CHAPITRE III - Economie Agricole [PDF]

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Zitiervorschau

Cours d’Introduction à l’Economie Rurale du Dr. Yaya Ouattara- Licence 3 Economie-CERAP Abidjan

CHAPITRE III. L’Economie agricole

Introduction L'économie agricole est une science appliquée dans laquelle la pensée, le processus, l'analyse et l'organisation de l'économie sont étudiés par rapport aux forces et relations spécifiques découlant de l'agriculture. Ces forces et relations spécifiques ont façonné les acteurs au point de devenir une vocation et aussi un mode de vie, sous une organisation politique, sociale et culturelle particulière. Ainsi, c'est d'une part une branche spéciale de l'étude générale de l'agriculture et d'autre part une branche particulière de l'économie générale, mais elle est fondamentalement une science sociale.

I. Importance de l’agriculture dans le rural et dans le développement économique

L’agriculture joue un rôle primordial en milieu rural et plus particulièrement dans le développement économique et social des pays. « Pour la plupart, les habitants de la planète sont pauvres ; par conséquent, étudier l’économie de la pauvreté nous apporterait beaucoup de renseignements sur les principes économiques qui comptent vraiment. Partout dans le monde, les pauvres tirent en majorité leur revenu de l’agriculture ; par conséquent, étudier l’économie agricole nous apporterait beaucoup de renseignements sur l’économie de la pauvreté » (Schultz, 1979).

1.1. Importance de l’agriculture dans le monde rural Selon le Rapport de la Banque Mondiale sur le développement dans le monde publié en 2008, on estime que sur les 3 milliards de ruraux, 2,5 milliards de personnes sont impliquées dans l’agriculture. On estime également que 1,5 milliard de ces derniers vivent dans des ménages de petits exploitants et 800 millions travaillant pour eux. La taille de la population rurale devrait continuer à croître jusqu’en 2020 et commencer ensuite à diminuer, à cause d’une croissance démographique plus faible et de l’urbanisation rapide dans la plupart des pays. L’Asie du Sud n’entamera cette baisse que vers 2025 et l’Afrique vers 2030 au plus tôt. Par contre, les populations rurales d’Amérique latine et d’Asie de l’Est sont déjà en recul depuis

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1995. Toutefois, la proportion de la population vivant dans les zones rurales est déjà en baisse sur tous les continents, y compris en Afrique. Il faut aussi rappeler que la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne sont des économies à vocation agricole. Dans ces pays, l’agriculture contribue de manière significative à la croissance et les pauvres sont concentrés dans les espaces ruraux. Le défi politique majeur dans ces pays est d’aider l’agriculture à jouer son rôle de moteur de la croissance et de la réduction de la pauvreté. En 2002, trois quarts de la population pauvre des pays en développement – 883 millions d’habitants – vivaient en zone rurale. La plupart dépendent, directement ou indirectement, de l’agriculture pour leur subsistance. Une agriculture inclusive et dynamique pourrait donc réduire drastiquement la pauvreté rurale. Ces faits tirés du Rapport 2008 de la Banque Mondiale sur le développement dans le monde montrent que l’agriculture dans le monde rural constitue le fer de lance de leur existence et de leur développement. De ce fait, la croissance du secteur agricole est favorable aux pauvres. Des recherches laissent supposer que la croissance des revenus agricoles réduit plus efficacement la pauvreté que la croissance des autres secteurs pour les raisons suivantes : 1) l’incidence de la pauvreté est en général plus élevée dans les populations agricoles et rurales que dans les autres, et 2) la plupart des pauvres vivent dans les zones rurales et sont, dans une forte proportion, tributaires de l’agriculture pour leur subsistance.

1.2. Importance de l’agriculture dans le développement économique et social des nations Tous les ouvrages qui traitent du développement des nations mettent l’accent sur le rôle que joue l’agriculture dans les premiers stades du développement. Il y a une première thèse soutenue par des auteurs considérés comme ayant une vision orthodoxe, qui affirme que l'agriculture est par excellence une industrie fondamentale pour l’homme. L'explication habituelle est que, puisqu'elle nourrit le monde, l'agriculture est à la base de l'existence de la race humaine. En plus, ce sont ses produits qui constituent généralement la matière des échanges et du commerce international. C’est donc la base de

