De L'argumentation À La Communication. Analyse Des Interactions Verbales À Visée Argumentative [PDF]

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Zitiervorschau

ETUDES De l’argumentation à la communication. Analyse des interactions verbales à visée argumentative BOUALI Mostafa Groupe de Recherche en Innovation dans l'Education et dans la Formation (GRIEF) CRMEF-RABAT Résumé : Dans cette étude nous avons cherché à mettre l‟accent sur l‟évolution historique de la rhétorique. Puis, nous avons tenté d‟élucider le rapport existant entre l‟argumentation et la communication tout en focalisant l‟intérêt sur les techniques argumentatives utilisées dans le but d‟une communication qui a pour visée de convaincre ou de persuader. Par ailleurs, nous avons essayé de présenter un cas pratique de ce genre de communication : il s‟agit d‟une communication qui vise à convaincre ou à persuader dans un domaine spécifique comme celui du commerce où l‟achat et la vente restent tributaires des stratégies argumentatives du vendeur. L‟analyse de ces interactions nous a montré que le monde moderne fait un grand usage de ce genre de communication dans divers domaines comme le discours télévisé, les débats des chaînes de radio, les spots publicitaires, l‟écriture journalistique, le comportement journalier des individus… Mots-clés : rhétorique Ŕ communication Ŕ techniques argumentatives Ŕ orateur Ŕ argument Ŕ auditoire Ŕ familles d‟arguments

Introduction Le terme " argumentation" n‟est pas une invention moderne. Au contraire, il existe depuis l‟Antiquité. Cette dernière voit que là où il y a une interaction des esprits Ŕ ce qui réfère automatiquement au dialogue entre deux ou plusieurs interlocuteurs voulant prouver mutuellement, l‟un pour l‟autre, la vérité ou la fausseté de telle ou telle thèse Ŕ il y a sûrement la présence de l‟argumentation.Cette dernière devient, dans ce sens, une activité inhérente à l‟homme à tel point que certains chercheurs imitent la phrase des psychologues de l‟école de Palo Alto qui souligne qu‟« on ne peut pas ne pas communiquer »(SIMONET, 1998 :13) pour dire qu‟on ne peut pas ne pas argumenter. L‟argumentation est considérée, depuis l‟Antiquité comme étant l‟art de discuter, qui se rapporte directement à la dialectique, et l‟art de parler se rapportant à la rhétorique. L‟argumentation, comme art de discuter et de parler, a connu un essor considérable avec les sophistes. Ces derniers centraient,à cette époque, tout leur intérêt sur les manières qui permettent d‟acquérir l‟habileté verbale même s‟ils doivent réaliser ce fait par le truchement d‟arguments trompeurs qui n‟ont de validité qu‟en apparence : « Les Sophistes "inventent" donc la rhétorique qui est l’art de parler de manière à persuader » (BELLENGER,1992 : 7) Par opposition aux sophistes et à la sophistique, Socrate a toujours essayé de mettre en valeur la vérité dans ses dialogues. Ainsi, ce philosophe introduit le raisonnement inductif qui, se basant 43

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sur des observations particulières, arrive à la formulation d‟une affirmation d‟ordre général. Puis, il a introduit dans l‟argumentation la démonstration qui est un type de raisonnement logique basé sur une idée admise. De son côté, Platon, dans Le Gorgias et dans Le Phèdre, met en place les principes de la dialectique qui permettent, selon lui, d‟arriver à la vérité essentielle se rapportant au Vrai, au Bien et au Beau. Après cette époque, que Renée et Jean Simonet considèrent comme préscientifique, est arrivée la période qui s‟étale du Moyen Age au XXème siècle : pendant cette époque l‟évolution des sciences et de l‟expérimentation a conduit plusieurs critiques à condamner la rhétorique, et par suite l‟argumentation, du fait qu‟elle ne peut jamais atteindre la vérité à la manière des sciences expérimentales. Ainsi, vers la fin de cette période, l‟argumentation, comme discipline, a connu un grand recule. Cependant, ce discrédit jeté sur l‟argumentation n‟a pas duré très longtemps. Effectivement, la deuxième moitié du XXème siècle était caractérisée par un retour à l‟argumentation du fait que les temps modernes ont connu une grande relativisation des résultats scientifiques, considérés auparavant comme étant absolus et du fait que l‟existence d‟une connaissance universelle immuable n‟a plus de sens. Par ailleurs, « notre société se caractérisant par une importance grandissante de la communication favorise un retour de l’argumentation et l’émergence d’une nouvelle rhétorique » (SIMONET, 1998 :15). Certes, une grande majorité des formes de communication, anciennes ou modernes, ont recours à l‟argumentation. Le discours télévisé, les débats des chaînes de radio, les spots publicitaires, l‟écriture journalistique, le comportement journalier des individus… tous prennent pour base un certain usage de l‟argumentation qui pousse Pierre Oléron (1983 : 3) à affirmer que « l’argumentation fait partie de notre vie quotidienne ». Ainsi, à partir du début de la deuxième moitié du XXème siècle, les recherches s‟accumulent dans divers domaines comme la philosophie, la psychologie, la sociologie, la psychosociologie et déplacent, par conséquent, l‟argumentation du champ de la rhétorique classique pour l‟intégrer dans le vaste champ de la communication : « L’argumentation est ainsi devenue aujourd’hui une affaire de communication et cette affaire est plutôt gérée par les psychologues que par les logiciens» (BELLENGER,1992 : 14). Dans cette étude nous tenterons d‟élucider ce rapport entre l‟argumentation et la communication tout en insistant sur les techniques argumentatives utilisées dans le but d‟une communication qui a pour visée de convaincre ou de persuader.

1- Le rapport argumentation / communication : Plusieurs chercheurs s‟accordent à dire que l‟argumentation est l‟une des fonctions du langage. Elle est même la fonction supérieure de ce dernier(SIMONET, 1998 :15). La plupart du temps l‟argumentation est définie comme l‟action humaine qui présente une raison (ou plusieurs) afin d‟amener un interlocuteur (l‟auditoire) à adhérer à une conclusion qu‟il ne connaît pas ou à laquelle il n‟adhère pas au départ. Ainsi, la visée principale d‟une argumentation consiste à convaincre l‟autre par une opinion objetde controverse. Cet acte de convaincre se présente, selon Philippe Breton (2003 : 4), comme « une alternative possible à l‟usage de la violence physique ». Cependant cela n‟empêche pas que dans certains types d‟argumentation (la propagande par exemple) nous pouvons avoir recours à des techniques argumentatives qui exercent une sorte de coercition sur les foules. Dans tous les cas, 44

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convaincre reste la manière argumentative à travers laquelle nouspouvons faire accepter à l‟auditoire une opinion qui n‟est pas partagée au préalable. Partant de cette définition générale, nous pouvons supposer que l‟argumentation s‟intègre dans le vaste champ de la communication humaine puisque l‟acte de convaincre est considéré comme l‟une des modalités essentielles de la communication. Cette relation peut être schématisée de la manière suivante : communiquer

