeter 2.0, Procter&Gamble a développé un programme baptisé InnoCentive dont l’objet est de permettre à 90 000 scientifiques du monde entier de collaborer sans nécessairement être salariés de P&G ; l’objectif pour P&G est d’obtenir 50 % de ses innovations dans le cadre de ce système. P&G se propose d’exploiter ses brevets pendant un an puis d’en vendre l’utilisation à ses concurrents afin de valoriser ses brevets et de… développer le marché. Ainsi, Procter travaille avec Ali Baba (entreprises chinoises proposant des services Web), des entreprises spécialisées dans l’alimentaire comme General Mills et ConAgra, et des institutions de recherche communes, le Council for Scientific Research en Inde et le laboratoire de recherche de Los Alamos aux États-Unis. La stratégie d’IBM en matière de recherche et de dépôt de brevets entre bien dans ce cadre ; IBM est le numéro 1 mondial par le nombre de brevets déposés, environ 3 300 à 3 500 par an pour un portefeuille total de 50 000 brevets. Pour faire vivre ce portefeuille, IBM choisit des brevets qui sont partagés et ouverts à tous : « Aujourd’hui notre stratégie holistique est basée sur la liberté d’action et sur le croisement de licence avec un grand nombre de partenaires. C’est dans cet esprit que nous avons pris l’initiative de créer le “Patent Common2” (mise en commun de brevets) dans lequel nous avons apporté de nombreux brevets », déclare Nicholas Donofrio1, vice-président d’IBM en charge de l’innovation et de la technologie. L’utilisation d’Aureka, base de données mondiale publique, permet de transformer l’analyse d’un brevet en une 1.

La Tribune du 21 décembre 2007.

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source d’information enrichissant considérablement l’intelligence concurrentielle et de gérer activement son processus d’innovation. Autre source d’innovation produit, la « serendipité » ; en fait, le mot anglais serendipity n’a pas de traduction immédiate en français : il signifie trouver quelque chose que l’on ne cherchait pas. Alors qu’il revenait de promenade, l’ingénieur suisse Georges de Mestral eut toutes les peines du monde à ôter les fleurs de chardon accrochées à son pantalon et à la fourrure de son chien. Ainsi inventa-t-il en 1948 le ruban autoagrippant ou Velcro. Alors qu’il faisait un château de sable sur la plage pour sa fille, l’ingénieur français Henri Vidal constata que le château résistait aux assauts de la marée montante s’il incluait un matelas d’épines de pin entrelacées ; ainsi inventa-t-il la Terre armée (aujourd’hui membre du groupe Vinci), une technologie extrêmement efficace dans les environnements sismiques.

L’amélioration de l’offre

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La première source d’amélioration consiste à tirer le meilleur parti des produits et services existants. C’est la voie naturelle utilisée par les entreprises pour développer ou conforter leur activité, notamment lorsque les cycles de vie des produits sont courts. Il faut alors disposer de fortes ressources marketing pour anticiper les évolutions et les besoins du marché et de fortes ressources en recherchedéveloppement pour développer les « nouveaux produits ». C’est en adoptant ce principe de capitalisation sur l’avantage concurrentiel existant depuis longtemps que l’horlogerie suisse maintient une part de marché en valeur élevée : avec près de 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2006, l’horlogerie suisse représente 80 % du marché mondial en valeur pour seulement 4 % en volume. Qu’on en juge : en 1916, Tag Heuer sort le premier chronographe au centième de seconde pour les Jeux olympiques d’Anvers ; en 1966, le premier microtimer au millième de seconde ; en 1969, le premier chronographe automatique ; en 2002, le premier bracelet-montre au millième de seconde à quartz ; en 2004, le premier mouvement d’horlogerie entraînée par courroies ; en 2005 le premier chronographe mécanique de poignée au centième de secondes. La montre Monaco V4 présentée en 2004 à Bâle est une montre carrée où, à la place du tourbillon classique, des courroies entraînent les engrenages. Elles entraînent une masse linéaire et non plus rotative ; elles sont d’une taille extrêmement fine (0,0007 mm d’épaisseur). Certes, cette « concept montre » n’a pas encore obtenu la certification « chronomètre suisse », mais cela ne saurait

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tarder, Tag Heuer ayant toujours été le champion de la précision. L’innovation est au cœur de la stratégie de Tag Heuer ; elle prend forme dans un laboratoire où ingénieurs et analystes de marché innovent ensemble.

Réussir l’évolution des produits requiert la connaissance intime des besoins des clients. Ainsi, c’est en menant une enquête auprès de 1 500 professionnels du bâtiment que Lafarge a appris que 84 % de ses clients seraient enthousiastes à l’idée d’utiliser un ciment sans poussière, mais aussi plus résistant et plus maniable : • sans poussière : « Il s’agit d’agglomérer les toutes petites particules qui forment le ciment sur une infinité de micropoints de colle », déclare Denis Maître, directeur R&D. Grâce à une texture type pâte à modeler, les particules ne s’envolent plus ; « cela aurait été impossible il y a dix ans car à l’époque on ne savait pas observer ce qui se passait à si petite échelle ». Produit mis au point dans un centre technique de Lafarge au Japon et ensuite développé en France ; • plus maniable : le nouveau ciment nécessite 20 % d’eau en moins ; il est plus fluide et plus résistant ; ainsi un maçon peut poser une chape seul alors qu’il faut être deux avec un ciment traditionnel. Le produit ainsi développé a été lancé sous le nom Sensium en février 2007, après cinq années de recherche et 30 millions d’investissement, marketing compris. Le budget R&D de Lafarge est supérieur à 100 millions d’euros ; le département comprend plus de 500 personnes ; parmi les autres produits créés par Lafarge en écoutant ses clients figurent la gamme Agilia (bétons autoplaçants et autonivelants ne nécessitant plus de vibration lors du coulage dans les coffrages).

La seconde source naturelle d’innovation est le développement des marchés. Deux options sont possibles : soit développer de nouveaux usages pour un même produit, soit commercialiser le même produit dans de nouveaux segments de marché. La première option est fréquente dans le domaine industriel : les producteurs de plastique ou d’aluminium rivalisent d’imagination pour proposer à leurs clients de nouvelles utilisations au détriment

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L’élargissement du marché

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d’autres matériaux. De même, L’Oréal a transformé le marché des laques, à bout de souffle, en créant « Studio Line », un marché aujourd’hui dix fois plus important, et continue de maximiser son cœur de métier par exemple en rachetant, en 2008, Columbia Beauty Supply, un distributeur américain de produits professionnels de coiffage réalisant 60 millions d’euros de chiffre d’affaires. Commercialiser un « même produit » dans de nouveaux segments de marché peut requérir des adaptations parfois importantes. Ainsi, les producteurs de détergents servent, outre la clientèle grand public, la clientèle dite de collectivités : hôtels, hôpitaux, bureaux. Les formats des savons (petits savons individuels) sont très différents des produits grand public, de même que les packagings sont simplifiés, mais de très grand format pour les détergents. Ces deux approches (produit/marchés) peuvent se combiner, comme le présente le tableau ci-dessous : Innovation technologique Amélioration technologique

Nature des changements de marché

Pas d’innovation

Pas de changement

Innovation technologique

Reformulation

Remplacement

Renforcement du marché

Remerchandising

Amélioration du produit

Extension de gamme

Nouveau marché

Nouvel usage

Extension de marché

Diversification

Exemple de sources de développement

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• la reformulation consiste à opérer des modifications mineures au produit afin de réduire les coûts, en améliorer la qualité ou ouvrir de nouveaux usages : ainsi, Bayer a étendu le marché de l’aspirine en créant une aspirine à faible dose utilisée pour prévenir les attaques cardiaques ; • le remplacement résulte d’une innovation importante qui entraîne des modifications majeures sur le produit, qu’il s’agisse de son coût ou de ses qualités ;

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• le remerchandising consiste à rendre le produit plus attractif auprès de la clientèle qui est actuellement servie ;

• l’amélioration produit consiste à rendre le produit plus utile aux consommateurs actuels en améliorant la technologie existante ;

• l’extension de gamme consiste à élargir la ligne de produits offerte aux consommateurs actuels par l’adoption d’une technologie nouvelle. Ainsi, Yoplait aux États-Unis a rattrapé la marque Danone en créant un nouveau packaging pour yaourt : un neuf pouces coloré : le Go-Gurt. Ce nouveau packaging a changé la manière dont les parents achètent le yaourt et il l’a rendu plus facile et amusant pour les enfants ; • le nouvel usage résulte de l’extension des ventes du produit actuel à des clients nouveaux ; • l’extension de marché revient à étendre les ventes auprès de consommateurs nouveaux en offrant un produit légèrement modifié ; • enfin, la diversification consiste à toucher de nouveaux consommateurs en offrant des produits améliorés par une nouvelle technologie.

Le renouvellement de l’avantage concurrentiel

Une entreprise qui pérennise son avantage concurrentiel de manière systématique est Gillette. Fondée en 1920, l’American Safety Razor Company s’est focalisée avec succès sur les rasoirs et les lames de rasoir pendant les trente-cinq premières années de son existence ; la croissance est principalement venue de l’expansion géographique en Amérique du Nord et en Europe. Au milieu des années 1980, la part de marché de Gillette est stable ; la marque entre en concurrence avec de nombreuses autres marques présentes dans les rasoirs traditionnels ainsi que dans les rasoirs à jeter. L’entreprise s’est dispersée dans de nombreux espaces adjacents qui l’écartent de son métier de base : lancement de la crème à raser Gillette en 1936, lancement du produit féminin Tony en 1948, acquisition des stylos Paper Mate en 1955, acquisition du déodorant en aérosol Right Guard en 1960, lancement des rasoirs Lady Gillette en 1963, lancement d’un déodorant féminin Soft&Dry en 1969, acquisition en 1984 d’Oral B… Aiguillonnées par des actionnaires très actifs, l’entreprise démarre alors un processus discipliné et agressif

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L’objectif est d’identifier la nature et la source de l’avantage concurrentiel et de le pérenniser ; ainsi, certaines entreprises nourrissent leur croissance en focalisant toutes leurs actions sur le renforcement de leur avantage concurrentiel.

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de développement de nouveaux produits avec pour objectif d’augmenter le niveau de dépenses par consommateurs et d’améliorer l’offre et le mix produit, le tout supporté par une communication agressive et un positionnement fondé sur des produits de grande qualité protégés par de nombreux brevets. Le développement du rasoir Sensor démarre en 1980 ; le lancement intervient dix ans plus tard en 1990 pour un coût total de développement de 275 millions de dollars ; le lancement du Sensor Excel intervient en 1993 après quatre années de recherchedéveloppement ; le produit est protégé par 29 brevets concernant le manche du rasoir (système Flexgrip), le design de la cartouche, le montage individuel des deux lames sur ressort… Le lancement de Mach III intervient en 1998 après six ans de recherche et un coût de développement estimé à 750 millions de dollars. En lançant de manière systématique des produits nouveaux très étudiés, Gillette parvient à créer un privilège de prix très significatif lui garantissant des marges élevées ; ainsi, en l’an 2000, la marge opérationnelle de Gillette s’élevait à 39 %, alors que la marge opérationnelle des rasoirs Bic s’élevait 13 %. Sur les vingt dernières années, la croissance moyenne de Gillette a été comprise entre 8 et 10 % et la croissance du résultat d’exploitation supérieure à 10 % par an. Le lancement du modèle Fusion (mécanique) et du Fusion Power (à piles) a grandement contribué à la croissance du chiffre d’affaires du groupe. Le système Fusion a dépassé les 500 millions de dollars dès la première année tout en étant commercialisé environ 30 % plus cher que le modèle précédent (le Mach 3). Gillette revendique aujourd’hui une part de marché mondial supérieure à 70 %.

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L’innovation réactive En France, comme dans d’autres pays, le café n’est pas une tradition ; la consommation dans les bars baisse de 5 % par an. « L’expresso est une habitude qui se perd chez les jeunes. Et quand ils prennent un café, c’est avant tout parce que c’est la boisson la moins chère à la carte. L’expresso est de plus en plus associé au stress et se ringardise », affirme Giuseppe Lavazza, directeur du marketing de la société du même nom. Starbucks, adepte du café de salon, transforme le marché grâce à des recettes plus sucrées et plus « fun ». Lavazza met alors en place une stratégie d’innovation articulée autour d’un certain nombre de nouveaux produits : • tandem : une nouvelle sensation ; dans une tasse compartimentée, d’un côté le traditionnel petit noir Lavazza, de l’autre l’Espoumas, une innovante mousse ultralégère au chocolat et à la noisette ; • le café qui se mange ; • le café dessert ; • le café qui se croque ;

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• les capsules Best Lavazza Ultimate Expresso (plus de 2 milliards d’unités vendues). Aujourd’hui Lavazza sert 36 millions d’expressos par jour et s’appuie sur 30 centres de formation dans le monde ; 20 000 serveurs y apprennent la recette de l’expresso idéal : de l’eau fraîche, une tasse conique en porcelaine chauffée pour emprisonner les arômes, vingt-cinq à trente secondes de percolation. Depuis la mise en place de cette politique d’innovation, le taux de croissance est supérieur à 20 % par an.

L’évaluation de l’innovation Toutes les innovations ne sont pas bonnes à lancer. C’est pourquoi il est utile de les passer au travers d’un filtre et de répondre à des questions telles que : • est-ce que l’innovation est attractive pour le marché ? • concerne-t-elle un segment de taille importante et profitable ? • est-ce qu’une position de leader peut être tenue ? • est-ce que des concurrents importants risquent d’être attirés par la sous-catégorie ? • est-ce que des concurrents sont susceptibles de franchir les barrières d’entrée et de créer une concurrence frontale ? • combien de temps les barrières ont-elles duré ? • est-ce que cette nouvelle offre va être regardée par les clients comme essentiel ? • est-ce qu’elle va permettre un accès plus rapide aux produits ? • est-ce qu’elle sert un marché insuffisamment développé ? • est-ce qu’elle permet de passer d’une offre de composants à une offre de systèmes ? • sert-elle un besoin de marché latent ou explicite ?

La majorité des innovations ne sont pas le résultat d’inventeurs géniaux isolés ou de coups marketing. Elles sont le résultat de recherche systématique de progrès ou d’extension à partir du cœur de métier en explorant de nouveaux segments de clientèle ou de nouvelles technologies.

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Le processus d’innovation

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Nouveauté pour le marché

Innovation de rupture Recherche de besoins que les clients eux-mêmes ignorent

Forte

Adjacente

Légère

Adjacence marché Percées en dehors des marchés traditionnels de l’entreprise en s’appuyant sur ses actifs et ses compétences

Innovation incrémentale Petites améliorations de l’offre existante

Légère

Adjacence Produit Technologie Nouvelles technologies et compétences sur les marchés de l’entreprise

Adjacente

Forte

Nouveauté pour l’entreprise

Source : Bain & Company.

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Nature des innovations

Selon le type d’innovation recherchée, l’entreprise doit mettre en place une approche adaptée : • ainsi l’innovation de rupture requiert prise de risque et tolérance à l’erreur. Dans les marchés où l’innovation de rupture est la norme (technologie, biotechnologies…), il est fréquent de constater que les grandes entreprises rechignent à prendre des risques et préfèrent acheter à des multiples élevés de jeunes pousses ; • pour développer des innovations incrémentales, la firme doit s’organiser pour générer des informations et les laisser exploiter par les équipes proches du terrain et des clients ; • les innovations adjacentes produits/technologies requièrent des processus à la fois créatifs et destructeurs puisque les innovations sont susceptibles de détruire les produits existants ; • enfin l’innovation par les marchés adjacents requiert un grand partage des informations et la mise en place des compétences et des ressources adaptées.

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Chapitre 3

GÉRER ACTIVEMENT LES PRIX

« Au royaume des prix, les myopes ne sont pas rois. »

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BCG dans sa Perspective n° 212

Ce chapitre consacré au prix est en décalage par rapport aux propos tenus habituellement dans les ouvrages de marketing. En effet, il s’appuie sur beaucoup d’exemples réels publiés par McKinsey ou BCG ; force est de constater que, dans ce domaine, la réalité est bien loin de la théorie. • L’approche stratégique des prix – Comportement des prix pendant les phases de croissance – Comportement des prix pendant les phases de maturité - Le positionnement de compétitivité et la politique de prix - Le positionnement de différenciation et la politique de prix • L’approche opérationnelle des prix – La complexité des ristournes – Les brouillards de prix – Les prix moyens (average pricing) – Les guerres de prix • Les prix n’ont plus de valeur

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La détermination des prix est une des composantes décisives de la stratégie marketing. Outre son impact sur les résultats de l’entreprise, le prix est en effet la composante la plus immédiate et la plus directement communicante du marketing mix. Pourtant, la politique de prix est souvent négligée ; le prix est souvent subi et n’est pas le résultat d’une politique volontariste appliquée avec ténacité et rigueur. Complexité de la tarification, multiplicité des ristournes, nombre trop élevé d’intervenants, guerre de prix viennent altérer la réalité du prix sur le terrain. Les conséquences de cette négligence sont coûteuses à la fois en rentabilité et en perte de positionnement. À l’inverse, une gestion active des prix est une puissante source d’amélioration de la rentabilité. Une étude menée par McKinsey sur un échantillon de 2 463 compagnies montre qu’une augmentation du prix de 1 % entraîne une amélioration du résultat d’exploitation de 11 % alors qu’une amélioration des coûts variables de 1 % entraîne une amélioration du résultat d’exploitation de 8 %, qu’une augmentation de volume de 1 % entraîne une amélioration du résultat d’exploitation de 3 % et qu’enfin une diminution des coûts fixes de 1 % entraîne une amélioration du résultat d’exploitation de 2,3 %. Une étude publiée par le Boston Consulting Group1 concluait en effet que, pour la plupart des entreprises, une augmentation d’un prix net de seulement 1 à 2 % était suffisante pour augmenter les profits de 25 à 50 %. Au royaume des prix, les myopes ne sont pas rois. Deux des raisons de cette cécité et de cette négligence tiennent à la complexité et à la multiplicité des éléments nécessaires à la détermination d’une politique de prix. D’une part, la compréhension des prix sur une longue période est souvent rendue difficile par les phénomènes inflationnistes. En monnaie courante, en effet, la plupart des prix augmentent ; en revanche, en monnaie constante certains prix augmentent, d’autres prix diminuent : il faut donc se livrer à des analyses fines pour identifier le comportement des prix dans le long terme.

1.

BCG study of 1 413 companies in all industries in France, Germany, Japan, the UK and the US in 1993-1997 from Breaking Compromises, Wiley.

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Gérer activement les prix

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L’inflation crée des perceptions qui distordent la réalité. Dans le cas de produits très évolutifs, tels que l’automobile ou les produits informatiques, l’évolution des prix sur une longue période est malaisée à comprendre car le produit change : les performances augmentent, le nombre de fonctions s’accroît… de telle sorte qu’une hausse apparente du prix reflète une « amélioration » du produit. D’autre part, l’établissement d’un prix dans une entreprise fait appel à de nombreuses fonctions, à de nombreux arbitrages et à des règles comptables qui sont fixées dans une optique fiscale et non pas dans une optique commerciale. Le nombre d’intervenants pour fixer un prix théorique puis pour l’appliquer de manière réelle sur le terrain est en effet très élevé : de la direction générale à la force de vente, sans oublier bien sûr les directions marketing et les directions financières. Comme le remarque une étude américaine, « le volume d’information à mobiliser pour mettre au point un calculateur de prix est impressionnant ; rien que pour démarrer, il faut des millions de données 1 ». À son arrivée chez IBM, le nouveau président a constaté que le comité des prix rassemblait près de 100 personnes ; il l’a supprimé et a décidé que le prix d’introduction d’une nouvelle gamme ou d’un nouveau service relevait uniquement de son fait. Et pourtant, les politiques de prix sont critiques d’un double point de vue stratégique et opérationnel. Il est fréquent que la matérialisation opérationnelle d’un prix trahisse les intentions initiales pour de multiples raisons (complexité du processus, nombre d’intervenants susceptibles d’accorder une ristourne, application de procédures standard à des produits particuliers…) générant des réponses inadaptées au marché et en déphasage avec le positionnement retenu. Une politique de prix se décide, elle ne se subit pas comme le dit le titre d’un article d’Harvard Business Review : « Price by design not by default ».

1.

Business Week du 31 mars 2003.

171

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

L’entreprise doit affirmer son positionnement à travers le prix en respectant deux règles : • installer une politique de prix cohérente avec le positionnement (approche stratégique) ; • exécuter et vérifier la mise en œuvre sur le terrain (approche opérationnelle).

L’approche stratégique des prix consiste, à partir des éléments de marché, à refléter le positionnement de l’entreprise. Elle ne consiste pas à calculer des coûts et à y ajouter une marge. Elle s’inscrit dans une perspective à long terme où les marchés évoluent selon leur cycle de vie et passent par des phases de nature différente. Durant les phases de lancement du marché et de croissance, le comportement des prix reflète le principe de la courbe d’expérience ; les prix tendent à baisser sur le long terme avec des variations autour de la tendance. Durant les phases de maturité et de déclin, les concurrents déploient des stratégies de segmentations stratégique et marketing ; certains cherchent à se différencier par les attributs produit, la distribution, l’image… ; d’autres maintiennent des politiques de prix agressives : le comportement des prix devient plus complexe, plus hétérogène ; certains prix continuent de baisser, d’autres sont incertains et enfin d’autres montent. Le graphique ci-dessous présente de manière schématique ces évolutions sur une longue période. Pendant les périodes de croissance du secteur, les prix tendent à baisser en monnaie constante. Avec la maturité du marché, les concurrents prennent des positionnements spécifiques. Schématiquement, les prix adoptent trois types de comportement : un comportement de prix compétitifs où les gains de productivité continuent d’être partagés avec les consommateurs, un comportement banal ou subi avec des prix stables/fluctuants en monnaie constante et enfin un comportement différencié qui permet aux prix de monter.

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L’approche stratégique des prix

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Gérer activement les prix

Prix

Phases 3 et 4

En

Maturité et déclin : segmentation ou coût vir

on

ne

me

Phases 1 et 2

nt

co

Environnement différencié mp

éti

tif

Environnement banalisé

Lancement et croissance : courbe d'expérience

Phases 3 et 4

Expérience ou maturité

Maturité et déclin : segmentation ou coût

Évolution des prix et maturité du marché

Comportement des prix pendant les phases de croissance Pendant les périodes de lancement et de croissance, les prix vont suivre l’évolution des coûts à la baisse avec quelques variantes : les positions concurrentielles relatives ont peu de chance de subir des modifications si les prix s’alignent sur les coûts. Autour de cette tendance de fond, différentes variantes peuvent être identifiées. La première variante est celle d’un prix agressif d’introduction, éventuellement à perte, pour gagner rapidement des parts de marché, en anticipant l’évolution du coût unitaire en fonction de la loi d’expérience. Dans ce cas, le concurrent innovateur décide de positionner le prix du nouveau produit à un niveau inférieur à son coût afin d’accélérer la pénétration du produit sur le marché : Prix d’écrémage

Prix de pénétration Prix/coût unitaire

Prix/coût unitaire

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Pr ix Co

ût

Stratégie d’abandon

Expérience (volume cumulé)

Expérience (volume cumulé)

Politique de prix en période de croissance

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Une fois le produit établi sur le marché, les prix vont tendre à descendre selon la courbe d’expérience. Mais, là encore, il peut y avoir des variantes. Une des plus fréquentes est celle où les prix baissent moins vite que les coûts, créant ainsi une ombrelle de prix qui attire de nombreux concurrents. Souvent, cette période « ombrelle » est suivie d’une période de guerre des prix, les concurrents se battant pour gagner de la part de marché ; puis, les survivants entament une période plus calme, où les prix vont retrouver une tendance normale.

Comportement des prix pendant les phases de maturité Ce sont bien entendu les phases les plus courantes. Avec elles arrivent les stratégies de segmentation liées à la bipolarisation des marchés et aux positionnements stratégiques. Il est impératif de traduire dans le prix le positionnement stratégique qui a été retenu : • compétitivité : poursuite de la baisse des prix selon la courbe d’expérience ; gestion de la réalité et de la perception du prix ; • différenciation : tendance des prix à la hausse en monnaie courante et/ou constante ; optimisation par le biais du privilège de prix (Price Premium) ; • banalisation : rapport qualité-prix, suivi des fluctuations de prix à court terme.

Le positionnement de compétitivité et la politique de prix Rappelons la formule de la compétitivité :

Ainsi, la perception du prix est plus importante que le prix réel. Dans le schéma ci-dessous, sont présentés plusieurs produits positionnés selon deux axes : prix réel du produit et prix perçu par les consommateurs. Dans une perspective à long terme, l’idéal est que le prix perçu et le prix réel coïncident, ce qui est le cas des produits E et F situés sur la bissectrice. Dans une optique à plus court terme, la perception des produits A, D, B est acceptable : ils sont perçus comme

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Réussite = compétitivité × perception

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Gérer activement les prix

Prix réel Cohérence entre prix réel et prix perçu

A Cher

B D

G F

E

Bon marché

H

I

Bon marché

Cher

Prix perçu

Prix réel et prix perçu

compétitifs relativement aux autres alors même que le prix réel ne l’est pas. En revanche, les produits G, I, H sont sortis du positionnement. La perception d’un prix compétitif n’est jamais acquise de manière stable (voir l’exemple de Wal-Mart cité précédemment, cf. page 98). La compétitivité du prix doit donc être martelée de manière permanente. Dès que le martèlement cesse, le déficit de perception s’installe, comme le décrit de manière schématique le tableau cidessous. Prise de conscience de l’offre 1er stade

2e stade

3e stade

Piqûre de rappel

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Seuil minimum nécessaire à la prise de conscience

Déficit

Évolution dans le temps

Perception : la politique du martèlement

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Pour maintenir cette perception, les entreprises peuvent avoir recours à deux moyens, indépendants ou combinés : • elles peuvent mener des campagnes de communication intense mettant en avant la compétitivité du prix, par exemple Dell :

Source : Dell, montage de l’auteur.

Dell : Le martèlement

compétitivité : – la symbolique de l’économie d’échelle ; – la symbolique de l’économie systématique ; – la symbolique de la bonne affaire ; – la symbolique de la désintermédiation. Certains distributeurs comme Lidl sont passés maîtres dans la gestion combinée de la symbolique et de la communication, aboutissant ainsi au martèlement de la compétitivité. De nouveaux mécanismes de fixation du prix apparaissent afin de garantir au client le prix le plus bas ; ainsi dans le domaine de l’assurance automobile, Norwich Union propose le système « pay as you drive » ; tout souscripteur est doté d’un boîtier GPS

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• ou elles peuvent jouer sur les éléments symboliques de la

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Gérer activement les prix

qui transmet un relevé de ses déplacements, kilomètres parcourus, horaires, réseau routier choisi. Ce relevé sert à établir la prime à payer : 1 km parcouru ajoute 9 centimes d’euro si c’est de jour ou hors week-end ; circuler de nuit ajoute presque 1 euro par km. Conséquences : prime en baisse (typiquement de 2 000 euros à 1 000 euros/an), plus grande prudence des conducteurs.