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l’industrie et du commerce. C'est la première occupation établie et aujourd'hui, c'est de loin le secteur dont dépend directement environ 2/3 de la population mondiale. Le début de la révolution industrielle a été fait plus tôt dans l'agriculture et il a rendu possible la révolution dans l'industrie. Par ailleurs, la population rurale occupe une place de choix dans la structure sociale, et elle est la source de la race humaine. C’est elle qui incarne l’histoire et la culture des peuples et c’est l’agriculture qui les occupe dans leur majorité. Il ne sera jamais possible d'avoir une civilisation entièrement urbaine et industrielle qui puisse se passer totalement de l'agriculture. En outre, l'agriculture est essentielle dans le sens du contrôle absolu d'autres entreprises. Sans les contributions de base de l'agriculture, tout le reste du tissu de notre civilisation tomberait en ruine. Il faut noter toutefois des thèses qui contrarient cette vision de l’agriculture dans le développement. En effet, un autre groupe de penseurs dont on sait populairement avoir une vue moderne. J, S. Davis est l'un des représentants les plus populaires de ce groupe, et il affirme que la richesse et le bien-être des nations dépend de nombreuses conditions complexes. Aujourd'hui, l'agriculture n'est pas uniquement basique, et la prospérité d'une nation dépend en grande partie d'autres facteurs que le travail de ceux qui cultivent le sol. Pour cette tendance, l'étude de l'histoire économique montre que le progrès économique, en général, tend à s'accompagner d'une baisse de l'importance relative de l'agriculture. C'est vrai, sinon universel, de la plupart des nations dans la plupart des périodes et du monde dans son ensemble. Aujourd'hui, nous trouvons dans les pays de niveau de vie plus avancé une tendance à un déclin progressif de la place de l'agriculture dans leur économie nationale. Cela est visible dans le ratio de la richesse agricole par rapport à la richesse nationale totale, en raison de la baisse du revenu agricole dans le revenu national, baisse de l'indice de la production nette de l'agriculture par rapport à celle des industries, baisse de la population des zones rurales par rapport à la population urbaine. Ces deux premières thèses sont extrêmes. D’autres auteurs comme Karl Brandt, H. R, Tolley et P, Chew etc. défendent une position plus équilibrée. Ces derniers attribuent à l'agriculture un statut égal à celui des autres secteurs de l'économie, Ils estiment qu'une partie du pays ne peut être heureux et prospère si une autre partie est en détresse. K. Brandt affirme que «les agriculteurs sont une partie essentielle du système de circulation des biens et services de l'économie nationale. La nation dépend des exploitations agricoles qui fonctionnent

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correctement et qui constituent une source importante de matières premières, d'aliments et de fibres pour le reste des secteurs économiques. Pour autant, les fermes ne peuvent pas être traités comme un objet indépendant de politiques, ni ne peuvent être rendus prospères dans l'émancipation du reste de l'économie. Le chômage de masse et la diminution de la production dans les villes ne peuvent être jugulés qu'en maintenant ou en améliorant le bienêtre économique des agriculteurs et dans les zones rurales.

1.3 Agriculture et croissance Un consensus de plus en plus large admet que la croissance agricole est la clé de l'expansion de l'ensemble de l'économie. Abondant dans ce sens, Mellor pense que de façon caractéristique, on atteint des taux de croissance élevés quand l'agriculture se développe rapidement. La raison en est que les ressources utilisées pour la croissance agricole n'entrent que marginalement en concurrence avec celles des autres secteurs. Ainsi, une croissance agricole rapide tend à s'ajouter à la croissance des autres secteurs, ainsi qu'à stimuler la croissance du secteur non-échangeable à excédent de main d'œuvre. L'effet de la croissance agricole sur la croissance de l'ensemble de l'économie provient également de la structure du revenu et de la consommation en milieu rural: 1) les populations rurales étant en moyenne plus pauvres que les populations urbaines, elles ont plus tendance à dépenser qu'à économiser, contrairement aux habitants des villes; et 2) leurs dépenses portent proportionnellement davantage que celles des consommateurs urbains sur des produits nationaux plutôt qu'importés. Ces faits fondamentaux sous-tendent les forts effets multiplicateurs des revenus que l'on a détectés dans de nombreux pays avec l'augmentation des revenus agricoles et ruraux. La croissance agricole apporte, entre autres, une stimulation bénéfique en créant des marchés pour les biens et services non-agricoles, ce qui diversifie la base économique des régions rurales. A mesure que les économies croissent, l'importance des activités non-agricoles augmente dans l'économie rurale. Leur développement, cependant, dépend en partie de la croissance agricole. Ce sont des facteurs complémentaires, et non pas substituables, du développement rural. Cependant, pendant plusieurs décennies du XXe siècle, cette relation entre agriculture et croissance économique globale a été détournée en une doctrine de primauté de l'industrialisation sur le développement agricole, qui a sapé du même coup les possibilités de