Exprimer

Manipulation

Convaincre

Propagande

Séduction

Informer Démonstratio n

Partant de ce schéma, tout locuteur, qui se livre à une argumentation pour convaincre (que ce soit par la manipulation, la propagande, la séduction ou la démonstration) s‟engage dans une situation de communication. Cette dernière pour qu‟elle soit réalisable a besoin au moins de trois éléments essentiels : les interlocuteurs (le locuteur et l‟auditoire) et le message. Dans une situation de communication qui a pour objectif d‟argumenter pour convaincre le schéma standard de Shannon (SHANNON,1975) ne peut pas être efficace pour rendre compte du déroulement de cette argumentation car nous sommes obligés de prendre en considération le contexte de réception et le rapport que chaque élément entretient avec les autres. Philippe Breton nous propose le schéma suivant (Breton,2003 :20) Opinion Orateur

Auditoire

Argument Contexte de réception

Ainsi, ce schéma de la communication dont le but principal est de convaincre présuppose les éléments suivants : a/ L’opinion : c‟est l‟objet de l‟argumentation : elle peut être une cause, une idée, un point de vue… l‟essentiel c‟est qu‟elle doit appartenir au domaine du vraisemblable et non pas à celui du vrai. Effectivement, le vrai se trouve exclu du champ de l‟argumentation car nous ne pouvons pas organiser toute une argumentation pour convaincre quelqu‟un, par exemple, d‟une idée qui fait partie des 45

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évidences scientifiques. Par ailleurs, l‟opinion de l‟orateur a une existence précédente à sa mise en forme en tant qu‟argument. L‟orateur possède tout d‟abord l‟opinion puis décide en un deuxième temps de mener toute une argumentation pour gagner l‟adhésion de l‟auditoire à son opinion. b/ L’orateur : il occupe la position du destinateur ou de l‟émetteur dans le schéma canonique de la communication humaine. Possédant une opinion, il se charge de la transporter jusqu‟à un auditoire (qui occupe la position du destinataire ou du récepteur). Il lui soumet son opinion et essaie de le pousser à l‟accepter. c/ L’argument : c‟est l‟opinion de l‟orateur qui se transforme en argument ayant pour visée de convaincre. L‟argument peut être présenté de diverses manières en l‟occurrence par écrit (livre, lettre, article de journal, un message informatique…) ; oralement (discours, exposé, par téléphone…) ; sous forme iconographique (image, photo, tableau de peinture…). d/ L’auditoire : c‟est la cible visée par le processus argumentatif. Il peut être représenté par une seule ou plusieurs personnes. Le message argumentatif est orienté verscet auditoire pour modifier soit ses connaissances, soit son comportement, soit une composante de sa personnalité. e/ Le contexte de réception : il se compose d‟un ensemble d‟éléments qui existent chez l‟auditoire avant la mise en route de la situation de communication argumentative. Il s‟agit des jugements, des opinions et de tout le substrat culturel que possède l‟auditoire avant de s‟engager dans de telle situation de communication. Ces éléments influencent la réception du message argumentatif et peuvent dans certaines circonstances se dresser comme un obstacle pour l‟acceptation de l‟opinion de l‟orateur de la part de l‟auditoire. Ils jouent un rôle « dans la réception de l’argument, dans son acceptation, son refus ou l’adhésion variable qu’il va entraîner » (Breton,2003 :19) Partant de la description des composants de ce schéma de l‟argumentation nous pouvons supposer, par extrapolation, que toute argumentation est une forme d‟interaction dans laquelle les participants interagissent afin que chacun influence l‟opinion de l‟autre concernant un sujet précis. Effectivement, en parlant, et surtout lorsque la parole se base sur l‟usage de l‟argumentation, nous constatons que l‟interaction prend pour objectif d‟agir sur l‟autre. Même, dans certains cas, l‟influence des interlocuteurs, l‟un sur l‟autre, peut être réciproque et avoir la même intensité. Nous avons alors un schéma circulaire de la communication dans lequel l‟échange des arguments cherche à amener l‟autre à adhérer à son opinion :

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Il s‟agit donc d‟une situation dynamique dans laquelle les deux interlocuteurs, chacun à son tour, émet son opinion et cherche à convaincre l‟autre du bien-fondé de son idée. Dans ce sens « parler, c’est anticiper le calcul interprétatif de l’interlocuteur » (FLAHAULT,1978, cité par KERBRAT-ORRECCHIONI,1990 : 25). Le destinateur du message argument bâtit son argumentation en prenant en considération tous les paramètres en relation avec l‟auditoire afin d‟inhiber, voire éliminer, toute possibilité de réaction contre son opinion. De même, pour sa part, l‟auditoire, destinataire de l‟argumentation, interprète tous les paramètres sur lesquels le destinateur a fondé son argumentation pour rétorquer en émettant à son tour un contre argument. Ce dernier oblige le destinateur à répondre, à redresser ou à changer sa stratégie argumentative qui sera, une seconde fois, objet de l‟interprétation de l‟auditoire : « l‟interaction pouvant alors être définie comme le lien d’une activité collective de production du sens, activité qui implique la mise en œuvre de négociations explicites, qui peuvent aboutir, ou échouer »(KERBRAT-ORRECCHIONI,1990 : 29). Cette idée nous amène donc à approfondir davantage l‟analyse d‟une situation de communication pour convaincre.

2- Analyse d’une situation de communication pour convaincre : Le schéma établi par Philippe Breton (2003 :20) permet de dégager un ensemble de relations entre les éléments mis en jeu lors d‟une argumentation pour convaincre. Leur analyse illustre parfaitement le rapport que peut entretenir l‟argumentation avec la communication. 2-1 Le rapport orateur / auditoire : Ce sont les deux pôles sur lesquels toute communication argumentative se fonde. Ce rapport, comme nous l‟avons précisé auparavant, est très actif. La manière de déroulement de ce dernier détermine l‟aboutissement (réussite / échec) de l‟argumentation. C‟est sur l‟axe de ce rapport qu‟intervient la séduction comme stratégie ayant une grande influence sur l‟auditoire. Le charisme d‟un politicien ou la beauté d‟une femme, par exemple, peuvent avoir un rôle décisif dans l‟adhésion de l‟auditoire à telle ou telle idée. Ce genre de stratégiesa une forte présence dans les sociétés contemporaines et montre que plusieurs éléments extérieurs au langage peuvent contribuer au montage d‟une argumentation. C‟est le cas aussi de la propagande menée par les politiciens. Philippe Breton et Serge Proulx définissent la propagande comme étant « la manière de présenter et de diffuser une information politique de telle manière que son récepteur soit à la fois en accord avec elle et dans l’incapacité de faire un autre choix à son sujet » (BRETON &PROULX, 2000 : 241). A partir de ces deux exemples de stratégies d‟argumentation nous constatons que la plupart du temps le destinateur du message argument cherche à opérer une sorte de conditionnement de l‟auditoire afin de l‟amener à adhérer à son opinion. Cependant, il ne faut pas du tout croire que l‟auditoire, de son côté, reste inactif. Au contraire, il s‟agit d‟un récepteur actif, qui en se basant sur ses propres opinions, son expérience et sa culture arrive, dans plusieurs cas, à déjouer les stratégies mises en œuvre par le destinateur du message. C‟est la capacité de l‟auditoire à comprendre et à interpréter ces stratégies qui permet de déterminer l‟échec ou la réussite de l‟argumentation : « le récepteur interprète le message en fonction de ses connaissances, de ses intérêts, de ce que lui ont 47

