Contrôle Diagnostic Et Contrôle Interactif [PDF]

  • 0 0 0
  • Gefällt Ihnen dieses papier und der download? Sie können Ihre eigene PDF-Datei in wenigen Minuten kostenlos online veröffentlichen! Anmelden
Datei wird geladen, bitte warten...
Zitiervorschau

Master : Management, Audit et contrôle. Contrôle et stratégie :

Exposé sous thème : contrôle diagnostic / contrôle interactif

Préparé par : ABD-RSOUL Oussama

Encadré par : Pr : M.HEMMI

Année universitaire : 2019/2020

Introduction :

Le contrôle de gestion est très souvent présenté comme un système de gestion générique, standard, adaptable à toute forme d’organisation, toute sorte d’activité et tout niveau de responsabilité. La question des conditions et des modalités de son adaptation aux spécificités du contexte est rare ment abordée. Elle représente cependant un enjeu majeur pour l’ensemble des acteurs en charge du développement et de l’animation du contrôle de gestion : contrôleurs de gestion bien sûr, mais aussi managers et responsables opérationnels qui souhaitent piloter leur activité quelle qu’elle soit.

Pour participer de manière pertinente au pilotage des organisations, les systèmes de contrôle de gestion doivent répondre aux besoins spécifiques de leurs dirigeants et managers par des dispositifs et des outils adaptés à leur contexte économique et social et à leurs processus de décision. Les éléments structurants du contrôle de gestion, sont de nature très diverse : − Tantôt stratégique : les conditions de la concurrence dans un secteur, le positionnement stratégique choisi différenciation par les prix ou par l’innovation notamment, la technologie utilisée, orientent les choix d’organisation du contrôle et la manière dont les outils sont mis en œuvre ; − Tantôt institutionnelle : le contrôle de gestion environnemental est ainsi largement influencé par le contexte social et réglementaire ; − Tantôt organisationnelle : la taille, l’histoire et les valeurs de l’entreprise et de ses dirigeants influencent le système de délégation de responsabilité et de contrôle ; − Tantôt encore fonctionnelle : les missions et outils du contrôle de gestion industriel, commercial, logistique ou des ressources humaines sont organisés pour répondre aux besoins des fonctions opérationnelles et des fonctions supports . Le contrôle de gestion s’exprime ainsi différemment selon le secteur d’activité, le niveau d’incertitude de l’environnement, la stratégie, la technologie, la taille et l’histoire de l’entreprise, le style managérial de ses dirigeants, leurs valeurs et les compétences réunies, les règles et normes qui caractérisent l’environnement et encadrent les actions…

Section 1 : Une perspective compréhensive des systèmes de contrôle de gestion

À l’origine, le contrôle de gestion s’est développé dans les grandes entreprises industrielles au début du XXe siècle en même temps que l’organisation scientifique du travail et que les fondamentaux de l’administration des entreprises (Fayol, 1916). La préoccupation des ingénieurs et des dirigeants était alors à la fois de maîtriser les coûts et de contrôler les responsabilités déléguées, par un strict contrôle budgétaire. Parallèlement à la formalisation du contrôle de gestion comme discipline comptable, un courant comportementaliste a émergé à partir des années 1950, donnant une représentation moins mécaniste des organisations. Ce courant s’intéresse aux liens entre les dispositifs de contrôle de gestion et les relations humaines au sein des organisations. Les implications managériales du contrôle de gestion concernent aussi bien l’implication au travail des individus en fonction de la manière dont ils sont contrôlés que les jeux sociopolitiques associés à la définition des fins de l’organisation, des objectifs par centres de responsabilité, des moyens et des indicateurs de performance (Naro, 1998). La perspective compréhensive des systèmes de contrôle de gestion constitue une sorte de synthèse des travaux menés pendant quarante ans dans le champ du contrôle de gestion. Elle propose de dépasser les approches contingentes qui, jusqu’aux années 1980, ont exprimé un déterminisme très systématique de certains éléments de contexte tels que la stratégie, la technologie, la structure organisationnelle, la culture… sur la forme du contrôle de gestion (Chiapello, 1996). Ces approches analysaient l’influence de tel ou tel type de facteur sur les systèmes de contrôle de gestion de manière isolée, et donnaient par conséquent souvent des résultats contradictoires (Chenhall, 2003). L’approche compréhensive propose un modèle qui tient compte de l’ensemble des éléments du contexte, à la fois économiques, humains, sociaux et culturels, qui participent à la structuration du contrôle de gestion. L’intention de cette approche est de comprendre la cohérence des systèmes dans leur complexité plutôt que de cher - cher à identifier des liens de cause à effet systématiques et généralisables.

