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Les Éditions Albouraq – Héritage Spirituel –
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Ibn Rajab al-Hanbalî Les Héritiers des Prophètes Albouraq
Ibn Rajab al-Hanbâlî Né en 736 H. (1335) à Bagdad, Ibn Rajab al-Hanbalî commença très jeune à voyager avant de se fixer à Damas. Formé à Jérusalem, à La Mecque et en Egypte, il devint en particulier un spécialiste de la tradition prophétique, la science du hadîth. Après son retour à Damas, il enseigna jusqu’à sa mort en 795 H. (1393). Ibn Rajab suivait l’école hanbalite (d’où son surnom d’al-Hanbalî). Son principal formateur fut Ibn Qayyim al-Jawziyya, lui-même élève du célèbre Ibn Taymiyya. Ibn Qadi Shuhba disait à propos d’Ibn Rajab : « Il est devenu compétent dans les différents domaines des sciences. Il a assimilé tout ce qu’il convenait de savoir sur l’école hanbalite au point d’en connaître toutes les finesses. Il a consacré beaucoup de temps à connaître les hadîth-s. Parfois, il se retirait du monde pour pouvoir écrire. » Ibn Rajab était reconnu comme un spécialiste des disciplines relatives aux hadîth-s dont il maîtrisait les noms des rapporteurs, leur biographie, les chaînes de transmission et les textes. Le présent livre offre le commentaire donné par Ibn Rajab d’un hadîth très connu, mettant en scène Abû al-Dardâ’, l’un des compagnons du Prophète .
Le hadîth dit de Abû Dardâ’ Un homme vint voir Abû Dardâ’, alors à Damas. Abû Dardâ’ lui demanda : « Qu’est-ce qui t’a conduit ici, mon frère ? – Un hadîth que tu as rapporté du Prophète , répondit l’homme. – Es-tu venu poussé par quelque besoin matériel ? demanda Abû Dardâ’. – Non. – Es-tu venu pour affaires ? – Non. – Tu n’es venu que pour chercher ce hadîth ? – Oui, dit l’homme. » Abû Dardâ’ lui dit alors : [Le Prophète a dit :] Quiconque parcourt un chemin à la recherche de la connaissance sacrée, Allâh le place sur un chemin conduisant au Paradis. Les anges abaissent leurs ailes pour celui qui étudie la science sacrée, car ils sont satisfaits de ce qu’il fait. Les créatures des cieux et de la terre demandent le pardon pour celui qui étudie la science sacrée, même les poissons dans la mer. La supériorité du savant [religieux] par rapport au dévot est comme la supériorité de la pleine lune par rapport aux autres corps célestes. Les savants [religieux] sont les héritiers des prophètes. Les prophètes ne laissent pas d’argent en héritage, mais ils laissent plutôt la connaissance. Celui qui la saisit en a pris une part généreuse. L’imam Ahmad, Abû Dawûd, Tirmidhî et Ibn Mâjah rapportent ce hadîth dans leurs recueils.1
Commentaire d’Ibn Rajab
Chapitre 1 Quiconque parcourt un chemin à la recherche de la connaissance sacrée, Allâh le place sur un chemin conduisant au Paradis. Les premières générations de musulmans, en raison de leur désir intense d’acquérir la connaissance sacrée, voyageaient jusqu’à des terres lointaines à la recherche parfois d’un seul hadîth prophétique. Abû Ayyûb Zayd ibn Khâlid al-Ansârî fit le voyage de Médine jusqu’en Egypte en vue de rencontrer un Compagnon dont il avait entendu dire qu’il rapportait un hadîth du Prophète . De même, Jâbir ibn `Abdallâh , bien qu’ayant reçu beaucoup du Prophète lui-même vit un voyage d’un mois pour rejoindre la Syrie pour y entendre un seul hadîth. Sans hésiter, ces hommes d’excellence voyageaient pour rencontrer quelqu’un dont la vertu et l’érudition étaient moindres, mais qui possédaient néanmoins une connaissance dont eux-mêmes manquaient. Un exemple frappant de ce type de voyage est donné par Allâh dans le Coran, à travers le récit du voyage de Moïse avec son jeune compagnon. S’il y avait bien quelqu’un qui n’avait pas besoin de voyager pour chercher la connaissance, c’était Moïse ! Car Allâh lui avait parlé, et lui avait donné la Thora dans laquelle les principes divins avaient été révélés. Pourtant, quand Allâh lui signala un homme (appelé Khidr) à qui a été accordée la connaissance, Moïse se renseigna pour savoir comment le rencontrer, et se mit ensuite en route avec son jeune compagnon pour trouver ce Khidr, ainsi que le dit Allâh : Moïse dit à son jeune compagnon : « Je n’arrêterai pas avant d’avoir atteint le confluent des deux mers, dussé-je marcher de longues années. »2 Allâh nous informe que, lorsqu’il rencontre Khidr, Moïse lui demande : « Puis-je te suivre à la condition que tu m’enseignes une part de ce que l’on t’a appris sur la voie droite ? »3 Les détails de leur aventure sont relatés dans le Livre d’Allâh et dans le hadîth bien connu de Ubayy ibn Ka`b qui est rapporté par Bukhârî et par Muslim. Ibn Mas`ûd a dit : Je jure par Allâh, à côté de qui il n’est pas d’autre divinité, il n’y a pas un chapitre du Coran dont je ne sache où il a été révélé. Il n’y a pas un verset du Livre d’Allâh dont je ne sache à propos de quoi il a été révélé. Pourtant, si j’entendais parler de quelqu’un qui soit plus érudit que moi au sujet du Livre d’Allâh, je ferais tous les efforts possibles pour le rejoindre.4 Abû Dardâ’ a dit : Si j’étais incapable d’expliquer un verset du Livre d’Allâh, et si je ne pouvais pas trouver quelqu’un pour l’expliquer sauf un homme à Bark al-Ghimâd5 je ferais le voyage jusqu’à lui.6 Un homme fit le voyage de Kûfa jusqu’en Syrie pour interroger Abû Dardâ’ sur la validité d’un serment qu’il avait fait.7 De même, Sa`îd ibn Jubayr se rendit de Kûfa à La Mecque pour demander à Ibn `Abbâs une explication sur un seul verset du Coran.8 Hasan al-Basrî se rendit de Basra à Kûfa pour interroger Ka`b ibn `Ujra sur l’expiation pour ne pas s’être rasé la tête à cause d’une maladie comme il est prescrit de le faire à la fin du pèlerinage.9 Un exposé approfondi de cette question – voyager à la recherche de la connaissance – serait en réalité excessivement long. Mais illustrons un peu plus cette pratique : un homme fit un serment, dont les juristes n’étaient pas certains de la validité. Quand il fut envoyé à un homme habitant une terre lointaine, on lui dit : « Cette terre est proche pour quiconque se sent concerné par sa religion. » Cette
parole contient un conseil sage pour celui qui s’intéresse à sa religion autant qu’il s’intéresse à ses affaires matérielles. Si quelque chose survient qui met en jeu sa religion et s’il ne trouve personne à consulter sinon une personne dans un pays lointain, il doit pas hésiter à voyager pour sauvegarder sa religion, tout comme celui qui s’intéresse à ses affaires se hâterait d’aller dans un pays lointain pour saisir l’opportunité d’un gain. Dans le hadîth dont nous parlons, Abû Dardâ’ a annoncé une bonne nouvelle à la personne qui avait voyagé jusqu’à lui en quête d’un hadîth qu’il avait entendu du Prophète au sujet de la vertu de la connaissance. Cela correspond à la parole d’Allâh : Lorsque ceux qui croient en Nos signes viennent à toi, dis-leur : « Paix sur vous ! Votre Seigneur S’est prescrit à Lui-même la miséricorde. »10 On raconte qu’un groupe d’étudiants se pressait un jour autour de Hasan al-Basrî. Son fils les interpella durement. Hasan lui dit alors : « Doucement, mon fils ! », et il récita le verset cité précédemment. Tirmidhî comme Ibn Majâh citent Abû Sa`îd al-Khudri qui aurait dit : « En vérité, le Prophète conseillait aux savants de bien traiter ceux qui étudient la science. »11 Zirr ibn Hubaysh vint voir Safwân ibn `Assâl en quête de savoir. Zirr lui dit : « Les nouvelles me sont venues que les anges abaissent leurs ailes vers ceux qui étudient la science sacrée. » Abû Safwân le rapporte aussi directement du Prophète . Un jour, des gens s’étaient rassemblés à la porte de `Abdallâh ibn al-Mubârak. Il dit : « Ceux qui étudient la science sacrée méritent l’amitié d’Allâh et le bonheur éternel. » Il enviait leur comportement motivé par la recherche de la connaissance, car il conduit au bonheur éternel. C’est pour la même raison que Mu`âdh ibn Jabal pleura quand sa mort approcha, et dit : « Je pleure en sentant combien vont me manquer d’avoir soif sous la chaleur de midi [à cause du jeûne], de me tenir debout en prière durant les longues nuits d’hiver, et de voir les foules d’étudiants à genoux autour des savants dans les cercles d’enseignement. »12 Il convient que les savants accueillent les étudiants et les poussent à mettre en pratique ce qu’ils apprennent. Hasan al-Basrî saluaient ses étudiants ainsi : « Bienvenue, et qu’Allâh prolongent vos vies dans la paix, et qu’Il nous fasse entrer tous au Paradis ! Votre recherche de la connaissance est une bonne action, à condition que vous y persévériez, que vous soyez sincères et absolument certains de la récompense qu’Allâh a préparé pour vous. Qu’Allâh vous ait en Sa miséricorde ! Ne laissez pas votre part de ce bien entrer par une oreille et sortir par l’autre. Celui qui n’a pas vu Muhammad doit savoir que le Prophète l’a vu aller et venir. Le Prophète n’a pas construit de bâtiments élevés. Par contre, la connaissance lui a été donnée, et il s’y est consacré. Ne perdez pas de temps, le salut est en jeu. Qu’est-ce qui vous rendra attentifs ? Etes-vous hésitants ? Je le jure par le Seigneur de la Ka`ba, tout se passe comme si le Jour du jugement se présentait à vous à ce moment précis. »13 Commençons maintenant l’explication du hadîth de Abû Dardâ’. Quiconque parcourt un chemin à la recherche de la connaissance sacrée, Allâh le place sur un chemin conduisant au Paradis. Dans une autre version du hadîth, il est dit : Allâh lui facilitera un chemin conduisant au Paradis.14 On en trouve encore une autre version rapportée par Muslim, sous l’autorité de Abû Hurayra : Quiconque voyage sur le chemin à la recherche de la connaissance sacrée, Allâh lui rendra aisé un chemin conduisant au Paradis.15 L’expression « voyager sur le chemin à la recherche de la connaissance sacrée » peut être comprise dans le sens de « marcher », littéralement, vers les lieux où est enseignée la science sacrée.
Cette expression peut englober un sens plus général, tel que suivre une méthode intangible par laquelle on parvient à la connaissance, avec tout ce que cela implique : mémoriser, étudier, lire, prendre des notes, comprendre, méditer, et d’autres actions qui facilitent l’étude. L’affirmation du Prophète : Allâh lui rendra aisé un chemin conduisant au Paradis véhicule plusieurs significations. Ainsi le fait qu’Allâh assiste celui qui étudie la science sacrée dans sa quête, le plaçant sur son chemin et facilitant sa réussite. De cette façon le chemin de la connaissance conduit au Paradis. Cette facilitation est exprimée dans la parole d’Allâh : Nous avons rendu le Coran facile en vue du rappel. Est-il quelqu’un pour s’en souvenir ?16 Au sujet de ce verset, certains commentateurs disent : « Est-il quelqu’un de sincère dans sa quête de la connaissance sacrée afin qu’il puisse être aidé pour l’atteindre ? » De nombreux chemins mènent à Allâh. L’un de ces chemins consiste à ce qu’Allâh rende facile à celui qui étudie la connaissance sacrée d’agir selon Ses commandements, pour peu qu’il étudie uniquement pour l’amour d’Allâh. Alors Allâh en fera la cause de Sa guidance, le guidera par la connaissance, et le conduira à la mettre en pratique. Tous ces chemins mènent au Paradis. En outre, à tout étudiant qui recherche la connaissance en vue d’une application sincère, Allâh lui facilitera l’acquisition d’une connaissance supplémentaire profitable. C’est un chemin qui mène au Paradis. Il est dit : « Quiconque agit selon ce qu’il sait, Allâh lui accordera la connaissance de ce qu’il ne sait pas. » On dit également : « La récompense du bien, c’est le bien qu’il entraîne. » Ce sens est spécifié dans la parole d’Allâh : Allâh augmente la guidance de ceux qui suivent la voie de la guidance.17 De même : Quant à ceux qui sont dans la bonne direction, Allâh augmente leur guidance et leur inspire la crainte révérencielle.18 Ceux qui recherchent la connaissance en désirant être bien guidés, Allâh leur donne un surcroît de guidance et la connaissance profitable. Ce type de connaissance incite aux actions vertueuses. Ce sont toutes des voies qui mènent au Paradis. Un autre chemin réside dans le fait qu’Allâh rend facile à l’étudiant en connaissance sacrée de tirer profit de cette connaissance dans l’au-delà afin de traverser le Pont au-dessus de l’Enfer (sirât), et de faire face aux horreurs terribles et aux obstacles impressionnants qui le précèdent. La raison pour laquelle le chemin vers le Paradis est rendu facile pour celui qui étudie la connaissance sacrée, s’il désire Allâh et Sa satisfaction, s’explique comme suit. La connaissance oriente quelqu’un vers Allâh par les chemins les plus accessibles. Par conséquent, quiconque voyage sur son chemin sans en dévier atteint Allâh et le Paradis grâce à la route la plus directe. Les routes qui mènent au Paradis ont toutes été aplanies pour lui, dans ce monde et dans l’autre. Quant à celui qui emprunte une voie sans posséder la connaissance, en pensant qu’il est un chemin vers le Paradis, il a choisi le chemin le plus difficile et le plus ardu. Une telle personne n’atteindra jamais sa destination, malgré tous ses efforts. Il n’y a pas de chemin vers la connaissance authentique d’Allâh – qui conduit à Sa satisfaction et à Sa proximité dans l’au-delà – en dehors de la science utile qu’Allâh a envoyée à Ses messagers et révélée dans Ses écritures. Cette connaissance guide vers le chemin droit. Avec elle, la guidance claire est recherchée pour sortir de l’obscurité de l’ignorance, de l’ambiguïté et du doute. En effet, Allâh parle de Son Livre comme d’une lumière par laquelle on est guidé à travers l’obscurité : Une lumière et un Livre clair vous sont venus de la part d’Allâh, par quoi Allâh
guide quiconque s’attache à Sa satisfaction vers les chemins de paix, et Il les fait passer des ténèbres à la lumière.19 Dans un autre hadîth, Le Prophète compare ceux qui possèdent la connaissance aux étoiles qui guident les gens dans l’obscurité. L’imam Ahmad rapporte, selon Anas , que le Prophète a dit : Les savants [religieux] sur terre ressemblent aux étoiles dans le ciel, par lesquelles les gens s’orientent à travers l’obscurité, sur terre et sur mer. Si les étoiles s’éteignent, même les guides se perdent. Cette métaphore est pénétrante, car le chemin vers la compréhension de l’Unité d’Allâh, la connaissance authentique d’Allâh, Ses décisions et Ses récompenses et punitions, ne peuvent être atteints par une connaissance empirique. C’est la révélation divine qui nous les enseigne. C’est ce qu’Allâh a clairement indiqué dans Son Livre et par la bouche de Son Messager . Les savants sont les guides permettant de traverser l’obscurité de l’ignorance, de l’ambiguïté et de l’égarement. Quand ces guides sont perdus, les voyageurs s’égarent. Les savants religieux sont comparés à des étoiles, qui procurent trois avantages : elles guident les gens à travers l’obscurité, elles ornent les cieux, et elles repoussent les démons qui escaladent les cieux [en tentant d’intercepter les commandements d’Allâh aux anges]. Les savants religieux possèdent ces mêmes caractéristiques : ils guident à travers l’obscurité de l’ignorance, ils ornent la terre, et ils repoussent les démons qui mélangent vérité et mensonge et qui introduisent des innovations hérétiques dans la religion. De telles innovations sont introduites par des gens qui suivent leurs lubies. Donc, aussi longtemps que la connaissance subsistera, les gens seront guidés. Mais la connaissance sacrée demeura aussi longtemps que les savants subsisteront. Quand le nombre des savants décline, les gens tombent dans l’erreur. Le Prophète l’a annoncé dans un hadîth sûr, que voici : Allâh ne retire pas la connaissance en l’arrachant du cœur des hommes, mais en supprimant les savants religieux. Quand il ne reste plus de savants religieux, les gens prennent des ignorants comme chefs : ces derniers sont interrogés et ils donnent des avis religieux sans posséder la connaissance nécessaire. Ils s’égarent, et ils égarent les autres. Tirmidhî rapporte, selon Jubayr ibn Nufayr , ce récit d’Abû Dardâ’ : Nous étions avec le Prophète et il dit : « Viendra un temps où la connaissance sera arrachée aux gens au point qu’ils seront incapables d’en tirer profit. » Ziyâd ibn Lubayd dit : « Ô Messager d’Allâh, comment Allâh pourra-t-Il se saisir de la connaissance en nous, alors que nous récitons le Coran ? Je jure par Allâh, nous le récitons et nous l’enseignons à nos femmes et à nos enfants ! » Il dit : « Puisse ta mère porter ton deuil, Ziyâd ! Je te considérais comme l’une des personnes savantes de Médine ! La Torah et les Evangiles sont en possession des juifs et des chrétiens, et pourtant, en tirent-ils profit d’une manière ou d’une autre ? » Jubayr ibn Nufayr poursuit : J’ai rencontré `Ubâda ibn al-Sâmit et lui ai dit : « N’as-tu pas entendu ce qu’a dit Abû Dardâ’ ? » Je lui expliquai alors ce qu’il avait dit au sujet de la perte de la connaissance. Il dit : « Abû Dardâ’ a dit la vérité. Si tu le souhaites, je te dirai la première des connaissances qui sera retirée aux gens. C’est l’humilité spirituelle (khushû`). Tu entreras dans la grande mosquée et tu ne pourras même pas y trouver une seule personne recueillie ! »