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dit ceux à qui il fait confiance. Le message est ainsi recomposé dans le contexte d‟une perception dynamique »(BRETON &PROULX, 2000 : 248). Dans son ouvrage L’Enonciation de la subjectivité dans le langage(cité par AMOSSY, 2006 : 43), Catherine Kerbrat- Orecchini énumère quatre types de récepteurs : a/ le récepteur présent + loquent (cas de l‟échange quotidien) ; b/ le récepteur présent + non-loquent (cas de la conférence et du cours magistral) ; c/ le récepteur absent + loquent (cas de la communication téléphonique) ; d/ le récepteur absent + non-loquent (cas de la communication écrite). Le premier et le troisième type de récepteurs qui nous intéressent ici participent, dans le cas d‟une argumentation, à un échange argumentatif. Le destinateur du message argument doit, en bâtissant son argumentation, prendre en considération son auditoire et inversement l‟auditoire, destinataire de ce message, a tout l‟intérêt à comprendre aussi bien les stratégies que la psychologie de l‟émetteur du message argument. Dans le cas de tel échange argumentatif, les deux pôles du message (l‟orateur / l‟auditoire) sont comparables aux partenaires d‟un jeu d‟échec. Chaque déplacement d‟un pion (émission d‟un argument) qui n‟est pas bien calculé ouvre au second partenaire la possibilité d‟intervenir et de mettre son adversaire en échec (réfutation de l‟argument émis). Ainsi, cette dynamique argumentative peut être résumée comme suit :

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2-2 Les rapports message argument / auditoire et message argument / orateur : Dès le départ, le message est composé de façon à ce qu‟il soit accepté par l‟auditoire. Dans ce sens le choix du moule qui recevra le contenu de l‟opinion reste un élément décisif dans cette opération. Effectivement, le destinateur du message argument a intérêt à réaliser une adéquation parfaite entre l‟opinion qu‟il expose et la forme qu‟il lui donne. Ainsi, plusieurs éléments entrent en ligne lors de la constitution de ce rapport. Le choix lexical qu‟opère le destinateur pour expliciter son argument permet à l‟auditoire une perception fluide du message et par conséquent l‟adhésion ou le rejet de l‟ensemble de l‟opinion. De ne jours, la clarté devient une caractéristique fondamentale à tout message qui cherche à amener l‟autre à adhérer à son contenu. La répétition de certains mots, la citation d‟exemples d‟actualité, l‟usage de certaines formes d‟arguments… ne sont que des stratégies à valeur pragmatique dont la visée primordiale et de convaincre. Par ailleurs, l‟usage de l‟implicite dans la constitution du message argument permet à l‟auditoire de comprendre entre les lignes et apprécier par conséquent l‟habileté de l‟émetteur de ce message. Commele souligneDucrot (1972 :12) « le problème général de l’implicite est de savoir comment on peut dire quelque chose sans accepter pour autant la responsabilité de l’avoir dite, ce qui revient à bénéficier à la fois de l’efficacité de la parole et de l’innocence du silence ». Il s‟agit donc de s‟interroger à travers la relation message argument / auditoire sur l‟ensemble des mécanismes mis en œuvre afin que le décodage du message puisse aboutir à un résultat optimal. Dans ce sens, il faut souligner que tout ne se fait pas seulement au niveau du langage. Le message composé de langage a une multitude d‟accompagnateurs qui fonctionnent en synergie et influencent sa relation avec l‟auditoire (c‟est-àdire la manière de sa réception). Cosnier et Brossard (1984 : 27)précisent certains de ces facteurs accompagnateurs :« Les uns, voco-acoustiques, les plus anciennement reconnus, constituent la partie verbale de l’énoncé (…) et sa partie vocale, intonation, timbre, hauteur, intensité, accents, tempo (…)Les autres visuels, relèvent de plusieurs codes et sont soit statiques (morphotype, artifices, parures etc.) soit cinétiques lents (faciès basal, rides, postures) soit cinétiques rapides (mimiques faciales, gestes) (…) » Ainsi, le locuteur, au préalable, se construit une image de son interlocuteur et c‟est cette dernière qui lui permet d‟agencer son langage ainsi que tous les facteurs accompagnateurs dans le but principal de faire accepter à l‟autre son opinion sans riposte.De telles remarques nous amènent à nous interroger sur les types d‟arguments qu‟un locuteur peut utiliser dans une communication pour convaincre. 2-3 Les familles d’arguments Comme le suggère Stephen Toulmin (1993 :115), « un argument est pareil à un organisme. Il a à la fois une structure grossière, anatomique et une structure plus fine, pour ainsi dire physiologique ». Autrement dit, lorsque nous parlons d‟argument nous faisons allusion en même temps à un contenu, qui est l‟opinion que nous voulons exposer, et à un contenant qui réside dans la forme par le biais de laquelle cette opinion sera transmise au destinataire. En nous basant sur leur forme nous pouvons comprendre que les arguments se regroupent en plusieurs familles et la connaissance de ces dernières facilitent la tâche lors de la mise en œuvre d‟une communication pour 49