Le positionnement de différenciation et la politique de prix Parmi les sources de différenciation identifiées lors de la recherche du positionnement, certaines ont un potentiel de valorisation réel. D’autres non. Il est important de garder en tête que les coûts ajoutés pour créer ces différenciations doivent être valorisés par le client : l’entreprise ne doit pas ajouter des coûts pour son autovalorisation (autrement dit « pour se faire plaisir »), mais pour celle du client. Si la différenciation requiert de rajouter un coût X, il est important de s’assurer qu’aux yeux du client ce coût vaut X+ %. Ainsi, dans le secteur des téléphones mobiles, les producteurs mènent des analyses qui sont résumées dans le schéma ci-dessous, où l’on voit, d’un côté, le coût représenté par l’ajout de telle ou telle fonction et, d’un autre côté, la valorisation estimée.

Coût et valeur des différenciateurs

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Coûts

Valeurs

Antenne intégrée Taille écran Capacité de communication mobile Connexion Bluetooth Ouverture doc Word via email Streaming vidéo Voix par email Ajustement d’image Accès Wifi Capacité stockage Poids inférieur à XX oz Qualité Mpixels Mémorisation 6 radio

Source : Telelogic.

Comparaison du coût des fonctionnalités et leur valorisation par les clients

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La mise en œuvre du positionnement de différenciation passe par la superposition des coûts valorisables. Chaque fonctionnalité supplémentaire, chaque coût rajouté doit faire l’objet d’une analyse rigoureuse selon le schéma proposé ci-dessous :

Oui

Ce service/ est-il valorisable ?

Non

Supprimer

Oui

Ce service est-il différenciant ?

Oui

Déterminer le meilleur mécanisme de réalisation : – tarif – supplément

Le client est-il prêt à le payer ?

Non

Non

Minimiser son coût

Valoriser dans la négociation

Proposer des services valorisables

Dans le domaine industriel, les entreprises ont depuis longtemps fait évoluer les mécanismes de prix en substituant à la vente d’un bien la vente de l’usage : c’est l’économie de la fonctionnalité. L’entreprise propose à son client un certain nombre de services qui modifient en profondeur la relation client/fournisseur, mais aussi la manière dont le client gère son propre système de production. C’est le cas déjà évoqué de BASF, qui a rénové son modèle économique en fournissant non pas de la peinture facturée à la tonne, mais un ensemble de prestations facturées au nombre de voitures peintes. C’est aussi le cas de Michelin qui s’est transformé 1.

Wall Street Journal du 17 novembre 2010.

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Quand le positionnement de différenciation est affirmé, le prix doit être établi en cohérence et ne pas être modifié dans une perspective court-termiste. Pendant la période de récession des années 2008-2010, qui a vu beaucoup de marques de luxe baisser leurs prix, Burberry s’y est refusé : « Nous avons dit que pour nos imperméables iconiques, fabriqués en Grande-Bretagne, nous ne discounterons pas les prix », a déclaré en présentant des résultats en hausse de 46 % la chief executive Angela Ahrendts1.

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Gérer activement les prix

en prestataire de services pour les transporteurs routiers : Michelin propose le suivi de l’état des pneumatiques, poste essentiel pour la consommation de carburant. Michelin assure donc la maintenance ; la firme a calculé que le fait de pouvoir recreuser et rechaper un pneu plusieurs fois multiplie la durée de vie de chacun par 2,5 et entraîne une réduction des déchets de 35 %. Ce système est utilisé par 50 % des flottes européennes. Le prix n’est plus basé sur la vente d’un produit, mais sur son usage. Comme dans les cas de BASF et de Mercedes-Benz, cette solution entraîne un meilleur contrôle des prix pour le fournisseur et une meilleure productivité pour le client. Ce type de mécanisme de prix est très utilisé par les entreprises qui ont associé des services à leurs produits de base. C’est probablement General Electric qui a initié ce processus dans le domaine des réacteurs d’avion en cessant de facturer le prix de vente des réacteurs, mais en facturant l’heure d’utilisation, ce qui a été rendu possible par la mise en place d’un système de suivi des réacteurs et de sites de maintenance et de réparations. De la même manière, Xerox a mis en place un système de location exclusive de ses appareils avec un processus de récupération, de remise à niveau et de réutilisation des différents composants. Les éléments recyclés forment à eux seuls 90 % du poids de la machine louée.

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L’approche opérationnelle des prix Les aspects tactiques des politiques de prix ne sont pas à négliger car leurs conséquences à court terme sont fortes, notamment sur la rentabilité immédiate. C’est pourquoi les entreprises à coûts fixes élevés utilisent des modèles de revenue management (modèles d’optimisation tarifaire) qui permettent une modulation tarifaire sélective en fonction de modèles statistiques prenant en compte des prévisions de demande. Ces modèles sont apparus aux États-Unis avec la dérégulation du transport aérien et se sont généralisés à de nombreux secteurs : location de voitures, loisirs, espace publicitaire, location de matériel, parking, péage d’autoroutes, hôtellerie, transport de colis… Ils sont particulièrement adaptés au domaine des services où l’offre est périssable (une chambre non louée ou un siège d’avion vide représentent un manque à gagner irrattrapable) et la demande est variable. L’inconvénient ou l’avantage est que le client final, voire le vendeur lui-même, ont peine à voir clair dans la jungle des tarifs. La complexité des tarifs dans le domaine de la téléphonie mobile (Orange/SFR/Bouygues) ou dans la location automobile (Hertz/

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Avis/Europcar/Budget) dépasse largement la capacité moyenne de compréhension de l’utilisateur moyen. Le groupe Accor pratique une politique de prix qui reflète sa stratégie multimarques. Cette politique de prix est mise en œuvre à un double niveau, stratégique et tactique : d’une part, la politique de prix est adaptée à chacune des enseignes (Ibis, Mercure, Sofitel) et au sein de chacune des enseignes à chaque segment de clients (individuel, groupe, abonnés). C’est ainsi que, dans la chaîne Sofitel, chaque établissement affiche une cinquantaine de tarifs différents. Les prix sont ajustés en fonction de la disponibilité dans les établissements, de l’historique des réservations, de la saisonnalité et de la gestion des promotions. Cette politique permet d’optimiser le taux de remplissage, tout en respectant le positionnement relatif des enseignes. La politique de prix est considérée comme une composante clé de la stratégie du groupe, et sa mise en œuvre fait l’objet de tactiques adaptées. Mais d’une manière générale, la complexité de la mise en œuvre sur le terrain du niveau de prix décidé entraîne de nombreuses distorsions par rapport aux intentions de départ. Les risques de dérapage sont très nombreux. Parmi ces risques, citons : • la complexité des ristournes, • les brouillards de prix, • les prix moyens, • les guerres de prix.

Dans la plupart des entreprises, le nombre d’intervenants susceptibles d’accorder une ristourne, une remise, un rabais, une réduction, etc. à un client est supérieur à cinq : • le commercial va proposer les ristournes auxquelles il est autorisé ; • son directeur commercial va proposer la ristourne à laquelle il est autorisé ; • le responsable logistique va proposer une ristourne pour compenser un retard de livraison ; • le directeur financier va proposer une ristourne déguisée sous la forme de délais de paiement allongés ;

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La complexité des ristournes

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Gérer activement les prix

• le directeur général va proposer une ristourne suite à son déjeuner avec le client ;

• etc. Dans la plupart des entreprises, la responsabilité des ristournes est en effet émiettée, de telle sorte que le « prix net net net » peut être fort éloigné du prix catalogue. L’existence de ristournes de fin d’année (RFA), qui sont calculées quelques mois après la fin de l’exercice fiscal, ajoute encore à la complexité de déterminer le vrai prix. L’exemple ci-dessous présente une situation réelle pour un fabricant de fournitures de bureau. Prix (€/unité)

Exceptions consenties sur les prix à la négociation des contrats, lors de promotion de produits en fonction du volume

Rabais accordé par le service client Rabais accordé par la production

Le commercial a donné un tarif erroné Rabais sur le port Conditions de paiement Seuil minimum de commandes

Prix Tarif

Prix facturé

Prix net net

Source : BCG.

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Émiettement de la responsabilité des ristournes

Il résulte de cet émiettement des ristournes et de cette dispersion des responsabilités des écarts considérables entre le prix catalogue et le prix effectivement obtenu (pocket price) ; ainsi, dans le cas de batteries automobiles présenté ci-dessous, l’écart entre le prix catalogue, soit 28,40 dollars, et le prix effectivement reçu, soit 18,18 dollars, s’élève à 10,22 dollars, soit 36 %.

181

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Prix de base

28,40

Ristourne distributeur

4,26

Remise volume

0,71

Remise exceptionnelle

2,27

Prix facturé

21,16

Remise paiement content

0,25

Remise sur facture

0,22

Participation publicitaire

0,85

Remise marchandise

0,60

Rabais volume global

0,74

Rabais transport

0,32

Prix effectivement payé

18,18

Cumul des remises : 10, 22 $ soit 36 %

Source : McKinsey, Quaterly, n° 3.

Écart entre le prix catalogue et le prix réel payé

Une des conséquences de cet émiettement des responsabilités est le brouillard de prix. Les clients ne payent pas le prix qui correspond à la politique voulue par l’entreprise. Les exemples cidessous sont emblématiques de cette situation. Dans le premier cas, la banque commerciale a déterminé une politique de prix qui s’applique à chaque type de clients : l’axe horizontal, « prix tarif », correspond à cette politique. L’axe vertical correspond au prix effectivement payé par les clients pour l’obtention de leur crédit. La taille des cercles correspond au montant des crédits consentis. L’analyse du graphique met en évidence le fait que les petits clients présentant un risque plus élevé devraient acquitter un tarif correspondant, mais paient de manière effective un tarif inférieur : ils bénéficient d’un prix bas alors qu’ils présentent un risque plus élevé. La situation décrite dans le second tableau est encore plus apocalyptique ; ce fabricant de produits industriels n’applique pas sa politique de ristourne en fonction du volume. Il en résulte que certains gros clients n’obtiennent pas les ristournes prévues, que certains petits clients obtiennent des ristournes trop importantes et enfin que des clients moyens obtiennent des ristournes trop importantes.

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Les brouillards de prix

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Gérer activement les prix

Prix effectif 200

Petits clients présentant un risque plus élevé mais bénéficiant d’un prix trop bas

160

Montant du crédit consenti

100 100

160

220

Prix tarifs

Source : BCG.

Non-application des tarifs (1)

Ristournes (indice) Petits clients obtenant des ristournes trop importantes

Clients moyens obtenant des ristournes trop importantes

50 40 Gros clients n’obtenant pas les ristournes prévues

30 20

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10 1 1

10

100

1 000

10 000 volume des ventes

Source : BCG.

Non-application des tarifs (2)

183

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Le jour où les « gros clients » constateront qu’ils ont surpayé de manière systématique, ils manifesteront leur mécontentement, soit en réclamant des ristournes encore plus importantes et effectives, soit en changeant de fournisseur. De telles situations se révèlent souvent à l’occasion du rapprochement d’entreprises où les conditions de prix et de paiement obtenues par les clients sont juxtaposées. Enfin, dans l’exemple ci-dessous on constate que 65 % des contrats sont conclus en dessous du prix cible et même que 8 % des contrats sont conclus en dessous de leur prix de revient. Quant à la politique de ristourne pour les petits comptes, elle est totalement erratique. Prix effectif en % du prix catalogue 65 % des contrats sont signés en dessous de la limite minimum

120 100 80

8 % des contrats sont signés en dessous de leur coût réel

60 Prix minimum cible

40

Coût moyen des contrats Coût direct

20

Les ristournes varient très fortement pour les petits clients

0 0

10

20

30 CA total annuel, en milliers de $

Source : McKinsey.

Non-application des tarifs (3)

Les prix moyens (average pricing) Bien qu’il existe de multiples différences et possibilités de segmentation entre clients (volume par article, coût du service, besoin ou non d’une gamme large, besoin de modification du produit de

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De tels écarts rendent évidemment non lisible le positionnement choisi par l’entreprise : pour certains clients, il s’agit d’une entreprise dont le positionnement est la compétitivité ; pour d’autres il s’agit d’une entreprise dans le positionnement est la différenciation : le client est alors en droit de s’interroger sur la validité du prix qu’il paye.

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Gérer activement les prix

base…), de nombreuses pressions internes conduisent souvent les entreprises à mettre en place un système de coûts moyens ou d’allocations « standard ». Elles se facilitent ainsi la vie sur l’évolution de la gamme de produits, l’allocation des frais généraux et la détermination des coûts indirects. Elles font plaisir aux commerciaux qui ont la « gamme complète » de leurs rêves, et elles s’épargnent le coût des saisies de données fines sur la façon dont évoluent réellement les coûts en fonction de divers paramètres (longueur de série, complexité des factures et des supports informatiques, diversification/fonctionnement des approvisionnements, etc.). Ces systèmes d’allocation conduisent à des coûts moyens, qui conduisent à leur tour à un système de prix moyens. Donc certains groupes de clients paient pour d’autres groupes de clients. Des « prix ombrelle » apparaissent. Certains concurrents en profitent et gagnent de la part de marché, malgré leur désavantage de coût au niveau du produit de base. Prenons le cas (réel) de la société A, qui fournit un équipement médical destiné à des hôpitaux. Elle perd de la part de marché au profit de la société B, pourtant plus petite. La société A reste bien dominante dans les nombreux petits hôpitaux de moins de 50 lits, mais la société B se focalise sur les grands hôpitaux (au moins 300 lits). Certes, la société A, plus grande, garde un avantage de coût de production, mais sur les grands hôpitaux, la société A calcule son prix de revient avec des coûts de vente et d’administration (sales, General & Administration, ou SG&A) moyens. En face, B constate que les coûts de « SG&A » sont très inférieurs par unité vendue sur les grands hôpitaux et peut ainsi plus que compenser son désavantage de coût de production en ayant des prix de vente plus bas que A et conquérir le marché.

Le phénomène est très général et inhérent au système comptable de la plupart des entreprises qui allouent les coûts indirects en fonction du volume.

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Les guerres de prix Les guerres de prix sont une déviation parfois volontaire des politiques de prix. Pourtant, que ce soit à court terme ou à long terme, les guerres de prix – le recours au mot « guerre » n’est pas neutre – ont presque toujours des conséquences négatives. Les guerres de prix ne démarrent pas toujours de manière visible : les prix sont un domaine complexe et

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souvent peu lisible. C’est ainsi qu’il semble qu’une des guerres de prix qui a affecté le domaine du pneu aux États-Unis ait démarré à cause de systèmes de facturation mal interprétés. Si un fabricant de pneus sur la base d’un prix tarif de 35 dollars fait bénéficier son client d’une réduction liée au volume de 2 dollars et d’un budget marketing de 1 dollar, le prix net réel est de 32 dollars. Le concurrent qui interprète le prix de 32 dollars comme un prix tarif auquel il applique ses propres ristournes démarre sans le savoir une guerre des prix. Dès lors qu’une entreprise commence à baisser ses prix, elle doit s’attendre à ce que les réductions qu’elle consent soient immédiatement copiées par ses concurrents. À moins que l’entreprise ne bénéficie d’un avantage de coût de l’ordre de 30 à 40 %, elle sera perdante ainsi que ses confrères. L’impact d’une baisse de prix sur la rentabilité est en effet extrêmement fort. Une étude menée par le cabinet McKinsey sur une moyenne des S&P 1000, c’est-à-dire les plus grandes entreprises nord-américaines cotées, montre que si les prix baissent de 1 % et que les coûts et les volumes restent constants, les résultats d’exploitation baissent de 7 à 8 %. Pour compenser une baisse de prix de 5 %, sur le même échantillon, il faut générer un volume supplémentaire de 20 % pour que l’opération soit neutre. D’une manière pratique, il est peu probable qu’un tel volume soit généré de manière stable à long terme. Les baisses de prix par ailleurs créent chez les consommateurs des attentes qui sont coûteuses à soutenir à long terme. Par exemple l’aller-retour à 199 dollars entre New York et San Francisco proposées par les compagnies aériennes durant la guerre des prix de l’été 1992 a créé dans l’esprit des consommateurs une référence inévitable qui subsiste encore des années après. Une des raisons qui amènent une entreprise à déclencher une guerre des prix est de faire disparaître les concurrents les plus faibles. S’il arrive en effet que certains disparaissent, souvent les capacités qu’ils avaient créées restent. Le secteur aérien en est un bon exemple : la disparition de Pan Am et d’Eastern Airlines a facilité l’apparition de nouveaux concurrents tels que Kiwi Air et Reno Air ; en France, la disparition d’Air Lib n’a pas entraîné une diminution des capacités ; celles-ci ont simplement été reprises par d’autres opérateurs fonctionnant sur une meilleure base de coûts.

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Gérer activement les prix

La guerre des prix qui a fait rage sur le marché américain de l’automobile en 20022003 a eu des conséquences négatives pour les producteurs américains. La guerre des prix a été initiée par General Motors, pour mettre fin à sa perte de part de marché face aux producteurs japonais. General Motors aussitôt suivi par Ford et Chrysler a initié des incentives et des rabais de plusieurs milliers de dollars par véhicule. Durant cette période, les trois grands constructeurs américains ont introduit un nouvel incentive tous les mois tout en continuant de perdre de la part de marché ; le niveau devenu courant des incentives est estimé à 3 764 dollars par véhicule en 2002-2003 (soit 14 % du prix de vente), contre une moyenne historique de 1 500 dollars ; les constructeurs japonais ont certes eu recours ponctuellement à des incentives, mais ils les ont arrêtés et continuent de gagner de la part de marché. Le nombre d’acheteurs de voitures importées qui achetaient auparavant des marques américaines est passé de 500 000 en 1998 à plus de 2 millions en 20021. Les conséquences financières sur les constructeurs nord-américains sont lourdes : en 2002, Chrysler a gagné 126 dollars par véhicule vendu, GM 701 dollars, Nissan 2 069 dollars, Toyota 1 214 dollars et Honda 880 dollars2. En 2003, les résultats ne s’améliorent guère : Chrysler perd un milliard de dollars sur le deuxième trimestre 2003 et renonce à tenir les objectifs annoncés ; GM, qui prévoyait un résultat de 6 dollars par action au début de 2003, a annoncé quelques mois après que le résultat serait au mieux de 4,50 dollars par action. Les estimations pour Ford sont du même ordre de grandeur avec une baisse de 85 cents à 71 cents. Cette guerre des prix a eu peu de conséquences commerciales, au sens où elle n’a pas permis de modifier les tendances fortes du marché ; en revanche, les conséquences financières pour les constructeurs américains ont été lourdes.

© Groupe Eyrolles

Les prix n’ont plus de valeur D’une façon générale, ce qui compte est d’avoir une politique de prix voulue (en fonction du positionnement, du marché, de la croissance, de la concurrence, de la segmentation et de la structure/niveau de coût…). Quand on « tâte le marché » en début du cycle de vie du produit ou du service, il convient également d’avoir constamment en tête le vieil adage empirique (et pas toujours stratégique) qui dit qu’il est toujours plus facile de baisser les prix que de les monter. Les errements opérationnels évoqués ci-dessus et d’une manière plus générale la gestion « gélatineuse » des prix ont considérablement érodé la valeur des prix, notamment dans le domaine de la grande consommation, où l’on peut constater des écarts considérables pour un même produit : 1. 2.

Source : CNW Marketing Research. Wall Street Journal Europe du 19 juin 2003.

187

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Prix d’une paire de tennis blanches Stan Smith

Sur un site de ventes privées 45.90 €

Prix le plus bas du vol EasyJet CDGLutton le mercredi 3/2/2010 à 8 h 55

Prix d’un téléviseur Sony LCD 40W5500 (prix comparé sur 75 boutiques en ligne par le site twenga.fr)

En réservant un mois à l’avance

85.00 € En réservant la veille

30.99 €

228.99 €

Prix le plus bas

Prix le plus haut

750.00 € Prix pour une Peugeot 807 Diesel

Prix de référence

Prix le plus bas (mandataire Internet) 25 000,00 €

1 441,00 € Prix le plus haut (catalogue hors remise) 38 100,00 €

Source : Enjeux-Les Échos, février 2010.

Aujourd’hui, le consommateur peut acheter le produit de plusieurs manières et à des prix différents. Dans l’habillement, selon l’Institut français de la mode1, 66 % des Français estiment que les prix ne veulent plus rien dire. En fait, dans le cas des produits « périssables » tels que les chambres d’hôtel, les places d’avion, les voyages, etc. qui ont mis en place des systèmes de yield management, les prix varient substantiellement selon le moment où le produit est acheté. Mais à la fin du siècle dernier, les compagnies aériennes publiaient encore leur grille tarifaire un an à l’avance. Ce phénomène d’instabilité s’est généralisé aux produits ou services à durée de vie courte (informatique, confection, etc.). Le consommateur a compris que la valeur d’un bien ou d’un service varie selon le moment où il l’achète. Une partie de la clientèle devient ainsi « accro » à la recherche de la meilleure affaire. Inversement, quand le consommateur achète un bien ou un service parce qu’il en a besoin et non parce que c’est la bonne affaire, il risque d’entrer en « dissonance cognitive ».

1.

Enquête réalisée en octobre 2009.

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© Groupe Eyrolles

La valeur des prix remise en question (prix en euros)

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Gérer activement les prix

En fait, la majorité de la clientèle a une attente claire en matière de prix ; dans le cas de l’acheteur industriel, cette attente est formalisée. Le consommateur, dont on sait qu’il retient seulement un nombre limité de prix, a en tête une notion relative des prix des produits et des marques les uns par rapport aux autres. Une variation par rapport à cette attente, même si elle est économiquement favorable au client, est souvent déstabilisante, comme l’a montré l’exemple de Wal-Mart. De même, les exemples Vuitton ou Burberry ont bien montré que, dès lors que le positionnement est établi, la flexibilité des prix est faible. Comme le résume le tableau ci-dessous, la flexibilité sur une longue période dans le domaine des prix est faible. Ils sont en effet un vecteur de communication clair et facilement perçu ; dès lors qu’il y a écart entre le positionnement et le prix, le risque de dissonance chez le client devient réel. Niveau de prix relatif Élevé

Positionnement

Différencié

Banal

Compétitif

Moyen

Bas

Super Premium Maximisation du privilège de prix

Privilège de prix normal

Sous-valorisation Risque de dépositionnement

Survalorisation Risque de mévente

Rapport qualité/prix

Bonne affaire client Risque de sousrentabilité

Non-respect du positionnement Incohérence

Risque de dépositionnement

Cohérence avec le positionnement

À privilégier À éviter À proscrire

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Flexibilité des politiques de prix

1. Dans le cas d’un positionnement de différenciation, certaines marques bénéficient d’un privilège de prix (Price Premium) ; d’autres, rares, bénéficient d’un super privilège de prix (super Price Premium). Sacrifier ce privilège de prix à court terme pour

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

susciter une augmentation de la demande est extrêmement néfaste à long terme. Comme l’a montré l’exemple de Louis Vuitton cité précédemment (cf. page 91), une marque qui ne cède pas aux pressions du court terme en baissant ses prix renforce sa position dans l’esprit des clients qui estiment qu’ils n’ont pas été trahis. 2. Dans le cas du positionnement banal, l’argumentaire prix est plus complexe. En effet, la motivation d’achat est souvent le rapport qualité-prix ; s’écarter du rapport qualité-prix attendu par un prix plus élevé dégrade la position ; à l’inverse, offrir un prix plus compétitif a probablement un impact direct sur la rentabilité.

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3. Dans le cas du positionnement de compétitivité, la flexibilité par rapport au prix de référence du marché est extrêmement faible ; le client qui choisit un fournisseur sur la base de sa compétitivité prix est déstabilisé s’il perçoit que le prix augmente : c’est l’exemple de la modification des symboliques chez Wal-Mart.

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Chapitre 4

VALORISER LA DISTRIBUTION

« L’ouvrier qui veut bien faire son travail doit commencer par aiguiser ses instruments. »

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Confucius

La distribution est un domaine qui a considérablement évolué au cours des dernières années, sous l’impulsion des nouvelles technologies de l’information et de la communication ; celles-ci ont généré beaucoup d’opportunités, notamment dans le secteur des services et le marketing B2B. • Le contact matériel – La logistique – Les techniques marchandes de produit – Les techniques marchandes dans les services • Le contact humain – Le contact numérique • Le contact multicanal

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

La place, c’est au sens étymologique du terme un lieu de rencontre, d’échange, de contact : une agora. En marketing, c’est une ressource privilégiée puisque c’est celle qui permet la rencontre entre le vendeur et l’acheteur. Cette composante de l’offre marketing comprend deux grands aspects : la gestion du contact acheteur-vendeur et la distribution physique. Ce contact peut s’effectuer de différentes manières : dans un lieu prévu à cet effet, magasins, agences, etc. ; on parlera alors de contact matériel. Il peut s’effectuer aussi entre personnes, par exemple dans le cadre d’une négociation entre un acheteur et un vendeur ; on parlera alors de contact humain. Il peut aussi s’effectuer de manière numérique via un écran. Enfin, il peut s’effectuer en utilisant une combinaison de ces différents modes de contact.

Matériel

Humain

CONTACT

Électronique

Plusieurs forces économiques sont à l’œuvre pour modifier, d’une part, le rôle de chacun de ces modes de contact et, d’autre part, le poids relatif de l’acheteur et du vendeur. On assiste en effet à une prolifération des besoins du client, à une individualisation de la demande et du niveau de service, à une diversité accrue des canaux de distribution et, bien sûr, au poids croissant d’Internet dans le commerce. Mais on assiste aussi à un renforcement de la distribution, avec des acteurs disposant d’un pouvoir de négociation élevé grâce, d’une part, à la taille et, d’autre part, à une meilleure connaissance via les systèmes d’information des besoins du client. Le rôle d’intermédiaire est mis à mal par le poids crois-

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Modes de contact acheteur-vendeur

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Valoriser la distribution

sant d’Internet qui permet à l’acheteur de passer en revue plusieurs offres, de rechercher le meilleur prix. Ce phénomène se retrouve aussi bien dans les transactions B2C que dans les transactions B2B qui peuvent se faire par enchères. La nature des magasins change : ils deviennent maintenant espace de vie et d’événements. Aujourd’hui, la définition d’une politique de contact doit s’inscrire dans un cadre évolutif, rester cohérent avec le positionnement et respecter un certain nombre de principes : • efficacité : amener au bon endroit, au bon moment et en quantité adéquate les produits appropriés ; • pertinence : sélectionner les canaux de manière à ce qu’ils traitent les besoins exprimés et latents des clients ; • couverture : permettre aux clients de trouver et d’apprécier la valeur de l’offre ; • performance : s’assurer que les coûts de la distribution sont en ligne avec le positionnement ; • adaptabilité : la politique de distribution retenue doit permettre d’intégrer les nouveaux produits et les nouveaux services et peut évoluer et prendre en compte les formes émergentes de distribution.

