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Code de la famille : l’égalité genre et partage du patrimoine.
AMVEF- 2007
Code de la famille au Maroc : Égalité de genre dans le partage du patrimoine
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Code de la famille : l’égalité genre et partage du patrimoine.
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Etude publiée par : L’ Association Marocaine de lutte contre la Violence à l’égard des Femmes
Rédaction : Pr. Laarbi JAIDI
Coordination : Hayat ZIRARI et Saâdia WADAH
avec l’appui de Najia ZIRARI et Yamna GHABBAR
Partenaire : UNIFEM
www.unifem.org Coordonnées de l’association : 37, rue Abderrahman Sahraoui, App 6, 5ème étage- Casablanca / MAROC Tel/Fax : 00 212 22 26 86 66 /67 E.mail : [email protected] Site web : www.amvef.org ISBN : 9954 - 8475 - 8 - 8 Dépôt légal : 2008 MO 0931
Impression : Comuneg - Casablanca - Maroc
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Table des matières Code de la famille : Égalité de genre dans le partage du patrimoine. ..................1 Table des matières ................................................................................................5 Liste des tableaux .................................................................................................7 Listes des encadrés ...............................................................................................8 Remerciements .....................................................................................................9 Préface ................................................................................................................. 11 Chapitre Introductif : Objectif et méthodologie de l’étude ...........................15 1- L’objectif central de l’étude .......................................................................17 2- La démarche méthodologique ....................................................................19 Chapitre 1 : Le Code de la Famille : L’enjeu du partage des biens ..............26 1- Les tendances du mariage et du divorce ....................................................27 2- L’article 49 du Code de la Famille : un enjeu ............................................33 Chapitre 2 : La mesure du travail domestique : Evaluation de la production non marchande des ménages.............................................................................49 1- Le traitement de la production non marchande dans le SCN....................52 2- La mesure de la production non marchande des ménages .........................57 3- Quelques résultats ......................................................................................64 Chapitre 3 : Le temps de travail invisible : L’approche par le budget temps....................71 1- Le budget-temps et les activités non rémunérées ......................................71 2- Finalité et méthode des enquêtes budgets-temps? ....................................73 3- Le temps de travail non comptabilisé et non rémunéré au Maroc : une mesure appropriée de l’activité économique ..............................................78 4- La répartition du temps de travail domestique: un éclairage sur le travail invisible des femmes .............................................................84 5- Les limites de l’usage de l’enquête ............................................................88
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Chapitre 4 : L’Expérience internationale : les conséquences patrimoniales du divorce...92 1- Trajectoire des régimes patrimoniaux ........................................................94 2- La liquidation du régime matrimonial en Allemagne ................................99 3- La liquidation du régime matrimonial en Angleterre et pays de Galles ..102 4- La liquidation du régime matrimoniale en Espagne ................................105 5- La liquidation du régime matrimoniale en France ...................................109 Chapitre 5 : Leçons de l’expérience internationale : Eclairage sur le régime des acquêts ........................................................................................................ 113 1- Les critères de choix d’un régime: ........................................................... 114 2- Le régime de la participation aux acquêts................................................121 3- Le régime matrimonial de participation aux acquêts : exemple ..............128 Chapitre 6 : L’Expérience internationale : les pays arabes et la Turquie...136 1- L’Egypte: Les droits des femmes en matière de divorce .........................136 2- La Turquie : un modèle ambivalent .........................................................147 3- La Tunisie ou le modèle écorné ...............................................................156 Chapitre 7 : Al Kad ou S’aya : une référence juridictionnelle ? .................165 1- Signification du concept...........................................................................165 2- Les éléments de droit du Kad ou S’ayaa .................................................167 3- Le droit d’Al Kad ou S’aya : ses racines et son adaptation .....................168 4- L’adaptation juridique d’ Al Kad ou S’aya ..............................................173 Chapitre 8 : Les études des Cas : quels enseignements ? .............................175 1- Restitution des cas....................................................................................175 2- L’article 49 : Appréciations sur sa mise en application ...........................194 Chapitre 9 : Recommandations de l’étude ....................................................222 Bibliographie ....................................................................................................247 Présentation de l’Association ..........................................................................253
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Liste des tableaux Tableau 1: Aspects des changements dans la condition féminine au Maroc ...................42 Tableau 2: Droit des femmes de disposer librement de leur revenu ................................43 Tableau 3: Degré de participation de la femme à la prise de décision dans la sphère familiale (en % et arrondis) ............................................................................44 Tableau 4: Principales tendances favorables à l’égalité selon le sexe en fonction des thèmes traités ..................................................................................................46 Tableau 5: Perceptions sur la répartition des biens selon le sexe et le statut matrimonial ..47 Tableau 6: Estimation annuelle du travail de travail domestique (homme et femme) .....65 Tableau 7: Contribution de la femme au travail domestique total (%) ............................66 Tableau 8: Répartition du temps entre activités domestiques ..........................................67 Tableau 9: Valeur monétaire du travail domestique en % du PIB ...................................67 Tableau 10: comparaison des taux d’activité féminine observés par la méthode budgettemps et la méthode courante .........................................................................83 Tableau 11: Profil de l’emploi du temps de la femme marocaine (15 à 70 ans) : temps moyen par femme exprimé en heures et minutes par jour .............................86 Tableau 12: Répartition du temps disponible (en % des 24 heures) de la femme selon les occupations professionnelles et domestiques et les caractéristiques sociodémographiques et les milieux .......................................................................88 Tableau 13: Exemple d’un cas simple..............................................................................129 Tableau 14: Statistiques des actes relatifs à la gestion des biens pendant la vie conjugale ..205 Tableau 15: Synthèse des études de cas ...........................................................................240 7
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Listes des encadrés Encadré 1 : Les types de régimes matrimoniaux Encadré 2 : La loi n° 98-91 du 9 novembre 1998 relative au régime de la communauté des biens entre époux :
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Remerciements L’AMVEV et l’auteur de ce travail tiennent à remercier : Mr Mohammed Lididi Secrétaire Général du Ministère de la Justice
Mr Brahim Lisser : Directeur des Affaires Civiles au Ministère de la Justice Mme Zineb Benjeloun Touimi : Directrice Régionale des Programmes UNIFEM pour l’Afrique du Nord Les Présidents des sections Tribunaux de la Famille des Cours de Première Instances des villes de : Casablanca : Mr Abdelhak Bel Akkouch Agadir : Mr Abderrahman Lassili
Marrakech : Mr Mobarak El Hannouni
Ben Ahmed : Mr Mohamed Dahane (Président du tribunal du 1ère Instance)
Mr Mohammed El Khamlichi et Mme Zhor Al Hor, membres de la Commission Royale sur la réforme du Code de Statut Personnel
L’équipe permanente du Centre d’écoute et d’Orientation Juridique et de Soutien Psychologique Pour femmes Victimes de Violence de l’AMFEV.
Toutes les personnes, hommes et femmes, ressources qui ont appuyé et aidé à la réalisation de ce travail. Sans leur soutien et leur apport, ce travail n’aurait pu être conduit à son terme. Qu’elles trouvent, ici, l’expression de notre gratitude.
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Préface Dans le cadre du suivi de la mise en œuvre du code de la famille, l’Association marocaine de lutte contre la violence à l’égard des femmes a engagé plusieurs initiatives dans l’objectif de consolider les acquis et veiller au respect de la philosophie sous jacente au nouveau code de la famille, à savoir l’égalité et l’équité entre les deux époux.
Pourquoi une étude portant sur la mise en oeuvre de l’article 49 et les perspectives de son application ? A quoi réfère cet article – si contesté lors de l’élaboration du projet de réforme du statut personnel- du code de la famille ? Pourquoi il présente autant de difficultés de sa mis en œuvre ?
La répartition des ressources matérielles au sein du couple interpelle t-elle le rapport à l’argent et à la propriété entre les hommes et les femmes dans notre société ? Les contraintes rencontrées sont-elles liées à la sensibilité de la dimension matérielle dans la relation entre les époux ? L’analyse du processus et des conditions de «production» de l’article 49, quant à lui, a mobilisé beaucoup d’acteurs publics et a donné lieu à plusieurs rumeurs et déformations non conformes au texte initial.
L’article reflète un consensus qu’on peut dire fragile entre deux conceptions du règlement des différents au sein du couple sur la gestion du patrimoine, et tous les débats au sein de la commission de la réforme du code de la famille en témoignent.
L’article 49 débattu au sein de la commission se référait implicitement au travail domestique et la prise en compte de cet effort invisible des femmes ; il aurait ouvert la perspective d’une reconnaissance du travail domestique.
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L’observation et le suivi de l’application du code de la famille reflètent les difficultés de mise en œuvre de l’article 49 et posent des questionnements concrets, non encore élucidés par l’article luimême.
Quels sont les critères à retenir pour l’évaluation de l’apport de la femme à la constitution et la valorisation du patrimoine familial?
Comment prendre en compte le travail domestique comme estimation de l’effort par la femme dans l’acquisition et la fructification des richesses accumulées dans la phase de la relation conjugale?
Le recours méthodologique aux techniques économiques comme la comptabilité nationale, le budget temps peut aider à objectiver l’évaluation de l’effort fourni par la femme.
La question de la jurisprudence se pose parce qu’elle peut constituer une réponse explicite aux questionnements que suscite la mise en œuvre de ce dispositif du code de la famille. Mais la jurisprudence est encore embryonnaire aujourd’hui. En témoigne le très faible recours aux contrats facultatifs entre les époux sur le partage des biens au moment du mariage, étant donné que les époux disposent de l’option de conclure un accord à propos de la gestion des biens acquis après la conclusion du mariage, tout en préservant leurs patrimoines respectifs distincts l’un de l’autre, et que chaque conjoint garde la libre disposition de ses biens propres. Très peu de cas recourent à la contractualisation et on observe très peu des cas de divorce où cet article a été activé depuis l’adoption du code de la famille. Les rares cas où les tribunaux se sont prononcés sur la mise en œuvre de cet article ont mobilisé les registres de la coutume ou de la morale pour répondre favorablement aux requêtes des femmes sur le partage des biens acquis dans la période de la relation conjugale (voir les cas exposés dans le cadre de cette étude). L’étude de la problématique de la gestion du partage et du patrimoine familiale à travers quelques cas de pays où le mécanisme du partage des biens est régi par la loi, ou qui ont des référentiels 12
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juridiques très différenciés, droit musulman comme droit positif, a été recherché à travers l’étude pour faire ressortir les apports et les limites de ces expériences sur la question de la gestion du patrimoine et de permettre aussi une approche comparative entre des contextes socio-économiques qui sont très différents.
Pour l’association, l’étude a comme objectif essentiel de réfléchir sur le mode de partage des biens acquis pendant le mariage, par le recours à une évaluation de l’effort déployé par la femme dans la constitution de ces biens. Il est entendu que pour nous, la contribution de l’association par les études de terrain qu’elles réalisent participe à l’effort de clarification objective et scientifique des dispositifs du Nouveau Code de la Famille ; ce qui pourrait aider le système judiciaire à renforcer l’interprétation du Code allant dans le sens de l’égalité de genre.
L’étude que nous présentons aujourd’hui n’est pas strictement juridique ; elle mobilise les techniques de la science économique dans la perspective de mesurer et d’évaluer l’effort du travail des femmes d’un point de vue quantitatif et qualitatif. La complexité de la question a exigé une ouverture sur les aspects multidimensionnels de cette problématique, à savoir les dimensions institutionnelles, juridiques et économiques. Nous sommes très heureuses de présenter cette étude réalisée grâce à l’appui de l’UNIFEM (Fond des Nation Unis pour la Femme), au partenariat avec le ministère de la justice et à la collaboration des juges qui ont répondu favorablement aux sollicitations de l’association.
L’étude sur le partage des biens est aussi le résultat d’un effort collectif qui nous permettra de sortir avec des recommandations et une vision quant à la mobilisation des parties prenantes pour la mise en œuvre de cet article. Je remercie sincèrement toutes les institutions et les personnes qui ont aidé à sa réalisation.
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Sans la mobilisation des membres de l’association, des personnes ressources ami(e)s de l’association et la disponibilité du chercheur, cette étude n’aurait pas pu voir le jour. Que tous ceux et celles qui y ont participé soient ici remercié/e/s.
Association Marocaine de Lutte contre la Violence à l’Égard des Femmes Mme Hayat Zirai Présidente
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Chapitre Introductif : Objectif et méthodologie de l’étude La réforme du Code de Statut Personnel (Moudouwana), en février 2004, a permis d’ouvrir de nouvelles perspectives au changement de la condition de la femme. Le Code de la Famille a constitué une avancée sociale indéniable entre autres par la mise en place de mesures relatives au divorce qui permettent une plus grande protection des droits des femmes; l’énoncé d’une disposition de partage des biens acquis pendant le mariage ; la mise en place de juridictions spécialisées dans le droit familial, i.e. les Tribunaux de la Famille etc..
Toutefois, le nouveau texte ne décline pas de façon explicite les modalités de partage des biens acquis durant la vie conjugale, ce qui laisse une porte ouverte à une interprétation libre de la doctrine. En outre, un décalage considérable existe entre la norme juridique et l’application du droit – prioritairement dans le cas des femmes. La question du partage des biens acquis au cours de la période conjugale est d’une grande importance pour plusieurs raisons :
D’un côté, rappelons que malgré l’allongement de la période du célibat, le mariage demeure la réalité lourde, massive, dominante d’une vie conjugale. Dans la perspective de diminuer la conflictualité des divorces, le législateur a introduit des innovations dans le code de la famille en ouvrant la possibilité aux époux de se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant leur mariage. Mais d’un autre côté, le divorce tend à devenir un acte volontaire des deux époux. Si le Code de la famille a permis une simplification relative des procédures dans le cadre général du divorce, il n’a pas encore résolu les critiques adressées aux modalités de partage des biens en cas de divorce. A cet égard, puisque l’on veut adapter la législation à l’état des mentalités, l’humanisation du divorce passe donc par le respect de règles équitables dans le partage des biens. 15
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Il convient d’ailleurs de noter que la procédure de divorce est, statistiquement, un des grands motifs pour lequel nos concitoyens ont recours à la justice. En outre, le nombre, les modalités et le «climat» des divorces, surtout sur les questions de pension alimentaire et de conflits sur les biens conjugaux constituent l’un des révélateurs de l’équilibre existant entre les genres.
Les pratiques actuelles sont unanimement considérées comme conflictuelles et insuffisamment tournées vers la gestion du partage des biens dans l’après-divorce. D’où la nécessité de répondre à l’évolution d’un contexte par une refonte de l’architecture du partage des biens en cas de divorce. Face à l’évolution du contexte social et de l’avancée institutionnelle, il apparaît logique de chercher à synchroniser au mieux le prononcé du divorce et la liquidation du patrimoine. Cette synchronisation apparaît aussi comme un élément fondamental pour une humanisation de la séparation. Or, la diversité des situations familiales aujourd’hui nécessite une réflexion fine sur les modalités de partage des biens. Il faut donc construire techniquement et juridiquement cette proposition. Au-delà des enjeux juridiques, la réforme du divorce s’insère dans un contexte économique et social général où l’égalité des situations et des chances entre les hommes et les femmes reste insuffisante. Elle doit contribuer à faciliter le législateur de se prononcer sur la question du partage des biens en gardant à l’esprit les facteurs fondamentaux qui déterminent les ressources des conjoints, avec notamment des inégalités de revenus entre hommes et femmes.
Il s’agit de tenir compte du fait qu’un époux n’a pas pu exercer une activité professionnelle ou a eu une activité professionnelle moins rémunérée que celle de son conjoint, par exemple, parce qu’il a dû s’occuper de l’éducation des enfants.
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1. L’objectif central de l’étude Les termes de référence de la consultation précisent l’objectif principal de l’étude : il s’agit de « L’élaboration d’un modèle méthodologique d’évaluation du travail domestique, permettant un partage équitable des biens cumulés durant la vie conjugale dans le cas de dissolution du lien de mariage ou de décès du conjoint ». Le Code de la Famille, a introduit dans son Titre VI sur les conditions consensuelles pour la conclusion du mariage et de leurs effets des innovations par rapport au Code antérieur. L’article 49 stipule que :
« Les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre. Toutefois, les époux peuvent se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant le mariage.
Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage. Les adoul avisent les deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes.
A défaut de l’accord susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumés pour fructifier les biens de la famille. » Ce nouvel article annonce une nouvelle règle relative au partage du patrimoine, au cas où les deux époux ne précisent pas au préalable les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant le mariage.
L’article fait référence aux notions du travail de chacun des conjoints, des efforts fournis et des charges qu’il a assumés pour fructifier les biens de la famille. Trois ans après l’entrée en application du Code, un certain nombre de question restent posées sur les termes et les enjeux de l’application de l’article 49. 17
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• L’entrée en vigueur du Code a-t-elle été confrontée à une conflictualité des époux en matière de partage des biens ?
• La justice a-t-elle été confrontée à un changement en matière de décision de répartition des biens ? • La décision des juges en matière de partage des biens acquis pendant la période du mariage s’est-elle basée sur les critères énoncés par l’article ?
• Des changements ont-ils introduits dans les accords entre les époux à la conclusion de l’acte de mariage ? • Quelle interprétation donne le juge aux notions de travail de chacun, de l’effort fourni, des charges assumées ?
• Ces notions de travail incluent-elles la prise en considération du travail domestique et invisible des femmes au quel cas, quel est son contenu ? Quel a été le critère utilisé pour la mesure de ce travail ? Quel a été l’équivalence monétaire retenu ? Quel contenu a-t-il été donné à la notion de patrimoine ? • La question de l’applicable de l’article 49 a-t-elle apporté des changements dans le règlement des différents ou a-t-elle laissé inchangées les dispositions en matière de partage des biens après le divorce ?
L’objectif central de l’étude consiste donc à : contribuer à la mise en place d’un cadre juridique clair et complet en matière répartition des biens acquis pendant le mariage et de garantir aux époux des solutions appropriées en ce qui concerne la sécurité juridique, la prévisibilité, la flexibilité et l’équité dans le partage. Les termes de référence de l’étude évoquent aussi un autre objectif connexe dans le champ d’analyse : la question du partage des biens en cas de décès. La réflexion sur les critères de partage des biens en cas de divorce contribuera à :
‹ Créer un environnement favorable à l’inclusion de la question de l’inégalité de l’héritage dans le débat public; 18
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‹ Repenser la question successorale à la lumière des évolutions législatives et juridictionnelles que le Maroc enregistré au cours de ces dernières années;
‹ Renforcer le plaidoyer pour une équité dans le partage successoral.
Comme le régime successoral du droit positif se trouve au croisement du droit de statut personnel et du droit patrimonial (droit des biens) la question sera posée à la lumière de la réflexion sur les critères du partage.
2. La démarche méthodologique Dans la formulation des attendus de l’étude, les termes de référence évoquent l’élaboration d’un modèle méthodologique d’évaluation du travail domestique qui permettrait un partage équitable des biens cumulés durant la vie conjugale. Tout d’abord, il nous semble que la notion de modèle ne correspond pas à la nature des tâches et de l’attendu de l’étude.
Une modélisation suppose l’observation d’une série de cas et la définition de propriétés communes à ces cas pour les rendre exprimables en une seule représentation cohérente et susceptible d’expliquer tous les cas empiriques rencontrés dans la réalité.
Ce type de convention s’applique mal à une réalité complexe qui nous interpelle, celle de définir un mode opératoire pour résoudre le partage équitable d’un patrimoine considéré comme commun. Ce critère doit faire référence au travail domestique, lui-même estimé à partir de tâches multidimensionnelles, réalisées par des personnes aux qualifications différentes, sur la trajectoire d’une vie et qu’il s’agit d’exprimer en valeur monétaire. Des situations aussi complexes ne peuvent faire l’objet d’un processus d’abstraction uniformisant la diversité en un seul modèle explicatif ou interprétatif. Nous préférons aborder la question en :
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‹ précisant les séquences du questionnement auquel nous devons répondre,
‹ discutant la validité de recourir à l’évaluation du travail domestique comme critère du partage des biens, en présentant les différentes méthodes utilisées pour évaluer le travail domestique, ‹ ouvrant le champ de la réflexion sur les expériences internationales relatives au partage des biens acquis au cours de la vie conjugale.
Aussi, la première phase de l’étude portera sur l’analyse du contexte du Code de la famille en mettant en exergue : ‹ l’apport du Code la Famille et les difficultés de sa mise en œuvre, ‹ l’analyse des tendance de la divortialité au Maroc et ses rapports avec le partage des biens, ‹ la clarification de l’article 49, de son esprit, de ses ambiguïtés, des perceptions et enjeux autour de son application,
‹ le référentiel juridique que présente la pratique d’Al Kad wa si’âya : son apport et ses limites.
La seconde phase de l’étude s’articulera autour des questionnements suivants : La mesure et l’évaluation du travail domestique «invisible» et non rémunéré des femmes peut-elles être un critère fiable? Le travail domestique, «invisible» et non rémunéré des femmes occupe un temps appréciable de la journée mais il ne fait pourtant pas partie des activités comptabilisées dans l’évaluation de la production de la richesse dans notre société.
Le volume même du travail «invisible» et non rémunéré plaide largement en faveur de sa mesure en temps et de l’évaluation de sa valeur. C’est pourquoi il a été recommandé dans les lignes directrices des réformes des Systèmes de comptabilité nationale dans le cadre 20
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des Nations Unies que les pays élaborent des «comptes satellites» de la production des ménages.
Il est de plus en plus pertinent de bien saisir le travail non rémunéré des ménages dans le cadre des décisions en matière de politiques économiques et sociales. Des questions comme le nombre d’heures consacrées par les femmes à divers types de travail non rémunéré au cours de l’année, l’évolution de ces heures au fil du temps, et la contribution des femmes, font ressortir les coûts cachés (du point de vue de la production non marchande réduite des ménages) de la croissance économique. Les données sur les résultats et la productivité du travail invisible et non rémunéré, ainsi que sur les différences de qualité entre les services fournis par les membres des ménages peuvent contribuer à une évaluation plus équitable de la contribution de chaque membre du couple à la création de sa richesse matérielle, à l’accumulation du patrimoine familiale. Des études sur la mesure du travail domestique non rémunéré des ménages, en général, et de celui des femmes, en particulier, ont été menées partout dans le monde. Différentes travaux académiques ou institutionnels ont permis d’élaborer des méthodes de cerner des pratiques de mesure et d’évaluation du travail non rémunéré.
Il sera utile pour les objectifs de l’étude de présenter cette revue de l’Etat de l’Art sur la question et comprenant un aperçu des pratiques utilisées. Ces pratiques mettront en lumière les différences entre les tâches domestiques non rémunérées effectuées par les femmes, et feront ressortir le rôle important que jouent les femmes dans la production des ménages, ainsi que l’évolution continue de ces différences au fil du temps.
A la Direction des Statistiques, on n’a pas entrepris de travaux pour compiler un compte satellite complet, mais il existe quelques études en ce qui a trait à la compilation de la composante du travail de la production des ménages. Il s’agit notamment de l’étude sur le Budget-temps et des travaux sur le secteur informel. 21
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Ces études peuvent servir à approcher le travail domestique invisible des femmes, surtout en milieu rural. Il s’agira d’examiner leur apport quant à la possibilité de les utiliser dans l’évaluation du partage des biens accumulés dans la vie conjugale. Cette seconde phase de l’étude s’attachera à :
‹ présenter et analyser les méthodologies appliquées au Maroc et dans d’autres pays pour la mesure du travail domestique et invisible et des femmes, ‹ discuter la validité technique de l’applicabilité de ce critère au partage des biens acquis dans la vie conjugale.
La troisième phase de l’étude portera sur l’analyse des régimes matrimoniaux dans des pays étrangers. Sa finalité est d’offrir un cadre comparatif sur les pratiques juridiques des partages des biens lors du divorce, les règles juridiques relatives aux rapports pécuniaires des époux entre eux résultant du mariage et vis-à-vis des tiers. Deux ensembles de pays ont été retenus. Des pays reflétant des expériences différentes en Europe (Allemagne, Angleterre, Espagne et France) et dans le monde arabe et asiatique (Egypte, Tunisie, Turquie).
Dans ces divers pays, il existe différents types de contrats de mariage :
‹ Les régimes séparatistes : le plus courant est la séparation des biens pure et simple. Dans ce régime, les biens que les époux avaient avant leur mariage continue à leur appartenir personnellement, les biens acquis ou reçus pendant le mariage appartiennent à celui des époux qui les a acquis ou reçu. ‹ Les régimes communautaires : les plus courants sont la communauté universelle, la communauté réduite aux acquêts et la communauté de meubles et acquêts.
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‹ La participation aux acquêts : ce régime fonctionne comme la séparation des biens pendant le mariage et comme le régime de communauté réduite aux acquêts après. En effet le principe de ce régime est de faire un état du patrimoine de chacun au moment du mariage puis un autre à la fin du mariage. L’enrichissement entre les deux est partagé entre les époux.
L’étude de l’expérience internationale décrira les conséquences patrimoniales du divorce dans ces pays retenus.
Pour chacun de ces pays, elle présentera les principales caractéristiques des régimes matrimoniaux, plus particulièrement les différents transferts financiers et patrimoniaux entre conjoints après le prononcé du divorce. Elle décrira aussi la liquidation du régime matrimonial et précisera le sort du patrimoine et du logement familial à l’issue du divorce. Le résultat attendu de cette analyse comparée des modalités de partage des biens pratiquées dans ces pays et d’examiner dans quelle mesure les modes opératoire du partage peuvent s’appliquer à notre réalité et être adaptés à au cadre réglementaire défini par le Code de la Famille.
La quatrième phase de l’étude a un caractère empirique. Il s’agit à travers les enquêtes sociologiques et judiciaires de toucher un autre aspect de la question : celui des usages sociaux et du vécu des acteurs Les termes de référence de l’étude proposait de s’appuyer dans l’étude sur les pratiques de terrain de quelques tribunaux. Après consultation le choix des sites s’est porté sur les tribunaux de : ‹ Casablanca
‹ Ben Ahmed ‹ Inezegane
‹ Marrakech
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Une enquête qualitative sur les pratiques du partage a été réalisée. L’objectif de l’enquête était d’examiner les logiques qui opèrent dans les règlements des différends portés par des conjoints auprès des tribunaux.
L’enquête s’est fondée sur le dépouillement de dossiers et sur les discours que tiennent des professionnels de la justice lorsqu’ils parlent des pratiques de partage. Un tel discours est censé révéler les représentations ainsi que les pratiques, mêmes si les pratiques peuvent être différentes des discours et des représentations. Trois questions de départ ou trois axes de recherche vont orienter cette enquête qualitative sur la pratique du partage des biens.
‹ Dans quelle mesure les mariages contractés depuis la mise en œuvre du Code de la Famille font-il référence et intègrentils un contrat sur le partage des biens ? Quelle est la nature de ces contrats, sur quoi portent-ils (qu’est-ce qui se partage et qu’est-ce qui ne se partage pas ?) quels sont le supports juridiques de ces contrats ?
‹ Dans quelle mesure les divorces génèrent-ils une conflictualité sur le partage des biens ? Sur quel patrimoine porte le conflit ? Qu’est-ce qui est l’objet de négociations ? ‹ Comment agissent et décident les juges pour le partage des biens ?
Dans le premier axe, la question était de savoir quels biens et quelles propriétés sont mis en partage (logement, terre, biens immobiliers, argent, actions…) ?
Dans le second axe, l’analyse a porté sur les critères auxquels recourent les juges pour établir leur décision, le contenu de ces critères, leur pertinence, leur conformité aux principes énoncés par la loi, leur applicabilité. Les deux axes conjugués ont renseigné sur l’économie et l’idéologie du partage dans une perspective dynamique qui permet d’appréhender les différences, les changements intervenus au niveau des pratiques et des représentations. 24
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Pour chaque cas de divorce étudié la démarche suivante sera observée : ‹ La restitution des faits et du contexte; ‹ Le déroulement du procès; ‹ La décision du juge;
‹ Le principe ou le critère retenus pour le partage.
Cette démarche sera couplée à un recueil d’avis et d’appréciations des juges sur l’applicabilité de l’article, ses difficultés, ses contraintes.
Une analyse a été effectuée sur les pratiques observées au regard du principe de l’équité du partage des biens. Des déductions et des conclusions seront tirées sur ces pratiques et leur conformité à l’esprit de la loi pour faire émerger les contraintes rencontrées et les attitudes favorables à l’équité.
Différentes institutions ont été consultées en cours d’études pour rassembler les données nécessaires à sa réalisation et pour sensibiliser des divers acteurs sur son contenu et solliciter leur appui : il s’agit notamment du Ministère de la Justice, de la direction des statistiques, du secrétariat d’état à la famille, des professionnels de la Justice, de l’UNIFEM. Des hommes et des femmes ressources ont été aussi sollicités pour leurs avis.
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Code de la famille : l’égalité genre et partage du patrimoine.
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Chapitre 1 : Le Code de la Famille : L’enjeu du partage des biens La réforme du Code de Statut Personnel (Moudouwana), en février 2004, a permis d’améliorer le statut juridique des femmes marocaines et d’ouvrir de nouvelles perspectives au changement de leur condition. Cependant, trois ans après la mise en œuvre du Code, beaucoup reste à faire pour garantir l’effectivité de la loi et ses dispositions, consacrer l’égalité entre les époux dans la responsabilité partagée de la famille, renforcer la mise en place des moyens institutionnels nécessaires à la bonne application du droit et ainsi contribuer à la considération des droits humains des femmes au Maroc.
D’autre part, le Code a constitué une avancée sociale indéniable entre autres par la mise en place de mesures relatives au divorce qui permettent une plus grande protection des droits des femmes; l’énoncé d’une disposition de partage des biens acquis pendant le mariage ; la mise en place de juridictions spécialisées dans le droit familial, i.e. les Tribunaux de la Famille, etc.. Cependant, le nouveau texte connaît des limites à la consécration des droits humains des femmes. Par exemple, il ne décline pas de façon explicite les modalités de partage des biens acquis durant la vie conjugale, ce qui laisse une porte ouverte à une interprétation libre de la doctrine. En outre, un décalage considérable existe entre la norme juridique et l’application du droit – prioritairement dans le cas des femmes. En effet, les bilans de l’application du Code de la Famille sont encore mitigés. Les diverses études, recherches ou études thématiques réalisées viennent rappeler, au moins, cinq constats:
• Le Maroc s’est engagé dans un processus important et irréversible de réformes, notamment des droits humains des femmes ;
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• Le changement du vécu familial des femmes marocaines est un processus relativement long, particulièrement pour les femmes exposées aux pires discriminations et violences; • Les attitudes, normes et valeurs résistantes au changement traversent encore, aussi bien la société marocaine que certaines institutions;
• Le Code de la famille n’est pas encore, malheureusement, connu par la société et notamment par les femmes analphabètes ou vivant dans la pauvreté; • Des articles et dispositions du code méritent d’être clarifiés et précisés,
Sur ce dernier point, la question du partage des biens acquis au cours de la période conjugale est d’une grande importance.
1. Les tendances du mariage et du divorce A la suite de l’adoption du Code de la famille, il faut s’attendre à ce que les femmes prennent l’initiative de la séparation : cela témoigne de leur besoin de s’adresser à la justice et du fait qu’elles vivent au quotidien, plus que les hommes, les dysfonctionnements du mariage. Du fait que la procédure de divorce est, statistiquement, un des grands motifs de recours à la justice, l’image de celle-ci est étroitement liée au déroulement de ces procédures et aux décisions prises en la matière.
Les statistiques sont le reflet du changement dont a été fait le pari, à travers le Code de la famille.
1.1- Le mariage
Il ressort du bilan général relatif au mariage, que durant les quatre années d’application du code de la famille (du 2004 à fin décembre 2007), une moyenne annuelle de 263005 actes de mariage ont été enregistrés, ainsi que 14330 jugements récognitifs de mariage, soit 27
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un total annuel moyen de 27734. La comparaison de ces chiffres avec la moyenne des actes de mariage des cinq années précédentes (236961 actes) fait remarquer une hausse de 11%.
Le nombre d’actes de mariage conclus entre majeurs en moyenne annuelle sur les quatre années d’application du code de la famille a été de 176985, ce qui représente 67,3% de l’ensemble des actes de mariage. En revanche, 24092 actes de mariage ont concerné des mineurs, soit une proportion de 13,6%. Concernant la polygamie, 858 actes ont été conclus par an, soit une proportion de 0,48% seulement de l’ensemble des mariages. Ceci reflète l’efficacité des conditions introduites par le nouveau code de la famille pour cette catégorie de mariage.
Concernant les cas de révocation du divorce et de reprise de la vie conjugale, 258 actes ont été reçus par an, ainsi que 1867 actes reçus par suite à une reprise de la vie conjugale d’un commun accord entre les époux, soit une proportion totale de 1,7% de l’ensemble des divorces. Ceci constitue un indicateur positif significatif du fait que nombre de couples reviennent à une meilleure entente après le divorce. Les mariages conclus par des femmes majeures, sans l’assistance d’un tuteur matrimonial ont été au nombre annuel de 51477 actes, soit une proportion de 29,1% de l’ensemble des actes de mariages. Ce qui reflète qu’une partie importante des femmes ont bénéficié des dispositions nouvelles en leur faveur, et que la société dans son ensemble s’imprègne progressivement des apports de la nouvelle loi.
Les actes adoulaires, constatant des accords entre conjoints portant sur la gestion et l’orientation des biens acquis pendant la durée du mariage, ont été au nombre de 483 actes par an depuis 2004, ce qui indique qu’une part des ménages entendent organiser leurs rapports patrimoniaux. En outre, il convient de souligner qu’il n’a pas été tenue compte des actes qui auraient pu être constatés autrement.
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En ce qui concerne les cas de réintégration de l’épouse expulsée sans motif du foyer conjugal, par la ministère public conformément aux dispositions de l’article 53 du code de la famille, 2140 cas ont été traités durant chaque année d’application de ce code, par voie de conciliation opérée par le parquet ou par les soins de la police judiciaire. Ceci démontre que la mise en œuvre de ces dispositions légales est faite de manière positive dans la majorité des cas.
1.2- Le divorce
Concernant le divorce, les statistiques, après quatre années d’application du code de la famille indiquent 39707 cas par an. Tandis qu’en 2003, 44922 actes ont été enregistrés, ce qui laisse apparaître une diminution importante, de l’ordre de 11,6%, ce qui constitue une forte baisse sur les dix dernières années. Cette diminution serait due à la combinaison de différents facteurs, dont la mise en œuvre des procédures de conciliation par les sections du Droit de la famille. Le nombre de divorces (Khol’) moyennant compensation a connu un net recul, en passant de 21076 actes en 2003 – soit 47% de l’ensemble des divorces- à 10169 actes par an à l’entrée en application du code de la famille, soit 25,6% de l’ensemble des divorces.
Le nombre de divorces révocables a connu à son tour une diminution importante, en passant de 12462 actes en 2003 à 5631actes par an durant la période d’application du code de la famille, soit une proportion de 14,2% de l’ensemble des divorces. Cette diminution a don été de 54,8%. Le nombre de divorces avant la consommation du mariage a également connu une diminution en passant de 5477 à 4642 divorces révocables, durant la période d’application du code de la famille – soit une proportion de 11,7% de l’ensemble des divorces, soit une diminution de 15,2%.
Les divorces prononcés à la suite des deux précédents divorces successifs, et ceux prononcés à l’initiative de l’épouse exerçant un droit d’option (tamlik), représentent, chacun, une très faible 29
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proportion, n’excédant pas 0,3% de l’ensemble des actes de divorce (144 actes en moyenne annuelle pour le premier et 122 pour le second).
Les divorces par consentement mutuel ont été au nombre de 5448 actes annuels, soit 13,7% de l’ensemble des actes de divorces par an depuis la mise en application du code de la famille, ce qui indique que cette procédure a été perçue positivement.
1.3- La nécessité d’humaniser le divorce
Le nombre, les modalités et le « climat » des divorces, surtout sur les questions de pension alimentaire et de conflits sur les biens conjugaux constituent l’un des révélateurs de l’équilibre existant entre les genres.
Les pratiques actuelles sont unanimement considérées comme conflictuelles et insuffisamment tournées vers la gestion du partage des biens dans l’après-divorce. D’où la nécessité de répondre à l’évolution d’un contexte marqué par : a. La nécessité de l’apaisement et de l’adaptation du divorce à notre temps • Une adaptation aux évolutions sociologiques qui ont marqué ces dernières décennies : les constats chiffrés sont contestés de part et d’autre mais il est clair que la divorcialité augmente de manière concomitante à l’augmentation du nombre de mariages. • Une adaptation qui tienne compte de l’autonomie croissante mais toujours relative des femmes, et des inégalités qui subsistent dans les taux d’activité, dans les écarts de salaires, dans les pensions de retraite des femmes, dans le chômage, etc.
b. Une pratique du divorce qui demeure encore trop conflictuelle • Les pratiques en vigueur évoluent lentement, un «enveniment» contraire à l’intention du législateur, à l’esprit du Code de la Famille n’a pas encore bien imprégné les pratiques et les décisions en vigueur. 30
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• Des leçons sont à tirer de la situation actuelle pour voir comment la législation peut canaliser les efforts vers une dissolution apaisée des liens du mariage. c. Des attentes nouvelles du justiciable • Les comportements des couples quant au principe du partage sont variés, cette diversité semble s’accroître aujourd’hui. • Des attentes sur la simplification et la demande de droit.
• La revendication par la femme de l’égalité des conditions et des chances entre les époux. d. Une refonte de l’architecture du partage des biens en cas de divorce • Des principes directeurs pour fonder la décision des juges ont été énoncés dans le Code de la famille: prise en considération du travail, de l’effort et des charges travail. • Une volonté implicite de protéger l’époux victime et de favoriser un règlement équitable des conséquences patrimoniales du divorce.
e. Un dispositif qui appelle des précisions • Des inquiétudes sur l’applicabilité de la loi et de ses dispositifs. • Des interrogations sur les modalités de partage des biens et les difficultés ponctuelles à définir des critères pertinents, équitables et applicables. Malgré la relative progression dans le statut des femmes qu’il a rendue possible, le Code de la Famille ne résout pas tout, loin s’en faut. C’est dans l’application de la loi que réside sa pertinence. Quant à la promotion des droits des femmes, on s’apercevra qu’elle s’applique, dans un milieu résistant, avec retard et dans un contexte potentiellement chargé d’un haut niveau de divortialité, et qu’elle méritera un suivi et une évaluation au regard des évolutions de la famille.
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L’adoption du Code de la Famille n’aura été inutile qu’à condition que la réforme des aspects du divorce figurant dans le code fasse l’objet d’une clarification des articles relatifs au partage des biens lors de la dissolution du mariage. La législation doit permettre la définition de critères et le repérage des cas dans lesquels le partage répond à l’esprit de la loi. La loi offre aux conjoints la possibilité de déterminer préalablement les modalités de partage et de choisir la loi applicable dans les procédures matrimoniales, mais cette possibilité peut conduire à l’application d’une loi avec laquelle les conjoints n’ont que des liens ténus et à un résultat non conforme aux attentes légitimes des époux.
Les différences considérables entre les situations des conjoints, les trajectoires du couple, en ce qui concerne tant les modalités d’acquisition des biens pendant le mariage, que les règles définies pour leur répartition en cas de divorce, sont source d’insécurité juridique. La grande disparité et la complexité de la gestion du patrimoine font qu’il est très difficile aux couples de prévoir quelle modalité de partage s’appliquera en cas de survenance d’une dissolution du lien du mariage.
Il est entendu qu’un progrès dans le règlement de la question du partage des biens permettra d’atteindre les objectifs suivants: ‹ Renforcer la sécurité juridique et la prévisibilité des décisions quant au partage des biens acquis; ‹ Accroître l’efficience de la loi en instaurant une certaine transparence et une harmonisation dans les décisions; ‹ Garantir une répartition équitable des biens acquis.
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2. L’article 49 du Code de la Famille : un enjeu La genèse de l’idée du partage des biens acquis tout au long du mariage est apparue officiellement dans le projet PANIFD1 dans un souci d’équité par rapport aux femmes qui ayant, largement contribué à la constitution du patrimoine familial grâce à leur travail au sein du foyer et/ou grâce à leur activité professionnelle, se retrouvent souvent dans une situation de dénuement et de dépendance en cas de séparation. Cette proposition a suscité de violentes réactions de la part du mouvement islamiste. Malgré cette opposition, elle a été intégrée dans le nouveau code. Le nouveau Code de la Famille, adopté en février 2004, constitue une réforme considérée par l’ensemble des acteurs sociaux et politiques marocains comme un tournant dans l’histoire du Maroc indépendant. Il exprime une rupture avec l’ancien Code du Statut Personnel (CSP élaboré en 1957/58 et révisé partiellement en 1993), dont le caractère discriminatoire reléguait les femmes à un statut de mineures. Il a été au cœur du combat du mouvement des femmes, ponctué par plusieurs étapes avant l’aboutissement de la réforme2
1- Plan d’Action National pour l’Intégration de la Femme au Développement. Secrétariat d’Etat chargé de la Protection sociale, de la Famille et de l’Enfance. 1999.
2- Certes, le nouveau code de la famille ne répond pas à toutes les attentes des femmes et des hommes attachés aux principes d’égalité et d’équité. La polygamie n’a pas été interdite de façon claire et nette, de même que les dispositions en matière d’héritage sont restées largement discriminatoires. Cependant, les avancées indéniables qui ont été enregistrées sont venues valider la stratégie mise en œuvre par les organisations féminines depuis le milieu des années 1980.
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Encadré : Etapes de l’adoption du nouveau Code de la Famille En 1993, une première réforme du CSP a permis de désacraliser ce texte, présenté par les courants religieux et conservateurs comme un texte sacré et à ce titre, immuable. En 1998, l’arrivée d’un gouvernement dit de l’alternance a ouvert plusieurs chantiers, dont le projet de Plan d’Action pour l’Intégration de la Femme au Développement (PANIFD) qui avait retenu quatre domaines prioritaires et proposait une série de mesures pour améliorer le statut juridique de la femme, notamment: l’élévation de l’âge au mariage des filles à 18 ans (à l’instar des garçons), l’abolition de la tutelle matrimoniale pour les femmes majeures, l’interdiction de la polygamie, l’établissement du divorce judiciaire et le partage, au moment du divorce, des biens acquis durant le mariage. La dynamique enclenchée par la «Réseau d’appui au PANIFD» (large réseau de 200 associations féminines, de droits humains et de développement, crée en 1999, pour inciter le gouvernement à mettre en œuvre le Plan) s’est poursuivie avec le «Printemps de l’égalité» qui a joué, durant trois années, un rôle primordial dans le processus de la réforme. Le «Printemps de l’égalité» a entrepris des actions directes de sensibilisation et de plaidoyer auprès de la Commission Consultative, des décideurs et autres acteurs politiques, ainsi qu’auprès du Parlement (lors de la discussion du projet).
En mars 2001, et suite à une audience accordée par le Roi Mohamed VI aux représentantes du mouvement des femmes, 9 associations oeuvrant pour la promotion des droits des femmes ont en effet décidé de créer une coalition d’associations féminines «Printemps de l’égalité pour la réforme de la Moudawana». En avril, le Roi a établi la «Commission Consultative chargée de la révision de la Moudawana» (composée de 3 femmes et de 11 hommes). Les travaux de cette Commission ont duré 29 mois et ont été marqués par des moments de forte tension du fait de conflits entre ses membres. 34
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La réforme du CSP dans un sens égalitaire était à la fois nécessaire et possible dans le contexte actuel du Maroc. La réforme constitue une grande avancée pour les femmes et pour la société marocaine; elle confirme les récents choix stratégiques faits par le Maroc en faveur de la modernité et de l’Etat de Droit; elle reflète les importantes mutations socio-démographiques et économiques qui ont participé à transformer profondément la société et la famille et les rôles des genres par rapport au contexte social ayant inspiré les dispositions de l’ancien CSP; elle prend en compte les engagements du pays envers la communauté internationale par le biais de l’adhésion aux différents instruments relatifs aux droits de la personne; elle favorise une lecture évolutive et adaptée aux réalités d’aujourd’hui de l’esprit de la charia islamique tel que démontré par l’apport d’éminents réformateurs musulmans.
2.1 - L’esprit du texte : un souci d’équité
La Commission Consultative Royale chargée par la plus Haute Autorité du pays de réviser le code du statut personnel a abouti à un texte d’une grande avancée sociale ouvrant la possibilité de moderniser l’arsenal juridique ayant trait à un domaine important et fondamental dans la structure sociale, à savoir la famille. Les travaux de la Commission n’ont pas été rendus publiques. Mais, il ressort des entretiens que nous avons eu avec des hommes et femmes ressources qui ont fait partie de la commission que l’enjeu était de parvenir à l’élaboration d’un Code qui reste conforme aux valeurs et aux principes de la religion musulmane et de l’unicité du rite malékite, et en parfaite harmonie avec les dispositions des conventions internationales en la matière. Les principales nouveautés du nouveau Code résident dans :
• La consécration du principe de l’égalité entre la femme et l’homme, notamment l’égalité au niveau de la responsabilité familiale, la famille sera désormais placée sous la «responsabilité conjointe des deux époux»; l’égalité au niveau des droits et des devoirs des deux époux avec l’abolition de la règle qui soumettait la femme, au 35
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titre de la «Wilaya» dans le mariage, à la tutelle d’un membre mâle de sa famille ; l’institution du principe du divorce consensuel sous contrôle du juge; la possibilité pour les petits-enfants, du côté de la fille, d’hériter de leur grand-père au même titre que les petits-enfants du côté du fils. • Le souci d’équité et de justice : protection de l’épouse des abus de l’époux dans l’exercice de son droit au divorce; renforcement du droit de la femme à demander le divorce pour préjudice subi ; la répartition entre les époux des biens acquis durant la période du mariage.
Cette dernière disposition, introduite dans le Titre VI du Code de la Famille sur les conditions consensuelles pour la conclusion du mariage et de leurs effets représente une des innovations majeures par rapport au Code antérieur. Ainsi, l’article 49 stipule que :
«Les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre. Toutefois, les époux peuvent se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant le mariage. Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage. Les adoul avisent les deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes. A défaut de l’accord susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumés pour fructifier les biens de la famille.»
Ce nouvel article annonce une nouvelle règle relative au partage du patrimoine, au cas où les deux époux ne précisent pas au préalable les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant le mariage. Cette nouvelle règle est venue redresser l’absence d’équité dans la gestion des biens matrimoniaux qu caractérisait l’ancienne version de la Moudouana. 36
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En effet, le législateur a opté pour le principe de la séparation des biens entre les époux (art. 35). Le mariage n’entraîne effectivement aucune communauté des biens. L’épouse conserve l’administration et la disposition de ses propres biens. Pour ce qui est des actes d’administration, la capacité de la femme mariée est entière. Elle peut accomplir tous les actes en vue de la gestion et de la conservation de son patrimoine.
Pour ce qui est des actes de disposition, il en est de même. La Moudouana n’a pas repris une exception prévue par le rite malékite (l’épouse ne pouvant disposer gratuitement par donation de plus du tierce de son patrimoine sans l’autorisation de son mari). En conséquence, la capacité de la femme mariée est totale et la séparation des patrimoines, en droit effective. L’article 39 de l’ancienne Moudouana règle les cas de contestation au sujet de la propriété des objets mobiliers contenus dans la maison. «En l’absence de preuve certaine, il sera fait droit, aux dires du mari, appuyés par serment, pour les objets d’un usage habituel aux hommes. Aux dires de l’épouse, après serment, pour les objets qui, habituellement sont à l’usage des femmes…. . Les objets qui sont utilisés indistinctement par les hommes et par les femmes seront, après serment de l’un et de l’autre époux, partagés entre eux».
Cependant en confiant à l’épouse la charge de veiller à la marche du foyer et à son organisation, le législateur impose deux charges au mari dot et entretien. Il lui impose tout d’abord de verser une dot à la femme (art. 5, 16 à 24, 35 de la Moudouana). La dot (Sdaq) est une valeur que le futur époux donne à sa future épouse ou stipule au profit de celle-ci au moment de la conclusion du mariage. Elle constitue un élément essentiel pour la validité du mariage. La Moudouana s’en remet aux parties elles-mêmes, le soin de fixer le montant de la dot. Celle-ci ne comporte ni minimum, ni maximum. La Moudouana affirme qu’en cas de divergence entre conjoints sur le versement de la partie exigible de la dot, il est ajouté foi aux déclarations de la femme si la contestation intervient avant la consommation du mariage et à celles du mari dans le cas contraire. 37
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En plus de la dot, le droit marocain oblige le mari de faire face aux charges du ménage et de pourvoir aux besoins de la femme (nafaqa). La Moudouana et le code de procédure civile traitent de cette question. Fidèle au droit musulman classique, la Moudouana oblige le mari à assurer l’entretien de sa femme. Le mari n’a jamais de créance alimentaire à l’encontre de la femme, quelle que soit la fortune de cette dernière. De même, lorsque la femme est pauvre, son mari ne peut la contraindre à travailler pour assurer son existence. Les droits de l’épouse à l’égard du mari sont l’entretien prévu par la loi tels que la nourriture, l’habillement, les soins médicaux, l’égalité de traitement avec les autres épouses en cas de polygamie. Dans ce sens, l’article 115 de l’ancienne Moudouana précisait que toute personne subvient à ses besoins par ses propres ressources à l’exception de l’épouse dont l’entretien incombe à son époux. Celuici doit la nafaqa à son épouse dès l’instant où il y a eu consommation du mariage et non dès la conclusion. Cette vision fixe un espace à la femme et fonde son infériorité essentiellement sur le pouvoir financier du mari. Si le principe de la séparation des biens tel qu’il est conçu constitue un progrès par rapport au rite malikite, et s’il va dans le sens des instruments internationaux des droits de humains, on remarque une discrimination en faveur de l’épouse sur le terrain des charges financières. Mais n’est-ce pas seulement la partie visible de l’iceberg ? L’autorité du mari ne repose-t-elle pas, sur le terrain du droit, essentiellement sur cette division sexuelle du travail ? même si l’image véhiculée par le droit, celle d’un homme capable d’entretenir sa famille ne se réalise pas toujours dans les faits ?
L’épouse peut recourir à la dissolution du mariage par consentement mutuel et compensation (khol). Elle peut en effet inviter son mari à la répudier contre compensation qu’il accepte. Cette voie de dissolution faisait l’objet des articles 61 à 65 et 67 de l’ancienne Moudouana. Celle-ci n’avait fait que reprendre les modalités du fiqh classique. Il arrivait souvent que l’épouse rachète sa liberté, en prenant sur elle l’obligation d’entretien des enfants qui, incombait jusque là au mari. 38
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L’art. 65 de la Moudouana tendait à faire obstacle à la prise en charge par la femme pauvre de l’entretien des enfants, en contrepartie de la répudiation demandée au mari. L’article 65 disposait en effet que dans le cas où la femme est pauvre, toute contre partie à laquelle les enfants ont droit, est interdite. Par suite, non seulement l’épouse, mais également les enfants sont protégés contre les potentielles exigences du mari qui reste maître de son pouvoir de répudiation et risquerait d’en profiter.