Nasâ’î rapporte un hadîth similaire de Jubayr ibn Nufayr, sous l’autorité de `Awf ibn Mâlik , selon lequel : Le Prophète a parlé de l’égarement des juifs et des chrétiens, en dépit des Ecritures saintes qui sont en leur possession. Jubayr ibn Nufayr commente : J’ai rencontré Shaddâd ibn Aws et lui appris le hadîth de `Awf ibn Mâlik. Il me dit : « Il a dit la vérité. Ne t’ai-je point indiqué ce qui se produira la première fois que sera enlevée la connaissance ? L’humilité spirituelle sera ôtée au point que tu ne verra plus une seule personne recueillie. » L’imam Ahmad rapporte un hadîth dans lequel Ziyâd ibn Lubayd parle d’une certaine chose, ce à quoi le Prophète répondit : « Cela arrivera quand la connaissance sera partie. » Ziyâd rapporte ce hadîth et dit : « Les juifs et les chrétiens ne lisent-ils pas la Torah et les Evangiles sans les appliquer ? » Dans cette version du hadîth, Ziyâd ne fait pas mention des événements ultérieurs qu’on trouve dans les versions plus longues. Toutes ces citations rapportent que la disparition de la connaissance viendra de ce que les gens ne la mettront plus en pratique. Les Compagnons expliquèrent que la raison en est que la connaissance intérieure aura disparu dans les cœurs – la connaissance intérieure faisant référence à l’humilité spirituelle. Dans le même esprit, Hudhayfa dit : En vérité, l’humilité spirituelle sera la première connaissance à être effacée. La connaissance sacrée, a dit Hasan al-Basrî, est de deux sortes : La connaissance de la langue, qui est la preuve d’Allâh contre le fils d’Adam, et la connaissance du cœur, qui est la connaissance profitable. Hasan attribue les paroles suivantes au Prophète telles que les rapporte Ibn Mas`ûd dans le Sahîh de Muslim : Les gens réciteront le Coran, et il n’ira pas plus loin que leurs clavicules. Mais s’il atteint leur cœur et s’y enracine, il sera d’un immense profit. De cette manière, la connaissance profitable touche le cœur et y imprime la connaissance authentique d’Allâh, la conscience de Sa majesté, et l’humilité à Son égard. Elle répand sur le cœur l’exaltation, la glorification et l’amour d’Allâh. Quand ces caractéristiques s’installent dans le cœur, il est empreint d’humilité spirituelle, de recueillement. Alors, si les membres du corps suivent, l’humilité se manifestera extérieurement. Ainsi que le rapporte le Sahîh de Muslim, le Prophète avait coutume de dire : Je cherche refuge en Allâh contre une connaissance qui n’est pas profitable et contre un cœur qui ne s’humilie pas. C’est un indice que la connaissance qui n’encourage pas le recueillement intérieur n’est d’aucune utilité. On raconte que le Prophète demandait à Allâh la connaissance profitable. Dans un autre hadîth, il a dit : Demandez à Allâh la connaissance profitable, et cherchez refuge en Lui contre une connaissance inutile. Quant à la connaissance véhiculée par la langue, elle est une preuve d’Allâh contre les gens si elle n’est pas mise en application. Le Prophète a dit : Le Coran est la preuve d’Allâh en votre faveur ou en votre défaveur. Quand la connaissance intérieure disparaît, la connaissance extérieure reste sur la langue des gens, comme une preuve contre eux. Cette connaissance cesse alors d’être la prérogative des savants. Alors rien ne reste de la religion à part son nom, et rien ne reste du Coran à part les lettres écrites. Le
Coran restera dans les livres qui le contiennent pour que, à la fin des temps, il se manifeste hors des livres, et rien ne restera plus ni dans les livres ni dans les cœurs. Les savants distinguent entre connaissance intérieure et connaissance extérieure. La connaissance intérieure est celle qui touche les cœurs et y instille la crainte, l’humilité, la conscience de la grandeur d’Allâh, l’adoration, l’amour, l’intimité et le désir ardent à Son égard. La connaissance extérieure est ce qui reste sur la langue comme moyen pour Allâh d’établir la preuve contre les gens. Wahb ibn Munabbih écrivit à Makhûl : Assurément, tu es quelqu’un qui a atteint la connaissance extérieure de l’islam, et par conséquent tu en as acquis l’honneur. Maintenant recherche la connaissance intérieure de l’islam pour obtenir l’amour d’Allâh et Sa proximité. Dans une autre version, il aurait écrit : En raison de ta connaissance extérieure, tu as acquis statut et honneur auprès des hommes. Aussi recherche la connaissance intérieure pour acquérir un statut auprès d’Allâh et obtenir Sa proximité. Tu dois savoir que ce sont deux stations différentes. Wahb précise que la connaissance extérieure est la connaissance des jugements religieux et des règles légales, la capacité de distinguer le licite (halâl) et de l’illicite (harâm), la connaissance des récits traditionnels et des sermons, et tout ce que la langue exprime. Cette connaissance procure à celui qui la possède amour et vénération aux yeux des hommes. Dans sa lettre, Wahb met en garde contre le fait de s’en tenir à ce que les gens donnent, au risque d’être tributaire spirituellement, et de tomber dans le piège consistant à rechercher l’amour des gens et leur louange. Celui qui s’y arrête est coupé d’Allâh et détourné par les gens de la recherche de Sa satisfaction. Par connaissance intérieure, il entend cette connaissance qui touche les cœurs et y instille la crainte, l’exaltation et la louange d’Allâh. Wahb presse Makhûl d’utiliser cette connaissance pour rechercher l’amour d’Allâh et Sa proximité. Beaucoup parmi les pieux anciens, tels que Sufyân al-Thawrî et d’autres, ont classé les savants en différentes catégories. Le meilleur d’entre eux est le savant qui connaît à la fois Allâh et Ses commandements. Par cette expression, Sufyân fait référence à ceux qui conjuguent connaissance intérieure et connaissance extérieure. Ce sont les savants les plus éminents. Ils sont loués par Allâh : En vérité, parmi les serviteurs d’Allâh, les savants sont les seuls à Le craindre. Il dit également : Oui, ceux qui ont déjà reçu la connaissance tombent prosternés sur leur face, quand on leur récite le Coran, et ils disent : « Gloire à notre Seigneur ! La promesse de notre Seigneur s’est accomplie ! » Beaucoup parmi nos vertueux prédécesseurs avaient coutume de dire : La connaissance religieuse n’est pas dans la quantité de textes mémorisés. La connaissance, c’est dans l’humilité spirituelle. L’un d’eux a dit : La crainte d’Allâh est une connaissance suffisante, et être dans l’illusion au sujet d’Allâh est une ignorance suffisante. Ils ont dit aussi : Celui qui connaît Allâh par expérience intérieure ne connaît pas nécessairement les commandements d’Allâh. Ainsi sont ceux qui possèdent la connaissance intérieure, et auxquels échappe la compréhension des questions juridiques. Nos vertueux anciens disaient de même : Celui qui connaît les commandements d’Allâh ne connaît pas nécessairement Allâh
par expérience intérieure. Ainsi sont ceux qui possèdent la connaissance extérieure, sans avoir la moindre bribe de connaissance intérieure. Ils ne craignent pas Allâh et n’ont pas d’humilité. Ils n’étaient pas bien vus par nos pieux prédécesseurs, pour lesquels les savants de cette sorte étaient corrompus. En effet, ceux-là s’en tiennent à la connaissance extérieure, et la connaissance profitable échoue à atteindre leur cœur. Ils ne goûteront jamais son parfum. Ils ont été submergés par leur négligence, la dureté de leur cœur et leur aversion pour l’au-delà. Ils rivalisent entre eux pour ce monde, y cherchant la glorification, et ils sont pleins de suffisance. Les savants corrompus pensent du mal de ceux qui ont acquis la connaissance profitable. Ils ne les aiment pas, ne les fréquentent pas, et il se peut même qu’ils les condamnent. Ils les dénoncent en disant : « Ce ne sont pas de vrais savants ! » C’est un effet de la fourberie de Satan et de sa tromperie qui empêche ces savants corrompus d’atteindre la connaissance profitable dont Allâh, Son Messager, les vertueux anciens de la nation musulmane et ses imams ont tous fait l’éloge. Pour cette raison, les savants profanes n’aiment pas les savants vertueux, et ils s’efforcent au maximum de leur nuire, de la même façon qu’ils se sont évertués à nuire à Sa`îd ibn al-Musayyib, Hasan al-Basrî, Sufyân al-Thawrî, l’imam Mâlik, l’imam Ahmad et à d’autres savants éminents, qu’Allâh soit satisfait d’eux tous ! C’est parce que les savants vertueux sont les successeurs des messagers, alors que les savants profanes ressemblent à ceux qui ont encouru la colère d’Allâh – ceux qui sont les ennemis des messagers, les meurtriers des prophètes et les assassins des justes. Ils sont très coriaces dans leur hostilité et leur jalousie vis-à-vis des croyants. A cause de leur penchant pour ce monde, ces savants corrompus n’apprécient ni la connaissance religieuse ni la vraie religion. Au contraire, ils glorifient la richesse, le statut et les positions avantageuses auprès des dirigeants. Un des ministres dit au mufti Hajjâj ibn Artâ : « Tu connais bien la jurisprudence et la théologie ! » Hajjâj dit : « Pourquoi ne dis-tu pas plutôt : “Tu jouis de la dignité et de l’estime” ? » Le ministre dit alors : « Par Allâh ! Tu dénigres ce qu’Allâh a glorifié, et tu glorifies ce qu’Allâh a dévalué ! » Par ailleurs, beaucoup parmi ceux qui prétendent posséder la connaissance intérieure en parlent, se limitent à elle, et condamnent la connaissance extérieure, c’est-à-dire la connaissance de la sharî`a, des décisions légales et des questions relatives au licite et à l’illicite. Et ils diffament les qui possèdent une telle connaissance extérieure, disant qu’ils sont voilés et qu’ils sont superficiels. Cette attitude irresponsable entraîne le rejet de la pure sharî`a et des actions vertueuses que les prophètes – que la paix soit sur eux – ont enseignées et encouragées. Certains vont tellement loin qu’ils en viennent à se dispenser du besoin d’accomplir les actes d’adoration, proclamant que l’adoration est faite pour la masse. Ils prétendent que celui qui a atteint la proximité d’Allâh n’a plus besoin d’adorer ; en fait, de tels rituels sont considérés pour lui comme des voiles. Junayd et d’autres ont dit, au sujet de telles personnes : « Ce qu’ils ont atteint, c’est le feu de l’Enfer. » Ce sont la traîtrise et la tromperie de Satan qui poussent les gens à cette prétention [considérant la sharî`a comme non indispensable]. Il va continuer à se jouer d’eux jusqu’à les conduire à apostasier l’islam. Parmi ce groupe de pseudo-savants trompés se trouvent ceux qui s’imaginent que la connaissance intérieure n’est pas obtenue de la lumière de la prophétie ni du Coran ou de la Sunna, mais qu’elle provient de l’effort personnel et de l’inspiration divine. Ils entretiennent des idées calomnieuses à l’encontre de la sharî`a parfaite, pensant qu’elle n’est pas venue avec cette sorte de connaissance qui rectifie les cœurs et rapproche les gens d’Allâh, Celui qui connaît l’invisible. Cette attitude, en fin de compte, les amène à rejeter totalement ce que le Messager d’Allâh a apporté en ce sens, et les conduit à parler de questions spirituelles sur la base de conjectures et de caprices. Ils sont égarés, et
ils égarent les autres. Il ressort clairement de tout cela que les savants plus accomplis et vertueux sont ceux qui connaissaent et Allâh et Ses commandements. Ils conjuguent les deux formes de connaissance, qu’ils reçoivent du Coran et de la Sunna. Ils considèrent ce que les gens disent sur la base du Coran et de la Sunna. Ce qui est en accord avec ces sources, ils l’acceptent. Ce qui les contredit, ils le rejettent. Ces savants sont l’élite de l’humanité – le meilleur de l’humanité après les prophètes. Ils sont les vrais successeurs et héritiers des prophètes et des messagers. Ils furent nombreux parmi les Compagnons, y compris les quatre premiers califes bien-guidés : Mu`âdh, Abû Dardâ’, Salmân, Ibn Mas`ûd, Ibn `Umar, Ibn `Abbâs et de nombreux autres. De même, dans la génération qui suivit, on trouve des gens tels que Sa`îd ibn al-Musayyib, Hasan al-Basrî, `Atâ’, Tâwûs, Mujâhid, Sa`îd ibn Jubayr, al-Nakha`î et Yahyâ ibn Abî Kathîr. Et parmi ceux qui vinrent après ces derniers, il y eut des gens comme al-Thawrî, al-Awzâ`î, Ahmad et d’autres parmi les savants vertueux. `Alî ibn Abî Tâlib les avait surnommés les « savants seigneuriaux » (rabbâniyyûn), montrant ainsi leur statut digne de louange. A ce type de savant il est fait plus d’une fois référence dans le Coran. `Alî dit d’eux : Les gens se répartissent en trois groupes : les savants vertueux, les étudiants de la connaissance sacrée, et la populace. Il poursuit en décrivant en détail à la fois les savants corrompus et les savants vertueux. Nous en discuterons ailleurs dans ce livre. Dans un hadîth bien connu, le Prophète affirme : « Si vous passez près des jardins du Paradis, arrêtez-vous y. » Les Compagnons demandèrent : « Que sont les jardins du Paradis ? » Il dit : « Les groupes où l’on pratique le rappel de Dieu (halaqât adh-dhikr). » Chaque fois qu’il faisait mention de ce hadîth, Ibn Mas`ûd disait : « Je ne veux pas dire des réunions de bavards, mais des groupes où l’on cherche la connaissance sacrée. » Le même hadîth a été rapporté par Anas ibn Mâlik. `Atâ’ alKhurâsânî a dit : Les groupes où l’on pratique le rappel de Dieu sont des cercles où on étudie le licite et l’illicite, comment acheter et vendre, comment accomplir la prière et le jeûne, ce qui concerne le mariage et le divorce, comment accomplir le hajj, et d’autres questions de ce genre. Yahyâ ibn Abî Kathîr a dit : Une leçon de jurisprudence est une prière. Abû Suwâr al-`Adawî fréquentait un cercle d’étude auquel assistait un jeune homme qui exortait les personnes présentes à dire : subhâna-llâh (Gloire à Allâh !) et al-hamdu li-llâh (Louange à Allâh !). Abû Suwâr se mit en colère, disant : « Pauvre de toi ! Pourquoi sommes-nous là à ton avis ? » Cela montre que dans les rassemblements de dhikr il ne s’agit pas simplement de prononcer les formules comme subhâna-llâh, Allâhu akbar (Allah est plus grand !), al-hamdu li-llâh et d’autres expressions louables. En fait, ces rassemblements de rappel incluent également les cercles d’étude où l’on parle des commandements et des interdits d’Allâh, du licite et de l’illicite, et de ce qu’Il aime. Peut-être cette dernière forme de dhikr est-elle plus profitable que la première, dans la mesure où connaître le licite et l’illicite est une obligation pour tout musulman en fonction de ses besoins. Quant à l’invocation d’Allâh avec la langue, elle est en grande partie volontaire et rarement obligatoire – ce qui est le cas du dhikr inclus dans les prières obligatoires. Il est obligatoire pour chacun de connaître les commandements d’Allâh – savoir ce qui procure Son amour et Sa satisfaction, et ce qui provoque Sa colère. C’est pourquoi il est dit [dans le hadîth] : Rechercher la connaissance est obligatoire pour tout musulman.
