Psychiatrie Et Psychologie Médicale - KACHA [PDF]

  • 0 0 0
  • Gefällt Ihnen dieses papier und der download? Sie können Ihre eigene PDF-Datei in wenigen Minuten kostenlos online veröffentlichen! Anmelden
Datei wird geladen, bitte warten...
Zitiervorschau

1

PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE MEDICALE

2

SOMMAIRE AVANT-PROPOS

06

LA PSYCHOLOGIE MEDICALE I. L'homme en état de maladie II. La relation médecin - malade III. Les soignants et leur malade face à la mort

07 07 10 11

L'EXAMEN PSYCHIATRIQUE I. Généralités II. Déroulement de l'examen III. L'entretien IV. Examens paracliniques V. Conclusion

14 14 14 15 16 16

LA SEMIOLOGIE I. Troubles de l'orientation et de la conscience II. Troubles de la perception III. Troubles affectifs IV. Troubles instinctuels V. Troubles de la pensée VI. Troubles de l'intelligence

17 17 18 19 20 21 22

INTRODUCTION À LA PSYCHIATRIE I. La psychiatrie et son objectif IL L'avenir de la psychiatrie III. Les hôpitaux psychiatriques IV. Les théories psychiatriques V. Le diagnostic psychiatrique VI. Est ce qu'on guérit en psychiatrie VII. Maladie mentale et culture

25 25 27 28 30 30 32 33

LES PSYCHOSES AIGUËS I. Les bouffées délirantes II. La confusion mentale

34 34 37

LES ETATS DEPRESSIFS I. Généralités II. Clinique III. Formes nosographiques IV. Diagnostic-différentiel V. Evolution VI. Prise en charge

41 41 43 44 45 45 45

M ANI E ET PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE I Généralités I I. Clinique de l'accès maniaque I II. lormes cliniques IV. Diagnostic différentiel V. Evolution VI. Traitement

49 49 50 50 51 51 51

LES PERSONNALITES PATHOLOGIQUES I Généralités I I. La personnalité normale et pathologique I II. Classification des personnalités pathologiques IV. Description des personnalités pathologiques V. Conclusion

54 54 54 54 55 57

3

LES TROUBLES ANXIEUX I. Généralités I I. Anxiété généralisée I II. L'attaque de panique IV. Troubles phobiques V. Troubles conversifs VI. Etats de stress post-traumatiques VI I. Troubles obsessionnels compulsifs

58 58 64 65 67 70 75 77

LES SCHIZOPHRENIES I. Généralités I I. Clinique I II. Formes cliniques IV. Examens paracliniques V. Le diagnostic différentiel VI. Etiopathogénie VI I. Evolution VI I I.Schizophrénie et culture IX. Traitement

86 86 87 90 91 92 92 94 95 95

LES SYNDROMES DELIRANTS CHRONIQUES I. Généralités I I. Délires paranoïaques I II. Psychose hallucinatoire chronique IV. Paraphrenics V. Traitement VI. Conclusion

100 100 101 105 106 106 107

LES ETATS DEMENTIELS I. Généralités II. Le syndrome démentiel III. Maladie d'Alzheimer IV. Autres démences

108 108 108 114 118

LES DEFICIENCES INTELLECTUELLES I. Généralité II. Clinique III. Diagnostic différentiel IV. Diagnostic étiologique V. Evolution VI. Prise en charge

122 122 122 123 124 126 127

LES TROUBLES DU SOMMEIL I. Généralités II. Psychologie du sommeil III. L'examen d'un insomniaque IV. Clinique V. Diagnostic VI. Thérapeutique

129 129 129 130 131 133 134

LA VIE SEXUELLE ET SES PERTURBATIONS I. Généralités II. Examen III. Dysfonctions sexuelles IV. Les paraphilies V. Traitement VI. Conclusion

136 139 140 140 144 145 147

4

LES TROUBLES MENTAUX DUS À UNE AFFECTION MEDICALE GENERALE I. Généralités II. Traumatismes crâniens III. Tumeurs cérébrales IV. Affections endocriniennes V. Maladies métaboliques VI. Maladies infectieuses VII. Troubles mentaux de l'épilepsie VII. Conclusion

149 149 149 150 151 151 152 152 153

LES PSYCHOTROPES I. Généralités I I. Les psycholeptiques III. Les psychoanaleptiques IV. Principes cliniques

154 154 156 167 170

LES PHARMACODEPENDANCES I. Généralités I I. L'examen d'un patient présentant une pharmacodépendance I II. Les substances psychoatives IV. Prévention et prise en charge

173 173 175 176 182

LES URGENCES PSYCHIATRIQUES ET LES CONDUITES SUICIDAIRES I. Généralités et définition I I. L'examen en urgence I II. Les conduites suicidaires IV. Les autres urgences psychiatriques

185 185 185 186 189

LA PSYCHIATRIE LEGALE I. Généralités I I. L'hospitalisation I II. Psychiatrie et Code pénal IV. psychiatrie et Code civil

191 191 191 192 192

LEXIQUE

194

Q. C.M

204

5

AVANT-PROPOS

Ce manuel est destiné essentiellement aux étudiants en médecine. Ils y trouveront toutes les questions contenues dans leur programme de psychologie médicale, de sémiologie et de nosographie psychiatrique ainsi qu'un lexique et des exemples de Questions à choix multiples (Q.C.M.). Cette deuxième édition ne saurait représenter les connaissances définitives sur aucune des questions qui y sont traitées, chaque ouvrage se trouvant dépassé sitôt son impression terminée. Bile ne dispense donc pas les étudiants d'actualiser et de compléter chaque année leurs questions, en fonction des résultats des nombreuses recherches en cours, en consultant les ouvrages, revues et articles récents, dont ils peuvent disposer. Ce travail de recherche documentaire est seul garant de la valeur des connaissances sur lesquelles repose un métier qu'ils sont appelé à exercer toute une vie durant. Les difficultés à se constituer une bibliographie existent, l'accès aux ouvrages récents et aux périodiques n'est pas aisé partout ; gageons que l'informatisation des données médicales, l'accès aux banques de données internationales et aux autoroutes de l'informatique permettront la mise à jour permanente des questions cliniques et des conduites à tenir et nous amèneront à pallier définitivement cette difficulté d'accès à l'information que connaissent tous les pays en voie de développement. Les connaissances théoriques doivent évidemment s'accompagner de stages pratiques organisés dans chacun des services où l'étudiant est affecté. Ces stages lui permettront de se faire une idée précise sur la sémiologie psychiatrique et sa complexité et lui donneront l'occasion île vivre l'aspect relationnel indispensable à tout examen psychiatrique. S'il arrive que lors de cette confrontation à l'exercice de cette spécialité l'étudiant soit interpellé par la distance entre la théorie et la pratique (celle-ci concerne les examens paracliniques et les prises en charge essentiellement), il est souhaitable qu'il prenne en compte, dès à présent, quechaque institution de soins doit adapter ses moyens économiques et humains aux demandes variées et nombreuses qui lui sont faites dans un pays où l'assistance psychiatrique tant publique que privée souffre d'insuffisance chronique de moyens humains et matériels. L'organisation des soins, la qualité des prestations, l'accueil, les moyens thérapeutiques dans un secteur psychiatrique donné, dépendent d'un ensemble de facteurs qui caractérisent une région, une civilisation, une économie et un moment dans l'histoire d'un peuple.

6

LA PSYCHOLOGIE MEDICALE

La psychologie médicale a pour objet privilégié la relation médecin-malade. Cet objet n'est pas exclusif, il peut être élargi à toutes les relations entre Médecine et Psychologie : psychologie expérimentale, psychopharmacologie, neuropsychologie, psychologie génétique, psychothérapie, psychosomatique, etc. Mais tous ces domaines sont déjà du ressort d'autres spécialités, soit médicales (psychiatrie - neurologie), soit psychologiques (psychologie clinique - psychologie expérimentale...). La psychologie médicale n'a pas pour but de faire du médecin un psychothérapeute ni de lui faire acquérir des notions générales de psychologie ; elle oriente son intérêt vers une pratique centrée sur l'homme malade et sur ses réactions psychologiques à la maladie, à la mort, aux médecins et aux institutions médicales ; elle doit éclairer le praticien sur ses transactions psychologiques avec son patient quelle que soit son histoire. Elle contribue à une meilleure prise en charge de la maladie, mais également du malade en tant qu'être humain souffrant. La psychologie médicale entretient des rapports étroits avec toutes les spécialités médicales en particulier avec la réanimation, la cancérologie, la pédiatrie, la gynécologie, etc., mais elle a des rapports privilégiés avec la psychiatrie ; et, si cette discipline est enseignée par les psychaitres, cela s'explique par trois raisons : 1) La psychiatrie donne toutes ses bases psychodynamiques et psychothérapiques à la psychologie médicale. 2) Ce sont les travaux et les études minutieuses de psychiatres pionniers dans ce domaine, qui ont donné corps à cette discipline (M. Balint (1) a Londres - PB. Schneider (2) à Lausanne...). 3) Le psychiatre a d'abord été médecin avant de s'orienter vers l'étude de la psycho-pathologie et des troubles mentaux. Il retrouve, dans la psychologie médicale, le fil de sa vocation première, l'intérêt jamais perdu pour le "comment faire afin de mieux soigner, guérir ou accompagner vers la mort, l'homme malade" ? Nous aborderons successivement trois chapitres : I. L'homme en état de maladie II. La relation médecin-malade III. Les soignants et leur malade face à la mort. I. L'HOMME EN ETAT DE MALADIE Il est aisé de comprendre que l'homme malade l'est dans sa totalité ; il ne peut être indifférent au bouleversement qui le menace, aux dangers qui peuvent le détruire, détruire son autonomie physique ou psychologique. La maladie va non seulement modifier l'équilibre du patient, mais également perturber celui de sa famille et contribuer à la modification des rapports intrafamiliaux. Il faut avoir à l'esprit que la notion de famille recouvre, chez nous, la famille nucléaire (mari - femme - enfants), mais également grand-père et grand-mère, beaux-parents et parfois cousins, cousines, tantes, oncles, etc. La maladie va porter atteinte à l'intégrité du groupe familial qui va réagir et modifier son attitude face au patient. La maladie va donc établir un réseau complexe d'interactions que nous allons tenter de comprendre. Certains de ces comportements sont utiles et apportent réconfort, d'autres peuvent perturber la prise en charge et aggraver les troubles.

1) BALINT M. - Le médecin, son malade et la maladie - PUF, Paris, 1960. BALINT M. -BALINT E. - Techniques psychothérapiques en médecine - Payot, Paris, 1966. 2) SCHNEIDER P.B. - Psychologie médicale - Payot, Paris, 1969.

7

A. REACTIONS DU PATIENT FACE A LA MALADIE : la prise de conscience est dramatique lors d'une maladie aiguë, elle est d'installation plus lente devant une affection s'installant à bas bruit ou devant un examen de routine révélant une affection nécessitant un traitement éprouvant ou de longue durée alors même que l'individu se sentait en bonne santé. Quels sont les mouvements psychologiques vécus par le patient ? a) Atteinte narcissique : la menace d'atteinte à l'intégrité du malade introduite par la maladie, va entraîner une inquiétude :  sur son devenir psychique et physique,  sur la gravité de la maladie,  sur la perte d'une fonction ou d'une autonomie,  sur la disparition ou la diminution des satisfactions personnelles. Tout cela va mettre en péril l'estime de soi et provoquer un sentiment d'impuissance et de non-valeur qui risque d'entraîner résignation et absence de lutte contre la maladie. b) Les sentiments de culpabilité sont très fréquents dans notre culture. Les patients se demandent ce qu'ils ont pu faire pour mériter une telle épreuve : idée d'une expiation pour payer les fautes Commises (réveil d'une culpabilité inconsciente qui va trouver là mi châtiment réparateur, malédiction des parents, comportement de transgression, croyance religieuse insufisante, etc.). c) Peur de l'abandon : la maladie réveille :  le sentiment qu'un changement va s'opérer dans notre entourant  la crainte de perdre les supports affectifs habituels, nécessaires à mure équilibre. d) Une prise de conscience des bénéfices secondaires matériels et l'-^vchologiques : la maladie permet au patient de récupérer l'âmour et l'attention de l'entourage familial, social et médical. . 'est pourquoi les plaintes sont parfois persistantes même après l'amélioration clinique. e) Mise en place de mécanismes de défense (Cf. sémiologie) : ces mécanismes sont variés et dépendent de la personnalité antérieure. Ils sont extrêmement importants à déceler car leur identification permet de :  comprendre les réactions du patient  lutter contre l'angoisse provoquée par la maladie  apporter une aide plus adaptée  assouplir certains mécanismes trop rigides ou aider à les remettre en place lorsqu'ils menacent de s'effondrer. .

Ces mécanismes de défense tendent vers un double but : d'abord lutter contre l'angoisse et rétablir une homéostasie psychologique, une adaptation à la réalité, ainsi qu'une nouvelle relation du malade avec sa maladie, avec son médecin et avec son entourage familial et social. Ces mécanismes sont habituellement normaux, mais ils peuvent devenir pathologiques lorsqu'ils sont massifs, inadéquats, perturbant gravement le fonctionnement du malade, les plus couramment rencontrés sont : 1) La régression : la maladie va souvent entraîner un arrêt de l'activité professionnelle et un désinvestissement des responsabilités ; le patient va se laisser aller à ce qui lui arrive : demandes d'examens complémentaires et diverses manipulations médicales. Cette régression est souvent encouragée par la famille et les soignants (malade hospitalisé), elle permet une meilleure prise en charge dans la première phase de la maladie (examens cliniques et paracliniques), mais peut devenir un handicap lors de la période de convalescence où la reprise de l'initiative est une absolue nécessité. D'autres patients, en revanche, ne supportent aucune faiblesse, aucune "baisse de la garde", aucune régression, aucun partage de leur responsabilité ni du contrôle qu'ils exercent. Ce

8

comportement va induire des difficultés dans la première phase de la maladie car ils refusent de se laisser aller et de se laisser traiter, mais la convalescence sera rapide ainsi que la reprise de l'activité habituelle. 2) Le déni et la dénégation : a) Le déni consiste, pour le patient, à ne pas croire à la réalité de la maladie. Ceci malgré les preuves réelles de son existence. Il se comporte alors comme s'il n'était pas malade, refuse de revoir son médecin, arrête tout traitement, se lance dans des comportements à risque (voyages, activités professionnelles nouvelles, divorce, mariage...). b) La dénégation est un mécanisme moins massif ; il consiste, pour le patient, à rester sourd aux recommandations, à la gravité de la maladie (ce n'est rien, cela va passer). Ce mécanisme va parfois induire une mauvaise observance du traitement et aggraver la maladie. Il va également entraîner : oublis, fuite, refus de soins préjudiciables au patient, parfois même de l'agressivité envers la famille et les soignants lorsque ceux-ci insistent pour obtenir du malade un suivi régulier de sa maladie. La maladie est alors ressentie comme une agression, une frustration et le patient se défend contre tous, convaincu qu'on lui veut du mal et qu'il est agressé. Des formes particulières de la dénégation consistent à : - Surestimer la capacité des médecins et de la médecine. Ils peuvent tout guérir. Cette confiance aveugle peut persister alors même que le malade est mourant. - Penser que la médecine n'y peut rien, c'est une persécution magique et seuls les talebs peuvent en venir à bout. Commence alors une longue pérégrination de taleb en taleb quels que soient les sacrifices et la distance à parcourir. 3) Isolation : le malade connaît parfaitement son affection, il a lu et s'est documenté, mais il la vit sans la moindre participation affective, c'est comme s'il s'agissait de la maladie de quelqu'un d'autre. On comprend alors que l'abandon de cette défense, lorsque la maladie s'aggrave et qu'elle devient invalidante, peut amener à une véritable désorganisation et à des angoisses insurmontables. 4) Sublimation : chez les personnes âgées croyantes, la sublimation se manifeste par une acceptation sereine de leur destin. Elles attendent la rencontre avec l'au-delà avec sérénité et philosophie. Certains malades peuvent même préparer leur départ (enterrement, repas, recommandations...). 5) Divers autres mécanismes de défense peuvent également se retrouver : formation réactionnelle, intellectualisation ou suractivité (activité fébrile pour résoudre tous ses problèmes et tous ceux de tout le monde) (Cf. sémiologie). B. REACTION DE LA FAMILLE : le groupe familial peut avoir les mêmes réactions (atteinte narcissique, déni, agressivité, isolation, etc.). Lorsqu'il s'agit d'un enfant ou d'une personne âgée, les réactions sont importantes : - Le déni avec refus de la maladie, recherche et vagabondage médical, soins à l'étranger, talebs... rien n'est épargné au malade car c'est le seul moyen de manifester de l'amour au patient dans une société où la pudeur ne laisse aucune place à l'expression de l'affection. - Réaction du "tout ou rien" : intérêt excessif au début de la maladie où tout est tenté. Puis, lorsque la chronicité de la maladie s'installe, plus rien n'est fait : abandon du traitement et de la prise en charge ; c'est le cas des psychoses chroniques qui finissent souvent par lasser la famille. Le désespoir est alors, à la mesure de l'espoir de guérison, observé au début de la maladie.

9

C. REACTION SOCIALE : les institutions qui interviennent dans la prise en charge de la maladie (hôpitaux, assurance, polyclinique, laboratoire, radiologie, assurances sociales...) fonctionnent comme si elles avaient à prendre en charge des sujets bien portants. Elles ne répondent pas à la demande de la population malade, et sont vécues comme agressives et frustrantes : mauvaise qualité de l'accueil, encombrement des guichets, saturation des consultations, aucun respect des horaires des rendez-vous, information inexistante, partielle ou insuffisante, absence d'hygiène et de confort, exiguïté des locaux ou des passages, etc. Ces multiples difficultés aggravent l'atteinte narcissique et le sentiment de non-valeur entamé par la maladie. Elles vont augmenter l'agressivité et les revendications, entraîner des ruptures de prise en charge et contribuer à répandre une mauvaise image des institutions de soins et des services sociaux. Les difficultés de la vie urbaine (transport-bruit-anonymat-encombrement permanent de tous les espaces) et l'éloignement puis la dispersion des lieux de soins vont aggraver les insatisfactions. La population générale ne peut être attentive aux malades, occupée, elle-même, à résoudre de multiples tracasseries. Il serait pourtant utile, même si les insuffisances financières sont réelles, de diminuer l'agressivité des soignants, d'organiser un accueil agréable, de décentraliser au maximum les soins, de permettre les soins à domicile, de faciliter leur remboursement et d'éviter les attentes interminables en respectant les horaires des rendez-vous. D. CAS PARTICULIERS : de toutes les interventions, les actes chirurgicaux sont ceux qui suscitent le plus d'inquiétude chez les patients. De nombreux auteurs ont montré que les patients anxieux risquaient davantage de complication au cours de l'anesthésie et en période postopératoire. L'intervention, qui se déroule après une urgence chirurgicale, peut être vécue comme un soulagement alors que l'annonce de la nécessité d'une intervention à froid soulève des manifestations anxieuses considérables. L'expérience a montré qu'il est nécessaire de préparer le patient 1 à 3 semaines avant l'intervention. Cette préparation consiste à préciser la nécessité de l'intervention, d'expliquer ce qui va se passer pendant et après l'acte opératoire. Les explications doivent être modulées en fonction du niveau de compréhension du patient, elles doivent être les plus simples possibles. Lorsque l'intervention est mutilante, il faut un délai de préparation plus long, pour permettre au patient d'exprimer ses inquiétudes, ses appréhensions et ses fantasmes, pour aborder et négocier la réaction de deuil. Paradoxalement, certains patients recherchent l'intervention et sont pressés de la subir, allant jusqu'à solliciter du chirurgien, une décision rapide. Ces comportements obéissent, le plus souvent, à des motivations inconscientes d'ordre masochique (besoin de souffrir afin de diminuer la culpabilité inconsciente). II. LA RELATION MEDECIN-MALADE La relation médecin-malade est d'une grande complexité, elle dépend île variables individuelles et relationnelles. Le malade communique, "offre", dit BALINT, ses symptômes au médecin, le médecin écoute, examine et propose un diagnostic suivi d'une thérapeutique. Cette relation peut être entravée par des réactions émotives (pleurs-agressivité-exigence-séduction...) du malade ou du médecin. Elle peut être conceptualisée par la notion de transfert (le transfert étant entendu comme un report des sentiments que le patient éprouvait, étant enfant, à l'égard de ses parents, sur la personne du médecin). Le patient peut, ainsi, éprouver de l'amour, de la reconnaissance ou une sympathie, on parle alors de transfert positif ; il peut éprouver des sentiments de haine, de colère, de dépit envers le médecin, on parle de transfert négatif. Le médecin réalise une sorte d'écran sur lequel se projettent des sentiments chargés d'émotion, mais dont l'origine remonte à l'enfance. Le médecin, à son tour, va répondre à ce transfert par un contre-transfert positif ou négatif. Cette relation commence dès l'accueil, le patient est extrêmement sensible à sa qualité : bienveillant ou au contraire froid, humiliant, voire méprisant. Cette sensibilité s'explique par la détresse et la solitude du patient qui attend aide et soutien du soignant investi de toutes les connaissances et de tous les pouvoirs. Le patient souffrant abandonne son intérêt pour le monde extérieur pour s'intéresser à lui-même et à sa maladie (retrait narcissique). Ceci va entraîner un surinvestissement du médecin qui devient un objet de sollicitude. Si le médecin répond à cette demande, le malade réalise alors un transfert positif. A l'inverse, lorsque le patient considère que le médecin n'a pas répondu à sa demande, le transfert a plus de chance d'être négatif.

10

Le médecin doit prendre conscience de ses transactions transféren-tielles. Il doit tenter de les analyser et pouvoir contrôler ses contre-transferts. Son attitude doit, chaque fois, tendre vers les principes suivants : - être attentif et présent psychologiquement, pas simplement une présence physique, - être disponible, entièrement à son service pendant l'examen, - être compréhensif et pouvoir saisir la signification des symptômes du patient pour éviter le monologue à deux. Voici, à titre d'exemple, trois modèles de relation médecin-malades empruntés à Hollender. Les malades peuvent se situer dans un modèle, mais peuvent passer d'une relation à l'autre au cours d'une maladie. 1. Modèle au cours duquel le médecin est actif et le malade passif. Cette situation implique un malade totalement dépendant du médecin. Exemple : la situation d'urgence, état de coma, acte opératoire, malade confus ou négativiste. Ce type de relation rappelle la relation mère-nourrisson au cours de laquelle la mère nourricière est nécessaire à la survie du nourrisson. 2. Modèle dans lequel le malade coopère avec un médecin qui dirige. Exemple : maladie infectieuse, maladies mentales, etc. Le médecin oriente, conseille et le malade obéit. C'est une relation qui rappelle celle des parents avec leurs enfants. 3. Participation réciproque malade-médecin : cette relation est impérative lors des maladies chroniques. Exemple : diabète. Le patient prend en charge et assume son traitement. C'est une relation entre deux adultes qui organisent les prises en charges biologiques, psychologiques, sociales, réadaptations .... I II. LES SOIGNANTS ET LEUR MALADE FACE A LA MORT a) Les familles refusent de laisser un des leurs, mourir à l'hôpital. Elles demandent avec insistance aux soignants de leur permettre de le sortir avant son décès quelle que soit l'affection en cause. Ce comportement peut parfois étonner, mais il correspond : - au refus de laisser le mourant seul, - à une tentative visant à éviter les tracasseries administratives liées à la sortie d'un décédé de la morgue, - à défier l'hôpital qui n'a pu venir à bout de la maladie : "si les médecins ne peuvent plus rien, nous reprenons notre malade". b) Le patient devant la mort : E. Kubler a décrit les étapes par lesquelles le malade passe lorsqu'il est atteint d'une maladie au stade terminal. Ces étapes, au nombre de cinq, n'ont pas toujours la même importance, elles ne se déroulent pas toujours dans le même ordre, et le patient ne passe pas obligatoirement par tous les paliers, mais leur étude est incontournable pour la compréhension des patients mourants. 1er stade : Dénégation et isolation : c'est une réaction habituelle "non, ce n'est pas vrai, pas moi...". La dénégation est suivie par de nombreuses consultations chez plusieurs médecins pour tenter d'infirmer le diagnostic. Le malade peut "isoler" la maladie et en parler sans intégrer l'idée de mort. "Mon cancer est guérissable, c'est une tumeur bénigne. Il n'y a pas de métastase...". Le patient parle de sa maladie, mais il y a négation de l'issue fatale. 2e stade : Colère : "Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? " L'expression de la colère peut être vive contre la maladie, le sort, la chance, la mort, les médecins, l'hôpital, etc. Le personnel soignant, souvent agressé, évite le malade, alors que c'est justement à ce moment-là qu'il a le plus besoin de dialoguer, de parler de sa vie, de son destin, du sens de l'existence, de la culpabilité, etc.

