Cours de Droit Du Commerce International Ul [PDF]

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Zitiervorschau

COURS DE DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL LEÇON I : Considérations liminaires sur le DCI Ces considérations liminaires sur le Droit du commerce international porteront sur trois points essentiels : l’importance de la matière, la définition et l’objet du droit du commerce international, et le rapport entre Droit du commerce international et Droit international privé. Paragraphe I : l’importance du droit du commerce international : le droit du commerce international, une discipline devenue incontournable Avec le processus d’expansion des opérateurs du commerce vers l’international et la mondialisation de l’économie et du commerce international à travers, notamment, l’intensification et la libération des échanges internationaux, on assiste assurément à un phénomène d’abolition des frontières étatiques, et donc à une croissance des échanges économiques internationaux. Le droit ne pouvant ignorer cet état de fait, devrait s’intéresser à ces réalités ; d’où l’importance grandissante du Droit du commerce international au fur et à mesure que les échanges internationaux s’accroissent. Le droit du commerce international est ainsi devenu une discipline incontournable. Parant de cette connaissance profonde, dans le contexte économique actuel de mondialisation, aucun chef d’entreprise, aucun dirigeant, gestionnaire, avocat ou juriste d’entreprise, même aucun Etat, ne peut nier l’importance du droit du commerce international dans la vie des affaires. L’époque est en effet révolue où une entreprise pouvait circonscrire son activité dans les limites de son pays ou de sa région. Cette importance du droit du commerce international s’explique aussi et surtout par l’ouverture progressive des marchés nationaux depuis 1948, à l’instigation d’abord du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), puis, à partir de 1995, de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), et qui a entraîné une concurrence internationale qui s’accroît sans cesse entre les entreprises œuvrant dans des secteurs d’activités identiques ou similaires. Cette nouvelle donne sur le plan concurrentiel, rendue encore plus aiguë depuis le début des années 90, au moment où la mondialisation s’est accélérée, impose aux entreprises de se positionner si elles veulent survivre par l’entremise notamment le commerce entre « étrangers » a sa spécificité. Ce commerce a sa spécificité : dès lors qu’une relation commerciale « franchit une frontière », qu’elle a, en termes contemporains, « des attaches essentielles avec plusieurs Etats souverains », elle pose ce problème que le droit international privé a, dans son domaine, mis en évidence : à quel droit est-elle soumise ? En définitive, tous les gestes que les entreprises poseront et les comportements qu’elles adopteront pour se positionner seront régis par le droit du commerce international. On s’aperçoit ainsi que le droit du commerce international régit donc toutes les relations de commerce qui ont des attaches essentielles avec plusieurs Etats souverains et que l’on qualifie pour cette raison d’ « internationales ». 1

Paragraphe II : La définition et l’objet du droit du commerce international Après la définition du droit du commerce international, suivra l’analyse de son objet. A- La définition du droit du commerce international Le droit du commerce international peut être défini comme l’ensemble des règles juridiques régissant les rapports commerciaux internationaux, c’est-à-dire les rapports de commerce dans lesquels intervient un élément d’extranéité (ou élément étranger)1. Autrement dit, le droit du commerce international est un corps de règles juridiques régissant les relations ou opérations commerciales qui ne se déroulent pas entièrement dans la sphère économique d’un seul Etat, et donc qui se déroulent dans les relations internationales. Cette définition permet de préciser l’objet même du droit du commerce international. B- L’objet du droit du commerce international La question de l’objet du droit du commerce international est celle de savoir la relation qui relève du droit du commerce international. Avant de répondre à cette question, quelques exemples permettront d’être situé sur les hypothèses dans lesquelles le droit du commerce international peut intervenir : - La société SF, société de droit français, a vendu du matériel d’équipement industriel à la société ivoirienne SCI. La vente a eu lieu en Belgique et le matériel a été livré dans ce même pays, une partie du prix devant être payée à Bruxelles. Par la suite, le matériel se trouve défaillant ; la SCI veut donc rompre le contrat et obtenir la restitution de l’acompte versé. La question se pose alors de savoir la loi applicable : s’agira-t-il, notamment, de celle de la Belgique, lieu de la vente, ou de celle de la France, loi nationale du vendeur, ou de celle de la Côte-d’Ivoire, loi nationale de l’acquéreur ? - Un transporteur de marchandises burkinabé circulant en Côte-d’Ivoire est victime d’un accident causé par un camion-citerne appartenant à une société sénégalaise dont la responsabilité est couverte par une compagnie d’assurance sénégalaise. Entre la loi sénégalaise, loi nationale du responsable, et la loi burkinabé, loi nationale de la victime, ou la loi ivoirienne, loi du lieu de l’accident, quelle loi faut-il appliquer ? Il revient justement au droit du commerce international d’apporter des solutions à ce type de problème. Pour ce faire, il faudrait que cette opération commerciale soit internationale. C’est dire qu’une situation ou une relation juridique sera régie par le droit du commerce international si elle présente un double caractère commercial et L’élément d’extranéité est un élément par lequel une relation est en contact, ne serait-ce que partiellement, avec un ordre juridique étranger. En d’autres termes, il s’agit d’un élément par lequel deux ordres juridiques d’Etats souverains sont en contact. 1

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international. Que faut-il entendre par ces vocables de « commercialité » et d’« internationalité »? 1)- La commercialité ou le caractère commercial d’une relation La commercialité est une notion difficile à définir car si certains actes sont absolument civils (comme la donation) et d’autres toujours commerciaux (signature d’une lettre de change), la plupart des actes peuvent être civils et commerciaux (vente, dépôt, transport). Nonobstant cela, s’agissant de savoir ce qui est commercial et ce qui ne l’est pas, d’une définition juridique imparfaite de la commercialité, on a tendance à prendre plus en compte, dans l’ordre économique, la définition économique de la commercialité. a)- La définition juridique de la commercialité Dans sa définition juridique, la distinction entre droit commercial et droit civil2, ignorée dans les pays du Common Law et supprimée dans certains pays comme l’Italie, subsistant encore dans des pays comme la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Côte d’Ivoire, deux conceptions ont été proposées pour définir la commercialité de la relation : une conception subjective et une conception objective. -

La conception subjective de la définition juridique de la commercialité

Dans le système dit subjectif, les actes de commerce sont les actes des commerçants, et nul ne peut réaliser un acte de commerce s’il n’exerce une profession commerciale. Le droit commercial est alors tenu pour un droit professionnel, le droit des commerçants, et l’acte de commerce est en réalité l’acte du commerçant. Cette conception a l’avantage d’une apparente simplicité, mais l’on est sans ignorer qu’elle est limitée. Car un commerçant peut bien passer des actes qui ne soient pas commerciaux pour autant. -

La conception objective de la définition juridique de la commercialité

Pour battre en brèche la conception subjective de la commercialité, il a été proposé la théorie objective de la commercialité qui est une théorie détachée de la profession commerciale pour prendre en compte seulement les actes de commerce. Le droit commercial n’est donc plus le droit des commerçants, mais le droit des actes de commerce. Mais comment reconnaître ces actes ? Il est des cas où la question ne puisse trouver réponse qu’en se référant à la profession. Toutes ces difficultés définitionnelles en droit ont poussé à vouloir se tourner davantage vers une définition économique de la commercialité. Relativement à cette distinction, il faut relever qu’il était constaté que l’optique est statique en droit civil alors qu’en droit commercial elle est dynamique : Le droit civil se préoccupe de la conservation des biens, le droit commercial de leur exploitation. Les biens et les personnes sont individualisés dans le droit civil alors qu’en droit commercial ils font partie d’un ensemble. Pendant longtemps, le droit civil a régi les immeubles et le droit commercial les meubles. Les artisans et les agriculteurs relèvent du droit civil alors que les commerçants et les entrepreneurs individuels relèvent du droit commercial. Est commerçant celui qui accomplit des actes de commerce. 2

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b)- La définition économique de la commercialité Au sens économique, il est bon de noter que la notion de commercialité s’est transformée : Au sens classique elle se percevait dans le sens de l’échange ; maintenant elle s’appréhende davantage dans le sens de la production. Le commerce, économiquement, implique l’échange, la circulation. Le commerçant est un médiateur intéressé, il accomplit des actes d’entremise (entre le producteur et le consommateur). Il fait du trafic de marchandises (achat de biens pour les vendre après leur transformation), d’argent (activité bancaire et d’assurance), d’intermédiaire (activité de courtier, de mandataire et de concessionnaire)3. Le droit du commerce international régit sans doute ces opérations d’échanges (vente, par exemple) et tous les services indispensables à la vente (le crédit : financement et moyen de paiement, l’assurance, le transport, les brevets et la propriété industrielle). Mais, le commerce international dépasse aujourd’hui les simples rapports d’exportations et d’importations. Désormais on ne se contente pas d’expédier des marchandises ; on va s’installer à l’étranger pour les produire et les vendre ailleurs. Ainsi, d’un échange classique, on passe à l’investissement, aux opérations de production, qui amène les opérateurs économiques à partir à travers le monde pour construire des usines, pour exploiter des mines, des champs pétroliers, à apporter de l’aide sous forme de transferts technologiques ; d’où la prolifération de nouveaux types de contrats (contrats clef en mains, et produits en mains) et de marchés en mains. La complexité de ces contrats qui se négocient et se forment progressivement, s’exécutent sur de longues périodes et exigent la collaboration de milliers de personnes. La commercialité au sens économique s’est donc élargie. On s’est demandé si la commercialité n’englobe pas davantage certaines activités considérées traditionnellement comme civiles (profession libérales, activités agricoles qui s’organisent en entreprises), quand elles s’organisent en entreprises. Il a même été admis que le secteur agricole et les services font désormais partie du système de libre échange (GATT, OMC). On s’achemine dès lors vers l’unification du droit privé, du moins vers la construction en droit des affaires (et non droit du commerce ou droit commercial) englobant les biens et obligations à l’exclusion des personnes et de la famille. 2)- L’internationalité ou le caractère international d’une relation S’agissant du caractère international de la relation, une double définition juridique et économique peut être également proposée. a)- La définition juridique de l’internationalité Au sens juridique, l’internationalité de la relation s’apprécie en référence à un élément d’extranéité4, c’est-à-dire en la pluralité de liens que la relation a avec différents pays Le courtier met en relation deux personnes ; le mandataire agit au nom et pour le compte d’autrui ; le concessionnaire agit pour le compte d’autrui en son nom personnel. 4 Au titre des éléments d’extranéité, l’on peut citer la nationalité étrangère d’un sujet de droit, le domicile (ou la résidence) 3

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souverains et indépendants. Mais ce n’est pas toujours que ce critère permet de donner le caractère international à une relation commerciale. Ainsi, si un Ivoirien achète à un Français un objet fabriqué, livré, et payé en France, l’affaire sera régie par la loi française. Juridiquement cette affaire a des liens avec plusieurs pays en raison de la nationalité étrangère, nationalité ivoirienne, d’un des contractants, économiquement elle se déroule dans la sphère d’un seul pays. En réalité, la nationalité étrangère n’a ici aucune incidence sur la loi applicable : le droit du commerce international n’est donc pas concerné dans ce cas. A côté de la définition juridique de l’internationalité, il en est donc proposé en sus une définition économique. b)- La définition économique de l’internationalité La définition économique de l’internationalité consiste en la mise en jeu des intérêts économiques du commerce international. En ce sens, l’opération est internationale quand elle ne se déroule pas entièrement dans la sphère économique d’un seul Etat souverain, mais intéresse plutôt les sphères économiques de deux ou plusieurs Etats souverains. Il en est ainsi en cas de mouvement des biens, des services, par-delà des frontières d’un Etat souverain. Pour être internationale, la relation commerciale doit produire un double mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières d’Etats souverains, des conséquences économiques réciproques dans un pays souverain et dans l’autre, faire l’objet d’un règlement international. Par exemple, un contrat de vente qui fait passer des marchandises d’un pays à l’autre et ensuite le montant du prix des marchés du second dans le premier est régi par le droit du commerce international. Pour que l’opération soit internationale, il faut donc que l’opération litigieuse intéresse par ses aspects économiques plus d’un Etat souverain. Ainsi, il n’y a échange de flux de biens ou de services entre des espaces économiques d’Etats souverains et indépendants, les marchandises suivant un itinéraire et les flux monétaires l’itinéraire inverse. Mais tout comme le critère juridique, le critère économique montre ses limites en ce qui concerne sa précision. La sagesse conduit donc à jongler entre ces deux critères pour trouver le caractère international de la relation : tantôt la définition juridique à elle seule peut permettre de donner le caractère international, tantôt il faille se tourner plutôt vers la définition économique, tantôt après avoir vérifié la définition juridique il faille la conforter avec la définition juridique surtout lorsqu’on est en présence d’un élément d’extranéité comme la nationalité étrangère. Paragraphe III : Le rapport entre le Droit du commerce international et le Droit international privé De prime abord, il convient de faire un bref rappel au sujet du Droit international privé avant l’exposé à proprement parlé du rapport entre DCI et DIP.

à l’étranger d’un sujet de droit, le lieu de situation d’un bien à l’étranger, le lieu de passation d’un acte à l’étranger, le lieu de survenance d’un fait juridique à l’étranger, ect.

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A- Un bref rappel du Droit international privé A ce sujet, l’on sait que, à la différence du droit interne qui appréhende la société et les rapports qui s’y établissent dans le cadre d’un Etat, le Droit international privé envisage, pour régir la société et les rapports qui s’y établissent, les relations qui se nouent ou se développent au-delà des frontières des Etats souverains et indépendants, c’est-à-dire qui ne sont pas enfermées dans le cadre d’un seul Etat. S’agissant de la définition du Droit international privé, plusieurs définitions sont données par les auteurs. Mais celle qui retiendra l’attention dans le cadre de ce cours est celle donnée par BATTIFOL5 : Selon cet auteur, le Droit international privé est « l’ensemble des règles juridiques applicables aux seules personnes privées dans6 les relations internationales ». Cette définition permet de déceler les deux notions fondamentales qui permettent de définir le D.I.P. à savoir « seules personnes privées » et « relations internationales ». - Les personnes privées : ce peut être des personnes privées physiques (individus) ou morales (les sociétés commerciales, par exemple). Cette référence a essentiellement pour but de distinguer le droit international privé du droit international public, droit dont les sujets sont traditionnellement identifiés aux Etats, aux organisations internationales et tous les sujets de droit qui ne relèvent pas de l’autorité d’un Etat dans les relations internationales comme le Saint-Siège. Mais la question se pose de savoir s’il n’est pas possible que le DIP soit appliqué à des Etats se comportant comme de simples personnes privées. Une réponse affirmative semble s’imposer ! Dès lors, il faut entendre par l’usage de l’expression « personnes privées », les personnes privées au sens strict du terme et les personnes publiques se comportant comme de simples personnes privées. Le D.I.P. prend donc en compte les relations ou les rapports de droit privé. - Les relations internationales : On peut donner le caractère international d’une relation en se fondant sur deux critères : un critère juridique et un critère économique. Suivant le critère juridique, le caractère international d’une relation dépend de la présence d’un élément d’extranéité. Il faut donc qu’il y ait pluralité de liens avec différents Etats souverains et indépendants. Au regard de la Côte d’Ivoire, le domicile à l’étranger d’un sujet de droit, la nationalité étrangère d’un sujet de droit, la situation d’un bien sur le territoire d’un pays étranger, la conclusion à l’étranger d’un contrat, ect., constituent des éléments d’extranéité. Au sens juridique, il y a deux types de relations internationales : la relation subjectivement internationale et la relation objectivement internationale : Une relation subjectivement internationale est celle qui présente à l’organe étatique saisi (par exemple, un Juge) un élément d’extranéité et dont l’internationalité varie en fonction de cet organe. En d’autres termes, suivant l’Etat du for, il peut y avoir existence d’un élément d’extranéité ou non7, ou l’identité de l’élément d’extranéité BATTIFOL Henri, Traité de droit international privé, LGDJ, tome 1, 8ème édition, 1993. Ou « (...) impliquées dans... » selon Pierre Mayer. 7 Par exemple, la relation entre deux époux sénégalais, domiciliés au Sénégal, appréciée par un Juge sénégalais, est 5 6

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peut changer8. La relation est donc subjectivement internationale lorsque l’élément extrinsèque en considération duquel on la qualifie n’affecte pas la substance même de la relation. La saisine de l’organe étatique est dans ce cas un élément extrinsèque qui n’affecte pas la substance même de la relation. Une relation objectivement internationale est celle qui met en cause deux ou plusieurs pays par ses éléments intrinsèques et dont le caractère international est avéré quel que soit l’organe étatique saisi. Ici, le point de vue est dit objectif parce que le rattachement à deux ou plusieurs pays existe en soi, avant tout saisine d’un organe étatique quelconque. Si un organe est saisi, quel qu’il soit, son appréciation du caractère international ou non de la relation ne peut varier9. Evidemment, la question s’impose de savoir de ces deux points de vue, celui qu’il faut prendre en compte pour que le D.I.P. intervienne. La réponse est qu’il faut et il suffit que la relation soit subjectivement internationale, même si le caractère objectivement international de la relation rend plus complète l’intervention du D.I.P. Cependant, la relation peut faire apparaître un élément d’extranéité sans devenir pour autant une relation internationale : Par exemple, un Ivoirien achète à un autre des marchandises fabriquées, livrées et payées en Côte-d’Ivoire ; l’affaire se déroule entièrement, d’un point de vue juridique et économique, en Côte-d’Ivoire. La loi ivoirienne, par exemple, sera exclusivement applicable. Les parties peuvent certes inclure dans leur contrat des dispositions d’une loi étrangère, mais cela ne suffit pas pour créer un problème de conflit de lois. La loi étrangère ne sera pas applicable en tant que telle mais se transforme en clause contractuelle. Autre exemple, si un Italien achète à un Belge un objet fabriqué, livré, et payé en Belgique, l'affaire sera régie par la loi belge. Juridiquement l’affaire a des liens avec plusieurs pays en raison de la nationalité étrangère d’un des contractants. Economiquement elle se déroule dans la sphère d’un seul pays ; la nationalité n’a donc ici aucune incidence sur la loi applicable : le droit international privé (et partant le droit du commerce international) n’est dès lors pas concerné. C’est dire que l’affaire peut faire apparaître un élément d’extranéité sans devenir pour autant une affaire internationale. Dans ce cas, il y aura rejet du critère juridique pour faire adoption du critère économique (autrement dit, la définition du caractère international ne dépendra pas du critère juridique mais plutôt du critère économique). Or, suivant ce critère économique, la relation ou l’opération est internationale quand elle ne se déroule pas entièrement dans la sphère économique d’un seul Etat. Il faut donc qu’il y ait un mouvement des biens, des services, par-delà des frontières d’Etats souverains et indépendants. En effet, pour être internationale, selon le critère une relation interne en considération de la nationalité ou du domicile des époux. Mais, appréciée par un Juge ivoirien, cette relation s’internationalise, en considération de la nationalité étrangère nationalité sénégalaise des époux ou du domicile à l’étranger des époux. 8 Par exemple, la relation entre deux époux italiens, domiciliés en Côte-d’Ivoire, appréciée par un Juge ivoirien, est une relation internationale en considération de la nationalité des époux, nationalité étrangère pour le Juge ivoirien. Mais pour un Juge italien, cette relation de ces deux époux est internationale par le domicile à l’étranger pour le Juge italien et non par la nationalité comme pour le Juge ivoirien. 9 Ainsi, sont objectivement internationales la relation entre un Italien et une Anglaise, la relation entre les héritiers ivoiriens d’une succession comprenant des immeubles en Suisse, etc.

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économique et selon les enseignements tirés de la jurisprudence MATTER10 du 17 mai 1927, la relation doit produire un mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières, des conséquences économiques réciproques dans un pays et dans l’autre. Par exemple, doit faire l’objet d’un règlement international, le contrat de vente qui fait passer des marchandises d’un pays souverain à l’autre et ensuite le montant du prix des marchés du second dans le premier. C’est ce critère économique qui est également adopté pour définir l’arbitrage international ; c’est dire que l’arbitrage international est celui qui met en cause les intérêts du commerce international. Les éléments juridiques ne sont pas pris en compte : peu importe la nationalité des parties ou des arbitres, du lieu d’arbitrage. Pour que l’opération soit internationale il faut que l’opération litigieuse intéresse par ses aspects économiques plus d’un Etat. Il faut que l’affaire implique un mouvement de biens, de services ou de règlements à travers les frontières. Cette précision étant faite sur la définition du droit international privé, il faut dire également que le droit international privé pose quatre grands problèmes : le problème du conflit de lois de droit international privé, le problème du conflit de juridictions de droit international privé, celui de la nationalité et celui de la condition (ou situation juridique) des étrangers. Enfin, il faut dire qu’il y a deux grandes méthodes de résolution des problèmes du DIP : La méthode conflictuelle (qui est justifiée par l’usage d’une règle de conflit) et la méthode matérielle ou substantielle (on applique directement aux problèmes internationaux, des normes spécialement conçues pour les régir). En effet, lorsqu’une situation ou un rapport juridique comporte un élément d’extranéité, cela peut susciter pour sa réglementation un conflit de lois qui relève du droit international privée. Selon la méthode conflictuelle on ne part pas des divers contrats en conflit pour savoir lequel est le plus approprié mais du droit lui-même. Ce dernier rapport comporte différents éléments susceptibles de la rattacher à tel ou tel ordre juridique : nationalité des parties, lieu d’établissement, lieu de formation des contrats, lieu d’exécution des contrats. La règle de conflit retient un de ces éléments (élément de rattachement) pour désigner la loi applicable. Dans la méthode conflictuelle on ne saura pas directement le régime juridique approprié car il faut d’abord passer par une règle de conflit d’un Etat qui indique l’élément de rattachement. Il faudra connaître ce lieu précisément pour connaitre le droit applicable. Cependant les règles du commerce international ne comportent pas seulement un élément d’extranéité, ils mettent en jeu des intérêts et des besoins du commerce international. La règle de conflit de lois conduit à la désignation d’une loi nationale qui peut se révéler inadaptée à ces besoins et à ces intérêts. C'est pourquoi au lieu de passer par des règles de conflit on applique certaines règles dites matérielles substantielles qui sont des règles spécifiques au commerce international. A l’heure actuelle les deux méthodes conflictuelles et substantielles coexistent donc ! Après ce bref rappel relatif au Droit international privé, le rapport entre le Droit du Du nom du procureur général (ultérieurement premier président) MATTER dans ses conclusions sur l’affaire Pélissier du Besset, Civ. 17 mai 1927, D.P. 1928 I. 25, note Henri Capitant). Pour définir les payements internationaux où seules étaient licites les clauses or ou en monnaie étrangère, il avait écrit : « Il faut que le contrat produise comme un mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières ». L’expression a eu un immense succès ! 10

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commerce international et le Droit international privé convient d’être précisé. B- L’exposé à proprement parlé du rapport entre DCI et DIP En partant de cette connaissance que le Droit du commerce international est le Droit des rapports commerciaux internationaux, l’on identifie très souvent le Droit du commerce international au Droit international privé en l’appréhendant autrement comme le « droit international privé commercial » ou « droit commercial international » ou « droit des affaires internationales » ou « droit international de l’entreprise ». A la réalité, tous ces vocables sont ambigus et posent des problèmes de définition et de frontières entre les notions : le Droit du commerce international ne saurait être appréhendé comme la simple projection en matière internationale du Droit commercial interne ; son champ d’application n’est pas limité au Droit commercial au sens étroit de droit interne qui fait référence aux notions notamment d’acte de commerce et de commerçant. En effet, comme on a pu l’apercevoir dans l’exposé de l’objet du Droit du commerce international, le commerce international est également synonyme d’activités économiques et englobe toutes les activités économiques qui se déploient dans la sphère internationale même celles émanant des Etats et autres personnes de droit public. Au demeurant, le Droit du commerce international peut se recouper avec le Droit international privé mais il ne saurait être une simple transposition ou reproduction de ce droit car il s’en démarque très souvent en chevauchant avec d’autres disciplines comme le Droit international économique11 et le Droit communautaire des affaires12. Il est en définitive une discipline autonome et composite : autonome par son esprit, son objet et ses méthodes ; composite par ses sources à la fois internes, communautaires et internationales, tant publiques que privées. Il s’agit d’un droit particulièrement fonctionnel qui se caractérise par ses finalités poursuivies : le besoin de liberté et de sécurité13, la satisfaction des intérêts des opérateurs du commerce international, la préservation de l’intérêt général avec l’existence de lois de police, le besoin d’une éthique dans le commerce international, l’émergence d’un nouvel ordre public international.

Le Droit international économique est une branche du Droit international public qui couvre les règles juridiques applicables aux relations macro-économiques. 12 Le Droit communautaire des affaires est le droit qui régit le commerce intra-communautaire, c’est-à-dire une forme de commerce international qui, à défaut d’être, mondiale, est plutôt régionale. 13 Le besoin primordial de liberté poursuivi par le Droit du commerce international s’explique par l’idée que libéraliser les échanges commerciaux internationaux permet d’accroitre leur volume ; ce qui devrait conduire à la paix et à la prospérité. D’où le constat de la libéralisation et de la déréglementation du commerce international. Le besoin de sécurité est d’une importance plus accrue qu’au plan interne : la sécurité dans les transactions commerciales internationales est souvent construite par les opérateurs économiques eux-mêmes à travers le recours à des mécanismes ou garanties internationales comme la garantie à première demande ; la sécurité est également assurée par les Etats à travers l’adoption de Conventions comme les Convention de protection des investissements, les Conventions d’harmonisation ou d’uniformisation du droit comme le droit OHADA. 11

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LEÇON 2 : L’ordre économique international L’ordre juridique ou l’ordonnancement juridique implique l’organisation et l’institutionnalisation des relations juridiques. Le droit du commerce international se caractérise par la coexistence et par l’interpénétration relative mais réelle de trois ordres juridiques :  L’ordre économique international (mondial, planétaire, universel) ;  L’ordre économique transnational (multinational) ;  L’ordre économique de droit international privé ou interne. Ces trois niveaux constituent ce droit qui est donc par essence hétérogène et complexe, à la croisée du droit public et du droit privé. Mais l’étude portera exclusivement sur la seule question de l’évolution ou des facettes de l’ordre économique mondial. A cet effet, il faut dire que la notion d’ordre économique mondial est actuelle puisqu’elle est postérieure à la seconde guerre mondiale. Antérieurement, l’ordre établi était purement privé. L’ordre économique créé en 1944 va décliner dès 1971. Un nouvel ordre économique sera revendiqué par les pays en développement (PED) en 1974, mais cet ordre est fragile et illusoire. Vingt (20) ans plus tard, naît l’Organisation mondiale du commerce (OMC) fondée sur le libéralisme. Malgré cette évolution, on s’apercevra qu’à travers ses phases, l’ordre économique international reste fidèle à la même idéologie dominante. Quatre (4) étapes principales doivent être distinguées dans cette évolution : l’absence d’ordre économique mondial proprement dit avant 1944 ; la création de l’ordre économique mondial en 1944 ; la revendication d’un nouvel ordre économique international par les pays en développement en 1974 ; l’instauration de l’OMC en 1994. Chapitre I : L’absence d’ordre économique international avant la seconde guerre mondiale Avant 1944, il n’y a pas d’ordre économique international dans le sens strict du terme. Cette période se caractérise par :  le pouvoir des agents privés  par le protectionnisme  les accords bilatéraux. En effet, au Moyen-âge, existait la première lex mercatoria (loi marchande uniforme et spontanée créée par les marchands dans le contexte d’une société féodale) ; mais ce corps de règles créé par les opérateurs privés échappait au pouvoir étatique et annonçait davantage l’ordre transnational que l’ordre économique mondial proprement dit. La nationalisation du commerce international caractérise la phase suivante qui s’étale 10

de la fin du Moyen-âge à la Révolution française. Jusqu’au milieu du 19ème siècle, les USA et plus tard le Japon entrent dans « le cercle enchanté » : L’ordre établi est alors un ordre international purement privé. L’État intervient peu. Les pouvoirs économiques privés agissant dans le cadre national jouissent de la liberté des échanges, des paiements et des transferts, des mouvements de capitaux. À l’issue de la première guerre mondiale, le pacte de la SDN (la Société des Nations, actuelle ONU) vise à rétablir cet ordre économique libéral ; mais suite à des évènements politiques et économiques (révolution russe, nationalismes, crises), les agents privés perdent leur pouvoir. Un protectionnisme étatique sauvage s’instaure, le commerce international se réduit alors telle une peau de chagrin. Cette période est caractérisée en outre et au plus par le bilatéralisme. Cependant certaines organisations ont été créées et peuvent être considérées comme les précurseurs des organisations internationales économiques : Il s’agit notamment de l’Organisation internationale du travail (O.I.T.) en 1919 et de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) en 1930. Chapitre II : L’ordre économique international créé après la seconde guerre mondiale Le 22 juillet 1944, à Bretton Woods, 44 pays ont reconstruit les relations économiques internationales autour de deux axes :  la stabilité monétaire  la liberté des échanges La réalisation du premier objectif (la stabilité monétaire) a été confiée au Fonds monétaire international (F.M.I.). La liberté des échanges, second pôle de l’ordre économique international, repose sur l’action du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) ou Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. En réalité, en vue de la réalisation de ces deux pôles, la création du FMI accompagnée par celle de la Banque mondiale devait être complétée par une Organisation Internationale du Commerce (O.I.C.). Mais sa base constitutive, connue sous le nom de Charte de la Havane (Cuba), ne sera jamais adoptée en raison de l’opposition du Congrès américain. C’est finalement sur la base d’un accord a minima, le GATT14, accord comportant un code de bonne conduite visant à abaisser les barrières tarifaires, C’est un accord signé le 30 octobre 1947 entre 28 Etats et entré en vigueur au 1 er janvier 1948. Son objectif était la libéralisation du commerce international qui s’élevait à l’époque à 25 milliards de dollars. La libéralisation des échanges consiste à dépasser le protectionnisme, assurer le libre-échange par l’élimination des barrières douanière et tarifaires. Le G.A.T.T adopte le principe de non-discrimination avec des corollaires : la clause de la nation la plus favorisée (la clause de la nation la plus favorisée correspond à ce que tout avantage accordé à un pays doit être accordé à tous les autres (extension automatique des avantages commerciaux accordés à l’un des pays)) ; le traitement national (le traitement national implique que le produit étranger un fois qu'il a franchi la frontière ne doit pas être soumis à des mesures plus onéreuses ou plus sévères que celles auxquelles s’exposent les produits nationaux). Le commerce international a connu d’énormes expansions, il est passé de 25 milliards de dollars lors de la création du G.A.T.T à plus de 3500 milliards de dollars en 1994 et à 6000 milliards en 2000. Cette expansion ne s’est pas limitée aux produits manufacturés, aux marchés, mais la loi englobe aussi les services. Le commerce international se caractérise par la mondialisation qui implique une standardisation des produits, une délocalisation, une transmission instantanée des informations par des moyens de communication de plus en plus sophistiqués. Le libre-échange nécessite la légalisation des conditions de la concurrence et une concurrence loyale. 14

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que sera régi le commerce mondial. Aussi le G.A.T.T s’est-il enrichi et modifié par différentes négociations dénommés "Rounds". Ainsi, huit Cycles de négociations appelés «Rounds » se sont tenus sous l’égide du GATT15. À l’issue des sept premiers cycles, c’est-à-dire après 30 ans de négociations, les droits de douane appliqués à des milliers d’articles ont baissé de 40% à 5%. A l’analyse, l’ordre économique international créé après la seconde guerre mondiale présente les caractéristiques suivantes :  Cet ordre est libéral, interétatique, institutionnel, conventionnel, agencé selon le modèle américain ; cet ordre est aussi inégalitaire.  Cet ordre est un mélange de prépondérance coopérative sur le front économique et de prépondérance hégémonique sur le front politique. Mais, cet ordre économique va s’effondrer suite aux désordres monétaires, énergétiques et à l’importance prise dans le commerce mondial par les agents transnationaux ou entreprises multinationales. Les deux piliers – stabilité ou équilibre monétaire et liberté des échanges - vont décliner dès les années 1971 et suivantes. Cela va laisser place à un nouvel ordre économique revendiqué par les pays en développement. Chapitre III : Le nouvel ordre économique international revendiqué par les pays en développement ou nouvel ordre économique international (N.O.E.I.) En réalité, les prémices de ce nouvel ordre économique étaient visibles à la suite de la Conférence de Bandoeng (Île de Java, en Indonésie) du 17 au 24 avril 195516. Les pays en développement (PED) vont se rencontrer périodiquement au sein de la Conférence des pays non alignés d’une part et dans le Groupe des 77 (G 77) d’autre part. Ce dernier (Groupe des 77) provoqua la convocation de la première CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) en 1964. En 1973 lors de la Conférence des Pays non alignés à Alger, fut adoptée une Déclaration politique et économique. Le Président algérien d’alors provoqua la réunion de la VIème session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Et le 1er mai 1974, cette dernière vote 2 Résolutions : La Résolution 3201 intitulée : Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international. 