1- Les principes fondateurs du contrôle de gestion : Il est d’usage de définir les systèmes de contrôle de gestion (SCG) à partir de la définition fondatrice du contrôle de gestion comme « le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience pour la réalisation des objectifs de l’organisation. » (Anthony, 1965, p. 17). Dans ce cadre, Anthony identifie trois niveaux de contrôle bien distincts que sont la planification stratégique, le contrôle de gestion et le management opérationnel (figure 0.1).

Planification stratégique

Long terme

Ensemble de l’organisation

Contrôle de gestion

Management opérationnelle

Court terme

Département

Figure 0.1 – Les différents niveaux de contrôle selon Anthony(1965)

La planification stratégique est le processus qui conduit l’organisation à définir ses buts et la stratégie permettant d’atteindre ces mêmes buts. À ce niveau de pilotage, l’organisation formalise ses missions et métiers, ses domaines d’activité stratégiques, ses marchés cibles et les produits ou services qu’elle entend offrir. La planification stratégique conduit également à l’identification des facteurs clés de succès de l’entreprise, sources de différenciation dans son environnement (coûts faibles, innovation technologique, différenciation par l’image de marque…). Le management opérationnel correspond à l’exercice des différents métiers de l’organisation (logistique, achats, ventes, production, recherche et développement…), sur des zones de responsabilité prédéfinies. Les managers opérationnels sont autonomes quant à la manière d’atteindre leurs objectifs opérationnels avec les moyens accordés, mais ils doivent rendre des comptes périodiquement sur l’atteinte de ces objectifs. Par exemple, un directeur commercial régional organise la commercialisation sur sa zone. Il met en œuvre la politique commerciale, définie globalement au niveau du groupe le cas échéant, à travers un

plan d’actions commerciales avec une relative autonomie, il anime ses équipes de vendeurs, ses agents… Le contrôle de gestion constitue un maillon intermédiaire entre la planification stratégique et sa mise en œuvre opérationnelle. Dans le cadre de la démarche prévisionnelle, il participe à la déclinaison des objectifs stratégiques en objectifs ciblés par fonction, et par niveau de responsabilité. Il contribue également au suivi de la performance a posteriori en évaluant l’atteinte des objectifs. Ce suivi de la performance est un processus qui peut être réalisé par un contrôleur de gestion ou par le manager opérationnel lui-même. Ainsi, le directeur commercial peut rendre des comptes sur la performance de sa zone à travers son reporting. Il explique l’atteinte de certains objectifs de chiffre d’affaires par ligne de produits, par segment de clientèle, et il justifie les moyens financiers, humains et matériels mis en œuvre.

2- Le contrôle de gestion au service de la mise en œuvre et du renouvellement stratégique : À partir d’études de cas et d’entretiens menés avec des dirigeants d’entreprises et des managers pendant plus d’une dizaine d’années, Simons (1995) propose un modèle (figure 0.2) dans lequel quatre leviers de contrôle permettent la mise en œuvre de la stratégie et le contrôle de sa pertinence : les systèmes de contrôle interactif, les systèmes de contrôle diagnostic, les systèmes de frontières (gardefou) et les systèmes de croyances. Chacun de ces leviers de contrôle joue un rôle vis-à-vis d’un paramètre du pilotage stratégique, à la fois dans le sens de la mise en œuvre de la stratégie en interne et du contrôle de sa pertinence externe. « En situation de changement stratégique, les systèmes de contrôle sont utilisés par les dirigeants pour formaliser les croyances, établir les garde-fous par rapport à un comportement stratégique acceptable, définir et mesurer les variables de performance critiques, engendrer le débat et la discussion sur les incertitudes stratégiques. Au-delà des fonctions traditionnelles de mesure et de pilotage, les systèmes de contrôle sont utilisés par les dirigeants pour dépasser l’inertie organisationnelle, communiquer de nouvelles étapes stratégiques, établir des cibles et des jalons de la mise en œuvre et assurer une attention continue à de nouvelles initiatives stratégiques. » (Simons, 1994, p. 169) Le système de délimitation (ou contrôle garde-fou) encadre la prise de risques et joue un rôle limitatif dans la recherche de nouvelles opportunités.