2.2 - Condition féminine : changements et résistances
Parallèlement à la montée du divorce et à l’ensemble des évolutions de la vie en couple, la place des femmes dans la société s’est modifiée depuis les deux dernières décennies, avec notamment une hausse des taux d’activité des femmes leur procurant une autonomie nouvelle. Il est utile de mettre en regard des dispositions du Code de la famille les principales données relevant l’autonomie croissante des femmes, mais aussi les inégalités qui subsistent. Il ressort des données statistiques que la population féminine active est estimée en 2007 à 27,5% de la population active totale. Les femmes marocaines ont réussi, dans une certaine mesure, à intégrer le marché de l’emploi, tant au niveau du secteur privé que dans l’administration publique. Cependant, les données montrent que : • L’implication des femmes dans l’activité économique reste limitée : le taux brut d’activité des femmes est de 18,2 % contre 48,9 % pour les hommes. Les femmes urbaines subissent le chômage plus intensément que les hommes (24,7 % contre 18 %), quel que soit leur niveau d’instruction, le taux des femmes diplômées au chômage est de 38,9 % contre 23,3 % pour les hommes diplômés. • Des écarts de salaires d’environ 25 % à travers la diversité des sources statistiques et des méthodes de mesure, il apparaît assez nettement que les écarts de rémunération entre hommes et femmes ont diminué depuis les années 1990. Cette diminution des écarts s’est ralentie et le salaire moyen des femmes reste globalement inférieur d’environ 25 % à celui des hommes. 39
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• Les pensions de retraite des femmes sont inférieures de 42 % à celles des hommes. Les salaires proportionnellement moins élevés des femmes ainsi que leurs parcours professionnels moins linéaires ont des prolongements en matière de retraite. En 2007, la pension moyenne des hommes âgés de 60 ans ou plus était de 42 % de plus. • Le taux de chômage des femmes est aussi élevé que celui des hommes chômage. Il aggrave l’instabilité conjugale; la privation d’emploi est susceptible de marquer toutes les phases du cycle de vie familiale. En particulier, l’instabilité professionnelle et le chômage ont un impact fort sur la rupture. Il est établi que le chômage augmente directement le risque de rupture du mariage : un chômeur a plus de risques de divorcer dans l’année suivant son inscription au chômage qu’une personne n’ayant jamais connu le chômage. Les couples de chômeurs ont plus de risques de connaître une séparation ou un divorce que les couples sans chômeur. De manière assez frappante, l’instabilité conjugale double lorsque leur statut professionnel se précarise.
• Les femmes accèdent de plus en plus aux postes de responsabilité et à la prise de décision dans le champ public. Cependant, l’examen et l’analyse de la situation montrent que, malgré les progrès, l’accès des femmes aux postes de décision est limité. Leur nombre dans les hautes sphères du pouvoir demeure très faible. Lorsqu’elles accèdent à des postes de décision, elles ont rarement des responsabilités significatives. En général, elles sont chargées de questions spécifiques aux femmes et au domaine social. • Malgré les transformations sociales, la division du travail persiste: la femme travaille d’abord en tant qu’aide familiale, puis comme salariée, les conditions de travail sont moins favorables aux femmes qu’aux hommes, les activités informelles féminines se développent à un rythme rapide et constituent des activités de survie pour un grand nombre de femmes. • La répartition inégale des tâches ménagères et la position marginale occupée par les femmes dans le monde du travail tendent à renforcer les inégalités. L’étude fondée sur l’enquête budget 40
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temps (1997-98) démontre que même si les femmes travaillent plus longtemps que les hommes, leur travail est invisible, non comptabilisé (travaux domestiques, prise en charge des enfants, des malades, des personnes âgées…) et par conséquent non rétribué.
• En ce qui concerne la pauvreté (5, 3 millions de personnes en 1999), son profil féminin s’est beaucoup développé. L’estimation est de 2,7 millions de femmes vivant en dessous du seuil de pauvreté en 1998 contre 1,1 million en 1991. Ces femmes qui deviennent chefs de ménage, sont souvent veuves ou divorcées. La charge plus lourde qui pèse sur les ménages a donné naissance à des stratégies de survie (retrait des enfants de l’école, entrée précoce sur le marché de l’emploi) qui contribuent au budget familial. En dépit des progrès réalisés, les conditions de travail des femmes sont encore largement caractérisées par des discriminations. Le degré de vulnérabilité économique et sociale est fortement corrélé au type d’emploi occupé par les hommes et les femmes. Ces caractéristiques montrent que les femmes sont plus touchées par la précarité du marché de l’emploi, plus exposées au chômage, plus soumises aux mauvaises conditions de travail : horaire, salaires… et par conséquent plus vulnérables à la pauvreté, surtout lorsque, veuves ou divorcées, elles assurent la survie du ménage dont elles assument la responsabilité.
La réforme du code de la famille est intervenue dans un contexte de changement social et des perceptions du statut de la femme dans la société. Mais les perceptions changent sur beaucoup d’aspects des relations conjugales, des résistances perdurent quant il s’agit de traiter du partage des biens.
Les résultats de l’enquête du Haut Commissariat au Plan (HCP) sur «la femme marocaine sous le regard de son environnement social»3 sont riches d’enseignements sur les changements dans la condition féminine au Maroc et sur les attitudes et positions des hommes 3- Royaume du Maroc. Haut Commissariat au Plan. Prospective Maroc 2030. « La femme marocaine sous e regard de son environnement social ». Enquête. Principaux résultats. Septembre 2006. Enquête réalisée sur un échantillon composé de près de 3700 ménages.
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et des femmes quant à ces changements. L’enquête prend acte de l’augmentation du nombre de femmes qui accèdent à l’instruction, qui exercent des activités rémunératrices et qui accèdent à la direction d’entreprises (voir tableau 1 ci-dessous). Tableau 1: Aspects des changements dans la condition féminine au Maroc Changements en augmentation Hommes Accès à l’instruction Exercice d’activités rémunérées Accès à la direction des entreprises
85,9 61,5 44,7
Femmes 79,6 59,6 37,2
Ensemble 82,7 60,5 40,9
Source : Enquête HCP : La femme marocaine sous le regard de son environnement social. Interpellés sur l’accès égalitaire des femmes aux mêmes niveaux d’instruction que les hommes, 89,2% des hommes expriment une attitude favorable. Les justifications avancées sont diverses : cela va de soi (47,4%), les femmes instruites aideraient mieux leurs familles (28,7%). La même attitude est observée par les hommes, même si elle est moins prononcée, sur le droit des femmes à exercer des activités rémunérées (59,7%), estimant que la femme qui travaille aiderait sa famille (64,2%) ou que le travail est un acte naturel (30%). Interrogées sur la nécessité d’augmenter le nombre de femmes accédant à la direction des entreprises, les hommes appuient cette tendance dans leur grande majorité (56,9%) ; il en est de même de la présence des femmes dans les institutions que ce soit les administrations (63,6%, les associations et les syndicats (51,1%), les partis politiques (51,1%), les conseils communaux (58,5%), le parlement (56,5%), ou le gouvernement (56,5%).
Si l’attitude exprimées par les hommes est plutôt largement favorable à l’émancipation des femmes, leurs positions, c’est-à-dire leur comportement ne reflète pas aussi favorablement une adhésion à des valeurs. Les questions posées sur le droit des femmes et sur 42
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l’appréciation des dispositions du nouveau code de la famille (comme la restriction du tutorat pour le mariage de la femme, le droit de la femme de disposer librement de son revenu) en temoignent.
L’enquête a permis de relever que 68,4% des hommes sont informés de la promulgation du nouveau code de ma famille contre 61,9% des femmes (65,1% pour les deux sexes). A peine 36,2% des hommes évaluent positivement les dispositions du nouveau code de la famille, moins du quart des personnes interrogées (22,4%) ont exprimé une position positive sur la levée de l’obligation de tutorat pour le mariage de la femme. Quant au droit des femmes de disposer librement de leur revenu, seuls 22,5% des hommes respectent ce droit sans aucune réserve ; la grand majorité le conditionne à la contribution aux dépenses du ménage. Tableau 2: Droit des femmes de disposer librement de leur revenu Attitudes Pour sans réserve Pour, sous réserve Contre
Hommes 22,5
Femmes
Ensemble
6,8
80,4 4,4
75,6
70,7
15,3
18,8 5,6
Source : Enquête HCP, op cit Cette appréciation est corroborée par l’Enquête National sur le Budget-Temps des Femmes (ENBTF : 1997-1998) qui a montré le faible degré de participation de la femme à la prise de décision au niveau familial du fait de l’intensité des contraintes qui pèsent sur son rôle familial, social et économique4.
Dans la sphère familiale, la femme n’est pas encore totalement libre de décider de sa destinée. Le premier mariage n’est décidé par la femme elle même que dans une proportion limitée : 12% en milieu urbain et 4% en milieu rural, ainsi que le montre le tableau ci-dessus. Seules 18% des femmes citadines et 8% des femmes rurales ont 4- Cf. ENBTF, volume 1, p. 66 et suivantes
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déclaré non indispensable d’avoir une autorisation pour sortir. Par ailleurs, la nécessité de la compagnie des femmes lors de ses sorties n’est indispensable qu’à raison de 16% dans les villes contre 54% dans les campagnes.
Même lorsqu’elle dispose d’un savoir productif, la femme n’est pas généralement libre de le gérer à sa guise. La proportion des femmes propriétaires d’une activité économique ou d’avoirs productifs est de 6% en milieu urbain et de 12% en milieu rural. La gestion de ces actifs n’est cependant faite par la femme elle même qu’à raison de 43% dans les villes et de 16% dans les campagnes. Tableau 3: Degré de participation de la femme à la prise de décision dans la sphère familiale (en % arrondis) Dimension familiale Urbain Rural Ensemble Le premier mariage de la femme a été décidé par : 45 58 50 - les parents 12 4 9 - la femme elle-même 4 6 5 - un autre membre du ménage L’autorisation du mari ou du père de la sortie de la femme est : 61 85 72 - indispensable 22 7 16 - quelques fois indispensable 17 8 13 - n’est pas indispensable Les avoirs productifs de la femme sont gérés par : 43 16 27 - la femme elle-même 37 51 45 - un membre de la famille 9 15 12 - la femme et son mari Source : ENBTF 1997/98, volume 1, p. 69. Direction de la Statistique
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2.3 - Les perceptions sur le partage des biens
L’adoption dans le nouveau code n’a pas effacé les résistances à un partage équitable des responsabilités et des biens. Ces résistances sont essentiellement masculines. En témoigne les résultats de la dernière enquête réalisée sur les Perceptions et pratique judiciaire du Code de la Famille
L’étude a mis en lumière une tendance générale au rapprochement entre les sexes dans leurs relations au sein de la sphère privée. Même si les hommes et les femmes sont inscrits dans une dynamique de changement indéniable, les femmes sont nettement plus favorables aux nouvelles dispositions du code.
Sur un ensemble de dispositions du nouveau code, la convergence des points de vue est une réalité malgré les écarts des opinions des hommes et des femmes. L’adhésion à l’égard des tribunaux de famille, les avis positifs exprimés vis-à-vis de la procédure de réconciliations, le refus massif de la violence, l’acceptation de mesures relatives à l’âge minimum du mariage des filles fixé à 18 ans et à l’ensemble des autres dispositions sont des indications permettant d’accréditer la thèse selon laquelle les changement est à l’œuvre.
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Tableau 4: Principales tendances favorables à l’égalité selon le sexe en fonction des thèmes traités
- Principe de l’égalité - Violence physique - Révision de la Moudouwana - Age du mariage - Clause de la monogamie - Autorisation du juge pour le remariage de l’époux - Procédure de réconciliation - Domicile conjugal - Coresponsabilité - Partage des tâches du foyer - Le partage des biens - Tribunaux de la famille
Ensemble Hommes
Femmes
Ecart
95,7
2,9
70,9
62,9
57,3
40,5
66,8
26,3
72,9 65,5 31,2
64,6 42,1 50,3
79,6 42,1 72,7
15,0 33,2 22,4
72,4
74,2
70,7
3,4
69,9 79,1 66,5
58,8 71,1 55,8
80,6 86,8 76,6
21,8 15,8 20,9
50,8 63,8
33,0 62,2
68,1 65,1
35,1 2,9
94,7
92,9
78,6
15,7
Source : Etude sur le code de la famille : perceptions et pratique judiciaire. F.Ebert. Selon les données de l’enquête, hommes et femmes entretiennent des positions parallèles sur bien des questions. Comme l’atteste le tableau récapitulatif des principales tendances dégagées selon le sexe sur toutes les questions, les écarts sont importants. Certes des proximités existent et des rapprochements sont à l’œuvre sur le principe de l’égalité, sur l’acceptation de la coresponsabilité mais les femmes expriment plus fortement l’idéal égalitaire et apparaissent comme plus portées par la volonté de changement. Les hommes sont 46
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aussi globalement engagés dans cette nouvelle dynamique mais ils se montrent plus résistants à l’égalité.
Cette tendance est davantage marquée sur les questions du partage des tâches du foyer (un écart de 20,9 entre les points de vue des femmes et des hommes) et surtout du partage des biens (un écart de 35,1 points). Si les résultats de l’enquête suggèrent que le principe de l’égalité est suffisamment accepté dans le couple, les hommes se révèlent particulièrement hostiles à la mesure du partage des biens, et l’opposition est particulièrement forte entre les hommes et les femmes à son égard. Elle enregistre le plus fort écart entre les sexes; plus particulièrement dans les tranches d’âge de 35-44 ans (40 points) Par ailleurs, l’étude montre que les hommes répondants, qu’ils soient mariés ou célibataires, sont nombreux à désapprouver la mesure relative au partage des biens (respectivement 59,6% et 45,3%). Les femmes sont respectivement 20,3% et 16,9% à avoir cette position. Ces dernières continuent à considérer qu’elles n’ont pas à réclamer un partage des biens, sans doute parce qu’elles ont des difficultés à remettre en cause les représentations classiques. Il s’agit essentiellement de femmes au foyer, âgées de plus de 55 ans et peu instruites. Tableau 5: Perceptions sur la répartition des biens selon le sexe et le statut matrimonial
Célibataire Marié - e Divorcé-e / veuf-ve
Oui Homme Femme 54,74 83,08 40,35
79,66
50,00
79,41
Non Homme Femme 45,26 16,92 59,65 50,00
20,34 20,59
Source : Etude Le Code de la Famille : Perceptions et pratique judiciaire. Fondation FES
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Ces perceptions négatives montrent l’intérêt de mieux expliquer cette mesure et d’en définir et préciser les critères de répartition entre les époux qui décident de rompre leur mariage. Les opinions exprimées par les hommes âgés de 18 à 24 ans se répartissent de manière égale entre les « oui » et les « non » (38%). Ce sont eux aussi qui sont les plus nombreux à se déclarer « sans opinion ».
Les femmes âgées de 35 à 44 ans sont les plus favorables (77,9%) alors que les hommes de la même tranche d’âge sont ceux dont le taux d’acceptation est le plus faible (28,1%). Chez les femmes comme chez les hommes le nombre de réponses « sans opinion » est relativement important (de l’ordre de 20% et plus sauf pour les personnes âgées de 55 ans et plus).
L’activité n’est pas un critère qui différencie les hommes qui sont globalement défavorables à cette mesure, qu’ils aient une activité salariée, qu’ils soient étudiants ou chômeurs. Les employés puis les cadres supérieurs masculins sont ceux qui entretiennent les positions les moins hostiles à la mesure (soit respectivement 45,4% et 42,6%), mais les pourcentages de refus restent importants, les cadres supérieurs se révélant plus franchement opposés que les employées (41% et 31,8%). Les cadres moyens (24,2%), les artisans (26%) et les ouvriers (21%) sont hostiles à cette disposition.
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Chapitre 2 : La mesure du travail domestique: Evaluation de la production non marchande des ménages. Traditionnellement, beaucoup de services et des bien produits par les femmes sont ignorés ou sous évalués dans le système de comptabilité nationale. On dit qu’ils sont « invisibles ». Quatre types d’activités notamment sont peu représentés : le travail domestique, le travail bénévole, la production de subsistance et le secteur informel. Hommes et femmes sont impliqués dans ces secteurs mais les deux premiers, majoritairement féminins, soulèvent les problèmes de comptabilisation les plus difficiles.
Même si la production de subsistance, qui ne passe pas par le marché et demeure souvent non monétaire, a été de mieux en mieux prise en compte, l’incorporation de travail féminin dans ce secteur l’est encore difficilement. Pourtant, la contribution des femmes à l’économie agricole est souvent considérable : les femmes accomplissent une part considérable du travail associé à l’agriculture de subsistance, en assumant notamment la quasi totalité de l’approvisionnement du ménage en eau et en bois de chauffage, et en participant largement au stockage et au transport de la nourriture, au travail de labour et de désherbage, au travail de récolte et de commercialisation des produits. Le fait que les tâches domestiques soient systématiquement non rémunérées implique une dépendance monétaire au moins partielle des femmes vis-à-vis de la famille, ou de la communauté. On a longtemps considéré que cette question était «naturellement» réglée par la complémentarité des tâches féminines et masculines au sein du ménage, mais la division du travail fondée sur le genre est un des principaux vecteurs de la subordination des femmes. D’autre part, le nombre croissant de ménages «dirigés par des femmes» (en l’absence de chef masculin) dans les pays en développement a montré 49
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que cette situation était une source de grande vulnérabilité. Cette partie « incompressible » du temps et de la force de travail féminins représente en effet une forte contrainte pesant sur la mobilité des femmes et donc sur leur capacité à accéder à des activités génératrices de revenus. La division du travail est un principe d’affectation de tâches selon le sexe au sein et en dehors du ménage, fondée à la fois sur la perception des rôles sociaux des hommes et des femmes et sur l’idéologie de genre (définition de tâches «féminines» et «masculines»). De manière générale, l’essentiel des activités reproductives, non génératrices de revenus, sont considérées comme féminines. Les hommes ont en vertu de leur statut de principal soutien du ménage, ou en tant que propriétaire des biens de production du ménage, un accès prioritaire aux activités génératrices de revenus, ou aux revenus tirés de la production familiale. La problématique de la division du travail varie notamment en fonction du clivage rural-urbain, reflétant l’influence des structures productives et du contexte historique.
En milieu rural, le travail de tous les membres du ménage est le plus souvent mobilisé. C’est un système où il est reconnu que les femmes travaillent même si leur travail est faiblement valorisé. Le ménage est alors une structure de production et de consommation faiblement en interaction avec la sphère marchande. La transition économique introduit la commercialisation de l’agriculture et se traduit par un exode rural qui entraîne souvent une féminisation de l’agriculture de subsistance et une masculinisation du travail rémunéré dans les villes. La rigidité des droits de propriété et la concentration de la diffusion des techniques vers les hommes se traduisent par un écart croissant entre la productivité du travail féminin et du travail masculin. En milieu urbain, on observe notamment un phénomène de cantonnement des femmes à la sphère «domestique» et d’informalisation de leur travail. La division du travail tend à s’«occidentaliser» avec l’apparition d’une stricte séparation de la sphère productive et de la sphère reproductive dans un contexte de faible productivité des activités reproductives. Outre les facteurs 50
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culturels et surtout les contraintes domestiques limitant la mobilité des femmes, elles souffrent alors d’un déficit de scolarisation, stratégique pour l’accès au marché du travail urbain. Aussi, les femmes sont-elles souvent considérées comme un soutien secondaire du ménage qui fournit des services non marchands.
La valeur ajoutée générée par ces activités de service réalisées par la femme dans le foyer domestique n’est pas prise en compte dans les agrégats macro-économiques classiques. D’après les comptes nationaux, il semblerait que la production des ménages n’ait aucune valeur, alors que le travail domestique à la fois accroît la valeur des biens et des services achetés et contribue à la formation et à l’entretien du capital humain. Sa valeur est de toute évidence non négligeable. Cette production non marchande couvre les biens et services que les membres des ménages produisent pour leur propre consommation en combinant leur travail non rémunéré et les biens et les services qu’ils acquièrent sur le marché.. Depuis de nombreuses années, les économistes insistent sur le fait qu’ignorer le revenu et la richesse générée par le travail domestique introduit une distorsion dans divers domaines de l’analyse économique5: ‹ Ils ont souligné que le revenu national est notablement sous-estimé par la non-prise en compte du revenu en nature engendré par les activités productives des ménages.
‹ Ils ont estimé que la consommation finale, telle qu’elle est habituellement mesurée, donne une idée fausse de la consommation « réelle » dès lors que les biens et services produits par le travail non rémunéré des membres des ménages ne sont pas pris en compte6 .
5- Mitchell et al. (1921), Kuznets (1944) et Clark (1958). 6- Kende (1975)
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‹ Ils ont avancé que la production de services non marchands par les membres des ménages augmente le bien-être économique, et par conséquent le PIB conventionnel n’en donne pas une mesure adéquate.
‹ Ils ont considéré que la contribution économique des femmes à la production est nettement sous-estimée par les statistiques classiques car les femmes effectuent environ les deux tiers de l’ensemble des tâches domestiques7.
Dans plusieurs pays de l’OCDE, ces considérations ont donné lieu à des études qui élaborent des méthodes de mesure et présentent des estimations monétaires de la valeur ajoutée par les activités productives des ménages menées en dehors du marché. Pour bien comprendre l’enjeu de ce débat, il faut examiner ‹ Le mode de traitement de la production non marchande des ménages dans le Système de Comptabilité Nationale de I’ONU (SCN); ‹ La description des diverses méthodes utilisées pour imputer une valeur monétaire à la production domestique; ‹ Les estimations de la valeur ajoutée par les activités non rémunérées des ménages dans certaine pays et la mesure de leur importance relative par rapport aux chiffres officiels du produit intérieur brut, de la consommation des ménages et de leur revenu disponible.
1. Le traitement de la production non marchande dans le SCN
Dans les premières versions du SCN8 , sont inclus dans la production brute les produits primaires autoconsommés (produits de l’agriculture, de l’extraction minière, etc.) et les biens transformés à partir de produits primaires (beurre, vin, tissus, etc.); sont aussi inclus tous les autres produits que les ménages destinent à la vente 7- Walker et Gauger (1973)
8- Que les statisticiens désignent par la version de 1968 du SCN (Nations Unies, 1968)
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sur le marché ainsi qu’à leur propre consommation (par exemple les costumes qu’un tailleur professionnel fait pour ses propres fils) ; les biens de capital fixe produits pour compte propre doivent aussi être ajoutés à la production brute. Les services ne sont pas mentionnés, à l’exception des services de logement que les propriétaires occupants se rendent à eux-mêmes. Dans le SCN révisé (version de 1991), la définition de la production (appelée dans le SCN «frontière de la production») couvre désormais tous les biens produits par les ménages pour leur propre consommation mais exclut tous les services, à l’exception des services de logement que les propriétaires se rendent à eux-mêmes et le stockage qui est considéré comme un prolongement du processus de production des biens. Dans la version révisée du SCN, la non-prise en compte des services produits par les ménages est expliquée de la façon suivante:
La réticence des comptables nationaux à imputer une valeur à la production, aux revenus et aux dépenses associés à la production et à la consommation de services domestiques et personnels au sein des ménages tient à plusieurs facteurs, à savoir :
‹ l’indépendance et l’isolement relatifs de ces activités par rapport aux marchés, ‹ l’extrême difficulté de faire une estimation économiquement significative de leurs valeurs, ‹ les effets négatifs que cela aurait sur l’utilité des comptes pour l’orientation de la politique économique et l’analyse des marchés et de leurs déséquilibres - analyse de l’inflation, du chômage etc.
En effet, cela pourrait aussi avoir des conséquences «inacceptables» pour les statistiques de la population active et de l’emploi. D’après les directives du BIT, les personnes économiquement actives sont celles participant à des activités de production se situant dans la frontière de
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la production définie dans le Système de comptabilité nationale. Si la définition était élargie pour inclure aussi la production de services par les ménages pour compte propre, presque toute la population adulte serait économiquement active et le chômage serait éliminé. Les arguments invoqués pour exclure les services domestiques et personnels de la frontière de la production du Système ne sont pas tous convaincants :
• Les services de logement que les propriétaires se rendent à euxmêmes ne sont pas fondamentalement différents des autres services produits en vue d’une autoconsommation : ils sont inclus dans la frontière de la production de façon à éviter une distorsion des estimations de la production et de la consommation des services de logement lorsque le rapport entre les logements occupés par leurs propriétaires et les logements loués varie dans le temps et dans l’espace. • Le même type de distorsion peut se produire avec les autres services domestiques et personnels produits pour compte propre. Par exemple, employer un cuisinier, aller au restaurant ou acheter des plats tout préparés au lieu de cuisiner chez soi entraîne une distorsion du même type.
• II est avancé qu’un revenu imputé n’a pas la même signification économique qu’un revenu monétaire : le revenu monétaire laisse le consommateur libre de choisir parmi les biens ou services disponibles sur le marché, alors que le revenu imputé tiré de la production domestique ne peut être utilisé que pour acquérir le produit de cette production. Aussi justifié soit-il, cet argument ne vaut pas seulement pour le revenu imputé tiré de la production non marchande des ménages. Les autres imputations faites ailleurs dans le SCN sont tout aussi différentes d’une production commercialisée. • II pourrait se révéler aussi difficile d’imputer un prix significatif aux biens produits par les ménages qu’aux services qu’ils se rendent à eux-mêmes. Pour pouvoir imputer un prix à des biens, encore fautil qu’il y ait un marché pour ceux-ci. Si, par exemple, les ménages 54
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vont chercher l’eau eux-mêmes, c’est vraisemblablement que le marché ne leur fournit pas l’eau courante à domicile : il sera alors difficile de trouver un prix approprié pour imputer une valeur à l’eau. En revanche, un membre d’un ménage pourrait décider de vendre une partie du repas qu’il a préparé. Dans ce cas, le prix de marché est tout trouvé pour imputer une valeur au repas consommé par le ménage.
• Pour mesurer la valeur de la production, il faut tout d’abord disposer de statistiques sur cette production. Les enquêtes auprès des ménages montrent que les données statistiques ne sont pas plus difficiles à collecter pour un nombre de services, comme la confection de repas ou la lessive, que pour les biens.
• La version révisée du SCN décrit la production de services pour compte propre comme une «activité totalement autonome ayant des répercussions limitées sur le reste de l’économie». On peut avancer qu’il existe de nombreuses interactions entre ce qui est produit sur le marché et ce qui est produit à domicile. Par exemple, les meubles vendus «en kit» et les hypermarchés situés loin des centresvilles donnent lieu respectivement à une production de services de montage et de transport par les ménages. Le coût ou l’offre insuffisante de services de soins pour personnes âgées se traduit par une augmentation de la production de ces services à domicile. La plus grande participation des femmes au marché du travail a une incidence sur la production marchande de biens et de services réduisant le temps de travail domestique, comme les fours à microondes et les plats à emporter.
• La faible fiabilité des mesures de la valeur des services produits au sein du ménage n’est pas une raison suffisante pour les ignorer complètement. Dans d’autres domaines de la comptabilité nationale, la qualité des données laisse à désirer. A condition d’y consacrer suffisamment de réflexion et de ressources, il ne doit pas être plus difficile d’améliorer la qualité des mesures de la production domestique que celle des services financiers ou de l’administration publique. 55
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• Inclure les services que les ménages se rendent à eux-mêmes dans la définition de la production modifierait en fait radicalement l’approche conventionnelle qui relie la production à l’emploi rémunéré : cela reviendrait a supposer que les «personnes sans emploi» contribuent à produire de la valeur de la même manière que lespersonnes ayant un emploi» et qu’ils font partie de la population active. En revanche, cette inclusion ne fait pas disparaître la distinction fondamentale entre travail marchand et non marchand pas plus d’ailleurs qu’elle n’élimine le chômage, à condition de continuer à appliquer le critère classique «d’être activement à la recherche d’un emploi rémunéré» pour le définir.
En revanche, l’importance même de l’imputation qui serait nécessaire si l’ensemble de la production domestique était prise en compte constitue un argument majeur contre son inclusion pure et simple dans les agrégats des comptes nationaux. Cela risquerait de les rendre inopérants pour la plupart de leurs utilisations classiques à des fins de politique et d’analyse économiques.
Une approche plus nuancée consisterait à présenter des estimations de la production domestique sous forme de rubriques pour mémoire à côté des statistiques classiques du SCN. Un traitement plus complet de la production non marchande des ménages dans le cadre de la comptabilité nationale consisterait à établir un compte satellite des ménages dans lequel la valeur de cette production et ses utilisations seraient décrites en détail. Cette position paraît d’autant plus légitime que la version révisée du SCN reconnaît que la consommation de services produits par les ménages a contribue de façon importante au «bien-être économique» et que des activités comme la vaisselle, la préparation des repas, les soins aux enfants, aux malades ou aux personnes âgées sont autant d’activités qui pourraient être fournies par d’autres unités». La version révisée du SCN note que ces activités se situent dans la frontière générale de la production et sont en dehors de la frontière de la production dans le Système de comptabilité nationale seulement lorsqu’elles ne font pas l’objet d’un échange sur le marché. 56
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2. La mesure de la production non marchande des ménages
Pour mesurer la production non marchande des ménages, il faut d’abord définir «les activités productives». Une des définitions proposées est le critère de la «tierce partie» qui est aujourd’hui largement utilisé pour distinguer parmi les activités qui se déroulent au sein des ménages celles qui sont productives9.
Fondamentalement, les activités productives sont celles qui créent des biens ou des services qui auraient pu être fournis par une autre unité économique. Dans cette optique, faire la cuisine ou le ménage sont des activités productives car quelqu’un pourrait être engagé pour effectuer ces tâches. Regarder la télévision et dormir ne sont pas des activités productives car elles ne peuvent pas être réalisées par une tierce partie. Les mesures de la production des ménages examinées ci-dessous ne concernent que les activités productives et ne visent pas à valoriser le temps consacré aux activités satisfaisant aux besoins physiologiques des personnes et aux activités de loisir non productives. D’après le critère de la « tierce partie », les activités domestiques suivantes sont généralement considérées comme productives : préparation des repas, vaisselle, ménage et rangement, lessive et repassage, courses, réparation et entretien des logements et des biens ménagers, couture et réparation des vêtements, soins aux nouveaunés, aux enfants et aux adultes dans le ménage, comptes et écritures, jardinage, soins aux animaux ainsi que déplacements et attentes liés à ces activités.
Dans la pratique, l’application du critère de la tierce personne se heurte à des cas limites qui sont traités en référence aux pratiques et normes sociales courantes. Par exemple, baigner un enfant ou habiller une personne handicapée seront considérés comme du travail domestique, alors que se laver et s’habiller soi-même ne seront pas des activités productives, car elles correspondent à un comportement adulte normal. La classification de certaines activités parmi les 9- Hill (1 979)
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activités productives, comme les déplacements dans des véhicules privés ou à pied, reste controversée.
D’après le critère de la tierce personne, se transporter soi-même devrait être considéré comme une activité productive à condition qu’il ne s’agisse pas d’une activité de loisir non productive comme la course à pied ou les promenades en voiture. Etant donné qu’il n’est pas toujours facile d’opérer cette distinction, les déplacements sont fréquemment classés en fonction de leur objet. Ainsi, marcher jusqu’à des magasins sera classé avec les courses et compté comme une activité productive alors qu’aller en vélo au sport sera classé comme une activité non productive.
Une autre difficulté pratique tient au fait que plusieurs activités productives peuvent être effectuées simultanément. Une personne peut très bien faire la cuisine tout en aidant un enfant à faire ses devoirs : la personne en question produit en fait deux services dans le même laps de temps. Si l’on mesure la production, toutes les activités devraient alors être prises en compte. En revanche, si l’on mesure le temps passé, la comptabilisation de toutes les activités simultanées conduirait au résultat paradoxal que le temps passé à l’ensemble des activités quotidiennes - professionnelles, physiologiques, de loisir et domestiques - dépassait les 24 heures d’une journée. La pratique courante consiste à ne comptabiliser que celle déclarée comme principale par les personnes interrogées et à ignorer les activités secondaires. Dans le SCN, tous les biens et services achetés par les ménages sont comptabilisés en consommation finale, mais lorsqu’on mesure la production domestique, les biens et services consommés ou transformés au cours du processus de production - électricité, détergents, aliments, tissus, etc. - sont alors considérés comme des consommations intermédiaires. En outre, les biens utilisés dans des processus de production successifs durant plusieurs périodes comptables sont considérés comme des biens de capital fixe. II s’agit
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dans ce dernier cas des biens d’équipements durables comme les machines à laver, les réfrigérateurs, les robots ménagers, etc. Seuls les biens et services achetés et consommés sans transformation ultérieure ni incorporation dans un nouveau bien ou service resteront comptabilisés comme dépense de consommation finale. La valeur des biens et des services produits et consommés dans le ménage devra alors être ajoutée à ces dépenses de consommation finale pour arriver à une mesure de la consommation «totale» des ménages. Les méthodes utilisées pour imputer une valeur à la production non marchande des ménages peuvent être classées en deux grandes catégories que l’on appellera «approche par l’output» et «approche par les inputs»: i)
L’approche par l’output consiste à imputer une valeur monétaire à la production des ménages. En déduisant les consommations intermédiaires on obtient une estimation de la valeur ajoutée brute. Si on retranche ensuite les impôts indirects nets et la consommation de capital fixe, on obtient une estimation de la valeur imputée du travail domestique non rémunéré, laquelle peut être assimilée à l’entrepreneur individuel.
ii) L’approche par les inputs consiste à imputer une valeur monétaire au travail domestique, en y ajoutant la consommation de capital fixe, les impôts indirects nets et les consommations intermédiaires pour obtenir une estimation de la valeur monétaire de la production non marchande des ménages.
Pour la mise en oeuvre de l’approche par l’output, il faut d’abord identifier les biens et services produits par les ménages pour leur propre consommation et des biens et services équivalents offerts sur le marché, les «substituts marchands». La production domestique est alors évaluée aux prix du marché de ces substituts. Des estimations directes de la production domestique ont été réalisées pour la France, le Royaume-Uni et la Finlande, encore que différents types de substituts marchands aient été retenus. 59
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Pour la France, les services de restauration et d’hôtellerie ont servi de substituts pour la production domestique de repas et services connexes, les courses, le ménage, la lessive, le repassage et les réparations des biens ménagers. La production est évaluée au prix du marché de ces services. Les autres services domestiques et personnels, tels que les soins aux enfants et aux adultes, la surveillance du travail scolaire, les travaux de comptabilité et d’écritures, sont évalués au taux de salaire de personnes spécialisées, comme les puéricultrices, les infirmières, les répétiteurs, les secrétaires privés. En déduisant les dépenses engagées par les ménages au titre de cette production, les intérêts nets payés sur les emprunts contractés pour acquérir un logement et des biens d’équipement durables ainsi que la TVA et les autres impôts indirects qui auraient été prélevés si cette production avait été vendue sur le marché, on obtient une estimation de la valeur ajoutée par le travail domestique non rémunéré. Pour le Royaume-Uni, les services rendus par des institutions prenant en pension complète des enfants et des adultes ont été utilisés comme substituts pour la production domestique, cette dernière étant évaluée au coût de fonctionnement de ces établissements.
Pour la Finlande, les services de nettoyage dans les, centres de soins pour enfants, les services de restauration des cafétérias gérés par I’Etat et les services de blanchisseries privées ont servi de substituts pour trois catégories d’activités domestiques, à savoir, respectivement, le nettoyage du logement, la préparation des repas et la lessive, qui sont évaluées au coût de production de ces services sur le marché. Jusqu’à présent, l’approche par l’output n’a été mise en oeuvre que dans un petit nombre de pays en raison du manque de données sur les quantités de biens et de services produits au sein du ménage. On a plus fréquemment recours à l’approche par les inputs, qui utilise les données d’enquêtes sur les emplois du temps, sur les revenus et les salaires et sur les dépenses de consommation des ménages.
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La plupart des études fondées sur l’approche par les inputs a cherché à mesurer la valeur monétaire du travail non rémunéré sans aller toutefois jusqu’à fournir une estimation de la production domestique. Une étude, cependant, fait exception en présentant pour l’Australie un tableau entrées-sorties pour la production non marchande des ménages, qui estime la dépense de temps ainsi que les consommations intermédiaires par type d’activité et donne une mesure de la valeur de la production domestique. Trois grandes catégories de méthodes ont été élaborées pour imputer une valeur monétaire au travail domestique, à partir de différents schémas de substitution entre travail domestique non rémunéré et travail marchand. Les deux premières, i) et ii) ciaprès, utilisent comme substituts marchands les personnes payées pour effectuer des tâches semblables à celles constituant le travail domestique. La troisième, iii), substitue au travail non rémunéré des membres des ménages celui qu’ils sont qualifiées pour faire sur le marché du travail : i)
ii)
Un employé de maison est choisi comme substitut pour effectuer l’ensemble du travail domestique que les membres du ménage font eux-mêmes. On appellera cette méthode celle du «substitut global». Le temps total de travail domestique est alors évalué au taux de salaire d’un employé de maison sur le marché.
Un ensemble de travailleurs spécialisés sont choisis comme substituts pour effectuer dans le foyer les tâches qui correspondent à leur qualification sur le marché du travail (cuisiniers, puéricultrices, jardiniers, etc.). On parlera alors de la méthode du «Substitut spécialisé». Leurs taux de salaires respectifs sur le marché sont utilisés pour estimer la valeur du temps passé à chaque type d’activité domestique correspondant à leur spécialisation.
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iii) Le travail domestique a pour substitut le type de travail marchand pour lequel la personne effectuant des tâches ménagères a été éduquée et formée. C’est la méthode du «gain potentiel » ou du «coût d’opportunité du temps». Le travail domestique qu’un individu fait est alors évalué à son propre taux de salaire sur le marché du travail.
S’il s’agit d’obtenir une mesure du manque à dépenser, c’est-àdire les sommes que les ménages auraient à dépenser pour employer quelqu’un pour effectuer le travail domestique à leur place, alors tous les coûts qu’entraînent le travail salarié marchand doivent être inclus et les taux de salaires doivent être augmentés pour en tenir compte. II s’agit essentiellement des cotisations sociales obligatoires à la charge de l’employeur (elles peuvent être importantes, représentant environ 40% des salaires en France). Si l’analogie avec l’emploi marchand est poussée plus loin, d’autres coûts éventuels encourus par l’employeur, comme les frais de nourriture, de logement et de transport, devraient être ajoutés. En revanche, s’il s’agit de mesurer le manque à gagner, c’est-àdire le revenu que les ménages auraient perçu s’ils avaient effectué un travail rémunéré sur le marché au lieu d’un travail non rémunéré à domicile, il faudrait alors déduire les sommes qui seraient prélevées sur un revenu monétaire. Les plus importantes d’entre elles sont les cotisations sociales à la charge des salariés et l’impôt sur les revenus. D’autres ajustements pourraient intervenir pour tenir compte de dépenses supplémentaires de transport, d’alimentation ou d’habillement, par exemple, et également des rentrées supplémentaires sous forme d’avantages divers, de primes, etc.
Les estimations sont aussi affectées par la détermination de la tranche d’âge de la population considérée comme effectuant du travail domestique. Pour une activité donnée, on disposera en outre d’un choix assez large de substituts : les taux de salaire sont souvent différents dans le secteur privé et dans le secteur public et, dans une profession donnée, l’éventail des salaires peut être assez ouvert et les taux de salaire peuvent différer en fonction de l’âge, du sexe, 62
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de l’expérience et des qualifications. La liste des activités prises en compte peut être plus ou moins étendue. Sur ces divers points, aucun consensus ne s’est dégagé quant à la solution la plus appropriée.
Dans la pratique, cependant, le choix est souvent restreint par les données disponibles. Toutes ces méthodes ont leurs inconvénients :
• Evaluer le temps de travail domestique aux taux de salaire du marché du travail implique que la productivité au sein du ménage est la même que celle observée sur le marché : aucune donnée empirique ne permet de vérifier (ou d’infirmer) cette hypothèse ; • II est peu probable que toutes les tâches domestiques puissent être réalisées par un employé de maison non qualifié, comme le suppose la méthode du substitut global : certaines activités exigent sans aucun doute des compétences particulières et ne sont pas exercées au même degré dans tous les ménages (soins de santé ou d’éducation, par exemple) ;
• II est peu probable, dans la pratique, que les ménages employeraient la variété de personnel que la méthode du substitut spécialisé suppose en principe;
• La méthode du « coût d’opportunité du temps» part de l’hypothèse que les individus peuvent effectuer sur le marché du travail autant d’heures qu’ils le souhaitent dans des emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles.
• En fait, l’alternative à laquelle ils sont souvent confrontés est soit de travailler à plein temps soit de ne pas exercer d’emploi. En outre, le taux de salaire potentiel de ceux qui se trouvent involontairement sans emploi est souvent nul ou, au mieux, atteint le taux minimum légal. Cela implique que la valeur d’une heure de travail domestique est la plus faible pour les personnes qui en font le plus; • Les écarts de salaires entre hommes et femmes sur le marché du travail sont transférés dans la sphère domestique, sans tenir aucun compte des qualifications effectives pour accomplir les tâches domestiques; 63
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• La méthode du « coût d’opportunité du temps» implique qu’un travail produisant un bien ou un service à la maison est évalué au prix d’un travail produisant un bien ou un service totalement différent sur le marché. II s’ensuit que le taux de salaire n’a plus de lien avec le type de produit pour lequel le travail est effectué et des produits identiques se voient affecter des valeurs différentes suivant celui ou celle qui les produit.
3. Quelques résultats
Le tableau 6 présente des estimations du temps consacré chaque année au travail domestique par les hommes et les femmes dans cinq pays. La population de référence, qui diffère d‘un pays à l’autre a bien entendu une incidence sur les résultats. Le tableau indique aussi le nombre d’heures de travail rémunérées et la dernière colonne montre que le temps consacré au travail domestique dépasse dans la plupart des cas le temps consacré au travail rémunéré. En Allemagne, les heures de travail domestique ont diminué entre les années 80 et les années 90, alors qu’elles ont augmenté en France durant la même période. Les enquêtes sur les budgets-temps réalisées pour la France (INSEE) montrent que le temps consacré au travail domestique par les hommes et les femmes chaque jour s’est accru de 2% environ. L‘augmentation du nombre total d’heures consacrées au travail domestique est attribuable essentiellement à la croissance de la population urbaine.
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Tableau 6: Estimation annuelle du travail de travail domestique (homme et femme) Année
Population
Etats-unis Allemagne
1980 1980
18 ans et + 14 ans et +
France
1985 1995 1985
18 ans et + Urbains 18-69 ans
Australie
Travail Travail (1)/(2) domestique rémunéré non sur marché rémunéré (2) (1) 189.0 157.0 121 50.1 50.6 99 46.3 45.5 102 41.4 37.5 111 47.3 37.0 128 11.1 10.0 111
Source : Ann Chadeau, op cit
Le tableau 7 sur la contribution des femmes au travail domestique représente entre deux tiers et trois quarts du temps total consacré aux tâches domestiques par l’ensemble des hommes et des femmes. Les enquêtes sur les emplois du temps montrent que le volume du travail domestique effectué par les femmes varie en fonction de leur statut professionnel (selon qu’elles sont salariées, exercent un travail indépendant ou sont femmes au foyer), du nombre d’enfants dans le ménage et de l’âge du plus jeune. Par exemple, une étude réalisée pour la France10 montre que les femmes au foyer consacrent 50% d’heures de plus au travail domestique que celles qui ont un emploi rémunéré et que les femmes exerçant un travail indépendant y consacrent 18% d’heures de plus que les salariées. Quel que soit le statut professionnel, le temps consacré à la production domestique croît avec le nombre d’enfants et est d’autant plus important que l’âge du dernier enfant est bas. La contribution relative des femmes, calculée à partir d’estimations monétaires du travail domestique, est aussi indiquée dans le tableau 2. Elle apparaît plus faible lorsque la méthode du coût d’opportunité du temps est 10- Chadeau et Fouquet, 1981
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utilisée. Ceci reflète la différence entre les taux de salaires masculins et féminins : le temps plus réduit que les hommes passent au travail domestique est évalué à un taux supérieur à celui des femmes qui, pourtant, y consacrent un plus grand nombre d’heures. Tableau 7 : Contribution de la femme au travail domestique total (%) Année
Etats-unis France
Canada
Australie Norvège
1986 1985 1986 1986 1991
Travail consacré au travail domestique non rémunéré
72 77 68 69 70
Source : Insee
Valeur monétaire
GO 60 69 61 66 64
SP 68 n.d 68 68 69
Le tableau 8 indique la répartition du temps entre quatre principaux types d’activités domestiques. Les soins aux enfants et aux adultes occupent 15 à 17% dans les quatre pays considérés. Les courses représentent à peu près le même pourcentage, sauf en Finlande où seulement 10% du temps est consacré à cette activité. En France, la cuisine et la vaisselle absorbent 36% du temps - sensiblement plus qu’en Australie et qu’aux Pays-Bas.
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Tableau 8: Répartition du temps entre activités domestiques
Cuisine/Vaisselle Ménages Soins aux enfants et aux adultes Courses Total
France (1996)
Finlande (1992)
Australie (1985)
Pays-Bas (1991)
17.3 100
9.7 100
16.3 100
16.6 100
36.2 30.2 16.3
31.1 43.1 15.3
26.1 42.2 15.4
27.7 38.9 16.8
Source : Insee Le tableau 9 présente des mesures monétaires. Celles-ci sont toutes fondées sur l’approche par les inputs. La valeur du travail domestique est exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) et les résultats sont classés en fonction de la méthode d’estimation : coût d’opportunité (CO), substitut spécialisé (SP) et substitut global (GL). Le tableau montre aussi l’effet que l’utilisation de différents taux de salaires a sur l’estimation de la valeur du temps - salaires nets (après impôt), salaires bruts (avant impôt), salaires bruts augmentés des cotisations sociales à la charge de l’employeur. Tableau 9 : Valeur monétaire du travail domestique en % du PIB Pays
Population de référence
Etats-Unis 86 Allemagne 90 Canada 86 France 95
16 et + 14 et + 15 et + 15 et +
Méthode Taux de salaire Taux de salaires moyens bruts moyens nets CO SP GL CO SP GL 44 n.d n.d 60 44 32 29 22 n.d 42 32 n.d 33 n.d n.d 48 41 22 n.d n.d 46 33
Source : Insee 67
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II ressort clairement que les résultats sont très sensibles à la méthode utilisée : la méthode du coût d’opportunité aboutit toujours aux valeurs les plus élevées et la méthode du substitut global presque toujours aux valeurs les plus faibles. La Norvège est le seul cas où la méthode du substitut global produit des valeurs plus élevées que celles obtenues avec la méthode du substitut spécialisé. Dans tous les cas, la valeur monétaire du travail domestique non rémunéré est supérieure à un cinquième du PIB et elle dépasse les deux tiers du PIB (France) lorsque la méthode du coût d’opportunité est appliquée en utilisant des taux de salaires bruts, augmentés des cotisations sociales à la charge de l’employeur. Des séries chronologiques disponibles pour les États-Unis, l’Allemagne, le Canada et la Norvège montrent une diminution de l’importance relative du travail domestique non rémunéré. Cela est probablement dû à la participation croissante des femmes sur le marché du travail, mais peut-être aussi à une augmentation de la productivité du travail au sein du ménage, grâce à des biens d’équipements tels que les lave-linge, les lave-vaisselle, les fours à micro-ondes et les robots ménagers qui permettent une économie de temps, ou encore à des produits, comme les légumes pelés et prélavés, les repas prêts à consommer et les produits jetables. Les estimations fondées sur l’approche par les inputs qui ne peuvent tenir compte des variations de productivité, introduisent un biais négatif dans les estimations de la croissance de la production domestique, si cette productivité s’accroît. Quelle que soit la méthode d’évaluation, les activités domestiques non rémunérées constituent de toute évidence une part très importante de la consommation totale des ménages.
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Conclusions
Quelle que soit la méthode d’évaluation utilisée, la valeur du travail domestique non rémunéré est importante par rapport au PIB. La production non marchande des ménages est un élément important du revenu, de la consommation et du bien-être des ménages.
Les données présentées ici montrent que les estimations de la valeur de la production domestique varient beaucoup en fonction de la méthode utilisée. Au plan théorique, l’approche par l’output est plus satisfaisante en ce sens qu’elle permet d’évaluer les biens et services produits dans le ménage aux prix auxquels on pourrait se les procurer sur le marché; c’est ainsi que la production est généralement évaluée dans les comptes nationaux. Jusqu’à présent, cette méthode a rarement été mise en oeuvre en raison de l’absence de données quantitatives et qualitatives sur la production effective des ménages. Bien que la méthode du « coût d’opportunité du temps » ait été utilisée dans de nombreuses études, elle est peu défendable car elle impute des valeurs différentes à des services identiques en fonction de la personne qui les produit.
En outre, elle évalue les services produits dans le ménage au coût de production de biens et de services tout à fait différents sur le marché. La méthode du « substitut global» aboutit généralement aux valeurs les plus faibles, ce qui peut être considéré comme un avantage par ceux qui souhaitent limiter le recours aux imputations dans les comptes. En revanche, elle repose sur l’hypothèse non vérifiée que le travail domestique exige peu de qualifications. Une méthode plus vraisemblable et, en même temps, plus facilement réalisable est celle du « substitut spécialisé », qui différencie les catégories de tâches domestiques et relie le niveau de salaire au type de travail effectué. S’il est vrai que les statistiques conventionnelles du SCN ont un grand nombre d’utilisations qui n’ont pas besoin d’estimations de la production non marchande des ménages et qui risquent même d’être compromises par la prise en compte de cette production, il n’en reste pas moins qu’elles donnent une image fortement déformée de l’importance, de la composition et de l’évolution des activités 69
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productives. L’établissement de comptes satellites constitue un moyen de donner une image plus complète de la production, tout en préservant les mesures classiques de la production et du revenu national. Une voie fructueuse consisterait à développer la possibilité de mettre en oeuvre l’approche par l’output en menant des enquêtes détaillées sur la production des ménages tous les cinq ans environ. La méthode du substitut spécialisé pourrait être utilisée à la fois pour valoriser les activités pour lesquelles seules des données sur les temps passés sont disponibles et pour permettre d’interpoler entre enquêtes successives. Au cours des cinquante dernières années, les statistiques des comptes nationaux ont été largement utilisées pour réguler et orienter l’évolution économique, élaborer les politiques économiques et sociales et évaluer les résultats de ces politiques. Si la production domestique avait été incluse dans le système des comptes macroéconomiques, soit comme partie intégrante du SCN, soit comme élément distinct mais comparable, les pouvoirs publics auraient eu une image différente du développement économique et auraient peut-être mis en oeuvre des politiques économiques et sociales tout à fait différentes. Pour prendre un exemple, des études ont montré que l’inégalité dans la répartition des revenus entre ménages est plus faible lorsque la production domestique est ajoutée à leurs revenus monétaires11. Leurs conclusions pourraient avoir des implications pour les politiques sociales et de bien-être.
11- Zick et Bryant (1985)
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Chapitre 3 : Le temps de travail invisible : L’approche par le budget temps Les enquêtes sur les budgets-temps visent à recueillir des informations sur la manière dont les individus répartissent leur temps entre les diverses activités auxquelles ils se livrent quotidiennement et qui ont un impact majeur sur leur sécurité financière, leur santé, leur bien-être et leur bonheur en général. Les résultats de ces enquêtes peuvent contribuer à donner des réponses à un vaste éventail de questions économiques et sociologiques. L’intérêt croissant porté aux données concernant les budgets-temps par les économistes, les sociologues, les milieux d’affaires, les décideurs politiques, les défenseurs des droits des femmes et les statisticiens a conduit des pays de plus en plus nombreux à effectuer au moins une enquête sur les budgets-temps et créé le besoin de prendre cette notion en compte dans la production régulière de statistiques12.