La Résolution 3202 intitulée : Programme d’action concernant l’instauration d’un

Par exemple, l’Uruguay Round (1986-1994) concernait surtout les nouvelles règles de commerce mondial à l’origine de l’OMC. 16 La Conférence Bandoeng (ou Conférence de Bandung) s’est tenue du 17 au 24 avril 1955 réunissant pour la première fois, en Indonésie, les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques, marqua l’entrée sur la scène internationale des pays du Tiers monde. Ces pays choisissent le non-alignement ; ils ne veulent pas coopérer avec les différents blocs (deux blocs créés autour des deux superpuissances de la guerre froide, c’est-à-dire le bloc soviétique et le bloc occidental) et forment alors un troisième bloc. 15

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nouvel ordre économique international. L’Assemblée générale ordinaire, le 12 décembre 1974, adopte la Charte des droits et devoirs économiques des Etats. Différentes Déclarations et Résolutions complètent ces textes et envisagent les multiples aspects de ce nouvel ordre. Cet ordre économique repose (semble reposer) donc sur l’équité. Cinq principes juridiques le fondent : la souveraineté ; l’égalité ; la coopération internationale ; l’interdépendance et le respect du droit international17. Sont même affirmés notamment le droit de chaque Etat de réglementer les investissements étrangers, le droit de réglementer et de surveiller les activités des sociétés transnationales et celui de nationaliser, d’exproprier et de transférer la propriété des biens étrangers. En d’autres termes, ce nouvel ordre économique assure la décolonisation économique et culturelle des pays en développement et fonde le « droit des peuples ». Toutefois ce nouvel ordre économique se caractérise par sa fragilité. Cette dernière est perceptible à différents points de vue. Tout d’abord, sur le plan normatif, les textes n’ont aucune valeur juridique obligatoire. Ensuite, sur le plan des institutions, certaines institutions nouvelles sont apparues comme le Fonds International de Développement Agricole (F.I.D.A. qui est une Institution spécialisée des Nations Unies et est avant tout une organisation internationale de financement pour l’alimentation et l’agriculture) créé le 20 décembre 1976 et la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (B.I.R.D.) ; mais la réforme des institutions dominées par les pays industrialisés telles que le F.M.I., la BIRD ou le GATT, n’a jamais abouti. En outre, cet ordre économique nouveau n’a pas été accepté par les pays riches qui ont toujours refusé le droit à la nationalisation ou encore l’établissement d’un lien automatique entre le prix des exportations des pays en développement et le prix de leurs importations. Enfin, les pays en développement ne sont pas sur un pied d’égalité et sont souvent en concurrence entre eux. Tout cela a abouti à la création de l’Organisation mondiale du commerce. Chapitre IV : L’Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C.) L’OMC a été créée par les Accords de Marrakech le 15 avril 1994 et est entrée en fonction le 1er janvier 1995. Il s’agit d’une Organisation internationale dotée de la personnalité juridique internationale apparentée aux Nations Unies, qui a succédé au GATT suite aux négociations du Cycle (Rounds) d’Uruguay (1986-1994) et qui s’inscrit dans la continuité du GATT qu’elle a d’ailleurs absorbé dans sa Charte constitutive. Elle se présente comme la figure emblématique et principale de la mondialisation des échanges économiques, comme l’autorité de régulation à vocation mondiale du commerce international. En réalité, l’OMC est la seule Organisation internationale qui s’occupe des règles régissant le commerce entre Etats. En effet, le but de l’Organisation Ces principes ne sont pas nouveaux et sont même contradictoires. Par exemple, le principe d’interdépendance contredit le principe de souveraineté. 17

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est d’aider les producteurs de marchandises et de services, les exportateurs et les importateurs à mener leurs activités en cela que ses fonctions sont notamment : administrer des accords commerciaux de l’OMC, être le cadre pour les négociations commerciales, régler certains différends commerciaux, faire le suivi des politiques commerciales nationales, apporter une assistance technique et une formation aux pays en développement, ect. De prime abord, il faut souligner que ce sont les Etats qui sont les sujets du droit de l’OMC18. A ce titre, toutes les décisions sont prises par les gouvernements membres et les règles sont issues des négociations. Pour l’essentiel, les règles antérieures posées par le GATT sont maintenues mais le domaine a été étendu et le règlement des différends a été aménagé au sein même de l’Organisation. Les règles essentielles de l’OMC sont contenues dans l’Annexe I de sa Charte qui comporte les accords communs multilatéraux : l’objectif poursuivi par ces règles et qui s’inscrit dans la continuité du GATT dont l’Annexe I reprend d’ailleurs le texte constitutif, est la liberté du commerce international ; cet objectif va donc justifier la lutte contre tous obstacles tarifaires ou non tarifaires aux échanges économiques ainsi que l’encadrement des mesures de défense. Ces règles ont pour domaine les marchandises, les services et la propriété intellectuelle et portent sur des sujets comme l’agriculture, le commerce électronique (e-commerce), le textile, les marchés publics, les politiques de concurrence, les mesures sanitaires et phytosanitaires, l’environnement, les aéronefs civils, les investissements. Mais, on peut repartir ces règles en règles générales et en règles spéciales. Malheureusement, l’OMC soulève encore des débats. Section I : Les règles générales ou les principes directeurs du commerce mondial Les principes directeurs de l’OMC sont : Le principe de non-discrimination, le principe de la protection du marché et de la production nationale par les droits de douane consolidés, le principe d’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation, le principe de la réglementation du dumping et le principe de la prohibition des subventions à l’exportation. Paragraphe I : Le principe directeur de non-discrimination Le commerce mondial est régi tout d’abord par le principe de non-discrimination entre les produits et services similaires en provenance d’Etats étrangers membres de l’OMC et entre les produits et services nationaux et étrangers. En d’autres termes, il s’agit d’un principe en vertu duquel un pays ne doit pas faire de discrimination entre ses partenaires commerciaux ou entre ses produits et services (et mêmes ses ressortissants) et ceux des pays étrangers. Ce principe comporte deux aspects ou deux principes dérivés : le principe du traitement de la nation la plus favorisée et le principe du traitement national. A- Le principe du traitement de la nation la plus favorisée

Jusqu’au 30 novembre 2015, l’OMC comptait 162 pays membres dont 20 pays émergents (le Brésil en est le porteparole) regroupés dans le G-20. La Côte d’Ivoire y a accédé le 1 er janvier 1995 (son accession au GATT date du 31 décembre 1963). Il faut souligner que le siège de l’OMC est à Genève en Suisse. 18

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Le principe du traitement de la nation la plus favorisée est le principe selon lequel tout Etat membre de l’OMC qui accorde un avantage à un autre Etat membre de l’OMC, doit l’étendre à tous les Etats membres de l’OMC. En effet, ce principe fait obligation aux Etats membres d’accorder immédiatement et sans condition à tous les autres Etats membres le traitement le plus favorable qu’ils accordent à certains de leurs partenaires commerciaux. Ce principe stipule, par exemple, qu’un avantage, fiscal ou autre, consenti à un pays ou groupe de pays peut être exigé par tout autre pays : tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par un Etat membre à un produit ou service originaire ou à destination de tous autres pays seront immédiatement et sans condition étendus à tout produit ou service similaire, originaire ou à destination de tout autre Etat membre. Au nom de ce principe, les pays membres de l’OMC doivent appliquer le même traitement à l’ensemble de leurs partenaires commerciaux ; si une faveur spéciale est accordée à un partenaire (pays ou entreprise), les autres membres doivent en bénéficier. Ce principe est censé aboutir à un équilibre de concessions entre Etats membres et, à terme, à une baisse généralisée des droits de douane et autres impositions. Malheureusement, la prolifération observée de plus en plus des Accords préférentiels conduit à rendre le principe du traitement de la nation la plus favorisée d’application quasiment exceptionnelle. B- Le principe du traitement national Le principe du traitement national ou principe de l’égalité de traitement est le principe selon lequel tout Etat membre doit traiter les produits et les services étrangers de la même manière que les produits et services nationaux. Ainsi les Etats doivent éviter des mesures discriminatoires comme les réglementations opérant directement ou indirectement une distinction entre marchandises produites sur le territoire national et celles importées. Ce principe exige par exemple que les Etats traitent les investisseurs et les investissements étrangers de façon "non moins favorable" que les investisseurs et les investissements nationaux. Les produits importés doivent être traités de la même façon que ceux fabriqués localement. En matière d’impôts et de règlements par exemple, les producteurs étrangers, les firmes transnationales, qui s’installent dans un pays membre de l’OMC, doivent être mis sur le même pied que les producteurs locaux. Cela implique que le même accès à tous les secteurs d’activité leur soit garanti et que les aides et les avantages octroyés aux entreprises nationales ou locales, leur soient également accordés. En réalité, seules les barrières tarifaires peuvent être différentes, c’est-à-dire seuls droits de douane peuvent différents, encore que l’OMC s’attèle à réduire les différences en ce domaine par le jeu combiné des négociations multilatérales de l’application du principe du traitement de la nation la plus favorisée et des engagements conventionnels. Paragraphe II : Le principe directeur de la protection du marché et de la production nationale par les droits de douane consolidés Les droits de douane consolidés sont des droits de douane dont les taux font l’objet d’un engagement de l’OMC et qu’il est difficile de relever. Les droits de douane visés 15

par ce principe sont les droits de douane sur les marchandises importées. En effet, les droits de douane confèrent un avantage en matière de prix aux biens produits localement par rapport aux biens similaires importés et sont une source de recettes pour les Etats. L’un des engagements pris par les pays par les Accords résultant du Cycle d’Uruguay est alors de « réduire les droits de douane et de ‘’consolider’’ leurs taux à des niveaux qu’il est difficile de relever ». Il s’agit donc de l’engagement pris par les pays membres de ne pas accroître les droits de douane au-delà des taux indiqués, « consolidés ». Dans certains cas, les taux de droits de douane sont ramenés à zéro19. Au sujet des valeurs en douane (c’est-à-dire la valeur réelle de la marchandise importée), ce principe implique que les Etats adoptent des critères précis et objectifs pour déterminer à quelle valeur s’appliquera un droit de douane. A cette fin, l’Accord sur l’évaluation en douane20 pose des méthodes de calculs que les autorités douanières peuvent appliquer en cas de doute sur la valeur des produits importés. Quant aux formalités douanières, l’OMC travaille à éviter les abus dans les coûts et à leur simplification, car elles peuvent, par leurs coûts, leur lourdeur et leurs complexités, constituer un frein aux échanges commerciaux internationaux. D’ailleurs, les négociations actuelles au titre du Programme de Doha21 prolongent les efforts dans ce sens dans le domaine de l’agriculture et de l’accès aux marchés pour les produits non agricoles. Avec l’application de ce principe, les parties sont donc à l’abri des majorations futures car les tarifs douaniers sont consolidés et définitifs. En réalité, il faut le souligner : il n’y a aucun accord juridiquement contraignant qui énoncent les objectifs à atteindre en matière de réduction tarifaire, c’est-à-dire le pourcentage de réduction à appliquer à la suite du Cycle d’Uruguay. Mais, chaque Etat a énuméré ses engagements dans une liste annexée au Protocole de Marrakech annexé à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994. Ce texte constitue donc l’instrument juridiquement contraignant pour la réduction des taux de droits de douane. Depuis, des engagements additionnels ont été contractés dans le cadre de l’Accord sur les technologies de l’information (ATI) conclu le 13 décembre 1996 et entré en vigueur en 199722. 19 V.

infra Règles spéciales du commerce international. L’évaluation en douane est une procédure douanière qui est appliquée pour déterminer la valeur en douane des marchandises importées. Pour l’importateur, la procédure d’évaluation en douane d’un produit présente des problèmes qui peuvent être aussi importants que le droit de douane effectivement perçu. L’Accord de l’OMC sur l’évaluation en douane vise donc à mettre en place un système équitable, uniforme et neutre d’évaluation des marchandises à des fins douanières, qui soit conforme aux réalités commerciales et qui interdise l’utilisation de valeurs arbitraires ou fictives. 21 Le Programme de Doha pour le développement est un cycle de négociation en cours et mise en œuvre par l’OMC. En effet, la Déclaration de novembre de 2001 de la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC qui s’est tenue à Doha, à Qatar, établit le mandat des Etats membres sur divers thèmes et prescrits d’autres travaux. Parmi ces négociations figurent notamment celles qui ont trait à l’agriculture et aux services et aux brevets de médicaments, qui ont commencé au début 2000. A Doha, les Ministres ont également adopté une décision connexe relative à la mise en œuvre des difficultés auxquelles se heurtent les pays en développement dans la mise en œuvre des accords actuels de l’OMC. 22 L’AIT a été conclu par l’intermédiaire de la ‘’Déclaration ministérielle sur le commerce des produits des technologies de l’information’’ à l’occasion de la première Conférence ministérielle de l’OMC à Singapour et se présente comme le premier arrangement de libéralisation des droits de douane négocié à l’OMC après sa création en 1995 et qui est aussi le plus important en la matière. Aux termes de cet Accord, la majorité des droits de douane devraient être éliminés pour 201 produits dans un délai de 3 ans, et les réductions devraient commencer en 2016. 20

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N.B. : Ces deux premiers principes (non-discrimination et protection du marché et de la production nationale par les droits de douane consolidés) connaissent des exceptions d’ordre spécifique et des exceptions d’ordre général en faveur des accords régionaux et des pays en développement et justifient l’existence de certaines règles spéciales du commerce international. Paragraphe III : Le principe directeur d’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation Des restrictions ou entraves aux importations ou aux exportations sont souvent opérées par les Etats : il s’agit de mesures prises par les Etats visant à fixer la valeur et la quantité des produits pouvant faire l’objet d’importation ou d’exportation. Ces restrictions quantitatives à l’importation ou à l’exportation sont dès lors prohibées. Les restrictions quantitatives prohibés peuvent revêtir des formes variées comme, par exemple, des quotes-parts, des règles imposant une certaine contenance à des produits, des lois déterminant des prix de revente, ou encore une loi rendant simplement difficile l’obtention d’un certificat d’authentification de l’origine d’un produit. Ce principe vise donc à éliminer notamment toutes les barrières non tarifaires, c’est-àdire des barrières déguisées à l’importation ou la commercialisation des produits étrangers. Cela implique qu’aux restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation, il faut assimiler les licences d’importation, c’est-à-dire des autorisations administratives d’importation ou des procédures administratives qui exigent, comme condition préalable à l’importation de marchandises, la présentation à l’organe administratif compétent d’une demande ou d’autres documents que ceux requis aux fins de douane23. Enfin, il faut y ajouter également comme mesures d’éliminations des barrières non tarifaires les obstacles techniques au commerce et les règles d’origines : - Les obstacles techniques au commerce sont des mesures réglementées principalement dans l’Accord relatif aux obstacles techniques au commerce conclu lors du Tokyo Round et qui vise à faire en sorte que les règlements techniques et les normes ainsi que les procédures d’essai et de certification ne créent pas d’obstacles non nécessaires au commerce. Il s’agit donc d’un ensemble d’obligations imposées aux Etats de respecter certaines normes de qualité et de certification. Toutefois cet Accord reconnaît qu’un pays a le droit de prendre des mesures, par exemple, pour la protection des végétaux ou la protection de l’environnement, aux niveaux qu’il considère appropriés, et que rien ne saurait l’empêcher de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de ces niveaux de protection. Pour ce faire, les pays sont encouragés à recourir aux normes internationales lorsqu’elles sont appropriées mais ils ne sont pas tenus de modifier leurs niveaux de protection à la suite de la normalisation24. Les marchandises, autres que celles libérées, destinées à être mises à la consommation directement après importation ou en suite de régimes douaniers suspensifs de droits et taxes, sont subordonnées à l’obtention d’une licence d’importation préalablement à la confirmation de leur commande. 24 Le principe est que les normes internationales sur les techniques commerciales établies par des organes habilités, sont présumées conformes au droit de l’OMC ; l’Etat membre peut donc y recourir. Mais il existe la possibilité pour cet Etat de recourir à d’autres normes à condition de prouver que les premières ne sont pas adaptées ou sont 23

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- Les règles d’origine sont les critères permettant de déterminer le pays d’origine d’un produit. Elles sont importantes du fait que les droits et restrictions applicables dépendent dans bien des cas de la provenance des produits importés. Elles visent à garantir que seuls les produits venant des pays de l’OMC puissent bénéficier des avantages concédés par les Etats membres de l’OMC mais en même temps il faut faire en sorte que les règles d’origine ne deviennent pas un outil de protectionnisme. En effet, il n’est plus vraiment simple de déterminer l’origine d’un produit étant donné que les matières premières et les pièces détachées circulent tout autour du globe pour servir d’intrants dans les usines de fabrication éparpillées aux quatre coins du monde. Les règles d’origine sont donc importantes pour la mise en œuvre d’instruments de politique commerciale tels que les droits anti-dumping et les droits compensateurs, l’étiquetage et le marquage de l’origine et les mesures de sauvegarde. Elles sont utilisées également aux fins de déterminer si les produits importés doivent bénéficier du traitement de la nation la plus favorisée ou du traitement national, à des fins statistiques, et aux fins des marchés publics. Les règles d’origine ne faisant l’objet d’aucune disposition spécifique dans le GATT, c’est à l’occasion du Cycle d’Uruguay qu’un Accord sur les règles d’origine25 a été conclu et qui vise à harmoniser les règles d’origine non préférentielles et à veiller à ce que ces règles ne créent pas en ellesmêmes des obstacles non nécessaires au commerce international. Toutefois des mesures de protection contre les importations massives existent notamment au regard de certaines situations particulières : Par exemple, les mesures de sauvegarde peuvent se justifier lorsqu’il s’agit de protéger un secteur national menacé par une augmentation importante des importations ; il en est également, par exemple, des politiques agricoles internes, du déséquilibre de la balance de paiement26 et de la création d’une branche de production nationale. Ces prohibitions à l’importation peuvent d’ailleurs se justifier sur le fondement du régime des exceptions et du régime des sauvegardes prévues par l’Accord de Londres sur les Sauvegardes27. De même, des restrictions à l’exportation peuvent être légitimées, par exemple, en présence d’une situation de pénurie. Quant aux licences d’importations, l’Accord sur les procédures de licences d’importations28 les légitime en les encadrant. Paragraphe IV : Le principe directeur de la réglementation du dumping inefficaces à l’objectif de normalisation qu’il met en œuvre. A côté de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce, l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires qui comporte un ensemble de normes visant à la protection de la santé des animaux, la préservation des végétaux et l’innocuité des produits alimentaires, prévoit notamment que chaque mesure prise par un Etat doit être justifiée par une évaluation des risques fondée sur des preuves scientifiques suffisantes. 25 L’Accord sur les règles d’origine définit un programme de travail pour l’harmonisation des origines à entreprendre après l’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC conjointement avec l’Organisation mondiale des douanes (OMD). 26 La balance des paiements est un document comptable qui retrace sous forme comptable l’ensemble des échanges de biens, services et de capitaux (ensemble des flux d’actifs réels, financiers et monétaires) pendant une période donnée entre les agents économiques résidents d’un pays et ceux des non-résidents. Les pays confrontés à des difficultés de balance des paiements peuvent appliquer des restrictions à l’importation au titre des dispositions des articles XII et XVIII : B de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994, du Mémorandum d’accord sur les dispositions du GATT de 1994 relatives à la balance des paiements et de l’article XII de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). 27 L’Accord de Londres sur les Sauvegardes est un Accord du Cycle d’Uruguay. 28 Cet Accord révisé renforce les disciplines de l’utilisation des systèmes de licences d’importation – qui est beaucoup moins répandue actuellement qu’elle ne l’était dans le passé – et accroît la transparence et la prévisibilité de leur mise en œuvre. Par exemple, l’Accord exige des Etats membres qu’ils publient des renseignements suffisants pour que les commerçants sachent dans quelles les licences sont accordées.

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Le dumping (de l’anglais to dump "décharger, déposer, déverser, se débarrasser de, entasser, déblayer, jeter en bas") désigne deux pratiques commerciales interdites et considérées comme déloyales dans de nombreux pays où les législateurs se basent sur l’idéal de la concurrence pure et parfaite : D’une part, il désigne surtout la vente dans un pays étranger à un prix inférieur à celui pratiqué dans le pays d’origine de l’entreprise ; en d’autres termes, il s’agit du fait d’introduire un produit sur un marché étranger à un prix inférieur à sa valeur normale qui est celle à laquelle le même produit est offert par le marché national du pays exportateur ou marché intérieur. L’objectif est de conquérir des parts de marchés. Il résulte souvent de subventions accordées par le gouvernement du pays d’origine des marchandises ; l’Etat où a lieu la consommation a le droit d’appliquer un droit de douane anti-dumping compensateur pour défendre les producteurs nationaux. Par exemple, une firme pharmaceutique vend l’aspirine à un prix élevé de 5000 F. CFA le parquet sur le marché domestique (d’origine) en raison du système générique d’assurance-médicament défrayé (indemnisé ou compensé) par le gouvernement alors que le même médicament est vendu au vil prix de 2000 F. CFA dans un pays voisin. D’autre part, il désigne des pratiques commerciales contraires à l’esprit de concurrence ; en d’autres termes, il s’agit du fait de vendre un produit à un prix inférieur au prix de revient pour éliminer la concurrence (un prix prédatoire). L’entreprise espère ainsi chasser un ou plusieurs concurrents et faire remonter les prix une fois le rival chassé. Cette pratique des prix bas est considérée comme un abus uniquement lorsqu’elle est le fait d’une entreprise en position dominante sur un marché pertinent. Le dumping n’est pas en soi condamnable ; d’ailleurs, l’Accord de l’OMC ne réglemente pas les actions des entreprises pratiquant le dumping. Mais il peut être préjudiciable à un Etat importateur ; ce dernier peut alors recourir à une procédure anti-dumping. L’Accord de l’OMC vise, pour ainsi dire, essentiellement à dire comment les gouvernements peuvent ou ne peuvent pas réagir au dumping. Autrement dit, l’Accord discipline les mesures anti-dumping et est souvent appelé « Accord anti-dumping ». Pour l’essentiel, un Etat ne peut recourir à une procédure anti-dumping qu’après une enquête ; si la procédure aboutit, c’est-à-dire en cas de dumping avéré (la preuve du préjudice qui doit être important, est rapportée ainsi que l’établissement d’un lien de causalité entre le dumping et le préjudice29), l’Etat lésé peut procéder à des surtaxes douanières (droits anti-dumping). Les mesures anti-dumping peuvent consister aussi en engagements par l’exportateur d’augmenter les prix à l’exportation ou en une limitation des quantités exportées. Mais ces mesures doivent être imposées pour 5 ans maximum, à moins que les autorités ne déterminent qu’il est probable que le dumping et le préjudice subsisteront ou se reproduiront s’il est mis fin à l’application de ces mesures. Des règles précises ont été établies par l’Accord à travers l’article VI en ce qui concerne la façon dont les procédures anti-dumping, c’est-à-dire des mesures qui sont prises à l’encontre des importations d’un produit dont le prix à l’exportation est inférieur à sa ‘’valeur normale’’ (généralement le prix du produit pratiqué sur le marché intérieur du pays exportateur), si ces importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice à une branche de production nationale établie sur le territoire de l’Etat importateur. Bien plus, il doit avoir clôture immédiate d’une enquête anti-dumping dans les cas où les autorités détermineront que la marge de dumping est minime (inférieur à 2% du prix à l’exportation du produit) ou que le volume des importations faisant l’objet d’un dumping est négligeable (généralement lorsque le volume des importations faisant l’objet d’un dumping en provenance d’un pays donné représente moins de 3% des importations du produits en question sur le marché du pays importateur). 29

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Paragraphe V : Le principe directeur de la prohibition des subventions à l’exportation Les subventions à l’exportation sont des pratiques de soutien (une contribution financière) des Etats aux entreprises nationales portant sur l’exportation (elles peuvent porter également sur la production) et qui leur confèrent un avantage sur le marché. Les subventions à l’exportation sont prises en compte par l’article XVI du GATT et par l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires30. La théorie économique considère généralement d’un mauvais œil les subventions à l’exportation et les condamne pour leur inefficacité et pour les coûts élevés qu’elles entraînent auprès des consommateurs et des contribuables du pays qui les octroie. En effet, les subventions causent à l’évidence un préjudice aux « autres exportateurs de produits » car elles réduisent leurs parts de marché et diminuent leurs recettes d’exportation. Elles avantagent les pays qui produisent peu de biens subventionnés ou leurs proches substituts. Les subventions représentent en effet des transferts de revenu du pays qui les octroie vers les consommateurs des pays importateurs. En général, les subventions à l’exportation accroissent la part du pays exportateur sur le marché mondial aux dépens d’autres pays ; elles tendent aussi à faire baisser les cours des marchés internationaux et peuvent accroître leur instabilité car les niveaux de ces subventions peuvent changer du jour au lendemain. La matière des subventions à l’exportation, contrairement aux droits de douane et autres mesures protectionnistes, est une matière complexe et a généré un fort contentieux marqué par une conception large des subventions préjudiciables. Pour l’essentiel, en présence de subventions interdites (liste rouge), les Etats peuvent adopter des mesures compensatoires qui consistent en des droits exigibles (droits supplémentaires ou droits compensatoires) à la suite d’une procédure proche de la procédure anti-dumping ou ils peuvent choisir la procédure devant l’Organe de Règlement des Différends (ORD). Cependant, le principe de prohibition des subventions à l’exportation connaît des tempéraments : en effet, il faut distinguer à côté des subventions interdites, les subventions autorisées (liste verte) (ex. subventions pour les activités de recherche) des subventions pouvant donner lieu à des mesures ou subventions tolérées (liste orange). Mais, l’Accord SMC établit ces subventions en deux grandes catégories : les subventions prohibées et les subventions pouvant donner lieu à une action. Section II : Les règles spéciales du commerce mondial Les règles spéciales du commerce mondial sont à la fois des règles traditionnelles, des L’Accord SMC traite de deux questions distinctes mais étroitement liées : les disciplines multilatérales qui régissent l’octroi des subventions et le recours à des mesures compensatoires en vue de neutraliser le dommage causé par des importations subventionnées. 30

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règles nouvelles et des règles spéciales réaménagées. Paragraphe I : Les règles spéciales traditionnelles du commerce mondial Ces règles sont dites traditionnelles parce qu’elles datent du GATT : Il s’agit alors des règles applicables au commerce des marchandises. Ces règles tendent à faciliter la réalisation concrète des transferts et à limiter les mesures et les dispositions étatiques qui constitueraient des obstacles à l’importation des produits en provenance de l’étranger (obstacles techniques, licences d’importation). Elles résultent d’accords spécifiques. Ainsi, le système de l’OMC de lutte contre les barrières tarifaires et non tarifaires a prévu certains assouplissements en faveur des pays en voie de développement en octroyant un traitement spécifique et différencié accentué pour les pays les moins avancés (comme l’allègement de leurs obligations, l’octroi de délai plus long de mise en œuvre de ces mesures, des moratoires, une assistance technique, ect.). Le but de ces mesures est de préserver leurs économies naissantes tout en favorisant leur croissance, de les protéger contre une ouverture trop brutale au libéralisme. Paragraphe II : Les règles spéciales nouvelles du commerce mondial Les Accords de l’Uruguay Round ont étendu le champ des échanges à de nouveaux domaines que celui des marchandises : les services et la propriété intellectuelle. - Le General Agreement on Trade and Services (GATS) ou l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) s’applique à des différents secteurs (services financiers comme banques et assurances, télécommunications, ect.) et facilite l’accès et l’installation des opérateurs sur les territoires des Etats membres. S’agissant des investissements liés au commerce, l’Accord ne porte que sur les mesures étatiques relatives aux investissements internationaux susceptibles d’avoir des effets préjudiciables sur les échanges commerciaux de marchandises (les investissements en matière de services sont visés par l’Accord sur les services). Le GATS ou AGCS fonctionne sur le même modèle et les mêmes principes que le GATT. Ainsi, l’Accord transpose certains principes fondamentaux du GATT notamment le principe de non discrimination ou le principe de l’interdiction des restrictions quantitatives. - La propriété intellectuelle avec l’Agreement on TRIPS (Agreement on Trade-related aspects of intellectual property rights) ou Accord sur les ADPIC (Accord sur les Aspects du Droit de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce) adopté le 15 avril 1994 et entré en vigueur le 1er janvier 1995 : Le cycle de l’Uruguay a intégré dans le système de l’OMC les droits de la propriété intellectuelle en annexant l’Accord sur les ADPIC à l’Accord instituant l’OMC. L’objectif est d’intégrer les droits de la propriété intellectuelle dans le système OMC et de libéraliser et de protéger ces droits contre la contrefaçon et le piratage. Paragraphe III : Les règles spéciales réaménagées du commerce mondial Certaines règles spécifiques du commerce mondial ont été réaménagées : Dans le domaine de l’agriculture, l’OMC a instauré l’ordre et le respect de la concurrence loyale. Ce secteur faisait en effet l’objet d’une réglementation laxiste 21

(permissive) du GATT. Les Etats recourraient souvent à l’octroi de subventions et à l’imposition des contingents d’importation. Les droits de douane avaient déjà fait l’objet de réduction dans le cadre du GATT. L’apport de l’Uruguay Round réside dans le fait que les taux de ces droits sont ramenés à zéro pour certains secteurs : les produits pharmaceutiques, le matériel médical, etc. Section III : Les débats suscités par l’OMC La mondialisation du commerce international bouleverse le panorama économique et juridique. L’Etat est dépassé dans la réglementation du commerce. Une controverse s’installe donc : Un premier courant y est favorable car les objectifs de l’OMC, à savoir notamment la libéralisation des échanges et la stimulation de la croissance, seraient propres au maintien de la paix internationale. 

Un second courant y est hostile car il estime que l’OMC a une vision étriquée : elle ne se soucie que des intérêts commerciaux sans se préoccuper des conditions de production des Etats. Il s’agirait donc d’une institution peu démocratique unifiant les modes de vie et de culture. En outre, l’échec de la Conférence de Seattle (novembre 1999) a traduit le mécontentement des Etats pauvres et des représentants de la « société civile » qui considère que : les règles doivent être compatibles avec la protection de l’environnement, de la santé et doivent assurer une protection des valeurs non économiques. 

Outre cette prise de position antagoniste sur le plan des principes, la libéralisation de certains secteurs a créé des tensions entre des Etats membres. Ainsi, en Juillet 2008, les 152 pays membres de l’OMC d’alors, réunis à Genève, ont tenté de conclure des négociations sur la libéralisation du commerce mondial. Un projet d’Accord prévoyait que les pays riches réduiraient leurs subventions agricoles. L’Union Européenne aurait dû réduire les siennes dans une proportion comprise entre 75% et 85%. Le projet prévoyait une baisse des droits de douane sur les produits agricoles. En échange, les pays émergents s’engageaient à réduire leurs droits de douane sur les produits industriels et à ouvrir leurs services à la concurrence. Toutefois, ces négociations ont échoué. Et ainsi va l’ordre économique mondial avec ses différentes facettes !

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LEÇON 3 : Les sources du droit du commerce international A titre de rappel, il faut dire que le terme « source du droit » peut revêtir deux sens différents : D’une part, pris dans un sens organique, il désigne alors les institutions qui créent les règles juridiques, telles que les Parlements nationaux qui adoptent les lois, ou les gouvernements qui représentent les Etats au niveau international et peuvent conclure des traités internationaux. D’autre part, pris dans un sens formel, le terme désigne les textes ou instruments dans lesquels on peut trouver les règles juridiques, tels que les lois et décrets au niveau interne, tels que les traités, le droit coutumier, les principes généraux, la jurisprudence et la doctrine dans le domaine international. Suivant cette définition, l’étude des institutions intervenant en droit du commerce international précédera celle du droit matériel du commerce international. Chapitre I : Les sources organiques du commerce international : Les institutions du commerce international S’agissant des institutions, il est à faire remarquer que chaque ordre juridique comporte ses institutions propres. Mais, l’ordre juridique qui présente le plus d’importance est l’ordre juridique international ou mondial. A son sujet, deux critères ont été adoptés en vue d’opérer une classification des institutions économiques internationales : Un critère géographique et un critère de la fonction normative, c’est-à-dire le rôle joué par l’institution dans la création et l’harmonisation du droit du commerce international. Après avoir vu donc la classification des institutions de l’ordre international selon ces deux critères, un clin d’œil sera, cependant, fait notamment à l’ordre économique transnational. Section I : La classification des institutions selon un critère géographique Suivant ce critère, les institutions sont dites à vocation universelle et spécialisées. Paragraphe I : Les institutions à vocation universelle selon le critère géographique Deux institutions sont étudiées de manière sommaire : L’OMC et certaines institutions onusiennes. A- L’Organisation mondiale du commerce (OMC) L’OMC se compose d’un organe de gouvernance, d’organes de gestion et d’un organe ou mécanisme de règlement des différends. Il s’agit de la Conférence ministérielle, du Conseil général, de Conseils spécialisés et de Comités à finalité particulière, d’un Secrétariat général et d’un Organe de règlement des différends (ORD). - La Conférence ministérielle est l’organe plénier et de décision suprême de l’OMC. Elle définit la politique générale de l’Organisation et prend toutes les décisions 23

relatives aux accords commerciaux multilatéraux. A ce titre, elle a le pouvoir exclusif d’adopter des interprétations authentiques du droit de l’OMC contenu dans la Charte de l’OMC et des accords commerciaux multilatéraux, le pouvoir de réviser les accords, le pouvoir de décider de l’entrée d’un nouveau membre et d’accorder une dérogation à un Etat membre, le pouvoir de décider de la nomination du Directeur général. Elle se réunit au moins une fois tous les 2 ans. Chaque Etat membre y est représenté et détient une voix dans la prise des décisions qui sont prises en pratique sur la base d’un consensus bien que des règles de vote soient prévues. Mais, s’agissant des interprétations des Accords et pour relever temporairement un Etat membre de l’obligation d’un Accord, il faut la majorité de 3/4 des Etats membres ; de même il faut la majorité des 2/3 des Etats membres pour l’accession d’un nouveau membre. - Le Conseil Général est l’organe permanent de l’OMC. Il est composé de délégations des Etats membres (des représentants des membres de l’OMC). Il exerce les compétences de la Conférence ministérielle lorsque celle-ci n’est pas réunie et est l’organe de décision suprême en ce qui concerne les affaires courantes. Il est en outre doté d’une mission générale de contrôle (il s’occupe des relations avec les autres organisations internationales comme le FMI ou l’OIT) et d’un pouvoir budgétaire. Il peut, en cas de nécessité, aux termes de la Charte de l’OMC, être autorisé à exercer les fonctions d’organe de règlement de différents et d’organe d’examen des politiques commerciales. Il se réunit régulièrement normalement à Genève. - Les Conseils spécialisés et les Comités à finalité particulière : Les Conseils spécialisés de l’OMC sont au nombre de trois (3) : Le Conseil du commerce des marchandises, le Conseil du commerce de services et le Conseil des aspects du droit de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ces Conseils présentent des rapports au Conseil général et sont consultés obligatoirement avant toute décision en relation avec l’Accord dont ils sont chargés d’assurer le fonctionnement31. Les Comités à finalité particulière sont principalement au nombre de cinq (5), même si d’autres comités spécialisés et groupes de travail sont compétents pour traiter les questions techniques : le Comité du commerce et de l’environnement, le Comité du commerce et de développement (avec un sous-comité des pays les moins avancés), le Comité des Accords commerciaux régionaux, le Comité des restrictions appliquées à des fins de balance des paiements, le Comité du budget, des finances et de l’administration. - Le Secrétariat de l’OMC : dirigé par le Directeur général de l’OMC, le Secrétariat est une équipe multiculturelle de personnes hautement qualifiées qui possèdent les vastes compétences, connaissances et expériences nécessaires pour s’acquitter des responsabilités du Secrétariat et travailler ensemble en tant que membres efficaces et diligents de la fonction publique internationale. La responsabilité du Secrétariat de l’OMC est de fournir aux gouvernements membres un soutien indépendant et d’excellente qualité pour toutes les activités menées par l’Organisation et de servir l’OMC avec professionnalisme, impartialité et intégrité. En effet, comme les décisions ne sont prises que par les Etats membres, le Secrétariat n’a aucun pouvoir de décision. 31

Les négociations multilatérales permanentes, c’est-à-dire les Rounds, se déroulent ainsi en leur sein.

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Ses principales tâches sont d’apporter aux divers Conseils et Comités un appui technique et professionnel, de fournir une assistance technique aux pays en développement, de suivre et d’analyser l’évolution du commerce mondial, d’informer le public et la presse et d’organiser les Conférences ministérielles. En outre, le Secrétariat offre certaines formes d’assistance juridique dans le processus de règlement des différends et conseille les gouvernements qui souhaitent devenir Membres de l’OMC. Mais, il faut le souligner, l’Organe d’appel qui a été créé conformément au Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends et qui est chargé d’examiner les appels concernant les décisions des groupes spéciaux chargés du règlement des différends commerciaux, a son propre secrétariat composé de sept (7) membres dont l’autorité est reconnue dans les domaines du droit et du commerce international ; ils sont désignés pour un mandat de quatre ans renouvelables une fois. Enfin, s’il est vrai que le Directeur général y a des attributions purement administratives, il peut néanmoins exercer en pratique une certaine influence sur les orientations de l’OMC. - L’Organe de Règlement des Différends (ORD) : Seuls des Etats sont parties à la procédure. Pour agir, il n’est pas nécessaire d’avoir subi un préjudice commercial. Il suffit d’avoir un intérêt potentiel. Le règlement des différends comporte essentiellement trois phases : • La première est une phase préalable obligatoire de consultations bilatérales (qui dure au plus 60 jours) pouvant comporter une conciliation ou une médiation. Un pourcentage assez élevé des affaires litigieuses se résout de cette manière. • La deuxième phase : Si aucun accord n’est trouvé, la partie plaignante peut demander à l’ORD d’établir un groupe spécial composé de 3 à 5 membres : le délai prévu pour l’établissement de ce groupe spécial est de 45 jours. Ce groupe spécial a 6 mois en principe pour rédiger son rapport qui doit aider l’ORD à énoncer ses décisions ou recommandations. Ce rapport doit être communiqué aux parties dans un délai de 6 mois en principe. L’ORD adopte le rapport sauf consensus pour le rejeter. • La troisième phase : Chaque partie peut faire appel de la décision et saisir l’Organe d’appel. L’appel doit être fondé sur des questions de droit et est jugé par 3 membres choisis sur une liste de 7 membres permanents. La durée de la procédure est de 90 jours maximum. Un rapport est rédigé et doit être adopté dans les 30 jours par l’ORD. Seul le consensus permet le rejet. À la fin de la procédure, l’Etat condamné doit réparer son manquement ou offrir une compensation. À défaut, il s’expose à des sanctions (l’ORD pourra, par exemple, autoriser la partie lésée à prendre des mesures de rétorsion). De nombreuses affaires ont déjà eu lieu. En savoir plus : quelques affaires rendues par l’ORD sont les affaires des bananes, de 25

l’essence, des OGM, etc. - L’affaire des bananes : les USA (et des pays d’Amérique Latine) ont porté plainte contre l’Union européenne à propos du régime appliqué à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes. Le régime est plus favorable aux pays liés à l’Union par la Convention de Lomé qu’aux Pays d’Amérique latine. L’Union européenne a été condamnée. - Une autre affaire opposait les USA au Venezuela et au Brésil. Ces pays faisaient valoir que les USA appliquaient des règles qui entraînaient une discrimination à l’encontre des importations d’essence. D’après les plaignants les USA appliquaient à l’essence importée des règles plus rigoureuses relatives aux particularités chimiques que celles qui régissaient l’essence raffinée dans le pays. Les règles étaient donc incompatibles avec le principe du traitement national. Les USA ont été condamnés et ont décidé qu’ils amenderaient leur législation. - De même, les USA ont engagé des poursuites contre le régime européen d’autorisation des OGM ou des subventions aéronautiques. Cependant, l’ORD est confrontée à plusieurs défis : Le principal défi pourrait résulter d’un risque de recours croissants au contentieux en alternative à l’enlisement (enfoncement) des négociations de DOHA ; les condamnations obtenues en 2004 par le Brésil contre les subventions américaines (coton) et européennes (sucre) pourraient révéler le début d’une tendance. En outre, il faut craindre que les grandes puissances refusent un jour de se soumettre à ce "gouvernement des juges". B- Les institutions onusiennes Il existe un organe principal de l’ONU qui intervient en matière de commerce international. Il s’agit de l’ECOSOC ou du Conseil économique et social. En plus ce cet organe, l’ONU comporte des institutions spécialisées et un organe subsidiaire. 1°)- Organe principal : Le Conseil économique et social (CES ou ECOSOC en anglais) Il est la principale instance onusienne chargée des activités économiques et sociales. 2°)- Les institutions onusiennes spécialisées Les institutions spécialisées de l’ONU sont créées par des accords entre les Etats, ont des compétences larges dans des domaines spécifiques et sont reliées à l’ONU par un accord de liaison. Les institutions spécialisées interviennent dans des domaines très variés.  Tout d’abord les institutions financières :  La Banque mondiale (BM) : Le groupe de la banque mondiale est un réseau d’institutions qui s’est constitué progressivement autour de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) (créée par les Accords de Bretton Woods de 1944 et fournissant des prêts aux pays à revenu 26

intermédiaire) et de l’Association internationale pour le développement (AID) (créée en 1960 et consentant des prêts sans intérêts aux pays les plus pauvres). Outre ces deux institutions du groupe, il faut noter l’existence de la Société Financière Internationale (SFI) dont la tâche essentielle est de promouvoir la croissance des PED en appuyant le secteur privé, et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Le CIRDI est issu de la Convention de Washington du 18 mars 1965. Son objectif est de favoriser l’investissement étranger en facilitant le règlement par voie de conciliation et d’arbitrage des différends entre les investisseurs étrangers et les Etats d’accueil. Enfin l’Agence Multilatérale de garantie des investissements (AMGI) est née de la signature de la Convention de Séoul le 11 octobre 1985. Son objectif est de protéger les investisseurs étrangers contre les pertes occasionnées par des risques non commerciaux tels que les risques des conflits armés et des troubles civils, de favoriser l’investissement direct étranger (IDE) dans les pays en développement afin de favoriser la croissance économique, réduire la pauvreté et améliorer les conditions de vie des populations.  Le Fonds monétaire international (FMI) : Il a été créé par les Accords de Bretton Woods en 1944 pour promouvoir et faciliter les paiements entre Etats membres. Il comporte 3 organes : le Conseil des gouverneurs où chaque Etat est représenté par son ministre des finances, le Conseil d’Administration et le Directeur général. Le FMI remplit 2 fonctions : Il a une fonction quasi-judiciaire car il a un pouvoir de surveillance sur les politiques de change (parité fixe des monnaies avec le dollar) et a une fonction quasi-législative car il élabore des codes de bonne conduite.  La Banque des règlements internationaux (BRI) : Le BRI est la plus ancienne des Institutions financières internationales (IFI). Elle a été créée en 1930 et réunit les banques centrales de 50 pays et territoires. L’objectif principal est de contribuer à la stabilité financière internationale en fournissant la coopération entre banques centrales et en fournissant des facilités additionnelles pour les opérations financières internationales.  L’institution concernant l’alimentation et l’agriculture : il s’agit de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO dont le siège est à Rome). Créée en 1945 cette institution a inscrit en 1973 le concept de sécurité alimentaire dans l’ordre juridique international ; mais ce droit est peu appliqué. Les Etats se contentent de déclarations non obligatoires. 