Il est donc obligatoire pour chaque musulman, sans distinction, d’apprendre les règles et conditions de la purification rituelle, de la prière (salât) et du jeûne (sawm). En outre, il est obligatoire pour quiconque possède des biens d’apprendre ce qui est obligatoire en termes d’aumône légale (zakât) due aux nécessiteux, afin de faire ce qui est volontaire et ce qui est imposé, ainsi que ce qui concerne le pèlerinage (hajj) et le jihâd. De même, il est obligatoire pour quiconque achète et vend d’apprendre quelles transactions sont licites et lesquelles sont illicites. `Umar a dit : Nul ne vend sur nos marchés sauf celui qui a la connaissance de la religion. Un hadîth similaire a été rapporté, avec une chaîne de transmission faible, par `Alî : Comprendre la religion vient avant le commerce. Celui qui se lance dans le commerce sans comprendre correctement la religion tombera dans le péché de l’usure, et aura peu de chance d’y échapper. On demanda à `Abdallâh ibn al-Mubârak : « Quelle connaissance est obligatoire ? » Il répondit : Si un homme n’a aucun bien matériel, il ne lui est pas demandé d’apprendre les règles relatives à la zakât. Si sa fortune atteint le nisâbˊ20 il doit apprendre à déterminer combien il doit donner, quand donner et à qui. On doit procéder de la même façon avec les autres biens imposables. On demanda à l’imam Ahmad : « Quelle connaissance incombe-t-il à un homme de rechercher ? » Il répondit : « Les règles pour accomplir la prière, et les commandements divins concernant le jeûne et la zakât. » Il mentionna ensuite les lois fondamentales de l’islâm et dit : « Il convient de les apprendre. » Il a dit également : « La connaissance obligatoire est celle qui est indispensable pour accomplir la prière et pour consolider sa religion. » Connaître le licite et l’illicite est chose estimable. Cette connaissance comprend l’étude de ce qui est obligatoire individuellement et collectivement. Certains savants – dont l’imam Ahmad et Ishâq – ont écrit qu’il est mieux d’apprendre le licite et l’illicite que d’accomplir un acte d’adoration surérogatoire. Les premiers imams étaient prudents quand ils en parlaient, car celui qui parle de ces questions traite d’informations qui viennent d’Allâh, énonce Ses commandements et Ses interdictions, et transmet Sa Loi sacrée. On dit, à propos d’Ibn Sîrîn, que « quand on lui demandait si telle ou telle chose était licite ou illicite, son visage changeait de couleur et ses traits n’étaient plus les mêmes au point de devenir méconnaissable. » `Atâ’ ibn al-Sâ’ib a dit : « J’ai rencontré des savants qui, lorsqu’on leur demandait un avis religieux, tremblaient en parlant. » On raconte que lorsque l’imam Mâlik était interrogé sur un point de droit, on avait l’impression qu’il était suspendu entre le Paradis et l’Enfer. L’imam Ahmad hésitait beaucoup à parler de licite et d’illicite, à affir mer qu’une règle était abrogée, et à traiter des questions de ce genre, là où d’autres se mettaient à disserter sans hésiter. Il faisait souvent précéder ses réponses d’expressions telles que : « J’espère que », « je crains que » ou « il m’est préférable de ». L’imam Mâlik et d’autres disaient souvent : « Je ne sais pas. » L’imam Ahmad disait souvent, sur un sujet où nos pieux prédécesseurs avaient des opinions divergentes : « La réponse la plus plausible est : “Je ne sais pas.” » Les rassemblements pour le dhikr comprennent également les cercles où on étudie et explique le Coran (tafsîr) et ceux où l’on parle de la conduite du Messager d’Allâh . Les sessions où le récit des hadîth-s s’accompagne d’explications sont plus approfondies et adéquates que celles où on se contente de la transmission. Ces cercles d’enseignement et de rappel comprennent aussi l’étude de toutes les sciences islamiques régulières, en incluant leurs méthodes de recherche et leurs arguments.
Ces sciences concernent autant que la connaissance extérieure que la connaissance intérieure relative aux principes de la foi, à la vigilance spirituelle, à l’examen de conscience, à la purification du cœur pour qu’il prenne conscience de la présence d’Allâh. Ces derniers aspects relèvent de la connaissance de la perfection spirituelle (ihsân). Dans de tels rassemblements, on se préoccupe ainsi d’enseigner et d’approfondir les vertus de l’humilité, de l’amour, de l’espérance, de la patience, du contentement et autres qualités de l’âme. Dans le hadîth dit de Gabriel , l’ ihsân est présenté par le Prophète comme une dimension constitutive de la religion. Comprendre correctement l’ihsân est essentiel pour comprendre correctement l’islâm (la soumission à la volonté de Dieu à travers la pratique rituelle et la conformité à la Loi sacrée). De tels rassemblements sont meilleurs que ceux dont l’unique but est d’invoquer Allâh en répétant les formules subhâna-llâh, Allâhu akbar, al-hamdu li-llâh. La raison en est qu’apprendre sa religion est obligatoire aussi bien pour l’individu que pour la communauté au sens large. Le dhikr consistant à glorifier Allâh est, quant à lui, facultatif. On raconte qu’un des pieux anciens entra dans la mosquée de Basra, et y vit deux groupes de gens assis. Dans l’un des deux se trouvait un prédicateur, dans l’autre un juriste. Il fit une prière particulière en demandant à Allâh de le guider pour savoir à quel groupe il devait se joindre. Après cette prière, il s’assoupit un moment. Il vit alors en songe quelqu’un qui lui disait : « Considères-tu ces deux groupes comme équivalents ? Si tu veux, je te montrerai là où est assis Gabriel dans le cercle du juriste. » Zayd ibn Aslam fut un des savants les plus éminents de Médine. Il tenait une séance dans la mosquée dans laquelle il enseignait le commentaire coranique, le hadîth, la jurisprudence et les autres sciences religieuses. Un homme vint le voir, et lui dit : J’ai vu en rêve un ange qui disait aux gens participant à cette séance : « Cet hôte est assuré dans les jardins du Paradis. » Puis il leur descendit un poisson qu’il posa devant eux. Sur ce, un homme vint leur dire : « En vérité, j’ai vu le Prophète , Abû Bakr et `Umar arriver par cette porte. Le Prophète était en train de dire : “Venez avec nous chez Zayd. Asseyons-nous avec lui et écoutons son enseignement.” Alors le Prophèt entra, s’assit à côté de toi, et te prit la main. » C’est peu après cette vision que Zayd mourut. Bien que nous ayons indiqué que la connaissance est préférable aux exhortations, le savant doit parfois admonester le groupe qui l’écoute en lui relatant des histoires édifiantes. Il faut faire disparaître la dureté des cœurs en aidant les gens à se souvenir d’Allâh et de Sa puissance redoutable. Cette pratique est présente dans le Coran. Le juriste érudit (faqîh) est donc, en réalité, celui qui a une compréhension profonde du Livre d’Allâh et qui le met en pratique. `Alî a dit : Le vrai savant érudit est celui qui ne pousse pas les gens à désespérer de la miséricorde d’Allâh, qui ne leur donne pas de justification pour se rebeller contre Allâh, qui ne s’écarte pas du Coran pour donner la préférence à d’autres livres. Le Prophète lui-même agissait ainsi, et encourageait ses compagnons dans les sermons qu’il prononçait, notamment pour éviter de les accabler sous le fardeau [des obligations ou la crainte du châtiment divin].
Chapitre 2 En vérité, les anges abaissent leurs ailes sur celui qui cherche la connaissance sacrée, satisfaits qu’ils sont de ce qu’il est en train de faire. Ibn Mâjah rapporte un hadîth concernant Zirr ibn Hubaysh dans lequel celui-ci dit : Je rencontrai Safwân ibn `Assâl. Il dit : « Qu’est-ce qui t’amène ici ? » Je répondis : « Ma quête de la connaissance. » Il dit : « J’ai entendu le Messager d’Allâh dire : “Nul ne quittera sa maison pour partir à la recherche de la connaissance sans que les anges n’abaissent leurs ailes sur lui, satisfaits qu’ils sont de ce qu’il est en train de faire.” » C’est ce que rapporte Tirmidhî et d’autres, directement de Safwân. Les interprétations diffèrent au sujet de l’expression « les anges abaissent leurs ailes ». Certains commentateurs l’interprètent à la lettre, disant que les anges ouvrent leurs ailes et les étendent vers ceux qui étudient la connaissance sacrée, afin de les transporter vers leurs destinations sur terre, pour les aider dans leur quête et leur faciliter l’acquisition de la connaissance. Un athée entendit un jour ce hadîth et dit à des étudiants en connaissance sacrée : « Poussez vos pieds ! Ne piétinez pas les ailes des anges, ne les brisez pas ! » Il se moquait évidemment d’eux. En guise de punition pour ces paroles, il resta figé à sa place, ses pieds se desséchèrent, et il s’écroula. Dans une autre version, l’athée dit : « Brisez les ailes des anges ! » Il se fit alors une paire de sandales cloutées et pénétra dans le cercle [des étudiants]. Ses pieds furent par la suite atteints de gangrène. D’autres commentateurs interprètent l’expression comme signifiant que les anges abaissent leurs ailes par humilité ainsi que comme une marque de déférence à l’égard de celui qui étudie la connaissance. Cette interprétation découle de la parole d’Allâh : Abaisse ton aile vers ceux des croyants qui te suivent.21 Cette opinion se fonde sur le fait que les anges ont réellement des ailes. Pourtant d’autres commentateurs l’interprètent comme signifiant que les anges survolent les séances de dhikr avec leurs ailes se recouvrant les unes les autres jusqu’à atteindre le Paradis. Une interprétation identique se fonde sur une des versions du hadîth transmis par Safwân : Les anges entourent de leurs ailes l’étudiant à la recherche de la connaissance, puis ils chevauchent les uns sur les autres jusqu’à atteindre les premiers niveaux du Paradis, rendus joyeux par la quête de l’étudiant. Peut-être est-ce l’interprétation la plus fiable. Allâh sait mieux ! Le Prophète dit ensuite : Les créatures des cieux et de la terre demandent le pardon pour celui qui étudie la connaissance sacrée, même les poissons dans la mer. Allâh nous informe dans Son Livre que les anges demandent pardon pour l’ensemble des croyants. Il dit : Ceux qui portent le Trône et ceux qui se tiennent autour célèbrent les louanges de leur Seigneur. Ils croient en Lui, et ils implorent Son pardon pour les croyants.22 Il dit également : Lorsque les anges célèbrent les louanges de leur Seigneur, et qu’ils implorent Son pardon pour ceux qui se trouvent sur la terre.23 Ce pardon est général, et s’étend à tous les croyants. Cependant, toutes choses sur terre, même le poisson dans la mer, demande le pardon pour les savants. Tirmidhî rapporte un hadîth de Abû Umâma selon lequel le Prophète a dit : En vérité Allâh, les anges, les habitants des cieux et de la terre, et même les fourmis
dans leur fourmilière et le poisson dans la mer, prient pour appeler les bénédictions sur ceux qui enseignent le bien aux gens. Tabarânî rapporte, selon Jâbir, que le Prophète a dit : Toute chose, même le poisson dans la mer, demande pardon pour celui qui éclaire les gens. Il relate plus loin que, selon Barâ’ ibn `Azzâm, le Prophète a dit : Les savants sont les héritiers des prophètes. Les habitants du ciel et de la terre les aiment. Quand les savants meurent, le poisson dans la mer demande le pardon pour eux du jour de leur mort jusqu’au Jour de la résurrection. On rapporte qu’un tel pardon est aussi demandé pour l’étudiant. Selon l’imam Ahmad, Qabîsa ibn al-Mukhâriq raconte : Je vins voir le Prophète et il me demanda : « Qu’est-ce qui t’a conduit ici ? » Je dis : « J’ai avancé en âge et mes os sont devenus fragiles. Je suis venu te voir pour que tu m’enseigne quelque chose qui me sera profitable auprès d’Allâh. » Il dit : « Ô Qabîsa, chaque fois que tu es passé près d’un simple terrier, d’un arbre, d’une colline boueuse, leurs habitants ont demandé le pardon pour toi… » Le verset suivant est un indice supplémentaire à l’appui de cette idée : Ô vous qui croyez ! Souvenez-vous d’Allâh de façon abondante. Louez-Le matin et soir. C’est Lui qui étend Sa bénédiction sur vous, ainsi que Ses anges, pour vous faire sortir des ténèbres vers la lumière. Et Il est miséricordieux pour les croyants.24 Allâh et Ses anges répandent Ses bénédictions sur les groupes qui se rappellent d’Allâh. Or, comme il a été mentionné précédemment, la connaissance compte parmi les meilleures formes de dhikr. Hâkim rapporte que Salîm ibn `Âmir a dit : Un homme vint voit Abû Umâma et lui dit : « Abû Umâma, j’ai vu dans mon rêve des anges priant pour ton pardon chaque fois que tu entres et que tu sors, chaque fois que tu te lèves et que tu t’assois. » Abû Umâma répondit : « Puisse Allâh me pardonner. Ne dis pas de telles choses [qui m’embarrassent]. Si vous le souhaitiez, vous aussi, les anges prieraient pour votre pardon ! » Puis il récita : Ô vous qui croyez ! Souvenez-vous d’Allâh de façon abondante. Louez-Le matin et soir. C’est Lui qui étend Sa bénédiction sur vous, ainsi que Ses anges, pour vous faire sortir des ténèbres vers la lumière. Et Il est miséricordieux pour les croyants. Certains commentateurs expliquent que les animaux demandent le pardon pour les savants parce que les savants répandent le bien et la miséricorde dans le monde. Les savants ordonnent aussi aux gens d’être bons avec toute la création, même quand il s’agit d’abattre de la façon la plus miséricordieuse les animaux qu’il est licite d’abattre. La bonté des savants s’étend donc à l’ensemble du monde animal, et c’est pourquoi les animaux demandent le pardon pour les savants. D’autres commentateurs expliquent que les animaux sont scrupuleusement obéissants à Allâh et Lui sont soumis naturellement. Ils Le glorifient et ne se rebellent pas. Les animaux obéissantes aiment donc les êtres humains obéissants. A que dire de leur attitude à l’égard du savant qui instruit les gens à propos d’Allâh et des droits qui Lui sont dûs, et qui les appelle à Lui obéir ?! Allâh aime celui qui possède ces caractéristiques. Allâh le purifie, le loue, et ordonne à toute personne et à toute chose dans les cieux et sur la terre de l’aimer et de prier pour lui. C’est de cette façon qu’Il répand Ses bénédictions sur le savant. Il met dans le cœur de Ses serviteurs croyants de l’affection pour le savant. Allâh dit :