Ce système pose des contraintes sur certains axes du pilotage, mais n’empêche cependant pas toute créativité et innovation. Ainsi, Simons (1987) montre comment certains prospecteurs (les entreprises innovantes) mettent en œuvre un contrôle budgétaire strict sur certaines zones de leur activité, qui ne les empêche pas d’innover et de réussir, notamment par la mise en œuvre d’un contrôle interactif sur les zones d’incertitude et de prospection.

D’après : Simons, 1995, p. 157. Figure 0.2 – Les leviers du contrôle en interaction avec la stratégie

Section2 : contrôle interactif / diagnostic : modélisation budget 2- 1 – notion de contrôle interactif / diagnostic

A la suite d’études de cas, Simons constate que « toutes les organisations grandes et complexes ont des systèmes similaires de contrôle de gestion […] mais il y a des différences dans la manière d’utiliser les systèmes de contrôles de gestion » (Simons, 1990, p.135). Il en vient à caractériser les différences entre systèmes de contrôle par la façon dont les dirigeants surveillent activement certains outils de contrôle alors qu’ils délèguent les autres. Il différencie ainsi dans une série d’articles et de livres ce qu’il appelle le contrôle interactif du contrôle diagnostic (ou programmé). Cette vision des systèmes de contrôle a aujourd’hui un succès certain. En effet, elle s’intègre dans une réflexion qui vise à « comprendre comment les managers efficaces utilisent les systèmes de contrôle » et à faire le « lien entre la stratégie, le design de l’organisation et les systèmes de contrôle ». Dans son ouvrage de synthèse, Simons définit les systèmes de « contrôle diagnostic » comme « Les systèmes d'information formels que les managers utilisent pour surveiller les résultats de l'organisation et corriger les déviations par rapport aux standards prédéfinis de performance » et les systèmes de contrôle diagnostics comme « les systèmes formels d’information que les managers utilisent pour s’impliquer régulièrement et personnellement dans les décisions de leurs subordonnés ». Selon Simons, « la quasi-totalité des écrits en contrôle de gestion se réfèrent à des systèmes de contrôle diagnostics » un contrôle diagnostic s'apparenterait donc à ce qu'on appelle classiquement le contrôle de gestion. Ce type de système permet à l'entreprise de fonctionner sans surveillance constante car les managers ne s'y impliquent que s'il y a des écarts par rapport aux résultats attendus : c'est le principe du management par exception. Les plans et les budgets sont les exemples les plus significatifs des systèmes de contrôle diagnostics Suite à une étude de cas chez Johnson & Johnson, Simons caractérise les systèmes de contrôle programmés (qu’il appellera par la suite « diagnostic ») de la manière suivante :

1. le rôle des fonctionnels dans la préparation et l'interprétation de l'information est central; 2. le processus implique rarement les managers et sur la base du management par exception;

3. les données sont transmises par des procédures formelles de reporting ; 4. le processus doit permettre d'atteindre des résultats définis à l'avance.

L’utilisation d’un système est dite interactive quand les dirigeants utilisent le système pour s’impliquer personnellement et régulièrement dans les décisions des subordonnés. Six conditions caractérisent un système interactif: 1. les spécialistes fonctionnels ont un rôle limité dans la préparation et l’interprétation des résultats

; 2. le processus demande une attention régulière et fréquente de la part des managers opérationnels

à tous les niveaux de l’organisation ; 3. les données sont interprétées et discutées en réunion avec les supérieurs, les subordonnés et les

pairs ; 4. l’information générée par le processus de contrôle est un ordre du jour important et récurrent

suivi par les plus hauts niveaux de la direction ; 5. les processus repose sur un débat permanent autours des données, hypothèses, et plans d’action; 6. plus que les résultats, ce sont les efforts qui sont récompensés.

Simons observe cinq types de contrôle qui peuvent être utilisés de manière interactive : systèmes de gestion de programme, systèmes de planification, budgets de résultats par marque, systèmes d’intelligence et systèmes de développement humain. De manière générale « tout contrôle diagnostic peut être rendu interactif par un intérêt et une attention fréquents et continus des top managers. Le but d’un système de contrôle interactif est de centrer l’attention et de forcer le dialogue et l’apprentissage dans l’organisation » (Simons, 1994, p.171) La mise en évidence de ces styles de contrôle conduit Simons à réfléchir aux présupposés du modèle traditionnel de contrôle de gestion. Partant du postulat que « toute théorie fait des hypothèses sur le comportement humain », il constate que la théorie classique du contrôle postule que les individus sont opportunistes et paresseux. Il fait, au contraire, l'hypothèse que, de manière générale, les gens ont le désir de bien faire, de se réaliser, de contribuer et de créer. Ce qui les en empêche, bien souvent, c'est l'organisation et les systèmes de contrôle. C'est cette analyse (nourrie du terrain) qui lui permet de proposer une théorie rénovée du contrôle et justifie l’existence de systèmes interactifs de contrôle.