Les institutions relatives aux transports internationaux :

 Transport aérien : L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI au Québec). Créée par la Convention de Chicago de 1944, et complémentaire de la Convention de Varsovie (12 octobre 1929) dite Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, elle est à l’origine de plusieurs Conventions notamment celle de Guadalaraja du 18 septembre 1961 sur le régime de la responsabilité des transporteurs aériens à l’égard de leurs passagers et de leurs bagages. La Convention de Varsovie est remplacée par celle de Montréal entrée en vigueur le 5 Novembre 2003.  Transport maritime : L’Organisation maritime internationale (OMI à Londres) : Elle a permis l’élaboration de nombreuse Conventions internationales en 27

cette matière.  Transport ferroviaire : L’Organisation intergouvernementale des transports ferroviaires (OTIF) : Elle gère la Convention internationale sur le transport de marchandises par chemin de fer dite la Convention de Berne du 14 octobre 1890 entrée en vigueur en 1893.  L’Organisation internationale du Travail (OIT à Genève) : L’OIT a été créée en 1919 par le Traité de Versailles. À l’origine l’organisation était liée à la SDN. Elle lui survécut et devint une institution spécialisée des Nations Unies. Elle a trois organes : la Conférence internationale, le Conseil d’administration et le bureau international du travail (BIT). La Conférence internationale est l’instance principale et se réunit au moins une fois par an. Elle présente la particularité suivante : elle est composée de délégations nationales comprenant 2 délégués gouvernementaux, un délégué-employeur et un délégué-travailleur. C’est le principe fondamental du tripartisme. La Conférence a pour tâche d’élaborer les normes sociales internationales par 3 moyens : la Convention (exemple : Convention sur les pires formes de travail des enfants de 1999) ; il s’agit d’un Traité international qui, après sa ratification, devient obligatoire pour les Etats membres ; la Recommandation ou les Résolutions et les Directives (ex. Code de conduite sur les entreprises multinationales de 1977). Le Conseil d’Administration est l’organe exécutif, les membres employeurs et travailleurs ne représentent pas leur pays mais l’ensemble des employeurs et des travailleurs des pays membres de l’OIT. Le Bureau international du travail est le secrétariat (BIT) : Il publie des études (études d’ensemble) et réalise des enquêtes et suit l’application par les Etats-membres des Conventions et des Recommandations.  L’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) : Cette Organisation a pour objectif de promouvoir le développement industriel et d’encourager l’industrialisation des PED notamment dans le secteur des industries manufacturées. Elle a produit de nombreux guides contractuels. 3°)- L’organe subsidiaire de l’ONU : la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED ; en anglais UNCTAD) : Créée par une Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, elle est le principal organe subsidiaire de l’ONU ayant pour vocation d’assurer le développement durable des Pays en développement. Elle est à l’origine de codes de conduite et de rapports annuels. Parmi ses réalisations, il faut citer le Système généralisé des préférences32 de 1971. Organe subsidiaire, elle fut créée en 1964 par une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU. Elle est le principal organe subsidiaire des Nations Unies dans le domaine du commerce et du développement. Elle est dotée d’une structure classique : la Conférence intergouvernementale, le Conseil du Commerce et du développement. Ces structures œuvrent à aider les PED. Elle examine les questions liées au développement durable, c’est-à-dire les possibilités de commerce, d’investissement, de financement, Le SGP est un programme mis en place dans le cadre de la CNUCED sont les objectifs sont, « sans réciprocité ni discrimination, en faveur des pays en voie de développement, y compris des mesures spéciales en faveur des pays en voie de développement les moins avancés, doivent être : 1. d’augmenter leurs recettes d’exportation ; 2. de favoriser leur industrialisation ; et 3. d’accélérer le rythme de leur croissance économique. » 32

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etc. Plusieurs réalisations peuvent être mises à son actif : • D’abord le système généralisé de préférences en 1971 qui consiste à faire bénéficier les exportations des PED d’un traitement préférentiel (diminution des tarifs douaniers sur leurs produits) sans réciprocité, le système global de préférences commerciales entre pays en développement en 1989. • Elle réussit à stabiliser les cours de certains produits (cacao, sucre, bois tropicaux, étain, huile d’olive, caoutchouc) par le biais d’accords internationaux entre producteurs et consommateurs. • Elle a élaboré un code de conduite sur les pratiques commerciales restrictives. D’autres Codes CNUCED ont trait aux sociétés transnationales et aux transferts de technologie. Ces codes n’ont pas de valeur obligatoire. Ses rapports annuels font autorité (Le rapport sur le commerce et le développement, le rapport sur l’investissement, le rapport sur les pays les moins avancés). Paragraphe II : Les institutions à vocation régionale ou transrégionale selon le critère géographique Elles sont multiples. Il faut distinguer les antennes régionales ou commissions de l’ONU des autres institutions régionales, sous-régionales ou interrégionales. A- Les commissions de l’ONU Ce sont des antennes de l’ONU sur les différents continents. Les commissions économiques régionales de l’ONU sont en quelque sorte des antennes de l’ECOSOC dans les différents continents. Elles sont des prolongements du système onusien. Parmi elles citons la Commission Economique pour l’Europe de l’Organisation des Nations Unies (CEE-ONU) qui est à la source de nombreux guides et conditions générales. La CEE-ONU a été créée en 1947. Dans les années 1950 les représentants des pays de l’Est et des pays de l’Ouest se sont rencontrés pour élaborer un droit commun de la vente (Conditions générales pour la fourniture à l’exportation des matériels d’équipement). La CEE-ONU a élaboré de nombreux guides contractuels comme le Guide pour la rédaction de contrats relatifs à la réalisation d’ensemble industriel de 1973 et le Guide pour la rédaction de contrats internationaux de coopération industrielle de 1976. B- Les zones de libre-échange, les unions douanières et les marchés communs : • Les zones de libre-échange sont des zones au sein desquelles les marchandises circulent librement (absence de barrières tarifaires et non tarifaires), chaque pays membre conservant son système douanier vis-à-vis des pays tiers. Autrement dit, elles n’ont pas de politique commerciale commune ni de tarifs communs à l’égard des tiers. Il s’agit d’organisations de coopération. • Les unions douanières sont le prolongement des zones de libre-échange, c’est-à-dire 29

des accords commerciaux régionaux dont les Etats membres ont adopté une politique commerciale commune vis-à-vis des Etats tiers, particulièrement une réglementation et un tarif douanier commun. Elles constituent une forme d’interprétation intermédiaire. • Les marchés communs sont des unions douanières complétées par la libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Ils constituent la forme d’intégration la plus poussée. Ces 3 formes se retrouvent sur tous les continents. On peut citer quelques exemples : • En Asie, l’Accord de libre-échange asiatique (ALEA) signé le 24 octobre 1992 entre le Bruneï, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande ; l’Association des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) regroupant un vaste marché disparate. • En Amérique du Nord : l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a été signé en 1992 et est entré en vigueur entre le Canada, les USA et le Mexique. • En Amérique du Sud, le MERCOSUR (marché commun) est une union douanière menacée par le projet de création des zones de libre-échange des Amériques prévues pour 2005 (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). • En Afrique, on peut citer des Organisations communautaires comme l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a la particularité d’harmoniser le droit avant l’union économique. Mais, il faut faire remarquer qu’un Accord portant création de la Zone de libreéchange continentale africaine a été signé lors d’un sommet à Kigali le 21 mars 2018 par 44 Etats signataires et a pour objectif de fluidifier les échanges au cœur du continent afin d’en faire un socle pour le développement de l’Afrique ; cet accord est entré en vigueur le 30 mai 2019. Cette ZLEC regroupe la zone tripartite de libreéchange, qui doit inclure le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), avec d’autre part la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union du Maghreb arabe et la Communauté des États sahélo-sahariens. L’objectif du projet est d’intégrer à terme l’ensemble des 55 États de l’Union africaine au sein de la zone de libre-échange. • En Europe, l’Accord de libre-échange de l’Union européenne (AELE) créée par le traité de Stockholm en 1960 relève davantage du passé que du présent. Elle comportait à l’origine de nombreux pays comme l’Autriche, l’Islande, la Norvège, la Finlande, la Suède et la Suisse. La plupart d’entre eux sont entrés dans l’Union européenne... En outre l’espace économique européen créé par l’Accord de Porto le 2 mai 1992 entre les membres de la Communauté européenne et ceux de l’AELE vise à approfondir la coopération dans des domaines divers. L’EEE comporte aussi des institutions et un régime juridique commun a été mis en place. 30

Comme union douanière, on peut citer le Benelux (entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas). Enfin l’Union européenne actuelle est plus qu’un marché commun. Les traités de Maastricht du 7 février 1992 et Amsterdam du 2 octobre 1997 adoptent la monnaie unique (euro) renforcent la libre circulation des personnes, affirment la citoyenneté européenne et la protection des droits fondamentaux. C- L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) L’OCDE fut précédée par l’OECE (Organisation européenne de coopération économique), laquelle trouve son origine dans le plan Marshall, plan d’assistance politique et économique nord-américain en vue de reconstruire l’Europe après la seconde guerre. L’OECE se transforma en 1961 en OCDE (Convention de Paris du 14 décembre 1960). Elle a pour objectif de promouvoir des politiques tendant à réaliser la plus forte expansion possible du commerce mondial sur une base multilatérale et non discriminatoire. À ces fins les pays membres s’engagent à se tenir mutuellement informés et à fournir à l’OCDE des renseignements nécessaires à l’accomplissement de ses tâches, à se consulter et à effectuer des études, à coopérer par une action coordonnée. Au sein de l’OCDE sont élaborées : • des Décisions ayant un caractère impératif pour les membres • des Recommandations • des Déclarations ne portant pas d’obligations juridiques mais exprimant la volonté politique de ses membres. Parmi les Déclarations figurent notamment les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales). Intéressée par toutes les questions économiques, l’OCDE fournit par ses études des éléments de comparaison sur les économies des différents Etats. Elle permet de prévoir les évolutions. À l’égard des PED elle coordonne les aides et fixe les objectifs à atteindre pour accroître le développement économique de ses membres et des PED.

Un second critère de classification des institutions a été retenu : celui de l’harmonisation du droit du commerce international ou de la finalité exclusive des institutions. Section II : La classification des institutions selon la finalité exclusive : l’harmonisation du droit du commerce international Suivant ce critère, certaines institutions ont également une vocation mondiale ou universelle, d’autres ont une vocation régionale ou transrégionale. Paragraphe I : Les institutions à vocation universelle selon le critère de la finalité exclusive 31

Il s’agit de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI), l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT), la Conférence de la Haye de droit international privé (CODIP). A- La Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) : La Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI), créée en 1966 par l’Assemblée générale de l’ONU, a pour mandat général de faire avancer l’harmonisation et l’unification progressives du droit du commerce international. Elle intervient dans tous les domaines et adopte des Conventions, des lois-types et des guides juridiques. Ses textes sont des compromis entre les systèmes juridiques et sont des succès. Elle est donc devenue un organe juridique à participation réellement universelle spécialisé dans la réforme du droit du commerce international. Son activité juridique est considérable : Des Conventions, des lois modèles et des guides juridiques ont été adoptés dans des domaines multiples comme la vente internationale de marchandises (Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises ou Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM, en anglais CISG) entrée en vigueur le 1er janvier 1988 ; Convention sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises de New York de 1974 ; Guide juridique de la CNUDCI sur les opérations internationales d’échanges compensés), le transport international de marchandises (Convention des Nations Unies sur le transport international de marchandises par mer de 1978 ou les Règles de Hambourg), dans le domaine de l’arbitrage commercial international et la conciliation (Règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 1976 et Règlement de conciliation de 1980, Loi-type de la CNUDCI de 1985 sur l’arbitrage commercial international, Loitype de la CNUDCI sur la conciliation commerciale internationale de 2002) ; dans le secteur des paiement internationaux (Convention de New York sur les lettres de change internationales et les billets à ordre de 1988, Loi-type de la CNUDCI sur les virements internationaux de 1992, Convention sur les garanties indépendantes et les lettres de Crédit stand-by de New York de 1995, la Convention des Nations Unies sur la cession des créances dans le commerce international de 2001) ; dans le domaine du commerce électronique (Loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique (LTCE) de 1996, Loitype de la CNUDCI sur les signatures électroniques de 2001), dans le domaine de l’insolvabilité (Loi-type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale de 1997) ; dans le secteur de la passation de marchés publics et le développement des infrastructures (Loi-type de la CNUDCI sur la passation des marchés de biens, de travaux et de services de 1994, Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d’infrastructure à financement privé de 2001, Loi-type de la CNUDCI sur la passation des marchés publics de 2011) ; la question des immunités des Etats (Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de New York du 2 décembre 2004). En 1988 sur la base d’une décision prise par la CNUDCI à sa vingt et unième session, le secrétariat a mis en place un système de collecte et de diffusion d’informations sur les décisions judiciaires et sentences arbitrales concernant les conventions et les lois-types. L’objet 32

est de diffuser les textes et d’aider à ce que ces textes reçoivent une interprétation uniforme. Le secrétariat de la CNUDCI fournit alors une assistance technique aux Etats qui le souhaitent et envisagent l’adoption d’un texte CNUDCI. La CNUDCI assure enfin la formation dans le domaine du droit commercial international par des séminaires nationaux ou régionaux. Des stages sont proposés à des jeunes juristes (sans aide financière). Les textes de la CNUDCI se caractérisent par une grande souplesse ; ils constituent des compromis entre les pays de la Common law et les pays de civil law, entre les pays développés et les PED, et les normes sont soit obligatoires, soit facultatives. B- L’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT) L’Institut international pour l’unification du droit privé a été créé en 1926 sous le patronage de la SDN par le gouvernement italien (à Rome). Cet Institut a une activité intense dans le domaine de l’unification et de l’harmonisation du droit du commerce international dans le domaine contractuel. L’Institut international pour l’unification du droit privé est à l’origine de nombreuses conventions : Il a été associé aux travaux de la CNUDCI ayant abouti à la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises et les principes Unidroit, expression actuelle du droit transnational. Il est à l’origine des Conventions sur l’affacturage international et sur le crédit-bail conclues à Ottawa le 28 mai 1988 et surtout des Principes relatifs aux contrats du commerce international de 199433. Un Guide sur les Accords internationaux de franchise principale de 2000 lui est aussi imputable. Lors de la Conférence diplomatique tenue sous l’égide d’Unidroit et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en novembre 2001, ont été signés la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d’équipements mobiles et le Protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d’équipement aéronautiques. C- La Conférence de La Haye de droit international privé (CODIP) : La Conférence de la Haye de droit international privé de 1951 qui a surtout un rôle dans le domaine du droit de la famille, a également produit des Conventions internationales unifiant les règles de conflit de lois dans le domaine de la vente internationale ou de la représentation internationale. En effet, réunie en 1893 mais devenue organisation intergouvernementale en 1951, la Conférence de la Haye a produit quelques Conventions internationales applicables en matière de conflits de lois comme par exemple la Convention de la Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers, la Convention de la Haye du 22 décembre 1986 sur la vente internationale de marchandises, la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires et à la représentation.

Il s’agit de 119 principes qui constituent une compilation privée à vocation internationale dont la dernière édition date d’avril 2004. 33

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Mais, il faut le relever, la Conférence de la Haye joue toutefois surtout un rôle important dans le domaine du droit de la famille ; elle s’occupe peu du contrat aujourd’hui car il y existe déjà des textes régionaux comme les textes régionaux européens34. Paragraphe II : Les institutions à vocation régionale selon le critère de la finalité exclusive Il s’agit notamment de l’OHADA et des commissions et les groupes de travail pour le droit européens des contrats. A- L’Organisation pour harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) La spécificité de l’OHADA est d’assurer l’unité du droit avant de créer une intégration économique. Cette harmonisation est déjà réalisée en grande partie depuis 1995. Elle est assurée par des Actes uniformes. En savoir plus : L’OHADA : organisation35 Le 17 octobre 1993, un traité ouvert à tous les membres de l’Organisation de l’Unité Africaine ou OUA (Créée en 1963, l’OUA dont le siège est à Addis Abéba en Ethiopie s’est fixée comme but la réalisation de l’unité, de la sécurité, et du développement) remplacée par l’Union Africaine, a été conclu à Port-Louis (Ile Maurice) lors du sommet de la francophonie. Il est entré en vigueur en septembre 1995. Cette organisation est dotée d’institutions propres : • Le Conseil des Ministres, composé des Ministres chargés de la Justice et des Ministres chargés des Finances des Etats parties est l’organe suprême de décision. Il adopte notamment les Actes uniformes après avis de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage (CCJA). • Le Secrétariat Permanent est nommé par le Conseil des ministres. • L’Ecole régionale supérieure de la Magistrature (ERSUMA) est rattachée au Secrétariat Permanent et a son siège à Porto-Novo au Bénin. Elle concourt à la formation des magistrats et auxiliaires de justice des Etats parties mais son action concerne surtout le droit harmonisé et le droit des affaires car la plupart des Etats conservent leur structure et leur formation de magistrats. • La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) est aussi un organe très important ; elle a son siège à Abidjan (Côte d’Ivoire) et assure une interprétation des Actes uniformes. Elle se substitue aux Cours suprêmes nationales en ce domaine. Elle est composée de 7 juges élus au scrutin secret par le Conseil des Ministres. Ses arrêts ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire dans les mêmes conditions que les Voir J. M. Jacquet, « Aperçu de l’œuvre de la Conférence de la Haye de droit international privé », Journal de Droit International ou Clunet, 1994, p. 5. 35 Voir « OHADA », Que sais-je ?, 1999, n°3536. 34

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décisions des juridictions nationales. La CCJA peut être consultée par les Etats et par le Conseil des Ministres. L’article 2 du Traité prévoit le champ de l’harmonisation : il s’agit du statut juridique des commerçants, du droit des sociétés, du recouvrement des créances, des sûretés, des voies d’exécution, du régime de redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, du droit de l’arbitrage, du droit du travail, du droit comptable, du droit de la vente et des transports. Ne font donc pas partie du champ d’application, le droit pénal des affaires et les instruments de paiement ; ces matières sont exclues pour des raisons de souveraineté nationale. Les Actes uniformes ne sont adoptés que si les 2/3 au moins des Etats parties sont représentés ; il faut l’unanimité des représentants présents et votants. Malgré ce caractère supranational et supra-législatif, les Actes peuvent prévoir des dispositions expressément supplétives, c’est-à-dire qu’elles peuvent proposer une solution de droit supranational qui ne sera applicable qu’en l’absence d’une disposition nationale. Plusieurs Actes uniformes ont déjà été adoptés concernant les principes généraux du droit commercial, les sociétés commerciales, les sûretés, les procédures collectives, les procédures de recouvrement et les voies d’exécution, le droit de l’arbitrage, le droit des transports de marchandises par route, le droit comptable, le droit des sociétés coopératives. On peut constater que l’empreinte du système de droit romano-germanique hérité de la période coloniale est restée très présente. Il appartiendra au législateur et aux juges de l’OHADA de donner corps progressivement à une vision originale d’un droit des affaires en Afrique. Cet objectif à court terme qui est de garantir la sécurité juridique et judiciaire des opérateurs économiques de façon à encourager les investissements, sera complété par une intégration économique des Etats parties au Traité dans un second temps. B- Les Commissions et les groupes de travail pour le droit européens des contrats • La plus connue de ces commissions est la Commission LANDO36. Connue sous le nom de son président M. Ole LANDO, elle a publié les Principes du droit européen des contrats, l’exécution, l’inexécution et ses suites dont la troisième partie aborde certains aspects du régime général des obligations (PEDC). Les principes sont souvent comparés aux Principes Unidroit des contrats. Ils ne sont pas obligatoires mais constituent des lois-modèles. En 2003, la Commission a lancé un plan d’action. • Deux autres groupes de travail élaborent aujourd’hui ce droit européen des contrats souhaité par la Commission et le Parlement européens : Il en est ainsi du groupe de travail qui s’est constitué en 1990 à l’initiative du Professeur GANDOLFI. Ce groupe devenu l’Académie des privatistes européens se réunit à l’Université de Pavie. En 2001, cette Académie a publié en français un Code européen des contrats qui prend pour modèle le livre IV du Code civil italien. Un second ouvrage relatif aux contrats spéciaux est en cours de préparation. Il y a aussi le groupe d’études sur le Code civil européen dirigé par le Professeur VON BAR. Il s’est formé en 1998 et a commencé à travailler en 1999 prenant le relais L’aventure a commencé en 1980. Cette commission était composée de professeurs originaires des Etats membres de l’Union européenne. 36

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de la Commission LANDO. Ce groupe toutefois semble nourrir des ambitions politiques. En outre, il est dominé par la présence des juristes allemands et néerlandais, les travaux se déroulent exclusivement en anglais. Section III : Les institutions économiques transnationales : l’exemple de la Chambre de commerce internationale Les institutions économiques transnationales ont soit un caractère général, soit plus spécialisé, propres à une profession voire au sein de cette profession spécifique à un produit. Parmi ces institutions, la plus représentative est la Chambre de Commerce internationale (CCI) dont le siège est à Paris37. Il s’agit d’une association de droit français créée en 1901 mais la CCI a été créée en effet en 1919 par un homme d’affaires américain38. Cette CCI symbolise ainsi les origines du commerce international fondé sur l’idéologie libérale. Elle est une institution privée transnationale, croyant à l’auto-régulation. La Chambre de commerce internationale (CCI, le sigle en anglais est ICC pour International Chamber of Commerce) représente mondialement les entreprises et a pour objectif de favoriser les échanges et l’investissement, l’ouverture des marchés aux biens et aux services, et la libre circulation des capitaux. Elle comporte un Conseil, un Comité exécutif et un Secrétariat. Elle est constituée de représentants des différents pays membres désignés par les comités nationaux qui représentent eux-mêmes les milieux économiques et professionnels de leur pays. L’un de ses objectifs majeurs (son premier rôle) est de créer un droit transnational dans la plupart des secteurs d’activités comme la vente, les garanties contractuelles, le crédit documentaire, l’arbitrage, l’expertise. Elle est devenue l’homologue d’organismes intergouvernementaux. Elle jouit d’un statut consultatif auprès de l’ECOSOC. Elle a participé à l’élaboration de traités internationaux comme la Convention de New York de 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Son second rôle est quasi-judiciaire : en effet, la Cour d’arbitrage de la CCI a élaboré notamment des règlements d’arbitrage et de conciliation. La clause compromissoire CCI est très fréquente dans les contrats internationaux. A l’analyse, depuis plusieurs années, la Chambre de Commerce Internationale rédige des rules, c’est-à-dire des règles ou contrats types dans tous les domaines de la vie des affaires. Ces règles sont souvent reprises dans tous les domaines de la vie des affaires. Son secrétariat international se trouve à Paris, au palais d’Iéna (Le palais d’Iéna est un bâtiment du 16e arrondissement de Paris construit par l’architecte Auguste Perret en 1937. C’est le siège du Conseil économique, social et environnemental et de la Chambre de commerce internationale). Elle compte comme membres des milliers d’entreprises présentes dans plus 130 pays. 38 La Chambre de Commerce Internationale a été créée en 1919 et Sa cour d’arbitrage a été créée en 1923. 37

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Ainsi, la CCI a publié en 1991 un code de conduite pour les entreprises : la Charte des entreprises pour le développement durable, qui vise à faire respecter des principes concernant plus particulièrement le respect de l’environnement. En outre, elle a mis en place au sommet de la Terre de Johannesbourg en 2002 une initiative conjointe avec le WBCSD, le Business Action for Sustainable Development, qui a pour objectif d’établir des normes écologiques privées.

Chapitre II : Les normes ou sources formelles du Droit du commerce international Il convient de parler des normes relevant du droit international classique et celles relevant spécialement du droit international économique ou du droit du commerce international. Section I : Les normes relevant du droit international classique Il faut citer en premier lieu les Conventions internationales. A ce sujet, les Conventions bilatérales sont extrêmement nombreuses. Elles peuvent être tout d’abord des Conventions d’établissement qui tendent à améliorer le sort des commerçants de l’Etat cocontractant et qui affectent par conséquent la condition des étrangers. Les accords de commerce sont également très variés. Ils peuvent ressembler aux conventions d’établissement ou au contraire être conclus pour une brève période et avoir un objet limité comme l’échange de marchandises. Il faut citer aussi les Conventions fiscales. Les traités multilatéraux sont moins nombreux. Certains ne sont pas entrés en vigueur. D’autres sont certes en vigueur mais ne sont pas ratifiés par de nombreux Etats ou sont ratifiés avec des réserves. De nouvelles Conventions de style supplétif sont apparues grâce à la CNUDCI : elles sont applicables sauf si les parties y renoncent expressément (c’est-à-dire sauf clause expresse d’exclusion). Il s’agit du système qualifié « d’opting out » ; c’est le modèle suivi par la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises. La CNUDCI adopte d’ailleurs quant à elle une technique encore plus souple : celles des Lois-types39 qui sont des lois-modèles dont on peut s’inspirer et donc des normes facultatives comme les Guides contractuels. Outre les Traités, il y a sur le plan du droit international classique des normes coutumières : Certaines notions comme celle de non-réciprocité au profit des pays en développement (PED) ont été des règles coutumières avant de recevoir une consécration conventionnelle. Quant aux principes généraux reconnus par les nations civilisées comme les décisions des juridictions internationales40, ils sont rares mais l’on peut citer les Exemples : Loi-type sur l’arbitrage commercial international en 1985 ; lois-types sur le commerce électronique en 1996, sur l’insolvabilité internationale en 1997, sur la passation des marchés de biens, de travaux et de services en 1994, sur les virements internationaux en 1992, sur la conciliation du 28 juin 2002, sur les signatures électroniques du 5 juillet 2001. 40 La jurisprudence internationale de la Cour Internationale de Justice (CIJ) est, dans le domaine économique, ancienne et limitée. Parmi les arrêts, on peut citer l’arrêt du 25 mai 1926 : la CIJ a affirmé que l’expropriation sans indemnité est contraire au droit international ; on peut citer aussi l’affaire Barcelona du 5 février 1970 : la protection diplomatique d’une société appartient à l’Etat sous la loi de laquelle la société s’est constituée et sur le territoire duquel elle a son siège et non à celui dont les principaux actionnaires ont la nationalité ; il y a également l’affaire Electronica Sicula du 39

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principes de bonne foi et de l’effet utile. En plus de ces sources, il y a des sources parallèles qui émanent des organisations internationales économiques. Parmi ces sources parallèles, il faut en premier lieu mentionner les Résolutions. La valeur juridique des résolutions est extrêmement discutée41. Toutefois les Résolutions « déclaratoires » auraient un caractère impératif. Une autre source parallèle, ce sont les Déclarations finales adoptées à l’issue des sommets ou des Conférences. Se pose aussi la question de savoir si elles ont vraiment une valeur obligatoire. Certes, comme le rappelle B. STERN, « il ne s’agit pas évidemment de traités internationaux au sens strict mais elles ne sont pas pour autant déniées de toute valeur juridique ». La troisième source parallèle est constituée par les Codes de bonne conduite internationaux42 : La définition de ces codes (Doc. ONU.E/S500 p. 62) pourrait être la suivante : "Un Code de conduite peut être un ensemble global de recommandations qui sont élaborées progressivement et qui peuvent être révisées lorsque l’expérience ou les circonstances le justifient ; bien que de telles recommandations n’aient pas de caractère obligatoire, elles jouent le rôle d’un instrument de persuasion morale, dans la mesure où elles sont renforcées par l’autorité des organisations internationales et par la force de l’opinion publique.". Parmi ces Codes on peut citer : - Celui de l’OCDE. Dès 1976, des recommandations appelées principes directeurs couvraient une très grande partie de l’activité des firmes multinationales (à savoir la concurrence, le financement ; la fiscalité, la science et la technologie, l’emploi et les relations de travail). - Les principes de l’OIT concernant les multinationales et la politique sociale dès 1977 ont été adoptés. - Les Codes de la CNUCED ayant trait aux pratiques commerciales restrictives, aux sociétés transnationales et au transfert de technologie sont également apparus. La Guidance contractuelle constitue la quatrième voie parallèle d’élaboration des normes : Elle est réalisée au moyen de Conditions générales, de Contrats-types et de Guides pour la conclusion de certains contrats. La CNUDCI a produit plusieurs Guides : il s’agit notamment du Guide juridique pour l’établissement des contrats internationaux de construction d’installations industrielles43 ; de même, il existe le Guide Juridique de la CNUDCI sur les opérations internationales d’échanges compensés adopté en 1992 et le Guide législatif sur les projets d’infrastructure à financement privé en 200144.

20 juillet 1989 concernant la protection diplomatique des investissements internationaux (V. Clunet, 1990, p. 897). 41 Plusieurs thèses ont été présentées : La thèse positiviste considère que les Résolutions ont seulement une valeur de recommandations : elles invitent, elles recommandent. La thèse radicale considère que les Résolutions ont une valeur obligatoire : l’aspiration au développement suffit à justifier l’application du principe démocratique à la société internationale ; le droit est au service de l’humanité. La troisième thèse est une thèse intermédiaire : Selon cette opinion les Résolutions ne constituent que des recommandations dépourvues de valeur juridique. 42 Depuis le début des années 1970, de nombreuses organisations internationales ont entrepris de véritables politiques d’action vis-à-vis des multinationales. Celles-ci prirent la forme de Codes de bonne conduite. Le processus a été enclenché à la demande des pays en développement, des syndicats internationaux et de quelques pays développés. 43 Publié en février 1988, ce Guide examine les nombreux problèmes juridiques soulevés à propos de la construction d’installations industrielles. Aussi bien avant la signature du contrat que pendant et après la construction, ce dernier propose diverses méthodes par lesquelles les parties peuvent traiter ces problèmes dans leurs contrats. Il tient compte enfin des difficultés particulières rencontrées par les acquéreurs des pays en développement. 44 Ce guide a pour objet d’aider à la mise en place d’un cadre juridique favorable à l’investissement privé dans les infrastructures publiques. Antérieurement, la CNUCED, l’ONUDI et la CEE-ONU avaient déjà élaboré ce genre de guides contractuels dans des domaines très variés. Ce droit nouveau est contesté, critiqué mais également apprécié.

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Section II : Les normes relevant du droit du commerce international : La lex mercatoria Le développement des usages du commerce est imputable aux défaillances étatiques à savoir les carences législatives et la diversité des règles nationales. En effet, face aux problèmes spécifiques du commerce international, le droit interne ne peut toujours pas apporter de solution suffisante. Les opérateurs du commerce extérieur ont donc été amenés à développer leur propre corps de règles, appelé lex mercatoria. Pour le moins que l’on puisse dire, c’est que la définition de la lex mercatoria et, par voie de conséquence, sa valeur varient selon les auteurs. Malgré tout, elle a un contenu qu’il faudra exposer. Paragraphe I : La définition et valeur de la lex mercatoria Egalement appelée « droit des marchands » ou « droit des praticiens », la lex mercatoria peut être appréhendée comme un droit spontané créé par les opérateurs économiques qui joue aujourd’hui un rôle important dans la régulation des rapports économiques internationaux. De la kyrielle de définitions à son sujet, on peut retenir qu’elle est définie notamment comme « un ensemble de règles générales propres à régir les contrats du commerce international qui s’appliquent lorsque les parties acceptent d’y soumettre leur contrat »45, comme « un ensemble de règles de droit servant à encadrer les relations contractuelles internationales entre commerçants », comme « un ensemble de règles professionnelles propres sans référence à un droit étatique déterminé, s’appuyant sur des usages et principes largement reconnus et respectés, sur des usages observés entre commerçants, sur des contrats-types et des principes consacrés par les sentences arbitrales rendues en matière de commerce international », comme « un ensemble de règles qui se forment, s’appliquent en dehors et en marge des cadres et des autorités étatiques à l’intérieur de groupes humains plus vastes et plus réduits à la fois qui ne se constituent pas au sein d’une nation mais d’un ou plusieurs professionnels ou corporations et plus largement d’une communauté internationale de commerçants »46. Comme cela peut s’apercevoir, la lex mercatoria ne provient ni des législations nationales ni des conventions internationales, ni de la jurisprudence, la question se pose de savoir si la lex mercatoria constitue un troisième ordre juridique dit tiers ordre juridique ou source tertiaire se situant entre les ordres juridiques nationaux (lois, jurisprudence internes) et l’ordre juridique international (traités, institutions internationales, ect.). En d’autres termes, la lex mercatoria peut-elle s’appliquer au litige au même titre que notamment une loi ordinaire et en permettre le règlement ou faut-il lui dénier toute valeur normative réelle et la réduire au simple rang de clause contractuelle ? Cette question de la reconnaissance de la lex mercatoria en tant que corps de règles capable de fixer des normes juridiques applicables au litige soumis aux transactions commerciales internationales, fait l’objet d’une grande controverse doctrinale. Ainsi, trois attitudes sont adoptées : - Pour certains auteurs, adeptes de la normativité de la lex mercatoria, d’une part, les Préambule des Principes UNIDROIT, version 1994. FOUCHARD Philippe, « Lex mercatoria dans le droit du commerce international », ...Vol. XXI, pp. 321-543, spéc. p. 432. 45 46

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systèmes juridiques étatiques ne sont pas entièrement adaptés pour régir les rapports juridiques et les conflits issus des transactions du commerce international. Selon eux, l’insuffisance des règles émanant des systèmes juridiques étatiques résulte généralement de la rigidité et de la lenteur qui caractérise des problèmes de conflits qu’elles engendrent et de la complexité qui s’attache à leur mise en œuvre et que seule, et que seule la lex mercatoria est capable et qui a le moyen et la possibilité de faire stopper les conflits de lois de droit international privé. D’autre part, ils font état de l’existence des règles adéquates élaborées par des institutions internationales indépendantes et par la jurisprudence arbitrale qui affirme parfois l’existence de la loi nationale pour compléter la juridicité de la lex mercatoria. Aussi, ces auteurs estimentils que les usages internationaux, surtout s’ils ont été codifiés par la CCI ou par un autre organisme international, sont de véritables règles coutumières ayant priorité sur les usages internes47. - Pour d’autres auteurs48, les usages internationaux n’ont aucune valeur coutumière ou ne saurait constituer un tiers ordre juridique représentatif en raison d’une part du défaut d’unité de la communauté internationale dans lequel l’ordre mercatique trouve sa source et d’autre part en raison d’absence d’une autorité sanctionnatrice unique et indépendante des ordres juridiques concurrents. - Enfin, pour de nombreux auteurs49, les usages du commerce international occupent une place intermédiaire. « Ils seraient à mi-chemin de la règle conventionnelle et de la norme de droit ». Quant à la jurisprudence arbitrale, elle est moins ambiguës : en effet, elle a adopté, à ce sujet, souvent une attitude ambiguë dans un premier temps. Dans une seconde phase, de plus en plus souvent les arbitres ont appliqué les usages comme des normes ayant valeur de normes coutumières50. En définitive, au-delà de toutes propositions gardées relativement à l’extrémisme sur la normativité de la lex mercatoria, il est impossible de nos jours de nier la capacité de règles de droit de la lex mercatoria à s’appliquer aux contentieux en droit du commerce international et cela pour deux raisons essentielles : d’une part, la normativité de la lex mercatoria bénéficie d’une consécration quasi-universelle notamment dans le domaine de l’arbitrage commercial international, et d’autre part, la tendance vers l’émergence d’un ordre juridique propre au commerce international semble irréversiblement amorcée. La meilleure illustration de cette consécration quasi-universelle de la normativité de la lex mercatoria dans le droit du commerce international est donnée Il s’agit notamment du professeur Berthold GOLDMAN et Monsieur DERAINS, Droit du commerce international, .... 1999, n° 243. Le professeur JACQUET distingue, quant à lui, les usages conventionnels des usages généraux véritables règles. 48 Il s’agit notamment de Monsieur KASSIS (A. KASSIS, Théorie générale des usages du commerce, Paris, LGDJ, 1984, n°441), LAGARDE (Paul LAGARDE, Approche critique de la lex mercatoria dans le contrat et l’arbitrage international, LGDJ, 1982. Voir aussi M. BEGUIN, « Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l’ordre juridique international ? »... ; il estime que « la théorie juridique de la lex mercatoria n’a pas la cohérence absolue pour la qualifier d’ordre juridique ». 49 Il s’agit notamment du professeur FOUCHARD Ph., « Les usages, l’arbitre et le juge », Mélanges GOLDMAN, 1982, p. 77-78. 50 La jurisprudence française est assez favorable à la reconnaissance des usages en tant que règles de droit. Mais un seul arrêt, celui des « Plateaux des Pyramides » du 6 janvier 1987 (CLUNET 1987, 638, note B. GOLDMAN qui soutient une autre interprétation) semble faire marche arrière. Cet arrêt souligne qu’il n’appartient pas à la Cour de Cassation de contrôler l’existence et l’application des principes et des usages du commerce international, ce qui a pu être interprété comme une négation de la valeur juridique des usages du commerce international. 47

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par la plupart des législations internationales qui, dans leurs dispositions relatives au choix du droit applicable au fond du litige, admet explicitement ou implicitement le recours aux règles de droit de la lex mercatoria51. A l’analyse, la lex mercatoria regroupant les « usages et pratiques » du commerce international ne vise pas à réguler les relations entre les Etats, mais seulement à rendre plus opérationnels les échanges commerciaux en établissant des règles uniformes d’exercice de l’activité commerciale dont le contenu est variable. Paragraphe II : Le contenu de la lex mercatoria Si la valeur juridique de la lex mercatoria est, comme il vient d’être vu, parfois critiquée par la doctrine, plus rarement par la jurisprudence, l’éparpillement des règles la constituant est évité par leur fixation due aux efforts conjugués de la pratique et de l’arbitrage. La Chambre de Commerce internationale (CCI) joue sur ce point un rôle très important de codification des usages. Par leur efficacité, certaines de ces règles ont connu un succès important et sont aujourd’hui communément utilisées. Il s’agit des Incoterms, des Règles et usances uniformes (RUU) notamment en matière de crédit documentaire, des Principes UNIDROIT et des règlements d’arbitrage52. A- Les incoterms Les incoterms sont des termes présentés sous forme d’initiales de trois lettres dans les contrats de vente. Ils ont pour objet l’organisation précise du transfert des risques entre vendeur et acheteur, et la répartition entre les deux du coût du transport et des formalités administratives. En effet, le contrat de vente est souvent établi de manière très rudimentaire. Il y a pourtant des points sur lesquels les parties doivent être d’accord, car ils déterminent l’étendue de leurs engagements dans les diverses phases de l’exécution du contrat, en particulier dans la phase du transport. Il est dès lors indispensable que chacun sache à quoi il s’engage, ce qui lui permet non seulement de s’exécuter, mais aussi de s’assurer contre les risques pouvant surgir dans les différentes phases d’exécution du contrat. Par une terminologie simple, « Termes du commerce international » ou « Conditions internationales de vente » (CIV) (en anglais « INCOTERMS » pour « International Commerce Terms » ou « International Commercial Terms »), mise au point par la Chambre de commerce internationale dans les années 1920, on a établi les différentes obligations du vendeur et de l’acheteur en répartissant entre eux les risques et les coûts. On comprend aisément que la définition des différents INCOTERMS doit être connue des personnes qui veulent s’engager dans le commerce international en tant que vendeurs et acheteurs. V. notamment article 15 de l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage. On peut ajouter à ces règles les plus usitées de la lex mercatoria les principes généraux du droit du commerce international dont les principes de la prévalence du consensualisme sur le formalisme, de loyauté, de collaboration, d’observation de la confidentialité, de l’exception d’inexécution, ect. 51 52