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contribution de l'agriculture au développement global. Celle-ci a été reléguée dans un rôle de support au développement industriel, considéré comme l'aspect essentiel d'une stratégie de croissance. En fait, on pensait l'industrie si importante pour les perspectives économiques à long terme d'une nation, qu'il était fréquent de la subventionner, aux frais des contribuables et d'autres secteurs comme l’agriculture.

II. Les facteurs de production en agriculture

La production agricole emploie trois types de facteurs à savoir la terre, le travail et le capital. Par facteur de production, il faut entendre les inputs employés dans un processus de production. C’est à partir de la combinaison de ces trois facteurs que naît le produit agricole. L’interaction de ces trois facteurs est donc importante dans la mesure où l’absence de l’un peut constituer une entrave dans la production et donc dans le résultat escompté par le producteur. L’analyse des facteurs de production en agriculture permet de faire des différentiations entre les exploitations et l’organisation de l’économie locale.

2.1 La terre Le facteur terre est l’un des composants les plus importants du système de production agricole. Parmi les facteurs de production, la terre n’est pas mobile. Il joue non seulement le rôle de support de l’activité agricole, mais il est aussi et surtout pourvoyeur d’éléments nutritifs indispensables à la croissance de la plante. Dans le système, l’accès à la terre dépend de plusieurs facteurs. Il s’agit par exemple, du type de propriété (familial, communautaire etc.) et des droits qui y sont rattachés. Elle peut constituer ainsi un bien familial qui s’hérite de père en fils et ne peut faire l’objet de vente. Cette disposition implique le mode de faire valoir (direct ou indirect) et détermine le type de spéculation agricole à y planter. La valeur de la terre est fonction de plusieurs variables (situation géographique, possibilité d’irrigation, fertilité etc.). En Côte d’Ivoire, le domaine foncier qui regroupe l’ensemble des terres mises en valeur ou non est régi par la Loi n°98-750 du 23 décembre 1998 modifiée par la loi du 28 juillet 2004. Cette loi fait de la terre « un patrimoine national auquel toute personne physique ou morale

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peut accéder. Toutefois, seuls l’Etat, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes sont admis à en être propriétaires »1. Avec la croissance démographique, la disponibilité des terres pour l’agriculture commence à être une contrainte pour les populations paysannes. Cela doit mener les paysans et les agences de développement à conseiller une conservation des terres pour l’agriculture.

2.2 Le travail Le travail est une activité physique ou intellectuelle de l’homme appliquée pour produire, entretenir ou aider à la mise en place d’un bien ou service économique et en contrepartie duquel il perçoit une rémunération. Plus précisément, le travail, est une activité qui a un objectif défini et unique (par exemple labour, traite des vaches), s'effectue avec un type de matériel, des forces de traction, une main-d’œuvre et une technique de travail déterminés, se déroule suivant une continuité de temps, sur un même lieu ou dans une même direction de travail. Le facteur travail est l’un des principaux facteurs de production si non le principal que met en œuvre le paysan (Badouin, 1971). Sa source diversifiée lui garantie sa pérennité et celle de l’activité de production agricole. Le facteur travail est constitué principalement de la maind’œuvre familiale et d’une main-d’œuvre extérieure rémunérée contractuelle (journalière, mensuelle, annuelle etc.). Une division du travail peut être observée entre les hommes et les femmes. En effet, les travaux qui exigent la force physique (défrichage, labour, buttage etc.) sont souvent dévolus aux hommes tandis que les travaux ménagers et la production vivrière et maraîchère sont l’apanage des femmes et des enfants. Le travail peut avoir parfois en agriculture le caractère d’un coût fixe surtout lorsqu’il est d’origine familiale. Il faut en effet assurer la subsistance des membres de la famille indépendamment du fait qu’ils travaillent peu ou s’adonnent à une activité intense.