11

3e stade : Marchandage : le patient va finir par accepter l'idée de la mort, mais il négocie le temps de vivre, son confort, l'absence de douleur le soir... Il promet d'être respectueux des consignes médicales, des recommandations divines, des principes religieux en échange d'une prolongation de la vie et d'une absence de souffrance. 4e stade : Dépression qui s'installe au fur et à mesure de la prise de conscience des conséquences de la maladie, elle va s'enrichir de toutes les frustrations passées. Puis, va s'installer un "deuil" nécessaire au cours duquel le patient va être le plus souvent silencieux. La communication est alors non verbale, la présence de personnes chères, le toucher d'une main, une caresse des cheveux, ont une valeur apaisante. Le patient semble avoir réglé ses révoltes et ses appréhensions. 5e stade : Acceptation de la mort : "c'est une loi de la nature, c'est un retour vers le créateur, mon heure est arrivée, nul n'a pu y échapper...". Le patient est vide de sentiment, il est détaché des problèmes de la vie ; il n'a plus d'intérêt pour son entourage et sa famille, même les soignants se sentent rejetés, culpabilisés, mis en échec, ils tentent de rassurer, d'envisager de nouveaux traitements, de nouvelles prises en charge. Tous les patients ne meurent pas au même stade, certains restent à la dénégation, d'autres s'enfoncent dans une dépression profonde et un silence irréductible. "On meurt comme on a vécu", car le patient mourant va présenter des tableaux cliniques variés en fonction de sa personnalité. c) Thérapie : la formation des soignants semble impérative afin d'éviter des contre-attitudes entravant le désir des patients et des familles. Nos soignants (infirmiers et médecins) sont en général jeunes, peu familiarisés à l'accompagnement des mourants et le problème se pose dès la première information : que faut-il dire au patient concernant son pronostic ? La maturité du soignant et sa propre attitude face à la mort vont lui permettre de dialoguer sans angoisse. Un entretien peut alors suffire pour diminuer la culpabilité et la peur soulevées par la maladie et son issue fatale. AROUSON propose quelques recommandations pour la prise en charge du patient mourant : 1. Respecter les défenses et les limites du patient. Ne rien dire qui puisse provoquer des décompensations. 2. "L'espoir ne doit pas mourir avant le patient". Il faut toujours conserver l'espoir d'une amélioration, d'une stabilisation, d'une présence ou d'une aide afin de maintenir ses liens libidinaux. Et de toute façon Dieu seul peut en connaître le lieu et le moment. 3. Ne pas exposer les faits d'une manière brutale au patient, mais répondre honnêtement à ses questions lorsque celui-ci se sent prêt à écouter. Il n'est pas nécessaire de mentir et de minimiser la maladie, car souvent il ressent nos inquiétudes et notre désarroi ; il risque alors de perdre confiance en nous. d) En conclusion La mort n'est pas nécessairement une expérience pénible si elle est partagée avec quelqu'un qui assume ses propres angoisses et qui a su intégrer la mort dans sa vie. Les sociétés traditionnelles permettent de réaliser cette intégration plus facilement que les sociétés modernes qui ont opté pour le tabou de la mort.

12

BIBLIOGRAPHIE 1. BEXTON B. - VILLARD H.P. - "La psychologie de la mort" - Psychiatrie clinique : approche contemporaine - Gaétan Morin, éd., 1980, pp. 688 à 702. 2. SCHNEIDER B. - Psychologie médicale- Payot, Paris, 1969, 330 p. 3. VALABREGA J.P. - La relation thérapeutique - Flammarion éd., Paris, 1962, 276 p.

13

L'EXAMEN PSYCHIATRIQUE

L GENERALITES a) Le but de l'examen psychiatrique est d'établir un diagnostic et de proposer une stratégie de prise en charge. Il se compose de deux parties : une étude longitudinale concernant l'histoire du malade et de la maladie appelée anamnèse, et une étude transversale sur l'état mental au moment de l'examen. Cette dernière concerne essentiellement la vie psychologique du patient. L'examen médical classique est impératif au cours de l'examen psychiatrique qui reste un exercice original constitué d'un entretien directif permettant d'obtenir des renseignements précis sur la vie du patient et sur son fonctionnement actuel, et d'un entretien plus libre, plus ouvert, afin d'étudier l'expression spontanée de la pensée, les préoccupations et les désirs du patient. La nécessité de développer, dès le premier entretien, une confiance mutuelle et une alliance thérapeutique, implique directement la personne du médecin. b) L'aspect relationnel de l'examen psychiatrique étant "capital, le médecin doit prendre conscience en permanence de ses attitudes face au patient et des interférences qui peuvent surgir. Ces interférences sont souvent issues d'un malaise ressenti par le médecin face au malade. Il peut arriver, en effet, que le médecin, confronté à un patient lors de l'examen psychiatrique, ressente un inconfort qui peut s'exprimer : - soit par un sentiment confus d'être très proche du patient, à sa place, et de compatir excessivement à sa douleur, - soit par un sentiment d'étrangeté, d'estompage de la réalité environnante. Ce malaise, ressenti comme une anxiété, est, en fait, issu des inquiétudes profondes plus ou moins conscientes du médecin, réveillées ou aggravées par celles du patient ou celles de l'entourage du patient (ceux qui accompagnent le malade sont souvent plus bruyants et manifestent plus d'inquiétude et d'angoisse que le patient lui-même). Le modèle proposé par la psychologie dynamique pour conceptualiser les processus psychiques qui interagissent dans la relation médecin-malade, et celui du transfert et contre-transfert (Cf. psychologie médicale). Les réactions du médecin, face à l'inconfort provoqué par son patient, peuvent se résumer en 3 types de réponse : 1) La réaction de fuite : refuser d'examiner le patient et chercher des excuses pour justifier ce refus (pas de rendez-vous, malade hors secteur psychiatrique, c'est une urgence qui doit être prise en charge par le médecin de garde...). 2) Réaction de déni : le médecin va nier les troubles psychologiques et se polariser sur des détails concernant les aspects sociologiques, somatiques ou biologiques de la maladie. 3) Réaction agressive : autoritarisme, agressivité plus ou moins consciente. Rigidité dans l'entretien et dans la prise en charge (il faut hospitaliser - il faut trouver ce médicament précis...) refus de prendre en compte les demandes du patient. Le médecin réagit comme s'il avait été agressé par le patient. II. DEROULEMENT DE L'EXAMEN A. L'EXAMEN doit se dérouler dans un lieu calme, confortable et dispo nible. Il arrive encore trop souvent au malade d'attendre de longue! heures alors qu'il a pris un rendez-vous précis longtemps à l'avance Ces situations peuvent être vécues même dans les cabinets privés. Cet attentes inutiles augmentent l'anxiété et favorisent l'expression d< l'agressivité. Il ne faut jamais donner de rendez-vous ouvert, mais de horaires et des jours précis. Il faut savoir s'excuser lorsqu'on a fail attendre le patient. B. LE PREMIER ENTRETIEN EST CAPITAL : s'il se déroule dans un établis sèment public ou dans le cadre de l'urgence, il faut que le méde cin se présente et qu'il indique le but de l'entretien.

14

C. PENDANT L'ENTRETIEN : éviter de prendre trop de notes et préfère l'établissement d'une synthèse à la fin de l'entretien. Adapter le langage et les questions au milieu social du patient. Evite la polémique, rester respectueux et éviter les jugements de valeur. D. POSER LES QUESTIONS OUVERTES aux patients qui verbalisent bien, et des questions précises et fermes aux patients présentant des troubles graves ou qui se présentent au service d'urgence. E. L'ENTRETIEN peut être demandé par la famille, le conjoint, la justice, la police, etc. parfois contre l'avis du patient lui-même. La demande de soin formulée par les parents se rencontre fréquemment dans notre culture (il arrive que le père ou la mère amène l'enfant marié). Le médecin doit absolument se situer comme un observateur neutre, non complice des parents ou du demandeur de consultation. Il est préférable de recevoir le patient seul, après l'entretien réunissant l'ensemble de la famille. Lorsque le patient se présente seul à la consultation, le but de la consultation peut également ne pas être clair et il est nécessaire parfois de rencontrer plusieurs fois le patient pour préciser le but de la demande d'aide. F. LA DUREE : l'entretien doit durer environ 40 min (moins pour un malade confus ou délirant, un peu plus s'il verbalise bien). Il est souhaitable de revoir le patient un autre jour pour préciser l'anam-nèse ou entreprendre une prise en charge, si l'entretien a duré plus d'une heure. III. L'ENTRETIEN A - HISTOIRE DU MALADE ET DE LA MALADIE :

-

il faut en premier lieu identifier le patient :

nom et prénoms, âge, état civil, domicile, téléphone

et préciser par qui il a été adressé. Ensuite préciser les motifs de la consultation actuelle en reprenant les termes du patient. a) L'histoire de la maladie actuelle, en remontant jusqu'au début des troubles et en précisant leur relation avec les événements de vie. Préciser les antécédents personnels médico-chirurgicaux : -

hospitalisations, traitements ambulatoires, traditionnels, traumatismes, etc. b) L'histoire personnelle permettra de préciser le déroulement de la grossesse (désirée ou pas), accouchement, développement psychomoteur (sourire - marche- parole), le type d'éducation (précoce rigide - sans contrainte - influence religieuse), scolarité et formation professionnelle, adolescence (puberté - drogue). Préciser les ruptures affectives éventuelles (séparation) - divorce - déménagement - deuil retraite, etc.) (statut socioprofessionnel actuel : responsabilité - relation - conflit...). La vie sentimentale doit être abordée avec beaucoup de précautions, compte tenu de l'importance de la pudeur et des difficultés de son expression dans notre culture. c) Histoire et antécédents familiaux : ils permettent d'entrevoir la dynamique familiale, les sentiments envers les membres de la ' famille, l'influence du milieu, d'envisager l'hérédité (maladies thymiques ou dégénératives), de préciser les traitements médicamenteux utilisés efficacement. Noter les causes et les dates des décès.

15

B- L'ETAT MENTAL : Cet examen est capital pour le diagnostic et pour le suivi de l'évolution du patient. 1 - L'aspect physique et le comportement moteur : permettent de noter la tenue, les gestes, la mimique, les tics, l'agitation ou le ralentisse-' ment moteur, tremblements, automatismes, stereotypic... - L'attitude pendant l'entretien : le patient peut être indifférent, préoccupé, agressif, vigilant, coopératif, attentif, séducteur, irritable. - Conscience et orientation : vigilance, confusion, orientation temporelle et spatiale. - La thymie : triste, désespérée ou gaie, euphorique. - Langage : lent, pauvre, stéréotypé ou rapide, impulsif, spontané, incohérent, logorrhéique, écholalique, coprolalique, bégaiement, mutisme, mutacisme... - Cours dt la pensée et contenu : . idées délirantes, idées de référence, fuite des idées, . capacté d'abstraction, qualité de l'introspection, . hors de propos, . idées décousues - perseveration - type d'association, . barrages - idées fixes - néologisme - pensée magique . troubles de la perception : hallucinations auditives, visuelles, gustatives, tactiles. L'examen médical et neurologique peut être une excellente manière d'aborder l'examen psychiatrique lorsque le patient est convaincu de l'existence d'une maladie somatique (hypocondrie) ou lorsqu'il est méfiant et réticent, il permet souvent de rassurer le patient et de permettre une meilleure collaboration. IV. EXAMENS PARACLINIQUES A. BIOLOGIQUE : Formule numérisation sanguine (FNS) - Urée - Glycémie - Calcémie et en fonction de l'examen somatique et de l'histoire de la maladie : bilan thyroïdien, hépatique, rénal et cardiaque. Certains examens biologiques sont nécessairement entrepris avant la mise sous psychotropes (lithium antidépresseurs - neuroleptiques). B. PSYCHOLOGIQUE : tests de personnalité (MMPI - TAT - Rorschach) ou de performance (Wais). C. AUTRES : un Electro-encéphalogramme (EEG) est souvent nécessaire, des radiographies ou scanner peuvent être parfois utiles (démences). ■

V. EN CONCLUSION Au cours de l'examen, la disponibilité de l'écoute, la chaleur du COtltact, l'absence de jugement et l'impartialité de l'observation sont indispensables car ils ont une valeur thérapeutique, de même qu'ils sont nécessaires à un recueil précis et complet de la symptomatologie. L'examen d'un malade confus, opposant, méfiant, manipulateur 01 présentant des troubles mnésiques (dément) nécessitera un entretiei avec des référents (famille ou accompagnateur) afin de complète l'anamnèse. Il faut, par ailleurs, savoir respecter un refus, éviter ui interrogatoire policier et ne pas hésiter à revoir plusieurs fois ui patient. Si la plupart des signes cliniques ne peuvent être objectivés, lorsqu le patient est méfiant et réticent, la disponibilité, la finesse de Fol servation du médecin, sont indispensables tout le long de l'entretie pour établir un diagnostic pertinent. Au terme de l'examen, une relation est souvent établie (l'antériorii du moment diagnostic sur celui du temps thérapeutique n'est pas év dente en psychiatrie) permettant une alliance thérapeutique ( l'amorce d'une prise en charge qui sera évaluée en fonction du diagnostic et des multiples paramètres perçus, jugement, introspectioi etc.).

16

SEMIOLOGIE

La sémiologie se définit comme la science qui traite des signes objectifs îles maladies. Le but du médecin est de remonter du signe au symptôme vers la maladie et son étiologie, afin d'instaurer un traitement étiolo-jtique. La valeur du signe pathognomonique spécifique à une maladie prend alors une très grande valeur en médecine. En psychiatrie les recherches et les traitements étiologiques sont exceptionnels et le signe clinique peut avoir une

multitude de significations. Il nous renvoie à la personne concernée, à son histoire, à sa vie relationnelle, à son monde. C'est ainsi qu'une insomnie peut être le symptôme d’une dépression, d'un état anxieux, d'une obsession, d'une douleur, d'une préoccupation justifiée ou non justifiée, réelle ou imaginaire, d'une psychose débutante, enfin elle peut être secondaire à une joie anticipée ou à une colère provoquée par le bruit des voisins. On comprendra pourquoi il est souhaitable que chaque signe soit : 1) Comme toutes les conduites humaines, intégré à un système de référence prenant en compte la totalité de la personne avec son histoire et sa culture (Ex: croyance aux Djinns et à l'exorcisme). 2) Evalué parfois comme une recherche inconsciente de compromis entre les désirs du sujet et la réalité (Ex: cécité psychologique). 3) Confronté à une grille sémiologique universelle qui va lui permettre d'accéder à la valeur d'un symptôme. Le regroupement des signes dans des syndromes plus ou moins cohérents, permet l'élaboration de la nosographie (description et classification des maladies). Le signe et le symptôme doivent être intégrés à une recherche du sens et participer à une compréhension regroupant les différentes composantes de l'être humain. I. TROUBLES DE L'ORIENTATION ET DE LA CONSCIENCE A. L'orientation nous permet, à chaque instant, de nous situer dans le temps chronologique (jour - date - moment de la journée) et dans un espace géographique précis (lieu, ville, région, etc.). * La désorientation temporelle et spatiale est fréquente dans les psychoses organiques au cours desquelles on constate une perturbation du temps connu et une mauvaise appréciation du lieu occupé. Dans certaines affections (manie et mélancolie) c'est le temps vécu qui est modifié : accéléré dans la manie et ralenti dans la mélancolie. * La perception de l'espace peut être modifiée dans les déréalisations ou dans les dépersonnalisations ; l'espace extérieur est vécu comme étant étrange et irréel. Il peut également être perturbé par une impression de "déjà-vu " "ou de "jamais vu". Dans les désorientations allopsychiques on retrouve une perturbation de l'identité des autres, et dans la désorientation autopsychique une perturbation de l'identité de soi-même. B. LA CONSCIENCE : Elle permet une parfaite orientation, une synthèse permanente de nos rapports avec le monde extérieur, puis une adaptation à tous les changements qui y sont perçus. * Le niveau quantitatif de la conscience se confond avec la vigilance qui varie : . de l'obtusion (lenteur de l'idéation, légère désorientation, difficulté d'attention et de compréhension) ; . à la confusion (désorientation temporo-spatiale jusqu'au coma et la perte plus ou moins totale des réactions aux stimulations) ; . à l'hypervigilance (après prise d'amphétamines par exemple : subexcitation psychique, hypervigilance, mais attention dispersée et baisse des performances intellectuelles).

17

*Le niveau qualitatif : . Rétrécissement du champ de la conscience dans les traumatismes affectifs, dipsomanie, états crépusculaires... . Etats d'obnubilation avec onirisme : participation à des scènes animées accompagnées d'une très forte charge anxieuse (delirium tremens). II LES TROUBLES DE LA PERCEPTION La perception suppose l'intégration de sollicitations transmises du récepteur sensoriel périphérique, par le système nerveux central qui filtre, mémorise, reconnaît et identifie l'odeur, le goût, la vision ou le son,... contribuant ainsi à organiser notre monde intérieur. Les perceptions sensorielles peuvent être amplifiées (prise de toxique kif ou cocaïne par exemple) ou diminuées (dépression) dans leur intensité. Elles doivent être distinguées : A. DES ILLUSIONS : qui sont des perceptions déformées. L'objet extérieur n'est pas correctement perçu (illusion d'optique - mirage, etc.). B. DES HALLUCINOSES : qui peuvent être critiquées par le sujet qui peut les différencier des objets extérieurs (épilepsie partielle - ophtalmopathie - lésion du tronc cérébral). C. L’IMAGINATION : pas de représentation perceptive il n'y a donc pas d'objet extérieur. C'est une représentation mentale : l'objet est représenté dans un espace imaginaire. D. INTERPRETATION : à partir d'une perception vraie se dégage une appréciation fausse. Les pareidolies sont des images fantasmagoriques, créées à partir d'objets réels vus ou observés. E. LES HALLUCINATIONS : quant à elles, sont de fausses perceptions qui surviennent en dehors de toute stimulation sensorielle. «C'est une perception sans objet à laquelle le sujet adhère». Elles sont perçues en même temps que les autres perceptions habituelles. *Les hallucinations psycho-sensorielles sont caractérisées par une esthésie (qualité sensorielle) et par une spatialité (elles sont situées dans l'espace). Certaines hallucinations sont dites élémentaires : sons, bruits de porte, écoulement d'eau, éclairs, attouchements -d'autres sont complexes : dialogues, musiques, paysages, odeurs désagréables. Elles peuvent intéresser tous les organes des sens : a) Hallucinations auditives : Le sujet entend soit des bruits et des bourdonnements, soit des voix, des dialogues, des cris, etc., elles sont dites acoustico-verbales. Entendue clairement par les deux oreilles ou une seule, la voix est reconnue ou pas, féminine ou masculine, chuchotée ou hurlée, venant d'un lieu précis proche ou lointain. Il arrive que le patient nie leur existence, on peut alors soupçonner leur présence lorsqu'on remarque chez le patient des attitudes d'écoute, des dialogues hallucinatoires ou des conduites de défense (boule de coton dans les oreilles par exemple). Ces hallucinations sont fréquemment retrouvées dans les psychoses chroniques (schizophrénie - psychose hallucinatoire chronique). b) Hallucinations visuelles : visions plus ou moins élaborées allant de la lueur aux personnages animés de taille normale, mais également de grande taille (hallucinations gulliveriennes) ou de petite taille (hallucinations lilliputiennes). Ces personnages ont parfois une grande qualité esthésique, ils sont colorés, se déplacent dans des endroits précis. Les délires alcooliques s'accompagnent souvent d'hallucinations d'animaux terrifiants (zoopsies). Ces hallucinations accompagnent les intoxications, les psychoses aiguës... c) Hallucinations gustatives et olfactives : elles sont moins fréquentes que les précédentes, elles peuvent avoir un caractère agréable ou désagréable (mauvaise odeur, mauvais goût ou goût agréable). d) Hallucinations tactiles et cénesthésiques : superficielles ou profondes. Il s'agit pour les premières, de sensations de chaud ou de froid, de fourmillements, de démangeaisons et pour les secondes, de transformation

18

corporelle, de possessions animales ou par des djinns. Ces sensations peuvent être ressenties au niveau des organes génitaux (caresses - attouchements) de l'appareil digestif ou thoracique. e) Les hallucinations psychiques : ce sont de fausses hallucinations. Ce sont des voix intérieures, sans objectivité sensorielle et sans spatialité rencontrées souvent dans le syndrome c'automatisme mental (fonctionnement automatique de la pensée) et dans le syndrome d'influence (le sujet, convaincu que ses idées sont répétées, volées, se sent commandé. Il présente une perte du caractère intime de la pensée). Il faut enfin savoir que les hallucinations n'ont pas toujours un caractère pathologique. Elles peuvent survenir spon:anément lors d'expériences de privation sensorielle : - expérience de vie dans le vide sans atmosphère, (vols spatiaux) - expérience de privation de sommeil. Elles peuvent également apparaître à des moments particuliers entre veille et sommeil, à l'endormissement ou au réveil : hallucinations hypnagogiques ou hypnopompiques. III.TROUBLES AFFECTIFS Ils regroupent un ensemble de phénomènes vécus et ressentis lors d'événements, de situations heureuses ou pénibles. Ils jouent un grand rôle dans nos comportements, cognitions, perceptions et dans nos réactions. Certains peuvent être pathologiques par leur durée ou leur intensité. Ce sont : - soit des émotions telle l'inquiétude ou l'angoisse accompagnées d'un cortège de symptômes végétatifs. Ces émotions peuvent s'organiser et durer dans le temps et donner lieu à des sentiments ; - soit des états affectifs oscillant entre la tristesse et la joie. Généralement adaptés à l'ambiance environnante. Ils peuvent se manifester avec une grande intensité, sans raison extérieure (tristesse profonde dans des états dépressifs majeurs et joie excessive et permanente dans l'état maniaque). A. L'ANGOISSE EST UN ETAT PENIBLE D'ATTENTE : c'est une peur sans objet qui infiltre parfois nos états d'âme. Elle est présente dans l'ensemble de la pathologie psychiatrique. Elle constitue, pour cette dernière, un signal d'alarme exprimant une souffrance psychologique au même titre que la douleur dans les maladies somatiques. Elle peut être soit chronique ou aiguë (attaque de panique), soit liée à des situations ou à des objets (phobie). Lorsqu'elle accompagne un danger ou une épreuve elle est dite secondaire ; elle est alors normale et peut être nécessaire soit, au développement des réponses au danger soit à la réalisation des performances. - Elle permet de surmonter l'épreuve (lors des examens scolaires et universitaires par exemple). - Lors des troubles organiques cérébraux on peut observer une labilité des émotions (incontinence affective). Certains syndromes peuvent s'accompagner, à l'inverse, d'une indifférence affective (schizophrénie). - L'ambivalence affective est une coexistence, chez la même personne, au même moment, de sentiments opposés (amour et haine par exemple). - L'alexithymie est une incapacité à exprimer ses sentiments par des mots (malade psychosomatique par exemple). - L'hyperémotivité est l'expression trop vive ou disproportionnée des émotions, elle accompagne souvent une prédisposition anxieuse (personnalité histrionique par exemple). B. L'HUMEUR OU THYMIE : «L'humeur est cette disposition affective fondamentale, riche de toutes les instances émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun de nos états d'âme une tonalité agréable ou désagréable oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur» (J.Delay) L'humeur est normalement adaptée aux satisfactions instinc-tuelles et relationnelles ; pathologique elle est stéréotypée, difficile à modifier, inadaptée, souvent intense et persistante dans le temps. Elle est alors soit : - dépressive avec des idées pessimistes concernant le présent, mais également le passé et l'avenir, - soit euphorique avec une gaieté excessive, un optimisme et un sentiment de puissance que rien ne justifie (état maniaque), - soit indifférente avec incapacité d'exprimer la joie ou la tristesse quelles que soient les sollicitations.