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La mise en place des INCOTERMS n’a pas abouti à une réglementation figée : plusieurs révisions de ces termes ont eu lieu, la plus récente étant celle de 2000, qui a permis de réduire leur nombre, de mieux préciser leur portée et de facilité leur compréhension, et donc leur utilisation, en introduisant une systématisation de leur présentation. L’avant dernière nomenclature des INCOTERMS comprenait 13 termes rangés en quatre catégories53. La dernière révision de ces règles incoterms date de 2010, d’où les Incoterms version 2010. B- Les règles et usances uniformes en matière de crédit documentaire : Pratiqué très largement, le crédit documentaire54 ou CREDOC est depuis longtemps réglementé avec précision. C’est sous l’égide de la Chambre de commerce internationale qu’ont été publiées les Règles et Usances Uniformes (RUU) relatives au crédit documentaire. Les RUU relatives au crédoc ont été publiées pour la première fois en 1933 et sont périodiquement révisées. En 1993, ont été publiées les règles constituant les RUU 500, entrées en vigueur le 1er janvier 1994. Le crédit documentaire a subi un lifting avec l’élaboration de nouvelles règles et usances, les RUU 600 qui sont applicables depuis le 1er juillet 200755. C- Les Principes UNIDROIT En mai 1994, le Conseil de direction de l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT) a rendu public les « Principes relatifs aux contrats du commerce international » dont l’élaboration avait commencé dès 1971. Il s’agit d’un processus de codification privée ou d’un processus législatif informel ou parallèle. La dernière édition des Principes UNIDROIT date de 2016 après celles de 2004 et 2010. Pour faciliter l’exposé des obligations de chaque partie, on les a classés en 10 rubriques, classées de A1 à A10 pour le vendeur, et de B1 à B10 pour l’acheteur. En plus de l’obligation principale (A1 et B1) pesant sur chacun d’eux qui est de fournir une marchandise conforme pour le vendeur et d’en payer le prix pour l’acheteur, chaque INCOTERM permet de répartir les autres obligations, à savoir fournir les licences et autorisations, accomplir les formalités, prendre en charge le transport et l’assurance, modalités de livraison, transfert des risques, la répartition des frais, les avis à donner à l’autre partie, la preuve de la livraison, les documents de transport ou les données informatiques équivalentes, la vérification, les emballages, le marquage, l’inspection de la marchandise et autres obligations. 54 Un bref résumé du mécanisme : Le crédit documentaire est une garantie bancaire permettant de garantir le paiement de marchandises. Suite à un contrat commercial entre vendeur et acheteur, prévoyant comme condition de l’engagement des parties, un crédit documentaire précisément caractérisé, un acheteur va demander à une banque, installé dans son pays, appelée banque émettrice, de lui ouvrir un crédit représentant le montant de l’achat envisagé. Après examen et accord, cette banque, en informera une banque installée dans le pays du vendeur. Celleci est appelée banque notificatrice, elle notifiera au vendeur l’ouverture de ce crédit. Avec l’ordre de l’acheteur, seront indiqués quels documents, faisant la preuve de la réalité de l’expédition, le vendeur devra fournir. Pour réaliser ces différentes informations, on utilise généralement des formules types, mises au point par la Chambre de commerce internationale (CCI). Mais il est également possible de procéder par télétransmission, la confirmation écrite qui peut suivre n’ayant pas d’intérêt, sauf lorsque la télétransmission mentionne « détails suivent ». Le crédit documentaire peut être à la fois un instrument de paiement et de crédit : en effet, par la remise des documents, représentant la marchandise expédiée, le vendeur sera immédiatement payé par la banque notificatrice, sur ordre de la banque de l’acheteur, qui consent ainsi un crédit à son propre client ; le CREDOC pourra aussi constituer un crédit pour le vendeur, pour pré-financer une fabrication. Dans la mesure où un acheteur s’est engagé à acheter, et que sa banque a pris l’engagement de payer, le banquier du vendeur peut lui avancer une partie des sommes pour la fabrication. L’intervention de deux établissements bancaires permet à deux opérateurs qui ne se connaissent pas très bien, de s’engager avec une relative sérénité. 55 La dernière révision qui est la 6ème révision des RUU date donc du 1er juillet 2007 sous le numéro de publication 600 (Publication CCI n° 600-2007 ou RUU 600, en anglais UCP 600). 53

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Ces principes Unidroit ont été rédigés par des juristes spécialisés appartenant aux pays des deux principaux systèmes juridiques : de common law et de droit civil. Ils constituent donc une compilation purement privée. Ils s’appliquent à tout contrat en général. Cinq principes de base fondent les règles Unidroit. • Le premier est celui de la liberté contractuelle (et de la liberté d’élaboration des clauses figurant dans les contrats). L’article 1.1 de la version 2010 l’affirme : « Les parties sont libres de conclure un contrat et d’en fixer le contenu ». • Le deuxième a trait à la bonne foi : l’article 1.7 précise que « 1) Les parties sont tenues de se conformer aux exigences de la bonne foi dans le commerce international. 2) Elles ne peuvent exclure cette obligation ni en limiter la portée». • Le troisième principe est l’ouverture aux usages du commerce international : Cette préoccupation résulte de l’article 1.9 : « 1) Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti, ainsi que par les pratiques qu’elles ont établies entre elles. 2) Elles sont liées par tout usage qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des contrats dans la branche commerciale considérée, à moins que son application ne soit déraisonnable ». L’article 1.9 confère par conséquent la prévalence des usages sur les règles des principes généraux. • Le quatrième principe fondateur est la « favor contractus » : principe selon lequel le droit doit prendre les «mesures destinées à favoriser la validité et l’exécution, bref la survivance » du lien contractuel : Le contrat international est long à négocier, il concerne des intérêts importants, les procès sont coûteux. Pour tous ces motifs le contrat devra être (et est) rarement nul dans les transactions commerciales internationales ; de même la résolution ne sera possible que s’il y a une inexécution essentielle de la part de l’autre partie (art. 7-3-1). • Le cinquième principe fondateur traduit la volonté des rédacteurs de sanctionner des comportements déloyaux56. Pour l’essentiel, les principes Unidroit peuvent être adoptés pour des contrats internes. Ils peuvent être choisis comme normes applicables au contrat international. La référence aux Principes Unidroit paraît préférable à la référence aux principes généraux du droit du commerce international, aux usages du commerce international qui sont souvent critiqués à cause de leur caractère vague et imprécis. Les principes Unidroit sont une expression plus claire et plus précise que la lex mercatoria dans le domaine contractuel. Les Principes Unidroit peuvent même se substituer à une loi étatique normalement applicable lorsque la recherche de la loi implique des efforts ou des coûts disproportionnés. J. P. BÉRAUDO, «Les principes d’Unidroit relatifs au droit du commerce international», JCP, éd. gén., I, 1995, 3842. 56

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Habituellement dans cette hypothèse, on applique la loi du juge saisi ou lex fori (l’application des Principes Unidroit est préférable dans un souci d’égalité entre les parties. La loi du juge saisi est plus familière à l’un des protagonistes) ». D- La jurisprudence arbitrale Cette dernière révèle et crée des principes généraux du commerce international. Les arbitres même lorsque les parties ont choisi un droit étatique applicable à leur contrat international doivent prendre en compte les usages du commerce international. En l’absence de choix d’une loi nationale applicable au contrat, les arbitres transnationaux, en vertu du règlement de la Chambre de Commerce Internationale (version 1998) par exemple, appliquent les règles de droit qu’ils estiment appropriées57. Très souvent, en pratique, les arbitres combinent les différentes lois étatiques, y joignent des Conventions internationales mêmes non encore entrées en vigueur, des usages, des principes généraux, etc.

V. article 17 du Règlement d’arbitrage CCI version 1998 : « 1. Les parties sont libres de choisir les règles de droit que le tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige. A défaut de choix par les parties des règles de droit applicables, l’arbitre appliquera les règles de droit qu’il juge appropriées. 2. Dans tous les cas, le tribunal arbitral tient compte des dispositions du contrat et des usages du commerce pertinents. (...) ». 57

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LEÇON 4 : Les opérateurs du commerce international Les opérateurs du commerce international sont variés mais ils peuvent être classés en deux catégories : les opérateurs privés et opérateurs publics du commerce international. Les opérateurs économiques et juridiques du commerce international sont d’une part les opérateurs privés, c’est-à-dire les personnes physiques ou les entreprises58 individuelles, les sociétés ou entreprises isolées ou indépendantes, les groupes de sociétés et les joint-ventures à structure sociétaire. Les opérateurs publics sont l’Etatcommerçant, les organismes publics distincts, les organisations internationales et les sociétés internationales. Mais, pour ce cours, on laissera de côté les personnes physiques et les entreprises individuelles ayant peu d’impact dans le domaine international. Chapitre I : Les opérateurs privés du commerce international Les opérateurs économiques privés sont constitués essentiellement des entreprises ou sociétés isolées ou indépendantes, des groupes de sociétés et des joint-ventures. Section I : Les sociétés isolées ou indépendantes Relativement aux sociétés isolées ou indépendantes intervenant dans le commerce international, quatre questions seront examinées : la nationalité des sociétés, les conflits de lois relatifs aux sociétés, la reconnaissance des sociétés étrangères et la faillite internationale des sociétés. Paragraphe I : La nationalité des sociétés isolées ou indépendantes L’étude de la nationalité des sociétés59 appelle une réflexion autour de trois questions essentielles : L’extension de ce concept aux personnes morales, l’attribution de la nationalité aux sociétés et les conséquences de la nationalité reconnue aux sociétés. Souvent confondues, « entreprise » et « société » font pourtant chacune l’objet d’une définition distincte au regard du droit, même si en pratique les deux vocables sont pris pour synonymes et sont employés indistinctement. En effet, aux termes de l’article 1832 du Code civil, une société peut se définir comme un acte juridique par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens (sommes d’argent, voitures, immeubles) ou leur industrie (compétences...) en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter (il faut ajouter à cette définition que la société peut également résulter de l’acte unilatéral de volonté d’une personne s’il s’agit d’une société unipersonnelle). La notion de société désigne également la personne morale créée par le contrat de société. En tant que personne morale, la société dispose d’un patrimoine composé à l’origine des biens apportés par les associés ou les actionnaires. La personnalité morale d’une société est acquise lors de l’immatriculation de celle-ci au RCCM dans l’espace OHADA. Quant à la notion d’entreprise, contrairement à la société, l’entreprise ne fait pas l’objet d’une réelle définition légale : elle n’a jamais réellement était définie par le droit. C’est une notion avant tout économique et sociale. En matière économique, elle peut se définir comme une unité organisée reposant sur la mise en œuvre de moyens humains et matériels de production ou de distribution. Malgré cela, dans les textes, le terme d’« entreprise » est pourtant très souvent utilisé (dans les textes de loi, on retrouve de façon récurrente la notion d’entreprise dans le Code du travail, au sein duquel le terme doit être interprété comme un ensemble de travailleurs exerçant une activité commune sous l’autorité d’un même employeur). A partir de cette absence de définition, on a de la part des auteurs presque tout et son contraire sur la définition de la notion d’entreprise. Pourtant, elle est utile dans un certain nombre de cas car de cette définition va dépendre l’application de certains textes. La qualification de la notion est souvent l’enjeu de l’application de tel ou tel mécanisme juridique. On va voir d’une part que dans la notion d’entreprise, on a deux éléments : un élément institutionnel, c’est-à-dire que l’entreprise est un ensemble déterminé par des règles que se sont donnés ses créateurs mais également des règles qui lui sont imposées par le législateur. L’illustration en Droit de l’entreprise est la société commerciale qui est un ensemble réglementé par des dispositions que se sont donnés ses fondateurs mais avec des dispositions légales également. 59 Voir L. LEVY, La nationalité des sociétés, LGDJ, 1984. 58

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A- L’extension du concept de nationalité aux sociétés Il y a eu un débat concernant l’extension de ce concept à des personnes morales. Mais, quoi qu’il en soit sur le plan doctrinal, la jurisprudence et le législateur n’hésitent plus et retiennent ce concept. Il est vrai cependant que l’application aux sociétés du concept de nationalité n’entraîne pas l’application de toutes les conséquences qui lui sont attachées s’agissant des personnes physiques. B- L’attribution d’une nationalité aux sociétés L’attribution d’une nationalité initiale aux sociétés n’affecte pas la possibilité d’un changement de nationalité. 1°)- La nationalité initiale des sociétés Après des controverses relatives aux critères de rattachement (critère unique ou critères multiples), à l’heure actuelle, il y a un critère principal - celui du siège social et un critère secondaire et exceptionnel celui du contrôle. a)- Les controverses relatives aux critères de rattachement de la nationalité Jusqu’à la première guerre mondiale et notamment l’arrêt LENZBOURG du 20 juillet 191560 en France, seul le siège social réel était pris en compte comme critère de détermination de la nationalité des sociétés. Mais, l’arrêt LENZBOURG prend en considération plutôt le critère du contrôle61 ; il en est de même du législateur en période de guerre62. D’autres critères sont apparus comme celui de l’incorporation63, outre celui du siège social ou celui du centre d’exploitation et de contrôle ou centre des intérêts (centre névralgique de la société)64. La crise atteignit son sommet avec l’arrêt MAYOLARBONA du 23 novembre 195965 : Le tribunal des conflits émiettait le concept en affirmant que la « nationalité des sociétés n’est définie par aucun texte général ». Et alors la nationalité se déterminait de façon casuistique (au cas par cas) du moins jusqu’en 1971 où on assiste à la hiérarchisation actuelle des critères notamment en France66.

La chambre des requêtes a utilisé le critère du contrôle en 1915 dans l’affaire LENZBOURG (Req. 20 juillet 1915, D.P. 1916, 144). Le législateur à son tour recourut expressément à ce critère de contrôle en période de guerre. 61 Le critère du contrôle prend en considération la nationalité des associés majoritaires ou des dirigeants : suivant ce critère la société aura la nationalité de celui ou ceux des dirigeants qui a ou ont le contrôle (par exemple, majorité des droits de vote). Cette solution présente plusieurs inconvénients : - elle n’est guère satisfaisante sur un plan purement théorique en cela qu’elle remet pratiquement en cause que la société est une personne distincte de celles de ses membres. – Elle pose également problème en ce qui concerne sa mise en œuvre surtout en cas de contrôle à plusieurs degrés. – Le contrôle peut en outre varié : cette variabilité du contrôle provoquerait alors la variabilité de la nationalité de la société dans le temps sans raison déterminante. 62 L’intérêt du choix du critère du contrôle à cette période est distinguer les sociétés étaient entre les mains ennemies. 63 L’incorporation correspond au lieu auquel ont été accomplies les formalités de constitution et d’immatriculation de la société. Il est surtout retenu par les pays de common law (pays anglo-saxons). S’il en est ainsi c’est bien parce qu’on considère que l’incorporation correspond à coup sûr à la volonté des fondateurs de la société. Et alors la difficulté résulte entre autres de l’opposabilité de la nationalité obtenue sur la base de ce critère aux Etats avec lesquels la société présente les liens les plus pertinents ou forts et qui seraient par principe hostiles à ce critère. Le débat se place alors sur le terrain de l’effectivité de ce lien de rattachement lorsque sont en cause des intérêts défendus par un autre Etat que celui de la nationalité résultant de la seule incorporation de la société. 64 Les critères du siège social et du centre des intérêts de la société sont qualifiés de critères plus objectifs et plus réalistes que les autres critères. En effet, ils expriment tous deux un lien effectif entre une société et un Etat. 65 Voir D. 1960, p. 224 66 Voir Civ. 1ère, 30 mars 1971, rev. crit. DIP 1971, p. 471. 60

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b)- La hiérarchisation actuelle des critères : Aujourd’hui les critères sont hiérarchisés :  Le critère du lieu du siège social réel est le critère principal67.  Celui du contrôle est un critère subsidiaire. 2°)- Le changement de nationalité des sociétés Le changement de nationalité peut être volontaire : il s’agit de l’hypothèse du transfert du siège social. Il peut également être involontaire en cas notamment du changement de souveraineté du territoire. a)- Le changement volontaire de nationalité des sociétés Le changement volontaire de nationalité des sociétés se fait par le transfert du siège social. Quatre questions se posent alors : le principe du transfert, les modalités du transfert, les conditions du transfert et les effets du transfert. - Le principe du transfert du siège social Le principe du transfert du siège social soulevait des difficultés aujourd’hui résolues. En effet, une controverse doctrinale existait : le transfert du siège social met-il fin à la personnalité morale ? La réponse est aujourd’hui négative. Le transfert est toutefois difficile68. - Les modalités du transfert du siège social Il faut envisager 2 hypothèses :  le transfert du siège social d’un Etat (Côte d’Ivoire) à l’étranger  de l’étranger en un Etat d’accueil (Côte d’Ivoire). Le transfert du siège social d’un Etat à l’étranger : généralement, pour les sociétés en commandite simple et pour les S.A.R.L., il faut l’unanimité des associés ; pour les sociétés anonymes, il faut envisager 2 hypothèses : s’il y a une convention spéciale, l’Assemblée générale extraordinaire peut changer la nationalité. Autrement, il faut une décision prise à l’unanimité des associés. Le transfert du siège social de l’étranger en un Etat d’accueil : Si la loi nationale La première chambre civile de la Cour de Cassation le 30 mars 1971 (Rev. crit. DIP 1971, p. 451) rétablit la cohérence. Cette décision énonce « qu’en principe la nationalité d’une société se détermine par la situation de son siège social réel ». Les arrêts immédiatement postérieurs du 8 février 1972 et du 18 avril 1972 sont nettement moins concluants mais ils étaient intervenus à propos de groupes de sociétés. Quant au Conseil d’état, il se fonde aujourd’hui en pratique sur le siège social pour octroyer ou refuser le bénéfice d’un Traité sans tenir compte de la nationalité des personnes contrôlant la société (CE, 16 octobre 1992, JCP 1992, IV, 3017). Le critère du contrôle est devenu un critère complémentaire occasionnel, qu’il s’agisse du législateur ou de la jurisprudence. L’Assemblée plénière de la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 décembre 1990 (Rev. crit. DIP 1992, p. 70, obs. DURANTON ; D. 1991, p. 305) a repris et précisé le motif de l’arrêt de la 1 ère chambre civile du 30 mars 1971 : « La nationalité pour une société résulte en principe de la localisation de son siège réel, défini comme le siège de la Direction effective et présumé par le siège statutaire ». Néanmoins si ce critère du siège social réel est indispensable, il est parfois insuffisant. Des critères complémentaires sont quelquefois pris en considération : le contrôle ou le lieu de l’activité principale et non le lieu auquel sa direction est exercée. Ces lieux coïncident souvent mais à l’heure actuelle ils peuvent être situés dans des Etats différents. 68 La problématique peut se résumer de la manière suivante : Peut-il y avoir transfert du siège social d’une société d’un Etat à un autre avec permanence de la personnalité morale ? Pour certains auteurs dont J. HAMEL, G. LAGARDE et A. JAUFFRET, il y avait dissolution de la société originaire et création d’une société nouvelle (Traité de droit commercial, Dalloz, T I n° 429, p. 518). Pour la doctrine dominante le transfert ne met pas un terme à la personnalité morale. Cette doctrine se réfère à la réalité des personnes morales. Toutefois comme le souligne le Professeur MENJUCQ, la mise en œuvre est difficilement réalisable. 67

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d’origine le permet, le transfert est possible mais l’administration fiscale de cet Etat d’accueil peut analyser ce transfert comme la constitution d’un être moral nouveau. - Les conditions du transfert du siège social Des conditions sont relatives à la décision du transfert et au siège social nouveau. Les conditions relatives à la décision du transfert doivent être conformes à la loi nationale d’origine de la société et les conditions relatives au siège social nouveau doivent être conformes à la loi du nouveau siège social (Généralement, ces conditions exigées sont claires : le nouveau siège social doit être le centre des intérêts de la société ; il doit donc être réel et sérieux ; la société doit adapter ses statuts aux exigences de la loi nouvelle). - Les effets du transfert du siège social Il y a application immédiate de la loi du nouveau siège social. Les statuts doivent être alors aménagés conformément à cette loi. b)- Le changement involontaire de nationalité des sociétés Le changement de souveraineté du territoire entraîne le changement de nationalité du groupement, notamment en raison de l’existence de Traités internationaux. Par exemple, des Traités internationaux ont été conclus lors de l’accession à l’indépendance des Etats francophones spécialement d’Afrique Noire69. Les traités conclus ont affirmé le respect de la nationalité et par conséquent du statut juridique des sociétés contrôlées par des Français. La nationalité française a donc été conservée pour les sociétés contrôlées par des Français. 3°)- Les conséquences ou l’influence de la nationalité des sociétés Cette influence de la nationalité a évolué dans le temps. À l’origine, elle a eu un lien avec la lex societatis de sorte que la loi applicable à une société était la loi de sa nationalité70. Aujourd’hui, elle a des fonctions plus limitées ; ainsi, les fonctions contemporaines de la nationalité sont que la nationalité d’une société permet à cette dernière de revendiquer la protection diplomatique de l’Etat dont elle a la nationalité, Conventions franco-tunisienne du 3 juin 1955, franco-malgache du 27 juin 1960, franco-tchadienne du 11 août 1960, francocentraficaine du 13 août 1960, franco-congolaise du 15 août 1960, Rev. crit. DIP. 1961, p. 212 ; J. FOYER, « La nationalité des sociétés dans les rapports entre la France et les nouveaux Etats africains d’expression française », Trav. Com. fr. DIP, 1966-1969, p. 267. Le cas de l’Algérie : Les Accords d’Evian (réglant les rapports entre la France et l'Algérie lors de l'indépendance de cet Etat) sont muets sur cette question. La jurisprudence a dû régler ce point, mais elle est divisée à ce sujet : Certaines décisions ont appliqué le principe : la loi du lieu du siège social. D’autres se sont référées au critère du contrôle. Ainsi, certaines décisions ont appliqué les principes : les sociétés sont devenues algériennes (Cass. 1ère civ 26 novembre 1975, Rev. crit. DIP 1976, 506 ou CA Paris 21 octobre 1965, JDI 1966, 360). D’autres décisions ont admis que les sociétés sous contrôle français ayant leur siège en Algérie conservaient la nationalité française au titre de la théorie de contrôle ou d’un droit d’option (CA Paris 17 mai 1967, JDI, 1967, 874 ; TGI Seine 23 juin 1965, Gaz. Pal. 1965, 2, 401). Par exemple, l’affaire de la Caisse Centrale de réassurance des mutuelles agricoles dans laquelle les administrateurs français évincés avaient décidé de procéder à un transfert du siège social d’Alger à Paris a fourni à la Cour de cassation l’occasion de prendre position sur la nationalité de la société : La nationalité selon le fameux arrêt du 30 mars 1971 se détermine par la situation de son siège social « mais pareil critère cesse d’avoir application lorsque le territoire sur lequel est établi ce siège social étant passé sous une souveraineté étrangère, les personnes qui ont le contrôle de la société et les organes sociaux investis conformément au pacte social ont décidé de transférer le siège de la société afin qu’elle conserve sa nationalité et continue d'être soumise à la loi qui la régissait jusqu’alors » (Rev. crit DIP, 1971, 451 ; Grands arrêts DIP, n° 51, p. 413). 70 La question de la nationalité des sociétés est très souvent confondue avec celle de la loi applicable car c’est très souvent que la nationalité de la société et la loi applicable à cette société relèvent du même Etat. Mais, il s’agit bien évidemment de deux questions distinctes car la nationalité d’une société est l’expression d’un lien d’allégeance entre cette société et un Etat, lien d’allégeance qui implique des droits et des obligations au profit ou à la charge de cette société. 69

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que la nationalité joue également un rôle dans la reconnaissance et dans la condition juridique de la société. Paragraphe II : Les conflits de lois relatifs aux sociétés : la lex societatis Le problème du droit applicable aux sociétés isolées ou indépendantes est le suivant : quelle est la loi applicable à la société et quel est le champ d’application de cette loi ? A- La détermination de la lex societatis : Traditionnellement, on considère que les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire d’un Etat sont soumises à la loi de cet Etat. En d’autres termes, la loi applicable à la société et à l’exercice de ses droits est la loi de l’Etat dans lequel la société a son siège social. En outre, les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire mais celuici ne leur est pas opposable par la société si son siège réel est situé en un autre lieu71. De cette considération, il ressort deux problèmes d’interprétation : La nationalité estelle encore le critère de la lex societatis ? Faut-il se référer au siège social réel ou au siège social statutaire ? 1°)- La nationalité est-elle encore le critère de la lex societatis ? La doctrine et la jurisprudence classiques lient les deux problèmes. Aujourd’hui une partie de la doctrine souligne qu’il s’agit de questions distinctes72. La « lex societatis » serait donc déterminée directement par le siège social statutaire ; ce critère étant inopérant en cas de fraude et corrigé par l’option donnée aux tiers d’invoquer le siège réel ou le siège statutaire. 2°)- Faut-il se référer au siège social réel ou au siège social statutaire ? Si la doctrine dominante et la jurisprudence s’orientent vers le siège social statutaire comme critère de rattachement de principe, l’option des tiers (ils peuvent se prévaloir du siège social statutaire et du siège social réel) soulève encore des controverses. En effet, une grande partie de la doctrine se réfère à la théorie de l’apparence pour expliquer l’option dont bénéficient les tiers. La jurisprudence se concilie avec difficulté avec cette théorie puisqu’elle confère ce droit aux tiers qu’ils soient de bonne ou de mauvaise foi. Selon certains auteurs, seuls les tiers pourraient se prévaloir du siège social réel ; les associés n’auraient pas ce droit sauf en cas de fraude ou de fictivité. Voir notamment l’article 1837 du Code civil français « Toute société dont le siège est situé sur le territoire français est soumise aux dispositions de la loi française. Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par la société si le siège réel est situé en un autre lieu ». 72 Par analogie avec les personnes physiques dont le statut personnel est régi par la loi nationale en vertu de l’article 3 du Code civil bilatérisé par la jurisprudence, la nationalité déterminerait la loi applicable au statut interne des sociétés. Selon une partie de la doctrine (H. BATIFFOL et P. LAGARDE, LOUSSOUARN et BOUREL), bien que les 2 articles (l’article L. 210-3 (ancien art. 3 L24 juillet 1966) du Code de commerce français et l’article 1837 du Code civil français) n’évoquent pas la nationalité des sociétés, ils constituent une consécration implicite de la nationalité comme critère de la lex societatis « en raison du lien qui a toujours existé en droit français entre la détermination de la nationalité des sociétés et la loi applicable » (B. GOLDMAN, JDI 1986, p. 160). La jurisprudence a également consacré cette théorie (Voir notamment cass. com. 21 décembre 1987, Rev. soc. 1988, p. 398 ; cass. com 18 mai 1992, JDI, 1992, p. 954 ; cass. com. 9 mars 1993, Rev. soc. 1993, p. 584). Cette conception classique est abandonnée par une autre partie de la doctrine (LÉVY, MAYER, SYNVET, FRANCESCAKIS, MENJUCQ). Ils estiment que les problèmes sont différents : Il ne faut pas confondre la nationalité avec le domicile. La détermination de la lex societatis correspond à une nécessité de technique juridique et repose sur le choix d’un critère de rattachement. La nationalité traduit l’existence d’un lien d’allégeance entre la société et l’Etat. La « lex societatis » serait donc déterminée directement par le siège social statutaire ; ce critère étant inopérant en cas de fraude et corrigé par l’option donnée aux tiers d’invoquer le siège réel ou le siège statutaire. Un arrêt de la 1 ère Ch. civ. de la Cour de cassation du 8 décembre 1998 (arrêt récent de la 1ère Ch. civile du 8 décembre 1998, Rev. Crit. DIP, 1999, p. 284, note M. MENJUCQ) va dans ce sens. 71

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B- Le domaine de la lex societatis : Bien qu’elle subisse la concurrence d’autres règles, la lex societatis régit la constitution, le fonctionnement et la dissolution de la société. 1°) La constitution de la société La « lex societatis » régit de nombreuses questions liées à la constitution de la société mais pour l’émission et le régime des titres sociaux, il faut tenir compte des lois de police et de la loi d’autonomie du contrat de souscription. En effet, la « lex societatis » régit les formalités de publicité, la formation du capital, la forme des actions, l’émission et le régime des titres. Mais pour cette dernière question (l’émission et le régime des titres) l’influence de la lex societatis est doublement limitée : d’une part, par les règles de contrôle des sociétés étrangères ou par les lois de police notamment du marché boursier ; d’autre part par la loi d’autonomie, car les droits des obligataires et des porteurs de titres d’emprunts ne résultent pas du contrat de société mais du contrat de souscription. La lex societatis régit en outre les modes d’acquisition et de perte de la qualité d’associé, les devoirs de la société envers ses associés et les obligations des associés aux dettes. 2°) Le fonctionnement de la société : La lex societatis détermine la capacité de la société, les modalités de répartition des bénéfices entre associés, définit les pouvoirs des organes, prévoit leur nomination et détermine enfin les droits des associés. En outre, l’importante question de la détermination des personnes habilitées à représenter la société dans ses relations avec les associés ou les tiers est soumise à cette loi de même que les pouvoirs des représentants. La loi de la société (lex societatis) est également la loi compétente pour apprécier les pouvoirs des dirigeants notamment en matière de cautionnement ou de lettre de garantie73. La loi d’autonomie, règle traditionnelle de conflit de loi en matière de contrat, subit ainsi une limitation importante dont les créanciers locaux ont rarement conscience. 3°) La disparition ou dissolution de la société La lex societatis précise les causes et le régime de la dissolution de la société. La survie dépend également de la lex societatis. Mais, lorsque le liquidateur est nommé en justice, on se réfère à la lex fori. En revanche, si la liquidation est amiable, la lex societatis est alors applicable. Paragraphe III : La reconnaissance des sociétés isolées ou indépendantes étrangères La reconnaissance des sociétés isolées ou indépendantes étrangères pose le problème de la reconnaissance de l’existence des sociétés sur le plan international. En effet, ce Il y a une jurisprudence abondante en ce sens notamment provenant de la Cour de Cassation française. Ainsi, la Chambre commerciale et récemment la 1ère chambre civile dans l’arrêt du 8 décembre 1998 se réfèrent à la loi de la société pour régir ces questions. 73

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n’est pas parce qu’une société est reconnue en tant que telle par le droit d’un Etat donné qu’obligatoirement tous les droits des autres Etats sont obligés de reconnaître l’existence de cette société. Il faut au préalable que la société soit reconnue en tant que personne morale dans ces Etats étrangers. La question de reconnaissance de la personnalité morale à la société se pose alors en ces termes : Quand une société prétend avoir une activité internationale, dispose-t-elle des droits nécessaires pour le faire ? Lorsque la personnalité morale d’une société lui est reconnue dans son pays d’origine, est-elle de plein droit reconnue par les Etats étrangers dans lesquels elle développe une activité ? En d’autres termes, les sociétés « étrangères » bénéficient-elles de la reconnaissance de plein droit du seul fait que cette personnalité juridique leur est reconnue dans leur pays d’origine ? La réponse à ces questions a fait l’objet d’un débat doctrinal autour de deux théories : la théorie de la fiction et la théorie de la réalité. Pour la théorie de la fiction, seul le législateur d’un pays a le pouvoir de déterminer si un groupement peut se voir reconnaître la personnalité morale. Dans ce cas - si on admet la théorie de la fiction comme fondement de la reconnaissance de la personnalité morale - elle devrait être seulement reconnue dans le pays de la naissance de la société car seul ce pays a le pouvoir de décider qu’elle a ou non la personnalité morale. Pour la théorie de la réalité, en revanche, la personnalité doit être reconnue en toute circonstance à partir du moment où la société est dotée d’organes qui permettent à ce groupement d’exprimer une volonté collective et un but distinct des membres qui font partie de ce groupement. Ainsi, au regard de cette théorie, normalement, la personnalité morale de la société, si elle correspond à la définition du groupement, devrait être reconnue dans tout pays. Il existe des Conventions internationales abordant cette question de la reconnaissance de la personnalité morale des sociétés. Décevant, la plupart des Conventions ne bénéficient pas de la mise en vigueur car n’ont pas obtenu le nombre de ratifications nécessaires. On a une Convention de 1956 qui a pour effet d’admettre la reconnaissance de plein droit sous certaines conditions de la personnalité morale des sociétés étrangères dès lors que le siège social et les formalités de publicité sont localisés sur le même territoire et que le siège social statutaire correspond au siège social réel (lutte contre les immatriculations fictives). Cette Convention n’a cependant jamais été ratifiée, reste qu’elle a eu une influence certaine sur des droits nationaux. Un autre mécanisme existe dans le commerce international qui permet à un pays tiers de faire reconnaître dans un autre Etat la personnalité morale de ses sociétés ressortissantes : il s’agit du principe de la nation la plus favorisée. En clair, il y a une tendance à l’application de la théorie de la réalité. A côté de cette question de reconnaissance des sociétés étrangères, la question de la condition de ces sociétés étrangères dans l’Etat du for se pose également. En effet, une fois la société étrangère reconnue, il s’agit de savoir quels sont ses droits et ses obligations. - Au sujet de la jouissance des droits par la société étrangère, le principe est 51

l’assimilation des sociétés étrangères aux sociétés nationales. Il y a cependant des limites à ce principe74. Il y a généralement une double limitation : Les sociétés étrangères ne peuvent avoir plus de droits que les sociétés nationales et elles ne peuvent avoir une capacité plus grande que celle qui leur est conférée par leur pays. Outre ces deux premières limites à l’assimilation, il y a également des textes spéciaux qui refusent l’assimilation. En effet, de nombreux textes spéciaux existent mais ils ont tendance à diminuer au nom des droits fondamentaux, du moins dans certains pays. En Côte d’Ivoire, les articles 14 et 15 du C. civ. qui s’appliquent également aux personnes morales, instituent un privilège de nationalité ivoirienne : le droit d’attraire un adversaire devant une juridiction ivoirienne qu’il soit demandeur ou défendeur. Enfin, un nombre important d’activités requiert cependant encore la nationalité notamment ivoirienne75. - En ce qui concerne les obligations particulières pesant sur les sociétés étrangères exerçant une activité dans l’Etat du for, elles sont imposées76 par les lois de police et de sûreté, par les lois pénales, par des lois applicables aux étrangers (comme en matière d’investissements étrangers), par le droit des sociétés OHADA imposant l’immatriculation des sociétés étrangères ayant des établissements dans un Etat OHADA, ect. Ces lois de police s’appliquent à toutes les sociétés77 : nationales ou étrangères. Elles L’exception ne joue pas en cas de traités internationaux ou de réciprocité législative. Il s’agirait du courtage d’assurances ou de marchandises, débit de tabac, pompes funèbres, etc... La liste n’est pas limitative. Il y a d’autres hypothèses pour lesquelles les règles discriminatoires sont justifiées encore par un motif d’intérêt général (ex: opérations de crédit). 76 Il faut souligner qu’une société étrangère qui souhaite s’implanter dans l’espace OHADA a le choix entre plusieurs possibilités : le bureau de représentation, la succursale et la filiale. - Le bureau de représentation permet d’étudier plus facilement le marché, d’analyser la faisabilité du projet, de tester l’activité et de promouvoir les produits et services. Mais il ne sert uniquement que de relai entre la clientèle et la société étrangère car il ne doit pas avoir d’activité commerciale propre et aucune personne salariée ayant un pouvoir pour engager juridiquement la société étrangère (dans le cadre notamment des négociations et conclusion de contrats), ne doit y être attachée. En effet, le bureau de représentation n’est pas un établissement stable de la société étrangère dans l’espace OHADA et, par conséquent, n’est soumis ni à l’immatriculation au RCCM, ni à la fiscalité locale. Mais, sur l’ensemble des documents commerciaux, doivent impérativement figurer les coordonnées et mentions légales de la société étrangère. - La succursale de la société étrangère est, quant à elle, un établissement commercial ou industriel ou même de prestation de services de cette société dans le pays d’implantation, l’établissement secondaire de la société étrangère dans l’espace OHADA. Elle est dotée d’une certaine autonomie de gestion (elle peut exercer une activité commerciale propre et émettre même des factures) et fait juridiquement partie intégrante de la société étrangère (elle n’a pas de personnalité morale propre, malgré son immatriculation au RCCM). Les droits et obligations qui naissent à l’occasion de son activité ou qui découlent de son existence sont compris dans le patrimoine de la société étrangère. En d’autres termes, la société étrangère est notamment responsable des dettes de sa succursale. Enfin, étant considéré comme un établissement stable, la succursale est soumise à la fiscalité locale et doit établir sa propre comptabilité. Mais, la société étrangère doit mentionner sur les documents commerciaux de la succursale, les informations qui puissent permettre d’identifier cette dernière. En outre, il faut faire remarquer qu’elle est soumise à une obligation d’être apportée à une société de droit local pour se constituer sous forme de société de droit local, notamment de filialisation au bout de 2 ans, sauf dispense (v. art. 120 AUSCGIE). - La filiale est la phase d’implantation complète d’une société étrangère sur le marché de l’espace OHADA. Il s’agit d’une société de droit OHADA avec une identité propre : il s’agit d’une société juridiquement indépendante et soumise au droit OHADA et à la fiscalité locale. Elle doit être immatriculée au RCCM. La société étrangère a le choix entre une société de capitaux et une société de personne. Si le choix porte sur une société de capitaux, la filiale sera seule responsable des affaires qu’elles traitent ; la société étrangère risque cependant, en l’absence de cautionnement ou de toute autre garantie fournie par la filiale, de perdre son apport initial dans le capital social de la filiale. 77 Certaines lois s’imposent à toutes les sociétés nationales ou étrangères qui ne peuvent pas se prévaloir de leur extranéité. Cela est particulièrement vrai dans le domaine du droit du travail et de la Sécurité Sociale (E. MOREAU, lois de police et contrat international de travail, thèse, Paris X, 1993). Les salariés d’une société étrangère bénéficient dans l’Etat du for des mêmes droits de représentation que les salariés de sociétés nationales dans la mesure où ces droits ne sont pas « incompatibles avec la présence à l’étranger du siège social » (V. Cass. Soc. 3 mars 1988, JDI, 1989, p. 78). La loi ivoirienne relative à la représentation des salariés s’applique en tant que loi de police. Il en va de même pour l’affiliation à la sécurité sociale comme l’a rappelé la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 18 mars 1999 (Bull. Joly. 1999, p. 1205 note M. MENJUCQ). En vertu du principe de 74 75