1 Le budget-temps et les activités non rémunérées
Initialement, les enquêtes sur les budgets-temps ont servi à étudier des phénomènes sociaux et des modes de vie et avaient pour but de fournir des données sur les aspects de la vie au sujet desquels les sources statistiques classiques ne donnaient aucune information. Les pays développés se sont intéressés de plus en plus à la collecte de données sur les budgets-temps dans les années 1960- 1970, principalement parce qu’ils ont reconnu l’importance de ces données pour mesurer le travail non rémunéré «invisible» des femmes et évaluer sa contribution à l’économie nationale et au bien-être. 12- C’est ainsi que 95 enquêtes sur les budgets-temps ont été réalisées dans 19 pays de la région de la CESAP depuis 1960 (voir graphique, dont 44 au cours des 14 dernières années et 8 depuis 2000. À l’échelle mondiale, 82 pays ont mené au moins une enquête de ce type
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On divise communément les activités humaines en trois catégories générales: a) les activités économiques; b) les activités productives non rémunérées; et c) les activités personnelles (par exemple, manger, dormir, etc.). Bien que ces trois types d’activité contribuent au bienêtre, les systèmes nationaux de statistique recueillent des données portant presque exclusivement sur les activités économiques. Pourtant, les enquêtes menées sur les budgets-temps dans les pays de l’OCDE ont conclu que les individus consacraient davantage de temps à des activités non rémunérées que rémunérées. Un autre constat d’ordre général corroboré par toutes les études entreprises était que les femmes supportaient une charge de travail plus lourde, tant en ce qui concernait le travail non rémunéré que la totalité des heures de travail. Des études menées plus récemment dans la région de l’Asie et du Pacifique ont confirmé cette tendance13. D’autres études récentes ont montré que les informations sur la façon dont les individus répartissent leur temps entre activités rémunérées et non rémunérées pouvaient aider à mesurer l’impact des politiques macroéconomiques sur le bien-être des personnes et des groupes de population. Ces informations pourraient être particulièrement utiles aux décideurs et aux analystes économiques, qui pourraient ainsi intégrer l’ensemble de l’économie productive dans leurs politiques et prévisions.
Les planificateurs et les décideurs ne savent pas grand-chose de l’utilisation qui est faite du temps et de la contribution qu’apportent à l’économie les biens et services produits par les ménages. Plusieurs pays de l’OCDE se servent d’enquêtes sur les budgets-temps pour grossir leur stock d’informations en la matière. Ces données peuvent être regroupées dans un compte « satellite » sur les ménages et fournir ainsi une mesure de la production intérieure qui, complétant le PIB classique, permettra d’avoir une image plus détaillée de l’activité économique globale. 13- Ainsi, l’enquête sur les budgets-temps réalisée en République de Coré a conclu qu’en moyenne les femmes consacraient 21 heures par semaine de plus que les hommes à un travail non rémunéré et que leur semaine de travail dépassait de près d’une heure par jour celle des hommes.
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Non seulement ces enquêtes sur les budgets-temps mesurent la production réalisée au sein des ménages et celle du secteur bénévole, mais elles procurent d’autres renseignements précieux -l’évolution de l’organisation de la durée du travail, les facteurs qui influent sur l’activité, l’utilisation que font de leur temps les chômeurs, les modalités et les responsabilité du travail domestique -toutes informations qui permettent d’avoir une idée de l’apport économique réel de la femme. Les enseignements à en tirer sur le plan de l’action sont multiples. D’une part, les politiques du marché du travail visant à mobiliser les « inactifs » risquent de manquer leur but si ces «« inactifs » s’emploient déjà, en fait, à fournir des services non rémunérés aux ménages et à la collectivité. D’autre part, au lieu de représenter une économie, le désengagement de l’Etat observé dans les services de santé et les services sociaux risque de ne constituer en réalité qu’une simple opération de transfert -la charge des coûts passant du secteur public aux travailleurs non rémunérés.
2. Finalité et méthode des enquêtes budgetstemps?
S’agissant de ces études, les données sur les budgets-temps peuvent être converties en registres nationaux de l’emploi du temps, c’est-à-dire un ensemble d’estimations sur la façon dont les ménages répartissent leur temps entre travail rémunéré, activités non rémunérées et loisirs. Ce système de registres nationaux de l’emploi du temps sert de base à l’établissement de comparaisons internationales et à l’amélioration des modèles de systèmes économiques et sociaux.
Les enquêtes sur les budgets-temps peuvent donc constituer une importante source de données sur le travail productif car elles couvrent la part invisible de l’économie dont les gouvernements doivent tenir compte au moment où ils prennent leurs décisions. Tandis que les pays en développement commencent à effectuer des enquêtes sur les budgets-temps, il apparaît de plus en plus clairement que celles-ci peuvent faire la lumière non seulement sur le travail 73
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non rémunéré mais aussi sur le travail rémunéré, lequel n’est souvent pris en compte qu’incomplètement par les systèmes de collecte de données traditionnels de ces pays.
Les données sur les budgets-temps ont servi à vérifier les informations concernant les catégories de travailleurs «difficiles à mesurer», telles que les travailleurs familiaux, les employés de maison, la main-d’oeuvre temporaire, les travailleurs du secteur informel, etc., dont le nombre est sous-estimé dans les enquêtes classiques sur la main-d’oeuvre. Les données sur le temps de travail effectif, le travail des enfants, le temps consacré aux déplacements, aux activités de loisirs, etc. peuvent également contribuer à améliorer les informations recueillies dans le cadre d’autres enquêtes. En combinant les données relatives aux budgets-temps et les données démographiques, il est possible de comparer les emplois du temps de différents groupes. Ainsi, les analystes pourraient comparer le temps consacré à diverses activités rémunérées et non rémunérées par les hommes et les femmes, les jeunes et les personnes âgées, les personnes avec et sans enfant, la population urbaine et rurale, etc. La réalisation d’enquêtes régulières sur les budgets-temps permettrait aux chercheurs et aux analystes de repérer les changements intervenus dans la répartition du temps au fur et à mesure de l’évolution des normes sociales et de l’économie.
Qu’entend-on par données sur les budgets-temps et comment sont-elles recueillies ? Les statistiques sur les budgets-temps sont des synthèses quantitatives de la façon dont les hommes et les femmes «passent» leurs temps, généralement sur une période de 24 heures ou d’une semaine. Ces statistiques sont obtenues à partir d’un échantillon d’individus et sont habituellement ventilées par sexe, groupe d’âge, origine rurale ou urbaine, et autres sous-groupes revêtant un intérêt pour les analystes. Elles donnent des informations sur la répartition du temps entre le travail rémunéré, les tâches domestiques non rémunérées (par exemple, la cuisine, le ménage, les courses et les soins prodigués aux enfants, aux personnes âgées, aux malades ou 74
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aux handicapés), les activités communautaires et bénévoles et les activités personnelles (par exemple, repas, loisirs, études, repos, etc.).
A partir de ces renseignements individuels, on établit des registres sur les budgets-temps agrégés montrant combien de temps en moyenne les hommes et les femmes consacrent par jour ou par semaine à chacune de ces activités, ainsi que le contexte dans lequel l’activité a lieu, c’est à dire où et avec qui. Les statistiques sur les budgets-temps donnent donc un tableau exhaustif de la répartition du temps entre diverses activités concurrentes dans une société donnée.
Les données nationales sur les budgets-temps sont habituellement recueillies dans le cadre d’une enquête sur les ménages indépendante ou s’inscrivant dans le cadre d’une enquête à volets multiples. Les pays utilisent diverses méthodes de collecte des données dont les trois les plus courantes reposent sur les éléments suivants: le journal de l’emploi du-temps (géré par les enquêtés eux-mêmes), l’entretien (portant sur les activités de la veille) et l’observation. L’objectif premier d’un journal de l’emploi de temps est de permettre aux personnes interrogées de consigner toutes les activités qu’elles ont entreprises dans un laps de temps donné et de fournir les informations contextuelles nécessaires à l’analyse. Au moment de la conception du journal, il faudra se demander si l’on retiendra des intervalles de temps non déterminés ou déterminés (par exemple, de 15, 30 ou 60 minutes) pour rendre compte des activités; si les données concernant un intervalle de temps donné porteront sur des activités individuelles ou multiples; s’il y aura hiérarchisation des activités simultanées (activités primaires et secondaires); quelles variables contextuelles seront prises en compte dans la description de l’activité et de quelle manière elles seront reflétées selon la formule utilisée pour le journal. Certains pays ont utilisé des journaux «stylisés» où les personnes interrogées devaient indiquer le temps qu’elles avaient consacré à des activités particulières pendant un laps de temps donné, par exemple 75
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un jour ou une semaine. Ces journaux diffèrent des journaux de l’emploi du temps en ce que les enquêtés ne sont pas tenus d’indiquer à quel moment de la journée telle ou telle activité a lieu mais le temps global qu’ils y consacrent. Les différents modes de collecte de données sur les budgetstemps (observation des participants, comptes rendus des personnes interrogées ou entretiens) ont des avantages et des inconvénients liés au degré de fiabilité des données obtenues, à leur impact sur le taux de réponse et à leur coût. Ils doivent donc faire l’objet d’une évaluation et être appréciés à la lumière des objectifs visés par l’enquête et compte tenu des ressources disponibles. Classification des activités aux fins de l’établissement de statistiques sur les budgets temps La nomenclature et la classification des activités constituent deux volets importants de la planification, de la collecte et de l’analyse des données sur les budgets-temps. Une énumération exhaustive et systématique des activités doit servir de base pour déterminer si toutes les activités ont été prises en considération. Différentes classifications des activités ont été utilisées selon les pays et nombre d’entre elles reposaient sur la Classification internationale des activités qui sera utilisée dans les statistiques des budgets-temps, conformément aux recommandations de l’ONU et d’Eurostat, qui autorise une division entre activités rémunératrices et non rémunératrices conformément à la classification type du Système de comptabilité nationale (SCN). Les données sur les budgets-temps obtenues par le biais de la Classification internationale ou de classifications analogues permettent ainsi aux analystes d’élaborer des comptes satellites des ménages conformément au SCN. En recourant à diverses méthodes d’évaluation, ils peuvent estimer la valeur du travail non rémunéré et établir une évaluation de l’économie dans son ensemble et de la contribution des ménages.
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Le processus par lequel des milliers de journaux individuels sont transformés en synthèses et registres de l’emploi de temps utiles doit être planifié soigneusement selon un plan de tabulation conforme aux prescriptions analytiques et tenant compte de la taille des échantillons requis si l’on veut obtenir des estimations fiables qui seront intégrées à des tableaux de base à entrées multiples.
Les concepteurs d’enquêtes devront préciser la taille minimale des cellules des tableaux afin que les erreurs types éventuelles soient tolérables eu égard aux objectifs concrets des analyses. On trouve dans le guide plusieurs plans de tabulation de base pour l’analyse des données avec des commentaires. Pour servir à l’élaboration de politiques éclairées, les données sur les budgets-temps devront être agencées et structurées de façon être comprises par le plus vaste public possible tout en restant suffisamment ciblées pour pouvoir être utilisées à des fins de sensibilisation. Il faut donc identifier les groupes d’intérêt, individus et organisations concernés et les intégrer au processus consultatif dès le début de la planification afin de déterminer le type de produits nécessaires ainsi que les modes de diffusion.
Les expériences faites par les pays ont montré que les enquêtes sur les budgets-temps pouvaient être planifiées et organisées en tant qu’enquêtes indépendantes ou s’inscrire dans le cadre d’enquêtes à objectifs multiples. Dans les deux cas, les éléments conceptuels restent identiques. Les ressources, y compris l’infrastructure statistique de base sont un élément essentiel à prendre en compte. L’attention portée au niveau mondial à l’importance des données sur les budgets-temps pour faire évoluer les choses dans le bon sens, en particulier pour améliorer la situation des femmes dans le secteur non rémunéré, a débouché sur des actions visant à affiner les outils d’analyse. En outre, des normes internationales ont été établies pour la classification des activités. Ces initiatives contribuent à accroître l’utilité des statistiques sur les budgets-temps pour l’élaboration des politiques et la prise de décisions. 77
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A mesure que les pays mettent en commun leurs expériences dans la collecte et l’analyse de données, les enquêtes sur les budgets-temps deviendront partie intégrante des systèmes de statistique. Un aspect clef de l’analyse des données sur les budgets-temps est l’évaluation du temps consacré à des activités productives non rémunérées, qui ne sont généralement pas comptabilisées en tant que ressources économiques.
3. Le temps de travail non comptabilisé et non rémunéré au Maroc : une mesure appropriée de l’activité économique
Au Maroc, quatre femmes actives sur cinq sont des non salariées et environ la moitié des femmes en âge d’activité, c’est-à-dire 15 ans et plus, sont considérées comme «femmes au foyer». Ce constat biaise la mesure de l’activité féminine en ne s’intéressant pas aux champs domestiques. La division sociale du travail a toujours attribué les activités ménagères aux femmes sans pour autant comptabiliser cette contribution dans l’amélioration du niveau de vie du ménage ou dans l’accroissement du produit national.
Une enquête sur l’observation de l’emploi du temps des femmes a été réalisée en 1997-98 (l’Enquête Nationale sur le Budget Temps des Femmes : ENBTF). Elle a été menée dans le but de quantifier la contribution féminine aux activités économiques, domestiques et ménagère, d’analyser l’allocation du temps disponible entre diverses occupations et d’en déduire les conditions sous lesquelles la participation des femmes aux activités génératrices de revenue peut être développée. Parmi les principaux objectifs assignés à cette enquête figurent les objectifs de :
• Dégager une méthodologie adéquate et adaptée aux conditions socio-économiques des femmes pour mieux mesurer le degré de sa contribution au développement économique et social ;
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• Examiner comment les femmes participent à la vie économique, à travers une analyse approfondie des différents aspects de l’emploi féminin; • Quantifier et décrire en détail les différentes tâches exercées par les femmes pour mieux en révéler l’étendue, la nature et les conditions d’exercice;
• Étudier pour la première fois des emplois de temps de femmes relevant de diverses catégories socio-économiques et milieux socio-cultutrels eu égard au champ de l’enquête qui couvre tout le territoire national et toutes les strates d’habitat et couches sociales.
L’enquête du budget-temps, surtout si elle est réalisée à intervalle régulier peut permettre l’élaboration d’une base statistique rendant possible le suivi de l’évolution des comportements qualitatifs et de la structure de l’emploi du temps L’approche budget-temps permet de cerner la contribution des femmes à l’activité rémunérée et non rémunérée. La conception de cette approche d’observation statistique repose sur la méthode suivante :
• Cerner, dans une première étape, le type d’activité par la méthode courante telle qu’elle est retenue, en partie, par les recensements de la population et exhaustivement appliquée par les enquêtes sur l’emploi. Son application permet de délimiter un premier volume de la population féminine active.
• La méthode budget-temps est par la suite appliquée à la population féminine considérée inactive par la méthode courante. Il s’agit du suivi (listage) des occupations féminines pendant une journée. La détection d’une ou de plusieurs activités économiques parmi les occupations listées, fait que la femme inactive d’après la méthode courante soit classée active par la méthode budget-temps.
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• Une femme est dite active d’après l’approche budget-temps si elle est active d’après l’approche courante ou si elle a exercé au cours des 24 heures de l’observation de son emploi du temps une activité économique ou de type économique relevant des occupations suivantes : activité professionnelle normale ; soins aux animaux (surveillance, pâturage, abreuvage….), travail des champs, semence , gardiennage, activités liées au travail des champs (moisson, cueillette, récolte, commercialisation produits…) ; activités de l’artisanat Une fois appliquée à l’ensemble de la population féminine (active ou inactive), cette approche a permis de corriger non seulement le type d’activité mais aussi le niveau de la contribution des femmes à l’activité économique. Cette contribution est spécifiée par la nature de l’occupation économique et par le temps qui lui est consacrée L’enquête Nationale sur le Budget Temps des Femmes (ENBTF) a porté un éclairage utile sur les activités domestiques. L’utilisation d’enquêtes budget-temps (time budget surveys), a permis de mettre au jour l’allocation du temps en terme de travail (et de loisir) selon le sexe (alors que les enquêtes traditionnelles reposaient souvent sur un malentendu quant à la notion de «travail», diversement perçue par les enquêtés). Ce type d’enquête s’avère particulièrement adapté pour mettre en évidence la complexité (multi-activité par exemple) et la diversité des activités déployées par les acteurs en particulier en milieu rural où les activités de marché sont minoritaires. Elles permettent en outre d’utiliser le temps de loisir comme un indicateur de bien-être. Une meilleure connaissance de l’emploi du temps des hommes et des femmes éclaire la structuration par genre de l’espace et du temps dans les sociétés en développement. Elle souligne l’asymétrie de la distribution du temps de travail selon le sexe en fonction de l’existence d’une rémunération, de la productivité, de l’intensité qui caractérisent les différentes activités. La prise en charge, par la femme, des activités domestiques à côté de son engagement dans des activités économiques rend difficile les tentatives de mesure de la contribution réelle de la femme au 80
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processus productif14 . L’identification de la population qui travaille reste liée à la notion d’activité économique, qui pour sa part fait appel à deux critères : la différenciation entre une utilisation économique et non économique du temps pour faire la distinction entre personnes actives et inactives. Il n’en reste pas moins que la distinction, entre le travail dit économique et le reste des tâches non pris en compte dans la notion « d’activité économique » est une opération subjective. La rémunération est sur le plan pratique, le critère qui permet de reconnaître un emploi comme ayant un caractère économique. Pour ce faire, l’emploi est alors défini comme une occupation permettant à un individu de recevoir une compensation en nature ou ne espèce ou comme une activité par laquelle il contribue à la production de biens et services commercialisables. Cette approche est loin d’être satisfaisante, car appliquée de façon stricte à certains travailleurs agissant dans les secteurs marginaux, de subsistance ou tout simplement bénévoles seraient exclues. Au-delà de la définition, le calcul du taux d’activité peut dépendre également, du moment de l’enquête (saisonnalité) et même des interprétations individuelles de ce que chacun peut entendre par activité économique. Pour permettre une réelle appréciation de l’activité féminine, un certain nombre de conditions doivent être remplies : • Une meilleure appréhension de la notion d’activité qui reste contestable, complexe et difficile à cerner ;
• Une plus précise identification des facteurs qui permettront une bonne répartition des activités de la femme au vu de son temps disponible.
La comparaison entre la méthode classique de comptabilisation du temps de travail et la méthode du budget-temps a permis de réévaluer l’estimation du temps de travail des femmes. Il ressort de cette comparaison que : 14- Voir à ce sujet : Djamila Chekrouni : Analyse multivariée du marché du travail au Maroc : Modèles d’évaluation de la participation de la femme à l’activité économique nationale. Thèse de doctorat d’Etat en Sciences économiques. Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales RabatAgdal. Octobre 2001.
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• La méthode du budget-temps accroît le taux d’activité féminine: la réévaluation de l’estimation est de 10% en moyenne, se décomposant en 3% en milieu urbain et 14,2% en milieu rural ; • C’est en milieu rural que le travail des femmes est sous-estimé du fait de l’importance du sous-emploi, de la saisonnalité des travaux, de l’absence de protection et la faiblesse du salariat ; • La surévaluation est maximale pour les personnes âgées de plus de 40 ans, notamment pour les femmes âgées de 60 ans et plus ; • Les femmes alphabétisées ont un plus grand potentiel à exercer des activités pas toujours bien définies ; • La femme mariée urbaine semble s’activer davantage que son homologue en milieu rural ; • L’éducation a un impact significatif dans la valorisation du taux d’activité. L’approche budget-temps estime le taux d’activité des femmes à 71,4% en milieu rural et à 34,6% en milieu urbain, soit 50,6% à l’échelle nationale. L’application de la méthode budget-temps à l’observation de l’activité économique des femmes âgées de 15 à 70 ans, montre une révision à la hausse de leur taux d’activité de près de 4,6 points à l’échelle nationale. Selon l’approche courante, ce taux s’établie à 46,0% contre 50,6% pour l’approche budgettemps. Ce gains en taux d’activité se fixe à un point en milieu urbain (respectivement 33,6% et 34,6%) et s’élève à 8,9 points en milieu rural (respectivement 62,5% et 71,4%). Cet apport de l’approche budget-temps à la valorisation de la participation féminine à l’activité économique, aurait été plus net si l’approche courante se limitait aux déclarations spontanées de la population15. Toutefois, l’écart entre les taux moyens d’activité dégagés par l’approche budget-temps et 15- En effet, la méthodologie de l’enquête ne se limite pas aux déclarations spontanées. Elle se réfère à une batterie de questions permettant de récupérer les personnes passivement actives, et à un relevé rétrospectif des activités exercées par les femmes pendant une semaine de référence. Ce relevé s’apparente à une observation de type budget-temps en permettant d’identifier les femmes classées a priori inactives et qui ont exercé une activité ayant une valeur marchande. Les femmes ainsi identifiées sont récupérées en tant qu’actives occupées.
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la méthode courante, est généralement significatif et démesuré en milieu rural. Tableau 10 : comparaison des taux d’activité féminine observés par la méthode budget-temps et la méthode courante Caractéristiques
Taux budget-temps/taux méthode courante % Urbain Rural Total Groupes d’âges 15- 25 ans 100,3 116,7 111,1 26- 40 ans 101,6 109,0 105,1 41- 60 ans 107,3 112,6 112,6 61- 70 ans 162,7 140,0 141,8 Alphabétisation Alphabétisée 101,5 121,4 104,5 Non - alphabétisée 104,1 113,5 112,8 Etat matrimonial Célibataire 100,4 115,4 107,2 Mariée 122,4 114,0 117,0 Niveau scolaire Aucun 107,4 113,2 113,4 Fondamental 102,2 125,5 108,1 Total 103,0 114,2 110,0
Source : Enquête ENBTF 1997/98. Direction de la Statistique Globalement, la distribution selon le genre des activités économiques et sociales met en évidence une asymétrie fondamentale. Les femmes assument l’essentiel des activités, peu ou pas rémunérées et faiblement reconnues socialement, de reproduction sociale, de production de biens et de services à petite échelle ou pour de faibles revenus, et à l’échelle collective, les «activités communautaires de base», liées à leur rôle stratégique dans la gestion de la «vie quotidienne». 83
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Le cumul de ces trois rôles représente une contribution considérable des femmes à la vie sociale, et paradoxalement, souvent un frein à leur liberté et à leur indépendance. La reconnaissance et l’intégration du triple rôle des femmes dans la pensée et les stratégies de développement a pu cependant générer des approches ambiguës. Après l’avoir ignoré, on a pu quelque peu « mythifier » la dimension «altruiste», collective des activités féminines, et l’abondance régnant dans ce secteur. La principale manifestation de l’asymétrie caractéristique de la distribution des activités sociales selon le genre réside dans le triple emploi du temps qui caractérise de nombreuses femmes actives dans le monde. L’absence de « spécialisation » des femmes tend en outre à rendre leur contribution particulièrement sensible à la conjoncture.
4. La répartition du temps de travail domestique: un éclairage sur le travail invisible des femmes
La décomposition des principales activités fonctionnelles des femmes révèle que :
• Le temps physiologique (sommeil, repas, toilette,…) occupe la moitié de la journée des femmes (12h 44 mn en milieu urbain et 12h 29 mn en milieu rural). Le temps consacré aux activités physiologiques s’allonge à mesure que les femmes avancent dans l’âge. Ce temps varie aussi en sens inverse de la taille du ménage et du nombre d’enfants. Le fait d’être membre d’un ménage nombreux induit des activités supplémentaires et fait que le temps alloué par la femme à la reprise de ses forces est significativement restreint. Et comme l’activité économique de la femme constitue en général une occupation qui s’ajoute aux travaux ménagers, les femmes actives occupées sont les plus sujettes à l’insuffisance du temps physiologique. • Le temps domestique et ménager (préparation des repas, lessive, nettoyage, achat de produits de consommation, approvisionnement du ménage en eau et en bois de feu,…) occupe en moyenne 5h 17 mn et est plus long en milieu rural (5h 53 mn) qu’en milieu urbain (4h 49 mn). Différencié 84
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selon le profil socio-démographique, le temps domestique et ménager est plus élevé pour les femmes âgées de 26 à 40 ans. Quel que soit l’âge, la femme rurale consacre plus de temps aux activités ménagères et domestiques que la femme citadine ; eu égard à l’accès limité des ménages ruraux au réseau d’eau potable, à l’électricité, à l’usage du gaz pour la cuisson et aux équipements ménagers qui engendrent d’importants gains de temps. Lorsque le logement n’est pas branché au réseau d’eau potable, la femme doit consacrer en moyenne 58 mn à l’approvisionnement du ménage en eau, soit 1h 2 mn en milieu rural et 34 mn en milieu urbain. La femme rurale chargée du ramassage et de l’acheminement du bois à son logement, consacre 1h 47 mn à cette occupation. Contrairement au temps physiologique, le temps domestique diminue à mesure que la taille du ménage s’élève en milieu urbain. Le temps domestique et ménager tend, cependant à s’amplifier à mesure que le nombre d’enfants s’élève. En plus du temps professionnel, la citadine active occupée devrait consacrer 4h 9 mn aux occupations domestiques et ménagères contre 5h 42 mn pour les femmes au foyer. Ainsi, quelles que soit son statut vis-à-vis de l’activité économique, la femme est astreinte à l’exercice des activités ménagères dans la quasitotalité des cas. Ce temps ménager est d’autant plus grand que les conditions de vie sont insatisfaisantes.
• Le temps professionnel : Bien qu’elle observe un taux d’activité élevé, la femme rurale est moins occupée par l’activité professionnelle (3h 39mn) que par les travaux domestiques et ménagers (6 heures). Comparée à la femme rurale, la femme citadine consacre plus de temps aux activités marchandes et moins de temps aux occupations ménagères (respectivement 4h 55mn et 5h 5mn). Le temps professionnel est à son apogée pour les femmes âgées de 25 à 40 ans en milieu urbain (5h 34mn) et de 40 à 60 ans en milieu rural (4h 4mn). Dans les villes comme dans l’espace rural, le temps professionnel est négativement influencé par le nombre d’enfants. 85
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Tableau 11 : Profil de l’emploi du temps de la femme marocaine (15 à 70 ans) : temps moyen par femme exprimé en heures et minutes par jour Activités et groupes d’activités
Femmes Femmes actives inactives Urbain Rural Urbain Rural
1. Temps physiologique dont Sommeil 8h55 8h 55 9h 16 9h 23 Repas à domicile 1h 31 1h 32 1h 36 1h 37 Repas hors domicile 0h 17 0h 09 0h 14 0h 09 2. Temps professionnel 2h 37 3h 15 0h 04 0h 19 3. Temps d’éducation et de 0h 05 0h 0,4 0h 45 0h 06 formation 4. Temps domestique et ménager dont : Cuisine, vaisselle et nettoyage 2h 43 3h 37 3h 36 4h 16 Course (y.c les trajets) 0h 22 0h 07 0h 20 0h 05 Soins aux enfants 0h 19 0h 24 0h 24 0h 42 Soins aux adultes 0h 05 0h 04 0h 03 0h 03 5. Temps de loisirs et semis loisirs dont : Télévision 2h 10 0h 31 2h 15 1h 04 Conversation, communication, courrier 0h 48 1h 05 0h 50 1h 16 Lecture 0h 03 0h 0,1 0h 05 Visite et réception 0h 45 0h 22 0h 41 0h 19 Promenade, chasse, excursion 0h 16 0h 09 0h 19 0h 09 Jeux 0h 01 0h 03 0h 01 0h 02 Spectacle 0h 0,1 0h 03 0h 1,4 0h 03 Sport 0h 0,4 0h 0,1 0h 0,7 Radio, Disques 0h 0,6 0h 03 0h 02 0h 01 Pratique religieuse 0h 20 0h 25 0h 32 0h 24 Source : Direction de la Statistique, ENBTF 1997/98 86
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Rapporté à l’ensemble des femmes âgées de 15 ans et plus, le temps quotidien d’éducation et de formation est 15 fois plus important pour la femme citadine (32,5 mn) que pour la femme rurale (2,2 mn)) ; la moyenne nationale étant de 19,4 mn. La diffusion des aptitudes éducatives et professionnelles s’avère essentiellement destinée aux citadines. Le loisirs et le temps libre totalisent quotidiennement 5h 2 mn en milieu urbain et 3h 22 mn en milieu rural. Le temps consacré aux loisirs s’améliore en fonction du cadre de vie.
Le tableau ci-dessous permet de mieux appréhender la répartition du temps disponible de la femme selon les occupations professionnelles et domestique et les caractéristiques socio-démographiques. On peut observer notamment que :
Le temps moyen consacré aux activités ménagères est quasiment le même (16,3%) par les femmes en milieu urbain quelque soit leur âge, alors qu’en milieu rural, les femmes âgées de 15 à 25 ans consacrent plus de temps à ces activités (24,2%) que les femmes plus avancées dans l’age (16,6%); Les femmes membres d’un ménage de trois enfants et plus consacrent évidemment plus de temps au travail du foyer que les femmes sans enfants, la différence selon les milieux n’est pas très sensible même s’il est plus élevé en milieu rural;
Les femmes sans niveau scolaire consacrent plus de temps au travail domestique que les femmes instruites, la différences entre les niveaux d’instruction est plus accentuées en milieu urbain qu’en milieu rural; La différence dans le temps affecté au travail ménager est nettement prononcée selon que la femme est au foyer ou qu’elle exerce une activité à l’extérieur surtout pour ce qui concerne le milieu urbain;
La salarisation de la femme se traduit par une occupation à l’extérieur plus forte que pour le tarvail indépendant ou le travail d’aide familial. Cette réalité est plus vécue en milieu urbain qu’en milieu rural. 87
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Tableau 12 : Répartition du temps disponible (en % des 24 heures) de la femme selon les occupations professionnelles et domestiques et les caractéristiques socio-démographiques et les milieux Temps Temps professionnel ménager Urbain Rural Urbain Rural Femmes âgées de 15 à 25 ans 3,0 8,5 16,3 24,2 Femmes âgées de 61 à 70 ans 2,7 8,7 16,3 16,6 Femmes sans enfant 4,0 10,4 18,0 20,8 Femmes membre d’un ménage 3,6 8,9 23,6 26,1 de trois enfants et plus Femme sans niveau scolaire 3,0 9,7 22,9 24,6 Femme ayant un niveau 4,4 6,5 19,6 23,8 fondamental Femme ayant un niveau 3,7 4,8 14,9 27,9 secondaire ou supérieur Femme au foyer 0,3 1,3 23,8 28,7 Femme active occupée 14,4 13,7 17,3 22,7 Femme salariée 15,1 15,6 16,6 19,7 Femme indépendante 10,6 14,3 20,4 23,5 Femme aide-familiale 12,2 13,4 16,4 22,8
Source : Direction de la Statistique. Enquête Nationale sur le Budget Temps des Femmes 1997/1998. Rapport de SynthèseVolume no 2.
5. Les limites de l’usage de l’enquête Une seule image : le budget-temps des femmes Une seule enquête est disponible, ce qui donne une seule image du budget-temps. On ne peut pas faire des observations sur l’évolution des comportements des ménages et plus particulièrement du volume 88
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de temps consacré aux tâches ménagères. On observe que les femmes ont tendance à accroître leur participation au marché du travail mais ont-elle diminué le temps consacré aux tâches domestiques ou accordent-elles un peu moins de temps à leurs enfants ? Ailleurs, les femmes disposent de plus de temps libre qu’il y a dix ou quinze ans, ce qui comble l’écart important qui les séparait par le passé des hommes. Le travail occupe donc environ 37 heures de leur temps, le temps consacré aux soins personnels et le temps consacré aux enfants ayant diminué légèrement alors que le temps du loisir et de la télévision a augmenté. On sait pas si cette tendance est observable au Maroc et dans quelle fourchette ? L’absence de données sur le budget-temps des pères Le temps consacré aux principales tâches domestiques par les hommes est indisponible, compte tenu de sa non intégration dans le champ de l’étude. Malheureusement, les valeurs de comparaison manquent sur ce point pour permettre une analyse complémentaire. Dans un certain nombre de pays, on observe que les pères ont tendance à diminuer leur temps de travail de façon assez significative et à accroître légèrement leur participation aux tâches domestiques. L’équilibre hommes-femmes n’est pas encore atteint à ce chapitre, mais un tel scénario est envisageable à plus ou moins brève échéance. Ce qui doit cependant retenir notre attention est que le temps consacré aux soins des enfants a connu une très nette croissance. Les hommes consacrent 5,3 heures par semaine à leurs enfants contre 6,4 pour les femmes. Il s’agit du temps dévolu non pas aux soins de base aux enfants, changer les couches, les nourrir, ... auxquelles les mères consacrent davantage de temps (15 heures contre 10 pour les hommes) mais du temps passé en compagnie des enfants, à écouter la télévision, à faire la vaisselle, etc. Au Maroc, le partage des tâches domestiques ne s’est pas encore imposé. Par ailleurs, les hommes adaptent peu leur charge de travail familial à leur situation dans la vie (avec ou sans famille et enfants) comme ils le font s’agissant de leur charge de travail professionnel.
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La répartition du temps familial selon l’âge des enfants Le travail familial regroupe tant le travail ménager que l’encadrement, l’éducation des enfants et les soins à dispenser à ces derniers ou à d’autres personnes requérant un encadrement. Il va donc de soi que les ménages comptant des enfants présentent une charge de travail domestique plus élevée que chez les personnes seules ou indépendantes et dans des couples sans enfant.
L’âge des enfants, bien plus que le degré de scolarité ou le revenu familial, est la variable la plus importante quant au temps que l’on consacre aux enfants; il détermine l’usage que l’on fait de son temps libre, ou même le temps dont on dispose pour le sommeil. Le fait d’avoir des enfants en bas âge introduit une contrainte ou un déplacement importants dans l’organisation du budget-temps hebdomadaire des parents. Dans les pays avancés, quand le premier enfant paraît, souvent la femme se retire partiellement du marché du travail pour consacrer davantage de temps à son enfant. Avec la venue d’un deuxième enfant, la femme tend à se retirer complètement du marché du travail pour un certain temps. L’homme, lui, va « surtravailler ». Les données indiquent qu’il n’y a aucun déclin, quantitativement parlant, du temps passé en famille. Il s’agit ici du temps pendant lequel l’un ou l’autre des conjoints, ou les deux, sont avec leurs enfants. Dès lors que les enfants grandissent, le couple réaménage son temps, les conjoints en profitant pour allouer davantage de temps à leur propre couple. Lorsque leurs enfants ont atteint l’âge de 15 ans, le budget-temps des parents ressemble à celui de couples sans enfants. Un nouvel équilibre du temps familial En guise de conclusion, rappelons que la grande variable dont il faut tenir compte dans l’analyse du budget-temps familial est la présence ou non d’enfants. Ce sont les enfants qui déterminent avant tout autre facteur l’organisation et la répartition de l’agenda des familles. Autre considération à retenir: on assiste à un rééquilibrage progressif du temps consacré aux enfants et aux tâches familiales chez les pères et les mères dans la plupart des pays. Les jeunes mères 90
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acceptent de moins en moins de sacrifier leur propre temps de loisir, le temps pour soi ou encore le temps de travail. Leur recherche de temps personnel amène une restructuration du temps familial et un nouveau partage des responsabilités. Il faut aussi examiner les différences entre les femmes. Quels groupes accomplissent le plus de travail familial? Dans quelle mesure le travail familial dépend-il de la position sur le marché du travail et de la charge constituée par l’activité rémunérée? Enfin, nous thématisons la charge globale correspondant au travail familial et au travail rémunéré des femmes et des hommes. On peut supposer que la charge globale des femmes est plus lourde que celle des hommes. L’une des raisons en est l’attribution du travail familial spécifiques aux sexes. Par ailleurs, au cours des dernières décennies, toujours plus de femmes sont entrées dans une activité rémunérée parallèlement à leur travail familial, tandis qu’on n’observe pas de changement semblable ni d’évolution complémentaire dans le comportement professionnel des hommes. La conception qu’ont les femmes de leur rôle s’est modifiée. L’activité rémunérée a gagné une plus grande importance sur l’ensemble de la vie. L’influence désormais réduite du mariage, en raison duquel on n’abandonne plus guère le travail rémunéré avant le premier enfant, en témoigne. Par ailleurs, d’autres raisons structurelles, comme l’élévation du niveau de formation des femmes, sont déterminantes pour expliquer le recul du travail purement ménager de ces dernières. La spécialisation de la femme dans les tâches ménagères et de mère n’est plus rentable si l’investissement dans la formation augmente. En outre, comme les femmes donnent naissance toujours plus tard à leur premier enfant, le groupe des femmes au foyer devrait se renforcer dans une phase ultérieure de leur vie.
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Chapitre 4 : L’Expérience internationale : les conséquences patrimoniales du divorce Dans les pays occidentaux, les régimes matrimoniaux sont l’une des pièces maîtresses du dispositif du droit patrimonial de la famille, aux côtés des successions et des libéralités. Ils ont pour objet de régir les relations pécuniaires qu’entretiennent les époux aussi bien entre eux qu’avec les tiers. Ces relations, créatrices de droits et d’obligations, ont été l’objet d’importantes réformes au cours des dernières décennies.
Gérard Cornu définit les régimes matrimoniaux comme étant «un ensemble de règles ayant pour objet de gouverner les rapports pécuniaires des époux ». Ils couvrent l’ensemble des biens des époux, quels qu’en soient la date et le mode d’acquisition. Ils déterminent si ces biens restent propres ou entrent, en tout ou en partie, dans une masse commune, ainsi que les dettes à la charge de chaque masse de biens. Ils déterminent aussi le pouvoir de chacun des deux époux d’administrer ces biens et leurs rapports patrimoniaux avec les tiers. Les régimes matrimoniaux ont des liens aussi bien avec le divorce, les libéralités et la succession. A titre d’exemple, le Code civil Français traite des régimes matrimoniaux aux articles 1387-1581. Ces articles ne couvrent cependant pas tous les aspects patrimoniaux du mariage. Ainsi certains aspects sont traités sous les obligations qui naissent du mariage (réglées aux articles 203-211) ou sous le titre des devoirs et des droits respectifs des époux (réglés aux articles 212-226). Selon Deschenaux-Steinauer, «le régime matrimonial désigne le statut des époux quant à leurs biens. Il comprend les règles par lesquelles s’exprime l’influence que le mariage exerce de quelque 92
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façon sur le sort du patrimoine des époux». Il se rapporte «à la propriété des biens des époux, à la gestion, à la disposition de ces biens, à la responsabilité des conjoints pour leurs dettes, à la répartition interne de celles-ci, aux droits des époux en cas d’exécution forcée contre l’un d’eux, au règlement de leurs intérêts à la fin du régime».
La présente partie de l’étude décrit les conséquences patrimoniales du divorce dans quatre pays étrangers, l’Allemagne, l’Angleterre et le Pays de Galles, l’Espagne ainsi qu’en France. Pour chacun de ces pays, elle présente les principaux régimes matrimoniaux, leurs caractéristiques. Elle décrit aussi la liquidation du régime matrimonial et les différents transferts financiers et patrimoniaux entre conjoints après le prononcé du divorce. Dans tous les pays retenus, les règles fixées par la loi ne s’appliquent que subsidiairement, c’est-à-dire à défaut d’accord entre les parties. Cependant, certains accords doivent être ratifiés par le juge. Même si les conséquences patrimoniales du divorce sont le plus souvent arrêtées par accord entre les conjoints, seules les dispositions législatives ont été analysées. L’examen des législations étrangères permet de mettre en évidence les modalités de partage des biens après le divorce, leurs principes et leurs modes opératoires. Cette partie de l’étude présentera le régime des acquêts.
Différents écrits affirment que le droit musulman, tel qu’appliqué dans les pays que nous traiterons, ne connaît pas le concept des régimes matrimoniaux, lequel n’a pénétré en Tunisie, Égypte ou au Maroc que par le biais du droit international privé, pour les besoins des relations familiales internationales. Mais cela ne signifie pas pour autant que les mariages dans ces pays ne posent pas les mêmes problèmes patrimoniaux, même si les solutions qui leur sont consacrées diffèrent d’un pays à l’autre. Nous verrons comment les lois et la jurisprudence des régimes patrimoniaux occidentaux peuvent aider à régler un certain nombre de questions liées au partage des biens dans les pays arabo-musulmans.
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1. Trajectoire des régimes patrimoniaux
Sous l’ancien droit, deux systèmes étaient en vigueur selon que l’on était dans les pays de droit écrit ou dans les pays de coutume. Les pays de droit écrit avaient repris le régime dotal, que connaissent déjà le droit romain de Justinien. La caractéristique essentielle d’un tel régime consistait en une division des biens de la femme en deux masses : la masse des biens dotaux, la masse des biens paraphernaux. Les premiers, formant ce que l’on dénommait la « dot », étaient soumis à l’administration et à la jouissance du mari ; ils étaient affectés aux besoins du ménage et devaient être restitués à la femme en fin de régime. D’où leur inaliénabilité. Les seconds, à l’inverse, étaient soumis à l’administration et à la jouissance de la femme. 1.1 De l’ancien système au régime légal Les pays de coutume, dans leur grande majorité, adoptaient un régime de communauté dont les principales caractéristiques étaient les suivantes :
• aux biens propres de chaque époux, on opposait la communauté dont la composition variait selon les coutumes et les contrats de mariage, • en cours d’union, les biens communs étaient soumis à la gestion du mari. En contrepartie des pouvoirs illimités du mari, la femme se voyait reconnaître des garanties comme l’hypothèque légale, • quant à la gestion des propres, la femme connaissait deux limitations dans ses pouvoirs : la validité de ses actes était soumise à assistance; la communauté ayant l’usufruit des propres, le mari avait son mot à dire pour les actes les concernant, • à la dissolution du régime, les biens communs étaient partagés également entre les époux. Mais au cas de mauvaise gestion maritale, la femme avait le droit de renoncer à la communauté ou de se prévaloir du bénéfice d’émolument qui l’autorisait à n’être tenue du passif que dans la limite de l’actif recueilli. 94
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Le régime légal instauré par les Code civils au cours du XIXième siècle empruntait ses principales caractéristiques aux règles coutumières, ci-dessus évoquées.
• La première caractéristique tenait à l’étendue de la communauté qui comprenait, outre les acquêts, tous les biens meubles que les époux possédaient avant le mariage ou qu’ils recueillaient à titre gratuit en cours de régime. • La seconde caractéristique tenait à l’omnipotence du mari qui ravalait la femme à un rôle quasi passif pendant tout le cours du régime. En complet désaccord avec la promotion sociale de la femme, cette situation devint de plus en plus intolérable et anachronique au fil des décennies. D’où les timides tentatives, émanant de la loi, en vue d’améliore le statut d’infériorité de la femme commune en biens.
• La troisième caractéristique du régime légale instauré par les Codes civils tenait aux garanties accordées à la femme en contrepartie de l’omnipotence du mari. Comme dans l’ancien droit coutumier, la femme commune en biens avait la possibilité de renoncer à la communauté ou de se prévaloir du bénéfice d’émolument, en cas de mauvaise gestion martiale.
Les réformes générales des régimes matrimoniaux virent le jour, dans les pays d’Europe Occidentale, sous la pression des milieux souhaitant l’instauration entre époux d’une égalité plus poussée. Ces réformes furent réalisées par différentes lois se situant dans le cadre de l’oeuvre de rénovation des Codes Civils entreprise dans les pays d’Europe. Ces réformes obéissaient à de grandes lignes directrices:
• Il s’agissait, tout d’abord, de lois qui se voulaient égalitaires, l’esprit même des réformes étant de donner à la femme, au plan des effets pécuniaires du mariage et des régimes matrimoniaux, la place qu’elle avait déjà acquise en fait dans la société et la famille ; • Il s’agissait ensuite, de lois qui se veulent libérales, l’esprit même de la réforme étant de renforcer la liberté et l’indépendance des époux ; 95
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• Il s’agissait, enfin, de lois qui, tout en respectant la liberté et l’indépendance des époux, se veulent protectrices des intérêts de la famille. La reconnaissance à la femme de la pleine capacité juridique.
Entrées en vigueur à des dates différentes, ces réformes ont eu pour économie générale les deux objectifs suivants :
• Supprimer les dernières séquelles de l’ancien statut d’infériorité de la femme mariée, d’où les nouvelles règles tenant à une égalité entre mari et femme, qu’il s’agisse des règles relatives à la gestion des bien communs ou des biens propres ; qu’il s’agisse encore des règles relatives au passif ; qu’il s’agisse enfin de règles relatives à l’administration légale des biens de leurs enfants ;
• Simplifier et libéraliser le droit matrimonial, d’où les nouvelles règles apportant certains perfectionnements aux dispositions antérieures ou levant certaines prohibitions comme celles frappant encore la vente ou les sociétés entre époux. 1.2 La réforme du divorce et le traitement des conséquences de la séparation Dans les pays occidentaux, malgré la baisse effectivement impressionnante de la nuptialité dans les années 1990-2008, le mariage demeure la réalité lourde, massive, dominante d’une vie conjugale plus vivante que jamais. A titre d’exemple, en France, il y a 14,8 millions de couples, dont 12,4 millions sont mariés et 2,4 cohabitent. 5,2 millions des couples mariés et 1 million de couples cohabitant ont un enfant ou plus de moins de 18 ans. A cet égard, les pouvoirs publics ont voulu adapter la législation à l’état des mentalités. Il était donc important non seulement de percevoir que le mariage aujourd’hui est devenu un acte entièrement volontaire mais aussi de simplifier les procédures de divorce. La diversité des situations familiales aujourd’hui nécessitait une réflexion fine sur les modalités de séparation et d’en humaniser les procédures. L’humanisation du divorce passait par le respect des règles du partage des biens. 96
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Par ailleurs, dans ces pays, le code de la famille s’est concentré sur la relation parentale. Autant l’accent porté sur cette relation éducative fondamentale a un caractère positif et nécessaire, autant n’envisager la famille que sous l’angle exclusif de cette relation recèle un piège : l’occultation de la conjugalité. Il y a retentissement permanent des relations conjugales et des relations parentales, les unes conditionnant les autres. On ne peut séparer la fonction parentale de la fonction conjugale, ni dans le cas le plus ordinaire où les parents vivent ensemble, ni dans le cas où ils sont séparés puisque, même si la conjugalité a formellement disparu, il subsiste une sorte de conjugalité parentale et que l’état des relations entre les ex-conjoints retentit fortement sur les enfants. Les réformes du divorce, introduites ces dernières années, s’insèrent dans un contexte économique et social général où l’égalité des chances entre les hommes et les femmes reste insuffisante. Elles souhaitent que le législateur puisse se prononcer sur des données de droit ou de procédure civile, en gardant à l’esprit les facteurs fondamentaux qui déterminent les ressources des conjoints, avec notamment des inégalités de revenus entre hommes et femmes. Certes, cette inégalité des revenus entre les hommes et les femmes s’affaiblit progressivement pour les générations qui sont entrées récemment sur le marché du travail, mais elle demeure particulièrement accentuée pour les générations plus âgées. L’objectif fondamental de ces réformes revêt trois principaux aspects :
• La modification et l’assouplissement du dispositif relatif à la prestation compensatoire : la prestation compensatoire deviendrait le mode unique de compensation de la disparité économique éventuelle entre deux époux du fait du divorce, en tenant compte de nombreux critères mieux définis. Par souci d’équité, le droit à prestation de l’époux supportant les torts exclusifs du divorce pourra être remis en cause en considération des circonstances particulières de la rupture, et notamment en cas de violences. En outre, les formes que peut 97
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prendre la prestation compensatoire sont assouplies pour mieux correspondre à la diversité des patrimoines en permettant la combinaison des différentes formes de versement en capital ou d’un capital avec une rente. Par ailleurs, des dispositions nouvelles sont prévues par le texte en cas de décès du débiteur pour mieux répondre aux situations souvent difficiles, voire inéquitables, dans lesquelles se trouvent aujourd’hui les héritiers, tenus personnellement au paiement de la prestation compensatoire.
• La protection de l’époux victime : Au-delà de la considération portée à la situation de l’époux économiquement plus faible dans le cadre de la prestation compensatoire, des mesures spécifiques tendent à renforcer sa protection dans des cas particuliers. Ainsi, des dommages-intérêts pourront lui être accordés en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsque le divorce pour altération définitive du lien conjugal lui est imposé, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
• Favoriser un règlement complet et plus rapide des conséquences patrimoniales du divorce. L’objectif des réformes est de préparer le plus en amont possible la liquidation du régime matrimonial, souvent source d’un contentieux difficile après le jugement de divorce, et dont les incidences sont primordiales pour les époux. La liste des mesures provisoires que le juge peut prendre lors de l’audience de conciliation est, dans cet objectif, complétée avec, notamment, la possibilité de désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation.
Il ressort de l’expérience des pays occidentaux que de nombreux textes législatifs et réglementaires ont modifié le droit civil de la famille et le Code de l’action sociale et de la famille. Malgré cette relative progression, l’adoption du Code de la Famille ne résout pas tout, loin s’en faut. C’est dans l’application de la loi que réside leur pertinence contentieux et souffrances. Quant à la promotion des 98
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droits de la femme, on s’est aperçu qu’elle s’appliquait, avec retard, dans un contexte potentiellement chargé d’un très haut niveau de divortialité, et qu’elle méritera un suivi au regard des évolutions de la famille.
2. La liquidation du régime matrimonial en Allemagne 2.1 Les principaux régimes matrimoniaux a) Le régime de droit commun Le régime légal est la communauté différée des augments, qui est régie par les articles 1363 et suivants du code civil. Ce régime fonctionne comme une séparation de biens pendant toute la durée du mariage. Le patrimoine de la femme et celui du mari ne deviennent pas patrimoine commun des époux, de même que les biens que l’un ou l’autre acquiert pendant le mariage. Pendant le mariage, chacun administre et dispose librement de son patrimoine, sous réserve des limites suivantes prévues aux articles 1365 et 1369 du code civil. Ainsi, un époux ne peut, sans le consentement de son conjoint : • Passer un acte de disposition sur la totalité du patrimoine ; • Disposer ou aliéner les meubles du domicile conjugal. b) Les autres régimes matrimoniaux
• La séparation de biens : Elle est régie par l’article 1414 du code civil qui dispose que « si les époux écartent le régime légal ou le liquident, la séparation de biens s’instaure, sauf si le contrat de mariage contient d’autres dispositions. » Dans ce régime, il existe seulement les biens propres du mari et les biens propres de la femme, chacun d’eux ayant la libre administration et la libre disposition. De même, chaque époux est seul responsable de ses dettes.
• La communauté de biens : Elle est régie par les articles 1415 et suivants du code civil. Le régime de communauté est aménagé selon la volonté des époux. L’on y distingue :
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n le patrimoine commun, qui est constitué des biens que les époux
possèdent au moment du mariage et ceux qu’ils acquièrent par la suite ;
n
n
le patrimoine propre de chaque époux, qui est composé des droits instransmissibles, tels qu’un usufruit, une créance insaisissable ou un droit à réparation d’un préjudice moral ; le patrimoine réservé de chaque époux, c’est-à-dire les biens expressément exclus de la communauté par contrat de mariage ou par l’auteur d’une libéralité. Sauf aménagement prévu par contrat de mariage, les époux administrent conjointement les biens communs. En principe, ils ne peuvent disposer des biens communs que conjointement.