Le contact matériel

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Dans la plupart des cas, les producteurs n’assurent pas la totalité des étapes de commercialisation et de mise à disposition des produits. Ils ont recours à des intermédiaires pour couvrir l’ensemble du processus, comme le montre, dans le cas des biens de grande consommation, le schéma ci-dessous :

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Consommateurs

Concessions automobiles, téléphonie mobile Consommateurs

Nombreux revendeurs

Garages, épiceries de quartier, textile/ confection

Consommateurs Sites Internet, porte à porte, catalogues

Consommateurs

Fabricant

Nombreux revendeurs

Le fabricant vend au consommateur final

Exemples

Biens de grande consommation Centrales d’achat

Vente directe au consommateur

Grossistes

Le fabricant vend à des centrales ou à des grands clients

Centrales de distribution

Comptes clés

Catalogue/Web/Vente directe

Le fabricant vend à de multiples revendeurs contrôlés

Fabricant

Marchés fragmentés points de vente contrôlés

Fabricant

Le fabricant vend à de multiples revendeurs indépendants

Fabricant

Marchés fragmentés revendeurs indépendants

Grossistes

Du fabricant au consommateur

Description

Le recours à des intermédiaires jouant des rôles différents et complémentaires existe aussi en marketing industriel, où coexistent de multiples cas de figure, comme le montre le schéma cidessous :

194

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Exemples de systèmes de distribution B2C

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Valoriser la distribution

Producteur

Producteur

Producteur

Producteur

Agents

Agents

Distributeurs industriels

Distributeurs industriels

ACHETEURS INDUSTRIELS

Exemples de circuits B2B

Ces processus ont connu une évolution considérable au cours des dernières décennies. Le commerce est en effet passé d’une activité locale à une activité mondiale : on retrouve aujourd’hui dans de très nombreux pays les grandes enseignes de distribution alimentaire ainsi que de biens durables. De plus, récemment, les grandes enseignes spécialisées ont fait évoluer leur offre vers d’autres secteurs, comme le montre le tableau ci-dessous : Énergie • • • • •

Ikéa Métro Karstadt proMarkt 7/11 Japan

Automobiles • Casino • Sainsbury

Assurance • • • •

Carrefour Karstadt Tesco Auchan

Banques • • • •

Voyages • • • • • •

Décathlon El Corte Inglés Falabelle Karstadt Wal-Mart Carrefour

Nordstrom Marks & Spencer Tesco Auchan Télécom

• • • • •

Carrefour ASDA Garbarino Staples Tesco

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Extension des distributeurs vers d’autres lignes de produits/services Pour le producteur qui commercialise un bien grand public, la question première est le choix de l’enseigne en cohérence avec son positionnement. Ainsi, le « même bien » sera présenté dans des enseignes différentes en fonction du positionnement. L’exemple des jeans qui est présenté ci-dessous montre bien la problématique : • d’un côté, un jean Diesel vendu dans l’enseigne du même nom ; les produits sont présentés de manière valorisante ; musique et conseillers à la vente sont présents ; l’essayage est encouragé dans des cabines ; le prix de vente est supérieur à 200 euros ;

195

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

• de l’autre côté, un jean sans marque vendu en vrac sur un linéaire, sans essayage facile et sans aide à la vente ; le prix de vente est inférieur à 50 euros (6 euros en promotion en GMS).

Jeans chez Diesel

Available styles Available fabrics Jeans sans marque

Cohérence du positionnement et de la distribution

Pour être efficace, la distribution doit maîtriser deux aspects du processus : la logistique et les techniques marchandes. La logistique permet de piloter les flux physiques et financiers et s’appuie aujourd’hui sur des systèmes informatiques performants et intégrés. Les techniques marchandes permettent d’optimiser l’espace des magasins et le temps du client. Ces deux aspects s’appliquent différemment selon qu’il s’agit de produits purs ou de services purs.

La logistique La logistique est l’activité qui a pour objet de gérer, d’une part, les flux physiques d’une organisation, mettant ainsi à disposition des ressources correspondant aux besoins, aux conditions économiques et pour une qualité de service déterminée, dans des conditions de sécurité et de sûreté satisfaisantes et, d’autre part, les flux d’informations associés qui sont immatériels.

Fournisseurs

Distributeurs

Points de vente

Flux d’informations

Échange de flux entre fournisseurs et distributeurs

196

Clients

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Flux de produits

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Valoriser la distribution

La gestion de la chaîne logistique (supply chain management) a intégré très tôt les NTIC afin de maîtriser les flux en temps réel. C’est sous la pression des industriels que la gestion de la chaîne logistique est devenue stratégique quand la gestion en juste-àtemps est devenue une exigence. Le juste-à-temps (just-in-time) est une méthode d’organisation et de gestion de la production, initiée par les producteurs industriels, qui consiste à minimiser les stocks et les en-cours de fabrication. Appelée aussi « flux tendu » ou encore « zéro-délai », la méthode est issue du « toyotisme » ; elle consiste à minimiser le temps de passage des composants et des produits à travers les différentes étapes de leur élaboration, de la matière première à la livraison des produits finis. Cette exigence a amené les fournisseurs amont à intégrer dans leur processus les besoins de leurs clients. La relation fournisseur/client ou fournisseur/distributeur n’est plus univoque. Ainsi, la relation fournisseur distributeur s’est profondément modifiée : d’une part, en partant des besoins des clients et en déterminant l’approvisionnement en fonction de cette analyse ; d’autre part, en privilégiant le conseil et la coopération afin de faire face à l’individualisation des clients et à la multiplication des références entraînant une grande complexité des informations à traiter. Dans certaines multinationales commercialisant des biens de grande consommation, cette fonction est considérée comme essentielle et le responsable de la logistique est membre du comité exécutif.

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Les techniques marchandes de produits La bataille est gagnée ou perdue au niveau du magasin ; il faut être le meilleur à attirer l’attention du client et à finaliser la vente dans le rayon. Pour y parvenir, les grands distributeurs ont recours à des méthodes élaborées d’organisation des magasins que l’on appelle le merchandising. Le tableau ci-dessous présente la mise en œuvre de techniques de merchandising dans une chaîne spécialisée. Une des plus performantes techniques marchandes est la gestion par catégorie ; au lieu de partir de l’organisation des fournisseurs et de la transposer dans l’organisation des magasins, la gestion par

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Thème

Périodicité de l’implantation

Produits concernés

Implantation

Objectif

Best of

Toutes les semaines sauf pendant les opérations nationales

Trois produits par rayon

TG

Présenter les meilleures ventes

Coin des affaires

Toute l’année

Tous les vieux produits

À placer en sélecteur au fond de chaque rayon

Liquider les vieilles références

1er prix

Toute l’année

Produits d’entrée de gamme (liste fournie par le service produits)

Sélecteur ou table dans chaque cible

Indiquer le prix de référence

Produit du mois ou Prix défi

Tous les mois sauf pendant les opérations nationales

2 ou 3 produits dans chaque rayon

TG

Améliorer la rotation des produits pendant leur durée de vie

Exemples d’implantation dans une chaîne spécialisée

Le distributeur anglais Tesco y réussit à merveille. Sa priorité absolue est, dans tous les domaines, le consommateur. La devise est : « Capitalisons sur notre avantage concurrentiel : un haut degré de service à un prix juste. » Les services sont donc mesurés, suivis et améliorés en fonction des données de transaction qui permettent une connaissance fine du client. Tesco capitalise sur deux sources d’avantage concurrentiel : d’une part, un avantage de coût dû à la taille, mais aussi à une capacité à sans cesse rendre plus efficaces les opérations ; d’autre part, un avantage de valeur pour le consommateur, combinant des prix bas liés à des coûts maîtrisés, mais aussi un service supérieur généré par une offre de formats multiples, un vaste choix dans chaque format, une qualité de service élevée (pas de rupture de stock, pas de queue aux caisses). Cette adéquation entre les besoins du consommateur et l’offre (la bonne gamme au bon endroit au bon prix au bon moment) est le résultat d’une focalisation systématique sur le client.

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catégorie consiste à définir des ensembles d’articles correspondant à des univers du point de vue du client. Cette approche, aussi connue sous le nom de category management, vise à s’affranchir des contraintes du fabricant ou du distributeur afin de mieux coller au comportement du consommateur.

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Valoriser la distribution

Ainsi, Tesco s’assure : • que les files d’attente aux caisses sont limitées (jamais plus de trois personnes en attente quelle que soit l’heure) ; • que la taille et les « formats » de magasins (Express, Metro, Superstore, Compact, Extra) répondent à des attentes des consommateurs en phase avec une segmentation fine permise par des bases de données transactionnelles pertinentes qui prennent en compte notamment le type de produit acheté, le niveau de dépenses, la sensibilité aux promotions, l’heure de visite aux magasins, etc., de telle sorte que, sur un mailing de 10 millions, le nombre de personnes recevant la même offre est seulement de l’ordre de 20 à 30 ; • que les marques propres sont segmentées (Good, Better, Best), gérées de manière dynamique et en phase avec les attentes spécifiques des consommateurs en termes de prix, de qualité et de nombre. Cette segmentation fine est permise par des bases de données transactionnelles ; • enfin que les nouveaux canaux d’accès sont bien utilisés (Tesco.com).

L’utilisation des bases de données permet aussi aux distributeurs d’intégrer la psychologie des consommateurs dans l’organisation des magasins. Ils peuvent ainsi segmenter leur clientèle par groupes typologiques et déterminer un panier qui répond aux attentes des clients. Par exemple, les consommateurs qui achètent du Nutella sont moins regardants sur les prix et recherchent plus de produits de grandes marques, tout en étant friands de promotions de grandes marques. À l’inverse, les clients sensibles aux prix concentreront leurs achats sur des produits à prix bas et des marques distributeurs. Une technique marchande nouvelle, mais qui se développe fortement est celle des magasins éphémères. Une enseigne de magasins éphémères s’est même créée sous le nom de Chronostock. Ces points de vente peuvent être multimarques ou monomarques. Ils sont ouverts pendant des périodes courtes (un à six mois) parfois dans des lieux désaffectés ou en attente de rénovation et sont destinés à attirer l’attention d’une clientèle.

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Les techniques marchandes dans les services Les services ont connu une évolution considérable au cours des dernières décennies ; d’une part, ils sont devenus la partie prédominante du PNB ; d’autre part, le mode de distribution des services qui tardait à évoluer est aujourd’hui en pleine révolution. Qu’il s’agisse des bureaux de poste, des agences bancaires ou d’assurance,

199

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

on observe aujourd’hui l’apparition de points de contact dans lesquels le mot « guichet » est banni. En analysant les flux au sein des points de vente de services, les entreprises ont distingué les besoins transactionnels pouvant être effectués de manière automatisée par le client lui-même des besoins de conseil qui requièrent une interaction avec un conseiller commercial. Le résultat de ces analyses est l’organisation des lieux en différents espaces selon les besoins. Le schéma ci-dessous présente une architecture de lieu résultant de cette approche : 1

1. À l’extérieur de l’agence Encourager l’entrée dans l’agence Améliorer la visibilité de l’offre Visite service/opérations Entrée de l’agence

2

3. File d’attente, transaction Assurer la qualité de service Utiliser le temps d’attente pour faire connaître les produits Encourager les clients à faire des parrainages

Moment de vérité du service 3

Zone de vente et de conseil

Service et ventes

Sortie de l’agence

Zone d’aide et d’orientation 4

Zone de transaction

5. Départ de la banque Créer une impression favorable à la fin de visite Communiquer des informations sur les produits additionnels de la banque

2. À l’entrée de l’agence Identifier les clients en fonction de leurs besoins et les orienter : transactions (interactions, self-service), résolution de problèmes Rendez-vous conseil/vente

4. Attente de l’entretien Minimiser le temps d’attente Communiquer des informations sur les autres produits de la banque

5

Source : McKinsey, Quaterly.

Exemple d’organisation d’agence bancaire

Le contact humain La plupart des firmes sont dotées de forces commerciales. Leur rôle est d’interagir soit directement avec l’acheteur (par exemple, les conseillers commerciaux dans une banque ou l’acheteur indus-

200

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Le Crédit Foncier est allé plus loin en créant un Megastore baptisé « Foncier Home » de 1 500 m sur quatre étages. Les clients sont accueillis par 30 collaborateurs qui proposent l’ensemble des solutions et des conseils, facilitant la réalisation et la compréhension de leur projet immobilier.

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Valoriser la distribution

triel dans une grande entreprise), soit indirectement quand un représentant commercial négocie avec un intermédiaire (par exemple, avec une centrale d’achat ou avec un grossiste). La firme doit veiller au bon dimensionnement de sa force de vente : charge de travail, besoin de visiter différents types de clients et de prospects, découpage des secteurs selon des critères géographiques, de clients, de gamme de produits. Elle doit définir les qualités à rechercher pour ses commerciaux et s’assurer de leur bonne formation et, bien entendu, mettre en place les indicateurs de performances cohérents avec sa politique. Pour optimiser les performances de leur force commerciale, les entreprises ont recours à différents types d’organisation comme le montre le schéma ci-dessous : Types d’organisation

Critères de décision

Géographique

– Produit standard, mais importance des caractéristiques/culture/normes locales

Produit

– Produits complexes – Gammes de produits variées et spécifiques

Client

– Méthodes d’achat différentes – Clients très importants

Exemples d’organisation des forces de vente

© Groupe Eyrolles

La gestion des forces de vente a été riche en évolutions et révolutions au cours des dernières décennies. En effet, les coûts associés sont extrêmement importants et toutes les études montrent qu’il y a des zones d’inefficacité importantes dans la mesure où le temps effectif consacré à l’échange avec l’acheteur est mineur comparé aux autres tâches qui sont demandées aux commerciaux. Dans le graphique ci-dessous qui concerne la commercialisation de biens industriels, un tiers du temps de la force commerciale est consacré à des tâches non commerciales :

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Suivi des clients 12 %

Tâches administratives 17 %

Appels et ventes téléphoniques 21 % Vente en face à face 30 % Attente/voyages 20 %

Le rôle des forces commerciales est aussi en très forte évolution. Traditionnellement, le commercial était un travailleur solitaire à qui l’on demandait de bien maîtriser les techniques de vente en face à face et de bien connaître les caractéristiques du produit et ses applications. Sa place dans l’ensemble de l’organisation était limitée. Aujourd’hui, face à l’individualisation croissante des produits et services et aux besoins mutuels d’information, on attend du vendeur qu’il soit plus un orchestrateur capable d’apporter des solutions aux besoins explicites ou implicites du client tout en maintenant un contact à long terme. Le passage de la vente traditionnelle à la vente relationnelle et ses conséquences est présenté dans le tableau ci-contre. Cette évolution n’est naturellement pas terminée et on peut anticiper que la pleine mesure des systèmes d’information fera évoluer le rôle des commerciaux à celui d’experts. C’est d’ores et déjà le cas dans le monde industriel. En effet, le fort développement des outils de gestion de la relation client (GRC ou CRM pour Customer

202

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Répartition du temps des commerciaux

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Valoriser la distribution

Vente traditionnelle

Vente relationnelle

Travailleur solitaire

Orchestrateur stratégique consultant Allié à long terme Rôle clé dans l’activité de l’acheteur

Implication des participants

Minimum de l’acheteur Maximum du vendeur

Élevé de la part des deux participants

Information

Du vendeur à l’acheteur

Bidirectionnelle

Caractéristiques produit et applications

Capacité d’apporter une solution aux besoins implicites ou explicites

Techniques de vente face à face

Idem mais surtout écoute active Résolution de problème Construction et animation d’équipe

Très faible Faire un coup et passer au suivant

Contact maintenu pour s’assurer de la performance à long terme

Rôle

Objet des interactions Compétences requises Place du vendeur dans la phase post-achat et installation

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Caractéristiques de la vente traditionnelle et de la vente relationnelle

Relationship Management) permet d’optimiser la relation avec le client dans trois directions : • le client dispose de plus de contact avec la firme, notamment par l’intermédiaire de son site, d’un accès privilégié à certaines informations ainsi que d’un accès codé à son compte ; • la firme dispose de plus d’informations sur le client, notamment en collectant et en analysant toutes les données fournies par les commerciaux et par les transactions, ainsi que les données récoltées à travers différents outils tels que les call centers, les newsletters, les cartes de fidélité/paiement ; • la convergence de ces deux aspects laisse une plus grande place à la personnalisation. L’ensemble complet d’informations collectées sur la clientèle et les prospects peut être ensuite exploité de manière à leur proposer des offres en correspondance avec leurs attentes. Il en résulte une relation continue entre le client et la firme qui permet de prendre en compte l’évolution des besoins des deux protagonistes. Ainsi, la gestion de la relation client permet de repérer les clients les plus intéressants en se fondant sur des méthodes de scores et de les retenir par une individualisation des relations et des programmes de fidélisation.

203

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Dans le monde industriel, la relation client et l’organisation commerciale reflètent la segmentation. Ainsi, comme le montre l’exemple cidessous dans le domaine de la métallurgie, le client clé va bénéficier d’un traitement particulier, avec un directeur de compte clé, une équipe dédiée et un ensemble de services personnalisés.

Vente

Service

Support technique Marketing

Planification de la demande

Comptes clés

Clients régionaux

Clients locaux

– Manager compte clé et équipe dédiée

– Relation régionale – Coordination au sein du segment

Relation locale

– Immédiat – Individualisé – Sur mesure

– Progressif – Offre catalogue avec options

Pas d’engagement de service

Sur mesure

– Offre standard – Support limité

– Offre standard – Pas de support

Centré sur le client

Au niveau du segment

Au niveau du segment

– Réservation de capacité – Planning détaillé

– Réservation de capacité – Planning statistique

Pas de réservation de capacité

Segmentation et relation clients

C’est évidemment la grande révolution de ces dernières années aussi bien en B2C qu’en B2B. Aujourd’hui, vêtements, produits culturels, informatique, multimédia, voyages, transports, hôtellerie, mobilier, électroménager, jouets, fleurs, bijoux, cadeaux, produits chimiques standard, matériel de bureau, petite métallurgie, etc. sont vendus par Internet. Les motivations mises en avant par les acheteurs sont principalement le gain de temps, la facilité d’achat et la disponibilité 24 heures sur 24. Les principaux freins à l’achat en ligne sont la nécessité de voir le produit, la crainte de payer en ligne, les délais et les frais de livraison ainsi que la peur de ne pas recevoir le produit. La plupart des sites offrent deux types de fonctionnalité : l’information et la transaction. Dans le monde industriel, le développement des plateformes B2B a été spectaculaire, comme le montre le graphique ci-dessous :

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Le contact numérique

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Valoriser la distribution

Milliards de $ 7,5 Taux moyen de croissance annuelle : 52 %

6,0

6,4

4,9 4,5 3,6 3,0 2,3 1,4

1,5 0,8 0,0

0

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Champ d’action

Source : US Department of Commerce, IDC.

© Groupe Eyrolles

La croissance des plateformes B2B

Sont apparues de nombreuses places de marché virtuel, intégrant les deux fonctionnalités : informations et transactions ; ces places de marché ont modifié en profondeur le travail des commerciaux et des services d’achat des entreprises car, notamment pour les produits « standardisés » ou normés, le passage par une place de marché est devenu courant. Dans le monde B2C, la croissance des plateformes a été aussi spectaculaire, quoique inférieure à celle du B2B, comme le montre le schéma ci-après. Certaines firmes ont su capitaliser sur cette croissance en modifiant leur approche traditionnelle de la distribution. Tel est le cas de La Redoute qui, tout en maintenant son catalogue papier traditionnel, est devenue le leader des sites d’e-commerce en France avec plus de 11 millions de visiteurs par mois, devant des plates-formes d’échange tel qu’eBay ou PriceMinister. Mais cette approche multicanal a obligé l’entreprise à une remise en cause importante ; alors que le catalogue imprimé – symbole de l’entreprise – propose deux collections par an, le site s’est adapté au rythme du Web et propose une dizaine de collections par an. Comme le souligne sa directrice générale : « Nous nous sommes adaptés au rythme du Web, comme à celle des marques textiles

205

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Milliards de $ 900 Taux moyen de croissance annuelle : 38 %

800

759

700 580

600 500

430

400 307

300 216 200

150

100 0 2002

2003

2004

2005

2006

2007

Champ d’action

La croissance des plateformes B2C

populaires qui renouvellent régulièrement leur offre1 », en faisant référence à Zara ou H&M. Ainsi, l’entreprise réalise 74 % de son chiffre d’affaires en ligne contre 7 % en 2000. Réussir la commercialisation par un site Internet suppose de maîtriser plusieurs étapes : • information sur le produit : présentation de la gamme ; • informations sur les disponibilités, réservation des produits, commande ; • transactions : facturation et paiement en ligne ; • livraison : téléchargement et suivi ; • service après-vente : action fidélisation, service après-vente, réclamation. Faute d’avoir maîtrisé ces différents aspects, de nombreux sites commerciaux ont disparu.

La plupart des firmes utilisent tout ou partie des points de contact possible (matériel, humain, numérique) et mettent en place des

1.

Les Échos, novembre 2010.

206

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Le contact multicanal

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Valoriser la distribution

approches « multicanal ». En effet, la complémentarité entre les différents réseaux est réelle : • partage des coûts : communication, achat, logistique, gestion des stocks ; • complémentarité sociologique et géographique de clientèle ; • complémentarité de produits : complexité des produits, nécessité de toucher et de voir ; • complémentarité de situation d’achat : premier achat et réachat. Ainsi, c’est le client qui choisit le mode de distribution le plus approprié à son besoin, comme le montre le schéma ci-dessous : Web & Email

Centred’appels

Information clients

CLIENTS

Face à face

Back Office

Magasins ou agences

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Distribution multicanal

Mais pour le producteur, tout n’est pas si simple ; en effet s’instaure alors une concurrence entre la distribution physique et la distribution en ligne ainsi qu’une concurrence entre le fabricant et le distributeur. Les coûts des deux systèmes n’étant pas équivalents, on peut observer des écarts significatifs de prix pour le même produit entre les modes de distribution : un consommateur va acheter un produit à la Fnac, dans un magasin qui est en concurrence avec d’autres magasins ; il le paye un prix X. Mais Fnac.com, qui est en concurrence avec Amazon ou un site spécialisé proposant un prix différent, doit-il s’aligner sur le magasin Fnac ou sur le site concurrent ?

207

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

© Groupe Eyrolles

De même, la cohabitation de deux systèmes de distribution crée une concurrence entre eux : le client de la banque a ouvert un compte près de son lieu d’habitation ; il décide d’acheter une résidence secondaire dans une autre région et entre dans une agence de la même banque proche de sa nouvelle future résidence pour y négocier un prêt ; est-ce le conseiller commercial de l’agence proche de sa résidence principale qui doit suivre l’affaire et, le cas échéant, toucher une prime ou est-ce le conseiller commercial de l’agence proche de sa résidence secondaire ?

208

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Chapitre 5

INTÉGRER LA COMMUNICATION

« Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours. »

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Napoléon

Ce long chapitre passe en revue tous les aspects de la communication, un domaine qui a aussi beaucoup évolué avec le développement des NTIC. • Le positionnement • Le sens • La marque • La cible • Les moyens de communication – La publicité – La promotion des ventes – Le packaging – Les relations publiques – Le marketing direct et la communication en ligne – L’échange humain – L’échange numérique • La communication intégrée

209

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Une personne dans un pays développé reçoit par jour 800 mots, 2 000 images et 20 000 stimuli visuels d’ordre commercial ou publicitaire. Sur l’ensemble de ces publicités, elle ne se souvient spontanément que d’une seule, et, si on lui en suggère, elle se souvient au mieux de 10 stimuli. Ne faites pas lire cette information à votre contrôleur de gestion car il vous dira immédiatement de diminuer votre budget de communication ; vous pourrez lui répondre par le mot bien connu d’un publicitaire : « Je sais bien que la moitié de mon budget ne sert à rien, mais je ne sais pas laquelle. » Le quatrième P des quatre P du marketing mix est l’initiale de « promotion », un mot bien insuffisant pour décrire ce qu’est la communication. La communication d’une entreprise, c’est l’ensemble des informations des messages et des signaux de toute nature qu’elle émet en direction de ses publics cibles : clients, consommateurs, prescripteurs, actionnaires, salariés, pouvoirs publics, non-clients, prospects, etc. Pour y parvenir, l’entreprise utilise de très nombreux vecteurs de communication (publicité, relations publiques, promotions, site Internet, marketing direct, etc.) afin de faire connaître sa marque, son produit, son service. Dans la perspective marketing où s’inscrit le P de « promotion », n’est pas prise en compte la communication institutionnelle et financière qu’une entreprise peut mener auprès de ses actionnaires ou du grand public. La problématique est donc posée : beaucoup d’objectifs, beaucoup d’outils, beaucoup de cibles, et des horizons de temps variables… et peu de moyens de mesure. Tout communique ! Chacun des outils est plus ou moins efficace selon les objectifs, la cible, le produit ou le service, le contenu du message. Il est donc nécessaire de prendre du recul et d’avoir une vue d’ensemble de la communication de l’entreprise avec un double objectif : • s’assurer de la cohérence de la communication avec le positionnement de l’entreprise ainsi que de la cohérence entre les différents outils de communication utilisés ; • s’assurer de la pertinence de cette communication, à savoir de son adéquation avec les attentes de sa cible. Pour s’assurer du double objectif cohérence/pertinence, il convient d’analyser toutes les composantes de la communication du positionnement de l’entreprise jusqu’aux indicateurs et mesures.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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Intégrer la communication

Cible

Sujet Communication

Médias

Objectifs

Horizon de temps

Horizon de temps

Horizon de temps

Horizon de temps

La problématique de la communication

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Le positionnement Rappelons les mots de Jack Welch, emblématique président de General Electric pendant de nombreuses années : « Mon conseil en matière de positionnement stratégique, c’est de rechercher la débanalisation ; acharnez-vous à proposer des produits et services qui se distinguent des autres et les clients seront attachés comme par de la colle ; certes il y a des entreprises qui sont capables de l’emporter en jouant sur les leviers de coûts et de services dans une ambiance extrêmement compétitive comme Dell ou Wal-Mart, mais c’est vraiment difficile, on n’a pas le droit à l’erreur. » Il y a donc deux types de positionnement choisi – le positionnement de compétitivité et le positionnement de différenciation – et un type de positionnement subi – celui de la banalisation. L’objectif de la communication est de créer et de renforcer la perception qu’a le client du positionnement retenu. Si le positionnement retenu est celui de la différenciation, la communication aura pour objectif de mettre en avant, de manière rationnelle ou émotionnelle, ce qui crée la différence. Si le positionnement est celui de la compétitivité, l’objectif est simple et limité : faire en sorte que le client perçoive que le prix est le plus compétitif. Dès que cette perception est altérée pour une raison ou pour une autre, le client est déstabilisé

211

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

et modifie son comportement d’achat. Rappelons les mésaventures répétées de Wal-Mart suite à une modification de sa communication : les clients se sont rendu compte que quelque chose changeait et ont cru que les prix étaient moins compétitifs. Ils ont généralisé ce constat à l’ensemble du magasin qui a connu une baisse de fréquentation et une érosion du chiffre d’affaires. La cohérence et la constance sont donc critiques : la marge de manœuvre est étroite.

Le sens En théorie, tout est simple : un émetteur envoie un message à un récepteur qui le reçoit. Dans la réalité, beaucoup d’interférences interviennent autour de ce message : la manière dont il est exprimé ou codifié, le véhicule utilisé pour le transmettre, la manière dont le récepteur le décode et l’interprète. Or, le « décodage » n’est pas le même pour tout le monde. La « théorie des deux cerveaux », lancée dans les années 1970 par trois neurologues de l’université de Harvard, Geschwind, Levitsky et Galaburda, a largement popularisé l’idée que chaque hémisphère cérébral joue un rôle particulier : on parle de « latéralisation » du cerveau. Émetteur

Codage

Message médias

Décodage

Récepteur

Bruit

Réponse

Feedback

L’hémisphère gauche est considéré comme le spécialiste du langage et de la pensée rationnelle. De son côté, l’hémisphère droit est vu comme le siège de la représentation de l’espace et des émotions.