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convaincre. Ainsi, nous pouvons distinguer avec Philippe Breton au moins quatre grandes familles d‟arguments : A/ Les arguments basés sur une autorité : Comme leur nom l‟indique, il s‟agit d‟un ensemble de procédés construits à partir d‟une autorité communément admise. Cette dernière peut être positive ou négative mais l‟essentiel c‟est qu‟elle soit irréfutable par l‟auditoire. Pour réaliser ce genre d‟argumentation, l‟orateur cherche alors tous les éléments qui existent déjà comme des données admises par l‟esprit de l‟auditoire. Le destinateur se base, dans ce sens, sur les idées considérées comme vraies par l‟auditoire pour lui faire admettre sa propre opinion. Cette autorité peut être de trois types : a/ L‟orateur se présente, lui-même, comme une autorité : Dans ce cas, l‟orateur, destinateur du message argument, a une quelconque autorité scientifique, religieuse… reconnue comme telle et qui oblige par conséquent l‟auditoire d‟admettre tout ce qui émane de cette autorité. « Il nous est en effet impossible de penser et de vivre en vérifiant par nous-mêmes tout ce que les gens que nous estimons "fiables" déclarent et que nous acceptons »(BRETON, 2003 : 50)et de ce fait les arguments d‟une personne détentrice d‟un savoir particulier seront toujours acceptés tant qu‟ils ne sortent pas du cadre de ce savoir qui lui est reconnu. De même, l‟argument d‟autorité peut avoir comme base l‟expérience de celui qui parle. Ainsi, si le locuteur a une expérience reconnue dans un domaine précis, alors tout argument qui prend pour fondement cette expérience sera accepté. C‟est le cas du médecin, par exemple, avec son patient.Un peu semblable à l‟expérience, la compétence de l‟orateur dans un domaine a la possibilité de faire passer son message argument comme étant vrai. Par ailleurs, le fait d‟être témoin d‟un fait et d‟utiliser ce témoignage dans son argumentation rend le message du locuteur plus crédible car le témoignage en fin de compte n‟est autre qu‟une manifestation particulière de l‟expérience. Dans certains cas, l‟orateur peut construire son argument sur la base d‟une « autorité négative » en critiquant telle ou telle autorité comme fallacieuse ou manquant d‟expérience et de compétence. Ainsi, l‟incapacité de la personne à contrôler la véracité de tous les arguments qui lui sont proposés au quotidien le pousse à admettre comme vraisemblable toute opinion provenant d‟un locuteur reconnu comme autorité. Tout ce que nous venons de dire se rapporte à l‟orateur lui-même mais ce dernier, dans certains cas, peut construire son argumentation sur une autorité extérieure à lui ; autrement dit, une autorité qui se situe chez d‟autres personnes. b/ L‟orateur convoque une autorité extérieure : André Hella (1983 : 112) nous précise que « les autorités auxquelles on fait appel peuvent être très variables. Ce peut être le Christ, Platon, Marx ou Einstein mais ce peut être aussi 50

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"l’homme de la rue", "la majorité des gens sensés", "tous les gens de bonne volonté" ». L‟essentiel c‟est qu‟il doit y avoir une adéquation entre l‟autorité évoquée et l‟opinion que nous voulons faire admettre à l‟auditoire. De cette manière, le fait de citer, par exemple, un prix Nobel de Physique dans un contexte se rapportant à la critique littéraire n‟a pas vraiment d‟efficacité. Par contre si nous citons un critique de renommée internationale, l‟opinion passera facilement pour vraisemblable. c/ L‟orateur évoque l‟autorité de l‟auditoire : Ce type particulier d‟argumentation se base sur une connaissance parfaite de l‟auditoire de la part de l‟orateur. Découvrant que cet auditoire représente une autorité dans un domaine spécifique, l‟orateur utilise alors cette autorité pour construire son argument. Supposons par exemple qu‟un orateur s‟adresse à des professeurs pour les convaincre de participer à une compagnie contre le tabagisme. Il peut, dans ce cas, baser son argumentation sur le fait que la prévention contre les méfaits de tabac est un acte pédagogique dont seuls les professeurs maîtrisent le ressort. Un tel argument ne peut être qu‟accepté parces derniers. D‟une manière générale, l‟argument basé sur une autorité est un argument contraignant qui, selon la force de l‟autorité évoquée, oblige l‟auditoire à l‟accepter comme vraisemblable et parfois même comme relevant de l‟évidence. « Avec l’autorité, nous sommes dans le champ de l’argumentation, mais avec le pouvoir, nous en sortons pour rejoindre un monde où s’exercent la contrainte, la force et la violence » (BRETON, 2003 : 50). La famille des arguments basés sur l‟autorité peut être schématisée de la manière suivante :

B/ Les arguments basés sur les présupposés communs : Dans ce genre d‟argumentation le locuteur cherche des éléments qui peuvent être partagés entre lui et l‟auditoire. Il essaie, dans ce sens, d‟établir un rapport de communauté avec son 51

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interlocuteur. Ainsi, pour faire accepter son message argument il s‟évertue à l‟habiller d‟une valeur ou d‟une opinion que l‟interlocuteur partage de préalable avec lui. Partant de là, il est à distinguer entre trois types d‟arguments utilisés dans ce cadre : l‟argument bâti sur une opinion commune, l‟argument construit sur une valeur commune et en fin l‟argument basé sur les lieux. a/ L‟opinion commune comme fondement de l‟argument : Il s‟agit d‟une opinion communément admise. L‟orateur en l‟utilisant vise à trouver un point d‟accord entre lui et son interlocuteur car en basant son argumentation sur une opinion acceptée des deux côtés, il cherche à éviter tout refus de son argumentation. C‟est dans ce sens que nous avons recours à la citation, par exemple, de proverbes, dictons et maximes. Cependant, ce qu‟il faut souligner ici c‟est la faiblesse de cet argument car la fréquence de son usage dans le discours le rend relâché et par conséquent sans force argumentative. b/ Les valeurs communes comme base de l‟argument : Il est difficile de cerner l‟ensemble des valeurs communes au sein d‟une société. De même, les valeurs changent d‟une époque à une autre : celles qui étaient en vigueur chez les Grecs différent de celles relatives aux temps modernes. La totalité de ces valeurs constitue une grande part de la culture d‟une société donnée. Il s‟agit effectivement d‟un « être-en-commun qui constitue les bases de la culture et qui détermine les manières selon lesquelles les membres d’un groupe donné habitent un même monde »(RESWEBER, 1992 : 17). L‟universalité de ces valeurs est discutable du fait qu‟elles changent selon les époques et que leur acceptabilité se réduit, la plupart du temps,au cadre d‟une société précise. Sur le plan de l‟efficacité, l‟argument basé sur une valeur commune a plus de chance d‟être accepté qu‟un autre bâti sur l‟opinion commune. De même, si l‟orateur a une connaissance préalable de son public, il peut fonder son argument sur les valeurs préférées par son auditoire. Nous pouvons distinguer avec Perelman deux grands groupes de valeurs : des valeurs abstraites comme la beauté, la justice… qui « s’appliquent à des principes généraux valables pour tous les cas » (HELLA, 1983 : 121) et des valeurs concrètes tels le Maroc, l‟Islam, la solidarité… qui « s’appliquent à un objet, à un être, à une institution, à un groupe »(HELLA, 1983 : 121).Selon Perelman (1988 : 42)« les raisonnements fondés sur des valeurs concrètes semblent caractéristiques des sociétés conservatrices. Par contre, les valeurs abstraites servent plus aisément à la critique, seraient liées à la justification du changement, à l’esprit révolutionnaire. ». La plus importante des critiques que nous pouvons émettre à l‟encontre des arguments fondés sur les valeurs communes c‟est qu‟ils relèvent, comme le confirme Lionel Bellenger(1988), du processus de l‟argumentation contraignante et par conséquent exercent une certaine violence sur l‟auditoire. Sur le plan de la communication, il y a un blocage chez les pôles de l‟interaction. D‟un côté, l‟argumentateur, lors de la constitution de son argument, n‟arrive pas à dépasser les valeurs communément admises et de l‟autre le destinataire ne peut pas, dans tous les cas, réfuter le contenu de ce message car le fait de ne pas l‟accepter implique d‟une manière inéluctable l‟ébranlement d‟une partie de ses propres valeurs. Pourtant, même s‟il y a plusieurs critiques qui considèrent 52