1

Article 1 de la Loi n°98-750 du 23 décembre 1998 modifiée par la loi du 28 juillet 2004

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2.3 Le capital Le capital est une richesse utilisée pour réaliser une production. Différents types de capitaux sont utilisés pour la production agricole. Il s’agit des investissements (machines, terrassement, barrage etc.), des engrais chimiques, des insecticides, des herbicides, des fongicides etc. On parle ainsi de capital physique pour désigner les facteurs de production qui sont eux-mêmes des produits. Contrairement au capital physique, l’on note aussi le capital financier pour désigner l’argent utilisé pour démarrer ou faire tourner une affaire2.

III. Le système productif en agriculture

Le système productif en agriculture comprend trois aspects à savoir le système de culture, le système de production et le système d’exploitation3.

3.1 Le système de culture Le système de culture fait état de l’ensemble des productions retenues par les agriculteurs. Une typologie permet de situer les systèmes de culture les uns par rapport aux autres, leur interprétation révèle les mobiles qui président au comportement des agriculteurs. On distingue dans le système de culture entre autres les systèmes de culture à structure unitaire et les systèmes de culture à structure associative.

3.1.1 Les

systèmes de culture à structure unitaire

La forme la plus simple est la monoculture. L’agriculteur pratique une seule production finale et peu ou pas de production intermédiaire. Dans ce cas, l’exploitation ne contient que la culture dédiée. Une autre variante de ce système peut aussi être caractérisée par la présence dans l’exploitation de plusieurs autres cultures marginales à côté d’une culture dominante. Ce qui

2

http://www.institut-numerique.org/23-facteurs-de-production-521c98e7040a1 (consulté le 16 mai 2015) Cette section s’inspire et reproduit des extraits de l’article de Badouin (1987) sur le système productif en agriculture. 3

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compte pour l’agriculteur c’est d’abord la culture dominante. L’importance de la culture dominante s’aperçoit à travers la superficie qui lui est consacrée, la main d’œuvre et les ressources qui sont mobilisées pour sa mise en œuvre. Elle se conçoit également à travers le tonnage récolté. Les agricultures de subsistance pratiquent souvent un système de culture de ce type. Le système de culture à structure unitaire comprend également les systèmes de culture que l’on peut qualifier de systèmes de culture à spécialisation verticale. Une seule production finale existe. Cependant, pour parvenir à cette production finale, l’agriculteur pratique d’autres cultures dont les productions seront utilisées en tant que consommations intermédiaires. Cela se voit surtout dans certains types d’élevage. Enfin, la dernière catégorie des systèmes de culture unitaires peut être dénommée système de culture à spécialisation horizontale. L’agriculteur pratique une grande variété de produits appartenant à une même catégorie. Les cultures maraîchères constituent un bon exemple de ce système. On enregistre au cours de l’année une rotation rapide de diverses productions qui se succèdent en fonction des saisons et appartiennent toutes à une même catégorie.

3.1.2 Les systèmes de culture à structure associative Dans les systèmes de culture à structure associative, plusieurs productions finales sont constatées. Ces productions sont liées entre elles par des relations de complémentarités techniques. A ce titre, il faut évoquer les cultures associées. Dans l’exploitation, sur une parcelle, il est associé plusieurs cultures à la fois. Exemple du café et du cacao. Le débat à ce niveau est de se demander si l’association est plus avantageuse ou non que la culture pure.

Une variante de ce système met en présence des systèmes de culture donnant lieu à un certain chevauchement entre les différentes productions. La mise en place d’une culture sur une parcelle déterminée s’opère avant l’enlèvement des cultures précédentes. L’igname et le manioc dans le nord-est de la Côte d’Ivoire en est une illustration.

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Une autre modalité des systèmes de culture à structure associative est constituée par la succession, sur les différentes parcelles, de diverses productions dans un ordre bien déterminé. On opère ainsi une rotation des cultures ayant pour objet d’assurer la bonne conservation des sols, les cultures qui se succèdent n’ayant pas les mêmes besoins.

Arachide

Maïs

Manioc Riz

Dans l’exemple ci-dessus, l’on a évoqué les cas de l’arachide, du maïs, du manioc et du riz. Cependant, dans la réalité, la situation est plus complexe. Le producteur doit choisir les spéculations, leur nombre et le mode de rotation. La succession doit tenir compte des besoins nutritifs de chaque spéculation. Le passage de la première spéculation ne doit pas appauvrir le sol pour la seconde spéculation. Il faut tenir compte également de la complémentarité qui existe entre cultures dans les temps de travaux, la pénibilité du travail etc.