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Émission, réception et bruit

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Intégrer la communication

Malgré des bases expérimentales modérément étayées, cette théorie a séduit beaucoup de monde car elle est simple et cristallise une représentation bipolaire du monde. On ne s’étonnera pas qu’elle soit devenue le creuset de toutes sortes de spéculations plus ou moins mystiques. Nombreux sont les communicants qui ont exploité le filon symbolique des deux cerveaux, présentés comme le yin et le yang. À gauche, le langage, la raison, l’esprit d’entreprise et tout ce qui représente les valeurs de l’Occident. À droite, la perception de l’espace, l’affectivité, la contemplation et les valeurs de l’Orient et de l’Asie. Cerveau gauche

Pensée

Expression

Mémoire

Cerveau droit

Analytique Linéaire Logique Rationnel Parcellaire Successif Séquentiel Convergent Déductif Abstrait Objectif Sensible aux différences Vertical

Synthétique Spatial Analogique Intuitif Global Simultané Multiple Divergent Inductif Concret Subjectif Sensible aux ressemblances Latéral

Verbal Explicite Actif Parler Compter, écrire

Non-verbal Tacite Réceptif Faire des gestes Dessiner, chanter Griffonner

Mots Nombres Parties Éléments Noms

Images Modèles Tout Ensemble Visages

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Cerveau gauche – cerveau droit

Le sens et la nature de la communication doivent donc prendre en compte le comportement du décideur d’achat en fonction du produit ou du service considéré. Or, aucun être humain n’est 100 % hémisphère droit ou 100 % hémisphère gauche ; chacun va

213

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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pondérer d’une manière qui lui est propre le caractère rationnel et l’implication émotionnelle. En croisant ces deux facteurs, on va obtenir quatre types de communication correspondant à des situations spécifiques : • communication explicative : lorsque la rationalité de la décision est forte et l’implication émotionnelle élevée, la communication devra expliquer, éventuellement avec du texte ou avec des témoignages. Ce type de communication va être particulièrement adapté aux services financiers, à des équipements ménagers lourds, à des médicaments, à l’automobile, etc. ; • communication évocationnelle : forte implication personnelle mais faible rationalité de la décision vont militer pour une communication douce, subtile, indirecte, au second degré. Ce type de communication sera plus particulièrement pertinent dans le domaine de la mode, des parfums, des cosmétiques, du champagne, de certains types de voyages, etc. ; • communication complice : faible rationalité de la décision et faible implication personnelle suggèrent une communication visuelle en forme de clin d’œil : une communication complice correspond à des produits tels que certaines boissons, des surgelés, des cigarettes, des biscuits, de la bière, etc.. • communication démonstrative : forte rationalité de la décision mais faible implication émotionnelle, elle propose une communication mettant en avant de l’information, des témoignages, des faits et des chiffres. Elle est pertinente pour des détergents, des shampooings, des insecticides, etc. Certes, cette approche « quatre cases » présentée ci-dessus a le mérite de réduire le risque d’une communication totalement inadaptée à son produit et à sa cible. Mais il est bien sûr présomptueux et limitatif de réduire la communication à quatre cases : certaines marques ont une capacité à créer des communications « décalées » par rapport à leur univers théorique, comme le montre dans l’étude ci-dessous le positionnement de marques telles que

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Intégrer la communication

Elevée Limitée

Implication et émotion personnelles

Rationalité de la décision Forte

Faible

COMMUNICATION EXPLICATIVE Texte Explication Témoignage

COMMUNICATION ÉVOCATIONNELLE Douce Subtile Indirecte Second degré

COMMUNICATION DÉMONSTRATIVE Faits Chiffres Information

COMMUNICATION COMPLICE Visuelle Clin d’œil

Comportement du décideur d’achat et nature de la communication

BMW, Lexus ou Audi qui scorent à la fois sur les axes « raison » et « émotion » contrairement aux autres marques. Avec une campagne centrée sur « la joie », BMW cherche à accentuer encore plus la composante émotionnelle de sa communication : Raison 100 90 80

Lexus Mercedes-Benz

70 Toyota

60 Volkswagen Volvo Honda Skoda Subaru Smart Saab Mitsubishi Opel Mini Jeep Renault Ford Citroën Mazda Hyundaï Jaguar Peugeot Lancia LandRover Kia Suzuki Chrysler Seat Fiat

50 40 30 20 10

Audi BMW Porsche

Alpha-Romeo

0 0

10

20

30

40

50

60

70

80 90 Émotion

Source : Auto Motor Sport 2007.

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Images des marques vues par les propriétaires d’automobile en Allemagne

215

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

La marque

1.

Interbrand est un cabinet qui calcule la valeur des marques à partir du moment où l’entreprise propriétaire publie ses données économiques et financières. La marque doit être présente sur au moins trois continents et réaliser au minimum 30 % de son chiffre d’affaires à l’export et être connue du grand public. Dans la valorisation, sont pris en compte des critères tels que la performance financière, l’influence de la marque sur la décision d’achat, sa force sur son marché et une évaluation de ses revenus futurs.

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La marque a une première fonction d’identification et de facilitation de la reconnaissance ; cette fonction est atteinte grâce à une signalétique identificatrice. La deuxième fonction de la marque est celle de l’assurance. En apportant une réassurance sur le produit et sur soi-même, elle vise à supprimer le risque perçu. Elle est donc un actif, construit sur deux dimensions fondamentales : • une dimension rationnelle et/ou fonctionnelle ; • une dimension émotionnelle et/ou symbolique. La notion de marque est souvent associée à des biens de grande consommation, mais les marques industrielles sont extrêmement présentes dans les hit-parades des marques les plus valorisées. Dans le palmarès 2010, des grandes marques mondiales publiées par Interbrand1, figurent sept marques grand public (Coca-Cola, Google, McDonald’s, Disney, Gillette, Vuitton, Marlboro), cinq marques industrielles (IBM, Microsoft, General Electric, Intel, Cisco), et des marques mixtes (Nokia, Hewlett Packard, Toyota Mercedes-Benz, BMW, Apple, Samsung, Honda). La valorisation des marques varie de 71 milliards de dollars pour Coca-Cola à presque 20 milliards pour la vingtième marque : Honda. Dans le cas de Coca-Cola, cette valorisation représente plus des deux tiers de la capitalisation boursière. La valorisation des marques industrielles est logique car supprimer le risque lors d’un achat industriel est un objectif majeur. En influençant directement les utilisateurs d’ordinateurs, Intel a fait pression sur ses propres clients afin qu’ils utilisent les produits, selon la formule : « Vous pouvez faire du client de votre client un allié. » Les marques sont nées du besoin d’identifier l’origine d’une fabrication ; elles sont donc très anciennes. La marque Nestlé est née en 1867 quand Henri Nestlé a créé la farine lactée. La marque

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Intégrer la communication

Pernod date de 1850. Elle simplifie le processus de choix du client qui mémorise à partir du nom des informations et des perceptions. L’indicateur de cette mémorisation est la notoriété qui se mesure à trois niveaux, comme le montre le graphique ci-dessous : TOP OF MIND Marque immédiatement présente à l’esprit NOTORIÉTÉ SPONTANÉE Marque présente à l’esprit NOTORIÉTÉ ASSISTÉE Marque reconnue Marque inconnue

Pyramide de la notoriété de la marque

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• la notoriété « top of mind », ou notoriété spontanée de premier rang, est celle qui obtient le plus de citations spontanées et en premier lieu auprès d’un échantillon représentatif ; • la notoriété spontanée mesure le score de citations obtenues pour les marques citées spontanément au moins une fois ; • la notoriété assistée mesure le nom de citations obtenues pour les marques présentées sur une liste à cet échantillon. Par exemple, la notoriété de Coca-Cola auprès des adultes en France est de 43 % en « top of mind », de 90 % en notoriété spontanée et de 100 % en notoriété assistée ; pour Schweppes, elles sont respectivement de 6, 53 et 97. La valeur d’une marque ne se détermine pas qu’à sa notoriété. Elle a une personnalité et donne un sens à la relation existant entre le client et la marque. Elle est une assurance pour le client à qui elle garantit un certain nombre de critères : il s’agit d’un contrat moral, le client sait à quoi s’attendre. Elle est représentative du positionnement de l’entreprise. La marque est chargée de mission. Avec leur arrogance du début des années 2000, les « mégamarques » mondiales s’adressaient à un citoyen global, elles apprennent aujourd’hui à partager leur pouvoir, ayant admis qu’elles n’avaient plus le monopole de la prise de parole. Grâce à Internet, la communication interactive est passée par là. Les entreprises constatent que leur marque est en « copropriété » avec leurs

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

clients : « Nous sommes dans un monde où rien n’est jamais acquis ; nous devons réinventer nos marques en permanence. Les consommateurs sont bombardés par 3 000 messages promotionnels par jour ! Pour faire la différence, il faut remporter le premier moment de vérité dans les rayons des magasins. Et le deuxième lors de l’utilisation du produit », déclare Alan G. Lafley CEO Procter&Gamble. En fait, selon Russ Klein, directeur marketing de Burger King, l’important n’est pas ce que dit la marque, mais ce que les gens disent de la marque.

La communication s’adresse à plusieurs cibles : • l’acheteur(euse) : c’est la personne qui effectue l’achat physique. Dans le domaine des biens de grande consommation, c’est la maman qui achète des couches pour son bébé ; dans le domaine des biens industriels, c’est l’acheteur mandaté par son comité des achats qui met en œuvre la décision ; • le décideur ou la décideuse : c’est la personne qui décide de l’achat ; • l’influenceur(se)/prescripteur(trice) : la personne qui influence le choix final du décideur. Dans le domaine des biens de grande consommation, c’est le pédiatre qui recommande à la maman tel ou tel type d’aliments pour bébés ; dans le domaine industriel, les influences sont nombreuses, qu’il s’agisse de membres du réseau interne de l’entreprise ou du réseau externe d’influence ; • l’utilisateur(trice) : la personne qui utilise effectivement le produit ou le service. Dans le domaine des biens de grande consommation, ça peut être le bébé qui mange sa bouillie ; dans le domaine industriel, ça peut être le chef d’atelier qui utilise le pigment bleu. Pour chacune de ces cibles, l’analyse doit être affinée et les comportements bien identifiés pour mettre en place la communication la plus pertinente en utilisant les médias adaptés. La définition précise des cibles a beaucoup évolué ces dernières années, parallèlement au développement d’Internet, les méthodes d’analyse et de ciblage permettant de recueillir les données sur le comportement des internautes et de définir très finement les cibles.

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La cible

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Intégrer la communication

Les moyens de communication Ceux-ci peuvent être classés en deux grandes catégories ; • d’une part, les moyens qui créent un contact unidirectionnel tel que la publicité, la promotion des ventes, les relations publiques ou le marketing direct ; • d’autre part, les moyens qui créent un contact interactif tel que le contact humain ou le contact numérique. Contact unidirectionnel

Codage

Émetteur

Message médias

Décodage

Récepteur

Décodage

Récepteur

Contact interactif

Codage

Émetteur

Message médias

Nature des contacts

La publicité Elle a pour objectif de faire connaître (notoriété) un produit, un service ou une entreprise, de susciter un certain comportement et/ ou de soutenir l’image de la marque, du produit ou de l’entreprise. Elle utilise des médias tels que la télévision, le cinéma, la radio, la presse, l’affichage et Internet. Elle s’adresse à des cibles larges dans une optique de moyen à long terme. La première étape de la démarche publicitaire consiste à définir la « copie stratégie » dont les principaux éléments sont rappelés dans le tableau ci-dessous : Qui ?

Quelle est la cible à convaincre ? Notoriété, faire aimer, modifier ou améliorer l’image, faire agir, lever un frein…

Pourquoi ?

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Contre qui ?

Concurrent, leader, code du secteur…

Quelle promesse ?

Avantage ou bénéfice pour le client.

Quelle justification ? Quel ton ?

Démonstration, caution… Atmosphère, sérieux, humour, scientifique…

Éléments de la copie-stratégie

219

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Ces éléments seront rassemblés dans le brief agence, à partir duquel l’agence de communication concevra la campagne autour de deux axes : l’élaboration des messages (création publicitaire, production des annonces…) et le choix des canaux de communication. L’agence va sélectionner au sein des médias disponibles (presse nationale, presse quotidienne régionale, presse magazine, TV, radio, affichage, cinéma…) les médias les plus appropriés : c’est la stratégie média. Ensuite, l’agence produira le plan média et procédera directement ou indirectement à l’achat d’espace. Lors d’une deuxième étape, on va définir le niveau d’action publicitaire, les objectifs publicitaires et les méthodes de mesure : Niveau de l’action publicitaire

Objectifs publicitaires

Indice et méthodes de mesure

Connaissance (cognitif)

– Faire connaître une marque. – Faire connaître les bénéfices procurés par un produit ou une marque.

– Score d’impact brut prouvé – Mémorisation. – Notoriété spontanée, assistée. – Reconnaissance de caractéristiques.

Affectif

– Faire apprécier les bénéfices procurés par un produit ou une marque. – Rendre sympathique une marque. – Susciter une préférence globale pour la marque.

– Évolution ponctuelle d’image de marque, échelle d’attitude, tests projectifs. – Étude baromètre d’image, évolution dans le temps des scores d’image de marque.

Comportement (conatif)

– Inciter la cible à acheter la marque ou le produit. – Faire vendre le produit ou la marque. – Modifier un comportement.

– Suivi du taux d’essai et de rachat. – Suivi de la part de marché. – Panels, marché test. – Comptage de coupons-réponse.

La fragmentation continue des médias de masse a complexifié l’utilisation de la publicité ; de 1950 à 1980, le nombre de chaînes de télévision disponibles aux États-Unis était inférieur à 10 et le nombre de chaînes réellement vues était du même ordre. Aujourd’hui, le nombre de chaînes de télévision disponibles par foyer a explosé : plus de 100 ; en revanche, le nombre de chaînes réellement vues n’a que faiblement progressé et s’établit autour de

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Objectifs et méthodes de contrôle de la publicité

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Intégrer la communication

10. Un spécialiste de la grande consommation comme Procter&Gamble pouvait toucher 80 % de sa cible avec trois spots en 1995. Pour atteindre le même objectif aujourd’hui, il lui faut 170 spots.

La promotion des ventes L’objectif est de favoriser un acte d’achat immédiat en utilisant de très nombreux moyens : prime, concours, échantillonnage, animation, vente par lots, offre de remboursement, etc. L’opération s’adresse à une ou plusieurs cibles bien identifiées et ce dans un objectif à court terme. L’analyse des différents moyens utilisés montre cependant que, d’une manière générale, c’est la baisse immédiate du prix qui est la plus utilisée :

Offre catalogue (2,2 %)

Coupons (2,2 %) Autres (5,6 %)

Bonus points (2,8 %) Produits combinés (2,4 %)

Réduction promotionnelle du magasin (37,2 %) Produits en plus (9,2 %)

4 3

5 1

2

Réduction quantitative (23,7 %)

1. Réduction prix 3 % 2. Réduction volume 3. Bonus produit 4. Cadeaux 5. Autres

Réduction promotionnelle du producteur (12,4 %)

Articles gratuits (2,3 %)

Source : AC Nielsen Homescan (12 weeks to Dec 1999).

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Mécanismes promotionnels – Distribution alimentaire en Grande-Bretagne

Le packaging C’est l’ensemble des éléments matériels qui, sans faire partie du produit, lui-même contribuent à faciliter son transport, son identification et son utilisation par le consommateur : il a à la fois un

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

rôle pratique (protection, transport, stockage, information réglementaire, économie, ergonomie, commodité d’utilisation…), un rôle promotionnel (présentation linéaire, identification du produit) et un rôle de communication par la mise en avant de la marque. Certains packagings sont irrémédiablement associés à une marque ou à un produit.

Exemples de packaging

Les relations publiques

Le marketing direct et la communication en ligne Mailing, couponing, télémarketing, e-mailing sont autant de moyens qui permettent au marketing direct de provoquer une

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Leur objectif est d’établir une relation directe avec un public ciblé et plus particulièrement avec les leaders d’opinion afin de promouvoir une entreprise ou une marque, grâce à des conférences de presse, des salons, des interviews, des manifestations… dans une optique à moyen ou long terme. L’organisation de certains événements, de sponsoring ou de mécénat est une manière d’établir une relation avec un ou des publics, par exemple en associant l’entreprise à un style de vie. Pour mieux faire parler d’elles, les grandes marques se lancent dans de véritables happenings en descendant dans la rue (street marketing) ; ainsi, pour le lancement de son nouvel Ajax antibactérien, Colgate a envoyé huit bataillons d’agents de nettoyage briquer les principales gares de Paris et de province.

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Intégrer la communication

réaction rapide et mesurable auprès d’une cible. Compte tenu des nombreuses sollicitations dont les clients sont l’objet, les taux de réponse ont considérablement baissé ; par exemple, aux ÉtatsUnis, le taux de réponse à des mailings envoyés auprès de propriétaires de cartes de crédit est passé de 3 % en 1990 à 0,3 % quinze ans plus tard. En revanche, la communication et la vente en ligne peuvent utiliser des outils de ciblage comportementaux extrêmement précis (Takoda, Wunderloop…) en analysant les données du comportement des internautes permettant ainsi de diffuser au bon moment le bon message publicitaire avec des contenus pertinents et des offres produits adaptées, sous forme de bannières, de bandeaux publicitaires ou de pop-up, de création de communautés, de parrainage de sites…

L’échange humain Le commercial qui visite un client industriel ou le vendeur dans un magasin est évidemment un vecteur de communication très important : il représente l’entreprise. Dans le domaine industriel, c’est même la communication en face à face qui est jugée la plus efficace :

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Moyen de communication

Efficacité en index

Visites, face à face

100

Catalogues, manuels

46

Mailing

39

Publicité

38

Salons, expositions

35

Échantillonnage, démonstration

34

Relations publiques

31

Invitations clients

26

Objets promotionnels, cadeaux

24

Source : The Role of Industrial Trade Show ; Industrial Marketing Management.

Efficacité des différents moyens de communication dans le monde industriel

223

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Dans le domaine des biens de grande consommation, ce contact face à face est associé au lieu dans lequel il prend place ; ainsi les boulangeries Paul sont très attentives à créer un ancrage endotique des points de vente et à souligner l’action de l’homme et non de la machine (flûte à l’ancienne aux formes irrégulières). Wal-Mart considère que ses magasins sont son premier canal de communication. Bien sûr, la nature du contact est très différente selon le positionnement : un positionnement de compétitivité limitera le contact humain alors qu’un positionnement de différenciation tendra à valoriser et à plus utiliser le contact humain.

Ce type de « contacts » s’est évidemment considérablement développé sur la dernière décennie. Il peut prendre différentes formes : • les services de consultation donnent accès à une information générale ou personnalisée : il peut s’agir de sites médias (DailyMotion) ayant pour objectif d’attirer des visiteurs afin de présenter des publicités, des sites de génération de pistes de vente pour inciter les visiteurs à contacter une entreprise ; • les sites transactionnels, qui donne la possibilité d’interagir, de passer commande et de payer ; ce sont les sites de commerce électronique ou de services à la clientèle ; • les sites de marketing interactif qui permettent un suivi personnalisé de la relation client et proposent des services ou des opportunités commerciales ; • les sites de mise en relation où les utilisateurs sont mis en contact les uns avec les autres : messagerie, forum, chat, jeux en réseau, enchères, communautés, réseaux sociaux. Grâce aux nouvelles technologies et au Web en particulier, la communication interactive permet aux entreprises d’établir une relation particulière avec leurs clients ou prospects. Pour se distinguer et fidéliser le client, l’entreprise doit faire en sorte qu’il n’ait pas l’impression qu’on lui vend un produit, mais qu’il l’adopte. Aux États-Unis, la chaîne Build a Bear laisse les enfants composer leur peluche. Avec l’iPod, l’utilisateur crée sa propre discothèque. Sous le nom « Danone proximité », le site propose de fidéliser les

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L’échange numérique

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Intégrer la communication

consommateurs en renforçant la proximité entre les marques et les clients. H&M a intégré des éléments d’interactivité dans sa plateforme en ligne en encourageant les client(e)s à créer leur avatar à leur taille et apparence afin de pouvoir essayer différents vêtements et les combiner entre eux.

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Shiro Nakamura, chief designer de Nissan, a décidé d’ouvrir la conception de son nouveau modèle aux avis et à l’expertise de groupes de passionnés. Il a fait le tour des groupes d’adeptes nord-américains des anciens Coupé Z (les Z-clubs) et s’est retrouvé maintes fois, durant deux ans, à présenter ses ébauches dans des dîners organisés avec les membres de Z-clubs pour recueillir des avis, des idées, des sentiments.

Les conditions de réussite dans l’écosystème de la communication interactive peuvent être résumées de la manière suivante : • se rapprocher des clients : activer les groupes de consommateurs, les écouter, les observer ; identifier les moments de vérité. Est-ce qu’un patient qui se demande comment soigner l’érythème fessier de son bébé commence par une recherche sur Google ou par un forum de discussion ou bien va-t-il tout droit sur www.babycenter.com ou Pampers.com ? • maîtriser le contexte des messages : le choix des mots clés, les conditions de distribution (calendrier, contexte, pertinence) ; à terme, les achats d’espaces se feront en temps réel comme la Bourse ; • utiliser les données clients : maîtriser les outils d’évaluation, collecter et tirer les enseignements des informations clients, modéliser le mix de communication et mesurer la rentabilité des investissements ; • favoriser les discussions : développer des actions bidirectionnelles et engager le dialogue avec les clients. Nike (avec Apple et l’agence numérique R/GA) a mis au point un système de capteurs dans la chaussure du coureur qui transmet à son iPod des données sur son rythme cardiaque et les calories brûlées. Les résultats sont postés sur Internet et intégrés à une communauté de coureurs. 800 000 coureurs ont participé le 31 août 2008 à la Nike+Human Race dans vingt-cinq grandes villes du monde. Aujourd’hui, le marketing dispose d’une multitude de médias disponibles, comme le montre le tableau en page suivante.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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Affichage géant

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Relations nage publiques Témoig nage ge Témoig xperts a in /e a tés Parr célébri t en ent em nem lac Évé or tif P sp he t uc e en Bo reill cem t Pla rodui ào p

Discount

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Gestion de la relation client

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Médias traditionnels

Source : Advanced Media Planning (John R. Rossiter/Peter J. Danaher). Adaptation par l’auteur.

La communication efficace est celle qui respectera les deux principes énoncés précédemment : • la pertinence : parmi tous ces médias quels sont ceux qui sont le plus adapté à nos cibles et à notre communication ? • la cohérence : la richesse de ces médias et le rôle croissant du client, notamment dans les médias interactifs, ne doivent pas empêcher la cohérence de l’ensemble, même si elle la rend plus difficile. D’où la nécessité de mettre en place une communication intégrée qui respecte ces deux principes. Face à cet environnement devenu très complexe et très divers, rares sont les entreprises qui gèrent en interne l’intégralité de leur communication (contenus et médias). La plupart ont recours à des

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Une multitude de médias disponibles

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Intégrer la communication

agences globales ou spécialisées. Le choix de l’agence devient alors critique et doit obéir à un certain nombre de critères dont la grille de lecture ci-dessous fournit un exemple : 1. Compétences et convergence personnelle

2. Qualité du planning stratégique et connaissance du secteur

3. Excellence dans l’organisation et l’éxecution Critères décisifs 4. Portefeuille de clients et de campagnes

5. Qualité de la création

6. Succès des campagnes Source : Wulf-Peter Kemper: Brandholder Value (2003).

Critères de sélection d’une agence de communication

© Groupe Eyrolles

La communication intégrée Il était une fois l’âge d’or du marketing de masse : des innovations puissantes avec des marques fortes, des hypermarchés en forte croissance, peu de médias mais présentant des programmes intergénérationnels s’adressant à une structure familiale simple et standard, bref des consommateurs prévisibles en masse. Mais aujourd’hui, c+komavan : les audiences sont fragmentées, la diversité est accrue, les médias prolifèrent. Internet, qui permet des discussions numériques multipartites, multisupports et simultanées, a complètement chamboulé la relation traditionnelle client-entreprise. Aujourd’hui, un simple individu a le pouvoir d’influencer les perceptions d’une masse de gens : c’est un bouleversement spectaculaire. Il ne s’agit plus seulement de savoir dans quel média les annonceurs sont prêts à investir ; une entreprise a besoin d’avoir une stratégie globale commune à l’ensemble de ses opérations. Concilier audience et concentration est difficile ; sélectionner les médias tient de la devinette : personne ne dispose des données complètes. Bâtir des plans marketing intégrés et cohérents est

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

nécessaire, difficile et coûteux : peu d’agences peuvent coordonner tous les médias, la créativité nécessaire varie selon les médias, les nouveaux canaux sont souvent peu traités, mesurer l’impact est difficile. En fonction de leurs objectifs de communication, les firmes vont respecter les principes de pertinence et de cohérence en concentrant leurs actions sur un nombre limité de médias, afin d’assurer la convergence vers le même objectif, comme le montre l’illustration ci-dessous : Publicité traditionnelle

Parrainage sportif

Message diffusé à la télévision, à la radio et au cinéma

Parrainage d’athlètes et de sports de moteur

Parrainage d’événements sportifs dans le monde

Distribution d’échantillons

Image et notoriété

Crédibilité du produit

Actualisation de la marque

Recrutement de consommateurs

Événements

Échantillonnage

Quelques principes pour réussir sa communication intégrée : • focaliser et simplifier les messages : plus le message émis est complexe, moins il a de chances d’être compris et retenu par son destinataire. Les consommateurs et, d’une manière plus générale, les clients sont bombardés de milliers d’informations dont beaucoup ne les intéressent pas. Ils n’en retiennent donc qu’une toute petite partie en mettant en place un filtre de sélectivité. Certes, la communication interactive ne rend pas facile le contrôle de cette focalisation ; raison de plus pour en être l’organisateur ; • marteler les messages : qu’on utilise le principe de la répétition ou celui de la redondance (qui consiste à dire la même chose sous une forme différente), le martèlement est une condition sine qua non pour trouver sa place dans cet univers concurrentiel et saturé – « reputation is repetition » ; • communiquer dans la durée : la continuité est essentielle et permet de s’attribuer et de préempter un territoire de communication qui devient, inconsciemment ou non, associé et attribué

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Exemples d’actions de communication pour une boisson énergétique

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Intégrer la communication

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à son émetteur. Le positionnement ne doit jamais être remis en question. Répéter la même promesse, conserver le même style sont des conditions nécessaires que l’on retrouve dans les grands exemples de communication réussie ; • être intraitable sur la cohérence globale : comme on l’a vu au début de ce chapitre, tout communique. La communication d’une entreprise est multiforme : elle concerne différentes gammes de produits, s’adresse à différentes cibles, utilise différents médias. Pour éviter l’inefficacité, et pire encore les contradictions génératrices de dissonances chez les clients, il est impératif d’avoir un plan d’ensemble des actions de communication.

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Focus

UN EXEMPLE DE MARKETING MIX : CHIVAS REGAL

Ce moment de vie professionnelle est réel ; les chiffres sont fidèles mais ont été convertis en indices.