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sont particulièrement fréquentes en droit du travail ou en droit de la sécurité sociale. La représentation des salariés ou l’affiliation à la Sécurité Sociale s’appliquent. De même le droit pénal des affaires réprime les infractions commises en vertu du principe de la territorialité. Paragraphe IV : La faillite internationale des sociétés isolées ou indépendantes Le droit commun de la faillite internationale pose trois questions : la compétence juridictionnelle, la compétence législative et les effets des jugements étrangers (de faillite) dans le pays du for. A- La compétence juridictionnelle en matière de faillite internationale Cette compétence juridictionnelle est décisive car la compétence législative en résulte. La relation entre le conflit de juridictions et le conflit de lois est indispensable en matière de faillite internationale : en effet, le rapport entre conflit de juridictions et conflit de lois se vérifie de manière absolue car la loi de la faillite dénommée « lex fori concursus » est celle du tribunal ayant ouvert la procédure collective. Il faut donc en premier lieu examiner les règles de compétence juridictionnelle avant de présenter les règles de conflits de lois. Hormis cela, en termes de compétence juridictionnelle en matière de faillite internationale, il faut souligner que deux théories classiques78 ont été développées mais une hypothèse intermédiaire existe : - La théorie de l’unité de la faillite : un seul tribunal a compétence exclusive pour en connaître même s’il y a pluralité des faillites et sa décision doit être reconnue de plein droit dans les autres Etats. Cette théorie de l’universalité de la faillite est fondée sur l’unité du patrimoine. - La seconde théorie est celle de la pluralité et de la territorialité des faillites. Il y a une procédure distincte dans chaque Etat dans lequel le débiteur a des biens. Quoi qu’il en soit, la faillite revêt soit une portée universelle, soit une portée purement locale. *D’abord, un critère permet de conférer une portée universelle à la faillite ouverte par un tribunal du for ; c’est celui du siège social : Le tribunal compétent pour connaître d’une faillite internationale est celui du siège social. Si le siège statutaire et le siège réel ne coïncident pas, tout intéressé peut démontrer la fictivité du siège statutaire afin de donner compétence au tribunal du siège réel. Le tribunal du for ouvre alors une procédure dont les effets ne sont pas limités son territoire79, encore que celle-ci n’existe territorialité du droit de la sécurité sociale des dirigeants de société qui exercent leur activité en Côte d’Ivoire au sein d’une succursale ne peuvent échapper à l’assujettissement au régime correspondant au motif que leur société a son siège dans un autre État. 78 La jurisprudence française a emprunté des éléments aux deux théories même si la 1 ère Ch. civ. a, le 25 janvier 2002, surtout consacré la théorie de l’universalité. 79 Un arrêt très important a été rendu par la 1 ère chambre civile de la Cour de Cassation le 25 janvier 2002 (D. 2002, AJ, p. 3341 ; JCP 2002, II n° 10201 ; D. 2003, p. 797, note G. KHAIRALLAH). Même si cet arrêt concerne les relations entre la France et l’Espagne qui relèvent désormais du Règlement du 29 mai 2000 les solutions restent d’actualité là où le droit commun continue à s’appliquer. La Cour de Cassation fait appel à des grands principes pour sanctionner le comportement répréhensible d’un créancier français qui avait déclaré sa créance en France et s’était empressé d’exercer des poursuites individuelles en Espagne. Elle consacre la

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que dans la limite de son acceptation dans l’ordre juridique étranger80. Ensuite, d’autres critères permettent de conférer une portée locale à la faillite ouverte par un tribunal. Ainsi, une faillite locale peut être ouverte par un tribunal du for dans trois cas : L’implantation sur le territoire du for d’un établissement secondaire, la nationalité de l’Etat du for des parties (V. par exemple art. 14 et 15 du Code civil) et la localisation de biens ou l’exercice d’une activité sur le territoire du for. Hormis ces deux théories classiques, il faut souligner l’existence d’une hypothèse intermédiaire. : - L’hypothèse intermédiaire : l’extension d’une procédure interne Deux cas sont à distinguer : *Dans le 1er cas, une procédure unique est étendue pour englober l’ensemble des personnes concernées par la faillite. Il est exigé pour ce faire que la confusion de patrimoine soit établie ou qu’il y ait preuve de fictivité. *Dans le second cas, il y a ouverture d’une procédure distincte à l’encontre des associés indéfiniment tenus du passif social, à l’encontre des dirigeants étrangers même domiciliés à l’étranger à l’égard desquels a été mis tout ou partie du passif d’une personne morale et qui ne s’acquittent pas de cette dette, à l’encontre des dirigeants ayant commis certains actes, quelle que soit leur nationalité et même si leur domicile est à l’étranger81. B- La compétence législative en matière de faillite internationale : Il est posé un principe assorti de tempéraments. 1°)- Le principe : Le principe est simple : le tribunal du for applique la loi du for (lex fori). 2°)- Les tempéraments :

théorie de l’universalité de la faillite dans un arrêt qui se veut de principe : « Sous réserve des traités internationaux ou d’actes communautaires non applicables en l’espèce et dans la mesure de l’acceptation par les ordres juridiques étrangers, le redressement judiciaire prononcé en France produit ses effets partout où le débiteur a des biens ; l’article 6 § 1 Conv. EDH ne saurait faire obstacle aux principes d’universalité de la faillite ainsi qu’à celui d’égalité des créanciers chirographaires qui caractérise toute procédure collective et qui postule l’interdiction des poursuites individuelles et la soumission des créanciers aux obligations du plan de redressement ». D’autres arrêts précisent ce qu’il faut entendre par universalité de la faillite (Civ 1 ère, 19 novembre 2002, WORMS et ch. com. 21 mars 2006, Khalifa Airways, D. 2006, Jur 1466, note L-C HENRY, Aj. 914 obs A. LIENHARD, Pon-2250, obs F.X. Lucas et P. M. LECORRE). 80 Malgré la pétition de principe en faveur de l’universalité de la faillite réaffirmée notamment par la Cour de Cassation, celle-ci n’existe que dans la limite de son acceptation dans l’ordre juridique étranger. La Cour d’appel de Versailles le 20 mars 2008 (D. 2008, p166, note J. L. VALLENS) reprend ces limites : « il résulte du principe d’universalité de la faillite que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire prononcée en France produit ses effets partout où le débiteur a des biens sous réserve des traités internationaux ou d’actes communautaires et dans la mesure de l’acceptation par les ordres juridiques étrangers ». Dans cette affaire, une société française avait invité son client algérien à payer les marchandises à sa banque suisse avant d’être mise en liquidation judiciaire. Le paiement ayant eu lieu après l’ouverture de la procédure avait réduit le solde débiteur par compensation. Le liquidateur a assigné la banque suisse pour obtenir la restitution de la somme encaissée, demande accueillie par le tribunal mais infirmée par la cour d’appel. Le jugement de liquidation judiciaire ne peut être exécuté en Suisse avant reconnaissance de la procédure de faillite. En dehors de cette reconnaissance aucune mesure d’exécution n’était possible. 81 Voir par exemple, Cass. com. 14 mars 2000, Bull. Joly, 2000, p. 600.

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Il s’agit de l’hypothèse où plusieurs lois d’Etats souverains sont en concurrence. Trois cas, notamment, peuvent être envisagés : - La revendication de propriété réservée par une clause : Pour la procédure de droit commun, la loi applicable est la loi de la faillite selon une jurisprudence constante82. Mais au sein de l’Union Européenne, par exemple, l’entrée en vigueur du Règlement CE n° 1346/2000 remet en cause l’application de la loi de la faillite car il exclut dans son article 7 la clause de réserve de propriété du domaine de la loi de la faillite. La lex rei sitae et la loi du contrat seront alors en compétition. - Les garanties réelles : Lorsque la sûreté réelle porte sur un bien situé à l’étranger, il y a un conflit entre la loi du for de la faillite et la lex rei sitae qui régit la sûreté. - Les contrats et les sociétés : Les conflits de lois en matière de contrats résultent des nullités de la période suspecte. Un contrat régi par une loi étrangère peut-il être annulé en application de la loi du for de la faillite ? La doctrine apporte une réponse positive car la nullité est le résultat de la faillite. Concernant les sociétés étrangères mises en liquidation judiciaire dans l’Etat du for sont-elles dissoutes conformément à la loi du for de la faillite ? La doctrine considère qu’il convient de se référer à la lex societatis pour savoir si la faillite provoque ou non la dissolution de la société83. C- Les effets d’un jugement étranger de faillite dans l’Etat du for : Il faut distinguer deux hypothèses : les jugements étrangers sont pourvus ou non de l’exequatur. 1°)- Les effets des jugements étrangers pourvus d’exequatur Il s’agit, entre autres, du dessaisissement du débiteur, de l’arrêt des poursuites individuelles, de la paralysie des voies d’exécution, et de ce que toute demande d’ouverture de procédure collective dans l’Etat du for est irrecevable. En outre, de tels jugements sont pourvus de l’autorité de la chose jugée : La force exécutoire permet alors au syndic étranger de réaliser les biens du débiteur situés sur le territoire du for. Il doit recourir, pour se faire, aux procédures de droit commun d’exécution. Enfin le jugement d’exequatur en matière de faillite internationale possède une caractéristique : Il rétroagit à la date de la décision étrangère ouvrant la faillite84.

Voir en ce sens Cass. com. 8 janvier 2002, Rev. Crit. DIP, 2002, p. 328. L’arrêt BELVEDERE (com. 13 septembre 2011, D 2012 1228, Panorama, Droit international privé, H.GAUDEMET-TALLON et F. SAULT SESEKE) soulève une autre question : dans une procédure de faillite quelle est la loi applicable pour déterminer si un trustee est titulaire des créances? Dans l’affaire présente on pouvait hésiter entre deux lois: la loi française et la loi new-yorkaise. En effet sept des filiales de Belvédère s’étaient portées garantes des dettes de Belvèdere. Les contrats d'émission et de partage des sûretés étaient soumis au droit new-yorkais et une banque américaine avait été nommée trustee. La cour de cassation est claire: la loi new-yorkaise doit déterminer si le trust est titulaire de la créance ou n'est qu'un simple mandataire ad litem. Il convient de retenir la loi new-yorkaise, loi de la source de la créance. En revanche la loi française détermine les modalités de déclaration de la créance. 84 Il rétroagit à la date de la décision étrangère ouvrant la faillite (Cass. 22 février 2000, Bull. civ. I, n° 51). Cette rétroactivité a été affirmée notamment dans l’affaire KLEBER (Cass. Civ. 1ère, 25 février 1986, Rev. crit. DIP, 1987, p. 589). 82 83

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2°)- Les effets des jugements étrangers à défaut d’exequatur Sans exequatur, le jugement étranger n’a pas l’autorité de la chose jugée et ne jouit pas de la force exécutoire. - A défaut d’exequatur, une décision de faillite (par exemple de mise en liquidation) prononcée à l’étranger ne peut suspendre les poursuites individuelles85. Ainsi, comme le débiteur n’est pas dessaisi de ses biens, ses créanciers conservent leur droit de poursuite sur ses biens et les juridictions du for peuvent ouvrir une procédure en dans l’Etat du for. - Quant au défaut de force exécutoire, il interdit que le syndic nommé dans la faillite étrangère puisse procéder à des actes d’exécution sur les biens du débiteur situés sur le territoire du for. Toutefois, le jugement étranger étant un fait juridictionnel, il constitue la preuve du mandat du syndic étranger ; ce dernier peut alors ester en justice dans l’Etat du for, il peut déclarer dans une procédure dans l’Etat du for les créances des personnes qu’il représente et il peut faire des actes conservatoires dans l’Etat du for. Section II : Les groupes de sociétés Un groupe de société est une entité économique et juridique formée par un ensemble de sociétés qui sont, soit des sociétés contrôlées par une même entité, soit cette société contrôlante86. C’est un ensemble d’entreprises, présentant des personnalités morales distinctes87, mais entretenant des liens directs et indirects principalement financiers (participations ou contrôle) mais aussi fréquemment organisationnels (dirigeants, stratégies, etc.), économiques (mise en commun de ressources) ou commerciaux (ventes et achats de biens ou de services). Le groupe juridiquement le plus classique est constitué d’une société-mère dite holding ou société faîtière détenant des sociétés (ses filiales), qui elles-mêmes en détiennent d’autres, etc. Les groupes peuvent être composés d’entreprises de statuts juridiques différents, selon les pays par exemple. Le groupe de sociétés peut être défini autrement comme un ensemble de sociétés ayant chacune une personnalité juridique propre et distincte ensemble qui n’a pas la personnalité juridique, même si en fait il existe une unité de décision, de gestion ou de contrôle. A l’analyse, pour qu’il y ait groupe de sociétés, il faut qu’il y ait un contrôle exercé par une société mère. L’origine ou cause du contrôle sera donc recherchée dans un premier temps. Ensuite, le traitement juridique sera étudié dans un second temps. Cass. 1ère, 28 mars 2012, Clunet p. 959. Contrôler une société, c’est avoir le pouvoir de nommer la majorité des dirigeants. Un groupe de société est donc « chapeauté » par une société qualifiée de « tête de groupe », qui est, elle, une société non contrôlée directement ou indirectement par une autre et ayant donc au moins une filiale. Un tel groupe peut être : - public (exemple des ex-kombinats, de France Telecom à sa création), donc propriété d’un État (ou d’une autre collectivité publique) sous la tutelle d’un ministère ; - ou coopératif (ex. : Mondragón Cooperative Corporation au Pays basque), la société pilote étant alors une Union centrale de coopératives dont le capital est détenu par des coopératives de base ; - ou capitaliste (ex. : Mittal-Arcelor). Dans ce cas, l’entreprise pilote est généralement une société par actions jouant le rôle de holding financier (système société-mère et filiales) ; - il existe enfin des groupes mixtes où le capital se partage entre des actionnaires privés et une collectivité publique (ex. : Volkswagen, France Telecom depuis 2004), ou entre des actionnaires privés et des coopératives régionales (ex. : Crédit ou coopérative agricole)… 87 L’existence de personnalités morales distinctes permet de caractériser la notion de groupe et la différencie par exemple des relations qui existent entre une entreprise et ses établissements ou succursales. 85 86

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Paragraphe I : Les causes du contrôle exercé par une société mère Les causes du contrôle exercé par une société mère sont doubles : elles relèvent soit du droit des sociétés ou de certaines restructurations internationales, soit du droit des contrats. A- Les causes relevant du droit des sociétés ou de certaines restructurations internationales Les restructurations internationales comme en droit interne peuvent s’effectuer selon trois modes : la fusion, l’apport partiel d’actif et la prise de participation ou de contrôle. - La fusion ne réalise pas une extension du groupe puisqu’elle provoque la disparition de la société absorbée. Le contrôle ou la domination exercée par une société mère sur ses filiales résulte le plus souvent de la détention significative d’une part ou de la totalité du capital de la filiale. - L’apport partiel d’actif est la transmission par une société à une autre d’un ensemble d’éléments de son patrimoine (tant actifs que passifs) ; il s’agit donc de l’apport d’une branche d’activité autonome : Il est un apport en nature. À la différence de la fusion, l’apport d’une branche d’activité autonome n’affecte pas le statut des sociétés en cause. La société apporteuse demeure ; seul un élément de son patrimoine est modifié. Plusieurs lois entrent alors en concurrence : La loi d’autonomie s’applique, la lex rei sitae pour ce qui est du transfert de propriété, la lex societatis pour le principe et la décision d’apport partiel. - La prise de participation ou de contrôle : Elle réside dans l’achat d’actions de la société désirée et peut amener à la prise de contrôle de celle-ci. La prise de contrôle procède d’un contrat ; la loi d’autonomie est donc le principe. Mais, en cas de silence des parties, on applique la loi du siège de la société qui cède ses actions. Cette lex societatis a d’ailleurs compétence pour régir des conséquences (acquisition de la qualité d’associé, opposabilité de la qualité d’associé, etc...) de la cession à l’égard de la société. B- Les causes relevant du droit des contrats impliquant une domination d’une des parties Cette domination « contractuelle » est parfois rejetée car plusieurs objections sont formulées estimant que le contrôle serait temporaire, que l’inégalité contractuelle est un fait courant et qu’il serait impossible de distinguer entre les contrats de coopération et ceux d’intégration. Toutefois ce contrôle contractuel doit être retenu. Il convient de citer à ce titre les accords de transfert de technologie et les accords d’intégration. - Les contrats de transfert de technologie88 : Le contrat de transfert de technologie Dans l’industrie, un transfert de technologie consiste à vendre, par contrat, à un acquéreur, les droits d’utilisation d’une technique, d’un procédé, d’un produit (bien marchand) dont on est propriétaire, ainsi que le savoir-faire nécessaire à sa production industrielle. Dans le cadre du commerce international, il fait partie du commerce de compensation. Le propriétaire de la technologie reste donc propriétaire, et l’acquéreur est contractuellement limité à un marché (limites géographiques, type de clientèle, volumes, par exemple) et soumis à des contraintes de diffusion (l’acquéreur ne peut pas lui-même transférer la 88

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donne la plupart du temps au fournisseur le contrôle de l’entreprise bénéficiaire. Le transfert comporte des degrés et de nombreuses variantes : les accords de licence, les accords d’assistance technique, les contrats clés en main, le marché en main et le produit en main. - Les accords d’intégration : ils sont multiples et sont notamment la sous-traitance, la fourniture, la concession et la représentation commerciale. Paragraphe II : Le traitement juridique des groupes de sociétés En principe sur le plan juridique le concept de « groupe » n’est pas pris en compte ; mais il y a des exceptions de plus en plus nombreuses89. A- Le principe : l’absence de prise en compte du groupe En principe le concept de groupe n’est pas pris en compte qu’il s’agisse de la nationalité, de la loi applicable au groupe90. - En effet, au sujet de la nationalité des sociétés faisant partie d’un groupe, elle s’apprécie à l’égard de chacune des composantes du groupe. On fait donc abstraction de la réalité du groupe91. Toutefois, il faut le relever, si on retient le critère du contrôle, l’appartenance à un groupe est susceptible d’avoir une influence92. - En ce qui concerne la loi applicable aux sociétés faisant partie d’un groupe de sociétés, l’on ne voit pas comment le groupe pourrait relever d’une loi unique compte tenu de la dispersion des sociétés qui le composent sur plusieurs pays et dans la mesure où ces sociétés sont elles-mêmes de nationalités différentes. Il faut donc rechercher la loi d’un Etat qui s’appliquerait au groupe : - on pourrait penser à la loi de la société dominante ; mais cela présente certains inconvénients dont celui de sacrifier parfois les intérêts des associés ou ceux des créanciers des sociétés dominées ; – on pourrait aussi songer à l’application à chaque société du groupe de sa loi. Et parce que la fragmentation juridique du groupe impose aux Etats dont les lois sont en cause ou dont les tribunaux sont saisis de faire abstraction de l’unité du groupe en de nombreuses circonstances. Ainsi, chacune des sociétés du groupe est régie, pour son fonctionnement interne, par sa propre loi de constitution. Dans les relations avec la société dominante, il faudrait appliquer la loi de chaque filiale93.

technologie). L’acquéreur de la technologie est donc le plus souvent soumis à des contraintes de concurrence. Les produits concernés sont rarement des biens publics purs (voir l’article bien public, et les définitions de non-exclusion et non-rivalité). On ne doit pas confondre un transfert de technologie avec une cession de licence (formule en usage, même si la terminologie et le droit varient suivant les nations). Le transfert de technologie comporte un volet important : la communication d’un savoir-faire adapté au contexte de l’acquéreur. 89 Voir H. SYNVET, Organisation juridique du groupe international des sociétés, conflits de lois en matière de sociétés et défaut d’autonomie économique de la personne morale, Thèse Rennes, 1979 ; Ch. HANNOUN, Le droit et le groupe des sociétés, Bibl. Dr. Privé, T. 216, LGDJ, 1991. 90 Ce groupe « inter » « trans » ou multinational des sociétés est en principe assujetti à des lois disparates ; il y a une approche juridique plurale. Plusieurs questions soulèvent des difficultés : la nationalité, les conflits de lois, les conflits de juridiction. 91 Voir not. Civ. 8 février 1972, JDI, 1973, 218 ; civ. 10 mars 1973, Rev. crit. DIP, 1976, p. 658 ; 18 avril 1972, Rev. crit. DIP, 1972, 672, aussi, Cass. com. 2 avril 1996, Bull. Joly, 1996, p. 510. 92 Le critère du centre de décision a été proposé par GOLDMAN (Cours de commerce international, 1970-71, p. 104). 93 En savoir plus : il y a une nuance...

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B- Les exceptions : la prise en compte du groupe À titre exceptionnel, le concept de « groupe » est pris en compte au détriment de l’autonomie des personnes morales qui composent le groupe. Cette prise en compte du groupe consiste en la prise en compte de la réalité du groupe mais également en la réglementation internationale ou nationale des activités des entreprises multinationales. - La prise en compte de la réalité du groupe : Cette réalité est prise en compte par le droit fiscal et le droit du travail international qui ont façonné une notion à contenu variable et à fonction variable : ainsi, la fiscalité peut tenir compte de l’appartenance des personnes morales ; ainsi, en matière de droit international du travail, il est tenu compte de la mobilité des salariés au sein d’un groupe, la qualité d’employeur pouvant être appliquée à plusieurs sociétés du groupe en fonction des circonstances, de même c’est au sein du groupe international des sociétés que s’effectuera l’obligation de reclassement des salariés. Le droit de la concurrence tient compte aussi de cette réalité94, de même que la jurisprudence arbitrale dans le domaine des clauses compromissoires95. De plus en plus souvent également, en matière de compétence judiciaire internationale on prend en compte la réalité du groupe en faisant abstraction de la personnalité morale. Cette attitude s’explique, soit dans un but protecteur des filiales nationales, soit dans l’intérêt du libre jeu de la concurrence, soit pour étendre la clause compromissoire à des filiales non signataires, soit pour protéger les salariés des filiales étrangères. L’utilisation de la notion de groupe de sociétés est donc admise comme un usage du commerce international. La preuve de l’existence du groupe incombe à la partie qui s’en prévaut. L’existence d’un groupe de sociétés créé non pas une présomption mais un indice permettant d’envisager plus facilement l’extension notamment de la clause compromissoire96.Les jurisprudences arbitrale et étatique ont donc accordé une attention à la notion de groupe de sociétés mais s’appuient surtout sur un faisceau En matière de droit de la concurrence, il est tenu compte de la réalité du groupe à travers la prise en compte du lien entre une filiale et sa société mère pour imputer à la seconde les actes déloyaux ou anticoncurrentiels commis par la première sur le marché commun. 95 La célèbre sentence n°4131 DOW CHEMICAL rendue en 1982 (CCI, Rev. arb. 1984, p. 137 ; JDI 1983, p. 889) illustre particulièrement le problème. Les faits étaient simples : il s’agissait de la commercialisation en France des produits d’un groupe étranger. En vertu de 2 contrats, un groupe multinational avait confié à un autre groupe la distribution et la vente de ses produits en France. Le litige concernait l’exécution de ces contrats de distribution en France. Les contrats contenant une clause compromissoire CCI avaient été signés par plusieurs sociétés françaises, par une filiale et une sous-filiale suisse mais non par la filiale française ISOVER Saint-Gobain qui contesta la compétence du tribunal arbitral. Mais le tribunal arbitral décida que la clause compromissoire pouvait être étendue à la filiale ISOVER SAINT-GOBAIN qui avait participé de façon active à la négociation, l’exécution et la résiliation des contrats : « Considérant qu’un groupe de sociétés possède, en dépit de la personnalité juridique distincte appartenant à chacune de celles-ci, une réalité économique unique dont le tribunal arbitral doit tenir compte lorsqu’il statue sur sa propre compétence (...) ; Considérant, en particulier, que la clause compromissoire expressément acceptée par certaines des sociétés du groupe doit lier les autres sociétés qui par le rôle qu’elles ont joué dans la conclusion, l’exécution ou la résiliation des contrats contenant lesdites clauses, apparaissent selon la commune volonté de toutes les parties à la procédure comme ayant été de véritables parties à ces contrats, ou comme étant concernées au premier chef, par ceux-ci et par les litiges qui en peuvent découler (...) ». La Cour d’appel de Paris, à maintes reprises, a repris les mêmes arguments pour étendre la clause compromissoire à des nonsignataires de la clause en prenant compte surtout la volonté des parties et le droit des contrats : « Selon les usages du commerce international, la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d’en étendre l’application aux parties directement impliquées dans l’exécution du contrat et dans les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu’il est établi que leur situation contractuelle, leurs activités et les relations commerciales habituelles existant entre les parties font présumer qu’elles ont accepté la clause d’arbitrage, dont elles connaissaient l’existence et la portée, bien qu’elles n’aient pas été signataires du contrat qui la stipulait ». La Cour de Cassation (CA Paris 30 novembre 1988 et 14 février 1989, Rev. arb. 1989, p. 691 ; 28 novembre 1989, Rev. arb. 1990, p. 675, 11 janvier 1990, Rev. arb. 1992, 95 et Cass. civ. 1ère, 11 juin 1991, Rev. arb. 1992, 73 ; 25 juin 1991, Rev. arb. 1991, p. 453 note P. MAYER) n’a pas censuré ces arrêts lorsqu’ils lui ont été déférés. 96 I. FADJALLAH, « Clause d’arbitrage et groupe de société », Trav. Com. fr.. DIP, 1985, p. 118 ; D. COHEN, « Arbitrage et groupe de contrats », Rev. arb. 1997, p. 471. 94

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d’indices tels que le contrôle d’une société sur une autre, la représentation, l’apparence, la participation aux négociations ou à l’exécution du contrat pour savoir qui est lié par la clause compromissoire, notamment. - La réglementation internationale ou nationale des activités des entreprises multinationales : Les Codes internationaux de bonne conduite réglementent les activités des multinationales. En effet, les pays d’accueil ont souvent promulgué des Codes d’investissements et réglementé les transferts de technologie pour éviter l’assujettissement des pays récepteurs. En outre, il faut souligner que le 20 juin 1976, l’OCDE édictait des principes directeurs pour ces sociétés. De même le BIT, le 16 novembre 1977, a fait une Déclaration sur les principes concernant les multinationales et la politique sociale. D’autres codes ont été élaborés par la CNUCED, l’ONUDI etc. Ces Codes insistent sur la nécessité pour ces firmes multinationales de respecter la souveraineté des Etats dans lesquels elles sont implantées. Section III : L’entreprise commune ou la stratégie de la coopération entre les sociétés : Les joint-ventures Trois questions seront envisagées successivement : la notion et la loi applicable. A- La notion de joint-venture : D’origine américaine, la joint-venture (ou encore "opération conjointe" ou "coentreprise") est une des méthodes d’exportation concertée. Elle se rapportent, soit à une création en commun, par deux partenaires de nationalité différente, d’une société industrielle ou commerciale, soit à la prise de participation significative dans le capital d’une société étrangère implantée sur le marché d’exportation visé, par une entreprise exportatrice nationale. En d’autres termes, il s’agit d’une entreprise commune créée par deux entreprises ou plus et détenue à part égale par ces dernières : Deux entreprises créer une entité commune dans le but de créer des synergies entre elles, partager les compétences et les technologies, ou diversifier leur activité. En créant une jointventure, les parties s’accordent sur le partage des bénéfices, des dépenses et le contrôle, souvent à 50/50, de la co-entreprise. Une joint-venture peut être crée pour un projet spécifique, ou pour faire l’objet d’un partenariat sur le long terme. Les joint-ventures sont une solution appréciée dans les secteurs du gaz et du pétrole dans lesquels les partenariats locaux-étrangers sont privilégiés. Certains pays comme la Chine ou l’Inde incitent d’ailleurs les entreprises qui souhaitent entrer sur le marché local à former des joint-ventures avec des entreprises locales97. Les avantages de la joint-venture sont, entre autres, le gain de temps et d’expérience, le partage de l’investissement, la naturalisation de l’entreprise et l’acceptation plus facile par les autorités locales. Quant à ses inconvénients, ils sont notamment que le La joint-venture est un passage obligé dans des pays très fermés qui l’imposent légalement et qui interdisent la création de sociétés détenues à 100% par des étrangers. C’est le cas, par exemple, de la Chine, des Emirats Arabes Unis, de l’Inde, qui limitent la participation étrangère dans les opérations locales à certains pourcentages. La création d’une filiale commune avec des entreprises locales est également souhaitable pour pénétrer durablement et efficacement certains marchés caractérisés par des législations, des contraintes administratives, des différences culturelles ou commerciales, des réseaux de distribution, ... qui les rendent trop complexes (Brésil, Japon, ...). 97

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risque de conflits d’intérêt (partage de l’autorité)98 et les difficultés dans le montage juridique, l’accord entre entreprises pouvant prévoir la création d’une entité commune dotée ou non de la personnalité morale qui peut alors être incluse ou non dans le droit des sociétés99. B- Le problème de la loi applicable aux joint-ventures : Le caractère hybride que revêt la plupart du temps l’entreprise commune conduit à émettre des opinions nuancées quant aux règles de conflits de lois applicables. Sous l’angle sociétaire, la joint-venture, créée dans un Etat, même par deux sociétés étrangères relevant de la loi de cet Etat en tant que lieu du siège social (de même que la nationalité). Sous l’angle contractuel, le protocole de création de la joint-venture est soumis à la loi d’autonomie. Cet état des choses pose alors problème : En effet, la loi choisie par les parties peut être différente de la lex societatis. Lorsque le protocole traite de l’organisation et du fonctionnement de la filiale commune, il peut y avoir des discordances entre la loi d’autonomie et la lex societatis. Par exemple, pour la même joint-venture, le protocole de création de la joint-venture peut être soumis à la loi américaine alors que l’entreprise commune est soumise à la loi ivoirienne, loi du siège social. Très souvent, ce conflit sera tranché par un arbitre car les protocoles contiennent presque toujours une clause compromissoire. Il semble que les arbitres ne favoriseront pas une fraude éventuelle par laquelle les parties essaieraient d’échapper à des dispositions contraignantes de la lex societatis100.

« Le problème dans la gestion d’une joint-venture provient d’une seule cause : il y a plus qu’un parent. Les propriétaires, contrairement aux actionnaires d’un grand groupe détenu par le public, sont visibles et puissants. Ils peuvent – et vont – être en désaccord sur à peu près tout ». 99 En savoir plus : Origine de l’opération.... 100 Voir Y. LOUSSOUARN, Règles de conflit et règles matérielles dans le droit international des sociétés, Mélanges GOLDMAN, Litec ; 1988, p. 177. 98

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Chapitre II : Les opérateurs publics du commerce international L’Etat est un opérateur public investi d’une fonction normative importante : il pose des règles de conflits de lois, des lois de police et des règles matérielles ayant pour objet la réglementation directe de relations économiques internationales. Les Etats établissent aussi de manière unilatérale les règles de compétence judiciaire internationale et les normes applicables aux décisions judiciaires étrangères et aux sentences arbitrales internationales ou étrangères. Mais l’Etat est aussi un opérateur économique, agissant ainsi comme de simples particuliers, traitant avec des sociétés étrangères, concluant des contrats d’Etats, etc... A ce titre, il se présente comme le principal acteur économique public. A côté de l’Etat, il faut également envisager les organismes publics, les organisations internationales et les sociétés internationales ayant également à l’instar de l’Etat une activité économique importante qui n’a cessé de croître depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Section I : L’Etat commerçant international Lorsqu’on appréhende l’Etat comme un commerçant international, trois questions principales doivent être examinées : Les contrats d’Etats, la faculté pour l’Etat de compromettre et les immunités de juridiction et d’exécution de l’Etat et des organismes publics étrangers. Paragraphe I : Les contrats d’Etats Un contrat d’Etats est une convention conclue entre un Etat et une personne privée étrangère. Ces contrats sont un peu différents des contrats de droit commun car une des parties a des prérogatives de puissance publique, mais ce type particulier de contrat ne doit pas être assimilé à un contrat administratif. Ces contrats sont variés et posent notamment la question de l’ordre juridique de référence, c’est-à-dire de la loi applicable101. A- La variété des contrats d’Etats : Ils sont variés et interviennent fréquemment au soutien d’une opération d’investissement ou de réalisation d’infrastructures importantes : - Il y a notamment le contrat de service en vertu duquel la propriété et le contrôle des ressources demeurent entièrement entre les mains de l’Etat alors que les services requis (technologie, capital, gestion) sont fournis, en tout ou en partie par le contractant privé. - À côté de ce contrat de service, existe le contrat de gestion. Dans ce type de contrat, le pays d’accueil engage un contractant étranger pour gérer l’entreprise d’exploitation. L’opérateur privé peut être l’ancien propriétaire de l’entreprise lorsque celle-ci a été S’agissant de la compétence juridictionnelle, il faut souligner que les contrats d’Etats peuvent comporter des clauses d’arbitrage notamment les clauses d’arbitrage CIRDI dans le domaine des investissements. 101

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nationalisée ou il peut être l’associé dans la joint-venture. - Le contrat de partage de production est, comme l’indique la terminologie, un contrat par lequel l’Etat et l’opérateur étranger se partagent le produit de l’opération dans des proportions préétablies. Remarque : Ces trois types de contrats ont un élément commun : l’Etat d’accueil a un titre juridique sur les ressources et sur le droit de les exploiter. La société étrangère assume la responsabilité des dépenses d’exploitation et reçoit en contrepartie sa rémunération sous forme d’honoraires ou d’une part de la production. - D’autres contrats sont également très fréquents comme le contrat de construction, le contrat relatif à la réalisation d’un ensemble industriel, les contrats de coopération industrielle, le contrat de fourniture à long terme ou le contrat d’investissement, etc.. B- Le droit applicable choisi par les parties : Le droit applicable choisi est en général neutre pour éviter le déséquilibre contractuel. Ainsi, les parties au contrat d’Etats ont la possibilité de soumettre leur convention à la compétence de la loi qu’elles ont choisie. Il peut s’agir, soit du droit interne d’un ou de plusieurs Etats (le contrat d’Etat peut donc être soumis à la loi de l’Etat partie ou à une loi étrangère, loi autre que celle de l’Etat partie à la convention), soit d’un système juridique sui generis, soit du droit international public, soit d’une combinaison de ces divers systèmes. Paragraphe II : la faculté pour l’Etat de compromettre : les clauses d’intangibilité et les clauses de stabilisation Les contrats d’Etats posent la question de la faculté pour l’Etat de compromettre car généralement l’Etat a un pouvoir normatif qui peut le pousser à modifier les termes initiaux (de départ) du contrat. Il peut ainsi dénoncer le contrat ou refuser de l’exécuter. Pour neutraliser une telle attitude de l’Etat, deux clauses spécifiques tout à fait propres aux contrats d’Etats vont être insérées dans les contrats d’Etats : il s’agit des clauses d’intangibilité et des clauses de stabilisation. Par la clause d’intangibilité, l’Etat s’engage à ne pas modifier unilatéralement le contrat en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique. Il s’agit d’une protection contre l’aléa administratif. Avec la clause de stabilisation, l’Etat s’engage à ne pas modifier le contrat par une nouvelle législation : il s’agit d’une protection contre l’aléa législatif. La portée juridique de ces clauses a été particulièrement discutée lorsqu’il y a des nationalisations. La question est de savoir si le droit de nationaliser constitue une norme impérative de portée générale et contraignante transcendant les règles générales du droit international mais aussi de toute autre règle contractuelle. Deux thèses s’opposent : Selon une opinion, l’idée de la souveraineté de l’Etat donne à ce dernier le droit de modifier le contrat de manière unilatérale. Selon une autre opinion, l’idée renforcée du contrat impose à l’Etat de respecter les clauses auxquelles

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il a souscrit volontairement102. Paragraphe III : Les immunités d’Etat et des organismes publics étrangers La question des immunités d’Etat et des organismes publics étrangers se dédouble : il y a, d’une part, les immunités de juridiction et, d’autre part, les immunités d’exécution. A ces questions, il faudra également ajouter deux autres : celle des émanations et de la renonciation aux immunités. Enfin, la Convention des Nations Unies du 17 janvier 2005 sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens peut être évoquée de façon spéciale. A- L’immunité de juridiction des Etats L’exposé de la définition et les conditions de cette immunité précédera celui de ses effets 1°) La définition et les conditions : Elle permet de soustraire les Etats et « leurs émanations » à la compétence des tribunaux d’un Etat étranger. Elle n’a pas de caractère absolu et elle est limitée depuis un arrêt du 19 février 1929103 : en d’autres termes, lorsqu’un Etat agit comme une personne privée, comme un opérateur économique privé, son immunité est paralysée. Encore faut-il préciser la portée de cette limite : pour se faire, la jurisprudence distingue selon la nature des actes entre actes d’autorité et actes de gestion : seuls les actes d’autorité sont couverts par l’immunité. En d’autres termes, elle ne joue que lorsque l’acte qui donne lieu au litige constitue un acte de puissance publique ou acte d’autorité (par exemple une réquisition, une expropriation, une nationalisation ou a été accompli dans l’intérêt du service public104). Toutefois, l’utilisation d’un contrat de droit privé n’exclut pas le bénéfice de l’immunité de juridiction105. Mais la jurisprudence est parfois fluctuante à ce sujet : Certains arrêts ont exclu de l’immunité de juridiction des activités de nature commerciale, par exemple, par l’aval donné par une banque pour le compte d’un Etat étranger106. Plusieurs auteurs ont présenté des solutions. En savoir plus : Solutions doctrinales… Chambres des requêtes, 19 fév. 1929, D. P. 1929, I, p. 73 : il a été refusé le bénéfice de l’immunité de juridiction à la représentation commerciales des sociétés… L’immunité de juridiction des Etats étrangers qui était absolue au départ, est devenue désormais relative. La CEDH, le 29 juin 2011, rappelle aussi dans l’affaire SABETH EL LEIL c/France que la règle de l’immunité de juridiction de l’Etat ne s’applique pas de manière absolue et doit être conciliée avec le droit d’accès à un tribunal (Clunet 2012, n°3). 104 Voir affaire Société Levant Express Transport, 25 février 1969. 105 V. notamment Cass. 1ère civ., 2 mai 1990, Rev. crit. DIP 1991, p. 140, note P. BOUREL : Dans cette affaire, la Cour de Cassation décide que même si le transport ferroviaire était qualifié par la loi iranienne d’acte de commerce, la société iranienne de gaz accomplissait pour le compte de l’Etat iranien une mission de service public. Tout dépend donc du but poursuivi. 106 Voir Cass. 1ère civ., 18 novembre 1986, Rev. crit. DIP 1987, p. 773, note MUIR WATT. Un arrêt de la chambre mixte du 20 juin 2003 (l’arrêt SOLIMAN) introduit une nouvelle problématique à savoir les actes relevant du service public et ceux qui en sont exclus. Un litige amorce cette controverse (Rev. crit. DIP 2003, p. 647, note H. MUIR WATT). Il s’agissait d’un litige opposant une ex-enseignante d’arabe salariée à une école saoudienne, émanation du Royaume d’Arabie Saoudite. L’ancienne employée avait assigné l’école devant le conseil des prud’hommes pour obtenir son affiliation aux organismes sociaux français ainsi que la réparation du préjudice subi en l’absence d’affiliation. L’école se prévalait de l’immunité 102 103