3.1.3 Quelques explications possibles sur les raisons de la diversité des systèmes de culture Au-delà de l’observation et de la description des systèmes de culture, il faut comprendre le mobile qui est derrière le choix de l’agriculteur. Parmi les raisons possibles qui peuvent pousser l’agriculteur à choisir un système de culture, l’on peut retenir la recherche d’une certaine sécurité, les problèmes fonciers et des considérations sur la rentabilité.

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La sécurité dont il s’agit est relative à la subsistance de l’agriculteur et de sa famille. En choisissant un système, son souci est de garantir une sécurité alimentaire. La diversification par exemple lui permet de se mettre à l’abri de certaines péripéties. En monoculture, si la saison n’est pas bonne, l’agriculteur risque de s’adresser au marché pour sa propre nourriture. Dans ce cas, il désépargne et n’est pas certains de s’approprier ce qu’il veut. Si l’on se situe dans une agriculture de transition entre l’agriculture de subsistance et une agriculture de rapport, alors l’agriculteur peut sentir le besoin de choisir un système qui, en lui procurant sa subsistance lui permet également de produire pour le marché. Un autre aspect de ce souci de sécurité, pouvant influencer plus ou moins le système de culture, réside dans ce qu’on peut appeler la sécurité commerciale. Dans les pays en voie de développement, la commercialisation des divers produits ne s’effectue pas dans les mêmes conditions : la commercialisation de certains produits se révèle quelque peu aléatoire, tandis que la commercialisation d’autres productions fait l’objet d’une organisation sérieuse. La certitude de pouvoir vendre dans des conditions bien définies le produit récolté favorise la place occupée par cette culture dans le système de culture retenu par l’agriculteur. Dans le Nord-Est de la Côte d’Ivoire, l’introduction du Coton par la CIDT dans les années 80 a été un échec alors que la noix de cajou a été très vite adoptée par les paysans. La raison est que le coton se vendait mal et faisait concurrence sur les temps de travaux avec la culture de l’igname, la principale culture vivrière dans la région. Par contre, l’anacardier se pratique en association avec l’igname. En termes de temps de travaux, ces deux spéculations sont complémentaires et cela a joué dans le choix des paysans qui ont en plus une bonne assurance de vendre la noix de cajou chaque année. Pour les aspects fonciers, plusieurs figurent peuvent se présenter mais on se bornera dans ce cours à un seul cas. Dans une situation de rareté des terres, certaines coutumes peuvent interdire de céder définitivement des terres à des personnes non autochtones. Dans ce cas, les étrangers qui se voient prêter des terres ne peuvent qu’y cultiver des spéculations à cycle court Cette disposition coutumière amène donc l’agriculteur a choisir un système de culture qui lui permet de restituer la terre à son « tuteur » à tout moment. Le mobile de rentabilité peut expliquer l’adoption de tel ou tel autre système de culture. Lorsque le prix relatif d’une spéculation a tendance à augmenter, les producteurs peuvent

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abandonner d’autres spéculations à son profit. Car, en milieu rural, une des caractéristiques des populations est d’accumuler plus et de ne dépenser que dans ce qui paraît conférer le prestige à la famille. L’agriculteur rechigne à dépenser dans une spéculation qui ne lui rapporte pas assez en fin de cycle par rapport à une autre. En Côte d’Ivoire, dans la région de Bonoua par exemple, certains producteurs d’ananas ont abandonné cette culture pour du manioc ou pour l’hévéa. En effet, avec les problèmes de commercialisation sur le marché européen dus à des normes devenues très contraignantes, les petits producteurs qui emploient de la main d’œuvre extérieure se sont trouvé endettés. Certains ont donc substitué le manioc ou l’hévéa à l’ananas.

3.2 Le système de production Le système de production qui fait référence aux combinaisons facteurs de production s’attache à définir les relations de complémentarité et de substitution qui existent entre les principaux types de ressources productives ainsi que la fonction économique de chacune d’elles.