Oui, le Miséricordieux accordera Son amour à ceux qui auront cru et qui auront accompli des bonnes œuvres.25 L’amour pour le savant ne se limite pas aux êtres animés. En fait, les objets inanimés l’aiment aussi. C’est ce que l’on peut en déduire du verset : Le ciel et la terre n’ont pas pleuré pour eux.26 Parmi les commentaires de ce verset, on trouve : Le ciel pleure pendant quarante jours pour le croyant quand il meurt. La terre dit au croyant, quand il est enterré : « Tu as été le plus aimé de ceux qui ont marché à ma surface. Tu vas voir, quand tu seras placé en mon sein, [comment je te traiterai avec gentillesse]. » Seuls les hommes et les djinns impies haïssent le croyant et le savant, parce que leur rébellion contre Allâh implique qu’ils préfère obéir à leurs inclinations individuelles plutôt que d’obéir à Allâh. Ils détestent donc obéir à Allâh, et ils détestent les gens obéissants. Ceux qui aiment Allâh et l’obéissance, aiment ceux qui Lui obéissent. Ils aiment particulièrement ceux qui, dans un même appel, invitent les gens à adorer Allah et à Lui obéir. En outre, lorsque la connaissance apparaît sur terre et que les gens s’y conforment dans leurs actions, les bénédictions affluent et les bienfaits descendent des cieux. Cela profite à tous, y compris les fourmis et les créatures les plus petites. C’est l’effet des bénédictions suscitées par les savants et pour les savants. Les habitants des cieux annoncent se réjouissent des actes d’obéissance et des actions vertueuses qui montent en provenance des habitants de la terre, et ils demandent le pardon pour leurs auteurs. Quant à celui qui cache la connaissance qui mérite d’être manifestée, c’est un sort tout autre qui lui est réservé : Allâh, les anges et les habitants des cieux et de la terre maudissent celui qui dissimule la connaissance, parce qu’il s’efforce d’éteindre la lumière d’Allâh. Une telle dissimulation entraîne péché, oppression, hostilité et tyrannie sur terre. Allâh dit : Ceux qui dissimulent ce que Nous avons révélé de preuves et de guidance, après les avoir rendues claires aux hommes dans le Livre, Allâh les maudit, et ceux qui peuvent les maudire les maudissent !27 On dit que ce verset fut révélé à propos des gens du Livre qui cachaient la description du Prophète contenue dans leurs Ecritures saintes. A ce propos, Abû Hurayra avait coutume de dire : Si ce n’avait été à cause d’un verset particulier du Coran, je n’aurais pas rapporté un seul hadîth. Et il récitait alors le verset précédent. Barâ’ ibn al-`Âzib rapporte que le Prophète a dit, concernant le verset : Allâh les maudit, et ceux qui peuvent les maudire les maudissent. Allâh nous informe de ceux qui sont habilités à maudire : ce sont les bêtes de la terre. Barâ’ a également transmis ce qui suit, à savoir que certains pieux anciens ont dit, à propos de ceux qui dissimulent la connaissance profitable : Les bêtes de la terre les maudissent, disant : « La pluie nous a été refusée à cause des péchés des enfants d’Adam. » Garder cachée la connaissance qui est profitable sur le plan religieux conduit à l’ignorance et au péché. En conséquence, la pluie cesse de tomber et les épreuves descendent, une désolation pour les bêtes de la terre. Elles périssent à cause des péchés des êtres humains, et elles maudissent ceux qui
sont responsables de leur mort. Il ressort de ce qui précède que l’amour des savants sincères est une part essentielle de l’islam. `Alî a dit à Kumayl ibn Ziyâd : Aimer les savants est un acte d’adoration. Une parole de sagesse bien connue nous exhorte : Sois un savant, un enseignant, un auditeur ou quelqu’un qui les aime. Ne sois pas dans une cinquième catégorie, qui causerait ta perte. Un de nos prédécesseurs vertueux a dit : Gloire à Allâh qui a offert aux gens une porte de sortie ! Cela signifie que quiconque abandonne l’une des quatre premières catégories louables entre dans la cinquième et s’en trouve anéanti. Il n’est ni un savant, ni un étudiant, ni un auditeur, ni un de ceux qui aiment les savants. Il est donc détruit. Quiconque hait les savants aime les voir anéantis. Quiconque aime leur anéantissement aime que la lumière d’Allâh s’éteigne sur la terre, et que le péché et la corruption y apparaissent. C’est ce que Sufyân et d’autres pieux anciens ont dit. Un des serviteurs d’un gouverneur haïssait Abû Faraj ibn al-Jawzî et s’efforçait de lui nuire. Un ami d’Ibn al-Jawzî vit en rêve cet homme porté dans le feu de l’Enfer. Il demanda les raisons d’un sort aussi terrible, et il fut dit : « Parce qu’il haïssait Ibn al-Jawzî. » Ibn al-Jawzî raconte : « Quand la haine et les injures sont devenues insupportables, j’ai cherché refuge en Allâh afin qu’Il révèle le penchant de cette personne. Peu de temps après, Allâh l’a anéantie. » A l’époque où Hajjâj tua Sa`îd ibn Jubayr, les gens avaient un besoin urgent de la connaissance de Sa`îd. Hajjâj empêcha donc les gens de bénéficier de cette connaissance. Quelqu’un vit alors en rêve que Hajjâj fut tué une fois pour chacune des personnes tombées [durant le meurtre de Sa`îd]. Pour la mort de Sa`îd, il fut tué soixante-dix fois. Cette compréhension des choses s’accorde avec l’idée selon laquelle celui qui est puni le plus sévèrement est celui qui tue un prophète , car le meurtrier a contribué à installer la corruption sur terre. Celui qui tue un savant tue un héritier du Prophète et a aussi profondément contribué à répandre la corruption sur la terre. C’est pourquoi Allâh a particulièrement fait le lien entre le meurtre des prophètes et le meurtre des savants vertueux. A ceux qui ne croient pas aux signes d’Allâh, à ceux qui tuent injustement les prophètes, à ceux qui tuent ceux qui, parmi les hommes, ordonnent la justice, annonce-leur un châtiment douloureux.28 Allâh dit encore : Quiconque tue une personne non coupable d’un meutre ou d’une corruption sur terre, est considéré comme s’il avait tué tous les hommes, et quiconque sauve une seule prsonne est considéré comme s’il avait sauvé tous les hommes.29 `Ikrima et d’autres anciens ont expliqué ce verset en disant que quiconque tue un prophète ou un dirigeant (imâm) juste, c’est comme s’il avait tué l’humanité entière, et quiconque assiste un prophète ou un dirigeant juste, c’est comme s’il avait sauvé l’humanité entière.
Chapitre 3 La supériorité du savant par rapport au dévot est comme la supériorité de la pleine lune par rapport aux autres corps célestes. Le texte de ce hadîth a été rapporté, à partir du Prophète , par Mu`âdh et Abû Dardâ’ à travers une chaîne ininterrompue de transmetteurs. Le Prophète compare le savant à la pleine lune. La pleine lune représente le savant, en raison de la brillance parfaite de sa lumière, alors que les planètes représentent les adorateurs. La différence de rayonnement entre la pleine lune et les planètes correspond à la différence d’excellence qui distingue le savant du dévot. Cela s’explique – et Allâh sait mieux – par le fait que la lumière d’une planète ne va pas au-delà d’elle-même, alors que la lumière de la pleine lune atteint les habitants de la terre : ils sont éclairés par elle et guidés dans leurs voyages. Le Prophète parle des planètes, et non des étoiles, car les planètes ne servent pas pour se diriger. Par conséquent, leur statut est analogue à celui du dévot dont le bénéfice se limite à lui-même. Quant aux étoiles, elles sont les corps célestes qu’on utilise pour se diriger, ainsi qu’Allâh le dit : Les hommes se dirigent d’après les étoiles.30 Et également : C’est Lui qui, pour vous, a établi les étoiles afin que vous vous dirigiez d’après elles dans les ténèbres de la terre et de la mer.31 Dans un autre hadîth, cependant, le Prophète compare aussi les savants de sa nation aux étoiles. On a dit que, de même que la lune reçoit sa lumière du soleil, de même le savant reflète la lumière du message divin. C’est pourquoi il est comparé à la lune, et non au soleil. Le Prophète était une lampe et un flambeau lumineux qui brillait sur la terre. Les savants, qui sont ses héritiers et ses successeurs, sont comparés à la pleine lune brillante et lumineuse. Le Prophète dit dans un hadîth fiable : Le premier contingent à entrer au Paradis ressemblera à la pleine lune. Ceux qui entreront ensuite ressembleront aux étoiles scintillantes. Il n’est pas dénué de sens de dire – et Allâh sait mieux – que les savants vertueux feront partie du premier contingent, parce qu’ils avaient le statut de pleine lune en ce monde. Se joindront à eux les croyants éminents, ceux dont on se rappelle les histoires, ceux qui font s’adoucir les cœurs quand on les mentionne, ceux dont on recherche les paroles. Dans le second contingent seront les croyants ordinaires. Quand al-Awzâ`î mourut – il était, en termes de connaissance, l’imam des Syriens, et il pratiquait assidument la crainte d’Allâh –, une personne le vit en rêve, qui disait : Je n’ai rien vu de plus grand au Paradis que le rang des savants et des individus vertueux et sobres qui craignent Allâh. Le hadîth de Abû Dardâ’ indique clairement que la connaissance est préférable à la dévotion ordinaire. Il y a beaucoup de preuves allant dans ce sens. Allâh dit : Ceux qui savent et ceux qui sont ignorants sont-ils égaux ?32 Il dit également : Allâh placera sur des degrés élevés ceux qui croient et ceux qui possèdent la connaissance.33 Ibn Mas`ûd et d’autres anciens ont expliqué que cela signifie qu’Allâh élèvera ceux auxquels a été accordée la connaissance à des degrés supérieurs à ceux des croyants non instruits. Tirmidhî rapporte, selon Abû Umâma, que deux hommes furent évoqués devant le Prophète , l’un d’eux étant un dévot et l’autre un savant. Le Prophète dit alors :
La supériorité du savant par rapport au dévot est comme ma supériorité par rapport au plus médiocre d’entre vous. Tirmidhî et Ibn Mâjah rapportent un hadîth, selon Ibn `Abbâs, qui relate que le Prophète a dit : Un seul croyant savant est plus dur envers Satan que mille dévots. Ibn Mâjah rapporte que `Abdallâh ibn `Amr a dit : Le Messager d’Allâh sortit un jour pour se rendre à la mosquée. Il y trouva deux groupes rassemblés, l’un occupé à la récitation du Coran et à l’invocation d’Allâh, l’autre dans une discussion savante. Le Prophète dit : « Dans chaque groupe il y a du bien. Ceux-ci récitent le Coran et invoquent Allâh. S’Il le veut, Il leur accordera leur requête, et s’Il le veut, Il la retiendra. Ceux-là sont engagés dans une discussion savante, et j’ai justement été envoyé comme enseignant. » Et il s’assit avec ces derniers. Ibn al-Mubârak, après avoir rapporté ce hadîth dans son Kitâb al-Zuhd, ajoute que ceux-là étaient les meilleurs. Tabarânî rapporte, selon `Abdallâh ibn `Umar , que le Prophète a dit : Un peu de connaissance vaut mieux que beaucoup de dévotion. Bazzâr, Hâkim et d’autres rapportent, sur la base de nombreuses chaînes de transmission, que le Prophète a dit : Une connaissance abondante est plus appréciée d’Allâh qu’une adoration abondante, et être consciencieux est la meilleure chose pour votre religion. Zuhrî attribue les propos suivants au Prophète : Le savant supérieur de soixante-dix degrés au dévot, et la distance entre deux degrés est la distance qu’un cheval à la course mettrait cent ans à parcourir. Les paroles de nos pieux prédécesseurs concernant ce sujet sont particulièrement nombreuses. Par exemple, on attribue à Abû Hurayra et à Abû Dharr ces propos : La moindre parcelle de connaissance saine nous est plus appréciable que mille prières volontaires. Ibn Mâjah affirme qu’Abû Dharr rapporte cela directement du Prophète. Abû Dardâ’ a dit également : Passer une heure à étudier la science religieuse vaut mieux que passer une nuit en prière. On rapporte qu’Abû Hurayra dit : Etudier m’est plus appréciable que de veiller une nuit entière en prière. Abû Hurayra a dit également : Connaître une règle concernant un commandement ou un interdit divin me plaît plus que mener soixante-dix combats dans le sentier d’Allâh. Ibn `Abbâs a dit : Passer une partie de la nuit à étudier m’est plus agréable que passer la totalité de la nuit en prière. Abû Mûsâ al-Ash`arî a dit : Etudier avec `Abdallâh ibn Mas`ûd vaut mieux pour mon âme qu’une année d’adoration. Hasan al-Basrî a dit : Je préfère apprendre un élément de connaissance et l’enseigner à un musulman que posséder le monde entier et l’utiliser dans le sentier d’Allâh. Il a dit en d’autres occasions :