Il ne peut pas y avoir trop de systèmes de contrôle utilisés simultanément de manière interactive. En effet, ce type de contrôle a un coût économique et cognitif (les individus ne peuvent prêter attention à tout). Se concentrer sur trop de systèmes de contrôle en même temps risque de conduire à un surplus d'informations, des analyses superficielles et uneparalysie. Simons constate que les dirigeants sélectionnent les modes de contrôle interactifs ou diagnostics à mettre en place en fonction de la stratégie et des incertitudes stratégiques (Simons, 1990, 1991). Selon le but managérial poursuivi, un même système de contrôle peut être utilisé de manière interactive dans une entreprise et de manière diagnostique dans une autre. On peut résumer les caractéristiques des deux systèmes dans le tableau ci-dessous. Tableau 1 : Caractéristiques des systèmes de contrôle interactifs et diagnostics (Simons, 1994, p.172 ; 1995b, p.124, 170) Contrôle Nature des systèmes

Objectif des systèmes

Variables clés But du système Régulation de l'attention managériale Raisonnement Complexité du système Période de référence Objectifs Feedback Ajustement par Communication Rôle des fonctionnels

Rôle des opérationnels

Diagnostic Systèmes de feedback utilisés pour surveiller les sorties organisationnelles et corriger la déviation par rapport aux standards de performance fixés au préalable Fournir la motivation, les ressources, et l’information pour s’assurer que les stratégies organisationnelles importantes et les buts seront atteints Permet de créer une pression (mais risque d'effets pervers si les objectifs sont trop durs à atteindre) Variables de performance critique Pas de surprise Déléguer l'attention aux fonctionnels Minimiser l'attention du management Maintenir une attention périodique Déductif (dicté par l'instrument) Complexe

Interactive

Systèmes de contrôle que les managers utilisent pour s’impliquer régulièrement et personnellement dans la prise de décision des subordonnés Faire converger l’attention organisationnelle sur les incertitudes stratégiques et provoquer l’émergence de nouvelles initiatives et stratégies Stimule le dialogue et organise l'apprentissage

Incertitudes stratégiques Recherche créative Maximiser l'attention des managers Maintenir une attention constante Inductif (guidé par l'intuition) Simple

Passé et présent

Présent et futur

Fixés Négatif Les inputs ou le processus Éliminer le besoin de parler Acteur central Construire et maintenir le système, interpréter les données, préparer les rapports concernant les exceptions, s'assurer de l'intégrité et de la fiabilité du système Fixer ou négocier périodiquement les objectifs Recevoir et regarder les rapports d'écart Suivre les exceptions majeures

Rééstimés constamment Positif L'apprentissage Fournir un langage commun Facilitateur Récolter et compiler les données, faciliter le processus interactif

Choisir le système interactif Organiser des réunions fréquentes avec les collaborateurs pour discuter des données contenues dans le système Demander que les opérationnels alimentent le système en informations

2- 2- contrôle budgétaire « diagnostic » / « interactif »

Le budget est le prototype du système de contrôle diagnostic dans la plupart des firmes (Simons, 1991, p.119). Pourtant, le budget « peut être un outil proactif et dynamique pour collecter l’information et stimuler la discussion » (Simons, 1991, p.61). Il est dans ce cas utilisé de manière interactive. Simons développe la distinction entre systèmes de contrôle interactifs et diagnostics au cours d’une étude de cas menée chez Johnson & Johnson. Dans cette entreprise les budgets se caractérisent de la manière suivante : •

Ils requièrent beaucoup de temps et d'effort de la part des managers pour constamment réévaluer les objectifs budgétaires et plans d'action ;



Ils sont préparés de manière bottom-up (il n'y a pas de lettre de cadrage donnant le niveau nécessaire de profits, de ventes ou de dépenses) ;



Ils reprennent la première année du plan stratégique. S'il y a des modifications par rapport au plan stratégique, celles-ci doivent être justifiées ;



Ils font l’objet de négociations à tous les niveaux hiérarchiques ;



Ils sont révisés 3 fois par an (les révisions font l'objet d'une implication forte de tous les niveaux du management) ;



Les éléments de contrôle budgétaire sont présentés aux dirigeants régulièrement (chiffre des ventes chaque semaine, compte de résultat tous les mois et commentaires), analyse de la variance et discussion par les fonctionnels ;



Ils ne sont pas liés aux rémunérations matérielles ou symboliques (les bonus sont déterminés de manière subjective en fonction des efforts des managers).