19

IV. TROUBLES INSTINCTUELS Les instincts, appelés également pulsions, sont issus de forces physiologiques inconscientes, puissantes, dirigées vers un but de satisfaction. Les plus importantes concernent le sommeil, l'alimentation, la sexualité et la recherche de stimulation et de sécurité. A. LES TROUBLES DU SOMMEIL SONT EXTREMEMENT FREQUENTS 1 ) Les troubles quantitatifs du sommeil : sont représentés essentiellement par l'insomnie qui peut être

psychogène, organique ou d'origine toxique. L'insomnie d'endormissement est le plus souvent d'origine anxieuse et s'accompagne de mentisme et de rumination. L'insomnie du milieu de la nuit est, en fait, due à une difficulté de se rendormir après un cauchemar, une idée obsédante, etc.. L'insomnie matinale doit absolument faire penser à une pathologie dépressive. L'insomnie mixte, plus complexe et moins bien tolérée, associe des difficultés d'endormissement à des réveils nocturnes. 2) Les troubles qualitatifs : -

Fréquence chez l'enfant de terreurs nocturnes, de somnambulisme qui perturbent le sommeil. Narcolepsie (syndrome de Gelineau) qui associe des hypersom-nies paroxystiques diurnes à une brusque chute du tonus musculaire (catalepsie). Le syndrome de Pickwick qui associe des accès de somnolence à des troubles respiratoires (apnée) et à une obésité. Enfin syndrome de Klein-Lewin-Critechley qui, lui, associe une hypersomnie, des troubles de l'humeur et une faim pathologique

B. TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES 1 ) Les troubles quantitatifs (anorexie et boulimie) : sont les plus fréquents et ce sont eux qui suscitent le plus de demandes de prise en charge. La boulimie est une tendance à l'ingestion excessive d'aliments survenant par accès, parfois même de nuit. La sitiophobie est une phobie des aliments qui doivent être évités sous peine d'angoisse (viande par exemple). La potomanie est un besoin permanent de boire. La dipsomanie est un besoin impulsif de boire. C'est un besoin qui survient par période et concerne souvent les boissons alcoolisées. 2) Les troubles qualitatifs sont représentés par des conduites bizarres (coprophagies) ou insolites comme la Pica qui s'accompagne d'ingestion de substances non nutritives qui peuvent être dangereuses (clous ou cailloux, terre, poils), car elles s'accumulent souvent dans l'estomac et peuvent nécessiter une intervention chirurgicale. 3) Les troubles de l'alimentation se retrouvent dans des affections variées (troubles anxieux, personnalité névrotique, activité délirante, épisode dépressif, etc.). Leur apparition au cours de l'enfance ou de l'adolescence relève d'une psychopathologie particulière (anorexie mentale de l'adolescent), -

C. LES TROUBLES DU COMPORTEMENT SEXUEL Jadis représentés par les termes de frigidité et d'impuissance, leur sémiologie s'est beaucoup affinée grâce à une meilleure approche psychopathologique et thérapeutique. On distingue en fonction du trouble de la dynamique sexuelle : 1 ) Des troubles du désir : baisse de la vie fantasmatique ou aversion sexuelle.

20

2) Des troubles de l'excitation : inhibition et absence de lubrification vaginale chez la femme, impuissance et absence ou difficulté d'érection chez l'homme. 3) Des troubles de l'orgasme : anorgasmie chez la femme, éjaculation précoce ou tardive chez l'homme. 4) Les perversions sexuelles sont plus fréquentes chez l'homme ; elles consistent en une nécessité de déformation stéréotypée de l'acte sexuel (voyeurisme, exhibitionnisme, sadomasochisme), ou de changement d'objet sexuel (fétichisme, pédophilie, bestialité) afin d'obtenir un orgasme. .

Les troubles sexuels peuvent être spécifiques, mais ils sont parfois intégrés dans une personnalité pathologique qu'il faut prendre globalement en charge. D. L'AGRESSIVITE : A la recherche de sa sécurité, l'être humain peut être appelé à se défendre, mais aussi à agresser autrui lorsqu'il se sent, à tort ou à raison, en danger. Certaines émotions peuvent aussi s'exprimer par un comportement qui vise, consciemment ou inconsciemment, à détruire, à contraindre et à faire souffrir. Ce sont alors des réactions agressives liées à la frustration ou à un sentiment d'être agressé. La colère et la fureur marquent une perte de contrôle de l'agressivité. Ces comportements sont fréquents chez les toxicomanes, les épileptiques et les états limites. L'agressivité peut être apprivoisée dans une activité socialisée (compétitions sportives) vécue dans une activité imaginaire ou dans un spectacle violent (film, compétition de boxe ou sport de combat). L'agressivité pathologique peut accompagner des affections psychiatriques délirantes (paranoïa - délire de persécution) et donner lieu à : a) Des comportements défensifs (formation réactionnelle dans une personnalité obsessionnelle qui inhibe l'agressivité et la remplace par une politesse excessive). Elle peut : b) S'exprimer par des symptômes somatiques fonctionnels (maladie psychosomatique) ; c) Etre retournée contre soi-même (automutilation - conduite suicidaire) ; d) Etre érotisée et s'exprimer dans un comportement sadomasochiste ; e) Etre sublimée dans une activité sportive ou de défense de la nation en cas de conflit. V. TROUBLES DE LA PENSEE La pensée peut être perturbée dans son cours et dans son contenu. Ses perturbations peuvent se manifester par des troubles du langage ou s'exprimer par le comportement. A. LE COURS DE LA PENSEE peut être accéléré avec fuite des idées (état maniaque - excitation) ou ralenti, inhibé (état dépressif). Il peut être bloqué (arrêt brutal de la pensée ou barrage dans la schizophrénie) ou fragmenté lors d'un fading (perte progressive de la parole et de l'expression de la pensée). B. Le contenu de la pensée peut être infiltré d'idées délirantes qui sont des idées fausses entraînant la conviction du sujet. Les thèmes de ces idées sont multiples et variés (persécution, préjudice, jalousie, grandeur, mystique, etc.). Ne pas confondre idées délirantes avec croyances partagées dans une culture donnée (possession) liées de manière compréhensible au vécu du sujet (3). L'activité imaginaire peut être également perturbée. L'imaginaire est la création d'images mentales spontanées se substituant épisodiquement au monde des perceptions et de la réflexion. Ces fantaisies conscientes peuvent devenir pathologiques si elles sont stéréotypées, répétitives et investies d'une manière privilégiée au détriment de la réalité environnante (ces rêveries, qui prennent la place des situations réelles insatisfaisantes, peuvent donner lieu à de véritables délires d'imagination). La fabulation est un récit d'événements fictifs tout à fait imaginaire (personnalité mythomaniaque). L'exaltation de l'imaginaire peut se retrouver dans différentes affections (paraphrénie - accès maniaque fabulation mégalomaniaque chez le paralytique général). (3) C'est ainsi que dans notre culture les croyances à la persécution par ensorcellement, par possession ne doivent pas être considérées systématiquement comme délirantes.

21

La confabulation consiste en fabulation inconsciente venant combler les lacunes mnésiques (syndrome de Korkasoff - démences). La mythomanie est une tendance plus ou moins consciente, au mensonge, à l'élaboration de récits imaginaires pouvant occasionner des activités préjudiciables au patient et à son entourage (escroquerie - calomnie - usage de faix, etc.) retrouvée chez des personnalités pathologiques : histrioniques, psychopathiques - Borderline. VI. TROUBLES DE L'INTELLIGENCE Il s'agit de troubles intéressant les fonctions cognitives et symboliques. Les fonctions symboliques et cognitives permettent : - «une mise à distance du réel et du concret par une aptitude à la formation et à l'intégration des concepts» (J.-D. Guelfi), - une capacité de synthèse et de jugement, - une adaptation aux situations nouvelles. Les troubles peuvent intéresser la globalité des fonctions cognitives ou l'une des fonctions : mémoire, perception, langage et jugement. A. LES DEUX GRANDES AFFECTIONS PERTURBANT GLOBALEMENT LES FONCTIONS COGNITIVES SONT L'OLIGOPHRENIE ET LA DEMENCE * L'oligophrénie ou arriération mentale, est caractérisée par un déficit congénital de l'intelligence. Sa gravité peut s'évaluer par des tests d'aptitude fixant un quotient intellectuel (Q.I.) (4). ■

Débilité ou arriération (CI.M.10 1993)

légère QI 50 à 69 moyenne QI 35 à 49 grave QI 20 à 34 profonde au-dessous de 20

* La démence est, à l'inverse, un déficit acquis lors d'affections trauma-tiques ou organiques du cerveau, «le dément étant un riche devenu pauvre, l'idiot a toujours été dans l'infortune et la misère» (Esquirol). Il ne faut pas confondre les inhibitions intellectuelles dues à des facteurs affectifs ou environnementaux (pseudodémence) aux troubles fixés et évolutifs des démences (Alzheimer) B. TROUBLES DE LA MEMOIRE La mémoire permet la reconnaissance, la conservation et l'utilisation des informations, le trouble le plus fréquent étant le déficit mnésique ou amnésie, le moins fréquent, reste la dysmnésie. 1 - Les amnésies relèvent :

- soit de l'impossibilité de conserver les souvenirs anciens, de se les remémorer (amnésie rétrograde); - soit de l'impossibilité de constituer de nouveaux souvenirs (amnésie antérograde). * Amnésie rétrograde : les patients ne peuvent plus conserver les informations acquises avant les troubles. La perte des souvenirs obéit à la loi de Ribot ; les plus récents sont les premiers à disparaître, puis ceux qui sont les plus anciens. Dans les états démentiels c'est une amnésie rétrograde qui s'installe en premier. L'aggravation des troubles va compliquer cette amnésie qui deviendra mixte (antérorétrograde). * Amnésie antérorétrograde : les souvenirs anciens sont conservés et leur évocation est possible. Si la mémoire immédiate est conservée, les événements récents ne peuvent être fixés, ils sont oubliés au fur et à mesure et ne permettent pas la conservation de l'information (syndrome Korsakoff). (4) Quotient Intellectuel : doit être évalué à l'aide de tests standardisés et adaptés aux normes culturelles. I ,e Q.I. est calculé à partir de la formule de Stern: Ql = âge mental sur âge chronologique multiplié par 100 (Ql = AMxlOO) /AC

22

Certaines amnésies sont sélectives et sont liées : - soit à des événements particuliers de la vie du sujet (personnalités multiples) ; - soit à des événements éprouvants (amnésie psychogène) ; - soit à des traumatismes crâniens (amnésie lacunaire post-trauma-tique : l'amnésie concerne l'événement survenu avant le traumatisme ; - soit à une crise comitiale, l'amnésie concerne alors le moment précédant la crise, - soit au temps vécu au cours d'un état confusionnel. ■

2- Dysmnésies * Hypermnésie : La mémoire peut se développer d'une façon considérable alors même que l'intelligence reste audessous de la moyenne. Cette hypermnésie concerne en général un secteur de la mémoire (peut concerner le temps, une date, le calendrier...). * Les paramnésies : L'ecmnésie définit le fait de vivre avec intensité un événement passé, comme s'il avait lieu encore sur le moment. Les fausses reconnaissances sont une distorsion de la reconnaissance : des personnes rencontrées pour la première fois sont identifiées à d'autres personnes connues. C. TROUBLES DU LANGAGE : ils sont d'une extrême variété et se distribuent entre les mutismes et les aphasies ; on y associe les perturbations des perceptions à caractère symbolique : les agnosies (visuelles, auditives, somatognosie - stéréognosie) et les apraxies ou troubles des mouvements plus ou moins complexes (constructives - idéomotrices). 1 - Troubles de la production verbale et de son débit

a- Altérations sémantiques : - Paralogisme : donner au mot un sens original et tout à fait personnel. - Glossolalie : vocabulaire néoformé utilisé avec une syntaxe originale, langage métaphorique ou symbolique. b-Troubles articulatoires - Bégaiement : trouble de l'émission verbale, soit tonique, soit clinique, soit les deux. Souvent associé soit à un retard psychomoteur, soit à un trouble affectif. - Blésites : mutations phonétiques souvent associées à un retard de parole (chuintement, zozotement, zézaiement). - Dyslalies : l'élocution perturbée par malformation ou lésions des organes de la phonation. - Dysarthrie : déformation de la parole due à une lésion neurologique. - Anarthrie : incapacité totale d'articuler (aphasie, peut se rencontrer lors de prise de neuroleptiques). c- Modification du rythme de la parole : soit en qualité soit en quantité). - Bradyphemie - tachyphemie - mutisme - mutacisme ; - troubles de l'expression verbale : . Maniérisme, . Palilalie (répétition des mots). d-Syndrome de Ganser : réponse à côté sans atteinte sensorielle ou motrice, ni atteinte de la compréhension de la question. 2- Aphasies : ce sont des troubles du langage dus à des lésions cérébrales ; ils peuvent intéresser soit l'expression du langage, soit sa compréhension. a- L'aphasie de Broca, souvent associée à l'hémiplégie droite, est secondaire à une lésion juxta rolandique G. Elle se manifeste par 3 signes caractéristiques : - Difficultés articulatoires ; - Paraphasies (les mots sont remplacés par d'autres qui leur ressemblent ; des phonèmes sont remplacés par d'autres dans le mot) ;

23

- Troubles de l'écriture et de la lecture (agraphie et alexie), alors que la compréhension et la mémoire sont conservées. b- L'aphasie de Wernicke est souvent associée à une hemianopsie latérale homonyme droite et la lésion est temporo-pariétale gauche (chez les droitiers). Cette aphasie est caractérisée par un trouble de l'expression et de la compréhension du langage. Certains troubles peuvent y être associés : des troubles de l'écriture, du calcul et la lecture (agraphie, alexie, acalculie). Des troubles praxiques et gnosiques, oubli de vocabulaire et utilisation de paraphrase par exemple, pour exprimer le sens du mot oublié. On peut également retrouver une jargonophasie avec néologisme. - Amusie : perte élective du langage musical. - Surdité verbale : perte de la compréhension de la parole (lésion temporale gauche). - Alexie ou cécité verbale, perte de la compréhension du langage écrit. La conservation du langage oral ou de l'écriture peut être retrouvée. 3- Agnosies : Amnésies sensorielles en fonction de l'organe intéressé. Troubles de la reconnaissance du monde extérieur sans anomalie sensorielle élémentaire. - Agnosie auditive, visuelle, tactile : impossibilité de reconnaître soit un bruit, soit un objet posé dans la main sans aide de la vue. - Asomatognosie : impossibilité de reconnaître une partie du corps ou image du corps. 4- Apraxie : alors qu'il n'y a pas de perturbation motrice le sujet ne peut organiser un mouvement ayant un but déterminé (perte de la mémoire des gestes). Les lésions siègent dans la région temporo -pariéto - occipitale. L'apraxie peut concerner : l'habillage, elle peut être idéatoire (impossibilité d'exécuter un acte complexe après en avoir reçu l'ordre) ou constructive (impossibilité d'exécuter un dessin spontanément ou même de le recopier). D. TROUBLES DU JUGEMENT : Le jugement permet, outre la synthèse des opinions, des idées, des récits, leur comparaison afin d'en apprécier la vraisemblance, la logique et l'adaptation à la réalité. Cette capacité de comparer les diverses données peut également concerner nos propres idées et opinions (autocritique) ; "si le jugement est une manifestation de l'intelligence, il ne lui est pas directement lié (un sujet supérieurement intelligent peut avoir moins de jugement qu'un individu d'intelligence moyenne)". a) Le jugement peut être altéré à cause d'une tachypsychie augmentant les enchaînements des idées mais diminuant la capacité d'attention, de concentration et de conceptualisation (Etat maniaque ou prise de toxique). b) Il peut être également altéré ou limité : - par une idéologie contraignante et rigide ; - par un isolement social et des informations insuffisantes ne permettant pas les comparaisons et les mises à distance nécessaires au raisonnement c) Le jugement peut être progressivement puis définitivement altéré dans un processus démentiel où les troubles peuvent être constatés très tôt au cours de l'installation de l'affection. Les états confusionnels s'accompagnent d'un déficit du jugement passager. d) Le jugement peut être modifié par les états délirants : l'interprétation délirante va s'organiser autour d'idées prévalantes (concerne-ment - persécution) entraînant des croyances fausses et des convictions inébranlables. Le rationalisme-morbide est l'explication pseudologique en apparence rationnelle, mais sans aucun rapport avec le problème dont il est question. Tous les états délirants vont modifier et distordre le jugement dans le sens des croyances délirantes.

24

INTRODUCTION A LA PSYCHIATRIE

Le module de psychiatrie suscite rarement l'indifférence de l'étudiant. Certains trouvent à partager quelques anecdotes concernant les psychiatres, l'hôpital psychiatrique ou les malades, d'autres ressentent un vif intérêt, une curiosité, une attirance et un empressement à commencer le stage, d'autres enfin perçoivent un malaise, un inconfort et se découvrent un désir d'éviter le stage ou de le renvoyer à plus tard. Sans préciser les raisons et les origines de ses vécus, il est intéressant de noter que chaque étudiant va utiliser les informations reçues jusque-là pour justifier ce qu'il ressent. Comme il est rare que l'étudiant aille s'informer en cherchant des documents concernant la spécialité, l'introduction de ce chapitre lui permettra de trouver des réponses aux questions que ses camarades se sont posées lors de leurs stages antérieurs. Nous souhaitons que ces réponses relativisent les aprioris souvent négatifs des étudiants envers la spécialité qui est au cœur de l'homme, de sa liberté et de l'expression de sa souffrance.

I. LA PSYCHIATRIE A POUR OBJET LES MALADIES MENTALES A. C'est-à-dire les relations pathologiques de l'homme avec son monde environnant. Elle se distingue de la neurologie avec laquelle elle partage l'étude du même organe : le système nerveux central. Cette dernière prend en charge les atteintes sensitivo-motrices et partage avec la psychiatrie une pathologie frontière : les troubles cognitifs (démences...) et les troubles de la conscience (confusion - épilepsies). La psychiatrie coopère avec différentes spécialités ayant pour objet l'étude de l'homme. Par exemple : - la psychologie : étudie le comportement humain normal ; - la sociologie : étudie des groupes humains, leur évolution et leur comportement (famille - armée - foule, etc.) ; - ethnologie : étudie l'être humain et son milieu naturel (organisation sociale, structures symboliques, religion, art, philosophie). - toutes les spécialités médicales, en particulier l'endocrinologie, I'épidémiologie, etc. B. Le trouble mental se caractérise par des manifestations psychologiques ou/et comportementales liées à des altérations biologiques, psychologiques, génétiques ou sociales. Il peut être classé dans trois grandes catégories : 1. Affections psychotiques : la psychose se caractérise par une perte du sens de la réalité, par la présence d'idées délirantes (Cf. sémiologie) accompagnées souvent de troubles de la perception (hallucinations auditives, gustatives, visuelles, olfactives ou cénesthésiques) et d'une anosognosie (le patient n'a pas conscience de ses troubles, ne se reconnaît pas être malade). Exemple : schizophrénies - bouffées délirantes. Les affections psychotiques se composent de deux grands groupes : psychoses aiguës et psychoses chroniques qui peuvent s'accompagner ou non de détérioration intellectuelle. 2. Affections névrotiques ou anxieuses : ces affections ne s'accompagnent pas d'une perte du sens de la réalité ni d'anosognosie. On retrouve la présence de manifestations exprimant une anxiété et des conflits intrapsychiques. Exemple : - troubles obsessifs-compulsifs. - troubles phobiques. 3. Affections organiques : il s'agit de troubles associés à des atteintes des fonctions cognitives et des troubles somatiques. Exemple : démences.