Si un homme apprend correctement un point de connaissance et le met en pratique, cela vaut mieux pour lui que le monde entier, même si le monde lui était offert et s’il l’utilisait en vue de l’au-delà. L’encre des savants et le sang des martyrs ne forment qu’un seul courant. Rien de ce qu’Allâh a créé n’est plus grand, en termes de récompense, que la recherche de la connaissance. Ni le grand pèlerinage, ni le petit pèlerinage, ni le combat sacré, ni l’aumône, ni l’affranchissement des esclaves. Si la connaissance avait une forme physique, elle serait plus belle que le soleil, la lune, les étoiles, le ciel et un trône magnifique. Zuhrî a dit : Acquérir la connaissance a plus de valeur que les dévotions accomplies pendant deux cents ans. Sufyân al-Thawrî et Abû Hanîfa ont dit : Rien n’est meilleur, après l’adoration obligatoire, que la recherche de la connaissance. Sufyân a dit également : Nous savons qu’aucun acte n’est meilleur que la recherche de la connaissance et des hadîth-s, si elle est menée avec une bonne intention. On lui demanda quelle doit être cette intention, et il répondit : « Il faut désirer Allâh et le Paradis. » L’imam al-Shâfi`î a dit : Rechercher la connaissance est meilleur que la prière volontaire. L’imam Mâlik vit un de ses étudiants, qui était en train de recopier des éléments de connaissance, abandonner son travail et se lever pour accomplir une prière non obligatoire. L’imam Mâlik lui dit : « Tu m’étonnes ! La prière que tu veux accomplir n’est pas meilleure que ce que tu as abandonné. » On demanda à l’imam Ahmad : « Qu’est-ce qui est mieux, selon toi : que je passe la nuit en prière volontaire, ou que j’étudie en recopiant des éléments de connaissance ? » Il répondit : « Je préfère que tu étudies ce que tu sais de ta religion. » L’imam Ahmad disait également : Rien ne vaut la connaissance. Mu`âfî ibn `Imrân a dit : Recopier un seul hadîth m’est plus agréable que passer une nuit en prière. La prépondérance de la recherche de la connaissance sur l’adoration volontaire tient notamment au fait que la connaissance rassemble les vertus de tous les autres actes d’adoration. La connaissance est la meilleure forme de dhikr, ainsi qu’il a été expliqué. C’est aussi la meilleure forme de jihâd. C’est ce que rapportent `Abdallâh ibn `Amr et Nu`mân ibn Bashîr, directement du Prophète : L’encre des savants sera pesée face au sang des martyrs, et l’encre des savants se révèlera plus lourde. Tirmidhî rapporte, selon Anas ibn Mâlik que le Prophète a dit : Quiconque part en quête de la connaissance est sur le chemin d’Allâh, jusqu’à ce qu’il s’en retourne. Selon un autre hadîth : Si la mort frappe un étudiant, il est martyr. Mu`âdh ibn Jabal a déclaré : Acquiers la connaissance, car il est bien de le faire. L’étuder est une forme d’adoration. La réviser est glorifier Allâh. La rechercher est le jihâd. L’enseigner à l’ignorant est une aumône. Servir les savants est une façon de se rapprocher d’Allâh,
car la connaissance est le chemin de l’ascension vers les stations du Paradis. C’est un compagnon dans la solitude et un auxiliaire dans les terres lointaines. Elle vous parle dans la solitude. Elle est un guide vers la prospérité, et un bouclier contre l’adversité. Elle embellit quelqu’un aux yeux de ses amis, et elle est une arme contre les ennemis. Avec elle, Allâh élève les gens et en fait des guides et des chefs de file sur la voie du bien. Les savants sont des gens dont on recherche les paroles, et dont on imite les actes. Les anges se languissent d’être en leur compagnie, et les réconfortent sous leurs ailes. Toute chose, les poissons dans la mer, les bêtes sur la terre, les prédateurs sur terre et en mer, les troupeaux, tous prient pour que des bénédictions se répandent sur eux. La raison en est que la science sacrée vivifie le cœur contre l’ignorance, illumine les yeux contre l’obscurité, et renforce le corps. Elle transporte le serviteur vers les demeures des élus et des justes, et vers les degrés les plus élevés dans ce monde et dans l’au-delà. Méditer dessus équivaut au jeûne, et la réviser est équivalent à la veille pour la prière nocturne. Avec elle, le lien de parenté est consolidé, et le licite se distingue de l’illicite. Elle est un imam qui conduit aux bonnes actions. En ont envie les gens destinés au Paradis, la rejettent les gens destinés à l’Enfer. Ce hadîth a aussi été rapporté par Abû Hurayra l’attribuant au Prophète. L’histoire d’Adam montre la précellence de la connaissance sur l’adoration. Allâh a mis en évidence la supériorité d’Adam, fondée sur la connaissance, par rapport aux anges, dans la mesure où Il lui a enseigné le nom de toute chose, et où les anges ont reconnu leur incapacité à atteindre un tel niveau de connaissance. Adam les informa ensuite de ces noms, ce qui manifeste d’autant plus sa précellence. Allâh leur dit : Ne vous ai-Je pas averti que Je connais le mystère des cieux et de la terre. Je connais ce que vous montrez, et Je connais ce que vous tenez secret.34 Certains commentateurs, parmi nos pieux prédécesseurs, ont dit que ce qu’ils tenaient secret était ce qu’ils se disaient à eux-mêmes, à savoir : « Il n’y a pas d’être créé par Allâh plus noble que nous ». De même, la supériorité de l’ange Gabriel sur les anges qui sont constamment en train d’adorer leur Seigneur est fondée sur la connaissance qui a été donnée à l’ange Gabriel. C’est un indice de la supériorité de la connaissance. Il a transmis la révélation aux messagers – que la paix soit sur eux. De la même façon, les messagers les plus éminents ont placés au-dessus des autres prophètes, en raison de leur connaissance plus éminente et de leur proximité d’Allâh. C’est pourquoi Allâh a fait allusion à Muhammad à de nombreuses reprises dans le Coran en tant qu’il a été distingué et privilégié dans le domaine de la connaissance. Le Prophète reçut alors l’ordre d’enseigner à sa nation. L’histoire d’Abraham est la première référence qui est faite à un prophète recevant la connaissance et chargé de l’enseigner. Il pria son Seigneur pour sa descendance bénie afin qu’Il suscite en son sein un messager qui leur réciterait Ses versets, leur enseignerait les écritures et la sagesse, et les purifierait : Muhammad . Allâh dit : Allâh a accordé aux croyants une grâce en leur envoyant un Messager pris parmi eux qui leur récite Ses versets, qui les purifie, qui leur enseigne le Livre et la sagesse, alors qu’ils étaient jusque-là dans une erreur manifeste.35 Les premiers versets révélés font référence à la connaissance et à son mérite. Allâh dit : Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé ! Il a créé l’homme d’un caillot de sang. Lis ! Car ton Seigneur est Très Généreux, qui a instruit l’homme au moyen du
calame, et lui a enseigné ce qu’il ignorait.36 Allâh évoque souvent les grâces qui ont été répandues sur Muhammad à travers la connaissance. Ainsi le verset : Allâh a fait descendre sur toi le Livre et la sagesse, Il t’a enseigné ce que tu ne savais pas. La grâce d’Allâh envers toi est incommensurable.37 Allâh ordonne au Prophète de demander la connaissance de la part de son Seigneur : Dis : « Mon Seigneur, augmente ma science ! »38 Le Prophète a dit : « Je suis, parmi vous, celui qui connaît et qui craint le plus Allâh. » Allâh nous a comblés en nous envoyant ce Messager qui nous enseigne la connaissance dont nous manquions. Aussi nous ordonne-t-Il de nous montrer reconnaissants pour ce don : Nous vous avons envoyé un Messager pris parmi vous. Il vous récite Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la sagesse, et Il vous enseigne ce que vous ne saviez pas. Aussi souvenez-vous de moi, Je Me souviendrai de vous. Soyez reconnaissants envers Moi, ne soyez pas ingrats envers Moi.39 Allâh nous informe qu’Il a créé les cieux et la terre, et fait descendre le commandement de sorte que nous connaissions Sa puissance, Sa connaissance et Ses attributs. Il dit : C’est Allâh qui a créé les sept cieux et qui en a fait autant pour la terre. Le commandement descend parmi eux, afin que vous sachiez qu’Allâh est, en vérité, puissant sur toute chose, et que Sa connaissance englobe toute chose.40 Allâh fait l’éloge des savants à de nombreuses reprises dans le Coran. Il nous informé que ce sont Ses serviteurs instruits qui Le craignent. Ce sont les savants. Ibn `Abbâs commente le verset : Parmi les serviteurs d’Allâh, les savants sont seuls à Le craindre.41 Cela signifie : En vérité, ceux qui, parmi Mes serviteurs, connaissent Ma majesté, Ma grandeur et Ma sublimité Me craignent. La meilleure connaissance est celle qui se rapporte à Allâh, à Ses noms, attributs et actions. Cette connaissance provoque, chez celui qui la possède, la connaissance directe d’Allâh, la crainte, l’amour et le respect à Son égard, Son exaltation, Sa glorification, une intense dévotion, une confiance en Lui totale, la patience, la satisfaction à Son égard, et le souci constant de Lui plaire. Ensuite vient la connaissance relative à Ses anges, Ses Livres, Ses messagers, au Jour de la résurrection et aux questions de cette nature. De même, elle inclut la connaissance des commandements d’Allâh, de Ses interdits, de Ses lois, de Ses décisions, et de ce qu’Il aime et de ce qu’Il déteste dans les actions extérieures et intérieures de Ses serviteurs. Ceux qui conjuguent connaissance d’Allâh et connaissance de Ses commandements sont les savants vertueux. Ils sont plus accomplis que ceux dont la science se limite à la connaissance directe d’Allâh, et que ces savants dont la connaissance se limite à la jurisprudence. On trouve des exemples de tels savants en des personnes comme Hasan al-Basrî, Sa`îd ibn al-Musayyib, al-Thawrî, l’imam Ahmad, etc. D’autres, comme Mâlik ibn Dînâr, Fudayl ibn `Iyâd, Ma`rûf al-Karkhî, Bishr al-Hâfî, etc., qui avaient la connaissance intérieure d’Allâh, ont atteint ce niveau également. Quiconque compare ces deux conditions verra le mérite des savants qui possèdent à la fois la connaissance directe d’Allâh et la connaissance de Ses commandements, par rapport à ceux qui ne possèdent que la connaissance directe d’Allâh. Et ce mérite apparaîtra d’autant plus grand si on les comparent aux savants qui connaissent seulement la Loi divine ! Leur supériorité est une évidence.
Certains ignorants pensent que les dévots ont plus de mérite que les savants. Ils s’imaginent que les savants ont seulement la connaissance de Loi divine, alors que les dévots auraient la connaissance directe d’Allâh. Pour notre part, nous affirmons que les savants qui possède les deux connaissances, intérieure et extérieure, ont plus de mérite que les dévots, même si ces derniers ont la connaissance directe d’Allâh. Les savants vertueux partagent avec les dévots le mérite de posséder la connaissance directe d’Allâh. Il se peut même qu’ils les surpassent. Cependant, ce qui distingue les savants des dévots, c’est qu’ils connaissent la Loi divine, et ont l’honneur d’appeler les gens à obéir à Allâh et d’éclairer le chemin qui conduit à Lui. C’est la station des messagers, des successeurs des messagers et des héritiers. Ce point sera traité plus loin, si Allâh le veut. La connaissance caractérisant les savants vaut plus que les actes d’adoration surérogatoires du dévot, actes d’adoration qui peuvent manquer chez certains savants. Plus un savant connaît ce qu’Allâh a révélé à Son Messager plus grande sera sa connaissance intérieure d’Allâh et sa foi. La connaissance directe d’Allâh et la vraie foi valent mieux que les actes accomplis par les membres du corps. Si la personne non avertie prétend que l’adoration est plus importante que la connaissance, c’est parce qu’elle ne parvient pas à concevoir la réalité de la connaissance ni sa sublimité. Il lui manque donc le cadre conceptuel qui lui permettrait d’aspirer à acquérir la connaissance. Comme elle ne peut concevoir que la réalité de l’adoration, elle est portée à se consacrer totalement aux dévotions. On trouve donc beaucoup de gens qui manquent de la connaissance, et qui préfèrent se détacher du monde plutôt que de se lancer dans l’approfondissement des sciences religieuses et dans l’étude. Ainsi que nous le disions précédemment, ces gens ne peuvent concevoir la nature de la connaissance et de l’expérience spirituelle. Or si quelqu’un ne peut concevoir une chose, le sens de cette chose ne pourra jamais s’enraciner dans son cœur. En fait, une personne ignorante se fait une idée fausse de la nature du monde, et le magnifie en son cœur quand elle vante les mérites de l’ascète qui se retire du monde. Muhammad ibn Wâsi` vit un jour un de ces jeunes dont on disait : « Il fait partie des gens de l’autre monde. » Il demanda : « Mais quelle importance peut donc avoir le monde qui justifie qu’on encense quelqu’un qui le rejette ?! » Abû Sulaymân al-Dârânî est connu pour avoir défendu un point de vue identique. Celui qui s’enorgueillit d’abandonner ce monde pour l’autre est comme celui qui se sent fier d’abandonner une chose insignifiante, car la chose dont il se détache a moins d’importance pour Allâh que l’aile d’un moucheron ! Ce monde est insignifiant et ne mérite pas qu’on en parle, encore moins que d’une chose qui suscite l’orgueil quand on la dédaigne. Beaucoup de gens ignorants font grand cas des événements surnaturels et des miracles, et les considèrent comme meilleurs que l’intuition spirituelle et que la connaissance accordée aux savants. Ils s’imaginent que les charismes de certains sont la manifestation d’un niveau de puissance physique et d’autorité dont la plupart des gens sont incapables. Pourtant, les savants spirituellements éminents n’accordent pas autant d’importance à ce genre de faits surnaturels et de prodiges, qu’ils négligent au contraire, en les considérant comme une forme d’épreuve qui expose l’adorateur au piège de l’ostentation. Les savants craignent d’accorder de l’intérêt à de tels phénomènes, de s’en contenter ou d’en tirer satisfaction, et donc de se voir, à cause d’eux, coupé d’Allâh. Abû Tâlib al-Makkî en parle dans son livre,42 et cite de nombreux sages spirituels parmi lesquels Abû Yazîd al-Bistâmî, Yahyâ ibn Mu`âdh, Sahl al-Tustarî, Dhû l-Nûn al-Misrî, Junayd et d’autres. A l’un d’eux, on dit une fois : « Un tel peut marcher sur l’eau. » Il répondit alors : « Celui auquel Allâh a donné la force de s’opposer à ses caprices est plus gratifié que celui-là. » Abû Hafs al-Nîsâbûrî se trouvait un jour avec ses compagnons dans les faubourgs de Nishapour.