En 1990, Simons propose une comparaison entre deux entreprises choisies parmi 13 qu'il a suivies pendant deux ans dans le secteur de la santé. L'une utilise son budget de manière diagnostique, l'autre de manière interactive.

Tableau 2 : Contrôle budgétaire diagnostic / interactif (adapté de Simons, 1990, p.133)

Revue des plans

Buts financiers Préparation du budget

Les révisions et mises à jour du budget Évaluation et bonus

Entreprise A Contrôle budgétaire diagnostic Sporadique (la dernière a eu lieu deux ans auparavant) Ne motive pas beaucoup de discussions Fixés par la direction et communiqués au reste de l’organisation Les budgets sont préparés pour atteindre les buts financiers Les budgets sont coordonnés par la finance Pas de révision pendant l’année Bonus basés aux ¾ sur l’atteinte des objectifs budgétaires

Entreprise B Contrôle budgétaire interactif Processus annuel intensif Les managers préparent des plans stratégiques pour en débattre en comité de direction Établis par chaque direction opérationnelle puis discutés et revus Les budgets sont préparés en fonction des plans d’action avec une attention sur la stratégie Débats approfondis Re-budgétisation à partir du plus bas niveau de dépenses 3 fois pendant l’année et reformulation des plans d’action Bonus basés sur une évaluation subjective de l’effort

Cette lecture des travaux de Simons nous permet de tirer les 5 caractéristiques majeures du contrôle budgétaire interactif (en opposition au contrôle budgétaire diagnostic) : ▪

Implication constante (par exception) des managers dans le processus budgétaire (négociation, reprévision, suivi) (dimension « implication »)



Fort (faible) lien entre budgets et plans d’actions (dimension « plans d’action »)



Construction plutôt bottom-up (top-down) et forte (faible) participation des opérationnels (dimension participation)



De nombreuses (peu de) reprévisions budgétaires en cours d’année et des budgets qui ne sont pas (sont) rigides (dimension « reprévisions »)



Faible (fort) lien entre l’atteinte des objectifs budgétaires et la rémunération monétaire ou symbolique des managers (dimension « non évaluation »)

Le concept de contrôle budgétaire interactif serait donc multidimensionnel. Il ne nous permet cependant pas de prendre en compte d’autres éléments caractéristiques des pratiques budgétaires (Sponem, 2001) : difficulté des objectifs budgétaires, formalisation du processus budgétaire, niveau de détail du budget.

2-3Intérêts et limites

Par les études terrains sur lesquelles elle s'appuie et par la catégorisation proposée, Simons propose une modélisation intéressante pour appréhender les pratiques budgétaires. D’abord, les managers et le rôle qu’ils jouent dans le processus budgétaire sont mis au centre de la construction théorique de Simons. Ce qui constitue une nouveauté importante. Ensuite, il prend en compte le fait que « les systèmes de contrôle sont utilisés pour de multiples objectifs : suivi, apprentissage, signal, contrainte surveillance, motivation et autres » (Simons, 1990, p.142), rôles que la littérature classique a souvent réduit à la motivation et au contrôle. Comme l'avait souligné Arrow (1964), Simons nous rappelle que les instruments de contrôle ne servent pas uniquement à réduire la divergence d'intérêt mais aussi à faire connaître les orientations de la direction aux subordonnés et à aider l'apprentissage. Si l'on reprend la typologie de Burchell, Club et al. (1980), on peut dire qu'un « budget diagnostic » correspond à une « answer machine » alors qu'un « budget interactif » est une « learning machine » (Abernethy et Brownell, 1999, p.191). Enfin, cela permet de revenir à une vision processuelle du budget en prenant celui-ci comme un tout, sans se focaliser sur une étape unique. En effet, l’utilisation du budget aux différentes étapes du processus de contrôle (finalisation, pilotage et post-évaluation (Bouquin, 2001)) a été perdue de vue dans des études parcellaires qui s’intéressent surtout à la participation budgétaire ou à l’évaluation budgétaire. Comme le note Hartmann (2000, p.453) « les premières études qui cherchaient à comprendre le processus budgétaire dans son ensemble et à expliquer ses effets dysfonctionnels, ont été suivies par des études qui se focalisent sur une seule étape du processus budgétaire ». On peut s’interroger sur la proximité de cette approche avec le concept de contrôle budgétaire serré (tight budgetary control), notion très utilisée dans les livres de cours américains, notamment dans les livres d’Anthony. De manière générale, la notion de contrôle serré peut s'appliquer à tous les systèmes de contrôle mais elle « n’a pas une définition et d’opérationnalisation équivalente dans les différentes études [ni] une image claire en ce qui concerne sa définition, son domaine et son opérationnalisation » (Van Der Stede, 2001, p.119). Van Der Stede propose d’opérationnaliser cette notion à partir de 5 dimensions : l’insistance sur l’atteinte des objectifs budgétaires, la fixité du budget, le niveau de détail du budget, la tolérance pour les déviations au budget, l’implication du supérieur dans le travail du