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J’ai été consultant pendant plusieurs années, puis un jour, mon client m’a proposé de rejoindre la maison GH Mumm et Cie comme directeur du marketing et du développement. Je me suis retrouvé à la tête d’une petite équipe très mobilisée sur les marques de champagne et peu sur la commercialisation de deux marques de whisky dont Mumm avait la responsabilité (Chivas Regal et White Horse) ; or ces deux marques avaient une contribution totalement négligeable aux résultats. J’ai donc entrepris de comprendre pourquoi et j’ai demandé au chef de produit une analyse de la situation. Le chef de produit m’a fait une rapide présentation du processus d’élaboration du whisky ainsi qu’une présentation assez complète du marché :

231

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

ORGE

MAÏS

SEIGLE

AVOINE

EAU GERMINATION ORGE MALTÉE BROYAGE

SÉCHAGE EAU

Distillation multiple en alambic traditionnel

LEVURE FERMENTATION

90°vol d’alcool + eau 70° vol d’alcool

Distillation en continu en alambic à colonne

Vieillissement : minimum 3 ans

Processus général d’élaboration distillerie









concurrent sur le marché français est Johnny Walker Black Label, mais Glenfiddich (malt) est dans la même catégorie de prix ; White Horse est un « blend » standard bien positionné en prix mais largement dominé par les leaders : J&B, Ballantines, Johnny Walker, Clan Campbell et comparable à Black and White, Haig, etc. ; le marché est traditionnellement segmenté selon les provenances. La provenance écossaise couvre l’essentiel du marché (88 % du marché). Les provenances américaines représentent 4 %, la France 7 %. Les importations en provenance d’Irlande et du Canada sont marginales ; au sein des scotchs, on distingue diverses catégories : pure ou single malts, blend bas de gamme, standard et luxe. Des indications d’âge variées permettent de mieux cerner la qualité : 5 ans, 8 ans, 10 ans, 12 ans, 18 ans, etc. ; selon le niveau de gamme, la structure du marché et la croissance diffèrent ; la croissance globale est modérée, de l’ordre de 3 à 5 % par an ;

232

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• Chivas est un 12 ans d’âge mondialement réputé. Son principal

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Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Gamme 1er prix

Gamme moyenne

Haut de gamme

Types de consommation

Moyenne Fidèle

Moyenne Non fidèle (prix ou nouveauté)

Petite ou moyenne Fidèle

Habitudes de consommation

Régulière En petit comité

Irrégulière En toute circonstance

Occasionnelle Essentiellement un whisky à déguster et/ou à montrer

Circuits de distribution

HM SM

Surtout HM et SM Mais aussi tous circuits

Tous circuits

Types d’achat

Renouvellement régulier

Réachat régulier ou d’impulsion (promo ou nouveauté)

Renouvellement occasionnel, peu sensible au prix

Structure du marché Indice d’évolution du marché

130 Haut de gamme 120 Gamme premier prix

110

Gamme moyenne 100

1

2

3

4

5

Années

Croissance par segments

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• les consommateurs attribuent au whisky un aspect convivial très marqué ; ils ont une faible connaissance des spécificités de chacun des produits et en particulier des produits de haut de gamme ; leurs critères d’achat sont, dans l’ordre, la marque, le prix et l’âge en fonction de la destination du produit acheté : cadeau, réception ou consommation personnelle ; ils reconnaissent que le whisky a une image sociale très marquée ; ils souhaitent

233

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

un meilleur repérage dans les rayons des grandes surfaces et ont besoin d’informations sur les caractéristiques des différents whiskies.

20 16 14

15 10

10

14

11

5 0 1980 1981 1982 1983 1984 Années

Résultat net en unités monétaires

CA en unités monétaires

Pour ma part, je m’interrogeais : comment une marque aussi prestigieuse que Chivas Regal, leader sur son marché, peut-elle perdre de l’argent ? Au cours des cinq années antérieures, le chiffre d’affaires avait faiblement progressé, mais la rentabilité avait été très faible.

5 4 3 2 1 0

1,2 (– 0,1) 0,2

0,5

0,4

–1 1980 1981 1982 1983 1984 Années

Chivas Regal – Évolution du chiffre d’affaires

Chivas Regal – Évolution du résultat net

160

8

140

7

120 100 80 60 40 20 0

6 5 4 3 2 1 0

1980 1981 1982 1983 1984 Années

1980 1981 1982 1983 1984 Années

White Horse – Évolution des ventes

White Horse – Évolution du résultat net

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Résultat net en unités

Milliers de caisses

De même, les performances de White Horse étaient peu glorieuses avec une baisse des volumes et une faible rentabilité.

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Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Je me suis fixé comme priorité le redressement de la marque Chivas Regal et j’ai donc poursuivi mes investigations auprès du directeur commercial et des représentants sur le terrain ; j’ai par ailleurs commandé à un cabinet d’études une analyse sur l’évolution du prix de détail des principales marques sur les cinq années passées. Enfin, j’ai beaucoup sollicité l’agence de publicité, très fière de sa campagne primée, pour mieux comprendre les attentes des clients et les positionnements concurrentiels dans le haut de gamme. Le directeur commercial m’a expliqué que la part de la grande distribution avait crû régulièrement pour représenter environ 80 % du chiffre d’affaires, le CHR (café, hôtel restaurant) représentant le reste. Au cours de la période, ce sont les grandes surfaces qui ont assuré la croissance de la marque. Ses explications m’ont amené à comprendre que les grandes surfaces utilisaient Chivas Regal comme produit d’appel avec une politique de prix très agressive, parfois même en vente à perte (bien qu’interdite).

Privilège de prix en %

Privilège de prix en %

Les deux graphiques ci-dessous, élaborés par le cabinet d’études que j’avais sollicité, montrent la dégradation du prix de vente aux consommateurs de Chivas, comparé à ses concurrents Johnny Walker Black et Glennfiddich. 25 20 15 10

15 8

6

5 0

0

0

1980 1981 1982 1983 1984 Années

16

16

15 10

8 6

5 0

4

1980 1981 1982 1983 1984 Années

Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Johnny Walker Black © Groupe Eyrolles

20

Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Glenfiddich

Au début de la période considérée, les consommateurs acceptaient de payer Chivas 16 % plus cher que Glenfiddich et 15 % plus cher que Johnny Walker Black. À la fin de la période, cependant, cet écart est réduit à 4 % dans le premier cas et à zéro dans le second cas. En cinq ans, le privilège de prix (« price premium ») avait été anéanti.

235

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

En fait, le positionnement de différenciation basé sur la marque était en train de s’éroder sous l’effet d’un marketing mix inadapté. Afin de redresser cette situation, une stratégie de restauration de l’image de marque et du privilège de prix est engagée ; elle passe par un rééquilibrage des canaux de distribution ; elle est accompagnée d’une stratégie de communication visant à réduire la notoriété du produit, principale raison pour laquelle la distribution utilise la marque comme produit d’appel, et à justifier auprès des consommateurs un prix plus élevé que la concurrence. Le budget publicitaire est fortement diminué au grand dam de l’agence et des budgets de relations publiques ciblées créés. Des efforts importants sont faits en direction du CHR : qualité du service et des livraisons, budgets promotionnels, organisation d’opérations de relations publiques dans les lieux de consommation, mise en place d’un programme de merchandising spécifique aux CHR… En revanche, les opérations commerciales avec la grande distribution sont fortement diminuées et soumises à l’autorisation du directeur commercial ; l’utilisation de la marque comme produit d’appel associé à une vente à perte est combattue juridiquement. Prix Produit

Restauration du privilège de prix. Lutte contre la vente à perte (loss leader) en GMS. Aide au CHR. Packaging et étuis pour certains points de vente/situation.

Place

Rééquilibrage CHR/GMS en aidant les ventes CHR, nuits et bars par des opérations ponctuelles et ciblées par canaux. Reprise en main des rayons GMS.

Publicité/promotion

Transfert d’une partie du budget de publicité vers des opérations de RP ciblées vers les prescripteurs et les VIP.

Un premier résultat est atteint : avec la diminution de la communication publicitaire, la marque voit sa notoriété « top of mind » diminuer, mais sa notoriété consolidée augmenter, comme le montre le tableau ci-dessous. Du fait de la baisse de la notoriété « top of mind », la grande distribution a moins intérêt à utiliser Chivas comme produit d’appel. Progressivement, avec le soutien des programmes adaptés aux CHR, la marque regagne du terrain dans ce circuit : Chivas est à

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© Groupe Eyrolles

Modification du marketing mix

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Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Année

Top of mind

Total

1984 (modification du marketing mix)

24

89

1985

19

87

1986

15

92

1986

14

92

1987

14

93

Évolution de la notoriété de Chivas Regal

20 15 10

16 16

15

14 8 6 3

5 0

0

0

Changement de marketing mix 16 16

15 10 5

18 16 16

12 8 6 4

5

0

Années

Années

© Groupe Eyrolles

20

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989

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Privilège de prix en %

Changement de marketing mix

25

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989

Privilège de prix en %

nouveau présent dans les grandes caves, chez les spécialistes du whisky, dans les restaurants et les établissements de nuit. Les prix sont systématiquement augmentés, mais les circuits CHR bénéficient de ristournes importantes pour rémunérer les services d’image et de préconisation de telle sorte que l’écart de prix visible par le consommateur entre GMS et cavistes a beaucoup diminué. Le niveau de prix grand public comparé à celui de ses concurrents se redresse très sensiblement ; comme le montrent les deux graphiques ci-dessous, le privilège de prix revient progressivement :

Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Johnny Walker Black

Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Glenfiddich

Le changement de stratégie s’est accompagné, dans un premier temps, d’un ralentissement des volumes puis, dans un second temps, la croissance revient. Le rééquilibrage des canaux de

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

19 19 18 20

20 16 14 14

15 10

10

11

5 0

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989

CA en unités monétaires

24

5,3

6 5 4 2,9

3

3,1

2,1

2 1,2 1 0

0,2 0,5 0,4

0,8

(– 0,1)

–1 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989

Changement de marketing mix

25

Résultat net en unités monétaires

distribution a permis une restauration de l’image de marque et un développement quantitatif et qualitatif de la marque. Les résultats financiers quant à eux ont bénéficié d’une très forte amélioration, comme le montre le graphique ci-dessous :

Années

Années

Chivas Regal – Évolution du chiffre d’affaires

Chivas Regal – Évolution du résultat net

J’ai donc abandonné la campagne publicitaire et axé les maigres budgets disponibles sur des opérations promotionnelles, en demandant aux commerciaux de faire des « coups » en distribution : foires, opérations spéciales, tout en augmentant les prix de manière très légèrement supérieure au marché. Cette stratégie « push » n’a suscité un enthousiasme considérable ni auprès du propriétaire de la marque ni auprès des commerciaux car très orientée à court terme, en contraste avec la démarche marketing engagée pour Chivas. Cependant, les résultats ont été bien meilleurs que prévu avec une hausse des volumes et de la rentabilité :

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© Groupe Eyrolles

Dans un second temps, j’ai conduit une mini-étude sur White Horse pour arriver aux conclusions suivantes : White Horse est un scotch standard, dominé par les grands leaders : Ballantines, J.Walker, J&B. Il a bénéficié d’une stratégie “pull” certes bien mise en œuvre – une distribution valeur (DV) satisfaisante (supérieure à 50 %) ; un prix compétitif ; une campagne publicitaire primée mais dotée d’un budget limité –, mais totalement inadaptée au positionnement concurrentiel du produit : banal et dominé.

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1988

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0

Années

2 1 0

1988

20

1987

40

3

1986

60

4

1985

80

5

1983

100

Changement de marketing mix

6

1984

Milliers de caisses

120

7

1982

Changement de marketing mix

140

1981

160

1980

Résultat net en unités monétaires

Un exemple de marketing mix : Chivas Regal

Années

White Horse – Évolution des ventes

White Horse – Évolution du résultat net

© Groupe Eyrolles

Je vous propose de souligner trois points dans cette histoire : • pour faire un diagnostic, il est nécessaire de regarder plusieurs années en arrière ; en ne regardant que l’année précédente, on ne voit pas l’érosion lente des indicateurs ; • les commerciaux et l’agence de publicité étaient satisfaits des résultats antérieurs, avec des volumes en hausse et une campagne primée ; mais le bon indicateur, à savoir pour Chivas l’évolution du privilège de prix, n’était suivi par personne ; • Une fois de plus, il a fallu du temps pour restaurer la situation ; négocier les bons horizons de temps avec les directeurs de chaque marque a été important et laborieux.

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Quatrième partie

Déployer pour réussir

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Chapitre 1

RÉUNIR LES CONDITIONS DE RÉUSSITE

« S’il travaille pour toi, tu travailles pour lui. » Proverbe japonais

© Groupe Eyrolles

Construire une démarche marketing est inutile si elle ne se concrétise pas par des actions réussies sur le terrain. L’objet de ce chapitre est de définir les conditions à réunir pour s’assurer d’un déploiement réussi. • L’appropriation par les parties prenantes • Un suivi rigoureux et systématique – Critères de détermination des indicateurs – Les indicateurs non intégrés – Les indicateurs intégrés

La dernière étape de la démarche marketing consiste à mettre en œuvre et à transformer en actions toutes les décisions prises dans les trois étapes précédentes : connaître, positionner, concevoir.

243

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Pour préparer le passage à l’action, il faut donc traduire le positionnement et sa concrétisation par le « marketing mix » en plan d’actions à court terme. L’objectif du plan marketing annuel est l’identification et la quantification des actions à mettre en œuvre dans l’année pour contribuer à son bon déroulement. Élaboré sur une base annuelle, le plan s’inscrit cependant dans une perspective de temps de trois à cinq ans. Il doit permettre d’évaluer la performance de l’entreprise par rapport à ses objectifs. Il n’est pas inhabituel qu’un plan marketing bien conçu ne débouche pas sur un franc succès commercial. La raison en est simple : un plan marketing n’est pas un document destiné à terminer dans un tiroir ; un plan marketing est destiné à animer la vie de l’entreprise. Il est donc nécessaire que toutes les parties prenantes de l’entreprise aient été associées à la réflexion marketing et soient concernées par sa mise en œuvre. L’équation du succès marketing peut en effet être résumée de la manière suivante : Efficacité marketing = Qualité du plan marketing × Appropriation par les acteurs de l’entreprise

Ainsi, si le plan marketing est de très bonne qualité et mérite la note 8/10, mais que l’appropriation de ce plan par les différentes parties prenantes jouant un rôle dans sa réalisation ne mérite que 2/10, alors la « note » finale ne sera que 16/100 : il ne s’agit pas d’une réussite, mais bien d’un échec. Or le marketing concerne toutes les fonctions d’entreprise, de la fabrication à la commercialisation en passant par le contrôle de gestion et la logistique. Toutes les parties prenantes doivent être en mesure de s’approprier le plan marketing au moins pour ce qui les concerne directement : les choix et leur réalisation ne sont plus le seul fait du directeur du marketing mais celui d’équipes ; toute l’entreprise est concernée. La formalisation des plans et le management de la performance sont les courroies nécessaires entre les décisions et leur réalisation. Plus la démarche de construction du plan sera interactive, plus son appropriation sera forte : il faut donc entamer un « dialogue », comme le montre le schéma ci-dessous :

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Efficacité du plan marketing

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Réunir les conditions de réussite

Marketing central

Unités

Fixer le positionnement Proposer le mix

Consolide et questionne

Développe le plan préliminaire

Finalise et fixe les priorités, alloue les ressources

Développe le plan détaillé

Établit et déploie le plan marketing

Démarche de construction du plan marketing

La réalisation du plan marketing est soumise à au moins deux conditions : • cette appropriation du plan marketing par les multiples parties prenantes est une condition nécessaire de succès ; elle n’est pas suffisante ; • elle doit être complétée et animée par un suivi rigoureux et systématique tout au long de son déroulement. Ainsi, la deuxième condition du succès est la mise en place d’indicateurs qui vont accompagner la vie de l’entreprise pendant toute la durée du plan.

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L’appropriation par les parties prenantes L’élaboration du plan annuel est initialisée par la direction du marketing qui définit le processus et pose les questions clés permettant aux opérationnels de fournir des éléments pour développer le plan préliminaire. Les échanges entre le marketing et les unités opérationnelles (commerciales, industrielles, financières, R&D…) vont se poursuivre pour développer le plan annuel ; le dialogue ainsi instauré a un double mérite : d’une part, contribuer à élaborer un plan marketing robuste et, d’autre part, initier le processus d’appropriation par les multiples parties prenantes. Cette étape est certes consommatrice de temps, mais « si seul on va plus vite, c’est à plusieurs qu’on va plus loin ». L’objectif du déploiement est d’assurer le passage réussi à une situation cible afin que le résultat que l’on veut atteindre le soit effectivement :

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Situation cible

t

gemen

chan sus de

Proces

Situation actuelle ✓ ✓ ✓ ✓ ✓

Résultats Modes de fonctionnement Processus Comportements …

✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓

Objectifs Méthode Planification Suivi Comportements …

✓ ✓ ✓ ✓ ✓

Résultats Modes de fonctionnement Processus Comportements …

À partir de la situation actuelle, caractérisée par ses processus, ses comportements, ses résultats, ses actions… il faut atteindre une situation cible qui sera, elle aussi, caractérisée par ses processus, ses comportements, ses résultats et ses actions. Pour y parvenir, il faut mettre en place un processus d’appropriation par les parties prenantes de tous les éléments du plan qui permettra de tendre vers la situation cible. Pourquoi faut-il accompagner le changement ? La réponse est simple : tout changement suscite des résistances ; si ces résistances ne sont pas vaincues, contournées ou accompagnées, le changement souhaité n’aboutira pas ; on estime que c’est le cas de 20 % des projets de changement. Dans les autres cas, certains des changements souhaités se réalisent mais avec des délais et des coûts beaucoup plus élevés que ce qui était anticipé. De plus, le vécu résultant de ces expériences dans lesquelles le changement est perçu davantage comme un ensemble de contraintes que comme un faisceau d’opportunités contribue à créer une culture hostile au changement. Chaque changement est spécifique ; il est en effet lié à des objectifs de performances qui sont propres à chaque firme. La capacité à changer dépend de l’implication des acteurs, du degré de consensus du management, de la compréhension du besoin de changer, des ressources disponibles. L’amplitude du changement est fonction du nombre d’acteurs, de l’impact sur les compétences, du nombre d’individus impactés, du degré et de la profondeur du changement requis :

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De la situation à la situation cible

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Réunir les conditions de réussite

Changement modéré Changement mineur

Changement significatif Changement majeur

Pas de changement

Amplitude du changement

Capacité à changer

• Nombre d’acteurs

• Implication des acteurs

• Impact sur les compétences clés

• Degré de consensus du management

• Délai de réalisation

• Compréhension du besoin de changer

• Nombre d’individus impactés

• Historique du changement

• Degré de changement du comportement requis

• Ouverture de la culture

• Degré de transversalité et d’implication nécessaire • Ressources disponibles

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Le baromètre du changement

Pour déjouer les risques liés au manque d’appropriation, il est important de comprendre quels sont les freins et les leviers des entreprises face aux besoins de changement. La résistance au changement est naturelle ; elle est d’autant plus forte que le changement est important. De manière schématique, les résistances peuvent avoir plusieurs sources : • d’une part, l’organisation elle-même se met dans une position de très forte résistance ; l’absence de vision, l’utilisation de systèmes de mesures contradictoires, une structure très hiérarchique sont autant de raisons qui vont empêcher les parties prenantes de s’adapter ; • d’autre part, les résistances individuelles peuvent être plus ou moins fortes ; or le changement a une traduction individuelle ; le changement, c’est aussi et avant tout une multitude de changements individuels : dans tout changement un individu a à gagner et à perdre. D’une manière générale, on constate qu’il y a plus de pertes que de gains pour les niveaux de l’organisation à faible responsabilité. Il est donc indispensable d’anticiper les résistances à tous les niveaux de l’organisation. Le changement de comportement est fonction de la perception d’un besoin de changer qui se joue sur des aspects émotionnels et non sur des aspects rationnels. Le processus de changement entraîne des « deuils » individuels et collectifs au sens où certains acquis doivent être abandonnés ;

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• enfin, la culture même de l’entreprise est un facteur très fort de résistance aux changements : le poids accordé à la hiérarchie, le souvenir des échecs précédents, l’existence de vaches sacrées, etc. figurent parmi les causes majeures de résistance.

CULTURELLES • Vaches sacrées • Échecs précédents • Manque d’esprit d’initiative

• • • •

INDIVIDUELLES Perte de pouvoir Peur Statu quo = confort Inaptitude

ORGANISATIONELLES • Pas de vision • Système de mesure de la performance contradictoire • Structure fonctionnelle et très hiérarchique

Les difficultés liées aux changements sont intemporelles. C’est Machiavel qui écrivait : « Il n’y a rien de plus difficile, de plus incertain, de plus périlleux à diriger que d’initier un nouvel ordre des choses. Pour celui qui initie, c’est avoir contre lui l’ensemble des personnes qui veulent continuer à bénéficier de l’ancien système, et ne pas avoir encore le soutien de ceux qui y veulent gagner quelque chose. » Tout changement entraîne une résistance et des résistances ; il menace les modes de comportements actuels, les attitudes traditionnelles, les relations établies. Il est donc impératif de comprendre les barrières spécifiques aux changements afin de mettre en place des stratégies de changement susceptibles de composer avec les résistances et de les dépasser. La « pyramide du refus » permet de visualiser les différentes raisons du refus et de la résistance.

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Les obstacles au changement

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Réunir les conditions de réussite

Je ne veux pas Je ne suis pas capable de Je ne sais pas

La pyramide du refus

• La première d’entre elles est le manque d’information : l’indi-

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vidu ne sait pas, il connaît peu ou mal le contexte, la nature du changement ; les objectifs poursuivis ne lui ont pas été présentés ou il les a mal compris, il ignore tout des moyens mis en œuvre… : ce manque d’information (« je ne sais pas ») entraîne un manque de motivation et un découragement. • Si l’individu a une bonne connaissance du projet considéré, il peut mesurer l’impact sur lui, ce qui enclenche la crainte de ne pas être à la hauteur ; il est alors dans un mode « je ne sais pas faire » « je ne serai pas capable ». • Enfin, et c’est la situation la plus difficile, l’individu ne veut pas parce qu’il n’y voit pas son intérêt ou n’y croit pas. S’il n’y voit pas son intérêt, le blocage est de nature rationnelle. S’il n’y croit pas, le blocage est de nature émotionnelle. Ces attitudes génèrent trois types de déficit d’appropriation susceptibles d’entraver le changement : un déficit de motivation (« on n’a pas envie »), un déficit de savoir-faire (« on ne peut pas ») et un déficit d’adhésion (« on n’y croit pas »). Il faut donc mettre en place des actions qui permettent de combler ces déficits : communiquer, former, accompagner.

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Objectif

Actions

Causes/Symptômes

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« Ne savent pas »

« Ne peuvent pas »

« Ne veulent pas »

Déficit d’information

Déficit de savoir-faire

Déficit d’adhésion

Communiquer

Former documenter, entraîner, développer

Accompagner organiser, encadrer

APPROPRIATION

1°) « Ne savent pas » : cette attitude traduit un déficit d’informations. Les collaborateurs n’ont pas été informés des options prises dans le cadre du plan marketing (nouveaux produits, changement de systèmes de tarification, changement de systèmes de facturation, recherche de nouveaux clients, etc.) ; ils réclament donc une meilleure communication autour du plan ; même s’ils ont été intégrés aux réflexions qui ont donné naissance au plan (ce qui doit en principe être le cas des agents commerciaux puisque c’est une des sources privilégiées d’information sur le marché), ils veulent être impliqués dans la réalisation du plan et donc avoir accès aux informations qui les concernent. Au plan de marketing doit être associé un plan de communication. 2°) « Ne peuvent pas » : cette attitude traduit un déficit de formation. Les collaborateurs ont bien été informés de la politique marketing, mais celle-ci les amène à solliciter des compétences qui n’ont pas : par exemple, demander aux agents de vendre des produits nouveaux qu’ils ne connaissent pas avec une structure tarifaire nouvelle. Ils doivent donc être formés afin d’acquérir les compétences nécessaires à la réalisation des objectifs. Les agents commerciaux en contact direct avec la clientèle sont évidemment concernés au premier chef par ces actions de formation. Défen-

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Les actions facilitatrices

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Réunir les conditions de réussite

seurs au premier chef de l’offre développée par son mandant, ils doivent évidemment être parfaitement formés. Au plan marketing doit être associé un plan de formation. Dans les cas de repositionnements réussis évoqués précédemment comme Leroy Merlin ou Primagaz, la formation a été mentionnée comme étant un élément clef de la réussite : 5 % de la masse salariale pour l’un, 80 commerciaux et leurs managers formés pendant douze mois. 3°) « Ne veulent pas » : cette attitude traduit un déficit d’adhésion au projet d’entreprise ; il convient alors de mettre en place un accompagnement individuel permettant de comprendre les raisons du refus du collaborateur d’adhérer au projet d’entreprise et, dans la mesure où c’est possible, de le faire évoluer en fournissant toutes les explications nécessaires.

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Un suivi rigoureux et systématique Trop souvent, les entreprises se contentent de suivre les « reportings » habituels émis par la direction financière et les services comptables alors même que ces indicateurs ne reflètent probablement pas les objectifs marketing retenus. En effet, les suivis habituels sont de nature financière et donnent des indications quant aux chiffres d’affaires, à la marge, au délai de règlement des clients… ; en d’autres termes, ils se concentrent sur ce qui se passe à l’intérieur de l’entreprise. Or un suivi marketing doit refléter les objectifs fixés et donc prendre en compte des éléments internes adaptés ainsi que des éléments externes à l’entreprise. Si le positionnement est centré sur la compétitivité, un des critères clés que l’entreprise doit suivre est son niveau de prix par rapport à la concurrence ; or cette indication ne peut pas être générée par les systèmes comptables internes. Il faut effectivement recourir à des suivis externes tels que panel ou étude spécifique pour que ce critère soit intégré de manière systématique dans le suivi mensuel ou trimestriel. Les indicateurs sont essentiels : sans indicateurs, ni action ni correction. Prétendre suivre une stratégie marketing claire sans mettre en

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place les outils de suivi spécifiques à cette stratégie est une garantie d’échec. La mesure crée l’action (« what gets measured gets done »). Le suivi de critères spécifiques permet soit de valider la stratégie en l’état si les signaux remontés sont favorables, soit d’apporter les corrections nécessaires si certains critères se révèlent moins bien réalisés. Or, en marketing, ils sont difficiles à établir : il n’y a pas de normes standardisées, les relations causales coût-impact sont difficiles à établir ; les actifs marketing sont souvent immatériels. Et pourtant, les coûts marketing (études et recherches, force de vente, communication…) peuvent être très élevés : plus de 50 % pour les produits d’hygiène, de beauté et pour les spiritueux, plus de 40 % pour le matériel informatique et les produits pharmaceutiques. Dans de nombreux cas, la valeur des marques s’évalue en milliards ou en dizaines de milliards de dollars. Les systèmes comptables rendent très mal compte de ses actifs : dans le bilan de Pernod-Ricard, la marque Ricard, qui résulte des investissements en communication depuis des dizaines d’années, n’est pas valorisée, alors que la marque Absolut Vodka, qui résulte d’une acquisition, a une valeur qui se chiffre en milliards d’euros. Une des raisons qui rendent les indicateurs traditionnels peu performants en marketing est qu’ils proviennent en général du contrôle de gestion qui s’appuie sur des données internes alors même que la plupart des indicateurs marketing doivent prendre en compte des informations externes. Or ces informations, à supposer qu’elles soient disponibles, doivent être achetées à des prestataires extérieurs. Un budget doit donc être prévu à cet effet. En effet, les bénéfices comptables sont trompeurs. On ne peut les interpréter sans prendre en compte l’évolution correspondante de la part de marché, de la position concurrentielle du bon déroulement du plan marketing, etc.