3.2.1 Objet de l’analyse du système de production L’analyse du système de production permet de comprendre le comportement de l’agriculteur dans la proportion dans laquelle il utilise les facteurs qui sont en sa procession. L’analyse du système de production revient à examiner les relations de substitution qui existent entre facteurs. D’un agriculteur à un autre, la combinaison qu’il fait de ces facteurs dépendra de plusieurs facteurs. La diversité des systèmes de production va dépendre de l’existence d’un certain degré de substitution entre les ressources productives disponibles. On peut considérer qu’il y a des relations de substitution lorsque l’utilisation en plus grande quantité d’une ressource productive est liée à la rareté croissante d’une autre ressource productive. Dans la plupart des cas, lorsque l’on considère deux à deux les ressources productives, on perçoit l’existence simultanée de relations de complémentarité et de rapports de substitution.

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3.2.2 Le système de production et les objectifs de l’agriculteur Du point de vue de la terre, l’objectif du producteur peut être de produire plus sur une même parcelle. Cela fait référence à l’intensification qui peut avoir trois modalités. La première modalité est un emploi de plus de facteur travail sur une superficie donnée dans la préparation du sol et dans le reste de l’itinéraire technique. La seconde est l’utilisation de plus de capital sur une superficie donnée et une certaine quantité de travail que l’on emploie de façon efficace au profit de la culture en question. Enfin, la troisième façon est d’utiliser plus de méthodes scientifiques pour maintenir si non améliorer la fertilité des sols. Cependant, la meilleure façon de procéder à l’intensification est de combiner ces trois possibilités. Autrement dit, sur une même parcelle, utiliser un niveau de capital, de travail et de consommation intermédiaires de sorte à obtenir le maximum de produit possible. La problématique est qu’il est toujours difficile pour l’agriculteur de réunir toutes ces conditions. Dans les pays où la terre est rare et chère et le travail moins cher, l’intensification passe par la première modalité. Les machines agricoles sont moins utilisées pour la simple raison que leur utilisation n’est pas rentable économiquement. En effet, ces machines requièrent par exemple des intrants ou une force énergétique d’origine animale. L’entretien de l’animal par exemple demande d’utiliser une partie des récoltes ou des ressources du producteur qui, autrement seraient économisées. Si la terre ne peut pas permettre de produire un supplément pour couvrir ces nouvelles charges, l’agriculteur devrait s’en passer. Par contre, dans les pays où le travail est abondant et la terre rare, leur principale préoccupation ce n’est pas de savoir comment économiser du travail mais comment économiser la terre. Du point de vue du facteur travail, l’objectif est d’arriver à faire des économies dans ce facteur. Or faire des économies du facteur travail signifie d’augmenter la production par tête. En effet, une augmentation de la production par hectare est désirable si et seulement si la production par tête augmente également. Toute politique agricole a comme objectif ou devrait avoir pour but principal d’améliorer le produit par tête au lieu de chercher à améliorer la production par hectare. Selon Carver (2013), c’est seulement dans les contrées où le produit par tête est élevé que le niveau de vie est le plus élevé et où le citoyen moyen à un bien-être assez appréciable.

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Mais si toutes les terres arables sont occupées et que la population continue à s’accroître, la seule façon de maintenir un produit par tête élevé est une augmentation du produit par ha. Il est certes possible d’obtenir un produit par ha élevé avec un produit par tête faible, mais dans les situations où cela se réalise, cela s’accompagnera de misère et de pauvreté. Cela veut donc dire que l’agriculteur mobilise sur ses terres beaucoup plus de personnes pour réaliser sa production. Dans les familles nombreuses qui doivent exploiter une même parcelle, les rendements par ha peuvent être assez élevés mais ramener par travailleur cela peut être faible. Dans une telle situation, si l’on devrait redistribuer la récolte ou les revenus, on verra que chaque individu aura une part faible bien que les rendements soient jugés bons. Le système de production agricole doit être analysé en rapport avec la localisation de l’exploitation par rapport aux villes. Ce système est en effet influencé par la taille des villes voisines et par la distance qui les en sépare. Si les villes sont plus éloignées, la terre devient moins chère et les paysans et producteurs peuvent la substituer aux autres facteurs de production à savoir le travail et le capital. Ainsi, les systèmes extensifs peuvent trouver ici une explication.

3.3 Le système d’exploitation Le système d’exploitation s’intéresse au mode de fonctionnement des unités de production. Il s’intéresse notamment à la détention du pouvoir de décision, la structure interne de l’exploitation, les modalités d’accès aux facteurs de production.