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l‟argumentation par les valeurs comme étant une argumentation contraignante, il est constatable que nous avons recours fréquemment à ce genre de stratégies afin de trouver un point d‟accord avec l‟auditoire et parfois même à l‟amener rapidement à adhérer à notre opinion. Effectivement, « dans une discussion, on peut se soustraire à la valeur en la niant purement et simplement : de même que, si l’on conteste que quelque chose soit un fait, il faut donner les raisons de cette allégation, (…) de même lorsqu’il s’agit d’une valeur on peut la disqualifier, la subordonner à d’autres ou l’interpréter, mais on ne peut, en bloc, rejeter toutes les valeurs » (PERELMAN & OLBRECHTSTYTECA,1988 : 100). c/ Les lieux comme base dans la constitution d‟un argument : Pour Perelman, les lieux sont des valeurs qui se caractérisent par plus d‟abstraction et plus d‟incertitude. Olivier Reboul (1991) regroupe ces lieux en trois espèces : * Les lieux de la quantité : Ce lieu détermine la quantité se rapportant à une chose comme étant préférable et choisie. Pour Aristote, par exemple, la justice et la tempérance sont meilleures par rapport au courage car les deux premiers sont toujours utiles alors que le courage n‟a d‟utilité que dans certains cas spécifiques (PERELMAN & OLBRECHTS-TYTECA,1988 : 116). Sous cette rubrique nous trouvons des lieux comme : le durable, l‟habituel, le fréquent… * Le lieu de la qualité : Ce lieu se base sur le rejet de tout ce qui est banal, répétitif et usé pour mettre en valeur tout ce qui est unique, rare et irremplaçable. Ainsi, l‟original devient la base de l‟argumentation et conduit à l‟adhésion par cette originalité qui le différencie de tout ce qui est répandu parmi les gens. L‟argumentation fondée sur le lieu de la qualité est très fréquente dans le domaine du commerce où nous faisons, la plupart du temps l‟éloge de ce qui est spécifique et original. Sous l‟appellation lieu de qualité s‟inscrivent les lieux de l‟unique, le spécifique, le spécial… * Le lieu de l’unité : Ce lieu présente l‟unité d‟une chose comme étant préférable à sa multiplicité. Le seul, donc, devient plus valorisé que le multiple. Olivier Reboul nous rapporte l‟exemple de Descartes qui affirme que les ouvrages parfaits sont ceux auxquels « un seul a travaillé »(REBOUL, 1991 : 168) C/ Les arguments basés sur le recadrage du réel : Les arguments du recadrage du réel diffèrent de ceux construits à partir des présupposés communs. En effet, si ces derniers cherchent un point de rencontre déjà partagé entre l‟orateur et l‟auditoire, les arguments de recadrage du réel ne se basent pas sur une idée qui est préétablie mais plutôt essaient de forger un point de référence qui sera acceptable de la part de l‟auditoire. Ainsi, les présupposés communs sont connus et admis par les deux partenaires de la communication alors que les arguments de recadrage du réel présentent quelque chose de nouveau à l‟appréciation dudestinataire du message argument. Le recadrage du réel peut être fait, au moins, par quatre groupes d‟arguments : 53

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a/ La définition : Le souci de définir s‟inscrit la plupart du temps dans une stratégie pour convaincre. Quand la définition est claire son impact devient très fort sur le destinataire car elle le rassure et lui permet d‟avoir confiance en celui qui argumente. « Définir c’est rassurer… C’est dire la vérité »(BELLENGER, 1992 :36) à tel point que la réussite de l‟argument est étroitement liée au fait de considérer, de la part de l‟auditoire, que la définition émise est vraie. La définition tente donc d‟enlever le doute et d‟établir une atmosphère de confiance entre les deux pôles de la communication. André Hella (1983 : 80) nous précise que le fait d‟« admettre la définition, c’est admettre la thèse ». Plusieurs formes de la définition peuvent être utilisées comme des arguments : * La définition du sens du mot : La question dans ce cas porte sur le sens d‟un mot qui présente une ambiguïté ou que l‟argumentateur veut redéfinir afin de lui donner un sens nouveau nécessaire à la réussite de son argumentation. La définition dans la plupart des cas s‟impose comme un premier pas dans un long raisonnement. La définition d‟un mot peut se construire à partir de l‟étymologie ou à partir de l‟explication du mot par d‟autres et parfois même elle devient une simple tautologie. Cependant, quelle que soit sa forme, c‟est sa capacité argumentative et son adéquation avec le contexte qui importent le plus. * La définition d’une notion : L‟une des fonctions importantes de la délimitation d‟une notion réside dans le fait de la prendre comme préambule ou plutôt comme introduction permettant d‟aborder le vif du sujet. Généralement, la délimitation d‟une notion se réalise à partir de l‟objectif argumentatif assigné au préalable par le destinateur à la communication. Lionel Bellenger (1992 : 38) nous précise que « toute définition notionnelle est un premier acte argumentatif, un instrument d’action persuasif imprégné des valeurs et des normes de celui qui l’utilise ». * La définition-slogan : Ce genre de définition se présente comme un jugement porté sur un fait afin de l‟expliquer et de le rendre plus explicite. Des phrases comme " le sport c‟est la santé. La vue c‟est la vie " jouent sur la brièveté du message, son éloquence, son articulation soutenue ainsi que sur son rythme pour s‟instaurer comme une manière nouvelle de voir une réalité quelconque. Ces caractéristiques poussent Lionel Bellenger (1992 : 38) à affirmer que « les définitions-slogans alimentent la force persuasive d’un message. Elles transfèrent vigueur, assurance, aplomb. Elles travaillent à établir des évidences, futures idées reçues si jamais on leur donne un écho ». Ainsi, il est apparent que le fait d‟opérer par la définition conduit à tracer devant l‟auditoire un nouveau cadre du réel et selon la force de la définition utilisée cet auditoire sera amené à l‟accepter comme référence sur laquelle se basera toute l‟argumentation qui viendra par la suite.