subordonné. Ses résultats montrent que ces dimensions (excepté la fixité du budget) sont bien sous-jacentes à un seul construit : le contrôle budgétaire serré. Concernant la notion de contrôle interactif il tire de ses résultats l’observation suivante : « Il semble que la notion de contrôle interactif, qui a été opérationnalisée pour capturer l’intensité des échanges d’information dans l’organisation sur les sujets budgétaires, est cohérente avec la notion de contrôle budgétaire serré. Une explication possible est que les modes budgétaires interactifs laissent peu de possibilité aux subordonnés de laisser leur business hors de contrôle sans que les supérieurs en soient informés, et donc produisent un contrôle serré » (Van Der Stede, 2001, p.134-135). L'examen que nous venons de faire de la typologie de Simons nous conduit à nous interroger sur la pertinence de cette affirmation. En effet, si Van Der Stede (2001) arrive à ce résultat c’est aussi parce qu’il ne s’intéresse pas aux dimensions qui permettraient de différencier contrôle budgétaire serré et contrôle budgétaire interactif (par exemple la participation ou les liens avec des plans d’action). Les notions proposées par Simons apportent donc une certaine nouveauté et ne se confondent pas avec les notions déjà existantes. On peut pourtant leur adresser un certain nombre de critiques. D'abord, dans le développement de son modèle, Simons fait une hypothèse très forte sur la rationalité des dirigeants : les dirigeants identifient des incertitudes stratégiques et rendent interactifs les systèmes de contrôle qui leur donnent des renseignements sur ces incertitudes. Jamais ils ne sont pris dans des jeux de pouvoir ou des ambitions personnelles, seuls la stratégie et l'environnement guident leurs choix (et ces choix sont les bons). Ensuite, comme le note Gray (1990, p.147), chez Simons la mise en place des systèmes de contrôle choisis ne pose aucun problème : « Il semble curieux que les interviewés [...] Ne fassent jamais part d’une quelconque résistance (du fait de la force d’inertie et de l’intérêt commun au statu quo) aux directives stratégiques. » Enfin, on ne perçoit pas toujours la part de ce qui est descriptif et de ce qui est prescriptif chez Simons. Ainsi, il observe des entreprises qu’il considère performante, et propose aux autres entreprises de faire la même chose sans réellement expliciter ses choix. Ces critiques ne remettent cependant pas en cause la pertinence des notions de Simons en tant que moyen d’appréhender l’objet « budget ».

Section 3- Le contrôle de gestion environnemental

Comme l’expose Simons, le contrôle de gestion est un équilibre subtil entre contrainte et stimulation. Les variables critiques de performance nécessitent un suivi réalisé au moyen d’outils conventionnels de contrôle (outils de diagnostic), alors que dans des contextes d’incertitudes stratégiques, il peut être utile de mobiliser des dispositifs permettant de stimuler l’apprentissage organisationnel et l’émergence de nouvelles idées et stratégies (outils interactifs). 3-1- Les caractéristiques particulières du contrôle de gestion environnemental Le contrôle de gestion environnemental se caractérise, en comparaison du contrôle de gestion conventionnel, par un élargissement: • du domaine de la mesure; • de l’horizon temporel; • des acteurs pris en considération. 3-1-1L’élargissement de ce qui est mesuré Des flux physiques, des indicateurs non monétaires et leur interprétation en termes d’impact sur l’environnement sont suivis. Pour ce qui est des flux physiques, ils sont pris en compte avec l’intention d’inclure des acteurs, que l’entreprise ait ou non une relation contractuelle avec eux. Dans la plupart des cas, les outils classiques de comptabilité de gestion sont mobilisés. Cependant, les mesures sont affinées pour déterminer les coûts supportés par l’entreprise, en faisant le lien entre les décisions et les conséquences pour celle-ci. Il en est ainsi d’une entreprise qui étudie le remplacement de solvants dans son processus de production par un substitut moins toxique, mais plus coûteux. Dans ce cas, elle aura recours à des techniques de calcul des coûts classiques, comme l’analyse de la rentabilité et/ou l’estimation du retour sur investissement, pour déterminer le bien fondé d’un tel investissement. Ainsi, l’investissement dans un outil de production respectant l’environnement sera nécessairement accompagné d’une analyse classique de son coût et de sa rentabilité.