25

C. Modèle explicatif de la maladie mentale : la notion de maladie mentale a évolué vers celle de santé mentale et on ne se contente plus, aujourd'hui, d'absence de maladie. On ne tolère plus l'insomnie, la détresse et l'angoisse qui deviennent ainsi de moins en moins supportables et de plus en plus l'objet de demande de soins. Trois modèles explicatifs permettent de débattre des problèmes épis-témologiques. 1. Le modèle biomédical : c'est le modèle dominant en médecine, prenant la biologie moléculaire comme science fondamentale. Ses caractères principaux sont : son adaptation à la vérification scientifique et sa prétention à représenter un modèle étiopathogé-nique. Ce modèle, prévalant dans les sociétés industrielles contemporaines, privilégie le langage de la physique et de la chimie. Les psychiatres, qui adhèrent à ce modèle, se divisent en : * réductionnistes qui limitent les maladies mentales à des altérations neurochimiques à la base du vécu et du comportement du malade. L'étude des neurotransmetteurs permet d'arriver à des modèles explicatifs des psychoses. La psycho-pharmacologie est à la base de leur traitement. Ce sont, là les deux objets essentiels de la psycho-psychiatrie-biologique. * exclusionnistes qui, tenants des idées de Thomas Szasz, vont plus loin, puisqu'ils nient la notion de maladie mentale. Les troubles dont il est question sont attribués soit aux affections neurologiques, soit aux problèmes existentiels qui ne sont donc pas du ressort de la médecine. Pour eux, la maladie mentale est un mythe et la psychiatrie n'a pas sa raison d'être. Ces modèles nient la composante psychologique de l'être humain qu'ils réduisent à une mécanique isolée. 2. Le modèle psychanalytique : il attribue à l'inconscient un rôle pathogène dominant ; il a, jusqu'à ces dernières années, dominé la psychiatrie nord-américaine. C'est un modèle explicatif psychogénétique de la maladie mentale très séduisant, mais très mal adapté à la vérification scientifique. Freud et ses disciples, en particulier Karl Abraham, ont développé une correspondance entre les différentes affections et les différents stades du développement psycho-affectif. * Schématiquement, les troubles, issus des 6 premiers mois de la vie au cours de laquelle se développe le stade oral, sont correlés à l'autisme préverbal et les schizophrénies. * La deuxième partie du stade oral introduit des fantasmes canni-baliques de l'enfant qui mord et dévore l'objet extérieur, elle est correlée à des fantasmes d'omnipotence et de soumission, et prédisposerait à la manie et à la mélancolie. * Le stade anal se caractérise par une érotisation de l'expulsion des produits fécaux symbolisant l'ambivalence (amour et haine), noyau de la psychose paranoïaque. * La deuxième partie de ce stade est, elle, caractérisée par un sentiment de dégoût et de maîtrise de l'objet propre à la névrose obsessionnelle. * A la phase œdipienne et à l'angoisse de castration qui lui est contemporaine, correspondrait le conflit œdipien qui serait à la base de l'organisation des névroses phobiques et hystériques. Cette présentation caricaturale doit être modulée, elle est aujourd'hui dépassée. Ce modèle, malgré les différentes adaptations, reste préconçu sans aucune possibilité de vérification scientifique ; il faut se souvenir qu'à l'époque où ce modèle a été proposé, les autres modèles, qui postulaient une causalité méca-niciste ou organique, n'étaient pas moins spéculatifs. Il reste, par ailleurs, le seul modèle capable de donner un sens aux symptômes et de traquer les coins les plus obscurs de la pensée humaine. Les

26

motivations inconscientes du comportement humain normal ou pathologique demeurent, aujourd'hui encore, indispensables à la compréhension de la psychologie humaine. 3. Le modèle bio-psycho-social : c'est le modèle le plus utilisé par la psychiatrie contemporaine. Ce modèle, considéré comme fondamental, intègre les 3 composantes de l'être humain : biologique, psychologique et sociale. Il ne suppose aucune causalité linéaire ou uni-dimensionnelle. Même si un désordre biochimique est identifié comme ayant provoqué des troubles schizophréniques, la maladie s'exprime cliniquement et la biochimie ne peut expliquer tous les aspects de la maladie. Même si elle est une condition nécessaire, elle ne peut être suffisante, ni pour rendre compte des aspects cliniques évolutifs de la maladie ni pour expliquer le pourquoi d'une décompensation à un moment précis de l'histoire du patient. Toutes les maladies peuvent se manifester sur le plan comportemental, mais une composante psychologique (vécu du malade) et sociale (interaction avec milieu famille, profession, etc.) est toujours présente et nous savons que les expériences existentielles précoces peuvent affecter la forme et l'évolution des maladies mentales. Le modèle bio-psycho-social peut s'appliquer à toute la médecine. II. LA PSYCHIATRIE EST-ELLE UNE SPECIALITE SANS AVENIR ? C'est l'une des plus récentes des spécialités médicales puisqu'elle s'est autonomisée il y a moins d'une trentaine d'années : la première promotion de psychiatres algériens date de 1971 à Alger ; elle doit beaucoup à l'acharnement du premier professeur de psychiatrie, le Professeur Khaled Benmiloud. C'est à cette date qu'elle s'autonomi-se de la neurologie et que commence son développement : A. Grâce à l'essor de la psychopharmacologie qui avait débuté en 52, puis des neuro-sciences qui mettent, jour après jour, en évidence :  les principales substances neuro-médiatrices nécessaires à la transmission chimique de l'influx nerveux et celles qui sont impliquées dans la pathogénèse et le traitement des maladies mr" taies.  L'étude de plus en plus fine des synapses qui constituent le contact spécialisé où se produisent les échanges des messages nerveux entre 2 neurones, permettra de mieux cerner le fonctionnement neuronal de la transmission de l'information et de la psychophysiologie des maladies mentales. Les recherches génétiques en cours dans la plupart des pays développés vont permettre, dans les années à venir, de préciser la pertinence de certains syndromes (maniaco-dépressifs) ou, au contraire, de scinder les vastes ensembles nosographiques actuels (les schizophrénies par exemple). Elles vont permettre également la recherche d'indices pouvant aider à caractériser des sous-groupes génétiquement déterminés (variations plaquettaires des monoamineoxydases, variation métabolique de la sérotonine dans le LCR...).  Enfin, elles ouvrent la voie aux travaux permettant de formuler des systèmes de modélisation plus pertinents prenant en compte la complexité génétique, l'environnement et les facteurs culturels dans l'apparition et la transmission des troubles mentaux. Qui aurait pu imaginer, il y a à peine dix ans, les manipulations génétiques, les greffes de neurone, l'imagerie cérébrale donnée par la caméra à positron et la résonance magnétique nucléaire qui permettent l'exploration métabolique et morphologique du cerveau in vivo sans aucun risque ? Ces approches nous permettront de comprendre et de participer à de fantastiques découvertes qui révolutionneront les données biologiques et génétiques de certaines affections psychiatriques, les neurotransmetteurs en cause, les récepteurs et les moyens d'améliorer les perturbations en cause. Cet essor doit également beaucoup au développement des thérapies psychologiques. B. Parallèlement nous assistons à une extension fabuleuse des psychothérapies grâce au développement continu de la santé mentale et de la recherche d'un meilleur confort psychologique :  Epanouissement psychologique et pas simplement physique. Elargissement de notre connaissance intérieure et de nos attitudes émotionnelles,  Réconciliations avec le corps mais aussi avec nos désirs plus ou moins conscients...

27

Après l'extension de la psychanalyse qui a bouleversé notre compréhension intime des comportements humains, nous assistons à un foisonnement des psychothérapies. On en dénombre plus de 300 types et le problème se pose d'en déterminer l'intérêt, l'efficacité et les indications. Ces recherches permettront de préciser ce qui permet de guérir en psycho-thérapie, de comparer les différentes prises en charge psychologiques modernes, mais également traditionnelles, encore vivaces chez une multitude d'ethnies de par le monde (en Afrique, en Orient...). La compréhension psychologique des comportements humains normaux et pathologiques depuis la naissance (rapport nourrisson- mère) jusqu'au crépuscule de la vie, constitue des défis passionnants : la relation infraverbale -rôle de la relation dans la guérison, l'effet placebo, thérapies traditionnelles, rôle de la famille dans les prises en charge, les médecines douces... Elles contribueront à clarifier l'épineux problème de la psychogénèse des troubles mentaux et à déterminer le type d'aide psychologique à mettre en œuvre pour en diminuer l'impact et la souffrance. Toutes ces recherches ont modifié radicalement la prise en charge institutionnelle. Les hôpitaux psychiatriques ne sont plus ce qu'ils étaient il y a quelques décennies, même s'ils continuent à être considérés par l'opinion publique comme des prisons où le traitement est administré contre l'avis du patient. Paradoxalement les mots contrainte, agressivité, danger, fermeture, isolement, sont encore intimement liés à l'hôpital psychiatrique. III. TROIS NOTIONS SONT NECESSAIRES A LA COMPREHENSION DE LA SITUATION DES HOPITAUX PSYCHIATRIQUES a) La nécessité de l'hôpital ; b) Sa nécessaire évolution ; c) L'aspect coercitif de certaines hospitalisations. A. Le paradoxe c'est qu'alors même qu'on attaque les hôpitaux, on ne cesse d'écrire dans la presse et de dire que les malades sont dans la rue. On a même pu dire que le plus grand hôpital psychiatrique du pays reste la rue. A leur création, tous les hôpitaux généraux et psychiatriques avaient un rôle social qui s'ajoutait à la technicité des soins. Les progrès de la médecine, déterminants au 20 e siècle, ont permis aux hôpitaux généraux de se débarrasser progressivement de l'assistance, prise en charge par les différents services sociaux. Ces progrès ont permis une hiérarchisation des soins en fonction de la technicité des services (Service de pointe, de rééducation, de chronique ou de soins palliatifs, etc.) En psychiatrie, la dimension d'assistance reste intégrée aux soins, à la nature même des maladies mentales les plus graves et du handicap qu'elles entraînent. A cette intrication soins-assistance, il faut ajouter la marginalisation des malades qui ne travaillent pas dans leur majorité, la difficulté des farnilles confinées dans des logements exigus, les exigences de la vie urbaine... L'hôpital est le lieu de prise en charge médicale et le seul recours contre la désocialisation et le vagabondage. L'hôpital psychiatrique joue un rôle de contenant reconstructif, il est souvent nécessaire de garder suffisamment longtemps un patient afin qu'il puisse tisser une trame relationnelle qui lui permetra de reprendre le chemin de sa propre vie. Il faut également apporter un confort matériel et un soutien relationnel lorsque la famille est absente ou dépassée par la chronicité ou la gravité des troubles. Sortir un malade alors que les conditions extérieures ne sont pas réunies est un "externement" vécu comme abandon, renvoyant le malade à la rue. Il y a certainement des malades qui se sentent moins seuls à l'hôpital que dans les rues ou parmi des personnes intolérantes. Certains hôpitaux, construits trop loin des régions à desservir ou ayant hérité de patients hospitalisés trop longtemps (ayant perdu le contact familial), ont des difficultés à sortir de leur dimension d'assistance, gérant ainsi, le fantasme maléfique de la folie, chronicité, handicap, pauvreté et abandon.

28

B. La chronicisation des malades mentaux par l'asile a été le credo du mouvement antipsychiatriqûe qui prônait la destruction de l'hôpital comme préalable incontournable. Ce mouvement, né dans les années 60, a été théorisé par R.D. Laing et Cooper (5). La nature passionnelle de ce débat a existé partout (même dans les pays riches où le confort hospitalier et la liberté des malades sont indéniables), tant le mythe de la folie et celui de sa citadelle sont intimement liés. Mais détruire les lieux de la folie ne détruira pas pour autant la folie et on aura plus de malades dans les rues et dans les prisons. Il nous faut donc utiliser l'hôpital en détruisant l'esprit de l'asile, le transformer en communauté soignante en évitant qu'il ne devienne un lieu d'exclusion ou de vie définitive. Pour éviter d'ajouter à la chronicisation iatrogène due à l'hôpital, la chronicité de certaines maladies mentales, certains pays ont mis en place une politique de désinstitutionnalisation (U.S.A. - Canada - Belgique - Italie...). C'est une véritable adaptation des milieux de soins aux moments évolutifs de la maladie. L'hôpital et les lits hospitaliers ne sont plus les seuls lieux de soins et il faut éviter de focaliser les enjeux sur le nombre de lits hospitaliers, alors que nous savons qu'il faut ramener les soins au sein de la communauté sociale, d'où création, à côté de l'hôpital à temps plein, d'unité d'urgence à l'Hôpital Général, d'hôpitaux de jour, de services dans les hôpitaux généraux, de service de crise, d'appartements thérapeutiques, de consultations nombreuses et proches du secteur d'habitation des patients, d'ateliers protégés, de centres d'accueil, etc. Cette multiplication des lieux de soins doit éviter la fétichisation des moyens - un appartement n'est pas thérapeutique en soi, disposer d'une chambre chez des parents est aussi bien lorsque ces derniers en disposent et que leur relation avec leur enfant malade n'est pas conflictuelle ou pathologique. L'évolution de l'hôpital psychiatrique se fait jour partout, mais elle nécessite des moyens financiers et humains importants. Elle n'est pas complète dans les pays en voie de développement, faute de moyens. Mais, même dans ces pays, nous constatons que la moyenne de séjour à l'hôpital dépasse rarement les trois mois. Le développement extrahospitalier est une priorité, le soutien aux familles pour qu'elles continuent à investir les soins et la prise en charge de leur patient est souhaité par tous les soignants, la recherche d'une solution au patient sans soutien familial une préoccupation permanente. L'ouverture de l'hôpital vers l'extérieur est partout une réalité. Le conflit intra / extra-hospitalier est un luxe dont il faut se passer d'autant qu'il n'a aucune raison d'être. Il n'y a pas d'un côté l'hôpital hiérarchisé coercitif, dispensateur de traitement biologique, de l'autre un extra-hospitalier ouvert, libre, "déshiérarchisé", favorisant un traitement socio-psychothérapique. Dans une politique de secteur (6) cohérente ce sont les mêmes équipes, ayant la même conception biopsycho-sociale de la maladie, qui prennent en charge, à des moments évolutifs différents, les mêmes malades. C. L'aspect coercitif de certains services n'est pas une survivance de la psychiatrie classique, mais une spécificité de la maladie mentale qui peut, parfois, faire perdre au patient sa capacité de discernement, sa capacité d'apprécier pendant un moment le caractère dangereux ou illicite de son comportement. Il arrive, en effet, qu'un patient confus ou délirant tente de s'agresser (suicide) ou d'agresser autrui (coups et blessures) sans être conscient de ses actes. Si l'irresponsabilité du patient sous l'emprise de la maladie est de règle, la responsabilité de l'observateur et du médecin reste totale. Ces derniers doivent tout mettre en œuvre pour éviter les passages à l'acte, le temps que le traitement institué fasse son effet et rétablisse la conscience et la responsabilité du comportement. C'est ainsi que l'aspect coercitif, avant le passage à l'acte, pour l'éviter ou après, pour éviter une récidive (acte médico-légal, hospitalisation après expertise décidée par le juge) est parfois nécessaire pendant quelques heures à quelques jours (Cf.Psychiatrie médico-légale). La loi de santé mentale permet d'éviter les abus, les privations de liberté inutiles ou prolongées, en instituant des contrôles administratifs ou judiciaires. (5) R.D. LAING : Psychiatre psychanalyste anglais phénoménologiste - " Le regard psychiatrique, disait-il, est un regard aliéné". A partir de 1970, ses travaux ont porté sur les aspects de la biopolitique, le pouvoir qui s'exerce sur l'être humain de sa naissance à la mort.- "Le Moi divisé"-«De la santé mentale à la folie», 1960, «Soi et les autres», 1969 (6) Politique de secteur : l'important retentissement social des maladies mentales a nécessité une mise en place par les pouvoirs publics, d'une politique nationale de santé mentale : la détermination de secteur géographique. Chaque secteur géographique devait être pris en charge par une même équipe de soignants (médecin-psychologue-assistante sociale-infirmier-éducateur) sans discrimination d'âge, de diagnostic, de niveau social ou de lieu de soins.

29

IV. ON ENTEND SOUVENT DIRE QUE LES PSYCHIATRES NE S'ENTENDENT PAS ENTRE EUX, QU'IL Y A AUTANT DE PSYCHIATRES QUE DE THEORIES PSYCHIATRIQUES A. La maladie mentale étant multifactorielle, on comprend pourquoi on peut développer une conception biologique de la maladie ne prenant en compte que les désordres biologiques s'inspirant d'un modèle médical classique. La maladie renvoie alors à un dysfonctionnement, un désordre biochimique qu'il faut diagnostiquer et "réparer". B. D'autres cliniciens valoriseront l'approche psychologique et ne s'intéresseront qu'à la psychopathologie des conflits conscients/inconscients, voire entre instances inconscientes et ne tiendront compte que du contenu fantasmatique qu'ils considèrent comme à l'origine des troubles psychiques. C. D'autres, enfin, vont se fixer sur l'aspect sociologique des maladies et tenter d'en démontrer l'origine sociale. Les maladies auraient un déterminisme social et politique puisque c'est la politique qui influence le social et que ce sont ces derniers facteurs qui organisent notre environnement, déterminent la formation de notre profil psychologique, nos croyances et notre rôle social. Cette sociogénèse des troubles amène à demander une modification sociale et non des soins psychiatriques pour mettre fin aux désordres psychologiques. Cette théorie confond souffrance et maladie, si la maladie est une souffrance, toutes les souffrances ne sont pas maladies. D. On peut ajouter, pour mémoire, à ces conceptions de la maladie mentale, la conception magique qui a cours chez de nombreux patients et qui reste primordiale pour les thérapeutes traditionnels pour qui le désordre de l'esprit n'est que la manifestation d'un désordre caché, beaucoup plus important pour l'être humain : désordre sacré, supranaturel, cosmique, démoniaque... Les prises en charge proposées sont alors d'ordre magique. Ces thérapies permettent de comprendre les représentations sociales et culturelles permettant la conceptualisation des troubles psychiques Ces conceptions, dont nous avons exposé schématiquement les aspects, sont toutes enrichissantes, mais elles deviennent négatives et nuisibles lorsqu'elles sont totalitaires, refusant chacune l'existence de l'autre. Réduire l'être humain à l'une de ses composantes, c'est en avoir une image incomplète. Passer son temps à justifier sa thèse avec agressivité et acharnement ne sert nullement la psychiatrie ni le malade. Ces conceptions doivent se compléter, s'enrichir et non se combattre. Ce combat ne sert en général qu'à la quiétude intellectuelle de ceux qui s'y réduisent ; il constitue une défense contre l'angoisse suscitée par la maladie mentale et la prise en charge des patients. Il faut comprendre que ces combats servent à neutraliser l'angoisse soulevée par la maladie mentale et permettent de prendre une distance émotionnelle, d'éviter le contact avec la réalité de la maladie et de se consacrer à l'attitude doctrinale rigide et conflictuelle. S'il est nécessaire, parfois, pour le chercheur d'isoler un paramètre, une conception, une cause, un effet intéressant d'une maladie mentale, afin de l'étudier dans tous ses aspects ; il faut que le praticien garde, lui, une pensée integrative faisant appel à de multiples théories et de concepts lui permettant de maintenir un esprit de recherche. Les progrès dans différents domaines ont nécessité une révision des classifications des maladies mentales et une modification de la nosographie pour préparer de nouvelles catégorisations et ainsi disposer de sousgroupes plus homogènes facilitant la recherche (phénotype et génotype). V. CHACUN DE NOUS EST UN ETRE ORIGINAL Confronté à un destin unique. Pourquoi la psychiatrie tente-t-elle de nous enfermer dans des cases et des classifications qui ont, de surcroît, la prétention à l'universalité ? Ces classifications sont multiples et différentes, certaines sont nationales, d'autres internationales, elles sont continuellement modifiées. Comment croire à leur fiabilité ? Certains se demandent même pourquoi classer les catégories pathologiques : chacun de nous est pris dans un réseau complexe d'interactions incontournables qui déterminent en grande partie son orientation psychologique. Quel intérêt y a-t-il à réduire l'être humain à une catégorie pathologique qui n'a aucun but ? Ce qui est important c'est de pouvoir diminuer la souffrance lorsqu'elle se manifeste !

30

Ce que nous classons, ce ne sont ni les êtres humains ni leur souffrance, mais les maladies. La classification des troubles est nécessaire à leur diagnostic, à leur traitement et à la recherche médicale ; sans elle, rien ne peut être possible : - ni communications entre les différents médecins issus de différents pays, au moment où les échanges internationaux d'une densité extraordinaire sont nécessaires, - ni le choix d'une stratégie thérapeutique adaptée à l'affection et conforme aux données scientifiques actuelles, - ni un pronostic permettant une prédiction évolutive de la maladie, - ni recherche, car celle-ci nécessite des travaux sur des affections constituant des échantillons aussi homogènes que possible. Ces dernières années les classifications ont connu des remaniements importants afin de pallier la mauvaise fidélité et le manque de fiabilité des systèmes classiques : - les critères étiopathogéniques ou étiologiques hypothétiques ont été écartés au profit de critères descriptifs et pragmatiques, - la validité (discriminante et prédictive) ainsi que la fidélité interjuge (diagnostic formulé par différents cliniciens pour le même malade) ont été améliorées grâce à l'introduction d'indications précises sur la signification des termes employés, - le recours à des critères quantitatifs et opérationnels, utilisation pour chaque catégorie diagnostique des critères d'inclusion et d'exclusion spécifiques, chaque critère ayant une haute fidélité interjuge. Les deux classifications les plus utilisées actuellement sont le D.S.M. et la C.I.M. A. CLASSIFICATION INTERNATIONALE DES MALADIES MENTALES (C.I.M.) : Classification Internationale des Maladies préparée et promulguée par l'Organisation Mondiale de la Santé. Son emploi a été recommandé aux États membres le 1er janvier 1979 ; pour la 10e révision de la C.I.M. la version française a été proposée en 1993. La dixième révision représente un profond remaniement, aboutissement d'un travail considérable. Dans la CIM, c'est la lettre F qui est réservée aux troubles mentaux qui sont décrits sous 100 catégories différentes. La CIM se présente sous 4 versions parfaitement compatibles: 1" version : Version multifactorielle destinée aux tâches administratives de secrétariat et d'archivage. Cette version est accompagnée d'un glossaire pour préciser le sens des termes. 2e version : "Critères diagnostiques destinés à la recherche", comporte, pour chaque trouble, des critères d'inclusion et d'exclusion rigoureux afin de permettre le travail des différentes équipes de recherche. 3 e version : Elle permet l'enregistrement sur plusieurs axes. Chaque axe permet de porter des informations ayant valeur thérapeutique et pronostique, permettant d'évaluer le handicap social. 4e version : «Description clinique et directive pour le diagnostic» destinée à la clinique et à l'enseignement ; elle comporte des descriptions caractéristiques pour chaque trouble et des commentaires concernant le diagnostic positif et différentiel. B. MANUEL DIAGNOSTIQUE ET STATISTIQUE DES TROUBLES MENTAUX (DSM IV) : La 3e édition publiée par l'Association Américaine de Psychiatrie en 1980 a profondément modifié les critères diagnostiques et a vite connu un succès international sans précédent dans l'histoire des classifications, puis a influencé la CIM et toute la nosogra-phie dans le monde. Résultat d'un travail considérable impliquant de nombreux experts, utilisant des techniques de diagnostic originales et l'emploi de critères quantitatifs, etc., il a été suivi d'une révision en 1987 puis de la 4e version DSM IV 1994 version française 1996. Les psychiatres américains souhaitaient, une classification permettant de prendre des décisions thérapeutiques et d'arriver à une fiabilité diagnostique quelle que soit l'orientation théorique du psychiatre. Une classification "théorique en ce qui concerne l'étiolo-gie et la physiopathologie, sauf pour les troubles pour lesquels celles-ci

31

sont clairement établies". C'est une classification syndro-mique et descriptive présentant 2 éléments fondamentaux : 1. Classification multiaxiale. 2. Définition des catégories par système dit des "critères". 1) Le système multiaxial permet, pour chaque individu, l'enregistrement sur cinq axes, des informations ayant une valeur potentielle pour l'établissement d'un diagnostic et d'un pronostic. L'axe I : Identifie le trouble mental. L'axe II : Précise la personnalité ou le trouble spécifique du développement. L'axe III : Permet de noter les troubles somatiques associés. L'axe IV : Permet de noter la sévérité des facteurs de stress psychosociaux contribuant au déclenchement ou à l'aggravation des troubles. L'axe V : Permet le jugement sur le niveau d'adaptation et de fonctionnement le plus élevé de l'individu dans l'année écoulée. 2) Le système des critères : Les critères diagnostiques spécifiques d'inclusion ou d'exclusion sont ordonnés sous forme d'algorithme pour guider chaque diagnostic. Leur présence étant parfois indispensable (critères monothétiques), d'autres fois ils doivent être présents en nombre suffisant au sein d'une liste de manifestations possibles (poly-thétiques). Le terme de névrose disparaît de la classification et la schizophrénie est définie d'une façon plus stricte. Tous les troubles liés à l'utilisation de substances toxiques ont été regroupés dans une même rubrique. Les classifications psychiatriques ont subi de profondes modifications pour être valides et fiables, mais elles ne peuvent être considérées comme définitives ou absolues et ne représentent, à chaque révision, que la situation de nos connaissances actuelles ; elles ne reposent que sur un jugement clinique. Elles doivent donc impérativement être révisées à des intervalles plus ou moins rapprochés. Aucun système n'étant universellement accepté, même si les 2 classifications sont les plus utilisées dans le monde, certains auteurs font appel à un système (système Licet) permettant un polydiagnostic. Ce système permet l'utilisation simultanée de plusieurs systèmes de classification distincts (nationaux et internationaux). VI. EST-CE QU'ON GUERIT EN PSYCHIATRIE ? C'est une question souvent posée par les étudiants qui ont une idée négative des soins en psychiatrie et qui confondent deux notions : l'acte médical et la guérison. L'acte médical ne se réduit pas à la gué-rison. * L'acte médical est une relation contractuelle permettant au demandeur d'être examiné, informé puis de recevoir un conseil, un avis, un traitement salvateur dans certains cas (dépression) ou un traitement améliorant l'impact du trouble chronique (schizophrénie). Accompagner vers la mort des patients atteints d'affections graves mortelles n'ayant pas de traitement spécifique (démence), constitue également un acte médical. * Guérir est une notion complexe supposant l'existence d'un désordre qu'il faut réparer. C'est également le rétablissement d'une liberté fonctionnelle, rétablir la paix entre les parties de l'ordre naturel ou physiologique ou rétablir les alliances car les troubles psychiques ne sont pas simplement des ruptures des mécanismes de régulations biologiques, mais également psychologiques et sociaux. Les désordres comportementaux n'ont pas toujours valeur de signes pathologiques, mais peuvent avoir le sens d'une recherche de communication pour exprimer un malaise individuel et social. La guérison peut donc s'entendre au niveau familial, social, professionnel et existentiel. Pas plus que les autres spécialités médicales, la psychiatrie ne peut tout guérir. Elle n'est pas toute-puissante (faire des miracles) ni totalement inutile (utilisée comme un exutoire auquel on adresse les patients récalcitrants aux soins spécialisés). Elle contribue à améliorer, guérir, accompagner les patients présentant des affections chroniques. Ce qui peut différencier la psychiatrie des autres spécialités dans ce domaine, c'est qu'elle garde très longtemps vivants ses échecs thérapeutiques, alors que la plupart des spécialités médicales voient leurs maladies graves finir par emporter leurs patients rapidement. Ce sont les échecs vivants, constitués