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b/ La présentation : Il s‟agit là tout simplement de baser son argumentation sur la présentation d‟une chose ou d‟une personne. Pour réaliser ce genre d‟arguments nous pouvons avoir recours aux formes suivantes : * La description et la narration : Le recadrage du réel se fait à travers la description ou la narration d‟un événement. Si cette description et cette narration se rapportent au réel, l‟argumentation acquiert alors plus de fiabilité car elle devient analogue au témoignage qu‟il faut accepter comme vrai ou au moins comme vraisemblable. La présentation par le truchement de la description et de la narration peut devenir sélective :elle peut mettre en évidence les aspects d‟un fait qui appuient l‟argumentation tout en négligeant, ou en passant sous silence, ceux qui ne la servent pas. Mais, dans tous les cas, il faut opter pour un ordre (chronologique dans la narration, par étapes dans la description) réel ou imaginaire qui sera apte à recadrer le réel et susciter l‟adhésion de l‟auditoire. André Hella (1983 : 126) précise la fonction de la narration dans l‟argumentation en disant que « par la narration on touche la sensibilité des auditeurs ou des locuteurs. On met en quelque sorte l’action devant leurs yeux, surtout lorsqu’on emploie certains procédés de style accentuant le pathétique de certains moments : présent historique, style direct, appel à certaines réflexions personnelles ». * La qualification : Comme moyen de recadrage du réel, la qualification, elle aussi, insiste sur certains aspects d‟un fait en les qualifiant (positivement ou négativement) tout en évitant de parler de certains aspects de ce même fait. Toutefois, il faut souligner que « l’argument de qualification (…) doit renvoyer à une justification supposée » (Breton, 2003 : 65) sinon il devient une simple affirmation gratuite. Par exemple, la qualification des étudiants en grève de "fauteurs de désordre", si elle n‟est pas justifiée, devient une affirmation insensée et peut se transformer en un contre argument qui ébranlera toute la stratégie argumentative de l‟énonciateur. * L’amplification : L’Empire rhétorique(PERELMAN, 1988) confère à l‟amplification la fonction de créer la présence d‟un fait dans l‟esprit de l‟auditoire par le phénomène de l‟insistance ; laquelle insistance peut être le résultat de l‟usage de figures de style comme la répétition, l‟accumulation, la gradation…Ce même auteur nous cite l‟exemple suivant qui est une parfaite illustration de l‟amplification : « Tes yeux sont formés à l’impudence, le visage à l’audace, la langue aux parjures, le ventre à la gloutonnerie… les pieds à la fuite ; donc tu es toute malignité ». Ainsi, pour que l‟amplification ne se réduise pas à un simple ornement de style il faut qu‟elle soit utilisée de manière à entraîner un changement de perspective et amener l‟auditoire à adhérer à l‟opinion proposée. * L’expolition : L‟usage de l‟expolition consiste à représenter le même sens ou la même idée de plusieurs manières pour l‟ancrer dans l‟esprit de l‟auditoire comme relevant du réel. L‟argumentateur doit avoir l‟intelligence de ne pas ennuyer son auditoire et de ce fait il doit avoir une grande capacité de manipuler le style pour éviter ce défaut. Philippe Breton (2003 : 67) nous illustre l‟usage de 55

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l‟expolition dans l‟argumentation à travers l‟exemple suivant : « L’héroïne enchaîne ceux qui s’y adonnent régulièrement, elle fait perdre toute volonté. On est entièrement soumis à son emprise, c’est elle qui commande. On ne peut plus s’en passer ». Il est manifeste donc que chaque segment de cette argumentation reprend presque la même idée de plusieurs façons à la manière du matraquage publicitaire. Ce procédé permet au destinateur de gagner l‟approbation du destinataire et faire passer son opinion comme étant vraisemblable. c/ L’association et la dissociation : Chercher à créer un nouveau réel conduit l‟argumentateur à organiser son argument à travers le principe de l‟association d‟éléments préexistants. L‟orateur, dans ce sens peut mettre en rapport deux éléments distincts afin de toucher l‟auditoire par la nouveauté du réel résultant de cette association. Philippe Breton (2003 : 68) nous rapporte un très bon exemple qui illustre l‟argument par association : « lorsque Jacques Vergès annonce que le mot "terroriste" a été inventé par les nazis pour désigner les résistants (ce qui n’est pas historiquement attesté), il utilise un argument associatif qui opère un double rapprochement : entre résistants et terroristes, entre ceux qui traitent les actuels résistants de "terroristes" et les nazis ». Le rapprochement établi par Jacques Vergès entre ceux qui considèrent actuellement les résistants comme des terroristes et les nazis crée un nouveau réel ayant une grande capacité de frapper l‟imagination de l‟auditoire. Par ailleurs, le réel peut être recadré aussi par dissociation. Au lieu de chercher à rapprocher deux éléments, l‟argument par dissociation fait éclater une réalité ou une notion en sous éléments ayant chacun des caractéristiques spécifiques afin de donner un éclairage inédit à la réalité. L‟exemple le plus expressif dans ce domaine est la discussion concernant la notion de la drogue. Nous trouvons certaines personnes qui regroupent, sans distinction, sous la même notion tous les genres de drogues : haschisch, cocaïne, LSD, héroïne etc. alors que d‟autres personnes opèrent, dans leur argumentation, par dissociation en distinguant deux types de drogues : les drogues dures (cocaïne, GHB, l‟ecstasy…) qui sont des substances chimiques provoquant une dépendance psychique et physique forte. Puis, les drogues douces, extraites directement des plantes, qui englobent spécialement le cannabis et le haschisch. La valeur de l‟argument par dissociation c‟est qu‟il « permet de briser l’unité de notions trop dogmatiques et induit une souplesse plus grande pour se mouvoir dans le réel ».(BRETON2003 : 69). D- Les arguments basés sur l’analogie : Cette catégorie englobe au moins trois types : a/ L‟analogie proprement dite : L‟analogie fait appel à l‟imagination pour établir un rapport de ressemblance entre deux ou plusieurs choses ou idées distinctes. Il s‟agit d‟un effort de se faire comprendre que le destinateur engage à travers cette technique en vue d‟aboutir à l‟acceptation de son opinion. Chaïm Perelman (1988) nous précise qu‟il ne faut pas comprendre que dans l‟analogie il s‟agit d‟une égalité mathématique entre les termes mais plutôt d‟une sorte de similitude. Cependant, toute analogie met l‟accent sur certaines caractéristiques des deux termes et fait passer d‟autres sous silence. C‟est ce que 56

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souligne Max Black quand il précise qu‟en décrivant une bataille comme un jeu d‟échecs nous en éliminons tout ce qui se rapporte aux horreurs de la guerre (BLACK,1962, cité par PERELMAN,1988 : 132). Pour qu‟une analogie fonctionne correctement comme argument et réussisse à convaincre ou à persuader, il faut que le terme externe, convoqué pour composer cette analogie, soit accepté par l‟auditoire sinon ce type d‟arguments sera facilement controversé, voire rejeté. Autrement dit, avec l‟analogie, l‟opinion que nous voulons défendre doit être mise en rapport avec des opinions, ou des réalités qui sontadmises par l‟auditoire. Ce rapport1 peut être schématisé de la manière suivante : Thème de l‟analogie (opinion à défendre)

Rapport

Phore de l‟analogie (terme externe admis par l‟auditoire) C est à D

A est à B Comme

(Assimilation ayant pour but d‟éclairer le thème grâce à ce qu‟on sait du phore)

b/ La métaphore : De prime abord, il ne faut pas confondre l‟usage de la métaphore comme figure de style visant l‟embellissement de la production littéraire et son utilisation dans l‟argumentation. La métaphore, dans ce sens, n‟est argument que lorsqu‟elle sert à convaincre. Pour Perelman (1988), la métaphore opère par condensation d‟une analogie en fusionnant le thème et le phore. Ainsi, de l‟analogie A est à B comme C est à D nous pouvons tirer trois formes métaphoriques : A est à B comme C est à D (analogie) A de D (forme métaphorique 1) C de B (forme métaphorique 2) A est C (forme métaphorique 3)

La vieillesse est à la vie ce que le soir est au jour. A B C D La vieillesse du jour. Le soir de la vie. La vieillesse est un soir.