2.2 Le partage des biens et des droits a) Le régime de droit commun Lors du divorce, le régime matrimonial est dissous et liquidé. Le code civil prévoit une créance de participation au profit de l’époux dont le patrimoine s’est le moins enrichi pendant le mariage. Au préalable, le calcul de la valeur initiale et finale des patrimoines, déduction faite des dettes, permet de déterminer la plus-value (ou augment) réalisée par le patrimoine de chaque époux.
L’article 1378 du code civil dispose alors que « si le montant de la plus-value réalisée par un époux dépasse celle réalisée par l’autre, le premier sera tenu de verser à l’autre la moitié de la différence », à titre de péréquation.
Ainsi, il est prévu une répartition égalitaire des plus-values entre les conjoints divorcés, mais les époux peuvent convenir d’une autre clé de répartition lors de la procédure de divorce, s’ils ne l’avaient pas fait avant ou pendant le mariage. Cet accord doit cependant être établi sous forme notariée ou enregistré au tribunal. Par ailleurs, le code civil prévoit, à l’article 1381, que «le débiteur peut s’opposer au paiement de la créance de participation aux augments, si elle est gravement inéquitable au regard des 100
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circonstances de la cause » et cite, à titre d’exemple, le fait pour « le créancier d’avoir, pendant une durée assez longue, gravement violé les obligations pécuniaires résultant du mariage». b) Les autres régimes matrimoniaux - La séparation de biens : En principe, le divorce n’a aucune conséquence sur le patrimoine de chacun des époux. A la dissolution du régime par le divorce, chaque époux garde ses biens propres.
- La communauté de biens : A la dissolution du régime par le divorce, la communauté est liquidée. Chaque époux reprend ses biens propres et ses biens réservés. La masse commune, restant après le paiement des dettes communautaires est partagée de façon égalitaire entre les époux, sauf si le contrat de mariage prévoit une autre répartition. L’article 1478 du code civil dispose que chaque époux peut demander la restitution de la valeur de ses apports. De même, il peut reprendre en échange de leur valeur les biens qui sont destinés à son usage exclusivement personnel. c) Le cas particulier de la compensation des droits à pension de retraite Pour tenir compte du fait qu’un époux n’a pas pu exercer d’activité professionnelle ou a eu une activité professionnelle moins bien rémunérée que celle de son conjoint, notamment à cause de la gestion du ménage ou de l’éducation des enfants, la loi du 14 juin 1976 réformant le droit du mariage et de la famille a mis en place la compensation des droits à pension de retraite ou d’invalidité acquis pendant le mariage. Cette mesure vise essentiellement à améliorer la situation financière de la femme divorcée lorsqu’elle arrive à l’âge de la retraite. Les dispositions initiales ont été complétées par deux lois, en 1983 et en 1986. Elles figurent aux articles 1587 et suivants du code civil. Dans la procédure de divorce, il est prévu que le juge statue d’office sur la compensation des droits à une pension de retraite ou d’invalidité, indépendamment de la pension alimentaire. 101
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Cependant, le code civil prévoit certaines hypothèses dans lesquelles le juge doit écarter la compensation comme «gravement inéquitable». Par ailleurs, les époux peuvent conclure un accord sur cette compensation par acte notarié, car ces dispositions ne sont pas d’ordre public. De plus, en cas de changement substantiel, comme par exemple un changement de la réglementation ou de la valeur des droits, les époux peuvent demander la révision de la partie du jugement de divorce consacrée à la compensation des droits à la retraite.
En pratique, le juge, aidé par les caisses concernées, calcule les droits à une pension de retraite ou d’invalidité acquis par chaque époux pendant la durée du mariage. Celui qui a acquis les droits les plus élevés est tenu de verser à l’autre la moitié de la différence. Cette compensation s’opère selon plusieurs modalités complexes. Pour simplifier la présentation, seuls les droits à la retraite sont traités dans le texte qui suit, les droits à pension d’invalidité étant compensés de façon similaire. La loi prévoit deux procédures de compensation, la procédure relevant du droit public, assez simple et qui doit être retenue lorsque c’est possible, et la procédure relevant du droit des obligations.
3. La liquidation du régime matrimonial en Angleterre et pays de Galles
Le divorce, qui constitue un droit, est prononcé par un juge selon les dispositions du Matrimonial Causes Act de 1973. La plupart des règles relatives aux conséquences patrimoniales du divorce figurent dans ce texte modifié en 1984 et en 1995. 3.1 Les principaux régimes matrimoniaux Il n’existe pas de concept précis correspondant au régime matrimonial, et le mariage en lui-même n’a aucun effet sur la propriété des biens des époux.
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a) Le régime de droit commun On peut assimiler au régime de droit commun les règles qui s’appliquent en l’absence de convention entre les époux, et l’on peut alors considérer que les époux vivent sous un régime de séparation de biens. Chaque époux a dans son patrimoine personnel tous les biens dont il avait la propriété avant le mariage, ainsi que les biens qu’il acquiert par la suite. Il a un pouvoir de gestion et de disposition absolu sur ses biens. b) Les autres régimes Ils n’existent pas davantage que le régime de droit commun, mais les époux peuvent faire des conventions de mariage, dont la forme et l’étendue peuvent varier selon l’aménagement des rapports pécuniaires envisagé. Le plus souvent, les époux transfèrent la propriété des biens qu’ils veulent mettre en commun à un trust chargé de les gérer au profit du couple ou des enfants à naître. Les droits exacts de chaque époux sur les biens constitués en trust varient suivant les formules adoptées. 3.2 Le partage des biens et des droits a) Le régime de droit commun En l’absence d’accord entre les époux, le tribunal décide des modalités du partage. Les grandes lignes dégagées par la jurisprudence sont les suivantes : • Les biens reconnus comme personnels reviennent à l’époux propriétaire ; • Les biens considérés comme indivis se partagent par moitié ; • Les biens acquis en copropriété se partagent par moitié ;
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• Lorsque les époux ont tous deux contribué à l’achat de biens dont seul l’un d’eux est propriétaire en droit, les solutions sont plus nuancées, la jurisprudence appliquant les notions de trust implicite et de présomption de libéralité16 .
En fait, ces deux présomptions jouent peu en cas de divorce, car le tribunal a un pouvoir discrétionnaire pour rendre, en application des articles 23 et 24 du Matrimonial Causes Act de 1973, des ordonnances contenant des dispositions financières ou des ajustements patrimoniaux, qui peuvent modifier la composition du patrimoine d’un époux au profit de l’autre. b) Les autres régimes
En principe, le divorce n’a aucune conséquence sur le patrimoine des époux, sous réserve du pouvoir discrétionnaire des tribunaux de bouleverser les avantages pécuniaires qu’ils instaurent en faisant application de l’article 24 du Matrimonial Causes Act de 1973. c) Le cas particulier de la compensation des droits à pension de retraite Le Pensions Act de 1995 a introduit un certain nombre de modifications au Matrimonial Causes Act de 1973, qui sont entrées en vigueur le 1er août 1996. Désormais l’article 25B du Matrimonial Causes Act de 1973 oblige le tribunal qui envisage de rendre une ordonnance contenant des dispositions financières dans une procédure de divorce à prendre en compte : • Tout avantage financier qu’un plan d’épargne retraite procure ou est susceptible de procurer à un époux ;
16- La notion de trust implicite joue lorsqu’un époux est le propriétaire légal d’un bien et que l’autre époux, qui n’a pas de titre de propriété, veut faire valoir ses droits sur le bien parce qu’il a payé une partie du prix d’achat ou financé des travaux importants. Le demandeur doit établir, d’une part, qu’il existait une intention commune de partager la propriété du bien et, d’autre part, qu’il a lui-même agi à son détriment. Si ces deux éléments sont prouvés, le tribunal considère que le propriétaire en titre tient le bien en trust pour le compte du demandeur et délimite les droits de chacun. Cependant dans le cas où l’épouse est seule titulaire du droit de propriété d’un bien dont elle n’a pas payé la totalité du prix d’achat, la jurisprudence, de manière un peu anachronique, fait jouer en sa faveur une présomption de libéralité, mais cette présomption n’est pas irréfragable
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• La perte d’une chance d’acquérir un avantage financier provenant d’un plan d’épargne retraite.
Le tribunal peut donc prendre toute disposition financière destinée à compenser les droits à la retraite de l’autre époux, comme l’octroi d’une pension ou d’une somme forfaitaire.
En outre, le tribunal peut ordonner que le gestionnaire du plan d’épargne retraite paye tout ou partie de la retraite non pas au bénéficiaire initial mais à l’autre époux, au moment où la retraite est due. Les droits restent donc attachés à leur titulaire initial, ce qui pose un problème lorsque celui-ci décède le premier ou prend sa retraite très tardivement. Lorsque le plan d’épargne retraite contient des dispositions relatives au paiement d’une somme forfaitaire au décès du titulaire des droits, l’article 25C précise que le tribunal peut ordonner, si cela est prévu dans les statuts, que le gestionnaire ou l’époux titulaire désigne son ex-conjoint comme bénéficiaire de tout ou partie de la somme, et, dans tous les autres cas, que le gestionnaire paye tout ou partie de la somme à l’exconjoint, lorsqu’elle vient en versement. Les possibilités offertes aux tribunaux dans ce domaine ont été changées avant la fin de l’an 2000, puisque le Welfare Reform and Pensions Act, promulgué le 12 novembre 1999, amende le Matrimonial Causes Act de 1973 et donne aux tribunaux la faculté de rendre des ordonnances de partage des droits à la retraite lors d’un divorce. Ce partage se concrétisera par le transfert d’une fraction des droits du titulaire, sur un compte ouvert à l’autre conjoint dans le même plan d’épargne retraite, ou par le transfert d’une somme sur un compte ouvert dans une autre caisse de retraite.
4. La liquidation du régime matrimoniale en Espagne
La loi 30/1981 du 7 juillet 1981 a réintroduit le divorce comme cause de dissolution du mariage, que ce dernier ait été célébré sous la forme civile ou religieuse. Le divorce est toujours prononcé par un juge. 105
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Les règles relatives aux conséquences patrimoniales divorce figurent dans le code civil, qui comporte les mesures devant être prises au profit des enfants, les dispositions relatives à la prestation compensatoire éventuellement due au conjoint, les critères d’attribution du logement familial et les modalités de liquidation des régimes matrimoniaux. 4.1 Les principaux régimes matrimoniaux a) Le régime de droit commun Le régime légal est la société d’acquêts, régi par l’article 1344 du code civil. Dans ce régime, on distingue : • Le patrimoine propre de chacun des conjoints, composé des biens appartenant à chacun d’eux avant le mariage ou recueilli ensuite par donation ou succession ; • Le patrimoine commun, constitué par les biens acquis par les époux pendant le mariage.
A défaut de dispositions prévues dans le contrat de mariage, les deux époux administrent conjointement les acquêts. Le consentement des deux conjoints est nécessaire pour disposer de ces acquêts. b) Les autres régimes • La participation aux acquêts : Ce régime est défini par l’article 1411 du code civil. Il fonctionne comme un régime de séparation de biens pendant la durée du mariage, chaque époux gérant ses biens d’une manière totalement indépendante. Toutefois, un conjoint ne peut disposer d’un bien à titre gratuit sans l’accord de l’autre. • La séparation de biens : Elle est régie par l’article 1435 du code civil. Chaque époux reste propriétaire des biens qu’il possédait avant le mariage et de ceux qu’il a acquis par la suite.
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4.2 Le partage des biens et droits a) Le régime de droit commun Lors du divorce, le régime matrimonial est dissous et liquidé. Il est procédé à un inventaire de l’actif et du passif de la société d’acquêts, l’évaluation des biens étant faite au jour de la liquidation. Les sommes payées par la société d’acquêts pour le compte de l’un des conjoints ou dues par elle à l’un des conjoints sont actualisées au jour de la liquidation. Le passif de la société d’acquêts est ensuite liquidé. L’article 1399 détermine l’ordre de préférence des créanciers. Les dettes alimentaires sont payées en priorité. Les créances d’un conjoint sur la société d’acquêts viennent après les créances des tiers.
Lorsqu’il n’y a pas suffisamment de liquidités pour payer les dettes, il peut être proposé d’adjuger des biens de la société d’acquêts, mais si l’un quelconque des bénéficiaires ou créanciers le demande, il sera procédé à la vente de ces biens dont le produit servira au paiement des dettes. Après le paiement du passif, l’avoir restant est partagé par moitié entre les conjoints. b) Le régime de participation aux acquêts
Lorsque les époux adoptent le régime de la participation aux acquêts, ils acquièrent le droit de participer, lors de la liquidation du régime matrimonial, aux acquêts du conjoint. La créance de participation à partager représente la différence entre le patrimoine originaire et le patrimoine final de chaque conjoint.
Le patrimoine originaire est constitué des biens et droits appartenant à chaque conjoint au début du régime et de ceux acquis ensuite par succession, donation ou libéralités, dont est déduit le passif imputable à chaque conjoint. Ces biens sont estimés en fonction de leur état et de leur valeur au début du régime ou au moment de leur acquisition. Leur valeur est actualisée au jour de la cessation du régime.
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Le patrimoine final est composé des biens et droits dont est titulaire chaque conjoint au moment de la dissolution du régime, dont doivent être déduites les obligations restant à satisfaire. Ces biens sont évalués au jour de la liquidation.
Les acquêts représentent la différence entre le patrimoine originaire et le patrimoine final de chacun des conjoints. Si la différence est négative, il n’existe pas de participation aux pertes. Le conjoint dont le patrimoine s’est accru le moins reçoit la moitié de la différence entre son propre acquêt et celui de son conjoint. Au moment de la constitution du régime, les conjoints peuvent toutefois décider d’un partage différent, à moins qu’il existe des descendants qui ne soient pas communs. La créance de participation est payée en espèces. Elle peut également l’être en nature, par accord entre les intéressés ou par décision judiciaire, au moyen de l’attribution de certains biens. c) Le régime de la séparation de biens En principe, le divorce n’a aucune conséquence sur le patrimoine de chacun des époux. Lorsqu’il est impossible de prouver auquel des deux conjoints appartient un bien ou un droit déterminé, l’article 1441 du code civil précise qu’il sera attribué aux deux pour moitié.
L’article 1438 du code civil prévoit l’obligation, pour chacun des époux, de contribuer aux charges du mariage. Cette contribution peut résulter d’un accord entre les conjoints ou, à défaut, être fixée proportionnellement à leurs ressources respectives. Il est également prévu par cet article d’attribuer une valeur au «travail domestique» dont il sera tenu compte dans le calcul de la contribution aux charges et qui donnera lieu, éventuellement, à compensation lors de la dissolution du mariage.
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5. La liquidation du régime matrimoniale en France
La loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 a réformé les conditions et les conséquences du divorce. Celui-ci est toujours prononcé par un juge. Les règles relatives aux conséquences patrimoniales du divorce figurent dans le code civil, qui comporte les dispositions applicables à la pension alimentaire due aux enfants, aux compensations ou pension éventuellement due aux conjoint, au sort du logement familial et à la liquidation des principaux régimes matrimoniaux. 5.1 Les principaux régimes matrimoniaux a) Le régime de droit commun Le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts a été instauré par la loi du 13 juillet 1965. Il est défini à l’article 1401 du code civil. On distingue :
• Les biens propres de chacun des conjoints, acquis avant le mariage, ou qu’ils ont recueillis ensuite par donation ou succession ;
• Le patrimoine de la communauté, constitué par les biens acquis par les époux, ensemble ou séparément, pendant la durée du mariage et avec leurs revenus. Chacun des époux peut administrer seul les biens communs et même en disposer. Toutefois, le consentement des deux époux est nécessaire notamment pour une donation portant sur des biens de la communauté. b) Les autres régimes La participation aux acquêts : Ce régime est régi par l’article 1569 du code civil. Il fonctionne comme un régime de séparation de biens pendant toute la durée du mariage, chaque époux gérant son patrimoine personnel. Toutefois, un époux ne peut disposer d’un bien à titre gratuit sans l’accord de son conjoint.
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La séparation de biens : Elle est définie par l’article 1536 du code civil. Chaque époux « conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ». 5.2 Le partage des biens et droits a) Le régime de droit commun Lors du divorce, la communauté est dissoute et liquidée. Il est établi le compte des «récompenses » que chaque époux doit à la communauté ou que la communauté leur doit. Les biens de la communauté sont évalués à la date du partage. On y ajoute les récompenses dues par les époux ou on déduit les sommes dues par la communauté, le solde constituant la masse à partager.
L’actif de la communauté ainsi déterminé est partagé par moitié entre les époux. Le partage peut être fait en nature (attribution d’un lot), ou en nature et en espèces lorsqu’il est impossible de définir des parts égales. En cas de désaccord entre les conjoints, les biens peuvent être vendus et le prix de vente partagé. b) Le régime de la participation aux acquêts A la dissolution du mariage, chacun des conjoints a le droit de participer pour moitié aux acquêts du conjoint. Pour déterminer la créance de participation à partager entre les époux, il faut comparer le patrimoine originaire de chaque époux au début du mariage avec son patrimoine lors de la dissolution.
Le patrimoine originaire est évalué au jour de la liquidation, en tenant compte de l’état des biens au jour du mariage, de l’acquisition, de la donation ou du décès pour un bien recueilli par succession et en déduisant les dettes grevant ce patrimoine. Lorsqu’un de ces biens a été vendu au cours du mariage, la valeur retenue est le prix de vente. Si un nouveau bien a été acheté avec cet argent, c’est la valeur du nouveau bien qui est retenue.
Le patrimoine final comprend tous les biens appartenant à chacun des époux, estimés selon leur état à l’époque de la dissolution et d’après leur valeur au jour de la liquidation, y compris les biens qu’ils 110
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ont pu léguer par testament ou dont ils ont disposé par donation sans l’accord du conjoint, et les créances à l’encontre de l’un ou l’autre des époux. Les dettes restant dues par les conjoints sont déduites de ce patrimoine. La comparaison entre le patrimoine originaire et le patrimoine final permet de déterminer le montant de la créance de participation de chacun des conjoints. Cette créance est payée en argent. En principe, chaque époux bénéficie, à hauteur de moitié, des acquêts de l’autre, mais le contrat de mariage peut prévoir une proportion différente. c) La séparation de biens Le divorce n’a aucune conséquence sur le patrimoine de chacun des époux. Lorsqu’il est impossible de prouver auquel des deux conjoints appartient un bien, il est réputé appartenir indivisément aux deux époux, sauf si le contrat de mariage en décide autrement. Il y a lieu éventuellement de procéder au remboursement des sommes avancées par l’un des époux pour le compte de l’autre, afin de rétablir l’évaluation de chaque patrimoine. Le cas échéant, il faut procéder ensuite au partage des biens indivis.
En conclusion Dans les pays occidentaux, l’institution d’un patrimoine familial confirme le partenariat de deux personnes unies par les liens du mariage ou de l’union civile et garantit l’égalité juridique et économique des conjoints, en assurant à chacun une juste part de ce patrimoine. Les règles régissant la constitution et le partage du patrimoine familial s’appliquent à tous les couples mariés ou unis civilement au moment de la dissolution de leur union par suite du décès de l’un des conjoints ou par suite d’un divorce, d’une séparation de corps, d’une dissolution d’union civile ou d’une annulation de mariage ou d’union civile, et ce, quel que soit leur régime matrimonial ou d’union civile, et qu’ils aient ou non des enfants. Lors d’une séparation de corps, d’un divorce ou de la dissolution 111
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d’une union civile, les biens sont partagés entre les conjoints. Ce partage se fait d’abord selon les règles de partage du patrimoine familial puis selon les règles du régime matrimonial ou du régime d’union civile des conjoints. Dans ces pays, les lois ont réformé les conditions et les conséquences du divorce. Celui-ci est toujours prononcé par un juge. Les règles relatives aux conséquences patrimoniales du divorce figurent dans le code civil, qui comporte les dispositions applicables à la pension alimentaire due aux enfants, aux compensations ou pension éventuellement due aux conjoint, au sort du logement familial et à la liquidation des principaux régimes matrimoniaux. Il existe différents types de contrats de mariage.
Le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts. On distingue : les biens propres de chacun des conjoints, acquis avant le mariage, ou qu’ils ont recueillis ensuite par donation ou succession; le patrimoine de la communauté, constitué par les biens acquis par les époux, ensemble ou séparément, pendant la durée du mariage et avec leurs revenus. Chacun des époux peut administrer seul les biens communs et même en disposer. Toutefois, le consentement des deux époux est nécessaire notamment pour une donation portant sur des biens de la communauté. La participation aux acquêts : Il fonctionne comme un régime de séparation de biens pendant toute la durée du mariage, chaque époux gérant son patrimoine personnel. Toutefois, un époux ne peut disposer d’un bien à titre gratuit sans l’accord de son conjoint.
La séparation de biens. Chaque époux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
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Chapitre 5 : Leçons de l’expérience internationale : Eclairage sur le régime des acquêts L’expérience des pays occidentaux montre l’existence d’une diversité de régimes matrimoniaux. Chacun des régimes a ses caractéristiques dans le traitement de la liquidation du patrimoine. Nous mettrons l’accent dans ce chapitre sur : - les critères du choix d’un régime,
- les caractéristiques particulières du régime des acquêts.
Dans la séparation de biens, le divorce n’a aucune conséquence sur le patrimoine de chacun des époux. Lorsqu’il est impossible de prouver auquel des deux conjoints appartient un bien, il est réputé appartenir indivisément aux deux époux, sauf si le contrat de mariage en décide autrement. Il y a lieu éventuellement de procéder au remboursement des sommes avancées par l’un des époux pour le compte de l’autre, afin de rétablir l’évaluation de chaque patrimoine. Le cas échéant, il faut procéder ensuite au partage des biens indivis.
Dans le régime de droit commun, lors du divorce, la communauté est dissoute et liquidée. Il est établi le compte des «récompenses » que chaque époux doit à la communauté ou que la communauté leur doit. Les biens de la communauté sont évalués à la date du partage. On y ajoute les récompenses dues par les époux ou on déduit les sommes dues par la communauté, le solde constituant la masse à partager. L’actif de la communauté ainsi déterminé est partagé par moitié entre les époux17. 17- Le partage peut être fait en nature (attribution d’un lot), ou en nature et en espèces lorsqu’il est impossible de définir des parts égales. En cas de désaccord entre les conjoints, les biens peuvent être vendus et le prix de vente partagé.Le partage peut être fait en nature (attribution d’un lot), ou en nature et en espèces lorsqu’il est impossible de définir des parts égales. En cas de désaccord entre les conjoints, les biens peuvent être vendus et le prix de vente partagé.
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Dans le régime de la participation aux acquêts, à la dissolution du mariage, chacun des conjoints a le droit de participer pour moitié aux acquêts du conjoint. Pour déterminer la créance de participation à partager entre les époux, il faut comparer le patrimoine originaire de chaque époux au début du mariage avec son patrimoine lors de la dissolution. Le patrimoine originaire est évalué au jour de la liquidation, en tenant compte de l’état des biens au jour du mariage, de l’acquisition, de la donation ou du décès pour un bien recueilli par succession et en déduisant les dettes grevant ce patrimoine. Lorsqu’un de ces biens a été vendu au cours du mariage, la valeur retenue est le prix de vente. Si un nouveau bien a été acheté avec cet argent, c’est la valeur du nouveau bien qui est retenue18 . En principe, chaque époux bénéficie, à hauteur de moitié, des acquêts de l’autre, mais le contrat de mariage peut prévoir une proportion différente. La mise en œuvre de ces principes a permis de donner lieu à un double choix de la part des futurs époux :
• Ils auront d’abord à opter entre le régime légal et les régimes conventionnels, • A supposer qu’ils aient opté pour les régimes conventionnels, s’ouvrira ensuite le choix entre ces différents régimes.
Que le choix d’un régime matrimonial ait lieu avant ou en cours de mariage, il se fera à partir d’un certain nombre de critères qu’il est intéressant d’examiner avant d’analyser les modalités de formalisation du choix opéré.
1. Les critères de choix d’un régime:
Nécessité d’informer. Le choix d’un régime matrimonial est le plus souvent très arbitraire. La plupart des personnes qui se marient 18- Le patrimoine final comprend tous les biens appartenant à chacun des époux, estimés selon leur état à l’époque de la dissolution et d’après leur valeur au jour de la liquidation, y compris les biens qu’ils ont pu léguer par testament ou dont ils ont disposé par donation sans l’accord du conjoint, et les créances à l’encontre de l’un ou l’autre des époux. Les dettes restant dues par les conjoints sont déduites de ce patrimoine. La comparaison entre le patrimoine originaire et le patrimoine final permet de déterminer le montant de la créance de participation de chacun des conjoints. Cette créance est payée en argent.
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ignorent tout - ou presque tout- des dispositions qui vont régir leurs rapports matrimoniaux. Les enquêtes ou sondages d’opinion publique réalisés sont, à cet égard, très révélateurs de l’ampleur du phénomène. La nécessité d’informer et d’éclairer le choix des futurs époux n’avait pourtant pas échappé aux pouvoirs législatifs lors de l’élaboration des lois. Plusieurs propositions peuvent être faites en ce sens : • Une première proposition suggère de remettre aux futurs époux, à l’occasion de leur visite devant l’officier d’état civil, une notice explicative destinée à les informer des divers régimes possibles en dehors du régime légal ; • Une deuxième proposition consisterait à la délivrance d’un certificat, par l’adoul ou le notaire, attestant que les intéressés ont reçu des éclaircissements sur les possibilités offertes à leur choix. 1.1 Critères en faveur du régime légal Ignorance, attitude passive ou choix délibéré. L’adoption du régime légal par une très grande majorité des gens (entre 83 et 88%) qui se marient est un phénomène qui n’a cessé de s’amplifier, comme en témoignent les diverses enquêtes statistiques menées aussi bien dans les pays latins que dans les pays anglo-saxons ou germaniques. L’adoption du régime légale semble, en fait, être, le plus souvent, le résultat d’une ignorance ou d’une attitude passive à l’égard des conventions matrimoniales que l’objet d’un choix délibéré de la part des intéressés. Le fait que l’ignorance soit souvent à l’origine de l’adoption du régime légale se trouve confirmation dans le fait que 9 sur 10 de ceux ou celles qui n’ont pas le niveau des études primaires se marient sans contrat, contre 7 sur 10 pour les personnes ayant un niveau d’études supérieur. Lorsque le régime légal est l’objet d’un choix délibéré de la part des intéressés, les principaux critères à l’origine de ces choix sont : la situation de fortune des futurs époux et l’esprit communautaire du 115
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régime. Plus accessoirement, ce peut être le coût du contrat de mariage qui, ajouté à celui des dépenses occasionnées par la cérémonie, dissuade les personnes qui se marient d’avoir recours au notaire. Les deux premiers critères appellent quelques observations. a- La situation de fortune des futurs époux Critère déterminant. La situation de fortune des futurs époux, et plus particulièrement son étendue, est très fréquemment le critère déterminant en faveur du régime légal. Si aucun des deux époux ne dispose de fortune et se nourrit d’espoir de recueillir une fortune par succession ou donation, on voit mal, effectivement, quel serait, pour eux, l’intérêt de faire un contrat de mariage.
Il faut toutefois être prudent en ce domaine et ne pas exclure systématiquement le recours à un régime conventionnel, lorsque sans fortune, au moment de leur mariage, les futurs époux sont en mesure d’escompter un enrichissement important, en cours de mariage, du fait de la qualification professionnelle de l’un ou l’autre. Si un seul époux ou même les deux disposent d’une fortune familiale, ce n’est pas a priori une raison suffisante pour exclure d’emblée la communauté légale telle qu’elle est réglementée par la loi. Sous le régime légal, en effet, restent propres les biens dont l’époux avait la propriété ou la possession au jour du mariage ; restent également propres les biens acquis à titre gratuit durant le mariage. De plus chaque époux ayant sur ses propres tous les pouvoirs d’administration, de jouissance et de disposition, le conjoint fortuné n’a pas à craindre un partage de pouvoirs. Malgré celà, la pratique prouve qu’en pareils cas, c’est plus vers un régime conventionnel, type séparatiste, que vers le régime légal que s’oriente les futurs époux. Deux raisons à cela.
• La première tient au sort des revenus : en régime légal, les revenus de biens propres tombent en communauté, alors qu’en régime de séparation de biens, ils demeurent personnels à l’époux propriétaire.
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• La seconde raison tien à un problème de preuve : la preuve de la consistance de chacune des patrimoines est plus aisée dans un régime séparatiste que sous le régime légal où joue la présomption d’acquêts. b- L’esprit communautaire du régime légal. Attachement au principe communautaire. L’esprit communautaire qui anime le régime légal est également un critère en faveur de ce régime. Cet attachement au principe communautaire correspond lui-même à une certaine idée que l’on se fait généralement du mariage : communauté de vie mais aussi d’intérêts, alors que l’esprit séparatiste, par l’égoïsme qu’il engendre, est aux antipodes du mariage. Ces considérations idéologiques ont notamment une grande importance pour le choix du régime, lorsqu’un seul époux exerce une activité professionnelle ou lorsque les deux exerçant une profession, les gains et salaires de chacune sont très inégaux. En pareil cas, il est sûr que la communauté légale est l’un des régîmes qui garantit le mieux les intérêts du conjoint sans fortune ou avec des revenus très inférieurs à ceux de l’autre. Elle évite entre autres les injustices criantes qu’engendre souvent la séparation de biens. 1.2 Critères en faveur des régimes conventionnels Enoncé des principaux critères. Si l’on s’en rapporte à l’expérience des notaires, l’influence familiale, la situation patrimoniale des époux et l’existence d’un précédent mariage semblent être les trois principaux critères motivant la conclusion d’un contrat de mariage. a- L’influence familiale : Critère encore de mise. Aussi surprenant que cela soit, compte tenu de l’évolution des mœurs et des mentalités, l’influence du milieu familial reste encore décisive, comme le prouve la pratique notariale. D’après les notaires, les parents qui se sont mariés sous un régime conventionnelle incitent leurs enfants à faire de même ; dans certaines familles, le contrat de mariage est une tradition, que cette tradition tienne du conformisme 117
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ou du snobisme, de la conviction ou de la prudence ; bien souvent, le même régime est adopté de génération en génération, répondant au souci des parents de préserver la fortune familiale ou d’en assurer la transmission répondant encore à leur désir de pallier l’inexpérience ou la progalité des époux et de sauvegarder les intérêts de leurs enfants en cas de divorces. b- La situation patrimoniale des époux : Critères doublement justifié. La situation patrimoniale des époux peut justifier la rédaction d’un contrat de mariage lorsqu’à la tête d’une fortune familiale importante, les règnes du régime légal risquent d’être défavorables à l’époux propriétaire. Ainsi en était-il, antérieurement à la réforme, lorsque la fortune familiale était de nature mobilière et serait tombées systématiquement en communauté, à défaut de contrat de mariage. Ainsi en est-il aujourd’hui encore en cas de fortune mobilière en raison des difficultés de preuve que fait naître la présomption d’acquêts en régime légale. La situation patrimoniale et professionnelle des époux peut également justifier la rédaction d’un contra de mariage, lorsque exerçant un métier ou une profession à risques financiers ou nécessita,t une grande indépendance, on souhaite plus de sécurité et de liberté que ne peut en offrir le régime légal. c- L’existence d’un précédent mariage : Critère fréquemment utilisé. L’existence d’un précédent mariage est très fréquemment l’occasion de conventions matrimoniales, surtout lorsque l’époux qui se remarie a des enfants de la première union. Deux raisons sont susceptibles d’expliquer cette fréquence accrue des conventions matrimoniales. La première, tient à l’expérience, heureuse ou malheureuse, qu’a pu faire l’époux qui se remarie. Fort de sa première expérience, il va davantage réfléchir avant de choisir et d’aménager son nouveau régime. 118
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tLa seconde, purement juridique, tient aux dispositions du Code Civil. Aux termes de ce texte, les avantages matrimoniaux que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses du contrat de mariage, ne sont point, en principe, regardés comme des donations. Il n’en va autrement que lorsqu’un des époux décède en laissant des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux. En pareil cas, les avantages matrimoniaux sont traités à l’égard de tous les enfants du défunt comme des libéralités, ce qui a pour conséquence de le rendre éventuellement réductibles s’ils excèdent la quotité disponible entre époux. d- Critères de choix entre les divers régimes conventionnels Au sein des régimes conventionnels, la séparation des biens occupe la première place, la seconde place est occupée par la communauté réduite aux acquêts, la troisième place est occupée par la communauté des meubles et acquêts , la quatrième place est occupée par la communauté universelle. L participation aux acquêts
Il convient de préciser les critères conduisant les époux à adopter un régime de séparation de biens, une communauté universelle et un régime de participation aux acquêts, ces trois régimes étant les plus originaux quant aux motifs de leur adoption. Il est seulement à noter à propos des communautés conventionnelles, autres que la communauté universelle, que tout leur intérêt réside dans l’aménagement du régime légal, qu’il s’agisse de la composition des masses, e leur administration ou de leur liquidation. 1.3 Critères conduisant les époux à adopter la séparation de biens. a- Enoncé des critères. Si l’on s’en réfère à la pratique notariale, les critères conduisant les époux à adopter la séparation de biens seraient de trois ordres :
• Psychologique : le régime de la séparation de biens est très souvent le régime des couples indépendants, qui ne souhaitent pas mélanger, les questions d’intérêts aux sentiments. C’est 119
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aussi, bien que cela soit moins avouable mais pourtant réel, le régime que l’époux égoïste et riche qui pense se ménager un divorce à meilleur compte.
• Familial : le régime de séparation de biens est très souvent le régime qu’adoptent les couples en cas de remariage lorsque existent des enfants de la précédente union, ou en cas d’enfants naturels. Un tel régime a, en effet, pour mérite d’éviter la confusion des patrimoines est de faciliter la liquidation des droits des époux à la dissolution du mariage. • Et surtout d’ordre professionnel : la séparation de biens est le régime très fréquemment conseillé en as de métiers ou de profession à risques financiers, ce qui est le cas des commerçants et des industriels. Il préserve en principe la fortune du conjoint en cas de liquidation ou de redressement judiciaire, sauf si ce conjoint s’est engagé solidairement ou a cautionné les obligations de l’époux débiteur. Il présente beaucoup moins de dangers pour les créanciers de l’époux in boni, si on le compare au régime de communauté. La séparation de biens est également conseillée lorsque l’un des époux doit exercer une profession incompatible avec celle de l’autre. Tel est le cas notamment du conjoint d’un notaire qui ne peut en principe être commerçant. Des raisons fiscales tenant à la possibilité de déduire intégralement les salaires du conjoint peuvent servir de critère au choix d’un régime de séparation de biens. Toutefois, les réformes fiscales dans certains pays tendent, sans y parvenir totalement, à aligner le régime fiscal des époux communs en biens sur celui des époux séparés de biens. b- Critères conduisant les époux à adopter un régime de communauté universelle
Double préoccupation. Assortie généralement d’une clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant, la communauté universelle réponds à une double préoccupation des époux. La première est d’ordre matériel. En adoptant un tel régime, les époux cherchent à réserver au survivant des conditions d’existence et 120
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de ressources analogues à celles qu’avait le couple durant le mariage. Particulièrement utile en cas de dissensions familiales, il lui évite, notamment, les inconvénients de l’indivision ou les aléas du partage. Il présente néanmoins un danger du fait que la communauté supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes ou futures.
La seconde préoccupation est d’ordre fiscal. Le régime ainsi adopté permet, en effet, au survivant de faire l’économie d’une liquidation de communauté et de bénéficier de l’exonération des droits de mutation par décès. Il s’agit, en revanche, d’un régime très défavorable aux héritiers, au plan civile comme au plan fiscal, ce qui explique que les notaires hésitent à le conseiller à un copule jeune, appelé à avoir des enfants. Ce sera donc, le plus souvent, le régime que l’on conseillera à un couple déjà âgé et sans enfants. c- Critères conduisant les époux à adopter un régime de participation aux acquêts.
Double recherche. Le régime de participation aux acquêts est le régime de ceux qui, tout en recherchant l’indépendance ou la sécurité du patrimoine familial, ne veulent pas que l’un d’eux se trouve spolié lors de la dissolution du mariage, ce à quoi abouti parfois la séparation de biens dans le cas, notamment, où la femme n’a aucune activité professionnelle ni fortune personnelle.
2. Le régime de la participation aux acquêts
La participation aux acquêts est un régime matrimonial de type mixte : pendant toute sa durée, il fonctionne comme une réparation de biens (1) ; à sa dissolution, il ouvre à chaque époux le droit de participer aux bénéfices de l’autre comme dans une communauté (2). 2.1 Le fonctionnement du régime Trois caractéristiques. Le caractère séparatiste du régime jusqu’à sa dissolution se traduit de deux façons : il y a séparation des patrimoines (i) ; il y a liberté de gestion (ii).
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a- Séparation des patrimoines : Principes et exceptions. Double aspect. La séparation des patrimoines existe à l’égard aussi bien de l’actif que du passif. i
ii
Actif : la règle de principe est la suivante : malgré l’appellation du régime qui évoque la notion d’acquêts, il n’y a pas de biens communs; il n’existe que des biens personnels dont chaque époux est exclusivement propriétaire. Les seules exceptions visent le droit au bail du logement familial et les biens acquis conjointement. Dans le premier cas, il y a indivision légale ; dans le second, indivision conventionnelle. La preuve de la propriété exclusive d’un bien s’établit, tant dans les rapports entre époux que vis-à-vis des tiers, suivant les mêmes règles et avec les mêmes présomptions que sous la séparation de biens. Passif : la règle de principe est que chaque époux reste seul tenu sur l’ensemble de son patrimoine, des dettes de toute nature qu’il a pu faire naître aussi bien avant qu’après la célébration du mariage. La seule exception vise le cas des dépenses ménagères qui engagent solidairement les deux époux.
b- Liberté de gestion : Principes et restrictions. La liberté de gestion est formulée dans son principe pour permettre à chacun des époux de conserver l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralités et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux. A ce principe, la loi et la pratique apportent des restrictions : •
Restrictions apportées par la loi : Les restrictions apportées par la loi au principe de liberté sont celles relatives au logement familial ou celles visant les mesures urgentes et provisoires que peut prendre le juge des affaires familiales lorsqu’un époux , par ses manœuvres graves , met en péril 122
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•
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les intérêts de la famille. D’autres restrictions concernent les biens donnés entre vifs sans le consentement du conjoint et ceux qui ont été aliénés en fraude de ses droits. Lorsque la dissolution du régime, les biens existants sont insuffisants à remplir de ses droits l’époux titulaire d’une créance de participation, celui-ci peut en poursuivre le recouvrement sur les biens donnés sans son accord ou aliénés en fraude de ses droits.
Restrictions apportées par la pratique : Restriction tenant au concours du conjoint. La pratique restreint la liberté de gestion en exigeant le concours du conjoint chaque fois que l’acte conclu risque ultérieurement d’être remis en cause par application. En instaurant une véritable cogestion entre les époux au nom de la sécurité des tiers, les praticiens aboutissaient, en réalité, à un résultat tout à fait contraire à la finalité et à l’esprit du régime.
2.2 Dissolution du régime : Créance de participation Le caractère communautaire du régime, lors de sa dissolution, se traduit par le droit reconnu à chaque époux de participer en valeur aux acquêts réalisés par l’autre pendant le mariage. Le droit ainsi reconnu à chaque époux est que l’on dénomme la « créance de participation ». Cette créance soulève deux questions essentielles : comment est-elle calculée ? Comment est-elle payée ? a- Calcul de la créance de participation : Double évaluation Le calcul de la créance de participation nécessite une double évaluation : celle du patrimoine originaire (i), celle du patrimoine finale (ii). Cette double évaluation est nécessaire puisque c’est la valeur de l’enrichissement à partager. (i) Evaluation du patrimoine originaire : Deux étapes. L’évaluation du patrimoine originaire suppose avant que l’on fixe le montant selon certaines modalités (b) que l’on détermine au départ la consistance (a). 123
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i
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La consistance du patrimoine originaire est l’objet de deux types de règles : des règles de fond, des règles de preuve :
Les règles de fonds : Biens concernés. Du point de vue fond, le patrimoine originaire comprend les biens appartenant à l’époux au jour du mariage et aussi ceux acquis depuis par succession ou libéralités.
ii
Les règles de preuve : la règle de principe selon laquelle la consistance du patrimoine originaire ne saurait être prouvée autrement que par un état descriptif, même sous seing privé, établi par l’époux propriétaire en présence du conjoint et signé par celui-ci. En cas d’état descriptif incomplet, la règle ouvre aux époux la possibilité d’utiliser les procédés de preuve.
Modalités d’évaluation. Les modalités d’évaluation du patrimoine originaire visent à la fois les biens et les dettes.
Evaluation des biens. Dates à retenir : Les biens composant le patrimoine originaire doivent être estimés selon leur valeur au jour de la liquidation, et non au jour de la dissolution, d’après leur état au jour du mariage ou de l’acquisition. Si certains biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur au jour de l’aliénation. Si de nouveaux biens ont été subrogés aux biens aliénés, on prend en compte la valeur de ces nouveaux biens au jour de la liquidation, et non plus au jour de la dissolution. Evaluation des dettes. Quant aux dettes grevant le patrimoine originaire, elles doivent, non seulement être déduites de l’actif, mais surtout être réévalués dans les conditions prévues par la loi. Sur le fondement de cette règle, pourront ainsi être l’objet 124
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d’une réévaluation les sommes dues lorsqu’elles auront servi à acquérir , à conserver, oui à améliore un bien.
(ii) Evaluation du patrimoine final : Démarche à suivre. L’évaluation du patrimoine final s’opère selon une démarche identique à celle qui a été suivie pour la patrimoine originaire. i
Consistance du patrimoine. Deux types de règles : La consistance du patrimoine final donne lieu, à son tour, à des règles de fonds et aussi à des règles de preuve.
Règles de fond. Recensement des biens : Les règles de fond fixent, en premier lieu, le moment où doit être établi le recensement des biens appelés à figure dans le patrimoine final. Si le régime prend fin du fait du décès de l’un des époux, c’est au jour du décès qu’il convient de se placer. Si le régime prend fin en raison du divorce, c’est au jour de la demande en justice qu’il convient de se placer. Les règles de fond fixent, en second lieu, les biens susceptibles d’entrer dans le patrimoine final. En font partie :
• tous les biens existants appartenant à l’un des époux au jour de la dissolution, • les acquêts dont il aura disposé par donation entre vifs sans le consentement du conjoint, ainsi que les biens qu’il aurait aliéné frauduleusement,
• les plus-values résultats des améliorations apportées pendant le mariage aux biens originaires donnés sans l’accord du conjoint,
• l’excédent du passif en cas de déficit éventuel du patrimoine originaire. 125
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Règles de preuve. Modes de preuve. Les règles de preuve permettant d’établir la consistance du patrimoine final
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Règles de preuve. Modes de preuve. La preuve du patrimoine originaire exige un état descriptif établi contradictoirement entre les époux ou leurs héritiers. Cet état doit être dressé. La preuve du caractère incomplet de l’état descriptif peut également être rapportée, mais tous les moyens de preuve sont admis, même les témoignages et présentions.
Modalités d’évaluation. Les modalités d’évaluation du patrimoine final visent essentiellement les biens, plus accessoirement les dettes. Evaluation des biens. Dates à retenir. Les biens existants sont estimés d’après leur valeur au jour de la liquidation et leur état au jour de la dissolution. C’est aussi la date de la liquidation qui est retenue pour évaluer, d’après leur état au jour de l’aliénation, les biens donnés ou aliénés frauduleusement. Quant aux plus-values résultant des améliorations apportées aux biens originaires donnés sans le consentement du conjoint, la date retenue pour leur estimation est celle de la donation.
Evaluation des dettes : En ce qui concerne les dettes déductibles de l’actif final elles restent, pour leur part figées dans leur montant nominal, qu’il s’agisse des sommes dues aux tiers, ce qui est normal ; qu’il s’agisse aussi des sommes dues au conjoint. A l’issue de la double évaluation, il ne reste plus qu’à comparer les deux patrimoines pour calculer le montant de la créance de participation à laquelle pourra prétendre le conjoint. Deux situations peuvent se présenter :
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• Si la valeur du patrimoine final est inférieure à celle du patrimoine originaire, il y a déficit ; le déficit est supporté entièrement par l’époux.
• Si la valeur du patrimoine final est supérieure à celle du patrimoine originaire, il y a accroissement. Cet accroissement représente la valeur des acquêts. En principe, le conjoint aura droit à la moitié de cette valeur à moins que par une clause particulière de leur contrat de mariage, les époux n’en aient convenu autrement. Est notamment licite, en application du principe de la liberté des conventions matrimoniales, la clause de partage inégale ou même la clause d’&attribution intégrale des acquêts au survivant. b- Paiement de la créance de participation : Deux opérations Le paiement proprement dit de la créance de participation passe, le plus souvent, par une opération préalable dite de compensation des acquêts. i)
Compensation des acquêts : Elle est une opération de nature comptable. Il y a des acquêts de part et d’autre, c’est-à-dire du côté du mari et de la femme, seul l’excédent donne lieu à partage. Il faut donc commencer par compenser la valeur des acquêts, et l’époux dont le gain a été moindre sera seul créancier de son conjoint, en principe, pour la moitié de l’excédent. Exemple :
• la valeur des acquêts du mari, obtenue en faisant la différence entre son patrimoine final et son patrimoine originaire est égale à 1000 000, • la valeur des acquêts de la femme étant de 500 000, la compensation entre ces deux sommes laisse un excédent d’acquêts pour le mari égal à 500 000, 127
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• la femme a contre son mari une créance de participation égale, à défaut de clause contraire, à la moitié de cet excédent, soit 250 000.
ii) Paiement proprement dit : le paiement proprement dit de la créance de participation, après compensation, obéit à un principe assorti d’exception. Le principe : En principe, la créance de participation donne lieu, dès son établissement à un paiement en argent. Exceptions : les exceptions sont au nombre de trois :
La première concerne l’éligibilité de la créance. La loi prévoit, à cet égard, que si l’époux a des difficultés pour s’acquitter de sa dette dès la clôture des opérations de liquidation, les juges peuvent lui accorder des délais déterminés, à charge pour lui de fournir des sûretés et de verser des intérêts. La seconde exception a tarit au mode de règlement. Il pourra exceptionnellement se faire en nature dans deux cas: si les époux sont d’accord ; à défaut d’accord, le débiteur peut demander au tribunal l’autorisation de régler sa dette en nature, si des difficultés graves l’empêchent de régler en argent. La troisième exception vise le droit de poursuite de l’époux titulaire de la créance de participation. En la matière, si les biens existants sont insuffisants à remplir de ses droits l’époux créancier, celui-ci a la possibilité de poursuivre en recouvrement de sa créance sur les biens donnés sans son accord ou aliénés frauduleusement
3. Le régime matrimonial de participation aux acquêts : exemple 3.1 Présentation d’un cas simple Le régime de la participation aux acquêts combine en principe les avantages des régimes de communauté et de séparation de biens. En effet, suivant les termes du Code civil Français, pendant la durée du 128
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mariage, le régime fonctionne « comme si les époux étaient séparés de biens » (art. 1569). L’un des principaux avantages du régime, outre l’indépendance des époux, résulte de la protection contre les risques financiers encourus par l’un des époux.
Protecteur, mais à la fois équitable, le régime de participation aux acquêts reste d’esprit communautaire. En ce sens, il apparaît plus fidèle à l’esprit du mariage qu’une séparation de biens puer et simple. En effet, à la dissolution du mariage ou du régime (en cas de changement de régime matrimonial), chaque époux a vocation à participer, généralement pour moitié en valeur, aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre époux, c’est-à-dire au surplus de valeur du patrimoine final par rapport au patrimoine initial, auquel s’ajoutent les biens recueillis par donation ou succession. L’époux qui s’est le moins enrichi participe ainsi à l’enrichissement de son conjoint. Tableau 13 : Exemple d’un cas simple Patrimoine final Patrimoine originaire Acquêts nets
Monsieur 300 300 200
Madame 200 200 150
Source : l’auteur a- Détermination de l’époux débiteur de la créance de participation :
Les acquêts nets de Monsieur (200) sont supérieurs à ceux de Madame (150). La créance de participation est due par l’époux qui s’est le plus enrichi au profit de l’époux dont l’enrichissement été moindre. C’est donc Monsieur qui est le débiteur de la créance de participation.
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b- Détermination du montant de la créance de participation due par le conjoint débiteur
La créance de participation est en principe égale à la moitié de la différence entre les montants des acquêts nets des deux époux (sauf clause contraire). Montant de la créance de Monsieur est débiteur : (200 – 150) /2 = 25 Une fois réglée la créance de participation, Monsieur conservera comme acquêts : 200 – 25 = 175 Quant à Madame, elle aura au titre des acquêts : 150 + 25 = 175 3.2 Présentation d’un cas avec clause d’exclusion des biens professionnels : Cas du conjoint de l’époux exerçant une profession débiteur de la créance de participation Le paiement de la créance de participation peut, en pratique, soulever des difficultés lorsque la principale source d’enrichissement d’un époux aura été son instrument de travail. Si l’économie générale du régime apparaît équitable, à la dissolution, l’obligation pour l’époux débiteur de la créance de participation de vendre son bien professionnel est redoutable et lui semblera injuste. C’est pour cela que la pratique a imaginé la clause d’exclusion des biens professionnels dans le calcul de la participation aux acquêts. Monsieur X et madame Y se sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts. Leur contrat de mariage comporte une clause d’exclusion des biens professionnels afin d’éviter que l’époux exerçant une profession indépendante ne soit contraint de vendre son entreprise pour régler au conjoint la créance de participation.
Monsieur X est chef d’entreprise. Son affaire vaut 5 000 000 euros. Elle est exploitée dans les locaux appartenant à la SCI dont il détient 95% des parts, valeur : 2 000 000 euros. Il possède en outre divers biens d’une valeur de 500 000 euros. Madame Y est médecin ; elle exerce en qualité de salarié. Avec ses revenus, elle acquis l’appartement où loge la famille et dont la valeur est de 1 000 000 euros. 130
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Les époux envisagent de divorcer ; ils s’interrogent sur l’incidence de la clause d’exclusion des biens professionnels. a) Liquidation du régime de la participation aux acquets comportant une clause d’exclusion des biens professionnels • Acquêts de Monsieur X : Entreprise - Bien professionnel Parts SCI – Bien professionnel Biens divers TOTAL ACQUETS MONSIEUR
5 000 000 Euros 2 000 000 Euros 500 000 Euros 7 500 000 Euros
• Acquêts de Madame Y : Appartement TOTAL ACQUETS MADAME
1 000 000 Euros 1 000 000 Euros
Détermination du débiteur et du montant de la créance de participation en l’absence de clause d’exclusion des biens professionnels19
Il faut comparer les acquêts réalisés par chacun des époux. Ceux de Monsieur sont supérieurs ; il est donc débiteur de la créance de participation. Montant de la créance de participation due par Monsieur X à Madame Y : (7 500 000 – 1 000 000) / 2 = 3 250 000 Euros
En l’absence de clause d’exclusion, Monsieur X pourrait voir sa situation financière gravement compromise ; en effet, dans la mesure où il ne possède pas suffisamment de biens non professionnels pour s’acquitter de la créance due à son épouse, il pourrait être conduit à vendre son entreprise qui constitue l’essentiel de son patrimoine.