Un indicateur est une information ou un ensemble d’informations contribuant à l’appréciation par le décideur d’une situation. Un indicateur de performance (KPI : key performance indicator) est une mesure ou un ensemble de mesures braquées sur un aspect critique de la performance de l’entreprise.

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Critères de détermination des indicateurs

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Réunir les conditions de réussite

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• Un indicateur de performance est nécessairement associé à un objectif précis ; il doit être pertinent et résulter directement des objectifs du plan. Une des règles importantes est de se focaliser sur un nombre réduit d’indicateurs qui capteront plus facilement l’attention des parties prenantes qu’une pléthore de mesures. • Un indicateur entraîne une décision. Il doit permettre aux responsables concernés de prendre des décisions et d’entreprendre les actions susceptibles de corriger des écarts si ceux-ci devaient apparaître. • Un indicateur doit être parlant ; il doit être partagé par les parties prenantes concernées ; il ne doit pas laisser indifférent et doit avoir un impact psychologique. • Un bon indicateur doit être simple ; sa définition doit être claire. La tâche est évidemment difficile et les critères initialement retenus peuvent s’avérer inappropriés ; certains changements ou aménagements sont donc nécessaires dans la vie de l’entreprise. Ils doivent être mis en œuvre en toute connaissance de cause et altérer au minimum la comparabilité dans le temps. • Un indicateur « appartient » à celui qui l’utilise ; il doit donc avoir foi dans sa définition et sa pertinence et donc être partie prenante à sa détermination. Les indicateurs retenus peuvent être assemblés en un ensemble structuré sous la forme d’un tableau de bord. Un tableau de bord permet de réduire l’incertitude puisqu’il rassemble toutes les informations relatives à la situation présente et permet donc d’envisager les conséquences de la décision prise. L’information est changeante par nature, mais le tableau de bord permet d’avoir un instantané cohérent de la situation. Les informations présentées ne sont pas en décalage temporel l’une par rapport à l’autre. Le temps est arrêté pour un moment, le temps d’apprécier globalement le contexte. Il constitue un référentiel commun à toutes les parties prenantes.

Les indicateurs non intégrés Il ne peut y avoir de bons indicateurs marketing s’il n’y a pas une bonne compréhension du positionnement et du marketing mix. La première étape est donc une bonne lecture du plan marketing.

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Si le positionnement est la compétitivité, les indicateurs doivent mesurer que le produit est le plus simple possible et qu’il le reste tout au long de sa vie tout en satisfaisant ses fonctions essentielles : puisqu’une montre Swatch comprend environ 200 pièces de moins qu’une montre traditionnelle, un indicateur doit s’assurer que le produit, reste bien le même au cours du temps et qu’une complexification latente ne prend pas place faisant ainsi dériver les coûts (par exemple évolution du coût de production ou nombre de pièces entrant en fabrication). Le prix payé et perçu par le consommateur doit être compétitif ; cette perception ne doit pas être occultée par de nombreuses interventions qui en diminueraient la lisibilité… Le positionnement de différenciation implique que les offres mises au point sont plus complexes et plus riches. L’essence même de ce type de positionnement est la superposition des coûts valorisables. Le marketing doit donc s’assurer que les complexités ajoutées, les services proposés, les fonctionnalités supplémentaires correspondent bien à une attente du consommateur ou du client qui les valorise. Prenons le cas de cette grande entreprise de peinture grand public dont « la mission est de gagner et de conserver les clients dans le monde grâce à nos marques de revêtements de qualité supérieure ». Elle déploie une stratégie de différenciation articulée autour d’une gamme de produits novatrice et très complète et une campagne de communication mettant en avant cette richesse d’offre. Afin de s’assurer du bon déroulement de cette stratégie, l’entreprise met en place quatre indicateurs : • le suivi du privilège de prix (price premium), reflet de l’acceptation par le consommateur d’un prix supérieur à celui des concurrents pour des revêtements de qualité supérieure ; cet indicateur est fourni par un panel externe tous les deux mois ; • la qualité de service pour s’assurer que les clients trouvent toujours le produit recherché au sein d’une gamme très étendue ; pour la contrôler est mis en place l’indicateur OTIF (on-time, in-full) : les commandes préparées sont contrôlées au départ de l’usine, pour s’assurer qu’elles sont complètes, et à l’arrivée, pour s’assurer qu’elles sont livrées à temps. Cet indica-

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Réunir les conditions de réussite

teur est affiché quotidiennement dans les trois usines, dans le centre logistique et dans les bureaux ; • la rentabilité de la stratégie est mesurée par la rentabilité des capitaux engagés (RCE). Cet indicateur est publié tous les trimestres par le contrôle de gestion et prend en compte le poids des stocks dans le besoin de capitaux ; • la sécurité et le respect de l’environnement font l’objet de deux indicateurs (SHE), l’un portant sur le nombre de jours d’arrêt de travail résultant d’accidents et l’autre portant sur la nature et le montant des émissions de certains produits chimiques. Ces indicateurs sont présentés et expliqués chaque année par le président de l’entreprise à tous les employés dans les différents sites, les directeurs prenant le relais pour commenter les résultats publiés périodiquement. Ces indicateurs sont intégrés à l’intéressement de tous les salariés : le montant de l’intéressement est augmenté de 25 % à chaque fois que l’un des indicateurs est égal ou supérieur à l’objectif ; si tous les indicateurs sont satisfaisants, il y a donc la possibilité de doubler l’intéressement des salariés, entraînant une grande motivation de chacun pour faire en sorte que les indicateurs stratégiques soient conformes aux objectifs. La publication à intervalles réguliers des réalisations par rapport aux objectifs permet de mettre en place les actions correctrices. Un tableau tout simple comme celui-ci peut suffire : Facteurs clés de succès classés par priorité

-3

-2

-1

Externe Interne

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En retard

FCS 1 FCS 2 FCS 3 FCS 4 FCS 5 FCS 1 FCS 2 FCS 3 FCS 4 FCS 5

Suivi du trimestre

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0

1

2

3

En avance

Construction d’un indicateur intégré

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Contribution

-

coûts des ventes

ventes

+

+

coûts des services

coûts de maintenance

coût d'acquisition

nombre moyen de maintenance par véhicule

nombre de réclamations par client

capacité d'utilisation

coût moyen des réclamations

qualification des employés

coût par contact et vendeur

fréquence de la maintenance

ventes de services

fréquence de recommandation

taux de revente

potentiel de ventes transverses

nombre de contacts

délai de livraison

ventes clients existants

Contrôlabilité Contrôlabilité Contrôlabilité Contrôlabilité

256 Contrôlabilité

Contrôlabilité

ventes nouveaux clients

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Les indicateurs intégrés

Dans les indicateurs en arbre, le lien causal entre différents paramètres est formellement établi et quantifié ; la construction et la mise en évidence de ces différents liens permettent d’avoir un indicateur très global, par exemple, dans le schéma ci-dessous :

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Réunir les conditions de réussite

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L’objectif de ce type d’indicateurs est de focaliser l’attention sur un résultat bien identifié ; c’est aussi le danger. En concentrant toute son attention sur un indicateur, l’entreprise court le risque de méconnaître les évolutions se manifestant dans son environnement. La fixation sur la cible (target fixation) est un phénomène connu dans le monde de l’aviation militaire avant que le laser n’existe : dans un bombardement en piqué, le pilote est tellement concentré sur la cible qu’il en oublie l’altitude et que l’avion se dirige vers le sol ; il est évidemment important de répondre oui à la question : « Est-on dans la cible ? » mais il ne faut jamais oublier de relier celle-ci à une réalité plus large.

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Chapitre 2

ASSURER L’ADAPTATION INTERNATIONALE

« Notre réussite actuelle tient essentiellement à ce que, depuis vingt ans, nous avons investi hors d’Europe plus de 80 % de notre argent. Nous avons su prendre l’avion plus tôt que tout le monde. »

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Xavier Fontanet, PDG d’Essilor

Ce long chapitre prend en compte les différents aspects nécessaires à un déploiement international. Il est riche de très nombreux exemples, car c’est un domaine où la diversité est considérable. • L’identification des opportunités – Attractivité – Risques • L’analyse approfondie du ou des pays retenus • L’adaptation de l’offre – Le positionnement – La conception de l’offre - Produits et services - Prix - Distribution - Communication • Le mode d’implantation

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À l’heure du « village global », et des moyens de communication et d’échange qui écrasent les distances, au moment où les modes de vie se standardisent, au moment où des phénomènes de marché tels que la bipolarisation se manifestent dans la plupart des pays, au moment où la concurrence devient globale, il est impossible pour une entreprise de se retrancher derrière des barrières nationales et espérer ainsi assurer sa pérennité. L’internationalisation est devenue une nécessité. Certes, cette nécessité est plus ou moins ardente : certains marchés sont mondiaux (puces électroniques, certains spiritueux…), d’autres sont plus locaux ou régionaux, notamment dans le domaine alimentaire. Une des clés de la réussite dans le domaine de l’internationalisation est d’être capable de mettre le curseur au bon endroit entre ce qui est global et ce qui est local.

1.

Source : McKinsey Quarterly 2010.

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L’objectif de l’internationalisation est d’étendre la couverture géographique des activités existantes afin de générer de la croissance. Sous le titre « Capturing the World’s Emerging Middle Class », McKinsey estime la classe moyenne émergente à 2 milliards de personnes ayant un niveau de dépenses de 6,9 trillions de dollars1. Ainsi, les pays émergents vont constituer pour L’Oréal « une opportunité historique de croissance forte et durable » selon la direction générale. En 2006, le Brésil, la Russie, le Mexique et la Chine ont contribué à hauteur de 60 % à la progression du marché mondial des cosmétiques. L’enrichissement de ces économies devrait favoriser l’émergence de 70 millions de consommateurs chaque année disposant de revenus suffisants pour acheter des produits de beauté. En Inde, où le chiffre d’affaires a crû de 40 % en 2006, L’Oréal déploie progressivement ses marques en les adaptant au marché local. Ainsi, le shampooing Fructis est vendu en sachet pour 5 roupies. Pour Jean-Paul Agon, directeur général de L’Oréal, « la mondialisation est une chance historique. Plus de 70 millions de personnes par an accèdent à des revenus qui leur permettent acheter nos produits ». Si l’internationalisation présente de nombreux avantages qui sont rappelés dans l’analyse ci-dessous, elle n’est pas sans risque, l’éloignement géographique et culturel du pays d’origine entraînant un nécessaire besoin d’adaptation alors même que d’une manière générale les informations disponibles sont plus parcellaires.

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Assurer l’adaptation internationale

Avantages

Inconvénients

• Découverte de nouveaux débouchés ; marchés en croissance : opportunités commerciales. • Diversification des risques. • Prolongation du cycle de vie du produit sur différents marchés. • Diminution des coûts d’approvisionnement ; diminution des coûts de production ; économie de coûts (échelle, apprentissage…). • Créativité, enrichissement culturel.

• Augmentation des risques : politiques, économiques, financiers. • Éloignement géographique et culturel du pays d’origine. • Obligation d’adaptation des produits et de leurs stratégies aux différents marchés. • Augmentation des coûts de marketing. • Perte de monopole technique ; concurrence nouvelle. • Difficulté de gestion et complexité organisationnelle.

Source : J.P. Helfer, M. Kalika, J. Orsoni, Management, Vuibert.

Avantages/inconvénients de l’internationalisation

C’est pourquoi les entreprises adoptent des organisations variées en fonction des caractéristiques des marchés, notamment de leur taille. Pour réussir leur développement international, les entreprises suivent une démarche qui consiste à : • identifier les pays qui présentent les meilleures opportunités ; • affiner la connaissance du ou des pays retenus ; • déterminer les adaptations nécessaires à leur offre ; • sélectionner le mode d’implantation le plus pertinent.

L’identification des opportunités

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La première étape consiste à identifier les pays qui présentent les meilleures opportunités. L’analyse consiste en une revue d’ordre macroéconomique qui peut être conduite avec la méthode PESTEL déjà mentionnée (cf. pages 37 et 60). La mise en évidence des similitudes et des différences permet de s’orienter vers des zones où les paramètres socio-économiques présentent plus de similitudes. Afin d’avoir une vue synthétique des différents pays, les entreprises positionnent ceux-ci en fonction de deux axes, attractivité et risque, les cercles étant proportionnels à la taille du marché.

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Attractivité De nombreux facteurs peuvent influer sur l’attractivité d’un pays en fonction de la nature du produit/service et du positionnement. Parmi ces facteurs, citons : • la taille du marché, sa saisonnalité et ses fluctuations ; • la croissance ; • les conditions concurrentielles : intensité de la concurrence, barrière d’entrée ; • l’existence de conditions prohibitives : tarifs douaniers, barrières non tarifaires, restrictions à l’importation des produits étrangers ; • la réglementation : contrôle des prix, besoin de contenu local, exportations ; • la stabilité économique et politique. Certains de ces facteurs peuvent être combinés de manière synthétique, par exemple dans une matrice taille/croissance telle que celle présentée ci-dessous : Croissance de la consommation par habitant (croissance moyenne annuelle en %) 10 Inde

Chine Pologne Espagne

5

Allemagne Russie

Australie

Italie

Mexique

US

UK

0 0

Brésil

2

4 France

6

8

10

Japon

12 14 Consommation par habitant en 2004 (en litres/an)

Argentine

Exemple d’analyse d’attractivité pour le produit XYZ

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–5

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Assurer l’adaptation internationale

Risques Plus que les différences sociales, économiques politiques juridiques, ce sont l’incertitude et l’instabilité qui sont les plus grands facteurs de risque pour l’entreprise. Dans un système stable même très différent, l’entreprise peut organiser son développement de manière volontariste, construite et systématique. À l’inverse, dans les systèmes imprévisibles ou instables, l’entreprise internationale est en mode réactif et en général moins à même de réagir et de s’adapter que les entreprises locales habituées à vivre dans ce type d’environnement ; il convient donc de faire une analyse des différentes composantes de la méthode Pestel en évaluant sur chacun des critères le niveau de la stabilité. Les différents pays peuvent ensuite être classés sur chacun de ces axes afin de créer la matrice attractivité/croissance :

Élevée

Attractivité des pays

Moyenne

Limitée

Faible

Moyen

Élevé

Niveau de risques

Matrice attractivité/risques

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L’analyse approfondie du ou des pays retenus La seconde étape consiste à affiner la connaissance du ou des pays retenus. D’une manière générale, et plus particulièrement dans les premiers temps, l’information sur le marché est moins riche que dans le pays d’origine. Il faut bien sûr rassembler toutes les

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informations disponibles, compléter les analyses par des études spécifiques, mais surtout comprendre le terrain. En effet, beaucoup d’éléments qui permettent de comprendre le marché sont implicites ; or comme on l’a vu précédemment, c’est la connaissance intime du client et de ses besoins (« customer insight ») qui permet de réussir. Dans la grille de lecture cidessous, on constate que cohabitent dans les modèles culturels des éléments de comportements explicites et implicites :

Langage

pli

rel ltu cu

Savoir-faire Institutions Modes d’organisation collectifs Normes « Do’s and don’t s »

Im

pli

cit

es

Mo



les

Ex

s

cit

es

Comportements explicites

Valeurs Comportement dans la vie, buts de la vie… États mentaux et processus cognitifs Perception, apprentissage… Mythes et représentations sociales (nature,temps…)

Pour certains pays, les études qui permettent de comprendre les clients sont nombreuses. Tel est le cas de la Chine, où une étude menée par McKinsey1 consacrée aux riches consommateurs chinois a mis en évidence l’existence de sept segments : • les luxuriants (22 % du marché des riches Chinois, revenus moyens du foyer : 85 000 dollars) : principalement localisés dans les grandes villes ; proportion plus élevée de femmes ;

1.

Étude McKinsey des riches consommateurs chinois en 2008.

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Modèles culturels explicites et implicites

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Assurer l’adaptation internationale











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sont sensibles à la santé, à l’environnement et à la qualité de la vie familiale ; sont très attirés par les produits de luxe, mais la qualité est plus importante que la marque ; Les bling-bling (22 % ; 78 000 dollars) : essentiellement localisés dans les grandes villes ; peu soucieux de la santé de l’environnement ; sont plutôt à la recherche du meilleur prix ; dépensent beaucoup dans les produits de luxe ; les urbains (14 % ; 73 000 dollars) : principalement localisés dans les grandes villes ; forte proportion d’hommes soucieux de la santé, de l’environnement et de la qualité de la vie de famille ; sophistiqués mais discrets ; plus soucieux de la qualité du produit que de la marque ; les exigeants (13 % ; 84 000 dollars) : plus riches et plus travailleurs que la moyenne ; détestent les emprunts ; aiment les produits qui leur permettent de se distinguer de la foule, mais sont peu enclins à payer cher ; difficiles à séduire ; les enthousiastes (11 %, 69 000 dollars) : très présents dans les villes de taille moyenne ; enthousiastes à propos des produits de luxe ; ils veulent en acheter plus qu’ils ne peuvent s’en offrir et veulent sortir de la masse ; sont prêts à acheter des copies ; favorisent les marques chinoises ; les terre-à-terre (10 % ; 70 000 dollars) : essentiellement présents dans les villes de taille moyenne, ils valorisent plus la vie familiale que la vie sociale ; sont peu préoccupés par les produits haut de gamme et les marques étrangères ; les ascendants (8 % ; 71 000 dollars) : présents dans les villes de tailles moyenne et petite ; conscients de leur statut ; recherchent la vie sociale ; apprécient les produits de luxe, mais n’en font pas une nécessité et vont rechercher un prix compétitif.

Mais, même si les études sont nombreuses, les visites terrain restent extrêmement instructives comme le rapporte le Wall Street Journal du 2 juillet 2009 à propos de la visite en Chine de la présidente de PepsiCo, qui voulait savoir comment les gens vivaient, comment ils mangeaient et quelles étaient les opportunités de croissance : « “J’ai voulu voir comment les gens vivent, comment ils mangent, quelles sont les opportunités de croissance.” (La PDG de Pepsico, Indra Nooyi est allée dans des petites rues, où le linge

265

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séchait dehors et les bicyclettes étaient garées. Entrant dans un petit appartement où vivent quatre générations d’une famille chinoise, les directeurs qui l’accompagnaient et elle-même ont posé des questions sur le développement rapide de la Chine, leurs habitudes de consommation et leurs réactions face aux marques occidentales. Cette visite faisait partie d’un programme d’immersion de dix jours en Chine pour Mme Nooyi)1. » Il faut connaître et comprendre, mais il faut aussi ressentir. L’ensemble des informations identifiées sur les différents marchés ainsi que sur le marché d’origine peut être regroupé dans des tableaux SWOT permettant d’avoir une vue d’ensemble.

L’adaptation de l’offre La troisième étape consiste à déterminer les adaptations nécessaires à l’offre. La démarche marketing reste la même que dans le pays d’origine, à savoir connaître, positionner, concevoir, déployer, mais, sur chacune des étapes, il faut tenir compte des caractéristiques locales.

Le positionnement dépend de la maturité des marchés ; la bipolarisation est un phénomène général, même s’il existe des variations entre les pays. Cette bipolarisation se manifeste à des rythmes différents selon les endroits du monde. Dans certains secteurs tels que le marché de l’automobile ou celui de la confection, la bipolarisation est plus accentuée en Chine qu’elle ne l’est en Europe. Même au sein des pays occidentaux dont le niveau de maturité économique est relativement homogène, il existe des différences significatives selon les secteurs économiques. Une étude menée par McKinsey montre que l’intensité de la bipolarisation varie significativement selon les secteurs et les pays. Elle permet de distinguer trois types d’évolution :

1.

Traduction de l’auteur.

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Le positionnement

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Assurer l’adaptation internationale

• des couples secteurs/pays évoluant vers le « haut de gamme » (migration to high end) ; • des secteurs/pays évoluant vers la compétitivité prix (migration to no frills-value) ; • des secteurs/pays où les deux segments croissent au détriment du milieu de gamme (balanced polarization).

50 40 30 20 10

Lecteurs MP3 Monde

Rasoirs Amérique du nord Machines à café Allemagne

8

Dentifrice Monde

6 4 2 0 –2

Vins Amérique du Nord Mouchoirs papier MDD Allemagne

Caméras digitales Monde MIGRATION VERS LA DIFFERENCIATION

Réfrigérateurs Europe

Voitures «compactes» Europe

Gros électro-ménager Amérique du Nord

Confection BIPOLARISATION Allemagne Banques de détail EQUILIBREE Allemagne Réfrigérateurs intégrés Europe Lessives textile Réfrigérateurs Amérique du Nord Amérique Nord Bières Compagnies aériennes Europe Téléphone mobiles Amérique du Nord Monde Épicerie Amérique du Nord Bières Serveurs Transport marchandises Allemagne Alimentaire de détail Monde Monde Allemagne Couches Amérique du Nord

MIGRATION

–4

VERS LA COMPETITIVITE

–6 Notebook Monde

–8

20

14 17

10 11

5

0





5

– 10 10 – 0 8 – 0 6 – 0 4 – 0 20 – 10

Croissance des segments « haut de gamme »

Taux moyen de croissance annuelle par rapport à la moyenne du secteur (1999-2004)

Croissance des segments « compétitif » Source : McKinsey.

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La bipolarisation selon les pays secteurs

Par exemple, la demande pour les réfrigérateurs haut de gamme est apparue aux États-Unis avec une décennie d’avance sur l’Europe. Ce phénomène est attribué à la croissance rapide des catégories socio-professionnelles élevées (CSP++) aux États-Unis et au fait que des marques haut de gamme ont été établies très tôt. Mais, aujourd’hui, les taux de croissance des modèles haut de gamme en Europe sont supérieurs à ceux de l’Amérique du Nord. Cependant, quel que soit le niveau de bipolarisation, la plupart des firmes, dans un souci de cohérence, cherchent à maintenir le même positionnement dans les pays où elles sont présentes,

267

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La conception de l’offre La conception de l’offre va évidemment requérir des ajustements plus ou moins importants selon la nature des pays et la nature de l’offre. Dans les marchés industriels et dans certains

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même si celui-ci requiert des adaptations relatives à la concurrence. BMW ou Vuitton, clairement positionnés en différenciation, déploient des stratégies internationales qui respectent scrupuleusement leur positionnement d’origine. Mais respecter le positionnement ne signifie pas déployer de manière rigide la même offre marketing dans tous les pays ; il convient en effet de s’adapter. Ainsi, pendant longtemps, L’Oréal a construit son leadership mondial sur des marques mondiales et des produits peu spécifiques. Mais, depuis quelques années, la firme s’adapte à des particularismes, notamment ethniques : les produits de soins et de traitement du cheveu destinés aux Afro-Américains et aux Africains ne peuvent pas être les mêmes que ceux destinés à l’Inde, à la Chine ou à l’Europe. L’Oréal s’est donc engagé dans de nouvelles activités, soit de manière organique en adaptant sa R&D, soit par des acquisitions ciblées (Softsheen spécialiste des produits destinés aux Afro-Américains, par exemple). Respecter le positionnement au niveau international est un nécessaire impératif de cohérence. En revanche, le positionnement peut être mis en œuvre et décliné d’une manière qui répond aux caractéristiques des marchés locaux. Certaines entreprises comme Coca-Cola ou McDonald’s tendent à minimiser les adaptations locales et à promouvoir une approche globale ; notons néanmoins que, depuis quelques années et face à la saturation du marché nord-américain, McDonald’s est ouvert à des particularismes locaux en offrant des menus à base de produits locaux. Même si les Golden Arches restent bien présentes, les restaurants et les menus se « localisent ». Cette impérative nécessité de respecter un positionnement global tout en ménageant des adaptations à l’offre locale a donné naissance à un néologisme : l’approche « glocale ». (« think global, act local »). La mise en œuvre de ce principe directeur est bien entendue spécifique à chaque entreprise.

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Assurer l’adaptation internationale

Bangkok

Mexico

Argentine

Angleterre Japon

Allemagne

McDonald’s : la même symbolique Pays

Articles spécifiques aux pays

Allemagne

Bière

Italie

Pasta bar

Angleterre

Vegetable Deluxe, salade de pâtes au poulet, McRib pork Sandwich

Malaisie

Salades

France

Fried chicken

Argentine

Tarte à la banane (banana pie)

Thaïlande

Samuraï pork Burger, fried chicken, tarte à l’ananas (pineapple pie)

Japon

Teriyaki McBurger, chicken tatsuta, milkshake à la banane

Singapour

Kiasu Burger, McPepper Burger, Samuraï Burger

Mexique

Mexican McMuffin

Canada

Chicken fajitas, pizza

Australie

McFeast Burger

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McDonald’s : adaptation de l’offre au palais local

types de services, la standardisation est croissante en raison de la standardisation des normes et de la délocalisation des unités de production. Dans les marchés grand public, les cas de figure sont très différents entre certains produits électroniques ou certains spiritueux, identiques dans la plupart des pays, et des produits agroalimentaires, beaucoup plus spécifiques et

269

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caractéristiques des habitudes locales. Cependant, même lorsque les produits sont identiques il faut tenir compte du contexte implicite ou explicite du pays. Ainsi, McDonald’s n’a pas pu utiliser le clown Ronald au Japon parce que son visage tout blanc évoque la mort. En Espagne, Coca-Cola n’a pas pu commercialiser sa bouteille de 2 litres, les Frigidaire étant trop petits. Sephora a dû se retirer du Japon, le concept de supermarchés haut de gamme ne correspondant pas à l’attente des Japonaises demandeuses de services. La grille de lecture ci-dessous permet de synthétiser le niveau des ajustements nécessaires : plus l’entreprise va privilégier l’adaptation locale, plus elle risque de s’éloigner de la cohérence globale de sa stratégie. L’arbitrage adaptation locale/cohérence globale est souvent délicat. Cohérence globale

Adaptation locale Connaissance marchés Positionnement Produit Prix Distribution Communication

Indicateurs et suivi de performance

Selon les entreprises, cette marge de manœuvre à l’adaptation locale est plus ou moins déléguée. L’exemple ci-dessous est celui d’une multinationale commercialisant des biens durables pour le grand public ; les responsabilités sont réparties entre le siège, les directions régionales (zone regroupant plusieurs pays) et les pays : le « non » signifie que la marge de manœuvre est inexistante : aucune adaptation n’est acceptable :

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Affiner les ajustements

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Assurer l’adaptation internationale

Responsabilité

Locale

Régionale

Centrale

Positionnement

Non

Non

Oui

Modifications produit

Non

Oui

Oui

Modification du packaging

Non

Oui

Non

Communication/marques principales

Non

Non

Oui

Création de sous-marques

Oui

Oui

Non

Innovation produit

Non

Oui

Oui

Politique de prix

Non

Oui

Non

Relations publiques

Oui

Oui

Oui

Études marketing

Oui

Oui

Oui

Typologie des marges de manœuvre (exemple)

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Les produits et services Certains produits ne peuvent subir aucune adaptation ; c’est le cas des produits naturels comme l’eau d’Évian ; même certains produits fabriqués comme le champagne, le whisky ou le Coca-Cola ne subissent que des adaptations très marginales (dosage de liqueur pour le champagne par exemple). En revanche, les packagings sont souvent adaptés : ainsi, aux États-Unis, les bouteilles de vin ou de spiritueux doivent recevoir une contre-étiquette qui signale les restrictions d’utilisation des produits. De plus, les couleurs n’ont pas les mêmes significations dans tous les pays : ainsi, le blanc est synonyme de pureté en France ; mais c’est, au Japon, la couleur du deuil. Dans les produits industriels, les adaptations sont plus dictées par l’usage et les normes que par la nationalité de l’acheteur. Mais d’une manière générale, même dans des marchés relativement globaux tels que l’automobile, les adaptations sont nécessaires. Le concept d’un modèle mondial développé par Ford, dans les années 1980, avec la Ford Fiesta est loin d’avoir été un succès dans tous les pays. Aujourd’hui, sur le très vaste marché chinois, les producteurs occidentaux s’adaptent. Les Chinois susceptibles d’acheter une BMW ont souvent un chauffeur : l’arrière des BMW est entièrement repensé et aménagé comme un salon. Les Chinois raffolent du chrome, BMW en garnit l’habitacle.