Alors qu’il était en train d’enseigner et de les captiver par son discours, une chèvre sauvage descendit de la montagne, et s’agenouilla devant lui. Al-Nîsâbûrî fut visiblement ému et commença à pleurer. Ses étudiants l’interrogèrent au sujet de sa réaction, et il dit : En vous voyant ainsi rassemblés autour de moi, captivés par mes propos, je me suis dit : « Si seulement j’avais un mouton à tuer pour pouvoir les inviter à un festin. » Dès que cette pensée m’a traversé l’esprit, cette chèvre est venue et s’est agenouillée en face de moi. Alors je me suis dit : « Suis-je comme Pharaon qui demandait à son Seigneur de faire couler le Nil pour lui, et il en fut ainsi ?! Qu’est-ce qui pourrait donc me protéger contre le fait qu’Allâh me donne toute bonne chose en ce monde, alors que je reste dépourvu de tout dans l’au-delà, n’y possédant rien ? » Voilà ce qui m’a bouleversé. Les états spirituels de tels sages montrent qu’ils n’accordent aucune attention aux phénomènes surnaturels. Ils sont plutôt soucieux de la vraie connaissance d’Allâh, d’être humbles devant Lui, de bénéficier de Son amour, d’être dans Sa proximité, de ressentir le désir ardent de Le rencontrer, de Lui obéir. Les savants vertueux les rejoignent en tout cela, mais ils les surpassent par la connaissance de la Loi divine et par le fait qu’ils appellent les hommes à Allâh. C’est un mérite immense aux yeux d’Allâh, de Ses anges et de Ses messagers. Un de nos pieux prédécesseurs a dit : Quiconque apprend, agit conformément à ce qu’il sait, et ensuite enseigne aux autres, est considéré comme ayant acquis une grande valeur dans le royaume céleste. Si la supériorité du savant sur le dévot ordinaire apparaît de façon évidente, il faut bien comprendre que sa supériorité réside dans la connaissance supplémentaire qui le distingue. Quant au dévot auquel manque la connaissance, il est condamnable ; les anciens le comparaient à un vagabond, qui fait plus de mal que de bien. Une personne comme lui est encore semblable à un âne qui fait tourner la pierre d’un moulin : il tourne, et tourne, jusqu’à tomber de fatigue, sans être allé nulle part ! Cette comparaison est suffisamment parlante qu’elle ne nécessite aucune explication. Mais Allâh sait mieux ! Voici maintenant une parabole concernant les différentes situations des êtres humains en rapport avec la manière de répondre à l’appel du Prophète Muhammad . Ces situations sont nombreuses : l’un est avance, l’autre est modéré, et un autre se fait du tort à lui-même. En montrant comment chaque groupe répond, cette parabole montre du coup le mérite des savants vertueux, supérieur à celui de tous les autres. Un prophète est comme un messager qui vient d’une contrée appartenant à un royaume d’une très grande noblesse. Il délivre le message du roi destiné aux autres pays. Sa fidélité au message est évidente. Le contenu du message est le suivant : il n’est pas de bonté aussi parfaite que la bonté du roi, pas de justice aussi achevée que sa justice, pas d’autorité aussi ferme que son autorité. Le désir du roi est que tous ses sujets viennent résider dans son pays. Quiconque viendra à lui avec un bilan favorable, il le récompensera de la meilleure façon. Quiconque viendra à lui avec un mauvais bilan, il le punira avec sévérité. Il informera ses sujets de tout ce qu’ils auront fait, en bien et en mal. Le messager se rend alors vers les contrées le plus lointaines du royaume, enjoignant aux habitants de ces contrées à se préparer au voyage. Il les avertit de la destruction imminente de chaque parcelle de terre excepté celle du roi. Il dépêche des assistants qui secouent les misérables traînards qui tardent dans leur préparation. Il ne cesse de décrire les belles qualités du roi : beauté, perfection, majesté et générosité. Les gens se répartissent en différents groupes en fonction de la réponse qu’ils donnent à ce messager.
Certains croient le messager sur le champ. Leur seul souci est de savoir les choses que le roi aime de la part de ses sujets pour s’assurer que, lorsqu’ils partiront à sa rencontre, il auront ces choses en grande quantité. Ils s’occupent de se purifier, et d’appeler les autres du mieux qu’ils le peuvent à se préparer pour le voyage. De même, ils s’enquièrent de ce que le roi déteste, pour l’éviter et enjoignent les autres à l’éviter. Ils s’intéressent principalement aux attributs du roi, sa grandeur et sa générosité, tout cela accroissant en eux leur amour pour le roi, les incitant à chanter ses louanges, et rendant plus intense le désir ardent de le rencontrer. Finalement, ils se rendent chez le roi, apportant les choses les plus précieuses et les plus aimables qu’on puisse imaginer. Leur voyage en direction du royaume prend place au milieu d’une grande procession. Grâce au messager, ils savent quelle est la route la plus directe vers le roi, et quelles sont les meilleures provisions à faire pour le voyage. Telle est la description des savants vertueux qui sont bien guidés, et qui guident les autres sur le chemin conduisant à Allâh. Ils viennent au roi comme quelqu’un qui s’est absenté revient dans son peuple. Ils ont attendu de le voir avec un enthousiasme impatient et le désir le plus fervent. D’autres sont obsédés par leur propre préparation pour le voyage. Ils ne s’occupent pas des autres. Telle est l’image des dévots ordinaires : ils savent ce qui est profitable, et ils agissent conformément à cette connaissance. D’autres encore se comportent comme s’ils faisaient partie des gens sincères, comme si leur intention était de se préparer au voyage. En réalité, leur intention est d’occuper leur territoire condamné. Ce groupe représente les savants et adorateurs qui font montre de leurs actes, espérant en retirer un profit mondain. Ils se retrouveront dans la pire des situations quand ils se présenteront au bout du compte devant le roi. Il leur sera dit : « Allez chercher la récompense pour vos actes chez ceux pour lesquels vous les avez accomplis ! Ici vous n’obtiendrez rien de nous. » D’autres comprennent les instructions du messager mais sont dominés par la paresse, et ne se préparent pas au voyage. Ils négligent ce que le roi aime, et s’autorisent ce qu’il n’aime pas. Ce sont les savants qui ne mettent pas en pratique leurs connaissances. Ils sont destinés à périr, bien qu’ils fassent profiter les autres de leur connaissance et leur indiquent le chemin. Leurs étudiants entreprennent le voyage et sont sauvés, laissant derrière eux leurs instructeurs qui seront détruits. D’autres encore adhèrent à l’appel du messager, mais sans chercher à recevoir de directives de sa part. Ces gens négligent d’apprendre dans le détail ce que le roi aime ou n’aime pas. Ils entreprennent le voyage sans guide, et se précipitent donc vers les chemins semés d’embûches, les tourments, les déserts et la maladie. La plupart d’entre eux périssent ou s’égarent, sans jamais atteindre le roi. Ce sont les croyants ignorants qui agissent sans avoir la connaissance [nécessaire]. D’autres ignorent totalement le messager. Ils poursuivent leur routine quotidienne, comme si leur patrie n’était pas sur le point d’être réduit à néant. Certains parmi eux contredisent même le messager. D’autres l’approuvent en paroles mais négligent ses enseignements. Ils constituent la majeure partie de l’humanité, les masses qui rejettent la guidance divine et qui rejettent l’adoration. Dans leurs rangs on trouve les incroyants, les hypocrites et les imbéciles rebelles qui se font du tort à eux-mêmes et s’illusionnent. Pour eux, celui qui les appelle les oblige à prendre la route, veut les expulser de leur patrie, et les cite injustement à comparaître devant le roi. C’est ainsi qu’ils se présentent devant le roi tel l’esclave rebelle face à son maître en colère. Si vous analysez ces différents groupes, vous n’en trouverez aucun plus honoré et plus proche du roi que les savants vertueux. Ils sont ce qu’il y a de meilleur dans l’humanité après les messagers – que la paix et les bénédictions d’Allâh soient sur eux tous !
Chapitre 4 Les savants sont les héritiers des prophètes. Cela signifie qu’ils héritent de la connaissance enseignée par les prophètes. Ils succèdent aux prophètes dans leur communauté en ce sens qu’ils appellent les gens à adorer Allâh, à Le connaître et à Lui obéir, ils interdisent la rébellion contre Allâh et ils défendent Sa religion. Hasan al-Basrî attribue les propos suivants au Prophète : Qu’Allâh fasse miséricorde à mes successeurs. Les Compagnons lui demandèrent : « Ô Messager d’Allâh, qui sont tes successeurs ? » Il dit : « Ceux qui vivifieront et enseigneront ma tradition après ma mort. » Un hadîth semblable est rapporté par `Alî . Les savants occupent la position des prophètes dans une station noble, entre Allâh et les hommes. C’est Ibn al-Munkadir qui a dit : En vérité, les savants occupent une position entre Allâh et les hommes. Aussi, sois prudent dans la façon de les approcher ! Sufyân ibn `Uyayna a dit : Les gens dont les rangs sont les plus élevés sont ceux qui se tiennent entre Allâh et les hommes : les prophètes et les savants. Sahl ibn `Abdallâh a dit : Que celui qui veut voir les rassemblements des prophètes regarde les rassemblements des savants. Quelqu’un demanda à un ignorant : « Que dis-tu d’un homme qui fait serment contre sa femme de divorcer, en prévoyant une condition particulière ? » L’ignorant répondit : « Sa femme est répudiée. » La même question fut posé à un homme doué de discernement. Celui-ci répondit : « Il doit rompre son serment. » Ce type de question ne doit être posé qu’à un prophète ou à un savant. Une femme pieuse du temps de Hasan al-Basrî rêva qu’elle sollicitait un avis religieux sur des saignements survenant en dehors de la période des menstrues (istihâda). Il lui fut dit : « Tu cherches un avis alors que Hasan est parmi vous, porteur du sceau de Gabriel ?! » Cela montre que Hasan avait hérité de la sagesse qui avait été octroyée par l’ange Gabriel , et que l’on appelle le « sceau de Gabriel ». Quelqu’un vit le Prophète en rêve, et lui demanda : « Ô Messager d’Allâh, nous sommes partagés entre l’imam Mâlik et Layth. Lequel des deux est le plus savant ? » Le Prophète répondit : « Mâlik est l’héritier de ma science. » Une autre personne rêva que le Prophète était assis dans la mosquée au milieu d’une assemblée, avec l’imam Mâlik . En face du Prophète se trouvait un récipient rempli de musk. Il le prit, et le donna à l’imam Mâlik qui le distribua alors à l’assemblée. Cette vision fut interprétée comme signifiant que l’imam Mâlik avait été comblé de la connaissance, et se conformait strictement à la sunna. Fudayl ibn `Iyâd vit le Prophète en rêve, qui était assis au sein d’une assemblée. A côté de lui, une place était libre. Fudayl s’avança pour s’y asseoir. Le Prophète lui dit : « C’est la place d’Abû Ishâq al-Fazârî. » Une des personnes présentes demanda : « Lequel des deux est le meilleur ? » Le Prophète répondit : « Fudayl tire profit pour lui-même de ses dévotions, tandis qu’Abû Ishâq fait profiter les gens de sa connaissance. » Cette réponse montre qu’Abû Ishâq était un savant dont la connaissance profitait aux autres. Fudayl, quant à lui, était un dévot dont le profit se limitait à luimême. Les savants intercèderont au nom des croyants, après que les prophètes auront intercédé, selon un
dire du Prophète , rapporté par Tirmidhî d’après `Uthmân : Le Jour du jugement, les prophètes intercèderont, ensuite ce seront les savants, puis les martyrs. Mâlik ibn Dînâr a dit : On m’a rapporté qu’il sera dit au dévot : « Entre au Paradis ! » Au savant, il sera dit : « Lève-toi et intercède ! » Ce récit, cependant, est rapporté par Abû Hurayra avec une chaîne de transmission faible. La parole des savants aura force probante pour le grand rassemblement humain durant le tumulte du Jour du jugement. Alors que les gens rassemblés là penseront n’être restés dans leur tombe qu’un bref temps, les savants leur diront clairement ce qu’il en est. Allâh dit : Le Jour où se manifestera l’Heure dernière, les coupables jureront n’être restés qu’une heure dans leur tombe. Ainsi étaient-ils trompés ! Tandis que ceux à qui ont été donnée la connaissance et la foi diront : « Vous êtes restés conformément au Livre d’Allâh, jusqu’au Jour de la résurrection. »43 Les savants feront aussi des observations à propos de l’abaissement que connaîtront les idolâtres au Jour du jugement, ainsi qu’Allâh dit : Au Jour du jugement, Il les confondra, disant : « Où sont-ils, Mes associés, à propos desquels vous n’étiez pas d’accord ? » Ceux à qui la connaissance aura été donnée diront alors : « Voici qu’en ce Jour la confusion et le malheur s’abattent sur ceux qui rejettent la foi. »44 On rapporte ce propos du Prophète : Les gens auront besoin des savants au Paradis de la même façon qu’ils en ont besoin en ce monde. Quand le Seigneur convoquera les habitants du Paradis pour qu’ils se présentent devant Lui, Il leur dira : « Demandez ce que vous désirez ! » Ils se tourneront alors vers les savants, qui leur diront : « Demandez-Lui qu’Il vous donne la capacité de Le voir. Y a-t-il chose plus grande au Paradis que cela ? » Toutes ces citations montrent clairement qu’il n’y a pas de rang meilleur, après la prophétie, que celui des savants. Le Coran déclare : Allâh témoigne qu’il n’y a de dieu que Lui, et de même font les anges et ceux qui sont dotés de la connaissance.45 Dans ce verset, les prophètes n’ont pas été mentionnés de façon distincte, mais ils sont inclus parmi ceux qui sont dotés de la connaissance. C’est un honneur qui doit combler les savants d’avoir été mentionnés de cette façon, en englobant les prophètes – que la paix soit sur eux ! C’est en vertu de cette insigne position que certains ont pu dire : Les savants qui mettent en pratique leur connaissance sont les amis protégés d’Allâh. Aussi bien Abû Hanifa qu’al-Shâfi`î ont dit : Si les savants et les juristes ne sont pas les amis protégés d’Allâh, alors Allâh n’a pas d’ami de cette valeur. L’imam Ahmad a dit : Les savants spécialistes du hadîth sont les abdâl46.