3-1-2 L’élargissement de l’horizon temporel Dans le cadre d’une analyse de cycle de vie, le contrôle de gestion environnemental doit tenir compte de tous les éléments à la fois en amont de la fabrication du produit, mais surtout en aval de celle-ci, afin de calculer le coût de production du bien en question. De plus, les outils de contrôle de gestion «verts» peuvent avoir à considérer les coûts externes, tels que les émissions de gaz à effet de serre. 3-1-3 L’élargissement des acteurs pris en compte Dans les approches de type analyse de cycle de vie impliquant la comptabilisation de flux physiques et leur traduction sous forme d’impacts environnementaux, ainsi que certains coûts externes, un grand nombre d’acteurs sont pris en compte, tels que les utilisateurs, les consommateurs, les personnes exposées à une substance donnée, les riverains et l’environnement naturel. Cette ambition de représenter les conséquences d’un produit ou d’un service pour l’ensemble des acteurs est une caractéristique du contrôle de gestion environnemental. 3-2Un système de contrôle de gestion de type diagnostic 3-2-1Des tableaux de bord environnementaux Pour déployer la stratégie environnementale dans une entreprise, un système de contrôle de gestion de type diagnostic est privilégié. En effet, ce système veille à la conformité des buts et à l’atteinte des objectifs fixés par la direction de l’entreprise. Ce type de contrôle repose sur le principe de management par exception où l’intervention des dirigeants est limitée à la résolution de problèmes imprévus ou complexes, alors que les fonctionnels jouent un rôle central dans la préparation et l’interprétation de l’information. Ils sont aussi responsables de construire et de s’assurer de l’intégrité et de la fiabilité du système de reporting. Ce type de contrôle s’appuie sur un système formel de feedback utilisé par les dirigeants pour surveiller les résultats et corriger les déviations par rapport aux standards de performance fixés préalablement. Les supports utilisés sont principalement des tableaux de bord dans lesquels les performances réalisées sont comparées aux objectifs fixés par la direction dans le cadre de sa stratégie. Au-delà du rôle de mise en conformité de l’entreprise en matière de reporting des données sociétales avec les réglementations en vigueur, le contrôle de gestion environnemental permet

de piloter un processus de transformation de valeurs sociales en valeurs économiques et stratégiques. Dans ce cadre, les outils de contrôle de gestion doivent favoriser l’apprentissage organisationnel, de manière à informer les dirigeants sur le sens à donner à leur stratégie en fonction des informations que font remonter les outils de contrôle de gestion. 3-2-2 Une diversité des indicateurs de mesure Le contrôle de gestion environnemental d’une entreprise nécessite une grande diversité d’indicateurs non financiers. Ces derniers peuvent être quantitatifs ou qualitatifs. Lorsqu’ils sont quantitatifs, ils mesurent soit des flux physiques entrants, comme les consommations d’eau ou d’énergie, soit des flux physiques sortants, comme les rejets polluants.