3.3.1 La détention du pouvoir de décision Le pouvoir de décision, au niveau de l’exploitation, intéresse tout d’abord le système de culture. Il s’agit de définir un programme de production qui pourra, au cours des campagnes successives, subir un certain nombre de modifications. En second heu, ce pouvoir de décision concerne les systèmes de production, c’est-à- dire les ressources qu’il convient d’utiliser pour aboutir au résultat recherché. En troisième lieu, le pouvoir de décision porte sur l’affectation du revenu d’exploitation ; une partie de ce revenu sera consacrée à la consommation des membres de la famille de l’exploitant, une autre pourra être investie dans l’exploitation en vue d’en agrandir la taille ou d’en parfaire l’équipement.

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Le pouvoir de décision peut appartenir à un seul individu que l’on dénomme chef d’exploitation. C’est lui qui décide en dernier ressort, même s’il prend l’avis des autres membres de l’exploitation. Dans d’autres cas, le pouvoir de décision peut être de type pluraliste et relever de la compétence de deux ou de plusieurs individus. Dans un certain nombre de formules de métayage, ce qui revient au propriétaire foncier est lié au résultat de l’exploitation, le pouvoir de décision est assuré conjointement par le métayer et le propriétaire foncier. Le pouvoir de décision peut revêtir une allure collective dans des coopératives agricoles de production fonctionnant dans un système d’économie décentralisé. Tous les coopérateurs participent aux décisions concernant la gestion, l’administration de la coopérative. Si cette coopérative a de faibles dimensions, la participation de tous à toute décision peut être effective. Par contre, s’il s’agit d’une coopérative de grande taille, il faut s’en remettre à l’électron d’organes administratifs, constituer un conseil d’administration auquel les coopérateurs délèguent leur pouvoir de décision. Le pouvoir de décision peut dépendre de toute une communauté. Des terres frappées d’interdiction de culture ou des spéculations nouvelles peuvent ne pas être acceptées par certaines populations en vue de sauvegarder leurs habitudes sociales (religion, coutumes etc.).

3.3.2 La structure interne de l’exploitation La structure interne examine comment l’exploitation s’organise dans son fonctionnement. Il peut exister formes d’organisation dont les exploitations de type unitaire, les exploitations de type compartimenté et les exploitations de type dualiste. Les exploitations de type unitaire correspondent à ce que l’on constate le plus souvent dans les agricultures de type européen. Cette unité se traduit par le fait qu’il existe le plus souvent un chef d’exploitation, que les membres de l’exploitation interviennent indifféremment sur ses diverses parcelles, participent indistinctement aux diverses activités qui composent sa vie. Les exploitations de type compartimenté, les différents éléments constitutifs de l’exploitation, notamment les parcelles, étant répartis entre les différentes composantes de la famille. Pour que le compartimentage soit significatif, il faut être en présence d’une famille élargie, réunissant à la fois les frères et les fils de l’exploitant ainsi que leurs ménages, ou pratiquant une polygamie étendue. Chacune des composantes reçoit un certain nombre de

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parcelles et possède un certain pouvoir de décision concernant notamment le système de culture et le système de production. Il est également possible qu’à ce compartimentage des parcelles de l’exploitation correspondent des budgets différents. Les ménages constitutifs de l’exploitation auront, au moins en partie, la libre disposition des revenus provenant de la culture des terres qui leur sont allouées. Les exploitations de type dualiste. Sous cette appellation on peut ranger des situations dans lesquelles il existe une interaction entre deux ensembles fonctionnant en liaison l’un avec l’autre. Les agriculteurs qui bénéficient d’un système d’encadrement ne présentent pas toutes leurs parcelles à l’encadrement. Sur les parcelles encadrées, l’agence d’encadrement partage le pouvoir de décision avec l’agriculteur. Mais sur les autres, le pouvoir de décision est exclusivement réservé à l’agriculteur qui y conserve son autonomie. Références bibliographiques R 1987, ‘‘L’analyse économique du système productif en agriculture’’. ORSTOM, Cah. Sci. Hum., 23 (3-4) pp357-375.

Banque Mondiale. Rapport 2008 sur le développement dans le monde : l’agriculture au service du développement. Site web : www.worldbank.org Schultz, T. (1979), « The Economics of Being Poor », The Journal of Political Economy, Vol. 88, No. 4, pages 639-651.

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