32

par les psychoses chroniques, qui contribuent à transmettre l'idée de l'inefficacité thérapeutique de la psychiatrie. VII.LES MALADIES MENTALES EXISTENT-ELLES PARTOUT, DANS TOUTES LES CULTURES ? Elles le sont dans toutes les sociétés, passées et présentes. Certains auteurs remarquent qu'en Afrique, la culpabilité est moins exprimée qu'en Europe ou au Japon, que la persécution et le préjudice sont fréquemment retrouvés, que la souffrance y est moins intériorisée et que les suicides y sont moins fréquents. l)ans l'expression de l'angoisse, l'influence culturelle est importante troubles anxieux - névroses) ; c'est que l'homme est toujours pris dans un réseau d'interactions psychologiques (dépendant de sa cultur;) qui va déterminer en partie son orientation psychologique. Si l'expression des maladies mentales ainsi que leur évolution peuvent se rrodifier d'une culture à l'autre, leur aspect essentiel reste remarquabement homogène. Au -delà de la culture et de son impication dans l'expression de la souffrance, la psychiatrie elle-même va également évoluer en fonction des données institutionnelles et sociales. Elle est, dans les sociétés contemporaines, sollicitée pour donner un conseil, un avis, une stratégie rationnelle aux problèmes i'éducation, aux problèmes de couple, de relations familiales et proessionnelles. Elle est consultée par le législateur pour décider de la girde des enfants après un divorce, pour juger un délinquant ou un criminel après l'acte délictueux, fille donne son avis sur les moyens dt prévention de la toxicomanie et du sida comme sur les problèmes d'urbanisme et de la santé mentale dans une communauté... C'est aiisi que le psychiatre a été progressivement hissé à un statut de ténoin de son époque, soulevant, tour à tour, admiration et agressivité, fascination et désir d'exclusion. A l'aube du 3e millénaire, vers quoi ce statut pourrait-il évoluer ? Il est probable que les prochaines décennies seront celles de la psychiatrie biologique. Le développement de; neuro-sciences est constant et spectaculaire, il amènera doucement mais sûrement, les psychiatres vers une spécialisation de plus en plu¡ complexe : psychopharmaco-neuro-endocrinologie. Ceux-ci seront peut-être, alors, contraints de déléguer à d'autres soignants (psychologues - psycho-pédagogues -intervenants sociaux), les aspects psyciologiques et sociaux des maladies mentales

BIBLIOGRAPHIE 1. PULL C.B. - Classification psychiatrique - Précis de Psychiatrie Clinique de l'Adulte - P. Deniker - Th. Lemperière - J. Guyotat -MassonEd. 1990. 2. C.I.M.10 - Classification Inter/nationale des Troubles Mentaux et des Troubles du Comportement -\ Organisation Mondiale de la Santé -Traduction de l'anglais coordonnée par C.B. Pull Masson, 1993. 3. D.S.M. IV Mini DSM IV Critères diagnostiques, traduction française par J.D. Guelfi et Al. Masson, Paris 1996, 334 pages.

33

LES PSYCHOSES AIGUËS Elles regroupent deux entités cliniques propres à l'école française, les bouffées délirantes et les confusions mentales. Ce sont des états aigus suffisamment différenciés, en général de bon pronostic, posant le problème des causes pouvant intervenir dans leur installation aussi rapide que soudaine. Leur description a commencé il y a plus d'un siècle avec Magnan, Lcgrain puis Chaslin, Régis... leur persistance suppose un intérêt clinique et thérapeutique indéniable. Ces deux entités sont décrites sous des rubriques différentes dans les classifications internationales. a) Les bouffées délirantes : CIM 10 : F23. Troubles psychotiques aigus transitoires DSM IV : 298.8 Trouble psychotique bref 295.40 Trouble schizophréniforme b) Les états confusionnels : CIM 10: F05.x délirium DSM IV : 293.0 délirium dû à .... I - LES BOUFFÉES DÉLIRANTES A. GENERALITES Elles sont caractérisées par un tableau délirant à thèmes et à mécanismes variés, constitué rapidement et associé à des troubles de l'humeur et du comportement. Ce tableau est fréquemment rencontré dans notre pays où il touche l'adulte jeune des deux sexes. Il constitue une urgence psychiatrique, mais l'hospitalisation peut, parfois, être évitée à la demande des familles grâce aux traitements neuroleptiques salvateurs. L'intérêt de la question reste dominé par le pronostic car près du tiers des patients évolue vers la schizophrénie. B. CLINIQUE a) Début : Le début est brutal "c'est un coup de tonnerre dans un ciel serein", mais on retrouve souvent des troubles passés inaperçus : une insomnie, des troubles du caractère ou un comportement inhabituel. Parfois, la famille décrit un traumatisme qui semble en relation directe avec le déclenchement des troubles (deuil - abandon - conflit affectif ou professionnel - transplantation). b) La phase délirante se constitue d'emblée : les thèmes polymorphes se succèdent : persécution - influence - empoisonnement - possession - grandeur - mystique - jalousie. Ces thèmes sont mal systématisés et leur intrication se fait dans le désordre. Les mécanismes délirants sont multiples : intuitifs, imaginatifs, interprétatifs, mais également hallucinatoires (acoustico-verbaux) cénesthésiques, rarement visuels et olfactifs. Ce sont souvent des voix donnant des ordres, des conseils, mais le patient est bouleversé par l'expérience vécue ; il passe de la turbulence à l'agitation, au désir de fuir, à la sidération ou la prostration. L'automatisme mental est toujours présent, il consiste en une mécanisation de la pensée : la pensée perd son caractère intime, les idées sont imposées, volées, devancées. Les hallucinations psychiques vont aggraver le syndrome de dépersonnalisation - déréalisation. • La participation thymique est importante : exaltation au moment des expériences mystiques, une tristesse lors des idées de persécution et de préjudice.

34

• L'angoisse est intense, le patient adhère à son délire et il faut garder à l'esprit la possibilité de raptus anxieux ou d'actes médico-légaux auto et hétéro-agressifs. • La conscience peut être conservée ; parfois on retrouve une certaine obnubilation ou état crépusculaire ; il n'y a pas de troubles de l'orientation temporo-spatiale, la vigilance est maintenue même s'il y a dispersion de l'attention et perception fluctuante du monde extérieur. c) formes cliniques Selon la prédominance symptomatique on peut rencontrer des formes aiguës présentant : - une richesse imaginative infiltrée de fabulation et de récits fantastiques, - une tendance interprétative avec des idées de préjudice ou de jalousie. d) évolution Le délire peut s'amender rapidement comme il s'est installé en quelques heures à quelques semaines (4 à 6 semaines). Il laisse toujours derrière lui un sentiment dépressif et une grande blessure narcissique. Certains auteurs (Pichot...) estiment à 40 % les rémissions complètes après le 1er accès, à 40 % les formes récidivantes et à 20 % les évolutions vers une schizophrénie qui rend difficile le pronostic lointain. L'évolution vers la schizophrénie peut se faire d'un seul tenant ou après rechute de plusieurs bouffées délirantes. C. LES SIGNES SOMATIQUES ET BIOLOGIQUES L'insomnie est fréquente, l'agitation, la turbulence anxieuse et l'anorexie peuvent être à l'origine d'une déshydratation surtout si l'agitation a longtemps évolué sans traitement. On peut retrouver une légère fièvre qui justifie les examens complémentaires systématiques (urée sanguine FNS - glycémie - ionogram-me - électroencéphalogramme). D. DIAGNOSTIC 1) Positif: Il repose sur la notion de début brutal, sur l'aspect du délire polymorphe et variable d'un moment à l'autre, sur les troubles thymiques et comportementaux. 2) Différentiel : a) Les états maniaques ou mélancoliques peuvent être éliminés sur la permanence de la thymie dépressive ou expansive et sur le caractère du délire dont les thèmes et les mécanismes sont plus stables. b) La confusion mentale comporte une désorientation temporelle et spatiale et des signes somatiques toujours présents. c) Epilepsie temporale : crise uncinée avec état crépusculaire. L'accès est de courte durée et s'accompagne d'un état confusionnel. d) Délire chronique et schizophrénie lors des moments féconds : lorsque les antécédents psychiatriques sont méconnus, le diagnostic peut être difficile. 3) Diagnostic étiologique : Il repose sur l'interrogatoire de l'entourage familial : - Expérience délirante primaire survenant sans cause déclenchante, rencontrée le plus souvent chez des sujets ayant une personnalité pathologique ou présentant une débilité mentale ;

35

- Bouffée délirante secondaire à une prise de toxiques (haschisch, kif, mescaline, LSD, opium, cocaïne, amphétamines, etc.). Cela pose le problème des rôles respectifs du toxique et de la personnalité sousjacente ; - Bouffée délirante réactionnelle à un traumatisme soudain et violent chez certaines personnes prédisposées (deuil - incarcération - persécution, etc.). Cet événement peut être le moment inaugural d'une bouffée délirante comportant le plus souvent une importante participation affective. - Bouffée délirante de la puerpéralité ou psychose puerpérale : encore relativement fréquente chez nous, le taux de natalité reste l'un des plus importants au monde (le nombre de grossesses pour certaines femmes dépasse la quinzaine). Ces accidents psychotiques peuvent être précoces (survenant au cours des six premières semaines suivant l'accouchement) ou tardifs. Cependant, la plupart des psychoses puerpérales surviennent dans le post-partum précoce. L'agitation, l'activité délirante, la turbulence anxieuse, les réactions dépressives peuvent être à l'origine de réactions médico-légales (suicide ou infanticide). Les thèmes délirants peuvent concerner la relation mère-enfant (négation de l'accouchement ou de la grossesse, persécution de l'enfant, idées de culpabilité, etc.). Le pronostic des psychoses puerpérales est identique à celui des bouffées délirantes. D. PRONOSTIC Sont des pronostics favorables : les bouffées délirantes présentant : - un début brutal ; - des facteurs déclenchants importants ; - des troubles thymiques et anxieux dominant le tableau clinique ; - une absence d'antécédents psychiatriques personnels et familiaux. A l'inverse, sont considérés de mauvais pronostics, les éléments suivants : - début subaigu, présence d'une phase prodromique ou de troubles du comportement (tentative de suicide - bizarrerie) ; - absence d'événements déclenchants ; - angoisse et troubles thymiques peu exprimés ; - personnalité pathologique prémorbide (schizoïd -schizotypique) ; - antécédents familiaux de schizophrénie. Ces arguments sémiologiques ne sont pas infaillibles, seule la disparition totale des troubles en quelques semaines, est l'assurance d'un bon pronostic ; si après quelques semaines de traitement, l'épisode délirant fait place à un délire paranoïde avec discordance persistant pendant plusieurs mois (six mois), l'évolution est en faveur d'une schizophrénie. E. TRAITEMENT C'est une urgence psychiatrique nécessitant le plus souvent une hospitalisation de quelques semaines permettant le bilan (somatique et biologique), l'amorce d'un traitement neuroleptique par voie intramusculaire et la correction des déséquilibres électrolytiques éventuels. 1) Traitement neuroleptique à commencer par voie parentérale, puis passer à la voie orale après 3 à 4 jours. Soit Phénothiazine: Largactil amp. 50mg ou 25mg 2 à 3amp. IM/j. Soit Butyrophénone : Haldol amp. 5mg IM 2 à 3/j. Corriger l'insomnie par un neuroleptique sédatif type Nozinan 25 mg (50mg) le soir ou une benzodiazépine : Chlordiazépoxide 20mg le soir ou Diazépam lOmg à 20mg ou Chlorydrate ,dipotassique 50mg. Certains médecins préfèrent prescrire un /seul neuroleptique dont ils adaptent la posologie à révolution/de l'état du patient, d'autres associent d'emblée un neuroleptique sédatif à un neuroleptique incisif, exemple : Haldol-Nozinan ou Haldol-Melleril.

36

2) La sismotbérapie est exceptionnellement indiquée, elle est utile lorsqu'il y a résistance au traitement à doses suffisantes pendant au moins 2 semaines ou lorsqu'il y a danger de passage à l'acte auto ou hétéroagressif persistant et difficilement contrôlable. 3) Les psychothérapies : elles doivent être proposées le plus tôt possible pour permettre au patient d'obtenir des informations cohérentes de son environnement, pour tenter de résoudre les conflits éventuels, et ventiler les inquiétudes actuelles. Parfois, possibilité est offerte d'utiliser le matériel inconscient exprimé durant l'expérience délirante. Les idées délirantes ont, en effet, pu permettre d'exprimer un matériel symbolique d'une valeur psychologique certaine et nécessitant une prise en charge (interprétative ou recouvrante, explicative et rassurante). Il faut rapidement diminuer le traitement neuroleptique et l'arrêter tout en continuant à recevoir le patient pour s'assurer de l'absence de reprise délirante, anxieuse ou dépressive. Cette surveillance, qui doit être maintenue pendant au moins une année, permettra une meilleure adaptation aux réalités sociales, professionnelles ou familiales. II - LES ETATS CONFUSIONNELS A. GENERALITES Ces affections présentent en commun un syndrome confusionnel caractérisé par une triade sémiologique. 1 ) Troubles cognitifs : Obnubilation de la conscience - désorientation temporo-spatiale - diminution de la

vigilance - troubles de la mémoire. 2) Activité délirante : Délire onirique proche du rêve, variable au cours de la journée, riche en hallucinations visuelles. 3) Troubles somatiques : Altération de l'état général (fièvre - déshydratation - désordre électrolytique, etc.). Ce syndrome est souvent réversible ; d'évolution brève il a signification d'une réponse à n'importe quelle agression cérébrale. Son pronostic sera donc celui de l'affection causale dont il faut rapidement faire le diagnostic. L'école française (Delasiauve, Chaslin, H.EY) a beaucoup contribué à son individualisation et reste attachée à son originalité clinique. Les états confusionnels ne figurent pas dans les classifications anglo-américaines. Le DSM IV ainsi que la CIM 10 traitent dans le chapitre "troubles mentaux organiques", le délirium qui correspond à la description des états confusionnels. B. EPIDEMIOLOGIE Le syndrome confusionnel peut survenir dans toutes les affections fébriles. Il est fréquent chez les malades hospitalisés (10 % des malades hospitalisés, mais 20 % chez les grands brûlés et jusqu'à 30 % des patients en soins intensifs). C. CLINIQUE La phase d'état est précédée par une période de céphalées, de troubles du sommeil. L'attention devient difficile à soutenir puis apparition d'illusions ou d'interprétations. Cela peut se prolonger de quelques minutes à quelques heures. a) Présentation : Le confus paraît absent et maladroit, faciès hébété, parfois mutique. Son comportement peut être opposant, inerte, agité ou désordonné. La tenue vestimentaire est négligée, on peut voir des gestes stéréotypés, des automatismes professionnels et des raptus violents en rapport avec l'activité délirante.

37

b) Signes psychiques - La confusion est de gravité variable allant de l'obnubilation à la stupeur. La conscience est obscurcie, les synthèses mentales sont difficiles, voire impossibles. La chambre, les objets usuels, les visages familiers sont mal perçus. - La désorientation temporo-spatiale est constante : erreur de date, sur le jour de l'hospitalisation, le temps passé à l'hôpital. Le patient s'égare même à l'hôpital il ne retrouve plus son lit. - Les troubles de la mémoire sont importants avec difficultés de mémorisation des faits récents. Amnésie antéro et rétrograde. - Les perceptions sont floues et disparaissent rapidement. Le patient est perplexe et tente de retrouver un fil conducteur ; il cherche à s'actualiser, à se rappeler. La confusion est généralement plus importante le soir et dans l'obscurité. - L'onirisme peut être discret ou représenter l'élément essentiel du tableau clinique. Cet état est fait d'illusions et d'hallucinations surtout visuelles (zoopsies), mais parfois également auditives et céneshésiques (brûlures et douleurs intenses). Des idées délirantes apparaissent, elles sont mobiles : thèmes professionnels, thèmes de persécution par des animaux dangereux, scènes de carnage, de danger, thèmes mystiques, de grandeur. Ce délire est vécu et agi, le patient y adhère totalement et peut présenter des comportements de fuite, de défense ; il peut être fasciné par des visions fantastiques, kaléidoscopiques et riches en scènes d'activité professionnelle. Le sommeil est toujours perturbé. c) Les signes somatiques : L'état général est souvent altéré : déshydratation, fièvre, amaigrissement, malnutrition. Il faut : - pratiquer un examen neurologique à la recherche de signes en foyer ; rechercher une raideur méningée, des mouvements anormaux et des polynévrites des membres inférieurs ; - étudier la motricité oculaire, l'état de la pupille et le fond d'ceil ; - examiner l'état hépatique, respiratoire et cardio-vasculaire. D. BILAN BIOLOGIQUE L'examen biologique est indispensable pour confirmer le diagnostic et surveiller la thérapeutique. - Glycémie, urée, ionogramme, gaz du sang, ponction lombaire et, si nécessaire, recherche de toxique ; - pratiquer un EEG : à la recherche d'anomalies focalisées, d'altérations indicatrices de troubles métaboliques, d'épilepsie. Il peut avoir une importance dans l'orientation diagnostique. E. EVOLUTION L'amélioration est la règle sous traitement adapté : amélioration du sommeil et de l'état général, critique des troubles de la perception. Dans les formes graves, dans l'alcoolisme chronique par exemple, des idées fixes post-oniriques peuvent persister et l'évolution peut se prolonger pendant plusieurs mois. Chez les sujets âgés, les récupérations sont plus lentes et peuvent, lors des intoxications par exemple, laisser la place à un état démentiel. F. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE Les causes les plus fréquentes sont, dans notre pays, infectieuses et toxiques. Dans les pays industrialisés c'est l'alcoolisme qu'il faut placer en premier. 1. Maladies infectieuses : Causes les plus fréquentes dans notre pays. Les grandes infections fébriles : typhoïde, typhus, septicémie, endocardite, méningites purulentes ou tuberculeuses, encéphalites virales ou maladies virales: oreillons, grippe, hépatite épidémique, mononucléose infectieuse, brucellose..

38

2. Maladies toxiques : Tous les toxiques utilisés par les toxicomanes : barbituriques, Méprobamate, Benzodiazepine, kif (mais aussi LSD, Cocaïne, les solvants volatiles) lors du sevrage brutal ou lors des consommations excessives à fortes doses. 3. Les intoxications médicamenteuses : En particulier chez les personnes âgées. Les médicaments anticholinergiques (antidépresseurs imipraminiques, certains neuroleptiques et antiparkinso-niens), mais aussi les corticoïdes, les Hydantoïnes, l'Isoniazide, la Digitaline, la Cimétidine, la Colymicine. Il faut réduire ou substituer ces produits par d'autres produits mieux tolérés. 4. Intoxications professionnelles : -

Oxyde de carbone ; Plomb (encephalopathie saturnique) ; Insecticides organo-phosphorés ou organo-chlorés ; Mercure ; Chlorure de méthyl, etc.

5. Causes endocriniennes et métaboliques : - L'hypoglycémie ou l'acidocétose du diabétique ; - Encephalopathie par avitaminose ; - Insuffisance rénale et hépatique chez les insuffisants respiratoires souvent aggravée par les infections. - Les maladies endocriniennes : crises hyperthyroïdiennes, hypothyroï-die, insuffisance hypophysaire, insuffisance surrénale aiguë. 6. L'alcoolisme reste, dans les pays développés, la cause majeure des états confusionnels : soit lors des intoxications aiguës, ivresses avec état confusionnel transitoire, soit dans l'intoxication chronique. - Delirium tremens: délire alcoolique aigu lors d'un sevrage brutal (pendant le mois de carême (Ramadan), les alcooliques chroniques tentent un sevrage brutal); 48 h après le sevrage, apparition de sueurs, cauchemars, tremblements généralisés et onirisme spectaculaire. - Le délire onirique subaigu : est moins grave. La confusion et le délire onirique y sont plus modérés, l'anxiété y est fréquente, les thèmes délirants riches : persécution, jalousie. L'agitation est fréquente. 7. Confusion dorigine émotionnelle : Lors des traumatismes psychiques intenses : tremblements de terre guerres - cataclysmes ; ou lors de frustrations affectives brutales : accidents, deuil.... Ces confusions sont d'installation brutale, l'onirisme y est discret, mais ils peuvent s'accompagner de raptus anxieux (fugue comportements auto-agressifs). Les confusions postopératoires peuvent être intégrées aux confusions émotionnelles, la désafférentation semble déterminante dans leur installation. 8. Les autres affections du système nerveux central : a) L'épilepsie peut provoquer un syndrome confusionnel critique ou post-critique ; b) Les traumatismes crâniens ; c) Les atteintes démentielles peuvent s'accompagner d'épisodes confusionnels surtout lorsqu'elles se compliquent d'épisodes infectieux. G. LE DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL : Ne pas confondre l'état confusionnel avec : - La mélancolie stuporeuse : pas de douleur morale ni d'activité délirante de culpabilité dans l'état confusionnel ; - Un syndrome catatonique : le syndrome moteur est ici caractéristique ; - Les démences qui peuvent y être associées. Dans la confusion on note une recherche perplexe pour s'orienter, une variabilité de la symptomatologie en fonction des moments de la journée.

39

- Les schizophrénies comportent parfois des éléments confusionnels associés à un comportement discordant et à une activité délirante.

H. TRAITEMENT : Quelle que soit l'étiologie du syndrome confusionnel, le malade confus doit absolument être surveillé et sécurisé. Il doit être maintenu dans un lieu éclairé de jour et de nuit, protégé (balcon, fenêtre) ; on doit lui éviter, dans la mesure du possible, les changements de lieu et de personnel et les mesures de contention. En premier lieu, il faut le réhydrater avec 6 litres par jour per os ou en perfusion et corriger les troubles électrolytiques lorsqu'ils existent. Il faut, par ailleurs, installer un traitement étiologique et symptoma-tique. Dans les formes graves, le délirium-tremens, l'alcoolisme subaigu par exemple, le délire et la confusion sont importants, il fautinstaurer un traitement anxiolytique et neuroleptique (Tranxene 20 a 50mg ou Equanil 400 à 1200 mg en IM/j) et (Haldol 5 à lOmg ou Largactil 50 à 200 mg/j) et une vitaminothérapie B1B6 (1/g en IM).