3-3Un mode de contrôle interactif Un système de contrôle interactif sera privilégié pour contribuer à l’émergence de nouvelles stratégies qui se construisent au cours du temps, en réponse aux évènements imprévus auxquels l’entreprise doit faire face. Ce type de système est en effet utilisé pour gérer les incertitudes stratégiques (des menaces latentes ou des opportunités qui conditionnent la réalisation de la stratégie), encourager l’apprentissage organisationnel par l’exploration de nouveaux savoirs et favoriser l’émergence de nouvelles stratégies. 3-3-1La fixation des objectifs Les objectifs sont fixés de façon itérative entre les managers opérationnels et la direction de l’entreprise. Préalablement à la fixation des objectifs, des auto-évaluations peuvent être réalisées au niveau des unités opérationnelles. Le but est de mettre en évidence les points forts et les points faibles de chaque unité à partir d’un ensemble prédéfini de critères d’amélioration, et de dégager les actions prioritaires pour chaque unité. La fixation des objectifs se fait sur un mode collaboratif. 3-3-2Le pilotage Le pilotage se fait essentiellement au travers des plans d’action ou des plans de progrès. Ces derniers sont issus des auto-évaluations et de l’ensemble des objectifs préétablis. Ils sont ensuite intégrés au sein des budgets des unités opérationnelles afin de déconnecter le moins possible les processus classiques de management des dimensions de la RSE.

3-3-3La post-évaluation La post-évaluation se base sur un ensemble large d’indicateurs de performance. Ce dernier se compose d’indicateurs de progrès issus de l’auto-évaluation et d’indicateurs de performance provenant du suivi des plans d’action. Le mode interactif du processus de contrôle de gestion nécessite une attention fréquente de la part des managers opérationnels à tous les niveaux de l’organisation. Les données issues de la phase «diagnostic» du contrôle sont interprétées et discutées au cours de fréquentes réunions avec les supérieurs et les opérationnels.

Conclusion : Les travaux de Simons au milieu des années 1990 proposent un cadre orignal des relations entre le contrôle et la stratégie. L’imprécision du modèle, son orientation verticale, la focalisation sur les dirigeants ont suscité des critiques et travaux complémentaires. En adoptant une approche transversale et verticale focalisée sur les managers intermédiaires. Les travaux sur les leviers de contrôle de Robert Simons (1987, 1990, 1991…) ont été régulièrement mobilisés depuis près de 20 ans que ce soit pour l’étude d’entreprises industrielles, commerciales (Naro et Travaillé, 2010), internationales (Fasshauer, 2012), d’hôpitaux (Abernethy et Brownell, 1999) ou encore d’universités (Augé et al., 2009). Cet intérêt est lié à la richesse du cadre conceptuel proposé par Simons. Ses apports se situent notamment dans la mise en évidence de relations réciproques que les systèmes de contrôle peuvent entretenir avec la stratégie, en tant que systèmes de contraintes et d’apprentissage, et de l’utilisation combinée de dispositifs de contrôle formels et informels. Bien que pour Simons (1991) les systèmes de contrôle recouvrent une grande variété de dispositifs, systèmes d’information externes, de ressources humaines, d’analyse des ventes, de gestion de projet, le contrôle de gestion fait l’objet d’une attention particulière dans ses travaux. Considéré par l’auteur comme trop fréquemment déployé dans une logique top down pour la mise en œuvre de la stratégie, Simons préconise également un usage interactif du contrôle de gestion dans des contextes d’incertitudes stratégiques. C’est cette logique d’équilibrage des leviers de contrôle, en particulier du contrôle de gestion, et non d’exclusivité dans son usage qui apparait dans de nombreux travaux mobilisant ce cadre conceptuel (Henri, 2006, Widener, 2007, Renaud, 2010, Fasshauer, 2011…). Ces travaux mettent en lumière certaines limites du cadre de Simons, notamment : les imprécisions des modalités de contrôle interactif, de l’apprentissage qui en découle (Kuszla, 2005, Dambrin et Löning, 2008) et de l’équilibrage entre usage interactif et usage diagnostic ; la focalisation excessive sur les dirigeants limitant le rôle des managers intermédiaires (Fasshauer, 2011) ; l’approche verticale excluant les processus horizontaux (Gautier, 2002, Renaud 2010). Ces limites posent notamment la question de la nature du contrôle dans des organisations caractérisées par une forte transversalité et soumises à des incertitudes stratégiques. Le contexte de la Supply chain (SC) nous a ainsi paru particulièrement fécond pour appréhender ces limites et tenter d’enrichir le cadre des leviers de contrôle.

Bibliographie :



Contrôle

de

gestion

interactif

:

Commercial,

Supply

Chain,

RH,

Environnement ; Alcouffe, Simon,Boitier, Marie,Rivière, Anne ; Dunod 2013 

Comprendre tout le contrôle de gestion : L'essentiel pour les non-spécialistes Ed.1 Albertini, Elisabeth,Gautier, Frédéric,Mourey, Damien ;Vuibert 2008



le contrôle intégré de Simons », Actes du 32ème congrès de l'Association Francophone de Comptabilité, Montpellier, France