Détermination du débiteur et du montant de la créance de participation avec le jeu de la clause d’exclusion des biens professionnels : 19- En l’absence de précisions nous supposons que les époux n’avaient pas de biens originaires
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Lorsque les époux ont prévu dans leur contrat une clause excluant les biens professionnels, ceux-ci ne sont pas pris en compte lors du calcul de la créance de participation : on ne retient que les acquêts non professionnels en les comparant aux acquêts de l’épouse pour déterminer le montant de la créance : - Acquêts non professionnels de Monsieur X : 500 000 Euros - Acquêts de Madame Y : 1 000 000 Euros.
Par le jeu de la clause Madame Y devient débitrice de la créance de participation à hauteur de : (1 000 000 – 500 000) / 2 = 250 000 Euros
Par l’effet de la clause, le débiteur et le créancier sont inversés. Ainsi Madame Y devient-elle débitrice du règlement de la créance de participation alors même que ses acquêts sont inférieurs au total des acquêts de son époux.
Cette solution est critiquable car elle conduit à un résultat contraire à l’équité et qui n’est d’ailleurs pas souhaité au départ par les futurs époux quand ils adoptent le régime de participation.
Remarque : Ces constats ont conduit les praticiens à imaginer d’autres procédés permettent de protéger efficacement les biens professionnels sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la vocation primaire de l’adoption du régime de participation aux acquêts (II). b. La tentative de compromis pour éviter les écueils de la clause d’exclusion des biens professionnels Deux solutions sont envisageables si nos deux époux parviennent à s’entendre, afin d’éviter les avatars de la clause d’exclusion tels que nous les avons envisagés. • Le plafonnement de la créance de participation.
Normalement prévue par le contrat de mariage, cette clause permet de corriger les résultats de la clause d’exclusion et d’éviter les conséquences trop lourdes que peut avoir le règlement de la créance de participation par le conjoint débiteur. 132
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Méthode : il s’agit ici de plafonner la créance de participation due par l’époux possédant des biens professionnels. Le calcul de la créance de participation se fait selon les règles légales habituelles, mais son paiement ne pourra être exigé qu’à concurrence d’un certain montant (en principe déterminé dans le contrat). En pratique, les époux décident le plus souvent que le montant ne pourra excéder la moitié des acquêts non professionnels de l’époux débiteur. Il y a donc deux étapes :
D’abord, on identifie le débiteur de la créance selon les règles habituelles : l’époux débiteur est celui qui a le plus d’acquêts (y compris professionnels), Puis, on plafonne le montant de la créance qui est dû à la moitié des acquêts non professionnels de l’époux débiteur. Identification du débiteur de la créance de participation : Total des acquêts de Monsieur X : 7 500 000 Euros Total des acquêts de Madame Y : 500 000 Euros
Les acquêts de Monsieur X étant supérieurs, il est identifié comme étant le débiteur de la créance de participation. • Plafonnement de la créance due à Madame Y à la moitié des biens non professionnels :
Les biens non professionnels de Monsieur X s’élèvent à : 500 000 Euros.
En plafonnant la créance de participation, le montant de celle-ci sera de : 500 000 / 2 = 250 000 Euros Le plafonnement de la créance de participation permettrait de maintenir une certaine équité entre les époux, ici au profit de Madame Y, Monsieur X restant le débiteur sans toutefois voir son patrimoine professionnel menacé par son règlement.
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• La minoration de la participation
Ce procédé permet de réduire la participation à une fraction inférieure à la moitié de l’excédent d’acquêts de l’époux débiteur, soit par exemple 1/3 ou _. Cependant cette quotité est modulable au gré des époux. Au lieu de partager les acquêts par moitié, les époux peuvent décider d’un taux de participation différent, sans qu’il ne soit fait aucune référence aux biens professionnels. Identification du débiteur de la créance de participation Total acquêts de Monsieur X : 7 500 000 Euros Total acquêts de Madame Y : 1 000 000 Euros Monsieur X est débiteur.
Montant de la créance due par Monsieur X à Madame Y : Imaginons la minoration de la participation à 1/3 : (7 500 000 – 1 000 000) / 4 = 1 625 000 Euros
Les biens non professionnels de Monsieur X (500 000 Euros) étant insuffisants pour s’acquitter de ce règlement, ses biens professionnels seraient mis en péril.
Il est possible d’imaginer une fraction encore inférieure, toutefois, le meilleur compromis semble celui du plafonnement de la créance. En outre, cette solution semblerait plus s’inscrire dans la logique choisie par nos deux époux initialement puisqu’elle maintiendrait la clause d’exclusion tout en atténuant ses effets.
Reste cependant à envisager l’hypothèse dans laquelle les époux ne parviendraient pas à s’entendre et où Madame Y demeurerait débitrice du règlement de ladite créance…
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C. Les possibilités restant à Madame X pour échapper au règlement de la créance de participation à défaut de compromis • La révocation de l’avantage matrimonial
Qualifiée d’avantage matrimonial, dans l’hypothèse d’un divorce aux torts exclusifs de l’époux bénéficiaire de la clause d’exclusion (Monsieur X), l’efficacité de la clause serait anéantie de plein droit. Monsieur X perdrait alors l’avantage que constituait cette exclusion pour le calcul de la créance de participation (art. 267 C. civ.) Dans cette hypothèse il en redeviendrait donc débiteur envers Madame Y à hauteur de 3 250 000 Euros. De la même façon, en cas de dissolution par divorce prononcé aux torts partagés, la loi permettant à chacun des époux de révoquer les avantages consentis à l’autre, Madame Y aurait tout intérêt à faire une telle révocation. Dans un cas comme dans l’autre, Monsieur X a donc tout intérêt à rechercher la voie du compromis en acceptant le plafonnement. • La fraude
Si un époux souhaite réduire le droit à une créance de participation de son conjoint en réduisant ses propres acquêts, il préfèrera gonfler son patrimoine professionnel exclu du droit à participation. Si tel était le cas, Madame Y pourrait alors dénoncer de tels agissements en agissant sur le terrain de la fraude. Elle devrait cependant rapporter la preuve d’investissements anormaux, ne rentrant pas dans l’exercice normal de l’activité de son époux et ayant eu pour seul but de diminuer le montant de la créance de participation.
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Chapitre 6 : L’Expérience internationale : les pays arabes et la Turquie 1. L’Egypte: Les droits des femmes en matière de divorce
En Egypte, le mariage est un contrat conclu par consentement mutuel, et d’après la loi, ce consentement, libre et mutuel, doit être le fait des deux parties. Réglementé par le droit de la personne, le mariage est aussi régi par la Charia qui impose des obligations aux deux parties en matière de validité, de conclusion, de dissolution et d’annulation du mariage. Conformément à la loi égyptienne, une femme mariée conserve son indépendance financière vis-à-vis de son mari. De même, elle est libre de gérer et de disposer de ses finances, de conclure des contrats et d’obtenir des prêts, ainsi que d’effectuer toute transaction légale.
L’homme et la femme sont tous deux pleinement responsables en matière d’obligations issues de leur mariage, y compris pour ce qui est de la subsistance et du soutien de la famille ainsi que des décisions liées au nombre et à l’espacement des naissances; l’étendue et l’incidence de cette responsabilité conjointe dépendent du niveau d’études et de la culture de chacun des partenaires20 . 1.1 La réforme du statut personnel Adoptée au forceps en février 2000, la réforme de la loi sur le statut personnel annonçait une volonté de rééquilibrage des forces en matière d’affaires matrimoniales. Après neuf ans de gestation, les oulémas défenseurs de la charia et les parlementaires féministes avaient fini par aboutir à un compromis. Disposition phare de cette 20- Les organes de l’Etat étudient la possibilité d’introduire un contrat de mariage type qui ne donnerait pas matière à litige et éliminerait la nécessité de recourir à l’arbitrage des tribunaux. La loi qui régit les litiges liés au statut personnel est également en cours de révision, l’objectif étant de simplifier les procédures en vigueur.
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loi, le khul a instauré pour la femme le droit d’initier une procédure de divorce devant le tribunal sans le consentement de son mari et sans avoir à donner de raisons, à condition de renoncer à ses avantages matériels. Parmi les autres aménagements, la loi oblige désormais l’homme à prononcer la formule de divorce devant un juge ou un religieux qui l’enregistrera, ou encore octroie la nationalité égyptienne aux enfants de père étranger. Un récent rapport HRW prend en compte les dernières améliorations apportées par le gouvernement égyptien sur le statut personnel, même si celles-ci ne semblent pas aller suffisamment dans la direction d’une véritable équité21. De fait, en 2000 a été introduit le concept du Khula, la possibilité de demander le divorce sans faute. Afin d’avoir accès à cette pratique, les femmes égyptiennes doivent accepter de perdre leurs droits financiers et de rembourser la dot que leur a apportée leur mari lors de la conclusion du mariage. Adopté afin d’accélérer la procédure, le divorce sans faute exige toujours que les femmes demandent à un tribunal de mettre fin à leur mariage.
Alors que les hommes jouissent d’un droit unilatéral et inconditionnel au divorce, et qu’ils n’ont jamais à se présenter devant un tribunal pour mettre un terme à leur mariage, les femmes, par contre, se retrouvent face à un choix qui leur est, dans les deux cas, peu favorable. Elles peuvent soit demander le divorce pour faute soit le divorce sans faute (khula). Entamer une procédure de divorce pour faute, susceptible de leur octroyer une pension alimentaire, est une entreprise longue, coûteuse, et discriminatoire. Alors que le mari n’est pas tenu de déclarer son intention de divorcer, la femme doit, au contraire, apporter la preuve des torts causés par son époux pendant leur mariage. Même les accusations de violences physiques doivent être souvent documentées de manière exagérée, avec témoins à l’appui. De fait, une Egyptienne qui demande le divorce se trouve face à un dilemme. Soit elle demande le divorce pour faute et elle doit vivre des années dans l’incertitude juridique. Soit elle opte pour un 21- Le rapport, intitulé “Divorced from Justice : Women’s Unequal Access to Divorce in Egypt,”
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divorce sans faute, qui est plus rapide, et elle doit renoncer à tous ses droits financiers. Si on ajoute à ces difficultés d’ordre juridique les difficultés psychologiques, on peut aisément comprendre que les femmes souhaitant divorcer, encouragent leur mari à demander le divorce à leur place afin d’éviter d’insurmontables complications juridiques. Le facteur social est, par ailleurs, particulièrement déterminant pour ce qui est de l’aggravation des inégalités. Les femmes, dans le cadre de la procédure de divorce, doivent renoncer à tous leurs biens, il est donc évident que le choix du divorce peut être seulement fait par des femmes aisées qui peuvent disposer d’autres ressources. 1.2 Les conséquences du divorce pour les ex-époux Concernant les effets du divorce sur les biens des époux, le droit commun est que les époux sont mariés sous le strict régime de la séparation des biens. Lorsque la dissolution du mariage est prononcée, chacun repart avec les biens qu’il avait au départ. Souvent, le problème se pose quand le mari a interdit à sa femme de travailler (ce qui est parfaitement autorisé). Celle-ci se retrouve alors démunie et l’ex - époux profite seul des fruits de son travail. Ainsi après le divorce ou la répudiation, l’épouse ne pourra profiter des biens acquis par son époux pendant la durée du mariage. Lorsque l’épouse est répudiée sans qu’elle y consente, et sans qu’elle ait commis de «faute», elle a droit a une indemnité de consolation, la mut’ah qui tient compte22 : • de la situation financière du mari, • des circonstances du divorce, • de la durée du mariage
En dépit des réformes, le système juridique reste discriminatoire envers les femmes. Le système de divorce appliqué en Egypte est discriminatoire envers les femmes et sape leur droit de mettre fin à 22- La somme est calculée sur la base d’une pension alimentaire d’au moins deux ans et elle est due par le mari à la fin de la retraite légale (pendant laquelle il payait une pension d’un autre type)
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leur mariage. Le gouvernement Egyptien a mis en place des tribunaux de la famille mais à l’instar de la procédure de divorce sans faute qui a été introduite il y a quatre ans, ces tribunaux ne s’attaquent pas à la discrimination dont les femmes continuent d’être victimes23.
En Egypte, les hommes jouissent d’un droit unilatéral et inconditionnel au divorce. Ils n’ont jamais à se présenter devant un tribunal pour mettre un terme à leur mariage. Les femmes, par contre, doivent recourir aux tribunaux pour divorcer de leurs époux et ce faisant, elles se trouvent confrontées à d’innombrables obstacles sociaux, juridiques et bureaucratiques. Les femmes qui demandent le divorce en Egypte ont deux options : le divorce pour faute ou sans faute. Pour pouvoir entamer une procédure de divorce pour faute, qui peut lui octroyer des droits financiers complets, une femme doit apporter la preuve des torts causés par son époux pendant leur mariage. Même les accusations de violences physiques doivent souvent être étayées par des témoins.
Depuis 2000, les Egyptiennes bénéficient de la possibilité de demander le divorce sans faute (khula). Mais pour ce faire, elles doivent accepter de perdre leurs droits financiers et de rembourser la dot que leur a apportée leur mari lors de la conclusion du mariage. Adopté afin d’accélérer la procédure, le divorce sans faute exige toujours que les femmes demandent à un tribunal de mettre fin à leur mariage. Les obstacles presque insurmontables auxquels sont confrontées les femmes lors d’une procédure de divorce en poussent beaucoup à renoncer à leurs droits pour essayer de persuader leur mari de divorcer. Ce système à deux niveaux a souvent des conséquences financières et émotionnelles dévastatrices pour les femmes. Dans certains cas, il comporte également des risques physiques. Le fait que le gouvernement égyptien ne garantit pas l’égalité des droits à la 23- Récemment, l’Egypte a crée des Tribunaux familiaux afin de rationaliser les procédures liées au divorce. Tous les litiges sont ainsi rassemblés dans un seul dossier traité par un unique tribunal. Certes, s’il s’agit d’un pas en avant à certains égards, force est de constater que ces nouveaux tribunaux appliquent lois et pratiques aussi discriminatoires que le système précédent.
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propriété des biens de la communauté, notamment lors d’un divorce, dissuade beaucoup de femmes de quitter leur époux violent. Les procédures de divorce, déjà favorables à l’homme dans le droit musulman, souffrent de surcroît des problèmes de la justice égyptienne en général, à commencer par l’encombrement des tribunaux. Parmi les 5 252 demandes de divorces déposées durant l’année 2002 devant l’un des tribunaux de première instance, 62 seulement étaient résolues en janvier 2003. D’autre part, les statistiques du gouvernement égyptien donnent le chiffre de 290 000 divorces pour l’an 2004, dont 5% seulement sont initiés par des femmes.
Les nouveaux tribunaux dits « de la famille» représentent néanmoins un progrès car ils hâtent l’issue des litiges tout en offrant l’alternative d’une réconciliation ou une chance de résoudre le conflit par le biais d’un arbitrage. Cette mesure est obligatoire dans le cas du khul. Le juge propose une réconciliation entre les deux parties. Si la réconciliation n’a pas lieu, et dans le cas où le couple a des enfants, une seconde tentative est initiée, puis un arbitrage est imposé avec un membre choisi par chaque époux dans leur famille respective. Si cette dernière tentative échoue, le juge prononce alors le divorce. Il n’en demeure pas moins que la majorité des femmes économiquement fragiles sont desservies par les lois sur le statut personnel qui sont censées les protéger. Malgré l’inégalité des sexes devant la loi, les femmes ne sont pas totalement désarmées. L’une des armes les plus puissantes est de nature juridique : la isma (procuration donnée par un mari à son épouse sur son droit unilatéral de divorce), accessible aux riches comme aux pauvres, est souvent sous-estimée et sous-utilisée. On s’accorde à dire que son obtention au moment de la conclusion du contrat de mariage assure à la femme des droits qui n’existent dans aucune autre législation. La femme peut alors agir comme l’agent du mari et initier la procédure de divorce sans le consulter (elle doit cependant le prévenir) ni donner de raison justifiant son action. L’effet est immédiat. Les modalités du divorce peuvent aussi être stipulées par le document : devant le ma’zoun 140
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(notaire religieux représentant de l’Etat qui rédige les contrats de mariages et les divorces suivant les règles de la charia), devant un tribunal. Le montant de la pension alimentaire, les arrangements concernant l’habitation de la femme et des enfants, ou le droit de la femme de voyager sans demander la permission du mari peuvent aussi être portés sur le document suivant le désir des époux24.
Le mari est tenu d’entretenir son épouse répudiée pendant les mois de la idda. Il a même le droit de la reprendre durant cette période sans autre formalité et même sans son consentement. La femme de son côté ne peut pas contracter un autre mariage durant la idda. Si la femme accepte de révoquer le divorce durant la idda, elle perd automatiquement ses droits sur la ‘isma qui devrait faire alors l’objet d’un nouvel accord. Rares sont les femmes qui connaissent cette subtilité de la loi. 1.3 Les biens des conjoints en droit égyptien Il n’existe pas de disposition légale égyptienne qui traite des biens des époux à part l’article 1 de la Loi 25/1920 qui dispose que c’est au mari qu’incombe le devoir d’entretenir sa femme. Il faut donc revenir au code privé de Qadri. Les dispositions de ce code affirment que la dot appartient à la femme, laquelle est libre d’en disposer comme bon lui semble. D’autres dispositions concordent pour affirmer que les biens de la femme sont séparés de ceux de son mari. Nous en donnons ici les éléments essentiels: ‹ L’article 112 Qadri affirme que «Les biens ne sont pas l’objet du mariage. La femme ne peut pas être obligée à employer une partie de ses biens ni de la dot par elle a reçue à l’acquisition d’un trousseau. Le père n’est pas tenu non plus d’acheter avec ses propres deniers un trousseau à sa fille».
24- Les ONG Egyptiennes demandent que ce codicille facultatif soit ajouté de façon permanente à tous les contrats de mariage. Cette suggestion, faite maintes fois par le passé, va cependant à l’encontre des traditions culturelles et se heurte à une opposition non seulement de la part des hommes, mais aussi de celle de maintes femmes qui disent ne pas vouloir porter atteinte à la virilité de leurs futurs maris. Cependant, bien que la loi permette de rajouter le codicille à n’importe quel moment durant le mariage, il est rare qu’un mari accepte de le faire une fois le contrat signé.
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‹ Le trousseau que le père achèterait à sa fille mineure, elle en devient l’unique propriétaire par le fait de l’acquisition paternelle. Quant au trousseau que le père achèterait à sa fille majeure, celle-ci n’en devient propriétaire qu’une fois elle en a pris possession. Le père ne peut plus l’en déposséder (article 113 Qadri).
‹ Le trousseau est la propriété exclusive de la femme. Le mari ne peut prétendre à aucun des meubles qui en font partie. Il ne peut non plus l’obliger à mettre les meubles à elle ni à sa disposition ni à celle de ses hôtes. Il ne peut s’en servir que par son autorisation et son consentement volontaire. Si le mari s’empare d’un objet du trousseau pendant le mariage ou après sa dissolution, la femme a le droit de le poursuivre en restitution ou en paiement de la valeur, en cas de perte ou de consommation par lui de l’objet enlevé (article 116 Qadri).
‹ En cas de contestation entre les époux, pendant le mariage ou après sa dissolution, sur les meubles ou effets garnissant la maison qu’ils habitent, les objets qui servent plus spécialement aux femmes sont attribués à la femme, sauf preuve contraire par le mari. Les objets qui sont ordinairement à l’usage de l’homme ou peuvent servir à l’un et à l’autre seront accordés au mari, à défaut de preuve contraire par la femme (article 118 Qadri). ‹ Le droit musulman reconnaît au mari la puissance maritale. Mais l’article 206 al. 1 Qadri affirme que cette puissance se limite à l’aspect disciplinaire et ne touche pas les biens de la femme. Cet article ajoute: La femme peut disposer de la totalité des biens lui appartenant sans le consentement ou l’autorisation du mari, et sans que celui-ci puisse lui opposer sa puissance maritale. Elle peut recevoir les loyers et les revenues de ses propriétés, et confier à un autre que son mari l’administration de ses biens. Les actes civils par elle contractés n’ont besoin, dans aucun cas, pour être valables, de l’autorisation ou de la ratification de son mari, ni de celle de son père, ni de son aïeul 142
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paternel, ni de son tuteur testamentaire, si elle est majeure et jouissant de la capacité civile. Quelle que soit la fortune de la femme, elle n’est pas tenue de contribuer aux charges du mariage.
Le Code de Qadri ne contient pas d’article concernant les biens du mari, lesquels sont aussi séparés de ceux de sa femme. Ce code prévoit par contre une obligation de la femme à l’égard des biens du mari. L’article 212 dispose que la femme doit «veiller soigneusement à la conservation de ses biens et de son ménage; de n’en rien donner sans la permission du mari, rien autre que ce que l’usage permet de donner». Traduit en d’autres termes, on peut dire que le mari et la femme vivent sous le régime de la séparation des biens. Est-ce que les deux conjoints peuvent soumettre leurs rapports patrimoniaux à des normes conventionnelles différentes de celles prévues par le droit musulman? Ni la loi, ni la doctrine ne répondent à cette question. Mais rien dans la théorie ne devrait empêcher un tel contrat. En effet, le droit musulman permet aux conjoints de prévoir des conditions pour le mariage, pourvu que ces conditions ne soient pas contraires des normes impératives25. L’ordonnance des ma’zuns de 1955, modifiée en 2000, prescrit aux ma’zuns à l’article 23 d’éclairer les conjoints sur les questions qui peuvent faire l’objet d’accord de la part des conjoints dans le contrat de mariage. L’accord peut porter sur les éléments suivants à titre d’exemple:
‹ Propriété des biens mobiliers qui se trouvent dans le domicile conjugal. ‹ Jouissance du domicile conjugal en cas de divorce ou de décès.
25- L’article 12 Qadri dispose: N’est pas valable, le mariage soumis à une condition ou à une circonstance dont la réalisation est incertaine. Mais le mariage contracté sous une condition illégale est réputé valable et la condition comme inexistante; tel est le mariage dans lequel le mari stipulerait qu’il n’y aurait pas de dot.
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‹ Interdiction au mari de conclure un autre mariage sans le consentement écrit de la femme.
‹ Constitution d’un capital ou d’un salaire périodique de la part du mari en faveur de sa femme s’il la répudie sans son accord.
‹ Délégation de la part du mari en faveur de sa femme pour qu’elle puisse se répudier elle–même. ‹ Tout autre élément qui n’autorise pas ce qui est interdit et n’interdit pas ce qui est autorisé par le droit musulman.
Il n’existe pas à notre connaissance d’étude qui montre quelle est la pratique en Égypte. 1.4 Conséquences patrimoniales de la dissolution du mariage par divorce ou décès Les lois égyptiennes sont très lacunaires concernant les conséquences patrimoniales du divorce. Ici aussi ces lois sont comblées par les dispositions du code de Qadri. Nous en donnons ici les éléments essentiels: ‹ Dans le cas où le mari n’aura pas fixé une dot contractuelle, la femme n’aura droit à la dot coutumière que lorsque l’annulation du mariage a lieu après une cohabitation permise ou après la disparition de la virginité (article 18 al. 3 Qadri).
‹ La femme répudiée avant toute cohabitation réelle ou présumée n’aura droit qu’à la moitié de la dot contractuelle. Si la dot a déjà été payée, elle doit en restituer la moitié (article 84 Qadri). Si c’est la femme qui a contribué à la dissolution du mariage par sa faute, avant sa consommation, elle n’a droit à aucune part de la dot et doit restituer ce qu’elle en a reçu. C’est le cas lorsque la femme apostasie (abandonne l’islam) (article 86 Qadri). La femme perd aussi son droit à la dot si celle-ci est coutumière ou si elle a été constituée après le mariage lorsque la répudiation précède toute cohabitation réelle ou présumée (article 86 Qadri). 144
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‹ Si la femme avait fait don de la totalité ou d’une partie de sa dot et que le mariage est dissous par voie de répudiation, avant sa consommation, le mari sera en droit de récupérer la moitié de la dot, si elle se composait de valeurs monétaires ou de choses fongibles (article 98 al. 1 Qadri). ‹ Sans entrer dans les différentes méthodes de dissolution du mariage en droit musulman, signalons qu’une de ces méthodes, prévue par le Coran, permet à la femme de négocier la dissolution du mariage avec son mari en lui payant une compensation.
Ce système dit khul’ a été prévu en Égypte par les articles 6 et 24 du règlement de 1931 par les tribunaux religieux ainsi que par l’article 5 du requête. Il lui suffit de déclarer qu’elle ne souhaite plus être mariée à son époux, que la poursuite de la vie conjugale lui est devenue intolérable et qu’elle craint d’enfreindre les principes fixés par Dieu en cas de poursuite de la vie commune. Le juge met alors en œuvre une procédure de conciliation26. Si la femme maintient sa demande, le juge est obligé de lui accorder le divorce. Sa décision est définitive et sans appel. En contre-partie, la femme devra renoncer aux droits financiers auxquels elle aurait normalement pu prétendre. Elle perd ainsi son droit à recevoir une pension alimentaire (nafaqah) pendant une duré d’un an, ainsi qu’une compensation financière (mut’ah) et devra rendre le montant de la dot déjà reçu et renoncer à l’arriéré versé. Toutefois, la femme ne perd pas le droit de garde sur ses enfants ainsi qu’une pension alimentaire de la part de son ex-époux pour l’entretien de leurs enfants. En cas de décès de la femme avant qu’elle ait perçu la totalité de sa dot, ses héritiers seront fondés à demander à son mari ou à ses héritiers ce qui reste encore de la dot, après déduction de la part qui revient au mari de la succession de son épouse, si elle est prédécédée (Qadri, article 99 al. 2). 26- Deux médiateurs, nommés par chaque partie au sein de leur famille respective, vont essayer pendant 3 mois de réconcilier les époux.
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Comme les biens des deux conjoints sont séparés pendant le mariage, le divorce ou le décès d’un des deux conjoints ne change rien à leur statut. Les biens du conjoint décédé tombent dans la masse successorale, et le conjoint survivant garde ses propres biens. La femme n’a à cet égard pas de droit sur les biens du mari, sauf à titre d’héritière en cas de décès du mari. Il en est de même pour le mari. Le divorce cependant met fin aux prétentions successorales entre les deux. Les normes indiquées plus haut concernant la distinction entre ce qui constitue les biens de chacun des deux conjoints s’appliquent ici, mais l’article 119 Qadri signale qu’en cas de contestation sur les objets garnissant le domicile conjugal après le décès de l’un des époux, les objets qui peuvent servir à l’un et à l’autre seront accordés au survivant, sauf preuve contraire (article 119). Ce système qui n’accorde à la femme divorcée qu’une indemnité, souvent illusoire, pose un problème à la femme divorcée qui a consacré sa vie à élever ses enfants alors que son mari exerçait une profession dont le revenu, après paiement de la pension alimentaire de sa femme et de ses enfants, lui profite uniquement. Bien plus, si la femme accède au divorce par voie de rachat, elle perd tout droit à l’indemnité ainsi que sa pension alimentaire pendant la période de la retraite. Ceci a poussé le tribunal de cassation égyptien, dans une décision non publiée, à accorder une indemnité importante à la femme divorcée qui s’est dévouée à son ménage au lieu de travailler. Il s’agit d’une indemnité de perte de gain pendant le mariage.
Depuis 2000, le gouvernement fait des efforts pour s’attaquer à l’inégalité dont souffrent les femmes en matière d’accès au divorce. Cependant, les réformes n’ont pas fondamentalement gommé les inéquations qui existent en ce domaine. Bien que l’introduction du divorce sans faute ait clairement permis à certaines de divorcer plus facilement, les femmes doivent toujours renoncer à bon nombre de leurs droits si elles choisissent cette option. Parce qu’elles doivent renoncer à leurs droits sur tous les biens de la communauté et à tout soutien ultérieur, cette option ne vaut que pour les femmes qui ont 146
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des ressources financières importantes ou pour celles qui veulent divorcer envers et contre tout.
2. La Turquie : un modèle ambivalent
La Turquie est un pays où le statut des femmes est contrasté, où il est rare que la femme moderne et émancipée des grandes villes croise la femme rurale de l’Anatolie, encore sous le joug des coutumes patriarcales. Cette disparité de droit s’explique tant par l’histoire de chaque communauté que par la permanence de cultures profondément ancrées dans les milieux pauvres et ruraux. Certaines traditions héritées de la Sharia de l’Empire ottoman subsistent malgré leur interdiction légale (la polygamie par exemple) et le respect de dispositions coutumières et de pratiques découlant d’une formalisation du droit musulman hanéfite (chaféite pour les Kurdes) continue de dicter strictement la condition des femmes dans les campagnes des régions sud et sud-est, marquée par les crimes d’honneur, les mariages forcés et précoces, le non accès à l’éducation ....27 2.1 Le code civil et la prégnance du droit musulman Le cas de la Turquie est donc unique dans le monde musulman, puisqu’il oppose un code de la famille datant de 1926 inspiré du code civil suisse, bannissant la polygamie et affirmant l’égalité des sexes en matière de divorce, d’héritage et de droit de garde des enfants à des traditions toujours vivaces qui pèsent souvent plus sur la vie des femmes que les règles édictées par la loi. Avant même l’arrivée au pouvoir de Mustafa Kemal, un processus de sécularisation des institutions et de certains secteurs du droit ottoman était déjà perceptible à la fin du XIXème siècle. Outre le fait qu’une partie du droit public échappait déjà à l’emprise des principes sharaïques par le biais de dispositions coutumières codifiées dès le XVème siècle, 27- Chez les Kurdes de Turquie comme d’Irak, la guerre a renforcé la structure patriarcale en affirmant le rôle supérieur des hommes. Le statut de la femme a souvent été pris en otage par la lutte menée par le PKK contre le gouvernement turc et le projet de turquisation des populations kurdes, l’application des règles sunnites représentant un des emblèmes de l’affirmation d’une identité kurde en opposition aux principes laïcs de la Constitution turque.
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l’entrée de la Turquie dans l’ère des réformes (tanzimat) devait se traduire progressivement par une diminution soutenue du droit islamique dans l’ensemble normatif turc. C’est ainsi qu’en 1876, l’adoption du nouveau code civil, le Mecelle, allait consacrer la naissance de tribunaux non religieux, les Nizami28. Le même texte faisait passer les tribunaux sharaïques compétents en matière de statut personnel sous la tutelle du Ministère de la Justice et non plus sous celui de la Sharia.
Le 17 février 1926, un nouveau code civil fut adopté. Le nouveau texte était la réplique du code suisse avec quelques retouches (maintien du régime islamique de séparation des biens des époux, possibilité d’opter pour d’autres régimes, âges légaux revus à la baisse…). Le code turc prévoit dans son article 84 une contrepartie financière au titre de compensation en cas de rupture de fiançailles sans motifs justes ou suite à un fait imputable à l’un des deux fiancés. A l’instar des législations européennes du XIXème et du début du XXème siècle, le droit de la famille turc a longtemps accordé une place prépondérante à l’homme au sein de la famille. Le code civil, tout en consacrant une certaine égalité des sexes devant le mariage dans l’exercice de la puissance paternelle en ce qui concerne l’entretien et l’éducation des enfants, en matière de divorce, a toujours reconnu à l’homme, au mari, au père, une prééminence indéniable. Entre autre, le mari était habilité de façon expresse ou tacite à donner son consentement à ce que son épouse exerce une activité professionnelle, quant à elle, autorisée par le juge à exercer son emploi s’il est établi qu’il en allait de l’intérêt même de la vie conjugale ou familiale (art. 159).
28- Dès octobre 1917, le gouvernement Jeune Turc transformait l’acte du mariage en un acte public nécessitant la présence d’un représentant de l’Etat, relevait l’âge du mariage pour la fille et pour le garçon, créait une procédure de divorce devant un juge civil et instaurait la possibilité d’inclure des clauses sur la monogamie et le droit au divorce.
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2.2 L’influence des dispositions coutumières Le droit musulman s’est imposé à la Turquie dans sa version hanéfite29, réputée plus libérale à l’exception des zones kurdes (Kurdistan), où la version chaféite est majoritaire, et des zones de peuplement azéri, chiite duodécimain. Malgré les avancées législatives du kémalisme, l’islam n’a cessé d’être instrumentalisé par les opposants politiques à un projet laïc. Dès 1945 et l’introduction du multipartisme, le parti républicain tentait d’utiliser l’islam comme une arme contre les libéraux. Certaines interdictions furent levées : les pèlerins purent retourner à la Mecque, l’instruction religieuse fut réintroduite… Les années 50 virent un redéploiement du sentiment religieux. Dans les campagnes surtout tenues à l’écart des apports bénéfiques du kémalisme, l’islam et les traditions perdurèrent. Les ordres sufis, bien que dissous, n’ont jamais cessé d’y exercer une influence non négligeable30. Le droit musulman prévoit la constitution d’une dot (mehir en turc) ou douaire islamique, qui revient à l’épouse et dont elle peut disposer comme bon lui semble. Il s’agit souvent de dons en or. Parallèlement, la tradition ottomane a conservé la pratique du baslik, une somme d’argent, de terrains, ou de bétail donnée directement au père de la mariée31. Il est commun que ces deux types de dot soient 29- En plus des quatre sources majeures du droit islamique (le Coran, la Sunna, le consensus (‘ijmâ) et le raisonnement analogique (qiyas)), les hanéfites reconnaissent comme sources complémentaires annexes le recours à l’opinion personnelle (ra’y), dite aussi choix préférentiel (istihsân), ainsi que l’opinion du compagnon Prophète (madhab as sahâbî). Ils admettent également que certaines lois en vigueur chez les gens du livre avant l’avènement de l’islam, et mentionnées par le Coran ou la Sunna, s’appliquent aux musulmans (la loi du talion par exemple). L’école hanéfite de jurisprudence (Turquie, anciennes provinces de l’Empire ottoman, Irak, Afghanistan, Inde…), n’est à l’origine qu’une dénomination générique d’un système juridique irakien (l’école de Kûfa), opposé à l’école de Médine plus traditionaliste dont se réclament à la fois le rite malékite (Maghreb) et le rite chaféite (Egypte, Syrie, Afrique noire…). Voir à ce sujet J. N. Coulson : Histoire du droit islamique, Paris, PUF, 1995, 234 p. 30- Cette présence plus ou moins directe de l’islam a certainement influencé le rite du mariage. Il convient néanmoins de discerner ce qui, concernant le mariage, est dicté par le droit musulman et les dérives d’un islam confrérique populaire enraciné dans la tradition rurale de ce qui est imposé par des traditions ancestrales et de définir ces dernières.
31- Dans le cas d’un mariage au sein d’une même famille, le baslik n’a plus lieu d’être puisque le mariage ne dépossèdera pas la famille de la fille. Cette exception au baslik explique, parmi d’autres données, la tendance fréquente des mariages endogamiques au sein d’une même famille, d’un même clan dans les structures tribales de l’Anatolie.
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réclamés lors d’un mariage, le baslik devant être payé en premier32. N. Weiber remarque qu’ «aujourd’hui, il semblerait que le baslik soit en passe d’être abandonné au profit du mehir qui gagne ses lettres de noblesse. C’est comme si progressivement on assistait à un glissement d’une pratique coutumière et profane, jugée dégradante, vers une pratique religieuse qui, de par la nature même de ses origines, revêt un caractère incontestable.» 2.3 Le principe d’égalité dans la réforme du code civil : A la suite de la déclaration des Nations Unies de 1975 sur les droits de la femme et de la naissance des mouvements féministes occidentaux des années 1970, plusieurs mouvements pour la défense des droits des femmes ont été créés en Turquie et ont multiplié leurs actions de 1982 à 1990, faisant du thème du droit des femmes un volet de l’agenda national. Les amendements constitutionnels d’octobre 2001 ont institué l’égalité des hommes et des femmes, garantie par l’article 41 de la Constitution. En novembre 2001, le Parlement approuvait une révision du Code civil qui est entré en vigueur le 1er janvier 2002.
La nouvelle loi affirme le principe d’égalité selon lequel l’homme n’est plus uniquement considéré comme le chef de famille et perd le droit de décider du lieu de vie de la famille. Le nouveau code civil, en abrogeant le statut inférieur de la femme au sein de la famille prévu par l’ancien code civil de 1926 consacre un nouveau rôle de la femme dans la famille. Plusieurs organisations ont souligné « ces changements révolutionnaires » et « les profondes répercussions sur la vie des femmes en Turquie»33.
32- La pratique de la dot (baslik ou mehir) est catégoriquement refusée par les Alévis qui y voient une transaction matérielle ayant pour objet central la femme. Concernant la dot (baslik ou mehir), il est nécessaire de souligner que son montant augmente si la femme est à l’étranger et permet à l’homme de s’établir à l’étranger. Dans ce cas, elle peut atteindre 25 000 euros. Au contraire, une famille vivant en France par exemple, déboursera peu pour une bru venue de Turquie. 33- Femmes pour les droits des femmes (WWHR, Istanbul), Women’s eNews, 13/01/2002, MEI, 11/ 01/2002.
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Désormais, la loi Turque reconnaît à la femme, en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l’homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité. Elle lui reconnaît en particulier des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l’administration des biens et leur accordent le même traitement à tous les stades de la procédure judiciaire. La loi relative à l’impôt sur le revenu a été modifiée en 1998, ce qui permet aux femmes mariées de déclarer indépendamment leurs revenus. En vertu de l’article 186 du nouveau Code civil, les époux prennent ensemble les décisions concernant l’union matrimoniale et participent aux dépenses de la famille dans la mesure de leurs moyens. Cette disposition remplace et annule le principe, énoncé dans l’ancien Code, selon lequel le mari, en tant que chef de famille, était responsable de l’entretien du ménage et de ses membres, en particulier sa femme et ses enfants. L’égalité des droits et des devoirs des femmes et des hommes pendant le mariage subsiste aussi en cas de divorce. Le Code parle de rupture irrémédiable de l’union matrimoniale pour désigner toute une série de difficultés qui peuvent conduire l’un ou l’autre des conjoints à demander le divorce (art. 166). En outre, la loi définit des situations particulières (adultère, maladie mentale, mauvais traitements, crime infamant, etc.) qui peuvent constituer des motifs de divorce. La loi règle sans discrimination les questions liées aux pensions alimentaires (art. 175 et 178) et une indemnité éventuelle en cas de dommage potentiel ou réel dû au divorce (art. 174 et 176). Elle reconnaît les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux. Les conjoints ont des droits égaux en ce qui concerne les questions liées au domicile familial (art. 194). Ni l’un ni l’autre ne peut annuler un bail relatif à ce domicile, transférer la propriété du logement ni limiter des droits concernant le domicile sans le consentement de l’autre. Le droit à ce sujet de celui des conjoints qui n’est pas le propriétaire légal du domicile familial est garanti par la loi. Les femmes, sans restriction, peuvent acheter, gérer et vendre des biens ou des marchandises. 151
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Le nouveau Code civil aborde la famille et le rôle des femmes au sein de la famille sous un angle nouveau afin de cerner le niveau le plus élémentaire où les discriminations ne cessent de se perpétuer. Le nouveau texte établit l’égalité entre les conjoints de plusieurs façons: la notion de l’homme chef de l’union conjugale est remplacée par celle de partenariat dans l’égalité dans lequel les conjoints gèrent l’union matrimoniale par des décisions égales qui s’imposent, les conjoints ont des droits égaux concernant le domicile familial et ils ont des pouvoirs de représentation égaux34. 2.4 L’innovation dans le partage des biens L’innovation la plus importante concerne les régimes de biens acquis dans le mariage (art. 218 à 241). Il existe quatre régimes de biens: le régime de la communauté réduite aux acquêts (le régime légal normal dans le nouveau Code), la séparation de biens (art. 242 à 243), la séparation des biens communs (art. 244 à 255) et la communauté (art. 256 à 281). Les deux derniers régimes existaient déjà dans l’ancien Code. A l’exception du dernier, ces régimes nécessitent un partage des biens communs en cas de divorce.
Le régime légal dans l’ancien Code était celui de la séparation de biens. Il reconnaissait la propriété individuelle des biens enregistrés au nom de chacun des époux. Après le divorce, par conséquent, chacun d’eux conservait les biens qui lui appartenaient avant le mariage et ceux qu’il avait acquis en son nom propre pendant la durée de l’union matrimoniale. Étant donné qu’en Turquie, habituellement, ce sont le plus souvent les hommes qui sont propriétaires des biens de la famille, en cas de divorce, ce régime faisait que les femmes y perdaient souvent beaucoup. Le régime légal de propriété adopté dans le nouveau Code civil est celui de la communauté réduite aux acquêts (art. 218 à 241). Ce régime a pour effet que la valeur ajoutée acquise par tous les
34- En vertu de l’article 186 du nouveau Code civil, les époux prennent ensemble les décisions concernant l’union matrimoniale et participent aux dépenses de la famille dans la mesure de leurs moyens. Cette disposition remplace et annule le principe, énoncé dans l’ancien Code, selon lequel le mari, en tant que chef de famille, était responsable de l’entretien du ménage et de ses membres, en particulier sa femme et ses enfants.
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biens acquis pendant le mariage est partagée également en cas de divorce. En adoptant un régime matrimonial égalitaire, le nouveau Code non seulement reconnaît l’apport financier des deux époux à leur union mais aussi la valeur du travail physique et moral qui est consacré à l’entretien quotidien de la famille. Le nouveau régime des biens reconnaît donc le travail non rémunéré de la femme au foyer. Il s’applique aux couples qui ne choisissent pas d’autre régime par contrat avant ou après le mariage. Donc, le nouveau régime renforce non seulement la sécurité économique des femmes mais aussi leur confiance en elles et les moyens à leur disposition.
Pour ce qui est de l’héritage, l’époux survivant reprend sa part des biens communs conformément aux règles qui s’appliquent au régime du couple. La partie restante des biens est divisée entre les héritiers conformément à la loi (art. 499). Le droit turc prévoit que les enfants, garçons ou filles, ont un droit égal à la succession de leurs parents. Les femmes ont les mêmes droits que leurs frères, et ces droits sont garantis par la loi et ne peuvent pas être révoqués, même par disposition testamentaire (art. 498). Les enfants adoptifs ont les mêmes droits que les autres (art. 500). L’article 661 donnait aux enfants mâles la priorité concernant l’héritage des terres agricoles pour empêcher le morcellement des propriétés mais sa révision a éliminé l’une des dispositions les plus discriminatoires du droit successoral. La nouvelle loi ne distingue ni fils ni fille. Les étrangers mariés à des Turcs ont droit à la même part d’héritage que s’ils étaient eux-mêmes turcs Le couple peut toujours changer de régime en signant un contrat entre eux. Le changement de régime s’effectue : i) avec un contrat (le couple signe un nouveau contrat devant notaire ; ii) par décision du tribunal (suite à la demande justifiée d’un des conjoints) Les groupes de biens dans le régime de participation aux biens acquis sont constitués par les «biens propres» et «biens acquis». Les biens acquis comprennent : i) le salaire et la rémunération ; ii) tous versements effectués par 153
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des organismes de sécurité sociale ; iii) l’indemnité reçue en cas d’invalidité ; iv) les revenus provenant de biens personnels (loyers, intérêts) ; iv) les valeurs remplaçant les biens acquis. Les biens propres se composent de : i) tout objet à utilisation individuelle ; ii) les biens acquis avant le mariage ; iii) tout bien hérité ou acquis par donation avant le mariage ; iv) les dommages et intérêts matériels ; v) toute valeur remplaçant des biens personnels.
La liquidation de la participation aux biens acquis se fait par la séparation des biens de chacun ; la détermination des biens propres et les biens acquis par chacun des conjoints ; iii) S’il y a lieu, on fait la compensation entre les biens propres et les biens acquis ; iv) Pour chacun, on détermine la plus-value : chaque conjoint a droit à la moitié de la plus-value, et chacun garde ses biens propres. Encadré 1 : Les types de régimes matrimoniaux Le régime légal Si le couple n’a pas opté avant ou après le mariage pour le régime sélectif inscrit dans la loi concernant la gestion et le partage de patrimoine, le couple est automatiquement soumis au régime légal. Il est reconnu au couple le droit de choisir un des régimes matrimoniaux inscrits dans la loi. Mais si le couple n’a pas fait de contrat ou n’a pas utilisé le droit de choisir un des régimes, il est soumis au régime légal sans nécessiter aucune opération. Le régime matrimonial inscrit dans le nouveau code civil entré en vigueur le 1er janvier 2002 est un régime de partage des biens nouvellement acquis. Dans l’ancien code civil, le régime légal était la séparation des biens. Le régime matrimonial sélectif : Le régime matrimonial sélectif est un régime que le couple peut choisir dans les limites inscrites à la loi en faisant un contrat de biens. Dans le nouveau code civil, à l’intérieur du régime sélectif, on trouve : 1) la séparation des biens 2) la séparation des biens à partager 3) la communauté des biens 154
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Le contrat de mariage : C’est un contrat que les couples choisissent parmi les régimes sélectifs inscrits dans la loi. Il est possible de choisir la séparation des biens ou la séparation des biens à partager ou la communauté des biens. Si aucune sélection (choix) n’est faite, le couple est soumis au régime légal. Le contrat est fait : 1) pendant le recours pour le mariage 2) avant le mariage 3) après le mariage 4) le contrat fait avant ou après le mariage est établi ou certifié par un notaire. Le régime matrimonial sans partage : Ce régime constitue un régime où aucune modification ne saurait se produire sur le patrimoine de chacun des membres du couple, ni sur sa gestion, ni sur son usufruit et où aucun partage ne pourra se réaliser, une fois le mariage terminé. Les régimes matrimoniaux avec partage 1) participation aux biens acquis 2) la séparation de biens avec partage 3) la communauté de biens La réforme du Code civil turc, en 2002, représente une avancée importante vers l’élimination des dispositions du droit qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et l’adoption d’une conception égalitaire des relations familiales et des relations entre hommes et femmes. La nouvelle loi, non seulement étendra les droits des femmes et améliorera leur position en droit, mais aussi, à longue échéance, modifiera les mentalités, les coutumes et les pratiques qui sont discriminatoires à l’égard des femmes. Mais malgré l’entrée en vigueur de ce nouveau code civil représentant une étape décisive pour les droits de la femme et vers l’égalité des sexes, la question des discriminations sexuelles et des violations des droits de la femme demeure un thème essentiel dans une société où les coutumes traditionnelles ont historiquement contrôlé la vie des femmes et accordé aux membres masculins de la 155
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famille le droit de prendre les décisions touchant la vie des membres féminins de la famille.
3. La Tunisie ou le modèle écorné La situation de la femme tunisienne au sein de la famille est en évolution constante à la faveur des réformes législatives de juillet 1993 et des lois promulguées en 1998. Les droits de la femme y ont été sensiblement renforcés (même quand elle est encore mineure) en tant que mère, en tant qu’épouse et en tant qu’individu. Le Code du Statut Personnel -CSP- se veut un code qui organise la famille tunisienne sur la base de l’égalité juridique entre l’homme et la femme et de la moralisation de la relation conjugale au sein de la famille et de la société35. Le CSP a été plusieurs fois amendé en vue de tenir compte de l’évolution de la société tunisienne. Les amendements introduits en 1993, ont modifié en profondeur la nature des rapports conjugaux et des relations familiales en consacrant davantage le principe de l’égalité entre l’homme et la femme et en consolidant les fondements d’une gestion démocratique de la famille. Sa participation dans la prise de décision a été consolidée dans le mariage et après le divorce. Le législateur tunisien est animé de la volonté constante de protéger les droits et les acquis des femmes et ce, dans le souci de permettre aux réformes engagées de s’inscrire dans la durée, de manière à préparer le terrain, dans une étape ultérieure, pour de nouvelles réformes. Toutefois, l’image de modernité et d’émancipation féminine forgée à 35- Le CSP stipule notamment : l’abolition de la polygamie (le non-respect est passible de sanction pénale) ; l’institution du divorce judiciaire, l’interdiction de la répudiation et l’octroi aux deux époux du droit au divorce ; la limitation à 17 ans de l’âge légal pour le mariage de la jeune fille sous la condition de son consentement ; la femme peut ester en justice et être assignée en son propre nom, elle a les mêmes possibilités d’accès aux services judiciaires au même titre que l’homme ; l’octroi à la mère, en cas de décès du père, du droit de tutelle sur ses enfants mineurs ; l’institution, en matière d’héritage, du legs obligatoire en faveur des enfants de la fille en cas de décès de celleci avant son père; la loi du retour : la fille unique hérite tout le patrimoine de ses géniteurs.
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partir du cadre juridique existant et des indicateurs de développement élaboré par des institutions comme les Nations Unies ou par le propre gouvernement tunisien, présente des discordances - distorsions avec la situation réelle que vivent les femmes en Tunisie. Il est vrai que, par rapport à d’autres pays musulmans, le système législatif tunisien est très avancé. S’ajoute à cela l’existence d’une volonté politique affirmée en faveur du progrès des femmes, qui se reflète dans l’existence d’institutions solides qui réalisent un travail non négligeable en faveur de l’équité. Il est vrai également que les indicateurs présentent des résultats positifs. Néanmoins, il y a nécessité d’aller au delà de ces données pour découvrir la complexe réalité d’une société qui depuis des décennies tente de conjuguer modernité et tradition y fait de l’équilibrisme entre l’ouverture à l’occident, la conservation de l’identité arabo-musulmane et la répression du fondamentalisme. A côté de lois qui encore aujourd’hui sont révolutionnaires dans le contexte des pays musulmans, persistent en Tunisie des normes écrites qui perpétuent certains aspects de l’inégalité et de la discrimination des femmes. Par ailleurs, dans les pratiques et les coutumes de la société tunisienne existent également des aspects qui s’opposent à la prétendue émancipation des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes 3.1. Le Code de statut personnel et l’égalité formelle. La Constitution tunisienne dans son article 6 établit que « Tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi » D’autre part, la Tunisie fait partie de l’Organisation des Nations Unies et par conséquent, elle est concernée par les principes de la Charte Fondamentale que nous évoquions plus haut. En plus de cela, elle a souscrit à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981, également citée anterieurement. Elle est aussi Etat signataire et a ratifié la Convention pour l’Elimination de tous type de Discrimination contre les Femmes (1), ce qui en fait une normative nationale. 157
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Le 13 août 1956 a vu la promulgation du Code de Statut Personnel applicable à toute la population. Ceci s’est produit trois ans avant l’approbation de la Constitution en juin 1959. Le fait que le pouvoir politique ait commencé par organiser le statut des femmes dans la famille avant d’édicter une constitution qui organise l’Etat est signe de que, plus que les hommes, les femmes ont été et continuent d’être le point de focalisation de la tension entre tradition et modernité. Dans le Code ont été éliminées les discriminations les plus flagrantes contre les femmes, comme la polygamie et la répudiation, en faisant référence au principe de Ijtihad (réinterpretation progressiste des textes). De cette manière, ce Code s’est converti en le plus avancé du Maghreb quant à la reconnaissance des droits des femmes. Toutefois, l’article 23 du Code du statut personnel est discriminatoire envers les femmes, en ce sens qu’il cantonne les femmes à un rôle passif et dépendant dans la famille, à la fois en tant qu’épouse et en tant que mère. En outre, l’autorité du mari au sein de la famille se traduit par le fait que c’est lui qui détermine le domicile familial et le nom de famille. En Tunisie, le législateur a procédé par des touches successives caractérisées par l’atténuation des pouvoirs du chef de famille, mais aussi par la bilatéralisation des obligations issues du mariage. Certaines obligations dans le Code tunisien impliquent une égalité parfaite entre les époux, tandis que d’autres n’ont été bilatéralisées qu’imparfaitement. Par exemple, l’article 40 permet à l’épouse d’exiger le divorce, si le mari s’absente sans lui assurer d’aliment, abstraction faite de ses revenus personnels qui peuvent être amplement suffisants pour subvenir à ses besoins matériels. L’article 39 du même code partage, lui aussi, cette fixation sur le chef de famille pourvoyeur de subsides ; puisqu’il permet à l’épouse de l’indigent, dont les difficultés économiques durent plus que deux mois, d’obtenir le divorce. 158
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Ces deux textes mitoyens, s’inspirent indubitablement du Droit Musulman qui se fonde sur l’obligation alimentaire à la charge de l’époux parce que l’épouse se consacre au foyer pour son compte et celui de ses enfants et parce que l’autorité du mari, «qawwam» et sa prééminence, «daraja» sur sa femme dépendent de l’entretien matériel par lui de celle-ci selon les termes mêmes du Coran.