271

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En Chine, une loi récente stipule que les véhicules de plus de 5,9 m ne peuvent rouler de nuit en ville ; or, la Rolls Phantom mesure 6,05 m ; la décision de BMW, propriétaire de la marque, a été immédiate : la voiture a été raccourcie de quelques centimètres. Bien que Nescafé soit une marque mondiale, les produits vendus sous cette marque diffèrent sensiblement : • en Russie, plus gros marché mondial de café soluble, Nescafé propose des doses avec sucre et lait en poudre intégré et ventes de sticks à l’unité ; • au Pakistan, le café est torréfié plutôt léger avec un goût prononcé de céréales ; • au Mexique, premier marché mondial de Nescafé, le café est plus fort et plus amer ; • en Malaisie, la tendance nutrition/bien-être amène Nescafé à introduire des ingrédients bénéfiques à la santé comme le calcium, le gingembre et le miel ; • au Vietnam, le café est vendu tout préparé en boîtes d’aluminium distribuées aux côtés des canettes de coca ; • au Japon, où les consommateurs sont très connaisseurs, Nestlé choisit des grains de qualité supérieure et élabore un café moyennement torréfié, riche en arômes. Dans la région rurale et reculée d’Arequipa, au Pérou, l’Arequipena est la bière de choix depuis des générations. SABMiller, qui la possède, s’est dit qu’il pourrait imposer aussi une bière concurrente colombienne qu’il possède aussi : la Pilsen. Pour la fête annuelle du taureau, l’entreprise avait donc mis en vente cette seule marque, relativement inconnue dans la région. La révolte a été terrible : les habitants ont vidé les fûts et détruit les stands. « Cela nous a servi de leçon ; notre nouveau credo est d’être le plus local des brasseurs internationaux. » Heineken a bien compris l’impossibilité de la mondialisation de la bière puisque, dans son portefeuille, les marques et les produits locaux jouent un rôle croissant comme l’illustre la figure ci-contre. En Chine, L’Oréal adapte ses produits à la clientèle locale. Même s’ils portent le même nom qu’en France, 85 % des cosmétiques de L’Oréal vendus en Asie ont des formules spécifiques. Ainsi, L’Oréal a créé à Shanghai un centre de recherche spécifique sur l’étude de

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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Assurer l’adaptation internationale

Volume bière (M hl) 90 79,1

80 70

Croissance annuelle

60 53,5

64 % 50,7

Marques locales

+ 6,2 %

9%

Amstel, Murphy’s, Buckler (non domestique)

+ 5,1 %

Heineken (non domestique)

+ 4,4 %

Amstel, Murphy’s, Buckler (domestique) Heineken (domestique)

– 1,5 %

50 40

59 % 31,3

30 20 10 0

9%

7,0

4,7

21 % 11,0 4 % 2,2 8 % 4,3

1990

20 % 15,6 3% 5%

2,0 3,8

– 1,2 %

1998

Source : World Brewer Factfile ; Plato Logic Ltd. (1999).

Heineken : rôle croissant des bières locales

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la peau et du cheveu chinois. Il faut par exemple tenir compte de rayons UVA trois fois plus forts qu’en France et du souhait des Chinoises de préserver la clarté de leur peau. Les produits sont fabriqués localement à Suzhou. L’homme chinois étant coquet, L’Oréal a lancé en Chine des gammes de cosmétiques sous la marque L’Oréal Men Expert et Garnier Men, qui n’existent pas en Europe, avec comme égérie l’acteur star de Hong Kong Daniel Wu. De même, Danone adapte ses produits au goût du pays. Par exemple, au Brésil, le Petit Gervais devient Danoninho et contient plus de vitamines A et D qui sont les préférées au Brésil. Mais au Japon, c’est surtout la vitamine A qui est préférée alors qu’en Pologne, c’est la vitamine D. Aux États-Unis, le flacon d’Actimel est vendu sous la marque DanActive, dans un flacon jaune qui suggère la vitalité.

Le prix Le prix doit bien sûr refléter le positionnement relativement à la concurrence, ce qui peut entraîner des variations significatives d’un pays à l’autre comme le souligne le panel de prix européens en page suivante.

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Allemagne

Belgique

Espagne

1 litre et demi de Coca-Cola

1,07

1,39

0,81

1,21

1,34

1,16

250 g de café arabica

2,75

2,21

1,60

2,28

3,50

2,47

1 paquet de Marlboro Light

2,86

3,20

2,40

3,60

3,00

3,01

1 boîte de crème Nivea (150 ml)

3,78

3,02

3,46

2,43

2,58

3,05

50 couches Pampers pour bébé (5-10 kg)

11,75

12,02

19,20

10,66

16,00

13,93

1 Levi’s Engineer

79,95

77,95

73,62

74,55

76,00

76,41

130,00

140,00

104,58

129,99

3,05

3,55

3,00

3,95

3,00

3,31

17,99

17,23

19,80

19,67

19,00

18,74

1 534,00

1 208,00

1 797,00

1 194,90

299,00

321,99

300,45

303,37

309,36

306,83

12 620,00

11 580,00

10 302,00

11 740,00

10 550,00

11 358,40

1 paire de Nike Air 1 menu enfant chez MacDonald 1 cd du best-of de Madonna 1 iMac 1 Playstation 1 Peugeot 206 XR, 1,4 l, 5 portes

France

Italie





Moyenne

126,14

1 433,47

Moins cher Plus cher Source : Commission européenne.

Même s’ils sont conformes aux exigences de cohérence avec le positionnement, les prix ne peuvent pas être les mêmes partout : les taxes locales, les circuits de distribution et les coûts associés, les fluctuations de change sont autant de facteurs créateurs de disparités. À titre d’exemple, H&M étiquette ses produits pour toute l’Europe en deux monnaies, l’euro et la livre sterling. Les variations de change entre la livre sterling et l’euro modifient la perception du prix du voyageur international. Si les différences de prix d’un pays à l’autre deviennent trop significatives (par exemple pour des raisons fiscales), elles génèrent des marchés parallèles. Tel est, par exemple, le cas des cigarettes

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Panel de prix européens (en €)

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Assurer l’adaptation internationale

et de certains médicaments en Europe. Le paracétamol coûte quatorze fois plus cher en France qu’aux Pays-Bas, où les prix de l’alimentaire sont 28 % plus élevés qu’en Belgique, alors que les deux pays ont des tailles et des PIB similaires1.

La distribution Les variations des systèmes de distribution d’un pays à l’autre sont extrêmement importantes, même entre pays de niveau de vie similaire ; ainsi, au Japon, la distribution de produits ou de services industriels est contrôlée par des réseaux informels qu’il est très difficile de pénétrer sans le recours à un partenaire ou à un licencié japonais. Si, dans les pays occidentaux, les produits de grande consommation sont en général distribués par des grandes surfaces, tel n’est pas le cas dans de nombreux pays d’Asie, où la distribution est assurée très largement par le petit commerce indépendant ou par des milliers de vendeurs individuels offrant leurs produits en plein air ou dans de petites échoppes.

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Exemples de distribution

Par exemple, au Mexique, Danone s’adapte à une commercialisation très fragmentée. Ayant constaté que les Mexicains grignotaient beaucoup dans leur voiture, Danone a mis en place des brigades de cruzeiros, des vendeurs ambulants présents aux carrefours. Ils sont aujourd’hui plusieurs milliers. Afin de ne pas délaisser le commerce de proximité, majoritaire au Mexique, Danone fait repeindre en bleu toutes les petites épiceries et les dotent d’armoires frigorifiques aux couleurs des marques du groupe 1.

Source : rapports de la Commission européenne sur la consommation.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

(environ 100 000 par an) ; les produits sont livrés par des camions aux couleurs de Danone. Même parmi des pays au niveau de vie similaire, les différences peuvent être significatives, soit pour des raisons explicites, comme la réglementation, soit pour des raisons implicites ou culturelles. Ainsi, aux États-Unis les réglementations concernant la distribution de vins et spiritueux varient d’un État à l’autre ; certains états sont dits « fermés » ; c’est l’État qui contrôle la distribution et gère des magasins spécialisés ; d’autres, dits « ouverts », laissent la distribution libre. Enfin, dans de nombreux pays, y compris occidentaux, il existe des marchés parallèles qui organisent la distribution de produits d’une manière non contrôlée et qui échappent de ce fait au producteur. C’est particulièrement vrai dans le domaine des spiritueux, où certaines plaques tournantes (au Paraguay, par exemple) organisent la distribution de produits d’une manière non conforme à la plupart des réglementations. Les principes diffèrent fondamentalement selon que l’on parle de marque globale ou de marque régionale ou locale. À cet égard, le monde industriel est relativement plus simple puisqu’il existe de nombreuses marques globales dont beaucoup sont inconnues du grand public, mais qui bénéficient d’une notoriété importante auprès des spécialistes et des acheteurs (Accenture, Oracle, SAP…) alors que d’autres sont même connues du grand public (Intel, General Electric, IBM…). Dans le domaine de la grande consommation, on trouve en revanche, à côté de quelques grandes marques globales, beaucoup de cas de figure différents, avec des marques locales ou même des marques « départementales ». Bien sûr, toutes les marques n’ont pas la même valeur et les firmes de grande consommation qui disposent d’un portefeuille de marques important, résultant souvent d’acquisitions, les hiérarchisent, comme le montre le schéma ci-contre. Dans ce système, les marques stratégiques sont gérées globalement, mais les produits sont adaptés en fonction des consommateurs locaux selon le principe : « global brand, local product » ; le rôle du centre est de définir les lignes directrices et les caractéristi-

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La communication

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Assurer l’adaptation internationale

Nombre de marques

Typologie des marques

10

Marques stratégiques mondiales

45

Marques de produits stratégiques KitKat, Coffeemaker, Structures et Crunch caractéristiques définis par le siège Marques stratégiques régionales Perugina, Findus,

25

Exemples

Approche

Nestlé, Nescafé, Maggi, Friskies, Buitoni, Carnation

Stouffers 100

Marques régionales

Eskimo, Taster’s choice, Go-Cat

700

Marques locales

Brigadeiro do Brazil

Responsabilité du management local

Source : littérature et articles de presse ; analyse de l’auteur.

Nestlé : typologie des marques du groupe

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ques de la marque (« Nestlé House of Brand Building »), le rôle des pays est de connaître les consommateurs locaux (consumer insight). La responsabilité de l’activité et de la direction générale est d’établir un cadre pour chacune des marques mondiales : un document de politique de marque, un certain nombre de standards de packaging et d’étiquetage, un positionnement de la marque et une plateforme de communication ainsi qu’un manuel de packaging. Les marques régionales sont de la responsabilité de l’activité et du management régional : elles sont internationales mais ne sont pas mondiales. Quant aux 700 marques locales, elles sont importantes pour certains pays ; elles sont gérées par les marchés locaux et supervisés par les activités afin de s’assurer que leur positionnement et leur étiquetage sont suffisants pour les protéger1. Pernod-Ricard a mis en place un système similaire composé de 14 marques stratégiques de spiritueux et champagne, de 18 marques locales leaders sur leur marché et de nombreuses marques locales. Alors que son concurrent dirige ou gère ses marques mondiales telles que Johnny Walker ou Smirnoff de son siège de Londres, Pernod-Ricard gère ses marques mondiales à partir du lieu de production ; par exemple Cognac pour Martel, ou l’Écosse pour Chivas. Les marques locales ou multilocales fortes sont coordonnées afin de surveiller le phénomène de marché 1.

Source : interview de P. Brabeck-Letmathe, CEO de Nestlé, par McKinsey Quarterly.

277

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

parallèle. Enfin, les marques purement locales sont conservées afin de renforcer les réseaux de vente et de distribution locale. Face à la difficulté de lancer des nouveaux produits ou de nouvelles marques dans un monde saturé de vins et spiritueux, Pernod-Ricard réalise des acquisitions qui lui permettent de combiner la puissance mondiale des grandes marques et l’enracinement local de marques régionales capitalisant sur le savoir-faire de la société. Ainsi, quand le groupe fait l’acquisition des marques de Seagram (Chivas, Glen Grant, 100 Pipers, Seagram Gin, Martel…) et des marques d’Allied Domecq (Mumm, Perrier-Jouët…), il accroît ses perspectives de croissance mondiale en renforçant son offre dans des domaines où l’introduction de nouveaux produits ou marques est particulièrement difficile. De plus, en renforçant son portefeuille de marques régionales, il devient l’un des principaux producteurs de whisky en Inde avec Royal Stag, et en Amérique latine avec Blender’s Pride, Natu Nobilis, Dunbar. Il renforce sa présence au Brésil avec la vodka Orloff et au Portugal avec le brandy Macieira, le marc Aldeia Velha et le Licor Beirao. Pernod-Ricard, en menant à bien deux acquisitions successives (Seagram puis Allied Domecq) et fidèle à son principe de conserver les réseaux commerciaux locaux et les marques locales et d’y intégrer les marques mondiales soutenues par des campagnes de communication importantes, a connu une très forte croissance et peut capitaliser aujourd’hui sur une présence mondiale avec un portefeuille de marques très complet : des marques mondiales fortes : Chivas, Mumm, Martel, Havana Club, Absolut… ; des marques locales fortes : Ricard, Seagram Gin et des réseaux de distribution localement puissants. Le principe directeur est le respect des décisions de « terrain ». « Les décisions sont prises sur place et non dans une tour d’ivoire1 », déclare son directeur général, Richard Burrows.

Dans le monde B2B, les marques sont plus souvent gérées de manière centrale. Ainsi, la marque Accenture est gérée par l’équipe globale marketing et communication (Global Marketing & Communication team) qui décide de la stratégie de la marque, de son positionnement, de l’identité visuelle, de la publicité et des parrainages mondiaux. Un système de revues et d’approbation des moyens de communication développés par les pays a été mis en place pour s’assurer de la cohérence globale et garantir une réponse en 48 heures à toute demande. Le financement de ces opérations est effectué au niveau central.

La stratégie de développement international peut prendre plusieurs configurations possibles selon l’intensité des avantages 1.

Wall Street Journal du 7 septembre 2005. Traduction de l’auteur.

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Le mode d’implantation

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Assurer l’adaptation internationale

concurrentiels qui peuvent être générés sur des bases locales et sur des bases mondiales. En effet, dans les activités où les coûts centraux sensibles aux effets d’échelle sont importants (recherchedéveloppement, production à forte intensité capitalistique…), une position internationale forte est nécessaire pour assurer un avantage concurrentiel. À l’inverse, dans les activités où ce sont les coûts locaux sensibles aux effets d’échelle qui sont prépondérants (réseau commercial, image locale, logistique…), la réussite concurrentielle dépend de la part de marché locale et non pas de la position mondiale. La stratégie pertinente est alors une stratégie en « collier de perles » qui se matérialise non par des exportations, mais par des investissements directs dans chaque pays. Le schéma ci-dessous présente les différents cas de figure : Avantage concurrentiel sur des bases mondiales Faible

Fort Avantage concurrentiel sur des bases locales Faible

Fort

Stratégie de « colliers de perles »

Stratégie d’intégration internationale

Stratégie de transformation

Stratégie d’exportation

Source : BCG.

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Typologie des stratégies internationales

Les stratégies d’exportation menées avec succès par les producteurs japonais ou coréens d’automobiles ou de matériel électronique grand public sont caractéristiques des secteurs où une position internationale forte permet d’assurer un avantage concurrentiel durable, compte tenu de l’importance des coûts de recherche et de production et de la faiblesse relative des coûts logistiques. En revanche, dans certains secteurs, la position mondiale forte doit être combinée avec la puissance locale : IBM suit une stratégie d’intégration internationale fondée à la fois sur une position mondiale forte (recherche et développement) et sur les réseaux

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

commerciaux et de services après-vente locaux puissants. La reprise d’un grand cabinet de conseil (PWC) bien implanté géographiquement lui a permis de conforter cette approche. L’extension géographique peut être menée de diverses manières (exportations, création d’une filiale commerciale, accords commerciaux…). Ainsi, la plupart des producteurs japonais de produits électroniques grand public ont commencé à s’implanter en Europe en passant des accords commerciaux avec des importateurs locaux, puis, une fois le marché devenu suffisamment important, ils ont procédé à des acquisitions de distributeurs. Lorsque les caractéristiques marketing, réglementaires ou technologiques des nouveaux marchés sont proches du marché d’origine, la même approche peut être mise en œuvre. Cependant, au sein d’un même pays, il peut exister des différences significatives ; c’est le cas en Allemagne et bien sûr aux Etats-Unis, où, d’un État à l’autre, la réglementation peut varier très fortement (par exemple dans le cas de la banque de détail ou de la distribution des vins et spiritueux). Si l’objectif est de développer la couverture géographique internationale, plusieurs voies sont possibles : l’exportation, la création de filiales commerciales ou de distribution, la cession de licence ou les alliances commerciales. Elles permettent de faire face aux différents cas de figure tout en mesurant le degré d’engagement et de risque. Le schéma ci-dessous présente l’analyse faite par un éditeur de logiciels : Investissement croissant

Filiale (totale ou JV)

Commerce électronique • Seul ou avec associé et présence locale

• Plan et budget • Reporting ad hoc • Transfert de personnes

• Accord contractualisé sur un plan et un budget marketing : prix, nombre de points de vente, promo, RP, trade marketing • Reporting marketing • Révision du plan parallèle aux déclarations de royalties • Stock propriété du distributeur • Conditions commerciales fixées : prix public

• Sans présence locale Distribution avec contrat d'achat-vente Distribution avec contrat d'achat en consignation Distribution hors contrat

• Stock propriété de l'exportateur ; prix public imposé • Marketing/commercialisation à la discrétion du distributeur

• Marketing/commercialisation à la discrétion du distributeur

Contrôle croissant

Modes d’internationalisation

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Licencié Commerce électronique

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© Groupe Eyrolles

Assurer l’adaptation internationale

En fonction de la taille du marché global et du potentiel de part de marché accessible pour le produit ou le service considéré, le choix se fera entre la simple exportation ou la filiale de distribution. Entre ces deux cas extrêmes, toutes sortes de situations intermédiaires existent, telles que la distribution avec un contrat d’achat en consignation dans lequel l’importateur s’engage peu, la distribution avec un contrat d’achat-vente dans lequel l’importateur devient propriétaire des produits et donc s’engage plus, etc. Par exemple, dans le domaine des vins et spiritueux, la plupart des maisons de Champagne ont recours à des agents locaux qui constituent un catalogue de produits et de marques cohérent du point de vue de l’image et de la clientèle visitée. C’est l’agent qui assure la commercialisation du produit (visites, commandes livraison, facturation…), le propriétaire de la marque pouvant assurer le marketing local (publicité ou opérations de relations publiques…). À l’inverse, les maisons qui ont une part de marché importante peuvent assurer elles-mêmes l’ensemble du processus par le biais de filiales ; ainsi, aux États-Unis, Moët & Chandon, leader du marché du champagne, est distribué par une filiale (Scheffelin). Dans le domaine des produits électroniques, caractérisé par des technologies, des clientèles et des canaux de distribution similaires dans beaucoup de pays, les producteurs ont initialement utilisé des agents locaux pour assurer la distribution puis, quand le marché est devenu suffisamment important, ils ont soit racheté ces agents pour créer des filiales commerciales propres, soit créé ex nihilo leurs filiales. CFAO est un acteur de référence dans la distribution automobile et pharmaceutique, dans la distribution de biens de consommation et l’intégration de solutions informatiques et de télécommunications en Afrique et dans les collectivités d’outre-mer. Recourir à un distributeur de ce type est une manière de développer son activité dans cette zone sans néanmoins avoir besoin d’une connaissance approfondie des pays concernés. En revanche, lorsque les caractéristiques des nouveaux pays diffèrent très sensiblement des caractéristiques des pays d’origine, la prudence s’impose, car les besoins d’adaptation vont renchérir considérablement le coût des produits, voire s’avérer impossible. Ainsi, dans le domaine des produits alimentaires, où les goûts et

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

1.

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les habitudes de consommation peuvent être très différents, ou dans le domaine de la banque de détail, où les réglementations et les habitudes diffèrent considérablement d’un pays à l’autre, on quitte la voie de l’extension géographique pour entrer dans la diversification géographique. Les modalités de l’extension géographique doivent donc être étudiées avec rigueur et prendre en compte des éléments tels que la taille du marché, la part de marché accessible, les caractéristiques marketing des nouvelles zones géographiques… Enfin, un développement international réussi passe par le juste équilibre entre les bénéfices tirés d’effets d’échelle globaux qui peuvent entraîner une certaine standardisation et le respect des particularismes locaux. La recherche de cet équilibre s’est pour beaucoup d’entreprises traduite par l’approche « glocale ». Ainsi, la société anglo-néerlandaise Unilever a mis en œuvre une stratégie intitulée « le chemin de la croissance » (path to growth) focalisée sur un nombre de marques réduit (environ 400) destinées à être présentes dans la plupart des pays, tout en respectant l’équilibre proposé ci-dessus. Cela permet à Unilever de se positionner comme une « truly multi-local company1 » et de décliner ce thème : « global challenges, local actions » « global policies, local initiatives », « global reporting, local performance », « local tastes, world-class know-how ».

Rapport annuel 2002.

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Chapitre 3

FORMALISER LE PLAN MARKETING

« J’ai plus peur de nos propres erreurs que des plans de nos ennemis. »

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Périclès

Formaliser le plan marketing est un exercice laborieux mais indispensable qui permet de regrouper toutes les informations et toutes les analyses mentionnées lors des différentes étapes de la démarche marketing. Mais le plan marketing n’est pas que ce recensement de différentes rubriques. C’est avant tout un outil de pilotage et de communication. • Les rubriques du plan marketing – Synthèse managériale – Analyse de l’environnement économique – Impact des mégatendances – Analyse SWOT – Ressources de l’entreprise – Stratégies et objectifs marketing – Opérations marketing

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Le plan marketing est la matérialisation de l’activité marketing future. Il donne une visibilité à la stratégie et aux actions marketing de l’activité. Il énonce la stratégie retenue pour un produit, un service, une gamme ou toute entreprise, ainsi que sa traduction opérationnelle en termes d’action, de budget et d’objectifs. Il permet de formaliser la démarche et de connaître ce qui va être réalisé, dans le détail, pour l’année en cours et dans les grandes lignes pour les prochaines années. Un plan marketing est généralement réalisé sur trois ans et réactualisé tous les ans. C’est un outil de management et de contrôle qui permet de faire partager à tous une vision commune et de vérifier la cohérence des différentes actions menées. Le plan marketing n’est pas antinomique avec des marchés extrêmement changeants : plus le marché est instable, plus il faut s’organiser pour affronter les aléas et les risques. Le plan marketing concerne toute entreprise ; il permet de mobiliser les hommes et les femmes de l’entreprise et de canaliser les énergies. « Les plans ne comptent pas, c’est la planification qui importe », disait le général Eisenhower. Le processus de planification est effectivement nécessaire, il doit impliquer toutes les parties prenantes de l’entreprise afin de permettre à tous de s’approprier la démarche marketing. La construction du plan est un processus qui s’étend sur toute l’année, suivant un certain nombre d’étapes dont le tableau cidessous donne une indication :

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– Projections financières et budget – Contrôle, évaluation et plan de secours • Les éléments clés de la construction du plan – Éléments critiques – Validation de la pertinence et de la cohérence – Resserrement du pilotage • La vie du plan marketing

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Formaliser le plan marketing

mb re No ve

Ma i-ju i

re tob oc

ebr

Préparation des actions du plan marketing opérationnel

Analyse SWOT Identification des ressources, Objectifs à MT/LT

n

m pte Se

Finalisation des actions et budget

l

Présentation, feedback et ajustements

Études,marketing audit, Bilan de l’année n-1 Analyses d’écart

ri av rs-

-dé

Ma

Consolidation et plan de déploiement

Réunion de lancement kick-off meeting

Janvier-Février

ce

mb re

Kick-off du déploiement

Juillet-Août

Stage One meeting Point d’étapes, Planning à venir

Finalisation des éléments stratégiques du plan marketing

Construction du plan : exemple de calendrier

« Aucun plan, si élaboré soit-il, ne résiste au premier contact avec l’ennemi », affirmait le maréchal Foch. Le déploiement d’un plan marketing n’est jamais fluide ; dès le contact avec le marché, des informations remontent. Elles doivent être triées et, le cas échéant, déclencher des actions correctrices.

Les rubriques du plan marketing Toutes les entreprises ne font pas de plan marketing ; parmi celles qui en font, on trouve une grande diversité dans la formalisation des plans. Le fait est qu’entre l’entreprise multinationale de biens de grande consommation et la PME spécialisée sur une niche industrielle, l’utilité du plan marketing n’est pas la même. Malgré ces différences, on s’attend à retrouver, a minima, les rubriques présentées dans le tableau ci-dessous : 1. Synthèse managériale 2. Analyse de l’environnement économique 3. Impact des mégatendances 4. Synthèse FFOM (SWOT)

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5. Ressources de l’entreprise 6. Stratégies et objectifs marketing 7. Opérations marketing 8. Projections financières et budgets 9. Contrôle et évaluation

Rubriques du plan marketing

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Une entreprise de grande taille, engagée sur différents marchés et sur différents pays, construira un plan marketing plus élaboré qui peut se présenter, comme le montre le schéma ci-dessous, avec, d’une part, une partie commune et partagée par l’ensemble des divisions et, d’autre part, des sections spécifiques aux divisions ou aux gammes de produits : 1. Synthèse managériale. 2. Analyse de l’environnement économique : juridique, réglementaire, politique, facteurs sociaux et culturels, facteurs économiques, concurrentiels et technologiques, description des marchés/clients et des stratégies marketing, description des mesures de performance. 3. Impact des mégatendances : – sélection des mégatendances impactantes ; – freins et accélérateurs ; – impacts positifs/négatifs. 4. Synthèse FFOM (SWOT) : – analyse interne : forces et faiblesses ; – analyse externe : menaces et opportunités.