La caractéristique essentielle de la métaphore comme argument c‟est qu‟elle vise à toucher la sensibilité de l‟auditoire par la force de l‟image. Autrement dit, le destinateur de l‟argument se base sur le côté littéraire de la métaphore pour montrer un côté logique capable d‟aboutir à l‟adhésion de l‟auditoire. Partant de là, la métaphore comme argument doit se caractériser par un certain degré de nouveauté et c‟est là où réside sa force car « répétée elle s‟affaiblira, s‟endormira, ou deviendra un lieu commun, argument de communauté » (BRETON, 2003 : 102). 1

- Pour illustrer le rapport entre thème et phore, Perelman nous cite l‟exemple suivant : « Qu’un enfant plonge le bras dans un vase d’une embouchure étroite, pour en tirer des figues et des noix, et qu’il en remplisse sa main, que lui arrivera-t-il ? Il ne pourra la retirer et pleurera. "Lâches-en quelques-unes (lui dit-on), et tu retireras ta main". Toi, fais de même pour tes désirs. Ne souhaite qu’un petit nombre de choses, tu les obtiendras », Epictète, Entretiens, cité par Chaïm Perelman (1988 :128).

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c/ L‟exemple : Le destinateur peut utiliser l‟argumentation par l‟exemple au moins dans deux cas : Premièrement, lorsqu‟il veut renforcer une opinion qui présente une certaine ambiguïté ou qui est moins convaincante. Dans ce cas, nous pouvons faire appel à l‟exemple comme illustration qui renforce l‟opinion et lui donne plus de crédibilité. La réussite de telle manœuvre est étroitement liée au bon choix de l‟exemple. En effet, ce dernier doit relever du domaine de ce qui est accepté de la part de l‟auditoire sinon il peut se transformer en argument qui affaiblira l‟ensemble du raisonnement. Deuxièmement, nous pouvons avoir recours à l‟exemple quand nous voulons, à travers lui, arriver à une généralisation. Dans ce cas « les exemples servent à amorcer des généralisations. La force persuasive du raisonnement inductif fondé sur l’inférence à partir d’exemples tient pour l’essentiel à la qualité de l’exemple choisi (…) Si jamais il irrite, ou s’il prend la valeur d’un cas particulier, il servira mal la fonction généralisante qu’il doit amorcer » (BELLENGER,1992 : 19). A l‟argumentation par l‟exemple peut s‟attacher des arguments basés sur l‟illustration ou sur le modèle mais dans tous les cas nous restons dans le cadre de l‟argument fondé sur l‟exemple. D‟une manière générale, nous pouvons regrouper l‟ensemble des familles d‟arguments selon le schéma suivant :

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3- L’argumentation dans une situation de vente : Dans plusieurs situations quotidiennes et professionnelles le locuteur est obligé d‟avoir recours aux techniques de l‟argumentation pour amener le destinataire à adhérer à son opinion. L‟argumentation se trouve alors dans la publicité, les affiches publicitaires, la vente et le commerce en général. Pour cette raison nous essayerons dans ce point de voir comment fonctionne l‟argumentation dans le domaine du commerce. D‟une manière générale, l‟argumentation a un usage fréquent dans ce domaine. Le commerçant qui veut vendre une marchandise a besoin de stratégies argumentatives et d‟une grande maîtrise (qu‟il acquiert par l‟étude ou par l‟expérience) des techniques de l‟argumentation. En effet, chaque fois qu‟un commerçant s‟engage dans une communication avec un client nous constatons qu‟elle prend pour objectif de convaincre ce dernier pour acheter une marchandise. Le destinateur, dans ce cas, essaie d‟adapter ses arguments aux besoins de son client afin de l‟amener à considérer le produit proposé pour la vente comme étant celui qu‟il désire. De même, le montage de son argumentation sera de telle façon qu‟il élimine toute suspicion concernant la marchandise de l‟esprit du client. Ainsi, nous distinguons dans ce domaine deux types d‟argumentaires : celui focalisé sur le produit et celui centré sur le client. 3-1 L’argumentaire focalisé sur le produit : Dans ce cas l‟élaboration de l‟argumentaire est plus au moins facile. Il suffit de regrouper les caractéristiques du produit de façon à amener le client à l‟acheter. Le vendeur peutdans ce sens préciser les éléments suivants : - Les caractéristiques techniques du produit : longueur, largeur, poids, couleur… - Les caractéristiques technologiques que contient le produit :qualité technologique de la marque, son efficacité par rapport à d‟autres technologies… - Les caractéristiques relatives à l‟économie : le gain que le consommateur peut avoir s‟il achète le produit (prix, durée de vie, pièces de rechange pas chères…). - Les caractéristiques relatives à la commercialisation du produit : réduction des délais d‟acquisition, de livraison, de réparation après-vente… - Les caractéristiques en rapport avec l‟usage du produit : facilité d‟utilisation, possibilité de recyclage, biodégradabilité, sécurité… Ces caractéristiques doivent être agencées d‟une manière logique sous forme d‟arguments, en utilisant bien sûr les familles d‟arguments qui conviennent à la situation et au produit. Le but essentiel pour le vendeur c‟est de convaincre le client qu‟il fait une bonne affaire en se procurant tel ou tel produit. La progression de ce genre d‟argumentation peut se faire selon le schéma suivant :

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3-2 L’argumentaire focalisé sur le client : L‟argumentation du vendeur dans ce deuxième cas se base sur la découverte des caractéristiques psychologiques du client ainsi que ses profonds désirs. Dans ce sens, il faut détecter chez la cible les éléments suivants : - Le degré de sécurité dont le client a besoin. - Recherche du degré de l‟anticonformisme chez le client (besoin de nouveauté). - Le degré de confort que le client veut se procurer. - La capacité financière que le client peut engager pour acheter le produit. - Détecter comment le client veut s‟exprimer à travers l‟achat du produit présenté à la vente. Une fois ces éléments établis, le vendeur peut alors dresser son argumentaire ainsi que les procédés qu‟il utilisera car une bonne perception des caractéristiques psychologiques de l‟auditoire (le client dans ce cas) facilite la tâche de l‟argumentation et s‟avère d‟une grande efficacité. D‟ailleurs, c‟est pour cette raison « que les entreprises se proposent actuellement de former leurs commerciaux à l’aptitude à argumenter, ce qui est différent de certaines traditions qui les entraînent à apprendre à réciter des argumentaires » (SIMONET,1998 :83). 60