40

LES ETATS DEPRESSIFS I. GENERALITES A. DEFINITION Ce sont des états caractérisés par le développement d'une tristesse profonde et durable, d'un ralentissement psycho-moteur auxquels s'associent des troubles instinctuels (insomnie, anorexie, troubles sexuels) et des troubles neuro-végétatifs (constipation, bouche sèche...) Les formes cliniques sont multiples, elles peuvent être liées à l'âge, à la culture, à l'intensité de la Symptomatologie, aux affections associées et aux facteurs génétiques. Dans tous les cas le risque suicidaire doit être évalué à chaque entretien, il doit être la préoccupation majeure et permanente des praticiens. B. EPIDEMIOLOGIE C'est le syndrome psychiatrique le plus fréquent et sa prévalence est appelée inéluctablement à augmenter à cause : de l'augmentation progressive de l'espérance de vie, de la fréquence des maladies soma-tiques chroniques, d'un meilleur dépistage, de l'augmentation spectaculaire de la consommation médicale, de l'urbanisation massive et rapide, enfin du cloisonnement et de la complexification de la vie sociale. Les études sur la fréquence des états dépressifs dans la population générale montrent une différence nette entre leur distribution chez les hommes et chez les femmes. L'incidence est de 1% pour les hommes alors qu'elle avoisine les 3% pour les femmes, la prévalence est de 2 à 3% pour les hommes et de 5 à 10% pour les femmes. La probabilité de développer un état dépressif au cours de la vie est approximativement 10% pour les hommes contre 20 à 25% pour les femmes. Il n'existe pas de corrélation déterminante entre troubles dépressifs et classe sociale, mais les classes moyennes et supérieures sont sur-repré-Nentées dans les consultations à cause de leur accès plus facile aux soins. Les situations d'isolement, d'abandon ainsi que les stress psychosociaux (deuil, rupture, perte, séparation, difficultés vitales...) constituent des facteurs déclenchants et favorisants. Le rôle des facteurs génétiques est certain, mais variables, il semble plus important dans les dépressions majeures bipolaires (maniacodépressive) que dans les dépressions récurrentes. Ce rôle semble moins important dans les dépressions réactionnelles. C. CLASSIFICATIONS Les classifications font appel à des critères multiples (endogénéité, symptomatologie, gravité du trouble clinique, association aVjec d'autres affections somatiques ou psychiatriques) ce qui explique qu'il existe actuellement plus d'une dizaine de classifications des jétats dépressifs. L'introduction par les Anglo-Saxons de la notion de dépression primaire (dépression survenant sans troubles psychiatriques ou somatiques associés) et dépression secondaire (dépression associée à des troubles psychiatriques ou à des troubles somatiques) a permis de distinguer une évolution et des caractéristiques cliniques différentes dans ces deux groupes de dépression. Dépression Dépression primaire endogène Dépression psychogène Exogène

Forme bipolaire maniacodépressive Forme dépressive récurrente précoce ou tardive Dépression en réaction à des événements traumatisants Dépression névrotique suppose existence de conflits infantiles refoulés

Dépression Dépression secondaire à des troubles somatiques secondaire Dépression secondaire à des troubles psychiatriques ou des troubles de la personnalité (Obsessionnel - Paranoïaque, etc.)

41

Les classifications internationales *DSM. IV. (Version française 96) 296. xx Dépression majeure - épisode isolé, coder l'état actuel de la dépression majeure. 1 2 3 4 5 6 0

= léger = moyen = sévère sans caractéristiques psychologiques = avec caractéristiques psychologiques = en rémission partielle = en rémission complète = non spécifique, spécifier s'ils sont chroniques, type mélancolique, récurrente, spécifier s'il existe un caractère saisonnier ou s'il s'agit d'un trouble dépressif non spécifié.

296.3x Récurrent. 300.4. Dysthymie primaire ou secondaire à début précoce ou tardif. 311. Troubles dépressifs non spécifiés. *CIM.10 (Version française 93) Episodes dépressifs F.32 avec 10 variétés (Episode léger- moyen-sévère avec ou sans symptômes psychotiques) - Troubles dépressifs récurrents. F.334vec 11 variétés. - Troubles de l'humeur persistants. F.34 avec 4 variétés.

D. ECHELLES D'ÉVALUATION DES DÉPRESSIONS De nombreuses échelles ont été mises au point pour apprécier la gravité du score d'une dépression et pour suivre son évolution sous traitement. Les échelles les plus utilisées sont a) Echelle de Hamilton : Composée de 25 Items chacun coté de 1 à 5. b) M.A.D.R.S (Montgomery And Isberg Dépression Rating Scale) : Composé de 10 Items cotés absents, ou de 1 à 4. E. CULTURE Les recherches transculturelles ont montré que certains symptômes dépressifs étaient dépendants de la culture. Les conduites suicidaires, les thèmes délirants, l'anxiété, les facteurs somatiques. En milieu africain les sentiments de dévalorisation et de culpabilité sont plus rares, mais les plaintes somatiques et l'inhibition de l'action sont plus fréquentes. Au Maghreb les idées de persécution et de possession sont plus fréquentes. La culture traditionnelle va donner aux états dépressifs deux aspects : a) Une expression somatique prévalente, les algies et les plaintes physiques sont alors mieux acceptées et la demande médicale peut paraître adaptée et justifiée. b) Une tolérance excessive aux symptômes habituellement peu bruyants surtout lorsqu'ils sont le fait de personnes âgées, d'adolescents ou de femmes.

42

II CLINIQUE Le syndrome dépressif est constitué d'un trépied sémiologique composé d'une tristesse morbide, d'un ralentissement psychomoteur et de troubles des fonctions instinctives. A. TRISTESSE MORBIDE : Une tristesse et un vécu pessimiste envahissent toute la vie du patient. Perte d'intérêts pour toute chose, sentiment d'insatisfaction, d'auto-dépréciation et de dévalorisation, crise de larmes et tendance à l'isolement, tout effort est inutile, l'avenir est bouché, le passé catastrophique, le présent angoissant, alors tout espoir est perdu et toute action vouée à l'échec. Dans les formes graves, la tristesse devient douloureuse «la douleur morale» est intolérable, l'angoisse est intense, alimentée par des idées obsédantes de culpabilité, d'indignité et d'incurabilité. Les idées de ruine, de déshonneur peuvent pousser le patient à se punir en mettant sa vie en danger. B. RALENTISSEMENT PSYCHOMOTEUR : Dans les formes les moins graves on retrouve une asthénie générale qui s'installe dès le matin et qui s'aggrave tout le long de la journée. L'asthénie intellectuelle entraîne un ralentissement de la créativité, de l'idéation et de l'efficience intellectuelle. Dans les formes graves : Le malade est immobile et silencieux, seules les plaintes et les gémissements sont exprimés. L'anxiété peut provoquer une agitation, une turbulence, à la recherche d'un apaisement impossible à obtenir. C. TROUBLES INSTINCTUELS : Ils accompagnent toujours le tableau clinique. Ils permettent parfois d'envisager l'existence d'un syndrome dépressif alors que les autres signes sont discrets. Le sommeil : Il est toujours perturbé. On retrouve une insomnie d'endormissement dans les formes légères. Dans les formes graves la durée totale du sommeil est diminuée et le réveil précoce. Cette insomnie du petit matin s'accompagne d'une angoisse intolérable à l'origine des passages à l'acte suicidaire. Certains états dépressifs (réactionnels) peuvent s'accompagner paradoxalement d'une hypersomnie refuge, évitant ainsi les ruminations anxiogènes. Dans tous les cas, le sommeil est peu réparateur et insatisfaisant. L'appétit : L'anorexie est constante ; elle est aggravée par l'asthénie et la perte du désir de vivre. Dans les dépressions graves, il peut s'agir d'un refus irréductible de toute alimentation. Sa signification peut être liée à un désir de mourir et constituer un équivalent suicidaire, il peut être intégré à un «syndrome de Cotard» : le patient est convaincu de ne plus posséder d'organe, pas d'estomac, pas d'intestin, il est damné et condamné à souffrir pour l'éternité. Sexualité : La perte de tout désir sexuel contribue à renforcer le sentiment de dévalorisation et de culpabilité. D. LES TROUBLES ASSOCIES - Les troubles neurovégétatifs : Sécheresse de la bouche, ralentissement du péristaltisme intestinal, hypotension. - L'anxiété : Son intensité est capitale pour apprécier les risques suicidaires avec lesquels elle est correlée. L'anxiété peut s'accompagner de préoccupations hypocondriaques qui masquent parfois les affects dépressifs : algies diverses, céphalées, cordialgies, colites... - Les troubles du caractère : Ils sont fréquemment associés aux états dépressifs dans notre pays, revendications, hostilité, intolérance et impulsivité sont habituelles dans les états dépressifs chez les adolescents. Ils se manifestent par des sollicitations de l'environnement et sont suivis de sentiment de culpabilité renforçant ainsi les thèmes dépressifs et les idées suicidaires.

43

III. FORMES NOSOGRAPHIQUES A. LES DEPRESSIONS PRIMAIRES : ce sont des maladies dépressives appelées dépressions majeures ou mélancoliques. Ce sont soit des dépressions endogènes formes bipolaires (états dépressifs alternant avec des états maniaques ou des états d'excitation) ou dépressions endogènes récurrentes d'apparition soit précoce soit tardive. Les formes qui débutent à un âge plus tardif, l'hérédité semble distincte, les récidives sont plus souvent saisonnières, leur évolution se fait vers un raccourcissement des intervalles libres et une aggravation des épisodes dépressifs, leur réponse thérapeutique aux antidépresseurs est, en général, satisfaisante, tout au moins au début de l'affection. a ) L'accès mélancolique : C'est la forme la plus complète et la plus grave des états dépressifs. L'accès peut s'installer insidieusement après un épisode dépressif sans gravité ou une période d'insomnie, il peut s'installer brutalement après un événement traumatisant, le diagnostic est aisé lorsqu'on retrouve des antécédents similaires soit personnels soit familiaux. Le comportement et la présentation sont caractérisés par : 1) Une inhibition importante et un ralentissement psychomoteur ; le patient est figé, s'exprime avec effort ou reste mutique. Son regard et l'expression de son visage expriment : 2) Une souffrance intolérable «la douleur morale» il se plaint de ne plus rien ressentir (anesthésie affective) de n'avoir plus de plaisir (anhédonie) d'être inquiet à propos de son avenir et de son passé. 3) Des idées délirantes de culpabilité le torturent, il se sent dévalorisé, incapable de quoi que ce soit, indigne et surtout incurable. 4) L'idée de mort et souvent présente ; la mort est une délivrance, un châtiment mérité, elle peut devenir une obsession et entraîner un passage à l'acte. 5) Les troubles du sommeil sont présents (insomnie matinale) l'appétit disparaît, l'amaigrissement s'installe, les troubles de la sexualité, de la menstruation et les psychalgies complètent le tableau clinique. L'anxiété peut être vive et entraîner une turbulence ou des fugues. b) Les formes cliniques : 1) Formes hallucinatoires : Les voix sont riches et souvent persécutrices ; injurieuses, obscènes, malfaisantes, elles peuvent pousser le malade au suicide. 2) Formes hypocondriaques : Les plaintes digestives stéréotypées sont fréquentes. Le syndrome de Cotard ou délire de négation exprime une conviction de la disparition ou de l'inexistence de certains organes ; ce syndrome s'accompagne d'idées d'immortalité (je ne peux pas mourir puisque je n'existe pas). 3) Formes stuporeuses : Confusionnelles, elles sont redoutables car peuvent s'accompagner d'impulsions suicidaires. 4) Formes délirantes : Les thèmes délirants sont congruants avec les idées dépressives. Délires de culpabilité, de possession, de damnation sont florides et apparaissent au premier plan du tableau clinique. 5) Dépressions masquées : Formes atypiques elles s'expriment par des plaintes somatiques prévalentes accompagnées de psychalgies elles peuvent dérouter le médecin et l'entraîner dans des investigations biologiques et radiologiques interminables. B. FORMES SECONDAIRES a) Les dépressions névrotiques : La dimension psychologique joue un grand rôle dans ces états dépressifs. L'existence de traits névrotiques ou de personnalité névrotique est fréquente. L'anxiété est généralement au premier plan ; les manifestations phobiques ou obsessionnelles sont souvent retrouvées.

44

b) Dépressions réactionnelles : La dépression est, ici, une réaction à un événement : tels un deuil, un décès, une perte, un conflit familial ou affectif, un échec scolaire ou professionnel. Ces patients sont souvent prédisposés : l'immaturité affective et l'intolérance à la frustration sont fréquemment retrouvées. c) Etats dépressifs au cours des psychoses : - Au cours des schizophrénies, la dépression peut survenir, soit après des remaniements psychodynamiques dus à la perte de l'activité délirante, soit après les effets du traitement neuroleptique. - Au cours des paranoïas sensitives, le délire de persécution s'accompagne toujours d'une réaction dépressive nécessitant un traitement antidépresseur. d) Etats dépressifs ou symptomatiques au cours des maladies so manques : - Maladies neurologiques : maladie de Parkinson, sclérose en plaques... - Maladies endocriniennes : hypothyroïdie. - Pharmacodépendance : sevrage alcoolique, héroïne... - Autres : tuberculose, cancers... IV- DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL a) L'existence d'un état dépressif ne dispense pas d'un examen clinique minutieux et d'un bilan biologique car de nombreuses affections organiques peuvent s'accompagner d'une symptomatologie dépressive occupant le devant du tableau clinique, le carcinome pancréatique et l'hypothyroïdie par exemple, d'autres affections s'expriment essentiellement par des troubles thymiques comme les tumeurs frontales. b) Chez les personnes âgées de plus de 60 ans, un discret état confu-sionnel, un état déficitaire incitent à éliminer en premier lieu une affection organique ou un syndrome démentiel, la négativité du bilan biologique et radiologique et une bonne réponse aux antidépresseurs rétablissent le diagnostic. c) Chez les sujets jeunes une dépression avec quelques atypicités peut inaugurer une schizophrénie. Le caractère bizarre de certaines conduites, la présence de discordance, un mauvais contact sont en faveur d'un mode d'entrée dans la schizophrénie. V. EVOLUTION - Les 3/4 des états dépressifs guérissent sous traitement. - 15% d'entre eux deviennent chroniques le plus souvent après de longues années d'évolution (les accès devenant de plus en plus fréquents et prolongés). - 10% des états dépressifs résistent aux différents traitements entrepris. VI. PRISE EN CHARGE Le but de la prise en charge est : - De réduire au maximum la durée de l'accès et de la souffrance qu'il induit, souffrance individuelle, mais également familiale et sociale ; - D'éviter les gestes suicidaires qui, dans 40 % des cas, sont imputables à un épisode dépressif. A. L'HOSPITALISATION Elle est impérative devant tout état dépressif majeur sévère et devant tous les états dépressifs comportant un risque suicidaire. L'âge avancé, le mauvais état général, l'importance de l'anxiété, l'isolement social et l'existence d'une situation conflictuelle familiale et sociale constituent également des indications à l'hospitalisation. En cas de refus obstiné d'hospitalisation de la part du patient et de la famille, il faut savoir être ferme, préciser les responsabilités et envisager en dernier ressort une mise en observation d'office. B. LE TRAITEMENT BIOLOGIQUE Il doit prendre en compte trois paramètres : L'intensité de la symptomatologie, l'âge du patient et son état soma-tique.

45

a) La chimiothérapie antidépressive, (Cf. psychotropes) nous disposons d'une dizaine d'antidépresseurs. *Les plus utilisés sont les tricycliques. - Amitriptylline (Laroxyl ou Elavyl) cp. 25 mg et 50 mg solution à 4 % et amp. inject. à 50 mg, la dose moyenne se situe entre 100 et 200 mg/j. - Clomipramine (Anafranil) cp. à 10-25 et 75 mg - amp. 25 mg dose moyenne de 150 à 225 mg/j. - Trimipramine (Surmontil) il donne une sédation importante rarement utilisé dans les dépressions majeures. * Les Hétérocycliques sont mieux tolérés - Maprotiline (Ludiomil) cp. i 25mg et 75mg solution 2% dose moyenne 75 à 150 mg. -Miansérine (Athymil) cp. 10 et 30 mg dose moyenne 30 à 60 mg/j. * Les sérotoninergiques - Fluoxétine (Prozac) cp. 20 mg dose moyenne 20 à 40 mg/j - Sertraline (Zoloft) cp. 50 à 150 mg/j- Paroxetine (Déroxat) cp. 20 mg dose moyenne de 20 à 40 mg/j. * Les Inhibiteurs de la monoamine-oxydase : (I.M.A.O.) Nialamide (Niamide) cp. 25 mg dose moyenne 100 mg. b) Conduite à tenir * Dans les dépressions majeures : - Lorsque l'inhibition est remarquable on donnera la préférence à la Clomipramine (Anafranil) en comprimés ou en perfusion intraveineuse associée à un neuroleptique sédatif le soir pour éviter l'aggravation de l'insomnie (Nozinan en solution ou en cp. à 25 mg). - Lorsque le malade est hospitalisé, préférer la voie intraveineuse, elle a une valeur psychothérapique indéniable et peut justifier l'hospitalisation aux yeux du patient et de la famille. Elle se fera en augmentant progressivement les doses par palier de 2 à 3 jours, de 25 mg, dans 250 ce de sérum glucose. Après 10 à 15 jours de traitement, passer à la voie per os en doublant la dernière dose intraveineuse (100 mg IV à 200 per os). - Dans les formes anxieuses l'Amitriptyline sera préférée soit en cp. 25-50 f mg ou en ampoules. - En cas de troubles cardio-vasculaires : préférer la Miansérine (Athymil) ou fluoxétine (Prozac). - Chez les personnes âgées (glaucome ou prostate) utiliser de préférence soit Fluoxétine (Prozac) soit Sertraline (Zoloft) soit Fluvoxamine (Floxyfral). - Il faut utiliser chaque fois la posologie efficace avoir à l'esprit qu'un délai de 15 jours à 21 jours sera nécessaire pour que l'amélioration soit sensible. La surveillance somatique et psychique doit être permanente : L'évolution de l'anxiété des idées suicidaires, l'inversion de l'humeur, les troubles du sommeil, les effets secondaires doivent être constamment évalués. Le traitement sera poursuivi pendant douze mois en cas d'efficacité thérapeutique. En cas d'inefficacité après 4 semaines, penser au dosage sanguin du produit, changer de formule thérapeutique, introduire une lithiothérapie, enfin penser à la sismothérapie. * Dans les autres états dépressifs : L'action de la chimiothérapie est moins spectaculaire, elle sera associée à une prise en charge psychothérapique. Les doses seront modérées car les effets secondaires sont mal tolérés par ces patients. * Dans les dépressions secondaires : Le traitement sera adapté à l'état somatique et aux troubles psychiatriques associés (anxyolytiquesneuroleptiques - hypnotiques). c) Sismothérapie : Efficace dans 80 % des cas, elle sera réservée aux états dépressifs majeurs avec fortes composantes anxieuses ou délirantes, aux états dépressifs stuporeux avec refus alimentaire et aux dépressions avec

46

risque suicidaire permanent. Elle sera également utile lorsque la chimiothérapie est inefficace ou contreindiquée. La cure comportera une douzaine de séances pratiquées 1 jour/2. Ces cures se pratiquent encore aujourd'hui sous Diazépam 30 à 40 mg en intraveineuse. Il serait souhaitable de les pratiquer sous narcose et curarisant en uni-temporale, chaque fois que cela sera possible. Certains auteurs affirment que son efficacité est supérieure à tous les autres traitements actuellement disponibles pour soigner les dépressions majeures ou mélancoliques. Ce qui est certain c'est que son action est plus rapide que celle des autres antidépresseurs auxquels elle peut être associée. Le traitement électro-convulsif a une seule contre-indication absolue : la tumeur cérébrale. Les malades souffrant d'affections cardiaques doivent être surveillés. C. PSYCHOTHERAPIE : Ne jamais la négliger elle représente parfois l'essentiel de la prise en charge. a) psychothérapie analytique, individuelle ou de groupe : Elle doit être adaptée à chaque patient. L'indication majeure reste la dépression réactionnelle ou névrotique après l'amélioration des symptômes cliniques. b) Les psychothérapies cognitives ont été introduites depuis quelques années avec succès. Elles permettent de faire prendre conscience aux patients des effets nocifs et pathogènes des croyances irrationnelles qui accompagnent les dépressions» elles facilitent l'amélioration en aidant les patients à affronter par paliers les situations qui leur paraissent insurmontables. c) L'information de l'entourage évitera les sollicitations brutales et les injonctions qui aggravent les sentiments de dévalorisation et la culpabilité. On entend souvent l'entourage affirmer ne pas comprendre pourquoi le malade est désespéré alors qu'il a tout pour être heureux, ne pas comprendre pourquoi il ne fait pas d'effort pour se sortir de là. Ces réflexions néfastes donnent la mesure des difficultés de la famille à comprendre la maladie. d ) La psychothérapie de soutien est utile dans tous les cas. Faire verbaliser le patient dans des entretiens réguliers, renforcer ses défenses, encourager ses efforts et les progrès réalisés, le soutenir face aux difficultés et dans les situations conflictuelles. D. PREVENTION Elle se justifie chaque fois, devant la répétition de l'accès dépressif ou devant l'existence de troubles bipolaires (accès dépressifs et maniaques). Les thymorégulateurs sont alors indiqués. ■

a ) Les sels de lithium sont utilisés après bilan, thyroïdien, cardiaque et rénal, le dosage sérique est impératif. La lithiémie doit être comprise entre 0,6 à 1 milli-Equivalent. ■

b) Carbamazépine (ou Tégretol cp. 200 mg). Elle est surtout indiquée lorsqu'il y a une contre-indication au lithium ou en cas d'absence de possibilité de dosage. Elle se prescrit 400 à 600 mg/1 jour. c) La prévention des dépressions se trouve également dans le soutien psychologique des malades chroniques dans la surveillance des traitements neuroleptiques au long cours dans une meilleure assistance aux personnes âgées et dans la prise en charge correcte des troubles anxieux.

47

BIBLIOGRAPHIE

1. BRUNETTI (P.M), VINCENT (P), NEVES (I), BENMAMI (S) -Epidemiological study of psychological discomfort in French and Algerian samples, l'Encéphale, 1982, 8, pp 615-636. 2. FELINE A., HARDY RM de BONIS- La dépression études, MASSON, 1991. 3. KACHA Farid - "Les aspects culturels de la dépression. Thèse de Doctorat en Sciences Médicales 2 Tomes, p. 330, 1979 - Alger. 4. MOUSSAOUI D., FADJRI A. - Etats dépressifs Manuel de Psychiatrie du Praticien Maghrébin, MASSON, 1987. 5 MOUSSAOUI D. &c TOUHAMI M. - Classification anthropologique des dépressions in Ann.Med psychol. 1984, 142, 1125-1129. 5. ROUILLON F. - Aspects épidémiologiques de la dépression "Autour de la dépression" Confrontations Psychiatriques, N° Spécial 1989 15-45.