Ces textes sont en contradiction avec le fait que la femme investit depuis long temps le domaine du travail rémunéré hors du foyer conjugal et que la réforme de 1993 elle même a éliminé l’obligation d’obéissance qui pesait sur elle. De plus, la nouvelle rédaction de l’article 23 du C.S.P affirme désormais clairement que « la femme doit contribuer aux charges de la famille si elle a des biens ». Ce qui revient, aux dires de la doctrine à « ouvrir une brèche dans la suprématie du mari ». Des efforts importants consacrés par la Tunisie à l’avancement des droits des femmes, que ce soit d’un point de vue juridique ou en pratique, les femmes ne jouissent pas pleinement de leurs droits fondamentaux à l’égal des hommes. De fait, dans tous les domaines de la vie, les femmes sont encore victimes de lois et de pratiques discriminatoires, et ce en raison de nombreux facteurs, notamment la persistance d’une société traditionnellement dominée par les hommes. Au regard de l’article 67 du Code du statut personnel, amendé par l’Acte 93-74 daté du 12 juillet 1993, le père est le premier responsable de l’entretien de ses enfants. Une mère divorcée ayant la garde de l’enfant ne bénéficie que des prérogatives d’un tuteur en matière de voyages, d’éducation de l’enfant et de gestion de ses réserves d’argent. Une femme jouit du plein droit de tutelle uniquement en cas de décès du père, ou si celui-ci est dans l’incapacité d’exercer son droit de tutelle. En outre, des magistrats ont refusé d’accorder à des femmes accompagnées d’enfants mineurs, l’autorisation de quitter le pays au nom de la Sharia, qui désigne le père comme chef de famille et requiert la permission de ce dernier pour que les enfants puissent partir en voyage. 159
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Le droit de succession, régi par la Sharia et par la tradition, est lui aussi discriminatoire à l’encontre des femmes. L’article 192 du Code du statut personnel prévoit que la part d’héritage reçue par un garçon doit être le double de celle d’une fille. Le Code du statut personnel a institué le divorce juridique au titre de l’article 30. L’égalité des époux pour la demande de divorce a été établie à travers l’article 31 du Code du statut personnel. D’après cet article, les époux ont le choix entre trois formes de divorce : par consentement mutuel, pour mauvais traitements, pour incompatibilité. 3.2 Formes de divorce et régime matrimoniale Le Code du statut personnel a institué le divorce juridique au titre de l’article 30. L’égalité des époux pour la demande de divorce a été établie à travers l’article 31 du Code du statut personnel. D’après cet article, les époux ont le choix entre trois formes de divorce : par consentement mutuel, pour mauvais traitements, pour incompatibilité.
Bien que le premier texte du Code de Statut Personnel contenait déjà les innovations les plus importantes, il fut amendé en diverses occasions sous le mandat de Bourguiba et de Ben Ali. ans tous les cas, le résultat de cette tentative de moderniser sans provoquer une véritable rupture avec la tradition a donné lieu à la coexistence de toute une série d’aspects contradictoires entre eux, aussi bien au niveau des lois comme dans la société. Ainsi, malgré les modifications et avancées par rapport au texte de 1956, se maintiennent des principes qui n’ont pas été modifié à ce jour, comme l’inégalité de l’héritage entre les hommes et les femmes.
‹ L’héritage : Le droit de succession, régi par la Sharia et par la tradition, est lui aussi discriminatoire à l’encontre des femmes. L’article 192 du Code du statut personnel prévoit que la part d’héritage reçue par un garçon doit être le double de celle d’une fille. A égal niveau de parenté, les femmes reçoivent la moitié de la part correspondant aux hommes. Ainsi, par exemple, un frère hérite le double de ce que 160
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reçoit sa soeur. L’inégalité formelle en matière d’héritage est encore aggravée par des pratiques discriminatoires puisqu’il existe des cas de renoncement par les femmes ou d’appropriation par leurs parents hommes de la part d’héritage qui, par loi, revient aux femmes. Cette pratique est qualifiée de “spoliation contraire aux lois musulmanes” et relève que , dans le monde rural, est considéré comme une offense à ses frères et le reste de ses parents masculins le fait que les femmes réclament leur part d’héritage. ‹ La dote : Le Code maintient la dote dans le sens du prix de la fiancée. La dote est une institution très ancienne propre non seulement au monde musulman mais à l’ensemble de la société méditerranéenne. En son temps, la dote pouvait avoir une fonction de protection des femmes en leur permettant de disposer librement d’une certaine quantité d’argent ou de biens. Quoiqu’il en soit, la dote implique une idée du mariage comme forme d’achat par un homme d’une femme assimilable à une marchandise que l’on peut évaluer en argent. Ainsi, le maintien de la dote porte atteinte à l’égalité entre les hommes et les femmes et à la dignité humaine. Ainsi, la dot est encore inscrite dans le Code du statut personnel comme une obligation, que le père est encore le chef de famille, que la succession est encore régie par le droit islamique – attribuant les deux tiers des biens à l’homme contre un tiers à la femme –, que les responsabilités en matière d’entretien des enfants reviennent en premier lieu au père, et qu’un écart subsiste entre l’âge légal de mariage des femmes et celui des hommes. 3.3 Le Code de statut personnel: une reconnaissance des droits économiques de l’épouse ou une égalité formelle ? Le droit des femmes de posséder, d’acquérir, de garder et de céder des biens est reconnu par le Code des Obligations et des Contrats ainsi que le Code des droits réels. Ces codes n’opèrent aucune discrimination relative au sexe en matière de possession, d’acquisition, de gestion ou de cession des biens. Aux termes de la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993 portant amendement du CSP, les droits 161
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et les devoirs des époux au sein de la famille ont subi d’importantes modifications sur la base de la consécration des principes d’égalité et de co-responsabilité. La place accordée à l’épouse au sein de la famille est valorisée en ce sens que celle-ci acquiert de plus en plus le droit d’intervenir dans la prise de décision concernant la gestion des enfants et de la famille. L’amendement de l’article 23 introduit une innovation majeure, à savoir l’obligation faite à l’épouse de contribuer aux charges de la famille, découlant de la reconnaissance du nouveau rôle de la femme en tant qu’acteur économique. Désormais, l’épouse intervient au sein de la famille en tant que promotrice de ressources économiques. Toutefois, les deux conjoints n’ont pas les mêmes devoirs économiques36.
L’article 24 du CSP consacre la séparation des biens entre époux. Les femmes disposent de leurs biens acquis pendant le mariage dans les mêmes conditions que leurs époux. Suite aux décisions adoptées lors d’un conseil ministériel restreint, présidé par le Chef de l’Etat et consacré au plan d’action national pour la famille, le 5 avril 1996, les caisses nationales de sécurité sociale ont été invitées, dans une circulaire en date du 9 mai 1996, à permettre aux époux de contracter, chacun de son côté, un prêt pour un même logement familial, et ce, afin d’encourager l’option pour le régime de la communauté des biens. Toutefois, l’article 23 du Code du statut personnel est discriminatoire envers les femmes, en ce sens qu’il cantonne les femmes à un rôle passif et dépendant dans la famille, à la fois en tant qu’épouse et en tant que mère. En outre, l’autorité du mari au sein de la famille se traduit par le fait que c’est lui qui détermine le domicile familial et le nom de famille.
36- Si le mari demeure le principal pourvoyeur économique, l’obligation économique faite à l’épouse n’est contraignante que si celle-ci a des ressources propres. Cette situation est justifiée par les réalités économiques nationales qui font ressortir, selon le recensement national de 1994, que la population féminine active ne constitue que 24% de la population active totale. Néanmoins, le rôle de la femme dans le développement des ressources économiques de la famille est de plus en plus ressenti dans la conscience collective.
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3.4 La loi sur la communauté des biens entre époux Pour encourager l’accès des femmes mariées à la propriété, le législateur a promulgué une loi organisant le régime de la propriété commune entre conjoints, en adéquation avec les nouveaux rapports de co-responsabilité et de partenariat régissant le couple, tels que stipulés dans l’article 23 nouveau du CSP. Le régime de la communauté des biens est un régime facultatif ; en outre, il ne s’applique pas à la procédure successorale. L’article 3 précise en effet, que ce régime « intervient sans préjudice des règles de la succession ». De même la loi précise dans son article 7 que « le mariage conclu sans la mention de l’option des deux époux concernant le régime des biens matrimoniaux est présumé consacrer le choix du régime de la séparation des biens. » Cette loi, instaurant pour la première fois en droit positif tunisien un régime de communauté des biens entre époux, en dérogation du régime légal et principal de la séparation des biens ; se caractérise essentiellement par son aspect facultatif et volontaire, aussi bien quant au moment de l’option pour ce régime (les époux peuvent opter au moment de la conclusion du contrat de mariage ou à une date ultérieure), que quant aux biens pouvant faire l’objet de cette option (immeubles uniquement, ou tous les biens meubles et immeubles...), et à la possibilité de dissoudre ce régime par l’accord exprimé des deux parties.
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Encadré 2 : La loi n° 98-91 du 9 novembre 1998 relative au régime de la communauté des biens entre époux : Article 1 : “Le régime de la communauté des biens est un régime facultatif pour lequel les époux peuvent opter au moment de la conclusion du contrat de mariage ou à une date ultérieure. Ce régime a pour but de rendre un immeuble ou un ensemble d’immeubles propriété indivise entre les époux lorsqu’ils sont propres à l’usage familial”.
Article 2 : “Lorsque les époux déclarent qu’ils choisissent le régime de la communauté des biens, ils seront soumis aux dispositions de cette loi, toutefois, il leur appartient de convenir de l’élargissement du domaine de la communauté à condition d’en faire mention expresse dans l’acte.” Cette loi veut s’inscrire dans le cadre de l’approche du législateur tunisien en matière de politique familiale, qui consacre le principe du partenariat entre époux. En effet, les époux qui ont, depuis la loi du 12 juillet 1993 portant amendement du Code de Statut Personnel (article 23) l’obligation de coopérer entre eux, pour la bonne gestion des affaires du foyer, et de contribuer aux dépenses de la famille par leurs propres ressources, (notamment l’épouse) doivent normalement se faire autoriser une coopération financière et immobilière égalitaire en matière de propriété37. La loi sur la communauté des biens entre les conjoints procède d’une approche novatrice et introduit de nouvelles normes juridiques et sociales en matière d’accès à la propriété.
37- C’est précisément le but visé et atteint par la loi du 30 novembre 1998 qui énonce au paragraphe 2 de son premier article que “ce régime a pour but de rendre un immeuble ou un ensemble d’immeubles propriété indivise entre les époux lorsqu’ils sont propres à l’usage familial.”
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Chapitre 7 : Al Kad ou S’aya : une référence juridictionnelle ? La norme définie par le droit marocain en ce qui concerne le régime patrimonial des époux, et qui tire sa légitimité de la shari’a établit l’indépendance de chacun des époux dans la gestion de ses biens. Il découle de ce précepte plusieurs conséquences dont la principale est que : ‹ l’époux n’exerce pas de tutelle sur les biens de son épouse,
‹ tout ce que chaque époux a acquis grâce à son effort ou à ses ressources est considéré comme une propriété nette de celui-ci,
‹ si l’époux a fructifié les biens de son épouse et l’a associé à ses biens et qu’il a acquis des biens par ce bais, il en découle que les ressources financières sont communes et se répartissent entre eux selon l’apport de chacun, ‹ si l’époux a gérer le patrimoine de son épouse et l’a fructifié sans l’associer à son patrimoine propre, le capital constitué reste une propriété de l’épouse, quant à l’époux, il bénéficie de sa part telle qu’elle a été définie contractuellement ; sa part est évalué selon son apport au par les experts.
1 Signification du concept
Le droit coutumier appelé Al Kad ou S’aya a suscité entre les fouqahas marocains un grand débat. Ils ont tenté à travers leurs avis inspirés du fiqh et leurs fatwas enraciner dans ces us et coutumes rattachés à ce droit, chercher son origine, discuter sa nature, évaluer son adéquation (correspondance), aux jugements de la chari’a. Ce qui exige une réflexion sur sa finalité, ses éléments constitutifs et sa métamorphose juridique. Le droit Al Kad ou S’aya est considéré comme une des coutumes répandues dans certaines régions marocaines et il correspond à ce que reçoit le S’aai en contrepartie de son travail dans la formation et 165
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la mise en valeur d’un capital, et qui est l’équivalent de l’effort fourni dans cette activité. Pour que ce droit soit reconnu, des conditions doivent être remplies.
Le droit Al Kad ou S’aya est reconnue auprès de la population des régions de l’Anti atlas et les plaines qui l’entourent et dans certains régions du Haut Atlas sous le nom amazigh de « Tamazalt ». Ce terme amazigh est tiré du verbe « Azal », qui signifie chercher (S’aa) ou courir (J’ara). D’où l’appellation de ce droit dans le fiqh marocain écrit en langue arabe, de droit d’Al Kad ou S’aya. Le Kad est un terme qui renvoie à l’effort dans le travail, la recherche du gain et de la richesse, la persistance dans l’acquisition d’un bien, la pénibilité dans le travail, ce qui a conduit quelques uns à appeler ce droit, le droit rattaché à la pénibilité. Quant à S’aya elle désigne l’acte de celui qui s’active, qui agit, pour acquérir un bien ou réaliser un gain. Deux versets coraniques font référence à la S’aya
«Oui, l’Heure approche ; - Je veux la tenir secrète- pour que chacun soit rétribué d’après ses actes» Sourate Taha ; Verset 15
« L’homme ne possédera que ce qu’il aura acquis par ses efforts. Son effort sera reconnu et il sera, ensuite, pleinement récompensé » Sourate L’étoile ; Versets 39,40
Aussi, S’aya renvoie à ce que chaque personne acquiert en contrepartie de son effort et de son action, elle est donc en rapport ou en équivalence avec le travail, que ce soit pour constituer un capital quand il n’existe pas ou pour la mise en valeur d’un capital existant constitué par les personnes qui en sont les propriétaires ou par d’autres personnes qui le confient à autrui pour le fructifier, l’élargir, en bénéficier. Les droits des personnes qui ont déployé cet effort ne porte pas sur le patrimoine dans sa totalité, il s’applique seulement à la part additionnel qui a résulté de leur effort ou de leur action. C’est la valeur ajoutée à ce patrimoine qui est l’objet d’un droit ou d’une répartition des parts telles qu’évaluées par une expertise. 166
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2 Les éléments de droit du Kad ou S’ayaa
La réalisation du droit d’Al Kad ou S’aya exige quatre conditions essentielles : le s’aii, l’acte de s’aya, la formation d’u capital ou sa mise en valeur, la contrepartie à l’effort.
‹ Le s’ai est une personne qui forunit un effort pour constituer ou fructifier un capital donné. La personne en question peut être un membre de la famille indistinctement de son âge, de son sexe. Elle peut être l’époux ou ses épouses, les frères et les sœurs, les proches ou les lointains. La seule condition est l’appartenance du s’aii à la famille. Tout travail fourni par une personne étrangère au cercle familial répond à d’autres normes de rétribution ou de rémunération : il peut s’agir d’un salaire ou de la rémunération contractuelle, ou le bénéfice d’une part de la récolte. La S’aya ne bénéficie donc qu’aux membres d’une communauté familiale selon l’effort et le travail fourni. ‹ L’acte en lui-même concerne le travail destiné à constituer ou à fructifier un capital, il varie selon les capacités des personnes qui le fournissent : selon l’âge, la nature du travail, l’intensité de l’effort, leurs compétences professionnelles. La participation peut être par le travail direct ou par l’apport en capital. Ces distinctions dans la nature du travail influent sur la contrepartie du s’aii en fonction de l’effort fourni. Peu importe si ce travail est fourni à l’intérieur de la maison (dans l’enceinte domestique) ou à l’extérieur. ‹ La formation d’un capital ou sa valorisation : la simple participation d’un élément de la famille à la gestion des affaires familiales ne lui octroie pas le droit à s’aya sauf si de son effort résulte un surplus. Ce surplus peut se matérialiser dans la valeur d’un capital nouvellement constitué comme il peut s’agir d’une valorisation d’un capital déjà constitué. Le droit porte sur l’excédent accumulé et ne concerne nullement le capital initial. Par exemple, le droit de S’aya ne porte pas sur la terre, elle reste la propriété de son possédant. Il ne s’applique qu’aux fruits de l’effort d’exploitation de la terre. 167
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‹ La contrepartie de la S’aya ou de l’effort de travail : c’est ce que perçoit le S’aii une fois réalisée les conditions précédentes. Plus précisément, le droit de S’aya ne concerne pas le patrimoine en tant que tel, il ne concerne que le résultat de l’effort fourni, c’est-à-dire le différentiel de valeur entre l’état du patrimoine avant sa valorisation et après sa mise en valeur. Ce patrimoine peut être possédé par ceux qui fournissent l’effort de travail ou par d’autres personnes. Le patrimoine peut ne pas exister initialement et résulter luimême de l’effort de travail. Le droit de S’aya peut s’appliquer au foncier, au bétail, à la récolte ou aux ustensiles ou tout bien acquis durant la période de mariage. Il couvre le foncier et les biens transmissibles. Quant à la contrepartie de la S’aya, elle varie selon l’effort fourni par chaque S’aii dans son travail. Tenant compte de ces considérations, il s’avère que lorsque l’épouse sacrifie sa vie maritale à son mari, qu’elle déploie son énergie pour l’acquisition de biens, de moyens financiers, grâce à sa contribution aux travaux agricoles, à des activités de tissage ou à son engagement dans des travaux publics ou privés en présence de son époux ou en son absence, la coutume prévalant dans certaines régions du Maroc, notamment dans le souss faisaient de cette épouse un partenaire dans l’acquis familial, c’est-à-dire dans le surplus constitué après le mariage. L’épouse est considérée comme son partenaire en fonction de son travail ou de son effort. Si les deux époux se mettent d’accord sur la répartition des parts du gain, cet accord fait foi. Autrement, le partage obéit à une règle d’égalité, si cette règle n’est pas remise en cause par des preuves.
3 Le droit d’Al Kad ou S’aya : ses racines et son adaptation
Le droit d’Al Kad ou S’aya reconnaît à la femme une contrepartie à son effort et à son travail aux côtés de son époux dans la période maritale. Il lui donne le droit à une part dans l’acquis ou le surplus suite à sa participation, quelque soit sa nature : un bien immobilier 168
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ou un bien transmissible sans remettre en cause ses droits que lui confère la sh’aria et sans atteinte à l’indépendance des patrimoine des époux. Cette considération nous amène à mettre en exergue les racines de ce droit, et à examiner son adaptation juridique.
Les avis des fouqahas et des chercheurs ont divergé sur l’origine de la S’aya de la femme. Certains l’on fait remonté à un jugement établi par le calife Omar Ibn Al Khattab, d’autres l’ont considérer comme une résultante d’un ijtihad dans le fiqh, d’autres encore l’ont adossé à des coutumes locales qui ont pénétré les sociétés en question, d’autre enfin la renvoient à des principes généraux de la sh’aria. Ces divergences dans le repérage (identification) des sources d’Al Kad ou S’aya n’a pas été sans influencer les jugements prononcés par la justice qui se sont référés dans leur justification des jugements à telle ou telle origine de ce droit selon les cas. • Le jugement de Omar Ibn Al Khattab : Les adeptes de cette source s’appuient sur le récit d’Ibn Zamannain dans ses écrits et qu’il attribue à Ibn Habib quand il a rapporté un évènement qui s’est produit du temps du Calife. Celui-ci a eu à prononcer son avis sur une affaire d’héritage. Une femme – Habiba bent Zrik- contribué à la richesse de son mari en participant à une activité de tissage dirigée par son époux – Amr Ben Harit- A la suite du décès de son époux, ses héritiers se sont accaparés les biens stockés dans les dépôts, se sont répartis les ressources financières. Dans sa plainte adressée au Calife, l’épouse du décédé a fait prévaloir sa contribution à l’accumulation de ces biens. Omar Ibn Al Khattab a prononcé son jugement en accordant à la plaignante la moitié des richesses inventoriées et le quart de cette richesse en tant que part d’héritage, sachant qu’ils n’avaient pas d’enfants. Les autres héritiers se sont partagés le quart restant. C’est cette référence qui a été évoquée par le Tribunal d’appel de Safi quand il a prononcé un jugement : « considérant que le droit d’Al Kad ou S’aya comme il est appelé dans certaines coutumes est un des droits reconnus par le fiqh islamique depuis le Calife Omar Ibn Al Khattab que Dieu le protège, ait prononcé son jugement en faveur de Habiba à l’encontre du frère 169
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de son mari en lui concédant la moitié des biens laissés par son mari, dans la mesure où elle était tisserante et qu’elle ait contribué de ce fait à la constitution de son association».
Le professeur Chmanti Houari considère que quelle soit la véracité de ce récit sur le jugement de Omar Ibn Al Khattab dans cette affaire, le jugement en question s’inscrit dans Maqasid chari’a dans les principes qu’elle défend notamment ceux qui se réfèrent au respect de la justice, à la condamnation de l’usurpation des biens d’autrui, et il n’est pas étonnant que ce genre de jugement soit prononcé par Omar qui était connu pour son intransigeance sur le respect des droits des personnes dans plusieurs affaires. • Les fatwas des fouqahas Les tenants de cette lecture considèrent que l’origine d’Al Kad ou S’aya provient des Fatwas des foukahas avec cette nuance qu’ils divergent sur la paternité de ces fatwas. Les adeptes de l’Imam Mali (notamment Abou Issa Al Mahdi Al Ouazzani) prêtent à leur maître l’origine de ces fatwas. D’autres chercheurs la prête à Abou Abdellah Mohammed Ben Ardoun qui a répondu à des questions l’interpellant sur le travail des femmes campagnardes dans les travaux des champs (culture, semence, récolte…) : ont-elles un droit sur les fruits de l’exploitation agricole après le décès de l’époux en raison de leur travail ou n’ont-elles droit qu’à l’héritage ? Ibn Ardoun est devenu célèbre par une fatwa révolutionnaire spécifiant que les fruits de l’activité agricole se répartissent entre toutes les personnes qui ont contribué à sa production. Une grande controverse a opposé Ibn Ardoun aux Foukahas de Fès sur cette question. De cette controverse, il est apparu qu’il était difficile de trouver une fakih du Souss qui ne s’est pas prononcé positivement sur cette question d’Al Kad ou S’aya en faisant prévaloir les droits de la femme et ne distinguant ce principe des autres fatwas portant sur le salariat, l’association, le divorce.
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• Les us et coutumes La troisième tendance est celle qui impute ce droit à la coutume et aux habitudes. Ainsi Abderrahman Abdellah Ben Mohammed Al Jagtimi a écrit : « J’ai essayé de savoir quelle est l’origine de S’aya et j’ai pris connaissance des fatwas reprenant les avis des Foukahas du Souss sur la requête de la femme, j’ai trouvé que la grande majorité d’entre eux l’ont permis en s’appuyant sur la tradition et la coutume». Cet avis est confirmé par l’étendue et les limites de l’application des droits d’Al Kad ou S’aya dans une zone géographique déterminée qui est la région de l’Anti Atlas, de ses plaines environnantes et de quelques régions du Grand Atlas, c’est-à-dire la région du Souss. Il est rare de trouver une personne ou d’un membre d’une tribu qui n’est pas entendu parler de ce droit, qui ne le connaît ou qui rejette son application même quand il le concerne. La tradition parmi les population de cette région est de permettre au S’ai de disposer spontanément de sa part et le moindre reniement de ce droit par une personne le conduit à se marginaliser de son environnement familial ou tribal. Dans cette éventualité, il sera perçu comme une personne qui ne respecte pas les coutumes de la communauté. Ces us et coutumes ont imprégné les fatwas des foukahas qui ont eu à traiter de ces questions et appliquer le principe de l’ijtihad tel qu’il est stipulé dans la Chari’a. Ainsi la récurrence de ces fatwas, leurs évolutions ont consolidé le principe d’accorder à la femme ses droits en contrepartie de l’effort qu’elle fournie. Les tribunaux de la région ont confirmé cet ijtihad à travers la résolution des conflits portant sur ce droit. Le Conseil Supérieur a, de son côté, appuyé ces jugements comme l’indique sa décision sur le dossier soumis à son avis le 12 mai 1980. Dans ce dossier, il fait référence aux pratiques d’Al Kad ou S’aya dans la région et appuie la demande d’une plaignante pour bénéficier d’une partie du patrimoine accumulé par son époux.
Il est à souligner que la plupart des Foukahas de fès n’ont pas reconnu ce droit et ont cherché à limiter son application au monde rural. Par contre les tribunaux de première instance d’Agadir, tout en 171
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reconnaissant que le droit d’Al Kad ou S’aya n’a pas acquis le statut d’une institution juridique, il renvoie néanmoins à une coutume locale et aux écrits des foukahas qui ont statué sur l’incontestabilité du droit de la femme sur le patrimoine commun s’il a été prouvé qu’elle participé aux côtés de son époux à sa formation. • Les principes généraux de la Shari a La quatrième tendance est celle qui affirme que le droit d’Al Kad ou S’aya n’est pas une innovation, une pratique des temps anciens ou une simple tradition validée par le char’a. Au contraire, ce droit, en tant qu’il exprime une relation de contrepartie à un travail ou un effort, qu’il porte sur la formation d’un capital où sa valorisation puise sa légitimité juridique dans le Coran, source des lois. Les tenants de cette explication appuient leurs thèses par la référence à des sourates : «Il n’ y a aucune faute à vous reprocher si vous répudiez les femmes que vous n’aurez pas touchés ou celles à l’égard desquelles vous n’avez pas d’obligation. Donnez leur le nécessaire : l’homme aisé donnera, selon ses moyens, - conformément à l’usage- C’est un devoir pour ceux qui font le bien. Si vous répudiez des femmes avant de les avoir touchées ou celles auxquelles vous avez déjà versé ce qui leur est dû, donnez la moitié de ce à quoi vous étiez engagés ; à moins qu’elles n’y renoncent, ou que celui qui détient le contrat de mariage ne se désiste» Sourate la Vache, versets 237 et 238. Le Coran a pris en considération la période de la vie conjugale dans la reconnaissance de l’apport de l’épouse. Il a différencié entre les situations conjugales selon leur durée.
«Si vous voulez échanger une épouse contre une autre, et si vous avez donné un quintar à l’une des deux, n’en reprenez rien. Le reprendre serait une infamie et un péché évident. Comment le reprendriez vous, alors que vous étiez liés l’un à l’autre et que vos femmes ont bénéficié d’une alliance solennelle contractée avec vous?» Sourate les femmes, versets 20 et 21.
Le Coran a donné des droits à un partenaire qui n’a pas consommé 172
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un temps significatif dans la relation conjugale. Il était donc naturel qu’il se penche plus substantiellement sur le devenir des femmes qui consacrent leur vie au foyer et à la relation conjugale. L’Islam se veut une religion respectueuse de l’équité, comment ne pas appliquer ce principe à la relation entre les conjoints.
4. L’adaptation juridique d’ Al Kad ou S’aya
La S’aya est un droit nait de l’effort déployé par une personne et l’équivalent de son travail. Il se rapproche dans sa philosophie de certains principes du droit des contrats et conventions. D’où la controverse sur l’estimation de la contrepartie de ce droit perçu par la conjointe et qui découle de sa contribution à la valorisation d’un patrimoine. Est-il un salaire rémunérant son travail ? Auquel cas il exprimerait une relation de salariat ? Est-il l’expression d’un bénéfice dégagé d’une association ? Auquel cas il serait la traduction d’un contrat d’association. Est-il autre chose ? Il est donc nécessaire de préciser la nature juridique de ce droit et le différencier des contrats et conventions qui s’en rapprochent. Les foukahas se sont opposés sur la qualification de ce que perçoit un S’ai en contrepartie de son effort. Certains le qualifie d’une rémunération d’un service et l’assimilent à un contra de travail, d’autres lui prêtent la caractéristique d’une association. Quant à la Cour administrative de Rabat, elle la qualifié d’un droit :
‹ Le droit de S’aya et le contrat de travail : Certains fokahas ont qualifié le droit de S’aya de contrat de travail qui permet à l’épouse de bénéficier d’une rémunération dans les situations où il n’ y a pas d’accord sur une quote-part sur le résultat d’une activité. Le contrat de travail est connu comme un contrat qui oblige le contractuel à offrir ses services personnels pour une période définie et pour réaliser un travail précis en contrepartie duquel l’autre partie s’engage à verser une rémunération. Or, la relation de S’aya n’est bâtie sur aucun accord préalable, elle n’est conditionnée par une obligation et ne conduit pas nécessairement à une rétribution si le patrimoine n’est pas 173
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constitué ou valorisé. Aussi, la plupart des fokahas n’ont pas considéré la contrepartie de l’effort de la femme comme un salaire.
‹ Le droit de S’aya et le contrat d’association : Selon l’avis de nombre de fokahas, la S’aya reflète une relation d’association dans laquelle la femme est l’associée de son époux dans le bénéfice dégagé d’une activité, sa part étant proportionnelle à la valeur de son apport. Cette part est déterminée par les personnes qui disposent d’une expertise dans le domaine. Mais les tenants de cet avis se sont opposés sur la nature de cette association. Certains d’entre eux la considèrent comme une association implicite même si elle n’est pas déclarée. D’autres la présentent comme une association d’efforts physique se réalisant dans des travaux qui réunissent deux partenaires ou plus ; ces partenaires se partagent les résultats acquis par leurs efforts en fonction de la contribution de chacun d’eux. Si les principes régulant la S’aya se rapprochent des principes de l’association, cette dernière nait d’un contrat qui peut réunir des parties tierces, alors que la S’aya ne résulte pas d’un contrat, elle est tacitement reconnue et ne concerne que les membres d’une même famille. Même appréciation sur le prêteur ou la relation de spéculation qui se noue à partir d’une avance en capital faite à l’un des partenaires pour que celui-ci le mette en valeur, sachant que la répartition du gain est définie par un accord préalable et la perte est essuyée par le détenteur du capital. ‹ Le droit de S’aya est un droit réel coutumier : La Cour administrative de Rabat a prononcé un jugement le 15 mai 1997 considérant que le droit de S’aya est un droit réel coutumier affirmant que le droit d’Al Kad ou S’aya est un droit réel islamique
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Chapitre 8 : Les études des Cas : quels enseignements ? 1. Restitution des cas 1.1 Cas n° 1 : Tribunal de Première Instance de Sa Prononcé du Jugement : 26/06/2006
La plaignante était mariée depuis 1992, son époux a émigré en Italie. Elle a assumé seule la gestion des affaires domestiques comme elle a géré ses affaires personnelles et ses biens. Elle assurait la vente des biens qu’il envoyait de l’Italie et s’occupe du suivi des conflits avec les locataires de biens appartenant à son époux. Celuici lui a demandé de vendre un appartement qu’elle possédait au prix de 70000 dirhams. Avec cette ressource, elle a participé à la construction d’un domicile qu’il a enregistré sous son nom. Elle a aussi suivi le chantier et les travaux de construction en l’absence de son époux. La plaignante a été surprise d’apprendre son divorce le 09/092004. Elle considère que durant la période de son mariage, elle a consacré ses efforts et son énergie à l’entretien de la maison du couple et l’absence de son époux et qu’elle a constitué avec lui une richesses immobilière et des biens transférables. Elle estime qu’elle a droit à bénéficier de la moitié des biens immobiliers et des revenus procurés par ces biens acquis au cours de la période de mariage en s’appuyant sur le principe d’Al kad ou S’aya. Elle réclame la réalisation d’une expertise sur ces biens immobiliers pour déterminer leur valeur dans la perspective du partage soit en réel si les conditions le permettent, soit en monnaie (numéraire) s’il s’avère difficile de réaliser le partage matériel en assurant dans ce cas la vente par appel d’offre public.
Les preuves avancées par la défense de la plaignante consistent en cinq jugements établis en sa faveur dans des plaintes relatives à la gestion des biens locatifs, en quatre témoignages écrits sur le rôle qu’elle assumait dans le suivi des travaux de construction, en 175
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une demande adressée au Procureur du roi pour l’application de la contrainte par corps, deux copies de prélèvements d’impôts l’une en son nom propre et l’autre au nom de son époux, une copie de reçu de revenu locatif et une copie de son acte de divorce. Sur la base de cette plainte, le tribunal a conduit une enquête sur le conflit entre les époux.
Dans sa plaidoirie, la défense de l’époux a fait prévaloir que la plaignante disposait des revenus locatifs pour son bien être personnel, qu’elle suivait effectivement les travaux de construction, mais que cela ne signifiait pas qu’elle mobilisait une énergie qui justifiait une contrepartie ou une reconnaissance du principe d’AL kad ou S’aya et que tenant compte du fait que les témoins ont bien spécifié que la plaignante assumait bien la surveillance et le suivi des travaux de construction de la maison mais n’ont pas affirmé qu’elle a participé à la constitution du patrimoine détenu par l’époux, sa plainte relative au partage n’avait pas de fondement. La défense de l’époux a réclamé le rejet de la plainte.
Le tribunal a accepté la plainte. Dans son jugement, il affirmé que le principe général est celui que chacun des deux époux dispose d’un patrimoine distinct du patrimoine de l’autre et qu’en cas de non accord consigné sur un mode de fructification et de répartition des biens acquis pendant la période du mariage, il faut recourir aux règles générales de preuve tout en prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumées pour le développement des biens de la famille l’indépendance dans la gestion du patrimoine des époux et q’il faudrait en cas de non accord entre les époux de revenir à la preuve en prenant en considération l’article. Faisant prévaloir que la période de mariage s’est étalée sur une douzaine d’années et que la plaignante a prouvé par une série de documents et par la biais de l’enquête menée par le tribunal qu’elle a bien suppléé l’absence de son mari pour le recouvrement de ses revenus locatifs et le suivi des travaux de construction. Le tribunal a jugé que le séjour de l’époux dans le pays d’émigration ne lui permettait pas de gérer directement 176
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et personnellement ses biens et que le soin apporté par la plaignante pour préserver les biens de son époux de toute dégradation, en son absence peut être considéré comme une participation à la valorisation du patrimoine familial. De même les efforts fournis par la plaignante dans ces tâches visaient à préserver la valeur de ces biens familiaux et qu’elle ne peut être assimilé à un quelconque acte qui pouvait être compensé par un salaire ou une rémunération particulière. Etant entendu aussi que la femme a le droit de bénéficier d’une part des richesses accumulées par son époux pendant la période le mariage, même quand ces richesses lui appartiennent personnellement, s’il est prouvé qu’elle a participé à la valorisation de ce patrimoine familial. Considérant que la plaignante n’a pas apporté de preuves suffisantes que son époux possèdent d’autres biens fonciers et immobiliers, que ce dernier n’a pas confirmé qu’il possédait un logement et d’autres biens ;
Considérant enfin que la demande de réaliser une expertise exige que la plaignante apporte les débuts d’une preuve que son époux possédait effectivement des biens, et que le tribunal ne peut réaliser une expertise sur des biens non prouvés ; Considérant que le dernier alinéa de l’article 49 du code de la famille et tenant compte par le tribunal des efforts et charges assumées par la plaignante dans la perspective de fructifier les richesses de la famille durant une douzaine d’année de mariage ; Le tribunal, tenant compte de son pouvoir d’appréciation, a décidé d’arrêter une compensation juste et équilibrée à ces efforts et charges de la plaignante et en sa faveur d’un montant de 40 700 dirhams 1.2 Cas no 2 : Tribunal de première instance de Marrakech Prononcé du jugement le 04/07/2007
La plainte est déposée par une plaignante mariée à la date du 26/ 06/1981 ayant trois enfants et qui considère que son mari la maltraite. 177
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Cette maltraitance se manifeste par la privation de ressources, la non prise en charge de ses enfants, qu’il accuse publiquement de comportements immoraux et d’adultère, qu’il l’insulte devant les membres de sa famille et ses proches, qu’il la menace de liquidation, de l’exclure de son travail et qu’elle a été victime de violences. Le maintien de la relation de mariage dans ces circonstances devient impossible. La plaignante réclame son divorce (chikak) avec le paiement de ce qui lui est dû, à elle et à ses enfants, la libération de sa dot arrêtée à 5000 dirhams et le versement d’une compensation équitable ou appropriée. Elle a accompagné sa plainte de photocopies de son acte de mariage et d’actes de naissance de ses enfants.
La défense a contesté la validité de la demande de la plaignante : il réfute la demande de compensation pour l’un des enfants qui a atteint l’âge de la majorité, aucun montant n’a été avancé par la plaignante pour la compensation de ce qu’elle considère comme ses droits, rejet de toutes les accusations de maltraitance ou de violence. L’époux a rejeté toutes les causes de la demande de divorce par chikak, qu’il assume pleinement les charges d’entretien domestique, les frais de scolarisation de ses enfants. Sa défense fait prévaloir que : • il a toujours traité sa femme dans le respect de son statut, qu’il assumé l’entretien du foyer sur ses propres frais alors qu’elle était encore simple lycéenne en classe de baccalauréat, qu’il a financé ses études supérieures jusqu’à l’obtention de son diplôme et son insertion dans la fonction publique,
• lorsqu’il a fondé son foyer, il a voulu acquérir une demeure auprès d’un Etablissement public mais il a été surpris d’essuyer un refus d’immatriculation de ce bien, sous prétexte qu’il était étranger. La confiance qu’il avait envers son épouse l’a conduit à acheter un bien à parts égales et à inscrire le titre de propriété de sa demeure en nom de son épouse pour une valeur de 152286 dirhams. L’époux a prix en charge le paiement d’une partie des traites du crédit du logement, prélevés sur son salaire.
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• Une fois les traites liquidées, son épouse a commencé de le menacer d’expulsion de son logis et de divorce. L’époux considère que sa femme n’a contribué qu’à la moitié de la valeur d’acquisition de ce bien immobilier et qu’il a financé des travaux d’extension sur ses propres frais. • Il avance que son épouse dispose d’un salaire de 84000 dirhams, qu’elle ne contribue financièrement ni aux charges domestiques, ni aux frais d’éducation des enfants. • Il affirme qu’il n’a à aucun moment exprimé le désir de divorcer de sa femme.
La défense de l’époux réclame le rejet de la plainte et demande de prononcer un jugement qui lui permet de récupérer la partie qui lui est due dans la valeur du bien immobilier et de demander à la conservation foncière d’inscrire cette part dans le titre foncier, conformément aux dispositions de l’article 49 de la moudaouana, et demande enfin une compensation sur les préjudice induits par la fin de la relation familiale estimée à 800 000 dirhams (article 87 du Code de la Famille). Il appui sa requête par une série de documents, notamment la caution sur les crédits de logement. Le tribunal a pris acte de la demande de divorce judiciaire sur demande de l’un des époux. Il a entrepris une enquête complémentaire, des tentatives de réconciliation espacées. La réconciliation n’a pas aboutit. Il a pris acte de la discorde et du différend profond qui oppose les deux conjoints au point de rendre impossible la continuité du lien conjugal. Tenant compte de ce constat le tribunal a estimé les droits dus à l’épouse comportant ;: le reliquat du sadaq et le don de consolation (Mout’â) qui a été évaluée en prenant en considération la durée du mariage, la situation financière de l’époux, les motifs du divorce et le degré d’abus dans le recours au divorce. Le tribunal a aussi estimé le montant des frais de logement qui sera versé durant la retraite de viduité (Idda) , comme il a estimé les droits à pension alimentaire dus aux enfants en tenant compte de leurs conditions de vie et de leur situation scolaire avant le divorce. 179
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Le tribunal a aussi examiné la demande de l’époux quant à la fixation de la part qui lui revient dans le bien immobilier conformément à l’article 49 de la Moudaouana et sur la compensation du préjudice qui lui a été causé par la rupture du lien conjugal et que sa défense a estimé à 300 000 dirhams. La plaignante a reconnu la contribution de son époux aux frais d’acquisition du logement de famille. De son côté, l’époux a reconnu qu’il ne nie pas toutes les causes de la demande de divorce et que l’entente conjugale devient impossible pour des désaccords profonds sur la conception de la vie commune. Le jugement du tribunal a porté sur :
‹ La demande initiale : prononcé du divorce par chikak réclamé par la plaignante et versement de droits portant sur : les frais de logement pour une valeur de 2000 dirhams courant sur la période de viduité, le don de consolation (Mout’â) estimé à une valeur 10 000 dirhams, une pension alimentaire pour les enfants mineurs et garantis des droits de visite pour le père.
‹ La demande de l’époux : permettre au plaignant de récupérer la moitié de son bien immobilier et de l’inscrire en son nom à la conservation foncière 1.3 Cas n° 3 : Tribunal de première instance de Tanger Prononcé du jugement : 30/11/2005
Le tribunal de première instance de Tanger a été saisi d’une demande de divorce judiciaire par une épouse pour raison de discorde. L’épouse considérait que le différend qui oppose les conjoints rendait impossible la continuité du lien conjugal. L’épouse réclamait en évoquant l’article 49 de la moudouana de récupérer ses biens personnels et les biens acquis durant la période de mariage en tenant compte des efforts qu’elle a déployés au cours de cette période. Elle avance qu’elle a participé effectivement à l’acquisition du logement familial estimé à 130 000 dirhams, elle demande au tribunal de prononcer un jugement lui permettant de récupérer la moitié de ce bien, et de demander au conservateur des biens fonciers 180
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d’enregistrer son nom sur le titre foncier sachant qu’elle est associée dans la moitié de sa valeur.
La plaignante a appuyé sa requête par une copie de promesse de vente et d’un chèque tiré auprès d’une banque locale d’une valeur de 100 000 dirhams.
La défense de l’époux a fait valoir que c’est l’époux qui a acquis le bien objet du conflit et qu’il a financé cette acquisition par un crédit contracté auprès de l’établissement où il travaille que le titre foncier est l’objet d’une saisie conservatoire et que, lors de la conclusion de l’acte définitif d’acquisition, il était divorcé de son épouse et qu’ils se sont mis de nouveau ensemble qu’en 1998. La défense considère que son client ne peut en aucun cas céder ou réaliser des transactions sur une partie du bien immobilier dans la mesure où l’établissement qui a financé le crédit d’acquisition a hypothéqué le bien en question.
La défense a réclamé le rejet de la requête dans le fonds et dans sa forme. Elle a appuyé sa demande par des photocopies d’une promesse de vente, de l’acte définitif d’acquisition et des reçus des droits d’enregistrement et des frais d’immatriculation, du contrat de crédit, du titre foncier et de la saisie conservatoire.
L’enquête ouverte par le tribunal, l’écoute des témoins impliqués dans la transaction immobilière et l’examen des documents soumis par les conjoints ont prouvé que la plaignante a conclu une option d’acquisition du bien en question et qu’elle a versé à ce titre 100 000 dirhams d’avance comme l’indique le document sur l’engagement de vente et le chèque tiré sur la banque de la place. Tenant compte du fait qu’il n’existe aucun accord consigné entre les époux séparé de l’acte de mariage sur les modalités de gestion et des biens acquis pendant la relation conjugale, le tribunal a eu recours aux règles générales de preuve tel que stipulé dans l’article 49. Dans ce cas de figure, les preuves ont consisté dans les propos des témoins, la situation des conjoints et leurs efforts communs. Le tribunal a conclu sur le fait que l’épouse a effectivement participé dans une certaine mesure au financement de l’acquisition du bien 181
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et que l’époux n’a pas apporté de preuves de remboursement de la contribution de l’épouse. Sur la base de cet argumentaire, le tribunal a décidé, en s’appuyant sur le dernier alinéa de l’article 49, à doter l’épouse le tiers du logement en question. Il a ordonné au conservateur d’enregistrer les droits de l’épouse sur le titre foncier. 1.4 Cas n° 4 : Tribunal de Première instance de Casablanca Prononcé du jugement le 31/05/2007
La plaignante s’est mariée le 06/06/1970. Les conjoints vivaient sous le toit du père de l’épouse les trois premières années de leur mariage. Elle a acquis en association avec son époux un bien immobilier. Les conjoints ont valorisé le bien en édifiant de nouveaux étages grâce à leurs efforts communs. Dans sa plainte, l’épouse considère que son conjoint ne pouvait pas fructifier ce bien, à lui seul et sans son apport. Elle a donc contribué à cette opération en vendant ses bijoux personnels et en empruntant une somme d’argent auprès de son pères (7000 dirhams). Les revenus du conjoint et sa profession ne lui permettaient pas d’acheter ou de construire ce bien. Celui-ci est le fruit de son épargne et de l’aide de sa famille et de son apport à la constitution d’un patrimoine familial. De sa relation conjugale sont nés quatre enfants qu’elle a éduqués, soignés et élevés durant une période de 36 ans. L’épouse estime qu’elle a des preuves de sa participation à l’achat et à la valorisation du bien immobilier. Au début de l’année 2006 (le 06/01), son mari l’a divorcé, (divorce rejii) le tribunal lui a fixé ses droits découlant de son divorce équivalents à 20 000 dirhams. Elle s’est trouvée dans une situation de précarité, sans domicile La défense de l’épouse demande l’application de l’article 49 en affirmant que le conjoint ne pouvait pas sur la base de son simple revenu, en tant que chauffeur, acquérir et étendre le bien immobilier en question. Elle réclame du tribunal la cession de 50% du bien à l’épouse et d’ordonner son inscription dans le registre de la 182
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conservation foncière. La défense a accompagné sa requête par des copies de documents relatifs au contrat de mariage, le titre de propriété du bien, la pension de retraite…Elle appuyée sa requête sur des témoignages de personnes qui ont affirmé sa contribution à la valorisation des biens familiaux. La défense a considéré que le principe d’Al Kad ou S’aya constitue un support juridique à sa requête et a demandé au tribunal de recourir à une enquête sur l’objet du conflit et de réaliser une expertise sur le bien immobilier en question.
La défense de l’accusé commence par rejeter le recours à l’article 49 arguant que la relation conjugale a été établie avant la réforme du Code de la famille. Elle a rappelé la trajectoire professionnelle de l’époux, les différents métiers qu’il a exercé (vendeur de fruits, puis de matériaux de construction, de conducteur de camion dans un établissement public, de propriétaire et conducteur de taxi). Cette trajectoire est l’expression de sa réussite professionnelle et de l’amélioration progressive de ses revenus et de son niveau de vie. L’enquête du tribunal a montré que les conjoints ont vécu sous le toit des parents de l’épouse pour une courte période, que l’épouse a bien avancé à son conjoint une somme d’argent provenant de la vente de ses biens et de l’aide familiale comme contribution à l’achat du support foncier sur lequel a été bâti l’immeuble de trois étages. D’un autre côté, il a été prouvé que l’époux participait modestement à la couverture financière des charges de vie commune dans les premières phases du mariage, qu’il a exercé plusieurs métiers lui permettant progressivement d’améliorer ses revenus annuels, qu’il a engagé une association d’affaires avec le père de son épouse, qu’il a contracté un crédit pour financer la construction de l’immeuble de tris étages. L’époux a contesté le témoignage en faveur de son épouse et a présenté des documents prouvant l’exercice de différents métiers. Sur la base de cette enquête, le tribunal a considéré que la plaine est acceptée dans sa forme et dans son fonds et qu’il pouvait statuer sur cette question en recourant à l’article 49 du code de la famille. 183
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Le tribunal a rappelé que cet article fait référence à la disposition par chacun des deux époux d’un patrimoine distinct du patrimoine de l’autre et qu’ils peuvent dans le cadre de la gestion des biens à acquérir pendant la relation conjugale, se mettre d’accord sur le mode de leur fructification et répartition et qu’à défaut d’accord, il est fait recours aux règles générales de preuve en prenant en considération le travail de chacun des conjoints. Le Tribunal a rappelé aussi que la plaignante réclame une part d’un bien constitué pendant la période de la relation conjugale auquel elle a contribué par les dépenses financières qu’elle a pris en charge et par l’effort qu’elle a déployé pendant trente six années de mariage dans l’éducation de ses enfants. Ces considérants renvoient aux droits d’Al kad ou S’aya établis par la coutume et que la jurisprudence a consacré.
Tenant compte du fait que la revendication de l’épouse de sa contribution matérielle à l’acquisition du bien objet du conflit n’a pas été prouvée et que l’époux n’a pas reconnu avoir reçu une contribution financière de son épouse mais qu’il a néanmoins reconnu qu’il a vécu sous le tous de sa belle famille pour une période de cinq ans.
Considérant aussi que la plaignante a géré les affaires domestiques pendant trente six ans de la relation conjugale, et que cette charge a nécessité de consacrer un temps à l’encadrement des enfants; à assurer leurs soins, le suivi de leur éducation et formation; que ces efforts ont concerné aussi la prise en charge des travaux domestiques (préparation de la cuisine, linge, et autres travaux quotidiens) en vue d’offrir un environnement acceptable à toutes les composantes de la famille que ce soient les enfants pour poursuivre leurs études dans les meilleures conditions ou l’époux pour l’exercice de son métier et son activité commerciale. Considérant que la prise en charge par la plaignante de ces tâches quotidiennes sur une période aussi longue et que l’offre de ses services à son époux et à ses enfants a contribué dans une large mesure à fructifier le patrimoine familial et la rend légitimement apte à bénéficier d’une partie de ce patrimoine dans le respect des valeurs 184
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de justice et d’équité. Aussi la requête de la plaignante est fondé juridiquement et nécessite une réponse appropriée. Considérant la durée de la période de la relation conjugale (36 ans), le nombre d’enfants dont elle a assumé la charge d’encadrement et d’éducation, les services qu’elle a rendus au foyer familial et tenant compte du pouvoir d’évaluation du tribunal, celui-ci a estimé la part de la plaignante dans le bien immobilier en question à un montant de 100 000 dirhams. 1.5 Cas 5: Tribunal de Première instance de Casablanca Prononcé du jugement le 24/04/06
Plainte d’une femme qui a été mariée à l’âge de 16 ans, qui a quatre enfants durant une vie conjugale de 38 ans. Elle se considère comme une épouse parfaite que ce soit dans ses relations avec son époux ou dans la prise en charge des affaires domestiques. Une femme qui a exercé un travail à domicile en acquérant un métier à tricoter. Elle commercialisait ses produits. Elle a participé par ses revenus aux dépenses domestiques et à l’entretien des charges familiales et à la couverture des frais d’éducation de ses enfants. Elle a vendu ses bijoux pour participer à l’achat d’un terrain que l’époux a mis sous son nom. Pour financer cette acquisition, elle a prêté à son époux un montant de 10000 dirhams qu’il lui a restitué en quatre tranches. Après cette longue période de vie conjugale, elle a été divorcée en dépit des tentatives de réconciliation du juge. Elle a été exposée à la précarité surtout qu’elle a avancée dans l’âge. L’époux dispose d’une série de biens immobiliers localisés dans différentes villes. La défense de la plaignante réclame l’application de l’article 49 partant de sa conviction que l’épouse a contribué à la constitution de cette richesse et demande une expertise pour évaluer la valeur de ces biens acquis durant la relation conjugale et prononcer une répartition de cet acquis en se référant à l’article 49 du Code de la famille. La défense a affirmé que cet article tire son origine des coutumes ancestrales et sa philosophie a été mise en application dans le sud du Maroc selon la procédure d’Al Kad ou S’aya. La défense 185
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a aussi présenté des témoins qui ont affirmé que l’épouse a bien participé à la mise en valeur des ressources de la famille et augmenté la valeur de son patrimoine. Parmi les onze témoins figuraient le fils, le frère de l’épouse et des proches.