Division A

Division B

6. Stratégies et objectifs marketing : – vision, mission, positionnement ; – principales composantes 5P ; – chiffrages des objectifs et horizon de temps.

6. Stratégies et objectifs marketing : – vision, mission, positionnement ; – principales composantes 5P ; – chiffrages des objectifs et horizon de temps.

7. Opérations marketing : – marketing mix détaillé ; – actions, responsabilités, partenaires et calendrier.

7. Opérations marketing : – marketing mix détaillé ; – actions, responsabilités, partenaires et calendrier.

8. Projections financières et budgets : – rappel des objectifs chiffrés ; – détermination des coûts ; – rentabilité du plan marketing.

8. Projections financières et budgets : – rappel des objectifs chiffrés ; – détermination des coûts ; – rentabilité du plan marketing.

9. Contrôle et évaluation : – benchmark et indicateurs pertinents ; – suivi des réalisations par périodes ; – back-up.

9. Contrôle et évaluation : – benchmark et indicateurs pertinents ; – suivi des réalisations par périodes ; – back-up.

Rubriques détaillées du plan marketing

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5. Ressources de l’entreprise : – ressources financières ; – ressources humaines.

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Formaliser le plan marketing

Synthèse managériale La synthèse managériale est destinée à être lue par les directions générales et par l’ensemble des parties prenantes ; elle doit présenter les axes majeurs de la stratégie, les plans d’action, les principaux indicateurs et le degré de risque. Elle doit présenter l’essentiel et recommander des choix clairs ; elle doit valider la cohérence et être réaliste. Les spécialistes du marketing inventent chaque année de nouveaux sigles, de nouveaux mots, de nouvelles abréviations. Ils doivent être bannis de la synthèse managériale car celle-ci doit être lisible par des non-spécialistes du marketing. Rédiger la synthèse managériale en une page est un exercice très difficile : « Je vous écris une longue lettre car je n’ai pas le temps d’en écrire une courte », notait Voltaire. En quelques lignes, elle doit donner les éléments de contexte (activité, marché…), indiquer les principales composantes de la stratégie (positionnement et évolution), souligner les points forts et les principales actions et indiquer les perspectives de performance.

Analyse de l’environnement économique Cette section comprend les principales informations et analyses mentionnées dans la première partie « Connaître pour comprendre ». Elles peuvent être résumées de la manière suivante : • 1. l’analyse du macroenvironnement, • 2. les environnements de l’entreprise, • 3. les cinq forces concurrentielles, • 4. le cycle de vie, • 5. la concurrence directe et indirecte, • 6. risques et attractivités/pays.

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Impact des mégatendances Cette section est destinée à proposer une vue à long terme du marché ; elle va reprendre les principales conclusions des analyses menées sur les mégatendances ou des points de convergence obtenus lors des panels d’experts.

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Analyse SWOT Cette rubrique permet de présenter en une seule page la confrontation de l’entreprise à son monde extérieur et de souligner risques et opportunités. Elle est un point de passage essentiel, notamment pour s’assurer que la stratégie et les actions que la firme veut mener sont compatibles avec ses forces et ses faiblesses.

Ressources de l’entreprise Les ressources nécessaires au déploiement du plan sont de natures humaine et financière. La disponibilité effective de ces ressources est une condition sine qua non de la réalisation du plan. Si les compétences nécessaires ne sont pas disponibles dans l’entreprise, si les ressources financières ne sont pas allouées, définir une stratégie, des actions et construire un plan est inutile. Si l’entreprise décide de mener à bien une communication interactive supposant une bonne connaissance des nouvelles technologies et que cette compétence n’est pas disponible, elle doit soit procéder à un recrutement en interne, soit avoir recours à une agence spécialisée ou alors… renoncer à son plan. Il est donc indispensable d’avoir un état des lieux et d’indiquer le cas échéant les écarts existants entre les besoins et les ressources disponibles.

Stratégies et objectifs marketing

Opérations marketing Cette rubrique décrit de manière détaillée les opérations qui vont être menées en précisant les objectifs, les moyens, le calendrier,

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Il s’agit ici de rappeler le positionnement stratégique retenu (différenciation, compétitivité, banalisation) et de construire le marketing mix autour de ce positionnement (produit/service ; prix ; pub/promo ; place/contact). C’est le cœur du plan marketing. Les deux grands principes de la démarche marketing, pertinence et cohérence, doivent ici être appliqués avec rigueur, constance et ténacité. Chaque élément du marketing mix doit être passé en revue, développé, étayé à l’aune de ces deux principes.

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Formaliser le plan marketing

les indicateurs et mesures et enfin les ressources humaines qui vont être mobilisées. Cette rubrique peut être établie pour une gamme de produits, une marque ou un produit. Le schéma cidessous présente un exemple d’opérations marketing et le lien avec les objectifs du plan :

Plan d’actions (moyens)

Axes de la stratégie marketing (objectifs intermédiaires)

Objectifs du plan (objectifs globaux) Ventes, CA, PM, marges

Axe 1 Repositionnement (bénéfice)

Action…

Axe 2 Notoriété (+ 3 %)

Action 1 Publicité consos (message, médias)

Axe 3 1er achat (+ 5 %)

Action 2 Promotion (échantillon)

Axe 4 Visibilité en linéaire (Indice de mesure + 3 %)

Action 3 Promotion (coupon/1er achat)

Action…

Exemple d’opérations marketing par produit

Projections financières et budget Outre le rappel des objectifs marketing chiffrés mentionnés dans les rubriques précédentes, cette rubrique détermine les coûts associés aux différentes actions afin d’évaluer la rentabilité du plan marketing. En outre, celle-ci doit regrouper les principaux indicateurs afin de suivre le déroulement du plan.

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Contrôle, évaluation et plan de secours Cette rubrique sert à assurer le suivi de la réalisation du plan. Elle doit mentionner les références (« benchmark »), définir les indicateurs pertinents, et les résultats atteints en fonction du calendrier des objectifs. Elle doit indiquer en fonction des écarts possibles les zones à partir desquelles on va envisager des actions correctrices. Si un risque majeur est identifié, elle doit comprendre les grandes lignes d’un plan de secours.

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Les éléments clés de la construction du plan Éléments critiques Le plan doit permettre une gestion active du couple produit/client. Les systèmes comptables surévaluent la profitabilité des produits et des segments haut de gamme puisque les coûts fixes et les frais généraux (R&D, services techniques, services fonctionnels…) sont en général alloués au volume et non en fonction de la complexité. Les produits de forts volumes subventionnent donc les petits produits ; de même les produits simples tendent à subventionner les produits complexes. De plus, la profitabilité par produit ou par segment est souvent calculée sur la base du prix catalogue et ne prend pas en compte le vrai prix (pocketprice waterfall). Un exercice de réallocation des coûts sur une base économique, menée avec le contrôle de gestion, permettra de gérer activement le couple produit/client sur une base économique et non sur une base comptable Les prix doivent être gérés de manière active. Une gestion fine des prix permet de réallouer le mix de produits de manière plus profitable en maintenant les prix pour les produits simples, qui sont probablement plus profitables que ne le laisse croire le système comptable, et en augmentant les prix des produits à faible marge, en retravaillant les éléments les moins visibles du prix tels que les termes de paiement. Ce travail doit s’effectuer en respectant impérativement le positionnement stratégique.

Il y a des incohérences dans tous les plans marketing. Elles peuvent être majeures et avoir de fortes implications sur le déploiement du plan ou mineures et n’avoir qu’une incidence marginale. Il importe de les recenser de manière systématique car elles entachent la crédibilité du plan. Utilisez la matrice impact/ urgence pour focaliser les actions sur les sujets importants et éviter la dispersion.

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Validation de la pertinence et de la cohérence

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Formaliser le plan marketing

Majeur

Impact

Significatif

Mineur

Limitée

Forte

Immédiate

Urgence

Matrice impact-urgence

Resserrement du pilotage Clarifiez et traduisez la stratégie en indicateurs, éventuellement rassemblés dans un tableau de bord. Sélectionnez les indicateurs qui sont le meilleur reflet de la stratégie marketing et assurez-vous de leur communication. Distinguez les indicateurs stratégiques des indicateurs opérationnels. Si possible, identifiez les indicateurs prédictifs ou indicateurs source (leading indicator) ; par exemple le gain de nouveaux clients ou l’évolution du taux de fidélité. Recherchez les chaînes de causalité et identifiez les leviers de réaction.

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La vie du plan marketing Un plan marketing n’est pas qu’une suite fastidieuse de rubriques ; si tel était le cas, il serait immédiatement destiné à être classé dans le fichier corbeille. Un plan marketing est un outil de pilotage et de communication, générateur d’élan et d’énergie. Le plan marketing permet un pilotage au jour le jour des activités qu’il couvre. En effet, la confrontation des actions du plan avec le terrain n’est pas un long fleuve tranquille ; chaque jour, il se passe quelque chose. La comparaison systématique des remontées du terrain avec les objectifs et les indicateurs du plan est donc impérative. Cette comparaison permet non seulement de déclencher les

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actions correctives lorsque les indicateurs signalent un déphasage négatif par rapport aux objectifs, mais aussi d’identifier les succès rapides (quick win). Le plan marketing est de plus un outil de communication, et pendant son élaboration et pendant son déroulement. Il peut être utilisé de manière modulaire en sélectionnant les parties les plus pertinentes selon le public cible, et il doit aussi être utilisé pour communiquer les difficultés et les succès. Le mot « merci » est un des moins utilisés dans les entreprises : communiquer régulièrement sur la manière dont le plan se déroule sur le terrain permet à la fois de donner un nécessaire retour d’information aux différentes parties prenantes qui ont contribué à son élaboration, mais aussi de mieux préparer le plan de l’année suivante. Le plan marketing est un générateur d’élan.

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Revues McKinsey&Co Quarterly Review The Boston Consulting Group Perspectives

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INDEX DES MOTS CLÉS

Delphi, 155 demande dérivée, 27 dématérialisation, 19 démonétisation, 21 dépositionnement, 111 désintermédiation, 20 différenciation, 81, 87, 88, 94, 95, 104, 130, 153, 174, 177, 178, 211, 236 distribution, 10, 17, 91, 128, 191, 196, 275

B B2B, 25, 89, 193, 195, 204 B2C, 25, 26, 89, 143, 193, 204, 206 banalisation, 88, 174 base line, 102 bipolarisation, 81, 84, 85, 266 bipolarisation des marchés, 71

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C canaux de distribution, 238 category management, 198 client, 13, 93 communication, 211, 276 compétitivité, 88, 96, 103, 129, 174, 211 comportement, 9, 60 contact multicanal, 206 cristallisation du positionnement, 101 cycle de vie, 37, 110

E environnement de l’entreprise, 35 environnement économique, 287

F forces de vente, 201

G D

gimmicks, 7 guerres de prix, 185

débanalisation, 122

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key account, 144 key account managers, 33

panels, 23 panels d’experts, 55 PESTEL, 37, 60, 261 plan marketing, 244 politique de prix, 9, 173, 180, 189 positionnement, 10, 61, 69, 70, 81, 83, 84, 85, 93, 101, 137, 138, 196, 210, 211, 236, 244, 266 processus d’achat, 28 processus de décision, 31 produits de substitution, 60 publicité, 219

L

R

logistique, 196

repositionnement, 123, 127 réseau de distribution, 71 revenue management, 179

I identification des besoins, 29 identité, 102 imagination, 20 implantation, 278 innovation, 7, 9, 21, 38, 103, 105, 150, 156, 166

K

M make or buy, 26 market access, 28 marketing mix, 138, 170, 210, 231, 236, 244 marque, 92, 216 mégatendances, 48, 62, 104, 287 méthode Delphi, 56 méthodologies qualitatives, 23 méthodologies quantitatives, 23 mission, 102 modèle économique, 10 mondialisation, 17 multipositionnement, 114

S segmentation, 70, 142, 199 segmentation stratégique, 69 senior banker, 34 slogan, 102 strategic-value customers, 144 SWOT, 59, 60, 63, 64, 65, 266, 288

T « top of mind », 236 tout collaboratif, 22 tout électronique, 20 tout expérience, 20 tout gratuit, 21 tout service, 19

O offres high end, 76 offres no-frills/value, 76

valeurs, 102 vision, 102

packaging, 152, 164, 221

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V P

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INDEX DES FIGURES

La fin de l’arbitrage richesse/champ d’action ....................

20

Exemple de sites C2C..........................................................

22

Une typologie des études de marché.................................

23

Profil relatif des types de clients ........................................

25

La notion de demande dérivée – Le cas de l’aluminium ..

27

Processus de décision .........................................................

29

Rôle des parties prenantes par étapes ...............................

30

Un réseau interne à l’entreprise .........................................

30

Rôle des parties prenantes par étapes – Mise en place d’un système de refroidissement dans une usine ....................................................................

32

Les composantes de l’environnement de l’entreprise .......

36

Le cycle de vie du marché..................................................

38

Les différentes caractéristiques de chacune des phases....

40

Les cinq forces.....................................................................

40

Les différents niveaux de concurrence ..............................

42

297

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Prévisions et prospective ....................................................

46

Savoir anticiper : deux approches......................................

47

Urbanisation : arbre des opportunités................................

50

Exemples de mégatendances dans le secteur des biens de consommation ...............................................

52

Synthèse SWOT ...................................................................

63

Exemple d’analyse SWOT...................................................

64

Relation entre les facteurs de l’analyse SWOT ..................

64

Les deux niveaux de segmentation ....................................

70

Cycle de vie classique d’un produit ...................................

73

Évolution des marchés vers la bipolarisation ....................

74

Exemple de bipolarisation des marchés (1) ......................

75

Exemple de bipolarisation des marchés (2) ......................

76

La disparition du milieu ......................................................

77

Évolution de la bipolarisation par secteurs (États-Unis) ...

78

Un exemple de polarisation croissante : le secteur du réfrigérateur en Europe ................................

79

Le prix et la bipolarisation ..................................................

80

Profitabilité et positionnement............................................

84

Exemple de courbe en U ....................................................

85

Exemple d’évolution de la courbe en U ............................

86

Qu’est-ce qu’un bon positionnement ? ..............................

86

Les caractéristiques des trois positionnements ..................

87

Comparaison de deux voitures...........................................

92

Positionnement de différenciation – Création d’un modèle économique....................................

95

L’équation de la réussite .....................................................

97

Cristallisation du positionnement (exemples) ...................

104

298

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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Index des figures

Cristallisation du positionnement .......................................

107

Les risques de dépositionnement .......................................

111

La prolifération des références chez Sony .........................

112

Évolution des indices de prix (sur six ans)........................

131

Évolution de la notoriété des marques (années 3 et 6) ....

132

Évolution des parts de marché (sur six ans)......................

132

Évolution du résultat d’exploitation....................................

133

Le positionnement au centre des ressources marketing ...

138

Pertinence des fonctionnalités ............................................

141

Niveau de segmentation......................................................

143

Segmentation B2C – Montres ..............................................

143

Matrice des priorités ............................................................

145

Produit ou service................................................................

148

Les segments de marché pour les ordinateurs personnels en 1982 ...........................

149

Adéquation service/besoins ................................................

150

Écran radar des préférences des consommateurs..............

152

Designs conçus par Raymond Loewy ................................

153

Croissance des services associés aux produits...................

154

Le portefeuille de produits Delphi .....................................

155

Exemple de sources de développement ............................

163

Nature des innovations........................................................

167

Évolution des prix et maturité du marché .........................

173

Politique de prix en période de croissance .......................

173

Formule de la compétitivité ................................................

174

Prix réel et prix perçu .........................................................

175

Perception : la politique du martèlement...........................

175

299

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Dell : Le martèlement..........................................................

176

Comparaison du coût des fonctionnalités et leur valorisation par les clients.......................................

177

Proposer des services valorisables .....................................

178

Émiettement de la responsabilité des ristournes ...............

181

Écart entre le prix catalogue et le prix réel payé ..............

182

Non-application des tarifs (1) .............................................

183

Non-application des tarifs (2) .............................................

183

Non-application des tarifs (3) .............................................

184

La valeur des prix remise en question (prix en euros) .....

188

Flexibilité des politiques de prix ........................................

189

Modes de contact acheteur-vendeur ..................................

192

Exemples de systèmes de distribution B2C .......................

194

Exemples de circuits B2B ...................................................

195

Extension des distributeurs vers d’autres lignes de produits/services ............................................................

195

Cohérence du positionnement et de la distribution..........

196

Échange de flux entre fournisseurs et distributeurs ..........

196

Exemples d’implantation dans une chaîne spécialisée .....

198

Exemple d’organisation d’agence bancaire........................

200

Exemples d’organisation des forces de vente....................

201

Répartition du temps des commerciaux.............................

202

Caractéristiques de la vente traditionnelle et de la vente relationnelle .................................................

203

Segmentation et relation clients..........................................

204

La croissance des plateformes B2B ....................................

205

La croissance des plateformes B2C ....................................

206

Distribution multicanal........................................................

207

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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Index des figures

La problématique de la communication.............................

211

Émission, réception et bruit ................................................

212

Cerveau gauche – cerveau droit .........................................

213

Comportement du décideur d’achat et nature de la communication ...........................................................

215

Images des marques vues par les propriétaires d’automobile en Allemagne ................................................

215

Pyramide de la notoriété de la marque..............................

217

Nature des contacts .............................................................

219

Éléments de la copie-stratégie ............................................

219

Objectifs et méthodes de contrôle de la publicité.............

220

Mécanismes promotionnels – Distribution alimentaire en Grande-Bretagne ....................

221

Exemples de packaging ......................................................

222

Efficacité des différents moyens de communication dans le monde industriel.....................................................

223

Une multitude de médias disponibles ................................

226

Critères de sélection d’une agence de communication .....

227

Exemples d’actions de communication pour une boisson énergétique............................................

228

Processus général d’élaboration distillerie .........................

232

Structure du marché ............................................................

233

Croissance par segments .....................................................

233

Chivas Regal – Évolution du chiffre d’affaires ...................

234

Chivas Regal – Évolution du résultat net ...........................

234

White Horse – Évolution des ventes ..................................

234

White Horse – Évolution du résultat net ............................

234

Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Johnny Walker Black........................................................

235

301

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Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Glenfiddich ...........................................

235

Modification du marketing mix ..........................................

236

Évolution de la notoriété de Chivas Regal.........................

237

Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Johnny Walker Black............................

237

Évolution du privilège de prix – Chivas comparé à Glenfiddich ...........................................

237

Chivas Regal – Évolution du chiffre d’affaires ...................

238

Chivas Regal – Évolution du résultat net ...........................

238

White Horse – Évolution des ventes ..................................

239

White Horse – Évolution du résultat net............................

239

Efficacité du plan marketing ...............................................

244

Démarche de construction du plan marketing ..................

245

De la situation à la situation cible ......................................

246

Le baromètre du changement.............................................

247

Les obstacles au changement .............................................

248

La pyramide du refus ..........................................................

249

Les actions facilitatrices .......................................................

250

Suivi du trimestre.................................................................

255

Construction d’un indicateur intégré..................................

256

Avantages/inconvénients de l’internationalisation ............

261

Exemple d’analyse d’attractivité pour le produit XYZ ......

262

Matrice attractivité/risques ..................................................

263

Modèles culturels explicites et implicites...........................

264

La bipolarisation selon les pays secteurs ...........................

267

McDonald’s : la même symbolique ....................................

269

McDonald’s : adaptation de l’offre au palais local ............

269

302

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

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Index des figures

270

Typologie des marges de manœuvre (exemple)...............

271

Heineken : rôle croissant des bières locales ......................

273

Panel de prix européens (en €) ..........................................

274

Exemples de distribution.....................................................

275

Nestlé : typologie des marques du groupe ........................

277

Typologie des stratégies internationales ............................

279

Modes d’internationalisation ...............................................

280

Construction du plan : exemple de calendrier ..................

285

Rubriques du plan marketing .............................................

285

Rubriques détaillées du plan marketing.............................

286

Exemple d’opérations marketing par produit ....................

289

Matrice impact-urgence .......................................................

291

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Affiner les ajustements.........................................................

303

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GLOSSAIRE DES TERMES ANGLAIS

average pricing : prix moyen balanced polarization : bipolarisation équilibrée beyond the numbers : au-delà des chiffres category management : gestion de la catégorie co-head : codirecteur consumer insight : connaissance du client embedded services : services liés gimmicks : gadgets just-in-time : juste à temps key account manager : responsable compte clé make or buy : faire ou acheter

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market access : accès au marché offre high end : offer haut de gamme offre no-frills/value : offers compétitives on-time, in-full : à temps et complète strategic-value customer : client stratégique

305

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TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE ................................................................................

5

INTRODUCTION. C+KOMAVAN .................................................

7

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Première partie Connaître pour comprendre ..............................................

11

CHAPITRE 1. CONNAÎTRE LE CLIENT D’AUJOURD’HUI ........................

13 17 18 19 23 25

Le consommateur ................................................................ Le consommateur d’aujourd’hui ..................................... Les tendances à court terme ........................................... Les études et recherches en marketing .......................... L’entreprise .......................................................................... Les achats sont le résultat d’une demande dérivée avec des objectifs spécifiques ......................................... De multiples individus sont impliqués parfois de manière très complexe .................................. Des processus, des règles et des standards d’achat sont en général définis .................................................... CHAPITRE 2. ANALYSER L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE ..............

L’analyse de l’environnement .............................................

307

27 28 33 35 37

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Le cycle de vie du marché.................................................. L’analyse de la concurrence................................................

37 40

CHAPITRE 3. ANTICIPER LE MONDE DE DEMAIN ................................ Les mégatendances.............................................................. Exemples de mégatendances centrées sur la vie sociale et économique ................................................................. Exemples de grande consommation .............................. Les panels d’experts ............................................................ La méthode Delphi ..........................................................

45 48

CHAPITRE 4. CONFRONTER L’ENTREPRISE À SON ENVIRONNEMENT...... Les forces ............................................................................. Les faiblesses ....................................................................... Les opportunités .................................................................. Les menaces......................................................................... La synthèse SWOT...............................................................

59 61 61 62 62 63

50 51 55 56

Positionner pour durer .......................................................

67

CHAPITRE 1. MENER LA SEGMENTATION STRATÉGIQUE ......................

69 71 81

La bipolarisation des marchés ............................................ Le positionnement et les modèles économiques associés CHAPITRE 2. MODÉLISER LE POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE ..............

Le positionnement de différenciation................................. Le produit/service comme source de différenciation .... La distribution comme source de différenciation .......... La marque comme source de différenciation................. Le client comme source de différenciation .................... La construction du modèle économique........................ Le positionnement de compétitivité ................................... L’équation de la réussite.................................................. Le rôle de la perception ..................................................

83 88 89 91 92 93 94 96 96 98

CHAPITRE 3. CRISTALLISER LE POSITIONNEMENT ...............................

101

CHAPITRE 4. PÉRENNISER LE POSITIONNEMENT ................................ Le risque de dépositionnement ..........................................

109 111

308

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Deuxième partie

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TABLE DES MATIÈRES

La difficulté du multipositionnement.................................. La régénération permanente du positionnement............... La reconquête du positionnement perdu ....................... L’évolution du modèle de base....................................... La revitalisation du modèle économique ....................... La débanalisation ............................................................. La tentation de l’ambivalence identificatrice ...................... Focus – Un exemple de repositionnement : Valentine .....

114 117 118 119 121 122 124 127

Troisième partie Concevoir pour convaincre ................................................

135

CHAPITRE 1. AJUSTER LES RESSOURCES MARKETING ...........................

137 138 142 144

Les ressources marketing .................................................... La segmentation marketing ................................................. L’ajustement de l’offre .........................................................

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CHAPITRE 2. DYNAMISER LES PRODUITS SERVICES ..............................

Les composants d’un produit.............................................. Le produit ......................................................................... Le packaging .................................................................... Les services....................................................................... Le portefeuille de produits.................................................. L’innovation produit ............................................................ L’amélioration de l’offre................................................... L’élargissement du marché .............................................. Le renouvellement de l’avantage concurrentiel ............. L’innovation réactive........................................................ L’évaluation de l’innovation ............................................ Le processus d’innovation ...............................................

147 149 149 152 153 154 156 161 162 164 165 166 166

CHAPITRE 3. GÉRER ACTIVEMENT LES PRIX....................................... L’approche stratégique des prix.......................................... Comportement des prix pendant les phases de croissance Comportement des prix pendant les phases de maturité L’approche opérationnelle des prix.................................... La complexité des ristournes........................................... Les brouillards de prix..................................................... Les prix moyens (average pricing) .................................

169 172 173 174 179 180 182 184

309

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LE GRAND LIVRE DU MARKETING

Les guerres de prix .......................................................... Les prix n’ont plus de valeur ..............................................

185 187

CHAPITRE 4. VALORISER LA DISTRIBUTION ......................................

191 193 196 197 199 200 204 206

Le contact matériel .............................................................. La logistique..................................................................... Les techniques marchandes de produits ........................ Les techniques marchandes dans les services................ Le contact humain ............................................................... Le contact numérique...................................................... Le contact multicanal .......................................................... CHAPITRE 5. INTÉGRER LA COMMUNICATION ..................................

Le positionnement............................................................... Le sens ................................................................................. La marque ............................................................................ La cible................................................................................. Les moyens de communication .......................................... La publicité....................................................................... La promotion des ventes................................................. Le packaging.................................................................... Les relations publiques.................................................... Le marketing direct et la communication en ligne ........ L’échange humain............................................................ L’échange numérique ...................................................... La communication intégrée................................................. Focus – Un exemple de marketing mix : Chivas Regal ....

209 211 212 216 218 219 219 221 221 222 222 223 224 227 231

Déployer pour réussir ........................................................

241

CHAPITRE 1. RÉUNIR LES CONDITIONS DE RÉUSSITE ..........................

243 245 251 252 253 256

L’appropriation par les parties prenantes....................... Un suivi rigoureux et systématique.................................... Critères de détermination des indicateurs...................... Les indicateurs non intégrés ........................................... Les indicateurs intégrés ...................................................

310

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Quatrième partie

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TABLE DES MATIÈRES

259 261 262 263 263 266 266 268 278

CHAPITRE 3. FORMALISER LE PLAN MARKETING................................. Les rubriques du plan marketing........................................ Synthèse managériale ...................................................... Analyse de l’environnement économique ...................... Impact des mégatendances ............................................. Analyse SWOT ................................................................. Ressources de l’entreprise ............................................... Stratégies et objectifs marketing...................................... Opérations marketing ...................................................... Projections financières et budget .................................... Contrôle, évaluation et plan de secours ......................... Les éléments clés de la construction du plan .................... Éléments critiques ............................................................ Validation de la pertinence et de la cohérence ............. Resserrement du pilotage ................................................ La vie du plan marketing ....................................................

283 285 287 287 287 288 288 288 288 289 289 290 290 290 291 291

BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................

293

INDEX DES MOTS CLÉS ................................................................

295

INDEX DES FIGURES ....................................................................

297

GLOSSAIRE DES TERMES ANGLAIS...................................................

305

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CHAPITRE 2. ASSURER L’ADAPTATION INTERNATIONALE .................... L’identification des opportunités......................................... Attractivité......................................................................... Risques.............................................................................. L’analyse approfondie du ou des pays retenus ................. L’adaptation de l’offre.......................................................... Le positionnement ........................................................... La conception de l’offre................................................... Le mode d’implantation.......................................................

311

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