Chapitre 5 Les prophètes ne laissent pas d’argent en héritage, mais ils laissent plutôt la science. Celui qui la saisit en a pris une part généreuse. La connaissance est donc l’héritage laissé par les prophètes, ce qui signifie que les savants sont les héritiers de ce que les prophètes ont laissé derrière eux, à savoir la connaissance profitable, la science utile. Quiconque s’en saisit et lui reconnaît sa valeur a acquis une grande fortune, que ses compagnons peuvent légitimement lui envier. Ibn Mas`ûd vit un groupe de gens en train d’étudier dans la mosquée du Prophète , à Médine. Quelqu’un lui demanda : « Pourquoi se sont-ils réunis ? » Il dit : « Ils se sont réunis pour l’héritage de Muhammad qu’ils se distribuent les uns aux autres. » Un jour, Abû Hurayra se rendit au marché. En partant, il dit à sa famille : « Vous délaissez l’héritage de Muhammad qu’on distribue à la mosquée, et vous restez ici ! Son héritage, c’est le Coran, de même que la sunna qui l’explique et en éclaircit le sens. » Il est rapporté dans le Sahîh de Bukhârî et dans le Sahîh de Muslim qu’on demanda un jour à Ibn Abî Awfâ : « Le Prophète a-t-il légué quoi que ce soit ? » Il dit : « Il a laissé le Coran en héritage. » Au cours d’un sermon qu’il fit après le « pèlerinage de l’adieu », le Prophète déclara : Je suis un être mortel. L’ange de la mort va bientôt venir à moi, et je répondrai à son appel. Je pars en vous laissant deux choses de poids. La première est le Livre d’Allâh, dans lequel il y a guidance et lumière. Quiconque s’en saisit et le garde sera guidé. Quiconque le néglige s’égarera.47 L’imam Ahmad rapporte que `Abdallâh ibn `Amr a dit : Le Prophète vint nous dire : « Je suis le Prophète illettré. » Il le répéta trois fois. [Puis il dit :] « Il n’y a plus de prophète après moi. Il m’a été donné la synthèse des paroles. J’ai appris le nombre de gardiens de l’Enfer, et le nombre des anges qui portent le Trône céleste. Les fautes de ma nation ont été annulées. Par conséquent, écoutez-moi bien et obéissez-moi aussi longtemps que je suis avec vous. Quand je serai rappelé à Allâh, tenez-vous en fermement au Livre d’Allâh. Tenez pour licite ce qu’il décrète licite. Et tenez pour illicite ce qu’il interdit. » Puis il dit : « Les prophètes ne transmettent pas d’argent en héritage. Ce qu’ils laissent, c’est plutôt la connaissance. » Il faut entendre par là que les prophètes ne laissent rien d’autre que la connaissance, ce qui s’accorde avec le verset : Salomon hérita de David.48 De même, le verset où Zacharie prie Allâh en disant : Accorde-moi un descendant venu de Toi. Il héritera de moi, il héritera de la famille de Jacob.49 Ce dont il est question ici, c’est l’héritage de la connaissance et de la prophétie, non de la richesse matérielle. Les prophètes n’accumulent pas les biens matériels qui peuvent se transmettre dans un héritage profane. Le Prophète a dit : Tout ce que je laisse derrière moi, autre que le salaire pour mon serviteur ou le nécessaire pour ma famille, est une aumône à donner en charité. Il ne laissa rien d’autre qu’une armure, son arme, sa mule blanche et un morceau de terrain, qu’il donna en aumône. Il est mentionné [ailleurs] que le Prophète ne laissa rien sinon un seul outil et lopin de terre, que lui et sa famille cultivaient pour se nourrir. Il les donna aux musulmans en aumône. Tout cela indique que les messagers d’Allâh n’étaient pas envoyés pour accumuler des biens
matériels pour leur famille. Ils étaient plutôt envoyés pour appeler les gens à Allâh, pour se battre dans Son chemin, pour répandre la connaissance profitable, et pour laisser cette science en héritage pour le bénéfice de leur communauté. Abû Muslim al-Khâlânî attribue au Prophète les paroles suivantes : Allâh ne m’a pas inspiré de rassembler des richesses et d’être un marchand. Il m’a plutôt révélé : Proclame la louange de ton Seigneur ! Sois au nombre de ceux qui se prosternent ! Adore ton seigneur jusqu’à ce que te vienne la certitude !50 Tirmidhî et d’autres rapportent que le Prophète a dit : Qu’ai-je à faire de ce monde ? Je suis vis-à-vis de ce monde comme un cavalier : il reste un instant à l’ombre d’un arbre, se lève puis s’en va. Revenons sur la fin du hadîth commenté : Les savants religieux sont les héritiers des prophètes. Les prophètes ne laissent pas d’argent en héritage. Ce qu’ils laissent, c’est la connaissance. Ce hadîth fait allusion à deux choses. En premier lieu, le savant est le véritable héritier du Messager. De même qu’il a hérité de la connaissance du Messager, il convient que le savant luimême laisse un héritage de connaissance, comme l’a fait le Messager . L’héritage du savant est ce qu’il laisse derrière lui par l’enseignement, l’écriture et d’autres entreprises qui seront profitables aux gens après lui. Le Prophète a dit : Quand l’individu meurt, ses actions prennent fin sauf trois d’entre elles : une science qui profite à autrui, un aumône qui perdure, et un fils vertueux qui prie pour lui. Si le savant enseigne à quelqu’un qui met en pratique sa connaissance après lui, alors il a laissé derrière lui à la fois la connaissance profitable et l’aumône qui perdure. En effet, enseigner est une forme de charité, ainsi qu’on l’a rapporté plus haut selon Mu`âdh et d’autres. De même, ces gens auquel le savant a enseigné sont comme ses enfants vertueux : ils prient pour lui. Par conséquent, ce savant remplit les trois conditions citées par le Prophète, en vertu de la connaissance qu’il laisse derrière lui. En second lieu, le savant ne laisse derrière lui aucune chose matérielle, comme c’est le cas pour le Messager . C’est la voie suivie par le savant, en raison de sa parfaite conformité au Messager et à sa sunna, et parce qu’il se détourne du monde, qu’il se contente de peu. Sahl al-Tustarî a dit : Voici certains signes qui montrent qu’on aime la sunna : désirer l’au-delà, être dégoûté de ce monde, et ne rien se permettre en dehors d’une provision suffisante en vue de l’autre monde. Mâlik ibn Dînâr a dit : Si tu viens voir le savant dans sa maison et que tu ne l’y trouves pas, regarde sa maison, elle parle pour lui : tu vois son tapis de prière, son exemplaire du Coran et la salle d’ablutions à côté de sa maison. Tu perçois ainsi une trace de l’au-delà. Fudayl ibn `Iyâd disait : Garde-toi du savant profane pour éviter qu’il ne te détourne par ses déviations. Chez beaucoup de tes maîtres, leurs vêtements ressemblent plus aux parures de Chosroès et de César qu’aux habits de Muhammad . Muhammad n’a pas construit de gigantesque édifice. Au lieu de cela, la connaissance lui fut donnée, et il s’y consacra. Il avait aussi coutume de dire : Les savants sont nombreux, mais les sages sont rares. L’essence de la connaissance,
c’est la sagesse. Celui à qui la sagesse est donnée a reçu le bien en abondance.51 C’était le cas de savants vertueux comme Hasan al-Basrî, Sufyân al-Thawrî et l’imam Ahmad. Ils se satisfaisaient de peu de choses de ce monde, si bien qu’ils le quittèrent en n’y laissant rien d’autre que la connaissance, même si certains d’entre eux avaient l’habitude de porter de beaux vêtements et de manger de la nourriture raffinée, loin de tout ascétisme. Hasan al-Basrî mangeait de la viande chaque jour. Il achetait un morceau de viande pour un demi dirham, le faisait cuire dans un bouillon succulent, puis le partageait avec sa famille. Il nourrissait quiconque venait le voir. Il portait des vêtements élégants. Et pourtant, il n’y avait pas plus détachée du monde que lui. Il ne recherchait aucune chose matérielle. Quand les gens étaient en sa compagnie, ils se retrouvaient coupés du monde. Ils ne connaissaient personne qui méprisât les gens matérialistes plus que lui. Quand il était malade, ils lui rendaient visite, et ne trouvaient rien dans sa maison, de grand ou de petit, excepté une couette dans laquelle il était emmitouflé. Ibn `Awn a dit : Hasan détenait le monopole de l’au-delà pour lui-même ; il en partageait la connaissance avec les gens. Hasan lui-même disait : Le savant se détourne du monde, désire l’au-delà, se consacre à l’adoration, et met en pratique la sunna de Muhammad . Sufyân al-Thawrî était plus austère, dans sa façon de s’habiller, que Hasan. Celui qui ne le connaissait pas aurait pu penser en le voyant qu’il était un mendiant. Malgré son grand scrupule, s’il trouvait de la nourriture licite, il en mangeait de bon cœur. S’il ne trouvait rien de licite à manger, il avalait du sable. Il pouvait passer trois jours sans manger quoi que ce soit bien que les gens lui offraient de nombreux biens. S’il était repu de nourriture licite, il intensifiait sa pratique de l’adoration. Il était la personne la plus absente de ce monde à son époque, ses cours étaient exemptes de tout intérêt mondain. Dans ses cours, personne n’était plus humble que les sultans, les rois et les riches, et personne n’y était plus célébré que le pauvre et l’indigent. Il était submergé par la crainte de subir la colère d’Allâh. Quand il fut atteint de la maladie qui devait finir par le tuer, son urine fut apportée au médecin, qui dit : « Il n’existe pas de traitement pour cette maladie. La tristesse et la peur ont détruit son foie. » On dit qu’il n’y avait dans sa région personne qui ressente plus que lui la crainte d’Allâh, et personne qui soit plus impressionné que lui devant Allâh. Quand il mourut, un de ses étudiants dit : « Ô vous qui vivez dans l’excès, consommez de ce monde au détriment de votre religion [si c’est ce que vous voulez], à présent que Sufyân est mort ! » Il voulait dire par là qu’il ne restait personne pour inspirer la honte et la modération. L’imam Ahmad ibn Hanbal était encore plus ascétique. Il vécut simplement, et supporta patiemment des conditions de vie difficiles. Ses moyens d’existence venaient de plusieurs magasins qu’il avait hérités de son père. Le revenu qu’il en retirait représentait moins de vingt dirhams par mois. Il mourut en ne laissant rien d’autre que quelques pièces d’argent enveloppées dans un chiffon, qui valaient moins d’un demi dirham. Il laissait une dette qui fut remboursée par ses magasins, malgré les richesses abondantes que lui avaient offertes les gouvernants. L’imam Yahyâ ibn Abî Kathîr faisait partie des savants vertueux à la connaissance suprême. On a dit : « Il ne reste plus à la surface de la terre de gens de son espèce. » Il était toujours bien apprêté et bien vêtu, mais quand il mourut, il laissa seulement trente pièces d’argent qui servirent à payer son linceul. L’imam Muhammad ibn Aslam al-Tûsî était du nombre de ces savants vertueux tournés vers l’autre monde. Il mourut en ne laissant que son vêtement et son bonnet. On les plaça sur son
catafalque. Il laissa aussi un récipient pour faire les ablutions, qui fut donné en aumône. Les femmes se rassemblèrent sur les toits, durant ses funérailles, et l’une d’elles dit : De ce savant qui est passé dans l’autre monde, il ne reste en héritage que ce qui est posé sur son catafalque. Il n’est pas comme nos savants [habituels], qui sont les esclaves de leur estomac. L’un d’eux s’installe et enseigne pendant deux ou trois ans, et il ne recueille que la déchéance, n’étant utile que pour les affaires de ce monde. A propos de l’imam al-Awzâ`î `Abbâs ibn Muraththad a dit : J’ai entendu nos compagnons dire : « Plus de soixante-dix mille dinars furent donnés à al-Awzâ`î par les gouvernants omeyyades. A sa mort, il ne laissa que sept dinars. Il n’avait ni terre ni maison. » `Abbâs poursuit : Nous nous sommes renseignés, et avons découvert qu’il avait tout dépensé pour la cause d’Allâh et pour les pauvres. Allâh, dans Son Livre, attribue aux savants plusieurs caractéristiques, parmi lesquelles craindre Allâh, être humble, pleurer, mais aussi mépriser le monde et s’en détourner. Il illustre cela dans l’histoire de Qârûn : Il sortit vers son peuple avec tout son faste. Ceux qui ne voulaient que de la vie d’ici-bas dirent : « Si seulement il nous était accordé ce qui l’a été à Qârûn ! Quelle fortune magnifique que la sienne ! » Mais ceux à qui la connaissance avait été donnée dirent : « Malheur à vous ! La récompense de Dieu est meilleure pour celui qui croit et qui fait le bien. » Mais elle n’échoit qu’à ceux qui sont patients.52 Il fut rapporté à l’imam Ahmad qu’on demanda à Ibn al-Mubârak : « A quoi reconnaît-on un savant véridique ? » Il répondit : « Il se détourne de l’argent pour se tourner vers l’au-delà. » L’imam ajouta : « Effectivement, telle doit être sa situation. » L’imam Ahmad avait coutume de réprocher aux savants leur inclination pour ce bas-monde. Tu dois savoir que ces savants-là sont destructeurs pour eux-mêmes et pour les autres. Quand ils commencent à ressentir un penchant pour ce monde, les ignorants pensent du mal d’eux, et se choisissent des ignorants comme chefs. `Alî vit un jour un prédicateur renommé et lui dit : « Je vais t’interroger. Si tu ne réponds pas correctement, abstiens-toi de prêcher. Dans le cas contraire, je te donnerai cette pierre précieuse. » Le prédicateur dit : « Pose ta question. » Alors `Alî lui demanda : « Qu’est-ce qui soutient la religion, et qu’est-ce qui la fait disparaître ? » Le prédicateur répondit : « La vigilance la soutient, et l’aspiration vers ce monde l’élimine. » `Alî ajouta : « Continue à prêcher. Les gens comme toi conviennent à cette tâche. » La question de `Alî montre qu’il convient pour celui qui sermonne les gens de ne pas attendre de leur part une récompense, de ne pas convoiter les richesses ni les biens, et de ne pas essayer de gagner leur cœur. Il faut plutôt répandre la connaissance pour l’amour d’Allâh et ne rien demander aux gens en dehors de la piété. Ibn Mâjah rapporte qu’Ibn Mas`ûd a dit : Si les savants avaient protégé la connaissance et l’avait transmise aux gens qui convenaient, ils auraient été les maîtres leur temps. Au lieu de cela, ils l’ont répandue chez les gens de ce monde, de façon à obtenir une partie de leurs biens. Ces gens du monde les ont alors méprisés. J’ai entendu notre Prophète dire : « Celui qui concentre ses préoccupations en une seule, à savoir pour l’au-delà, Allâh lui suffit pour ses affaires en ce monde. Celui qui, au contraire, se disperse dans toutes sortes de préoccupations pour ce monde, Allâh ne Se soucie pas de savoir où il va finir. »
Il est donc méprisable de convoiter ce monde, et c’est une attitude d’autant plus méprisable chez un savant. Quand elle apparaît chez un savant avancé en âge, c’est encore plus abject. On raconte qu’un savant de la deuxième génération, parmi les disciples des Compagnons (tâbi`în), un jour, se préparait à se rendre chez le roi. Il s’habilla, prit un miroir, et se regarda dedans. Il vit sa barbe grisonnante, et dit : « Je me soucie de ma rencontre avec le roi, alors que ma barbe devient grise ! » Sur ce, il enleva son vêtement, et se rassit. Abû Hâzim a dit : Nous avons connu une époque brève au cours de laquelle pas un seul savant n’a cherché à fréquenter les gouvernants. Quand un homme était érudit, il se satisfaisait de la connaissance, et n’avait besoin de rien d’autre. C’était une situation bénéfique pour les deux parties. Quand les gouvernants ont vu que les savants cachaient leurs fautes, passaient du temps avec eux, imploraient pour obtenir leurs biens, alors ils les ont méprisés, et ont cessé d’écouter leurs conseils et de rechercher leur connaissance. Cela a conduit à la ruine des deux parties. Un bédouin vint un jour à Basra. Là, il demanda : « Qui est le chef de cette ville ? » On lui dit : « Hasan. – Avec quoi gouverne-t-il ? demanda-t-il. – Les gens ont besoin de sa connaissance, et il n’a rien à faire de leur biens. » Hasan avait coutume de dire : Toute chose peut être corrompue, et ce qui corrompt la connaissance, c’est l’avidité. Il a dit également : Celui dont la connaissance augmente en même temps que son désir pour ce monde, ne réussira qu’à augmenter la distance entre lui et Allâh, et Allâh augmentera son aversion pour lui. Un jour, Hasan vit plusieurs récitateurs du Coran aux portes d’un palais. Il déclara : Vous avez ridé vos fronts, écrasé vos mules, et vous êtes venus ici apporter la connaissance jusqu’à leurs portes. Mais ils n’ont rien à faire de vous. Si vous étiez restés dans vos maisons à attendre qu’ils vous envoient chercher, cela aurait mieux valu pour vous. Partez ! Puisse Allâh vous éloigner d’eux ! Dans une autre version, il aurait dit : Partez ! Puisse Allâh vous faire diverger ! Vous avez épuisé vos mules, doublé le bas de vos vêtements, et mis vos cheveux en désordre. Puisque vous avez convoité ce qu’ils possèdent, ils n’ont plus rien à faire de vous. Vous avez déshonoré les récitateurs du Coran, puisse Allâh vous déshonorer ! Je jure par Allâh que si vous aviez ignoré leurs biens, ils auraient recherché votre connaissance. Au lieu de cela, vous avez convoité leurs biens, et ils vous ont rejetés, vous et votre connaissance. Puisse Allâh éloigner celui qui s’éloigne de lui-même ! Enfin, le savant qui ne défend pas son honneur ne tirera aucun profit de sa connaissance, ni lui ni les autres. Al-Shâfi`î a dit : Celui qui récite le Coran, sa valeur sera augmentée. Quiconque enregistre un hadîth, sa preuve est renforcée. Quiconque apprend la jurisprudence, son statut est ennobli. Quiconque apprend la langue arabe, sa disposition s’adoucit. Quiconque apprend les mathématiques, son opinion sera favorisée. Et quiconque négligera de défendre son honneur ne tirera aucun bénéfice de sa connaissance. Toute louange est à Allâh, Seigneur des mondes !