48

MANIE ET PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE I. GENERALITES A. DEFINITION La manie ou accès maniaque est un état psychotique aigu caractérisé par une excitation psycho-motrice et une humeur expansive. Elle occupe une place centrale dans la Psychose maniaco-dépressive (P.M.D) dont elle constitue l'un des 2 pôles. La psychose maniaco-dépressive est une psychose périodique évoluant par phase. Les phases maniaques ou dépressives alternent d'une manière irrégulière en respectant des intervalles sans troubles durant quelques semaines à plusieurs années. B. EPIDEMIOLOGIE Les recherches épidémiologiques concernant la P.M.D et la manie ont été effectuées, au cours de ces dernières années, avec le D.I.S. (Diagnostic Interview Schedule- L.N Robins et al 1981), le C.I.D.I (Composite International Diagnostic Interview WH.O.1989) ou le S.CI (Structure Clinical Interview). Le taux de prévalence oscille entre 0,5 et 1,2 %. Le sex-ratio ne montre pas de prépondérance masculine ou féminine. La probabilité de survenue de la maladie au cours de la vie est de 1,6 %. Le début de la maladie se situe avant 30 ans. L'hypomanie a tendance à être sous-évaluée car ces patients ne se sentent pas malades et l'hypomanie n'entraîne que peu de conséquence sociale. C. CLASSIFICATION Les épisodes maniaques sont définis par degré de sévérité : léger, moyen et sévère. L'hypomanie est réservée à un état ne comportant ni idées délirantes, ni hallucinations, ni désorganisation complète des activités habituelles. * C I M 10 propose la classification suivante : -

F 30 épisode maniaque F 30.0 hypomanie F 30.1 manie sans symptômes psychotiques F 30.2 avec symptômes psychotiques F 31 trouble affectif bipolaire F 31.0 trouble affectif bipolaire épisode hypomaniaque F 31.6 T.A. bipolaire, épisode actuel mixte

*D.S.M IV -

296.6 x trouble bipolaire épisode le plus récent mixte 296.4 x trouble bipolaire épisode le plus récent maniaque 301.13 cyclothymic 296.80 trouble bipolaire non spécifié

D. GENETIQUE Une prédisposition familiale ne fait pas de doute : - Un parent présentant une P.M.D transmet 25 % de risque à son enfant. Deux parents présentant une P.M.D transmettent 50 à 75 % de risque à leur enfant. - Un jumeau dizygote avec P.M.D, 20 % de risque chez l'autre jumeau. Un jumeau monozygote avec EM.D, 40 à 70 % de risque chez l'autre jumeau.

49

Le mode de transmission génétique est probablement hétérogène : - Un gène dominant sur le bras court du chromosome 11 s'asso-ciant à un dysfonctionnement du métabolisme des catecholamines a été retrouvé dans une famille (Amish) ayant une hérédité bipolaire de longue date. - L'hypothèse d'une transmission héréditaire liée au chromosome X a été également avancée (JMendlewicz). Il semble qu'une hérédité monogénique mendélienne ne concerne qu'un nombre limité de P.M.D. Les autres relèveraient d'une étiologie complexe, multigénétique et multifactionnelle. IL CLINIQUE L'accès maniaque A. LE DEBUT est souvent brutal chez un adulte jeune présentant des antécédents maniaques ou mélancoliques, personnels ou familiaux. Le début peut être progressif ou se développer après un événement traumatisant (conflit, deuil... après un deuil on peut voir s'installer une manie de deuil). Dans certains cas le patient surprend son entourage par une excitation inhabituelle, des achats inconsidérés, des projets à profusion ou une agitation. B. LA PHASE D'ETAT SE CARACTERISE PAR : - Une présentation dominée par l'hyperexpressivité, le visage est mobile, la tenue fantaisiste, le patient parle sans arrêt, interpelle familièrement l'entourage, le contact est facile, mais entrecoupé et labile. Les rires sont fréquents, bruyants sans retenue. L'activité motrice est désordonnée. Le patient gesticule, chante, bouge continuellement. L'examen va permettre de préciser : - L'exaltation de l'humeur : Le maniaque est optimiste, il se sent heureux, il est convaincu de tout réussir. Il se sent capable de tout entreprendre et reste infatigable. Tout obstacle est rapidement balayé, rien ne peut empêcher la réalisation de ses désirs. Le jugement est expéditif et toute contrariété transforme cette euphorie morbide en colère, en agressivité injustifiée. - L'hyperactivité psychique : Les processus intellectuels sont accélérés et les idées se succèdent à un rythme effréné. Les associations d'idées sont rapides, elles se font par assonances, les jeux de mots sont fréquents. L'imaginaire se développe à l'infini aiguisé par des idées de grandeur et de toute-puissance. L'attention est perturbée et la mémoire peut être envahie par une suite de souvenirs ininterrompus. - Troubles instinctuels : L'exaltation sexuelle est constante, l'appétit vorace, l'insomnie est constante, le maniaque ne se sent pas fatigué et passe une grande partie de la nuit à faire la fête. III. LES FORMES CLINIQUES A. L'HYPOMANIE L'hyperactivité et l'humeur expansive peuvent être modérées et permettre une activité physique et intellectuelle féconde. Ces formes cliniques semblent fréquentes et sous-évaluées. Les thérapeutiques permanentes normothymiques et les traitements précoces ont tendance à transformer l'accès maniaque en hypomanie. L'existence d'accès hypomaniaque avec des épisodes de dépression majeure caractérise la P.M.D type II (R.SPITZER. 1975) (1)

B. MANIE DELIRANTE Les délires de grandeur ou mystiques peuvent occuper l'essentiel du tableau clinique et poser un problème diagnostique avec une bouffée délirante. (1) DSM IV : - Troubles bipolaires types I : Episodes maniaques et dépressifs, - Troubles bipolaires types II : Episodes dépressifs majeurs récurrents avec épisodes hypomaniaques.

50

C. ETATS MIXTES Ces états associent simultanément des symptômes maniaques et des symptômes dépressifs. D. TROUBLE CYCLIQUE D'ALTERNANCE RAPIDE Ce sont des P.M.D à cycles rapides au cours desquels on assiste à un passage rapide d'une symptomatologie dépressive à celle d'une manie en 48-72 heures. Ces troubles semblent plus chroniques que les bipolaires sans alternance. IV. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL A. L'accès maniaque peut être symptomatique, il peut, en effet, se développer après : - Un traumatisme crânien, - Une maladie endocrinienne : maladie de Cushing ou hyperthy-roïdie, - Intoxication : cocaïne, L Dopa, amphétamine, alcool, etc. - Tumeurs frontales : réalisant un tableau de jovialité niaise (La Moria) B. LA BOUFFEE DELIRANTE Dans cette affection on ne retrouve pas les antécédents maniaques ou dépressifs, la variabilité du tableau clinique est importante et les troubles de la perception toujours présents. C. MANIE ATYPIQUE ou SCHIZOPHRENIE : La discordance, l'automatisme mental, la mauvaise qualité du contact et les troubles de la perception permettent de corriger le diagnostic. D. L'AGITATION PSYCHOPATHIQUE La personnalité psychopathique, l'agressivité, la prise de toxique sont souvent présentes. V. EVOLUTION - Sous traitement l'accès maniaque évolue favorablement en quelques semaines. - La prévention des rechutes semble insuffisante malgré les traitements actuellement disponibles. Le Lithium et les anticonvulsivants protègent moins de 50 % des patients des rechutes (résistance plus fréquente au lithium, âge du début des troubles de plus en plus précoce). - L'évolution vers la chronicité est rare, mais le rapprochement des rechutes et leur gravité avec l'âge sont certains. ■

VI. TRAITEMENT A. HOSPITALISER LE MALADE L'accès maniaque nécessite une hospitalisation car la compliance thérapeutique est impossible chez ces patients instables et anoso-gnosiques. Leur hospitalisation peut également s'imposer devant l'incapacité de la famille à contenir les dépenses inconsidérées et les décisions hâtives les impliquant d'une manière importante. Puis mettre en place : - Un traitement de la phase aiguë maniaque ; - Maintenir le traitement pendant au moins 6 mois puis envisager un traitement prophylactique destiné à prévenir les rechutes ou tout au moins à en réduire la gravité. B. LES THERAPIES BIOLOGIQUES a ) Les thymorégulateurs (lithium et anticonvulsivants) (Cf . les psychotropes) • Le lithium est efficace dans le traitement de l'état maniaque et dans la prophylaxie des troubles bipolaires. Il faut informer le patient de façon détaillée sur le projet thérapeutique et s'assurer de la possibilité du laboratoire à doser le Lithium plasmatique 0,6 Meg/1 Les contre-indications habituelles sont :

51

-

La non-collaboration du patient, Les insuffisances cardiaques et rénales, L'hypothyroïdie, Femme enceinte.

• La carbamazépine : son rôle curatif et prophylactique ne fait pas de doute. Certains auteurs pensent que la carbamazépine a une meilleure efficacité dans les états mixtes et les P.M.D à cycles rapides. Elle constitue un traitement alternatif au Lithium, son efficacité concernerait 50 à 70 % des patients. • Les contre-indications sont : - Bloc auriculo-ventriculaire, - L'association avec les I.M.A.O est formellement contre-indi-quée, - Hypersensibilité à la carbamazépine. • Le Valpromide (Dépamide), le Valproate de Sodium (Dépakine), le Clonazépan (Rivotril) ont été également utilisés avec succès. b) Les neuroleptiques (Cf.les psychotropes) tous les neuroleptiques peuvent être utilisés pour contrôler l'état maniaque : Haldol Chlorpromazine (Largactil) - Levomepromazine (Nozinan) Fluphenazine (Moditen), etc. Le traitement d'attaque se fait par voie parentérale en I.M. Puis passage à la voie per os après une semaine de traitement. c) Les traitements adjuvants : - Les hormones thyroïdiennes, Thyroxine (T4) et Triodothyronine (T3) peuvent avoir des effets stabilisateurs de l'humeur dans les cycles rapides. Ils sont prescrits avec un thymorégulateur. - La Clozapine pourrait avoir un effet stabilisateur de l'humeur en même temps qu'un effet antipsychotique (semble efficace dans les états mixtes et les cycles rapides). d ) L'électroconvulsothérapie (voir traitement des états dépressifs majeurs) en cas de résistance thérapeutique. C. LES PSYCHOTHERAPIES La vie des patients présentant une P.M.D est émaillée de périodes d'exaltation et de périodes de découragement et de tristesse mettant à dure épreuve leur équilibre psychologique, par ailleurs ces troubles sont influencés par les événements de vie et les situations stressantes. L'association d'une psychothérapie aux médicaments est plus efficace que le traitement biologique seul. La psychothérapie doit être instaurée dès l'amendement des troubles aigus maniaques a ) Les thérapies cognitives ont été utilisées pour augmenter la com-pliance thérapeutique. b ) Les thérapies comportementales peuvent être efficaces chez les hypomanes pour mettre en place des limites à leur comportement inadapté ou excessif. Le renforcement positif et négatif ainsi que les techniques d'économie de jetons ont été employés. c) Les psychothérapies de soutien sont nécessaires chez les patients ne supportant pas une remise en cause profonde, chez les patients bipolaires chroniques et ceux présentant des symptômes résiduels même pendant les intervalles libres. d ) Les psychothérapies d'inspiration analytique sont bénéfiques pour le patient désirant comprendre l'origine des conflits sous-jacents qui déclenchent et nourrissent les épisodes maniaques. Elles peuvent également être utilisées à la compréhension des résistances aux traitements et à la mauvaise compliance thérapeutique.

52

e) Les thérapies familiales : l'alliance thérapeutique ne doit pas concerner que le médecin et son malade. La famille est également partie prenante de ces troubles dont les conséquences familiales peuvent être désastreuses. La colère, la culpabilité, la honte chez les membres de la famille doivent être exprimées sous peine de provoquer une influence négative sur l'évolution de la maladie.

BIBLIOGRAPHIE ANGST J. - L'hypomanie - A propos d'une cohorte de jeune, l'Encéphale, XVIII, pp. 23-29, 1992 BOURGEOIS M.L. - VERDOUX H, - Les troubles bipolaires de l'humeur MASSON 1995 e)



OLIE J.P. - HARDY P. AKISKAL H.S et Al.- Les psychoses maniacodépressives, 1. Vol, Doin 1992 PERRIS C. - La distinction entre les troubles thymiques unipolaires et bipolaires - Rétrospective de 25 ans L'Encéphale, XVII, N° spécial, pp. 9- ; 13, 1992.

53

LES PERSONNALITES PATHOLOGIQUES I. GENERALITES On qualifie ainsi des sujets qui présentent des perturbations permanentes du caractère et du comportement, suffisamment graves pour occasionner d'importantes difficultés sociales ou/et personnelles. Ces perturbations ne constituent pas des symptômes, mais un style de comportement et de relation organisés depuis l'enfance ou l'adolescence, mais s'avérant, à l'âge adulte, rigide, inflexible et inadapté à la variété des situations individuelles et sociales. Les traits inadaptés peuvent concerner le comportement, la cognition, la perception ou les émotions. Les troubles de la personnalité sont répartis dans les deux sexes et ils auraient une prévalence de 6 à 9 % Leur évolution est variable, elle demeure stable en général avec des périodes d'aggravation lors des décompensations, et des périodes d'amélioration. II. LA PERSONNALITE NORMALE ET PATHOLOGIQUE La personnalité peut être définie comme l'organisation dynamique des composantes biologiques, sociales et psychologiques de l'individu : organisation originale intégrant aussi bien les aptitudes cognitives et émotionnelles que les manifestations pulsionnelles (on peut risquer une analogie avec le squelette qui est établi une fois la croissance terminée et qui va rester identique tout le long de la vie, malgré les changements de poids et d'aspect que peut vivre l'individu). La notion de personnalité suppose donc l'existence d'une organisation stable et permanente désignant la manière habituelle qu'a un individu donné, de répondre aux sollicitations et aux stress tant intérieurs de la vie intrapsychique qu'à ceux extérieurs qui proviennent de l'environnement social. Cette organisation stable est une donnée universelle caractérisant l'originalité de chaque individu et permettant une prédiction de ses réponses face aux événements. Elle est à distinguer des symptômes qui, eux, sont variables selon le moment, et ne semblent pas intégrés d'une façon harmonieuse au comportement habituel de l'individu. La distinction entre personnalité normale et pathologique n'est pas simplement statistique et quantitative (rencontrée avec peu de fréquence, exagération quantitative des caractères habituellement rencontrés), elle est surtout d'ordre fonctionnel et tente d'intégrer la notion de souffrance individuelle et collective source de handicap et d'altération du fonctionnement familial et social (K. Schneider). III. CLASSIFICATION DES PERSONNALITES PATHOLOGIQUES L'école française a toujours privilégié l'idée qu'il y avait une étroite relation entre la personnalité pathologique et les symptômes pathologiques qui surviendraient en cas de décompensation. Le modèle explicatif est celui qui a été proposé par S. Freud lorsqu'il compare la structure de la personnalité à celle d'une roche : le cristal. A la suite d'un traumatisme, qu'il soit intérieur ou extérieur le cristal ne peut se briser que selon des lignes de forces préétablies, donc déjà présentes avant le traumatisme. Ces lignes de forces ou de faiblesses qui vont orienter la psychopathologie de la décompensation sont le résultat du développement de la personnalité au cours de l'enfance et de l'adolescence. C'est ainsi que l'école française retient : les personnalités névrotiques (anxieuse, hystérique, phobique et obsessionnelle), les personnalités psychotiques dont la personnalité paranoïaque et schizoïde auxquelles s'ajoutent les personnalités psychopatiques et les personnalités limites (border-line). L'école américaine a opté pour une typologie des conduites manifestes sans tenir compte du rapport entre personnalité et troubles pathologiques. Ce qui va multiplier le nombre des personnalités pathologiques, va estomper les limites de chacune d'elles et créer des chevauchements. Par ailleurs, la possibilité d'avoir à retenir éventuellement 2 types de personnalité pour un même patient, va nuire à la compréhension de l'unicité et de son fonctionnement. Malgré ces réserves, ce point de vue a été repris par la Classification Internationale (CIM 10) et tend à s'imposer à tous les chercheurs.

54

On distinguera 3 grands groupes de personnalités pathologiques (DSM IV) : A. U N GROUPE DE PERSONNALITES PATHOLOGIQUES : - Ayant une bonne adaptation socioprofessionnelle, - présentant une importante émotivité corrélée, le plus souvent, aux troubles anxieux lors des decompensations (phobies - attaque de panique - conversion - obsession - stress post-traumatique). Ce sont : - les personnalités obsessionnelles (ou anankastiques, compulsives psychasthéniques). - les personnalités évitantes, - les personnalités histrioniques (ou hystériques), - les personnalités dépendantes, - et les passives-agressives. B. LE 2ème GROUPE EST CONSTITUE DE PERSONNES ressentant de graves difficultes d'adaptation, une mauvaise appréciation de la réalité, parfoi passagère, et une rigidité inflexible corrélée aux décompensations délirantes. Ce sont les personnalités paranoïaques, personnalités schizoïdes et schizotypiques. C. LE 3ème GROUPE CARACTERISE LES SUJETS impulsifs avec mauvaise maîtrise de leur agressivité et de leur émotion : personnalité narcissique borderline, antisociale. IV. DESCRIPTION DES PERSONNALITES PATHOLOGIQUES (CF. DSM IV) A. 1er GROUPE 1 ) Personnalité obsessionnelle : caractérisée par le perfectionnisme et l'entêtement mais, paradoxalement, aussi par l'indécision et le doute. Ces personnes sont préoccupées par les détails qui peuvent les obséder au point de ne pas pouvoir achever une tâche commencée. Ils sont marqués par une restriction importante de l'expression affective et un manque de générosité souvent entrecoupé de dépenses aussi excessives qu'injustifiées. Enfin, ils ont une tendance marquée au collectionnisme et ont de la peine à se séparer d'anciens objets. 2 ) Personnalité évitante : ce sont des sujets souvent gênés en situation sociale, leur timidité remonte à l'adolescence. Ils sont terrorisés à l'idée d'être mal jugés par les autres et sont blessés par les critiques ou la désapprobation d'autrui. Ils tentent, autant que faire se peut, d'éviter les activités sociales ou professionnelles nécessitant des contacts fréquents avec les autres, même si par exemple, cela leur fait perdre une promotion. Ils ont tendance à exagérer les difficultés et les dangers et restent très liés aux parents qui demeurent longtemps leurs seuls soutiens et confidents. 3 ) Personnalité dépendante : dépendants et soumis, ils sont incapables de prendre des décisions seuls. Souvent du même avis que les gens, même, lorsqu'ils pensent le contraire, ils délèguent aux autres les décisions les concernant (choix de carrière, de voiture, habitat, etc.). Ils ont besoin, pour démarrer un projet, d'être secondés, ils ne supportent pas la rupture et souffrent de la préoccupation permanente d'être abandonnés. 4 ) Personnalité passive-agressive : ces sujets mettent en place des stratégies de résistance passive chaque fois qu'on leur demande de fournir des performances. - Ils remettent au lendemain ce qui peut se faire immédiatement. - Ils se plaignent des exigences importantes des autres à leur égard et deviennent instables lorsqu'on leur demande de faire quelque chose qu'ils ne veulent pas faire.

55

- Ils pensent qu'ils travaillent beaucoup mieux que les autres et se froissent lorsque ceux-ci leur font des remarques. - Ils critiquent et méprisent les personnes occupant des postes de commandement. 5 ) Personnalité histrionique : caractérisée par une quête d'affection et d'attention, de même que par des réponses émotionnelles excessives. Le souci de plaire et la séduction demeurent leurs préoccupations constantes. Ce souci les conduit à un égocentrisme forcené et à des comportements inadaptés. La recherche constante d'approbation et d'éloge est sous-tendue par une intolérance totale aux frustrations et aux retards de gratification. L'expression émotionnelle est labile et superficielle. Le discours est souvent pauvre en détails et riche en affects subjectifs. ■

B. 2ème GROUPE 1 ) Personnalité paranoïaque : elle est caractérisée par :

- L'orgueil, l'hypertrophie du moi, des sentiments de supériorité et un mépris d'autrui. - La fausseté du jugement. Le sujet interprétera les actions d'autrui comme humiliantes ou menaçantes, ce qui le rend méfiant et soupçonneux. Il met souvent en doute la loyauté de ses meilleurs amis par la recherche permanente de significations cachées menaçantes ou humiliantes. Rancunier, vindicatif il est réticent à se confier à autrui car il a peur que l'information soit utilisée contre lui et peut réagir avec colère et agressivité. Enfin, il met en doute et la fidélité de ses amis et celle de son partenaire sexuel. 2 ) Personnalité schizotypique : caractérisée par des troubles de l'adaptation et une pensée bizarre souvent magique. Ce sujet présente des idées de référence et ne supporte pas d'être dans des situations nouvelles avec des gens inconnus. On retrouve également des croyances bizarres, des pensées magiques non en rapport avec les croyances culturelles (télépathie, pensée forcée, sixième sens, intuition irréductible), préoccupations et rêveries bizarres avec expériences perceptives (illusions - lévitation, etc.). Leur aspect est parfois excentrique : incuries - soliloquie - maniérisme -pauvreté du discours et des affects. Leur prévalence est importante dans les familles présentant des cas de schizophrénie. 3 ) Personnalité scbizotde : ce sont des personnes indifférentes aux relations sociales, aux éloges comme aux critiques, ayant très peu de relation en dehors de leurs parents du premier degré. Les schizoïdes sont distants, froids, peu communicatifs, choisissant des activités solitaires et n'ayant aucune recherche de plaisir ou d'émotion. Ils sont donc peu attirés par l'activité sexuelle. Leur incidence est supérieure chez les hommes par rapport aux femmes et la complication redoutable reste l'évolution schizophrénique ou l'éclosion de troubles délirants. C. 3ème GROUPE 1) Personnalité narcissique : elle présente une sensibilité exagérée au jugement des autres, des fantaisies grandioses pour sa propre valeur et un manque d'empathie envers les autres. Elle exploite souvent les autres pour parvenir à ses fins en étant convaincue de sa propre importance, (elle surestime ses capacités, ses réalisations qu'elle juge exceptionnelles). Elle méprise les autres et pense que son destin est unique et ne peut être saisi que par des gens exceptionnels comme elle. Cela l'entraîne à penser que les choses lui sont dues, qu'elle doit être traitée d'une façon particulière, qu'on lui doit attention et admiration constantes. Elle est préoccupée par des sentiments d'envie et de jalousie et reste incapable de ressentir ce qu'éprouvent les autres ; en revanche, elle présente de violents sentiments de rage et d'humiliation à la moindre critique.

56

2 ) Personnalité limite (borderline) : ce type de personnalité présente des troubles anxieux, des moments dépressifs caractéristiques, des facilités de passage à l'acte et des conduites antisociales. L'impulsivité se manifeste dans tous les domaines : défense, toxicomanie, vol, comportements alimentaires et affectifs, comportements suicidaires. Les colères sont intenses et inappropriées, liées aux séparations ei aux frustrations. Il existe un sentiment permanent de vide ou d'ennui, des fluctuations de l'humeur et des perturbations marquées de l'identité : image de soi - orientation sexuelle - choix de carrière et choix des valeurs et des amis. Ex.: cette personne fait des efforts désespérés pour éviter les abandons réels ou imaginés. 3 ) Personnalité antisociale : on retrouve dans ses antécédents, des fugues du domicile parental, des bagarres, des vols, une propension à l'école buissonnière et surtout des comportements de contrainte envers les autres (destruction volontaire de biens sociaux, cruautés physiques et sexuelles). Ces personnalités se caractérisent à l'âge adulte par une incapacité : - de maintenir une activité professionnelle régulière ; - de respecter des obligations financières, familiales ; - de se maintenir dans un lieu (adresse permanente) ou dans une relation affective stable; - et de respecter les normes sociales légales (actes antisociaux), abus de confiance et mensonge aggravant un comportement franchement antisocial et n'entraînant souvent aucune culpabilité. Ce type de personnalité se rencontre plus fréquemment chez l'homme (3/11). Sa prise en charge est difficile et les complications nombreuses (difficultés avec la justice - usage de drogues - suicides bagarres, etc.). V. CONCLUSION Le diagnostic de personnalité est indispensable à toutes les classifications des troubles mentaux. Le DSM IV lui consacre l'axe II (l'axe I étant réservé à la pathologie mentale actuelle). Il est utile aux médecins non-psychiatres qui reçoivent des patients pour des troubles relationnels ou somatiques car il leur permet d'apprécier un type de relation et éclaire la compréhension des troubles relationnels (médecinpatient ou patient-famille). Les tests de personnalité peuvent rendre de grands services et permettre de révéler la variété de chacune des personnalités pathologiques (Minnesota Multiphasic Personnality Inventory ou M.M.P.I. -Thematic Aperception Test ou T.A.T. - Rorschach...). Si les psychiatres trouvent que ces listes de conduites non exclusives ne cernent pas suffisamment les limites de chaque personnalité, ils s'en accommodent en attendant des remaniements éventuels.