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Par exemple, dans un arrêt du 27 avril 2004, la Cour de Cassation française rappelle que les Etats étrangers et les organismes ou personnes agissant par leur ordre ou pour leur compte bénéficient de l’immunité de juridiction non seulement pour les actes de puissance publique mais aussi pour ceux accomplis dans l’intérêt d’un service public107. Un autre arrêt du 2 juin 2004 soulève la question des droits de l’Homme face aux immunités de l’Etat : L’arrêt décide que la contrainte exercée sur un déporté par les autorités du IIIème Reich dans un contexte d’économie de guerre après son arrestation relevait du déploiement de la puissance publique et justifiait l’immunité de juridiction. Cet arrêt critiqué par la doctrine reste aussi classique sur le terrain du moment auquel il faut se placer pour apprécier la qualité du défendeur bénéficiaire de l’immunité : il faut se placer au moment de l’assignation en justice108. Le travail forcé en Allemagne n’a pu être considéré comme une relation de droit privé. Par un autre arrêt du 8 juin 2005 appelé « Les emprunts russes »109 devenu définitif au mois d’avril 2006, la Cour d’appel de Paris a mis un terme aux procédures engagées devant les tribunaux français par les porteurs d’emprunts russes contre la Fédération de Russie. Après un accord conclu le 27 mai 1997, la Russie a versé une somme de 400 millions de dollars ; mais les porteurs ont poursuivi la procédure n’étant pas satisfaits par ces sommes jugées insuffisantes. Le T.G.I. et la Cour d’appel de Paris ont rejeté les demandes, la Russie bénéficiant de l’immunité de juridiction : Un Etat bénéficie de l’immunité de Juridiction lorsqu’il agit comme souverain, c’est-à-dire soit en agissant dans l’intérêt d’un service public, soit en accomplissant un acte de puissance publique. Au contraire si l’acte de l’Etat est un simple acte de gestion (conclusion d’un contrat commercial par ex.) l’Etat redevient un justiciable110. Ainsi qu’on le voit, l’évolution de la jurisprudence confirme donc une restriction de

de juridiction. La cour d’appel lui donne satisfaction, se référant à la nature de l’activité et aux clauses exorbitantes du contrat de travail et elle considère donc qu’il y avait participation au service public de l’enseignement saoudien. La Cour de cassation casse l’arrêt, car elle qualifie l’affiliation de gestion administrative. Selon le rapport de la Cour de Cassation 2003, cet arrêt du 20 juin 2003 marquait la volonté de la Cour de ne pas privilégier un critère formaliste ou finaliste mais de recentrer les immunités sur leur fondement, le respect de la souveraineté de l’Etat étranger dans les relations internationales. Toutefois des arrêts postérieurs adoptent à nouveau les paramètres classiques. 107 Les faits étaient simples : un parachutiste français lors d’un stage d’entraînement à la compétition organisée par l’armée américaine a subi un préjudice corporel dont il demandait réparation. La Cour estime que l’activité litigieuse était accomplie dans l’exécution d’une mission de service public de l’Etat étranger, l’association d’une équipe civile à l’entraînement ne lui faisait pas perdre son caractère militaire. 108 Voir Rev. crit. DIP 2005, p. 79, note H. MUIR WATT. 109 Voir Jurisdata, n° 2005-280447. Voir aussi V. R. THOMINETTE, « Immunité de juridiction et irrecevabilité des demandes liées aux emprunts russes », D. 2006, p. 2476. 110 La Cour d’appel a considéré que les deux critères permettant l’immunité de juridiction étaient remplis. Les emprunts étaient destinés à la construction de chemins de fer, donc dans l’intérêt du service public. D’autre part l’Etat accordant des exemptions fiscales, la cour d’appel a considéré que seul un Etat souverain pouvait le faire. Outre ces considérations juridiques la Cour a rappelé que lorsque les emprunts russes ont été souscrits aucun des porteurs n’aurait pu espérer en cas de difficulté de poursuivre le gouvernement tsariste puisque, à l’époque, l’immunité de juridiction était absolue (la distinction entre les actes de puissance publique et les actes dits de « gestion » n’ayant été introduite que plusieurs années après la Révolution russe, par un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 1929). Dans un arrêt du 31 mars 2009 (JCP 2009, II, 10097) la chambre sociale de la cour de cassation reprend cette distinction entre acte d’autorité et acte de gestion : Le consulat des USA en Martinique avait engagé en 1963 une personne de nationalité française en qualité de réceptionniste dactylographe. Suite à la décision prise par les USA de fermer le consulat pour des raisons budgétaires la salariée a été licenciée en 1993. La salariée saisit le Conseil de Prudhommes afin d’obtenir une indemnité de licenciement. Les USA se prévalaient de l’immunité de juridiction. La Cour d’appel accueille cet argument rejeté par les premiers juges. L’arrêt est cassé. La Cour de cassation rappelle la distinction entre les actes d’autorité et de gestion : Elle distingue ainsi la décision de fermeture (acte de souveraineté) de la décision de licenciement (acte de gestion). A cet égard, le juge français garde le pouvoir de vérifier la réalité de la fermeture et de statuer sur les conséquences du licenciement d’un salarié motivé par cette décision dès lors que celui-ci n’occupe pas des fonctions lui conférant une responsabilité particulière dans l’exercice du service consulaire.

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l’immunité de juridiction alors qu’un arrêt de la chambre criminelle111 avait accru le domaine. Mais à l’heure actuelle la position restrictive semble l’emporter112. Un arrêt de la 1ère chambre civile de la cour de cassation française du 9 mars 2011113 mérite d’être signalé car il fait le point sur les immunités de juridiction : Dans l’affaire la Réunion aérienne c/ Jamahiriya arabe lybienne populaire et socialiste, il affirme : « les Etats étrangers et les organismes publics étrangers qui en constituent l’émanation ne bénéficient de l’immunité de juridiction relative qu’autant que l’acte qui donne lieu au litige oui qui leur est imputé à faute participe par sa nature et sa finalité à l’exercice de la souveraineté de ces Etats et n’est donc pas un acte de gestion ». Ainsi, en l’espèce, seule la commission des actes de terrorisme est susceptible de restreindre l’immunité ; la responsabilité morale de la Lybie ne suffit pas à restreindre l’immunité. 2°)- Les effets de l’immunité de juridiction des Etats L’immunité de juridiction entraîne une fin de non-recevoir et non une exception de procédure. Le juge devrait être obligé de la soulever d’office114, ce qu’il ne fait pas toujours aujourd’hui. Bien plus, la Cour de cassation (1ère chambre civile) a notamment dans un arrêt du 12 octobre 1999115 affirmé « qu’en dehors d’un Traité international une Cour d’appel n’avait pas à invoquer d’office une immunité de juridiction. En effet cette immunité étant relative doit être invoquée par l’Etat étranger qui s’y prétend fondé ». Cet argument paraît justifié. B- L’immunité d’exécution des Etats : Après avoir défini le concept, il conviendra d’étudier l’évolution de la jurisprudence relative à l’immunité d’exécution dont bénéficient les Etats et leurs émanations. On examinera aussi l’hypothèse des organismes publics distincts. 1°)- La définition de l’immunité d’exécution : Elle met son bénéficiaire à l’abri de toute mesure d’exécution sur ses biens qu’il possède surtout à l’étranger. 2°)- L’évolution de la jurisprudence concernant l’immunité d’exécution de l’Etat : La jurisprudence dont il est question est celle française, de laquelle certains enseignements pourraient être tirés en termes de généralité. A ce sujet, il faut dire qu’à l’origine, la jurisprudence était assez catégorique : l’immunité d’exécution était absolue. Dans un second temps, elle a voulu restreindre cette immunité d’exécution à certains biens, c’est-à-dire à ceux qui sont affectés à une activité de souveraineté ou de service public (le critère dégagé est donc la nature des biens ou des fonds menacés de poursuites et la nature de l’activité de l’Etat étranger. Crim. 23 novembre 2004, Bull. crim, n° 292 : En effet, cet arrêt avait admis l’immunité de l’organisme public maltais qui avait délivré le certificat de navigabilité du navire Erika, auteur de la pollution des côtes françaises en 1999. 112 V. aussi Civ 1ère, 19 novembre 2008, JCP 2009, II, 10002 décidant d’exclure du domaine de l’immunité de juridiction le contentieux relatif à la matière réelle immobilière. 113 Voir Rev. crit. DIP, 2011, n°2, p. 385. 114 Du moins dans des pays comme la France dans laquelle le régime des FNR a été unifié ; dans des pays comme la Côte d’Ivoire, il s’agirait certainement d’une FNR de procédure d’ordre public. 115Voir JDI, 2000, 1036, note M. COSNARD. 111

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Ainsi, si le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé, l’immunité ne peut plus être invoquée)116. Une troisième étape est franchie avec l’affaire SONATRACH et l’arrêt de la Cour de cassation du 1er octobre 1985117 : Cet arrêt traite de la saisissabilité des biens des organismes publics, distincts de l’Etat étranger et du régime juridique de cette saisissabilité. Toutefois il concerne aussi les immunités d’exécution de l’Etat118. La quatrième étape enfin résulte de l’arrêt CREIGHTON de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation et datant du 6 juillet 2000119 : Cet arrêt semble élargir les exceptions ; la renonciation à l’immunité d’exécution par l’Etat autorise ses créanciers à saisir les biens affectés à une activité économique ne relevant pas du droit privé et aussi les biens affectés à une activité publique120. 3°)- Les organismes publics étrangers et l’immunité d’exécution : Une question préliminaire doit être tranchée : la question de savoir si l’organisme public étranger est une émanation d’Etat, c’est-à-dire agit au nom et pour le compte de l’Etat. Dans cette hypothèse, l’organisme public est confondu avec l’Etat étranger et bénéficie des immunités de ce dernier. Mais lorsque l’organisme public est distinct de l’Etat, personnalisé ou non, il en va différemment : la saisissabilité est la règle121. L’affaire EURODIF et l’arrêt de la Cour de Cassation du 14 mars 1984 (D. 1984, p. 637) illustre cette étape. Les faits sont assez complexes : l’affaire EURODIF se caractérise par l’existence de 2 conventions juridiquement distinctes et mettant en cause des personnes distinctes (contrat de prêt et contrat de construction). Toutefois les deux Conventions étaient liées par la finalité du prêt consenti par l’Iran à la CEA. Il avait pour but l’aménagement de l’usine de Tricastin, objet de la coopération entre Eurodif et Sofidif et le gouvernement iranien. Suite à l'avènement de la république islamique, l'Etat iranien dénonça de manière unilatérale les conventions. En vue de garantir leur créance de dommages liés à la rupture les deux sociétés Eurodif et Sofidif formèrent une saisie conservatoire sur la créance indiscutable de l’Iran à l’encontre de la CEA. La Cour d’appel de Paris, le 21 avril 1982, n’a pris en considération que le contrat de prêt et a estimé que l’Etat iranien pouvait bénéficier de l’immunité d’exécution car les fonds destinés au prêt étaient purement publics. Le 12 juillet 1982, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande des saisies des deux filiales en considérant qu’il s’agissait d’une Convention diplomatique de prêt liant l’Iran au CEA. Ces objections ont été censurées par la Cour de Cassation. La convention diplomatique ne constitue plus qu’un simple élément. Il faut considérer l’ensemble des contrats dont la finalité est la réalisation d’une opération de nature essentiellement économique. Le 14 mars 1984, la Cour de cassation affirme que l’immunité d’exécution est le principe mais il peut y avoir une exception lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale de l’Etat étranger débiteur. 117 Cass. Civ. 1ère, 1er octobre 1985, J.C.P., 1986, II, 20 566, note SYNVET. 118 En effet dans sa motivation cet arrêt précise que « à la différence des biens de l’Etat étranger qui sont en principe insaisissables, sauf exceptions... » (le terme « exceptions » est au pluriel). 119 Civ. 1ère, 6 juillet 2000, CREIGHTON , J.C.P., éd. E, 2001, p. 223, note KAPLAN. 120 Mais un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 août 2000 limite la portée de la renonciation. Elle découvre une réserve implicite en faveur de l’immunité d’exécution diplomatique de l’Etat étranger. Les comptes bancaires d’une Ambassade ne peuvent être saisis (arrêt NOGA). La Cour de Cassation le 25 janvier 2005 (D. 2005 p. 616) a considéré que l’acquisition de biens immobiliers en France même s’ils sont affectés au logement de son personnel diplomatique constitue une opération de droit privé. L’Etat étranger ne peut se prévaloir de l’immunité d’exécution et ne peut pas s’opposer à une saisie immobilière en raison d’un arriéré de charges de copropriété. Toutefois un arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2011 nuance cette approche en faveur des Etats étrangers : Il a été jugé que « les missions diplomatiques des Etats étrangers bénéficiant selon le droit international coutumier pour le fonctionnement de la représentation de l’Etat accréditaire et les besoins de sa mission de souveraineté d’une immunité d’exécution autonome à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale et cette immunité s’étendant notamment aux fonds déposés sur les comptes bancaires de l’Ambassade ou de la mission diplomatique, il doit être donné mainlevée de la saisie conservatoire dès lors que les fonds de la mission diplomatique faisant l’objet de la saisie bénéficient de cette immunité et qu’aucune renonciation particulière et expresse à celle-ci n’est intervenue. Les fonds affectés aux missions diplomatiques bénéficient d’une présomption d’utilité publique puisque les comptes bancaires d’une Ambassade sont présumés être affectés à l’accomplissement des fonctions de la mission diplomatique de sorte qu’il appartient au créancier qui entend les saisir de rapporter la preuve que ces biens sont utilisés pour une activité privée ou commerciale ». La présomption est donc simple. 121 Cette règle résulte de l’affaire SONATRACH dont il convient de rappeler les faits et la procédure. Un salarié français, ingénieur, Monsieur Migeon avait loué ses services pour une durée de 2 ans à la société nationale algérienne de transfert et de commercialisation des hydrocarbures : La SONATRACH. Avant le terme convenu l'établissement public algérien mit fin au contrat. La résiliation fut jugée fautive et la cour d'appel de Paris le 16 février 1971 condamne la SONATRACH à verser une indemnité de 56 256,15 Fr à son ancien salarié. L'entreprise publique algérienne refusa de payer cette somme pourtant modique. Mr Migeon pratiqua alors une saisie-arrêt (équivalente à la saisie-attribution actuelle) entre les mains de Gaz de France, débiteur de la SONATRACH au titre d'un contrat d'approvisionnement. La SONATRACH revendiqua l'immunité d'exécution. Par arrêt du 10 février 1984, la Cour d'appel de Paris valida cette saisie-arrêt. Un pourvoi est formé. La cour de cassation rejette ce pourvoi le 1er octobre 1985. La 1ère chambre civile développe de manière inhabituelle dans un arrêt de rejet un substantiel motif de droit. Elle consacre une opposition sur le terrain de l'immunité d'exécution entre l'Etat étranger et les organismes publics qui en sont distincts et fixe le régime propre à ces organismes publics, distincts de l'Etat. Ce régime comporte 4 conditions : - L’organisme public saisi doit se trouver à la tête d'un patrimoine. - Il faut que ce patrimoine soit affecté à une activité principale relevant du 116

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LEÇON 5 : Les opérations du commerce international Deux grandes opérations seront analysées : le contrat international et le crédit documentaire en tant que garanties de payement. Chapitre I : LE CONTRAT INTERNATIONAL Cette étude du contrat international se fera autour de la définition de contrat international afin de le différencier du contrat interne (Section I) et de la réponse ou le règlement d’un éventuel conflit de lois en ce domaine (Section II). Section I : la définition de contrat international (la détermination du caractère international d’un contrat) L’une des questions les plus importantes quand on parle du contrat international est celle du caractère international du contrat. A son propos, les solutions vont varier selon que l’on applique les dispositions d’une convention internationale ou les règles de droit commun propres à chaque Etat. Paragraphe I : Le caractère international du contrat selon le droit conventionnel Plusieurs Conventions internationales ayant pour objet la plupart des contrats ou relatives seulement à la vente, ont été adoptées sur la question du caractère international du contrat. Ces Conventions sont d’un apport très limité en droit ivoirien, car seule l’une d’entre elles est actuellement applicable en Côte-d’Ivoire ; il s’agit de la Convention de la Haye du 15 juin 1955 relative à la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels. Malheureusement, cette Convention ne contient aucune indication sur la détermination du caractère international de la vente. Il faut cependant signaler l’existence de la Convention du 22 décembre 1986 relative aux contrats de vente internationale de marchandises dont l’article 1er qualifie de vente commerciale internationale, « les ventes dont les parties ont leurs établissements dans des Etats différents ; les ventes qui donnent lieu à un conflit de lois, pourvu que ce rattachement aux lois d’Etats différents ne soit pas artificiellement créé par les parties » ; quant à la Convention de Vienne du 11 avril 1980 portant loi uniforme en matière de vente internationale de marchandises, il est prévu en son article 1er que la vente est internationale dès lors que l’établissement du vendeur et celui de l’acheteur sont dans des Etats souverains différents. Paragraphe II : Le caractère international du contrat selon le droit commun Pour qu’un contrat soit international, il ne suffit pas qu’un ou plusieurs éléments de ce contrat échappent à la souveraineté d’un seul Etat. Par exemple, la différence de nationalités des parties ou un lieu de conclusion différent du lieu d’exécution ne suffisent pas à donner le caractère international au contrat. Ainsi, par exemple, droit privé. - Le bien saisi doit faire partie du patrimoine dont l'objet est ainsi défini. -Seul un créancier de l’organisme public peut recourir aux voies d’exécution. À la différence du système mis en place par EURODIF aucun lien particulier n'est exigé entre la créance et le bien saisi. En d'autres termes, c'est la notion de patrimoine d'affectation qui justifie le rejet de l'immunité. L'autonomie patrimoniale constitue aux lieux et place de la personnalité juridique le trait caractéristique de l'organisme public distinct de l'Etat étranger.

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lorsqu’un Ivoirien, résidant à Turin, achète à Turin un véhicule d’occasion à un Belge, domicilié à Rome, le contrat de vente ainsi passé reste un contrat interne à l’Italie. De même, si deux industriels ivoiriens se rencontrent à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle (France) et concluent un contrat de fourniture de services intéressant leurs deux sociétés dont les sièges sociaux sont en Côte-d’Ivoire, le contrat n’est pas international pour autant, car, en l’espèce, le lieu de conclusion (France) est fortuit et insuffisant pour faire échapper l’engagement au droit ivoirien. Mais alors, comment déceler le caractère international d’un contrat ? On comprend qu’il est nécessaire d’être situé sur un critère : dans la recherche de ce critère, un critère économique et un critère juridique sont à envisager, autrement dit le concept peut être compris de 2 façons différentes : Par contrat international, on entend tout d’abord un contrat suscitant un conflit de lois de DIP et dont la réglementation ne pourra être connue que par une règle indirecte. L’internationalité du contrat est dite alors formelle ou juridique. C’est dire que suivant le critère juridique, le contrat international est celui qui se rattache à des normes juridiques émanant d’Etats souverains différents, donc un contrat qui a des liens avec les lois de plusieurs Etats souverains et indépendants. En réalité, avec cette définition, il s’agira de recenser les différents éléments d’extranéité (c’est-à-dire les éléments étrangers qui font que la relation est en contact ne-serait-ce que partiellement avec l’ordre juridique d’Etats souverains étrangers)122 qui se présentent sans distinguer selon que ceux-ci sont relatifs à la personne des contractants ou à la formation ou à l’exécution du contrat lui-même : il suffit donc en principe qu’un élément d’extranéité apparaisse pour que le contrat ait le caractère international. Cependant, ce rattachement à plusieurs systèmes juridiques ne doit pas être artificiel ni inspiré par le seul désir de réaliser une fraude. En outre avec la définition juridique, la question se pose de savoir si on doit tenir tous les éléments d’extranéité pour équivalents. En effet, doit-on considérer les contrats que le commerçant mauritanien du quartier installé depuis des années conclut avec sa clientèle habituelle des contrats internationaux ? C’est dire que l’affaire peut faire apparaître un élément d’extranéité sans devenir pour autant une affaire internationale : Par exemple, un Ivoirien achète à un autre des marchandises fabriquées, livrées et payées en Côte-d’Ivoire ; l’affaire se déroule entièrement, d’un point de vue juridique et économique, en Côte-d’Ivoire. La loi ivoirienne, par exemple, sera exclusivement applicable. Les parties peuvent certes inclure dans leur contrat des dispositions d’une loi étrangère, mais cela ne suffit pas pour créer un problème de conflit de lois. La loi étrangère ne sera pas applicable en tant que telle mais se transforme en clause contractuelle. Autre exemple, si un Italien achète à un Belge un objet fabriqué, livré, et payé en Belgique, l’affaire sera régie par la loi belge. Juridiquement l’affaire a des liens avec plusieurs pays en raison de la nationalité étrangère d’un des contractants. Economiquement elle se déroule dans la sphère d’un seul pays ; la nationalité n’a donc ici aucune incidence sur la loi applicable : le droit international privé (et partant le droit du commerce international) n’est dès Au regard de la Côte d’Ivoire, le domicile à l’étranger d’un sujet de droit, la nationalité étrangère d’un sujet de droit, la situation d’un bien sur le territoire d’un pays étranger, la conclusion à l’étranger d’un contrat, ect. constituent des éléments d’extranéité. 122

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lors pas concerné. Dans ce cas, il y aura rejet du critère juridique pour faire adoption du critère économique (autrement dit, la définition du caractère international ne dépendra pas du critère juridique mais plutôt du critère économique). Selon le critère économique, par contrat international, on entend alors désigner un contrat présentant un caractère particulier par rapport à un contrat purement interne123. Cette seconde définition est substantielle et économique. La relation ou l’opération sera internationale quand elle ne se déroule pas entièrement dans la sphère économique d’un seul Etat souverain. Ainsi, suivant le critère économique, le contrat aura le caractère international s’il entraîne « un double mouvement de flux et de reflux »124 d’un pays souverain à un autre, des conséquences réciproques dans un pays et dans l’autre. Ainsi, par exemple, une vente sera internationale si la marchandise, objet du contrat, passe du pays du vendeur à celui de l’acheteur et que le paiement du prix suit l’itinéraire inverse. Par exemple, doit faire l’objet d’un règlement international, le contrat de vente qui fait passer des marchandises d’un pays à l’autre et ensuite le montant du prix des marchés du second dans le premier. A plusieurs reprises, les juridictions de fond ont repris cette solution admise par la jurisprudence MATTER125, mais elles ont admis une conception plus souple de ce critère économique en considérant comme international le contrat qui dépasse le cadre de l’économie interne, ou celui qui met en jeu les intérêts du commerce international. C’est à cette dernière solution que le législateur ivoirien s’est rallié. C’est ce critère économique qui est adopté pour définir l’arbitrage international ; c’est dire que l’arbitrage international est celui qui met en cause les intérêts du commerce international. Les éléments juridiques ne sont pas pris en compte : peu importe la nationalité des parties ou des arbitres, du lieu d’arbitrage. Pour que l’opération soit internationale, il faut que l’opération litigieuse intéresse par ses aspects économiques plus d’un Etat ; il faut que l’affaire implique un mouvement de biens, de services ou de règlements à travers les frontières. A dire vrai, on peut relever l’ambiguïté de la définition du contrat international vu l’imprécision des deux critères économique et juridique, imprécision qui peut inévitablement conduire à des interprétations divergentes de la part des Juges. Ce qu’il faut retenir, c’est que ces deux définitions peuvent évidemment se recouper : un contrat de vente de fournitures d’un fabricant français à une société allemande établie en Allemagne est un contrat international dans les deux sens ; en revanche, les deux définitions peuvent ne pas coïncider : un contrat conclu entre deux personnes de nationalités différentes devant être exécuté dans le pays où elles résident est peutCette particularité justifie la spécificité du régime juridique applicable à ce contrat (ex : autonomie de la clause compromissoire). 124 Pour autoriser les clauses-or dans les contrats internationaux, la jurisprudence MATTER a eu recours au concept de règlement international en se référant «à un double mouvement de flux et de reflux de valeurs au-dessus des frontières» (Cass. Civ. 17.5.1927, D.P. 1928, 1, 25). 125 Du nom du procureur général (ultérieurement premier président) MATTER dans ses conclusions sur l’affaire Pélissier du Besset, Civ. 17 mai 1927, D.P. 1928 I. 25, note Henri Capitant). Pour définir les payements internationaux où seules étaient licites les clauses or ou en monnaie étrangère, il avait écrit : « Il faut que le contrat produise comme un mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières ». L’expression a eu un immense succès : elle avait trouvé le mot juste ! 123

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être126 international dans le sens juridique du terme mais sûrement pas dans le sens économique. Les deux définitions comportent donc des degrés : La définition juridique exprime le seuil minimum. La définition juridique permet aux parties de choisir la loi applicable au contrat, la définition économique permet de déroger à certaines règles impératives.

Section II : Le règlement des conflits de lois relatifs au contrat international Il faut dire qu’il y a deux grandes méthodes de résolution des problèmes dans les transactions internationales : La méthode matérielle ou substantielle (on applique directement aux problèmes internationaux, des normes spécialement conçues pour les régir) et la méthode conflictuelle (méthode qui est justifiée par l’usage d’une règle de conflit). En effet, lorsqu’une situation ou un rapport juridique comporte un élément d’extranéité, cela peut susciter pour sa réglementation un conflit de lois qui relève du droit international privée. Selon la méthode conflictuelle on ne part pas des divers contrats en conflit pour savoir lequel est le plus approprié mais du droit lui-même. Ce dernier rapport comporte différents éléments susceptibles de la rattacher à tel ou tel ordre juridique : nationalité des parties, lieu d’établissement, lieu de formation des contrats, lieu d’exécution des contrats. La règle de conflit retient un de ces éléments (élément de rattachement) pour désigner la loi applicable. Dans la méthode conflictuelle on ne saura pas directement le régime juridique approprié car il faut d’abord passer par une règle de conflit d’un Etat qui indique l’élément de rattachement. Il faudra connaître ce lieu précisément pour connaitre le droit applicable. Cependant les règles du commerce international ne comportent pas seulement un élément d’extranéité, ils mettent en jeu des intérêts et des besoins du commerce international. La règle de conflit de lois conduit à la désignation d’une loi nationale qui peut se révéler inadaptée à ces besoins et à ces intérêts. C’est pourquoi au lieu de passer par des règles de conflit on applique certaines règles dites matérielles substantielles qui sont des règles spécifiques au commerce international. A l’heure actuelle les deux méthodes conflictuelles et substantielles coexistent donc ! Paragraphe I : Le règlement par la méthode matérielle : L’exemple des incoterms Le développement des usages du commerce est imputable aux défaillances étatiques à savoir les carences législatives et la diversité des règles nationales. En effet, face aux problèmes spécifiques du commerce international, le droit interne ne peut toujours pas apporter de solution suffisante. Les opérateurs du commerce extérieur ont donc été amenés à développer leur propre corps de règles, appelé lex mercatoria qui constitue un troisième ordre juridique dit tiers ordre juridique ou source tertiaire se situant entre les ordres juridiques nationaux (lois, jurisprudence internes) et l’ordre juridique international (traités, institutions internationales, ect.). La lex mercatoria ne provient donc ni des législations nationales ni des conventions internationales, ni de la Des auteurs estiment que le contrat n’est même pas international car la nationalité est un indice faible de rattachement. 126

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jurisprudence. Si la valeur juridique des usages du commerce international est parfois critiquée par la doctrine, plus rarement par la jurisprudence, leur éparpillement est évité par leur fixation due aux efforts conjugués de la pratique et de l’arbitrage. La Chambre de Commerce internationale (la CCI) joue sur ce point un rôle très important de codification des usages. La lex mercatoria regroupant les « usages et pratiques » du commerce international ne vise pas à réguler les relations entre les Etats, mais seulement à rendre plus opérationnels les échanges commerciaux en établissant des règles uniformes d’exercice de l’activité commerciale. Par leur efficacité, certaines de ces règles ont connu un succès important et sont aujourd’hui communément utilisées. Il s’agit des Incoterms, des Règles et usances uniformes du crédit documentaire127, des règlements d’arbitrage, et des règles Unidroit. Seuls les Incoterms seront étudiés ici ! Cela dit, s’agissant spécialement des incoterms, il faut de prime abord souligner que ce sont des termes normalisés présentés sous forme d’initiales de trois lettres dans les contrats. Ils ont pour objet l’organisation précise du transfert des risques entre vendeur et acheteur, et la répartition entre les deux du coût du transport et des formalités administratives. En effet, le contrat de vente est souvent établi de manière très rudimentaire. Il y a pourtant des points sur lesquels les parties doivent être d’accord, car ils déterminent l’étendue de leurs engagements dans les diverses phases de l’exécution du contrat, en particulier dans la phase du transport. Il est dès lors indispensable que chacun sache à quoi il s’engage, ce qui lui permet non seulement de s’exécuter, mais aussi de s’assurer contre les risques pouvant surgir dans les différentes phases d’exécution du contrat. Par une terminologie simple, « termes du commerce international » (en anglais « INCOTERMS » pour « International Commercial Terms »), et traduite en français par « C.I.V. » ou « conditions internationales de vente », mise au point par la Chambre de commerce internationale dans les années 1936128, on a établi les différentes obligations du vendeur et de l’acheteur lors d’une transaction commerciale, le plus souvent internationale, mais qui peut également s’établir entre des opérateurs nationaux ou communautaires, en répartissant entre eux les risques et les coûts. On comprend aisément que la définition des différents INCOTERMS doit être connue des personnes qui veulent s’engager dans le commerce international en tant que vendeurs et acheteurs. En effet, l’Incoterm est une des conditions du contrat commercial liée à 127

Voir infra p….

128 On peut revenir très loin et voir apparaître les prémices des

incoterms actuels. En effet naît déjà en 1812 le premier terme qui restera ensuite le terme FOB. En 1895 il se crée ensuite le terme CIF. En 1919 EUA crée ses propres termes. Les incoterms ont été créé en 1936 par la chambre de commerce internationale. A cette date elle publie en effet pour la première fois des règles internationales pour l’interprétation des termes commerciaux.

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l’acheminement des marchandises. Il n’est pas obligatoire dans les contrats, mais tellement pratique. L’Incoterm n’est pas obligatoire, mais il est fortement conseillé de l’utiliser et de l’associer au prix de vente lorsqu’il y a transaction et pour tout flux international de marchandises (échantillons, retours de défectueux…). Il permet de définir « qui fait quoi » sur le plan logistique et de faciliter le calcul de la valeur en douane sur laquelle l’importateur paiera les droits et taxes, le cas échéant. Exemple d’Incoterm export de France : « CIF Valparaiso/Chili au départ du Havre » : cela signifie que le vendeur organise et avance les frais de transport, assurance-transport comprise, jusqu’au port de Valparaiso, marchandises à bord navire (ou déchargées si prévu dans le contrat de transport et accepté par le client), mais non dédouanées à l’import au Chili. En revanche, il ne prend pas les risques que court la marchandise durant le transport à partir du port d’embarquement en France. En cas de sinistretransport, l’acheteur fera jouer l’assurance prise par le vendeur afin de se faire rembourser. Les Incoterms définissent donc avec précision les responsabilités et les obligations du vendeur et de l’acheteur en matière de prestations, de risques et de coûts : Le point de transfert des frais : répartition des frais de transport (chargement, type de transport), des assurances, de la livraison et de douanes (le cas échéant) entre vendeur et acheteur. Le point de transfert des risques : à partir de quel lieu l’acheteur ou le vendeur est responsable des risques encourus par la marchandise durant le transport (par exemple, l’avarie en cas de mauvaise exécution du transport). Les documents (ou données informatiques équivalentes) dus par le vendeur à l’acheteur : Qui, du vendeur ou de l’acheteur doit fournir quel document ? Cette fonction prend toute son importance en ce qui concerne la sûreté129. En résumé, les Incoterms indiquent le lieu géographique du transfert des risques, transfert des frais et transfert des obligations documentaires. Les incoterms ne définissent donc pas le point de transfert de propriété (voir clause de réserve de propriété dans le contrat ou conditions générales de vente). Cela étant, il faut dire que la mise en place des INCOTERMS n’a pas abouti à une réglementation figée : Les règles Incoterms (International Commercial TERMS) ont été créées en 1936 par l’International Chamber of Commerce (ICC) et plusieurs révisions130 de ces termes ont eu lieu dont les plus récentes sont celle de 2000, qui a permis de réduire leur nombre, de mieux préciser leur portée et de facilité leur compréhension, et donc leur utilisation, en introduisant une systématisation de leur présentation, et celle de 2010 qui a simplifié la classification des Incoterms.

La règle générale de fourniture et, surtout, de responsabilité des informations liées à la sûreté définie par les règles Incoterms est simple. Chacun, le vendeur et l’acheteur, est responsable des informations qui vont lui être utiles, voir A2/B2 et A10/B10 de chaque règle. 130 C’est en 1936 que vit le jour la première mouture des Incoterms. Elle connut ensuite plusieurs modifications ou mises à jour, en 1953, 1976, 1980, 1990, en 2000 et 2010 (entrée en vigueur en janvier 2011). 129

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Il convient donc de mettre en évidence les deux dernières versions des Incoterms après quoi quelques conseils pourraient être donnés sur leur utilisation. A- La version 2000 des Incoterms : La nomenclature des INCOTERMS 2000 comprend 13 termes rangés en quatre catégories. Pour faciliter l’exposé des obligations de chaque partie, on les a classés en 10 rubriques, classées de A1 à A10 pour le vendeur, et de B1 à B10 pour l’acheteur. En plus de l’obligation principale (A1 et B1) pesant sur chacun d’eux qui est de fournir une marchandise conforme pour le vendeur et d’en payer le prix pour l’acheteur, chaque INCOTERM permet de répartir les autres obligations, à savoir fournir les licences et autorisations, accomplir les formalités, prendre en charge le transport et l’assurance, modalités de livraison, transfert des risques, la répartition des frais, les avis à donner à l’autre partie, la preuve de la livraison, les documents de transport ou les données informatiques équivalentes, la vérification, les emballages, le marquage, l’inspection de la marchandise et autres obligations. Il convient donc de mettre en relief les différents groupes d’INCOTERMS et les obligations spécifiques que chaque groupe impose. 1°)- Les différents groupes d’INCOTERMS 2000 : Jusqu’en 1990, il n’existait pas un classement précis des INCOTERMS. On se contentait de les regrouper en fonction des obligations qui pesaient sur l’une ou l’autre des parties ; ce qui conduisait à opposer ceux qui paraissaient plus favorables au vendeur et ceux qui semblaient profiter à l’acheteur. Depuis 1990, on distingue quatre groupes utilisant la première lettre de chaque INCOTERM pour déterminer son groupe : groupe E, F, C et D. Dans le premier groupe, « E », il n’y a qu’un seul terme commercial, tandis qu’on en trouve trois pour le groupe « F », quatre pour le groupe « C » et cinq pour le groupe « D ». Ainsi, ces groupes se présentent comme suite : E.................EXW…………….A l’usine (ex Work) F……………..FCA………………Franco Transporteur (Free Carrier) ……………….FAS………………Franco le long du navire (Free along Side) ……………….FOB………………Franco à bord du navire (Free on Board) C……………..CFR……………….Coût et frêt (Cost and Freight) ……………….CIF………………..Coût assurance frêt (Cost Insurance and Freight) ……………….CPT……………….Port payé jusqu’à (Carriage paid To) ……………….CIP………………..Port payé assurance comprise jusqu’à (Carriage and insurance paid to) D…………….DAF……………...Rendu Frontière (Delivered at Frontier) ………………DES………………Rendu ex Ship (Delivered ex ship) ………………DEQ……………...Rendu à quai (Delivered ex quay) ………………DDU......................Rendu droits non acquittés (Delivered duty unpaid) 74

………………DDP……………...Rendu droits acquittés (Delivered duty paid). 2°)- Les obligations imposées par chaque groupe d’INCOTERMS 2000 : - Le terme EXW : Avec ce terme, l’obligation minimale pour le vendeur est de mettre à la disposition de l’acheteur, dans son établissement, une marchandise individualisée, à la date et au lieu convenus. Si rien n’est donc stipulé par les parties sur ce point, on se réfère à l’usage et à la détermination d’un délai raisonnable. Dès ce moment, il y a transfert des risques, même si l’acheteur ne prend pas livraison. L’acheteur doit prendre livraison et procéder à ses frais pour permettre l’acheminement de la marchandise à destination. Pour cela, il doit être prévenu, dans un délai raisonnable, du moment et du lieu de la mise à disposition et il doit bénéficier du concours du vendeur pour obtenir toutes les informations nécessaires pour l’assurance ou l’expédition de la marchandise.