Table des matières IBN RAJAB AL-HANBÂLÎ LE HADÎTH DIT DE ABÛ DARDÂ’ CHAPITRE 1 Quiconque parcourt un chemin à la recherche de la connaissance sacrée, Allâh le place sur un chemin conduisant au Paradis CHAPITRE 2 En vérité, les anges abaissent leurs ailes sur celui qui cherche la connaissance sacrée, satisfaits qu’ils sont de ce qu’il est en train de faire CHAPITRE 3 La supériorité du savant par rapport au dévot est comme la supériorité de la pleine lune par rapport aux autres corps célestes CHAPITRE 4 Les savants sont les héritiers des prophètes CHAPITRE 5 Les prophètes ne laissent pas d’argent en héritage, mais ils laissent plutôt la science. Celui qui la saisit en a pris une part généreuse
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Ouvrages de la Collection — Héritage Spirituel — Enseignements soufis, Abd al-Qader al-Jîlânî, 1996-2001. Textes sur le jeûne – extraits des Futûhât –, Ibn ‘Arabî, – Traduction et annotations de Charles-André Gilis, 1996. Poèmes métaphysiques, Emir Abdel Qader l’Algérien, – Traduction et annotations de CharlesAndré Gilis, 1996. Le Livre des Chatons des Sagesses, Ibn ‘Arabî, 2 tomes, – Traduction intégrale, annotations et commentaire de Charles-André Gilis, 1997-1998. L’Imam Khomeyni, un gnostique méconnu du XXème siècle, Christian Bonaud, 1997. L’Esprit universel de l’Islam, aperçus sur la Doctrine coranique de la Science sacrée, Charles-André Gilis, 1998. Océans de Miséricorde, Sheikh Nazim An-naqshabandi, – Traduction et annotations de AbdelWadoud Bour, 1998. Vie et enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba, Didier Hamoneau, 1998. Le Soufisme, la réalité de la religion, Hazrat Nader Shah Angha, 1999. Guide du disciple Tidjaani aspirant à la perfection, Ibrahima Sall, 1999. La prophétie, la sainteté et leurs fruits, Ibrahima Sall, 1999. Secrets of the Fast – according to the Shaykh al-Akbar Ibn ‘Arabî, – Translated and Introduced by Charles-André Gilis, 2000. Le Secret des Secrets, Abd al-Qadir al-Jîlânî, – Traduction et annotations de Abdel Wadoud Bour, 2000. Traités sur les Noms divins, Fakhr ad-Dîn ar-Râzî, – Introduction, traduction et annotations par Maurice Gloton, 2000. La Prière sur le défunt [salât al-janâza] dans l’enseignement d’Ibn ‘Arabî, Charles-André Gilis, 2001. Le livre de l’aide, du soutien et de l’encouragement pour les croyants qui désirent suivre la voie vers l’au-delà, Imam al-Haddâd, – Traduction et annotations par ‘Abd al-Wadûd Bour, 2001. Ibn ‘Arabî, l’Initiation à la futuwwah, Leïla Khalifa, 2001. Le Livre du Mîm, du Wâw et du Nûn, Ibn ‘Arabî, – Texte arabe inédit, traduit et présenté par Charles-André Gilis, 2002. Un commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran : Les mystères cryptographiques de Bismi-Llâhi-r-rahmâni-r-rahîm, Abd el-Karîm al-Jîlî, précédé d’une introduction générale à la Non-dualité dans l’ésotérisme islamique, traduit et annoté par Jâbir Clément-François, 2002. Le secret des noms de Dieu, Ibn ‘Arabî, – Introduction, édition critique et notes de Pablo Beneito, – Traduit par Pablo Beneito et Nassim Motebassem, 2002. L’épître des sept degrés suivi du poème sur la généalogie des Imâm-s suivi de la qasîda sulaymâniyya, Abû Firâs al-Maynaqî, textes recueillis et présentés par Aref Tamer, – Traduits, corrigés et commentés en français par Yves Marquet, 2002. La clé de la réalisation spirituelle et l’illumination des âmes, Ibn ‘Ata’ Allâh al-Iskandarî, – Traduction et commentaire Riordan Macnamara, 2002. Exposé de la différence entre la poitrine, le cœur, le tréfonds et la pulpe (Bayân al-farq bayna as-sadr wa al-qalb wa al-fû’âd wa al-lubb), Al-Hakîm at-Tirmîdî, traduction, introduction et
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annotation par Isitian Ibrahim (2002) L’Accès au Mystère (Futûh al-ghayb), Abd al-Qader al-Jîlânî, – Traduction et notes de Nabîl Badrâwî, 2002. 89 Appels aux croyants (Nidâ’ al-mu’minîn fî al-Qur’ân al-mubîn), Chaykh Ahmad Fathu’llâh Jâmî, – Traduction réalisée par ‘Abd al-Wadûd, 2002. Le livre du Savoir et de la Sagesse, Imam al-Haddâd, – Traduction et annotations par Umar Van Den Broeck et Mostafâ al-Badawî, 2002. Les vies de l’Homme, Imâm al-Haddâd, – Traduction de l’Anglais par ‘Abd al-Wadûd Bour, révisé d’après l’original en arabe et annoté par Mostafâ al-Badawî, 2002. Le Sceau des Saints [Khatm al-awliyâ’], al-Hakîm at-Tirmîdhî, – Traduction, introduction et annotation par Slimane Rezki, 2004. L’Arbre aux secrets ou de la signification de la prière sur le Prophète [dawhat al-asrâr fî ma‘nâ as-salât ‘alâ an-nabî al-mukhâr], Chaykh Ibn Mustafâ al-‘Alawî, – Traduction et annotation par Nabîl Badrâwî, 2003. Lettres d’un maître sûfî, Le Chaykh, al-‘Arabî ad-Darqâwî, Traduites de l’arabe par Titus Burckhardt, 1425. / 2004. Le Chaykh Muhammad al-Hâchimî et son commentaire de l’échiquier des gnostiques [Charh chatranj al-‘ârifîn], un diagramme des étapes et des dangers de l’itinéraire initiatique attribué au Chaykh al-Akbar, Muhyî ad-Dîn Ibn ‘Arabî, Jean-Louis Michon, 1425 / 2004. Hikam : paroles de sagesse suivies d’un choix d’épîtres et des entretiens confidentiels, Ibn ‘Atâ’ Allâh al-Iskandarî, – Traduites de l’arabe par El Hâj ‘Abd-ar-Rahmâne Buret avec la collaboration et une introduction par Titus Burckhardt, 1425 / 2004. Kifâyat ar-râghibîn, Le Grand Savant El Hadji Malick Sy, Texte arabe établi, traduit et annoté avec index et glossaire par al-Hâjj Ravane Mbaye, 2003. Ifhâm al-munkir al-jânî, Le Grand Savant El Hadji Malick Sy, Texte arabe établi, traduit et annoté avec index et glossaire par al-Hâjj Ravane Mbaye, 1423 / 2003 La Prière du jour du Vendredi : extrait du chapitre 69 des Futûhât, traduit intégralement et présenté par Charles-André Gilis ; nouvelle édition revue et augmentée d’une Postface : Pour une présentation traditionnelle d’Ibn ‘Arabî, 2003. Le livre du rappel mutuel, (Le livre du rappel mutuel entre frères qui s’aiment, et entre gens de bien et de religion), Imâm al-Haddâd – Traduction de l’Anglais par ‘Abd al-Wadûd Bour, révisé d’après l’original en arabe et annoté par Mostafâ al-Badawî, 2004. Le livre des convenances du disciple, (le livre des convenances pour le cheminement du disciple spirituel), Imâm al-Haddâd – Traduit par Umar Van Den Broeck, introduction, annotations et annexe par Mostafâ al-Badawî, 2004. Étincelles de Sagesses, dans les œuvres de Fariduddin ‘ATTAR, Présentation, adaptation et choix de contes Hassan Alavi et Denise Duhamel, 2004. Aperçus sur la Doctrine akbarienne des jinns, suivi de L’homme fut serpent autrefois, CharlesAndré Gilis, 2005. Jésus, le fils de Marie dans le Coran et selon l’enseignement d’Ibn ‘Arabî, Maurice Gloton, 2006. La Voie du Taçawwuf (Minhâj at-tasawwuf), [Epître sur la Voie Soufie], Chaykh Ibn Mustafâ al-‘Alawî, traduit intégralement, annoté et présenté par D. Tournepiche, 2006. La clef du Paradis, Habîb Ahmad Mashhur al-Haddâd – Traduction de l’Anglais et de l’arabe par ‘Abd al-Wadûd Bour, introduction, annotations et annexes par Mostafâ al-Badawî, 2006.
43. Qâf, et les mystères du Coran Glorieux, Charles-André Gilis, 2006. 44. Le livre « Tâwasîn » de Hallâj, Introduction, traduction annotée et édition critique du texte arabe, avec le Commentaire de Rûzbehân, suivi du Jardin de la connaissance, Stéphane Ruspoli. Préfacé par Christian Jambet, 2007. 45. Le livre de la Sagesse du Trône, Molla Sadra, traduit de l’arabe par Yousef Ahmed et Moulinet Philippe, 2007. 46. Le secret de la prière ou la prière des gnostiques, Imam Khomeyni, traduction Mustapha Muhammad, 2008. 47. De la Mort à la Résurrection (Chapitre 61 à 65 des Ouvertures Spirituelles Mekkoises), Ibn ‘Arabî, Introduction, traduction et annotation par Maurice Gloton, 2008. 48. La science de la gnose, Mortadâ Mutahharî, traduit par ‘Abd al-Wadûd Bour, 2011. 49. Les secrets de l’invisible, Essai sur le Grand Commentaire de Fakhr al-Dîn al-Râzî (149/1209), Michel Lagarde, 2009. 50. Guide de la vois Soufie, Nader Angha, 2010. 51. Les clefs d’Ibn Arabî, Philippe Moulinet, 2010. 52. Les Qualités des croyants (Sifât al-mu’minîn), Chaykh Ahmad Fathu’llâh Jâmî, – Traduction réalisée par Hédi Djebnoun, 2011. 53. Intégrité de l’Islam, recommandations pour une pratique religieuse parfaite, traduit de l’anglais par ‘Abd al-Wadûd Bour, révisé d’après l’original arabe et annoté par Mostafâ alBadawî, 2011. 54. Le livre des Haltes (Kitâb al-Mawâqif), Émîr ‘Abd Al-Qâdir Al-Jazâ’irî, Traduction, introduction et annotation par Max Giraud, 2011 55. Quinze missives, ‘Abd Al-Qâdir Al-Jîlânî, Traduit par ‘Abd al-Wadûd Bour, 2011 56. Les héritiers des Prophètes, Ibn Rajab al-Hanbalî, Traduit par ‘Abd al-Wadûd Bour, 2011
Ouvrage réalisé par l’Atelier Graphique Albouraq 2011 Impression achevée en novembre 2011 sur les presses de Dar Albouraq Beyrouth – Liban
Le hadîth dit de Abû Dardâ’ 1 - Imâm Ahmad ibn Hanbal, al-Musnad (Beyrouth, al-Maktab al-Islâmî, 1985), 5 : 196 ; Abû Dawûd al-Sajastânî, al-Sunan (Le Caire, Dâr al-Fikr, 1979), hadîth n° 3641 ; Abû `Îsâ al-Tirmidhî, al-Jâmi` (La Caire, Dâr al-Tûrath al-`Arabî, 1938), hadîth n° 2682 ; Ibn Majâh, al-Sunan, ed. Fu’âd `Abd al-Bâqî (Beyrouth, Dâr al-Kutub al-`Ilmiyya, 1978), hadîth n° 223. Chapitre 1 2 - Coran 18 : 60. 3 - Coran 18 : 66. 4 - Imâm al-Bukhârî, al-Jâmi` al-Sahîh (Beyrouth, Dâr Ihyâ’ al-Turâth al-`Arabî, 1990), hadîth n° 5002. 5 - Al-Dhahabî, Siyar A`lam al-Nubalâ’ (Beyrouth, Mu’assasa al-Risâla, 1983), 2 : 432. Bark al-Ghimâd est l’endroit le plus retiré du Yémen. 6 - Abû Nu`aym explique que Masrûq vint de Kûfa jusqu’à Basra pour interroger un homme sur le sens d’un verset du Coran. Il ne trouva pas, pourtant, en lui la connaissance concernant le verset, mais alors qu’il était là, on lui signala un homme savant en Syrie. Masrûq retourna donc à Kûfa et, de là, se rendit en Syrie à la rechcerche de la connaissance sur ce verset. Abû Nu`aym, Hilayatu’ l-Awliyâ’ (Beyrouth, Dâr al-Kitâb al-`Arabî, 1985), 2 : 95. 7 - Al-Khatîb, al-Faqîh wa l-Mutafaqqih (Beyrouth, Dâr al-Kutub al-`Ilmiyya, 1980), 2 : 177. 8 - Bukhârî, hadîth n° 4590. 9 - Cet événement est mentionné par al-Khatîb al-Baghdâdî dans al-Rihla, hadîth n° 52, et dans le Tafsîr Ibn Kathîr (son commentaire du verset 2 : 196). Cet événement est le plus communément rapporté par Sa`d ibn Ishâq, selon Abân transmettant les propos de Hasan al-Basrî : « Je me rendis de Basra à Kûfâ pour rendre visite à Ka`b ibn `Ujra. Je lui demandai : “Quelle fut ton expiation quand tu fus affligé d’une maladie à la tête ?” Il répondit : “Le sacrifice d’une brebis.” » 10 - Coran 6 : 54. 11 - Tirmidhî, hadîth n° 2650, 2651 et Ibn Mâjah, hadîth n° 247, 249. 12 - Imâm Ahmad, Kitâb al-Zuhd (Beyrouth, Dâr al-Kutub al-`Ilmiyya, 1983), 2 : 16, et Abû Nu`aym, al-Hilya, 1 : 239. 13 - Imâm Ahmad, Kitâb al-Zuhd, 2 : 242. 14 - Voir la note 1. 15 - Imâm Muslim, al-Jâmi` al-Sahîh, ed. Fu`âd `Abd al-Bâqî (Le Caire, Matha`a `Îsâ al-Bâbî alHalabî, 1954), hadîth n° 2699. 16 - Coran 54 : 17. 17 - Coran 19 : 76. 18 - Coran 47 : 17. 19 - Coran 5 : 15-16. 20 - Quantité minimum de biens à partir de laquelle on est tenu de payer la zakât. Chapitre 2 21 - Coran 26 : 215. 22 - Coran 40 : 7. 23 - Coran 42 : 5. 24 - Coran 33 : 41-43. 25 - Coran 19 : 96. 26 - Coran 44 : 29. 27 - Coran 2 : 159.
28 - Coran 3 : 21. 29 - Coran 5 : 32. Chapitre 3 30 - Coran 16 : 16. 31 - Coran 6 : 97. 32 - Coran 39 : 9. 33 - Coran 58 : 11. 34 - Coran 2 : 33. 35 - Coran 3 : 164. 36 - Coran 96 : 1-5. 37 - Coran 4 : 113. 38 - Coran 20 : 114. 39 - Coran 2 : 152-153. 40 - Coran 65 : 12. 41 - Coran 35 : 28. 42 - Qût al-qulûb. Chapitre 4 43 - Coran 30 : 55-56. 44 - Coran 16 : 27. 45 - Coran 3 : 18. 46 - Litt. : « remplaçants ». Catégorie de saints, dont il est dit que lorsque l’un d’entre eux meurt, il est « remplacé » par un autre. [N.d.E.] Chapitre 5 47 - La deuxième chose de poids laissée par le Prophète est, selon certaines versions de ce hadîth, sa tradition et son exemple (sunna). Dans d’autres versions, il s’agit des gens de sa famille ou ses descendants (ahl al-bayt). [N.d.E.] 48 - Coran 27 : 16. 49 - Coran 19 : 5-6. 50 - Coran 15 : 98-99. 51 - Allusion au verset coranique : Allâh donne la sagesse à qui Il veut. Celui à qui la sagesse est donnée a reçu le bien en abondance. (2 : 269) 52 - Coran 28 : 79-80.