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C/ Stratégie pour réussir une négociation visant la vente : La maîtrise des techniques de négociation permet au vendeur d‟élaborer une stratégie efficace qui permet de présenter le produit comme étant d‟une grande nécessité pour le client. Cette stratégie qui se base sur plusieurs procédés, en l‟occurrence ceux relatifs à l‟argumentation, passe par plusieurs étapes : * Etape 1 :le vendeur fait tout son possible pour établir une relation de confiance entre lui et le client. Pendant cette étape, il essaie de se présenter et en même temps de présenter l‟entreprise, la société, la firme… pour le compte de laquelle il travaille. Ainsi, le vendeur doit manifester une volonté de s‟informer et d‟informer, d‟être tolèrent etcapable de comprendrel‟autre en plus du fait d‟être à l‟écoute et toujours accessible. Puis, sur le plan de la communication verbale, le questionnement, l‟ajustement et la reformulation seront les meilleurs procédés qu‟il doit utiliser pendant cette première phase de prise de contact. * Etape 2 : une fois le contact établi, le vendeur doit procéder à l‟exploration des besoins du client. Il doit chercher les motivations qui poussent le client à désirer tel produit et ce qu‟il attend comme satisfaction de sa procuration. Ces informations seront d‟une grande utilité pour le vendeur car c‟est à partir d‟elles qu‟il bâtira sa stratégie pour convaincre. * Etape 3 : la troisième phase permet au vendeur de faire un résumé dans lequel il synthétise toutes les informations en rapport avec les désirs et les attentes du client. La reformulation, comme procédé, est d‟une grande importance à ce stade. * Etape 4 : en se basant sur le résumé qu‟il vient de faire, le vendeur peut enchaîner en formulant un conseil et en suggérant un ou plusieurs produits. Dans ce sens, la parole du vendeur doit être formulée selon le mode du conseil et de la suggestion. Elle ne doit pas du tout apparaître comme un ordre. * Etape 5 : pendant cette étape le vendeur doit démontrer que ce qu‟il vient de suggérer est la solution la plus adaptée aux besoins du client. Pour bien faire, il s‟attachera à élaborer une démonstration dans laquelle il mettra en exergue les divers avantages du produit qu‟il vient de proposer. Sur le plan de la communication, le vendeur doit formuler des affirmations claires et intelligibles ; puis argumenter de façon à convaincre le client du gain qu‟il aura s‟il opte pour l‟achat du produit. * Etape 6 : cette étape se présente comme une valorisation du produit. Le vendeur s‟attache toujours à démontrer que ce qu‟il propose s‟adapte à toutes les exigences du client. Les capacités argumentatives du vendeur jouent un rôle décisif dans la réussite de ces deux dernières étapes (5 et 6). * Etape 7 : considérant les possibilités de réussite de sa communication, le vendeur doit mettre en place l‟ensemble des points d‟accord entre lui et le client tout en précisant les points non négociables s‟il y en a quelques-uns. * Etape 8 : en dernier lieu, le vendeur essaie de confirmer une autre fois les points d‟accord et ses engagements vis-à-vis du client tout en essayant de renforcer sa relation avec le client. 61

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Nous pouvons résumer l‟ensemble de ces étapes à travers le tableau suivant : Phases Phase 1 : Mise en situation

objectifs Instaurer une relation de confiance

Procédés utilisés - se présenter - présenter l‟entreprise - vérification de l‟identité du client - valoriser l‟entreprise mais sans trop insister Phase 2 : Découvrir les - questionnement Exploration désirs et les - reformulation des questions besoins du client - prise de notes si c‟est nécessaire Phase 3 : Résumer les - trier les informations importantes pour le client Le diagnostic informations - usage de la reformulation : récoltées  « En sommes, ce qui est important pour vous c‟est… »  « En fait, vous souhaitez que… »  « C‟est bien cela que vous désirez… » Phase 4 : Conseiller et - utiliser les formules de suggestion : La proposition suggérer l‟achat du  « Monsieur, compte tenu de vos désirs, voici ce que produit je vous propose : soit la solution A(…) soit la solution B(…) ». Phase 5 : Démontrer les - opter pour une argumentation sélective centrée sur les L‟argumentation avantages de la avantages du produit pour ne pas ennuyer le client. proposition - ne parler de concurrents que si le client les évoque. - usage de formules comme :  « Grâce à … vous pouvez … »  « Ce produit dispose de … ce qui permet de … »  « Si vous parlez de sécurité, ce produit dispose de … » Phase 6 : Valoriser le produit - montrer ce que le client gagne grâce à l‟achat du produit : La valorisation par rapport à son  « Notre produit coûte X dirhams mais vous pouvez prix payer sur 13 mois … »  « Je vous rappelle que ce produit, malgré le prix, présente beaucoup d‟avantages...» Phase 7 : Amener le client à - marquer un bref moment de silence La conclusion accepter l‟achat - être attentif aux réactions du client - opter pour une conclusion directe :  « Choisissez ce modèle, il correspond parfaitement à vos attentes » -possibilité d‟une conclusion avec une alternative :  «Est-ce que vous préférez le produit A ou le produit B» Phase 8 : Communiquer - rassurer le client concernant le choix fait : La conclusion positivement :  « Le choix que vous avez fait est le meilleur dans le 1/ en cas d‟accord : marché… » pour consolider cet  - en cas de refus : accord.  « Je regrette votre décision mais je la respecte, 2/ en cas de j‟espère… » désaccord : pour consolider l‟image de l‟entreprise et laisser la possibilité d‟une autre négociation. 62

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Conclusion : A travers tout ce que nous venons de suggérer, il est manifeste que l‟argumentation a acquis un nouvel habit : celui de la communication quotidienne que nous utilisons dans les opérations journalières de vente, d‟achat, de gestion des entreprises et même parfois dans la simple communication entre deux personnes. Comme le suggèrent René et Jean Simonet (1998 : 16) « argumenter, ce n’est pas commander ou ordonner, sur le plan relationnel, puisque c’est donner des raisons pour persuader. Argumenter c’est donc motiver, en prenant ce terme dans les deux sens qu’il recouvre : 1/ donner des motifs, des raisons ; 2/ convaincre les personnes ». Ainsi, loin des manipulations de la sophistique, l‟argumentation intègre actuellement l‟héritage de la rhétorique dans le champ vaste de la communication. Cette dernière, qu‟elle soit audiovisuelle, écrite ou orale, quand elle n‟a pas pour visée d‟informer, a recours aux précédés qui permettent de convaincre. L‟argumentation, dans ce sens, peut déterminer l‟ensemble des procédés qui permettent à un locuteur d‟amener un (ou plusieurs) interlocuteur(s) à adhérer à une opinion. Aux temps actuels, elle s‟interroge aussi sur les mécanismes qui favorisent cette adhésion dans un contexte de communication pour convaincre. Dans cette perspective plusieurs disciplines, chacune de son côté, cherche à cerner la problématique de l‟adhésion dans l‟argumentation pour dégager les possibilités de ses utilisations dans maints domaines comme la politique, la publicité, le marchéage, la négociation entre le personnel dans une entreprise, la négociation pour la vente… Enfin, « l’acte de convaincre se présente, d’une manière générale, comme une alternative possible à l’usage de la violence physique (…). Renoncer à utiliser la force représente un pas vers plus d’humanité, vers un lien social partagé et non imposé » (BRETON,2003 : 4).

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