La défense de l’époux a demandé le rejet de la plainte vue que l’épouse n’a pas produit de preuves justifiant sa contribution à la formation de ce patrimoine. Elle affirme aussi que la plaignante n’exerçait aucun commerce, elle était une femme au foyer analphabète, elle n’a pas participé à une prise en charge financière des dépenses domestiques, qu’elle disposait d’une machine à tricoter pour ses besoins propres et qu’elle ne faisait qu’assurer les travaux domestiques comme toutes les femmes au foyer. La défense a aussi avancé que l’époux ne disposait que d’un logement modeste et d’un cabanon. Elle souligne que l’époux a consigné un montant de 60 000 dirhams en compensation aux préjudices du divorce et que ce montant est en adéquation avec les normes en vigueur. Elle relève aussi que la participation matérielle de l’épouse dans la constitution du patrimoine n’est pas prouvée et que l’épouse vivait sous la dépendance de son conjoint, qu’elle ne disposait pas de revenus propres, elle ne faisait qu’accomplir son rôle de femme au foyer et qu’elle privait son époux de ses droits maritaux, ce qui a été la raison de son divorce. Comme elle considère qu’elle doute de l’objectivité des quelques témoins proches de l’épouse. Le tribunal a pris la décision de réaliser une expertise sur le patrimoine constitué par les conjoints qui a été évalué à 1,2 million de dirhams. Considérant qu’il a prouvé que l’épouse exerçait une activité à domicile, qu’elle disposait d’un équipement de tricotage. Sur ce, le tribunal fait valoir que l’article 49 stipule que chaque conjoint peut disposer d’un patrimoine distinct du patrimoine de l’autre. Considérant aussi que dans ce cas de figure, les conjoints n’avaient pas consigné leur accord sur la gestion des biens acquis pendant la relation conjugale sur un document séparé de l’acte de mariage. 186
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Considérant que d’un autre côté il a été prouvé, par des témoignages sous serment, que l’épouse avait avancé une somme d’argent (10000 dirhams) à son conjoint dans la perspective d’acquérir un bien immobilier.
Considérant que la relation du mariage a duré 34 ans et que dans cette durée l’épouse a assumé ses tâches quotidiennes dans la gestion des affaires domestiques et que l’acte de mariage n’oblige pas l’épouse à prendre en charge les tâches domestiques (le tribunal fait référence dans ce considérant aux jugements d’Ibn Hanifa et de Ibn Malik et de Chafii qui estiment que le mariage n’est pas destiné à faire assumer à l’épouse les services domestiques et que l’époux est tenu de prendre en charge l’entretien du foyer conjugal) Considérant que la richesse accumulée par l’époux pendant la relation conjugale n’a été possible que grâce à la participation de l’épouse et que le droit islamique, le fikh, stipule la nécessité d’assurer à l’épouse une stabilité matérielle quand la relation conjugal prend fin et que ce principe est reconnu depuis la Nazila de Omar Ibn Al Khattab. Considérant aussi que le droit d’Al Hak ou S’aya qui puise son référentiel dans la pratique coutumière de la région du Souss et qui reconnaît la participation de la femme dans la formation des richesses du foyer et que les Fatawis d’Ibn Ardoun au cours du XVI siècle ont accordé un grand intérêt au travail de la femme précisant que la femme n’était pas tenu de réaliser les tâches ménagères et qu’elle a droit quand elle participe à la constitution du patrimoine familial de disposer de la moitié de la valeur de ce patrimoine avant de recourir au partage découlant de la succession en cas de décès de l’époux. Considérant enfin que les titres de propriété prouvent que le patrimoine foncier de l’époux a été constitué durant la période de la relation conjugale et que ce patrimoine a fit l’objet d’une expertise quant à sa valeur.
Tenant compte de tous ces considérants, le tribunal condamne l’époux à céder à la plaignante la somme de 150 000 dirhams comme équivalent à sa participation par son travail dans le patrimoine acquis durant la relation conjugale. 187
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1.6 Cas 6 : Tribunal de Première Instance d’Inzeggane La plaignante a déposé une plainte auprès du Tribunal le 20 Juillet 2004. Mariée depuis 15 années, et durant cette relation conjugale, elle a assuré pleinement ses tâches domestiques et exerçait un travail intermittent à l’extérieur du foyer. Des témoins ont affirmé que les conjoints se sont entraidés dans l’acquisition du domicile conjugale et son ameublement. Ils ne possédaient pas de bien avant leur mariage. L’épouse a sacrifié sa vie à la constitution du patrimoine familiale et à la création d’un environnement favorable à la vie de couple et à l’exercice du métier de son époux.
L’époux a manqué de reconnaissance. Le fikh Malikite a reconnu à la femme le droit de réclamer son dû et de faire valoir ses efforts dans l’entretien du foyer, principe reconnu par Al Kad ou S’aya et entériné par le Conseil Supérieur de la Magistrature dans sa décision datée du 28/11/1987. Cette décision a précisé que Al Kad ou S’aya est un principe qui confère à la femme le droit de bénéficier d’une partie de la richesse accumulée durant la relation conjugale s’il a été prouvé que l’acquis est la résultat d’un travail commun.
Sur ce, la défense de la plaignante réclame de céder la moitié de la maison familiale à l’épouse ou de la faire bénéficier de la moitié de la valeur du bien en question en compensation de son effort et de son travail aux côtés de son époux durant la relation conjugale. Elle réclame aussi de réaliser une expertise spécialisée pour évaluer le bien immobilier et d’écouter les témoins de la plaignante. Ceuxci ont affirmé que l’épouse a aidé son conjoint dans la construction de la maison, que le père de l’épouse a aidé le couple dans cette entreprise en leur fournissant des matériaux de construction, qu’elle exerçait l’activité de cuisinière dans les fêtes familiales, qu’elle fabriquait des gâteaux sur commande et qu’en contrepartie de ces activités informelles, elle percevait une rémunération variant entre 500 et 1000 dirhams par acte. La défense de l’époux a fait savoir que les témoins en question font pour la plupart partie de la famille de la plaignante ou de ses 188
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connaissances proches et elle a précisé que l’épouse n’exerçait aucun travail lui permettant de disposer d’un revenu et qu’elle était une simple femme au foyer, qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfants malgré les dépenses qu’il a assumées dans la prise en charge de son traitement. La défense a affirmé que c’est par son épargne propre découlant de ses revenus de travail qu’il a pu acquérir un lopin de terre et d’y construire sa demeure. Elle demande le rejet de la plainte d’autant plus que des témoins ont retiré leur témoignage, que leurs témoignage présentent des incohérences sur la nature de la contribution de l’épouse à la construction de la maison, que la plaignante ne présente aucune preuve de sa participation matérielle à l’acquisition du bien immobilier, qu’elle a affirmé qu’elle n’exerçait aucun métier et qu’elle avait aucune preuve sérieuse de l’exercice d’une activité à l’extérieur du foyer, que l’acte de mariage a été conclu en 1998 alors que la demeure qui fait l’objet du contentieux a été acquise en 1986 comme le prouve les reçus des impôts et qu’elle a été acquise par le fruit de son propre travail. Après délibération, le tribunal a estimé que la plainte était recevable dans la mesure où elle réunit toutes les conditions de recevabilité dans la forme et dans le fonds. Il a ordonné l’ouverture d’une enquête pour s’assurer de l’activité de la femme à l’extérieur du foyer, de sa contribution financière et de l’effort qu’elle fourni dans la constitution du patrimoine familial durant la relation conjugale. Il a écouté les témoignages sur cette question et s’est assuré que les conjoints ont vécu sous le toit du père de l’épouse pour une durée de huit années
Tenant compte de ces considérants le tribunal a estimé que la participation de l’épouse dans la formation du patrimoine de son conjoint est manifeste et que le recours à la jurisprudence, aux Nawazil et aux fatawis montrent que le critère utilisé dans l’application du droit à Al Kad ou S’aya est le travail et l’effort de la personne.
Tenant compte aussi du fait que l’effort de la plaignante est prouvé ce qui rend légitime son droit à bénéficier d’une partie du patrimoine constitué et rend sa requête fondée sur des bases saines et exige une 189
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réponse appropriée. De ce fait, le tribunal lui accorde le droit de disposer d’un tiers de la propriété.
Le jugement en question a été confirmé par le tribunal d’appel d’Agadir. 1.7 Cas 7 Tribunal de Première instance d’Inezegane Prononcé du jugement le 23/03/2005
Plainte déposée par une veuve à la date du 29/01/2004. La personne en question s’est mariée le 10 Avril 1973. Actuellement retraitée, la plaignante, exerçait une activité en tant que salariée dans différents établissements privés et publics durant la relation conjugale. Par son revenu et son épargne, elle a aidé son conjoint à acheter un terrain immatriculé au nom de son époux. Les héritières du défunt époux sont sa fille et ses trois soeurs. Le contentieux oppose la plaignante à ces héritières. La plaignante considère qu’elle est propriétaire d’une partie du lopin de terre objet du conflit et elle a déposé une opposition auprès de la conservation foncière en s’appuyant sur le droit d’Al Kad ou S’aya et réclame le bénéfice de la moitié de la propriété. Il a été prouvé que la veuve a exercé effectivement en tant que salariée dans différents établissements hôteliers (attestation de travail, de salaires, d’immatriculation à la CNSS), que la maison d’habitation du couple était louée depuis 1965 et que la plaignante prenait en charge les frais de location (reçus locatifs) que tous les documents fournis par la plaignante prouvent qu’elle avait une situation matérielle et qu’elle exerçait une activité en dehors du foyer avant même son mariage, elle a aussi fourni des copies des actes d’achat du terrain en question.
La défenses des héritières a considéré que les témoignages n’étaient pas précis et qu’ils ne peuvent pas être retenus comme preuve, dans la mesure où ils déclarent que la plaignante a acquis avec son époux un terrain dans la région de Massa sans préciser ses limites, que la plaignante a présenté deux actes d’achats concernant deux lopins de terre séparés et acquis auprès de propriétaires différents et au noms de son époux, les témoins ne précisent pas de quel terrain 190
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s’agit-il, que les terrains en question n’ont pas été titrés. La défense a estimé que la plaignante a tenté les insuffisance de ses preuves en réclamant le bénéfice de ses efforts sur la base du principe d’Al Kad ou S’aya. Cette demande paraît irrecevable à la défense des héritières dans la mesure ou elle n’est pas accompagnée de témoignage sur cette contribution et qu’il ne fait pas référence au régime des biens des époux, ni le degré de leur participation respective et leur association dans le patrimoine financier de son époux. La défense a aussi fit savoir que l’épouse gérait ses propres biens et ses revenus de son travail et qu’elle était propriétaire de son domicile. Elle a aussi fait savoir que les héritières n’avaient aucune connaissance d’un accord de partage des biens entre les conjoints et qu’elles ne savent pas qui a acheté ces biens fonciers et que ces derniers sont la propriété de tous les héritiers. Tenant compte de l’enquête du tribunal et de l’examen des documents fournis par les deux parties et des témoignages sur le contentieux, il est apparu que la plaignante exerçait une activité salariale et qu’elle prenait en charge les dépenses courantes du foyer, ce qui prouve et qu’elle a contribué, de ce fait, à la constitution du patrimoine familial aux côtés de son époux durant toute la relation conjugale.
Tenant compte de ces considérants et des références au fikh et aux principes d’Al Kad ou S’aya qui spécifient que le critère essentiel dans la répartition des biens acquis durant la relation conjugale est le travail et l’effort fourni par les conjoints et que cet effort a été prouvé dans le cas d’espèce. Le tribunal considère que la plainte déposée est légitime et fondée sur des bases saines et exige une réponse appropriée. Le tribunal a accordé à la veuve la moitié de la propriété foncière objet du litige.
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1.8 Cas 8 : Tribunal de Première instance de Kénitra Prononcé du jugement le 18/04/2007
La plaignante a déposé une plainte le 28/02/2007 affirmant que son ex-conjoint ne possédait aucun bien avant leur mariage et que durant la relation conjugale, il a constitué un patrimoine évalué à 2 millions de dirhams sous forme d’un bien immobilier (700 000 dirhams), d’une boutique de téléphone (600 000 dirhams) et d’un local commercial (200 000 dirhams) en plus de la disponibilité d’une liquidité financière.
La plaignante considère qu’elle a participé dans une large mesure à la formation de ce patrimoine, réclame du tribunal la désignation d’un expert pour l’évaluation de la richesse familiale avant le divorce et la préservation de ses droits et demande une compensation matérielle de l’ordre de 4000 dirhams.
Tenant compte de l’avis de la défense de l’ex-époux indiquant que la plainte n’a pas été accompagnée de preuves et du fait que la défense de la plaignante n’a pas répondu à la demande du tribunal et n’a pas assisté à la séance du jugement et que l’expert désigné pour l’évaluation des biens n’a pas rendu une réponse précise sur la valeur de ces biens, le tribunal a décidé de rejeter la requête de la plaignante. 1.9 Cas 9 : Décision du Conseil Supérieur Décision no 3064 et datée du 18/10/2006
La plaignante marié en 1968 et divorcé en 1998 avait déposée une plainte auprès du Tribunal de Première instance de Kénitra faisant savoir que durant la relation conjugale, elle a assuré la gestion de son foyer et a aidé son conjoint dans l’acquisition du domicile conjugale et qu’elle a dépense de ses propres ressource l’équivalent de 170 000 dirhams alors que son époux ne disposait que de son salaire mensuel qu’il consacrait en partie à la couverture des dépenses pour l’entretien de ses enfants.
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La plaignante considère que la construction du domicile familial a été financée par les apports des conjoints et qu’elle revendique un droit sur la moitié de ce bien en référence aux principes du fikh. La défense de l’ex-époux a fait valoir que l’opposition sur le bien en question a été levée par la conservation dans la mesure où les témoins n’ont pas confirmé l’existence d’une dette prouvée et qu’ils ont tout simplement affirmé que la plaignante couvrait une partie de ses dépenses par ses propres ressources.
La plainte a été rejetée par le tribunal sous prétexte que la coutume d’Al Kad ou S’aya concernant spécialement la région du Souss. Il a affirmé qu’il n’ y a pas d’accord préalable entre les deux parties quant à la gestion commune des biens et que le principe de base en Islam est l’indépendance dans la gestion des patrimoines. Le tribunal d’appel a confirmé le rejet pour les mêmes raisons. Toutefois, le Conseil Supérieur a repris le dossier en réexaminant la plainte. Il a notamment précisé que Al Kad ou S’aya est un droit coutumier et islamique et que le tribunal devait plutôt examiner la validité des documents produits par les deux parties pour prononcer un jugement équitable. A sa lecture de l’appel, le conseil supérieur considère que le rejet par le tribunal d’appel n’a pas argumenté sa réponse et n’a pas répondu aux arguments de la défense que ce soit au tribunal de première instance ou lors des délibération en appel et il s’est contenté d’appuyer le premier jugement sans plus.
Toutefois, la Conseil Supérieur a décidé de rejeter la demande pour d’autres arguments : la plaignante n’a pas montré dans sa requête au Conseil quels ont été les arguments avancés au niveau du tribunal de Première Instance et du Tribunal d’Appel sur lesquels le prononcé des jugements de deux instances n’ont pas répondu, et que d’un autre côté sa plainte n’est pas accompagnée de preuves tangibles sur sa participation à la formation du patrimoine de son conjoint.
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2. L’article 49 : Appréciations sur sa mise en application
L’article 49 du code a introduit une innovation dans le droit marocain de la famille. Sans remettre en cause le principe bien établi en droit musulman de la séparation des patrimoines des époux, le législateur définit une nouvelle approche dans la prise en compte de la contribution des conjoints à la formation et à la gestion du patrimoine familial. Il propose une modalité de gestion commune des biens familiaux et annonce un principe de règlement des différends quant au partage des biens acquis durant la vie conjugale. Cette nouvelle approche tient compte des changements intervenus dans le statut et la position de la femme dans les relations domestiques et sociales. C’est une reconnaissance de sa participation économique directe ou indirecte à la constitution et à la fructification du patrimoine familial.
Cet article vient ainsi redresser les déficiences de l’ancien Code du Statut Personnel qui n’abordait cette question que sous l’angle de la contestation par l’un des époux de la propriété des biens mobiliers. Les dispositions des articles 39 et 40 ne donnaient aucune garantie à la protection des droits de l’épouse en cas de rupture du lien du mariage. Dans le vécu des couples, les situations d’iniquité ou d’abus de positon de l’époux sont monnaie courante. Les biens, notamment immobiliers, parfois acquis pendant la vie conjugale avec la participation de l’épouse sont immatriculés au nom du mari. Par ailleurs, avant l’arrivée des femmes dans le monde du travail, c’était le mari qui réglait toutes les dépenses nécessaires à l’entretien de son ménage, la femme quant à elle, y contribue en nature par la prise en charge des tâches ménagères et d’éducation des enfants. L’évolution sociale, la scolarisation des femmes et les nécessités économiques ont fait que les femmes ont de plus en plus d’activités de rémunératrices. Quelle travaille ou qu’elle soit au foyer, la femme contribue à l’entretien du ménage par sa prise en charge de l’éducation des enfants et des tâches ménagères qui continuent à peser sur elle exclusivement conformément aux usages et à la coutume. Au terme 194
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de la relation conjugale (par divorce ou par décès) et après plusieurs années de travail, beaucoup de femmes se retrouvent cependant complètement démunies compte tenu du régime de la séparation des biens entre la femme et le mari. Aussi serait-il légitime que les activités ménagères de femmes et d’éducation des enfants soient reconnues juridiquement et prises en compte comme étant une contribution aux charges du ménage dont il sera tenu compte lors de la séparation.
Pour éviter que les droits de l’épouse ne soient sacrifiés, l’article 49 dispose que les conjoints peuvent convenir du mode de gestion des biens acquis en commun pendant la vie conjugale. L’accord des époux sera formalisé au moyen d’un document distinct de l’acte de mariage. Toutefois, l’expérience a montré qu’il ne suffit pas de prévoir une disposition légale pour considérer que son application est acquise. Le poids de la tradition et des mentalités entrave la mise en œuvre de certaines règles.
Aussi, les rédacteurs du Code obligent à travers l’alinéa 3 de l’article 49 les «adoul» à aviser les futurs conjoints, lors de la conclusion du mariage, de l’existence de cette possibilité. Cette disposition émane de la volonté de protéger les droits de l’épouse mais dans la pratique, son influence sur l’attitude des conjoints n’est pas prouvée. En l’absence d’un accord, tout litige devrait prendre en considération le travail de chacun des conjoints, des efforts qu’il a fournis et des charges qu’il a assumées pour fructifier les biens de la famille. Le recours aux règles générales de preuve est censé être actionné en cas de conflit sur le partage des biens. Toutefois, malgré toutes ces précisions la mise en œuvre des dispositions précitées s’avère dans certains, problématique38. Quelle application le juge en fait-il? Les décisions des tribunaux de première instance relatifs à certains cas permettent, à défaut d’apporter quelques éléments de réponse incontestables, d’examiner les interprétations
38- Il en est notamment ainsi en cas d’absence de contrat, pour l’établissement de la preuve de l’acquisition de biens mobiliers pour lesquels il est rare que les intéressés conservent toutes les factures. De même, en cas de communauté de bien, le Code n’exigeant pas la publicité d’un tel contrat, sera-t-il opposable aux tiers et, en cas de décès de l’un des conjoints, aux ayants - droit?
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que les juges donnent à cet article. Le nombre limité de cas étudiés réduit forcément le champ de l’analyse et, partant, la pertinence des conclusions. Toutefois, les cas rapportés permettent d’appréhender, même sommairement, l’application qui est faite par les juges des dispositions de l’article 49 du code. Le tableau en annexe vise à présenter une synthèse de ces cas sur la base de quatre critères : • Le cas en question a-t-il eu recours à une enquête portant sur la valeur du patrimoine familiale et sur la mesure du temps de travail ? Sept cas sur les neuf étudiés ne font pas mention d’une enquête sur la valeur du patrimoine, ni d’une mesure objective du temps consacré par la femme au travail domestique. • Le cas en question a-t-il fait référence au principe d’Al Qad ou S’aya dans l’approche du travail domestique de la femme ? Pratiquement tous les cas (sept cas sur neuf) font référence à ce principe comme une forme de reconnaissance du travail domestique de la femme, mais cette référence est évoquée comme un argument dans le jugement prononcé, elle ne se décline pas en un procédé d’estimation de la valeur du travail domestique.
• Le cas en question a-t-il fait référence à l’article 49 dans le prononcé du jugement ? Sur ce cas aussi, l’article 49 constitue la norme juridique fondamentale à laquelle recours le juge pour établir son jugement. La référence en question est évoquée sans aucune précision sur son contenu.
• Le cas en question recours-t-il à la preuve pour statuer sur le conflit entre les conjoints ? Dans la plupart des cas, l’examen des preuves est appliqué, mais le témoignage oral est la preuve la plus sollicitée.
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2.1 L’interprétation officielle de l’article 49 : Des discours fondateurs à l’interprétation officielle Les discours fondateurs L’avènement du nouveau règne a suscité l’espoir de réformer de nouveau le droit de la famille au Maroc. Il paraissait évident que l’ancrage du pays à la modernité et aux valeurs universelles ne pouvait se faire tant que la famille, pilier de la société, offrait l’image d’un espace marqué par l’inégalité. La volonté de prendre des décisions et des initiatives en faveur de la promotion, dans l’équité, de la condition de la femme a été considérée comme un signal politique fort du nouveau régime. Le discours du 20 août 1999 a été l’occasion pour le souverain de poser une interrogation fondamentale sur la condition de la femme : « Comment espérer assurer progrès et prospérité à une société alors que ses femmes, qui en constituent la moitié, voient leurs droits bafoués et pâtissent d’injustice, de violence et de marginalisation, au mépris du droit à la dignité et à l’équité que leur confère notre sainte religion ? »
En effet, le mécontentement engendré par la précédente tentative de réforme de la Moudawana avait fini par semer le doute dans les esprits quant à l’avancée des droits des femmes dans notre pays. La non-application intégrale de la réforme précitée de la Moudawana et la prise de conscience de la femme à l’égard de ses droits et de ses obligations, suite aux progrès enregistrés au Maroc, sont autant de facteurs qui appelaient un identification des dispositions de la Moudawana qui nécessitaient d’être révisées tenant compte des contraintes imposées par les mutations sociales. Aussi le souverain a-t-il confié à une commission la mission d’examiner les mécanismes et les procédures propres à garantir la bonne application des dispositions de la Moudawana, et à s’atteler parallèlement, à l’élaboration d’un projet de révision de ce texte. Dans l’allocution royale lors de l’installation de la commission consultative chargée de la révision de la Moudawana, la plus haute autorité du pays a annoncé clairement la finalité de cette initiative : 197
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« Nous nous sommes attaché….à poursuivre les actions en faveur de la promotion de la condition de la femme dans tous les secteurs d’activité de la nation et à l’affranchir de toutes les formes d’injustice qu’elle subit » « Aussi, avons-Nous le souci de garantir les droits des femmes au même titre que ceux des hommes » « Nous l’engageons (la commission) à s’astreindre au devoir d’objectivité, à cerner notre réalité sociale, à assigner à chacune des prescriptions la place qui lui revient, en ayant constamment en vue ce qui est nécessaire et ce qui relève de l’intérêt général. Ces deux considérations ont, en effet, aux yeux de la charia, la prééminence sur les autres, dans beaucoup de situations et de cas de figure. Pour autant, la commission ne doit pas s’estimer liée par des précédents juridictionnels qui avaient certainement leur justification à leur époque et dans le milieu qui était le leur. » « Nous l’engageons à emprunter la voie de la modération et du consensus, afin de concrétiser les vœux que Nous formons tous pour notre patrie. La sauvegarde de son identité islamique, le progrès social et la mise à niveau de ses potentialités, ses ressources et ses atouts, dans le cadre d’actions concertées, menées conjointement par ses femmes et ses hommes, dans la dignité et dans un esprit d’égalité et d’équité, sont autant d’objectifs à rechercher, afin que notre pays puisse relever les défis, tant internes qu’externes, qui l’attendent.
Ainsi, la commission devait se pencher sur ces questions de la réforme de la Moudawana et proposer les solutions appropriées conciliant un triple référentiel : la réalité sociale, les finalités de la Chariaa et la philosophie des droits humains fondamentaux. Elle devait respecter un dosage qui permette de concilier entre, d’une part, l’attachement aux valeurs immuables qui froment le socle de notre identité, et d’autre part, l’adhésion pleine et entière, à l’esprit du temps caractérisé notamment par l’universalité de droits de l’homme. En se prononçant sur le projet de Code de la Famille, le monarque affichait sa volonté de voire introduire des réformes substantielles. En ce sens, le discours prononcé à l’ouverture de la deuxième 198
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année législative de la VIIième législature (le 10 octobre 2003) est révélateur de cette volonté. On y relève les points suivants :
‹ Faire du divorce, en tant que dissolution des liens du mariage, un droit exercé et par l’époux et par l’épouse, selon les conditions légales propres à chacune des deux parties et sous contrôle judiciaire; ‹ Elargir le droit dont dispose la femme pour demander le divorce judiciaire, pour cause de manquement du mari à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage ou pur préjudice subi par l’épouse, tel le défaut d’entretien, l’abandon du domicile conjugale, la violence ou tout autre sévice, et ce, conformément à la règle jurisprudentielle générale qui prône l’équilibre et le juste milieu dans les relations conjugales. Cette disposition répond également au souci de renforcer l’égalité et l’équité entre les deux conjoints. ‹ S’agissant de la question de la gestion des biens acquis par les conjoints pendant le mariage : tout en retenant la règle de séparation de leurs patrimoines respectifs, les conjoints peuvent, en principe, convenir du mode du mode de gestion des biens acquis en commun, dans un document séparé de l’acte de mariage. En cas de désaccord, il est fait recours au juge qui se base sur les conditions générales de preuve pour évaluer la contribution de chacun des deux époux pour la fructification des biens de la famille.
La finalité du législateur
Le Parlement a été saisi pour la première fois du projet de code de la famille, eu égard aux obligations civiles qu’il comporte, étant entendu que ses dispositions à caractère religieux relèvent du ressort exclusif d’Amir Al Mouminine. Par le vote à l’unanimité du Nouveau Code de la Famille, le Parlement (par ses deux chambres) a redonné aux femmes marocaines la considération qui leur revient. En instaurant l’égalité dans les relations conjugales, le législateur donne le ton en n’hésitant pas à remettre en cause le principe séculaire de la suprématie de l’homme au sein de la famille patriarcale. Le 199
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nouveau code place la famille sous la responsabilité conjointe des deux époux et met un terme à la dichotomie qui caractérisait le statut des femmes marocaines, déclarées par la constitution égales aux hommes dans l’espace public, mais enfermées dans un espace privé foncièrement inégalitaire. Il est clair que le Nouveau Code de la Famille vise à faire du cercle familial un espace marqué par les valeurs fondamentales de justice, d’équité, de partage, d’affection et de sérénité. Cette volonté égalitariste du législateur trouve son expression dans les différentes innovations introduites par le code. C’est ainsi que la capacité matrimoniale s’acquiert désormais sans distinction entre le garçon et la fille, à l’âge de dix huit ans, que la tutelle matrimoniale n’est plus une condition de validité du lien matrimonial, que le droit de la femme à demander le divorce judiciaire a été renforcé par l’inclusion de nouveaux motifs39. Dans le même sens, le code retient un nouveau mode de divorce judiciaire à travers la procédure de « chiqaq », institue le divorce par consentement mutuel sous le contrôle du juge et prévoit la possibilité pour les époux de convenir du mode de gestion des biens acquis en commun dans un document annexé à l’acte de mariage, tout en donnant au juge le pouvoir d’appréciation en matière de partage de biens acquis pendant l’union. Le Code s’articule autour de grands axes visant à consacrer le principe de l’égalité entre les conjoints : égalité des conjoints au niveau de la responsabilité familiale ; égalité au niveau des droits et des devoirs des époux ; le divorce par compensation et le divorce pour impossibilité de vie commune (Chiqa’q) ; le legs obligatoire profite aux petits enfants de la fille au même titre que les petits enfants du côté du garçon ; le partage des biens acquis durant le mariage, après séparation des conjoints. Dans le débat parlementaire sur le Code de la Famille, différentes questions ont été posées sur l’article 49, concernant les conditions optionnelles du recours au contrat, d’autres faisant référence à l’ambiguïté de son contenu et d’autres enfin réclamant une clarification 39- Manquement de l’époux à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage, préjudice subi, défaut d’entretien, abandon du domicile conjugal, violences ou tout autre sévice.
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du concept d’Al Kad ou S’aya et sa relation avec l’article relatif au partage des biens. Les réponses du ministre à ces questions ont permis d’apporter quelques clarifications sur le contenu de l’article 49:
‹ La première concerne la nécessité de contractualiser l’accord relatif aux finances de la familles pour éviter tout conflit sur cette question: le ministère considère que la référence à la contractualisation des conditions sur lesquelles se sont mis d’accord les conjoints, telles que mentionnées dans le deuxième paragraphe de l’article 49, est une disposition nécessaire pour régler tout conflit entre les conjoins. Cette contractualisation permet d’éviter les remises en causes auxquelles sont souvent sujets les engagements oraux, comme elle permet d’éviter les conflits d’interprétation sur le contenu de ces engagements et préservent ainsi les droits de chacun des époux.
‹ La seconde consiste à affirmer qu’il n’a y a pas de contradiction entre la libre disposition par chaque conjoint des biens et des patrimoines qui lui sont propres et la conclusion d’un accord à propos de la gestion de ces biens acquis pendant la relation conjugale. L’article 49 a confirmé que chacun des deux époux dispose d’un patrimoine distinct du patrimoine de l’autre mais qu’ils peuvent se mettre d’accord sur une modalité de fructification et répartition des biens acquis pendant la relation conjugale. En ce qui concerne les meubles de la maison, l’article 34 règle toute contestation en ce qui concerne les meubles de la maison : cet article considère que tout apport effectué par l’épouse, en guise de trousseau ou de literie, amenés de la maison de s es parents au foyer conjugale, lui appartient à titre exclusif. Pour le reste des effets du foyer conjugal, l’affaire doit, en cas de litige, être tranchée selon les règles générales de la preuve. L’article 34 prévoit aussi des solutions dans les cas où les conjoints ne peuvent pas produire la preuve en ce qui concerne ces effets.
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‹ Le mode d’évaluation des parts respectives des conjoints dans la fructification des biens. Le ministère considère que les quatre paragraphes de l’article 49 ne posent pas de problèmes dans leur contenu, concernant les éléments d’appréciation sur lesquels on peut s’appuyer dans l’évaluation de la contribution de chacun des époux dans la mise en valeur du patrimoine familial. Il est possible de recourir aux techniques d’évaluation appropriées pour mesurer la part de la participation des époux dans la fructification de ces ressources financières y compris l’effort déployée par l’épouse dans ce but, tant que cet effort a impacté la valeur de cette richesse. Il revient au pouvoir discrétionnaire du tribunal d’évaluation la part relative de l’effort de chacun des conjoints dans la valorisation des richesses acquises pendant la relation conjugale. ‹ La signification de la formulation mentionnée dans le dernier paragraphe de l’article 49 : la formulation « le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumés pour le développement des biens de la famille » est très large. C’est sur cette base qu’il s’agira d’évaluer les parts des conjoints sous leurs différentes formes, tenant compte du rôle assumé par chacun d’eux dans différentes activités que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural. Selon les commentaires du Ministre de la Justice en réponse à cette question, l’absence de référence directe aux efforts et aux contributions domestiques de l’épouse ne signifie pas que ces efforts et contributions ne doivent pas être prise en considération dans l’ensemble des charges auxquelles fait référence l’article 49. Dans sa formulation générale, cet article a voulu élargir le champ d’approche de la contribution d’épouse pour mieux tenir compte du principe de l’égalité entre l’homme et la femme stipulé par le projet de Code de la Famille. L’interprétation du ministère de la Justice Du point de vue officiel, l’article 49 a pour but de consacrer la situation antérieure selon laquelle les patrimoines respectifs des 202
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conjoints sont distincts l’un de l’autre et que chaque conjoint a la libre disposition de ses biens40.
Néanmoins, dans le cadre de la nouvelle vision du législateur et la dimension qu’il a souhaité donner à l’esprit d’entraide qui doit régner au sein de la famille, il a conféré aux conjoints, afin que chacun d’eux puisse de son côté assumer les charges familiales, la possibilité de se mettre d’accord, en vertu d’un acte séparé, sur la gestion des biens à acquérir après la conclusion du mariage.
Il s’agit d’un accord optionnel basé sur les actes qualifiées selon le fiqh (la jurisprudence musulmane) et la loi d’actes entrant dans le cadre du principe de l’autonomie de la volonté qui confère à toute personne le droit de gérer ses affaires, d’administrer ses biens et d’en disposer de la manière qui lui paraît convenable sans enfreindre les règles impératives, l’accord susvisé devant fixer la part de chacun des conjoints des biens acquis après la conclusion du mariage. Cette règle n’a aucun rapport avec celles prévues par certaines lois en ce qui concerne la conclusion d’actes de mariage dans le cadre de la séparation ou la communauté des biens, du fait que la nouvelle disposition diffère totalement de ce qui précède. De même que la dite loi n’a aucun lien avec les règles de l’héritage étant donné qu’il s’agit de la disposition des biens durant toute la vie de l’individu, à l’instar même des autres actes réalisés à titre onéreux ou à titre gracieux, telles la donation aumônière (sadaka), la donation, la vente ou autre. Il arrive que les conjoints ne parviennent pas à conclure un accord à propos de la gestion desdits biens et que l’un d’eux prétend avoir droit sur les biens acquis par l’autre durant la période de mariage. En cas de litige, chacun peut apporter la preuve de sa participation au développement des biens de l’autre.
40- L’interprétation officielle de l’article 49 (voir guide pratique du code de la famille : Royaume du Maroc. Ministère de la Justice. Publications de l’Association de Diffusion de l’Information Juridique et Judiciaire (A.D.I.J.J). Collection des guides pratiques – numéro 6. Ière édition. Février 2005. pages 43-44.
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Dans ce cas, il est fait application des règles générales de la preuve. Ainsi, la décision à prendre en ce qui concerne la prétention cidessus ne portera jamais sur les biens que possédaient chacun d’eux avant la conclusion de l’acte de mariage. Elle se limitera uniquement aux biens acquis durant la période de mariage et ce, à la lumière du travail accompli, des efforts déployés et des charges assumées par le demandeur pour le développement et la mise et valeur des biens. L’évaluation ne s’entend pas comme une répartition à parts égales des biens mais elle a pour objet de déterminer les efforts fournis par chacun des conjoints et leur effet sur les biens acquis. Evidemment, l’évaluation des efforts et du travail accomplis appartient au tribunal qui doit en apprécier l’importance, la nature et leur effet sur les profits réalisés durant la période du mariage. 2.2 Les difficultés de la mise en oeuvre a- Un premier constat : le très faible recours à la contractualisation de la gestion des biens L’application de la disposition relative à la contractualisation du partage des biens est dérisoire. Les statistiques du Ministère de la Justice révèlent que lors de la première année d’application du Code de la Famille les actes de mariage qui ont intégrés un contrat de partage des biens ne dépassent pas les 312 cas. Sur un total de mariages contractés la proportion de couples qui ont choisi librement cette disposition représente à peine 0,12% du total. Toutefois, le nombre de ces actes contractuels est passé de 312 cas en 2004 à 900 cas en 2007, soit presque un triplement. Même si nous observons que la tendance au recours des conjoints à la conclusion d’un contrat de mariage progresse, l’évolution reste lente et ne concerne toujours qu’une proportion très réduite de la population. La répartition territoriale de cette proportion dégage une disparité assez notable du recours à cette disposition. Les villes qui enregistrent une fréquence plus élevée – même si elle reste toujours inférieure à 1% sont Casablanca (0,63%), Kénitra (0,28%), Errachidia (0,25%), Oujda (0,24%). 204
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Dans plusieurs villes on n’observe aucun recours au contrat sur la totalité des actes de mariage conclus. C’est le cas des villes De Ouarzazate, Agadir, Tanger, Tétouan, Laayoune, Khouribga, El Hoceima. D’autres encore n’ont pas enregistré plus d’un contrat en 2004 ; il en est ainsi des villes de Marrakech, Safi, Beni-Mellal, Nador. Tableau 14: Statistiques des actes relatifs à la gestion des biens pendant la vie conjugale
Rabat
Actes mariages (1) 20904
2005 Actes de gestion des biens (2) 16
0,08
Kenitra Casablanca El Jadida Fès Taza Marrakech Ouarzazate Sa Meknès Errachidia Agadir Laayoune Tanger Tétouan Settat Beni Mellal Khouribga
14340 27191 9608 13967 6651 24738 5322 9677 13372 6103 18942 970 13066 7337 6880 13321 5682
40 171 3 2 10 1 0 1 12 15 0 0 0 0 7 1 0
0,28 0,63 0,03 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,09 0,25 0,00 0,00 0,00 0,00 0,10 0,00 0,00
Ressorts des cours d’appel
205
(1/2)
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Oujda Nador El Hoceima Total Général
13313 8492 3616 243492
AMVEF- 2007
32 1 0 312
Source : Ministère de la Justice
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Quelle explication peut-on donner à ce très faible recours à l’article 49 (à une des dispositions) ? Tout d’abord, il faudrait souligner qu’il s’agit d’un acte volontaire et d’un accord optionnel. Il se fonde sur la volonté, et l’autonomie de décision des futurs conjoints. C’est un document séparé de l’acte de mariage. Le législateur a voulu conférer aux conjoints la possibilité de se mettre d’accord, sans contrainte ni obligation légale sur le mode de gestion du patrimoine familial. Le législateur stipule que les «adouls» doivent aviser les deux parties sur l’option de conclure un contrat sur la gestion des biens constitués pendant la relation conjugale. Le rôle des adouls est donc important dans l’information des parties sur cette option et ses implications. L’adhésion des conjoints à cette modalité, leur perception de ses attendus et ses effets est étroitement liée au rôle d’incitation et de persuasion que peut jouer les adouls quant à son acceptation par les futurs époux. Or, les informations recueillies auprès du personnel de la justice laissent supposer que l’attitude des adouls quant à l’information des futurs époux est plutôt emprunte d’une timidité, sinon d’une retenue. Interrogés sur leur attitude, les adouls évoquent les réactions de rejet des futurs conjoints. «La plupart des femmes et des hommes qui se marient refusent de faire un contrat relatif au partage des biens après un divorce éventuel, en signalant qu’ils sont là pour se marier et non pas pour penser au divorce». En plus, il arrive, dit un autre ‘Adel, «qu’on veuille, parfois, modifier les clauses de l’accord au moment de conclure le contrat de mariage. Ce qui provoque la réaction du conjoint et des familles respectives, et crée une atmosphère peu appropriée pour un début de mariage». 206
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Le contrat peut être établi auprès d’un notaire. Mais, c’est moins le choix du personnel de la justice qui est en cause que la perception et la comportement des futurs époux. On peut se demander aussi si la faible adhésion de la population concernée à cette disposition ne relève-t-elle pas de la prégnance et de la culture dominante, du peu de recul vis-à-vis de cette réforme. L’étude réalisée sur l’application du Code par les Tribunaux de la famille apporte quelques éléments d’explication au rejet de tout contrat économique préalable au mariage: ‹ La majorité des nouveaux mariés trouvent qu’il est particulièrement embarrassant de traiter la question du partage des biens au moment même où l’on s’apprête à signer le contrat de mariage; ‹ Le statut social de la plupart des femmes qui se marient dont la majorité sont des femmes au foyer, qui n’exercent pas un travail à l’extérieur, « elles ont tendance, elles et leurs familles, à ne pas accorder d’intérêt à l’information que leur annonce le ‘Adel, lors de la contraction du mariage, leur suggérant de rédiger avec leur futur mari un contrat parallèle concernant le mode de partage des biens qui seraient accumulés pendant le mariage»; ‹ La difficulté que nombre de femmes affronte pour se marier, ou pour trouver un mari capable de subvenir aux besoins de sa famille; ‹ La crainte des hommes de se trouver obligés de partager leurs biens avec leur épouse, met d’emblée les femmes dans une position de faiblesse pour exprimer leur point de vue sur un mode équitable de partage des biens; ‹ Les femmes mariées ne manifestent pas avec vigueur la volonté de défendre leurs droits Elles subissent toujours les effets d’une éducation traditionnelle qui leur a inculqué l’idée qu’elle doit remettre toute la responsabilité de la gestion des affaires économiques entre les mains de l’époux.
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L’étude conclue qu’étant donnée « qu’elles (les femmes) n’ont ni salaire, ni capital qui leur permettraient éventuellement de construire une maison ou de créer une entreprise avec leur époux, et le peu d’importance que la culture et la société accordent au travail domestique en tant que contribution économique et social dont bénéficie, non seulement la famille, mais la société dans son ensemble, elles finissent par renoncer à mettre en œuvre la proposition du ‘Adel, et « acceptent » dès le départ leur dépendance économique à l’égard de l’époux. En fait, plusieurs femmes n’ont pas encore pris conscience, qu’étant même « femmes au foyer », elles ont le droit néanmoins de revendiquer, à partir même de cette position, leur part des biens familiaux ». b- Un deuxième constat : la difficulté d’application Les premiers alinéas de l’article 49 permettent aux conjoints de choisir les conditions de répartition des biens acquis pendant le mariage dans un document distinct de l’acte de mariage. Dans ce cas de figure, l’accord entre les époux, sa transcription dans un acte adoulaire, dans un acte notarié ou légalisé suffit à donner un contenu et une validité juridique à ce contrat. Le problème se pose quand les époux n’optent pas pour une contractualisation lors de la conclusion de l’acte de mariage. Si le conflit est porté devant le juge, celui-ci rencontre des difficultés dans sa mise en œuvre. L’article fait référence aux notions du travail de chacun des conjoints, des efforts fournis et des charges qu’il a assumés pour fructifier les biens de la famille. Il soulève un certain nombre de questions quant à son contenu. c- La notion de travail domestique Contrairement à certaines dispositions relatives aux autres conséquences du divorce, celles traitant du mode de fructification et de répartition des biens acquis pendant la relation conjugale ne comportent pas d’indication sur le contenu précis de ce mode. Les notions de travail incluent-elles la prise en considération du travail invisible des femmes, auquel cas, quel est sa dimension ? 208
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Quel serait le critère utilisé pour la mesure de ce travail ? Quelle est l’équivalence monétaire à retenir ? Quel contenu sera donné à la notion de patrimoine ?
L’étude réalisée auprès des tribunaux de Casablanca et de Tétouan met en valeur les difficultés d’application de l’article.
«Quand il s’agit du partage des biens entre les époux en instance de divorce, ou de l’estimation de la part qui revient à la femme des biens et propriétés qui se sont accumulés tout au long de la durée du mariage, le tribunal recourt, parfois, aux services d’un expertcomptable. Le problème ne se pose pas quand il s’agit d’évaluer des actions en bourse, ou des actions constituant le capital d’une entreprise. Mais quand on a à évaluer les prestations de femmes au foyer qui ont contribué par leur apport et travail à fonder une famille et à lui assurer des conditions de vie convenables tout au long des années de mariage, l’estimation de leur contribution par le juge pose actuellement un problème réel. Sur la base de quels critères la contribution féminine est-elle faite ?» L’expert-comptable calcule la part qui doit revenir à une femme au foyer qui n’a pas de titres de propriété en multipliant le nombre d’années de mariage par le salaire moyen mensuel d’une travailleuse domestique ! Les rédacteurs du Code n’ont pas pris bien soin de préciser, dans l’article 49 qui traite du partage des biens, ce qu’ils entendent par le travail de chacun des conjoints, est-ce le travail exercé par chacun des conjoints à l’extérieur de la cellule domestique, auquel cas, il s’agirait de prendre en considération le revenu dégagé et qui a alimenté les dépenses. L’article 49 se contente de parler de «travail de chacun des époux» sans faire référence à la nature de ce travail, à son caractère marchand ou non marchand comme il ne donne pas de précision sur la mesure de ce travail : le revenu, le patrimoine. Ce faisant, le Code dote le juge d’un large pouvoir d’appréciation en la matière. Dès lors, il s’avère intéressant de voir, à travers la jurisprudence analysée comment se manifeste ce pouvoir du juge et quel usage 209
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il en fait. Comment appréhende-t-il la notion de travail, d’efforts et quel contenu lui donne-t-il ? Sera-t-il tenté de réduire la portée pratique de la nouvelle procédure en enserrant la notion de travail dans la contribution de l’époux aux revenus et à la constitution du patrimoine dans un cadre restreint par l’exercice d’un travail extérieur à la sphère privée ? Ou abondera-t-il dans le sens de l’ouverture insufflée par le nouveau Code, en faisant une interprétation extensive de cette notion en prenant en considération le travail réalisé au sein de l’unité familiale. Il est vrai que le terme d’efforts fournis et de charges assumées pour le développement des biens de la famille qui renvoie à la notion que revêt une signification suffisamment forte pour considérer que le travail qui en est la cause doit être caractérisé dans son sens large en y incluant aussi le travail domestique. On rappellera que lors des travaux préparatoires du Code, le débat a opposé les tenants de l’inclusion du travail domestique comme une référence, à ceux qui considéraient que le travail domestique relève d’une autre approche. La liste des motifs retenus par les magistrats pour motiver leurs décisions renseigne sur leur appréciation du travail: la variété des motifs retenus montre que les magistrats font une appréciation extensive de la notion de la contribution aux efforts. En outre, des jugements laissent apparaître une certaine ouverture d’esprit des juges sur des points sur lesquels ils se montraient généralement plus conservateurs sous l’empire de l’ancienne Moudouana.
Toutefois, dans leur évaluation de l’effort des femmes au foyer et de la contribution de cet effort à la fructification du patrimoine familiale, les juges se heurtent à une série d’obstacles dans la mesure et l’évaluation quantitative du travail domestique. Le travail familial regroupe tant le travail ménager que l’encadrement, l’éducation des enfants et les soins à dispenser à ces derniers ou à d’autres personnes requérant un encadrement. Il va donc de soi que les ménages comptant des enfants présentent une charge de travail domestique plus élevée que chez les personnes seules ou indépendantes et dans des couples sans enfant. 210
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On peut supposer que la charge globale des femmes est plus lourde que celle des hommes. L’une des raisons en est l’attribution du travail familial spécifique aux sexes. Par ailleurs, au cours des dernières décennies, toujours plus de femmes sont entrées dans une activité rémunérée parallèlement à leur travail familial, tandis qu’on n’observe pas de changement semblable ni d’évolution complémentaire dans le comportement professionnel des hommes. Les hommes adaptent peu leur charge de travail familial à leur situation dans la vie (avec ou sans famille et enfants) comme ils le font s’agissant de leur charge de travail professionnel. Outre ces différences entre les sexes, qui sont très marquées dans ce domaine, il faut aussi examiner les différences entre les femmes. Quels groupes accomplissent le plus de travail familial? Dans quelle mesure le travail familial dépend-il de la position sur le marché du travail et de la charge constituée par l’activité rémunérée?
Il est vraisemblable que la proportion de femmes au foyer diminue au fil du temps. D’une part, la conception qu’ont les femmes de leur rôle s’est modifiée. Les interruptions de l’activité professionnelle pour des raisons familiales deviennent plus courtes et que les femmes qui ont des enfants souhaitent également une continuité de leur activité rémunérée. L’activité rémunérée a gagné une plus grande importance sur l’ensemble de la vie. Par ailleurs, d’autres raisons structurelles, comme l’élévation du niveau de formation des femmes, sont déterminantes pour expliquer le recul du travail purement ménager de ces dernières. En outre, les femmes donnent naissance toujours plus tard à leur premier enfant. Tous modes de vie confondus, l’écrasant majorité des femmes fournissent du travail ménager et familial. Les proportions varient toutefois fortement selon les modes de vie. La proportion de femmes à fournir un travail domestique est nettement inférieure à la moyenne dans les ménages d’une personne. Les enfants entraînent une augmentation du pourcentage de femmes qui accomplissent des tâches ménagères.
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Les femmes participent-elles différemment au travail familial selon leur position socioprofessionnelle ou celle-ci n’a-t-elle aucune influence sur le travail familial? On relève une relation entre ces deux variables. Plus la position des femmes est moins élevée socialement, plus elles tendent à fournir du travail familial. Les travailleuses non qualifiées accomplissent nettement plus du travail familial et ménager que le personnel mieux formé. Les femmes aux échelons supérieurs du management accomplissent un volume de travail ménager inférieur à la moyenne. Les femmes indépendantes exécutent plus souvent des tâches ménagères que les moins qualifiées. On pourrait toutefois supposer que la faible participation des personnes professionnellement non qualifiées aux tâches domestiques apparaît exagérée, parce que les personnes de ce groupe considèrent le travail ménager comme allant de soi. Si pour les femmes sans enfant le travail ménager est plus réduit en moyenne, la situation s’inverse quasiment pour les femmes mariées qui ont des enfants. Les volumes de travail domestique élevés liés à ce mode de vie s’expliquent en partie par la présence, dans ce mode de vie, d’une proportion plus importante de femmes purement au foyer et sans activité professionnelle. d- L’évaluation du patrimoine Sur un autre plan, la répartition des biens au moment du divorce pose un problème sérieux pour la femme, notamment quand on prend en considération que le mari tend, nettement plus que la femme, à enregistrer tous les biens acquis en son nom. La transparence dans la saisie du patrimoine est un des obstacles auquel se heurte l’application du principe du partage des biens. Cette opacité vient de deux origines : la volonté de l’époux de dissimuler une partie de son patrimoine à son conjoint, le seconde est la volonté d’un détenteur de patrimoine d’éviter la déclaration au fisc, la troisième est celle d’enregistrer le titre de propriété au nom de proches de la famille ou de personnes tierces.