- Les termes relatifs au transport : les termes en « F » et « C » : Dans ces deux groupes de termes en « F » et « C », on prend position sur la prise en charge du transport, des frais et des risques. L’opération d’exportation est souvent accompagnée d’un transport combiné, multimodal, avec un transport principal, souvent effectué par mer, et des transports d’approche. Cela permet d’opposer les termes en « F » à ceux en « C ». Dans un cas, le vendeur ne paie pas le transport principal, dans l’autre il devra le faire. - Les termes en « F » : le transporteur principal est acquitté l’acheteur et non par le vendeur. Un point est convenu pour la livraison de la marchandise par le vendeur. Il s’agit généralement de la remise au transporteur désigné par l’acheteur qui se chargera du transport principal. Jusqu’à ce point, le vendeur doit organiser et prendre en charge les frais et risques du pré-acheminement de la marchandise. Le terme « FCA » sera alors utilisé pour un transport terrestre, fluvial ou aérien, ou encore un transport maritime multimodal, dans lequel il ne s’agit pas de livrer à bord du navire ou le long du quai. Lorsque le transport se fait par la voie maritime, on peut adopter soit le terme « FAS » ou le terme « FOB » : le terme « FAS » est un terme propre au transport maritime ou fluvial qui n’est pas très contraignant pour le vendeur, qui doit livrer la marchandise le long du navire désigné par l’acheteur soit à quai, soit sur les allèges (Une allège est un grand chaland employé pour amener la marchandise le long d’un navire en chargement ou pour emporter la marchandise d’un navire en déchargement), à la date convenue. Quant au terme « FOB », il est utilisable en matière maritime ou fluviale dans lequel le bastingage (c’est-à-dire le passage de l’aplomb des limites du navire, le parapet autour du pont d’un navire, la muraille d’un navire) joue un rôle pratique important. Dans ce cas, la livraison est effectuée dès lors que la marchandise est à bord. Elle est considérée comme à bord, dès le bastingage. Le vendeur doit prendre en charge tout ce qui précède ce moment : transport jusqu’au navire, dédouanement de la 75

marchandise, licence d’exportation, frais et taxes éventuellement dus pour l’exportation. En ce qui concerne le chargement, on détermine la participation du vendeur et de l’acheteur en fonction des usages du port, d’où l’intérêt de les connaître. On déduit de ces différentes situations que la livraison n’est possible que si le transporteur principal est connu du vendeur. Il est de l’obligation de l’acheteur de désigner ce transporteur et d’en informer dans un délai raisonnable le vendeur. Il peut arriver que, suivant le contrat ou l’usage, le vendeur conclut le contrat de transport, ce sera toujours aux frais et risques de l’acheteur. Faute de désignation d’un transporteur dans un délai prévu pour la livraison, le vendeur peut prendre l’initiative de conclure le contrat pour le compte de l’acheteur et à ses frais. Si aucun transporteur n’est disponible, les risques passeront à l’acheteur au jour prévu pour la remise au transporteur. - Les termes en « C » : dans tous ces termes, le transporteur principal est acquitté par le vendeur. Cela ne signifie pas pour autant qu’il assume les risques jusqu’au terme du transport. Pour éviter donc toute confusion entre les termes « C » et « D », il faut bien retenir la distinction entre la charge des risques et l’acquittement du prix du transport, avec dans certains cas le coût de l’assurance. Dans les termes « C », même si le vendeur paie le transport principal, et parfois l’assurance, cela n’empêche pas que son obligation de livraison soit exécutée avant que le transport principal ne commence, par la remise au transporteur. Le transfert des risques se situe au moment où la marchandise est embarquée. Les confusions peuvent naître de l’indication du point de destination, avec parfois l’indication d’une date d’arrivée (ce qu’il faudrait éviter dans un terme « C ») ; cela ne signifie pas pour autant que le vendeur s’engage à livrer au lieu de destination. Ce lieu doit être connu seulement pour pouvoir organiser le contrat de transport, mais le vendeur ne s’engage qu’à expédier la marchandise à un moment tel qu’elle puisse parvenir à la date prévue. Avec les termes en « C », on peut établir deux catégories : les termes concernant seulement le transport maritime que sont le CFR (ou C&F) et le CIF, et les termes concernant tous transports, à savoir CPT et CIP. Si les deux premiers termes (CFR et CIF) sont réservés au transport maritime, c’est essentiellement parce qu’ils imposent au vendeur de fournir à l’acheteur un document qui n’existe qu’en matière maritime : le connaissement ou une lettre de transport maritime. A ce sujet, dans tous les cas CFR et CIF, où le vendeur doit fournir un connaissement, il doit s’agir d’un connaissement net, c’est-à-dire ne comportant aucune clause surajoutée par celui qui prend en charge la marchandise et qui constaterait le mauvais état de cette marchandise ou de son emballage. Sauf disposition contraire, il doit également s’agir d’un connaissement négociable, qui permet de vendre la marchandise pendant le transport. Enfin, si dans l’un de ces INCOTERMS en « C » apparaît la lettre « I », cela voudrait dire que le vendeur prend en charge l’assurance.

- Les termes en « D » : Pour la plupart des produits manufacturés, il existe une préférence pour ces termes. L’acheteur peut ainsi comparer le prix entre le produit importé et le produit qu’il trouve sur place, ou alors c’est le vendeur qui veut pouvoir contrôler la phase de transport afin de s’assurer que ses produits arrivent dans de bonnes conditions. De plus, lorsqu’il s’agit d’un fournisseur ayant un volume important à l’exportation, il 76

dispose d’une meilleure position que ses clients pour négocier un taux de fret concurrentiel. Lorsque l’on choisit un terme en « D », il faut savoir comment déterminer celui qui convient le mieux à la marchandise que l’on doit transporter. Trois éléments seront alors pris en considération : le mode de transport, la répartition des risques et des coûts liés au déchargement des marchandises à destination, et la répartition des tâches relatives au dédouanement à l’importation.  Plus particulièrement, le terme « DES » oblige le vendeur à livrer la marchandise au port de destination en informant en temps utile l’acheteur de la date d’arrivée du navire. Le vendeur doit lui fournir tous les documents permettant de prendre livraison de la marchandise et de procéder au dédouanement. Dès lors qu’elle est à la disposition de l’acheteur, mais non déchargée, la livraison est accomplie, les risques passent à l’acheteur. Il doit dédouaner la marchandise et payer les frais de déchargement.  Avec le terme « DEQ », le point de partage des frais et celui des risques coïncident ; mais à la différence de la formule « DES », il est déplacé au moment où la marchandise est à quai. Le vendeur paye le transport, le déchargement y compris, et assume les risques jusqu’au moment de la mise à disposition sur le quai. La marchandise mise à disposition est une marchandise pour laquelle on a transmis le document de transport, généralement un connaissement, et qui a été dédouané de l’importation. Elle peut donc quitter librement le port.  Bien qu’utilisable pour tous types de transport, le terme « DAF » est généralement limité au transport ferroviaire. Quand on utilise le terme « DAF », on le fait suivre du nom du pays, pays du destinataire ou, plus rarement, pays tiers par lequel la marchandise transite. La plupart du temps, on indique le nom de la ville frontière. Cela marque la limite des obligations du vendeur. Il prend en charge tous les frais et risques relatifs à la marchandise jusqu’à la frontière du pays désigné. Les termes « DDU » et « DDP » intéressent également tous types de transports. Retardant la livraison, et donc le transfert des risques, jusqu’à l’arrivée à un point convenu, dans le pays de l’acheteur, ils doivent être utilisés avec prudence par le vendeur. S’il s’agit de vendre dans un pays où les règles et formalités d’importation sont imprécises, aléatoires et très variables, le vendeur doit éviter ces termes. S’agissant plus particulièrement du terme « DDU », il faut dire que c’est un terme qui a été introduit dans les INCOTERMS en 1990. Dans ce terme, le vendeur s’engage à délivrer la marchandise au point de destination convenu, dans le pays de l’acheteur. Mais, il ne prend pas en charge les opérations de dédouanement, ni le paiement des frais et taxes liés à l’entrée de la marchandise dans le pays de l’importateur. B- La version 2010 des Incoterms : Le commerce international est en constante évolution, et pour répondre à ce changement l’International Chamber of Commerce (ICC) a fait sortir une nouvelle version de ses incoterms, règles de base régissant les responsabilités et les coûts de transports dans les contrats internationaux. Avec ces nouveaux Incoterms 2010, on constate la simplification des incoterms et surtout ils apparaissent comme des incoterms plus 77

adaptés à la conteneurisation du commerce international et au transport multimodal. Les Incoterms 2010 tiennent compte de l’évolution des pratiques du commerce international, de l’émergence des questions sécuritaires (comme les attaques du 11 septembre)131 et de l’adoption du CADRE SAFE (normes en matière de sécurisation et facilitation des échanges)132. En effet, la globalisation a entraîné une modification profonde du commerce international, et pour répondre à ces nouvelles exigences l’ICC devrait modifier les incoterms pour refléter la pratique. Aussi, les incoterms étant là pour régler des situations très pratiques : Qui transporte ? Qui paye le transport et l’assurance ? Qui supporte le risque et où doit avoir lieu la livraison ?, et, aujourd’hui, 90% des marchandises transportées utilisant le conteneur, qui est un mode de transport multimodal, et du fait que les incoterms exclusivement maritimes ne sont pas adaptés au conteneur, des changements significatifs s’imposaient-ils afin d’adapter les incoterms à la conteneurisation. A cette fin, les nouvelles règles Incoterms 2010 sont donc entrées en vigueur le 1er janvier 2011. Cette révision des incoterms s’est donc imposée : - pour prendre en compte les évolutions récentes des pratiques du commerce international ; - pour intégrer les nouvelles obligations mondiales en matière de sûreté / sécurité ; - pour introduire la dématérialisation des documents utilisés dans le commerce international ; - pour simplifier l’utilisation de ces règles et ainsi faciliter les transactions commerciales. Ainsi, l’une des évolutions à souligner est que l’incoterm FOB va être mis à l’écart ou marginalisé pour les marchandises conteneurisées. Ainsi le fameux « passage du bastingage du navire » qui date du 16ème et 17ème siècle et qui était problématique à de nombreux niveaux, ne concernera plus que les marchandises expédiées en vrac. L’édition 2010 limite également l’utilisation de l’incoterm EXW qui n’est pas approprié au commerce international et ne répond donc pas aux exigences en matière fiscale, sûreté et sécurité. Une autre évolution à souligner est la prise en considération des obligations de sûreté et de sécurité. Le principe retenu par la ICC est que chacun est responsable de la législation de son pays. Un vendeur ivoirien, par exemple, sera responsable des certificats de sécurité en sortie de son territoire, mais pas de ceux nécessaires à destination. Il en va de même pour les conséquences du non respect de ces obligations. Cette évolution répond à une forte demande partout dans le monde notamment depuis la mise en place des mesures de sécurité américaine qui sont amenées à durer Les contrôles relatifs à la sécurité des marchandises, mesures nécessaires face à la montée du terrorisme international, vont être clarifiés par ces incoterms, notamment en ce qui concerne la prise en charge des formalités et des coûts correspondants. 132 Document stratégique de l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD), le Cadre de normes SAFE qui vise à sécuriser et à faciliter le commerce mondial, a été adopté en 2003. Le Cadre SAFE est un instrument non obligatoire qui contient des normes sur la sécurité de la chaîne logistique et sur la facilitation des échanges, applicables au commerce international de marchandises. Le Cadre SAFE permet une gestion intégrée de la chaîne logistique pour tous les modes de transport, renforce les liens entre les administrations douanières afin d’améliorer leur capacité à déceler les envois à haut risque, favorise la coopération entre les douanes et les entreprises grâce au concept d’Opérateur Economique Agréé (OEA) et encourage la circulation ininterrompue des marchandises le long de chaînes logistiques internationales sécurisées. 131

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dans le temps. La plus grosse ou profonde refonte concerne les incoterms en D, c’est-à-dire les incoterms qui prévoient le transport jusqu’au lieu de destination finale comme le DAF, DDU, DDP, DES et DEQ. Seul le DDP subsiste et on assiste à la naissance de deux nouveaux incoterms qui remplaceront les quatre anciens : En effet, deux nouvelles règles Incoterms - DAT (Delivered at Terminal) et DAP (Delivered at Place) - ont remplacé les Incoterms 2000 règles DAF, DES, DEQ, DDU. Les incoterms DES (Delivered Ex Ship), DDU (Delivered Duty Unpaid) et DAF (Delivered At Frontier) qui traitaient tous de livraison dans le pays d’arrivée, ont été supprimés et regroupés dans un nouvel incoterms, le DAP (Delivered At Place ou Rendu au lieu de livraison). Par ailleurs, un autre incoterms a été créé en remplacement du DEQ (Delivered Ex Quay), le DAT (Delivered At Terminal ou Rendu au terminal), afin de tenir compte des progrès de la conteneurisation des marchandises ; en effet, aujourd’hui 90% des marchandises transportées utilisent le conteneur qui est un mode de transport multimodal puisqu’il utilise à la fois la route, le rail et le bateau. Les incoterms exclusivement maritimes n’étaient donc plus adaptés aux conteneurs. Aussi, le nombre des Incoterms règles a-t-il été réduit de 13 à 11 ; cela a été réalisé en remplaçant deux nouvelles règles qui peuvent être utilisés indépendamment du mode de transport convenu - DAT, prononcé à l’aérogare, et DAP, Livré à la Place - pour les Incoterms 2000 règles DAF, DES, DEQ DDU. Dans les deux nouvelles règles, la livraison de la marchandise est effectuée à une destination désignée : en DAT, à la disposition de l’acheteur, déchargée du véhicule arrivant (comme sous l’ancien régime DEQ) ; en DAP, également à la disposition de l’acheteur, mais prête à être déchargé (comme dans le ex-DAF, DES et les règles DDU). Ces nouvelles règles, comme leurs prédécesseurs, sont «livrées», avec le vendeur portant tous les coûts (autres que ceux liés à autorisation d’importation, le cas échéant) et les risques pour y acheminer la marchandise jusqu’au lieu de destination. Un autre aspect de l’évolution soulevé concerne les « Terminal Handling Charges » (THC)133, qui dans la pratique sont souvent payées deux fois, par l’acheteur et par le vendeur, les nouveaux incoterms vont clarifier dans chaque incoterm qui, du vendeur ou de l’acheteur, les prend en charge. Cela étant, les 11 Incoterms 2010 se présentent sous forme de codes de 3 lettres (à l’instar des autres versions) et sont classés en deux (2) catégories distinctes : 1°)- La classification tenant compte du type de transport : a°)- Des règles pour tous les modes de transport : Incoterms multimodaux :

Terminal Handling Charges (appelés également Container services charges) = Frais de passage à quai. (Mise à terre ex véhicule terrestre/Navire et vice-versa). Les THC représente donc les frais de manutention au port de chargement (Le mot chargement peut désigner l’action de charger ou son résultat) et de déchargement. Le montant peut en être fixe dans le cas d’un conteneur (prix par conteneur) ou variable dans le cas de fret conventionnel (c’està-dire "non conteneurisé"). Dans ce cas le tarif s’entend par tonne (la tonne représente différentes unités de mesure : Une tonne est un grand et large tonneau ; une tonne-pompe est un fourgon d’incendie ; en zoologie, la tonne cannelée est un mollusque gastéropode) et peut être soumis à diverses surtaxes (taille ou poids (Le poids d’un corps nu ou force de pesanteur est la force exercée sur un corps (de masse m) immobile dans le référentiel terrestre (c’està-dire, lié à l’objet solide...) "excessif"). 133

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-

Lorsque le contrat couvre un ou plusieurs modes de transport.

- En contrat maritime, lorsque la marchandise n’est pas remise à la compagnie le long ou à bord navire au port d’embarquement, mais à un terminal ou un parc à conteneur. Il existe 7 Incoterms multimodaux qui sont : EXW, FCA, CPT, CIP, DAT, DAP et DDP. Cette catégorie comprend les sept Incoterms 2010 qui peuvent être utilisés indépendamment du mode de transport choisi et indépendamment du fait qu’un ou plus d’un mode de transport est utilisé. Ils peuvent être utilisés même si il n’y a pas de transport maritime à tous. Il est important de se rappeler, toutefois, que ces règles peuvent être utilisées dans les cas où un navire est utilisé pour une partie de la voiture. b°)- Des règles applicables au transport maritime et au transport par voies fluviales : Incoterms maritimes (ou fluviaux) : Lorsque les points d’enlèvement et de livraison sont des ports, ou pour des marchandises remises à la compagnie maritime le long du navire ou à bord navire au port d’embarquement, généralement, du vrac et du transport en conventionnel (marchandises non conteneurisées et chargées avec l’aide des palans (treuils), des pipelines…). Les Incoterms maritimes concernent donc le transport maritime de Fret à l’exclusion du trafic conteneurisé, autrement dit il ne représente plus aujourd’hui la majorité du commerce maritime mondial. Il existe 4 Incoterms maritimes (ou fluviaux) qui sont : FAS, FOB, CFR et CIF. Dans cette classe des Incoterms 2010, le point de livraison et le lieu où les marchandises sont transportées à l’acheteur sont deux ports, d’où l’étiquette «mer et par voie navigable » règles. 2°)- La classification tenant compte de la nature de la vente au départ ou à l’arrivée :  Avec les ventes au départ (VD), sur le transport principal, la marchandise voyage aux risques et périls de l’acheteur. Il existe 8 Incoterms relatifs aux ventes au départ : - Incoterms multimodaux – vente au départ : EXW / FCA / CPT / CIP - Incoterms maritimes – vente au départ : FAS / FOB / CFR / CIF  Avec les ventes à l’arrivée (VA) ou ventes « rendus », sur le transport principal, la marchandise voyage aux risques et périls du vendeur. Il existe 3 Incoterms relatifs aux ventes à l’arrivée : - Incoterms multimodaux – vente à l’arrivée : DAT / DAP / DDP 3°)- Les obligations attachées aux incoterms 2010 : S’agissant des obligations dans chaque type d’Incoterm 2010, il faut relever ce qui suit :

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a°)- Règles applicables à tout mode de transport :  EXW : Ex Works, au départ non chargé, non dédouané / sortie d’usine (uniquement adapté aux flux domestiques, nationaux) : Ce terme désigne l’obligation minimum du vendeur ou exportateur (Fournir les documents commerciaux habituels – facture, liste de colisage – et prendre soin de l’emballage). Le vendeur a rempli son obligation dès lors que les marchandises ont été mises à disposition de l’acheteur dans les locaux propres du vendeur ou dans un lieu dûment désigné (atelier, usine, entrepôt, etc.). Le vendeur n’a pas chargé les marchandises sur un quelconque véhicule d’enlèvements. Il n’a pas non plus à accomplir les formalités douanières à l’exportation. L’acheteur doit assumer ou supporter tous les frais et risques inhérents à l’acheminement des marchandises depuis l’endroit désigné, c’est-à-dire de l’établissement du vendeur, à la destination souhaitée, jusqu’au lieu de livraison désigné. Cet incoterm n’est pas donc approprié pour le commerce international, ne répondant pas aux exigences en matière fiscale, sûreté et sécurité. Il est donc conseillé de ne l’utiliser essentiellement que dans les échanges nationaux.  FCA : Free Carrier, marchandises dédouanées et chargées dans le pays de départ, chez le vendeur ou chez le commissionnaire de transport de l’acheteur : Le vendeur a rempli son obligation de livraison quand il a remis la marchandise, dédouanée à l’exportation, au transporteur désigné par l’acheteur au point convenu. L’acheteur choisit le mode de transport et le transporteur. L’acheteur paye le transport principal. Le transfert des frais et risques intervient au moment où le transporteur prend en charge la marchandise. Concernant cet Incoterm, deux variantes sont à distinguer : FCA Seller’s Premises (locaux du vendeur), le vendeur livre les marchandises au transporteur nommé par l’acheteur dans ses propres locaux ; et le FCA Any other place (lieu de livraison convenu), le vendeur livre les marchandises au transporteur nommé par l’acheteur à un lieu dûment désigné.  CPT : Carriage Paid To, livraison au premier transporteur, frais jusqu’au déchargement du mode de transport, sans assurance pour le transport : Le vendeur choisit le mode de transport et paye le fret pour le transport de la marchandise jusqu’à la destination convenue. Il dédouane la marchandise à l’exportation. Quand la marchandise est remise au premier transporteur ou transporteur principal, les risques sont transférés du vendeur à l’acheteur.  CIP : Carriage and Insurance Paid to, idem CPT, avec assurance marchandise transportée souscrite par le vendeur pour le compte de l’acheteur : Le vendeur a les mêmes obligations qu’en CPT, mais il doit en plus fournir une assurance contre le risque de perte ou de dommage que peut courir la marchandise au cours du transport. Le vendeur dédouane la marchandise à l’exportation. Le vendeur est seulement tenu de prendre une couverture d’assurance minimale.  DAT : Delivered At Terminal, marchandises (déchargées) livrées sur quai, dans un terminal maritime, fluvial, aérien, routier ou ferroviaire désigné (dédouanement import, et post-acheminement payés par l’acheteur) : Le vendeur a rempli son obligation dès lors que les marchandises, une fois dûment déchargées du moyen de transport (comme prévu par l’ancienne règle DEQ), sont mises à disposition de l’acheteur au terminal désigné dans le port ou au lieu de destination convenu. Le terme « Terminal » nommé dans DAT comprend tout type lieu (terminal aérien, maritime, 81

routier, entrepôt…) et peut être dans un port. Le vendeur assume tous les risques liés à l’acheminement des marchandises et à leur déchargement au terminal du port ou au lieu de destination convenu.  DAP : Delivered At Place, marchandises (non déchargées) mises à disposition de l’acheteur dans le pays d’importation au lieu précisé dans le contrat (déchargement, dédouanement import payé par l’acheteur) : Le vendeur a rempli son obligation dès lors que les marchandises sont mises à disposition de l’acheteur sur le moyen de transport d’approche ou moyen de transport arrivant prêtes pour le déchargement au lieu de destination convenu (comme prévu par les anciennes règles DAF, DES, DDU) (si cela est spécifié, au lieu de destination convenu à la date ou dans les délais convenus). Le vendeur a la charge de tous les risques liés à l’acheminement des marchandises jusqu’au lieu de destination. Le terme l’arrivée "véhicule" en vertu de DAP peut bien être un navire et le lieu de destination pourrait bien être un port.  DDP : Delivered Duty Paid, marchandises (non déchargées) livrées à destination finale, dédouanement import et taxes à la charge du vendeur ; l’acheteur prend en charge uniquement le déchargement (si exclusion des taxes type TVA, le préciser clairement) : A l’inverse du terme EXW à l’usine, ce terme désigne l’obligation maximum du vendeur. Le vendeur fait tout, y compris le dédouanement à l’import et le paiement des droits et taxes exigibles. Le transfert des frais et risques se fait à la livraison chez l’acheteur, lorsque les marchandises sont prêtes pour le déchargement au lieu de destinations convenu. Le déchargement incombe en frais et risques à l’acheteur. b°)- Règles applicables au transport maritime et au transport par voies fluviales :  FAS : Free Alongside Ship, sur le quai du port de départ : cet incoterm est utilisé uniquement pour le transport maritime. Le vendeur a rempli son obligation de livraison quand la marchandise a été placée le long du navire, sur le quai au port d’embarquement convenu. L’acheteur doit supporter tous les frais et risques de perte, de dommage que peut courir la marchandise lorsque les dites marchandises sont le long du navire. Le terme FAS impose au vendeur l’obligation de dédouaner la marchandise à l’exportation. Si les marchandises sont placées dans un conteneur, il est d’usage que le vendeur remette les marchandises à un terminal : La règle FAS est inappropriée dans ce cas, et il convient alors d’utiliser la règle FCA.  FOB : Free On Board, chargé sur le bateau ; les frais de chargement dans celui-ci étant fonction du liner term indiqué par la compagnie maritime (à la charge du vendeur) : cet incoterm est utilisé uniquement pour le transport maritime. Le vendeur a rempli son obligation de livraison quand la marchandise est placée à bord du navire au port d’embarquement désigné. Le vendeur dédouane la marchandise à l’exportation. L’acheteur choisit le navire et paye le fret maritime. Le transfert des frais et des risques s’effectue lorsque les marchandises sont à bord du navire. A partir de ce moment, l’acheteur doit supporter tous les frais. L’utilisation du FOB n’est pas appropriée dans le cas où les marchandises sont remises au transporteur avant qu’elles ne soient à bord du navire ; il s’agit, par exemple, des marchandises en conteneur qui sont typiquement livrées au terminal. Il convient dans ce cas d’utiliser la règle FCA. 

CFR : Cost and Freight, chargé dans le bateau, livraison au port de départ, frais 82

payés jusqu’au port d’arrivée, sans assurance pour le transport, non déchargé du navire à destination (les frais de déchargement sont inclus ou non selon le liner term au port d’arrivée) : cet incoterm est utilisé uniquement pour le transport maritime. Le vendeur livre les marchandises à bord du navire ou se procure les marchandises déjà ainsi livrées. Il y a transfert des risques pour perte des marchandises ou dommages subis par celles-ci, au moment où les marchandises sont mises à bord du navire. Le vendeur doit s’engager par contrat à choisir le navire et à payer les frais et le fret nécessaires pour assurer l’acheminement des marchandises jusqu’au port de destination désigné. Les formalités d’exportation incombent au vendeur. CIF : Cost, Insurance and Freight, chargé sur le bateau, frais jusqu’au port d’arrivée, avec l’assurance marchandise transportée souscrite par le vendeur pour le compte de l'acheteur : cet incoterm est utilisé uniquement pour le transport maritime. Le vendeur a les mêmes obligations qu’en CFR, mais il doit en plus souscrire une assurance contre le risque de perte ou de dommage de la marchandise au cours du transport au nom de l’acheteur. Le vendeur est seulement tenu de prendre une couverture d’assurance minimale. C’est dire que les formalités d’exportation lui incombent. Hormis cela, la marchandise voyage, sur le transport maritime ou fluvial, aux risques et périls de l’acheteur. Le transfert des risques s’effectue au moment où les marchandises sont mises à bord du navire. Section II : Le règlement des conflits de lois par la méthode conflictuelle On le sait, le contrat est très important dans le commerce international. Et à son sujet, plusieurs droits nationaux peuvent être en concours ; c’est le droit des conflits de lois. En ce qui concerne le contrat international, la règle presque universellement admise est de permettre aux parties de choisir librement la loi applicable à leur contrat. Ce mode de rattachement à un ordre juridique interne par la volonté des parties est désigné par l’expression « loi d’autonomie »134 ou « lex contractus ». Pour mieux appréhender cette loi d’autonomie, il convient d’être situé sur la détermination de cette loi (c’est-à-dire les mécanismes du choix de la loi applicable au contrat international) et sur le domaine d’application de cette loi (c’est-à-dire les éléments du contrat qui sont soumis à cette loi). Paragraphe I : La détermination de la loi applicable au contrat international La connaissance de la loi applicable au contrat ou loi d’autonomie dépend du choix opéré par les parties. Mais le fait de s’en remettre aux parties peut faire naître au moins deux difficultés : en effet, d’abord, il se pose la question de savoir si le choix des parties peut désigner n’importe quelle loi. Ensuite, il est important de savoir comment désigner la loi applicable dans le silence des parties (si les parties ont négligé de désigner une loi). A- De l’autonomie de la volonté ou la liberté de choix de loi d’autonomie par les parties La jurisprudence ne s’est jamais prononcée directement en fournissant une définition du contrat international, mais on peut lire dans un arrêt rendu par la Cour de cassation française en date du 19 janvier 1976 (Revue critique 1977.503) il est posé le principe selon lequel le caractère international du contrat est la condition nécessaire pour que les parties aient la faculté de désigner la loi à laquelle il sera soumis. 134

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Le principe est que, dans une situation comportant un conflit de lois de droit international privé, les contractants peuvent choisir librement la loi qui régira leur contrat. Ainsi, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou en tout cas certain, c’est-à-dire résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. En effet, ce choix peut ne pas être nécessairement exprès ; il peut être implicite (même si un tel choix pose problème en ce qui concerne la loi applicable). L’essentiel est qu’il résulte de façon suffisamment certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Un choix tacite et certain est licite mais le choix doit être clair, évident. La simple présence d’une clause attributive de juridiction ne peut satisfaire à cette exigence (le choix d’un tribunal n’équivaut pas à celui d’une loi). Autre modalité du choix : Le choix peut se faire au moment de la conclusion du contrat, c’est-à-dire de façon concomitante ou postérieure. Cependant il y a deux (2) limites à ce choix tardif : • si le contrat était valable quant à la forme selon l’une des lois désignées, le choix tardif d’une autre loi ne peut affecter sa validité formelle. • En second lieu, ce choix tardif ne peut porter atteinte aux droits des tiers. Le choix des contractants est donc libre : Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. Il n’est donc pas limité, notamment, aux lois des Etats avec lesquels le contrat a un rapport, et qui ont ainsi un titre à s’appliquer. Les contractants peuvent aussi faire le choix d’une loi applicable pour une partie du contrat seulement et soumettre l’autre partie à une autre loi. Enfin, les parties peuvent, à tout moment, à condition évidemment d’être d’accord, modifier leur choix primitif ; elles peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant soit en vertu d’un choix antérieur, soit en vertu d’autres dispositions. Toute modification quant à la détermination de la loi applicable, intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, n’affecte donc pas la validité formelle du contrat et ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Cette liberté de choix de la loi applicable appelle quelques interrogations notamment cinq questions : • La première question : Les parties peuvent-elles se référer à des règles non étatiques, notamment à la lex mercatoria par exemple ? À l’heure actuelle (dans l’avenir cela ne serait peut-être plus le cas !), le contrat qui comporterait un tel choix serait régi par la loi applicable à défaut de choix et c’est à cette loi étatique qu’il appartiendrait de définir la place qu’elle consent à accorder aux règles non-étatiques. • La deuxième difficulté est facilement résolue : il s’agit de savoir s’il faut un lien entre la loi et le contrat ; il n’en faut pas : les parties peuvent choisir n’importe quelle loi (par exemple, un Ivoirien domicilié à Abidjan peut conclure un contrat avec un Anglais domicilié à Londres. Et les parties peuvent choisir la loi italienne !). 84

• La 3ème difficulté est connue sous le nom de « morcèlement » ou «dépeçage» ou «déshabillage» du contrat : Il semble autorisé ; la loi peut régir une partie du contrat. Autrement dit, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. Cela peut se faire clause par clause ou obligation par obligation… Mais dans tous les cas, la doctrine exige une certaine cohérence du contrat. • La 4ème difficulté n’en est pas une : Si la loi choisie est modifiée après la conclusion du contrat et si les dispositions nouvelles sont applicables aux contrats en cours, elles s’appliqueront aux contrats. • La 5ème difficulté concerne l’internationalisation artificielle d’un contrat purement interne et est résolue par la sanction de cette internationalisation artificielle d’un contrat purement interne. Il s’agit d’une application de la fraude à la loi. A l’analyse, on peut dire que le choix accordé aux parties de la loi devant régir leur contrat est large : il ne faut pas de lien entre la loi et le contrat, on peut «dépecer» ou « morceler » le contrat. Cependant, on ne peut pas frauder à la loi ni choisir une loi non étatique. Egalement, le choix par les parties d’une loi étrangère, assorti ou non de celui d’un tribunal étranger, ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat, c’est-à-dire les «dispositions impératives». Quid de l’absence de choix des parties ? B- De l’absence de choix exprès de la loi d’autonomie par les parties Si les parties n’ont pas choisi la loi de rattachement, c’est au Juge qu’il reviendra de localiser le contrat. Selon la doctrine classique, le Juge doit, à défaut d’un choix exprès des parties, rechercher la commune volonté ders parties, et si aucune volonté implicite ne peut être dégagée, découvrir la volonté hypothétique des parties. Pour ce faire, la jurisprudence se réfère à un certain nombre d’indices de rattachement. Ces indices sont de deux ordres : des indices généraux et des indices particuliers. 1°)- les indices généraux Les indices généraux sont au nombre de deux : le lieu de formation du contrat et le lieu d’exécution du contrat. a°)- Le lieu de formation du contrat Si on se réfère au lieu de formation du contrat comme indice général, c’est parce qu’on estime que les parties ont entendu soumettre leur contrat à la loi du lieu où elles ont formalisé leur accord de volontés. Ce rattachement est conforme à la règle traditionnelle « locus regit actum». Il présente une présomption selon laquelle, sous réserve de la preuve contraire, la volonté des parties se dégage normalement vers la loi locale. Cette loi a le mérite d’être connue par les parties et de régir la forme du contrat. Mais de nombreux auteurs reprochent à ce rattachement son inefficacité en plusieurs domaines. En effet, le lieu de conclusion d’un contrat international est souvent fortuit 85

ou accidentel par rapport aux intérêts à régir. D’un autre côté, ce rattachement se trouve compromis dans le cas des contrats entre absents ou par correspondance. A l’analyse, le lieu de formation du contrat ne constitue une présomption qui justifie un rattachement stable. b°)- Le lieu d’exécution du contrat Ce rattachement est lié aux intérêts des parties. C’est au lieu d’exécution du contrat que le résultat de l’opération qui donne au contrat sa valeur sera obtenu et devra être exigé en cas de litige. Mais, ce rattachement montre également ses limites : en effet, la solution devient impraticable dans le cas où l’exécution du contrat se fait en plusieurs endroits. Pour contourner la difficulté, la jurisprudence a tendance à rechercher le lieu principal de l’exécution en déterminant la prestation principale ou caractéristique de l’opération contractuelle. Ainsi, par exemple, en matière de vente, le lieu de la livraison de la marchandise (et non le lieu de formation du contrat) permettra de désigner cette loi. Mais cela n’est pas toujours le cas ! Pour conclure, on se rend compte le lieu de formation du contrat et celui de son exécution ne permettent pas toujours de déterminer avec certitude la loi applicable. On aura alors recours aux indices particuliers. 2°)- Les indices particuliers Certains de ces indices tiennent à la teneur du contrat et sont appelés indices intrinsèques ; d’autres tiennent aux lois en conflit et à l’attitude des parties postérieurement à la conclusion du contrat et sont nommés indices extrinsèques. a°)- les indices intrinsèques Ces indices, de valeur inégale, peuvent tenir à la personne des contractants, à l’objet du contrat ou à la forme de sa conclusion. - D’abord, la nationalité des contractants est prise en compte. Mais la jurisprudence admet difficilement le caractère international d’un contrat entre des parties ayant la même nationalité. Or, il peut en exister ! - Ensuite, l’objet du contrat peut fournir un indice de rattachement : par exemple, dans les contrats portant sur un immeuble, il y a prévalence du statut réel sur le statut contractuel. Le problème se pose également dans le cas des groupes de contrats liés entre eux par l’objet ; c’est le cas des contrats de sous-traitance pour lesquels la jurisprudence rattache les différents contrats à la loi du contrat principal. - Dans d’autres cas encore, le Juge prendra en compte la forme notariée ou consulaire du contrat. On suppose en effet que les parties qui ont suivi une forme officielle ont entendu se référer à la loi de l’Officier rédacteur de l’acte. - La langue utilisée dans la rédaction du contrat est également utilisée comme un indice important par les Juges dans les cas où les parties n’ont pas la même langue. 86

- Enfin, les clauses attributives de juridiction et les clauses compromissoires constituent également des indices en faveur de la loi du for ou des arbitres choisis. b°)- les indices extrinsèques On admet généralement que si l’une des lois en conflit annule le contrat, c’est celle qui le valide qui est choisie par les parties ; car il est invraisemblable que les parties aient choisi une loi qui anéantit leur volonté. L’attitude des parties postérieurement à la conclusion du contrat peut également constituer un indice de rattachement : par exemple, la loi par rapport à laquelle la demande en justice a été formulée est, dans le silence des parties au moment de la conclusion du contrat, compétente pour régir celui-ci. Paragraphe II : le domaine d’application de la loi applicable au contrat international La relation contractuelle est un ensemble juridique complexe dont les éléments ne sont pas tous nécessairement soumis à la loi désignée par les parties. Car certaines questions relatives au contrat peuvent relever d’autres catégories de rattachement que le contrat. Dès lors, la loi qui gouverne le contrat sera évincée pour laisser place à la loi désignée par une autre règle de conflit. C’est dire que la loi d’autonomie est connaît des limites. Il s’agit des mesures de police et de sûreté, de la capacité des parties et du transfert des droits réels. A- Domaine de principe de la loi du contrat : La lex contractus a un domaine très étendu même si d’autres lois peuvent entrer en concurrence comme la loi personnelle (loi nationale notamment) qui s’applique à la capacité135 ou la lex rei sitae qui est compétente pour déterminer les modes de transmission et de création de droits réels ainsi que le contenu des droits réels que le contrat fait naître. B- Les limites à la loi d’autonomie : Il s’agit essentiellement des lois de police et de sûreté, de la capacité des parties au contrat et de la question du transfert des droits réels. 1°)- Les mesures de police et de sûreté Il y a, dans tous les systèmes juridiques, des situations contractuelles qui, partiellement ou totalement, échappent au mécanisme du conflit des lois même si elles naissent d’un contrat international. C’est le cas des lois de police contractuelle et de sûreté, encore appelées « lois d’application immédiate ». En effet, chaque Etat considère qu’une partie de sa législation doit s’appliquer nécessairement à toute situation juridique, même internationale, qui développe ses effets sur son territoire. Pour dire que les lois de police ont une grande incidence sur Même si la capacité est régie par la loi personnelle, une partie ne peut cependant pas opposer son incapacité, édictée par sa loi personnelle, si elle est capable d’après la loi du lieu de conclusion du contrat. 135

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les transactions commerciales internationales. a°)- La notion de lois de police Certes, dans son article 3, le Code civil fait référence aux lois de police, mais n’en donne pas de définition. La notion demeure alors complexe, difficile à cerner ! Il faut souligner qu’il est cependant admis que « la loi » s’applique à toutes les relations juridiques. Hormis cela, on peut affirmer avec SAVIGNY136 que les lois de police sont des lois qui « revêtent un caractère politique, de police ou d’économie politique » et qui en raison de leur objet sont « d’une nature positive rigoureusement obligatoire ». Et selon FRANCESCAKIS, il s’agit de lois «dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays»137. Les lois de police sont donc des dispositions de droit matériel et d’ordre public interne, dont l’observation y compris dans un contexte international est jugée « nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays » par l’Etat qui les édicte, « des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans le champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable ». Il s’agit de lois substantielles internes que le juge doit appliquer en principe immédiatement avant tout raisonnement conflictuel aux relations internes et internationales. Les parties à un contrat international ne peuvent donc échapper à ces lois de police qui sont d’application immédiate, c’est-à-dire appliquées sans le détour par la règle de conflit. Ainsi, un contrat international de travail qui s’exécute en Côte-d’Ivoire, sera soumis pour l’essentiel à la loi ivoirienne, même si les parties avaient choisi de le soumettre à une autre loi. b°)- La qualification des lois de police La question qui se pose est la suivante : Comment savoir si on est en présence d’une loi de police ? De prime abord, il faut savoir que chaque Etat définit unilatéralement les dispositions qui - parmi l’ensemble des normes de son système juridique - auront le statut de loi de police. A ce titre, deux situations doivent être distinguées : Les lois se prononcent sur le caractère de loi de police ou les lois sont muettes ou silencieuses sur sa nature. • Les lois se prononcent elles-mêmes sur le caractère de loi de police : c’est l’hypothèse la plus simple mais elle est très rare. Ainsi, une loi peut prévoir, par exemple, que «nonobstant toute stipulation contraire, les dispositions de l’article… (de la loi du for) sont applicables lorsque la loi qui régit le contrat est celle d’un Etat étranger, que le contractant ait son domicile sur le territoire du for et que le contrat y est proposé, conclu ou exécuté».