57

LES TROUBLES ANXIEUX

I. GENERALITES Les troubles anxieux ont souvent été regroupés par les termes : anxiété névrotique, troubles névrotiques, névroses, états névrotiques. Ce sont les troubles les plus fréquents et ceux dont les critères ont été les plus profondément boulversés aux cours de ces vingt dernières années. Sur la base d'une meilleure connaissance des facteurs biologiques en cause, leur diagnostic repose maintenant dans toutes les classifications internationales sur des critères valides et reconnaissables pour tous et non plus sur une formulation psychodynamique. Le terme de névrose est abandonné pour celui des troubles anxieux. La plupart des auteurs proposent d'utiliser indifféremment les termes « troubles névrotiques » ou « troubles anxieux » pour désigner leurs manifestations cliniques sans préjuger de leur étiologie; le terme « processus névrotique » sera réservé aux seuls symptômes dont l'origine remonterait à des conflits inconscients selon une interprétation psychodynamique. Comment peut-on définir ces troubles anxieux ou troubles névrotiques ? Ce sont des manifestations fréquentes et variées ayant en commun la présence d'angoisse(*) pathologique primaire. Cette angoisse peu constituer l'essentiel du tableau clinique (attaque de panique) ; elle est souvent exprimée par des manifestations physiques (troubles somatomorphes - conversions), déplacée sur des objets ou des situations extérieures (phobies) ou transformée en symptômes psychique: (obsessions - compulsions). Sont exclues de cette pathologie, les manifestations anxieuses secondaires qui accompagnent toute affection somatique ou psychiatrique, ainsi que l'anxiété habituelle considéré* comme normale. Cette dernière : - est fréquente lors des expositions à des situations de danger, ou de difficultés ayant une valeur affective ; - peut être utile et nécessaire à l'amélioration des performances (examens) ; - est indispensable au métier de création artistique "un objet d'art est de l'angoisse faite objet". Elle doit, à ce titre, être respectée et valorisée ; - peut être suscitée par des expositions volontaires aux dangers réels ou supposés (sports violents, désir de voir ou d'assister à des scènes difficiles ou dangereuses) contribuant ainsi à apprivoiser la peur pour mieux la surmonter. A. ETIOLOGIE DE L'ANGOISSE : différentes approches permettent de comprendre l'origine de l'anxiété : 1 - l'approche psychanalytique : pour elle, l'angoisse est une alerte du Moi face aux pulsions instinctuelles du "ça". Différents types d'anxiété s'expliquent par les conflits inconscients en cause : -

angoisse de castration provoquée par les pulsions œdipiennes ; angoisse de séparation qui apparaît lors des craintes de perdre une relation d'amour ; angoisse provoquée par la peur de perdre le contrôle des pulsions ; angoisse issue d'un "surmoi" sévère chez des sujets culpabilisés par une conscience rigide.

2- L'approche cognitive : elle attribue l'anxiété à une interprétation cognitive erronée et inadaptée, dramatisant les situations. La réalité est ainsi perçue à travers l'interprétation que fait le malade des situations. Les sujets anxieux ont une capacité à sélectionner les informations anxiogènes dans leur environnement.

(*) Nous employons indifféremment les mots : angoisse ou anxiété. Les tentatives de distingue angoisse avec manifestations physiques prévalantes et anxiété vécu intellectuel de l'affect désa K i cable n'ayant pas été utile. L ’ a n x i é t é est un signal d'alerte informant d'un danger imminent, elle prépare la personne répondre à la menace. Proche de la réaction de peur, elle s'en distingue par l'absence de mena ce extérieure reconnue et identifiée en tant que telle. L'anxiété est une réponse à une menac imprécise pouvant résulter de conflits personnels intrapsychiques.

58

3 - Les théories de l'apprentissage établissent une relation entre l'anxiété pathologique et les processus d'apprentissage inadaptés. Ils permettent de comprendre l'anxiété provoquée par certains stimuli externes. 4- L'approche biologique : la découverte des récepteurs G.A.B.A. (Acide gamma amino-butyrique) qui fixent les benzodiazépines (anxiolytiques) a marqué une étape importante dans la compréhension des mécanismes biochimiques de l'anxiété. Le système limbique et le locus coeruleus semblent jouer un rôle important dans le déclenchement de la crise de panique. Le système adrénergique et sérotoninergique jouent également un rôle dans les manifestations anxieuses. B. L'ETIOPATHOGENIE DE L'ANGOISSE reste hypothétique malgré les nombreuses propositions psychologiques, biologiques ou sociologiques. C. NOTION DE NEVROSE a- Généralités : ce groupe d'affections constitué par la névrose d'angoisse - névrose hystérique - névrose phobique - névrose obsessionnelle doit son individualisation à l'avènement et au développement de la théorie psychanalytique (S.FREUD 1926(1)). C'est elle qui lui a donné son originalité psychopathologique, c'est elle qui a proposé une explication cohérente à la diversité de ses expressions cliniques, c'est elle qui en a codifié le traitement psychanalytique après en avoir proposé l'étiologie psychologique. Les symptômes (obsession - compulsion - conversion - phobie, etc.) se rencontrent et s'intègrent souvent dans une personnalité originale caractéristique. Celle-ci permet leur intégration dans un fonctionnement global, envisage l'octroi d'un sens inscrit dans l'histoire individuelle du sujet et, enfin, propose une prédiction évolutive. La plupart des thérapeutes remarquent que cette personnalité reste stable, malgré la variabilité des symptômes rencontrés au cours des longues prises en charge. Le diagnostic de personnalité semble donc capital pour comprendre les circonstances d'apparition, le sens que peut prendre un symptôme dans l'histoire d'un sujet, sa disparition, son évolution et son pronostic. Le débat peut paraître inutile lorsqu'on sait que le diagnostic du DSM IV est multiaxial et précisément l'axe II permet le diagnostic de personnalité (l'axe I étant celui qui permet d'identifier le trouble). On pourrait alors reconstituer la névrose obsessionnelle en précisant : - Axe I troubles obsessifs compulsifs ; - Axe II personnalité névrotique de type obsessionnel. Mais il se trouve que la classification des types de personnalités dans les classifications internationales n'est pas superpo-sable à celui des névroses classiques, elle fait souvent référence à un trait de caractère qu'elle considère comme essentiel (personnalité histrionique par exemple à la place de personnalité hystérique). C'est le premier argument qui se heurte à cette apparente harmonie. D'autres constatations, cliniques celles-là, ne peuvent plus être ignorées : 1) Il est actuellement admis que les symptômes appelés autrefois névrotiques se retrouvent en dehors d'une personnalité névrotique. La comorbidité n'est pas toujours retrouvée en clinique (présence de troubles et d'une personnalité pathologique correspondante, exemple : conversion et personnalité hystérique, obsession et personnalité obsessionnelle). L'obsession comme la conversion peuvent se rencontrer avec une personnalité psychotique par exemple. 2) On tend à reconnaître aujourd'hui une origine multifactorielle à ces symptômes. Même si les facteurs psychologiques demeurent capitaux, il est nécessaire d'avoir plusieurs hypothèses concernant les causes et les mécanismes ayant permis l'éclosion des troubles qu'ils soient : biologiques, psychologiques ou issus d'un conditionnement. (1) FREUD.S, Inhibition, symptome et angoisse (1926) Paris, PUF, 1695.

59

3) On envisage des possibilités thérapeutiques variées en dehors du traitement psychanalytique (traitement biologique - cogniti-vo-comportemental, etc.). b- clinique : les troubles névrotiques ou troubles anxieux ont en commun : - une conscience des troubles et une absence d'altération du système de réalité ; - une étiologie et une psychopathologie ; le rôle des facteurs psychologiques au cours de l'enfance semble primordial ; - une organisation conflictuelle permanente de la personnalité ; - des symptômes variés et variables dans le temps pouvant exprimer des conflits inconscients autour du complexe d'Œdipe. ■

Ces symptômes sont : 1 - troubles anxieux paroxystiques ou permanents liés à des situations, mais pouvant se développer en dehors de tout événement extérieur ; 2- troubles du caractère : l'agressivité tient une place centrale. Elle peut être impulsive et culpabilisée, soit inhibée et remplacée par un excès de politesse, ou dissimulée derrière de l'ironie ; 3 - troubles du sommeil : insomnie ou hypersomnie, refuge contre l'angoisse d'abandon ; 4- troubles sexuels : inhibitions compensées par des comportements provocateurs (difficulté de réalisation - diminution du désir) ; 5- troubles alimentaires : anorexie - boulimie - dégoût - vomissements ; 6- troubles moteurs et sensoriels (tics - analgésie - paralysie, etc.). 7- asthénie plus ou moins constante, matinale, ne cédant pas au repos. c- psychopathologie du processus névrotique : la genèse du conflit névrotique prend sa source dans les avatars du développement psycho-sexuel du nourrisson et de l'enfant. La conceptualisation de ce conflit fait appel à trois notions : 1. Celle de l'inconscient. 2. Celle des instances de la personnalité (ça : représentant les pulsions essentiellement biologiques) (Surmoi : instance interdictrice héritière de l'éducation et de la loi du père) (et le Moi : qui a une fonction d'adaptation à la réalité et aux exigences pulsionnelles). 3. Celle des stades du développement affectif (stade oral - stade anal - stade génital et complexe d'Œdipe). Au cours du développement, les satisfactions importantes et les frustrations excessives vont laisser à chaque stade de développement, des traces et entraîner des arrêts du développement (fixation). Si cette fixation est importante, l'affectivité restera régie par les modes de fonctionnement liés à ce stade. Les fixations mineures n'empêcheront pas une progression, mais, à la moindre frustration ou traumatisme affectif, un retour à ce stade du développement sera possible (régression). Ces fixations peuvent conduire à une perversion (Cf.paraphilie) si le mode de fonctionnement archaïque persiste sans changement, à une névrose si le Surmoi s'oppose à cette persistance et tente de l'interdire. Dans la névrose hystérique et phobique, la fixation se fait au stade génital, au premier temps du conflit œdipien, dans la névrose obsessionnelle, il y a une régression pulsionnelle au stade sadique anal. Les pulsions infantiles œdipiennes inacceptables par le sur-moi sont refoulées dans l'inconscient, leur expression directe est bloquée d'où angoisse et mise en place de mécanismes de défense inconscients. Le Moi est à la recherche de compromis entre les exigences pulsionnelles et l'adaptation à la réalité. La défense la plus importante étant le refoulement des représentations pulsionnelles. D'autres mécanismes de défense vont contribuer à trouver un équilibre tout en imprimant à chacune des personnalités névrotiques, une originalité : Déplacement : névrose hystérique. Déplacement-symbolisation : névrose phobique. Isolation-formation réactionnelle- annulation : Névrose obsessionnelle.

60

Le conflit œdipien pour le garçon découle de la rivalité avec le père pour la conquête de la mère. Ce projet est confronté à une angoisse de castration (peur des représailles de la part du père) qui va solliciter les mécanismes de défense. Ces mécanismes de défense, qui existent chez tous les individus, sont, ici, plus intenses, moins souples, et donc vont rendre difficile le fonctionnement psychique. Les pulsions refoulées par le Surmoi et transformées par les mécanismes de défense vont s'exprimer par des conduites symboliques répétitives qu'on appelle symptômes névrotiques. Ces symptômes représentent un compromis entre la pulsion et les défenses, ils diminuent l'angoisse et réalisent une détente de la tension (bénéfices primaires). Ils peuvent secondairement modifier les rapports entre le patient et son entourage et amener des satisfactions (bénéfices secondaires). Les personnalités névrotiques seront étudiées avec les troubles : - Conversifs pour la personnalité hystérique ; - Phobiques pour la personnalité phobique ou évitante ; - Obsessionnels-compulsifs pour la personnalité obsessionnelle. En gardant à l'esprit que les entités pathologiques ne sont plus classées selon la structure présumée de la personnalité, mais uniquement selon les conduites manifestes. D. CLASSIFICATION DSM IV OU CIM 10 La pathologie de l'anxiété a été démembrée en plusieurs troubles différenciés, ce qui a entraîné la multiplicité des entités cliniques et facilité leur chevauchement. Ces troubles ne sont plus contraints par des hypothèses psychopathologiques, mais par l'existence statistique de liens entre eux ; ils sont, en revanche, clairement définis permettant ainsi un maximum de fidélité interjuge et donc des recherches cliniques plus faciles à valider. I. Anxiété généralisée II. Troubles paniques avec ou sans agoraphobie III. Troubles phobiques : agoraphobie - phobies simples et phobies sociales IV Troubles obsessionnels-compulsifs V Troubles conversifs et somatomorphes VI. Etat de stress post-traumatique. Le démembrement de la névrose hystérique contraint le DSM IV, à proposer 3 catégories différentes de trouble (axe I) : - troubles somatiques, - troubles dissociatifs, - troubles factices, Auxquels il faut ajouter le diagnostic de la personnalité : pathologique sous-jacente (axe II). - type histrionique, - type passif dépendant, - type agressif, - type border-line. C'est la névrose qui n'a plus retrouvé son unité. Nous l'identifierons autour des troubles somatiques et de la personnalité histrionique, éléments constitutifs les plus représentatifs du tableau clinique.

61

E. TESTS PSYCHOLOGIQUES S'il n'y a pas de tests biologiques spécifiques pour l'anxiété, les tests psychologiques peuvent être d'un appoint certain : 1 - Rorschach . L'attention exagérée au détail et à la symétrie peut faire penser à des réponses obsessionnellescompulsives ; . Les réponses anatomiques et les atteintes corporelles feront plus penser aux phobies ; . Les réponses couleurs, les formes peu structurées et réponses mouvement sont en faveur de l'existence d'une anxiété. 2- M M R I. (Minnesota Multiphasic Personnality Inventory). En cas d'anxiété, on retrouve un score élevé des échelles d'hypocondrie, hystérie, psychasthenic 3- T.A.T. (Thematic Aperception Test) thématique agressive ou sexuelle, augmentation des réponses fantasmatiques

62

PSYCHODYNAMIQUE DES TROUBLES ANXIEUX

Trouble Phobie

Trouble obsessionnel compulsif

Défense Déplacement Symbolisation Projection Déplacement Annulation isolations formation réactionnelle

Anxiété

Régression

Panique Attaque

Régression

Effondrement du refoulement des désirs interdits, agressifs ou dépendance La personnalité est débordée par l'anxiété et se décharge dans une attaque de panique. Effondrement total du refoulement et survenue de régression

Etat de stress posttraumatique

Régression Refoulement Déni Annulation

Réaction des conflits inconscients suite à une expérience traumatique le Moi revit l'anxiété et essaie de la maîtriser.

Agoraphobie

Commentaire L'anxiété est détachée de l'idée ou de la situation et déplacée sur un autre objet ou situation symbolique Hostilité, colère ou sexualité refoulées sont projetées sur l'environnement qui est vécu comme étant dangereux Un surmoi sévère s'oppose aux impulsions culpabilisantes pour le patient; la répétition des actes et des pensées diminue l'anxiété.

EPIDEMIOLOGIE DES TROUBLES ANXIEUX

Epidémiologie

Homme: Femme:

Age de début

Histoire familiale

Etude de jumeaux

Trouble panique Phobie

Trouble obsessionne

0,6 à 1 % de la population

0,04 % à 3 '% de la population

2-4 % de la population

Etat de stress post traumatique 0,75 % de la population

Homme ; 1 Femme : 1

Homme : 1 Femme : 2

Homme : 1 Femme : 2

Trouble anxieux le plus fréquent 3 à 7 % de la population Plus fréquent 1:1 (sans agoraphobie) 1:1 chez les femmes (avec agoraphobie) vingtaine Fin de l'enfance

20% des parents Peut être de premier degré familiale sont agoraphobes 20% des parents de 1" degré présentant une agoraphobie

Adolescence début de l'âge adulte 3-7% chez les parents de 1" degré

Trouble anxiété généralisée

Variable; Tous les âges y début de l'âge compris l'enfance adulte 15-17% chez les parents de 1" degré 80-90% concordance pour les jumeaux monozygotes 1015% chez les jumeaux dizygotes

63

II. ANXIETE GENERALISEE A. GENERALITES Freud (1895) l'avait appelée "névrose d'angoisse" et en avait fait une description qui est toujours actuelle (crise sur fond d'angoisse). Ce sont les travaux de D. Klein dans les années 60, qui démontrent l'efficacité de l'Imipramine dans les crises d'angoisse aiguë et qui amènent l'éclatement nosographique de la névrose d'angoisse. Pour D. Klein, la crise d'angoisse ou attaque de panique est une atteinte spécifique qui doit être distinguée de la "névrose d'angoisse"; elle peut être considérée comme un processus biologique survenant chez les sujets génétiquement prédisposés. Dans les familles à risque pour trouble panique, il n'y aurait pas d'augmentation de risque pour l'anxiété généralisée. L'anxiété généralisée reste un trouble fréquent dans la population générale (variant de 2 à 4 % de la population adulte avec une fréquence soutenue entre 22 et 44 ans). B. CLINIQUE L'anxiété est le syndrome dominant, elle est flottante, quotidienne et dure depuis des mois. Elle s'accompagne de troubles somatiques de l'angoisse. Depuis des mois l'anxieux ressent cette angoisse et tente de lui chercher des explications dans les événements personnels, familiaux ou nationaux. L'anxiété se nourrit de tous les prétextes : les ennuis quotidiens sont démesurément grossis, dramatisés (maladie -échec - accident - conflit familial ou professionnel). Les préoccupations s'aggravent le long de la journée et culminent en fin de journée entraînant une insomnie et des ruminations anxieuses. L'anxieux semble avoir des difficultés à intérioriser des schémas sécurisants : il vit dans l'insécurité et le pessimisme infiltre son avenir et celui de ses proches. Les troubles somatiques sont constants, ce sont essentiellement des : tensions musculaires - palpitations tremblements - pollakiurie -bouche sèche - bourdonnements d'oreilles - troubles vaso-moteurs -génitourinaires - gastro-intestinaux - étourdissements - spasmes divers ou myalgies.... Ils peuvent constituer l'essentiel du tableau clinique et occasionner une grande consommation médicale clinique et paraclinique. C. DIAGNOSTIC POSITIF

Symptômes anxieux primaires permanents durant au moins un mois avec anticipation anxieuse et dramatisation de l'existence. Présence d'une tension motrice, de fébrilité, de tremblements et de troubles ncuro-psychologie-végétatifs : tachycardie, transpiration, gêne respiratoire et épigastrique, sécheresse de la bouche, troubles génito-urinaires. D. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

I ) Anxiété secondaire à une situation de danger réel. 2) Etat dépressif majeur au cours duquel peut survenir un épisode anxieux. 3) Prolapsus de la valvule mitrale qui peut être associé ou à l'origine d'un état anxieux. 4) Angine de poitrine : L'ECG, les enzymes cardiaques, l'irradiation de la douleur pourront corriger le diagnostic. 5) Syndrome d'hyperventilation : respiration rapide - spasme carpo-pédial, pâleur péribuccale (réagit à la respiration dans un sac de papier). 6) Hypoglycémie : antécédents diabétiques - glycémie à jeun inférieure à 50mg. 7) Hyperthyroïdie : triodothyronine élevée (T3)-tyroxine (T4). 8 ) Syndrome carcinoïde : hypertension artérielle - catecholamines urinaires élevées. 9) Intoxication à la caféine ou au kif ("cannabis").

64

E. THERAPEUTIQUE

II existe différentes thérapeutiques plus ou moins efficaces : a) Les benzodiazepines sont utiles : choisir une molécule à longue vie qui permette de diminuer les prises quotidiennes, associée éventuellement aux bêta-bloquants. Se méfier des doses élevées. Les benzodiazépines restent les meilleurs agents pharmacolo giques pour traiter l'anxiété généralisée. b) Les antidépresseurs tricycliques sont parfois plus efficaces lorsqu'il existe des crises d'angoisse. Les I.M.A.O. ou inhibiteurs de la monoamine oxydase sont également efficaces sur les crises d'angoisse ; les produits récents sont dénués d'effets indésirables, I et semblent prévenir les crises d'angoisses (Antidépresseurs séro- I toninergiques). c) La relaxation : toutes les techniques peuvent être utiles. d) La thérapie cognitivo-comportementale concentre son intérêt sur I l'observation de séquences répétitives de comportement et tente I de déterminer les pensées, images, croyances qui accompagnent I ce fonctionnement anxieux. Le but est d'aider le patient à changer sa façon d'interpréter les données de son corps (sensáHoríi internes) et celles de la réalité. Les explications des interprétations font partie de la stratégie permettant de briser les schémas de pensées anxiogènes.

Technique cognitive 1 - Autocontrôle : prendre conscience des pensées anxiogènes qui conduisent à une perte de la maîtrise des émotions et à une performance inacïéquate. Apprendre à produire et à développer, en collaboration avec le thérapeute, un ensemble de compétences psychologiques (pensées, idées, stratégies de solution j aux problèmes) incompatibles avec l'anxiété. 2 - La gestion du stress : - Expliquer au patient pourquoi il est aidé, quelles sont les difficultés et l'impact du sress sur sa tension permanente ; - Sélectionner les comportements cibles à traiter en fonction du handicap de la vie quotidienne; - Entraîner le patient à évaluer le degré de danger d'une situa tion réelle ou imaginaire afin de favoriser une meilleure discrimination entre un problème réel et une difficulté liée à son anticipation anxieuse ; - Permettre une remise en question d'un comportement adopté dans le passé. 3 - Les symptômes cognitifs et comportementaux : Le syndrome cognitif le plus fréquent est l'incapacité de se concentrer, donc de faire face aux demandes de la situation ou à des situations redoutées. L'impression de perdre le contrôle de soi-même est aussi fréquente. Ces symptômes diminuent la perception d'efficacité personnelle et l'estime de soi se structure d'une manière négative.

III - L'ATTAQUE DE PANIQUE A. GENERALITE Prévalence de 0,6 à 1 % de la population générale ; risque deux fois plus élevé chez les femmes lorsque les parents sont atteints de trouble panique. B. CLINIQUE C’est une crise aiguë d'angoisse ayant tendance à se répéter et survenant, le plus souvent, sans facteurs déclenchants. Si les symptômes peuvent varier d'un sujet à l'autre, on note le plus souvent : urntiment de peur catastrophique accompagné de troubles neurovégétatifs rapidement croissants : ce sont des palpitations ou des douleurs thoraciques d'apparition soudaine avec sensation il'étouffement, des sentiments d'étrangeté ou d'irréalité (dépersonnalisation ou déréalisation), des tremblements, une impression de mort imminente, une

65

peur de perdre le contrôle de soi-même