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Un ensemble de cas expressifs de la réalité de cette opacité ont été présentés dans l’étude sur les tribunaux de Tanger et de Tétouan: Un magistrat nous rapporte le cas d’un époux dont la femme affirme qu’il possède deux grandes fermes d’élevage avicole. L’époux nie en disant qu’elles appartiennent à son frère. En sollicitant l’avis du caïd, on a pu savoir qu’il était « chômeur ». Cet homme travaille en noir. Il ne paie pas ses impôts. La femme ne peut recourir à aucune administration pour prouver la réalité des revenus de son mari. Un autre cas significatif à cet égard se rapporte à un dossier de divorce qui a pris un retard de 7 mois à cause de la difficulté d’identification du métier et du revenu de l’époux. Car si l’on a pu, avec l’aide de la police, savoir que l’époux concerné avait bien un magasin à Casablanca où il vendait des produits de contrebande (Tanger), on a pas pu savoir à qui ce magasin appartenait effectivement : On n’a pu trouver aucune attestation de propriété prouvant l’appartenance du magasin à l’époux concerné, aucun registre de commerce, ni non plus des factures en son nom. On ne savait pas s’il en était le propriétaire ou un simple employé. Aussi a – t- on décidé, pour évaluer les droits de l’épouse, de se référer au critère du SMIG. L’enquête a été aussi l’occasion de montrer que la répartition des biens au moment du divorce pose un problème sérieux pour la femme, notamment quand on prend en considération que le mari tend, nettement plus que la femme, à enregistrer tous les biens acquis en son nom. Même des femmes fonctionnaires négligent d’établir un contrat de partage des biens avec leur mari. Il y a des femmes qui finissent même par perdre leur capital de départ qui a servi à amasser la fortune familiale. Une avocate du barreau de Tétouan rapporte le cas d’une femme, qui après avoir vécu 30 ans avec son mari, et marié tous ses enfants, s’est trouvée du jour au lendemain divorcée. Le mari possède des propriétés immobilières, et la femme lui avait remis une partie de son héritage pour construire l’étage d’en haut de leur logement. Le tribunal a estimé la part qui lui revient à 20 000 DH, et a décidé également qu’elle quitte la maison à la construction de laquelle elle avait contribué. 213
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Dans les cas où la femme affirme avoir participé activement, et sur une longue durée, à l’accumulation de biens et de richesses, mais sans que la propriété réclamée d’une partie de ces biens ne soit étayée par des documents juridiques, le tribunal n’entreprend pas, du point de vue des femmes, des enquêtes précises pour vérifier l’ampleur et la véracité d’une telle participation. Le seul propriétaire qu’il reconnaît, c’est celui dont le nom figure sur les documents de propriété. Or, vu la fréquence de l’analphabétisme parmi les femmes, et la confiance excessive, l’initiative est souvent laissée aux hommes pour régler le statut juridique des propriétés. En plus, les femmes ne se considèrent pas compétentes dans ces questions41. Le tribunal reconnaît à la femme le droit de bénéficier d’une partie des biens, et ce, sur la base d’une estimation globale de sa contribution aux biens accumulés pendant le mariage. Mais il faut tout de même signaler que cette estimation s’appuie beaucoup plus sur des considérations morales (état social de l’épouse, situation dans l’activité, femme au foyer ou femme active employée….) que sur une évaluation proprement dite du temps de travail consommé pendant la vie conjugale. e- Le troisième constat est relatif à la pertinence de s’inspirer de la pratique d’Al Ked wa si’aya Dans le Sous, on met l’accent plus qu’ailleurs sur la contribution économico-productive de la femme (Al-kadd Wa Sia’ya). On distingue entre la femme qui se limite à réaliser les travaux ménagers, et celle qui s’occupe de ses responsabilités ménagères tout en y ajoutant des travaux de tissage, de couture, de broderie, d’élevage, de construction, d’extraction du fromage et du beurre des produits laitiers, la confection des paniers, la cuisson à objectif marchand, etc. En établissant le lien de causalité entre cette contribution et la situation socio-économique actuelle du ménage, et en se basant sur des documents, des preuves et des témoins, le juge, nous dit un
41- Voir l’étude : “L’application du code de la famille : acquis et défis” Association Marocaine de lutte contre la Violence à l’Egard des Femmes
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magistrat du tribunal d’Agadir, est tenu de lui accorder des droits proportionnellement à la valeur économique de son apport, en plus de ses droits de jouissance. Du point de vue de certains magistrats, il est primordial de disposer de documents ou de témoins prouvant sa contribution tout au long de sa vie conjugale avant de pouvoir lui accorder des droits. Pour certains d’entre eux, la prise en considération des travaux domestiques de la femme, de sa contribution à l’éducation des enfants, de sa préparation des repas, etc. est indépassable.
Le concept « d’el Kadd Wa Sia’ya » incite à compenser l’effort physique de la femme. Il peut être estimé « en prenant en compte la durée de mariage et la différence en termes de biens acquis entre le début du mariage et le moment du divorce ». Dans le cas d’une femme au foyer, « l’on doit au moins, poursuit ce même magistrat, se référer à la proportion des biens qui lui a été accordée par le chra’ dans le domaine de l’héritage ». La plupart des cas examinés montrent que le recours au principe d’al kade ou s’aya vient en appui de l’argumentaire du tribunal en faveur de la prise en compte de l’effort de la femme dans le travail. Mais, les critères et les procédures sur lesquels se fondaient les juges pour mesurer la contribution de la femme au travail des champs ou de l’exploitation ne peuvent être d’une grande utilité dans les jugements sur des litiges relevant de l’évaluation du patrimoine familiale dans une économie domestique. f- Le quatrième constat : les stratégies de contournement : le chiqaq et le divorce par consentement Le Code de la Famille a introduit des changements positifs dans la régulation du divorce. Il se trouve que ces innovations conçues pour faire respecter le droit des femmes sont utilisées par les hommes pour contourner l’application de l’article 49.
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La possibilité pour les femmes de recourir au divorce judiciaire existait sous l’ancienne Moudouana42. Toutefois, le déclenchement de l’une des procédures dans l’ancien Code par l’épouse relevait d’un véritable parcours du combattant, de par l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait souvent de rapporter la preuve de ses allégations et de par la lenteur des procédures dont la durée se comptaient en années. Ce qui enlevait toute efficacité à ce mode de dissolution du mariage censé la protéger contre les abus de son mari. Afin de palier ces difficultés, le nouveau code propose un renforcement des droits des femmes dans ce domaine, en réaménageant certaines dispositions existantes, telles celles relatives au défaut d’entretien, mais surtout en introduisant de nouveaux modes de divorce judiciaire et en fixant les délais d’exécution des procédures de divorce. Le Chiqaq C’est ainsi que le législateur introduit le divorce judiciaire pour raison de discorde ou «chiqaq»43. S’appuyant sur le verset 35 de la Sourate IV « An nissae» (les femmes), le législateur a introduit un nouveau mode de divorce judiciaire dans le droit de la famille au Maroc: le pour raison de discorde ou «chiqaq». Contrairement à l’ancien texte qui n’offrait au couple en difficulté aucune autre alternative que celle de mettre brutalement fin à l’union conjugale par la répudiation prononcée unilatéralement par le mari ou, de manière plus limitée, par le divorce judiciaire, cette nouvelle procédure permet à l’un ou l’autre époux de saisir le juge pour lui exposer le différend qui l’oppose à son conjoint et qui risque, si rien n’est fait, de conduire à la dissolution du mariage. 42- Les articles 53 à 58 consacraient cette possibilité. Les motifs retenus étaient le défaut d’entretien de l’épouse par son mari, la découverte d’un vice rédhibitoire chez son conjoint, le fait qu’elle soit sujette à des sévices de la part de celui-ci, l’absence du mari pendant plus d’une année dans un lieu connu et sans motif valable, le serment de continence ou de délaissement prêté par le mari.
43- En effet, le verset 35 précité dit « Si vous craignez qu’il y ait discorde entre les époux, faites alors appel à deux arbitres issus l’un de la famille du mari, l’autre de la famille de l’épouse. Si les deux arbitres veulent vraiment les réconcilier, Allah les aidera dans leur tâche et fera aboutir leurs tentatives. Allah est Tout -savant et parfaitement informé».
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La procédure de « chiqaq » constitue pour les femmes une arme précieuse, dans la mesure où le législateur leur permet d’y recourir chaque fois qu’elles se heurtent à des difficultés qui les empêchent de faire aboutir leurs demandes de divorce judiciaire fondées sur les autres motifs prévus par le Code44. En remettant en cause le pouvoir discrétionnaire du mari de répudier son épouse, le nouveau Code établit une certaine égalité entre les époux face à la dissolution des liens du mariage, même s’il a maintenu la répudiation. Cette nouvelle possibilité qui constitue, pour les femmes, l’une des avancées majeures introduites par le nouveau code, n’est pourtant pas l’apanage des seules épouses. L’une des particularités de ce nouveau mode est qu’il peut être utilisé indifféremment par l’épouse ou par l’époux, alors que les autres possibilités prévues par le Code ne concernent que les femmes. Si les efforts consentis par le législateur en vue de réduire les inégalités entre les conjoints au sein de la cellule familiale sont louables, ils ne peuvent atteindre leur objectif que si le juge s’inscrit dans la même logique. Mais l’analyse de la jurisprudence relative au divorce judiciaire pour raison de «chiqaq» laisse transparaître des indices révélateurs sur le recours par l’homme à ce mode de dissolution du mariage qui se veut égalitaire. Le juge et le divorce judiciaire par consentement mutuel
Le divorce par consentement mutuel constitue aussi une nouveauté introduite par le code de la famille. Il permet aux deux époux de mettre fin d’un commun accord à leur union conjugale, avec ou sans conditions. Lorsque celles-ci existent, l’article 114 qui pose, dans son alinéa 1er, le principe de ce nouveau mode de divorce, l’assortit de deux exigences: les conditions prévues ne doivent pas être incompatibles avec les dispositions du Code, de même qu’elles ne doivent pas porter préjudice aux intérêts des enfants. Par ailleurs, l’instauration par le législateur de la possibilité de divorce par consentement mutuel, laisse entendre que l’on se trouve 44- Il en est ainsi lorsqu’un des conjoints persiste à manquer aux obligations qui naissent des droits et obligations réciproques du couple tels que prévus par l’article 51 du Code.
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devant un mode «apaisé», permettant de mettre un terme à la vie conjugale tout en préservant les intérêts des deux parties en présence et, le cas échéant, de leurs enfants. La formule «consentement mutuel» empruntée au droit des contrats, suggère que l’accord établi entre les deux conjoints est équilibré et que, lorsque des conditions existent, elles ne favorisent pas l’une des partie au détriment de l’autre. Pourtant, les réalités du divorce ne vont pas toutes dans ce sens. En effet, si dans la plupart des espèces, les conjoints respectent l’esprit de l’article précité, en renonçant mutuellement aux droits de l’un sur l’autre et en allant jusqu’à partager les frais de justice, il se trouve des décisions dans lesquelles l’accord auquel sont parvenus les époux paraît peu équitable à l’égard de l’épouse. Il ressort de nombreuses demandes de divorce judiciaire introduites par l’épouse, que celle-ci faisait l’objet de la part de son mari de pressions pour renoncer à ses droits. Les conjoints déclarent à l’audience vouloir, d’un commun accord, mettre un terme à leur relation conjugale. Dans d’autres cas, l’épouse déclare renoncer à tous ses droits. Mais la situation des conjoints montre que l’on est loin d’un accord négocié sur des bases équitable et laisse supposer qu’une pression a dû s’exercer sur elle pour accepter des accords désavantageux. Il est rare de trouver, parmi les femmes appartenant à des catégories sociales modestes, des époux divorcés qui gèrent de manière pacifique, compréhensive et détendue la phase de l’après-divorce. Dans certains cas, l’après-divorce se caractérise par le non respect du mari des engagements pris en matière de logement, de pension alimentaire et de garde des enfants. Il y a même des actes de violence qui sont perpétrés contre la femme pour l’obliger à renoncer à ses droits et à ceux de ses enfants. L’intimidation, la menace et le harcèlement sont des pratiques masculines courantes tendant à faire plier la femme. Certains hommes n’hésitent pas à exploiter le pouvoir que leur confère leur fonction administrative pour faire échouer tous les efforts que déploient les femmes en vue de recouvrir leurs droits. Le mensonge devant le tribunal est également une pratique courante pour éviter des responsabilités, ou se débarrasser des engagements pris. 218
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La manière avec laquelle les magistrats abordent les nouveaux modes de dissolution du mariage, en s’inscrivant totalement dans l’esprit du texte, constitue un indice positif dans la voie du renforcement des droits des femmes au Maroc. Cet indéniable effort des juges se trouve néanmoins contrecarré par la tendance de ces dernières à renoncer à leurs droits sous l’effet des fortes pressions auxquelles elles sont soumises de la part de leurs conjoints et, souvent, de la méconnaissance de leurs droits. En outre, certaines décisions, encore assez rares, laissent apparaître, une attitude novatrice et plus égalitaire des juges, qui tranche avec leur position antérieure. En effet, ils n’hésitent plus à mettre en avant les intérêts de l’épouse, dans des domaines où ils se montraient très conservateurs jusque là. Ces prémisses prometteuses signifient-elles que le juge marocain s’est résolument engagé sur la voie de la modernité? La réponse doit être nuancée, d’une part, parce que nous nous trouvons au début d’un long processus et, d’autre part, parce que le juge demeure soumis au poids de la tradition, comme l’atteste souvent la surabondance de motifs et son besoin fréquent, même en présence de dispositions claires et qui se suffisent à elles-mêmes, de recourir au référentiel religieux et aux auteurs classiques du droit musulman. En fait, le divorce par consentement mutuel constitue une illustration de l’importance du rôle du juge qui doit faire preuve d’une vigilance accrue afin que ce mode de divorce égalitaire, parce que voulu par les deux conjoints, ne se transforme en un marché de dupe, comme c’est le cas dans les affaires précitées. g- Le cinquième constat est relatif à l’interprétation du juge Dans le cas où le texte de la loi est obscur, le tribunal doit se demander quelle a été l’intention du législateur et s’aider, pour faire cette recherche, de tous les procédés d’interprétation, de l’interprétation logique, comme de l’interprétation grammaticale : il peut aussi bien étendre que restreindre la portée littérale des textes. Interpréter la loi, c’est en déterminer la signification, afin d’en permettre ou d’en donner l’application exacte. L’interprétation des 219
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lois est une nécessité, parce qu’il est impossible, et d’ailleurs peu désirable, que la loi renferme l’indication de toutes les hypothèses particulières, susceptibles de se présenter, et règle chacune d’elles par une disposition spéciale. Pour demeurer claire, la loi doit rester concise, et contenir simplement l’énonciation de règles générales, en laissant à l’interprétation le soin d’adapter ces règles aux espèces concrètes. En principe, c’est à celui qui a fait la loi qu’il appartient d’en donner le sens. Mais, qu’on s’adresse pour cette mission au législateur, l’interprétation législative ne suffit pas ; et l’on est obligé de remettre au juge, qui est chargé d’appliquer la loi, le pouvoir d’en déterminer la signification. Toute interprétation suppose la recherche de ce qui est la loi, c’està-dire de ce qu’a voulu et de ce qu’a fait le législateur. II y a là une double détermination, dont l’ensemble seul constitue la loi, parce que ce que le législateur a voulu sans l’exprimer dans un texte n’est pas la loi, n’étant pas dans la loi (exemple : les lois imparfaites), et parce que ce que le législateur a fait, sans l’avoir voulu, bien qu’étant dans la loi, doit être, autant qu’on le peut, rejeté de celle-ci, comme n’y étant pas rationnellement. Cela revient à dire que la loi est dans la combinaison raisonnée de son esprit et de sa lettre. Techniquement, l’esprit de la loi est dans la perception du but que s’est proposé le législateur, en édictant les prescriptions qu’il a prises. Pratiquement, l’esprit de la loi se trouve dans les travaux préparatoires de la loi, c’est-à-dire dans les discussions qui ont précédé son adoption, et qui en éclairent le sens. L’esprit d’un texte qui a été voté sans modification est à chercher avant tout, s’il s’agit d’un projet de loi, dans l’exposé des motifs qui le précède. L’esprit d’un texte est également à chercher, principalement dans le discours fondateurs, et, dans les discours des membres du Parlement, qui ont pris la parole à cette occasion. Enfin, l’esprit d’un texte, est à demander de préférence aux discours des acteurs qui se sont tenus le plus près du but que la disposition législative a pour objet de réaliser. 220
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Au reste, c’est à la pensée des auteurs de la loi qu’il faut s’en tenir, et non pas à. ce que pourrait être celle-ci en présence des besoins actuels et nouveaux : la loi est, en effet, inséparable de la volonté qui l’a rédigée. La détermination de la lettre de la loi est donnée par l’examen et l’analyse logique de son texte, c’est-à-dire des expressions qu’il renferme, appréciées dans leur sens et leur position dans la phrase. Comme il arrive souvent qu’une expression possède dans la langue arabe des significations différentes, la précision du sens qu’elle doit recevoir est à chercher d’abord dans le langage juridique, en laissant de côté la langue ordinaire (sens technique et sens vulgaire des mots); et ensuite entre plusieurs acceptions juridiques, dans le but spécial poursuivi par le législateur : d’où la maxime, la lettre de la loi tue, si on ne la vivifie pas au moyen de son esprit. Comme il vient d’être dit, l’interprétation judiciaire est simplement la déclaration de ce qui est la loi. Pour faire cette déclaration, le juge doit prendre la loi telle qu’elle est. Si des erreurs se sont glissées dans le texte d’une loi, il ne lui appartient pas de les corriger. D’autre part, si une lacune apparaît dans son contenu, il n’échoue pas davantage à l’autorité judiciaire, si haut placée qu’elle soit, de la faire cesser : ce serait substituer une oeuvre différente au monument législatif. Limitée à ce qui est la loi, l’interprétation doit dégager uniquement ce qu’a voulu et fait le législateur. Mais, dans ces bornes, l’interprétation est libre pour donner à la règle légale toute l’étendue qu’elle comporte, et lui faire embrasser toutes les hypothèses, mêmes nouvelles, que contiennent logiquement ses prescriptions. Il y a lieu d’admettre des principes supérieurs d’équité, qui régissent la pratique du droit, non pas sans doute en l’absence de toute disposition législative, mais au delà des termes des applications qui en sont faites, et dont la présence dans la législation en suppose la reconnaissance implicite.
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Chapitre 9 : Recommandations de l’étude 1. Premiere recommandation CONCEVOIR UNE CIRCULAIRE POUR LA MISE EN ŒUVRE DE L’ARTICLE 49 Considérant que : ‹ L’article 49 vise à opérer une simplification et une pacification des procédures de divorce devant le juge des affaires familiales, en particulier en matière de partage des biens.
‹ L’objectif est de permettre un règlement à la fois plus rapide et plus complet des conflits familiaux, tout en garantissant le respect des droits de chacune des parties ainsi que de l’intérêt des enfants.
‹ L’article en question favorise les accords entre époux et rationalise les conséquences de la dissolution du lien matrimonial, notamment financières en cas d’absence d’un contrat entre les époux et adapte les différents cas à l’évolution des situations conjugales, ‹ La Justice a la charge de mettre en œuvre la protection juridique, prévue pour la famille avec toutes ses composantes et ce, dans un esprit de modernisme qui reflète la modernité des innovations du Code de la Famille ‹ Le Ministère publique vise à amener la jurisprudence à mieux mettre en œuvre les objectifs de l’article 49, et notamment les innovations introduites dans sa formulation afin de contribuer au processus de construction d’une justice de la famille, compétente et efficace
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‹ Les orientations données dans le Guide d’application du Code de la Famille restent trop générales
‹ Les observations de terrain font ressortir une certaine subjectivité dans l’interprétation des dispositifs de l’article 49 Il est recommandé de : ‹ D’étudier l’opportunité d’élaborer et de diffuser une circulaire consacrée à la mise en œuvre de la réforme du divorce et à celle de la procédure en matière familiale.
‹ La circulaire en question pourrait être composée de deux parties : l’une mettant l’accent sur les respect de l’esprit du Code de la Famille et plus particulièrement de l’article 49 : celui de l’égalité entre l’homme et la femme sur le plan de la conclusion de l’acte de mariage, de la garde des enfants, du droit de mettre fin à la relation conjugale mais aussi sur le plan de la gestion des affaires de la famille. Cette partie de la circulaire réaffirmerait par ailleurs avec force les principes de protection et de responsabilité, indispensables à un traitement juste et équitable des séparations conjugales.
‹ La circulaire pourrait, dans sa seconde partie, édicter des modalités propres à la résolution des conflits; aux modes de preuves de l’existence d’un patrimoine. Elle pourrait également indiquer des solutions concernant les procédures de partage des biens. La circulaire indiquerait les solutions à adopter en vue de donner aux dispositions de l’article 49 une application, prenant en compte la situation des époux et le partage équitable des biens. ‹ La circulaire tout en simplifiant les procédures et en harmonisant les possibilités de règlement du partage des biens devrait permettre de mieux répondre aux attentes des couples.
‹ La circulaire permettrait également un accompagnement des juges afin de les aider à organiser les conséquences de la séparation le plus efficacement possible, dans le souci d’éviter la résurgence de conflits après le prononcé du divorce. 223
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2. Deuxième recommandation CONCEVOIR ET DIFFUSER DES MODELES DE CONTRAT DE PARTAGE DES BIENS Considérant que : ‹ L’article 49 laisse l’option ouverte à la conclusion du contrat.
‹ Les considérations psychologiques, sociologiques ou culturelles freinent l’adhésion au principe de la contractualisation au moment du prononcé du mariage. ‹ L’existence d’un ou de modèle(s) de contrat pourrait faciliter les règlement des modalités de partage des biens entre les conjoints.
Il est recommandé de : ‹ Déployer des efforts en vue de sensibiliser les citoyens et citoyennes sur l’intérêt de recourir à la contractualisation sur la gestion des biens acquis pendant la période de la vie conjugale, ‹ Inciter les adouls à user de leurs pouvoirs pour informer les candidats au mariage à l’intérêt de recourir à cette formule des notaires, ‹ Elaborer un ou des modèles types de contrats et les mettre à la disposition des citoyens,
‹ Diffuser ces spécimen de contrats parmi l’ensemble des imprimés requis pour la conclusion du mariage.
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3. Troisième recommandation INCITER A LA PRISE EN COMPTE DU TEMPS NON REMUNERE DANS LA COMPTABILITE NATIONALE Considérant que : ‹ Les statistiques économiques conventionnelles, comme les comptes nationaux et les mesures de l’emploi, sont conçues dans une large mesure pour mesurer l’économie de marché et elles excluent la plupart des activités productives non marchandes des ménages.
‹ Le travail non rémunéré occupe 28 % des heures qu’une personne passe éveillée, mais il ne fait pourtant pas partie des mesures types de l’activité dans notre société. ‹ Les biens et services découlant de ces activités sont une source d’utilité pour les membres d’un même ménage et les autres ménages et contribuent à leur bien-être.
‹ Le volume de la production des ménages est important : en moyenne, les personnes consacrent environ 10 % plus de temps à un travail non rémunéré qu’à un travail marchand.
‹ Le volume même du travail non rémunéré et son rapport avec le travail rémunéré plaident largement en faveur de mesures types plus complètes pour de nombreuses applications et analyses. ‹ Mettre en lumière les différences entre les tâches productives non rémunérées effectuées par les hommes et les femmes, et faire ressortir le rôle important que jouent les femmes dans la production des ménages, ainsi que l’évolution continue de ces différences au fil du temps.
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Il est recommandé d’inciter la Direction des Statistiques ‹ A prendre en compte la production des ménages et d’élargir les limites habituelles du champ de la production des comptes nationaux. ‹ A construire un compte satellite complet des ménages devant comprendre une présentation exhaustive et intégrée des activités économiques des ménages qui contribuent au bienêtre individuel, comme la production, la redistribution des revenus et l’accumulation de la richesse. ‹ A mesurer et évaluer le travail domestique et invisible et non rémunéré des femmes, sachant qu’elles occupent un temps appréciable de la journée et qu’il ne fait pourtant pas partie des activités comptabilisées dans l’évaluation de la production de la richesse dans notre société.
‹ A développer les méthodes de transformation du temps de travail domestique en valeur monétaire notamment par la méthode du coût de remplacement reposant sur le principe que le temps consacré à des activités non rémunérées peut être évalué sur la base des gains horaires perçus par des personnes qui ont des activités similaires sur le marché.
‹ A estimer le travail des ménages en valeur monétaire sur la base d’un choix de critères validés par les comptables nationaux. ‹ Réunir un « consensus » autour d’une méthode fiable de mesure du travail domestique, permettant de passer d’une évaluation monétaire des travaux invisibles à leur conversion en une estimation du patrimoine accumulé sur une trajectoire de vie commune entre les époux.
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4. Quatrième recommandation AFFINER ET REALISER REGULIERMENT DES ENQUETES BUDGET - TEMPS Pour de nombreuses applications, comme les études sur le bien-être, une analyse plus exhaustive de la production et de la consommation est nécessaire pour suivre ces phénomènes au fil du temps, et au fur et à mesure que les personnes modifient la répartition des heures dont elles disposent entre le travail marchand rémunéré, le travail non rémunéré et les loisirs. C’est pourquoi il est recommandé dans les lignes directrices du Système de comptabilité nationale que le Maroc élabore des comptes satellites de la production des ménages.
Considérant que : ‹ Les informations sur la façon dont les individus répartissent leur temps entre activités rémunérées et non rémunérées peuvent aider à mesurer l’impact des politiques macroéconomiques sur le bien-être des personnes et des groupes de population. ‹ Ces informations pourraient être particulièrement utiles aux décideurs et aux analystes économiques, qui pourraient ainsi intégrer l’ensemble de l’économie productive dans leurs politiques et prévisions.
‹ Le constat d’ordre général corroboré par toutes les études entreprises était que les femmes supportaient une charge de travail plus lourde, tant en ce qui concernait le travail non rémunéré que la totalité des heures de travail.
‹ Les données et les études sur les budgets-temps peuvent être converties en registres nationaux de l’emploi du temps, c’està-dire un ensemble d’estimations sur la façon dont les ménages répartissent leur temps entre travail rémunéré, activités non rémunérées et loisirs. 227
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‹ En combinant les données relatives aux budgets-temps et les données démographiques, il est possible de comparer les emplois du temps de différents groupes. Ainsi, les analystes pourraient comparer le temps consacré à diverses activités rémunérées et non rémunérées par les hommes et les femmes, les jeunes et les personnes âgées, les personnes avec et sans enfant, la population urbaine et rurale, etc. ‹ La réalisation d’enquêtes régulières et gendérisées sur les budgets-temps permettrait aux chercheurs et aux analystes de repérer les changements intervenus dans la répartition du temps au fur et à mesure de l’évolution des normes sociales et de l’économie. ‹ ces études peuvent être d’un apport certains pour estimer le temps affecté par chaque membre du ménage aux tâches domestiques
Il est recommandé d’encourager la Direction de la Statistique à ‹ Réaliser des enquêtes sur les budgets-temps et à recueillir des informations sur la manière dont les individus répartissent leur temps entre les diverses activités auxquelles ils se livrent quotidiennement et qui ont un impact majeur sur leur sécurité financière, leur santé, leur bien-être et leur bonheur en général.
‹ Etablir une désagrégation des informations pour permettre de saisir les différents modèles de famille, de statut et de tâches: modèles de famille avec femmes au foyer, femmes en activité professionnelle, avec ou sans enfants, tâches domestiques classiques, tâches d’éducation des enfants….
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5. CINQUIEME RECOMMANDATION AMELIORER LE SYSTEME D’INFORMATION DE LA JUSTICE Considérant que : ‹ Un système d’information fiable et pertinent participe à un meilleur suivi des politiques publiques. ‹ L’effort fait par le Ministère de la Justice pour se doter d’une infrastructure informationnelle performante (programmes d’informatisation des tribunaux…) en vue d’assurer ce suivi. ‹ A l’issue de quatre années d’application du Code de la Famille, les données sur le divorce, le partage des biens manquent parfois de cohérence. ‹ L’exigence d’un recensement et d’un suivi des problématiques soulevées par l’entrée en vigueur de l’article 49 : contrats de partage des biens. Il est recommandé au Ministère de la Justice : ‹ D’affiner ses méthodes de collecte et de traitement des information statistiques notamment sur les questions de contrats et de partage des biens.
‹ Répertorier et classer les problématiques liées à ces questions et de les soumettre à un examen régulier : surtout en ce qui concerne le référentiel des prononcés du jugement (droit positif, droit coutumier, kad ou s’aya, chari’a…)
‹ D’organiser des journées d’études à destination des magistrats pour permettre de dépasser les problèmes d’interprétation de certaines dispositions et d’y apporter des solutions en phase avec l’esprit du code
‹ Ces problématiques ont trait aux dispositions de l’article 49, et particulièrement au traitement du travail domestique à l’évaluation du patrimoine familial, aux preuves liées à l’existence du patrimoine familial 229
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6. SIXIEME RECOMMANDANTION RENFORCER L’INTERPRETATION DE L’ARTICLE 49 DANS LE SENS DE L’EGALITE ET L’EQUITE Considérant la nécessité de : Renforcer les tendances des juges et des représentants du barreau et des autres agents concernés dans le sens d’une interprétation du nouveau code de la famille qui soit encore plus conforme aux principes de l’égalité de genre et de la non-discrimination entre les sexes. La réalisation d’un tel objectif requiert ce qui suit :
• Préciser le sens de concepts clés dont on fait usage pour lire et interpréter le nouveau code de la famille. Nous nous référons essentiellement à des concepts tels que celui de «effort dans le travail», de «responsabilité conjointe», de «partage des biens», etc ;
• Revoir les critères d’évaluation de la contribution féminine à l’accumulation des biens et propriétés familiales dans le sens d’une meilleure prise en compte de la valeur économique réelle de la totalité de ses prestations familiales ; • Entreprendre les enquêtes nécessaires pour s’assurer des vrais revenus de l’époux avant que le tribunal ne prenne de décision concernant la répartition des biens entre les époux ;
• Assurer que les ‘Adouls informent les personnes qui s’apprêtent au mariage de l’intérêt de faire un contrat de gestion des biens qui seront éventuellement accumulés pendant le mariage, ainsi que de préciser les modalités de leur partage en cas de nécessité, et ce, en dépit de l’embarras qu’une telle intervention risque de produire ; • Renforcer les conditions d’une meilleure interprétation en vue d’atteindre les objectifs suivants:
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• Renforcer la sécurité juridique et la prévisibilité La proposition donne des règles de partage claires en matière de partage des biens afin de permettre aux conjoints de prévoir aisément quels critères s’appliqueront à leur procédure de partage des biens. La règle proposée repose en premier lieu sur le choix des conjoints. Cela renforcera considérablement la sécurité juridique et la prévisibilité tant pour les conjoints concernés que pour les praticiens. • Instaurer une certaine transparence Le cadre juridique offre aux conjoints une possibilité de choisir un mode contractuel. Permettre aux conjoints de parvenir à un accord sur ces points pourrait être particulièrement utile en cas de divorce. Des garanties spéciales sont instaurées afin de s’assurer que les conjoints sont conscients des conséquences de leur choix. • Garantir une répartition équitable des biens acquis Améliorer l’accès à la justice dans les procédures matrimoniales. La possibilité de définir des critères de répartition fiables facilitera l’accès à la justice pour les conjoints. En outre, la proposition répond spécifiquement à la nécessité d’instaurer une règle uniforme et exhaustive en matière de règlement des contentieux afin de renforcer la sécurité juridique et de garantir l’accès à la justice en matière matrimoniale pour les conjoints.
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7. SEPTIEME RECOMMANDATION S’INSPIRER DES LOIS ET DES PROCEDURES DE PAYS OU LE DISPOSITIF DE PARTAGE DES BIENS A FAIT SES PREUVES Considérant que : ‹ Dans une grande majorité de pays, il existe des règles concernant les principes fondamentaux et /ou le fonctionnement particulier des relations patrimoniales, pécuniaires et personnelles entre époux, dont l’objectif principal est protéger les époux tant dans leurs rapports entre eux que vis-à-vis des tiers, ‹ Quelle que soient leurs appellations, « régime primaire » ou autre, l’essentiel est que ces règles entendent établir les droits et devoirs des époux (selon le principe d’égalité et de solidarité entre eux) de façon impérative,
‹ Ces règles, qui se trouvent normalement dans ces régimes, ont trait à l’obligation de contribuer aux charges du mariage ou de s’engager de façon solidaire aux dettes de ménage, à la protection du logement familial, à l’exercice d’une profession par un époux, aux comptes bancaires et coffres détenus par les époux, à la représentation entre les époux et à la protection contre les actes d’un époux qui mettent en péril les intérêts patrimoniaux de la famille, ‹ Ces règles reposent sur la notion d’«intérêt de la famille» et essayent de rétablir un juste équilibre entre la situation des époux pendant le mariage et celle les tiers créanciers, ‹ Le régime ordinaire de la participation aux acquêts se rapproche le plus de l’esprit de l’article 49,
‹ Le régime de la participation aux acquêts comprend les acquêts et les biens propres de chaque époux et épouse,
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‹ Ce régime met sur un pied d’égalité l’époux et l’épouse et s’applique à ceux et celles n’ayant pas conclu de contrat de communauté de biens ou de séparation de biens ou qui n’ont pas été soumis à une séparation de biens judiciaire,
‹ Durant le mariage, chaque époux et épouse a l’administration, la jouissance et la disposition des biens détenus au moment du mariage ainsi que de ceux qu’il ou elle a acquis depuis, ‹ Lors de la dissolution du mariage, chaque époux et épouse acquiert un droit à la moitié des acquêts nets de son conjoint ou sa conjointe ou une part différente de la moitié mais définit d’un commun accord dans un contrat. Il est recommandé de : ‹ Etudier de plus près les composantes de ce régime, son mode de fonctionnement et les dispositions sur lesquelles il est bâti, ‹ Définir de façon précise les notions de patrimoine, de biens propres, d’acquêts,
‹ Examiner les modes de liquidation du régime matrimonial: les preuves, les délais, les formes contractuelles de partage des biens.
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8. HUITIEME RECOMMANDATION ETABLIR DES CRITERES POUR HARMONISER LES JUGEMENTS DANS LA REPARTITION DES BIENS Considérant que : ‹ L’absence de règles uniformes en matière de répartition des biens est gênante, parce qu’elle complique la liquidation du patrimoine,
‹ Cette absence de règles uniformes peut également constituer pour les citoyens une certaine entrave à l’exercice de leur droit, ‹ Ces difficultés tiennent aussi, il est vrai, à la divergence des règles actuellement en vigueur,
‹ Ces divergences sont regrettables dans un espace de sécurité et justice. Il est recommandé aux juges de : • prendre en considération un certain nombre de critères économiques et patrimoniaux. En pratique, ces critères fondent à la fois l’appréciation de l’existence d’une disparité dans les conditions de vie des époux et l’évaluation du montant du patrimoine acquis durant la vie conjugale, La liste de ces critères n’a qu’une valeur indicative et non limitative : ‹ la durée du mariage ;
‹ l’âge et l’état de santé des époux ;
‹ leur qualification et leur situation professionnelles ; ‹ leur participation au travail domestique
‹ les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et 234
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du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
‹ le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; ‹ leurs droits existants et prévisibles ;
‹ leur situation respective en matière de pensions de retraite.
Les juges tiennent compte de l’ensemble des revenus des époux (revenus du travail, allocations, revenus du capital, …). Du côté des charges, les juges comptabilisent les charges courantes ainsi que les taux d’endettement.
S’agissant du patrimoine, sont pris en compte les droits présents mais également les droits prévisibles (droits de chaque époux dans la liquidation du régime matrimonial, droits à pension de retraite). Les juges tiennent également compte de la polygamie si cette situation influe sur l’existence d’une disparité des niveaux de vie.
Les juges disposent d’un pouvoir d’appréciation pour fixer le niveau du partage.
Afin d’apprécier leurs besoins et leurs ressources, les époux doivent fournir au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude «de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie».
La déclaration doit comporter une indication chiffrée et précise des conditions de vie actuelles et dans un avenir prévisible. En complément de la déclaration sur l’honneur, le juge peut demander aux époux de produire les pièces justificatives relatives à leur patrimoine et leurs conditions de vie. Il peut également demander de justifier de leurs charges et ressources, notamment par la production de déclarations de revenus, d’avis d’imposition et de bordereaux de situation fiscale.
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9. Neuvième recommandation AMELIORER LA FORMATION DES JUGES Considérant que : ‹ Le Ministère de la Justice déploie des efforts de formation, de formation continue et de spécialisation au profit de tous les cadres concernées par le fonctionnement des sections de la justice de la famille,
‹ Ces programmes se font en coordination avec l’Institut de la magistrature, comme dans le cadre de la coopération et l’ouverture sur le milieu universitaire, la société civile et tous les autres acteurs, institutions et instances intéressées par la justice de la famille, ‹ Si l’on veut accepter que la formation des juges participe d’une politique d’amélioration d’ensemble de la qualité de la justice, ‹ La crédibilité de la justice, concept distinct de celui de la légitimité passe par une véritable compétence juridique des juges et une réelle capacité à juger,
‹ L’état est responsable naturel de cette exigence de formation puisqu’il doit garantir au citoyen une justice de qualité, ‹ L’état ne peut se désintéresser du fonctionnement des tribunaux de la Famille et de la qualité de la justice qu’ils rendent. Il est recommandé de : ‹ Renforcer la formation des juges eu égard à leurs responsabilités dans le prononcé des jugements sur l’article 49, ‹ Consolider leur formation dans les domaines économiques et financiers pour leur donner cette capacité juridique et cette capacité à juger, 236
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‹ Garantir la qualité des décisions rendues, l’égalité devant la justice et le bon fonctionnement du service public de la justice.
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10- DIXIEME RECOMMANDATION RENFROCER LA COORDINATION ENTRE LES ACTEURS DE LA JUSTICE Considérant que : ‹ Différents spécialistes en matière de partage des biens interviennent sur cette question qui a connu une expansion, ‹ Chacun de ces groupes en présence, reprend à son compte ou réinterprète les différents principes qui successivement ou simultanément guident le traitement des questions relatives au partage des biens,
‹ Sur cette question, les différents intervenants de la sphère socio-juridique répondent aux attentes des divorcés, et suivent le mouvement tendant à faire en sorte que la prise de décision fasse davantage place à la volonté des parties elles-mêmes,
‹ Tout en s’adaptant à la demande de leur environnement les professions structurent les réponses nouvelles qu’elles proposent en fonction des logiques qui leur sont propre, ‹ La problématique du partage des biens offre aujourd’hui l’image d’un champ où s’exercent de vives tensions.
Il est recommandé : ‹ Eu égard à l’importance du rôle que peuvent jouer certains auxiliaires de justice, de profession libérale, intervenant à divers titres dans l’application des dispositions du code de la famille, organiser des séminaires à destination des notaires, des adouls, qui expriment des interrogations et préoccupations suscitées par l’application de l’article 49, en relation avec leurs missions notamment sur :
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• les actes constatant l’accord des époux concernant la gestion des biens acquis durant la vie conjugale, • l’inscriptibilité des actes relatifs à la gestion des biens acquis durant la vie conjugale sur les livres fonciers.
‹ de favoriser les échanges et une coordination entre professions de la justice sur les attendus et les modalités de mise en œuvre de l’article 49.
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Maltraitance, privation ressources et demande divorce chikak Demande partage beine acquis et logement familial
Cas 2
240
Plainte veuve contre iniquité héritage
Demande partage Demande partage pour participation à formation patrimoine
Cas 7
Cas 8 Cas 9
Cas 4 Demande partage pour contribution à constitution patrimoine familial Cas 5 Demande partage pour contribution financière à acquisition des biens Cas 6 Demande de bénéficier de la moitié du logement familial
Cas 3
Femme d’émigré réclamant part dans patrimoine familial
Cas 1
Nature plainte
Rejet de la plainte Rejet de la plainte
Acquisition par épouse de la moitié de la propriété
Compensation financière Acquisition par épouse du 1/3 du logement
Forfait estimatif
Récupération bien par épouse Acquisition par épouse du 1/3 du logement
Compensation
Jugement
Pas de preuve Pas de preuve
Non Oui
Non
Non
Témoignage Travail conjoint
Oui
Non
Non
Non
Non
Enquête
Témoignage
Témoignage
Témoignage Situation du conjoint
Pas de preuve
Témoignages. Jugements Apport en travail
Preuve
Oui Non
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Oui
à Quad Ou S’aya
Oui Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Oui
à article 49
Référence Référence
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Tableau 15 : Synthèse des études de cas
Annexe : Les principaux amendements de la Moudawana
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I. Consécration du principe de l’égalité entre la femme et l’homme : a) Egalité au niveau de la responsabilité familiale : Ainsi, la famille sera désormais placée sous la « responsabilité conjointe des deux époux ». (Dans le texte actuel, la famille est placée sous l’unique « responsabilité du mari »). b) Egalité au niveau des droits et des devoirs des deux époux. (Abandon de la règle de l’obéissance de l’épouse à son mari).
c) Abolition de la règle qui soumettait la femme au titre de la « Wilaya » dans le mariage, à la tutelle d’un membre mâle de sa famille : La « Wilaya » est désormais un droit de la femme majeure qui est maîtresse de son choix et l’exerce selon sa propre volonté et son libre consentement.
d) Egalité entre la femme et l’homme pour ce qui concerne l’âge du mariage, fixé uniformément à 18 ans (au lieu de 18 ans pour l’homme et 15 ans pour la femme). e) La répudiation et le divorce sont définis comme une dissolution des liens du mariage qu’exercent le mari et l’épouse, sous contrôle judiciaire, selon des conditions légales propres à chacun d’entre eux. (Dans l’actuel texte, la répudiation et le divorce constituent une prérogative exercée par l’époux de manière discrétionnaire et souvent abusive) ; f) Institution du principe du divorce consensuel sous contrôle du juge. (actuellement inexistant).
g) Pour préserver l’institution familiale et dans un souci d’égalité et d’équité entre les époux, le projet introduit le rejet de la demande de divorce formulée par l’épouse pour défaut de prise en charge s’il est prouvé qu’elle a suffisamment de moyens pour subvenir à ses besoins et que l’époux est impécunieux. (Inexistant dans l’actuel texte). 241
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h) Possibilité pour les petits-enfants, du côté de la fille, d’hériter de leur grand-père au même titre que les petitsenfants du côté du fils. (Abondant d’une tradition tribale désuète qui avantageait les héritiers mâles dans le partage des terres reçues en héritage). i)
Garde de l’enfant : la fille, au même titre que le garçon, a la possibilité de choisir librement, à l’âge de 15 ans, la personne à qui sa garde serait confiée. (Abolition du traitement inégal qui offrait cette possibilité à l’âge de 12 ans, au garçon, et de 15 ans seulement à la fille).
II. La polygamie soumise à l’autorisation du juge et à des conditions légales draconiennes qui la rendent presque impossible : Le juge doit s’assurer qu’il n’existe aucune présomption d’iniquité et être convaincu de la capacité du mari à traiter la deuxième épouse et ses enfants sur le même pied d’égalité que la première et à leur garantir les mêmes conditions de vie.
La Femme peut conditionner son mariage par l’engagement du mari de ne pas prendre d’autres épouses, considérant que c’est l’un de ses droits.
En l’absence d’une telle condition, la première femme doit être avisée que son mari va prendre une deuxième épouse et la seconde informée qu’il est déjà marié. En outre, l’épouse peut invoquer le mariage du mari pour demander le divorce pour préjudice subi. (Actuellement, le mari a pour obligation d’aviser l’épouse de sa décision de prendre une deuxième épouse et d’informer celle-ci qu’il est déjà marié, l’autorisation du juge n’étant pas requise). III. Le souci d’équité et de justice : a) Conformément à la volonté Royale de consolider les fondements de l’Etat de droit, le Code de la Famille confère un rôle central à la justice. A ce titre, il intègre comme nouveauté, l’intervention d’office du ministère public dans 242
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toute action visant l’application des dispositions du Code de la Famille. Il doit, à cet effet, prévoir les permanences les week-ends et les jours fériés afin qu’il puisse intervenir d’urgence si nécessaire. La mise en place des tribunaux de famille et la création d’un Fonds d’entraide familiale sont autant de mesures à même de permettre une mise en œuvre efficiente du Code de la Famille. (Dispositions inexistantes dans le texte actuel).
b) Protection de l’épouse des abus de l’époux dans l’exercice de son droit au divorce : La nouvelle procédure garantit les droits de la femme en soumettant la répudiation à l’autorisation préalable du tribunal. Elle renforce les moyens de réconciliation par l’intermédiation de la famille et du juge et exige l’acquittement, par le mari, de tous les droits dus à la femme et aux enfants, avant l’enregistrement du divorce. La répudiation verbale par le mari n’est plus valable ; le divorce étant désormais judiciaire. (Dans l’actuel texte, la répudiation est un droit exclusif du mari qui ne souffre d’aucune contrainte ou condition. c) Renforcement du droit de la femme à demander le divorce pour préjudice subi (femme battue, délaissée, abandonnée sans moyens de subsistance…) : Le divorce est prononcé par le juge à la demande de l’épouse. En outre, le manquement à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage peut également justifier la demande de divorce par la femme (actuellement, il est très difficile pour l’épouse de prouver le préjudice subi).
d) Répartition entre les époux des biens acquis durant la période du mariage : Tout en consacrant le principe de la séparation des biens, le projet introduit la possibilité, pour les époux, de se mettre d’accord, dans un document séparé de l’acte de mariage, pour définir un cadre pour la gestion et la fructification des biens acquis durant le mariage. En cas de désaccord, ils devraient recourir au 243
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juge qui se base sur les conditions générales de preuve pour évaluer la contribution de chacun des deux époux aux biens acquis durant le mariage. (Cette possibilité n’existe pas dans l’actuel texte) ;
e) Concrétisation de la Haute sollicitude Royale envers les Marocains Résident à l’Etranger (MRE) par la simplification de la procédure de leur mariage : L’acte est établi en présence de deux témoins musulmans et en conformité avec les procédures en cours dans le pays d’accueil, puis enregistré par les services consulaires ou judiciaires nationaux (le texte actuel soumet les MRE aux mêmes conditions et procédures applicables à l’intérieur du Maroc pour la validité du mariage, ce qui occasionne d’innombrables conflits et contentieux entre les époux et avec les autorités des pays concernés). IV. Renforcement de la protection des droits de l’enfant : a) Défense des droits de l’enfant : Des dispositions intégrant les accords internationaux relatifs aux droits de l’Enfant auxquels le Maroc a adhéré ont été insérées. (C’est pour la première fois que de telles dispositions sont formellement intégrées au niveau de la législation nationale). b) Garde de l’enfant : En considération de l’intérêt de l’enfant, le projet introduit également comme innovation, la possibilité pour la femme de conserver, sous certaines conditions, la garde de son enfant même après son remariage ou son déménagement dans une localité autre que celle du mari. Elle peut également récupérer la garde après disparition de la cause volontaire ou involontaire qui été à l’origine de la perte de la garde (Au titre de l’actuel texte, dans les conditions précitées, la femme perd de manière irrévocable son droits à la garde).
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c) Garde de l’enfant désormais confiée à la mère, puis au père, ensuite à la grand-mère maternelle et, en cas d’empêchement, le juge décide de confier l’enfant au plus apte à l’assumer parmi ses proches en considération de l’intérêt de l’enfant (dans l’actuel texte, l’intervention du juge dans l’intérêt de l’enfant n’existe pas. Le texte se limite à énumérer les proches de l’enfant pouvant se voir confier la garde, sans prise en compte de leur capacité à l’assurer ni de l’intérêt de l’enfant). d) Protection du droit de l’enfant à la reconnaissance de sa paternité au cas où le mariage ne serait pas formalisé par un acte, pour des raisons de force majeure, et ce, à travers l’élargissement du champ des preuves légales à présenter au juge. (Actuellement, la règle est la nonreconnaissance de l’enfant né hors-mariage ; la seule preuve de paternité acceptée consiste en la production de 12 témoins, une procédure compliquée et archaïque). e) Fixation d’un délai de 5 ans pour la résolution des affaires en suspens dans ce domaine (dispositions nouvelle à même de permettre de mettre un terme aux souffrances des enfants dans cette situation). f) Garde de l’enfant : Garantie d’un habitat décent à l’enfant, en rapport avec son statut social avant le divorce. Une obligation distincte des autres obligations de la pension alimentaire (nafaqa). (Dans l’actuel texte, la pension alimentaire (nafaqa) est dérisoire, forfaitaire et ne spécifie pas la part réservée au logement de l’enfant).
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V. Dispositions diverses : a) Répondant au souci de Sa Majesté le Roi, Commandeur des croyants, de préserver les droits des Marocains de confession juive, le Code de la Famille réaffirme le principe de leur soumission au Statut Personnel hébraïque marocain. (Dispositions expressément consacrées par le nouveau Code). b) Le nouveau Code de la Famille utilise une formulation moderne qui élimine les termes dégradants pour la femme ou la chosifiant, la hissant désormais au rang de partenaire de l’homme en droits et en obligations, conformément à la ferme Volonté Royale de rendre justice à la femme, de consolider la protection de l’enfant et de préserver la dignité de l’homme.
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Bibliographie
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L’Association Marocaine de lutte contre la Violence à l’Egard des Femmes (AMVEF) Centre d’écoute, d’orientation juridique et de soutien psychologique pour les femmes victimes de violence.
L’AMVEF est une association non gouvernementale, autonome à but non lucratif. L’AMVEF dispose d’un centre d’écoute, d’orientation juridique et de soutien psychologique pour les Femmes Victimes de violence. La mission : L’association vise la lutte contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, considérée comme une violation des droits humains des femmes et un obstacle au développement durable et équitable. Les objectifs - Renforcer les capacités des femmes pour faire face à l’acte de violence à travers une chaîne de services (écoute, soutien psychologique, orientation juridique, accompagnement spécifique, assistance judiciaire, médiation familiale) dispensée par une équipe de professionnelle. - Agir sur les politiques publiques et les législations discriminatoires pour la prévention de la violence fondée sur le genre et la protection des femmes ; - Contribuer au processus de changement des mentalités et des pratiques discriminatoires pour lutter contre la violence à l’égard des femmes.
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Les moyens - Mise en place de centres d’accueil pour femmes victimes de violences ; - Des actions de sensibilisation et de plaidoyer en direction des concernés ; - Observation, documentation et suivis des actes de violences à travers les cas reçus par le centre et la recherche-action ; - Renforcement des capacités de divers acteurs par la formation notamment - Monitoring des politiques publiques en matière de lutte et de protection des femmes contre la violence ; - Organisation des activités d’information, de communication sur la violence à l’égard des femmes et fondée sur le genre ; - Mise en réseau, coalition et coordination avec des acteurs partageant la même vision. Les membres du bureau exécutif actuel de l’association sont : Nom / Prénom
Fonction au sein de bureau
Mme Hayat Zirari
Présidente
Mme Saâdia Wadah
Vice présidente
Mme Yamna Ghabbar
Trésorière
Mme Mama Hmimida Mme Fatima Zohra Tahari Chaoui Mme Najia Zirari
Trésorière Adjointe
Mme Rachida Tahri
Conseillère
Conseillère Conseillère
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