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SAVIGNY, Traité de droit romain, T.VIII, trad. Guénoux, Paris, Firmin Didot, 1856. P. Francescakis, Trav. Com. Fr., DIP 1966-1969, p. 144.

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Une autre loi peut prévoir, par exemple, que malgré la liberté des parties de choisir librement la langue dans laquelle ils rédigent leur contrat, il est prescrit l’utilisation du français pour la rédaction des contrats des nationaux sans pouvoir y déroger138. • Les lois sont muettes ou silencieuses sur le caractère de loi de police : cette hypothèse est complexe. Il appartient alors aux juridictions de se prononcer sur ce caractère139. Quelques exemples jurisprudentiels français peuvent être cités ; ils sont en principe inspirés par le souci de protection de la partie la plus faible, essentiellement, mais pas exclusivement140, en droit du travail et en droit de la consommation. Ainsi, en droit du travail, sont considérées comme lois de police notamment : la législation françaises sur les congés payés (Paris, 4 juillet 1975, Club méditerranée, RCDIP 1976, p. 455, note A. Lyon-Caen) ; la législation française sur les comités d’entreprise (CE 29 juin 1973, Cie Internationale des Wagons lits, GA n° 53 ; Cass. soc. 3 mars 1988, RCDIP 1989, p. 63, note G. Lyon-Caen) ; la législation française sur les licenciements des salariés protégés (Cass. ass. Plén., 1er juillet 1992, Air Afrique, RCDIP 1994, 1ère esp., p. 69, note B. Audit) mais non relative aux salariés non protégés ; les règles concernant «l’organisation et la réglementation administrative du travail (Soc. 31 mai 1972, Thuillier, RCDIP 1973, p. 683, note P. Lagarde) ». Ces exemples sont relatifs à ce qu’il convient d’appeler le noyau dur en matière d’emploi, à savoir les libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, l’exercice du droit de grève, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés, les congés pour évènements familiaux, les congés de maternité, de paternité, les conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries, le salaire minimum et paiement du salaire y compris les majorations pour les heures supplémentaires, les conditions de mise à disposition et garanties dues aux travailleurs par les entreprises exerçant une activité de travail, les règles relatives à la sécurité, la santé, temporaire, l’hygiène au travail et la surveillance médicale, la discrimination et Voir Hugues KENFACK, Droit du commerce international, Dalloz, 3ème édition, 2009, p. 31, pour ces genres de questions. 139 Bon à savoir : en Europe, la qualification de loi de police a donné lieu à une divergence entre la Cour de cassation française et la cour de justice des Communautés européennes à propos de la loi du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants (art. L. 134-1 et s. C. com.) issue de la directive communautaire du 18 décembre 1986 sur les agents commerciaux. La première a décidé que cette loi «n’est pas une loi de police applicable dans l’ordre international » alors que la seconde avait adopté la position contraire quelques jours plus tôt à propos des articles 17 et 18 de la directive (Cass. com. 28 novembre 2000, Bull. civ. IV, n° 183 et CJCE 9 novembre 2000, Ingmar, RCDIP 2001, p. 511, obs. J.M. Jacquet). Cette divergence de qualification dans des hypothèses similaires suscite des difficultés : • Selon l’article 9 de la Convention de Rome le contrat est valable en la forme s’il satisfait aux prescriptions de forme de la loi qui le régit au fond ou de la loi du lieu de conclusion. Ici les parties n’avaient pas choisi la loi applicable. • Selon l’article 4 § 1 de la Convention de Rome en l’absence de choix par les parties, la loi applicable est la loi du débiteur de la prestation caractéristique c’est-à-dire la loi du vendeur (loi danoise). La loi française ne pouvait donc s’appliquer qu’en tant que loi de police. La Cour de Cassation en a fait l’application mais cet arrêt a été critiqué à juste titre. Même si l’immatriculation en France du navire confère sans doute à la loi française le caractère de loi de police, entre les parties le lien ne devrait pas être annulé car il convient d’opérer une distinction entre les règles de forme et les règles de publicité. Pour la forme, la règle de conflit est celle de l’article 9 de la Convention de Rome. Pour la publicité, la règle de conflit désigne la loi de l’Etat d’immatriculation du navire donc la loi française sanctionnant le défaut de publicité par l’inopposabilité. En conclusion, l’arrêt en question n'aurait pas dû appliquer l’article 7 § 2 dans cette hypothèse. 140 En dehors du domaine du droit du travail et du droit de la consommation, toujours en France, un arrêt du 14 janvier 2004 a décidé qu’en application de l’article 7-1 de la Convention de Rome, est une loi de police l’article 10 de la loi française du 3 janvier 1967 qui prescrit, pour la forme des actes relatifs à la propriété des navires franchisés, la rédaction d’un écrit comportant des mentions propres à l’identification des parties et du navire (Com., 14 janvier 2004, Bull. civ. IV, n° 9, D. 2005, panorama, p. 1193, obs. P. Courbe). Plusieurs arrêts ont également décidé que la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du sous-traitant, est une loi de police au sens des dispositions combinées de l’article 3 du Code civil et des articles 3 et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Ch. mixte, 30 novembre 2007, Civ. 3ème, 30 janvier 2008 et Civ. 3ème, 8 avril 2008, JDI 2008, p. 1073, obs. L. Perreau-Saussine). 138

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égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la protection de la maternité, les principes d’admission au travail, l’emploi des enfants, la durée du travail et le travail nuit des jeunes travailleurs, le travail illégal, ect. En droit de la consommation, la loi du 10 janvier 1978 sur le crédit à la consommation (art. L. 311-1 à L. 317-37) est considérée comme une loi de police (Cass. 1ère civ., 19 octobre 1999, RCDIP 2000, p. 328, note J-B Racine).

c°)- L’application des lois de police Dans l’application des lois de police, une distinction doit être effectuée entre la loi de police du for et la loi de police étrangère. • Loi de police du for : Le juge du for a l’obligation d’appliquer sa loi de police à condition que la situation visée par cette loi soit dans son champ d’application spatial tel que déterminé par l’auteur de la loi ou à défaut par le juge du for lui-même. • Loi de police étrangère : - Lorsque la loi de police étrangère appartient à la lex contractus (la législation sur le contrat), le juge du for doit l’appliquer. - Lorsque la loi de police étrangère n’appartient pas à la lex contractus, le juge du for n’est pas tenu de l’appliquer. • En cas de conflit entre la loi de police du for et la loi de police étrangère, le juge du for compétent applique sa loi de police. • En cas de conflit entre deux lois de police étrangères, il appartient au juge du for de se prononcer sur celle à laquelle il donne préférence (à condition qu’elle rende l’exécution du contrat légale). 2°)- La capacité des parties La question qui se pose ici est celle de savoir si la capacité des parties peut être appréciée en vertu d’une loi qu’elles auront librement choisie. L’affirmative s’imposerait si la capacité dépendait de la loi applicable au contrat. Or, en droit ivoirien, ni même dans de nombreux systèmes juridiques étrangers, telle n’est pas la solution. Car ces droits remettent la question de la capacité des parties à la loi personnelle de chaque contractant, c’est-à-dire sa loi nationale (en Côte d’Ivoire) ou celle de son domicile. Mais, afin de protéger l’un des contractants contre une nullité fondée sur l’incapacité de l’autre, la jurisprudence française admet depuis longtemps l’excuse d’ignorance légitime de cette incapacité. Une solution équivalente est prévue par l’article 11 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Ainsi, lorsqu’une partie au contrat est capable selon la loi du lieu de conclusion, elle ne peut opposer son incapacité à son co-contractant sauf si ce dernier a connu l’incapacité ou ne l’a ignorée qu’à raison d’une imprudence de sa part. En d’autre termes, s’agissant de l’incapacité, dans un contrat conclu entre personnes se trouvant dans un même pays, une personne physique qui serait capable selon la loi de ce pays ne peut invoquer son incapacité résultant d’une autre loi que si, au moment de 90

la conclusion du contrat, le cocontractant a connu cette incapacité ou ne l’a ignorée qu’en raison d’une imprudence de sa part. 3°)- Le transfert des droits réels On le sait, l’obligation principale dans la vente est le transfert de la propriété d’un bien. Mais la loi applicable au contrat ne régit pas nécessairement la question du transfert du droit réel, que le bien soit un bien meuble ou immeuble. En effet, la loi du lieu de situation du bien interviendra en raison de sa force d’attraction particulière à l’égard des biens et son rôle essentiel pour la protection des tiers. De la sorte, en présence d’un contrat qui porte sur le transfert de droits réels, on fera application de la loi du lieu de situation du bien pour tout l’ensemble du contrat. Cette solution ne présente pas de difficulté particulière pour les immeubles en cela que souvent la loi d’autonomie se confondra avec la loi réelle. En revanche, en ce qui concerne les biens meubles, donc des biens susceptibles de déplacement d’un pays à un autre, la complexité peut être plus grande, principalement en raison de la particularité de certains droits étrangers comme celui de l’Allemagne. En effet, dans la vente d’un bien meuble situé en Allemagne, le transfert de la propriété s’opérera selon le droit allemand même si le contrat est soumis à une loi étrangère ayant adopté le transfert solo consensus. C’est dire que l’échange des consentements ne suffira pas à transférer la propriété, il faudra obligatoirement procéder aux formalités de tradition prévues par le droit allemand. Nonobstant cela, la loi française exige que pour la vente d’un bien meuble situé en France, le transfert de la propriété s’opère selon les règles françaises, donc solo consensus, c’est-à-dire au moment de l’échange des consentements, même si le contrat est soumis à la loi allemande. On se rend bien compte alors qu’il y a une difficulté à régler ces types de questions. Cela explique d’ailleurs que dans les diverses Conventions concernant la vente, on ait renoncé à prendre position. Seule la question des risques y est souvent traitée par l’usage notamment des Incoterms, comme c’est le cas avec la Convention de Vienne.

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Chapitre II : Les garanties dans les transactions commerciales internationales ou les instruments de payements internationaux : exemple de la lettre de crédit ou crédit documentaire (credoc) Il y a une kyrielle de garanties dans les transactions commerciales internationales. On peut citer, entre autres, le crédit documentaire, la remise documentaire et la garantie à première demande qui sont souvent l’œuvre d’une banque et qui sont essentiellement des contrats bancaires internationaux. Mais, il ne sera étudié que le crédit documentaire Cela étant, il faut dire que la mondialisation a modifié le monde des affaires. Plusieurs facteurs poussent à s’intéresser aux outils juridiques qui permettent un développement économique et offrent la sécurité adéquate aux opérations et aux opérateurs du commerce international. Ainsi, le développement des échanges commerciaux, terrestres, maritimes, ou aériens a nécessité l’élaboration progressive de techniques de paiement offrant des garanties aux parties concernées. L’une d’elles, par les garanties qu’elle offrait aux différents intervenants, a vu son développement croître très rapidement, et devenir ainsi la technique choisie par la plupart des pays. C’est le crédit documentaire qui est sans conteste la technique la plus utilisée à cette fin et qui est considéré comme une des plus belles réussites du commerce international dans le domaine bancaire. Les tentatives de son informatisation démontrent d’ailleurs son importance dans le commerce mondial. En effet, le symbole de son évolution est l’informatisation des textes internationaux que sont les Règles et Usances Uniformes (RUU) de la Chambre de Commerce Internationale (CCI)141 (La collaboration de la CCI avec la CNUDCI et La Chambre de Commerce Internationale (CCI) a été créée en 1920 à l’initiative de chefs d’entreprise de cinq pays (BELGIQUE, ETATS-UNIS, FRANCE, ITALIE, ROYAUME-UNI). Dès l’origine, le siège du secrétariat de la CCI a été établi à PARIS. La CCI est la seule organisation à rassembler au plan mondial les chefs d’entreprise, tous secteurs confondus : industrie, commerce, banque, transport, assurance. Sa structure est fédérale, en ce sens, qu’elle est fondée sur un réseau de Comités Nationaux dans 60 pays industrialisés et émergents. Dans une quarantaine d’autres pays qui sont encore dépourvus de Comités Nationaux, les entreprises peuvent devenir membres directs de la CCI. Les activités de la CCI sont menées au sein d’une vingtaine de commissions. Elles ont pour objet, selon le cas : - de contribuer aux discussions et de peser sur les décisions des organisations intergouvernementales à compétences économiques (Nations-Unies, organisation Mondiale du Commerce...) - de stimuler à l’initiative des entrepreneurs eux-mêmes l’harmonisation internationale des pratiques bancaires et commerciales. Elle offre également une série de services à savoir : - la Cour Internationale d’Arbitrage, - le Bureau d’Enquêtes sur la contrefaçon, - le Bureau contre le crime commercial, - le Bureau Maritime International. Les principales publications de la CCI concernant les opérations documentaires sont : Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives aux Crédits Documentaires, les Règles Uniformes de la CCI relatives aux 141

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la CNUCED conforte cette évolution). La souplesse du procédé réside dans les diverses formes qu’il peut revêtir ainsi que ses divers modes de réalisation, le tout adapté à la nature des transactions qu’il est appelé à couvrir. Les fonctions qu’il remplit apportent plus de confiance et de sécurité dans les transactions commerciales internationales. Il peut néanmoins être entaché par certaines formes de fraude. Le crédit documentaire fait la plupart du temps appel au connaissement. Ce dernier est le document le plus utilisé dans le cadre d’une opération de transport international de marchandises par mer et le plus demandé par les banques dans une opération de Credoc. Cette interconnexion du connaissement et du Credoc se manifeste à plusieurs niveaux dans le cadre des opérations de vente internationale de marchandises par mer. Section I : Définition du CREDOC et les acteurs du crédit documentaire Paragraphe I : Définition du CREDOC De prime abord, il faut relever que le crédit documentaire est composé des vocables « crédit » et « documentaire » : Crédit : Evocation d’un prêt. Il ne s’agit pas d’un prêt d’argent, mais d’un crédit par signature (celle de la banque qui émet le crédit permettant l’opération). L’absence de ce crédit par signature aurait obligé l’acheteur à effectuer un paiement d’avance. Documentaire : Evocation de documents. Les documents sont représentatifs de l’opération commerciale, et sont la contrepartie du crédit. Cette notion est importante au regard du déroulement futur. Le crédit documentaire apparaît alors un moyen de paiement facilitant l’exécution d’une vente internationale et un moyen de « garantie » pour le vendeur. Normalement le paiement s’effectue au moment de la livraison. Dans le commerce international le vendeur ne livre pas lui-même mais expédie les marchandises par l’intermédiaire du transporteur ; il se trouve dessaisi des biens, contraint d’attendre pendant le transport, sans être sûr d’être payé par l’acheteur qui habite un pays lointain. Pour éviter ces inconvénients la pratique commerciale internationale a inventé le crédit-documentaire : Le paiement sera assuré par un banquier dès que le vendeur lui présente certains documents prouvant l’expédition des marchandises conformément à celles commandées par l’acheteur. C’est l’acheteur qui donne au banquier l’ordre de payer le vendeur contre la remise de documents. Ce banquier après avoir payé le vendeur a un recours contre l’acheteur. encaissements, les Règles Uniformes de la CCI pour les Remboursements de BANQUE à BANQUE, les Règles et Usances Uniformes pour les Garanties Contractuelles, les Règles Uniformes de la CCI relatives aux Garanties sur demande, les Règles et Pratiques Internationales relatives aux STAND-BY.

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Cela étant, le crédit documentaire, communément appelé « Credoc » également connu sous le nom de lettre de crédit (ou accréditif), et parfois désignée par « L/C », abréviation de letter of credit, peut être défini comme un engagement pris par une banque à la demande de son client, de payer (à vue ou à échéance) le montant du crédit, à condition que les documents présentés soient conformes aux termes du crédit. Il ressort de tout ce qui précède que le crédit documentaire peut être défini comme : - Un engagement de paiement généralement irrévocable souscrit par le banquier d’un acheteur de marchandises ou autres prestations commerciales de payer le vendeur si celui-ci lui présente pendant la période de validité de cet engagement les documents conformes à ceux spécifiés dans le crédit documentaire et qui sont censés attester de la bonne exécution par le vendeur de ses obligations. - L’opération par laquelle une banque émettrice s’engage d’ordre et pour compte de son client importateur, le « donneur d’ordre », à régler à un tiers exportateur, le « bénéficiaire », dans un délai déterminé, via une banque intermédiaire (ou banque notificatrice) un montant déterminé contre la remise de documents strictement conformes justifiant la valeur et l’expédition des marchandises. - L’opération par laquelle une banque (banque émettrice ou apéritrice), agissant à la demande et sur instruction d’un client-acheteur (le donneur d’ordre ou l’ordonnateur), accepte d’effectuer un paiement à un tiers-vendeur (le bénéficiaire) ou autorise une autre banque à effectuer ledit paiement (banque intermédiaire), contre remise de documents constatant la bonne exécution d’une vente142. Cela étant, il faut dire que le crédit documentaire peut être un crédit documentaire export ou un crédit documentaire import : le crédit documentaire export est l’opération par laquelle un exportateur de marchandises ou un prestataire de services bénéficiaires d’un engagement irrévocable et direct d’une banque en sa faveur (banque émettrice du crédit documentaire, complété éventuellement par celui d’une banque confirmante), se fait payer contre la remise de documents reconnus conformes ; le crédit documentaire import est l’opération par laquelle une banque, sur demande d’un importateur, intervient en vue de garantir le règlement d’un exportateur étranger, avec promesse de le payer (à vue, à terme, directement ou indirectement), contre la remise de certains documents jugés conformes aux conditions du crédit documentaire. On le voit, l’objectif du crédit documentaire est qu’il est aujourd’hui très utilisé pour sécuriser les transactions de commerce international. Paragraphe II : les acteurs du crédit documentaire Quels sont les acteurs du crédit documentaire ? Généralement, quatre intervenants pour assurer la sécurité de l’opération : L’Acheteur/Importateur ou Donneur d’ordre ; La Banque de l’Acheteur ou Banque Emettrice ; La Banque du vendeur ou Banque notificatrice et/ou Banque confirmatrice ; Le vendeur/L’Exportateur ou Bénéficiaire. Mais n’empêche qu’une cinquième personne intervienne, à savoir la banque 142

Voir S. Neuville, Droit de la banque et des marchés financiers, PUF 2005, n° 167.

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négociatrice. - Le donneur d’ordre (en anglais : applicant) ou ordonnateur est l’acheteur ou l’importateur qui est l’initiateur du crédit documentaire auprès de sa banque et qui doit payer le prix des marchandises si le contrat est bien exécuté. - La banque émettrice ou banque de l’acheteur importateur est celle du donneur d’ordre. Elle émet le crédit documentaire. Située dans le pays de l’acheteur, elle reçoit l’ordre de ce dernier d’ouvrir un crédit documentaire dans des conditions précisées par une demande d’ouverture d’un tel crédit. Elle émet alors une lettre de crédit appelée accréditif, et destinée au bénéficiaire du crédit documentaire, le vendeur. - La banque notificatrice ou banque du vendeur exportateur est celle qui reçoit le crédit documentaire et le transmet au bénéficiaire après avoir étudié la conformité du message d’ouverture. Selon les cas elle peut le confirmer. Elle est donc située dans le pays du vendeur. Pour des raisons principalement de confiance (le vendeur ne connaît pas le banquier de l’acheteur) et accessoirement de facilité matérielle (présentation des documents à la banque), le vendeur préfère une banque de son pays, généralement sa propre banque, qui intervient dès le stade de la notification de l’accréditif143. - Le bénéficiaire est l’exportateur qui reçoit le crédit documentaire par l’intermédiaire de sa banque. Il s’agit du vendeur exportateur qui recherche une garantie de paiement de la marchandise livrée. - La banque négociatrice : lorsque le crédit le permet (lettre de crédit appelée "ANY BANK"), le bénéficiaire peut remettre les documents et demander le paiement à une autre banque de son pays que la banque notificatrice. Cette banque prend alors le nom de banque négociatrice. Section II : Le cadre juridique et le déroulement de l’opération de crédit documentaire Paragraphe I : Le cadre juridique du crédit documentaire Le crédit documentaire est une opération complexe. Le contrat de crédit documentaire en lui-même est difficile à établir, mais une difficulté supplémentaire s’y ajoute par le fait qu’il prend place dans un contrat plus large qu’est le contrat de vente international pour lequel il est souscrit. Ainsi, dans le cadre de sa politique juridique générale, l’entreprise exportatrice doit témoigner un soin très attentif à élaborer le crédit documentaire de la manière qui réponde le mieux à ses besoins de sécurité, dépendants de chaque cas d’espèce. L’identification des règles de droit applicables fait partie de ces démarches. A ce sujet, il faut souligner que le crédit documentaire est soumis pour l’essentiel aux « Règles et Usances Uniformes relatives aux crédits documentaires » de la Chambre de commerce internationale (CCI) qui sont une codification privée. C’est dire que les droits, obligations et les responsabilités des parties en la matière sont codifiés et S’il s’agit d’un contrat de vente soumis à la Convention de Vienne, l’absence d’ouverture d’un crédit documentaire peut être considérée comme une « contravention essentielle ». 143

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consignés dans les Règles Usances Uniformes (RUU) relatives aux crédits documentaires de la Chambre de Commerce Internationale. Les Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires s’imposent aux parties si elles ne les ont pas écartées. Leur violation donne lieu à un pourvoi en cassation. Elles ont une valeur supérieure aux usages. L’adhésion générale à ces RUU contribue à favoriser une pratique universelle du crédit documentaire. Les RUU ont été publiées pour la première fois en 1933 et sont périodiquement révisées. Le crédit documentaire vient de subir un lifting avec l’élaboration de nouvelles règles et usances, les RUU 600 qui sont applicables depuis le 1er juillet 2007. La dernière révision qui est la 6ème révision des RUU date donc du 1er juillet 2007 sous le numéro de publication 600 (Publication CCI n° 600-2007 ou RUU 600, en anglais UCP 600). En effet, les nouvelles Règles et Usances uniformes de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) relatives aux crédits documentaires (Révision 2007), en abrégé RUU 600, sont entrées en vigueur le 1er juillet 2007 et ont remplacé les RUU 500 dont l’adoption remonte à 1993 et l’entrée en vigueur le 1er juillet 1994 (Publication CCI 5001993). Il s’agit de la sixième révision des RUU depuis leur première publication en 1933. Les RUU de la CCI relatives aux crédits documentaires constituent la norme universelle à laquelle ils doivent se conformer. La commission bancaire de la Chambre de commerce internationale a révisé ces Règles et Usances par décision du 25 octobre 2006 avec entrée en vigueur le 1er juillet 2007. Il s’agit de la publication n° 600 de la CCI (RUU 500 auparavant). Les principales modifications de cette nouvelle version des RUU consistent en une définition plus précises notamment du rôle de la banque émettrice, confirmatrice ou désignée, en une simplification des principes applicables, le nombre d’articles des RUU ayant d’ailleurs été réduit de 49 à 39 et inclut le supplément électronique à ces règles qui avait été adopté par la CCI et était entré en vigueur en 2002. A noter qu’il est toujours possible d’émettre une lettre de crédit soumise aux RUU 500 de la CCI. Les RUU s’appliquent par convention des parties (expresse ou implicite) ; elles ont même aujourd’hui une valeur d’usage ou de coutume144. Paragraphe II : Le déroulement de l’opération de crédit documentaire Comment se déroule un crédit documentaire ? Le déroulement du crédit documentaire être décrit juridiquement mais en la matière une description opérationnelle s’impose tout d’abord. A- Déroulement opérationnel ou pragmatique du crédit documentaire : Plusieurs schémas peuvent expliquer le déroulement du crédit documentaire. Mais un Dans de nombreux arrêts, les RUU sont visées : Voir, notamment, Com., 14 oct. 1981, Bull. civ. IV, n° 357, D. 1982, p. 301, obs. M. Vasseur ; Com., 7 oct. 1987, Bull. civ. IV, n° 159, D. 1988, jur. p. 265, obs. M. Vasseur; Com., 5 nov. 1991, Bull. civ. IV, n° 328, D. 1991, somm. p. 303, obs. M. Vasseur. 144

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schéma sera présenté à titre d’exemple. Avant cela, il faut préciser que l’initiative ou la casquette de donneur d’ordre peut être prise soit par l’acheteur national soit par l’acheteur étranger, soit par le vendeur national soit par le vendeur étranger. Schéma : En tant que vendeur, vous êtes en négociation avec un client acheteur étranger que vous connaissez mal ou qui se trouve dans un pays à fort risque politique. Pour exporter en toute sécurité et disposer de solides garanties de paiement, vous proposez à votre client, et cela doit faire partie intégrante de la discussion et donc de votre offre commerciale, de vous payer par crédit documentaire irrévocable auprès de votre banque. Si le votre client accepte les termes du contrat commercial alors le règlement se fera par ‘‘crédoc’’. En clair, voici schématiquement comment vont se dérouler les opérations : Schéma :

1. Votre acheteur (donneur d’ordre) demande à sa banque (banque émettrice) l’ouverture d’un crédit documentaire irrévocable en votre faveur (bénéficiaire) auprès de votre banque (banque notificatrice ou confirmatrice). 2. La banque de votre client transmet cette ouverture de crédit à votre banque, banque notificatrice, en précisant toutes les conditions d’utilisation et de paiement : montant, date de validité, désignation de la marchandise, date limite d’expédition, conditions de vente, de transport et d’assurance, documents exigés, délai de paiement. Dès lors, la banque émettrice s’engage à vous payer (quelle que soit la situation de votre client), à condition que vous respectiez scrupuleusement les conditions fixées, en fournissant notamment tous les documents requis dans les délais prévus. 97

3. Votre banque vous notifie cette ouverture de crédit, sans engagement de sa part. Vous pouvez demander à votre acheteur que le crédit documentaire soit en plus confirmé par votre banque. Cette confirmation, à la différence d’une simple notification, engage également votre banque à vous payer, quelle que soit pour elle la difficulté à obtenir le transfert des fonds de la banque étrangère. Cette confirmation supprime donc pour vous : le risque de non-paiement que vous prenez sur la banque émettrice, le risque politique du pays (non transfert des fonds). 4. A réception de la notification du crédit documentaire, vous vérifiez que les conditions fixées sont conformes au contrat commercial conclu avec le client, et que vous pouvez fournir tous les documents requis dans les délais impartis. Sinon, vous demandez immédiatement à votre client de vous expédiez la marchandise. 5. Au moment de l’expédition, vous réunissez tous les documents exigés dans le crédit et vous les remettez à votre banque. 6. Si les documents sont conformes aux termes de l’ouverture du crédit, trois cas peuvent se présenter : o Le crédit documentaire a été confirmé par votre banque : celle-ci vous règle à la date prévue et adresse les documents à la banque émettrice. o Le crédit documentaire vous a été notifié par votre banque, mais utilisable aux caisses de la banque émettrice. Votre banque transmet les documents à la banque émettrice qui, après vérification de leur conformité, vous règle à l’échéance prévue. o Le crédit documentaire vous a été notifié par votre banque et utilisable à ses caisses. Votre banque réclame les fonds auprès de la banque émettrice et vous les crédite à réception. Votre banque adresse les documents. 7. Les documents sont transmis à votre client, qui peut ainsi prendre possession de la marchandise. L’engagement de payer des banques repose uniquement sur la stricte conformité des documents : ils sont donc examinés scrupuleusement, et le moindre détail (y compris une faute de frappe) peut être considéré comme une irrégularité. o Si l’irrégularité peut être corrigée (faute de frappe par exemple), la banque vous demande d’apporter les modifications nécessaires. o S’agissant d’irrégularités légères, vous pouvez être payé sous réserve, mais en cas de contestation de votre client, vous êtes amené à rembourser les sommes perçues. o S’agissant d’irrégularités graves (délai d’expédition non respecté par exemple), le crédit ne peut pas être utilisé, et les documents sont adressés à l’encaissement après votre accord. Votre client doit alors exprimer formellement son accord pour que vous soyez payé.

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B- Déroulement juridique du crédit documentaire : Le bénéficiaire et le donneur d’ordre s’entendent sur un contrat commercial. Le donneur d’ordre (importateur) demande à sa banque l’ouverture d’un crédit documentaire en faveur du bénéficiaire, conformément au contrat. La banque émettrice émet le crédit documentaire auprès de la banque de son choix ou d’une banque demandée par le bénéficiaire (généralement sa propre banque) désignée alors comme Banque notificatrice et/ou confirmante. Elle liste alors l’ensemble des termes et conditions du contrat et s’engage à payer la banque du bénéficiaire si celleci lui présente des documents strictement conformes aux termes du crédit (et en accord avec les Règles et Usances RUU). Les échanges entre les banques se font généralement au moyen du système sécurisé de télétransmission SWIFT145. La banque Notificatrice transmet le crédit au bénéficiaire. Si le crédit est ouvert sous la forme "confirmable", la banque notificatrice a le choix de confirmer ou non le crédit (étude du risque Pays et risque Banque). Dans ce cas, elle doit en aviser la Banque émettrice et le crédit est simplement notifié au bénéficiaire, sans engagement de la part de la banque notificatrice (article 9 des RUU). Le bénéficiaire (vendeur / exportateur), s’il est en accord avec l’ensemble des conditions du crédit, est en mesure de les respecter et de présenter des documents conformes, peut alors exécuter le contrat et expédier la marchandise. À défaut il devra intervenir auprès du donneur d’ordre pour faire amender le crédit par la Banque émettrice, ceci pour être certain de respecter l’ensemble des clauses et obtenir le paiement. Le bénéficiaire rassemble l’ensemble des documents requis en s’assurant qu’aucun d’entre eux ne comporte d’irrégularités au sens des conditions du crédit et des Règles et Usances et les remet à sa banque. Si la moindre irrégularité est relevée par la banque négociatrice, les documents pourront être rejetés et le bénéficiaire ne recevra aucun paiement. Si le crédit l’autorise et si les documents sont conformes, il peut négocier une avance de paiement, sous déduction d’intérêts. La banque négociatrice dispose de 5 jours ouvrés (7 jours pour les RUU 500) pour étudier les documents et déterminer s’ils sont conformes ou non. S’ils sont conformes, elle les transmet à la banque émettrice pour paiement. S’ils comportent des irrégularités, elle peut néanmoins les transmettre, avec l’accord du bénéficiaire, à la banque émettrice pour accord, nonobstant les irrégularités. La banque émettrice dispose également de 5 jours (7 jours pour les RUU 500) à réception des documents pour les étudier et notifier d’éventuelles réserves ou irrégularités à la banque qui lui a adressé les documents. Si les documents sont Société for Worlwide InterBank Financial Telecommunication : C’est une société coopérative de droit belge, basée à La Hulpe près de Bruxelles, détenue et contrôlée par ses adhérents parmi lesquels se trouvent les plus grosses banques mondiales. Fondée en 1973, elle a ouvert un réseau opérationnel de même nom en 1977. Cependant, comme elle gère l’enregistrement des BIC, le terme « Code SWIFT » est parfois utilisé pour désigner le BIC. Voir annexe… pour plus d’information ! 145

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déclarés conformes, elle devra les régler selon les instructions de paiement prévues à l’ouverture ou spécifiées par la Banque remettante. Si les documents sont irréguliers, elle peut les rejeter ou soumettre les irrégularités au donneur d’ordre. Le donneur d’ordre peut alors refuser ou accepter les documents : En cas de refus des documents, ceux-ci peuvent être retournés à la banque du bénéficiaire. Selon les conditions du document de transport, celui-ci reste propriétaire de la marchandise. Aucun paiement n’est effectué. Lorsque les documents sont acceptés, la banque émettrice envoie un avis de levée de réserves à la banque négociatrice, le cas échéant. Les documents sont transmis au donneur d’ordre qui devient propriétaire de la marchandise. La banque émettrice règle la banque négociante conformément au crédit : A vue : le règlement est effectué dès que les documents sont reconnus conformes ou dès la levée des réserves ; et à l’échéance, dans les autres cas. Le déroulement juridique soulève donc la question de l’ouverture du crédit et celle de son acceptation. 1- L’ouverture du crédit documentaire Le crédit est ouvert dans un accord intervenu entre l’acheteur et son banquier en exécution d’une clause prévue dans le contrat de vente. Le banquier qui ouvre le crédit en informe le vendeur par l’intermédiaire de son correspondant. Il peut même s’engager personnellement envers le vendeur. Dans ces cas les relations entre le banquier et le vendeur bénéficiaire du crédit seront indépendantes de celles nées du contrat de vente et du contrat de crédit. a- Le contrat de vente Il comporte une promesse d’ouverture de crédit. L’acheteur promet au vendeur d’obtenir l’engagement d’une banque de payer, d’accepter ou d’escompter une lettre de change. Le contrat de vente fixe les modalités de crédit (le montant, la date de validité, les documents exigés). La violation de la promesse entraine la résiliation de la vente. b- Le contrat de crédit ou l’ouverture du crédit α- Les instructions de l’acheteur L’acheteur donneur d’ordre donne des instructions à son banquier qui est appelé banque émettrice. L’acheteur donne l’ordre d’ouvrir un crédit au bénéfice du vendeur en précisant la nature des documents qui doivent être remis par le vendeur à la banque. En contrepartie de l’ouverture du crédit, l’acheteur s’engage à rembourser la banque des sommes versées au vendeur, à payer une commission, à donner des garanties.

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β- Emission de l’accréditif La banque adresse une lettre de crédit dénommée accréditif au vendeur, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une banque située dans le pays du vendeur. - Contenu de l’accréditif La lettre de crédit informe le vendeur qu’il bénéficie d’un crédit (sous forme de paiement, d’acceptation ou d’escompte ou d’une lettre de change) en contrepartie de la remise des documents déterminés. La lettre précise la nature révocable ( ?)146 ou irrévocable de la nature du crédit : Dans le crédit révocable, la banque ne prend aucun engagement personnel envers le vendeur. La banque se borne à informer ce dernier de l’ouverture du crédit. Elle peut donc révoquer le crédit sur instruction de l’acheteur (en cas d’inexécution ou mauvaise exécution du marché). Il peut également révoquer comme dans toute ouverture de crédit en cas de survenance d’événements susceptibles d’altérer la confiance de la banque comme l’insolvabilité de l’acheteur ou le non paiement de la Commission. La révocation suppose un motif légitime sinon la banque engage sa responsabilité. Dans le crédit irrévocable, la banque rajoute à son engagement envers l’acheteur. Le droit du vendeur bénéficiaire devient ainsi indépendant des relations existantes entre la banque et le donneur d’ordre. La banque ne peut opposer au vendeur des exceptions qu’elle peut opposer à l’acheteur (elle ne peut révoquer le crédit en cas d’insolvabilité, de décès ou de la « faillite » de l’acheteur). Le droit du bénéficiaire devient indépendant des relations existant entre le vendeur et l’acheteur. La banque ne saurait invoquer pour échapper à son engagement l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat de vente du moment que les documents présentés sont conformes à ceux indiqués dans l’accréditif. Le caractère autonome du crédit irrévocable et l’inopposabilité des exceptions font que le crédit documentaire est non seulement un moyen de paiement mais aussi de garantie. Le seul cas où la banque peut refuser d’exécuter c’est en cas de fraude. - Le rôle de la banque intermédiaire La banque intermédiaire correspondante de la banque émettrice après avoir vérifié l’authenticité apparente de la lettre de crédit joue l’un des deux rôles suivants : --> Elle peut ne pas confirmer le crédit : elle joue le rôle d’un simple guichet agissant pour le compte de la banque émettrice. Elle notifie la lettre de crédit au vendeur et le paye. --> Lorsque le crédit est irrévocable la banque intermédiaire peut confirmer le crédit en s’engageant personnellement et directement envers le vendeur qui bénéficie ainsi de deux engagements bancaires. 2- L’acceptation du crédit Le crédit documentaire consiste dans un paiement (ou acceptation d’une lettre de change) contre une remise de documents conformes aux instructions de l’acheteur. Les documents vont circuler, le paiement une fois effectué permet l’ouverture d’un 146

Sous RUU 600, il ne faut pas oublier que cela n’est plus possible !

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recours. a- Circulation des documents Le vendeur remet les marchandises après les avoir assurées au transporteur qui délivre un titre de transport. Le vendeur remet ce titre accompagné d’autres documents au banquier qui les vérifie avant de les régler. Cela pose la question de la nature des documents : En effet, certains documents attestent la bonne exécution. Les documents comportent : Un titre d’expédition (lettre de voiture, récépissé postal ou aérien) ; Une police ou un certificat d’assurance ; Une facture qui mentionne les marchandises, le prix et le coût de transport ; Un certificat sanitaire d’inspection ou de qualité ou d’origine ; D’autres documents représentent la marchandise : Il s’agit notamment du connaissement maritime qui est un titre noble transmissible par endossement. Ces documents doivent être présentés dans le délai de validité du crédit. La banque vérifie la conformité apparente des documents avec ceux indiqués dans la lettre de crédit. La vérification porte sur les documents (tous les documents). La banque contrôle les documents à l’exclusion des marchandises et des services. Elle vérifie la conformité des documents à ceux demandé par l’acheteur. La banque veille à ce qu’aucun des documents demandés ne manque. Mais il ne lui appartient pas d’exiger la présentation d’un document non demandé. Le contrôle de la banque est donc externe : Elle vérifie la régularité apparente des documents. Elle doit écarter les documents dont l’irrégularité est grossière, manifeste. La banque n’assure aucune responsabilité quant à l’exactitude des documents et ne garantit pas l’authenticité des documents. b- Le paiement et le recours α- Le paiement Si les documents sont irréguliers la banque les rejette. S’ils sont conformes, la banque paye le vendeur ou accepte une lettre de change tirée sur elle, ou escompte la lettre de change tirée par le vendeur sur l’acheteur. Si l’irrégularité du document est minime, la banque ne peut pas les rejeter au risque de troubler les relations vendeur/acheteur. Mais elle ne peut pas les accepter purement et simplement, sinon elle perd tout droit de recours contre le vendeur. Si l’acheteur refuse de lever (accepter) les documents, la banque accepte donc les documents avec réserve ; ce qui lui permettra de se retourner contre le vendeur en cas de refus de l’acheteur de les accepter. β- Le recours Après avoir payé le vendeur, la banque intermédiaire transmet les documents à la banque émettrice, celle-ci la règle. 102

Si la banque émettrice estime que les documents ne sont pas conformes, elle doit en donner un avis motivé à la banque que les lui a transmis. A défaut de cela, elle est tenue de rembourser, malgré l’irrégularité. La banque émettrice ayant réglé la banque intermédiaire transmet les documents à l’acheteur qui le rembourse, sinon la banque émettrice conserve grâce aux documents en sa possession un droit de gage sur la marchandise. L’acheteur ayant réglé la banque émettrice remet les documents au transporteur et prend livraison des marchandises.

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